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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Wednesday, January 13, 2010 - Vol. 41 N° 40

Consultation générale et auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-huit minutes)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Vous allez excuser l'effervescence qu'il y avait dans cette salle parce que ça fait un bout de temps qu'on ne s'est pas vus. On était tous en vacances. L'effervescence est la preuve que les gens étaient heureux de se revoir. C'est déjà réconfortant pour l'ensemble des parlementaires qui sont ici et de ceux qui nous écoutent aussi.

Donc, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes... si vous voulez bien fermer vos cellulaires pour la bonne tenue de nos travaux.

Je vais saluer particulièrement Mme la ministre. C'est toujours un plaisir de vous revoir. Bienvenue à notre commission. Et je vais aussi donc saluer dans l'ordre mes collègues du côté ministériel, M. le député de Marquette et Mme la députée de Hull, qui a pris des teints magnifiques pour la circonstance. Je vais saluer aussi l'ensemble de l'équipe de la ministre, qui sont ici avec nous pour un petit bout de temps, je dois vous l'avouer, parce qu'il va y avoir beaucoup d'auditions à cette commission-là pendant un certain temps.

Je veux saluer, du côté de l'opposition, le travail, qui sera sûrement excellent, de l'équipe de recherche qui accompagne Mme la députée de Joliette. C'est un plaisir de vous revoir, Mme la députée de Joliette. Vous avez un look magnifique ce matin. Je veux saluer aussi la députée... Elle m'en voudrait si je ne lui avais pas dit. Et je veux saluer Mme la députée d'Iberville, M. le député de Groulx et Mme la députée de Lotbinière.

Donc, sur ce, je vous rappelle que... le cadre de ce mandat, la commission a procédé à une consultation en ligne. Je veux remercier tous ceux qui ont participé à cette consultation en ligne. Ce n'est pas nouveau pour notre gouvernement, mais c'est quand même un aspect intéressant, qui permet à chacun des citoyens de se prononcer avant même d'avoir le privilège de se prononcer de facto à notre commission. Ça vous donne l'opportunité de le faire en ligne. Donc, je veux remercier ceux qui ont participé et qui ont répondu au questionnaire qui était disponible sur le site Internet de l'Assemblée nationale.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

**(9 h 40)**

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gauvreau (Groulx) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) et Mme Bouillé (Iberville) remplace M. Drainville (Marie-Victorin).

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vais vous rappeler rapidement l'ordre du jour. Il y a les remarques préliminaires de part et d'autre de notre commission, du côté de la ministre et du côté de l'opposition officielle. Il y aura aussi... des deux oppositions officielles. Il y aura ensuite, à 9 h 50, si... -- on a pris un peu de retard, mais en tout cas, bref, vous comprendrez, là, que le décalage se fera -- Mouvement des personnes d'abord de Drummondville, qui sont déjà assis. Bienvenue, messieurs... messieurs, oui. Il y aura aussi Mouvement Retrouvailles qui viendra nous faire sa présentation.

Donc, j'utilise ce moment pour vous rappeler maintenant quelles sont les règles d'audition, parce qu'on est en audition. Donc, je vous rappelle, messieurs -- puis, par votre présence, je m'adresse aussi aux autres groupes qui vous succéderont -- vous êtes nos invités, à la commission, vous avez votre temps, c'est à vous que ça appartient. Vous aurez aussi... nous aurons le privilège d'entendre vos questions, et ces gens-là pourront y répondre, du côté des deux... des deux côtés de cette Chambre. Je vous rappelle que le temps alloué pour la présentation est de 10 minutes ce matin. Il y aura d'autres règles cet après-midi, mais c'est 10 minutes pour l'exposition de l'organisme et 50 minutes pour l'échange. Vous aurez compris que c'est 25, 25. Il y a aussi une entente, puisque je vois que la deuxième opposition est ici, donc il y aura aussi un temps d'alloué pour la deuxième opposition, qui sera pris sur le temps de... Vous connaissez les règles. Et, si jamais, les règles, vous voulez qu'on vous les rappelle puis qu'on regarde ça ensemble, on pourra le faire avec plaisir.

Sur ce, Mme la secrétaire, est-ce que j'ai oublié quelque chose?

La Secrétaire: ...

Remarques préliminaires

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Eh! que vous êtes fine avec moi! Donc, sans plus tarder, je vais permettre à Mme la ministre... Je vous invite donc à faire vos remarques préliminaires, Mme la ministre.

Mme Kathleen Weil

Mme Weil: Oui. M. le Président, d'entrée de jeu je dirais que, oui, moi aussi, très heureuse d'être ici et de retrouver les collègues parlementaires. On a fait beaucoup de travail en 2009, et j'ai vraiment bon espoir qu'un sujet très difficile, un sujet émotif comme les règles d'adoption, on pourra, en tant que parlementaires, faire un bon travail ensemble.

Alors, nous avons le plaisir d'être réunis aujourd'hui afin d'entendre les citoyens et les différents groupes qui les représentent concernant l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale, lequel a été présenté à l'Assemblée nationale le 6 octobre dernier.

Les modifications que nous proposons dans cet avant-projet de loi émanent d'un contexte social passablement changé par rapport à l'époque où l'encadrement législatif actuel a été introduit. Nous vivons maintenant dans une société plus ouverte et où la famille ne connaît plus un modèle unique. Je pense aux familles monoparentales, reconstituées, homoparentales, etc. Il y a donc lieu de modifier cet encadrement législatif afin de refléter ces changements.

Les modifications proposées dans l'avant-projet de loi portent sur différents aspects de l'adoption qui sont de par leur nature des sujets sensibles, soit la confidentialité des renseignements contenus dans les dossiers d'adoption, de nouvelles formes d'adoption, soit l'adoption ouverte et l'adoption sans rupture du lien de filiation d'origine, et la délégation judiciaire de l'autorité parentale.

En matière de confidentialité des renseignements contenus dans les dossiers d'adoption, l'avant-projet de loi apporte des modifications importantes au régime actuel en consacrant, pour les adoptions postérieures, un nouveau principe prévoyant la divulgation de l'identité des parties et les retrouvailles entre parents d'origine et la personne adoptée, si aucun veto n'est inscrit. Dans l'avant-projet de loi, ces adoptions postérieures à l'entrée en vigueur de la réforme sont traitées avec une plus grande ouverture.

Le principe serait désormais de pouvoir accéder à l'information, sauf si l'une des parties manifeste son opposition, contrairement aux règles actuelles où le consentement des deux parties est nécessaire. Le renversement du principe simplifierait le processus lié aux retrouvailles et reflète les changements survenus dans la société en ce domaine.

Pour ce qui est des adoptions antérieures à l'entrée en vigueur de la réforme, les règles actuelles seraient maintenues. En effet, appliquer les mêmes mesures de veto que celles proposées à l'égard des adoptions postérieures forcerait, entre autres, des personnes relativement âgées, principalement des femmes, qui peuvent être vulnérables à cause de leur état de santé, d'un handicap ou d'une limitation fonctionnelle, à enregistrer un veto, et certaines pourraient ne pas être en mesure de réaliser cette démarche active, pour de multiples raisons, notamment si elles ne sont pas informées d'un tel changement de régime.

La règle du consentement de la personne adoptée et du parent d'origine apparaît peut-être insuffisante pour certains, mais est-ce que changer les règles risquerait d'être encore plus dommageable? L'idée derrière cette proposition est fondée notamment sur la nécessité de ne pas modifier les dispositions législatives prévalant au moment de l'adoption, qui respectaient le pacte social de confidentialité entre le parent d'origine et les parents adoptants.

L'avant-projet de loi prévoit par ailleurs l'introduction de nouvelles formes d'adoption et de prise en charge de l'enfant. Il prévoit ainsi l'introduction de l'adoption ouverte et de l'adoption sans rupture du lien de filiation d'origine.

L'adoption ouverte permettrait aux adoptants et aux parents d'origine de conclure une entente de communication visant à faciliter la divulgation, l'échange d'informations ou à maintenir une relation entre eux ou avec l'enfant.

L'adoption sans rupture du lien de filiation, quant à elle, permettrait le maintien du lien préexistant de filiation de l'enfant afin de préserver des liens d'appartenance significatifs pour l'enfant avec sa famille d'origine. L'acte de naissance dressé à la suite de cette adoption ferait état de la filiation d'origine de l'enfant, à laquelle la filiation adoptive serait ajoutée.

Il y a lieu de souligner, et j'ai eu l'occasion de le répéter à plusieurs reprises, que, dans ces cas comme dans les cas de l'adoption plénière, les parents adoptifs seraient seuls investis de l'autorité parentale.

Je tiens à préciser que le bien-fondé de l'adoption plénière telle qu'elle existe au Code civil n'est pas remis en question pour cette réforme. Cette forme d'adoption continuera de répondre aux besoins des enfants qui sont en besoin de filiation sans que la préservation de liens avec leur famille d'origine ne soit nécessaire. Mais cette forme d'adoption ne nous paraît plus être en mesure de répondre aux besoins de l'ensemble des enfants au sein de notre société pluraliste, d'où la proposition de mécanismes juridiques alternatifs pour combler les lacunes du modèle unique actuel, et ce, pour mieux répondre aux besoins particuliers de chaque enfant.

À titre précisément de mesure alternative, l'avant-projet de loi prévoit la possibilité d'une délégation judiciaire de l'autorité parentale. Les pères et mères pourront, en vertu des règles proposées, partager avec leurs nouveaux conjoints l'exercice de leur autorité parentale. Ils pourront également déléguer l'exercice de l'ensemble de leurs droits et devoirs liés à l'autorité parentale et à la tutelle légale. Une délégation forcée sera... serait aussi possible.

L'avant-projet de loi apporte enfin des modifications à diverses lois, dont la Loi sur la protection de la jeunesse, afin notamment de prescrire le contenu d'un dossier d'adoption ainsi que les conditions d'inscription et de révocation d'un veto.

Telles sont, M. le Président, les grandes lignes de cet avant-projet de loi qui vise à adapter le droit aux nouvelles réalités de l'adoption afin de mieux répondre aux besoins actuels des enfants québécois, comme l'a recommandé le Groupe de travail sur le régime québécois de l'adoption, présidé par Mme Carmen Lavallée, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, qui a remis son rapport au gouvernement en mars 2007.

Ce groupe de travail avait pour mandat d'évaluer l'écart entre les nouveaux besoins identifiés en matière d'adoption et la législation québécoise actuelle, de réévaluer le caractère confidentiel de l'information en matière d'adoption et de recommander, le cas échéant, des modifications au Code civil et aux autres lois pertinentes.

Le groupe de travail, après avoir rencontré différents intervenants ainsi que des groupes et des organismes intéressés, a fait le constat que les règles du Code civil en matière d'adoption ne sont plus adaptées au contexte social ni aux pratiques existant dans les services d'adoption. L'avant-projet de loi donne suite à la majorité des recommandations de ce groupe de travail.

Les modifications proposées s'inscrivent par ailleurs dans la foulée de celles qui ont été apportées à la Loi sur la protection de la jeunesse en 2006.

Les citoyens ont été invités à s'exprimer sur cet avant-projet de loi dans le cadre d'une consultation en ligne qui a débuté le 28 octobre 2009 et qui s'est terminée le 18 décembre dernier. Plus de 200 personnes y ont participé. Les réponses au questionnaire ont été transmises aux membres de la commission pour alimenter leur réflexion.

Près d'une quarantaine de personnes et groupes ont par ailleurs répondu à l'invitation de la commission en faisant parvenir un mémoire. M. le Président, je tiens à remercier toutes les personnes ou groupes, dont ceux que nous allons entendre aujourd'hui et à l'occasion des autres journées d'audition prévues pour cette consultation générale, d'avoir répondu à l'invitation qui leur a été faite et d'avoir bien voulu nous faire part de leurs expériences, commentaires et recommandations concernant l'avant-projet de loi. Je vais les écouter avec beaucoup d'intérêt, puisque, comme l'ensemble de la population, particulièrement les personnes ayant vécu une situation d'adoption, nous aborderons des sujets s'inscrivant dans le fondement de la famille et de la société.

Voici donc l'essentiel de ce que nous proposerons. Cependant, comme vous le savez, nous n'en sommes qu'à l'étape d'un avant-projet de loi et nous souhaitons entendre un éventail le plus large possible d'opinions sur le sujet afin de pouvoir bonifier le projet de loi dans le meilleur intérêt des personnes en situation d'adoption.

Un consensus sera difficile à obtenir, mais je ferai tout en mon possible pour apporter les améliorations qui apparaissent les plus souhaitables en matière de confidentialité, de mode d'adoption et au sujet de l'autorité parentale.

Je remercie à l'avance l'ensemble des groupes qui viendront nous faire part de leurs réflexions au cours des prochaines heures et des prochains jours. Merci, M. le Président.

**(9 h 50)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Maintenant, à vous, Mme la porte-parole de l'opposition officielle, Mme la députée de Joliette.

Mme Véronique Hivon

Mme Hivon: Merci, M. le Président. Alors, évidemment, je tiens à mon tour à vous saluer, à saluer Mme la ministre, son équipe et les collègues du parti ministériel, et bien évidemment mes collègues, donc le député de Groulx, qui a une vaste expertise dans le domaine puisque, comme avocat, il a travaillé près de 20 ans en protection de la jeunesse, dont notamment en adoption, et ma collègue la députée d'Iberville, qui a une connaissance intime de la réalité de l'adoption, ainsi que ma collègue de la deuxième opposition et mon recherchiste, Pierre Bouchard.

Je suis donc heureuse ce matin de prononcer les remarques préliminaires au nom de l'opposition officielle à l'amorce de ces consultations générales qui portent bien leur nom, puisqu'on a reçu effectivement près de 40 mémoires, et que plusieurs centaines de personnes aussi se sont manifestées via la consultation électronique, et qui l'ont fait avec beaucoup de générosité en nous partageant leurs expériences personnelles. Et je tiens à les remercier profondément parce que c'est un éclairage qui nous est très précieux.

Je suis donc heureuse de prendre la parole sur cet important avant-projet de loi visant à modifier le Code civil et d'autres dispositions en matière d'adoption et d'autorité parentale, qui donnera assurément lieu à un débat très riche parce qu'il porte sur un sujet fondamental qui reflète notre manière même de concevoir la famille, la manière de lui donner vie et de la reconnaître socialement et juridiquement, bien entendu.

La ministre de la Justice et moi-même avons eu la chance de travailler depuis un an sur de nombreux projets de loi qui sont très importants mais souvent de nature très technique et très juridique. Alors, aujourd'hui, nos responsabilités respectives nous amènent à traiter d'une proposition de réforme qui, oui, a des aspects juridiques importants mais qui d'abord fait appel à des réalités sociales et humaines profondes. Donc, je pense que, dans ces contextes-là, notre rôle d'élus prend tout son sens. Et je peux assurer cette commission que mes collègues et moi-même saisissons pleinement la mesure de la responsabilité qui nous échoit et que nous procéderons à ces travaux avec tout le sérieux et la rigueur qui s'imposent et bien sûr aussi avec toute l'empathie et la sensibilité qui sont requises. Et, pour commencer à bien connaître les collègues du parti ministériel de cette commission, je sais qu'il en ira de même pour vous.

Alors, d'entrée de jeu je tiens à dire que nous abordons ces consultations publiques avec la plus grande ouverture d'esprit possible, souhaitant que le débat soit le plus vaste possible ici, en commission parlementaire, et aussi à l'extérieur pour les répercussions qu'il pourrait avoir. D'ailleurs, je pense que c'est le but recherché par un avant-projet de loi, et dans cette optique on souhaite bénéficier de tout l'éclairage possible autant de la part des experts, des gens qui vivent une situation d'adoption aussi, qui pourront vouloir nous faire part de leur vécu. Et, déjà à la lecture des mémoires, on peut constater que les débats seront très animés et les points de vue nombreux.

Sur le fond des choses, comme l'a mentionné la ministre, l'avant-projet de loi s'arrête à plusieurs aspects de l'adoption et du droit de la famille plus généralement, puisqu'il touche aussi la question de l'autorité parentale. Je ne reprendrai pas les mesures qui y sont présentées, évidemment, mais je dirai qu'à sa lecture on constate qu'il introduit des concepts profondément nouveaux, pour ne pas dire quasi révolutionnaires, quand on pense notamment à l'adoption ouverte ou l'adoption sans rupture du premier lien de filiation, qui sont quasi révolutionnaires quand on tient compte de l'état actuel et de nos pratiques d'adoption qui vraiment laissaient toute la place à l'adoption plénière et qui effaçaient en quelque sorte le passé, du moins juridiquement parlant.

Et je pense que la révolution, ça peut être bon, mais il faut évidemment savoir ce qu'on veut atteindre avec ces mesures-là. La flexibilité, la conception de la vie de l'enfant qui est adopté sur un continuum plutôt que comme une succession de ruptures, la reconnaissance de l'importance de ses repères identitaires sont assurément des préoccupations centrales auxquelles il faut trouver des réponses adéquates pour permettre le bien-être des personnes adoptées. Mais il faut aussi s'assurer des conditions optimales évidemment pour favoriser l'enracinement et l'épanouissement des personnes adoptées dans leurs nouvelles familles. Dans cette optique, il faudra donc s'assurer que les moyens proposés sont directement en lien avec les objectifs qu'ils sous-tendent.

À ce stade-ci, évidemment, nous avons bien sûr des questionnements, comme la majorité des intervenants que nous aurons la chance d'entendre. Par exemple, on peut dire que l'adoption ouverte, en soi, c'est un concept théorique qui est intéressant de par la flexibilité qu'il peut apporter. Mais, quand on sait que la très grande majorité des adoptions se fait par déclaration judiciaire d'admissibilité et non pas par consentement et qu'évidemment une entente d'adoption ouverte suppose le consentement de toutes les parties, on peut se demander: Est-ce que, dans le concret des choses, il va vraiment y avoir beaucoup de possibilités de telles ententes? Est-ce qu'on va en venir à judiciariser beaucoup le domaine et peut-être à briser un peu la stabilité qui est requise? Par ailleurs, est-ce que c'est une notion qui est là justement pour essayer d'avoir plus de consentements à l'adoption, auquel cas ça pourrait évidemment avoir certains avantages?

Pour ce qui est de l'autre question très importante, qui est le double lien de filiation, évidemment, ça aussi, ça va susciter beaucoup de commentaires. Et il va falloir s'assurer que c'est une idée qui répond le mieux possible au besoin identitaire de l'enfant concerné. Parce que ce qu'on comprend, c'est que ça s'inspire en partie de l'adoption simple, qui se retrouve notamment dans des juridictions en Europe mais qui existe davantage, de ce que j'en comprends, pour des effets juridiques, alors qu'ici on l'importe, mais d'abord et avant tout pour des aspects plus identitaires et symboliques. Donc, est-ce que c'est vraiment le mécanisme qui est le mécanisme de choix pour répondre à ces besoins-là? Est-ce que la famille biologique élargie va avoir des droits de ce fait-là? Des questionnements se posent aussi des aspects plus techniques, comme le nom, l'avis... la déclaration de naissance, l'avis émis par le directeur de l'état civil.

Mais, ceci étant dit, on a de nombreux questionnements, mais on sait que ça fait trois ans que le rapport a été déposé et on salue le dépôt de l'avant-projet de loi parce qu'il va permettre la tenue d'un vaste débat. Et c'est précisément ce qu'on souhaite pour que notre droit s'adapte aux réalités nouvelles et surtout qu'il tienne compte dans tous les cas de l'intérêt de l'enfant et l'intérêt de l'enfant adopté, précisément, dans ce cas-ci. Et je pense que c'est vraiment le guide premier qui doit être notre préoccupation. On sait que dans le concret les juges, c'est leur premier guide, mais, nous aussi, comme législateurs, je pense que, quand on réforme un domaine aussi important du droit de la famille, il faut s'assurer que c'est la préoccupation qui va primer. Parce qu'évidemment il y a énormément d'intérêts en cause: les parents biologiques, les parents adoptants, la famille élargie, les intervenants. Il va falloir s'assurer d'être toujours guidés par cet intérêt-là.

En terminant, j'aimerais dire, sur la question de l'ouverture de la confidentialité des dossiers d'adoption, qu'on a été surpris que la ministre ne juge pas à propos d'inclure une proposition dans l'avant-projet de loi, puisque, comme elle dit elle-même... Elle le dit elle-même, un avant-projet de loi vise à susciter le débat, et on aurait souhaité qu'il y ait une proposition concrète pour les adoptions passées, qui ont déjà eu cours, ne serait-ce que pour nous éclairer le mieux possible et que le débat puisse se faire sur des balises claires et concrètes. Parce que là les gens vont devoir se prononcer un peu en faveur ou en défaveur de l'idée sans qu'il y ait une proposition concrète sur la table. Et on pense que les balises, comme par exemple le veto, qui peuvent être envisagées dans ce cas-là peuvent avoir un effet sur l'idée d'être pour ou contre. Donc, on aurait souhaité une proposition concrète en ce sens pour avoir les meilleurs débats possible aujourd'hui.

Alors, sur ce, M. le Président, on nous souhaite d'excellents travaux. Et je souhaite à tous nos intervenants de se sentir le plus à l'aise possible et je veux leur dire que nous allons les écouter avec tout le sérieux qui est requis. Et je les remercie d'avance de leur présence parmi nous.

**(10 heures)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. Donc, Mme la députée de Lotbinière, pour deux minutes, en...

Mme Sylvie Roy

Mme Roy: Oui. Je réitère les salutations de mes collègues, puisque j'ai deux minutes. M. le Président, c'est en 2004 que j'ai épousé la cause du Mouvement Retrouvailles et que j'ai demandé à ce qu'on fasse un débat sur l'adoption. Je suis bien heureuse qu'il ait lieu, plusieurs années plus tard, mais de toute façon il a lieu, donc j'ai l'intention d'y participer et de le bonifier.

À l'occasion de la refonte assez en profondeur de la Loi sur la protection de la jeunesse, j'ai parlé aussi, également, de notre façon d'adopter au Québec, de la façon dont on coupait les liens entre des personnes qui pouvaient être significatives pour l'enfant, par l'adoption, et que le juge n'avait aucune juridiction pour permettre que ces personnes significatives et bonnes pour l'enfant puissent continuer à avoir des liens.

Donc, je l'ai requis à maintes reprises. Je suis contente qu'on m'ait entendue et qu'on en parle aujourd'hui. Parce que la façon dont on adoptait, lorsque la loi, le Code civil actuel, existant... c'étaient des filles-mères, c'était à l'extérieur du mariage, c'était dans l'esprit qu'on commettait un péché. Maintenant, ce n'est plus ça, là. On parle d'adoption à l'étranger puis d'adoption surtout dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse. C'est vraiment, vraiment un autre univers social. Donc, il faut réformer cette loi-là qui ne s'ajuste pas avec les réalités sociales d'aujourd'hui.

Puis j'ai été, moi aussi, confrontée beaucoup à des cas de protection de la jeunesse. Mais je dois dire à ma collègue de l'opposition officielle qu'il y avait, puis il y a toujours eu, des adoptions qu'on appelle traditionnelles chez les Atikamekw, parce que je faisais de la protection de la jeunesse à La Tuque, donc c'était deux réserves indiennes, puis c'étaient des adoptions sans briser les liens. Et j'ai vu, j'ai vu maints cas, puis on les a reconnus à la cour... Je vous dis que ce n'était peut-être juridiquement pas très stable, mais c'était mieux pour l'enfant, et puis c'étaient des cas où les enfants s'en portaient mieux, et on ne coupait pas les liens carrément. Ça permettait aux mères de laisser plus facilement leurs enfants à l'adoption, parce qu'elles ne se croyaient pas aptes à les garder, mais parce qu'elles ne coupaient pas tous les liens. Et, pour l'enfant, ce n'était plus un abandon, c'était un don. Donc, c'était toute une autre perspective. Et puis, moi, j'ai toujours pensé que c'était une avenue favorable qu'il fallait envisager.

En ce qui concerne la confidentialité, je dois me permettre de vous rappeler que la consultation en ligne a révélé que 76,6 % des personnes étaient totalement d'accord à ce que, suite au décès du parent d'origine, les renseignements concernant son identité puissent être révélés à la personne adoptée. Et puis, si on fait une consultation en ligne, je pense qu'il faut en tenir compte. Ils étaient aussi d'accord, à 78,7 %, que soit facilité l'accès à l'information contenue dans les dossiers d'adoption. À l'ère où on décrypte le génome humain, l'ADN, puis que la génétique est si importante et si avancée, je pense qu'on ne doit pas priver ces personnes des renseignements médicaux et sociaux qui peuvent être très utiles pour leur santé. Donc, sur ce, je vous offre toute ma collaboration.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Lotbinière. Donc, comme tout le monde vous l'a signifié, vous êtes les bienvenus ici, à cette... À force de dire «soyez à l'aise», vous allez devenir mal à l'aise, là, mais... Je vous le dis sincèrement...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous dites que? Oui, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Je veux simplement savoir. Ma collègue y faisait référence, la consultation en ligne, est-ce que le document sommaire, avec les résultats, va être déposé officiellement dans la commission pour que les intervenants puissent avoir le bénéfice de ces résultats?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, il pourrait être déposé à la fin de notre commission, si vous le souhaitez, là. Ça ne pose pas de problème.

Mme Hivon: O.K. Parfait.

Auditions

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, oui, comme je le disais si bien, vous êtes les bienvenus à notre commission. Je vais vous dire que c'est réel, vous êtes chez vous, ici, et puis, si les gens vous ont invités, c'est parce que vous êtes chez vous, puis vous devez vous sentir à l'aise de le faire aussi. Vous avez donc 10 minutes pour la présentation de votre exposé, comme je vous le disais tout à l'heure, et puis vous avez aussi du temps d'échange avec l'opposition et du côté ministériel. Donc, je vais vous demander de vous présenter pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, parce que vous savez qu'on a des cotes d'écoute incroyables après les fêtes. Les gens se sont ennuyés de nous et de vous, évidemment. Alors, je vais vous demander de vous présenter et de faire votre présentation après. Allez-y, messieurs.

Mouvement des personnes
d'abord de Drummondville

M. Carrier (Claude-Dany): Oui. Bonjour. Je suis Claude Carrier, du Mouvement des personnes d'abord de Drummondville. Il nous fait plaisir, au nom du Mouvement des personnes d'abord de Drummondville, une ressource sociocommunautaire régionale d'entraide, de promotion et de défense des besoins, intérêts et droits en déficience intellectuelle, entre guillemets, de nous présenter et dire quelques mots sur notre mémoire qui, ce dernier, vous a été acheminé en octobre-novembre 2009.

L'intérêt de ce mémoire réside dans le fait que, parmi le membership du mouvement, plusieurs membres partagent des conditions d'adoption et d'autorité parentale, ces conditions

moins à travers l'histoire-mémoire qu'en relation avec l'enfance adoptée et l'autorité parentale.

Ce mémoire raconte l'histoire d'une jeune maman en quête de ses deux enfants qui ont été, pour des motifs particuliers, confiés aux autorités de la DPJ sous ordonnance de la cour.

Tout en observant ce que la DPJ lui demande de réaliser et compte tenu des progrès salués de part et d'autre depuis plus d'un an, cette maman risque de perdre ou de voir ses deux bambinos être placés dans une famille d'accueil jusqu'à leur majorité. Entre-temps, il est possible qu'une demande d'adoption soit soumise par la famille d'accueil.

De cette histoire, ce mémoire appelle quelques pistes... et de recommandation susceptibles d'inviter la commission à revisiter, relire les mandats de la DPJ et du Tribunal de la jeunesse et de les inspirer à une mentalité-culture autre, une culture-mentalité qui tiendra compte de la vie actuelle et à venir en matière de parentalité et de responsabilité conséquentes, notamment chez les personnes en situation de lenteur ou de déficience intellectuelle, entre guillemets.

Bien qu'il existe différentes avenues, mécanismes d'entraide et de collaboration sociale, politique-clientèle, etc., destinées aux personnes et communautés concernées, il semble que, de cette histoire, il soit comme difficile, toujours et encore, à ces dites personnes d'être parents et auxdites communautés de faire oeuvre d'accueil et de soutien conséquents, réciproques, mutuels, et ce, tant au Québec qu'ailleurs et autrement dans le monde.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Carrier. M. Blais.

M. Blais (Marcel): Marcel Blais, responsable aux dossiers, Mouvement des personnes d'abord de Drummondville. Bonjour à la commission.

Compte tenu de ce qui précède, un questionnement et quelques souhaits de réussite. Est-il possible que des personnes en situation de déficience-lenteur intellectuelle, entre guillemets, soient en mesure d'être parents et d'accéder et pratiquer la parentalité, et ce, moyennant l'utilisation de mesures de soutien appropriées et hors judiciarisation? La nation du Québec est-elle disponible à aider à relever ce défi-enjeu de la parentalité chez les personnes concernées, des personnes d'abord citoyennes? Le monde des services sociaux et des services spécialisés se montre-t-il favorable d'ouverture et de maintien d'aide appropriée et volontaire?

De ce qui précède et compte tenu du mémoire, le mouvement demande à la Commission des institutions qu'elle envisage ces quelques souhaits que voici: Qu'il plaise à la commission d'envisager des pistes de réussite susceptibles:

d'alimenter le débat public sur des questions d'adoption et de parentalité, notamment en déficience-lenteur intellectuelle, entre guillemets;

d'aider à assurer, dans la mesure du possible, un parcours d'aide à la parentalité chez les personnes concernées;

de revisiter la mentalité-culture des DPJ, de la chambre de la jeunesse ainsi que des communautés accueillantes et disponibles, notamment au niveau de la déficience intellectuelle, entre guillemets, où on considère ces personnes comme quasiment des meurtriers d'enfants, là. Tu sais, en tout cas, il y a une gestion qui se passe dans la DPJ qui fait qu'on a comme de la difficulté à saisir la différence, en tout cas au niveau des aides qu'on peut apporter aux personnes;

de suggérer le développement de services d'aide alternatifs à la judiciarisation, notamment en DI-TED, entre guillemets;

de tenir compte de l'ensemble des pistes ou souhaits de réussite et recommandations du présent mémoire.

**(10 h 10)**

M. Carrier (Claude-Dany): Un enfant parmi nous autres vient de naître, mais il, elle se trouve en difficulté de. Un enfant parmi nous autres vient de bouger et de faire bouger bien du monde autour de. Un enfant parmi nous autres veut et peut naître, bouger comme toutes ces grandes personnes qui l'aiment, l'entourent, le, la convoitent. Un enfant parmi nous autres pour naître, bouger, ce, parmi le monde d'aujourd'hui, de demain. Un enfant parmi nous autres, bien sûr que...  Oui! Alors, merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci beaucoup, M. Carrier. Donc, nous allons donner l'opportunité à nos parlementaires d'échanger avec vous. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, dans un premier temps, M. Blais, M. Carrier, je voudrais vraiment vous remercier très chaleureusement de votre présence ici aujourd'hui, de partager un point de vue... On aura l'occasion... il y a un autre groupe qui va aussi nous sensibiliser à la préoccupation dont vous nous faites part. Alors, je veux vraiment vous remercier.

Alors, je veux comprendre, bien comprendre ce que, vous, vous constatez comme un état de situation. Et, si je comprends bien, c'est que vous reprochez au système généralement, au réseau, de présumer, j'imagine, si je rapporte bien vos propos, que le parent ayant une déficience intellectuelle est a priori inapte à assumer le rôle de parent, et ce que vous dites, c'est qu'il faut que le système, bien, de DPJ, de justice généralement, puisse trouver des façons de concilier le rôle de parent, mais en même temps, évidemment, l'intérêt de l'enfant, et de supporter ces parents ayant une déficience de continuer à jouer leur rôle.

Alors, votre constat, je voudrais juste vous l'entendre peut-être confirmer, si... votre constat, c'est que vraiment, dans la majorité des cas ou peut-être dans la totalité des cas, et on aura l'occasion d'ailleurs d'avoir des échanges avec l'Association des centres jeunesse, qui pourront aussi nous donner leur point de vue... mais que, vous, votre constat, c'est qu'a priori puis presque peut-être automatiquement les enfants sont enlevés, ou les parents sont destitués de leur autorité parentale, et les enfants sont placés, ou l'enfant de ces parents-là. Est-ce que c'est bien ça, le constat que vous faites?

M. Blais (Marcel): C'est un constat qui... Vous avez partiellement raison par rapport à... Excusez.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, M. Blais.

M. Blais (Marcel): Vous avez partiellement raison par rapport au constat que vous faites. Nous autres, ce qu'on demande, le Mouvement des personnes d'abord de Drummondville, c'est que nous puissions, les personnes d'abord, accéder à un rôle parental. C'est juste ça qu'on demande. Mais, lorsqu'il y a des difficultés, par exemple comme dans l'histoire de la madame, que vous avez au mémoire, qu'elle a une lenteur intellectuelle, là on va judiciariser ce parcours-là, alors qu'on ne devrait pas le faire, là. Ce n'est pas des jeunes qui prennent de l'alcool ou de la drogue ou qui deviennent des malfaiteurs d'enfants, où on pourrait considérer ce genre de mesure utile, mais c'est des personnes qui sont en situation de déficience ou de lenteur intellectuelle, entre guillemets. Et puis il y a une politique, d'ailleurs, qui a été faite il y a quelques années au ministère de la Justice justement, où on demandait... où on avait développé, avec l'AQRIPH et la Fédération des mouvements Personne d'abord, une accessibilité à la déjudiciarisation, tu sais, pour les personnes qui présentent une déficience, entre guillemets. On ne parle pas des troubles de comportement majeurs, dans ce dossier-là, qui sont caractéristiques de la loi sur la santé mentale, là. On s'entend bien, là. C'est des personnes qui veulent accéder à un rôle de parents, à jouer ce rôle-là dans un contexte de soutien et d'appui solidaire. C'est juste ça qu'on demande. Mais, quand la DPJ juge, avec la cour ou la chambre de la jeunesse, que la personne est inadéquate à aider ou à se présenter comme maman ou papa puis qu'on utilise des conditions, des mesures qui sont applicables à d'autres types de clientèles, bien là on va s'interroger. Puis, dans ce sens-là, on s'interroge beaucoup, parce que finalement ça limite l'accessibilité à la parentalité.

Mme Weil: Et les parents, dans ce scénario-là, sont carrément écartés de facto de la vie de l'enfant?

M. Blais (Marcel): Dans la théorie de la recherche, on accueille favorablement un tel rôle, mais, dans la pratique, on est loin encore d'aider à assurer ce type de rôle là.

Mme Weil: Vous avez aussi parlé des amendes, mais je ne vous ai pas entendu... C'est-à-dire, vous parlez de trouver des alternatives à toute cette question d'amendes. Est-ce que vous parlez des amendes qui sont prévues dans le cas, par exemple, où un veto de contact serait, par exemple, enregistré puis que la personne irait à l'encontre de ce veto? Est-ce que c'est dans ce contexte-là que vous demandez qu'on...

M. Blais (Marcel): ...ce contexte-là, mais on attribue aussi cette question-là au fait qu'au Mouvement des personnes d'abord de Drummondville il y a plusieurs personnes qu'on appelle les enfants de Duplessis-Léger, comme moi par exemple, j'en suis un. Et puis, lorsqu'on demande d'aller chercher de l'information quasiment secrète, là on se voit buter contre l'information. Il y a toujours l'aspect confidentialité. D'ailleurs, tu sais, espérons que Maurice Duplessis ou que le cardinal Léger serait notre porte-parole à la tombe... Bien, là, présentement, on n'a aucun soutien parental autour qui va nous permettre de dire qu'on va dans telle... je ne sais pas trop comment vous dire ça, là. En tout cas.

Puis, le fait d'aller chercher le nom de nos parents... Bon, je pense que c'est important, avant d'utiliser des mesures de pénalité, de demander aux personnes qui sont adoptées ou non adoptées, parce que, dans notre cas à nous, nous sommes des personnes non adoptées... mais que, lorsqu'on fait des demandes d'information puis qui touchent des considérations de confidentialité, puis qu'on déciderait de forcer un peu la demande, bien, de ne pas prendre des mesures énergiques. Parce qu'il faut comprendre que nous sommes sans parents, que les personnes en déficience sont sans parents aussi, entre guillemets, puis qu'il ne faut pas forcer... Tu sais, ce n'est pas des Hells's Angels, là, qui demandent d'accéder à la confidentialité. C'est des personnes d'abord, tu sais, bien simplement, qui ont été mises en situation de rupture dès le début de leur vie, tu sais, ou en cours de route, là, tu sais. Je pense qu'il ne faut pas donner de la pénalité. À moins que... il y a des comportements difficiles à gérer. On peut peut-être graduer des mesures, mais pas des mesures administratives qui vont faire en sorte que ces personnes-là vont... en tout cas, du moins diminuer cet aspect-là. Parce que ce n'est pas en disant à l'autre que tu vas payer 100$ parce que tu as décidé de jouer avec la DPJ ou à d'autres services de protection à l'enfance que pour autant on est des criminels, ou que les personnes sont perçues comme telles. En tout cas. Il faut faire attention. C'est des demandes légitimes, tout comme... le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, nous sommes certains qu'il connaît ses origines. Bien, en tout cas.

Mme Weil: Si je comprends bien la teneur...

M. Blais (Marcel): ...s'il y a lieu des mesures à prendre, bien, de ne pas «fronter» là-dessus immédiatement.

Mme Weil: Merci beaucoup. Merci beaucoup, monsieur.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il y a sûrement d'autres interventions. Oui, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Bon, alors, merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous ce matin. D'abord, ma première question, j'aimerais en savoir un peu plus sur votre organisme: comment il est né, la mission, le nombre de personnes qui sont membres ou qui fréquentent votre organisme à chaque année.

M. Carrier (Claude-Dany): Alors, le Mouvement des personnes d'abord de Drummondville, notre but, bien on est un groupe d'entraide dans le par et pour les membres en déficience intellectuelle, entre guillemets. Ça s'adresse aux adultes de 18 ans et plus, mais ce n'est pas administré par des parents, c'est vraiment administré par des personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle, entre guillemets. Nous, on regroupe environ... pas loin de 82 membres et on a célébré en 2009 -- on le fête, on le célèbre toujours -- notre 20e anniversaire de fondation. Donc, nous, c'est de promouvoir les droits, les besoins et les intérêts, toujours dans le par et pour les membres. Alors, nous parlons en notre propre nom. Il n'y a pas d'intervenants, il n'y a pas de parents qui parlent à notre place. C'est nous, les personnes qui ont été sur le terrain et qui sont sur le terrain, qui défendent les droits, les intérêts des personnes qui ont une déficience intellectuelle, entre guillemets. Alors, si on parle pour nous autres, bien on peut parler également au nom de pas loin de 220 000 personnes au Québec qui vivent avec une déficience intellectuelle. Donc, on peut parler également pour ces gens-là.

Mme Gaudreault: Merci.

M. Carrier (Claude-Dany): Bienvenue.

Mme Gaudreault: J'aurais une autre petite question.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y.

Mme Gaudreault: Alors, M. Carrier, je voulais savoir... Tout à l'heure, je pense que c'est M. Blais, vous avez parlé de pistes de solution par rapport aux problématiques qui entourent les personnes qui ont justement des déficiences intellectuelles. Vous avez parlé d'un parcours d'aide à la parentalité. Je voudrais que vous m'expliquiez un peu plus comment, vous, vous verriez ça, là, par rapport à vos membres à vous.

**(10 h 20)**

M. Blais (Marcel): À nos membres?

Mme Gaudreault: Oui. Bien, vous avez souhaité qu'il y ait un parcours d'aide à la parentalité, là, qui serait établi.

M. Blais (Marcel): C'est ça. Lorsqu'on voit des personnes qui sont en situation de lenteur ou de déficience intellectuelle, entre guillemets, puis qui veulent partager... tu sais, devenir des parents, faire des enfants, bien, s'il y a une complication dans l'éducation des enfants ou dans, tu sais, la prise en charge des enfants, s'il y a lieu, bien, que la communauté les aide. Ça peut être avec des services communautaires, des services institutionnels ou d'autres types de services sociaux... de la société. Par exemple, il y a des aides parentales, là, qui se passent. Mais faut-il au départ s'intéresser à la déficience. Puis déjà, juste là, d'entrée de jeu, c'est difficile d'établir une relation, tu sais, tout autant avec la communauté qu'avec les personnes ou les organismes concernés dans ce domaine-là. Bon, commencer par nous prendre au sérieux, croire qu'on est capables de fonctionner puis d'agir dans la communauté bien que nous soyons limités. Mais que le fait d'engager de la parentalité en déficience, mais c'est honorable pour la communauté, parce qu'elle accepte d'entrée de jeu que des personnes en situation de handicap, entre guillemets, puissent oeuvrer au niveau de la parentalité. Je pense que c'est important de considérer le domaine.

Il y a quelques mois, j'avais été faire une conférence à l'Université du Québec à Montréal, puis une étudiante m'a demandé: Comment on fait pour rencontrer un déficient mental? En lui disant bonjour -- entre guillemets. Je l'ai regardée: Si vous ne le savez pas, moi non plus, je ne le sais pas, là, tu sais. Comment dire, tu sais, qu'il y a une rencontre qui se fait puis qui se maintient... cette rencontre-là. Bon. Déjà là, si on ne nous donne pas l'opportunité de penser qu'on est capables de penser par nous-mêmes, qu'on est capables d'agir par nous-mêmes, ça va être difficile, à ce moment-là, d'agir puis de faire avancer la communauté avec nos enfants, tu sais. Un enfant parmi nous autres, c'est important aussi.

Mme Gaudreault: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Ça va, Mme la députée? Ça va? Donc, oui, du côté de l'opposition, allons-y pour un 10 minutes. J'ai compris, là, que, dans l'organisation des travaux, on va faire deux blocs. Ça vous va, tout le monde? Allons-y.

Mme Hivon: Alors, bien, à mon tour, je vous remercie, M. Blais et M. Carrier, de votre présentation. Je dois dire que, quand j'ai lu votre mémoire, j'ai trouvé ça bien intéressant et je vous remercie parce que vous illustrez de manière très, très concrète, avec un cas très précis, les difficultés, je pense, qui se vivent au quotidien par des personnes qui sont dans des situations pas nécessairement évidentes pour élever des enfants mais qui, malgré tout, souhaitent y parvenir. Et je comprends que votre démarche est vraiment de les accompagner le mieux possible pour que cette parentalité-là puisse effectivement s'exercer. Donc, je vous remercie de l'avoir exprimé, je dirais, de manière très imagée parce que, pour nous, c'est intéressant de pouvoir le voir de cette manière-là.

Je voudrais savoir dans un premier temps... Vous parlez évidemment dans votre mémoire d'un cas très, très concret. Est-ce que, de par votre expérience au sein de votre association, vous êtes confrontés chez vous ou via d'autres associations au Québec à beaucoup de cas similaires à celui que vous nous décrivez ou si vous estimez que dans la plupart des cas il y a quand même des mesures ou de l'accompagnement qui est fait, qui fait en sorte que les enfants peuvent rester avec leurs parents, ou si vous avez le sentiment qu'au contraire, dans la majorité des cas, on ne tient pas compte vraiment de la réalité de ces personnes-là?

M. Blais (Marcel): Oui, il y a des cas qui sont difficiles, notamment des cas qui sont jumelés avec des services spécialisés. Par exemple, lorsqu'une personne provient d'un CRDI, par exemple... Prenons un exemple. Il y a quelques années, les deux personnes vivaient en couple. C'est des personnes qui provenaient d'un mouvement des personnes d'abord dans la région de Québec et plus. C'était un couple, puis ils voulaient avoir un enfant, et le CRDI en question a refusé. Puis pourtant ils auraient pu être habilités à devenir des parents, mais on ne les a pas aidés, on les a coupés.

Dans le cas de la personne qu'on a illustré dans le mémoire, c'est que ni le CRDI, hein, ni le CLSC ne l'aident, parce qu'elle a un dossier à la DPJ. Puis le DPJ nous demande d'aller chercher de l'aide à la communauté, puis on lui refuse. On n'invente rien, là. Là, on se demande: Qu'est-ce qui se passe, là? Y a-tu eu des gestes conséquents? Puis pourtant, dans nos CLSC et dans nos CRDI, on est spécialisés dans le domaine. Mais il n'y a pas d'ouverture pour les personnes qui seraient capables... parce que c'est surtout au niveau de lenteur intellectuelle ou déficience légère, comme on dit, entre guillemets, on dirait qu'on est comme, comme disait Claude, en «borderline». Il n'y a pas de services qu'ils nous rendent, puis, après ça, le jour où on manque d'attention ou d'énergie pour éduquer un enfant, on nous traite de ne pas prendre nos responsabilités, alors qu'on n'est pas aidés. Puis, les parents, dans ça, est-ce qu'ils ont un rôle à jouer dans ça? Eux autres aussi ont un rôle à jouer, mais ils sont souvent surprotectrices, tu sais. En tout cas, c'est une situation qui est un peu ambivalente. Mais on aime vivre dans la communauté, on aime imiter le monde autour de nous aussi, hein? Bien, des fois, c'est difficile d'imiter du bon monde qui aime les enfants. En tout cas, ce n'est pas parce qu'on ne les aime pas, c'est parce qu'à quelque part il y a comme quelque chose dans ça, là, qui...

Mme Hivon: Si je comprends bien, donc vous dites qu'il y a en quelque sorte un cercle vicieux, parce que... du fait que, par exemple, dans le cas que vous nous soumettiez, le dossier étant en protection de la jeunesse, ça faisait en sorte que les ressources qui pourraient aider cette personne-là à mieux s'outiller dans son projet parental n'étaient pas disponibles du fait qu'on était réfractaire, puisque la protection de la jeunesse était présente. Est-ce que je vous comprends correctement?

M. Blais (Marcel): La réponse du CLSC, et je ne vous dirai pas lequel, a dit à la personne: Bien, vous avez déjà un service à la DPJ. Ah! bien, regarde donc ça! Ils sont directement liés à la cour, tu sais, puis là on a des services à la DPJ, puis la DPJ demande d'aller chercher des services dans la communauté. Tu sais, là, il y a comme une inconséquence dans ça, là. Ce n'est quand même pas nous autres qui sommes gestionnaires des services, hein? Nous sommes des sujets des services ou des objets, mais nous ne sommes pas des gestionnaires.

Mme Hivon: Donc, je déduis, comme la ministre le disait un peu, que vous avez le sentiment qu'il n'y a pas une approche, je dirais, des services sociaux modulée pour vraiment tenir compte de la réalité des personnes qui sont jugées comme ayant une déficience, mais qu'on les considère au même titre que toute personne qui est jugée inapte à s'occuper de ses enfants, pour des problèmes, par exemple, de toxicomanie, de violence ou autre chose. C'est ça, votre propos?

M. Blais (Marcel): Parce qu'il ne faut pas oublier, ça ne fait pas longtemps qu'au gouvernement du Québec on... après une grosse étude qui a coûté des millions, ça ne fait pas longtemps que le ministère de la Santé a reconnu que les personnes en situation de déficience, entre guillemets, pouvaient aimer et être aimées. Il a fallu une grosse étude à coups de millions pour constater que c'était possible. S'ils nous avaient téléphonés, au mouvement de Drummondville ou à d'autres mouvements, on vous l'aurait dit que nous sommes capables d'aimer puis d'être aimés. On a besoin d'aide, c'est tout, hein? Bon. Yahoo!

Mme Hivon: À la fin de votre mémoire, vous faites état... vous vous éloignez un petit peu du cas concret puis vous faites état plus de souhaits relativement à l'avant-projet de loi comme tel, là, de manière plus globale. Je comprends, et vous me... Vous élaborez, là, que, dans votre optique, en matière d'adoption, il ne devrait jamais y avoir rupture du premier lien de filiation. Est-ce que je comprends correctement de ce que vous mettez dans vos conclusions? Donc, dans les cas où il y aurait adoption, il devrait toujours y avoir maintien du premier lien de filiation biologique. Est-ce que c'est ça?

M. Blais (Marcel): Dans la mesure du possible. Mais, s'il y a rupture, mais qu'on ne soit pas des hypocrites devant des enfants, en tout cas, tu sais, puis qu'on ne dise pas qu'on est en train de faire quelque chose au nom des enfants pendant que c'est les intérêts du système... qui est en train de s'accommoder de ces intérêts-là. Tu sais, à quelque part, c'est soit la pensée ou l'action du système ou c'est l'enfant lui-même qui est pris en intérêt. Je pense qu'il faut faire la différence. Mais, quand on tombe en déficience, ça devient plus difficile, on dirait, puis on... sur une autre forme d'interprétation ou modèle d'interprétation qui nous rend comme, tu sais, moins accessibles, je ne sais pas trop. En tout cas, il y a comme un parcours qui est différent, alors que ça ne devrait pas exister. Ensemble et solidaires, n'est-ce pas?

Mme Hivon: Donc, je comprends que, dans certains cas, vous pensez que la rupture peut être inévitable, en quelque sorte, du lien de filiation, mais vous plaidez pour que, dans ces cas-là, minimalement la personne soit au courant de son statut et qu'elle puisse avoir accès à ses origines. Je comprends.

M. Blais (Marcel): Qu'elle ait ses origines biologiques tout le temps. Ça, il n'y a pas... il ne faut pas tasser ça, parce que ça va devenir une mesure d'eugénisme social, et c'est inacceptable, ça. Parce que la communauté québécoise, c'est construit d'hommes et de femmes qui se sont aimés, qui ont fait des enfants, puis que ça se continue comme ça, là. Tu sais, ce n'est pas nouveau, hein? Ça fait des années qu'on fait ça.

**(10 h 30)**

Mme Hivon: Est-ce que ce qui est proposé dans l'avant-projet de loi, la possibilité donc d'adoption ouverte ou, par ailleurs, d'adoption sans rupture du premier lien de filiation, vous estimez que ce sont des mesures qui, pour certaines personnes avec lesquelles vous oeuvrez, pourraient être utiles pour permettre qu'il y ait minimalement, quand il y a un placement d'adoption qui s'avère inévitable, le maintien de certains liens? Est-ce que vous voyez ça d'un bon oeil?

M. Blais (Marcel): On voit ça d'un bon oeil, mais disons que ce serait comme une dernière décision à prendre avant toutes sortes d'autres décisions qui pourraient être prises, notamment au niveau de l'entraide, de l'aide, des ressources, tu sais, qu'on pourrait aller voir.

Parce qu'on ne pourra pas raconter d'histoires aujourd'hui, mais être en rupture de papa et de maman, c'est quelque chose qui marque une personne pour la vie. Pas juste pour trois minutes, là, puis entre deux chambres à coucher, là, c'est pour toute la vie. Et puis, quand on décide de prendre une décision comme ça, bien, qu'on s'assure de l'intérêt de l'enfant dans ça mais aussi des ressources familiales autour. Tu sais, par exemple, le Mouvement Retrouvailles, probablement qu'ils font des choses qui intéressent cette question-là. En tout cas, vous comprenez ce que je veux dire.

Mme Hivon: O.K. Et, quand vous parlez donc de ressources dans la communauté, en fait ce que vous nous dites, c'est que vous estimez que, s'il y avait une aide ou un soutien concret de certains organismes, on n'en viendrait pas aux situations auxquelles on est confrontés: que l'enfant soit confié et éventuellement même adopté.

Quels types de ressources est-ce que... Est-ce que, dans l'état actuel des choses, il y a de ces ressources-là qui vous apparaissent déjà des pas dans la bonne direction? Et sinon, quels types de ressources selon vous seraient le plus utiles pour aider les personnes aux prises avec une situation comme ça?

M. Blais (Marcel): Des ressources communautaires, parce qu'on rentre dans la communauté, nous vivons dans la communauté, puis après ça des ressources institutionnelles, du point... suivant la difficulté ou le parcours qui est en marche. Je pense que d'être capable d'utiliser toutes ces ressources-là... Mais, les premières ressources si on est en déficience, entre guillemets, puis si disons qu'on veut accéder à la parentalité, mais que nos parents, ou nos amis, ou nos proches, tu sais, puissent nous épauler aussi dans cette démarche-là.

Mme Hivon: Qu'il y ait donc une reconnaissance du rôle des proches et un soutien peut-être accru des proches dans ces cas-là?

M. Blais (Marcel): Exactement. Puis, il y a une politique clientèle, au ministère de la Santé et des Services sociaux, qui prévoit justement, tu sais, l'arrimage des ressources et... tu sais, toutes ces possibilités-là. Parce qu'en déficience ce qui est difficile, c'est la reconnaissance du psychique humain. Tu sais, c'est là que c'est difficile. Puis il faut rencontrer cette résistance-là, et c'est ce qu'on fait là, tu sais, quand on marche dans la communauté, ou qu'on fait des choses dans la communauté, ou quand le Mouvement des personnes d'abord de Drummondville... Parce qu'il ne faut pas oublier, c'est géré par les personnes d'abord, puis c'est tous des membres, puis nous en sommes fiers.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci. Merci, Mme la députée de Joliette. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Votre mémoire est finalement l'expression d'une phrase qui est un peu un cliché mais qui s'applique ici, c'est que ça prend un village pour élever un enfant, ça prend de la solidarité. Puis, la Loi de la protection de la jeunesse, c'est une loi qui est fondée sur l'article 38, l'article qui parle de la compromission. C'est un article où on recherche peut-être un peu trop souvent des coupables, c'est-à-dire coupable d'avoir maltraité son enfant, coupable d'avoir des dépendances à la drogue ou... Bon. Dans votre cas, on ne peut vous accuser de rien, finalement. Puis c'est peut-être là que s'arriment mal les réalités entre la protection de la jeunesse et puis votre réalité. Je pense que c'est peut-être ça.

Mais votre plaidoyer est un vibrant hommage en faveur de l'intérêt des enfants, l'intérêt des enfants qui d'abord milite en faveur du maintien dans leur famille d'origine, du soutien à la famille d'origine et puis de tout faire pour qu'ils puissent demeurer dans cette famille d'origine là ou conserver les meilleurs liens avec leur famille d'origine, si j'ai bien compris.

J'ai, lorsque le débat a eu lieu sur la réforme de la protection de la jeunesse, proposé qu'on nomme un protecteur à l'enfance. Parce que la protection de la jeunesse puis tout l'organisme des mouvements de DPJ, là, des directeurs de DPJ, leurs employés et puis tout ça, c'est une grosse machine qui travaille dans un... qui travaille dans des situations qui sont assez difficiles. Ils doivent prendre des décisions souvent rapides puis qui ont des conséquences énormes sur les enfants, vraiment énormes. Je disais souvent qu'on peut... je peux accuser mon voisin d'avoir volé ma tondeuse, les policiers ne peuvent pas aller dans son hangar sans un mandat de perquisition, mais que la protection de la jeunesse peut, à 4 heures l'après-midi, un vendredi soir, aller chercher des enfants à l'école puis les ramener.

Ce qui m'inquiète dans ça, je vous dis, je ne veux pas non plus prétendre que les travailleurs sociaux ne font pas leur travail comme il faut ou qu'ils sont en mauvaise foi, ce qui m'inquiète là-dedans, c'est qu'il n'y a pas de contrepoids à ce pouvoir-là. Et, moi, je croyais que, si on avait un protecteur à l'enfance, on pourrait avoir un contrepoids, comme dans tous les domaines de la fonction publique... Dans tous les domaines où on oeuvre... On a un commissaire au lobby, on a un vérificateur général, on a un DGE, dans tous les domaines, on a un contrepoids. Puis, avoir un si grand pouvoir sans aucun contrepoids, dans notre système, je trouve que ce n'est pas explicable.

Avez-vous envisagé le fait d'avoir un protecteur à l'enfance à qui on pourrait demander de rendre compte à l'Assemblée nationale de l'état, de l'état de nos enfants au Québec? Je pense, c'est notre principale ressource, c'est... C'est ce qu'on a de plus précieux au Québec, nos enfants, et beaucoup plus que... que nos finances encore, mais on n'est pas assez vigilants. Avez-vous envisagé cette avenue-là?

M. Blais (Marcel): Nous n'avons pas envisagé cette avenue-là dans notre mémoire. Mais ce que nous disons, par exemple, c'est que, si on applique les règles de la DPJ à toutes les clientèles qui se présentent, mais de s'assurer de les appliquer différemment. La négligence en déficience, ce n'est pas la même... le même type de négligence qu'on va trouver dans le social, par exemple, ou en santé mentale. Mais la DPJ, lorsqu'elle règle un problème, elle est indifférente à cet aspect-là, puis c'est là qu'on a comme l'impression qu'on est des criminels dans quelque chose où on a la difficulté à agir pas volontairement, comme on dit là. Bon. Je pense qu'il faut regarder par là.

Mais, si on veut faire un protecteur à l'enfance, mais de s'assurer que ce protecteur-là connaisse toutes ces dimensions-là puis qu'on applique la loi différemment, s'il le faut, ou on établit un parcours alternatif à la judiciarisation, par exemple. Parce que la maman qui a quitté au mois d'octobre parce qu'elle est toujours dans la position... là le juge lui donne quasiment un an pour faire une... pas une adoption, mais un placement jusqu'à 18 ans. Puis on n'est pas encore contents de cette histoire-là, moi. La femme, elle, qui est en déficience-lenteur intellectuelle... elle se pose la question: Qu'est-ce que j'ai fait de mal pour que mes deux enfants soient placés? Tu sais, qu'est-ce que j'ai fait de mal? Y a-tu quelqu'un qui m'a aidée dans ça? Je vais au CLSC, il n'y a pas d'aide. Alors, je vais ailleurs dans la communauté, il n'y a pas d'aide. Qu'est-ce qui se passe avec moi? Suis-je toute seule comme déficiente, entre guillemets? C'est là qu'elle pleure, la maman. Mais, si le... si le gouvernement veut pratiquer ce genre d'émotion là, bien vous avez raté le bateau.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci. Oui, Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Je pense que votre témoignage est un éloquent... une éloquente illustration du fait que la couverture sociale est inégale dans certaines régions. On a le Dr Guy Julien qui est en soutien aux compétences parentales. Dans mon comté, il y a La Maison de la famille, c'est la première maison qui a été créée en milieu rural, puis ils sont vraiment soutenants au niveau des compétences parentales. Peut-être que c'est inégal, cette couverture-là, et qu'une solution à une situation comme laquelle vous vivez serait de faire un peu le recensement des soutiens aux compétences parentales, des organismes dédiés au soutien aux compétences parentales dans l'ensemble de la province pour que des situations comme laquelle vous vivez soient... ne soient pas... arrivent. Parce que je suppose que, si ça arrive chez vous, ça doit arriver ailleurs, là. Mais j'ai eu connaissance d'organismes qui soutiennent. Si, chez vous, il y en a moins, peut-être qu'il faudrait se prévaloir de ces organismes-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, merci, Mme la députée de Lotbinière. Nous y reviendrons. Mme la ministre, du côté gouvernemental.

**(10 h 40)**

Mme Weil: Oui. Peut-être juste pour revenir, parce qu'il y a des gens du ministère de la Santé et des Services sociaux qui suivent tous ces débats. Donc, bien qu'on ait des recommandations quand même assez techniques dans notre avant-projet de loi, vous, je pense que vous amenez un constat sur le système. Il y a un problème de système et d'approche. Donc, je pense que c'est important peut-être de récapituler.

Vous, vous dites: Évidemment, parce que la mission protection de la jeunesse, c'est une mission protection, ils ne mettent pas le chapeau, peut-être, nécessairement de conciliation et de créer, de garder une unité familiale telle qu'elle doit exister avec le support nécessaire avant et pendant, c'est-à-dire avant que quelqu'un décide de ce qu'on va faire avec l'enfant. Donc, il pourrait y avoir toutes sortes de solutions envisageables, dépendant du degré peut-être même de la déficience. Il y a des situations où l'enfant pourrait peut-être carrément rester avec le parent, d'autres situations, peut-être que non, mais le parent aurait un lien, vous l'avez évoqué, un lien fréquent avec l'enfant. Bon, c'est toutes ces questions-là.

Mais vous n'êtes pas vraiment à regarder les modules d'adoption que, nous, on propose, mais vous avez quand même... Est-ce que je résume bien un peu tout ça? Et donc vous voulez vraiment que les autorités puissent avoir une approche qui est beaucoup plus aidante et qui va... pas juste l'intérêt de l'enfant, mais, j'ai bien compris, l'intérêt des parents, parce que c'est déchirant, je peux imaginer, pour ces parents-là qui se sentent... comme vous dites: Qu'est-ce que j'ai fait de mal? Qu'est-ce que j'ai fait de pas... qu'est-ce que j'ai fait de pas correct pour perdre contact complètement avec mon enfant, pour qu'il soit placé? Et, je pense, c'est justement cette approche protection... Et ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de bonne volonté du côté du DPJ, mais leur rôle, c'est tout de suite protection de l'enfant et trouver une solution pour protéger l'enfant.

Mais, par ailleurs, vous vous êtes prononcés sur la recherche des antécédents. Et, moi, j'ai vraiment l'intention de poser cette question à tout le monde qui va venir ici, parce qu'on a des décisions à prendre. Et je voudrais vraiment être à l'écoute de ce que les gens ont à dire là-dessus. Si je comprends bien, vous, vous serait... Vous dites que c'est important que les gens aient accès aux informations concernant leurs origines. Maintenant, il y a... nous, moi, dans le projet de loi... l'avant-projet de loi qu'on présente, le ministère de la Justice, on fait une distinction entre les adoptions avant l'adoption de cette loi éventuelle et après. J'aimerais vous entendre là-dessus. Vous, j'imagine, vous ne faites pas de distinction avant, ou après, ou... Est-ce que je pourrais vous entendre là-dessus?

M. Blais (Marcel): Les décisions qui nous concernent, nous autres, ont été prises à notre naissance. On n'avait... on n'avait pas partagé la décision. Peut-être d'amener un partage de décision avant d'aller vers la rupture, mais, s'il y a rupture aux fins d'adoption ou autre, mais qu'on s'assure à quelque part que les personnes reconnaissent leur origine parentale, dans la mesure du possible.

Mme Weil: Mais, par rapport... Est-ce que, vous, cette règle, vous la voyez pour des adoptions... toutes les adoptions à venir ou est-ce que vous retourneriez en arrière pour toutes les adoptions du passé, permettre soit l'enfant adopté ou les parents?

M. Blais (Marcel): Par rapport à l'arrière, il y a les décrets 1153-2001 et 1198-2006, sur les enfants Duplessis, qui disaient qu'on avait la possibilité de faire quelque chose dans ça. Mais, entre-temps, il s'est développé un service de protection qui a peut-être magané un peu les enfants. Peut-être voir un peu ce qui s'est passé autour de ces adoptions-là d'en avant, comme vous dites, là, puis, s'il y a lieu d'ajuster avec le projet de loi que vous... l'avant-projet... en tout cas, vous comprenez, s'il y a lieu d'ajustement, bien, qu'on le propose, tu sais, à quelque part, sans forcer mais sans pénaliser non plus ni criminaliser une démarche de recherche d'antécédents biologiques ou autres, là, tu sais, au moins de faciliter l'accessibilité. Puis, quand il n'y a pas de connaissance, il n'y a pas de connaissance, mais là on ne peut pas faire... on ne peut pas quand même inventer...

Mais il ne faut pas oublier que nous sommes existants, que les personnes... Il y a plusieurs personnes... Parce qu'on se demande si on est en train de construire un Québec multiadoptif, là, tu sais, il y a tellement d'adoptions... Par exemple, on a eu des chiffres récemment, que, dans la région de Saint-Hyacinthe, par exemple, de la Montérégie et le Centre-du-Québec, la DPJ force beaucoup l'adoption, en tout cas beaucoup de la cour ou chambre de jeunesse favorisent évidemment l'adoption, alors qu'il pourrait s'utiliser d'autres moyens pour équiper des personnes dans leur démarche de parentalité. En tout cas, il y a comme des chiffres qui inquiètent, notamment Montérégie et au Centre-du-Québec.

Puis pourtant ce n'est pas un concours de publicité qu'on fait, là, ni de marketing, là, tu sais, pas parce que... Nous autres, dans notre région, on a fait 150 adoptions, puis on est tous fiers de la DPJ. Il ne faudrait pas aller jusque-là, parce que ce ne serait pas gentil, notamment pour... non seulement la loi ou d'autres types de loi, mais surtout en fonction des personnes, qui vivent aussi des émotions.

Mme Weil: Merci, monsieur.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui, petit commentaire. Merci, M. le Président. Je voulais juste faire un commentaire suite à la présentation de Mme la députée de la Lotbinière. On a une très bonne Protectrice du citoyen qui justement vient de déposer un rapport sur les services octroyés aux enfants qui présentent des déficiences intellectuelles, et elle est à plancher sur un rapport pour les services aux adultes qui ont des problèmes, là, de déficience intellectuelle, comme vous avez mentionné tout à l'heure, puis peut-être qu'elle pourrait justement évaluer les services entourant la parentalité, et tout ça, qui sont octroyés aux gens qui vivent avec ces problématiques. Alors, je pense qu'on a déjà des gens qui veillent au bien-être des gens qui sont membres chez vous et des jeunes au Québec. Alors, c'est le simple commentaire que je voulais ajouter ici aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Est-ce qu'il y a des commentaires là-dessus? Ça va?

M. Blais (Marcel): Disons que ce qui serait important, ce serait que, dans le cas de la déficience, entre guillemets, en tout cas du moins dans ce domaine-là, il y ait une table de concertation qui se crée, tu sais, autour de la parentalité, tu sais, de l'accompagnement à la parentalité, puis après ça de développer éventuellement des services conséquents.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la députée de Hull. Oui, M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Oui. Merci, M. le Président. Je vous remercie beaucoup d'être venus. J'aime beaucoup votre témoignage, mais il faut rétablir certains faits. Je vais surenchérir à ce que ma collègue de Hull a dit tout à l'heure sur la Protectrice du citoyen en vous disant que tout le monde a parlé du chapitre 4 du dernier rapport du Vérificateur général, mais tout le monde ignore que le chapitre 3 était sur la situation du fonctionnement dans les centres jeunesse du Québec. Il y a aussi la commission de protection des droits de la personne et de la jeunesse et les juges, dont un des rôles est de faire en sorte que la loi soit bien appliquée.

Si je vous disais, monsieur... M. Carrier, qu'au Québec il s'est fait, dans la dernière année -- je n'ai pas le chiffre exact -- environ 225, 230 adoptions québécoises -- donc, je ne parle pas de l'adoption internationale. C'est à peu près ça, le chiffre dont on parle chaque année, dont la majorité ont été faites suite à des jugements d'admissibilité à l'adoption, c'est-à-dire des décisions où un tribunal a estimé que l'enfant n'avait pas reçu soins, entretien, éducation par ses parents biologiques depuis une période d'au moins six mois. Ce sont les dispositions à l'article 559.

Je ne veux pas parler du côté de la protection. Je sais qu'il y a un comité de suivi qui a été mis sur place en 2007, quand le projet de loi n° 125 a été adopté, qui devrait normalement rendre un rapport cette année, en 2010, qui pourrait amener des modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse. Je comprends de votre mémoire qu'il y a tout un volet protection de la jeunesse avec lequel je pourrais m'amuser pendant plusieurs heures avec vous. Malheureusement, je ne le ferai pas, je vais me concentrer sur le sujet d'aujourd'hui.

Vous êtes un enfant de Duplessis. Croyez-vous vraiment qu'une amende qui serait ordonnée, imposée à quelqu'un qui veut rechercher ses origines biologiques va décourager qui que ce soit qui a dans la tête de retrouver ses origines?

M. Blais (Marcel): Ça ne nous convaincra pas de continuer.

M. Gauvreau: Ce serait un affront de plus?

M. Blais (Marcel): Pardon?

M. Gauvreau: Ça serait un affront de plus?

M. Blais (Marcel): C'est... Vous savez, quand il y a eu le premier décret concernant l'affaire Duplessis-Léger, c'étaient des personnes qui, non adoptées, institutionnalisées, ont fréquenté les milieux psychiatriques. Bon, nous autres, on relève du deuxième décret, le milieu de la déficience, mais, quand il y a eu le premier décret, en 2001, nous avons... ça a été comme... ça a été comme le deuxième rejet que nous avons vécu. C'est parce que c'est un rejet existentiel, on ne sait pas trop. Et puis, nous avons forcé le gouvernement... En tous cas, je me souviens que les ministres... le premier ministre du temps a dit que le dossier était réglé. Moi, j'ai dit, avec Bruno Roy, que le dossier n'est pas réglé. Il reste encore les deux tiers de la province de Québec qui a besoin d'être aidé à ce niveau-là. Mais c'est chaque fois une rupture qui symbolise le rejet, la non-relation avec l'autre puis, comme on dit, la non-existence, quelque part. Il y a cette souffrance-là que nous vivons et partageons avec des personnes.

Puis ce qui est encore plus dur, c'est qu'on ne sait pas qui qui est notre mère, qui est notre père, tu sais, de face. Tu sais, je ne peux pas dire que madame, c'est ma mère, ça peut être ma belle-soeur, puis ça, je ne le sais même pas, tu sais. C'est épouvantable de ne pas être capable de se distinguer dans nos visages, là, le côté maman, le côté papa, tu sais, qui a permis notamment la formation du bébé, tu sais. Mais, socialement, les personnes aiment toujours, par exemple, fréquenter du monde qui leur ressemble, hein, tu sais, leur maman, ou leur papa, ou leur frère, leur oncle, tu sais. Je pense que c'est important. Mais c'est toujours vécu comme un rejet, une rupture permanente, et ça, ça fait mal énormément.

**(10 h 50)**

M. Gauvreau: Vous avez dit dans votre témoignage, M. Carrier, que, dès que la DPJ rentre dans un dossier, les autres organismes se retirent. Je vais ne pas vous rassurer en vous disant que ce n'est pas que dans les dossiers où il y a de la déficience: dans tous les dossiers, systématiquement, la DPJ étant un service de ligne, tous les autres organismes ont le premier réflexe de dire: Ah! c'est la DPJ qui s'en occupe, on ne s'en occupe pas. Et la DPJ doit, elle, se battre pour amener ces acteurs-là de la communauté à prendre charge, que ce soit le CRDI et autres. Ce qui fait que, dans plusieurs cas -- et j'en suis un témoin, là -- dans plusieurs cas, les enfants de parents qui ont une certaine déficience intellectuelle -- une certaine, parce que dans certains cas c'est quand même plus majeur que d'autres, là -- ont pu être maintenus dans leur milieu familial beaucoup avec l'aide de la famille élargie, beaucoup avec l'aide de la famille élargie. Il ne faut pas tellement compter sur le réseau institutionnel pour avoir cette forme d'aide là, surtout dans un contexte où le réseau institutionnel, on le voit de plus en plus, fissure de part et d'autre compte tenu de l'absence d'intervenants, l'absence de moyens ou de cahiers de charges -- de «caseload», en anglais -- trop chargés. Mais je vous remercie beaucoup d'être venus, encore.

M. Blais (Marcel): C'est bien.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions du côté de l'opposition? Ça va? Donc, M. Blais, il ne nous reste... Avez-vous d'autres commentaires à faire avant de nous quitter? M. Carrier.

M. Blais (Marcel): Nos remerciements.

M. Carrier (Claude-Dany): On aimerait vous remercier de notre... de votre écoute, d'avoir pris le temps de nous entendre et d'avoir pris le temps de poser des questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est la moindre des choses, M. Carrier. Merci de vous être présentés à la commission, vous êtes toujours les bienvenus ici. Bon retour.

M. Carrier (Claude-Dany): Au plaisir. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais suspendre quelques instants les travaux, le temps que le prochain groupe prenne place.

(Suspension de la séance à 10 h 52)

 

(Reprise à 10 h 55)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Donc, bonjour, mesdames. Ça nous fait plaisir de vous recevoir ici, à notre commission. Vous faites partie du Mouvement Retrouvailles. Je vais vous demander de vous présenter. Je vous rappelle les règles... puis je veux vous souhaiter la bienvenue parce que c'est important de le faire. Pour les gens qui nous écoutent, ils ont l'impression qu'on se répète, mais, pour vous qui arrivez, bien c'est important de vous souhaiter la bienvenue. Donc, sachez que vous êtes ici chez vous, que vous êtes nos invitées, donc soyez bien à l'aise de faire votre présentation. Je vous rappelle les règles du jeu, elles sont très simples: vous avez 10 minutes pour votre présentation; il y aura, de part et d'autre, des questions durant à peu près 25 minutes -- on essaie de gérer le temps du mieux qu'on peut -- donc 50 minutes en tout. Ça va, mesdames? Donc, je vais vous demander de vous présenter pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent. Allez-y, mesdames.

Mouvement Retrouvailles,
Adopté(e)s, non-adopté(e)s, parents

Mme Fortin (Caroline): Alors, bonjour à tous. Mon nom est Caroline Fortin. Je suis la présidente du Mouvement Retrouvailles. Je suis adoptée, et j'ai retrouvé ma mère biologique en 1996.

Mme Genest (Réjane): Bonjour. Je suis Réjane Genest, secrétaire au Mouvement Retrouvailles. Je suis mère adoptive et tante d'enfants confiés à l'adoption, et tout mon monde ont retrouvé parents, enfants.

Mme Fortin (Caroline): Alors, bonjour à tous. Premièrement, nous aimerions remercier Mme Kathleen Weil, ministre de la Justice, pour le dépôt de l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et autres dispositions en matière d'adoption et d'autorité parentale. Merci également au président et à chacun des membres de la Commission des institutions de nous recevoir aujourd'hui.

Depuis sa fondation, en 1983, le Mouvement Retrouvailles s'applique à accompagner ses membres dans leur quête d'identité et leurs démarches de retrouvailles. Parallèlement, nous luttons pour la reconnaissance du droit à l'identité et aux origines pour les personnes directement concernées par l'adoption et pour permettre l'évolution des lois qui régissent le monde de l'adoption, plus spécifiquement au niveau des notions de confidentialité.

Au fil des ans, nous avons acquis une plus grande connaissance au niveau de l'adoption et de ses législations gouvernementales. Notons, entre autres, notre participation au comité interministériel sur la confidentialité des dossiers et des services de retrouvailles, la présentation d'un avis au Groupe de travail sur le régime québécois d'adoption au Québec, notre mémoire sur le projet de loi n° 125 et notre collaboration au projet de loi n° 397, déposé par l'ADQ en 2008. Il nous est permis de croire que nos recommandations suscitent suffisamment d'intérêt au sein du gouvernement pour qu'enfin les lois actuelles soient révisées et mises à jour.

Nous profitons de cette consultation pour partager notre opinion sur certains articles convenus dans l'avant-projet de loi et plus précisément sur le fait que ce sont uniquement des modifications applicables aux adoptions futures, soit celles prononcées après une éventuelle mise en vigueur des nouvelles lois. Depuis notre existence, nous avons présenté divers mémoires sur le sujet, comme l'ont fait d'autres organismes, comités et individus. La majorité des recommandations suggérées au fil des ans ne sont toujours pas applicables pour les personnes concernées. Celles incluses au rapport du Groupe de travail sur le régime québécois de l'adoption au Québec, présidé par Me Carmen Lavallée, ont, quant à elles, été prises en quasi-totalité dans l'avant-projet de loi dont il est question aujourd'hui.

Les personnes concernées par notre mémoire sont donc les enfants confiés à l'adoption, sans égard à l'année du placement et/ou de l'adoption, les parents biologiques, les parents adoptifs et les personnes concernées par parenté ou filiation, soit toute personne ayant une relation de sang ou d'alliance qui les unit entre elles. Ceci s'applique tant aux parents qu'aux enfants.

L'actuel avant-projet de loi prévoit l'introduction d'une nouvelle forme d'adoption et de prise en charge de l'enfant ainsi que des modifications importantes au régime de la confidentialité des dossiers d'adoption, et c'est sur ce dernier point que nous mettrons l'emphase.

Il est important de mentionner que nous appuyons l'introduction d'une nouvelle forme d'adoption en droit québécois, soit l'adoption sans rupture de filiation, et que nous favorisons l'adoption ouverte lorsque les circonstances s'y prêtent. Par le maintien du lien d'origine ou la conclusion d'entente de communication entre les parents d'origine et les parents adoptifs, l'enfant pourra conserver son histoire et son identité. Au contraire, l'adoption plénière et fermée, telle que nous la connaissons aujourd'hui, fait obstacle à la délivrance et à la transmission de toute information nominative sans le consentement de toutes les parties concernées.

De plus, avant que l'adoption ne soit envisagée, il est primordial que l'enfant et sa famille immédiate soient pris en considération. En effet, le lien qui unit l'enfant avec, par exemple, ses grands-parents, ses tantes, ses oncles, ses frères et soeurs ou tout autre membre en lien direct est un lien d'origine très important. La décision définitive d'opter pour un type d'adoption ou l'autre devra être prise en considérant ce lien d'appartenance significatif qui relie l'enfant à ses origines.

Notre mémoire vise donc principalement à démontrer que les dispositions actuelles concernant la confidentialité des dossiers d'adoption au Québec est une pratique qui pourrait s'avérer contraire aux droits et libertés de la personne, comme le gouvernement du Québec l'admet avec le dépôt de cet avant-projet de loi. La connaissance de ses racines biologiques est un besoin fondamental de la personnalité humaine. Pour plusieurs adoptés, la confidentialité des dossiers d'adoption suscite d'importantes difficultés d'identification, leur donne un statut particulier et leur enlève la possibilité de se référer à leurs véritables origines.

De plus, du point de vue médical, les composantes génétiques peuvent prendre une grande importance dans certaines pathologies physiques, considérant la difficulté d'obtenir les renseignements utiles sur leurs antécédents biologiques.

Il est à noter que des personnes adoptées qui ignorent tout de leurs antécédents médicaux familiaux se doivent de subir d'innombrables tests afin que soient diagnostiquées adéquatement certains types de maladies. Sur le plan humain, spécifiquement lors de telles situations, il est inadmissible de prioriser systématiquement le droit à la vie privée des parents d'origine aux dépens des besoins identitaires de l'enfant. De plus, au niveau du ministère de la Santé et des Services sociaux, des dépenses importantes sont certainement encourues faute d'information génétique sur des usagers.

**(11 heures)**

Mme Genest (Réjane): Nos recommandations se résument comme suit.

Nous considérons que tout enfant adopté en âge de comprendre ou au plus tard à sa majorité doit être informé de son statut d'adopté. Nous recommandons donc qu'un mécanisme soit mis en place pour que soit divulgué aux personnes adoptées majeures leur statut d'adopté. Nous recommandons la levée du scellé relatif à l'acte de naissance d'origine.

Pour une question de réciprocité, nous considérons également que tout parent d'origine a le droit de connaître le nom que porte actuellement l'enfant qu'il a confié à l'adoption.

Nous considérons que toute information nominative et non nominative contenue au dossier de l'enfant doit lui être divulguée sur demande.

Nous considérons que toute information nominative et non nominative contenue au dossier de l'enfant devenu majeur doit être divulguée aux parents d'origine sur demande.

Nous considérons que la fratrie doit être contactée en l'absence du manque de renseignements obtenus causé par le décès des parents d'origine. La définition de la fratrie devra être élargie, ou il faudra tout simplement en changer le terme pour y inclure la notion de parenté de sang et/ou de lien légal. Dans les cas de décès, nous recommandons de pouvoir contacter les personnes mentionnées au dossier, s'il y a lieu.

Nous considérons qu'une personne inscrite au dossier d'adoption puisse enregistrer une déclaration de refus de contact, sous certaines conditions: enregistrement durant une période moratoire prévue avant l'entrée en vigueur des modifications, environ 12 mois; un veto justifié par des motifs sérieux: situation médicale, préjudices familiaux, etc., et incluant obligatoirement les renseignements médicaux ayant une incidence sur la santé du requérant ainsi qu'une formule appropriée de vérification. Ces informations pourront être mises à jour. Dans le cas d'un veto de contact demandé par la mère, le formulaire de déclaration devrait prévoir un espace spécifique aux renseignements concernant le père biologique. Un refus inscrit au dossier précédemment à l'entrée en vigueur des amendements au droit existant ne constitue aucunement un veto de contact en vertu de ces amendements. Le veto de contact s'annule au décès du déclarant, et les informations nominatives sont délivrables au requérant.

Nous demandons que ces droits s'appliquent à toute personne confiée à l'adoption avant et après la mise en vigueur des nouvelles dispositions.

Considérant que les dispositions de l'actuel avant-projet de loi ne s'appliquent que pour les adoptions futures, nous devons faire les quelques constatations suivantes.

Au niveau des lois, nous devons malheureusement constater qu'aucune évolution marquée et significative n'a été observée depuis plusieurs années au niveau des lois concernant les adoptions antérieures à 1980. Ce que le Québec suggère actuellement laisse des milliers de personnes régies par des lois archaïques.

Le statut d'adopté, contrairement à ceux de marié, veuf, célibataire, divorcé, séparé, n'est pas toujours connu de la personne concernée. Le fait de révéler à un enfant son statut d'adopté est laissé à la discrétion des parents adoptifs. Ces derniers semblent avoir un droit de regard sur les enfants adoptés, même après leur majorité. Nous pouvons constater que plusieurs parents adoptifs n'ont pas osé révéler le statut d'adopté à leur enfant. Celui-ci ne pourra donc jamais connaître la vérité sur ses origines. De plus, une personne ignorant son statut d'adopté fournira, sa vie durant, des informations erronées quant à ses antécédents médicaux familiaux.

Aujourd'hui encore, les seuls renseignements que les enfants confiés à l'adoption peuvent obtenir sur demande se limitent à une description sommaire de la mère au moment de la naissance de son enfant, soit sa région de provenance, son âge, son poids, sa taille, certaines informations sur son occupation, son état de santé et ses loisirs, et quelquefois les mêmes renseignements concernant le père, comme indiqué au dossier. Quant à eux, les parents d'origine, majoritairement des mères, n'ont accès qu'à très peu de renseignements sur la situation de l'enfant qu'ils ont confié à l'adoption.

La législation actuelle autorise la divulgation du nom des parents d'origine uniquement lorsque ces derniers donnent leur consentement concernant le dévoilement de leur identité. Dans les situations de refus, de décès ou de personnes introuvables, les informations nominatives demeurent confidentielles, et le dossier est fermé. À ce jour, la fratrie, les personnes concernées par filiation ou parenté ne peuvent être contactées à moins qu'il y ait concordance au dossier, soit que le requérant ou quelqu'un de la fratrie ait présenté une demande et que l'intervenant au dossier soit à jour dans ses dossiers réguliers. La fratrie n'est pas considérée dans les dossiers d'adoption, et pourtant la confidentialité ne s'applique pas dans leur cas.

Mme Fortin (Caroline): Alors, la Colombie-Britannique, l'Alberta, le Manitoba, Terre-Neuve--Labrador et l'Ontario ont apporté des modifications très significatives afin d'assurer à tous les mêmes droits et libertés, qu'ils aient été adoptés ou non, et ce, avant ou après la mise en vigueur des modifications, sans discrimination. À noter que le Yukon ouvrira également ses dossiers d'adoption le 29 avril prochain. Alors, si je calcule bien, il reste quatre provinces, dont le Québec, où c'est encore fermé. Alors, il en va de même de plusieurs États américains et de pays d'Europe et d'ailleurs. Québec s'apprête à emboîter le pas pour une loi plus ouverte, voire plus moderne et plus représentative de notre société, mais pour les futures adoptions seulement.

Nous demandons que le Québec ouvre la loi de l'adoption pour toutes les personnes confiées à l'adoption dans le passé comme dans le futur.

La Charte des droits et libertés énonce que tous ont le droit à l'égalité et à la dignité. Tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques, destinés à assurer sa protection et son épanouissement, que tous les êtres humains sont égaux en valeur et en dignité et qu'ils ont droit à une égale protection de la loi. Nous demandons que le gouvernement du Québec respecte sa propre Charte des droits et libertés et nous demandons qu'il l'applique à toute la population, y compris les personnes qui ont été confiées à l'adoption dans le passé et les parents d'origine forcés d'abandonner leur enfant. Ces droits et libertés ne sont pas respectés pour l'enfant jadis confié à l'adoption et pour ses parents d'origine.

Autrefois, les enfants confiés pour adoption faisaient partie d'une classe à part. Aujourd'hui, ils se doivent d'être des citoyens à part entière de notre société.

La personne concernée par l'adoption ignore la vérité face à ses origines. D'où vient-elle? Qui lui a donné la vie? Où sont ses frères et soeurs d'origine? Où sont ses racines? Quels sont ses antécédents médicaux familiaux? Ce casse-tête ne sera jamais résolu tant et aussi longtemps que le morceau manquant ne sera pas accessible. Et ce morceau, c'est le gouvernement qui le retient pour respecter la confidentialité. Dans certains cas, le respect de la confidentialité d'une personne décédée fait mourir à petit feu une personne adoptée en quête de son identité.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excusez-moi, Mme Fortin, est-ce que vous en avez pour longtemps? Oui? Allons-y donc, s'il y a consentement, là, pour terminer. Oui, ça va? Allez-y, Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline): Alors, adopter un enfant est un acte intentionnel. Confier un enfant à l'adoption ne l'était et ne l'est généralement pas. Dans les deux cas, l'enfant doit être le sujet de l'adoption et non l'objet. Ses droits se doivent d'être respectés.

Nous demandons donc au gouvernement de redonner la vérité à ces enfants confiés à l'adoption et la dignité aux parents qui ont dû poser un geste contre leur volonté.

Nous vous remercions de l'attention portée à nos demandes et espérons sincèrement que la direction du gouvernement du Québec agira à court terme en appliquant de nouvelles règles adéquates aux valeurs d'aujourd'hui et surtout au respect du droit à l'identité pour tous et chacun, d'hier à demain. Merci encore une fois à chacun des membres de la Commission des institutions de nous avoir reçues aujourd'hui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, mesdames, pour votre présentation. Mme la ministre.

Mme Weil: Merci beaucoup, Mme Fortin, Mme Genest. Je pense qu'on va vraiment rentrer dans le vif du sujet et j'apprécie beaucoup votre présence aujourd'hui parce que vous allez nous permettre, en tout cas moi, personnellement, vraiment de vous poser des questions, d'essayer de vraiment aller dans le fond. Parce qu'évidemment, depuis quelques mois, depuis qu'on a déposé cet avant-projet de loi, il y a vraiment deux camps, hein, il y a vraiment deux opinions opposées. Il y a le droit qui est là-dedans, il y a de la jurisprudence. Alors, je vais y aller question par question pour voir votre évaluation de chacune des situations.

Donc, vous parlez des autres provinces. Comme vous savez, l'Ontario dans un premier temps voulait aller très loin, et il y a eu beaucoup d'opposition disant que le droit à la vie privée primait dans... sur le droit... il n'y avait pas vraiment, dans la charte, le droit de connaître ses antécédents, mais que le droit à la vie privée devait primer. Alors... Et il y avait même le président du commissaire... le commissaire d'accès à l'information du Québec qui aussi s'était pointé dans ce dossier-là.

Alors là, l'Ontario, qui a amendé sa loi pour faire en sorte que, pour les adoptions antérieures, on pourrait avoir accès à l'information, à moins qu'il y ait un veto d'inscrit, c'est le plus loin qu'ils pouvaient aller. Qu'est-ce que vous dites de cette... C'est quoi, votre constat par rapport à l'évolution -- c'est-à-dire, on peut regarder le modèle ontarien parce que ça ressemble aux autres provinces -- de cette situation? Est-ce que, bon, finalement vous acceptez que c'est l'état du droit, c'est-à-dire que c'est le plus loin qu'on puisse aller?

**(11 h 10)**

Mme Fortin (Caroline): Bien, en fait, bon, on l'a dit souvent, nous, on est pour l'ouverture totale des dossiers, sans veto de... d'information, O.K.? Veto de contact, on le comprend, parce qu'on ne peut pas obliger deux personnes à se rencontrer si elles ne le veulent pas. Par contre, au niveau de l'identité, cette identité-là, en tant qu'adopté -- et je sais de quoi je parle, je suis adoptée moi-même -- cette identité-là nous est enlevée à la naissance, et on ne peut pas, sans le consentement du parent, avoir accès à l'information. Alors, c'est pourquoi on est contre le fait d'un veto de divulgation d'information. Bon, en Ontario, c'est ce qu'ils ont fait, ils l'ont mis. Je pense qu'à un moment donné, malheureusement, il va peut-être falloir vivre avec, là, mais on est... en tant que mouvement, on n'est pas d'accord avec ce veto d'information là.

Mme Weil: ...vous, vous ressentez vraiment... vous le sentez, il y a un droit à l'information, vous le sentez de par votre vécu, hein...

Mme Fortin (Caroline): C'est le droit à notre identité.

Mme Weil: C'est ce que vous sentez. Oui, je comprends.

Mme Fortin (Caroline): O.K., moi, personnellement...

Mme Weil: D'accord.

Mme Fortin (Caroline): ...j'ai été...

Mme Weil: Je comprends.

Mme Fortin (Caroline): Bon, je pense, vous comprenez très bien, là.

Mme Weil: Oui, je comprends ce que vous nous dites, que...

Mme Fortin (Caroline): Donc, c'est un droit qui nous est enlevé.

Mme Weil: ...que la jurisprudence peut bien dire une chose, les chartes peuvent... mais vous le sentez comme ça.

Mme Fortin (Caroline): Oui.

Mme Weil: Pour ce qui est... Ensuite, évidemment, il y a des modulations possibles éventuellement après la mort, le décès de la personne, donc il y a peut-être différentes façons d'ouvrir. J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que finalement, une fois qu'on aura fait toute cette consultation, nous, en tant que parlementaires, on aura à regarder tout ça et de voir quelles sont les différentes possibilités, évidemment dans un contexte de respect du droit, le droit tel qu'il existe. Qu'est-ce que vous pensez de ce scénario-là qui est évoqué par ailleurs, c'est-à-dire qu'après le décès... pour les... je sais que vous voudriez la solution idéale, là, mais après le décès? Parce qu'il y a quelques organismes qui font cette recommandation, c'est que, pour les adoptions antérieures, puisqu'ils associent le droit à la vie privée à la personne même et pas nécessairement aux enfants... Qu'est-ce que vous pensez de cette solution-là?

Mme Fortin (Caroline): Bien, nous, on considère qu'après le décès les informations nominatives devraient être accessibles sans... On a parlé souvent d'un an ou deux ans après le décès, mais, bon... Puis on va revenir sur le «une année après le décès», d'avoir accès à ces informations-là. Pourquoi un an? C'est, bon, pour laisser le temps peut-être à la famille adoptive... la famille biologique, la famille directe, en fait, disons, de la mère, qui est décédée, de vivre leur deuil, et tout ça, mais c'est quelque chose, là, qu'on veut absolument, qu'au décès, là, ce... qu'ils n'emportent pas ce secret-là, là, à tout jamais.

Mme Weil: Pour les juristes... Il y a beaucoup de juristes qui regardent ce dossier-là, et ils parlent de... oui, on devrait ressembler aux provinces, au moins, du Canada parce qu'on est... on s'inscrit dans cette réalité-là. Il y a quand même une culture de l'époque, qui était très différente, une société catholique, très catholique, et à l'époque c'était un péché, un péché très sérieux. Et ce que certains juristes et sociologues nous disent, que cette réalité-là, bien que la société québécoise a vraiment évolué, au point d'être encore plus évoluée que beaucoup d'autres sociétés par rapport à toutes ces questions de moralité, etc., mais que les femmes qui auraient vécu cette réalité, elles, cette réalité continue à faire partie de leur identité, et qu'au-delà de la question de la confrontation entre le droit à la vie privée et le droit à l'information il y a un pacte, il y a une entente qui a été faite avec cette personne-là, qui pourrait avoir 90 ans, 95 ans ou 85 ans, qui est peut-être dans un état fragilisé. Le choc... Et ça a toujours été secret, parce que, même si maintenant, de nos jours... Et je comprends bien ce que vous dites, c'est-à-dire qu'on l'a traitée comme ça. On ne devrait pas traiter l'adoption de cette façon-là. Mais, avec les lunettes d'antan, évidemment, cette personne-là continue à vivre avec cette réalité, et que le choc pourrait être trop important pour cette personne, et qu'on viendrait renier une entente qu'on aurait faite implicitement et explicitement avec cette personne-là, et c'est de là que provient cette inquiétude et de là que provient cette autre vision des choses, une vision qui maintient la confidentialité pour les adoptions antérieures à l'adoption d'une éventuelle loi.

Vous, vous connaissez sûrement beaucoup de gens... vous avez sûrement eu beaucoup de discussions, j'imagine, avec des gens qui n'ont pas votre point de vue. J'aimerais vous entendre sur cette question de ce pacte, de cette entente avec cette personne. Comment vous voyez tout ça?

Mme Fortin (Caroline): Bon, en fait, comme on disait dans notre exposé, c'est sûr que les adoptions de l'époque n'étaient pas des adoptions pour les mêmes causes qu'aujourd'hui, O.K.? Donc, la majorité des mères qui ont confié leurs enfants à l'adoption ne l'ont pas fait de plein gré. Un.

Deux, on parle de consentement à l'adoption. Bon. Oui, il y a des mères qui ont signé des papiers disant qu'elles confiaient leur enfant à l'adoption. Pourquoi? Parce qu'elles n'avaient pas le choix de le faire. On a même eu des témoignages, puis je ne veux pas tomber, là, dans le dramatique, là, mais on a eu des témoignages de mères qui ont dû signer ce consentement-là avec deux officiers à l'arrière. Ça fait que ne venez pas me dire que c'est un consentement. Ce n'est pas désiré, là, O.K.? On s'entend que c'était forcé.

Oui, il faut reculer à l'époque, tout ça, la mentalité de l'époque, bon, qu'est-ce que les voisins vont dire, la religion... c'est un péché mortel, bon, etc. Je suis d'accord avec ça. Sauf que ces mères-là, oui, elles ont vécu toute leur vie en pensant à l'enfant qu'elles ont confié à l'adoption. Oui, aujourd'hui encore, ces mères-là ont peut-être peur d'être jugées parce que... pour x raisons, leur conjoint ne le sait pas, les autres enfants qu'ils ont eus ne le savent pas, bon, ont peur d'aller en enfer, bon, etc. Sauf que ce qu'il faut retenir, c'est que... Puis il y a d'autres personnes, notamment des gens peut-être du centre jeunesse, qui vont passer plus tard durant la commission. Les mères qui retrouvent ou qui sont retrouvées, je vous dirais que la majorité sont libérées d'un poids assez immense, O.K.? Ces femmes-là ont vécu avec un secret toute leur vie. C'est dur. C'est certain que c'est difficile puis c'est certain que, bon, la personne peut être fragile à 80 ans. Elle peut être fragile, et tout ça, sauf que... Bon, il faudra faire du cas-par-cas, ça, c'est certain. Comme dans n'importe quelle modification, il y a toujours du cas-par-cas qui va se faire. Mais, cette femme-là, je crois sincèrement qu'elle sera libérée de tout un secret. Ça va être difficile pour quelque temps, mais après elle va se sentir bien, là.

Nous, on en a eu beaucoup, de mères biologiques, puis on en a... on a des gens qui viennent, ils ne sont pas certains. Tu sais, ils sont... ils ne sont pas certains de qu'est-ce qu'ils doivent faire. Bon, exemple... Je vais prendre mon exemple personnel. Ma mère... Et je la remercie d'avoir accepté de me rencontrer, puis on a une belle relation depuis ce temps-là. Mais personne ne le savait. Son conjoint de l'époque ne le savait pas, ses enfants ne le savaient pas. Elle a quand même accepté, O.K.? Et ça a été une délivrance pour elle. C'est sûr que de délivrer son secret au fil des ans, ça n'a pas été facile, mais elle l'a fait puis aujourd'hui elle est fière de l'avoir fait. Mais il y en a combien, de femmes comme ça, là, qui peuvent vivre une telle situation? Alors, je pense qu'il ne faut pas... en tout cas, il ne faut pas s'enfarger dans les fleurs du tapis, à un moment donné, il faut permettre à ces femmes-là de se libérer de ce secret-là. Je ne sais pas si Réjane a autre chose à rajouter? Sûrement.

**(11 h 20)**

Mme Genest (Réjane): J'aimerais aussi rajouter le fait que... Bon, disons, moi, ma soeur, qui a confié un enfant à l'adoption, elle, elle n'aurait pas recherché... La seule chose qu'elle faisait, c'est qu'elle priait pour qu'elle soit... que sa fille soit bien, dans une bonne famille. C'est moi qui me suis inscrite au Mouvement Retrouvailles pour elle.

Et on a entendu aussi une femme à la populaire émission, là, qui disait... son enfant l'a recherchée à... lors d'une émission, et la mère a dit oui et elle a dit: Moi, je ne l'aurais pas dérangé, je n'aurais pas fait le premier pas. Mais ça ne voulait pas dire qu'elle ne voulait pas. Elle attendait que son enfant le fasse.

Et aussi, il faut faire confiance aux personnes adoptées. S'ils ont une mère de 85 ans, 80 ans, tu sais, il faut leur faire confiance, là, qu'ils vont avoir assez de jugement pour n'aller pas se présenter, tu sais, tout d'un coup: Bonjour, maman, c'est moi. Alors, il y a beaucoup de scénarios auxquels on parle mais qui n'arriveront pas nécessairement, là. Il faut faire confiance aux personnes adoptées, aussi, là, avec la situation qu'ils vont vivre.

Mme Fortin (Caroline): Et j'aurais peut-être aussi quelque chose. Si... Bon, admettons que les lois changent et qu'on a accès aux informations nominatives. Bien, si, à partir de 18 ans, l'enfant adopté a accès à ces informations, bien sa mère n'aura pas 80 ou 90 ans, là. Là, on parle des situations actuelles, que les mères d'aujourd'hui... les mères biologiques de l'époque ont aujourd'hui 70 ans en montant, là, O.K.? Mais, si on change les lois et qu'à 18 ans l'adopté a accès, bien sa mère peut avoir 38, 40, 45 ans, ce qui est très différent. Donc, je ne vois pas, là... Je pense que le gouvernement a assez attendu longtemps, que les mères biologiques de l'époque, là, s'en vont tranquillement, pas vite, puis des fois on se pose la question à savoir est-ce qu'ils attendent qu'elles soient toutes décédées avant d'ouvrir la loi, là. C'est plate, mais c'est une question qu'on se pose souvent, là. On se dit...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): On va y revenir, Mme Fortin. Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bien, à mon tour, je tiens à vous remercier sincèrement. Je pense que vous êtes vraiment un groupe charnière dans l'étude de ce dossier-là. Donc, de part et d'autre, je pense, de la commission, on boit vos paroles parce qu'on veut vraiment saisir tout le sens de vos demandes et bénéficier de tout votre éclairage.

Moi, dans un premier temps, vous l'avez entendu tantôt, je trouve que, puisqu'on a décidé de finalement mettre de l'avant un avant-projet de loi sur le sujet, il aurait été souhaitable qu'on ait une proposition concrète pour débattre sur des balises claires, notamment le veto, le décès, toutes ces réalités-là très complexes, pour ce qui est des adoptions passées. Parce que ce qui est un peu surprenant, je trouve, dans l'avant-projet de loi, c'est qu'il y a une proposition d'ouverture balisée pour le futur, mais on est bien conscients que l'adoption interne, mon collègue y faisait référence tout à l'heure, c'est peut-être 200 à 300 dossiers par année maintenant. Donc, ce n'est pas énormément -- il y a beaucoup plus d'adoptions internationales, et là la réalité des retrouvailles est tout autre -- et, dans beaucoup de ces cas-là, ce sont des enfants qui proviennent de la Banque-mixte, donc du réseau de la protection de la jeunesse, des enfants un petit peu plus âgés et qui ont connaissance de leurs antécédents par la force des choses parce qu'ils ont vécu une partie de leur vie avec leurs parents. Donc, la question se pose certainement avec beaucoup moins de force parce qu'il n'y a pas la même réalité du secret qu'il y avait dans le passé, comme je pense qu'on en convient tous.

Donc, c'est sûr que, nous, on aurait aimé pouvoir aujourd'hui discuter d'une proposition concrète, quitte à ce qu'elle soit revue et qu'à la lumière de tous les témoignages qu'on va entendre... Parce qu'évidemment on est ici, et de manière... il faut laisser le débat se faire avant d'arrêter toutes les positions, mais on pense que ça aurait été bénéfique pour pouvoir faire avancer les choses le plus concrètement possible.

Ceci étant dit, je pense que dans votre mémoire vous abordez beaucoup des points techniques, donc c'est ça qu'on va vouloir faire, mais, avant de passer aux points plus techniques, j'aimerais savoir, parce que la ministre y faisait allusion, la fameuse question du pacte social, qui en fait est, je pense, l'argument central de ceux qui s'opposent à une ouverture pour le passé, qui disent que, bon, à l'époque, les femmes qui ont dû confier leurs enfants au service de l'adoption s'attendaient... avaient une expectative de secret ou de confidentialité... Je pense qu'à travers le temps ça a fluctué quand même, parce qu'au départ il n'y avait pas une telle reconnaissance de la confidentialité. Mais c'est essentiellement l'argument qu'on entend beaucoup. Vous y avez répondu un peu.

Évidemment, la difficulté, c'est que les mères biologiques qui seraient absolument contre une ouverture, elles ne viendront pas ici se faire entendre. Mais je comprends de votre mouvement que vous en côtoyez quand même beaucoup, et c'est sur cet aspect-là que j'aimerais vous entendre en premier, la réalité des mères biologiques qui peuvent être aujourd'hui âgées, qui peuvent avoir porté ce secret-là, vous y faisiez référence. Est-ce que ce sont des membres que quand même vous êtes capables de côtoyer un peu? Est-ce que vous avez dans votre expérience, vous y avez fait allusion, mais vraiment des cas de gens excessivement réfractaires à toute ouverture, au nom, un peu, du choc que ça pourrait causer dans leurs familles élargies et qui s'attendent vraiment à un pacte qui soit respecté, même si la société a beaucoup, beaucoup évolué?

Mme Fortin (Caroline): Je suis obligée de vous répondre non, parce que les gens qui viennent chez nous, c'est justement pour faire des démarches de retrouvailles. Donc, les gens qui ne veulent pas ne se pointent pas chez nous, ne deviennent pas membres chez nous. On a eu à l'occasion quelques réticences sur certains points, mais je vous dirais... En tout cas, moi, personnellement, je suis là depuis 1996, le mouvement existe depuis 1983, et on n'a pas vraiment de gens qui viennent nous voir, ou de groupes, ou d'associations, ou apellez-le comme vous voudrez, pour nous dire: Aïe! wo! ça n'a pas de bon sens, votre affaire! Il y a peut-être des petits points ici et là, mais, à un moment donné, à force de discuter, ils disent: Bien, oui, O.K., ça peut avoir de l'allure. Les associations... En fait, l'association réticente, à l'époque -- là, je vous ramène au début des années 1980, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui -- était une association de parents adoptifs. Aujourd'hui, l'association des parents adoptants, et l'association pour une adoption québécoise, ne va pas en ce sens-là du tout. Ils sont plutôt pour nos recommandations. Donc, je ne vois pas vraiment d'organisation qui pourrait être contre le fait que ton identité te soit révélée à la majorité.

Mme Hivon: Merci. En fait, je pense que tantôt vous avez dit quelque chose qui est très fondamental aussi. C'est, d'une part, le jugement... ce n'est pas parce qu'on est une personne adoptée qu'on perd son jugement, et que donc on peut être conscient des réalités sensibles des parents biologiques. Et l'autre chose que vous avez dite, c'est qu'évidemment les mères biologiques... des fois on a peur ou on dirait qu'on a... Évidemment, c'est, je pense, c'est très légitime, parce qu'il y a vraiment deux réalités qu'il faut tenir en compte avec beaucoup d'empathie: les personnes adoptées, mais les gens qui ont vécu le drame de confier l'enfant à l'adoption. Et des fois on est sous l'impression que ces femmes-là ont enterré ça socialement, mais pour elles aussi. Alors que... je pense que tantôt vous avez évidemment bien fait ressortir que ces femmes-là n'ont jamais oublié le drame qu'elles ont vécu, l'existence de leurs enfants, de leur enfant ou de leurs enfants, et que c'est quelque chose aussi qu'on doit tenir compte quand on aborde cette problématique-là. C'est-à-dire que, du seul fait qu'on tienne cette consultation-là, qu'on tienne ce débat-là, comme parlementaires, évidemment, ça remet les projecteurs sur l'enjeu et ça refait vivre à ces personnes-là aussi beaucoup de choses.

Sur les points plus concrets, je comprends que dans l'absolu, vous, vous dites que vous vous opposez à toute forme de veto d'information au nom du droit d'accès aux origines. Par ailleurs, vous êtes ouvertes au droit... au veto de contact. Certains vont dire que les personnes adoptées sont tellement à la recherche de leurs antécédents et de leur identité qu'à partir du moment où elles ont l'information elles vont tout faire, et évidemment ce n'est pas de possibles amendes ou autres moyens qui vont les empêcher d'aller retrouver leurs personnes même s'il y aurait veto de contact. Qu'est ce que vous répondez à cet argument-là?

Mme Fortin (Caroline): Bien, je pense que, l'humain étant ce qu'il est, c'est certain que, si on met des grosses amendes, ça va peut-être en bloquer certains, mais il y a des gens... Bien, tu sais, je ne pourrais pas arriver aujourd'hui ici puis vous dire: Ah! bien non! C'est sûr qu'il y aura sûrement des gens qui vont le faire, mais, la majorité des gens, ce qu'ils cherchent, c'est leur identité, c'est de l'information sur leur côté médical. Oui, une ressemblance, oui, des liens familiaux, et tout ça, mais je pense que les gens sont assez respectueux. On est rendus en 2010, là. Ils sont assez respectueux. S'il y a un veto de contact, je vous dis... je ne pense pas que ce soit la majorité qui vont aller outre et trouver l'information. Je ne vous dis pas qu'il n'y en aura pas, ce serait fou de le dire, là, mais je pense que le fait d'avoir ton identité, d'avoir un historique médical, d'avoir quelques informations, déjà là, ça va répondre à énormément de questions, O.K.? Bon. Le reste est entre leurs mains, et ça, je ne pense pas qu'il y ait de personne qui va être capable de dire: Il y en a tant de pour cent qui vont aller vers la droite, d'autres vers la gauche, là.

**(11 h 30)**

Mme Hivon: Dans la proposition qui est devant nous, pour ce qui est des antécédents médicaux, en fait, la seule chose qui est changée, c'est vraiment de passer d'un préjudice grave à un préjudice. C'est-à-dire que la personne... les autorités médicales pourraient... c'est-à-dire, les services sociaux pourraient transmettre les informations aux autorités médicales dans le cas d'un préjudice potentiel à la santé de la personne. Évidemment, c'est assez limitatif parce que ça fait face à des cas très précis où il y aurait un diagnostic déjà de posé et qu'on veut rechercher si, dans la génétique, il y aurait quelque chose déjà présent. Vous, je comprends que vous dites: Les antécédents médicaux, il ne doit y avoir aucun frein à cette information-là. C'est bien ça?

Mme Fortin (Caroline): Bien, oui, c'est sûr qu'on ne veut pas aller se mettre le nez... avoir accès au dossier médical à l'hôpital de madame ou de monsieur, là. Par contre, ce qu'on demande, c'est que, si... bon, s'il y a un veto ou... peu importe, un veto de contact dans le dossier, bien c'est qu'il y ait une forme de... ou un formulaire, en tout cas, qui va donner les antécédents familiaux médicaux le plus précis possible, pour qu'on fasse en sorte qu'on soit capable de continuer à donner des informations à notre médecin. Il ne faut pas oublier nos enfants, parce que, nos enfants, on leur a donné cette génétique-là, mais... Moi, j'ai deux garçons puis... Bien, je regrette, mais il y a un côté que je ne suis pas capable... il y a un côté médical que je ne suis pas... que je n'étais pas capable de leur donner. Là, ça va, mais, il y a quelques années, je ne pouvais pas, puis c'est ce qui a été l'élément déclencheur. Je dis: Moi, je l'ai vécu, mais eux n'ont pas à vivre ça, ce manque d'information là, là, dire: Ah! je ne le sais pas, ma mère a été adoptée. Tu sais, je me dis, à un moment donné... Donc, les informations médicales sont très importantes dans...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. On va y revenir sans faute. Mme la députée de Lotbinière.

Mme Roy: Merci, M. le Président. Bien, moi, je veux tout d'abord vous rendre hommage. Depuis 2004 que je vous côtoie, que vous faites cette lutte-là. Vous avez commencé par appeler votre député, qui est le député de Chutes-de-la-Chaudière, qui était mon collègue et qui m'avait, parce que j'étais responsable des affaires sociales, demandé de vous rencontrer, puis, depuis ce temps-là, vous avez toujours maintenu votre engagement, votre dévouement au service de votre cause. Je suis contente qu'aujourd'hui vous ayez à venir nous présenter votre mémoire, parce que déjà, en soi, c'est une victoire. On a travaillé fort, on a présenté le projet de loi n° 397 qui appuyait votre démarche à l'époque, lorsqu'on était l'opposition officielle, mais, avant d'être l'opposition officielle, quand on était le deuxième groupe de l'opposition, on avait aussi travaillé pour faire avancer votre cause. Vous n'avez pas lâché, vous avez continué, et maintenant on a un débat. On va certainement essayer d'aller plus loin dans ce débat-là puis voir qu'est-ce qu'on peut faire.

Mais, moi, ce qui me chicote un peu, c'est qu'on allègue souvent le secret de l'époque. Les femmes devaient accoucher dans le secret pour éviter l'opprobre social, parce qu'avoir une naissance en dehors des liens du mariage, ou trop jeune, ou peu importe, c'était très, très grave dans le Québec catholique de l'époque. Mais, maintenant, cet opprobre-là n'existe plus. Donc, je me demande si la raison du secret, parce qu'on ne voulait pas subir l'opprobre social... la raison du secret n'existe plus. Je me demande si on peut évaluer les critères de l'époque aujourd'hui, dans un monde qui n'est plus le même, ce n'est plus... Avoir des enfants hors les liens du mariage, ici, il n'y a personne qui en parle. Je me souviens de ma pratique qui... on étudiait le droit de la famille, puis qu'il y avait une différence entre les enfants nés hors des liens du mariage, puis ça, ça a été aboli par le Code civil avec... à l'unanimité des juristes. Maintenant que ça n'existe plus, est-ce que c'est nécessaire encore d'avoir ce secret-là? Pourquoi ce serait nécessaire? Puis dites-nous quel groupe qui y tient tant que ça.

Mme Fortin (Caroline): Bien, je vais répondre ce que j'ai répondu tout à l'heure: Est-ce qu'il y a un groupe qui tient à ce secret-là? Nommez-moi-le, je vais vous le dire. Sincèrement, actuellement, et je n'en ai pas, là... Je veux dire, nous... En tout cas, au fil des ans, là, comme je vous ai dit tout à l'heure, on n'a pas identifié d'organisme qui est vraiment contre nous, contre nos demandes ou pour le maintien du secret ad vitam aeternam, là. Je n'en connais pas.

Mme Roy: Je lisais aussi sur le site de la commission que la majorité de la population est d'accord avec vos demandes. Je me demande pourquoi on met tant d'efforts dans la prévention puis qu'on... On met tant d'efforts dans la prévention des maladies en adoptant des modes de vie sains, et puis que c'est certain que, si je sais ma mère atteinte du diabète, je ferais attention, moi, à ma consommation de sucre. On met tant d'efforts pour la médecine génétique, on met tant d'efforts pour décoder le génome humain, pour trouver les séquences d'ADN, et ne pas vous en faire bénéficier quand la Convention de La Haye sur les droits à l'enfance prévoit que chaque enfant a droit à son identité... Je pense que le droit de connaître ses antécédents biologiques fait partie du droit à l'identité, il me semble. Qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Fortin (Caroline): Bien, c'est ce qu'on pense aussi, là. Je veux dire, c'est un... comme je disais tout à l'heure, c'est un droit qui nous a été enlevé ou qui a été effacé par l'adoption. Je pense qu'aujourd'hui ce serait quand même assez simple de rétablir, en tout cas, une partie de ces erreurs-là. On parlait tout à l'heure, dans notre présentation, d'avoir accès à l'acte primitif à l'État civil. Bien, si on va à l'État civil, bon, il y aurait sûrement moyen de nous donner accès, les informations sont là. Peut-être que dans certains cas le nom du père n'est pas là parce que la mère ne l'a pas donné, ça, ce n'est pas impossible, mais le nom de la mère qui a accouché est sur ce certificat-là. Donc, je pense que, de ce côté-là, ce serait assez facile de redonner l'accès aux informations nominatives pour l'enfant adopté, là. Je pense que je me suis un peu égarée de la question, là, mais...

Mme Roy: Non, non, c'est correct.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Lotbinière. Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je veux poursuivre le débat concernant la divulgation des informations nominatives. D'abord, je vais vous souhaiter bienvenue. Je pense que tout le monde connaît très bien votre organisme. Vous avez beaucoup de notoriété, et puis votre présence ici aujourd'hui est déterminante aux résultats, là, des travaux de la commission.

Vous demandez puis vous mettez beaucoup l'emphase sur l'accès aux informations nominatives avant et après l'adoption de ce projet de loi là. En 2008, lorsque vous avez collaboré avec l'ADQ, le projet de loi n° 397, lui, permettait... respectait le refus des parents biologiques qui avaient émis un refus avant l'adoption de ce projet de loi 397. On le respectait à ce moment-là, puis vous étiez d'accord. Qu'est-ce qui a fait que vous avez changé d'idée? Pourquoi aujourd'hui c'est important pour vous, un an plus tard, que ce soit divulgué, là, avant et après?

Mme Fortin (Caroline): Parce que, quand on a regardé le projet de loi... quand on a... pas regardé, collaboré au projet de loi n° 397, en fait on s'est assis avec des gens qui nous ont donné, là, quelques, en bon français, quelques «cues», et... On n'a pas changé d'idée. En fait, le 397, pour cette section-là, on n'était pas tout à fait en accord, mais, bon... Notre position d'aujourd'hui a toujours été notre position, là. Donc, c'est juste... c'était une question, là, de...

Mme Gaudreault: Question d'interprétation.

Mme Fortin (Caroline): D'interprétation, si on veut, là.

Mme Gaudreault: Alors, où, pour vous, c'est vraiment une disposition essentielle pour que ce soit une divulgation qui est permise avant et après le projet de loi qu'on discute aujourd'hui.

Mme Fortin (Caroline): Ah! oui, oui. Absolument.

Mme Gaudreault: Merci. Vous voulez... Mme Genest.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien oui.

Mme Genest (Réjane): Tout à l'heure, tu sais, on se questionnait: Qu'est-ce qui fait qu'il n'y ait pas de changement pour les adoptions passées et qu'il n'y ait pas de changement à la loi? Nous autres, on se demande pourquoi le gouvernement du Québec, qui a quand même une charte des droits, lui aussi, qui donne l'identité, qui assure, tu sais, des droits aux personnes, à toutes les personnes, pourquoi il ne respecte pas la charte des droits du Québec? Alors, vous vous posez des questions, mais, nous autres aussi, on s'en pose, parce qu'il y a plusieurs gouvernements qui sont passés et qui ont traité de ce dossier-là, et il n'y a jamais eu de changements qui ont été effectués. Alors, nous autres, on se la pose, nous autres aussi, la question: Qu'est-ce qui fait que le gouvernement du Québec ne réagit pas dans cette situation-là?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre.

**(11 h 40)**

Mme Weil: Si vous me permettez, je pense que... C'est ça, puis vous allez suivre le débat, vous allez suivre les présentations, il y a le Barreau du Québec qui va venir aussi, évidemment. Je pense que, là, on aura beaucoup un échange sur le droit. Et c'est vraiment toute cette question. Mais on est là pour en débattre, hein? Vous dites: Pourquoi le gouvernement? Pour l'instant, c'est un avant-projet de loi pour lancer ce débat, et, si, à l'époque, il y avait eu ce compromis, c'était justement parce qu'il y avait des analyses qui disaient qu'en vertu de la Charte des droits et libertés le droit qui est reconnu... Il y a vraiment une jurisprudence là-dessus, vraiment, la décision -- on dit que souvent l'anglais est difficile à prononcer, puis surtout des noms, puis ça, c'en est un, cas -- Joy Cheskes et Denbigh Patton contre le Procureur général de l'Ontario, qui vraiment explique ce droit à la vie privée. Et c'est ça, le droit qui est reconnu en vertu de la charte canadienne et québécoise. Donc, juste pour vous dire, c'est ça, le débat.

Mais, ceci étant dit, l'Ontario et les autres provinces sont allées plus loin que ce que notre projet de loi propose, et c'est là qu'on arrive à cet autre élément du débat, et on verra les opinions de tous et chacun, c'est cette question de pacte, même si... c'est-à-dire qu'il y avait une certaine entente avec cette personne de l'époque et que... bon, cette personne n'a peut-être pas évolué... Même si vous dites: Ce serait une libération pour elle... C'est ça, l'enjeu. C'est ça, l'hésitation, si vous voulez. Et le législateur, c'est le gardien, hein? Ce n'est pas un groupe ou un autre. Il représente... il doit protéger la société, il doit agir dans l'intérêt de la société. Et c'est le travail qu'on a à faire, c'est de voir quel est dans le... qu'est-ce qui est dans le meilleur intérêt de la société. Donc, tous vos points de vue sont importants, et ce sera à nous de... le genre de balance... L'expression n'est peut-être pas appropriée, mais «balance d'inconvénients», c'est un peu l'exercice qu'on a à faire entre l'impact sur cette madame qu'on imagine de l'époque et l'enfant issu de cette... l'adopté, finalement, qui veut connaître ses origines, donc, et qui... Moi, la manière que je vois ça, là, très personnellement, c'est... Dans le développement de cette personne, où est le préjudice le plus important? Est-ce que c'est sur cette madame, qui pourrait être tellement ébranlée, ou est-ce qu'il y a un préjudice par rapport à la personne qui veut connaître ses antécédents médicaux et autres? Mais c'est beaucoup plus que ça, hein, c'est vraiment de connaître son identité.

Vous avez, et j'en viens à ma question... je voulais juste expliquer un peu la responsabilité qu'on a en tant que législateurs. Vous avez évoqué du cas-par-cas, puis évidemment il y aurait peut-être des analyses. Vous avez sous-entendu qu'il y a peut-être un exercice qui pourrait être fait pour... Parce que, là, actuellement, en vertu de la loi, c'est par consentement, hein? On peut aller chercher ses antécédents, et la personne devra y consentir. Qu'est-ce que vous avez imaginé, ou peut-être que c'est trop tôt pour imaginer -- vous l'avez évoqué comme ça -- qu'il y a peut-être du cas-par-cas, qu'il y aurait peut-être certains cas particulièrement difficiles où on pourrait peut-être s'imaginer que ce serait trop difficile, et puis, bon... Est-ce qu'il y a une évaluation à prévoir? Je ne sais pas, dans les autres provinces, d'ailleurs. Moi, j'ai essayé de faire beaucoup de droit comparé. Quand la députée de l'opposition a évoqué qu'on n'avait pas mis de scénario, c'est parce que le scénario, c'est le droit actuel, c'est pour ça qu'on a... Il ne fallait pas mettre des scénarios. On va le faire en commission, c'est-à-dire qu'on propose une nouvelle, une nouvelle formule pour l'avenir, mais le Code civil s'applique pour... Donc, il n'y avait pas de... Il ne s'agissait pas de mettre les scénarios de l'Ontario ou de la Colombie-Britannique, etc., avec leur veto, parce que ce n'est pas ce qu'on propose, mais c'est sûr qu'en commission tout ça va être débattu, on aura l'occasion d'échanger, peut-être d'autres modèles. Alors, je ne sais pas si vous êtes capables de répondre à ça?

Mme Fortin (Caroline): Ça peut être différents cas. Quand je dis «du cas-par-cas», c'est certain que quelqu'un va arriver, je ne sais pas, moi, ça peut être... une personne, bon, justement, là, qui est en centre d'accueil, qui, bon, qui souffre de je ne sais pas quoi, qui n'est vraiment pas en état de recevoir l'information, ou quoi que soit, bon, mais vraiment quelque chose de grave, là, ça pourrait être discutable. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'on ne veut pas arriver non plus puis avoir l'information puis aller cogner... justement aller cogner au centre d'accueil puis dire: Aïe! madame, vous êtes ma mère. Ce n'est pas ça qu'on veut, là. Puis j'ai l'impression des fois que c'est ça que les gens pensent. O.K.? On veut une identité. On veut notre identité. Donc, en allant... que ce soit au centre jeunesse comme actuellement ou que ce soit, de préférence, à l'État civil pour chercher notre identité, on a un papier qui nous dit: Madame, votre nom était Kathleen Weil à la naissance. Ayoye! Bien là, je le sais. Non, mais, tu sais, je me suis appelée Caroline Fortin tout ma vie, mais finalement...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ce n'est pas nécessairement, ce n'est pas nécessairement un désavantage dans ce cas-ci.

Mme Fortin (Caroline): Ha, ha, ha! Bien, c'est parce que, s'ils m'avaient dit: Vous vous appelez Richard, bien là j'aurais un problème. Mais, bon... Vous avez ce nom-là. Tu te dis: Bon, bien, maintenant, je sais que mes racines sont dans la famille Weil. O.K.? Et le nom de ma mère était Jocelyne, admettons. Bon. O.K. C'est un nom qui revient souvent parce que c'est mon nom, mon nom d'origine. Mais ça s'arrête là. On part avec... Là, on a l'identité. Après ça, si on veut contacter cette personne-là, là les démarches actuelles pourront se continuer, et là... Bon. Mais, pour l'identité en tant que telle, on considère que cette information-là nous appartient. Est-ce que ça répond un peu...

Mme Weil: C'est très clair. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée de Hull, oui.

Mme Gaudreault: J'ai une petite question. Merci beaucoup, M. le Président. Dans votre mémoire, vous faites référence au fait que le veto pourrait être justifié pour des motifs sérieux. Alors, vous faites référence à une situation médicale, des situations, des préjudices familiaux. Donnez-moi des exemples par rapport... parce que vous comprendrez que ça aura peut-être des conséquences sur justement les familles, la famille élargie, lorsqu'on dévoile des secrets de...

Mme Fortin (Caroline): Vite comme ça, ça pourrait être un viol de... bien, de l'inceste, en fait, tu sais, bon, mon père m'a violée... Bon. Ça ne me tente peut-être pas d'en parler puis que tout le monde le... tout le monde est au courant, mais mon père avait aussi des problèmes, tu sais, tout englober ça, mais vraiment quelque chose de terrible, là. Je ne peux pas vous arriver avec un cas particulier, là, mais vraiment quelque chose qui peut être justifié, de vraiment grave pour la personne qui va... Mais, encore là, ce n'est même pas juste au niveau de l'identité, on rentre plus au niveau du contact, là. Je veux dire, que, moi, j'aie le nom de ma mère, qui s'appelle -- on disait tantôt... comment elle s'appelait déjà? -- Jocelyne Weil, exemple, bien, moi... peut-être que, juste moi, je vais être heureuse avec ça, là. Si je veux aller plus loin, bien là, on continue dans d'autres démarches, tu sais, comme ça se fait actuellement, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Genest, vous vouliez intervenir, je pense.

Mme Genest (Réjane): Oui. Non, c'est que je repensais à ce qu'on disait tout à l'heure, là, qu'au Québec c'était le respect des droits, tout ça. Est-ce que ça veut dire que, dans les six provinces qui ont fait... apporté des amendements à la loi, eux, le respect des droits, ça les dérange plus ou moins?

Mme Gaudreault: Bien, je pense que c'était dans les... pour les adoptions futures que les autres législations... les autres législatures ont...

Mme Genest (Réjane): Non, dans les autres législations...

Mme Weil: Vous avez tout à fait raison.

Mme Genest (Réjane): ...il y a les adoptions passées aussi.

Mme Weil: Vous avez tout à fait raison, le droit est semblable. La partie qui... je dirais, que les analystes, les juristes ont regardée par rapport au Québec, c'était une société par ailleurs peut-être différente, dans le sens que très catholique, à l'époque. C'est vraiment ça, c'était la... Pas par rapport au droit, vous avez tout à fait raison. On a exactement... c'est-à-dire, le droit, mais le droit privé, hein, qui est respecté dans les autres provinces, qui fait en sorte qu'ils ont dû amender leur loi, hein, qui était beaucoup plus ouverte, dans un premier temps, en Ontario. Ils ont dû la restreindre pour donner permission aux parents biologiques, à la mère biologique généralement, d'inscrire un veto, hein? Donc, ils ont, eux aussi, frappé un mur, si vous voulez, en Ontario, à cause de ce droit privé. Mais ils ont quand même ouvert pour éventuellement avoir connaissance... c'est: ils mettent le fardeau sur la mère biologique. Et là, ici, au Québec, l'hésitation, je vous dirais, ça a été: Est-ce qu'on peut vraiment mettre le fardeau sur cette personne-là qui, par ailleurs, a peut-être 90 ans, en centre d'accueil, qui n'a aucune idée de tout ça, peut-être qu'elle souffre d'Alzheimer, son mari n'a jamais su, ses enfants n'ont jamais su? C'est cette partie-là qu'il nous reste à creuser, qui touche cette notion d'entente, de pacte. On est au-delà du droit, des chartes de droits et libertés.

En tout cas, c'est un peu technique, tout ça, mais, moi, je vous ai entendues, j'ai compris ce que vous dites, je comprends tout à fait votre point de vue, mais, je peux vous rassurer, notre interprétation du droit par rapport aux chartes est pareille. C'est vraiment deux droits qui viennent... bien, deux droits... Il y a un droit reconnu, c'est le droit à la vie privée. Par ailleurs, je vous entends sur cet autre droit que, vous, vous voyez, c'est-à-dire de connaître ses origines, mais ce n'est pas reconnu en tant que tel dans la charte, là, nécessairement, en vertu... par les tribunaux.

Mais ça devient très technique, et je ne pense pas... Je pense, l'idée aujourd'hui, ce n'était pas d'être trop technique, c'était de vous dire qu'on vous entend. C'est plus qu'un cri du coeur, là, c'est très rationnel aussi, c'est très, très rationnel, ce que vous dites. Et je répète, c'est un avant-projet de loi, on est tous à l'écoute ici, on a quelque chose d'important entre les mains qui affecte beaucoup de gens et qui affecte la vie des gens, et d'un point de vue très, très fondamental. Alors, c'est sûr qu'il n'y a pas de... mais, pour l'instant... il y a beaucoup d'ouverture, disons, pour trouver les meilleures solutions. Je l'ai dit d'entrée de jeu, je sais qu'il n'y aura pas de consensus. Je le sais déjà par toutes les discussions, par tout ce que j'ai lu là-dessus, mais, en même temps, si on peut trouver la meilleure solution, mais tout en respectant évidemment les règles, le droit, etc. Et c'est là que le droit comparé peut être très utile, de voir ce que d'autres juridictions ont fait.

**(11 h 50)**

Mme Genest (Réjane): Il reste qu'au Québec on n'a jamais apporté de modification, même avec un veto de divulgation. On n'a jamais touché à ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Fortin.

Mme Fortin (Caroline): Puis ce serait... Bien, avant de terminer, là, parce que je vois le temps filer. Au niveau du veto de divulgation d'information, c'est certain qu'on est contre. Mais, d'un autre côté, on est conscients que dans d'autres provinces il y en a eu, des veto de... une possibilité de placer un veto d'information sur une période donnée. Et, si jamais le Québec allait de l'avant avec ça, bien, déjà, ce serait quand même moins pire que ce qu'on a actuellement. Je ne vous dis pas que c'est la solution qu'on souhaite, pas du tout, on est loin de là, mais on est conscients, tu sais, je veux dire, on n'est quand même pas fous, là, on est conscients que ça va peut-être être la seule façon de le faire passer, et on se dit: Bon, bien, bravo pour ceux qui n'auront pas de veto dans leur dossier, ils pourront aller chercher leur information. Ce sera un plus. Pas «le» plus, mais un plus, O.K.? Donc, je pense qu'à ce niveau-là on est... Puis j'aimerais aussi revenir sur ce que Mme Hivon disait...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est parce qu'on est pris par le temps. Je vais vous donner l'occasion d'intervenir avec Mme Hivon, mais sur leur temps, parce qu'on va me le reprocher.

Mme Fortin (Caroline): Ah! O.K.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous remercie, Mme la ministre. Merci, Mme la députée de Hull. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui, bien, vous pouvez peut-être... Je peux la laisser terminer, si...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument. Bien sûr, bien sûr.

Mme Fortin (Caroline): Je ne prendrai pas longtemps. C'était juste pour dire que j'étais d'accord avec elle, avec cet... Bon, c'est un avant-projet de loi, on s'entend. Effectivement, je pense que c'est le temps de tout inclure dans tout ça, parce que je ne crois pas que, s'il n'y a pas de changement pour les adoptions du passé, que, dans deux ou trois ans, le gouvernement reviendra là-dessus. Je pense que c'est là, ça passe ou ça casse. Moi, c'est vraiment mon point de vue sincère. Il faut les inclure là, sinon, bien on va attendre que nos chères mères biologiques de 70 ans et plus soient décédées, dans 20, 25 ans. Alors, c'était juste ça que j'avais à...

Mme Hivon: On se dispute le temps précieux parce qu'on a beaucoup de questions pour vous. Oui, c'est ça, moi, je voulais juste dire à la ministre que mon propos... Je comprends qu'à l'heure actuelle évidemment c'est ce qui est dans le Code civil. Mon questionnement, c'était de dire: Pourquoi ne pas avoir mis une proposition concrète pour avoir une base de discussion pour les adoptions passées, pour que notre débat se fasse sur les bases les plus claires possible et qu'on puisse vraiment avoir des réponses à d'éventuels éléments... qui répondent à des éléments de problématique. Vous faites référence à la curatelle... bien, je veux dire, par exemple, à quelqu'un qui serait sous curatelle, ou tout ça. Effectivement, il y a des questions qui se posent. Mais je pense que ce serait bien... les différents intervenants qui vont venir, évidemment on va essayer de poser toutes ces questions-là, mais qu'il y ait eu une base commune. Donc, c'était ça, mon propos.

Écoutez, je vous remercie parce que... Évidemment, vous avez une position qui est très claire, qui va vraiment dans un sens, on peut dire, qui est vraiment à un extrême du continuum, mais avec une grande rationalité quand vous tenez vos propos et un grand pragmatisme. Donc, c'est tout à votre honneur. Parce que vous êtes quand même d'entrée de jeu capables d'admettre qu'il y a différents points de vue qui s'affrontent et vous êtes très, très conscients de la réalité à laquelle, nous, comme parlementaires et législateurs, on doit faire face. Donc ça, vraiment je vous en remercie.

Je comprends que votre demande fondamentale, au-delà du contact, qui est évidemment un plus, c'est vraiment l'identité. Et je pense que c'est ça aussi, notre devoir de parlementaires, c'est d'essayer de se mettre dans la peau de gens qui vivent des situations comme ça, le plus possible, et, dans ce sens-là, je pense que votre cri du coeur, qui est, comme la ministre l'a dit aussi, rationnel, on l'entend bien sur la notion de besoin identitaire, pour savoir d'où vous venez. Et de ce que je comprends de ce que j'ai lu aussi, c'est qu'il y a la crainte de beaucoup de personnes adoptées qui vieillissent elles-mêmes -- c'est qu'il y a de plus en plus de mères biologiques qui décèdent, qui sont décédées -- et qu'il n'y aurait jamais possibilité donc pour ces gens-là d'avoir accès à leur identité biologique, hein. C'est ça beaucoup, de ce que je comprends, l'urgence pour laquelle vous nous pressez d'agir.

Mme Fortin (Caroline): C'est ça.

Mme Hivon: O.K. Deux petites questions techniques, puis après je passe la parole à mes collègues. Donc, je vais vous les poser, vous pouvez répondre assez rapidement. Vous dites que vous voulez que, systématiquement à 18 ans, un adopté qui n'aurait pas connu son statut soit informé de son statut d'adopté. Comment la mécanique que vous voyez, et tout ça, est-ce... Ça veut dire que vous pensez que c'est le rôle de l'État de le faire. Est-ce que, si oui, vous croyez que c'est son rôle uniquement quand il y a une demande, par exemple, des parents biologiques de retrouvailles ou dans tous les cas? Ça, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Et, à la page 13 de votre mémoire, vous parlez de toutes les personnes qui pourraient se manifester de la fratrie, qui pourraient avoir un besoin ou une volonté de connaître la personne adoptée, ou vice versa -- j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu là-dedans -- au moment du décès. Et mes collègues vont avoir une petite question, donc...

Mme Fortin (Caroline): Bien, un, c'est qu'à 18 ans, tout simplement, s'en aller à l'État civil et... Quand tu demandes un certificat de naissance, si tu as un acte primitif, si tu as été adopté, tu as automatiquement ton certificat de naissance d'origine, point à la ligne. Ce n'est pas plus compliqué que ça, là. Tu ne sais pas que tu es adopté, bien c'est malheureux, mais le parent adoptif... et c'est dans ses responsabilités d'informer son enfant qu'il est adopté. Bon. Moi, j'ai un frère qui a été adopté, il l'a su à peu près à 30 ans, O.K.? Donc, c'est ordinaire, là. Ça fait que je pense que la façon simple, c'est d'aller à l'État civil, et tu as ta copie de ton certificat d'origine.

Deuxième question, qui était la fratrie. En fait, la fratrie, dans un cas de... bon, ça peut être un cas de décès, ou peu importe, je pense que c'est important d'être en relation avec nos frères et soeurs biologiques. Donc, actuellement, on peut... avec les centres jeunesse, il y a moyen d'établir la fratrie s'il y a une demande des deux côtés. Et, comme on le disait, s'ils sont... en tout cas, dans certains centres jeunesse, s'ils sont rendus à traiter le dossier là. Mais, oui, effectivement le frère ou la soeur biologique devrait avoir accès à cette information-là, exemple, bon, si sa mère est décédée ou si... bon, peu importent les raisons. Bien, actuellement, je pense qu'ils peuvent... pas je pense, je sais qu'ils peuvent faire une demande au nom de la mère si la mère a donné une procuration légale, et tout ça, mais sinon, dans un cas de décès, le frère, la soeur pourront faire une demande et puis... Moi, je pense qu'il faut ouvrir à la fratrie. Oui, il y a la mère, mais il n'y a pas juste la mère dans notre famille, là. On a des frères, des soeurs, des tantes, des oncles, des grands-parents. Je veux dire, on a des origines qui ne viennent pas juste de la mère, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Mme la députée d'Iberville.

Mme Bouillé: Merci. M. le Président, il nous reste combien de temps de notre côté?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Il vous reste amplement de temps.

Mme Bouillé: Merci. Donc, j'aurais deux questions. Premièrement, je vous remercie d'être venues. Votre mouvement, dans les démarches d'accompagnement des personnes qui tentent de retrouver leurs origines, je pense que c'est essentiel. Et votre présentation ce matin nous éclaire, et je pense que vous amenez des points extrêmement importants, la priorité aux personnes, aux personnes adoptées, et qu'au-delà du droit il y a des individus, finalement, on parle de gens, là.

Et, oui, il y a le droit à la vie privée, mais il y a tout le secret, le secret qui entoure l'adoption, là, puis qui mine les relations entre les individus dans une même famille, avec les... l'enfant adopté, son entourage, et tout ça. Et est-ce que vous... j'aimerais avoir votre opinion: Est-ce que vous pensez qu'en ouvrant les... en levant le secret on ne dédramatisera pas le poids relié à ce secret-là de l'adoption, autant pour le statut d'adopté -- être adopté, là, dire: Bien, moi, je ne le sais pas, là, parce que je suis adopté -- que pour les parents biologiques qui traînent ce secret-là pendant toute leur vie, d'avoir abandonné un enfant pour l'adoption, que les parents adoptants qui, eux, dans certains cas, ne le disent pas à l'enfant qui a été adopté, et que ça amène toutes sortes de situations? Avez-vous cette impression-là, avec votre expérience, que ça dédramatiserait toute cette notion-là de secret?

Mme Fortin (Caroline): C'est évident, là. En tout cas, ça nous semble évident, là.

Mme Genest (Réjane): Oui, parce que...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

Mme Bouillé: Mais c'est parce que ça va au-delà du droit, là. Ce n'est pas une question de droit à la vie privée, ou peu importe, là, c'est...

Mme Fortin (Caroline): Non, non, c'est l'humain.

Mme Genest (Réjane): Les mères qui ont confié les enfants à l'adoption dans les années antérieures, en 1980, aujourd'hui sont probablement toutes des grands-mères de petits-enfants que leurs parents ne sont pas mariés, ils ne sont pas passés à l'église, et puis tout ça. Alors, elles sont malgré elles remises un petit peu dans le contexte d'aujourd'hui, que l'enfant qu'elles ont eu avant de se marier, elles aussi, ce n'est pas si pire que ce qui se passe dans notre société d'aujourd'hui, là. Alors ça, ça remet un petit peu...

**(12 heures)**

Mme Bouillé: La deuxième question que j'aimerais savoir, M. le Président, c'est les... Votre opinion sur les... Parce qu'actuellement il y a différentes possibilités de recherche, par Internet, Facebook, etc. Si on cherche... Il y a toutes sortes de possibilités qui sont au-delà de s'adresser pour savoir si nos parents ont mis un veto ou s'il y a un scellé sur notre dossier. Le fait qu'on a des possibilités de test d'ADN, si jamais vous retrouvez quelqu'un qui est dans votre... qui pourrait être éventuellement votre frère ou votre soeur, vous pourriez passer des tests. Est-ce que ça, vous avez une opinion sur ça, qu'on s'en va vers quelque chose qui va faire que les retrouvailles vont devenir possibles, au-delà de ce que la loi pourra faire ou...

Mme Genest (Réjane): Mais je ne pense pas, parce que la personne qui est confiée à l'adoption, elle part avec un nom fictif. Alors, un nom fictif, ça ne veut rien dire, ça. Alors, ils n'ont pas d'éléments vraiment sûrs pour commencer des recherches. Il y en a qui finissent par trouver après de longues heures de recherche et des recherches assez ardues. Mais, règle générale, les personnes confiées à l'adoption ont un nom fictif. Et puis, ils ont beau savoir qu'ils demeurent dans telle région, c'est grand, une région, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Fortin, vous vouliez intervenir?

Mme Fortin (Caroline): Bien, c'est ça, c'est... oui, c'est des noms fictifs. Si jamais les gens font des recherches et finissent par trouver, c'est certain que tous ces mécanismes-là qui sont possibles aujourd'hui vont faire en sorte qu'il va y avoir moyen de trouver de l'information puis aller à gauche, à droite, cogner... Bon, il y en a qui vont aller cogner, qui vont écrire des lettres, et tout ça. Mais je pense qu'à quelque part, dans ça, il faut reconnaître le cri de l'humain, là, qui dit: Aïe! je suis qui? Je veux le savoir. Mais, oui, je pense que, dépendant de l'information que tu as... Si tu n'en as pas, bien là, tu ne peux pas faire de miracle. Mais, si tu as une information que tu considères être la bonne, puis tu pars avec ça, il y a moyen de trouver, là. Mais ce n'est pas ce qu'on recommande, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée d'Iberville. C'est malheureusement tout le temps dont nous disposons.

Je vous remercie, mesdames, de vous être présentées à notre commission. Je vous souhaite un bon retour chez vous. Et je vais suspendre les travaux jusqu'à... En fait, la commission suspend ses travaux jusqu'à 14 heures. Vous pouvez laisser vos choses ici, l'endroit va être barré, sécurisé.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

 

(Reprise à 14 h 6)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vais reprendre... nous allons reprendre nos travaux. Donc, je vous voyais, M. Foisy, regarder votre horloge, et vous aviez raison. Vous avez même quasi rappelé le président à l'ordre. Donc, je ne vous rappellerai pas à l'ordre, puisque c'est vous qui l'avez déjà fait, et vous aviez raison.

Donc, j'ai constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Ceux qui ont des cellulaires et qui pourraient laisser entendre une petite voix, comme la mienne ce matin, je vous prierais de les fermer.

Nous allons poursuivre donc sans plus tarder les auditions publiques sur l'avant-projet de loi intitulé Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives en matière d'adoption et d'autorité parentale.

Je veux vous resaluer, chers collègues, et vous souhaiter la bienvenue à cette commission. Je veux aussi vous saluer, messieurs... monsieur... messieurs, mesdames qui sont ici. Vous savez que vous êtes nos invités, donc c'est un privilège pour nous de vous avoir avec nous aujourd'hui, parce qu'on va pouvoir partager avec vous quelles sont vos vues et quelles sont vos orientations. Et ça, ça va alimenter, bien sûr, la ministre, l'opposition, ça va nous permettre de mieux faire notre travail, bien sûr, dans le futur.

Donc, je vous rappelle les règles, qui ne sont pas tellement compliquées: il y a un 10 minutes d'alloué pour votre exposé et il y a aussi un 35 minutes pour les échanges de part et d'autre des membres de la commission, donc à peu près 17 min 30 s qui vous est alloué d'un côté et de l'autre. Et j'ai la pénible tâche de faire en sorte que chacun y trouve son compte. Ce n'est pas une lourde tâche, mais c'est une tâche qu'il faut faire avec diligence, et je vais essayer de la faire en toute humilité. Donc, sans plus tarder, je vais vous demander, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent et des membres de la commission, de vous présenter chacun à votre tour et de nous présenter votre mémoire. Merci.

M. André Foisy

M. Foisy (André): Bonjour. Mon nom est André Foisy. Je suis président de l'Atelier Altitude, qui est un atelier dédié à l'éducation et à l'évolution des déficients intellectuels, les personnes vivant avec une déficience intellectuelle.

J'ai, à ma gauche, Nella Lapierre, qui est une bénévole à l'atelier; j'ai Maria Di Vito, qui est une usagère de l'atelier; et son père, Sébastiano Di Vito, qui est un membre du conseil d'administration de l'Atelier Altitude.

Est-ce que je commence tout de suite la...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument. Allez-y, monsieur.

M. Foisy (André): O.K. Est-ce que tout le monde a lu mon petit mémoire, ou si je suis mieux de traverser ça en diagonale?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y. C'est à votre convenance, M. Foisy.

M. Foisy (André): O.K. Bien, écoutez, depuis le temps que je m'occupe des déficients intellectuels, c'est-à-dire d'à peu près une quinzaine d'années -- j'ai moi-même une soeur qui est déficiente intellectuelle -- je peux vous dire que ce que j'ai constaté, c'est qu'ils ont d'abord besoin d'amour et de compréhension.

Évidemment, tout va bien pour les années où le déficient ou la déficiente habite chez ses parents ou tout au moins avec un des deux parents survivant. Au moment où... Généralement, c'est la mère qui part la dernière, et, au moment où la mère part, bien là s'ensuit un cauchemar assez terrible souvent pour le ou la déficiente intellectuelle: il se ramasse souvent en foyer à ce moment-là, et souvent contre son gré, le plus souvent contre son gré, de sorte qu'il y a une espèce de période de révolte qui s'installe à l'intérieur du déficient intellectuel. On ferait le même coup à une personne parfaitement normale, puis il se révolterait. Alors, imaginez, avec les moyens qu'ils ont, le déficient intellectuel se révolte souvent.

Et c'est là qu'embarque la médication, souvent assez lourde. C'est pour ça que, dans mon petit mémoire, je parle de surmédication. Quand on parle de Risperdal et de Paxil, ce n'est pas des bonbons, là. Et il s'ensuit une condition de vie qui est souvent détériorée pour le déficient ou la déficiente intellectuelle. Et je vous jure que, nous, à l'Atelier, quand on a vu ces gens-là évoluer pendant des années et qu'on a tout fait pour les faire évoluer, les voir se faire geler comme ça, se faire diminuer comme ça, c'est très, très poignant, si on a ce point-là à coeur et si on a le goût de les faire évoluer à coeur.

Alors, c'est un peu le témoignage que je viens vous livrer aujourd'hui, et je vous demande sincèrement de faire quelque chose pour les faire... pour que ces choses-là se produisent le moins possible. C'est vraiment épouvantable de voir un déficient intellectuel qui était capable d'aller au restaurant, qui était capable d'aller au dépanneur, faire n'importe quoi, et on le rencontre deux ans après qu'il soit dans un foyer, et le même déficient intellectuel a de la misère à dire son nom. Je l'ai vu, et c'est là quelque chose... Excusez, ça me prend beaucoup à coeur. Je suis peut-être trop sensible pour faire ça, aussi.

**(14 h 10)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je comprends ça, M. Foisy. Allez-y, là, à votre...

M. Foisy (André): Évidemment que ce que je propose, et ce que je prône beaucoup, c'est que le frère ou la soeur du déficient intellectuel puisse l'adopter avant que ce cauchemar ne survienne, et, si déjà la personne déficiente intellectuelle est placée à quelque part, et même qu'une curatelle a déjà été établie, souvent provisoire... Parce que la famille s'est fait prendre un peu de court dans tout ce dédale-là de choses mortuaires et tout ce que vous voudrez, toute la tempête, là, des funérailles, eh bien, il arrive que le jeune... la personne déficiente intellectuelle soit placée et que déjà des mécanismes même de création de curatelle aient embarqué, aient enclenché, alors ce n'est pas toujours facile de sortir le jeune du foyer où il est déjà, parce que... pas parce qu'il y a un attachement qui s'est créé avec les membres du foyer, simplement parce que lui se ramasse un peu diminué cérébralement, et il ne sait plus tout à fait où il en est et pourquoi il est là.

Il sait très bien qu'il a perdu ses être chers qui sont son père et sa mère, mais il est tellement perdu que souvent ça va être très difficile de dire: Bon, bien, regarde, là, il faudrait peut-être que tu regardes des solutions. Mais, malheureusement, les gens qui sont autorisés actuellement de par le code de prendre soin du déficient intellectuel, c'est tout le monde, excepté son frère et sa soeur. Et ça, ça amène des situations que je trouve épouvantables dans une société comme la nôtre qui se veut ouverte et généreuse. En tout cas, on essaie de faire en sorte qu'elle le soit.

Alors, j'ai vécu... j'ai vu des choses. Quand le jeune est déjà placé dans un foyer, souvent on va interdire à celui qui voudrait aller le voir au foyer, sachant très bien qu'il veut créer une curatelle... À titre d'exemple, on va lui dire: Bien, tu ne peux pas le voir aujourd'hui, il dort. D'autres fois, on va dire: Il ne veut pas te voir, il a peur de toi; on dit ton nom, puis il se sauve. J'ai vu aussi une psychologue venue faire l'évaluation d'un enfant... d'un déficient intellectuel -- excusez, le mot «enfant», ce n'est pas du tout le bon mot -- d'une personne vivant avec une déficience intellectuelle, et la psychologue était arrivée au foyer pour faire son évaluation un dimanche matin, à 10 heures, et elle s'est fait répondre: Tu ne pourras pas la voir, elle dort. Il était 10 heures le matin. Alors, ça vous donne des exemples du cauchemar vécu quand le jeune, ou la jeune, est déjà... quand le déficient ou la déficiente intellectuel est déjà en foyer. Il arrive que les gens du foyer fassent des misères à ceux qui pourraient éventuellement rendre service à cette personne déficiente là.

Évidemment que, si le frère ou la soeur du déficient intellectuel peut adopter son frère ou sa soeur, il y a des avantages. Le premier, le premier avantage, c'est d'abord pour le déficient intellectuel, c'est une manière pour lui de retrouver une partie de sa vie familiale perdue. C'est le meilleur moyen pour lui de se refaire un équilibre psychologique. Ça a été mentionné, notamment par Bernard Favreau dans son livre Janus, que la famille est d'abord la première ressource, et ça reste mauditement vrai.

Ensuite de ça, il y a des avantages pour l'État. On parle beaucoup d'économiser des sous. Imaginez-vous que -- si vous connaissez un petit peu le domaine -- les foyers qui hébergent des enfants... des personnes déficientes intellectuelles reçoivent et le chèque d'assurance sociale et un subside, qui varie entre 900 $, généralement, et 1 700 $ par mois. Et ça veut dire que, si on prend une moyenne de 1 000 $ par mois, qui est à l'échelle... en bas de l'échelle, quand même, là, l'échelle part à 900 $, alors, à 1 000 $ par mois, si on calcule ça 12 mois, 12 000 $, si on calcule ça... si on dit une déficiente de 30 ou 35 ans, ça veut dire qu'on atteint le million au bout de 35 ans, là, hein? Alors, l'État peut économiser beaucoup de sous en permettant au frère ou à la soeur de la déficiente intellectuelle d'aller... d'adopter son frère, et tout ce qu'il va recevoir en étant chez son frère ou sa soeur, le déficient intellectuel ou la déficiente, ça va être son chèque de bien-être social, d'assistance sociale.

L'autre qui a des avantages à adopter son frère ou sa soeur déficiente intellectuelle, bien c'est généralement une personne... la personne qui a assez de courage et assez de coeur -- excusez, c'est le bon mot -- pour adopter son frère ou sa soeur déficiente intellectuelle. Ça va, pour lui, souvent, ou pour elle, ça va être un moyen de boucler la boucle, de fermer... de mettre le chaînon manquant dans la chaîne. Et généralement c'est des gens...

Si je prends le cas de la soeur de Maria, qui est à côté de moi, sa soeur est prof au HEC à Montréal, et éventuellement ça pourrait être bien une adoptante de sa soeur déficiente intellectuelle. Et c'est des gens comme ça -- j'en suis un aussi -- qui ont un certain niveau, qui sont capables de placer les morceaux aux bons endroits, leur vie professionnelle, leur vie familiale, et qui sont prêts à poser un geste qui, pour quelques-uns, peut paraître gros, gros, gros, mais, quand on est déjà bien en contact avec le déficient ou la déficiente, comme c'est le cas d'un frère ou d'une soeur qui n'a jamais coupé le cordon... ou les liens plutôt, eh bien, ça devient beaucoup plus facile que pour un simple foyer qui essaie de créer une dynamique, et patati, patata. Ils ont des bons mots des fois pour dire des choses qui... En bout de ligne, au bout de x années, on s'aperçoit que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances ou des attentes.

En fin de compte, en conclusion, je peux vous dire que le droit pour le déficient intellectuel d'avoir des conditions de vie qui se rapprochent le plus de sa famille, je considère que c'est un droit fondamental, pour ma part. Et il ne faut pas oublier que les déficients intellectuels sont presque les citoyens les plus démunis au Québec. Pourquoi? Parce que, si vous avez trois ou quatre déficients intellectuels qui vivent dans un foyer perdu en quelque part et qu'il se passe des drôles de choses à ce fameux foyer là, vous n'en aurez jamais de nouvelles. Si une personne âgée se fait bardasser dans un CHSLD, c'est sûr qu'il y a quelqu'un alentour qui est moins Alzheimer qui va avoir noté des choses et qui va rapporter une semaine après ou deux semaines après: Ce n'est pas correct, ce qu'ils ont fait à Léopold la semaine passée, ou ce qu'ils ont fait à Germaine voilà deux semaines. On va en avoir un écho. Mais, pour les déficients intellectuels qui sont perdus dans un foyer, ces choses-là ne sortent pas du foyer, et les gens du foyer ne veulent surtout pas que ça sorte.

Il peut se passer toutes sortes de choses, exemple: une déficiente ou un déficient qui va soudainement développer des otites à répétition, et là, quand on est dans le milieu un petit peu, on découvre que, bien, oui, elle est rendue dans un foyer où le propriétaire fume comme une cheminée. Ah bon! Mais ça, ce n'est pas interdit dans la loi de la création des foyers, et c'est quand même des désagréments épouvantables pour un déficient ou une déficiente. Et c'est des choses qui sont dans la vie de tous les jours, ce n'est pas des inventions, je peux vous le dire.

Il y a évidemment une exigence du Code civil qui dit qu'il doit y avoir 18 ans de différence entre l'adoptant et l'adopté. Je pense que... Dans le cas d'une adoption d'un déficient ou une déficiente intellectuel par son frère ou sa soeur, l'adoptant, je pense que cette exigence-là pourrait facilement être tassée de côté.

J'ai pris d'autres notes qui ne sont pas dans mon petit mémoire et que je trouve appropriées. On dit que le degré d'évolution d'une société se mesure par la façon dont elle traite ses citoyens les plus démunis. Ensemble, je vous en supplie, au nom des déficients intellectuels, faisons évoluer la société québécoise. En plus de ça, la mesure qui est préconisée... que je préconise ici, soit celle de l'adoption de la personne déficiente intellectuelle par son frère ou sa soeur adoptant, est, à mon point de vue, sans effet négatif, autant pour la société que pour le déficient intellectuel, ou les... les désagréments, c'est peut-être pour l'adoptant, mais je peux vous dire que ceux que je connais qui voudraient le faire ne voient pas ça comme nécessairement des gros désagréments.

Enfin, pour distinguer -- je me permets de finir là-dessus...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y.

M. Foisy (André): ... -- pour distinguer une adoption standard avec une adoption d'un déficient par son frère ou sa soeur, je pense qu'il faudrait peut-être créer une nouvelle expression et je vous suggère l'expression «adoption naturelle». C'est dans le fond ce qui convient le mieux. C'est sûr qu'il y en a qui vont dire: Bien, non, c'est une adoption fraternelle, etc. Moi, j'ai choisi «adoption naturelle». Je pense qu'il va de soi. Et c'est évident que, si on était voilà 100 ans ou je ne sais pas combien d'années en arrière, probablement que ces choses-là se faisaient sans contrat, sans contrainte et que tout le monde disait: Bien, bravo! il s'occupe ou elle s'occupe de sa petite soeur. Aujourd'hui, les choses ne sont pas aussi faciles, comme j'ai essayé de vous le démontrer et comme je l'ai vu malheureusement. Et, en plus de ça, je vous suggère fortement que l'adoption naturelle, l'expression est là, ait préséance sur l'adoption tout court. Autrement dit, un étranger passerait numéro deux pour adopter une déficiente intellectuelle, derrière les frères et les soeurs du déficient intellectuel ou de la déficiente, déficiente intellectuelle.

Ensuite de ça, si une curatelle est déjà en démarche, je pense que l'adoption naturelle devrait... ou si elle est déjà créée, je pense que l'adoption naturelle devrait automatiquement se substituer à ladite curatelle. Je pense que... Premièrement, on va économiser, encore là, beaucoup de sous, parce que la curatelle est révisable à tous les trois ans, il y a une évaluation psychosociale qui est faite, c'est encore des frais qui sont supportés par l'État ou, si c'est une curatelle privée, par celui qui est le curateur. Alors, je pense que, dans mon livre, là, et c'est la suggestion forte que je vous fais, c'est que l'adoption naturelle devrait avoir préséance à la fois sur l'adoption ordinaire et sur la curatelle. Alors, je vous laisse là-dessus...

**(14 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, et merci beaucoup pour votre présentation.

M. Foisy (André): Je suis prêt pour vos questions, si vous en avez.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, merci beaucoup, M. Foisy. Sûrement. Donc, Mme la ministre, je vous donne l'opportunité.

Mme Weil: Merci. Merci, M. Foisy, merci à tout le monde de votre présence. On a eu l'occasion ce matin d'entendre... c'était le Mouvement des personnes d'abord de Drummondville, et on en a profité pour vraiment bien comprendre l'état de situation. Parce que, dans un premier temps, vous évoquez une réalité sociale, et, nous, évidemment, c'est de voir en quoi des mesures législatives pourraient répondre à certaines problématiques que vous soulignez, et donc j'ai quelques questions à vous poser.

Dans les faits, est-ce que vous connaissez beaucoup de frères et soeurs qui ont tenté... Parce qu'en vertu du Code civil il y a une permission... C'est-à-dire que «le tribunal peut -- en vertu de l'article 547 -- dans l'intérêt de l'adopté, passer outre à [l']exigence» de 18 ans, là, de l'écart de 18 ans. Connaissez-vous, dans les faits, des...

M. Foisy (André): Non. Je n'ai pas fouillé la jurisprudence non plus, Mme Weil. Par contre, l'exigence est bien inscrite encore au Code civil, qui a force de loi. Et puis c'est un irritant dans le cas de... Regardez, moi, là, j'ai 12 ans avec ma petite... ma soeur handicapée intellectuelle. La soeur de Maria a peut-être à peu près la même différence d'âge. Alors, 18 ans, c'est beaucoup, puis je pense que ça n'a pas de raison dans le cas de...

Mme Weil: D'accord. En tout cas, en vertu du code, le tribunal peut passer outre cette exigence. Donc, vous, vous connaissez... Est-ce que vous connaissez, dans les faits, beaucoup de familles comme ça où finalement les frères et soeurs auraient voulu et auraient été prêts mais se sentaient un peu, en vertu de la règle première...

M. Foisy (André): Ah, ils ont été carrément écartés aussi dans d'autres cas. Parce que vous avez un autre problème que je n'ai pas mentionné, madame... Mme Weil, excusez. Dans le cas de la création d'une curatelle, si, dans la famille, il y a une espèce de dispute... Parce qu'il y en a qui pourront penser que, si lui ou elle devient curateur de l'handicapé intellectuel, ça va être pour leur soutirer de l'argent à tous les mois en disant qu'il ne reçoit pas assez d'argent du gouvernement puis que ça a coûté plus cher que prévu, etc. Alors, il arrive, et je l'ai vu, que la création d'une curatelle soit bloquée à cause qu'un membre de la famille dit: Non, non, il n'en est pas question, je ne veux pas qu'elle s'en aille sous la curatelle publique... sous la curatelle privée de Lucien, Benoît, n'importe qui, un des frères ou soeurs de l'handicapé intellectuel.

Alors, les juges, je pense, c'est ce qu'on m'a dit, ont pris sur eux d'agir de la manière suivante... S'il y a une bisbille -- c'est un beau petit mot -- qui existe dans la famille au sujet de la création d'une curatelle pour un handicapé intellectuel, eh bien, les juges ont pris sur eux d'envoyer la personne sous la curatelle publique. Alors, voyez-vous les frais qui s'ajoutent encore, on parle de... Et, en plus de ça, vous faites deux brimés, dans une façon de marcher comme ça: le déficient intellectuel ou la déficiente intellectuelle et celui qui était prêt à prendre l'autre sous son bras.

Mme Weil: Donc, est-ce que vous imagineriez que, dans un genre de scénario, les parents, avant leur décès, par testament, avec des notaires, avec des conseillers, etc., pourraient... dans votre vision des choses, avant le décès des parents, que les parents pourraient organiser tout ça, c'est-à-dire de voir l'intérêt des frères et soeurs, d'un frère ou d'une soeur de prendre en charge, pour y avoir le consensus?

M. Foisy (André): Je pense que c'est possible, mais ce n'est pas ce que je vis.

Mme Weil: Parce qu'on parle, dans l'adoption, d'un consensus qui est nécessaire de la part des parents biologiques, hein, en vertu du droit. Parce que, s'il y a un vide juridique, un vide de consentement, on peut imaginer des problèmes. Donc, je voulais voir un peu les scénarios peut-être que vous avez connus, ou vous avez connu peut-être des parents qui auraient souhaité...

M. Foisy (André): Moi, ce que j'ai vu, c'est des gens... appelons les choses par leur nom, des gens simples, qui n'étaient pas des avocats puis qui n'étaient pas des officiers publics, et qui n'ont jamais pensé... Ils ont toujours pensé que les... Je prends notre exemple, à l'Atelier Altitude: nous, quelle que soit la provenance des gens, on les accepte généralement comme usagers. Donc, il y a une espèce de mentalité qui s'est installée dans le milieu dans lequel je suis où on ne pose pas trop de questions sur l'organisation interne et sur les éléments juridiques soutenant telle chose ou telle chose. La personne veut venir à l'Atelier, elle sent qu'elle va être bien avec les autres, on lui fait un stage d'essai qui dure généralement un mois, à raison d'une ou deux journées par semaine, et ensuite, bien, si elle veut continuer, elle continue. Il n'y a personne qui se fait tordre le bras, autant de notre côté que du côté des déficients intellectuels.

Alors, je n'ai jamais vu jusqu'ici... Ça fait 15 ans que je suis dans le domaine, je n'ai jamais vu des parents planifier quelque chose bien, bien loin pour que, lorsque le jour arrivera de passer de vie à trépas, le jeune soit pris en charge. J'ai vu une madame qui m'a dit: Oui, ma fille Unetelle va faire ça. Je lui ai demandé s'il y avait quelque chose d'organisé, là, écrit puis déposé à quelque part. Elle m'a dit: Non, non, non, mais j'ai pris une bonne entente avec ma fille qui... elle me l'a nommée et... Voyez-vous, ça s'arrête-là, ces considérations-là. Les gens ont été évolués... ont été éduqués peut-être en se disant: Bien, jusqu'ici, la générosité a été la règle de conduite de tout le monde, et on continue.

Malheureusement, je peux vous dire que j'ai vu des jeunes... j'ai vu des personnes déficientes intellectuelles se faire jouer de très mauvais tours à cause qu'il n'y avait rien d'écrit nulle part, et, à un moment donné, bon, on l'a vu... Je me souviens d'un cas précis où la personne, au bout de trois mois après le décès de son père... c'est le père qui est parti le dernier dans ce cas-là, c'est rare, et, trois mois après, elle était placée à Louis-Hippolyte-Lafontaine. Les yeux puis les oreilles me sont dressés, je n'en revenais pas. Et elle est décédée voilà peut-être trois ans. À ma connaissance, elle avait peut-être aux alentours de 45, 46 ans. Et, nous, je peux vous dire qu'à l'Atelier les déficients ou déficientes intellectuels qui vivent encore avec un frère ou une soeur -- parce qu'il y a quelqu'un qui a réussi à bien organiser les choses des fois, il n'y a pas eu de rouspétage dans la famille non plus -- eh bien, on en a qui ont 65 ans et plus, alors qu'on disait voilà pas si longtemps: Un déficient intellectuel classé trisomique, l'espérance de vie, 50 ans, «that's it, that's all». Moi, je peux vous dire qu'on en a qui ont 65, et qui tiennent le coup, et qui sont peut-être plus vivants que moi, qui ont en tout cas plus d'heures de sommeil que j'en ai, sans doute.

Mme Weil: Mais vous comprenez que ça prend le consentement aussi, hein, de l'adoptant, c'est-à-dire le frère ou la soeur qui... c'est ça.

M. Foisy (André): Absolument, je n'impose pas une chose comme ça sur les épaules d'une personne qui ne voudrait pas, c'est bien évident. Et c'est pour ça que je dis qu'à tout prix il faut que le Code civil encourage la personne qui est prête à faire ce geste-là, qui est un geste de générosité humaine, disons-le comme ça, il faut qu'il y ait un appui bien écrit. Et il ne faut pas non plus que ça tombe dans des avocasseries à n'en plus finir, qu'on tombe en procédurite avancée, et qu'il s'embarque une chicane entre la curatelle et celui qui voudrait adopter, et qu'au bout de deux ans il n'y a rien de réglé, et, l'autre, on continue à lui donner les médicaments... j'étais pour dire «à la pelle», je ne le dirai pas. Mais, voyez-vous, c'est ça, là, qui...

Il y a une espèce d'horloge qui marche là-dedans. Il faut que les gestes se posent le plus rapidement possible pour que la personne handicapée intellectuelle se retrouve tout de suite, le plus rapidement possible en tous les cas, dans une situation où il y a une espèce de cocon familial qui s'est recréé, et c'est beaucoup plus facile quand c'est avec un de ses frères ou une de ses soeurs, comme ça pourrait être le cas de ma voisine, ici. Et c'est ce qu'il faut encourager.

Et je pense que le Québec mérite d'être... d'avoir... En tout cas, je ne sais pas si on est les premiers dans le domaine, mais je pense que ça vaut la peine d'essayer quelque chose qui n'est probablement pas fait à bien des endroits dans le monde. Si le mot «adoption» n'est pas le bon mot, qu'en en trouve un autre, mais qu'on arrive au même résultat pour faire en sorte... Moi, mon but, c'est que l'handicapé intellectuel se retrouve, là, dans quelque chose qui a de l'allure, qui est vivable, qu'il reconnaisse des visages, qu'il ne soit pas...

Celui... L'handicapé intellectuel habituellement était placé dans une relation de un à un, soit avec son père, soit avec sa mère, sur les derniers milles, là, de la famille, du cocon familial. Alors là, il se ramasse souvent dans un foyer où il y a trois autres handicapés intellectuels. Généralement, les foyers pour déficients intellectuels sont des foyers de quatre usagers. Alors là, déjà, de vivre avec trois autres qui ont leurs particularités, même leur personnalité très forte, ce n'est pas facile de s'adapter, d'où la médication puis tout ce que je vous ai conté tantôt. Alors, il faut éviter ça, là. Je pense qu'on a... on a encore une grandeur d'âme, tout le monde ensemble, là, puis je pense qu'on peut faire évoluer les choses.

**(14 h 30)**

Mme Weil: Juste ce que vous évoquez, je l'ai déjà entendu, et je ne sais pas si vous êtes au courant -- ce n'est pas vraiment une question, puis on est vraiment au-delà de l'adoption, mais la problématique que vous soulevez est tellement réelle -- il y a tout un mouvement, un organisme qui est bien développé au Canada anglais et aux États-Unis, qui n'est pas encore développé ici, qui s'appelle PLAN, justement parce qu'il y a ce vide lorsque les parents décèdent, et c'est tout un système pour assurer un filet social, communautaire à la personne. Donc, c'est exactement... Ils évoquent, si vous allez sur le site Web, vous allez sur PLAN, vous allez voir, ils évoquent...

M. Foisy (André): ...PLAN?

Mme Weil: ... -- P-L-A-N -- ils évoquent exactement les scénarios. Mais c'est beaucoup plus élargi, ce n'est pas juste une solution... Je ne sais pas s'ils évoquent l'adoption, mais c'est de s'assurer qu'il y ait une communauté, un filet social qui est là, avec des documents à l'appui, etc. Et c'est des parents qui ont développé ce réseau. Je l'évoque parce que pour... pour un peu dire que j'ai été sensibilisée à cette problématique. L'adoption, c'est peut-être une avenue, mais il y en a d'autres aussi.

M. Foisy (André): ...une avenue qui donne une bonne sécurité à l'adopté, je pense. Et, voyez-vous, ça rejoint un peu ce qu'on a fait, nous. L'Atelier Altitude a été fondé il y a 26 ans par des parents de déficients intellectuels. Ma mère était du groupe. Et, aujourd'hui, bien ça continue. Les parents sont décédés, évidemment. Et ça rejoint ce que vous dites. Il y a une espèce d'ébullition qui s'est faite à la base, et tranquillement il s'est bâti quelque chose qui dure et qui dure. Et on est des vieux guerriers, on est habitués de se... pas se subventionner soi-même, mais d'aller chercher des fonds par toutes sortes de bons moyens: campagnes de poinsettias, bazars et autres belles choses.

Alors, je pense qu'il faut faire confiance justement à ça. Ça rejoint la notion de PLAN. Et l'adoption, d'après moi, est une pierre d'assise à ça. Permettre à celui qui est déficient intellectuel d'évoluer toujours dans cette espèce de cocon familial là, qu'il ne soit pas déplacé 50 km plus loin, dans un foyer perdu dans le bois, à Saint-Clinclin-des-Meuhmeuhs, c'est déjà beaucoup, ça. Et malheureusement je l'ai vu, ce que je vous conte là. Je pourrais mettre des noms, là, sur tous les petits exemples que j'ai mentionnés là, et probablement plus qu'un nom. Alors, j'en ai vu beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Foisy. Merci, Mme la ministre.

M. Foisy (André): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Bien, à mon tour, au nom de l'opposition officielle, je veux vous remercier de votre témoignage. Je sais que c'est sans doute pas toujours facile de parler de choses qui nous tiennent autant à coeur, alors on l'apprécie d'autant plus parce qu'on est conscients de ce que ça peut représenter comme charge émotive. Et je dois vous dire... là, on a l'air de se répéter, là, mais que, pour nous, comme élus, c'est vraiment précieux, parce que, oui, on a été élus, et là on doit se pencher sur une réalité que l'on connaît tous à différents degrés et qui interpelle beaucoup, beaucoup de sujets aussi. C'est bien beau de parler de l'adoption, mais il y a toutes sortes de réalités à l'adoption, et vous nous permettez d'entrer, je dirais, dans un univers qu'on ne connaît pas nécessairement d'emblée. Donc, je veux vous remercier de la générosité de votre témoignage.

Moi, je peux vous dire que récemment, dans ma circonscription, à Joliette, il y a une deuxième maison de L'Arche qui a ouvert, donc qui accueille des déficients, et donc ça m'a... encore une fois, j'ai été confrontée à mon tour à cette réalité-là et j'ai parlé avec des parents aussi qui sont dans une situation où ils vieillissent et qui doivent justement penser à l'avenir de leur enfant. Donc, je pense qu'on est dans des questions très humaines et qui soulèvent chez les parlementaires aussi, je dois vous le dire, beaucoup d'interrogations.

Alors, je pense que vous avez des préoccupations légitimes qui en fait sont de dire: Les personnes déficientes, quand elles perdent leur repère essentiel, qui est leur père ou leur mère, pourquoi ne pas favoriser leur stabilité émotive en leur permettant de continuer à évoluer avec les personnes qui sont les plus proches d'elles, soit leur frère ou leur soeur? Donc, de ce que je comprends aussi, puis vous me corrigerez, c'est que vous dites: Il y a des obstacles juridiques, il y a des cas où des gens, des frères et soeurs voudraient adopter, donc se porter vraiment... devenir le parent ou en fait la principale figure dans la vie de cette personne-là, et que ce n'est pas possible. Donc, de ce que je comprends de vos réponses à la ministre, vous dites qu'effectivement il y a des cas où, pour toutes sortes de raisons, la réalité juridique ou judiciaire a fait en sorte que ce désir-là n'a pas pu être rencontré. Je vous comprends correctement?

M. Foisy (André): C'est à peu près ça. Moi, ce que j'ai vu, c'est des gens qui étaient peut-être pleins de bonnes... puis je dis «peut-être», là, qui étaient sans doute pleins de bonnes intentions et qui se sont fait barrer le chemin par un autre membre de la famille, pour toutes sortes de raisons. Pourquoi? Parce que... il y avait peut-être des raisons monétaires qui étaient cachées derrière ça.

Alors que, si on parle d'adoption, mon Dieu! ça devient très facile. Il y en a un qui le prend, le poids, là, puis il se le met, puis il marche avec ça, puis tant mieux si c'est un combattant puis un guerrier ou une guerrière qui est capable, qui sait quoi faire, qui ne se pose même pas la question. Ça devient comme un instinct, bien souvent, parce qu'il a grandi depuis 20 ans à côté d'un déficient ou d'une déficiente. Alors, pour lui, il n'y a pas besoin d'explications bien longues pour deviner que l'autre a besoin de ceci ou de cela. Et il n'ira pas donner des besoins qui sont tellement, des fois, superficiels au déficient ou à la déficiente. Je le dis au début de mon... dans mon introduction, c'est d'abord de l'amour et de la compréhension qu'ils ont besoin. Ils n'ont pas besoin d'un chèque de x mille piastres par mois, ils ne savent pas quoi faire avec ça. Et on le voit d'ailleurs dans les foyers, l'argent, ils ne la voient pas. Excusez, mais elle ne va pas au bon endroit. Alors, ils se font acheter une paire de souliers par six mois et ils sont bien contents. Alors... Non, ils sont vraiment, je vous le dis du fond du coeur, ils sont vraiment mieux avec un proche qui les connaît bien et qui ne le fait pas du tout pour l'argent, ça, c'est sûr, et qui le fait par amour fraternel ou par amour tout court, et ça, ça doit être encouragé et appuyé avec les deux bras, là. C'est un très beau geste d'amour, de fraternité, et tout ce que vous voudrez.

Alors, il faut qu'on donne le plus de facilitants possible pour que ces belles choses là se passent tel que je vous le présente autant que possible. Je ne veux pas dire que j'ai la vérité absolue, pas du tout. Vous êtes là pour trancher les choses, et tant mieux, vous le ferez avec la sagesse et l'intelligence que vous avez, j'en suis sûr, mais je vous le dis, moi, je parle un petit peu, là, de choses du fond du coeur et que j'ai vues et entendues. Et vraiment il faut faire quelque chose. Ça n'a pas d'allure que ces personnes-là se fassent trimbaler d'un foyer à l'autre pendant des dizaines d'années, des fois jusqu'à ce qu'on apprenne qu'il est décédé. Bien oui, il est décédé; il n'était pas d'accord avec le nouveau foyer, mais il était sous médication profonde, et il s'est passé ceci, cela.

Et c'est... pour nous autres qui essayons de les faire évoluer le plus possible, à l'Atelier, on les amène aux pommes, au miel, au Jardin botanique, à toutes sortes d'endroits, on est toujours... Pour nous, là, c'est facile: leur vie doit être un party. Alors, on les fait évoluer dans cette direction-là. Il n'est pas question de les préparer pour faire un bac ou une maîtrise, là. Donc, on leur donne des activités qui leur permettent d'avoir les yeux grands ouverts et d'avoir un petit peu le sourire, si possible. Alors, on travaille beaucoup à les faire intégrer dans ce sens-là et pour qu'ils aient justement un sourire un peu. Donc, de les voir se faire trimbaler comme ça et plonger un petit peu plus à chaque fois dans le noir et dans un monde où ils se sentent plus ou moins bien acceptés, on a beaucoup de difficultés, après un certain temps, à accepter ces choses-là. Vous le voyez, ça se lit dans mon visage et dans mes émotions. Mais ça laisse un mauvais goût qui... Et je me dis: Mon Dieu!, là, il y a quelque chose à faire du côté législation là-dessus. Ça ne se peut pas qu'on ferme les yeux encore pendant des dizaines d'années puis qu'on dise: Bien, au Québec, tout se passe bien, puis qu'on oublie que, woop! il y a quelques déficients intellectuels -- je ne sais pas combien de milliers ou de centaines de milliers, ce n'est pas moi, le statisticien, ici, il y a sans doute quelqu'un qui pourrait s'en charger, et... Mais je peux vous dire que ce n'est vraiment pas drôle de voir ça. Alors, je ne retournerai pas en rond...

Mme Hivon: O.K.

M. Foisy (André): ...je ne repartirai pas ma...

Mme Hivon: Non, ça va.

M. Foisy (André): Non.

**(14 h 40)**

Mme Hivon: Bien, merci, parce que c'est sûr que votre... c'est ça, votre témoignage est assez précis, et je dirais que c'est une réalité à laquelle on n'est pas nécessairement confronté tous les jours, dans le contexte de l'adoption. Donc, c'est intéressant de la considérer. Mais je pense que la question qui vient à l'esprit de beaucoup de gens quand on entend votre témoignage, c'est: Mais la curatelle permet en fait, puis là on va y venir, parce que je comprends que vous parlez qu'il y a beaucoup de chicanes de famille, puis tout ça, la curatelle permet dans le fond à un frère ou à une soeur, la curatelle privée, de faire office vraiment de personne significative dans la vie et qui va être la personne qui va s'occuper et qui va loger son frère ou sa soeur, et donc c'est sûr que le réflexe premier peut être de dire: Il y a peut-être déjà des mécanismes qui existent et que c'est dans l'application, ensuite, de ces mécanismes-là, vu la réalité humaine et des relations familiales, qu'il y a un problème.

Donc, je comprends que vous, ce que vous dites, c'est que... oui, c'est bien beau en théorie, la réalité de la curatelle, mais ce que vous nous avez dit tout à l'heure, c'est qu'il y a beaucoup de chicanes dans les familles qui font en sorte que c'est très difficile des fois de dire que ça va être telle personne plus que telle autre, parce qu'on peut invoquer ou présupposer qu'il y aurait des motifs, à tort ou à raison, plus pécuniaires de s'occuper de quelqu'un. Donc ça, je comprends que c'est une embûche, selon vous. Et est-ce que je dois comprendre aussi que, pour vous, même si la curatelle se passait très bien dans le meilleur des mondes et qu'il n'y avait pas ce type d'enjeux là, je dirais intrafamiliaux, vous vous dites: C'est quand même pertinent de penser qu'un frère ou une soeur pourrait devenir vraiment le parent adoptant de son frère ou de sa soeur pour la réalité, je dirais, identitaire, symbolique, familiale, pour la force que ça peut donner, ce geste-là de générosité, plutôt que d'être un simple curateur ou gardien au sens de la loi?

M. Foisy (André): Bien, écoutez, si je peux vous répondre assez rapidement, je connais bien le sujet, je pense que je peux parler. J'ai vu au moins deux curatelles qui n'ont pas pu être installées parce que la bisbille s'était justement installée dans la famille. Évidemment que le Code civil actuel, lorsqu'on le lit textuellement, on s'aperçoit que l'adoption, exemple, d'un déficient ou d'une déficiente intellectuelle est permise par tout le monde, pour tout le monde plutôt, n'importe qui peut adopter un déficient intellectuel, sauf son frère ou sa soeur. C'est aberrant! Moi, c'est de même que je l'ai lu, en tout cas. Je trouve qu'on doit faire quelque chose pour remettre les choses en ordre, là. Ça devrait être le premier, le premier rang de tout de l'adaptant... l'adoptant, excusez, éventuel. Ça devrait d'abord être ses proches, dans sa famille. Et ce n'est pas ce que le Code civil dit actuellement. C'est peut-être une exception qui doit être entérinée par un juge. Je n'ai pas vu de jurisprudence là-dessus, je n'ai pas fouillé non plus. Mais je peux vous dire que, dans le Code civil, textuellement, le frère ou la soeur qui veut adopter son frère ou sa soeur, un déficient intellectuel, je n'ai rien vu là-dessus dans le Code civil. Donc, n'importe qui, un pur étranger, pédophile ou autre, pourrait adopter une déficiente intellectuelle, et le Code civil donnerait presque sa bénédiction à ça.

C'est aberrant, là. C'est sérieux, ça. On vit là-dedans, on est encore dans des mesures qui datent des années... On est dû pour faire un grand pas. Peut-être que l'organisme PLAN est justement un exemple sur lequel on devrait calquer certaines mesures. Mais je peux vous dire qu'il y a un bon coup de balai à faire pour adopter notre loi de l'adoption à une réalité qui est là, qui va être là encore pendant un bon bout de temps, je pense. Des déficients intellectuels, il y en a encore qui viennent au monde, hein, et... Il faut faire de quoi, là. C'est presque une urgence, je vous le dis de même.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Peut-être très, très rapidement.

Mme Hivon: Ah! O.K. Bien, en fait, moi, je voulais juste dire... Je pense que, dans le cas, puis on ne veut pas faire un gros débat juridique parce que ce n'est pas le but, le but, c'est de susciter le débat, mais je veux juste dire: Il y a deux articles, il y a 545 puis il y a 547. Il y a le 18 ans, effectivement, de différence qui peut être un obstacle mais auquel le juge peut passer outre. Mais il y a une autre complexité, et ça, c'est pour tous les cas, ce n'est pas frère et soeur, c'est que, quand une personne est adulte, normalement la personne -- ça, c'est l'article 545 -- la personne qui peut l'adopter, c'est quelqu'un qui a eu un rôle parental déjà dans la vie de cette personne-là avant qu'elle soit majeure. Et donc, dans le cas qui nous occupe, lorsque les parents décèdent, évidemment que la personne, par exemple, déficiente est une personne majeure, il y aurait un problème en vertu de 545, mais, encore une fois, le tribunal peut passer outre dans des cas exceptionnels. Et, juste pour peut-être... Évidemment, l'adoption, c'est une réalité qui est quand même très, très balisée, il y a le Code civil qui est une chose, mais ensuite il y a la pratique de l'adoption. Évidemment, avant que quelqu'un puisse adopter une personne majeure qui serait déficiente, il y aurait énormément d'étapes à franchir, donc je ne pense pas quand même qu'on peut dire qu'il y aurait des cas d'abus, et tout ça.

Ceci étant dit, je comprends que la réalité à laquelle vous faites face et à laquelle je vais vouloir revenir parce que mon temps est terminé, celle des foyers d'accueil puis comment les choses peuvent se transformer un peu, ça va être intéressant aussi de pouvoir en parler. Donc, je vais y revenir dans mon prochain bloc.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Donc, pour un prochain 4 min 30 s, peut-être, du côté ministériel. Ça va? Oui, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Merci, M. le Président. Je voudrais souhaiter la bienvenue et... À titre de députés, on reçoit des commettants qui viennent nous rencontrer, puis il y a souvent des parents vieillissants qui viennent nous voir puis qui sont très inquiets par rapport à l'avenir de leurs enfants qui vivent avec une déficience intellectuelle. Je suis certaine que M. Di Vito, là, il écoute tous ces propos-là puis il se dit: Moi, là, peu importent les lois, et tout ça, moi, je veux que ma fille soit bien, puis, si elle pouvait être avec mon autre fille, ce serait merveilleux. Vous voulez...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, M. Di Vito.

M. Di Vito (Sébastien): J'avais des choses à dire. J'étais impliqué, depuis que ma femme est décédée, avec les... intellectuels, à Laval, puis maintenant je suis à Sainte-Thérèse, puis les expériences qui étaient... des enfants qui vous disent: Monsieur, je ne veux pas appeler papa. Puis, des mères, au conseil que j'ai formé, des parents, des mères que... J'espère que ma fille meure avant moi. Ça, c'est ce que je peux vous dire. Il faut que...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Di Vito.

M. Di Vito (Sébastien): Pas plus que ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci pour votre témoignage. Oui, Mme la députée de Hull.

Mme Gaudreault: Oui, c'est ça. Alors, vous dites que ce n'est que ça, mais au fond vous avez tout dit. Alors, il s'agit de vos enfants, puis vous voulez que leur avenir soit assuré lorsque vous ne serez plus avec nous.

Alors, tout ce que je peux dire, c'est que, M. Foisy, vous faites preuve de gros de bon sens dans ce que vous nous présentez depuis tout à l'heure, et puis on est tous très, très sensibles à ce que vous nous partagez. Pour nous qui ne sommes pas dans la situation à laquelle vous faites référence, et on n'est pas dans cette situation-là, souvent il y a la semaine de sensibilisation à la déficience intellectuelle qui nous présente toutes sortes de situations, mais ça, c'est une semaine dans l'année, alors, et ça nous laisse... ça nous touche beaucoup quand tout ça est partagé sur la place publique, au fond. Vous n'êtes pas sur la place publique; les gens vivent, comme vous l'avez dit, des gens simples qui vivent leur petite vie, leurs grands bonheurs, mais qui veulent que l'appareil gouvernemental leur permette, là, d'assurer l'avenir de leurs enfants.

Alors, c'était mon commentaire. Je n'ai pas de question technique, je ne suis pas avocate, mais j'ai un coeur, puis je vous entends, puis je vous dis qu'on est très sensibles à ce que vous nous partagez aujourd'hui. Voilà.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Votre coeur va bien, continuez, Mme la députée. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Oui, c'est ça, en fait, c'est que je pense qu'on comprend vraiment votre cri du coeur, puis, nous, malheureusement, ou heureusement, mais des fois il faut essayer ensuite de traduire ces cris du coeur là dans des réalités législatives et essayer de baliser ça, donc c'est pour ça qu'on veut des fois creuser certaines choses avec vous. Une de celles-là qui, je dirais, qui soulève des questions, c'est le cas, je pense, type auquel vous faites référence dans votre mémoire, et visiblement vous avez un cas en tête, et c'est...

M. Foisy (André): J'ai quelques cas en tête.

Mme Hivon: Oui, c'est ça.

M. Foisy (André): Sans vouloir vous reprendre, là, excusez.

Mme Hivon: Oui, oui, un ou des cas en tête, et c'est encore plus probant s'il y a plusieurs cas. Vous semblez dire qu'au moment du décès... En fait, souvent la personne va donc aller dans un foyer d'accueil, il va y avoir peut-être une curatelle publique qui va s'instaurer plutôt qu'une curatelle privée. J'imagine que ça, ce sont des cas où soit qu'un proche, un frère ou une soeur n'aurait pas, au moment du décès du parent par exemple, signifié une volonté d'adopter, pour différentes raisons qui peuvent lui appartenir, difficultés dans sa vie, ou tout ça, de prendre ça en charge, mais qui, par exemple, pourrait devenir disponible à l'adoption ou à prendre en charge la personne quelques années plus tard, et là la complexité arrive, parce que la personne est placée, c'est peut-être difficile de revenir en arrière. Je comprends que ça, c'est une des réalités. Parce que, nous, il faut nous l'expliquer, parce que des fois on peut se dire: Mais comment ça qu'au moment du décès il n'y a pas quelqu'un qui a levé la main dans la famille? Donc ça, je comprends qu'effectivement ce serait un cas de figure qui peut se réaliser, que des fois la personne, le frère ou la soeur, n'est pas disponible au moment même du décès mais, quelques années plus tard, pourrait vouloir prendre en charge la personne.

M. Foisy (André): C'est exact, Mme Hivon, si je ne me trompe pas.

Mme Hivon: Oui.

**(14 h 50)**

M. Foisy (André): Excusez. Et c'est pour ça que je conclus un petit peu mon intervention en disant qu'il faut absolument que la curatelle... oh! excusez le mot, là, ce n'est pas du tout le bon mot, rayez ça... l'adoption que je qualifie de naturelle, c'est l'expression que je vous suggère, aurait préséance sur la curatelle, aurait préséance sur toutes les autres adoptions. Donc, l'adoption par un proche, frère ou soeur, de l'autre qui est... de son frère ou de sa soeur déficiente... déficient ou déficiente intellectuelle, ça doit avoir préséance sur tout le reste. Et éliminez ce maudit paquet de tracasseries là qui font que le dossier va traîner deux ans, trois ans. Il va se dépenser une fortune en avocats et en... et on tombe dans la procédurite avancée, là. Je vous le dis, c'est vraiment... c'est là qu'il se fait des gros dommages, là. Et il ne faut pas que ces choses-là continuent comme ça. Il faut qu'on simplifie, qu'on dise: Au Québec, on est capables de dire: Oui, il y a un déficient intellectuel ou une déficiente intellectuelle, oui, il y a un membre, un frère ou une soeur de ce déficient-là ou cette déficiente-là qui veut l'adopter, bravo! allez-y, c'est un mariage qu'on consacre -- excusez le mot. Mais on vient de régler quelque chose.

Qu'on ne tombe pas en disant: On va faire une évaluation psy, puis psychosociale de ça. Puis là, là, on s'embourbe, un fait objection. Puis il y a un greffier spécial qui va se mêler à tout ça, vous devinez tous... vous connaissez probablement le portrait aussi bien que moi. Alors là, là, on s'embourbe épouvantablement, ça coûte une fortune en frais juridiques. Les palais de justice sont déjà pas mal surchargés. Et tout ce qu'on fait, là, c'est qu'on n'aide pas au déficient ou à la déficiente intellectuelle, qui se ramasse encore en attente... même pas en attente, placé à quelque part où il ne veut pas ou elle ne veut pas être, alors elle est médicamentée, et de plus en plus, parce qu'elle n'accepte vraiment pas de la manière que les choses se sont faites, elle a l'impression qu'elle a été tassée de côté, et, quoi qu'on en pense, les déficients intellectuels ont généralement une très bonne mémoire. Alors, voyez-vous, là, elle se souvient de la vie passée, elle regarde ce qu'elle a devant elle, puis elle a le goût de se flamber quelque chose, alors... lui ou elle.

Alors, c'est ça qu'il ne faut pas. Il faut couper court le plus rapidement. Et, mon Dieu! mettons une préséance à l'adoption naturelle, et les autres ensuite. Mais qu'on fasse en sorte que, s'il y en a un dans la famille, frère ou soeur, qui veut adopter son frère ou sa soeur déficient intellectuel, que ce soit classé une fois pour toutes, que, oui, c'est la première étape. Si ça, ça ne marche pas, bien on ira en curatelle, mais qu'on aille d'abord là, et on va sauver, je suis sûr, à l'échelle du Québec, on va sauver beaucoup, beaucoup de sous, là. Et, pour l'avoir vécu, et durement vécu, c'est la solution.

Mme Hivon: O.K.

M. Foisy (André): Excusez.

Mme Hivon: Non, ça va. Et, M. Foisy, vous pensez que... Parce que vous faites état que la curatelle privée, bon, peut amener un certain lot de problèmes dans la famille, et tout ça...

M. Foisy (André): Absolument.

Mme Hivon: ...et vous pensez que, si une personne dans la famille, un frère ou une soeur, se montre intéressée à adopter, du fait que c'est un geste en quelque sorte gratuit, il y aurait moins d'opposition des autres membres de la famille face à cette volonté-là parce que...

M. Foisy (André): Bien, la seule façon que je verrais de faire opposition, c'est que l'autre se déclare également comme un adoptant potentiel. Alors, il y aura une surenchère, et tant mieux pour le déficient intellectuel.

Mme Hivon: Oui.

M. Foisy (André): Ce sera celui qui sera le plus généreux qui l'aura. Mais vous pouvez établir vous-même -- et vous êtes là pour bâtir la législation -- vous pourriez établir un ordre préférentiel pour l'adoptant: C'est-u celui qui sera le plus vieux? C'est-u celui qui aura vécu le plus d'années avec le déficient ou la déficiente? Vous pouvez bâtir différents scénarios, je vous fais confiance, vous avez l'intelligence pour le faire, j'en suis sûr. Mais ce qui presse, c'est de sortir de la situation épouvantable où on est actuellement et où les droits fondamentaux des déficients intellectuels sont carrément... je ne dirais pas bafoués, je dirais carrément ignorés. Il n'y a personne qui a levé le drapeau puis qui a dit: Aïe! ce n'est pas correct, là. En tout cas, moi, je n'en ai pas vu, et c'est pour ça, aujourd'hui, que je prends ça puis je m'en viens ici. J'espère qu'on aura de vos bonnes nouvelles dans quelques mois, qu'on dira: Enfin, regardez, là, il y a un pas qui s'est fait au Québec, et le Québec rentre dans les années 2010 et plus en faisant un dépoussiérage qui était nécessaire et en corrigeant certaines lacunes qui étaient des abîmes épouvantables pour certaines personnes. C'en est, ça, je pense. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Merci. Oui, peut-être en terminant, rapidement.

Mme Hivon: Oui. Alors, pour conclure, au-delà de votre plaidoyer pour l'adoption naturelle, comme vous la qualifiez, je comprends qu'en fait, vous, votre demande, c'est vraiment de dire qu'il y a un mécanisme qui fasse en sorte que, lorsqu'un proche, un frère ou une soeur, veut s'occuper de son frère ou soeur qui a une déficience, qu'on fasse tout en notre pouvoir pour permettre ça, que ce soit via une adoption formelle ou un autre mécanisme qui pourrait exister, mais qui pourrait simplifier les choses et éviter, je dirais, des cheminements judiciaires importants.

M. Foisy (André): Absolument.

Mme Hivon: Parfait.

M. Foisy (André): Ça doit être encouragé à tout prix. Et je pense que c'est la forme la plus naturelle. Et, si on regardait à travers les âges ce qui s'est passé, probablement qu'on découvrirait qu'en 1500 ou 1600 et quelques, là, justement, ça se faisait de même: son frère prenait l'autre, puis il lui disait: Bon, bien, viens-t'en, tu vas être avec moi. Et pourquoi qu'on ne reviendrait pas à des choses aussi simples et aussi évidentes en encadrant ça par une adoption soi-disant officielle qui pourrait s'appeler justement adoption naturelle?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci. Et, sur ces mots, M. Foisy, il ne nous reste plus qu'à vous remercier, au nom des collègues, pour votre présentation.

M. Foisy (André): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci aux gens qui vous accompagnent, aussi.

M. Foisy (André): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps de vous installer, M. Soufiane.

(Suspension de la séance à 14 h 54)

 

(Reprise à 14 h 58)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Je veux vous souhaiter la bienvenue, M. Soufiane, à notre commission. Vous êtes...

M. Soufiane (M'Hammed): Merci de me recevoir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça me fait plaisir de vous recevoir. Vous êtes notre invité, je vous le rappelle, c'est un privilège pour nous de vous avoir ici, à l'Assemblée, parce que vous allez par vos propos sûrement nous éclairer et éclairer les parlementaires. Donc, c'est un privilège que vous avez et, nous, c'est un privilège de vous entendre. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé, et après il y aura un échange, des questions de part et d'autre de l'Assemblée, si les gens le jugent à propos. Et, sur ce, je vous laisse la parole.

M. M'Hammed Soufiane

M. Soufiane (M'Hammed): M. le Président, je vous ai déjà envoyé... j'ai envoyé hier une sorte de réflexion sur la filiation et le monothéisme. C'est un résumé... Parce que, moi, mon problème... mon problème est clair et net, c'est simplement: l'Administration du Québec bloque toutes les issues pour pouvoir résoudre ce problème. Je vais vous lire ce que je vous ai envoyé hier, c'est pour...

M. le Président, Mmes et MM. les membres de la commission. Je tiens avant tout à vous présenter ma femme, ma chère épouse Naima, et notre fils adoptif Adam, qui endurent depuis plus que trois ans une injustice flagrante imposée par la Procureur général du Québec et son administration, allant à l'encontre des principes d'une société de droit, tel qu'énoncé par le Code civil, article 3 et article 7, les dispositions de la Charte du Québec, articles 1, 9.1, 10, 39, 49, et le décret 1676-91 liant le Québec et la Convention internationale des droits de l'enfant du 9-12-91.

**(15 heures)**

Dans cette instance où vous légiférez et décidez du sort des citoyens qui vous ont élus, je tiens particulièrement à rendre hommage à la très honorable Carole Julien, juge à la Cour supérieure du Québec, dont le jugement du 13 juillet 2009, que j'ai fait parvenir à la commission et déposé comme mémoire, a permis à la Procureur général du Québec de prendre enfin conscience de l'étude réalisée depuis des années par la défunte Mme Carmen Lavallée. Lire les paragraphes 66, 67 du jugement de l'honorable Carole Julien.

M. le Président, il est démontré, aux paragraphes 4 et 8 du jugement, qu'Adam est un enfant déclaré abandonné judiciairement. Adam est né de père inconnu et a été pris en charge par l'État et mis dans un orphelinat, sous la tutelle de l'État, comme ce fut jadis le cas au Québec quand on accueillait des enfants abandonnés. Et, la filiation étant au Maroc patrilinéaire, Adam est donc sans filiation et relève de l'article 559 du Code civil du Québec.

La question qui se pose et que j'endure depuis trois ans, c'est: Peut-on modifier le lien de sang, rompre ou créer la filiation? Avons-nous le droit de changer l'ordre universel, l'ADN? Non, car la filiation est immuable, elle ne peut être créée que biologiquement. Mais cela n'entrave en aucun cas le processus d'adoption des enfants abandonnés, ce qui est le cas d'Adam, qui n'a pas de filiation et que le Procureur général du Québec persiste à persécuter.

Le Procureur général ou la procureure du Procureur général, ce qu'elle me met, c'est qu'elle soulève tout le temps la sourate 33, qui parle du code que nous avons au Maroc et qui a... interprétations pour dire que l'adoption n'existe pas au Maroc. C'est une mauvaise interprétation, parce qu'ils ne comprennent pas ce qui se passe.

Le verset, il énonce: «Appelez ces enfants adoptés du nom de leur père, c'est plus juste devant Dieu. Si vous ne connaissez pas leurs pères, faites-en vos protégés. Il ne sera pas tenu contre vous de grief pour vos inadvertances mais pour ce que vos coeurs préméditent. [Et] Dieu est clément et matriciel.» Ça, vous allez le trouver dans le paragraphe 23 du jugement de l'honorable Carole Julien, 500-17-034937-071.

Ça, c'est un jugement de reconnaissance de toute la paperasse que j'ai amenée du Maroc, c'est-à-dire que toutes les ordonnances du Maroc sont devenues québécoises. Et, en dépit de cela, le Procureur général continue à me parler kafala. Même si la Cour supérieure a tranché et a résolu ce cas une fois pour toutes, la procureure du Procureur général du Québec, chaque fois qu'on se rencontre, chaque fois qu'on discute, ça fait trois ans et quelques, bientôt quatre ans, au palais de justice, qu'est-ce qu'elle me dit? Elle me dit que le lien de filiation n'est pas rompu. Je dis: Quel lien de filiation? Elle me dit: La kafala. Je dis: Quelle kafala? Les jugements que j'ai amenés du Maroc sont actuellement québécois.

Mais le problème réside dans la compréhension d'Al Islam. Al Islam, soumission à Dieu, synthèse du monothéisme religieux de paix et d'amour depuis la révélation à Ibrahim et sa lignée. Et, tel que ça a été dit: Certes, Dieu a élu la famille d'Abraham en tant que descendants les uns des autres. Dieu est omniscient.

Le monothéisme est l'héritage des Juifs et des Arabes. Le reste du monde, c'est des convertis.

Dont l'aîné, Ismaël, engendré par Hajar, le second, Isaac, engendré par Sarah. Les gens du Livre, détenteurs légaux de la prophétie par droit de filiation: David, les Psaumes, Moïse, la Torah, Jésus, la Bible, Mohammed, le Coran. Livres du même législateur qui proclame l'amour du prochain, ordonne le bien, interdit le mal, impose l'aide et le soutien des orphelins, des pauvres et des faibles de la société, établit l'égalité entre les hommes et les femmes qui siégeaient aux affaires d'État, avec des interdictions justifiées telles que l'interdiction des taux d'intérêt, du monopole, de la loterie, du vol, de l'alcool, de la drogue, de la prostitution. Il reconduit la polygamie pour la protection des orphelins et le maintien de l'ordre public.

L'islam a privilégié le système patrilinéaire et opté pour l'institution du mariage, considérant la famille comme la structure de base, fondamentale, de la société. Il édicta des principes et des règles pour la protéger contre toute transgression, posant comme principe que l'origine d'un acte qualifie ses conséquences. Un acte illégal ne peut engendrer que des conséquences illégales. L'enfant né hors mariage est par conséquent illégitime et ne peut prétendre à une filiation. Et le christianisme prêche la même chose, et le judaïsme prêche la même chose.

L'histoire du monothéisme est pleine de distorsions, pour la simple raison que les humains ne sont pas encore à la hauteur de la condition prérequise du voyage céleste: que personne ne peut prétendre croire en Dieu et à ce qui relève de l'au-delà s'il n'aime pas pour les autres ce qu'il aime pour lui-même. Et à l'impossible nul n'est tenu. Le reste est à la grâce du Créateur.

Aux paragraphes 20 et 21 du jugement du 13 juillet 2009, l'honorable juge Proulx rejette la reconnaissance de l'adoption et réserve aux parties tout recours relatif à l'adoption. J'ai déposé une requête de mise en placement en vue d'une adoption, et l'honorable juge Proulx est actuellement en délibération.

L'ordre public invoqué par le Procureur général du Québec a été résolu par le jugement du 4 mai 2007, au paragraphe 30, et le jugement 13 juillet 2009, aux paragraphes 12 et 36.

Le Québec est une terre d'immigration. Terre du Refus global, qui clame: «D'ici là, sans repos ni halte, en communauté de sentiment avec les assoiffés d'un mieux-être, sans crainte des longues échéances, dans l'encouragement ou [de] la persécution, nous poursuivrons dans la joie notre sauvage besoin de libération.» Terre que j'ai choisie pour y vivre et fonder une famille. Mais le Québec est devenu une terre d'accommodements raisonnables, et ce, depuis la fameuse arnaque du 11 septembre 2001, orchestrée par des multinationales et soutenues par la Maison-Blanche, Cheney et le lobby, pour s'emparer du pétrole dont ils ont déjà le contrôle, ruinant ainsi le pays convoité au nom de la démocratie, sans remords, puisque, selon eux, la fin justifie les moyens. Maintenant, ils inventent une autre attaque le 25 décembre 2009 pour mieux gérer les affaires, en jouant sur la peur, et ça marche.

M. le Président, je suis victime d'une proscription imposée par la Procureur général et ministre de la Justice du Québec à cause de ma religion, dont elle ignore l'essence et la terminologie. Pour toutes ces raisons, j'exige de la Procureur général du Québec la reconnaissance de mes droits devant ce forum qui est au service des citoyens du Québec, dont je fais partie intégrante. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci de votre présentation. Donc, je vais donner l'opportunité à Mme la députée de Joliette de poser des questions.

Mme Hivon: Il n'y a pas de question.

Mme Weil: Peut-être juste un commentaire, évidemment, parce que je suis ministre de la Justice et Procureur général du Québec, je ne vais... je suis évidemment mise au courant de ces procédures judiciaires, mais...

Une voix: ...

Mme Weil: Je suis au courant, en tant que ministre de la Justice et Procureur général...

M. Soufiane (M'Hammed): ...vous êtes au courant.

Mme Weil: ...mais je ne pourrai pas poser de question ou faire de commentaire au courant de ces... de la commission.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, Mme la députée de Joliette, à vous la parole.

**(15 h 10)**

Mme Hivon: Oui. Alors, merci, M. Soufiane. En fait, je dois vous dire que j'ai lu le jugement que vous nous avez transmis, dans un premier temps, en guise de mémoire avec beaucoup d'intérêt et je pense que c'est un jugement qui est très intéressant, très bien rédigé effectivement par la juge Julien. C'est... En fait, d'un point de vue... si on se dissocie de la réalité humaine sans doute très difficile que vous avez eue à vivre du fait, de ce que j'en comprends, qu'il y a eu beaucoup, beaucoup, et c'est un euphémisme, de difficultés à pouvoir vivre avec votre fils ici, qu'on appelle adoptif, et je pense que vous le qualifiez vous-même ainsi aussi, donc votre petit garçon, au-delà de ça, je dirais que c'est sûr que c'est un jugement et une réalité -- et on peut en parler quand même, de ce jugement-là, parce qu'il n'y a pas... il n'est pas en appel, d'ailleurs, vous l'avez joint, donc il n'y a pas... le jugement comme tel, lui-même, que vous nous avez soumis n'est pas appel, donc il y a chose jugée sur la question de l'ordonnance -- c'est vraiment une réalité très particulière et qui fait écho à, je pense, toute la notion du pluralisme juridique auquel, comme société et terre d'accueil, on doit évidemment faire face, d'être capables d'adapter nos réalités et nos manières d'aborder des enjeux aussi fondamentaux que ceux de l'adoption à la lumière des réalités de gens qui nous proviennent évidemment d'autres pays.

Il y a aussi, bon, toute la question de l'adoption, qui est au coeur de vos demandes, et celle, je dirais, aussi de l'administration de la justice de manière plus large. Parce que je comprends qu'il y a eu toute une saga judiciaire derrière votre dossier. Je comprends aussi que vous vous représentiez seul à beaucoup d'instances, ce qui n'est jamais chose simple. Et vous pouvez savoir que, sur ce point-là aussi, on est très sensibles à la réalité des gens, d'autant plus qu'ils sont des nouveaux arrivants et qu'ils se retrouvent dans des situations judiciaires où ils n'ont pas d'avocat pour les représenter. Alors, on peut imaginer la tâche colossale qu'a dû être la vôtre. Mais j'imagine que vous avez accueilli avec quand même un certain soulagement le jugement de l'été dernier, puisqu'il vous confie... en quelque sorte il donne... en donnant effet à l'ordonnance du Maroc, vous confie donc la garde, et donc vous pouvez être avec votre petit garçon.

Ceci étant dit, évidemment, nous, aujourd'hui, on traite, comme vous le savez, de l'avant-projet de loi, qui amène toutes sortes de réalités. Et, de ce je comprends de votre intervention, vous vous situez, au-delà des demandes que vous formulez, je pense, à la ministre en sa qualité de ministre et de Procureur général, dans une demande aux parlementaires d'être peut-être plus ouverts à la considération d'autres réalités et d'embûches juridiques et judiciaires qui peuvent être celles de quelqu'un qui est dans un cas comme le vôtre.

Et je voulais savoir si, dans le projet de loi... Vous pensez peut-être que je vous amène sur un terrain -- et vous me ramènerez sur votre terrain -- peut-être, je vous amène sur un terrain qui n'est pas celui sur lequel vous vous êtes penché dans un premier temps, mais est-ce que vous pensez que l'idée d'une filiation, par exemple, sans rupture du premier lien de filiation, qui est une... qui serait une nouveauté qui pourrait être amenée, pardon, par cet avant-projet de loi, aurait pu, dans un cas comme le vôtre, je dirais, aider à faire cheminer les choses plus rapidement, puisqu'il n'y aurait pas eu nécessité de rupture avec la première réalité biologique de votre enfant et, si j'ai bien compris, qui est la réalité associée à la kafala, où c'est pourquoi il n'y a pas d'adoption plénière, par exemple?

M. Soufiane (M'Hammed): Ce que vous venez de dire, c'est vrai. Mais ce... mon problème à moi, c'est que je n'ai pas de problème de filiation. L'enfant n'a pas de filiation. On m'impose quelque chose qui n'existe pas. J'essaie une fois avec la procureure du Procureur général... On rentrait dans un... Je lui ai dit... Je lui ai posé la question, je lui ai dit: Mais pourquoi, chaque fois que je cogne dans une porte ici, que je parle avec le Secrétariat à l'adoption, je parle avec Immigration Québec, on me dit: L'enfant, il n'y a pas de rupture de filiation? J'ai dit: Bon, vous voulez m'imposer la loi du Maroc, comme quoi que le Maroc interdit... selon les versets coraniques, il interdit l'adoption parce qu'il n'y a pas de rupture de filiation. J'ai dit: Est-ce que vous savez que les enfants abandonnés, selon la loi du Maroc, normalement... C'est comme le Québec dans les années soixante. Une femme n'a pas le droit d'avoir des enfants hors mariage. Mais c'est ça, le problème. On parle... Je parle d'une chose, et on me parle d'autre chose. Ce n'est pas que, moi, je suis contre les femmes, pour qu'elles n'aient pas des enfants hors mariage, mais c'est la loi. C'est ça, le christianisme, c'est ça, le judaïsme, c'est ça, l'Islam. Ils disent que... La loi, elle dit que tout enfant né hors mariage est un bâtard, donc il n'a pas de filiation.

Dans les années soixante, on a accueilli tous les enfants ici. Les enfants de Duplessis, ils venaient d'où? L'histoire est récente. Sauf que le Québec a fait des efforts pour laïciser les choses et jeter l'Église dehors. Il a dit à l'Église: Bon, dehors! On n'en veut plus. Et il a pris les choses en main, et puis ça marche, ça fonctionne. Mais, moi, on me dit maintenant, ma loi, la loi chez moi, là-bas, elle ne rompt pas le lien de filiation. J'ai dit: Oui, d'accord, ce que vous dites, c'est vrai, le lien de filiation, on ne peut pas le rompre avec cette loi, mais ça ne s'applique pas sur moi, parce que cet enfant-là, il n'a pas de lien de filiation. Alors, pourquoi vous m'imposez quelque chose qui n'existe pas? Ça fait quatre ans que je crie ça... je crie ça dans les tribunaux, mais personne n'écoute. Alors, j'ai dit: La seule instance qui va m'écouter... Heureusement, j'ai eu cette chance d'être avec vous aujourd'hui.

Vous êtes la source de... Ou vous allez être la source d'autres problèmes, vous allez me créer d'autres problèmes ou vous allez résoudre ce problème. Mais, si vous me créez ce problème-là, je vais vous créer des problèmes, moi aussi. Ce ne sont pas des menaces en l'air, parce que j'ai un enfant dans les bras, moi. Il faut qu'il vienne ici, cet enfant. Ou foutez-moi à la porte. Je renonce à ma citoyenneté canadienne, je renonce à toute cette foutaise qu'on m'a accordée. Je ne veux pas être un demi-citoyen ici. Ou je suis un citoyen à part... ou je retourne chez moi. C'est comme ça que je parle avec les dirigeants, avec l'administration. Mais maintenant je parle avec la ministre. Elle est là. Je parle avec l'opposition. Il est là. Je parle avec le président, je parle avec la source. Vous devez vous pencher sur le cas. Ou vous m'appliquez la loi du Maroc ou vous m'appliquez la loi d'ici. Ou vous considérez les papiers que vous avez comme étant... venant de la Cour supérieure du Québec, c'est-à-dire, ils sont devenus québécois, ou vous continuez à... Ne m'appliquez pas le double standard.

Mme Hivon: Pour fins de clarification, à la lumière de l'ordonnance qui a été rendue l'été dernier, en juillet, je comprenais que vous aviez... le processus d'adoption est autre chose, et je comprends que c'est loin d'être résolu, mais que vous aviez quand même la garde de votre enfant et donc qu'il pouvait vivre avec vous. Est-ce que c'est bien le cas?

M. Soufiane (M'Hammed): J'ai... C'est ça, le problème. J'ai quatre jugements, j'ai quatre... Ce n'est pas: j'en ai un. J'ai quatre jugements du Québec, de la Cour supérieure, et on ne veut pas laisser rentrer l'enfant ici. Chaque fois que je vais, je dis: Bon, écoutez, j'ai les jugements. De toute façon, M. Drainville a lu ça. J'étais avec lui. Il a lu ça et il dit: Quel est le problème? J'ai dit: Le problème, c'est que le Procureur général du Québec a donné des directives pour qu'on me bloque. Le Procureur... la Procureur général... c'est maintenant la... il y avait le Procureur général... Là, on me bloque pour... je ne sais pas pourquoi on me bloque. Personne ne me parle. Je vais, on me dit... j'amène les jugements, on me dit... Voilà les jugements, c'est les jugements de la Cour supérieure du Québec. On me dit: Là, le lien de filiation... Je dis: Quel lien de filiation? Il faut des autorisations. Je dis: J'ai les autorisations, elles sont reconnues et déclarées exécutoires ici, au Québec. Quel est le problème? Mais personne ne se penche, personne ne lit ça.

J'ai passé, avec Mme Sévigny, du service à l'adoption internationale, j'ai passé avec elle presque une demi-heure, 45 minutes au téléphone. Je parle avec elle. Elle envoie ça au contentieux. Le contentieux refuse. La dame qui était à la DPJ, qui s'occupait... qui était contre moi à la DPJ, est devenue l'assistante de la directrice, de Mme de Bellefeuille. Je parle avec ces gens, puis ils me disent: Non, la filiation... J'ai dit: Mais c'est... mais pourquoi vous me garrochez la filiation en face? Vous avez un jugement de la Cour supérieure, du 13 juillet. Est-ce que vous ne lisez pas le français? Est-ce que vous ne comprenez pas le français? Est-ce qu'on va vous l'écrire en joual pour vous... pour le comprendre?

Mais personne ne veut rien savoir. Tout le monde se rejette la balle parce que le Procureur général a donné des directives... pas la procureure, le Procureur général. Et la Procureur général... le ministère de la Justice actuellement a pris la relève et on ne m'écoute plus, on ne m'entend plus. Pourquoi on ne m'entend plus? Parce que je crie comme ça, je dis: Vous me faites mal. On dit: Là, il est le méchant, il crie. Lui, il n'est pas bon, il n'est pas poli, il crie, ce gars-là. Je ne crie pas parce que je veux crier contre les gens, je veux dire aux gens: Écoutez, prenez la... Ça, c'est un enfant. Prenez les choses en main et dites-moi ce qu'il en est. Mais ne me dites pas des balivernes, ne me dites pas... ne me parlez pas de filiation ou autre chose. Parlez-moi de quelque chose de logique, de palpable.

Mme Hivon: Donc, j'entends votre cri du coeur, et ce que vous dites, c'est que, malgré -- moi, je veux juste comprendre sur le fond des choses, là --  l'ordonnance de cet été, votre petit garçon n'est toujours pas ici, au Québec.

M. Soufiane (M'Hammed): Il est là-bas.

Mme Hivon: Il est toujours au Maroc parce qu'on refuse son entrée ici.

**(15 h 20)**

M. Soufiane (M'Hammed): Je vais vous donner la dernière lettre que j'ai reçue juste dernièrement, parce que je suis passé devant la Commission d'appel d'Immigration Canada. J'ai dit: Écoutez, vous me donnez ce que vous avez à me donner parce que j'ai un jugement. Elle ne veut rien savoir, mais elle m'écrit une lettre, la représentante du ministre, elle m'écrit une lettre comme quoi que, si le Québec, si le Québec déclare qu'il n'a pas de raison de s'opposer, ils vont laisser rentrer l'enfant. J'écris au ministre... J'ai la lettre que j'ai écrite. Je vous montre ça tout de suite, là, j'ai la lettre que j'ai écrite au ministre.

Ici, c'est la lettre de la Commission d'appel de l'immigration: Soit le fait que le requérant n'appartient pas à la catégorie de regroupement familial, étant donné que les autorités compétentes de la province du Québec n'ont pas déclaré par écrit qu'elles ne s'opposaient pas à son adoption... J'envoie la lettre... j'envoie une lettre, et c'est Mme Marie-Claude Champoux, sous-ministre adjointe, qui me répond le 15 décembre. Elle me dit qu'étant donné que je suis actuellement devant la Cour du Québec pour une mise en placement en vue d'une adoption, elle ne peut rien faire. Elle doit attendre ce que le tribunal va trancher pour pouvoir me donner ce qu'elle doit me donner avant que je ne passe à la Cour du Québec. C'est-à-dire, si elle me donne ça... Et c'est tout un remue-ménage qu'on fait. On joue avec les mots, on ne veut rien savoir.

Mme Hivon: Je dois dire que je suis surprise que l'ordonnance -- mais là on n'entrera pas dans les moult détails de la cause -- mais que l'ordonnance qui a été rendue et qui n'a pas été portée en appel, le 13 juillet dernier, n'a pas -- enfin, je ne sais pas si j'ai la bonne date, là, mais en tout cas, il y a quelques mois -- ...qu'elle n'ait pas eu pour effet de faire débloquer votre dossier sur la question de la garde et de l'entrée de votre enfant ici. Donc, évidemment, je comprends qu'il y a des enjeux... il y a peut-être des enjeux juridiques, mais je pense qu'il y a des... il y a...

M. Soufiane (M'Hammed): ...ce n'est pas... Il y a un vide juridique.

Mme Hivon: ...mais il y a eu une question qui a été réglée cet été, qui, à mon avis, était claire. Donc, c'est sûr qu'on peut se questionner à savoir pourquoi les choses ne progressent pas mieux, et sans doute que la ministre éventuellement pourra nous éclairer là-dessus. Et je veux dire qu'au-delà de tout ça je pense que, nous, comme parlementaires, il faut prendre acte de cette réalité-là, très humaine et très déchirante, qui est la vôtre, comme d'autres réalités qui nous ont été soumises aujourd'hui, qui est celle d'un père qui, du fait d'un débat juridique dont il fait l'objet, ne peut pas, malgré des ordonnances claires du Maroc, de son pays d'origine, être en, je dirais... avec son petit garçon dans son nouveau pays. Donc, c'est certain que je pense que nous vous entendons tous aujourd'hui. J'espère que la ministre aussi vous entend pour le cas précis, humain et aussi pour la suite des choses. Parce qu'évidemment on ne voudrait pas que d'autres personnes puissent aussi avoir, je dirais, à refaire le parcours qui est le vôtre.

Je ne sais pas si mes collègues ont des questions. Ça va? Donc, sur ce, bien, écoutez, je vous remercie de votre témoignage, de vous être déplacé malgré, j'imagine, la forte charge émotive de l'action que vous posez aujourd'hui. Donc, merci beaucoup et bonne chance.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la députée de Joliette. Merci, M. Soufiane, pour votre présentation, puis je vous souhaite un bon retour.

Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que le groupe suivant vienne se mettre en place... plutôt, Mme Hélène Savoie et M. René Boissay.

(Suspension de la séance à 15 h 23)

 

(Reprise à 15 h 27)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Savoie Boissay et M. Boissay, qui vous accompagne, je veux vous souhaiter la bienvenue, bien sûr, mais je vais simplement informer les parlementaires que nous avons encore un dernier... une dernière personne à rencontrer, vers 16 h 15 si tout va bien dans notre horaire. J'avais omis de vous donner le déroulement de cet après-midi. En tout cas, à toutes fins pratiques, vous l'avez vécu, puis ça a bien été.

Donc, c'est un plaisir de vous voir ici cet après-midi. Je sais que votre contribution sera sûrement importante et pour la ministre et pour tous ceux qui vont travailler dans ce dossier-là, dans éventuellement la présentation de la loi. Donc, sans plus tarder, je vais vous donner les règles, qui sont fort simples. Vous avez 10 minutes de présentation pour votre mémoire, puis vous avez ensuite un certain temps, 30 quelques minutes, d'échange avec les parlementaires de part et d'autre, qui vont vous interpeller pour mieux comprendre le sens de vos interventions. Donc, à vous, et je vous réitère nos souhaits de bienvenue.

Mme Hélène Savoie Boissay

Mme Savoie Boissay (Hélène): Merci.

M. Boissay (René): Merci beaucoup. Alors, bonjour à tout le monde, à l'Assemblée. Notre intervention, c'était pour, disons... pas dénoncer, mais souligner l'inscription sur le certificat de naissance de Valérie, la fille d'Hélène, que j'ai adoptée par la suite et qui a un père biologique évidemment, et sur lequel, sur le certificat de naissance de Valérie, le nom du père biologique avait été enlevé, et c'était mon nom qui était à la place. Donc, on considère qu'il aurait peut-être fallu que ce soient les deux noms qui figurent, à ce moment-là.

Je vais vous lire la lettre qu'on a envoyée... que mon épouse a envoyée au premier ministre, dans laquelle on explique la situation.

Alors: «Lors de l'adoption de Valérie Savoie Holt par M. René Boissay, époux de la mère de Valérie, le 30 septembre 1994, avec l'autorisation de M. Jeffrey Holt, père biologique de Valérie, nous ignorions tous que seul le nom du père adoptif serait inscrit sur le certificat de naissance de Valérie, même si le père biologique était vivant et consentant.

«Depuis ce jour, le père biologique de Valérie n'accepte pas que son nom n'apparaisse plus sur le certificat de sa fille. Nous étions tous de bonne foi lors de l'adoption, puisque René Boissay considère Valérie comme sa fille, et, comme il n'a pas d'enfant, il voulait protéger Valérie advenant son décès -- le mien, c'est-à-dire, mon décès à moi.

«Nous avons tenté à plusieurs reprises, depuis cette date, de faire apporter des changements. Nous avons engagé Me Nancy Bouchard, notaire, et également Me Aubrey Miller, avocat, mais nous n'avons jamais pu obtenir correction sur le certificat, et ceci, suite à une lettre du Directeur de l'état civil, M. Gabriel Pinard, datée du 8 décembre 2006.

«Nous avons envoyé une lettre également au premier ministre, M. Jean Charest, [...] à la recommandation de Mme Andrée B. Cazanave -- c'est ça. Le 9 novembre 2006, nous avons reçu une lettre accusant réception de notre lettre au premier ministre, de Mme Ann-Marie Caron, conseillère politique de M. Yvon Marcoux.

«Depuis 2005, [nous tentons] de faire effectuer ce changement car M. Jeffrey Holt n'agit plus comme un père envers sa fille. C'est une situation que ma fille Valérie trouve difficile, et nous tous d'ailleurs.

«Je souhaite de tout coeur que les deux noms apparaissent sur le certificat de naissance, celui du père biologique ainsi que celui du père adoptif. Si ce n'est pas possible, alors qu'on inscrive le nom du père biologique.

«En inscrivant les noms des pères ou mères, on faciliterait sûrement les rapports entre les familles et familles reconstituées et également, lors de successions à régler, des nouveaux conjoints vis-à-vis les enfants des parents biologiques et adoptifs, spécialement lors de règlements dans différents pays.

«Je vous remercie de l'attention que vous porterez à ce mémoire en date du 5 novembre», etc.

«Hélène Savoie, 50, rue de la Barre, Longueuil.»

Ça, c'est la lettre qu'on a envoyée et qui vous expose la situation.

**(15 h 30)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça fait le parcours de votre présentation, oui? Ça résume l'ensemble de votre présentation?

M. Boissay (René): À peu près, oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui? Ça va.

M. Boissay (René): Oui, ce n'est pas très compliqué, en fin de compte.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non. non, en principe, non. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, je vois le dilemme. Donc, le modèle d'adoption sans rupture de filiation, ça aurait été exactement la solution que vous auriez voulue, là, avec les deux noms?

Mme Savoie Boissay (Hélène): Nous, c'était pour protéger notre fille, et jamais qu'on aurait pensé, là, en sortant du palais de justice avec le certificat d'adoption... On nous a annoncé que le père... le nom du père biologique disparaissait. Alors, ça crée beaucoup de conflits. Moi, ça fait 10 ans qu'il ne m'a pas adressé la parole. Disons que ce n'est pas tout le monde qui aurait réagi ainsi, là, mais c'est ça, la situation, oui.

Mme Weil: C'est ça. Donc, quand j'ai lu ça... Finalement, vous, vous attribuez son comportement au fait qu'il a été carrément écarté du portrait?

Mme Savoie Boissay (Hélène): C'est ça, oui. Pour lui, il ne peut pas accepter que son nom...

Mme Weil: C'est ça.

Mme Savoie Boissay (Hélène): C'est le père, quand même, biologique. Il l'a reconnue, il a quand même... Il s'est occupé de sa fille, là, jusqu'à l'âge de 15 ans, mais là il ne le prend pas du tout, du tout.

Mme Weil: O.K.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Puis aussi, lui, il est Américain, alors, nous, à un moment donné, on a eu peur que notre fille perde sa citoyenneté américaine si le nom de son père disparaissait. Alors, ça impliquait beaucoup de... Moi, je trouve que c'est bien important de toujours garder le nom du père biologique sur un certificat de naissance, pour plein de raisons, mais, si elle a été adoptée... René l'a adoptée parce que c'est sûr que... À un moment donné, là, on avait des biens en France, et c'était compliqué un peu. Alors, c'est pour protéger Valérie. Parce qu'en France c'est la filiation père-enfant...

M. Boissay (René): C'est vertical...

Mme Savoie Boissay (Hélène): ...et non conjoint. Alors, c'est beaucoup... On voulait protéger Valérie, disons, dans tout ça. Mais, elle, elle est malheureuse de cette situation-là.

Mme Weil: Là, vous avez une demande très particulière qui est...

Mme Savoie Boissay (Hélène): Oui.

Mme Weil: ...pour vous adresser à votre situation. Nous, on est en train de regarder puis de faire une consultation sur l'avant-projet de loi. Donc, si je comprends bien, parmi les modèles qu'on propose, vous, vous seriez tout à fait d'accord avec un de ces modèles qui... qui aurait été la solution idéale. Si, dans l'éventualité où la loi... et ce modèle-là est adopté, je pense que vous allez pouvoir peut-être cheminer -- je ne peux pas me prononcer sur quelle sera la situation à ce moment-là, c'est-à-dire par rapport, rétroactivement, à votre situation, et tout. Mais on en tient compte, et, pour nous, évidemment c'est un cas qui illustre bien le bien-fondé... Parce qu'on aurait peut-être... je pense que, moi, je... c'est la première fois que je... j'ai vu la conséquence néfaste d'effacer le père biologique, qui, par ailleurs, serait resté dans le portrait s'il avait pu, et donc, pour moi personnellement et nous, parlementaires, je pense que ça illustre bien l'importance de ce modèle d'adoption qui, par ailleurs, était plus... on l'a envisagé beaucoup pour ces enfants qui sont dans les Banques-mixtes, qui connaissent bien leurs parents, et donc qui ne voulaient pas une rupture complète avec le père ou la mère biologique. Mais, vous, vous apportez donc un autre éclairage sur ça, donc c'est intéressant pour moi personnellement, pour nous collectivement, je pense, de vous entendre là-dessus. Vous aviez une question?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Boissay.

M. Boissay (René): Oui. C'était pour souligner que, lors de l'adoption de Valérie, elle avait 29 ans. Ce n'était pas une enfant mineure, justement, alors.

Mme Weil: Oui, c'est ça. Il avait donné son consentement et...

Mme Savoie Boissay (Hélène): On n'avait pas besoin du consentement, mais on l'a eu quand même.

M. Boissay (René): On n'avait pas besoin du consentement du père, mais, par décence, on lui a demandé, il était parfaitement d'accord.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Il y a eu la lettre...

M. Boissay (René): Évidemment, ce qu'il ne prévoyait pas, c'était que son nom disparaisse du bulletin de naissance de sa fille. C'est ça, tout le problème.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Mais est-ce que c'est possible de mettre les deux noms, père biologique, et, plus tard, si l'enfant est adopté par le nouveau conjoint, d'inscrire «adopté par»? Est-ce que c'est possible de mettre ça sur un certificat de naissance?

Mme Weil: Actuellement?

Mme Savoie Boissay (Hélène): Les deux noms? Non, ça, actuellement, non, je le sais.

Mme Weil: Non, non. Mais, dans le projet, l'idée...

Mme Savoie Boissay (Hélène): Oui.

Mme Weil: ...c'est de justement, sur le certificat de naissance, de préserver le nom biologique. Donc, évidemment, nous, on envisage des enfants plus adultes ou plus âgés, qui sont... Et c'est beaucoup les centres jeunesse qui nous parlent de ces cas-là, c'est des enfants qui veulent... qui ne veulent pas une rupture totale avec le père ou la mère qu'ils connaissent par ailleurs bien, mais que ces parents-là, les pères... les parents biologiques ne sont pas en mesure de prendre charge de l'enfant, donc c'est souvent intrafamilial. Et donc l'idée, c'est de débloquer... On parle beaucoup d'un projet de vie permanent pour l'enfant, dans le milieu des centres jeunesse. L'idée, c'était vraiment de pouvoir débloquer. Et l'opinion de beaucoup d'experts dans ce domaine, c'est justement, ça va permettre... Donc, dans ce cas-là, oui, les deux noms sont inscrits au certificat de naissance.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Est-ce qu'il y a d'autres questions du côté ministériel? Non. Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Oui. Bien, merci beaucoup. En fait, vraiment, je sais que, pour vous, il y a des aspects, encore une fois, humains, mais, pour nous, c'est vraiment une succession de cas, je dirais, très précis mais qui illustrent vraiment toute la panoplie de situations qu'on peut rencontrer dans le domaine de l'adoption. Et, vous, en fait, si je suis bien la logique, l'adoption a été voulue beaucoup pour des fins successorales et de protection du fait de vos actifs en France parce que... en tout cas notamment, j'imagine, parce qu'on sait qu'en France il y a l'adoption simple qui existe, qui aurait pu, dans votre cas, j'imagine, si vous aviez été des citoyens français, s'appliquer à un cas comme celui-là.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Ce n'est pas si simple que ça en France. Même, on a notre citoyenneté française...

M. Boissay (René): Très compliqué en France.

Mme Hivon: Non, je ne dis pas que c'est simple. Je veux dire que... ce n'est pas simple nulle part, je pense. Mais ce que je veux dire, c'est que le concept qui s'appelle l'adoption simple, qui veut dire l'adoption sans, en fait... qui s'oppose à l'adoption plénière, qui rompt tout le passé et qui rompt tous les liens de filiation. Donc...

Mme Savoie Boissay (Hélène): Pour ici, même pour ici, pour moi, c'était une protection que René adopte Valérie, aussi. Les gens... on commence, nous... il y a quand même un petit patrimoine, là, qui va suivre. Alors, s'il y a un remariage, on veut protéger notre enfant; c'est normal de s'assurer que... Comme il adoptait, alors là, moi, je ne suis plus inquiète, c'est sa fille.

Mme Hivon: Oui. Non, c'est sûr. C'est qu'en fait, à la différence de la France, c'est qu'ici il y a des gens qui, sans adopter, par exemple... vu qu'il y a la liberté de faire un testament en toute liberté, quelqu'un peut le prévoir de manière testamentaire purement et simplement, alors qu'en France, de ce que je comprends, je ne suis pas une experte...

Une voix: ...

Mme Hivon: C'est ça, il n'y a pas cette même liberté là. Donc, c'est pour ça qu'en France cette réalité-là est déjà bien présente.

Mais, ici, l'idée de l'adoption sans rupture du premier lien de filiation aurait davantage une volonté, je dirais, identitaire, de maintien du lien identitaire, pour un enfant qui se ferait adopter dans un projet de vie vraiment nouveau mais qui aurait pu avoir des contacts. Donc, c'est une réalité un petit peu différente, mais je comprends que, quand même, dans le cas que vous nous soulevez, votre fille était âgée, il y avait une volonté de protection et de reconnaissance, j'imagine, plus générale, comme vous le dites. Donc, effectivement, peut-être que ce serait un cas qui aurait pu bénéficier de cette nouvelle réalité là. Mais c'est un cas évidemment très, très précis.

Moi, ce que je veux savoir, c'est... Je suis un peu étonnée que, dans le processus qui a mené à l'adoption, il n'y a personne, à un moment ou à un autre, qui vous ait informé de cette réalité-là.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Non.

Mme Hivon: Donc, ni la juge ni...

Mme Savoie Boissay (Hélène): Non.

Mme Hivon: Je ne sais pas si vous avez été accompagnés?

Mme Savoie Boissay (Hélène): C'est lorsqu'on a eu le papier, là, qu'on a appris que le nom du père biologique... Pour moi, c'est un non-sens. Sur un certificat de naissance, c'est très important, ça nous suit toute notre vie. Pour la suite des choses, pour les ancêtres, on aime bien savoir d'où on vient. Alors, elle, là, tout à coup elle aurait des enfants, disons, là ça change, ça ne marche plus, la généalogie, là. Tu sais, il faut connaître notre histoire, en fin de compte. Pour moi, c'était la priorité de garder le nom du père biologique, puisqu'il l'a reconnue à sa naissance. Il me semble qu'on ne peut pas enlever le nom. Alors, c'est pour ça que sa réaction est si vive. Lui, là, il ne comprend pas ça du tout, du tout, là, qu'il soit disparu de la carte comme ça.

**(15 h 40)**

Mme Hivon: Puis on ne vous avait jamais... C'est parce qu'il a dû y avoir... Évidemment, il y a eu jugement, donc... Et on ne vous a jamais parlé de cet effet-là sur l'acte de l'état civil, qu'il y aurait un changement?

Mme Savoie Boissay (Hélène): Non, non.

M. Boissay (René): Non. Il y a même aussi d'autres informations qui sont venues lors du jugement. Le juge a dit, en s'adressant à Valérie: Si vous voulez changer de nom ou de prénom, c'est le temps de le faire, c'est... Là aussi, elle est... On la connaît très bien, elle n'a pas réagi parce qu'elle était surprise, mais c'est évident que, si elle l'avait su d'avance, elle aurait sûrement changé de nom puis de prénom.

Mme Hivon: Elle aurait eu une tout autre identité en sortant de la cour, hein, c'est sûr. O.K.

M. Boissay (René): Oui, oui, elle se serait fait appeler Véronica ou je ne sais pas quoi.

Mme Hivon: Oui, c'est ça. Kathleen ou... Oui, c'est ça. O.K., parfait.

M. Boissay (René): Je peux vous donner peut-être tout ce qui a parti ça. Ça peut quand même vous éclairer un peu. Disons que, moi, j'étais... Je suis au Québec depuis plus de 60 ans, donc ça fait déjà quand même quelques années, et je suis citoyen canadien puis je me considère Canadien, puisque j'ai vécu 60 ans ici puis 20 ans en France. Donc, le rapport n'est pas égal, comme vous pouvez le voir. Et ma mère, qui vivait... qui a vécu jusqu'à un âge avancé, bien, disons, à cette époque-là, m'avait mis sur son testament -- mais elle n'avait pas le choix, évidemment -- comme seul héritier, puisque j'étais fils unique, et elle avait... on avait établi un acte notarié avec tout ce qu'il fallait, et évidemment, dans les... Ma mère était persuadée qu'elle me survivrait, parce qu'elle voulait survivre à tout le monde, et elle avait décidé, sans nous consulter, d'envoyer une lettre au notaire pour qu'il transforme la succession en établissant un retour, voyez-vous, de tout ce qu'elle possédait à elle-même si, moi, je décédais. Et, tout à fait par hasard, mon épouse a vu cette lettre-là puis elle s'est dit: Bien, moi, je suis spoliée, ce n'est pas très grave, mais ma fille est spoliée automatiquement, vous voyez, dans un cas comme celui-là.

Alors, moi, sachant très bien qu'en adoptant Valérie ma mère disparaissait complètement du scénario, puis c'était Valérie automatiquement, du fait qu'elle était ma descendante directe, qui héritait, donc il n'y aurait plus de problème, voyez-vous. C'est ça, la situation qui nous a amenés à l'adopter, qui l'a amenée à... l'adopter.

Une voix: ...

M. Boissay (René): Bien oui, évidemment.

Mme Hivon: Puis dites-moi, parce que, c'est ça, je pense que c'est un cas quand même assez exceptionnel, parce que, de manière générale, les gens sont informés ou en fait au fait des conséquences, on le souhaiterait, là, du moins dans notre grand objectif aussi de mieux faire connaître le droit et la justice... L'État civil, parce que je comprends que vous avez fait beaucoup de démarches pour faire corriger ou enfin essayer que le nom du père biologique réapparaisse, évidemment, j'imagine qu'ils vous ont dit que c'était une fin de non-recevoir compte tenu qu'il y avait eu un jugement d'adoption?

Mme Savoie Boissay (Hélène): Oui, c'est ça.

Mme Hivon: O.K. Parfait. Donc, il n'y avait aucune possibilité.

Mme Savoie Boissay (Hélène): On a pris un avocat, notaire, c'était toujours la même réponse, là, que c'était le père qui adoptait, le dernier. Donc, la seule solution... À un moment donné, j'ai dit: Est-ce qu'il faudrait que le père biologique adopte sa fille? Est-ce que c'est possible, ça?

M. Boissay (René): ...qu'on revienne en cour pour...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Une autre question? Oui, M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Alors, juridiquement, oui, c'est possible, la dernière hypothèse. C'est un peu loufoque, mais, oui, c'est possible.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Qu'il adopte sa fille? Mais je ne sais pas s'il serait prêt à le faire.

M. Gauvreau: Mais, malheureusement, les dispositions de l'article 577... c'est l'article dont il fait question au niveau de rupture du lien d'origine et la confection d'un nouvel extrait de naissance... C'est là, ce n'est pas changeable. Par contre, j'ai bien entendu de Mme la ministre qu'elle regarderait la possibilité de permettre à des gens, a posteriori d'une décision judiciaire d'adoption, de modifier l'état civil dans certaines... sous certaines considérations. Moi, je ne l'ai pas vu dans l'avant-projet de loi. Est-ce que nous allons faire oeuvre d'innovation dans ce domaine-là aussi?

Mme Savoie Boissay (Hélène): Il me semble que j'ai vu que les deux noms, dans les projets, là...

M. Gauvreau: Dans les projets futurs.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Ce serait possible qu'il y aurait les deux noms.

M. Gauvreau: Dans les projets futurs, mais pas dans les adoptions rendues.

Mme Savoie Boissay (Hélène): Oui, futurs, oui. O.K., d'accord.

Mme Weil: Vous voulez que...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien...

Mme Weil: Je suis la procédure.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien, dans l'idéal, en fait, c'est de donner l'opportunité à ceux qui nous visitent de s'exprimer et non pas de discuter du futur projet de loi ou des intentions de la ministre. Mais, si ça peut éclairer nos invités et puis ça peut leur permettre de...

Mme Weil: Oui. Ce que je disais, c'est qu'une fois cette nouvelle forme d'adoption adoptée, moi, j'ai l'intention, de toute façon... On a beaucoup de juristes au gouvernement, beaucoup d'experts, on va voir quelles seraient les possibilités, peut-être s'adresser au tribunal. Une fois que la forme d'adoption, cette nouvelle forme d'adoption qui pourrait vous convenir est admise, est-ce que peut-être le tribunal pourrait rétroactivement? Donc, il y a une question d'évaluation, là, juridique. Ceci étant dit, il y a mon collègue aussi qui parlait, une fois que cette forme d'adoption est reconnue, peut-être... si ça, ce n'est pas possible, je pense qu'on va explorer toutes les possibilités pour répondre à votre besoin, peut-être un projet de loi privé aussi, une fois que cette forme...

Alors, c'est tout ça qu'on pourra regarder. Je pense que, moi, je n'ai pas la réponse, parce que c'est une réponse technique, mais je vois par ailleurs que... Moi, j'ai quand même un certain espoir qu'avec cette nouvelle forme d'adoption qu'on aura il y a une réponse possible à votre problème, là, et qu'on va vraiment se pencher dessus. C'est vraiment un cas particulier, mais on a l'opportunité d'avoir accès à beaucoup, beaucoup de ressources juridiques et de législation, on va regarder ça, et je suis sûr qu'ensemble on pourra trouver une solution.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Oui, M. Boissay.

M. Boissay (René): Mais ce n'est pas un cas unique, j'en suis sûr. Il doit y en avoir d'autres.

Mme Weil: Non, c'est ça, mais c'est... Normalement, en commission, bon, c'est des groupes qui viennent représenter des intérêts de certains groupes, et là vous venez avec un cas particulier, puis on porte... on met nos chapeaux de juriste et de parlementaire pour essayer de penser à une solution à votre problème. Mais par ailleurs c'est bien d'avoir cette confirmation que, pour vous, vous trouvez que ce modèle d'adoption est un modèle d'adoption évidemment voulu.

M. Boissay (René): D'accord. Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres questions? D'autres interventions? Il ne me reste plus qu'à vous remercier de vous être présentés en commission...

Mme Savoie Boissay (Hélène): Merci beaucoup.

M. Boissay (René): Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...et vous souhaiter bonne chance, surtout. Bon retour chez vous.

Je vais suspendre les travaux quelques instants, le temps que Mme Drouin prenne place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 47)

(Reprise à 15 h 49)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre nos travaux. Donc, je souhaite d'entrée de jeu la bienvenue à Mme Huguette Drouin. Bienvenue, Mme Drouin, à notre commission. C'est un privilège pour nous de vous recevoir. Je vous rappelle, puis c'est important de le faire pour chacune des personnes qui viennent nous visiter et qui sont nos invitées ici, donc c'est nous qui avons le privilège de vous recevoir. Je suis sûr que vous allez nous alimenter de votre réflexion. Et les parlementaires sont là pour vous écouter et pour vous poser des questions.

**(15 h 50)**

Donc, dans l'organisation de nos travaux, il y a un 10 minutes qui est prévu pour votre présentation, et, si vous n'êtes pas sage et que vous dépassez le temps, bien là, je demande la permission de chacun de vous écouter. Habituellement, ils disent tous oui, donc... Et après il y aura une partie d'échange, là, de part et d'autre de cette Assemblée pour s'assurer que la compréhension est bien la vôtre aussi. Donc, allez-y. À vous, Mme Drouin.

Mme Huguette Drouin

Mme Drouin (Huguette): Merci. Bonjour. Lorsque j'ai vu qu'il y avait une possibilité de m'exprimer devant vous, je me suis dit que je ne pouvais pas rater ça parce que ça fait longtemps que je veux dire à des gens, je dirais, importants ou, en tout cas, qui ont de l'influence sur les lois ou qui peuvent les faire jusqu'à quel point je suis en désaccord avec la rupture de filiation, quelles que soient les circonstances. Vous allez dire que c'est radical, mais, à mon point de vue, ce n'est pas plus radical que l'adoption plénière elle-même.

Je suis un cas type, je dirais, là, moi-même. J'ai été adoptée dans les années quarante, là, bon, avec tout le scénario qu'on connaissait. C'est un peu ce que je raconte dans mon texte. Mais je ne veux pas vous relire mon texte, alors j'aime mieux vous parler, là, parce que vous l'avez lu sans doute. Bon, j'ai bien vécu ça, là, la situation qu'on connaissait à l'époque, là, le secret, la honte, et tout, de la maman qui ne devait pas l'avoir, le petit bébé, et le petit bébé qui ne devait pas être... et ainsi de suite. Bon. Alors, c'était une belle histoire, là. Mon adoption, ce n'est pas une histoire de tristesse puis ce n'est pas une histoire épouvantable, je dirais que c'est presque l'adoption idéale, au sens de la loi, là, c'est-à-dire que j'ai été bien traitée, puis j'ai adopté mon environnement aussi, là. Mais j'ai toujours ressenti le besoin de connaître mes vraies origines. Mais je n'en parlais pas à mes parents, c'est certain, c'était un secret, ça. C'est une belle histoire, mon adoption, là, qui m'a été racontée, mais il ne fallait pas en parler à personne et il ne fallait surtout pas que personne nous en parle. Alors, je dois dire que mon environnement a été impeccable là-dessus. Que ce soit la famille ou les voisins, je faisais vraiment partie de la société, et donc je considère que je suis bien placée pour comprendre l'esprit de cette affaire-là, là, de rupture totale puis de création d'une nouvelle identité.

Mais je crois qu'on a échappé un morceau, puis il me semble que c'est un morceau important, puis c'est ça que je veux vous dire finalement, c'est que c'est le morceau de la personne qui vit ça quand elle grandit puis elle vieillit, puis elle se dit: Bien oui, d'accord, oui, on m'aime, oui, on m'a dit que, bon, si je n'en parle pas, tout va bien aller, là, et puis que finalement, à 40 ans, si j'en parle, ça va bien pareil, mais je ne connais pas plus d'où je viens. Puis, quand j'ai voulu le savoir, bien on m'a toujours bien expliqué la loi, là, dans les services sociaux, on m'a donné l'information qu'on avait le droit de me donner: Bon, votre mère avait les cheveux bruns, votre père, on ne sait pas trop. Bon, toutes sortes de choses comme ça. Mais on ne peut pas savoir vraiment. Puis, quand j'ai fait une démarche pour connaître ma mère, elle n'a pas accepté, puis je comprends son point. Elle a signé, elle, puis elle était confiante que le secret serait gardé pour toujours, puis on lui apprend, à l'âge de 74 ans, que sa fille veut la voir. Tu sais, je peux comprendre qu'elle a pu avoir eu un choc.

Mais, même si elle avait accepté, j'aurais le même point de vue, parce que je crois qu'on est capable, au Québec, de créer des contextes où on peut faire en sorte que les gens vivent ensemble puis se parlent, puis j'ai constaté qu'avec le modèle d'adoption sans rupture de filiation, dans certains cas... il y a des personnes qui connaissent le domaine qui se sont dit: Oui, on peut vivre ça, on peut le faire. Je connais même un cas, là, de la Banque-mixte dans mon environnement. Personnellement, là, j'en connais un, cas, puis je vois un peu ce qui se passe. Alors, je me dis: Quelque part, on veut protéger l'enfant qui a déjà des liens, mais, l'enfant qui n'en a pas eu, de liens, parce qu'on a dit à la mère: Bien, tu dois abandonner ton enfant -- puis on est des milliers comme ça au Québec -- bien je me dis: Pourquoi nous priver à vie d'avoir cette information-là, même quand le parent est décédé? Moi, ça fait au moins trois fois que les travailleurs sociaux m'expliquent la loi. Ils sont très gentils, très polis. Moi, je fais la bonne fille aussi, là, je suis bien sage. Je ne sais pas si je vais être sage pour les 10 minutes, mais j'accepte ça. Mais, aujourd'hui, là, j'ai 63 ans. Ça commence à faire longtemps que je me demande c'est qui qui m'a mise au monde, puis je me dis: La personne, elle vivait à Montréal, l'information est à côté de chez moi, c'est quoi, ces mystères-là? Mon Dieu que c'est compliqué!

Pourquoi on a fait ça? Je peux le comprendre quand j'ouvre un livre d'histoire, là, puis même quand je me remémore ma vie dans les années cinquante, je peux comprendre. Mais, vraiment, dans la société d'aujourd'hui, qui a appris tellement de choses, qui accepte tellement de choses, c'est comme si ça me donne le sentiment que la loi sur l'adoption, c'est comme si on a voulu rester... On ne peut pas s'enlever le pied de 1920, là. On veut absolument rester là. Mais pourquoi on ne pourrait pas créer une loi qui tient compte de ce besoin-là qu'on a? Je n'ai pas fait d'enquête, puis, moi, je ne représente aucune association, là, finalement, mais je me dis que, les êtres humains étant assez semblables, si, moi, j'ai ressenti ce besoin-là à peu près toute ma vie, il doit y avoir pas mal de monde comme moi qui ont vécu ou qui le vivent encore, cette chose-là.

Puis c'est ça que je voulais vous partager. Puis je me suis dit que c'est juste et légitime, il me semble, de vouloir ça, même si ce n'est pas légal. Mais les meilleures personnes pour rendre ça légal, là, bien c'est vous. Il n'y en a pas d'autres, là. À qui je pourrais parler à part qu'à la ministre en personne puis des représentants de la loi? Je n'ai jamais eu cette chance-là, je n'en reviens pas. C'est ça!

Ça fait que c'est ça que j'ai à vous dire, finalement. Quand même je vous raconterais le détail de... ça ne changera rien, vous avez compris, là, l'essentiel, là. Tu sais, je n'ai pas besoin de vous dire à quel âge, à quelle place, et puis tout ça. Mais vous comprenez l'idée de fond, c'est que... Il y a une souffrance d'attachée à ça, là. Tu sais, moi, je vous dis ça comme ça, là. Tu sais, je ne suis quand même pas pour prendre des grands airs de... tu sais, de douleur, là, on n'est pas à ça, là, mais il y a une souffrance d'attachée à ça, puis je ne vois pas pourquoi qu'on doit la vivre toute notre vie. Puis, je ne pense pas vraiment que mes parents... puis je fais exprès pour dire «mes parents», puis je ne dis pas «adoptifs», là, je fais exprès parce que c'est mes parents, je ne pense pas qu'ils auraient mal pris ça, même s'ils étaient morts quand j'ai commencé à faire des démarches, parce qu'avant ça ce n'était comme même pas pensable de penser, tu sais, que peut-être... Alors là, on a évolué. Après ça, c'est devenu pensable de penser, effectivement, avec le temps. Mais je me suis demandé comment ils prendraient ça, c'est sûr. Parce que c'est évident que je n'aurais pas voulu leur faire de peine, puis je les aimais, là, puis je vais toujours les aimer.

Mais, eux autres, ils auraient... je suis sûre qu'ils auraient bien pris ça, parce qu'à quelque part ils l'aimaient, cette mère-là qui leur avait donné une fille, là. Ils l'aimaient là, sans la connaître, parce qu'eux autres non plus, ils n'en ont pas eu, d'information, là. Moi, dans mon temps, tu sais, on était choisi parmi un... comme un assortiment, là, puis là, bien, moi, j'avais... paraît-il que j'avais un beau sourire pour mon âge, ça fait que c'est comme ça qu'ils m'ont prise, là. Mais, tu sais, c'était... Puis ma mère elle-même me racontait ça puis elle me disait: Bien, on aurait voulu tous les prendre, on les aimait tous, ces bébés-là, finalement, là, qui étaient là, puis que... On n'a pas été maltraités, puis ce n'est pas... tu sais, ce n'est pas un cas de... vous comprenez bien, je pense, ce que je veux dire, là. Mais je pense que mes parents auraient bien accepté.

Puis, si ça n'avait pas été si compliqué, bien ma mère biologique, c'est sûr que, pour elle, ayant vécu cette épreuve d'avoir un bébé sans être mariée, bien là, sa solution de secret, c'était la bonne solution, surtout qu'elle n'a pas eu d'autres enfants. Mais c'est tout créé par la société, ça. On ne pourrait pas créer d'autre chose? Dans le fond, c'est ça que je suis venue vous demander: Vous ne voudriez pas créer d'autre chose? Pas juste un petit coin pour des enfants que... vous savez, ils sont dans tel cas, puis ils auraient bien besoin, puis il ne faudrait pas... Je comprends ça, là, puis c'est vrai que c'est bon pour ces enfants-là qui ont connu leurs parents, les parents ne veulent pas céder les droits, on veut... Bon. Je comprends ça, c'est très bon pour... Mais pourquoi ce ne serait pas ça, la vraie loi, puis qu'on n'inventerait pas des moyens de vivre ensemble toutes ces...

Je comprends que les parents adoptifs, là, veulent avoir leur vie privée, il y a des... Il y a toutes sortes de cas, là, c'est sûr. L'adoption, c'est complexe, et je ne vais pas simplifier ça d'une façon idiote, là, mais, si on disait qu'une personne a le droit de connaître d'où elle vient, qu'elle a le droit de savoir c'est qui, qu'elle a le droit de savoir ce qui est arrivé, c'est qui, là, ses ancêtres, comme disait la dame avant moi, et j'ai trouvé que c'était comme presque une introduction de ce que je voulais vous dire, quand je les écoutais exprimer leur point de vue puis leur situation. Pourquoi ce ne serait pas ça, qu'on donne un droit à la personne adoptée?

Puis, je tiens beaucoup aux mots «personne adoptée» au lieu «d'enfant adopté». Je trouve que c'est important. Parce que c'est facile de dire «enfant» quand on parle d'un petit bébé, que finalement c'est tout le monde autour... Un jeune enfant, c'est tout le monde autour qui va déterminer quel est le bien de cet enfant. Et il y a des gens très bien intentionnés qui ont dit que le bien pour nous, c'était de vivre ce que j'ai vécu. Je ne peux pas demander une meilleure situation, là, même les travailleurs sociaux m'ont dit: Votre adoption est correcte, là. Alors, oui, je dis, moi aussi, je la trouve correcte, mais il manque un morceau. Le casse-tête, il y a un espace qui manque. Il n'est pas complet, le paysage. Je suis sûre que les Québécois sont capables de trouver une solution. On est avant-gardistes dans plein d'affaires. Y a-tu une place où est-ce qu'il y a plus de créativité qu'au Québec? C'est dur à trouver sur la planète. Bien, c'est ça que je voulais vous dire.

Est-ce que j'ai été assez sage, là? J'ai terminé, monsieur...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous avez été très sage puis vous avez gardé votre sourire de jeunesse, Mme Drouin.

Mme Drouin (Huguette): Ah! vous êtes gentil, merci. Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K., Mme la ministre, si vous avez des questions.

Mme Drouin (Huguette): Alors, c'est ça que j'ai à vous dire.

Mme Weil: Oui. Alors, bonjour, Mme Drouin.

Mme Drouin (Huguette): Bonjour.

**(16 heures)**

Mme Weil: Merci beaucoup pour votre présentation et félicitations pour votre lettre.

Mme Drouin (Huguette): Merci.

Mme Weil: C'était une lettre vraiment très parlante. Je suis sûre que tout le monde, en lisant, a eu sûrement les mêmes réactions que, moi, j'ai eues.

Mme Drouin (Huguette): Ah oui?

Mme Weil: C'était très touchant, c'était dit de façon limpide, logique, et en bout de ligne vous demandez... vous demandez une solution, quelque chose qui va vous permettre de cheminer aussi, parce qu'il y a un blocage encore pour vous, si je comprends bien.

Mme Drouin (Huguette): Oui, d'accord.

Mme Weil: Alors là, on va aller dans le un peu plus technique peut-être. Ce matin, on a eu des échanges avec le Mouvement Retrouvailles. Vous avez suivi ça? Est-ce que vous avez suivi... ce matin?

Mme Drouin (Huguette): Pas beaucoup.

Mme Weil: O.K. Alors, toute cette question des modèles d'adoption... Et, vous, si je comprends bien, c'est vraiment cette question d'accès à l'information, c'est ce dont vous avez de besoin. Parce que les questions de rupture de filiation et l'adoption plénière, où vraiment on change notre identité, ça, c'est quelque chose qui est voulu par beaucoup, beaucoup de gens. Mais on offre une autre solution pour ceux qui voudraient maintenir le lien de filiation avec le parent biologique, et ça semble avoir une résonance, d'après le... En tout cas, les témoignages qu'on a eus jusqu'à date, les réactions, les gens trouvent que c'est une solution intéressante. On n'a pas fini les consultations, mais...

Si je comprends bien, vous, c'est la partie accès à l'information, c'est-à-dire comme connaître ses antécédents, ses ancêtres, comme vous dites. Alors là, il y a des... il y a des... Et l'adoption ouverte, hein, on propose l'adoption ouverte, qui est devenue très populaire aux États-Unis, au Canada anglais. Et là le Québec est en train de se rattraper, hein, il faut le dire. On a vu ce qui se passe ailleurs, et puis, l'adoption ouverte, il y beaucoup de gens qui ont vécu ça, depuis plusieurs années, où il y a des ententes de communication. Donc, déjà on voit l'évolution de la société. Mais, pour des cas comme le vôtre... Vous, si je comprends bien, vous demandez: Oui, mais là on ne peut pas refaire la forme d'adoption, mais je voudrais au moins connaître mon histoire. C'est bien ça que vous dites?

Mme Drouin (Huguette): Bien, ça en fait partie. Mais je crois aussi...

Mme Weil: Pour l'avenir, vous aimeriez...

Mme Drouin (Huguette): ...je crois aussi que le...

Mme Weil: ...mais l'adoption ouverte...

Mme Drouin (Huguette): Comme vous avez mentionné, là, le style d'adoption dont vous avez parlé est meilleur.

Mme Weil: Alors, c'est ça. Donc, nous, on propose ces différents modèles là. Mais l'adoption plénière, juste pour revenir là-dessus, parce que vous sembliez dire que c'est... c'est un peu quelque chose du passé, mais je vous dirais que l'adoption plénière, c'est-à-dire où il y a cette rupture de filiation, elle peut être accompagnée d'une entente de communication, et ce sera aux parents de choisir. Et je vous dirais que c'est quand même très commun, dans les juridictions qui l'ont actuellement, c'est très commun et ça semble bien fonctionner, d'après ce qu'on peut voir.

Donc, sur la question d'accès à l'information, parce que, dans votre cas... Donc, juste pour revenir peut-être, donc le législateur propose... Moi, je propose, en tout cas on... d'aller vers des modèles beaucoup plus ouverts. Donc, ça semble répondre à ce que vous dites, à ce que vous proposez.

Mme Drouin (Huguette): Ça s'en approche, en tout cas, je ne connais pas le détail de tout ça.

Mme Weil: O.K. Avec l'adoption ouverte... Donc, il y a l'adoption ouverte, où il y a des ententes de communication, le parent biologique pourrait... ils vont s'entendre entre parents sur peut-être la fréquentation de l'enfant ou des façons de communiquer, puis ce sera à chaque... à chaque set de couples, là, de décider.

Mais, pour l'accès à l'information puis de connaître ses antécédents, je peux imaginer votre réponse, mais je vais vous expliquer ce qu'on propose. Parce qu'on veut entendre... moi, je veux entendre et que ça fasse partie des témoignages, là, qu'on entende... Nous, on est allés de façon... Moi, en tout cas, ce que je propose... Dans un premier temps, on est allé plus conservateur que le reste du Canada, c'est-à-dire que, pour les adoptions futures, oui, il pourrait y avoir cet accès à l'information, mais les parents pourraient enregistrer, le parent biologique, un veto, c'est-à-dire un empêchement d'information ou de contact, il y a toute une procédure, mais qu'après le décès donc la personne pourrait avoir accès. Donc, pour les adoptions postérieures, ça semble répondre à votre préoccupation, c'est-à-dire qu'on... c'est beaucoup moins fermé, c'est beaucoup plus ouvert. La personne serait beaucoup moins frustrée, évidemment, pour connaître ses antécédents. Mais, pour... On est restés avec le droit actuel pour les adoptions antérieures de l'adoption de cette loi. On a eu beaucoup d'échanges ce matin avec le Mouvement Retrouvailles là-dessus. Et on aura des groupes qui vont venir témoigner là-dessus, il y en a qui nous demandent plus d'ouverture, bon, après le décès du parent biologique, par exemple.

Donc, je vous pose la question... Je pense connaître la réponse, mais c'est quand même important que vous puissiez vous prononcer sur cet aspect-là, donc, qui est le... les adoptions avant, les adoptions pour l'avenir, la question d'après le décès du parent.

Oh! ce qu'ils ont fait, ce qu'ils ont fait dans le reste du Canada... Parce que c'est vraiment des notions de droit, et on est une société de droit, on doit quand même reconnaître ce que les tribunaux ont déjà décidé, les chartes de droits et libertés, etc., il y a ce qu'on appelle un droit à la vie privée, et qu'il n'y a pas vraiment un droit à l'information qui vient primer et prendre le devant sur le droit à la vie privée. Et c'est ça un peu, le conflit. Mais, dans les provinces canadiennes, ils semblent avoir trouvé une solution à ça, avec ce qu'on appelle un... on enregistre un veto, donc on oblige, si vous voulez, les parents antérieurs à dire: Non, je ne veux pas que l'enfant me contacte.

Alors, peut-être vous prononcer sur cette distinction des adoptions avant, des adoptions après, puis cette notion de plus d'ouverture pour l'avenir, mais le statu quo pour les adoptions auparavant.

Mme Drouin (Huguette): D'abord, j'apprécie vos explications, là. Merci. Comme vous l'avez dit au début, vous saviez ma réponse, c'est celle-là: je ne peux pas être d'accord avec ça en tant que... Bien là, je ne peux pas parler sur le plan juridique, je ne suis pas une avocate puis je n'ai aucune connaissance fine ni même à peine générale de la loi, mais je reconnais, je dirais, une certaine culture dont on semble avoir beaucoup de difficultés à se départir, qui... On dirait qu'on veut toujours conserver -- vous l'avez dit, c'est conservateur -- quelque chose qu'on avait, puis qu'on a pensé bon à une certaine époque, puis, parce que cette époque-là a existé, bien on ne peut pas le défaire. Moi, je l'interprète comme ça, là, ce que vous venez de m'expliquer.

Mais je crois que, oui, on peut le défaire. C'est qu'on ne veut pas le défaire parce qu'on ne veut absolument pas qu'il y ait comme aucun inconvénient pour personne. Mais, les personnes adoptées, on n'arrive pas à démontrer que notre inconvénient est assez important pour ébranler l'autre. C'est ça qui se passe, finalement. C'est vrai que ça pourrait déranger du monde, là, ça, je le conçois puis je le perçois, mais je crois aussi qu'on est assez intelligents pour gérer ça.

C'est sûr que des gens... Puis je trouve que l'exemple de ma mère biologique en est un bon exemple: une personne à qui on a dit qu'il n'y aurait jamais de dévoilement puis qui vit avec ça pendant un nombre d'années, si on vient changer le... c'est comme un peu une trahison, quelque part, pour... Une personne va l'interpréter comme ça. Mais la personne, elle, adoptée, ça n'a pas... Excusez, là, je ne veux pas être impolie, mais franchement ça n'a pas l'air bien grave, ce qu'on vit.

Je ne sais pas par quelle logique, là, ou quel moyen qu'on pourrait sensibiliser à l'importance de ce point-là puis de quelle façon on pourrait vivre ça sans faire un bouleversement puis déranger des gens au point que... Je veux dire, moi, ma mère biologique, elle est décédée ça fait 13 ans, là, bon. Elle n'a pas dit qu'elle voulait me connaître avant de mourir. Mais, oui, d'accord, mais dans quel état qu'elle était, puis comment... Bon, tu sais, là, je trouve ça tellement facile de me dire ça.

Mais je comprends que c'est la loi, là. Je suis bien prête... La lumière rouge, j'arrête, là, tu sais. Puis, tu sais, ça arrive des fois que je dis: Ils ne devraient pas en mettre une là, il ne passe jamais personne. J'arrête quand même. Tu sais, c'est un peu ça que je vis, là, avec votre loi, là. C'est correct, d'abord. C'est ça que j'ai envie de vous dire: C'est correct, d'abord. Mais, tu sais, là, entre vous puis moi, là, tu sais, il y a quelque chose là qui ne marche pas, dans la... Comme l'espèce de volonté... Même si une loi, ce n'est pas rétroactif... Probablement, j'imagine, quand on fait une loi, on la fait pour aujourd'hui et demain. Je ne sais pas si ça peut être rétroactif, mais il y a des milliers de gens qui attendent après ça, là. Ça doit bien vouloir dire quelque chose, s'il y a des personnes qui sont venues vous parler, qui représentent des mouvements... Moi, je viens à titre individuel, mais dans le fond mentalement j'appartiens au même mouvement.

Alors, c'est ça que j'ai à vous dire là-dessus. Tu sais, j'ai le goût de vous dire: Bien, vous ne pourriez pas recommencer à regarder ça?

Mme Weil: Mais c'est un...

Mme Drouin (Huguette): S'il vous plaît? Tu sais, c'est un peu ça que j'ai envie de vous dire, là, tu sais.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme la ministre. Donc, Mme la députée de Joliette.

Mme Hivon: Bien, écoutez, merci beaucoup de votre témoignage. Je dois dire... Je ne sais pas si vous avez déjà pensé aller en politique, mais vous êtes très, très convaincante.

Mme Drouin (Huguette): Ah oui?

**(16 h 10)**

Mme Hivon: Et, écoutez, je pense que vous exposez les choses avec une clarté incroyable et avec un sentiment de vécu qu'on sent très bien, mais avec un certain humour qui fait en sorte qu'on peut tout à fait comprendre votre détresse, ou votre souffrance, ou le morceau qui manque dans votre vie. Mais vous le présentez de manière très sereine, et c'est assez impressionnant. Donc, merci beaucoup.

Mme Drouin (Huguette): Bien, c'est moi qui vous remercie.

Mme Hivon: Écoutez, je pense que vous avez dit quelque chose, c'est vraiment... Puis je le disais ce matin, puis on en est tous conscients, c'est un privilège pour nous, hein, comme parlementaires, de siéger sur des dossiers qui, je dirais, ont des répercussions humaines et sociales aussi importantes. Et je pense qu'effectivement c'est qu'on est... Pour cette question-là précisément, puis les autres aussi ne manquent pas d'enjeux humains, on est face à une question de... La ministre dit: La balance des inconvénients, là, parce que c'est un terme juridique, mais c'est qu'effectivement je pense qu'on regarde beaucoup le passé et l'espèce de pacte social, qu'on invoque toujours. Parce que, dans un certain sens, c'est assez facile de se réfugier, pour nous, juristes, et des fois socialement parlant, derrière une réalité claire qui a prévalu à une certaine époque et de peut-être faire fi d'une réalité plus nouvelle et tout aussi importante qui est celle des personnes adoptées et de leur besoin d'information identitaire et de leurs réalités propres, biologiques. Et je pense que, ça, il faut vraiment en être habités quand on...

Parce qu'effectivement, vous l'avez dit de manière très éloquente, est-ce qu'il faut rester figés, dans le fond, et que cette conception-là du passé vienne teinter toute notre approche du dossier? Ou est-ce qu'on est capables d'évoluer puis de se dire: De toute façon, dans ce dossier-là, il va y avoir des chocs, il y a des aspects humains importants? Donc, il faut savoir peut-être comment essayer de trouver la meilleure solution pour les minimiser, tout en sachant qu'il n'y aura pas de solution neutre, parfaite, qui ne va pas écorcher personne.

Comme vous, en ce moment, dans l'état actuel des choses, vous dites: On est écorchés, nous, du fait de l'inaction. Donc, si je comprends bien, donc: prenez-en un peu conscience. Donc, je vous remercie parce que vous l'avez exposé vraiment clairement. Donc, vous avez mis des mots sur, des fois, des réalités qu'on a en tête. Vous l'avez dit très bien.

Moi, je pense, puis je l'ai dit ce matin avec le Mouvement Retrouvailles, que ça aurait été bénéfique qu'on ait une proposition pour le passé, même si, la ministre, sa tête n'est pas faite encore et que, nous, comme parlementaires, aussi il faut bénéficier de l'éclairage de tous les groupes, mais qu'on ait... qu'il y ait eu, pour les adoptions actuelles et passées, une proposition concrète, parce qu'on aurait parlé sur une base très, très simple et claire pour tout le monde, de discussion. Malheureusement, dans le projet de loi, comme la ministre l'a dit, c'est uniquement pour le futur.

Je comprends que, vous, votre réalité, c'est la réalité de beaucoup des personnes adoptées, c'est que votre mère biologique est décédée. Donc, vous, vous dites: Il y a urgence parce que, si on n'ouvre pas pour le passé, il y a de plus en plus de personnes, de mères biologiques qui vont décéder, et, si on garde le statut actuel du droit, ces personnes-là n'auront jamais eu la chance de consentir ou n'auront pas voulu consentir, et donc, à tout jamais, moi, comme personne adoptée, je ne pourrai pas avoir accès à mes antécédents. C'est ça? Oui.

Et, vous, juste parce que, très, très personnellement, il y a un besoin identitaire profond, de ce que je comprends, est-ce que la question aussi des antécédents médicaux est quelque chose qui vous inquiète ou vous en êtes vraiment plus à un questionnement identitaire et vous dites: C'est la moindre des choses que je sois capable de connaître mon nom, les noms de mes parents biologiques puis un peu mon histoire? Ou si la question médicale, parce qu'il y a beaucoup de gens aussi qui vont venir nous parler de ça, là, est aussi...

Mme Drouin (Huguette): Je ne pourrais pas vous dire que la question médicale me préoccupe dans le moment, parce que je ne souffre pas d'aucune maladie. Ce serait un peu exagéré de ma part. Mais c'est évident qu'il y a comme une hypothèse que, si mon état de santé se détériore, les années aidant à ce phénomène, bien là, l'information... C'est certain que, quand je vais chez le médecin puis qu'on me demande s'il y a telle maladie dans ma famille, je réponds que je suis adoptée, puis on me dit: d'accord. Je veux dire, on passe à la question suivante, là.

Je ne pourrais pas, honnêtement, vous dire que ça m'a fait un dommage dans ma vie, ce n'est pas vrai, là. Mais c'est certain que... On m'a déjà dit que la loi permettrait en cas de greffe de moelle épinière. Mais, tu sais, à choisir entre avoir l'accès à l'information puis avoir une greffe de la moelle épinière, je vais laisser faire l'information, là, tu sais! À un moment donné, là, tu sais, c'est à peu près ça que...

Mme Hivon: Je partage votre point de vue, oui.

Mme Drouin (Huguette): C'est à peu près ça que je me suis dit, là. Tu sais. On va... À l'âge que je suis rendue, je suis capable de vivre encore, mais le besoin est... Comme vous l'avez bien dit, là, vos propos, c'est exactement ça, là. Puis, Mme la ministre aussi, je pense que vous comprenez bien ce que je veux dire, là.

Mme Hivon: C'est parce qu'on reformule beaucoup, hein, puis ça doit avoir l'air bien fatigant puis pédagogique, mais c'est parce que, pour nous, il faut que ce soit très clair, parce qu'après...

Mme Drouin (Huguette): Non, non, non, ça n'a pas l'air fatigant.

Mme Hivon: ...on se relit, et tout ça, et on veut vraiment avoir le point de vue le plus clair possible.

Mme Drouin (Huguette): C'est plutôt le contraire, ça a l'air que vous avez bien... bien entendu. Ça n'a pas l'air fatigant.

Mme Hivon: O.K. Ce matin, le Mouvement Retrouvailles a fait état de sa position sur les veto, parce qu'éventuellement, s'il y avait une proposition qui était mise de l'avant pour les adoptions passées, il pourrait y avoir de possibles veto: veto de contact, veto d'information. Le Mouvement Retrouvailles est d'avis qu'on devrait accepter ou prévoir la possibilité seulement d'un veto de contact et qu'il ne puisse pas y avoir de veto d'information, pour ne pas que des parents biologiques puissent dire non même à l'information. Est-ce que vous partagez ce point de vue là? Est-ce que vous me suivez?

Mme Drouin (Huguette): Oui, je vous suis. C'est la première fois que je l'entends. Excusez-moi si j'ai pris une seconde de...

Mme Hivon: Vous avez le droit.

Mme Drouin (Huguette): C'est parce que c'est la première fois que je l'entends formulé comme ça, là, veto de contact, parce que, pour moi, c'était comme les deux étaient dans un tout. Non, je ne pense pas qu'il devrait y avoir un veto d'information. Il devrait y avoir, comme vous l'avez dit au début de votre exposé, là, un encadrement donné, de telle sorte que ça... pour la balance des inconvénients, comme vous avez dit, là, que ce ne soit pas trop, trop... la balance ne penche pas trop.

Mme Hivon: Qu'il y ait des balises.

Mme Drouin (Huguette): Mais je crois que ça, les personnes sont capables de le trouver. Parce que c'est évident, quand on fait affaire avec les personnes des services sociaux, qu'on voit que ce sont des gens qui comprennent bien ces situations-là. Ça, c'est évident, là, quand ils interagissent avec nous, là, la façon qu'ils s'expriment, qu'ils entrent en contact avec nous, je crois que vous avez des personnes dans le réseau qui sont capables de réfléchir à comment faire ça puis à le faire pour que ce soit acceptable, là, même si certaines personnes pourraient avoir des réactions négatives. Mais là, dans la vie, ça existe, des réactions négatives, là, pourquoi qu'il n'y en n'aurait pas dans l'adoption? C'est un peu ça, là, tu sais.

Mme Hivon: Bien, merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): D'autres questions? Oui, M. le député de Groulx.

M. Gauvreau: Oui. La ministre a sagement parlé de la notion de balance des inconvénients, puis, compte tenu que vous savez bien comprendre les enjeux, est-ce que vous voyez quelque inconvénient, à une personne décédée, que son nom soit révélé à une personne qui a été sa fille biologique? Dans les faits, une personne décédée n'ayant plus de personnalité juridique puis étant enterrée, donc normalement pas très vivante, O.K., quels sont les inconvénients pour elle maintenant qu'elle n'est plus, si on les mets dans la balance, pour les inconvénients pour celle qui veut savoir d'où elle vient?

Mme Drouin (Huguette): Moi, là, subjectivement parlant, il faut bien que je vous dise qu'il n'y en a pas, d'inconvénient. Vous comprenez, hein?

M. Gauvreau: Très bien.

Mme Drouin (Huguette): Bon. Ce n'est pas pour... Tu sais, dans le fond, là, je vous dis: Ah! non, non, non, il n'y a aucun inconvénient. Mais un inconvénient auquel j'ai déjà pensé, pas tant... Parce qu'après que j'aie rencontré des travailleurs sociaux, puis ils m'ont dit: Votre mère est décédée, mais on ne peut pas vous dire qui, bon, on finit par... Ils m'ont même donné un beau certificat avec l'en-tête enlevé, tout écrit, puis de quoi elle est... Tu sais, ça finit par être une pièce de théâtre, cette affaire-là.

Mais là j'ai réfléchi à ça puis je me suis dit: Bien, pourquoi ça se passe comme ça? Bon. Là, je me suis dit: Peut-être que, si la personne, dans sa vie, elle n'a pas dévoilé son secret puis que, moi, je sais qui est cette personne, à partir du moment où je sais qui est cette personne et que j'ai peut-être une adresse ou enfin une information x qui pourrait me permettre de peut-être contacter des personnes de sa famille -- c'est une hypothèse, bon, peut-être qu'on pourrait me dire que je n'ai pas le droit de le faire, aussi, là -- peut-être que je déferais une espèce de réputation post-mortem. Là, c'est le seul inconvénient que j'ai trouvé.

M. Gauvreau: La réputation post-mortem?

Mme Drouin (Huguette): D'une personne qui n'aurait pas dit, de sa vie durant, là, tu sais, que...

M. Gauvreau: O.K.

Mme Drouin (Huguette): Bon. C'est... Peut-être qu'il y en a d'autres. Remarquez, il y en a peut-être d'autres, inconvénients.

M. Gauvreau: ...s'endurerait bien, c'est ça? Si je vous comprends bien, celle-là s'endurerait bien.

Mme Drouin (Huguette): Mais là je n'en ai pas trouvé d'autre.

M. Gauvreau: Vous avez raison.

Mme Drouin (Huguette): En réfléchissant à ça, je me suis dit: S'ils me disent ça... Puis la loi est faite comme ça, il y a quelqu'un qui a trouvé des bonnes raisons, là. Parce que les gens qui écrivent des lois, ils écrivent ça pour une bonne raison.

M. Gauvreau: Si je vous comprends bien: que l'on respecte le pacte historique tant et aussi longtemps que la personne a manifesté son veto, comme ce fut le cas dans le cas de votre... de madame votre mère.

Mme Drouin (Huguette): Oui.

M. Gauvreau: Mais, lorsqu'elle a perdu la personnalité juridique -- hein, on l'acquiert en naissant, on la perd en mourant -- à ce moment-là, la balance des inconvénients devient tout à fait différente.

Mme Drouin (Huguette): Est faible.

M. Gauvreau: On dit même que... Pour le futur, on proposait même, dans certains cas, que... d'attendre un certain délai après le décès de la personne, justement pour ne pas créer de remous...

Mme Drouin (Huguette): Familiaux.

M. Gauvreau: ...plus grands que nature dans la famille quand il y a des contacts, qu'une personne cogne en disant: Coucou! je suis votre nièce. Mais, dans ce cas-là, il n'y aurait aucun inconvénient, là, vraiment mesurable.

**(16 h 20)**

Mme Drouin (Huguette): Non... Significatif. Non, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas significatif. Et j'ai beau y penser de toutes les façons possibles, je ne trouve pas d'autres inconvénients. Je comprends qu'on ne peut pas refaire le passé, là. C'est vrai aussi, là, quand vous parlez... Je n'avais jamais entendu ça, l'expression «pacte social». Je trouve que c'est vrai que, si on a promis à des gens des choses en 1950 puis que les gens vivent encore avec ça, tu sais... Il y a quelque chose là, là. Ça, je reconnais ça. Mais il me semble qu'il y a une forme de... quelque chose aussi qui peut être fait pour nous autres, là-dedans, tu sais. Parce que, moi, quand j'avais, tu sais, deux jours, puis qu'on m'a mise à la crèche D'Youville, puis, à six mois, qu'on m'a amenée sur la rue Parthenais, à Montréal, tu sais, je n'ai pas donné mon avis, là.

M. Gauvreau: Donc, en finale, je comprends que vous êtes d'accord avec, je pense, l'article 3. Je pense que c'est l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant qui reconnaît à tout enfant le droit de connaître ses origines.

Mme Drouin (Huguette): Bien, ne me demandez-moi pas... Certainement!

M. Gauvreau: Bien non, je le sais bien, mais on s'amuse.

Mme Drouin (Huguette): ...là, c'est vrai.

M. Gauvreau: Bon.

Mme Drouin (Huguette): Oui, oui, oui. Là, ne me demandez-moi pas de trouver un inconvénient, là, par exemple.

M. Gauvreau: Bon, bien, je vous remercie beaucoup.

Mme Drouin (Huguette): C'est moi qui vous remercie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce qu'il y a d'autres interventions? O.K. Il ne me reste plus qu'à vous remercier sincèrement, Mme Drouin, de vous être présentée.

Mme Drouin (Huguette): Je vous remercie beaucoup de m'avoir entendue.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Et je vous souhaite un bon retour chez vous.

Mme Drouin (Huguette): Merci beaucoup. Au revoir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, j'ajourne les travaux jusqu'à demain, à 9 h 30, où la commission se réunira afin de poursuivre ce mandat, et c'est à la salle Louis-Joseph-Papineau. Bonne fin de journée à tous.

(Fin de la séance à 16 h 21)

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