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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Wednesday, October 20, 2010 - Vol. 41 N° 92

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements


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Table des matières

Journal des débats

(Onze heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Drainville): Alors, bonjour à toutes et à tous. Je constate le quorum et je déclare donc ouverte la séance de la Commission des institutions. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Mandat de la commission, je le rappelle: procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Charette (Deux-Montagnes) remplace Mme Beaudoin (Mirabel) et M. Kotto (Bourget) remplace Mme Hivon (Joliette).

Le Président (M. Drainville): Très bien. Avant d'aller plus loin, je vais demander votre consentement pour que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve puisse participer à notre séance. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: ...

Le Président (M. Drainville): Consentement. Merci. Je vais également demander votre consentement pour que nous puissions rediviser le temps prévu, compte tenu du fait que nous démarrons nos travaux avec un certain retard. Les deux... comment dire, les deux groupes vont devoir se partager un temps de 45 minutes chacun au lieu de une heure, pour que nous puissions terminer à 13 heures comme prévu. Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: ...

Le Président (M. Drainville): Consentement. Merci. Alors, notre ordre du jour est le suivant.

Nous entendrons d'abord le Conseil orthodoxe juif pour les relations communautaires du Québec et par la suite Mme Gemma Gauthier. À 15 heures, nous poursuivrons avec le Rassemblement des chrétiens du Moyen-Orient, Mme Louise Hubert et M. Ghyslain Parent, ainsi que Mme Andréa Richard.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je vais céder la parole au Conseil orthodoxe juif pour les relations communautaires du Québec. M. Perez et le rabbin M. Glustein, je vous cède la parole, messieurs.

Conseil orthodoxe juif pour les
relations communautaires du Québec

M. Glustein (Moshe M.): Bonjour, M. le Président, et les membres de la commission. Au nom du Conseil orthodoxe juif pour les relations communautaires du Québec, je vous remercie de nous avoir invités ici aujourd'hui. À mes côtés est Me Lionel Perez qui fera la présentation de notre mémoire et répondra aux questions y afférentes.

Avec cela, j'aimerais me présenter. Mon nom est Moshe Martin Glustein, et je suis un Québécois. Ma famille est ici plus de 100 ans. Mon grand-père est venu ici, à Québec... 1904. Je suis né ici, à Montréal, le plus jeune d'une famille de quatre enfants. Mon père, un marchand local, est né à Lachine, Québec, et après ça a vécu à Montréal. J'ai fait mes études à Montréal et, dès l'âge de 13 ans, juste après ma communion, ou ma bar-mitsvah, j'ai quitté Montréal pour étudier et compléter ma formation professionnelle aux États-Unis et en Israël.

Je suis revenu ici, à Montréal, 22 ans après, l'année 1970, pour devenir le directeur régional d'une école juive avec les classes de préscolaire au secondaire V, un collège rabbinique, un poste que j'occupe depuis 40 ans. I'm a retiree now.

Une voix: ...

M. Glustein (Moshe M.): Hein?

Le Président (M. Drainville): Ça va très bien, continuez.

M. Glustein (Moshe M.): Le Conseil orthodoxe juif des relations communautaires du Québec fut fondé en 2003, et a récemment entrepris une réorganisation majeure, et représente maintenant plus de 10 000 Québécois et Québécoises juifs orthodoxes, soit la très grande majorité de la communauté juive orthodoxe du Québec.

Dans le passé, la communauté juive orthodoxe du Québec n'a pas participé à ce genre de débat public et n'a certainement jamais présenté un mémoire sur un projet de loi. Toutefois, dans le contexte où ce débat de société dure depuis plusieurs années, vu que la question d'accommodement implique des membres de la communauté juive orthodoxe et considérant que ce projet de loi affectera tous les Québécois, notamment les juifs orthodoxes, il nous a paru pertinent et responsable de participer à ce débat. De cette perspective, nous vous sentons interpellés de faire valoir notre point de vue.

Je vous remercie de votre attention et je passe maintenant la parole à Me Lionel Perez. Merci.

**(11 h 40)**

M. Perez (Lionel J.): Bonjour, M. le Président, membres de la commission. Comme les membres de la commission le savent déjà, l'obligation d'accommodements raisonnables est une notion jurisprudentielle qui découle du droit de l'égalité, qui a pour but de remédier ou redresser une situation où certaines normes ou pratiques causent une discrimination indirecte pour une certaine catégorie de personnes, pour autant que lesdits accommodements ne créent pas une contrainte excessive.

Bien que le débat actuel autour de la notion d'accommodement raisonnable a pris une tournure religieuse, il faut rappeler que le concept est bien plus large et s'applique ainsi à de nombreuses autres situations, tels le handicap, l'âge, sexe, et autres. La définition d'accommodement raisonnable énoncée dans le projet de loi n° 94 reprend essentiellement les critères et les balises établis par les tribunaux et codifie donc la jurisprudence. Cependant, le projet de loi ajoute de nouvelles exigences que devra respecter tout accommodement, soit une hiérarchisation apparente des droits avec une primauté des droits à l'égalité entre femmes et hommes sur tout autre droit, le principe de la neutralité religieuse de l'État et l'obligation que tout service soit rendu ou obtenu à visage découvert. On en parlera, de ces trois nouveautés.

Tel que rédigé, le conseil estime que l'article 4 démontre une intention du législateur de vouloir créer une hiérarchie des droits en privilégiant le droit à l'égalité entre hommes et femmes, à l'instar de tout autre droit et liberté. Or, la charte québécoise garantit déjà l'égalité des sexes autant que les autres libertés. L'ensemble des droits et libertés ont une interdépendance où aucun droit ne peut être subordonné à quelque autre droit, ils ont tous une valeur égale. Les arrêts des tribunaux ainsi que la Déclaration universelle des droits de l'homme vont dans ce sens en soutenant une non-hiérarchie de droits.

Bien que le Barreau du Québec ait commenté dans son mémoire à l'effet que le mot «notamment» ne crée pas de hiérarchie, le souci se manifeste non seulement dans la théorie du droit, mais dans la réalité de l'interprétation et dans la mise en application par le gouvernement. Or, le communiqué de presse du gouvernement annonçant le projet de loi n° 94 se lit, au troisième paragraphe: «Le projet de loi définit la notion d'accommodement, subordonne tout accommodement au respect du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes.» Fin de citation. Avec une telle hiérarchisation, il y aura un conflit entre la primauté de droit d'égalité entre hommes et femmes et les autres droits protégés par la charte. Pourtant, la charte québécoise comporte en elle-même les ressorts nécessaires pour assurer la conciliation entre le conflit de deux droits en recherchant un juste équilibre qui permette la préservation optimale des droits de chacun en fonction des faits propres à chaque affaire et de respecter pleinement les deux catégories de droit en conflit.

Par exemple, lorsque justifié, les tribunaux ont limité par le passé le droit à la religion. Les chartes permettent et même commandent que la liberté religieuse soit restreinte si la protection d'autres droits ou un autre intérêt l'exige. Les arrêts tels le Toronto... Society et plus récemment Bruker contre Marcovitz confirment cette réalité.

Donc, la hiérarchisation apparente de l'article 4 vient se heurter à la jurisprudence ainsi qu'à la doctrine en conférant de plein droit une primauté à un droit par rapport aux autres droits et libertés. Cela viendrait brouiller les cartes dans une évaluation éventuelle d'accommodement raisonnable mettant en conflit le droit d'égalité des sexes et tout autre droit. Le conseil soumet qu'il serait sage et opportun que le gouvernement reconsidère et révise sa position sur cet aspect du projet de loi.

L'article 4 vient également exiger que tout accommodement soit subordonné au principe de neutralité religieuse de l'État. A priori, ce principe est nécessaire dans toute société démocratique et pluraliste. Bien qu'il n'y ait pas de norme législative, au Québec ni au Canada, encadrant ce principe, la jurisprudence a établi que l'État se doit à un impératif de neutralité par rapport aux religions et garantir à chacun qu'il ne sera pas forcé d'agir contrairement à ses croyances ou à sa conscience.

Lors de la présentation du projet de loi, le gouvernement du Québec a clairement indiqué que le Québec prône sans équivoque la laïcité ouverte. Le conseil partage les propos tenus par le premier ministre qui, selon nous, représentent des valeurs québécoises de pluralisme, ouverture et tolérance. Toutefois, avec cette nouvelle condition, il serait possible qu'une interprétation autre que celle du premier ministre soit faite. Par exemple, le conseil... la présidente du Conseil du statut de femmes a affirmé que cet article permettra d'interdire le port de signes religieux ostentatoires.

Le conseil recommande donc que le gouvernement entérine la notion de laïcité ouverte dans le projet de loi n° 94 au moyen d'une définition sans ambiguïté, afin de s'assurer que le modèle de neutralité religieuse de l'État souhaité et qui est présentement privilégié au Québec soit maintenu.

Finalement, l'article 6 vient ajouter une exigence tant à l'offre de services gouvernementaux qu'à la réception de ceux-ci, soit: à visage découvert. Le conseil tient à confirmer que cette clause n'affectera aucunement la communauté juive orthodoxe. Après consultation, il a été confirmé qu'il n'y a aucune obligation, pratique ou coutume religieuse qui oblige une personne de foi juive à couvrir son visage. Néanmoins, le conseil se permet de faire quelques commentaires sur cette nouvelle condition. L'obligation d'accommoder n'est pas absolue, et, s'il est vrai que l'État puisse limiter une pratique de conscience, et donc limiter un droit, il est fait... il faut que le motif soit sérieux, que les limites à ce droit soient proportionnelles à l'objectif visé et... doit être fait de façon minimale.

Nous soumettons que les motifs de sécurité et d'identification pourraient justifier que l'État exige qu'une personne ait un visage découvert afin d'obtenir des services du gouvernement. Toutefois, nous émettons des réserves profondes quant aux motifs de communication, car ce terme pourrait être considéré trop vague par les tribunaux, soulevant des doutes sérieux quant à sa validité en vertu des chartes.

Le conseil aimerait ajouter un commentaire supplémentaire. Il semblerait que cette condition ne vise qu'une seule catégorie de personnes, qui totaliserait, d'après les rapports médiatiques, une centaine de femmes sur une population de 8 millions au Québec. Le conseil s'interroge si l'État devrait légiférer une loi qui vise un groupe ou une minorité. C'est une préoccupation particulière pour le conseil, parce que l'histoire a démontré à maintes reprises au peuple juif, ainsi que tant d'autres, que, dès qu'on légifère pour cibler un groupe de personnes causant une certaine différence, cela peut dégénérer vers un chemin que tous aimeraient éviter.

En conclusion, il mérite d'être souligné et répété qu'il n'y a pas de crise d'accommodements, religieux ou autres, contrairement à l'idée qui se répand dans l'opinion publique et l'hypermédiatisation au Québec sur ces questions. Les rapports du comité Fleury, la commission Bouchard-Taylor ainsi que la Commission des droits de la personne soutiennent qu'il n'y a pas d'augmentation signifiante des demandes d'accommodement religieux déraisonnable. Par conséquent, il n'y a pas lieu de voir une grave menace pesant sur les fondements de la collectivité québécoise. Dans cette optique, le projet de loi, dans sa présente articulation, s'ouvre à une contestation constitutionnelle, et une aggravation des tensions sociétales, pourtant cherchant à être atténuées, est possible, sinon probable.

Nous nous fions à la sagesse des membres de cette commission et du gouvernement afin d'évaluer cette perspective et nous les invitons à en faire un débat franc et honnête, empreint de rigueur intellectuelle, sachant l'impact et les conséquences que ce dossier pourrait avoir au sein de la population québécoise. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Drainville): Merci, M. Perez. Alors, ça va nous donner, juste pour m'assurer, là, que tous les membres de la commission connaissent les temps impartis... partie gouvernementale, un petit peu moins de 17 minutes; l'opposition officielle, autour de 13, et le deuxième groupe d'opposition, s'ils sont présents, quatre minutes. S'ils ne le sont pas, ça s'ajoutera au temps de l'opposition officielle. Et, sans plus tarder, je laisse la parole à la ministre responsable du projet de loi.

Mme Weil: Oui. Bonjour, M. Glustein et Me Perez. Alors, si je comprends bien, c'est une journée historique aujourd'hui parce que vous venez participer à un débat ici, à l'Assemblée nationale. Alors, je peux vous dire que je suis ravie que vous participiez à ce débat et partagiez avec nous votre point de vue sur ce projet de loi que le gouvernement considère très important comme geste, important dans le débat des accommodements raisonnables.

Je veux vous féliciter pour votre mémoire. J'ai trouvé qu'il est très bien, évidemment, structuré, très clair, et, vous, vous explicitez très clairement vos accords sur certains points de vue et votre désaccord sur d'autres. Et vous expliquez bien pourquoi vous êtes en désaccord. Alors, je vais vouloir aller un peu plus en profondeur sur certains de ces éléments.

On va commencer peut-être avec cette notion d'égalité hommes-femmes, et hiérarchisation, et votre crainte qu'on crée cette hiérarchisation. Comme vous le savez, la Charte des droits et libertés a déjà été amendée, et on a rajouté, il y a quelques années, en 2007, un considérant dans le préambule où on parle de l'égalité entre les hommes et les femmes. Donc, il y a déjà eu cet amendement dans la Charte des droits et libertés pour mettre en valeur, si vous voulez, l'égalité hommes-femmes et aussi le rajout de l'article 50.1: «Les droits et libertés énoncés par la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes.»

À l'époque de ce débat, lorsqu'on a fait ce rajout-là, et suite aux décisions qui auraient été prises par la Commission des droits de la personne, du Tribunal des droits de la personne et d'autres instances, est-ce que vous avez toujours cette crainte ou est-ce que vous pensez que, d'avoir rajouté ce préambule et cet article 50.1, on a créé une hiérarchisation?

**(11 h 50)**

M. Perez (Lionel J.): L'intention de l'article 50.1 n'était pas de créer une hiérarchisation, c'était vraiment une confirmation, une clarification qui avait été demandée et qui, vu l'évolution des droits des femmes au fil des 50 dernières années, voulait une clarification, un ajout, certains diraient, symbolique.

D'autres diraient que, non, il y a une implication législative ou jurisprudentielle qui pourra avoir lieu. À date, à ma connaissance, il n'y a pas encore eu d'arrêt sur cette question-là. Donc, d'après et les mémoires, par exemple, du Barreau du Québec, ainsi que tant d'autres, et les notes explicatives, ce n'est pas... une telle hiérarchisation. Dans ce contexte-là, ça sert à peut-être être utilisé concernant, par exemple, des droits économiques et sociaux plutôt que des droits qu'on pourrait catégoriser de fondamentaux. À savoir si une évolution potentielle dans la jurisprudence aura un différent avis, on ne le sait pas encore, et donc c'est un souci. Dans le contexte du projet de loi n° 94, toutefois, c'est clair qu'on dit déjà que les accommodements doivent respecter la charte. Et on rajoute spécifiquement le droit d'égalité entre hommes et femmes. Maintenant, personne du conseil ne s'objecte à cela. Évidemment, dans notre société, c'est une valeur fondamentale qu'on respecte et pour laquelle on est pour. Mais, dans le contexte d'un conflit de droits, lorsqu'il y a deux droits, un qui suppose à l'autre, ce serait soucieux d'avoir une primauté.

Et je vais citer quelques exemples, avec votre permission. Dans une situation, par exemple, on peut prendre les lois... la loi sur les services de santé et sociaux... loi sur les services sociaux. Il y a une certaine obligation d'offrir aux individus ou résidents, citoyens, un soin avec une certaine dignité, autonomie, etc. Maintenant, cela a été déjà interprété par la Commission des droits de la personne. Comme, si, à la demande d'un patient, il ou elle demande qu'un membre du même sexe lui offre ces services, si c'est disponible, bien ça serait permis pour autant qu'il n'y ait pas une sexualisation des profils des postes. Ça veut dire qu'il ne faut pas qu'il y ait de politique à cet égard. Mais, si c'est une demande de l'individu, ce serait permis.

Si on applique maintenant la loi n° 94 dans sa formulation actuelle, il y a un conflit. Alors, présentement, une personne qui aura peut-être... âgée qui, pour des raisons de pudeur ou pour d'autres raisons, aimerait avoir une personne du même sexe, que ce soient hommes et femmes... lui rende des services, si encore c'est disponible, techniquement l'hôpital ne pourra pas nécessairement accommoder cette demande. Je pense qu'on peut voir que c'est à l'encontre de certaines de nos valeurs et, dans ce cas, des dispositions législatives.

Deuxième exemple: il se peut que, dans la même personne, s'incarnent deux droits différents. Par exemple, une personne qui fréquente l'école publique, une fille qui fréquente l'école publique et aimerait porter un couvre-chef, un hidjab ou autre. Si, en vertu d'un droit à l'égalité entre hommes et femmes, on interdit cela, cela viendrait enfreindre l'article 40 qui confirme et assure que toute personne aura droit, accès à une éducation publique. Alors, ça crée encore un conflit. Les tribunaux ont vu juste, que c'est vraiment... je ne dirais pas «du cas par cas», mais il n'y a pas de solution mur à mur non plus. On établit des principes, on voit quelles sont les situations afférentes et on traite. Et, comme il a été mentionné par la commission Bouchard-Taylor ainsi que le comité Fleury, et d'autres, il n'y a pas de crise d'accommodements, ce n'est pas quelque chose qui est rampant dans la société.

Alors, c'est un souci, parce que c'est spécifiquement noté. Également, bien que l'attention de l'article 50.1 n'a pas été de créer une hiérarchie, on ne sait pas comment les tribunaux vont l'interpréter.

Et, troisièmement, il y a un certain courant jurisprudentiel, bien qu'il soit très minime, notamment avec la décision de 2007 de Bruker contre Marcovitz, qui vient confirmer que les droits religieux ou autres ne sont pas absolus. C'est évident, c'est déjà le cas.

Mme Weil: ...un commentaire, parce que j'aimerais beaucoup passer...

M. Perez (Lionel J.): Oui, bien sûr.

Mme Weil: ...à d'autres éléments. Mais je vous dirais que la combinaison évidemment de l'article 4, de l'article 5, qui définit l'accommodement raisonnable, qui vient dire qu'on ne peut jamais brimer les droits d'autrui, le titre du projet de loi et le fait qu'on est vraiment dans l'accommodement raisonnable... je voudrais vous rassurer surtout que l'idée d'accommodement demeure pleine et entière, mais ici le législateur vient... et ce n'est pas encore fait, le projet de loi n'est pas encore adopté, mais vient attirer l'attention, parce que le Barreau a souligné l'aspect pédagogique de ce projet de loi, mais il vient vraiment attirer l'attention du décideur qui aura toujours à prendre des décisions, est-ce que c'est raisonnable ou pas raisonnable?, sur l'égalité hommes-femmes.

Et c'est vraiment dans cette optique-là et c'est pour ça, le «notamment». Mais de toute façon on ne pourra jamais brimer le droit à l'égalité hommes-femmes. L'accommodement serait considéré non raisonnable. Mais les exemples que vous donnez ne viennent pas mettre deux droits en conflit, c'est tout simplement un exercice d'accommodement raisonnable, l'exemple que vous donnez.

Là, j'aimerais... On pourra en débattre éventuellement, mais je voulais juste clarifier, peut-être rassurer dans ce sens-là.

M. Perez (Lionel J.): ...un commentaire là-dessus, avec votre permission?

Mme Weil: Oui.

M. Perez (Lionel J.): Rapidement. Je suis d'accord avec vous que, d'un point de vue exercice pédagogique et d'après la jurisprudence, les tribunaux ne vont pas interpréter nécessairement cette primauté. Mais, ce qu'il y a un souci, c'est l'application par le gouvernement.

Je m'explique. Si, par exemple, après l'adoption de la loi n° 94, il y a une révision de directives à l'interne de certains organismes publics, je pense notamment à la Société de l'assurance automobile du Québec... Présentement, il y a une politique comme quoi on peut demander un examineur de son choix, de son sexe, pour des raisons religieuses ou autres, pas nécessairement seulement religieuses. Donc, dans ce contexte-là, est-ce que cette politique va changer? Parce qu'il faut comprendre que, sur une étude, d'après la Commission des droits de la personne, sur 25 000 examens, il y a eu une demande de six. Donc, on ne peut pas dire que c'est répandu et dangereux.

Mais, si dans l'application le gouvernement va commencer à changer des directives, alors ça va donner la possibilité qu'on aille devant les tribunaux, qu'il y aura une contestation, que ce débat ne sera pas réglé.

Mme Weil: Les directives vont venir par la suite pour refléter le projet de loi qui sera finalement adopté, et évidemment ce sera le ministère de la Justice qui va superviser tout cet exercice, mais toujours dans le respect de la loi et du droit tel qu'on le connaît. Mais je tiens à répéter qu'on ne pourra pas voir une directive qui viendrait enfreindre l'égalité hommes-femmes. Ce sera toujours pris en compte, mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire un accommodement.

Alors, bon, sur la question... je pense qu'on va y aller sur l'article 6, qui est quand même très important. Vous, vous parlez... vous dites que l'aspect «communication»... premièrement, le mot, comme ce sera interprété. Vous parlez de justement pédagogie, l'importance peut-être d'un professeur qui devrait, pour enseigner, être à visage découvert. Est-ce que vous viendrez préciser peut-être les mots qui sont utilisés dans l'article 6, c'est-à-dire que la communication, ce n'est peut-être pas assez clair, mais que, dans certaines circonstances où il y a un exercice pédagogique, vous aimeriez une clarification dans ce sens-là?

M. Perez (Lionel J.): Alors, vraiment, c'est un contexte où le terme «communication» est très large. Dans l'exemple que vous avez donné et qu'on a mentionné dans le mémoire, il est vrai, il existe des circonstances où la communication pourrait justifier que certains services soient offerts ou rendus de façon... à visage découvert. L'exemple donné, encore une fois, sans vouloir répéter, c'est une enseignante ou un enseignant où la communication n'est pas seulement verbale, mais non verbale également. Mais la question se pose également. Quelqu'un qui se présente à un bureau du gouvernement pour remplir un formulaire... le fait que le visage est couvert n'empêche aucunement cette personne-là de pouvoir obtenir des services.

Alors, c'est dans ce contexte. Alors, nous, ce que nous suggérons, et on prend une page du mémoire du Barreau du Québec, c'est peut-être de limiter l'élément «quand c'est nécessaire». Alors, lorsque le service exige que le visage soit découvert, dans ce contexte-là, ce serait quelque chose qui pourrait être retenu et qui ne sera pas de contestation constitutionnelle.

Mme Weil: Très bien. Donc, leur suggestion... il y avait Québec solidaire qui avait aussi des commentaires un peu dans votre sens, c'est-à-dire de faire attention à l'application de cet article-là. Donc, le Barreau, qui avait suggéré de remplacer «communication» par «exigence de la prestation»...

M. Perez (Lionel J.): Exactement.

Mme Weil: ...donc, vous allez un peu dans ce sens-là.

M. Perez (Lionel J.): Exact.

**(12 heures)**

Mme Weil: Là, j'aimerais aller vraiment un peu sur cette grande question de laïcité et de définition de laïcité parce que je pense que c'est vraiment là le grand débat.

Alors, on a vraiment deux points de vue, le point de vue de ceux qui voudraient vraiment qu'on définisse «laïcité» comme quelque chose qui irait plus dans le sens d'un État séculaire où on ne pourrait voir l'expression de la liberté de religion. Donc, pas de port de signes religieux, on parle d'ostentatoires, mais je pense que c'est finalement le port de signes religieux. Vous, vous êtes d'accord avec la position du gouvernement, qui, lorsqu'on a déposé ce projet de loi... le premier ministre, d'ailleurs vous le citez, qui parle de cette laïcité ouverte qui vient confirmer que l'État est neutre, que la séparation entre l'Église... les Églises et l'État est un constat mais que la neutralité n'est pas brimée, si vous voulez, ou amoindrie ou diluée par le fait que l'État puisse avoir devant lui l'expression de diverses religions.

Donc, vous, vous aimeriez qu'on vienne clarifier dans la loi «laïcité ouverte». J'aimerais juste vous entendre là-dessus, c'est un point très important, parce qu'on a vraiment deux points de vue de pluralisme, et comment le pluralisme s'exprime dans le cadre de services gouvernementaux?

M. Perez (Lionel J.): Avec plaisir. Donc, tel que mentionné dans le mémoire et dans ma présentation, la notion, le principe de neutralité religieuse de l'État, est importante.

Il y a deux, si vous voulez, notions ou principes concernant cette question de laïcisation de la société. Donc, d'abord, on doit respecter... il faut que l'État respecte la liberté de conscience de chacun. Je dis «liberté de conscience» et non seulement «liberté de religion», parce qu'une question de conscience... quelqu'un pourrait avoir une question de conscience qui n'a rien à voir avec la religion mais qui pourrait enfreindre ou être limitée par le gouvernement.

Deuxièmement, l'État se doit... une obligation d'égalité envers tous ses citoyens et, si l'État et ses organismes ne sont pas neutres, alors il ne peut garantir cette égalité. Afin d'arriver à ce but, à cet objectif, il y a différentes façons d'y arriver. Il y a évidemment les modes opératoires tels que la séparation entre l'État et l'Église ainsi que la neutralité de l'État. Or, présentement, il n'y a pas de cadre législatif sur ce qui est la laïcité, qu'est-ce, la sécularisation. Il y a un constat sociologique qui est fait. Il est vrai que les jurisprudences, au cours des 65 dernières années, ont reconnu ce principe parce qu'il est nécessaire dans une société démocratique et pluraliste. Mais le fait que quelqu'un ait une appartenance religieuse et porte un signe religieux ostentatoire, cela ne devrait pas automatiquement être une façon de renoncer à travailler dans la fonction publique ou de recevoir des services du gouvernement.

L'aspect de la religion fait partie d'une identité de chacun, peut-être le personne est athée, peut-être la personne est religieuse, peut-être la personne est philosophe, et ce n'est pas à l'État de vouloir maintenant encadrer ce quelle devrait faire. Le choix doit être au citoyen.

Maintenant, pour les raisons énoncées, donc l'égalité, etc., l'État doit être neutre. Mais ce n'est pas le fait que quelqu'un porte un signe religieux qu'il ne peut pas exercer la fonction dans la fonction publique. Il faut voir ses actes, il faut voir les actions. Par exemple, quelqu'un qui porte une croix pendant qu'il travaille, cela n'affecte pas aucunement personne. Ce n'est pas un... brime de la neutralité. Si cette personne commence à faire des discours religieux ou une... quelconque, alors là c'est un problème.

Mais c'est l'acte qui est le problème, ce n'est pas le symbole lui-même. Alors, est-ce que ça adresse votre point de vue?

Mme Weil: Oui. Le temps est écoulé.

Le Président (M. Drainville): En terminant, il reste 30 secondes.

Mme Weil: Ah bon. Bien, je vous remercie.

Le Président (M. Drainville): Je suis désolé, mais il faut vivre avec le temps que nous nous sommes donné. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Bonjour, M. Glustein, M. Perez. Ça fait plaisir de vous accueillir en effet à l'Assemblée nationale. Et, comme la ministre, je note que c'est la première fois donc que vous vous présentez devant une commission parlementaire ici, à l'Assemblée nationale. Alors, en effet, bienvenue.

M. Perez (Lionel J.): Merci.

Mme Beaudoin (Rosemont): Moi, j'aimerais revenir sur deux points.

Il est évident, la ministre y a fait allusion, qu'il y a plusieurs opinions, plusieurs options dans la société québécoise quant à la définition de la laïcité, quant à la manière dont cette séparation des Églises et de l'État doit se concrétiser. Nous, au Parti québécois, on a pris une formulation qui est non pas la laïcité ouverte, comme vous le savez sûrement, qui est le choix du gouvernement, mais qui est la laïcité, tout court, avec toutes les conséquences en effet, mais je veux vous dire que c'est au nom du respect de la diversité religieuse dans notre société et au nom de la liberté de conscience en effet, c'est-à-dire de croire ou de ne pas croire.

Mais je veux revenir sur certaines des interrogations de la ministre avant de passer la parole d'ailleurs à mon collègue de Deux-Montagnes qui voudrait aussi vous poser quelques questions. Au moment du dépôt du projet de loi n° 94, il y a eu une conférence de presse, et le premier ministre Charest, et je l'ai ici devant moi, a dit ceci -- c'est dans Le Soleil du 25 mars 2010: «Pour [le premier ministre] -- donc je cite -- il est clair qu'un homme qui refuserait d'être servi par une femme [par exemple] à la Régie de l'assurance maladie ou ailleurs -- dit-il -- devra refaire la file.» Donc, c'est un des exemples. Et tout à l'heure on parlait du permis de conduire, ou etc. Donc, le premier ministre a été assez clair sur cette question-là.

Et est-ce que ça correspond, vous, à ce que vous souhaitez, ce que... Parce que, là, vous félicitiez M. Charest, là, dans votre mémoire, sur sa prise de position en faveur de la laïcité ouverte, mais est-ce que vous la comprenez, vous aussi, comme ce que je viens de citer de la part du premier ministre?

M. Perez (Lionel J.): Alors, c'est en vertu de la formulation du projet de loi n° 94, en vertu de certains commentaires émis par le gouvernement qu'on a ce souci.

Alors, ce n'est pas seulement un souci du point de vue juridique. Oui, à la longue, c'est un point de vue juridique, mais c'est la question de la mise en application. Et, avec les exemples cités, c'est une question où on vient rebaliser les critères d'accommodement raisonnable. Et c'est un souci pour une certaine partie de notre communauté, il est vrai, mais pas seulement pour notre communauté, parce que les effets peuvent être autres que prévu. Ça veut dire que, si, la population, la majorité est à l'aise, par exemple, avec cette interprétation, bien, et peut-être il y a une interprétation qui va venir plus tard, avec laquelle elle ne va être à l'aise, donc il faut vraiment considérer la façon que ça va être interprété. Et notre souci, c'est qu'il y aura deux messages: un message d'un point de vue juridique et de la mise en application.

Donc, notre compréhension, c'est qu'il y aura des changements, il y aura des directives. Et, suite à ces directives, si elle ne respecte pas les chartes, la charte québécoise notamment, il se pourrait qu'il y aurait des contestations juridiques devant les tribunaux, qui, malheureusement, pourraient exacerber le problème plutôt que le régler.

Mme Beaudoin (Rosemont): Très bien. Je vais passer la... Excusez, M. le Président...

Le Président (M. Drainville): Excusez-vous pas, ma chère madame, vous avez tout à fait le droit de passer la parole à votre collègue de Deux-Montagnes, et je vous remercie. M. le député de Deux-Montagnes, allez-y.

M. Charette: Merci, M. le Président. C'est un plaisir de vous entendre avec des propos effectivement qui sont bien éclairants, bien étoffés.

J'aimerais reprendre là où ma collègue de Rosemont a laissé, avec l'exemple précis qu'elle mentionnait. Dans l'éventualité d'une demande de services publics où on doit effectivement faire la file pour entrer en communication avec un fonctionnaire de l'État, si ce fonctionnaire de l'État n'est pas du sexe souhaité par le client, le citoyen, est-ce que vous êtes à l'aise, vous, avec l'idée que cette personne ait à refaire un fois, sinon deux fois, sinon trois fois, sinon quatre fois la file, sinon plusieurs fois la file jusqu'à ce qu'elle tombe, et c'est le fruit du hasard, devant un fonctionnaire qui serait de son choix?

**(12 h 10)**

M. Perez (Lionel J.): Non, on n'est pas à l'aise avec cette solution évidente. D'un point de vue qui a été présenté par la SAAQ, par exemple, ainsi que... qui a été révisé par la Commission des droits de la personne, il faut qu'il y ait une certaine proportionnalité.

Je ai mentionné: Il y a eu six demandes sur 25 000 examens. C'est dans le contexte de service à la clientèle. Ce n'est pas tout le monde qui le demande. Si, par exemple, il y avait un fonctionnaire pour un certain bureau, alors ça veut dire que cette personne-là ne pourra pas nécessairement avoir un service. Et, d'un point de vue religieux, sur les quatre, il y en avait seulement deux qui étaient de la communauté juive, entre parenthèses.

Alors, il faut vraiment comprendre que cela, ça vient à l'encontre... Nous, nous soumettons des droits de la charte québécoise... des droits et libertés de la charte québécoise ainsi que canadienne. On ne voit pas le but nécessairement de cette conclusion ou de cette façon de faire. Évidemment, il faut rappeler qu'on parle d'accommodements raisonnables. On ne parle pas d'accommodement, point à la ligne. Et lorsqu'on parle de contraintes, on parle de contraintes excessives. Donc, il y a des barèmes, il y a des limites. Et ce n'est pas que tout est permis. Ce n'est pas nécessairement un goût dispendieux, une frivolité qui va être acceptée ou qui devrait être acceptée. On ne prône pas cela du tout. Ce qu'on dit, c'est que présentement il y a une certaine façon de faire, c'est bien rédigé.

Et, nonobstant la médiatisation qui est faite, des fois c'est mal compris, mal interprété et c'est ça qui, nous pensons, peut-être oblige le gouvernement à faire certaines actions dans ce genre.

M. Charette: Merci. M. le Président, si vous me permettez, pour une autre question. Vous avez, dans votre mémoire et dans votre présentation, évoqué le possible choc des droits. Vous avez donné quelques exemples.

Ces exemples donnaient ou révélaient davantage deux droits pour un seul et même individu. Si on y va d'un scénario différent, où le choc des droits vise plutôt deux personnes différentes, c'est-à-dire le demandeur de services et celui ou celle qui l'offre, que fait-on si cette hiérarchisation des droits n'est pas permise? Il y a quelques cas qui ont fait les manchettes ou qui ont permis aux médias, là, de peut-être exacerber, ce sont vos mots, le débat sur les accommodements raisonnables, notamment celui d'une personne qui doit passer, par exemple, un examen de conduite, donc doit être seule avec un examinateur qui peut être de sexe féminin ou masculin. Donc, il y a le droit de ce fonctionnaire d'être lui-même, d'être, d'appartenir à un sexe déterminé, et il y a certainement le droit du client à cette liberté de conscience, sinon religieuse.

Sans cette hiérarchisation des droits, comment fait-on pour déterminer la prévalence du droit et comment s'assurer que le droit entre l'égalité des hommes et des femmes soit respecté?

M. Perez (Lionel J.): Donc là, comme je l'ai mentionné, c'est vraiment un juste équilibre qui devra être trouvé et c'est une évaluation des faits propre à chaque cas.

Dans le premier exemple que vous avez mentionné, par exemple la SAAQ ou un fonctionnaire dans un autre organisme public, la Commission des droits de la personne a examiné ce point de vue là et elle a dit qu'il y a un balancement de faire. S'il y a une politique où on dit: Il faut que chaque homme soit servi par un homme, ou chaque femme soit représentée par une femme, ou bien même une certaine catégorie, une certaine communauté doit être respectée, là ça poserait atteinte au droit de l'égalité d'hommes et femmes. Mais, dans le contexte où c'est demandé par l'individu... et encore on présume que c'est toujours pour des motifs religieux, mais ce n'est pas nécessaire, ce n'est pas nécessaire, ça peut être pour d'autres motifs qui sont antireligieux, alors, dans ce contexte-là, la Commission des droits de la personne a dit que c'est acceptable. C'est toujours un balancement qui se fait.

Il y a toujours un équilibrage qui doit se faire. Et, oui, les principes sont établis, puis ce n'est pas du cas par cas, parce qu'une fois que c'est décidé, bien ça rentre en ligne de compte, et puis tout le monde s'ajuste.

M. Charette: Et l'explication que vous me donnez, c'est en vertu des chartes actuelles. Hier, nous avons reçu différents groupes, et je me souviens d'une avocate notamment qui disait que la jurisprudence, au fil des ans, avait permis l'évolution d'une certaine interprétation de ces chartes, et elle disait que la société québécoise aujourd'hui serait en mesure d'accepter et de reconnaître des changements à la charte québécoise des droits pour justement préciser, d'une part, le caractère laïque de la société québécoise mais également cette primauté du droit à l'égalité entre les hommes et les femmes.

D'après vous, est-ce que la jurisprudence des dernières années laisse croire à cette évolution? Est-ce qu'on pourrait, en plus de ce projet de loi là, amender la charte québécoise des droits pour qu'elle soit encore plus ferme dans la volonté du législateur?

M. Perez (Lionel J.): Je ne dirais pas qu'il y a un courant jurisprudentiel, je dirais qu'il y a peut-être quelques causes qui ont réaffirmé que c'est toujours une non-hiérarchie qui se fait. Maintenant, cette non-hiérarchie doit être évaluée, et dans certains cas le droit de l'égalité va brimer d'autres droits. C'est tout à fait normal. Mais c'est dans les circonstances qui vont le déterminer. Ce n'est pas une règle générale qu'on doit appliquer à tout de façon aveugle. Alors, oui, mais c'est quelque chose qui a toujours été le cas. C'est vrai qu'il y a eu une ou deux décisions récentes qui ont moins mis le point pour réaffirmer cela.

Je ne dirais pas qu'il y a une tendance, mais est-ce que c'est une possibilité? Bien sûr, tout est possible.

M. Charette: ...

M. Perez (Lionel J.): Merci à vous.

Le Président (M. Drainville): M. le député de Bourget souhaite obtenir la parole. Nous avons le... Nous avons eu le consentement déjà, n'est-ce pas? Il reste très peu de temps, il reste une minute...

M. Kotto: ...très courte question.

Le Président (M. Drainville): ...M. le député de Bourget.

M. Kotto: Très courte question, M. le Président. Changement de perspective. Dans un monde idéal, admettons, dans l'hypothèse où vos recommandations seraient validées dans le cadre de l'étude de ce projet de loi, est-ce que vous pensez que c'est une loi, une fois adoptée, qui apportera le changement escompté, dans la société, à l'effet de rapprocher les communautés?

M. Perez (Lionel J.): Évidemment, ça va dépendre de plusieurs faits.

Je pense que, lorsque je l'ai mentionné au début... Le projet de loi vient entériner la jurisprudence, vient codifier la jurisprudence de façon générale. Maintenant, l'exercice pédagogique que fait le gouvernement est toujours bon. Il y a une... ou il y avait une malcompréhension des concepts d'accommodement raisonnable. Dans ce contexte-là, oui, on pense que c'est un point qui va avantager la population parce qu'il y aura une loi qui va venir décrire quelles sont les balises, etc. Et donc ça apportera plus d'éclaircissements et de connaissances sur la question, mis à part des réserves qu'on a mentionnées. Évidemment, dans le futur, on ne sait comment le projet de loi ou d'autres arrêts vont venir interpréter cela. Nous espérons que ça sera le cas.

Nous invitons à ce que tous les partis ainsi que les médias, et autres, prennent attention de vraiment expliquer les cas d'accommodement lorsque c'est des cas d'accommodement, mais, lorsque c'est des cas qui ne sont pas d'accommodement, bien il ne faut pas les présenter comme des cas d'accommodement.

M. Kotto: Merci.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, messieurs, ça a été très agréable de vous recevoir. C'est un précédent heureux, et nous souhaitons qu'il se répète à nouveau, à l'avenir. Vous serez toujours les bienvenus dans votre Assemblée nationale. Merci beaucoup.

M. Perez (Lionel J.): Merci beaucoup, M. le Président, membres de la commission.

Le Président (M. Drainville): Nous suspendons un instant.

(Suspension de la séance à 12 h 19)

 

(Reprise à 12 h 20)

Le Président (M. Drainville): Alors, sans plus tarder, je demanderais aux membres de la commission de prendre place, s'il vous plaît, puisque nous allons procéder sans plus tarder afin de ne pas pénaliser la prochaine participante. Je vous rappelle que nous devons terminer nos travaux à 13 heures. Alors, il nous reste exactement 40 minutes.

Je souhaite la bienvenue à Mme Gemma Gauthier, Mme Gauthier qui est responsable régionale de la condition des femmes au Conseil régional de l'Estrie, de l'association des retraitées et retraités de l'éducation du Québec. Je pense que je... C'est exact, ce que je dis, Mme Gauthier?

Mme Gemma Gauthier

Mme Gauthier (Gemma): Oui.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Alors, je vais vous céder, sans plus tarder, la parole pour que vous puissiez procéder avec la présentation de votre mémoire, et par la suite il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. À vous la parole.

Mme Gauthier (Gemma): Bonjour, mesdames et messieurs, ministres et députés, merci de nous recevoir. Nous sommes membres de l'AREQ -- ma collègue va revenir dans quelques minutes, là -- de la région de l'Estrie. Je suis responsable du comité régional de la condition des femmes. Jeanne Chantal Bélanger, qui va revenir dans deux minutes, siège aussi sur le comité. Elle représente le secteur de Coaticook.

Il faut dire que l'AREQ-Estrie regroupe huit secteurs, dont celui de Coaticook, et nous avons l'appui du Conseil régional de l'AREQ-Estrie. Je ne vous présente pas l'AREQ parce que notre présidente provinciale, Mariette Gélinas, vous l'a déjà présentée. Je ne fais que vous rappeler que nous sommes des retraitées de la CSQ avec laquelle nous sommes affiliées. Et nous ne sommes pas des juristes, ça, j'aimerais bien que vous teniez compte de ça, nous ne sommes pas des avocats, nous sommes des professeures retraitées. C'est une différence, quand même. Toutes les lois, là, on en entend parler, mais on n'est pas des juristes, mais nous sommes des citoyennes très sensibles à l'égalité des sexes, interpellées par les accommodements raisonnables, religieux. J'ai aussi présenté un mémoire à la commission Bouchard-Taylor au nom du comité de la condition des femmes de l'Estrie.

En lisant le projet de loi n° 94, je me suis posé des questions: Est-ce qu'il définit des balises claires? Est-ce qu'il respecte l'égalité entre les femmes et les hommes? Comment le Québec va-t-il manifester sa laïcité? Est-ce que la loi confirme que le Québec est un État laïque? Le projet de loi n° 94, à mon sens, ne respecte pas le fait que le Québec soit un État laïque où l'égalité des sexes est respectée. Il met dans la loi la jurisprudence. Il ne fait que confirmer l'étude du cas par cas. Donc, rien de changé, ce sera toujours le pouvoir judiciaire qui décidera, ce ne sera pas la société civile et nos élus qui décideront dans quelle sorte de société nous voulons vivre.

Quelles sont les conditions pour qu'une société soit laïque? Alors, moi, je pense que, pour qu'une société soit laïque, la société doit être respectueuse de toutes les convictions en matière de religion. Il est nécessaire que les institutions de l'État s'obligent à une neutralité à l'égard de ces convictions. La laïcité est la seule voie d'un traitement égal et juste, quelles que soient les convictions de ses citoyens. En aucun cas les droits des minorités ne sont menacés par la laïcité, bien au contraire, puisque chacun peut vivre selon ses propres convictions. Un État laïque interdit à ses représentants le port de signes religieux ostentatoires, car il incarne la nécessaire neutralité de l'État. L'école publique n'est pas neutre si le corps enseignant et sa direction affichent ouvertement son adhésion à une religion. Un hôpital n'est pas neutre si le personnel affiche encore une fois ouvertement son adhésion à une religion.

Un État laïque ne doit pas financer les écoles religieuses et encore moins adapter le calendrier scolaire de tout le Québec à certaines écoles religieuses.

Le signe religieux étant un langage non verbal qui exprime la foi et l'appartenance religieuse de la personne, il est normal que l'employé de l'État s'abstienne d'un tel discours puisque l'usager n'a pas à y être soumis. D'ailleurs, dans les années soixante, les religieux et les religieuses qui oeuvraient dans les établissements de santé et de l'enseignement ont abandonné leur tenue religieuse. Ceci s'est fait sans renier ni les croyances ni les libertés de conscience de ces employés. Si l'employé ne peut porter de signes religieux ostentatoires, il est normal de s'attendre au même respect de la part de ceux et de celles qui reçoivent les services de l'État.

Respecter la laïcité de l'État réglerait beaucoup de problèmes concernant l'égalité des sexes. Le Québec est un État... est une société laïque où l'égalité des sexes... on ne peut faire abstraction du fait que certains signes les plus ostentatoires représentent un rejet de l'égalité des sexes, qui est une valeur fondamentale au Québec.

L'égalité des sexes exige plus que d'avoir le visage découvert. N'oublions pas que, dans toutes les régions du monde, l'émancipation des femmes s'est faite contre la culture dominante, contre les règles en place, contre le pouvoir religieux, contre les pouvoirs politiques, économiques et sociaux. Universellement, le statut inférieur des femmes faisait partie de la culture. Les droits des femmes n'ont pas été reconnus naturellement. Ainsi, au Canada, en 1929, les femmes n'étaient pas considérées comme des personnes. Elles ont été obligées d'aller au Conseil privé de Londres pour renverser un jugement de la Cour suprême du Canada qui refusait de les connaître, de les reconnaître... que les femmes faisaient partie des personnes, tel que stipulé par l'Acte de l'Amérique britannique du Nord, le document constitutionnel du Canada.

Au Québec, les femmes qui réclamaient le droit de vote ont fait face à une opposition farouche de la part de l'Église catholique, des médias en général, de la part de l'ensemble des partis politiques et même de nombreuses femmes, et ce n'est que le 25 avril 1940 que les femmes ont obtenu le droit de vote au niveau provincial. En 1964... Ce n'est qu'en 1964 que les femmes mariées obtiennent la pleine capacité juridique. La loi proposée par la première femme députée non seulement supprime le devoir d'obéissance au mari, mais permet dorénavant aux femmes mariées d'exercer une profession, de gérer leurs propres biens et de conclure des contrats. Cette lutte des femmes s'inscrit dans un processus plus large de modernisation de l'État québécois. Cela explique sans doute pourquoi tant de femmes et d'hommes reconnaissent aujourd'hui l'égalité comme l'une des valeurs fondamentales.

Je ne crois pas que la religion islamique soit la seule qui devrait être ciblée par une loi, puisque les gens appartenant à à peu près toutes les religions réclament des accommodements. Si j'en parle, c'est que le texte de loi en parle spécifiquement quand il parle du visage découvert. On ne peut passer sous silence la question du voile islamique. D'aucuns voudraient croire que le voile n'est qu'un vêtement comme un autre. Tel n'est pas le cas. Quelles que soient les motivations de celles qui choisissent de le porter dans les pays comme le nôtre, le sexisme du symbole est indéniable, irréfutable, et ce n'est qu'aux femmes qu'on impose de cacher leurs cheveux, même si les femmes qui le disent disent que c'est un choix personnel.

Des femmes voilées ont dit, à la commission Bouchard-Taylor, que l'islam est une religion démocratique et où l'égalité des sexes est reconnue. Et comment une religion comme telle peut-elle habiller ses femmes de burqas, de niqabs ou de hidjabs? Le Coran ne demande pas à la femme de porter le voile. Pourtant, la Charte canadienne lui donne raison si elle déclare qu'elle a la conviction de l'obligation de le porter. Quand une femme dit qu'elle a choisi de porter le voile, on peut se questionner sur la vérité de son choix personnel. Mais, si on ne peut pas prouver le contraire, la charte lui donne raison.

Alors, c'est, quant à moi, c'est ça, le problème. Comment se fait-il que c'est le pouvoir judiciaire qui décide ce que la société veut? Alors qu'on invite les Québécois et les Québécoises à s'ouvrir davantage au monde, on ne dit mot de toutes ces femmes, à travers le monde, qui sont emprisonnées, blessées ou tuées pour ne pas avoir choisi de porter le voile, de ne pas avoir accepté un mariage forcé, de ne pas avoir accepté une deuxième ou une troisième épouse à leurs maris. Certains ne comprennent pas. C'est parce qu'elles, les femmes du Québec, se sentent solidaires des luttes menées par les autres femmes ailleurs dans le monde que les Québécoises acceptent mal le voile porté volontairement ici. Une exception doit être faite, c'est dans les CHSLD, les résidences pour... oui, les résidences pour personnes âgées, les personnes qui ont une perte d'autonomie. Les résidents ont le droit d'exprimer leurs convictions parce que c'est leurs milieux de vie.

Je ne suis pas sûre que l'étude de la... en commission parlementaire va changer les choses, puisque la commission Bouchard-Taylor n'a rien donné. Des femmes et des hommes, en grand nombre, de toutes les régions du Québec se sont exprimés, ont présenté des mémoires, mais ont-elles été entendues, ont-ils été entendus? Tous avaient déclaré que le Québec est un État laïque qui parle français, où l'égalité des sexes est une chose acquise et qu'on ne peut remettre en question.

Alors, moi, je demande à mon gouvernement, puisque cette loi-là ne répond pas à nos besoins, de la biffer puis d'installer plutôt une charte de la laïcité qui serait intégrée à la charte québécoise. Et puis, si ça vous intéresse de savoir ce que j'y mettrais, dans cette charte-là... La laïcité repose sur trois valeurs: les valeurs de conscience, l'égalité en droit des options religieuses, ça veut dire pratiquant ou non, croyant ou non, ça, ça n'a pas d'importance, puis la neutralité de l'État, mais la vraie neutralité de l'État. Merci.

**(12 h 30)**

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup. Alors, nous allons enchaîner tout de suite avec Mme la ministre.

Mme Weil: Bonjour, Mme Gauthier et Mme Bélanger. Alors, il y a différents points de vue, hein, qui s'expriment dans ce contexte. Évidemment, c'est pour ça que c'est des débats qui... je pense, c'est sain qu'on en discute.

La pensée évolue, mais, nous, on pose un geste, un geste qui vient expliquer une pratique, et je vous dirais que c'est une pratique qui est beaucoup dans la société occidentale. Nous, on parle d'accommodements. C'est une expression juridique qui a développé toutes sortes de règles juridiques autour de la liberté de conscience et la liberté de religion, qui sont des libertés qui sont bien enchâssées pas juste ici, au Québec, partout dans le monde occidental. Mais, la laïcité, évidemment un consensus et un fait, un constat, on a État laïque dans le sens que dans l'État, dans l'espace gouvernemental, le gouvernement... il y a la séparation évidemment, vous le savez bien, entre les religions et l'État.

Vous, vous pensez que le fait, si je comprends bien, que quelqu'un, un employé par exemple, porte un signe religieux... un homme ou une femme, hein, parce qu'il y a les hommes aussi, il y a la kippa, le kirpan et d'autres, ça vient brimer cette neutralité parce que la personne qui le porte, ce signe religieux, fait du prosélytisme, dans un certain sens, et fait la promotion de sa religion vis-à-vis la personne qui vient recevoir ces services.

Est-ce que c'est votre interprétation du port d'un signe religieux, homme ou femme, là?

Mme Gauthier (Gemma): Parce que l'État, ce n'est pas juste une abstraction, un nuage quelconque, là. Je ne sais pas comment l'exprimer, là, c'est... On le voit par les personnes. Qu'ils soient hommes ou femmes, là, ça ne me dérange pas. C'est comme ça qu'on voit l'État, on voit les ministres, les députés, les policiers, les professeurs, tout ça. Alors, ça s'incarne par du monde, ça, cette chose-là.

Et, les signes religieux, il faut dire qu'ils sont toujours des expressions de la foi, ce n'est pas la vraie foi. La foi, ça se vit en dedans, ça, là, ça dirige nos actions, nos pensées, nos paroles, et ainsi de suite. Mais ce n'est pas parce que je... Si j'avais un voile sur la tête ce matin, là, ou une soutane, là, comme les soeurs avaient anciennement, ou un crucifix, ou mettez n'importe quel exemple, là, je ne serais pas plus pieuse, plus sainte et plus tout ce que vous voulez, là. Ce n'est pas vrai, cette affaire-là. Puis les accommodements demandent toujours des choses, moi, je trouve, extérieures à la religion, jamais en profondeur, jamais qu'est-ce qu'on pense puis qu'est-ce qu'on vit. Tout ce que je fais, c'est... Tout ce que les accommodements demandent, c'est un peu comme un drapeau, si je peux dire, là, là, je suis de telle religion, mais ce n'est pas ça, là. C'est un peu comme on disait quand on était jeunes, l'habit ne fait pas le moine, là. Puis il y avait dans la Bible, bien, les sépulcres blanchis en tout cas, là. Je veux dire, je pourrais donner des exemples comme ça. Mais c'est toujours des modes extérieurs de la foi, mais ce n'est pas l'intérieur de la foi, ça n'a...

Moi, je ne veux pas empêcher les gens de prier s'ils veulent prier. Ça ne me dérange pas du tout, puis ils prieront bien d'abord que ce n'est pas sur leur travail, mais je n'ai pas besoin... Si je fais affaire à un... Si je vais à l'hôpital, je veux dire, je n'ai pas besoin d'avoir quelqu'un qui m'affiche sa foi, qui porte ça comme un étendard, comme un drapeau: Moi, je suis de telle religion.

Mme Weil: Alors, qu'est-ce que vous faites avec la liberté, la liberté des gens?

Mme Gauthier (Gemma): La liberté de conscience, ça, ça ne me dérange pas du tout. Tout ce que je dis, c'est que les représentants de l'État, si l'État est laïque, puis ça, vous le dites vous autres mêmes dans votre projet 94, c'est... Une minute, là, il faut que je trouve ma page.

Mais en tout cas, de toute façon, vous dites qu'elle est neutre, que l'État est neutre. Bon, c'est le numéro 4, là, le principe de la neutralité religieuse de l'État. Bien, si c'est neutre, ça s'incarne par du monde, et, les gens, il faut qu'ils soient... il faut qu'ils affichent une neutralité. Moi, ça ne me dérange pas que ces mêmes personnes-là pratiquent puis aillent à la messe ou ils n'y aillent pas du tout. En plus de ça, ils peuvent bien croire en rien puis ils ont le droit aussi, là, puis, je veux dire, ça, ça ne me dérange pas du tout. Mais, si vous respectez la neutralité religieuse de l'État, bien vous... pas besoin d'afficher ces croyances-là. Puis vous dites qu'on peut faire des accommodements, à la condition qu'ils n'aient pas d'effet qui se rattache à des coûts puis des effets. Imaginez l'effet d'une petite fille de sept ans que j'ai vue chez moi... je reste à Magog, se promener sur la rue principale à Magog, une journée chaude de l'été, avec tous ces voiles, là. Bien là, là, s'il n'y a pas d'effet à ça, là, qu'est-ce qu'on dit à cette petite fille là? Ma petite fille, tu n'es pas du monde, là, tu es une provocation, comme ils nous disaient? Parce qu'on l'a vécu quand même, là.

Moi, quand j'ai été éduquée... Je dis souvent à la blague: Je suis sainte parce que j'ai été formée par les religieuses, pensionnaire, parce que, quand on voulait étudier, c'était ça, on devait être pensionnaires, et ils nous disaient que de nous autres, de notre conduite dépendait la vertu de notre chum. Lui, il était un petit peu, je ne sais pas, maboul sur les bords, là, mais en tout cas je ne sais pas trop, là... mais en tout cas il veut dire: Ça dépendait de nous.

Bien là, on dit encore ça aux petites filles musulmanes: Portez le voile parce que votre cou, vos cheveux vont porter les hommes au péché. Bien là, moi, s'il n'y a pas de message là-dedans de choses aberrantes, là je ne sais pas qu'est-ce que ça prend pour être aberrant, là. Je trouve que les effets sont épouvantables sur les petites filles. Puis, quand on voit, dans le lac Memphrémagog, le monsieur, lui, il se baigne, il a un maillot comme tous les hommes, et la madame, avec tous ses voiles... Alors, pensez-vous qu'elle s'est baignée? Moi, j'appelle ça: elle s'est saucée, elle ne s'est pas baignée. Puis on lui dit encore: Tu n'es pas... tu es source de chaos, tu es source... en tout cas, là.

Mme Weil: Je voudrais vous amener sur une autre question. Bien, on est sur l'égalité hommes-femmes, à l'article 4.

Il y a eu des amendements à la charte des droits et libertés du Québec, hein, dans le préambule, on parle de l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc, c'est au amendement qui a été apporté en 2007 pour vraiment souligner l'importance de l'égalité hommes-femmes. Il y a aussi eu l'article 50.1 qui mentionne que «les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes». Et là ici, dans un projet de loi sur les accommodements raisonnables, on souligne encore une fois l'article 4, notamment le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes. Donc, tout accommodement devra respecter la charte. Et on souligne en particulier... on vient d'avoir d'ailleurs cette discussion avec le groupe avant vous.

Vous ne sentez pas qu'avec tous ces amendements on vient vraiment expliciter la volonté du gouvernement du Québec et de la société québécoise d'enchâsser véritablement l'importance de l'égalité hommes-femmes?

Mme Gauthier (Gemma): Dans ma tête, ce n'est pas tout à fait assez clair, effectivement, c'est...

Mme Weil: ...aller plus loin.

Mme Gauthier (Gemma): C'est parce que vous ouvrez la porte aux accommodements, c'est encore du cas par cas.

Alors, la madame qui veut aller témoigner avec sa burqa, bien là c'est en Ontario que ça s'est passé, mais ça pourrait se passer au Québec, là, on lui a donné la permission d'aller à la justice... au système de justice, là, d'aller se défendre avec sa burqa... avec son niqab, plutôt, excusez-moi, son niqab. Mais, je veux dire, c'est... Bon, moi, j'ai visité pas mal de monde, là, puis j'en ai vu, des niqabs. J'ai vu des madames avec un niqab manger au restaurant, là, c'est quelque chose en tout cas, puis je n'ai jamais l'impression que c'est, quand on accepte ce phénomène-là... Je ne peux pas le défendre évidemment sur la rue, mais au moins ce qui a rapport avec le gouvernement, avec l'État, vu que l'État est laïque, moi, je trouve que ce qui a rapport... que ce soient des représentants de l'État ou ceux qui font affaire à l'État...

Mme Weil: ...l'article 6. Vous êtes d'accord avec l'article 6?

Mme Gauthier (Gemma): Bien...

Mme Weil: À visage découvert?

Mme Gauthier (Gemma): ...pas juste le visage découvert. Moi, je dis que c'est... L'égalité des sexes, ça exige plus que le visage découvert. Dans mon mémoire, je le dis, à part de ça. Si les hommes étaient condamnés à porter la burqa puis le niqab, là, ça ne resterait pas à la mode longtemps. Ça, fiez-vous sur moi.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Gauthier (Gemma): Bien, c'est vrai.

Mme Weil: O.K. Alors...

Le Président (M. Drainville): ...il reste du temps, Mme la ministre, il vous reste six bonnes minutes.

Mme Weil: Oui. J'ai un collègue député...

Le Président (M. Drainville): Le collègue député de Laurier-Dorion souhaite prendre la parole. Allez-y, mon cher.

**(12 h 40)**

M. Sklavounos: Merci, M. le Président. Merci, Mme Gauthier, merci, Mme Bélanger, pour votre présence, votre présentation.

Nous avons entendu juste avant vous, et vous étiez dans la salle, le conseil juif orthodoxe pour les relations communautaires, et Me Perez qui a témoigné a dit que l'appel qu'il faisait ou l'interprétation qu'il faisait de ce qui était souhaitable dans une société, c'est de séparer l'individu et ses croyances personnelles de son rôle en tant qu'employé de l'État. Et, vous, vous avez présenté une autre conception, disant que l'État s'exprime naturellement par le visage et l'expression de la personne qui est devant nous lorsqu'on va à un comptoir, etc. Et, je me demande simplement, vous, lorsque, dans votre conception des choses, on arrive à un comptoir, et quelqu'un porte un crucifix, un petit crucifix, est-ce que, pour vous, ça, c'est... est-ce que vous trouvez que c'est une façon de faire du prosélytisme, ou essayer de faire une conversion, ou essayer de...

Je me demande... Et mettons que c'est une personne, qui donne des renseignements sur des cours de français, ou quelqu'un qui prend des photos pour les permis de conduire. Je me demande, moi, simplement, en quoi, moi, je peux présumer, parce que, veux veux pas, c'est une présomption que cette personne-là ne sera pas en mesure de nous servir ou de faire son travail, de prendre la photo pour notre permis de conduire, dans une neutralité, sans que ses croyances personnelles dans Jésus ou je ne sais pas trop quoi entrent en ligne de compte avec le travail de prendre la photo. C'est cette partie-là qui me tracasse un petit peu. Je comprends très bien ce que vous dites, et je l'ai déjà entendu à l'extérieur, je rencontre des citoyens sur ce sujet-là.

Mais je me demande si ça ne prendrait pas plus pour qu'une personne soit déclarée inapte à être neutre. Est-ce que ça ne prendrait pas plus? Je suis d'accord avec vous, qu'une personne qui arrive et dit: Madame, avez-vous été à l'église récemment?, ça, je trouve... je trouve que c'est pas mal clair, ça ferait pas mal consensus. Parce que nous avons d'autres différences aussi. Il y a d'autres différences entre les personnes. Moi, par exemple, je marche dans la rue et je suis naturellement, je dirais, en général, surtout ici, à Québec, plus foncé que la majorité des personnes. Les gens présument que j'ai des origines autres, etc. Donc, je peux commencer à entamer une conversation en français, les gens dénotent tout de suite que j'ai un accent un petit peu différent. Ils se disent: Il est peut-être plus anglophone ou allophone. Est-ce que les gens devraient craindre en même temps, lorsqu'ils arrivent puis ils me voient en arrière d'un comptoir, que, moi, je vais, je ne sais pas, favoriser les immigrants, favoriser les anglophones, discriminer contre une personne qui a la peau plus blanche que moi?

Je me demande simplement si ça ne devrait pas être plus pour disqualifier ou rendre inapte une personne à représenter son gouvernement qu'une croyance, qu'une différence qui est perceptible. Est-ce que ça ne devrait pas être quelque chose à l'intérieur de la façon qu'il livre ou dispense ce service-là, qui devrait le disqualifier?

Mme Gauthier (Gemma): Ça, je le dis, que c'est... Il me semble que je l'ai dit en tout cas tout à l'heure, que ça ne met pas en cause la compétence de la personne.

Ça, je ne doute pas du tout, mais il y a des choses... Si elle a... Vous parlez d'un petit crucifix. Si elle a un petit crucifix, un petit bijou, là, c'est comme le couteau sikh, là, si ça avait été un petit bijou accroché après le cou, il n'y a personne qui aurait contesté cette chose-là, puis ça n'aurait pas été en Cour suprême. Mais c'est... Comment que je pourrais vous dire ça? C'est parce que le message passe, que cette personne-là, elle veut nous passer son message. Si elle a une grande croix grande comme ça, là, ou bien une soutane, bien... mettez-y les boudins ou mettez l'exemple que vous voulez, là, je veux dire, ça passe le message que je porte mon drapeau, là, je suis de telle croyance. Puis on n'a pas besoin, je trouve, moi, de se faire... j'ai presque envie de dire «agresser par ça». Mais en tout cas, là, je veux dire, c'est la personne, c'est devant un fonctionnaire.

On est devant un fonctionnaire, on veut que le fonctionnaire remplisse sa tâche, mais on ne veut pas nécessairement le signe. En tout cas, moi, je trouve que c'est dangereux qu'il y ait finalement un glissage, en tout cas, là. Tu sais, un policier qui a son turban, bon... policier sikh, là, c'est comme bizarre un petit peu, là, en tout cas.

M. Sklavounos: Bon. Moi, pourquoi je me pose la question... Et vous avez parlé un petit peu des parcs publics, et des plages, et des lacs, etc. Et, je veux dire, il y a des personnes à l'extérieur, en public.

Au moins, vous faites la distinction, vous l'avez dit, écoutez, on parle de la fonction publique, mais vous semblez parler aussi à l'extérieur... de l'extérieur. Et, moi, je me dis, et j'ai réfléchi à cette question aussi également... Je me promène à l'extérieur, et mon comté est très, très, très multiethnique, multiculturel, et je vous dirais que plusieurs de ces femmes qui portent ces niqabs-là habitent chez moi. Il y a plusieurs de ces femmes qui sont statistiquement représentées dans la population québécoise. Maintenant, surtout dans le parc, je me demande, parce que vous avez parlé quand même de ça, il peut y avoir un monsieur, n'importe qui, une madame qui peut... Tu sais, la fin d'octobre arrive, Halloween arrive, les gens peuvent se déguiser en clowns, se promener dans la rue, on ne voit pas leur visage, il y a un gros nez rouge. Quelqu'un passe dans un niqab, surtout en public, je veux dire, est-ce qu'il y a un droit qui est brimé?

Alors, en public, premièrement... je sais que vous n'avez pas parlé de public, mais est-ce qu'il y a un droit qui est brimé pour la personne qui arrive au comptoir, qui dit: «Moi, je ne veux pas voir de la religion, moi, je ne veux pas voir une croix, je ne veux pas voir de turban, je ne veux pas voir de kippa, je ne veux rien voir»? Est-ce que cette personne-là... Est-ce qu'il existe un tel droit? Première question.

Deuxième question: Est-ce que la personne qui porte... Le kirpan se porte à l'intérieur des pantalons, c'est rare qu'on le voit, là, mais, je veux dire, l'autre personne qui porte une yarmoulka ou une... est-ce que, lui, il n'a pas le droit aussi, lorsqu'il regarde sa fonction publique, de dire: «Ah, il y a quelqu'un comme moi aussi, qui est de l'autre côté»? Je veux dire, ce n'est pas la majorité, c'est une personne. On est sous-représenté dans la fonction publique, tout le monde le sait, municipale, provinciale ou fédérale. Mais il y a une autre personne comme moi, un Québécois comme moi, qui est de l'autre côté. Est-ce que ça, c'est un autre côté?

Est-ce que vous trouvez qu'il y a un droit de ne pas voir de la religion puis de la vider de l'espace public complètement? Est-ce que c'est un droit, ça devrait être un droit protégé à quelque part, le droit de ne pas voir de la religion? Puis deuxièmement...

Le Président (M. Drainville): M. le député de Laurier-Dorion...

M. Sklavounos: Oui.

Le Président (M. Drainville): ...malheureusement, c'est...

M. Sklavounos: Il ne reste plus de temps?

Le Président (M. Drainville): Il ne reste plus temps. Et je vais devoir demander le consentement pour donner le temps à notre invitée, Mme Gauthier, de répondre au député de Laurier-Dorion.

M. Sklavounos: Excusez-moi. Je suis désolé.

Le Président (M. Drainville): Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Je suis désolé, M. le député. C'est juste qu'il faut respecter le...

M. Sklavounos: Bien, je remercie mon collègue de Deux-Montagnes.

Mme Gauthier (Gemma): Vous avez commencé votre discours, si je peux dire, à parler des déguisements d'Halloween. Moi, l'Halloween, qu'ils s'habillent comme ils voudront, ça ne me dérange pas pantoute. Qu'ils se mettent une burqa, un niqab, ça ne me dérange pas pantoute, d'abord qu'ils ne se font pas écraser par une auto parce qu'ils ne l'ont pas vue, là. Mais, à part de ça, ça ne me dérange pas du tout.

Mais, j'ai l'opinion ici d'un professeur de... une minute, là, il faut que je lise mon affaire comme il le faut, d'un professeur de l'Université de Carleton, d'Ottawa, Otonio... Antonio, je ne sais pas si je vais le dire comme il le faut, Gualtieri, là, quelque chose du genre, comme ça, là, au sujet du turban sikh, là, dans la gendarmerie royale de Calgary, là, en 1995, là: «Un nouveau système de communication est instauré lorsqu'on admet ainsi, mine de rien, un symbole religieux particulier parmi les symboles de l'ordre civil. [...]en soustrayant les Sikhs [...] aux exigences du code vestimentaire uniforme, la tolérance du turban peut aussi symboliser la légitimité de l'intrusion d'une religion particulière dans le symbole séculier et neutre qu'est l'uniforme de la GRC.»

Là, j'ai mis des petits points, je n'ai pas mis tout le texte. «Le message que l'uniforme historique envoie est celui de l'impartialité et de [l'égalité dans l']application des lois pour tous les citoyens.»

Alors, ça indique l'impartialité, là, quand tu as ton signe religieux... Pour moi, en tout cas, c'est comme ça.

Le Président (M. Drainville): Merci beaucoup, M. le député. Je vais maintenant céder la parole au collègue le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: ...que nous allons procéder de façon rotative, de notre côté. Donc, Mme Gauthier, Mme Bélanger, merci pour votre présence, merci pour votre éclairage.

Nous avons eu le privilège de recevoir différents groupes avant vous. Plusieurs ont eu à redire contre le projet de loi. Actuellement, c'est un projet qui suscite beaucoup de méfiance et davantage de questionnements que de réponses. Mais j'ai cru remarquer que les plus grands opposants à ce principe absolu d'égalité entre les hommes et les femmes sont les groupes religieux, les groupes qui affirment leur foi, ce qui est leur droit. Mais ce sont des gens qui semblent avoir plus de difficultés avec une certaine hiérarchisation des droits.

Et je me demandais... nous sommes en 2010, la société québécoise a connu une certaine évolution, on doit tous le reconnaître, est-ce que, d'après vous, ce serait sensé et légitime pour l'État québécois de s'assurer à travers un projet de loi, que ce soit à travers sa Charte des droits et libertés, que ce droit entre l'égalité et les... entre l'égalité... les hommes et les femmes ne soit absolument pas négociable, qu'il soit acquis et reconnu à travers ces textes de loi?

**(12 h 50)**

Mme Gauthier (Gemma): Pour moi, c'est essentiel. Parce que vous faites allusion aux groupes religieux. Moi, je me suis permis... et j'ai eu bien du plaisir, j'ai lu la Bible, mais de biais un petit peu parce que, là, il fallait que je passe à travers, il y a beaucoup de stock là-dedans, le Coran, puis saint Paul. J'ai reconnu... Le Coran puis saint Paul, c'est à peu près le même texte, c'est presque mot à mot, c'est presque du copier-coller. Puis j'ai lu une explication de Jean-René Milot, que son livre, c'est L'islam -- Des réponses aux questions actuelles. Il dit: On ne s'étonnera pas des similitudes entre la vision coranique de la destinée humaine et celle de la tradition judéo-chrétienne, si on se rappelle que l'intervention de Mahomet et du Coran s'adressait à un milieu où étaient présents des Juifs et des chrétiens et où circulaient des récits ancrés dans le vieux fond sémite. Après tout, les arabes étaient eux aussi des Sémites.

Alors, j'ai lu, je me suis... Je vous dis, j'ai eu bien du fun avec ça. La Bible, là, c'était la même chose, l'Ancien Testament, la femme est moins que rien. La religion catholique, rappelez-vous, quand vous vous êtes mariés... Ah, bien, non, vous êtes un... plusieurs sont trop jeunes, là. Mais en tout cas, quand on se mariait, là le prêtre nous disait: Femmes, soyez soumises à vos maris. Bon. Ça, ça vient de saint Paul directement. Puis saint Paul, c'est un fondateur de l'Église. Et puis, le Coran qui est arrivé en 630, il y a eu ces... voyons, j'ai perdu le mot, mais en tout cas il y a eu ces... l'ange Gabriel lui a parlé, à Mahomet, en tout cas, là, puis il a commencé sa religion, et c'est encore la même chose: la femme, là, est la moitié d'un homme, ou à peu près, là.

Ça fait que, là, ça veut dire, les religions monothéistes, là, qui sont la chrétienté... les Juifs, la chrétienté et l'islam, la femme est moins que rien. Puis là, moi, ça ne m'a pas surprise du tout. Mais j'étais là hier aussi, j'ai entendu ce matin, mais j'étais là hier aussi quand Les intellectuels pour la laïcité... Là, moi, je leur ai dit, quand ils ont eu fini, j'ai dit: Moi, je me reconnais. C'est ça, je n'ai pas... Je ne suis pas avocate, ça fait que je n'ai pas pris... je ne connais pas toutes les lois, je n'ai pas pu dire le numéro 3... le numéro je ne sais pas quoi des lois, là, mais dans mon fond, de mon texte, moi, c'est la même chose qu'eux autres que je vise.

Le Président (M. Drainville): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Mme Gauthier, Mme Bélanger, bienvenue. Écoutez, deux petites questions très, très vite, parce qu'on veut vraiment avoir le temps de poser chacun nos questions. Pour vous, est-ce que la mantille... Et peut-être que certains d'ici ne savent pas de quoi on parle, mais je suis persuadée que vous savez de quoi je parle. Est-ce que, pour vous, la mantille, c'est l'équivalent du hidjab? Ça, c'est ma première question. Et ma deuxième question... Vous êtes d'anciens professeurs, vous nous avez dit... Pour vous, le port du voile, même le hidjab, pour un professeur à l'école... Est-ce que, pour vous, c'est acceptable?

Mme Gauthier (Gemma): La mantille, c'était le hidjab un peu raccourci, là. Mais il reste que... pour quoi faire qu'on devait aller à l'église, parce que ça se portait à l'église, pourquoi qu'on devait avoir la tête recouverte à l'église, tandis que les hommes, eux autres, ils ne faisaient pas de péché si on leur voyait leurs cheveux? Ça fait que disons que...

Mais à l'école, moi, je trouve que c'est la pire place pour avoir... le pire endroit pour que les professeurs puis les élèves aussi aient des signes religieux. L'école, c'est un endroit où on apprend aux enfants à réfléchir, à juger, à porter des jugements, et puis ils doivent porter... on ne peut... ce n'est pas le temps de leur imposer des valeurs, on doit plutôt les ouvrir au monde. Alors, si, quand on prend un enfant de six ans, de cinq ans, puis on lui dit tout de suite... que ce soit n'importe quelle religion, ça, ça ne me dérange pas du tout, là, pour moi, il n'y a pas de différence: Tu dois être de telle religion, tu dois penser ça, là, je trouve que c'est le pire endroit pour mettre des signes religieux. Et puis je ne sais pas si vous êtes au courant, mais, même à l'Université de Sherbrooke, quand on a vu des thèses de doctorat en sciences où il y a des références au Coran puis à l'islam là-dedans... Et, à un moment donné, il y a eu un devoir de... une thèse, là, où il y avait une prière à Allah et puis il y avait deux pages d'écrites en arabe. Alors, le professeur, le directeur de thèse, lui avait dit de tout enlever les références à la religion. Et puis, quand il a remis sa thèse, ces choses-là, ces pages-là, ce n'était pas biffé, c'était encore là. Est-ce que vous pensez que c'est normal? Puis ça, c'est... je ne parle pas... ça a paru dans La Tribune, là, dans le journal de chez nous, là. Moi, je suis en Estrie. En tout cas, j'ai oublié la date. Il est écrit en quelque part, en tout cas, là.

Bon. Puis, en plus de ça, j'ai aussi trouvé... En France, l'ancien ministre Bernard Stasi, je ne sais pas si je dis son nom comme il faut, qui a connu... qui a tenu des séances publiques lors des commissions de la laïcité en 2003, il dit: L'école doit permettre aux élèves d'exercer leur jugement sur les religions et la spiritualité en général, dans la multiplicité de leurs manifestations, y compris leurs fonctions politiques, culturelles, intellectuelles et juridiques. La laïcité crée une responsabilité à la charge de l'État. Favoriser l'enrichissement de la connaissance critique des religions à l'école peut permettre de doter les futurs citoyens d'une formation critique pour pouvoir exercer la liberté de pensée et de choix dans le domaine des croyances. La laïcité permet la consolidation des valeurs communes qui fondent le lien social dans le pays. Parmi ces valeurs, l'égalité entre les hommes et les femmes, même si c'est une conquête récente, a pris une place importante dans notre société. L'État ne saurait rester passif face à toute atteinte à ce principe.

Bien là, si je l'ai écrit, comme de raison, je suis d'accord avec ça.

Le Président (M. Drainville): Est-ce que M. le député de Bourget souhaite continuer?

M. Kotto: Bien entendu, M. le Président. Une très courte question. Sommairement, voici une séquence: dans un premier temps, des tensions et une crise entourant la pratique des accommodements raisonnables; dans un second temps, le gouvernement aboule la commission Taylor-Bouchard; dans un troisième temps, la réponse du gouvernement au rapport Taylor-Bouchard se traduit par ce projet de loi n° 94 que nous avons sur la table.

Est-ce que, selon vous, ce projet de loi viendra, s'il est adopté, atténuer ces tensions et ces crises qui ont initié toute la démarche?

Mme Gauthier (Gemma): Bien, ma réponse, je suis obligée de vous dire non, parce que j'ai l'impression... Comme je vous dis, je ne suis pas une juriste, là, mais, quand j'ai lu ça, je me suis dit: Il confirme ce qui se passe actuellement, ça fait qu'il n'apporte rien de nouveau, puis surtout il confirme le cas par cas.

Puis j'ai envie de vous dire quelque chose que je n'ai pas dit tout à l'heure, là, je pense: Le cas par cas, ça mène à la ghettoïsation, ça ne mène pas... ça mène à l'exclusion. Je te permets de porter encore ton niqab, ton hidjab, ton... n'importe quel exemple, là. Ça veut dire: ce n'est pas... on ne met pas la société ensemble. La société québécoise, moi, en tout cas, j'y tiens beaucoup, là, est-ce qu'on forme un tout? Et puis ce n'est pas en mettant des petits ghettos ici et là... C'est entendu qu'on ne peut pas tout empêcher, parce qu'il y a des groupes, là, que vous connaissez aussi bien que moi, religieux qui restent plutôt enfermés, là. Bon, ça, on ne peut pas l'empêcher parce qu'on est une démocratie. Mais on doit favoriser l'intégration puis à long terme. À court terme, on dit à la petite fille: Tu vas porter ton voile, tu vas aller à l'école. Bon. Puis ça a été prouvé de toute façon qu'en France... que la petite... que, quand ils ont l'obligation de ne pas porter le voile pour aller à l'école, ils y viennent pareil. Puis autrement ça les met de côté, tu sais: Toi, tu portes ton voile, il y a un petit groupe qui porte le voile, l'autre petit groupe, l'autre; l'autre, l'autre signe, là.

Ça, ce n'est pas le... On ne les met pas ensemble, les gens, on fait des petits ghettos, puis ce n'est pas l'intégration à long terme, c'est... On leur fait accroire que c'est l'intégration, mais ce n'est pas vrai à long terme, parce qu'on a seulement à voir une religion au Québec, ici, qui est toujours à la en marge, là, de la société.

M. Kotto: ...

Mme Gauthier (Gemma): Je ne sais pas si j'ai répondu comme il faut, là...

Le Président (M. Drainville): Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve. Non?

Une voix: ...question.

Le Président (M. Drainville): C'est bon?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Drainville): Très bien. Bien, ça a été bien agréable, mesdames, de vous recevoir. Je souligne la présence de Mme Jeanne Chantal Bélanger, qui représentait le secteur Coaticook. Alors, merci d'être là.

Je suspends jusqu'à 15 heures, où nous reprendrons nos travaux à cette heure-là. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

 

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre nos travaux.

Je vous rappelle que nous sommes réunis afin de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements. M. le député de Portneuf, ça va bien? Est-ce que vous vous sentez bien après-midi? Vous allez être plein d'énergie. C'est agréable de voir ça. Nous entendrons donc, cet après-midi, le Rassemblement des chrétiens du Moyen-Orient, Mme Louise Hubert et M. Ghyslain Parent, ainsi que Mme Andréa Richard. Oui, c'est bien ça.

Vous avez pris place, madame, messieurs?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous souhaite la bienvenue et je souhaite la bienvenue à tous nos collègues aussi du côté de l'opposition et du côté ministériel. Bienvenue encore cet après-midi.

Donc, je vous rappelle les règles, monsieur, les règles. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé et, durant ces minutes-là, bien nous aurons la chance de vous entendre, et ensuite il y aura une période d'échange, qui durera à peu près 25 minutes, de part et d'autre pour favoriser l'échange et comprendre mieux un peu l'essence de vos propos.

Donc, je vais vous demander, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent et de ceux qui sont ici présents, de bien vous présenter et présenter vos collègues, s'il vous plaît. Merci. La parole est à vous.

Rassemblement des chrétiens du
Moyen-Orient (RCMO)

M. Ayas (Raouf): Je m'appelle Raouf Ayas, je suis médecin, je travaille dans ville de Laval et à Montréal. Je suis membre du Rassemblement des chrétiens du Moyen-Orient, comme ma consoeur et mon collègue. Alors, à ma droite, c'est...

Mme Missalli (Magda): Alors, bonjour. Moi, c'est Magda Missalli. Je suis enseignante à la retraite. Présentement, je suis bénévole à un centre de personnes âgées et je fais des accompagnements et un peu de... bénévole aussi dans la pastorale et dans... voilà, et dans différentes choses aussi pour les chrétiens du Moyen-Orient.

**(15 h 10)**

M. Kaadé (Alain): Mon nom, c'est Alain Kaadé. Je suis un commerçant de Montréal et je travaille avec les scouts et les bénévoles dans l'Église arménienne catholique à Montréal.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...à vous, M. Raouf.

M. Ayas (Raouf): Alors, on est fiers de venir présenter notre mémoire. On apprécie beaucoup que vous nous ayez donné cette antenne pour qu'on puisse nous exprimer et faire comprendre nos considérations sur un sujet que nous pensons important et qui ne touche pas uniquement les chrétiens du Moyen-Orient qui vivent au Québec, mais qui touchera dans le futur nos enfants qui continuent à vivre dans ce pays que nous aimons.

Alors, nous comprenons très bien que, si nous faisons des accommodements raisonnables, il y a des considérations d'égalité hommes-femmes, il y a des considérations de neutralité de l'État, respect de la Charte des droits, l'absence de contraintes excessives. Nous comprenons que chaque institution ou chaque citoyen a le droit à se faire accommoder si jamais il y aurait un préjudice pour lui et s'il n'y a pas de contrainte excessive pour celui qui l'accommode.

Nous, les chrétiens du Moyen-Orient, nous sommes venus principalement de la Syrie, du Liban, de la Palestine, la Jordanie, l'Irak, l'Égypte, 150 000 personnes au Québec venues en vagues successives depuis maintenant 125 ans. Au Moyen-Orient, nous avons vécu comme minoritaires dans des régimes non démocratiques, dans des États en quête de modernisation. Là-bas, nous nous sommes adaptés à la majorité dans nos pays d'origine et, avec cette expérience que nous avons vécue comme minoritaires, nous pensons que nous avons une sensibilité, et nous avons acquis une facilité d'adaptation, et nous avons acquis un sens du devoir, que le minoritaire doit s'adapter, tout d'abord, à la majorité. C'est un devoir de politesse, c'est un devoir de survie humaine. Alors, nous sommes venus pour vivre en harmonie et nous avons tellement vécu en harmonie avec la société du Québec que nous sommes maintenant considérés comme majorité silencieuse. Nous faisons partie de cette majorité silencieuse. Personne ne prend notre avis, personne ne nous demande vraiment qu'est-ce qu'on veut.

Des accommodements sont faits à tout le monde, mais personne ne nous demande, à nous... comme aux Québécois de souche, on ne nous demande pas quels sont nos besoins. Alors, on accommode tout le monde. Mais, nous, tellement on veut s'harmoniser avec la société du Québec qu'on fait maintenant partie de cette majorité silencieuse.

Mais le Québec, pour nous, n'est pas une page blanche que l'on peut réécrire au gré des événements, c'est une terre qui nous est chère. Nous y avons placé nos espoirs, notre avenir, dans cette terre d'accueil riche en traditions cumulatives, inspirées des valeurs culturelles chrétiennes de tolérance et d'humanisme dont nous sommes fiers. Nous sommes fiers d'afficher nos couleurs, et je pense que c'est un plus, c'est un plus pour nous, puis c'est un plus pour nos enfants et c'est un plus pour la société qui nous accueille. Il est évident que la société d'accueil est au départ maîtresse de ses choix. Il lui appartient de décider de sa politique d'immigration, du nombre, de la qualité, de l'opportunité d'avoir des immigrants, des moyens qu'on prend pour les intégrer. Toutefois, ces conditions doivent être claires dès le départ afin que le candidat à l'immigration choisisse en connaissance de cause, afin que, l'espace social que vous lui accordez, il devienne heureux dans cet espace social.

J'ai trouvé récemment des idées qu'un doctorant, Mathieu Bock-Côté... des idées qui s'appliquent à nous actuellement puis que nous avons vécues nous-mêmes. Alors, Mathieu Bock-Côté dit que, «dans l'état actuel, ce n'est plus à l'immigré de prendre le pli de la société qui l'accueille, mais c'est à la société d'accueil de se réaménager ses institutions et sa culture pour éviter qu'elles n'entravent l'expression de la diversité».

Moi, je trouve, c'est un constat qui est vrai pour la société actuelle du Québec. On se fend en quatre pour accommoder tout le monde, mais finalement il faut qu'on donne une orientation à notre société. Nous avons un devoir de dire à nos enfants: C'est ça, la direction, c'est ça qu'il faut, c'est ça, les principes. On ne peut pas plaire à tout le monde, on ne peut pas donner à tout le monde. Et, nous, on pense que c'est important.

Et Mathieu Bock-Côté continue: «Ce n'est pas sans raison que l'opinion publique se braque contre certains vêtements religieux, car leur signification est d'abord politique. Ils correspondent à une déclaration de non-appartenance à la société d'accueil.»

Eh bien, ces propos-là, c'est tout à fait ce que nous avons écrit dans notre mémoire. Nous pensons que le voile intégral est une expression de rejet de la société d'accueil, est une exclusion de ceux qui le portent, est un refus de s'harmoniser avec la société où on est venus pour vivre. Puis je pense que ce n'est pas acceptable. Je pense que la majorité a le droit de choisir ses immigrants, a le droit de leur montrer une orientation, un chemin. Je ne pense pas que n'importe qui a le droit de venir puis faire ce qu'il veut et uniquement ce qu'il veut, puis mettre la pagaille. Alors, est-ce que ces vêtements religieux qui sont en apparence anodins peuvent cacher des agendas politico-religieux tellement différents des valeurs consensuelles de l'espace public québécois? C'est ça que nous pensons. Nous pensons que nous ne devons pas encourager ces pratiques qui perpétuent le ghetto, ces pratiques qui peuvent porter atteinte à notre sécurité. Il faut juste penser que... Moi, je n'accepterai pas une femme voilée du voile intégral, là, qui s'assoit à côté de moi dans un avion. Je ne l'accepterai pas parce que c'est inacceptable, c'est une atteinte à ma sécurité, c'est une atteinte, c'est un non-respect de ma personne. Moi, je m'affiche, j'affiche mes couleurs puis je pense que j'ai le droit de voir à qui je suis en train de parler.

La même chose... Moi, je suis médecin. Si une femme a un voile intégral, vient s'asseoir devant moi au bureau, est-ce que je vais... Qu'est-ce que je vais lui dire? Je ne vois pas ses expressions. Je ne vois rien d'elle. Je pense que ce n'est pas acceptable.

Alors, soyons clairs, le problème que vivent les démocraties occidentales n'est pas le port en lui-même du hidjab, ou du niqab, ou de la burqa. Nous avons une crainte, justifiée ou non, de l'intégrisme islamiste qui essaie d'envahir le corps fragilisé des sociétés démocratiques. Nous venons du Moyen-Orient, nous avons toujours vécu avec des musulmans. Nous étions minoritaires, ils étaient majoritaires. Et nous les avons aimés, nous avons vécu avec, on a prié pour eux, on leur a pardonné, on continue à le faire, puis on vient ici puis on veut continuer à le faire aussi. Mais, à un moment donné, je veux dire, il faut qu'on les aide à s'aider, il faut qu'on les aide à vouloir s'intégrer. Il y a beaucoup de femmes qui ne veulent pas le voile intégral, qui ne veulent pas l'exclusion, qui ne veulent pas la marginalisation, qui veulent travailler comme tout le monde. Mais là, si on les force ou bien si on leur permet de porter ces vêtements, ces voiles intégraux là, elles ne pourront pas trouver de travail, elles vont être toujours à la merci de leurs maris, ou de leurs beaux-frères, ou de leurs fils ou de leur beaux-pères. Puis je pense ce n'est pas ça, la société que nous avons besoin.

Puis il faut les aider à dépasser des concepts archaïques qui n'ont rien à voir avec la religion. Le voile intégral n'a rien à voir avec la religion. Nous n'acceptons pas que l'on considère ceci comme un signe religieux. Ce n'est mentionné nulle part. Il n'y a aucun juriste musulman qui l'a dit. Il n'existe nulle part dans leurs textes. Puis d'ailleurs il est banni dans certains pays arabes.

Alors, s'il y a des pays arabes qui le bannissent, nous, on n'est pas pour faire les généreux et les charitables contre notre intérêt.

Il est mentionné que, si on doit faire un accommodement raisonnable, il faut que cet... il faut que le demandant de cet accommodement-là prouve qu'il y a un préjudice. Il n'a pas été prouvé par aucune femme ici qu'il y a un préjudice si elle ne met pas le voile intégral, alors pourquoi leur accorder cet accommodement-là? Et, s'ils prétendent qu'au tribunal de l'Ontario... qu'il y aurait eu un préjudice, bien c'est... beaucoup de monde a trouvé que c'est farfelu comme jugement, tout en respectant les juristes qui l'ont fait. Mais ce n'est pas acceptable, puis ça ne peut pas continuer. On ne peut pas accepter ni une femme qui accouche avec un voile intégral, qu'on ne voit pas ses expressions puis la couleur de sa peau puis si elle est cyanosée ou bien colorée, ni une femme qui est dans une cour, puis on ne peut pas voir les expressions faciales puis si elle cache un sourire ou si elle cache une souffrance.

**(15 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Ayas, vous aviez 10 minutes de présentation. Est-ce que vous pouvez conclure rapidement ou...

M. Ayas (Raouf): Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais demander le consentement pour qu'on puisse terminer votre exposé. Oui? Consentement. Allez-y, M. Ayas, quelques instants, là.

M. Ayas (Raouf): Il ne faut pas que nos accommodements soient préjudiciables à ces femmes-là qui portent le voile intégral.

On se demande: Est-ce qu'il y a des gens qui financent ceci? Est-ce qu'il y a des groupes politico-religieux qui donnent de l'argent? Ça, moi, je ne peux pas vous le prouver, mais ce serait peut-être à la GRC de le prouver, ce serait peut-être à quelqu'un d'autre de vérifier. Est-ce que ces organisations-là reçoivent 100 $ par mois, par personne, ou 300 $ par mois, par famille, pour faire ceci?

Nous considérons que ceci est un retour en arrière, et qu'il rejette les femmes, et qu'il les exclut et les isole. Dans la société du Québec de demain, nous ne marierons pas les femmes selon le choix de leur père ou de leur frère. Si on les garde chez eux à la maison et qu'on refuse qu'elles sortent, si on les cache sous un étouffoir et qu'on leur choisisse nous-mêmes des hommes à marier, ça, ce n'est pas ça, la société du Québec que nous cherchons.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...de toute façon vous allez voir...

M. Ayas (Raouf): J'aimerais peut-être donner la parole à... une minute chacun, si vous le permettez.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est beaucoup. Là, j'ai besoin de consentement, là. Vous avez...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Est-ce que ça vous va ou...

Des voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui? O.K. Allez-y.

Mme Missalli (Magda): Moi, ça ne sera pas long. Je dirai que j'ai deux grandes filles, une est avocate et l'autre est journaliste. Je ne les verrais pas avec des niqabs et je ne les verrais pas non plus épouser quelqu'un qui les oblige à mettre un niqab. Je trouve ça inacceptable pour la société d'aujourd'hui et pour elles-mêmes. D'ailleurs, elles-mêmes non plus n'accepteraient pas cette tenue-là, alors, ni pour elles ni pour les femmes qui les entourent et qui m'entourent. Alors, voilà, pour moi, ce qui est, pour moi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Missallini.

Mme Missalli (Magda): Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Kaadé, oui.

M. Kaadé (Alain): J'ai vécu avec les musulmans, j'ai des amis musulmans ici, j'avais des amis musulmans là-bas. Je vous donne deux histoires de ces musulmans.

Une demoiselle de musulman, on a vécu ensemble et, à un moment donné, on était très amis, qu'on se voyait nager avec des... des choses pareilles, Elle est arrivée ici avec son mari qui est mon ami aussi d'école. À un moment donné, je rentrais chez elle à la maison, comme normal. À un moment donné, je n'ai plus le droit de le saluer. Pourquoi? Parce que c'est protégé par un niqab. Ça, c'est une... Deuxième, ce que je me demande... J'étais une fois sur un avion, qui venait de l'Arabie saoudite, en première classe. Les dames qui montaient en avion, on a arrêté l'avion spécialement pour eux, c'étaient des dames couvertes des têtes jusqu'aux pieds. Dès qu'elles sont rentrées dans l'avion, j'étais en première... dans la première classe de l'avion, elles rentrent, elles sont dans l'avion, fermées dans la première classe, elles ouvrent, elles sont en décolletés, en minijupes, et je ne savais pas pourquoi elles étaient en train de porter le niqab complet en avant. Ça, c'est deux.

Une troisième: une jeune fille, demoiselle qui habitait à côté de moi, à Dollard-des-Ormeaux, que j'ai vue grandir. Un jour, je la vois en niqab complet, je lui demande qu'est-ce qui... et enceinte, je lui demande: Qu'est-ce qui est arrivé? Elle dit: Je me suis mariée, et mon mari m'oblige à faire ça, à mettre ce niqab. Et on sait officiellement aujourd'hui... Je n'ai pas besoin de vous le donner, vous pouvez le voir, qu'ils ont utilisé les hommes en niqabs parce qu'on ne voyait pas qui est en arrière, en dedans et ils ont fait beaucoup de dégâts en Irak, en Syrie, sous prétexte qu'ils sont des femmes en niqabs qui peuvent rentrer n'importe où.

Donc, la sécurité, ce n'est pas en niqab, c'est... Il faut l'enlever. La femme honnêtement... l'original du niqab, c'était de protéger la femme parce qu'il n'y avait pas de contrôle de lois à ce temps-là pour la protéger pendant les années des empires musulmans du Moyen-Orient. C'était le droit de l'homme. En le fermant, en couvrant, ça peut être pareil. Mais aujourd'hui on n'a pas besoin de ça. On a besoin de voir la femme en sécurité. Elle peut vivre en sécurité au Québec, et elles peuvent être bien et communiquer avec nous d'une façon très simple, parce qu'on dit: Si on ne voit pas les yeux de l'homme et la face de l'homme ou de la femme, on ne peut pas vraiment communiquer avec cette personne.

Donc, c'est à vous de regarder ces choses-là. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci. C'est moi qui vous remercie, M. Kaadé. Donc, nous allons passer à la période d'échange, Mme la ministre, pour une vingtaine de minutes.

Mme Weil: Merci. Merci beaucoup pour votre présence. Mes questions vont... Je vais essayer, tenter d'aller plus sur les propositions qu'on a dans le projet de loi pour voir... Vous dites que généralement vous êtes d'accord avec le projet de loi n° 94.

M. Ayas (Raouf): Oui.

Mme Weil: Mais en même temps il y a des divergences peut-être avec certains, d'autres groupes. Peut-être on irait sur notre définition, le gouvernement, sur ce que, nous, on appelle la laïcité ouverte, c'est-à-dire qu'on confirme la neutralité religieuse de l'État qui permettrait à un employé de l'État... Évidemment, la personne qui vient recevoir des services, à moins que le visage soit couvert, pour le reste évidemment ils peuvent porter... le code vestimentaire, ils sont libres de porter ce qu'ils veulent, un signe religieux, mais c'est par rapport aux employés.

Donc, la laïcité ouverte, qui vient dire que, oui, l'État est neutre, et le fait de porter une croix, un hidjab ou autre signe religieux pour l'employé, ne vient pas compromettre la nature neutre du service, et ça fait des années et des années que le Canada, le Québec interprètent la neutralité de cette façon.

Vous, c'est quoi, votre point de vue sur le port de signes religieux? On va mettre de côté niqab et burqa parce qu'on a l'article 6 qui vient parler de cette situation-là. Mais qu'en dites-vous?

M. Ayas (Raouf): Nous, on n'a pas de problème avec la neutralité de l'État vis-à-vis de toutes les religions. Quand nous nous sommes opposés au cours ECR, éthique et culture religieuse, on s'est opposés parce qu'il y avait une relativisation des religions, mais...

Mme Weil: J'essaie vraiment de vous amener sur ça parce qu'évidemment le projet de loi est vraiment des services gouvernementaux. On est dans un espace que le gouvernement veut clarifier, c'est-à-dire les rapports entre les citoyens qui viennent chercher des services et les services que le gouvernement veut donner, et je voudrais juste vous entendre sur cet aspect-là. Quelqu'un qui travaille pour le gouvernement aurait-il le droit, selon votre vision, de porter... Est-ce que ça vient compromettre la neutralité de l'État, selon vous?

M. Ayas (Raouf): On ne demanderait pas le droit de porter des croix, ou bien des kippas, ou bien des... Je pense que l'employé de l'État, il est mieux d'être neutre, il est mieux de ne pas afficher des appartenances personnelles religieuses. Je serais d'accord avec ça.

Mme Weil: Donc, vous, vous voudriez ce qu'on appelle une laïcité plus fermée, selon...

Une voix: ...

Mme Weil: Non, mais c'est des expressions qui sont utilisées par beaucoup de gens pour exprimer cette notion. C'est-à-dire que l'employé de l'État ne pourrait pas porter de signes religieux. C'est votre opinion?

M. Ayas (Raouf): Nous, on n'insiste pas à afficher notre croix devant tout le monde. C'est personnel. Mais par contre...

Mme Weil: Mais s'il le porte? Parce que, je vais vous dire, c'est vraiment... il y a deux points de vue, hein? Il n'y a pas 36 000 points de vue, il y a deux points de vue là-dessus. Il y a un point de vue qui dit que la personne, en autant qu'il ne vient pas faire du prosélytisme et de vendre sa religion, imposer sa religion... que le port d'une croix ou autre ne vient pas faire ça.

M. Ayas (Raouf): Il peut le porter, madame.

Mme Weil: Il peut le porter. O.K. Je comprends.

M. Ayas (Raouf): Il peut le porter.

Mme Weil: O.K. Il peut le porter.

**(15 h 30)**

M. Ayas (Raouf): Mais par contre amener un monsieur qui est barbu comme ça... La barbe, c'est naturel, mais c'est un signe de quelque chose. Alors, toute loi, c'est une question d'interprétation.

Mme Weil: Mais donc vous dites...

M. Ayas (Raouf): Il peut le porter.

Mme Weil: ...votre vision de laïcité, votre vision de laïcité permettrait...

M. Ayas (Raouf): C'est une laïcité souple.

Mme Weil: Souple. Très bien. Pour ce qui est de l'article 6, où on parle de visage découvert, évidemment on amène cette disposition vraiment sur des questions de sécurité, de communication et d'identification. Vous, est-ce que vous serez d'accord avec cet article-là, c'est-à-dire que le visage devrait être découvert?

M. Ayas (Raouf): Tout à fait.

(Consultation)

Mme Weil: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va?

Mme Weil: Pour l'instant, ça va, là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Donc, Mme la députée de Rosemont peut-être?

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. M. le Président, une très, très chaleureuse bienvenue à notre Assemblée nationale et à cette commission parlementaire.

Je vais vous dire, dans un premier temps, avant de laisser la parole à mon collègue des Deux-Montagnes, que je suis très attachée personnellement à cette civilisation chrétienne du Moyen-Orient, d'autant qu'elle est en danger, d'autant qu'elle a... actuellement, on le sait très bien, elle connaît des difficultés dans plusieurs des pays que vous avez énumérés dès le départ, connaît des difficultés, on le sait. Les Coptes en Égypte connaissent des problèmes. Moi, je suis particulièrement allée souvent au Liban, je connais bien la communauté maronite et je ne comprends pas toujours comment le général Aoun peut décider de s'allier avec le Hezbollah. Je suis allée le rencontrer même dans sa montagne il y a un an pour lui poser cette question et j'ai compris qu'il y avait, disons, des raisons sociologiques peut-être à cette décision de diviser la communauté maronite du Liban sur le plan politique, sur le plan électoral.

Mais de toute façon, au Liban même, on le sait, même s'il n'y a pas eu de recensement depuis très, très longtemps, que la communauté maronite diminue en termes de pourcentage, et il y a peut-être, je ne sais pas, 30 %, 35 %, dit-on, maintenant de maronites au Liban. Non? Plus que ça?

M. Kaadé (Alain): Moins de 20 %...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ah bon. Alors, vous ne m'encouragez pas, là. Et puis je connais aussi l'Irak, j'y suis allée deux fois pendant la guerre. Et, dans le Kurdistan irakien, on a accueilli... et j'ai rencontré Mgr al-Qas, qui est du rite chaldéo-assyrien, parce qu'on découvre toutes sortes de choses. Il m'a dit d'ailleurs qu'il parlait français avec le pape. J'étais très impressionnée. Mais ceci pour dire que c'est une civilisation extraordinaire, et qui aujourd'hui se débat donc avec des problèmes considérables, et que vous avez enfin toute ma sympathie par rapport à cette situation-là.

Et je vois que vous dites des choses qui me plaisent énormément dans votre mémoire. Et c'est vrai que vous connaissez bien la situation et que vous pouvez en parler d'abondance et en parler avec à la fois votre coeur, docteur, comme vous l'avez fait, mais aussi avec la raison.

M. Ayas (Raouf): Merci beaucoup, madame.

Mme Beaudoin (Rosemont): Et voilà ce que je voulais vous dire dans un premier temps, avant de, parce que je dois m'absenter quelques minutes, laisser la parole au député de Deux-Montagnes.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Absolument. Merci, Mme la députée de Rosemont.

Une voix: Merci, Mme Beaudoin.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. C'est effectivement un plaisir de vous recevoir cet après-midi. J'ai aussi, particulièrement, apprécié votre présentation spécialement lorsque vous avez mentionné que c'était à la société d'accueil de donner les grandes orientations, qui ultimement permet à un individu de choisir de s'y établir ou pas.

Si ces grandes orientations là sont données, si elles sont claires, l'individu, qu'il soit homme ou femme, a davantage d'informations à sa disposition pour accepter cette immigration qui profite tant à la société québécoise. Et cette orientation, à mon sens, ne peut pas faire fi d'un principe fondamental qui s'est confirmé au cours des années, au cours des dernières décennies, de chaude lutte d'ailleurs, celui de l'égalité entre les hommes et les femmes, un principe qui est fondamental, sur lequel la société québécoise n'est absolument pas prête à reculer.

Et, lorsqu'on regarde le projet de loi qui est à l'étude aujourd'hui... À mon sens, on ne le protège pas suffisamment, ce principe-là. On doit composer avec des chartes qui ne permettent pas la hiérarchisation des droits, ce qui fait que ce principe-là, qui est si cher à la société québécoise, peut être en contradiction avec un droit qui a la même valeur, celui de la liberté religieuse.

Selon vous, est-ce qu'on aurait intérêt, comme société, à clairement identifier ce principe comme étant non négociable et que les autres droits, dont celui de la liberté de conscience et de la liberté religieuse, soient subordonnés à celui de l'égalité entre les hommes et les femmes?

M. Ayas (Raouf): Vous savez, l'égalité entre l'homme... les hommes et les femmes, ça, ça vient de l'Évangile avant la Charte des droits. Alors, je ne suis pas très impressionné par ce principe puis je ne pense pas que les valeurs du Québec se résument seulement à la démocratie, puis la langue française, puis le droit à l'égalité entre hommes et femmes.

Je pense que les vraies valeurs du Québec, c'est l'entraide, c'est le travail acharné, c'est l'accueil, c'est l'esprit québécois qui a formé cette société-là. Je pense que, les valeurs du Québec, il faut qu'on les travaille plus. Il ne faut pas nécessairement réduire ça à des droits, et lequel est supérieur auquel. Je ne pourrais pas vraiment rentrer dans une discussion de juriste quant à quelle loi est subordonnée à quelle charte, puis laquelle a préséance, mais, moi, je dirais que sûrement l'égalité entre hommes et femmes, c'est un prérequis avant tout.

Maintenant, moi, je ne considère pas les accommodements raisonnables comme une affaire de religion. Moi, je ne pense pas que les femmes ne peuvent pas descendre à la piscine puis qu'elles soient vues par un homme. Moi, je ne pense pas que les femmes doivent porter le gant... des gants dans leurs mains quand on est en pleine canicule. Moi, je pense, ça n'a rien à voir avec la religion. Je pense qu'il y a un agenda politique. Le voile intégral qu'on essaie de faire... de nous faire avaler ici, au Québec, c'est un premier pas. Une fois qu'ils... S'ils font adopter le voile intégral, ils vont aller à une autre étape, puis après une autre étape, puis une autre étape. Puis chaque fois on se fait avoir avec le jeu démocratique, puis le jeu de la tolérance, puis de l'accueil puis que ce n'est pas vrai.

Alors, moi, je considère que le projet de loi n° 94 est un premier pas. Nous, on est très enthousiastes, puis on vous encourage à l'adopter, puis, nous, on est d'accord. Mais c'est un premier pas, un premier pas pour mettre de l'ordre dans notre société, donner une orientation, nous aider, aider nos jeunes à voir plus clair dans où est-ce qu'on s'en va. J'espère avoir répondu à quelque chose.

M. Charette: Tout à fait, tout à fait. Et autre question, pour ma part. Vous avez parlé de la réalité de bon nombre de vos compatriotes qui sont toujours présents au Moyen-Orient.

Ma collègue de Rosemont l'a, à juste titre, mentionné également, il y a une certaine oppression, il y a des reconnaissances qui ne sont pas accordées. Il y a plusieurs femmes de ces pays qui sont venues nous voir aussi, que ce soit à travers la présente commission ou dans d'autres circonstances, qui nous ont aussi dit... et des femmes musulmanes, j'insiste, pour dire qu'elles ont à leur tour quitté leur pays d'origine parce qu'elles étaient ostracisées comme femmes, elles étaient brimées dans leurs droits fondamentaux. Et elles se montrent inquiètes, un petit peu comme vous le manifestez aujourd'hui, elles se montrent inquiètes que ce même agenda ou cette même volonté maintenant soient tolérés au Québec.

Elles nous ont dit de façon très, très claire: Nous avons quitté nos pays d'origine, souvent avec beaucoup de peine, à regret, pour vivre une certaine émancipation et aujourd'hui on se voit confrontées aux mêmes pressions, aux mêmes difficultés. Que dire à ces femmes? Est-ce que vous pensez que, comme société, on a un devoir? Oui, vous parlez du projet de loi n° 94, c'est celui qui nous réunit aujourd'hui, mais est-ce qu'on ne peut pas et est-ce qu'on ne doit pas en faire davantage pour s'assurer que, comme femmes, elles aient pleinement leur place dans la société, qu'elles puissent s'épanouir sans être sous le joug d'une religion ou d'individus qui les contraindraient au niveau de leurs droits?

M. Ayas (Raouf): Absolument. Puis c'est pour ça que nous pensons que c'est une première étape. Alors, il faudra sûrement que le débat et le choix de société se continuent pour pouvoir dégager des pistes, des pistes pour aider ces femmes-là, des pistes pour aider nos jeunes. C'est sûr.

**(15 h 40)**

Nous, on est tout à fait d'accord avec vous, puis on va travailler avec vous, puis on va essayer de faire le meilleur qu'on peut pour... dans ce débat-là. On a déjà parlé devant la commission Bouchard-Taylor, on a fait valoir nos points. Malheureusement, je trouve que le rapport ne résumait pas vraiment la teneur des débats, parce que le rapport met toujours le fardeau sur les Québécois, Canadiens français.

Je pense que chacun doit faire sa part, mais on ne peut pas juste demander aux Canadiens français de s'accommoder. Nous aussi, les immigrants, ou... tout le monde doit faire sa part, et pas uniquement le gouvernement ou bien la société d'accueil.

M. Charette: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. le député de Deux-Montagnes. M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs, bonjour, madame. Vous vous souvenez, en fait, en remettant les choses en perspective, vous vous souvenez des origines de l'exercice qui nous réunit ici aujourd'hui, les tensions, les crises qui ont été engendrées par ce qu'on a appelé, à bon ou mauvais escient, la pratique des accommodements raisonnables, qui ont révélé un mal-être de la majorité québécoise versus certaines catégories de gens de notre société.

Cela a, vous l'avez dit, engendré la mise en place de la commission Taylor-Bouchard qui a amené cette réponse que le gouvernement donne aujourd'hui par la voie du projet de loi n° 94. Est-ce que vous pensez que, dans l'hypothèse où ce projet de loi est adopté, on colmatera tous ces problèmes qui ont inspiré ce travail?

M. Ayas (Raouf): C'est un premier pas. Moi, je suis convaincu que chaque groupe de pression, chaque groupe d'individus, chaque ensemble d'individus veut une part du gâteau, veut avoir plus de droits, veut avoir plus de passe-droits, et c'est sûr que, la tarte, on ne peut pas la diviser à 150 %. C'est sûr que ça va colmater quelques aspects, mais ça va donner une direction. Nous avons besoin de cette loi pour qu'elle commence un travail.

M. Kotto: Alors, si je rentre dans votre logique, comment... ou, plutôt, de votre point de vue, quel serait le second pas à faire pour continuer dans la bonne direction?

M. Ayas (Raouf): Je pense que, si le gouvernement du Québec... ou bien si, la société du Québec, canadienne-française, si elle était plus en accord avec elle-même, s'il y avait plus un consensus, je pense que beaucoup de groupes adhéreraient à ce consensus. Plus on est d'accord dans une orientation, plus les gens embarquent. C'est l'émulation, c'est cet esprit-là.

Alors, si on est capables de les dégager, ces consensus, morceau par morceau, je pense qu'on va y arriver, mais il ne faut pas aller dans tous les sens. Moi, je pense qu'au niveau de l'éducation il y a beaucoup à faire. On ne peut pas... La loi ECR, encore une fois, n'était pas bonne parce qu'elle voulait plaire à tout le monde, puis on ne peut pas. Et je pense qu'il faut que notre société devienne... peut-être s'affirme mieux, s'affirme plus, n'ait pas peur de s'affirmer, n'ait pas peur de... Comme on n'a pas peur de dire qu'on est francophones, il ne faudrait pas qu'on ait peur de dire nos traditions, nos coutumes, nos origines puis être à l'aise avec nous-mêmes, nous accepter personnellement.

Je pense que, si vous faites ça, les immigrants vont connaître les règles du jeu. Si on dit... à celui qui veut émigrer du Liban, on lui dit: Dans ce pays-là, tu vas aller au Québec, au Canada puis là-bas il n'y a pas de burqa, quand il viendra ici, il n'y a pas d'argument, on a gagné d'avance. Alors, c'est une... on se rend plus facile la tâche.

M. Kotto: Si j'autopsie votre réponse, je pourrais penser que le second pas sera très difficile à faire, et cela m'amène à dire que le premier pas nous conduit dans une impasse qui ne va pas apporter une réponse percutante relativement aux conflits, aux crises qui vont probablement encore renaître. C'est cyclique. Ce n'est pas d'hier, ce n'est pas d'avant-hier non plus. Ça fait quelques années, et on le remarque partout en Occident aujourd'hui. On l'a vu en Allemagne récemment, on l'a vu aux Pays-Bas, on l'a vu en Angleterre. Et derrière tout cela il y a le vecteur du multiculturalisme qui vient empirer la chose, les situations.

Mais j'entends bien votre réponse, qui est très diplomatique: C'est un premier pas. Je l'entends très bien.

J'avais une autre question...

M. Ayas (Raouf): ...

M. Kotto: Oui.

M. Ayas (Raouf): M. Kotto, vous avez parlé du multiculturalisme. Le rapport Bouchard-Taylor, il pue le multiculturalisme, sauf qu'il ne l'appelle pas multiculturalisme, il l'appelle interculturalisme. Puis le peuple n'a pas été d'accord avec lui. D'ailleurs, c'est pour ça que le gouvernement n'a rien fait avec. Il faut que... Vous savez, chaque mot peut dire tout ce que vous voulez, puis chaque loi peut être interprétée comme vous voulez ou appliquée comme vous voulez. Ce n'est pas parce qu'on a adopté une telle loi qu'on va tout résoudre. Ça dépend de qu'est-ce qu'on fait avec cette loi-là. Alors, d'ailleurs, j'ai cité plus tôt Mathieu Bock-Côté, puis Mathieu Bock-Côté a dit: Le multiculturalisme n'est plus à la mode dans tous les pays occidentaux, même en Allemagne et Angela Merkel... même partout, il y a un échec du multiculturalisme. Alors, ne commençons pas par dire: Non, on n'est pas multiculturalistes, on est interculturalistes, l'important, c'est quel sens on veut donner à notre... quel est notre choix de société.

M. Kotto: Je vous entends bien. Tout à l'heure, c'est une question de sémantique, là, je reviens là-dessus, la ministre vous posait la question relativement à votre conception de la laïcité. Vous, vous avez dit que vous la conceviez souple. Est-ce que vous pouvez élaborer là-dessus plus précisément, et ça, en lien avec le port des signes religieux de manière ostensible, dans le cadre de la fonction publique, en l'occurrence?

M. Ayas (Raouf): Moi, je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous voulez dire que le gouvernement restera neutre vis-à-vis de toutes les religions. Ça, je suis d'accord avec vous, mais je ne suis pas d'accord avec vous quand vous voulez me dire que le professeur en classe, il va donner six religions à leurs élèves puis il va être neutre. Le professeur ne peut pas être neutre. Le gouvernement, lui, il est neutre dans ses politiques parce qu'il les applique à tout le monde sans... Il n'y a rien de personnel, il n'y a rien de... C'est des normes, c'est des règlements, c'est des politiques, c'est des lois. Sinon, il y a des contraventions, puis on se trouve en prison, etc.

Mais, moi, j'aime bien que le gouvernement soit neutre, que les officiers du gouvernement soient neutres. Maintenant, si quelqu'un a une petite croix affichée ici, ça ne me dérange pas, mais n'obligez pas mon prêtre à moi à marier des gens... deux hommes ou à marier deux femmes. Ça, je trouve que ce n'est pas de la laïcité, ça. Ça, je trouve que... Moi, on ne peut pas m'obliger à faire quelque chose contre ma conscience, parce que le gouvernement, lui, il est laïque. Ce n'est pas ça, la vraie laïcité. En France, ils subventionnent des écoles à 90 %, alors l'école est obligée de faire enseigner le cursus qui est donné pour 90 % du budget, mais, si, dans le 10 % que l'école, elle... L'école peut donner un enseignement religieux malgré qu'elle est à 90 % subventionnée.

Je veux dire, il faut être souple. Mais on peut dire «laïcité ouverte», «laïcité» de tout ce que vous voulez. On est d'accord avec vous pour tout ce que vous dites, mais l'important, c'est qu'est-ce qu'on va mettre dedans.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, excusez-moi. Oui, allez-y, Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Poirier: Merci, M. le Président. Bienvenue à vous trois. Moi, je voudrais vous parler de ce que l'on voit.

Vous avez exprimé, tout à l'heure, votre position sur la voisine qui a commencé à porter le niqab. Moi, c'est plutôt sur les femmes qui arrivent ici et qui, dans leur pays d'origine, ne portaient pas de signe ostentatoire religieux, des femmes diplômées, et c'est une main-d'oeuvre que l'on recherche, et ça, c'est une main-d'oeuvre qui est accueillie à bras ouverts. Et l'on voit ces femmes porter par la suite un signe religieux ostentatoire. Et, quand je regarde la position de la Fédération des femmes et de Québec solidaire, qui dit qu'empêcher ces femmes-là de porter le voile va les exclure du marché du travail... Alors, j'aimerais ça vous entendre, là, nous faire un... nous démêler un peu, là, ce qui se passe là-dessus.

**(15 h 50)**

M. Ayas (Raouf): Bien, c'est-à-dire, si je peux... C'est-à-dire que je pense qu'un parti politique ne peut pas plaire à tout le monde puis mêler les cartes. Ce n'est pas par démagogie qu'on doit...

Je ne pense pas que le voile va aider une femme à trouver du travail. Nous, on a eu des inhalothérapeutes qui sont venus travailler à l'hôpital chez nous, puis ils avaient toute une affaire qui... jusqu'ici, là. Puis ils se penchent sur un malade puis ils ventilent le malade, puis... toute une affaire. Mais le malade qui se sent infériorisé et vulnérable, il ne peut pas avoir affaire avec ni un rabbin, qui vient avec une calotte, ni avec une femme à trois quarts voilée. Je veux dire, ça l'impressionne.

Alors, moi, je ne pense pas que ça va l'aider à trouver du travail, cette fille-là. Au contraire, je pense que ça va l'exclure du marché du travail. Moi, si j'ai une fille qui vient, qui veut être ma secrétaire, je ne voudrais pas qu'elle soit différente du public. Je veux qu'elle puisse accueillir le public, toutes formes confondues. Ce n'est pas... Je n'ai rien contre le voile.

Mme Poirier: Juste pour aller un petit peu plus loin, pour bien comprendre votre propos... actuellement, dans le projet de loi, on ne parle que du voile intégral, en tant que tel. Ce dont on se parle, c'est de signes religieux, en tant que tel. On parle du kippa, on parle du hidjab, en tant que tel. Pour vous, est-ce qu'il est... Est-ce que le projet de loi aurait dû aller plus loin et instaurer tout de suite le fait que, dans la fonction publique, les personnes qui représentent l'État ne devraient pas porter de signe religieux? Est-ce que vous auriez souhaité cela dans le projet de loi?

M. Ayas (Raouf): Oui, on l'aurait souhaité.

Mme Poirier: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres interventions? Oui, M. Kaadé.

M. Kaadé (Alain): Si je peux répondre à une question, première question: les femmes qui ne portaient pas leur voile ou la burqa dans leur pays viennent ici et elles sont en train de porter ça ici.

Pour savoir ces idées-là, vous devez comprendre deux choses et vous devez apprendre. Vous allez m'excuser dans ça. Si on n'apprend pas qu'est-ce qu'est le Coran, comment ça a été fait et qu'est-ce qu'est la religion musulmane, vous ne saurez jamais la réponse à cette question.

La réponse à cette question est très simple: on veut se faire voir, on veut conquérir le pays occidental, et ça, c'est annoncé directement par les musulmans qui existent au Moyen-Orient. Si on veut ou on ne veut pas, c'est une politique essentielle. On n'a pas pu gagner la guerre, on va gagner par le nombre, on va gagner par notre système. Leur système, c'est de faire voir. Lorsque vous acceptez la burqa ou ces signes qui ne sont pas nécessaires, et je dis... je change le mot «nécessaires», je dis «qui ne sont pas obligatoires» et qui n'existent pas dans la religion musulmane, et qu'on le fait ici, au Québec, pour se faire voir, donc ils ont un système, ils ont un projet de faire. Et ce projet, le deuxième pas, c'est leur projet de charia. Et, lorsque le projet de charia arrive au Québec ou au Canada, ça ne va pas être le gouvernement québécois ou le gouvernement canadien qui va décider, c'est leur ministre qui est dans n'importe quel quartier... peut décider, peut donner une fatwa. Et, lorsqu'il donne une fatwa, ils doivent le faire, ils doivent le subir, il doit l'accepter, ils doivent se faire avec ou, entre parenthèses, si vous ne le faites pas, vous êtes un... comme on dit, le mot en arabe, c'est que vous avez... n'a pas accepté la religion musulmane, et, si vous n'avez pas accepté la religion musulmane, la loi de la charia a dit que n'importe quel musulman peut vous tuer.

Et ça, c'est la base. Et, si on va arriver avec ça, c'est un projet.

Par contre, pour votre loi, la Syrie, il y a un mois et demi, il a dit automatiquement à tout le monde: La burqa ne sera pas acceptée dans l'université ou dans les emplois de gouvernement. Et ça, c'est un pays arabe. Et c'est un pays qui protège musulmans et chrétiens. L'Égypte, c'est la même chose, il n'y aura plus de burqa dans les universités ni dans les employés du gouvernement.

C'est à vous, la réponse, le reste. S'il vous plaît, soyez conscients... qu'est-ce qu'eux ils ont dans la tête. Ils ont un projet que ça fait... ans qui est en préparation, vous n'allez pas le perdre en une semaine ou deux. Je m'excuse. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Kaadé. Merci. C'est moi qui vous remercie. Nous avons besoin de votre consentement. Mme la ministre aurait peut-être une autre question. Le temps que vous aviez, imparti, est écoulé. Est-ce que vous permettez? Oui? Rapidement, Mme la ministre.

Mme Weil: Je voudrais vous remercier aussi de votre présence et votre point de vue. Je suis ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, donc je vous entends... évidemment, ce message d'intégration, l'importance de l'intégration. Je suis quand même assez impressionnée, si ça peut vous rassurer, mais le commentaire que... beaucoup d'immigrants partagent votre point de vue, et des immigrants qui arrivent depuis récemment, ils disent la même chose que vous. Ils disent: Nous, on a choisi le Québec à cause de votre projet de société.

Alors, quand vous dites: Il faut s'affirmer puis d'être fiers de ce qu'on a bâti ici, au Québec, c'est tout à fait le message que je reçois de ces gens-là, de ne pas être défensifs, de ne pas avoir peur de dire qu'on a vraiment une société formidable, ouverte, tolérante, et tout ça. Et c'est ce que j'entends, c'est le message. Alors, je voulais vous le dire.

Ce matin, on avait un groupe qui représente les Juifs orthodoxes. Comme vous savez, ce n'est pas des immigrants. D'ailleurs, ils ont souligné que ça fait plus de 100 ans qu'ils sont ici. Dans un cas, le rabbin nous a dit que son père est arrivé... je pense, c'est en 1904, mais il plaide pour une laïcité ouverte. Alors là, on a deux réponses contradictoires. Vous avez dit oui à une laïcité souple. Bon, ça ne vous dérange pas, quelques signes religieux, bon. Et je ne veux pas vous mettre... Ce n'est pas comme si votre réponse... Je comprends ce que... C'est un peu difficile d'exiger que vous nous donniez exactement la réponse qu'on veut entendre, mais c'est ça, beaucoup, le débat. J'apprécie beaucoup le fait que vous disiez: Un premier pas, c'est un geste pour essayer de mettre un peu d'ordre dans tout ça, que le débat de toute façon devra se poursuivre, mais que... pour ce qui est des services gouvernementaux. Mais je voulais vous dire que donc ce n'est pas des immigrants. C'est des gens, par exemple, qui ont un code. Ils portent le kippa, par exemple. Alors, eux, ils ont dit: Une laïcité ouverte qui permettrait à quelqu'un qui porte un signe religieux quelconque... on ne parle pas de visage couvert, là, mais, eux, ils plaident pour ça, parce qu'ils disent: Quand même, ça fait partie des traditions du Québec. Ça ne va pas dans le sens d'une menace dont, vous, vous parlez. Je pense que c'est autre chose.

Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Alors ça, c'est des Québécois, des Québécois qui sont implantés depuis longtemps, longtemps, avec une certaine liberté de religion, hein? C'est la liberté. On est une société libre et démocratique, et cette liberté doit vouloir dire quelque chose. Évidemment, dans le monde occidental, libre et démocratique, il y a des libertés qui sont reconnues depuis très, très, très longtemps, et le Québec a une longue histoire de ces accommodements. C'est des accommodements qui se sont toujours faits, mais là, depuis quelques années, ça a pris une certaine tournure, ce débat-là. Alors, j'aimerais juste vous entendre là-dessus, si vous comprenez leur message.

Mme Missalli (Magda): Si je peux ajouter quelque chose à ce que vous dites, je suis tout à fait d'accord. En ce moment, je ne comprends pas pourquoi, par exemple, les arbres de Noël, il ne faut plus les appeler sapins de Noël, mais il faut les appeler sapins de vie ou arbres de vie ou qu'on ne doit plus parler de Noël ou de ce que c'est, de... Ça rejoint un petit peu ce que vous dites. Alors, je comprends très bien aussi qu'un signe religieux qui n'est pas ostentatoire, qui n'est pas agressif, une croix, un signe religieux correct, c'est-à-dire qui n'est pas agressif, c'est... je suis d'accord qu'il soit présent, que ce soit présent.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre, M. Ayas, Mme Missalli, M. Kaadé. Merci infiniment de vous être présentés à la commission. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Je vais suspendre les travaux quelques instants...

Des voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Mme Louise Hubert et M. Ghyslain Parent à prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 59)

 

(Reprise à 16 h 1)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Nous allons reprendre donc nos travaux. Je vois que madame... M. Ghyslain Parent a pris place. C'est bien ça, M. Parent, hein? Et...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, bonjour. Et Mme Louise Hébert. C'est bien ça?

Mme Louise Hubert et M. Ghyslain Parent

Mme Hubert (Louise): Hubert, oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Hubert. Excusez-moi, Mme Louise Hubert, donc. M. Parent, vous êtes déjà venu à notre commission. Est-ce que ça se peut?

M. Parent (Ghyslain): On ne se trompe pas. On s'est vus il y a quelques mois... quelques semaines. J'ai vu deux, trois des collègues qui sont ici.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ah!

M. Parent (Ghyslain): J'accompagnais M. Drouin à ce moment-là.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Exactement, c'est ça. Donc, vous connaissez bien le fonctionnement de notre commission.

M. Parent (Ghyslain): On connaît le fonctionnement de la commission.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): O.K. Donc, je vais vous resouhaiter la bienvenue, dans un autre temps mais pour les mêmes raisons, et je vais aussi vous rappeler nos règles qui sont fort simples. Vous avez 10 minutes pour la présentation, puis il va y avoir une partie d'échange entre les deux côtés des parlementaires. On va s'efforcer que ce soit de façon alternative pour permettre à l'ensemble des idées de s'exprimer. Donc, à vous la parole, M. Parent.

M. Parent (Ghyslain): Bonjour. Ça me fait plaisir de revenir ici et de revoir les personnes. Je suis heureux d'avoir été convoqué. La première fois, j'étais ici comme faire-valoir du projet, du mémoire présentés par André Drouin. À ce moment-là, on n'avait pas lu mon mémoire, et c'est pour ça que j'ai été convoqué finalement devant votre commission, pour vous revoir, et ça me fait plaisir.

Je vais probablement recogner sur le même clou. Il y a des choses qui vont peut-être sembler des redites pour ceux qui étaient là. Je suis avant tout un pédagogue, un enseignant. J'ai enseigné pendant 30 années, ça fait que je suis habitué de répéter et d'essayer de me rendre audible et intéressant. Donc, j'apporte certains éléments.

Mon nom est Ghyslain Parent, je suis professeur au Département des sciences de l'éducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Moi, avant d'être professeur... je dis toujours en blague: Avant d'être professeur à l'Université du Québec, j'ai travaillé, donc j'ai travaillé 15 ans auprès des personnes ayant une différence intellectuelle, j'ai travaillé comme enseignant en adaptation scolaire. Et par la suite j'ai continué à travailler toute ma vie comme chercheur à l'Université du Québec à Trois-Rivières autant pour ces clientèles-là et aussi pour les personnes en détresse. J'ai travaillé auprès de personnes suicidaires ou de personnes ayant des problèmes de santé mentale, etc. Je travaille présentement dans le contexte de la laïcité, et c'est d'une drôle de façon que je suis tombé dans ce projet-là. Moi, j'ai pensé qu'en 15 minutes on était pour régler le problème de la laïcité il y a quatre ans. J'ai dit: Écoutez, c'est très clair, c'est quelque chose... on est rendus là, le Québec. Mais je vais vous raconter deux ou trois petits faits qui ont fait que j'ai commencé à me préoccuper.

Moi, premièrement, je tiens à dire que je suis très ouvert aux autres cultures. Notre université accueille des étudiants de tous les pays. J'en ai hébergé chez moi, j'en ai reçu, je suis très ouvert, etc. Ce n'est pas un degré de fermeture face aux communautés. À un moment donné, l'université m'a demandé de me pencher sur la problématique de l'exode des jeunes dans notre région. Puis, parce qu'on voyait l'exode des jeunes, on voyait un problème qui naissait aussi avec le vieillissement de la population, c'étaient les problèmes d'emploi, et là on voyait comme solution l'immigration, et je le pense encore. D'autres voyaient des politiques familiales, mais je pense, puisqu'il faut faire plaisir à Mme la ministre, que l'immigration peut être une porte d'entrée pour nous autres.

Malheureusement, j'allais à Montréal et j'avais des amis qui étaient un peu plus, pour utiliser une expression que M. Maka Kotto n'aimera pas, qui étaient un peu plus bronzés que moi.

Une voix: ...

M. Parent (Ghyslain): Oui, et j'adorais ces personnes-là. Ils arrivaient de pays... c'était extraordinaire. Elles arrivaient de ces pays-là, ces personnes-là.

Et, à un moment donné, il y avait des étudiants qui étaient musulmans, entre autres, et ils m'avaient invité chez eux avec une personne très importante, qui est ma fille, qui était... qui avait 18 ans et qui une des plus belles filles du Québec, je vous dis, madame. Mais ça saute une génération. Et on a été reçus. Et, en rentant dans la maison, parce qu'ils m'avaient invité à aller dormir chez eux... et, en rentrant dans la maison, ils me prennent par la main et m'amènent dans leur cuisine et dans le réfrigérateur. Parce qu'on était deux, ils avaient acheté deux gros morceaux de lard de ce qu'on appelle chez nous, là, des gros rôtis de lard, mais je n'en avais jamais vu des aussi gros de ma vie.

Ça fait que, pour eux, eux, ils se disaient: Vous êtes des catholiques, vous mangez du cochon, puis notre façon de vous accueillir, c'est de vous faire plaisir. Mais il dit: On ne le fera pas cuire, on ne le touchera pas, on ne peut pas, tu sais, mais, vous autres, vous allez le faire cuire pour vous autres. J'avais trouvé le geste intéressant.

C'était il y a huit, neuf ans et déjà, dans ce temps-là, c'était bien vu d'être accueillant envers la différence.

Par la suite, j'ai commencé à regarder le phénomène puis j'ai vu que ces personnes-là étaient, bien des fois, surqualifiées. Et, malheureusement, on ne peut pas cacher, comme je disais à M. Maka Kotto, notre bronzage. Et, ces personnes-là, je trouvais triste et malheureux... Parce que j'avais même vu un document qui traînait à quelque part. Ce n'est pas drôle de se faire dire: Je ne t'aime pas. À cause de la couleur de ma peau, tu sais, on me dit que je me... tu sais. J'avais été marqué par ça, et, étant quelqu'un qui est accueillant, ça me blessait. Et là j'ai dit... j'ai essayé de regarder pourquoi les employeurs ne les engageaient pas et je voyais que déjà il y avait des... le fondement religion ressortait. Puis là je m'apercevais que, quand je communiquais avec eux, on avait beaucoup d'atomes crochus, on était bien ensemble, tout le monde. Ma fille adorait ces personnes-là, et ils auraient fait tout pour rendre ma fille... rendre service, etc. Je n'en revenais pas, comment ils avaient été accueillants envers nous, et je me disais: Le fait qu'on vive ça, c'est parce qu'on le vit dans une sphère laïque, dans une sphère où il y avait... On n'a pas une seule fois...

Tous les contacts que j'ai eus avec ces personnes-là, on n'a jamais parlé de religion. J'ai laissé faire parce qu'eux, ils mangeaient le soir très tard, là, vu que c'était le ramadan, etc. J'ai vécu cette expérience-là. J'ai goûté des mets que j'ai aimés et que j'apprécie, d'autres un petit peu moins, mais j'avais au moins mon morceau de cochon pour moi qu'on pouvait avoir fait cuire. Et par la suite j'ai commencé à trouver triste... Ces personnes-là avaient de la difficulté à se trouver de l'emploi, et je me suis dit: Il faudrait qu'on trouve une solution. Et la seule solution que j'ai vue à ce moment-là, c'était de faire des lois, de faire respecter un principe qui prenait de plus en plus de place depuis les années soixante au Québec, l'absence de tout phénomène et de toute connotation, pour utiliser ce qu'un auteur a déjà dit, «toute pollution à caractère religieux».

Et, à ce moment-là, on pouvait vivre ensemble et avoir de l'harmonie. J'avais envie de vous lire le texte que Mme Merkel... un texte du journal et de Radio-Canada, entre autres, là, qui disait que Mme Merkel dénonçait... Je pense que j'arrivais à... probablement, si on réécrivait le même texte, on pourrait remplacer le mot «Allemagne» par le mot «Québec». En même temps, quand j'ai commencé ça, on a commencé à jouer...

Je vais vous présenter tantôt Mme Louise Hubert, celle qui a demandé à l'hôtel de ville de cesser la prière à Trois-Rivières, parce qu'on se disait... Écoutez, il y avait eu une chicane dans ce temps-là, là, dans la fameuse cabane à sucre, puis les gens disaient: Aïe, ça n'a pas d'allure qu'on fasse ça. Moi, je me disais: O.K., une cabane à sucre, je suis même prêt à tolérer qu'il y ait une expression religieuse parce que c'est un lieu privé. Mais, dans l'hôtel de ville et dans l'Assemblée nationale, il ne doit pas y avoir de symbole religieux. On doit être capable de vivre, ça doit être... on doit se battre pour que toutes les personnes aient la chance de s'épanouir ensemble sans ces connotations-là. Et j'en parlais à des gens. Malheureusement, c'est à peu près le sujet le plus tabou, la laïcité. Lorsqu'on a commencé à jouer ce phénomène-là, moi, je me disais: 10 minutes, le maire va arrêter sa prière, il va comprendre. Écoute, n'importe qui est capable de comprendre ça. Mais non. Et là on commençait à recevoir des lettres de menaces, des téléphones, du chantage, des gens qui nous disaient: Vous faites quelque chose de très grave, le bon Dieu va vous punir, on espère. Nous autres, on ne vous fera rien, là, mais, s'il vous arrivait quelque chose de triste, nous, on ne serait pas tristes.

C'était le genre de commentaires qu'on avait. Les gens étaient... Et pourtant plus je parlais à des gens, plus les gens commençaient à comprendre l'importance de la laïcité.

Je vous laisse Mme Hubert, qui va vous parler. Elle va faire ce que tout bon pédagogue doit faire, prendre un élément déclencheur pour déclencher chez vous une petite réflexion de quelques secondes.

**(16 h 10)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, Mme Hubert, pour les deux prochaines... trois prochaines minutes.

Mme Hubert (Louise): Ah bon. Alors, oui, je me présente, j'ai été la militante qui a demandé à ce qu'on interdise la prière à l'hôtel de ville à Trois-Rivières. Et le but en arrière de ça était de mettre en pratique une de nos trois valeurs fondamentales. On sait que c'est la primauté du français, l'égalité hommes-femmes mais surtout la séparation de l'Église et de l'État.

Alors, un jour, je me suis dit: Bien, allons à l'action, je suis tannée de voir toutes ces choses théoriques qu'on parle. Et j'ai passé à l'action. Et finalement, après deux, trois ans, je crois, de dur labeur, nous avons réussi dernièrement, malgré un jugement des droits de la personne, à ce que M. Lévesque respecte ce qu'ils avaient donné comme jugement. Mais je vais vous montrer aussi quelque chose. On voit ici le drapeau du Québec. Alors, on sait qu'il y a une symbolique à l'intérieur du drapeau du Québec. Alors, si je vous montre ça, je sais qu'il y a une symbolique. Si je vous montre un drapeau plus grand, est-ce que j'ai la même symbolique? Si je prenais le drapeau de l'Assemblée nationale, qui est encore plus grand, est-ce que j'ai la même symbolique? C'est sûr que c'est oui. Maintenant, y a-t-il un lien entre la grandeur des drapeaux et la grandeur de signes religieux que l'on peut constater dans notre place? Est-ce que c'est le même symbole, que j'aie un petit voile, un grand voile, un très grand voile, un immense, grand voile, une burqa et tous ces genres de voile là? Est-ce qu'il peut y avoir la même symbolique? Selon ce que l'on lit sur Internet, on constate que c'est la même symbolique politique. Comme disait si bien le monsieur avant nous, avec leurs avancées politiques et, dans le fond, avec ce qu'on a derrière tous ces symboles-là...

Ce qui a déclenché encore plus ma prise de conscience, c'est que... Un jour, je m'en vais au centre d'achats de Trois-Rivières, ah, là, toute contente et ouverte, comme on aime tellement se le faire dire. Je vois une personne, là, qui porte un voile, je dis: Écoute, je vais aller lui parler, je suis tellement contente. Alors, j'arrive aux côtés de cette personne-là, et je suis contente qu'elle soit au Québec, et je lui demande: Vous savez, quand on quitte un pays, on a des efforts à faire pour s'adapter. Elle dit: Oui, il n'y a pas de problème. J'ai dit: Vous, quel est l'effort que vous pensez mettre pour un petit peu accepter nos valeurs occidentales? Elle dit: Aucun. Je dis: Vous ne voulez pas mettre aucun effort? Elle dit non. Mais j'ai dit: Pourquoi vous êtes ici? La phrase magique: Mais pour vous évangéliser. J'ai dit: Vous êtes ici pour m'évangéliser? Elle dit oui. Mon principe islamique est de vous évangéliser. J'ai dit, me convertir, j'ai dit: Laissez faire, s'il vous plaît, laissez faire, je n'ai pas besoin de conversion.

J'ai dit: Ça ne vous tente pas de vivre quelque chose d'extraordinaire? Vous êtes dans un nouveau pays, pourquoi vous ne vous promenez pas dans le centre d'achats? Si vous voulez, je vais vous accompagner. Vous pouvez enlever votre voile, je vais vous accompagner. Elle dit: Bien, non, tout le monde va me regarder. J'ai dit: Tout le monde va vous regarder si vous n'avez pas de voile, j'ai dit, O.K.? Venez, on va regarder qui... On était dans le temps des fêtes, il y avait énormément de monde dans le centre d'achats. J'ai dit: Croyez-vous que les hommes sont tous en train de regarder les femmes qui magasinent? Et là la dame, elle dit: Savez-vous, je constate qu'il n'y a personne qui les regarde. Effectivement, j'ai dit, vous, si vous vous promenez, par contre on va tous vous regarder...

M. Parent (Ghyslain): Avec votre voile.

Mme Hubert (Louise): ...avec votre voile. J'ai dit: Vous savez, ça serait une expérience occidentale extraordinaire, puisque vous avez choisi notre pays. Et j'ai dit: Je vous souhaite qu'un jour vous ayez la force et le courage d'accepter nos valeurs pour lesquelles vous êtes ici. Alors, ça a été mon élément déclencheur.

Et, comme M. Parent a dit, j'ai constaté que le seul moyen de faire respecter, et de se donner un champ libre... d'action, et d'avoir la joie de partager était par des espaces laïques qui veulent dire «neutres», dans le fond. Alors, c'est un petit peu mon parcours.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, Mme Hubert. Ce qui va nous permettre d'échanger avec vous. Je vais demander à Mme la ministre si elle a quelques questions.

Mme Weil: Merci beaucoup. Et plaisir de vous revoir, M. Parent. Et je vous remercie pour ces histoires. C'est des histoires intéressantes et c'est des histoires qu'on apprécie d'entendre parce que je pense que ce que ça souligne, c'est beaucoup l'humanité, hein, c'est l'humanité de toute société, qu'on espère, mais de notre société aussi.

Évidemment, on veut l'inclusion. Je pense que c'est tout naturel, hein? On veut que les gens puissent s'inclure puis on souffre un peu quand on voit que les gens sont exclus, soit qu'ils s'excluent ou que la religion les exclut, et c'était beaucoup votre message. Puis on voit la générosité de ces gens-là. Alors, je voulais juste vous remercier pour ces... Et d'ailleurs j'ai cru entendre une invitation de venir dans la région pour parler d'immigration, et ça me ferait plaisir. J'ai vraiment l'intention... Parce que, c'est vrai, on a un défi démographique important, il y a des régions qui sont intéressées par l'immigration, ça me ferait plaisir.

Là, je vais vous amener sur le projet de loi, parce qu'évidemment je pense que l'anecdote que vous nous racontez, c'est beaucoup... Tel que je le vois, c'est avec le temps. C'est une approche très intéressante que vous avez prise avec cette femme, c'est une discussion, c'est un échange. D'ailleurs, il y a un prof de Concordia, de l'école Simone-De Beauvoir, c'était un peu son approche, c'est-à-dire on ne peut pas amener... on ne peut pas être contraignant comme État, comme gouvernement, mais ça prend des gestes d'accompagnement ou de dialogue, de discussion toujours avec. Cette approche, ça me fait penser un peu aux discours qu'elle nous a donnés.

Donc, si on en vient à notre projet de loi qui se veut très pragmatique, dans un sens, d'amener de la clarté sur les accommodements raisonnables, beaucoup parce que c'est un exercice... nous, on appelle ça ici, au Québec et au Canada, parce que c'est le nom que les tribunaux ont donné à cet exercice, «de vouloir inclure les gens», finalement c'est ça, c'est l'intégration, les accommodements, c'est l'intégration pour la personne handicapée dans un milieu de travail, donc c'est différentes facettes. Dans le domaine de la religion, c'est d'intégrer ces gens-là aussi, soit qu'ils puissent recevoir un service ou intégrer la fonction publique. Et ils ont des contraintes, certains d'entre eux. Et c'est des choix personnels qu'ils ont. Le gouvernement est limité dans son action parce qu'il a quand même... on est une société libre et démocratique, et le sens de «liberté», il a un vrai sens, hein, en Occident.

Alors, je voulais vous amener là-dessus, la laïcité. Évidemment, nous, notre geste, c'est de dire que l'important, c'est qu'on est un État laïque. C'est un constat de fait, c'est reconnu. Est-ce qu'il faut le dire, l'expliquer et le définir? Certains nous disent oui, le définir dans un sens, et d'autres voudraient qu'on le définisse dans un autre sens. Pour certains, ça irait dans le sens d'une laïcité qui confirme la neutralité de l'État mais qui permettrait le port de signes religieux de l'employé. Évidemment, il n'y a personne qui remet en question que, la personne qui vient recevoir des services, on n'est pas pour lui dire comment... de ne pas porter de signe religieux, sauf lorsqu'on arrive au visage couvert ou découvert. Mais pour le reste c'est vraiment l'employé.

Et donc est-ce que, vous, vous allez jusqu'à dire que l'employé ne pourrait pas porter... que ça vient brimer ou que ça vient détruire, si vous voulez, le caractère laïque de l'État si la personne, l'employé porte un signe religieux?

M. Parent (Ghyslain): Premièrement, moi, quand j'ai lu le projet de loi, j'ai été surpris, O.K., agréablement surpris des premières phrases, extrêmement déçu de la fin. Lorsque ça se parlait dans les journaux, que votre gouvernement voulait faire cette loi-là, les gens nous rencontraient: Bravo, bravo, M. Charest est bon, c'est extraordinaire, il va enlever les voiles dans les rues, on ne verra plus de voile, on ne verra plus de burqa.

Ça fait que j'ai dit: Non, ce n'est pas ça que ça dit, la loi. Les gens ne l'ont pas compris, les gens ne sont pas au courant. La loi vient, d'après moi, faire exactement le contraire de ce que les gens veulent. La loi vient permettre les accommodements raisonnables, elle vient les circonscrire, elle vient les autoriser, elle vient dire: Dans la mesure du possible, lorsque ce n'est pas un fardeau pour l'employeur, l'employeur va accorder l'accommodement raisonnable, doit accorder l'accommodement. J'ai trouvé que c'était un deux poids, deux mesures. Les gens disaient: Les services vont être faits à visage découvert. J'ai dit: Oui, mais dans la fonction publique. Ça veut dire que la pharmacienne qui va travailler dans la fonction publique, elle n'aura pas le droit de mettre sa burqa. Mais en contrepartie le texte de la loi n'empêcherait pas cette même pharmacienne d'aller travailler dans une pharmacie privée, pour ne pas nommer Jean Coutu, et autres, et, à ce moment-là, la dame pourrait demander à Jean Coutu, qui est son ami, de lui permettre d'avoir le voile intégral, et ce texte de loi là demanderait à l'employeur de favoriser ça, d'être ouvert et de, s'il n'y a pas de contrainte, de le faire. On trouvait que c'était un deux poids, deux mesures.

Vous vous souvenez tous du gaminet que l'employé portait dans le bout de Granby, où c'était écrit dessus: Dieu n'existe pas. Et là l'employeur congédie le gars, etc. Je passe quelques étapes. Il lui avait expliqué, etc., tu l'enlèves. Puis son syndicat avait probablement même dit -- je dis «probablement», parce que ce qui est écrit dans les journaux, ce n'est pas toujours la vraie vérité: On ne te défend pas parce que tu avais juste à l'enlever, on te le dit puis on te l'explique, puis ça réglerait les problèmes, etc.

**(16 h 20)**

Mme Weil: Juste pour revenir là-dessus, c'est sûr que le titre, c'est «dans l'Administration gouvernementale», mais vous comprenez que le gouvernement est limité dans son action parce que c'est du domaine privé. Maintenant, je connais des marchands qui ont eu à gérer ce problème-là. Ils le gèrent, mais c'est vraiment du domaine...

M. Parent (Ghyslain): Ils le gèrent...

Mme Weil: Non, mais...

M. Parent (Ghyslain): ...mais, moi, ce qui me fait peur, c'est quand, «out of» micro -- excusez l'expression française, messieurs du Parti québécois, et mesdames -- «out of» du micro, les employeurs nous disent: Écoutez, là, nous, on ne veut plus en engager, on va trouver... la personne va rentrer deuxième, tu sais, elle va être bonne, là, mais elle va rentrer deuxième, puis on ne veut pas en avoir.

Tu sais, on connaît tous des expériences où il y avait un gars qui avait utilisé un nom québécois et un nom d'une autre origine et qui avait été convoqué lorsqu'il avait un nom québécois et qui n'avait pas été convoqué... On connaît tous cette histoire-là. Et, malheureusement, moi, ça me dérange que des personnes, parce que... Et ça, ça m'a dérangé. En même temps qu'on a commencé ça, mon collègue Drouin, que je ne connaissais pas, il a commencé à jouer là-dessus. Puis au début ça me dérangeait, là, tu sais, je me disais: Aïe... parce qu'en même temps, je ne sais pas si vous souvenez, dans Le Journal de Montréal, on disait: 60 et quelques pour cent des Québécois sont racistes. Moi, ça me dérangeait parce que les Québécois, nous ne sommes pas racistes, nous sommes très accueillants, nous voulons avoir les personnes, mais, ce qu'on ne veut pas, on ne veut plus de pollution à caractère religieux.

Les expressions religieuses, pour moi, sont claires, elles doivent être du domaine privé ou dans les lieux de culte. Et je suis très ouvert à toute expérience religieuse que les gens veulent vivre, si possible, en respectant les lois aussi, là, parce qu'on peut même s'immiscer dans le domaine du privé. Vous savez que la loi de la DPJ, elle s'immisce. Un parent ne pourrait pas invoquer des éléments à caractère religieux pour agir de façon non conforme aux pratiques québécoises dans leurs résidences. On s'immisce. On s'est immiscé, probablement que d'autres collègues avant moi vous l'ont dit... d'autres communicateurs, lorsqu'on a... Qui aurait cru, il y a 30 ans, il y a 40 ans, il y a 50 ans, qu'on aurait enlevé la cigarette dans l'espace public? Qui aurait cru ça? Jamais, jamais, jamais. Jusqu'à la dernière... au dernier moment, il y a des gens qui ont été des tenants pour se battre pour que les gens... en disant: Hé, on brime la liberté.

Moi, je pense que pour le bien-être de la société québécoise on dit: Les religions sont toutes bonnes, sont toutes extraordinaires, sont toutes belles, c'est de vos affaires, c'est du domaine du privé. Il y en a 368 et il y en aura probablement plus dans quelques années, on ne sait pas, parce que vos lois ne disent pas combien il y en aura, de religions, et on doit les considérer toutes égales, selon le beau document que vous avez écrit, dans l'article 94.

Ça fait que, les gens, dans leur tête, c'est: Le bon Dieu des catholiques. Lorsqu'on parle de la suprématie de Dieu, c'est le bon Dieu des catholiques qui a préséance, mais, dans la même charte fédérale, il n'a pas défini quel était le bon Dieu qui était le plus important, puis je vous mets au défi d'aller dire qu'il y a un bon Dieu qui est supérieur à un autre. Pas certain, pas certain.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mme la députée de Trois-Rivières.

Mme St-Amand: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, vous me permettrez de saluer très chaleureusement des gens qui sont de Trois-Rivières. Alors, c'est un beau privilège de vous accueillir, M. Parent, Mme Hubert. Bienvenue, merci d'être là.

M. Parent (Ghyslain): Je suis maintenant beaucoup plus près de M. le président, je demeure dans la région de Victoriaville.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ah oui?

M. Parent (Ghyslain): Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): C'est un enrichissement. Je suis content de vous avoir avec nous.

M. Parent (Ghyslain): Oui. Je suis un transfuge depuis trois ans à peu près. Je suis parti dans votre région, mais je gagne mon pain à la sueur de mon front...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mais vous êtes pardonné parce que vous l'avez fait pour des bonnes raisons, j'en suis convaincu.

Mme St-Amand: Mais c'est quand même quelqu'un qui contribue beaucoup au comté, à la région de Trois-Rivières.

Écoutez, vous venez de parler de pollution à caractère religieux. Puis là je veux vous entendre parce que je comprends que, pour vous, tous les signes religieux doivent demeurer quelque chose du domaine du privé. Je vais pousser un petit peu ma réflexion un peu plus loin. Si je vous parle évidemment... à Trois-Rivières, on rencontre encore des bonnes soeurs sur la rue avec leurs voiles. Si je vous parle du sapin de Noël qui est illuminé dans le parc, vous faites quoi, vous voyez ça comment?

M. Parent (Ghyslain): Le sapin de Noël, probablement, même lorsqu'on en parle aux enfants... Noël, là, tu parles à un trois ans, quatre ans, cinq ans, huit ans, c'est probablement beaucoup plus pour eux qu'on le fait. Les enfants, ce qu'ils voient à Noël, c'est les yeux grands, le bonhomme avec sa barbe blanche et la tonne de cadeaux, les bonbons, les surprises, les trois papas puis les quatre mamans qui vont venir donner des cadeaux, puis je vais en avoir, puis les 12 grands-papas et 12 grands-mamans, avec les familles recomposées maintenant.

Les gens ne voient pas nécessairement le sapin de Noël. Probablement qu'avec le temps ça va changer de nom, probablement que de... Mais je m'attends à ce que ça garde, tout simplement comme on parle encore... Au lieu de parler de la fête nationale des Québécois, les gens parlent encore de la Saint-Jean-Baptiste, O.K.? Puis parlez à des jeunes, probablement qu'ils ne... Tu sais, moi, j'ai fait une recherche, il y a quelques années, sur les valeurs des jeunes, et c'est là que j'ai commencé à jouer là-dessus. Je ne suis pas certain même qu'ils savent qui est saint Jean-Baptiste. Si je vous posais la question: Qui est saint Laurent, alors qu'on a un fleuve qui s'appelle Saint-Laurent, probablement qu'il n'y en a pas beaucoup qui connaissent l'histoire de saint Laurent, ça fait que c'est... On ne voit même pas qu'il y a une connotation religieuse en arrière du mot «Saint-Laurent». Mais je suis de plus en plus convaincu que les rues, les lieux, les écoles vont...

Tu sais, je ne suis pas certain si je... s'il y a une école qui s'ouvre demain, elle va s'appeler Saint-Joseph-du-Bonheur, là, ou Saint-Frère-André, tu sais...

Une voix: ...

M. Parent (Ghyslain): ...oui, Saint-Frère-de-la-Canonisation.

Mme St-Amand: ...vous auriez une tolérance... vous auriez une certaine tolérance par rapport au maintien de... parce que c'est quand même dans l'environnement. Puis je reviens toujours avec votre mot de «pollution» à caractère religieux. Je pense au lapin de Pâques, je pense à... bon, il y a...

M. Parent (Ghyslain): Au lapin de Pâques, oui?

Mme St-Amand: Bien, hein, c'est tout ce qui concerne la fête de Pâques.

M. Parent (Ghyslain): C'est ça. C'est du chocolat. Pour l'enfant, c'est du chocolat, le lapin de Pâques. Cependant, moi, je pense qu'avec le temps ça va disparaître. Je parlais à des gens aussi, à des adolescents et à de jeunes adultes à l'université... ce qu'était un chapelet, et les gens ne savent même pas ce que c'est: Eh, c'est quoi, ça, un chapelet? À quoi ça sert déjà? Et je pense que ces signes-là vont disparaître ou ils vont... Ils vont peut-être garder le nom de «sapin de Noël» pendant les 100 prochaines années, mais je ne vois pas l'importance de...

Ce n'est pas là que je veux mettre l'énergie. Moi, je veux mettre l'énergie sur un savoir-vivre ensemble pour pouvoir inclure les personnes pour lesquelles Mme la ministre travaille.

Mme St-Amand: Une dernière question, M. le Président, puis ce sera soit ou Mme Hubert ou vous, M. Parent. Vous parlez de prévoir des moyens coercitifs contre les individus ou les organisations qui contreviennent aux valeurs principales et fondamentales de cette laïcité-là. Est-ce que vous avez des idées? Est-ce que vous avez...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Hubert.

Mme Hubert (Louise): Bien, c'est certain, quand on parle de moyens coercitifs, un meurtre demeure un meurtre. Je ne veux pas me ramasser avec des catégories de personnes, avec des catégories de choix et avec des catégories de pénitences.

Allons-y avec un exemple qui n'est pas si lointain: le monsieur, qui a battu son enfant de 13 ans à mort, en la présence de cinq adultes et puis qui se fait arrêter et que cette personne-là est d'un autre type de religion. Et puis sûrement que, dans sa tête, il ne comprend pas, parce que, quand il est arrivé ici, la Constitution canadienne lui dit... il y en a même qui nous disent «nous exige», de «faire comme dans mon pays». C'est parce que dans mon pays je peux battre à mort, alors je le fais. Comment se fait-il que je me ramasse... que je peux être, dans le fond, accusé de meurtre de premier ou de second degré quand j'ai appliqué ce qu'on me dit: «Faites comme chez vous, faites votre loi»?

Et ça, ça part de la Constitution, qui dit: Nous reconnaissons la suprématie de Dieu. Et ce qui était encore plus spécial, c'est que dernièrement on parle beaucoup de M. André Desjardins, qui est mort dans une urgence à l'hôpital, et qu'on voit dans les nouvelles: Toute personne qui voit une autre personne en danger se doit de lui porter assistance... justement que sa vie est menacée. On nous dit ça en pleines nouvelles, et cette jeune fille là de 13 ans s'est fait battre, devant quatre ou cinq adultes, à mort, et personne ne lui porte assistance. On a deux poids, deux mesures. C'est bien regrettable. Quel que soit le type religieux, si tu tues, que ce soit crime d'honneur ou pas, parce qu'on a tellement peur d'en parler... 25 ans de prison, tout simplement. Si vous êtes un pédophile et que vous faites partie d'une congrégation religieuse quelconque, peu importent les religions, ou qu'on en vante les mérites, ou qu'on l'enseigne, ou que je veux que ça se fasse, vous êtes reconnu pédophile et vous serez condamné sur ce.

Je ne veux pas me ramasser avec une société avec deux types de choses, la même chose que je ne peux pas être semi-enceinte. Est-ce que je peux être demi-enceinte? Je suis enceinte ou je ne le suis pas.

**(16 h 30)**

Nous sommes une société laïque ou nous ne le sommes pas. Est-ce que ça va être le droit social qui va être appliqué au Québec ou est-ce que ça va être le droit religieux qui va être appliqué quand ça va être justement dans la société?

Et là présentement c'est dangereux parce que nous assistons... qu'on laisse au public s'organiser. Il y a beaucoup de choses qui m'interrogent. Je veux savoir qu'est-ce qu'il va en être, quels vont être les moyens justement coercitifs. On prend comme exemple: Journal de Montréal, 75 % des Haïtiens pratiquent le vaudou. C'est correct, c'est leur religion. Qu'est-ce que ça va être mais que j'apprenne que peut-être, dans certaines pratiques vaudou, je fais l'immolation d'animaux? Comment est-ce que mon voisin va réagir si, lui, il apprend que, comme par hasard, c'est le chat de sa grand-mère qui a passé par là? Non, mais ça va être des choses qu'on va avoir à discuter et à vivre. Ou le chien de son pauvre père de 83 ans que ça s'adonne... ou que j'apprends qu'on va à la SPCA pour aller en chercher. Qu'est-ce que je vais faire? Qu'est-ce qu'on va faire? Quelles vont être les lois qui vont être appliquées?

Et puis qu'en même temps, dans Le Journal de Montréal, on me dit: Il y a un monsieur qui a été condamné à quatre mois de prison parce qu'il a battu son chien... bien, bravo! Alors, comment est-ce qu'on va se retrouver? Les moyens coercitifs, c'est simple. Est-ce que la pédophilie est condamnable, oui ou non? Est-ce qu'elle va être condamnable, que vous soyez religieux ou non? J'aimerais qu'on enlève l'immunité religieuse. Vous êtes condamnable à 25 ans. Vous avez tué une personne, vous êtes condamnable aussi.

Il serait grand temps, Mme la ministre de l'Immigration... qu'il va falloir qu'on prenne une décision et qu'on commence à penser à expliquer quelles sont nos lois et comment elles vont être appliqués.

Mme Weil: J'aimerais vous rassurer qu'on a un Code criminel et je peux vous dire que la police... tout de suite il y aurait enquête si quelqu'un est mort. Il n'y a pas de crime d'honneur au Canada. Il y a des crimes. Non, je vous le dis parce qu'il y a...

Mme Hubert (Louise): C'est à...

Mme Weil: Non. Je vous dis...

Mme Hubert (Louise): Je m'excuse, madame, ça va être à vous à me rassurer, mais je ne suis pas rassurée. Ah, je ne suis pas rassurée du tout.

Mme Weil: Non, non, mais je veux vous rassurer qu'on a quand même... Vous me posez la question, mais, je dois vous dire, la cruauté contre les animaux, il y a des lois ici, au Canada. Il y a des lois au Québec qui sont appliquées. Alors, je veux vous le dire. Si jamais vous prenez conscience d'un événement de ce genre, il faut tout de suite les dénoncer. Et c'est dans notre société, c'est l'obligation des citoyens de dénoncer.

Mme Hubert (Louise): Madame...

Mme Weil: Alors, je voulais juste rendre clair...

Mme Hubert (Louise): Non, mais, Mme la ministre...

Mme Weil: ...le principe de droit qui s'applique actuellement au Québec.

Mme Hubert (Louise): Mais, Mme la ministre... Parce que présentement, à Champlain, il y a une boucherie de type halal, et on égorge les animaux «de boucherie», vous allez me dire. Alors, ça, ça se fait, et il y en a plusieurs qui nous disent: Écoutez, on est mieux d'avoir une genre de boucherie comme ça parce qu'ils vont le faire chez eux, dans le privé, dans la salle de bain. Alors, à un moment donné, il va falloir qu'on se décide et qu'on se dise qu'est-ce qui va être appliqué.

Et c'est à vous de me rassurer. Je m'excuse, Mme la ministre, je ne suis vraiment pas rassurée.

Mme Weil: Je vous le dis, le meurtre d'un enfant est pris... c'est peut-être le meurtre... le crime le plus sérieux dans notre société. Alors, je pense que vous ne devriez pas avoir de doute là-dessus. C'est important, là, ce que je vous dis. Et c'est pris très au sérieux.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? D'autres interventions? Oui, Mme la députée de Gatineau, allez-y.

Mme Vallée: J'aimerais... Monsieur, madame, merci d'être avec nous. J'aimerais revenir un petit peu sur un sujet qu'a abordé ma collègue de Trois-Rivières, parce que vous plaidez haut et fort, comme beaucoup d'autres intervenants, pour une laïcité, une laïcité qui sera à la grandeur... C'est-à-dire, pour vous, la religion se vit dans la sphère privée exclusivement et ne doit pas être perceptible ou mise en valeur dans la sphère publique.

C'est clair, ça semble très facile comme ça lorsqu'on l'exprime. Par contre, vous plaidez également qu'il ne doit pas y avoir une hiérarchisation au niveau des religions. On est au Québec. On a tous été élevés... Qu'on le veuille ou non, qu'on soit bien avec ça ou qu'on soit moins bien, qu'on la pratique ou qu'on ne la pratique pas, on a été élevés avec, en fond de trame, la religion catholique. Nos congés scolaires sont en fonction bien souvent des congés fériés. C'est-à-dire, la fête de Noël, même si vous mentionnez qu'à vos yeux il ne s'agisse que d'une fête mercantile, pour plusieurs citoyens du Québec, il y a encore une grande tradition associée à la messe de minuit, associée aux congés qui suivent, c'est-à-dire le lendemain de Noël. C'est vrai que ça s'est décliné, au fil des ans, avec la société de consommation, mais par contre il y a un fond religieux. Il y a un fond religieux dans nos congés de Pâques. Il y a un fond religieux dans notre calendrier scolaire.

Alors, comment pouvons-nous... Puis c'est une question. Je vous pose la question parce qu'on échange avec des gens, on parle, mais on a tendance à prendre pour acquis ce qu'on a ici, au Québec, mais ce que nous avons comme acquis, à bien des égards, relève de notre culture religieuse. On va faire quoi? Comment? Qu'est-ce que vous avez comme idées, là? Puis j'aimerais que vous puissiez nous...

M. Parent (Ghyslain): Ça va me faire plaisir de vous en donner, des suggestions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): En deux minutes, M. Parent, s'il vous plaît.

M. Parent (Ghyslain): Oui. Je vais faire ça rapidement, en vous parlant de deux collègues qui ont déjà fait un travail très sérieux et que j'ai beaucoup aimé. Tu sais, comme tout collègue, on les critique un petit peu.

Mais ils s'appelaient Taylor et Bouchard, et Taylor et Bouchard avaient écrit des choses. Moi, j'étais content, parce que je les ai lus, je les ai suivis, je les ai analysés, je les ai critiqués, j'ai regardé... j'étais content de leurs conclusions. Et, dans ces conclusions-là, il y avait une chose importante, il y avait sûrement la petite prière à l'hôtel de ville et le crucifix à l'Assemblée nationale, mais il y avait plus important, définir des moyens d'accueil, et aussi un beau livre de couleur très pâle qu'on appelait un livre blanc sur la laïcité. Je suis très déçu de voir que... parce que Bouchard et Taylor n'avaient pas répondu à toutes les questions. Le Québec, on est en maturité, on est en train d'y réfléchir et on va... J'ai l'impression qu'entre Québécois, parce que plus on en parle... Je vous dis, au début on se faisait haïr, mais maintenant les gens commencent à nous en parler puis à nous dire c'est quoi, la laïcité, puis: Pourquoi vous n'êtes pas d'accord avec le mot «laïcité» ouverte? Puis, moi, l'exemple, que je donne, très anodin: la laïcité ouverte, c'est comme un couple ouvert, dès que tu es un couple ouvert, tu n'es plus un couple.

Ça fait que, dès que tu as une laïcité ouverte, tu n'es plus laïque. Moi, je suis pour la laïcité, et, qu'on le dise clair, net dans une charte, dans un projet de loi, dans n'importe quoi, on le dit. Et après ça ce n'est pas fini. On définit comment on peut vivre ensemble puis comment on peut faire pour accueillir les personnes dont madame a la responsabilité de leur faire une place dans ce Québec qui est, peu importe, un petit peuple ou un grand peuple. Je ne le sais pas. Mais, moi, je suis prêt à les accueillir. Je fais des efforts pour les accueillir. Je vous en demande d'en faire et je vous dis: Ce n'est pas sous le plan émotif, c'est après de nombreuses années de réflexion, de travail, de...

Et je pense que le Québec est maintenant prêt à accueillir une vraie laïcité. Puis probablement que le calendrier scolaire va se faire sur des jours, sur d'autres événements. Puis, s'il y a... si on arrive avec 50 jours de calendrier scolaire... de congé, les profs vont être d'accord, ma chère madame. Je suis bien d'accord avec ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Les étudiants aussi, d'ailleurs. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. M. Parent, Mme Hubert, bonjour, bienvenue à cette commission parlementaire.

Oui, il est sûr qu'une des conclusions de la commission Bouchard-Taylor... c'est vrai qu'il y aurait dû y avoir ce livre blanc sur la laïcité. On aurait pu discuter non pas au cas par cas, puis pièce par pièce, parce qu'on a commencé par un projet de loi qui était le numéro 16. Le député de Deux-Montagnes siégeait sur cette commission-là. Et, moi, après, quand je me suis occupée du dossier, j'ai posé beaucoup la question à l'ancienne ministre de l'Immigration en lui disant: Oui, mais le projet de loi n° 16, qu'est-ce qu'il en arrive? Mais là il a disparu corps et biens. Bien, en tout cas, je ne l'ai pas vu réapparaître, là, puis ça commence à faire un moment, là, ça fait au moins un an, un an et demi.

Là, on est sur le projet de loi n° 94, puis, en amont de tout ça, en effet il y a eu Bouchard-Taylor. Ça a discuté ferme, à Bouchard-Taylor, puis ça a discuté ferme, comme vous l'avez dit, après le rapport Bouchard-Taylor, mais il me semble qu'en amont, avant de s'embarquer dans des projets de loi à gauche, à droite et puis qui apparaissent et qui disparaissent, ça aurait été intéressant d'avoir cette première discussion, en tout cas entre parlementaires, puis dans une commission parlementaire. Et à peu près tout le monde est venu nous le dire, qu'il aurait fallu un livre blanc sur la laïcité, puis c'était donc une recommandation qu'on aurait dû suivre. Moi, personnellement, en tout cas j'en suis convaincue.

Alors, nous, on a beaucoup cheminé, vous le savez, au Parti québécois, beaucoup cheminé, et ceux qui sont ici avec moi aujourd'hui ont participé beaucoup à ce cheminement. Et, en vous écoutant, M. Parent, puis je vous poserai une question après... plutôt peut-être pour Mme Hubert, mais, en vous écoutant, je me disais: Nous, la laïcité, on la veut laïcité tout court. Puis Guy Rocher est venu nous dire, là, que, tu sais, la laïcité, c'était la laïcité, puis ça n'avait pas besoin d'adjectif pour la caractériser, bon, et que...

**(16 h 40)**

Une voix: ...pure.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien, «pure», je n'aime pas beaucoup. Ça renvoie à impur, et puis je ne suis pas sûre. Mais disons que la laïcité tout court, bon, et que des conséquences de cette laïcité... enfin, etc., puis une charte de la laïcité puis un amendement à la Charte des droits pour qu'enfin le Québec soit reconnu comme étant un État laïque et pas seulement en déduction de la jurisprudence ou je ne sais quoi, bon, ça, d'autant que je ne suis pas avocate puis j'aime les choses qui ne sont pas nécessairement juridiques.

Alors, tout ceci pour dire qu'avec la laïcité il faut, à mon avis, que ça soit accompagné de mesures énergiques contre le racisme, contre la discrimination et pour l'emploi, parce que, quand on voit les taux de chômage dans plusieurs communautés puis pas nécessairement récentes, récentes, là, justement on distingue ça bien évidemment de l'immigration récente, ce n'est pas raisonnable. On parlait tout à l'heure donc de la communauté noire. Il y a certaines communautés dans la communauté noire qui ont des difficultés particulières à cause justement de la couleur de leur peau, et la même chose dans la communauté maghrébine, s'ajoutant à ça justement toutes les perceptions qu'on peut avoir par rapport à ces communautés-là. Et donc c'est sûr que, nous, et on le dit déjà, d'ailleurs, dans notre proposition principale, ça s'accompagnera de mesures énergiques dans ces deux secteurs-là.

Alors, ça me semble important. Vous m'avez inspiré ça parce que vous êtes très sensibles aussi à cette question-là. Moi, Mme Hubert, j'aimerais juste vous demander... Vous avez dit: Ça a été a un dur labeur pendant deux ans. Est-ce que c'est parce qu'il y a eu un jugement finalement du Tribunal des droits de la personne concernant la prière à l'hôtel de ville de Trois-Rivières qu'il n'y en a plus, de prière? J'aimerais ça vous poser la question: Comment ça s'est passé?

Mme Hubert (Louise): Dans le fond, c'est sûr que je suis allée à l'hôtel de ville, et puis là je me suis rendu compte qu'on donnait encore une prière et j'ai demandé à ce qu'on la cesse.

Quand je me suis présentée aux droits de la personne, ils m'ont accordé un jugement. Alors ça, c'est la partie la plus facile. Et ce qui s'est en réalité passé, c'est que M. Lévesque a continué pareil, par tous les moyens qui étaient à sa disposition, pour continuer à faire la prière, même s'il y avait un jugement.

Alors, ce qui a été plutôt ardu ou un petit peu plus difficile ou... c'est que, quand tu te présentes à une assemblée d'hôtel de ville, il doit y avoir 150 personnes, ma foi, qui sont à peu près toutes debout et qui sont prêtes à presque te crucifier parce que tu oses demander de mettre en pratique un principe pour lequel on donne des taxes et qu'on paie des impôts et que ça s'appelle la séparation du religieux et de la politique ou de l'Église et de l'État.

Alors, ce qui a été plutôt difficile, c'était de constamment revenir ou de constamment se faire bafouer parce qu'on avait demandé... et malgré le jugement M. Lévesque qui disait en plein public: Je vais trouver n'importe quel moyen pour contourner la loi. J'ai trouvé ça scandaleux que, malgré qu'on ait des moyens, une loi, il va s'arranger pour contourner... Finalement, oui, il contournait. Au lieu de commencer la réunion à 7 h 30, bien il la commençait un petit peu avant, non officiellement. Donc, ce n'était pas tout à fait dans l'assemblée, et les gens, comme par hasard, pouvaient dire une prière. Et ça a duré près d'un an et demi, jusqu'à ce qu'un jour... que ça a débordé. Vous comprenez bien que, même si on avait écrit à Mme la ministre Normandeau, à cette époque-là, pour lui dire: Il y a comme une espèce de décorum dans la Loi des cités et villes... qu'on se doit de poser les questions à la fin, personne ne bougeait.

Alors, ça a débordé que finalement le monde parlait de leurs chiens, de leurs chats, de leurs voisins, jusqu'à une bataille presque générale au mois d'août à l'hôtel de ville. Alors là, ils ont compris.

Une voix: ...

Mme Hubert (Louise): ...sur l'amphithéâtre. C'est là qu'ils ont compris. Ils ont même arrêté une personne qui se trouvait à être un peu déficiente, qui ne parlait presque pas. La police l'a arrêtée. Et là M. Lévesque s'est rendu compte que franchement, faire commencer à faire une séance 15 minutes avant, ne la rendant pas trop officielle, ça n'avait pas de bon sens. Alors, il a demandé lui-même à ceux qui disaient la prière, parce que, lui-même, il affirme qu'il demandait à des gens de la salle de la faire... alors on contrevient à toutes les lois, d'arrêter, ce qui a été...

Ce qui était plus difficile, oui et non, c'est que c'est sûr qu'après cette fameuse réunion du mois de janvier 2008... ou 2009, où il y avait à peu près 150 personnes debout, où je me suis dit: Ma foi, s'il y a une bataille générale, c'est tout sur moi qui... puis je pense que je serais à l'hôpital encore, j'ai été plus méfiante à me promener, oui, dans le public. Je n'aime pas encore avoir des gens, que je ne connais pas trop, dans mon dos, parce que je ne sais pas exactement c'était qui, toutes ces personnes qui étaient à l'hôtel de ville.

Alors, ce qui a été vraiment ardu, là, c'était de faire appliquer le jugement.

Une voix: ...

Mme Hubert (Louise): Hein?

Mme Beaudoin (Rosemont): ...maintenant, c'est fait, le jugement est appliqué par la ville de Trois-Rivières.

Mme Hubert (Louise): Oui, il n'a pas eu le choix. Mais ce n'est pas par moi, ce n'est pas par moi. C'est qu'il y a eu une bataille générale. Et même là M. Lévesque a dit: S'il y a quelqu'un, en pleine assemblée... Imaginez, vous êtes à une assemblée d'hôtel de ville, il dit: Si jamais quelqu'un lève la main pour demander à faire une prière, je vais lui accorder. Bien oui, quelqu'un qui est dans une pleine assemblée se sent tellement le besoin de faire une prière.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est parce que je pense que ça répond un peu à ce que la députée...

Mme Hubert (Louise): C'est inconcevable.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...de Trois-Rivières posait comme question tantôt. Moi, je trouve qu'il y a quand même...

Mme Hubert (Louise): Inconcevable.

Mme Beaudoin (Rosemont): Du côté de la majorité, il y a eu de très... de la société d'accueil, de très gros efforts puis un très gros cheminement. Parce que, quand on a décidé de commencer à laïciser nos institutions, puis finalement, en 2005, donc que les écoles soient vraiment laïques, après tout un processus qui durait depuis 1997, et tout, c'est quand même...

Puis, ce midi, j'avais un débat avec le maire de Saguenay qui est venu nous rencontrer, puis qui fait lui aussi la prière, et là qui sait qu'il y a un jugement, qui va tomber bientôt, du Tribunal des droits de la personne. Et l'animateur lui a posé la question: Qu'est-ce que vous allez faire si le jugement vous dit d'arrêter la prière? Il a dit qu'il se conformerait à un jugement de ce type-là. Et je sais que pour le maire de Saguenay, là, comme c'est important, puis tout ça... Puis j'imagine donc que, tu sais, Trois-Rivières, Saguenay... Bon, à Montréal, ça se pose moins puis ça se pose dans des... Tu sais, dans l'arrondissement Notre-Dame-de-Grâce ou dans l'arrondissement Rosemont-- La Petite-Patrie, je ne pense pas que ça viendrait à l'esprit de personne de commencer le conseil municipal par une prière.

Au nom du respect de la diversité religieuse, et c'est là-dessus que j'en ai, moi, sur la laïcité, le respect, c'est de dire: Bien, justement, comme on le fait ici, à l'Assemblée nationale, une minute de recueillement, chacun en soi-même. Et donc je trouve que la majorité francophone, que la société d'accueil a fait un, vraiment, là, un effort pour justement s'adapter à la nouvelle réalité. Alors, il me semble qu'on peut demander aux communautés en général, par ailleurs, avec tout ce que j'ai dit, là, sur le racisme, la discrimination et l'emploi, aussi de faire l'effort...

M. Parent (Ghyslain): Oui. J'aimerais...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...un effort d'adaptation, je veux dire.

M. Parent (Ghyslain): J'aimerais répondre un peu là-dessus. Vous avez commencé, Mme Beaudoin, en disant que le Parti québécois avait fait un cheminement, mais je suis convaincu que vos amis d'en face sont capables d'en faire un, cheminement, et en ont fait. On le fait depuis les années soixante. Le Québec a changé. Le Québec...

Je regarde, quand il y a eu un vote à l'unanimité pour dénoncer les propos de notre honorable cardinal Ouellet lorsqu'il a parlé de criminaliser, pour l'avortement, et autres... j'ai trouvé... Qui aurait cru, il y a 30 ans, 40 ans, 50 ans, qu'on aurait, au Québec, osé réagir aux propos d'un cardinal? Moi, je suis certain, Mme Beaudoin, que, tout comme M. le maire Tremblay, de Saguenay, qui va répondre à la loi... je suis convaincu que, si on faisait une loi pour la laïcité au Québec, les employeurs et les immigrants... Parce que, je vous le dis, c'est des immigrants, et beaucoup d'immigrants communiquent avec nous pour nous supplier de continuer à les aider. Ils disent: Quand on s'est en venus au Québec, là, on nous en parlait puis on nous parlait des trois principes. Quand j'étais au Maroc, on me parlait des trois principes.

Comment ça se fait qu'on disait qu'il y avait le français, il y avait l'égalité hommes-femmes puis qu'il y avait la séparation, puis on arrive au Québec puis on n'a jamais vu autant de voiles, il n'y en a même pas chez nous autant que ça? Ça fait que les gens se posent des questions. Comment ça se fait, pour dire comme mon ami Jean Chrétien, dans le plus meilleur pays du monde, comment se fait-il qu'on ne peut pas, qu'on ne soit pas capables de les accueillir de façon adéquate? Et probablement que, si on leur disait...

**(16 h 50)**

Parce qu'eux, ce qu'ils nous disent, c'est: Moi, j'en porte un, voile, puis j'en porte, des signes, puis je mets ci, je mets ça, parce que je respecte la loi. La loi me dit que je peux le faire. Et c'est encore pire, des immigrants m'ont dit: Quand on m'a reçu, on m'a dit clairement à une rencontre: Le Canada exige que vous conserviez vos valeurs. Le Canada est un pays multiculturel et il exige... vous devez rester avec vos mêmes valeurs. Tu sais, moi, je pense que je veux leur offrir ce qu'il y a de meilleur dans le plus meilleur pays du monde, l'égalité hommes-femmes, et je ne suis pas certain qu'on leur offre.

Je voudrais parler... Probablement qu'il y en a qui connaissent l'histoire du lancer du nain. Est-ce qu'il y en a qui connaissent... Certains pays, pour des fins récréatives, on prenait des nains dans des bars et on faisait le lancer du nain. Et allez voir sur Internet, vous allez trouver, il y a des vidéos qui expliquent. Et les gens prenaient les nains et les lançaient. Là, il y a des gens qui ont dit: Ça n'a pas d'allure, ce n'est pas respecter les gens, ce n'est pas... Et ils ont commencé à faire des lois. Il y a même des nains qui sont allés puis qui ont contesté en disant: Aïe, c'est mon corps, je veux faire ce que je veux, je suis libre, on a la liberté, et autres, je veux être lancé. Ils sont allés en appel. Il y a trois pays, États-Unis, France et l'Ontario, l'Ontario qui est un pays, un pays voisin du Québec pour mesdames et un pays dans le Canada pour les autres, ils ont dit: Écoutez, pour la dignité des personnes, on va défendre le lancer du nain. Et il y a des lois... Il y a même la loi, en Ontario, où il y a un numéro, c'est la loi n° 97, Loi interdisant le lancer du nain, de 2003, qui condamne la pratique de cette... amende. Pour la même raison, on le faisait, parce qu'on nuisait à la vie de la personne en lançant le nain, même si elle était volontaire, cette personne-là...

On pourrait faire la même chose pour interdire des éléments à caractère religieux, et, à ce moment-là, ces personnes-là pourraient être accueillies et être respectées, et elles respecteraient la loi.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Parent, malheureusement, le devoir nous appelle, nous devons aller voter au salon bleu. Vous pouvez demeurer ici, mais il vous restait trois minutes d'intervention. Si vous préférez quitter, c'est votre droit aussi. Et vous avez le droit de parole. Si vous vouliez demeurer ici, vous pourrez le faire.

M. Parent (Ghyslain): ...à aller voter, nous aussi?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Malheureusement pas, et vous devez avoir été votés par votre propre assemblée, à l'intérieur de votre comté, pour le faire. Sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants.

M. Parent (Ghyslain): Je vous salue. Merci. Je pense que nous ne nous représenterons pas.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non, mais merci infiniment pour votre présentation...

M. Parent (Ghyslain): Ça m'a fait plaisir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...M. Parent et Mme Hubert.

(Suspension de la séance à 16 h 53)

 

(Reprise à 17 h 24)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. Je vois M. Richard qui a pris place déjà. C'est bien ça?

M. Lamborelle (Bernard): Lamborelle.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Lamborelle. C'est ça. Vous, vous accompagnez Mme Andréa Richard. C'est ça?

M. Lamborelle (Bernard): C'est ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bonjour, Mme Richard. Je veux vous souhaiter la bienvenue, au nom de l'ensemble des collègues à notre commission, la Commission des institutions.

Donc, je vais vous rappeler un petit peu le temps que vous avez: vous avez 10 minutes pour la présentation, puis il y aura une période d'échange de la part des parlementaires. Sans plus tarder, je veux vous assurer que nous allons prendre tout le temps qui nous est disponible pour vous écouter. Vous avez préparé ça, votre mémoire, avec beaucoup d'application, j'en suis convaincu. Notre intention, c'est de vous écouter. Allez-y, Mme Richard.

Mme Andréa Richard

Mme Richard (Andréa): Andréa Richard, auteure d'Au-delà de la religion, Septentrion. Je me considère dans la catégorie des personnes avisées, ayant été religieuse pendant 18 ans, donc à l'intérieur du système des religions, et, depuis plus de 30 ans, à l'extérieur, comme laïque.

Si je suis ici aujourd'hui, c'est que j'ai toujours eu à coeur une recherche de la vérité, à savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, en cet endoctrinement que nous avons reçu en tant que catholiques. Ma réflexion est donc le cheminement de toute une vie: 76 ans. M. le Président, Mmes et MM. les ministres et députés, je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien m'accorder au cours de mon exposé.

Projet de la loi n° 94, chapitre II, numéro 4: «Tout accommodement doit respecter la Charte des droits et libertés de la personne, notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de neutralité religieuse de l'État selon lequel l'État ne favorise ni ne défavorise une religion ou une croyance particulière.» Comment peut-on parler de neutralité religieuse, alors que l'accommodement représente en lui-même une reconnaissance de la religion concernée et des obligations qui lui sont inhérentes? Comment l'État peut-il prétendre ne pas favoriser une religion, alors qu'il lui donne priorité sur la laïcité?

Chapitre II, numéro 8: «Le ministre de la Justice est responsable de l'application de la présente loi.» Je trouve ironique, irresponsable et contradictoire qu'un ministre de la Justice fera respecter une loi qui, selon moi, est injuste. L'adoption de cette loi s'opposerait à la volonté des Québécois est des Québécoises. Cette loi, puis je me permets de dire, un peu, dirais-je, déjà en vigueur, si l'on se fie aux accommodements déjà accordés, est preuve que le problème relié aux accommodements soi-disant raisonnables, et que, moi, je pense être déraisonnables, n'a pas été mené de front, il a été pris par la queue. Nous savons que, lorsqu'on coupe la queue de certains animaux, elle repousse... et encore plus longue.

C'est la tête qu'il faut couper. Cette tête, c'est le préambule de la Constitution canadienne: «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit.» C'est donc impossible d'interpréter les autres articles de la Constitution, par exemple l'article 2, qui donne la liberté de conscience et de religion, sans tenir compte de ces dispositions invoquées en cas de litige et pour accommoder les religions. Notre identité, c'est citoyens, citoyennes, ce qui nous donnera d'être traités en égaux, et non pas catholiques, protestants, musulmans ou d'une religion autre. Ce préambule porte donc à confusion. Dans les faits et à ma connaissance, une vérité qui doit être prise au sérieux a toujours été négligée. Un dieu ou des dieux n'ont jamais fondé de religion. La religion et Dieu doivent donc être dissociés. Je répète, parce que je trouve ça très important, la religion et Dieu doivent donc être dissociés. En conséquence, un juge n'aura pas à accommoder une religion. Ceci me vient de mon frère qui est un juge à la retraite. Dissocier Dieu des religions rendra caduc ce préambule de la Constitution, qui permet d'accommoder des religions.

Ce préambule, donc c'est la tête qu'il faut couper. La Constitution n'a jamais été ratifiée par le Québec. Par conséquent, le Québec n'a pas à s'y soumettre.

Une charte de la laïcité est souhaitable mais pas suffisante. La charte garantit aussi la liberté de conscience et de religion. En cour, elle est souvent mal interprétée. Dans un débat mettant en cause la religion et le principe de la laïcité, la justice ne peut évoquer un dieu hypothétique. Soyons sérieux, toutes les religions, sources de grandes divisions et de guerres passées, présentes et sans doute futures, ont été fondées par des hommes avides de pouvoir. Exemple, Jésus n'a jamais fondé d'Église ou de religion, il nous a apporté une philosophie de la vie basée sur des valeurs telles que la paix, l'absence de guerre, la justice, etc. Si l'on prend Constantin, qui a institué l'Église et sa religion, et ceci, par intérêt religieux et politique... Donc, utiliser le nom de Dieu pour justifier une religion, c'est de l'usurpation, ce n'est pas acceptable.

Une prise de conscience donc s'impose. L'écart est énorme entre ce que nous faisons maintenant, c'est-à-dire donner naïvement raison aux usurpateurs, et les dénoncer. Non, mais c'est grave, ça, c'est sérieux, quand on y pense vraiment, là. Enlever ce préambule de notre Constitution serait si simple, et pourtant c'est si compliqué. L'absence de volonté politique est à la base des complications que nous connaissons, et ce, parce que certains de nos dirigeants semblent ignorants ou désintéressés des véritables enjeux.

Les accommodements religieux représentent un élément majeur qui menace notre futur et pourrait causer la destruction de nos valeurs -- entre parenthèses, la foi n'est pas une valeur, hein, c'est une vertu théologale -- et de ce que nous avons courageusement bâti. On devrait tirer leçon des problèmes graves... qui sévit ailleurs dans d'autres pays et, j'ose le dire, entre autres, par la montée de l'islamisme dont la religion présente des valeurs contraires aux nôtres. Nous en avons de multiples exemples. Et, ce que je déplore, c'est comme si on met une constitution, tout à fait comme les dogmes de la religion, dans le ciment. On ne peut pas toucher ça. Bien oui, mais que faisons-nous de l'évolution? Que faisons-nous des découvertes scientifiques et historiques? Ce devrait être le contraire, ça devrait être malléable et adapté à la société d'aujourd'hui.

Un gouvernement responsable ne doit pas accommoder une religion, quelle qu'elle soit, qui viole le droit à l'égalité de l'homme et de la femme alors que notre Charte des droits et libertés stipule qu'on reconnaît que tous les individus sont égaux en valeur et en dignité. La société de demain sera soit théocratique ou laïque. On le voit bien avec tout ce qui se passe aujourd'hui dans le monde entier. Alors, c'est quoi que nous choisissons? Si c'est théocratique, nous le savons par l'histoire, il faut s'attendre à des guerres. La laïcité unit. Alors, est-ce que c'est cela que nous allons choisir? Eh bien, moi, je trouve que nous avons une grande responsabilité et qu'il faut prendre des responsabilités, sans quoi les générations de demain pourront nous taxer d'être restés encore dans, comment dirais-je, dans le Moyen Âge, et ils auraient raison.

Merci. Je partage le 10 minutes avec M. Bernard Lamborelle.

**(17 h 30)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Allez-y, M. Lamborelle.

M. Lamborelle (Bernard): Bonjour. Merci beaucoup de m'accueillir et de me prêter quelques instants de votre attention.

Donc, mon nom est Bernard Lamborelle, je suis résident de Pierrefonds-Roxboro. Je suis entrepreneur, diplômé de l'École de technologie supérieure de l'Université du Québec. Je suis également étudiant libre à la Faculté de théologie et de sciences des religions à l'Université de Montréal et j'étudie l'histoire du Moyen-Orient et des religions monothéistes depuis une bonne dizaine d'années. Je suis l'auteur du livre Quiproquo sur Dieu, qui est un essai historique. Et voilà. Donc, en fait, c'est à titre de citoyen que je me présente ici, de citoyen inquiet, parce que, loin de contribuer à l'intégration des néo-Québécois, je crois que la laïcité ouverte contribue plutôt à creuser un fossé en maintenant une épée de Damoclès sur la tête de nos employeurs qui ne savent pas à quoi s'attendre.

C'est à confronter les dogmes religieux un à un que la science est parvenue, au fil des siècles, à desserrer l'emprise que les théocrates ont exercée sous nos sociétés. Si nous n'enseignons plus à nos jeunes aujourd'hui que la terre est au centre de l'univers, ce n'est pas grâce aux accommodements raisonnables, c'est parce que Galilée a repris la théorie de Copernic et qu'il a eu le courage de la soutenir envers et contre tous. N'est-il pas curieux, alors, qu'en 2010 on enseigne toujours dans les cours d'éthique et de culture religieuse qu'un être divin a conclu une alliance avec un homme, Abraham, en lui offrant la Terre promise en échange d'une foi aveugle? Or, il était courant pour les rois, les pharaons et les empereurs de l'Antiquité d'être vénérés et de se faire déifier de leur vivant.

Se pourrait-il que l'être divin de l'Alliance ne fut en fait qu'un homme? Huit années de recherche m'ont permis d'accumuler des preuves de tout ordre, logique, chronologique, dendrochronologique, pour conclure que les trois grandes religions monothéistes ont fort probablement pour origine commune un véritable traité d'alliance historique. Celui-ci aurait été conclu entre un roi de Mésopotamie et un gouverneur de la région de Canaan. Si cette théorie soulève encore l'ire et la controverse, je suis, moi aussi, prêt à la défendre envers et contre tous. Mais, rassurez-vous, là n'est pas le but de mon intervention.

Les spécialistes en fait s'accordent pour dire que les religions ont été créées par les hommes et qu'elles relèvent de la mythologie ou de l'évhémérisme. C'est ainsi que chaque jour la science apporte un éclairage nouveau sur ses origines beaucoup plus précis et nettement plus réaliste que l'interprétation théologique classique. Ces connaissances sont essentielles, car elles seules nous permettent de combattre l'obscurantisme, le fondamentalisme et l'intégrisme qui demeurent, malheureusement, des sources de conflit, d'exclusion et de répression importantes partout dans le monde.

Bien sûr, la charte des droits et libertés du Canada reconnaît la liberté de conscience et de religion comme un droit fondamental. L'État s'engage donc à protéger tout citoyen victime d'intimidation ou de discrimination en raison de ses croyances comme il le fait pour la libre expression. Mais pourquoi l'État devrait-il concéder des accommodements à un individu ou à un groupe dans le seul but de lui permettre de continuer à croire, à pratiquer et à afficher ses croyances sans être contrarié? En sommes-nous vraiment réduits à élever les mythes et les croyances religieuses au-dessus de la raison? Doit-on vraiment concéder des privilèges à des individus dans le seul but de soutenir leurs convictions? Si tel est le cas, pourquoi ne pas obliger les employeurs du Québec à aménager des lieux de discours pour les revendicateurs de la libre expression? Et pourquoi ne pas légiférer pour que toutes les écoles concèdent à nos enfants des classes de rêves où ils pourraient célébrer le père Noël?

La jurisprudence des dernières années nous entraîne dans une grave dérive. À trop vouloir respecter et célébrer les différences, elle a perdu de vue l'esprit de la Charte des droits et libertés, qui vise la protection de l'individu et non pas celle des croyances, des fantasmes ou des illusions auxquels ils s'identifient. Cette commission a un devoir moral, celui de préserver et de faire progresser les valeurs de la société dont elle est garante. Son rôle n'est donc pas de confirmer une telle jurisprudence mais d'édicter les règles qui vont assurer un équilibre entre le respect des droits individuels et le maintien de la cohésion sociale. Le paradigme du multiculturalisme et des droits et libertés individuels ne peut plus être invoqué sans discernement.

Pour préserver la paix sociale, l'État doit impérativement accuser une fin de non-recevoir à toute demande qui repose sur une quelconque idéologie, fût-elle religieuse, et accorder un traitement égal à tous et non des passe-droits à quelques-uns. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Lamborelle. Je vais permettre donc à la ministre... à Mme la ministre, pardon, de vous poser quelques questions. Allez-y, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Bien, je pense qu'on peut se mettre d'accord que vous n'êtes pas d'accord avec le projet de loi n° 94...

Mme Richard (Andréa): Nous ne sommes pas d'accord.

Mme Weil: ...mais, vous savez, je voulais vous dire quand même qu'on ne vise pas à changer la société.

On ne peut pas dire aux gens de ne plus croire en Dieu ou des dieux. C'est un champ quand même assez limité pour un gouvernement, hein? Il y a la société qui évolue et puis, bon, il y a des débats publics sur toutes sortes de choses. Il y a l'éducation, il y a beaucoup d'influences dans la vie des gens, mais l'État est neutre. Et ça, la séparation entre les Églises et l'État est bien confirmée.

Est-ce que, vous, vous pensez que ce serait utile de déclarer ceci dans un projet de loi, de confirmer... On a eu quelques représentations dans ce sens-là. Je crois bien que Québec solidaire et d'autres qui ont dit... Québec solidaire qui par ailleurs est d'accord avec l'idée de ce qui est appelé la laïcité ouverte, c'est-à-dire que l'État demeure neutre vis-à-vis l'expression de la religion, mais que les gens puissent afficher leurs croyances en vertu des principes de toute société libre et démocratique, occidentale, hein? Ce n'est pas juste le Québec, c'est le Canada, c'est les États-Unis, c'est partout. En Occident, on permet aux gens d'avoir leurs croyances, de les exprimer. Il y a une liberté individuelle finalement enchâssée dans notre charte et la Charte canadienne aussi et dans des... vous les connaissez sûrement, les traités internationaux. Le Québec est adhérent à ces traités.

Donc, il y a une limite. Et donc, nous, ce qu'on propose, c'est que, bon, le gouvernement amène quelque chose de raisonnable. Il dit: En vertu des pouvoirs et de notre champ d'action, on va confirmer cette neutralité et qu'évidemment... mais ça ne dit pas que la personne qui donne les services ne peut pas porter un signe religieux et afficher sa croyance sans que ça vienne brimer, si vous voulez, la neutralité de son service.

Donc, selon vous, le fait que quelqu'un puisse porter une croix ou autres, ça vient brimer ou détruire cette notion de neutralité.

Mme Richard (Andréa): Mais, moi, je ne suis pas contre qu'on porte une petite croix ou un objet religieux quelconque, du moment que ce n'est pas un signe ostentatoire.

Maintenant, vous parlez de neutralité. Mais, moi, je me pose la question quelquefois: Au lieu... plutôt que de neutralité, là, est-ce qu'on ne devient pas complices du faux?

**(17 h 40)**

Mme Weil: Dans quel sens?

Mme Richard (Andréa): Écoutez, nous sommes dans une société adulte. Nous ne sommes pas des enfants, là. Alors, moi, je crois qu'il faut aller dans le sens de la science et de l'histoire et reconnaître que les religions n'ont rien à voir avec Dieu. Donc, on n'a pas à les accommoder, point final. Donc, si vous voulez une clause de dérogation, qu'elle soit celle-ci: Désormais, il n'y aura pas d'accommodement lié à une religion. Et on vous dit pourquoi. C'est tout. Et alors, les gens qui viennent, les immigrés ou autres qui viennent de l'extérieur et qui veulent imposer, je dirais, leurs coutumes ou cultes, il faut qu'ils le sachent avant de venir. Alors, s'ils n'acceptent pas ça, bien ils ont le choix de choisir un autre pays, en conséquence.

Je pense qu'une société, un État a des droits. Elle n'a pas à se mettre à genoux pour tous ceux qui veulent quelque chose, là.

Mme Weil: Il y a un groupe, ce matin, c'était la communauté juive hassidique, qui ont bien souligné que ce ne sont pas des immigrants, c'est des Canadiens qui sont ici depuis longue date, plus de 100 ans, évidemment qui expriment leur religion, et puis, bon... Et ils ont souligné dans leur mémoire... Et c'est vrai, j'ai eu beaucoup de discussions avec la Commission des droits de la personne. Et finalement ça se règle très bien et très facilement, et il y a un service maintenant pour les employeurs. Les employeurs n'ont pas de problème à accommoder en autant que ça soit raisonnable.

Et tout est dans cette question de raisonnabilité, qu'il n'y ait pas de contrainte sur l'organisation du travail, mais qu'il y a beaucoup de volonté. Moi, je pense que c'est quelque chose peut-être de très humain et très naturel aux gens, de vouloir accommoder, que ce soit pour la religion ou autres, et que finalement l'employeur, et ça, c'est vraiment du domaine privé, parce que, nous, évidemment, on est dans l'Administration gouvernementale, c'est autre chose, ce projet de loi, mais il souligne que l'exercice se fait bien, se fait bien dans tous finalement les pays où ça se fait, mais en autant qu'il y ait... que ça soit raisonnable.

Les employeurs ne vont pas dire à leurs employés en qui croire ou ne pas croire, hein? Ce n'est pas du ressort de l'employeur de dire à son employé, et ça ne serait pas du ressort du gouvernement de leur dire non plus...

Mme Richard (Andréa): Tout à fait d'accord.

Mme Weil: Alors, il y a des limites. Ce que je veux dire, c'est que je comprends ce que vous dites sur la science, je comprends tout ça et je comprends l'évolution de la société. Je pense que le Québec le vit beaucoup et je pense que c'est un débat passionné, au Québec, à cause de l'histoire du Québec avec l'Église catholique. On le sent. On a eu beaucoup de groupes qui ont évoqué... Puis avec l'opposition on a eu ces discussions. On sent une intensité des émotions lorsqu'on parle de religion.

Ceci étant dit, c'est pour ça qu'on a des chartes et c'est pour ça qu'on a des règles de droit. C'est pour ça qu'on a des tribunaux, pour amener un peu de rationnel et d'équilibre dans tout ce débat. Donc, nous, avec notre projet de loi, on pose un geste. Certains ont dit, bon... ils voudraient qu'on aille plus loin, mais ils disent quand même: C'est un bon geste dans la bonne direction, dans le sens de mettre de l'ordre. Certains ont parlé de mettre un peu d'ordre là-dedans. Mais je dois vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous. Qu'on peut vivre dans une société aussi dogmatique qui me dirait qu'il n'y aurait plus d'accommodement... Je ne voudrais pas vivre dans une société qui n'aurait plus d'accommodements. Je trouverais que ça serait une société qui manquerait d'humanité et qui ne refléterait pas l'histoire du Québec et ni des pays occidentaux, malgré les opinions personnelles qu'on peut avoir par rapport à la religion.

C'est cette liberté que les gens ont dans une société, qui fait la richesse de la société.

Donc, c'est plus un commentaire que des questions parce que je comprends bien votre position. Je comprends vos commentaires par rapport à la religion en tant que telle, que vous êtes un expert aussi en théologie, et tout, mais j'essaie de voir est-ce que, vous, vous ne voyez pas de compromis à quelque part, un geste qui va dans le bon sens, de dire: Bon, au moins, dans l'espace qui est de notre autorité, en tant que gouvernement, on dise: Bon, il y a un côté raisonnable et il y a l'excessif. Et donc on vient baliser, on vient dire: Voici les règles, il y aura des directives dans chacun des ministères évidemment, l'article 6 qui dit aussi que, bon, lorsqu'on traite avec le gouvernement, on le fait à visage découvert. On va un peu plus loin dans cet article-là pour dire que, pour des raisons de communication, d'identification et de sécurité...

Peut-être vous entendre sur cet article. Je sais que vous allez plus loin, puis c'est plus général. Mais est-ce que vous pourriez peut-être, par rapport à ce projet de loi, vous prononcer sur cet article-là ou...

M. Lamborelle (Bernard): Bien, en fait, bon, premièrement, je ne suis pas un spécialiste en théologie, je suis étudiant. Maintenant, je crois que la difficulté que j'ai face au projet de loi qui est présenté aujourd'hui, c'est qu'en ouvrant la porte aux requêtes d'accommodement...

Premièrement, il faut se poser la question: Qui fait les requêtes et pourquoi? Et aussi quelles sont les conséquences à long terme de tolérer et d'accepter d'accommoder? Personnellement, je crois que le gouvernement et les institutions qui le représentent doivent être neutres et à ce titre ne doivent pas permettre l'affichage de signes ostentatoires. Je n'ai en aucun cas souligné la nécessité de renier aux gens le droit aux croyances. C'est un droit qui est fondamental, comme celui de la libre expression, mais pourquoi ne peut-on pas traiter le religieux comme la libre expression? On n'autorise pas et on ne respecte pas les gens, on ne fait pas d'accommodement parce qu'ils ont envie de se prononcer sur un sujet quelconque dans une entreprise. Donc, on leur demande de rentrer dans un certain cadre qui est le cadre de l'entreprise.

Donc, à ce titre-là, je crois que les sociétés privées, les entreprises privées peuvent accommoder au sein de leur propre entreprise. Si elles ont l'intention puis l'envie d'accommoder, très bien. Par contre, ce que je viens défendre ici, c'est une position au sein du gouvernement et des institutions qui le représentent. Je crois que la laïcité est un terrain neutre, contrairement à tout accommodement qui ne fait qu'attendre la prochaine requête. En fait, quand on fait un accommodement à un groupe, le groupe d'en face va en redemander autant, et, à ce moment-là, qui va juger de chacun de ces cas-là, selon quels critères, et jusqu'où est-ce qu'on va aller?

Alors, tant qu'on laisse une laïcité ouverte, je crois qu'on met le pied dans un engrenage sans savoir où on s'en va, alors qu'une laïcité claire, bien définie établit les règles du jeu et est respectueuse de tous.

Mme Richard (Andréa): ...ajouter un mot, parce que vous avez mentionné au moins deux fois, je crois, les lieux de travail, qu'un patron pourrait accommoder.

Le travail, c'est pour aller travailler, ce n'est pas pour aller prier. Il y a des lieux de prière, il y a des mosquées, il y a des églises. Alors, si un patron permet à quelqu'un d'avoir son petit tapis, son lieu de prière et même de quitter son travail pour aller prier, pensez-vous que c'est juste envers les autres ouvriers? Comment pensez-vous qu'ils vont prendre ça? Il y en a qui ne seront pas d'accord du tout. Alors, ils peuvent dire, eux autres aussi: Ah, bien, moi, j'ai besoin alors, à ce moment-là, d'aller fumer dehors ou d'aller prendre un café, ou, moi aussi, je vais prendre un quart d'heure pour prier. Je ferai d'autre chose, là, mais je ferai semblant d'aller prier dans un local. Alors, je trouve, ça n'a pas sa place, ça n'a pas raison d'être. Et je respecte ceux qui croient, là, je le respecte. Moi, je suis croyante Ça peut paraître contradictoire. J'aime de croire, probablement à cause de ma formation religieuse, qu'il y a un être suprême. Appelons-le comme on voudra, là, mais je ne crois pas en un dieu comme on nous l'a enseigné, par contre. Mais rationnellement, au niveau intellectuel, je suis agnostique parce que, je me dis, rien ne prouve qu'il y a un dieu, puis il n'y a rien qui prouve qu'il n'y en a pas. Donc, la logique pour tout le monde serait de dire: Nous ne savons pas. Je ne sais pas, donc je suis agnostique.

Alors, c'est ce que vous aviez pour le lieu de travail. Maintenant, pour le port des vêtements aussi... Je ne sais pas si vous savez, parce que c'est arrivé en France, hein, il y a une ménagère qui ne portait pas son voile, et, à un moment donné, elle arrive avec le voile. Et la patronne, je vais l'appeler comme ça... ou, plutôt, la femme de maison, quoi, lui a demandé pourquoi. Et elle a dit, et c'est sorti dans les journaux de la France, et ils ont vérifié et c'est un fait, que maintenant elle est payée, et d'autres sont payées pour porter le voile, pour porter ce symbole, si vous voulez, comme un drapeau politique, si vous voulez.

Et prenez... Par exemple, à l'université, paraîtrait-il, et on a vérifié, c'est vrai, que la communauté musulmane... Je n'aime pas dire «la communauté musulmane». J'ai des amis musulmans, hein, qui vont venir d'ailleurs donner leur témoignage ici, des grands amis, des musulmans modérés et qui pensent comme nous et qui déplorent justement eux aussi ces prises-là qu'on accorde, parce que la tolérance, ça peut devenir aussi de la mollesse. Et alors on a dit qu'il y a, à l'Université de Montréal, des femmes qui portent le voile et qui sont citées dans leur communauté comme des exemples, comme des modèles, et les autres qui ne le portent pas sont traitées comme des putes.

Alors, juste pour ça, là, je trouve qu'on ne devrait pas accepter le port du voile dans nos universités et nos écoles. Et puis, si les garçons arrivent à l'école avec des casquettes, vous allez dire quoi? Comment se fait-il qu'ils n'auront pas le droit, eux, avec une casquette? Et puis encore la burqa, et tout ça? Bien, les extrêmes, là... Une société, c'est difficile, c'est sûr, de l'amener à l'équilibre et à un juste milieu. Moi, je suis contre les deux extrêmes, mais qu'est-ce que vous diriez de l'autre extrême? La petite fille qui arrive en bikini à l'école, allez-vous l'accepter? Bien, pourquoi qu'on va accepter l'autre extrême.

Il me semble que tous les élèves se doivent d'être égaux. Donc, je suis citoyen, je suis citoyenne, donc on est tous pareils, à l'école. On n'a pas le droit d'afficher notre religion, c'est un droit... surtout que c'est un lieu d'éducation.

**(17 h 50)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Merci. Bonjour, Mme Richard, bonjour, M. Lamborelle. C'était très intéressant, très intéressant, une vraie discussion d'un bon niveau, là, tout ça, qui nous intéresse beaucoup... d'avoir votre opinion et d'avoir votre raisonnement en effet derrière tout ça.

J'étais en France la semaine dernière, et puis il y avait donc cette femme qui, portant le niqab, avait été arrêtée, il y a quelques temps, au volant de sa voiture, et, comme on dit à Paris, verbalisée, c'est-à-dire que la police lui avait dit qu'elle ne pouvait pas conduire comme ça, parce que ça... disons qu'on ne peut pas bien voir latéralement, là, le champ de vision, bon. Et je trouvais ça passionnant parce qu'elle est revenue à la surface, elle publie un livre, cette femme-là. Donc, on a appris qu'elle est Française de souche, convertie à l'islam, et qu'elle a accepté, elle l'explique dans son livre, la polygamie. Alors, les Français ne sont pas contents, mais ils ne peuvent pas poursuivre parce qu'il n'a épousé qu'une des quatre femmes légalement, mais les autres disent: Oui, puis, moi, j'ai accepté ça et puis je trouve ça formidable, disaient-elles, merveilleux. Il y a 14 enfants en tout, quatre femmes, et chacune a son pavillon puis chacune a son heure, et puis sa journée, et puis, bon, tout ça, semble-t-il, marche formidablement bien.

Alors, elle expliquait, et, moi, je me disais: Bon, premièrement... Puis on voyait cet homme-là, il s'appelle Lies Hebbadj, c'est un homme, bon, d'une grande prestance, pour avoir séduit toutes ces femmes, et il disait... Et, moi, je le regardais, ce gars-là, puis je regardais la femme Elle était avec son niqab puis elle nous parlait de son bouquin donc qu'elle venait de publier, et je me disais: On n'a pas vu d'hommes voilés beaucoup, beaucoup, hein? Les hommes voilés, c'est rare, et la polygamie, ce n'est que dans un sens, ce n'est que dans un sens. Moi, je voudrais bien faire le tour trois fois de mon époux légitime et puis de dire: Je te répudie, et puis voilà, je ne sais pas, j'en épouse trois autres, en autant que je puisse les faire vivre. Et c'est ça qui, à un moment donné, nous heurte profondément, de dire que la polygamie, c'est dans un sens, mais pas dans l'autre. Tu es une femme, tu ne peux pas faire ça, et les hommes voilés, parce que le regard concupiscent de la femme sur l'homme... Et c'est ça qui heurte nos valeurs les plus profondes dans ce cas précis.

Parce qu'on a beaucoup parlé du cardinal Ouellet puis on pourrait revenir sur beaucoup de choses qu'on a dites par ailleurs sur la religion catholique, mais, dans ce cas précis, j'étais là, j'écoutais ça et je me disais: Mais qu'est-ce qui m'enrage tant à entendre ça et à voir cette femme? Et je pense que c'est ça. Et là on parle beaucoup d'égalité hommes-femmes dans nos projets de loi ou dans nos discours, et tout ça, et là c'est absent, là. Il faut se le dire, là, hein, que, dans des situations comme celle-là... et qu'on ne peut pas accepter ça dans nos sociétés.

Alors, moi, bon, bien, pour conclure, je dirais que, pour revenir au Québec, que, bon, vous dites beaucoup de choses qui, moi, correspondent en effet à ce que je pense que doit être une société. Quand on veut vraiment avoir une société où il y a comme une plus-value au vivre-ensemble et non pas à vivre côte à côte et qu'il faut partager le mieux possible, et vous avez dit le mot «unité», tout à l'heure, parlant de la laïcité, et c'est d'ailleurs Guy Rocher aussi qui a employé ce mot-là, que...

Moi, c'est ça que j'ai beaucoup de difficultés à comprendre de la laïcité ouverte, c'est que ça fait en sorte que c'est chacun dans sa communauté, dans sa communauté, dans son appartenance religieuse puis qu'on est marqué comme ça chacun. Mais j'ai tellement envie justement de métissages, de rencontres, de... puis il me semble que ça se fait mieux quand on n'est pas... donc que ces différences-là ne sont pas affichées en tout cas, au moins, dans certains lieux que j'appelle civiques mais pas publics ni privés, mais civiques, dans cet espace, disons, commun. Ça, c'est ma conviction la plus profonde.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. À vous deux, merci, c'est un plaisir de vous recevoir.

Les intervenants, tout juste avant vous, ont évoqué les difficultés pour certains groupes ou certaines minorités de se trouver du travail, propos qui ont été repris par ma collègue ministre. Ma collègue de Rosemont a également souligné ces difficultés. Vous l'avez fait à votre façon également. Et je dois vous avouer que c'est une très grande préoccupation pour moi également et je suis porté à croire que le débat des dernières années sur les accommodements raisonnables n'a en rien aidé cette situation-là. Au contraire, on a, à travers cette indécision, à travers cette incapacité d'établir des balises, donné l'impression chez certains que tout musulman, tout Juif, tout catholique aurait potentiellement des réserves en banque, aurait potentiellement des demandes à formuler à son futur employeur et qui dans certains cas peut être réticent à embaucher.

La ministre, il y a quelques instants, disait que pour les employeurs il y avait dorénavant cette ligne téléphonique qui peut les aider à identifier un petit peu les accommodements qui sont possibles, les accommodements qui sont raisonnables. Ça, c'est lorsque l'employé est déjà... lorsque le lien d'emploi avec l'employeur est déjà confirmé. Mais le problème se pose avant même cette situation-là. Il y a bon nombre d'employeurs... Et on l'a évoqué à juste titre, ma collègue de Rosemont l'a évoqué à juste titre, il y a eu ces expériences, M. Parent l'a fait également, ces expériences où deux candidats... en fait, un même candidat, sous deux noms différents, envoyait un C.V. avec de belles compétences qui étaient recherchées de la part de l'employeur, et ultimement c'est uniquement le candidat à consonance canadienne-française au niveau du nom qui était convoqué en entrevue.

Donc, malheureusement, c'est mon opinion, et j'aimerais vous entendre là-dessus, cette indécision ou cette incapacité de décider de la part du gouvernement sur ces questions-là, incapacité que je qualifie de chronique, est venue ajouter une difficulté supplémentaire à cette quête très, très, très légitime qui est celle de travailler et est venue dépeindre tout musulman, est venue dépeindre tout Juif, est venue dépeindre tout bouddhiste, tout catholique comme de potentiels revendicateurs de statut particulier.

Bref, je pense qu'on tourne en rond et je pense qu'on est venus accentuer une situation qui était déjà extrêmement problématique et extrêmement préoccupante.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Avant de vous céder la parole, Mme Richard, je vais demander le consentement des gens pour dépasser l'heure prescrite. Oui, ça va? Consentement. Oui, Mme Richard... ou monsieur.

Mme Richard (Andréa): Moi, je suis tout à fait d'accord avec vous, que ça a accentué le problème au lieu de le diminuer, puis ça a créé des peurs, ça a créé des craintes. Alors, je pense qu'au lieu que ça fasse l'effet qu'on voulait, ça fait l'effet contraire. Donc, il ne faut pas continuer dans cette voie-là. As-tu quelque chose à rajouter?

M. Lamborelle (Bernard): Moi, j'ai voyagé dans au moins une trentaine de pays, j'ai habité quatre pays différents, et ce qui m'amène ici, c'est effectivement que je vois mes amis musulmans, maghrébins, marocains, algériens, qui ont de la difficulté, qui se font regarder avec mépris et avec méfiance. Et la raison... la seule raison à laquelle... la seule conclusion à laquelle j'en suis venu, c'est qu'autant les Québécois veulent célébrer la différence, autant ils ne veulent pas reconnaître de préséance à des religions qui ne sont basées que sur des préceptes personnels.

Et, à mon sens, et c'est que j'exprimais en entrée, ne pas savoir effectivement, quand on est employeur, si, en engageant une personne, on va être tenu d'entrer dans une espèce de mouvement d'accommodement où on ne sait pas où on va aller... comment peut-on ne pas être tenté d'engager quelqu'un d'autre?

**(18 heures)**

Mme Richard (Andréa): Et j'ajouterais aussi la préséance... Il ne faut pas donner la préséance à une minorité. En accommodant, on donne la préséance à une minorité sur la majorité. Ce n'est pas normal, ça.

M. Lamborelle (Bernard): Non, c'est une forme de... En fait, c'est une forme de discrimination...

Mme Richard (Andréa): ...envers les minorités, oui.

M. Lamborelle (Bernard): ...inversée. C'est-à-dire que la personne qui porte le voile se donne une autorité morale supérieure et de ce fait, d'une certaine façon, ne reconnaît pas le même statut moral aux autres. C'est une façon de s'élever au-dessus de la mêlée. Et ça, qu'on le fasse intentionnellement ou pas, c'est la perception que les autres en ont. Et je crois qu'au niveau des signes ostentatoires rien ne divise plus que d'afficher avec fierté ses croyances. Moi, au départ j'étais pour les accommodements raisonnables, je trouvais que je ne voyais rien de mal à ce qu'une personne qui était fervente et croyante affiche sa croyance. Mais avec le temps j'en suis venu à conclure que c'était très mauvais pour la société et le vivre-ensemble.

Mme Richard (Andréa): Oui. Et ce que je trouve dommage aussi, c'est qu'en voulant aider, au lieu d'aider, on se rend complice, on se rend complice d'un système d'inégalité, par le fait même, parce qu'on n'est pas traité à partir d'une citoyenneté, on est traité à partir d'une religion. Est-ce normal, ça, pour un État qui se dit laïque? Et puis une laïcité ouverte... Écoutez, là, une laïcité, ce n'est pas ouvert ou fermé, c'est une laïcité, point. Voyons, on ne peut pas jouer sur les mots comme ça, là. Ça n'a pas de bon sens. On le sait tous, «ouvert»... on n'est pas... qu'est-ce que ça veut dire, «ouvert». «Ouvert», ça veut dire: Non, non, on est laïques, là, mais ça ne fait rien, là, entrez toutes vos religions, puis ça fera un mélange de tout, laïcité, religion, un «free-for-all», là. Pourquoi pas? C'est ça, dans le fond.

Alors, il faut être conséquents avec nous-mêmes. «Laïcité», c'est «laïcité».

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Alors, sur ces mots, Mme Richard, je vais vous remercier pour votre présentation. Merci de vous être présenté, M. Lamborelle. Vous êtes les bienvenus à cette commission. Merci.

Et, sur ce, je mets fin à notre séance d'aujourd'hui et je lève la séance de la commission et ajourne ses travaux au jeudi 21 octobre 2010, après les affaires courantes, vers 11 heures. Bon retour chez vous, messieurs mesdames.

(Fin de la séance à 18 h 3)

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