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Version finale

39th Legislature, 1st Session
(January 13, 2009 au February 22, 2011)

Monday, November 1, 2010 - Vol. 41 N° 99

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 94, Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’Administration gouvernementale et dans certains établissements


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Table des matières

Journal des débats

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, je vous souhaite la bienvenue à tous. Vous êtes sûrement très, très heureux d'être ici lundi après-midi, je partage ça avec vous, mais toutefois je veux dire une chose fort importante, parce que nos invités, eux, que nous allons recevoir aujourd'hui, ont en fait travaillé très fort pour présenter leurs mémoires et pour eux... Nous, c'est parce qu'on en reçoit beaucoup, hein, mais pour eux, quand ils viennent, là, c'est la première fois qu'ils viennent depuis le mois de mai, donc on n'est pas dans la même situation. C'est pour ça qu'il faut faire attention. Prendre pour acquis que les gens sont là, puis ils viennent, puis ils passent... mais, chacun de vos commentaires, je vais vous dire qu'ils sont toujours bien reçus par les parlementaires, puis c'est important de vous écouter, et sachez que c'est à la juste valeur qu'on le fait.

Donc, le constat du quorum est fait. Je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Donc, je demande, si vous avez des cellulaires ou des bidules qui font du bruit, s'il vous plaît, de les fermer.

Donc, le mandat de la commission, je vous le rappelle, est de procéder à des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 94, la Loi établissant les balises encadrant les demandes d'accommodement dans l'Administration gouvernementale et dans certains établissements.

Donc, Mme la secrétaire... j'allais dire «Mlle la secrétaire», Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Lehouillier (Lévis) remplace M. Matte (Portneuf); M. Huot (Vanier) remplace M. Ouimet (Marquette); M. Charette (Deux-Montagnes) remplace Mme Beaudoin (Mirabel); et M. Kotto (Bourget) remplace Mme Hivon (Joliette).

**(14 h 10)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, M. le député de Lévis, bienvenue chez nous. Vous ne venez pas nous voir souvent. Ça nous fait plaisir de vous voir. M. le député de Vanier, bienvenue ici. Vous avez été réquisitionnés pour vos grandes qualités.

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Là, ça, c'est vous qui le dites.

Des voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non, mais je veux bien le croire, je veux bien le croire. Mme la ministre, bienvenue ici. Et je vais saluer aussi mes collègues. Il y a M. le député de Deux-Montagnes, Mme la députée de Rosemont et M. le député de Bourget. Bienvenue chez nous, à notre commission, parce que, vous, vous y êtes toujours.

Je vous rappelle, vous avez tous en main l'ordre du jour, il y aura donc la présentation de la Fédération des commissions scolaires, ensuite l'Association canadienne des libertés civiles, le Collectif citoyen pour l'égalité et la laïcité et M. Georges Karam, qui viendra nous présenter son mémoire.

Auditions (suite)

Donc, sans plus tarder, je vais vous expliquer les règles, qui sont fort simples. Vous avez 10 minutes pour votre exposé, madame... Je présume que j'ai en face de moi Mme Bouchard, c'est bien ça? Je vais vous demander, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, de simplement présenter les gens qui vous accompagnent. Et je termine en vous disant que nous aurons une période d'échange de 25 minutes ensemble pour, de part et d'autre, pour mieux comprendre le sens de vos propos.

Donc, sur ce, et sans plus tarder, à vous la parole, Mme Bouchard.

Fédération des commissions
scolaires du Québec (FCSQ)

Mme Bouchard (Josée): Merci, M. le Président. Alors, Mme la ministre, MM., Mmes les députés, je suis accompagnée aujourd'hui de ma directrice générale, Mme Pâquerette Gagnon; de Me Bernard Tremblay, qui est notre secrétaire général et notre directeur des relations de travail, à la fédération; et de Me Alain Guimont, qui est conseiller juridique à la fédération.

Alors, merci de nous accueillir, d'avoir pris le temps, j'imagine, de prendre connaissance, c'est ça, de notre mémoire auparavant. Alors, je prends quelques instants quand même pour vous rappeler que la fédération représente les 60 commissions scolaires francophones du Québec et la commission scolaire du Littoral, une commission scolaire à statut particulier. La mission de la fédération est de faire avancer la cause de l'éducation publique et de défendre les intérêts de ses membres.

La fédération des commissions scolaires du Québec participe depuis plusieurs années à la réflexion sur les accommodements raisonnables. En effet, en 2007, elle a déposé un mémoire dans le cadre de la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles, présidée par MM. Bouchard et Taylor. Auparavant, la fédération a participé aux travaux du Comité consultatif sur l'intégration et l'accommodement raisonnable en milieu scolaire, présidé par M. Bergman Fleury, mis sur pied en 2006 par l'actuel ministre de la Justice, monsieur... bien là je disais «l'actuel ministre»...

Une voix: Oui.

Mme Bouchard (Josée): ...oui, c'est ça, l'actuel ministre de la Justice, parce que c'était vous avant, donc M. Jean-Marc Fournier, alors qu'il était ministre de l'Éducation du Loisir et du Sport. Le mandat de ce comité consistait à produire une définition claire et accessible de ce qu'est un accommodement raisonnable en milieu scolaire et de proposer la production de documents et d'outils pertinents à l'intention du réseau de l'éducation.

Alors, vous comprendrez donc que la Fédération des commissions scolaires se sent particulièrement interpellée par les questions qui touchent les accommodements raisonnables.

Parlons du contexte. La diversité religieuse et culturelle touche plusieurs commissions scolaires et en touchera de plus en plus avec l'accroissement du nombre de nouveaux arrivants accueillis chaque année et les efforts de régionalisation de l'immigration. À titre d'exemple, 53 % des élèves fréquentant l'école publique sur l'île de Montréal ont un ou deux parents immigrants, ce qui fait en sorte que la commission scolaire de Montréal compte des élèves provenant de 193 pays différents et parlant 136 langues. Sur la Rive-Sud de Montréal, à la commission scolaire Marie-Victorin, par exemple, 29 % des élèves ont un ou deux parents nés hors Québec. Le réseau scolaire se doit d'être attentif à ces réalités et d'être proactif en ce domaine.

Le milieu scolaire et son personnel participent à l'intégration des enfants, issus des communautés immigrantes, et de leurs parents à la société québécoise en leur apprenant notre langue, notre culture, nos valeurs mais aussi en constituant un milieu de vie autour duquel s'articulera leur nouveau réseau social.

Dans le rapport Une école québécoise inclusive: dialogue, valeurs et repères communs, de novembre 2007, le Comité consultatif sur l'intégration et l'accommodement raisonnable en milieu scolaire dresse un portrait des demandes d'accommodement raisonnable reçues par les directions d'établissement. Il est pertinent, dans le cadre des consultations sur le projet de loi n° 94, de rappeler quelques statistiques intéressantes qui mettent en lumière que les demandes d'accommodement raisonnable, contrairement à la croyance populaire, dans les écoles du moins, ne sont pas nécessairement dues à l'immigration ou aux religions auxquelles on aurait tendance à les associer en plus grand nombre. À titre d'exemple, 7,2 % des directions d'école ayant reçu des demandes n'ont aucun élève issu de l'immigration, qui les fréquente, et 51,9 % en ont moins de 10 %. Les demandes pour des motifs religieux représentent tout de même 78,2 % des demandes reçues par les directions d'école.

Par ailleurs, je souligne que, des 351 directions qui ont reçu des demandes, 197 demandeurs étaient de confession chrétienne, contrairement à ce qu'on pourrait penser, 152, de Témoins de Jéhovah; 153, musulmans; et 62 étaient Juifs.

Les commissions scolaires reçoivent régulièrement des demandes spécifiques pour divers motifs non liés à la diversité ethnoculturelle ou religieuse et tentent d'y répondre de manière à offrir un service adapté aux besoins changeants de notre société. Elles sont donc habituées d'assouplir l'application de certaines règles afin de mieux répondre à des besoins particuliers de leurs clientèles. Ces demandes sont analysées avec comme objectif principal la réussite des élèves autant que le respect de leurs droits démocratiques.

Concernant le projet de loi n° 94, de façon générale, la Fédération des commissions scolaires est en accord avec le projet de loi. En effet, elle est en accord avec le fait que les accommodements s'appliquent aux mêmes conditions pour toute personne, qu'elle soit élève, parent ou membre du personnel de la commission scolaire. La définition de la notion d'accommodement raisonnable proposée dans le projet de loi étant essentiellement celle formulée dans le rapport Fleury, il va sans dire qu'ayant participé à ces travaux nous la partageons.

La fédération est favorable à l'article 4 qui réaffirme le respect de la Charte des droits et libertés de la personne, notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes. Par ailleurs, la fédération a recommandé dans son mémoire soumis à la commission Bouchard-Taylor que le respect de l'égalité entre les sexes soit réaffirmée de façon particulière comme étant une valeur fondamentale de la société québécoise. Pour ce qui est de la référence de ce même article à la neutralité religieuse de l'État, il faut savoir que les commissions scolaires et leurs établissements ont connu, au cours des dernières années, une évolution importante en matière de confessionnalité des structures scolaires et de l'enseignement religieux. En effet, depuis l'adoption du projet de loi n° 118, en 2000, les écoles sont devenues des institutions déconfessionnalisées, comme vous le savez. Il y a consensus social certain quant à la pertinence de maintenir la neutralité des structures scolaires. Par contre, une majorité de Québécois demeure attachée aux repères historiques que l'on rencontre toujours dans notre société. C'est pourquoi nous croyons que, dans le débat actuel, il faut éviter de confondre neutralité religieuse des institutions publiques et reconnaissance du patrimoine culturel et historique du Québec.

La fédération appuie également l'article 5, puisqu'il précise les limites imposées et que celles-ci reposent sur des principes juridiques et correspondent à celles mentionnées dans le rapport du Comité consultatif sur l'intégration et l'accommodement en milieu scolaire, présidé par M. Bergman Fleury. La limite à l'accommodement raisonnable amenée par l'article 6 nous apparaît à propos, puisqu'elle est, selon nous, respectueuse de la liberté de religion protégée par la Charte des droits et libertés et correspond en tous points aux balises élaborées par le comité cité précédemment.

Dans son rapport, le Comité consultatif sur l'intégration et l'accommodement en milieu scolaire recommande de fournir au réseau scolaire un cadre de référence applicable à l'accommodement raisonnable. Cette recommandation avait par ailleurs reçu l'appui de la commission Bouchard-Taylor. Dans ce contexte, la fédération participe actuellement à un comité sous-ministériel, créé par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport, dont le mandat est précisément d'élaborer un guide de référence qui permettra aux commissions scolaires et à leurs établissements d'appliquer une démarche respectueuse des droits de chacun, qui leur fournira des balises claires facilitant la prise de décision. La fédération compte beaucoup sur les résultats de cette démarche pour faciliter l'application de mesures d'accommodement en milieu scolaire.

Cas particuliers des congés religieux en milieu de travail, et ça, c'est très important, pour nous, dans notre présentation aussi aujourd'hui. Dans le mémoire que la Fédération des commissions scolaires du Québec a soumis à la commission Bouchard-Taylor, elle avait soulevé sa préoccupation à l'égard des congés religieux demandés par des membres du personnel. Comme vous le savez, M. le Président, les conditions de travail dans le secteur public sont fortement encadrées par des conventions collectives. Le défi de les adapter en fonction du concept de l'accommodement raisonnable est non négligeable. Cette adaptation est parfois perçue comme une forme de privilège incompatible avec les principes sous-jacents à toute convention collective, soit le traitement uniforme, sur le plan des conditions de travail, des personnes salariées de ce groupe, ce qui entraîne parfois des tensions dans certains milieux de travail.

Je profite donc de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui pour réitérer la position de la fédération quant à l'octroi de congés pour motif religieux et demander à nouveau que cette question soit encadrée dans la Loi sur les normes du travail. Cette situation concerne l'ensemble des employeurs du Québec, bien qu'elle se manifeste présentement, de manière plus marquée, dans les commissions scolaires, et je pourrai vous expliquer pourquoi tantôt. Nous croyons que le problème juridique auquel est confronté le réseau scolaire ne puisse se régler par une référence à un comité d'experts, tel que le souhaite la commission Bouchard-Taylor. Plusieurs experts juridiques oeuvrant dans le milieu scolaire se sont déjà penchés sur cette question et constatent la difficulté d'y trouver une solution dans le cadre actuel.

Je conclus. En guide donc de conclusion, M. le Président, je me permets de résumer l'essentiel de mes propos en vous rappelant que l'éducation a un rôle prépondérant dans le processus d'intégration des immigrants à la société québécoise, et en ce sens les commissions scolaires sont des acteurs clés, et que ces dernières ont une expérience remarquable dans la gestion des adaptations et le font en ayant comme objectif d'atteindre la réussite des élèves autant que le respect de leurs droits démocratiques.

Bref, dans l'ensemble, la fédération est en accord avec le projet de loi... n° 94, pardon, mais il est nécessaire, à son avis, que soit modifiée la Loi sur les normes du travail pour régler la question de l'octroi des congés religieux en milieu de travail. Voilà.

**(14 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci beaucoup, Mme Bouchard, pour la présentation de votre mémoire. Donc, on va entamer tout de suite la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, merci, Mme Bouchard, Mme Gagnon, M. Guimont, M. Tremblay, merci de votre présence aujourd'hui. Vous êtes évidemment un acteur très important dans la société québécoise. Vous êtes, comme vous dites, des acteurs clés. Vous avez une expérience de premier ordre avec l'intégration des immigrants à un âge important, évidemment. C'est des enfants quoi doivent s'intégrer, se franciser, et vous avez collectivement cette tâche extrêmement importante. Donc, la réussite de l'intégration passe par votre réseau.

Donc, vos commentaires sur ce projet de loi, évidemment je les apprécie, mais j'ai beaucoup de questions pour mieux comprendre peut-être votre vécu et votre expérience avec les demandes d'accommodement raisonnable. Mais peut-être, pour revoir... donc vous êtes d'accord essentiellement avec les définitions d'accommodement raisonnable, bon, la contrainte excessive, définition de «laïcité», le mot n'est pas utilisé, mais «neutralité religieuse de l'État» qu'on vient... on vient de le confirmer, c'est beaucoup votre vécu dans le milieu scolaire, l'article 6 aussi. Donc, vous trouvez ça raisonnable que, lorsqu'on reçoit ou donne des services, on ait le visage découvert dans un contexte d'accommodement raisonnable.

Avant de vous poser des questions surtout sur les questions de congé, parce que j'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, vous, dans le vécu des écoles et les commissions scolaires qui ont des demandes d'accommodement, comme vous dites, c'est quelque chose que vous faites quand même quotidiennement, et ça concerne toutes sortes d'accommodements, mais vous dites surtout, bien, si j'ai bien compris le chiffre: La majorité, c'est pour la religion... ou ceux qui ont la religion catholique. Est-ce que c'est bien ça?

Mme Bouchard (Josée): Chrétienne.

Mme Weil: Chrétienne. En général, quels types d'accommodement que ça pourrait être?

Une voix: Me Guimont?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Me Guimont.

M. Guimont (Alain): Alors, oui, effectivement, si vous permettez...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, oui.

M. Guimont (Alain): ...que j'y réponde, dans le rapport... Si vous prenez connaissance du rapport déposé par M. Bergman Fleury, à la page 24, il est fait état de différentes situations qui font intervenir les accommodements raisonnables.

Alors, si vous permettez, je peux en présenter quelques-unes, quelques exemples, là, de demande. Alors, il y a naturellement la diversité linguistique; langue de communication orale avec les parents; langue de communication écrite avec les parents; demandes d'autorisation d'absence, hein, pour fêtes religieuses -- les élèves également présentent des demandes d'absence pour des fêtes religieuses; la tenue vestimentaire; la dispense de certains programmes d'études -- très souvent, les Témoins de Jéhovah demandent des exemptions de certaines matières ou de certaines parties de certaines matières; l'organisation des services; des mesures disciplinaires; et encore une fois, bon, des exemptions pour différentes activités soit scolaires ou parascolaires.

Donc, vous voyez, ce n'est pas des cas très, très concrets, mais ça vous donne quand même une indication de la nature des demandes qui sont présentées.

Mme Weil: Et donc, quand vous évaluez ces demandes, vous le faites dans un contexte où... selon les règles, si vous voulez, de l'accommodement raisonnable, c'est-à-dire si c'est... il y a une contrainte excessive, l'organisation du travail, tout le reste.

M. Guimont (Alain): Effectivement. Il faut savoir que les exemples qui sont donnés dans le rapport de M. Fleury, ça concerne tant des exemples d'accommodement raisonnable que d'ajustement volontaire, parce qu'encore une fois, dans le document de M. Fleury, on fait la distinction entre les deux volets.

Quand la demande vise une atteinte à un droit protégé par la charte québécoise, à ce moment, on parle d'un accommodement raisonnable. On s'entend. Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'une atteinte qui ne porte... c'est-à-dire, d'un droit qui ne porte pas atteinte à un droit protégé par la charte, on parle davantage d'une demande d'ajustement volontaire.

Un exemple pour comprendre: le parent qui se présente... le parent masculin, le père d'un élève, qui se présente dans le bureau de la directrice de l'école et refuse de lui adresser la parole, car, dans son vécu culturel, pour lui, la direction devrait être occupée par une personne masculine, un directeur. Donc, à ce moment-là, est-ce que l'école va accommoder le parent masculin qui a certaines exigences? Probablement, mais ça ne sera pas une demande qui sera traitée comme un accommodement raisonnable mais... d'ajustement volontaire. Alors, l'école sera libre d'accepter ou de refuser, puisqu'on ne parle pas de l'atteinte d'un droit protégé par la charte.

Mme Bouchard (Josée): Si je peux ajouter, M. le Président...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien sûr. Allez-y, Mme Bouchard.

Mme Bouchard (Josée): C'est ça. C'est que ce qui guide aussi, en fait, notre approche là-dedans, c'est ça... il faut parler d'approche.

Ce qui est important pour nous puis ce qui marque le vécu, je pense, dans toutes les écoles du Québec qui sont concernées actuellement, c'est cet effort de, bien, de négociation, de rapprochement avec les gens. C'est important pour nous d'être dans un climat de réciprocité et de faire en sorte que... Effectivement, on va faire en sorte que les gens se sentent bien là-dedans. On se donnait l'exemple, en en discutant, là, avant la présentation, de... Par exemple, quand il y a des problèmes de langue, là, on peut demander même à un chef religieux, si ça concerne une, justement, une question culturelle, religieuse, de pouvoir intervenir auprès des gens pour qu'ils puissent trouver le compromis.

Donc, pour nous, c'est vraiment toujours la recherche de compromis. C'est ça, notre objectif à travers tout ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Pâquerette): ...à Mme Bouchard, toujours dans un contexte où la mission première des commissions scolaires, des établissements, c'est la réussite de tous les élèves. Alors, c'est notre grille d'évaluation pour des ajustements volontaires, c'est: Cet élève-là, est-ce qu'on peut lui faciliter l'accès à sa réussite, dans le fond? Et, si on peut le faire, on va le faire raisonnablement, alors, et volontairement, là, si c'est possible.

Mme Weil: Et donc est-ce que votre évaluation, au fil des années, votre expérience avec ces genres de demande d'accommodement raisonnable ou de souplesse, finalement, et d'ajustement... que vous trouvez que vous avez du succès avec votre approche, qui est un peu en douceur, hein, c'est un...

Mme Bouchard (Josée): Je peux commencer en disant: Oui, de façon générale, oui, parce que vous avez vu que quand même il y a très peu aussi de cas qui se sont rendus en cour, là, qui ont fait l'objet, là, de, vraiment, de poursuites, et tout ça, là. Bien, c'est ça. Dans le fond, on n'a pas conscience de tout ce qui se règle quotidiennement. Puis c'est pour ça qu'on dit: On possède une bonne expertise en la matière.

Mme Gagnon (Pâquerette): Dans le fond, en complément, M. le Président, on considère maintenant, dans le milieu scolaire, que c'est une très grande préoccupation, mais ce n'est pas un très grand nombre de problèmes. On les règle, les problèmes. Ce sont des problématiques qui sont réglables. On n'est pas dans un contexte où c'est insoluble. On cherche des solutions et on les trouve. Les directions d'établissement, dans ce rapport et dans les travaux... Dans le fond, nous, ça nous préoccupe, là, qu'il y ait un comité de suivi pour donner des outils aux établissements. C'est ça, notre grande préoccupation dans ce contexte-là, parce que l'encadrement légal, quant à nous, est correct. Et ce qu'on veut, c'est donner des outils pour les régler. Et ce qu'on a comme témoignage, c'est: La grande majorité des problèmes sont réglés au quotidien.

Mme Weil: Et, pour ces questions de valeurs, surtout les... Vous parliez tantôt de questions qui touchent un peu les rôles des femmes dans notre société, qui sont souvent dans les postes évidemment de direction. Et comment vous faites pour transmettre les messages de valeurs et d'égalité hommes-femmes à travers tout ça lorsqu'il y a une demande de ce genre?

Une voix: Est-ce que...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Guimont.

**(14 h 30)**

M. Guimont (Alain): Je peux répondre partiellement à la question. Il faut savoir que le ministère de l'Éducation particulièrement offre des programmes de formation à l'ensemble des intervenants, principalement les éducateurs, les éducatrices... donc un programme de formation qui leur permet d'agir et de régler ce genre de situation.

Mme Weil: ...aller sur cette question de congé.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre...

Mme Weil: Oui?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...excusez-moi.

Mme Weil: Pardon.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je pense que Mme Gagnon voudrait ajouter...

Mme Gagnon (Pâquerette): ...ajout, si vous permettez, Mme la ministre, c'est...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excusez-moi.

Mme Gagnon (Pâquerette): Le programme éthique et culture religieuse, qui parfois est sur la sellette, qui parfois est contesté, pour toutes sortes de motifs que certains défendent, mais il a aussi ce mandat-là en termes de valeurs, en termes de développement des valeurs. C'est un programme qui devrait susciter ce développement-là de valeurs hommes-femmes et égalité, là, pour toute une société.

Mme Weil: Les valeurs de notre société. Sur la question donc de ces congés, hein, donc est-ce que, vous, vous suggérez que ça soit repris dans le projet de loi ou c'est une recommandation que vous faites par rapport au code de... c'est les normes du travail, la Loi sur les normes du travail?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Allez-y, allez-y, bien sûr.

Mme Bouchard (Josée): Merci, M. le Président. Si j'ai bien compris ce que m'ont expliqué effectivement mes avocats à la fédération, c'est qu'effectivement on peut, à travers cette loi-là, faire en sorte qu'on va créer un espace qui va nous amener au changement des normes du travail, n'est-ce pas?

Puis pourquoi c'est important aussi? Puis je vous disais que je vous expliquerais un peu notre contexte particulier au milieu scolaire. C'est que, vous savez, peut-être que, dans un autre milieu, c'est plus facile, par exemple, de compenser pour l'absence qu'il y a eu une journée en raison de... bien, c'est ça, on a accommodé puis on a dit: Oui, tu peux participer à ta fête religieuse cette journée-là et puis, bien, tu pourras retravailler le dimanche, ou le samedi, ou, bon... Je pense au milieu de la santé, par exemple. Dans le milieu scolaire, on est régis par un régime pédagogique à l'intérieur duquel il y a un calendrier scolaire qui aussi reflète notre culture, donc nos fêtes traditionnelles. Et, à l'intérieur de ça, bien vous comprendrez que, là, on vit une iniquité. Elle est flagrante. C'est-à-dire que... bien sûr qu'il y a de l'ouverture à faire en sorte que ces gens-là puissent participer à leurs fêtes religieuses, mais vous comprendrez que tous les autres qui ont des fêtes qui correspondent à celles du calendrier scolaire, bien, ont un congé de moins, puis ça crée certaines tensions.

Alors, dans ce sens-là, nous, on ne peut pas venir changer ça. Alors, c'est pour ça que c'est important pour nous.

Mme Weil: Donc, l'impact, c'est que ça crée une contrainte excessive sur l'organisation du travail et la charge de travail de tous et chacun qui doivent prendre la relève.

Mme Bouchard (Josée): Tout à fait, Mme la ministre.

Mme Weil: Et, par rapport aux enfants et aux enfants qui doivent aussi s'absenter, il y a, de ce côté-là aussi, j'imagine, une contrainte, dans le sens qu'il faut rattraper le temps perdu, tout ça?

Mme Bouchard (Josée): Il y a tout à fait ça. Comme on vous le disait tout à l'heure, Mme Gagnon l'exprimait très bien, nous, on travaille toujours dans le sens de la réussite des élèves. C'est la même chose aussi quand le personnel s'absente. Quand le personnel enseignant s'absente, on le sait, que, bon, plus il s'absente, bon, moins notre stabilité autour des élèves... Malgré que ça, c'est des cas, bon, qui peuvent être isolés, mais, quand on les multiplie, bien ça crée un changement et une dynamique de roulement dans les établissements. Alors, c'est pour ça que c'est important d'y voir.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Tremblay, vous vouliez rajouter...

Une voix: Non, je pense que la réponse est complète.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va.

Mme Weil: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Cher collègue, avez-vous quelques questions ou...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Allez-y, M. le député de Vanier.

M. Huot: Je voulais revenir... Il y a quelque chose qui m'a fait me poser une question. Bien, bonjour, premièrement, merci d'être là. La ministre parlait d'égalité hommes-femmes, comment vous réussissiez à inculquer cette valeur-là.

Et je reviens avec l'exemple de M. Guimont, que vous donniez tout à l'heure, que le père ne veut pas s'adresser à une directrice d'école, par exemple. Mais comment qu'on peut, en bon français, comme on dit, comment qu'on peut dealer avec cette situation-là pour inculquer une valeur d'égalité hommes-femmes aux enfants qui sont témoins de ces demandes-là? C'est une grande question, là, qui n'est pas simple à répondre, là, mais, O.K., je comprends, le cours d'éthique et culture religieuse, moi, je suis un grand partisan de ce cours-là. J'aurais aimé ça avoir ça, plus jeune, un cours comme ça, qui est une belle culture générale. Je suis un grand partisan. Je crois beaucoup en ce cours-là.

Mais ça a ses limites quand même, là. Comment on peut négocier avec toute cette question-là pour que les enfants prennent vraiment conscience de cette notion-là qui est fondamentale au Québec?

Mme Bouchard (Josée): M. le Président, je vais donner la parole à Mme Gagnon. Je vais lui céder si vous lui cédez, bien sûr.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vos désirs sont exaucés, madame. Allez-y, Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Pâquerette): Merci. Je vais tenter une première partie de réponse que d'autres pourront compléter. C'est un exemple, le cours d'éthique et culture religieuse, puis ça ne peut que passer par là, c'est impossible.

Mais, quand on parlait tantôt d'un parent qui se présente en disant: Moi, l'autorité ultime de l'école, ça devrait être un homme, hein, on prend cet exemple-là qui est flagrant, et c'est une femme... Alors, quand on parle d'ajustement raisonnable, au-delà des valeurs et des discussions qu'on peut avoir ensuite, qu'on aura en cours de route et en cours d'année, parce que c'est un travail moyen terme, c'est un travail d'éducation aussi, hein, on est en éducation, si c'est possible, on procédera à un ajustement raisonnable pour permettre à l'enfant de ne pas être pénalisé par un comportement de cet ordre-là, hein, que, nous, on peut peut-être avoir de la difficulté à comprendre.

Alors, si c'est un enseignant... s'il y a un enseignant disponible, ou un éducateur, ou quelqu'un qui peut refléter plus la valeur de la personne, on ajustera en conséquence, mais on poursuivra l'éducation ou l'information auprès de ces personnes-là pour leur faire comprendre la culture dans laquelle ils s'insèrent. C'est dans ce sens-là que travaille l'éducation. Je ne sais pas si on peut donner d'autres exemples? Mais on ne peut pas tellement dire: Ça ne se réglera pas dans le bureau l'après-midi. C'est une question de véhicule, hein, de démarche, de processus.

M. Huot: De travail à long terme?

Mme Gagnon (Pâquerette): Bien, forcément, forcément.

M. Huot: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci infiniment. Donc, pas d'autres questions? Oui. Mme la ministre, oui, peut-être.

Mme Weil: Pour poursuivre sur cette question, est-ce que votre inquiétude, si vous prenez... Si vous preniez une approche plus, comment dire, claire et nette, est-ce que votre inquiétude, c'est que les parents pourraient décrocher, c'est-à-dire ne pas venir donc à l'école, et que vous perdez la possibilité de communiquer? C'est toujours... Ça doit toujours être ça, hein, j'imagine. Dans votre milieu, c'est toujours comment faire en sorte que vous réussissez à poursuivre le dialogue.

Mme Bouchard (Josée): M. le Président...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Bouchard; Mme Gagnon.

Mme Bouchard (Josée): Bien, c'est ça, vous avez dit un mot important, Mme la ministre, c'est «communiquer».

Il y a trois principes qui viennent régir, je dirais, notre approche dans ce cadre-là des accommodements raisonnables, dont celui de la communication, parce qu'il y a aussi la sécurité et l'identification des personnes, je pense au port du voile, par exemple, des choses comme ça. Alors, c'est important de... je pense que... Vous savez, le projet de loi qui est sur la table, pour nous, c'est clair, il fait oeuvre de pédagogie envers la population, et c'est à travers des projets comme ceux-là qu'on va pouvoir effectivement aussi créer un... bien, un dialogue mais aussi d'envoyer un message clair à, c'est ça, la population qu'au Québec c'est comme ça que ça fonctionne, mais qu'on est des gens de parole et de causerie, comme disait Vigneault, mais qui finalement, effectivement, sont ouverts, qui sont capables de démarches pour faire en sorte qu'on puisse s'entendre puis que tout le monde puisse s'épanouir.

Mais effectivement il faut, à un moment donné, aussi tirer le trait, démontrer que, bien, c'est comme ça aussi que ça se passe ici, au Québec, tout simplement.

Mme Weil: Mais d'ailleurs, vous parlez de communication, je vais peut-être vous poser une question plus pointue sur l'article 6, parce qu'il y en a qui vont venir pour... tantôt, d'ailleurs après vous, un groupe qui va dire que c'est trop vague quand on parle de communication.

Évidemment, ça inclut la pédagogie et ça inclut évidemment le professeur qui doit échanger, ça pourrait être un cours de langue ou autres, mais qui a vraiment besoin de communiquer dans le sens très large. On a choisi le mot justement parce que ça peut comprendre beaucoup de situations où on a vraiment besoin de voir le visage de l'autre pour transmettre un message. Vous, est-ce que vous avez des commentaires plus précis par rapport à... Je sais que vous le trouvez raisonnable. Mais le mot «communication», pour vous, vous l'avez trouvé raisonnable comme concept. Il y a la sécurité, l'identification. Ça, c'est évidemment très évident pour tout le monde. Mais, la «communication», pensez-vous que le mot tel quel est tout à fait correct ou...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Tremblay, oui.

**(14 h 40)**

M. Tremblay (Bernard): Simplement, effectivement, pour nous, les critères importants, ils sont plus associés à la question de la sécurité et de l'identification. Et donc le mot «communication», pour nous, ne nous posait pas de difficulté. Mais nos références, comme le disait Mme Bouchard, étaient vraiment être en mesure, lorsqu'une personne entre en contact, là, avec du personnel scolaire, vient dans une école, qu'on puisse l'identifier, qu'on puisse assurer la sécurité des élèves, qui sont dans cet établissement-là, et du personnel qui s'y trouve.

Donc, c'étaient nos deux assises. Mais effectivement le mot «communication», pour nous, avait à la fois un sens assez large et adéquat pour les objectifs du projet de loi.

Mme Weil: Très bien. Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? M. le député de Vanier, oui.

M. Huot: J'avais un petit commentaire. Vous nous avez dit... Dans votre introduction, vous avez mentionné beaucoup de statistiques sur le nombre d'accommodements, puis, je regardais votre mémoire, on ne les a pas. En tout cas, s'ils sont dans le mémoire, je suis passé à côté, là. Dans la présentation que vous avez faite...

Mme Gagnon (Pâquerette): ...le document de travail.

M. Huot: ...sur le nombre que vous avez eu sur... qui concernait... Moi, c'est parce que je ne les avais pas devant moi. Je ne sais pas si c'était possible de les déposer, simplement, là.

M. Guimont (Alain): ...les déposer. Toutes les statistiques sont dans le rapport Bergman Fleury. À titre d'exemple, sur les 2 271 directions d'école consultées, 1 500 ont répondu, et, sur les 1 500, il n'y a que 350... si je ne m'abuse, 351 personnes, donc directions, qui ont dit, déclaré avoir reçu ou avoir traité une demande d'accommodement raisonnable. Donc, sur, finalement, sur 2 700 directions, 351 demandes pour les années 2004-2005, 2005-2006, 2006-2007.

M. Huot: ...par année, là, c'est en tout?

M. Guimont (Alain): Pour trois ans. La consultation a été menée en 2007. Et, pour les années 2004-2005, 2005-2006, 2006-2007... 351 demandes d'accommodement raisonnable, seulement.

M. Huot: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci infiniment. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Bon lundi. On devrait être dans nos circonscriptions, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Eh oui, je le sais.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bon. Alors, bonjour. Bonjour, Mme Bouchard, Mme Gagnon, M. Guimont, M. Tremblay. Merci donc d'être à notre commission avec nous cet après-midi. Moi, je voudrais poser justement un certain nombre de questions qui d'ailleurs... qui vont ressembler peut-être un peu à ce que nos collègues d'en face... aux questions que les collègues d'en face ont posées, mais peut-être de ma compréhension et de mon interprétation, pour que je sois bien certaine, là, d'avoir bien saisi.

Alors, rassurez-moi, dans un premier temps. Dans nos écoles déconfessionnalisées, comme vous l'avez si bien dit, vous nous avez expliqué que justement... qu'il pouvait arriver, rarement... mais qu'il pouvait arriver qu'un parent, donc le père, vienne voir une direction d'école et, voyant là une femme, ô horreur, se dit: Bien là, moi, non, l'autorité ultime, ça devrait être un homme dans une école, parce que sa religion lui dit ça. Et j'ai bien compris quand même que vous ne changerez pas la directrice de l'école pour un directeur. Vous êtes accommodants, mais pas à ce point-là. Bon.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Très bien. Merci, c'était important, là. Parce que j'ai compris que vous dites: Bien, il peut y avoir un enseignant qui va être là ou je ne sais quoi. Mais malgré tout laissez-moi vous dire ma surprise à quelque part, et je pense que je ne suis pas la seule, des écoles déconfessionnalisées.

Il me semble que, quand on dit «déconfessionnalisation», on dit «laïcité», on dit qu'on devrait finalement, me semble-t-il, expliquer en effet «accompagner». Je suis 100 % d'accord. D'ailleurs, avant, je disais plutôt que... en tout cas, je dirais, avant, pendant et après en effet que l'accompagnement se fasse, que l'explication se fasse, se dise. Comme vous avez dit, Mme Bouchard, à un moment donné, bien au Québec c'est comme ça qu'on fait les choses puis qu'il faut quand même tirer un trait à un moment donné et qu'on ne peut pas, pendant, j'imagine, en tout cas, des années, là, faire en sorte que la même personne revienne pour dire la même chose, etc.

Bon. Moi, je vous fais le commentaire quand même, que ça m'a étonnée que, dans nos écoles déconfessionnalisées, ce soit comme ça, mais vous m'avez quand même relativement rassurée sur le point central.

Deuxièmement, je voudrais vous poser une question plus précise concernant les congés en effet dont vous avez parlé. Et, quand j'ai rencontré, il y a quelque temps, Diane De Courcy, parce que, bon, à Montréal... disons que, moi, là, je suis députée d'une circonscription de Montréal, et puis c'est évident que, toutes ces questions-là, Mme De Courcy, elle doit les gérer dans son personnel d'abord, m'a-t-elle dit en effet, et dans les écoles. Et, là aussi, j'étais étonnée, dans nos écoles déconfessionnalisées qu'il y ait des demandes de lieux de prière dans nos écoles déconfessionnalisées. Elle m'a dit qu'elle avait fait ces remarques-là dans son mémoire, parce qu'il y a eu un mémoire particulier de la commission scolaire de Montréal, à Bouchard-Taylor, pour dire qu'eux, ils avaient, à la commission scolaire, des préoccupations très, très précises à propos justement de ces demandes, dans nos écoles secondaires, de lieux de prière et aussi de congés donc, etc.

J'aimerais ça savoir comment vous réglez ça. Je vous rappelle que les écoles sont déconfessionnalisées ça fait déjà un petit bout de temps, et je pense qu'il y a un vrai consensus, un vrai consensus dans la société québécoise, qui n'a pas été facile. J'étais au gouvernement à ce moment-là, là, puis, ces démarches-là, on les a faites. Puis à l'époque l'Église catholique était, hein, plus ou moins enthousiaste à l'idée qu'on était pour déconfessionnaliser nos belles écoles catholiques et protestantes. Ça s'est fait. Ça s'est fait justement dans un assez large consensus. Aujourd'hui, je pense qu'il y a vraiment, là, quelque chose d'important pour la collectivité québécoise.

Mais alors, quand on revient, si je peux dire, en disant: Bien, nous, il nous faut un lieu de prière ou, nous, il nous faut un congé particulier, comment ça se règle concrètement, puisque vous avez en effet cette expertise?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. Tremblay.

M. Tremblay (Bernard): Oui, effectivement. D'abord, peut-être mentionner que, vous l'aurez compris, notre mémoire s'appuie évidemment sur des constats qui sont faits, entre autres, à la commission scolaire de Montréal, où ils sont évidemment bien placés pour témoigner de difficultés et de solutions aussi.

Nous n'avons pas repris la question des lieux de prière. Mais ça reste effectivement une problématique. Et effectivement on ne l'a pas repris. Considérant l'objet du projet de loi, on a préféré se concentrer sur les congés pour fêtes religieuses qui nous semblaient être une problématique plus générale. Mais effectivement c'est une problématique dans certains milieux, le fait de devoir gérer des demandes pour avoir des lieux de prière, et je vous dirais que c'est une situation qui est effectivement difficile à gérer. Et les solutions sont assez variables, je pense, d'un milieu à l'autre. Et vous amenez, je pense, là, un élément qui demeure quand même quelque chose sur lequel on devrait réfléchir.

Pour ce qui est des congés pour fêtes religieuses, la situation est quand même différente puisqu'il existe un cadre que sont les conventions collectives. Et parallèlement à ça, donc, comme on le disait dans notre mémoire, il y a la Charte des droits qui nous oblige à une forme d'accommodement. Il y a une décision de la Cour suprême, qui vient du réseau scolaire, du début des années quatre-vingt-dix, qui a reconnu ce devoir d'accorder des congés payés pour fêtes religieuses. Évidemment, c'est une décision de 1991, une époque, là, où on débutait quand même, là, la réflexion sur la notion d'accommodement raisonnable. Et depuis ce temps il y a eu un certain nombre de décisions mais des décisions plus d'arbitres de grief, qui font en sorte que la solution qui était proposée dans le cadre du rapport Bouchard-Taylor, et je vous la rappelle, qui était de mettre sur pied un comité d'experts et de réfléchir à des modèles, par exemple, de compensation, c'est-à-dire accorder le congé, rémunérer la personne mais, du même souffle, lui demander, d'une certaine façon, de redonner, à d'autres moments, le travail qu'elle n'aurait pas accompli, cette démarche-là, la commission scolaire de Montréal l'a faite, l'a réalisée et... a été donc, comment dire, contestée et a perdu donc ou s'est fait dire donc que cette approche-là n'était pas possible, par un arbitre de grief.

C'est ce qui explique pourquoi on revient avec notre demande en disant: Écoutez, nous, on pense que ça prend une intervention du législateur, puisque la voie usuelle, la voie de la gestion et des contestations devant les arbitres de grief, n'a pas produit les résultats escomptés. Et ça amène des situations, puis je redonne un exemple de la commission scolaire de Montréal, où on me disait que dans un établissement, récemment, un certain groupe d'enseignants ont revendiqué d'avoir... comment dire, de changer de religion, d'être maintenant convertis à l'islam en pensant... et on comprend que c'est un peu une façon de témoigner de leurs frustrations, en disant: Bien, écoutez, nous aussi, on veut les avoir, ces congés-là, ou bien trouvez une façon de compenser. À d'autres occasions, ce sont des pétitions qui ont circulé.

Encore une fois, c'est un exemple de la commission scolaire de Montréal, mais vous aurez compris qu'on aurait pu parler aussi de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, sur la pointe... dans la partie ouest de Montréal, ou la commission scolaire Pointe-de-l'Île. Et, dans d'autres régions, aussi, évidemment, cette situation-là se présente.

**(14 h 50)**

Mme Bouchard (Josée): Sherbrooke, par exemple.

M. Tremblay (Bernard): Sherbrooke et... Voilà.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme la députée de Rosemont, allez-y.

Mme Beaudoin (Rosemont): C'est très intéressant, parce que, là, vous m'avez appris quelque chose. C'est sûr que, nous, on va revenir, quand on sera en article par article, là, avec des propositions, parce que, là, ce que vous me dites, s'il y a des arbitres de grief qui renvoient en quelque sorte la commission scolaire de Montréal à, je veux dire, à des solutions qui ne sont, de mon point de vue, absolument pas acceptables... je veux bien apostasier puis changer de religion, mais c'est complètement ridicule, là, hein? Je veux dire, quand tu... J'imagine que c'est de l'ironie puis de la provocation de la part des enseignants. Bon.

Alors, je vais poser une dernière question, pour laisser à mes collègues le temps de poser des questions aussi. Je voudrais revenir, parce que c'est vraiment très intéressant, là... Vous nous dites: Bon, ces demandes d'accommodement religieux, si j'ai bien compris, sont venues... bon, vous avez donné des chiffres: 197, donc des chrétiens, de l'ensemble des religions, disons, chrétiennes; 152 des Témoins de Jéhovah; 153, musulmans; 62, Juifs.

Moi, je voudrais savoir qu'est-ce que les chrétiens demandent comme accommodements religieux.

M. Guimont (Alain): Je dirais très succinctement que ça touche particulièrement la tenue vestimentaire et le port de sigles religieux.

Mme Beaudoin (Rosemont): Par exemple?

M. Guimont (Alain): Bien, ça peut être des...

Une voix: ...

M. Guimont (Alain): Pardon?

Une voix: ...

M. Guimont (Alain): Bien, c'est-à-dire que... Je ne veux pas entrer dans les détails, ce n'est pas un domaine dans lequel je suis familier, mais vous avez des catholiques qui ont des pratiques différentes de d'autres catholiques, qui sont plus conservateurs, plus ouverts, un peu moins... et ça peut toucher, à titre d'exemple, une jeune catholique qui, pour des considérations, bon, fondées sur la religion, refuse de porter un vêtement au cours d'éducation physique.

Mme Bouchard (Josée): Ou un maillot de bain, par exemple, pour aller à la piscine... maillot de bain.

M. Guimont (Alain): Le maillot de bain. Alors, il n'y a pas seulement que les jeunes musulmans qui invoquent la religion...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...dans toutes les religions.

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): Voilà. C'est mon point.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...Tremblay.

M. Tremblay (Bernard): D'autres exemples. On vient tout juste de passer la fête de l'Halloween. Vous savez qu'il y a des gens qui sont plus sensibles au fait que ce soit associé aux morts et à des traditions païennes, alors ça aussi... Ou bien, par rapport à certains enseignements dans certains cours, hein, le créationnisme versus la théorie de l'évolution, alors il y a des groupes... Ce n'est pas des groupes évidemment qui sont nombreux, mais ça prend juste une personne pour faire la demande.

Il faut bien comprendre que ce n'est pas parce que la demande est faite qu'évidemment... qu'elle est acceptée, là, on s'entend bien ici, là. Mais on témoigne ici des types de demandes qui ont été adressés. Et là-dessus je pense que, pour reprendre les commentaires qu'on a formulés précédemment, oui, il y a une tentative évidemment d'ajustement, parce que des fois on va parler plus d'ajustement, d'autres fois on va parler plus d'accommodement, parce que des fois le motif, il peut paraître religieux, mais il peut être culturel, on l'a dit, et, à ce moment-là, on n'est plus dans le domaine de la charte. Et il y a cette perspective-là de trouver une façon de dialoguer avec la personne, de faire comprendre à la personne dans quelle société elle vit et comment, au Québec, on se comporte aujourd'hui.

Donc, c'est sûr que je pense qu'en éducation, on l'a bien dit, on a une approche d'essayer de convaincre et d'éduquer plutôt qu'une approche, là, de refus, qui amènerait, dans le fond, une cristallisation, dans le fond, des rapports. Mais il demeure qu'il y a quand même un discernement, qui est fait, pour dire: Il y a des choses qu'on accepte, des choses qu'on ne doit pas accepter, et d'où, comme le disait mon collègue, l'idée qu'il y ait un comité, maintenant depuis plusieurs années, qui se penche sur un guide et une approche plus, je dirais, plus précise et plus pratique pour aider les directions d'école à dialoguer et à justement savoir dans quelle situation, oui, cette approche-là peut être acceptable et dans quelle autre situation il faut effectivement mettre une limite et dire non.

Les programmes, par exemple les programmes d'éducation, bien ça, c'est quelque chose qui est à peu près intouchable. Je veux dire, on ne peut pas arriver et dire: Bien, ça, je n'aime pas cet enseignement-là et donc je ne veux pas que mon enfant le reçoive. Donc, on voit évidemment tout le débat sur justement le cours d'éthique et de culture religieuse.

Alors, vous voyez, je pense que c'est une belle illustration du type de situations qu'on vit quand même au Québec.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Vous quatre, merci pour votre éclairage. Deux questions relativement courtes, pour ma part.

À travers les statistiques que vous avez évoquées, on voit clairement qu'il n'y a pas une religion, plutôt qu'une autre, qui se démarque à travers les demandes d'accommodement qu'elles peuvent chacune générer. Ne trouvez-vous pas dangereux dans cette circonstance-là que le seul exemple précis du projet de loi à l'étude se réfère à une religion en particulier à travers un signe qui n'est pas partagé par l'ensemble de ses pratiquants? Mais, clairement, on ne touche qu'une seule religion dans l'exemple précis que l'on donne.

Donc, il n'y a pas là danger d'un certain double message ou sinon alimenter certains préjugés qui, malheureusement, sont fort dommageables aux pratiquants de cette religion, en particulier?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Tremblay.

M. Tremblay (Bernard): Je vous dirais que, pour nous, et c'est ce qu'on partageait justement avant la présentation de cet après-midi, pour nous, on voit le projet de loi un peu comme une oeuvre pédagogique, Mme Bouchard l'a dit, et donc, face à une situation qui insécurise, je crois, la population du Québec et effectivement qui est associée peut-être plus à une religion, on voit le projet de loi comme peut-être une étape, là, qui permet aux gens de réaffirmer des choses auxquelles les gens croient.

Donc, l'idée qu'il faut que les gens soient identifiables et puissent s'identifier dans un lieu public lorsqu'ils... pardon, lorsqu'ils obtiennent des services dans l'administration publique, et l'autre élément, le fait de reconnaître et de réaffirmer cette égalité entre hommes et femmes... alors peut-être que la source du projet de loi découle d'événements qui sont plus associés à un groupe, mais en même temps, si c'est, comment dire, si c'est le déclencheur, pour nous, le résultat qu'est le projet de loi est quand même acceptable et quand même, je dirais, éducatif, à certains égards.

M. Charette: Vous me parler d'étapes. Est-ce à dire qu'une subséquente serait souhaitable ou vous pensez, à travers l'actuel projet de loi, qu'on règle, de façon définitive et de façon évidente, le débat des accommodements raisonnables?

Et on aime rappeler, du côté de l'opposition officielle, que ce débat-là a surtout été dommageable à l'endroit justement des immigrants pour qui il n'y a pas de lien causal, hein? Ce n'est pas une question d'immigration. Et vous l'avez vous-même dit, à juste titre. Très, très peu des écoles qui font l'objet de demandes sont des écoles à vocation ou sinon à clientèle issues de l'immigration. Donc, ils en ont été les premières victimes, d'où l'importance, nous croyons, de régler de façon claire ce problème-là. Donc, première étape: Est-ce que c'est la dernière?

Est-ce que c'est suffisant pour régler ce débat qui, malheureusement, est récurrent avec les années?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, Mme Gagnon. Allez-y.

Mme Gagnon (Pâquerette): Alors, si vous permettez... Non. Quant à nous, effectivement c'est une étape. Quant à nous, ça ne passera peut-être pas par une nouvelle loi. Mais on vous a parlé des congés religieux. Il n'y a rien de réglé, avec le projet de loi, sur la question des congés de religieux, donc on demande une modification ailleurs. Alors, pour nous, là, ça ne se termine pas ici pour cette question-là.

Et l'autre aspect, c'est le comité qui poursuit ses travaux. Pour le milieu scolaire, il est très important d'outiller les directions d'établissement. On pense que tout n'est pas réglé, mais une oeuvre pédagogique, on l'a dit, là, de chaque côté de moi, et c'est comme ça qu'on l'interprète... Mais, pour nous, le dossier n'est pas complet avec ce projet de loi-là. On n'est pas en désaccord, mais il faut que se poursuive... Puis c'est un dossier qui risque d'évoluer au Québec aussi, là. Alors, on dit: Les congés, il faut que ça se règle quelque part, et on insiste là-dessus, on l'a déjà dit à la commission Taylor-Bouchard, on l'avait dit, on le redit, et toute la question du comité pour outiller les directions d'établissement...

M. Charette: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député, ça va? M. le député de Deux-Montagnes? Oui? M. le député de Bourget.

M. Kotto: Merci, M. le Président. Mesdames messieurs, soyez les bienvenus, et merci pour votre exposé. J'avais, lors de votre laïus, pris quelques notes qui m'inspiraient trois courtes questions et j'aimerais avoir de courtes réponses pour être rassuré, à mon tour.

Au-delà des chartes et de la Constitution, est-ce que, de votre point de vue, l'école n'est pas le lieu idéal pour dresser les remparts contre les dérives obscurantistes qui conduisent à des modes d'être coupé de la réalité? Première question: Est-ce que l'école... n'est-il pas le lieu idéal pour une instruction soucieuse de culture et de raison pour une authentique autonomie des personnes? Et dernière question -- c'est une question qui rejoint les autres également: Est-ce que ce n'est pas le lieu de développement des exigences d'une rationalité critique?

Mme Bouchard (Josée): ...pour l'ensemble des questions, vous permettez, M. le Président?

**(15 heures)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, bien sûr.

Mme Bouchard (Josée): Effectivement, d'abord, notre rôle, notre mission, hein, c'est de faire réussir, comme on le disait tout à l'heure, les élèves mais aussi de les socialiser, et je pense que ça, ça fait partie de ça, de cette mission-là.

Et il ne faudrait pas comprendre, à travers la présentation aujourd'hui, que, parce que nous sommes dans un mode d'échange, d'écoute, vraiment de conciliation... que ça veut dire qu'on est une passoire ou qu'on est des gens qui n'ont pas de colonne ou qui ne reflètent pas la culture québécoise. Tout au contraire, tout au contraire... Et je pense que ça, c'est notre rôle aussi, effectivement, de faire en sorte qu'on reflète vraiment l'inclusion et qu'on puisse, dans le fond, démontrer qu'à travers la... quand je dis «socialiser», c'est aussi montrer que bien, dans une société pluraliste comme la nôtre, on puisse donner l'exemple de la conciliation, de l'écoute de l'autre, de l'acceptation de l'autre mais en affirmant aussi sa propre culture, la culture qui est majoritaire ici, au Québec.

Et effectivement, dans ce sens-là, il faut avoir des balises claires, et un projet de loi comme celui-ci, bien, à mon avis, là, c'est un pas dans la bonne direction. Mais je voudrais être rassurante à votre endroit, à tous ces chefs, là, que vous exposez à travers vos trois questions.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...M. Guimont, non? Mme Gagnon.

Mme Gagnon (Pâquerette): J'ajouterai, si vous permettez, qu'on est dans un débat semblable à celui, qu'on a commencé avec la ministre de l'Éducation lundi dernier, sur la notion de l'école inclusive.

Alors, c'est de ça qu'on a parlé lundi dernier, quand on a parlé, dans la rencontre des partenaires, sur l'adaptation scolaire, l'intégration de tous les élèves. Alors, c'est de ça qu'on vous parle. N'est-ce pas la mission de l'école publique? Alors, c'est aussi la mission de l'école publique de s'assurer que tous les élèves, quelle que soit leur provenance, quelles que soient leurs difficultés... on fait oeuvre d'instruire, socialiser et qualifier. C'est ça, la mission des commissions scolaires, des écoles du Québec. Alors, c'est dans ce sens-là qu'on vous dit: Oui, c'est dans les valeurs.

Tantôt, j'ai parlé du cours d'éthique et culture religieuse. C'est un exemple. Ce cours-là est fait pour... Tranquillement, on évolue. Il y a de plus en plus de personnes au Québec qui comprennent le sens de ce cours-là. Alors, c'est tout à fait dans ce sens-là qu'on travaille.

M. Kotto: O.K.

Mme Bouchard (Josée): Me Guimont aussi, je pense, voulait rajouter quelque chose.

M. Kotto: Pardon.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. Guimont.

M. Guimont (Alain): Un simple commentaire. Pour avoir siégé sur le comité qui a conduit au dépôt du rapport de Bergman Fleury, un constat se dégage, c'est que toute la problématique des accommodements, ce n'est pas un problème d'élèves, c'est un problème d'adultes.

Dans les écoles, les demandes d'accommodement ne sont pas formulées par les élèves, c'est... Dans la grande majorité des cas, c'est par les parents, naturellement. Les jeunes n'ont pas de problème, ce sont les parents qui ont des problèmes. C'est un constat qui s'est dégagé des travaux du comité Bergman Fleury. Merci.

M. Kotto: M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, toujours.

M. Kotto: En fait, vous avez anticipé sur ma prochaine question. C'est justement l'héritage au niveau des valeurs, quand ces parents font le constat qu'effectivement il y a des failles ou il y a des fenêtres à travers lesquelles ils peuvent continuer à, disons, influencer les orientations intellectuelles ou spirituelles de leurs enfants. Il est à penser que plus tard, quand ces derniers deviendront eux-mêmes parents, ils continueront dans la même logique. Donc, on aura de fait le même problème avec ces nouveaux parents qui étaient les enfants d'hier. La roue tourne et en fait elle ne change pas d'identité.

Est-ce que, dans cette perspective-là, le Québec de demain est voué à un Québec où on va vivre dans la logique de l'ensemble ou dans celle de la différence et de l'indifférence?

Mme Bouchard (Josée): ...philosophique. Non, écoutez, moi, je suis confiante dans l'avenir du Québec. Je pense qu'on est... on a tellement d'ouverture. Écoutez, c'est un pays riche en termes de valeurs, d'ouverture et, je pense, qui fait la fierté de plusieurs autres nations au monde. Et on a réussi ailleurs, je ne vois pas pourquoi on ne réussirait pas ici. C'est juste qu'on a besoin de quand même avoir des balises claires. Il existe des lois pour ça. C'est pour ça qu'on les fait.

Il faut que le message soit clair. Maintenant, est-ce qu'effectivement... Il y en a peut-être là-dedans effectivement qu'on ne réussira pas à convaincre, puis c'est ça aussi vivre dans un État démocratique. On ne peut pas non plus se substituer aux parents. Chacun vit ses propres influences. Et on a souvent tendance à demander à l'école de tout faire, quasiment de les élever. Alors, là-dessus, je vais vous dire avec beaucoup d'humilité, bien humblement, que ça, ce n'est pas notre travail. Les parents ont une responsabilité, les familles ont une responsabilité là-dedans, et notre gouvernement a effectivement... vous avez la responsabilité de faire en sorte que les balises donc qui sont édictées par les lois soient claires, que le message soit clair de comment on vit au Québec.

M. Kotto: ...une dernière question, non?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Quelques instants.

M. Kotto: Une toute petite question. Donc, si je vous entends bien, le fait de la déconfessionnalisation n'est pas une chose suffisante?

Mme Bouchard (Josée): En fait, ça va... Ce que je peux vous dire, c'est que ça va très bien depuis que, moi, je suis vraiment dans ce système-là, depuis... Je suis engagée en politique scolaire depuis 1994, donc je l'ai vécue, cette transition-là. Ça s'est fait magnifiquement. Ça, on peut se féliciter de ça.

Et est-ce que c'est suffisant? Ce qu'on vous dépose aujourd'hui, ce qu'on vous présente aujourd'hui, c'est qu'on dit: Il y a quand même encore des choses à parfaire, et je pense qu'on les a exposées assez clairement. Et c'est dans ce sens-là qu'on dit: Bien, c'est ça, il y a encore de l'amélioration à apporter.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Gagnon, le mot de la fin ou...

Mme Gagnon (Pâquerette): Non.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Non? Ça va. Mme Gagnon, merci infiniment. Mme Bouchard, M. Guimont et M. Tremblay, bon retour chez vous. Merci de vous être présentés en commission. Je suspends quelques instants...

Une voix: ...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Excusez-moi. Oui. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que l'Association canadienne des libertés civiles prenne place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 7)

 

(Reprise à 15 h 8)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, la commission reprend ses travaux. Bonjour, Mme Des Rosiers. C'est ça. Mme Nathalie Des Rosiers, vous êtes directrice exécutive et avocate générale pour l'Association canadienne des libertés civiles. C'est bien ça?

Association canadienne
des libertés civiles

Mme Des Rosiers (Nathalie): C'est ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bienvenue à notre commission, madame. Donc, je vous rappelle les règles -- vous avez peut-être... vous étiez peut-être là quand on les a édictées: c'est 10 minutes pour votre présentation et puis 25 minutes d'échange de part et d'autre. Donc, à vous la parole, madame.

**(15 h 10)**

Mme Des Rosiers (Nathalie): D'accord. Bien, pour commencer, je veux vous remercier de m'accueillir ici.

L'Association canadienne des libertés civiles existe depuis 1964. Elle a été surtout bien connue suite à la Loi sur les mesures de guerre, où elle avait été assez active. Depuis ce temps-là, évidemment elle s'est toujours... elle intervient devant les tribunaux et à plusieurs reprises elle est intervenue devant la Cour d'appel du Québec sur des questions de liberté d'expression, entre autres, et de liberté de religion. Nous sommes aussi assez actifs, là, présentement dans les répercussions sur le G20. Et alors notre approche est essentiellement, là, de s'assurer que la société québécoise, canadienne continue de protéger adéquatement ces libertés civiles.

Récemment, depuis que le mémoire a été déposé... Je vais aussi discuter de trois points ici: nos inquiétudes face à l'article 6, qui vont occuper la première partie de mes remarques; par la suite, dans la mesure où l'article 6 serait modifié ou carrément, là, retranché pour être discuté ailleurs dans peut-être une directive plutôt que dans le projet de loi, j'ai aussi quelques petites remarques sur le projet de loi et sur l'intention, là, qui est véhiculée; et finalement, bien, quelques mesures alternatives ou d'autres mesures qui peut-être devraient être mises de l'avant pour compléter l'oeuvre pédagogique, là, ou l'oeuvre de clarification qui a été entreprise sur la question des accommodements raisonnables qui, on le sait bien... Finalement, les accommodements raisonnables de caractère religieux sont un débat houleux mais finalement assez restreint.

La plupart des accommodements raisonnables évidemment viennent de la part de personnes handicapées qui ont besoin de se voir reconnaître un changement dans leurs emplois pour pouvoir bien participer à la société, à la productivité, là, de la société. Alors, il est important donc que, dans le but de régler un problème d'accommodement, on n'en crée pas d'autres pour d'autres personnes qui ont besoin du mécanisme de l'accommodement raisonnable, entre autres, là, les personnes handicapées.

Alors, l'association s'inquiète beaucoup de l'article 6 pour les raisons suivantes. À sa face même, il semble cibler un groupe en particulier et donc il suggère qu'on doit être particulièrement vigilant pour justifier si cette identification est nécessaire. Évidemment, et je vais parler un peu d'une cause récente, là, de la Cour d'appel de l'Ontario, la cause N.S., où, une femme, qui avait son niqab, on lui a permis... En tout cas, la question était si elle avait le droit de témoigner dans une cause d'agression sexuelle. J'imagine que le comité en est très familier. Nous étions intervenus dans cette cause-là, et je vais en parler parce que, selon nous, ce qui nous inquiète, c'est qu'on a peur que l'article 6 vise à pénaliser certaines femmes dont on veut particulièrement leur permettre d'avoir accès à des services dans certaines circonstances.

Alors, le premier aspect sous l'article 6, qui nous semble dangereux, c'est un peu la malléabilité du mot «communication». Il nous semble que le mot «communication», sans plus de précisions, pourrait être interprété de façon beaucoup trop large et pourrait donc, par exemple, exiger qu'une employée soit obligée d'enlever son niqab, par exemple, même si elle travaille à répondre au téléphone, même si elle travaille dans un contexte où le contact direct avec le public n'est pas là. On peut aussi s'inquiéter du fait que...

Et là je vais me référer à la Cour d'appel de l'Ontario dans la façon dont elle a abordé la question ou la question de savoir si une femme, par exemple... Prenons la victime dans la cause N.S., et qui a été agressée sexuellement en tant qu'enfant, et qui se présente devant les tribunaux pour être entendue et pour avoir justice, finalement. Alors, elle représente évidemment une victime dont on voudrait faciliter l'accès aux tribunaux. C'était l'argument que l'Association canadienne des libertés civiles a présenté, que l'accès à la justice ici était un facteur déterminant, et donc on devait, d'une certaine façon, ne pas créer d'obstacle, à moins qu'il ne soit absolument nécessaire. Et c'est un peu ce que la Cour d'appel de l'Ontario a décidé, c'est-à-dire que, dans la mesure où il n'est pas absolument nécessaire de se dévoiler, d'enlever le niqab, madame aurait le droit de témoigner, seulement dans la mesure où il serait pertinent... réellement pertinent de ne pas... pour évaluer sa crédibilité à procès ou pour une question d'identification qui soit liée peut-être à un cicatrice. Autrement, elle devrait avoir la possibilité de témoigner de la façon dont elle est la plus confortable.

L'article 6 ici... Si madame arrivait pour se présenter pour obtenir une indemnisation en vertu de la loi sur les victimes d'actes criminels, qui cherchait à obtenir donc une compensation, une indemnisation qui pourrait l'aider à poursuivre ses démarches et à être indemnisée selon... il serait difficile... Je pense que, lorsqu'on lit l'article 6, on s'inquiète du fait que probablement on exigerait qu'elle enlève son niqab pour communiquer, pour être identifiée auprès du service. Ça nous semble incompatible avec l'objectif de l'égalité des hommes et des femmes. Des groupes de femmes particulièrement vulnérables ont besoin qu'on leur offre l'accès à des services plutôt que de créer des barrières qui pourraient les empêcher donc d'accéder à ces services.

Alors, ça, c'est le point de vue, là, qu'il nous semble important de réaliser.

Est-ce qu'en voulant créer... En voulant donner un exemple, le seul exemple d'ailleurs dans la loi, qui est plus spécifique, est-ce qu'il est nécessaire de mettre cet exemple-là dans la loi plutôt que dans une directive ou de laisser de côté ce problème-là pour éviter de cibler un groupe en particulier, donc de suggérer que la loi doit être évaluée sur la base du principe d'égalité, et donc qu'elle devra être contestée certainement, et donc qu'elle devra être évaluée dans ce contexte-là? Est-ce qu'il n'est pas préférable de ne pas prendre cette voie-là pour éviter donc que certaines femmes soient... on leur empêche... on leur crée un problème d'accès à des services gouvernementaux?

Le deuxième point qu'on faisait puis qui est un point peut-être plus théorique, mais malgré tout je vous le soumets, c'est dans... je n'ai pas de problème, on n'a pas de problème avec le mot «sécurité», ça représente évidemment le droit actuel de toute façon, l'identification. Le projet de loi semble impliquer qu'il y a un devoir d'identification de la part du citoyen lorsqu'il ou elle s'adresse aux services gouvernementaux. À notre avis, c'est inapproprié de présumer que le citoyen, la citoyenne ou le résident ou la résidente a un devoir d'identification lorsqu'il s'adresse au gouvernement. Ce n'est pas toujours le cas. Et c'est dangereux. C'est comme si, par la voie de ce simple petit mot là, on invite... on change un peu le rapport entre l'État et le citoyen. Normalement, l'État n'a pas à demander à son citoyen de s'identifier et de prouver qu'il existe, qu'il est ici, qu'il a ici de bonnes... pour des bonnes raisons ou pour des raisons juridiques ou légales. En tout cas, dans les sociétés, jusqu'à présent, là, les sociétés qui ont résisté la carte d'identification obligatoire, qui ont résisté l'obligation de s'identifier à la police ou de collaborer à la police... C'était un des enjeux d'ailleurs dans le G20, là.

Alors, nous, ça nous inquiète un peu que, de façon assez subtile, ici on voit ressortir une nouvelle catégorie d'obligation, que le citoyen aurait face à l'État, de s'identifier automatiquement. Alors, c'est ce qui nous inquiète dans la façon dont l'article 6 est écrit et libellé et finalement l'exemple, là, qu'il pourrait mettre de l'avant.

Alors, le deuxième point que je veux faire, c'est... Présumons que vous décidez d'amender l'article 6 ou de, carrément, de le retrancher. Est-ce que le projet de loi, en dehors de l'article 6, pose des problèmes? Et la seule remarque, là, que je voudrais faire... Récemment, dans la décision sur les... l'Alberta contre les huttérites, vous vous souviendrez que la Cour suprême, dans cette décision-là, dit que, si le législateur décide de procéder par lois, il n'a plus l'obligation d'être soumis aux accommodements raisonnables, n'a plus l'obligation de négocier ou de consulter avec les communautés affectées. On peut penser qu'un législateur ou... peut toujours vouloir consulter avec les populations affectées, simplement pour avoir une meilleure idée, là, de l'impact de sa loi. Mais malgré tout de procéder par voie législative ici semble retirer la question des accommodements raisonnables de la dynamique dans laquelle elle existe maintenant, qui est la contrainte excessive, pour la mettre sur un plan différent où elle serait moins... et ce serait un mode beaucoup plus rigide pour les gens qui veulent se prévaloir de la... avoir une demande d'accommodement raisonnable.

Et c'est ici que nous nous inquiétons de l'impact sur, par exemple, les personnes handicapées. Est-ce que d'avoir décidé d'opter pour un mode législatif, qui définit de façon adéquate, qui représente le droit actuel mais plus rigide... est-ce que ça va avoir un impact sur l'accès et la flexibilité des accommodements raisonnables pour l'ensemble des gens qui s'en prévalent?

Alors, c'est une question que je soulève. Je pense qu'elle devrait être évaluée avant de procéder trop rapidement. Encore une fois, on ne voudrait pas préjudicier un groupe de citoyens, là, pour répondre à d'autres objectifs.

Et finalement je pense qu'on doit s'inquiéter de savoir si l'objectif... Est-ce que l'objectif est vraiment de codifier le droit existant ou est-ce que c'est une codification modifiée? Est-ce qu'en... Au lieu d'«utilisation», le mot «codification», qui serait peut-être plus clair... est-ce qu'on tente de changer l'état du droit? Et, si c'est le cas, je pense qu'on gagnerait à être plus clair sur exactement quel est l'objectif qui est visé. Je pense que ça pourrait éliminer certains des problèmes, là, qu'on a vus dans les discussions, un peu partout, là, sur ce projet de loi là.

Et finalement, bien, je vais terminer là-dessus parce que mon temps... Mesures alternatives. Dans la mesure où il y a des groupes qui déjà se sont sentis ciblés, il importe...

**(15 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Des Rosiers, simplement demander le consentement, là, parce qu'on a largement dépassé le temps. Est-ce que ça vous va?

Des voix: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Allez-y.

Mme Des Rosiers (Nathalie): D'accord. Dans la mesure où il y a des groupes, je pense que ça prend une offre proactive de services, et, d'une certaine façon, il faudrait accompagner... qui accompagne ce projet de loi là un peu de la même façon, là, que les groupes de parlementaires européens, par exemple, offrent toujours... S'ils disent: On veut interdire la burqa, ils reconnaissent immédiatement qu'il doit y avoir une offre proactive de services pour compenser le message. C'étaient mes...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci infiniment pour votre présentation. Mme la ministre, pour la période d'échange.

Mme Weil: Oui. Merci. Merci beaucoup, Me Des Rosiers, merci d'être venue, merci de partager votre point de vue. Et je vais en profiter, parce que je vois que vous avez une spécialité puis dans ce domaine, et évidemment je suis intéressée par vos commentaires.

Le Barreau avait fait un commentaire général. Vous, vous n'êtes en général pas d'accord avec le... peut-être ce projet de loi. Le Barreau avait souligné l'aspect pédagogique, et, moi, je l'ai souligné aussi, qu'évidemment, quand un débat public devient tellement, comment dire... qui a préoccupé depuis plusieurs années la société québécoise, le gouvernement ne peut pas rester insensible, et les pressions étaient fortes pour qu'on prenne position, si vous voulez. Donc, nous, on dit qu'on arrive vraiment au centre de cette question avec une approche très raisonnable, et j'aimerais vous entendre sur certains aspects, donc, d'une part, oui, une codification du droit actuel et qui fait oeuvre finalement de pédagogie. Ce n'est pas aléatoire, ces règles-là, c'est des règles qui se trouvent dans la jurisprudence.

Est-ce que vous pouvez trouver, comment dire, qu'il y a une valeur à ça dans un projet de loi?

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien...

Mme Weil: ...la Fédération des commissions scolaires a dit la même chose, oui.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Oui, c'est ça. Et, sous réserve de l'impact de procéder par mode législatif, là, en raison de la décision dans Alberta contre les huttérites, là, si le projet de loi s'appelait «codification», ça me rassurerait un petit peu plus. Parce que présentement, lorsqu'on parle d'établir des balises et lorsqu'on entend les débats, il semble qu'il y a des gens qui veulent certainement aller plus loin que le droit existant. Alors, une approche qui est plus claire et qui dit: C'est le but, là, le législateur ne parle pas pour rien dire... Mais, le législateur, ce qu'il veut dire ici, c'est que c'est une codification et ce n'est rien d'autre. L'article 6, selon moi, est un peu incompatible avec ça. Je pense qu'il va plus loin qu'une codification du droit existant, là, à cause du mot «communication». Et donc c'est...

À mon avis, si on veut avoir des exemples, je pense qu'il faut en avoir plus qu'un et peut-être le faire en utilisant un langage différent.

Mme Weil: ...le Barreau proposait -- donc, j'aimerais vous entendre là-dessus: Lorsqu'un accommodement implique un aménagement à cette pratique, il peut être refusé si des motifs sérieux liés à la sécurité, aux exigences de la prestation ou à l'identification le justifient. Avez-vous eu l'occasion de lire leur mémoire?

Mme Des Rosiers (Nathalie): D'une certaine façon, ce qui... Ils changent le mot «doit» pour «peut» et...

Mme Weil: ...de la prestation, c'est l'autre nouveauté.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Oui. À mon avis, de changer de «doit» à «peut» est très utile, parce que, lorsqu'on dit «doit être refusé», on substitue la discrétion... il y a un danger, en tout cas, qu'on soit en train de substituer la discrétion ou l'expertise de la commission des droits de la personne et de la jeunesse, de substituer la décision, là, du fonctionnaire ultime, là, dans ce contexte-là.

Alors, cette idée, là, de «doit» n'est pas appropriée, à mon avis, là, et je pense que ce serait plus compatible avec le droit existant de parler de «peut». Alors, ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, c'est les exigences de la prestation. Ça, je pense que ça rencontre davantage le droit existant que le mot «communication».

Mme Weil: Maintenant, sur la question de... Nous, évidemment, le projet de loi reprend, là aussi, l'état du droit actuel sur la question de laïcité, c'est-à-dire c'est défini actuellement comme «neutralité religieuse de l'État». Êtes-vous en accord? Donc, c'est un choix. Certains nous demandent de le dire peut-être plus clairement. Mais le choix, c'est de dire qu'un employé pourrait porter un signe religieux et intégrer la fonction publique. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette position?

Mme Des Rosiers (Nathalie): Oui. Selon nous, la question de neutralité de l'État ne veut pas dire que tous les employés doivent s'abstenir de porter des signes religieux.

Il y a plusieurs problèmes à aller dans la voie de dire qu'il y a une interdiction formelle d'avoir des signes religieux. On le voit un peu partout dans le monde, là, où ça a été mis en vigueur. Il y a des problèmes d'application, pour commencer, de mise en oeuvre. Est-ce que... Et puis ça devient... évidemment ça rend le débat très acrimonieux parce qu'est-ce que l'anneau conjugal... Est-ce que c'est religieux ou est-ce que c'est... Est-ce que ça a suffisamment de prévalence ou que c'est suffisamment populaire pour ne plus être religieux mais être un signe qui est culturel? Ça dépend peut-être où le mariage a été performé, où le mariage a été... Alors, d'aller dans ce contexte-là, ça soulève des débats qui sont...

Alors, c'est la première objection que, nous, on voit, que ça soulève des questions.

La deuxième objection, c'est que ça limite la possibilité d'avoir une fonction publique qui soit représentative de la population et c'est une perte pour une société que de créer un écart entre l'administration publique et la société qu'elle doit servir. De fait, ce qu'on veut éviter à tout prix, je pense, dans nos sociétés maintenant, c'est de créer deux types de citoyens: ceux qui peuvent faire partie... ceux qui peuvent se voir reflétés dans l'État, ceux qui peuvent avoir accès à la fonction publique, qui sont des emplois bien rémunérés, qui... professionnels qui contribuent donc beaucoup à la société.

Alors, pourquoi se priver d'une population qui va devoir choisir entre une contribution, à la mesure de ses talents, et sa religion? Alors, selon nous, c'est inapproprié.

Mme Weil: J'aimerais vous entendre. D'un point de vue constitutionnel, il y a certains qui demandent une charte de la laïcité, donc une laïcité beaucoup plus stricte qui irait dans ce sens. Est-ce que vous...

Une voix: ...

Mme Weil: Et d'autres, et d'autres, et d'autres. Mais il y en a beaucoup qui sont venus demander une laïcité très stricte dans le sens qu'on ne pourrait porter de signe religieux. Au point de vue constitutionnel, j'aimerais vous entendre là-dessus, sur la constitutionnalité puis les chartes de droits et libertés autant au niveau du Québec que canadien à ce sujet-là.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien, à notre avis, certainement ça va soulever des problèmes. On le voit un peu partout, là. Au Canada, il y a une obligation, jusqu'à présent en tout cas, de permettre, dans la mesure où il n'y a pas incompatibilité entre le devoir du fonctionnaire et la prestation de services, là... Si ce n'est pas incompatible de porter des signes religieux, je pense qu'il y a... Il va certainement y avoir des problèmes. Alors, la question, ça va être une question de justification, hein? Il va y avoir peut-être... Il y a certainement une violation de la liberté de religion de certaines personnes. Alors, est-ce que ça peut être justifiable dans une société libre et démocratique?

Et je pense qu'il va falloir évaluer évidemment les dangers d'une société libre et démocratique qui se dit partisane d'une... La laïcité obligatoire peut être tout aussi opprimante ou tout aussi difficile que le catholicisme obligatoire qui existait pendant longtemps.

Alors, la question de savoir s'il y a des mesures alternatives à la laïcité obligatoire, la laïcité pour atteindre les mêmes objectifs... parce que les objectifs d'une laïcité obligatoire ne sont pas évidents, là, à part l'idée de la symbolique, là.

**(15 h 30)**

Mme Weil: Mais sur cette question, dans votre mémoire, d'ailleurs, vous parlez justement que, pour justifier une violation, comme vous dites, ce serait une violation de ne pas permettre à quelqu'un de porter un signe religieux, et, bon, il y a l'objectif légitime et pressant qu'il faut démontrer mais aussi «s'assurer que les droits sont enfreints minimalement, rationnellement et de façon proportionnelle à l'objectif poursuivi». Donc, votre point est que la personne ne pourrait intégrer la fonction publique, et on aurait une fonction publique extrêmement uniforme et qui ne serait pas le reflet de la société.

Est-ce que vous considérez que justement ça, ça rencontrerait donc votre test du paragraphe deux de...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Dans notre mémoire, on met la proposition que la laïcité obligatoire est trop contraignante compte tenu des objectifs qu'elle vise, alors, et les désavantages, comparé aux avantages, et l'impact sur les libertés individuelles sont évidents, là.

Mme Weil: J'aimerais vous entendre. Est-ce que j'ai...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.

Mme Weil: Oui. Vous avez parlé de mesures alternatives. Est-ce que vous parlez de genre de médiation ou vous parlez... Bien, il y en a certains qui ont parlé de médiation, pas beaucoup, mais on la voit un peu, cette discussion en France, là, des mesures. D'ailleurs, dans la loi française, on a une disposition qui parle de médiation entre le moment d'implanter la pénalité. Qu'est-ce que vous... Est-ce que c'est un peu ça, dans vos mesures alternatives, ou...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien, certainement, les mesures alternatives, je pense que ça demande un processus continu de collaboration et d'évaluation.

Il se peut fort, et c'est probablement approprié, que les communautés elles-mêmes décident d'aider leurs propres membres à s'adapter ou à décider elles-mêmes du port du niqab ou de ne pas le porter. Notre objectif ici, c'est de dire: Que l'État vous dise de ne pas porter le niqab, ce n'est pas un mécanisme qui habilite les femmes. C'est tout aussi dommageable pour l'habilitation des femmes de se le faire dire par l'État ou de se le faire dire par sa communauté, son mari, son beau-frère ou son frère. Alors, l'idée de valoriser le développement et l'habilitation des femmes, leur participation dans la société passe probablement davantage par un mécanisme qui... et qui mise sur les groupes communautaires, sur l'accès au service, sur des processus de médiation lorsqu'ils sont nécessaires.

Mais vraiment il faut passer du mode «on impose» au mode «on veut vous faciliter la tâche».

Mme Weil: Certains ont vu dans l'article 6 le début justement, donc le déclencheur, de ce genre d'exercice. Et, sur le terrain, ce qu'on dit, c'est que c'est d'ailleurs depuis ce débat, depuis le... même si c'est juste un projet de loi, que d'ailleurs ça se fait quand même assez bien, d'ailleurs. Et il y a un groupe qui est venu, représentant des femmes musulmanes, je ne sais pas si vous avez suivi...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Oui.

Mme Weil: Communication, Ouverture et Rapprochement, eux ne voyaient pas de problème dans le libellé de l'article 6, dans le sens qu'ils voyaient ça comme très raisonnable.

C'est très pratico-pratique, c'est très pragmatique. Et le langage a été choisi pour être très pragmatique, dans le sens qu'il est usuel dans notre société de se regarder pour pouvoir établir un contact et que c'est un signal de la société québécoise, peut-être la... C'est vraiment la première société ici, au Canada, où on voit un grand débat actuellement, qui... bon, le Globe and Mail qui a fait toute la série, puis on cite souvent ce projet de loi comme le début d'un signal et que beaucoup de gens... je vous dirais que la réaction que j'ai sur le terrain, c'est: beaucoup de gens aiment qu'on donne un signal pour ouvrir ce dialogue, mais évidemment avec le langage qui est utilisé, bon, certains qui proposent certains amendements, mais qui ne voient pas là quelque chose de...

Mme Des Rosiers (Nathalie): ...

Mme Weil: ...d'effrayant.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien, oui. Permettez-moi de vous suggérer que d'avoir seulement un exemple et un groupe ciblés... je comprends qu'il faut commencer quelque part, mais ça fait porter le fardeau de ce débat sur un groupe de femmes en particulier, et peut-être qu'on pourrait penser que ce n'est pas le... et surtout dans un contexte où évidemment on sait qu'il y a beaucoup d'islamophobie, qu'il y a beaucoup de discrimination contre la religion de l'islam, musulmane, dans un contexte après le 11 septembre 2001. On le voit constamment, nous, on le voit dans le nombre de personnes qui veulent changer leur nom, qui veulent... qui sont victimes d'agaraphobie, etc.

Alors, lorsqu'on évalue quel est l'impact de l'intériorisation un peu de la discrimination, là, ça, c'est ce qui nous... Le message pédagogique qui veut, là, qu'il y ait une reconnaissance, un débat, une prise de conscience est peut-être utile. Peut-être qu'il pourrait être partagé avec d'autres groupes.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

Mme Weil: Bien, il me reste encore...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Absolument, oui, cinq minutes.

Mme Weil: Parce que j'en profite, là, parce que vous êtes là. Comment vous avez vu la réaction à la décision, en Ontario d'ailleurs, la Cour d'appel? Vous avez peut-être comparé les réactions ici et ailleurs. C'est une question vraiment qui déborde évidemment de notre projet de loi, mais je trouverais intéressant de savoir...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Oui. Bien, oui. Dans le fond, ça ne déborde pas beaucoup du projet de loi, parce que l'inquiétude, ça serait qu'après l'article 6 c'est inacceptable pour madame qui déménage au Québec d'avoir le même traitement. En tout cas, il se peut fort qu'elle n'aurait pas le même traitement ici en vertu de l'article 6.

Mme Weil: Non, non, mais la cause, c'était devant les tribunaux, là.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Oui.

Mme Weil: On ne touche pas l'indépendance judiciaire.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Non, mais je parle du... Supposons qu'elle fait une demande d'indemnisation comme victime d'actes criminels, d'accord? Alors, présumons que, malgré le fait que le tribunal reconnaît que... Et vraiment, là, l'argumentation était de dire que les accusés n'avaient pas le droit, puis je m'excuse de le dire, de la déshabiller deux fois, là D'une certaine façon, c'était évident que l'idée de l'obliger à se dévoiler allait l'intimider. Elle allait peut-être décider de ne pas poursuivre sa plainte ou encore elle allait suffisamment être mal à l'aise que son témoignage allait être moins crédible ou en tout cas empreint de difficultés, néanmoins.

Alors, notre inquiétude, c'est: oui, certainement, la question de ce qui s'est passé en Ontario pourrait se produire au Québec et la question est directement liée. Veut-on permettre à l'accès à des services d'aide, même si... lorsqu'il n'est pas absolument nécessaire, même si madame insiste pour être... pour porter son niqab. Selon moi, il n'est pas suffisant simplement de regarder l'ensemble des réactions de la population, parce que le rôle du gouvernement, c'est d'éduquer aussi, c'est de dépasser, c'est de reconnaître que l'impact de ne pas servir madame a des répercussions énormes pour l'égalité des femmes. C'est de ne pas permettre un accès dans un contexte où on veut plus que tout que les problèmes d'agression sexuelle, de violence conjugale soient soulevés, et on a besoin que les victimes se présentent.

Alors, mon point, c'est ça, là, c'est là-dessus.

Mme Weil: Il y a un groupe aussi représentant la communauté musulmane, qui nous avait dit: Si on pouvait rajouter des situations dans l'article 6 qui feraient en sorte que c'est vraiment le visage découvert qu'on cible, donc il y a peut-être d'autres types de circonstances. Évidemment, la difficulté, c'est qu'on est dans un dossier d'accommodement, donc on touche les libertés, on touche les chartes donc...

Mais un langage qui ferait en sorte qu'il n'y a pas une religion qui est ciblée mais que vraiment l'objectif que le législateur souhaite... la situation à laquelle le législateur souhaite s'adresser, c'est vraiment ce besoin, dans notre société, de respecter nos façons de communiquer, hein, de façon très large. Est-ce que, vous, de façon juridique... Là, je vous pose vraiment en tant qu'avocate qui est spécialiste: Est-ce que ça pourrait remédier si la solution est trop... Je ne vous demande pas de chercher quel est ce...

**(15 h 40)**

Mme Des Rosiers (Nathalie): La...

Mme Weil: Est-ce que ça pourrait venir amoindrir vos craintes?

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien, selon moi, l'article 6, il serait mieux qu'il soit carrément retranché et mis dans une directive pour continuer le dialogue. Le dialogue a commencé, poursuivez-le. De... j'allais dire «polluer» un peu un projet de loi qui est très clair, qui codifie bien le droit actuel, en présumant d'une situation particulière, ça colore l'ensemble du projet de loi. Et donc, tu sais, la façon la plus normale de le faire, c'est simplement de le retrancher, de le mettre dans une directive et de poursuivre le dialogue d'une façon plus neutre dans un autre contexte.

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. Mme Des Rosiers, bonjour. Alors, comme vous vous imaginez bien, nous sommes en total... je suis, en tout cas, en total désaccord avec vous. Et je me disais... Non. Mais c'est intéressant parce que je trouve ça toujours très intéressant qu'on puisse échanger. Bon. On peut conclure à nos désaccords, ça ne nous empêche pas d'avoir un débat qui fait évoluer les choses. Mais, je me disais, en vous écoutant, les avocats, c'est comme les économistes, ils...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Ça dépend.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...les opinions sont très divergentes, parce que je rappellerais à cette commission que, quand Me Julie Latour est venue...

Mme Des Rosiers (Nathalie): ...son témoignage.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...voilà, est venue, elle était au nom de la coalition pour la laïcité, en tout cas avec Guy Rocher, et compagnie, vous savez, qui a écrit un texte, un manifeste sur le pluralisme, la laïcité. Elle nous a expliqué exactement le contraire, si je puis dire. C'est qu'il y avait une évolution de la jurisprudence.

Moi, je ne suis pas avocate, puis je viens d'une famille où tout le monde est avocat, puis, moi, je suis historienne puis je suis très contente parce que ça me laisse justement quelques écarts par rapport à la dimension juridique que je... dont je ne suis pas spécialiste. Mais ça m'a frappée quand même qu'elle ait dit, puis dans les échanges qu'on a eus, que, oui... Parce que la ministre a posé à peu près la même: Comment les tribunaux pourraient-ils, par rapport à la laïcité tout court, réagir éventuellement, même la Cour suprême du Canada? Et Me Latour nous a expliqué qu'elle décelait, elle, en tout cas, dans la jurisprudence, du mouvement, si je puis dire, de telle sorte qu'elle pensait que même une charte de la laïcité aurait donc quelques chances de passer le test des tribunaux.

Alors, tout simplement, c'est une réflexion de dire que, comme les économistes effectivement qui débattent beaucoup des choses, les avocats n'ont pas tous... et fort heureusement parce que, bon, ça fait des bons procès... et pas tous la même opinion sur les mêmes choses.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Je pense que la question de savoir où va le droit ou quelles sont les pressions qu'on voit de différents points de vue... c'est certain qu'il y a des possibilités de changement. Sur la base du droit actuel, la seule... je pense que la loi... une loi sur la laïcité serait contestée constitutionnellement et elle devrait être mise sous... elle devrait être évaluée en vertu de la justification, et c'est là où je pense que la preuve, l'objectif et les impacts devraient être bien mesurés. Alors, il se peut fort que je me trompe et qu'il y aurait un revirement de la Cour suprême, là, mais je pense qu'il faut prendre le risque, là, qu'il y ait des ressacs.

Mme Beaudoin (Rosemont): On prendra un bon avocat. Alors, la deuxième question, si vous me permettez, ça m'a beaucoup frappée, page 4 de votre mémoire, vous dites: «Le projet de loi -- c'est 94 -- présente des sérieux problèmes de constitutionnalité -- justement, et là vous... -- a) la vulnérabilité constitutionnelle, la liberté d'expression.» Et là vous dites quelque chose qui m'a complètement étonnée: «La liberté d'expression protège le droit de s'exprimer symboliquement par la voie du vêtement. Depuis le célèbre tee-shirt -- je ne le nommerai pas aussi -- [le grand F the draft] d'un jeune Américain dans le cadre de sa contestation de la guerre [du] Vietnam -- les tribunaux...» Mais ça, c'est les tribunaux américains, j'imagine.

Mme Des Rosiers (Nathalie): ...canadiens sont cités en bas.

Mme Beaudoin (Rosemont): Aussi. C'est ça. Alors, c'est intéressant... «ont reconnu que les gens s'expriment par leurs vêtements tout autant que par leurs paroles».

Alors, moi, je... Vous avez sûrement qu'il y a, dans la Loi de la fonction publique actuelle, un devoir de réserve par rapport aux opinions politiques des fonctionnaires. Il y a un devoir de réserve. Un fonctionnaire ne peut pas, entre 9 heures et 5 heures, exprimer, de quelque façon que ce soit, son opinion politique. J'imagine qu'un fonctionnaire du ministère des Relations internationales, arrivant avec un tee-shirt, un matin, disant «À bas Israël, vive la Palestine» ne semblerait pas exactement dans la bonne ligne de ce devoir de réserve. Et, le Syndicat de la fonction publique, quand il est venu devant nous, la présidente, Mme Martineau, elle nous a bien expliqué ça et nous a dit que, pour le syndicat en tout cas, mutatis mutandis, justement, si on ne pouvait pas... si on devait avoir un devoir de réserve... Puis là vous en parlez, vous, là, ici que, dans le fond, il n'y en a pas, là, puisqu'on peut, bon...

Ou est-ce que vous pensez que ce devoir de réserve là pourrait être cette...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Étendu à la réserve religieuse...

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui, ou est-ce que, si quelqu'un le contestait, quelqu'un qui arriverait au ministère des Relations internationales, un matin, donc, affichant sa couleur politique, qui peut être «Vive le Parti libéral, à bas le Parti québécois», est-ce qu'il peut aller en cour et puis contester cet article de la Loi de la fonction publique actuelle du Québec?

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien, il y a eu quelques causes où la liberté d'opinion, là, des fonctionnaires a été reconnue avec certaines balises. Alors, il faudrait voir, là, le contexte, qu'est-ce que le fonctionnaire fait. Est-ce qu'il a un contact avec le public ou bien est-ce qu'il est dans son bureau à chercher, là, des documents sans... et qu'il a peu de contact avec le public? Ça va être un peu... Je pense que ce serait la même chose pour un peu la liberté de religion. Si jamais vous... Je pense que ça dépend beaucoup du contexte. Si une personne est dans son bureau et qu'il fait des recherches, quel est l'impact, là, de se priver de ses talents ou de l'obliger à abandonner son adhésion... ou son identité religieuse, là?

Alors, la question de l'encadrement juridique de l'identité religieuse est problématique partout. Je pense qu'il faut y réfléchir avant d'aller trop rapidement et donc de présumer, comme ici, là, qu'on n'infligera pas... qu'on ne violera pas à la fois la liberté d'expression et la liberté de religion. Juste pour compléter sur la liberté... j'ai fait cette remarque-là surtout dans le contexte du citoyen ou de la citoyenne qui s'adresse... pour obtenir des services publics. À mon avis, même si on dit: Bien, est-ce qu'on... Est-ce que, lorsqu'on dit, parce que certaines personnes le disent, que le niqab est un signe de retrait ou de contestation de la civilisation, disons, de l'Ouest, là, est-ce que de fait... est-ce qu'on brime, là aussi, la liberté à la fois de religion mais aussi la liberté d'expression politique, là?

Mme Beaudoin (Rosemont): Alors, en tout cas... mais il existe cette Loi de la fonction publique, elle est là. Vous dites: Bon, elle a pu être balisée par les tribunaux, à l'occasion. Bon, elle existe quand même, et puis ça fait partie, dans le moment, du droit enfin québécois que cette Loi de la fonction publique, et les fonctionnaires, quels qu'ils soient, qu'ils soient derrière ou devant, dans le moment... En tout cas, moi, j'ai été dans un ministère pendant huit ans et demi et je vous avoue franchement que je n'ai pas vu... et j'ai vu tout le monde respecter cette Loi de la fonction publique, incluant ce devoir de réserve par rapport à l'affichage, disons, de ses convictions politiques. Puis pourtant j'ai fait deux référendums pendant ce temps-là, qui n'étaient pas simples, mais il y avait comme une retenue, ce qu'on appelle le devoir de réserve.

Moi, c'est sûr que je pense que l'appartenance religieuse devrait aussi faire partie de la retenue que les fonctionnaires, dans les droits et devoirs des fonctionnaires... Quand on accepte d'être fonctionnaire, on a des droits formidables, eh bien, il y a des devoirs aussi, et puis que c'est cet équilibre-là qui fait que, dans la Loi de la fonction publique, on dit: Même pendant un référendum, là, il n'est pas question de dire: Moi, je suis pour le Oui. La ministre pouvait le faire, moi, j'étais pour le Oui... mais que les fonctionnaires ne puissent pas s'exprimer sur les heures de travail. Il me semble en tout cas que, quand on parle d'appartenance religieuse, que ça peut valoir dans ce sens-là aussi. C'est mon opinion.

n(15 h 50)**

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien, alors, je pense que le devoir de réserve, lorsqu'on regarde la façon dont il a été... lorsqu'on parle évidemment de contexte politique pointu, là, où évidemment ça a... Mais est-ce que, par exemple, les fonctionnaires n'ont aucune... ne marquent pas leur... par exemple, s'ils aiment... ils veulent-u sauvegarder l'environnement, ou tout ça, alors... Et l'adhérent... l'adhésion religieuse fait partie un peu... n'est pas directement... c'est une question d'identité. Et c'est là où évidemment on est un peu désaccord sur savoir quel est le coût d'imposer la laïcité obligatoire sur les fonctionnaires. C'est une question, là, d'évaluation des coûts pour les personnes qui y seront affectées.

Mme Beaudoin (Rosemont): D'accord. Alors donc, je comprends bien que, comme le gouvernement, vous n'êtes pas d'accord avec la commission Bouchard-Taylor, qui a quand même ouvert une brèche à cet égard, à partir du moment où, dans leurs recommandations, il était dit, exprimé qu'il y a une certaine catégorie de fonctionnaires, ils ont dit «ceux qui sont en autorité». Bon. Alors, on peut en discuter longtemps, parce que l'autorité est partagée dans la fonction publique de diverses façons, mais ils ont identifié, eux, les juges, les gardiens de prison, les policiers et puis quelques autres, je pense, catégories mais essentiellement, donc, comme ça, alors, en disant que, dans ces cas-là, la commission trouvait que ce n'était pas approprié pour un juge ou pour un policier, un gardien de prison, etc., de porter quelques signes religieux, disons, que ce soit. Et, même là, là, vous trouvez que c'est aller trop loin et vous n'êtes pas en accord donc avec la commission Bouchard-Taylor dans cette recommandation.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Pour des juges je pense que c'est évident, et ça fait déjà partie, là, de l'obligation de démontrer l'impartialité.

Alors, c'est un cas différent des autres fonctionnaires. Certainement, la viabilité constitutionnelle... plus la catégorie de personnes qui vont être affectées est restreinte, plus la viabilité constitutionnelle est plus susceptible d'être correcte ou d'être acceptée parce qu'il y a moins de gens qui vont être affectés, et moins de personnes vont avoir à subir les coûts, là, de cette obligation de la laïcité. Alors, plus vous restreignez les catégories de personnes qui sont soumises à cette obligation, plus vous avez des chances que le projet de loi soit acceptable. Plus vous élargissez, plus la vulnérabilité constitutionnelle est là.

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais, sur le principe même, disons, vous, étant donné, là, tout ce que vous nous avez exprimé dans ce...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Sur la question des policiers, par exemple, là, je pense que, d'une certaine façon, l'objectif contraire, qui est vraiment d'assurer une légitimité de la police en s'assurant qu'elle représente bien la population en général, est un autre objectif qui devient pertinent lorsqu'on parle de l'importance, là, d'avoir un service policier qui reflète bien l'ensemble de la population. On le sait, la dernière chose qu'on veut, c'est d'avoir un service public, surtout un service policier, si je peux me permettre, dont la compréhension... l'accès à la population est restreint ou mitigé en raison, là, d'obstacles d'accès à la profession.

Alors, moi, je vous encouragerais certainement... je pense que ça prendrait de très bonnes études sur l'impact que ça pourrait avoir sur le recrutement policier parce que je pense que vous ne voulez pas avoir un service policier qui... Au contraire, ce qu'on veut, c'est un service policier qui est bien connecté. Parce qu'il y a deux aspects ici: à la fois pour la légitimité lorsque le policier s'approche du citoyen ou de la citoyenne, mais aussi par sa compréhension des enjeux que les communautés vivent. Et je comprends que vous me dites: Ah bien, c'est simplement de 9 à 5, là, qu'il ne mette pas son turban, qu'ils ne mette pas sa croix ou qu'il ne mette pas son signe religieux, qu'ils ne met pas son anneau.

Malgré tout, pour certains groupes, ça va créer un obstacle d'accès, et l'idée, c'est: Bien, qu'est-ce que vous choisissez? Est-ce que vous préférez un service policier qui présente une image laïque ou bien vous acceptez l'idée que la société québécoise est une société dont certaines personnes sont religieuses?

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Mais, au-delà de tout ce que vous venez de me dire, qui est intéressant, il y a quelque chose de terrible qui me vient à l'esprit.

Disons, une femme musulmane voilée dans un service policier, est-ce que, ce que vous me dites, là, ça la renvoie à sa communauté? Ah, elle doit connaître ça. Enfin, même s'il y a des musulmans qui sont très laïques puis qui sont venus nous le dire ici ou qui sont pratiquants mais qui nous disent: Bien, c'est écrit nulle part ni dans le Coran ni dans rien du tout que c'est une obligation religieuse, alors donc, bon, on peut se poser la question.

Mais, là, moi, ce que vous me dites, là, vous renvoyez cette femme-là à sa communauté, et c'est ça...

Mme Des Rosiers (Nathalie): Pas vraiment.

Mme Beaudoin (Rosemont): Bien, écoutez, moi, je vis à Outremont dans la communauté hassidique. Le jour, ils ne veulent même pas voir une femme policière. Point.

Je veux dire, dans certains... Écoutez, ils l'ont dit, là, dans certaines instances, ils ne veulent pas qu'il y ait de femmes policières. Hier, il y avait une grande fête, une grande fête religieuse... je ne sais pas laquelle, là, hassidique, et puis je voyais les policiers d'Outremont, là, qui se promenaient et puis, je le savais, j'ai pensé à ça tout de suite, je me suis dis: Bien, il est arrivé qu'ils ont dit: On ne veut pas voir de femmes policières. On veut que ce soient des hommes policiers qui viennent dans nos communautés. Et là vous me dites: Une femme voilée policière dans une communauté juive hassidique, j'ai hâte de voir ce jour-là se produire, et comment chacun va réagir. Pour moi, si tout le monde... parce qu'il y a un habit quand on est policier, il y a un uniforme, comme quand le juge met sa toge. Eh bien, cet uniforme-là, il est justement uniforme pour tout le monde, parce que je n'ai pas à savoir, moi, si elle vient m'arrêter, si elle est de telle ou telle confession religieuse, puisque nous sommes des citoyens d'un même État. Et, moi, le sentiment sincère que vous me donnez, c'est qu'on renvoie chacun à sa communauté, alors qu'au contraire on veut vivre tous ensemble sans, je veux dire, être obligés de se définir: Moi, Louise Beaudoin, canadienne-française, catholique, à part la... avec le voisin qui est mon voisin hassidique.

Lui, je le sais, parce qu'il vit comme ça, puis il vit très bien, puis tant mieux, je veux dire, à Outremont, mais il y a des règles de vie communes comme citoyens.

Mme Des Rosiers (Nathalie): Les grands débats viennent de l'idée de savoir qu'évidemment ce qu'on veut offrir à tous et à toutes au Québec, c'est la possibilité d'à la fois... d'avoir le soutien de sa communauté et de se sentir bien, de se sentir appuyé, connecté historiquement dans un contexte et de pouvoir le dépasser. C'est ça qu'une société libérale offre. Elle ne t'oblige pas à dépasser l'obligation de dépasser son attachement culturel, mais elle t'offre la possibilité de le faire. Et c'est comme ça qu'il faut un peu comprendre. Et les gens, les personnes ont le choix soit d'être... de se définir, comme Nathalie Des Rosiers, catholiques ou de ne pas le faire, de dire: Non, moi, ce n'est pas important à mon identité. Et, pour certaines personnes, peut-être que je suis très heureuse de pouvoir me définir comme étant... Dépendamment de quels sont mes attributs culturels, je peux dire: C'est important pour moi de me définir comme féministe dans un autre... Ça peut ne pas être important pour d'autres personnes de se définir ainsi.

L'idée, c'est de pouvoir permettre aux gens d'avoir leur identité sans être obligés de la transiger pour pouvoir participer à la société. Ils ont le droit de la dépasser, ils ont le droit d'être respectés dans cette identité. Alors, je pense que c'est un peu notre débat, là, ici.

**(16 heures)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: ...M. le Président. Mme Des Rosiers, merci pour votre présence.

Une simple interrogation, une simple question. Vous avez, à travers votre témoignage, abordé la question de la neutralité de l'État sans insister beaucoup sur le sujet. Un élément qui nous préoccupe beaucoup est celui également de l'égalité entre les hommes et les femmes. Et a priori... ou, du moins, l'impression que j'en ai, c'est que, suite au débat sur les accommodements raisonnables, la première victime fut ce grand principe là de l'égalité entre les hommes et les femmes. On propose, de notre côté, au niveau de l'opposition officielle, une certaine hiérarchisation des droits, en ce sens que ce droit-là deviendrait fondamental et incontournable, peu importe qu'on évoque, par exemple, cet autre droit qui est celui de la liberté religieuse.

Mais, dans votre conception des choses, est-ce que le droit fondamental serait plutôt le droit individuel, plus important encore que celui de l'égalité entre les hommes et les femmes ou encore plus important que celui de la liberté religieuse?

Mme Des Rosiers (Nathalie): Je ne pense pas qu'il y ait, que... Deux choses. Déjà, je pense, en vertu de la Charte canadienne, il y a déjà la clause 28, là, qui dit: Nonobstant tout ce qui est prévu, les droits sont garantis également aux hommes et aux femmes.

Alors, on a déjà, là, cet encadrement juridique-là. Selon moi, le droit à l'égalité est un droit à la fois individuel et un droit de ne pas souffrir de discrimination, alors ce n'est pas un droit qui nécessairement est mis en hiérarchie avec d'autres. Je pense que... et je sais que c'est un grand débat, là. La semaine dernière, j'étais à l'Association québécoise de droit constitutionnel. On a parlé de ça tout l'après-midi, là, à savoir: Est-ce que la hiérarchie existe déjà? Est-ce qu'elle va être modifiée? Le droit actuel et le droit international suggèrent qu'il n'est pas approprié, qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les droits. Alors, personnellement, là, avant qu'une législation décide... ou qu'une législation décide, que l'Assemblée nationale décide de se porter en faux contre le droit international, moi, ça m'inquiète.

Alors, je pense que ça, c'est beaucoup mieux de travailler dans le cadre actuel du droit international, qui propose que les droits sont interreliés, sont tous d'importance égale et donc qu'il faut poursuivre cette réconciliation des droits plutôt que de les mettre en opposition. Si on commence à mettre les droits en opposition, selon moi, là, on arrive à des débats de sourds. La plupart des débats ou des... peuvent être facilement réconciliables lorsqu'on regarde les enjeux concrets qui sont soulevés. Alors, est-ce qu'effectivement, dans le cas, là, de l'accès à des services pour aide pour les victimes d'actes criminels, est-ce que c'est approprié de permettre à quelqu'un de se sentir à l'aise dans son accès, là, peu importe ce qu'elle porte? Peut-être quelqu'un pourrait dire: Oui, lorsqu'on regarde l'ensemble des facteurs, c'est approprié de donner cet accommodement-là.

Alors, on ne veut pas s'empêcher d'avoir cette flexibilité-là. Ce serait ma suggestion.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. le député de Bourget, deux minutes.

M. Kotto: Merci, M. le Président. J'ai une courte question. Je reviens sur la neutralité de l'État. Du point de vue, disons, majoritaire au Québec aujourd'hui, cette neutralité religieuse de l'État est simplement la garantie de son impartialité. On regarde la pluralité des options spirituelles dont recèle le Québec aujourd'hui, CQFD, le devoir de réserve permet aux représentants de l'État d'incarner véritablement cette entité.

Et, selon votre propos, la Constitution canadienne qui nous est imposée est un obstacle majeur à l'application de la laïcité au Québec. Est-ce exact?

Mme Des Rosiers (Nathalie): Selon moi, la charte québécoise a été interprétée de la même façon, alors je ne pense pas que ce soit... Et même le droit international, à mon point de vue, à date, en tout cas, établit la neutralité de l'État comme étant une neutralité qui soit une garantie d'impartialité, une garantie d'égalité entre le traitement des religions. Alors, je pense qu'il... c'est aussi une contrainte ici, là.

M. Kotto: O.K. La charte québécoise, elle est accessible, nous pouvons, nous, de notre côté, l'amender. C'est pourquoi...

Mme Des Rosiers (Nathalie): ...la changer, oui.

M. Kotto: Voilà. C'est pourquoi je faisais allusion à l'obstacle majeur qu'est la Constitution canadienne. Mais, d'un autre côté, quid de la France et de sa laïcité?

Mme Des Rosiers (Nathalie): Bien, la question de savoir quelles sont les limites de l'imposition de la laïcité est une question qui est soulevée constamment dans les débats internationaux. Alors, ma position est la suivante: c'est un risque. C'est un risque d'aller dans cette voie-là, pour plusieurs raisons. C'est un risque juridique. Bon, vous pouvez décider de le prendre, mais c'est un risque juridique et c'est aussi un risque social qui est un peu la perte de certains autres enjeux qui viennent d'une reconnaissance d'une pluralité au sein de la fonction publique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va. Oui?

M. Kotto: O.K. C'est bon?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Pour moi, ça serait bon. Pour vous?

M. Kotto: O.K. Ça va.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? On aura l'occasion peut-être de vous réentendre. Mme Des Rosiers. Merci infiniment de vous être présentée en commission. Je suspends les travaux, le temps d'accueillir Mme Louise Marcoux et Mme Francine Lavoie.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

 

(Reprise à 16 h 10)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre les travaux. Mme Mailloux, je vous ai débaptisée, hein? Je vous appelais Mme Marcoux. Désolé. C'est bien Mme Mailloux. C'est bien ça?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Et j'ai Mme Lavoie aussi, à ma droite, c'est ça? Je vous souhaite la bienvenue donc à notre commission. Je vous rappelle les règles, ce n'est pas compliqué, hein, 10 minutes pour votre présentation, puis il y a une période d'échange d'à peu près 25 minutes de part et d'autre.

Donc, sans plus tarder, je vous souhaite la bienvenue au nom de mes collègues de l'Assemblée nationale, et à vous la parole, mesdames.

Collectif citoyen pour
l'égalité et la laïcité (CCIEL)

Mme Mailloux (Louise): Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir. Je me présente, Louise Mailloux, féministe et laïque, d'une laïcité qui n'est ni obligatoire ni fermée. Je suis professeure de philosophie et je suis cofondatrice, avec Djemila Benhabib, du Collectif citoyen pour l'égalité et la laïcité. Je suis accompagnée par ma collègue Francine Lavoie, également féministe et laïque, et qui est membre de notre collectif.

Alors, dans un premier temps, je vais vous présenter notre mémoire. Et dans les recommandations nous avons, nous proposons une charte. Alors, je vais présenter les principaux points de la charte tout en les commentant et après je céderai la parole à ma collègue. Alors, le mémoire, il a été écrit en mai dernier, donc il y a des choses, au niveau de l'actualité internationale, qui se sont passées depuis, alors vous allez voir qu'il y a quand même des petites modifications à certains endroits.

Alors, d'abord, qui sommes-nous? Le Collectif citoyen pour l'égalité et la laïcité a été mis sur pied par des citoyennes et des citoyens de toutes origines qui croient résolument à la nécessité de la laïcité et de l'égalité comme fondement même de la démocratie. Notre conception de la laïcité est d'inspiration républicaine, où les gens sont égaux selon la loi et non différents selon leur religion, et notre objectif général est l'adoption, par le gouvernement, d'une charte québécoise de la laïcité.

Le caractère laïque de l'État québécois est l'aboutissement d'une histoire collective qui n'a cessé d'évoluer depuis les années Duplessis. Toutefois, nous constatons que le Québec n'a toujours pas de texte constitutionnel garantissant sa laïcité et attestant de la séparation de l'Église et de l'État. Nous considérons donc que cette laïcité gagnerait à être mieux définie, respectée et préservée si elle était enchâssée dans une charte.

Nos interventions reposent sur quatre principes fondamentaux: la liberté de conscience, qui permet à tous de choisir ou non une option religieuse et humaniste, d'en changer ou d'y renoncer; l'égalité entre les individus, particulièrement l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est un principe universel auquel les Québécois sont profondément attachés et qui a été mis à rude épreuve lors de la crise des accommodements raisonnables -- c'est d'ailleurs la raison pour laquelle, en 2007, le gouvernement du Québec a modifié le préambule de la Charte des droits et libertés de la personne afin de préciser que l'égalité entre les femmes et les hommes constitue un des fondements de la justice et que les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes; autre élément, la démocratie, qui implique que les lois civiles ont préséance sur les lois religieuses et que nul ne peut déroger aux lois civiles pour des motifs religieux; quatrième point, l'intégration de tous les individus à un espace commun citoyen au-delà de leurs croyances et de leurs convictions, ce qui favorise le partage des valeurs communes et le vivre-ensemble plutôt que le communautarisme.

Dans les pays musulmans, tel la... Vous n'avez pas ce petit bout de texte. Dans les pays musulmans, telle la Turquie, le port du voile islamique est interdit du primaire jusqu'à l'université. En 2009, l'Égypte a interdit le voile intégral à l'Université Al-Azhar, où on y enseigne l'islam sunnite, et dans trois autres universités pour la passation d'examens. En juillet dernier, la Syrie a interdit le niqab à l'université, le disant contre les valeurs des universités de leur pays, et aussi parce qu'il y a eu des plaintes de parents qui ne souhaitaient pas que leurs enfants évoluent là où il y a des manifestations de l'intégrisme. On a alors exclu 1 200 enseignantes.

En Europe, des débats sur le niqab et la burqa amènent des lois dans l'espace public. En avril dernier, la Belgique fut le premier pays à interdire le voile intégral dans les lieux publics. En France, le voile intégral sera prohibé de l'espace public à partir d'avril 2011, alors que d'autres pays pensent aussi à légiférer sur ce sujet, soit les Pays-Bas, l'Espagne, la Suisse et l'Italie.

C'est dans ce contexte international qu'il faut situer les raisons et les enjeux du projet de loi n° 94, parce que le Québec, comme le reste du monde, n'échappe pas à la montée des intégrismes religieux, particulièrement celui de l'islamisme, qui, à la faveur de la mondialisation et de l'immigration, est de plus en plus présent et actif dans notre province comme dans le reste du Canada. L'une des façons pour les islamistes de se rendre visibles dans l'espace public est d'instrumentaliser le corps des femmes en marquant leur sexe par le hidjab, le niqab ou la burqa, qui n'ont rien d'un simple vêtement ou d'un tee-shirt, puisqu'ils sont l'étendard de l'islam politique, c'est-à-dire le symbole d'une idéologie violente, misogyne, sexiste, raciste et homophobe. L'épisode de la dame musulmane qui a refusé d'enlever son niqab en classe l'hiver dernier et qui fut par la suite exclue de son cours de francisation au cégep Saint-Laurent n'est que l'expression de cette montée de l'intégrisme islamiste, qui, ici comme ailleurs, conteste de plus en plus le caractère laïque de nos institutions et services publics et remet en question le principe d'égalité entre les femmes et les hommes.

Le projet de loi n° 94 ne peut se comprendre qu'à la lumière d'un tel contexte international et d'un tel prosélytisme religieux. C'est donc dans cette perspective qu'il nous faut l'envisager. Le projet de loi... Ce projet de loi prévoit que les personnes qui reçoivent et celles qui donnent des services publics le fassent à visage découvert. Nous sommes en faveur de ce projet de loi et nous considérons que c'est le minimum qu'un gouvernement doit exiger de ses citoyens lorsqu'ils reçoivent ou donnent des services publics.

Nous sommes tout de même étonnés que le gouvernement ait mis autant de temps, depuis la commission Bouchard-Taylor, pour accoucher d'une mesure aussi minimale qui n'apporte absolument rien de nouveau quant à l'affirmation de la laïcité de l'État. Nous avons aussi été grandement surpris de l'écart existant entre la teneur juridique de ce projet de loi et l'interprétation qui en a été faite publiquement par la ministre de la Justice d'alors, Mme Kathleen... Weil, pardon, et le premier ministre Jean Charest. D'entendre dire que ce projet de loi prend position en faveur de la laïcité ouverte, alors qu'il n'y a rien dans ce projet, qui définit ou clarifie quoi que ce soit concernant la place du religieux dans les institutions publiques, a de quoi susciter bien des interrogations. Décevante aussi a été la déclaration du premier ministre disant que ce projet de loi soit un point d'arrivée plutôt qu'un tremplin vers une affirmation plus forte et plus claire de la laïcité de l'État, alors que les employeurs et les autorités administratives dans les institutions publiques sont toujours confrontés à un vide juridique et abandonnés à eux-mêmes lorsqu'ils font face à des demandes d'accommodement religieux parce que nous n'avons pas de balises précises qui définissent les droits et les devoirs de chacun en matière religieuse dans nos institutions publiques, ce qui oblige les employeurs du secteur privé ou les responsables du secteur privé... public à se tourner vers la commission des droits de la personne et de la jeunesse pour savoir si leurs décisions passeraient ou non le test des chartes.

La laïcité est une question politique qui concerne la séparation de l'Église et de l'État et la neutralité de celui-ci. Devant le manque de volonté politique, de la part du gouvernement, de vouloir légiférer sur cette question, c'est actuellement la Commission, donc, des droits de la personne qui par ses avis, au cas par cas, souvent contestés définit les orientations en matière de laïcité au Québec, ce qui est, à notre avis, inacceptable parce que le choix politique ne doit pas être déterminé par le droit, le juridique ne pouvant se substituer aux élus de l'Assemblée nationale pour y établir l'absolutisme des chartes.

Une autre déception vient aussi du fait que ce projet de loi n'ose pas nommer ce qu'il interdit, à savoir le niqab ou la burqa des femmes musulmanes, sans lesquels ce projet de loi n'existerait tout simplement pas. L'interdiction d'accommodement porte ici sur des critères relevant de la sécurité publique, de l'identification et de la communication qui nous renvoient à une conception libérale de la liberté, voulant qu'un individu soit libre tant et aussi longtemps qu'il ne porte pas atteinte à la liberté d'autrui.

**(16 h 20)**

Cette prudence juridique a des conséquences politiques insoupçonnées dont on ne saisit, malheureusement, pas toute la mesure: celle de faire régresser le principe d'égalité entre les femmes et les hommes; celle d'accepter que l'on porte atteinte à la dignité des femmes sans que l'indignation soit proférée, sans que l'atteinte à leur dignité soit même nommée quand on sait que l'existence d'une chose passe nécessairement par le langage et la parole et que le refus de nommer est aussi un déni d'exister. De refuser de nommer ce voile intégral dispense d'avoir à parler de l'islamisme et permet de contourner un sujet délicat par crainte de stigmatiser la communauté musulmane. Mais ces précautions et ces contorsions ont aussi un prix, celui de gommer le sexisme outrageant de ces prisons mobiles et d'abandonner les femmes musulmanes à l'extrême violence que les islamistes exercent sur leur corps.

Un jour viendra sûrement où nos élus devront regarder en face cette question de la dignité des femmes qui, du hidjab jusqu'à la burqa, est au coeur de tous ces signes infamants, parce que ce voile signifie la mort sociale, la perte d'identité sociale et collective qui est liée aux principes de dignité de tout être humain et qu'il signifie à toutes les femmes du Québec, musulmanes ou non, que l'espace public n'est pas leur place et que, pour s'y aventurer, elles doivent masquer leur identité et disparaître sous un linceul. Est-ce ainsi que l'on entend préserver les acquis de la révolution féministe? Que certaines femmes affirment porter ces accoutrements par choix ne doit pas nous leurrer sur le fait que le consentement est aussi une forme de soumission.

Pour toutes ces raisons, bien que nous sommes en faveur du projet de loi n° 94, nous considérons qu'il est trop timide dans son énoncé et que sa portée est trop restreinte.

Par respect pour les droits universels des femmes, quelles que soient leurs cultures, parce que nous ne pouvons pas accepter pour l'autre ce que l'on refuserait pour soi-même;

Parce que le voile intégral fonde l'inégalité des sexes et symbolise l'oppression des femmes;

Parce que le voile intégral instaure une ségrégation des sexes et qu'il enferme à jamais les femmes musulmanes à l'intérieur de leurs communautés, les empêchant ainsi physiquement et psychologiquement de s'intégrer à la société québécoise;

Parce que le voile intégral est la négation d'un sujet libre et autonome;

Parce qu'il instaure une inégalité entre les musulmans et les non-musulmans et qu'il est l'étendard de l'islam politique le plus radical;

Parce que le voile intégral fait outrage à toutes les femmes, qu'il est contraire à nos valeurs, à notre histoire et à notre identité;

La position de notre collectif est que nous sommes en faveur d'une interdiction générale du voile intégral au Québec. Alors, «dans les institutions publiques», ça ne suffit pas. Si les critères sont la sécurité, l'identification et la communication, il en va de même dans les restaurants, comme dans les banques, comme dans les autobus. Et, sur la question de la dignité des femmes, la dignité des femmes est tout aussi importante dans un métro que dans un hôpital.

Alors, il est important d'être ferme face aux intégristes qui instrumentalisent le corps des femmes et de leur envoyer un message clair, à savoir qu'au Québec la démocratie, l'égalité des femmes et des hommes et la laïcité sont des valeurs qui nous sont chères, et ce n'est pas faire preuve d'intransigeance ou de racisme que de vouloir les préserver.

Alors, nos recommandations. Nous recommandons donc au gouvernement d'interdire, d'une manière générale, le port du voile intégral et nous le pressons également de parachever la laïcisation du Québec, d'aller de l'avant en adoptant une charte québécoise de la laïcité. Alors, nous avons joint à notre mémoire une proposition de charte...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme Mailloux, on...

Mme Mailloux (Louise): Oui?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...est-ce que vous avez conclu en nommant votre proposition ou... Parce que vous avez dépassé le temps largement, là.

Mme Mailloux (Louise): Bon, alors...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Je vais devoir demander le consentement.

Mme Mailloux (Louise): Je m'arrête ici.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui.

Mme Mailloux (Louise): Je peux passer la parole à ma collègue?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Bien, en fait, c'est...

Mme Mailloux (Louise): C'est la période de questions?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, c'est la période de questions. Vous aviez 10 minutes pour votre présentation, mais peut-être que votre collègue aura l'occasion aussi de s'exprimer lors de la période d'échange.

Mme Mailloux (Louise): D'accord.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça vous va? Donc, Mme la ministre.

Mme Weil: Oui. Alors, merci. Merci beaucoup de votre présence aujourd'hui et de partager votre point de vue, Mme Mailloux, Mme Lavoie. Je pense que par mes questions on pourra entendre le reste de votre présentation parce que justement j'allais vous demander d'expliciter un peu.

Bon. Vous avez entendu peut-être d'autres présentateurs. Il y a des instruments constitutionnels. Les gouvernements ont des limites à leur action de vouloir changer la société d'un coup de pinceau. Ce n'est pas évident. Alors, il y a des chartes, il y a des instruments à différents niveaux pour encadrer et limiter finalement le pouvoir de l'État dans la vie individuelles des gens. Alors donc, on est arrivés avec ce projet de loi, que vous dites timide mais qui est un pas, qui est un pas dans un sens et qui est dans la sphère de l'action gouvernementale, donc les services gouvernementaux. Évidement, dans le secteur privé, les entreprises ont une... peuvent, hein, dans les banques, les commerces... je connais beaucoup de cas où ainsi l'entrepreneur avait une inquiétude par rapport au visage qui était couvert, à une possibilité d'action, et ça se retrouve souvent devant les tribunaux. Et en fait, souvent, ils ont gain de cause. C'est-à-dire que, si le commerçant a une inquiétude, ça va dans le sens de protéger ses intérêts.

Donc, il faut vraiment... C'est peut-être un peu juridique, ce que je vous dis, mais il y a quand même des limites juridiques qui sont là pour protéger le citoyen, hein, aussi. Il faut le savoir, que c'est pour ça qu'on a ces instruments-là.

Alors, j'aimerais savoir, vous, sachant qu'il y a ces chartes de droits et libertés et une certaine jurisprudence, et tout, votre charte de laïcité irait jusqu'où. Alors, ça vous permet de faire votre présentation sur cette partie-là.

Mme Mailloux (Louise): Bon. Alors, rapidement, il serait bien, évidemment, d'inclure une affirmation de la laïcité à l'intérieur de la charte des droits de la personne, mais encore faudrait-il voir comment cette laïcité-là va se décliner.

Parce qu'il y a des gens qui sont en faveur de la laïcité ouverte et qui sont aussi pour inclure cette affirmation de la laïcité donc à l'intérieur de la charte des droits de la personne, alors, nous, on dit: Il faut préciser des choses. Et, notamment sur la question, par exemple, ça revient souvent, sur le port de signes religieux dans les institutions publiques, alors, bien évidemment, nous sommes en faveur de l'interdiction du port de signes religieux.

Il faut comprendre une chose, la laïcité garantit la liberté de conscience. Et la liberté de conscience, c'est la liberté de choisir de croire ou de ne pas croire. Et, si je crois, c'est la liberté de choisir une religion, d'en changer ou d'y renoncer. Ceci ne m'autorise pas à envahir les institutions publiques avec des signes religieux; c'est une toute autre histoire. Que d'interdire les symboles religieux dans les institutions publiques ne porte pas atteinte à la foi musulmane ou à la foi catholique, n'empêche pas les individus d'être catholiques, musulmans, protestants ou sikhs ou quoi que ce soit. On n'interdit pas l'embauche de ces gens-là.

Donc, il faut bien distinguer la liberté de conscience, la liberté de religion. En quelque sorte, il ne faut pas donner une interprétation trop large et trop généreuse.

Sur la question du port de signes religieux, nous, on dit que, dans les écoles publiques primaires et secondaires, dans toutes les écoles du Québec, on devrait aussi pour les usagers, c'est-à-dire pour les élèves, interdire le port de signes religieux parce que l'école, c'est le lieu de transmission des valeurs communes, c'est le lieu d'apprentissage à la citoyenneté, et il faut que les élèves puissent se retrouver justement dans un espace où ils peuvent dépasser les particularismes ou les ancrages familiaux ou communautaires. Il ne faut pas oublier aussi que l'école, c'est un lieu... en plus d'être une institution où devrait s'appliquer la laïcité, c'est, à l'heure actuelle, un lieu où, à travers, entre autres, le cours d'éthique et de culture religieuse, s'enseigne la laïcité ouverte. On sait que l'école est une institution stratégique, c'est là où on formate les esprits et que les élèves vont être en contact avec... Avec la laïcité ouverte, les élèves vont être en contact avec des professeurs qui porteraient, par exemple, des signes religieux et ils vont être en contact, non pas de façon sporadique, comme face à un juge ou à un policier, mais du primaire jusqu'à la fin du secondaire, pendant plus d'une dizaine d'années, des gens qui ont une autorité morale.

Et je pense qu'à ce niveau-là il faut protéger et il faut interdire et pour les employés, c'est-à-dire les enseignants, et également pour les usagers... il faut vraiment... Alors, ça, c'est un élément important.

Il y en a un autre aussi: les usagers des services publics ne peuvent récuser un agent public ou d'autres usagers pour des motifs religieux. Alors, ça revient, par exemple, à des demandes d'accommodement du genre à la SAAQ. On considère que les employés de l'État sont des professionnels, et il n'y a rien qui nous permet de présumer qu'un examinateur masculin qui ferait passer un examen de conduite à une femme musulmane voilée... il n'y a rien qui nous permet de présumer qu'il serait un agresseur potentiel. Alors donc, à ce moment-là, on ne voit pas pourquoi on aurait à faire de ce genre d'accommodement, qui signifie finalement le refus de la mixité parce que les femmes, supposément, sont inférieures aux hommes.

Alors, ça, ce sont des éléments importants dans notre charte. Et on demande donc, aussi, de mettre fin aux subventions publiques aux écoles privées confessionnelles et d'abolir le cours d'éthique et de culture religieuse, qui est probablement un des meilleurs outils, à l'heure actuelle, pour promouvoir le multiculturalisme et la laïcité ouverte.

**(16 h 30)**

Mme Weil: O.K. Oui. Donc, la neutralité... La définition actuelle de «laïcité», puis c'est ce qu'on a dans l'article 4, c'est un constat très, très juridique finalement, c'est que, oui, on est un État laïque mais qui se traduit par la neutralité de l'État face aux religions. Donc, l'interprétation générale jurisprudentielle des spécialistes dans le domaine, c'est: en autant que la personne qui est fonctionnaire au sein de l'État ne fait pas de prosélytisme, ça n'affecte pas la neutralité de son service. Mais, vous, vous allez plus loin. C'est que le signe, dans un sens, c'est un signal, à celui qui reçoit ces services, d'un genre de prosélytisme. Vous y voyez ça, là, c'est-à-dire que c'est...

Mme Mailloux (Louise): Bien, d'une manière... La sociologie, dans ce qu'elle a de plus élémentaire, nous apprend à faire une distinction entre le privé et le public et nous dit que, dans l'espace public, les gens se rencontrent à travers des rôles sociaux.

Je vous rencontre aujourd'hui pas uniquement parce que je suis Louise Mailloux et que vous êtes Mme Kathleen Weil, mais aussi parce que vous êtes ministre, qu'il y a une commission parlementaire et parce que je représente un organisme. Alors, on est ici. Et, quand je suis professeure, quand j'entre au travail, j'ai des droits et des devoirs qui sont définis dans une convention collective qui est reliée à un code du travail, bon, etc. Bref, je ne rencontre pas mes étudiants à titre personnel, à tire individuel mais parce que j'ai un rôle dans l'institution. Alors, on peut difficilement... Je ne vois pas pourquoi on ferait abstraction de ce rôle-là quand on est en présence de requêtes sur le plan religieux. Je ne vois pas pourquoi tout à coup ces choses, quand on fait allusion au religieux... que cette sociologie-là, si élémentaire soit-elle, deviendrait inopérante.

Et le devoir de réserve... Si on dit, par exemple, que le simple fait de porter une épinglette, un signe politique, un symbole politique du parti libéral, par exemple... que ceci pourrait compromettre la neutralité du service qui va être donné par le fonctionnaire, alors imaginez le voile, qui est un symbole éminemment sexiste.

Je pense que l'État n'a pas à cautionner un tel discours. Et on devrait avoir le même droit de réserve vis-à-vis les convictions religieuses que... On devrait, c'est-à-dire, respecter le même droit de réserve que vis-à-vis les convictions politiques.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Mme la ministre, oui.

Mme Weil: Juste sur ce point-là, parce qu'on en a discuté, évidemment, la distinction que font les juristes par rapport à ça, c'est que, bon, dans la Loi sur la fonction publique, porter un symbole politique, c'est ponctuel, hein? On pourrait être pour le Oui pendant dix ans puis ensuite pour le Non, on pourrait être libéral, on pourrait être péquiste, on peut changer, et il n'y a rien qui nous oblige à afficher.

La religion, c'est très différent. Et ça, c'est l'analyse juridique. En vertu des chartes, en vertu de... bon, vous avez votre opinion, je comprends, mais en vertu de la jurisprudence, des chartes, et tout ça, et c'est pour ça que ces chartes et ces instruments sont là, la liberté de religion et que quelqu'un soit obligé, en vertu de sa liberté de religion, de porter un signe, l'État n'a pas à juger de la sincérité... Et d'ailleurs ça, c'est répété et répété souvent par les tribunaux. Une fois que c'est déterminé que c'est une expression sincère, l'État n'a pas à poser des questions sur ça, on l'accepte. Et ça, ça, je veux dire, ce serait très difficile pour un gouvernement de tout simplement dire: Bon, on fait table rase de toutes ces conventions et de toutes ces lois, qui existent, et toutes ces interprétations, pour dire: Bon, dorénavant, là, voici comment on interprète ça.

Alors donc, l'idée du port d'un signe religieux, dans certaines religions, fait en sorte... et l'intégration dans la fonction publique justement, et c'est là qu'est vraiment l'enjeu important. Une fois qu'on accepte que c'est une expression sincère et qu'on ne pose pas de jugement sur cette expression, on peut avoir des opinions personnelles sur la religion, mais l'État... Il y a des limites à ce que l'État peut faire. L'intégration de ces personnes-là dans la fonction publique devient problématique si on impose une laïcité partout, dans le sens qu'aucun signe religieux... Parce que, oui, quelqu'un peut porter une croix, mais ce n'est pas une obligation de porter une croix, la croix peut être cachée. Mais, pour certains religieux, dont le hidjab... Et vous avez un jugement sur le hidjab, mais je vous dis qu'il y a des limites à ce que l'État peut porter un jugement sur un certain code vestimentaire, si vous voulez.

Et donc, l'intégration de ces personnes-là au sein de la fonction publique, et on a eu des juristes qui sont venus avant, il y a la Commission des droits de la personne qui va se prononcer là-dessus, le Barreau aussi, ça devient... L'impact est réel dans le sens qu'on vient exclure beaucoup de gens de la fonction publique. Quelle solution vous apportez à cette question-là? Je veux dire, de bannir certains signes religieux devient une problématique dans une société libre et démocratique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, allez-y, Mme Lavoie.

Mme Lavoie (Francine): Je voulais, moi, tout à l'heure, amener un peu quelques témoignages d'une féministe dans la soixantaine. Mais ce qui m'inquiète surtout, c'est ce retour du religieux dans l'État. Nous avons connu cela. Et même, comme féministes, nous avons, comme femmes, nous avons connu l'instrumentalisation aussi des corps des femmes, même avant ma génération. Et, vous le savez, il n'était pas question de vêtements, mais on allait jusque dans les chambres à coucher. Les femmes devaient peut-être rendre compte à leurs chefs religieux de ce qu'elles faisaient, avec leur corps, comme reproductrices.

Bon. Alors, tout ça nous donne l'impression, à nous, les Québécoises... et les Québécois aussi qui sont très sensibilisés... On est dans une société, au Québec, assez magique de ce côté-là, on est chef de file. Et on se rend compte à quel point que tout ça est dangereux, à quel point qu'on perd les pieds, là, qu'on perd les pédales. On avait bâti une société où vivre ensemble était devenu possible entre les hommes et les femmes, même que les femmes étaient... sont assez satisfaites de ce qui se passe. Les hommes sont en train justement de faire le bout de chemin qu'ils avaient à faire. Et là on est en train de recevoir tout ce paquet de choses qui nous déstabilise et qui nous dit: Mais toutes ces luttes, ces 50 ans de luttes qu'on a menées, on a... On a même ici, au Québec, une chose qui est très rare, même en France, aux États-Unis, ça ne se fait pas, on porte notre nom à la naissance. On garde notre identité. On s'est battu sur tous les fronts. On a troqué aussi non seulement le voile de mariée, même s'il y en a encore un petit peu comme un symbole. On a troqué aussi le fait d'être obligé de se couvrir à l'église. Même les religieuses nous ont fait ce cadeau-là dans les années soixante, soixante-dix, de se départir des voiles et des cornettes trop étroites. Puis je suis certaine qu'elles l'ont fait par solidarité avec les femmes du Québec et non seulement pour obéir aux diktats, là, de l'Église catholique dont elles font... faisaient partie... elles faisaient toujours partie.

Alors, qu'est-ce qu'on fait de ces 50 ans de luttes là? Est-ce qu'on recommence tout ça? Est-ce qu'on va encore devoir...

Écoutez, un petit témoignage, en passant. Je voyais une femme qui disait l'autre jour... je l'entendais qui disait: Moi, quand je vois une femme voilée, avec sa petite fille voilée, il y a un seul mot qui me vient à l'idée, c'est «tolérance». Mais, moi, ce n'est pas ça, ce n'est pas du tout, du tout le sentiment que j'ai, je suis très triste. Je vois que cette petite fille là n'est pas comme les autres. Elle ne peut pas jouer aussi librement que son frère ou que ses amis à l'école. Et elle ne peut pas... Il y a quelque chose, là, une espèce de retour à une soumission, à une façon de se cacher, comme femme ou comme fille, qui est inacceptable. Je ne voudrais pas que mes petites-filles soient comme ça, vraiment.

Ce sont ces aspects-là dont la loi ne tient pas compte. On n'en parle pas. Mais toutes les femmes du Québec sont derrière moi pour dire: C'est dangereux, ce qui se passe. Il faudrait arrêter ça tout de suite. Et, comme il y a plusieurs religions et que la plupart des religions sont misogynes, ça, on le sait, eh bien, je pense que l'État n'a pas le choix que de proposer, même d'exiger la laïcité partout dans les espaces publics et même dans la rue.

Espaces laïques, je sais, espaces civils, comme disait le Parti québécois, espaces laïques, espaces publics, tout ça doit être laïque.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. le député de Vanier.

**(16 h 40)**

M. Huot: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour, merci d'être là. J'ai quelques questions.

C'est sans doute un débat qui a été fait. Moi, c'est ma première participation à cette commission-là. On la suit, là, un petit peu à distance. Mais je reviendrais, moi, sur le port de signes religieux. À ma connaissance, dans nos établissements de santé, on a encore, par exemple, des chapelles. Dans nos CHSLD, entre autres, il y a toujours une section. On a même des religieuses, je ne sais pas exactement lesquelles, du Bon-Pasteur, les Soeurs de la Charité qui ont un certain... elles portent encore un voile, il y a un petit... un quelque chose sur la tête, elles ne sont pas voilées, le visage, mais il y a un quelque chose sur la tête, c'est un signe religieux. On a des curés, des prêtres qui vont faire des visites dans nos hôpitaux. Ça fait partie... C'est des établissements de l'État quand même, c'est un service de l'État. On a, dans nos écoles privées...

Bon, vous avez abordé la question de l'école privée, là, mais, dans nos écoles privées, il y a encore quelques écoles privées qu'il y a des religieuses qui enseignent. Qu'est-ce qu'on fait de tout ça? Si je vous écoute, là, la neutralité, ça veut dire qu'on se débarrasse des chapelles dans nos établissements de santé. Les religieuses, les prêtres, on leur demande de s'habiller en civil quand ils vont faire des visites dans nos hôpitaux? À écouter, là, si j'écoute à la lettre ce que vous me dites, c'est un peu ça que vous nous demanderiez. J'ai un malaise, moi, avec ça.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Vous avez trois minutes, Mme Mailloux.

Mme Mailloux (Louise): Oui. Alors, je vous renverrais dans la charte. À l'article 5, on dit que cette interdiction ne s'applique pas au patrimoine religieux qui fait partie de l'histoire nationale et doit être préservée.

On ne démolira pas les chapelles dans les hôpitaux. Ça fait partie de notre histoire, c'est quelque chose à conserver. On peut transformer le lieu en un endroit de recueillement pour tout le monde, inviter, bon, toutes les confessions ou les gens qui veulent aller se reposer, se recueillir, peu importe, mais il n'est pas question de démolir quoi que ce soit de ce côté-là. Il y a un patrimoine. Le catholicisme a occupé une place importante dans notre histoire, et je pense que les édifices et les oeuvres d'art, ces choses-là, ce à quoi ça nous renvoie, ça mérite qu'on conserve ces choses-là.

Maintenant, sur la question du signe de ports religieux, il ne faut pas oublier qu'on peut être de foi musulmane sans pour autant porter un voile. Et d'ailleurs la plupart... ou bon nombre de femmes musulmanes croyantes donc ne portent pas de voile. Alors, ce n'est pas... Il ne faut pas voir ça d'une manière essentialiste, c'est-à-dire que, du fait d'être musulmane, je ne peux pas me départir de mon voile, sinon, je ne sais pas, je vais exploser. Écoutez, il y a une latitude à ce niveau-là. Mais donc, autrement dit...

M. Huot: ...entre autres, de nos religieuses. Est-ce qu'on traite ça comme du...

Mme Mailloux (Louise): Ce ne serait pas plus acceptable d'avoir une religieuse qui enseignerait dans un cégep avec l'habit...

M. Huot: ...des religieuses encore font des visites à l'hôpital à l'occasion...

Mme Mailloux (Louise): Oui.

M. Huot: ...vont se promener. Nos prêtres font des visites et ils ont des signes religieux quand ils se promènent dans nos institutions.

Mme Mailloux (Louise): Oui, mais ils le font, à ce moment-là, à titre de ministres du culte. Et je vous renverrais... Ils ne sont pas là comme des représentants de l'État, d'accord? Alors, à ce moment-là, ils ne sont pas concernés ici. Et je vous renverrais à l'article... Un instant. Les usagers séjournant à temps complet dans un service public, notamment au sein... je suis à l'article 15, notamment au sein d'établissements médicaux, sociaux, hospitaliers ou pénitentiaires, ont droit au respect de leurs croyances ou de leurs convictions.

Alors, ils ont évidemment droit, dans la mesure où ça ne cause pas de contrainte pour le bon fonctionnement de l'institution... ils ont droit d'avoir la visite de leur ministre.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...merci, M. le député de Vanier. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Oui. Merci, M. le Président. Bon, Mme Lavoie, Mme Mailloux, bonjour. Alors, je connais assez bien le collectif, et c'est sûr que, personnellement, dans l'ensemble de l'espace public... nous avons décidé, en tout cas, au Parti québécois, qu'on ferait la distinction justement entre l'espace privé, l'espace public et puis l'espace civique, alors que notre charte de la laïcité concernera l'espace civique. Et c'est d'ailleurs, déjà, dans la proposition principale.

Je voyais l'autre jour qu'au Match des élus la ministre actuelle au Conseil du trésor, la présidente du Conseil du trésor, disait que... Ah, le Parti québécois, il voulait rendre ça public, on attend toujours le projet du Parti québécois. Il faudrait quand même lui dire de lire la proposition principale parce que déjà on affirme un certain nombre de principes qui se retrouveront dans cette charte de la laïcité, dont bien sûr l'interdiction de port de signes religieux ostentatoires dans les services publics, donc dans cet espace civique. Et on va jusqu'à dire... Et ça, c'est un grand débat qu'on peut avoir avec beaucoup de juristes, je le sais, en disant que, dans le fond, l'égalité... Ce qu'on dit, c'est: L'égalité hommes-femmes doit avoir préséance sur la liberté de religion, parce que ça nous semble en effet des droits que l'on peut, disons, relativement hiérarchiser.

Et, moi, à chaque fois que j'entends ça... L'autre jour, je lisais un article sur la souveraineté alimentaire, qui n'avait donc rien à voir avec les problèmes de laïcité mais qui disait que le droit de manger, sur la planète, était plus important que le droit de commercer, car, en hiérarchisant les droits humains par rapport aux droits commerciaux... que c'était la voie à suivre. Les altermondialistes disent ça depuis longtemps. Et je pense que l'on peut l'appliquer à l'égalité hommes-femmes par rapport donc à la liberté de religion. Parce que de toute façon ce que l'on constate, c'est... quand les tribunaux prennent une décision, bien c'est parce qu'il y a des droits qui sont en concurrence, si je puis dire, et qu'ils doivent choisir dans les tribunaux lequel des droits a préséance. Alors, il est arrivé régulièrement que le droit à la liberté de religion, la ministre le disait, à partir... c'est très subjectif, à partir du moment où quelqu'un dit: Moi, c'est sincère, c'est ma conviction sincère... que ça emporte, si je peux dire, l'adhésion de la cour.

Alors, pour faire en sorte que ça n'apporte plus l'adhésion de la cour, eh bien, bien évidemment il faut commencer par ce qu'on peut faire ici, au Québec, dans la Charte des droits et libertés. Et il y a un petit effort dans la loi. D'ailleurs, il y a certains juristes qui sont venus dire en effet... Et même la communauté hassidique, l'autre jour, est venue nous dire qu'elle était très inquiète de cet élément concernant l'égalité hommes-femmes, qui se retrouve dans le projet de loi, disant: Bien, c'est peut-être le début de la hiérarchisation des droits. Si c'était ça, si la ministre me disait que c'est vraiment cette interprétation-là que je dois retenir, ça me rassurerait beaucoup sur ledit projet de loi. Mais je crois que ce n'est pas exactement ce que le gouvernement souhaite. Mais on aura le temps d'en discuter avec le gouvernement au moment de l'étude article par article.

Alors, la différence que je fais en effet avec vous, c'est... concernant le voile intégral, à ce moment-là, c'est que l'ensemble de l'espace public, ça peut se défendre. Il y a des pays qui le font, vous l'avez noté. Bon, personnellement et comme parti politique actuellement, ce que l'on dit: On va s'en tenir à l'espace civique en ce qui concerne le voile intégral comme en ce qui concerne les autres signes religieux ostentatoires et non pas pour les usagers mais pour les fonctionnaires. On pense que c'est par là en effet qu'il faut commencer pour bien marquer, structurellement parlant, là, notre désir de faire en sorte que le Québec, dans son vivre-ensemble, soit le plus harmonieux possible.

Alors, il y a beaucoup de choses donc dans votre document avec lesquelles je suis en total accord. C'est très intéressant que votre charte à la toute fin. Donc, vous faites un projet qui va assez loin et qui dit, bon, dans certains de ses articles, des choses qu'on voudra certainement reprendre et qui sont déjà, d'ailleurs, inscrites, comme je l'ai dit. Bon. Vous parlez aussi... Bon. Là, où il y a une chose cependant que je voudrais vous dire, et vous l'avez peut-être entendue, à l'article 10 de votre projet de charte, vous dites: «La liberté de conscience est garantie aux agents publics. Ils bénéficient d'une banque de congés civils pour participer, s'ils le souhaitent, à une fête religieuse dès lors que ces congés sont compatibles avec les nécessités du fonctionnement normal du service.»

Si j'ai bien compris ce que nous a dit la présidente de la Fédération des commissions scolaires, ceci a été plus ou moins tenté par la commission scolaire de Montréal et qu'il y a des arbitres de griefs qui n'ont pas donné raison à la commission scolaire de Montréal, et c'est pour ça que la Fédération des commissions scolaires demande un amendement à la Loi des normes du travail pour faire en sorte que... Est-ce que vous pensez, vous... C'est ma première question, puis je vais peut-être vous en poser une autre. Et là vous dites: «Tous les employés des services publics bénéficient de la même banque de congés, peu importe leur appartenance religieuse ou leurs convictions.»

Bon, comment ça fonctionnerait, en quelque sorte? Bon, alors, vous dites aussi: «[Et] les usagers des services publics ne peuvent récuser un agent public ou d'autres usagers, ni exiger une adaptation du fonctionnement du service public ou d'un équipement public pour des motifs religieux [...] séjournant à temps complet -- là, vous le dites bien -- [dans les hôpitaux, etc.]» Je pense, c'est extrêmement important que chacun puisse continuer à vivre sa religion comme il le vivait en étant chez lui, et «l'État doit mettre fin aux subventions publiques aux écoles privées confessionnelles».

Qu'est-ce qu'une école, et c'est ma dernière question, qu'est-ce qu'une école privée confessionnelle, pour vous, et comment la définissez-vous, cette école privée confessionnelle? Et ça me semble assez important. Il y en a combien, à votre avis, au Québec, de ces écoles privées confessionnelles?

**(16 h 50)**

Mme Mailloux (Louise): Du côté... la réalité du système scolaire nous montre que plus de 20 % des élèves du secondaire fréquentent le réseau des écoles privées, et c'est plus de 30 % à Montréal, et que, dans ces écoles privées là, celles-ci sont confessionnelles à 80 %. Alors, pour nous, le raisonnement, c'est que les fonds publics ne doivent pas aller à l'enseignement privé confessionnel. On veut une école publique laïque et donc dans laquelle il n'y aura pas d'enseignement confessionnel.

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais une école privée confessionnelle... C'est parce que, bon, l'autre jour, on a vu Loyola, par exemple, une école privée catholique, qui contestait... je crois que c'était le cours ECR, hein, en disant: Nous, on veut que ce soit la religion catholique. Là, je comprends bien en effet que c'est une école privée confessionnelle puisqu'elle dit elle-même: On ne veut pas de ce cours, on veut revenir à l'enseignement de la religion catholique. Et puis, bon, ça, je comprends bien que c'est une école privée confessionnelle. Mais est-ce que, vous, quand vous dites: 90 % ou 80 %...

Mme Mailloux (Louise): ...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...80 % de l'ensemble des écoles privées, est-ce que vous considérez que, je ne sais pas, moi, par exemple, c'est parce que c'est dans leur mission, c'est inscrit dans leur mission? Parce que qu'est-ce qu'elles ont de confessionnel, ces écoles-là? Je comprends bien que les appartenances... Par exemple, il y a des écoles juives confessionnelles qui n'acceptent, je crois, en tout cas, que des élèves de confession juive, mais est-ce qu'il y a des élèves... Il y a peut-être aussi des écoles de confession musulmane qui n'acceptent que des élèves de confession musulmane. Ça, pour moi, c'est une appartenance en effet, et là, ça, on peut se poser en effet la question. Puis j'imagine qu'à Loyola, là, étant donné ce qu'ils disent, il ne doit y avoir que des élèves de confession catholique.

Mais est-ce qu'il n'y a pas des écoles privées... Il y en a une dans Rosemont, où vous habitez, qui s'appelle Jean-Eudes, mais est-ce que c'est... à votre avis, ça, Jean-Eudes, c'est une école privée confessionnelle? Moi, je vois en tout cas des jeunes, là, tout autour qui sont visiblement de différentes confessions. Visiblement, je les vois, là.

Mme Mailloux (Louise): C'est parce que, vous, vous faites la distinction entre... on peut accepter, à l'admission, on peut accepter des élèves sur la base de l'appartenance religieuse. Ça, c'est une chose. Alors, il n'y en a évidemment pas 80 %. Non, non, non, il n'y en a pas 80 %, de ça. Par contre, vous pouvez avoir des écoles où justement on accepte les élèves... tous les élèves, peu importe l'appartenance religieuse ou qu'ils n'en aient pas. Mais il peut y avoir, à l'intérieur de cette école-là, une orientation soit catholique, soit protestante, soit musulmane. Bon, alors là ça peut varier.

Donc, pour nous, ce sont, à ce moment-là, des écoles privées confessionnelles.

Mme Beaudoin (Rosemont): Eh bien. Parce que ça me pose un problème, ça, quand même. Il faudrait voir, parce que je ne le sais pas, là. Il faudrait que j'y aille, à Jean-Eudes. Je suis allée, mais je ne suis pas allée assister aux cours puis je n'ai pas fait une enquête. Mais l'impression que j'ai, c'est que c'est une école privée qui n'est pas confessionnelle. Alors, qu'est-ce qui dit qu'elle est confessionnelle, là?

C'est ça. C'est pour ça que je posais la question: Est-ce que chaque école doit avoir sa mission? Est-ce que c'est parce que c'est inscrit dans les documents que l'école fait circuler? Ou, quand vous dites: Une orientation, bien ils suivent le programme, je veux dire, du ministère?

Mme Mailloux (Louise): Bien, c'est sûr qu'ils suivent le programme du ministère. Mais, écoutez, je ne peux pas répondre pour Jean-Eudes, mais ce qu'on suppose ici, une école confessionnelle, c'est qu'il y a une orientation. Pensons, par exemple, à Loyola, et il y en a d'autres, alors ce sont des écoles privées confessionnelles et où on met l'accent sur le catholicisme. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle ils ont... ils contestent le cours d'ECR tel qu'il est enseigné, ils trouvent qu'il y a trop de relativisme là-dedans. Alors, nous, notre position, c'est qu'on ne... les fonds publics n'ont pas... on veut une école laïque alors, et un État laïque n'a pas à subventionner de telles écoles. Maintenant...

Mme Beaudoin (Rosemont): Moi, je trouve ça intéressant. Mais c'est parce que je ne suis pas sûre de votre 80 %, dans le fond.

Mme Mailloux (Louise): Ça ratisse large... trop large, pour vous.

Mme Beaudoin (Rosemont): Peut-être, oui. Parce que je comprends très bien Loyola, je l'ai dit, puis je comprends très bien ce qui est basé sur une appartenance religieuse, il doit y en avoir d'autres, écoles, aussi, là, mais, 80 %, je ne suis pas sûre du tout. Parce qu'on peut se poser la question: Est-ce qu'on doit en effet financer des écoles privées? C'est une question en soi. Est-ce que les fonds...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...hein, en soi... puis les écoles privées confessionnelles. Mais je voudrais qu'on définisse, et on le fera éventuellement, de façon très précise, c'est quoi, une école privée confessionnelle. C'était seulement... C'est quelque chose d'important, parce que, quand on dit: C'est 80 % des écoles privées, je demande à voir, d'accord, parce que je ne suis pas certaine que la mission... Bon, l'école privée, en soi, déjà, on va leur demander d'être plus, j'espère, inclusifs, là, par rapport aux élèves en difficulté puis que, s'ils ont de l'argent de l'État à 60 %, bien il y a des devoirs aussi. Alors, toute la dimension confessionnelle donc sera à regarder de très près.

Alors, moi, c'est un peu ce que je voulais vous dire. Donc, ça va loin, effectivement. Je veux vous faire remarquer qu'il y a eu une motion à l'Assemblée nationale concernant les CPE, une motion unanime à l'Assemblée nationale, et c'est la ministre de la Famille qui doit revenir avec une directive concernant justement l'enseignement de la religion dans les CPE. On a demandé que, comme nos écoles primaires et secondaires, que ces CPE soient laïques en fait et que donc il n'y ait plus de CPE à appartenance religieuse et d'enseignement religieux. Alors, ça, ça rejoint aussi certainement vos préoccupations. On attend. Il y a eu une motion unanime de la Chambre, et on attend donc la directive de la ministre de la Famille à cet égard. Mais on sera vigilants parce que je pense que c'est extrêmement important que les CPE soient laïques comme les écoles primaires et secondaires le sont.

On peut bien discuter du programme ECR en effet, etc., mais quand même on a déconfessionnalisé nos écoles. Je pense qu'il faut déconfessionnaliser, tout le monde l'a accepté en Chambre, les CPE aussi.

Mme Lavoie (Francine): C'est que la religion n'est jamais neutre. Alors, lorsque l'école est confessionnelle, nécessairement il y a des messages idéologiques, voire même politiques qui passent à travers l'enseignement, même si on suit le programme. Il y a des... sur les rôles sociaux, le pouvoir. Alors, c'est comme si l'État perdait un peu de son pouvoir justement pour le laisser à l'école confessionnelle. Là, on parle de... ce ne sont plus les mêmes droits ni les mêmes valeurs d'une école confessionnelle à l'autre, surtout quand ce n'est pas dans la même religion. Vous savez, on accuse souvent des gens comme nous, comme d'autres, qui veulent qu'on cesse tout accommodement raisonnable pour motifs religieux, là, d'être radicaux, alors que ce sont les religions qui ne sont pas raisonnables, hein? Je n'oserais peut-être pas dire qu'elles sont radicales, mais elles ne sont raisonnables parce qu'elles ont des objectifs, elles ont des buts qui ne sont pas ceux de l'État.

Alors, d'être raisonnable, c'est justement d'afficher une neutralité puis une laïcité le plus possible.

Mme Beaudoin (Rosemont): ...question, ce serait tout simplement: Est-ce qu'il est possible ou impossible pour le Québec de se déclarer laïque sans subir les foudres, si je peux dire, de la Cour suprême? Et qu'est-ce qu'il faut, à ce moment-là, faire ou changer pour que ce soit possible? Vous autres, votre opinion là-dessus.

**(17 heures)**

Mme Lavoie (Francine): Tu permets, Louise? Dans ce domaine-là comme dans bien d'autres au Québec, on est comme forcés de suivre les directives qui viennent d'une... qui sont canadiennes, qui viennent de la charte des droits et libertés canadiennes, qui sont dans une Constitution que l'on n'a pas signée. Bon, je n'irai pas trop loin là-dedans. Mais on est toujours en porte-à-faux avec les valeurs que nous avons développées, au Québec, et celles qui nous sont imposées.

Bon, le multiculturalisme qui est choisi par le Canada et auquel le Québec n'adhère pas, en tout cas ni dans ses lois puis surtout pas dans le peuple, est en train de faire preuve qu'il ne fonctionne pas non plus dans d'autres pays, hein, en Allemagne, en Grande-Bretagne, et tout ça. Et là le Québec se voit comme tout le temps forcé... amené à suivre une façon de faire qui n'est pas la sienne. Alors là, on est dans une situation politique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. le député de Deux-Montagnes, trois minutes.

M. Charette: Merci, M. le Président. Merci à vous deux. Un témoignage encore une fois très, très intéressant. Petite question, sinon une inquiétude que je vous partage.

Les adeptes d'une laïcité dite ouverte ou encore les adeptes du laisser-faire invoquent souvent un fait qu'ils estiment implacable, celui du très, très petit nombre d'accommodements véritablement raisonnables, et le gouvernement manifestement a repris ce credo-là à travers l'approche qu'il a retenue. Et on est venu incarner, que ce soit à travers le présent projet de loi ou le défunt projet de loi n° 16, la théorie du cas par cas. On laisse aux institutions, on laisse aux organisations le soin, pour ne pas dire le défi de composer avec ces demandes-là qui peuvent leur parvenir. Et, inversement, les organisations, n'ayant pas d'appui, n'ayant pas de balise sur quoi se baser, utilisent, de plus en plus, les accommodements volontaires, ce qui vient fausser la donne. Ils ont peur de recourir aux tribunaux, souhaitent ou disent que c'est trop long, ça peut être trop dispendieux. Donc, il y a beaucoup plus d'accommodements volontaires qui se font au fil des ans.

Donc, on vient perdre un petit peu la notion d'accommodement raisonnable, on vient fausser aussi les statistiques parce que ce ne sont pas des cas qui se rendent aux tribunaux et on vient créer une nouvelle jurisprudence, on vient élargir de plus en plus la notion d'accommodement raisonnable.

Pour ma part, c'est une situation qui est inquiétante et qui est le fruit ni plus ni moins de cette politique du cas par cas qui a réellement été institutionnalisée par le gouvernement. Donc, j'étais tout simplement curieux de vous entendre à ce sujet-là, à savoir si cette crainte-là, elle est partagée, et comment vous l'observez, de votre côté?

Mme Mailloux (Louise): Il est bien évident que le pragmatisme du cas par cas est une stratégie pour créer, à chaque fois, une ouverture.

Quand la chose... Quand une demande prend la voie juridique et se rend même jusqu'en Cour suprême, même si la demande est individuelle, veux veux pas, dans l'esprit de tout le monde, ça va faire jurisprudence par après, et rares vont être les employeurs par après à s'engager à vouloir contester une telle demande parce qu'ils n'ont pas de temps à perdre et ni d'argent à perdre pour aller jusqu'en Cour suprême pour se faire dire la même chose. Alors, ça a pour effet, au nom des droits individuels, finalement d'ouvrir la voie à des groupes.

Ce qu'il faut comprendre, c'est que j'insistais tout à l'heure pour dire que la liberté de conscience, c'est quelque chose de personnel. Alors, moi, Louise Mailloux, j'ai le droit de croire ou de ne pas croire. Si j'ai le droit de croire, j'ai le droit d'être catholique, protestante, etc., mais, une fois que je m'engage, si je m'engage dans une religion, ma religion n'est pas personnelle. Alors, quand j'obtiens... quand je gagne pour le kirpan, porter le kirpan, si je suis un homme sikh, bon, dans les institutions publiques, il est bien évident qu'à ce moment-là la bataille est gagnée pour l'ensemble de la communauté. Et, avec cette laïcité ouverte là, avec une laïcité aussi molle et aussi poreuse, on est en train, à l'heure actuelle, sans que le débat... parce que c'est toujours la voie juridique qui décide, sans que le débat ait été vraiment fait dans la population et à l'Assemblée nationale, on est en train d'imposer et de consolider les manifestations du religieux dans les différentes institutions publiques.

Et, si la question, par exemple, du port de signes religieux revient constamment, on a l'impression que c'est ça qui est central, alors qu'il pourrait y avoir... la laïcité concerne bien autre chose, mais on revient constamment là-dedans, c'est parce que les religions ont compris, ils n'ont jamais digéré la laïcité. Alors, à ce moment-là, ils ont été mis à l'écart du politique.

C'est ça, la laïcité. La laïcité n'est pas contre les religions mais contre le cléricalisme, c'est-à-dire contre une volonté d'emprise politique de la part des religions.

Alors, il est bien évident que les religions cherchent à se rapprocher du politique, et l'État est au coeur du politique, et que de pouvoir planter son drapeau, ou sa croix, ou son voile... pas son drapeau, mais son voile, son signe religieux à l'intérieur de l'État, ceci est une bataille qui n'a rien à voir avec la religion, c'est une bataille politique.

Et je pense que vous devriez, puisque vous êtes les élus et que c'est vous qui prenez les décisions, vous devriez être très vigilants sur cette question-là. C'est-à-dire que, partout à travers le monde, ce n'est pas particulier au Québec, depuis quelque temps, il y a une offensive antilaïque qui est incroyable et qui vient contester la laïcité de nos institutions et contester aussi la révolution féministe. Parce que, quand la religion se rapproche du politique, les premières à en souffrir, ce sont toujours les femmes.

Alors, je pense que, si on est vraiment sincères et que l'égalité des hommes et des femmes nous tient vraiment à coeur... je pense qu'à ce moment-là on ne peut pas faire autrement que d'exiger une laïcité... il n'y en a pas... écoutez, il n'y en a pas 36 millions, de laïcités, une laïcité qui soit ferme et exigeante.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Sur ces mots, Mme Mailloux...

Mme Mailloux (Louise): Voilà. Je vous remercie.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...je pense que ça complète bien la rencontre que nous avons eue avec vous. Merci infiniment de vous être présentées en commission. Et je vous souhaite un bon retour chez vous.

Et je vais suspendre les travaux, le temps que M. Georges Karam puisse prendre place avec ses collègues.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

 

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Donc, nous allons reprendre nos travaux. M. Karam, vous êtes le dernier de nos invités et non le moindre, j'en suis convaincu. Je vous remercie de présenter un mémoire à cette commission. Vous avez 10 minutes pour votre présentation, et il y aura 25 minutes d'échange de part et d'autre, si le temps nous le permet. Donc, à vous, M. Karam.

M. Georges Karam

M. Karam (Georges): Merci. Merci de me recevoir, un avocat inconditionnel de la laïcité et un modeste représentant de la majorité silencieuse. Merci.

Le dossier des accommodements raisonnables, de par sa nature même de mécanisme distributeur de droits à la carte, ne sera jamais fermé, et le débat qu'il suscite est désormais récurrent. À titre de citoyen et d'immigrant attaché aux principes fondamentaux de la Charte des droits, à l'égalité de tous devant la loi, à la raison et au bon sens, je tiens à exprimer mon opposition au projet de loi n° 94 interdisant le port du voile intégral parce qu'en définitive, en ne ciblant que ce signe ostentatoire, il constitue un laissez-passer pour tous les autres accommodements religieux.

**(17 h 10)**

Une laïcité ouverte? Il n'y a pas de laïcité ouverte et de laïcité fermée. Cette distinction a été inventée par les défenseurs des accommodements raisonnables. Elle tient bien plus d'une subtilité de plaidoirie que de la vérité. Il n'y a qu'une seule laïcité, celle qui prône la séparation de la religion de l'État, plaçant ce dernier à égale distance de toutes les religions, lui conférant ainsi une neutralité absolue et lui assurant dans ses interventions une cohérence rationnelle. Il faut bien le reconnaître, les accommodements dits raisonnables n'ont absolument rien à voir avec la raison et découlent d'une interprétation discutable et subjective du droit.

Il est bon de rappeler ici que la laïcité était au coeur des revendications de la Révolution tranquille, à une époque où la question des accommodements dits raisonnables n'était pas d'actualité, et qu'on ne peut donc accuser ceux qui s'en réclament de fermeture, de xénophobie, voire de racisme. Considérée de ce point de vue, la laïcité est la conception la plus moderne, la plus égalitaire et la plus rationnelle des rapports entre l'État et les citoyens. Et c'est dans la laïcité que la notion de citoyen prend toute sa signification et sa portée. Ainsi, dans ses rapports avec la population, l'État, émanation de la volonté nationale et non de la volonté divine, ne s'adresse pas aux fidèles de telle ou telle autre religion mais à l'ensemble des citoyens égaux en droits et en devoirs. Cette universalité des rapports leur confère leur caractère impérativement égalitaire et nécessairement cohérent.

S'il y a un lieu où une culture publique commune est indispensable, c'est bien dans l'État et ses institutions. C'est le lieu de convergence et non des différences, où doit se manifester la volonté de vivre ensemble dans une adhésion aux valeurs, aux droits et aux devoirs qui caractérisent la société québécoise.

L'universalité des lois. Les lois et les règlements ont une portée générale et s'appliquent à tous les citoyens, sauf dans de rares cas juridiquement justifiés. La boîte à surprise que constituent les accommodements raisonnables a mené l'État à ouvrir une autre boîte, une boîte de Pandore, qui nous mène inexorablement à des dérapages et un interminable catalogue québécois des accommodements dits raisonnables qui ne sont en fait que des passe-droits à la carte.

La hiérarchie dans les droits fondamentaux. L'argument souvent utilisé à l'effet que toutes les religions en bénéficient et que la religion est au coeur de l'identité de la personne ne les justifie en rien, d'autant qu'il n'est nullement fondé en droit. Un athée ou un non-pratiquant n'ont-ils pas une identité culturelle? Pas plus, ailleurs, celui des facilités prévues pour les handicapés ou celui de l'intégration économique et sociale des immigrants, souvent évoqués pour les besoins de la cause. Ces deux derniers cas relèvent bien plus du principe de l'égalité des droits, donc d'un droit fondamental, que des accommodements dits raisonnables. D'ailleurs, l'insertion sociale et économique ne concerne pas que les immigrants, et il serait utile de vérifier si dans les faits les accommodements dits raisonnables n'ont pas sur l'embauche des immigrants par un employeur un effet plutôt dissuasif qu'incitatif.

À cet aspect il faut ajouter celui de l'incohérence dans laquelle se place l'État en privilégiant certains principes de droit à d'autres, la liberté religieuse sur celui de la liberté d'opinion par exemple. Un fonctionnaire peut afficher un signe religieux mais ne peut afficher ses opinions politiques, sans oublier, au quotidien, les nombreuses entorses à l'égalité entre les femmes et les hommes, qu'on ne cesse de rapporter. Il faut souligner aussi le fait qu'en autorisant, dans la fonction publique et parabublique, des signes religieux l'État participe, volens, nolens, à promouvoir un prosélytisme religieux.

À mon avis, la notion même d'accommodement raisonnable visant à assurer l'égalité des droits est incohérente et ne tient pas la route sur le plan juridique. D'un côté, on invoque la Charte des droits et son caractère impératif et, d'un autre côté, on introduit des limitations dites de contrainte excessive.

Un droit, c'est un droit. Va-t-on refuser des soins à un patient parce que ces soins représentent une contrainte excessive? Va-t-on refuser de porter assistance à une personne en danger parce que les moyens utilisés représentent une contrainte ou des coûts excessifs? L'accommodement dit raisonnable, religieux m'apparaît dans ces conditions comme une forme de négociation, pour ne pas dire de marchandage des droits soumis aux coûts et aux contraintes excessives et qui, comme on a pu le constater souvent, se heurte à d'autres droits ou à d'autres valeurs. Ces incohérences ne sont pas occasionnées par la Charte des droits mais par l'interprétation outrancière qu'on en fait en matière religieuse. Je suis tenté de croire qu'on amarre le multiculturalisme à la charte pour l'imposer à tout prix.

Les missions de l'État. Les missions dévolues à l'État par les lois, expressions de la volonté populaire, ne sauraient souffrir d'une hiérarchie ou d'une différenciation arbitraires. Il est aussi important de soigner, d'éduquer, de rendre justice ou d'assurer la sécurité des citoyens dans le respect des droits fondamentaux qui sont à la fois le reflet et les garants des valeurs sociales. Si, comme l'affirme la commission Bouchard-Taylor, les signes religieux s'accommodent mal à la fonction de juge, de policier ou de gardien de prison, ce qui en soi constitue un désaveu d'une initiative de la Direction de la Gendarmerie royale et d'une décision de la Cour suprême du Canada relative à l'ajout d'un signe religieux à l'uniforme de cette institution, ils s'accommodent tout aussi mal aux autres fonctions de l'État. En quoi la fonction de gardien de prison est-elle plus représentative de la mission de l'État que la fonction d'un éducateur ou d'un soignant?

Ce qui précède met clairement en relief le caractère subjectif et idéologique des accommodements raisonnables. Bien que puisant aux mêmes sources du multiculturalisme, la commission formée par le gouvernement propose une orientation, et le gouvernement en prend une autre avec le projet de loi n° 94. L'accommodement raisonnable apparaît de plus en plus comme une notion juridique qu'on a avancée pour servir le multiculturalisme.

La responsabilité des immigrants et des minorités dites culturelles. On parle beaucoup de la responsabilité de l'État et de la société d'accueil dans l'intégration des immigrants et des minorités, dites culturelles, déjà établies. C'est bien et c'est la preuve que le Québec est un État démocratique et de droit. Il ne faudrait cependant pas ignorer les responsabilités de ces derniers dans la mesure où tous les citoyens, sans égard à leurs origines, couleurs ou religions, jouissent des mêmes droits et obligations. La société d'accueil est en droit de s'attendre à ce que chacun fasse sa part dans le maintien et le renforcement de l'harmonie sociale. L'égalité et la solidarité supposent qu'à certains moments on doive laisser de côté la bannière de sa différence pour manifester sa volonté d'être, d'abord et avant tout, le citoyen d'un même pays et d'un même destin.

Le vivre-ensemble québécois, qui laisse une grande liberté à l'espace privé et communautaire, doit, pour promouvoir un véritable vivre-ensemble national, protéger un espace pour la culture publique commune, résultat d'une histoire séculaire d'âpres luttes sociales, économiques et culturelles et d'interactions entre les différentes composantes de la société. Le droit à la différence d'un immigrant ou d'un citoyen appartenant à une communauté dite culturelle ne peut s'exercer dans l'espace public des institutions de l'État au détriment de l'identité culturelle collective ou des principes de droit qui en sont le reflet ni représenter une régression de ces principes, par exemple celui de la laïcité ou de l'égalité entre hommes et femmes, sinon on tombe dans un relativisme qui mène sûrement à l'individualisme et au communautarisme.

La responsabilité des législateurs. Les citoyens sont en droit de s'attendre à ce que les orientations déterminantes pour l'avenir de leur société et pour la nature de leurs institutions soient discutées et votées par leurs représentants élus à l'Assemblée nationale, en respectant leurs choix fondamentaux et historiques auxquels ils sont parvenus par des luttes démocratiques. Il n'appartient ni aux juges ni aux intellectuels de décider des orientations fondamentales de la société. Cette responsabilité incombe aux représentants du peuple élus pour représenter sa volonté.

Pour ma part, en tant que citoyen et immigrant, je dénonce cette discutable interprétation du droit, qu'on appelle accommodement raisonnable, et l'incohérence dans laquelle se place le gouvernement et, avec lui, l'État. On veut imposer à la société une orientation idéologique rejetée par la majorité des citoyens, y compris les immigrants. Je prends la peine de m'adresser à vous parce que je refuse d'être muet devant les conséquences d'une orientation qui est en train de susciter, quoi qu'en disent ses défenseurs, un climat de méfiance entre les citoyens de différentes origines. Merci.

**(17 h 20)**

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Merci, M. Karam, pour la présentation de votre mémoire. Mme la ministre, en période d'échange.

Mme Weil: Oui. Bonjour, M. Karam. Merci pour votre présentation.

Une voix: ...

Mme Weil: Bonsoir. Alors, je comprends bien votre message d'intégration. Évidemment, c'est sûr, moi, je rencontre beaucoup d'immigrants. La première chose qu'ils disent, c'est qu'ils choisissent le Québec à cause de notre projet de société puis qu'ils aiment le Québec, qu'ils aiment le Québec tel qu'ils conçoivent le Québec, tel qu'ils le vivent, mais c'est un... Évidemment, il y a... Vous avez soulevé beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses, et je pense, sur ces questions de valeurs, que quelqu'un porte ou non un signe religieux ou que quelqu'un pratique une religion ou une autre, je pense que l'important, c'est qu'on partage des valeurs.

Et donc, à un moment donné, nous, ce projet de loi évidemment est très limité, hein? C'est l'espace gouvernemental, c'est les services gouvernementaux. On ne peut pas aller au-delà de l'espace gouvernemental, en tant que gouvernement. On ne peut pas dire aux gens quelles seraient les religions ou de ne pas pratiquer de religion. Je veux dire, c'est très limité dans sa portée. Bien, c'est limité, mais c'est quand même un geste important.

Maintenant, l'accommodement raisonnable, ce n'est pas nous qui l'avons inventé, comme vous le savez, et ce n'est pas unique au Québec, ce n'est pas unique au Canada, hein? Toutes les sociétés libres et démocratiques ont un certain exercice d'accommodement. Ce que ce projet de loi vient dire, c'est qu'il y a ce qui est raisonnable et ce qui n'est pas raisonnable, et il y aura des directives qui viendront de chacun des ministères pour dire justement qu'est-ce qui constitue une contrainte excessive.

Vous avez mentionné qu'on vit dans une société de droit. Une société de droit a un sens. On ne peut pas, je l'ai dit tantôt, changer toutes les règles de droit parce qu'on a une volonté et une certaine vision, et c'est pour ça qu'on a des lois, et on a des tribunaux. Il y a des instruments juridiques internationaux aussi qui jouent là-dedans. Et la complexité de cette question, c'est comment faire en sorte de refléter les valeurs de tous et chacun, hein, parce que, nous, on entend beaucoup de choses qui vont complètement dans le sens inverse de ce que vous dites et d'autres qui vont exactement dans le sens que vous dites.

Mais le Barreau du Québec, la Commission des droits de la personne, etc., des institutions importantes, qui jouent un rôle important dans notre société, vont nous dire le contraire de ce que vous dites: Faites attention, là, vous allez trop loin dans ce que vous dites. Alors, c'est tout cet exercice de trouver une voie de passage qui va refléter qui nous sommes.

Donc, si je comprends bien la définition de neutralité religieuse de l'État, pour vous, le fait que quelqu'un puisse porter un signe religieux vient compromettre, si vous voulez, cette notion de neutralité, qu'il y a un certain peut-être prosélytisme ou un certain... que juste l'expression de la croyance de la personne vient en quelque sorte brimer cette neutralité. C'est votre opinion?

M. Karam (Georges): Madame, moi, d'abord, j'ai dit que le problème n'était pas la charte, donc je reconnais le droit.

Et au contraire je suis pour le droit, je suis pour un État de droit, donc je ne mets pas en doute le... J'ai dit: C'est l'interprétation de la charte. La liberté de conscience, c'est quelque chose d'individuel. C'était quelque chose d'individuel. J'ai le droit de faire du prosélytisme dans ma synagogue ou mon église, dans la rue, publier des choses, etc. Quand je représente l'État, qui est au service de tout le monde, là, à ce moment-là, j'ai un droit de... j'ai un devoir de réserve. C'est ça que je dis. Je ne suis pas en train de mettre en doute les lois.

D'autre part, l'interprétation qu'un tribunal peut faire, même si c'est la Cour suprême, hein, l'interprétation peut changer avec le temps, et on peut se tromper, même. Il y a eu des décisions où on s'est trompé royalement. Donc, moi, je dis: Il appartient, et j'ai bien précisé, aux représentants du peuple de décider des orientations fondamentales. Il n'appartient pas ni à moi, ni à un intellectuel, ni à un juge de déterminer l'avenir d'une société. Ou elle est démocratique, ou elle est basée sur le pouvoir du peuple, ou elle est de droit divin. Il faut choisir entre les deux. C'est là où il y a le problème. Il y a un manque de clarté. Il y a un espace qu'on a introduit. Et la dame qui était avant moi a bien dit que c'était une affaire politique bien plus que religieuse, parce que, dans certains pays, les attributs qu'on dit religieux, au Canada, sont considérés comme des attributs culturels. Donc, vous voyez, donc on peut interpréter ça à l'infini.

Quand l'État dit: Moi, je suis neutre, je ne veux rien savoir de tout ça, bien ça clarifie la situation pour tout le monde, et c'est égal pour tout le monde. Et je ne pense pas qu'on brime quelqu'un parce qu'on lui dit: Tu ne porteras pas ton poignard devant des élèves de 10... 12 ans, 13 ans en classe. Voilà. Je ne pense pas.

Mme Weil: Donc, l'accommodement raisonnable, que ce soit pour d'autres motifs que liberté de religion. Est-ce que vous êtes d'accord avec l'exercice d'accommodement raisonnable pour les personnes handicapées, par exemple.

M. Karam (Georges): Quand il s'agit de droits fondamentaux, madame...

Mme Weil: Liberté de...

M. Karam (Georges): ...je trouve ça difficile. Moi, je trouve, le mariage entre un droit fondamental et une négociation du droit fondamental m'apparaît difficile. C'est ça qui m'embête. Ou c'est un droit ou ce ne l'est pas.

Mme Weil: Mais, la liberté de religion, où est-ce que vous le mettez dans les droits fondamentaux?

M. Karam (Georges): La liberté de religion? Chacun a le droit de pratiquer la religion qu'il veut.

Mme Weil: Dans sa vie privée.

M. Karam (Georges): Dans sa vie privée, bien sûr. Non, mais il y a un espace public où il peut la pratiquer. Il peut écrire, il peut se faire payer des publicités à la télévision, il peut faire ce qu'il veut, dans la mesure où il respecte les lois, il ne dépasse pas... mais pas à l'intérieur de l'État.

Mme Weil: C'est parce que évidemment vous exprimez l'opinion de beaucoup de gens qui voudraient qu'on aille dans ce sens-là et d'autres qui ne voudraient pas qu'on aille dans ce sens-là. Il y en a beaucoup qui veulent qu'on puisse porter un signe religieux, mais tout le monde est d'accord sur une chose, c'est que la personne ne vienne pas teinter son service gouvernemental, à la personne qui vient recevoir les services, de prosélytisme, et c'est là la distinction.

Alors, ceux qui sont pour ce qu'on appelle laïcité ouverte, et c'est vraiment une définition qui est très reconnue dans la littérature, ils disent: Le fait de porter un signe ne vient pas dire que la personne est en train d'imposer sa religion. Donc, vous allez à la SAAQ, la personne peut porter un hidjab, ça ne vient pas brimer la neutralité de la religion. Alors, tout est dans ça. Mais je vous dirais qu'il y a... Donc, ça, c'est la définition de la laïcité ouverte, d'autres qui voudraient une laïcité où tous les signes religieux seraient bannis, si vous voulez, mais le consensus, c'est, à tout le moins, qu'il y ait neutralité.

M. Karam (Georges): ...mais il y a ici un problème. Il y a le professeur Antonio Gualtieri, de l'Université Carleton, qui a fait un travail sur ça au moment où la Cour suprême avait décidé que ce n'était pas anticonstitutionnel. Et il a dit, je vais le lire rapidement... À la fin, il dit: «À première vue, cette initiative peut apparaître comme un effort moralement et socialement louable dans un contexte d'ouverture au pluralisme culturel et dans le respect de l'identité [des] personnes appartenant à divers horizons culturels. Je prétends toutefois que ce geste a été posé de manière irréfléchie -- le mot n'est pas... -- et que ces implications religieuses et sociales pour une société officiellement multiculturelle, comme l'est la société canadienne, n'ont pas été perçues adéquatement.»

Et il parle justement... à propos de signes religieux, qu'on veuille ou pas les imposer, il y a un brouillage. Et, quand il parle, par exemple, du chapeau de la Gendarmerie royale versus le turban, il dit: Il y a un brouillage, l'uniforme de la gendarmerie a été fait pour tout le monde, qu'il n'y ait pas de distinction, il est ni catholique, ni protestant, ni etc.

Quand on vient ajouter un signe religieux sur ce costume-là, automatiquement il y a un brouillage, et je pense qu'il a raison. Il y a un brouillage dans le message.

**(17 h 30)**

Mme Weil: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. M. le député de Lévis.

M. Lehouillier: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, d'abord, merci beaucoup d'avoir accepté de présenter votre point de vue, qui est... C'est fort intéressant, comme échange, en passant. Je voudrais vous féliciter.

Alors, moi, j'ai... c'est parce que j'essaie de voir au niveau de la charte des droits, parce qu'au début de votre intervention vous avez dit qu'à titre de citoyen attaché aux principes fondamentaux de la Charte des droits, à l'égalité devant tous, à la raison et au bon sens, je regarde... Quand je regarde le projet de loi, au fond, le projet de loi, qu'est-ce qu'il fait? Il définit la notion d'accommodement, il subordonne tout accommodement au respect de la charte, justement au respect de la Charte des droits et libertés, notamment le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse de l'État. En quoi pensez-vous, par rapport à votre intervention en introduction, où vous dites que vous respectez les principes fondamentaux de la charte...

Est-ce que votre point de vue ne va pas au-delà justement de la charte? Parce que...

M. Karam (Georges): ...donner un exemple. Nous sommes dans une société de plus en plus multiple d'origines. Prenons l'hypothèse suivante... ou le scénario suivant, qui n'est pas tout à fait chimérique: on arrive à la cour de... au tribunal, le juge porte une croix. Parce que la loi ne l'interdit pas, si je comprends bien, Mme Weil, il peut porter une croix, le juge.

Mme Weil: Mais là on n'a pas touché... on parle des services gouvernementaux.

M. Karam (Georges): Non, non.

Mme Weil: Non, mais...

M. Karam (Georges): Mais la loi ne...

Mme Weil: Non, non, on n'adresse pas cette question-là.

M. Karam (Georges): Vous ne parlez pas, justement, c'est là où je vais répondre à monsieur.

Le juge porte une croix, le procureur porte un turban, la défenderesse porte, je ne sais pas quoi, le voile ou je ne sais pas quoi d'autre, et l'autre porte un autre signe, la kippa, etc. C'est quoi, ça? Est-ce que c'est un tribunal de l'État du Québec?

Une voix: ...

M. Karam (Georges): Non, ce n'est pas un scénario farfelu. Ce n'est pas un scénario farfelu, parce que rien n'empêche, rien n'empêche de porter des signes religieux, sauf celui de la... comment on appelle ça?, la burqa. C'est tout.

M. Lehouillier: Alors, il reste...

M. Karam (Georges): Est-ce que... Je ne sais pas si j'ai répondu à votre...

M. Lehouillier: Non, ça n'a pas répondu du tout à ma question. Ce que je vous demandais, ce que je vous posais comme question... C'est que le projet de loi définit la notion d'accommodement, et le projet fait en sorte que la Charte des droits et libertés de la personne, notamment les droits à l'égalité de la personne, c'est subordonné à ça, à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la neutralité religieuse. Et en plus la Commission des droits de la personne peut intervenir lorsqu'il y aura... lorsqu'il y a des plaintes et qu'on dira que c'est... qu'on a touché à cette charte-là. Et récemment nous avons rencontré, en commission interparlementaire, la commission, cette commission, qui nous a dit qu'actuellement elle était en mesure, avec toute l'expertise qu'elle a, d'assurer le respect de ces deux éléments: le droit à l'égalité entre les femmes et les hommes et le principe de la neutralité religieuse. Qui plus est, elle nous a dit que finalement, les cas qui lui sont soumis, il y en a très peu par rapport à l'ensemble de ce qu'on peut vivre dans notre société, au Québec.

Ce que je voulais savoir: Connaissez-vous des cas, vous qui êtes avocat, vis-à-vis la Commission des droits de la personne ou vis-à-vis... des cas actuels qui vont à l'encontre de notre charte?

M. Karam (Georges): ...plusieurs cas. Maintenant, dernièrement, récemment, je ne sais pas... mais tout le remue-ménage qu'il y a eu autour de ces questions-là, ça a été des dérapages par rapport à l'égalité des hommes et des femmes. Le gars qui demande à... comment on appelle ça?, d'avoir une femme pour lui passer son examen, l'autre qui veut boucher les vitres, la juge, la juge qui a estimé, dans son jugement, que, le bonhomme qui avait abusé de la fille de sa conjointe, qu'il avait sauvegardé sa virginité et que ça correspondait à sa culture d'origine, bien je trouve ça épouvantable. Et il y a des dérapages. On ne peut pas éviter les dérapages quand on rentre dans ce genre de choses là, parce que vous ne pouvez pas tout contrôler. Un, vous ne pouvez pas tout contrôler. Et, d'autre part, vous introduisez un élément religieux dans la structure, dans le fonctionnement de l'État et dans ses institutions.

M. Lehouillier: Qu'est-ce qui, au niveau de la charte...

M. Karam (Georges): Ce n'est pas nécessaire, à mon avis.

M. Lehouillier: Qu'est-ce qui, au niveau de la charte, interdit ça?

M. Karam (Georges): Non... Pardon?

M. Lehouillier: Qu'est-ce qui interdit ça au niveau de la charte, de notre charte?

M. Karam (Georges): Excusez-moi, parce que j'ai un acouphène depuis la...

M. Lehouillier: O.K. Bien...

M. Karam (Georges): ...je suis venu de Montréal, là, dans la voiture. Oui?

M. Lehouillier: Mais de toute façon ça répondait à la question. Est-ce que je pourrais poser une autre question, M. le Président? Est-ce que j'ai droit à une autre question?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui. Mais là c'est parce que vous aviez posé une question, puis je pense que...

M. Lehouillier: Est-ce que vous aviez complété votre réponse? Parce que j'aurais une autre question. C'est pour ça.

M. Karam (Georges): Oui, ça va.

M. Lehouillier: O.K. Alors, dans votre mémoire, vous dites que, «s'il y a un lieu où une culture publique commune est indispensable, c'est bien dans l'État et ses institutions». Ce que vous dites là, par rapport à votre scénario, c'est fondamental. Pouvez-vous m'expliquer un peu plus ce que vous entendez par «culture publique commune»? Concrètement, la culture publique commune, c'est quoi?

M. Karam (Georges): La culture publique commune, c'est, d'abord, tout ce qui touche aux valeurs de la charte, égalité... non seulement égalité entre hommes et femmes, justice sociale, etc., égalité devant la loi, enfin toutes les valeurs et toutes les valeurs de la société... que la société québécoise a, avec le temps, avec les luttes, avec ça, a mises de l'avant et qui sont devenues le patrimoine culturel de la société québécoise. Pour moi, c'est ça, la culture publique commune. Elle peut être définie d'une façon claire par les lois, elle peut être informelle, mais elle constitue une façon de vivre. Elle constitue un type de relations entre l'individu... entre les individus eux-mêmes, entre les citoyens et entre les citoyens et l'État, une façon de concevoir la vie, une façon de concevoir les rapports avec...

Voilà. C'est ça, la culture publique commune.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

M. Lehouillier: Donc, cette...

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): M. le député de Lévis, je suis désolé, c'est...

M. Lehouillier: Ah! C'était terminé. C'est malheureux.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Votre échange est fort intéressant...

M. Lehouillier: J'aurais eu quelques autres questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, j'en suis convaincu, puis c'était fort intéressant. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Mme la députée de Rosemont.

Mme Beaudoin (Rosemont): Merci, M. le Président. M. Karam, bonjour...

Une voix: ...

Mme Beaudoin (Rosemont): ...et merci d'être là. Je trouve très intéressant, en effet... On aime bien que les citoyens viennent... les citoyens qui ne représentent en fait qu'eux-mêmes, mais qu'ils viennent nous dire ce qu'ils pensent de ce projet de loi. Il y en a eu quelques-uns. Bien sûr, les groupes sont bienvenus aussi, mais que des citoyens... Et vous dites: À titre de citoyen et d'immigrant. Je pense que donc votre présence est fort bienvenue.

Moi, inutile de vous dire que je suis très, très en accord avec vous en général et en particulier. Vous dites, par exemple, que «l'insertion sociale et économique ne concerne pas que les immigrants et il serait utile de vérifier si dans les faits les accommodements dits raisonnables n'ont pas sur l'embauche des immigrants un effet plutôt dissuasif qu'incitatif». Je pense, c'est une vraie question que l'on... que vous posez là et une affirmation, qu'en effet il serait utile de vérifier. Mais ce qu'on entend, c'est comme... c'est le cas, surtout dans les petites et moyennes entreprises, tous ces accommodements possibles, virtuels, etc., font en sorte qu'il y a une espèce de réticence dans bien des cas, et ça, pour moi... alors que l'intégration... la première intégration, elle se fait non pas par l'affichage de sa religion, mais par l'emploi, par l'emploi et que par conséquent, cette dimension-là, il ne faut jamais la sous-estimer, et vous le soulignez très bien.

Par ailleurs, vous dites: «Si, comme l'affirme la commission Bouchard-Taylor, les signes religieux s'accommodent mal à la fonction de juge, de policier ou de gardien de prison, ce qui en soi constitue un désaveu[...], en quoi la fonction de gardien de prison est-elle plus représentative de la mission de l'État que la fonction d'un éducateur ou d'un soignant?» Et ça aussi, là-dessus, personnellement, je pense... je trouve intéressant que la commission Bouchard-Taylor ait fait en sorte qu'il y ait une brèche quand même, qu'il y a quelque chose, bon, qu'on puisse discuter vraiment de cette question, parce qu'ils n'ont pas exclu totalement le fait d'interdire, même si on fait... même s'il y a une liste qui n'est pas très exhaustive. Mais, comme vous, je pense qu'être éducateur... particulièrement être éducateur, l'autorité de l'État s'exprime, et la représentation de l'État, autant chez l'éducateur que chez le juge, le policier ou le gardien de prison, qu'on espère rencontrer le moins possible dans notre vie.

Et vous dites aussi, sur la question... Donc, vous terminez en disant quelque chose qui me semble extrêmement important, M. Karam. On n'a pas toujours ce sentiment-là. Et, devant la commission, on sait très bien qu'il y a des groupes qui viennent et qui semblent vouloir parler au nom d'une communauté. Et vous dites, vous... et, moi, c'est quelque chose qui m'interpelle beaucoup, vous dites: «On veut imposer à la société -- donc, parlant du multiculturalisme et puis, bon, de l'orientation qui est prise même dans ce projet de loi de laïcité ouverte -- une orientation [donc] rejetée par la majorité des citoyens, y compris les immigrants!»

J'aimerais un peu vous entendre là-dessus, parce que je crois aussi... je ne sais pas si on a des statistiques, mais je pense que les accommodements religieux... il y a eu des sondages, ça, c'est clair, que les accommodements religieux... Il y a une forte majorité de Québécois de toutes origines qui, au nom du respect de la diversité religieuse, justement veulent de la laïcité réelle dans nos institutions. Alors, j'aimerais que vous nous commentiez un peu justement... C'est rejeté, je crois aussi, y compris les immigrants, et ça, vous dites: Ça crée, tout ça, un climat de méfiance entre les citoyens des différentes origines. Est-ce que vous pensez aussi que la laïcité est une manière de faire en sorte qu'il y ait moins justement, qu'on... que cette méfiance-là, qui est palpable et réelle, bon, à cause de ces accommodements religieux, beaucoup, en tout cas, quant à moi, serait moins...

Est-ce que c'est pour ça, dans le fond, que vous êtes favorable à la laïcité?

**(17 h 40)**

M. Karam (Georges): Je vous remercie d'avoir soulevé cette question, Mme Beaudoin, parce que c'est celle-là qui m'a incité au départ à vouloir m'impliquer dans le dossier.

Moi, pour être très honnête, je n'ai pas de statistique, je n'ai pas fait de sondage, etc., mais je suis en contact avec plusieurs milieux, je suis en contact avec des musulmans, avec des chrétiens, avec des bouddhistes, avec beaucoup de gens. Et, chaque fois qu'on parle de cette question-là, je peux dire: Une personne sur 20 seulement serait favorable à une laïcité qu'on appelle ouverte, très limitée, etc. Mais tous les autres, ils disent: Mais on n'a pas besoin de ça. On n'est pas venus pour ça ici, pour ces affaires-là. On est venus pour avoir la paix, on est venus pour travailler, on est venus pour vivre en harmonie, on n'est pas venus pour avoir des histoires. Donc, moi, ça m'a, évidemment, ça m'a... en tant que citoyen, j'ai dit: Où est-ce qu'on s'en va avec cette affaire-là? Est-ce qu'on veut créer de la zizanie entre les gens?

D'ailleurs, au moment de la commission Bouchard-Taylor, on a vu, on a vu d'ailleurs... et ça, c'était inquiétant. Et, moi, je me dis: Si on continue dans ce sens-là, alors que ce n'est pas nécessaire, ça ne veut rien dire... moi, je me dis: Allons vers la laïcité, elle va régler tous les problèmes. C'est tout. Il n'y a personne qui sera lésé avec ça, personne.

Mme Beaudoin (Rosemont): Enfin, je trouve que c'est un point de vue qui est très intéressant parce que justement ce n'est pas le point de vue de la majorité, disons, franco-québécoise qui, bon, est toujours sur la sellette en disant: Oui, vous êtes fermés, vous êtes comme ceci. La société d'accueil n'est pas suffisamment ouverte, etc. Puis c'est pour ça que vous n'êtes pas ouverts aux autres religions, il n'y a que la vôtre... ou que sais-je, alors que, dans le fond, moi aussi, c'est au nom du respect du pluralisme et ethnoculturel et religieux, québécois que je pense qu'il doit y avoir un espace où, vous dites très bien vous-même aussi que...

M. Karam (Georges): ...excusez-moi. M. le Président?

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): ...

M. Karam (Georges): Moi, il y a longtemps que je suis arrivé au Québec, et j'ai...

Mme Beaudoin (Rosemont): Ça fait combien de temps?

M. Karam (Georges): Oh, ça fait depuis les débuts des années soixante. Et, je peux vous dire une chose, quand je suis arrivé ici, et j'ai été, les premiers temps, dans un trou de... comme on... comme les gens l'appelaient, à Thetford Mines. J'ai été là-bas au collège classique pendant un certain moment avant de quitter puis d'aller dans les affaires et je n'ai jamais senti, je n'ai jamais senti, de la part des Québécois, quelque réticence que ce soit ou quelque méfiance que ce soit à l'égard de quelqu'un qui venait de si loin. Mais, depuis un certain moment, je... peut-être pas à mon égard parce que j'ai beaucoup d'amis, mais depuis quelque temps je sens une animosité. Je peux l'expliquer, et ça m'inquiète. C'est pourquoi je dis: Faites attention, ne jouons pas trop avec ces choses-là.

Là, ça demande un peu de bon sens, un peu de jugement et un peu de courage aussi. C'est sûr qu'il y a une lutte à faire avec le fédéral là-dessus, je sais très bien, mais, quand on a voulu enlever la confessionnalité des commissions scolaires de Montréal, on a réussi. On est allé contre l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et on a pu le régler.

Donc, il y a moyen de... Moi, je me dis, quand il s'agit du bien-être général d'une société, il faut y aller, il faut y aller, il faut prendre les moyens pour assurer cette harmonie sociale.

Mme Beaudoin (Rosemont): Mais c'est très intéressant, et ce sera mon dernier commentaire, parce que, dans le fond, on dit: Soyons accommodants religieusement, les accommodements raisonnables, c'est la solution, enfin, etc. Et, vous, vous nous dites: Non, ce n'est pas ça, la direction dans laquelle il faut aller, c'est la laïcité parce que c'est ça qui est tout le débat. En effet, comment mieux vivre ensemble en accommodant religieusement ou en faisant en sorte que la laïcité soit appliquée, la laïcité réelle? Parce que, vous dites: Dans le fond, les accommodements raisonnables, au bout de la ligne, ça amène la méfiance, les accommodements religieux, c'est sûr que ce n'est pas pour les handicapés ou les accommodements religieux mènent à plus de méfiance, et la laïcité, à moins de méfiance.

C'est ça, dans le fond, que j'entends. Inutile de vous dire que j'aime entendre ça.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette: Merci, M. le Président. M. Karam, je dois vous avouer en toute, toute franchise que j'avais hâte de mettre un visage sur votre nom parce que votre mémoire m'a particulièrement intéressé par les propos que vous tenez. Petite curiosité aussi, et je vous l'apprends peut-être, votre mémoire porte la cote 1. Ça veut dire que vous êtes le tout, tout premier à avoir déposé un mémoire dans le cadre de la présente commission. Est-ce que ça signifie pour autant que c'est un sujet que vous mûrissez depuis longtemps? Est-ce que c'est un mémoire qui était en préparation avant même que le projet de loi ne soit discuté?

Est-ce que c'est un sujet qui vous interpelle depuis un certain temps?

M. Karam (Georges): Le sujet a commencé à me préoccuper quand j'ai commencé à sentir qu'il y avait déjà une fébrilité sociale au sujet... relativement à cette question-là. Et évidemment, quand le rapport... quand la commission Bouchard-Taylor a été formée... Non, pardon, je m'excuse, là, c'est le vieux qui essaie de se rappeler... Non, déjà il y avait eu... Au moment où Mme Gagnon-Tremblay était ministre de l'Immigration, il y avait eu une commission qui avait pondu un mémoire où il y avait des recommandations, par exemple, disant que le fait de réserver la piscine à un groupe en particulier, le jour de la semaine, et je ne sais pas quoi... etc., et le ministère de l'Immigration m'avait envoyé ce rapport en me demandant si je voulais réagir à cela, et j'avais réagi et j'avais réagi dans le sens que je fais aujourd'hui, donc il y a une certaine constance.

Et, depuis ce temps-là, je me suis intéressé au sujet, oui, effectivement.

M. Charette: D'accord. C'est gentil. Et, je dois vous avouer, à travers vos propos, vous touchez une corde qui m'est particulièrement sensible, soit celle de l'intégration des immigrants.

Au tout début de la reprise des travaux, il y a quelques semaines maintenant, on a noté, du côté de l'opposition officielle, un certain malaise en ce sens que, dans le projet de loi, c'est clairement indiqué que c'est un projet de loi qui doit être et qui devrait être porté par le ministre de la Justice. Et là, bon, on apprenait quelques heures avant le début des travaux que c'est davantage le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles qui allait porter le projet de loi. Sans égard aux personnes et sans minimiser le respect que je peux avoir pour la ministre Weil, au contraire c'est une dame que j'apprécie, je continue à croire que c'est un mauvais signal que nous envoyons à la population. Vous l'avez dit, ce n'est pas que le fait de l'immigration, au contraire c'est même dangereux d'associer le dossier des accommodements raisonnables à celui de l'immigration.

Compte tenu d'un certain nombre de préjugés, préjugés qui ont peut-être même été exacerbés au cours des dernières années, pour le plus grand malheur d'ailleurs des gens qui nous arrivent d'ailleurs, quel est le signal que l'on envoie de vouloir indirectement, ce n'est peut-être pas volontaire, mais indirectement associer encore une fois les problèmes d'accommodement raisonnable à l'immigration? Est-ce qu'on accentue encore une fois cette perception?

Est-ce qu'on rend encore plus difficile l'intégration de ces gens qui nous arrivent d'ailleurs avec cette seule volonté de bien s'intégrer et de profiter... et de faire profiter de leur présence à la société d'accueil?

**(17 h 50)**

M. Karam (Georges): Regardez, je vais, M. le Président, si vous permettez, je vais vous répondre à partir d'une, si vous voulez, d'une expérience personnelle.

J'ai été, à un moment donné, au conseil mondial de l'Union libanaise culturelle mondiale et j'ai été appelé à voyager un peu partout. Alors je suis allé partout en Amérique latine, il y a beaucoup de libanais, là... enfin, de citoyens d'origine libanaise, pardon, pour être plus précis, et en Europe, en Afrique, un peu partout et j'ai parlé avec les gens de ces questions-là. Mais, pour eux, il n'est pas question de mesures d'intégration ou de mesures... Ils sont allés là-bas puis ils ont plongé. Ils sont maintenant des Brésiliens, ils sont des Mexicains, ils sont des Argentins, et ainsi de suite. Moi, j'ai dit: Il n'y a pas eu... etc. Mais non, non, pas du tout, il a fallu se lancer à l'eau, et puis, bon, bien on s'habitue, et c'est comme ça que... Donc, je dis, là, je ne sais pas si c'est bien, ce n'est pas bien, mais en tous cas c'est un fait. C'est une réalité. Les gens se sont adaptés, et ce sont devenus des citoyens de ces pays-là à part entière. Ils sont... d'accord, ils portent encore un nom d'origine peut-être orientale, mais... Je ne sais pas, moi, comment... C'est-à-dire, il y a, chez les...

Cicéron avait un proverbe qu'il affectionnait beaucoup, il disait: «Summum jus, summa injuria.» C'est-à-dire que, quand vous utilisez le droit, dans un sens ou d'un autre, avec excès, vous êtes sûr de ne pas être in medio stat virtus, c'est-à-dire dans le centre, dans la vérité, si vous voulez. Donc, il faut savoir mesurer ces choses-là, et c'est une question de feeling, pour parler français, une sorte de sentiment, si vous voulez, ou d'instinct, d'instinct de ces choses-là. Et c'est un instinct politique. C'est pourquoi je dis: Ça n'appartient pas aux juges, ça n'appartient pas aux intellectuels. Et il y a quelque chose de fondamental qui lie le pouvoir politique à son peuple. C'est très important, ça. C'est très important, à mon avis à moi. Parce que la loi... c'est très bien, la loi, mais la loi, ça date, la loi, elle change, la loi, elle varie.

C'est quand il y a cette conjonction entre le peuple et le pouvoir que, là... que ça va bien, c'est magnifique.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Oui, M. le député de Bourget, vous avez quatre minutes.

M. Kotto: Quatre minutes? Oh, ce sera beaucoup plus...

Une voix: ...

M. Kotto: Non, non, moins long que ça. Je voulais tout simplement signifier à M. Karam que je n'aurai pas de question à poser. En fait, son propos est le reflet de ce que je pense fondamentalement. Je suis ici depuis moins longtemps que vous, mais j'ai effectivement fait le constat que vous avez exprimé et exposé ici cet après-midi. Et nous avons l'avantage d'être arrivés il n'y a pas longtemps, et donc du recul, pour signifier à celles et ceux qui sont nés ici et qui parfois, à tort, développent des complexes de culpabilité... ma collègue de Rosemont en parlait tout à l'heure, et c'est bon d'entendre nos sons de cloche.

Je suis, disons, mal placé pour le dire, mais vous êtes l'écho de ce que j'ai toujours pensé. Merci beaucoup.

Le Président (M. Bachand, Arthabaska): Ça va? M. Karam, merci infiniment pour votre prestation. Je vous souhaite un bon retour chez vous. Donc, cette présentation met fin à la séance d'aujourd'hui.

Je lève la séance de la commission et ajourne au mardi 2 novembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 54)

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