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Version finale

39th Legislature, 2nd Session
(February 23, 2011 au August 1, 2012)

Tuesday, March 20, 2012 - Vol. 42 N° 73

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 46, Loi concernant les enquêtes policières indépendantes


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Table des matières

Journal des débats

(Dix-neuf heures trente-six minutes)

La Présidente (Mme Vallée): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare maintenant la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes qui sont présentes dans la salle de bien vouloir vous assurer d'éteindre la sonnerie de votre téléphone cellulaire.

Donc, la commission est réunie ce soir afin de poursuivre les consultations particulières sur le projet de loi n° 46, la Loi concernant les enquêtes policières indépendantes.

Donc, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, Mme la Présidente. M. Ouellette (Chomedey) remplace M. Bernard (Rouyn-Noranda-- Témiscamingue) et M. St-Arnaud (Chambly) remplace M. Cloutier (Lac-Saint-Jean).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, ce soir, nous accueillerons les services de police de la ville de Québec ainsi que l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec.

Alors, sans plus tarder, j'inviterais les représentants du Service de police de la ville de Québec de bien vouloir se présenter et de faire un exposé. Alors, vous disposez, messieurs, d'une période de 15 minutes. Par la suite, s'ensuivront des échanges avec le gouvernement et l'opposition.

Service de police de la ville de Québec (SPVQ)

M. Desgagné (Michel): Merci, Mme la Présidente. Mesdames et messieurs, membres de la commission, M. le ministre, nous vous remercions de nous accorder la possibilité de vous transmettre notre réflexion du projet de loi n° 46.

Le Service de police de la ville de Québec appuie l'initiative du ministère de la Sécurité publique dans la révision du processus actuel afin d'améliorer la transparence des enquêtes indépendantes. Par ses obligations légales de maintenir un service de niveau 4, le Service de police de la ville de Québec détient une expertise en enquêtes majeures et est régulièrement désigné par le ministre pour enquêter ces événements. La structure de notre service et la capacité en ressources humaines qualifiées ainsi que notre crédibilité en matière d'enquêtes nous permettent de répondre aux demandes du ministre.

Il ne faut pas oublier que, pour être en mesure de faire une enquête de ce type, les policiers ont reçu une formation très spécialisée et ont développé une expertise que seul le nombre de dossiers enquêtés et les années d'expérience procurent. De plus, il faut mentionner que l'effectif déployé lors de ces enquêtes est fort important: enquêteur de crimes majeurs, superviseur, spécialiste en identité judiciaire, reconstitutionniste en enquête de collision et spécialiste en interrogatoires et en entrevues vidéo n'en sont que quelques-uns. Certaines enquêtes nous ont obligés à assigner plusieurs équipes de spécialistes sur plusieurs sites différents pour une même enquête en même temps. Cette large expertise est directement en lien avec la diversité des événements que nous devons enquêter: poursuites policières, accidents mortels, blessures et décès par armes à feu, suicides, décès sous garde, etc.

Le Service de police de la ville de Québec a la conviction que les enquêtes pour lesquelles il a été assigné par le ministre ont été réalisées par du personnel intègre et professionnel, dont le sens de l'éthique est à la hauteur des exigences de la population du Québec. Nous croyons que nous ne serions pas devant vous aujourd'hui si les lois et les procédures en matière d'enquête nous avaient permis, par le passé, une plus grande transparence en tenant la population informée des aspects essentiels de l'événement sous enquête et des éléments pris en compte lors de la décision du Directeur des poursuites criminelles et pénales. En ce sens, nous croyons que le projet de loi n° 46 ne répond pas entièrement aux besoins exprimés par la population que nous desservons. Nous notons que la seule particularité du projet de loi à l'égard de l'information au public se retrouve au paragraphe 5 de l'article 289.22.

**(19 h 40)**

Le SPVQ, le Service de police de la ville de Québec, est donc d'avis qu'afin de satisfaire l'opinion publique et de rassurer la population sur l'impartialité et l'intégrité de nos enquêtes le projet de loi devrait prévoir une obligation de communications publiques périodiques du bureau de surveillance tout au long de l'enquête et à la conclusion de celle-ci, même si aucune poursuite n'était intentée envers les policiers impliqués. Nous croyons que cette façon de faire pourrait améliorer la confiance envers les services de police désignés par le ministre.

Pour nous, le Bureau civil de surveillance s'ajoute au Directeur des poursuites criminelles et pénales, au Commissaire à la déontologie, au Bureau du coroner, lors d'un décès, au règlement de discipline de la ville de Québec et à toute enquête publique que le coroner ou le gouvernement a le pouvoir de décréter. Ce sont toutes des institutions ou des mécanismes de surveillance qui ont un regard sur le travail des policiers. Nous tenons à préciser que notre service est disposé à respecter et à adapter ses pratiques en matière d'enquêtes indépendantes, peu importe le choix et les décisions prises par le gouvernement, afin de rassurer la population de l'intégrité, de la transparence et de la crédibilité du personnel des services de police désignés.

Tant qu'à certains articles du projet -- je réfère à l'article 289.1 -- le projet de loi reprend l'obligation de tenir une enquête indépendante lorsqu'un citoyen décède, est blessé gravement ou est blessé par une arme à feu utilisée par un policier lors d'une intervention policière ou lors de sa détention par un corps de police. La loi actuelle utilise les termes «blessures laissant craindre pour la vie». Jusqu'à maintenant, pour le Service de police de la ville de Québec, ces termes n'ont pas causé de problème d'interprétation tant qu'au déclenchement d'une enquête indépendante. Si la loi était adoptée en conservant la notion de blessures graves, nous croyons qu'il sera nécessaire de préciser cette définition.

Tant qu'à l'article 289.5, nous sommes d'accord avec l'expertise exigée pour le directeur et son adjoint, car les enquêtes indépendantes demandent une expertise particulière. L'entrevue, l'interrogatoire, la collecte et l'analyse des éléments recueillis, la prise de notes, la rédactions des rapports, l'analyse des scènes, le suivi auprès des victimes et de leurs familles, le témoignage à la cour sont des exemples d'activités qui doivent être réalisées avec compétence, en toute objectivité et dans le respect des lois et des règles de la preuve.

Tant qu'à l'article 289.8, par contre, il serait essentiel que les observateurs détiennent une certaine expertise aussi. Nous estimons que des connaissances approfondies en matière de droit criminel pour les observateurs sont incontournables pour exercer adéquatement leur fonction d'observation et faire rapport au ministre.

Tant qu'à l'article 289.16, pour le service de police de Québec, la présence d'un observateur civil est de nature à assurer une plus grande transparence en permettant aux citoyens d'être mieux informés sur le déroulement de l'enquête, sur les faits et les circonstances entourant l'événement. Cette transparence permettra, à notre avis, une meilleure compréhension de l'intervention policière et le maintien de la confiance du public, qui est essentielle à la réalisation de notre mission.

Pour assurer cette transparence, nous croyons que l'observateur désigné doit être présent dès le début de l'enquête. Ainsi, une fois informé de la tenue d'une enquête indépendante, le Service de police de la ville de Québec recommande que l'observateur communique sans délai avec l'officier de liaison représentant le corps de police désigné afin de mener l'enquête.

Pour les articles 289.17 et 289.18, concernant ces dispositions, nous sommes d'accord et ajoutons qu'au besoin le représentant du service désigné pourrait faciliter, sur demande de l'observateur, l'accès au responsable de l'enquête, en sa présence, afin d'avoir les précisions nécessaires à sa bonne compréhension. Nous croyons aussi que la visite des lieux pourrait se faire en compagnie du représentant pour éviter les risques de contamination de scène, les problèmes d'identification, et de privilégier l'accès aux lieux protégés.

Ces pouvoirs nous apparaissent importants et permettront à l'observateur d'avoir une position privilégiée dans la surveillance du processus d'enquête. Il va de soi que la préservation de l'intégrité de la scène, des pièces saisies de même que le respect des exigences légales reliées à l'enquête sont essentiels en cas d'éventuelles poursuites devant les tribunaux.

Tant qu'à l'article 289.21 et 289.22, nous croyons que le fait de transmettre au bureau de surveillance le rapport du service de police désigné ne ferait qu'augmenter les délais d'administration de la justice et entacherait encore une fois le sentiment de non-transparence auprès de la population. De plus, sans prendre la place des juristes, nous croyons que le fait de transmettre au Directeur des poursuites criminelles et pénales par l'entremise d'un tiers pourrait être perçu comme une intrusion dans le processus judiciaire.

Nous considérons qu'une fois l'enquête terminée... que le rapport final soit remis simultanément par le corps de police désigné au Directeur des poursuites criminelles et pénales, au Bureau du coroner lors d'un décès et au Bureau civil de surveillance. Le processus est ainsi simplifié et permettrait à toute institution visée, incluant le bureau de surveillance, de faire leurs analyses respectives du dossier et d'intervenir au besoin selon leurs sphères d'expertise, et ce, sans délai.

En résumé, M. le ministre, Mme la Présidente, le Service de police de la ville de Québec appuie la démarche du ministère de la Sécurité publique dans l'objectif de satisfaire l'opinion publique à l'égard des enquêtes indépendantes. Pour nous, la transparence est essentielle à la compréhension du public et à la confiance envers les services de police. Il est essentiel qu'un processus de communication bien établi dès le début de l'enquête soit prévu dans les directives du ministère. Le Service de police de la ville de Québec souhaite que la solution proposée soit à la satisfaction de la population, et nous nous engageons encore une fois à collaborer, quelle que soit l'option retenue par le gouvernement. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. Desgagné, je vous remercie. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre pour une période d'échange de 20 minutes.

M. Dutil: Merci, Mme la Présidente. Merci, M. Desgagné, de votre présentation. Je pense qu'il y a un point commun entre votre présentation puis celle de tous les autres intervenants: ça concerne l'information du public. Je pense que ça, c'est un... c'est revenu dans... à chaque fois sur cette obligation-là d'informer davantage le public.

Vous proposez que le Bureau civil le fasse par étape et le fasse plus fréquemment. Est-ce que votre recommandation va jusqu'à ce que... jusqu'au DPCP, qui, lui, en cas de non-poursuite... parce que, dans la plupart des cas, il y a non-poursuite et donc pas d'information publique. Est-ce que vous estimez qu'il devrait y avoir aussi information publique de leur part?

M. Desgagné (Michel): Oui, M. le ministre. C'est ce qu'on mentionnait dans notre communiqué. Effectivement, même s'il n'y a pas de poursuite criminelle envers les policiers, on pense que le public doit être informé de tout cela, et -- je reviens un peu comme vous disiez -- que le processus, tout au long de l'enquête, ait des façons... des périodes où nous... le Bureau civil pourrait informer le public du processus.

J'entendais, dans les représentations de divers organismes, la longueur des enquêtes policières dans les enquêtes indépendantes. Et les enquêtes, dans tout dossier de crime majeur, sont longues. Pour le public, le fait d'avoir fait comparaître un suspect, ils ont la perception... les gens ont la perception que l'enquête est terminée, alors qu'une fois la comparution faite et la détention ou la libération du prévenu, bien, on sait fort bien que l'enquête se poursuit sur des mois et des mois, et c'est la même chose pour une enquête indépendante. Donc, le fait que le Bureau civil avise la population -- bien, on est en attente d'expertise, on est en attente de rencontrer des témoins qui sont blessés ou qui ne sont pas en mesure de nous rencontrer tout de suite, etc. -- bien, pourra permettre aux citoyens d'évaluer un peu puis de voir que le dossier se continue puis qu'il n'y a pas de faux-fuyant dans les délais.

Si vous permettez... Je m'excuse, j'étais tellement concentré par mon texte que j'ai oublié de vous présenter mon collègue, puis il va m'en vouloir. Alors, je vous présente le directeur adjoint, Jocelyn Bélanger, nouvellement nommé. Mais Jocelyn, dans ses fonctions dernières, était le responsable du Bureau des enquêtes criminelles, donc bien au fait des dossiers d'enquête indépendante, où est-ce qu'il a travaillé lui-même. Je m'en excuse...

M. Dutil: M. Bélanger... Ça nous fait plaisir, M. Bélanger, mais je dois vous dire qu'on vous espionnait un peu. Dans notre texte, c'était bien écrit Jocelyn Bélanger, directeur adjoint. On le savait. On savait que c'était vous. Alors, bienvenue à notre soirée.

Donc, si je vous suis bien, là, dans votre esprit, l'information, ce n'est pas juste sur le déroulement de l'enquête, mais c'est sur les étapes et l'explication des raisons qui font que parfois les étapes sont plus longues, qui aiderait probablement à la bonne compréhension du public. Évidemment, c'est une étape qui... ça doit passer au pathologiste puis que le pathologiste prend trois mois pour des raisons valables. Ça ne serait pas mauvais, dans votre esprit, là, qu'on le dise tout simplement: Bien, regarde, c'est rendu là puis voilà, voilà où...

**(19 h 50)**

M. Desgagné (Michel): Effectivement, on croit que le public pourrait comprendre que ce n'est pas seulement le vouloir des policiers puis du service de police de retarder les choses. Et on sait, dans notre métier, qu'il y a des délais à tout ça, puis c'est normal qu'il y ait ces délais-là, puis on ne peut pas passer outre, même si c'est une enquête indépendante puis même si on demande des fois d'avoir des priorités pour certains dossiers.

M. Dutil: Deuxième point qui a été... qui est moins unanime, c'est la présence de policiers dans les enquêtes versus la présence de seulement des civils dans les enquêtes. J'aimerais vous entendre davantage là-dessus, parce que ça... une grande divergence d'opinion entre les groupes qui se sont présentés à nous.

M. Desgagné (Michel): Bien, écoutez, on a tenté d'exprimer, puis je pense qu'il y a des groupes qui en ont fait partie, de ça, entre autres l'école nationale a bien démontré l'expertise, la formation, tout le processus de formation qu'un policier doit avoir, et ce qu'on mentionne, nous, c'est par l'expérience, puis par les années, puis par le nombre de dossiers travaillés que nos policiers développent une expertise réelle. Alors, que ce soit un bureau uniquement de personnel civil, entre parenthèses, bien, on pense que... on se demande comment ces gens-là pourraient développer cette expertise-là. Ça prendrait pas mal d'années puis pas mal de dossiers, puis on croit que ce serait futile.

D'autre part, quel serait le nombre de personnels civils, de personnels dans ce bureau-là pour faire des enquêtes indépendantes de l'ampleur qu'on connaît? On a déjà... parce que ce qu'on explique aussi, c'est qu'on doit déployer des experts de toutes sortes. Alors, des enquêteurs... un bureau d'enquête civil, est-ce qu'ils auraient des spécialistes en identité judiciaire, en collision, en interrogatoire vidéo, en interrogatoire même, des fois, d'enfants ou de personnes avec des besoins particuliers? Alors, on se demande comment on pourrait développer ça dans un bureau en quelques mois ou en quelques années, là.

Puis même on sait qu'il a été dit que possiblement que ça pourrait être des policiers retraités. Encore là, peut-être les premières années, premiers mois, premiers 24 mois, les policiers retraités ont quand même une bonne expertise, mais le... il y a des lois qui se développent, il y a des changements dans la technologie, il y a des changements dans nos procédures. Alors, on se demande comment ces gens-là pourraient garder cette expertise-là... peut-être pour quelques mois, mais pas pour une longue période.

M. Dutil: Et là, moi, si je résume, c'est que vous dites que l'expertise est fractionnée entre plusieurs personnes qu'on ne pourrait pas toutes regrouper, à moins d'avoir un gros groupe d'enquêteurs, là, on ne pourrait pas tout regrouper dans le Bureau civil. C'est beau.

M. Bélanger (Jocelyn): Vous savez, M. le ministre, il y a certaines enquêtes indépendantes où est-ce qu'on avait déployé entre 20 et 30 policiers, donc c'est des équipes multidisciplinaires. Souvent, pour le public, les enquêtes indépendantes, c'est un enquêteur, deux enquêteurs, quand, dans les faits, pour certaines enquêtes, on a déployé, comme je vous disais tantôt, un nombre de personnes assez impressionnant, avec des gens avec des expertises dans différents domaines, que ce soit l'extraction de données, l'imagerie, des gens qui sont spécialisés en... comme le directeur le mentionnait, des gens qui sont... un superviseur premièrement qui est formé en gestion de cas grave à Ottawa, qui est formé au niveau des crimes majeurs, un enquêteur principal qui est formé au niveau des crimes majeurs également... Puis ces gens-là, bien, ils travaillent avec une équipe multidisciplinaire qui... des gens, des reconstitutionnistes en scène de collision, en enquête collision, des gens de l'identité judiciaire. On en parlait, dans certains cas, on a fait des entrevues de vidéo d'enfants, donc on avait des policiers spécialisés en entrevue vidéo. Donc, c'est tous des gens qui, en plus de ça, en plus d'avoir une formation pointue, une formation continue, il y a certains de ces gens, de ces personnes-là, qu'on a envoyés même à l'international, aux États-Unis, en Europe, etc., pour aller chercher de la formation encore plus spécialisée.

Et je ne pense pas non plus que c'est la qualité... c'est la formation et l'expertise qui est mise en cause, mais c'est plus, dans les enquêtes indépendantes, à notre avis, le manque d'information au public, la transparence, c'est de ça qu'il est question. Parce que, dans tous les dossiers qu'on a faits, ça n'a jamais été la qualité de l'enquête qui était remise en cause, mais c'était plutôt l'information qui était manquante. Et le problème, dans nos lois actuelles, c'est que, s'il n'y a pas d'accusation au bout de la ligne et s'il n'y a pas d'enquête publique du coroner, bien, c'est comme dans n'importe quelle enquête, il n'y a pas d'information qui est transmise.

Les résultats de... la décision du procureur de la couronne n'est pas publique, les données dans l'enquête ne sont pas publiques. C'est pour ça que nous, on prône que, tout au long de l'enquête, à différentes étapes stratégiques, ça peut être, exemple, le début de l'enquête, la fin de l'enquête, le dépôt du rapport, le dépôt du rapport au procureur, ça peut être par exemple d'aviser le public: On est en attente de retour d'analyses...

Il faut penser que, dans plusieurs de nos enquêtes, il y a des analyses de faites au niveau balistique, il y a des analyses de faites au niveau de l'ADN, il y a des analyses de faites... Il y a des pièces qui sont saisies, ça peut être au niveau des empreintes digitales, etc. Donc, il y a une foule d'expertises qui est faite, puis, souvent, bien, on est en attente de résultats du laboratoire scientifique. Puis ça fait que, pour le public, bien, les enquêtes sont longues, ils n'ont pas d'information, puis ça laisse croire publiquement qu'il ne se passe pas grand-chose dans notre enquête, quand que, dans le fond, nous, ce qu'on demande...

Puis on est contents du projet de loi n° 46 avec un observateur civil, parce que nous autres, pour ce qui est de nous, l'observateur civil, qui est un élément unique puis qui est au niveau des enquêtes, c'est d'avoir quelqu'un qui a les yeux du public à l'intérieur de l'enquête, ce qu'on n'avait jamais vu, puis on est contents de ça. Ça fait que c'est...

La Présidente (Mme Vallée): Merci.

Alors, compte tenu qu'il ne reste seulement que 30 secondes, je vais céder la parole à monsieur...

M. Ouellette: J'aurais une petite question...

La Présidente (Mme Vallée): 30 secondes.

M. Ouellette: Oui. Combien d'enquêtes est-ce que vous avez faites et reçues à Québec au cours de la dernière année, en 25 secondes?

Une voix: La dernière année...

M. Bélanger (Jocelyn): Au cours de la dernière année... Moi, je peux vous dire que, les statistiques au cours de la dernière année, je ne les ai pas, mais je peux vous dire qu'on a été désignés sur... dans les dernières années, sur... depuis 2007 à 2011, 25 enquêtes indépendantes, puis... oui?

M. Ouellette: Vous en avez reçu combien?

M. Bélanger (Jocelyn): On a été visés par 12 enquêtes au service de police dans les cinq dernières années.

La Présidente (Mme Vallée): Oui, vous avez quand même débordé de 10 secondes.

Alors, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente. C'est raisonnable. Je salue l'effort fait par mon collègue de Chomedey.

D'abord, le bonjour. Bonjour, M. le directeur, bonjour, M. Desgagné. Bonjour, M. Bélanger.

Peut-être juste une question de procédure avant d'amorcer, là, les questions plus précises sur le document. Est-ce que votre position a été entérinée par les autorités de la ville de Québec, ou si c'est vraiment un produit, là, du service de police? Il n'y a pas eu d'approbation des autorités de la ville?

M. Desgagné (Michel): J'ai l'approbation de ma patronne, directrice générale adjointe au service... Mais, dans ce dossier, les discussions que j'ai eues avec l'hôtel de ville, c'est que je venais ici comme un représentant du Service de police de la ville de Québec, et non pas de la ville de Québec.

M. St-Arnaud: Parce que... Je vous pose la question d'entrée de jeu parce que mon imposante équipe de recherche, qui est d'ailleurs présente au complet ce soir autour de moi...

Une voix: ...

M. St-Arnaud: ...ce n'est pas drôle, l'opposition, M. le ministre -- m'a signalé un article dans le journal Le Soleil, en mai 2009, qui s'intitulait ainsi: Labeaume s'attaque aux enquêtes de la police sur la police. Et, je cite l'article, le maire disait -- j'ouvre les guillemets -- «"Aucun corps policier ne devrait enquêter sur les comportements d'un autre corps policier"[...], estime le maire Régis Labeaume. Pour rétablir la crédibilité du système, il demande au gouvernement Charest de créer une agence indépendante.

«[...][Il propose] de créer une agence indépendante de toute influence policière.»

Et l'article dit ceci: «Le modèle imaginé [par le maire] ressemblerait à celui en vigueur en Ontario -- j'ouvre les guillemets. "Aucun membre ou ancien membre de corps policier ne participe aux enquêtes", précise le maire.»

Alors, le maire semble même être... nous proposer un modèle qui est... parce que, vous le savez, vous avez peut-être suivi nos débats, la Protectrice du citoyen nous a proposé un modèle d'enquête indépendante composé de policiers retraités et de civils. Et il y a quelques organismes qui nous ont dit: Il ne faudrait même pas qu'il y ait des policiers retraités dans ce modèle-là. Et, manifestement, M. Labeaume semble se rapprocher... en fait, il semble avoir une position, le maire de Québec actuel... une position encore plus radicale que celle de la Protectrice du citoyen, puisqu'il dit qu'il devrait y avoir une unité indépendante composée exclusivement de civils, et même pas de policiers retraités. Alors, c'est pour ça que je vous pose la question, parce qu'à première vue, là, la position que vous nous exprimez ce soir me semble en complète contradiction avec la position émise par le maire de Québec. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Desgagné (Michel): Je connais la position de M. Labeaume, de M. le maire. Il connaît ma position. Je ne suis ici qu'en tant que représentant du Service de police de la ville de Québec, et non pas les autorités politiques de la ville.

M. St-Arnaud: Ça va. Alors, je vais passer au point suivant. Est-ce que je comprends, d'abord, M. Desgagné, qu'à l'article 289.1 vous souhaiteriez que l'on conserve la terminologie actuelle qui est connue, à savoir «blessure laissant craindre pour la vie», plutôt que de parler de blessure grave? Est-ce que je comprends que, si le projet de loi parlait plutôt de blessure laissant craindre pour la vie, ce serait une amélioration par rapport au projet de loi n° 46?

**(20 heures)**

M. Desgagné (Michel): Alors, ce qu'on dit, monsieur, c'est que les blessures laissant craindre pour la vie, dans le passé, dans ce qu'on vit actuellement, avec la loi actuelle, ne nous a pas causé de problème d'interprétation, lorsqu'il était temps de soit, nous, d'aviser le ministre qu'on avait une situation avec des blessures laissant craindre pour la vie. Et dans les échanges qu'on... Que ce soit nous qui soient désignés comme policiers... comme service de police pour enquêter ou que ce soit nous qui sommes visés par l'enquête, alors, à venir à date, on n'avait pas eu de problème, ça fait qu'on fait tout simplement le soulever.

Et ce qu'on ajoute, c'est que, si on regarde «blessures graves», bien, à notre avis, encore une fois, il va falloir probablement des précisions là-dessus, où est-ce que commence une blessure grave, etc., parce que ça peut être un peu ambigu de parler de blessures graves sans avoir une définition bien spécifique. Et, s'il le faut, une suggestion qui... peut-être que, si on est reconsultés éventuellement, bien, on pourrait peut-être aller voir du côté du Code criminel, qu'est-ce que c'est qu'une blessure avec lésions, qu'est-ce que c'est... etc.

M. St-Arnaud: Mais vous, vous vivez bien avec l'expression actuellement utilisée, puis je comprends qu'elle ne pose pas de problème dans votre travail régulier, là, quand on parle d'enquête indépendante. C'est ce que je comprends?

M. Desgagné (Michel): Actuellement, ça ne cause pas de problème. Vous comprenez bien, monsieur le...

M. St-Arnaud: Et, si le projet de loi indiquait «blessures laissant craindre pour la vie», ce serait... ça clarifierait la situation quant aux types de blessures qui sont... de façon claire à vos yeux, là, c'est ce que je comprends?

M. Desgagné (Michel): Pour nous, oui.

M. St-Arnaud: Excellent. J'aimerais vous parler du rôle de l'observateur. J'aimerais que vous nous disiez comment vous voyez le travail de l'observateur. Je comprends que vous... J'aimerais... À partir de la scène de crime et par la suite, comment vous voyez le travail de l'observateur? Parce que votre position, si je comprends bien, là, diverge du projet de loi. Vous pensez qu'il devrait parler à un certain nombre de personnes, il devrait même parler à l'enquêteur au dossier. J'aimerais vous entendre, là, sur... à partir de la scène de crime, jusqu'au travail qu'il fera dans les semaines ou dans les mois qui suivent, quelle est votre... comment vous voyez le rôle de l'observateur?

M. Desgagné (Michel): O.K. Si vous permettez, et avec tout le respect que je vous dois, puis j'entends puis j'ai écouté pas mal de représentations, ici, on parle souvent de scène de crime. Une scène de crime, pour nous, c'est quand il y a un crime de dévoilé, et, alors, quand on fait une enquête indépendante, on n'a pas de crime encore, jusqu'à preuve du contraire. Je m'excuse, mais j'apporte cette précision-là parce que ça porte à ambiguïté, justement.

M. St-Arnaud: Alors, c'est une précision extrêmement importante que vous faites. L'expression que vous utiliseriez, ça serait...

M. Desgagné (Michel): Scène d'événement... une scène...

M. St-Arnaud: Scène d'événement.

M. Desgagné (Michel): Scène d'événement.

M. St-Arnaud: Alors...

M. Desgagné (Michel): Ça pourrait être désigné autrement aussi, et, jusqu'à preuve du contraire, jusqu'à temps qu'il y ait un crime de mentionné ou de défini. Concernant le... ce que... votre question plus précisément, je vais transmettre à... je vais permettre à M. Bélanger de répondre, si vous permettez.

M. Bélanger (Jocelyn): Bien, moi, je pense que le rôle de l'observateur, c'est un... il y a un rôle dans le projet de loi qui est extrêmement important pour nous autres, puis on est en accord avec ça, c'est... puis, même, on va même un petit peu plus loin. C'est qu'on pense que, par exemple, si on veut réellement remplir notre objectif de transparence, dans un premier temps, je pense que l'observateur, sans délai, lorsqu'il est avisé qu'il y a une enquête indépendante, doit rentrer en communication avec l'agent de liaison. Pourquoi? Parce que, par expérience, ce que je peux vous dire, c'est que, lorsqu'il y a une enquête indépendante, il y a une grosse partie du travail qui se fait dans les 24 à 48 heures, O.K.? C'est là qu'on fait la scène, c'est souvent là qu'on rencontre nos principaux témoins, les témoins civils, les témoins policiers, qu'on saisit des pièces, qu'on a plusieurs réunions d'équipe, des réunions de coordination, des briefings, etc. Et je trouve que, si l'observateur n'a pas l'occasion d'observer ces éléments-là, il perd une partie importante de l'enquête. Ça fait que je pense qu'on devrait bonifier cet aspect-là dans le projet de loi.

Deuxièmement, c'est que... comme je viens de parler, c'est que l'observateur, en présence de l'agent de liaison... Souvent, dans une enquête indépendante, une enquête d'importance, je vous en parlais tantôt, on avait des groupes importants d'enquêteurs, et, plusieurs fois dans une journée, et même dans les deux premières journées de l'enquête, il y a des réunions de coordination où est-ce que le superviseur, avec l'enquêteur principal, avec... une partie de son équipe, est présent.

Et là il y a, bien, ce qu'on appelle souvent des rétroactions, où est-ce que l'enquêteur principal puis le superviseur va demander à ses enquêteurs où est-ce qu'il y a eu des commandes de transmises. Les gens reviennent dans l'équipe, vont donner un compte rendu de ce qui s'est fait. Tu as quelqu'un qui a fait la scène, va... un enquêteur responsable de la scène va venir donner des éléments sur la scène, etc. Même, souvent, la scène est encore protégée, mais il y a quelqu'un de l'identité judiciaire qui va avoir pris... qui va avoir rentré sur la scène, qui va avoir pris des images vidéo de la scène, etc.

Moi, je n'aurais rien contre, puis je trouve que ça serait même profitable pour un observateur de, durant ces deux journées-là, à l'occasion, de venir avec notre agent de liaison observer le travail d'équipe, écouter ce qui se dit à l'intérieur de ces réunions-là. Moi, je pense qu'à ce moment-là il va jouer réellement son rôle d'observateur. Puis, s'il n'assistait pas à ça, au bout d'une semaine, deux semaines, trois semaines, il pourrait arriver puis nous poser différentes questions reliées à l'enquête qu'il n'a pas observée. Donc, si on veut vraiment être transparents, nous, on est d'avis que l'observateur doit jouer un rôle dès le début, en présence de notre agent de liaison.

Puis, effectivement, c'est que, si on croit qu'en présence d'un agent de liaison il pourrait se rendre sur la scène puis, une fois que la scène est expertisée, faire le tour de la scène... comme moi, j'ai fait comme superviseur, où est-ce que je ne rentrais pas sur la scène tant que la scène n'avait pas été expertisée, les éléments recueillis pour ADN, etc. Mais, par contre, après, une fois que c'est fait, on peut facilement rentrer sur la scène, parce que, à ce moment-là, les éléments sont recueillis, etc., on peut faire le tour avec notre agent de liaison, lui expliquer la scène, lui montrer des photos, lui montrer le vidéo. Et là moi, je pense qu'à ce moment-là il jouerait réellement son rôle d'observateur.

M. St-Arnaud: C'est peut-être juste une sous-question sur la scène d'événement: Comment vous faites en sorte d'éviter que l'observateur demeure un observateur et ne soit pas éventuellement témoin dans le dossier? Comment... Parce qu'il y a... Est-ce qu'il n'y a pas ce danger-là éventuellement quand l'observateur se rend sur la scène d'événement?

M. Bélanger (Jocelyn): Bien, moi, je pense que, dans un premier temps, c'est qu'il pourrait toujours, éventuellement, être témoin, sauf que, je vous dirais, par exemple, c'est qu'au niveau des pièces les pièces vont avoir été saisies, elle vont avoir été photographiées, etc. Oui, il pourrait, à la limite, témoigner, sauf qu'il va témoigner de quoi? Il va témoigner comme M. Tout-le-monde. Dans le fond, dans une cause, au palais de justice, on va faire témoigner les gens qui ont saisi des pièces, on va faire témoigner les gens de l'identité judiciaire qui ont pris des mesures, qui ont fait quoi... Bien, je veux dire, lui, il va avoir été vraiment... il va jouer son rôle d'observateur.

M. St-Arnaud: Éventuellement, il pourrait être appelé comme témoin de ce qu'il a observé, là, c'est..

M. Bélanger (Jocelyn): À la limite, il pourrait être appelé comme témoin.

M. St-Arnaud: Je reviendrai, Mme la Présidente, je sens que vous me faites signe.

La Présidente (Mme Vallée): Oui.

M. St-Arnaud: Je reviendrai sur les étapes suivantes, parce que je pense que vous avez amené des éléments extrêmement intéressants quant à la présence aux réunions d'équipes, là. Je vais y revenir un peu plus tard.

La Présidente (Mme Vallée): Merci. Alors, M. le député de Chomedey.

M. Ouellette: Il y a une petite question.

La Présidente (Mme Vallée): Ah! M. le député de Vimont, décidément, la région de Laval...

M. Auclair: 40 secondes. Messieurs, bonsoir. Écoutez, ça va être très rapide. Dans le projet de loi, ça a été présenté par beaucoup d'intervenants... C'est à quel moment est-ce que les représentants du bureau de surveillance pourraient rencontrer le policier? Selon vous, suite à l'événement, le policier, par exemple, on va prendre un cas de blessure grave, on ne parlera pas de quelqu'un qui est tué par balle, mais à quel moment est-ce que les gens du bureau de surveillance pourraient avoir accès au rapport?

M. Desgagné (Michel): Parce que vous avez parlé du policier et du rapport... Le policier...

M. Auclair: ...qui est en cause...

M. Desgagné (Michel): ...qui est en cause...

M. Auclair: À quel moment est-ce que le représentant du bureau de surveillance, donc, pourrait avoir accès à ce rapport? Dans les 24 heures? Dans les 48 heures?

M. Desgagné (Michel): Alors... à son rapport. Bien, nous, ce qu'on sait, ce qu'on vit actuellement dans les enquêtes où on est désignés, c'est que, les rapports, on les a de façon assez rapide, dépendamment de la situation, dépendamment des cas. Et on pourrait éventuellement, si les règles de... les règlements ou les directives qui vont suivre avec la loi nous permettent de divulguer ces informations-là... Je crois que, présentement, dans le projet de loi, tout renseignement et tout document peuvent être transmis à l'observateur sur sa demande. Alors, c'est selon la rapidité à laquelle on peut lui transmettre ou qu'on peut lui faire voir, là, lui faire lire.

M. Auclair: Mais vous attendez à quel moment qu'il est capable de produire son rapport? Parce que certains disaient: Bien, étant donné qu'il vient de vivre un choc, il n'est pas capable de... il faut lui donner le temps de préparer parce que ça pourrait l'incriminer.

**(20 h 10)**

M. Desgagné (Michel): Bien, ça, dans l'aspect psychologique ou la difficulté pour un policier de remettre le rapport, c'est du cas par cas, encore une fois. Ça dépend de la circonstance, ça dépend de la situation. Et, dès que... On n'a pas de délai. Puis je ne veux pas mettre de chiffre, d'heure ou de journée. Mais, habituellement, avec la... on a beaucoup de collaboration avec les services de police où on va enquêter, et ces gens-là s'assurent d'avoir le rapport le plus rapidement possible, qui est un devoir du policier de transmettre un rapport dans les délais.

Parce qu'il faut faire la distinction aussi entre un rapport, un rapport d'événement du policier qui a vécu cet événement-là, et une déclaration, si, le cas échéant, par l'enquête, on découvrirait ou on déciderait de passer au mode de suspect, en fait, de prévenu, parce qu'on a découvert des éléments criminels. Ça fait qu'il y a une distinction à faire entre le rapport et la déclaration à faire dans ces cas-là. Mais, pour le rapport, nous, dès qu'on est capables, et avec les agents de liaison des services de police où on va enquêter, on a habituellement, dans un délai raisonnable, le rapport.

M. Bélanger (Jocelyn): Si vous permettez, Mme la Présidente, aussi, il faut penser qu'au niveau de l'enquête c'est évolutif, hein? C'est-à-dire que ça arrive aussi que... c'est arrivé dans plusieurs enquêtes qu'on a le rapport du policier et on a besoin de le rencontrer par la suite pour lui demander un complément, lui demander des information supplémentaires. Ça fait que, oui, il y a cet aspect-là aussi à considérer.

Donc, on peut avoir un rapport rapidement, dépendamment de la situation, c'est du cas par cas, là, comme le directeur vient de le mentionner, mais ça peut très bien arriver qu'à un moment donné on apprend des éléments supplémentaires dans l'enquête ou, à la lecture du rapport, on a besoin d'avoir des précisions. Donc, à ce moment-là, donc, on rencontre le policier en question puis on va lui demander d'obtenir certaines précisions par rapport à certains éléments, comme on fait avec n'importe quel témoin, là.

La Présidente (Mme Vallée): ...M. Bélanger, alors M. le député de Chomedey.

Une voix: Je vais laisser le député de Chomedey...

M. Ouellette: Merci, Mme la Présidente. Je vais laisser mon collègue de Chambly, j'ai une bonne idée d'où il s'en va avec sa scène, et, étant un criminaliste émérite dans une ancienne vie, j'ai vu ses yeux briller quand vous lui avez parlé de l'observateur comme témoin. Il se ferait un plaisir de le contre-interroger et de l'interroger à la cour, et qui pourrait effectivement paralyser le bureau de surveillance si, effectivement, il vient trop tôt sur une scène d'événement.

Donc, je reviens à d'autres questions parce que le temps file et... Les enquêtes indépendantes ou les enquêtes de crimes majeurs, d'homicides, c'est fait par des gens très, très spécialisés. J'ai fait le tour avec la Sûreté du Québec et le Service de police de la ville de Montréal, et, vous me corrigerez, le chiffre d'enquêteurs très spécialisés qu'il y a à Québec serait de 12, dans un premier temps, et vous nous avez parlé de 20 à 30 policiers que vous déployez. Ma première question va être: Quand vous avez une demande pour intervenir dans une enquête indépendante, votre stratégie de déploiement, c'est combien par rapport au nombre de policiers très spécialisés que vous avez? Parce que pour l'ensemble de la province, sur 15 000 policiers, il y a 84 policiers très spécialisés qui sont capables de faire ces jobs-là, et qui sont formés pour les faire, et qui se tiennent actualisés pour faire ce genre de job là. Donc, j'ai besoin de la stratégie du service de police de Québec dans le cas des enquêtes indépendantes.

L'autre chose qu'on nous a demandée... Ma deuxième question va être au niveau de la liaison avec... et des communications qu'il y a avec la famille et les proches, parce qu'on en a parlé beaucoup, ça a été relevé par plusieurs des groupes, et il y a eu plusieurs commentaires à l'effet que la famille était laissée dans le néant, on ne la tenait pas au courant et on... Comment ça se fait à tous les niveaux de l'enquête?

Et je regarde, parce que là mon temps est parti, et il devrait revenir, je vais poser tout de suite ma troisième question. C'est immédiatement que l'observateur devrait être avisé. J'ai amené comme suggestion qu'il devrait avoir immédiatement aussi un procureur du DPCP qui suive, avec le Bureau civil de surveillance, l'enquête, et ce serait à eux... Parce que trop souvent on met sur le dos de la police qu'il faut que ça soit la police qui réponde à toutes les questions, alors que la police a un travail à faire, le procureur a un travail à faire, et l'information... Parce que la décision, la police soumet son rapport, la décision est prise par le procureur, ce n'est pas la police... Mais le monde, il mêle tout ça. Et, en ayant un procureur du début, qui serait le même, qui prendrait la décision et qui serait le même qui donnerait, de concert avec le Bureau civil de surveillance, les états de situation, vous voyez ça comment? Donc, trois questions.

M. Desgagné (Michel): Je vais laisser répondre M. Bélanger aux premières qui sont plus techniques, c'est plus dans son champ d'activité.

La Présidente (Mme Vallée): Il vous reste trois minutes pour répondre aux questions.

M. Bélanger (Jocelyn): Bon, O.K. Rapidement, là, lorsqu'on est avisés qu'on est mandatés pour faire une enquête indépendante, rapidement on contacte le corps de police en question. Comment est-ce qu'on fait pour déployer nos effectifs puis de quelle façon? C'est que, dans un premier temps, là, on va poser différentes questions: Bon, il y a combien de scènes? Il y a combien de témoins civils? Il y a combien de témoins policiers? On essaie de prendre... d'avoir un minimum d'informations, et c'est souvent à partir de cette information-là qu'on est capables, s'il y a deux scènes, trois scènes à faire, parce que ça arrive, ça peut arriver facilement, deux, trois scènes à faire, il peut y avoir un véhicule qui est une scène, la maison... Dans une poursuite policière, ça peut être une scène étendue sur 30 kilomètres où est-ce qu'il y a eu, tu sais, il peut y avoir... Donc, ça dépend, c'est du cas par cas. O.K. Mais, selon la situation, selon la première évaluation qu'on en fait, c'est là qu'on déploie notre personnel. Il y a toujours un superviseur qui est du crime majeur, avec les formations. C'est toujours des enquêteurs des crimes majeurs, et là il vient s'adjoindre avec ça différentes équipes selon les besoins.

Comme je vous disais tantôt, si on est informés, par exemple, qu'il y a deux enfants dans la maison, puis qu'il est arrivé une situation x, puis c'est des jeunes enfants, bon, on va prendre possiblement des gens qui sont dans notre unité des délits familiaux puis des agressions sexuelles, qui sont des experts en entrevues vidéo non suggestives, pour rencontrer les enfants. Donc, on s'adapte de cette façon-là.

Mais on parle facilement, là, d'au moins, un minimum, moi, je vous dirais, par expérience, de huit policiers, là, qui se déplacent. Et là ça peut aller, selon les circonstances, à... On a eu... je me suis déjà déplacé sur une enquête, je pense qu'on était 23 ou 24 policiers. Il y avait quatre scènes lors d'une prise d'otage avec un individu qui avait été... malheureusement décédé suite à une intervention. Ça, c'est pour votre première question.

La question pour la famille, bien entendu, il y a toujours un volet, puis ça, on le fait depuis quand même plusieurs années au niveau des crimes graves et au niveau des enquêtes indépendantes, il y a immédiatement... Donc, une des choses qu'on s'informe: Est-ce que, lorsqu'il y a décès, est-ce que la famille est avisée du décès? Des fois oui, des fois non, lors d'une enquête indépendante, mais on va déployer immédiatement des enquêteurs qui souvent vont jouer ce rôle-là, dans notre équipe des crimes graves, qui ont des bonnes habiletés interpersonnelles, etc., qui, eux autres, vont se rendre rencontrer la famille. Et, si le courant a bien passé, là, en partant, on va garder le même enquêteur, qui va faire le suivi jusqu'à la toute fin de notre enquête indépendante. Si, pour une raison ou une autre, des fois, les premières réactions, on va changer... on va déployer un autre enquêteur auprès de la famille, mais on a une préoccupation extrêmement importante de faire le suivi avec la famille du début jusqu'à la fin, puis ça, on ne l'a pas juste pour les enquêtes indépendantes.

Par rapport à votre troisième question, moi, je pense qu'effectivement avoir un procureur de la couronne désigné pour l'enquête, pas nous suivre dans l'enquête sur le terrain, mais désigné, avec lequel on pourrait, par exemple, consulter pour avoir des avis, etc., tout au long de l'enquête, puis qui resterait le même, moi, je trouve que ça peut être une bonne idée, malgré qu'il n'y a rien qui nous empêche de le faire actuellement, là. Là, actuellement, si on va faire une quête indépendante dans un district, par exemple on est dans le secteur de Sept-Îles, etc., ce qu'on fait souvent, si on a besoin d'un... on va parler au procureur-chef du district concerné puis on va parler à un procureur. Ça, c'est possible aussi, là.

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée.

M. Bélanger (Jocelyn): Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Je dois mettre fin à votre échange. Alors, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, Mme la Présidente. Alors, j'aimerais peut-être poursuivre, M. Bélanger, sur ce qu'on disait tantôt. Oui, on parlait du rôle de l'observateur. Vous nous avez dit comment vous conceviez son rôle sur la scène d'événement. Vous avez, après ça, dit: Il devrait même pouvoir participer aux réunions d'équipe. Est-ce que je comprends donc qu'il... selon votre conception du rôle de l'observateur, il pourrait participer... il pourrait rencontrer les enquêteurs au dossier? Est-ce que vous mettriez des limites aux rencontres possibles de l'observateur avec des gens qui sont les enquêteurs au dossier?

M. Bélanger (Jocelyn): Bien, moi, je crois que participer tout au long puis être là continuellement, il va trouver ça long, là, puis je peux vous dire qu'il va passer peut-être les 24 premières heures debout et peut-être plus, là, mais je pense que ce n'est pas nécessaire qu'il soit là tout le temps présent. Je pense qu'au moment opportun... Il pourrait y avoir facilement un contact entre l'agent, notre officier de liaison, avec le superviseur de l'enquête et l'enquêteur principal, puis, au moment opportun, de le déplacer lors d'une réunion, puis il pourrait justement avoir un bon compte rendu, observer, écouter ce qui se fait, écouter les informations, puis ça lui permettrait d'apprécier l'enquête puis d'avoir les renseignements qu'il a besoin pour faire son observation.

M. St-Arnaud: S'il le souhaite, vous dites: Nous, on n'aurait pas objection à ce qu'il soit présent aux réunions d'équipe ou... lorsqu'il le souhaite, là, c'est ce que vous dites. Vous n'avez pas de restriction quant à ce type d'activité.

M. Bélanger (Jocelyn): Non, on n'aurait pas de restriction.

M. St-Arnaud: O.K. Et est-ce que... excellent. Et est-ce qu'il devrait toujours, lorsqu'il fait ce genre de rencontre, est-ce qu'il devrait toujours être accompagné de l'agent de liaison?

**(20 h 20)**

M. Bélanger (Jocelyn): Bien, moi, je crois que oui, c'est facilitant, là. D'ailleurs, c'est même facilitant... Premièrement, l'agent de liaison existe. Quand on fait une enquête dans un service de police, il y a un agent de liaison, et moi, je peux vous dire, c'est très facilitant. Parce que, quand tu arrives dans un milieu que tu ne connais pas, tu fais quoi, là? Qui tu vois? Tu ne connais pas personne, etc. Moi, je pense que le besoin d'avoir un agent de liaison, il n'est pas là... il est là pour faciliter son travail, à l'observateur. Tu sais, c'est vraiment un rôle de collaboration, de facilitateur, de... parce que... Imaginez l'observateur qui arrive, puis il ne connaît pas personne. C'est qui, l'enquêteur principal? C'est qui, le superviseur? Je fais... Où je me... Je les rencontre où? Je me déplace comment?

Tu sais, moi, je pense que c'est un incontournable qu'il y ait un agent de liaison, un officier qui connaît son affaire, qui connaît l'enquête, qui pourrait être un officier, par exemple, chez nous, des enquêtes spécialisées, qui pourrait accompagner... Puis il pourrait aussi aider les observateurs dans son rôle, répondre à ses questions aussi.

M. St-Arnaud: En ce sens-là, là, vous allez beaucoup plus loin que le projet de loi, à 289.18, là, qui limitait les rencontres possibles avec le corps de police impliqué dans l'enquête, là.

M. Bélanger (Jocelyn): Je pense qu'on va un peu plus loin.

M. St-Arnaud: Vous allez plus loin que ça. Est-ce que l'observateur pourrait... Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que l'observateur pourrait assister à des interrogatoires d'un ou de policiers impliqués dans l'événement? Et est-ce que aussi, je vous mets une sous-question, est-ce que, oui ou non... Et est-ce qu'il pourrait avoir des contacts avec ce ou ces policiers impliqués dans l'événement?

M. Bélanger (Jocelyn): Bien, moi, je trouverais ça, à ce moment-là... Là, on parle de quelqu'un qui pourrait être contraint à aller devant les tribunaux, mais moi, je verrais ça difficilement. Sauf que, par contre, dans le cadre de son travail d'observation, il veut voir l'interrogatoire vidéo, on peut lui montrer le vidéo, il n'y a aucun problème, là, on va remplir les mêmes objectifs. Sauf que, par contre, à ce moment-là, il ne sera pas contraignable devant les tribunaux, là. Parce que, là, il faut toujours penser que, s'il y a des procédures judiciaires, bien là c'est avec tout ce que ça aurait comme impacts qu'il rencontre le sujet interrogé, ça aurait des impacts importants, là.

M. St-Arnaud: À 289.17, on dit par ailleurs que l'observateur peut demander tout renseignement... la disposition exacte, là, «tout renseignement et document que ce dernier -- l'observateur -- juge utile dans le cadre de la surveillance de cette enquête».

Est-ce que vous voyez des exceptions à... parce qu'ici c'est extrêmement... c'est très large. Est-ce que vous voyez des documents ou des renseignements qui n'auraient pas... qu'il aurait lieu de ne pas communiquer à l'observateur?

M. Bélanger (Jocelyn): Bien, moi, je pense qu'il y a certains... par exemple, si on parle du privilège de l'informateur, etc., moi je... il y aurait, oui, je pense qu'il y aurait certaines restrictions. D'ailleurs, il y a des restrictions qui sont même imposées même aux policiers, là. On a par exemple une personne qui, sous le couvert de l'anonymat, nous transmet de l'information, veut garder cet anonymat-là. Même dans l'équipe d'enquête, ce n'est pas de l'information qui sont transmises.

Moi, je pense que oui. Il faudrait voir, il faudrait y réfléchir, mais, avoir accès à tout, au complet... Pas parce qu'on a des choses à cacher, mais c'est parce qu'il y a des règles aussi qu'on doit respecter.

M. St-Arnaud: Excellent, Mme la Présidente. Ça complète mes questions. Merci, c'était très intéressant, M. Bélanger, M. Desgagné.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup. Alors, je vous remercie, M. Bélanger et M. Desgagné pour votre présentation devant la Commission des institutions.

J'inviterais maintenant l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec à bien vouloir s'avancer. Nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 23)

 

(Reprise à 20 h 26)

La Présidente (Mme Vallée): Alors, nous allons reprendre. Nous accueillons maintenant l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Alors, bonsoir, messieurs. Je vous demanderais de bien vouloir vous présenter, et par la suite vous disposerez d'une période de 15 minutes pour votre présentation.

Association des policières et policiers
provinciaux du Québec (APPQ)

M. Veilleux (Pierre): D'accord. M. le Président... Mme la Présidente, pardon, M. le ministre, députés membres de la commission, mesdames, messieurs, mon nom est Pierre Veilleux, président de l'association des policiers provinciaux du Québec. Je suis accompagné, à ma gauche, du vice-président à la discipline et à la déontologie, Jacques Painchaud, et, à ma droite, au procureur de l'association, M. Alain Rousseau.

L'APPQ tient à remercier la commission de l'opportunité qui lui est donnée de faire valoir son point de vue concernant le dossier des enquêtes policières indépendantes.

Enquêtes menées par un autre corps de police. L'association est tout à fait en accord avec le projet de loi en ce qu'il prévoit que l'enquête policière indépendante sera faite par un autre corps de police afin d'en assurer l'impartialité. Les préjugés entretenus à l'égard des policiers par certains groupes de pression doivent être mis de côté par le législateur.

Pour sa part, Me Serge Ménard, ex-ministre de la Justice et de la Sécurité publique, mentionnait ce qui suit: «...faire une enquête, c'est un métier, c'est une profession, cela demande une formation et ça demande de l'expérience et il n'y a pas d'autre endroit où on puisse développer une expertise dans la conduite d'enquêtes que dans un corps de police[...]. [...]l'expertise pertinente est d'autant plus importante maintenant que nous avons la charte et que[,] selon que la preuve a été obtenue [de] bonne ou de la mauvaise façon, elle pourrait être utilisée par la suite. Madame Saint-Germain est absolument inconsciente de ces dispositions. [Cela est] ma grande déception. Elle n'a pas compris la richesse de notre système! [...]C'est dans la nature des choses que des enquêtes sur des actes criminels soient faites par des gens compétents et [que] cette compétence n'est acquise que dans les corps de police», de conclure M. Ménard.

Quant au modèle ontarien, proposé par la Protectrice du citoyen, nous faisons nôtres les propos de Me André Fiset, dans son ouvrage intitulé Qui doit policer la police? Cet ouvrage, rédigé dans le cadre d'un mémoire de maîtrise, comporte une recherche tout à fait exhaustive sur le sujet. Me Fiset concluait en ces termes, relativement au modèle ontarien: «Les membres de l'Assemblée nationale [devraient]...««...ne devraient pas -- pardon -- modifier les dispositions de la Loi sur la police pour mettre sur pied et mandater un organisme analogue à celui qui existe en Ontario. Notre conclusion est fondée notamment sur des principes comme la sélection des enquêteurs compétents, l'efficacité, l'efficience, l'indépendance, la crédibilité aux yeux du public et la légitimité aux yeux des policiers», a conclu Me Fiset.

Pour ces motifs, nous ne croyons pas que le modèle ontarien composé d'enquêteurs civils et de policiers retraités soit une panacée. À cet égard, le projet de loi actuel correspond davantage au besoin de rigueur et d'efficacité qu'exige ce type d'enquête. Or, le nombre annuel d'enquêtes ministérielles au Québec n'atteint certainement pas la masse critique minimale afin de permettre à des civils ou à des policiers retraités de développer ou de maintenir l'expertise nécessaire pour effectuer des enquêtes de haut niveau.

Directives applicables à la tenue de l'enquête. Plusieurs intervenants ont élaboré sur ces modalités d'enquête. Même si elles ne font pas partie intégrante du projet de loi, nous croyons nécessaire de vous faire part de nos commentaires à ce sujet.

Obligation de rencontrer les enquêteurs et de faire rapport ou une déclaration écrite dans un délai de 24 heures. Tout d'abord, nous désirons souligner que la majorité des rapports d'événement usuels faits par des policiers sont rédigés dans un délai de 24 heures.

Conséquences psychologiques. À ce sujet, l'association a retenu les services du Dr Michel Grégoire, psychiatre, dont la réputation n'est plus à faire dans le milieu médical et policier, entre autres lorsqu'il s'agit d'état de stress post-traumatique. Dans le cadre du sujet sous étude, les questions suivantes lui ont été posées:

**(20 h 30)**

Un, quelles sont les difficultés intellectuelles, psychologiques ou autres qui risquent de compromettre la rédaction d'un rapport lors d'événements aussi graves que ceux décrits à l'article 289.1 du projet de loi? Deux, quel serait le délai approprié pour permettre au policier témoin au sujet d'une telle enquête de récupérer afin de rédiger un rapport ou une déclaration adéquate?

Après avoir exposé les critères du trouble «état de stress aigu», le Dr Grégoire poursuit en ces termes: «Si nous reprenons le critère b, nous constatons qu'un individu peut présenter suite à un événement traumatique où sa vie ou celle d'autrui a été mise en danger une forme d'absence de réactivité émotionnelle, un sentiment d'une réduction de la conscience de son environnement -- comme être dans le brouillard -- des phénomènes de dépersonnalisation et même une amnésie dissociative, c'est-à-dire une incapacité de se souvenir d'un aspect important du traumatisme.»

Toujours selon le Dr Grégoire: «Il nous apparaît clair qu'un individu qui présenterait un ou plusieurs de ces symptômes suite à un événement traumatique pourrait difficilement dans les 24 heures qui ont suivi rédiger un rapport qui rendrait compte de façon juste et équitable de la situation et pourrait même oublier certains aspects de l'événement et pourrait surtout ne pas être dans un état psychologique et émotionnel pour offrir un témoignage valable.

«[...]il est clair que les troubles de concentration pourraient nuire sérieusement à la rédaction d'un rapport.

«[...]Il nous apparaît donc préjudiciable -- selon le Dr Grégoire -- tant pour l'individu impliqué dans ce genre de situation que pour l'ensemble du processus judiciaire, d'obliger sans exception tout individu impliqué dans un événement traumatique du genre à rédiger une déclaration obligatoire dans les 24 heures suivant l'événement. Cette obligation pourrait de plus aggraver l'état du sujet étant porteur de [type pathologique].»

Dans ce contexte, il n'est pas inutile de rappeler la responsabilité du gouvernement à l'égard des travailleurs par la teneur de certaines dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, dont l'article 9: «Le travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique.»

Sur la question du délai approprié, le Dr Grégoire poursuit en ces termes: «...il n'y a à cet égard aucune règle précise[...]. Il faudrait donc, avant qu'un policier ou un sujet soit soumis à une telle déclaration, s'assurer médicalement qu'il est en possession de tous des moyens, qu'il est apte sur le plan psychologique à effectuer pareille procédure.»

Il est fort probable que d'aucuns seront tentés de prétendre que les policiers ne sont pas des citoyens ordinaires, qu'ils sont formés pour faire face à cette situation. D'ailleurs, à ce sujet, le Dr Michel Grégoire concluait en ces termes: «Une formation [...] ne les prémunit aucunement contre l'éventualité de développer un désordre de stress aigu ou un désordre de stress post-traumatique. Le fait d'utiliser son arme [de service] dans une salle de tir ne correspond aucunement à la réalité d'avoir à tirer sur un individu[...]. Un policier, malgré sa formation, demeure un être qui peut toujours montrer une certaine vulnérabilité face à ce type de situations.

«[...]Il s'agit toujours d'une situation exceptionnelle face à laquelle aucune formation ne peut prémunir complètement le policier», de terminer le Dr Grégoire.

Absence de conséquences psychologiques. Quant à nous, même dans l'éventualité où le policier est impliqué... le policier impliqué est médicalement en possession de tous ses moyens sur le plan psychologique, l'exigence de rédiger un rapport immédiatement après l'événement est un exercice périlleux. Les policiers peuvent, dans des circonstances, facilement commettre des erreurs de bonne foi qui s'avéreront quasi impossibles à corriger par la suite car le premier rapport sera perçu comme étant rédigé de façon contemporaine.

D'ailleurs, selon des informations que nous avons recueillies auprès de l'Association des membres de la police montée du Québec, lors de ce type d'enquête, une pratique non écrite consiste à attendre 72 heures avant de demander à un policier témoin au sujet de rendre compte en rédigeant un rapport ou une déclaration, et ce, en raison des mêmes difficultés que celles que nous venons d'énoncer précédemment.

Pour faire une rédaction adéquate de leurs rapports, il est impératif que les policiers sujets doivent également avoir la chance de prendre connaissance des cartes d'appel, des enregistrements des ondes radio ou tout autre élément que les policiers se sont servis pour prendre une décision et qui pourraient les aider à rendre compte adéquatement. Toutes ces vérifications se font rarement immédiatement après l'événement. C'est donc qu'un certain délai peut être requis.

À ce sujet, la Protectrice du citoyen mentionnait que les policiers impliqués et témoins devraient, et je cite: «...remettre leurs notes complétées sur les événements avant la fin du quart du travail sauf circonstances exceptionnelles...» Cet élément est d'intérêt dans la mesure où l'exigence de remettre avant la fin d'une relève des notes personnellement complétées nous semble beaucoup moins exigeant que celle annoncée par d'autres intervenants soulignant que le rapport d'événement et la déclaration de chacun des policiers témoins au sujet devaient être remis dans un délai de 24 heures de l'événement.

En effet, les notes personnelles des policiers ne répondent pas aux mêmes exigences, puisqu'elles sont rédigées de façon manuscrite dans leurs calepins ou autres brouillons et servent d'aide-mémoire pour la confection ultérieure d'un rapport ou d'une déclaration. De plus, il est important de souligner qu'il n'y a aucun texte réglementaire dans les autres provinces exigeant la remise d'un rapport d'événement.

Quant à la rencontre avec l'enquêteur responsable, nous croyons qu'il est important de laisser à l'enquêteur la marge de manoeuvre nécessaire afin qu'il établisse lui-même sa stratégie d'enquête, d'une part, et, d'autre part, de lui laisser suffisamment de temps afin qu'il soit en mesure de colliger un maximum d'informations sur le dossier avant de rencontrer le policier impliqué, ce qui est généralement le cas lors d'une enquête criminelle classique.

Admissibilité en preuve des rapports policiers lors de procédures criminelles prises à l'encontre de leurs auteurs. Parmi les éléments soulevés, le Barreau du Québec suggérait de prévoir pour les policiers que ceux-ci rédigent le rapport d'événement sans délai, prenant pour acquis que le contenu du rapport ne pourrait être utilisé contre eux. L'association, entretenant des doutes quant à cette dernière affirmation, a retenu les services de l'étude Poupart, Dadour, Touma et Associés afin qu'une preuve de la jurisprudence concernant l'admissibilité en preuve des rapports policiers, lors de procédures criminelles prises à l'encontre de leurs auteurs, soit confectionnée. Les conclusions de cette étude nous révèlent l'existence de deux courants jurisprudentiels en la matière et qu'une zone grise demeure sur le sujet. D'ailleurs, Me Catherine Davidson, auteure du document, conclut en ces termes sur cette question: «...il serait essentiel de prévoir législativement une immunité expresse à cet effet.»

Isolement des policiers et interdiction de communication entre eux. Cet élément vise la position de plusieurs intervenants à l'effet que tous les policiers impliqués devraient être isolés les uns des autres avec interdiction de communiquer entre eux jusqu'à l'arrivée des enquêteurs indépendants et que le rapport d'événement ou déclaration soient rédigés. Par ailleurs, dans certains cas, la frontière entre l'isolement et la détention, au sens de la Charte des droits et libertés, pourrait bien être franchie. Il est donc à prévoir que les associations syndicales prendront alors leurs responsabilités à cet égard et que des contestations juridiques seraient à prévoir.

Nous nous permettons ici de reproduire un extrait de l'allocution déposée par le directeur général de la Sûreté du Québec, M. Richard Deschesnes, devant cette commission: «J'aimerais souligner qu'une enquête indépendante est déclenchée en fonction de la nature d'un événement, et non parce qu'il existe au départ des indications à l'effet que la blessure ou le décès résultent d'une infraction criminelle ou même d'une faute commise par le policier...»

Or, faut-il le rappeler, les policiers sont avant tout des travailleurs dont la nature même de leur mission les expose plus que tout autre citoyen à se trouver dans la situation difficile d'utiliser la force autorisée par la loi afin de défendre leur vie ou celle des citoyens.

Nous croyons également que cette exigence de ne pas communiquer entre eux et d'être isolés les uns des autres est tout à fait déraisonnable et ne tient aucunement compte de la réalité opérationnelle de ce genre d'événement. Lorsque survient un événement d'envergure de l'ordre de ceux prévus dans le cadre du projet de loi, les besoins opérationnels ne cessent pas d'exister tant que l'événement n'est pas terminé et tant que d'autres policiers puissent assurer la relève. Cette réalité est d'autant plus flagrante dans les régions éloignées couvertes par la Sûreté du Québec où le personnel policier est restreint et le temps de déplacement de l'équipe d'enquête chargée de l'affaire peut être plus ou moins longue. Un isolement des policiers dans ces circonstances, par l'absence de couverture qui en résulterait, serait même de nature à mettre en péril la sécurité des citoyens.

Recours au conseil d'un avocat. Il est légitime, comme pour tout citoyen, de permettre à ceux-ci de consulter un avocat afin de prendre conseil et de se renseigner sur leurs droits et obligations dans le cadre des circonstances aussi dramatiques. D'ailleurs, le droit à l'assistance d'un avocat défrayé par l'employeur dans ces circonstances est spécifiquement prévu dans plusieurs conventions collectives de travail de policiers. Évidemment, dans le cadre de la confection des directives applicables, il est à prendre en considération qu'à partir du moment où les policiers peuvent légitimement consulter un avocat, il faudrait prévoir un délai nécessaire afin que le policier puisse exercer ce droit de façon adéquate.

**(20 h 40)**

Procédure de surveillance. Article 289.17. Il serait à notre avis opportun qu'il soit spécifié que l'observateur, lors de la visite des lieux, ne puisse d'une façon ou d'une autre nuire au travail des enquêteurs chargés de l'affaire. En effet, lorsque nous connaissons la sensibilité de ce que peut être considéré comme une scène de crime, le travail du service de l'identité judiciaire et autres techniciens ne doit pas d'être entravé par un observateur qui pourrait contaminer cette scène de crime et devenir par le fait même témoin au lieu d'observateur.

De plus, nous croyons qu'il est essentiel que les dispositions de l'article 289.18 soient maintenues. En effet, il nous semblerait incongru qu'un membre du personnel du bureau qualifié d'observateur puisse intervenir directement avec les membres impliqués dans l'événement. L'intervention de l'observateur auprès des témoins ou des policiers impliqués pourrait facilement conduire à une enquête parallèle.

En conclusion, nous croyons que le besoin de transparence à l'origine de ce projet de loi exige également que davantage d'informations soient données auprès du public par le ministère de la Sécurité publique, entre autres, en ce qui concerne les conclusions des enquêtes. Nous vous soumettons qu'une bonification du projet de loi à ce chapitre est essentielle afin de ne pas passer à côté des objectifs visés par la réforme.

Nous sommes tout à fait conscients qu'aucun modèle d'enquête indépendant n'est parfait. Nous croyons qu'il s'agit d'un bon projet de loi, qui correspond aux besoins exprimés par les différents groupes, et que l'instauration d'un bureau civil de surveillance des enquêtes indépendantes serait en mesure de répondre de façon tout à fait adéquate aux préoccupations d'une certaine partie de la population en matière de transparence et d'indépendance.

Nous sommes également d'avis que le projet de loi tel que déposé permettra que les enquêtes, lors de circonstances aussi dramatiques qu'un décès ou une blessure grave à la suite d'une intervention policière, se fasse de façon efficiente, transparente et indépendante, par des gens compétents qui possèdent une expertise d'enquête.

Nous vous remercions de nous avoir donné la possibilité de se faire entendre devant cette commission. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Merci beaucoup, messieurs. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre.

M. Dutil: Merci, Mme la Présidente. Alors, je profite de votre présentation pour rappeler quelques chiffres importants. La population a parfois l'impression qu'il y a beaucoup de coups de feu qui sont tirés dans une année par les policiers. Et je pense que cette impression-là est amplifiée du fait qu'évidemment, puis c'est bien normal, quand arrive un événement comme ça, il y a beaucoup de... il est très médiatisé.

Il y a une soixantaine... À ma connaissance, il y a une trentaine d'enquêtes indépendantes en moyenne que je déclenche par année, là. Et, en supposant qu'il y a deux policiers d'impliqués dans des coups de feu en moyenne par... ce qui est probablement plus que la moyenne réelle, c'est peut-être un point de pourcentage, il y aurait une soixantaine de policiers qui auraient été impliqués dans un coup de feu ou deux coups de feu sur 15 000, donc un sur 250.

Et là je reçois votre exposé, mais je comprends... Un des problèmes qu'il faut bien mentionner à la population, c'est que ce n'est jamais ou très rarement le même policier, dans sa carrière, qui est impliqué dans un événement où il y a eu blessure grave par coup de feu. Ça n'arrive quasiment jamais. Je suis certain que, si vous allez... statistiquement, là, ça me semble évident, là, mais c'est... on oublie de le mentionner. Dans les policiers dont vous êtes les représentants -- puis ça doit être la même chose de tous les autres groupes de policiers -- ceux qui ont tiré un coup de feu dans leur carrière sur quelqu'un, c'est l'exception. Ce n'est pas plus que 7 %, 8 %, 10 % des policiers. Donc, on peut comprendre que, puisque c'est un événement si rare, que celui qui a eu le malheur d'être dans un événement comme ça est traumatisé. Alors, ça, c'est le point que vous souleviez tout à l'heure.

Bon, toutefois, il y a eu bien des avis, bien des opinions sur cet aspect-là. Vous êtes le premier, là, qui souligne davantage cette problématique-là de la rédaction du rapport trop rapide dans une circonstance comme ça. Je pense que c'est des avis qu'il faut examiner en profondeur. Il faut voir, effectivement, jusqu'à quel point, pour le policier, c'est une situation pénible et difficile. Et que, justement, le rapport d'événement, pour moi, c'est parce que c'est un... on reçoit vos arguments, il faut les analyser en profondeur.

Donc, je n'ai pas de question, ça a été très précis, votre position, je n'ai pas de question particulière à poser là-dessus. J'en aurais une sur l'information. Vous avez survolé un petit peu la question de l'information. Tout le monde nous parle qu'il y a un manque d'information. Est-ce que vous pourriez être plus précis dans ce que vous estimez devoir être l'information qui devrait être transmise à la population dans le cadre de ce genre d'événement là?

M. Veilleux (Pierre): Nous, ce qu'on dit, c'est que l'information devrait provenir du ministère. Ça, c'est la première des choses. Pourquoi? Parce que -- là, je vois venir les autres questions aussi, parce qu'on est... quand même, on a assisté à pas mal de présentations -- l'observateur, quant à nous, doit rester le plus indépendant possible. Donc, je ne pense pas que ça serait une bonne idée que ça soit l'observateur qui sorte publiquement... et qui s'expose à l'enceinte des journalistes pour commencer à commenter des détails de l'enquête.

Puis je pense que les informations doivent être très contrôlées. Il doit y en avoir. Nous, on parle au moins au niveau des conclusions de l'enquête. Par contre, ça n'empêche pas d'en donner tout au long de l'enquête. Peut-être des informations préliminaires au départ, lorsque l'événement survient, et finaliser avec les étapes d'enquête, et naturellement les conclusions de l'enquête. Et on pense que ça devrait être le ministère de la Sécurité publique qui devrait se charger de transmettre toute cette information-là qui est pour être au public.

Ce qu'on pense également, c'est qu'on pense qu'avec une bonne... et là, peu importe la façon que ça se ferait, on pense que l'épine de la perception du public est au niveau de l'information. C'est exactement ce que j'entends à tous les jours dans les journaux, lorsque j'entends des chroniqueurs comme Claude Poirier: Ça prend du temps, on n'a pas de nouvelle. On comprend que, oui, c'est long, des enquêtes. Il y a plusieurs étapes, mais, en donnant au moins des étapes ou en expliquant un peu les étapes, que, là, on est rendus dans une expertise, ça prend en moyenne quelques semaines avant d'avoir les résultats, il faut que les policiers les analysent, en fait informer, en fait éduquer le public de façon claire pour dire les vraies affaires puis exactement dire ce qui en est, et ça va calmer, je pense, toutes les mauvaises perceptions que les personnes ou certains groupes peuvent avoir par rapport à la longueur et à l'absence finalement d'information. Et je ne jette pas de pierre à personne. Je pense que les règles sont comme ça, les informations ne sortent pas. Il faut juste adapter les règles pour pouvoir en donner dans l'avenir, c'est tout.

M. Dutil: Juste une autre petite remarque. Tout à l'heure, j'ai mentionné 30 enquêtes indépendantes, je dois rappeler que ce ne sont pas toutes des enquêtes où il y a eu de coups de feu. Parfois, c'est des poursuites policières où il y a eu un accident de celui qui est poursuivi, parfois il y a des suicides, et donc ça inclut l'ensemble de ces événements tragiques qui se produisent, là, et non pas seulement lorsqu'il y a eu des coups de feu. Alors, ça va pour moi, Mme la Présidente. Monsieur...

La Présidente (Mme Vallée): M. le député de Chomedey, il vous reste 4 min 30 s.

M. Ouellette: Quatre? Ah!

Une voix: Il a à peine le temps de faire son introduction.

M. Ouellette: Effectivement, on a du temps, on emmagasine le temps. Bonsoir, messieurs.

Que ce soit le ministère de la Sécurité publique qui tienne... qui donne l'information, etc., je suis un peu surpris. Je suis un peu surpris, parce que c'est une enquête indépendante. Il y a beaucoup de perception de la part du public. La décision finale revient au directeur des poursuites pénales, au DPCP.

Une voix: C'est vrai.

M. Ouellette: J'ai posé la question à plusieurs des intervenants, si ça pouvait être une bonne idée d'adjoindre immédiatement, lors du déclenchement d'une enquête indépendante, un procureur qui suivrait le dossier, qui étudierait, rendrait une décision, mais qui après expliquerait sa décision, parce qu'il y a beaucoup de choses dans la perception des gens. Tout est sur le dos de la police. La police fait enquête, la police décide, la police, elle ne donne pas les résultats. Et je pense que c'est important d'expliquer le rôle de chacun. Le rôle des policiers dans une enquête indépendante est d'enquêter, de soumettre les éléments recueillis au procureur, qui décide.

Donc, je demandais aux autres intervenants, puis je vais faire la même chose avec vous, autant l'observateur du Bureau civil pour lequel vous voyez une utilité que le procureur qui pourrait être assigné en début d'enquête qui suivrait, qui rendrait une décision et qui expliquerait la décision, ça fait que chacun jouerait son rôle. Vous voyez comment cette suggestion-là, là, la même chose que j'ai posée aux autres, tout en vous rappelant que c'est un domaine très spécialisé? Je l'ai mentionné tantôt aux intervenants qui sont venus avant vous: il y a 84 policiers sur 15 000 au Québec qui ne sont pas juste habilités: formés, habitués, et qui ont l'expertise, et qui tiennent cette expertise-là parce que c'est en changement constant.

Mon collègue de Vimont me demandait tantôt, et à juste titre, on parlait d'une scène d'événement, il dit: Ça peut prendre combien de temps? Il dit: C'est une affaire de minutes, d'heures? Mais là, dépendant d'un paquet de circonstances, dépendant des autorisations judiciaires nécessaires, des mandats de perquisition nécessaires, ça peut... une scène d'événement peut s'échelonner sur six heures à quelques jours, là. Donc, c'est... Et c'est très méconnu du public, ça.

Ça fait que je reprends ma question par rapport au DPCP ou à l'observateur: Est-ce que ce serait peut-être plus leur rôle que le rôle du MSP, justement, pour séparer? Parce que vous avez souvent entendu le ministre mentionner en réponse à nos collègue de l'opposition, et particulièrement aux question du collègue de Chambly, que le pouvoir politique et le pouvoir policier, ça ne se mêle pas puis il ne faut pas que ça se mêle parce que le ministre n'a pas à s'ingérer dans les enquêtes policières, et les policiers ont leur travail à faire. Donc, par rapport à ce que je vous ai mentionné, votre point de vue là-dessus.

**(20 h 50)**

M. Veilleux (Pierre): C'est bien certain qu'au départ nous, on doit composer avec ce que le projet de loi dit. Il n'y a rien de prévu au niveau d'un procureur qui pourrait être assigné à l'enquête présentement. On n'est pas nécessairement contre. Ce qui se fait dans la pratique, à ce que je sache, c'est que, dans quelques enquêtes où c'est compliqué, où c'est des méga-enquêtes, il y a souvent des procureurs qui servent... qui sont attitrés à l'enquête pour servir de conseillers. Ça ne peut qu'être bénéfique, ça, c'est clair. Est-ce que ça doit être lui qui doit transmettre les informations au public? On n'est pas contre la vertu. Si le gouvernement décide que c'est ça qui va se faire, soit. Parce qu'effectivement il y a une zone grise entre le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Justice, qui relèvent au niveau des procureurs. Il y a une espèce de clôture entre les deux qui fait en sorte que ça peut être difficile de départager tout ça.

Ce qu'on pense, par contre, on ne pense pas que le procureur qui est attitré au dossier, si c'est le cas... Premièrement, ça ne devrait pas être un automatisme, parce qu'il y a des enquêtes qui sont quand même relativement faciles à travailler, il y a des enquêtes qui sont plus compliquées à travailler. Donc, au gré du contexte, on devrait ou on pourrait peut-être assigner un procureur pour servir de conseiller juridique et travailler avec les enquêteurs tout au long.

On ne pense pas, par contre, si on veut préserver toute l'indépendance de l'enquête et également du procureur, je pense que le procureur va devenir un peu parti pris dans l'enquête, va devenir peut-être en l'occurrence... Il n'aura pas assez d'indépendance, je pense, pour prendre des décisions en finalité pour porter des accusations.

Donc, un peu comme il s'est fait dans Villanueva, je pense qu'il devrait avoir un comité par-dessus ça qui devrait être composé de certains procureurs, un, deux, trois, qui pourraient faire l'analyse du dossier et porter éventuellement les accusations, donc une autre enquête subséquente.

Ce n'est pas toujours le même comité, ça devrait être toujours des personnes qui ne sont pas nécessairement toujours attitrées à faire des enquêtes de ce niveau-là. Donc, un procureur conseil qui travaille avec les enquêteurs jusqu'à la soumission du rapport, et, finalement, un comité de procureurs qui prend le dossier, qui l'analyse et qui pourrait éventuellement porter des accusations. Bon.

La Présidente (Mme Vallée): Merci, M. Veilleux. Je suis désolée, je dois vous arrêter et céder la parole à M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente. Bonsoir, M. Veilleux, bonsoir aux gens qui vous accompagnent. J'ai reçu votre mémoire seulement aujourd'hui. Je l'ai lu, mais je n'ai pas lu toutes les annexes, mais soyez assurés que je vais en prendre connaissance d'ici à la conclusion de nos travaux. J'aurais peut-être une question avant d'arriver aux dispositions du projet de loi n° 46, une question plus générale. Un élément que vous mentionnez, c'est... dans votre mémoire, c'est que les enquêtes, et je vous cite, là: Les enquêtes du type qu'on étudie ici sont à la fois... sont à ce point «importantes, [...]pour le citoyen, le policier, [...]la crédibilité du système de justice [qu'elles doivent être] faites par des personnes ayant une formation et une expérience policière adéquates». Je pense que... et vous nous citez l'ancien ministre Serge Ménard, là, qui dit un peu la même chose à l'effet que ce genre d'enquête ne peut être acquise que dans des corps de police. Le rapport Bellemare, qui est cité par Me Fiset dans son livre, dit un peu la même chose.

Alors, je vous... vous avez suivi nos travaux, vous avez été présents à un certain nombre de nos séances, vous avez vu et entendu plusieurs intervenants, dont la Protectrice du citoyen. Si je vous parle d'une unité indépendante qui serait composée de policiers... Parce que vous rejetez une unité, là, qui serait... qui enquêterait, qui serait composée de civils et de policiers retraités, ce que nous propose la Protectrice du citoyen. Si je vous parle d'une unité indépendante qui ne serait constituée que de policiers retraités, des gens, donc, qui ont acquis cette expérience policière exceptionnelle, qui sont des membres, là, pour reprendre l'expression de Bellemare, qui sont partis de ce corps d'élite de la police qui font ce type d'enquête, et qui, en fin de carrière, pourraient éventuellement se retrouver dans une unité indépendante composée de gens qui ont eu cette formation, qui ont exercé ce métier d'enquêteur d'élite dans un corps de police, et qui, en fin de carrière, seraient amenés à travailler dans cette unité indépendante qui enquêterait sur ce genre de dossier...

Moi, j'aimerais vous entendre sur cette hypothèse-là, qui est... si j'allais dire, là, qui sort un peu du projet de loi n° 46, de ce qui est proposé par le gouvernement actuellement mais qui ne va pas jusqu'à ce que propose la Protectrice du citoyen. J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Veilleux (Pierre): En fait, je le vois comme en deux volets. Premièrement, plusieurs intervenants ont soulevé qu'au Québec, à l'intérieur des corps de police actifs, on a environ une centaine d'enquêteurs spécialisés de haut niveau. On ne pense pas que le roulement au niveau des retraités de 80 ou 84 ou 100 personnes serait suffisant pour former une enquête avec un nombre d'enquêteurs qui serait suffisant pour fournir une enquête, quand on sait qu'une enquête peut déployer jusqu'à des fois 20 personnes. Ça, c'est la première des choses, première difficulté qui serait rencontrée. Donc, il n'y a pas assez un bassin de retraités spécialisés, je parle, qui pourraient former une unité d'enquête. Donc, ce qui aurait pour effet d'aller chercher peut-être des enquêteurs qui sont retraités depuis déjà quelques années, donc, quant à moi, déphasés.

Le maintien de l'expertise serait très difficile à cause du deuxième volet, qui m'amène à vous parler du nombre d'enquêtes qu'il peut y avoir dans une année. Pour garder l'expertise et continuer de développer et de maintenir cette expertise-là, il faut faire des enquêtes. Les personnes dont on parle -- les 100 quelques enquêteurs ou les 80 quelques enquêteurs -- ne font pas que des enquêtes indépendantes, font toutes sortes de crimes majeurs dans un créneau de crimes contre la personne, dans notre jargon, qu'on appelle. Donc, j'appelle ça, moi... an anglais... Je ne veux pas utiliser des anglicismes, mais c'est hot, ils sont hot. Ils sont toujours en train de travailler dans ce créneau-là, donc, quand ils arrivent puis qu'ils sortent de leur quotidien pour aller faire une enquête indépendante, ils sont «up to date», ils sont capables de réagir rapidement, ils ont la formation nécessaire, ils ont l'expertise et ils ont les dernières évolutions des enquêtes criminelles et les jurisprudences, et tout, et tout.

Donc, premièrement, monter un bassin d'enquêteurs retraités serait difficile à cause du nombre. Ça aurait comme conséquence d'aller chercher des enquêteurs qui sont sortis du circuit depuis quelque temps, quelques années. Et on pense qu'il y aurait une difficulté de maintenir cette expertise-là à cause de la masse critique du nombre d'enquêtes indépendantes dans une année, parce qu'ils ne feraient que ça, maintenant.

M. St-Arnaud: Mais, même dans l'hypothèse où, par exemple... puis c'était une piste que mettait de l'avant la Protectrice du citoyen, même si dans certains... On pourrait faire appel à des services spécialisés des corps de police existants dans certaines parties de l'enquête, là, je ne sais pas, en balistique ou tout ça, mais, même si cela était le cas, vous dites, pour les motifs que vous venez de nous mentionner: Ce serait difficile d'application. C'est ce que vous dites?

M. Veilleux (Pierre): Je n'ai même pas parlé des enquêtes... Je n'ai même pas parlé des techniques spécialisées, je parlais seulement que des enquêtes, moi.

M. St-Arnaud: Seulement des enquêtes.

M. Veilleux (Pierre): D'accord.

M. St-Arnaud: Peut-être une question, M. Veilleux. Vous dites, dans votre... Vous avez une recommandation dans votre... attendez que je la retrouve, page 13 et suivantes... Quant à l'isolement des policiers et l'interdiction de communiquer entre eux, vous avez une recommandation, qui est à la page 15, qui est de dire: «...un isolement ou une absence totale de communication entre les policiers impliqués dans ce type d'événement [...] serait difficilement applicable sur le terrain.» C'est votre recommandation. Vous êtes conscient, puisque vous avez suivi nos travaux, que le Barreau nous a proposé, nous a dit: «Il faut [absolument] prévoir l'obligation pour les policiers impliqués ou témoins d'un tel événement...» Excusez, je ne suis pas à la bonne ligne, là: «Les policiers témoins ou impliqués dans ce type d'événement -- nous disait le Barreau -- devraient avoir l'obligation de ne pas communiquer entre eux à la suite de l'incident avant d'avoir été interrogés.» Alors, le Barreau semble dire qu'il faudrait qu'il y ait une interdiction de communiquer entre les policiers qui sont impliqués.

Ma question, c'est... Et il y a une enquête du coroner, vous y avez fait référence, au dossier, tantôt, là, qui a regardé un peu cette... une situation bien précise, là, à cet égard-là. J'aimerais vous entendre sur votre recommandation 4. Pourquoi cette obligation qui pourrait être faite à des policiers impliqués de ne pas communiquer entre eux et d'être isolés l'un de l'autre, pourquoi ça serait difficilement applicable sur le terrain?

**(21 heures)**

M. Veilleux (Pierre): Question à développement. Premièrement, nous, on pense qu'il y a une zone... que la ligne est très mince entre isolement et détention. Donc, il y a une porte aux contestations. Ça, je pense que j'ai été clair tout à fait... tout à l'heure là-dessus.

Deuxièmement, nos policiers, c'est des travailleurs, ils sont habitués de travailler et faire des rapports en allant chercher les outils avec lesquels ils ont travaillé pendant l'événement. Et là je nommais les ondes radio, les cartes d'appel, etc.

Donc, forcément, ils ont à communiquer entre eux, ils ont à se parler pour débriefer, si on peut dire, l'événement et de voir qui doit faire quoi, qui a fait quoi, etc. C'est une pratique, quand on fait une intervention policière, une frappe, le GI fait une frappe, il y a toujours un débriefing pour dire qu'est-ce qui n'a pas marché, qu'est-ce qui a marché, on aurait dû faire ça, on aurait, bon, et on réagit comme ça, et tout, et tout. Donc, il y a une espèce de débriefing qui est éducationnel d'une certaine façon pour les prochaines fois d'être le plus efficace possible.

Deuxième des choses, nous, on pense qu'il y a... on a regardé ce qui s'est fait à travers le Canada, et il n'y a pas personne qui a réussi à... tout le monde voulait, mais il n'y a pas personne qui a réussi à le faire, pour plusieurs raisons, diverses raisons, raisons opérationnelles. Chez nous, à la Sûreté, quand on est deux sur la relève, ou quatre sur la relève, et il arrive un événement, normalement, les quatre policiers sont impliqués. À moins que ça arrive de façon très impromptue. L'événement: on s'en va sur une violence conjugale, le monsieur est armé, les deux véhicules vont converger, on travaille à quatre. Donc, forcément, les quatre sont impliqués dans l'événement s'il y a fusillade. Ça fait qu'on gèle tout ce monde-là, on les isole. Mais là c'est qui, qui couvre le territoire? C'est compliqué.

M. St-Arnaud: Diriez-vous, M. Veilleux, qu'il n'y a aucun cas au Canada où cette directive, où cette procédure sur un événement, là, qui implique un policier, d'interdire la communication entre les policiers impliqués, vous n'avez aucun cas qui existe présentement au Canada?

M. Veilleux (Pierre): Non. Non. J'ai travaillé beaucoup avec Me Fiset là-dedans; lui, il a fait son étude avec son livre. Et il me disait justement hier qu'il n'y a aucune place au Canada, au niveau des diverses provinces qui ont instauré des systèmes, qui a réussi à instaurer cette règle-là, pas plus d'ailleurs que les délais, les délais fermés au niveau de la soumission de certains rapports.

M. St-Arnaud: Mais on a témoigné devant nous... il y a certains témoins qui sont venus nous dire que, par exemple, en Ontario, il fallait que les rapports d'événement soient... dans certains endroits, c'est avant la fin du quart de travail, d'autres, c'est un certain nombre d'heures. Il y a quand même des exemples à l'extérieur du Québec où on impose de produire le rapport d'événement dans des délais très, très courts. Vous, vous semblez dire: Il ne faut pas faire ça. Là, c'est ce que vous dites.

M. Veilleux (Pierre): C'est parce que, la subtilité qu'il faut comprendre à travers le Canada, la plupart des policiers travaillent avec des notes personnelles. Nous, au Québec, on travaille avec des notes personnelles, le calepin, qu'on appelle, mais c'est moins structuré que le Canada anglais; on se parle, on le voit. Et, eux, c'est souvent les notes personnelles qu'ils vont donner avant la fin du quart du travail, ce n'est pas le rapport opérationnel en tant que tel. Donc, c'est une subtilité importante. Pour nous, un rapport opérationnel, c'est tout, c'est la totale, comme on dit, donc c'est plus difficile.

Ce qui se fait au Canada, c'est que les policiers témoins ont 24 heures à partir du moment que l'enquêteur demande le rapport. Il peut le demander dans trois jours après l'événement, il peut le demander la semaine d'après, mais ils ont 24 heures pour le soumettre. Pour ce qui est du policier sujet, le rapport opérationnel ne va même pas dans les mains de l'enquêteur: c'est gardé sous clé, c'est gardé en immunité, c'est le chef de poste qui le garde. Ça fait que c'est toutes des réalités qui sont différentes des nôtres.

Mais je peux vous dire que dans la pratique, dans la réalité des choses, mis à part ces événements qui sont souvent très tragiques, nos policiers soumettent 90 %, tout le temps, des rapports usuels avant la fin du quart du travail. Et le patron, dans une situation normale, va même autoriser du temps supplémentaire pour terminer les rapports, s'il en a besoin pour le lendemain, etc.

M. St-Arnaud: Mme la Présidente, 30 secondes de consentement juste pour... là-dessus. Vous dites, dans votre mémoire, à la page 5, que ça pourrait être par directive, là, que le ministre encadre un peu le déroulement de ce qui doit se passer. Avez-vous réfléchi -- vous avez peut-être vu qu'on l'a élaboré quelques fois -- à la possibilité que ce soit par règlement plutôt que par directive, donc qu'on soit dans l'obligation, au gouvernement, de suivre les étapes qui sont prévues lorsqu'il y a un règlement, donc publication, etc.?

M. Veilleux (Pierre): Nous, on pense que ça devrait, pour l'instant, demeurer par directive. Pourquoi? Parce que c'est un nouveau système, il va sûrement avoir des ajustements à faire. Donc, c'est beaucoup plus facile pour le ministre d'ajuster la directive, d'autant plus que le rapport... excusez, le bureau de surveillance doit faire rapport, chaque année, pour émettre des recommandations, donc beaucoup plus facile pour le ministre d'ajuster sa directive par rapport aux observations du bureau.

M. St-Arnaud: Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, M. le député de Vimont.

M. Auclair: Merci beaucoup. Messieurs, bonjour... bonsoir. Écoutez, je pense qu'on s'entend tous que l'objectif qu'on recherche dans ce projet de loi là, c'est justement de répondre à un problème de perception. Je pense que, là-dessus, tout le monde est en accord, et de là qu'on doit poser certains gestes.

Vous avez mentionné... On a fait état beaucoup de ce qui se passait à l'extérieur du Québec. L'Ontario a été citée amplement par différents groupes qui vous ont précédé. Vous l'avez mentionné, mais de façon un peu contraire. Le grand problème, c'est toujours une question, un, de la participation de la part des policiers qui sont impliqués, de la transparence, qui est malheureusement... en tout cas, qui semble ne pas être présente parce qu'il y a un corps policier qui enquête sur un corps policier. Vous avez tous entendu les belles ribambelles de commentaires sur le fait que c'est une collégialité puis, bon, on n'ira pas contre un collègue parce qu'un jour ça pourrait être lui qui pourrait enquêter sur moi, donc.

Et, bien sûr, le grand problème, puis ils le vivent en Ontario, c'est la collaboration. Dans ce que j'ai lu dans vos commentaires et tout, de quelle façon on peut s'assurer la collaboration? Parce que vos collègues préalables de Québec ont soulevé des affaires. Eux autres, ils n'avaient pas l'air d'avoir trop d'inquiétude, en disant: Bien, en cours de route, on peut... En tout cas, vous voulez de l'information, on va la laisser... nous autres, on va vous la donner, l'information. Le bureau observateur, il peut, en temps et lieu, laisser savoir où nous sommes rendus dans le processus d'enquête -- entre guillemets, là, je vais parler d'enquête -- mais donner les informations pour tenir la population au courant. Parce que c'est ça dans le fond, tout le grand problème qu'on vit là, c'est la perception par manque d'information ou perception qu'on manque d'information.

Comment est-ce qu'on peut arriver, au niveau d'atteindre cet objectif-là que tout le monde a, vous également, pour permettre qu'en bout de ligne la population sente et conserve au moins... on n'ira pas chercher 100 %, mais, au moins, on a l'impression que les policiers collaborent et n'essaient pas justement de se protéger un, l'autre? Parce que c'est ça, le gros problème.

L'Ontario, on l'a entendu... Moi, j'ai adoré le Vérificateur général de l'Ontario, je l'ai mentionné. Je trouvais qu'il avait tellement rapport à venir nous dire, chez nous, quoi faire, alors qu'il n'a pas réglé ses problèmes chez eux, et on parle de problèmes de collaboration. Le problème de collaboration, il est toujours là, l'Ontario le vit, puis ils n'ont pas trouvé la solution, puis ils sont... En bout de ligne, ça finit pas mal avec les mêmes résultats. Il n'y a pas plus de policiers qui sont condamnés, puis ce n'est pas le but non plus. Ce n'est pas le but recherché, puis on dirait que c'est ça que la population ou certaines personnes laissent entendre, qu'il faut condamner un policier parce qu'il a posé un geste. Ce n'est pas vrai qu'il a posé un geste qui était intentionnel et tout ce qui vient avec. Donc, comment on fait pour arriver à cette collaboration-là?

M. Veilleux (Pierre): Bien, deux choses. La collaboration du policier versus un système, je pense que, si le policier se sent enquêté par des personnes compétentes qui travaillent dans le même sens que lui travaille tous les jours en expertise d'enquête, c'est beaucoup plus facile. Je pense qu'en Ontario ils ont un problème de légitimité par rapport à des civils qui ne connaissent pas le métier. Les policiers se sentent peut-être un peu mal à l'aise par rapport à ça.

Mais la collaboration également qui doit se faire, je pense, c'est très important, et je pense qu'on l'a peut-être oubliée, on revient un peu sur toute l'information qu'on doit donner. Mais on doit aussi donner une espèce de support à la famille, la famille de la personne qui a été impliquée dans la fusillade. On parle du civil. Et, pour nous, c'est clair que l'agent de liaison qui est détaché par le corps de police pour travailler avec l'observateur, qui doit être choisi de la bonne façon également... C'est-à-dire on prend... on pense à une personne qui comprend bien les enquêtes criminelles, qui a une expertise, qui est peut-être même un enquêteur qui n'est pas au dossier mais qui est un enquêteur et qui sait quoi dire et quoi faire avec l'observateur, autant avec la famille, et ça, en collaboration d'une certaine information qui sort publique par rapport aux étapes d'enquête, moi, je pense qu'on vient de régler 90 % du dossier. Et nos policiers ont toujours collaboré.

Ce qu'on a voulu relever un peu dans notre mémoire, c'est: attention, on est des travailleurs et on peut être des humains aussi. On peut être impactés de façon psychologique. On peut être emportés dans un brouillard. On peut être... on peut avoir des symptômes, on peut oublier des choses, et ce n'est pas volontaire. Donc, on veut juste s'assurer que, lorsque le policier est rencontré par l'enquêteur, qu'il soit dans un état normal pour pouvoir collaborer. Et souvent la personne qui est dans un stress ou qui a des symptômes va paraître une personne qui ne veut pas collaborer. Ce n'est pas de sa faute, elle est en stress, c'est psychologique, c'est...

Et on a transmis énormément de doctrine du Dr Grégoire, et heureusement. Et c'est une personne qui a été vraiment géniale avec nous, il a été très généreux de nous transmettre toutes ces données-là, et c'est pour amener un autre angle à la commission, de travailler sur l'impact que le policier peut vivre aussi.

Ces personnes-là sont stigmatisées le restant de leurs carrières, hein? Lorsqu'on sort l'arme à feu et qu'on fait feu... Et j'écoutais M. le ministre tout à l'heure. J'ai connu quelques personnes qui se sont fait impliquer dans deux fusillades... ou mon bon vieux partner, qui a fait 25 ans de police sans avoir de problème, et, quelques mois avant sa retraite, a été impliqué dans une fusillade sévère. Je peux vous dire qu'il ne s'en est pas remis encore aujourd'hui, puis ça fait 15 ans de ça.

Donc, il y a un volet quand même un peu plus... un peu moins juridique, peut-être, mais un peu plus humain qu'il faut aussi tenir compte dans tout ce brouhaha d'essayer de tenter d'encadrer les enquêtes. On veut qu'elles soient encadrées, les enquêtes, on a besoin qu'elles soient encadrées, on a besoin qu'il y ait des yeux du public qui fassent l'enquête, mais laissez-nous faire l'enquête. C'est tout ce qu'on dit.

**(21 h 10)**

M. Auclair: Juste confirmer, parce que vous dites «encadrer», parce que moi, j'ai l'impression qu'en ce moment une enquête d'un corps policier par un autre corps policier en vertu des règles actuelles... Parce que le nouveau processus maintient quand même que c'est un corps policier qui va enquêter sur un autre corps policier. J'ose croire qu'en ce moment c'est déjà encadré.

M. Veilleux (Pierre): Oui. Non, je veux dire encadré par rapport à la transparence, par rapport aux soupçons que le public peut entretenir.

M. Auclair: O.K. Donc, l'observateur, parce que dans le fond c'est l'observateur, le bureau de surveillance, on va le... Lui va faire un suivi auprès des enquêteurs pour au moins s'assurer d'un processus, pour contrevérifier le processus. Lui, il va avoir des balises, il va avoir des règles d'intervention, si je peux exprimer ainsi, et va faire son suivi. Donc, le rôle...

Moi, ce qui m'importe beaucoup dans tout ça, c'est: Est-ce que, selon vous, le projet de loi... Il y a-tu des façons qu'on peut bonifier le projet de loi pour s'assurer justement qu'il y ait une collaboration, pour ne pas tomber dans le vice de ce qui se passe en Ontario, qu'ils peuvent avoir le plus beau projet de loi, mais, étant donné qu'ils n'ont pas de collaboration, donc pas de dents, pas de possibilité, on va toujours sur la bonne foi... Puis c'est ce qu'ils ont... Ce qui semble sortir de l'Ontario, c'est que, malgré tout le beau projet de loi, le fait qu'ils n'aient pas... les policiers ne collaborent pas ou ne semblent pas collaborer... puis ce n'est pas moi qui le dis, c'est leur VG, il dit: Ça tourne en rond. Moi, je veux m'assurer que... Peu importe la formule qu'on utilise, ce qu'on veut, c'est que la population ait un sentiment qu'il y ait vraiment une enquête indépendante, et de là les observateurs, la surveillance vont jouer ce rôle-là. C'est juste ça. Est-ce que vous, de votre côté... Il y a-tu une façon qu'on pourrait ajouter des éléments?

M. Veilleux (Pierre): La meilleure façon, je pense que vous l'avez déjà sur la table, c'est de laisser les enquêtes indépendantes se faire enquêter par les policiers. Ça, c'est la plus belle crédibilité et légitimité que vous pouvez donner aux policiers qui sont impliqués dans ce genre d'enquête. Ça, c'est la première des choses, et je pense que c'est la résistance qui se fait en Ontario. Ça, c'est la première des choses.

Est-ce qu'on peut améliorer? Moi, je crois que l'observateur, s'il est bien formé puis il a une bonne connaissance de l'aspect juridique, avec les pouvoirs qu'il a de demander tout renseignement, tout rapport, et quand il va avoir compris comment ça marche comme il faut, là, son travail, il est capable de tout avoir, il est capable de tout savoir. C'est l'habileté qu'il va devoir développer, et je pense que l'École nationale de police a été avant-gardiste en offrant ou en proposant même de monter une formation pour cette personne-là. Moi, je les salue.

Et ça va, quant à moi, enligner tout le monde dans le bon sens au niveau des enquêtes: pas d'entrave, pas d'exagération, pas d'enquête parallèle, tout le monde suit son travail, et tout le monde s'observe, et tout le monde est capable de faire un rapport et de donner exactement ce que le public veut avoir, c'est-à-dire qu'est-ce qui se fait.

M. Auclair: J'espère. Oui, j'ai juste un tout petit...

La Présidente (Mme Vallée): On n'a plus de temps.

M. Auclair: J'espère juste, parce que, si on devait revenir dans le futur, je ne pense pas que vous allez avoir autant de possibilités d'avoir un projet de loi aussi adéquat que ça, parce que, s'il n'y a pas de collaboration, ça va arriver à avoir des dents puis ça ne sera peut-être pas agréable pour personne. C'est juste ça que...

M. Veilleux (Pierre): On l'a très bien compris.

M. Auclair: O.K. Merci.

La Présidente (Mme Vallée): Je suis désolée, M. le député de Vimont. Alors, M. le député de Chambly.

M. St-Arnaud: Oui. Merci, Mme la Présidente. Peut-être quelques questions justement sur le rôle de l'observateur, page 16 et suivantes. D'abord, je suis obligé de constater que vous parlez de scène de crime. Alors, moi, ça ne me fait rien, mais vous allez vous faire réprimander par le chef de police de Québec, s'il est encore présent parmi nous. Alors, on va parler de scène d'événement. Mais, M. Veilleux, vous dites, à la page 16, en bas de la page 16, vous dites...

M. Veilleux (Pierre): En bas de la page 16?

M. St-Arnaud: En bas de la page 16 de votre mémoire.

M. Veilleux (Pierre): O.K.

M. St-Arnaud: Vous dites, là, quant à la scène d'événement, il faudrait encadrer ce que fait l'observateur sur la scène d'événement. Vous dites: Ça devrait... En fait, vous dites: «...son rôle sur les lieux où s'est déroulé l'événement devrait être limité...» Alors, j'aimerais vous demander: Comment?

M. Veilleux (Pierre): Bien, écoutez, je pense qu'il faut mettre les zones claires. Premièrement, une scène d'événement ou une scène de crime, qui pourrait être actuellement être une scène d'événement se transformant en scène de crime, c'est le même travail qui doit se faire. Autrement dit, on gèle la scène, donc il y a un périmètre qui se fait, personne n'entre à l'intérieur sauf l'enquêteur et les techniciens qui doivent faire des prélèvements, des photos, des mesures, etc., des expertises. Et c'est tellement facile de contaminer une scène, ne serait-ce qu'un bout de doigt, ne serait-ce qu'un cheveu, un poil qui n'est pas supposé être là puis qui se retrouve là par hasard, et là c'est toute la panoplie de questions: Qu'est ce que ce cheveu fait là, il appartient à qui, à l'observateur ou au policier, l'ADN, tout ça, c'est compliqué.

Nous, ce qu'on dit, c'est qu'il faut laisser travailler les techniciens, et après ça on ne lève pas les rubans, on ne lève pas les scellés, faisons entrer l'observateur après et expliquons-lui tout ce qu'il veut, mais avant il faut absolument que les techniciens fassent leur travail.

On n'a pas le droit, nous, comme patrouilleurs, de rentrer sur la scène à cause du danger. On se fait dire: «No way», tu ne rentres pas ici. Ça fait que... Puis je suis un policier, moi, puis je suis habilité théoriquement, je connais un peu les... Non, on n'a pas le droit, tout le monde est mis dehors sauf les techniciens et l'enquêteur qui va poser des questions, qui va diriger le technicien, etc. Et le technicien va lui faire parler la scène et va lui expliquer: Il s'est passé ça, surtout si on parle de giclures de sang et des trucs du genre, ça devient très compliqué. Et je pense que l'observateur a droit à la scène, il n'y a pas de problème à l'avoir, mais après le travail des techniciens.

M. St-Arnaud: Quand vous parlez de limitations, c'est ce dont vous parlez, là, c'est-à-dire limiter en fonction des pratiques policières...

M. Veilleux (Pierre): Oui.

M. St-Arnaud: ...habituelles, là, c'est ce que vous voulez dire.

M. Veilleux (Pierre): Ah! tout à fait, il n'y a rien d'extraordinaire.

M. St-Arnaud: O.K. Par la suite, là, l'observateur, quel est... Est-ce que vous êtes d'accord avec la proposition qui a été faite tantôt par les gens de Québec, qui disaient: Il devrait pouvoir assister, être en contact avec les enquêteurs, même assister aux réunions d'équipe, pouvoir venir quand il le souhaite dans nos réunions? Est-ce que... Qu'est-ce que vous dites là-dessus?

M. Veilleux (Pierre): Nous, on trouve ça dangereux pour la simple et bonne raison qu'il faut quand même qu'il demeure par définition un observateur, sinon on va le nommer enquêteur, vous comprenez? Rencontrer les membres pour peut-être partir une enquête parallèle, là, on risque d'avoir une résistance des membres parce qu'ils vont regarder ça en disant: Oh! C'est quoi, là, qu'il se passe, là? Ça fait que ça, on a un gros problème avec ça.

Au niveau de l'enquêteur, rencontrer l'enquêteur, bien, il faut juste faire attention de ne pas entraver son travail non plus parce que, lui, dans les premières journées, là, il a de l'ouvrage, là, et il a bien de l'ouvrage. Donc, si c'est juste pour lui poser une question, voir si telle affaire était de telle couleur plutôt... ça va... ça peut aller, mais, si c'est pour s'asseoir dans ses culottes ou s'asseoir à côté de lui dans la chaise puis de tout observer, il peut peut-être se sentir un peu mal à l'aise.

Bon, maintenant, je pense que, si l'observateur utilise ses droits au niveau d'amener les documents, d'amener les renseignements, parce qu'on parle de renseignements, et qu'il travaille avec un bon agent de liaison, il est capable de comprendre tout, tout, tout, et il a droit aux vidéos aussi, il a droit aux déclarations, il a droit aux rapports, on s'entend, là.

M. St-Arnaud: Mais je comprends que vous n'avez pas objection à ce que l'observateur entre en contact avec le ou les enquêteurs en charge de l'enquête, là.

M. Veilleux (Pierre): Ça devrait être en dernier recours, idéalement. Il devrait commencer par étapes, et de peut-être se faire parvenir les vidéos, les documents, les photos, etc. Et, en dernier recours, s'il lui reste quelques questions complémentaires à faire, peut-être parler à l'enquêteur en tout dernier lieu pour dire: J'ai-tu bien compris telle, telle affaire ou tu peux-tu m'aiguiller?

M. St-Arnaud: Dans le projet de loi, là, on interdit tout contact, là, hein, c'est: «Un observateur ne peut [...] entrer en contact directement ou indirectement avec un membre...

M. Veilleux (Pierre): Tout à fait.

M. St-Arnaud: ...du corps de police chargé de mener cette enquête...» Là...

M. Veilleux (Pierre): Idéalement, ça devrait être ça.

M. St-Arnaud: O.K.

M. Veilleux (Pierre): Idéalement, ça devrait être ça et ça devrait être une exception, lorsqu'il... si le ministère ouvre à lui donner une possibilité de parler à l'enquêteur, parce que la notion d'entrave est mince aussi. La ligne est mince. Entraver ou influencer un agent de la paix dans une... ça devient un peu... c'est délicat.

M. St-Arnaud: Je regardais... Ça complète pour moi. Merci beaucoup, M. Veilleux. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Vallée): Alors, merci beaucoup, M. Veilleux, pour votre présentation. Ça complète l'ordre du jour de cette soirée.

Alors, la commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, après les affaires courantes, vers 11 heures. Merci. Bonne soirée.

(Fin de la séance à 21 h 20)

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