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Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Wednesday, November 21, 2012 - Vol. 43 N° 4

Special consultations and public hearings on Bill 2, An Act to amend the Election Act in order to limit elector contributions to $100 and to revise public financing of political parties


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Table des matières

Journal des débats

(Douze heures treize minutes)

Le Président (M. Pagé): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Je constate le quorum et je déclare donc la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes, comme à l'habitude, qui sont dans cette salle de bien vouloir éteindre leurs téléphones cellulaires.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de terminer les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 2, qui est la Loi modifiant la Loi électorale afin de limiter les contributions à 100 $ par électeur et de réviser le financement public des partis politiques.

Mme la secrétaire, est-ce que nous avons des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Proulx (Sainte-Rose) remplace M. Therrien (Sanguinet); M. Ferland (Ungava) remplace M. Bureau-Blouin; et M. Dutil (Beauce-Sud) remplace Mme St-Pierre (Acadie); et M. Deltell (Chauveau) remplace M. Duchesneau (Saint-Jérôme).

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. J'entends que nous aurons un groupe, finalement, ce matin au lieu de deux. Le premier groupe, c'est la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Dans un premier temps, compte tenu de l'heure, nous déborderions jusqu'à à peu près 13 h 10. Est-ce que j'ai le consentement de l'ensemble des collègues pour pouvoir déborder jusqu'à 13 h 10? Consentement.

Auditions (suite)

Alors donc, nous allons commencer par une période de 10 minutes pour demander aux gens, d'une part, de se présenter et, ensuite, vous aurez 10 minutes pour présenter votre mémoire. Je vous écoute.

Commission des droits de la personne
et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Cousineau (Gaétan): Merci beaucoup. Alors, mon nom est Gaétan Cousineau. Je suis le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné de Me Daniel Carpentier, qui est directeur adjoint à la recherche à la commission.

Alors, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a accepté avec plaisir l'invitation de la Commission des institutions à participer à vos travaux sur le projet de loi n° 2, Loi modifiant la Loi électorale afin de limiter les contributions à 100 $ par électeur et de réviser le financement public des partis politiques.

La Charte des droits et libertés de la personne est une loi de nature quasi constitutionnelle et dont les dispositions ont préséance sur les lois québécoises. La commission, dont les membres sont désignés par l'Assemblée nationale, a notamment pour responsabilité de relever les dispositions des lois du Québec qui seraient contraires à la charte pour faire au gouvernement les recommandations appropriées. À cet égard, elle analyse tous les projets de loi déposés à l'Assemblée nationale et, le cas échéant, elle formule ses recommandations.

Relativement au projet de loi n° 2, cette analyse a été faite et nous estimons qu'il n'y a pas lieu de faire de recommandation. Plusieurs dispositions de la charte peuvent être pertinentes. D'abord, la liberté d'expression, reconnue à l'article 3, peut être en cause puisque le geste de contribuer à un parti politique a pour objectif d'aider ce parti à faire connaître ses idées et son programme politique. Cela participe donc à la discussion publique des affaires de l'État.

Le droit au respect de sa vie privée est également un droit fondamental qui doit être considéré en matière de divulgation de l'identité des contributeurs au financement des partis politiques. Cette liberté et ce droit fondamental sont visés par la disposition justificative prévue à l'article 9.1 de la charte qui se lit comme suit: «Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

«La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice.»

Cette disposition permet donc d'aménager l'exercice de la liberté d'expression ou de limiter le droit au respect de sa vie privée. Pour se prévaloir de cette disposition, le gouvernement doit démontrer que la loi restrictive n'est ni irrationnelle ni arbitraire et que les moyens choisis sont proportionnés au but visé. Dans tous les cas, le fardeau lui appartient et repose sur les critères élaborés par les tribunaux à cette fin. Finalement, il y a aussi les dispositions de l'article 22 de la charte qui reconnaissent le droit de se porter candidat ainsi que le droit de vote.

D'abord, un bref rappel historique des interventions de la commission sur ce sujet. En 1977, il y a 35 ans, la commission avait été invitée à faire des commentaires sur un projet de loi, qui portait aussi le n° 2, intitulé la Loi régissant le financement des partis politiques et modifiant la Loi électorale. Dans son avis, daté du 31 mai 1977, la commission soulignait qu'il s'agissait d'une opinion sommaire sur certains aspects du projet de loi.

Un premier aspect, celui des limites aux contributions aux partis politiques, avait été abordé sous l'angle de la liberté d'expression. On disait alors, et je cite: «...on ne peut assimiler complètement la liberté d'expression et la liberté de contribuer au programme d'un parti ou d'une association. D'autres considérations peuvent en effet intervenir, notamment celle de favoriser l'égalité entre tous les citoyens. C'est pourquoi les restrictions au montant des contributions pourraient être justifiées par l'intérêt de l'État à protéger l'intégrité du processus démocratique et à préserver le pouvoir législatif de l'influence indue et disproportionnée des personnes et des groupes de personnes fortunés.»

Et plus loin dans cet avis: «Par conséquence, si des limites au montant des contributions peuvent être admises, dans un but d'égalité, l'interdiction absolue de faire toute contribution serait, selon la commission, contraire à la liberté d'expression.» Fin de la citation de cet avis de 1977.

Les autres aspects qui avaient été abordés dans ce document ne sont pas, à notre avis, liés aux dispositions de l'actuel projet de loi. Il s'agit du droit de se porter candidat et du droit de former un parti politique, droits qui doivent être reconnus sans distinction fondés sur les convictions politiques. D'autres commentaires portaient sur la notion de «partis autorisés», interdiction faite aux personnes morales de contribuer au financement des partis politiques, la définition de «contribution» et, finalement, sur la divulgation des noms des personnes ayant versé une contribution.

La commission est intervenue à de nombreuses reprises pour assurer le respect des droits politiques. Il s'agit essentiellement d'interventions relatives à des dispositions législatives qui restreignaient le droit de vote des personnes handicapés, par exemple, ou des détenus, du droit à la protection de sa vie privée relativement à la liste électorale ou à l'obligation pour l'électeur de s'identifier. Quant au droit de se porter candidat, la commission est intervenue sur la question de l'inéligibilité des fonctionnaires ou des employés municipaux à se porter candidat. Finalement, elle est aussi intervenue sur les limites à la liberté d'expression dans les activités politiques des fonctionnaires ou dans la participation des tiers en période électorale ou référendaire.

**(12 h 20)**

Soulignons que, plus récemment, soit en décembre 2010, plusieurs lois relatives au financement des partis politiques ont été adoptées par l'Assemblée nationale: d'abord, la Loi anti prête-noms en matière de contributions électorales, qui a abaissé la contribution maximale de 3 000 $ à 1 000 $; puis la Loi augmentant les pouvoirs de contrôle du directeur général des élections, qui prévoit que doivent être rendus publics le nom de tout donateur ainsi que le montant de la contribution, quel que soit le montant de celle-ci; finalement, la Loi concernant le financement des partis politiques prévoit l'augmentation de l'allocation versée aux partis politiques autorisés et modifie les modalités d'application des crédits d'impôt pour contributions politiques. Ces trois projets de loi ont été adoptés à l'unanimité par l'Assemblée nationale; la commission n'a formulé aucun commentaire sur les dispositions de ces lois.

La commission ne s'est jamais prononcée sur le plafond imposé aux contributions aux partis politiques, si ce n'est en 1977 pour signifier que l'interdiction absolue de contribuer au financement des partis politiques porterait atteinte à la liberté d'expression. Rappelons qu'à cette époque les dispositions reconnaissant les libertés et les droits fondamentaux dans la charte, les articles 1 à 8, n'étaient pas prépondérants sur les dispositions législatives adoptées postérieures à l'adoption de la charte. Ce caractère prépondérant des droits fondamentaux n'a été reconnu qu'en 1983 lorsque les articles 1 à 38 de la charte sont devenus prépondérants sur toute la législation québécoise, y incluant la législation antérieure. La primauté des articles 1 à 8 a alors été tempérée par l'ajout de l'article 9.1 que nous avons cité auparavant.

Selon la jurisprudence, lorsque la loi vient limiter la portée d'un droit ou d'une liberté ou encore en aménager l'exercice, un test en deux volets doit être satisfait.

Dans un premier volet, le gouvernement doit prouver que l'objectif poursuivi par la mesure contestée est suffisamment important pour justifier l'atteinte à une liberté ou à un droit garanti par la charte. Cet objectif doit à tout le moins être urgent et réel. Soulignons que cela relève d'une question de fait et que l'analyse doit être axée sur le contexte de la règle de droit en cause. En l'occurrence, l'objectif d'assurer l'intégrité du mode de financement des partis politiques satisferait à ce critère.

Dans le cadre du deuxième volet, il se demande s'il est démontré que l'objectif en cause est réel et urgent, le gouvernement doit établir que les moyens choisis pour l'atteindre sont raisonnables. Ils seront ainsi considérés raisonnables si, premièrement, les moyens adoptés ont un lien rationnel avec l'objectif visé; deuxièmement, ils sont de nature à porter le moins possible atteinte aux droits touchés; et, troisièmement, s'il y a proportionnalité entre les effets préjudiciables des mesures et leurs effets bénéfiques.

Dans le présent cas, l'application de ce test pourra se faire comme suit: le fait de fixer un plafond aux contributions individuelles peut apparaître comme un moyen ayant un lien rationnel avec l'objectif...

Une voix: ...

M. Cousineau (Gaétan): ...je termine, merci -- et n'empêche pas l'exercice de la liberté d'expression; et, en ce sens, l'atteinte à cette liberté est limitée; et finalement, l'effet bénéfique, assurer l'intégrité du système de contributions, peut être considéré proportionnel à l'effet préjudiciable, c'est-à-dire ne plus pouvoir contribuer un maximum de 1 000 $.

À quelques reprises, des dispositions limitant les dépenses électorales ont été contestées devant les tribunaux canadiens. L'ensemble de la jurisprudence est à l'effet que ces limites imposées aux contributions politiques portent, en soi, atteinte à la liberté d'expression reconnue dans la charte canadienne. Toutefois, ces atteintes ont toutes été justifiées en vertu de l'article 1 de cette charte. Les dispositions de la charte québécoise étant au même effet, on peut affirmer qu'une disposition limitant les contributions aux partis politiques porte atteinte à la liberté reconnue à l'article 3 de la charte, mais que cette atteinte serait justifiée en vertu de l'article 9.1. Je vous remercie pour votre attention.

Le Président (M. Pagé): Merci, M. Cousineau, vous êtes top chrono. Alors, félicitations, vous êtes rentré dans le temps. Donc, pour un échange avec le ministre et la partie gouvernementale, vous avez 22 minutes, M. le ministre.

M. Drainville: Merci. Merci beaucoup. Je trouve que vous êtes particulièrement éclairé. Évidemment, comme je suis le député-ministre qui a déposé le projet de loi, je ne suis pas tout à fait impartial sur la question, mais je trouve que votre raisonnement est impeccable. Et vous avez raison, vous avez tout à fait raison, c'est très certainement notre opinion. Vous avez d'autant plus raison que non seulement on préserve la possibilité de faire un don à un parti politique, mais les autres libertés sont, bien entendu, préservées. Il n'y a pas juste par un don à un parti politique qu'on peut exprimer notre préférence pour un parti politique ou un choix politique, il y a le droit de vote, il y a la possibilité de s'exprimer dans les tribunes publiques, il y a la possibilité d'écrire des lettres ouvertes, etc. Il y a possibilité également de faire circuler des pétitions, possibilité de participer à des lignes ouvertes, à des émissions, etc.

Donc, moi, je pense, comme vous, que c'est une... L'abaissement à 100 $ est une limite tout à fait raisonnable, d'autant plus que vous n'y avez pas fait référence, mais il faut se rappeler les raisons pour lesquelles le projet de loi a été déposé, il faut se rappeler le contexte dans lequel ce projet de loi a été amené. Il fait suite à nombre d'enquêtes journalistiques, de révélations de toutes sortes, de plus en plus corroborées par les témoignages que nous entendons devant la commission Charbonneau, qui sont à l'effet que la loi actuelle a été détournée de son sens.

L'objectif visé par la loi sur le financement des partis politiques n'est plus respecté par nombre d'individus qui agissent, par exemple, à titre de prête-noms et donc signent des chèques de complaisance qui contreviennent à la fois à l'esprit, mais aussi à la lettre de la loi sur le financement des partis politiques.

Et, par ailleurs, il y a tous ces témoignages également qui nous confirment que l'actuelle loi, malheureusement, a été contournée, c'est le moins que l'on puisse dire, par un certain nombre de personnes morales qui, en vertu de la loi, n'ont pas le droit de contribuer et qui se sont approprié ce droit, qui se sont donné ce droit, alors qu'il leur est interdit. Ils se sont approprié le droit de donner à un parti politique en particulier. Et nous, ce qu'on désire faire avec ce projet de loi, ce n'est très certainement pas de limiter la liberté d'expression; au contraire, je vous dirais qu'en voulant rétablir l'intégrité de la loi sur le financement des partis politiques, on vise justement à préserver notre vie démocratique et aussi à redonner aux citoyens québécois le contrôle sur leurs partis politiques.

On a franchement l'impression qu'un certain nombre d'individus ont, par une influence indue, par le pouvoir de l'argent, le pouvoir de leur argent... ils se sont saisis, dans certains cas en tout cas, du processus démocratique pour se donner une influence qui est totalement pernicieuse et, en vertu de laquelle influence, ils ont tenté d'obtenir des avantages auxquels ils n'ont pas droit. Je veux dire, d'utiliser ton pouvoir financier pour essayer de donner, alors que tu n'as pas le droit de donner, dans le but d'obtenir en échange des contrats, dans le but d'obtenir en échange des permis, dans le but d'obtenir en échange des nominations, c'est contre la loi. Et c'est tous ces maux qu'on essaie actuellement de corriger avec le projet de loi n° 2.

**(12 h 30)**

Puis nous, on pense qu'en limitant à 100 $ on rend le système justement de financement... le principe du don à un parti beaucoup plus démocratique, parce qu'on sait qu'à 100 $ c'est une limite qui est beaucoup plus accessible pour le plus grand nombre, alors qu'à 1 000 $, soyons honnêtes, là, il n'y a pas beaucoup de gens, au Québec... il n'y a pas beaucoup de citoyens, au Québec, qui ont les moyens de donner 100 $ à un parti. Donc, il y a quelque chose de profondément démocratique de maintenir le droit de verser des dons à un parti, mais aussi de le ramener à 100 $, parce qu'on le rend accessible à la vaste majorité et donc on permet au citoyen qui a peu de moyens, qui fait partie de la vaste majorité et donc on permet au citoyen qui a peu de moyens, qui fait partie de la vaste classe moyenne, d'avoir la même influence que celui qui en a... qui a beaucoup de moyens, qui se retrouve donc dans une catégorie de revenus parmi les plus favorisés.

Est-ce que vous en êtes venus à ces conclusions-là assez facilement? Est-ce que ça a été un exercice difficile pour vous quand vous avez vu le projet de loi n° 2 puis vous l'avez étudié? Est-ce que d'emblée vous vous êtes dit: On ne voit pas de problème avec ça; effectivement, ça respecte la charte, ça respecte la liberté d'expression; il ne s'agit pas d'une limite indue aux droits protégés par la charte; il y a un lien rationnel entre l'objectif et les moyens? Est-ce que ça s'est fait assez facilement pour vous ou est-ce que c'est... il a fallu beaucoup soupeser? Comment vous en êtes arrivés à ces conclusions-là?

Le Président (M. Pagé): M. Cousineau.

M. Cousineau (Gaétan): Nous avons été demandés assez récemment, donc il n'y a pas eu une longue réflexion en termes de temps parce que peu de temps nous était accordé. Habituellement, ce type de réflexions, on les apporte devant les membres de la commission. Bon, tout à fait par hasard, nos membres étaient convoqués pour une autre réunion, ce n'était pas à l'agenda. On a pu glisser un mot. Donc, on n'a pas pu avoir une longue discussion. Les notes ont été préparées par après. Mais je peux vous dire que, parce qu'on avait fait des choix récemment, lors des derniers projets de loi, de ne pas intervenir, alors c'est un petit peu la suite logique de nos discussions.

Bien sûr, il y avait ce document de 1977, mais, comme j'ai expliqué tantôt, les changements à la charte, l'article 9.1... Voilà. Alors c'est un peu là où on peut peut-être répondre à votre question. Me Carpentier est l'auteur des notes, a participé à l'élaboration des notes suite à la réflexion et le regard sur ce projet.

M. Carpentier (Daniel): Bien, écoutez, l'analyse, oui, elle se fait, elle se fait toujours relativement rapidement, c'est-à-dire une première analyse, puisqu'on regarde tous les projets de loi, tous les règlements, c'est dans notre mandat. La commission doit le faire pour s'assurer de la conformité à la charte. Alors, au premier abord -- et, par exemple, c'est ce qu'on a fait dans le cas du projet de loi n° 2 -- on regarde les dispositions, on voit que, oui, on connaît le principe, des limites imposées aux contributions peuvent porter atteinte à la liberté, mais, comme il n'y a pas d'interdiction absolue, on n'a pas poussé plus loin.

Quant aux autres dispositions, à notre avis, elles ne relevaient pas des droits reconnus dans la charte puisque, quand on pense à la question de la divulgation des contributeurs, c'était déjà un principe établi en 2010. D'ailleurs, on y a fait référence. Donc, il n'y avait pas lieu, suite à cette première analyse, de proposer à la Commission des droits de la personne de formuler les recommandations au gouvernement et à l'Assemblée nationale sur le projet de loi.

M. Drainville: Juste pour les fins, là, des quelques personnes qui pourraient nous regarder ou qui pourraient être intéressées à relire nos délibérations -- ou le procès-verbal, dis-je, de nos délibérations -- je veux juste citer un extrait du jugement de la Cour d'appel dans la cause FTQ et autres contre le Procureur général du Québec et le Directeur général des élections. C'est une décision qui est datée de juin 2011. Et je vais le citer parce que, dans le fond, si on va à la base même du projet de loi, il y a un certain nombre de prémisses, là, qui sont importantes et qu'il faut se rappeler, qui sont les espèces de postulats de base sur lesquels repose le projet de loi. Et un de ceux-là, c'est la volonté du législateur, l'idée que le législateur est là pour créer l'encadrement, l'idée que le législateur doit se saisir du problème puis doit, par les lois proposées, apporter des correctifs. Alors, le jugement dont je vous parle, cet extrait donc se lit comme suit:

«...il n'appartient pas aux tribunaux de [se] substituer...» Pardonnez-moi. «...il n'appartient pas aux tribunaux de substituer leurs choix à ceux des législateurs, encore moins de proposer des réformes électorales. Le pouvoir de surveillance se limite à déterminer si les choix législatifs sont justifiés et raisonnables dans la société libre et démocratique qu'est la nôtre. La tentation d'excéder ce pouvoir peut être grande, comme le montre [un texte, là,] Bredt [and] Finley, mais c'est là une raison de plus pour y résister dans un contexte où le but visé est précisément l'"empowerment" de l'électorat qui, après tout, choisit celles et ceux qui le gouvernent.» Fin de la citation.

Et moi, je trouve que c'est plein de sagesse, cet extrait-là du jugement de la cour d'appel, parce qu'il nous rappelle à nos responsabilités, nous, comme législateurs. Et il y a effectivement, dans ce projet de loi n° 2, un choix politique, et il y a effectivement un certain nombre de contraintes qui viennent avec ce choix politique. Oui, certaines personnes pourront juger que d'abaisser le don de 1 000 $ à 100 $, c'est contraignant. Oui, ça se peut, ça. Il y en a qui pourront trouver que de créer, de mettre sur pied un système essentiellement public de financement des partis, c'est aller trop loin. Il y en a qui pourraient dire ça. Il y en a même qui pourraient soutenir que l'élimination des crédits d'impôt est... enfin, il y a une forme d'iniquité peut-être là-dedans, diront-ils.

Mais moi, je réponds à ça, et notre gouvernement répond à ça que les contraintes justement qui sont prévues dans ce projet de loi sont justifiées par les objectifs visés par le projet de loi. Ces contraintes-là sont justifiées dans une société libre et démocratique. On essaie présentement, avec ce projet de loi et d'autres projets de loi... On essaie d'une certaine façon de ramener la démocratie sur ses rails. On essaie d'une certaine façon de la ramener là où elle a été détournée. On essaie d'une certaine façon d'arrêter, de mettre fin à des abus dont on est témoins, qui ont été rapportés pendant nombre d'années.

Et j'ouvre une parenthèse ici. J'étais journaliste dans les années 1990 et je faisais déjà, à ce moment-là, des reportages sur le financement illégal des partis politiques, dont celui de Vision Montréal. Je savais déjà qu'il existait un problème de prête-noms à ce moment-là.

Et donc qu'on dise aujourd'hui, comme gouvernement... et je vais vous le dire, messieurs, je pense qu'il y a des très bonnes chances qu'on puisse adopter ce projet de loi là avant Noël. C'est la volonté que je sens de tous les parlementaires, et je salue cette volonté-là, je la trouve sage. Je ne prends rien pour acquis mais je pense qu'il y a des bonnes chances qu'on réussisse à s'entendre puis qu'on réussisse à voter ce projet de loi là, et je trouve ça fantastique. Je trouve que c'est tout à l'honneur des partis qui sont présents à l'Assemblée nationale, des parlementaires qui sont présents, parce que je pense qu'on a effectivement, à ce moment-ci de notre histoire, une occasion de contribuer à rétablir, à redresser des pans complets de notre vie démocratique. Et je trouve ça... On a une belle occasion de le faire tous ensemble, et j'espère qu'on ne la manquera pas, puis j'ai le sentiment qu'on ne la manquera pas. Je suis confiant qu'on va y arriver.

Et donc de pouvoir dire: Il y a un problème de prête-noms, il y a un problème de collecteurs de fonds qui se sont accaparés un rôle qui n'est pas le leur dans l'illégalité, dans l'immoralité aussi, puis de dire: On va mettre en place le cadre qui va nous permettre d'arrêter ça puis de régler ces problèmes-là, moi, je trouve, comme législateur, c'est extraordinaire. Puis d'avoir été un jour dans une position de journaliste où je rapportais le problème, puis d'être aujourd'hui dans une position de législateur, où je peux contribuer à le régler, je vais vous dire, je me sens utile présentement, et je pense que c'est le sentiment qui nous habite autour de cette table, c'est le sentiment d'être utile actuellement au Québec, puis je pense que les citoyens québécois attendent ça de nous présentement.

Je m'emporte un peu, vous m'excuserez. J'étais prêt à plaider, qu'est-ce que vous voulez, j'étais prêt à plaider, et là, dans le fond, vous arrivez puis vous nous dites: Bien, écoutez, on ne voit pas de problème avec votre projet de loi. En résumé, je suis peut-être un peu succinct, là, je ne rends pas justice à l'élégance de votre argumentaire, mais, dans le fond, c'est ça. Alors, j'étais prêt à plaider, là. Je suis en train de plaider, même si, dans le fond, on est tous d'accord. Mais ça me permet de rappeler à vous, les gens de la commission, l'objectif fondamental qu'on s'est donné puis les intentions bonnes qui sont derrière ce projet de loi là.

**(12 h 40)**

Et, je répète, j'espère qu'on ne manquera pas notre coup puis qu'on va tous ensemble, tous les partis politiques présents à cette... dans cette Assemblée, qu'on va tous ensemble trouver le moyen de s'entendre pour qu'on puisse voter ce projet de loi là avant Noël. Et je vous remercie encore une fois pour la contribution que vous faites aujourd'hui, et je vous remercie également pour la contribution que vous faites à notre vie collective parce que cette contribution-là, elle est très importante. Alors, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Pagé): Je n'ai pas nécessairement entendu de question adressée aux interlocuteurs, sauf que, si vous souhaitez commenter le commentaire...

Des voix: ...

Le Président (M. Pagé): Oui. Peut-être, si vous souhaitez commenter le commentaire, je vous y invite.

M. Cousineau (Gaétan): Bien, vous avez fait... Si vous me permettez, vous avez fait référence à une jurisprudence. On en avait apporté quelques-unes, effectivement, et ça se réfère au test dont on parlait dans notre présentation, le test d'un problème réel, qui doit être analysé, le caractère raisonnable, que le juge a dû analyser dans cette situation particulière, et qui nous amène au second test. À partir de là, quels sont les moyens qu'on peut y mettre? Alors, vous faisiez référence à cette situation. Et c'est l'analyse qu'un tribunal devrait faire si jamais la problématique lui était apportée. Alors, c'est le test qu'on a rappelé.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. Ça va du côté de la partie gouvernementale? Donc, on peut passer du côté de l'opposition. Par contre, suite à une entente avec les deux oppositions, ce serait le deuxième groupe d'opposition qui commencerait dans un premier temps pour une période de 5 min 36 s. Et j'entends le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci, M. le Président. Mes remerciements à M. le leader de l'opposition officielle de me permettre de parler tout de suite. Mes salutations aux collègues. Messieurs, bienvenue à l'Assemblée nationale.

Je suis tout à fait d'accord avec le plaidoyer fait par mon collègue ministre à l'effet qu'on est utiles. Et on a vraiment l'impression de faire partie prenante, de changer le cours de choses et de redresser la situation, qui avait été bien redressée il y a 35 ans mais qui mérite d'être rafraîchie actuellement. Et, oui, on a tous la volonté de réussir. Et je sais qu'on va s'entendre. On a quelques ajustements à faire, mais on va s'entendre en bout de ligne. Puis je sais qu'on va donner un beau cadeau de Noël aux Québécois, avec une loi qui va être beaucoup plus aérée et responsable.

Maintenant, justement pour être utiles, il y a un aspect que vous n'avez pas abordé dans votre thème et qui nous est cher, nous, le deuxième groupe d'opposition, soit la question du plafond des dépenses électorales. Je sais que votre expertise porte davantage sur les libertés individuelles, mais est-ce que vous estimez qu'on risque de brimer la liberté des dirigeants d'un parti politique si on abaisse le plafond des dépenses électorales?

Le Président (M. Pagé): M. Cousineau.

M. Cousineau (Gaétan): Tous les plafonds ou les planchers d'argent, la commission n'abordera pas ça de cette façon-là. Alors, c'est à vous comme législateurs, comme gouvernement à choisir et faire ces discussions et choisir les montants plafonds ou planchers. Il faut, pour que les droits fondamentaux soient respectés, être dans le caractère du raisonnable et des situations réelles, et des enjeux. Et l'article 9.1 permet au législateur justement de légiférer dans ces situations-là et de limiter un exercice, soit de liberté d'expression ou autre, en fonction d'une préoccupation réelle, qui peut être la sécurité ou d'autres formes.

Alors, ce serait la réponse courte, si vous voulez, un peu à cela. Je ne sais pas si M. Carpentier veut ajouter autre chose là-dessus, mais c'est un peu de cette façon-là que nous, la commission... C'est un peu ce regard-là qu'on vous donne, que la charte des droits vous donne pour agir. Et c'est comme ça un peu que les tribunaux à date ont interprété ces législations dans ces situations où le législateur venait légiférer et... pour faire le test -- pour ne pas remplacer le législateur, comme on dit, comme les juges vont dire dans ces situations-là -- le test de... est-ce qu'il y a une situation réelle?, est-ce qu'il y a des propensions réelles?, et, à partir de là, quelles sont les mesures qui ont été prises?, les trois aspects qu'on mentionnait tantôt.

M. Deltell: Merci bien.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Chauveau, vous avez complété?

M. Deltell: Merci.

Le Président (M. Pagé): Parfait. Je vous remercie. Alors, je passerais maintenant au groupe de l'opposition officielle pour une période de 22 min 30 s. Alors, la parole est au député de Beauce-Sud.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Je suis très heureux de voir qu'ici, autour de la table, tous les partis veulent faire quelque chose d'utile. Moi, c'est également mon point de vue, je veux faire quelque chose d'utile. C'est une vieille blague, M. le ministre. C'est une vieille blague.

M. Drainville: M. Dutil, il faut...

M. Dutil: Alors, écoutez, je vais aller un peu plus profondément dans l'aspect du financement qui n'est pas la problématique du plafond, qui est la problématique des modalités qui ont été mises en place dès 1977, qui ont évolué au fil du temps puis qui ont été toujours les mêmes. Et l'une de ces modalités-là, c'est que le gouvernement aidait les contributeurs individuels à faire des dons. Autrement dit, vous donniez un don, vous aviez le droit, là, jusqu'à tout récemment, là, dans la loi actuelle, d'avoir un retour d'impôt de 75 %.

L'un des aspects de ça, c'est que 37 % des gens ne paient pas cet impôt-là, l'impôt sur le revenu, là. Ils paient toutes sortes d'impôts, les gens. Ils paient des taxes. Ils ont ceci à payer, ils ont la CSST, etc. Mais ils ne paient pas nécessairement toujours cet impôt-là pour diverses raisons: parce qu'ils ont des enfants à charge, ou parce que leur revenu est insuffisant rendu à l'âge de la retraite, ou ainsi de suite.

Et moi, pour ma part, j'estimerais que ce serait moins discriminatoire que si ce n'était pas par crédit d'impôt que c'était payé. Il y a des idées qui ont été émises à cet effet-là, à l'effet que tout citoyen, quel qu'il soit, à partir du moment où il fait un don, s'il y a une contribution du gouvernement, puisse l'obtenir et non pas d'avoir une espèce de formule censitaire qui exclut une partie de nos citoyens. J'aimerais vous entendre sur cette idée-là.

Le Président (M. Pagé): M. Cousineau.

M. Cousineau (Gaétan): Oui. Souvent, la commission se fait poser ce genre de questions, à savoir: Comment faire les choses que l'on... comme législateur, qu'on désire faire. La commission ne rentre jamais dans les modalités, laisse les modalités au législateur. Alors, doit-il y avoir un retour d'impôt sur la contribution? On vous laisse ça à débattre entre vous. Ce qu'on vous dit, c'est que la règle de base, ce serait que limiter entièrement les gens à ne pas pouvoir donner, par exemple, à un parti politique, là, ce serait la discrimination, là, ce serait limiter la liberté d'expression. C'est ça, notre premier regard sur la question.

Quant au montant qu'il doit être, est-ce que c'est 100 $, est-ce que c'est 1 000 $? Le projet de loi qui est devant nous, c'est de baisser le 1 000 $ à 100 $ pour des raisons qui sont exprimées ici autour de la table. Alors, nous, on dit: Bien là, s'il y a une situation réelle, puis elle est réelle, alors comment le test se passerait à partir de là? Alors, dans ce sens-là, nous, au niveau des modalités, la commission ne s'exprime pas.

M. Dutil: Oui. Je comprends ce que vous nous dites. Mais ce que je veux illustrer, c'est qu'il y a deux questions dans le projet de loi, il y a passer de 1 000 $ à 100 $. Ça, c'est une question, c'est celle que vous soulevez puis c'est celle que vous avez soulevée dans votre présentation. Mais il y en a une autre, qui est celle d'éliminer le crédit d'impôt pour le remplacer par une subvention en fonction des votes obtenus. Ça existe ailleurs, ça fait 100 % de participation gouvernementale, ça exclut donc du financement. Quand on dit qu'on aide les petits partis ou qu'on aide les petites contributions, je dois vous dire qu'en éliminant le crédit d'impôt on ne fait pas ça, là. Là, les gens qui donnaient 100 $ et qui recevaient 75 $ de crédits d'impôt ne recevront plus de crédit d'impôt. Donc, est-ce qu'ils vont monter à 100 $ de don pareil? Non.

Alors, je comprends que vous ne voulez pas nous donner d'opinion, mais je veux juste illustrer qu'il y a deux aspects, puis on parle toujours de celui qui est de passer de 1 000 $ à 100 $ puis on ne parle jamais de celui qui est d'éliminer un encouragement au petit donateur, qui était le crédit d'impôt et qui pourrait être même amélioré en n'étant pas un crédit d'impôt mais une contribution du DGE en fonction des dons. Et je comprends que vous ne vouliez pas vous impliquer là-dedans, mais ce que je veux tout simplement entendre: C'est-u moins discriminatoire de le faire en permettant à tout le monde de l'avoir sans avoir le cens, au sens censitaire, d'être obligé de payer l'impôt sur le revenu pour y arriver?

M. Cousineau (Gaétan): Bien, la question où vous dites: Est-ce que c'est moins discriminatoire? Est-ce qu'il y a une discrimination lorsqu'on permet à tous de donner? C'est la façon dont on lui donnera le crédit d'impôt ou pas. Elle s'appliquerait à tous. Alors, il n'y aura pas de discrimination puisque... Alors, la question de discrimination ne se pose pas dans ce sens-là.

M. Dutil: La discrimination est que, pour le recevoir, tu dois payer un crédit d'impôt. Si tu ne paies pas... Tu dois payer de l'impôt. Si tu ne paies d'impôt, tu n'y as pas droit. C'est ça, ma question.

M. Cousineau (Gaétan): D'accord. Bien, dans ce sens-là, je ne sais pas si...

M. Carpentier (Daniel): Bien, écoutez, là-dessus, c'est que l'ensemble des règles fiscales, là, des questions de crédits d'impôt, il y en a des dizaines et des dizaines, c'est des choix que le législateur fait sur comment il organise la fiscalité, comment il recueille ses revenus. De décider qu'il y a un crédit d'impôt pour des contributions politiques, c'est un choix politique que fait le législateur. De décider qu'il y a des crédits d'impôt pour l'investissement dans les arts, c'est un autre choix. Et, sur ça...

M. Dutil: Donc, vous n'avez pas à intervenir là-dedans?

M. Carpentier (Daniel): Non, ce n'est pas un domaine...

M. Dutil: Alors, je vous donne un autre exemple. Est-ce que ce serait discriminatoire de dire que les élections coûtant 80 millions de dollars, dont 15 $ par citoyen, dorénavant, parce qu'on n'a plus les moyens de payer des élections, qu'on charge 15 $ par citoyen? Quelle serait l'opinion de la commission si le gouvernement décidait ça?

M. Cousineau (Gaétan): Je ne sais pas. Bien, de toute façon, il faudrait que je la pose à la commission. Mais, de prime abord, je pourrais vous dire que toutes les formes, toutes les modalités, tous ces choix-là n'appartiennent pas à la commission. Ce n'est pas à la commission à faire ce type de choix.

M. Dutil: O.K. C'est beau.

M. Cousineau (Gaétan): Et, si, en faisant un projet qui traiterait de ces questions, il y aurait des questions fondamentales sur les droits fondamentaux à se poser, on pourrait regarder ces aspects-là de ces questions-là. Mais les modalités, les façons de faire, les choix que l'on peut faire vous appartiennent, n'appartiennent pas à la commission.

**(12 h 50)**

M. Dutil: O.K. Un autre point qui avait été soulevé en 1977 concernait le secret du vote. Et la commission s'était exprimée comme ça:

«La Commission des droits de la personne s'interroge toutefois sur l'opportunité d'adopter une mesure qui permet ainsi de court-circuiter un principe fondamental de nos institutions politiques, le secret du vote. Le droit du citoyen d'élire en toute liberté les représentants politiques de son choix est tout aussi essentiel à une saine démocratie que ne peut l'être un contrôle public des sources de fonds des partis politiques.

«Pour ce motif, on pourrait penser à un mécanisme qui permettrait d'atteindre ce dernier objectif sans mettre en péril le premier. On pourrait par exemple prévoir un contrôle des contributions par un représentant autorisé de l'État, en l'occurrence, le directeur général du financement des partis politiques, sans imposer la divulgation ouverte et publique de telles contributions.»

Ça, c'était l'opinion qui avait été émise là-dessus. Vous savez qu'aujourd'hui toutes les contributions, aussi petites soient-elles, sont divulguées de façon publique. Je dois vous dire qu'à ma connaissance j'ai vu, vu, de mes yeux vu, des lettres de menace de personnes anonymes, évidemment, qui menaçaient des citoyens qui avaient donné à un parti politique. Et ce n'était pas nécessairement des montants énormes, là. Ça pouvait être des montants qui allaient jusqu'à 3 000 $ à des montants relativement petits.

Quelle est votre opinion sur l'avis de 1977? Et que pensez-vous de cette problématique-là liée finalement au fait qu'en dévoilant publiquement un don si minime soit-il tu viens de dévoiler ton secret de vote?

M. Cousineau (Gaétan): La commission n'a pas longuement exploré. On a relu l'opinion de 1977. Il y a plusieurs projets de loi qui sont venus toucher à ces questions depuis. La commission avait choisi de ne pas se prononcer lorsque, par exemple, on avait abaissé les plafonds et aussi amené à dévoiler les noms des donateurs. À ce moment-ci, tous les dons seraient rendus publics avec le projet de loi...

M. Dutil: ...déjà, là.

M. Cousineau (Gaétan): Oui, c'est ça. Puis c'était le cas depuis -- c'est ça que j'allais ajouter -- 2010, là. Alors, ça ne change pas la situation qui existe actuellement. Est-ce que c'est synonyme, de fait, de faire une contribution avec votre choix de vote? Ce n'est pas, quant à nous, synonyme. Ce n'est pas le droit de vote, c'est un droit... le pouvoir que vous exercez, c'est celui de contribuer. Votre vote, lui, demeure secret, et là-dessus la commission... C'est sûr que, si on pouvait, par des moyens détournés ou connus, faire connaître les droits de vote aux gens, on s'objecterait bien sûr à ça, parce que ce serait un droit important... Le don, comme choix, fait à un parti, on ne le voit pas de la même façon.

M. Dutil: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pagé): Merci, M. le député de Beauce-Sud. On passerait maintenant au député de Fabre. Je vous rappelle qu'il vous reste à peu près 13 minutes.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Merci d'être ici et de partager votre expertise avec nous. Et, en fait, moi, je me trouve un peu encore en phase de transition entre votre monde juridique et le monde des parlementaires. Je suis le lien hybride encore pour l'instant, mais je trouve ça...

Une voix: ...

M. Ouimet (Fabre): Oui, bien, je suis convaincu que vous allez finir par vous habituer. En fait, je trouve ça bien intéressant, toute la discussion sur le pouvoir des tribunaux, l'importance du rôle des parlementaires, parce que, pour moi... et ça, c'est un thème, vous allez souvent m'entendre parler de ça, du partage des pouvoirs. Et autant le rôle des parlementaires est un rôle fondamental, que les tribunaux répètent, et qu'on doit protéger, et qu'on doit préserver, mais, de la même façon, il faut respecter le rôle des tribunaux, qui ont un rôle fondamental à jouer dans notre société. Et justement le rôle des tribunaux, c'est de contrôler l'activité parlementaire, dans la mesure où elle respecte la constitution et dans la mesure où -- et là j'utilise, pour simplifier, là -- ...respecte une norme de raisonnabilité dans l'exercice des choix législatifs qui sont faits.

Alors, je trouve ça... il y a plusieurs éléments de votre présentation et même des questions qui ont été soulevées qui m'interpellent, parce que, dans le fond, je comprends que, quant à la limite des dons, ce que vous nous dites, c'est que... de l'abaisser à 100 $, cette mesure-là est de nature à... ou porte atteinte à la liberté d'expression. Est-ce que j'ai bien saisi à la première étape, évidemment, de l'analyse, là? Est-ce que...

M. Cousineau (Gaétan): On la limite à 100 $. Oui, effectivement, c'est une limite. Ça nous ramène ensuite à l'article 9.1, pour savoir...

M. Ouimet (Fabre): Est-elle raisonnable?

M. Cousineau (Gaétan): Exactement, vous avez raison.

M. Ouimet (Fabre): O.K. Mais, à la première étape, cette mesure-là...

M. Cousineau (Gaétan): C'est ça, c'est le premier volet.

M. Ouimet (Fabre): ...met en cause la liberté d'expression. Donc là, on passe à l'examen du caractère raisonnable de la limite 9.1. Et c'est à ce niveau-là où là on procède en trois étapes, c'est-à-dire la première étape, est-ce qu'on a une justification, une préoccupation urgente? Et ça, je pense que, lorsqu'on parle de la confiance des citoyens à l'égard des institutions démocratiques, je ne pense qu'il y a un long débat sur l'importance que nous exercions notre rôle de législateur, et je pense que c'est à cela que tous les partis font référence lorsqu'on souligne l'urgence d'agir.

Ceci dit, et c'est surtout sur... ce point-là qui m'intéresse, particulièrement en tenant compte de l'adoption en 2010, en fin 2010, de mesures qui visaient à changer radicalement notre façon de fonctionner au niveau du financement des partis politiques, et des mesures qui ont été qualifiées par certaines personnes... Je pense même, dans l'étude du Directeur général des élections, on faisait référence aux... On disait que c'étaient les règles parmi les plus strictes qui existaient. Alors, j'aurais aimé savoir: Est-ce que vous avez tenu compte, dans l'analyse, dans le deuxième volet, là, du caractère raisonnable de la limite, du fait qu'on n'a pas véritablement pu mesurer l'effet de ces lois de 2010? Et, quand on fait référence aux situations absolument aberrantes et aux histoires d'horreur dont on parle actuellement dans les médias, ce sont, en fait, des histoires qui se sont passées avant l'adoption des lois de 2010. Est-ce que la commission a examiné l'impact des lois de 2010 sur l'analyse qui se fait, là, la limite raisonnable?

M. Cousineau (Gaétan): La réponse est bien facile, c'est non. Écoutez, on a été avisés du projet de loi et de notre venue il y a à peine quelques jours. Alors, c'est évident qu'on n'a pas fait une analyse des modifications, puis ce n'est pas notre mandat de toute façon de le faire. Donc, on n'avait pas à faire ça dans le passé. Est-ce que d'autres l'ont fait? D'autres avaient... ont peut-être ces mandats. Nous, ça ne fait pas partie de nos mandats. Ce qu'on avait à étudier, ce n'était pas ça du tout, c'est, à savoir: Est-ce que la charte permet de faire ces choix? Et l'article 9.1 nous indique que le législateur peut légiférer. Et ensuite, comme vous dites, est-ce que le caractère raisonnable... Est-ce qu'une situation évidente de la sécurité -- c'est celle qui était invoquée -- des financements, là, d'avoir une meilleure intégrité... Alors, c'est une volonté réelle. À partir de là, est-ce les moyens adoptés ont un lien?

C'est là que ça nous amène au second volet. Alors, oui, il y a un lien, et à ce moment-là le législateur peut faire des choix de réduire à 100 $, comme il aurait pu choisir d'aller à 200 $, j'imagine. Mais ça, c'est les choix qui vous appartiennent et nous, on a regardé en fonction de cela. Alors, non, il n'y a pas eu d'évaluation du processus actuel depuis 2010, là.

M. Ouimet (Fabre): O.K. Mais est-ce que j'ai raison de penser que ça peut... Dans l'éventualité d'un débat constitutionnel sur la nouvelle loi, est-ce que j'ai raison de penser que les tribunaux pourraient s'intéresser au fait que la situation à laquelle nous nous attaquons est basée sur des faits qui sont antérieurs aux lois de 2010? Est-ce que j'ai raison de penser que ça peut être pertinent dans le débat judiciaire?

M. Cousineau (Gaétan): Quelqu'un peut le plaider, évidemment, les avocats. Vous êtes avocat, il y a quelqu'un qui voudrait sûrement plaider ça. Une fois que ce sera plaidé, quelle est la part que le juge va accorder à cette plaidoirie versus une autre plaidoirie face aux autres arguments? Puis là il va aller avec les trois considérants qu'on se donnait tantôt: est-ce que les moyens adoptés ont un lien rationnel avec l'objectif visé?, est-ce qu'ils sont de nature à porter le moins possible atteinte aux droits touchés?, et s'il y a une proportionnalité entre les effets préjudiciables et les mesures et leur effet bénéfique. C'est les trois tests qu'il va faire. Et habituellement on voit, dans ce type de jugement, dont celui qui a été cité par le ministre et d'autres qu'on a regardés, que les juges vont donner... tendance à laisser beaucoup de place au législateur dans ce cadre-là.

M. Ouimet (Fabre): Il me reste encore un peu de temps?

Le Président (M. Pagé): Oui, il vous reste sept minutes.

M. Ouimet (Fabre): On m'a parlé en même temps que vous m'avez répondu, M. le Président. Je suis désolé. Combien de temps?

Le Président (M. Pagé): Sept minutes.

**(13 heures)**

M. Ouimet (Fabre): Sept minutes? Et j'aurais besoin de partager quelques minutes. Très, très rapidement. Je comprends qu'en 2010 la commission ne s'est pas prononcée sur la question de la divulgation des noms. Et, encore aujourd'hui, puisque ça a été fait en 2010, vous ne vous prononcez pas sur cette question-là.

Je vous avoue, à la lumière de l'opinion de 1977, je trouve ça un peu... Et là ma question n'est pas un reproche, parce que je sais dans quel contexte quelquefois la commission est appelée à travailler, et vous l'avez souligné, là, de façon urgente... Mais est-ce qu'il n'y a pas là une question fondamentale sur laquelle la commission pourrait éclairer, fournir son éclairage au législateur? C'est-à-dire, la divulgation de tous les donateurs, est-ce que ça porte atteinte soit à la liberté d'expression soit au secret du vote comme principe? En tout cas, je... Et puisque je veux sauver du temps... Mais je dois vous avouer que ça m'étonne qu'on se retrouve dans la situation où cette question-là n'a jamais fait l'objet d'un avis de la part de la commission.

M. Cousineau (Gaétan): Bien, je peux laisser la parole à M. Carpentier pour les choix qu'on a faits en 2010, là.

M. Carpentier (Daniel): Je n'étais pas là en 1977 à la commission. Je crois qu'il ne reste plus personne qui était là en 1977. Mais, quand on lit bien le texte, la commission, elle disait que c'était un avis préliminaire. Elle avait été convoquée à quelques jours d'avis, c'est bien expliqué dans le document, et elle s'interroge sur l'opportunité. C'était la première loi qui prévoyait des règles régissant le financement des partis politiques, à tout le moins au Québec, alors il n'y avait pas de modèles sur lesquels se baser.

On a des institutions qui sont spécialisées, il y a la Commission d'accès à l'information, il y a le Directeur général des élections, qui sont les premiers... au premier chef concernés par ces choses-là. Ils ont probablement un peu plus d'expertise que nous sur cette question-là. Mais nous, notre analyse, je ne reprendrai pas, comme le disait le président... La question, ce qu'on regarde: Est-ce qu'il y a atteinte à des droits? Est-ce qu'elle peut être justifiée sous 9.1? Et le problème... On parle de l'intégrité du système de financement, on sait que c'est ça, l'objet de ces mesures, dont celle de 2010 et celle qui est présentée aujourd'hui, et c'est sur cette base-là qu'on a analysé la question.

Le Président (M. Pagé): C'est terminé pour M. le député de Fabre? Oui. O.K. Il y aurait la députée de Bourassa-Sauvé qui souhaiterait poser des questions. Par contre, compte tenu qu'elle n'est pas membre de la commission, j'ai besoin du consentement de l'ensemble des collègues. J'ai le consentement? D'accord. Alors, Mme la députée de Bourassa-Sauvé, vous pouvez échanger, il y a encore un petit peu plus de quatre minutes à votre disposition.

Mme de Santis: Merci beaucoup. Merci de me permettre de poser des questions. D'abord, je n'avais pas parlé avec mon collègue. Ma question touchait beaucoup à ce que mon collègue vient d'exprimer. Mais moi, j'ai deux questions. On est d'accord qu'on vit dans une société libre et démocratique, mais, quand même, il y a des restrictions qu'on peut mettre sur certains droits. Et vous avez indiqué qu'il n'y a pas d'interdiction absolue quant au financement privé, et donc vous semblez être confortable avec cela.

Ma première question est: Maintenant, on prévoit un maximum de 100 $. Est-ce que votre position aurait été la même si c'était 10 $?

Deuxième question: Est-ce que vous avez regardé le projet de loi de l'optique d'un nouveau parti politique qui voudrait prendre naissance, un nouveau parti politique qui aurait besoin de fonds pour prendre les premières démarches et pour se créer? Est-ce que vous avez regardé ce projet de loi de cette optique-là?

M. Cousineau (Gaétan): À la première partie de la question, si c'était 10 $, j'imagine qu'on aurait eu des discussions plus longues, on aurait peut-être souhaité avoir plus de temps aussi pour en débattre et y réfléchir: À quel moment le montant vient presque annuler cette façon d'exprimer sa liberté d'expression face aux partis politiques? Alors, oui, on aurait probablement eu des discussions à ce sujet-là. Je ne connais pas le sort de la réponse à vous donner là-dessus puisqu'on n'a pas eu le débat. Le débat, il s'est fait autour du 100 $.

Quant à l'autre volet de la question, à savoir si on a regardé en pensant à un nouveau parti politique qui voudrait se créer: Non, non plus, parce que le temps était court. On a eu peu de débats avec les membres, ou, en fait, très peu. Ça s'est ajouté à une fin de réunion alors que les membres s'apprêtaient à partir. Ce n'était pas prévu à l'agenda. On a juste expliqué la nature du projet, donné un peu les exemples d'opinions qu'on pourrait donner ici. Alors, ce n'est pas... on n'est pas entrés dans cet aspect-là de la question.

Par contre, si cette question pouvait nous être posée, bon, il faudrait encore qu'on regarde est-ce que... le fait d'avoir le même sort que tous les partis existants et nouveaux, est-ce qu'il y a là quelque chose qui mérite d'être regardé en vertu de la charte des droits? Je ne suis pas certain. Je ne sais pas si M. Carpentier veut s'aventurer là-dessus. Moi, à première vue, je ne vois pas... on n'a pas réfléchi...

Une voix: ...réflexion là-dessus.

Mme de Santis: Mais vous savez que le financement public va financer les partis existants.

M. Cousineau (Gaétan): Oui.

Mme de Santis: O.K. Donc, un nouveau parti ne serait pas au même pied, au même niveau qu'un parti nouveau, I mean, il y aura une différence. Donc, vous ne croyez que ça aurait été intéressant de vérifier de ce point de vue aussi, de cet aspect-là?

Le Président (M. Pagé): Il vous reste une toute petite minute pour répondre à ça.

M. Cousineau (Gaétan): Bien, s'il y a des questions aussi complexes, aussi sophistiquées, il faudrait nous donner du temps d'y réfléchir et de les avoir, ces réflexions. On n'a pas étudié la question, alors je ne peux pas y répondre. On ne s'est même pas attardés... Vous nous la posez pour la première fois.

Mme de Santis: Mais je comprends bien que vous n'avez pas vraiment pris de position sur le plafond même.

M. Cousineau (Gaétan): En fait, ça n'a pas été discuté du tout, cet aspect-là, dans nos échanges qu'on a pu avoir, dans le peu de temps qu'on a eu.

Mme de Santis: Merci beaucoup. Merci.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. Le ministre m'a indiqué tantôt qu'il souhaitait utiliser peut-être une partie de son temps qui lui restait, soit 5 min 15 s. Alors, je vous laisse la parole, M. le ministre.

M. Drainville: Oui. Je voulais juste être bien, bien sûr de vous avoir compris. Est-ce que vous dites que le 100 $... est une limite à la liberté d'expression mais que c'est une limite raisonnable, ou est-ce que vous n'exprimez pas cette opinion?

M. Cousineau (Gaétan): On n'a pas... Non. Notre avis et nos notes n'expriment pas d'opinion quant au montant de 100 $ versus 200 $, versus un autre montant. Nous, on a regardé si les droits fondamentaux prévus à la charte sont respectés dans ce projet et notre conclusion, c'est que oui. Peut-être que c'est...

M. Drainville: Parce que, tout à l'heure, dans le préambule du député de Fabre, lui vous faisait dire que le 100 $ constituait une atteinte à la liberté d'expression, et vous n'avez pas relevé sa question, et je ne voudrais pas qu'on laisse le public qui nous écoute et les gens qui reliront éventuellement les procès-verbaux de nos échanges penser que c'est le cas si ce n'est pas le cas. Est-ce que ça porte atteinte à la liberté d'expression, le projet de loi n° 2, oui ou non?

M. Cousineau (Gaétan): Oui, ça porte atteinte. Tout montant... C'est une question très juridique. C'est une question juridique, posée par un juriste, qui serait: Regarde, oui, il y a atteinte, mais est-ce que cette atteinte, elle est raisonnable? Parce que, bon, même à 1 000 $, ça peut être considéré comme une atteinte, parce qu'on pourrait penser qu'on veut donner 2 000 $, bon. Vous voyez, dans ce sens-là, c'est de cette façon que je répondais à la question. Et là, oui, la conclusion, c'est que ça peut être raisonnable.

M. Drainville: Oui. Bien là, c'est ça. Alors là, vous venez, disons, de relativiser l'atteinte, là, en disant: 1 000 $... quelqu'un pourrait soutenir que toute limite, toute limitation du don constitue une forme de limitation à la liberté d'expression, n'est-ce pas?

M. Cousineau (Gaétan): Oui, absolument. Oui.

M. Drainville: Bon. O.K.

M. Cousineau (Gaétan): C'est ça, la réponse.

M. Drainville: Alors, voilà. Là, je pense qu'on a tous bien compris.

M. Cousineau (Gaétan): O.K., on a bien compris. O.K., d'accord.

M. Drainville: Je vous remercie beaucoup.

M. Cousineau (Gaétan): Merci.

Le Président (M. Pagé): Alors, M. Cousineau, M. Carpentier, je vous remercie pour votre présentation. Je remercie également les collègues.

La commission, compte tenu de l'heure, suspend ses travaux jusqu'à 15 heures, et nous nous revoyons à la salle Louis-Joseph-Papineau. Je vous remercie et bon appétit.

(Suspension de la séance à 13 h 9)

 

(Reprise à 15 h 15)

Le Président (M. Pagé): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Et je demande à toutes les personnes, comme à l'habitude, de fermer leurs appareils cellulaires, également les sonneries sur vos tablettes, parce que malheureusement on en entend à l'occasion.

Nous allons donc poursuivre, sans plus tarder, la consultation particulière... les auditions publiques sur le projet de loi n° 2, qui est la Loi modifiant la Loi électorale afin de limiter les contributions à 100 $ par électeur et de réviser le financement public des partis politiques.

Je souhaite la bienvenue au Directeur général des élections. La parole est donc à vous pour une période de 30 minutes. Normalement, chers collègues, nous avons des présentations qui durent au total une heure; dans ce cas-ci, c'est une présentation qui va durer 30 minutes de la part du Directeur général des élections et ensuite une heure

d'échange avec les parlementaires. Alors, la parole est à vous.

Directeur général des élections

M. Drouin (Jacques): Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vais vous dire que ma présentation ne durera pas 30 minutes, donc vous aurez beaucoup plus de temps pour poser des questions, si vous le désirez.

M. le Président, Mmes, MM. les députés, je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir invités à prendre part à l'étude du projet de loi n° 2. Je suis accompagné, aujourd'hui, de Me Lucie Fiset, qui est directrice des affaires juridiques par intérim au Directeur général des élections et M. Denis Lafond, qui est adjoint au financement des partis politiques... et directeur du financement des partis politiques. Ces deux personnes m'accompagnent parce que j'aurai besoin de leur expertise pour répondre à certaines de vos questions.

D'entrée de jeu, j'aimerais peut-être faire un bref retour en arrière. Rappelons brièvement que le régime de financement des partis politiques qui est actuellement en place au Québec trouve son origine dans la Loi régissant le financement des partis politiques, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale en 1977. En adoptant cette loi, le législateur québécois poursuivait un idéal démocratique basé sur l'intégrité, la transparence, l'équité et la justice, ainsi que sur la conviction que chaque citoyenne et chaque citoyen puissent participer activement à la vie démocratique. Il s'agissait alors de redonner aux citoyens et aux citoyennes le goût d'animer leurs institutions démocratiques et politiques, de faire partie de bases militantes, de soutenir les partis avec lesquels ils se sentaient représentés. Il voulait instaurer un système où les électeurs et non des intérêts corporatistes contrôlent les leviers du pouvoir politique.

Il est utile de rappeler qu'après 25 ans d'existence de la Loi régissant... sur le financement des partis politiques, on constatait, vers le début des années 2000, qu'elle comportait certaines difficultés d'application et qu'en ce sens elle pouvait faire l'objet d'améliorations.

Comme nous le soulignions alors dans l'introduction du Plan d'action 2003-2006 du Financement des partis politiques et contrôle des dépenses -- Transparence et équité au coeur de la démocratie québécoise, le financement populaire, conjugué à un soutien étatique partiel, constitue la pierre angulaire d'un système où les électeurs exercent un véritable contrôle sur le pouvoir politique et où les gouvernants peuvent agir en conséquence en réels fiduciaires de l'État. Ce plan, que le Directeur général des élections rendait public en 2003, voulait responsabiliser tous les acteurs politiques, les électeurs, de même que les représentants des partis politiques et leur vérificateur externe, les candidats, les milieux d'affaires, syndicaux, associatifs afin de renouveler le message de 1977 et transposer dans la réalité l'esprit de la loi qui avait été adoptée à la fin des années 1977... 1970, pardon. Selon le DGE, chacun devait se sentir concerné par l'intégrité du financement politique, et c'est pourquoi il proposait la mobilisation des principaux acteurs comme pivot de ce plan d'action. Cette position, on la maintient toujours.

Certaines allégations de contraventions à la Loi électorale faites à la Commission d'enquête sur le Programme de commandites et les activités publicitaires, présidée par le juge Gomery, ont renforcé la conviction du DGE à l'effet qu'il y avait lieu de procéder à une réflexion approfondie sur le financement des partis politiques.

En 2005, le Directeur général des élections a désigné Me Jean Moisan pour faire la lumière sur ces allégations et sur d'autres contraventions possibles, ainsi que pour formuler les recommandations sur des améliorations à la Loi électorale, sa réglementation et ses modalités d'application.

**(15 h 20)**

En parallèle, un groupe de réflexion sur le financement politique a été constitué par le comité consultatif à la demande du Directeur général des élections. Ce groupe, dirigé par le DGE, était formé par des représentants des trois partis politiques alors représentés à l'Assemblée nationale. Le rapport du groupe de réflexion a été rendu public en novembre 2007. Au nombre des stratégies mises de l'avant pour que les règles de financement soient plus efficaces, on y proposait une plus grande responsabilisation et imputabilité des différents acteurs, des pouvoirs élargis pour le DGE, des sanctions plus importantes, la clarification de certaines règles et l'ajout de nouvelles règles, un accroissement de la transparence ainsi qu'une meilleure information des personnes impliquées dans une élection.

Certaines conclusions du rapport du groupe de réflexion ont d'ailleurs trouvé écho en 2010 dans les travaux législatifs conduisant à l'adoption des projets de loi: n° 113, Loi anti-prête-noms en matière de contributions électorales; n° 114, la Loi augmentant les pouvoirs de contrôle du directeur général des élections; n° 118, la Loi concernant le financement des partis politiques; et n° 120, loi concernant les courses à la chefferie.

Ces lois ont intégré des changements significatifs aux lois électorales tels qu'un abaissement de la limite de contribution de 3 000 $ à 1 000 $, la divulgation de toute contribution sans égard aux montants, l'encaissement des contributions par le DGE et la déclaration signée par l'électeur sur sa fiche de contribution pour attester que toute contribution est faite en conformité avec les exigences de la loi. S'ajoutent à ces dispositions, une augmentation de l'allocation annuelle aux partis politiques provinciaux, nationaux, l'introduction de nouvelles infractions ainsi que des amendes plus sévères et enfin la mise en place d'un mécanisme de transmission des renseignements fiscaux par l'Agence du revenu du Québec.

Nous voici rendus à une nouvelle étape de l'évolution de la législation en matière de financement politique. Le projet de loi n° 2 est présenté dans la foulée des allégations faites à la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction et leurs liens possibles avec le financement des partis politiques et vise notamment à contrer l'utilisation des prête-noms. Le Directeur général des élections estime que les modifications proposées par le projet de loi sont majeures. Nous sommes convaincus qu'elles auraient un impact important sur les finances de toutes les entités autorisées, sur celles des partis qui ne sont pas représentées à l'Assemblée nationale et plus particulièrement sur la naissance de nouveaux partis politiques.

Nous saluons la volonté du législateur de renforcer l'intégrité du processus de financement des partis politiques et de rétablir la confiance des électeurs envers le système politique. Nous tenons toutefois à faire part de certaines préoccupations quant aux dispositions proposées.

Le projet de loi n° 2 diminue de façon considérable le financement populaire en abaissant de nouveau le seuil des contributions de 1 000 $ à 100 $. Pour compenser, il augmente de façon substantielle le financement public, notamment en doublant le montant de l'allocation annuelle versée aux partis politiques et en allouant une allocation supplémentaire relative aux dépenses électorales. Nous remarquons que ce changement vient modifier de façon importante le rapport entre la part du financement public et celle du financement populaire en inversant cette proportion. En effet, la part de la contribution de l'État aux partis politiques se situe, depuis les dernières années, autour de 30 %. Avec le projet de loi, elle se situerait autour de 70 %. Habituellement, trois raisons motivent les États à introduire des mesures de financement public accrues dans le financement des partis politiques: lutter contre la corruption, s'assurer que les partis disposent des ressources nécessaires pour remplir leurs fonctions démocratiques et rendre la concurrence politique plus équitable.

À notre avis, l'abaissement du seuil de contribution à 100 $ devrait avoir un effet dissuasif sur les pratiques de prête-noms. Nous aimerions toutefois apporter un éclairage à la commission en mentionnant que la contribution moyenne s'est établie entre 200 $ et 250 $ au cours des dernières années et, depuis le 1er mai 2011 jusqu'au 31 octobre 2012, cette moyenne s'établit maintenant à autour de 183 $. Dans les faits, 58 % des électeurs qui ont fait une contribution au cours des 18 derniers mois, donc depuis l'application du nouveau cadre de versement des contributions, ont versé 100 $ et moins, donc 58 %, 100 % et moins.

Par ailleurs, cet abaissement crée un manque à gagner de l'ordre de 60 % pour les partis politiques que le projet de loi n° 2 propose de compenser par une augmentation des allocations dont les modalités de redistribution suscitent des inquiétudes et des questionnements. Le projet de loi n° 2, tel qu'il est présenté, soulève plusieurs enjeux qui interpellent les fondements de la loi. Un de ces enjeux renvoie à la naissance de nouveaux partis. En effet, le soutien étatique est totalement absent pour les partis naissants. Quant aux partis émergents, le système proposé risque de restreindre leur expansion.

Un autre enjeu est relié au versement d'allocations plus substantielles aux partis politiques, c'est-à-dire quatre fois plus élevées que celles versées en 2009. Le Directeur général des élections devrait avoir un rôle encore plus important quant au contrôle de ces dispositions afin d'accroître la confiance des citoyens. Le projet de loi n° 2 semble à l'inverse s'en écarter puisqu'il prévoit le versement d'une allocation avant la vérification des pièces justificatives. Auparavant, la loi prévoyait un remboursement des dépenses après vérification de celles-ci par le DGE. Le versement d'une allocation annuelle de près de 10 millions impose, quant à nous, un meilleur contrôle du DGE, et ce, a priori.

Enfin, le DGE trouve intéressante l'idée d'introduire une allocation supplémentaire pour une élection, ce qui viendrait compléter sur un cycle électoral de quatre ans le manque à gagner par les partis politiques dû à l'abaissement de la contribution de 1 000 $ à 100 $. Étant donné l'importance des dépenses engagées lors d'une période électorale, cette allocation aura pour effet de réduire les pressions sur les partis politiques pour financer ces élections. Néanmoins, les modalités contenues dans le projet de loi suscitent encore une fois des questionnements.

Pour analyser ces enjeux qui sont complexes ainsi que leurs modalités d'application, une réflexion de fond devra se faire au comité consultatif, comité qui, je le rappelle, a été institué en 1977 justement pour servir de forum d'échange et de discussion sur tout changement à apporter à la législation relativement au régime de financement des partis politiques. Donc, les enjeux soulevés par le projet de loi n° 2 sont majeurs, méritent ces échanges puisque les gestes qui seront posés seront déterminants pour la santé et l'intégrité de notre démocratie et de tous les acteurs dont, en premier lieu, les partis politiques.

Je terminerai ma présentation en réitérant l'appui et la collaboration entière du Directeur général des élections à toute mesure susceptible d'améliorer l'application de la législation électorale québécoise dans un souci d'équité, de justice et de transparence. Je pourrais maintenant accueillir vos questions. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. Je vous remercie pour votre présentation. Alors, nous avons un premier bloc de 30 minutes... 26 minutes exactement avec la partie gouvernementale. M. le ministre et député de Marie-Victorin, la parole est à vous.

M. Drainville: Oui. Je ne sais pas si c'est tout à fait usuel de le faire, mais je vais me permettre: Est-ce que ce serait possible, M. le Directeur général des élections, d'avoir copie de votre présentation? Si c'était... Moi, ça me rendrait service.

M. Drouin (Jacques): Maintenant? Je n'ai pas de copie ici.

M. Drainville: Bien, je demanderais peut-être à un page de vous la... de la photocopier pour distribution aux membres de cette commission. Ça nous serait très utile parce que vous avez dit quand même beaucoup de choses importantes là-dedans, là.

Allons-y gaiement, là, sans autre préambule sur la question des petits partis et des...

M. Drouin (Jacques): Partis émergents.

M. Drainville: Enfin, vous avez dit «les nouveaux partis et les partis émergents». D'abord, moi, je... Évidemment, on invente quasiment une nouvelle terminologie, là. Moi, dans mon esprit, il y avait les petits partis, par exemple: le Parti vert, Option nationale, qui ont déjà témoigné devant cette commission, et il y a les partis émergents, donc les partis qui n'auraient pas droit au financement public pour la simple et bonne raison qu'ils n'auraient pas été... qu'ils n'auraient pas participé à une élection. Alors, les nouveaux partis, pour vous, c'est les petits partis pour moi, c'est-u ça?

M. Drouin (Jacques): Les nouveaux partis, pour nous, c'est un parti qui n'existe pas actuellement, qui voudrait naître, si on peut employer l'expression.

M. Drainville: Puis les partis émergents?

M. Drouin (Jacques): Un parti émergent, c'est un parti qui existe maintenant mais qui n'est pas... un petit parti, disons.

M. Drainville: Ah! Bon. O.K. Bien, si vous permettez, moi, je vais utiliser mon propre vocable parce que, si j'essaie de le changer, je risque de me mêler. Alors, pour moi, les petits partis, c'est Option nationale et Parti vert, par exemple, et les partis émergents, c'est ceux donc qui, dans le système que nous proposons, n'auraient pas droit au financement public mais auraient droit, par contre, à se financer avec les 100 $.

Vous avez visiblement une préoccupation concernant les partis émergents. Moi, je vous dis, sur les petits partis, là, je prends la peine de le préciser, Option nationale et le Parti vert, hier, nous ont tous les deux donné leur appui. Ce n'est pas un appui inconditionnel, c'est un appui, je dirais, avec certaines réserves. Mais, à tous les deux, je leur ai posé la même question: Est-ce que vous appuyez le projet de loi n° 2? Et les deux ont répondu: Oui, on l'appuie. Mais, comme vous le savez, ils le jugent perfectible et ils souhaiteraient certains changements. Mais, je dirais, je ne pense pas, là, trahir leur parole si je dis que, sur le fond des choses, ils y sont favorables.

Sur les partis émergents, qu'est-ce que vous suggérez? Est-ce que vous avez des pistes de solution à nous proposer? Est-ce que vous avez réfléchi à ça?

**(15 h 30)**

M. Drouin (Jacques): Bien, je n'ai pas de piste de solution comme telle. Le constat qu'on fait, c'est qu'un parti politique, s'il n'existait pas au moment de la dernière élection générale, il n'aura aucune allocation de l'État parce qu'il n'existait pas. Donc, il ne fera pas partie du pourcentage... le partage, si vous voulez, de l'allocation de 1,67 $. Alors, il faudrait peut-être trouver une façon de le faire. Il y a des pays où on accorde pour un certain montant de contributions privées. L'État accorde un certain montant d'argent pour compenser pour l'allocation qu'ils n'ont pas. On peut penser à l'Allemagne: pour chaque tranche de 100 $ récupérée en contributions, l'État verse quelque chose comme 28 $, si ma mémoire est bonne.

M. Drainville: Très bien. Effectivement, l'Allemagne est un cas intéressant là-dessus. Moi, je dois vous dire que notre réflexion n'est pas terminée sur la question des partis émergents. C'est une préoccupation que nous avons et qui est partagée, je pense, par d'autres parlementaires d'autres partis qui sont assis autour de cette table.

Et moi, j'ai bon espoir qu'on va trouver un mécanisme qui nous permettrait de corriger ce qu'on pourrait appeler peut-être une faiblesse dans le projet de loi. Moi, j'ai toujours dit que le projet de loi n'était pas parfait, il y avait moyen de l'améliorer. Et on est déjà en réflexion là-dessus, M. le Directeur général des élections, et d'autres collègues également autour de cette table sont en réflexion là-dessus.

Si on y va sur le projet de loi comme tel, vous avez dit, si je vous ai bien compris, là, que le versement de l'allocation tel que prévu dans le projet de loi vous posait problème. Je ne pense pas déformer vos propos. Si je vous ai bien compris, vous souhaiteriez avoir davantage de contrôle sur le versement des sommes d'argent. Vous n'avez pas l'air tout à fait à l'aise avec le versement de l'allocation tel qu'il est prévu au projet de loi. Est-ce que je vous ai bien compris?

M. Drouin (Jacques): Vous m'avez bien compris. Ce qu'on dit, c'est qu'actuellement la façon de procéder, c'est que c'est un remboursement de dépenses après que ça ait été... après avoir présenté des factures et que ça ait été vérifié comme étant des dépenses admissibles. Ce qu'on constate, c'est que, dans le projet de loi, actuellement, il n'y a pas de disposition comme celle-là pour... et que c'est une allocation qui est versée et possiblement qui serait vérifiée a posteriori plutôt qu'avant. C'est le constat qu'on fait.

M. Drainville: Mais, dans la mesure où l'allocation est versée sur la base du résultat électoral, dites-nous un peu quel genre de contrôle vous souhaiteriez exercer. Parce qu'on comprend qu'actuellement le système, tel qu'il est conçu présentement en vertu de la loi actuelle, il prévoit effectivement présentation de pièces justificatives et versements par la suite. Sauf que ce système-là n'est pas basé sur... Enfin, il est...

Moi, je vais vous dire, en tout cas, ce que plusieurs personnes nous ont dit, c'est qu'ils trouvaient parfois les contrôles un peu tatillons, ils trouvaient ça un peu compliqué parfois. Et j'essaie de voir... Je comprends le besoin de transparence, je comprends que c'est de l'argent public, donc il faut s'assurer qu'il est bien géré, qu'il est bien dépensé, mais en même temps j'essaie de voir de quel genre de contrôle vous... à quel genre de contrôle vous pensez. Qu'est-ce que vous avez à l'esprit?

M. Drouin (Jacques): Actuellement, là, le versement des allocations se fait aussi sur la base du pourcentage des résultats obtenus à la dernière élection, sauf qu'il est fait sur présentation de factures après vérification et validation de l'admissibilité de la facture. Actuellement, ce qui n'est pas prévu pourrait faire en sorte qu'un parti politique pourrait faire ce qu'il veut avec cet argent-là. Actuellement, là, dans notre compréhension des choses, là, il n'y aurait aucun contrôle qui serait fait sur le montant qui serait versé.

On peut s'imaginer qu'est-ce qui pourrait être fait avec ça, j'aime mieux ne pas le mentionner, mais il pourrait être n'importe quoi, un voyage, n'importe quoi, alors que, présentement, ce sont des factures admissibles -- électricité, salaires, et ainsi de suite -- qui pourraient être considérées comme des dépenses valables.

M. Drainville: Voyez-vous, hier, le Parti vert nous disait qu'ils avaient perdu du financement public parce qu'ils n'avaient pas les liquidités pour engager les dépenses qui leur auraient permis par la suite de présenter des reçus qui leur auraient donné droit au financement public. Je trouvais que c'est un exemple intéressant des limites du système actuel.

Par ailleurs, quand vous dites, bon: Par ailleurs, quand vous dites, bon: Qu'est-ce que le parti pourrait faire avec cet argent-là? Par exemple, le Parti vert, lui, je pense que c'était dans son mémoire, disait: On aimerait ça, nous autres, pouvoir mettre de côté cet argent-là pour se constituer un fonds électoral. Alors là, évidemment, si vous, vous dites: Je ne verse pas l'argent tant que je n'ai pas vu les reçus, bien, à ce moment-là, ça empêcherait un parti comme le Parti vert de prendre cet argent-là puis de le mettre de côté pour faire la campagne électorale, trois ou quatre ans, ou deux ans plus tard, peu importe.

M. Drouin (Jacques): Là, on parle...

M. Drainville: D'autres exemples...

M. Drouin (Jacques): Pardon.

M. Drainville: ...d'autres exemples: Un parti qui a une dette, par exemple, et qui souhaiterait utiliser cette allocation pour rembourser sa dette ou une partie de sa dette, moi, je n'ai pas de... En fait, personnellement, là, puis je ne prends pas pour acquis que tout le monde est d'accord avec moi, mais, a priori, que ce parti-là veuille utiliser l'allocation à laquelle il a droit en vertu du projet de loi pour rembourser une partie de sa dette, je ne vois pas de problème avec ça.

Donc, si la règle demeure qu'il faut présenter des reçus, qu'il faut présenter des preuves de dépenses, bien, ça empêcherait le Parti vert de mettre de l'argent de côté pour son élection et ça empêcherait un parti éventuel d'utiliser cette allocation-là pour rembourser sa dette.

M. Drouin (Jacques): Mais, sur cet aspect-là de pouvoir se constituer un fonds électoral à partir de l'allocation annuelle, c'est de l'argent de l'État qu'on donne à un parti politique, qui se constitue un fonds électoral pour lequel il va faire des dépenses, là, qui vont par la suite, si on comprend bien la loi comme elle est présentée, pouvoir lui être remboursées à 50 %. Pour nous, ça posait comme un problème d'enrichissement... politique.

M. Drainville: Oui, je comprends. Je comprends, je comprends votre... le principe que vous soutenez, mais, vous comprenez, je pense, ce que je vous... l'exemple que je vous donne. Puis je ne vous parle pas de mon parti, là, je vous parle d'un autre parti qui n'est pas à la table ici, mais je pense que, s'ils étaient ici, ils vous soumettraient cet argument-là en vous disant: Bien, écoutez, on est un petit parti, on n'a pas beaucoup d'argent. Pour nous, le rendez-vous premier, c'est le rendez-vous électoral. Pourquoi nous empêcher de faire des économies, dans le fond, à même une allocation publique à laquelle nous aurions droit en vertu de la loi et qui nous permettrait d'être plus compétitifs quand arriverait le rendez-vous électoral? J'ai de la difficulté à... il me semble que c'est un principe qui se défend bien, ça, vous ne pensez pas?

M. Drouin (Jacques): Bien, moi, j'ai de la misère, honnêtement, là. J'ai beaucoup plus de difficultés avec le fait qu'on va rembourser par la suite 50 % d'un montant d'argent qu'on aura déjà... que l'État aura déjà versé. C'est comme si on lui donnait 150 %.

M. Drainville: Oui, mais...

M. Drouin (Jacques): Si c'est ça qu'on veut, je n'ai pas de... Moi, je vous soulève que c'est un peu particulier. Puis pour ce qui concerne le fait qu'ils n'avaient pas les liquidités nécessaires pour pouvoir faire les dépenses, si je ne me trompe pas, ils auraient pu avoir quand même une avance sur ces montants-là. Est-ce que c'est possible que je donne la parole à M. Lafond, qui pourrait vous expliquer ça plus précisément?

Le Président (M. Pagé): Oui. Bien sûr. Allez-y, M. Lafond.

**(15 h 40)**

M. Lafond (Denis): Donc, pour les fins de la commission, donc je suis Denis Lafond, adjoint au Directeur général des élections et aussi directeur du financement des partis politiques.

Donc, pour répondre à certaines questions du ministre au niveau du Parti vert, c'est que c'est vrai actuellement que, pour qu'un parti politique puisse avoir droit à un remboursement de son allocation, il faut qu'il ait fait, engagé la dépense, il faut qu'il l'ait payée. À ce moment-là... c'est comme ça depuis qu'on a l'allocation dans la Loi électorale. Donc, il faut que la dépense soit faite, engagée et même payée pour nous transmettre cela. Donc, je suis d'accord avec vous, M. le ministre, lorsque vous dites que ça crée peut-être des problèmes de liquidités, parce qu'avant, pour faire les dépenses, le parti ne l'a pas. Je vous dirais à ce moment-là que peut-être qu'une amélioration pourrait être apportée dans la loi de façon à insérer, à inclure une avance, une avance un peu comme l'avance sur le remboursement des dépenses électorales. Vous savez qu'après l'élection on rembourse aux partis ou à un candidat un montant équivalent à 35 % du remboursement de dépenses électorales. Le même principe pourrait être appliqué au regard de l'allocation. Ça réglerait une partie des problèmes de liquidités qui sont faits... qui sont reliés, là, aux dépenses associées aux allocations.

Pour ce qui est du fonds électoral, donc, actuellement, l'allocation qui est versée aux partis politiques, il y a une période, hein, il y a une année. Donc, suite aux dernières élections du 4 septembre, l'allocation est versée du 5 septembre 2012 au 4 septembre 2013. Donc, on va accepter les dépenses qui sont faites pour la même période. Évidemment, je suis d'accord avec vous que, si le parti ne présente pas suffisamment de dépenses pour cette période-là, il perd une partie de son allocation, qui pourrait être, peut-être, versée dans un fonds électoral. Mais c'est quand même... ces situations-là sont quand même assez rares, là, où le parti n'est pas capable de dépenser suffisamment pour aller chercher son allocation.

Pour ce qui est des contrôles, je vous dirais que, peut-être, les dépenses électorales, il y a un contrôle assez serré, là, qu'on fait. C'est la même chose pour l'allocation. Mais, l'allocation, les seules dépenses qu'on peut refuser des fois, c'est les dépenses qui sont présentées dans une période... comme actuellement, la période du 5 septembre 2012, mais c'est les dépenses qui ont été engagées pour la période précédente. Donc, ces dépenses-là sont, oui, coupées, mais ce n'est pas un contrôle qui est... plus ou moins tatillon, parce qu'au niveau de l'allocation presque tout... on sait que l'allocation est versée pour les dépenses d'administration courante et pour l'activité politique des partis politiques, donc la définition est très large, là, à l'admissibilité des dépenses pour payer, là, une allocation qui est adossée.

Vous me parliez aussi des dettes. Si on devait utiliser l'allocation pour faire le remboursement des dettes, je vous dirais que la même dépense serait remboursée deux fois, parce qu'il faut distinguer... L'allocation peut être... on l'a dit tantôt, la dépense va être faite, engagée et payée. Si le parti n'a pas de liquidités, elle pourra payer ces dettes-là à même une dette, O.K.? Mais là j'ai déjà remboursé cette allocation une fois. Si on me demande de rembourser la dette avec une autre allocation, je rembourse la même dépense deux fois, O.K.?

Alors, c'est pour ça qu'on n'a jamais accepté... l'allocation n'a jamais été acceptée pour rembourser les dettes. Et même le projet de loi n° 2, tel qu'il a été présenté, ne prévoit pas le remboursement des dettes. On dit que c'est pour rembourser des dépenses, donc des dépenses d'administration courante ou reliées à l'activité politique et les dépenses électorales, mais ce n'est pas des dettes. Donc, même le projet de loi, actuellement, ne permettrait pas au Directeur général des élections de verser des sommes pour le remboursement de dettes.

Et autre chose: Quand on parlait de fonds électoral, il est vrai que, si un parti politique n'est pas capable de dépenser suffisamment... et la situation du projet de loi n° 2, avec différents scénarios qu'on peut établir, arrive à ce constat-là, donc il y a des partis politiques qui ne seront pas capables de dépenser suffisamment l'allocation annuelle, donc, oui, on va... ces sommes-là seraient perdues. Mais, si on les amène, un peu plus tard dans le temps... soit que cette allocation-là qui n'est pas dépensée pour des dépenses courantes... mais on les amène pour dépenser des dépenses électorales, bien là il faut se poser la question: Est-ce qu'on veut... Parce que là cette dépense-là va être payée à 100 % par l'allocation, mais aussi la loi n'a pas été changée au niveau du remboursement. Donc, la même dépense va être remboursée à raison de 50 %. Donc, une dépense sera remboursée à 150 % de sa valeur. Je vous pose la question: Est-ce que c'est le régime qu'on veut... C'est sûr que les partis politiques auront plus de...

M. Drainville: Il y a visiblement un certain nombre de questions que vous soulevez. Je ne suis pas sûr qu'on fait tout à fait la même lecture et surtout qu'on en arrive aux mêmes conclusions. Je pense qu'il va falloir préciser un certain nombre de choses dans nos discussions ultérieures.

Ce que je note par ailleurs, c'est que, dans votre présentation, vous avez souligné le fait que la proposition renforçait «l'intégrité du processus de financement des partis» et contribuerait à «rétablir la confiance des électeurs envers le système politique», je vous cite aux mots. Donc, c'est précisément l'objectif du projet de loi, donc on constate, là, que vous faites la même lecture que nous.

Et vous dites aussi: «À notre avis, l'abaissement du seuil [des contributions] à 100 $ devrait avoir un effet dissuasif sur les pratiques de prête-noms.» C'est précisément un des objectifs très précis du projet de loi, dissuader les pratiques de prête-noms et casser, comme je l'ai dit souvent, casser le pouvoir des collecteurs de fonds, parce que ça devient beaucoup plus difficile pour un collecteur de fonds de recueillir de grosses sommes d'argent à coup de 100 $, donc on pense qu'on va également atteindre cet objectif-là avec le projet de loi.

Vous, est-ce que vous... Quand vous nous avez vus arriver avec ça, là, avec le projet de loi, là, parce qu'il a quand même été précédé d'une discussion dans la sphère publique, et tout ça -- vous avez vous-même fait référence à la commission Charbonneau -- dans votre esprit, même si, visiblement, il y a encore des imperfections, dans votre esprit, là, par rapport au projet de loi, dans votre esprit, est-ce que le projet de loi répond aux allégations, aux révélations, je devrais dire, même, qui ont eu lieu devant la commission Charbonneau, qu'on a entendues devant la commission Charbonneau?

Est-ce que l'adéquation entre ce qu'on a entendu devant la commission Charbonneau, les reportages sur tout ce système de prête-noms, toutes ces révélations sur la question des collecteurs de fonds et également les témoignages devant Charbonneau, d'une part, est la réponse du projet de loi? Est-ce que, dans votre esprit, même s'il y a des imperfections, il y a quand même... il y a, dans le projet de loi n° 2, une bonne réponse à ces différents problèmes?

M. Drouin (Jacques): Bien, oui, je pense que oui, c'est ce que je mentionne quand on dit: À notre avis, l'abaissement du seuil à 100 $ va rendre la chose, on dit, dissuasive, là, mais va rendre la chose beaucoup plus compliquée. Actuellement, ça prend quelques personnes pour récupérer 1 000 $. Mais, avec des contributions à coups de 100 $, ça va prendre pas mal de monde avant d'avoir... de récupérer 1 000 $ en prête-noms. C'est certain que oui, on est tout à fait convaincus que ça va avoir un effet dissuasif sur les pratiques de prête-noms.

M. Drainville: Par ailleurs, vous avez fait référence également, dans votre présentation, aux trois objectifs qui sont habituellement rattachés ou visés par la création d'un système de financement public. Ces trois objectifs, on les retrouve dans cette étude que vous avez vous-mêmes commandée, là. Et d'ailleurs l'auteur de cette étude, M. Turgeon, est venu nous en présenter la synthèse. Et donc, à la page 8 de cette étude-là, on dit bien que «le financement public a pour objet de lutter contre la corruption[...], limiter l'influence de l'argent sur les politiciens; le financement public permet de s'assurer que les partis ont les fonds nécessaires pour remplir leurs fonctions démocratiques; [et, finalement,] le financement public cherche à améliorer la vie démocratique en rendant la compétition politique électorale plus équitable».

Ce que j'ai compris, encore une fois, dans votre présentation, c'est que le renforcement du système de financement public des partis que nous proposons avec le projet de loi n° 2 nous permet de rencontrer ces trois objectifs.

M. Drouin (Jacques): Oui.

M. Drainville: Donc, ça commence à faire un pas pire projet de loi, si vous me permettez, parce qu'on...

M. Drouin (Jacques): Bien, oui. Bien, j'espère que c'est ce qu'on comprenait dans... Nous... ce que j'ai dit tout à fait au début, c'est que, dans le fond, on appuie le projet de loi. Ce qu'on constate, c'est des problématiques dans les applications, dans les détails, mais pas sur les principes. Le principe, c'est: Oui, bien, on abaisse le montant des contributions, ça va faire en sorte que, les prête-noms, il va y en avoir moins. Par la suite, bien, on dit que les partis politiques ont besoin d'argent pour être capables de faire leurs campagnes. Donc, on compense en doublant l'apport de l'État dans les finances des partis politiques. Pour nous, ça correspond. C'est juste sur la façon. On pourrait parler aussi de la façon dont serait versée l'allocation supplémentaire en période électorale. C'est une excellente idée, ça enlève la pression sur les partis politiques de récupérer de l'argent. Mais, une fois qu'on a dit ça, comment on redistribue cet argent-là pour faire en sorte qu'un parti politique ou un candidat indépendant qui arrive pour la première fois à l'élection n'aurait pas le droit à cette allocation-là, alors que tous les autres y auraient droit?

Il y a sûrement moyen de trouver quelque chose pour pallier à ça. On pourrait baser le remboursement ou le versement de cette allocation-là non pas à l'élection qui vient de passer, mais à celle qu'on est en train de tenir, par le biais d'allocations... pas d'allocations, mais d'avances sur le versement de l'allocation, qui seraient compensées par la suite avec les résultats de l'élection.

**(15 h 50)**

Le Président (M. Pagé): Il reste un petit peu plus que deux minutes à votre échange.

M. Drainville: Bien, écoutez, c'est... Vous faites bien votre travail, M. le Directeur général des élections, parce que vous nous poussez à la réflexion. Vous soulevez un certain nombre de difficultés, d'imperfections, comme j'ai dit, et je pense qu'il faut... il va falloir réfléchir à comment on y répond.

Mais moi, je vous invite aussi à mener votre réflexion de votre côté, là, parce que, sur l'allocation, là, je reviens à ces... les conditions de versement de l'allocation, il va vraiment falloir arrimer nos réflexions respectives parce que moi, je me dis: À partir du moment où on accepte qu'une allocation est versée en fonction des résultats électoraux, il faut être conséquent. Ça ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir des contrôles, bien entendu; on parle d'argent public, il faut qu'il y ait un contrôle. Mais il faut s'assurer aussi de donner aux partis politiques la marge de manoeuvre voulue pour qu'ils puissent l'utiliser non pas à des fins illégitimes, ou injustifiées, ou injustifiables, mais à des fins qui sont tout à fait correctes.

Et, encore une fois, moi, je trouve qu'il faut trouver une réponse, en tout cas, à la question, par exemple, d'un parti qui veut mettre ces sous-là pour rembourser sa dette, moi, je pense que c'est tout à fait légitime. C'est dur, les campagnes électorales, parfois. Parfois, on en sort... on en sort avec un manque à gagner. Puis moi, je pense que... Puis c'est sain, je pense, qu'un parti politique se donne pour priorité de payer ses dettes au terme d'une campagne électorale, et je trouverais ça dommage que l'allocation publique ne nous permette pas de pouvoir le faire.

Et, par ailleurs, je suis très sensible à l'argument que les gens du Parti vert nous ont soumis hier. Alors, je pense qu'il va falloir là-dessus continuer notre réflexion puis essayer de solutionner ce problème-là. Mais c'est à ça que servent les consultations particulières, et on aura d'autres discussions et il y aura, bien entendu, l'étude article par article au cours de laquelle on aura encore une fois l'occasion de trouver des solutions à ces différentes problématiques.

Le Président (M. Pagé): Alors, notre bloc de temps étant écoulé, peut-être que vous pourrez commenter lors d'une éventuelle question qui vous sera soumise par l'opposition officielle. Et j'entends le député de Beauce-Sud, et vous avez à votre disposition un petit peu plus de 27 minutes. M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Merci de votre présence. Ma première question va être sur le plafonnement des dépenses électorales. On fait une loi qui devrait avoir pour effet de diminuer le montant d'argent qui sera recueilli ou qui sera obtenu par le Parti libéral. Et, dans la loi, il n'y a pas de plafonnement. Nous, on pense que c'est important; la CAQ pense que c'est important. Qu'en pensez-vous?

M. Drouin (Jacques): Bien, dans la Loi électorale, actuellement, il y a quand même un plafond.

M. Dutil: ...baisser le plafonnement.

M. Drouin (Jacques): Il est assez élevé, quand même. Il est autour de 11 millions de dollars.

M. Dutil: 11,5.

M. Drouin (Jacques): 11,5 millions. Nous, on a regardé la situation. C'est sûr que 4 millions de dollars pour faire une campagne électorale, je ne suis pas certain que les partis politiques seraient capables de faire une campagne puis d'être capables de rejoindre leurs électeurs avec 4 millions de dollars, d'autant plus que, si on applique cette même réduction là au montant d'argent que le candidat pourrait dépenser, on arriverait à quelque chose autour de 30 000 $, 32 000 $, ce qui est nettement insuffisant. En tout cas, il y a peu de candidats qui ne dépensent que ça lors d'une campagne.

7,5 millions, comme votre parti le propose, ça correspond grosso modo à ce que les grands partis ou les deux plus gros partis ont dépensé aux dernières élections générales, un peu plus pour le Parti libéral, mais, pour le Parti québécois, on parle d'environ, en moyenne, quelque chose comme 7,5 millions pour les trois dernières années.

M. Dutil: Et donc... Aïe, nous autres, on a pris 4 millions, on a additionné ça à 11,5 millions, on a divisé par deux, ça a donné 7 775 000 $, puis on a enlevé 250 000 $. On avait fait ça simple, là, hein, monsieur...

Une voix: ...

M. Dutil: Il n'est pas là. J'aurais aimé qu'il voie mon calcul. Comment on fait ça, en calcul, là? Nous, on pense que le plafond est trop haut. Là, nous, si cette loi passe puis qu'il n'y a pas de plafond, là, je vous le dis, là, on se demande où ce qu'on s'en va. Regarde bien, il faut... ça prend les deux pattes, là, hein? S'il y a un budget, ça prend des revenus puis des dépenses, hein? Alors, il faut savoir jusqu'où on a le droit de dépenser, puis il ne faut pas dépenser plus que ce qu'on est capables de ramasser comme revenus. Ça fait que ça nous prend les dépenses. Qu'est-ce qui...

Moi, je ne peux pas croire qu'on va finir le 7 décembre ici avec un projet de loi qui n'aura pas un abaissement du plafond de dépenses avec une loi comme ça, sinon comment on va faire?

M. Drouin (Jacques): Je vous donne mon point de vue sur le montant de l'abaissement. C'est sûr que ça prend une limite. À l'heure actuelle, elle est très élevée. Aucun des partis politiques ne l'atteint. Comme je vous dis, là, je pense que le maximum qui a été dépensé, c'est 8 millions. Est-ce qu'il faut que ce soit 7,5? 7,2? Moi, je pense que, 4 millions, on est un peu trop bas. Ça donnerait quoi, M. Lafond, pour un candidat...

M. Dutil: 4 millions, ce n'est pas assez, 4,5 millions, c'est trop. Ça fait que j'ai fait le bon calcul, comme ça, en les additionnant tous les deux.

M. Drouin (Jacques): À 4 millions, là, si on applique ça à la limite des dépenses pour un candidat... on parle de limiter les dépenses d'un candidat à autour de 20 000 $. Je ne suis pas certain qu'un candidat est capable de faire une campagne dans sa circonscription avec 20 000 $. Même à 32 000 $, déjà, c'est... on n'en voit pas beaucoup.

M. Dutil: Moi, à mon avis, vous seriez en mesure, dans les prochains jours, de nous aider à établir ce que devrait être une campagne électorale raisonnable mais suffisante aussi, avec un plafond abaissé. Je pense qu'on vous demanderait de nous aider à faire cet effort-là. Je pense qu'on est tous d'accord à le faire, l'effort. On est tous d'accord à le faire, on ne s'entend pas sur le moment de l'émettre dans la loi, là.

M. Drouin (Jacques): Oui, on peut faire ça. On a une belle tribune pour faire ça, hein, les différents comités. Le comité consultatif ou les comités techniques qui sont formés en vertu des comités... des comités consultatifs, comité technique financement et scrutin seraient des belles tribunes pour échanger, parce que ça mérite réflexion. Il faut regarder les différents postes de dépenses, qu'est-ce que ça prend, où on peut en enlever...

M. Dutil: On se comprend là-dessus. Pourquoi il y a des prête-noms, à votre avis? Pourquoi ça a existé, ça? Pourquoi... Est-ce que ça existe encore, depuis la loi de 2010, premièrement, à votre connaissance? Puis pourquoi... C'est quoi, la motivation qu'ont les gens à faire des prête-noms?

Gagner... Je vous donne des hypothèses, là. Il y a un crédit d'impôt, donc je suppose qu'ils ne donnent pas le montant du crédit d'impôt. Ils disent: Tu iras chercher ton crédit d'impôt, puis ils te donnent la différence. Ça, c'est une façon de faire un prête-nom, probablement. Ou, l'autre, c'est qu'ils veulent ramasser plus d'argent, puis, même s'il n'y a pas de crédit d'impôt, ils n'ont pas le droit, ça fait qu'ils demandent à quelqu'un d'autre de prêter son nom. Je suppose que...

M. Drouin (Jacques): Bien oui, c'est comme ça que ça fonctionne. Je pense que le... Quand on regarde le nombre de contributions qui ont fait l'objet d'une demande de remboursement d'impôt, le crédit d'impôt, par rapport à celles que nous, on sait qui ont été faites, on constate une baisse quand même assez importante depuis le nouveau cadre de versement des contributions.

M. Dutil: Donc, depuis 2010, il y a une diminution.

M. Drouin (Jacques): Depuis la mise en place du nouveau cadre de versement des contributions, je pense qu'il y a eu une grande baisse des prête-noms. Il faut dire que la fiche que l'électeur remplit, aussi, qu'il n'avait pas à remplir... On prenait pour acquis, auparavant, que l'électeur savait que sa contribution ne pouvait pas faire l'objet d'un remboursement ni de compensation, ainsi de suite. Maintenant, l'électeur le sait parce qu'il signe la fiche de contribution...

M. Dutil:...c'est très clair.

M. Drouin (Jacques): ...puis les contributions sont vérifiées, sont... bon.

M. Dutil: Ça, je dois vous dire qu'en passant c'est très clair. L'électeur, il lit ça, là, il ne peut pas le manquer, là. Je vais faire une contribution personnelle, etc., et ta, ta, ta, là. Ça, ça a été, je pense, une nette amélioration. Il n'y a personne qui peut dire: Je ne le savais pas. Hein, c'est tellement bien fait, c'est tellement bien clair, là, que ça a réglé cette partie-là.

Donc, une façon, c'est de baisser le montant de contribution maximale. Bon, on en est là, on est en train de discuter de ça, mais je pense que, conceptuellement, c'est facile de se dire: Oui, baisser nous ferait éviter cette problématique-là, si elle existe encore.

L'autre, et c'est là que je suis un peu plus sceptique, c'est d'enlever les crédits d'impôt. Et moi, j'aurais été dans les démarches que vous proposiez en 2007, qui étaient de rendre les crédits d'impôt remboursables. Parce que le fait de ne pas avoir de crédits d'impôt remboursables a l'effet contraire. On a éloigné du système de financement des partis politiques une partie importante de la population pour la simple et bonne raison que, dans ce qu'ils paient à l'État, il n'y a pas d'impôt. Ça arrive. 37 %, là, ce n'est pas peu. Je pense que c'est pour ça que vous le recommandiez. Est-ce que vous le recommanderiez encore, si on en arrivait à maintenir les crédits d'impôt, c'est-à-dire de les rendre remboursables?

M. Drouin (Jacques): Nous, on pense plutôt que le crédit d'impôt a un effet positif sur les prête-noms, honnêtement, là.

M. Dutil: Même petit?

**(16 heures)**

M. Drouin (Jacques): C'est tentant, hein, 400 $. Je prends le 400 $, je m'en vais faire mon épicerie avec, je fais un chèque au parti politique, puis... Bon, c'est sûr qu'il reste toujours la fiche, là, la fiche va toujours rester là, c'est-à-dire qu'on est conscients que le geste qu'on pose, c'est un geste illégal. Mais peut-être qu'il y a des gens qui, pour un remboursement d'impôt de 310 $, pourraient être tentés de continuer à le faire. C'est-à-dire qu'en prenant les crédits d'impôt puis en réallouant aux partis politiques d'une autre façon, parce que c'est ce que je comprends qu'on veut faire, d'avoir... de prendre l'équivalent de...

M. Dutil: ...inconvénient pour les partis émergents comme vous avez mentionné, et ainsi de suite. Maintenant, ma question, c'est... 310 $, c'est tentant; 300 $, c'est un petit peu moins tentant de... On baisse, là. À partir d'où ça devient vraiment illusoire de penser qu'il va y avoir des prête-noms mais où on maintient une certaine incitation aux gens à continuer à contribuer aux partis politiques?

Bon, je jase. Prenons... On a fait 4 millions, 11 millions, tantôt, ce n'est pas pire, ça. On sait que la fourchette est entre les deux, là. Ça fait qu'on a fait un progrès, ce n'est pas zéro, puis ce n'est pas 100 millions. Je fais la même chose, je fais la même approche, là. 10 $, c'est sûr qu'il n'y a pas... Il n'y aura pas de prête-nom pour un crédit d'impôt de 10 $ à quelqu'un qui donne 10 $. On est d'accord avec ça. Jusqu'où, à votre avis, on peut avoir raisonnablement la certitude qu'il n'y aura pas de prête-nom?

J'ai donné un... Je vous donne un exemple, là, qui... absurde, là, mais qui illustre ce que je veux dire. Il y a 500 morts sur les routes par année, ce qui est épouvantable. Il y a une solution à ça qui réglerait totalement le problème, c'est d'interdire la circulation automobile. On aurait un effet parfait, il n'y aurait plus un mort sur les routes. Mais on ne fera pas ça, on comprend pourquoi. Y a-t-il un moyen de trouver un endroit raisonnable où on va avoir encore quelques morts sur nos routes électorales mais ça va être... ça va être quelque chose qui va quand même laisser un espace de liberté pour ceux qui veulent donner avec un appui pour les petits dons? Puis c'est juste ça qu'on pose comme question.

M. Drouin (Jacques): Bien, je pense que le montant actuellement prévu de 100 $... moi, je pense qu'il se situe bien. J'ai l'impression que ce chiffre-là qu'on cherche, ce n'est pas le même pour tout le monde. C'est 500 morts, je comprends que c'est... on comprend tous ça, mais je ne suis pas certain, moi, qu'un crédit d'impôt de 310 $ pour quelqu'un qui a un revenu de 200 000 $, ça va être le même effet que pour celui qui a un revenu un peu plus bas. Il faudrait trouver à partir de quel moment l'électeur a l'impression que c'est son argent à lui qu'il est en train de donner à un parti politique, puis ça, je ne peux pas... Honnêtement, là, je n'ai pas fait de recherche là-dessus. Je n'ai pas de chiffre précis à vous donner en toute honnêteté, là. Mais nous, on l'a mentionné, qu'à...

M. Dutil: Bien, c'est parce qu'effectivement il n'y a pas de recherche possible là-dessus.

M. Drouin (Jacques): Bien, je ne pense pas.

M. Dutil: C'est comme si on disait: Si on sait quelles personnes vont mourir sur la route, on interdirait ces 500 personnes-là de circuler sur les routes puis on aurait réglé notre problème. On ne le sait pas. Moi, mon feeling, c'est qu'on a manqué le bateau en 1977 sur le financement populaire en interdisant à 30 % du monde -- puis là c'est rendu 37 % du monde -- de contribuer. Virtuellement, on leur interdisait parce qu'on ne leur donnait pas le crédit d'impôt. On avait un système censitaire, là. Ça, c'est comme si on avait dit: Vous n'avez pas le droit de vote si vous n'avez pas un certain nombre de biens, comme c'était le cas au XIXe siècle.

Quand tu dis: Toi, tu n'as pas le droit de participer à un parti politique et de bénéficier du crédit d'impôt, tu n'as pas le droit d'en bénéficier parce que tu n'es pas un bon citoyen, tu ne paies pas l'impôt sur le revenu... Bon, moi, je pense qu'on a fait une erreur à l'époque. Aujourd'hui, on ne raisonnerait pas comme ça. Si c'était à recommencer, on dirait: Non, non, regarde, un citoyen, c'est un citoyen, il paie les taxes, il paie des choses, il paie des affaires, ce n'est pas parce qu'il ne paie pas l'impôt sur le revenu qu'on ne doit pas lui accorder la même aide qu'on accorde aux autres pour inciter les gens à contribuer.

Alors, nous, ce qu'on dit tout simplement, c'est: on pense qu'il est important de laisser un espace de liberté qui est plus raisonnable. 310 $, c'est trop? D'accord, on baisse 310 $, on le baisse ou on baisse à un maximum de -- je ne sais pas, moi -- 200 $, 150 $, le crédit d'impôt -- il faut voir -- et on se dit: Bon, est-ce qu'il y a possibilité d'avoir des prête-noms là? Oui, mais, mautadit, ça prend quelqu'un qui en a envie en batèche parce que moi, dans mon cas, demander... Moi, ça ne me gêne pas pantoute de demander des contributions électorales petites aux gens de mon comté. Puis, s'il y a quelqu'un qui venait me dire: Bien, tu vas me rembourser, je lui dirais: Va-t'en chez vous, je ne veux plus te voir, parce que je veux du monde qui ont une certaine conviction, puis, si tu n'es pas capable de donner 50 $, bien, franchement, là, on n'en parle plus.

Donc, il y a un équilibre à trouver qu'on pense qui est... qui va trop loin. Je vous dis ça pour l'autre raison que vous mentionniez tantôt: c'est de l'argent public, il faut avoir... il faut le contrôler avec des pièces justificatives. Si on met tout ça en argent public, je vous prédis que, dans 20 ans, il n'y aura plus de parti politique parce que ça va être le contrôle qui va dominer, puis c'est normal. Vous, vous gérez de l'argent public, puis le citoyen, il demande d'avoir des contrôles sur l'argent public. Bien, il va y en avoir, des contrôles. Puis là on a le problème avec la dette, puis on va avoir des problèmes avec ci, puis on va avoir des problèmes avec ça, puis le monde, ils ne se partiront plus de parti politique illicite parce que ce ne sera plus possible.

Je vais vous donner un autre exemple. Les syndicats, ils reçoivent des cotisations, hein? Les cotisations sont obligatoires, ça fait qu'on appelle ça une taxe. Est-ce qu'on contrôle comment les syndicats dépensent l'argent des taxes qu'ils perçoivent des citoyens? Parce que le gars, quand il va travailler, il est obligé de la donner, là, dans la construction, en particulier. Il est obligé de la donner, ça fait qu'on appelle ça une taxe. Non. Puis j'imagine qu'on n'a pas envie d'aller contrôler ce que les syndicats dépensent, parce qu'on se ferait botter les fesses, hein?

Mais c'est un peu ça. Le parti politique peut faire des erreurs dans ses dépenses ou abuser même... Il peut abuser des dépenses qu'il ne devrait pas faire, d'autant qu'il a de l'argent public. Mais, entre deux abus, il faut trouver un équilibre, parce que, si on le met tout du côté public, un jour, un chat ne retrouvera plus ses petits. On ne sera plus capables... il n'y a aucun parti qui va être capable d'aller chercher ses dépenses. C'est ce que je pense qu'il va arriver. Ça, c'était une remarque, mon éditorial personnel. Si vous n'avez pas de commentaire, je vais passer la parole à quelqu'un d'autre.

Le Président (M. Pagé): Le député de Fabre, en premier? Oui. Alors, je laisse la parole au député de Fabre, en vous rappelant que, pour votre groupe parlementaire, il vous reste 11 minutes.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. Bonjour. On vous remercie pour votre...

Le Président (M. Pagé): 14 minutes.

M. Ouimet (Fabre): Ah bien, là! Pas que je voulais vous contredire, M. le Président, mais mon chronomètre me permettait de douter du 11 minutes. Mais, bon, je suis un petit nouveau et je me plie aux règles de mon président.

Donc, merci, merci pour votre présentation. Une petite question. Dans vos remarques, vous avez fait état, là, des contributions moyennes depuis le 1er mai 2011, qui s'établissent à 183 $. Puis ça, c'est la moyenne. La médiane, elle, j'imagine qu'elle est plus basse. Avez-vous la... La médiane, vous ne savez ce que c'est, la médiane?

M. Drouin (Jacques): On sait ce que c'est...

M. Ouimet (Fabre): C'est la... Ça ne va pas bien.

M. Drouin (Jacques): Non, non, j'ai dit que je... qu'on ne l'avait pas... On ne l'a pas.

M. Ouimet (Fabre): Vous ne l'avez pas?

M. Drouin (Jacques): Je n'ai pas la médiane, non.

M. Ouimet (Fabre): Mais elle doit être plus basse, dans la mesure où on sait que 58 % ont versé 100 $ et moins, là, mais...

M. Drouin (Jacques): Ce que je peux peut-être ajouter là-dessus, c'est que 95 % des contributions qui ont été versées par les électeurs, c'est les contributions de 500 $ et moins. Je ne sais pas si ça vous aide à situer la médiane.

M. Ouimet (Fabre): Non, mais ça donne un portrait encore... Ça, c'est depuis le 1er mai 2011?

M. Drouin (Jacques): Oui, c'est depuis qu'on tient les données sur les... depuis qu'on a le nouveau cadre de versement des contributions, donc on les connaît, les chiffres.

M. Ouimet (Fabre): Alors, 95 % des contributions sont de 500 $ ou moins.

M. Drouin (Jacques): En bas de 400 $, autour de 400 $. Il y a beaucoup de monde qui contribue le 400 $ pour récupérer le...

M. Ouimet (Fabre): Dans le crédit d'impôt?

M. Drouin (Jacques): Oui.

M. Ouimet (Fabre): Alors, ce que les montants de contribution nous donnent comme indication, évidemment ce n'est pas absolu, mais ça semble indiquer que le montant du crédit d'impôt est une indication ou un encouragement au montant des contributions.

M. Drouin (Jacques): 90 %, 400 $ et moins.

M. Ouimet (Fabre): Merci. J'ai lu... En fait, je vais faire le lien avec votre rapport annuel 2011-2012, qui porte sur l'application des nouvelles mesures législatives adoptées à la fin de 2010, qui sont entrées en vigueur le 1er mai 2011.

Une voix: ...

M. Ouimet (Fabre): Ah bien, ça va être simple, là. Je ne suis pas certain que vous allez...

M. Drouin (Jacques): ...tout par coeur.

**(16 h 10)**

M. Ouimet (Fabre): Non, je suis convaincu que le... En fait, ce qui me... Il y a unanimité, là, sur l'importance de maintenir la confiance des électeurs, des citoyens du Québec à l'égard des institutions de la société québécoise. Ça, tout le monde s'entend là-dessus, et tout le monde veut travailler à préserver, maintenir, améliorer la confiance. La question que moi, je me pose, c'est particulièrement dans le contexte des révélations qui font la manchette. On entend beaucoup parler de ces révélations-là. Et moi, en quelque part, je me dis: Oui, mais il faut... le législateur devrait faire la part des choses, je pense, et se dire: Est-ce que les mesures législatives adoptées en 2010-2011 ont eu leur plein effet? Et ma question que je vous pose, en lisant le rapport annuel que vous avez produit récemment, qui fait état des mesures que vous avez dû mettre en place et l'application de ces nouvelles mesures législatives, je notais que, dans votre rapport, vous n'aviez pas indiqué la nécessité de changer la loi. Au contraire, je lis, à la page 67, où là vous faites... vous tracez le tableau de ces nouvelles mesures mises en place, vous faites référence à vos pouvoirs d'enquête, et je lis dans le rapport: «L'ensemble de ces éléments permet au DGE de veiller au respect des dispositions de ces lois.»

Alors, est-ce que... Vous êtes les experts en matière de financement, vous veillez au respect des lois électorales, les moeurs électorales au Québec, le lien qu'on doit faire, là, depuis 2011, là, depuis 2010, depuis les nouvelles mesures législatives, est-ce qu'il y a un problème de prête-noms dans le financement des partis politiques qui nécessite d'adopter, comme vous le soulignez, là, de faire une réforme majeure? Et c'est par rapport à ça que j'aimerais vous entendre, là, parce qu'on part de la prémisse qu'il y a un problème de prête-noms qui fait les manchettes à la commission Charbonneau. Mais ma perception, c'est que ces faits-là remontent avant les dispositions de 2010.

M. Drouin (Jacques): Oui, vous avez raison. Les faits qui sont allégués à la commission, c'est des faits qui datent d'avant l'adoption des différents projets de loi à la fin de l'année 2010. Moi, je pense qu'on peut prétendre que ces nouvelles dispositions là ont largement amélioré les choses -- je le mentionnais tantôt -- notamment la fiche de versements des contributions, le fait que l'on vérifie chacune des contributions qui est versée au DGE. On vérifie la qualité d'électeur, on vérifie son inscription sur la liste électorale, on vérifie l'ensemble, là, des informations. Moi, je pense que ça a un effet très positif.

Est-ce que, pour ça, il faut arrêter? La question reste entière. Moi, je pense qu'à partir du moment où on va abaisser le montant des contributions, on risque de rendre encore plus... moins intéressante la pratique des prête-noms.

Le Président (M. Pagé): ... pour le député de Fabre. Donc, je laisserais la parole au député de Robert-Baldwin. Oui, M. le député.

M. Marsan: Merci, M. le Président, et merci à vous, le DGE, les représentants de cette direction extrêmement importante pour nous. Je prends bonne note que... Vous finissiez tantôt... Vous avez fini en disant qu'il y a eu une série de lois qui ont été mises en application dont les effets semblent être positifs, même si ça ne fait pas longtemps que ça a été... On parle de 2010, je pense. Mais moi, je demeure avec l'impression, puis corrigez-moi, M. le directeur... Vous dites: Pour analyser ces enjeux qui sont complexes ainsi que leurs modalités d'application, une réflexion de fond devrait se faire au comité consultatif.

Est-ce que je me trompe -- puis corrigez-moi, là -- en pensant que vous semblez dire que le projet de loi n'a pas fait cette réflexion-là à ce moment-ci et qu'il mériterait que certains sujets puissent être encore débattus, particulièrement au comité consultatif, ou est-ce que vous pensez que le projet de loi, il est mûr et qu'on devrait l'adopter très rapidement?

M. Drouin (Jacques): Bien, il est prévu, là, qu'un comité consultatif se tienne pour pouvoir échanger sur justement ces différentes modalités là. Il est prévu se tenir tout de suite après cette rencontre-ci, dès ce soir. Est-ce qu'il y a urgence, là? Ça ne m'appartient pas de déterminer l'urgence, mais nous, ce qu'on pense, c'est que la réflexion devrait se faire au sein du comité consultatif, qui quand même représente l'ensemble des partis représentés à l'Assemblée nationale, dont au moins un député, normalement les directeurs généraux des partis politiques puis des organisateurs des partis politiques.

M. Marsan: M. le directeur, est-ce que... Vous parlez d'une réflexion de fond, pourriez-vous me dire, juste pour spécifier, les sujets qui mériteraient cette réflexion-là?

M. Drouin (Jacques): Bien, je pense, j'en ai mentionné quand même quelques-uns dans mon allocution.

M. Marsan: Juste nous les résumer.

M. Drouin (Jacques): Les résumer, bien, je vous l'ai mentionné, la façon de verser l'allocation mensuelle... annuelle aux partis politiques, bon, l'abaissement, en fait... l'abaissement de 1 000 $ à 100 $, les contributions annuelles de 100 $ lors de la tenue d'une élection générale ou partielle -- c'est l'ordre du jour du comité consultatif -- l'augmentation du montant de l'allocation annuelle qui peut être versée aux partis politiques -- on ne remet pas ces choses en question, mais on veut soulever des interrogations sur les modes d'application, c'est tout simplement ça pour la plupart des cas -- versement d'une allocation supplémentaire à l'occasion de la tenue d'élections générales, puis la révision des règles concernant les revenus qui ne constituent pas des contributions. C'est les cinq éléments qui sont à l'ordre du jour du comité consultatif de ce soir.

M. Marsan: Et ça comprend possiblement le plafonnement aussi?

M. Drouin (Jacques): Probablement que le plafonnement va se retrouver au travers de ces échanges-là.

M. Dutil: Il va être dans le varia aussi.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Marsan: O.K. Alors, moi, je peux comprendre que vous, vous seriez satisfait, vous allez avoir une autre rencontre du fameux comité consultatif qui est toujours important pour tous les parlementaires, pour tout le monde, avant de finaliser un dossier, et ça permet des échanges, là, de très bonne qualité. Alors, à la suite de ça, bien, vous serez en mesure de nous faire votre recommandation si vraiment le projet de loi a fait ses réflexions de fond comme vous le souhaitez.

M. Drouin (Jacques): Normalement, à la suite de ce comité consultatif là, on devrait réussir à obtenir un certain nombre de consensus qui devraient par la suite se retrouver dans la loi, sur les modalités, on s'entend, surtout.

M. Marsan: Bien, je vous remercie beaucoup. Ça termine mon petit segment.

Le Président (M. Pagé): Oui. M. le député de Beauce-Sud.

M. Dutil: Là, évidemment, on est dans un projet de loi qui parle du financement des partis politiques provinciaux, mais on sait qu'il y a des problèmes au financement des partis politiques municipaux. Vous les gérez également. Ma perception, c'est qu'une des problématiques c'est que la loi n'est pas... ne permet pas à ces partis politiques là d'aller chercher suffisamment d'argent, et donc on a les problèmes qu'on a. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Drouin (Jacques): On a... Je n'ai pas compris la fin, pardon.

M. Dutil: La fin, c'est qu'il y a aussi un problème de financement des partis politiques municipaux. On pense qu'il y aura une loi vers... Le ministre nous dit qu'il y aura éventuellement, par son collègue, une loi là-dessus, là. Mais on pense qu'il y a un problème. Je voudrais savoir votre opinion.

M. Drouin (Jacques): Bien, moi, je crois comprendre qu'il y a une réflexion qui est entreprise, à l'heure actuelle, au sein du ministère des Affaires municipales, des Régions sur le sujet. Je pense que le problème qu'on connaît au niveau provincial est au moins le même au niveau municipal.

M. Dutil: Donc, il y aurait intérêt que le comité consultatif peut-être... ou peut-être pas le comité consultatif de l'Assemblée nationale mais qu'il y ait un comité de votre part qui finisse par faire des recommandations puis qu'on en arrive à une réforme également de ce côté-là.

M. Drouin (Jacques): Oui. Pas le comité consultatif parce que ça ne fait pas partie de ses attributions.

M. Dutil: Oui, de ses mandats.

M. Drouin (Jacques): Il faut quand même dire que la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités relève du ministre des Affaires municipales et des Régions. C'est sûr qu'en matière de financement des partis politiques c'est nous qui avons la responsabilité de voir à son application, et, oui, on va travailler avec le ministère des Affaires municipales, s'il en est.

Une voix: La problématique est différente au niveau...

M. Dutil: Mais ce n'est pas commencé, là, si je comprends?

M. Drouin (Jacques): Ce n'est pas commencé, puis il y a quand même une problématique différente, comme m'a dit Denis, là. Il n'y a pas actuellement d'allocation comme telle de prévue, sauf dans certaines municipalités, Québec et Montréal. Donc, il y a quand même des enjeux budgétaires importants au niveau des municipalités.

M. Dutil: Vous voulez dire du coût de montants publics qui pourrait être...

M. Drouin (Jacques): Parce que, si on abaisse le montant des contributions au niveau municipal comme on l'a fait au niveau national, il faudra que ça soit compensé encore une fois par d'autre chose, parce que ça prend de l'argent pour faire de la politique, ça prend de l'argent pour être capable de... Bon.

M. Dutil: Oui, oui. Mais je pense qu'on est d'accord sur un point, c'est que, si on ne met pas d'argent public dans les finances des partis municipaux, on ne réussira pas à sortir la corruption de là. Tu sais, le raisonnement qui s'applique au provincial, il s'applique aux municipalités. J'ai été maire, moi, puis on en a fait une, campagne électorale, puis on était une petite municipalité de rien du tout, puis ça prenait de l'argent. On était 8 000 électeurs, puis ça fait 30 ans, puis ça a coûté 8 000 $ à peu près. Ça fait qu'aujourd'hui ça veut dire l'équivalent de 16 000 $. Bon, ce n'était rien du tout parce qu'on n'était pas beaucoup de conseillers, puis on n'avait pas une grosse ville, mais il a fallu cotiser les candidats puis leur dire: Tu prends un risque de 1 000 $ chacun. Puis, tu sais, il a fallu faire des choses comme ça.

Qu'est-ce qu'on fait dans une ville de 200 000 de population actuellement? Il n'y en a pas de... donc une solution à trouver.

M. Drouin (Jacques): Non, allocation, il n'y en a qu'à Québec et à Montréal. Puis il y a une problématique aussi particulière au niveau municipal, c'est qu'il y a beaucoup plus de candidats indépendants que de partis politiques. Donc, il faudra trouver une façon pour que ces candidats-là soient capables de mener une campagne parce qu'ils n'auront probablement pas droit à des allocations.

M. Dutil: Mais moi, je dis -- je comprends que vous ne pouvez pas le dire ou que vous ne voulez pas le dire -- qu'il vaut mieux avoir un peu d'argent public, un peu plus d'argent public pour permettre à des candidats de se présenter avec le risque qu'il y ait plus de candidats que de se retrouver dans la situation où il y a quelqu'un qui se fait offrir un clés en main, là. Tu sais, c'est ça qu'on entend parler. Regarde, clés en main, mon ami. Tiens, on va te la payer, ta campagne électorale. Il ne faut pas que... Ça, il faut éliminer ça du paysage municipal.

M. Drouin (Jacques): Je pourrais le dire, je suis d'accord, tout à fait.

**(16 h 20)**

M. Dutil: Même si c'est avec de l'argent public, pour la même raison. Ça coûte bien plus cher, de la corruption, qu'un peu d'argent public pour les partis municipaux.

Le Président (M. Pagé): Il reste un peu moins qu'une minute.

M. Dutil: Ça va? Moi, j'ai fait mon commentaire mais c'est... Regarde, je pense qu'on en est conscients, là. On en est conscients, là, on n'a pas... Le pire problème est aux municipalités, puis il faut trouver le moyen de le régler. C'est ça.

Le Président (M. Pagé): Un court commentaire.

M. Drouin (Jacques): Les élections s'en viennent au municipal. Il y a vraiment urgence en la matière si on veut faire quelque chose, là, parce qu'il faudrait que ce soit fait pour le 1er janvier.

M. Dutil: ...M. le directeur.

M. Drouin (Jacques): Merci.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie pour cet échange avec l'opposition officielle. Maintenant, on a un bloc d'un peu moins de sept minutes avec le deuxième groupe d'opposition, et j'entends le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci, M. le Président. Salutations aux collègues, M. le sous-ministre. Mes chers amis du DGE, bienvenue à l'Assemblée nationale. D'entrée de jeu, je tiens à vous féliciter, vous et votre équipe, parce qu'au cours des trois dernières années je connais peu de -- appelons ça une société d'État, vous n'êtes pas tout à fait comme Loto-Québec mais quand même -- institution, pardon, une institution d'État qui a été si sollicitée. Vous étiez sous un régime il y a trois ans, vous avez changé de régime complètement avec la nouvelle loi sur le financement du 1 000 $ et plus, les dépôts qu'on devait faire, et tout ça, et vous avez eu une élection générale en plein été. Je tiens à vous saluer parce que ce n'était franchement pas évident, faire tout ça en trois ans, et vous l'avez fait avec brio. Bravo!

Permettez-moi aussi de saluer M. Lucien Roy, qui était le DGEQ du comté de Chauveau à deux reprises... Ah! je sais qu'il l'a été plus souvent que ça. Mais mes deux élections étaient avec M. Roy qui était d'une rigueur et d'un professionnalisme tout à fait remarqués et remarquables, et je tiens à le saluer, vu votre présence.

Je sais que mon collègue de Beauce-Sud a abordé la question tout à l'heure du plafond électoral. J'ai cru comprendre que vous souleviez, vous aussi, cette question-là, alors c'est tant mieux. Mais j'aimerais aborder avec vous la question des allocations, de la gestion qu'on peut faire des allocations de la part du gouvernement. Et je sais que vous avez émis des réserves, et honnêtement je ne suis vraiment pas d'accord avec la vision que vous avez par rapport à ça.

Ce que propose le projet de loi m'apparaît tout à fait légitime, juste et pertinent, c'est-à-dire: Donnons les sous aux partis politiques, puis les sous, le parti politique s'arrange avec ça puis fait ses choix, dans la mesure où justement ça reste des activités politiques et, surtout, dans la mesure où, supposons qu'on verse le montant à tous les trois mois, qu'à tous les trois mois il fasse un bilan de ses activités puis qu'est-ce qu'il fait avec son argent.

Vous parliez tout à l'heure: J'ai peur d'imaginer qu'est-ce qu'ils vont faire avec. Bien oui, mais, si un parti politique est assez innocent pour faire des dépenses burlesques, je peux-tu vous dire que les adversaires vont s'en payer une bonne? Je peux-tu vous dire que les journalistes vont vérifier ça attentivement, chaque cenne, comment le parti politique dépense chacun des sous? Et donc on va avoir beaucoup plus de rigueur, à mon point de vue.

Et, pour avoir été chef de parti, je savais que -- ce que vous expliquiez tout à l'heure -- il fallait qu'on ait des dépenses pour qu'après ça ce soit remboursé, tout ça, c'est un méchant aria, là. Et nous, on estime que c'est beaucoup plus légitime d'un parti politique de recevoir l'allocation qui lui est permise par l'État, par la loi, et c'est à lui à prendre ses décisions. Et, en bout de ligne, c'est la population qui va décider si, oui ou non, le parti a bien administré ou non. Vous avez des adversaires, vous avez une presse alerte qui va faire en sorte que, si, par malheur, un parti fait des bêtises avec ça, il va se faire ramasser pas à peu près, et tant mieux pour ça. Donc, là-dessus, moi, je n'ai pas de problème à laisser carte blanche aux partis politiques dans la mesure où ça réfère aux activités électorales... d'affaires politiques, on l'aura compris.

Deuxièmement, vous émettez des réserves concernant le fait qu'un parti politique peut se dire: Tiens, je vais mettre des sous de côté en vue de la campagne électorale. Au contraire, moi, je salue un parti politique qui va dire: Tiens, je vais mettre des sous de côté, comme ça, je vais avoir une gestion beaucoup plus modeste et puis, quand va arriver la campagne électorale, mes goussets seront pleins, puis là je vais pouvoir faire une campagne électorale à fond. Et tant mieux si justement on a eu l'intelligence de mettre des sous de côté. Je comprends votre réticence ou enfin votre questionnement en disant: Oui, mais là c'est parce que, comme il va être remboursé à 50 %, c'est comme si le contribuable payait deux fois. C'est vrai. Vous avez une observation tout à fait pertinente, mais on pourrait peut-être revoir ce mode de remboursement là, peut-être, ou encore on pourrait dire: Bien, à un moment donné, si on baisse le plafond des dépenses électorales, vous ne pouvez pas accumuler un fond de campagne électorale qui va dépasser le plafond, ça va de soi. Donc, moi, je pense qu'on appelle au sens des responsabilités puis à une gestion beaucoup plus efficace des partis politiques si on applique justement ce principe-là où on permet aux partis politiques de mettre des sous de côté.

Puis troisièmement, quand vous dites que la loi telle que proposée, la loi actuelle, empêche les partis politiques de payer des dettes à part les intérêts, oui. Et, quand j'étais chef de l'Action démocratique, je peux vous dire que je condamnais vigoureusement cette situation-là parce que ça nous a empêchés, nous, de payer notre dette. Puis, si on avait pu payer notre dette, bien au moins on aurait pu rendre ce qui avait... ce qu'on nous avait prêté puis on aurait pu justement livrer ça.

Il n'y a personne qui aime ça avoir une dette, O.K.? Il n'y a personne qui aime ça avoir une dette. Dans ma vie personnelle, moi, je n'ai pas de dette. Je ne vis pas au-dessus de mes moyens, bien au contraire. Mais je préfère justement ne pas avoir de dette puis vivre selon mes moyens plutôt que d'avoir une dette. Puis j'ai été à la tête d'un parti politique qui avait une dette, et ça me tapait sur la tête à tous les jours, puis j'haïssais ça.

Alors, si, en plus, on restreint au strict minimum les dons personnels et que là on ne peut plus payer la dette, coudon, qu'est-ce qu'on va faire? Comment on va être capables de payer la dette? Ce n'est pas à coups de 100 $ qu'on va être capables de payer une dette, c'est impossible. Donc, il faut laisser cet espace de liberté. Et, si le parti politique est handicapé par une dette, bien il va prendre des décisions. Il va se dire: Bon, bien, mettons que je mets le tiers...

Le Président (M. Pagé): Il vous reste deux minutes, M. le député de Chauveau si vous souhaitez poser une question.

M. Deltell: O.K., d'accord. Je sais que ce n'est pas ma... C'est la première fois que je me lance là-dessus, mais j'ai été interpellé.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président (M. Pagé): Si vous souhaitez une réaction de la part du Directeur général des élections...

M. Deltell: Mais j'ai été interpellé puis ça me rentre dedans. J'apprécie que vous ayez dit ça. Mais tant mieux si un parti politique se dit: Bien, coudon, O.K., mettons que je reçois 100 $, on va mettre 33 $ pour les activités courantes, 33 $ pour le fonds électoral puis 33 $ pour payer la dette. Puis les gens jugeront, à savoir si le gars, il gère bien, comme il faut ou non, son parti politique. Mais actuellement, si vous nous empêchez de rembourser la dette, oubliez ça, là, on va être otages des banques jusqu'à la fin des temps parce que ce n'est pas à coups de 100 $ qu'on va rembourser les dettes, impossible. Et, si on ne peut pas mettre des sous de côté, bien, quand arrive la campagne électorale, qu'est-ce qu'on fait? «Let's go», on part une campagne à 100 $ partout? Non. Tant mieux si les partis politiques mettent des sous de côté. Et puis, comme je vous le dis, laissons carte blanche aux partis politiques, puis la population jugera.

M. Drouin (Jacques): Mais carte blanche avec au moins une vérification a posteriori.

M. Deltell: Oui, oui, c'est ça que je veux dire.

M. Drouin (Jacques): O.K., d'accord. Mais...

M. Deltell: Au moins, à tous les trois mois, il rend ses bilans.

M. Drouin (Jacques): On ne s'oppose pas à ça, hein? On fait juste faire un constat que ça ne se ferait plus comme avant et qu'il y aurait peut-être lieu de faire quelque chose, soit différemment ou quelque chose d'autre. Puis ce qu'on me rapporte, c'est que ce serait peut-être intéressant qu'on vous donne l'exemple de ce qui s'est passé au municipal avec les frais de recherche et de secrétariat, où on a eu quand même un petit peu de difficulté. S'il n'y a pas de contrôle, s'il n'y a pas de règle sur les dépenses qui sont admises, on voit vers où on s'est en allés avec ça. Vous avez tout compris.

M. Deltell: ...c'est le bon jugement des citoyens. Il n'y a pas un parti politique qui va faire des bêtises. Mais donnez-nous l'oxygène nécessaire pour agir puis on assumera nos décisions. Si on a des dettes à payer, on les paiera. Puis, si on veut faire des dépenses, de mettre des sous de côté pour une campagne électorale, on l'assumera. Puis, si on veut faire des dépenses qui parfois pourraient être burlesques, n'ayez pas peur, les adversaires et la presse sera attentive pour condamner vigoureusement ces écarts.

Le Président (M. Pagé): C'est tout le temps qu'il nous reste. Alors, je vous remercie beaucoup, chers collègues, et je remercie le Directeur général des élections de sa présence et de son éclairage.

Alors, nous allons prendre une petite pause de quelques minutes parce que nos prochains invités seront par vidéoconférence.

(Suspension de la séance à 16 h 28)

 

(Reprise à 16 h 39)

Le Président (M. Pagé): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît, chers collègues, on va reprendre nos travaux. Mais, avant de passer à notre interlocuteur, qui est par téléphone -- c'est rare qu'on a une entrevue par téléphone, la personne est déjà avec nous -- il y a le député de Fabre, si... avec le consentement des collèges, là, qui souhaiterait émettre un commentaire ou...

M. Ouimet (Fabre): Une question.

Le Président (M. Pagé): Une question. Alors, oui.

M. Ouimet (Fabre): C'est une question, en fait.

Le Président (M. Pagé): D'accord. Ça va, pour les... Oui? Allez-y, M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président. En fait, simplement, les derniers témoins -- le Directeur général des élections -- avaient en leur possession des statistiques auxquelles ils ont fait référence. Et, pendant la pause, j'ai vérifié avec eux s'ils étaient à l'aise... si le Directeur général des élections était à l'aise de soumettre les statistiques à la commission. Alors, j'inviterais, si les membres sont d'accord, à ce que la commission accepte de recevoir les statistiques pour éclairer nos travaux.

Document déposé

Le Président (M. Pagé): Oui, absolument. Je pense qu'on peut déposer ces statistiques, et elles seront reçues avec plaisir. Merci.

M. Ouimet (Fabre): Merci, M. le Président.

**(16 h 40)**

Le Président (M. Pagé): Merci à vous. Alors, nous allons maintenant passer à notre dernier invité, qui est M. Kingsley, qui devait être en audioconférence, mais je comprends qu'il est par téléphone.

(Audioconférence)

M. Kingsley, est-ce que vous nous entendez?

M. Jean-Pierre Kingsley

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je vous entends très bien, M. le Président.

Le Président (M. Pagé): Bon. Alors, je pense que le son est quand même acceptable, mais je vais demander le plus de silence possible dans la salle pour qu'on puisse bien entendre M. Kingsley, qui va, dans les prochaines minutes, nous exposer son point de vue sur le projet de loi n° 2. Alors, nous vous écoutons. Vous avez 10 minutes, M. Kingsley, pour présenter votre mémoire.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Merci beaucoup. Je crois n'en prendre seulement que sept ou huit, M. le Président. Donc...

Le Président (M. Pagé): Parfait. Merci. Allez-y.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Alors, M. le Président, Mme et MM. les membres de la commission, je suis très heureux d'avoir cette occasion de témoigner, de comparaître donc devant votre commission pour discuter du projet de loi n° 2.

C'est la première fois, la première occasion que j'ai de comparaître devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale du Québec, et j'en suis fort heureux. J'aurais préféré y être en personne, mais j'avais un rendez-vous préalable à Montréal, où je présidais une réunion, et il ne m'était pas possible de me rendre chez vous puisque la réunion ne s'est terminée qu'il y a 1 h 30 min.

J'avais quelques observations liminaires traitant des éléments que je considère les éléments majeurs du projet de loi qui est devant vous pour étude. D'abord, le projet de loi, il me semble, sa mesure principale, c'est d'abaisser à 100 $ la contribution maximale annuelle avec le but, si j'ai bien compris, d'éliminer le phénomène des prête-noms ou à tout le moins de rendre l'exercice inutilement difficile, à cause justement du prix que devrait payer toute personne qui serait passible d'enfreindre au texte de loi. Et puis ça me paraît tout à fait... ça m'apparaît tout à fait raisonnable de vouloir abaisser le montant.

J'ai été surpris, quand on a fait... quand on abaissé à 1 000 $ le montant au fédéral, à partir du 5 000 $, depuis 2006, d'ailleurs, parce que les médias faisaient encore des rapprochements entre les donateurs et les postes, comme si la personne tentait d'acheter son poste ou une nomination en faisant une contribution de quelque 1 000 $ par année. Et, puisque les médias reflètent ce que nous, on pense, le public, je me suis dit: Bien, il y a peut-être encore quelque chose là.

J'ai pensé aussi vous mentionner que, selon moi, il faut établir le montant, ce montant maximal là, en fonction des objectifs que se fixe une assemblée nationale, une société. On doit commencer avec ce montant-là pour ensuite établir le montant du financement public. Et ce serait en fonction des montants qui sont raisonnablement requis, ce montant de financement public, par les partis politiques. Et l'expérience, à mon sens, des dépenses des partis politiques lors d'une campagne, lors des dépenses annuelles, constitue un bon point de départ. C'est ainsi qu'on avait fait au fédéral quand, en 2004, la loi avait été amendée, justement pour éliminer les contributions des sociétés, des syndicats et des associations de toutes sortes.

Il me semble aussi important de maintenir un financement de la part des individus, des personnes humaines, afin de permettre l'établissement de nouveaux partis, leur permettre de voir le jour et de s'établir avec un financement. Les partis ne doivent pas devenir des entreprises à but lucratif. Donc, c'est la raison pour laquelle il est important de maintenir un financement individuel, afin d'éviter les difficultés aussi d'établir les critères d'admissibilité à un statut de parti avec un régime à 100 % financé publiquement. Ce que je tente de dire, c'est qu'il ne faut pas créer d'incitatifs financiers à l'établissement des partis pour faire en sorte que leur objectif primaire devient cela et non pas de faire de la politique.

Maintenant, pour égaliser davantage les chances des nouveaux partis, on pourrait considérer un financement public additionnel qui serait équivalent aux contributions qu'ils reçoivent jusqu'à leurs premières élections générales. J'ai lu les textes que vous avez prononcés, les discours qui ont été prononcés quand le projet de loi a été déposé et j'ai vu qu'il y avait une préoccupation en ce qui a trait au financement des nouveaux partis. Il m'a semblé que c'était peut-être une mesure à considérer, en rajoutant un financement public qui serait équivalent, mais seulement pour ces partis-là et non pas pour les autres partis qui sont établis, et seulement jusqu'à leurs premières élections générales.

La deuxième mesure vise un financement public annuel augmenté de 0,85 $, je crois, par électeur sur les listes, et je considère ça comme étant très bien. Selon moi, cela assure aux partis, selon leur appui populaire aux dernières élections générales, de prévoir un niveau assuré d'activités et de permanence puisqu'ils peuvent budgéter. Ils savent combien d'argent ils vont recevoir à chaque année pour ce qui est généralement les quatre années à venir. Ça, ça leur permet... ça permet aux partis politiques de faire l'élaboration de politiques et de préparer l'action sur le terrain, et même d'entrevoir certaines autres activités qui vont les avantager lors d'une campagne.

Au fédéral, on a aboli cette somme, qui était de 2 $ par électeur qui votait pour un parti en particulier, et, selon moi, ça constitue une erreur majeure. Le fédéral n'aurait pas dû faire une chose pareille à cause justement du fait que les partis ont besoin d'argent. Et c'était la seule source d'argent qu'on pouvait budgéter avec certitude, qui permet une permanence de s'établir, et aux activités d'être menées à bien.

Mon dernier commentaire concerne la définition d'activités politiques qui est au deuxième alinéa, je crois, du paragraphe 6 du projet de loi. Et on définit une activité politique comme étant «une activité tenue par une entité autorisée et qui ne vise pas le financement de cette entité, tel une assemblée annuelle ou un congrès».

Et mon commentaire est plutôt une question: Est-ce qu'on tente par ce texte-là de dire que les frais d'admission à une assemblée annuelle ou à un congrès ne doivent pas dépasser les coûts? Est-ce qu'on tente de dire qu'on ne peut pas faire de prélèvement de fonds lors de ces événements-là? Je me suis posé la question; je n'ai pas la réponse.

Donc, en guise de conclusion, le projet de loi, selon moi, s'inscrit dans la lignée tracée par le Québec qui en a fait un chef de file mondial dans ses efforts d'épurer les moeurs politiques et les pratiques afférentes des partis et des candidats. Et voilà, M. le Président, c'est le texte liminaire que j'avais l'intention de prononcer à ce moment-ci.

Le Président (M. Pagé): Alors, je vous remercie, M. Kingsley, pour votre présentation, effectivement, sept, huit minutes, 7 min 30 s. Alors, félicitations, vous êtes dans le temps. Je rappelle aux collègues que M. Kingsley, si ma mémoire est bonne, je pense, vous avez été Directeur général des élections au gouvernement fédéral pendant 17 ans. C'est bien, ça?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Justement, oui. De 1990 à 2007.

Le Président (M. Pagé): Exact. Alors, maintenant, vous aurez un échange avec la partie ministérielle, M. Kingsley, et je vais entendre, dans un premier temps et pour une période de 22 minutes, le député de Marie-Victorin et le ministre responsable du projet de loi n° 2. M. le ministre.

M. Drainville: Bonjour, M. Kingsley.

M. Kingsley (Jean-Pierre): M. Drainville, bonjour.

M. Drainville: Alors, je suis très content que vous ayez accepté de témoigner. Je dois vous dire que je vous ai connu du temps où j'étais correspondant parlementaire à Ottawa et que vous étiez Directeur général des élections. Et je ne pense pas...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je m'en souviens.

**(16 h 50)**

M. Drainville: ...et je ne pense pas manquer à mon devoir d'ex-journaliste de vous dire, rétroactivement, que vous aviez le respect de beaucoup, beaucoup de gens, et vous aviez le mien en particulier. Moi, je pensais et je pense toujours que vous avez été un grand directeur général des élections, et vous aviez une très, très grande crédibilité, et c'est pour ça que j'étais très heureux que vous acceptiez de participer à nos consultations.

Alors, ce n'est pas de la flatterie, je vous dis sincèrement ce que je pense, et c'est une opinion, je pense, qui est largement partagée, vous aviez, dans ces années-là, du temps où j'étais là... Mais je pense que c'est l'opinion que les gens auront gardée de vous. L'héritage que vous avez laissé, je pense, comme Directeur général des élections, c'est un héritage d'intégrité, et je tiens à le dire publiquement, je tiens à vous saluer pour ça.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je vous en remercie. Ça me touche profondément, M. le ministre.

M. Drainville: Maintenant, je voulais répondre à la question que vous avez soulevée dans... En fait, ce que nous faisons, c'est que nous séparons ce qui est une activité politique d'une activité de financement.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Parfait.

M. Drainville: Donc, on ne veut pas que les activités de politique, les activités d'animation politique, les activités, par exemple: les colloques, les séminaires, les congrès, les conseils nationaux, les conseils généraux... On veut faire une distinction entre ces activités d'animation politique et les activités de financement à... proprement dites, et c'est pour ça donc qu'on a un article qui traite spécifiquement des activités politiques.

Parce que je dois vous dire, M. Kingsley, une des raisons pour lesquelles on tenait tant à ce projet de loi, c'est que, il faut se dire les choses franchement, à mon avis, en tout cas, les partis politiques passent beaucoup trop de temps à faire du financement, et il est temps que nous redevenions beaucoup plus des agents de discussion, de réflexion, de changement politique. Il faut que les partis politiques se recentrent sur ce qui devrait être leur première raison d'être, c'est-à-dire faire valoir leurs idées, animer le débat public, proposer des changements. Et pour ça il faut se reconnecter sur les communautés, les comtés. Bref, il faut arrêter de passer notre temps à collecter de l'argent puis il faut recommencer à parler d'idées, puis à parler de réforme, puis à parler de vision pour l'avenir du Québec. Alors, c'est pour ça...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je comprends. Je vous en remercie. J'ai voulu le mentionner au cas où il y aurait eu un effet pervers dans la définition qui empêcherait qu'on puisse exiger plus en frais que ça coûte, l'événement, parce qu'à un moment donné on peut peut-être dire: Bon, bien, écoutez, on va charger 100 $ mais ça nous en coûte 50 $, le 50 $ qui devrait être quand même imputable à une activité de financement.

Une voix: Il y a un prix d'entrée, effectivement.

M. Drainville: Oui. Mais nous, on fixe un prix d'entrée et donc on s'assure de cette façon-là que l'argent recueilli serve à payer les frais liés à l'activité et ne soit pas détourné pour financer le parti politique.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Parfait.

M. Drainville: Maintenant, vous avez parlé de l'expérience fédérale, où il y avait... Alors là, n'hésitez pas à me corriger, parce que moi, j'avais quitté Ottawa au moment où ça a été mis en place par M. Chrétien. C'est le gouvernement Chrétien donc qui avait mis en place un système essentiellement public de financement des partis politiques, et, ce système-là, donc, il a été essentiellement aboli par l'actuel gouvernement.

Je ne veux pas rentrer dans de la politique fédérale, là, on en a plein nos bottines ici, à Québec, là, mais pouvez-vous nous expliquer l'effet qu'a eu, à votre avis, là... l'analyse que vous faites des effets pernicieux, des effets négatifs de cette abolition, donc, du système de financement public des partis politiques?

Peut-être que vous pouvez commencer par nous dire en quoi il avait eu un effet positif lorsqu'il a été instauré et quels sont les effets négatifs que vous voyez déjà se manifester ou que vous voyez poindre à l'horizon.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Quand il a été instauré initialement par M. Chrétien, ça visait particulièrement le financement des partis politiques, c'est-à-dire qu'on interdisait aux sociétés, aux syndicats, aux associations quelconques de faire des contributions. On avait plafonné à 5 000 $ ces contributions-là.

Nous, on avait fait une étude qu'on avait partagée avec le comité, comme vous avez demandé au DGE de partager avec votre commission, des données qui disaient: Voici combien les partis ont reçu. Et, à partir de là, on avait établi que 1,50 $ par électeur suffisait pour combler le manque à gagner qu'allaient subir les partis en fonction du régime qui était en train d'être modifié. M. Chrétien avait été obligé d'augmenter cela à 2 $ à cause de pressions de son caucus. Les députés étaient préoccupés pour ce qui était pour leur arriver à eux aussi et à elles aussi. Donc, c'était fixé à 2 $.

Mais ça, ça permettait pour la première fois, là, un financement fixe, réglé pour permettre aux partis, d'année en année, d'avoir des activités justement de développement de politiques, d'avoir une permanence de parti, savoir d'où on était pour les payer et aussi d'entreprendre des activités sur le terrain pour l'élection qui était pour venir. Et puis moi, je trouvais que c'était une amélioration importante, parce qu'autrement on dépendait strictement du financement des dépenses électorales, la ristourne de quelque 50 % ou 60 %, dépendant qu'on était parti ou candidat, des dépenses de campagne et du financement du public... c'est-à-dire non pas du financement public, mais du financement des individus qui, lui, pouvait varier selon la popularité ou plus particulièrement l'impopularité d'un certain parti.

Puis moi, je trouvais que c'était important -- l'élément important, comme les Allemands l'avaient fait, d'ailleurs -- pour établir en quelque sorte une permanence qui pouvait faire bénéficier le public d'un développement politique en permanence pour chaque parti. Et, quand j'ai vu M. Harper abolir cela, il y a peut-être deux ans maintenant, et faire en sorte qu'on coupait la queue du chat à quatre étapes, on passait de 2 $ à zéro en dedans de quatre ans, j'ai vu cela comme étant une étape régressive qui enlève quelque chose aux partis. Et j'ai trouvé que les partis fédéraux avaient été trop prompts à dire qu'ils acceptaient cette mesure-là, même s'ils n'étaient pas d'accord. Je pense qu'on s'est privé, au niveau fédéral, de quelque chose de très important.

M. Drainville: Merci. Maintenant, vous avez également dit que c'était important qu'on maintienne le financement individuel. C'est une idée que nous partageons autour de cette table. Vous savez qu'il y a des... il y a par contre des citoyens, et c'est tout à fait leur droit, qui soutiennent qu'on ne devrait pas maintenir le financement populaire, qu'on devrait donc créer un système à 100 % étatique. Quel problème voyez-vous avec l'instauration d'un système à 100 % étatique? Parce qu'il y a des arguments... il y a des bons arguments en faveur de ça. Moi, je suis prêt à reconnaître qu'il y a des arguments favorables, des arguments positifs en faveur d'un système à 100 % étatique. C'est juste que je pense qu'il y a encore plus de bons arguments pour maintenir un financement populaire qui cohabite donc avec le financement étatique tel que le prévoit notre projet de loi.

Mais parlez-nous un peu: C'est quoi, les dangers, à votre avis, de se replier sur un financement qui est complètement étatique, qui est complètement public?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Le problème majeur, c'est qu'avec un financement purement étatique il est très difficile, voire impossible d'arriver à un régime qui fait en sorte qu'on ne crée pas un incitatif financier pour des gens de se former en parti politique quand leur objectif n'est pas de devenir un parti politique, il est de bénéficier justement des deniers publics qui leur seraient accordés, parce qu'ils n'auraient qu'à remplir quelques formalités.

C'est très difficile, comme je l'ai dit, d'arriver à des critères sans imposer tout un régime très onéreux. Donc, en exigeant, en permettant un financement de la part des individus, de façon très modique -- 100 $, je ne sais pas combien exactement, là, que vous avez en tête, mais je sais que le projet de loi parle de 100 $ -- on permet aussi aux... on permet donc aux nouveaux partis de voir le jour. Et, comme je le dis, si les gens pensent que ce n'est pas suffisant pour les financer, on pourrait peut-être voir une contribution de deniers publics équivalents à ce qu'ils ramassent, ce qu'ils amassent eux-mêmes, jusqu'à la prochaine élection générale. Ils doivent se manifester et montrer leur pertinence aux prochaines élections générales pour voir s'ils obtiennent... s'ils réussissent à obtenir un soutien populaire.

Mais c'est l'obstacle principal. C'est finalement... C'est qu'on ne sait pas comment arriver à une définition pour faire en sorte qu'on s'assure qu'il n'y a que les gens qui ont vraiment l'intention de faire de la politique qui établissent un parti politique.

**(17 heures)**

M. Drainville: C'est un très bon point, et effectivement, si on décide de prendre cette route-là, il va falloir se poser la question: Comment est-ce qu'on évite justement ce... -- est-ce qu'on peut parler d'abus ou... en tout cas, cette tentation, tiens -- cette tentation d'abuser qui pourrait survenir?

Vous avez soulevé la question des nouveaux partis, donc les partis qui naissent avant l'élection, donc ils ne peuvent pas bénéficier du financement public, du moins du financement public basé sur les résultats électoraux. Est-ce que vous avez des... Vous avez évoqué ça tout à l'heure dans votre présentation, vous avez parlé d'une espèce d'appariement, hein, c'est ça? C'est-à-dire...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Justement, oui.

M. Drainville: Oui. Alors, donnez-nous plus de détails...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Bien, c'est seulement...

M. Drainville: ...là-dessus.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Oui. Pardon. Allez-y, M. le ministre.

M. Drainville: Oui, je vous demandais: Donnez-nous un peu plus d'explications là-dessus.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Oui. La recommandation que je faisais... -- la suggestion, devrais-je dire, parce que ce n'est pas une recommandation -- la suggestion que je faisais, c'est que, si on peut établir, d'après l'historique du développement des... ou de la mise à jour de nouveaux partis, si on peut établir que le financement qu'ils reçoivent est insuffisant pour vraiment les aider à partir, on pourrait considérer un appariement.

En d'autres mots, si je reçois 2 000 $ ou 10 000 $ une année, il reste un appariement des fonds publics pour un autre 10 000 $ pour leur permettre justement un envoi, un élan pour se préparer aux élections, développer des politiques, etc., faire les activités qui sont permises, sous la loi québécoise, aux partis politiques, mais seulement jusqu'à la prochaine élection. Par la suite, ils doivent démontrer leur pertinence en obtenant un appui public, un appui du public.

Mais, comme je l'ai dit, c'est seulement si vous êtes, d'après les chiffres que pourrait vous fournir le Directeur général des élections du Québec... c'est seulement que si on peut démontrer qu'ils ont une difficulté à s'établir avec un financement, surtout quand on réduit la contribution maximale à 100 $ par année.

M. Drainville: Je dois vous dire, M. Kingsley, qu'on est très sensibles à la situation des nouveaux partis et on cherche, on est en réflexion, tous et chacun autour de cette table, pour essayer de trouver une façon de répondre effectivement à ce que j'ai appelé tout à l'heure une imperfection, là. Alors, il faut trouver effectivement une façon d'être... appelons ça plus équitables envers les nouveaux partis, et on cherche une réponse à ça, et je trouve que la suggestion que vous faites est très intéressante.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Bien, j'y ai pensé quand je me préparais tantôt, c'est-à-dire quand je m'en venais à Montréal ce matin, puis je l'ai incluse dans mes notes parce que j'ai pensé: C'est une voie, une possibilité. Maintenant, il faut comprendre une chose: Même avec ce financement-là, même avec cet ajout de financement public, on ne peut pas avoir de système parfait. Il va toujours y avoir des lacunes dans ce qu'on tente d'établir. Mais il y a moyen de réduire ces lacunes au minimum.

M. Drainville: Oui, ça, c'est bien, c'est bien que vous nous le rappeliez parce que, dans ce dossier-là... Dans toutes les questions qui relèvent de la Loi électorale -- moi, j'apprends, là, beaucoup ces temps-ci, là -- ce que je réalise, c'est que chaque député a son opinion sur le sujet et, je dirais, chaque citoyen actif politiquement a son opinion sur ce qui devrait être un meilleur système électoral, un meilleur système de financement, un meilleur mode de scrutin. C'est des questions sur lesquelles les gens qui sont actifs politiquement ont tous une opinion. Ils sont convaincus qu'ils ont la meilleure solution, et, effectivement, tu ne peux pas arriver avec une solution qui va faire plaisir à tout le monde.

Et donc l'invitation que vous faites, dans le fond, c'est de prendre pour acquis que, peu importe la mouture finale du projet de loi, peu importe le compromis final sur lequel nous arriverons, il ne fera pas plaisir à tout le monde. Il y aura nécessairement un certain nombre d'insatisfaits. L'important, c'est d'essayer d'aller chercher le plus large consensus possible.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Tout à fait. Et ça ne vous surprendra pas d'apprendre qu'au niveau fédéral j'étais le mandataire parlementaire le plus sollicité devant un comité -- c'est ainsi qu'on les appelle -- un comité parlementaire, celui de la procédure, parce que les députés portaient un intérêt marqué à la chose électorale, et ça se comprend.

M. Drainville: Comment... Si on reprend votre suggestion, là, d'une sorte d'appariement, là, donc, pour les nouveaux partis donc qui recueilleraient un certain montant d'argent, qui serait égalisé, si on veut dire, là, dollar pour dollar, ou doublé dollar pour dollar par une allocation, par exemple du Directeur général des élections, qui pourrait permettre donc à ce nouveau parti d'avoir les fonds nécessaires pour participer à l'élection, vous y avez fait référence, comment est-ce qu'on s'assure qu'avec une formule comme celle-là on ne se retrouve pas avec des groupes qui décident de se lancer en politique, pas parce qu'ils veulent faire avancer le débat politique, pas parce qu'ils veulent faire avancer leur société mais tout simplement parce qu'ils veulent toucher l'argent public qui viendrait avec l'appariement, justement, là, qui viendrait avec le montant?

Reprenons l'exemple de tout à l'heure. Je pense que vous parliez... Vous disiez: Bon, bien, disons qu'un nouveau parti ramasse 10 000 $. Il aurait droit à 10 000 $ donc d'argent public. Je présume, je prends pour acquis qu'il y aurait un plafond, là, à ce versement-là, là. Mais comment est-ce qu'on s'assure justement que ça n'attire pas toutes sortes d'aventuriers qui veulent juste toucher aux fonds publics? Comment est-ce qu'on s'assure qu'il y a un certain nombre de critères qui fassent en sorte, là, que ceux et celles qui se lancent, que ces nouveaux partis qui apparaissent sont sérieux?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Écoutez, encore une fois, il n'y a pas moyen d'assurer ça à 100 %, mais je reviens à ce que je vous disais tantôt et je ne répéterai pas tout, mais l'expérience dont pourrait vous faire part le Directeur général des élections concernant la formation de nouveaux partis dans le passé et leur financement pourrait vous être instructive pour voir si, oui ou non, une somme provenant des deniers publics, ils devraient leur attribuer. Et vous pourriez établir que c'est 0,50 $ pour chaque dollar qu'ils réussissent à cueillir auprès des individus. Ça pourrait être 1 $ aussi.

Mais il n'y a pas moyen d'assurer, là. Sauf qu'il y a déjà dans la Loi électorale québécoise des critères pour l'établissement de partis et on ne peut pas en ajouter pour les nouveaux partis. Ce sont les critères qui sont pour tous les partis. Voilà. Et on prend un certain risque. Maintenant, il y a moyen d'obtenir des comptes, selon la Loi électorale québécoise, comment on utilise ces argents-là, et de surveiller ça de près en exigeant des rapports annuels comme tous les partis doivent les fournir présentement au DGE.

M. Drainville: Mais est-ce que vous suggéreriez, par exemple... Actuellement, pour être reconnu comme parti officiel au Québec, il faut que vous soumettiez essentiellement 100 noms. Alors, si vous avez 100 membres, avec les noms, les adresses, et tout ça, vous pouvez être reconnu comme parti officiel, Et donc, en vertu de cette logique-là, vous pourriez commencer à recueillir des fonds auprès de vos membres puis auprès du grand public, qui vous donnaient droit, donc... qui vous donneraient droit, dis-je bien, à un montant d'argent public. Est-ce qu'à votre avis, si on met sur pied un système comme celui-là, il faudrait rendre plus exigeantes les conditions de reconnaissance de ces nouveaux partis, parce que, justement, avec cette reconnaissance vient la possibilité d'obtenir du financement public avant l'élection?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je crois que ce serait difficile d'établir des critères plus exigeants. La Constitution canadienne déclare que le droit d'association est un droit constitutionnel. La Cour suprême s'est prononcée justement sur la définition de parti politique et elle a pris une attitude très, très -- je vais me servir du mot «libérale», là, dans son sens littéraire et non pas politique -- libérale qui fait en sorte qu'au niveau fédéral on n'a seulement qu'à parrainer une candidature, et voilà, le tour est joué pour s'établir comme parti.

Donc, ça va être très difficile d'établir des critères additionnels. Il y a peut-être moyen de le faire, mais il faudrait certainement considérer l'impact que ça aurait et si c'est conforme avec la Constitution canadienne. Mais je crois que le système pourrait fonctionner, puisque, déjà, on pourrait dire qu'il y a des partis qui peuvent s'établir pour profiter du 100 $ que contribueraient des citoyens et des citoyennes. Déjà, il y a peut-être un incitatif.

Alors, je ne crois pas que l'incitatif soit de beaucoup plus grand et qu'on créerait davantage de situations où les gens voudraient en profiter. Mais c'est là où les rapports annuels fournis au DGE, qui pourrait exercer un contrôle... Il faudrait prévoir des mesures qui disent que, si on peut démontrer qu'un parti n'existe pas pour des raisons politiques, on peut entreprendre des mesures pour effectivement permettre que ce parti-là soit aboli, soit rayé de la carte.

**(17 h 10)**

M. Drainville: Très bien, M. Kingsley. Mon temps est écoulé, alors merci beaucoup pour l'échange, et je vais maintenant céder la parole au président de la commission.

Le Président (M. Pagé): Merci beaucoup, M. Kingsley. Alors, maintenant, pour les 22 prochaines minutes, vous allez vous entretenir avec l'opposition officielle. Et j'entends, je pense, dans un premier temps, le député de Beauce-Sud, qui va s'entretenir avec vous.

M. Dutil: Merci, M. le Président. Alors, M. Kingsley, un des débats que nous avons ici, c'est sur le plafonnement qui est actuellement de 11,5 millions. On comprend qu'au niveau canadien le plafonnement doit exister mais être beaucoup plus haut, parce que ce n'est pas la même situation. Et actuellement il y aurait une baisse, avec le projet de loi, importante du financement. Donc, on estime qu'il faut que le plafonnement soit ajusté en conséquence, et, pour l'instant, il n'y a pas cette chose-là dans le projet de loi.

Est-ce qu'actuellement, au Canada, il y a un plafond? Est-ce que le plafond a été augmenté, abaissé ou tenu en compte versus la formule de financement?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Le plafond n'a pas été modifié, à cause des sources de financement, puisque la formule qui avait été mise sur pied tenait en compte le niveau de dépenses avec le plafond qui existait. Le plafond équivaut, je crois, présentement à quelque 20 millions de dollars pour une campagne fédérale d'un océan à l'autre et à l'autre. Le Québec comporte environ 23 %, 24 % de la population du Canada, et donc, si on fait une... toutes proportions gardées, on parle d'une possibilité...

M. Dutil: ...dollars.

M. Kingsley (Jean-Pierre): ...mutatis mutandis d'environ 5 à 6 millions comme plafond raisonnable, selon moi, pour le Québec.

Maintenant, j'ai cru comprendre que c'était un sujet qui devait faire l'objet d'une considération avec un autre projet de loi, et, à ce moment-là, je me préparerai davantage en conséquence de cette discussion-là.

M. Dutil: D'accord. Mais c'est parce que, vous comprenez, on établit les revenus, là, puis les dépenses ne sont pas incluses. Mais là ce que vous nous donnez, c'est une indication, si on le faisait proportionnellement, de ce que ce serait ici, là, 20 millions, 23 %, 4,6 millions. Évidemment, moi, j'estime que plus tu rapetisses le territoire, moins tu as d'économie d'échelle, parce que les... J'imagine qu'une publicité ne coûte pas nécessairement quatre fois plus cher à la TV, même si elle est étendue au niveau national. Mais, en tout cas, ça, c'est un autre problème. Le calcul peut se faire.

Il y avait et il y a encore, dans les contributions qui sont données par les individus, un crédit d'impôt. Ça existe encore. Le projet de loi veut l'enlever. On pense qu'on pourrait remplacer les crédits d'impôt, qui sont accordés pour donner un encouragement aux petits dons, par un appariement ou un montant qui serait donné par le Directeur général des élections aux partis, en fonction des dons qui sont donnés et non pas seulement en fonction des votes. Quelle serait votre opinion là-dessus?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Écoutez, il faut comprendre tout de suite que le crédit d'impôt qui s'élève, je crois, à 75 % présentement, si on l'appliquait aux 100 $, ferait en sorte qu'une personne ne donne que 25 $, donc ça créerait un incitatif très important pour que les gens donnent le 100 $, qui serait le nouveau plafond.

M. Dutil: C'est le cas actuellement. C'est le cas, M. Kingsley. Au fédéral, c'est le cas actuellement. Moi, ce que j'ai...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Justement, c'est le cas au fédéral.

M. Dutil: Ce que j'ai ici, au fédéral, c'est que c'est 75 % de crédit d'impôt pour le premier 400 $, 50 % pour le deuxième 400 $, et plus 33 % ensuite, là. C'est ce qui se passe. Nous, au...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je suis d'accord. Mais je croyais que le pourcentage, au Québec, était également de 75 % sur...

M. Dutil: Oui.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Puisqu'on parle maintenant de seulement que 100 $, je ne sais pas quel est le pourcentage au Québec.

M. Dutil: Bien, là, il serait à zéro, là. Là, le ministre suggère de ne plus donner aucun encouragement aux dons privés, là, c'est-à-dire donc de...

M. Kingsley (Jean-Pierre): J'ai compris cela. C'est afin d'augmenter le financement public aux partis, si j'ai bien compris la mesure.

M. Dutil: Oui, le financement public par les votes. C'est un financement public.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Justement.

M. Dutil: Le crédit d'impôt, c'est un financement public. On est d'accord là-dessus?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Oui.

M. Dutil: Donc, on transporte le financement public du crédit d'impôt vers le financement public du nombre de votes obtenus.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Justement.

M. Dutil: Bon. La question que je pose, c'est: Est-ce qu'on doit vraiment éliminer complètement le financement public aux individus, qu'on faisait pour les encourager, pour le transporter vers les votes?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Bien, c'est ce que je répondais quand j'ai dit que, quand on offre un crédit d'impôt, c'est une mesure incitative. Puis, si on avait un crédit d'impôt qui disait: 50 % du 100 $ vous est attribué, donc ça veut dire que la personne fait un chèque de 100 $ mais elle reçoit en sorte... elle ne fait... elle ne dépense que 50 $ puisqu'il y en a 50 $ qui vont lui revenir, advenant qu'elle paie des impôts, évidemment.

M. Dutil: Exactement.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Donc, c'est un incitatif, et ça augmenterait le montant des contributions. Mais, en même temps, ça voudrait dire que ça coûterait plus cher pour instaurer le régime que vous tentez d'instaurer.

M. Dutil: Ça dépend si, à ce moment-là, on passe peut-être moins d'argent vers les contributions en fonction des votes. Mais ce que je veux dire, c'est que: En principe est-ce que vous estimez qu'on doit abolir les crédits d'impôt sans égard à la question du coût global que ça pourrait générer, là? Est-ce que le principe vous fait dire: Non, non, il ne faut pas... il ne faut plus donner de crédit d'impôt au monde parce que c'est des voleurs, des bandits, puis ils vont vendre leurs contributions, et il va y avoir des prête-noms -- puis il y a un risque réel...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je pense que...

M. Dutil: ...puis il y a un risque réel, on ne dit pas qu'il n'y a pas un risque réel -- et donc tout transporter sur le plan public?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Oui. Je ne crois pas que l'on doive éliminer les crédits d'impôt mais je crois qu'il va y avoir un certain impact, puis je ne crois pas qu'il va être majeur puisqu'en réduisant la somme maximale à quelque 100 $, ce que les partis vont vouloir faire, c'est augmenter le nombre de personnes qui vont contribuer. C'est là que va être la motivation. Je l'ai vu au fédéral quand les conservateurs ont réduit le montant maximal à 1 000 $. Ils étaient devenus les experts dans l'obtention de contributions de 1 000 $. Et puis ce que les partis politiques au Québec vont faire, c'est qu'ils vont développer une expertise -- du moins, je le souhaite, et je crois que les plus futés vont certainement faire cela -- pour aller chercher le plus de 100 $ possible...

M. Dutil: Oui, mais ce qui est...

M. Kingsley (Jean-Pierre): ...auprès évidemment de plus de gens possible. Et je ne...

M. Dutil: D'accord. Ce qui est sain à mon sens.

M. Kingsley (Jean-Pierre): ...crois pas que la somme de... Je ne crois pas que la somme de 100 $ va sembler excessive aux gens comme contribution pure et simple.

M. Dutil: O.K. Mais c'est sain, là. On est d'accord que ça, c'est sain que les partis essaient d'aller chercher plus de contributions de moindres montants. Sain, s-a-i-n.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Tout à fait. Tout à fait, parce que, voyez-vous, comme la commission royale de 1990 avait démontré, au niveau fédéral, il y avait de moins en moins de gens qui adhéraient à des partis politiques précis. En quelque sorte, on faisait un marchandage. Le citoyen moyen décidait, à chaque élection, avec quel parti il s'acoquinait ou quel parti il était pour appuyer.

M. Dutil: ...le mot «acoquiner», là.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je ne crois pas que l'on puisse changer cette valeur-là qu'ont les gens de ne pas nécessairement adhérer à un parti politique, mais il y a certainement moyen de faire en sorte -- en permanence -- qu'ils adhèrent et qu'ils veulent contribuer à un parti politique, du moins un certain montant de tant, en fonction de leurs besoins, en fonction de ce qu'ils considèrent être la direction qu'ils veulent voir suivre le Québec.

M. Dutil: C'est beau. Maintenant, il y a un autre point qui existe au fédéral, qui est la contribution entraînant la divulgation du donateur. En bas de 200 $, il n'y avait pas de divulgation publique du donateur et, en haut de 200 $, il y avait une divulgation. Que pensez-vous de cette mesure-là?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Écoutez, moi, je... Avec les moyens que l'on a aujourd'hui, avec les ordinateurs, avec tout ce qu'on a au bout du bras quand on... avec les téléphones intelligents, on peut avoir une liste électorale de tout le Québec au bout de notre main, je pense que la divulgation de tout, en fonction des règles qui existent au Québec, c'est la route à suivre, surtout pour éliminer justement le phénomène que vous tentez d'éliminer, qui est à la source de cela, là, l'histoire de prête-noms. En faisant une divulgation d'absolument tout, il va y avoir moyen de suivre tout, et les médias vont se spécialiser là-dedans et alimenter la discussion publique.

M. Dutil: D'accord. Alors, je vous donne l'argument qui nous a été servi par quelques personnes: La divulgation de tout, c'est comme dire le secret du vote, et il y a des gens qui refusent de donner parce qu'ils ne veulent pas que leurs noms soient connus, et ça n'a rien de malveillant. Même des petites sommes, 10 $, 15 $, 20 $, ou 30 $, ou 50 $, ils refusent de donner, en disant: Non, non, regarde, tu ne me mettras pas sur une liste où tout le monde va pouvoir m'écrire une lettre de bêtises, ou je vais perdre mes clients parce que je ne suis pas dans leur parti politique, et ainsi de suite.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Oui. Moi, j'espère qu'on s'oriente vers un système où, un jour, il n'y aura plus de rapprochement de fait entre une contribution à un parti politique et l'obtention d'un poste, l'obtention d'une nomination ou quelle que soit la considération. Quand on est rendu...

M. Dutil: M. Kingsley, est-ce que vous dites ça sérieusement, là? Je vais vous...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Tout à fait. Tout à fait.

**(17 h 20)**

M. Dutil: Je vais vous dire pourquoi...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Maintenant, maintenant... Et je pense qu'à un moment donné... on va venir à un moment donné où une personne va donner à un parti politique un jour et même à un candidat d'un autre parti.

M. Dutil: Oui, d'accord, c'est ce qu'on nous a reproché hier. J'ai passé quasiment pour un bandit parce que j'avais donné une cotisation en 1977 au Parti québécois et que deux...

Une voix: ...

M. Dutil: Non, effectivement, j'exagère. J'exagère?

Une voix: On vous a vu.

M. Dutil: J'exagère.

Une voix: On a même... Si vous voulez donner à ma...

Le Président (M. Pagé): À l'ordre! À l'ordre!

M. Dutil: Alors, je me reprends. Je me reprends. À l'époque, j'avais donné 100 $ parce que je trouvais formidable le système de financement des partis politiques, mais j'étais contre la souveraineté, donc je ne voulais pas être membre, mais c'est parce que l'interlocuteur qui était devant nous disait que quelqu'un qui donne doit être membre, parce que, sinon, c'est un faux jeton, tu sais? Bon, mais il y a bien des raisons de donner à un parti politique, qui peuvent aller de l'amitié, de la satisfaction du travail du député dans le comté, en passant par bien d'autres choses qui sont bien, à mon sens, puis qui ne devraient pas entraîner d'indignité.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Et encourager un individu, un député ou une députée qui, selon nous, fait excellemment son travail, c'est une autre raison très valable. Et je l'ai vu au fédéral, où il y a des gens qui ont donné à trois ou quatre candidats, lors d'une élection, de différents partis.

M. Dutil: Oui. Maintenant, en terminant, moi, je fais une remarque, là, ça ne sera pas une question, je vais passer la parole à mes collègues qui ont envie d'intervenir également, mais je fais une remarque. Pour empêcher que les gens fassent un rapprochement entre un don à un parti politique et un poste, ou un contrat, ou etc., il faudrait faire une loi qu'on... appellerait ça une censure de la presse, puis ça n'arrivera pas. Alors, on ne fera pas ça.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Non. La censure de la presse, là, je ne toucherais pas à cela...

M. Dutil: Non.

M. Kingsley (Jean-Pierre): ...avec une pôle de 10 pieds.

M. Dutil: Alors, c'est pour ça que je vous dis ça. C'est que, malheureusement, ces rapprochements-là ne devraient pas se faire, mais ils se font... pas que... et là je parle de la presse, mais on pourrait parler des individus et de la société en général. Vous savez, la raison pour laquelle il n'y a pas de divulgation des rapports d'impôt des gens, c'est parce qu'il existe quelque chose qu'on appelle la jalousie, dans la vie, la diffamation, etc., dans la société, et qui a fait qu'on a dit: Bien, regarde, si on n'a pas de secret fiscal, ça va être le bordel, ça va être le bordel. Donc, on a accepté qu'il y ait un secret fiscal. C'était ma dernière remarque avant de demander au président de passer la parole à mon collègue.

Le Président (M. Pagé): Alors, je comprends que la parole est passée au député de Marguerite-Bourgeoys. Je vous écoute.

M. Poëti: Oui. Bien, écoutez, ce serait peut-être juste pour terminer et renchérir sur la question de mon collègue à l'effet que vous avez dit: Il y a aujourd'hui tellement de facilité d'obtenir l'information par Internet, on n'est jamais plus loin qu'un ordinateur, on peut obtenir l'information en claquant des doigts. Je pense que les gens qui donnent 100 $ ou qui donneraient 200 $ ou 100 $, de ne pas se retrouver sur une liste de donateurs, parce que, malheureusement... il me semble que vous êtes idéaliste, peut-être que c'est exact, mais de penser qu'ils n'auront jamais de préjudice...

La dernière campagne électorale a démontré clairement, avec les médias sociaux, que ce soit Twitter ou autre chose, qu'il y a des gens qui, à la limite, non seulement ont été interpellés d'une façon vulgaire et déplacée, mais même menacés parce qu'ils affichaient un propos ou une ligne directrice de parti.

Alors, lorsqu'on parle d'un don... Quand vous dites: J'espère qu'il n'y a pas quelqu'un qui pourrait perdre son poste ou qui n'aurait pas une job -- en fait, c'est les termes que vous employez -- qui n'aurait pas un travail parce que son allégeance politique serait reconnue sur le fait qu'il a donné un don, moi, je veux juste vous dire qu'il y a peut-être des gens, actuellement, qui ont perdu leur poste parce qu'ils avaient une allégeance politique différente du parti au pouvoir actuellement.

Alors, je pense que, pour protéger les donneurs qui encouragent un parti politique, parce que, justement, l'effet pervers de la facilité des médias électroniques... Moi, je pense que... Je ne sais pas, mais vous ne pensez pas, avec cette réflexion-là, qu'on pourrait ou on devrait les protéger?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Écoutez, c'est un compromis comme toute la Loi électorale est un compromis, mais je prêche en faveur de la divulgation publique. D'ailleurs, ça sortirait à un moment donné avec les lois d'accès à l'information, et puis je suis en faveur de ça. Évidemment que ça introduit un effet négatif sur la volonté des gens de contribuer, mais il faut composer avec cela. Évidemment qu'il y a un certain idéalisme qui m'anime quand je parle de ce que je pense qui pourrait se produire avec une contribution maximale de 100 $ où les rapprochements ne se feraient plus. Mais c'est le plus beau reproche qu'on m'a fait dans ma vie: c'est que je suis encore idéaliste.

M. Poëti: Y a-t-il... Vous n'êtes pas obligé de répondre, mais utilisez-vous les médias sociaux, Twitter, Facebook?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je me sers principalement de mon ordi pour les courriels et aller chercher ce que je veux aller chercher.

M. Poëti: C'est bon. Merci.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Mais je ne participe pas activement sur Twitter, personnellement.

M. Poëti: Bien, c'est ça, mais alors je...

M. Kingsley (Jean-Pierre): J'ai refusé de faire cela...

M. Poëti: C'est parce que... Oui, bien, mon collègue dit: Continuez de cette façon-là, c'est probablement la meilleure. Mais c'est parce que, justement, si on l'utilise moins, on est moins au courant de ça, mais il y a eu des débordements sociaux importants au Québec, au cours de la dernière année, justement causés par la facilité. Et, lorsqu'on décide de publier des listes de noms, on met de la culpabilité par association, on sous-entend toutes sortes de choses sans fondement. Ils n'ont pas la rigueur des médias, évidemment, les médias qui sont reconnus au Québec. C'est pour ça que j'ai une réserve avec ceci. Mais merci de votre réponse.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je vous comprends. Je vous comprends. Et c'est pour ça que je dis: C'est un compromis, c'est une façon de voir les choses, il y en a une autre, et puis je la comprends.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie. M. le député, vous aviez encore quelques minutes. Non? Ça va aller pour l'opposition officielle? Alors, j'entendrais le deuxième groupe d'opposition. Vous disposez d'un petit peu plus... de 5 min 30 s.

M. Deltell: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Pagé): M. le député de Chauveau.

M. Deltell: Merci, M. le Président. M. Kingsley, à mon tour de vous saluer. Merci beaucoup. Comme étant un observateur de la scène politique depuis des années, c'est avec un petit peu de nervosité que je m'adresse à l'ancien président des élections... le Directeur général des élections au Canada. Bonjour, M. Kingsley. Très honoré de vous parler. Je voulais...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Bien, je vous remercie.

M. Deltell: Je voulais aborder avec vous un point qui, pour nous, notre formation politique, la Coalition avenir Québec, est important, c'est la question du plafond des dépenses électorales. On sait qu'actuellement le plafond est situé à environ 11,5 millions de dollars. Nous, on estime que c'est beaucoup trop. On a fait une proposition à 4 millions de dollars.

Le Parti libéral, l'opposition officielle, a fait une proposition, elle, à 7,5 millions de dollars. Le gouvernement, actuellement, ne veut pas prendre position au moment où on se parle sur cette question-là, préfère reporter ça à un peu plus tard. C'est leur droit et c'est leur choix, et on les respecte là-dessus. J'aimerais savoir, vous, de votre côté, puisque le projet de loi propose de diminuer radicalement les dons privés à 100 $ -- on parle quand même d'une diminution radicale parce qu'on parle de 1 000 $ à 100 $ -- estimez-vous qu'il serait de mise de faire justement un effort de réduction quant au plafond des dépenses électorales?

M. Kingsley (Jean-Pierre): Bien, écoutez, moi, je ne sais pas à combien se chiffrent les dépenses actuelles des partis au Québec lors d'une élection générale.

M. Deltell: Si je peux me permettre de vous donner...

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je sais que le plafond est 11,5 millions, mais quelle est la réalité sur le terrain?

M. Deltell: O.K. Si je peux me permettre de vous éclairer là-dessus, notre formation politique a dépensé 2,9 millions de dollars pour obtenir presque 1,2 million d'électeurs... de votes, pardon, donc 27 %. Les autres partis, on n'a pas leurs chiffres encore mais évidemment c'est beaucoup plus.

Une voix: ...

M. Deltell: Bon, le député de Beauce-Sud affirme que le Parti libéral a dépensé 8,6 millions de dollars. Je ne sais pas si on peut avoir la répartie du côté du gouvernement. Bon, ça viendra peut-être plus tard. Mais, en fait, vous voyez, cet ordre de grandeur là.

Donc, nous, on estime qu'avec un plafond actuellement à 11,5 millions c'est beaucoup trop élevé. Nous avons fait une campagne nationale à 2,9 millions avec un score on ne peut plus honorable de 27 %. Nous, on pense qu'on devrait baisser. C'est ça, l'ordre de grandeur.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Bien, écoutez, j'ai mentionné tantôt qu'au fédéral c'est environ 20 millions. C'est peut-être un peu plus, là, avec l'indexation qui se fait d'élection en élection, en fonction du coût de la vie. Bien, c'est peut-être un peu plus. Je faisais un rapport entre cela et la population du Québec versus la population du Canada. Je disais: Ça pourrait se chiffrer entre 5 et 6 millions, mais ça se peut qu'à cause justement des coûts des médias ça devrait se chiffrer davantage. Je ne le sais pas.

Si j'avais une recommandation à vous faire, j'irais voir combien coûtent les médias au Québec en fonction de vos besoins, des besoins des partis et je viserais évidemment à réduire le montant. Je trouve 11,5 millions quand même élevé, et il faudrait pouvoir abaisser ce montant-là à un montant qui serait raisonnable, qui serait jugé raisonnable par principalement les trois partis et par le public aussi.

Il faut associer le public à ces choses-là. Il faut qu'ils sachent combien les partis dépensent, voir s'ils sont d'accord avec ce montant de dépenses là, parce qu'ils savent d'où vient l'argent: soit que ça vient de leurs contributions individuelles ou soit que ça vient des fonds publics. Donc, c'est ainsi que je ferais la démarche. Je n'ai pas de chiffre plus précis que cela à vous suggérer et je ne peux pas vraiment me prononcer en faveur du montant que vous avez dit ou contre parce que je ne connais pas ce qui se passe vraiment, sauf ce que vous m'avez dit jusqu'à maintenant.

**(17 h 30)**

M. Deltell: Je vous remercie beaucoup, M. Kingsley. Merci bien.

Le Président (M. Pagé): Est-ce qu'il y avait d'autres questions de la part du député de Chauveau? Non? Je comprends que vous avez complété votre temps?

Alors, je vous remercie, chers collègues. Merci beaucoup, M. Kingsley, pour votre participation via la téléphonie. On aurait bien aimé vous avoir avec nous, mais votre participation a été fort appréciée. Merci beaucoup.

M. Kingsley (Jean-Pierre): Je vous en prie. Merci beaucoup à tous et à chacun.

M. Drainville: Merci, M. Kingsley. Merci beaucoup.

M. Kingsley (Jean-Pierre): O.K. Au revoir.

Le Président (M. Pagé): Alors, chers collègues, c'est ce qui met fin aux différentes consultations que nous avions à faire dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi n° 2.

Remarques finales

J'invite maintenant le porte-parole de la deuxième opposition, le député de Chauveau, à formuler ses remarques finales pour un deux minutes, s'il vous plaît. M. le député de Chauveau.

M. Gérard Deltell

M. Deltell: Merci, M. le Président. Alors, je pense qu'on a eu droit à un exercice extrêmement intéressant par la qualité des gens qui étaient... qui ont été appelés à témoigner, mais aussi par la qualité des interventions de tous et chacun ici, quelque parti que ce soit. Les questions étaient pertinentes, et puis on est vraiment allés au fond des choses, et je suis très heureux de cette consultation-là.

Vous aurez compris, M. le Président, et je n'aurai de cesse de le répéter jusqu'à l'adoption de ce projet de loi, on a posé la question à tous les intervenants concernant la question du plafond des dépenses électorales, et tous, sans exception, ont relevé qu'en effet ce serait de mise de baisser le plafond des dépenses électorales. Maintenant, à quel montant? De quelle façon le faire? C'est à nous à le décider. Mais je crois qu'il y a un consensus au sein de la population du Québec concernant les dépenses électorales. Si ce projet de loi s'adresse aux revenus, on doit également s'adresser aux dépenses; l'un va avec l'autre. Et je persiste à dire qu'on devrait le faire dans ce projet de loi.

À partir du moment où l'opposition officielle, le Parti libéral, a également fait une proposition pour baisser le plafond, je souhaite ardemment que le parti gouvernemental, le parti ministériel, le Parti québécois, les héritiers de René Lévesque endossent le mouvement et soient eux aussi au diapason de la population du Québec pour qu'on puisse s'entendre sur un plafond de dépenses électorales qui serait beaucoup moins élevé qu'il ne l'est actuellement, et je pense qu'une belle discussion entre nous permettrait d'atteindre un chiffre qui ferait consensus et qui surtout serait accepté avec plaisir par les contribuables du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie, M. le député de Chauveau. Et également, pour les remarques finales, le député de Beauce-Sud. Vous disposez d'un temps de cinq minutes.

M. Robert Dutil

M. Dutil: Merci, M. le Président. Effectivement, je pense que ça a été instructif de faire ces consultations. J'ai participé, en 2010, aux consultations parce que je remplaçais, à ce moment-là, M. le ministre Béchard, le regretté Claude Béchard, qui est décédé et qui était malade à ce moment-là. D'ailleurs, j'avais participé à l'ensemble des consultations. Et je pense que, depuis ce moment-là de 2010, il y a eu une saine évolution. Et il y a beaucoup de points qui nous permettent de nous rapprocher des objectifs que l'on vise avec un financement de partis politiques. Ce qu'on veut -- puis je pense que les critères ont été bien établis -- c'est que ce soit équitable, on veut que ce soit transparent et on veut permettre à ceux qui veulent faire de la politique, même s'ils n'existent pas, de pouvoir le faire, donc d'assurer, de permettre l'émergence d'autres mouvements qui ne vont pas nécessairement dans l'intérêt des gens qui sont autour de la table, ici. Mais je pense qu'on est tous des gens qui sont, d'abord et avant tout, foncièrement démocrates et on veut que les autres puissent s'exprimer, même si leurs opinions ne sont pas les mêmes.

Je pense qu'au Siècle des lumières... je pense que c'est Voltaire qui disait: Monsieur, je suis en total désaccord avec ce que vous dites, mais je me battrai à vos côtés jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. Ça fait que je pense qu'on est tous d'accord là-dessus, puis c'est un des principes les plus importants de notre démocratie ici, à l'Assemblée nationale. Les jeunes ne se rendent pas compte de la collaboration qui existe entre les parlementaires malgré nos différences d'opinions. Ils ne se rendent pas compte de ça. On le fait couramment: 80 % de nos lois sont adoptées à l'unanimité. Et malheureusement ce qu'on voit et ce que les gens constatent, c'est lorsqu'on n'est pas d'accord. Puis ça arrive effectivement qu'on a des échanges assez vigoureux sur nos désaccords, mais ce n'est pas anormal. Dans un système démocratique, ça se fait verbalement, ça se fait vigoureusement, mais ce n'est jamais... ce n'est pas personnel, premièrement, puis ce n'est jamais violent, et c'est la grande richesse de notre démocratie. Donc, ce qu'on recherche, là, c'est un accord unanime de tous les partis politiques qui sont présents pour trouver une façon où c'est équitable et transparent.

Il nous reste, je pense, certains désaccords, certains points de rapprochement. On aura à rencontrer le Directeur général des élections dans le comité consultatif duquel j'attends beaucoup. De mon expérience, le comité consultatif, où les partis sont là avec le DGE, permet de faire des discussions de fond puis de faire des rapprochements qui nous amèneraient vers la solution qui serait la meilleure, que ce soit en termes de plafonnement du total, de plafonnement individuel, de crédit d'impôt, ou de contribution de l'État, ou etc.

On a tous les éléments, je pense, pour que des gens de bonne volonté -- et je pense que nous sommes de bonne volonté de part et d'autre -- on arrive à une entente et qu'on soit tout à fait, tout à fait d'accord. Je ne dis pas que ça ne voudra pas dire qu'il n'y aura pas de compromis. Il peut arriver que, dans la discussion, sur certains points, on aimerait mieux quelque chose d'autre, mais on accepte de faire un compromis parce que ce n'est pas l'élément essentiel de notre argumentation, et je pense qu'on peut avoir... on peut attendre la même chose des autres partis politiques, c'est-à-dire que, lorsqu'il s'agit d'éléments auxquels nous, on tient beaucoup puis eux tiennent moins -- et c'est l'art de la discussion -- à la fin, à la fin, le compromis que l'on trouve n'est pas nécessairement la solution que nous aurions prise, chacun d'entre nous, mais est quelque chose d'acceptable pour le mieux-être de notre démocratie.

Moi, ce que je souhaite, c'est qu'à la prochaine élection on n'ait plus à parler de financement des partis politiques, que ce soit derrière nous, qu'à la prochaine élection ce que l'on va faire, c'est qu'on va sur le terrain, on parle de nos objectifs, de ce que l'on souhaite faire comme programmes de partis politiques et qu'on demande à la population de trancher entre les diverses opinions des partis politiques et de leurs programmes et non pas d'allégations diverses sur l'honnêteté ou la malhonnêteté.

Le ministre le disait, il considère que les gens malhonnêtes, c'est rare, il n'y en a pas beaucoup, puis, dans le Parlement, je pense que tout le monde est venu ici de bonne foi puis ne cherche pas son intérêt personnel, mais cherche vraiment le service public. Il y aura toujours des brebis galeuses puis des pommes pourries, malheureusement, et ça entache la réputation de tout le monde, mais tous les élus que je rencontre veulent le bien public. Ils veulent l'amélioration de notre situation, et c'est ce que j'espère que nous allons trouver à la fin de cet exercice-là, si possible avant le 7 décembre, puis sinon, bien, on prolongera la session puis on finira ça avant que le 31 décembre arrive pour régler la question, entre autres, des crédits d'impôt. Merci.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie beaucoup, M. le député de Beauce-Sud. Maintenant, pour les dernières remarques, celles du ministre pour cinq minutes également. M. le ministre.

M. Bernard Drainville

M. Drainville: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, moi aussi, je trouve que nous avons eu des très, très bonnes consultations. Je nous félicite collectivement pour le climat dans lequel ça s'est fait. Moi, j'ai trouvé ça très instructif. Je pense qu'on a beaucoup appris et je pense qu'on a probablement trouvé également matière à des ajustements, des améliorations. Nous allons en discuter, comme l'a si bien dit le député de Beauce-Sud. Alors, je pense qu'on a trouvé là-dedans matière à réflexion et matière à amélioration de notre projet de loi. Je note que l'ensemble des groupes -- je ne pense pas exagérer si je le dis comme ça -- l'ensemble des groupes appuie le principe qui sous-tend le projet de loi, c'est-à-dire de réduire l'influence de l'argent sur la politique. Je ne pense pas exagérer également si je dis que l'objectif d'éliminer le système des prête-noms et l'objectif d'éliminer également le pouvoir pernicieux des collecteurs de fonds est largement partagé.

Je pense que, de façon générale, les gens qui sont venus nous parler et qui sont venus témoigner considèrent que le projet de loi n° 2 est un projet de loi qui est positif pour le renforcement de la démocratie. Le Directeur général des élections a été très clair là-dessus. Je le souligne de par l'importance que cette fonction... que cette institution occupe dans notre démocratie. Il a parlé de l'effet bénéfique sur les prête-noms. Il a souligné également que le financement public des partis est un bon moyen pour lutter contre la corruption et pour limiter également l'influence de l'argent sur les politiciens.

**(17 h 40)**

Réduction du plafond des dons, en général c'est un objectif plutôt aussi partagé. Et on propose, nous, une approche qui est mitoyenne, c'est-à-dire qu'on y va... on garde la dimension populaire du financement, on ne propose pas un système de financement public à 100 %. Donc, je pense qu'on conjugue assez bien la liberté d'expression, d'un côté, donc, le droit de faire un don comme citoyen, avec l'objectif, d'autre part, de mettre fin à la pratique des prête-noms. Ce maintien du financement populaire, je pense qu'il s'inscrit bien dans le prolongement du projet de loi n° 2 de Lévesque et de Burns de 1977. Donc, on maintient cette dimension-là.

Par ailleurs, on l'aura noté, on l'aura vu, dans un contexte où c'est de plus en plus difficile d'aller chercher du financement populaire, c'est de plus en plus difficile de convaincre les gens de nous faire des dons, le financement public est perçu encore une fois, de façon générale... Il y a des exceptions, mais je pense que, de façon générale, on peut dire, à travers les témoignages qu'on a eus, que le financement public est perçu comme une bonne proposition.

Il faut noter, et je l'ai déjà fait, je le reconnais d'emblée, que, pour les partis émergents, il y a une perception que le projet de loi ne répond pas à leurs besoins, qu'il y a un... qu'il va falloir proposer des mesures afin d'obtenir davantage d'équité pour les partis émergents. Donc, je nous convie à cette réflexion, à cette discussion-là, et je pense qu'il va falloir trouver des solutions.

Par ailleurs, les petits partis qui sont venus témoigner ont donné leur appui modulé, avec réserve, avec des bémols, Mais, sur le principe général, sur la mouture générale du projet de loi, ils ont donné leur appui, donc, à ce projet de loi n° 2.

Sur la question du plafond des dépenses, je dis et je redis que nous sommes ouverts à en discuter, et nous allons trouver un accord là-dessus, j'en ai la conviction profonde.

Et je conclus en prenant le relais du député de Beauce-Sud et du député de Chauveau également. Je pense qu'effectivement nous sommes des parlementaires de bonne volonté, je pense que nous sommes ici pour l'intérêt de nos concitoyens et je pense que nous allons trouver tous ensemble un compromis qui va nous permettre de faire adopter ce projet de loi avant Noël pour qu'il puisse être en oeuvre pour le 1er janvier prochain. J'en ai la conviction profonde et je nous souhaite bonne chance dans les discussions ultérieures, que nous allons avoir dans quelques minutes, d'ailleurs, autour du... au sein du comité consultatif du Directeur général des élections.

Le Président (M. Pagé): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, je remercie l'ensemble des collègues, effectivement, pour le climat dans lequel se sont passées ces consultations. Ça a été une belle commission jusqu'à maintenant, et je vous félicite, chacun d'entre vous, de toutes formations politiques. Merci.

Alors, la commission, ayant accompli son mandat, ajourne ses travaux sine die. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 43)

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