To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

40th Legislature, 1st Session
(October 30, 2012 au March 5, 2014)

Monday, December 2, 2013 - Vol. 43 N° 101

Special consultations and public hearings on Bill 61, An Act mainly to recover amounts paid unjustly by public bodies in relation to certain contracts in the construction industry


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions (suite)

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

Association de la construction du Québec (ACQ)

Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ)

Intervenants

M. Luc Ferland, président

M. Bertrand St-Arnaud

M. Gilles Ouimet

M. Guy Ouellette

M. Jacques Duchesneau

M. Daniel Ratthé

Mme Rita de Santis

*          M. Daniel Lebel, OIQ

*          Mme Christine O'Doherty, idem

*          Mme Manon Bertrand, ACQ

*          M. Pierre Hamel, idem

*          Mme Johanne Desrochers, AICQ

*          M. Patrice Morin, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Quatorze heures trois minutes)

Le Président (M. Ferland) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes présentes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de vos téléphones cellulaires.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 61, Loi visant principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des organismes publics relativement à certains contrats dans l'industrie de la construction.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Marsan (Robert-Baldwin) sera remplacé par M. Ouellette (Chomedey).

Auditions (suite)

Le Président (M. Ferland) : Merci beaucoup. Alors, cet après-midi, nous recevons l'Ordre des ingénieurs, l'Association de la construction du Québec et l'Association des ingénieurs-conseils du Québec.

Alors, sans plus tarder, nous accueillons les représentants de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous identifier et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, en vous mentionnant… Et déjà j'ai le consentement des parties pour vous accorder au-delà du 10 minutes que vous avez habituellement, même, si vous voulez déborder. On va vous permettre de prendre le temps de bien faire les choses et de présenter votre mémoire.

Alors, je vous cède la parole. Je crois que c'est M. Lebel ou…

Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ)

M. Lebel (Daniel) : Oui. Lebel, oui.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y.

M. Lebel (Daniel) : Donc, M. le Président, M. le ministre, Mmes et MM. les membres de la commission, je veux d'abord remercier la Commission des institutions de l'Assemblée nationale du Québec de nous avoir invités à participer aux consultations sur le projet de loi n° 61. Nous sommes très heureux d'être devant vous afin de discuter de ce projet qui ajoute une pierre de plus à l'édifice de l'intégrité et de l'éthique au Québec.

Permettez-moi d'abord de me présenter ainsi que celle qui m'accompagne. Je m'appelle Daniel Lebel, ingénieur, et je suis président de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Je suis accompagné de Me Christine O'Doherty, avocate, directrice des communications et des affaires publiques à l'ordre. Nous allons prendre les minutes qui nous sont accordées…

Le Président (M. Ferland) : M. Lebel.

M. Lebel (Daniel) : Oui?

Le Président (M. Ferland) : …de 30 secondes.

M. Lebel (Daniel) : Oui, il n'y pas de problème.

Le Président (M. Ferland) : Pour le consentement, ça me prend également le consentement du deuxième groupe et du député de… parce que vous n'avez déjà pas beaucoup de temps. Parce que je vais enlever des secondes, mais ça me prend votre consentement quand même.

Une voix :

Le Président (M. Ferland) : Alors, il y a consentement. Excusez-moi. Allez-y, M. Lebel.

M. Lebel (Daniel) : Pas de problème. Nous allons prendre les minutes qui nous sont accordées pour vous exposer brièvement les grandes lignes de notre mémoire.

D'entrée de jeu, je veux dire que nous appuyons le projet de loi et nous saluons l'intention du gouvernement de procéder à son adoption, l'ordre étant d'accord avec tout moyen ou procédé qui vise à contrer ces manoeuvres dans l'industrie de la construction et du génie pour l'octroi et la gestion des contrats publics. Aucune entreprise n'est au-dessus des lois, particulièrement celles qui ont le privilège de participer au processus d'adjudication et d'attribution de contrats publics ou d'en assurer la gestion.

Le Québec a été la figure de proue mondiale dans l'ingénierie moderne et continuera de l'être, et ce, malgré les révélations qui éclaboussent et entachent la réputation de la profession. Avec la crise actuelle, nous avons la possibilité et la responsabilité de redevenir un modèle inspirant, celui de l'intégrité et de l'éthique dans le monde. Il en va du développement économique du Québec et de son rayonnement sur la scène internationale.

Alors, nous sommes heureux de voir que les parlementaires n'hésitent pas à légiférer rapidement afin de protéger le public. Nous ne commenterons pas les mécanismes de recouvrement des sommes injustement payées, les associations qui représentent les entreprises visées par le projet de loi sauront le faire dans le meilleur intérêt de leurs membres.

Toutefois, nous croyons que, si la préoccupation de recouvrer les sommes injustement versées s'avère légitime, cela ne constitue pas une panacée. Nos organismes publics doivent également se donner la capacité de mieux contrôler l'octroi et la gestion des contrats publics. Le Québec doit sortir grandi de cette crise, mais il faut changer la manière de faire des affaires, d'octroyer et de gérer des contrats publics et de surveiller nos chantiers de construction. Nous devons, tout en préservant notre expertise, instaurer un climat d'intégrité et de saine compétitivité dans l'industrie de la construction. Nous devons adopter une approche qui va au-delà du contrôle de l'exercice de la profession pour mettre en place un système qui vise la vérification des décisions critiques de l'octroi et la gestion des contrats publics à tous les échelons. Les professionnels du milieu de la construction et du génie doivent évoluer dans des milieux qui favorisent des pratiques éthiques et déontologiques sans les opposer aux affaires. Les audits des sociétés qui transigent avec les organismes publics sont un exemple de cette approche systémique, mais ce n'est pas suffisant, il faut aussi que les organismes publics agissent avec circonspection et qu'ils octroient et gèrent les contrats publics selon les meilleures pratiques.

Pour permettre aux donneurs d'ordres publics de bénéficier de l'expertise et de l'information nécessaires à une saine gestion des ouvrages, l'Ordre des ingénieurs du Québec évalue la mise en place d'un institut indépendant sur l'intégrité qui soutiendrait la recherche, la vigie et la diffusion des meilleures pratiques dans le monde. Nous effectuons actuellement une étude d'opportunité pour voir comment se sont constituées ces organisations dans les autres pays industrialisés. Un tel organisme aurait comme tâche principale d'alimenter les décideurs et les donneurs d'ordres dans la recherche des meilleures solutions en fonction de leurs besoins réels. Il les assisterait également dans l'établissement de processus assurant la qualité, la durée de vie et la fonctionnalité des ouvrages à venir.

• (14 h 10) •

En plus de fournir de l'information sur les meilleures pratiques, l'institut pourrait avoir des répercussions sur la capacité du Québec à gérer et à mener à terme des projets de qualité à coûts abordables. Le Conseil du trésor estime que 8 % à 24 % des coûts des contrats publics dans le domaine de la construction sont liés à des formes de malversation; la commission Charbonneau a avancé le chiffre de 30 %. Les dépenses du gouvernement, pour les 10 prochaines années, seront en moyenne de 10 milliards de dollars en infrastructures, et c'est sans compter les dépenses des villes ou des sociétés d'État. Alors, si l'on réduisait d'un point seulement le pourcentage associé à l'impact de ces malversations sur l'octroi et la gestion des contrats publics du gouvernement, de manière prudente nous estimons que c'est près de 175 millions de dollars qui reviendraient chaque année dans les coffres de l'État.

Nous sommes convaincus que la mise en place d'un tel institut indépendant permettrait au Québec de se démarquer et de devenir une référence mondiale en matière de gestion de projet d'infrastructure et autres ouvrages de génie. Il laisserait également une trace indélébile, permanente et positive de la prise en charge de la crise que nous traversons. Il va sans dire que l'organisme ainsi créé devrait se soumettre à un processus d'audit et de reddition de comptes par les meilleures autorités en la matière. Au-delà des malversations, l'adoption des meilleures pratiques en cours dans le monde permettrait de grandes économies, sans compter les bénéfices à long terme associés à des ouvrages publics de meilleure qualité, plus durables et répondant mieux aux besoins des citoyens. Le rôle de l'institut indépendant sur l'intégrité serait, entre autres, d'assurer une vigie dans les pays industrialisés afin d'identifier les meilleures pratiques et procédés, de développer un programme de recherche sur ces meilleures pratiques, d'évaluer les résultats obtenus afin d'identifier les priorités pour le Québec, de jouer un rôle conseil auprès des donneurs d'ouvrage publics et des entreprises, de favoriser les activités de transfert de connaissances et d'accompagnement, de diffuser les règles de l'art élaborées suite à l'expérience accumulée au Québec et à l'international.

Permettez-moi de profiter de notre passage devant la commission pour réitérer l'importance, malgré les apparentes divergences, d'adopter rapidement le projet de loi n° 49 et la nouvelle Loi sur les ingénieurs. Les cinq lois professionnelles du domaine des sciences appliquées touchées par ce projet visent en tout premier lieu la protection du public. Les considérations corporatives et politiques doivent céder le pas devant l'urgence de donner aux ordres et particulièrement à l'Ordre des ingénieurs, dont la profession est secouée par une crise sans précédent depuis sa création, les outils nécessaires pour ramener la confiance du public à l'égard des professions. La Loi sur les ingénieurs fait partie des outils dont l'ordre a besoin pour mieux accomplir sa mission de protection. Avec la tenue de consultations particulières sur le projet de loi n° 49 au début du mois de novembre, nous avons franchi une étape importante vers l'adoption de la nouvelle Loi sur les ingénieurs. Nous vous demandons, M. le ministre, ainsi qu'à tous les parlementaires de procéder rapidement à l'étude article par article afin que le projet de loi n° 49 soit adopté dès le début de la prochaine session parlementaire.

Pour lutter efficacement contre la corruption et la crise de confiance actuelle, le présent gouvernement a décidé de proposer différentes lois, règlements, mesures et autres outils. Nous devons souligner votre détermination à procéder rapidement et sans relâche afin d'assainir l'octroi et la gestion des contrats publics. L'Ordre des ingénieurs estime qu'il est essentiel, dans un tel contexte, de mesurer en continu et à plus long terme l'efficacité de ces lois et des règlements qui les accompagnent afin de pouvoir y apporter périodiquement les ajustements nécessaires. Cela est d'autant plus important que les corrupteurs potentiels, notamment le crime organisé, sont reconnus pour leur grande faculté d'adaptation. L'application de la Loi sur l'intégrité a présenté des écueils auxquels le projet de loi n° 61 tente d'apporter certains correctifs, notamment quant aux pouvoirs habilitants de l'Autorité des marchés financiers. Nous croyons qu'il est important de tenir compte de la réalité et des besoins en infrastructures au Québec sans pour autant paralyser toute l'industrie et les villes — l'exemple de Montréal est éloquent à cet égard. Nous réitérons ici la recommandation que nous avions faite devant la Commission des finances concernant ce genre de dispositif législatif, à savoir que le gouvernement mette en place un système de mesure de l'efficacité du projet de loi n° 61 et des règlements qui l'accompagneront afin de pouvoir y apporter périodiquement les ajustements nécessaires.

L'Ordre des ingénieurs du Québec constate avec satisfaction que les municipalités sont assujetties au nouveau projet de loi, il s'agit d'une excellente nouvelle. Nous partageons également l'opinion de la Corporation des entrepreneurs généraux du Québec à l'effet que le projet de loi devrait viser l'ensemble des marchés publics et non uniquement les contrats liés à la construction.

L'ordre s'interroge par ailleurs sur le libellé de l'article 3 de la loi et de la mécanique prévue pour son application. Par exemple, la Loi sur les contrats des organismes publics prévoit que devient inadmissible à un contrat public un contractant déclaré coupable en vertu de jugement définitif de l'une ou l'autre des infractions déterminées par l'article et par le règlement, article 21.1. Nous pensons qu'il sera très difficile pour le ministre de la Justice de faire la preuve de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre de l'adjudication, l'attribution ou la gestion des contrats publics sans de vastes ressources pour mener les enquêtes appropriées, nous sommes inquiets quant à l'application concrète de la loi. Ne sommes-nous pas en train de reproduire le travail de l'AMF? Ces enquêtes prennent du temps, exigent des ressources — nous pouvons en témoigner — et sont truffées de difficultés inhérentes à la nature des travaux menés. Ne serait-il pas plus simple d'attendre qu'un contractant soit déclaré coupable d'une infraction? Cela serait d'autant plus pertinent que le projet de loi prévoit une rétroactivité de 15 ans pour intenter une poursuite. Pourquoi un tel empressement sur la foi d'une enquête et non d'une condamnation?

Dans ce contexte et afin de mieux baliser les règles du projet de loi n° 61, l'ordre propose la mise en place d'un cadre de gouvernance des ouvrages publics pour mieux encadrer leur gestion. Ce cadre s'appuie sur les déterminants de la meilleure valeur afin de s'assurer que l'ouvrage réponde aux critères de qualité au meilleur prix, et ce, pour les différentes formules de réalisation pouvant être envisagées. Le cadre de gouvernance reposerait notamment sur les principes suivants : une gestion des infrastructures prenant en compte l'ensemble du cycle de vie de l'ouvrage afin de fournir à la société des infrastructures fonctionnelles et de bonne qualité au meilleur coût à long terme pour la société; un donneur et gestionnaire d'ouvrage devrait disposer des ressources nécessaires pour offrir la meilleure valeur aux citoyens.

Nous comprenons, à la lecture du projet de loi, que le ministre envisage la création de plusieurs types de programme de remboursement et que les personnes ou les entreprises s'étant livrées à de la fraude ou à des manoeuvres dolosives pourront être appelées à rembourser des sommes déterminées par le gouvernement. Le ministre publiera à la Gazette officielle du Québec tout programme de remboursement.

Nous souhaitons que l'établissement des critères propres à ce programme fasse l'objet de consultations auprès des intervenants et du public. Un programme d'une telle importance doit être développé et administré en toute transparence pour en assurer la cohérence et la rigueur. Les personnes ou les entreprises qui devront rembourser des sommes doivent le faire en toute connaissance de cause. Étant donné l'importance des enjeux et des pouvoirs accordés au ministre dans le cadre de ce projet de loi, et compte tenu des autres enjeux que le Québec doit relever en matière d'ouvrages publics, ce cadre législatif sera d'autant plus efficace qu'il sera appliqué dans un souci de grande transparence afin de favoriser la reddition de comptes et assurer une plus grande confiance du public. À cet égard, l'ordre recommande au gouvernement d'agir en toute transparence dans la mise en place de la loi en balisant les critères en vertu desquels les sommes d'argent seront recouvrées et les négociations menées avec toutes les parties prenantes.

La situation actuelle nous offre l'occasion de mettre en place des solutions durables pour sortir de la crise actuelle. Que l'argent recouvré retourne dans un fonds consacré à rembourser l'État, c'est une chose, mais nous devons faire plus. Nous devons transformer les systèmes et les pratiques d'affaires qui ont sévi et qui nuisent à la réputation du Québec et à l'efficacité des pouvoirs en place d'investir les fonds publics de manière optimale. Une solution monétaire ne sera pas suffisante, nous devons laisser une trace permanente pour que les gens se souviennent du scandale qui a bouleversé le Québec en 2013 et trahi la confiance du public dans toutes ses institutions. C'est pourquoi — nous l'avons expliqué plus tôt — l'ordre propose la mise en place d'un institut indépendant sur l'intégrité. Un système de collusion exige une vigilance de tout instant et de la vigie sur tous les éléments, aussi l'ordre demande au gouvernement qu'une partie des sommes recouvrées dans le cadre de cette loi puisse servir à la mise en place d'un tel institut.

• (14 h 20) •

 Nous croyons que le système professionnel peut et doit contribuer à l'application de la loi, par exemple en instituant une collaboration entre les autorités chargées d'appliquer la loi et les syndics des ordres professionnels concernés. C'est dans ce contexte que l'ordre a développé un programme d'audit visant à mieux encadrer les pratiques des firmes de génie-conseil. Ce programme est réalisé en collaboration avec le Bureau de normalisation du Québec, auquel se joignent des représentants de l'Autorité des marchés financiers, du Conseil du Trésor, du Commissaire au lobbyisme, du ministère des Transports du Québec, de l'UPAC et de l'Office des professions du Québec. Ces organisations ont accepté de participer au comité de travail afin d'offrir des conseils en matière d'intégrité et de pratiques d'affaires. Le programme d'audit permettra non seulement de contrôler l'exécution technique des actes d'ingénierie et d'enquêter sur les compétences, mais également de mieux contrôler les pratiques d'affaires des sociétés qui les exécutent.

Nous croyons que ce programme peut devenir un outil efficace de lutte à la corruption et à la collusion pour les pouvoirs publics. Si le programme d'audit des firmes de génie-conseil que nous avons mis de l'avant devient un passage obligé pour toutes les firmes qui veulent faire affaire avec l'État, nous serions en mesure d'assurer une plus grande cohérence dans la mise en place des dispositifs législatifs et des moyens pour faire face à la corruption et la collusion dans l'industrie de la construction et du génie. Nous suggérons que le ministre de la Justice et le président du Conseil du trésor évaluent la possibilité que notre programme d'audit soit intégré aux critères énoncés dans la Loi sur les contrats des organismes publics.

Nous croyons que des solutions durables doivent être adoptées pour faire du Québec une référence mondiale en matière d'intégrité et d'efficacité. Nous prenons les moyens pour implanter les mesures que nous mettons de l'avant, et pour lesquelles nous avons besoin du soutien et de l'appui de tous les intervenants, à commencer par le gouvernement et tous les parlementaires. Ce ne sera pas la dernière crise à laquelle les professionnels devront faire face. Nous devons transformer les moeurs dans les pratiques d'affaires de l'industrie et du génie de la construction, mais pas uniquement. Tous les milieux doivent se remettre en question.

Je terminerai ma présentation en réitérant l'appui et la collaboration de l'Ordre des ingénieurs du Québec à toute mesure susceptible d'apporter des améliorations au processus de gestion et d'octroi des contrats publics. Ces mesures font partie de l'arsenal de moyens mis à la disposition du gouvernement et de ses partenaires, dont nous sommes, pour sortir grandis de la crise de confiance actuelle.

Nous sommes disponibles pour répondre à toutes les questions ou aux commentaires relativement à notre mémoire et nos recommandations. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, M. Lebel. Alors, maintenant, nous allons procéder à la période d'échange en commençant par vous, M. le ministre, pour un temps… On va le recalculer, là, parce que j'ai une bonne nouvelle pour les députés de Saint-Jérôme et de Blainville : le temps qui a été utilisé, supplémentaire, sera enlevé seulement sur le parti d'opposition et le parti du gouvernement. Alors, quand même…

M. St-Arnaud : On est généreux, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : À la suggestion du député de Fabre d'ailleurs, je dois le mentionner. Alors, M. le ministre.

M. St-Arnaud : Et il m'a mis dans son cadeau, finalement. Il m'a mis à contribution.

Le Président (M. Ferland) : Bien, moi, j'avais compris que c'était ça. Allez-y, M. le ministre.

M. St-Arnaud : M. le Président. Bien, merci, M. Lebel, Me O'Doherty, merci d'être à nouveau présent. Ça fait quelques fois qu'on se voit, cet automne, en commission parlementaire. D'abord, bravo pour votre mémoire, pour votre contribution à l'étude du projet de loi n° 61 et pour ce message d'espoir, en quelque sorte. Comment peut-on profiter de cette crise majeure que nous avons connue au cours des dernières années pour transformer le tout… pour sortir, pour reprendre vos termes, sortir grandis de cette crise? Et pourquoi ne profiterions-nous pas de cette crise pour, justement, non seulement sortir grandis, mais éventuellement faire en sorte que le Québec redevienne, comme vous le dites, cette référence mondiale en matière de gestion de projet d'infrastructure et d'ouvrage de génie?

Et, M. le Président, avant de poser ma première question, je veux quand même profiter de l'occasion d'abord pour remercier l'ordre pour ce message d'espoir qui rejoint les préoccupations du gouvernement, mais aussi saluer le travail qui se fait à l'ordre. Je pense qu'il faut le mentionner, il se fait depuis quelques années, principalement sous votre présidence, M. Lebel, un travail remarquable pour… Je ne sais pas si on doit employer le mot «revaloriser» la profession d'ingénieur, qui a été un peu malmenée au cours des dernières années, mais il y a beaucoup d'efforts qui ont été faits. Je sais que vous avez mis des ressources importantes au bureau du syndic, on a déjà eu l'occasion de s'en parler. Vous avez mis de l'avant plusieurs programmes qui… et je pense que ça mérite d'être salué. Il y a depuis quelques années, à l'Ordre des ingénieurs, et sous votre présidence, M. Lebel, des efforts importants qui ont été faits pour relavoriser — et je le mets entre guillemets — la profession d'ingénieur, et nous en sommes tous très heureux. Et je pense que le Québec va s'en porter mieux à cet égard.

Ma question, en fait, ma première question porterait sur votre idée que vous mettez de l'avant d'un institut indépendant sur l'intégrité. Évidemment, j'ai reçu votre mémoire ce matin, alors je l'ai parcouru assez rapidement, mais j'aimerais vous entendre plus longuement sur cette idée. Est-ce que vous vous inspirez d'expériences étrangères? Est-ce que vous avez un modèle en tête? Je comprends que vous avez repris dans votre mémoire à la page 6 et que vous l'avez lu tantôt un peu, ce que pourrait contenir le… quel serait le rôle de cet institut, mais j'aimerais vous entendre. Est-ce qu'il y a des exemples étrangers qui vous ont inspirés?

M. Lebel (Daniel) : Je vais démarrer la réponse, mais je vais laisser aussi Me O'Doherty compléter. Je vous dirais, oui, effectivement, on regarde, là, toutes les possibilités au niveau international, mais je laisserai Me O'Doherty vous préciser ça davantage.

Ce qu'on vous présente ici, en fait, pour nous, vous l'avez dit, c'est une idée, hein, on commence à discuter, échanger de cette idée-là. Ça va dans le même sens que toutes les solutions qu'on essaie de mettre en place, à l'ordre, pour essayer de ne plus jamais revivre cette crise-là. On vous a mis ici quelques points, quel pourrait être son rôle, quelle est sa raison d'être comme telle aussi, on vous l'a précisé. Pour nous, si j'utilise le modèle… Moi, je travaille beaucoup dans le secteur industriel, je travaille pour des grosses organisations. Pour moi, c'est comparable à ce qu'un bureau de projets peut faire dans une grande organisation, c'est-à-dire allons chercher les meilleures pratiques, allons chercher ce qui se fait de mieux au niveau procédés, allons chercher ce qui se fait de mieux au niveau outils, allons chercher ce qui se fait de mieux en termes de structure pour mettre en place des projets qui ajoutent de la valeur.

Donc, c'est ça qui nous préoccupe présentement, c'est de dire : Oui, il faut que les gens paient, il faut que les acteurs, disons, qui ont joué le mauvais rôle… présentement doivent payer de ce qu'ils ont fait, mais, par-dessus tout ça, ce qu'on dit, c'est qu'il ne faut plus revivre cette situation-là. Dans le secteur privé, dans le secteur industriel, un bureau de projets sert à éviter de faire des erreurs de projet. Donc, pour moi, c'est un peu dans la même ligne de pensée, cette idée-là.

Mais je laisserai Me O'Doherty… Si vous voulez ajouter par rapport à nos recherches au niveau international.

Mme O'Doherty (Christine) : Oui. Merci, d'abord, M. le ministre, pour vos propos. C'est toujours… Ça fait du bien de sentir qu'il y a des gens qui reconnaissent aussi le travail qu'on fait, parce que vous le savez, vous êtes au coeur de ça tous les jours, mais la critique est facile, n'est-ce pas? Alors, ça fait du bien de l'entendre. Merci.

Pour l'institut de l'intégrité, on a commencé par une étude d'opportunité, qu'on est train de mener actuellement. On s'inspire des meilleures pratiques. Effectivement, la recherche va au-delà du contexte nord-américain. On travaille… On est en train de regarder du côté de l'OCDE, qui a fait énormément de travail de ce point de vue là dans les pays comme l'Australie, la Grande-Bretagne, la France, le Danemark, la Suède qui, à la suite de scandales similaires ou en fait de problèmes similaires, ont mis en place certaines formes d'autorités. Alors, des fois, on les appelle les autorités de la concurrence, autorités contre la collusion. C'est toujours des organisations qui sont, ce qu'on en sait à première vue, des organisations liées au gouvernement et qui font oeuvre pour sanctionner les fautifs ou… et pas nécessairement pour mettre en place les meilleures pratiques. Alors, il y a cette dimension qui est très importante, comme M. Lebel vient de l'expliquer, pour nous, c'est-à-dire de s'assurer qu'on ne refasse pas les erreurs du passé. C'est très complexe, c'est un système où il y a énormément d'intervenants, mais, si on le regarde d'un point de vue systémique aussi, bien on risque peut-être d'avoir des résultats plus concluants aussi.

Et c'est vraiment l'approche qu'on a décidé de prendre, à l'Ordre des ingénieurs. On s'est vus au projet de loi n° 1, dans une autre commission, mais on parlait, à ce moment-là, du contrôle, puis, comme c'est le rôle traditionnel des ordres professionnels, on parlait du contrôle sur les membres. On s'est dit : Oui, mais ce n'est pas suffisant, le contrôle sur nos membres. Ce n'est pas ça, le problème. On a développé notre programme d'audit, une approche déjà un peu plus au niveau organisationnel. Mais ça ne suffit pas encore, parce qu'une fois que tu as sanctionné ou que tu contrôles les individus, tu regardes ce qui se fait au niveau des entreprises, bien comment les entreprises interagissent dans leur écosystème? Et là on s'est dit… on est arrivés avec cette idée d'un institut qui aurait une vision globale, périphérique de l'ensemble des intervenants, et indépendant, parce qu'on s'imagine qu'il va y avoir des choses difficiles. Quand on change les pratiques d'affaires, quand on change les cultures, on s'attaque à quelque chose de bien enraciné, bien ancré, alors on a besoin d'avoir peut-être ce regard plus objectif, si ça existe, mais un regard plus objectif sur l'ensemble de nos pratiques et dans nos interactions aussi, donc, entre les ordres, les donneurs d'ouvrages, les firmes de génie-conseil, les fournisseurs de services aussi. Donc, c'est un peu notre approche. On s'est dit : On grandit, mais en même temps trois éléments qui sont, pour nous, parfaitement bien liés pour assainir et revaloriser, comme vous le disiez, la profession d'ingénieur notamment.

• (14 h 30) •

M. St-Arnaud : Mais est-ce que, dans votre optique, cet institut-là a un rôle conseil eu égard au gouvernement? Je comprends que vous y avez un peu fait référence dans votre allocution de départ, vous dites : Ce qu'on voudrait, là, ce qu'on voudrait voir cet institut faire, c'est notamment quelles sont les meilleures façons dont se donnent les contrats un peu partout dans le monde, comment on surveille les chantiers, comment les États… Donc, il y a une partie réflexion, il y a une partie observation de ce qui se fait, observatoire de ce qui se fait un peu partout dans le monde.

M. Lebel (Daniel) : …vigie, oui.

M. St-Arnaud : Bon, ça, je saisis ça. Et ensuite quel serait le lien avec… Une fois qu'on a fait ça, là, une fois qu'on a fait cette vigie, cette observation des principales… des meilleures pratiques, quel est le rôle par rapport au gouvernement que pourrait avoir cet institut… ou par rapport à des ordres professionnels comme le vôtre? J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Lebel (Daniel) : Bien, en fait — je vais démarrer encore la réponse — en fait c'est vraiment… vous l'avez bien dit, c'est un rôle conseil, là. C'est ça, le rôle de l'institut, là, c'est vraiment de s'assurer qu'on a fait la vigie qui était nécessaire, on a fait les recherches qui étaient nécessaires pour… Vraiment, quand on vous dit qu'on veut profiter de la crise comme étant aussi une opportunité pour faire mieux puis se repositionner vraiment comme au niveau de l'intégrité et de l'éthique, on est en mesure de le faire. Et, si on crée cet institut-là qui devient un institut-conseil auprès du gouvernement, auprès des organismes publics, bien, à ce moment-là, ce qu'on dit, c'est qu'on va chercher vraiment les meilleures pratiques puis on s'assure de les mettre en place et de les préserver surtout, là. C'est notre souhait. Quand les acteurs vont changer, les scénarios vont changer aussi, donc ça, ça nous inquiète. Donc, nous, ce qu'on dit, c'est : Il faut préserver les meilleures pratiques toujours.

M. St-Arnaud : Parce que c'est ça. Ça ressemble un peu, en partie, à un observatoire de ce qui se passe, mais c'est plus qu'un observatoire. Ce que vous dites, c'est aussi… il y a un rôle conseil qui pourrait être fait par cet institut, pour reprendre votre terme, auprès du gouvernement dans la préparation de ses législations, de ses pièces législatives, mais aussi auprès… vous dites rôle conseil aussi auprès des entreprises, des donneurs d'ouvrage publics. Est-ce que je saisis bien, là, votre idée?

Mme O'Doherty (Christine) : Oui, absolument…

M. Lebel (Daniel) : Oui, allez-y, allez-y.

Mme O'Doherty (Christine) : Les deux micros sont…

M. Lebel (Daniel) : Non, allez-y.

Mme O'Doherty (Christine) : Absolument, c'est tout à fait ça, un rôle conseil puis un rôle d'accompagnement, parce que ce n'est pas tout de faire du conseil, les gens en font bien ce qu'ils veulent après, je pense qu'on a un devoir d'accompagner aussi. On pense aux municipalités. Les grandes municipalités ont les ressources, les compétences, quoique parfois ils s'en plaignent aussi, mais les petites municipalités, par exemple, qui existent, qui ne savent pas où se tourner, vers qui se tourner et puis qui… peut-être qu'elles ne sont pas conseillées de la meilleure façon non plus, parce que c'est comme ça que ça s'est toujours passé dans la région puis dans la MRC. Alors, il pourrait même y avoir ce type de mandat, même. M. Lebel parlait d'un bureau-conseil de gestion de projet, ça peut aller très loin aussi en termes d'accompagnement. Ça pourrait être des mandats aussi sur comment on fait les choses, comment on gère les grands projets, pas pour dédoubler le travail non plus, pas se substituer au ministère des Transports ou à une nouvelle agence des transports qui pourrait être créée, mais vraiment d'être là en appui, pour se dire : O.K., est-ce qu'on a regardé tous les angles? Est-ce qu'on s'est assuré que c'est la meilleure manière de faire?

En Grande-Bretagne, ils ont constitué une organisation comme celle-là puis ils ont réalisé des économies de 20 % après la première année, donc, pour l'octroi et la gestion des contrats. Les gens du Conseil du trésor pourraient en parler avec plus de pertinence, mais il y a ces éléments-là qui existent pour des économies mais aussi pour de la meilleure qualité d'ouvrage.

M. St-Arnaud : Et vous dites donc : On a lancé une étude d'opportunité là-dessus. Je suis curieux de savoir quand est-ce que vous allez nous… Quel est votre échéancier pour nous revenir avec des propositions?

M. Lebel (Daniel) : Je vous laisse répondre. Je vais laisser répondre.

Mme O'Doherty (Christine) : Oui, c'est ça. Notre échéancier exact ou le… Non, mais, en fait, on est en train de l'amener, actuellement, puis on entreprend… en janvier on veut pouvoir travailler avec cet échéancier-là… cette étude d'opportunité, pardon, pour se donner un échéancier de projet. Puis on regarde au printemps pour tenir une espèce de journée de veille comme on l'a fait pour le transport puis le développement durable aussi et pour faire quelque chose avec… amener des gens autour de la table aussi, des intervenants, parce qu'on ne fera pas ça seuls puis on ne sera peut-être pas au coeur… l'OIQ ne sera peut-être pas au coeur de cet institut, mais on va avoir besoin d'amener les personnes autour de la table qui, d'une manière ou d'une autre, travaillent déjà sur certains sujets qui vont être connexes. Ça pourrait être un réseau virtuel international. On ne sait pas encore la forme, mais il est certain que ça nous prend… Nous, ce qui est important, j'imagine, en bons ingénieurs, bien c'est d'avoir une trace et pas seulement… pas seulement de l'argent qui revienne dans les coffres mais une trace où on va regarder ça puis on va se dire, à un moment donné : Bon, bien, en 2013, il y a eu ce drame-là; on n'y retourne pas, là.

M. St-Arnaud : ...on va suivre ça avec attention. En tout cas, je pense que vous nous avez mis l'eau à la bouche avec cette idée.

Peut-être une ou deux choses pour revenir plus spécifiquement au projet de loi n° 61. C'est, je crois, à la page 8, vous dites : «…le projet de loi devrait viser l'ensemble des marchés publics et non seulement les contrats liés à la construction.» Évidemment, ce qui a amené le gouvernement à viser davantage l'industrie de la construction, c'est évidemment tous ces débats que nous avons eus au cours des derniers mois et des dernières années, malheureusement.

Est-ce qu'il y a... Qu'est-ce qui vous permet de croire que d'autres industries sont aux prises avec les mêmes problèmes et avec une telle gravité, si je puis... Parce qu'évidemment, l'industrie de la construction, on en a tous entendu parler, depuis trois, quatre ans, mais qu'est-ce qui vous amène à croire qu'il y aurait lieu de viser l'ensemble des marchés publics?

M. Lebel (Daniel) : Écoutez, voilà un certain temps, en fait depuis le début de la commission Charbonneau, on nous posait la question, à l'Ordre des ingénieurs : Pourquoi vous n'avez jamais entendu parler de ça? Ce n'est pas possible, c'est incroyable, c'est… Il n'y a pas personne qui a dénoncé quoi que ce soit. Bon. Bref, on a toujours expliqué que c'est nos membres, puis nous, nous inspectons les membres. C'est ça aujourd'hui qui nous permet de le faire.

Aujourd'hui, j'ai du monde qui me disent : Oui, mais, l'informatique, toutes les dérapes qu'il y a au niveau des projets informatiques — je le dis dans mes mots, là, donc… — est-ce qu'on peut se poser la même question? Est-ce que vous avez des ingénieurs qui sont pris là-dedans? Est-ce que vous avez des dénonciations autour de ces projets-là? Donc, je donne ça en exemple, O.K., simplement, tout ça, pour vous dire qu'on ne voudrait surtout pas se faire dire, dans deux ans, dans trois ans, que le prochain scandale, c'est le scandale de l'informatique. Puis je ne vous dis pas qu'aujourd'hui j'ai de l'information qui me dit ça. Je lis les journaux comme vous, j'écoute les nouvelles comme vous, mais j'entends que les projets informatiques, ce n'est pas nécessairement évident à ce moment-ci. Alors, ce qu'on dit, c'est que, oui, ça… oui, le domaine de la construction, à ce moment-ci, mais vous en faites d'autres, grands dossiers au niveau des organismes publics. Vous avez plusieurs projets de front, dont l'exemple... Je ne vous dis pas aujourd'hui que j'ai de l'information qui me permet de révéler quoi que ce soit, autrement que celle que vous avez, mais il faut être prudent. C'est ça qu'on dit, c'est : Servons-nous de cette expérience-là du monde de la construction pour dire : Avons-nous des problèmes ailleurs? Puis, si oui, ça devrait s'appliquer aussi.

M. St-Arnaud : Vous dites au début de votre mémoire que «le Conseil du trésor estime qu'entre 8 % et 24 % des coûts des contrats publics dans le domaine de la construction sont liés à des formes de malversation». Vous soulignez... Vous indiquez : «La commission Charbonneau a avancé le chiffre de 30 %.»

Vous avez compris que, dans le projet de loi n° 61, tel que rédigé actuellement, le pourcentage correspondant au préjudice sera déterminé par le gouvernement, éventuellement par décision du Conseil des ministres. Est-ce que l'Ordre des ingénieurs pourrait élaborer là-dessus, est-ce que vous avez des pourcentages en tête? Quel serait le pourcentage, à vos yeux, raisonnable, réaliste qui pourrait être réclamé des entreprises fautives? Est-ce que vous avez réfléchi à cette question?

M. Lebel (Daniel) : En fait, clairement on ne pourrait pas vous donner un pourcentage, très honnêtement, là. On utilise l'information qu'on reçoit, là, présentement, puis ce qu'on dit, c'est que… On voulait juste essayer de donner une image de l'envergure de la chose, là, le potentiel qu'il y a en arrière de ça. Et le 175 millions, pour nous, c'est déjà énorme, là, alors... Mais je ne serais pas en mesure aujourd'hui... On n'a pas fait ce genre d'analyse là complète pour savoir exactement quel est le pourcentage précis.

M. St-Arnaud : Parce que votre 175 millions, là, c'est si on réduisait d'un point seulement le pourcentage qui est associé à l'impact sur l'octroi des contrats. Pour une année, là, ce serait 175 millions dont l'État aurait été privé.

M. Lebel (Daniel) : Bien, en fait, ça explique, là, l'augmentation des coûts de projet, hein? Ça, c'est clair, là, on le sait, là. Mais par-dessus tout ça aussi il y a l'inefficacité, puis, bon, il y a bien d'autre chose aussi qui fait que les coûts peuvent augmenter, là. Mais on ne serait pas en mesure de vous dire aujourd'hui clairement quel est le pourcentage précis, là.

• (14 h 40) •

M. St-Arnaud : Comme vous le savez, le projet de loi n° 61, c'est essentiellement deux choses. La première partie du projet de loi, le premier volet, c'est de donner des moyens plus costauds pour d'éventuels recours civils devant les tribunaux à l'endroit des entreprises fautives, et le deuxième volet, qui en fait est peut-être le premier, qui passe avant dans le temps, c'est le volet programme de remboursement. Donc, on met sur pied, dans le projet de loi, un cadre législatif qui encadre le programme de remboursement, aux articles 12 et suivants, et éventuellement il y a un deuxième volet, qui est au début du projet de loi, les articles 3 et suivants, qui dit : Bien, si ça ne fonctionne pas par le biais du programme de remboursement, bien il y aura des recours civils avec des moyens extraordinaires et beaucoup plus costauds que les règles habituelles.

Vous dites, eu égard au programme de remboursement : «Nous souhaitons que l'établissement de ces critères fasse l'objet de consultations auprès des intervenants et du public.» Le programme doit être administré en toute transparence, il faut que les critères soient précis.

Est-ce que vous avez réfléchi sur comment devrait fonctionner ce programme de remboursement, sur les critères? Est-ce que vous avez des pistes, au-delà de ce qui est dans le projet de loi, à nous suggérer?

Mme O'Doherty (Christine) : Bien, la vérité, c'est qu'on estime que ce n'est pas nécessairement notre rôle de regarder ce genre de critère de remboursement, tu sais, c'est une question... c'est entre les entreprises qui ont floué les organismes publics, le gouvernement, en fait qui... sur des allégations et qui seront réputées coupables, qui seront accusées, là, devant la justice, d'être... Et, à ce moment-là, vous avez mis en place dans le projet de loi aussi un mécanisme pour des négociations éventuelles ou des ententes qui seront prises.

Alors, je ne voudrais pas répondre à la place de l'AICQ, par exemple, qui pourra sans doute vous en dire davantage. Pour nous, ce qui est important, à l'ordre, vous l'avez dit, c'est un message d'espoir, mais c'est aussi... c'est ne pas faire fi de ce qui s'est passé, c'est de prendre un temps d'arrêt, de regarder ça, de faire les calculs. Puis je sais que c'est complexe. Pour avoir eu des discussions avec les gens du Conseil du trésor, c'est assez complexe, là, de définir comment on va rembourser, avec quel pourcentage, qu'est-ce qu'on charge, qu'est-ce qu'on ne charge pas, comment on évalue les contrats et... Mais c'est juste que les... on a fait le commentaire parce que les chiffres sont toujours...

Le Président (M. Ferland) : …à peu près 20 secondes.

Mme O'Doherty (Christine) : Oui. Alors, voilà, on n'a pas réfléchi aux critères, mais, si jamais vous vouliez qu'on y regarde de plus près, ça va nous faire plaisir. Cela étant, on estime que ce n'est pas notre rôle nécessairement entre l'État et les entreprises.

M. St-Arnaud : …sur quoi...

Le Président (M. Ferland) : …le temps étant écoulé, M. le ministre. Vous aviez 20 minutes à votre disposition. Alors, maintenant, je reconnais le...

Une voix :

Le Président (M. Ferland) : Eh oui, c'est... D'ailleurs, il y a une photo de prise. Ce moment sera immortalisé, M. le ministre.

Alors, maintenant, je cède la parole au parti d'opposition, le député de Fabre, pour un temps de 14 minutes et des poussières.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. J'aurai quelques observations et une question, et mes collègues de Bourassa-Sauvé et de Chomedey aussi.

Alors, merci. Bonjour et merci d'être là. Merci pour votre excellent mémoire, vos excellentes suggestions, surtout dans un très, très court délai. Je ne reviendrai pas sur ma marotte des délais de convocation en commission parlementaire, mais sachez qu'on apprécie énormément votre présence à si brève échéance.

Ceci dit, vous faites d'excellentes suggestions. Il y en a une sur laquelle j'aimerais revenir pour faire un commentaire d'entrée de jeu, celle de tenir des consultations publiques sur le projet de règlement. M. le ministre vient de vous questionner, entre autres, sur le pourcentage, au niveau de : Comment détermine-t-on le préjudice? Je trouve ça intéressant de vous entendre dire qu'alors que vous êtes des experts, vous connaissez bien votre marché, vous êtes mal placés pour répondre à cette question, mais on va faire confiance au gouvernement pour trouver la réponse à ce pourcentage. Des consultations publiques, M. le Président, sur le projet de règlement qui va baliser l'exercice de... l'entrée en vigueur de cette loi-là et comment cette loi-là va opérer, je pense que ce serait une nécessité.

Ceci dit, vous faites une mise en garde que je pense important de relever, vous soulignez à quelques reprises, dans le projet de loi, l'importance de revoir périodiquement les lois pour faire les correctifs nécessaires. J'ai toujours pensé, moi, que, les lois, on n'adopte pas ça rapidement, il faut prendre le temps de les étudier. Justement parce qu'on ne les change pas rapidement, il y a une question de stabilité et de prévisibilité qui est essentielle. Vous le soulignez dans votre mémoire — et mon collègue pourra aborder plus la loi n° 1 tantôt — il est important de s'assurer qu'on ne manque pas notre coup dès le départ, et ça, je pense qu'il faut prendre le temps de bien s'assurer que la loi répond à nos besoins dès le départ.

Vous soulignez, page 8 et page 9, là… vous questionnez le recours à une enquête, et vous posez plusieurs questions sur quelles seront ces enquêtes qui vont alimenter les poursuites pour récupérer les sommes d'argent, et vous soulevez même la possibilité de s'en remettre à une condamnation plutôt que de réinventer la roue, refaire le travail, et je pense que c'est une question très pertinente, qui va au coeur même de l'objectif visé par la loi. Cette question-là, je pense qu'il faudra s'y arrêter, d'autant plus que, puisqu'on vise à changer les règles du jeu, les règles du droit, d'autres intervenants qui sont venus nous ont souligné qu'il fallait être très prudents comme législateurs lorsqu'on envisageait de changer les règles du jeu, le droit applicable. Et je pense que les questions que vous posez sont directement au coeur de cette question-là et je pense, M. le Président, que le ministre devrait réfléchir longuement et apporter des réponses à ces questions-là avant d'aller de l'avant.

Ceci dit, ma question, c'est… Vous parlez d'impacts sociaux et économiques du projet de loi n° 61 et de la nécessité de faire des études. Pouvez-vous dire ce que vous avez en tête, à quoi correspondraient ces études? Et est-ce que ce n'est pas quelque chose qu'on devrait examiner avant d'envisager de bouleverser les règles du droit pour récupérer ces sommes d'argent? Alors, qu'est-ce que vous avez en tête quand vous parlez de cette étude d'impacts sociaux et économiques?

M. Lebel (Daniel) : O.K. Effectivement, on avait déjà amené ce point-là au projet de loi n° 1 à l'époque, là, où on disait : Oui, c'est bien de mettre en place rapidement ce genre de loi là, qui devient essentiel, je pense, pour corriger la situation dans laquelle on est. Ce qu'on disait, c'est : Assurez-vous de mettre en place des indicateurs qui nous disent à quel point cette loi-là nous permet d'aller chercher les bénéfices espérés, là. C'était dans ce sens-là qu'on avait amené ce point-là et qu'on le ramène encore aujourd'hui, c'est de dire : Oui, une loi, il faut qu'elle soit certainement bien réfléchie avant de la mettre en place, et c'est le but de la consultation certainement. Mais, au-delà de ça, ce qu'on dit, c'est que, une fois qu'on l'a mise en place, quels seront les indicateurs qui vous disent que cette loi-là nous amènera la performance souhaitée? C'est simplement ça, comme on le fait dans toute autre organisation, indicateurs qui peuvent être d'un point de vue économique, évidemment, mais aussi social. Donc, c'est un peu dans ce sens-là qu'on amenait le point, c'est-à-dire : si on met en place une loi, et que ça nous crée une contrainte au niveau développement de marché ou je ne sais pas quoi, là — je n'ai aucune idée, là, c'est pour ça qu'on vous dit qu'il faut faire l'étude — bien il faut s'en assurer, de ça, puis le mesurer, puis de voir quel est l'effet réel par rapport à tout ça.

Quand on dit qu'il ne faut surtout pas générer du ralentissement au niveau des travaux d'infrastructure qui sont importants pour nous, là, importants pour la société québécoise… Puis là je ne veux pas ramener le pont Champlain, qui est d'actualité, là, mais qui est quand même inquiétant, mais ça, c'est une infrastructure à suivre. Mais il y en a plein d'autres comme ça. Alors, c'est ça qu'on dit, c'est : Est-ce que l'effet d'une loi… Il ne faut pas qu'elle vienne contrevenir à la performance puis à l'exécution des travaux qu'on a à mettre en place, c'est un peu ça qu'on vous dit ici. Je ne sais pas si vous vouliez ajouter.

Mme O'Doherty (Christine) : J'allais juste ajouter aussi qu'effectivement vos commentaires sur le bouleversement d'un processus législatif sont… c'est un commentaire qui est pertinent. Et je comprends aussi l'empressement du gouvernement depuis l'année passée, depuis janvier, quand on a adopté la Loi sur l'intégrité, tu sais, de vouloir mettre en place des moyens, parce qu'on s'est retrouvés… puis je ne dis pas qu'il n'y a jamais eu de crise comme ça dans la société québécoise, là, mais on s'est retrouvés au coeur d'une tempête, hein, pour tout le monde et dans plein de secteurs, donc je comprends l'empressement du gouvernement. Comme avocats, peut-être que ça nous choque un peu ou ça nous ébranle un peu, mais en même temps des fois il y a peut-être des considérations sociales, économiques, politiques qui vont prévaloir sur le fait de rechercher la perfection d'une loi. Je ne reviendrai pas avec le projet de loi n° 49, mais… Bon, je l'ai dit.

Mais alors comme M. Lebel explique, effectivement, il faut pouvoir les mesurer. Et je ne veux pas parler à travers mon chapeau, mais c'est peut-être quelque chose sur lequel on ne reporte pas suffisamment notre attention aussi quand on adopte une loi, l'impact socioéconomique qu'elle aurait. Alors, c'est peut-être de se dire : C'est peut-être une meilleure pratique qu'on pourrait vouloir mettre en place aussi.

M. Ouimet (Fabre) : Merci. Je vais céder la parole à mes collègues.

Le Président (M. Ferland) : Alors, le député de Chomedey ou… Chomedey. Allez-y.

• (14 h 50) •

M. Ouellette : Merci, M. le Président. M. Lebel, Me O'Doherty, bonjour. Rafraîchissant, votre mémoire. Et je souscris entièrement aux commentaires de mon collègue de Fabre parce qu'effectivement, à vouloir aller trop vite, peut-être qu'on peut passer à côté aussi, et tous les gens qui sont venus nous voir nous exhortent à la réflexion. Je pense qu'il faut partir sur des bonnes prémisses. On connaît la situation en 2013, mais, si vous avez suivi l'actualité, tous les témoins qui sont venus à Charbonneau font état d'une situation de 2009, et ce n'est pas automatique que… Depuis 2010, là, c'est 175 millions qui reviendraient au gouvernement, puis, je veux dire, c'est pour ça qu'il y a une réflexion intéressante qui doit être faite.

À la page 7, quand vous faites des commentaires par rapport à la loi n° 1 et que vous voulez que les condamnations puissent être prises en considération par l'Autorité des marchés financiers, bien vous n'êtes pas sans savoir que, dans un premier temps, c'est l'UPAC qui fait l'enquête, et suite à l'enquête, normalement, il y a un imprimatur qui vient de l'Autorité des marchés financiers. Plusieurs intervenants et… Ce qu'on entend dans le milieu, c'est qu'il ne faudrait pas que maintenant tu sois capable de t'acheter une licence ou de t'acheter une virginité puis que, si tu es coupable, bien, dépendant de la grosseur que tu as ou dépendant des contacts que tu as ou des plugs que tu as, tu peux être capable d'avoir cette licence-là.

Je reviens toujours à la page 7. Vous nous mentionnez… Vous avez fait état de la ville de Montréal. Effectivement, elle va vouloir avoir une plus grande marge de manoeuvre, à laquelle il va falloir réfléchir, et vous nous soumettez comme recommandation que le gouvernement mette en place un système de mesure de l'efficacité du projet de loi n° 61 et des règlements qui l'accompagnent afin de pouvoir y apporter périodiquement les ajustements nécessaires.

On a déjà toutes les misères du monde à faire adopter des projets de loi. Il y a un processus législatif qui est complexe, qui est long. J'aimerais bien ça savoir quelle était votre réflexion sur cette suggestion-là d'avoir des mesures d'accompagnement qui vont faire qu'on va s'ajuster au gré des différentes situations, parce que normalement, quand le législateur prend la peine, après y avoir mûrement réfléchi, de faire une loi, ce n'est pas pour être changée aux cinq minutes. Parce que, vous savez, le projet de loi n° 61, là, déjà il y a des gens qui sont payés des gros prix juste pour le contrecarrer, O.K.? La journée qu'il est sorti, il y a des gens qui ont commencé à travailler dessus : Comment on peut faire pour contrecarrer le projet de loi? Je veux vous entendre sur les mesures qui pourraient accompagner le projet de loi n° 61, qui pourraient amener des ajustements, là, comme vous l'avez recommandé dans votre mémoire.

Le Président (M. Ferland) : Alors, M. Lebel.

M. Lebel (Daniel) : Oui. Je vais commencer la réponse puis je vais laisser notre avocate parler de droit. Comme on a dit tantôt, écoutez, nous, ce qu'on vous dit, c'est : Dans des projets de loi comme celui-là, sur lequel on veut mesurer un impact, là, on veut être capable de le suivre puis on veut être capable de dire à quel point qu'il a amené de la valeur ajoutée à notre société québécoise puis qu'il nous permet d'assurer qu'au bout du compte on a une pratique intègre et éthique, donc, nous, ce qu'on vous dit, c'est : Il faut mettre en place des mécanismes de mesure. On ne dit pas qu'il faut revoir constamment la loi, en tout cas ce n'est pas comme… Puis je peux comprendre très bien le niveau de difficulté, puis je laisserai Me O'Doherty en parler davantage, mais c'est plus dans ce sens-là qu'on le dit. Il faut savoir… Puis là je vous parle en tant qu'ingénieur, là. C'est que nous, on ne fait pas de projet sans s'assurer qu'on sera capable de le mesurer et de bien le suivre. Pour la vie utile de cette loi-là, c'est un peu le même principe qu'on vous amène ici. Me O'Doherty, je ne sais pas si…

Mme O'Doherty (Christine) : Bien, je ne sais pas si je vais répondre directement, je vais essayer, mais ce que je voulais dire, c'est que, l'ampleur de la crise actuelle, je pense qu'on a tous été frappés par ça. Au premier chef les professionnels, ensuite les gens qui les côtoient, les politiciens, les médias, on a tous été frappés par cette crise-là mais surtout par l'ampleur.

Depuis 2009 que l'ordre travaillait… M. Ouellette, vous faisiez référence à 2009, puis effectivement les firmes ont mis en place des mécanismes pour modifier les choses.

Le Président (M. Ferland) : Il reste 2 min 30 s environ. Allez-y, continuez.

Mme O'Doherty (Christine) : On va faire ça vite.

M. Ouellette : Oui, parce que je vais avoir une autre question.

Mme O'Doherty (Christine) : Mais c'est la démonstration, je trouve, assez éloquente du fait qu'on ne peut pas… une solution n'est pas suffisante pour pallier cette crise-là. Puis une loi va faire un bout de chemin, va nous permettre d'y travailler. Et là c'est vrai que, dans l'empressement du moment… Puis il y a beaucoup de pression pour que les… de la population, des médias en général mais de la population pour qu'on fasse quelque chose. Nous, on reçoit des courriels, je ne sais plus combien par jour : Faites quelque chose. Qu'est-ce que vous faites? Vous ne faites rien. Bon, on ne veut pas se soumettre à cette pression-là, mais on est tous touchés par ça puis on veut mettre en place des choses. C'est pour ça qu'on arrive avec l'idée d'un institut, on est arrivés avec l'idée des audits, parce qu'on estime qu'une seule solution ne sera pas suffisante. Mais ça nous prend des solutions, par exemple. On se dit toujours, à l'ordre : On ne veut pas être ceux, là, dans 10 ans, tu sais, quand on va regarder 2013 puis on va se tourner puis on va dire : Mais vous avez fait quoi? Bien, on n'a pas fait grand-chose. On a laissé passer le train puis...

M. Ouellette : J'ai une dernière question pour la dernière minute qu'il me reste.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, M. le député de Chomedey.

M. Ouellette : J'ai une dernière question. Vous mentionnez, à la page 9 de votre mémoire, que… les personnes ou les entreprises qui devront rembourser. Donc, vous ouvrez la porte, parce que, dans le projet de loi, on parle des entreprises, on parle des dirigeants des entreprises, mais, s'il y a des personnes, des fonctionnaires ou des gens… des élus municipaux… Quelque personne que ce soit, vous les incluez dans le projet de loi n° 61. Il faudra y réfléchir pour qu'eux autres aussi soient imputables. C'est le sens des écritures, O.K.?

M. Lebel (Daniel) : Exact. Absolument.

Mme O'Doherty (Christine) : Des écritures, oui. C'est le sens des écritures.

Une voix : Les Saintes Écritures.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Ouellette : Oui, oui. Non, non, mais c'est le sens des écritures aussi.

Mme O'Doherty (Christine) : Oui.

M. Ouellette : Votre institut, vous dites qu'une partie des sommes recouvrées dans le cadre de cette présente loi puisse servir à la mise en place d'un tel institut. Est-ce que c'est pris dans le 20 % des frais d'administration ou dans le 80 % qu'il reste, votre suggestion que vous pourriez faire?

M. Lebel (Daniel) : Là, je pense qu'on n'est pas nécessairement rendus là, mais ce qu'on dit, c'est que, nous, il faudrait certainement que ces fonds-là servent à aider ce genre d'institut là, c'est ce qu'on vous dit. On est au niveau de l'intention, c'est une idée qui est lancée aujourd'hui. Et c'est à explorer davantage, dont autant son financement, mais ce qu'on dit, c'est qu'il y a certainement là un moyen de financer ce genre d'institut là. Puis en même temps, bien, c'est un moyen de laisser une trace, là, sérieuse, solide, là, qui permet de dire : On a mis en place à même ces fonds-là un institut qui permet de gérer l'intégrité, d'assurer l'intégrité et l'éthique au Québec.

Le Président (M. Ferland) : Alors, le temps étant écoulé… Il reste quatre secondes, le temps de céder la parole au député de...

Une voix :

Le Président (M. Ferland) : Oui, mais je vais le prendre, M. le député.

Une voix :

Le Président (M. Ferland) : S'il en avait besoin. Alors, M. le député de Saint-Jérôme, pour un temps de quatre minutes et des poussières.

M. Duchesneau : Alors, quatre minutes et des poussières. Je vais faire mes commentaires très brefs pour vous entendre. Moi aussi, je trouve que vos commentaires ont été vivifiants, dynamiques, vous êtes une bouffée d'air frais. J'aurais pu continuer là-dessus.

Vous savez, 30 ans pour se faire une réputation, 30 secondes pour la perdre, vous l'avez vécu. On est dans une crise et on doit s'en sortir. Ce que vous proposez est intéressant. Quand on parle de remboursement, il faut quand même trouver l'équilibre, le juste équilibre entre les peines à imposer aux fautifs mais aussi l'équité à ceux qui se sont toujours fait avoir parce qu'ils n'ont jamais été capables d'avoir des contrats. Donc, il faut que l'entreprise honnête sente qu'il y a aussi justice, parce qu'on ne pourrait pas s'acheter une virginité en remboursant, je pense que ça déferait l'idée derrière tout ça. Moi, je pense plutôt à une commission de la vérité et de la réconciliation comme on a eu en Afrique du Sud, dire : Dépêchons-nous à tourner la page.

Et ça m'amène justement à la dimension des remboursements. On ne pourra jamais trouver le montant exact qui représente l'ampleur de la fraude. Il faut donc trouver des moyens de s'entendre rapidement et pour pouvoir tourner court et de manière efficace, là, à la problématique qu'on a actuellement. Ce que vous avez pensé, on dirait, en droit criminel, un «plea bargaining», hein, qu'on puisse s'entendre, qu'on tourne la page et qu'on puisse maintenant agir comme un bon citoyen.

M. Lebel (Daniel) : Non, mais, honnêtement, on n'a pas fixé ni de montant, ni de pourcentage, ni comme... Je veux dire, on ne s'est pas embarqués à ce niveau-là.

Mais, par contre, une des solutions qu'on vous amène ici, c'est notre programme d'audit. On dit : Intégrez-le, le programme d'audit. Forçons la chose, là. C'est-à-dire c'est un programme développé avec le Bureau de normalisation du Québec, vous avez vu le comité qui en fait partie. On n'est pas dans notre institut qu'on vous propose, mais on n'est pas loin, là. C'est-à-dire que notre programme d'audit, c'est déjà beaucoup, là.

M. Duchesneau : ...un peu comme l'institut sur la gouvernance d'organismes privés. Et ça m'amène justement à parler de financement de votre institut. Oui, le gouvernement, je pense, doit sûrement injecter des fonds, mais est-ce que vous n'êtes pas d'avis que les grandes entreprises devraient aussi y contribuer de façon importante? Après tout, vous avez perdu votre réputation, vous tentez de la refaire, et je pense qu'en ayant un organisme indépendant on pourrait sûrement trouver du financement, un des deux. Vous êtes d'accord avec l'idée?

• (15 heures) •

M. Lebel (Daniel) : Absolument. D'ailleurs, notre programme d'audit, c'est totalement financé par les firmes, hein, il n'y a pas de membre qui va donner un dollar pour le programme d'audit. Donc, c'est les firmes qui devront payer pour se faire auditer, volontairement pour l'instant.

M. Duchesneau : Et je suis sûr qu'il ne me reste pas grand temps, je voulais juste faire un commentaire. On a tous vécu une autre crise au Québec, au mois de juillet, avec Lac-Mégantic, et on a vu des bénévoles arriver dès le lendemain pour trouver… Bien honnêtement, j'aurais aimé ça que les ingénieurs, de façon bénévole, puissent… auraient dû aussi débarquer à Lac-Mégantic peut-être pour nous bâtir une cité de l'avenir, sans que ce soit toujours le gouvernement qui soit obligé de payer. Ça aurait été une façon honorable de le faire.

Dernier commentaire. Empressement du gouvernement, M. le ministre, moi, je suis comme un enfant, j'ai le besoin du plaisir immédiat. Moi, je n'ai pas trouvé qu'on s'est empressé trop, trop à avoir ce débat qu'on a ici aujourd'hui. C'est de bonne guerre, mais il faut juste s'assurer que le remède ne soit pas pire que la maladie, et, si, là, on continue à traîner, justement, ce débat-là... Écoutez, la commission Charbonneau, vous en avez parlé, on est encore juste au niveau municipal, on n'a pas encore touché au niveau provincial. Il va falloir qu'on en sorte, de cette crise-là, aujourd'hui. Et ce que vous nous donnez comme suggestion, d'un institut indépendant sur l'intégrité, je vous dis, c'est vraiment une bouffée d'air frais. Et je pense qu'il me reste…

Le Président (M. Ferland) : Bon, il reste quelques secondes, le temps, comme tout à l'heure, de me diriger vers le…

M. Duchesneau : Ça m'a fait plaisir. Merci.

Le Président (M. Ferland) : …le député de Blainville pour un temps similaire, c'est-à-dire 4 min 20 s, M. le député.

M. Ratthé : Merci beaucoup, M. le Président. Madame monsieur, merci d'être là. Évidemment, votre expertise est de grande utilité, puis je pense effectivement que l'institut que vous nous proposez… En fait, ça sort des sentiers battus, j'allais dire, mais je voudrais justement vous entendre encore un peu sur ça, parce que, bon, on voit clairement, là, que vous avez bien défini quel serait le rôle de l'institut, là, vigilance, développer les programmes, en fait inciter les firmes à les mettre en pratique, les suivre, et du même coup aussi vous nous parlez de l'audit, hein, que vous voulez qu'on prenne en considération. Est-ce que, pour vous, ça veut dire que, par exemple, dans l'octroi de contrat, on pourrait se servir d'autant du fait qu'une firme a passé... justement a eu son audit puis qu'une firme suit, je veux dire, les bonnes pratiques de gouvernance de l'institut? Est-ce que ça devrait devenir un prérequis ou du moins faire partie d'une grille de pondération? Comment vous voyez la chose, là, dans le pratico-pratique? Parce qu'on met des choses en place, on dit : On va regarder comment ça se passe, mais, quand vient le temps d'octroyer le contrat, comment vous voyez, là, sur le terrain, comment ça pourrait se traduire, tout ça?

M. Lebel (Daniel) : Oui. Bien, pour le programme d'audit, écoutez, comme on l'a dit un peu plus tôt, c'est un programme d'audit très sérieux, hein, qui va parler autant du code de conduite de l'entreprise, son code d'éthique, comment on fait l'arrimage avec le Code de déontologie des ingénieurs. Pour nous, ça, c'est essentiel, un ingénieur doit se retrouver là-dedans. Un ordre professionnel, ça contrôle l'exercice des professionnels. Ce qu'on dit, c'est qu'on n'a pas attendu que quelqu'un nous dise : Vous avez le droit dorénavant de… vous devez dorénavant auditer les firmes. Ce qu'on a dit, c'est : Nous, on va développer un programme d'audit qui va nous permettre de débarquer chez les firmes, pour aujourd'hui, sur une base volontaire. Ce qu'on vous dit, c'est : Pourquoi ne pas le rendre sur une base… voyons…

Une voix : Obligatoire.

M. Lebel (Daniel) : …obligatoire — merci — pourquoi ne pas le rendre sur une base obligatoire et donner à l'ordre professionnel ce pouvoir-là d'agir auprès des firmes? Alors, c'est ce qu'on dit. On est en train de le développer, et ça se fait très bien. D'un point de vue volontaire, on peut le faire, on peut y arriver, mais cet audit-là va être fait de façon très rigoureuse au niveau des pratiques d'affaires, du développement professionnel, au niveau des codes d'éthique, code de conduite de l'entreprise. C'est fait avec le BNQ. C'est vraiment un programme d'audit très crédible et très sérieux, donc pourquoi ne pas s'en servir? Je veux dire, on est en train de le développer, ça. Pourquoi ne pas s'en servir?

M. Ratthé : Iriez-vous jusqu'à dire, par exemple, que, si ce n'était pas bien suivi par une firme, on pourrait même l'utiliser pour discarter cette firme-là, pour dire : Bien, en tout cas, ça va donner moins de points, ça la met moins en compétition, par exemple, avec les autres?

M. Lebel (Daniel) : Comme on a toujours dit, nous, on va tenir un registre des firmes qui se sont conformées à notre programme d'audit. On va le tenir, ce registre-là. Donc, évidemment, ça devient un outil pour les organismes publics, évidemment, de voir quelle firme s'est fait auditer, et lesquelles ont passé, et lesquelles sont en train de se faire auditer présentement, et, voilà, c'est ça, le but, là.

Oui, je vous laisse…

Mme O'Doherty (Christine) : Il y a peut-être deux manières d'utiliser le programme d'audit : en prévention ou en correction. Puis c'est les discussions, c'est l'essence des discussions qu'on a avec nos partenaires autour de la table aussi. C'est-à-dire que, par exemple, quelqu'un qui voudrait obtenir la certification de l'AMF pourrait dire, en prévention : Es-tu allé faire ton audit avec l'Ordre des ingénieurs? Ah non? Bien, vas-y donc avant de soumettre ton dossier. Ou, en correction : Bien, tu as fait ça, mais il te manque telle ou telle affaire. Tu n'as pas de code de conduite dans ton entreprise, tu n'as pas mis en place des bonnes pratiques. Va donc faire ta certification avec l'OIQ, puis ensuite tu reviendras nous voir. Donc, il y a différentes manières, là, d'arrimer les deux.

Puis, juste pour ne pas oublier, on ne veut pas se substituer à l'AMF, absolument pas. Nous, on travaille en prévention avec les firmes. Mais c'est sûr que, comme dans n'importe quel secteur, il faut créer des incitatifs et des incitatifs puissants, parce que, là, on est tous… on est tout le monde là-dedans, et tout le monde ressent le besoin de faire maison nette, mais, dans deux, trois ans, dans quatre ans, à un moment donné, les gens vont se mettre à oublier, et puis là ça va devenir moins pressant, tout à coup, de faire les bonnes choses. Donc, il faut se donner les moyens d'y arriver.

Le Président (M. Ferland) : Alors, peut-être le temps d'un commentaire. Il reste à peu près 15 secondes, M. le député.

M. Ratthé : Bien, écoutez, le commentaire sera le suivant, il va être très simple : Je vous remercie beaucoup d'être venus. Je pense qu'il y a sûrement plusieurs recommandations qui vont nous éclairer dans notre démarche puis dans l'adoption du projet de loi. Et merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, M. le député. Merci à vous pour votre mémoire, votre présentation.

Et, sur ce, je vais suspendre quelques minutes, le temps de permettre au prochain groupe de prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 15 h 6)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Ferland) : Alors, la commission… À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Alors, nous accueillons les représentants de l'Association de la construction du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous identifier et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent, tout en vous mentionnant que vous disposez de 10 minutes, mais, comme tout à l'heure, là, on va vous permettre de déborder un peu du 10 minutes, et le temps sera recalculé à ce moment-là. Alors, je vous cède maintenant la parole.

Association de la construction du Québec (ACQ)

Mme Bertrand (Manon) : Merci, M. le Président. Je me présente : Manon Bertrand, entrepreneure et présidente de l'Association de la construction du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Claude Godbout, ex-entrepreneur et directeur général de l'Association de la construction du Québec, et de Me Pierre Hamel, directeur des affaires juridiques et gouvernementales à l'ACQ.

L'ACQ tient d'abord à remercier les membres de la Commission des institutions de lui donner l'occasion de présenter ses commentaires sur le projet de loi n° 61, Loi visant principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des organismes publics relativement à certains contrats dans l'industrie de la construction.

L'ACQ partage les préoccupations du gouvernement en matière de récupération des sommes qui ont été soutirées illégalement aux organismes publics dans le cadre de travaux de construction. Nous sommes également conscients que l'ampleur des sommes impliquées conjuguée au nombre important de contrats pouvant être concernés nécessite l'adoption de mesures particulières, qui doivent toutefois être bien encadrées.

Ces mesures complémentaires à celles déjà mises en place pour prévenir et combattre la collusion et la corruption au Québec constituent des outils importants qui permettront, nous l'espérons, de limiter les dommages qu'elles ont pu engendrer. Toutefois, l'adoption a posteriori de dispositions extraordinaires démontre la nécessité, pour le gouvernement et les organismes publics, de soutien non pas simplement pour le passé, mais également pour l'avenir pour tout type de fraude qui pourrait survenir à l'égard de tout type de contrat, pas uniquement en matière de construction. Le gouvernement, par l'adoption de différentes lois, a assujetti l'ensemble des fournisseurs de l'État aux différentes mesures qui visent à préserver l'intégrité des contrats publics. Le présent projet de loi ne devrait pas faire exception.

En couvrant la plage des 15 dernières années, le projet de loi nous amène à faire un autre constat : l'absence de mécanismes de prévention et d'expertise suffisante au sein de la fonction publique municipale et provinciale en matière de marchés publics au Québec au cours de ces années. Différentes raisons ont amené plusieurs organismes publics à baisser la garde, à gérer autrement, souvent de façon réactive, en fonction des ressources et des systèmes qui se sont tranquillement implantés à tous les niveaux.

À cet égard, le temps a fait son oeuvre. À titre d'exemple, le ministère des Transports a bien compris l'importance de la tâche qui l'attend. En préambule du document intitulé Payer le juste coût pour les investissements routiers, le ministère exposait la situation en ces termes : «Afin d'atteindre pleinement cet objectif, il me semble incontournable de procéder à un changement de culture important qui doit s'inscrire au sein d'une organisation indépendante. Ainsi, l'agence des transports, que nous proposons de mettre en place, constituera la pièce maîtresse de l'ensemble de notre stratégie.»

S'il est possible d'adopter des lois et des règlements afin de rattraper le temps perdu et faciliter la lutte à la corruption et à la collusion, il serait toujours plus avisé d'adopter des pratiques indépendantes au sein des organismes afin de les prévenir. Il est important de rappeler que les procédures de base pour une bonne administration des marchés publics sont les mêmes que celles proposées par l'ensemble des études et rapports sur les meilleures pratiques visant à prévenir la collusion et la corruption.

La nature même du projet de loi démontre à quel point nous n'étions pas préparés à faire face à un phénomène de collusion et de corruption de l'ampleur de celui qui a été mis à jour au Québec. Si l'industrie de la construction est propice au développement de tels phénomènes, elle n'en a pas l'exclusivité. La mise à jour de stratagèmes de collusion et de corruption dans d'autres marchés de l'État pourrait s'avérer tout aussi complexe que celui de l'industrie de la construction, et le recouvrement des sommes illégalement soutirées, tout aussi difficile.

C'est dans cette optique que l'ACQ recommande d'étendre les dispositions du projet de loi à tous les fournisseurs de l'État. Toujours dans une perspective d'avenir, nous nous interrogeons sur l'efficacité du nouveau régime si tous les intervenants ayant pu frauder ou participer à des manoeuvres dolosives envers les organismes publics ne sont pas assujettis aux dispositions du projet de loi. Pourquoi, dans le cadre des contrats publics reliés à l'industrie de la construction, les seuls intervenants visés sont les firmes de génie-conseil et les entreprises de construction? Pourquoi les acteurs ayant directement participé de façon contributoire à la fraude ou aux manoeuvres dolosives peuvent-ils bénéficier d'un statut particulier par rapport aux professionnels et aux entrepreneurs? En quoi de telles restrictions au champ d'application de la loi permettront d'envoyer un message clair et non équivoque d'imputabilité aux autres industries, aux fonctionnaires et élus provinciaux et municipaux?

Les témoignages entendus dans le cadre des travaux de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction démontrent à quel point l'intervention des élus et des fonctionnaires peut être déterminante pour l'efficacité des stratagèmes mis en place, intervention obtenue généralement à fort prix. L'ACQ recommande donc que tous les acteurs d'une fraude ou de manoeuvres dolosives, quelles qu'elles soient, doivent être couverts par les dispositions du projet de loi.

Quant aux dispositions mêmes du projet de loi, elles méritent, selon nous, certaines précisions. Les mesures apportées sont extraordinaires : nouvelle prescription de cinq ans au lieu de trois ans, présomption de dommage, présomption du montant des dommages, pouvoir d'enregistrer une hypothèque légale ayant jugement sur les biens des personnes concernées. Ces mesures, comme le titre de la loi le précise, visent principalement le recouvrement de sommes payées injustement par des organismes publics relativement à certains contrats dans l'industrie de la construction.

La loi crée deux nouvelles présomptions en cas de fraude ou de manoeuvre dolosive. Alors que la fraude relève du droit criminel, les manoeuvres dolosives découlent de principes appartenant au droit civil. Alors que la loi sur l'intégrité dans les marchés publics, la Loi sur le bâtiment et la Loi sur les contrats des organismes publics visent toutes la protection d'organismes publics face à des infractions pénales qu'auraient pu commettre certaines entreprises, le projet de loi n° 61 y apporte une dimension civile.

Une manoeuvre dolosive au sens du droit civil peut prendre plusieurs formes dans le cadre d'un contrat de construction. Le fardeau de preuve qui y est associé est moins lourd que celui requis en matière criminelle ou pénale. Quel fardeau de preuve donnera ouverture aux présomptions proposées par le projet de loi : la balance des probabilités ou une preuve hors de tout doute raisonnable?

De par la nature du projet de loi, nous en déduisons qu'il s'agit de la preuve établie dans le cadre d'un procès civil. Si c'est le cas, il serait opportun de le préciser, car cette disposition aura un impact important au niveau de l'encadrement juridique des projets futurs. Ainsi, des manoeuvres dolosives sur le plan civil découvertes dans le cadre de l'adjudication du contrat, donc au début du processus, sans que l'organisme concerné ne débourse quelque montant que ce soit, sont et seront également couvertes par les dispositions du projet de loi. Une manoeuvre dolosive qui permet l'annulation d'un contrat, par exemple, sans que les sommes n'aient été injustement payées donnerait ouverture à une réclamation en dommages. L'objectif du projet de loi ne semble pas viser ces situations. Le projet de loi vise à faciliter la preuve du dommage et à en déterminer le montant lorsqu'il y a eu réellement dommage.

Quant aux présomptions elles-mêmes, nous croyons que la présomption de dommage mérite une attention particulière. Est-elle absolument nécessaire? En démontrant qu'il a été amené à payer des sommes qu'il n'aurait pas dû payer, l'organisme public fait la démonstration d'un dommage. En procédant ainsi, on évite de créer une présomption de dommage dans le cas où il n'y a pas de somme payée injustement tout en permettant à l'organisme public de bénéficier de la présomption relative au montant des dommages. Nous croyons donc qu'il importe d'évaluer avec beaucoup de prudence la nécessité d'établir une présomption de dommage.

Pour ce qui est du montant des dommages, l'ACQ recommande que le pourcentage présumé qui sera déterminé par décret du gouvernement soit établi à partir d'études documentées tenant compte du type de contrat visé, de l'organisme concerné, de l'impact financier réel pour l'organisme public découlant de la manoeuvre dolosive, et ce, encore une fois, afin de permettre aux organismes publics de procéder au recouvrement de sommes payées injustement par ceux-ci relativement à certains contrats plutôt que de réclamer injustement des sommes qui n'ont pas été payées.

Voilà, M. le Président, en bref les éléments les plus importants que nous souhaitons porter à l'attention de la commission.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, Mme Bertrand, M. Godbout, M. Hamel. Alors, nous allons maintenant procéder à la période d'échange, et je reconnais M. le ministre pour un temps de 24 minutes. M. le ministre.

• (15 h 20) •

M. St-Arnaud : Merci, M. le Président. Bien, bonjour, Mme Bertrand. Bonjour aux gens qui vous accompagnent. Merci. Merci pour votre mémoire, pour votre contribution, qui va certainement contribuer à la réflexion des membres de la commission lorsque nous aborderons l'étude article par article du projet de loi.

Peut-être une première question sur… Vous reprenez un peu — ce n'est pas la première fois qu'on l'entend depuis jeudi dernier — le fait d'étendre les dispositions du projet de loi au-delà de l'industrie de la construction, alors j'aimerais vous entendre, dans un premier temps, là-dessus. Qu'est-ce qui vous permet de croire que d'autres industries sont aux prises avec les mêmes problèmes ou avec des problèmes de la même gravité que ceux qu'on a eu l'occasion de voir depuis quelques années? Parce qu'évidemment vous comprenez que… Vous l'avez dit, vous le dites vous-même, il y a des mesures… je pense que vous employez les mots «mesures extraordinaires», dans le projet de loi, qui sont… Je pense que le terme que vous utilisez, c'est «dispositions extraordinaires», à la page 3, pour une situation extraordinaire que nous avons vue au cours des dernières années dans l'industrie de la construction. Donc, qu'est-ce qui vous amène à… qui vous permet de croire que d'autres industries seraient aux prises avec des problèmes de la même ampleur et qui vous amène à conclure qu'il faudrait que le projet de loi s'étende à tous les fournisseurs de l'État?

Mme Bertrand (Manon) : Je vais céder la parole à Me Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Merci. Alors, M. le Président, donc, essentiellement, il y a deux éléments qui sont importants. Le premier, c'est que, un peu comme l'Ordre des ingénieurs, le caractère extraordinaire de la situation est apparu un pas après l'autre et s'est dévoilé devant le Québec depuis des années, là, sans que personne ne le sache ou ne s'en doute. Dans le cadre de cette démarche-là, le gouvernement a commencé par adopter le projet de loi n° 73, le projet de loi n° 76. Après ça, ils ont fait des modifications, ils ont créé le RENA. Après ça, ils ont enlevé le RENA, ils ont mis la Loi sur l'intégrité. Donc, il y a eu des reculs, des pas en avant, en arrière pour s'apercevoir que l'idéal, et c'était le projet de loi n° 1 : qu'on couvre tous les marchés publics.

Alors, c'est un peu la même chose, on se retrouve devant une situation dont on doit prendre les leçons et on se dit : Lorsqu'il y a une preuve de fraude et de dommage qui est étendue sur une longue période d'années, est-ce qu'on a les outils, en droit civil, pour faire la récupération de ces sommes-là? La réponse est manifestement non, puisque le projet de loi n° 61 est devant nous. On a besoin de certaines présomptions, on a besoin d'éléments pour favoriser la preuve et aider le Procureur général, dans sa démarche civile, à obtenir ces sommes-là.

Or, ces démarches-là, si elles sont valables pour notre industrie, elles sont valables pour toutes les industries. Ça, c'est au niveau de l'étendue, au niveau, je dirais, de l'assujettissement du type de marché, mais en plus ce projet de loi là, il est comme complémentaire à l'ensemble des démarches qui ont été prises, qui ont commencé le 29 octobre 2009 avec le resserrement de la gestion contractuelle et qui se terminent ou qui se complètent aujourd'hui par la récupération des sommes. Et ça, c'est dans un contexte de changement de culture. C'est important que ça s'adresse non pas juste aux entreprises de construction mais à tout le monde qui fraude l'État. Tout le monde qui fraude l'État est susceptible de payer ce qu'il a fraudé dans le cadre d'un régime de recouvrement de créances propre à la situation, c'est de même qu'on comprend le système. Et on se dit : L'intégrité est protégée, entre autres, par l'AMF, mais, lorsqu'on passe entre les mailles du filet… Aujourd'hui, c'est l'industrie de la construction. Demain, ça sera quoi? Et ça n'a pas besoin nécessairement d'être des centaines de millions pour intéresser le gouvernement à avoir des recouvrements.

Alors, dans ce contexte-là, on comprend que le projet de loi n° 61 est là pour rester, et donc il devrait couvrir ce qu'il a à couvrir, comme les autres projets de loi l'ont fait.

M. St-Arnaud : Et… M. le Président. Selon vous, Me Hamel, si on étendait… Parce qu'effectivement, aux articles 3 et suivants, il y a des moyens… il y a des dispositions extraordinaires, comme vous le dites, très, très, très particulières. Est-ce que, selon vous… Est-ce que je dois comprendre de ce que vous nous dites que, si on les étendait à tous les fournisseurs de l'État, ça passerait le test des tribunaux?

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, il y a des difficultés avec ce projet de loi là. Au niveau juridique, c'est un peu comme un cube Rubik : on les enlève, on en ajoute, il faut en enlever. Il faut être très, très prudent.

Je comprends que… On en déduit, à l'association, que, si le projet de loi est sur la table, c'est parce que le Procureur général n'a pas suffisamment d'armes pour aller devant les tribunaux et pouvoir recouvrer de façon efficace ces sommes-là, autrement on utiliserait le réseau de droit civil qu'on a actuellement. Alors, dans ce contexte-là, on dit : Il serait peut-être… Élargissez le champ, faites-la de façon générale. Donc, il n'y a pas d'individus qui vont être ciblés, on ne pourra pas dire : Bien, c'est une loi juste pour lui, il y a juste son nom qui est écrit dans la loi. Alors donc, c'est le premier élément.

Et l'autre élément : Enlevez ce qui n'est vraiment pas nécessaire en termes de présomption. Et, faire une présomption de dommage, je pense que la difficulté ici, pour le procureur, serait de faire la preuve réelle du dommage. Alors, on peut comprendre qu'il y ait une présomption de dommage, et ça, on pourra en reparler, mais c'est l'élément le plus important. Alors, quand ça s'applique…

Et là il y a toute la question : Quand est-ce que, ce régime-là, on le met en application? Si on l'élargit, on limite son champ d'application et on en fait juste, je dirais, une présomption de dommage qui soit raisonnable, je pense que ça va passer le test des tribunaux. Et, quand je parle de limitation d'assujettissement, je prends par exemple la Loi sur l'intégrité. Il y a une annexe, il y a série d'infractions, et ces infractions-là sont très claires et visent exactement les éléments dont on entend parler depuis des années : corruption de fonctionnaire, fraude envers le gouvernement, abus de confiance, acte corruptible dans les affaires municipales, achat, vente d'une charge, influencer ou négocier une nomination ou en faire commerce, parjure, etc. Donc, l'ensemble des infractions ou des problématiques qui ont mené à la mise en place de stratagèmes sont bien identifiées dans le projet de loi n° 1.

L'argent qu'on veut récupérer, lorsqu'on parle de fraude ou de manoeuvre dolosive, là, on est plus vague, on est plus large. Une manoeuvre dolosive, ça peut être… en droit civil, c'est principalement pour annuler un contrat. Alors, je prends, par exemple, la situation si j'applique le projet de loi tel quel. Je suis une firme de génie-conseil et je suis en comité de sélection. Dans mon dossier, j'ai le C.V. d'un ingénieur que je sais parfaitement qu'il ne travaillera pas sur le chantier parce qu'il est occupé ailleurs, mais j'indique dans mon… ou encore j'agrémente ou j'améliore ses connaissances et ses compétences pour pouvoir avoir le contrat, et, au moment de l'adjudication du contrat, on s'aperçoit qu'il y a une fraude, on annule le contrat. Il n'y a pas de dommage, mais la présomption s'applique, et donc je suis tenu de payer un pourcentage d'un contrat où l'organisme public n'a pas eu à payer des sommes. Et c'est ça, le concept. Le concept, ce n'est pas d'amener l'organisme public à percevoir des sommes qu'il n'a pas reçues, c'est de récupérer les sommes qu'il a illégalement payées.

Alors, c'est pour ça que la notion de manoeuvre dolosive et de fraude nous apparaît un peu susceptible d'ouvrir à des situations qui… Si c'est ce que le gouvernement veut, dites-le clairement, parce que, dans la façon de gérer les contrats, ça devra être considéré. On ne pense pas que c'est l'objectif du projet de loi. On comprend que c'est véritablement pour faire face à des situations qui effectivement relèvent plus d'infractions criminelles ou pénales ou même en vertu de la Loi sur la concurrence que de l'administration des contrats en droit civil de façon générale du gouvernement. Alors, c'est pour ça qu'on dit : Soyez prudents.

Mais, comme le disait un des représentants, on est en train de finaliser notre réflexion là-dessus, parce qu'on a eu peu de temps pour vraiment… Parce que c'est vraiment un casse-tête juridique à certains égards, l'article 3 et l'article 5.

• (15 h 30) •

M. St-Arnaud : Peut-être… Bien, justement, là-dessus, sur les deux présomptions, sur la… Donc, à l'article 3, il y a la présomption de dommage; à l'article 5, la présomption eu égard au quantum. Sur la présomption relative au quantum, vous dites : Ça ne doit pas être basé, ce pourcentage-là, sur une évaluation vague, mais ça devrait faire l'objet d'analyses documentées qui tiennent compte des dommages selon l'organisme concerné et le type de contrat visé. Et vous recommandez que le pourcentage présumé des dommages, à l'article 5, soit déterminé par décret mais à partir d'études documentées, le type de contrat, l'organisme concerné, l'impact financier réel pour l'organisme public.

Concrètement, on fait ça comment? Comment on peut donner suite à votre recommandation? Est-ce que c'est du cas par cas? Est-ce que vous, du côté de l'ACQ, vous avez eu une réflexion sur ces pourcentages-là? Vous semblez dire : Ça devrait… Il ne faut pas que ce soit un pourcentage uniforme comme semble laisser croire le projet de loi, là. Enfin, c'est ce que vous dites. Alors, qu'est-ce qui vous amène à dire : Il faudrait que ça soit fait à partir d'études documentées et variant selon le type de contrat, l'organisme concerné, l'impact financier? Comment on peut concrètement donner suite à votre recommandation qu'on a à la page 12?

M. Hamel (Pierre) : L'élément qui est important, c'est que, dans le cadre du projet de loi actuel, comme je le disais tantôt, il couvre beaucoup plus largement que juste les travaux de la commission d'enquête. La manoeuvre dolosive, ça a effet dans tous les contrats de construction, même dans le bâtiment, et dans les routes, et partout. Et donc on se dit : Les chiffres qu'on entend qui sont des estimations approximatives de ce qu'on pense que ça pourrait être, lorsqu'on met en place une loi, bien ça prend peut-être des balises plus sérieuses.

Et, d'un côté… Puis je n'ai pas la réponse, mais, d'un côté, la loi permet au gouvernement de faire la preuve de plus, si c'est plus, ou à l'entreprise de faire la preuve que c'est moins, si c'est moins. Mais faire la preuve de moins, c'est assez difficile, dire : Bien, écoutez, moi, je ne suis pas responsable, mais, si je suis reconnu coupable, votre dommage ne pourrait être que de tel montant. C'est un peu difficile. C'est une présomption qui est très lourde sur le dos des entrepreneurs et, nous, on considère, qui peut être prise dans un contexte hors commission d'enquête. Dans cinq ans, cette loi-là va encore exister et elle aura façonné les façons de faire au Québec, comme tel. Alors, si on se… Et c'est pour ça que je dis : Si on se retrouve dans une situation où, dans le cadre d'échanges, il y a un tribunal qui dit : Bien là, vous êtes allés trop loin, c'est des manoeuvres dolosives, bien là j'ai un 30 % qui s'applique automatiquement. Ça ne s'applique pas vraiment.

C'est là qu'on dit : Prenez le temps de regarder. Est-ce qu'il y a certains types de contrat qui, eux autres, manifestement amènent à un montant? Bien, dites-le. S'il y a d'autres types de contrat où le pourcentage est différent… Et ça, c'est le ministère des Transports, c'est les municipalités, c'est eux autres qui vont vous le dire. Nous, on n'a pas les chiffres là-dessus, mais, ce qu'on dit, on dit : Prenez le temps de faire une loi juste qui va nous permettre de recouvrer ces sommes-là de façon appropriée mais sans plus, là, pas aller plus loin, encore une fois, pour trouver d'autres montants.

Alors donc, ça prend une certaine souplesse, et donc on ne peut pas dire : Le dommage présumé est de 20 %. Sur quelle base? Ce n'est pas vraiment ça, l'objectif de la loi. Alors, il s'agit… Il n'y a pas de problème à ce qu'on prévoie cette présomption-là, mais cette présomption-là doit être solide et articulée. C'est tout simplement ça qu'on veut dire.

M. St-Arnaud : Parce qu'en fait c'est sûr que le pourcentage qu'éventuellement le gouvernement mettrait pour… comme présomption à l'article 5 serait étayé par des études, là. Ça, je pense que c'est ce que vous souhaitez.

M. Hamel (Pierre) : Bien, c'est ce qu'on souhaite.

M. St-Arnaud : C'est ce que vous souhaitez.

M. Hamel (Pierre) : On souhaite que ce soit… Parce que nous, on n'en a pas, de chiffre. Puis, les chiffres, il peut y avoir des guerres de chiffres, on l'a vu partout, là.

M. St-Arnaud : Juste une chose. Alors, je comprends bien, là, ce que vous dites eu égard à la présomption quant au quantum. Ce que vous nous dites, c'est : L'expression «fraude et manoeuvre dolosive», là, ce n'est pas nécessairement la bonne expression à utiliser.

Tantôt, j'ai cru comprendre que l'Ordre des ingénieurs disait : Pourquoi, plutôt que de dire «sur preuve qu'une entreprise a fraudé ou s'est livrée à une manoeuvre dolosive»… J'ai cru comprendre que l'Ordre des ingénieurs nous disait : Pourquoi vous ne mettez pas quelque chose de plus... une condamnation criminelle, par exemple? Sur preuve d'une condamnation criminelle, la présomption de dommage entre en jeu, et éventuellement la présomption... Est-ce que c'est ce que vous avez en tête également?

M. Hamel (Pierre) : Bien, disons que c'est un élément… c'est une piste de solution très intéressante, d'autant plus, comme je le disais d'entrée de jeu, que la Loi sur les contrats des organismes publics en fait une énumération. Alors, il y en a... ça va plus loin que l'industrie de la construction, et même dans l'industrie de la construction ça va au-delà des éléments qui sont susceptibles d'amener la récupération d'argent, mais, à partir de cette énumération-là, la loi... le projet de loi n° 61 pourrait avoir sa propre annexe.

M. St-Arnaud : Mais le problème, évidemment, c'est que, si on mettait ça, là, évidemment, on amène dans une procédure civile un fardeau de preuve qui existe au niveau criminel, qui est le hors de tout doute pour... Alors là, ce n'est pas simple, là, hein? L'idée derrière ça étant d'aller récupérer de l'argent, il faut quand même qu'on puisse en récupérer.

M. Hamel (Pierre) : M. le Président, si vous permettez, effectivement, effectivement, ce n'est pas simple, la situation n'est pas simple et… Mais, si vous voulez faire un fardeau civil, ça va être assez difficile aussi, là, d'éviter les dommages collatéraux, comme tel.

M. St-Arnaud : Ce que vous nous dites, Me Hamel, c'est : Faire une preuve au niveau civil de la fraude ou de la manoeuvre dolosive, ça ne sera pas simple non plus. C'est ce que vous dites?

M. Hamel (Pierre) : Bien, c'est-à-dire que ça va être plus simple.

M. St-Arnaud : C'est plus simple. Bien, c'est-à-dire que ça va être… c'est sûr que…

M. Hamel (Pierre) : Ça va être moins lourd.

M. St-Arnaud : Ça, c'est clair.

M. Hamel (Pierre) : Ça va être moins lourd, évidemment, ça va être moins lourd.

M. St-Arnaud : Mais vous dites que vous aurez quand même des problèmes.

M. Hamel (Pierre) : Écoutez, je ne connais pas la nature de la preuve que vous avez, là, je ne peux pas porter de jugement. Tout ce qu'on dit, nous, c'est qu'il y a un imbroglio, il y a quelque chose de pas clair...

M. St-Arnaud : C'est surtout l'expression «manoeuvre dolosive» qui vous inquiète, là, plus que...

M. Hamel (Pierre) : Voilà, voilà, qui...

M. St-Arnaud : «Fraude», c'est assez clair, là.

M. Hamel (Pierre) : C'est assez simple. On peut avoir une fraude civile comme une fraude pénale ou criminelle. Mais une manoeuvre dolosive, ça peut... Un abus de droit, c'est une manoeuvre dolosive. Alors, c'est beaucoup... Ça va un peu trop loin, on trouve, principalement.

M. St-Arnaud : Ça va. Ce que je n'ai pas saisi… Bon, on a parlé de la présomption de l'article 5, là, sur le quantum. J'entends ce que vous nous dites : Cette présomption-là, appuyez-la sur des études sérieuses, et peut-être qu'il devra y avoir des variations selon le type de contrat ou l'organisme visé.

Par contre, j'ai un peu de difficultés à comprendre... Sur la présomption de dommage, vous semblez dire... vous semblez remettre en cause, finalement, le premier alinéa de l'article 3. Je pense que vous dites, si je ne me... «…nous nous interrogeons sur la pertinence d'établir une présomption de dommage.» J'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Hamel (Pierre) : Ce que je comprends... ou ce qu'on comprend, pardon, de la rédaction du projet de loi, c'est qu'il y aura une preuve de fraude, il y aura une preuve de manoeuvre dolosive...

M. St-Arnaud : Qui est implicite? La présomption de dommage est implicite?

• (15 h 40) •

M. Hamel (Pierre) : Non, je n'ai pas terminé. Ce que je dis, donc, on est en situation de fraude. On aura fait la preuve de fraude et on devra faire la preuve qu'il y a des montants qui ont été payés illégalement. Ça, ça démontre une faute puis un dommage.

Maintenant, le quantum, lui, il est beaucoup plus difficile à établir parce que ça s'est fait en secret, parce que c'est une fraude, parce qu'on n'a pas l'information. Mettons une présomption raisonnable en fonction des analyses qu'on fait.

Parce qu'on regarde toujours ce projet de loi là en disant que ça peut s'appliquer même en matière civile et ça peut avoir des implications. Alors, si vous voulez l'appliquer au sens large et vous enlevez la présomption de dommage, bien là, si on se retrouve dans le même exemple où j'ai une firme qui soumissionne et qui donne un faux C.V. mais qu'il n'y a pas de présomption de dommage, alors j'ai commis une faute mais il n'y a pas eu de dommage, alors je peux être poursuivi au criminel, au pénal, je peux perdre mon pouvoir d'avoir des contrats à l'AMF, mais je ne paierai pas des sommes qui n'ont pas été, par ailleurs, versées.

Si j'ai une présomption de dommage, donc, il faut que je démontre qu'il n'y a pas eu de dommage et il faut que je démontre, le cas échéant, que ce dommage-là n'a pas été un montant x, de 20 %. Donc, il y a des cas qui peuvent... il peut y avoir plusieurs cas dans le cas où la présomption de dommage va au-delà du dommage réel, là, et donc il n'y en a pas, de dommage.

M. St-Arnaud : Pouvez-vous... Il me reste une ou deux minutes?

Le Président (M. Ferland) : Il reste presque quatre minutes, là.

M. St-Arnaud : J'aimerais ça que vous me donniez un exemple. Vous nous le dites, là, avec le C.V., là, mais un exemple où vous dites qu'il n'y aurait pas nécessairement de dommage, donc la présomption de dommage est inutile.

M. Hamel (Pierre) : Bien, on ne dit pas qu'il n'y a pas de dommage, mais il n'y a pas de...

M. St-Arnaud : J'aimerais ça que vous me donniez un exemple concret, là, parce qu'une...

M. Hamel (Pierre) : Bien, c'est toute la situation de manoeuvre dolosive pour obtenir un contrat. Un entrepreneur soumissionne, l'attestation de conformité fiscale est falsifiée. S'il passe par un comité de sélection, bien les informations qui sont là sont inexactes et elles font partie des critères de sélection importants. Alors, vous voyez la situation. Je m'en aperçois par la suite, et là je dis : Bien là, on lui a donné le contrat. Les travaux n'ont pas débuté, il n'y a pas de somme de versée, et là on le poursuit au civil pour annulation de contrat pour manoeuvre dolosive. Manoeuvre dolosive, poursuite égale présomption de dommage, présomption de dommage évaluée à 20 % du contrat. J'ai un contrat de 1 million que je n'ai pas, mais je vais être obligé de faire un chèque de 200 000 $ à quelqu'un qui n'a jamais versé le 200 000 $. C'est ça qu'on ne veut pas, c'est ça qu'on veut éviter. C'est exactement ça. Alors donc, la notion de manoeuvre dolosive invite à ça, et la présomption de dommage invite également à ça.

Alors, si on reprend le même exemple, mais on dit : Il n'y a pas de présomption de dommage, je vais pouvoir annuler mon contrat pour manoeuvre dolosive, mais le régime particulier ne s'appliquera pas à mon cas, ça va être le régime régulier qui va s'appliquer. S'il y a des dommages mineurs, qui peuvent être le coût de la mise en place d'un comité, «whatever», bien ça sera ça. Et en plus, bien, il y aura les infractions pénales, criminelles et, comme je disais, l'impossibilité d'aller à l'AMF. Il y en a une pléiade, là, qui s'appliquent, au-delà du recouvrement.

M. St-Arnaud : Merci beaucoup, M. le Président. C'est très clair, c'est très clair.

Le Président (M. Ferland) : Alors, M. le ministre…

M. St-Arnaud : Ça va nous... Ça va alimenter notre réflexion sur les articles, surtout sur l'article 3.

Le Président (M. Ferland) : Il vous reste quand même quelques secondes. J'aurais le goût de vous demander, pour les gens qui nous écoutent et celui qui vous parle...

M. St-Arnaud : Oui. Oui, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : ...l'expression «manoeuvre dolosive», pouvez-vous expliquer? C'est que ça a un lien avec la fraude?

M. St-Arnaud : Me Hamel.

M. Hamel (Pierre) : Je vais vous lire la description ou la...

Le Président (M. Ferland) : Si ce n'est pas trop long, là.

M. Hamel (Pierre) : Bien, écoutez, c'est trois heures de droit des obligations, mais on va faire ça en...

Le Président (M. Ferland) : Mais résumez ça en 30 secondes.

M. Hamel (Pierre) : …en une minute, si vous me permettez. C'est : «...les manoeuvres dolosives comportent [...] un plan de tromperie, une machination préparée d'avance. C'est la forme du dol qui se rapproche le plus de l'escroquerie en droit criminel, de la fraude criminelle ou de l'abus de confiance. Il n'est toutefois pas nécessaire que les manoeuvres dolosives soient pénalement répréhensibles pour être susceptibles de sanction civile. L'appréciation du caractère dolosif des manoeuvres est une question de fait laissée à l'appréciation du tribunal civil, qui rend sa décision indépendamment des normes de droit pénal.»

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci beaucoup, Me Hamel. Alors, à ce moment-là, tous les gens vont être informés. Ils sont nombreux à nous écouter, hein, vous le savez.

Alors, maintenant, je reconnais la députée de Bourassa-Sauvé, je crois, pour... Vous avez un temps de 17 minutes et des secondes, là, 20 secondes à peu près.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Merci, Mme Bertrand, M. Godbout et Me Hamel.

J'ai quelques questions. Quand je lis l'article 3 du projet de loi, on dit bien que, s'il y a une preuve qu'une entreprise a fraudé ou s'est livrée à une manoeuvre dolosive, la responsabilité de ses dirigeants et de n'importe quel représentant, même un petit commis qui pourrait être considéré comme un représentant, est engagée. Ça, c'est dur. Ça va très loin. De l'autre côté, s'il y a eu une fraude ou une manoeuvre dolosive… De l'autre côté, nous avons l'organisme public. Chez l'organisme public, on a un fonctionnaire ou un élu qui a participé aussi dans cette fraude, et je vois là un peu deux poids, deux mesures. L'entreprise, ses représentants, ses dirigeants sont responsables. De l'autre côté, l'organisme public qui est le patron du dirigeant n'est pas tenu responsable beaucoup, et on ne fait rien de ce côté-là pour poursuivre le fonctionnaire ou l'élu.

Vous-mêmes, dans votre mémoire, vous dites que le projet de loi vous amène à faire ce constat : «…l'absence de mécanismes de prévention et d'expertise suffisante au sein de la fonction publique municipale et provinciale en matière de marchés publics au Québec au cours de ces [dernières] années est manifeste.»

Qu'est-ce que vous répondez à ces deux poids, deux mesures? Et aussi qu'est-ce que vous pouvez suggérer comme correction à ce que ces mécanismes de prévention et d'expertise existent? À quoi vous faites référence?

Mme Bertrand (Manon) : Bien, c'est sûr que nous, on l'avait présenté, qu'on n'était pas d'accord, justement, que... Il faut que tout le monde soit dans le projet de loi n° 61. Et je vais laisser Me Hamel bien expliquer nos réponses là-dessus.

M. Hamel (Pierre) : Essentiellement, ce que le projet de loi, selon nous, devrait dire, c'est : La personne responsable qui a agi de façon… qui a fait une intervention dans un cadre d'un stratagème devrait être tenue responsable. C'est la personne, c'est les individus, les entreprises aussi, évidemment, là, mais il ne faut pas laisser personne à l'abri de la fraude, là, il ne faut pas protéger… Que ce soit l'État ou que ce soit une entreprise, il ne faut pas protéger les gens qui fraudent. Ça, c'est le premier élément. Il faut que les gens le sachent, l'élément.

L'autre élément, c'est le manque d'expertise, le manque de… depuis de nombreuses années. Ça, c'est un élément qui est important et c'est un élément qui justement n'est pas couvert par le projet de loi. En ne couvrant pas les fonctionnaires, en ne couvrant pas les élus municipaux ou provinciaux, on ne les oblige pas à prendre les moyens appropriés pour éviter qu'il y ait de la fraude. Et actuellement toutes les dispositions législatives sont extrêmement répressives pour les contrevenants, et c'est la première phase, mais tout se joue en amont, à 99 %. Encore le rapport du Vérificateur général parlait de ça, récemment. C'est tout le temps une préparation en amont, une bonne connaissance de la part des organismes publics de ce qui se passe, du marché, d'avoir des outils pour comprendre ces marchés-là, pour pouvoir intervenir de façon adéquate.

L'Ordre des ingénieurs a soulevé la question des municipalités en 2009, dans le cadre du projet de loi d'Infrastructure Québec qui est maintenant la Société québécoise des infrastructures, mais, en 2009, dans le projet de loi n° 65, on a demandé que l'expertise d'Infrastructure Québec soit mise à la disposition des municipalités pour préparer en amont ces projets de loi là. Ce qu'on demande, c'est un peu la même chose, c'est : Trouvez un organisme quelque part qui a de l'expertise, et faites-la profiter aux plus petites municipalités, qui en ont grand besoin, et développez-la pour le mieux de l'ensemble du Québec. Et ça, ce n'est pas des histoires très compliquées à faire, mais il faut que d'abord les réseaux se parlent. En 2008, on a réussi, avec la loi sur les organismes publics, de mettre le ministère des Transports, Société immobilière du Québec, le réseau de l'éducation, le réseau de la santé ensemble dans une même loi. Invitons les municipalités, qui sont presque entièrement couvertes par le projet de loi, sous un même dôme et trouvons des façons de permettre aux experts des grandes municipalités, du ministère des Transports, de la Société québécoise des infrastructures de discuter ensemble de ces façons-là, de dialoguer et pouvoir prendre les mesures appropriées sur le terrain, des choses réelles, efficaces, importantes.

La préparation des plans et devis, des plans et devis complets, des plans et devis bien analysés, c'est encore des problèmes. Le problème, aujourd'hui, c'est qu'on n'a plus de temps. Les professionnels n'ont pas le temps de préparer les plans, on n'a pas le temps, nous, de réaliser les travaux, et après ça on vit avec des problèmes qui nous suivent longtemps. Toutes les études internationales, même les études que l'ACQ a commandées démontrent que, si vous préparez bien en amont votre projet, vous allez avoir tous les indices pour déterminer s'il y a de la collusion ou de la corruption. Et la prévention, ce n'est pas un rêve, là, ce n'est pas parfait à 100 %, mais, si vous adoptez des pratiques saines dans la façon de planifier votre projet, de le budgétiser, dans la façon de… Quand il y a des personnes externes qui en font l'analyse lorsque nécessaire, lorsqu'il y a des irrégularités, lorsque vous faites des post-mortem de vos projets puis vous regardez comment ça s'est passé, qu'est-ce qui s'est passé, souvent c'est juste des individus qui ne s'aiment pas, parce que c'est des mariages forcés, ça, la construction, et il n'y a pas toujours des gens qui s'entendent. Alors, souvent, il y a des gestes à poser qui sont aussi simples que ça pour dire : Bien, on aurait peut-être eu moins de problèmes si on avait mis un autre chargé de projet, etc. Tout ça pour vous dire que c'est ça qu'on veut dire à ce niveau-là. Et, depuis 15 ans, bien, tous les rapports de Vérificateur général nous disent que les entreprises ont baissé les bras, qu'il y a une culture d'extras qui se développe, etc., et c'est ça qu'il faut s'attaquer, c'est là qu'il est important… Et on pense qu'on perd du temps énormément en ne s'attaquant pas à ça.

• (15 h 50) •

Mme de Santis : Vous parlez d'un changement de culture en particulier. J'aimerais maintenant parler de l'imputabilité et de la transparence. Ce qui me surprend dans votre mémoire, c'est que vous dites, dans la section Programme de remboursement, que vous êtes d'avis que la confidentialité devrait englober le nom des parties. Dans le climat que nous avons aujourd'hui, où le public, moi compris, on se sent, devant tout ce qui s'est passé… Ne sachant pas exactement qu'est-ce qui s'est passé, beaucoup mais pas transparent, vous nous dites : En plus de garder confidentielles les ententes, gardez les noms confidentiels. Où est l'imputabilité de ces gens-là?

Ça m'amère aussi à souligner que, dans le projet de loi — et là aussi je ne suis pas d'accord — le règlement qui serait pris par le gouvernement à l'article 35 ne serait pas soumis à l'obligation de publication. Encore une fois, où est la transparence? Le règlement qui se… en vertu de… Si vous regardez l'article 35, le gouvernement peut, par règlement, prendre toute mesure nécessaire ou utile à l'application de la présente loi ou à la réalisation de son objet. Alors, le gouvernement peut faire ces règlements, mais ce règlement-là ne sera pas soumis à l'obligation de publication. Alors, là aussi, je vois un manque de transparence.

Alors, pour moi, dans un monde où on parle d'un gouvernement ouvert, de la participation des citoyens dans la vie de leur gouvernement, ces choses-là ne me plaisent pas du tout. Et, votre commentaire aussi, je ne le comprends pas.

M. Hamel (Pierre) : Je peux l'expliquer de la façon suivante, si vous le permettez, M. le Président : L'objectif, c'est de récupérer des sommes. Il y a beaucoup de sommes, beaucoup d'argent, qu'on peut comprendre, qu'on peut présumer. L'objectif ici, c'est de s'assurer que ces sommes-là soient remboursées à l'État.

Les entreprises sont soit condamnées ou soit font l'objet de poursuites, sont couvertes de façon… par les médias, il y a… Ce qu'on veut, c'est être en mesure d'aller chercher ceux qui ne sont pas là, là, mais qui peut-être vont faire l'objet d'une visite de l'UPAC et peut-être vont être obligés de payer. Ce programme-là vise à aller chercher tout le monde et, pour que ce… Parce que ce programme-là, selon nous, est plus porteur que les poursuites et le fardeau de preuve. Et, si on est capable, par un programme, au moins de limiter les dommages qui ont été causés par l'État par une forme d'amnistie, là, enfin, sans en être une, là, mais au moins… Parce que ces gens-là vont pouvoir être poursuivis au criminel, vont pouvoir… Et ça ne veut pas dire, parce que le montant du règlement n'est pas public, qu'ils vont avoir leur autorisation à l'AMF, etc. Alors, l'objectif, pour nous, puis on n'en fait pas un cas important, mais on pense qu'il y a plus de succès dans… il y a plus de chances de succès, ce programme-là, s'il permet aux personnes qui ont quelque chose sur la conscience d'aller voir le gouvernement en toute quiétude et de payer ce qu'ils ont fait. Ils vont éviter la réclamation civile uniquement.

Mme de Santis : Mais comment, vis-à-vis un public qui est devenu cynique, comment vous allez rassurer le public qu'en effet que les gens qui devraient payer pour leurs péchés paient pour leurs péchés, si tout est confidentiel? Parce qu'il faut aussi rassurer nos citoyens que ce qu'on fait, c'est dans l'intérêt de notre État, de notre... de l'État québécois.

M. Hamel (Pierre) : Ce que je comprends, c'est que le succès de cette entreprise-là passe principalement par le programme lui-même, qu'on ne connaît pas. Qui va administrer ce programme-là? Est-ce que c'est des juges à la retraite? Est-ce que c'est des juges actifs? Est-ce que c'est des gens en qui le public a confiance? Et quelle va être l'indépendance de ces gens-là dans le cadre... Quels vont être les critères? C'est ça qui va faire en sorte que ce programme-là va avoir une autorité, mais, cette autorité-là, il faut qu'elle permette aux gens qu'on n'a pas vus, qui sont sous le radar, de venir et de dire : Écoutez, moi, je veux faire table rase de cette situation-là, je suis prêt à verser ces montants-là. Regardez ce qui s'est passé dans mon entreprise. Non, la police n'est pas venue. Si elle vient, je ferai face à la musique, mais, pour l'instant, je veux me libérer de cet aspect-là. C'est dans cet unique but là qu'on a fait cette recommandation-là.

Mme de Santis : Je laisse la parole à mon collègue.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme la députée. M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : Combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Ferland) : Ah, il vous reste quatre minutes.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Deux petits points que j'aimerais aborder. Alors, merci d'être avec nous. Merci pour votre mémoire malgré le très court délai.

Un point. Tantôt, vous avez mentionné, vous avez affirmé… en tout cas j'ai compris que vous aviez affirmé que le projet de loi était nécessaire parce que nous n'avions pas les outils pour poursuivre. Je me permettrais, M. le Président, de souligner que c'est peut-être poser le problème à l'envers. On adopte la loi parce qu'on n'a pas fait de poursuite, mais peut-être qu'on les avait, les outils pour faire des poursuites, et on aurait pu les utiliser. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de poursuite qu'on doit nécessairement bouleverser notre système de droit et adopter le projet de loi n° 61. C'est un choix. C'est un choix qui se défend, mais... Et, je pense, d'autres l'ont souligné. Je pense, M. le Président, qu'il serait important que le ministre l'indique clairement dans la loi, ce qui justifie ces mesures exceptionnelles. Parce que ce sont des mesures exceptionnelles, là, vous avez fait une démonstration éloquente à cet égard.

Il y a un point que vous avez soulevé qui m'a amené une question. Dans mon esprit à moi, cette loi-là visait les gestes dont on parle amplement depuis quelques années, qui font l'objet d'une commission d'enquête, et ça n'avait pas un but prospectif, c'est-à-dire pour l'avenir. Mais, à vous entendre, ce que vous dites, c'est : Cette loi-là s'applique à l'avenir, et dorénavant ça va faire partie de notre corpus législatif, de nos règles de droit. Et ça m'inquiète d'entendre ça parce que, dans mon esprit, c'était une mesure exceptionnelle, qui visait une période limitée dans le temps, et que ça ne doit pas avoir une portée pour l'avenir.

Si j'ai mal compris, on pourra clarifier cette question-là. Je voudrais vous entendre sur ça, sur ce point-là, là, comment vous percevez la loi.

M. Hamel (Pierre) : Bien, nous, M. le Président, si vous permettez, on la perçoit comme une loi d'application continue, là. Il n'y a rien dans la loi qui me dit que ça va se terminer en 2017, là, ou en 2019, cinq ans après, là. Il n'y a rien qui me dit ça. Alors, moi, je dois comprendre… Et en plus on y apporte un concept civil. Alors, je dois comprendre que c'est pour la vie et que c'est un message que le législateur veut faire. Et le législateur ne parle pas pour ne rien dire, donc je comprends… Et on a présumé, hein, je ne dis pas que c'est nécessaire, mais on a présumé qu'il avait besoin de ces outils-là pour en faire une loi. C'est dans ce sens-là tout simplement, comme tel.

Mais c'est très clair que, si on l'adopte telle quelle, il va y avoir un chamboulement, là, du droit, de l'application du droit. Là, ça va devenir un casse-tête particulier.

Le Président (M. Ferland) : Une minute environ, M. le député, oui.

• (16 heures) •

M. Ouimet (Fabre) : Une minute? Simplement en conclusion, parce qu'on a beaucoup discuté de la fraude, de la notion de fraude, de la notion de dol, et, puisque c'est un domaine quand même où j'ai une certaine connaissance, pour avoir oeuvré pendant 25 ans… La notion de fraude, M. le Président, est très large, c'est un acte qu'on considère objectivement malhonnête. Donc, un acte qu'une personne raisonnable considère comme étant malhonnête, c'est tout ce qui suffit pour enclencher qu'on a peut-être une fraude. Alors, ça va... À mon point de vue, je pense que c'est une notion qui est très large. Je ne suis pas certain qu'il y a une distinction à faire avec la notion de dol. Et, s'il y a une confusion, je pense qu'on devrait éliminer la confusion pour dire clairement ce qu'on vise, parce que la notion de fraude est très large. Voilà.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le député. Maintenant, je reconnais le député de Saint-Jérôme pour toujours un bloc de 4 min 20 s. M. le député.

M. Duchesneau : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre témoignage aujourd'hui.

Je veux juste revenir sur l'exemple de dommage que vous donniez tantôt. Et dites-moi si je me trompe, mais, dans ma tête, il y a dommage quand en amont il y a eu abus de confiance, quand il y a eu tromperie, quand il y a eu tricherie, il y a eu escroquerie en soumettant une offre de service. C'est parce que vous éliminez par le fait même des entreprises honnêtes qui ont décidé de ne pas se présenter parce qu'elles ne pouvaient pas, justement, concurrencer avec vous.

M. Hamel (Pierre) : Je comprends qu'il y a des dommages collatéraux, mais le projet de loi s'intitule loi visant le recouvrement de sommes payées injustement. Et c'est dans ce contexte-là, moi, que je vous dis : Si vous établissez une présomption de dommage alors que, le dommage, ce n'est pas nécessairement l'entreprise qui... l'organisme dessous, mais c'est tous les soumissionnaires, c'est eux autres qui ont subi le dommage, ce n'est pas... et puis il n'y a pas eu de somme injustement payée… Si vous voulez en faire un régime de cette nature-là, dites-le.

M. Duchesneau : Mais je suis d'accord avec vous, peut-être que le 20 % ou le 30 % ne s'appliquerait pas dans un cas comme celui-là. Mais, si, comme entreprise, je ne peux même pas être sur la ligne de départ de façon légale parce que j'ai été éliminé, pour mille et une raisons, parce que des gens se sont donné plus de compétences qu'ils n'en avaient vraiment, à ce moment-là il y a dommage.

M. Hamel (Pierre) : Et il y a des recours civils à cet égard-là qui s'appliquent pour…

M. Duchesneau : Oui, mais…

M. Hamel (Pierre) : …dans le régime normal de recours civil. Et là il y a une autre notion, là. Je ne veux pas prendre votre temps, là, en répondant trop… mais il y a une notion qui est très intéressante à ce niveau-là, c'est la notion d'audit de certification des entreprises, qui va peut-être favoriser, peut-être, une démarche qui pourrait éviter ces problèmes-là, comme tel. Vous avez entendu l'Ordre des ingénieurs qui travaillent à leur système. L'association aussi, on travaille à la mise en place d'une certification volontaire pour l'ensemble de l'industrie, pour non seulement dire qu'on n'a pas fraudé, mais qu'en plus on a mis en place des systèmes…

M. Duchesneau : De prévention.

M. Hamel (Pierre) : …qui démontrent qu'on applique de façon éthique les situations, la même chose que les grandes entreprises font mais au niveau des petites entreprises. Parce que c'est vraiment très différent dans l'industrie, que... mais c'est le même concept que ce qu'a pris ABB, SNC, Siemens, ces éléments-là. Et le rapport, pour le bénéfice du président, va être disponible le 20 décembre.

M. Duchesneau : Parce que je suis d'accord avec vous que, de la façon dont c'est présenté cet après-midi, c'est un casse-tête juridique. Mais tout ce qui est légal n'est pas nécessairement juste, et ce qu'on cherche, c'est une justice pour tout le monde. De dire que ce n'est pas seulement certaines entreprises qui ont le droit de soumissionner parce qu'elles se sont donné des compétences qu'elles n'avaient pas, qui ont triché, finalement, le système, là aussi je pense qu'on doit regarder cet aspect-là.

Et ce qui m'amène, parce que je sais qu'il ne me reste pas grand temps, à parler justement...

Le Président (M. Ferland) : ...environ, oui.

M. Duchesneau : Une minute?

Le Président (M. Ferland) : Une minute, oui.

M. Duchesneau : Tous les acteurs de la corruption, vous avez raison de dire que ce n'est pas seulement l'entrepreneur qui doit se faire prendre, mais il n'y a pas collusion, il n'y a pas corruption s'il n'y a pas quelqu'un à l'interne qui donne des informations. Et ça, on n'en parle pas beaucoup, mais il y a un dommage que ces gens-là ont causé en trahissant leur serment d'office.

M. Hamel (Pierre) : Et en recevant à l'occasion des montants importants.

M. Duchesneau : Exactement. Très bonne conclusion. Et je vais arrêter là-dessus.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député de Saint-Jérôme. Maintenant, je reconnais le député de... de Berthier, c'est ça.

M. Ratthé : Vous me déménagez, là, M. le Président.

Le Président (M. Ferland) : Blainville, Blainville. Berthier!

Des voix :

Le Président (M. Ferland) : Mais, même si je vous ai changé de comté, vous n'avez pas plus de temps. C'est 4 min 20 s.

M. Ratthé : Non? Ah! Bien, non, c'est parce que le député de Berthier est quand même du côté du gouvernement. Je pensais avoir un peu plus de temps, là.

Le Président (M. Ferland) : Et voilà. Alors, M. le député de Blainville. Excusez-moi, je vous ai...

M. Ratthé : Merci, M. le Président. Madame messieurs, merci d'être là. Je vais faire un petit peu de pouce encore sur ce que le député de Saint-Jérôme vous disait, hein, parce que de toute façon vous dites : On devrait l'étendre à tout ce qui est public. La notion de dommage, par exemple, dans une municipalité qui va faire un appel d'offres, qui va recevoir un appel d'offres, puis qu'au départ on va dire : Les dés sont pipés, on sait à quel point c'est compliqué de refaire un appel d'offres. Il faut refaire tout le processus. Il y a du temps, il y a de l'argent, il y a des fonctionnaires qui vont travailler là-dessus. On peut même aller jusqu'à dire que, dans certains cas parfois, même si ça passait inaperçu au départ, la municipalité ne va pas nécessairement payer tout de suite les travaux, elle va attendre que les travaux soient faits. On se rend compte que la personne qui a soumissionné n'a peut-être pas les qualifications qu'il faut parce qu'on voit les travaux qui sont en train de se réaliser, puis ce n'est pas la bonne chose.

Alors, moi aussi, là, j'ai… Mais ce que vous dites, c'est qu'il faudrait le spécifier. C'est ce que je comprends?

M. Hamel (Pierre) : Bien, c'est-à-dire que ce qui est important, c'est de vraiment créer une présomption de dommage lorsqu'il y a eu des sommes illégalement versées. Je pense que… Puis même encore là elle ne nous aide pas vraiment.

Dans le cas que vous nous expliquez, la municipalité va faire la preuve qu'elle a été invitée… elle a fait une invitation, elle a reçu un document, le document a été utilisé pour octroyer le contrat, et que malheureusement, à cause de ça, elle l'a octroyé suite à des manoeuvres dolosives et elle en demande l'annulation. Si elle a des dommages, elle peut en faire la preuve, elle les connaît, je veux dire, actuellement on peut faire de la preuve de dommage au Québec, depuis que le Code civil existe. Alors donc, ce n'est pas la fin du monde, faire une preuve de dommage. Souvent, c'est le montant du dommage qui est difficile, dans des cas exceptionnels, mais actuellement les municipalités qui ont un dommage poursuivent en remboursement en fonction du droit civil actuel. Si on crée un régime, soyons prudents. C'est ça qu'on dit.

M. Ratthé : Il y a un aspect qu'il faudrait peut-être juste verbaliser, là, de façon plus publique, là, parce qu'on l'a peut-être moins touché, mais vous nous demandez en fait de faire une espèce d'arrimage avec la Loi sur les contrats des organismes publics si on l'étend au public. Vous nous spécifiez, là, effectivement qu'il y a des… qu'on devrait retrouver certaines dispositions dans la loi, dans la Loi sur les contrats des organismes publics. Donc, j'imagine, c'est pour une question de cohérence, c'est pour une question de…

M. Hamel (Pierre) : Voilà. Exactement.

M. Ratthé : …donc pour s'assurer qu'autant dans une loi que dans l'autre, là, on ait les mêmes dispositions, en tant que tel.

M. Hamel (Pierre) : C'est ça. Puis on a même des… Comme je disais et je répète, on a des indices qui nous permettraient de régler la notion de fraude ou la notion de dolosive en prenant les infractions qui sont déjà en annexe à la loi sur les organismes publics et qui est similaire au projet de loi n° 1, là, à la Loi sur l'intégrité.

M. Ratthé : Je vous dirais simplement, en terminant, M. le Président, même si… que moi aussi, j'ai certaines réserves à savoir… et des doutes, j'ai des deux, une réserve à savoir… Si tout ça se fait sous le couvert de l'anonymat, vous semblez dire qu'il va y avoir plus de gens qui vont se présenter pour se dénoncer. J'ai un doute, là, j'ai certaines réserves sur votre recommandation. Mais, écoutez, on va… Elle est là, là, votre recommandation. On va l'analyser à sa juste valeur, j'allais dire.

Mais je terminerais là-dessus, M. le Président, en vous remerciant beaucoup d'être venus nous présenter votre mémoire, qui est très intéressant. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, M. le député de Blainville — cette fois-ci on vous ramène dans votre circonscription. Alors, je vous remercie, Mme la présidente, Mme Bertrand, Me Hamel et M. Godbout, pour votre présentation.

Et je vais suspendre quelques instants pour permettre au dernier groupe aujourd'hui de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 h 8)

(Reprise à 16 h 12)

Le Président (M. Ferland) : Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons… La commission va reprendre ses travaux. Alors, nous accueillons les représentants de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec. Je vous demande de bien vouloir vous identifier et de nous présenter les personnes qui vous accompagnent… ou la personne, plutôt, qui vous accompagne, dans ce cas-ci. Et vous mentionner que vous disposez de 10 minutes, mais, comme les autres groupes, on va quand même vous laisser le temps pour bien présenter votre mémoire. Et, bien entendu, après il y aura une période d'échange avec les groupes parlementaires.

Mais, avant de vous céder la parole, j'aurais besoin d'un consentement pour déborder du 17 heures, parce qu'on a une dizaine de minutes de retard.

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Ferland) : On n'est pas obligés de le prendre, mais au moins, si j'ai le consentement déjà, ça sera fait. Alors, à vous la parole.

Association des ingénieurs-conseils du Québec (AICQ)

Mme Desrochers (Johanne) : Merci, M. le Président. Alors, je me présente : Johanne Desrochers, P.D.G. de l'Association des ingénieurs-conseils du Québec — que j'appellerai l'AICQ, ça sera moins long. Je suis accompagnée de Me Patrice Morin, qui est avocat-conseil chez BLG, Borden Ladner Gervais.

M. le Président, notre mémoire contient une liste de questions et de suggestions plus techniques directement en lien avec le projet de loi, mais je n'entrerai pas dans les détails lors de ma présentation. La période d'échange devrait permettre d'aborder ces points plus particulièrement, si vous le souhaitez. Et, si le temps ne le permet pas, nous espérons que ces éléments serviront lors de vos réflexions ou de l'étude article par article du projet de loi. Et soyez assurés que nous demeurons à votre disposition pour éventuellement en rediscuter.

L'AICQ accueille favorablement l'intention et les objectifs qui ont guidé l'élaboration du projet de loi n° 61 et espère que son intervention contribuera significativement à cette réflexion qui vise à trouver une solution à la crise qui sévit dans l'industrie de la construction, notamment dans le secteur du génie-conseil. Nous souhaitons avant tout que notre participation aux consultations particulières permette au gouvernement et à la population de prendre conscience de la volonté ferme de notre secteur de prendre ses responsabilités et de faire en sorte de rétablir la confiance à son égard. Le génie-conseil québécois tient à surmonter cette crise en devenant un modèle d'intégrité, de professionnalisme et de qualité, et les firmes consacrent déjà des efforts considérables à l'atteinte de cet objectif.

Les actes répréhensibles qui ont été commis par certains individus sont déplorables. Ces gestes ont fait un tort énorme à toute la profession d'ingénieur et à tout le secteur du génie-conseil, alors que l'ensemble des quelque 23 000 employés dans ce secteur et des quelque 60 000 ingénieurs au Québec font un travail honnête. Les milliers d'employés de nos membres, soit la majorité des firmes de génie-conseil au Québec qui ne sont pas visées par le présent projet de loi, ainsi que l'AICQ elle-même, sont les premiers à avoir été profondément choqués par tout ce que nous avons appris. L'association, rappelons-le, n'a jamais participé et n'a jamais été informée de quelque façon que ce soit de l'existence de stratagèmes de collusion ou de corruption avant les révélations publiques des derniers mois. L'AICQ, à nouveau, tient à se dissocier complètement de ces agissements contraires aux valeurs et aux positions mises de l'avant depuis 40 ans.

Fondée en 1974, l'association, de concert avec l'Association des firmes d'ingénieurs-conseils du Canada et la Fédération internationale des ingénieurs-conseils, fait la promotion des bonnes pratiques d'affaires et encourage la relève en génie, notamment avec la création d'un forum des jeunes professionnels. Aussi, l'AICQ, en collaboration avec plusieurs intervenants, contribue à développer des mécanismes qui visent toujours de favoriser une saine concurrence, soit une concurrence basée d'abord sur la compétence.

Au fil des ans, les ingénieurs-conseils québécois ont su développer une expertise reconnue mondialement qui s'est avérée un atout indéniable pour attirer des investissements étrangers et assurer au Québec la capacité de concevoir et de réaliser des milliers d'infrastructures publiques qui contribuent à la croissance économique et à la qualité de vie de la population. Avant l'acquisition de certains sièges sociaux par des firmes étrangères, le génie-conseil québécois revendiquait 50 % des exportations canadiennes de services d'ingénierie. Cette proportion est maintenant de 30 % alors que le Canada se situe parmi les leaders mondiaux dans ce domaine d'exportation.

La situation actuelle dans le secteur de la construction, combinée à une mauvaise conjoncture économique mondiale et locale, a eu un impact très négatif sur les emplois dans le secteur du génie-conseil. Parmi les membres actuels de l'association, nous observons une baisse du nombre d'employés d'environ 20 % au cours de la dernière année. Selon un sondage récent, 41 % des firmes membres de l'AICQ, toutes tailles confondues, prévoient également une baisse de leurs effectifs l'année prochaine.

Il apparaît clairement que le génie-conseil québécois est dans une phase critique de son développement et que les événements de la dernière année ont grandement affecté les activités de l'ensemble des firmes du secteur. Afin de s'assurer de garder au Québec notre avantage compétitif dans le domaine du génie, il nous apparaît urgent de relancer ce secteur important de notre économie. Au-delà du génie-conseil, c'est tout un écosystème qui est en jeu dans le domaine du génie, notamment avec des écoles et facultés de génie aux quatre coins du Québec qui forment des experts pour tous les secteurs, public et privé, les entreprises manufacturières, les entrepreneurs et les firmes de génie-conseil.

L'AICQ estime que l'approche proposée par le gouvernement dans le cadre du projet de loi n° 61 est positive, d'autant plus qu'avant même le dépôt de ce projet de loi plusieurs firmes de génie-conseil avaient signifié leur ouverture à discuter d'un remboursement volontaire de certaines sommes qui auraient été obtenues indûment par d'anciens employés. Cette option est certainement préférable à des poursuites judiciaires qui s'échelonneraient sur plusieurs années et qui engendreraient des coûts considérables autant pour le gouvernement et les contribuables québécois que pour les entreprises concernées.

Ce projet de loi s'ajoute à de nombreuses initiatives prises par les firmes d'ingénierie au Québec pour faire face à la crise de confiance sans précédent. Une firme de génie-conseil se bâtit non seulement avec son expertise et ses réalisations, mais également grâce à une relation de confiance renouvelée avec ses employés, ses clients et ses partenaires projet après projet. Les firmes veulent retrouver le plus rapidement possible cette confiance de la part de leurs clients et de la population et faire en sorte qu'une telle situation ne se reproduise plus jamais.

• (16 h 20) •

Elles ont aujourd'hui pris les moyens nécessaires pour rompre les liens avec certaines pratiques inacceptables ayant eu cours par le passé ainsi qu'avec ceux qui y ont participé. Au cours des dernières années, et plus particulièrement au cours des derniers mois, des changements importants ont été effectués au sein des firmes. Parmi les actions au coeur d'une véritable transformation figurent d'importants changements au plus haut niveau des directions de firme, l'établissement de nouvelles règles de gouvernance, la mise en place de protocoles d'enquête interne en lien avec des allégations de pratiques répréhensibles, l'accès à des lignes de dénonciation, la mise sur pied de comités chargés d'assurer la conformité au code de conduite des firmes, des formations afin de renforcer les valeurs éthiques et de responsabilité sociale, etc. Ces exemples de transformation témoignent de la volonté du génie-conseil québécois d'effectuer des changements positifs et surtout durables et s'inscrivent dans un changement de culture nécessaire dans le cadre duquel les firmes se sont engagées à adopter des pratiques d'affaires responsables.

Le présent projet de loi propose des pistes de solution intéressantes à la crise actuelle. Les membres de l'AICQ souhaitent un aboutissement adapté aux réalités et aux enjeux du secteur. L'avenue d'un remboursement volontaire est certainement une bonne initiative du gouvernement en ce sens, et, une fois le projet de loi adopté, chaque firme concernée pourra entreprendre ses démarches afin de convenir des modalités de leur participation au programme de remboursement.

Dans l'optique de favoriser la plus grande participation possible des firmes de génie-conseil, l'AICQ propose d'inclure dans le programme de remboursement certains éléments déterminants.

Premièrement, le programme de remboursement prévu par le projet de loi devrait offrir la possibilité de négocier non seulement sur la base de chacun des contrats visés, mais bien pour l'ensemble des contrats visés d'une même firme. L'AICQ observe un grand désir chez ses membres de prendre part activement au virage amorcé, et ce, de manière efficace. Les membres craignent qu'en procédant par contrat la période nécessaire à établir les remboursements soit inutilement prolongée. Il est crucial que le programme créé par le gouvernement soit facilitateur et incitatif afin d'atteindre rapidement ses objectifs.

Deuxièmement, le programme devrait permettre la possibilité pour les firmes impliquées d'acquitter leurs dettes envers la société québécoise. Le climat actuel entourant le milieu de la construction est nuisible tant pour l'industrie que pour la population. La fragilisation de l'industrie freine les investissements et la croissance des firmes de génie-conseil, et celles-ci bénéficieraient grandement d'un processus qui, une fois complété, leur permettrait de repartir sur de nouvelles bases. Ainsi, toute transaction effectuée dans le cadre du programme devrait régulariser la situation de ces firmes de façon décisive et complète.

Troisièmement, finalement, le programme devrait offrir une protection à l'encontre des recours parallèles visant le même objet. Dans la poursuite des mêmes objectifs, l'AICQ soumet que le remboursement consenti par une firme et la transaction en résultant devraient assurer une immunité de poursuite face à toute partie, gouvernementale ou pas, pouvant avoir intérêt à faire une réclamation relativement à une fraude ou une manoeuvre dolosive dans l'attribution ou la gestion d'un contrat public. À l'heure actuelle, le projet de loi du gouvernement et l'institution de certains recours collectifs de droit civil font double emploi, ce qui aura pour effet de nuire à l'efficacité du processus engagé par le gouvernement. La possibilité que des entrepreneurs et sous-traitants désirent éventuellement entreprendre des poursuites sur la base des faits visés par le projet de loi risque également d'en perturber l'application.

En conclusion, le projet de loi, tel que rédigé, contient par ailleurs peu d'incitatifs à la participation des entreprises au programme de remboursement. La crainte des conséquences d'un éventuel remboursement sur l'issue de recours criminels et pénaux est susceptible de nuire à sa mise en oeuvre. L'AICQ est d'avis qu'un mécanisme devrait être mis en place afin d'éviter que la participation des firmes au programme n'entraîne des conséquences négatives quant à l'application de tels recours. Nous sommes convaincus qu'avec des règlements équitables adaptés aux réalités actuelles ce projet permettra de trouver une solution qui aidera le secteur à tourner la page une fois pour toutes. Il importe donc que l'application du projet de loi n° 61 permette à ce secteur de finaliser l'exercice d'assainissement déjà amorcé afin qu'il soit en mesure de faire fructifier à nouveau le talent des gens honnêtes et talentueux qui le composent. Merci.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci, Mme Desrochers. Alors, maintenant, je cède la parole à M. le ministre pour un temps de 23 minutes à peu près.

M. St-Arnaud : Oui, merci, M. le Président. Mme Desrochers, Me Morin, merci beaucoup. Merci d'être là. Merci pour votre contribution, pour votre mémoire. On l'a reçu seulement cet après-midi, mais ce n'est pas un blâme, parce que je sais que les délais sont très courts. Et sachez qu'on va le regarder avec attention et on va regarder notamment… J'ai vu, là, que vous avez fait un tableau article par article, là, avec des points d'interrogation que vous soulevez sur un certain nombre d'articles, et sachez que, de ce côté-ci, nous allons le regarder avec beaucoup d'attention, les gens qui m'accompagnent, les gens du Trésor, les gens de la justice, mais, je suis convaincu, aussi tous les membres de la commission lorsque nous allons étudier article par article le projet de loi n° 61.

Je note que vous dites qu'il serait à peu près temps, là, qu'on tourne la page une fois pour toutes sur ces années difficiles. Et, en ce sens-là, vous rejoignez un peu l'Ordre des ingénieurs, qui nous disait tantôt : Transformons cette crise en élément positif pour la suite des choses, qu'on puisse tous… et que le Québec tout entier, là, puisse sortir grandi de cette difficile crise des dernières années.

Cela dit, il y a un élément qui m'a… où je vois une certaine contradiction dans ce que vous dites, parce que vous faites référence au fait qu'un certain nombre de firmes souhaitent rembourser des sommes, et ça, on l'a entendu, on l'a lu aussi dans les journaux ces derniers temps, on l'a entendu, manifestement il y a… et en même temps vous nous dites : Le programme qui est proposé par le gouvernement au projet de loi n° 61, programme de remboursement, n'a pas d'incitatif. Donc, vous semblez nous dire : Bien, les gens ne viendront pas nécessairement participer à ce… les firmes, en fait, ne viendront pas participer à ce programme parce qu'il y a peu d'incitatifs et il n'est pas assez facilitateur, pour reprendre votre expression.

Alors, j'ai un peu de difficultés à concilier les deux positions, parce que, bien honnêtement, moi, j'ai l'impression que, si le programme de remboursement était mis sur pied demain matin, il y aurait déjà des firmes qui seraient prêtes à venir s'asseoir pour faire des remboursements de sommes, là. C'est ce que je crois entendre…

Mme Desrochers (Johanne) : Oui, absolument.

M. St-Arnaud : …et comprendre et lire. Mais… Et vous nous dites : Bien, votre programme… En même temps, vous nous dites de la même façon : Il n'est pas assez… il n'y a pas assez d'incitatifs. Alors, j'aimerais que vous m'expliquiez la…

Et une sous-question : Quand on parle d'incitatifs, si vous trouvez qu'il n'y a pas assez d'incitatifs, je sais que vous l'avez un peu dit dans vos réponses, mais vous pensez à quoi en termes d'incitatifs supplémentaires, disons, supplémentaires?

Mme Desrochers (Johanne) : D'accord. Merci, M. le ministre. Bien, écoutez, honnêtement, là, en lisant ce paragraphe-là, j'ai senti un peu le… Ce que vous me dites, ça ne m'étonne pas.

Je vais commencer par d'abord spécifier et vous rassurer sur la volonté des firmes de réellement participer au programme. Bon, le programme, en fait, il va être développé, alors dire qu'il n'est pas facilitateur, là, je pense que ça aurait dû être plus dans un style «souhaitons que» où il faut s'assurer que le programme sera facilitateur, peut-être à partir des trois éléments que j'ai soulevés, là, qui sont des éléments importants. Je pense que c'est plus à ça que ça faisait référence, de bien en tenir compte quand on développera le programme.

Alors, à ce stade-ci, je ne pense pas qu'on puisse dire ce que je vous ai dit. Alors, je suis désolée. C'est des choses qui arrivent dans la vitesse, mais en tout cas soyons honnêtes. Et, pour le reste, je pense que je peux assumer tout ce qui est là, mais j'avoue que ce paragraphe était un peu mal conçu, là, pour…

D'abord, pour avoir fait une rencontre avec l'ensemble des firmes nommées à la commission, concernées, dont TVA a parlé dernièrement, je peux vous assurer que l'ensemble des firmes concernées souhaitent contribuer, participer, tourner la page. Et ça, c'était unanime pour ce qui est des firmes qui participaient à la rencontre que l'association, donc, avait organisée en prévision du dépôt de ce projet de loi, alors je pense que vous pouvez avoir la certitude qu'il y a une volonté.

Évidemment, il y a des éléments juridiques dont peut-être Patrice pourrait d'ailleurs vous faire état plus spécifiquement, et que l'on reprend dans le mémoire, mais qui font référence aux trois points que je mentionnais. Puis je vais lui laisser la parole pour ne pas prendre trop de temps, je pense que c'est important.

Le Président (M. Ferland) : Me Morin, allez-y.

• (16 h 30) •

M. Morin (Patrice) : Alors, M. le ministre, justement sur cette question d'un projet de loi peut-être, comme Mme Desrochers disait, là, pas assez facilitateur, c'est vrai que c'est un peu prématuré de faire le commentaire alors que certains éléments ne sont pas connus encore, mais c'est au niveau de ces inconnues-là, peut-être, qui sont à la source du commentaire qui a quand même été écrit là.

D'abord, sur la question du remboursement, j'ai suivi avec intérêt, là, les travaux de la commission ici qui sont commencés depuis la semaine dernière et je pense que ça revient chez la plupart des intervenants, les gens sont intéressés de savoir comment on va faire ce calcul-là pour d'abord être capables de savoir dans quoi ils s'embarquent. Et ça, je pense que je n'ai pas à m'étendre longuement là-dessus, mes prédécesseurs l'ont fait amplement.

Il y a certains éléments au niveau de l'impact de la participation au programme de remboursement aussi qui sont peut-être à parfaire. Et je comprends, là, que le gouvernement est à gérer une crise, et, quand on gère une crise, on ne pense pas nécessairement à tous les détails, mais, par exemple, il serait peut-être intéressant pour certaines firmes d'être rassurées que le fait de participer au programme, par exemple, la simple participation ne pourrait pas être un fait pris en considération par un tribunal éventuellement. Le projet de loi dit déjà que les écrits qui seront rédigés ou échangés lors d'un éventuel processus de conciliation ne peuvent pas être mis en preuve, mais on ne parle pas de la simple participation. Et, vous savez, en droit, là, il y a des présomptions qui naissent de certains faits. Et c'est sur ces petits éléments là, je pense, que, s'il y avait des précisions à apporter, les firmes emboîteraient peut-être le pas plus facilement, parce qu'elles auraient une meilleure compréhension du terrain sur lequel elles s'aventurent.

Mme Desrochers (Johanne) : Parce que souvent, en fait, on a entendu les membres mentionner que d'un côté ils ont leur avocat, de l'autre côté il y a l'assureur, et puis, si le simple fait de participer, de vouloir contribuer, de vouloir passer effectivement à autre chose fait en sorte que ça te rend coupable, là, de tout, tu es dans un… Tu sais, tu veux y aller, tu veux contribuer puis vraiment tu veux prendre tes responsabilités comme entreprise, mais il faut que le cadre permette, là, justement…

M. St-Arnaud : Et, en ce sens-là, est-ce que je comprends que vous… Parce qu'il y a quand même une certaine protection qui est accordée, aux articles 14 et suivants. Dois-je comprendre que, la protection que l'on retrouve dans le projet de loi, vous ne la trouvez pas suffisante? Et, si vous ne la trouvez pas suffisante, qu'est-ce que vous souhaiteriez voir là comme protection eu égard à ce qui se dit à l'intérieur du processus de remboursement, du processus du programme de remboursement?

M. Morin (Patrice) : Bien, je pense qu'au niveau du contenu c'est déjà très bien protégé, là. C'est le silence sur le fait de participer peut-être qui est à considérer pour justement que le fait de la participation comme telle ne soit pas nécessairement préjudiciable aux entreprises et aux personnes, là, parce qu'on sait qu'il y a des représentants également qui sont inclus. Alors, c'est l'amélioration principale. Évidemment, c'est toujours à parfaire, mais c'est la principale qu'on pourrait ajouter, là, à ce niveau-là.

M. St-Arnaud : Je veux juste être sûr. Vous pouvez répéter ce que vous venez de dire sur le… Excusez, j'ai manqué le dernier bout de votre réponse quant à ce qui pourrait être fait comme élément supplémentaire.

M. Morin (Patrice) : Ah, bien, c'est simplement de spécifier, même si on sent que c'est sous-entendu dans le projet de loi, mais que la simple participation ne…

M. St-Arnaud : N'engage pas.

M. Morin (Patrice) : …ne pourrait pas être un fait considéré par un tribunal, ou un organisme quasi judiciaire, ou tout autre organisme appelé à juger et à évaluer ces cas-là.

M. St-Arnaud : Que ça n'engage pas la responsabilité de l'entreprise, là, c'est ce que vous dites…

M. Morin (Patrice) : Exactement.

M. St-Arnaud : …le fait de participer au programme de remboursement.

M. Morin (Patrice) : C'est ça. Et ne crée pas une présomption non plus. Puis, vous savez, des fois juste un petit peu plus de précision ne nuit pas. En disant clairement dans le projet de loi que la simple participation ne serait pas un fait pertinent pour un organisme, ça pourrait simplement rassurer les firmes. On est beaucoup… C'est le sujet de l'heure, dans le sens où les entreprises sont prêtes à participer. Là, elles envisagent les modalités de leur participation, ce que ça va vouloir dire pour elles, et une spécification comme ça serait peut-être de nature à faciliter le pas.

M. St-Arnaud : Et, quand vous dites que, parmi les autres inconnues, il y a comment va se faire le calcul, évidemment, à l'intérieur du programme de remboursement, il y a un dialogue qui se crée sous la… j'allais dire «sous la supervision» mais d'une personne tierce. Est-ce que vous voyez un lien avec le pourcentage qu'on retrouve… Ce qui vous amène à dire : Comment va se faire le calcul?, est-ce qu'un des éléments, c'est que vous faites un lien avec la première partie du projet de loi ou…

M. Morin (Patrice) : Bien, c'est-à-dire que le projet de loi, à l'heure actuelle, parle d'un pourcentage. On n'a pas élaboré grandement sur les calculs, je pense qu'il n'y a pas personne qui a osé s'adonner à l'exercice encore de façon précise, mais, s'il y a une chose qui nous frappe, lorsqu'on évalue cette question-là, c'est qu'il y a plusieurs participants, dans un processus collusionnaire, et donc retrouver le dollar égaré n'est peut-être pas une simple affaire de pourcentage. Il va falloir essayer de déterminer le mieux possible… C'est un exercice qui, je pense, est voué à être imparfait mais qui devra quand même être fait, de dire : Bon, bien le… appelons-le le dollar volé ou égaré, là, il est allé où? Et qu'est-ce qui va être attribuable spécifiquement à l'entreprise, quelle part va venir des autres acteurs? Parce qu'on l'a vu au niveau public lorsqu'il y a eu collusion sur des chantiers ou sur des projets, il y a beaucoup plus qu'un receveur et un donneur, si je peux dire, il y a des participants également alentour, et eux aussi ont peut-être une responsabilité.

Donc, sur le calcul, est-ce que c'est une affaire de pourcentage? Je n'ai pas mandat de dire oui ou non mais simplement de soulever qu'essayer de développer le mécanisme qui va permettre d'évaluer ça correctement et de façon précise est probablement un défi, à l'heure actuelle, qui fait en sorte que les entreprises ne sont pas capables, en ce moment, d'évaluer financièrement ce que la participation pourrait être pour elles.

M. St-Arnaud : Mais ce qui… Je pense que je l'ai dit publiquement quand j'ai présenté le projet de loi. L'optique du programme de… la façon dont je vois le programme de remboursement, dont le gouvernement voit le programme de remboursement, c'est donc qu'on confie à une personne tierce — là, j'ai envisagé… j'ai mis de l'avant l'hypothèse d'un juge à la retraite — une personne qui serait désignée par le gouvernement le soin de faire certaines rencontres. Évidemment, le juge, par exemple, si c'était un juge à la retraite, il serait assisté de juriscomptables, on s'entend, avec des experts, des experts éventuellement sollicités notamment par le Conseil du trésor, mais c'est sûr qu'il y a une analyse qui serait derrière cette… j'allais dire «cette négociation», mais en tout cas cette discussion dans le cadre du programme de remboursement.

Peut-être un élément. Sur un autre élément, vous dites à la page 5 de votre mémoire : «…le projet de loi n° 61 devrait offrir la possibilité de négocier non seulement sur la base de chacun des contrats visés, mais bien pour l'ensemble des contrats visés d'une même firme.» Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus. Dans la réflexion qui nous a amenés au projet de loi, on se disait : Bon, bien, une firme vient, elle nous dit : Sur tel, tel, tel contrat, voici. Dans le cadre du programme de remboursement, il y a un règlement qui intervient. Évidemment, s'il y a règlement, il n'y a pas de poursuite civile sur ces contrats précis. Mais vous, vous allez plus loin que des contrats précis ou des contrats visés, vous dites : Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen qu'une entreprise fasse un règlement global, là?, c'est un peu ça. Alors, j'aimerais ça vous entendre là-dessus, sur cet élément qui n'est pas nécessairement à l'origine du projet de loi, où on pensait plus à des contrats particuliers.

Mme Desrochers (Johanne) : Oui. En fait, la réflexion qui a eu cours au cours des dernières semaines, là, faisait référence au fait qu'on ne veut pas… Ça fait quatre ans qu'on est dans ça. Les compteurs d'eau, c'est il y a quatre ans. On peut choisir d'y rester encore pendant 10 ans, mais ça ne devrait pas être ça, l'objectif, ni de la population québécoise ni d'aucune des industries qui sont concernées. Et donc, pour faire en sorte qu'on puisse… Et quelqu'un a parlé, tout à l'heure, d'Afrique du Sud, puis il y a eu d'autres pays aussi où ça s'est fait. À un moment donné, on décide, là, de vraiment faire le point puis…

M. St-Arnaud : Tourner la page, là, c'est ce que vous dites.

Mme Desrochers (Johanne) : Tourner la page. Pas gratuitement, ça, vous aurez compris qu'on est d'accord tout à fait avec ça, mais quand même de tourner la page puis réaliser que… Parce qu'autrement on est en train, là, de laisser s'effriter une ressource naturelle qu'on a, presque, au Québec, là, qui est notre génie. Alors, c'est ça un peu, le but. Et donc, si on y va contrat par contrat, sans compter tous les recours… Parce que, là, il y a des recours collectifs, il y a des…

M. St-Arnaud : Ce que vous dites, c'est : Si on y va contrat par contrat, on en a pour des années et des années…

Mme Desrochers (Johanne) : Ah, bien, on en a pour 30 ans, je ne sais pas.

M. St-Arnaud : …alors qu'il y aurait peut-être moyen de trouver une solution globale.

• (16 h 40) •

Mme Desrochers (Johanne) : Bien, que ce soit une volonté de l'ensemble des intervenants, l'ensemble des joueurs. Que tout le monde prenne conscience, oui, qu'il faut collectivement passer à autre chose et que c'est collectivement qu'on peut régler cette situation.

Puis, collectivement, on a parlé beaucoup de changement de culture mais faire… puis vraiment, à ce moment-là, pour profiter de cette crise de manière positive, oui, en faire une opportunité, là. On en parlait il y a un an, puis c'était moins bienvenu, mais, oui, il faut faire de cette crise-là une opportunité.

Et je ne sais pas si tu veux ajouter peut-être, Patrice, au niveau plus…

M. Morin (Patrice) : Bien, je pense que l'idée, puis c'est un des éléments qui ressort, je pense, du mémoire qui a été confectionné, là, par les membres, c'est qu'il y a un souci d'efficacité dans tout ça. Et, bon, évidemment, il y a un aspect imparfait à essayer de tout englober en même temps, mais, si on ne veut pas que ça traîne… Et je le sais pour en voir, des recours judiciaires, là, depuis presque 20 ans que je fais ce métier-là. C'est long, c'est coûteux. Et, si on se dit désireux de passer à autre chose rapidement, c'est une bonne idée, je pense, de permettre aux firmes de régler leur sort une fois pour toutes.

Et, j'insiste, n'insinuons pas que ça doit se faire facilement. S'il doit y avoir de la souffrance, il y en aura. Mais, une fois que ce sera fait, que ce soit fait de façon complète et définitive pour qu'à l'intérieur d'un laps de temps… Bon, la loi prévoit cinq ans d'application, là. Qu'au moins, si on conserve ce délai-là, lorsqu'on aura passé ces cinq ans-là, on pourra dire : Bien, voilà, on y est arrivé, c'est terminé.

M. St-Arnaud : Sur un autre élément, à la page 9 de votre mémoire vous faites référence à l'article 12, justement, là, l'article qui donne le cadre législatif pour créer le programme de remboursement, et vous dites, dans la dernière colonne à la page 9 : «Nous croyons qu'il serait opportun d'intégrer un volet confidentialité aux dispositions concernant le programme de remboursement. En effet, une telle mesure favoriserait la collaboration des entreprises et personnes visées au programme de remboursement.» Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que, depuis le départ des travaux de la commission et dans l'esprit du gouvernement aussi, on a toujours voulu que ça soit très… que tout ça soit le plus transparent possible. Et je pense que même dans les règles du programme de remboursement plusieurs nous disent qu'il faudrait même suivre les règles habituelles, qu'il y ait un projet de règlement, qu'on… Même le député de Fabre disait aujourd'hui : On pourrait même consulter en commission parlementaire sur le projet de règlement, donc... Et là vous nous arrivez en disant : Nous, on voudrait quand même qu'il y ait un volet confidentialité. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus.

Et je rappelle que ce que nous avons dit comme gouvernement aussi, c'est que tout règlement serait public, c'est-à-dire qu'il serait très clair que tout cela ne se ferait pas en cachette mais se ferait aux yeux de la population, quant au résultat que pourrait donner le programme de remboursement, là, visé au projet de loi. Alors, j'aimerais vous entendre là-dessus parce que ça détonne un peu, là, quand on voit ça. Alors, qu'est-ce que vous voulez dire exactement?

Mme Desrochers (Johanne) : Oui. Alors, pour ce qui est de l'idée de faire une consultation quant au programme de remboursement, un peu comme ici, un travail de groupe, ça, nous sommes tout à fait d'accord avec ça. On pense que c'est important de faire l'exercice et on endosse ça tout à fait.

Pour ce qui est de… Et, pendant cet exercice-là, vous pourrez déterminer qu'est-ce qui doit être ou qu'est-ce qui peut être confidentiel ou non. On n'a pas, a priori, pensé à tout ce qui devrait être… Nous sommes tout à fait en faveur d'une transparence au niveau des règles du jeu, au niveau de… et que ce soit très connu et très bien connu par l'ensemble, et qu'elles s'appliquent à tous de la même façon.

Ceci dit, lorsqu'il y aura des discussions… Et je reviens… Quelqu'un mentionnait l'importance du choix des personnes qui vont administrer ce programme, qu'on ait confiance en ces personnes, que la population ait confiance en ces personnes. À partir du moment où on est dans un contexte comme celui-là et que les règles du jeu sont connues, on doit faire confiance, j'ose espérer qu'on peut encore faire confiance à certaines personnes au Québec, là, quand même, et donc faire confiance que le travail va se faire à partir des règles connues de tous et décidées par tous ici, au Parlement.

La confidentialité de certains aspects, je pense que, quand on a eu des discussions, c'était plus, bon : Est-ce que… Puis c'étaient des questions, là. Est-ce que, par exemple, on est obligé de donner le résultat de chacune des… pas des transactions mais des négociations? Est-ce qu'on peut donner plutôt le montant global qui aura été récupéré et la façon dont ces montants-là seront par la suite utilisés? Alors, c'était le genre plus de questionnement. Puis, Patrice, peut-être, dans votre groupe plus juridique, vous avez parlé d'autre chose, mais au départ, là, c'était un peu dans cet esprit-là, non pas de vouloir cacher mais… Puis chacune des entreprises peut avoir aussi des considérations particulières, que l'on soit une entreprise publique, privée, bon, enfin, etc., alors…

M. Morin (Patrice) : Bien, je pense qu'effectivement tout le monde, M. le ministre, était conscient, là, lorsqu'on a eu les discussions… Puis ça s'est fait évidemment dans un contexte condensé, pour dire le moins. Tout le monde est conscient qu'il est crucial pour l'exercice qu'il se fasse publiquement. Je pense que les entreprises, par ailleurs, sont soucieuses de protéger parfois certaines de leurs données financières, par exemple, des choses qui pourraient éventuellement leur nuire, et je pense qu'il y avait surtout ça derrière la tête de ceux qui s'inquiétaient de cet aspect-là, mais je ne pense pas que personne ne conteste qu'ultimement l'exercice… Si on veut redonner confiance à la population, on a compris que la population doit être capable de mesurer ce qui se passe, et il s'agira simplement, lorsque le programme sera élaboré, d'avoir une sensibilité peut-être pour certains aspects commerciaux des entreprises ou certains détails qui pourraient éventuellement leur nuire, qui ne sont pas nécessaires à la bonne compréhension du public mais qui peuvent être par ailleurs nécessaires à l'accomplissement du programme. On est évidemment encore un peu dans le flou, parce qu'on ne connaît pas les lignes précises du programme, mais c'est ce qui était pensé.

M. St-Arnaud : Quand vous dites à la page 6, là : «…la transaction résultant du programme devrait assurer l'immunité de poursuites face à toute partie, gouvernementale ou pas, pouvant avoir intérêt à faire une réclamation relativement à une fraude ou une manoeuvre dolosive dans l'attribution ou la gestion d'un contrat public», on s'entend qu'on ne parle pas d'une immunité criminelle ou pénale, là, à caractère… On s'entend là-dessus?

M. Morin (Patrice) : On s'entend.

M. St-Arnaud : C'est bon. Mais vous faites référence à d'autres poursuites, là, qui ont cours présentement. Ça va. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ferland) : Alors, merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je reconnais le député de Fabre pour 16 min 20 s.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, M. le Président. Alors, à mon tour de vous saluer et de vous remercier pour votre excellent mémoire. Je le dis…

Mme Desrochers (Johanne) : …du court laps, mais…

• (16 h 50) •

M. Ouimet (Fabre) : Ah non, non, non! Je dis à tous les groupes que nous recevons, malheureusement, qu'ils sont convoqués à trop brève échéance. Un jour, un jour nous adopterons des règles qui nous… où on va donner plus de temps aux gens pour produire un mémoire, ce qui va nous permettre plus de temps pour le lire, et donc bénéficier davantage de votre participation à la consultation. Aujourd'hui, je tiens à vous remercier.

J'aurai quelques observations, quelques questions. Je dois avouer que, sur la question de… toute la question du programme de remboursement, bon, je ne suis pas dans le secret des dieux et je ne sais pas ce qui se passe, mais je dois vous avouer que, quand j'ai vu ça dans le projet de loi, au départ, je me suis dit : Ah! Moi, je pensais qu'il n'y a absolument rien qui nous empêche, qui empêche le gouvernement, le Procureur général, au nom d'un organisme public, d'entreprendre une négociation. Je veux dire, on est en train… Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais on discute depuis au moins 10 ans de moderniser nos règles de procédure civile, et ce qui est au coeur de ces nouvelles règles là, c'est toute l'emphase qu'on met sur la médiation, la conciliation, ce qu'on appelle les modes alternatifs, les modes de règlement des différends qui sont en amont ou à l'extérieur des tribunaux. Et donc je suis un peu étonné quand j'entends, je veux dire, qu'on crée un projet de loi pour baliser ce processus qui existe depuis toujours.

Et il existe tellement depuis toujours que les tribunaux ont… et ça évolue, mais les tribunaux ont reconnu un privilège associé au processus de négociation justement pour encourager des parties à trouver une solution, ce qui ne veut pas dire… Et c'est important, M. le Président, de ne pas confondre la confidentialité qui est absolument essentielle à une négociation de la confidentialité qui peut s'attacher au résultat ou à, dans ce cas-ci, la nécessaire transparence de la reddition de comptes au niveau du résultat de cette négociation. C'est deux choses complètement différentes, et il ne faut pas confondre dans l'esprit des gens. Qu'il y ait des négociations confidentielles, pour toutes sortes de raisons valables, vous avez mentionné, là, des informations financières liées à une entreprise qu'on peut vouloir garder privées ou en tout cas dans le cadre des négociations, pour ne pas que ça soit diffusé publiquement, c'est une chose, c'est très valable, et donc cette confidentialité-là, c'est un aspect essentiel d'un processus de négociation. Mais, le résultat, lui, particulièrement compte tenu du problème on s'attaque, tous s'entendent sur la nécessité qu'il y ait une transparence, une reddition de comptes valable pour que le public comprenne que les gestes que nous dénonçons ont été compensés adéquatement. Alors, on se comprend bien.

Ceci dit, mon point, M. le Président, c'est… J'avoue être un peu surpris de l'emphase qu'on met, l'importance qu'on met sur les dispositions qui créent un mécanisme que je croyais qu'il existait déjà, on avait déjà les outils pour faire cette négociation-là, de la même façon que je tenais pour acquis… Et c'est le piège d'un projet de loi qui vise à encadrer un processus de négociation, c'est de dire qu'il faut s'attendre à ce qu'une entreprise qui arrive à la table de négociation souhaite régler l'ensemble des problèmes et pas juste un petit problème et revenir la semaine d'après. Ce processus-là, M. le Président, pour qu'il soit efficace, il faut qu'il offre un avantage à toutes les parties de régler le problème une fois pour toutes. C'est ça, l'intérêt de la négociation, et il me semble que ça allait de soi. Ceci dit, s'il faut l'écrire plus clairement dans la loi, nous allons le faire.

Un point important : vous soulevez la question de la double pénalité qui découle des intérêts dans l'hypothèse où il y a une condamnation et que l'intérêt s'applique dès le dernier versement effectué par l'organisme public. Simplement vous entendre sur cette question-là, tout en vous rappelant le parallèle qu'on peut faire avec l'imposition des pénalités avec le ministère du Revenu, par exemple. C'est un peu un… Il y a une similitude, selon nous, et j'aimerais vous entendre sur cette question-là.

Le Président (M. Ferland) : Me Morin, allez-y.

M. Morin (Patrice) : Bien, vous savez, le projet de loi est déjà, et je l'ai entendu… il est passablement musclé, là, en ce sens qu'on peut déjà retourner plusieurs années derrière pour aller étudier les infractions, demander le remboursement des sommes, et techniquement, si on a bien compris les règles de la prescription qui s'appliquent et l'application de l'intérêt, on pourrait computer des intérêts pour un contrat qui a fait l'objet d'une problématique il y a 10 ou 15 ans, alors que l'acte lui-même est prescriptible par cinq ans. Ça a soulevé des questions, et certaines entreprises, certains membres disent : Bien là, c'est déjà passablement… Et là comment on va faire pour payer des… Est-ce que vraiment on doit payer au-delà de la prescription de l'acte lui-même? Il y a comme une double pénalité. C'est peut-être l'intention aussi, mais ça a soulevé des questions, là, au niveau des membres, la question de savoir si c'était vraiment l'intention derrière le projet de loi.

Le Président (M. Ferland) : Allez-y, M. le député de Fabre.

M. Ouimet (Fabre) : En fait, sur la question de la prescription, j'aimerais clarifier ce point-là. Je comprends que, si le projet de loi est adopté tel quel, ce qu'il propose, c'est que le gouvernement dispose… le Procureur général dispose d'un délai de cinq ans pour entreprendre un recours, dès l'entrée en vigueur du projet de loi, mais que ce recours peut porter sur des actes qui remontent à 15 ans et même des actes qui ont déjà bénéficié d'un jugement qui concluait à la prescription de l'acte. Alors, quand on parle de prescription, je pense qu'il est important de le souligner : l'exercice du recours, il y a un délai de cinq ans, mais les gestes posés, eux, c'est 15 ans. Alors, on peut parler d'une prescription de 15 ans à l'égard des gestes, là. C'est important de faire la distinction, je pense, sauf erreur de ma part.

M. Morin (Patrice) : Non, vous avez raison. C'est un peu comme l'histoire de… c'est un peu comme le principe de la garantie légale du constructeur, le fameux article 2118, je comprends que c'est le même type de régime. Et effectivement ça rend… ça fait reculer la période de prescription à 15 ans, dans les faits, ce qui peut poser certaines problématiques qu'on a soulevées dans le mémoire aussi, notamment au niveau de la conservation de la preuve, là. Je ne pense pas qu'il y a beaucoup de gens qui s'attendaient à devoir aller chercher dans leurs filières aussi loin derrière. Mais peut-être qu'on est rendus là, mais certainement que ça a soulevé des questions.

M. Ouimet (Fabre) : Merci, c'est tout pour moi. Je sais que mon collègue de Chomedey...

Le Président (M. Ferland) : Alors, je cède la parole au député de Chomedey.

M. Ouellette : Merci, M. le Président. Mme Desrochers, M. Morin, c'est toujours un plaisir de vous voir.

D'entrée de jeu, je vais aller avec votre conservation de la preuve. Dans une ancienne vie, mon collègue Jacques, le député de Saint-Jérôme, pour avoir témoigné pendant tellement d'années, est très au fait de cela. Et effectivement on parle d'une défense pleine et entière puis 15 ans en arrière parce que... pour s'arrimer avec les travaux de Charbonneau, alors que vos obligations légales sont de 10 ans dans les archives. Ça crée une autre dynamique. J'apprécie beaucoup que vous l'ayez souligné dans votre mémoire, parce que c'est des éléments qu'il va falloir réfléchir puis qu'on prenne en considération et c'est des éléments qui m'ont été soulevés sur le terrain. Effectivement, si on retourne 15 ans en arrière, je fais quoi pour me défendre si je ne suis plus là depuis 12 ans ou depuis 13 ans, je n'ai pas accès à rien? Puis comment... Parce qu'il y a toujours... on vit encore, au Québec, dans une société de droit. J'espère que ça va toujours être la même chose, que ça va toujours être comme ça. Et je pense que vous avez bien fait de le souligner.

Dans votre mémoire, vous savez, vous l'avez mentionné à la page 5, il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Dans le premier paragraphe, vous dites «une véritable transformation», «d'importants changements». Les processus actuels égalent licence pour soumissionner sur des contrats. Ça fait que, oui, il y a eu des transformations, il y a eu des transformations volontaires, mais il y a eu des transformations aussi obligatoires. L'AMF a... Vous avez tout rencontré votre monde. Il y a sûrement des firmes qui ont dû vous parler qu'on les avait obligées, par culpabilité familiale, à tout mettre... tous ceux qui portaient le même nom, là, mettre ça dehors, sans ça ils ne considéreraient même pas le fait d'avoir une licence. Ça fait que c'est beau, c'est extraordinaire, on peut bien avoir toutes les meilleures intentions du monde, mais, dans la vraie vie, là, c'est la licence qui est importante. Ça fait que, si l'AMF nous dit : Bon, bien, parfait, tu fais une élimination familiale, bien l'élimination familiale se fait. Tu engages telle firme pour tes processus internes, ça coûtera 100 000 $, 200 000 $, 1 million. Tu dois engager telle firme parce que peut-être tu ne l'auras pas, ta licence.

Votre paragraphe, tantôt vous avez bien mentionné de… nous dire la question des incitatifs à participer au programme volontaire. Effectivement, si on part du principe de la licence à n'importe quel prix, je suis bien prêt à régler, mais je ne veux pas avoir des «rebounds» ou je ne veux pas avoir des retours pendant des années et je veux que ça se fasse de la meilleure façon possible. Ça fait que, donc, si je n'ai pas l'assurance ou une certaine assurance que ça va être considéré pour avoir un règlement, je regrette, là, on pourra se conter toutes les histoires qu'on veut… C'est ça. Je me dis : Il faut regarder une question d'immunité, peut-être une question d'amnistie, peut-être une question logique transparente tout en gardant la confidentialité, parce que c'est des fleurons, puis je ne voudrais pas que demain matin on se ramasse avec des étrangers partout pour faire nos contrats.

Je ne sais pas si vous avez un commentaire suite aux commentaires que je viens de vous faire, mais j'ai l'impression qu'on...

Mme Desrochers (Johanne) : …quand vous parlez de ça, puis je vais essayer de ne pas trop...

M. Ouellette : Vous pouvez être émotive, Mme Desrochers, là, ce n'est pas grave.

• (17 heures) •

Mme Desrochers (Johanne) : Non, mais ça ne me va pas toujours. Mais, non, écoutez, c'est fondamental, ce que vous dites. En fait, je pense que tout le monde est de bonne volonté, tout le monde veut régler un problème. D'abord, on a pris conscience, là, d'un état de fait dont on ne pouvait pas se douter personne, et là, à gauche, à droite, tout le monde essaie de trouver des solutions, bon, le gouvernement, évidemment, mais à l'extérieur de ça je pense que tout le monde essaie de trouver des façons, là, de faire en sorte que l'on puisse utiliser ça, comme on le disait tout à l'heure, positivement et qu'on retrouve une fierté d'être entrepreneur, d'être ingénieur, bon, d'être fonctionnaire, d'ailleurs, parce que, là, on parle des entreprises, là, puis des ingénieurs qui y travaillent, mais en réalité c'est l'ensemble des intervenants sur le terrain qui souffrent de la situation actuelle. C'est vrai avec tous les fonctionnaires municipaux, provinciaux qui ont à gérer des projets, négocier des honoraires, etc. C'est l'horreur. Ils ont chacun en arrière d'eux un enquêteur, un vérificateur, un juriscomptable, etc. La gestion de projet, on l'oublie presque. Alors, ce n'est vraiment pas un climat qui permet, à l'heure actuelle, je pense, de même bien réaliser des projets au Québec. On aura peut-être une autre commission dans 20 ans d'ici puis on dira : Ah, on était en pleine crise, là, mais c'est certain qu'à l'heure actuelle il y a un climat très négatif quand on pense à la meilleure… les meilleures pratiques puis les meilleures façons de faire pour bien gérer et bien réaliser des projets au Québec.

Ceci dit, dans ce que vous dites, il m'apparaîtrait important, là, qu'on ait une table comme ça, de travail, avec tous ceux qui se penchent sur toutes sortes d'idées, et ça, ça n'existe pas. Il n'y a eu aucun forum… Et ce forum-là permet un peu d'aborder des questions, mais il n'y a pas eu de forum, depuis un an, deux ans, trois ans, là, où est-ce qu'on pourrait s'asseoir, ceux qui sont concernés par ça, et discuter puis essayer de voir par quel bout on prend ça. Parce que, là, il ne faut pas ajouter, ajouter, ajouter. Puis je ne parle pas juste de règlements ou de lois, je parle de toutes sortes d'initiatives. Il y en a des bonnes. Il y en a des plus farfelues mais qui peuvent nous permettre de faire avancer les choses. En tout cas, ça m'apparaîtrait important. S'il y avait quelque chose qui pouvait se faire et assez rapidement, ça serait certainement de mettre sur pied cette table, ce forum d'échange.

Je vous dirais que le Conseil du trésor a des tables d'échange comme ça, on en a eu dernièrement. Pour les meilleures pratiques, bon, en tout cas, est-ce que c'est ça qu'on peut élargir? Mais un peu le même genre de forum, là, où est-ce qu'on pourrait parler de ces choses-là, parce que ce n'est pas dans le contexte ici, mais il est certain qu'il faut faire attention de bien entendre, là, toutes les possibilités qui s'offrent à nous et de ne pas sauter dessus dans trois ans, parce qu'effectivement il sera trop tard et effectivement…

Tu sais, quand on dit qu'aujourd'hui, là, les donneurs d'ordres sont gênés, ça ne va pas passer le test du micro s'ils donnent un mandat à une firme qui a été nommée à la commission, bien, écoutez, si c'est ça, disons-le tout de suite et puis vendons-nous, parce qu'en réalité, là, il n'y a pas d'avenir. Je participe à des congrès internationaux, et puis, les concurrents à l'externe, pour eux, à l'heure actuelle, c'est extraordinaire, l'opportunité qui se… En plus à rabais. Ils sont tous convaincus, là, qu'ils peuvent venir acheter nos firmes, celles qui restent, à rabais. Et puis, bon, tu sais, peut-être que ça ne fera pas pleurer personne, mais je pense que le génie-conseil, là, c'est quand même 5 milliards de revenus, c'est 23 000 emplois, c'est une industrie du savoir. Il faut y penser, là. Puis ce n'est pas une manufacture dont on ferme la clé, puis que c'est robotisé, puis qu'on dit : Dans trois ans, quand le lock-out sera fini, on ira. Ce n'est pas ça. Une industrie du savoir, c'est des cerveaux, puis, quand on a perdu le «capacity building», bien on l'a perdu.

Alors, voilà. Je vous avais dit qu'il ne fallait pas me laisser parler. Je m'excuse.

Le Président (M. Ferland) : Alors, c'était tout le temps qui était à la disposition du parti d'opposition. Alors, je reconnais le député de Saint-Jérôme pour le presque éternel 4 min 20 s. M. le député.

M. Duchesneau : Pour poursuivre sur ce que vous venez de dire, je serais très intéressé, moi, à aller voir les firmes qui veulent nous acheter, voir si elles ont d'aussi belles pratiques que ce qu'elles prétendent. Je pense qu'au Québec on a au moins eu le courage d'aller fouiller et de sortir des choses.

Et, oui, c'est une crise, mais, oui, on peut aussi s'en sortir. Puis je pense qu'on doit profiter de cette conjoncture négative qui sévit actuellement pour nous projeter peut-être dans un monde meilleur, concurrentiel et un monde juste — je reviens souvent là-dessus — et je trouve que ce serait intéressant si l'AICQ pouvait convaincre ses 34 membres — parce que c'est moi qui parlais de la commission de vérité et réconciliation tantôt — de poser un geste que tout le monde attend. Et là on tente, avec une loi, d'essayer de se faire rembourser ce qui nous a été volé, mais ce serait intéressant que vos 34 membres viennent de l'avant et disent : Là, on a peut-être des choses à vous raconter. Parce qu'on ne peut pas seulement se fier à ce qu'on entend à la commission Charbonneau, parce qu'il y a des membres, de vos membres, qui n'ont pas encore été mentionnés. Est-ce qu'on doit attendre ça? Je pense que ce n'est pas nécessaire qu'on le fasse. Si on venait de l'avant… Moi, je suis convaincu que, si on pouvait poser un tel geste, s'il y avait des aveux de malversation, parce qu'il y en a eu, et que, si tout ça était suivi de gestes de réparation volontaires de votre part… Puis je l'entends quand vous dites, à la première page, que vous êtes d'accord avec le principe, donc, mais c'est un acte contre nature que d'aller avouer une chose comme ça si on ne pave pas la voie, justement, avec notre projet de loi pour que des gens viennent avouer mais qu'ils ne soient pas obligés de fermer la porte par la suite. Là, actuellement, il y a des firmes qui sont aux prises avec une situation comme celle-là, et ce ne sera pas bon pour personne. Et donc je rejoins ce que vous dites, là, sur le peu d'incitatifs à la participation. Je pense que c'est un aspect qu'on doit regarder très attentivement.

Votre page 5 du mémoire qui est un peu en relation avec l'article 13, quand vous parlez de la possibilité de négocier non seulement sur la base de chacun des contrats visés, mais sur l'ensemble des contrats, vous avez raison. Soyons honnêtes. Jamais on ne pourra faire la preuve sur chacun des contrats pour trouver le montant exact, pour dire : On s'est fait rembourser. Réalisons ça, soyons d'accord avec ça et trouvons un moyen que les gens qui ont fait ces malversations paient quand même un certain montant ou un montant certain, encore là par respect pour les firmes qui ont toujours respecté les règles.

Là-dessus, j'avais aussi une question à vous poser. Ah oui! Je suis d'accord avec votre idée du secret entourant les activités commerciales. Ça s'est toujours fait. D'ailleurs, c'est un des effets pervers de la collusion, c'est qu'il n'y en avait plus, de secret commercial, parce que tout le monde savait ce que les gens étaient pour mettre comme prix. Si on veut avoir une société où il n'y aura pas de collusion et de corruption, il faut maintenir ces données commerciales là secrètes, sinon on est aussi bien de faire affaire avec l'association, vous allez connaître les prix de tout le monde. Alors, ce n'est pas ça qu'on cherche, pas du tout, non. Je pense que vous ne voulez pas faire ça, parce que le gouvernement est très dur.

En fait, j'ai fait le tour. En fait, c'était un commentaire que je voulais vous faire plus qu'une question. Ça m'a fait du bien. Moi aussi, je suis émotif.

Le Président (M. Ferland) : Dans le fond, vous n'aviez pas de question, M. le député. C'est…

M. Duchesneau : Ah, bien j'en avais une, mais je vais laisser le temps à Mme Desrochers de répondre.

Le Président (M. Ferland) : Alors, en 30 secondes environ, à peu près.

Mme Desrochers (Johanne) : Oui. En fait, peut-être sur la question de l'argent, des règlements, là, des sommes à être remboursées éventuellement, bon, il y a eu… tout à l'heure j'ai entendu l'Ordre des ingénieurs souligner que ces argents-là… ou une partie en tout cas pourrait peut-être servir à mettre en place un institut. Le message, c'est certainement ça aussi de notre part, là, de ne pas penser juste à un chèque qui va aller dans un fonds consolidé. Je ne devrais probablement pas dire ça au micro d'une commission parlementaire, mais, en privé, en privé… Non, mais sérieusement on se disait souvent : Ils en ont assez fait, des chèques.

Le Président (M. Ferland) : Alors, ceci étant dit, Mme Desrochers… Mais c'est enregistré, hein, vous le savez, alors…

Mme Desrochers (Johanne) : Mais… Oui. Non, c'est ça. Mais…

Des voix :

Mme Desrochers (Johanne) : Est-ce que je peux juste terminer?

Le Président (M. Ferland) : On a dépassé le temps, malheureusement. On a… Là, je vais me diriger vers…

Mme Desrochers (Johanne) : Ah oui? Ah, bien je vous écrirai.

Le Président (M. Ferland) : Je m'excuse. J'ai un mauvais rôle, hein, je dois tout le temps vous bousculer. Mais je vais aller au député de Blainville pour le même bloc, 4 min 20 s. M. le député.

M. Ratthé : Si ce n'est pas très long, je vais vous laisser quelques secondes.

Le Président (M. Ferland) : Et voilà.

M. Ratthé : J'ai quatre minutes, j'ai quatre minutes, alors…

Mme Desrochers (Johanne) : …quelques secondes. Non, juste pour dire : La Banque mondiale, lorsqu'ils condamnent des entreprises, ils leur demandent entre autres de faire des conférences, raconter leur histoire. Et je pense que, quand on pense à un programme de remboursement, si on veut que ça serve puis que ce soit durable, il faudrait avoir des éléments comme ça dans la… comme ça ou comme quoi que ce soit mais pour que ces expériences-là puissent servir aux générations futures.

• (17 h 10) •

M. Ratthé : Alors, tout d'abord, bienvenue à mon tour. Vous soulevez dans votre mémoire… Et vous n'êtes pas les premiers à le soulever, d'autres l'ont soulevé, mais je voulais vous entendre un peu là-dessus. Vous soulevez le fait que… vous nous demandez de faire une réflexion à savoir qui devrait avoir les conséquences, en fait, et vous donnez des exemples : le payeur, le receveur. Il y a des gens qui sont venus nous dire ici : L'individu ou l'entreprise, il y a des entreprises qui sont condamnées parce que des individus ont mal agi. Vous nous parlez de personnes morales ou privées, et effectivement je rejoins ce qu'on disait tantôt, là. Nos belles grandes entreprises, là, nos fleurons, il y a plusieurs... j'en connais même personnellement, il y a des employés qui ont perdu leur emploi, qui sont des conséquences de ça parce que... justement à cause de ce qui s'est passé pour l'entreprise.

Alors, si vous nous demandez de réfléchir à ça, vous y avez peut-être déjà, vous, réfléchi, à savoir : La part de responsabilité, là, vous la voyez justement comment?

Mme Desrochers (Johanne) : En fait, ce que les entreprises veulent, c'est assumer leur juste part de responsabilité en tant qu'entreprises sociétalement responsables. Ce qui a été fait et ce que des individus pourraient devoir à la société, le criminel va s'en charger, mais nous, on pensait vraiment aux entreprises. Et, quand vous parlez du receveur, bien là c'est ça, c'est de dire : Quand on va examiner le cadre, là, du programme, il faudra se souvenir qu'effectivement les montants auxquels on arrivera, bien, ils doivent peut-être être divisés en deux, en trois, en quatre, peu importe, là, mais de prendre ça en considération.

Mais vraiment le discours, chez nous, c'était : On veut, nous, assumer, là, notre part de responsabilité et penser à l'avenir. Donc, ce n'est pas de dire : On l'est, on ne l'est pas. Il y a des individus qui étaient à notre emploi. Ils n'y sont plus, mais ils ont avoué avoir fait ces actes répréhensibles, et donc, comme entreprise, on veut voir jusqu'où et on verra jusqu'où on peut aller dans le... Mais essayons de s'assurer que le cadre permette bien de nous... nous permette bien, c'est-à-dire, d'assumer cette responsabilité sociétale.

M. Ratthé : Est-ce que j'ai encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Ferland) : Oui, il vous reste environ une minute, M. le député.

M. Ratthé : Il me reste encore une minute? Bon.

Le Président (M. Ferland) : Ah, oui, oui.

M. Ratthé : Il y a également... J'entendais maître tantôt qui disait : Bien, écoutez, on est prêts à acquitter, puis, s'il y a des conséquences... Il y a des groupes qui sont venus nous dire : Bien, il y avait quand même des firmes, des entreprises honnêtes qui, pendant qu'il s'est posé des gestes malhonnêtes, ont été peut-être privées de contrats parce que ça s'est fait de façon... Et on a ici beaucoup de personnes autour de la table qui étaient aussi… qui se posaient la question : Est-ce qu'il s'agit juste de régler un chèque? Les firmes qui auront le plus d'argent, bon, les chèques puis on tourne la page, c'est ce que vous souhaitez de toute façon. Mais il y avait des gens qui nous amenaient une notion, disaient : Bien, peut-être qu'il pourrait y avoir quand même quelques petites conséquences par la suite, même si c'est réglé, pour redonner une chance justement à ceux qui ont toujours été honnêtes d'avoir une chance, par exemple, de se qualifier. Alors, je voulais vous entendre peut-être un peu là-dessus, là.

Le Président (M. Ferland) : 30 secondes à peu près, oui.

Mme Desrochers (Johanne) : Le portrait est différent pour la construction, ne serait-ce qu'à cause du nombre d'entreprises concernées. Vas-y.

M. Morin (Patrice) : Bien, effectivement, j'ai entendu ça. Je dirais, mon premier réflexe, c'est que l'entreprise qui va devoir rembourser des montants portant à intérêts depuis plusieurs années risque déjà de voir son avantage concurrentiel entamé. Je ne veux pas exprimer un accord ou un désaccord, mais je pense qu'il y a déjà dans le projet de loi un aspect punitif quand même que je pense important. Et l'autre aspect...

Le Président (M. Ferland) : Alors, malheureusement, Me Morin, j'ai encore...

M. Morin (Patrice) : Je vais arrêter là.

Le Président (M. Ferland) : Peut-être lors d'une autre séance, vous êtes des habitués maintenant. Alors, sur ce, je vous remercie pour votre présentation, Mme Desrochers, Me Morin.

Et la commission ajourne ses travaux au mardi 3 décembre, à 10 heures, où elle poursuivra ce mandat. Sur ce, bon souper et bonne fin de soirée. C'est fini.

(Fin de la séance à  17 h 14)

Document(s) related to the sitting