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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, September 22, 2015 - Vol. 44 N° 56

Special consultations and public hearings on Bill 59, An Act to enact the Act to prevent and combat hate speech and speech inciting violence and to amend various legislative provisions to better protect individuals


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Table des matières

Auditions (suite)

Rassemblement pour la laïcité (RPL)

Mouvement laïque québécois (MLQ)

Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)

Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité (AQNAL)

MM. Jérôme Blanchet-Gravel, Claude Simard et Claude Verreault

Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP)

Centre Cyber-aide

Autres intervenants

M. Guy Ouellette, président

Mme Stéphanie Vallée

Mme Agnès Maltais

Mme Nathalie Roy

Mme Manon Massé

Mme Lise Lavallée

M. Maka Kotto

Mme Françoise David

*          M. André Lamoureux, RPL

*          Mme Leila Bensalem, idem

*          Mme Lucie Jobin, MLQ

*          M. Daniel Baril, idem

*          M. Michel Lincourt, idem

*          Mme Michèle Sirois, PDF Québec

*          Mme Salimata Sall, idem

*          M. Léon Ouaknine, idem

*          M. Ferid Chikhi, AQNAL

*          M. Ali Kaidi, idem

*          M. Jean-Marc St-Jacques, FEEP

*          M. Patrice Daoust, idem

*          M. Philippe Malette, idem

*          Mme Cathy Tétreault, Centre Cyber-aide

*          Mme Sylvie Lévesque, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Ouellette) : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Kotto (Bourget) remplace M. Bédard (Chicoutimi) et Mme Lavallée (Repentigny) remplace M. Jolin-Barrette (Borduas).

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Je vais souhaiter la bienvenue à mes collègues d'Ungava, La Prairie, Jean-Talon, Mme la ministre, Mme la députée de Repentigny, Mme la députée — il ne faut pas que je l'oublie —Sainte-Marie—Saint-Jacques, bon, puis Mme la députée de Taschereau.

Auditions (suite)

Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au Rassemblement pour la laïcité. Vous avez 10 minutes pour nous exposer... Vous allez faire les présentations des gens qui vous accompagnent, et on vous remercie.

Rassemblement pour la laïcité (RPL)

M. Lamoureux (André) : Mme la ministre, mesdames messieurs, bonjour. Je suis André Lamoureux, je suis politologue, et enseignant, et représentant du Rassemblement pour la laïcité. Je suis accompagné de Mme Leila Bensalem, enseignante récemment retraitée et membre du Rassemblement pour la laïcité.

Avant d'étayer notre argumentation, nous indiquons rapidement la logique de notre mémoire et de notre présentation. Notre message est en deux temps. Tout d'abord, nous nous dissocions de la proposition visant à policer et sanctionner les discours haineux ou incitant à la violence. Nous avons beaucoup de réserves sur ces dispositions. Le RPL propose plutôt un certain nombre de recommandations visant à contrer et endiguer la montée de l'intégrisme au Québec, surtout l'intégrisme islamique, lui-même source, à notre avis, de discours haineux.

D'autre part, le RPL veut apporter sa propre contribution sur la question des mariages forcés et tout ce qui concerne la violence et les meurtres commis au nom de l'honneur. Les quelques propositions présentées par le gouvernement à ce sujet nous apparaissent justifiées mais vraiment trop timides. Elles devraient être renforcées par d'autres dispositions législatives. Nous vous les expliquerons.

À propos des discours haineux, nous sommes déçus de voir le virage de 180 degrés effectué par le gouvernement sur la question de l'intégrisme. En 2013, lors de son assermentation à titre de député d'Outremont, Philippe Couillard déclarait avec force vouloir poursuivre sans relâche les intégristes. Par la suite, il s'est ravisé, et la lutte contre l'islamisme s'est envolée en fumée. Le premier ministre a expliqué que l'intégrisme était une affaire privée et que cela ne nuisait à personne. Kathleen Weil a même indiqué que ça ne la dérangeait pas de travailler avec un intégriste.

Pendant des mois, les ministres ont martelé à l'unisson qu'il faudrait plutôt combattre l'islamophobie, la xénophobie, le racisme et les discours haineux, puisqu'ils seraient à la source de l'humiliation et des discriminations vécues par les musulmans et, par ricochet, de la radicalisation des jeunes et des moins jeunes vers l'islamisme et le djihadisme. Jacques Frémont a même prétendu sur les ondes de Radio-Canada qu'il y avait une montée de l'intolérance au Québec. Cela a donné lieu au projet de loi n° 59 qui vise à policer les discours haineux.

Mme la ministre, la semaine dernière, après avoir été abondamment critiquée sur le caractère fourre-tout que représente l'expression «discours haineux», vous avez changé votre message quelque peu en clamant que vous ne vouliez d'aucune façon empêcher la critique des religions. Lors de sa présentation faite ici même, devant la commission, Jacques Frémont a aussi cherché à temporiser le discours. Vous nous dites maintenant que le projet de loi vise surtout à encadrer le type de discours haineux que les intégristes eux-mêmes soutiennent mais sans les nommer. Avouez que cela contredit tout ce que vous et vos autres collègues ministres avez dit pendant des mois.

Laissez-moi vous dire ceci : Si vous aviez vraiment voulu faire ce que vous prétendez, vous auriez sûrement conçu un autre projet de loi que celui-ci, une autre loi permettant de contrer l'intégrisme. Or, il n'y a toujours aucune législation de ce type sur la table et non plus de définition du concept de discours haineux qui se rapprocherait des termes du Code criminel sur la propagande haineuse. Ce vide ouvre la porte à n'importe quoi, et au premier chef à la vindicte des islamistes contre la laïcité. Une définition de concept, c'est toujours la première chose qu'on explique ou qu'on demande à nos étudiants lorsqu'ils effectuent une recherche. Il faudrait que vous compreniez que l'expression «discours haineux», c'est tout particulièrement la rhétorique de la mouvance islamiste pour casser toute critique de ses dogmes rétrogrades. C'est sa marque de commerce.

Mme Vallée, vous vous trompez de cible. Ce ne sont pas les discours haineux ou l'islamophobie qui sont la source de la stigmatisation ou de la marginalisation des musulmans, c'est l'intégrisme et tout particulièrement l'idéologie islamique qui, avec leurs préceptes rétrogrades, nourrissent des réactions légitimes de rejet parmi les citoyens québécois, d'autant plus que les islamistes se réclament de l'islam. Pour se défendre de la critique, les islamistes déversent ensuite leur haine contre tous ceux et celles qui osent les contester, y compris les musulmans installés au Québec qui refusent de se plier à ce discours.

• (10 h 10) •

En Algérie, au cours des années 1990, des hordes de jeunes se sont fait envoûter par l'intégrisme musulman. Les islamistes algériens ont massacré des dizaines et des dizaines de milliers d'hommes et de femmes au nom de leur idéologie. Pourtant, les musulmans ne faisaient aucunement face à une situation islamophobe ou xénophobe dans leur propre pays, et ce sont eux qui ont été massacrés par ces mêmes islamistes.

La corrélation entre le djihadisme et l'islamophobie, contrairement à ce que M. Charkaoui expliquait ici, n'existe donc pas. Et, en revanche, pour les islamistes, toute attaque contre eux est évidemment présentée comme un assaut contre l'islam, d'où l'utilisation du concept d'islamophobie qu'ils ont eux-mêmes créé. Voilà pourquoi ils combattent les partisans de la laïcité et qu'ils les assassinent très souvent.

L'islamisme... la féministe — excusez-moi — Kate Millett a été la première à goûter à ce type d'attaque, une charge lancée par les mollahs iraniens en 1979. Elle fut accusée d'impérialisme et de racisme contre l'islam lorsqu'elle a encouragé les femmes iraniennes à enlever leurs voiles. Il y a eu également Salman Rushdie qui a été accusé d'insulte à l'islam et condamné à mort par fatwa. Que dire de Véronique Sanson? En 1989, elle s'est vue obligée de retirer la chanson Allah de son spectacle après avoir reçu plusieurs menaces et un coup de téléphone lui disant ceci : Si tu chantes ça, poum!

En 2006, au moment du débat sur le port du voile à l'école en France et au Québec, Tariq Ramadan, l'intellectuel de l'islamisme, a accusé ceux qui prônaient l'interdiction de symboles religieux dans les institutions publiques de tenir des propos haineux et racistes. C'est exactement ce que permettrait le projet de loi n° 59 s'il était adopté : une plateforme pour nourrir les poursuites-bâillons pour punir et museler.

Ce qui nous amène à la notion de blasphème, qui n'a aucune légitimité dans une société démocratique. Cette notion est moyenâgeuse, mais elle est malheureusement toujours dans le Code criminel canadien. Elle renvoie à une autre époque où les Églises et l'État étaient soudés et fonctionnaient de connivence. À notre avis, avec ce projet de loi n° 59, c'est comme si le blasphème serait rétabli, mais dans le champ civil cette fois-ci. On devrait s'attendre à ce que les islamistes sautent à pieds joints dans la logique des discours haineux, qu'ils lancent la vindicte contre les défenseurs de la laïcité et que soit enclenché un tas de poursuites, comme c'est déjà commencé.

En janvier dernier, les islamistes ont dit que Charlie Hebdo avait franchi la ligne rouge, selon l'expression utilisée ici même par Salam Elmenyawi, et insulté l'islam avec leurs caricatures. Voilà pourquoi ils ont été massacrés. Récemment, un blogueur du Bangladesh, partisan de la laïcité, a été assassiné. Le savez-vous?

Malgré les tons rassurants, il reste que l'écrit reste l'écrit. La première partie du projet de loi n° 59 représente une atteinte à la liberté d'expression. Elle essaie de policer le droit de critique à partir d'une notion absolument arbitraire. Le fait de traduire devant les tribunaux les organismes et les individus en les incriminant d'avance de propos haineux, notamment à l'endroit des religions, sans respect de la présomption d'innocence, sans même avoir accès aux règles de procédure civile d'un procès régulier...

Une voix : ...

M. Lamoureux (André) : ... — deux? — alors, disons, porte atteinte, en fait, aux droits de la personne.

Alors, je reprendrai d'autres arguments tantôt, par la suite. Je vais laisser la parole à Mme Bensalem, qui va vous présenter le deuxième bloc.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Bensalem, il vous reste 1 min 30 s. M. Lemieux a été très volubile, ça fait que...

Mme Bensalem (Leila) : O.K. Alors, ça concerne les mariages forcés et les violences commises au nom de l'honneur. Alors, à propos des mariages forcés, nous sommes évidemment d'accord avec les mesures minimalistes proposées, mais elles sont insuffisantes. Comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas songé à exiger d'Ottawa que l'obtention de l'âge majeur, 18 ans, devienne une condition au mariage? Actuellement, c'est 16 ans. Cette base légale de 18 ans endiguerait en grande partie la problématique des jeunes mineurs qui sont dans l'engrenage des mariages forcés.

Aussi, cet âge minimal de 18 ans est en vigueur dans plusieurs pays, comme la Suède, l'Allemagne ou la Suisse. Cette base légale, comme l'explique Sharryn Aiken, professeure à l'Université de Queen's, spécialiste en droit international des droits de la personne et en droit de l'immigration, cette base légale, donc, est aussi soutenue par l'UNICEF, qui considère que le mariage à moins de 18 ans constitue une violation fondamentale des droits humains.

Soulignons un autre problème. Par la loi S-7, votée en avril dernier, le gouvernement fédéral a criminalisé les mariages forcés. Étrangement, personne n'a pensé à des mesures particulières pour annuler les mariages forcés qui pourraient être conclus à l'étranger.

Le Président (M. Ouellette) : En conclusion.

Mme Bensalem (Leila) : C'est ça. J'achève, oui. Alors, on aurait deux recommandations...

Le Président (M. Ouellette) : Que vous pourrez définitivement mentionner dans vos premiers échanges avec Mme la ministre.

M. Lamoureux (André) : Comme les autres. Comme les autres, d'ailleurs.

Le Président (M. Ouellette) : Oui. Merci de votre présentation. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Alors, merci beaucoup pour votre présentation. Dans un premier temps, peut-être... Je suis intéressée par les recommandations touchant les mariages forcés et les violences basées sur la conception de l'honneur. Je veux d'abord, peut-être, aborder les premiers aspects abordés dans votre mémoire, puis par la suite on pourra revenir à ces éléments-là qui sont aussi très importants.

Simplement, encore une fois, rassurer M. Lamoureux, M. le Président. Il n'y a pas eu de changement de discours dans le dossier, mais je pense qu'il était bon de recadrer, dans le cadre des interventions, certaines notions et notamment une certaine perception qui semblait s'être propagée à l'effet que la critique de la religion et le blasphème n'étaient pas... étaient visés par le projet de loi, ce qui n'est pas le cas.

Alors, le projet de loi vise vraiment à encadrer un discours haineux, le discours haineux tel que notamment défini par la jurisprudence, par la Cour suprême. Donc, c'est un discours qui comporte des particularités vraiment définies, c'est-à-dire c'est un discours qui va attiser un sentiment de haine profond à l'égard des groupes dont il est question. Et, encore une fois, l'objectif n'est pas du tout d'instaurer, comme vous le disiez... ou comme M. Lamoureux le disait, M. le Président, le retour de la censure, le retour... ce n'est pas du tout, du tout l'objectif. D'ailleurs, dans le projet de loi, on réfère et peut-être... et nos échanges nous permettent de constater peut-être que ça mériterait d'être plus clair, mais réitère, notamment à l'article 1, le principe fondamental, dans une démocratie, que la liberté d'expression représente.

Alors, la liberté d'expression, c'est un principe qui est essentiel en démocratie. Avoir la possibilité de critiquer, c'est essentiel en démocratie. Ce que nous souhaitons faire... Et c'est pour ça que je voudrais un petit peu entendre M. Lamoureux, c'est que, dans votre introduction, dans l'introduction de votre mémoire, vous avez parlé que l'intégrisme devenait, pouvait être une source de discours haineux. Et l'objectif, c'est ça, c'est de freiner ce discours haineux. Alors, j'aimerais comprendre. Vous nous dites : L'intégrisme est une source de discours haineux. Il est important de venir contrer ce type de discours là, mais, si j'ai bien compris, le projet de loi ne vous apparaît pas comme une façon de contrer ce type de discours là qui pourrait surgir d'une forme d'intégrisme.

Alors, quelle serait la façon de contrer ce type de discours haineux, qui parfois est dirigé vers les femmes, parfois est dirigé vers les homosexuels. Dans certains cas d'intégrisme, parce que l'intégrisme se manifeste sous différentes formes, ce ne sont pas toujours les mêmes groupes qui vont porter leur philosophie jusque dans une mesure qui va s'en prendre à des groupes. Mais quelle serait la façon qui pourrait être la plus efficace, selon vous, pour contrer le discours haineux sur la place publique? Et, on s'entend, lorsque je parle de discours haineux, je fais vraiment référence au discours haineux tel que l'a reconnu la Cour suprême. Je ne voudrais pas que l'on prenne des interprétations qui ont été faites en commission parlementaire. Je me suis toujours tenue notamment à l'affaire Whatcott, on en a parlé beaucoup, on a parlé de l'affaire Taylor, donc à cette conception très précise du discours haineux que la jurisprudence nous a enseignée.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lamoureux.

• (10 h 20) •

M. Lamoureux (André) : Je peux vous répondre là-dessus. Mme la ministre, j'ai été même encore plus inquiet en fin de semaine lorsque j'ai entendu M. Jacques Frémont, à une émission de Radio-Canada, dire que ce qu'il voulait contrer, c'étaient les discours haineux menant à la discrimination. Ça n'a pas de sens, parce que c'est trop large. La discrimination, c'est très large. Donc, je pense qu'il faut être beaucoup plus précis. Un patron qui dirait à ses employés de moins de 30 ans : Je vous donne des conditions de travail inférieures aux autres, c'est de la discrimination, mais ce n'est pas un discours haineux.

Nous, là, le discours haineux, nos paramètres, en s'appuyant sur la Cour suprême, là, ce serait un discours, une propagande mue par l'aversion et la détestation prônant l'usage de la violence à l'endroit d'individus, de groupes ou communautés et pouvant mener au génocide. Ça, c'est un discours haineux.

Comme cet été, en Turquie, il y a eu des pancartes qui ont été installées par les islamistes disant : Faut-il tuer les homosexuels comme Mahomet s'est vengé contre le peuple de Lot? Vous savez ce que ça veut dire? Mahomet avait exterminé le peuple de Lot parce qu'il y avait des pratiques homosexuelles dans sa population. Alors, c'était un appel... Ça, pour moi, c'est un discours haineux, parce que ça appelle à la violence, à porter... à tuer même, à la limite. C'est ça, un discours haineux.

Si on entend juste la discrimination... On entendait l'autre fois certains propos, là, qui sont dans le... Écoutez, moi, je peux dire... on peut vous dire ceci : On peut être hostile à une religion, à une école de pensée, on peut être offensant, on peut être blessant, on peut être vexatoire, on peut être misogyne aussi — je ne suis pas d'accord avec ce que le Conseil du statut de la femme a dit ici, là, c'est trop — être polémique, être irrespectueux, être dénigrant, même. Je vous entendais, vous répondiez à Me Latour et Me Grey, vous disiez : Ah! le discours haineux, c'est comme le dénigrement. On peut dénigrer. On a le droit de dénigrer quoi que ce soit. Je pourrais dénigrer Raël et ses théories, les superstitions des religions, l'obscurantisme des religions, je pourrais... Ce n'est pas des discours haineux, ça. Donc, c'est ça, pour nous, le discours haineux, et c'est ça qui n'est pas dans la loi.

Et je termine avec quelque chose... Je vais vous dire une information, Mme la ministre, je ne sais pas si vous êtes au courant de ça : Suite aux attentats de Charlie Hebdo en France, il y a un journaliste du Western Standardmagazine, en Alberta — parce que M. Frémont a parlé beaucoup de l'Alberta comme un exemple, la Colombie-Britannique, tout ça — il y a un journaliste de l'Alberta, du Western Standard magazine, qui est lié à Sun News — et ça ne me dérange pas qu'il soit lié à Sun News, il y a des gens qui vont faire des commentaires là-dessus, pas du tout — ce journaliste-là a décidé, lui... En réplique à ce qui s'était produit en France, il a fait un reportage avec des discours d'imams, des discours vraiment agressifs, là, et même quasiment liberticides, là, et puis il a diffusé, pendant son reportage, les... il a reproduit, il a tout simplement reproduit les caricatures de Mahomet. Et savez-vous qu'est-ce qui lui est arrivé? Il a eu un ordre du Tribunal des droits de la personne d'enlever ses caricatures de Mahomet, en Alberta, considérées comme discours haineux. Et lui, il a dit : «You're crazy», et, en disant ça, il s'est fait poursuivre, amende, par le Tribunal des droits de la personne en Alberta. Ce n'est pas très loin, l'Alberta, là, ce n'est pas l'Afghanistan.

Je vous donne un autre exemple, en Égypte. Dans notre rapport... Vous verrez, notre rapport est très documenté. Je ne sais pas si vous l'avez lu, j'espère que vous allez le lire, vous allez peut-être apprendre beaucoup de choses dans notre rapport. Mais, en Égypte, une blogueuse, au mois de décembre, pas plus loin qu'au mois de décembre, a fait un commentaire sur les événements concernant la fête de l'Aïd — l'Aïd, c'est ça? — et puis... Oui, bien, je pense que Leila pourrait en parler et puis... Elle a été traduite devant le tribunal?

Mme Bensalem (Leila) : Oui. C'est une journaliste égyptienne...

Le Président (M. Ouellette) : Ne bougez pas, ne bougez pas. C'est parce que...

Mme Bensalem (Leila) : Oui, pardon.

Le Président (M. Ouellette) : ...notre période de temps est très limitée et...

M. Lamoureux (André) : En tout cas, cette journaliste-là a dit : Joyeux massacre, un peu comme «you're crazy», et elle a été traduite en cour de justice pour insulte à l'islam. C'est l'Égypte, vous allez me dire, ce n'est pas le Canada, ce n'est pas le Québec, mais, au Canada, au Québec, il y a d'autres choses qui se passent, des fois qui peuvent, qui pourraient se produire.

Et surtout, nous, c'est... On n'en veut pas au ministère de la Justice, on n'en veut pas à la commission, au contraire, on veut qu'elle joue son rôle. Mais c'est certain que, si ce projet de loi... C'est déjà commencé contre nous, là. Quand je dis «nous», c'est les combattants de la laïcité, qu'on le fait depuis des années, depuis 2010 qu'on se bat là-dessus, bien avant qu'il y ait le projet de loi n° 60. Mais les poursuites sont déjà engagées, vous le savez. Est-ce que je dois donner des noms, là? Mais on en a pas mal, et ça va être une planche de salut pour eux autres pour nous poursuivre, c'est certain.

Le Président (M. Ouellette) : On va continuer l'échange, M. Lamoureux. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Alors, la définition de discours haineux, simplement revenir, oui, c'est un... ça peut être une forme de dénigrement, une forme de dénigrement qui va déconsidérer un groupe de personnes, qui va le dénigrer au point de le rendre ignoble. Alors, c'est vraiment... il y a un caractère vraiment particulier du discours haineux. Et la définition de ce concept-là, elle est reprise par la Cour suprême.

Maintenant, je vous entends, comme j'ai entendu bien des gens, il y a lieu évidemment de définir peut-être de façon plus précise dans le projet de loi, parce qu'il semble y avoir des interprétations multiples du concept. Et j'ai pris bonne note, vous nous avez donné votre définition, la définition que vous considérez être peut-être une des définitions qui pourraient être utilisées. Je vous remercie de nous avoir fait part de vos commentaires.

J'aimerais revenir sur la question des mariages forcés et sur la question des violences basées sur l'honneur. Certaines de vos recommandations visent à solliciter d'Ottawa de renforcer certaines mesures législatives. On en prend bonne note, certains groupes nous ont formulé cette demande-là, évidemment. Nous, ce qui est souhaité, c'est, à même les outils législatifs que nous avons, notre Code civil notamment, de pouvoir... dans le contexte où la législation fédérale demeure la même, mais de pouvoir contrôler et encadrer le consentement pour s'assurer d'un consentement réel. Mais j'ai pris bonne note de votre demande quant à ce que l'âge légal du mariage passe à l'âge de 18 ans.

Maintenant, pour la question des violences basées sur la conception de l'honneur, j'aimerais vous entendre, puisque vous n'avez pas eu la chance de nous formuler vos recommandations.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Bensalem.

Mme Bensalem (Leila) : Vous voulez que je vous parle de nos recommandations concernant... O.K.

Le Président (M. Ouellette) : Effectivement, Mme Bensalem, c'est la demande de la ministre.

Mme Bensalem (Leila) : Pardon?

Le Président (M. Ouellette) : C'est la demande de la ministre. Vous avez mentionné tantôt que vous auriez la chance de nous partager vos deux recommandations.

Mme Bensalem (Leila) : O.K. Bien, on vient de parler de l'âge qui devrait être haussé à 18 ans. Ça, c'était notre première recommandation.

La deuxième, ça concerne les mariages forcés qui se sont déroulés à l'étranger. Parce qu'en fait moi, je peux vous parler de certains cas que j'ai vraiment... j'ai été vraiment témoin de ces cas-là, parce que j'étais enseignante dans une école secondaire à Montréal, et ça s'est passé à deux ou trois reprises, il y a plusieurs années de ça. Il y a des petites filles qu'on a retirées de l'école pour voyager, aller contracter des mariages à l'étranger et ensuite revenir ici.

Alors, à l'époque, c'est sûr qu'il y a une espèce, je pourrais vous dire, de frilosité quand il s'agit de contrer ou de savoir comment gérer ces situations-là, parce que, souvent, on pense, et je pense que c'est une erreur, que ça fait partie d'un bagage culturel ou que ce sont des habitudes et qu'on ne peut pas vraiment intervenir. Écoutez, on est au Canada, on est au Québec, et c'est nous qui devrions avoir nos lois et dire à ces personnes-là que ça ne se passe pas comme ça ici et qu'il faut respecter nos lois. C'est la même chose quand on parle des mutilations sexuelles et de l'excision. Il y a encore des cas d'excision qui se déroulent ici même, au Canada. Donc, il faudrait vraiment agir, là, ça presse.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Pour ce qui est de l'excision puis certaines pratiques, il y a des dispositions qui interdisent... en fait, qui criminalisent ces actes-là au Code criminel. Je sais également que le Collège des médecins est très vigilant sur la question, puisqu'il ne faut pas oublier, on a notre Code criminel qui est là, qui existe.

Nous, ce que nous avons présenté, ce sont des mesures au niveau civil, alors des mesures de nature civile qui permettent de donner notamment des outils pour pouvoir intervenir, de donner des outils, par exemple, aux intervenants de la direction de la protection de la jeunesse pour pouvoir intervenir, pour pouvoir nommer certains phénomènes, pour être en mesure de mieux les comprendre, de mieux pouvoir accompagner les enfants qui, parfois, sont aux prises avec des situations familiales pas toujours simples. Nous avons prévu certaines dispositions, notamment visant une meilleure confidentialité des échanges que l'enfant pourrait avoir avec le directeur de la protection de la jeunesse

J'aimerais vous entendre. Est-ce que les mesures prévues au projet de loi n° 59 et qui visent notamment à mieux outiller la direction de la protection de la jeunesse vous semblent intéressantes? Est-ce qu'il y aurait d'autres types de mesures qui pourraient, à votre avis, être utiles?

• (10 h 30) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme Bensalem.

Mme Bensalem (Leila) : Bien, écoutez, vous avez parlé tout à l'heure d'un autre moyen pour contrer les discours haineux et tous ces comportements, là, qui entourent le discours haineux. Bien, concernant les mariages forcés, les mutilations sexuelles et, bon, l'excision, entre autres, moi, je pense qu'il faudrait vraiment commencer à faire de la sensibilisation et de l'éducation, c'est la base. Parce que ces familles, là, qui arrivent ici avec ces bagages culturels qui... bon, ils arrivent avec ça, d'accord, mais ça ne veut pas dire qu'ils peuvent continuer à exercer toutes ces choses-là ici, au Canada. Ce n'est pas possible. Parce que, quand même, les libertés individuelles, c'est bien beau, mais il y a certaines choses qui devraient être inacceptables ici. C'est un bagage culturel, d'accord, mais ici ça ne se passe pas comme ça. C'est à nous à édicter les lois et puis à les faire respecter surtout.

Et puis, juste une dernière chose concernant les mariages forcés à l'étranger, on demanderait vraiment qu'il y ait une procédure d'annulation qui soit automatiquement appliquée dès qu'il y aurait une preuve du caractère imposé de ces contrats-là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Il y a actuellement des mesures permettant l'annulation de mariage, notamment un mariage dont le consentement a été vicié. Est-ce que vous considérez que les mesures, actuellement, qui existent, notamment celles prévues à l'article 380 du Code civil, sont suffisantes ou vous souhaitez... ou vous considérez qu'il y aurait lieu de bonifier les mesures? Puis, s'il fallait les bonifier, que devrions-nous ajouter aux dispositions actuelles? Parce qu'actuellement un mariage qui n'a pas été contracté de consentement peut être annulé. Nous suggérons d'encadrer davantage la vérification, la validation du consentement des époux de moins de 18 ans, parce que, généralement, le consentement a été accordé par le parent. Et, dans le cas de mariage forcé, on sait que la famille, bien souvent, est très, très, très impliquée, donc, d'où la proposition de soumettre le tout à l'autorité d'un juge pour valider si le consentement, il est libre et éclairé. Mais, au-delà de la question du consentement, est-ce que vous avez d'autres recommandations ou d'autres suggestions, d'autres moyens que vous verriez à mettre en place pour encadrer davantage et pouvoir aussi permettre à ceux et celles qui ont contracté un mariage dans un contexte où le consentement était vicié de pouvoir en sortir?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Bensalem.

Mme Bensalem (Leila) : Bien, écoutez, s'il y a encore des familles qui se permettent d'organiser des mariages forcés, à mon avis, c'est qu'en amont il y a des choses qui n'ont pas été faites. Parce que, quand on arrive devant le juge et qu'on est prêt à contracter un mariage, et puis souvent entre des mineurs, c'est qu'il y a des choses que ces gens-là n'ont pas comprises. Alors, je reviens toujours, c'est mon leitmotiv : l'éducation, la sensibilisation.

Écoutez, avant que des personnes émigrent ici, est-ce que ça serait possible de leur faire comprendre qu'il y a des lois ici qu'on doit respecter et qu'ils ne pourront pas agir comme quand ils étaient dans leur pays d'origine? Et il faudrait être fermes par rapport à ça, parce que, s'il y a encore des gens qui se permettent de faire ça, c'est qu'ils ont, quelque part, une latitude pour le faire, ils ne sont pas fous. Donc, il y a des failles, il y a des faiblesses qu'il va falloir corriger et, je répète encore, en amont, avant même de retrouver ces gens-là devant un juge.

Le Président (M. Ouellette) : Vous aviez un commentaire, M. Lamoureux?

M. Lamoureux (André) : Oui, j'ai un commentaire, oui. Je crois que... L'article 380, là, ne me revient pas spontanément, le contenu, mais vous pourriez peut-être nous le rappeler, mais je pense que, dès le moment où une preuve serait... pourrait être soutenue à l'effet qu'un mariage a été forcé, par témoignage, par... je ne sais pas, des gens qui prennent des mesures pour contester, éventuellement, un mariage qui aurait été forcé à l'étranger, nous pensons qu'il devrait y avoir peut-être des mesures plus précises — parce que c'est quand même le Québec qui est responsable de la célébration du mariage, là, c'est sa compétence — qui pourraient être élaborées de façon à contrer ça.

J'ajouterais ceci, dans le sens de Mme Bensalem : Il serait peut-être important que, dans un cours d'éthique et de culture religieuse, on fasse l'éducation des jeunes. Évidemment, moi, j'aimerais ça qu'on fasse l'éducation des jeunes en faveur de la laïcité, mais disons que ce n'est pas ça, le sujet, mais quand même que, dans un cours d'éthique et de culture religieuse, on fasse l'éducation, pas simplement présenter comme l'éventail des religions, mais qu'on explique des choses indépendamment des cultures : quelles que soient les religions, le mariage forcé, c'est interdit; indépendamment des cultures et des religions, la violence physique, c'est interdit, les crimes d'honneur et violence au nom de l'honneur. C'est important, ces questions-là. On a vu l'affaire Shafia, il y a eu l'affaire Parvez. On peut toujours dire : Oui, mais c'est tellement rare. Mais, écoutez, ça va se reproduire encore, c'est certain, et je pense qu'on a une responsabilité d'éducation dans... particulièrement au secondaire, là, surtout à la fin du secondaire, là, pour les jeunes, à cet égard.

Le Président (M. Ouellette) : Un dernier commentaire, Mme la ministre.

Mme Vallée : Simplement, M. Lamoureux, vous partager que, même si on n'est peut-être pas d'accord sur tous les points, je suis d'accord avec vous. Un cas de violence comme le dossier Shafia, c'est un cas de trop. Et on doit trouver les moyens pour éviter que les situations comme ça se reproduisent et pour protéger les jeunes filles et les jeunes garçons qui pourraient être placés dans des situations particulières, mais on peut avoir des façons différentes d'y arriver, mais il s'agit de protéger les enfants et les jeunes. C'est certain que l'éducation est toujours un moyen important. Nous, aujourd'hui, on regarde les actions législatives, mais vous avez tout à fait raison que l'éducation, la prévention dans une société, c'est important. Merci de votre présence à la commission.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Bonjour, bonjour. C'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui. Je vous remercie pour votre mémoire. Je vais passer tout de suite à la conclusion de votre mémoire. Vous dites, la première ligne : «En guise de conclusion, le Rassemblement pour la laïcité demande que ce projet de loi soit retiré, puisque l'essentiel de cette législation proposée recouvre la question des discours haineux.» Vous joignez, je vais vous le dire ici, notre position. Nous sommes, à ce que je sache, jusqu'à aujourd'hui, là, le seul parti qui demande absolument que la première partie, à tout le moins, du projet de loi, soit celle sur les discours haineux, soit retirée et soit revue en profondeur, qu'on nous précise les objectifs, et tout ça, qu'on nous précise ce qu'on veut, qu'on précise les termes, et pas en l'amendant, là. Je sais que les deux autres partis cherchent encore des amendements. Moi, je pense que ça ne sert à rien de vouloir amender.

J'aimerais que — moi, je l'ai déjà expliqué pourquoi — vous me disiez pourquoi vous croyez qu'il ne suffira pas de quelques amendements, il faut vraiment le retirer. Qu'est-ce qui fondamentalement vous freine, vous fait peur dans ce projet de loi?

Le Président (M. Ouellette) : M. Lamoureux.

• (10 h 40) •

M. Lamoureux (André) : C'est parce que c'est la logique. On a présenté un peu ce qui pourrait être une loi pour contrer les discours haineux, on a une définition complètement différente. Et en plus c'est la logique aussi de l'ensemble du projet de loi.

Par la suite, là, la question des discours haineux, protéger les jeunes dans les écoles, les cégeps, là, écoutez, là, moi, j'ai fait ma carrière au cégep, j'enseigne à l'UQAM maintenant, là, comme chargé de cours, mais... Écoutez, inquiétez-vous pas, là, les cégeps, ils en ont, des moyens de protection des jeunes, là. Depuis les attentats de 2001... C'est surtout depuis l'attentat à Dawson, là, on a été convoqués en réunion et réunion pour les protocoles de sécurité d'urgence sur tous les étages, avec des responsables sur tous les étages. Tous les cégeps ont fait ça, là. Donc, on n'a pas besoin d'une protection. Donc, c'est la logique globale. Même les cégeps nous on dit qu'ils n'en voulaient pas, là, ils étaient même insultés de la loi.

Écoutez, là, les LGBT, ils ont dit qu'ils n'en voulaient pas de loi, les Noirs nous ont dit qu'ils n'en voulaient pas de la loi. L'Office des personnes handicapées a dit qu'il n'y a pas de discours haineux contre les... presque pas, tellement rares, contre les handicapés, c'est plutôt la discrimination puis des discours vexants. Les seuls qui vous ont dit, là, qu'ils étaient pour, là, c'est des associations dites musulmanes mais, je dirais, moi, avec certaines tendances que je n'oserais pas nommer, et qui ont dit oui. Même qu'une porte-parole a dit qu'il était important que, les incriminés, là, on les rééduque. Les incriminés, là, c'est des gens qui critiquent l'islam.

Mais je voudrais revenir à d'autre chose aussi — on propose cinq autres propositions, je vous l'indique — nous, on veut qu'un centre de vigilance ou un centre de recherche-action qui soit créé... donc ce serait une autre loi pour nous, là, qui soit créé par le gouvernement pour demeurer au fait et contrecarrer les doctrines intégristes, quelles qu'elles soient, là, ça peut être hassidique, ça peut être islamique, peu importe. Cet organisme pourrait aussi rendre compte publiquement de ses actions et de ses recherches.

On veut aussi que le ministère des Affaires municipales, de l'Occupation du territoire, en collaboration avec Revenu Canada, exerce une surveillance accrue auprès des organismes de bienfaisance ou centres communautaires qui ne respectent pas leur vocation — on en a eu quelques cas, là, au Québec, hein — ils servent, au contraire, à la promotion de doctrines intégristes et islamistes et même le djihadisme. Cette surveillance concerne la reconnaissance légale, les subventions qu'ils reçoivent ainsi que les exemptions fiscales dont ils bénéficient.

Nous, concernant les cégeps, là — je veux applaudir le directeur de la fédération... le président de la fédération — nous, on va dans le même sens : il faut qu'il y ait une directive concernant la location des locaux. Parce que c'est le problème des cégeps. Les cégeps sont comprimés avec les compressions budgétaires. Depuis des années, une de leurs sources de revenus, c'est de louer. Et les cégeps, je vous en parle en connaissance de cause, louent, et louent, et louent, même que, des fois le lundi matin, les profs arrivent pour travailler dans les classes, puis les fils sont tout défaits, puis ils sont mécontents de ça.

Mais nous, on dit : Attendu que les écoles publiques, les cégeps, les universités sont des institutions laïques, que le ministère de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche édicte une directive à l'intention de tous les gestionnaires d'établissement encadrant la gestion de la location de leurs locaux pour les organismes externes de façon à empêcher qu'ils soient accordés à des sectes, associations, mouvements ou centres reconnus pour leur intégrisme religieux. Mais enfin je dirais aussi... importante... que la Loi sur la fiscalité municipale établisse des critères précis pour la reconnaissance des lieux de culte. C'est le cas, je pense, en Suisse, qu'ils sont exempts... les lieux de culte qui sont exempts de taxes foncière, municipale et scolaire. Attendu des abus déjà survenus, le resserrement de ces critères pourrait réduire le risque de dérives sectaires et intégristes avec tous les propos haineux qu'ils peuvent véhiculer.

J'exprime mon regret que vous n'ayez pas invité à cette commission Tarek Fatah, qui est le fondateur du Congrès maghrébin au Québec, qui condamne les intégristes — par ailleurs musulman lui-même — et qui a expliqué sur les ondes de Radio-Canada il n'y a pas très longtemps dans un documentaire très étoffé qu'il était estomaqué de voir que, dans la plupart des prêches des imams au Québec... bien, en tout cas, dans plusieurs mosquées, ça commençait par la haine, ça commençait par des discours appelant à la vindicte contre les mécréants, etc. Donc, il y a un problème, là. Donc, que l'on s'interroge aussi sur les exemptions fiscales octroyées à de telles mosquées.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée Taschereau.

Mme Maltais : M. Lamoureux, bon, centre de recherche-action, on a nous-mêmes déposé...

M. Lamoureux (André) : Nous, on est d'accord avec ça à 100 %.

Mme Maltais : ...une loi sur l'observateur, qui était inspirée de la loi qui avait été déposée par Mme Fatima Houda-Pepin. On croit à la recherche-action, ça, on est tout à fait d'accord avec vous. On attend encore d'ailleurs que le gouvernement l'appelle pour qu'on puisse en débattre. On n'a pas eu de nouvelle là-dessus.

Sur les cégeps, une directive concernant la location des locaux, vous tombez exactement, là, dans l'esprit de ce qu'on plaide depuis le début de cette commission parlementaire là, les questions auxquelles on fait face... On a probablement bien des outils entre les mains pour y faire face, mais on dirait qu'il n'y a pas une volonté d'agir ou une capacité d'agir. Et, si les gens, les commissions scolaires nous disaient : Nous autres, les locaux, on les a, là, les moyens pour louer ou ne pas louer, vous pensez qu'une simple directive pourrait outiller davantage les cégeps que cette loi?

Le Président (M. Ouellette) : M. Lamoureux.

M. Lamoureux (André) : Bien, moi, je pense qu'une directive, ça donnerait comme un cadre, un cadre général sur lequel les directions de cégep pourraient s'appuyer, à savoir sur la façon... à propos de la façon de louer les locaux. Actuellement, il n'y a rien, donc on loue à gauche et... Il n'y a même pas de vérification, là, écoutez, là, ça va des organismes communautaires à religieux, en tout cas toutes sortes de choses dans les cégeps actuellement. Il n'y a pas de cadre. Les gestionnaires d'établissement ne demandent que ça que d'avoir un cadre qui va les aider et qui va leur prescrire... Ensuite, lorsqu'ils vont prendre une décision : On ne peut pas vous louer le local, bien, voici, regardez, il y a une directive ministérielle qui est assez claire à cet effet. Ça aide les gestionnaires. N'ayant aucun cadre, bien, on peut aller dans toutes les directions, et c'est difficile à gérer, puis ça donne des surprises comme celle qui est arrivée à Maisonneuve et à Rosemont. Moi, j'ai bien aimé la réaction du cégep de Rosemont, elle a dit : C'est terminé. Maisonneuve, il a dit : On va faire un comité pour voir, là, s'il n'y a pas de la discrimination. Alors, c'est... Écoutez, là, c'est la preuve qu'il n'y a pas de directive, là, c'est ça, là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : C'est le fun, dans les mémoires, des fois, on trouve les références en bas de page, de ce que vous nous dites. Il y a effectivement une de vos références qui est un texte du Devoir, de Robert Dutrisac, du 19 février 2015, et vous avez une citation du premier ministre. Je vais la rappeler, je pense, ça vaut la peine, vous nous la soulignez à juste titre : «La liberté d'expression, elle est déjà encadrée par nos chartes et la jurisprudence. On ne peut pas faire de discours haineux ni d'appel à la violence, même dans le cadre de l'exercice de la liberté d'expression.» Premier ministre actuel, qui nous rappelait... qui disait : On a déjà toutes les lois entre les mains.

D'un autre côté, bon, il y avait le chef de la CAQ qui appelait à être encore plus... ce n'est pas seulement la... Ça demande aussi au gouvernement une intervention politique. Bon, peu importe, là, on a eu un débat là-dessus, mais le chef de la CAQ, lui, appelle à une loi. Ça fait que je comprends que la CAQ, elle, veut bonifier cette loi-là, parce qu'eux autres, ils croient que c'est en passant par... en menottant un peu plus la liberté d'expression dans certains secteurs qu'on peut y arriver. C'est correct, là, mais nous, on ne pense pas ça.

Il y a une chose qui a été oubliée dans tout ce débat-là, c'est la laïcité. Vous en parlez dans votre conclusion. D'entrée de jeu, dans les premiers organismes qui sont venus, on nous a rappelé cela. Il n'y a rien sur la laïcité ni même la neutralité religieuse de l'État qui soit dans cette loi. J'aimerais ça que vous... Vous en parlez dans votre conclusion, j'aimerais ça que vous en parliez, de l'importance de ce que pourrait apporter, par exemple, une déclaration sur la laïcité, par exemple, dans la Charte des droits et libertés, ou ailleurs, de plus.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lamoureux.

M. Lamoureux (André) : Écoutez, nous, on était partisans de... Malgré qu'il y a certaines corrections qu'on voulait apporter au projet de loi n° 60, on était d'accord avec ce projet de loi. Puis il y avait... Écoutez, essayez de me démontrer une once d'islamophobie, d'ethnocentrisme ou quoi que ce soit dans ce projet de loi, il n'y en avait pas. La seule chose qui est peut-être, tu sais, discutable, les crucifix, puis tout ça, là, bon, on avait un certain nombre d'amendements. Mais nous, on pense...

Vous voyez, je fais cinq propositions, cinq, six, puis on en aurait une autre, là, mais ça, ça relève d'Ottawa, mais je veux... on n'a probablement pas le temps, mais d'amender le Code criminel, là, parce que le Code criminel, à l'article 319.(3)b, là, il permet de faire de la diffamation si on le fait en toute conviction au nom de notre religion ou croyances religieuses. Donc, mettons que ça, ce n'est pas de notre temps, O.K.?

Mais disons que l'ensemble de propositions qu'on a faites, deux, trois que je viens de vous énumérer, c'est... vous voyez, ça, il y a un esprit d'ensemble. À mon avis... dans notre avis — pas mon avis, à notre avis — ça devrait, en quelque sorte, être intégré à une loi générale qui stipule que le Québec est un État laïque et qui définit... Évidemment, on ne s'entendra pas, je pense, avec le gouvernement libéral à ce sujet, on ne s'entendait pas non plus en 2014, mais la laïcité, là, c'est la séparation de l'État et des religions, premier principe. Deuxième principe, le respect total, complet de la liberté de conscience, donc d'être croyant ou incroyant, ça inclut la liberté de religion mais aussi, comme la Cour suprême l'a tellement montré pour le Mouvement laïque, que vous allez recevoir bientôt, la liberté de conscience et le caractère universel aussi de l'application des lois et des règlements pour tous et chacun. Alors, ça, c'est des principes de laïcité. Ils ne sont pas dans la charte québécoise des droits et libertés. À notre sens, ils devraient y être et un ensemble d'autres mesures. Nous, on présente celles-ci, mais, voyez, il y en a d'autres, il y a d'autres aussi, possibles, qu'on peut ajouter. Il y en avait aussi dans le projet de loi n° 60, mais nous, on...

Mme Maltais : En terminant...

Le Président (M. Ouellette) : Dernière minute, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Dernière minute, si vous permettez, M. Lamoureux, Mme Bensalem.

M. Lamoureux (André) : Oh! excusez-moi.

• (10 h 50) •

Mme Maltais : Écoutez, je veux juste vous dire : On a bien pris note de vos recommandations, qui rejoignent plusieurs des recommandations que nous avons faites au fil du temps au gouvernement, mais j'ajoute aussi que je suis d'accord avec vous qu'il y aurait peut-être... il serait peut-être temps d'ajouter des mots sur la radicalisation et sur les dangers de l'intégrisme dans les cours d'éducation et de culture religieuse. Je trouve cette suggestion intéressante. On est en train d'implanter ce cours, c'est le temps, à la fois... On y parle de religion, mais qu'on dise peut-être à nos jeunes les dangers des dérives et les dangers de l'intégrisme pourrait être intéressant, quelle que soit la religion. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la députée de Repentigny ou de Montarville?

Mme Roy (Montarville) : De Montarville.

Le Président (M. Ouellette) : Ah! excusez-moi. Probablement en réponse à Mme la députée de Taschereau.

Mme Roy (Montarville) : Entre autres.

Le Président (M. Ouellette) : À vous l'honneur, Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci. Mais d'abord j'aimerais vous saluer. Écoutez, M. Lamoureux, Mme Bensalem, merci d'être là. Ce que vous dites me touche beaucoup et me rejoint beaucoup, beaucoup, beaucoup, et là on est sur la même longueur d'onde à plusieurs égards.

Et j'aimerais tout de suite apporter un correctif à ce qu'a dit ma collègue de Taschereau, parce qu'il y a des gens qui nous écoutent, et c'est important de souligner, et là j'ai pris en note, quand elle dit : Le chef de la CAQ veut menotter un peu plus la liberté d'expression. Je pense que ma collègue a raté une excellente conférence de presse en février dernier et j'ai l'obligation de mettre les pendules à l'heure ici, elle n'a pas compris notre proposition. Nous voulons concrètement, oui, faire une entorse à la liberté d'expression, mais pour limiter — attention, c'est très important, Mme la députée — limiter la liberté d'expression de ceux qui endoctrinent les jeunes, et c'est très précis, ce n'est pas une limitation à la liberté d'expression large.

Vous dites dans votre mémoire, et, je pense, c'est important de faire la différence, très important, parce que vous-mêmes, vous nous dites... Dans votre mémoire, vous nous parlez du fait qu'il faille s'attaquer au discours, à cette islamisation des jeunes. Donc, c'est à ça qu'on veut s'attaquer également, donc on est sur la même longueur d'onde. Et ça se fait par une loi. Bien oui, ça ne se fait pas par une vue de l'esprit.

Alors, je reviens à votre mémoire — bien, c'est parce que je pense que c'est important de mettre les pendules à l'heure, vraiment — à la page 5, en haut de votre mémoire, vous nous parlez de notre premier ministre et vous dites : «En décembre 2013, au moment de son assermentation à titre de député d'Outremont, Philippe Couillard a en effet vilipendé l'intégrisme islamique, et il faut lui reconnaître le mérite de l'avoir fait.» Vous savez quoi? Quand j'ai entendu ça, moi-même, j'ai applaudi. J'ai dit : Bravo, bravo! Il faut s'attaquer au vrai problème. Vous y allez d'une citation, je vais faire grâce de la citation, mais on se souvient de ce que M. le premier ministre a dit. Et par la suite vous continuez avec plusieurs exemples, vous citez des exemples de propos que notre premier ministre a dits, avec les dates, et tout ça, je vais faire grâce de tous les citer, mais je suis d'accord avec vous, contrairement à la ministre qui dit qu'il n'y a pas eu changement de discours. Je suis d'accord avec vous qu'il y a eu un changement de discours, que M. le premier ministre parlait de lutter contre l'intégrisme religieux, par la suite il a dit que l'intégrisme était un choix personnel, et c'est devenu «lutter contre les dérives religieuses». Donc, pour moi, c'est un changement de mots, et je pense que ça a une importance, ce n'est pas anodin lorsque le premier ministre parle. Je pense la même chose que vous, je veux que vous le sachiez, ma formation politique également. Alors, voici pour les citations. Je pense comme vous.

Vous dites dans vos recommandations, tout de même, qu'il faudrait abandonner toute la première partie sur les discours haineux. Vous dites : Le projet de loi — le p.l. n° 59 — rate sa cible. Je suis d'accord avec vous, je l'ai dit plus d'une fois ici, rate sa cible, à notre avis, sur un point de vue juridique, parce que cette cible, elle est trop large. Alors, nous, ce que nous disons, c'est : Resserrons la cible.

Alors, on va au côté des réponses, à votre page 20, que fait-on pour enrayer ces discours qui mènent à l'islamisation radicale? Que fait-on? Page 20, vous nous citez... — j'y viens, excusez pour le bruit. Page 20, voilà, en bas de page, vous avez... L'avant-dernier paragraphe est excellent, mais je vais m'abstenir d'en faire la lecture, parce que ce sera trop long, mais j'invite les parlementaires à le lire et le souligner. Et, le dernier paragraphe, il est écrit : «"On ne surveille pas assez le discours religieux[...], nous n'avons pas résolu le fond du problème : une idéologie, une doctrine qui est en train de faire des ravages." Si le gouvernement esquive cette question idéologique, s'il ne fait pas ce travail de déconstruction auprès de la jeunesse, y compris [du] réseau de l'éducation», etc., on rate la cible, et ces groupes ne vont que gagner de nouveaux adeptes.

Alors, j'aimerais vous entendre à cet égard, parce que... Je vais être précise, là, c'est vraiment au discours de ces prédicateurs autoproclamés qu'on veut s'attaquer et non pas la liberté d'expression en général, de tout le monde. Alors, je veux vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lamoureux.

M. Lamoureux (André) : Je peux vous dire une chose, juste un petit mot.

Mme Roy (Montarville) : Allez-y.

M. Lamoureux (André) : Dounia... Dounia — c'est quoi, son nom?

Mme Bensalem (Leila) : ...

M. Lamoureux (André) : ... — Bouzar, Bouzar, elle qui dirige la lutte contre l'intégrisme, la radicalisation en France, dans leur programme d'action... Moi, je suis étonné, au Québec, là... Écoutez, il y a un programme d'action contre le djihadisme et puis il n'y a aucun mot dans le programme, plan d'action, qui dise le mot «intégrisme» puis aucun mot «islamisme», ça n'existe pas. Ça n'a pas de bon sens.

En France, là, ils font un programme, là, ils appellent ça de désembrigadement. Ils leur montrent les vidéos des djihads, là, puis ils leur montrent la réalité, les vrais massacres, là. Ils cassent le paradis, tu sais, là, l'idée du paradis, je vais aller au paradis, ils cassent ça, là. Ils font la bataille idéologique face à ces jeunes, puis c'est comme ça qu'ils réussissent aussi à les ramener les deux pieds sur terre, là, c'est l'embrigadement idéologique. Comme les hordes de jeunes en Allemagne étaient embrigadées par le nazisme, là, qui prétendait qu'il y avait de l'humiliation, l'insulte aux Allemands, etc., puis il fallait s'engager dans le Parti nazi, même chose pour le stalinisme en Europe. Alors donc, c'est ça qu'il faut faire et...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Bensalem.

Mme Bensalem (Leila) : Oui, bien, écoutez, nous qui venons de ces pays, nous qui avons fui nos pays à cause de la montée de l'intégrisme islamique, il faudrait peut-être nous écouter un peu plus. Moi, ça fait des années que j'explique, que je sensibilise, et on m'a déjà accusée d'être intolérante. C'est quand même un comble, hein?

Alors, c'est certain que le Québec se retrouve face à une situation inusitée, c'est arrivé ici plus tard qu'en Europe. Les Européens, eux, sont habitués à ça. Et ici c'est un peu nouveau, on ne sait pas trop comment gérer ces situations-là, probablement parce que le Québec, en particulier, puis le Canada, en général, n'ont pas de passé colonial avec tous ces pays qui envoient des immigrants en Europe et puis ici.

Écoutez, l'islamisme se répand, et c'est leur projet, et ça n'est pas du folklore. Le projet des islamistes, c'est d'islamiser la planète. Et, quand on voit ce qui se passe actuellement... Moi, je regarde des choses... Écoutez, on ne peut pas s'empêcher de parler, par exemple, du niqab. Alors, des femmes qui viennent de cette culture-là, qui se battent pour se libérer et puis qui se retrouvent au Canada avec une femme qui va aller prêter serment de citoyenneté avec un niqab, c'est innommable, c'est révoltant, c'est du n'importe quoi. On est en colère, et c'est un euphémisme.

Moi, j'ai pensé aux autocollants, vous savez, les autocollants qui ont été mis sur ces autos à Terrebonne, «Le Québec est terre d'Allah», eh bien, si on continue comme ça à autoriser toutes ces choses-là, eh bien, ça va devenir la terre d'Allah, et ils doivent être morts de rire, tous les barbus, là, qui sont ici. Si on autorise de telles choses, c'est de l'ignorance, je pense. C'est de l'ignorance parce qu'on ne s'imagine pas ici... Vous savez, nous, en Algérie, quand les premiers voiles sont apparus, on a pensé que c'était du folklore et on ne s'en est pas méfiés. Et regardez maintenant comment c'est devenu, il n'y a pratiquement plus aucune femme qui ne porte pas le voile.

Alors, les mosquées, bien sûr, c'est le principal lieu de propagation de l'islamisme et de la radicalisation. Alors, qu'est-ce qu'on fait? Eh bien, il faudrait les infiltrer, les mosquées, il faudrait aller écouter ce qui se dit dans les mosquées. Parce que, je ne sais pas... Je vais vous lire ces trois, quatre lignes, c'est dans le dernier Paris Match qui est paru. Vous avez dû entendre parler du salon de la femme musulmane à Paris, à Pontoise plus précisément. C'est le salon de la femme musulmane, mais il n'y a que des hommes qui ont parlé, il n'y a aucune femme qui s'est exprimée. Alors, il y avait trois imams qui prêchent dans des grandes villes de France, d'accord? Alors le premier s'appelle...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Bensalem, rapidement, parce que le temps est écoulé.

• (11 heures) •

Mme Bensalem (Leila) : Ah! oui, rapidement, alors je vais juste vous dire ce qu'ils ont dit sans vous citer lequel a dit quoi. Bon, alors : Les femmes qui se parfument sont des fornicatrices promises à un châtiment atroce. Le deuxième enjoint aux femmes de se voiler pour éviter le viol ici-bas et l'enfer dans l'au-delà. Et le troisième explique qu'une épouse ne doit pas sortir sans l'autorisation de son mari et que celle qui se refuse à lui sera maudite toute la nuit par les anges. Et ces gens-là sévissent, influencent et aident à la radicalisation. Et qu'est-ce qu'on fait?

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Merci, madame.

Mme Bensalem (Leila) : On leur donne le droit de parole.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Bensalem. Je m'excuse...

Mme Bensalem (Leila) : Ça a été un plaisir, ça va. Il y en a tellement à dire, hein, c'est...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Trois minutes?

Le Président (M. Ouellette) : Votre temps habituel, Mme la députée.

Mme Massé : Alors, merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Merci d'être là pour le trois minutes que j'ai. Dans un premier temps, je pense que c'est important qu'on se rappelle ici qu'en matière de projet de loi de laïcité on aura un autre rendez-vous, avec le projet de loi n° 62, et, dans ce sens-là, on est tout à fait d'accord avec vous qu'il va y avoir une nécessité de discuter, de débattre et d'aller enfin au fond de cette question-là, et aussi d'accord avec une de vos affirmations fort importantes sur la question de la nécessité de formation, de donner des outils critiques à notre jeunesse et à notre moins jeunesse, pour ne pas dire notre vieillesse, pour être capable d'avoir un regard critique sur l'ensemble des discours qui peuvent se tenir dans notre société. De dire qu'on n'a pas de passé colonial au Canada, c'est d'oublier une partie de notre histoire. Moi, je pense qu'au contraire on en a une, puis on n'en est pas très fiers non plus.

Vous dites : Retirez le projet de loi, à tous le moins sa première partie, pas les deux autres. Moi, j'aimerais vérifier quelque chose avec vous. Parce que nous, on est encore depuis le début à se dire : Les discours haineux, la radicalisation, c'est une chose, on est d'accord, il y a comme un travail à faire. Puis le plan de radicalisation nous inquiète parce qu'il n'y a pas beaucoup d'argent au niveau de la formation, de la sensibilisation, donner des outils pour l'esprit critique. Mais on se dit : Les discours haineux, c'est beaucoup plus large que ça, et nous, on se dit : Il faut définir plus clairement. Vous avez mis au jeu une définition, merci beaucoup, qui reprend en fait un certain nombre d'éléments qu'on voit et qu'on connaît.

Moi, je me demandais si, toutefois... Est-ce que vous ressentez le besoin qui est... préciser dans le sens que vous le faites, quelque chose qui encadre ces discours haineux, là, qu'il peut y avoir par rapport aux femmes, qu'il peut y avoir par rapport à plein d'autre monde dans notre société, et que, si on y intégrait une dimension comme quoi la critique radicale des religions n'est pas soumise à... ce n'est pas de ça qu'on parle dans cette loi-là... Est-ce que, là, vous sentiriez qu'on est en train d'encadrer quelque chose qui s'adresse, bien sûr, aux discours... aux islamistes qui appellent à la mort des femmes, des gais, des lesbiennes, etc., mais aussi à d'autres discours, à d'autres tranches de la population? Et, comme féministe lesbienne, vous comprendrez que, pour moi, il n'y a pas juste les islamistes qui appellent à me buter, on l'a vu en fin de semaine dernière. Est-ce que ça serait une façon d'y arriver?

Le Président (M. Ouellette) : En 10 secondes.

M. Lamoureux (André) : Oui, 10 secondes. Alors, non, parce que nous, on est pour la libre pensée. Lorsque ça appelle à la violence, à des attaques, des assassinats, c'est ça, exactement, ça, c'est haineux pour nous, O.K.? On a le droit d'être anticatholique, antiféministe, on a le droit d'être antimusulman, on a le droit d'être anti-intégriste, on a le droit d'être anticommuniste, antisioniste, antilibéral, antianarchiste, antifasciste, c'est la libre pensée. Tout le monde a le droit du moment — et c'est la polémique, c'est la démocratie qui règle ça — qu'on n'appelle pas à des actes de violence et des agressions comme le viol de femmes, par exemple, ou comme en Turquie, où on appelle à assassiner les homosexuels. Là, ça, c'est vraiment de la violence.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. André Lamoureux, Mme Leila Bensalem, représentant le Rassemblement pour la laïcité.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants. J'inviterais les représentants du Mouvement laïque québécois à prendre place.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 7)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite maintenant la bienvenue au Mouvement laïque québécois. Mme Lucie Jobin, je vous invite à présenter les gens qui vous accompagnent et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Mme Jobin, à vous la parole.

Mouvement laïque québécois (MLQ)

Mme Jobin (Lucie) : Oui, bonjour. Je me présente, Lucie Jobin, présidente du Mouvement laïque québécois, M. Michel Lincourt, vice-président du Mouvement laïque québécois, et Daniel Baril, membre du conseil national du Mouvement laïque québécois. Alors, nous sommes heureux de participer à la commission parlementaire sur le projet de loi n° 59, M. le Président, Mme la ministre, MM., Mmes les députés.

Alors, juste pour vous situer, le Mouvement laïque québécois, nous existons depuis 1981, et nous sommes un organisme non partisan, à but non lucratif, et nous militons pour la défense de la liberté de conscience, la liberté d'expression, la séparation de l'Église et de l'État et de toutes les religions dans le respect des lois civiles. La laïcité mise de l'avant par le MLQ va de pair avec la liberté d'opinion et la liberté de croyance, le tout dans le respect des lois civiles. Le MLQ vise essentiellement la laïcisation de l'État, de ses institutions, de ses politiques et de ses représentants.

Pour ce qui est du projet de loi, nous traiterons particulièrement de la partie I. Nous allons aussi aborder la question du plan d'action par rapport à l'éducation interculturelle et l'éthique et culture religieuse. Pour ce qui est de la deuxième partie du projet de loi, nous estimons les objectifs valables, mais nous ne traiterons pas de ces sujets. Je passe la parole à M. Lincourt.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lincourt.

Des voix : ...

Mme Jobin (Lucie) : Daniel, excusez. M. Baril.

Le Président (M. Ouellette) : Ah! ça va être M. Baril.

M. Baril(Daniel) : Est-ce qu'on va m'entendre si je suis trop loin du micro? C'est beau? On m'entend?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui, oui. Le micro est périphérique, ça fait que l'audio...

Mme Jobin (Lucie) : Tu peux le tourner.

• (11 h 10) •

M. Baril (Daniel) : Alors, dans notre mémoire, on se questionne, en fait, sur la raison d'être et la véritable portée du projet de loi n° 59. D'une part, bon, ça a été dit par plusieurs, ça existe déjà, des dispositions semblables, dans le Code criminel. La différence entre le Code criminel et ce qu'il y a dans le projet de loi n° 59, c'est que, dans le Code criminel, on associe clairement le discours haineux à la violation de la paix, donc il y a une association avec un potentiel de violence. Le projet de loi n° 59 dissocie les deux. On parle, d'une part, de discours haineux et, d'autre part, de discours conduisant à la violence, alors que, quand on dit qu'on reprend ce qu'il y a dans le Code criminel, il y a déjà une précision qui disparaît dans le projet de loi n° 59.

Donc, «discours haineux» n'est pas défini, ça a été dit par plusieurs. Non seulement ce n'est pas défini, mais en fait on donne toute la latitude, donc, pour définir le discours haineux et filtrer les plaintes, on donne toute latitude à la Commission des droits de la personne. Et toutes les déclarations publiques de son président, M. Jacques Frémont, avant la commission parlementaire, n'ont donné que des exemples traitant de l'islamophobie mais sans nous donner de cas précis. Il a même mentionné des... Il a parlé de sites Internet qui déblatèrent contre l'islam. Déblatérer, ça veut dire parler avec hostilité contre quelqu'un, contre quelque chose, fulminer, invectiver, dénigrer. Alors, est-ce qu'on veut d'une loi qui a cette portée? C'est la question qu'on se pose.

La semaine dernière, M. Frémont s'est réclamé du club des mal cités. Alors, nous, on cite ses propos mot à mot et on donne les sources. On laisse à chacun le soin de voir s'il est mal cité. Il a été questionné aussi par deux députés de l'opposition pour avoir des exemples précis où la loi n° 59 serait utile, et il se dit mal à l'aise d'en donner. Alors, à quoi servira cette loi dont le président de la Commission des droits de la personne ne veut pas donner d'exemple précis de son utilité?

M. Frémont a demandé un accommodement pédagogique qui viserait à répéter, rappeler l'existence du droit à la liberté d'expression dans le projet de loi, mais ça n'ajoute absolument rien. La liberté d'expression existe déjà dans la charte, et le projet de loi n° 59 a pour effet de limiter cette liberté d'expression. Alors, qu'on le répète, là, ça ne nous ajoute rien. En fait, c'est un amendement cosmétique.

On est conscients de la portée du jugement Whatcott sur le discours haineux. Par contre, les balises qui sont là nous semblent floues et élastiques et peuvent facilement être... En fait, le Code criminel sur le discours haineux pourrait facilement être interprété différemment par une autre cour, en fait, d'autres juges, c'est pourquoi on fait une recommandation là-dessus.

Et l'article 319.(3)b nous dit que le discours haineux est possible si c'est tenu dans le cadre d'une religion ou d'une croyance religieuse. Et le même Code criminel interdit le blasphème. Autrement dit, la loi traite différemment le discours haineux selon les convictions religieuses de celui qui émet le discours. Et on n'a vu aucune volonté politique ou juridique de rétablir cet équilibre dans la loi. Au contraire, tous les propos qu'on a entendus avant la commission parlementaire allaient dans le sens d'aggraver cette iniquité. Et, si ce n'est pas la critique de religions qui est visée, pourquoi on ne l'a pas dit clairement au départ?

Alors, on estime que tout projet de loi qui viserait à limiter le discours haineux devrait avoir une disposition qui spécifie clairement que la critique, même radicale, à l'égard des religions ne tombe pas sous le coup de cette loi. On pense que ça aurait dû être là dès le départ. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lincourt.

M. Lincourt (Michel) : Oui, bonjour. Au-delà de ce qui vient d'être dit, le MLQ propose de rejeter la partie I. Puis on apporte quelques raisons pour appuyer cette position. D'abord, j'aimerais affirmer une évidence : Le fait de rejeter la partie I du projet de loi n° 59, ça ne veut pas dire qu'on est en faveur des discours haineux, là, hein? Le MLQ a une longue tradition de militantisme contre tout ça et contre le fanatisme sous toutes ses formes. Le MLQ rejette la partie I de la loi parce que cette loi viole les libertés fondamentales protégées par les chartes, notamment la liberté de conscience et la liberté d'expression. Et nous donnons dans notre mémoire un exemple de ça.

Le MLQ rejette la partie I de la loi parce que cette loi propose des procédures de nature inquisitoriale. Pour le MLQ, la laïcité est l'objectif à atteindre. Or, le projet de loi va en sens inverse. Il propose d'instituer une inquisition basée sur la délation et menant à la censure. Une société laïque est une société qui s'est émancipée de la censure et d'autres formes de procès d'opinion. Ce sont les théocraties et les sociétés soumises à des diktats religieux qui briment la liberté de conscience, la liberté d'expression et qui instrumentalisent la censure comme le projet de loi n° 59 propose de le faire. Adopter la partie I du projet de loi n° 59 conduirait à une inacceptable régression.

On s'oppose à cette partie I de la loi parce que ce sera un dispositif totalement inefficace. Si le but, c'est de combattre l'endoctrinement terroriste, bien, ça n'aurait aucun effet, parce qu'uniquement les discours publics sont tenus en compte dans cette loi, puis l'endoctrinement, ça se fait en secret. Puis ce n'est pas en muselant la critique des religions qu'on va favoriser la réduction de... la lutte contre l'endoctrinement.

Au-delà de ces raisons, nous proposons une série de mesures au-delà d'un projet de loi pour contrer l'endoctrinement terroriste. Il faut d'abord viser la bonne cible, hein? L'ennemi actuel, c'est l'islamisme politique, ce n'est pas le citoyen qui en a peur. Il faut éliminer l'ambiguïté du discours gouvernemental. Que veut le gouvernement? Est-ce qu'il veut instituer une théocratie ou est-ce qu'il veut instituer un État laïque? Actuellement, c'est extrêmement flou et ambigu. Il faut rendre visible le point de vue laïque. Il est devenu habituel pour les élus de s'afficher en compagnie de chefs religieux autoproclamés porte-parole de leur soi-disant communauté. Mais il serait bien que ces mêmes élus s'affichent aussi avec la même satisfaction avec des représentants d'associations laïques, ne serait-ce que pour rétablir l'équilibre des points de vue. Et il y a toute une série d'autres mesures. On pourrait revenir là-dessus lors des discussions, tout à l'heure. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Jobin, en conclusion.

Mme Jobin (Lucie) : Oui. Bien, c'est ça, je veux attirer votre attention sur les recommandations.

Le Président (M. Ouellette) : On va y revenir.

Mme Jobin (Lucie) : D'ailleurs, vous avez dû recevoir les nouvelles...

Le Président (M. Ouellette) : On va y revenir, parce qu'il nous reste juste une dizaine de secondes. Je vais justement en parler dans les...

Mme Jobin (Lucie) : Bien, je veux simplement ajouter que... préciser qu'on a ajouté une recommandation, le point 5, qui vise à interdire le financement des lieux de culte et d'écoles confessionnelles par des pays étrangers. Alors, c'est l'ajout qu'on a fait. Vous devez en avoir une copie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Jobin. D'ailleurs, à l'attention de tous les parlementaires, vous avez reçu la modification au mémoire avec les sept recommandations. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci. Bonjour. Merci beaucoup pour votre présentation. Je comprends... puis je reviens au mémoire du groupe qui vous a précédés, je comprends que le Rassemblement pour la laïcité puis le Mouvement laïque québécois, vous avez... vous êtes de la même famille, si j'ai bien compris. C'est ça?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Jobin.

Mme Jobin (Lucie) : Nous faisons partie... Le Mouvement laïque fait partie du Rassemblement pour la laïcité, mais nous sommes un organisme indépendant quand même.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ah! d'accord. Donc, c'est ce qui explique... C'est parce que j'essayais de voir... C'est ce qui explique que vos recommandations sont similaires aux recommandations du regroupement qui vous a précédés.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Jobin.

Mme Jobin (Lucie) : Mais il y en a des supplémentaires.

Mme Vallée : D'accord. Est-ce que vous avez travaillé de part et d'autre à préparer vos recommandations?

Mme Jobin (Lucie) : Non, ça a été fait de façon... chacun, là...

Mme Vallée : Indépendante?

Mme Jobin (Lucie) : ...indépendante, c'est ça.

• (11 h 20) •

Mme Vallée : D'accord. C'était par curiosité, parce qu'on faisait référence au Mouvement laïque dans le mémoire du regroupement, et puis c'était une simple curiosité.

J'aimerais revenir un petit peu sur... Vous reprenez beaucoup, beaucoup, beaucoup l'argument que le projet de loi vise à ramener la censure au Québec, et je tiens à vous rassurer, ce n'est pas du tout l'objectif. La liberté d'expression, je l'ai dit au groupe qui vous a précédés, je l'ai dit la semaine dernière, je l'ai redit, c'est une valeur importante et fondamentale d'une démocratie, et c'est important de pouvoir la protéger et la préserver. Là où on veut intervenir, c'est dans le discours haineux, ce discours qui amène à une détestation, comme on le mentionnait dans l'affaire Whatcott, une détestation de l'autre à un point tel que cette détestation-là pourrait éventuellement mener à la violence. Alors, l'objectif du projet de loi, il est à cet effet, et c'est d'intégrer des moyens civils pour venir empêcher ce discours haineux là.

Et, dans l'affaire Whatcott, dont vous avez... vous l'avez citée, l'affaire Whatcott ne se penchait pas sur les dispositions du Code criminel, mais se penchait plutôt sur des dispositions de nature similaire qui avaient été mises de l'avant, qui avaient été adoptées par la Saskatchewan et visaient un certain nombre de pamphlets, notamment, qui portaient un regard très, très critique et très sévère... en fait, plus que ça, qui s'en prenaient aux groupes... aux homosexuels. Et le discours était très virulent à l'égard des homosexuels. Et c'est dans ce contexte-là... Parce que M. Whatcott, de par ses croyances religieuses, s'en prenait aux homosexuels, et c'est dans ce contexte-là que certaines dispositions... Il avait passé des tracts, et c'est ces tracts-là qui... certains ont fait l'objet, oui, de sanctions parce qu'il s'agissait de discours haineux. Et la cour est venue aussi... bon, nous a donné une définition qui est très large, mais qui est quand même... qui nous indique que le discours haineux, ce n'est pas la critique, ce n'est pas la satyre, ce n'est pas, même... Le discours haineux a une portée beaucoup plus précise et vise à amener, comme je vous le mentionnais tout à l'heure, la détestation de l'autre. Alors, je pense que c'est important de le mentionner.

Parce que, dans votre mémoire, vous dites : Whatcott s'est penché sur les articles du Code criminel. Ce n'est pas tout à fait ça, ce n'est pas tout à fait exact, il s'est plutôt penché sur les dispositions qui avaient été utilisées pour venir sanctionner quelqu'un qui avait passé des tracts qui s'en prenaient aux homosexuels. Et l'objectif, c'est d'empêcher ce type de discours qui va amener à la détestation de l'autre, mais en même temps la critique de la religion, elle est possible, elle est tout à fait autorisée. La critique d'une idée, la critique d'une idéologie politique, qui est tout à fait possible, elle n'est pas... Donc, on n'est pas dans une question de retour à la censure du tout dans ce qui est présenté par le projet de loi. Et donc je voulais vous le réitérer, bien que vous avez suivi nos travaux, puis je suis persuadée que ce n'est pas la première fois que vous m'entendez parler de ça.

Vous n'avez pas porté votre attention sur les autres aspects du projet de loi, hors ceux qui visent le discours haineux et le discours incitant à la violence. Donc, je comprends que les dispositions du projet de loi qui visent à encadrer les mariages forcés, qui visent à encadrer ou à donner de meilleurs outils aux intervenants de la protection de la jeunesse pour intervenir en matière de contrôle excessif et de violences qui sont fondées sur une conception de l'honneur, ça, ça vous convient.

Mme Jobin (Lucie) : Comme j'ai dit en introduction, nous considérons les objectifs valables. C'est sûr qu'ils doivent être mieux encadrés, puis certains ont apporté des recommandations dans ce sens-là, entre autres pour l'âge du mariage. Et, pour le plan d'action, nous avons aussi des commentaires, là, par rapport au cours Éthique et culture religieuse.

Mme Vallée : Je comprends pour le plan d'action. C'est parce qu'aujourd'hui moi, je suis...

Mme Jobin (Lucie) : ...oui, c'est ça, sur le projet de loi, c'est ça?

Mme Vallée : Je me concentre davantage sur le texte...

Mme Jobin (Lucie) : Oui, c'est ça... projet de loi.

Mme Vallée : ...sur le projet de loi. Vous mentionnez que vous avez une préoccupation quant à l'âge du mariage. Donc, vous souscrivez, si je comprends bien, aux recommandations qu'ont faites vos prédécesseurs en nous demandant de sensibiliser Ottawa et de faire des démarches afin de sensibiliser Ottawa pour hausser l'âge légal du mariage à 18 ans. Vous souscrivez à ces recommandations-là?

Mme Jobin (Lucie) : Oui.

Mme Vallée : Pour ce qui est des dispositions du projet de loi qui visent notamment à mettre en place des ordonnances civiles de protection pour protéger les personnes plus vulnérables, qu'en pensez-vous?

M. Baril (Daniel) : En fait, nous, on intervient sur les questions de principe, et, si on n'a rien dit sur la partie II, c'est parce qu'on est, comme dit Mme Jobin, d'accord avec le principe. Toute l'articulation juridique de ça, on considère que ça ne nous appartient pas. Et je pense qu'il y a eu... D'autres personnes mieux outillées que nous vous ont fait des recommandations ou des suggestions pour lesquelles... On aurait peut-être pu dire de façon plus explicite que la partie II, là... que nous souscrivons aux objectifs de la partie II et qu'on laisse aux juristes le soin d'articuler les principes en question. Sur la partie I, c'est différent, on intervient sur le principe de la partie I.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je vais vous poser une question qui me chicote. Qu'est-ce qui vous préoccupe tant dans le projet de loi, dans la première partie du projet de loi? Je comprends que... Je ne pense pas que vous... Je crois, comme vos prédécesseurs, qu'un discours haineux, ce n'est pas quelque chose que vous acceptez, c'est clair. C'est quelque chose qui, dans notre société, n'est pas acceptable. Mais qu'est-ce qui vous fait craindre dans la première partie? J'essaie de comprendre. Au-delà, là, au-delà de nos idéologies, peut-être, de nos façons de voir les choses, vous êtes des... Et vous militez pour une laïcité totale dans l'État. Ça, c'est très clair, on ne peut dire autrement de vos... Je pense que votre militantisme, il est connu, il est très clair, il est très défini. Mais j'essaie de comprendre, justement, compte tenu de votre militantisme, compte tenu de ce en quoi vous croyez, comment les dispositions de la première partie pourraient être... vous font craindre? En quoi craignez-vous?

Le Président (M. Ouellette) : M. Lincourt.

M. Lincourt (Michel) : Merci. Si je peux répondre à ça, prenons l'exemple de l'apostasie. Une dame décide d'enlever son foulard, son hijab, puis de dire qu'elle apostasie de l'islam puis qu'elle écrit ça sur sa page Facebook, hein? Il n'y a pas de pire injure, de pire insulte, de pire geste d'islamophobie que de se dissocier ainsi de sa religion. Le Coran, les Habib disent qu'il faut lapider cette femme, hein? On porte plainte, hein, un imam porte plainte devant la Commission des droits, c'est public, c'est une véritable injure, etc. On fait un procès à cette dame, qui n'a pas les moyens de se défendre, parce que, celui qui porte plainte, lui, ses dépenses sont payées par l'État. La dame qui a osé dire qu'elle apostasiait, elle, elle doit payer ses propres avocats. Et, si elle est condamnée, puis on la condamne, disons, à 15 000 $ d'amende, puis elle n'a pas les moyens, elle va faire de la prison pour un délit d'opinion. C'est ce que le projet de loi propose.

Mme Vallée : Ce n'est pas du tout ça.

M. Lincourt (Michel) : C'est ce qui est écrit et c'est...

Mme Vallée : Un propos qui est haineux, ce n'est pas de se dissocier, notamment...

M. Lincourt (Michel) : Oui, mais c'est...

Mme Vallée : ...de se dissocier d'une religion, ce n'est pas... Le propos qui est visé, c'est le propos qui est haineux, c'est le propos qui amène à la haine. Bon, est-ce que les concepts ont besoin d'être définis? Je pense qu'on a fait le tour de la question pas mal, et, en effet, il y aurait lieu peut-être de définir davantage pour éviter justement qu'une interprétation comme la vôtre fasse son petit bout de chemin. Que quelqu'un, publiquement, se dissocie d'une religion, ça appartient à cette personne-là. On l'a mentionné, la critique, même d'une religion, c'est tout à fait permis par notre liberté d'expression et ce n'est pas du tout touché par le projet de loi dans ce sens-là.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lincourt.

• (11 h 30) •

M. Lincourt (Michel) : En tout respect, nous, on se fie sur deux textes, hein? Le premier texte, c'est le texte de la loi uniquement. Le deuxième texte, c'est les déclarations du président de la Commission des droits qui dit que c'est l'islamophobie qui est le problème, qu'il faut s'attaquer à l'islamophobie. Voici un cas d'islamophobie patent. Donc, bien sûr, si on se fie sur ce que Jacques Frémont a dit, que cette dame-là va être condamnée. Vous, vous prétendez que ce n'est pas le cas, mais le texte de la loi ne dit pas ça.

Nous, on doit se fier... En tant que citoyens, hein, ce qu'on attend de nos élus, de nos représentants, en tant que citoyens, c'est... Lorsqu'un projet de loi est proposé, qui soulève de façon quasi unanime toute une série de questions, on s'attend à ce que le texte apporte des réponses. Actuellement, il y a un décalage entre votre discours, qui se veut rassurant, etc., et ce que le texte dit. Mais, en tout respect, nous, en tant que citoyens, on doit se fier au texte, parce que c'est le texte qui sera voté par l'Assemblée nationale, qui deviendra force de loi et qui sera interprété à sa façon par la Commission des droits et son président. Et lui, il a déjà affiché ses couleurs publiquement : il a dit qu'il voulait «faire le droit», à la Faculté de droit, là, dans une conférence là-bas.

Moi, je maintiens qu'il ne revient pas à un fonctionnaire de faire le droit. Ça revient aux élus qui nous représentent, hein? Dans la démocratie, le patron ultime, si je peux m'exprimer de cette façon-là, c'est le peuple. Et les élus sont au service du peuple. Et, lorsque le peuple pose des questions à ses élus, le peuple s'attend à ce qu'on donne des réponses dans les textes et non pas dans les discours qui entourent des consultations.

Le Président (M. Ouellette) : ...avoir une réponse de la ministre, M. Lincourt?

M. Lincourt (Michel) : Allez-vous fractionner les deux morceaux de loi?

Mme Vallée : M. Lincourt, le texte s'inspire notamment, et je pense que c'est très important, de la jurisprudence. La Cour suprême... Le concept de discours haineux, ce n'est pas un concept qu'on a sorti d'un chapeau, ce n'est pas de l'improvisation juridique qui a été faite, là. Le terme «discours haineux», il est amplement défini par la Cour suprême, qui a eu à se pencher... Donc, c'est certain que l'exemple que vous venez de nous donner, à la lumière des enseignements de la Cour suprême, ça ne constitue pas du discours haineux.

La cour... Le travail s'est fait notamment suite à une tendance jurisprudentielle qui s'est dessinée au fil des ans et qui est venue encadrer de façon très spécifique. Bien que le terme semble large au niveau du discours haineux, ça touche quand même un type de discours qui est tellement fort, qui a des propos tellement forts et qui incitent à détester le groupe dont il est question. Ce n'est pas simplement de se dissocier, ce n'est pas de critiquer une religion ou de critiquer... Et là on parle beaucoup d'une seule et unique religion, on parle de l'islam, mais on pourrait tout aussi bien critiquer la religion catholique, on pourrait bien critiquer toute autre forme de religion. Et ça, c'est permis, et c'est tout à fait sain. Ce n'est pas du tout ce dont il est question lorsqu'il est question de discours haineux.

Alors, il faut se retourner et voir... et s'inspirer de ce que la jurisprudence nous a donné, il n'est pas question d'inventer des nouveaux concepts, là. Ce concept-là, il existe, on en a peu parlé. Et puis, s'il y a une chose qui, à mon avis, est importante, c'est que le dépôt du projet de loi et les échanges en commission parlementaire nous permettent d'amener ces concepts-là dans la sphère publique, parce qu'il y a vraiment... il y a une distinction qui doit être faite entre ce qui est un discours haineux puis ce qui est un discours, par exemple, qui comporterait une dissidence à l'égard de...

Bon, on parle beaucoup de religion mais à l'égard d'un groupe quelconque. Ce n'est pas du tout la même chose, là. Le discours haineux, c'est profond, c'est amener... Et le discours incitant à la violence, ça, c'est un concept auquel on peut plus facilement s'identifier, dans ce sens que, le discours qui mène à la violence, qui incite à la violence, on comprend que c'est inacceptable, et ça, il n'y a pas de protection de liberté d'expression. La cour a été aussi très claire : lorsqu'il est question de discours qui... inciter au viol, inciter à toute forme de violence, ce n'est pas acceptable, point.

Le discours haineux, ça, c'est une autre... Oui, c'est une atteinte à la liberté d'expression, mais, selon la Cour suprême, la liberté d'expression dans le contexte d'une société libre et démocratique, cette atteinte-là, elle est justifiée en raison du caractère haineux, de haine profonde qu'amène le discours.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lincourt...

Mme Vallée : Alors, c'est différent que simplement se dissocier, par exemple, d'une religion, ce qui est tout à fait permis, ce qui n'est pas haineux au sens des enseignements de la Cour suprême.

Le Président (M. Ouellette) : M. Baril, vous voulez réagir?

M. Baril (Daniel) : Oui. En fait, Mme la ministre, on ne peut pas ignorer qu'il existe actuellement un mouvement, un discours, à l'échelle internationale, de la part des islamistes politiques, qui considèrent que toute critique à l'égard de leur religion est un blasphème et devrait être même criminalisée. On ne peut pas ignorer que le président de la Commission des droits de la personne...

En fait, vous nous demandez d'où viennent nos craintes face à ce projet? Elles viennent de la gestation du projet de loi, et du discours qui l'a entourée, ou de la part du président de la Commission des droits de la personne. Il a même fait allusion à l'organisation islamique internationale qui milite dans les officines des organisations onusiennes pour faire criminaliser le blasphème. Écoutez, il y a de quoi s'inquiéter.

Je veux bien croire ce que vous me dites, là, oui, le jugement Whatcott, il encadre la définition du discours haineux. Les prochains juges vont considérer les demandes... Ils vont pencher de quel côté quand quelqu'un, là, viendra leur dire : Dans ma religion, la critique de ma religion, c'est du blasphème? Et le Code criminel interdit déjà le blasphème, sauf si on émet une opinion dans un langage acceptable ou je ne sais plus quel... le terme, alors que toute critique, pour certains, est considérée comme du blasphème, même dans des termes civilisés. On ne peut pas ignorer ça. Et, dans votre projet de loi, il n'y avait rien qui dissociait la critique acceptable des... En fait, nous, même, on pense que la critique même radicale devrait être exclue de la portée du projet de loi. Même l'article sur le blasphème a un alinéa qui dit que nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction s'il émet une opinion sur un sujet religieux. Bien, il n'y a même pas ça dans votre projet de loi. Alors, oui, on est inquiets.

Vous dites qu'on pourrait aussi critiquer les autres religions. Absolument. Il y a de l'intégrisme dans toutes les religions. Si, dans les années 70, on avait eu cette loi, est-ce que les intégristes catholiques n'auraient pas gagné leur cause contre Les fées ont soif? Ils voulaient interdire cette pièce de théâtre parce qu'elle critiquait les croyances catholiques.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Baril. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Tout à fait, quelle remarque pertinente! Effectivement, Les fées ont soif n'aurait jamais pu être présentée à l'époque avec une pareille loi. C'est pour ça que j'apprécie votre mémoire et votre présentation. Moi, je vais vous dire, je suis tout à fait d'accord avec vous : C'est la genèse aussi du projet de loi qui est inquiétante. Je vais vous dire, là, moi, je vous appuie là-dedans. On remonte à l'origine du projet de loi, et c'est inquiétant. Alors, oui, Les fées ont soif n'aurait jamais eu lieu. J'ai vu la manif devant le Palais Montcalm, les gens qui voulaient interdire l'accès à la représentation. Ça a fait le succès du spectacle, on les en remercie. La liberté d'expression dans ce cas-ci, le pour et le contre ont permis d'avoir une oeuvre intéressante.

Jamais on n'a vu le premier ministre avec des groupes laïques. Jamais vous n'avez été contactés? Jamais vous n'avez eu... Je sais que le premier ministre est apparu avec un comité pour essayer de faire face à l'islamophobie, pour voir à l'intégration des gens de la communauté avec des imams, entre autres. Mais jamais vous n'avez eu de contact avec le cabinet du premier ministre ou le premier ministre? — on n'entend pas dans les micros.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Jobin.

Des voix : Non...

Le Président (M. Ouellette) : Oups!

Mme Maltais : Non, jamais.

Mme Jobin (Lucie) : On lui a déjà écrit aussi, mais ils n'ont pas eu de réponse non plus.

Le Président (M. Ouellette) : Donc, il y a eu une réponse commune, puis ils n'ont jamais eu de contact. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Donc, il n'y a pas eu de contact. Pourtant, le projet de loi n° 59, je pense, mérite notre attention.

D'un côté, il y a ça. Il y a un premier ministre qui a dit qu'on ne pouvait pas lutter contre l'intégrisme. Parce qu'il y a un changement de discours, hein? Il a dit : On ne peut pas lutter par des lois contre l'intégrisme. Il y a un président de la commission des droits de la personne et de la jeunesse qui nous dit : Il faut lutter contre l'islamophobie... Il revient d'organisations internationales, d'ailleurs que vous avez citées, où il dit : Bien, il faut absolument adopter des lois contre l'islamophobie! Il y a M. Charkaoui qui nous dit, dans son... le Collectif québécois contre l'islamophobie — je pense que ça se réduit à lui et quelques autres — qui dit, dans un site Internet : Nous voulons des lois contre l'islamophobie, c'est notre mandat de promouvoir ça.

Vous voyez, on voit une construction qui s'est faite, pour moi, au fil de la commission parlementaire. C'est pour ça que j'apprécie votre propos qui m'a fait remarquer ça aussi : jamais on n'a vu le premier ministre avec des gens qui prônent la laïcité, jamais. Jamais, jamais, jamais.

Vous dites, dans vos recommandations... Il y en a une que je trouve très intéressante — c'est mon collègue de Bourget qui me l'a fait remarquer — la 7 : «Que le gouvernement du Québec intervienne auprès du gouvernement canadien afin que soient abolis les articles [293] et [319.b] du Code criminel portant respectivement sur l'interdit de blasphème et sur la protection du discours [...] religieux.» Puis vous en parlez, en page 14 de votre mémoire, de l'incongruité que ça apporte entre les deux lois. J'aimerais ça que vous nous décriviez un peu, là, que vous nous racontiez un peu, là, ce que vous voulez soulever.

• (11 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : M. Baril.

M. Baril (Daniel) : Oui. Bien, en fait, comme je vous le disais tout à l'heure, la loi traite différemment de discours haineux selon la conviction de la personne. C'est-à-dire que... On cite, là, l'article 319, on l'a à la page... Attendez, je n'ai pas le bon article.

L'article sur le discours haineux dit que des propos tenus dans le cadre de croyances religieuses ne tombent pas sous le coup de la loi. Autrement dit, ça ne tombe pas sous le coup, là, de dispositions qui interdisent le discours haineux. Autrement dit, un discours haineux religieux serait accepté. Par exemple, si on cite le Coran ou l'Ancien Testament, qui commandent de lapider dans telle, telle circonstance, ça ne sera pas considéré comme du discours haineux, puisque c'est protégé par la religion, alors que le blasphème, lui, qui serait un discours, entre guillemets, haineux, séculier, contre une religion, lui, il est interdit. Alors, la loi traite différemment du discours haineux selon nos convictions religieuses. C'est aussi renversant que ça.

Donc, c'était ce que... Je citais l'article... oui, c'est 319.(3)b : «Il — c'est la personne — a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit...» Ceci est exclu de la portée du projet de loi, qui interdit le discours haineux dans le Code criminel.

Mme Maltais : Donc, si je comprends bien, quelqu'un pourrait inciter à la lapidation, au djihad, et dire : Écoutez, c'est dans le Coran, donc je peux continuer à le faire, et vous ne pouvez pas m'accuser de discours haineux.

Le Président (M. Ouellette) : M. Baril.

M. Baril (Daniel) : Et on espère que la cour n'irait pas jusque-là, mais la loi le permet. Là, on va dire que Whatcott ne permet pas de diffamer des personnes en raison de notre religion, mais une autre cour peut avoir une autre interprétation. C'est pourquoi on pense qu'il serait mieux de retirer cet article-là. Si la jurisprudence l'annule, bon, bien, annulez-le... retirons-le du Code criminel.

Mme Maltais : Si je vous comprends bien, votre thèse, c'est que... Moi, je suis contre la première partie du projet de loi n° 59, je continue à le dire. Nous sommes le seul parti qui, actuellement, demande le retrait véritable de la partie I. Tous les autres partis veulent jouer aux amendés, moi, je pense que c'est impossible. Il faut le réécrire en fond de comble. Puis j'en ai vu, des législations, là. Ça fait 17 ans que je suis assise autour de la table, j'en ai vu passer, des projets de loi, et je le dis respectueusement : Il a besoin d'une réécriture de fond en comble.

Maintenant, vous... Mon Dieu! Je viens de perdre mon idée, parce que ça me fatigue tellement, cette affaire-là, de savoir que...

Une voix : ...

Mme Maltais : Oui. Donc, nous demandons le retrait. Donc, si ça continuait, si on adoptait le projet de loi n° 59 à l'heure actuelle, même en précisant le discours haineux, tant que l'autre article n'est pas enlevé, il y a un problème. Les gens qui pourraient se faire poursuivre pour discours haineux fondé sur la religion pourraient... vont invoquer l'autre article. C'est votre thèse.

M. Baril (Daniel) : C'est notre thèse.

Le Président (M. Ouellette) : M. Baril.

M. Baril (Daniel) : C'est le danger auquel on fait face.

Mme Maltais : Je n'avais pas réalisé ça. Je vous remercie.

Votre recommandation 6 est assez dure, sous-entend des choses dures envers la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Vous dites : «Que toutes les mesures nécessaires soient prises pour rétablir la crédibilité de la Commission des droits [...] et éviter son instrumentalisation politique.» J'aimerais vous entendre là-dessus, en quoi vous pensez que la crédibilité de la commission est atteinte.

Le Président (M. Ouellette) : M. Baril.

M. Baril (Daniel) : Par les propos du président dans la gestation du projet de loi, les propos qu'on rapporte mot à mot de ses entrevues à Radio-Canada, de sa conférence au Centre de recherche en droit public, à l'Université de Montréal, où il dit qu'il veut «faire le droit» et qu'il veut induire un changement de mentalités, bon. Et il tire ça du mandat de la commission puis on ne trouve rien de ça dans le mandat de la commission. Il a un mandat d'éducation, en fonction des valeurs de la charte, mais il n'a pas le mandat de changer les mentalités pour changer la charte.

Quand il dit qu'il veut «faire le droit», on craint une instrumentalisation, là. Et «induire les changements sociaux», ça veut dire quoi dans ça? En fait, on a mis ça dans la même balance, là, que son intervention hâtive sur l'ancien projet de loi n° 60, le projet de loi sur la laïcité, où il a commenté non pas un projet de loi, mais il a pris sur lui de commenter une orientation politique qui était soumise à la discussion publique...

Mme Jobin (Lucie) : ...un problème de projet...

M. Baril (Daniel) : ...et il a prédit que ça ne passerait pas le test de la charte, mais le projet de loi n° 60 visait à changer les lois. Donc, c'est une intervention malhabile, malvenue. Dans la mouvance qu'on représente, le président, je regrette, là, M. Frémont, il l'a discréditée et il s'est discrédité, et on craint une instrumentalisation. Dans deux interventions sur ces deux projets de loi, on pense qu'il est allé au-delà de son mandat.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je voudrais quand même dire que M. Frémont est venu ici, il nous a dit qu'il n'était pas d'accord avec les nouveaux pouvoirs accordés à la CDPDJ, à son organisation, qu'il avait demandé une loi sur le discours haineux, d'accord — moi, je ne suis pas d'accord, mais lui avait demandé ça — mais qu'il n'avait pas demandé des nouveaux pouvoirs à la CDPDJ. Il a même ajouté, en fin de semaine à une entrevue à Michel Lacombe, je pense... J'ai réécouté l'extrait, là, mais on m'a dit qu'il avait même eu un bémol sur cette loi, qu'il avait demandé un amendement à la charte pour le discours haineux, mais qu'il avait... Donc, il semble y avoir de sa part un retrait par rapport à ses demandes originales.

Autre chose dans vos recommandations — puis ça ressemble à ce que, tout à l'heure, le regroupement pour la laïcité nous a présenté : «Que le volet religieux du cours Éthique et culture religieuse soit retiré et remplacé par des exercices de développement de la pensée rationnelle et critique.» Le groupe précédent voulait simplement ajouter un volet au cours. Vous, vous dites : Non, il faut recommencer complètement. J'aimerais vous entendre là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. Baril.

M. Baril (Daniel) : En fait, on juge que le volet religieux du cours Éthique et culture religieuse, là, n'est pas réformable. On ne peut pas ajouter, on ne peut pas saupoudrer ici et là, là, des informations sur l'incroyance, par exemple. Le volet religieux du cours ECR a évacué tout aspect conflictuel des religions. Toutes les dimensions qui étaient mentionnées précédemment, là, bon, les appels aux crimes d'honneur, les lapidations, mariages forcés, il n'y a rien de ce type-là dans l'information supposément culturelle donnée sur les religions.

On a leurré la population totalement avec ce cours à une fausse approche culturelle. Comment vous pouvez parler de façon culturelle à des enfants de six ans de l'ensemble des croyances religieuses de l'humanité? Allez voir ce qu'il y a dans les manuels qui sont dans les classes, pas seulement le discours du programme, là, qui dit : L'approche sera neutre et culturelle. Dans l'ancien cours de catéchèse, en fait d'enseignement religieux catholique et protestant, on disait : Jésus est ressuscité à Pâques. Maintenant, on dit : Pour les chrétiens, Jésus est ressuscité à Pâques. C'est exactement le même contenu qu'on prétend être maintenant culturel. On pourrait faire de l'enseignement catéchétique avec ces manuels. On présente... On fait faire des exercices religieux aux enfants, aux élèves. On fait rédiger des prières, on fait tenir des rôles d'officiant religieux, et c'est un cours de promotion de la pensée religieuse et de l'appartenance religieuse. Non seulement on a totalement exclu l'incroyance, on a exclu même la non-pratique religieuse. Tout individu est supposé être croyant, et tout croyant est supposé être pratiquant.

Mme Maltais : Bien, M. Baril, je veux juste...

Le Président (M. Ouellette) : Dernier commentaire, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. Souvent, on est... Je comprends, là, votre point de vue sur l'ECR, mais l'introduction de notions contre l'intégrisme, la radicalisation et les dangers de, je dirais, la surcroyance, là, qui a été proposée par vos prédécesseurs, ne rencontre pas votre aval?

M. Baril (Daniel) : Oui, ça devrait être là. Ça devrait être là. C'est que ça ne peut pas être... Le cours ne peut pas tenir deux discours contraires. Il ne peut pas dire : Tout est beau dans la religion, puis, oups! tout à coup, non, tout n'est pas beau. Si on évacuait le volet culture religieuse, il faudrait que ces dimensions-là soient là quand même, parce que l'enfant reçoit ce message-là, par ailleurs. Alors, il faut défaire ce discours.

En fait, notre point sur ECR, c'est que...

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Baril. Merci, c'est tout le temps qu'on a. Mme la députée de Montarville.

• (11 h 50) •

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, merci d'être là, merci pour votre mémoire. Je ne reprendrai pas les remarques que j'ai faites tout à l'heure, parce que vous les avez entendues, vous étiez là lors de l'audition du groupe précédent, le Rassemblement pour la laïcité. Ce que vous nous dites est très clair, vous nous dites : La première partie, il faut qu'elle soit retirée.

Si notre prémisse de départ et la cible qu'il faut atteindre, c'est contrer l'endoctrinement des jeunes, la radicalisation et non l'islamophobie, là — on s'entend que c'était le but initial de toute cette démarche, là, qui a mené au plan d'action du gouvernement — alors, moi, je vous pose une question : Comment est-ce qu'on fait pour contrer l'islamisme radical qui endoctrine et qui embrigade les jeunes, si ce n'est justement en s'attaquant à leur discours? Parce que ça se fait de façon verbale. En quelque part, on leur met de quoi dans la tête. Alors, aidez-moi à cet égard-là.

Parce que je comprends ce que vous dites, c'est : Le p.l. n° 59, il est trop large, il va mener à des dérives, et tout ça. Nous, ce que nous voulons, c'est être très précis sur la cible, sur le type de discours qu'il faut enrayer pour contrer la problématique qui était nommée, à une certaine époque, par le premier ministre, mais qui ne l'est plus maintenant.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lincourt, s'il vous plaît.

M. Lincourt (Michel) : Merci. Je pourrais répondre que le... J'ai perdu le fil de ma pensée, moi aussi... Oui, c'est : il faut tenir des discours contraires, il faut que les ténors de la société, en commençant par le premier ministre, les ministres, les députés... Il faut que les députés parlent, il faut que les députés tiennent publiquement des discours en faveur de la laïcité. Il faut qu'on établisse nos principes de façon claire quasiment tous les jours.

Je veux dire, il y a quelque chose que je déplore : lors du projet de loi n° 60, j'étais très, très, très impliqué dans tout ça et j'ai constaté qu'il n'y avait eu à l'époque que huit députés, y compris les deux... le premier ministre, le chef de l'opposition, qui s'étaient prononcés publiquement, huit sur... J'inclus là-dedans les députés fédéraux. Alors, il y a 200... un peu plus de 200 élus au Québec, et les élus ne se prononcent à peu près jamais. Pourquoi ils ne se prononcent pas en faveur de la laïcité? Pourquoi le premier ministre n'a pas des discours en faveur de la laïcité toujours?

Pourquoi, dans l'enseignement à l'école... Puis on revient au cours ECR, ce n'est pas un cours où on dit qu'il est possible d'avoir une morale naturelle, que ce n'est pas vrai que les religions ont l'exclusivité de la morale. Et on peut même faire la démonstration que la morale religieuse est souvent immorale. Donc, c'est l'absence, c'est dans ce vide assourdissant, hein, de discours en faveur de la laïcité, qui fait que tous les discours intégristes, etc., bien, ils ont le terrain pour eux seuls.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Je faisais des signes parce que mon temps est très, très imparti... très court. Et je suis d'accord avec vous, là, nous voulons une laïcité édictée dans les lois, et ça, nous le disions. Mais prenons pour acquis que... Parce que ça lancerait un signal très, très fort, puis c'est ce que je disais à l'époque de la charte de la précédente législature : Ne serait-ce qu'édicter que l'État québécois est laïque, ça serait déjà quelque chose de gagné, parce que ce n'est écrit en nulle part.

Cela dit, nous vivons dans un monde idéal, l'État québécois est laïque. Moi, ce que je vous dis, c'est que les gens qui ont un agenda, les islamistes radicaux, ils s'en fichent, de notre démocratie et de notre laïcité, ils vont continuer à endoctriner et à prôner par leurs discours. Alors, ce que je vous dis, c'est : Comment fait-on pour s'attaquer à ça, si ce n'est que par les discours qu'il faut arrêter? J'ai besoin de votre avis.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lincourt.

M. Lincourt (Michel) : Oui. Bien, je peux rajouter : S'il y a dans les églises, dans les mosquées, dans les synagogues, etc., des discours extrémistes, mettons, pourquoi ne pas répondre à ces discours-là sur la place publique, hein, de la même façon, avec la même vigueur? Pourquoi, à l'école, il n'y a pas un enseignement en faveur de la laïcité? Pourquoi on continue de financer des lieux d'endoctrinement intégriste? Pourquoi on fait ça? Pourquoi on permet au halal puis au casher de financer, hein? Je veux dire, prenons un exemple : il y a des exemptions fiscales, hein, en faveur des religieux. Tout ça, ça a lieu, ça se passe, et tout ça. Et le pouvoir public est silencieux face à ça, et ça, on le déplore.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Écoutez, vous m'amenez sur le terrain où je voulais vous amener : la recommandation e, à votre page 16. Vous dites : Le pouvoir public est silencieux. Depuis le mois de février dernier que nous disons au gouvernement... nous lui soumettons bien respectueusement qu'il faudrait s'attaquer au financement, justement, de... Vous nous dites : «Mettre fin au financement public des foyers d'endoctrinement religieux.» Nous, ce que nous disons, c'est effectivement, là : Dans ces endroits où on sait qu'il y a de l'endoctrinement, coupons les exemptions de taxe scolaire, les exemptions de taxes municipales. C'est ce que nous prônons, là, depuis février.

Parce que je sais que ma collègue de Taschereau aime dire qu'on est dans le champ, là, puis qu'on ne fait rien, mais on prône des choses, là, et je voulais que vous le sachiez. Et le maire Coderre, à qui nous avons fait part de la même intention de notre part, était d'accord avec cette idée, qui pourrait être un outil de plus.

Alors, j'aimerais vous entendre parler là-dessus, parce que ça fait partie de vos recommandations, votre recommandation e : «Mettre fin au financement public des foyers d'endoctrinement religieux.» Qu'est-ce que vous entendez, plus précisément?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Jobin.

Mme Jobin (Lucie) : Dans, justement, les recommandations 4 et 5, là, auxquelles vous avez fait référence, elles disent d'interdire le financement des lieux de culte, des écoles confessionnelles et, la 4, sur les exemptions fiscales.

Nous aussi, l'an dernier, nous avions... Les organisations laïques ont rencontré le maire Coderre l'an dernier, et nous avions attiré son attention là-dessus, et il a dit... Il a accepté d'abord de nous rencontrer, et, si jamais il y a d'autres occasions où il doit prendre le pouls de la société à Montréal, nous allons faire partie maintenant de ses interlocuteurs. Alors, il y a des pas qui se font, mais je pense qu'ici, au niveau de l'Assemblée nationale, il y a aussi des pas qui doivent se faire de façon claire et précise.

Le Président (M. Ouellette) : Votre dernier commentaire, Mme la députée de Montarville...

M. Lincourt (Michel) : Ça, ce n'est pas...

Le Président (M. Ouellette) : Excusez, M. Lincourt, c'est parce que le temps...

Mme Roy (Montarville) : Je vais laisser poursuivre.

Le Président (M. Ouellette) : O.K. M. Lincourt, pour la dernière...

M. Lincourt (Michel) : Oui. J'ai fait, il y a quelques années... il y a quatre, cinq ans, une longue étude sur les écoles privées religieuses. Et, au Québec, il y a à peu près 400 écoles privées. Là-dessus, il y en a une centaine qui sont religieuses. Certaines sont agressivement religieuses, d'autres, un petit peu religieuses. Et, ensemble, ces écoles reçoivent au-delà de 100 millions de dollars par année, de subvention. Bon. Dans cette centaine d'écoles, toutes religions confondues, hein, évangéliste, protestante, catholique, ultracatholique, coranique, etc., là, nommez-les, il y a de l'endoctrinement qui se fait. Je ne dis pas partout, je ne dis pas dans toutes les écoles, mais, dans un gros tiers de ces écoles, c'est des foyers d'endoctrinement, notamment pour les écoles coraniques où les petites filles de huit ans portent le voile, puis il y a des journées où, bon, on fait les prières, et etc.

Pourquoi ça a lieu, ça? Pourquoi ça marche, ça? Pourquoi on permet ça? Pourquoi on finance ça sans jamais avoir de débat public sur ce qui se passe à l'intérieur de ces écoles. Et, lorsque Djemila Benhabib, pour ne pas la nommer, soulève ça, on lui fait un procès, hein?

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Lincourt. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : ...vous dire que votre temps va très vite, hein, parce que vous avez des commentaires intéressants, vous le savez.

• (12 heures) •

Mme Massé : Merci. Bonjour, tout le monde. Merci de votre présentation. Deux éléments sur lesquels dans ce petit trois minutes j'aimerais attirer votre attention, c'est effectivement sur la loi fédérale, l'article 319.(2)b. qui permet... Et la communauté LGBT ne cesse depuis des années de réitérer l'importance d'agir sur cet article-là, et, si toutefois vous aviez des suggestions qui pourraient être intégrées dans le cadre du projet de loi qui nous occupe présentement, je serais heureuse de les entendre.

Ceci étant dit, en matière de laïcité, comme je l'ai dit à vos prédécesseurs, c'est évident qu'il est grandement temps qu'on s'y attaque, y incluant la question du financement des écoles. Ceci étant dit, je pense qu'on va se revoir au projet de loi n° 62, où on va attaquer de front cette question-là.

Donc, j'ai deux questions : celle que je vous ai déjà un peu posée sur l'article 319 qui permet, en fait, à des religions de discréditer ou de ne pas reconnaître les droits des personnes LGBT, au nom de leurs croyances ou du texte écrit, etc. Mais j'aimerais aussi porter... sur la question... Je l'ai posée au groupe précédant, grâce à vous, parce que je trouve qu'elle a une piste intéressante, votre recommandation 2 à l'effet que les... «...discours haineux précise que la critique même radicale des religions ne tombe pas sous le coup de cette loi.» Je comprends que vous voulez le retirer, la partie I, mais vous dites : Si toutefois vous y allez, n'oubliez pas de mettre ça. Est-ce que je comprends bien?

Le Président (M. Ouellette) : M. Baril, il vous reste une minute.

M. Baril (Daniel) : Oui. En fait, c'est la portée de notre recommandation 2, parce qu'on a jugé que la partie I n'était pas réformable, parce que c'est un ensemble qui a une... qui se tient, mais c'est le principe de base qu'on conteste. On sait pertinemment que, même s'il est réécrit, on va arriver avec une nouvelle loi, peut-être, ou ce sera celle-là, et, dans toute loi... ça va être un autre gouvernement aussi qui pourrait s'attaquer aux mêmes problèmes. On pense que, dans toute loi...

Parce que le discours haineux, effectivement, il faut le surveiller, il faut l'encadrer pour éviter les dérapages. Mais on veut éviter que l'opinion, même hostile, à l'égard d'une religion tombe sous le coup de la haine, parce que plusieurs... c'est ce qu'il affirme, et même dans un langage dit convenable. Il y en a pour qui il n'y a aucun langage convenable pour critiquer la religion. Alors, il faut retirer cette dimension-là des limitations à donner au discours haineux, discours qui vise la violence.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Lincourt. Mme Jobin, M. Lincourt et M. Baril, représentant le Mouvement laïque québécois, on vous remercie de votre participation à la Commission des institutions.

La commission suspend ses travaux jusqu'après les affaires courantes cet après-midi, soit vers 15 heures. Merci beaucoup. Vous pouvez laisser vos choses ici, on revient dans la même salle.

(Suspension de la séance à 12 h 2)

(Reprise à 15 h 14)

Le Président (M. Ouellette) : La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Je souhaite la bienvenue à l'organisme Pour les droits des femmes du Québec. Mme Sirois, vous allez nous présenter les gens qui vous accompagnent et vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)

Mme Sirois (Michèle) : Merci. Alors, PDF Québec est un groupe féministe citoyen mixte, non partisan, créé en 2013 et ayant à son actif plus de 300 membres d'origines diverses.

Alors, à ma droite, il y a M. Léon Ouaknine et Mme Salimata Sall, qui va commencer.

Mme Sall (Salimata) : Merci. Bonjour. PDF Québec salue la volonté du gouvernement de s'outiller pour lutter davantage contre les mariages forcés, les crimes commis au nom de l'honneur et le contrôle excessif des jeunes filles. Nous nous opposons également à toute forme de contrôle sur les femmes.

Concernant les mariages forcés, PDF Québec estime que les mesures préconisées par le projet de loi sont trop timides pour protéger adéquatement les filles et les femmes qui peuvent être contraintes par leurs familles à se marier trop tôt sans vraiment y consentir ou qui voient leur liberté restreinte parce qu'elles sont des femmes. Mentionnons, à titre d'exemple, qu'en Ontario, entre 2010 et 2012, il y aurait eu 219 cas de mariage forcé. Le Québec n'y échappe pas. Il faut nous doter davantage d'outils et surtout créer un contexte qui favorisera l'éradication de ces pratiques liées à des traditions et religions de nature patriarcale, qui sont souvent une prison pour les femmes.

Certes, il faut sensibiliser les populations concernées, mais il faut également une loi qui est vraiment dissuasive et ne pas se contenter de saupoudrer des mesures comme de publier les projets de mariage sur Internet. Il est important de regarder ce qui a été adopté en France en 2013 où, je cite, «le fait de tromper quelqu'un pour l'amener à l'étranger subir un mariage forcé est passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende».

En ce qui a trait aux crimes d'honneur, la véritable solution est dans la prévention en mettant l'accent sur la culture d'égalité hommes-femmes dès que les candidats à l'immigration posent leur candidature et ensuite dès leur arrivée. Il faut favoriser un changement des mentalités des communautés concernées pour assurer, comme le souligne le Conseil du statut de la femme, une remise en question du concept d'honneur attaché à la sexualité des femmes. Toutes les injustices faites aux femmes sont fondées sur une inégalité sociale fondamentale entre les hommes et les femmes. Or, toutes les religions ou presque préconisent un traitement différencié selon les sexes confinant les femmes dans un statut inférieur. En mettant l'accent sur le respect presque absolu de toute position et pratique religieuse au nom de l'inclusion et de la tolérance, il est à craindre un retour en arrière pour les droits acquis par de longues luttes par les femmes.

Pour faire face à ces problématiques concernant les jeunes filles, il faut donner au directeur de la protection de la jeunesse des moyens pour identifier les victimes et pour évaluer le degré des dangers auxquels elles font face, pour assurer leur protection, avoir des ressources d'hébergement, et développer une grille de dépistage, et en faire un outil national. Il faut également ajouter au projet de loi des moyens pour lutter contre l'excision et autres mutilations sexuelles, qu'elles soient pratiquées ici, au Québec, ou ailleurs, dans les pays d'origine.

Bref, nous devons mettre fin à l'impunité qui résulte de la frilosité des responsables des institutions publiques quand il s'agit de néo-Québécoises qui s'identifient à des communautés ou sectes religieuses. En fait, cette question de la protection des personnes est tellement importante qu'elle aurait mérité de faire à elle seule l'objet d'un projet de loi spécifique au lieu d'être amalgamée à un tout autre sujet, à savoir les discours haineux. Merci. Je cède la parole à Mme Sirois.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sirois.

Mme Sirois (Michèle) : Si PDF Québec appuie la partie sur la protection des personnes dont vient de parler Salimata, nous demandons cependant de rejeter toute la partie portant sur les discours haineux parce que la liberté d'expression fait partie des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques et qu'elle est menacée par ce projet de loi. S'il y a lieu de protéger des groupes vulnérables comme les femmes, les homosexuels, comme le prévoit le Code criminel, il faut le faire avec des outils adéquats. Les insultes à l'endroit des femmes, notamment des femmes politiques, sont nombreuses et à combattre. C'est ce que fait, par exemple, en France, un groupe comme les Chiennes de garde, qui connaît une belle efficacité et n'a rien de liberticide.

Pour lutter contre les discours incitant à la violence, au Canada et au Québec, il vaut mieux miser sur l'éducation et sur les dispositions du Code criminel et non pas sur ce projet de loi. En effet, non seulement le législateur ne définit pas son objet, mais il donne des pouvoirs outranciers aux délateurs et à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, un organisme qui a à son crédit d'avoir autorisé la ségrégation sexuelle au nom de la religion.

De plus, nous croyons que ce projet de loi se trompe de cible, car il ne s'attaque pas aux vraies causes de la radicalisation, l'objectif mentionné lors de l'annonce du projet de loi n° 59. Pour prévenir et lutter efficacement contre la radicalisation, il faudrait plutôt que le gouvernement prenne acte que l'intégrisme religieux est un meilleur signe avant-coureur de la radicalisation. Contrairement à ce que laisse croire le projet de loi n° 59 et le plan d'intervention pour lutter contre la radicalisation, actuellement les racines du problème résident davantage dans l'existence d'un courant international faisant la promotion d'une lecture fondamentaliste de l'islam. La preuve, c'est qu'on le trouve partout dans le monde et surtout dans les pays de tradition musulmane qu'on ne peut pas accuser d'islamophobie.

À PDF Québec, nous sommes très inquiètes parce que l'adoption de ce projet de loi fragiliserait la liberté d'expression en créant un délit d'opinion et une chasse aux blasphèmes. En instituant une procédure favorisant un climat de dénonciation auprès de la Commission et du Tribunal des droits de la personne, le projet de loi vient de fournir aux islamistes, c'est-à-dire les militants qui utilisent l'islam à des fins politiques... ils viennent de fournir des outils gratuits et facilement accessibles pour bâillonner toute critique des religions, conformément à ce que demande depuis de nombreuses années l'Organisation de la coopération islamique. Le projet de loi créera au Québec un processus de délation qui sera savamment utilisé par les intégristes pour bâillonner les opposants, comme c'est présentement le cas des poursuites contre les personnes qui dénoncent la radicalisation et l'intégrisme qui se répand dans les centres culturels, les lieux de culte, sur Internet, etc.

Après l'attentat de Charlie Hebdo, on se serait attendu que notre gouvernement et la Commission des droits de la personne proposent des mesures pour protéger la liberté d'expression et la liberté de conscience. Au lieu de cela, le projet de loi va ajouter au climat d'autocensure qui existe déjà au Québec. La peur a déjà convaincu l'humoriste Lise Dion de retirer son monologue sur la burqa. C'est ça, l'autocensure. Pire encore, nous avons été stupéfaites de constater qu'on a pensé établir une liste noire des personnes qui auront été trouvées coupables de prétendus discours haineux. Établir une telle liste de contrevenants, c'est désigner les futures cibles aux extrémistes, comme ce fut le cas de Salman Rushdie, Taslima Nasreen et les journalistes de Charlie Hebdo. Ce sont toutes des victimes d'une campagne lancée par des islamistes radicaux et malheureusement reprise dans les médias qui les ont associés à de l'islamophobie.

Enfin, nous déplorons que l'ensemble des actions proposées par la Commission des droits de la personne et reprises dans le projet de loi n° 59 laissent entendre que les citoyens musulmans sont incapables de s'adapter aux règles de sociétés démocratiques. Ce projet de loi jette le discrédit sur l'ensemble de nos compatriotes de culture musulmane, qui ne demandent pas mieux, pour la grande majorité, que de s'intégrer à la société québécoise. Je passe la parole à Léon.

Le Président (M. Ouellette) : M. Ouaknine, il vous reste une minute.

M. Ouaknine (Léon) : Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, mesdames et messieurs de la commission. Lorsque j'ai pris connaissance de la partie de ce projet de loi portant sur la répression des discours haineux, j'ai eu un moment de stupeur. Comment est-il possible de proposer une loi si liberticide dans ce pays?

Je suis un néo-Québécois arrivé en 1968. Je suis fier du Québec parce que je l'ai vu évoluer vers toujours plus de liberté, en initiant quatre révolutions majeures. La première fut la déconfessionnalisation de ses institutions, en particulier de son système éducatif; la deuxième, la libération de la femme, pas tout à fait achevée encore, car il nous faut, entre autres, lutter contre les crimes d'honneur, les mariages forcés et l'excision; la troisième, la célébration pacifique de son identité par la réappropriation de sa langue et de ses arts, qui ont suscité une admiration quasi universelle; et la quatrième, sa modernisation économique qui a montré que le Québec pouvait jouer dans la cour des plus grands. Ces quatre révolutions témoignent d'une singulière maturité...

Le Président (M. Ouellette) : M. Ouaknine...

M. Ouaknine (Léon) : ...car tout s'est fait sans jamais attenter aux libertés fondamentales...

Le Président (M. Ouellette) : Je m'excuse...

M. Ouaknine (Léon) : Peu de pays peuvent se targuer d'un discours si pacifiste.

Le Président (M. Ouellette) : M. Ouaknine. Je m'excuse. Vous aurez l'opportunité de compléter votre exposé avec le questionnement que...

M. Ouaknine (Léon) : ...conclure?

Le Président (M. Ouellette) : Bien, vous conclurez avec Mme la ministre tantôt, parce que Mme la ministre... Vous aviez 10 minutes pour votre exposé. Je m'excuse d'être... de vous interrompre. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, merci pour votre présentation. Peut-être que, dans le cadre de mes questions, vous aurez la chance de conclure. Malheureusement, le temps étant limité...

J'ai posé la question à certains groupes ce matin, qui vous ont précédés, à savoir qu'est-ce que, dans le contrôle d'un discours haineux... Puis on s'entend, là, que, discours haineux, je l'ai dit et je l'ai redis, on fait référence à une notion qui a été définie par la Cour suprême à plusieurs occasions, notamment dans l'affaire Whatcott et dans l'affaire Taylor, une notion qui nous amène à un discours qui, à l'encontre des groupes identifiés à l'article 10 de la charte, va faire naître un sentiment de haine profonde qui pourrait éventuellement mener à la violence.

Donc, moi, ce que je cherche à comprendre, c'est dans le contexte où c'est un discours très particulier qui est visé. Ce n'est pas... On ne vise pas une atteinte à la liberté d'expression. On ne vise pas, par ce projet de loi, à venir empêcher la satire, à venir empêcher la critique d'une religion. Il y a des gens qui croient que c'est ça, et je pense que c'est important de répéter que ce n'est pas le cas. On vise spécifiquement le discours haineux tel que défini par la Cour suprême. Donc, on n'arrive pas... on n'introduit pas une notion qui n'existe pas en droit canadien. On introduit une notion qui a été définie par le plus haut tribunal du pays, et c'est ce discours-là qui est visé et le discours qui incite à la violence. Pensons notamment... et je pense que, l'image, on la voit quand même assez régulièrement, le discours qui appelle à la violence à l'égard des femmes, par exemple. Alors, ces discours-là sont visés par le projet de loi.

Alors, j'essaie de comprendre la crainte qui vous motive à poser une critique aussi sévère. Parce que vous utilisez des termes qui sont forts dans votre mémoire, vous avez utilisé des termes qui sont forts dans votre présentation. Vous parlez d'un projet de loi que vous considérez liberticide, alors qu'il n'est pas du tout question de ça. Du moins, l'objectif, c'est d'empêcher dans notre société des discours à caractère haineux, et ça, c'est très précis. C'est d'empêcher des discours qui incitent à la violence. Oui, on a le Code criminel qui prévoit certaines infractions, le degré de preuve n'est pas le même, les outils ne sont pas le même. Nous, on souhaite, par les dispositions qui sont présentées au projet de loi, on souhaite aussi avoir des outils de prévention, des outils d'intervention, notamment pour empêcher qu'un individu puisse aller prêcher, puisse aller tenir son discours, par le biais d'injonctions, par exemple.

Alors, c'est pour ça que j'essaie de comprendre ce qui vient vous chercher et qui vous amène à utiliser des termes aussi forts à l'égard d'un projet de loi qui a comme objectif de protéger certains groupes, de protéger certaines personnes contre des discours qui pourraient apporter la... d'autres personnes à la haine envers ces gens-là, à la violence envers ces gens-là. Tu sais, vous dites : Vous faites un amalgame. Vous nous reprochez de faire un amalgame avec les mesures de protection de la deuxième partie. Bien, en fait, moi, je vous dirais : C'est un projet de loi qui, dans son ensemble, protège un certain nombre de personnes par des mesures qui visent les discours haineux, les discours incitant à la violence, et par la suite par d'autres mesures qui sont diverses et dont vous avez fait part en présentation.

Donc, résumons. J'essaie de comprendre pourquoi l'utilisation de termes aussi forts, alors que le projet de loi vise à protéger les gens.

Le Président (M. Ouellette) : M. Ouaknine.

• (15 h 30) •

M. Ouaknine (Léon) : Vous savez, il y a un philosophe célèbre, Emmanuel Kant, qui a dit qu'on ne légifère pas les émotions. Et la haine est une émotion humaine naturelle, et il me semble absolument invraisemblable qu'on essaie de légiférer là-dessus.

Maintenant, la haine n'est pas illégitime. Il y a des régimes que je hais, comme par exemple celui de l'Arabie saoudite par son action à l'égard des femmes. Il y a des régimes que je déteste et que je hais, comme le régime nazi, et donc... Et il y a plusieurs exemples de ces choses-là.

Si j'écris, par exemple, un discours où j'exprime ma haine de ces régimes, de ces discours et de ces idéologies, certains pourraient l'interpréter comme étant de la haine à l'égard des personnes. C'est faux, mais il faut que les gens acceptent un certain niveau de désagrément et de désaccord. Je suis Juif séfarade, évidemment, je suis sensible aux insanités antisémites, mais est-ce que j'aime ça? Non, mais jamais je ne demanderais l'interdiction de ces propos, sauf s'ils appellent expressément à la violence contre des personnes.

Donc, la haine est quelque chose qui doit être accepté lorsqu'elle évite d'appeler à la violence contre des personnes. Et le projet de loi n'offre absolument aucune balise pour permettre à quelqu'un de distinguer de façon claire où, dans le continuum, on se situe entre la critique des idées et l'attaque contre les personnes.

Mme Vallée : Évidemment, je comprends que, par votre dernier commentaire, vous rejoignez un peu ce que d'autres groupes nous ont dit, qu'il est important peut-être de mieux définir le concept, puisque le concept «discours haineux», pour nous, il était clair comme il a été élaboré et comme il a été aussi défini par la Cour suprême.

Vous savez, je pense que c'est toujours bon de rappeler : Les propos haineux, là, ce sont ceux qui vont exprimer l'idée que certaines personnes devraient être haïes, devraient être méprisées en raison de qui elles sont plutôt qu'en raison de ce qu'elles ont fait, donc en raison d'une caractéristique commune. Le discours haineux, c'est celui qui va amener à la haine envers ces gens-là. Mais je comprends que le projet de loi ne prévoit pas de définition de discours haineux, et ça, ça peut expliquer qu'on interprète le terme. Parce que c'est quand même des décisions de la Cour suprême, c'est quand même des textes qui ne sont pas nécessairement toujours lus et relus par tout et chacun, et peut-être qu'il est opportun, oui, de préciser davantage dans le texte de la loi.

Mais il y a un élément que vous avez soulevé et qui m'interpelle, vous avez fait une distinction, dans vos propos, entre le discours haineux, que vous considérez désagréable, mais pas au point où il devrait être encadré, et vous avez fait la distinction entre le discours qui incite à la violence, qui, selon vous, mérite effectivement d'être encadré. Est-ce que je me trompe?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, M. Ouaknine.

M. Ouaknine (Léon) : Tout ce qui appelle à la violence doit être férocement combattu sans aucun laxisme. Et ce qui est surprenant d'ailleurs, c'est qu'il y a actuellement un problème même avec le Code criminel canadien, c'est que quelqu'un peut, dans le cadre d'un prêche religieux, citer un texte religieux qui appelle littéralement à la violence contre des personnes, à la violence contre les femmes, et cette personne-là ne sera pas poursuivie.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Donc, à ce moment-là...

Mme Sirois (Michèle) : Je voudrais...

Mme Vallée : Excusez-moi.

Mme Sirois (Michèle) : Est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Mme Vallée : Oui, allez-y. C'est parce que j'avais... ça m'amenait à une autre question.

Mme Sirois (Michèle) : Parce que je voulais juste ajouter que, justement, dans notre mémoire, on demande au gouvernement québécois de demander l'exemption, de retirer cet article 319.(3)b, parce que des prêches ou des textes religieux justifient... on ne peut pas poursuivre quelqu'un pour incitation à la violence. La violence contre les femmes, c'est dans les textes religieux, la violence contre les homosexuels et les mécréants, et on ne peut pas les poursuivre. Bien, il faut enlever ça, il faut que tout le monde soient égaux, tout discours incitant à la violence est à bannir. Et puis on demande au gouvernement québécois... Ça, ça aurait dû apparaître dans le projet de loi : interdire les discours haineux, quels qu'ils soient...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Sirois (Michèle) : ...pour ce qui est de la violence, et non pas faire une exemption puis deux poids, deux mesures.

Mme Vallée : Donc, si je comprends bien, il est important... Bon, il y a les dispositions du Code criminel, évidemment, qui relèvent du gouvernement fédéral, mais est-ce que vous jugez qu'il deviendrait opportun tout de même de légiférer dans notre sphère civile pour donner des outils additionnels pour contrer le discours qui incite à la violence? Pour les fins de notre échange, je mets de côté le discours haineux, parce que vous avez votre opinion sur la question, et elle vous appartient. Mais là j'essaie de comprendre un petit peu davantage votre position quant au discours qui incite à la violence.

Est-ce que vous considérez que nous avons besoin d'outils additionnels pour contrer ce discours-là?

M. Ouaknine (Léon) : De mon point de vue, non, on n'a pas besoin de mesures additionnelles, le Code criminel canadien est largement suffisant. Si on se base également sur le nombre de faits qui... S'il y avait une telle abondance de faits qui auraient requis l'intervention, on le saurait. Ce n'est pas le cas.

Mme Vallée : Il arrive que, par exemple, on demande de se positionner contre la venue d'un ou d'une personne qui tient des propos incitant à la violence, notamment à l'égard des femmes, hein? On l'a vu cet été, il y a eu à deux reprises des personnalités qui devaient venir au Québec, et on nous demandait d'intervenir pour empêcher la tenue du type de discours qui banalisait le viol, qui banalisait la violence à l'égard des femmes. Et ce qui était demandé, c'était de pouvoir intervenir avant que le discours n'ait lieu. Donc, évitons que ces gens-là puissent se présenter et conter leur charabia devant un groupe de citoyens.

Et le projet de loi n° 59 permet justement ça, permet justement des mesures, d'une part, des ordonnances civiles de protection, permet aussi de saisir le tribunal pour éviter ou pour mettre fin à la diffusion d'un discours qui inciterait à la violence. Je comprends, le Code criminel est là pour sanctionner une fois que l'acte, une fois que le discours a été tenu, mais le mal est fait, on n'a pas prévenu la tenue du discours. Le projet de loi n° 59, pour ce qui est du discours haineux comme du discours incitant à la violence, prévoit et donne des moyens pour empêcher en amont que ce discours-là soit tenu, qu'il soit maintenu aussi dans la sphère publique.

Est-ce que vous ne croyez pas que ça pourrait être utile? Parce qu'il y a dans la sphère publique, puis je pense qu'il faut le reconnaître, des discours qui incitent à la violence, il y en a à l'égard des femmes, à l'égard des homosexuels, et je pense que ma collègue de Québec solidaire pourra réitérer. Je crois qu'elle, de par ses interventions, nous a... est quand même consciente que ce type de discours là existe. On a même une collègue, bien, la porte-parole de l'opposition en matière de condition féminine, qui demandait une intervention cet été pour empêcher la tenue de propos qui incitaient à la violence. Donc, vous ne croyez pas que ça pourrait être utile d'avoir ces outils-là, justement?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sirois ou Mme Sall.

Mme Sall (Salimata) : Merci. Nous sommes d'avis qu'il y a certains climats qui peuvent régner, que certains discours peuvent susciter des réactions émotionnelles à l'endroit de certaines personnes. Cependant, hormis la violence, nous devons garder en tête l'état du Québec par rapport à l'homophobie. Les homosexuels ne sont pas allés vers la judiciarisation pour avoir des gains. Aujourd'hui, on a démystifié plein de choses, on peut s'enorgueillir de la fierté gaie et du respect et de la promotion des droits des LGBT. Donc, je pense que sanctionner et judiciariser, ça va juste amener un climat qui va accentuer une certaine polarisation au sein de la société à travers ses différents membres.

Donc, c'est ça que je voulais ajouter. Ce que nous considérons qui est problématique au Québec, c'est vraiment les imams radicaux qui posent vraiment des discours violents, virulents à l'endroit des femmes, et qui sont protégés à cause de l'article 319.(3)b du Code criminel.

• (15 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre. Ah! Mme Sirois, vous avez un commentaire?

Mme Sirois (Michèle) : Oui. J'aimerais ajouter également que l'exemple que vous avez donné, c'est une question de la sécurité publique. La sécurité publique, je pense que ça passe aussi par la question du gouvernement fédéral et je ne pense pas que ces prêcheurs-là vont aller devant la Commission des droits de la personne, alors que je pense qu'à l'intérieur du Québec, par contre, il y a des gens qui vont être poursuivis. Ça va servir de mesures-bâillons. Alors, ce sont pour nous beaucoup des mesures inefficaces, contre-productives et inégalitaires, parce que les rapports de moyens et de pouvoirs entre la Commission des droits de la personne et les simples citoyens... Déjà, il y a des gens qui sont poursuivis et ça fait plusieurs années qu'ils sont en train de se défendre, ceux qui vont faire les poursuites, ça va être gratuit, puis les autres vont être obligés de débourser des sous. Ça va être une véritable censure. Alors, nous, nous ne sommes pas d'accord. Nous sommes d'accord avec d'abord des mesures de prévention liées à l'éducation, entre autres.

Vous avez vu peut-être dans notre mémoire qu'on est inquiets de plusieurs éléments qui sont dans le cours d'éthique et culture religieuse. Pourquoi? Parce que, dans ce cours, on a fait l'étude de plus d'une vingtaine de manuels scolaires au primaire et on incite les jeunes filles à accepter les contrôles excessifs. Alors, le projet de loi n° 59 veut combattre le contrôle excessif des jeunes filles. Eh bien, dans les manuels scolaires, on les prépare à l'accepter. Alors, c'est deux poids, deux mesures.

On voudrait vraiment qu'on réoriente la question, enlever tout le volet culture religieuse, parce qu'il amène une conception de respect absolu de toute croyance religieuse et de toute croyance. Et, si vous regardez, je suis sûre que vous ne l'avez pas fait, mais vous seriez surpris, tous et toutes, de ce qu'on peut trouver. Des jeunes filles... On parle du mariage forcé. Si vous avez regardé notre mémoire, il y a dedans une image qui est prise dans un manuel scolaire pour une petite fille de cinq ans, et qu'est-ce qu'on dit? C'est une image d'une petite fille qui a peut-être sept, huit ans, et on la présente comme une jeune mariée. Eh bien, une jeune mariée qui a sept, huit ans, eh bien, les petites filles disent : Bien oui, moi aussi, je veux être une jeune mariée. Et on banalise tout ça en disant : Bien oui, il en existe beaucoup comme ça en Afrique, et puis c'était comme ça pour nous en Europe aussi au Moyen Âge. Et c'est ça, le message?

Alors, on veut que... L'éducation, c'est ça qui prépare les mentalités pour l'égalité, crée un climat où les femmes et les hommes vont être égaux, et ce n'est pas en judiciarisant et surtout pas en mettant la Commission des droits de la personne qui va juger, quand elle-même, elle a créé de la ségrégation, elle a approuvé la ségrégation sexuelle. Moi, je n'ai pas confiance. Alors, je ne sais pas qui va avoir confiance, mais je pense qu'il y a des choses à changer dans ce projet. Et la première chose, c'est de cibler le deuxième volet et de le développer. Parce qu'il est très faible, ce deuxième volet, alors que le premier, c'est une vraie matraque et il n'aide pas les femmes aucunement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Parlons du deuxième volet... Commentaire : J'écoute votre argumentaire, et il ressemble beaucoup à l'argumentaire des groupes qui vous ont précédés ce matin. Est-ce que vous avez... Je pense qu'il y a un lien entre vous, hein, entre le Mouvement laïque, le regroupement laïque du Québec et PDF, ou vous participer... parce que je voyais... Vous participez à l'un des groupes?

Mme Sirois (Michèle) : Oui. Je voudrais répondre. Je reconnais la même question que vous avez posée à matin, hein?

Mme Vallée : Oui, oui, oui. C'est parce que vous semblez...

Mme Sirois (Michèle) : Et c'est plus facile à remarquer parce que, quand on a fait la demande pour être sur la commission parlementaire, l'audition, on nous a mis la dernière journée tous ensemble. Alors, c'est facile de voir... Oui, et nous ne sommes pas seuls, parce que j'ai vu qu'il y avait des éditorialistes des journaux anglophones, et c'est rare : on est d'accord. Et aussi la même chose avec la Gazette. C'est la première fois que je voyais ça.

Et puis je voulais féliciter quand même, parce qu'avec ce projet de loi vous êtes en train de faire une certaine unanimité qu'on n'avait pas vue au Québec depuis très longtemps. Alors, s'il y a des militants de la laïcité et des droits des femmes qui se battent et qui ont des discours semblables, nous ne sommes pas seuls, et ça, ça me réjouit beaucoup. J'espère que vous vous en réjouissez, qu'on est nombreux au Québec, et même ailleurs au Canada, à défendre la liberté d'expression.

Le Président (M. Ouellette) : Une minute, Mme la ministre.

Mme Vallée : J'aimerais vous entendre sur les modifications qui sont proposées à la Loi de la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sall.

Mme Sall (Salimata) : Nous saluons les modifications qui ont été apportées sur la Loi de la protection de la jeunesse, surtout avec l'ajout du contrôle excessif considéré comme une maltraitance psychologique. Cependant, nous avons également vu, quand une des exposantes de la DPJ a mentionné comme contrôle excessif le fait de contrôler les filles, leurs heures d'entrée, leurs heures de sortie comme contrôle excessif... Nous ajoutons sur la liste le fait de munir un enfant, une fillette de sept ans, des écouteurs pour l'empêcher d'écouter, d'entendre de la musique. À sept ans, souvent, on prémunit les êtres humains des écouteurs... des appareils auditifs pour les aider à entendre et non pour faire l'inverse. Donc, nous voulons ajouter ce point-là.

Et aussi nous avons vu des parents qui voilent leurs enfants, vraiment des jeunes filles qui portent le voile. Nous ne croyons pas que ces jeunes filles ont choisi de se voiler. C'est une forme de contrôle à l'endroit des fillettes. Et on a même entendu... on a vu passer sur les réseaux sociaux des parents disant : Pourquoi vous n'avez pas réussi à voiler vos jeunes filles? Il dit : Bien, parce que vous n'avez pas commencé très tôt. Donc, en commençant très tôt à voiler les enfants, on les contrôle. Donc, nous voulons amener ces éléments-là.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Merci, Mme Sall. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Bonjour. Bonjour, bonjour. Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames de PDF, monsieur de PDF. Mme Sirois, Mme Sall, M. Ouaknine, bienvenue à cette commission parlementaire.

Je vais commencer tout simplement par la conclusion de votre mémoire, puis après ça on reviendra dans les détails. Votre conclusion, comme bien d'autres groupes et pas seulement des groupes d'aujourd'hui, comme vous l'avez fait amplement remarqué, Mme Sirois... Vous en venez à la conclusion, à la page 36, qu'il faut scinder la loi et rejeter la partie I, non pas l'amender mais la rejeter, nous rejoignant en ce moment. Nous sommes le seul parti qui croit que cette première partie doit être revue de fond en comble et qu'il n'est pas question de l'amender.

Avez-vous entendu les propos du président de la Commission des droits de la personne et des droits de la... — attendez — M. Frémont, qui a dit, samedi à l'émission de Michel Lacombe, à Radio-Canada, que ça va être très difficile de définir le discours haineux, qu'il n'y en aura jamais, de définition précise — je suis à peu près dans ses mots, là — et que finalement ce sera à la commission, au fil des jugements, d'essayer de le préciser, de sortir du flou. Est-ce que vous saviez... est-ce que vous connaissiez ces propos de M. Frémont?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sirois.

Mme Sirois (Michèle) : Déjà, je remarquais dans le projet de loi qu'il y avait une marge de manoeuvre discrétionnaire qui était laissée à la Commission des droits de la personne. Alors, ça ne fait que confirmer qu'on n'est pas seuls à avoir remarqué ça, que lui-même...

Mais, le 2 décembre 2014, M. Frémont lui-même a dit qu'il était conscient que sa demande d'interdire les discours haineux limiterait la liberté d'expression mais qu'il était sûr que ça passerait l'épreuve des tribunaux. Alors, oui, je suis inquiète, parce qu'en même temps, d'une seule venue, il a mentionné... Quand on lui a demandé : Quels sont les exemples que vous pouvez donner?, il a donné deux exemples que ça protégerait contre les discours haineux contre les musulmans — on en est pour ça aussi — mais aussi contre les croyances... contre les attaques à la religion islamique. Ah! alors, on... À un moment donné, ce n'est pas que les personnes, mais on va se mettre à policer les croyances et les paroles critiques qu'il peut y avoir sur les croyances. Je ne crois pas que ce soit le rôle de la présidence de la Commission des droits de la personne. Il me semble que des choses comme ça... Et après il a mentionné qu'il a été mal cité. Moi, je pense qu'au contraire c'est venu spontanément.

Mais le projet de loi n'encadre pas. Et c'est encore plus troublant quand on veut mettre ce pouvoir discrétionnaire dans la charte, qui a une valeur quasi constitutionnelle. C'est très inquiétant. On ne voit pas... Le gouvernement n'a pas pensé, on dirait, à mettre dans la charte la laïcité, mais il pense à mettre un pouvoir discrétionnaire qui va être une interprétation personnelle contre des croyances.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

• (15 h 50) •

Mme Maltais : Merci, Mme Sirois. D'autant que... J'invite vraiment tout le monde, je vous invite à aller écouter cette émission où il y a vraiment tout le monde. La ministre est là pour en parler. Il y a M. Frémont, il y a d'autres, aussi, qui viennent parler. Mais j'ai retenu des perles. Entre autres, M. Frémont a dit que ce qu'il a demandé, c'est d'interdire les discours haineux incitant à la discrimination. On n'est plus dans l'incitation à la violence, dans la tête du président, on est dans l'incitation à la discrimination. On comprend qu'on va... de la misère à concilier les propos de tout le monde, actuellement, qui parle de cette loi en bien. Je n'arrive pas à savoir ce qu'ils veulent. Je n'arrive vraiment pas à savoir, là, qu'est-ce que vise cette loi.

Mais il y a une chose que la société voulait, et ça, ça, il faut en parler. La société, ce qu'elle demandait, c'est justement ce que j'ai demandé, moi aussi, c'est qu'on donne des outils aux organisations qui se voient face à des organisations qui louent des locaux mais qui ont probablement des discours haineux, des prêches d'imams religieux — puis vous êtes dans les rares qui le nomme — les prêches d'imams religieux incitant à la violence envers les femmes. Ça, c'est précis. Ce n'est pas une loi qui précise ça, là, mais pourtant c'est ce que la société demandait. Ça, c'était vraiment précis dans notre vision.

Vous soulevez aussi d'autres choses, mais vous avez soulevé quelque chose qui m'intéresse. Vous dites que la kafala, qui est issue du droit coranique, serait mise en application au Québec ou aurait une certaine... serait un peu justifiée au Québec?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sirois.

Mme Sirois (Michèle) : C'est que ce qu'on a mentionné dans notre mémoire, avec références, vous pouvez les retrouver dans notre mémoire avec les références...

Mme Maltais : Je suis sur le site, là, de la référence.

Mme Sirois (Michèle) : Oui? Eh bien, on voit que la charia, en 2004... Moi, c'est ça que je demande au gouvernement. En 2004, le gouvernement, unanimement, s'est battu contre les tribunaux islamiques, contre l'application de la charia, parce que les femmes sont les premières victimes de l'application de la charia. Mais on voit que, tranquillement, les tribunaux commencent à appliquer certaines choses à cause de la notion de multiculturalisme. Mais, pire encore, en droit, à l'Université de Montréal, il y a des cours sur la charia.

Mme Maltais : Pardon?

Mme Sirois (Michèle) : Il y a des...

Mme Maltais : Pardon?

Mme Sirois (Michèle) : Oui, c'est dans notre mémoire. Vous avez juste à cliquer, il y a des cours, O.K., sur la charia. Il y a des cours également, des formations qu'on donne au Barreau sur l'adoption, la notion d'adoption, qui est plutôt une tutelle, qui est dans le droit de la charia. Ça, c'est en train... Il y a des notaires qui s'affichent actuellement et qui disent qu'ils vont faire des testaments, des contrats de mariage, etc., qui vont être basés sur la foi musulmane. Ça s'appelle la charia, ça, en termes communs, et ça, c'est dangereux, c'est déjà en train de s'établir. Oui, on est inquiets.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, Mme Sirois, j'ai été voir sur le site que vous disiez. Effectivement, c'est l'association des avocats musulmans qui, dans une... je vais le dire, une formation reconnue par le Barreau du Québec, hein, aux fins de formation continue obligatoire — vous savez, les durées de 300 heures — reconnaît... Moi, je ne connaissais pas la kafala, là, c'est vous qui me l'apprenez : La reconnaissance de la «kafala» musulmane en droit civil québécois et en droit de l'immigration canadien : état des lieux et pistes de solution. Intéressant, mais je ne sais pas si la kafala correspond au droit québécois, mais je sais qu'effectivement je le lis partout, puis on me dit que c'est fondé sur le droit musulman, ce qu'on appelle le droit coranique.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sirois.

Mme Sirois (Michèle) : Le Code civil fait en sorte que les enfants adoptés et les enfants consanguins ont les mêmes droits une fois que leur filiation a été reconnue.

Mme Maltais : Tout à fait, c'est important pour les Québécois.

Mme Sirois (Michèle) : C'est très important pour les Québécois qu'il n'y ait pas des enfants à deux vitesses avec des droits à deux vitesses. Eh bien, ça, la kafala, ça n'accorde pas les mêmes droits aux enfants.

Mme Maltais : Bien, c'est magnifique, c'est le Barreau qui reconnaît les formations sur comment introduire la kafala dans le droit québécois.

Mme Sirois (Michèle) : Reconnaît, exactement. Alors, oui, on a raison d'être inquiets, je pense.

Mme Maltais : O.K. Mais je ne sais pas l'impact. Je suis sûre que, s'ils étaient ici ou si on les recevait plus tard, on les ferait s'expliquer là-dessus, mais je reconnais que vous avez raison, j'ai trouvé ladite formation.

En France, pour les mariages forcés... Je veux vous parler des mariages forcés, Mme Sall. En France, vous disiez qu'il y a trois ans de prison, des amendes. Pouvez-vous m'expliquer ce qui se passe en France quand on trouve quelqu'un coupable d'avoir forcé un mariage?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sall.

Mme Sall (Salimata) : Souvent, on voit que la DPJ... La DPJ a beau intervenir auprès des familles et des jeunes filles qui risquent d'avoir un mariage forcé à l'extérieur du pays, malgré son intervention, son introduction, il y a des familles qui s'organisent toujours à sortir du pays, ça se fait souvent durant les périodes des vacances, pour amener leurs filles subir un mariage forcé. Et, une fois que les parents reviennent au Québec avec les enfants, ou pas, bien, il n'y a rien qui se passe, parce que ça s'est passé à l'extérieur.

Donc, il est important de se doter des mesures, comme la France l'a fait en 2013, de mettre une amende de 45 000 € pour les parents qui amèneraient leurs enfants subir un mariage forcé à l'extérieur du pays, et un emprisonnement de trois ans. Je pense que ces parents-là ont commis un acte criminel. Ils ont beau avoir une bonne intention ou pas, les faits demeurent que c'est un mariage forcé qui a des répercussions irréversibles, négatives sur les jeunes filles. Il est temps de légiférer là-dessus, même si ça se passe à l'extérieur du pays. Et, parallèlement, on peut s'inspirer sur ce qui est fait avec le tourisme sexuel. Si des Québécois sortent du pays et commettent des actes criminels, je pense que, quand ils reviennent au pays, les lois s'appliquent. Donc, à cet égard-là, on peut s'inspirer sur cela.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Intéressant. À la page 14 aussi, vous parlez des mutilations sexuelles. Vous recommandez de «poursuivre au criminel toute personne qui a fait subir à une jeune fille, résidente du Canada, des mutilations sexuelles, et cela, même si [elles] ont été commises en dehors du pays». Actuellement, on ne peut pas agir si une mutilation sexuelle a été commise en dehors du pays?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sall.

Mme Sall (Salimata) : Oui. C'est ça que nous constatons. Quand c'est commis en dehors du pays, on n'a pas vraiment de levier, en tout cas, pour agir, même si le Code criminel est contre... punit, sanctionne les mutilations sexuelles. Puis on a vu également dernièrement, en 2014, c'est vraiment récent, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada a modifié son code de pratique pour laisser libre cours à la pratique de l'infibulation. Donc, l'infibulation, ça se passe souvent après l'excision, qui est une ablation de certaines parties de l'organe génital féminin. L'infibulation consiste à faire une suture sur les grandes lèvres, les petites lèvres pour ne laisser évacuer que la menstruation et les urines. Donc, c'est une manière de cadenasser, je pense, la femme à travers son appareil génital.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je voudrais ajouter toutefois que je pense que le Collège des médecins a dit immédiatement qu'il était hors de question que les médecins québécois acceptent de telles pratiques ou des choses comme ça.

Mme Sall (Salimata) : Effectivement, le Collège des médecins s'est opposé à ça et a rejeté cette pratique-là. Cependant, nous avons entendu la Dre Margaret Burnett qui disait qu'elle en a fait, et elle s'appuyait seulement sur le consentement, le désir de la femme qui veut subir une infibulation.

Je pense que, quand une femme se présente ici, au Canada, pour demander une telle pratique, je pense que c'est une opportunité, pour le professionnel de la santé, de la sensibiliser à laisser tomber cette pratique-là et ne pas même la répandre chez sa fille ou d'autres membres de sa famille concernée. Donc, il y a lieu de punir ces pratiques nuisibles.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, merci de ces quelques... Je vais vous laisser une minute après, Mme Sirois, il me reste deux minutes. Alors, merci de ces quelques commentaires qui vont peut-être nous permettre d'améliorer la deuxième partie de la loi. Parce que moi, je pense qu'on peut et qu'on doit améliorer rapidement la deuxième partie de loi, à ceci... à une seule condition, je pense, si on veut vraiment travailler rapidement et dans un esprit de collaboration comme on le désire, c'est que le gouvernement retire la première partie, la réécrive en profondeur pour qu'elle atteigne véritablement les objectifs que nous visons.

Ceci dit, j'ai pris aussi avec... Je vais prendre avec... en considération la page 20, où on voit une photo de certains collègues députés, où on nous dit : Attention, n'allez pas dans les salles où on sépare les hommes et les femmes pour motifs religieux, vous entérinez, vous appuyez quelque chose qui ne devrait pas se faire. Page 20 de votre mémoire, on connaît bien la photo. Si vous avez quelque chose à ajouter, moi, j'aurais terminé.

Le Président (M. Ouellette) : M. Ouaknine, une minute.

Mme Maltais : On peut dire beaucoup de choses en une minute.

M. Ouaknine (Léon) : L'esprit de cette loi est inquiétant, parce que, si on veut une société... Tout le monde est d'accord pour une société sans violence, mais pas une société pacifiée au point d'être anesthésiée. La démocratie, c'est le choc des idées. Victor Hugo disait que la guerre, c'est la guerre des hommes; la paix, c'est la guerre des idées. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de démocratie qui soit anesthésiée au point qu'il n'y ait pas de choc des idées. Donc, c'est quelque chose qui est désagréable, mais ça prouve la vitalité d'une nation. Et là cette loi va effectivement nous ramener au temps de la grande noirceur, parce que les gens vont hésiter à parler.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Ouaknine. Mme la députée de Montarville.

• (16 heures) •

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, monsieur, merci. Merci d'être là, merci pour votre mémoire, il y a des choses très intéressantes. Et vous arrivez avec des données, entre autres vous nous parlez des mariages forcés avec des chiffres, des données pour l'Ontario : plus de 200 mariages forcés sur une très courte période. C'est la première fois qu'on a des chiffres. Parce qu'on a beaucoup de difficultés à avoir le profil précis de ces atrocités auxquelles les jeunes filles, les jeunes femmes sont forcées ici, au Canada, et même au Québec, ce qui est une aberration. Donc, vous nous donnez des chiffres, c'est un pas dans la bonne direction, c'est quelque chose qui existe, contrairement à ce que d'autres sont venus, pas plus tard que la semaine dernière, nous dire, assis où vous étiez assis, que ça n'existe pas, ça n'existe pas au Québec.

Alors, ce que j'aime dans votre mémoire, c'est que vous nous dites... c'est qu'il faut nommer un chat un chat, et vous nous dites, à la page 7, et je vais lire, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, une brève citation puis je vous demanderai d'élaborer... Parce que je pense que vous mettez le doigt sur le bobo, puis sur le bobo qu'on essaie tous de régler. On essaie tous de trouver une solution aussi. La question à 100 000 $, c'est : Comment y arriver? Alors, vous nous dites : «En réalité, les...» Ah! vous nous... attendez un petit peu, je reviens... Ah oui! C'est à la page 11, mais je retournerai à la page 7 : «Cependant, nous déplorons que le projet de loi 59 ne s'attaque pas à la source réelle du problème, soit la présence de pratiques culturelles et de conceptions religieuses fondamentalistes et sexistes qui discriminent les femmes et les minorités sexuelles.»

On ne veut pas dire le vrai mot, le gros mot, l'«islamisme radical». C'est banni, on ne trouve ça en nulle part dans le projet de loi. Donc, vous mettez le doigt dessus, je pense que la piste de travail devrait être là, ce qui n'est pas le cas actuellement, dans la première portion du projet de loi n° 59. C'est ce que nous déplorons également.

Je vous ramène maintenant à la page 7, parce qu'on fait un lien avec ce que vous déplorez. Vous nous dites : «En réalité, les demandes d'accommodements — là, on parle ici des fameux accommodements raisonnables, accommodements religieux — peuvent être les premières manifestations d'intégrisme religieux et devraient être dorénavant traitées à la lumière de ce qu'on connaît du phénomène de la radicalisation et du renfermement sectaire.»

J'aimerais que vous élaboriez. Parce que je dis : Enfin, on dit les vraies affaires, à offrir, offrir, offrir des accommodements, oups, il arrive un moment où on vient de dépasser une ligne qu'il ne fallait pas dépasser. C'est ce que vous nous dites ici. Expliquez.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sirois.

Mme Sirois (Michèle) : Je pense qu'il y a des gens qui sont intégristes et qui testent la démocratie, ils testent nos organismes, et qu'il y a beaucoup, malheureusement, une certaine frilosité, pour ne pas dire un manque de courage de gens qui ont un pouvoir dans des organismes, exemple directeur, directrice d'école, pour dire : Non, protégez.

Parce que moi, j'ai lu un texte qui m'a beaucoup touchée dans La Presse il y a à peu près un mois et demi. La dame qui travaille en préscolaire a mentionné... Le titre, c'était : Abandon de fillettes. Moi, ça m'a beaucoup touchée, je suis grand-mère, j'ai deux enfants, et les petits-enfants, pour moi, c'est sacré. Et cette loi devrait les protéger au lieu de protéger des intégristes ou protéger des gens qu'on a amenés à... on a permis de faire un repli identitaire sur leur propre groupe en disant : Bien, ils vont s'intégrer. On n'est plus du tout dans la même situation... société qu'il y a dans les années 50, 30, 40. Il y avait des Italiens, des Irlandais qui sont arrivés dans les années 30, etc. Ils s'intégraient au Québec. Maintenant, ils sont en contact régulièrement avec des gens, avec leurs réseaux sociaux, qui sont souvent infiltrés aussi au niveau de l'intégrisme. Alors, ça, c'est dangereux.

Mais le résultat... Et moi, je demanderais à la ministre de vouloir... Là, elle ne m'écoute pas, mais je lui demande quand même... J'aimerais qu'elle écoute. Ce que j'aimerais — vous voyez, j'ai été professeur, hein? — j'aimerais... Parce que je veux demander au gouvernement le courage politique de protéger réellement ces enfants, ces enfants à qui on n'accorde pas la même protection parce qu'on a peur d'un ressac, on a peur d'être accusé de stigmatisation. Bien, il y a des enfants, puis il y a des femmes, et des petites filles, et des jeunes femmes qui souffrent actuellement, et qu'on attend... On a vu la pointe de l'iceberg avec la famille Shafia. Il n'en faut plus d'autres, familles Shafia. Mais, pour ça, il ne faut pas attendre un signalement à la Commission des droits de la personne ou la DPJ. Il faut voir tout de suite à protéger en installant une atmosphère, un climat d'égalité entre les hommes et les femmes. Les petites filles, là, qui ne peuvent pas faire de culture physique ou aller à la piscine, il faut qu'on puisse leur permettre. Pour ça, il faut dire non aux demandes intégristes.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Et, si je comprends, à la lecture du mémoire, en ce qui a trait aux accommodements religieux, il faut dire non aux accommodements qui sont sexistes?

Mme Sirois (Michèle) : Entre autres.

Mme Roy (Montarville) : Lorsque l'accommodement est demandé parce que la personne qui le demande ou le parent qui le demande pour l'enfant... parce que l'enfant est une fille?

Mme Sirois (Michèle) : Pas juste sexiste.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Sirois.

Mme Sirois (Michèle) : Pas seulement ceux qui sont sexistes. Là, on a été scandalisés qu'on interdise à une petite fille d'entendre des comptines puis des chansons dans la classe, mais ça m'aurait autant touchée si ça avait été un petit garçon, parce que je pense que les femmes et les petits garçons, les petites filles, là, méritent le même traitement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Si je comprends, si on va plus loin dans votre mémoire, à la page 10, dans le fond, c'est qu'il y a une possibilité d'accommodement pour des cas particuliers, mais, de grâce, nous devons inclure, et c'est là que vous faites une recommandation, quelque chose dans notre charte pour protéger notre égalité hommes-femmes, pour protéger des discriminations.

Alors, je fais référence, pour les gens qui nous écoutent, à la recommandation que vous faites à la page 10. Vous recommandez «de modifier la charte québécoise des droits et libertés de la personne pour réaffirmer la dignité et l'égalité des femmes avec les hommes : en modifiant l'article 9.1 pour assurer la primauté du droit à l'égalité entre les femmes et les hommes [...] en y insérant la mention suivante : "Dans l'appréciation de ce que constitue un accommodement raisonnable pour des motifs religieux, il doit être tenu compte impérativement du droit des femmes à la dignité et à l'égalité avec les hommes."»

Et vous continuez en disant : «En renforçant l'article 50.1, lequel article stipule que "les droits et libertés énoncés dans la présente charte sont garantis également aux femmes et aux hommes", en [affirmant] que les accommodements ne doivent pas aller à l'encontre du droit à l'égalité et à la dignité des femmes.» Et là j'aimerais vous entendre sur les recommandations que vous ajoutez : «De n'accorder aucun accommodement qui ait pour effet de remettre en question la mixité des lieux et des services publics [et] de rappeler aux institutions québécoises que la ségrégation sexuelle est interdite dans les institutions publiques.» Élaborez, je vous pris.

Le Président (M. Ouellette) : Dernière minute. Mme Sirois, il vous reste une minute.

Mme Sirois (Michèle) : Dans les piscines, on demande des horaires particuliers. Pour passer un examen de conduite, la SAAQ, hein, permet qu'un juif hassidique demande qu'il n'y ait pas une femme, la même chose pour les femmes qui demandent qu'il n'y ait pas d'homme, et c'est la même chose dans les hôpitaux. Le ministre de la Santé actuel, M. Barrette, quand il était à la tête de la Fédération des médecins spécialistes, a dénoncé ça vertement en 2008, comme quoi ça déstabilisait les équipes de travail, que c'est dangereux pour la santé du personnel et que c'est dangereux pour la santé des patientes et des patients. Donc, ça a des conséquences, mais souvent on accorde un accommodement sans réaliser l'impact sur la société, mais l'impact sur les individus également. On veut qu'on regarde ça, non pas qu'on fasse passer les lois démocratiques au-dessus des lois religieuses, alors qu'actuellement c'est l'inverse.

La démocratie, c'est tout le monde qui est ici, et ça, c'est le fruit d'une société qui s'est battue des dizaines d'années pour que nos sociétés soient démocratiques. On ne veut pas reculer. Et, pour nous, toute la partie I du projet de loi nous amène, nous rappelle le temps de la noirceur, même si la ministre n'est pas d'accord, on n'est pas obligés d'être d'accord, mais c'est justement ça qui est formidable avec le débat démocratique.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, madame. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.

Mme Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, monsieur. C'est intéressant quand vous nous rappelez, et avec raison, que ce qui fait qu'on arrive à créer une réelle démocratie, c'est quand on se donne les moyens d'avoir un esprit critique. C'est le meilleur outil que s'est donné un peuple, et, dans ce sens-là, pour déconstruire les préjugés, pour s'assurer que les règles de base qu'on s'est données, nous... bien, qu'on puisse le délibérer, le débattre et s'assurer qu'on installe les bases nécessaires pour cette démocratie-là.

Je ne peux pas vous cacher que j'étais très surprise de voir à la page 20 de votre mémoire qu'on entretient encore un préjugé à l'égard de mon collègue, où on dit clairement, où on montre... — j'incite mes amis à regarder encore une fois cette photo qui a largement circulé — où on dit : «Quand nos élus se prêtent à ce jeu, implicitement, ils cautionnent ces pratiques sexistes et discriminatoires», le jeu étant ce que Mme Sirois qualifie de ségrégation, donc pas les hommes et les femmes assis du même bord.

Si, comme le dit M. Ouaknine, la démocratie, l'ouverture d'esprit, les libertés individuelles et les libertés collectives se reposent ou, en tout cas... reposent plutôt sur le choc des idées, j'aimerais ça qu'à un moment donné vous arrêtiez de promouvoir... Parce que mon collègue, à plusieurs reprises, ne cesse de répéter que, justement, il faut aller s'asseoir avec ces gens-là, et leur dire qu'on n'est pas d'accord, et leur dire qu'il faut qu'il y ait des éléments qui changent, parce qu'au Québec — c'est la beauté de notre Québec — c'est l'égalité entre les hommes et les femmes, c'est le refus de l'intégrisme qui tue, c'est le refus, et, dans ce sens-là, je m'excuse, mais ça m'a choquée.

Ceci étant dit, vous avez évoqué, comme ce matin certains l'ont fait, l'article 319 du Code criminel. Vous suggérez donc qu'on trouve une façon de pouvoir faire en sorte que les religions ne soient pas au-dessus des droits fondamentaux reconnus à l'intérieur de nos chartes. Dans ce sens-là, comment vous voyez... Puisque c'est du Code criminel, comment vous voyez qu'on peut agir sur cet article-là?

• (16 h 10) •

Le Président (M. Ouellette) : Il vous reste 20 secondes, Mme Sirois.

Mme Sirois (Michèle) : O.K. Je savais que je n'aurais pas beaucoup de temps.

Mme Massé : C'est moi qui n'a pas de temps.

Mme Sirois (Michèle) : Moi, si vous êtes choquée qu'on nomme M. Amir Khadir, toujours la même photo, c'est satisfaisant, parce que justement on veut qu'on réfléchisse quelles sont les conséquences de nos actes. Et également est-ce que M. Khadir et d'autres personnes qui vont visiter des mosquées fondamentalistes, comme il y a à Brossard... est-ce qu'on aurait accepté s'il y avait eu une ségrégation raciale, les Noirs d'un bord, les Blancs de l'autre? Là, on n'aurait pas accepté. Mais, pour les femmes, il semble qu'on est capable de faire passer par-dessus les injustices et la différenciation. Alors, nous, nous n'acceptons pas ça du tout, aucune ségrégation sexuelle.

Le Président (M. Ouellette) : Ça va vite, trois minutes. Ça va vite, Mme Sirois, trois minutes. Merci, Mme Michèle Sirois, M. Léon Ouaknine, Mme Salimata Sall, représentant les droits des femmes du Québec.

J'inviterais maintenant l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité à prendre place. Je suspends quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 12)

(Reprise à 16 h 14)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité. Je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous avez la parole pour une période de 10 minutes. Vous venez de voir qu'on est concentrés sur le 10 minutes, ça fait qu'à vous la parole.

Association québécoise des Nord-Africains
pour la laïcité (AQNAL)

M. Chikhi (Ferid) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM, Mmes les députés, bonjour. AQNAL est l'Association québécoise pour les Nord-Africains pour la laïcité. Nous représentons plusieurs tendances politiques, plusieurs groupes, puisque nous avons aussi bien des gens qui viennent d'Égypte, de Tunisie, d'Algérie, du Maroc et puis des personnes qui ont vécu en Europe et qui nous ont rejoints depuis la création.

Alors, notre contribution au débat porte sur l'imprécision de la notion du discours haineux ou incitant à la violence et les attributions de la Commission des droits de la personne.

(Interruption)

M. Chikhi (Ferid) : Excusez-moi une seconde. La technologie, des fois, fait défaut. Bon, on n'avait pas prévu ça.

Alors, les discours haineux et incitant à la violence sont des facteurs de désordre social, tout le monde le sait, et nous comprenons l'importance d'une action gouvernementale pour les combattre. Une action ferme est nécessaire face aux évènements nationaux et internationaux survenus depuis au moins un an : la montée fulgurante du groupe terroriste qualifié par les médias et les politiques occidentaux d'État islamique, la divulgation très facile de ce genre de discours sur le cyberespace mais également par des prédicateurs islamiques qui prônent le djihad armé ici même, dans des écoles, des mosquées, des centres communautaires du Québec et des espaces apprenants mobiles.

En tant que Québécois d'origine nord-africaine, nous nous inquiétons particulièrement de la censure que cette loi pourrait amener contre toute critique de l'islam et principalement son succédané, l'islamisme. Cette crainte est motivée par le fait que seule la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse est habilitée à juger de ce qu'est un discours haineux. Alors, nous nous demandons si la liberté d'expression de bien des Québécois de culture musulmane qui oeuvrent à éradiquer la violence de l'islamisme est menacée. Si c'est le cas, nous considérons cela comme un risque à ne pas prendre, sachant que toute critique du Coran est perçue comme un discours haineux par les islamistes mais pas par les musulmans. La radicalisation dont il est question dans le plan d'action ministériel déposé le même jour que le projet de loi n° 59 et celle liée à l'islam politique ou islamisme, bien que très minoritaire, cette idéologie provoque des dégâts incommensurables au sein même des groupes de musulmans.

Les droits de l'homme contemporain et les développements qu'a connus le monde depuis plus de 10 siècles... Nous savons, pour l'avoir subie, que la meilleure, sinon la seule façon de combattre cette idéologie est de soutenir les musulmans laïques dans la réalisation d'une réforme de l'intérieur à partir de leur espace culturel et/ou cultuel et de les encourager à remettre en question ces versets violents qui sont cités à tout bout de champ par les islamistes. Nous alertons l'opinion publique que la partie I de ce projet de loi vulnérabilise la grande majorité des musulmans face aux islamistes qui usent, de nos jours, de tous les instruments que la démocratie met au service du citoyen. Si, de façon globale, toute critique du Coran ou de l'islam est qualifiée de discours haineux par les islamistes, c'est encore plus grave lorsqu'une telle critique est prononcée par un musulman, c'est encore... qui, en général, est condamné à mort pour apostat par des imams incultes et radicaux.

Les membres d'AQNAL ont été particulièrement interpellés par le fait que l'édifice législatif fera l'objet de fissures profondes qui ébranleront l'équilibre consensuel que tant de Québécois ont bâti depuis quatre siècles et qui a fait que les milliers d'immigrants ont choisi de venir s'installer dans ce pays. Alors, dans la problématique que nous avons proposée, nous avons retenu trois hypothèses et, compte tenu du temps imparti, nous vous présentons la troisième, qui, selon notre analyse, est aussi pertinente que les deux autres.

Lorsqu'il est question de discours offensant pour les musulmans, il importe de savoir de quels musulmans il s'agit. L'offense n'est-elle pas celle qui est utilisée contre les fidèles de l'islam pour les regrouper en communauté, pour les stigmatiser par la suite et les en exclure, les faisant passer pour de faux musulmans? N'est-ce pas insulter les Québécois au nom de la religion musulmane? Ne serait-il pas donc raciste et xénophobe, n'est-ce pas, de faire des demandes incessantes d'accommodement soi-disant raisonnable au nom d'un certain islam?

Ce que nous déplorons aussi, c'est que nous trouvons navrant que cette volonté de vouloir faire passer les pratiques patriarcales les plus rétrogrades et bien d'autres interdits qui n'ont rien à faire au Québec, en particulier à l'égard des femmes, des gais, des lesbiennes, des athées, des non-croyants, comme étant des exigences du Coran qu'il faut à tout prix respecter? C'est entre autres pour cela que nous ne pouvons pas aller dans le même sens que le gouvernement du Québec dans l'érection en droit fondamental d'une notion non définie.

Beaucoup de nos concitoyens appartenant au même espace culturel que le nôtre et totalement intégrés à celui du Québec exercent une veille de primauté citoyenne en inculquant les fondements de la citoyenneté et la critique objective et rationnelle à leurs enfants pour se protéger contre les différents discours religieux et sectaires qui leur sont imposés et qui les menacent dans leur intégrité morale et physique. À notre avis, c'est injuste de leur enlever ce moyen intellectuel éducatif et surtout pédagogique qu'ils ont suffisamment expérimenté avec efficacité dans leur pays d'origine, et, bien au contraire, nous pensons qu'il est judicieux de le protéger en protégeant la liberté d'expression et de conscience.

Que le gouvernement actuel porte les idées de la laïcité ouverte, personne n'en disconvient. Qu'une volonté d'inclusion pour conforter une cohésion sociale déjà fortement ébranlée par des considérations pseudoreligieuses soit exprimée, là aussi, personne n'en disconvient. Cependant, la vraie question que nous devons tous nous poser, c'est de savoir comment, par ces projets de loi, et ce, malgré un dénigrement direct et public de la part de certains individus s'exprimant au nom de quelques extrémistes... s'arrogent le droit de le faire au nom de toutes les personnes de confession musulmane, comment le gouvernement compte-t-il incarner et mettre en oeuvre ses politiques laïques sachant que ses accommodements religieux consentis sont loin d'être consensuels?

Pour alimenter la discussion, nous attirons l'attention de toutes et de tous qu'il existe alors au préalable... pardon, qu'il existe... excusez-moi. Il faut savoir s'approprier le fait qu'il existe, entre autres, deux tendances chez nos concitoyens face à l'islamisme et au terrorisme. Les premiers prennent leurs responsabilités, s'interrogent et agissent face aux raisons qui font que l'islam puisse être utilisé à de telles fins. Les seconds se contentent de rejeter la faute sur les autres, adoptant une politique de l'autruche, stérile, qui ne peut en aucun cas aider à nous faire sortir de cette situation dramatique face à l'islamisme.

Avant de passer la parole à M. Kaidi, j'aimerais ajouter ce qui suit : Dans son plan de lutte contre la radicalisation, le gouvernement a décidé de s'entourer de représentants autoproclamés de la communauté musulmane issue de cette catégorie qui a choisi une position victimaire. Nous nous demandons pourquoi a-t-il ignoré la seconde et les autres, parce qu'il y en a plusieurs, qui pourtant font partie intégrante de la société civile québécoise et de la majorité silencieuse des musulmans et qui sont de véritables agents de stabilisation. Merci.

• (16 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : M. Kaidi, je vous rappelle qu'il vous reste deux petites minutes.

M. Chikhi (Ferid) : Deux minutes? J'ai été à ce point lent?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, vous avez parlé huit minutes, mon cher M. Chikhi.

M. Kaidi (Ali) : Donc, je vais y aller carrément à la conclusion. Cela fait plus de 50 ans que des immigrants musulmans vivent au Québec en parfaite intégration sans se plaindre des lois existantes, et nous ne sommes ni muets ni illettrés. Pourquoi aujourd'hui les lois du Québec, qui n'ont pas changé, poseraient problème? Nos aînés seraient-ils moins pieux que ces nouvelles générations?

Les citoyens du Québec observent et cherchent à comprendre le comportement social de ces islamistes et leurs groupes d'appartenance victimaires qui refusent de s'intégrer et rejettent même l'inclusion. Quelques musulmans faisant partie de la grande majorité silencieuse s'expriment et se désolidarisent de ces groupes qui pratiquent le communautarisme. Cette majorité reste silencieuse parce que bien intégrée, productive et surtout acceptant les lois portant, entre autres, l'égalité des droits entre les femmes et les hommes, la séparation de l'État et de la religion, le respect d'autrui selon des valeurs acceptées et partagées par tous. Personne ne peut occulter le fait que ce sont ces mêmes islamistes clamant leur victimisation et dénonçant leur exclusion qui ont généré et provoqué des ruptures entre des musulmans et des Québécois. Dénoncer ces usurpateurs est de la responsabilité de cette majorité silencieuse pour peu qu'elle soit entendue, écoutée et non bâillonnée par certains médias.

Ce qui nous semble encore plus fâcheux, ce sont tous ces élus, ces membres du gouvernement qui alimentent ce rejet en recevant en grande pompe les pseudoleaders de ces groupes qui se présentent non pas en tant que citoyens, mais comme représentants des communautés musulmanes, donc religieux.

Nous voulons être des citoyens de ce pays et non pas de simples croyants. Les membres affiliés d'AQNAL, ses sympathisants ainsi qu'un grand nombre de Québécois d'origine nord-africaine sont aussi indignés par les gestes posés par des membres du gouvernement, des députés et des candidats aux différentes élections qui se rendent dans les mosquées pour s'attirer les bonnes grâces des islamistes.

En Algérie, nous avons été sommés de voter pour le parti de Dieu, ici pour le vote Inchallah. Aucun imam digne de cette profession n'accepterait de telles visites sachant, d'une part, que l'objectif essentiel est de glaner quelques bulletins de vote et, d'autre part, que l'essentiel de la foi n'est pas dans les mosquées mais dans le coeur de chaque fidèle qui oeuvre pour le bien-être et la paix de tous. Et merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Kaidi. Je m'excuse de vous avoir pressé un peu. On va débuter la période des échanges avec Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, messieurs, bienvenue à la commission. J'aimerais vous entendre, parce que, dans la première page... en fait, à la page 5 de votre mémoire, vous nous dites ce qui suit : «Les discours haineux et les discours incitant à la violence sont des facteurs de désordre social [...] nous comprenons l'importance d'une action gouvernementale pour les combattre. Une action ferme est nécessaire», et là vous parlez face aux événements nationaux, et tout ça.

Nous avons proposé une action, qui est critiquée. J'aimerais vous entendre. Quelle serait, selon vous, la mesure législative... Parce que, on comprend, il y a toute la question de l'éducation, de la prévention qui est nécessaire et qui fait partie de la loi. Notamment, on a des dispositions qui accordent aussi à la Commission des droits de la personne certains pouvoirs additionnels. Mais est-ce qu'il y aurait, à votre avis, d'autres façons de combattre de tels discours haineux, de tels discours incitant à la violence, qui pourraient peut-être bonifier nos échanges et nos réflexions en commission parlementaire?

Le Président (M. Ouellette) : M. Chikhi.

M. Chikhi (Ferid) : Mme la ministre, je vous entends très bien. Vous savez, au lendemain des travaux de la commission Bouchard, tout un travail a été fait et élaboré, à partir duquel beaucoup de choses devaient se faire. Ça n'a pas été fait. Au lendemain du projet de charte des valeurs, donc le projet de loi n° 60, beaucoup de propositions ont été faites, et c'est tombé à l'eau.

Aujourd'hui, nous sommes dans un autre contexte, un contexte où l'islam politique n'est plus un islam BCBG, comme on le voit ici, au Québec. C'est un islam violent, c'est transnational. Et je ne pense pas qu'à partir d'un projet de loi ou d'une loi qui lutterait... qui mettrait des balises pour limiter le discours haineux ou incitant à la violence on pourrait s'en sortir. Il faudrait aller beaucoup plus loin et examiner les fondements, les causes, les véritables causes qui font qu'aujourd'hui au Québec on en arrive à parler de discours haineux et de désigner des personnes qui ont lutté contre l'islam politique, qui ont vécu des moments difficiles dans leur pays, qui sont venues ici pour vivre la liberté, vivre en paix et vivre selon leur conscience. S'ils ont envie de pratiquer l'islam, ou le judaïsme, ou le catholicisme, c'est leur problème, mais ce n'est pas le cas.

Il nous semble que la démarche est biaisée, parce qu'on part de certaines informations, de certains travaux récents, alors que cela date déjà depuis plus de 10 ans. L'islam politique a infiltré le Québec depuis plus de 10 ans, pour ne pas dire le Canada. Nous le savons en tant qu'Algériens, puisque les premiers terroristes qui ont fui l'Algérie sont venus se réfugier au Canada et au Québec. Vous pensez qu'ils sont venus pour juste oublier ce qu'ils ont fait au pays? Ils sont venus pour continuer leur travail, leur militantisme.

Alors, à mon avis, ça serait bien d'abord de s'asseoir avec toutes les personnes intéressées par la problématique et, à ce moment-là, trouver un autre cheminement que celui qui, bien, proposerait simplement un projet de loi limitant la violence verbale. Parce que le tout n'est pas dans les mosquées, n'est pas dans les groupes ou les communautés islamistes, parce que je considère qu'il n'y a pas de communauté musulmane, on est citoyen musulman au Québec, ça serait bien de s'asseoir avec ceux qui ont vécu ces problèmes dans leur pays et qui sont venus pour vivre en paix ici.

Donc, c'est refaire un petit peu le travail de préparation, chercher les causes et par la suite parler des effets.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (16 h 30) •

Mme Vallée : Mais, monsieur, il y a plus qu'un groupe particulier qui est touché par les discours haineux et les discours incitant à la violence. On parlait tout à l'heure avec un autre groupe des discours qui incitent à la violence à l'égard des femmes, notamment, qui sont portés non seulement par... qui sont portés par des gens de toutes confessions, parfois pour différents motifs, par des groupes politiques parfois, même.

Et donc est-ce qu'il n'est pas opportun d'encadrer ce discours-là ou de s'outiller pour prévenir plutôt que simplement punir? Parce que les dispositions du Code criminel sont présentes et permettent de punir une fois le fait accompli, après, évidemment, le processus, une fois que l'intention et l'actus reus auront été démontrés hors de tout doute raisonnable. Est-ce qu'il n'est pas utile, dans une société libre et démocratique, justement, d'encadrer et de prévenir la tenue de tels discours qui incitent à la violence, des discours haineux? Lorsqu'on parle de discours haineux, je fais référence et je continue de faire référence à la définition que la Cour suprême nous enseigne, donc pas la... Je ne me réfère pas à des interprétations qui ont pu être données au cours du dernier mois en commission parlementaire, on parle d'un discours très précis, on s'entend. Est-ce qu'il n'y a pas lieu, dans un contexte où on a des groupes qui font l'objet de discours de nature... haineux ou de discours qui incitent à la violence, d'encadrer et de s'outiller pour permettre de prévenir, d'intervenir en amont, avant même, par exemple, la diffusion ou pour mettre un terme à la diffusion de propos haineux incitant à la violence qui pourraient se retrouver dans la sphère publique?

M. Chikhi (Ferid) : Mme la ministre...

Le Président (M. Ouellette) : M. Chikhi.

M. Chikhi (Ferid) : M. le Président, MM., Mmes les députés, vous savez que, depuis l'annonce de ce projet de loi n° 59, nous, les musulmans, qui n'affichons pas notre religion, nous sommes victimes de discours haineux de la part des islamistes. Pourquoi? Parce qu'ils ont été reçus les premiers à bras ouverts par le gouvernement. Depuis ce moment-là, ils disent : Nous avons la victoire, nous avons gagné, nous allons continuer comme ça parce que le projet de loi va nous protéger contre ces laïques, sous-entendu ces athées.

Alors, oui, on est d'accord pour qu'il y ait des balises, on le dit, on le dit depuis la commission Bouchard. On dit : Il faut des balises pour empêcher le discours haineux, mais il ne faudrait pas aussi que ce soit contre la liberté d'expression. C'est parce qu'il y a eu la liberté d'expression que ces gens-là se sont autorisés à s'exprimer et qu'ils ont été violents envers nous en particulier, envers nos femmes, envers nos enfants dans les écoles, sous prétexte que c'est religieux, que c'est coranique, que c'est la charia qui le demande, alors que ce n'est pas vrai, ce n'est pas le cas. Alors, oui, il faut des échanges, oui, il faut nous rencontrer, il faudrait parler avec tout le monde, toutes les parties prenantes, que ce soient des Juifs, des chrétiens, des musulmans, des athées, des lesbiennes, des gais, il n'y a pas de problème, bien, à ce moment-là, on peut trouver le fil conducteur, parce qu'on aura déterminé les véritables causes.

Je vous ai entendu tout à l'heure, quand vous disiez : Oui, les gens qui viennent au Québec pour parler en conférence et tout ce qui s'ensuit, prêcher, prêcher le discours haineux, mais c'est vrai que ça relève de la sécurité publique. Nous avons dénoncé ces gens-là. On n'a pas découvert, au Québec, qui étaient ces gens-là avant de les avoir invités. Par contre, les gens qui les ont invités savaient qui ils invitaient. Ils savaient que ces gens-là allaient... ne serait-ce que, même s'ils n'avaient pas été acceptés pour rentrer au Canada, on allait parler d'eux. C'est cette propagande contre eux qui fait que c'est soi-disant contre tous les musulmans. Non, ce n'est pas vrai, ce n'est pas contre tous les musulmans. Il y a 1 500 fidèles qui vont dans les mosquées, si on considère une centaine de personnes dans une mosquée, j'ai entendu quelqu'un dire qu'il y avait 140 mosquées au Québec, ça fait 1 500 personnes, mais il y a 300 000 musulmans au Québec, si ce n'est pas plus. Ce n'est pas tous qui prêchent ou qui prônent la malveillance ou le discours haineux. Peut-être que M. Kaidi a quelque chose à dire aussi.

Le Président (M. Ouellette) : M. Kaidi.

M. Kaidi (Ali) : Je peux enchaîner par rapport à ça, par rapport à la définition de discours haineux. Pourquoi, chaque fois qu'on intervient, on le lie avec l'islamisme, ou bien l'islam politique, ou bien le... ça, il me semble, le contexte dans lequel le projet de loi ou bien le plan d'action du gouvernement... était de lutte contre la radicalisation. Et l'actualité, à cette époque récente, c'était le radicalisme religieux à connotation islamiste.

Donc, comment on répond à cette radicalisation? Il me semble, le projet de loi, c'est un palier ou bien un élément de réponse. Nous, en tant qu'association des Nord-Africains, sachons bien ce que c'est, la radicalisation islamiste, nous voyons que ce projet de loi encourage la radicalisation plus qu'il ne la diminue. De quelle façon? Parce que, nous, de l'intérieur de cet espace culturel qu'on partage avec des islamistes, il y a des gens qui critiquent la religion, il y a des gens qui essaient d'éduquer leurs enfants d'une façon de ne pas tomber dans le radicalisme, et, si vous nous enlevez ce moyen critique, cet esprit critique vis-à-vis du dogme, vis-à-vis des discriminations établies et des traditions établies, comment voulez-vous qu'on lutte, nous qui sommes tout près de la radicalisation? Comment pouvez-vous qu'on lutte dorénavant si vous nous interdisez de critiquer la radicalisation qui est tout proche de nous?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Ce projet de loi là n'empêche d'aucune façon de critiquer une religion, n'empêche d'aucune façon de critiquer un groupe, et c'est là, je sens, l'incompréhension qu'il y a. Parce que, d'une part... Il y a deux trucs que vous avez mentionnés. Bon, vous pensez et votre interprétation est à l'effet que le projet de loi empêche justement de critiquer la tenue d'un discours qui est haineux, par exemple, ou la tenue d'un discours qui est violent, ce qui n'est pas le cas. Au contraire, c'est d'encadrer et de baliser les discours violents, pas de baliser la critique d'une religion, pas de baliser la critique d'une idée, pas de baliser... C'est vraiment : on balise ce qui est haineux, ce qui se veut une incitation à la violence. Ce n'est pas du tout la même chose. Et on s'inspire de concepts qui ont été définis, notamment dans l'affaire Whatcott, où il était question, et je l'ai mentionné ce matin, d'un individu qui, de par sa foi religieuse, qui était tout autre, prêchait contre les homosexuels et le faisait à travers des pamphlets qu'il distribuait. Et une plainte a été logée, puisque le contenu des pamphlets était considéré comme constituant un discours haineux.

Certains éléments ont été mis de côté. On a dit : Non, il ne s'agit pas de discours haineux, il s'agit d'une opinion qui est désagréable, qui est peut-être discriminatoire, mais qui ne constitue pas un discours haineux. Et là on a défini ce qu'était le discours haineux et on a dit que, dans une société libre et démocratique, certes, il y a la liberté d'expression qui est un droit fondamental, mais cette liberté d'expression là, elle ne peut être utilisée pour tenir des propos qui vont pousser vers la haine de l'autre, vers la détestation profonde.

Alors, c'est ça qu'on tente d'encadrer à l'intérieur du projet de loi, et également on tente d'encadrer le discours qui incite à la violence. «Discours incitant à la violence», on le comprend, c'est plus simple comme concept, parce que la violence, on sait très bien, c'est beaucoup plus concret qu'un discours haineux. Mais, par contre, on le voit dans Whatcott et on le voit dans d'autres jurisprudences, la critique, notamment la critique d'une religion, ça ne constitue pas un discours haineux. La critique d'une idée ou la critique d'une pensée politique aussi. On a beau... On peut ne pas être d'accord, mais ça ne constitue pas du tout du discours... et même, à la limite, il y a des propos qui vont être blessants, mais ce n'est pas parce qu'un propos est blessant qu'il est nécessairement haineux. Donc, évidemment... Et, lorsque je vous entends dire : Bien, nous, on craint que, si on doit... si certains membres de notre communauté critiquent l'islam, on craint être visés par le projet de loi, l'objectif n'est pas de viser une critique d'une religion.

Et par ailleurs simplement vous mentionner que, dans le cadre des consultations, il y a énormément de gens qui ont demandé à être entendus. Certaines personnes n'étaient pas disponibles aux dates qui ont été... Mais sachez que l'ordre des consultations a été établi en fonction des disponibilités de tous et chacun. Et c'est la commission qui l'a déterminé, là, ce n'est pas le gouvernement qui a accordé à certains préséance versus d'autres groupes. Au contraire, je pense que la secrétaire de la commission est allée en fonction des disponibilités de tout le monde, et certaines personnes étaient disponibles à ce temps-ci et d'autres étaient disponibles au mois d'août. Mais, bon, bref, ceci étant, tous ont droit d'être entendus, même si les opinions ne sont pas partagées. Et ce n'est pas parce que quelqu'un vient tenir un discours qu'on partage nécessairement le discours. Alors, là-dessus aussi, c'est important de le mentionner. Il y a des gens qui ont donné une interprétation au projet de loi qui n'est pas du tout la portée de ce que nous souhaitons faire.

• (16 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : M. Chikhi.

M. Chikhi (Ferid) : Oui. Vous savez, s'il y a une incompréhension de notre part, comme de la part de beaucoup de groupes, c'est que quelque chose manque dans cette équation de la définition du discours haineux. C'est quoi? Se référer tout le temps au jugement de la Cour suprême, on veut bien, nous sommes respectueux des lois, bien entendu, mais la cause, encore une fois, je dis, n'est pas la même. Vous avez trouvé... La Cour suprême, après enquête, a trouvé des pamphlets, un discours haineux envers, donc, des personnes bien déterminées. Aujourd'hui, on a le cyberespace. Qu'est-ce que vous pouvez faire quand le discours haineux est sur Internet? Actuellement, en ce moment, nous sommes dénoncés comme étant des athées, des gens qui ne croient pas en Dieu. Qu'est-ce que vous allez faire contre ça quand la loi sera adoptée? Est-ce qu'on a pris en considération cet aspect? Je ne pense pas, parce qu'on ne le voit pas dans le projet de loi, même dans l'exposé de présentation. Et c'est pour ça que nous disons : Ça serait mieux qu'au préalable tout ce schéma de lutte contre la radicalisation, de prévention contre les intégrismes... ça prendrait effectivement une autre conférence, peut-être, qui réunirait tout le monde, y compris ceux qui sont partisans du discours haineux, y compris les islamistes.

On est au Québec, on est au Canada, on est prêts à les écouter, à les confronter sur le plan des idées. Mais, de là à sortir avec une condamnation à mort, non pas ici mais en Algérie, ça, on dit : Attendez, il y a un problème qui se pose. Parce que nous, nous sommes ici, mais nos familles sont en Afrique du Nord. Le discours haineux, il est là. Tu fais quelque chose au Québec, au Canada, aujourd'hui on le dit en France et ailleurs, tu as ta famille là-bas, qu'est-ce que vous pouvez faire contre ça?

C'est pour ça qu'on dit, bon : Écoutez-nous, n'écoutez pas seulement ceux qui se prétendent être représentants des musulmans. Et puis je suis sunnite, je ne suis pas chiite, ma perception de l'islam et de la société n'est pas la même que celui qui vient d'Iran ou de celui qui vient de Syrie. Et, si on va dans la jurisprudence, on parle de charia, donc de la loi coranique, les applications ne sont pas les mêmes, même en Algérie, au Maroc, en Tunisie, et pourtant on est du même rite, on est tous malékites à 80 %, 90 %. Ce qui se passe dans les régions de Kabylie ne se passe pas dans les régions des Aurès ou sur les hauts plateaux ou dans le Sud. Ce n'est pas la même chose. Alors, on dit : Un peu d'attention, un peu de considération à la limite, ça serait le bienvenu pour la société québécoise et canadienne en général.

Le Président (M. Ouellette) : Pour vos derniers commentaires, Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, simplement vous remercier de votre présentation en commission parlementaire. Et l'objectif de la commission est justement d'écouter et de considérer ceux et celles qui ont regardé le projet de loi et qui ont à formuler des observations. Alors, quant à ça, bien, vous avez tout à fait joué votre rôle, et vous êtes venus nous porter votre message, et, pour ça, je vous en remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : ...M. le Président, je veux remercier l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité pour le courage qu'ils manifestent en venant ici aujourd'hui. Vous savez, on a entendu des juristes, on a entendu des groupes organisés, on a entendu toutes sortes de gens, mais je pense que vous êtes le témoignage le plus touchant, parce que vous nous parlez de vos familles, vous parlez de comment on vit avec la radicalisation.

L'objectif premier de cette loi, c'était d'être à l'intérieur d'un plan de lutte à la radicalisation, puis vous venez nous dire, et je cite : «Le projet de loi encourage la radicalisation.» Et ce sont des Nord-Africains musulmans qui viennent nous dire ça. Je pense que ce doit être entendu dans tout le Québec.

Puis il y a une autre phrase que je... un autre commentaire que je voulais vous dire avant qu'on fasse un échange. Quand il y a des actes terroristes, quand il y a des projets de loi comme ça, quand on se penche sur la radicalisation, il y a des gens qui disent : Mais ils sont où, les leaders musulmans, pour dénoncer? Bien, ils sont ici aujourd'hui. Ils sont ici aujourd'hui malgré, parfois, ce que vous nommez le danger pour les familles, malgré tout, et je veux vous en remercier. Nous sommes... Moi, vous voyez, je pense, ça se sent, on me connaît, je peux être facilement... je peux être très froide dans ma vie parlementaire, mais je suis émotive quand je suis véritablement touchée. Aujourd'hui, je le suis. Je veux vous remercier d'être là avec nous aujourd'hui.

J'aimerais ça que vous explicitiez un peu mieux comment ça peut être un outil, pour les islamistes, pour lutter contre les critiques de la radicalisation dans votre quotidien. Vous avez de la pression des islamistes dans le quotidien, dans votre environnement? Allez.

Le Président (M. Ouellette) : M. Chikhi ou M. Kaidi.

M. Chikhi (Ferid) : ...la pression des islamistes sur...

M. Kaidi (Ali) : Oui, en tant que citoyens qui connaissent bien ce phénomène-là, on le voit. On le voit, on le perçoit, et il y a des signes, entre parenthèses, ostentatoires de cet islamisme. Plus : ils se répercutent aussi sur nos enfants. Sur nos enfants, à l'école, dans les lieux publics, on ressent ça comme... pas comme une menace directe, mais comme un contrôle, un regard. C'est un contrôle social, un regard, quelqu'un qui parle sûr de... qui commente nos comportements, et ainsi de suite. Ce contrôle-là social, il existe, on le ressent. Nous, par rapport à notre expérience, on l'identifie, on sait ce que c'est. On sait ce que c'est, on sait son origine, on sait quelle est l'idéologie qui est derrière. Donc, ça, on le voit quotidiennement surtout, par exemple, à l'école, on voit ces choses-là.

Par exemple, ma fille, elle est restée pendant presque une semaine sans manger la mesure alimentaire, juste parce qu'il y a des enfants, des enfants qui appartiennent à la même communauté, entre parenthèses, qui lui disent que «tu es en principe musulmane, tu ne dois pas manger, là, par exemple, la gélatine» ou des choses qui ne sont pas, entre parenthèses, halal. Donc, elle est restée presque une semaine sans manger. Pourquoi elle subissait ce contrôle? C'est un contrôle social, ce n'est pas une menace, mais c'est des intimidations. Il a fallu qu'on intervienne auprès de l'école pour que ce problème soit réglé. Par la suite, ma fille, depuis, elle n'a pas accepté de prendre la mesure alimentaire, juste pour ne pas entendre les commentaires, pour ne pas être stigmatisée à l'école, mise à l'écart. Donc, ça, c'est un petit exemple qui concerne l'école.

Aussi, nous, en tant qu'adultes, oui, on sent ce contrôle, surtout nous qu'on a vécu plus de 30 ans dans un contexte culturel bien déterminé, on a rapporté le même contexte, on s'est retrouvés dans le même contexte, ça veut dire : le Québec ne nous a pas donné l'occasion de sortir de notre contexte d'origine, il nous a mis dans un contexte qui ressemble au contexte d'origine. Donc, ce qui fait qu'on est obligés de reproduire le même comportement, on reproduit le même comportement.

D'ailleurs, on peut expliquer même, par rapport au...

M. Chikhi (Ferid) : Au mariage forcé.

M. Kaidi (Ali) : ...au mariage forcé, lorsque... On dit que le mariage forcé concerne à peu près les immigrants. Pourquoi? Parce qu'on leur propose le même contexte que leur contexte d'origine. Lui, il s'est immigré en tant qu'individu avec sa femme, ou bien en tant qu'individu, il s'est retrouvé dans un contexte communautaire. Il a laissé sa communauté d'origine pour se retrouver dans une communauté d'emprunt, mais avec les mêmes contrôles, avec le même code, ce qui fait qu'il va reproduire... Si, par exemple, il tolérait les mariages forcés à l'origine, il va les tolérer aussi ici, parce que le même regard, le même contrôle le pousse à reproduire le même comportement.

Et, par rapport à ça, par exemple, la sélection pour venir ici. On demande : Est-ce que vous avez, par exemple, une personne d'accueil, ici, qui a un lien de parenté avec vous? Donc, c'est des liens primordiaux, donc un lien de parenté. On n'accepte pas quelqu'un qui n'appartient pas à notre communauté, on n'accepte pas quelqu'un qui n'appartient pas à notre famille. On accepte seulement celui qui a des liens de parenté avec nous pour, par exemple, qu'on soit accueilli par cette personne, et ça va additionner nos points pour la sélection au Canada. Donc, ce que je trouve, c'est un encouragement pour rester dans la communauté, parce que c'est la communauté qui nous a accueillis. Donc, on reste dans la communauté, on sera redevable à cette communauté, on ne sortira jamais des chaînes de cette communauté.

Mme Maltais : Si vous permettez...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

• (16 h 50) •

Mme Maltais : ... — merci — le mot clé, que me disait mon collègue de Bourget, qui a vécu aussi la transposition dans un autre pays — on l'a accueilli avec bonheur ici et même à nos côtés — le mot clé, c'est le «contrôle», c'est ce que lui me disait, là, dans votre discours. Ça, on l'a déjà dit : Nous, on est contre le multiculturalisme. On croit à l'interculturalisme, parce qu'il ne faut surtout pas n'être qu'un assemblage de communautés, il faut être tous ensemble, tout ensemble, des Québécois.

Et là-dessus vous êtes pour la laïcité. Des signaux, est-ce que vous auriez besoin de signaux forts comme, mettons, le fait que la laïcité soit incluse dans la charte? La séparation entre l'Église et l'État, fortement, est-ce que, pour vous, ça pourrait envoyer des signaux? Ou quel type de signaux autres que cette loi que vous décriez, vous aussi, pourrait être envoyé pour essayer de briser ce cercle que j'appellerais le cercle du contrôle de la communauté?

Le Président (M. Ouellette) : M. Kaidi.

M. Chikhi (Ferid) : Vous savez...

Le Président (M. Ouellette) : Ou M. Chikhi.

M. Chikhi (Ferid) : ...oui, un signal fort serait effectivement la laïcité, mais une laïcité, bien entendu, qui ne fait pas de compromis. Nous avons lutté dans nos pays d'origine pour la laïcité, justement contre l'islam politique. Alors, quand on débarque au Québec, au Canada, et qu'on nous dit : Votre quartier, c'est celui-là, vous allez vous retrouver avec votre communauté, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas en matière de liberté, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

Si on n'était pas adultes, si on n'avait pas lutté contre l'intégrisme en Algérie, si on était venus à l'âge de 30 ans, comme le font aujourd'hui les jeunes qui arrivent... Les nouveaux immigrants qui ont vécu non pas l'intégrisme, mais l'après-intégrisme, qui vivent l'islam politique en Algérie, ils vont directement dans les quartiers islamistes parce qu'ils sont pris en charge en Algérie, au Maroc, en Tunisie, et on leur donne les adresses qu'il faut pour venir ici. Ils sont pris en charge totalement. Nous, on a échappé à cela, pourquoi? Parce qu'on était militants actifs contre l'islam politique.

Alors, oui, ça serait un signal très fort. Nous le disons depuis la commission Bouchard et nous l'avons redit pour le projet de loi n° 60, nous le disons encore aujourd'hui : Il faut un signal fort et rapide. Il ne faudrait pas attendre encore deux ans, trois ans, parce que ça va être pire. Ça va être pire dans deux, trois ans. Et, avant que le programme gouvernemental en matière de lutte contre la radicalisation ne sera mis en place, il va y avoir de l'eau qui va couler sous les ponts. Et les islamistes sont déjà là, et je ne parle pas islamistes gentils, BCBG, hein, comme ceux qu'on voit ici de temps en temps, mais je parle des radicaux.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci de ces précisions. Effectivement, inscrire la laïcité et ne pas donner d'outils, dont ils rêvent, aux islamistes, comme cette partie I de la loi.

Votre mémoire, en page 14, est assez sévère sur les groupes autoproclamés représentants de la communauté. Puisqu'on est dans cette idée de la communauté, j'aimerais ça que vous m'en parliez. Vous dites des choses comme : «Pourquoi, dans son plan de lutte contre la radicalisation, le gouvernement a-t-il décidé de s'entourer de représentants de la communauté musulmane — entre guillemets — issus de cette seconde catégorie qui a choisi cette position victimaire?» Vous parlez des prédicateurs.

«Nous considérons que la lutte contre le discours haineux, ses causes en amont et ses effets en aval ne saurait se suffire de la seule organisation ou du seul contact avec des leaders autoproclamés de groupes de citoyens désignés sur la base de leurs confessions.»

Vous parlez probablement, là, du comité qui a été mis en place, peut-être, par le gouvernement, avec prise de photos, avec... et tout. Est-ce que vous voulez dire qu'il n'y a pas d'autres représentants de la communauté musulmane que ceux-là qui ont été approchés? Vous n'avez pas été approchés, les groupes laïques n'ont pas été approchés?

Le Président (M. Ouellette) : M. Kaidi, il nous reste deux petites minutes.

M. Kaidi (Ali) : Oui. Par rapport à cette image, c'est-à-dire la photo qui est montrée, le groupe que... les représentants de groupes qui ont participé à cette rencontre, juste après les scènes de violence qu'on a connues ici, au Québec, l'image que donne, pour nous qui appartiennent à la même culture que ceux qui sont autoproclamés en tant que représentants... on croit que le référent islamique, c'est : une carte gagnante qui peut être acceptée partout dans les institutions de l'État québécois. Ça veut dire : Si je m'identifie en tant que musulman, je peux être reçu. Mais, si je n'ai pas ce référent islamique ostentatoire, personne ne va m'écouter, personne ne va me voir, et ce que nous, nous dénonçons.

Et, en quelque sorte, ça m'a choqué lorsque, par exemple, un représentant qui représentait une association qui dénonçait l'islamophobie, il était boudé ici, mais on lui a donné pas mal de parole avant. Je ne voyais pas pourquoi il est boudé au sein d'un Parlement qui est censé... on y a un échange, pourtant qu'on le rencontrait avant d'une façon normale, et sans filet, et sans hésitation.

Mme Maltais : Vous rejoignez beaucoup notre ex-collègue Fatima Houda-Pepin qui dit que le danger, c'est de donner de la notoriété et de la crédibilité à des organisations qui ne sont pas les vrais représentants de la... En fait, il n'y a pas de représentant, comme dans la religion catholique ou de... officiel d'une communauté musulmane, puisque c'est une religion qui ne reconnaît pas de représentant, si j'ai bien compris.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Taschereau. Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Merci beaucoup. Et, tout comme ma collègue, je salue le courage que vous avez de venir nous parler du fait que vous avez quitté un pays pour des raisons où il y avait de la radicalisation, et on se retrouve un peu à parler de ça avec ce projet de loi là.

Dans votre résumé, vous parlez de «prédicateurs islamistes qui prônent le djihad armé ici même, dans des écoles, des mosquées, des centres communautaires du Québec et des espaces apprenants mobiles». C'est inquiétant de lire ça. Est-ce qu'on a raison de s'inquiéter? Êtes-vous inquiets de ce qui s'installe, tranquillement pas vite, au Québec?

Le Président (M. Ouellette) : M. Chikhi.

M. Chikhi (Ferid) : Mais, oui, écoutez, nous sommes inquiets. Et je vais continuer dans la lancée de ce que Mme Agnès Maltais nous disait au sujet des représentants autoproclamés. On est à l'ère de la technologie de l'information. Je vous garantis que 60 % de ces personnes qui se sont autoproclamées représentants de la communauté musulmane ne savent même pas utiliser un ordinateur. Par contre, les jeunes, aujourd'hui, sont tous sur des mobiles, sur des iPhone. C'est là, c'est là que se trouve le danger, ce n'est pas seulement dans les mosquées. Les réseaux ont créé des réseaux. Bien, oui, ça se fait à travers le iPhone, ça se fait à travers Internet. Alors, oui, il y a lieu de s'inquiéter, parce que les informations ne sont pas seulement colligées ici, au Québec, elles sont colligées à travers le monde. Ce qui se passe en Syrie, c'est en temps réel qu'on le voit ici, dans les quartiers communautaires musulmans, c'est en temps réel.

Alors, oui, le danger est là, parce que ça va très vite. C'est pour ça que je disais : Deux ans, trois ans avant que le plan antiradicalisation ne se mette en place, on serait encore en retard d'une guerre. Je parle de terme de guerre parce qu'on ne voudrait pas que ça se passe, on voudrait prévenir cela. Nous avons, la communauté algérienne en particulier a une expérience du vécu anti-islamiste. Alors, si on ne fait pas appel à ces gens-là, bien, oui, je suis désolé, le danger est déjà à l'intérieur de la maison.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Repentigny.

Mme Lavallée : Merci. Dans votre texte, vous parlez qu'on ne doit pas imposer des lois adoptées dans de la précipitation et vous reparlez un peu plus loin que la lutte contre la radicalisation, le terrorisme, les discours haineux ne peuvent légitimer l'urgence de l'adoption des textes législatifs. Avez-vous l'impression qu'actuellement, avec le projet de loi qui a été déposé, il y a un manque, peut-être, de réflexion, et on ne voit pas cette réalité-là, on n'est pas assez conscients de cette réalité-là qui est présente actuellement?

Le Président (M. Ouellette) : M. Kaidi.

• (17 heures) •

M. Kaidi (Ali) : Nous, on favorise surtout l'éducation. Donc, on voit, la prévention passe nécessairement par l'éducation. Donc, comment elle doit passer par l'éducation? Surtout par l'école, l'école et les paliers de l'école primaire, secondaire jusqu'au cégep. Ça, si on apprend à nos enfants comment avoir un esprit critique vis-à-vis du dogme, vis-à-vis des idées établies, ça, ça va, en quelque sorte, les munir des outils avec lesquels ils peuvent déconstruire un discours qui peut les emmener vers la radicalisation et vers l'action. Ça, c'est le premier point.

Le deuxième point, aussi la séparation entre le religieux et le politique. Parce que, dans la radicalisation, ce qui est condamnable, c'est l'action. C'est l'action qui est condamnable. Selon la réflexion, on peut réfléchir sans passer à l'action. C'est toléré, ça fait partie de la liberté d'expression. Mais qu'est-ce qui donne à l'intégrisme ou bien au dogmatisme de l'action? C'est la dimension politique, c'est la dimension politique. Donc, lorsqu'on met une séparation à l'école, une vraie séparation à l'école entre le religieux et le politique... ce qui ne se fait pas avec le cours Éthique et culture religieuse. Il y a de la confusion à l'intérieur, ça ne prépare pas l'enfant à avoir un esprit critique. C'est possible au cégep avec la philosophie, oui. Ça, ça va munir l'élève ou bien l'enfant avec des outils de critique et qui peuvent lui permettre de déconstruire un discours qui peut le mener vers l'action violente.

Donc, la séparation, il faut que ça soit une séparation institutionnelle, mais aussi culturelle... et aussi culturelle. Il faut qu'ils apprennent, nos enfants, que la laïcité est un moyen pour construire un vivre-ensemble dans la paix et dans la tolérance. Il faut que ça soit culturel. Il ne faut pas que ça soit institutionnel, avec des lois, on oblige, mais il faut que nos enfants soient éduqués dans ce sens, pas dans un sens dogmatique, dans la laïcisation, laïcisme, mais au moins dans la laïcisation qui propose un terrain bien propice pour la tolérance, parce que la tolérance sans laïcité... Il ne peut pas y avoir de tolérance sans laïcité. Donc, la laïcité, pour moi, elle est primordiale, soit à l'école ou bien aux institutions gouvernementales.

Le Président (M. Ouellette) : Vous aviez un commentaire additionnel, M. Chikhi?

M. Chikhi (Ferid) : Juste un commentaire complémentaire final mais qui, en réalité, vient en amont. Il faut choisir les interlocuteurs selon des profils bien déterminés. Ce n'est pas parce que je suis une barbe... que je porte une barbe que je suis musulman intégriste. C'est ça, le problème. Ce n'est pas parce que je porte une barbe... ou que je porte un voile, si j'étais une femme, que je suis forcément pieuse et musulmane. Il y en a qui sont militants actifs, c'est des brigades d'ensemble qui sont ici, au Québec, pour islamiser le Québec. Et ils ne réussiront pas, c'est sûr, parce qu'il faut qu'ils passent d'abord sur nos corps. On l'a fait ici... en Algérie, on le fera ici, au Québec. Il faudrait d'abord qu'ils nous évitent, mais ils ne pourront pas nous éviter.

Le Président (M. Ouellette) : Dernier commentaire.

M. Chikhi (Ferid) : Mais, avec votre aide, avec votre soutien, avec votre écoute, oui, on pourra changer les choses au Québec et on pourra prévenir des choses beaucoup plus graves. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Un dernier commentaire, Mme la députée de Repentigny?

Mme Lavallée : On a terminé?

Le Président (M. Ouellette) : Vous avez... il vous reste une minute, une grosse minute.

Mme Lavallée : Ah mon Dieu! J'avais plein de questions, désolée.

Une voix : Pas de problème.

Mme Lavallée : Si le projet de loi n° 59 s'attaquait directement à l'intégrisme religieux et l'endoctrinement idéologique, comme nous croyions qu'il allait le faire, le gouvernement, est-ce que vous croyez que le projet de loi serait plus acceptable ou non?

Le Président (M. Ouellette) : M. Kaidi.

M. Kaidi (Ali) : Si l'on bloque toutes les religions, c'est possible. Si on s'attaque aux radicalisations... qui a son origine religieuse, oui, c'est possible qu'il peut être acceptable, parce que, du moment... Aujourd'hui, le contexte... On parle d'islamisme, mais ça peut changer, le contexte, on peut parler d'autres sectes religieuses et sûrement on va... Il va y avoir, dans ce sens, des sectes qui vont passer... elles ont déjà passé à l'action ici, en Amérique du Nord, hein?

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Kaidi et M. Chikhi, représentants de l'Association québécoise des Nord-Africains pour la laïcité, de votre contribution aux travaux de la commission.

Nous allons suspendre nos travaux quelques instants. J'inviterais MM. Blanchet-Gravel, Simard et Verreault à prendre place, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 4)

(Reprise à 17 h 7)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. MM Simard et Blanchet-Gravel... Je pense que, M. Simard, c'est vous qui allez prendre la parole en premier, juste pour les besoins de l'audio, parce que nos gens à l'audio nous encouragent à faire identifier les gens pour les besoins de l'audio ou pour la transcription. Donc, vous savez que vous avez 10 minutes pour prendre la parole, je vais vous laisser vous présenter et présenter la personne qui vous accompagne.

MM. Jérôme Blanchet-Gravel,
Claude Simard et Claude Verreault

M. Simard (Claude) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM et Mmes les députés, merci de nous avoir reçus pour que nous puissions vous présenter notre avis sur le projet de loi n° 59.

Je m'appelle Claude Simard, je suis professeur retraité de l'Université Laval. Mon collègue Jérôme Blanchet-Gravel est étudiant au doctorat en sciences des religions de mon université. M. Verreault devait venir, mais il a été retenu pour des raisons de santé, il s'excuse de ne pas être présent.

Nous sommes ici à titre de simples citoyens, nous ne représentons aucune association. Notre mémoire se limite à la première partie du projet de loi n° 59 concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, partie que nous aborderons principalement sous l'angle de la religion.

D'entrée de jeu, nous voulons exprimer notre profond désaccord face à ce projet de loi. À l'instar de la majorité des commentateurs qui se sont exprimés aussi bien devant cette commission que dans les médias, nous considérons que le projet de loi n° 59 risque d'entraver dangereusement la liberté d'expression au Québec. En matière religieuse, si ce projet de loi était adopté, la Commission des droits de la personne se transformerait en un tribunal de la bonne conscience, rappelant celui de l'Inquisition.

La libre communication des idées et des opinions est la première liberté fondamentale dont dépend l'exercice de toutes les autres libertés. Elle est la base de la démocratie. C'est d'ailleurs le premier droit que les régimes totalitaires ou théocratiques s'empressent d'abolir. Pour qu'elle prenne tout son sens et qu'elle soit pleinement effective, la liberté d'expression doit être la plus large possible et ne doit être limitée que dans des cas extrêmes. Elle doit toucher tous les sujets sans qu'aucun ne soit tabou. Elle doit soulever la polémique et provoquer la contestation, au risque de choquer. La liberté d'opinion peut même braver les convenances et la bienséance, comme en témoigne la littérature satyrique et pamphlétaire.

• (17 h 10) •

Sur le plan religieux, la liberté d'expression est liée au droit au blasphème, c'est-à-dire au droit de critiquer les religions, leurs dogmes et leurs pratiques. Les religions peuvent et doivent être critiquées, d'autant que les croyances religieuses sont fondées sur l'irrationnel. Le projet de loi n° 59 va à l'encontre du droit au blasphème, car il reprend certaines résolutions adoptées par des instances des Nations unies sous l'influence de l'Organisation de la coopération islamique. Afin de réprimer toute critique de l'islam, les pays musulmans membres de cette association essaient sans relâche de faire établir à l'échelle mondiale le délit de blasphème, qu'ils camouflent sous l'euphémisme de diffamation des religions. Au fil du temps, on est passé subrepticement de délit de blasphème à diffamation des religions, selon la terminologie de l'Organisation de la coopération islamique, puis à discours haineux contre la religion, selon la terminologie du projet n° 59.

Les États musulmans se distinguent par leur hostilité à toute contestation de l'islam et de son fondateur, le prophète Mahomet. Ils disposent de lois sévères qui pénalisent la critique de leur religion, sa dérision. Les sanctions varient de l'emprisonnement à la peine de mort. C'est pour avoir tenu des propos jugés blasphématoires que le blogueur saoudien Raif Badawi a été condamné à 1 000 coups de fouet et à 10 ans d'emprisonnement, et ce sont de simples caricatures de Mahomet qui ont été à l'origine du massacre de Charlie Hebdo.

Dans les pays occidentaux comme le nôtre, les militants musulmans, afin d'empêcher la critique de leur religion, brandissent le terme d'islamophobie comme une marque de racisme, alors que ce mot désigne proprement la crainte et le rejet de l'islam en tant que religion. C'est ce qui explique qu'une personne soit accusée de racisme dès qu'elle remet en cause les dogmes et les pratiques de l'islam. Le projet de loi n° 59 accentuera cette chasse arbitraire à la critique de l'islam et contribuera à donner une sorte d'immunité à cette religion pourtant si rétrograde, notamment sur le plan de l'égalité hommes-femmes et sur celui de la séparation de l'État et de la religion. Je passe la parole maintenant à mon collègue.

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Dans notre mémoire écrit, nous avons souligné huit principaux défauts du projet de loi n° 59, mais, compte tenu du temps limité dont nous disposons aujourd'hui, nous en mentionnerons seulement quatre dans cette présentation orale.

Premièrement, le projet de loi n° 59 propose un régime judiciaire axé sur l'humiliation en prévoyant la publication d'une liste des contrevenants. L'opprobre social qui sera attaché à cette liste de la honte risquera d'empoisonner la vie de ceux et celles dont les noms y seront inscrits et même de ruiner leur carrière. Comment peut-on justifier en 2015 ce genre de mesure d'humiliation qui nous ramène tout droit au puritanisme d'antan, à l'époque de la liste noire de Séraphin?

Deuxièmement, en incitant les gens à dénoncer les autres, le projet de loi n° 59 instaurera une culture de la délation où les citoyens n'oseront plus discuter de sujets controversés. La crainte d'être poursuivis pour des propos susceptibles d'être perçus comme offensants les incitera à brider leur liberté d'expression. Le climat de méfiance généralisée qu'entraînera cette culture de la délation favorisera la mise en place d'une société conformiste où les gens, dans la crainte du jugement des autres, s'efforceront de penser et de se comporter servilement d'après les conventions de l'ordre établi. Le projet de loi n° 59 renforcera, en fait, le règne de la bien-pensance plutôt que d'enrayer les discours et les actes agressifs. Voulons-nous vraiment que le Québec devienne une société conformiste et suspicieuse comme à l'époque du soviétisme?

Troisièmement, le projet de loi n° 59 consolidera le traitement de faveur déjà consenti aux religions par le Code criminel du Canada, dont l'article 319, paragraphe 3b, garantit l'impunité aux croyants pour tout propos haineux qu'ils tiendraient sur la base de leurs convictions religieuses. Ce projet de loi sera donc foncièrement injuste envers les non-croyants. Sur le plan de la foi, le seul motif de discrimination retenu explicitement dans la Charte des droits et libertés de la personne est la religion. L'incroyance n'y étant pas reconnue comme telle, les droits des personnes qui n'ont aucune conviction religieuse ne pourront pas être défendus par la commission. Pourtant, les incroyants peuvent, eux aussi, être l'objet de haine ou de violence de la part d'adeptes d'une confession donnée, hein, ça va de soi. Or, la liberté de religion implique non seulement le droit de croire, mais aussi celui de ne pas croire, non seulement le droit de choisir et de pratiquer une religion, mais aussi celui de n'en choisir ni de n'en pratiquer aucune.

Comment la Commission des droits de la personne pourra-t-elle inculper des croyants qui auraient exprimé des propos haineux ou incitant à la violence, alors que le Code criminel du Canada leur garantit l'immunité? Ne risque-t-on pas de maintenir deux catégories de citoyens devant la loi?

Quatrièmement, le projet de loi n° 59 a été présenté comme faisant partie d'un ensemble de mesures visant à prévenir la radicalisation. Le gouvernement parle souvent de radicalisation mais sans jamais en préciser la nature. La radicalisation qui sévit aujourd'hui, ici comme ailleurs, émane du fondamentalisme islamique. La très grande majorité des actes de terrorisme qui ensanglantent le monde actuellement sont commis par des fanatiques musulmans qui, au nom d'Allah, mènent la guerre sainte, le djihad, dans le but d'imposer l'islam à toute l'humanité. Pour enrayer cette radicalisation, il vaudrait mieux cibler ce courant en tant que tel, en cerner les fondements idéologiques et en débusquer les différents rouages plutôt que de chercher à entraver la liberté d'expression.

Pourquoi n'identifie-t-on pas clairement le radicalisme islamique et pourquoi refuse-t-on de le nommer? L'islam serait-il devenu un sujet si tabou que toute critique à son endroit doit être forcément vue comme discriminatoire?

En conclusion, si le projet de loi n° 59 vise réellement l'éradication des discours haineux et incitant à la violence, un incroyant pourra-t-il compter sur la Commission des droits de la personne pour faire interdire les centaines de versets du Coran aussi violents que ceux-ci, et je cite, sourate 4, verset 34 : «Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu'Allah [leur accorde sur elles]. [...]quant à celles dont vous craignez la désobéissance, [réprimandez-les], éloignez-vous d'elles dans leurs lits et frappez-les»? Et je cite, sourate 5, verset 33 : «La [punition] de ceux qui font la guerre contre Allah et son messager[...], c'est qu'ils soient tués, ou crucifiés, ou que soient coupées leur main et leur jambe[...], ou qu'ils soient expulsés du pays.»

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel, probablement que, lors des échanges avec les parlementaires, vous pouvez finir votre conclusion. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, messieurs, merci, merci de votre présentation. Je comprends que vous avez élaboré davantage sur la lettre que vous aviez publiée au début du mois de juin... ou à la mi-juin, pardon, dans, je crois, une lettre d'opinion que vous avez publiée. Dans le fond, votre mémoire reprend en gros les préoccupations que vous avez soulevées à ce moment-là.

Le projet de loi... Je tiens à dire une chose et à vous dire, je l'ai dit à d'autres groupes, je l'ai répété... Et je dois vous confirmer que, lorsqu'à la page 7 vous dites : «La religion peut et doit être critiquée», je suis tout à fait d'accord avec vous. Le projet de loi ne vise pas à sanctionner la critique de la religion, pas du tout, pas du tout. Et il ne vise pas, d'aucune façon, à sanctionner, par exemple, le discours qu'un non-croyant pourrait tenir à l'égard d'une religion, peu importe la religion.

En fait, le projet de loi vise à sanctionner le discours haineux. Il n'est pas défini dans le projet de loi, j'en consens, mais... parce que, la réponse, la définition de discours haineux, on la retrouve dans la jurisprudence. Donc, on n'a pas fait de l'improvisation juridique, là, on a quand même... on est partis d'un concept qui a été défini par la jurisprudence dans l'affaire Whatcott, mais également dans l'affaire Taylor. Je comprends qu'il y a certains groupes qui étaient intervenus en Cour suprême pour dénoncer, à ce moment-là, les dispositions qui portaient sur le discours haineux en Saskatchewan, mais la Cour suprême, nonobstant les représentations qui ont été faites à l'époque, bien, il y a deux ans de ça, a jugé que les propos extrêmes, des propos qui incitent à dénigrer, à haïr un groupe, qui exposent ce groupe-là à la haine, ne pouvaient être tolérés dans une société libre et démocratique, parce que les conséquences de ces propos-là sur les groupes étaient telles qu'il fallait venir baliser ce type de discours là. Et c'est ce discours-là qui est prévu, qui est visé par le projet de loi, et également le discours qui incite à la violence.

Donc, si je comprends vos propos, puis je veux juste vérifier, le discours incitant à la violence ne devrait pas non plus être banni, ne devrait pas être encadré. Est-ce exact?

• (17 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard.

M. Simard (Claude) : J'ai dit, madame, que la liberté d'expression devait être non pas encadrée, mais elle devait permettre à l'ensemble des citoyens de s'exprimer sur différents sujets. Voilà. C'est une liberté qui ne suppose aucune limite, sauf dans des cas extrêmes. Par exemple, on peut penser que l'incitation à la violence, l'incitation au meurtre fait partie des limites de la liberté d'expression. Encore faut-il savoir ce qu'est vraiment des discours incitant à la violence ou encore au meurtre, au génocide, etc. Je suis d'accord avec vous pour dire que, dans une société démocratique, on ne peut pas permettre, par exemple, que des gens incitent les autres à tuer les citoyens. Je suis parfaitement d'accord avec ça.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Lorsqu'on parle d'incitation à la violence, on ne parle pas que de meurtre, on parle de violence sous toutes ses formes, et la...

M. Simard (Claude) : On parle de violence, on peut parler d'atteinte à la personne physique, etc.

Mme Vallée : ...et la Cour suprême a clairement indiqué que, dans le cas des discours incitant à la violence, on ne pouvait invoquer la liberté d'expression pour justifier un discours incitant à la violence. Ça, la Cour suprême a été claire là-dessus. Nous vivons quand même dans une société de droit.

M. Simard (Claude) : Mais, madame, justement, si déjà, dans notre système juridique, on a des mesures qui permettent, justement, d'encadrer la liberté d'expression et de contenir les discours qui pourraient inciter à la violence, je ne vois pas pourquoi vous présentez ce projet de loi. C'est comme si vous vouliez présenter un autre projet de loi qui va répéter un peu déjà les défenses et protections que nous avons au niveau fédéral, dans le Code criminel du Canada. Pourquoi insister là-dessus? C'est ça que je ne comprends pas. Pourquoi le Code criminel ne pourra pas suffire pour, justement, encadrer, contenir ces propos incitant à la violence?

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, ce que le projet de loi prévoit, ce sont des dispositions de nature civile pour venir agir en amont, pour venir prévenir. Donc, le processus au niveau civil n'est pas soumis à la même évaluation, notamment, qu'un dossier qui sera soumis au processus criminel. Donc, les dispositions du Code criminel sont appliquées lorsqu'un discours a été tenu et sont appliquées de façon à sanctionner la tenue de ces discours-là, et là la preuve doit être faite hors de tout doute raisonnable, comme le prévoit notre droit criminel.

Maintenant, les dispositions... Ce que nous proposons, c'est de donner un cadre à l'intérieur de notre droit civil pour permettre notamment de prévenir et aussi que cesse d'intervenir... pour que cesse la diffusion, par exemple, d'un discours qui incite à la violence, la diffusion d'un discours qui comporte des propos haineux tels que définis par la Cour suprême. Alors, c'est...

M. Simard (Claude) : Bon, j'ai bien compris, madame.

Mme Vallée : Alors, c'est vraiment cette distinction-là...

M. Simard (Claude) : Oui, j'ai compris que vous vouliez...

Le Président (M. Ouellette) : Ne bougez pas, M. Simard.

M. Simard (Claude) : ...que des dispositions soient du côté du Code civil pour compléter les dispositions déjà contenues dans le Code criminel. J'ai bien compris ça, vous l'avez expliqué plusieurs fois. Mais je vais vous poser une question très directement, madame. Nous avons lu deux versets du Coran qui incitent explicitement à la violence : Battez vos femmes si vous les soupçonnez de désobéissance; crucifiez, coupez les mains, coupez les jambes, tuez ceux qui combattent Allah, c'est-à-dire ceux qui combattent l'islam. Est-ce qu'à partir de ce projet de loi on pourrait interdire ces passages violents du Coran — je vous le dis, je connais très bien le Coran, je l'ai lu dans trois traductions différentes — qui sont légion? Répondez à ma question, madame : Est-ce que, oui, vous allez interdire ce genre de propos violents issus de la religion?

Le Président (M. Ouellette) : Vous le savez, M. Simard, et là je n'interviens pas tellement souvent là-dessus, c'est... vous parlez à la présidence. On est ici pour connaître votre opinion sur le projet de loi n° 59, et c'est un échange avec la présidence. Donc, je vous redonne la parole, Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, merci...

M. Simard (Claude) : Donc, ce que je veux... Je voudrais comprendre, M. le Président. C'est-à-dire que moi, je ne peux pas poser de questions, il faut que je reçoive des questions, c'est ça?

Le Président (M. Ouellette) : Non. Ce que je vous dis, c'est qu'on est ici pour entendre vos commentaires par rapport au projet de loi n° 59. Vous pouvez effectivement vous poser la question et me poser la question, et Mme la ministre, dans ses commentaires et dans l'échange qu'elle a avec vous, pourra effectivement élaborer sur votre questionnement, M. Simard, à l'endroit de la présidence. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Je vais aborder un autre enjeu et... Puis là je vois que la députée de Taschereau rit. Ce n'est pas drôle. On essaie d'avoir des échanges constructifs.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Vous préjugez dans votre mémoire que la Commission des droits de la personne... ou vous vous questionnez sur la possibilité de la commission des droits de la personne et de la jeunesse de ne pas arriver à trouver un équilibre entre ce qui peut être dit au nom de la liberté d'expression et l'interdiction de tenir un discours haineux ou un discours qui incite à la violence. Parce que nous, nous avons, dans le projet de loi, accordé à la commission des droits de la personne et de la jeunesse ces pouvoirs-là justement parce que la commission, elle est gardienne des droits et libertés qui sont prévus à notre charte des droits, et donc elle est également gardienne de la liberté d'expression. Pour nous, c'était important que, justement, l'arbitraire ne vienne pas exclusivement de celui ou celle qui amenait une dénonciation, mais que cet équilibre-là puisse, lors de l'évaluation du dossier, être fait par un organisme qui, déjà, a dans son mandat à assurer le respect des droits et libertés. Qu'est-ce qui vous amène à questionner la capacité pour la commission d'établir cet équilibre entre la liberté d'expression et les propos qui pourraient être tenus?

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Bien, écoutez, on est inquiets, c'est clair, on est très inquiets. D'abord, il n'y a pas de définition claire, on l'a dit je ne sais pas combien de fois dans cette assemblée, il n'y a pas de définition claire de discours haineux et discours incitant à la violence. C'est un projet qui va à l'encontre du libéralisme social, je veux dire... Et je vous relance un peu la question, c'est-à-dire que comment expliquer que tant de groupes se sont opposés au projet, ont vu dans ce projet une loi essentiellement liberticide. Si vous prétendez que ce projet de loi ne vise pas à limiter la liberté d'expression, ce n'est pas un peu paradoxal? C'est-à-dire que, si vos intentions sont de ne pas limiter la liberté d'expression, bien, force est de constater que vous vous apprêtez à échouer. Je me fais comprendre?

Mme Vallée : En fait, ma question était simple : Qu'est-ce qui vous fait douter de la capacité de la Commission des droits de la personne d'intervenir dans ces dossiers-là?

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard.

M. Simard (Claude) : Madame, je ne vois pas exactement dans notre mémoire de passage qui évoque ce que vous venez de dire. Nous n'avons jamais douté de la capacité de la commission de se prononcer sur les droits fondamentaux. Nous n'avons jamais écrit ça. Nous n'avons pas écrit ça dans notre mémoire écrit et nous n'avons pas dit ça dans notre mémoire oral. Je veux dire, là je ne vois pas sur quoi vous vous fondez pour avancer ça.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

• (17 h 30) •

Mme Vallée : En fait, M. le Président, dans le mémoire, lorsqu'on se préoccupe, notamment, du fait que les droits et libertés de la personne seront protégés, notamment la liberté d'expression... On doute que la liberté d'expression sera protégée. On affuble le projet de loi du qualificatif de «liberticide», alors que le projet de loi vise notamment à donner à la Commission des droits de la personne le pouvoir d'enquêter et d'apprécier s'il s'agit effectivement d'un discours haineux tel que prévu par la jurisprudence. Parce qu'on a quand même Whatcott, on a quand même l'affaire Taylor, on a aussi, quand même, l'affaire Khawaja qui, devant la Cour suprême, ont clairement indiqué qu'il y avait, dans une société libre et démocratique, des discours, dont les discours incitant à la violence, qui ne pouvaient être tolérés au nom de la liberté d'expression. Ça, c'est la Cour suprême qui nous enseigne ça. Et, fort de ces enseignements-là, on prévoit un processus civil pour encadrer la tenue de tels discours.

Mais vous soulevez un certain nombre de préoccupations, et donc on peut en déduire que vous doutez de la capacité de la commission des droits de la personne et de la jeunesse de pouvoir trouver ce juste équilibre là entre la liberté d'expression et la protection qu'on doit accorder aux personnes à l'encontre d'un discours qui incite à la violence ou à l'encontre d'un discours haineux. Et donc je me questionnais à savoir pourquoi, d'où vient cette préoccupation-là, puisque la Commission des droits de la personne, actuellement, est chargée de déterminer et est chargée d'apprécier un certain nombre de dossiers de discrimination qui portent justement sur des questions fort similaires. Alors, je pense que c'est une question qui est tout à fait à propos et qui est pertinente dans le contexte de votre présentation.

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Oui, je comprends bien votre question. C'est-à-dire qu'on ne doute pas du tout des compétences de la commission, elle est très compétente, on s'inquiète du mandat qu'on va lui octroyer. On pense que ce mandat-là, du gouvernement, va trop loin, et qu'il va encadrer beaucoup trop sévèrement, et qu'il n'y aura pas suffisamment d'espace pour la liberté d'expression. Mais, encore une fois, on ne doute pas des compétences comme telles de cette commission.

M. Simard (Claude) : Est-ce que je peux rajouter quelque chose, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard, oui, vous pouvez... en commentaire additionnel.

M. Simard (Claude) : Regardez, je crois que... Mme la ministre, je crois que vous avez de très bonnes intentions, j'y crois sincèrement. Je crois à votre honnêteté intellectuelle, c'est-à-dire que vous nous dites constamment que vous ne voulez pas brimer la liberté d'expression, que c'est un projet de loi qui vise à contenir... qu'à réprimer les discours haineux incitant à la violence. Oui, mais votre argumentaire est toujours au niveau des intentions.

Nous, ce que nous regardons, c'est le projet de loi, c'est le projet de loi qui, s'il est adopté, aura force de loi. Et, quand les juges auront à établir leurs jugements en fonction des dispositions législatives, là, contenues dans votre projet de loi, ils vont se référer non pas à vos intentions, ils vont se référer au texte de loi, vous comprenez? Je pense que vous le comprenez, vous êtes avocate et vous êtes ministre de la Justice. C'est-à-dire qu'on ne doute pas de vos intentions. On espère que le gouvernement a des intentions louables qui vont favoriser la démocratie, mais ce que nous vous disons, c'est que les mesures concrètes qui sont dans le projet de loi donnent un mandat démesuré avec des mesures qui risquent d'entraver la liberté d'expression.

Il faut toujours distinguer les intentions du législateur et les mesures prises par le législateur pour atteindre ces objectifs. Et nous, nous nous situons au niveau des moyens concrets que nous lisons dans votre projet de loi et nous disons : Attention! Il y a des mesures qui vont entraver la liberté d'expression, comme la publication d'une liste de la honte, comme l'anonymat... on n'a pas parlé de l'anonymat, mais les plaintes vont être faites de façon anonyme, ce qui va bien sûr déresponsabiliser les plaignants. Vous avez parlé... On nous a parlé aussi de la délation, c'est-à-dire qu'on va, hein, accuser telle personne parce qu'elle ne pense pas comme nous. Je veux dire, il y a des risques énormes par rapport aux mesures que vous prenez dans votre projet de loi.

Distinguez bien, je vous en prie, madame, vos intentions et les mesures concrètes qui sont présentées dans votre projet de loi. Nous n'avons rien contre vos intentions, nous savons que vous avez de bonnes intentions, Mme la ministre, nous en sommes persuadés que vous êtes une démocrate comme nous, mais nous vous disons : Attention — comme l'a dit Jérôme — au mandat et au pouvoir que vous donnez par ce projet de loi à la Commission des droits de la personne. Voilà ce que nous voulons vous dire, madame.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Vous faites référence à la question de la liste, et, comme je l'ai mentionné, on a entendu notamment les représentants de la ville de Montréal qui disaient : Ce n'est pas d'utilité pour nous. Parce que l'objectif, bien honnêtement, c'était de permettre de... un outil de consultation, notamment pour les municipalités qui, parfois, sont appelées très rapidement à prendre des décisions quant à la location des salles à des groupes. La ville de Montréal nous dit : Les jugements du Tribunal des droits de la personne et de la jeunesse sont publiés. Pour nous, c'est suffisant. Donc, évidemment... Et d'autres intervenants nous ont dit la même chose. Alors, là-dessus, je pense qu'il y a quand même une unanimité. L'objectif, comme je vous le mentionnais, c'était vraiment de donner un outil de consultation, mais on comprend que ce n'est pas nécessairement l'outil le plus utile. Et peut-être que simplement la consultation du site jugements.qc.ca pourra suffire aux fins municipales. D'ailleurs, c'est ce qu'on a compris des interventions.

Maintenant, est-ce que vous avez eu l'opportunité de vous pencher sur les autres aspects du projet de loi n° 59, qui portent notamment sur des encadrements ou des resserrements de certaines règles et également sur des amendements que nous apporterions à la Loi de la protection de la jeunesse?

Le Président (M. Ouellette) : Est-ce qu'on pourrait faire le tour en deux minutes, M. Simard?

M. Simard (Claude) : Oui. Je vais laisser... Est-ce que tu veux répondre? Non? Bien, oui, nous avons examiné, bien sûr, la deuxième partie, mais nous avons voulu nous concentrer sur la première partie, le temps étant limité, et, pour nous, la liberté d'expression est un droit fondamental.

Donc, la deuxième partie, oui, nous l'avons lue. Elle est relativement technique, vous en conviendrez, madame, puisqu'il s'agit de retraits ou d'ajouts au Code civil ou... à la procédure du Code civil ou à la Loi sur l'instruction publique.

Je voudrais simplement, parce que le temps m'est compté, je voudrais simplement revenir sur la question du mariage précoce, qui est un des grands fléaux qui fait le malheur de milliers de fillettes par année. Eh bien, je pense — j'ose vous le dire, madame, en toute humilité et en tout respect — que les mesures bureaucratiques qui sont prévues dans ce projet de loi n'iront pas à la source du problème. Le mariage précoce s'observe dans les sociétés, dans les communautés traditionalistes, et souvent ces coutumes sont d'inspiration religieuse. On sait que le mariage précoce... — il faut simplement se référer au rapport de l'ONU, de l'UNESCO — on sait que le mariage précoce est un fléau notamment... particulièrement dans les pays islamiques. Et, si on veut lutter contre le mariage précoce dans nos communautés immigrantes — ça va, parce que vous savez que l'immigration est particulièrement d'origine musulmane — eh bien, il faut aller à la source, c'est-à-dire qu'il faut changer les mentalités des gens non pas par des mesures législatives ou des mesures normatives comme celles qui sont présentées dans le projet de loi, mais au niveau éducatif. C'est-à-dire qu'il faut prendre des mesures au niveau de l'éducation des communautés. Et la principale cause du mariage précoce dans l'islam, c'est l'imitation servile du prophète. Il faut le savoir pour comprendre pourquoi les musulmans, dans leur société, cautionnent le mariage précoce.

Vous savez, c'est un fléau. Au Yémen, il y a des milliers de milliers de petites filles qui sont victimes de ce fléau-là. En Égypte, en Iran, en Afghanistan, au Pakistan, ces sociétés-là acceptent même ce fléau social. Pourquoi? Pour des motifs religieux. C'est l'imitation servile du prophète. Et je m'explique. Leur prophète, dans la cinquantaine...

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard, je suis obligé de vous arrêter...

M. Simard (Claude) : ...a épousé une petite fille de six ans qu'il a déviergée à neuf ans. Et, comme le prophète est l'homme le plus parfait de la terre, il faut nécessairement imiter tout ce qu'il fait. Ce que je vous raconte...

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard...

M. Simard (Claude) : ...est dans la sunna, le texte fondateur de l'islam avec le Coran.

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard...

M. Simard (Claude) : Vous irez voir Muslim 114.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Simard. Je suis obligé de vous...

M. Simard (Claude) : Alors, vous voyez qu'il faut aller...

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard, je suis obligé de vous arrêter.

M. Simard (Claude) : ...à l'origine même du projet...

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard, je suis obligé de vous arrêter. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : M. le Président...

M. Simard (Claude) : M. le Président, je m'excuse, ce n'est pas de la mauvaise volonté, je suis un peu sourd, donc il faut me parler plus fort.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Simard (Claude) : Non, c'est vrai, M. le Président. Je ne vous entends pas toujours.

Mme Maltais : On vous croit, on vous croit, mais...

Le Président (M. Ouellette) : Mais, vous savez, M. Simard, j'entends toutes sortes de choses dans la commission, je ne l'avais pas entendue, celle-là. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci. Bienvenue, M. Blanchet-Gravel, bienvenue, M. Simard. Ça fait du bien de rire un peu. J'ai ri tout à l'heure parce qu'effectivement je trouvais drôle que vous ayez posé une question sur un verset du Coran à la ministre, qu'elle n'ait pas répondu. Vous savez, on a le choix aussi de répondre. On n'est pas obligé de ne pas répondre. On peut aussi répondre. Mais j'ai ri parce que je savais très bien que la ministre ne pouvait pas répondre parce que la réponse, c'est double. C'est-à-dire que ça peut être considéré comme un discours haineux, mais 319.b.3 fait que c'est exclu du discours haineux ou, enfin, c'est protégé par la loi. Et puis je comprends la ministre d'être un peu épuisée, un peu à pic. Je le lui pardonne parce que ça fait depuis le 17 août qu'on a commencé cette commission parlementaire, et je n'ai pas entendu beaucoup, beaucoup de mémoires qui venaient appuyer cette loi. À sa place, moi aussi, je serais un peu fatiguée et à pic, et je lui pardonne, il n'y a pas de problème.

Mais maintenant vous avez parlé, à juste titre, de la liberté d'expression. Un groupe, ce matin, nous rappelait que... je veux juste... parce que je l'ai manqué, j'aurais dû le faire... nous disait que la chanson Allah de Véronique Sanson avait été sortie des ondes. «Allah, Allah.» C'est une super belle chanson. C'est comme ça que ça se chante : «Allah, Allah.» Puis je suis très heureuse, moi, de la chanter aujourd'hui. C'est mon petit côté rebelle.

Vous posez toutefois beaucoup de questions dans votre mémoire. Alors, cherchons des réponses, puisque vous ne les aurez pas. En page 13, il y a une série de questions que je trouve très intéressantes. La page 13 de votre mémoire, c'est vraiment... vous finissez non pas sur des recommandations, mais sur des questionnements, puis c'est ça que j'aime. Le 6° : «Comment la commission des droits de la personne et [...] de la jeunesse pourra-t-elle poursuivre des croyants qui auraient tenu des "discours haineux ou incitant à la violence", alors que le Code criminel du Canada leur garantit l'immunité s'ils expriment de tels propos sur la base de leurs convictions religieuses?» Il y a une incompatibilité entre le Code criminel et ce qu'on nous propose actuellement.

• (17 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard.

M. Simard (Claude) : Bien, moi, je ne suis pas juriste, mais je pense que le Code criminel peut avoir préséance sur ce projet de loi.

Mme Maltais : Ou bien les gens vont pouvoir poursuivre en vertu du Code civil, mais, en vertu du Code criminel, ils ne seraient pas poursuivables.

M. Simard (Claude) : Ils seraient...

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard.

M. Simard (Claude) : C'est ça, ils auraient l'immunité.

Mme Maltais : Je me demande comment on va réussir à se sortir de ça. C'est vraiment... La question est intéressante, et c'est la première fois aujourd'hui qu'elle a été vraiment abordée sérieusement.

M. Simard (Claude) : Mais je pense que le ministère de la Justice a dû étudier cette question-là. Je crois que la ministre doit avoir de l'information là-dessus. Il doit y avoir eu des études avant de proposer cette mesure.

Mme Maltais : Oui. Vous savez, dès le premier jour, j'ai demandé à la ministre de déposer les avis juridiques, puisque le Parti libéral plaidait pour avoir les avis juridiques dans le temps de la charte des valeurs, le projet de loi n° 60, ils criaient et déchiraient leurs chemises, réclamant à corps et... à hauts cris, plutôt, pas à corps et à travers, mais réclamaient à hauts cris les avis juridiques. Mais nous ne les aurons pas, que voulez-vous? D'autre part, elle a laissé un doute, elle a dit qu'il y avait probablement constitutionnalité, probablement, et le Barreau est venu dire qu'il avait un sérieux problème, entre autres avec la liste, liste que, dès le deuxième jour des audiences, j'ai dit : Ça ne tiendra pas le coup, ça, c'est déjà en train de disparaître. Je le savais, je l'avais dit le deuxième jour.

D'autres questions : «Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'identifier clairement le véritable péril qui menace la sécurité de notre société, c'est-à-dire le radicalisme islamique?» Est-ce que vous avez des commentaires? Vous êtes assez durs avec le projet de loi et avec le gouvernement dans cette question-là. Est-ce que vous avez des commentaires sur cette question?

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Des commentaires. D'ailleurs, ce n'est pas seulement l'apanage du gouvernement du Québec, hein? Il n'y a presque aucun gouvernement occidental qui identifie clairement cette menace. On est dans une société où règne le politiquement correct. C'est très difficile de parler d'islam, hein, et pas seulement d'islamisme. On entend toutes sortes de choses dans les médias. Même, on est rendu à... On dit «islam politique». C'est un pléonasme, hein? L'islam est politique essentiellement dans son essence, il suffit de lire quelques bonnes biographies du prophète, et on le constatera assez rapidement.

Mme Maltais : Je veux juste vous dire que moi...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, je vais peut-être m'inscrire en faux, parce que moi, je veux dire, quant à ça, la Bible apporte certaines valeurs ou certaines idées auxquelles moi, je n'adhère pas nécessairement, et je ne considère pas que de considérer que... Je ne considère pas nécessairement que les chrétiens d'aujourd'hui sont nécessairement radicaux parce qu'ils croient en la Bible ou à des choses... Moi, je différencie l'islam, c'est une religion... je suis athée, entre nous, là, je suis athée, mais l'islam qui est une religion, du radicalisme et de l'islamisme qui est de l'intégrisme. Je veux qu'on... En tout cas, moi, à notre avis, j'aimerais qu'on se tienne dans ce débat-là.

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Bien, écoutez, il y a des différences fondamentales entre la Bible et le Coran, c'est évident. Mais, ceci dit, je ne pense pas qu'on va se lancer aujourd'hui dans des grands débats théologiques, là, mais...

Mme Maltais : Merci.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : O.K. Ce sera pour une autre fois. Mais effectivement nous, on pense qu'il faut identifier le problème, hein? On le sait, la menace à la sécurité intérieure de tous les pays occidentaux, c'est l'immigration musulmane, pas parce que tous les musulmans sont des islamistes, mais parce que tous les islamistes sont musulmans. Donc, où il y a des communautés musulmanes, il y a des islamistes. Donc, pourquoi on refuse d'identifier le problème? Je pense que c'est une question essentielle.

Mme Maltais : Mais, en fait, ce que je voulais dire, c'est que ce qui nous a amenés ici dès le départ dans le débat, ça a été le plan de lutte contre la radicalisation, et le projet de loi n° 59 devait faire partie du plan de lutte contre la radicalisation, mais il n'en parle pas, il ne le nomme... comme vous le dites dans votre mémoire, il n'en parle pas, il ne le nomme pas. Et même, tout à l'heure, on avait l'association des Québécois nord-africains pour la laïcité qui disait : C'est même un outil pour, qui va aider la radicalisation. C'est intéressant de voir les mémoires d'aujourd'hui, ce qu'ils nous amènent.

Vous dites, dans votre question n° 2 : Comment la CDPDJ, Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, pourra-t-elle réaliser, en période de compressions budgétaires, le nouveau mandat qu'on lui accorde? Avez-vous écouté l'entrevue de M. Frémont samedi à Radio-Canada, l'émission de Michel Lacombe?

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard.

M. Simard (Claude) : J'ai écouté, oui, pas mal d'entrevues avec M. Frémont pour me faire une idée, oui.

Mme Maltais : Oui. Avez-vous entendu dire que, dans les dernières années, il est passé de 170 à 140 employés et que les délais se sont allongés?

M. Simard (Claude) : Énormément. Il y a eu un reportage à Radio-Canada là-dessus qui montre que les ressources déjà consenties à la commission sont insuffisantes pour régler les problèmes actuels. Et là on va donner à la commission un mandat encore plus grand. Il faudra donc consentir des sommes additionnelles et des ressources additionnelles, c'est évident.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Et vous ajoutez : «Les suppléments qu'il devra consentir à cet organisme ne viendront-ils pas grever les ressources déjà réduites en santé et en éducation, et tout cela pour instaurer un régime de la délation?» J'aimerais ça, ça fait longtemps que je n'ai pas... Depuis le début de la commission parlementaire, on a cru... On l'a entendu beaucoup au début, là, mais on ne l'a plus entendu, sur l'espèce d'autocensure que ça va créer. J'aimerais que... Vous soulevez ça en parlant de régime de délation. Si vous pouvez nous donner quelques commentaires là-dessus, j'apprécierais.

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Bien, c'est ça, on vit déjà dans une société où il est difficile de s'exprimer sur une multitude de sujets, dont l'islam. Donc, ce projet de loi là va contribuer à ce qu'on vive dans une société encore plus de moutons. On est déjà... Alors, on a déjà de la misère à s'extraire de ce politiquement correct, là, qui tue le débat, et en plus il faudrait en rajouter. Donc, on passerait de la censure officieuse à la censure officielle. Comprenez bien l'image.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Bien, merci beaucoup, mais je...

Le Président (M. Ouellette) : Oh! M. le député de Bourget.

M. Kotto : Merci. Merci, M. le Président. Bon, j'aurais une question. Je voulais revenir sur le court échange que vous avez eu avec ma collègue de Taschereau relativement aux remarques qu'elle faisait à l'effet que l'islam n'est pas ciblé comme tel, parce que c'est une religion au même titre que le christianisme. Et, dans la perspective de l'histoire, le christianisme comme l'islam aujourd'hui ont été victimes de déviances quelque part. Au nom de Dieu, on a voulu porter la mission civilisatrice en Afrique, notamment. Et, comme vous le savez, quand on se réfère à ce qui s'est passé au Congo ou en Afrique centrale en général, ce n'est pas de belles pages d'histoire qui ont été écrites au nom du dieu chrétien. Je voulais juste faire une parenthèse là-dessus.

Toutes les religions, à partir du moment où elles sont mises entre les mains ou entre... disons, sous contrôle de prophètes déviants, conduisent dans des impasses comme celle que nous vivons aujourd'hui. Les «epistemicides», on les connaît. Et la finalité de ce que certains faux prophètes, aujourd'hui considérés radicaux, bercent comme rêve, c'est l'islamisation du monde, de la planète comme autrefois le christianisme portait comme projet.

Le Président (M. Ouellette) : M. Blanchet-Gravel.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Bien, tout à fait. Ce sont deux religions qu'on dit universalistes, hein, ce sont deux religions qui visent à conquérir la planète, ça va de soi. Ceci dit, on n'est pas ici pour défendre le christianisme, on n'est pas ici pour défendre aucune religion. Ce n'est pas ça qu'on dit. Mais quelle religion fait les manchettes actuellement? Au nom de quelle religion on tue des gens dans le monde actuellement? C'est ça, la question. On ne défend pas le christianisme. J'ai été très critique envers le christianisme, j'ai écrit quelques articles à ce sujet. Ce n'est pas la... On n'est pas ici pour défendre une vision christianocentriste de l'univers, là, ce n'est pas ça dont il est question ici.

M. Kotto : O.K. Donc, on s'entend. Donc, je voulais juste qu'il y ait cette mise au point...

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Oui, oui, tout à fait. Oui, oui, clairement.

M. Kotto : ...pour ne pas qu'il y ait de malentendu.

M. Simard (Claude) : M. le Président, est-ce que je peux rajouter quelque chose?

Le Président (M. Ouellette) : Je vous donne la parole, M. Simard, mais je dois vous dire que, pour le peu de temps qui reste, là, je vais vous encadrer votre réponse.

M. Simard (Claude) : Religieusement.

Le Président (M. Ouellette) : Oui.

• (17 h 50) •

M. Simard (Claude) : Alors, regardez, il faut faire attention, les religions ne sont pas toutes semblables. Vous savez, le christianisme est une religion très différente de l'islam. Et l'islam ne peut pas être comparé au christianisme, notamment à partir de ses textes fondateurs. Les textes sacrés chrétiens sont essentiellement narratifs et sont lus à un niveau symbolique, alors que les textes sacrés de l'islam sont essentiellement normatifs et prescriptifs. On ne lit pas le Coran comme on lit la Bible. Et ça, c'est très important de comprendre qu'il ne faut pas projeter ces images chrétiennes de la religion sur l'islam. L'islam est une autre religion avec ses caractéristiques propres. Est-ce que ça va, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Merci de la réponse, M. Simard.

M. Kotto : Ça, c'est un autre débat.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

M. Kotto : Mais ce serait intéressant de débattre avec vous là-dessus.

Mme Roy (Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. MM Blanchet-Gravel, M. Simard, merci, merci d'être là. C'est extrêmement intéressant, puis je trouve que la conversation atteint un niveau philosophique et politique extrêmement brillant. Je trouve ça...

Écoutez, c'est ce qui est dommage quand on passe la troisième, parce que, déjà, ma collègue a mis le doigt exactement sur la phrase, la citation sur laquelle je voulais qu'on travaille. Alors, je vais y retourner brièvement puis je vais vous questionner à cet égard-là. Naturellement, page 13, dans vos questions, la septième question, et je pense qu'il faut y revenir, vous nous dites : «Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'identifier clairement le véritable péril qui menace la sécurité de notre société, c'est-à-dire le radicalisme islamique? L'islam serait-il devenu un sujet si tabou que toute critique à son endroit doive être tenue comme discriminatoire? Pourquoi une telle censure vis-à-vis d'une religion qui promeut pourtant une loi inique, la charia, laquelle infériorise les femmes, rejette les autres confessions, châtie les homosexuels et les dissidents, brime en somme toutes [...] libertés fondamentales?»

Ce que vous dites là, ça rejoint notre propos. C'est à ça qu'il faut s'attaquer, puis on le dit depuis que la ministre a déposé son projet de loi, en juin dernier. Et moi, tout comme vous, je suis peinée de voir qu'on ne nomme pas les choses et que ce n'est pas à ça qu'on s'attaque, compte tenu du fait que ça devait faire partie d'un vaste plan pour lutter contre la radicalisation et l'endoctrinement chez les jeunes.

Vous nous dites ça, du même souffle vous nous dites que vous rejetez toute la première partie du p.l. n° 59, compte tenu du fait que la cible n'est pas atteinte, nous sommes très larges, nous sommes très larges.

Alors, je vous pose la question suivante, et là exprimez-vous : Si ce projet de loi, le p.l. n° 59, s'attaquait directement à l'intégrisme religieux et l'endoctrinement idéologique — comme je le croyais, je croyais au début qu'il allait s'attaquer à ça — sa section I, donc, est-ce qu'elle retrouverait une pertinence à vos yeux, dans la mesure où nous nous attaquerions ici au discours d'endoctrinement, d'embrigadement des jeunes, puisque ce n'est pas... ils sont endoctrinés par des paroles? Donc, si le noeud et l'esprit de la loi s'attaquaient directement à l'intégrisme religieux et l'endoctrinement, est-ce que, pour vous, il y aurait une pertinence de s'attaquer à ces discours, aux discours de ces prédicateurs?

M. Simard (Claude) : C'est à moi que madame a posé la question?

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard.

Mme Roy (Montarville) : Bien, allez-y. Allez-y.

M. Simard (Claude) : Je vais répondre. Alors, madame, je crois que je saisis très bien votre intention. Je pense qu'il faudrait reprendre le projet de loi au grand complet pour atteindre les objectifs que vous visez. On ne pourrait pas partir de ce qui est proposé dans ce projet pour lutter explicitement contre l'intégrisme religieux et le radicalisme islamique. Il faudrait repenser toutes les mesures, repenser toutes les dispositions législatives pour lutter efficacement contre le radicalisme islamique, et là il faudrait le nommer vraiment en clair. Ça voudrait dire qu'il y a des mesures comme contrôle des prêches dans les mosquées. C'est ça que ça voudrait dire concrètement. Si on accepte de lutter contre le fléau actuel qui mine le monde entier, qui met en péril la paix du monde, c'est-à-dire le radicalisme islamique, là, il faudrait trouver des moyens très, très concrets, très, très précis pour aller contre ce mouvement qui est politico-religieux. Je serais tout à fait d'accord avec vous, mais le projet de loi ne pourrait pas servir de base, à mes yeux.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. Oh! vous voulez avoir les commentaires de M. Blanchet-Gravel?

Mme Roy (Montarville) : Oui, s'il en a à cet égard.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Non, moi, je trouve...

Mme Roy (Montarville) : Vous endossez. Parfait.

M. Blanchet-Gravel (Jérôme) : Oui, oui. Je suis d'accord.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci. J'ai une autre question qui suivrait. Donc, si on reprend l'esprit de la loi que nous souhaitions tous à l'origine, s'attaquer à ça, hein, pour empêcher les jeunes de partir, pour empêcher des crimes comme ceux qu'on a vus — on n'oublie pas Saint-Jean-sur-Richelieu, là, il y a eu conversion, on a parlé à cette personne-là, elle s'est convertie, puis elle est allée tuer un de nos militaires canadiens — donc on veut s'attaquer à ça, alors quelles seraient — là, je vous pose une question à 100 000 $ — les solutions pour s'attaquer à ça, à ce discours qui mène à ces atrocités?

Le Président (M. Ouellette) : M. Simard.

M. Simard (Claude) : Oui. Vaste question, madame. C'est la grande question qui est posée au monde entier, pas seulement au Québec. Moi, je pense qu'il faut avoir deux types de mesures, des mesures qui encadrent l'islam, qui encadrent cette religion, surtout à l'intérieur des pays occidentaux qui ont des coutumes, des moeurs et des valeurs très, très, très éloignées de la pensée islamique fondamentale d'origine. Vous comprenez ce que je veux dire? Parce qu'il y a des musulmans qui ont évolué beaucoup, mais je pense à la religion islamique telle qu'elle est donnée dans sa doctrine et dans ses textes sacrés. Donc, des mesures d'encadrement très, très strictes.

Des mesures d'encadrement, pour moi, c'est, par exemple, de ne pas permettre, mais vraiment ne pas permettre certaines pratiques ancestrales contraires à nos valeurs. Par exemple, on ne peut pas accepter qu'une religion empêche les femmes d'être des êtres humains à part entière. On ne peut pas empêcher qu'une religion oblige les femmes à devenir d'effrayants fantômes dans l'espace public. On ne peut pas accepter ce genre de pratique. Donc, ce sont des mesures qui pourraient être prises concrètement pour encadrer l'islam. Non, on ne veut pas de symbole sexiste dans notre société.

Et il y aurait aussi d'autres mesures plus éducatives, c'est-à-dire des mesures qui viseraient à faire transformer la mentalité fondamentaliste de certains musulmans qui nous arrivent de l'immigration. Au lieu de les envoyer dans les mosquées... Vous savez, vous l'avez entendu, c'est exactement ce que les deux collègues, là, musulmans nous ont dit, c'est-à-dire qu'on les enferme encore dans leur ghetto musulman, on les enferme dans leur communauté, et, en fait, ils ne voient pas d'autres valeurs, d'autres manières de penser le monde parce qu'ils sont ghettoïsés. Il faut rompre avec cette ghettoïsation en allant parler à ces populations, en expliquant nos valeurs, en faisant oeuvre d'éducation. Voilà, madame.

Le Président (M. Ouellette) : Un dernier commentaire? Il vous reste une minute, ma chère dame de Montarville, chère députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Je suis tout à fait d'accord avec vous et je pense que c'est extrêmement important de défendre nos valeurs, de défendre nos droits et libertés. Il ne faut surtout pas que nos chartes servent contre le bien, mais pour le bien, et je pense que ce que vous dites, c'est le gros bon sens. Tous les gens qui vous ont entendus seront d'accord avec vous. Il faut interdire des choses, il ne faut pas avoir peur de le dire, même si ça peut déranger. Mais, si nous voulons protéger nos libertés, il faut le faire. Alors, je souscris...

M. Simard (Claude) : Il faut s'affirmer en tant que nation.

Le Président (M. Ouellette) : Le mot de la fin, M. Simard?

Mme Roy (Montarville) : C'est magnifique.

M. Simard (Claude) : Bien, je vous remercie. Je remercie tous les parlementaires ici présents. Nous avons eu, je pense, des échanges fructueux, et j'espère que la démocratie va gagner.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Claude Simard.

(Applaudissements)

Le Président (M. Ouellette) : Ah! les applaudissements à l'Assemblée nationale, il n'y en a plus.

M. Simard, M. Blanchet-Gravel, on vous remercie de votre participation. On suspend nos travaux jusqu'à 19 h 30.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 19 h 43)

Le Président (M. Ouellette) : La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Je vous rappelle que la commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 59, Loi édictant la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence et apportant diverses modifications législatives pour renforcer la protection des personnes.

Je souhaite la bienvenue à la Fédération des établissements d'enseignement privés. On s'excuse du délai. Des contretemps ministériels ont fait en sorte que... C'est des choses qui nous arrivent en session. Et, M. St-Jacques, c'est vous qui allez débuter. Je vous invite à nous présenter les gens qui vous accompagnent pour les fins d'audio. Étant donné que vous avez assisté à la première et que vous avez entendu parler de notre première aujourd'hui, donc je vérifie si l'ouïe de nos invités est en parfaite santé. Et je vous laisse la parole, M. St-Jacques.

Fédération des établissements d'enseignement privés (FEEP)

M. St-Jacques (Jean-Marc) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission parlementaire, bonsoir. Alors, je suis justement Jean-Marc St-Jacques, président de la Fédération des établissements d'enseignement privés, mais, dans la vraie vie, directeur général du collège Bourget à Rigaud.

Je suis accompagné de M. Patrice Daoust, coordonnateur aux services aux élèves à la fédération, et M. Philippe Malette, coordonnateur à l'administration scolaire.

Bien sûr, vous vous attendez que la fédération est ici ce soir, bien, c'est pour parler de la loi n° 59, présenter nos recommandations, ou, en tout cas, nos appréhensions, ou nos hésitations, ou nos demandes de précision par rapport à cette loi-là qui veut justement prévenir et lutter contre les discours haineux et tout ce qui incite à la violence.

Juste pour vous situer, la fédération regroupe actuellement 194 établissements scolaires de l'ordre du préscolaire, du primaire, du secondaire. Il y a des écoles en enseignement général, il y a des écoles en formation professionnelle, mais aussi une douzaine d'établissements spécialisés en adaptation scolaire qui accueillent donc des élèves avec des troubles d'apprentissage graves, des troubles de comportement ou des handicaps. On représente environ 112 000 élèves, secteur principalement francophone, et c'est à peu près 12 % de la clientèle scolaire au Québec.

D'emblée de jeu, je vous dirais que la fédération est bien consciente que le phénomène de la radicalisation est en croissance dans notre société. Ce mouvement vient percuter nos valeurs profondes et nos enjeux de société. Pour tout être humain, le respect des droits et de la liberté d'expression constitue un élément primordial de son épanouissement, de son bien-être et du respect de ses choix individuels. L'équilibre sociétal et individuel est toujours fragile, et vous le savez bien.

C'est dans ce contexte et à la lumière de son expertise en éducation que la fédération se prononce, et sous l'angle de l'éducation. Je tiens à vous dire que ce projet de loi, selon ce qu'on en comprend, pourrait nuire à l'éducation des jeunes, parce qu'il propose d'ériger des barrières qui entraveraient le travail des éducatrices, des éducateurs et des administrateurs scolaires, et c'est pourquoi la fédération a d'importantes réserves quant au libellé actuel du projet de loi.

On est conscients que le milieu de l'éducation a un rôle clé à jouer pour prévenir la radicalisation. Nous sommes aussi très conscients de ce rôle incontournable et nous sommes à l'aise de l'assumer. On croit que, comme éducateurs, éducatrices, c'est un rôle qu'on doit jouer. Toutefois, le projet de loi actuel vient limiter notre capacité à agir.

Comme bien d'autres groupes, d'autres intervenants depuis le début, on pense qu'il va être très important d'avoir une définition claire des termes. Qu'entend-on par «discours haineux»? Qu'entend-on par «discours incitant à la violence»? Bien sûr, le Code criminel donne des balises, aux articles 318 et 319, sur la propagande haineuse. Ce qu'on craint, c'est : sans définition précise, la différence entre ces deux concepts demeure floue et risque de laisser une large place à l'interprétation.

Par ailleurs, dans le projet actuel, seuls les médias ont une protection afin qu'ils puissent rapporter des propos haineux dans le but d'informer le public. Qu'en est-il de l'éducation? Nous pensons qu'il est essentiel qu'une telle protection soit aussi accordée aux écoles. Les enseignants, dans un but pédagogique, peuvent être appelés à citer certains propos haineux. On prend les cours d'histoire, pour faire comprendre, par exemple, qui était Hitler, il va falloir parler de ses propos antisémites, donc il va falloir citer des exemples, il va falloir donner des choses. On ne pourrait pas parler non plus, par exemple, du génocide rwandais dans le cours sur l'histoire du monde. On ne pourrait pas aborder beaucoup d'autres phénomènes.

Même dans les cours d'éthique et culture religieuse, où il y a une dimension de dialogue à créer, il faut avoir présenté des situations qui pourraient être reconnues comme des propos haineux, tel qu'on comprend le projet de loi toujours, et tout ça dans le but d'amener les jeunes à comprendre les situations puis à les faire réfléchir pour éviter qu'ils tombent, justement, dans ces propos-là par la suite. Et c'est un rôle essentiel qu'on a à jouer en classe comme éducateurs. C'est un rôle préventif de l'école, c'est un rôle en amont de l'école, d'amener les jeunes à se développer une conscience puis à démontrer que les dérives associées à de tels propos ont amené des situations problématiques dans l'histoire, puis amener les élèves à réfléchir dans un cadre d'analyse basé sur les valeurs de notre société. Or, dans l'état actuel de ce qu'on comprend de la loi, l'enseignant pourrait se voir exposé à une plainte de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

On croit qu'à l'instar des médias les enseignants devraient avoir la possibilité de rapporter des propos haineux, dans la mesure où cela est au service de l'enseignement, bien sûr. L'objectif de cet ajout serait de protéger les enseignantes, les enseignants et les éducateurs du milieu scolaire qui utiliseraient de tels propos afin d'illustrer, de discuter ou bien de démontrer par des exemples précis. Le champ d'action des enseignants ne doit pas se limiter à la transmission d'information purement factuelle. Bien sûr qu'avec la conception présente et actuelle des cours d'histoire on doit comprendre des phénomènes, donc ça suppose qu'on a besoin de citer des exemples comme ceux-là. Et l'enseignant doit aussi amener... d'animer des discussions en classe. Les élèves peuvent alors être aussi appelés à rapporter des propos dans le cadre d'échange d'idées dans un groupe ou dans des présentations. De la même façon, l'élève ne doit pas s'exposer à la dénonciation parce qu'il rapporte des propos haineux, lorsque cela s'inscrit dans un cadre pédagogique bien sûr, dans le cadre du contenu des programmes.

• (19 h 50) •

Par ailleurs, le professeur doit être en mesure d'intervenir auprès d'un élève qui, voulant s'exprimer, projette une vision déplacée sur un sujet précis. Si, dans le cadre d'une discussion en milieu scolaire, un élève prononce un discours haineux ou du discours incitant à la violence, le rôle premier de l'enseignant est d'intervenir et de faire comprendre à l'élève la portée de ses propos. Souhaitons-nous que l'enseignant soit automatiquement forcé de rapporter le tout à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, déclenchant ainsi une multitude de procédures administratives pouvant avoir des incidences majeures? Il faut bien être conscient ici qu'on ne parle pas de menace à la sécurité de personnes, mais de jeunes qui tiennent des propos irréfléchis ou qui répètent des choses qu'ils ont pu entendre ailleurs. La première chose à faire pour un enseignant n'est-elle pas alors de faire prendre conscience au jeune de la portée de ce qu'il dit, de l'amener à poser un regard critique sur ses propos et de discuter des valeurs de la société dans laquelle il évolue? Dans un contexte scolaire, est-ce que la judiciarisation doit être la première étape à suivre?

Dans l'éventualité où un élève tient des propos haineux en classe, l'enseignant devrait avoir la marge de manoeuvre pour intervenir auprès de l'élève et de poser des gestes pédagogiques appropriés. Lorsqu'il s'agit de jeunes qui évoluent dans un contexte scolaire, la judiciarisation ne devrait pas être la première intervention. Donc, la fédération recommande qu'on laisse une certaine marge de manoeuvre au personnel en éducation pour intervenir auprès des jeunes, avec les différents moyens dont ils disposent, afin de procéder à une dénonciation... avant de procéder, pardon, à une dénonciation.

La fédération recommande aussi de ne pas substituer aux mécanismes internes des établissements un processus administratif extrêmement lourd et irréversible. Dans le cas où un membre du personnel ou un élève émettrait ou émet des propos pouvant être considérés haineux ou incitant à la haine, les écoles disposent de différents moyens d'intervention. Ces moyens nous semblent appropriés pour régler la majorité des cas. Or, selon ce projet de loi, si un enseignant n'intervient pas en classe devant des propos haineux ou incitant à la violence ou tient lui-même ces propos, qui incitent un parent ou un élève à déposer une plainte à la commission, ce dernier se retrouvera devant un processus où il ne pourra nier la situation, et la Commission des droits de la personne n'aura d'autres choix de référer cette situation au tribunal, qui, lui, inévitablement, sanctionnera, car il y aura un aveu. Alors, on est pris dans un long processus. Puis on travaille avec des élèves qui peuvent avoir des égarements ou répéter n'importe quel propos. Alors, on pense qu'on a un travail d'éducation à faire avant de tomber dans un processus autre.

Alors, l'enseignant pourrait se retrouver aussi dans une situation de double sanction si l'établissement, d'un côté, décide de prendre des mesures administratives avant le tribunal, et là, ensuite, la lourdeur administrative freine le règlement à l'amiable et va à l'encontre, à notre sens, du droit actuel au Québec, qui incite les parties à se rendre en médiation d'abord.

Dans le processus administratif proposé, il y a la mise en place d'une liste publique des personnes ayant fait l'objet d'une décision du tribunal. Je n'insisterai pas trop, ce genre de pratique n'est pas coutume au Québec, vous en avez entendu parler abondamment, alors je vais aller un peu plus vite. Mais, nous, ce qui nous inquiète, c'est... La possible présence de mineurs sur cette liste soulève de grandes réserves. Il y a ici une question, à notre sens, d'éthique et de morale. Dans ce sens-là, si le projet de loi est adopté comme il est là, on pense qu'il va y avoir un travail énorme de plus confié à la Commission des droits et on croit aussi que la multiplication de telles dénonciations va engorger le système, et qu'on n'aura pas de réponse, et qu'on va être empêché d'agir avec nos élèves et de régler des problèmes plus rapidement.

Et finalement, en ce qui concerne la modification proposée à la Loi sur l'enseignement privé, la fédération estime qu'elle présente certains problèmes. Nous constatons une grande ambiguïté avec la notion de tolérance de la part d'un établissement et des conséquences possibles face à une telle situation. Nous ne croyons pas qu'il est nécessaire d'octroyer un pouvoir supplémentaire d'enquête au ministre sur un sujet dont la connaissance et l'expertise ne relèvent pas de son domaine. La Loi sur l'enseignement privé confère déjà au ministre un grand pouvoir sur le contrôle, la modification, la révocation d'un permis accordé à un établissement d'enseignement privé, ainsi que les agréments qui sont accordés aux institutions accréditées. L'ajout de spécifications aux mesures de surveillance n'apportera pas une plus grande portée à sa capacité à intervenir auprès des établissements fautifs.

Plutôt que de complexifier les interventions en donnant au ministère de l'Éducation un pouvoir d'enquête dans un domaine qui ne relève pas de ses compétences, nous croyons qu'il serait plus pertinent de veiller à l'application rigoureuse qui est prévue déjà dans la Loi de l'enseignement privé.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. St-Jacques. Vous allez sûrement avoir l'opportunité de conclure dans vos échanges avec la ministre, ou la députée de Taschereau, ou Mme la députée de Montarville. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci, M. le Président. Alors, je vais prendre quelques secondes simplement pour m'excuser de mon retard à mes collègues, parce que j'ai toujours... j'ai le souci de la ponctualité, et parfois les obligations ministérielles nous font un petit peu arriver en retard, parce que les déplacements entre les différents endroits ne sont pas toujours simples.

Bref, je veux vous remercier de votre présentation. Je pense que vous apportez à notre attention des éléments qui sont importants dans un contexte très particulier, qui est celui de l'enseignement. Et je tiens à vous rassurer, puisque, bien que vous arriviez à la fin de ces consultations — il nous reste quelques groupes ce soir et demain — vous nous indiquez à quel point il serait important de définir des termes, et le projet de loi, effectivement, introduit un certain nombre de termes que nous n'avons pas définis, mais je pense qu'il serait opportun de les définir. Votre prestation, votre présentation nous démontre encore à quel point ça peut être important de définir les notions avec lesquelles on entend travailler, d'une part pour éviter des interprétations qui donnent au projet de loi une portée qu'il n'a pas et que nous n'avons pas l'intention de lui donner, et également pour permettre à ceux et celles qui auront à travailler, de près ou de loin, avec le projet de loi surtout de bien le comprendre et de pouvoir aussi communiquer. Parce que toute cette question de discours haineux, de discours incitant à la violence peut faire l'objet de débats fort intéressants à l'intérieur d'une classe, j'en conviens.

Et ça nous amène à votre deuxième recommandation, où vous nous dites : Nous, on a des préoccupations, on ne voudrait pas que des enseignants, dans le cadre de leur mission, se fassent taper sur les doigts pour avoir repris un certain nombre de propos. Je comprends bien, parce que, parfois, pour illustrer certaines choses, encore faut-il en parler. Mais j'essaie de faire une distinction entre l'enseignant qui, dans un cours, par exemple, d'éthique et culture religieuse ou dans un cours d'histoire, reprenait des propos qui pourraient être considérés comme des propos haineux pour justement illustrer à quel point ça a amené à une dégénération, alors l'enseignant qui, de bonne foi, dans un contexte d'éducation, apporte ça et celui ou celle qui pourrait utiliser son statut d'enseignant non pas pour éduquer, mais pour passer un message de nature haineuse ou de nature incitant à la violence. Comment pourrions-nous faire pour éviter une situation comme celle-là? Parce que je comprends très bien ce qui vous préoccupe et votre volonté de permettre aux enseignants de poursuivre leur mission de transmettre aux jeunes les connaissances nécessaires pour pouvoir évoluer dans notre société.

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Oui. Mme la ministre, je pense qu'effectivement... On est d'accord avec ça, mais on croit qu'actuellement l'école a déjà le pouvoir pour intervenir dans une situation comme celle-là. Les établissements qui sont membres de la fédération ont adhéré à une déclaration de valeurs qui parle justement de respect de la diversité. Bon, ça, c'est une chose. Deuxièmement, la majorité de nos établissements ont des codes d'éthique qui précisent le rôle d'un éducateur ou le rôle d'un enseignant, et, si je prenais l'exemple, si chez nous un parent, ou un élève, ou un collègue de travail rapportait de tels propos d'un enseignant, tout de suite il y aurait un processus mis en place, d'évaluation, de vérification des éléments et de sanctions disciplinaires, parce qu'effectivement ça serait des propos qui viennent atteindre les droits et libertés, qui viennent atteindre la dignité de la personne, et ça, à mon sens, effectivement, ils sont intolérables dans une école.

Le seul endroit où on dit ici qu'on demande de reconnaître — puis vous pourrez peut-être préciser, M. Daoust — c'est dans le cadre de l'enseignement, effectivement, d'un cours où c'est au programme de faire comprendre les événements présents qui peuvent avoir déclenché la Deuxième Guerre mondiale, là je pense qu'on doit avoir cette liberté de le faire, mais en rappelant bien... dans le sens que vous dites.

L'autre côté, je crois que l'école a déjà les pouvoirs d'intervenir auprès de l'enseignant qui aurait des propos... Puis ça peut être d'autres choses. Ça pourrait être des propos sexistes, ça pourrait être des propos homophobes, etc. Donc, il y a des éléments comme ceux-là qui pourraient intervenir.

M. Daoust (Patrice) : Et, dans le cas de dérives...

Le Président (M. Ouellette) : M. Daoust.

• (20 heures) •

M. Daoust (Patrice) : M. le Président, dans le cas de dérives, à ce niveau-là, naturellement, c'est ce qu'on souligne, c'est qu'il pourrait y avoir des procédures administratives qui peuvent s'ensuivre, quitte à aller jusqu'à une judiciarisation du processus au niveau civil, et tout ça. Donc, on voudrait éviter une situation où il y a une multiplication des sanctions qui s'ensuivent pour un adulte qui utiliserait, comme vous le soulignez, des propos pour endoctriner ou faire passer sa vision des choses. Alors, c'est en ce sens-là qu'on veut éviter cette superposition de situations ou de sanctions qui s'ensuivraient, et aussi dans un processus irréversible, dans le sens où on comprend, au niveau de la loi... Ce qu'on comprend au niveau de la loi actuelle, ce qui est proposé, c'est qu'une fois enclenché le processus il passe dans le tordeur, et on aboutit sur une liste, et là il n'y a plus moyen de faire amende honorable, de reconnaître ses torts ou quoi que ce soit. Ce qu'on essaie de faire comme promotion dans le droit actuel au Québec : on donne la chance aux individus de faire amende honorable et d'avoir une médiation, ce qui nous apparaît absent dans le projet de loi actuel.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Justement, à cet effet-là, l'article 4 du projet de loi prévoit que la Commission des droits peut prendre les mesures appropriées. Donc, actuellement, la commission peut soumettre, par exemple, certains dossiers à la médiation. Est-ce que vous ne croyez pas que l'article 4, dans son libellé, pourrait justement atteindre cet objectif-là de ne pas nécessairement judiciariser un dossier?

Je pense qu'il y a une question aussi de contexte. Lorsqu'un dossier est soumis à l'évaluation de la commission pour traiter une plainte portant sur la tenue d'un discours haineux, la commission en fait l'évaluation, fait l'évaluation aussi du contexte dans lequel le discours a été prononcé, et donc elle analyse... dans son analyse, elle va considérer ce qui doit être fait dans le contexte bien particulier. Et c'était l'objectif de l'article 4 du projet de loi, c'est-à-dire de donner cette discrétion-là à la commission pour éviter, justement, dans certains cas, de subir un traitement qui serait disproportionnel au dossier et au contexte bien particulier dans lequel le discours aurait été prononcé.

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques ou M. Daoust? M. Daoust.

M. Daoust (Patrice) : Effectivement, c'est ce qui est inscrit là, mais il y a aussi une référence où on dit... où la commission doit informer, là, et c'est le «doit» qui est apporté également dans l'article de loi qui nous pose également problème, le «doit» tenir le tribunal informé de ces démarches-là. Alors, c'est ce processus-là qui nous met... qui, à nos yeux, mérite d'être clarifié en bout de ligne. Philippe, si tu veux préciser...

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Je voudrais juste rajouter un petit élément, également dans cette dimension-là : Quand on dit «la lourdeur du processus», c'est la longueur aussi du processus. On est dans un monde scolaire, le délai de passage des élèves est cinq ans, mais, dans certaines écoles, deux ou trois ans, et la même chose... Et qu'est-ce qu'on fait au moment... entre la plainte et la fin du processus, avec l'élève, avec l'enseignant? C'est pour ça qu'on croit que l'école a déjà en place... Et bien sûr, si les propos sont haineux, qu'ils ne répondent pas, on a des... il va être suspendu, là, ça, ça va, l'enseignant dont on parle, mais la longueur du processus nous inquiète un peu là-dessus. Nos élèves, on fait quoi pendant ce temps-là? Ils continuent à être en classe? Il y a l'obligation de scolariser, il y a... C'est un peu dans ce sens-là aussi.

Le Président (M. Ouellette) : M. Malette.

M. Malette (Philippe) : Oui, si je peux juste compléter qu'est-ce que mon collègue Patrice mentionnait, effectivement, l'article 4, il y une notion où est-ce que la commission peut avoir un certain jugement par rapport à ça, mais par contre, comme Patrice disait, au niveau de l'article 11, on vient dire que c'est vraiment «doit», et notre crainte par rapport à ça, à notre analyse, c'était de dire : Bien, devant l'éventualité que la commission voie vraiment qu'il y a eu, oui, des propos tenus, mais que l'enseignant a peut-être dit : O.K. c'est correct, j'ai tenu ces propos-là, mais à quel... jusqu'à quel moyen la commission devrait porter cette cause-là devant le tribunal, en raison de l'article 11, là, en raison vraiment du «doit» porter au tribunal la connaissance en cause? Donc, c'était vraiment cette réflexion-là qu'on a eue à l'analyse du projet de loi, puis c'est un peu pour ça que, dans notre mémoire, on le mentionnait, là, ce mécanisme-là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Mais je prends bonne note de votre préoccupation. Simplement, évidemment, la commission fait une analyse du contexte dans lequel tout ça s'est déroulé et verra à saisir le tribunal selon la nature des éléments de preuve qu'elle aura déterminés puis le contexte, là. Parce que l'article 11 énumère ces différents éléments qui doivent être considérés par la commission avant de soumettre au tribunal.

Ceci étant, dans son enquête, elle va quand même pouvoir, par exemple si les propos ont été tenus à l'intérieur d'un établissement scolaire, vérifier le contexte aussi. Le contexte scolaire, c'est une chose. Le contexte... un contexte... Des locaux de l'établissement loués en dehors des heures, ça, c'en est une autre. Bref, il y a une série d'éléments qui pourraient être considérés.

Mais, ceci dit, on prend bonne note. Puis il serait important de faire cette distinction-là entre l'enseignement et, par exemple, des propos qui pourraient être prononcés dans le cadre, par exemple, d'une tentative d'endoctrinement ou de diffusion de propos qui ne cadrent pas avec nos valeurs démocratiques.

Je veux revenir sur la question de la location des locaux. La Fédération des cégeps, la semaine dernière, je crois, nous disait : Nous, on dispose de certains outils, notamment notre code de vie, qui permet d'intervenir bien avant même des discours haineux. On a tellement... nos codes de vie sont tellement encadrés que nous, on ne tolère pas la discrimination, point, puis les propos discriminatoires, mais par contre on aurait besoin d'un outil pour nous permettre de nous dégager d'obligations juridiques à l'égard de tiers avec qui on pourrait avoir consenti des baux. Est-ce que vous êtes confrontés à des situations similaires?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Là, j'essaie de faire le tour des établissements. De mémoire, non. Mais remarquez qu'on ne serait pas contre, parce qu'effectivement, dans le futur, probablement... mais actuellement nos locaux sont habituellement... Les locaux qui sont loués, c'est principalement des activités culturelles, des activités sportives, et je n'ai pas mémoire, là, de locaux qui ont été loués pour des organismes autres. Puis souvent, aussi, on a l'obligation de vérifier si ça correspond au monde scolaire, et, compte tenu que, nos écoles, contrairement aux cégeps, c'est souvent... ça a des... à aires ouvertes, alors il y a peu de groupes. C'est sûr que c'est en soirée, ou l'été, ou les week-ends, puis, encore là, il y a peu de locaux disponibles, parce qu'on ne veut pas perturber l'organisation de l'école. Mais c'est souvent pour des activités en lien avec des municipalités, avec les organismes connus, là, dans la région. Mais on ne serait pas contre. M. Daoust.

Le Président (M. Ouellette) : M. Daoust.

M. Daoust (Patrice) : Merci. Et la plupart des écoles vont avoir des provisions contractuelles qui vont permettre, justement, dans les contrats entre les deux parties, de dire, bien, si ça contrevient à des valeurs ou quoi que ce soit. Déjà, ça peut être apparent dans certains contrats avec certains établissements. Ça, c'est visible déjà, présentement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Et les cégeps ont ces dispositions-là également dans leurs contrats, par contre nous disaient que, si on... d'ajouter une clause à cet effet-là donnerait un pouvoir additionnel ou leur donnerait cette marge de manoeuvre qui pourrait être fort utile lorsque vient le temps d'intervenir. Ça ne semblait pas être un problème récurrent, mais, le jour où ils ont besoin de mettre un terme à un contrat, ils seraient plus... ils seraient mieux outillés avec une disposition législative que sans disposition législative. Alors, j'imagine que ça devrait s'apparenter à ce que vous vivez également.

Est-ce que vous avez des... Est-ce que vous avez regardé le projet de loi quant aux autres aspects, en dehors de la question des balises et de l'encadrement du discours haineux et du discours incitant à la violence? Vu que vous travaillez de près avec les jeunes, est-ce que les dispositions... est-ce que vous avez des commentaires particuliers à formuler quant aux dispositions qui visent les violences basées sur une conception de l'honneur, qui visent le contrôle excessif, qui visent les mesures de protection qui sont destinées notamment aux jeunes?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Je veux répéter que tout ce qui va nous aider à contrer les discours haineux et la violence faite aux personnes dans le non-respect des droits et libertés, bien sûr on achète, parce qu'on est dans un monde de l'éducation puis qu'on doit former à une... j'allais dire à une convivialité dans une société qui est devenue multiple ou, en tout cas...

Une voix : Pluraliste.

• (20 h 10) •

M. St-Jacques (Jean-Marc) : ...pluraliste, pour dire plus juste. Ce qu'on veut éviter, c'est tout ce qui va nous éloigner de ça par des procédures... Je vais vous donner un parallèle, là, qui est peut-être boiteux, mais je vais... Probablement que c'est chat échaudé craint l'eau froide, là. On a eu déjà les politiques sur la prévention des toxicomanies, la politique sur la prévention de l'intimidation. On a tellement de documents à remplir à chaque fois qu'il y a un geste d'intimidation, des rapports à produire, des rapports annuels, des rapports à réviser, parce que, là, la loi évolue, et des rapports à déposer, qu'à un moment donné toute l'énergie dont on dispose est mise sur des rapports, quand on pense que, nous, il faut travailler en amont, il faut travailler à la prévention de l'intimidation, il faut intervenir quand il y a des gestes d'intimidation. Alors, ça serait un peu dans le même sens. On ne peut pas tolérer, effectivement...

Puis, il y a toute la question des mariages aussi, dont on vous a abordés, la question de la violence de toutes formes. Je crois qu'on doit travailler... nous donner les outils, à l'école, pour faire de l'éducation à la prévention de ces gestes-là, et ensuite... Déjà, l'école, s'il y avait des gestes de cet ordre-là, a des outils d'intervention auprès des élèves, par les codes sociaux, par les codes d'éthique, par... tout simplement. Mais on a plus abordé dans ce sens-là, je pense.

Le Président (M. Ouellette) : M. Daoust.

M. Daoust (Patrice) : Et, sur la question de la Loi sur la protection de la jeunesse, nous, on travaille là-dessus, on travaille avec ces lois-là à tous les jours, donc, s'il y a des provisions différentes, des ajouts qui sont faits à la Loi de la protection de la jeunesse, on ne peut pas être à l'encontre de ça. Sauf que ce qu'on vous avise également dans le mémoire, c'est qu'on vous dit : Il faut aussi tenir compte, déjà, d'une certaine lourdeur qui existe dans le système pour ne pas l'accroître davantage. Et donc, si on a les mécanismes rapides à produire, bien, on ne sera pas contre ces nouvelles provisions là, qui pourraient être dans un ajout à la Loi de la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : En fait, l'objectif de nommer certaines situations et de bien identifier les problématiques, notamment les violences basées sur une conception de l'honneur et le contrôle excessif, c'était justement pour éviter de trop alourdir les différentes documentations, puisque certains diraient : Vous n'avez pas à les identifier dans la loi, faites-y référence seulement dans les différents protocoles d'intervention. Mais je pense que certaines situations méritent d'être nommées pour qu'on puisse en connaître davantage, pour qu'on puisse aussi se sentir tout à fait «légitimisés» d'intervenir lorsqu'une situation est soulevée. Parce que, les violences fondées sur une conception de l'honneur, bien souvent on ne sait pas trop comment... les gens ne savent pas trop comment aborder ces questions-là. Et il est important, pour nous... Parce que je souscris à l'avis du Conseil du statut de la femme : pour venir régler un problème, il faut d'abord le nommer, il faut d'abord en parler. Et ne pas en parler, bien, ça fait que, parfois, on fait des détours, et puis on n'en a pas parlé parce que c'était peut-être inconfortable, mais il est important de faire quelque chose.

Alors, je ne sais pas si, dans vos établissements, il est déjà survenu des situations qui ont été portées à votre connaissance et qui, peut-être, pourraient nous éclairer sur les problématiques ou les enjeux auxquels font face...

Le Président (M. Ouellette) : M. Saint-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Mme la ministre, à mon sens, vous soulevez quelque chose d'important là aussi, effectivement. Je n'ai pas, à ma connaissance, mémoire d'événements comme ceux-là. Par contre, je crois que... On a fait beaucoup de formation quand il y a eu le nouveau cours d'éthique et de culture religieuse, parce qu'il y a tout un volet Dialogue, un volet Éthique. Religieux, c'est à peu près le tiers du programme, d'une certaine manière. Mais je crois qu'on aura à travailler encore plus à la formation des enseignants, sur qu'est-ce qui est de l'ordre de la religion puis qu'est-ce qui n'est pas de l'ordre de la religion. Par exemple, je vais dire : Les crimes d'honneur, mais ce n'est pas ça que vous avez dit, c'est parce que je ne le retrouve pas, là, mais, toute cette dimension-là, je crois qu'on a à travailler pour baliser. Parce qu'il peut y avoir une certaine crainte chez les enseignants d'aborder certains domaines du religieux dans le contexte de la société actuelle pour savoir... et d'où l'importance de ce cours-là, à mon sens, de faire comprendre qu'est-ce qu'est le phénomène religieux, qu'est-ce qui est de l'ordre d'une religion, qu'est-ce qui est de l'ordre de l'endoctrinement, qu'est-ce qui est de l'ordre de la non-reconnaissance des droits et libertés, de la non-reconnaissance d'une société démocratique avec ses droits, ses valeurs et sa charte des droits, à mon sens. Il y a un travail là à faire, et qu'on fait, mais qu'on devra continuer à faire, effectivement, auprès de nos membres, ça, c'est certain.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Est-ce qu'il reste...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! deux minutes.

Mme Vallée : Bon. Écoutez, bien, je tiens à vous remercier pour vos interventions puis pour avoir apporté certaines préoccupations que vous avez, notamment sur les rôles et l'obligation de l'enseignant. Parce qu'il y a certainement une volonté de permettre aux enseignants de nommer ce qui est inacceptable sans pour autant se faire taper sur les doigts, mais en même temps on veut aussi empêcher qu'on utilise ce prétexte-là pour tenir des discours qui sont de nature du discours haineux et de la nature du discours incitant à la violence. Alors, c'est de trouver l'équilibre entre les deux. Mais je vous remercie d'avoir soulevé cet enjeu-là et d'avoir participé à nos consultations.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Merci, M. le Président. Bonjour, M. St-Jacques, bonjour, messieurs de la fédération des collèges d'enseignement privés. Merci beaucoup.

Je vous disais tout à l'heure... On a eu le temps de se jaser un peu parce qu'il y a eu un petit retard de notre côté, du côté des parlementaires. Ce n'est pas moi, mais je me permets de nous excuser de ce délai en notre nom à tous et à toutes. Alors, je vous disais : À chaque mémoire, même si on est à la fin des consultations, on découvre un angle nouveau, quelque chose. Vous venez d'apporter un nouvel angle, qu'on n'avait pas vu avant, je pense.

Et, vous savez, nous, on est le seul parti qui, jusqu'ici, se positionne en disant : Il faut entièrement revoir la partie I de la loi, elle va être très difficile à amender, même si je comprends que les gens disent : Définissez «crime haineux» si vous êtes pour adopter la loi. Beaucoup de gens le disent, mais elle va être difficile à amender.

Puis vous venez de me donner un autre exemple sur un article où je ne m'attendais pas à ce qu'on le soulève. On dit bien que la protection... Dans la loi, article 2, il y a une ligne qui dit : «Ces interdictions n'ont pas pour [effet] de limiter la diffusion du discours aux fins d'information légitime du public.» Donc, ça vise les journalistes. Donc, on protège les journalistes qui iraient prendre un extrait de discours haineux ou qui citeraient un discours haineux. Vous dites : Bien, ça nous arrive à nous, les enseignants, aussi, puis on n'est pas exclus de la loi. Ça, c'est une chose, puis ça, on l'a bien compris, ça a été bien exploré. Mais la partie que ça amène, c'est : imaginons — puis là vous l'avez bien imagé — qu'un prof cite dans un cours un bout de discours haineux et qu'une personne, un parent l'apprenne et, au lieu d'aller à l'école et de protester dans le cadre du système scolaire qu'on a, avec les outils qu'on a, s'en aille à la CDPDJ, le processus est parti.

Vu les délais de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qu'est-ce que vous allez faire du prof si vous apprenez qu'il y a une plainte officielle à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : On va toujours être coincés, parce que, d'un côté, on va avoir les parents qui vont nous dire : Bien, cet enseignant-là tient des propos ou a tenu des propos puis qu'on juge inacceptables, puis ils vont nous sortir nos projets éducatifs d'école, les valeurs humanistes auxquelles on tient, bon, etc., et, de l'autre côté, il va avoir son association syndicale qui va dire : Bien, c'est juste une plainte. Alors, on va être très coincés.

C'est pour ça qu'on pense qu'il faut avoir un mécanisme, un premier mécanisme de mesures disciplinaires, de mesures d'analyse dans nos écoles, comme on peut déjà faire dans toutes sortes de situations. Un professeur qui aurait des propos, comme je disais tantôt, sexistes ou homophobes, par exemple, on a des mécanismes pour intervenir, c'est une chose.

Pour moi, la judiciarisation viendrait après. Si on constate, nous, effectivement, que, ces propos qui ont été tenus, c'est, j'allais dire, avec intention de la part de l'enseignant, là, qu'on est dans un processus autre, ça, on n'a aucun problème, parce qu'on croit que l'école doit demeurer un lieu d'éducation aux valeurs puis un lieu ou... par contre, un lieu où aussi la discussion est possible, un lieu où l'échange est possible, où il est possible de confronter des idées pour les faire progresser vers... pas nécessairement un consensus, mais vers une capacité de vivre ensemble.

Mme Maltais : Oui, mais, écoutez...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. Ça, c'est... Normalement, on travaille en amont, c'est ce que plein de groupes sont venus dire : Quand on veut travailler dans le monde de l'éducation, on travaille en amont, on travaille en prévention, on éduque les gens, on ne les judiciarise pas. Ça, c'est un message qui a été accueilli plusieurs fois. Mais, si les délais sont, mettons, de six mois à la Commission des droits de la personne, qu'est-ce que vous faites du prof pendant ces six mois?

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Si j'étais l'administrateur puis que je vois que ça peut avoir un impact sur l'école, il serait suspendu avec traitement chez lui en attendant.

• (20 h 20) •

Mme Maltais : Suspendu avec traitement. Il faut qu'il y ait un autre prof qui prenne la relève pendant ce temps-là, si je ne m'abuse?

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Tout à fait. Philippe?

M. Malette (Philippe) : Bien, oui, effectivement. De toute façon...

Le Président (M. Ouellette) : M. Malette.

M. Malette (Philippe) : Excusez-moi, M. le Président. Vous avez entièrement raison, dans le sens que la majorité des conventions collectives ou des politiques à l'interne dans nos écoles, dans les écoles de notre réseau vont avoir un mécanisme à cet effet-là, donc, oui, effectivement. Et on doit suivre aussi le courant jurisprudentiel, à savoir : Est-ce qu'on doit le suspendre avec ou sans solde? La majorité du temps, on va retrouver avec solde. Et, oui, effectivement, ça représente des coûts qui peuvent être assez élevés.

Mme Maltais : C'est ça. En plus, pendant six mois, mettons, ce prof-là est suspendu, tout le monde le sait dans l'école. C'est dur, là, dans une vie professionnelle, c'est dans son dossier. Puis après ça il peut être innocenté ou pas. S'il est innocenté, il a quand même vécu six mois de suspension, six mois de paie aussi, là, mais six mois de suspension, et c'est... Moi, je trouve ça particulier, là, puis il n'y a rien là-dedans, là, là-dessus.

L'autre chose, effectivement, à l'article 4 : «Sur réception d'une dénonciation, la commission l'analyse afin de déterminer les actions appropriées», ce n'est pas l'analyse... Ça, elle n'a pas encore décidé de faire enquête, «les actions appropriées».

Ensuite, l'article 5, parce que je l'ai lu : «La commission peut refuser — "peut", pas "doit refuser", "peut refuser" — de donner suite à une dénonciation qui est reçue plus de deux ans après — donc, en plus, le délai de prescription, il n'est pas "doit", là, il n'existe pas, il est au choix de la CDPDJ — le dernier fait pertinent visé ou si elle estime que la dénonciation est frivole, vexatoire ou faite de mauvaise foi.» Elle peut refuser. Elle ne doit même pas refuser, elle peut refuser. Il y a l'interprétation du côté de la CDPDJ, qui est assez large, là. Elle peut décider que c'est frivole, mais qu'elle continue. C'est assez fou.

Mais donc, pour les profs qui sont devant des classes assez mixtes... Au Québec maintenant, il y a des classes très, très, très, je dirais, multiculturelles, il y a des classes... des gens qui viennent de toutes sortes de régions du monde. Quand on touche au fait religieux, quand on arrive à la première génération qui arrive ici, des fois il y a une sensibilité plus forte qu'ailleurs. Vous avez besoin d'un mécanisme de protection des profs.

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Je suis un ancien enseignant d'éthique et de culture religieuse, alors les... dans l'ancien programme de quatrième secondaire, il y avait la Charte des droits et libertés, la liberté d'expression, le respect des différences. Et effectivement, dans le cadre de la formation, il pouvait arriver... Puis je me souviens, par exemple — il n'était pas au monde, mon collègue — bien, on était à l'époque de l'apartheid, donc, pour faire comprendre cette dimension de l'Afrique du Sud là, on avait bâti des projets, dans la classe, où on vivait quasiment en situation d'apartheid pour faire saisir ce que c'est.

Donc, il nous faut des mécanismes, bien sûr. Après, on fait toute l'éducation, rappeler : Regardez, là, c'est un jeu de rôle, c'est des situations... puis qui rapportaient des propos qui pouvaient être haineux, qui pouvaient être non reconnaissants, pour amener les élèves à saisir des situations... on parle de quatrième, cinquième secondaire, donc un certain âge, pour éviter aussi la dérive sectaire, ou quoi que ce soit.

Je crois que là-dessus on a besoin de cette latitude-là pour continuer à faire de l'éducation. Mais je suis d'accord que, s'il y a un professeur qui n'est pas dans le cadre de son programme, qui tiendrait de tels propos, il doit être sanctionné. Ça, ça n'a pas sa place, là.

Mme Maltais : Mais vous avez déjà les mécanismes pour faire le travail qu'il faut, là. Comme la Fédération des cégeps, la Fédération des commissions scolaires sont venues nous dire : Écoutez, on a déjà tout ça, on a déjà toutes les mécaniques, on n'a pas besoin d'ajouter de la judiciarisation là-dedans.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Et ce qui devient aussi, si vous me permettez, ce qui devient aussi... qui a peut-être changé dans le dernier quart de siècle, c'est qu'actuellement les parents sont plus éduqués, plus informés, les médias sociaux, l'information circule rapidement. Et ensuite on a tendance d'avoir... on veut des services à la carte, mais on a des plaintes à la carte aussi. On a un peu de difficultés. Et ce qui est intéressant dans le projet de loi, c'est d'amener une dimension collective sur des droits aussi par rapport au respect. Ça, je pense que le projet de loi peut être intéressant dans cette dimension-là aussi, pour nous, mais...

Mme Maltais : Merci, M. St-Jacques. C'est parce que mon collègue veut aussi vous poser des questions.

Le Président (M. Ouellette) : Ah! ça me fait plaisir que votre collègue de Bourget pose des questions, Mme la députée de Taschereau. M. le collègue de Bourget.

M. Kotto : Merci, M. le Président. Messieurs, soyez les bienvenus et merci pour votre contribution aux travaux de cette commission. Je vais revenir un tout petit peu sur l'économie générale du volet I de ce projet de loi n° 59. Si je vous entends bien, vous privilégiez l'éducation dans une perspective de prévention à la répression, à la judiciarisation. Le projet de loi poursuit.

De ma perspective des choses, deux objectifs : la déradicalisation et le vivre-ensemble. Est-ce que le projet de loi, adopté tel quel, de votre perspective, du haut de votre expérience, va atteindre ces objectifs-là?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Puis, avec toute la limite, là, que... je ne suis pas un spécialiste dans tous ces domaines-là, je dirais que nous, on se dit : Si on n'a pas... Ce qu'on craint : si on n'a pas les moyens d'amener les élèves à comprendre des phénomènes et à éviter de tomber là-dedans, on ne réglera pas la radicalisation, et d'où l'importance du cours, actuellement, d'éthique et culture religieuse — mais il n'y a pas juste ce cours-là — sur la compréhension de ce que c'est, les phénomènes religieux, parce qu'on parle beaucoup... la radicalisation se fait beaucoup autour de certaines religions actuellement, le discours haineux, et de faire des distinctions, par exemple, dans les cours de quatrième, cinquième secondaire.

Avec ce qui se passe au Moyen-Orient, si j'étais professeur d'histoire ou d'histoire du monde contemporain, il y aurait tout un travail à faire pour comprendre, justement, pour amener... et, à mon sens, l'école a déjà les moyens de faire ça, qui est différent que... Je fais une distinction aussi entre un enseignant ou un éducateur dans une maison puis un élève. L'éducateur, à mon sens, il a une éthique professionnelle. Par sa formation, par son métier, il y a des propos qu'il ne peut pas tenir, il y a des attitudes qu'il ne peut pas avoir, et ça, on a les mécanismes pour intervenir, et même c'est souvent conventionné. Je veux dire, écoutez, par exemple, un professeur qui exclurait des gens au nom de la race, de la religion, ou quoi que ce soit, ou : Moi, je ne veux pas l'avoir dans l'école parce qu'elle est voilée, ou quoi que ce soit, il y a des choses... Pour l'élève, à mon sens, on est dans un mécanisme de formation, donc là il peut avoir des dérives dans son discours. On en a toujours vu, on a eu... toutes les époques possibles, là, des skinheads en montant jusqu'à aujourd'hui, les... associés à des gangs de rue, ou quoi que ce soit, même dans nos écoles. Donc là, on a un travail autre à faire, on voudrait d'abord faire de l'éducation avant d'arriver dans un processus de dénonciation, et toute la suite, là. C'est un peu... Peut-être que je ne réponds pas à votre question, là, mais...

Le Président (M. Ouellette) : M. Daoust, vous avez un complément d'information?

M. Daoust (Patrice) : Absolument. À l'heure actuelle, il y a beaucoup d'ententes qui sont... Avec la ville de Montréal, par exemple, avec le SPVM, on a signé des ententes de collaboration avec le SPVM dans le but, justement, de faire de la prévention, donc avec les policiers sociocommunautaires. La fédération a étendu ce protocole, qui a servi de modèle pour l'ensemble du territoire, au niveau de ses établissements pour qu'ils puissent se baser sur ce qui est fait là. Et on était très réceptifs, parce que, lorsque la discussion a été faite avec le SPVM — j'étais à cette table de discussion avec le SPVM — une de nos préoccupations était pour les établissements qui sont à l'extérieur de Montréal et qui auraient besoin des ressources du nouveau centre qui a été mis en place pour la prévention, est-ce qu'il y aurait cette possibilité-là? Là, on est venus clarifier cette dimension-là, et c'est déjà un moyen de prévention et un moyen de travailler en amont qui existe puis qui s'est étendu à l'ensemble du territoire québécois.

Alors, il y a des modalités qui peuvent être faites à l'intérieur même d'une législation, qui permettraient, justement, d'agir au niveau de la prévention sans avoir à modifier la Loi sur l'enseignement privé en tant que telle pour apporter ces mesures-là de prévention et donner des outils aux enseignants.

Le Président (M. Ouellette) : Petit commentaire, dans la dernière minute, M. le député de Bourget.

M. Kotto : Oui, dernière minute. Vous avez beaucoup d'expérience, vous avez côtoyé des jeunes dans leur croissance, dans la formation de leur personnalité psychique. Le sentiment d'appartenance et le sentiment d'acceptabilité — au même foyer de sens, évidemment — sont-ils des vecteurs qui peuvent contribuer ou pas à la déradicalisation et au vivre-ensemble?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques, en conclusion.

• (20 h 30) •

M. St-Jacques (Jean-Marc) : C'est sûr que l'école doit tout mettre en place, là, tout mettre en oeuvre pour assurer que tous les élèves fassent partie du groupe, de la famille, si on veut. Et là le projet de loi... Tout le travail sur l'intimidation nous a éveillés à être sensibles aux élèves qui sont exclus, aux élèves qui sont intimidés, aux élèves qui sont rejetés. Donc, on a cette capacité-là. Pour moi, il faut faire le même travail ici avec... Et ce que je trouve peut-être intéressant avec ce projet de loi là, c'est que ça nous rappelle notre rôle d'éducateur, aussi. Au-delà de ce qui va être écrit, au-delà de ce qui va être fait, on a un gros travail de formation, actuellement, à faire sur la radicalisation et tout ce qui est dit, là, qui est de faussetés, ou quoi que ce soit. On mêle tout, là, actuellement, là, au niveau de l'islam, par exemple, en particulier. C'est ce qu'on entend le plus auprès des élèves.

Donc, on a tout un travail à faire là-dessus, à mon sens, mais en même temps on ne peut pas se dire qu'on perçoit dans nos écoles actuellement un phénomène d'exclusion ou de radicalisation, mais on pense que, si on fait de l'éducation, il ne faut pas attendre que le feu prenne pour montrer comment sortir en cas de feu.

Le Président (M. Ouellette) : On va vous envoyer un pompier de Montarville, M. St-Jacques. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs. Bonsoir, à l'heure où nous sommes rendus. Merci d'être là. Pour les bénéfices des gens qui nous écoutent, la Fédération des établissements d'enseignement privés, les articles sur lesquels vous avez travaillé, ce sont ceux qui vous touchent dans le projet de loi n° 59, c'est-à-dire plus précisément les articles 27, 28, 29 et 30. Je vais vous poser des questions là-dessus.

Mais avant j'ai une petite question de préambule. Vous nous disiez que la Fédération des établissements d'enseignement privés compte 194 écoles. Moi, je suis intriguée. Dans ces écoles, on parle d'écoles privées, primaires, secondaires, il y en a... Est-ce qu'il y en a ou combien en avez-vous qui sont des écoles d'enseignement privées religieuses? Peut-être n'en avez-vous pas, mais il doit y en avoir quelques-unes, j'imagine.

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Si on prend les statistiques du ministère, il y en a beaucoup dans le sens suivant : c'est que toutes les écoles qui étaient de tradition religieuse catholique ont souvent, auprès du ministère, encore un statut d'école catholique. Mais, pour être directeur d'une école catholique, étant moi-même religieux, ce que je peux vous dire, c'est ce qu'on fait... Ces écoles-là n'auraient pas... Ce sont des écoles qui sont demeurées... qui sont pluralistes, parce que, dans la tradition de l'école catholique, c'est d'accueillir tous les élèves qui sont là. Ça, c'est une chose. Mais des écoles strictement confessionnelles, dans notre fédération, on en a peu. On a deux ou trois écoles musulmanes, de mémoire.

M. Daoust (Patrice) : À peu près. Oui, trois.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Trois. Puis peut-être une école de tradition juive, mais c'est davantage pour des élèves handicapés ou hospitalisés, donc c'est un autre contexte tout à fait, là. Mais ces écoles-là, que ce soit catholique de tradition, parce qu'il y a peut-être des catholiques un peu plus historiques, pour parler comme ça, il ne faut pas le qualifier autrement, elles ont une charte des valeurs que la fédération a. Donc, dans notre charte des valeurs, il y a le respect des lois québécoises, le respect de la Charte des droits et libertés, le respect de la différence culturelle, différence religieuse, et c'est inscrit dans nos valeurs. Il y a une école qui... On demande de la signer, cette déclaration de valeurs là, avant de devenir membre de la fédération, mais après ça, bien sûr, on n'a pas un pouvoir d'enquête, là, pour aller vérifier dans l'école si tout ça est fait, là. Mais le ministère, dans le renouvellement des permis, dans la révocation ou non des permis et des agréments, a une capacité aussi de vérifier certains éléments de cet ordre-là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Alors, vous dites : Deux ou trois écoles sont vraiment de confession... Alors, ma question : Comment est-ce que ces écoles-là ont réagi ou vous ont-elles communiqué, celles qui sont vraiment religieuses, à la suite du dépôt du projet de loi de la ministre? Est-ce qu'il y a eu des réactions de la part des directions, de la part des parents, des craintes? Je voulais juste avoir le pouls à cet égard-là.

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : On n'a vu aucun commentaire ni de nos... de ces directions d'école là. On a une assemblée générale dans deux... un mois et demi, alors on va peut-être en avoir plus, là. C'est vrai que c'est le début de l'année scolaire, et tout le monde est dans le rodage, là, mais on n'a pas eu aucun, aucun... Mais, pour les connaître un peu plus, ces écoles-là, je ne croirais pas qu'il y en aurait non plus, parce qu'elles affirment, tout au moins dans leur charte et aussi leur déclaration de valeurs, ou leur code d'éthique, ou leur code social, qu'elles sont ouvertes à la reconnaissance de la société dans laquelle elles sont intégrées, là.

Mme Roy (Montarville) : ...page 13, en haut de page, vous nous dites : «Tout d'abord, le fait d'accorder au ministre un pouvoir d'enquête sur un sujet dont la connaissance et l'expertise ne relèvent pas de son domaine soulève des questionnements.» Alors, plus précisément, vos inquiétudes... vous avez fait plusieurs recommandations, mais vous l'axeriez surtout sur quoi?

M. St-Jacques (Jean-Marc) : On parle effectivement du ministre de l'Éducation à ce moment-là. On pense que cette dimension-là... Je crois que, si au ministère de la Justice, si à la Commission des droits de la personne, ils ont déjà un mandat, on ne voit pas en quoi le ministre... — puis là je vais peut-être demander à M. Daoust, là, de préciser davantage, là — on ne croit pas qu'il est nécessaire de donner un pouvoir de plus au ministre de l'Éducation si déjà il est prévu par la justice, par nos lois, par la Charte des droits, par... C'est un peu dans ce sens-là, si je ne me trompe pas.

Le Président (M. Ouellette) : M. Daoust, si vous voulez compléter.

M. Daoust (Patrice) : Exactement ça. Dans l'article 119, c'est clairement stipulé, sur les pouvoirs du ministre en tant que tels, on voyait une superposition qui pourrait arriver à ce moment-là et qui n'est pas de son domaine d'expertise à proprement parler au niveau du ministère de l'Éducation. Donc, M. St-Jacques l'a bien illustré avec le ministère de la Justice, avec la Commission des droits de la personne.

Le Président (M. Ouellette) : Vous aviez la même réponse, M. Malette?

M. Malette (Philippe) : Oui, effectivement. L'article 123 aussi, au niveau des agréments, est sensiblement la même chose que l'article 119.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui, parfait. Mais alors, maintenant, je vous amène sur une autre problématique que vous avez soulevée, toute la notion de tolérance. Pour les gens qui nous écoutent, la tolérance, on la voit apparaître dans le projet de loi à l'article 28 qui propose un ajout à l'article 119 de la Loi sur l'enseignement privé. Et, la tolérance, on la voit apparaître là puis on la voit apparaître aussi dans les notes explicatives du projet de loi, où on dit : «La tolérance d'un tel comportement permettra au ministre de retenir ou d'annuler tout ou partie du montant d'une subvention destinée à un établissement d'enseignement privé, à une commission scolaire ou à un collège d'enseignement général et professionnel», etc.

Parlez-nous-en, de ce concept de tolérance, parce que vous semblez trouver que... Vous dites : «...la fédération constate une grande ambiguïté avec la notion de "tolérance" de la part d'un établissement et des conséquences possibles face à une telle situation.» Je vous laisse aller là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Pour reprendre ce que je disais tantôt, on pense que tout établissement scolaire a une obligation déjà, par son rôle d'éducation, d'intervenir dans des dossiers comme ceux-là, comme dans des dossiers de la violence, comme dans des dossiers d'intimidation. C'est son rôle. Il y a déjà, dans sa mission... Il y a déjà, dans son mandat, d'éduquer et de socialiser, et puis j'en oublie un...

Une voix : Qualifier.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Qualifier, merci. Et, dans son mandat, il y a déjà une dimension comme celle-là à faire. Alors, c'est présupposé. Il y a une certaine... présupposé que, comme si une école fermerait les yeux devant des situations comme celles-là... On ne peut pas se le permettre, de se fermer les yeux, je veux dire, encore moins un établissement privé, parce qu'on a des comptes à rendre à des assemblées, à des conseils d'administration, à des assemblées générales et à des parents. Et, si les parents voient que nous, on tolère des attitudes qui atteignent les droits et libertés, bien, ils ne nous choisiront pas et ils vont aller ailleurs. Ça fait qu'on a une obligation de... Dès qu'il y a un problème qui surgit, on a une obligation d'intervenir, on a obligation d'éduquer, on a obligation de travailler à changer la situation, et c'est dans ce sens-là...

Et il y a comme une notion de flou, là. On ne sait pas trop, trop, là, ça veut dire quoi, c'est quoi, la tolérance. Moi, j'avais une conception philosophique de tolérance, qui est autre que celle-ci, là. Et qui est-ce qu'on atteint? Est-ce que ça veut dire qu'un établissement qui aura enclenché un processus, mais que ça aurait pris trois mois au lieu de six mois, au lieu de deux mois... C'est quoi... Déjà que, si on va à la Commission des droits de la personne, on sait qu'il va y en avoir un, délai qui va être plus long que ça, là.

Et on pense qu'on a besoin de clarification. Je crois que c'est dans ce sens-là qu'on précisait ça, besoin de clarification. Est-ce qu'un ministre, un matin, reçoit, je ne sais pas, moi, une plainte de parent, puis qu'il intervient, puis considère que l'école n'a pas fait son travail... Parfois, aussi, par expérience, les parents n'ont pas... n'appellent pas nécessairement l'école en premier. Ils vont appeler au ministère de l'Éducation ou bien donc certaines stations de radio pour parler de la situation avant de nous en parler à nous, et, ça aussi, on a de l'éducation à faire dans ce sens-là. Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, là, mais...

Mme Roy (Montarville) : Il me reste beaucoup de temps?

Le Président (M. Ouellette) : 1 min 30 s.

Mme Roy (Montarville) : Ah! une minute. C'est parfait.

Le Président (M. Ouellette) : Vous avez du temps en masse.

Mme Roy (Montarville) : Poursuivons sur la tolérance. À la toute fin de... Toujours à la page 13, à la toute fin, vous dites : «Malgré le processus administratif mis en place permettant l'avertissement et la contestation, cette possible décision du ministre — toujours le même ministre de l'Éducation, là — a pour résultat de mettre en péril les finances de l'établissement visé, voire même son existence.»

Alors, si je comprends bien, c'est que la sanction de ces subventions, qui pourraient être, par exemple, enlevées — ce n'est pas le bon mot, là — cette sanction, donc, vous la trouvez trop discrétionnaire, trop large, vous la craignez?

Le Président (M. Ouellette) : M. Malette, ça va être vous qui allez avoir le mot de la fin.

• (20 h 40) •

M. Malette (Philippe) : Merci, M. le Président. Oui, si je peux me permettre, l'analyse qu'on a faite, c'est qu'on s'est dit... On trouvait qu'au niveau de la tolérance, bon, comme M. St-Jacques disait, c'est très large comme notion puis on voulait peut-être avoir une précision un peu plus spécifique. Mais c'est aussi qu'on voyait que les conséquences de cette situation-là pouvaient apporter, justement, des situations très problématiques au niveau financier, au niveau de nos écoles. Retirer les agréments dans une école privée peut représenter la fermeture d'écoles, alors que... ça peut causer un très, très grand problème pour nos écoles. Et c'est d'ailleurs pourquoi qu'on a soulevé le point dans notre mémoire, spécifiquement à cette notion-là. Donc, on se disait à nouveau : Pour une tolérance, mettre en péril l'existence d'une école, une école privée... On voyait un peu un débalancement au niveau de la sanction.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Gouin, oui.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Je n'ai pas beaucoup de temps, je vais aller droit au but. Une première question toute simple : Si, en ce moment même, un professeur chez vous, dans une de vos écoles, est accusé par un parent d'agression sexuelle et que, donc, la cause... bon, il y a une plainte à la police, qu'arrive-t-il à l'enseignant en ce moment?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : La dimension d'agression sexuelle, elle est très claire, dans le sens que, dès qu'on a une plainte ou... on a l'obligation automatique de s'asseoir soit avec le représentant de la DPJ, de la police et du procureur de la couronne, et tout de suite il y a un comité de crise qui est mis en place. Dans les 24 heures, on se rencontre, puis on analyse la situation, puis on essaie de voir : Est-ce que l'enseignant doit être retiré? Est-ce que la plainte est fondée? Est-ce que la police fait enquête? Et souvent, bien là, on transfère à la police l'enquête, parce qu'on n'a pas des pouvoirs d'enquête non plus, on est des éducateurs d'abord. Mais le mécanisme prévoit déjà...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Gouin.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Et, durant l'enquête, l'enseignant va-t-il demeurer en place, ou allez-vous le suspendre avec solde?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Selon l'entente, dès que la Sûreté du Québec intervient auprès de l'enseignant, il va être suspendu durant le temps de l'enquête.

Mme David (Gouin) : Merci. J'ai une autre question. Vous avez fait tout à l'heure le lien avec toute la nouvelle politique, là, sur l'intimidation en disant : Finalement, c'est beaucoup de papiers à remplir, mais ça ne nous donne pas tant que ça plus de moyens pour vraiment intervenir. Et je sens que vous nous dites un peu la même chose en ce qui a trait au travail avec les jeunes dans vos écoles. Alors, j'aurais envie de vous demander : Au fond, de quoi auriez-vous besoin pour contrer que ce soit l'intimidation ou un discours haineux, qui aboutit souvent à de l'intimidation, dans les faits?

Le Président (M. Ouellette) : M. St-Jacques.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Deux, trois choses peut-être rapidement. La première, c'est...

Le Président (M. Ouellette) : Une minute pour vos deux, trois choses.

M. St-Jacques (Jean-Marc) : Une minute? Bon, alors, très rapidement, la première, c'est que, quand on parlait de tolérance tantôt, on a l'impression que les écoles sont pressées, comme les enseignants. On rentre tout de suite dans le tordeur avant même de s'asseoir puis de tenter de trouver qu'est-ce qui se passe dans l'école. Puis, s'il faut changer le directeur parce qu'il ne comprend pas, bien, c'est autre chose.

Mais le deuxième élément, je crois, qui n'est peut-être pas indiqué ici, il est peut-être temps, à partir de ce qu'on entend depuis quelques jours, depuis quelques semaines, de revoir certains volets du contenu de certains cours, soit en histoire, soit en éthique et culture religieuse — le programme a déjà une dizaine d'années, je crois, éthique et culture religieuse — de réévaluer est-ce qu'il atteint ses objectifs d'arriver à une société qui est plus consensuelle ou, en tout cas, où on a des valeurs communes qu'on partage et qu'il y a des valeurs qui sont différentes, mais qu'il y en a des communes. Donc, la radicalisation n'a pas sa place, par exemple, comme la violence faite aux femmes, comme l'homophobie, comme etc. Cette dimension-là est peut-être à revoir.

Nous, ce qu'on veut, c'est avoir la latitude nécessaire pour faire de l'éducation et qu'on ne soit pas pris dans des démarches qui nous demandent... Parce que, dès qu'on parle de démarche de judiciarisation, bien là, c'est les procureurs, c'est la menée d'enquête. On croit qu'on doit travailler à faire beaucoup plus de formation auprès des jeunes que de travailler sur cette dimension-là. Et bien sûr, si les problèmes se posent, ça, c'est autre chose, on les réglera aussi, là.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. St-Jacques. M. St-Jacques, M. Daoust et M. Malette, représentant la Fédération des établissements d'enseignement privés, merci de votre contribution à la Commission des institutions.

Nous allons suspendre quelques minutes, le temps de demander au Centre Cyber-aide de s'avancer à la table.

(Suspension de la séance à 20 h 44)

(Reprise à 20 h 46)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Centre Cyber-aide. On a la chance d'avoir sa directrice générale, Mme Tétreault. Vous allez nous présenter la personne qui vous accompagne. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé — je pense que vous avez vu ce qui s'est passé avec la fédération des enseignements... d'établissements privés — et après il y aura un échange avec Mme la ministre et les partis de l'opposition. Donc, Mme Tétreault, je vous laisse la parole.

Centre Cyber-aide

Mme Tétreault (Cathy) : Merci, M. le Président. Bonsoir, Mme la ministre, rebonsoir. Bonsoir, mesdames messieurs. Merci de nous recevoir. Oui, pour juste spécifier la présence d'une collègue au niveau d'un programme, je vais lire le préambule, et ça va vous indiquer pourquoi nous sommes deux, finalement, et que nous avons déposé deux mémoires. Donc, on se réserve cinq minutes chacune pour lire. Alors, je vais commencer.

Le Centre Cyber-aide a été convoqué à titre d'expert pour présenter sa position quant au projet de loi n° 59 en fonction des vulnérabilités de sa clientèle.

Considérant la collaboration en cours avec le CIUSSS de la Capitale-Nationale dans l'élaboration d'un guide d'intervention pour une utilisation saine et sécuritaire des TIC, incluant les jeux de console en ligne et hors ligne, pour les personnes présentant un trouble du spectre de l'autisme, le Centre Cyber-aide tenait à ce que les préoccupations entourant ces personnes dans le contexte présent se retrouvent également dans ce mémoire. À cet égard, notre intervention vise à renforcer la protection des personnes et prévenir la diffusion de discours haineux, violents ou intimidants. Nous estimons aussi important de pallier aux nouvelles problématiques qui se développent avec Internet et les technologies de l'information auprès de nos enfants.

S'intéresser à la prévention, à la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence, c'est s'intéresser notamment aux moyens de les propager, de les diffuser. Parmi les moyens existants, nous porterons notre attention particulièrement aux technologies d'information et de communication. Internet, les réseaux sociaux, les cellulaires, tablettes et autres sont effectivement des moyens très performants pour communiquer et aussi, conséquemment, de tenir des propos inappropriés, qu'ils soient haineux, violents ou intimidants.

Où en sont les connaissances de nos jeunes et des parents à propos de l'utilisation saine et sécuritaire des TIC via Internet? Sont-ils bien informés et prévenus de leur grande vulnérabilité face aux cybercrimes et de leurs conséquences? Sont-ils bien informés aussi qu'il est possible qu'ils deviennent soit victimes ou agresseurs?

Avec les nouvelles technologies, les jeunes peuvent aujourd'hui communiquer de plusieurs façons. Ici, les médias sociaux entrent en jeu, car ils permettent aux jeunes de créer des liens entre eux. Bien entendu, une relation saine, qu'elle soit en ligne ou en personne, doit toujours se faire dans le respect mutuel. Cependant, rien n'empêche l'apparition de conflits. Ainsi, l'échange de propos irrespectueux peut se transformer en cyberintimidation ou autre cybercrime. On se sert alors des outils électroniques pour troubler l'autre personne, la menacer ou la plonger dans l'embarras, la harceler, chercher à l'exclure socialement, à entacher sa réputation ou briser ses amitiés. C'est ce caractère public qui donne à Internet un pouvoir énorme encore mal compris et sous-estimé. En effet, les jeunes ne sont nécessairement pleinement pas conscients du caractère public d'Internet et des risques auxquels ils s'exposent. En définitive, l'intimité n'existe pas devant l'écran d'un ordinateur ou d'un téléphone cellulaire.

Le Centre Cyber-aide se préoccupe de ces questions, et son expertise est régulièrement mise à profit. Par exemple, les écoles demandent notre intervention, car il existe plusieurs formes de dénigrement : photos, vidéos et écritures.

• (20 h 50) •

Prévenir ou punir? Notre expérience terrain tend à démontrer qu'il est vital d'informer la population, de diffuser les connaissances dans les milieux, notamment les écoles, afin que nos jeunes soient outillés pour mieux comprendre ces questions et leur permettre d'adopter en amont les bons comportements. Autrement, la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence pourrait tout aussi bien s'appeler la loi concernant la punition des discours haineux et des discours incitant à la violence. Et c'est un peu le sentiment que nous avons eu à la lecture des différents articles du projet de loi. L'aspect de la prévention nous semble négligé et doit pourtant, à notre avis, figurer au sommet des moyens à se donner pour atteindre nos objectifs collectifs.

Désigner quelqu'un afin qu'il puisse mener une enquête, pénaliser un établissement scolaire qui fera preuve de tolérance envers des comportements jugés inacceptables nous apparaissent comme des solutions qui s'imposent davantage en bout de piste. Pour éviter de transformer les directions d'école en horde d'enquêteurs, il vaut mieux peut-être accorder à la sensibilisation et l'information l'importance qu'ils méritent. En effet, comment prévenir un comportement dont le potentiel criminel n'est même pas connu des jeunes eux-mêmes? De la manière, les actions de sensibilisation permettent l'acquisition de compétences sociales, fournissent notamment des outils afin de dénouer les conflits autrement que par la diffusion de propos haineux ou injurieux.

Recommandations. Avant de porter des accusations, il faut s'assurer que les jeunes ont été informés et sensibilisés à ces questions. Ils peuvent, sans le savoir, commettre un crime, par exemple échanger à l'école des images à caractère sexuel, ce qui constitue de la pornographie juvénile.

Les jeunes doivent être sensibilisés à leur vulnérabilité sur Internet. Les informations qu'on y échange ne sont, pour ainsi dire, jamais complètement confidentielles. Il est également essentiel d'informer le milieu scolaire, les intervenants et les parents. Bien connaître ces réalités permet de meilleures décisions : quand intervenir, quand sanctionner, quand et comment soutenir, que faire des victimes, que faire des jeunes agresseurs.

La résolution d'un crime n'apporte pas automatiquement de l'aide aux victimes. Celles-ci ou ceux-ci sont parfois oubliés ou négligés dans le processus. Il faut, au contraire, leur offrir le soutien nécessaire.

Faire la promotion des comportements sociaux à privilégier est certes primordial, les jeunes doivent néanmoins savoir que les gestes répréhensibles ne resteront pas impunis. Est-ce que ça fait cinq minutes?

Le Président (M. Ouellette) : Il vous reste moins que cinq minutes. Mme Lévesque va être obligée d'accélérer, parce qu'il va lui rester trois minutes, à Mme Lévesque, pour nous parler de la Capitale-Nationale.

Mme Tétreault (Cathy) : Alors, je conclus la phrase : C'est encore par la prévention, la sensibilisation et l'éducation que la société fait ses progrès les plus remarquables et durables.

Le Président (M. Ouellette) : Ça passe très vite, effectivement, le 10 minutes.

Mme Tétreault (Cathy) : ...je m'excuse.

Le Président (M. Ouellette) : Non, non, mais ce n'est pas pour moi, Mme Tétreault, c'est beaucoup plus Mme Lévesque. Mme Lévesque, vous allez nous donner, je pense, un aperçu pour la Capitale-Nationale.

Mme Lévesque(Sylvie) : O.K. Alors donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, le mémoire présenté par le centre intégré universitaire de la santé et services sociaux...

Le Président (M. Ouellette) : Juste avant, je vais vous dire qu'et la ministre et Mme la députée de Taschereau vont faire en sorte que vous allez avoir votre cinq minutes.

Mme Lévesque (Sylvie) : Ah mon Dieu! Merci. Merci beaucoup. Merci énormément. Alors donc, je reprends. M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, merci. Alors donc, le mémoire présenté par le Centre intégré universitaire en santé et services sociaux de la Capitale-Nationale a pour objet de porter à votre attention les spécificités des personnes vivant avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre autistique quant à l'utilisation saine et sécuritaire des technologies dans le contexte du présent projet de loi.

Les préoccupations présentées dans ce mémoire ont d'abord été exprimées par les éducateurs spécialisés qui doivent intervenir dans des situations de plus en plus complexes et mettant en cause l'utilisation des technologies. De façon générale et à des degrés différents d'atteinte, les personnes ayant une DI ou un TSA éprouvent des difficultés dans deux domaines d'habilité implicitement sollicités par ce projet de loi, soit celui de la communication et celui des habiletés sociales. Les difficultés à comprendre les intentions réelles d'autrui, à comprendre certains sous-entendus ou les subtilités des rapports sociaux rendent les personnes DI ou TSA vulnérables aux abus de toutes sortes. Elles peuvent ne pas être en mesure d'identifier les pièges et les risques associés à l'utilisation des nouvelles technologies. Elles peuvent aussi se voir entraîner dans des situations compromettantes qu'elles auront parfois elles-mêmes initiées mais pour lesquelles elles n'auront pas les habiletés de juger de leurs conséquences et des impacts.

L'incapacité ou la difficulté à se projeter dans l'avenir a pour conséquence qu'elles ont de la difficulté à apprendre de leurs expériences. Il est donc possible de voir une personne se présentant en cour non pas une fois, deux fois, mais parfois même trois fois pour un même délit. Mais est-ce que la personne est plus en mesure d'apprécier les conséquences, les impacts de ses actes? La question se pose.

Tout en étant profondément convaincues que les personnes ayant une DI ou un TSA sont des citoyens à part entière et qu'elles ne sont pas au-dessus des lois, nous recommandons que leurs caractéristiques et leurs modes de fonctionnement soient reconnus et pris en compte lors des démarches judiciaires. En ce sens, nous rappelons l'importance que soit vérifié auprès de la personne ayant une déficience ou un trouble du spectre autistique son niveau de compréhension des actes posés et des répercussions qui en découlent, et ce, avant le dépôt de toute accusation.

À l'ère du numérique, il nous semble primordial que l'éducation à la citoyenneté ait comme enjeu incontournable l'emploi responsable, éthique et sécuritaire des technologies. La prévention et l'éducation sont essentielles pour la protection des personnes vivant avec une DI ou un TSA, et c'est pourquoi l'ensemble des recommandations du programme DI-DP-TSA du CIUSSS de la Capitale-Nationale concernent la section II, Autres fonctions et obligations de la commission, article 17 du projet de loi. La promotion des comportements sociaux répondant aux normes établies, le développement des compétences d'autoprotection et l'apprentissage des droits et responsabilités s'avèrent indispensables pour assurer la protection des personnes vulnérables, et ce, tant lorsqu'elles deviennent des victimes que lorsqu'elles deviennent des contrevenants.

Nous sommes d'avis que cet enjeu en est un de société et qu'en ce sens il doit être porté tant par le réseau de l'éducation que celui de la santé et des services sociaux, par les différents ministères, les organismes communautaires et par l'ensemble des citoyens et citoyennes. Il importe alors d'outiller adéquatement l'ensemble des intervenants communautaires, scolaires, de la santé et des services sociaux, les parents, pour soutenir cette utilisation-là saine et sécuritaire des technologies de l'information, d'Internet, des médias sociaux. Ultimement, l'adoption d'une approche éthique quant aux technologies de l'information devrait constituer un des principes directeurs de l'ensemble des utilisateurs.

Bien sûr, nous partageons les préoccupations des groupes qui nous ont précédées dans cette commission quant au paragraphe 3° du même article, qui fait mention d'une liste de personnes ayant été reconnues selon la décision d'un tribunal, et une liste disponible, accessible à tous, pour les mêmes raisons et risques qui ont été cités dans les auditions précédentes. Alors, je conclus.

Le Président (M. Ouellette) : Vous concluez.

Mme Lévesque (Sylvie) : Oui. Alors, je conclus. Les personnes ayant une déficience ou un TSA aspirent comme tout le monde à avoir des contacts sociaux harmonieux. Elles souhaitent être de leur temps en utilisant ces nouvelles technologies qui contribuent à leur autodétermination et leur offrent une ouverture sur le monde qui est très stimulante pour leur développement. Cependant, leurs caractéristiques et leur naïveté envers autrui les rendent vulnérables lorsqu'elles les utilisent. Il convient donc de mettre en place des mesures qui préserveront leur intégrité et assureront leur protection dans ce nouvel environnement d'échange et d'apprentissage.

Le Président (M. Ouellette) : Vous pouvez respirer maintenant. Mme la ministre.

Mme Vallée : Merci beaucoup. Merci, mesdames. Merci de votre présentation. Vous apportez des préoccupations qui sont d'intérêt, certes, surtout... Et ça rejoint un peu les préoccupations que d'autres groupes nous ont formulées la semaine dernière quant à l'intervention auprès des personnes qui manifestent certains troubles de socialisation.

On a l'association des psychothérapeutes qui nous a soulevé, nous a fait part de certaines préoccupations, et je pense... et je voulais vérifier avec vous si, les pouvoirs accordés à la commission des droits de la personne et de la jeunesse, qui sont prévus aux articles 4 et suivants du projet de loi, qui permettent à la commission d'analyser la plainte qui lui est formulée et de déterminer des actions appropriées, si, à l'intérieur de cette évaluation-là, vous retrouvez des éléments qui pourraient rejoindre un petit peu vos interventions, c'est-à-dire que la commission puisse considérer le statut particulier, par exemple, d'un individu qui pourrait manifester... qui pourrait être atteint d'une déficience intellectuelle, qui pourrait être atteint d'un trouble du spectre de l'autisme. Est-ce que vous considérez ces éléments-là suffisants ou est-ce que vous auriez d'autres suggestions à apporter?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque.

• (21 heures) •

Mme Lévesque (Sylvie) : Oui. Alors donc, les personnes qui ont une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l'autisme peuvent, oui, effectivement, se mettre dans des situations très compromettantes. Parfois, la répétition de ces actions-là va faire en sorte qu'ils vont acquérir certaines compétences de la cour, du système judiciaire, des termes employés qui peuvent fausser une évaluation de leur niveau de compréhension des actes ou de leur niveau de conscience des impacts des gestes qu'ils ont posés. Alors, ce qu'on dit, c'est qu'on doit parfois pousser un peu plus loin cette évaluation-là pour s'assurer justement de cette compréhension-là, de cette conscience qu'ils ont des gestes qu'ils ont posés.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Et comment, outre tout le travail de prévention qui peut être fait et qui est visé dans le plan d'action, outre les pouvoirs d'éducation et de prévention on sait que la commission pourrait avoir, comment on peut s'assurer de poser les bons... d'avoir les bonnes interventions lorsqu'on est confronté à un discours haineux ou un discours incitant à la violence qui provient de quelqu'un qui est atteint d'une déficience intellectuelle? Quel serait le type d'intervention qui, à votre avis, serait la plus efficace?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie) : Merci. Est-ce que c'est le type d'intervention ou peut-être le type de personnes qui peuvent procéder à ces évaluations-là? On peut penser à multi types de professionnels, une équipe multidisciplinaire, qui sont spécialement formés avec ces clientèles-là, qui sont habitués de travailler avec ces clientèles-là et qui peuvent apprécier leur conscience et leur capacité à juger des actes qu'ils ont posés.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Parce qu'il ne faut pas non plus oublier que, dans le contexte du projet de loi, c'est le même contexte, c'est le contexte de responsabilité civile qui vient... qui entre en fonction et c'est un contexte qui est prévu, qui est à l'article 1457 du Code civil du Québec. Et donc, évidemment, pour qu'une personne engage sa responsabilité, encore faut-il qu'elle soit douée de raison et encore faut-il que la personne puisse être reconnue responsable du préjudice.

Alors, une personne qui, par exemple, ferait l'objet d'un régime de protection, bien, il faudrait en tenir compte dans l'évaluation de sa responsabilité civile. Parce que ce qui est mis en place par le projet de loi, c'est un processus de responsabilité civile et c'est tout à fait différent du processus criminel, qui engage la responsabilité criminelle d'un individu. On n'est pas du tout dans ce contexte-là. Alors, on est vraiment au niveau de la responsabilité civile d'un citoyen, d'une citoyenne quant à des propos qu'il pourrait ou qu'elle pourrait tenir verbalement ou qu'elle pourrait diffuser sur Internet. Et donc j'imagine que, dans certains cas, on fait face aussi à des gens qui font l'objet ou qui... qui font l'objet d'un régime de protection particulier, et ça, bien, comme dans tout dossier de responsabilité civile, il faut en tenir compte.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie) : Alors, ce n'est pas l'ensemble de notre clientèle qui est sous régime de protection, bien entendu. Et, comme société, on s'est aussi doté d'orientations et de politiques qui favorisent la participation sociale de ces personnes-là. Ces gens-là aspirent à occuper des postes... des rôles culturellement valorisés, bien sûr. Ils aspirent à accéder à l'emploi. Ils aspirent à... Donc, ils ne sont pas tous sous régime de protection, mais elles peuvent quand même être appelées à poser ou à prononcer des paroles prises dans un contexte, les prononcer dans un autre contexte et ne pas comprendre que, dans ce contexte-là, ça peut être drôle, ça peut être... et, dans celui-là, ça ne l'est pas du tout.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Je comprends votre intervention. Simplement aussi réitérer que tout l'aspect prévention auquel vous faites référence, Mme Tétreault, dans votre présentation, cet aspect-là est plutôt considéré dans le plan d'action. Parce que le projet de loi, c'est une mesure, c'est un des éléments, mais il y a un plan d'action aussi et, dans ce plan d'action là, il y a beaucoup de travail qui se fait au niveau de la prévention, au niveau de l'éducation. Il ne faut pas les oublier. Il ne faut pas les oublier, il ne faut pas les dissocier non plus. Alors, c'est certain que, pour mieux outiller nos jeunes, il faut les éduquer, il faut les sensibiliser à ce que constituent notamment des propos haineux, des propos qui incitent à la violence, quant aux impacts que tels propos peuvent avoir. Alors, évidemment, il y a un travail, puis ce travail-là aussi se fait, à bien d'autres égards, au niveau de toute cette intervention-là qui est nécessaire.

Alors, le projet de loi, évidemment, vise à donner une structure juridique, un cadre juridique dans lequel on vient baliser puis on vient aussi encadrer, donner un peu les règles du jeu, c'est-à-dire comment on intervient puis comment on réagit lorsqu'il y a un discours haineux, quelles sont les étapes, le processus qui doit être suivi. Mais, autour de tout ça, on a un plan d'action aussi qui vise à rejoindre par d'autres moyens qui ne sont pas nécessairement des moyens législatifs. Donc, je pense que ça aussi, c'est important de le mentionner. Parce que, bien que le projet de loi prévoie et accorde certains pouvoirs d'éducation et de prévention à la Commission des droits, il y a aussi un travail de société qui est nécessaire et qui est prévu au plan d'action qu'on n'analyse pas... qui n'est pas devant nous ce soir.

J'aimerais, Mme Tétreault, que... j'aimerais en savoir un petit peu plus, parce que vous travaillez de très près auprès des jeunes, vous travaillez... Et, vos préoccupations quant à la place que prend la cyberintimidation, on les retrouve... oui, on les retrouve aujourd'hui avec le discours haineux. On vous a croisée à Rivière-du-Loup dans le cadre des forums sur les agressions sexuelles et les agressions commises à l'égard des femmes. Vous êtes aussi interpellée dans le cadre de la lutte à l'intimidation, vous y faites référence dans votre mémoire. Où voyez-vous le discours haineux dans tout ça? Est-ce que vous avez... À l'intérieur de ces différents dossiers là, est-ce que vous voyez qu'il y a une problématique? Est-ce que vous avez, vous, des exemples de discours haineux, de discours qui mènent à la violence qui sont problématiques?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tétreault.

• (21 h 10) •

Mme Tétreault (Cathy) : Merci. Juste pour revenir un petit peu en arrière, puis je vais répondre tout de suite à votre question, dans les cinq dernières années, si on revient au projet de loi n° 56 pour l'intimidation, ce qu'on a constaté, c'est que l'information n'a pas passé. Donc, c'est par notre intervention qu'on informait le personnel scolaire de cette loi. C'est pour ça que, pour le projet de loi n° 59, on a suggéré de vraiment faire de l'information, par expérience avec le projet de loi n° 56. Il n'y avait que les directions d'école qui étaient au fait, alors nous, on informait les parents, le personnel et les jeunes du fait que les écoles étaient les papas et les mamans de l'intimidation. C'est comme ça qu'on appelait ça. Alors, c'est sous cet angle-là qu'on a dit qu'il serait préférable de faire de l'information.

Oui, pour les cas vécus, entre guillemets, les discours haineux vont se rapporter beaucoup aux différentes cultures, ils vont se rapporter beaucoup au niveau de la richesse, au niveau des programmes réguliers des écoles versus les programmes sportifs. Entre jeunes et via les réseaux sociaux, ils vont avoir des discours haineux sur vraiment l'apparence, sur la violence, sur... Vraiment, il y a des sous-groupes qui se forment dans les écoles, malheureusement, il y a des sous-gangs qui se forment et qui se solidifient via les réseaux sociaux le soir et la fin de semaine. Même si on apporte des conséquences judiciaires ou des conséquences au niveau des victimes des possibles agresseurs, il y a certains jeunes qui n'entrent pas... qui n'adhèrent pas à ça. Et nous, on dit souvent : C'est ces jeunes-là, qui sont vulnérables d'être des agresseurs, qu'il faut informer vraiment par des actions plus concrètes. Parce que, oui, aider les victimes, c'est une chose, mais il faut vraiment changer les comportements des agresseurs aussi. Et c'est souvent : ça part d'une personne et ça devient souvent un groupe qui va suivre dans les propos haineux ou injurieux, peu importe.

Il y a un volet qui est apporté, que plusieurs jeunes victimes qui se font vraiment dire toutes sortes de choses via les réseaux sociaux, c'est les victimes de «sexting». J'en parle beaucoup parce que c'est encore présent, les jeunes filles qui envoient des photos osées aux jeunes garçons des mêmes écoles ou d'autres écoles pour sortir avec le jeune garçon, pour avoir... pour être populaires, etc. Les jeunes filles... On ne juge pas les jeunes personnes, mais par contre ces jeunes filles là sont souvent stigmatisées par la suite parce qu'elles ont osé faire ça. Alors, pour nous, ça devient un groupe de personnes vulnérables.

Donc, c'est vraiment... c'est des phénomènes qui se passent en lien avec les jeunes dans les écoles. C'est assez aberrant tout ce qu'on peut lire sur les réseaux, tout ce qui peut se cacher en dessous. On a beau faire... arriver avec des lois ou la Loi sur le système de justice pénale pour les ados, à partir de 12 ans, vous êtes responsable, vous pouvez être accusé d'un cybercrime, la plupart des jeunes n'ont pas d'accusation. C'est correct aussi, mais, à quelque part, les jeunes ne nous croient pas, ne nous croient plus. Et, les directions d'école, ce qu'on s'aperçoit, ou le personnel enseignant, n'ont pas de balise claire pour intervenir. Alors, ce qu'on dit, c'est : Peu importe le projet de loi qui est déposé pour contrer des actions négatives chez les jeunes, il y a des actions concrètes qui doivent être prises auprès de ces jeunes-là et des parents surtout, et surtout informer le personnel scolaire de ce qui s'en vient. Je ne sais pas si je suis claire dans...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : O.K. Est-ce que je comprends de vos propos qu'il y a une certaine banalisation chez les jeunes quant à la tenue d'un discours haineux, parce qu'ils se disent : Bien, il n'y a personne qui va sévir, ou...

Mme Tétreault (Cathy) : Il y a plusieurs chances, effectivement, qui sont laissées. Et les chances sont laissées parce qu'il y a un manque d'information. Alors, si les jeunes ne sont pas avisés d'avance... Quand on passe dans les écoles... Par exemple, je passe, je dis aux jeunes : Là, là, vous ne pourrez pas dire que vous ne le saviez pas, O.K.? Je vous le dis, là. À partir de 12 ans, maintenant, si on prend des photos, si on demande des photos, si on écrit des menaces, on fait de la propagande haineuse, on fait de l'intimidation, de la... libelle diffamatoire, etc., on trahit les secrets de nos amis sur les réseaux sociaux, ça peut devenir un cybercrime. Là, je vous le dis, là. Par la suite, si jamais il y a des accusations... Bon, il n'y en a pas, d'accusation, parce que les intervenants scolaires, éducateurs spécialisés, psychologues, etc., me disent : Oui, mais, quand on le dit aux policiers, là, ce n'est pas assez grave pour déposer une plainte. Alors, on est obligés nous-mêmes d'amener des conséquences.

Et c'est correct. Je ne dis pas qu'il faut qu'il y ait des accusations à chaque fois, ce n'est pas ça, mais mieux préparer les professeurs, mieux préparer les directions d'école à ce qu'ils doivent faire aussi, et que ce soient des sanctions qui aient... que les jeunes savent que je ne dois pas dépasser cette limite-là, parce que, pour le moment... J'interviens dans plusieurs cas, plusieurs dossiers. Entre autres, ils vont beaucoup intimider, ils vont beaucoup donner des propos haineux sur les professeurs entre eux via des réseaux qui s'appellent les Spotted — ils appellent ça comme ça, là. Donc, ils vont se servir de différents réseaux pour amener une connotation négative sur leurs professeurs, les écoles. Alors, oui, les écoles doivent pallier à tout ça. Je trouve que c'est beaucoup, demander aux écoles de pallier à tout ça sans vraiment bien les encadrer et leur donner des outils concrets, là, pour intervenir auprès des jeunes.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Les réseaux scolaires nous ont indiqué, dans le cadre des consultations, qu'ils avaient... qu'ils disposaient de codes de vie, qu'ils disposaient de règles internes pour pouvoir intervenir. Parce qu'un peu plus loin dans le projet de loi on donne des pouvoirs au ministre pour intervenir, et certains regroupements nous disaient : Ça va trop loin. On a les outils qui nous permettent d'intervenir et de contrer notamment la diffusion ou la tenue d'un discours haineux au sein de nos murs. Est-ce que vous partagez cette lecture-là?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tétreault.

Mme Tétreault (Cathy) : À quelque part, oui, parce que, lorsque la loi n° 56 est arrivée pour contrer la violence et l'intimidation, ils ont eu à faire un plan d'action, ils ont eu un an pour faire un plan d'action, donc, oui, ils ont des procédures. Sauf que, les nouvelles problématiques qui sortent avec les technologies, ils ne sont pas en mesure... ils ne comprennent pas l'impact.

Je vais vous donner un exemple. Cet exemple-là, je le donne à toutes les fois pour bien comprendre. Dans la même école, il y a un jeune garçon qui a fait sept victimes, sept jeunes filles, avec du «sexting», en troisième secondaire. Le jeune garçon n'a pas eu d'accusation parce qu'il y avait une problématique au niveau de la dépendance à la pornographie. Soit, je comprends jusque-là. Sauf qu'il a quand même eu son Méritas à la fin de l'année. Donc, le message que ça a passé aux sept jeunes victimes, c'est que, malgré ce qu'il a fait, il a quand même son Méritas en tant que sportif. Et les parents ont très mal réagi. Et moi, j'ai dû éteindre des feux, parce que ça allait dans les médias, tout ça.

Alors, je ne dis pas que la direction d'école n'a pas bien pris le pas, mais il n'était probablement pas au fait des répercussions de sa décision d'offrir quand même un Méritas à un jeune qui avait fait ça. S'il n'y a pas eu d'accusation, ça va, mais ce n'est pas parce qu'on n'a pas d'accusation qu'il n'y a quand même pas de répercussion auprès des victimes. Les victimes ont quand même plusieurs conséquences. Encore aujourd'hui, j'ai des demandes d'aide de ces jeunes victimes là. Alors, c'est important que, même s'il n'y a pas d'accusation, et tant mieux s'il n'y en a pas... mais quand même d'encadrer tout ça. Comme je vous dis, ils ne savent pas tout, là, au niveau des directions d'école ou du personnel, ils ne peuvent pas voir l'ampleur des conséquences. Parce que ça nous arrive, là, c'est comme assez nouveau, hein, ces problématiques-là avec Internet, alors les gens ne sont pas préparés à ça. Je ne sais pas si ça répond un peu à...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme Vallée : Moi, ça me va. J'aimerais simplement vous entendre... Le projet de loi prévoit certaines dispositions qui visent à établir les sanctions civiles à l'encontre de ceux et celles qui tiennent un discours haineux. Puis on s'entend, là, le discours haineux, c'est vraiment un discours qui est défini par la jurisprudence et qui est de nature telle qu'il va amener un sentiment très fort de haine à l'égard d'un groupe, prenons les femmes, prenons... et le discours incitant à la violence. Alors, ça, c'est ce qu'il prévoit.

Maintenant, quelles seraient... Puis ça, c'est plus sur un aspect de plus... curiosité, pour pousser un peu votre mémoire. Quelles seraient les mesures... ou quel serait le type d'aide qui pourrait être accordé aux victimes? Parce que vous faites référence aux victimes. Donc, au-delà des indemnités, au-delà de l'imposition des sanctions de nature civile, comment travailler auprès d'un ou d'une victime d'un discours haineux ou d'un discours incitant à la violence?

Le Président (M. Ouellette) : On est-u capables dans 1 min 30 s de répondre à cette question-là?

Mme Tétreault (Cathy) : Tellement! Par expérience, les victimes se culpabilisent souvent. Elles se croient responsables de ce qu'elles reçoivent comme discours haineux. Alors, la première chose à faire, c'est vraiment de les déculpabiliser puis d'expliquer ce qui arrive pour qu'ensuite elles acceptent d'avoir de l'aide. Parce que ce n'est pas toutes les victimes qui acceptent d'avoir de l'aide, parce qu'elles sentent qu'elles méritent, entre guillemets, ça. Alors, on a eu à travailler la déculpabilisation auprès des jeunes victimes : pas parce que tu es différente, pas parce que tu as fait une erreur que tu mérites d'avoir ces discours-là.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui, merci, M. le Président. Bonjour, mesdames.

Mme Tétreault (Cathy) : Bonjour.

• (21 h 20) •

Mme Maltais : Bienvenue et merci pour la présentation de votre mémoire. Je connais un peu le Centre Cyber-aide. Je sais que vous faites un travail très particulier, nouveau auprès des jeunes, sensibilisation, formation, prévention auprès des jeunes et auprès des écoles aussi. Vous travaillez avec les deux niveaux. Maintenant, la partie du mémoire qui m'intéresse le plus dans ce que vous présentez, c'est vraiment l'impact auprès des jeunes de la possibilité de se voir traîner devant un tribunal.

Évidemment, en général, quand des jeunes font face à des accusations de cybercrime — ça doit arriver — ils vont devant la DPJ, s'ils sont mineurs. Est-ce que je m'abuse?

Mme Tétreault (Cathy) : La Loi sur le système de justice pénale, la façon qu'elle est faite, c'est que c'est le policier et l'école qui disposent de dire : Est-ce qu'on laisse ça ici ou on monte ça plus haut? Mais par contre, s'il y a des accusations, les jeunes vont passer devant le juge avec avocat et sentence, même s'ils n'ont pas 18 ans. Même si je dis ça, on ne semble pas me croire, les jeunes ne croient pas que ça peut être fait.

Mme Maltais : Les jeunes ne croient pas qu'ils peuvent aller devant un tribunal.

Mme Tétreault (Cathy) : Non.

Mme Maltais : Donc, difficulté de les sensibiliser à la lourdeur du geste qu'ils posent.

Mme Tétreault (Cathy) : Oui, exactement. Ils ont vraiment l'impression de pouvoir se permettre les chicanes qui se faisaient auparavant dans les cours d'école. Ils se chicanent sur les réseaux et ne comprennent pas la portée de leurs gestes. Eux, les réseaux sociaux font partie de leur vie, donc ils ne font pas la distinction entre le réel et le virtuel. Et, si on leur dit : Si tu voles quelque chose dans un dépanneur, tu vas avoir un dossier criminel, mais oui, je vole, O.K.? Mais, quand c'est un acte qui est au niveau du monde virtuel, ça n'entre pas comme ça, comme c'est nouveau. Donc, il faut que ce soit un message qui soit fait à répétition, c'est un message...

Mme Maltais : Donc, une engueulade de cour d'école, puis une engueulade sur les réseaux sociaux, puis des propos haineux qui peuvent se lancer à la volée comme ça vont être à la volée, mais ils vont être marqués, parce qu'une fois que c'est sur les réseaux sociaux il y a captation potentielle.

Mme Tétreault (Cathy) : Exactement. Exactement. C'est ce que je leur dis. Puis on essaie de leur montrer la différence entre une chicane et de la cyberintimidation, des propos haineux, des propos violents. Et ça aussi, ils ont de la difficulté à voir ce type de... de faire la distinction avec tout ça. Ils mélangent tout, là, finalement. Ils vont essayer d'avoir des amourettes aussi via les réseaux, et là c'est là qu'ils vont devenir peut-être victimes. Ils vont essayer de faire des achats très intelligents pour sauver des sous, et là ils vont être victimes d'achats. Ils essaient de vivre sur les réseaux une vie qui est réelle, et là... mais c'est ça.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : D'où la difficulté du monde réel quand on va tomber devant une accusation potentielle au tribunal de la CDPDJ, d'abord... Parce que ce n'est pas la DPJ, c'est un autre tribunal, c'est un autre type de droit, alors que, normalement, c'est la direction de la protection de la jeunesse qui travaille plus, normalement, non seulement en prévention, mais en réhabilitation et non pas en punitif.

Mme Tétreault (Cathy) : La DPJ a deux...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tétreault.

Mme Tétreault (Cathy) : Ah! excusez-moi.

Le Président (M. Ouellette) : Non, non, c'est correct. C'est juste que vous avez donné deux réponses oui, il faut enregistrer le commentaire de Mme la députée de Taschereau, parce que je veux que les gars de l'audio soient capables de suivre pour la transcription de nos débats. Ça fait que merci de votre collaboration, Mme Tétreault.

Mme Tétreault (Cathy) : De ne pas répondre oui. Je m'excuse, j'en ai oublié la question, je me sens comme une petite fille.

Mme Maltais : Écoutez, normalement, la DPJ travaille plus en prévention, enfin, en réhabilitation qu'en punitif. Le punitif arrive vraiment s'il n'y a pas moyen... On essaie de ramener et de réorienter les jeunes. C'est parce que, tout à l'heure, la ministre disait : C'est quand même un... On s'en va vers le civil et non pas vers le criminel. Mais je regarde aujourd'hui dans le journal, même si je n'ai pas... Je ne commenterai pas ce qu'il a dit, qui n'était peut-être pas la meilleure chose à faire, c'est le moins que je puisse dire, mais Mike Ward, il est traîné devant le Tribunal des droits de la personne. Ça n'empêche pas qu'il est en pleines pages des journaux. Donc, l'acte n'est peut-être pas le même... ce n'est peut-être pas le même type de tribunal, il n'est peut-être pas poursuivi au criminel, mais je pense que toute la société est en train de juger son geste. Donc, la publicité possible autour de l'acte, en tout cas, de la dénonciation au tribunal de la personne peut être énorme, puis, à mon sens, actuellement, les propos haineux, ça attire l'attention des médias.

Qu'est-ce que vous pensez si je dis que ça pourrait être très, très, très... pour des propos peut-être... qui auraient été tenus normalement dans une cour d'école et qui auraient fait l'affaire d'une médiation entre parents avec le milieu scolaire, une dénonciation à la CDPDJ, qui pourrait durer jusqu'à six mois puis deux ans avant qu'il soit jugé, pourrait être assez néfaste pour un jeune?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tétreault.

Mme Tétreault (Cathy) : Bien, vous avez tout à fait raison. Donc, il y a la portée des paroles que les jeunes ne sont pas conscients, les parents non plus, d'ailleurs. Ce que j'entends beaucoup des écoles, des établissements scolaires, c'est : Quand on appelle le parent pour sensibiliser le comportement haineux ou violent de son enfant, les parents répondent en disant : Ce n'est pas l'affaire de l'école. Alors, à quelque part, il faudrait que tout le monde s'entende sur le... O.K., les parents, les jeunes, les écoles, tout le monde s'entende sur... Il y a des choses à faire, il y a des niveaux... il y a des choses à faire qui sont... Comment je pourrais expliquer ça? Les parents doivent assumer le comportement de leurs enfants, les écoles assument le comportement des enfants, alors c'est important que tout le monde sache bien les choses. Vraiment, c'est le message que je passe.

Et, oui, avant de porter des accusations auprès des jeunes, ils doivent entendre le message à répétition, que c'est criminel, pas juste deux, trois publicités et un petit livre à quelque part ou une visite du Centre Cyber-aide. Il faut que ce soit plus gros que ça. Il faut que ce soit vraiment... qu'il y ait la promotion de ça.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : D'où votre commentaire en page 8, Prévenir ou punir?, qui dit — là, je viens de le comprendre : «Autrement, la Loi concernant la prévention et la lutte contre les discours haineux et les discours incitant à la violence pourrait tout aussi bien s'appeler la Loi concernant la punition des discours haineux et des discours incitant à la violence.» C'est ce que vous avez écrit.

Autrement dit, ce serait la punition, parce que, pour les prévenir, il n'y a pas encore actuellement la mécanique ou l'environnement pour permettre de conscientiser assez les jeunes. On va être obligés d'aller direct à la punition parce que, la prévention, on n'est vraiment pas outillés puis on n'a pas le mécanisme environnement pour le faire. C'est ce que je comprends de cette phrase-là.

Le Président (M. Ouellette) : Et votre réponse est oui, Mme Tétreault.

Mme Maltais : Oui. Mais ça... Hocher de la tête, ce n'est pas bon.

Mme Tétreault (Cathy) : Effectivement, il faut vraiment passer par l'information avant de porter des accusations, et vice et versa. Il y a des jeunes qui s'en permettent beaucoup trop justement parce qu'il y a d'autres... ils ont beaucoup de chances, finalement, aussi. Alors, c'est d'aller vraiment porter un équilibre dans tout ça. C'est correct qu'il y ait des lois pour les discours haineux, les propos haineux. J'en lis beaucoup, même sur les personnalités politiques, entre autres, je vous dis ça comme ça. Je lis toutes sortes... Les gens se permettent d'insulter, mais tout le monde, là-dessus. Alors, les jeunes, c'est ce qu'ils ont comme modèle, leurs parents qui insultent à tour de bras, tout dépendant... Puis les personnalités politiques sont vraiment très ciblées au niveau des messages haineux. Alors, déjà là, déjà là, les jeunes voient ça, disent : On peut critiquer comme ça tout le monde comme on veut. Hourra! On va se critiquer entre nous. Alors, c'est...

Mme Maltais : Bien là, on ne fera pas de loi contre l'insulte, là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : On ne fera pas de loi contre l'insulte, là, quand même.

Mme Tétreault (Cathy) : Mais il y a une proportion de respect quand même à avoir. On essaie d'inculquer aux jeunes... Moi, je dis aux jeunes : Vous n'êtes pas obligés de vous aimer, mais vous êtes obligés de vous respecter. Et, quand on est capable d'inclure ça dans une classe, ça va bien dans la classe par la suite. On n'est pas obligés de s'aimer, on n'est pas obligés d'adhérer à certaines choses, mais on est obligés de respecter les différences, et ce n'est pas ça qu'on voit.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Je veux parler à la dame qui vous accompagne. C'est arrivé que des jeunes, probablement des jeunes qui vivent une déficience intellectuelle ou de l'autisme, je ne sais, ont été en cours trois fois pour le même délit.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie) : Oui, tout à fait. Dans le cas présent, je vais me permettre de vous la citer en exemple, une jeune adulte d'une vingtaine d'années avec un syndrome d'alcoolisation foetale, donc avec les atteintes qu'on reconnaît à ce syndrome-là, donc la personne beaucoup plus axée sur le plaisir immédiat, elle vit dans le présent, incapacité de se projeter dans l'avenir, incapacité de comprendre de ses expériences passées. Et cette personne-là va se retrouver à répétition devant la justice. Cette personne-là a une déficience quand même légère, donc a quand même des habiletés pour comprendre certains fonctionnements, assimiler aussi un certain vocabulaire, et, du moment où cette personne-là est en évaluation, on va en conclure rapidement qu'elle est à même de comprendre les conséquences de ses actes.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Donc, elle n'est pas exclue des potentielles punitions, des potentielles amendes, parce qu'elle est jugée responsable de ses actes. Mais, dans le fond, vous dites : Mais, dans le fond, ce qu'elle n'a pas, c'est la compréhension de ses actes.

• (21 h 30) •

Mme Lévesque (Sylvie) : Exactement. Elle n'a pas la compréhension...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie) : Je m'excuse encore. Elle n'a pas la compréhension de juger des impacts sur autrui, de ce qu'elle a fait, que ce soit de relayer de l'information, de produire de l'information. Et donc, c'est ça, l'impact que ces gestes, ces paroles ont eu sur les autres, elle n'est pas en mesure de les évaluer. Donc, cette personne-là pourrait être jugée, finalement s'en sortir, et la semaine prochaine recommencer, et le mois prochain.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Comment l'exclure d'une telle loi? Parce qu'elle n'est pas exclue, à l'heure actuelle, des autres codes. Donc, comment l'exclure d'une telle loi? C'est à peu près impossible. Bon, si elle est mineure, c'est possible, si on exclut tous les mineurs de la loi, ce qui est une évidence pour moi, là.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie) : De là où on dit : Il est important de s'assurer de leur compréhension. Par quel mécanisme? Tantôt, on parlait d'une équipe peut-être multidisciplinaire qui serait à même d'évaluer le niveau de conscience des personnes. Peut-être...

Le Président (M. Ouellette) : Allez-y, Mme la ministre... Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Oui. Il y a déjà... Ne faites pas le même gag qu'au Centre Vidéotron, s'il vous plaît, monsieur...

Le Président (M. Ouellette) : Une blague?

Mme Maltais : Je n'ai pas dû bien comprendre. J'avais... Là, c'est la fatigue qui rentre en ligne de compte, là. Vraiment, je m'excuse, j'ai un blanc, j'ai un coup de barre.

Le Président (M. Ouellette) : J'espère que ce n'est pas moi qui vous a impressionnée, Mme la députée de Taschereau.

Mme Maltais : Non, non, non. C'était vraiment sur comment exclure des personnes comme ça d'un tel mécanisme. C'est vraiment la question que je me pose. Voilà.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque, en conclusion.

Mme Lévesque (Sylvie) : Il faut bien comprendre qu'on ne veut pas retourner en arrière et qu'on mette des mesures de surprotection, hein? Parce qu'on s'entend que ces personnes-là veulent avoir un certain pouvoir sur leur vie. Ils veulent pouvoir décider. Ils veulent... Ils aspirent à une autodétermination que la surprotection pourrait venir contrer. Sans vouloir surprotéger, mais par contre être capable de mieux cibler le soutien qui devra leur être donné pour l'exercice de leurs droits... Donc, encore, on revient à éducation, prévention.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville. Merci, collègues, pour le consentement, parce que nous dépassons l'heure, et pour qu'on puisse entendre Mme la députée de Montarville et Mme la députée de Gouin.

Mme Roy (Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Bonsoir. Heureuse de vous revoir, Mme Tétreault. Nous nous étions vues également à Rivière-du-Loup. Ce fut fort agréable.

Et vous avez beaucoup parlé de ce qu'on retrouve sur le Net, sur Internet. Et, ce soir, j'aimerais vous amener là, parce que vous faites quelques recommandations, naturellement, sur le projet de loi en tant que tel, mais moi, j'aimerais qu'on aille un petit peu plus loin, parce que vous le visionnez, vous le regardez, vous savez ce qu'il y a dessus. Vous nous disiez tout à l'heure : Il y a des propos haineux, enfin, des propos pas très beaux sur tel, tel, tel type de personnes, sur les politiciens, par exemple. Bon.

Alors, voici ma question : Est-ce que vous pouvez nous éclairer sur la force de persuasion du Net? Et la question : Est-ce que les messages propagés par les nouvelles technologies... Donc, est-ce que les messages propagés par les nouvelles technologies ont plus d'impact chez les jeunes que des propos tenus en personne, de vive voix, par exemple? Ça, je l'ignore. Peut-être, vous pouvez me répondre. Alors, éclairez-nous sur la force de persuasion du Net, de ce qu'on y voit. Et est-ce que les messages reçus par le Net ont plus d'impact que ceux de vive voix?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tétreault.

Mme Tétreault (Cathy) : C'est intéressant comme vision. Effectivement, il y a des messages à passer par Internet. Effectivement, il y a des messages avec... Ce qui est très populaire auprès de nos jeunes en ce moment, ce sont les vidéos, les vidéos drôles ou les vidéos de jeunes qui sortent de l'ordinaire, qui vont faire... commettre des actions drôles ou hors de l'ordinaire et qui n'ont pas peur de rire d'eux-mêmes. Donc, les jeunes sont attirés beaucoup. Il y a des visionnements incroyables sur ça. Alors, ici, il y a des messages à passer, ça pourrait être ça.

Donc, c'est sûr que, s'ils sont toujours à se transmettre des vidéos, des choses, s'il y a de la propagande haineuse, ils vont se la transmettre aussi. Ça va avoir une force... Ça va être assez majeur comme impact. Et, s'il y a quelqu'un dans l'école ou un groupe de personnes dans une école, qui est ciblé, ça fait le tour de l'école, et ça fait le tour des autres écoles, et ça fait le tour de partout. Alors, c'est l'impact, c'est vraiment... C'est majeur.

Puis ce que je dis aux jeunes surtout, c'est : Quand tu te chicanes avec quelqu'un dans la cour d'école, il y a 10 témoins, mais, quand tu te chicanes sur Internet, il y a des milliers de témoins, et surtout ça reste. Arrêtez, vous vous incriminez vous autres mêmes. Le lendemain, vous regrettez peut-être ce que vous avez inscrit. O.K., donc, à ce niveau-là, l'impact, elle est très... elle est majeure, effectivement.

En personne ce doit être, et c'est important que ça reste, parce qu'on prône les habiletés sociales, les compétences personnelles du face à face, la gestion d'émotions. Quand on est en colère, quand on est heureux, quand on veut partager quelque chose, il faut le faire face à face. Les jeunes doivent travailler l'intérieur d'eux-mêmes. Alors, les messages passés, par exemple... Quand on passe dans une classe, on travaille avec les émotions du moment présent des jeunes, avec un peu de rire, avec un petit peu de vidéo, avec un petit peu de musique, tout ça pour les tenir en haleine, mais on passe le message en regardant dans les yeux et en travaillant les émotions des jeunes. Et ça, ils ne le vivent pas quand ils voient des choses.

Alors, il faut travailler sur les deux côtés. Les messages vont passer tout aussi bien par les parents, le personnel scolaire ou à le lire que par des vidéos. Alors, je pense que les jeunes ont besoin de connaître les deux mondes.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Oui. Maintenant, contextualisons tout ça, O.K.? Comme on est ici, puis on veut vraiment lutter contre cette radicalisation, là, qui fait que les jeunes partent, et qu'on veut interdire les discours qui endoctrinent les jeunes pour les amener à partir, alors ces discours-là qui passent par les technologies de l'information, parce que ma question est un peu axée de cet angle-là, est-ce qu'ils ont plus d'impact s'ils viennent, ces messages d'endoctrinement, des réseaux sociaux ou de l'Internet que de la personne? C'est un peu cet angle-là que je voulais donner.

Mais je vais aller plus loin, puis vous continuerez. Donc, en tant que spécialistes des technologies de l'information, est-ce que vous vous êtes questionnées — vous parliez de vidéos tout à l'heure — de l'impact des vidéos que l'on voit, par exemple, de l'État islamiste chez les jeunes?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tétreault.

Mme Tétreault (Cathy) : Oui. Je me sens très concernée par ça, parce que les personnes vulnérables, les personnes qui se font harponnées, je vais dire ça comme ça, que ce soit au niveau de la radicalisation, que ce soit au niveau de la prostitution, de la vente de drogue, etc., ce sont des personnes qui sont vulnérables dans leur vie, ce sont des personnes qui sont vulnérables à l'école aussi. Il y a un 10 % de jeunes par école, approximativement, qui sont vulnérables à tout ça. Alors, le profil des jeunes, il est là. La vulnérabilité des jeunes, elle est là.

Alors, ces jeunes-là qui sont ciblés, qui vont toujours voir les intervenants de l'école, ce sont toujours les mêmes jeunes, hein? Même s'il y a 200 rencontres par année dans une école, c'est pour 30 jeunes. Alors, c'est ces jeunes-là, d'autant plus, qui doivent être sensibilisés à ça. Je ne pense pas que ce soit un jeune qui va bien, qui a un encadrement, que tout va bien à l'école, qui soit aussi facile à aller chercher que ça. Je pense que ce sont des jeunes qui sont plus vulnérables.

Donc, oui, on peut... Pour prévenir, il faut aller voir c'est qui, le profil des jeunes personnes qui ont été recherchées, qui ont été harponnées, qu'on a réussi à endoctriner pour les amener ailleurs. Alors, c'est ces profils de personne là qu'il faut aller le plus travailler, là, en intervention.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Et je vais encore rester sur ces questions-là, parce que j'y reviens, dans le fond, puis je pose peut-être mal la question. Qu'est-ce qui a plus d'impact dans la psyché d'un jeune vulnérable : c'est la parole de quelqu'un qui vous parlera ou c'est le vidéo que vous regardez et que vous regardez... Vous disiez tantôt qu'il y avait le phénomène de répétition aussi. Qu'est-ce qui a le plus d'impact? C'est un peu ça que je voudrais savoir.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Tétreault.

Mme Tétreault (Cathy) : Encore là, je pense que c'est au niveau des vidéos, au niveau de l'accessibilité à tout ça, au niveau d'Internet, parce que les jeunes personnes peuvent écouter ça le soir ou la nuit tout seules, peuvent écouter ça à n'importe quel moment, finalement, tandis qu'en personne ils doivent être approchés, donc l'accessibilité, elle est moins grande. Alors, je pense que réellement la vulnérabilité vient du fait que ça vient beaucoup, beaucoup d'Internet, effectivement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Montarville.

Mme Roy (Montarville) : Bien, écoutez, je vous remercie. C'est limpide. Et puis ma collègue va poursuivre.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la collègue de Gouin.

Mme David (Gouin) : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. C'est absolument intéressant puis, quelque part, très interpellant, là, tout ce que vous nous dites. Moi, je ne suis pas une très grande adepte de toutes ces nouvelles technologies, donc j'en apprends beaucoup avec vous.

Deux commentaires et une question, très rapidement. Premier commentaire, on parle de banalisation, hein, de cette forme de violence, là, sur les réseaux sociaux, et de la pornographie aussi, vous l'avez écrit, chez les jeunes. Bien là, moi, je pense que nous, les adultes, on va devoir se poser pas mal de questions. Parce qu'ils n'ont pas inventé ça tout seuls, les jeunes, et peut-être que l'exemple donné par un certain nombre d'adultes sur les réseaux sociaux, y compris dans l'utilisation de la pornographie, devrait être questionné. Et la meilleure loi contre les discours haineux aura beaucoup de difficultés à contrer les déferlements de haine sur le Web. Alors, ça, moi, je trouve que c'est une grande question, à laquelle, évidemment, je n'ai pas de réponse, surtout pas à cette heure-ci.

Deuxième commentaire, ce que j'entends ce soir me porte à penser, pour, en tout cas, réflexion future, qu'il y a déjà la direction de la protection de la jeunesse qui intervient auprès des jeunes. Pourquoi doubler ça avec la Commission des droits de la personne et tout un nouveau mécanisme? En tout cas, moi, ça m'interpelle beaucoup, ça, comme question.

Et la question que je vous poserais, c'est : Une fois qu'on a dit tout ça, vous nous expliquez que c'est la prévention qui a bien meilleur goût, vous en faites, vous nous faites un certain nombre de propositions, en avez-vous d'autres? Est-ce qu'il y a des... ou est-ce qu'il y aurait des propositions, dans ce que vous apportez, sur lesquelles vous voudriez insister, là? De quoi avez-vous besoin pour travailler avec les jeunes?

• (21 h 40) •

Le Président (M. Ouellette) : 1 min 30 s, que vous pourriez partager à deux.

Mme Tétreault (Cathy) : Oui. Nous avons besoin que tous les ministères, et pas qu'un à la fois, se mobilisent pour, justement, apporter de l'information à ces niveaux-là, campagne promotionnelle, comme ça a été pour l'arrêt du tabac, par exemple. À force de voir quelque chose, on y croit et on y adhère. Alors, vraiment une belle campagne promotionnelle venant de tous les ministères qui sont ensemble pour dire : Toute la société, les adultes, on s'entend pour dire qu'on va donner l'exemple, en partant des adultes qui se permettent de critiquer tout ce qui bouge via les réseaux.

Alors, les lois doivent être faites, en premier lieu, chez les adultes, doivent être appliquées, en premier lieu, chez les adultes, et les jeunes suivront par la suite. Je ne pense pas que les jeunes doivent être... doivent avoir plusieurs façons... ou plusieurs commissions ou tribunaux. Je pense qu'il y a déjà quelque chose qui est installé, qui est à bonifier cependant... alors, à bonifier. Comme on dit, c'est important d'apporter de l'information, la même information à tout le monde.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes, Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Sylvie) : Que dire de plus? Mme Tétreault a très bien illustré ce qui serait à mettre en place, et peut-être pour... pas peaufiner, mais pour ajouter à ses propos, peut-être qu'il ne faudrait pas avoir peur d'établir des nouveaux partenariats pour des échanges d'expertises, comme là, celui présentement entre nous, qui permet un échange d'expertises pour le bien de nos gens vulnérables.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, mesdames, Mme Tétreault et Mme Lévesque, représentant le Centre Cyber-aide et le CIUSSS de la Capitale-Nationale. Merci d'être venues nous voir à la commission parlementaire.

La commission ajourne ses travaux au mercredi 23 septembre, après les affaires courantes, normalement vers 11 heures, afin de poursuivre les auditions publiques sur le projet de loi n° 59. Nous suspendons les travaux.

(Fin de la séance à 21 h 44)

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