To use the Calendar, Javascript must be activated in your browser.
For more information

Home > Parliamentary Proceedings > Committee Proceedings > Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Advanced search in the Parliamentary Proceedings section

Start date must precede end date.

Skip Navigation LinksJournal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions

Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Tuesday, May 17, 2016 - Vol. 44 N° 118

Statutory order – Examination of the report on the implementation of the Code of ethics and conduct of the Members of the National Assembly


Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Auditions

M. Michel Dion

M. Thierry C. Pauchant

Commissaire au lobbyisme

Autres intervenants

M. Guy Ouellette, président

M. Richard Merlini, président suppléant

M. Marc Tanguay

M. Bernard Drainville

Mme Marie-Claude Nichols

M. Benoit Charrette

Mme Marie Montpetit

*          M. François Casgrain, Commissaire au lobbyisme

*          Témoin interrogé par les membres de la commission

Journal des débats

(Quinze heures trente-six minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques relatives à l'étude du rapport sur la mise en oeuvre du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, M. le Président. M. Boucher (Ungava) est remplacé par Mme Nichols (Vaudreuil); M. Rousselle (Vimont) est remplacé par M. Sklavounos (Laurier-Dorion); Mme Hivon (Joliette) est remplacée par M. Drainville (Marie-Victorin); et Mme Roy (Montarville) est remplacée par M. Charette (Deux-Montagnes).

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Je vous rappelle que la commission a d'abord entendu Me Jacques Saint-Laurent, Commissaire à l'éthique et à la déontologie, ainsi que M. Claude Bisson, jurisconsulte de l'Assemblée nationale, le 26 mai et le 3 juin 2015.

Nous entendrons cet après-midi M. Michel Dion, professeur à l'Université de Sherbrooke, ainsi que M. Thierry Pauchant, directeur de la Chaire de management éthique aux HEC à Montréal. Ce soir, nous entendrons le Commissaire au lobbyisme.

Auditions

Je souhaite la bienvenue à M. Dion, qui est professeur à l'Université de Sherbrooke, comme je l'ai mentionné. Et je vous dirais que, dans d'autres temps, on m'a dit que c'était une des meilleures universités qu'il n'y avait pas au Québec, mais je ne ferai pas de publicité aujourd'hui. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé.

Et, pour le bénéfice des collègues, j'ai eu une discussion avec M. Dion en vous attendant, et M. Dion me faisait remarquer que la salle Papineau regorge d'écrits sur les murs qui sont applicables au code d'éthique. Et je pense que, sur le temps de la présidence, M. Dion, vous pourriez commencer avec ce que vous m'avez partagé.

Vous avez 10 minutes pour votre présentation, et après il va y avoir une période d'échange avec les députés du parti ministériel et les députés de l'opposition. M. Dion, à vous.

M. Michel Dion

M. Dion (Michel) : Merci, M. le Président, et merci à tous les membres de la commission de bien vouloir m'accueillir cet après-midi.

Donc, d'entrée de jeu, je mentionne que le regard que je porte sur le rapport du commissaire est le regard d'un éthicien. Bien sûr qu'il y a d'autres regards possibles, mais c'est le mien, celui de l'éthique des organisations.

Donc, ce dont j'ai fait état au président de cette commission, c'est que, derrière moi, il y a une affiche qui traite des fonctions du député. Nous retrouvons effectivement deux des fonctions qui sont dans le premier «attendu» du code d'éthique, soit l'adoption des lois et règlements et le pouvoir de surveillance sur tout acte du gouvernement. C'est ce que l'on retrouve affiché derrière moi. Mais il y a une autre fonction importante du député qui est là, et c'est représenter les meilleurs intérêts des Québécois. Or, ça n'apparaît pas dans le premier «attendu» du code d'éthique. Ça pourrait très bien s'y retrouver, étant donné qu'une des valeurs de l'Assemblée nationale, c'est de s'engager pour l'amélioration des conditions sociales et économiques des Québécois. Donc, c'est effectivement cet ajout qui pourrait facilement se faire, mais nous aurons l'occasion probablement d'en reparler.

Alors, je vais insister sur trois points particuliers. D'abord, le manquement aux valeurs de l'Assemblée nationale, ensuite l'exercice d'une autre fonction par un parlementaire et la fiducie sans droit de regard.

Donc, premièrement, le manquement aux valeurs de l'Assemblée nationale. Dans son rapport, le commissaire précise que son intervention quant à l'application des valeurs de l'Assemblée nationale constitue une mesure partielle qui ne correspond pas aux mécanismes qui sont mis en place en droit du travail. Si rien n'est prévu dans le code pour une situation donnée, le commissaire pourrait donc décider s'il s'agit d'un manquement aux valeurs de l'Assemblée nationale. Le cas du harcèlement est particulièrement éloquent.

• (15 h 40) •

Je mentionne en passant — nous aurons peut-être l'occasion d'en discuter — que les motifs de harcèlement sont les mêmes ou devraient toujours être les mêmes que ceux pour la discrimination. Le comportement, cependant, est différent. Mais, s'il y a quelque liste de motifs de harcèlement à élaborer, elle devrait être identique à celle des motifs de discrimination.

Le commissaire recommande, et nous ne pouvons qu'appuyer cette recommandation n° 2, que les membres de l'Assemblée nationale procèdent à un examen sur la pertinence de prévoir des mesures législatives en matière de harcèlement dont pourraient être victimes les députés, les membres du Conseil exécutif et les membres de leur personnel. Si une enquête devait être faite à cet égard sans qu'il y ait un article prévoyant le cas de harcèlement, le commissaire n'aurait en main qu'un seul outil : le manquement aux valeurs de l'Assemblée nationale.

Puisque les valeurs ont un contenu éminemment flou que seules des règles précises de comportement permettent de circonscrire, n'y a-t-il pas là un danger de tomber, en toute bonne foi, dans une interprétation soit trop large, soit trop restrictive du contenu de telle ou telle valeur présentée à l'article 6 du code? Ce danger est d'autant plus grand que «le commissaire peut, de sa propre initiative et après avoir donné par écrit au député un préavis raisonnable, faire une enquête pour déterminer si celui-ci a commis un manquement au présent code», article 92 du code. Et cela inclut, selon le commissaire, tout manquement aux valeurs de l'Assemblée nationale.

Il est intéressant de noter que, dans la période du 6 janvier 2011 au 31 décembre 2014, aucune demande en provenance d'un membre de l'Assemblée nationale ne référait aux valeurs de l'Assemblée nationale. Pourquoi alors le commissaire devrait-il avoir le pouvoir de faire enquête sur un manquement aux valeurs de l'Assemblée nationale? Ou bien les valeurs sont parfaitement limpides dans l'esprit de tout le monde, dans leur application, ce qui est très rare, en fait, ou bien ces valeurs propres à l'Assemblée nationale devraient être mieux expliquées par le commissaire avant même que celui-ci puisse justifier pouvoir faire enquête sur un manquement aux valeurs.

Tout manquement aux valeurs d'une organisation comme l'Assemblée nationale tombe dans la sphère de l'éthique. L'éthique est une question de valeurs. Lorsque l'on veut définir ces valeurs qui orientent le comportement éthique, on définit des normes précises de comportement, qui, elles, sont habituellement comprises sous le vocable «déontologie» et qui sont, selon le cas, plus ou moins collées aux textes juridiques pertinents. Le Commissaire à l'éthique et à la déontologie accomplit des tâches proprement éthiques quand il se préoccupe du respect des valeurs de l'Assemblée nationale, mais encore faut-il que ces valeurs soient suffisamment claires et bien comprises pour concrètement orienter le sens à donner à telle ou telle norme de comportement prévue dans le code d'éthique.

Second sujet : l'exercice d'une autre fonction. Dans son rapport, le commissaire fait une recommandation à l'effet que les membres de l'Assemblée nationale procèdent à un examen, au regard des principes éthiques et des règles déontologiques établies par le code, de la pertinence de maintenir la possibilité pour les députés d'exercer simultanément plus d'une fonction. Le raisonnement du commissaire s'effectue à trois niveaux.

Premièrement, l'argument pragmatique. Les députés sont de plus en plus sollicités pour porter assistance aux personnes et aux groupes qui demandent leur aide dans leur rapport à l'État. Le temps disponible diminue d'autant, évidemment, pour les députés. Deuxième argument : l'argument éthique. Le risque d'être placé dans une situation de conflit d'intérêts est inévitablement plus important quand il y a cumul de fonctions. Troisième argument, celui des contraintes professionnelles. Et je cite le commissaire : «...il faut tenir compte des contraintes résultant de l'application de certaines lois professionnelles au sujet du maintien du droit de pratique, pour la période pendant laquelle ils siègent à l'Assemblée nationale.»

Quand le commissaire fait sa recommandation n° 3, il démontre qu'il ne prend position ni pour l'argument pragmatique, le premier, ni pour l'argument éthique, ni pour l'argument contraintes professionnelles. Quel message le commissaire lance-t-il implicitement par sa recommandation n° 3, compte tenu qu'il n'affirme pas qu'un des trois arguments lui apparaît avoir plus de poids que les deux autres, quitte à laisser évidemment les membres de l'Assemblée nationale débattre de la question? Le Commissaire à l'éthique et à la déontologie considère-t-il que ces trois arguments ont le même poids ou bien croit-il que ce n'est pas dans sa tâche de suggérer aux membres de l'Assemblée nationale l'argument qu'il considère, en tant que Commissaire à l'éthique et à la déontologie, comme étant plus important que les deux autres arguments? Son silence nous laisse perplexes.

Les membres de l'Assemblée nationale auront à débattre de la question, évidemment, entre eux. Il est cependant pour le moins étonnant de constater qu'ils ne bénéficieront pas de la perception du commissaire quant au poids respectif des trois arguments qu'il a avancés.

Je soumets respectueusement aux membres de cette commission qu'il faut aller au-delà de ces trois arguments présentés par le commissaire et poser la question de la fonction même de député, plus précisément de la représentation que se font à la fois les députés et la population en général de la fonction même de député. Nous pourrions aisément revoir, dans l'histoire de ce Parlement, nombre d'exemples où des députés occupaient une autre fonction. Nous pourrions amener des arguments circonstanciels qui permettent d'expliquer pourquoi il en a été ainsi à différents moments de l'histoire de ce Parlement. Mais l'explication, qu'elle soit économique, sociale, politique, culturelle, n'est jamais une justification, et c'est particulièrement vrai au plan moral. Expliquer, c'est remonter le temps afin de rendre compte des facteurs qui permettent de comprendre le cheminement qui nous mène à la situation actuelle. Justifier, c'est plutôt avoir recours à des arguments objectifs qui ne sont pas totalement assujettis à la particularité des circonstances. Je suggère donc aux membres de cette commission d'aller au-delà des arguments présentés par le commissaire et de réfléchir à leur perception de la fonction de député tout autant qu'à la représentation que s'en font en général les Québécoises et les Québécois.

Troisième sujet : la fiducie et mandat sans droit de regard, l'article 45 du code. Je soumets à cette commission qu'une fiducie sans droit de regard ne pourrait permettre qu'un député donne l'instruction formelle de ne pas aliéner ses biens. Cette directive, qui n'a rien de la nature d'un conseil, est d'une importance si cruciale qu'on peut difficilement croire qu'une fiducie sans droit de regard puisse la permettre ou la tolérer. Une fiducie sans droit de regard assortie d'une interdiction de vendre les actifs reviendrait à projeter dans le futur une condition qui invalide l'expression «sans droit de regard». Si l'expression «sans droit de regard» signifie quelque chose, me semble-t-il, ça ne peut être que d'empêcher que l'émission de conditions, comme celle de ne pas vendre les biens confiés au fiduciaire, ne soit, dans les faits, un droit de regard.

Lorsque le commissaire, à sa recommandation n° 12, souhaite «que le Code soit modifié afin de préciser les règles relatives à la fiducie [et] au mandat sans droit de regard, plus spécialement les instructions du membre de l'Assemblée nationale à l'intention du fiduciaire ou du mandataire», on ne peut qu'applaudir à cette demande. Mais le commissaire aurait dû assortir cette recommandation de la phrase qui l'a précédée : «...en respectant la finalité recherchée par le législateur», et ce, afin que les instructions qui deviendraient éventuellement possibles demeurent cohérentes avec l'objectif d'une fiducie ou d'un mandat sans droit de regard. Si l'expression «sans droit de regard» a un sens, elle ne doit pas, selon moi, en tout respect pour une opinion contraire, inclure d'instructions précédant l'entrée en vigueur de la fiducie sans droit de regard.

Si le législateur accepte quelque instruction donnée avant l'effectivité de l'interdiction pour un futur qui ne commence qu'à l'entrée en vigueur de la fiducie sans droit de regard, c'est donc que le législateur tolérerait un droit de regard limité. Le législateur se trouve donc devant le choix suivant : ou bien il modifie l'expression afin de refléter un droit de regard limité, auquel cas des instructions peuvent être données avant que l'interdiction de tout regard ne s'applique pour le futur, ou bien il interdit toute forme d'instruction précédant l'effectivité de cette interdiction. La seconde voie me semble respecter davantage le sens d'un mandat ou d'une fiducie sans droit de regard.

En conclusion, j'attirerais votre attention sur un élément mentionné à la page 73 par le commissaire. Alors, le commissaire dit ceci : «...une culture éthique et déontologique s'est rapidement introduite dans l'exercice de la charge des députés, des membres du Conseil exécutif et de leur personnel. Cette culture ne cesse de prendre de l'importance à l'Assemblée nationale et dans les différents cabinets. Elle contribue à l'amélioration concrète du lien de confiance avec la population.» C'est ce que dit le commissaire.

L'expression «culture éthique et déontologique» laisse tout à fait songeur. On se serait attendu à ce que le Commissaire à l'éthique et à la déontologie puisse évoquer les changements qui se sont produits à l'Assemblée nationale : l'intériorisation des valeurs chez les parlementaires et leur personnel, la qualité des échanges entre ces personnes et le commissaire, tous des indices pouvant nous faire croire qu'il y a véritablement eu un changement dans la culture de l'Assemblée nationale.

Le commissaire n'est certainement pas l'intervenant privilégié pour faire état de quelque changement de culture à l'Assemblée nationale. Cependant, il peut faire état de ses observations personnelles quant à l'évolution de cette culture organisationnelle dans laquelle il est un acteur clé. Un changement opéré dans la culture d'une organisation comme l'Assemblée nationale n'est pas banal, surtout quand le commissaire affirme que c'est une culture éthique et déontologique qui s'est introduite.

Le commissaire n'a pas cru utile de définir ce qui rend éthique et déontologique la culture de l'Assemblée nationale, qui influence le comportement des parlementaires et de leur personnel. On se serait attendu du Commissaire à l'éthique et à la déontologie qu'il fasse état de ces changements de culture organisationnelle tels qu'il les a observés au fil des années. Sans prétendre avoir une visée juste de la nature et de l'ampleur de ces changements, le commissaire aurait dû nous faire état de ce qu'il retient de ces changements qu'il identifiait lui-même comme affectant le caractère éthique et déontologique de la culture organisationnelle de l'Assemblée nationale.

Je vous remercie de votre attention. Et on pourra approfondir dans les questions.

• (15 h 50) •

Le Président (M. Ouellette) : Effectivement, on va approfondir, M. Dion. Merci. Vous comprendrez que je vous ai laissé conclure sur le temps du parti ministériel parce qu'on a commencé un petit peu plus tard. On doit imbriquer tout ça dans notre horaire. Et je pense que c'est très important, en partant du moment où vous avez des observations à faire aux membres de la commission, qu'on les écoute.

M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. le Président. Pourriez-vous nous indiquer, de notre côté, combien de blocs et de temps à chaque bloc nous avons?

Le Président (M. Ouellette) : Deux blocs. Le troisième bloc, il va être de 14 minutes. Sur celui-là, il vous reste 12 min 30 s.

M. Tanguay : Parfait.

Le Président (M. Ouellette) : Il y a un bloc à l'opposition officielle et il y a un bloc à la deuxième opposition, qui va fermer la première entrevue avec M. Dion. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Bienvenue, M. Lafontaine, bienvenue à... M. Lafontaine! M. Dion. Ça part bien!

J'essaie de me presser parce que vous avez déposé un mémoire, vous avez abordé plusieurs sujets, et je veux qu'on ait le temps... pas en rafale, on va prendre le temps de discuter avec les collègues également de ce côté-ci et les collègues de l'autre côté.

Vous savez, quand on parle d'éthique et de déontologie, normalement, il n'y a pas de côté de la Chambre, c'est les 125 députés qui sont interpellés et qui doivent évidemment obtenir réponse et éclairage dans un processus où... Première mouture du Code de déontologie et d'éthique des députés, voté en 2010, mis en vigueur le 1er janvier 2012, vous étiez participant, M. Dion, en 2009. Vous avez participé à la première mouture, et c'est pour ça que c'est particulièrement intéressant de vous avoir comme témoin ou comme personne expert, je vous dirais, pas comme témoin, mais comme expert, pour venir nous aider, à la lumière de la mise en application tangible à tous les jours de la première mouture, de se poser la question : 23 recommandations du commissaire, est-ce qu'il y a lieu de bonifier le Code d'éthique?

Je vais commencer par votre dernier point : fiducie sans droit de regard. Le commissaire à l'éthique, vous l'aviez lu, note d'information, février 2014, disait, et je le cite, page 2 : «Le membre de l'Assemblée nationale doit s'assurer que la personne qui est choisie pour agir à titre de fiduciaire ou de mandataire peut exercer cette charge de façon entièrement autonome et indépendante et être perçue comme telle.» Fin de la citation.

Le jurisconsulte allait, dans une lettre du 10 mars 2015, dans la même direction, et je le cite, à la page 3 : «L'obligation imposée au fiduciaire de conserver intact le patrimoine faisant l'objet de la fiducie est incompatible avec l'essence même de la fiducie sans droit de regard...», et là je termine la phrase.

Alors, pour vous, M. Dion, dans ce que vous nous avez dit un peu plus tôt puis dans votre mémoire, il est très, très clair qu'une personne qui veut constituer une fiducie sans droit de regard ne pourra pas dire, par exemple : Bien, vous ne vendrez jamais tel bloc d'actions. Je pense que c'est très clair. Et pouvez-vous nous dire en quoi ça participe de l'essence même, comme le disait le commissaire à l'époque, comme disait le jurisconsulte à l'époque aussi, de la fiducie sans droit de regard?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci beaucoup, M. le député. Merci, M. le Président. En fait, c'est bien sans droit de regard. Donc, en fait, il faut regarder le moment où la fiducie commence, fiducie sans droit de regard ou le mandat sans droit de regard, et ce qui a précédé. Et évidemment il ne faut pas, par des événements qui ont précédé, pouvoir rendre l'absence de droit de regard insensée, si on veut. Donc, c'est dans cet esprit-là que je dis que ça va à l'encontre d'une fiducie sans droit de regard, le fait de donner des instructions aussi importantes que de ne pas vendre des actifs, des biens. Ça m'apparaît tellement important comme décision que c'est impossible. Évidemment, on ne parle plus d'une fiducie sans droit de regard, on parle d'une fiducie avec un droit de regard limité dans les faits. Dans les faits, c'est ça que ça crée comme...

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, M. le Président. Pour les personnes qui nous écoutent à la maison, dans les faits, je pense qu'on peut aussi résumer : lorsque l'on prend fiducie sans droit de regard mais qu'on dit : Bien, vous ne vendrez jamais ce bloc d'actions là, ça met l'élu — puis corrigez-moi si j'ai tort ou si j'amène mal l'exemple tangible par lequel je veux illustrer votre propos — dans une position où il sait que, jour 1 de son mandat de député, de ministre ou de premier ministre, jour 1, il a tel bloc d'actions. Un jour, il va quitter la politique et va récupérer le même bloc d'actions. Donc, dans la tête d'élu, il a toujours des intérêts qui sont pérennisés, qu'il va retrouver à la fin de ses mandats. Et c'est là où on veut faire une muraille de Chine, faire en sorte qu'il ne décidera, ou ne tentera pas, ou même les apparences ne feront jamais en sorte qu'on dira : Bien, peut-être qu'il privilégie à la hausse la valeur de ce bloc d'actions qu'il va retrouver à la fin de sa carrière politique, n'est-ce pas?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : C'est effectivement pour qu'il ne soit pas dans une situation éventuelle de conflit d'intérêts où il pourrait, dépendamment de sa position, évidemment, avoir à favoriser un certain secteur économique où, effectivement, son entreprise se retrouve et voir le prix de ses actions monter étant donné le positionnement qu'il a fait. Donc, c'est effectivement pour éviter les conflits d'intérêts qu'on veut une fiducie sans droit de regard. Et il faut vraiment que ça s'applique avant le... il ne faut pas qu'il y ait d'instruction aussi importante que ça, là. C'est ça, le point, là. Donc, c'est pour éviter les conflits d'intérêts, effectivement, autant réels qu'apparents.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : À la recommandation 23, il y avait, vous l'avez bien lu, la nature et l'ampleur des intérêts financiers. Quelle est votre position ou quel éclairage pouvez-vous apporter à nos travaux au sujet de l'ampleur? Autrement dit, un député qui, par ailleurs, n'aurait pas à mettre ses actions dans une fiducie sans droit de regard, mais un député qui aurait tellement d'avoirs, qui serait actionnaire de tellement de compagnies, que ce soit sur un marché public ou sur un marché privé, y voyez-vous là, vous, un écueil, comme le commissaire le voyait, un écueil potentiel où il faut faire attention, où le député pourrait difficilement, dans cette Assemblée nationale, faire un pas, que ce soit en commission parlementaire, au salon bleu ou en posant une question? L'ampleur n'est pas anodine. Et en quelle matière ou jusqu'à quel point êtes-vous d'accord avec cette affirmation-là?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Alors, je dirais qu'au niveau du principe c'est à peu près le même genre de situation dans laquelle on est placés éventuellement, position de conflit d'intérêts réel ou apparent. Mais le problème, c'est l'ampleur, c'est comment définir une limite, là, à partir de laquelle, là, vraiment, il y a trop de biens. Et effectivement ça pose difficulté, une clause comme ça qui... Je comprends l'idée, là, au niveau de la possession de biens, qui est très, très importante, on comprend bien, mais dans le concret, au niveau normatif, ça prend quelque chose de plus précis que ça. Et là ça risque de demander quelques travaux pour préciser de quoi il s'agit, quelle est la limite à partir de laquelle, quand on la franchit, on tombe... La puissance à laquelle vous faites référence est trop grande.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Et on sait qu'en vertu de l'article 45 un membre du Conseil exécutif doit mettre en fiducie sans droit de regard, ce qui n'est pas le cas pour les députés. Quel éclairage pourriez-vous nous donner à ce moment-là? Un député, qui pourrait être membre, par exemple, de l'opposition officielle, qui aurait à intervenir en commission, loi article par article sur le ministère du Revenu, la loi sur... donc, et poser des questions, quel mécanisme pourrait-on mettre en place pour — parce que 45 couvre les ministres, premier ministre — justement couvrir les députés? Est-ce qu'on fait copier-coller et fiducie sans droit de regard aussi? Avez-vous une réflexion ou quelque lumière à nous accorder?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci. Alors, la possibilité d'une fiducie sans droit de regard, je dirais, appliquée mur à mur, probablement qu'il faudrait regarder différents cas possibles, cas de figure, pour vérifier si ce n'est pas excessif comme moyen. Mais certainement qu'il faudrait penser éventuellement à ça pour toutes sortes de raisons. Une très concrète, c'est que, dans bien des cas, pas seulement au Parlement québécois, les gens d'affaires viennent en politique et ils peuvent avoir un certain nombre d'affaires. Et c'est le cas dans beaucoup de pays, effectivement. Donc, est-ce qu'il faut aller dans une fiducie sans droit de regard mur à mur pour tous les parlementaires? J'ai une hésitation là-dessus. Il faudrait probablement faire des cas de figure pour voir quels sont les types de situation qui risquent de se rencontrer. Mais il faudrait probablement créer quelque chose quand même parce que, présentement, ce n'est réservé qu'aux membres du Conseil exécutif, là, ministres et premier ministre.

• (16 heures) •

M. Tanguay : Et, sur cette lancée, donc, on parle ici des députés qui ne sont pas membres du Conseil exécutif. Il y a l'article 25, je crois, qui exige qu'un député qui voit là un potentiel conflit d'intérêts, bien, de le dénoncer et de se retirer de la discussion. Et là j'y vais de mémoire. Je pense que le commissaire disait : Bien, il pourrait peut-être dénoncer, mais... participer à la discussion, mais ne pas voter. Comment voyez-vous ça, vous? Moi, je suis député, j'ai beaucoup d'intérêts financiers. Évidemment, c'est un cas d'espèce parce que ce n'est pas ma situation, mais je me lève, je le déclare. Je déclare que l'on va aborder, que ce soit dans un débat parlementaire, peu importe sa nature, qu'on va aborder un sujet sur lequel il pourrait y avoir un impact à des compagnies dont je détiens des actions. Je le dénonce, je ne participe pas au débat puis je ne vote pas. Là, le commissaire semblait dire : Bien, dénoncez-le, ne votez pas, mais vous pourrez peut-être participer au débat.

Comment vous voyez ça, vous, au niveau de la perception du public?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci. Je crois que de participer au débat est... Une fois qu'on a dénoncé, évidemment, on ne participe pas au débat. Ça m'apparaît impossible de participer au débat. On a dénoncé qu'il y avait un problème là, on ne participe pas au débat et on ne vote pas, évidemment. Pour moi, ça m'apparaît évident, on ne peut pas participer au débat. Il n'y a pas de possibilité puisqu'on a dénoncé un intérêt, un problème.

M. Tanguay : J'irai rapidement, M. Dion, au niveau de votre... vous avez abordé ça dans votre mémoire, vous l'avez abordé dans votre exposé un peu plus tôt, pas le cumul des fonctions, mais le fait qu'un député puisse avoir une autre occupation. Vous avez ciblé que le Commissaire à l'éthique avait trois arguments : pragmatique, éthique et contraintes professionnelles. Moi, ma préoccupation, c'est au niveau des contraintes professionnelles. Pour pouvoir garder son inscription sur un tableau d'un ordre professionnel, il faut, comme député, pouvoir continuer à... je pense, je crois, dans le domaine de la médecine, on me détrompera, mais il faut pouvoir continuer à démontrer qu'année après année on a pratiqué un minimum d'heures.

Juin 2009, première mouture, vous êtes là, vous aviez dit, dans la tribune... et je pense que là, vous dites que le commissaire ne prend pas position, mais je pense que vous preniez un peu position puis je vais vous citer : «[M.] Dion a pour sa part affirmé qu'il serait souhaitable que les parlementaires ne reçoivent aucune autre rémunération que celle liée à leur fonction...» On vous citait : «Je serais plus favorable à une notion de député qui travaille pour ses concitoyens et qui n'a pas deux ou trois emplois ailleurs...»

Est-ce toujours un peu ce vers quoi vous nous enlignez? Autrement dit, au-delà des trois arguments, aucune possibilité ou si l'argument professionnel a validité à vos yeux?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci. L'argument professionnel n'est pas plus important pour moi que l'argument éthique. Certainement que j'attribuerais la valeur de l'argument éthique comme étant assez importante. Je comprends bien la situation, mais c'est une décision d'aller en politique, et ça a une certaine contrainte, et c'est une des contraintes.

Maintenant, dans mon allocution tout à l'heure, j'ai mentionné qu'il faudrait réfléchir à la représentation qu'on se fait de la fonction du député. Autant les parlementaires, évidemment, se font une certaine idée de ce que c'est, cette fonction-là, indépendamment de ce qui est écrit dans le code, la représentation qu'on se fait, et quelle est l'attente de la société au niveau des députés à cet égard-là. Est-ce que c'est justement les députés qui les représentent à temps plein? Quand on regarde les fonctions dans le code d'éthique, là, qu'est-ce que fait un député, c'est difficile de penser qu'il va faire autre chose : l'adoption de lois, il surveille les actes gouvernementaux, il porte assistance aux personnes et aux groupes qui demandent son aide dans leur rapport avec l'État, il participe aux débats publics. Et là vous avez les valeurs, etc., évidemment : défendre l'amélioration des conditions sociales et économiques des Québécoises et des Québécois, etc., être au service des citoyens. Bon, alors, ça, ça semble être une job à temps plein, là.

Mais aujourd'hui la différence avec 2009, peut-être, c'est que je vous amènerais à penser à la fonction de député de votre point de vue, quelle est la représentation que vous vous faites de cette fonction-là, mais aussi être à l'écoute du public, comment les gens perçoivent cette fonction puisque, dans le code d'éthique, la seule attente qui est déclarée dans l'attendu, le deuxième attendu du code d'éthique, en raison de ses fonctions que je viens d'énumérer, la population s'attend, de la part du député, à ce qu'il adhère aux valeurs de l'Assemblée nationale et respecte les règles déontologiques. Bon, donc, ça, c'est l'attente sociétale qui a été identifiée dans le code d'éthique, dans le deuxième attendu. Mais est-ce qu'il y a d'autres attentes quant à la possibilité d'avoir une autre fonction? Alors, ça, j'aimerais que ça soit... je souhaite que ça soit développé.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Dion. Je vous ai laissé déborder sur votre réponse et que je prendrai dans votre prochain bloc, M. le député de LaFontaine. On va à M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Merci, M. le Président. Bienvenue. Et j'en profite, M. le Président, comme nous n'avons pas eu l'occasion de prendre la parole, j'en profite pour vous saluer. Content de vous retrouver. Et je salue également tous les collègues autour de la table et les équipes qui les accompagnent.

M. Dion, j'aimerais bien que vous nous donniez un peu plus d'éclaircissements puis que vous partagiez avec nous la réflexion que vous nous avez présentée sur les manquements aux valeurs de l'Assemblée nationale. Vous avez beaucoup parlé de ça dans votre mémoire. Si je vous ai bien compris, ce que vous souhaitez, c'est que la déclaration sur les valeurs ou les passages concernant les valeurs dans le code d'éthique soient mieux expliqués, que ce soit plus clair. Je rappelle, pour les gens qui nous écoutent, que les valeurs dont on parle dans le code d'éthique... je vais les citer parce qu'il ne faut pas prendre pour acquis, M. le Président, que les gens qui nous écoutent, là, connaissent le code comme nous, on peut le connaître. Et j'admets, M. le Président, que j'ai une connaissance imparfaite du code, et on vit avec. Alors, imaginez les gens qui nous écoutent. Alors, je rappelle, M. le Président, donc le passage valeurs de l'Assemblée.

«Les valeurs de l'Assemblée nationale sont les suivantes :

«1° l'engagement envers l'amélioration des conditions sociales et économiques des Québécois;

«2° le respect et la protection de l'Assemblée nationale et de ses institutions démocratiques;

«3° le respect envers les membres de l'Assemblée nationale, les fonctionnaires de l'État et les citoyens.»

Je ne sais pas jusqu'à quel point M. Dion souhaitait... Quand il a parlé de valeurs, est-ce qu'il incluait également ce qui apparaît sous le titre ou l'appellation «conduite du député»? Je ne sais pas. Est-ce que ça faisait partie de vos réflexions, vous? Quand vous avez fait vos commentaires sur les valeurs, est-ce que c'est seulement les trois dont je viens de parler? Parce que, sous «conduite du député», on peut lire ceci :

«La conduite du député est empreinte de bienveillance, de droiture, de convenance, de sagesse, d'honnêteté, de sincérité et de justice.» On se retrouve tous là-dedans, n'est-ce pas, M. le Président? «Par conséquent, le député :

«1° fait preuve de loyauté envers le peuple du Québec — ça, c'était le premier alinéa;

«2° reconnaît qu'il est au service des citoyens;

«3° fait preuve de rigueur et d'assiduité;

«4° recherche la vérité et respecte la parole donnée; et

«5° a un devoir de mémoire envers le fonctionnement de l'Assemblée nationale et de ses institutions démocratiques.»

Alors, qu'est-ce qui, là-dedans, n'est pas clair pour vous et qu'est-ce que vous souhaiteriez apporter comme éclaircissement pour que les valeurs de l'Assemblée... et précisez, s'il vous plaît, si, pour vous, la conduite du député et ce qui s'ensuit en fait partie. Alors, qu'est-ce qui pourrait être ajouté pour clarifier tout ça?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci. Donc, regardez le titre I, «Valeurs et principes éthiques». Dans mon mémoire, j'ai fait quelques pages de commentaires à cet égard-là. Est-ce que le qualificatif «éthiques» s'applique aux principes, aux valeurs? Ça pose un certain nombre de problèmes.

Mais disons que, spontanément, quand on lit l'article 6, on voit immédiatement qu'il n'y a pas de distinction entre valeurs et principes, c'est-à-dire qu'on ne sait pas où sont exactement les principes. Dès qu'on est après les trois premiers éléments et qu'on arrive avec la bienveillance, on est dans les valeurs encore. Et, par la suite, le député «fait preuve de loyauté», est-ce qu'on n'est pas encore dans les valeurs ou bien est-ce qu'on doit comprendre qu'on est rendu dans les principes éthiques, alors qu'on parle de vérité, qui est une valeur? Donc, c'est un peu mélangé, là. Ici, il y aurait vraiment une réforme à faire, là, pour distinguer quelles sont les valeurs de l'Assemblée nationale et quels sont les principes d'ordre éthique et bien distinguer les deux.

J'en profite pour mentionner, et c'est dans mon mémoire, à la page 7, que les principes éthiques... en fait, le commissaire va dire : Les principes éthiques sont soutenus par les valeurs de l'Assemblée nationale. Ce n'est pas rien, dire ça. Évidemment, on ne sait pas quels sont ces principes éthiques puisque le code d'éthique est flou, mais on peut faire des hypothèses et on peut se poser des questions, effectivement, si certains principes, par exemple rechercher la vérité, respecter la parole donnée, faire preuve de rigueur, est-ce que tout ça, c'est fondé sur les valeurs précédentes? C'est flou, là. Donc, l'affirmation du commissaire, page 25, là, elle est très louable, mais, en réalité, on ne comprend pas du tout ce qu'il veut dire puisqu'on ne sait pas, même, la distinction entre quelles sont les valeurs et les principes.

Alors, tout ça pour dire, pour terminer avec cette question, que les manquements aux valeurs... donner le pouvoir au commissaire de pouvoir faire enquête pour un manquement aux valeurs donne quoi, en fait? Qu'est-ce que ça donne à la fin? Ce n'est pas sûr que ça donne quelque chose parce que regardez n'importe quelle organisation, quand il va y avoir des sanctions disciplinaires, ça sera pour des normes qui ont été transgressées. Ce ne sera jamais parce que la personne n'a pas accompli telle ou telle valeur organisationnelle. Ce n'est pas important, ce n'est pas comme ça qu'on va concevoir l'enquête, c'est vraiment en fonction d'une norme précise. Donc, je comprends mal comment le commissaire peut avoir ce pouvoir-là et qu'est-ce que ça donne, surtout, d'avoir ce pouvoir d'enquête sur un manquement aux valeurs.

Bon, peut-être vous pouvez m'éclairer là-dessus, mais c'est quelque chose que je comprends difficilement quand je compare la culture ici avec d'autres cultures organisationnelles.

• (16 h 10) •

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Oui. Donc, si je vous ai bien compris, donc, dans la... vous trouvez que, dans la formulation même, ce n'est pas clair, et surtout, ce qui n'est pas clair, c'est la distinction entre ce qui est une valeur et ce qui est un principe. Oui.

Maintenant, vous l'aurez noté, vous savez, M. Dion, que le député peut demander une enquête. Dans notre code, le député, un député, peut demander une enquête, et le commissaire peut, de son propre chef, déclencher une enquête, sauf que le pouvoir du commissaire de déclencher une enquête ne souffre d'aucune limite, alors que le député peut demander une enquête, mais il ne peut pas le faire pour la partie, justement, sur les valeurs et les principes. Je ne sais pas si vous l'aviez noté. Donc, en d'autres mots, le commissaire à l'éthique pourrait déclencher une enquête sur un collègue, par exemple, qui ne respecterait pas, par exemple, la valeur qui prévoit qu'on travaille pour l'amélioration des conditions sociales et économiques ou encore qui ne respecte pas les institutions démocratiques, etc. Le commissaire pourrait enquêter pour manquement à une des valeurs, mais ce n'est pas possible, pour le député, de le faire.

Est-ce que... parce que je suis toujours dans la partie «valeurs», là. Est-ce que vous souhaiteriez, vous, que le pouvoir d'enquête du commissaire pour manquement à une valeur ou manquement au respect d'une des valeurs soit mieux encadré? Là, je fais référence, pour les gens qui nous écoutent, à l'article 91 et 92 du code d'éthique. 91, c'est demande d'enquête : «Le député qui a des motifs raisonnables de croire qu'un autre député a commis un manquement aux dispositions des chapitres I à VII du titre II ou à celles du titre III du présent code peut demander au Commissaire à l'éthique et à la déontologie de faire une enquête.» Et l'enquête d'office, c'est l'article 92 : «Le commissaire — donc, commissaire à l'éthique — peut, de sa propre initiative et après avoir donné par écrit au député un préavis raisonnable, faire une enquête pour déterminer si celui-ci a commis un manquement au présent code.»

Donc, vous aurez noté que, dans le 91, on limite la demande d'enquête du député au titre II et au titre III. Or, il se trouve que le titre I, dans le code d'éthique, c'est justement le titre qui porte sur les valeurs et les principes, et les pouvoirs d'enquête du commissaire, eux, incluent le titre I, donc valeurs et principes.

Alors, vous, est-ce que vous souhaiteriez que les pouvoirs d'enquête du commissaire pour manquement à une valeur ou un principe soient mieux encadrés, soient mieux balisés?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Oui. Alors, je me pose la question de l'utilité de ce pouvoir du commissaire de le faire de sa propre initiative. Quand on regarde les valeurs, faire preuve de loyauté envers le peuple du Québec, pour prendre cet exemple-là, quand est-ce que le commissaire va se rendre compte qu'un député, finalement, ne s'est pas conformé à ça? Un député est au service des citoyens. Quand est-ce que le député ne l'est pas, au service des citoyens, de sorte que ça mérite qu'il y ait une enquête? Et on pourrait rajouter les exemples, là. Faire preuve de rigueur et d'assiduité. L'assiduité, c'est intéressant parce que ça suppose une présence régulière, et on venait tout juste de parler d'une double fonction tout à l'heure.

Rechercher la vérité, ça, c'est très intéressant parce que tout le monde cherche la vérité, et il y en a peu qui la trouvent. Et donc l'idée de la rechercher, c'est intéressant, mais est-ce que c'est vraiment une valeur? Bon, alors, est-ce que le commissaire va intervenir parce qu'il y a eu un manquement à cette valeur ou à ce principe? Ça m'apparaît assez difficile. Ce serait possible, dans la situation, et là vous pourrez m'éclairer si c'est le cas, où le commissaire vous donne des lignes directrices pour expliquer le sens des valeurs. Et là il vous donne sa réflexion. Après tant d'années, il vous dit : Bien, la convenance, là, la valeur qui est identifiée après la droiture, il y a la convenance, mais la convenance, quant à moi, comme commissaire, avec les années, je conçois que c'est tel genre de comportement que ça suppose. Je définis le comportement de convenance, qui est convenant.

S'il ne vous fournit pas ça, il est mal placé pour faire une enquête par la suite. Donc, il doit vous aider, il doit vous donner des lignes directrices pour que vous ayez un sens plus précis des valeurs, puis c'est vrai pour n'importe quelle organisation. On parle de l'Assemblée nationale, ça pourrait être une entreprise, n'importe quelle entité. Quand on veut que les valeurs soient intériorisées par les individus, il faut les aider, il faut leur donner des lignes directrices, une compréhension de la valeur.

Donc, le commissaire, c'est son devoir, je crois, devoir moral, en tous les cas, de vous donner des précisions sur le sens de ces valeurs-là. Il peut le faire au fil des années, par une ligne directrice qui traite de telle ou telle valeur. Et là, à ce moment-là, s'il a donné ça puis, à plusieurs reprises, des précisions à cet égard, là, il est mieux placé, effectivement, pour faire une enquête. Mais je doute quand même de l'utilité d'une telle enquête, pour manquement aux valeurs, de sa propre initiative, j'entends. L'important est que le commissaire fasse de la sensibilisation, je dirais, au niveau du sens des valeurs. Ça, je pense, c'est un devoir qu'il devrait accomplir.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Je vous rappelle, M. Dion, qu'il y avait eu effectivement une enquête sur l'ex-député Tomassi pour ce qui est de l'assiduité, notamment de l'assiduité.

J'aimerais revenir à un autre élément de votre mémoire. Vous faites référence à la recommandation n° 17 du rapport, donc la recommandation n° 17, qui se lit comme suit : «Que l'article 87 du code soit modifié pour prévoir que le commissaire peut rendre public un avis qu'il a rendu à l'égard d'un membre de l'Assemblée nationale, lorsque ce dernier — donc lorsque le député — déclare publiquement avoir obtenu un avis du commissaire.»

Donc, vous souhaitez que le code soit modifié pour que le commissaire rende public l'avis qu'il a donné à un député lorsque le député dit : J'ai reçu un avis. Et ça, c'est dans le rapport, le rapport sur la mise en oeuvre.

Et là vous, vous dites : Le seul fait qu'un député déclare avoir obtenu un avis du commissaire ne devrait pas donner au commissaire la possibilité de rendre public cet avis, n'est-ce pas? Je vous cite bien, n'est-ce pas? Vous souhaiteriez quoi, vous?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci. En fait, ce que l'on lit dans la recommandation, c'est que, dès que le député déclare publiquement qu'il a reçu un avis, il ne déclare pas la nature de l'avis. Il dit seulement : J'ai eu un avis.

M. Drainville : C'est ça.

M. Dion (Michel) : Donc, il ne dit pas grand-chose, en réalité, et, à ce moment-là, à partir de ce moment-là, le commissaire pourrait rendre public l'avis, alors que le député n'a rien dit, il a juste dit : J'ai reçu un avis. Il n'a pas mis le commissaire en mauvaise position, il a juste dit : J'ai reçu un avis, sans donner la nature.

Effectivement, s'il se met à interpréter le député, qui dit : Bien là, j'ai reçu un avis qui dit à peu près ceci, ah, bien là je comprends que le commissaire doit rendre ça public parce qu'il faut que ça soit... il ne faut pas qu'il y ait de mauvaise interprétation. Mais, s'il ne dit rien, s'il dit seulement : J'ai reçu un avis du commissaire, c'est comme assez vide comme contenu. Ça ne met pas le commissaire en mauvaise position du tout, du tout.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Et donc, M. Dion, terminez votre logique, s'il vous plaît. Et donc on devrait faire quoi? On devrait modifier le code ou... pas modifier le code, mais modifier la recommandation 17 pour mieux la baliser, pour mieux la nuancer?

M. Dion (Michel) : Bien, moi, je la nuancerais, mais c'est une suggestion personnelle, là, ce n'est rien de plus que ça.

M. Drainville : Mais oui, mais c'est pour ça que vous êtes ici, mon cher. On est ici pour entendre vos suggestions personnelles.

• (16 h 20) •

M. Dion (Michel) : Exactement. J'ai fait cette suggestion, que, lorsque le député déclare qu'il a un avis du commissaire et qu'il en fait un commentaire qui reflète une partie du contenu, etc. — vous trouverez la formulation, si ça vous intéresse, là — qu'à ce moment-là, oui, le commissaire, il faut qu'il rende l'avis public absolument pour ne pas créer de confusion parce que c'est une interprétation que le député a, ce n'est pas nécessairement conforme à l'avis tel qu'il est écrit par le commissaire. Donc, à ce moment-là, oui, mais pas seulement le fait d'avoir fait... J'ai eu un avis du commissaire, ça ne veut rien dire, ça.

Le Président (M. Ouellette) : Dernière minute, M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Alors, je rappelle, M. le Président, que l'article 87 du code actuel dit donc : «Avis du commissaire — avis au député :

«Sur demande écrite d'un député, le Commissaire à l'éthique et à la déontologie lui donne un avis écrit et motivé, assorti des recommandations qu'il juge indiquées, sur toute question concernant les obligations du député aux termes du présent code. Cet avis est donné dans les 30 jours qui suivent la demande du député à moins que celui-ci et le commissaire ne conviennent d'un autre délai.»

Confidentialité : «L'avis du commissaire est confidentiel et ne peut être rendu public que par le député ou avec son consentement écrit, sous réserve du pouvoir du commissaire de procéder à une enquête et de faire rapport sur les faits allégués ou découverts à l'occasion de la demande d'avis.»

Et là il y a la recommandation 17 qui dit : Bien, l'avis du commissaire pourrait être rendu public dès que le député confirme qu'il a reçu un avis.

Dans le fond, vous nous invitez à la prudence. Dans le fond, c'est comme si on disait : J'ai reçu... c'est une sorte de, comment dire, un avis de réception. J'ai reçu quelque chose.

Une voix : Un accusé de réception.

M. Drainville : Un accusé de réception. Ça ne dévoile en rien le contenu, et donc ce que vous dites, c'est que ça ne devrait pas enclencher automatiquement le dévoilement, par le commissaire, de l'avis tel que le prévoit la recommandation 17 dans le rapport.

M. Dion (Michel) : Tout à fait ça.

M. Drainville : Très bien. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Dion. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Pour 12 min 30 s?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Je les fais rapidement, beaucoup de sujets à aborder, puis je veux... Évidemment, ma collègue de Vaudreuil aura quelques questions également.

Au passage, pas besoin d'échanger là-dessus, nous avons pris bonne note de votre suggestion que, contrairement à ce qui est la mouture actuelle de l'article 114, il y ait possible recommandation du commissaire à tous les cinq ans. Bien, vous soulignez que ce serait peut-être intéressant, s'il a de quoi à dire, même si ça ne fait pas cinq ans, bien, qu'il le dise et que les élus en débattent et statuent, le cas échéant. Ça, j'en ai pris très bonne note, puis je vois votre réaction, puis je pense qu'il y a beaucoup de bon sens là-dessus. On va se faire une tête entre nous, entre les 125 collègues, mais je pense que c'est important de le souligner, que c'était pertinent.

Je ne veux pas entrer trop dans la sémantique, mais moi aussi, M. Dion, je trouvais ça intéressant, les pages 12 et suivantes, votre quatrième point sur l'étalon de mesure, la personne raisonnablement bien informée. Alors, y a-t-il situation de conflit d'intérêts, l'étalon de mesure? Puis je voyais que vous référiez aux pages 28 et 39 du rapport du commissaire. Est-ce qu'une personne raisonnablement bien informée y verrait là un accroc potentiel? Ça, c'est une chose.

Aidez-moi à y voir les distinctions nécessaires. Il n'est aucunement fait mention, tant dans le code que dans ce que j'appellerais la jurisprudence du commissaire, d'un étalon de mesure qui, au-delà de la raisonnabilité du niveau d'information... Un peu comme en matière civile, on dit : Est-ce qu'il y a une faute, oui ou non? Bien, pour savoir si une faute a été commise, on va se mettre dans la situation d'une personne raisonnablement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances. Nous invitez-vous, puis je veux être sûr de bien vous lire, à peut-être étayer ce que vous appelez la personne idéale?

Le Commissaire, quand il dit : Est-ce que j'ai devant moi un cas de faute, ne devrait-il pas étayer l'institution qu'est le commissaire à l'éthique? Cette personne idéale là, au-delà de dire : Y a-t-il faute, et je dois me mettre dans les chaussures d'une personne raisonnablement bien informée, mais il devrait davantage dire aussi : Oui, raisonnablement bien informée, mais normalement prudente et diligente, placée dans les mêmes circonstances? Puis, vous allez voir, par la suite, on va débouler sur ce qui peut être, pour un député, des modes de défense parce qu'il y en a, des modes de défense, la bonne foi, ainsi de suite. Mais j'aimerais vous entendre sur cette personne idéalisée, là, qu'on mériterait peut-être de préciser et comment pourrait-on le faire.

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Oui, merci. Donc, effectivement, il m'est apparu que le «raisonnablement informée» n'était pas suffisant, d'autant plus que l'information, déjà, n'est pas toujours complète. Le «raisonnablement informée» était difficile à articuler dans la pratique.

Mais vous avez effectivement fait référence à la prudence, à la diligence, au caractère impartial, au spectateur impartial qui regarde. Je crois que c'est un tel spectateur idéal qu'il faut avoir en tête, il faut élargir. Ce n'est pas une question seulement d'information, c'est une question aussi de prudence, de diligence, d'impartialité. Je pense que c'est trop limitatif que de s'en tenir simplement à l'information qu'une personne pourrait avoir. C'est un des critères par lesquels une personne décide, oui. Quand cette personne est face à des problèmes d'éthique, par exemple, bon, bien, elle va rassembler évidemment les faits et, avec cette information la plus large possible, va pouvoir prendre la décision. Mais ce n'est pas simplement le rassemblement des faits. Il y a nécessairement une question de prudence et de ne pas vouloir tomber dans des extrêmes, tenir compte des différentes personnes, des différents groupes qui peuvent être affectés par la décision.

Donc, il y a vraiment une question de prudence, diligence, d'impartialité qui est là et non pas seulement de... Le «raisonnablement informée», ça me semblait vraiment insuffisant.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Oui, exact. Et ma collègue de Vaudreuil, effectivement, qui a, je pense, une formation en droit, nous parlait de l'ancienne appellation, qui était «agir en bon père de famille» dans une société qui méritait encore d'être évoluée, donc «personne normalement prudente et diligente placée dans les mêmes circonstances». Diriez-vous, êtes-vous d'accord avec moi que, si on allait de l'avant en précisant quel est l'étalon de mesure de la personne idéalisée pour le commissaire pour déterminer est-ce qu'il y a, dans ce cas-là qui est devant moi, sous analyse, faute ou pas, ça nous permettrait d'arriver à des décisions qui ne termineraient pas sans sanction?

Et je vous donne trois moyens de défense qui ont été appliqués par le commissaire. Premier élément : Ah! bien, la personne a agi de bonne foi. Oui, on peut le considérer au niveau de la force de la sanction si elle a agi de bonne foi ou pas, mais, en ce sens-là, il y a le facteur d'intention ou pas d'intention.

Deuxième élément, la personne n'était pas suffisamment expérimentée, ne savait pas que ça ne se faisait pas. Je trouve que c'est... puis je m'avance, mais corrigez-moi si vous croyez que j'ai tort, je pense que c'est une défense trop facile, qu'on pourrait mettre de côté si l'on disait : Bien, écoute, elle ne le savait pas, mais est-ce qu'une personne normalement raisonnable, prudente et diligente aurait agi de la sorte?

Et aussi, un autre moyen de défense, et ça, c'est mon collègue de La Prairie qui, dans sa discussion avec le commissaire à l'éthique, avait avoué : Avant de donner une sanction, moi, comme commissaire — je le cite — j'ai pensé à la conséquence politique d'une réprimande. Fin de la citation.

Alors, si, comme commissaire à l'éthique, je me dis : Y a-t-il faute? Oui, il y a faute. Puis, dans les deux derniers cas d'application, il y avait eu faute, mais il a dit : La personne agissait de bonne foi, la personne n'était pas suffisamment informée, puis il faut que je pense à l'impact politique que ça va avoir. Dans les deux cas, je ne recommande aucune sanction. Pensez-vous que ça nous aiderait, à ce moment-là, d'étayer l'analyse et de dire : Bien oui, il va y avoir des sanctions en bout de piste?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Oui, alors, je pense qu'effectivement il faut réviser ça. Quand on regarde les moyens de défense que vous avez mentionnés, la défense de bonne foi, qu'on retrouve même dans certaines lois au Québec... La deuxième est vraiment, vous l'avez mentionné... n'est pas très forte, c'est l'ignorance. Alors, plaider l'ignorance, là, ce n'est pas ce qu'il y a de mieux, non. Et les conséquences politiques d'une réprimande, c'est bien ça que vous avez mentionné, est-ce que... là, on est dans l'ordre de... on agit en fonction des conséquences de l'action et on regarde quelles seront les conséquences pour moi, mais les conséquences pour d'autres aussi. C'est une façon, évidemment, de regarder la décision.

Mais je voudrais revenir aussi à l'idée que vous avez mentionnée dès le début. Anciennement, on parlait du bon père de famille. En fait, le juge se servait de ça, et vous avez encore de l'agissement prudent et diligent, par exemple, pour les administrateurs, les membres de conseil d'administration. C'est des valeurs qui sont intégrées dans la société. Dans la Loi sur les sociétés par actions, par exemple, et dans le Code civil du Québec, vous avez ça, et ça sert au juge pour décider, là, effectivement, dans tel ou tel cas.

Donc, je pense qu'il faut aller vers là, il faut aller... Il faut déborder le «raisonnablement informée» et aller vers la personne prudente, diligente et impartiale qui va essayer de... qui serait comme l'idéal dont se servirait de toute façon le juge et dont va se servir ou pourrait se servir le commissaire.

Le Président (M. Merlini) : Pardon. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : Merci. Relativement à la notion du bon père de famille, dans le fond, ce que je comprends, c'est que vous dites que cette notion-là, c'est une notion qui est quand même assez désuète, dépassée ou...

• (16 h 30) •

M. Dion (Michel) : Bien, elle a été utilisée dans le passé. Là, on comprend qu'est-ce qui était là, mais la société a changé, on peut dire ça, puis en espérant qu'elle soit de plus en plus dépatriarcalisée, en espérant.

Mme Nichols : Très bien, je comprends où vous vous en allez avec la notion du bon père de famille, puis je suis plutôt d'accord avec vous qu'on a utilisé longtemps cette notion-là. Les juges l'appliquent maintenant un peu moins, mais c'est plus, maintenant, la personne raisonnable, diligente, c'est plus sûr.

M. Dion (Michel) : C'est ça, exactement. C'est ça, c'est ça, oui.

Mme Nichols : Définitivement, c'est plus vers là où on s'en va.

M. Dion, merci. Merci d'être ici. J'ai pris connaissance aussi de votre mémoire puis j'avais certaines questions, entre autres relativement à la... quand vous parlez de la recommandation n° 3 sur les membres de l'Assemblée nationale afin qu'ils «procèdent à un examen, au regard des principes [d'éthique] et des règles [de déontologie] établies par le code» et aussi «de la pertinence de maintenir la possibilité, pour les députés, d'exercer simultanément plus d'une fonction». Entre autres, vous revenez sur le propos du commissaire qui implique trois niveaux de raisonnement. Si je ne me trompe pas, vous parlez d'abord du premier niveau, qui est l'argument pragmatique. Vous parlez ensuite de l'argument éthique et de l'argument des contraintes professionnelles.

À la lecture, ma première impression, c'est que, dans le fond, ce que vous dites par rapport aux propos du commissaire, c'est que ce n'est pas assez clair, le poids de chacun. Je me demandais : Selon vous, est-ce qu'il y a un argument qui devrait avoir plus de poids qu'un autre dans les trois qui ont été nommés?

Le Président (M. Merlini) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci. Donc, vous ne serez peut-être pas étonnée que je trouve l'argument éthique assez lourd, comparativement aux deux autres. Mais n'oubliez pas que j'ai insisté sur le fait qu'il faut plutôt avoir une période entre vous — évidemment, les 125 députés — pour réfléchir à la perception que vous avez de la fonction de député et que la population a, quelles sont les attentes sociales. Et, si, par hypothèse — je lance l'hypothèse — on arrivait à la conclusion que la population s'attend à ce que ses députés soient là à temps plein et qu'ils n'aient pas une seconde fonction, bien, ça ferait partie de la réflexion. Si vous arrivez, de différentes manières, par des forums ou autres, là, que vous arrivez chacun, dans votre circonscription, à pouvoir tâter le pouls de la population et finalement avoir un résultat, à la fin, sur qu'est-ce que la population veut, bien, à ce moment-là, ça pourrait faire partie d'un nouvel «attendu» du code d'éthique où on voit l'attente sociétale de la population quant aux fonctions du député et au fait qu'il y aurait ou non possibilité d'avoir plusieurs fonctions.

Le Président (M. Merlini) : Mme la députée de Vaudreuil, il vous reste 1 min 40 s.

Mme Nichols : Oui. Je vais faire ça vite, mais en fait je vais me permettre en même temps de commenter un peu par rapport à l'argument des contraintes professionnelles. Vous êtes sans doute au courant qu'il y a certaines pratiques qui ont des contraintes professionnelles. Il y en a que... Je donne l'exemple d'un avocat. Bon, il doit faire un certain nombre d'heures de formation par année. Puis ça, c'est correct. Je veux dire, c'est son choix, à l'avocat. Il fait les heures de formation, mais il n'en a pas besoin pour continuer de pratiquer. Donc, si dans quatre ans, huit ans, après un, deux mandats, il décide de retourner dans la pratique, bien, ça sera lui qui va avoir été pénalisé de ne pas avoir pratiqué pendant huit ans ou d'avoir fait d'autres choses pendant huit ans. Mais, si je pense au médecin, par exemple, qui, lui, doit pratiquer, je trouve que les conséquences sont peut-être un petit peu plus lourdes. Les contraintes professionnelles, pour cette personne-là qui veut retourner à la pratique, sont beaucoup plus lourdes. Je me demandais, vous avez sûrement, dans votre cheminement, pensé à ça dans la rédaction du mémoire.

M. Dion (Michel) : Oui.

Le Président (M. Merlini) : En 40 secondes, M. Dion.

M. Dion (Michel) : En 40 secondes. C'est clair qu'il y a des cas faciles, vous l'avez mentionné. Le Barreau, on peut suivre des cours, et ce n'est pas trop long. Et les médecins, c'est beaucoup plus compliqué. Mais, en réalité, je vous ramène à une réflexion fondamentale sur la fonction de député plutôt qu'aux circonstances ou aux cas exceptionnels qui peuvent être... qui finalement pourraient empêcher même des députés de se lancer en politique si on va de l'avant avec ça.

Donc, je vous ramène plutôt à une réflexion de fond sur la fonction de député, votre perception, mais aussi la perception du public sur le fait qu'il faut être à temps plein ou non. C'est peut-être que... finalement, après un tour de piste du Québec, on trouverait peut-être un appui au fait d'avoir plus d'une fonction.

Le Président (M. Merlini) : Merci, M. Dion. Ça termine ce bloc. Malheureusement, ça termine ce bloc. Mme la députée de Vaudreuil, vous pourrez vous reprendre. On se tourne maintenant vers la deuxième opposition et le député de Deux-Montagnes. À vous la parole.

M. Charette : Merci, M. le Président. Merci, M. Dion, d'être parmi nous cet après-midi. Peut-être, dans la foulée des questions de ma collègue, toujours sur cette recommandation 3, vous disiez, c'était éventuellement une évaluation qui devrait être faite à savoir si un député peut se permettre d'avoir une charge additionnelle. Est-ce que l'on pourrait se poser spécifiquement la question pour les membres du Conseil exécutif? Un député, c'est une chose, avec un emploi du temps qu'on lui connaît bien, mais un ministre, c'en est une autre. Est-ce qu'il devrait y avoir peut-être une réflexion plus approfondie pour les ministres en particulier? Est-ce qu'on devrait exiger l'exclusivité de fonction à ceux qui siègent au Conseil exécutif?

Le Président (M. Merlini) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Oui, merci. C'est une excellente suggestion. En fait, bien, suggestion... en tout cas, question. Excellente question. Je crois qu'effectivement pour ce qui est de la situation des ministres il y a bien des chances que, si on ne fait que lire le code d'éthique, on voit très bien la lourdeur. Et on s'imagine que, quand on a une tâche de ministre, c'est encore pire, de sorte que ce serait probablement difficile d'avoir une deuxième occupation, si on veut. Et, étant donné les charges publiques qu'on a, il y a un impact, en fait, si on fait ce choix-là. Donc, je serais d'avis que, sur la question, oui, des ministres, on devrait être plus sévère là-dessus, quitte à ce que...

La question pourrait être séparée en deux parce qu'effectivement je vois la tâche des ministres tellement lourde que c'est difficile de croire qu'on va avoir du temps. Puis, si on a du temps, on est en train de le gruger sur les objectifs que vous avez même énoncés derrière, puisque c'est des objectifs tellement importants, là, la défense d'intérêts publics du Québec. Et, quand on est ministre, évidemment, on est aux premières lignes. Donc, je pense qu'effectivement il pourrait y avoir une nécessité de s'attaquer à cette situation-là en premier, quitte à ce qu'ensuite on regarde l'ensemble des députés aussi. Mais vous allez le faire entre vous, mais je pense qu'effectivement c'est une très bonne voie, d'aller dans ce sens-là.

Le Président (M. Merlini) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : ...d'étudier d'autres codes d'éthique, d'autres assemblées législatives à travers le Canada? Si oui, est-ce qu'il y a ce type de distinction là à travers d'autres législatures?

M. Dion (Michel) : Je n'ai pas vérifié. Honnêtement, je n'ai pas fait cette vérification-là.

M. Charette : D'accord. Et aussi, en complément d'information, une question posée précédemment par mon collègue de LaFontaine au niveau des restrictions, toujours celles qui s'appliquent au Conseil des ministres, c'est le choix qui avait été fait il y a quelques années, lorsqu'on a adopté le présent code d'éthique. Différentes situations, au cours de la dernière année, nous ont fait se... on s'est demandé, en fait, s'il n'y avait pas lieu d'étendre ces restrictions-là à une autre catégorie de députés. Est-ce que ce serait, par exemple, les officiers des oppositions, sinon chef de l'opposition officielle, chef de la deuxième opposition, la présidence de l'Assemblée nationale? Donc là, on avait bien circonscrit les limitations il y a cinq ans. Est-ce qu'avec l'exercice des dernières années ce serait pertinent d'étendre à d'autres catégories, sans dire à tous les députés, mais peut-être aux officiers notamment des partis d'opposition?

Le Président (M. Merlini) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Donc, on parle bien de la fiducie sans droit de regard?

M. Charette : C'est-à-dire fiducie sans droit de regard, mais les députés-ministres ont un certain nombre de contraintes qui sont plus grandes que celles imposées aux autres députés, même gouvernementaux. Donc, la question est de savoir : Est-ce qu'on devrait étendre ces contraintes-là aussi aux officiers, par exemple, des partis d'opposition?

M. Dion (Michel) : Je serais d'avis qu'on pourrait examiner la question. Évidemment, ça dépendrait des contraintes, là. Quand on parle de la fiducie sans droit de regard, on en a parlé tout à l'heure, de l'étendre à des fonctions, j'aime bien l'idée de l'étendre à des fonctions, donc le chef de l'opposition officielle, etc. Donc, j'aime bien ça parce que ce n'est pas l'ensemble des députés, c'est des fonctions qu'on considère que cette fonction-là est importante et que, donc, il y a des contraintes supplémentaires pour ces personnes-là. Je pense que ça pourrait être un bon exercice, oui, de commencer par des fonctions, quitte à ce que, dans un deuxième temps, vous réfléchissiez pour les autres députés. Mais, pour ceux qui détiennent ce genre de fonction là, c'est une bonne idée, oui. Je suis très positif à ça.

• (16 h 40) •

M. Charette : Dans le mémoire que vous nous avez présenté, vous avez évoqué une formation qui serait souhaitable pour les élus. On évoquait de neuf à 15 heures de formation. C'est pratique courante dans bon nombre d'organisations, ce n'est pas actuellement le cas au niveau des députés. Qu'est-ce qu'on devrait y enseigner? En fait, même au niveau municipal, notamment, ces formations-là sont de plus en plus chose courante, sinon même imposées. Donc, quel pourrait être le programme de formation idéal? Qu'est-ce qu'on devrait aborder avec nos élus qui arrivent souvent d'environnements très différents, avec certainement de bonnes intentions, mais qui n'ont peut-être pas la mesure complète des charges liées avec leur fonction, notamment?

Le Président (M. Merlini) : Juste avant votre réponse, M. Dion, vous allez me permettre, chers collègues, de saluer la présence dans la salle d'un ex-député de Verdun, ex-leader adjoint du gouvernement et ex-ministre, M. Henri-François Gautrin, ex-député de Verdun. Bienvenue à la séance de la Commission des institutions. Heureux de vous retrouver. Merci d'assister à nos travaux.

Alors, allez-y, M. Dion, pour la réponse.

M. Dion (Michel) : Oui. Alors, excusez-moi, ça m'a dérangé dans...

M. Drainville : Il nous faisait cet effet dans le temps aussi.

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Charette : Sur la formation...

M. Dion (Michel) : Oui, la formation, oui. Alors donc, éthique et déontologie, je crois qu'il faut que l'éthique soit là. L'éthique, c'est une question de valeurs. Et, habituellement ou, en tout cas, souvent, on inclut aussi, dans le champ de l'éthique, le respect des droits humains fondamentaux. Donc, c'est ce qui est le champ habituellement occupé par l'éthique.

Évidemment, il sera question de déontologie et il sera inévitablement question du Code d'éthique et de déontologie. Il faut qu'il soit expliqué, mais il ne faut pas que ça soit une simple formation qui soit l'explication seule du Code d'éthique. Il faut que ça soit une réflexion sur l'éthique qui va nous amener au code, qui va éventuellement nous amener à d'autres textes juridiques, mais il ne faut pas que le juridique empiète sur l'éthique. L'éthique, ce n'est pas le perroquet du juridique, ça ne redit pas les lois autrement, ça exige quelque chose de meilleur que les lois. Donc, si vous avez un de code de déontologie professionnel, bien, il y a de l'éthique professionnelle, à côté, qui n'est pas écrite. Et agir avec éthique professionnelle, c'est agir de meilleure manière que ce que le code de déontologie exige. Et c'est la même chose avec les lois en général. Les lois existent, bon, et il y a des choses qui ne sont pas prévues par la loi, et c'est là que s'insère l'éthique.

Donc, il faut que cette formation-là, d'après moi, soit minimalement la moitié de la formation sur l'éthique pour qu'il y ait vraiment une substance, là, autre que la simple explication des lois ou du code. J'ai énoncé neuf à 15 heures parce que je m'imagine que trois heures, ce n'est pas assez et que 30 heures, c'est trop concrètement, pratiquement. Mais vous choisirez qu'est-ce qui est le mieux. Mais c'est difficile, en bas de chiffres comme ça, de faire une introduction sur l'éthique et d'amener quelque chose qui va aider les gens le moindrement, donc faire les distinctions de base, là.

M. Charette : Qui, selon vous, serait le plus à même d'assurer cette formation-là? Est-ce que ce serait le Bureau du Commissaire à l'éthique directement?

M. Dion (Michel) : C'est une très bonne question. Normalement, les commissaires à l'éthique ou... replacez ça dans des grandes entreprises qui ont des officiers de l'éthique, là, ce sont ces personnes-là soit qui donnent la formation, soit qui vont avoir à aller chercher des formateurs à l'extérieur. Donc, je crois qu'il faut absolument que ça passe par le bureau du commissaire, que ce soit le commissaire qui le donne lui-même avec quelqu'un d'autre ou peu importe, là, mais ça doit passer par là absolument, oui.

M. Charette : Je sais que le temps dans mon cas est très limité. Peut-être aborder la question de la famille immédiate. Le code d'éthique y fait référence de façon très spécifique. Pour le moment, on entend, «famille immédiate», un lien soit avec les enfants, sinon le conjoint ou la conjointe. On a évoqué la possibilité d'étendre davantage cette notion-là. Est-ce qu'on est bien couverts, selon vous, actuellement, avec la notion d'enfants et de conjoint, conjointe, ou s'il n'y aurait pas lieu, justement, là, d'étendre à d'autres catégories?

Le Président (M. Ouellette) : M. Dion.

M. Dion (Michel) : Merci. Ça me semblait limité quelque peu. Bien sûr, on a référé à la Loi d'interprétation québécoise, mais il reste que vous avez pleine liberté pour élargir la notion. Comme citoyens, je vous dirais, quand on voit ça, on se dit : Il me semble, c'est limité, là. Il n'y a pas grand monde dans cette famille-là immédiate, là. Il me semble, c'est plus large que ça, la famille immédiate. Mais, bon, il y a des lois en particulier où ça va aller plus loin. Donc, ici, je vous pose la question : Est-ce que ça mérite d'aller plus loin? Moi, j'ai l'impression qu'il faudrait y réfléchir, en tous les cas.

M. Charette : Si notre volonté est de faire de notre code d'éthique le meilleur code d'éthique qui soit pour les élus, est-ce que je peux comprendre, de votre réponse, qu'on aurait intérêt, justement, à étendre, que ce soit frères, soeurs? Est-ce que ce serait à notre avantage pour se doter du code le plus irréprochable possible?

M. Dion (Michel) : Oui, il s'agira d'identifier la limite, là, jusqu'où on va. Les limites les plus lointaines que j'ai vues, c'étaient les cousins, ce n'étaient pas les enfants des cousins. Déjà, les cousins, on est rendus assez loin, là. Donc, il faut arrêter ça à un moment donné, c'est sûr, là. Mais effectivement de l'étendre un peu plus à une famille qu'on considère comme immédiate, vous référez aux frères et soeurs, ça m'apparaît tout à fait raisonnable.

M. Charette : C'est gentil, merci. Ça complète mon temps d'intervention. Un gros merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Merci, M. Dion, d'être venu nous rendre visite et de nous partager vos réflexions. Je pense que ça va aider tous les collègues dans la poursuite de leur mandat.

Je vais suspendre quelques minutes, je vais demander à M. Thierry Pauchant de s'avancer. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 46)

(Reprise à 16 h 48)

Le Président (M. Ouellette) : On reprend. On reprend nos travaux. Nous recevons maintenant M. Thierry Pauchant, qui est directeur de la Chaire de management éthique aux HEC de Montréal. Bienvenue, M. Pauchant, à cette commission parlementaire.

Vous avez assisté au témoignage de M. Dion, et donc vous savez que vous avez 10 minutes. Après ça, il va y avoir une période d'échange avec les députés ministériels et les députés de l'opposition. Je vous reconnais et je vous cède la parole.

M. Thierry C. Pauchant

M. Pauchant (Thierry C.) : Merci, M. le Président. Bonjour, messieurs mesdames. C'est un plaisir d'être ici aujourd'hui. J'ai fait des notes et, si ça vous dit, je pourrais vous les envoyer avec plaisir.

Je vais faire trois interventions. Premièrement, une réflexion globale sur le rapport, deuxièmement, ses points positifs et, troisièmement, peut-être des points moins positifs avec des recommandations.

Je commence avec la réflexion globale. Il est très bien, ce rapport, sur le juridique ou sur le déontologique, il est fort pauvre sur l'éthique. J'interviens en éthicien sur l'éthique, comme Michel Dion vient de faire, et je voudrais vous dire que le droit et l'éthique font partie de la même famille. C'est comme un frère ou c'est comme une soeur, mais ils n'ont pas le même caractère, ils n'ont pas le même sexe, ils n'ont pas les mêmes comportements, ils sont différents. Tous les deux recherchent des comportements moraux, bien sûr, mais on peut l'avoir à la fois par le droit, par l'éthique, et les confondre arrive à des gros problèmes. Je crois que le rapport arrive à des problèmes qui sont trop juridiques, trop déontologiques, pas assez éthiques.

Le commissaire, bien sûr, au titre I, à la page 22, parle des valeurs et principes éthiques, rappelle que les valeurs de l'Assemblée nationale ne sont pas des normes précises, etc., qu'on ne doit pas utiliser de façon mécanique, mais il retombe tout de suite sur... les députés et les ministres ne savaient pas en quoi s'en tenir et s'interrogeaient sur ce qu'il aurait été dorénavant permis ou interdit. Ceci est à la page 22. C'est un langage juridique que je comprends, que j'honore. J'aime beaucoup le droit, mais, quand vous parlez d'interdit ou de permis, c'est un langage juridique blanc et noir qui ne touche pas aux zones grises de l'éthique, et ça pose problème.

• (16 h 50) •

Il est souhaitable, bien sûr, de faire ça, mais, si vous invoquez, je ne sais pas, moi, Adam Smith, ce philosophe moral écossais, Emmanuel Kant en Allemagne, Paul Ricoeur en France, Martha Nussbaum aux États-Unis, Charles Taylor ici, au Canada, ce sont tous des gens qui font une grosse différence entre le droit et l'éthique, qui n'est pas faite dans ce rapport.

Les droits nous amènent à des devoirs dits négatifs, ce qu'on ne devrait pas faire, obéissant à la loi et aux règles déontologiques. L'éthique, ce sont des devoirs dits positifs, ce qu'on devrait faire si on est bienveillant envers soi et envers les autres. C'est très différent.

Pour prendre une métaphore et pour aller vite, le droit nous offre une grammaire, comment on conjugue les verbes, est-ce qu'on met des «s» au pluriel, etc. L'éthique nous donne un style. Pour prendre une autre métaphore, le droit et la déontologie, c'est des poutres ou une structure d'une maison; l'éthique, sa décoration, sa chaleur de vivre. Il y a un danger de confusion entre le frère et la soeur, entre le droit et l'éthique. Est-ce qu'il devient trop déontologique? On mène une société à une conception négative de la morale, ce qui pose problème, encore une fois.

Obéir à la loi aussi n'est pas admirable. Et je vais développer beaucoup ce concept d'admiration envers les députés, qui manque actuellement, d'ailleurs. Obéir à la loi n'est pas admirable, c'est un comportement qui est attendu. C'est-à-dire, ne vous attendez pas que, parce que les députés respectent la loi, le droit, on trouve une admiration envers votre travail. Vous n'allez pas capitaliser en admiration en respectant le droit. Par contre, en agissant de façon éthique, là, on arrive à un comportement dit admirable. Vous arrivez à développer de la confiance dans le public, confiance, d'ailleurs, qui est rappelée par le Commissaire à l'éthique en disant : C'est absolument essentiel de suivre les valeurs de l'Assemblée nationale pour avoir la confiance du public. La confiance ne s'achète pas simplement avec le droit, elle se gagne aussi avec un leadership éthique qui va bien au-delà du droit.

Être admirable. Les recherches scientifiques, au Québec et ailleurs, relèvent que la première pratique en éthique n'est pas le Code de déontologie, mais le comportement que les gens vont utiliser pour un leader. C'est-à-dire, c'est en modelant un comportement par rapport à un leader, et les députés sont certainement des leaders importants dans la population québécoise, qu'on arrive à rehausser la barre.

Malheureusement, dans ce rapport, on parle surtout de répondre à des reproches. Il n'est pas simplement question de répondre à des reproches. Là, c'est encore une fois un langage juridique, déontologique de répondre à un reproche qui est une défense. C'est une position défensive. Être éthique, ce n'est pas simplement répondre à des reproches, mais faire le bien, ce qui est tout à fait différent, encore une fois. Vous comprenez que cet accent juridique lourd, et encore une fois que j'applaudis parce que la morale à la fois décline du droit et de l'éthique, et vous comprenez que, là, on marche sur une jambe et non pas deux jambes.

Tout à fait important, mais, de nouveau, il y a une... de faire du droit, mais il y a une confusion entre le frère et la soeur, la métaphore que j'ai prise, le droit et l'éthique. On ne bâtit pas la confiance simplement en suivant des comportements attendus.

Tous mes commentaires généraux vont se décliner dans les points positifs que je vais faire sur le rapport, j'en ai beaucoup, et aussi les recommandations, j'en ai cinq.

Voici les points positifs avec lesquels je suis en accord. Oui, il faut un pouvoir d'enquête du commissaire, c'est à la page 24. Oui, il faut faire une différence entre les députés et les membres du Conseil exécutif, c'est à la page 26. Oui, il faut accepter que les députés puissent exercer une autre fonction, mais de façon beaucoup plus encadrée, et j'y reviendrai tout à l'heure, parce que le commissaire réagit à la loi actuelle, bien sûr. Je crois que le commissaire pourrait dire quelque chose sur la loi actuelle, ce qu'il omet de faire. J'y reviendrai.

Oui, il faut une déclaration des intérêts personnels rendue publique, c'est à la page 15 du rapport, mais la recommandation du commissaire — 11 — des notes de certaines exceptions à la discrétion du commissaire, j'aurai des questions à lui poser, de : Pourquoi il y a des exceptions? Oui, il faut des politiques sur les dons et les avantages. À la page 38, c'est assez bien fait. Oui, il faut des politiques sur l'assiduité. À la page 40, c'est assez bien fait. Oui, il faut une politique sur la fiducie... du mandat sans droit de regard avec les recommandations de modifications qui sont discutées à la page 50. Oui, il faut des politiques d'après-mandat à la page 54. Entre nous, soit dit, dans l'industrie privée, elles sont beaucoup plus strictes que le rapport, actuellement, dit. On pourrait, si vous voulez, revenir là-dessus. Oui, il faut une obligation d'une formation en éthique et en déontologie, recommandation... la 18 à la page 65. Et enfin, oui, il faut pouvoir autoriser le commissaire à imposer des sanctions, c'est la recommandation 22, page 71, mais là avec beaucoup de doigté, sinon le commissaire se fait juge et partie et lui-même devient en conflit... et rentre en conflit d'intérêts.

Voici mes cinq recommandations. Premièrement, faire une meilleure balance entre le droit et l'éthique. Vous comprenez que je trouve ce rapport réellement trop lourd du côté droit et pas assez élevé du côté éthique. Je ne cherche pas à remplacer le droit par l'éthique, j'essaie de trouver une balance entre les deux. Je respecte le droit, et le juridique, et le déontologique, mais il y a déjà une confusion dans le titre lui-même. C'est-à-dire, vous appelez ça un code d'éthique et de déontologie. Parler de code d'éthique, ça s'appelle un oxymoron, c'est comme, par exemple, dire : Il y a des crevettes géantes. Une crevette, c'est petit, ça ne peut pas être géant, c'est impossible. Soit les crevettes sont grandes ou soit elles sont petites. De parler de code d'éthique, vous renvoyez à la norme et, en renvoyant à la norme et à la règle, vous détruisez l'éthique et vous rentrez dans le juridique. Il y a un problème d'appellation. Je propose tout simplement, puisque c'est le mot que vous proposez, de l'appeler Les valeurs de l'Assemblée nationale et le Code de déontologie. C'est exactement le texte, mais, dès que vous dites code d'éthique et code de déontologie, vous rentrez dans le problème que je dénonce ou que j'essaie de vous alerter.

Deuxième recommandation, bonifier la qualité des avis de l'unité du conseil et avis du Bureau du commissaire. Il dit qu'il a une unité de conseil et d'avis, mais, encore une fois, ce comité d'avis et de conseil, à la page 59, c'est simplement des avis juridiques. Ça y est, on recommence à donner des avis. J'aimerais que vous réfléchissiez à la possibilité de donner plus de moyens au Bureau du commissaire pour qu'il ait aussi des avis éthiques et pas simplement des avis juridiques.

Troisième recommandation, ouvrir le questionnement et la recherche du Bureau du commissaire envers des pratiques développées à l'international. J'ai été très étonné, mais réellement très étonné parce que la France l'a déjà, la Hollande l'a déjà, la Belgique l'a déjà, les États-Unis l'ont déjà. Qu'on se pose la question si on doit avoir une des recommandations à la page 2, page 24, de politiques sur le harcèlement sexuel, mais la réponse est : Oui, il faut, bien sûr, le renforcer. Beaucoup de codes l'ont déjà, beaucoup de démarches éthiques l'ont déjà, mais c'est évident qu'il faut le faire. J'ai été surpris que le commissaire le propose comme une recommandation à discuter. Pour moi, c'est une obligation. Mais le problème, c'est qu'il y a une espèce d'esprit de clocher qui regarde la province, qui regarde ce que nous faisons. Nous avons fait beaucoup de progrès depuis décembre 10, là, depuis décembre 10 qu'on a commencé, mais il y a des portes qui ne sont pas encore ouvertes, qui le devraient.

J'ai fait un commentaire sur la recommandation 2 à la page 24. Je n'ai pas trouvé la mention sur le harcèlement psychologique ou moral. Je n'ai pas à vous dire qu'il y a eu des abus de langage, dans l'Assemblée nationale, très importants. Il n'y a aucune mention. C'est pour ça que je parle d'esprit de clocher. Je crois qu'en regardant d'autres pays, d'autres provinces, on arriverait justement à trouver, dans ce code et dans cette démarche éthique, d'autres choses à faire. Je suis certainement pour appuyer à la fois les recommandations contre le harcèlement sexuel et contre le harcèlement psychologique ou moral.

Quatrième recommandation, réviser la loi permettant au député le cumul des fonctions.. Je reviens au point que j'avais fait tout à l'heure. Pour moi, les fonctions d'un député... est un emploi à temps plein. Je n'ai pas à vous dire qu'actuellement l'opinion publique aux États-Unis d'Amérique sur les députés est favorable simplement à 7 % pour les députés; environ 10 %, 12 % pour le Québec, juste après les vendeurs de voitures d'occasion. Il faut réellement habiliter, faire quelque chose pour cette fonction, et cet emploi merveilleux, et ce métier fantastique que vous faites de député. Il est nécessaire de redorer l'admiration qu'on fait. Je crois que de cumuler des fonctions n'aide pas. Je suis professeur des universités, j'ai été vice-président dans l'industrie privée. Je ne suis plus vice-président dans l'industrie privée. Quand j'ai voulu retourner au privé, j'ai dû refaire mes galons parce qu'avant j'étais universitaire. J'ai payé le coût. Je crois que vous pouvez accepter de payer le coût d'être en politique.

Cinquième recommandation, accroître le caractère admirable de la fonction de député. Je finis avec ça. Pour établir des jalons, je vous propose de faire une recherche scientifique — après tout, je suis universitaire. Et la recherche scientifique que je vous propose, c'est ceci : que tous les partis politiques et même les indépendants nous disent quels étaient les députés admirables que vous avez eus, qui sont aujourd'hui à leur retraite. Étudiez ces gens, trouvez les qualificatifs, trouvez les comportements, trouvez les attitudes que ces gens admirables avaient dans votre profession, et je vous parie que ce que vous avez trouvé va être différent des valeurs de l'Assemblée nationale que vous allez pouvoir complémenter. Et à ce moment-là vous allez balancer votre code de déontologie avec réellement une attache plus éthique d'essayer de remonter votre profession au lieu de simplement vous défendre de reproches attendus. Merci de votre attention.

• (17 heures) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Pauchant. Je reprends votre dernière remarque, et on a eu la visite d'un il n'y a pas tellement longtemps, il y a quelques minutes.

Bon, effectivement, si vous voulez faire parvenir au secrétariat de la commission les notes, ça va nous faire plaisir. Et ne vous gênez pas, en cours d'audition, si vous avez des commentaires. Tout ce qui pourra nous parvenir nous aidera dans notre réflexion. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : M. le Président, nous avons deux blocs? Juste pour être...

Le Président (M. Ouellette) : Et vous avez... Ça n'a pas changé, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : 14, 12... 30. O.K. C'est bon. Merci beaucoup. Merci beaucoup, M. Pauchant, pour le temps que vous avez pris à la réflexion et, aujourd'hui, de venir échanger avec nous.

Vous nous invitez à nous élever, je crois — et je reprends la balle au bond, je vais le dire comme ça — au-delà d'un code, donc de nous élever. Et le dernier exemple que vous avez souligné était intéressant lorsqu'il s'agissait d'identifier dans un autre forum que la commission, ici, Commission des institutions, et à l'intérieur, en bout de piste, d'un autre document que le code d'éthique... de nous élever par l'identification de modèles. Et il s'agit pour nous, les députés, et j'aimerais vous entendre là-dessus, peut-être en nous donnant quelques pistes tangibles d'atterrissage de cette idée, à élever, donc, les pairs qui le méritent comme étant des modèles en matière d'éthique. Comment, nous, pourrions-nous traduire ce désir-là, de ce que vous en savez, de ce qui est le quotidien du député?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : On le fait dans beaucoup d'organisations. Donc, ce n'est pas une chimère que je dis, ce n'est pas un voeu pieux, là, non, je le fais professionnellement dans différentes organisations. D'autres collègues le font déjà dans d'autres organisations. Ce que nous faisons, c'est basé réellement sur le leadership, c'est-à-dire basé sur les choses qui se sont passées dans le passé, de documenter comment ces gens ont été vus comme admirables puisque faire quelque chose d'éthique attire l'admiration. Faire quelque chose de droit, de juridique, ne remplit simplement que des attentes. Mais ça, ça demande réellement un effort de recherche. Ça demande réellement que vous vous demandiez : Moi, en tant que député, quels députés qui ont pris leur retraite, comme ça, il n'y a pas de conflit d'intérêts, étaient admirables pour moi et pourquoi?

Et vous voyez cette question, pourquoi j'ai regretté que le commissaire essaie de baisser les questions. Et il vous charge — peut-être vous lui avez parlé, donc il répond à ce que vous lui avez parlé — de dire : Moi, je faisais un code, mais il y a des ministres et des députés qui sont venus le voir en lui disant : Il fallait leur dire des interdits et des permis, là. Donc, il vous charge que vous êtes binaires vous-même : blanc, noir. Je ne pense pas que vous l'êtes, je crois que beaucoup de vos collègues ne l'étaient pas et je crois que de faire une recherche approfondie à l'Assemblée nationale sur les députés qui étaient admirables, de trouver justement ces jalons, serait réellement intéressant et mettrait le Québec peut-être à l'avant-garde de l'éthique nationale.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Et on touche, M. Pauchant, à l'essence même. Et peut-être qu'on peut le déplorer de la politique, oui, au Québec en 2016, où il n'y a pas beaucoup de place entre le gris clair et le gris foncé : vous êtes correct, vous n'êtes pas correct. Et il y a un sentiment de survie chez tous les élus, de dire : Bien, que quelqu'un en autorité me dise si je suis correct, et, si je suis correct, je vais garder une preuve qu'il m'a dit que j'étais correct, et, le cas échéant, je vais sortir la preuve que je suis correct, puis je vais être politiquement sauf.

Alors, il s'agit en quelque sorte — et vous voyez bien, là, pour nous, pour les députés, les 125 collègues — d'un instinct de survie qui fait en sorte que... Donnez-nous un code, donnez-nous une réponse claire.

Et ça, je vous dirais, peut-être, malheureusement, si vous me permettez l'expression, c'est notre réalité de tous les jours aujourd'hui où il y a un débat, oui, parlementaire, mais qui est médiatique. Et on vous dira... pas par personne interposée, on vous dira si vous avez eu tort ou raison, et il y aura un prix politique à payer, et cela, malheureusement.

Et je me suis permis de faire une petite recherche sur vos écrits passés et une entrevue que vous donniez en avril 2004 au Devoir et je trouvais là un écho à ce que nous discutons, autrement dit une approche très manichéenne du bien et du mal. Et vous disiez ce que je m'étais laissé dire, moi, il y a deux ans, et je trouvais ça dangereux, comme commentaire, mais vous l'avez repris en vos propres mots : «...une codification à outrance engendre des conséquences négatives.» Et, autrement dit, faire tellement de règles, avoir un cadre tellement fixe, tellement serré que seuls des superhumains pourraient ne pas fauter et que, ce faisant, régulièrement, de nos collègues seraient pris à fauter, ce qui évidemment ajouterait au cynisme. Alors, j'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, comment, nous, on pourrait peut-être prendre de l'élévation dans ce contexte-là.

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Merci pour la question. Vous me parlez de survie. Bien, dans l'industrie privée il y a aussi des impératifs de survie, et pourtant ils y arrivent. Alors, l'argument de survie n'incombe pas simplement aux députés. Et, oui, je sais que la vie politique peut être ingrate et difficile. Bien, ceci étant dit, bien sûr, il faut des règles. J'ai commencé en disant : L'éthique et le droit sont frère et soeur, font partie de la même famille, et c'est pour un engagement moral. On s'entend, là, il n'est pas question de ne pas avoir ces règles-là.

Moi, je veux parler de science, tous les écrits de science, scientifiques. Il y a énormément de recherches scientifiques qui ont été faites. Au plus vous augmentez les règles, au moins il y a un questionnement éthique. La corrélation est positive. Je répète, au plus vous augmentez les règles, au plus vous diminuez le comportement éthique parce que les gens ne réfléchissent plus. C'est-à-dire qu'ils obéissent à la directive, et, quand vous obéissez à la directive, les cellules grises s'arrêtent là. Vous arrivez à un comportement, on appelle ça du béhaviorisme, et vous acceptez la règle.

Je vais vous le mettre en termes plus crus encore. Si les règles, maintenant, sont faites par des gens qui vous veulent du mal ou vous faire du mal, vous suivez les règles qui vous font du mal tout en vous disant qu'en fait vous vous fassiez du bien. C'est pour ça que les recherches montrent que la déontologie seule mène à des travers très importants. Et c'est pour ça que je me permets de dire que le commissaire à l'éthique, aujourd'hui qui est avocat, qui est juriste, qui a travaillé dans beaucoup de ces domaines, encore une fois, ceci n'est pas un problème, devrait aussi contrebalancer ce côté du travers du droit.

M. Tanguay : Et peut-être juste rapidement, M. le Président, on voit le rôle du commissaire comme étant un quasi-juge pour nous. Alors, nous nous imbriquons parfaitement dans ce que vous dites, qui est peut-être un travail...

Et, à la limite, je vous dirais, dans les discussions entre collègues qui... parce que c'est nommé aux deux tiers de l'Assemblée nationale, la personne qui sera commissaire. Bien, connaît-elle ou connaît-il le droit et est-elle avocate, est-il avocat? Ah! parfait, il ou elle a été juge dans le passé, alors nous nous inscrivons.

Mais, encore une fois, c'est un peu naviguer dans des eaux où on veut de plus en plus d'assurance. Beaucoup de collègues nous disent : Bien, je ne le savais pas et, si ça avait été précisé, j'aurais agi différemment. Mais je vois votre invitation à s'élever, et à ne pas tenter de tout codifier comme des petits robots et, en bout de piste, manquer la cible.

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant... Ah! oui?

M. Tanguay : Il y avait la collègue de... qui voudrait continuer. Crémazie.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, je vais aller à Mme la députée de Crémazie dans deux secondes. Je voulais juste voir si vous aviez un commentaire sur le commentaire de M. le député de LaFontaine.

M. Pauchant (Thierry C.) : Je crois qu'on se comprend.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, bien, c'est bon. On va à Mme la députée de Crémazie.

Mme Montpetit : Si tout est limpide, c'est parfait. Je vous remercie, M. le Président. Merci pour votre présentation des plus intéressantes. Sincèrement, vous devez être un... en fait, fort intéressant.

Petite information, pour votre information personnelle aussi, je pense que ça va être pertinent. Vous avez soulevé la question du harcèlement psychologique et harcèlement moral. Puis là c'est information suivie d'une question.

Ledit rapport du commissaire a été déposé en février 2015, et rapidement il y a un comité qui a été formé à l'Assemblée nationale, dans le contexte aussi qui avait lieu à l'époque, et qui a déposé, en juin 2015, une Politique relative à la prévention et à la gestion des situations de harcèlement au travail. Donc, pour que vous sachiez effectivement... Et nous étions, à l'époque... je ne sais pas si, depuis, il y a eu une évolution, mais nous étions le deuxième Parlement au Canada à déposer une telle politique. Donc, il y a encore de nombreux Parlements qui... Je pense que le premier, c'était le... En tout cas, il en reste plusieurs qui n'en ont pas à l'heure actuelle. Et donc, c'est le harcèlement. On s'est basés sur les lois des normes du travail et harcèlement psychologique, là, qui incluent tous les motifs de l'article 10 de la Charte des droits de libertés de la personne.

Mais je serais quand même curieuse de vous entendre par rapport à ça, sur le commentaire. Vous souleviez, si... bon, ce n'est pas un... Si on allait vers les valeurs de l'Assemblée nationale, est-ce que ce genre de politique là devrait être justement... faire partie d'un code d'éthique ou, en tout cas, d'un document qui s'appellerait Valeurs de l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

• (17 h 10) •

M. Pauchant (Thierry C.) : Sur le problème de harcèlement sexuel ou harcèlement moral, on peut aborder certaines de ces problématiques par un code de déontologie. Donc, on peut le faire. Il y a plusieurs pays dans le monde — je suis content qu'il y ait différentes provinces au Canada qui le fait déjà — qui peuvent vous aider en la matière. Et je recommanderais au commissaire de prendre note, de sortir de l'esprit de clocher et de regarder ailleurs comment les gens s'y sont pris. Après, si on parle d'éthique, ça, c'est autre chose. Justement, l'éthique demande justement du questionnement.

À HEC Montréal, nous formons nos gestionnaires à se poser des questions, à ne pas simplement obéir à des normes. C'est l'enseignement qu'on leur donne. Nous avons fait un questionnaire qui permet de repérer comment les gens le voient. Je travaille pour des organisations, et si, dans le questionnaire, des gens qu'on veut recruter au niveau V.P. me disent : L'éthique, c'est répondre aux normes du code, vous savez quoi? On va recommander de ne pas embaucher ce vice-président parce que cette personne fait preuve justement qu'il a besoin, elle a besoin de zones blanches, et de zones grises, et noires. Et nous, on a besoin de gens très sophistiqués qui se donnent la peine de se poser des questions. Et donc, quand, au questionnaire, on répond : L'éthique répond simplement aux normes du code de déontologie, pour nous, c'est une lumière rouge qui s'allume en disant : Nous avons là quelqu'un qui n'est pas assez complexe pour le travail qu'il doit faire.

Je crois qu'un travail de député est assez complexe merci pour ne pas simplement s'arrêter au blanc et au noir. Et donc le premier, c'est que, oui, vous pouvez combler certaines choses du point de vue déontologique, mais ça va vous demander beaucoup, en effet, de questionnement.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Crémazie.

Mme Montpetit : Je vous remercie. Ça complète bien la discussion. Puis je voulais vous en informer aussi pour votre gouverne personnelle également.

M. Pauchant (Thierry C.) : Très bien, merci.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci. Puis je reviens là-dessus, M. Pauchant, et, ceci dit, la complexité, la nécessité de raffiner l'analyse. Je ne veux pas être réducteur du travail de nos amis les médias, mais, lorsque nous sommes devant trois caméras, nous avons sept secondes pour expliquer une situation complexe, et c'est le jeu politique. Alors, croyez-vous — je vous pose la question — que ces principes se traduisent, ou peut-être avec plusieurs adaptations, à la réalité politique qui est la nôtre? J'ai sept secondes pour prouver à la population, qui décidera peut-être de ne pas me réélire, si, oui ou non, j'ai manqué à mon devoir.

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : M. le député de LaFontaine, bienvenue dans le monde. Moi, je dis à mes étudiants de doctorat : Vous rentrez dans un ascenseur, et puis vous avez 30 secondes pour expliquer votre thèse de doctorat qui fait 650 pages. Trouvez un moyen. Ce n'est pas simplement la problématique des députés, ça.

Personnellement, je trouve que vous, les gens en média... Je vais me permettre de dire quelque chose. Je crois que vous êtes obnubilés par comment la presse et les médias vous regardent. Je crois que ça serait cool si vous pouviez un petit peu ralentir sur : Ho! qu'est-ce que Le Soleil, et Le Devoir, et puis La Presse ont dit aujourd'hui? Ça serait bien. Pour les gestionnaires, je leur donne le conseil de dire : Arrêtez d'éteindre des incendies chaque jour. À force d'éteindre des incendies, vous faites un métier de pompier. C'est merveilleux, un métier de pompier, c'est très important, mais il y a d'autres choses que d'éteindre des incendies. Il y a aussi de la prévention d'incendie, comment on construit un building, peut-être qu'est-ce que vous mettez comme pare-feu, etc. Et je trouve que votre métier, vous êtes réellement focussés sur les médias d'une manière épouvantable. Vous vous levez le matin, vous regardez les lignes de presse, mais je les ai aussi, là. Bon, peut-être ce serait bien d'avoir une réflexion entre vous et de dire : Comment on peut faire?

En entreprise privée, il y a des gens qui disent : Nous n'allons plus réagir aux marchés financiers qui nous demandent d'avoir des rendements dans trois jours. On va faire un plan stratégique qui va le faire sur six mois. On va passer de trois jours à six mois, sinon on n'arrive pas à vivre, là. C'est les mêmes problématiques. «Welcome to the world»!

M. Tanguay : Merci.

Le Président (M. Ouellette) : On va faire transcrire vos propos, M. Pauchant, puis on va les passer aux 125 députés. M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Merci, M. Pauchant. Bienvenue parmi nous. Sur la recommandation 11, qui se lit comme suit : «Que le code soit modifié pour permettre aux membres de l'Assemblée nationale d'aviser le commissaire des raisons pour lesquelles ils souhaitent que certains renseignements qui les concernent ou qui concernent les membres de leur famille immédiate ne soient pas inscrits au sommaire», vous avez exprimé des réserves, n'est-ce pas, sur cette recommandation 11. Est-ce que vous pouvez élaborer un petit peu, s'il vous plaît, là-dessus?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : D'un côté, le commissaire... En éthique, il y a des règles de pouce, et, l'une des règles de pouce qu'on a en éthique, c'est de dire : Transparence, c'est bien.

M. Drainville : Transparence comment?

M. Pauchant (Thierry C.) : Transparence, c'est bien, d'être transparent, de donner l'information. Puis là je comprends que c'est mis sur des sites Web, etc. Donc, c'est transparent.

Moi, je m'inquiète un petit peu que le commissaire dit : Oui, mais je vais prendre quand même une réserve de faire que certaines informations ne seront pas transparentes. C'est la question que je vous pose, et c'est à vous à débattre, en tant que députés, pour essayer de comprendre qu'est-ce que ça veut dire. C'est pour ça que j'ai réagi comme ça, M. Drainville.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Donc, vous nous appelez un petit peu à la prudence. Vous nous dites : Avant de donner suite à cette recommandation, posez-vous la question : Est-ce qu'un code d'éthique doit assurer plus ou moins de transparence? Si vous en venez à la conclusion que ça doit assurer plus de transparence, je vous invite, à ce moment-là, à être prudents avec la recommandation 11.

M. Pauchant (Thierry C.) : Oui.

M. Drainville : Vous pourriez nous dire aussi que vous n'êtes pas d'accord avec la recommandation 11. Ce serait plus direct et plus clair, non?

M. Pauchant (Thierry C.) : Je comprends aussi la nécessité. Il y a des fois des choses qui sont difficiles à dire ou qui mettraient les gens dans l'embarras.

Encore une fois, c'est... Vous voyez la question que vous me proposez? Et vous me demandez d'être plus clair, vous me demandez de donner une affirmation claire et non ambiguë sur un problème éthique. Je vous renvoie la question en disant : Il faut se questionner, il faut utiliser du bon sens avec une équipe de députés qui regarde si c'est nécessaire.

C'est le problème, avec le droit et l'éthique. L'éthique est fuyante, c'est du style. Au plus vous rendez l'éthique claire, au plus elle se rapproche du droit. Au plus elle se rapproche du droit, au moins vous êtes dans l'éthique.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Sur la recommandation 3 : «Que les membres de l'Assemblée nationale procèdent à un examen, au regard des principes éthiques et des règles déontologiques établis par le code, de la pertinence de maintenir la possibilité, pour les députés, d'exercer simultanément plus d'une fonction», vous y avez fait référence dans les échanges que vous avez eus avec la partie gouvernementale, mais, quand vous nous mettez en garde là-dessus... Pouvez-vous aller un petit peu plus loin que ce que vous avez déjà dit?

M. Pauchant (Thierry C.) : Moi, j'ai l'impression — et c'est simplement une impression que j'ai — que le commissaire se dit : Puisque la loi permet le cumul, je vais essayer de donner des restrictions à ce cumul pour des questions de conflit d'intérêts. C'est, à mon avis, la position qu'il prend. Moi, je prends une autre position en disant : Le commissaire, pour lui aussi, pourrait prendre la position de questionner le fondement de cette loi et se demander si on ne devrait pas la changer.

M. Drainville : Si on ne devrait pas mettre fin au cumul?

M. Pauchant (Thierry C.) : Si on ne devrait pas modifier. Et, je vais vous le dire — vous me demandez des réponses claires — je préfère une loi qui l'interdirait avec des exceptions qu'une loi qui le permette avec des restrictions. Ceci est clair.

M. Drainville : Très bien. Sur les politiques d'après-mandat, est-ce que vous avez des observations un peu plus précises à nous soumettre?

M. Pauchant (Thierry C.) : Moi, j'ai trouvé que le commissaire allait réellement dans le bon sens. Nous avons eu, à l'Assemblée nationale du Québec, des problèmes importants par différents membres de cette Assemblée qui avaient des problématiques en la matière, et je crois que ça va dans le bon sens. J'ai fait la remarque, par contre, que, dans le privé, il y a, des fois dans certaines industries, des règles extrêmement strictes. Par exemple, si vous êtes dans l'industrie du jeu vidéo, et si vous avez travaillé pour des jeux vidéo, et si vous quittez la firme, vous ne pouvez pas travailler pour une firme de jeux vidéo pendant une période de deux ans. Ce sont des règles extrêmement strictes. Alors, à vous de voir où vous allez mettre le jalon, mais il est évident qu'il nous faut des politiques strictes et, oui, là, déontologiques pour éviter des abus.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Oui. Sur la recommandation 22, qui se lit comme suit : «Que la Loi sur l'Assemblée nationale soit modifiée pour déléguer au Bureau de l'Assemblée nationale le pouvoir d'autoriser le commissaire à imposer des sanctions, à la suite d'une enquête tenue en application des règles et concluant qu'un manquement a été commis par un membre du personnel d'un député ou d'un cabinet de l'Assemblée nationale.

«Que la Loi sur l'exécutif soit modifiée de la même façon pour permettre, en application du règlement, l'imposition d'une sanction, en cas de défaut, à un membre du personnel d'un cabinet ministériel.» Là-dessus aussi, si je vous ai bien compris, il y avait un appel à la prudence.

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

• (17 h 20) •

M. Pauchant (Thierry C.) : C'est une question de droit, et je ne suis pas juriste. Mais il me semble que d'être partie prenante dans l'enquête... puisque c'est le commissaire qui peut faire une enquête, donc il fait faire l'enquête comme il semble bon avec ces personnes. Il me semble que de faire que celui qui fait l'enquête et qui est responsable de l'enquête, donc qui rassemble les preuves, soit aussi la même personne qui doit le sanctionner pose un problème au point de vue juridique.

Et donc moi, je vous pose la question, je ne suis pas juriste : Est-ce que vous, vous êtes, en tant que député, confortable avec cette position de juge et partie? Je pose la question. Pour moi, elle me rend inconfortable. Je ne suis pas juriste, et là je ne vais pas m'avancer pour dire : Il faut le faire ou non. Je peux vous donner des conseils en éthique parce que c'est ma profession. Il m'est difficile de vous donner des réponses claires du côté du droit.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Très bien. J'aimerais maintenant, M. Pauchant... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : 10 minutes.

M. Drainville : J'aimerais aller sur, dans le fond, la ligne de force qui traverse vos propos, c'est-à-dire le renforcement de la dimension éthique par rapport à la dimension juridique, le meilleur équilibre, disiez-vous, entre le droit, et l'éthique, et tout ce concept que je trouve intéressant, c'est-à-dire de rendre la fonction de député admirable aux yeux de nos concitoyens.

Il nous reste 10 minutes, là, M. Pauchant. Si vous aviez un ou deux conseils ou une ou deux recommandations très précises, un ajout, par exemple, que vous souhaiteriez que nous fassions au code, un ajustement, là je vous laisse nous conseiller, puisque c'est pour ça que vous êtes ici, entre autres, mais je pense qu'on a souhaité vous entendre parce qu'on souhaite puiser dans vos connaissances. Alors là, je vous demande : Est-ce qu'il y a une ou deux recommandations précises, là — je ne suis pas dans le discours philosophique, je suis vraiment dans des choses très précises — qu'on pourrait ajouter ou modifier qui contribueraient à renforcer la dimension éthique et qui contribueraient donc à atteindre l'objectif de rendre notre fonction de député plus admirable, comme vous le dites?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Bon, dans la recommandation, M. Drainville, j'ai déjà dit des choses. Personnellement, je serais vous, je changerais le titre pour ne pas confondre code de déontologie et code d'éthique, là. J'ai dit que c'était un oxymoron, à vous de voir si, pour vous, ça l'est.

M. Drainville : ...les valeurs de l'Assemblée nationale et le code de déontologie, hein?

M. Pauchant (Thierry C.) : Oui, ça serait déjà mieux. Mais je vais me permettre, puisque vous m'en donnez l'occasion, de dire quelque chose aussi sur les valeurs. J'ai aussi proposé de faire de la recherche appliquée et de donner des moyens au commissaire de faire de la recherche appliquée sur les députés qui étaient admirables. On ne peut pas le faire par philosophie, on ne peut pas le faire par grands traits, on ne peut pas le faire par grands principes, il faut que ça soit empirique, il faut que ça vienne de votre profession. Pourquoi vous, vous, vous, vous dites : Celui-là, celle-là, elle était admirable?

Alors, moi, j'ai proposé : Donnez donc des ressources au commissaire qu'il fasse une recherche en coopération avec une université — il y en a plein au Québec qui sont très douées dans le domaine de l'éthique — et allez chercher des qualificatifs de ces députés qui étaient admirables dans le passé et qui vont l'être encore demain, ça vous donnera des balises fortes, solides, documentées sur lesquelles vous allez pouvoir faire quelque chose. Je ne pense pas qu'on peut le discuter d'une façon philosophique.

Maintenant, sur les valeurs. Et vous ouvrez cette porte-là. Je l'ai dit à demi-mot tout à l'heure, j'ai dit : La recherche que je vous propose, je vous suggère que ce que vous allez découvrir des députés dits admirables, ça va peut-être être complémentaire ou différent des valeurs de l'Assemblée du Québec.

Laissez-moi vous dire, sur les valeurs, j'ai un collègue tout à l'heure qui a dit : L'éthique, c'est des valeurs. C'est un raccourci qui est dangereux parce qu'on se rend compte qu'en recherche quand vous mettez des valeurs ensemble ces valeurs s'opposent. C'est-à-dire que, si vous obéissez à la valeur une, vous allez peut-être être en contradiction avec la valeur deux, à la valeur trois. Par exemple, la valeur d'égalité, d'un côté, qui est fantastique, égalité devant le droit, etc., et la valeur de liberté s'opposent à un certain moment, et il faut la contrebalancer avec une autre valeur.

Il me semble que l'exercice que vous allez faire ou que vous pourriez faire sur les députés va bonifier la charte des valeurs, va bonifier les valeurs de l'Assemblée nationale, va pouvoir enrichir ça non pas par des principes généraux, intellectuels, mais des attitudes et des données que vous allez collecter de façon empirique et factuelle, ordonnée, concrète sur l'activité de votre métier. Je vois que c'est une richesse fantastique que vous pourriez...

M. Drainville : ...cette idée, là, d'identifier, d'une façon qui resterait à définir, des parlementaires, mettons, inspirants, qui font consensus par l'action qu'ils ont menée, par le type de travail qu'ils ont incarné, et, à partir de cette analyse ou étude, d'en tirer un certain nombre d'enseignements qui pourraient servir par la suite à enrichir le code, enrichir la section des valeurs, en fait, sur le code.

M. Pauchant (Thierry C.) : Ça pourrait enrichir les valeurs, vous avez bien compris. C'est-à-dire que je me refuse de vous donner une réponse théorique avec des balises : petit un, petit deux, petit trois. Je vous dis : C'est de la zone grise, allez étudier cette zone grise, et elle deviendra moins grise. Et, avec ce moins gris, vous allez pouvoir faire quelque chose. C'est la réponse que je vous donne. Je ne pense pas qu'il soit possible de donner des grandes... On va arriver à quoi? On va arriver : Bien, ce sont des gens qui sont généreux, ce sont des gens qui sont justes, ce sont des gens qui sont... et hop, je reconstruis la liste des valeurs, là.

On le sait, en leadership, si vous dépassez sept, les gens ne le retiennent pas. Là, vous êtes déjà à huit, neuf, là. Je vous parie que la moitié, les trois quarts des députés n'arriveraient même pas à dire ces neuf, si je demandais, là : Quelles sont les valeurs de l'Assemblée nationale? C'est-à-dire, il faut faire très attention à ça.

Et, deuxièmement, ces valeurs s'opposent aussi. Un travail réellement important sur le métier de votre profession serait réellement intéressant et vous donnerait une longueur d'avance sur beaucoup d'assemblées nationales à travers le monde.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Vous vous imaginez bien que ce ne serait pas évident pour... enfin, ce serait un exercice très inhabituel, et, à ma connaissance, ça ne s'est jamais fait, là. Ça me fait penser un peu, puis je ne veux absolument pas déprécier la suggestion que vous faites, mais ça me fait penser un peu, M. le Président, à cette enquête qu'on fait parfois dans le domaine de la formule 1 quand on demande à tous les pilotes d'identifier qui, selon eux, est le meilleur d'entre eux. Ils le font d'une façon anonyme, et on ne sait pas qui a voté pour qui, mais, à la fin de la journée, il y a un pilote qui sort et qui est le meilleur parmi eux. Comparaison un peu boiteuse, je l'admets, je l'ai dit d'emblée, mais c'est un peu ça que vous nous demandez. Vous nous demandez, dans le fond, comme élus, peu importe le parti, d'identifier, mettons, à partir d'une liste qui pourrait être soumise, mettons... chaque caucus pourrait soumettre un certain nombre de noms, probablement de parlementaires qui ne siègent plus pour éviter les conflits d'intérêts, entre guillemets, et là l'ensemble des parlementaires pourrait être appelé à en choisir un certain nombre, toutes couleurs politiques confondues, par exemple.

M. Pauchant (Thierry C.) : Et moi, je vous ai vus aller, là. Vous avez eu des députés ou des anciens ministres qui sont décédés, et tous les partis politiques, même les indépendants, ont reconnu, même s'ils étaient des ennemis politiques, que c'était un homme ou une femme qui avait vraiment beaucoup de valeurs. Vous vous entendez aussi quelque part, là, au-delà des agendas politiques, et c'est ça qu'on essaie de chercher. Et ça, ça vous permettrait d'avoir une liste de valeurs qui est beaucoup moins abstraite de ce que vous avez aujourd'hui.

Et je sais que vous avez travaillé beaucoup sur cette liste abstraite. Je sais que ça a été dur pour vous d'établir les valeurs de l'Assemblée nationale, c'était quoi, là. C'est beaucoup de travail, là, mais c'est un travail aussi, à un certain moment, qui se sclérose lui-même.

On le sait, en leadership, si vous arrivez avec 12 qualificatifs de leadership, c'est comme si vous n'en aviez pas. Vous sclérosez. C'est trop complexe, on n'y arrive pas, là. Mais par contre d'avoir une base empirique, concrète, documentée par des gens, par des noms, qui peut être attachée à des noms, à des femmes, à des hommes qui ont servi cette nation à travers l'Assemblée nationale, ça lui donnerait une force, réellement, et, oui, on pourrait redorer le blason du métier de député, oui.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin, 2 min 30 s.

M. Drainville : Très bien. C'est intéressant, M. Pauchant. Il nous reste seulement deux minutes. J'aimerais ça retourner à la recommandation 22, quand vous dites : Est-ce que les députés seraient à l'aise pour déléguer au Bureau de l'Assemblée nationale le pouvoir d'autoriser le commissaire à imposer des sanctions contre un membre du personnel d'un député ou un membre du personnel d'un cabinet ministériel? Vous posez la question. Si ce n'est pas au Bureau de l'Assemblée nationale ou encore au commissaire, qui en aurait le pouvoir délégué, d'imposer des sanctions, qui ça pourrait être à ce moment-là? Qui pourrait imposer ces sanctions, si ce n'est pas le Bureau de l'Assemblée nationale ou si ce n'est pas le Commissaire à l'éthique, qui s'est vu déléguer ces pouvoirs-là par le Bureau de l'Assemblée nationale?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Oui. Bien, entre autres, vous avez bien entendu les réserves que j'ai faites sur le commissaire avec juge et partie. Je ne connais pas assez votre mécanisme interne pour vous répondre.

• (17 h 30) •

M. Drainville : C'est bien. Je vous ai bien entendu également sur le fait que vous trouvez très curieux, je pense que le mot est... je pense que c'est même un euphémisme que de dire que vous trouvez curieux qu'il n'y ait pas de politique en matière de harcèlement, de harcèlement psychologique et moral, comme vous le dites, hein? C'est bien le mot que vous avez utilisé, hein, harcèlement moral?

M. Pauchant (Thierry C.) : Sexuel, psychologique et moral.

M. Drainville : Juste en terminant, du harcèlement moral, c'est quoi, par exemple?

M. Pauchant (Thierry C.) : Abus de langage, faire que la personne vous en doit une, lui imposer à ne réagir simplement que par un code de déontologie ficelé, ça en est.

M. Drainville : Comment vous dites, la fin? J'ai mal saisi.

M. Pauchant (Thierry C.) : D'enforcir que des gens, dans une entreprise ou dans une organisation, confondent que l'éthique, c'est simplement répéter les règles qu'on avait faites avant, c'est une sorte de harcèlement moral, oui, parce que vous faites régresser la personne.

Il y a des études, hein, qui existent, là. À force de faire ceci, c'est-à-dire à répresser les gens, vous les enfermez dans un cocon, et ils ont du trouble psychologique. Il y a des études qui démontrent ça, que, si vous donnez plus de liberté, plus la possibilité à l'individu d'utiliser son intelligence, plus de techniques de dialogue, comme on fait actuellement, de débat, là, la personne peut fleurir et elle se sent moins harcelée moralement. Oui, le mot est juste.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Pauchant. Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : C'est exactement sur... Le point qui avait piqué ma curiosité, c'était entre autres... Vous aviez fait la mention entre le harcèlement psychologique et le harcèlement moral, et ça a piqué ma curiosité. Vous avez commencé à nous donner des exemples, là, justement, pour différencier, mais pouvez-vous élaborer un peu plus sur comment on pourrait intégrer ça, justement, dans notre... on va l'appeler notre code des valeurs de l'Assemblée nationale et notre code de déontologie?

M. Pauchant (Thierry C.) : Dans le développement moral des gens — et il existe plusieurs théories et pas simplement des théories intellectuelles, mais aussi des documentations scientifiques — il existe plusieurs niveaux. On va les appeler 1, 2, 3, 4, 5.

Si vous êtes à un niveau de développement moral 5 et si on vous oblige à intervenir à un niveau de développement 1, on vous fait du mal, et vous allez régresser moralement. Ceci devient un cas de harcèlement moral parce que vous, vous êtes ici, et on vous demande de ralentir là. Et ça, c'est très documenté. La personne devient psychologiquement malade. Elle perd de l'intégrité, elle parle d'abus, elle dit : Je ne suis pas considérée. C'est comme... vous demanderiez à une Ferrari de pédaler en bicycle. À un certain moment, vous allez pouvoir dire : J'ai de quoi en dessous du capot, là, je peux accélérer, là, je peux le faire. Mais, si, malheureusement, au travail ou dans une assemblée, on vous demande à chaque fois de régresser, ça pose des problèmes importants à la fois physiologiques et psychologiques.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Vaudreuil.

Mme Nichols : En fait, en même temps que vous parlez, j'essaie, dans ma tête, d'imaginer comment quelqu'un pourrait faire ou soulever qu'il est victime de harcèlement moral ou... tu sais, c'est ça, le défi de la preuve et qui, justement, sera tranché ou quel argument on pourra apporter pour soutenir un harcèlement. Il me semble que le harcèlement psychologique, bien, c'est quand même une nouvelle notion, entre autres, dans le Code du travail. Il commence à y avoir un petit peu plus de jurisprudence pour le définir, mais le harcèlement moral, en fait, pour moi, c'est un nouveau principe. Je le comprends par vos explications, mais je trouve qu'il est difficile à définir puis je me demande comment on pourrait faire pour le définir. Mais vos explications sont très claires, là.

M. Pauchant (Thierry C.) : Vous voulez un autre exemple?

Mme Nichols : Bien sûr.

M. Pauchant (Thierry C.) : J'ai le temps, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Bien oui.

M. Pauchant (Thierry C.) : Merci. On l'a vu à la commission Charbonneau, où des gens qui acceptaient des cadeaux disaient que ce n'était pas correct, mais ils devaient le faire parce que leurs copains le faisaient. Et il y a eu un délit moral de ces gens disant : Ce n'est pas correct que je prenne des bouteilles comme ça dans le truc qui arrive pour me les donner, là, mais ses copains et ses collègues disaient : Oui, tu es trop de chicane, toi, puis il faut le faire, puis tu feras partie de la gang. Vous voyez la pression qui devient... c'est une pression sociale. Tu ne fais pas partie de la gang, puisque tu ne fais pas ça. Et donc c'était une personne qui avait, disons, un niveau de moralité numéro 3 qui disait : Si je descends à moins 1, je régresse, là, je ne suis pas à l'aise, là. Et ces personnes en ont souffert. On a fait des entrevues, et ils disent : On a réellement du mal à vivre avec ça. Est-ce que l'exemple vous aide un peu plus?

Mme Nichols : Oui, oui, oui. Là, j'imagine une grille de valeurs puis... Oui, merci beaucoup. On peut peut-être passer la...

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de La Prairie.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Fort intéressante, fort pertinente, votre présentation, M. Painchaud... Pauchant, pardon. Je m'excuse.

Mme Nichols : Pauchant.

M. Merlini : Oui. Excusez-moi, oui, en effet. Je veux revenir sur un des points que vous avez soulevés, qui est la formation en éthique et en déontologie que vous avez suggérée à faire. Souvent, les partis politiques approchent des candidatures potentielles, souhaitent avoir des personnalités parmi leurs candidats, et tout ça, et là on se retrouve, du jour au lendemain, élu, et là on s'aperçoit que l'exigence du métier, que ça soit des scrums, que ça soit des points de presse, que ça soit, comme vous disiez tantôt, l'allusion à suivre absolument tout ce qui est écrit et tout ce qui est dit dans les médias, ce n'est pas la même tasse de thé pour tout le monde, et pas tout le monde ne la consomme de la même façon.

Votre formation en éthique et en déontologie, comment la voyez-vous? Serait-il préférable pour les partis d'en faire une avant avec ses candidats et candidates ou effectivement d'en faire une après? Mais comment la voyez-vous, si vous la faites après que les gens sont élus? Parce que, même là, les gens pourraient se retrouver devant un... Vous parliez de niveaux, là, tantôt. Quelqu'un qui est à un niveau, disons, 2, et on lui demande un niveau 5, va se dire : Bien, je ne serai jamais capable de rencontrer les exigences de ce métier, je ferais mieux de retourner à ma pratique, je ferais mieux de retourner à mon ancienne carrière ou mon autre carrière que j'avais avant mon élection.

Alors, comment qu'on fait à ce moment-là? Comment la voyez-vous, cette formation-là? Parce que je la crois nécessaire, parce que vous soulevez des points qui sont fort intéressants et fort pertinents dans notre but à nous de l'améliorer, ce code, et notre déontologie, et nos valeurs. Mais là, à un moment donné, comment qu'on le fait, là?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Je peux vous dire comment je le fais à l'École des hautes études commerciales. Premièrement, nous formons nos gens, soit des gestionnaires qui reviennent à l'école pour avoir un autre diplôme soit pour des jeunes qui veulent devenir gestionnaires. Donc, on fait avant et après, si vous voulez, ou pendant.

Premièrement, les équipes avec différentes éthiques, donc, on essaie de leur faire comprendre c'est quoi, la différence entre une éthique déontologique, une éthique du droit, une éthique de rôle. Bref, on leur donne un paquet de théories qui permettent de nommer les choses. L'idée, ce n'est pas d'avoir des noms et d'en faire des singes savants, là. C'est qu'ils ont un vocabulaire maintenant pour nommer des choses différentes.

La deuxième chose qu'on leur demande, c'est... on n'utilise aucun cas, on utilise des histoires de vie, c'est-à-dire on demande aux gens d'écrire un quatre pages sur un dilemme éthique qu'ils ont eu à voir.

Troisièmement, on utilise, dans cette formation, la technique du dialogue, où, dans une assemblée comme celle-ci, différentes personnes vont pouvoir agir sur l'histoire de vie rapportée par la personne.

Ces trois éléments-là, d'avoir un langage commun sur des théories, des histoires de vie concrètes et non pas abstraites, trois, un dialogue ou un échange à un débat et très performant, c'est ce que nous utilisons. Ça marche très bien. Ça permet à d'autres personnes d'avoir d'autres idées sur un problème. Et, si quelqu'un, par exemple, arrive avec une éthique déontologique, il y a quelqu'un qui peut arriver avec, par exemple, une façon plus «caring» de faire des choses ou de la justice. Et, à ce moment-là, ça se balance par lui-même. Nous, on le fait par bouts de trois heures. Au bout de trois fois trois heures, on a fait pas mal de chemin.

M. Merlini : Vous mentionnez l'équilibre, la balance à aller chercher entre le droit et l'éthique. Notre premier rôle est de législateur. Je vois un conflit potentiel en disant qu'on veut améliorer l'éthique, on veut améliorer le code déontologique, puis je vois notre rôle de législateur interférer ou nuire au résultat qu'on souhaite obtenir avec ces consultations, avec le rapport du Commissaire à l'éthique.

Comment concilier, là, le fait qu'on a ça dans notre tête et dans notre travail quotidien lorsqu'on étudie, par exemple, le projet de loi article par article? Et là est-ce qu'on serait trop tentés de prendre une approche plus de droit, alors qu'on devrait prendre une approche plus éthique quand vous disiez, au début, l'équilibre à aller chercher, la balance à aller chercher?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : La question que vous posez est évidemment très intéressante. Si vous voulez, je pourrais vous envoyer une recherche qu'on a faite sur les éthiques préférées par profession. Et on voit très clair que les gens qui sont formés en finances, en droit, en ressources humaines, etc., ont des éthiques différentes parce qu'ils ont préféré d'abord ce lieu de métier et, deuxièmement, ils ont été renforcés par le métier lui-même, qui vous donne des biais professionnels. C'est tout à fait normal, entre nous, soit dit.

Je vais vous retourner la question : Est-ce que, dans une entreprise privée, on doit faire du profit, les gens ne font que ça? La réponse, c'est non. Bien sûr que non! Il est évident que, pour vous, dans votre rôle, le rôle de législateur est primordial, mais vous avez aussi un rôle du contrôle de l'État et vous êtes aussi un intermédiaire entre les citoyens du Québec et l'Assemblée nationale. Et vous avez aussi... et je le rappelais tout à l'heure, ce n'était pas dans le texte, que vous avez un rôle de leadership et de modèle très important à faire. Et j'ai déploré que ça ne soit pas nommé dans votre tâche, qu'en tant que députés vous ne vous dites pas : Au-delà du fait que je suis un législateur, que je suis une courroie de transmission et que je suis un contrôleur du gouvernement, je suis aussi un modèle et je dois faire attention à mon comportement, à mes attitudes, à mes mots, à qu'est-ce que je fais pour justement montrer qu'on peut avoir un comportement éthique et faire des choses belles en politique. Je crois que c'est possible de concilier les quatre. Est-ce que c'est facile? Non.

(17 h 40)

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Merci pour... Non, non, mais, M. le... Avant que je retourne à M. le député de LaFontaine, oui, on la veut, votre étude. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci beaucoup, M. Pauchant. Je ne sais pas si votre... Puis là je ne veux pas être trivial ou réducteur, mais, en 2009, vous aviez donné une entrevue au journal Les Affaires et vous parliez de Barack Obama. Et, lorsque vous l'avez cité en exemple au niveau des trois niveaux, puis je vais tenter de résumer vos propos, vous disiez qu'il y avait plusieurs niveaux d'éthique, et on l'a bien vu depuis le début de nos échanges. Vous disiez : Il y a un premier niveau, qui est le respect de la loi; niveau 2, qui est celui guidé par l'intérêt, du donnant-donnant; et le niveau 3, où on s'élève dans l'éthique. Et ça, je pense qu'on l'a bien vu dans vos exemples. Et vous disiez, peut-être parfois par des exemples tangibles, ça nous aide à mieux comprendre : «Au Canada, je ne connais malheureusement aucun leader politique au niveau 3. Ils se maintiennent surtout aux niveaux 1 et 2. Aux États-Unis, par contre, Barack Obama a certainement dépassé ces niveaux.»

Quand j'ai lu ça, il y a quelques jours, je voulais juste comprendre... Je comprends l'introductif, mais, au niveau 3, un niveau supérieur, le Barack Obama de 2009... Je ne sais pas si vous pouvez étayer l'explication que vous vouliez donner ou l'exemple que vous vouliez donner à l'époque.

M. Pauchant (Thierry C.) : Votre métier, et vous le savez comme moi, est un métier qui est extrêmement difficile parce que vous avez beaucoup de contraintes. Je ne pense pas que le président Obama a fait ce qu'il voulait faire aux États-Unis d'Amérique s'il n'avait pas été contraint par des partis qui l'ont empêché de faire ce qu'il voulait faire. C'est la première chose.

Mais la deuxième chose, c'est de dire que, oui, il existe des niveaux. Le modèle dans l'article, là — je me souviens que j'ai fait ça en 2009 — c'est l'un des modèles qui existent. J'en utilise d'autres aujourd'hui qui sont plus précis, mais c'est l'idée qu'on peut justement avoir différents niveaux d'éthique et que, dans une assemblée, tous ces niveaux d'éthique se rassemblent. Entre nous soit dit, le premier est bon aussi, là. Je ne suis pas en train de dire que le quatrième est meilleur, ce n'est pas vrai, ça. Le premier est bon aussi, hein? C'est un petit peu en psychologie développementale en disant : Un enfant, un bébé de deux ans, c'est certain qu'il ne va pas pouvoir faire la même chose qu'un adulte de 30 ans, de 40 ans, de 50 ans, mais c'est aussi une personne, et il faut le respecter en tant que tel. Donc, il n'y a pas de niveau de préférence, si vous voulez.

Moi, je serais de vous, j'essaierais de me demander aussi, au niveau des députés, quel niveau d'éthique il vient... C'est-à-dire je ne me demanderais pas simplement : Est-ce qu'il a des contacts? Est-ce qu'il sait bien parler? Est-ce qu'il est assidu? Est-ce qu'il travaille dur, etc., qui sont les critères habituels. Je me demanderais aussi : Est-ce que c'est un monsieur ou c'est une dame qui fait preuve de probité? Est-ce qu'il a cette ambiance d'aborder la complexité, qu'il ne veut pas se noyer dedans? Est-ce qu'il va mourir avec ce stress-là ou est-ce qu'il va pouvoir réellement faire en sorte qu'il va se poser des questions difficiles? Moi, c'est des questions qu'on me demande de me poser dans des entreprises privées en disant : On a un vice-président à prendre, là, aidez-nous à décider quel vice-président on va prendre. Vous en êtes au même niveau. Mais de prendre systématiquement des gens qui sont niveau 1, ça va faire du tort à l'organisation.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine, deux minutes.

M. Tanguay : Oui, oui, deux minutes. Deux points rapides. Le deuxième sera peut-être de vous demander s'il y a un modèle d'Assemblée ou de Parlement qui pourrait nous guider quant à cette élévation vers l'éthique, mais mon premier point, peut-être qu'il existe un forum, lorsque vous avez dit un peu plus tôt qu'à la page 59 du rapport du commissaire... et on peut voir, aux pages qui suivent, page 60, le bureau du commissaire comprend trois unités : conseils et avis, de un, de deux, le greffe et, de trois, vérifications et enquêtes. Puis vous disiez qu'il y aurait peut-être lieu d'avoir une autre unité qui serait peut-être un forum créé, qui serait unité éthique, où là on pourrait avoir des discussions qui sont... Honnêtement, ça fait quatre ans, M. Pauchant, que je suis député, et c'est la première fois où j'ai ce niveau de discussion, qui est extrêmement enrichissant, et stimulant, et qui ouvre nos perspectives sur ce que dit le code stricto sensu. Alors, peut-être que vous nous invitez à créer ou à permettre la création de cette unité comme forum permanent de discussion et de réflexion éthique.

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant, pour 50 secondes.

M. Pauchant (Thierry C.) : Ça manque énormément dans ce rapport. Et c'est un monsieur, le commissaire... je ne le connais pas personnellement, j'ai regardé son curriculum vitae, je comprends que c'est un monsieur qui veut bien faire, et il comprend que les valeurs ne sont pas... on ne peut pas les normer, etc. Mais, dès qu'il a dit ça, il va dans les reproches et il veut boucher les trous. Moi, je lui conseille de faire des montagnes, pas simplement boucher des trous.

M. Tanguay : Dernière petite question : Y a-t-il une assemblée d'élus au monde où vous pourriez dire : Bien, allez peut-être vous y référer pour quelques pratiques que vous pourriez mettre en...

M. Pauchant (Thierry C.) : Je ne connais pas assez, je suis désolé. En entreprise privée, certainement, j'aurais des exemples, mais, en assemblées nationales, je ne connais pas assez.

M. Tanguay : Merci beaucoup.

M. Pauchant (Thierry C.) : Avec plaisir.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Merci, M. le Président. C'est effectivement un échange qui est particulièrement intéressant pour finir notre après-midi en beauté.

Vous avez évoqué, il y a quelques instants, avec mon collègue de LaFontaine la perspective du commissaire, c'est-à-dire le rapport qui nous été fourni, là, il y a quoi, il y a un an maintenant. Plutôt que dire qu'il a une approche orientée essentiellement sur le juridique, est-ce qu'on pourrait tout simplement résumer son travail comme étant l'évaluation qu'il a faite des cinq dernières années de l'existence du code et interpréter son travail comme étant une façon de le bonifier à travers son expérience bien à lui de commissaire des dernières années?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Moi, je veux bien dire ça, je veux bien dire ça. Encore une fois, moi, je ne me mets absolument pas en doute la compétence de ce monsieur, loin de moi... de dire ça. Je ne mets même pas en doute la fondation et la nécessité du droit. J'ai été très clair que je cherche beaucoup plus une balance. Mais il y a quelque chose de vicié dès le début, et j'ai essayé de le dire, le nom même l'emprisonne parce que, dès que vous dites «un code d'éthique», ça renvoie à des normes. Donc, le seul, maintenant, outil qu'il va pouvoir faire, utiliser, c'est la grammaire. Donc, il va faire des points, des virgules, des trémas, il va mettre des x au pluriel, etc., parce que vous lui demandez de faire de la grammaire. C'est pour ça que je vous ai proposé de balancer plus «valeurs de l'Assemblée nationale», qui au moins est plus large, et «code de déontologie». Et à ce moment-là ce monsieur, ce commissaire, va pouvoir avoir deux chapeaux. Mais vous lui avez donné un mandat qui est déjà vicié à la base, qui se retrouve dans son nom même, et c'est pour ça que je vous ai proposé de peut-être envisager d'avoir une appellation plus large.

M. Charette : Parmi les réflexions qui sont les nôtres actuellement, ça avait été discuté notamment au niveau de la commission Charbonneau, on proposait de regrouper deux chapeaux, c'est-à-dire l'éthique et le lobbyisme. Est-ce que c'est un mariage qui, pour vous, est naturel? Est-ce que c'est bon de distinguer ces deux environnements-là ou on pourrait penser qu'une seule et même personne chapeauterait, là, les mandats qui leur reviennent actuellement?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Question difficile. Il faudrait réellement regarder attentivement quelles sont les demandes et les choses qu'on doit faire dans le lobbyisme et voir si ça peut être concilié avec ça. Je crois que la question que vous posez est une bonne question qui demande une recherche approfondie. Je ne pense pas qu'on puisse avoir un avis comme ça sur des hypothèses.

M. Charette : Et quelle est l'importance de l'exercice que nous conduisons actuellement? Vous avez évoqué, et on se le fait dire régulièrement, le degré non pas d'appréciation, et ça, on se le dit souvent entre nous... Sur une base individuelle, je pense que les députés — ou on aime le penser, à tout le moins — sont appréciés dans leur circonscription. C'est lorsqu'on en arrive au terme générique de député en général que, là, dans la population, la perception, elle est beaucoup plus négative. Et, dans les circonstances, quelle est l'importance de l'exercice que nous conduisons actuellement, c'est-à-dire de procéder à l'évaluation des cinq premières années de ce code d'éthique et de chercher à le bonifier? Quelle est l'importance de l'exercice?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Pour moi, qui suis professeur d'éthique, je pourrais dire que c'est absolument essentiel, c'est le lien qui fait que la population vous donne une confiance. Je m'inquiète, M. le député, de voir le nombre de gens qui ne vont plus voter. Je m'inquiète de voir des gens, des jeunes qui ne s'incluent plus en politique. Je m'inquiète du manque, des fois, de démocratie et de sens civique de nos populations. Je crois que vous êtes la cheville ouvrière qui peut faire une différence. Et de parler d'éthique, et de déontologie, et de droit, c'est-à-dire avoir des devoirs négatifs et des devoirs positifs, je crois que c'est la clé de voûte qui permettrait d'ouvrir ça. Je vois que c'est fondamental, ce que vous faites actuellement.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

• (17 h 50) •

• (17 h 50) •

M. Charette : Quel devrait être notre objectif? Vous savez, bon, il y a une dynamique qui est celle de l'Assemblée nationale, un parti au gouvernement, des partis d'opposition, et ultimement ce sont des représentants de chacune de ces formations politiques qui auront à travailler à l'adoption d'un code d'éthique. Dans cette perspective-là, quel devrait être notre objectif? Se doter du meilleur code d'éthique qui soit au détriment de ne pas aller chercher l'adhésion de tous ou plutôt aller chercher l'unanimité? Quel devrait être notre priorité? L'unanimité à tout prix ou se doter du meilleur code d'éthique possible, quitte à ce que quelques députés se sentent plus ou moins à l'aise avec quelque mesure que ce soit? Donc, l'unanimité à tout prix ou le meilleur code d'éthique possible?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Je vais me permettre de refuser les deux options parce que «code d'éthique», pour moi, c'est un oxymoron. Donc, je n'irai pas là-dedans. Et unanimité, je crois que ce n'est pas possible. Mais je crois qu'au niveau des partis politiques vous avez des terres communes où vous pouvez faire des compromis et accepter des choses. Je crois que vous l'avez déjà démontré dans le passé, où des députés ou des ministres sont décédés, et vous avez réellement, sincèrement applaudi cette personne, son courage, son intégrité, etc., au-delà des différences de couleurs politiques. Je crois que vous l'avez fait déjà. Et donc il est possible d'avoir des terres communes. Je crois que vous êtes tout à fait capables de pouvoir les définir entre vous.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Je vais peut-être mieux formuler ma question. Si, éventuellement... Pour un article du code d'éthique ou un nouvel article qu'on aimerait amener ou intégrer au code d'éthique, quel devrait être le but recherché? S'assurer de la pleine adhésion des 125 députés en question, donc que chacun serait à l'aise à voter en faveur de cet article-là, ou plutôt se dire : Ce n'est pas l'unanimité — même si vous n'aimez pas le terme — qui est nécessaire, mais plutôt la recherche du meilleur code d'éthique possible? Parce que c'est un dilemme que l'on se pose. Il y a des discussions, il y a des échanges très constructifs qui ont lieu actuellement autour de cette table, à travers cette même commission. Mais on se pose la question : Est-ce qu'on doit tous être d'accord sur chacun des articles en question ou on doit plutôt souhaiter l'adoption du meilleur code d'éthique possible?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : La recherche de la perfection? J'avoue que... Je vais le dire autrement. J'ai commencé en disant qu'il y avait des choses, il y avait énormément de choses qui ont été faites depuis décembre 2010. Je crois que vous avancez bien et je crois qu'il y a énormément de travail qui déjà été fait. Ça montre d'ailleurs que vous, en tant que groupe, vous arrivez à faire des choses ensemble. Je vous ai avertis que... faites attention, on est partis dans une direction qui risque de faire pire par manque de balance. C'est les deux conseils que je vous ai donnés. Je crois que le chemin que vous avez parcouru répond à la question que vous posez, que, oui, il est possible que vous trouviez des solutions ensemble.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Et tous les questionnements qui ont eu lieu, notamment sur la place publique, concernant la fameuse fiducie sans droit de regard avec ou sans consigne, ce sont des questions, aussi, qui sont certainement légitimes. Mais comment chercher notre... ou comment atteindre cette volonté du plus grand consensus — je reviens à la même question — versus le meilleur code d'éthique possible?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Vous me posez une question, et ça me demanderait d'être à la fois juriste et fiscaliste. Je ne suis ni l'un ni l'autre, et donc je ne peux pas prendre position là-dessus. Je n'ai pas d'avis sur la question.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Mais vous comprenez... Et le but du débat qui a eu cours pendant quelques semaines, bon, sans la nommer toujours spécifiquement, on avait naturellement un cas de figure en tête. Comment, dans ce cas, pallier la difficulté de pouvoir s'adresser à un cas précis versus un cas qui serait applicable à tous?

Le Président (M. Ouellette) : M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Avec tout le respect que je vous dois, je n'ai pas... Pour moi, vous me décrivez la complexité de votre travail, que j'adore. Je trouve que vous êtes des gens qui se posent justement ces questions-là et qui arrivez à répondre malgré tout. Et, malgré les oppositions politiques qui peuvent être rudes, vous arrivez à faire un travail qui est réellement exceptionnel et qui, pour moi, est important parce que ça touche à la démocratie. Donc, je crois que ce que vous dites, c'est une réflexion de votre métier. Si vous me demandez des réponses précises à des choses où... je ne suis ni fiscaliste ni juriste, je ne peux pas vous répondre.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Sinon, peut-être une question que j'ai eu l'occasion de poser à la personne qui vous a précédé, toujours dans l'esprit d'aller chercher une adhésion dans la population, peut-être rehausser notre degré d'appréciation : Est-ce que les contraintes qui sont actuellement imposées aux membres du Conseil des ministres devraient être étendues à d'autres fonctions? Tout à l'heure, j'évoquais la possibilité de les étendre, par exemple, aux officiers des partis d'opposition, pas uniquement l'opposition officielle, mais la deuxième opposition, là. C'est notre jargon à nous. Mais est-ce que c'est quelque chose qui serait de nature à rehausser le degré de confiance?

Le Président (M. Ouellette) : Ça sera la dernière réponse, M. Pauchant.

M. Pauchant (Thierry C.) : Question technique. Je ne connais pas assez vos us et coutumes. Il faudrait que je les étudie. Il faudrait que je regarde réellement, de façon empirique et concrète, comment vous fonctionnez. Là, je pourrais donner un avis. Là, vous me demandez un avis, avec un grand principe, que je ne peux pas donner.

Le Président (M. Ouellette) : Vous avez un dernier commentaire, M. le député de Deux-Montagnes, pour 30 secondes? Je comprends que M. Pauchant a passé une entrevue de candidat.

Des voix : Ha, ha, ha!

Le Président (M. Ouellette) : Ça sera le commentaire de la présidence. Sur ces très bonnes paroles, merci, M. Pauchant, vous avez été très éclairant. On attend vos notes et on attend la recherche que vous avez faite. Ça nous aide énormément.

Je suspends — oui, je suspends, hein? — nos travaux jusqu'à 19 h 30. Vous pouvez laisser vos documents ici, on va barrer les portes et, à 19 h 30, on reçoit le Commissaire au lobbyisme.

(Suspension de la séance à 17 h 57)

(Reprise à 19 h 37)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et auditions publiques relatives à l'étude du Rapport sur la mise en oeuvre du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale.

Nous entendrons ce soir le Commissaire au lobbyisme du Québec. Je souhaite la bienvenue à M. François Casgrain — il me semble, ça fait longtemps qu'on ne vous a pas vu — et à toute votre équipe, que vous allez nous présenter.

Je vous rappelle que vous disposez de 15 minutes pour votre exposé, et après il y aura une période d'échange avec les membres de la commission, tant du côté ministériel que de l'opposition. Je vous laisse la parole.

Commissaire au lobbyisme

M. Casgrain (François) : M. le Président, Mme et MM. les membres de la commission, je vous remercie de l'invitation qui m'est faite d'échanger avec vous sur le rapport du Commissaire à l'éthique et à la déontologie sur la mise en oeuvre du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale.

Tout d'abord, vous me permettrez de vous présenter les personnes qui m'accompagnent : à ma gauche, Mme Émilie Giguère, directrice des communications, de la formation et des relations avec les clientèles, et, à ma droite, M. Jean Dussault, qui est mon adjoint, mais qui est également secrétaire général et directeur de l'administration.

M. le Président, l'Assemblée nationale est une composante importante de notre système démocratique. Dans notre système politique, le gouvernement est formé à partir de membres élus siégeant en assemblée, d'où l'imbrication de normes d'éthique et de déontologie applicables tant aux membres de l'Assemblée dans leur rôle de député que dans celui, le cas échéant, de membres du Conseil exécutif. Lorsque les électeurs d'une circonscription électorale choisissent une personne pour les représenter à l'Assemblée nationale, cela constitue bien sûr un geste le plus important et le plus fondamental de notre gouvernance démocratique. Les électeurs investissent leur capital de confiance en confiant aux élus d'importants pouvoirs. En contrepartie, ils ont des attentes envers les personnes, attentes que le code codifie sous forme de valeurs à son article 6. Ces valeurs sont fondamentales et conditionnent le mandat de l'élu. Elles sous-tendent également les règles déontologiques que l'on trouve dans le code.

• (19 h 40) •

La confiance est un ingrédient essentiel du système politique et démocratique. Elle ne peut se construire que si les titulaires de charge publique se comportent de manière à la mériter et à la conserver. La transparence sert justement à renforcer cette confiance. Les membres de l'Assemblée nationale l'ont bien compris lorsqu'ils ont adopté à l'unanimité le Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale ainsi que la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme.

L'éthique sous-tend de la sensibilité et du respect envers les valeurs de la société dans laquelle on évolue. Les règles déontologiques ne peuvent donc se substituer à l'exercice éthique, par les élus, de leurs responsabilités. Si l'observance des règles est importante, le respect de l'esprit de celles-ci l'est tout autant afin d'atteindre les objectifs recherchés. La Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme en est un bel exemple, où l'objectif de transparence des communications d'influence dont les titulaires de charge publique sont l'objet implique, par voie de conséquence, une responsabilité pour le titulaire d'une charge publique. Le Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale a créé un cadre nouveau visant à donner des balises aux élus et aux membres de leur personnel sur les comportements qu'ils doivent adopter face à diverses situations pouvant survenir dans leur environnement. Voilà pourquoi il est nécessaire de procéder à une analyse de sa mise en oeuvre.

C'est dans cette optique que j'ai examiné le rapport produit par mon collègue le Commissaire à l'éthique et à la déontologie. Je suis d'accord avec la majorité des recommandations qu'il a faites dans celui-ci ainsi qu'avec des éléments qu'il aborde concernant notamment les médias sociaux, les lanceurs d'alerte et le financement de certaines réunions regroupant les représentants de plusieurs associations législatives ou de plusieurs Parlements alors que le financement est assumé par des entreprises ou des organisations qui commanditent l'événement.

Permettez-moi de revenir un peu en arrière, soit au moment des travaux qui ont précédé l'adoption du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale. Le Commissaire au lobbyisme avait à l'époque fait certaines recommandations. Le projet de loi n° 48 ne prévoyait en effet pas d'exclusivité de fonctions pour les députés. Et nous nous interrogions sur la légitimité pour un individu d'occuper la fonction de député tout en exerçant, dans sa vie professionnelle parallèle, des activités de lobbyisme au sens de la loi. Un article a été ajouté, prévoyant qu'un député ne peut exercer des activités de lobbyisme au sens de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Le Commissaire à l'éthique et à la déontologie va plus loin et s'interroge même sur la pertinence de maintenir la possibilité, pour le député, d'exercer simultanément plus d'une fonction.

Nous avions aussi souligné qu'en principe les marques d'hospitalité, les cadeaux ou autres avantages sont rarement désintéressés. Nous avions proposé deux dispositions pour encadrer les cadeaux, soit la création d'un registre où seraient inscrites la nature, la valeur et la provenance des cadeaux ainsi que la fixation d'un seuil maximal pour ceux-ci. Une disposition qui combine les deux suggestions a été retenue : les dons, les marques d'hospitalité ou autres avantages d'une valeur de plus de 200 $ doivent être déclarés dans un registre tenu par le commissaire.

La commission d'enquête sur l'industrie de la construction recommande quant à elle un resserrement des règles relatives aux cadeaux. Par ailleurs, le code pourrait prévoir l'obligation, pour un membre de l'Assemblée nationale ou un membre du personnel politique, d'aviser le Commissaire au lobbyisme si un don ou un avantage lui est offert en échange d'une intervention ou d'une prise de position de sa part.

Nous avions également exprimé nos réserves quant à la portée véritable de l'article du projet de loi prévoyant que les restrictions relatives aux dons, marques d'hospitalité ou autres avantages ne s'appliquent pas lorsqu'ils sont de nature purement privée et reçus à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, des fonctions de député. L'article a été modifié pour prévoir que la loi ne s'applique... ne s'applique pas, pardon, aux dons, marques d'hospitalité ou autres avantages reçus par un député, mais uniquement dans le contexte d'une relation purement privée.

En outre, nous avions mentionné que les règles d'après-mandat applicables aux ex-membres du Conseil exécutif contenues dans le projet de loi n° 48 pouvaient entrer en contradiction avec la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme. Nous avions suggéré un arrimage des dispositions de l'un et l'autre texte sur ce sujet, ce qui a été fait en partie. Toutefois, la loi ne vise toujours pas la situation prévue à l'article 28 de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, soit le fait d'agir à titre de lobbyiste-conseil auprès d'un titulaire d'une charge publique, d'où la possibilité d'une confusion quant aux règles applicables... donc, les règles d'après-mandat qui seraient applicables. Par ailleurs, aucune règle d'après-mandat ne s'applique à un membre de l'Assemblée nationale qui n'est pas membre du Conseil exécutif, ce à quoi on devrait remédier.

Nous avions souligné qu'il n'existait aucune disposition en cas d'absence ou d'incapacité d'agir ou de vacance du poste du Commissaire à l'éthique et à la déontologie. Un article a été ajouté à cet effet. Le même problème existait à l'époque dans la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, et une disposition avait dû être adoptée d'urgence, en fin de session, afin de permettre de nommer un commissaire au lobbyisme par intérim.

Au cours de l'automne 2010, dans le cadre de l'étude détaillée du Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale, nous avions fait part aux membres de la commission de préoccupations relatives à certains libellés au projet de loi, lesquels ont été modifiés pour tenir compte de nos remarques.

Maintenant, j'aimerais porter à votre attention certains éléments de réflexion en regard du lobbyisme et de l'éthique. La Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme établit le droit pour le public de savoir qui cherche à influencer les titulaires de charges publiques. Ce droit de savoir s'exerce grâce au Registre des lobbyistes, et nul ne peut faire d'activités de lobbyisme, à moins que l'objet de ces activités ne soit inscrit dans le registre.

La loi est inextricablement liée aux différentes étapes menant à une décision d'une institution publique. Les titulaires de charge publique, qui sont imputables des décisions qu'ils prennent, ont donc un rôle important à jouer dans l'application de la loi afin que celle-ci atteigne les objectifs de transparence et de saines pratiques des activités de lobbyisme visées. Dans ce contexte, je crois pertinent que le Code d'éthique et de déontologie des membres de l'Assemblée nationale et les règles déontologiques applicables aux membres du personnel politique comprennent des règles concernant leur conduite à l'égard des activités de lobbyisme dont ils font l'objet.

Les titulaires de charges publiques doivent être proactifs dans l'application de la loi. Le droit pour le public de savoir qui cherche à les influencer leur impose la responsabilité de s'assurer que les lobbyistes s'acquittent de leurs obligations. Il est aussi important que les titulaires de charges publiques s'assurent que les lobbyistes qui communiquent avec eux respectent le Code de déontologie des lobbyistes.

En matière de conduite à l'égard du financement des activités politiques, nous croyons qu'il serait pertinent de s'inspirer des règles applicables dans d'autres juridictions canadiennes aux élus et aux lobbyistes qui agissent auprès d'eux, plus particulièrement en matière de financement et d'implication politique. Ces règles visent à éviter les conflits d'intérêts ou l'apparence de tels conflits. La loi fédérale sur les conflits d'intérêts prévoit, à l'article 16, qu'un titulaire d'une charge publique ne peut solliciter personnellement des fonds d'une personne ou d'un organisme si l'exercice d'une telle activité le place en situation de conflit d'intérêts.

À ce sujet, le Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique du Parlement du Canada a émis une directive avisant notamment les titulaires de charge publique de ne pas «solliciter des fonds auprès d'une entreprise ou d'un organisme avec qui le titulaire de charge publique, son bureau ou son ministère a eu des rapports officiels ou prévoit en avoir.

«[...]Solliciter ou accepter des fonds d'une personne ou d'un organisme qui [ont] déjà exercé ou qui exerceront probablement des activités de lobbyisme auprès des titulaires de charge publique ou [auprès de] leur bureau, leur ministère ou leur comité.»

À Toronto, une controverse entourant le processus d'approvisionnement de la ville a mené à une commission d'enquête. La juge Denise Bellamy a publié son rapport en 2005. Elle y a émis 32 recommandations relatives aux activités de lobbyisme, dont — je cite les recommandations 109 et 113.

La n° 109: «Outside of city procurement processes, ethically appropriate lobbying is permitted. However, at no time should lobbying take the form of entertainment or the bestowing of gifts, meals, trips, entertainment, or favors of any kind on staff or councillors.»

Et la recommendation 113 : «Professional lobbyists should not engage in any type of political fundraising for candidates or councillors they lobby, beyond making their own donations.»

La ville d'Ottawa, à l'instar de la ville de Toronto, a également adopté des règles similaires à l'égard des activités de nature politique. La commission d'enquête sur l'industrie de la construction a également fait des recommandations afin d'interdire aux ministres et à leur personnel de solliciter des contributions politiques aux fournisseurs et bénéficiaires de leur ministère. Ainsi, il nous apparaît que des règles clairement établies devraient circonscrire les situations où un membre de l'Assemblée nationale ou un membre du personnel politique doit s'abstenir de solliciter ou d'accepter qu'un lobbyiste ayant une inscription active au registre des lobbyistes, par exemple, organise une activité de financement à son avantage ou à celui du parti, d'un comité du parti ou de l'une de ses constituantes ou participe activement à sa campagne électorale. Les élus devraient aussi se voir interdire de solliciter ou d'accepter de telles contributions de personnes qui ont exercé ou dont on peut raisonnablement considérer qu'elles exerceront des activités de lobbyisme auprès d'eux au cours d'une période à déterminer.

Ceci complète ma présentation, M. le Président. Je vous remercie de votre attention, et je suis disponible pour répondre à vos questions.

• (19 h 50) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Casgrain. M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Merci, M. le Président. Nous avons, je crois, trois blocs, et le premier est de combien de minutes?

Le Président (M. Ouellette) : 16 minutes, M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : 16 minutes? Parfait. Merci beaucoup.

Merci beaucoup, M. le Commissaire au lobbyisme, et bienvenue, évidemment, aux personnes qui vous accompagnent. Merci d'avoir pris le temps de la réflexion et le temps de présenter votre perspective, vos opinions quant aux bonifications que nous pourrions apporter au Code d'éthique et de déontologie des députés.

Évidemment, vous avez eu l'occasion de lire, je crois, les 23 recommandations qui sont incluses dans le rapport du Commissaire à l'éthique. Dans votre présentation, il y a certains points. On aura l'occasion, au courant de la soirée, de toucher aux points que vous avez apportés, mais j'aimerais savoir s'il y a des recommandations, plus particulièrement entre la première et la 23e, qui ont attiré votre attention et sur lesquelles vous aimeriez plus d'avant commenter parce qu'on touche beaucoup, beaucoup d'éléments qui touchent au rôle du député au jour le jour, et, pour éclairer nos travaux, c'est l'objectif de vous entendre ce soir, il s'agirait peut-être d'avoir votre vision des faits, même si, ça, je peux le concevoir, pour certaines recommandations, clairement, ça va au-delà de votre mandat. Mais, néanmoins, vous avez, par votre passé, entre autres, comme responsable au sein de l'institution, le Directeur général des élections du Québec, maintenant comme Commissaire au lobbyisme, vous avez une perspective qui peut être bénéfique pour les élus. Alors, je ne sais pas s'il y a des recommandations, de la première à la 23e, sur lesquelles vous dites soit : Oui, effectivement, c'est bien enligné, on vous invite à peaufiner la réflexion, ou, d'aventure, sur certaines, vous dites : Bien, il y a peut-être un drapeau rouge, selon votre perspective toujours.

Le Président (M. Ouellette) : M. Casgrain.

M. Casgrain (François) : Disons que je n'ai pas vraiment de drapeau rouge sur les 23 recommandations. C'est sûr que la majorité des recommandations sont des recommandations qui sont tirées de l'expérience du Commissaire à l'éthique et à la déontologie parmi lesquelles on peut évidemment voir que certaines tiennent compte de la pratique réelle. On parle, par exemple, de déclarations, des avis qu'on peut obtenir, avant une élection, sur une situation qui pourrait être éventuellement conflictuelle. Si on prend cette recommandation, je pense que c'est quelque chose qui est intéressant pour permettre à quelqu'un qui désire éventuellement devenir membre de l'Assemblée nationale d'avoir une perspective qui va le placer... savoir exactement les règles qui sont susceptibles de s'appliquer quant à lui. Il y a d'autres dispositions qui sont beaucoup plus, je dirais, de terrain. Et effectivement dire : Le député qui a déjà fait une déclaration, qui est réélu la même année, est-ce qu'il doit refaire une déclaration?

Peut-être que je pourrais, pour répondre à votre question, dire que peut-être certaines recommandations qui... je ne suis pas contre. Cependant, je n'ai peut-être pas suffisamment d'expérience pratique pour pouvoir... mais qui m'ont peut-être un peu plus surpris. Par exemple, la recommandation 7, lorsqu'on dit : «...ainsi que les [relations relatives] à l'immeuble dont il est locataire.»

Je comprends, pour les droits réels, savoir où la personne demeure, avoir tous les renseignements nécessaires... puis je ne sais pas jusqu'où va la déclaration, mais ça m'a un peu, disons... cette recommandation-là m'a peut-être un peu surpris.

S'il y a des recommandations sur lesquelles, évidemment, on peut être d'accord, la question des lanceurs d'alerte en est une. Par exemple, je pense, c'est ça, la recommandation 19. Quelqu'un attire l'attention au commissaire d'une situation dont il a connaissance. Il veut évidemment garder une certaine forme d'anonymat. Il ne s'agit pas d'une plainte parce que ce n'est pas lui qui peut faire une plainte, mais donner des informations permettant éventuellement au commissaire peut-être de s'intéresser à une question m'apparaît peut-être important de le considérer, d'autant plus que, on le sait, la commission d'enquête sur l'industrie de la construction également a fait une recommandation relativement aux lanceurs d'alerte.

Je n'étais pas sûr d'être d'accord ou complètement d'accord, par exemple, avec la recommandation 20 sur la question des sanctions, des sanctions administratives. Bon, je comprends le commissaire de dire : Bon, quelqu'un qui ne répond pas dans les délais, puis on lui fait des rappels, puis, à un moment donné, peut-être que la sanction administrative pécuniaire pourrait le ramener dans le droit chemin. Je pense que le député qui, éventuellement, ne ferait pas sa déclaration, le fait, après lui avoir fait tant de rappels, de, je ne sais pas, moi, simplement dire qu'il n'a pas encore fait sa déclaration, ce serait probablement... ce serait suffisant. Je pense que cette personne-là va se dépêcher à remplir ses obligations.

Donc, peut-être qu'à ce niveau-là j'aurais donc une réserve, sauf peut-être sur le cas du changement significatif à ces déclarations qu'il n'aurait pas faites. On a l'obligation d'indiquer — lorsqu'il y a un changement significatif — évidemment la nature de ces modifications-là. Si on ne le fait pas ou on attend la déclaration suivante, mais ça fait déjà plusieurs mois que j'aurais dû le déclarer, est-ce qu'il y a une situation éventuellement potentielle de conflit d'intérêts? Donc, peut-être que, dans ces situations-là, il pourrait y avoir... Mais, encore là, il faudrait peut-être y réfléchir. Et je pense que le Commissaire à l'éthique et à la déontologie serait peut-être le plus en mesure, évidemment, de commenter sa recommandation.

Et finalement il y a la recommandation, si on peut dire... peut-être la recommandation sur... la recommandation 22 sur le pouvoir discrétionnaire. Est-ce qu'on peut finalement déléguer au bureau, qui pourrait confier au commissaire le soin de faire des sanctions concernant le personnel politique? Bien, est-ce qu'on veut avoir une situation où, en fonction d'un changement de législature, on a un changement, on donne au commissaire ces responsabilités-là ou on lui enlève? Ça, j'ai de la difficulté à voir est-ce qu'on fait du... on peut changer cela.

Par ailleurs, il y a peut-être une dernière... Puis je ne voudrais pas prendre trop de votre temps, M. le député. Je pense que j'avais quelque chose qui m'est revenu en tête, j'essaie juste de le retrouver. Je ne reviens pas, peut-être que ça va me revenir, là, j'ai eu un petit blanc, là, en parlant sur une recommandation, peut-être, sur laquelle j'avais... je n'étais pas contre, mais j'avais peut-être quelques commentaires.

• (20 heures) •

M. Tanguay : À vous entendre, il y a beaucoup d'éléments de réflexion qui me viennent en tête. On a eu l'occasion de rencontrer deux experts en éthique, déontologie cet après-midi. Et nous sommes au début, je dirais, de nos travaux. On va rencontrer des témoins de différents horizons, des professionnels, des gens comme vous, M. le Commissaire au lobbyisme, qui viennent nous apporter leur éclairage.

Par rapport, justement, à la recommandation 20, permettre au commissaire lui-même, après enquête, d'imposer ses sanctions, on disait, cet après-midi, avec des experts... des professeurs universitaires nous disaient : Bien, effectivement, il a le bénéfice de ne pas se positionner, comme Assemblée nationale — l'expression est peut-être trop forte — en conflit d'intérêts d'imposer ultimement la sanction à un de nos pairs. Et, à cet effet-là, vous, M. le Commissaire au lobbyisme, de la manière... puis peut-être pour le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison, vous, lorsque vous faites enquête, détrompez-moi si j'ai tort, mais vous avez l'opportunité, donc, de faire cheminer, le cas échéant, à la direction des affaires criminelles et pénales un dossier où vous auriez jugé qu'il y a eu une faute. Comment voyez-vous donc cette recommandation 20 là, le rôle du commissaire versus vous, ce que vous avez à vivre sur des enquêtes qui, bien souvent... je veux dire, peut-être même dans 100 % des cas, vont toucher à un élu parce qu'il s'agit de représentations, dans bien des cas, qui sont faites auprès d'un élu? Oui, à un décideur de l'État, mais souvent à un élu. Alors, comment vous vous positionnez, vous, dans des dossiers où vous devez faire enquête, puis il y a un élu d'impliqué, là?

Le Président (M. Ouellette) : M. Casgrain.

M. Casgrain (François) : Donc, sur cette question-là, je voudrais peut-être juste mentionner que le commissaire a effectivement deux possibilités de sanction. Une sanction qui est pénale. À ce moment-là, évidemment, il va envoyer, comme vous l'avez mentionné, le dossier au Directeur des poursuites criminelles et pénales, qui va évidemment analyser la preuve : Est-ce qu'elle est hors de tout doute raisonnable? Les critères qu'aussi le Directeur des poursuites criminelles et pénales a comme barème pour éventuellement prendre des poursuites.

Par ailleurs, le commissaire a également le pouvoir d'appliquer, dans les cas où est-ce qu'il y a un manquement grave ou répété, une sanction de nature disciplinaire au lobbyiste. Ça veut dire que quelqu'un qui le ferait de façon répétée, le commissaire pourrait dire : Écoutez, là, en fonction de la loi, on estime que, là, ça fait trop de fois qu'on nous avise, ça fait trop de situations où vous ne déclarez pas, et on peut imposer une sanction disciplinaire, évidemment, qui peut être appelable, mais évidemment après un processus pour s'assurer que la personne a le droit de se défendre. Donc, la sanction disciplinaire, qui est l'interdiction de faire des activités de lobbyisme pendant une certaine période pouvant aller jusqu'à un an, mais évidemment qui doit tenir compte de la gravité, donc, de l'infraction.

Pour répondre à votre question, je pense qu'effectivement le député ou le ministre est souvent mal placé pour éventuellement sanctionner lui-même ou permettre que soit sanctionné... que ça soit via le bureau ou n'importe, un élément politique. Évidemment, si on nomme quelqu'un qui est apolitique, il me semble que c'est la meilleure personne pour éventuellement examiner la faute puis recommander : Est-ce que ça va être une réprimande, est-ce que ça doit être éventuellement une sanction plus musclée? Donc, c'est pour ça que je pense que cette recommandation-là, la recommandation 22, j'avais quelques... Est-ce qu'on laisse ça à la discrétion de lui confier ou de ne pas lui confier? Donc, on prend une décision, on le garde ou on lui donne, mais on n'est pas entre deux chaises.

M. Tanguay : Est-ce que j'ai... puis corrigez-moi si j'ai tort, parce que je sais que vous avez une expérience très étoffée en matière légale, Me Casgrain : Est-ce que je simplifie trop en disant que votre sphère d'action concerne des infractions où il y a responsabilité stricte, autrement dit, vous l'avez fait ou vous ne l'avez pas fait, versus une sphère de responsabilité, code d'éthique des députés et de déontologie, où, là, le Commissaire à l'éthique et à la déontologie doit dire : Bon, il y avait le critère... Puis on avait un débat, cet après-midi, sur l'étalon de mesure de la personne modèle. Et là on disait : Peut-être que le commissaire pourrait d'aventure préciser cette personne modèle. Ce qui a été utilisé jusqu'à maintenant dans la jurisprudence du Commissaire à l'éthique, ça a été de dire : Est-ce qu'au regard d'une personne normalement ou raisonnablement informée — ce sont les termes — il y a eu manquement ou perception de manquement? Et là on disait : Bien, il y aurait peut-être lieu de dire : Est-ce que moi, Commissaire à l'éthique, je ne devrais pas plutôt ajouter des critères de la personne modèle qui s'apparentent davantage à la responsabilité civile? La personne normalement prudente et diligente, prise dans les mêmes circonstances, aurait-elle agi, comme député, face à son code d'éthique? Et le comportement, est-ce qu'il est manifestement déraisonnable au regard de cet étalon de mesure là?

Et ça nous amène donc dans un débat où vous... et corrigez-moi encore une fois si j'ai tort, puis j'ai hâte de vous entendre là-dessus, j'ai l'impression que vous avez des analyses à faire qui sont davantage de responsabilité stricte, est-ce qu'il a passé ou pas sur la lumière rouge, versus une analyse d'un comportement... Vous dites : Bien, pourquoi tout ce préambule?

Pourquoi tout ce préambule? Parce que le commissaire a vu des fautes, dans le passé, puis il a dit : Écoutez, il y a des moyens de défense... Trois, il était de bonne foi ou elle était de bonne foi, ne connaissait pas les règles. On est loin de la responsabilité stricte, là. Et, troisième élément, l'impact politique serait tellement manifeste et dévastateur que je n'irai pas au niveau de sanctions. Alors, il y a comme deux mondes, deux univers juridiques à réconcilier : le vôtre et celui du Commissaire à l'éthique. J'aimerais juste avoir votre vision dans cette perspective-là.

M. Casgrain (François) : Je vous dirais que, si tout est...

Le Président (M. Ouellette) : ...M. Casgrain.

M. Casgrain (François) : Excusez. Si tout était si simple, disons, si tout était noir ou blanc, je dirais que je suis un peu d'accord avec vous, mais même le Commissaire au lobbyisme ne peut pas agir... Je comprends que, lorsqu'on s'en va devant la cour, là, c'est une responsabilité stricte, mais avant, lorsqu'il va avoir éventuellement... Il va faire une enquête, de sa propre initiative, en fonction, évidemment, des effectifs qu'il a, hein? On lui donne un certain nombre d'effectifs. Il a une très large juridiction. Il doit s'assurer qu'évidemment les gens qui ne respectent pas la loi puis qui, de toute évidence, ont voulu enfreindre la loi, éventuellement, on les amène devant les tribunaux si on est capables d'avoir la preuve, donc, parce qu'on doit tenir compte quand même de la preuve que l'on a. Est-ce qu'on a une chance raisonnable d'obtenir une condamnation? Est-ce que ça apporte quelque chose d'amener éventuellement certaines situations en cour? Parce qu'il y a des délais, hein? J'ai souvent dit : Il faut tenir compte de d'autres éléments parce qu'on prend, par exemple, un constat d'infraction contre une personne en 2008 puis, quand on est rendus en 2016 puis que le dossier n'est pas encore terminé parce qu'il a monté jusqu'à la Cour d'appel, puis il est revenu, puis on est retourné, après ça, à la Cour d'appel, je ne suis pas sûr si on sert le système beaucoup.

Donc, on doit, c'est sûr, amener les gens à se conformer à la loi. Comment y arriver? Donc, ça, c'est des questions qu'on doit se poser, même comme Commissaire au lobbyisme, même avec les sanctions pénales, contrairement aux sanctions de nature plus civile qu'on retrouve dans un code d'éthique. Donc, c'est le test du réalisme, si on peut dire, pour amener : C'est quoi, mon mandat? Qu'est-ce qu'on me demande?

Donc, éventuellement, je pense qu'on doit tenir ça en ligne de compte parce que, sinon, je vais demander au Bureau de l'Assemblée nationale de me donner une armée d'enquêteurs, puis, oui, ça va coûter très cher. Oui, je vais peut-être amener plusieurs personnes, mais, si je ne les amène pas à adhérer, si je ne les amène pas à comprendre pourquoi on fait telle chose, je n'arriverai jamais à remplir correctement mon mandat parce que les gens, à ce moment-là, se braquent, et, quand on les amène... je ne dirais pas qu'on leur donne une chance... Il y a déjà un journaliste qui m'a dit que j'étais un peu comme BELAIRdirect, une police qui pardonne, mais j'ai dit : Non, il ne faut pas voir ça comme ça. Il faut voir la situation. Quel est le résultat que je désire obtenir, qui est le plus probant pour le rôle qu'on m'a confié?

Et je pense que j'ai pris peut-être un peu long à vous répondre, mais c'est pour vous dire : Ce n'est pas si différent que ça, jusqu'à un certain point, les rôles. C'est sûr que le pouvoir de sanction pénale est distinct. D'ailleurs, c'est pour ça que, dans certaines circonstances, on a demandé la possibilité, comme dans certaines autres provinces, d'avoir des sanctions administratives pécuniaires parce que c'est moins ostentatoire pour les personnes, et à ce moment-là on va arriver à plus de résultats pour ce que je vous ai expliqué tout à l'heure. Donc, je pense que c'est un petit... Il faut toujours être en mesure de jauger ça. Évidemment, ça ne doit pas devenir de l'arbitraire, mais on a besoin d'une certaine forme de discrétion bien campée où est-ce qu'on applique des principes qui vont être appliqués aux différents cas que l'on a devant nous.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de LaFontaine. Je vous informe que je vais amputer votre deuxième bloc parce que la réponse était importante, même si elle était incomplète pour la publicité pour la police qui pardonne. Il y a d'autres compagnies, maintenant, qui pardonnent aussi.

M. le député de Marie-Victorin.

• (20 h 10) •

M. Drainville : Merci, M. le Président. Merci, M. le commissaire, d'être là avec votre équipe. Bien apprécié.

Vous comprendrez, M. le commissaire, que, dans le contexte de nos travaux, nous nous devons de nous questionner et de réfléchir à cette recommandation qui a été faite par la commission d'enquête sur l'industrie de la construction, nommément la recommandation 54, qui se propose d'adopter une loi qui regrouperait, dans un même organisme, le Commissaire à l'éthique et le Commissaire au lobbyisme.

Il est bien évident, M. le Président, que, si on doit se poser la question des mesures que nous devons mettre en place pour améliorer le code d'éthique, bien, on n'a pas le choix que de se demander : Est-ce qu'une fusion du Commissaire à l'éthique et du Commissaire au lobbyisme serait souhaitable pour améliorer le code d'éthique? Et il faut d'autant plus se poser la question que la commission d'enquête nous a invités à le faire et que la ministre des Institutions démocratiques est également en réflexion là-dessus.

Alors, M. le commissaire, allons-y, allons-y d'abord de façon générale. Comment est-ce que vous... Qu'est-ce que vous pensez de cette idée de fusionner le Commissaire à l'éthique et le Commissaire au lobbyisme? Est-ce que vous pensez que ce serait une bonne idée?

Le Président (M. Ouellette) : M. Casgrain.

M. Casgrain (François) : Merci. Écoutez, c'est sûr que la recommandation Charbonneau va plus loin que le regroupement simplement du Commissaire à l'éthique et à la déontologie et le Commissaire au lobbyisme, tout le volet municipal. Dans des réflexions qu'on nous avait demandé sur les recommandations, notamment 54 à 60, et dont on avait fait part à la ministre de la Justice mais ainsi qu'aux différentes formations politiques représentées à l'Assemblée nationale — parce que, pour moi, c'était indispensable que chacune des formations politiques en soit informée — on a mentionné qu'il s'agissait d'une idée intéressante, qu'évidemment l'expertise au sein d'un seul organisme permettrait d'apporter un regard plus intégré en matière d'éthique et de lobbyisme, qui permettrait évidemment d'avoir... favoriser, comme le disait la commission sur l'industrie de la construction, si on peut dire, un développement d'une culture d'intégrité intégrée ou globale et cohérente. Cependant, évidemment, tout le côté municipal causait peut-être une certaine problématique, que je dis entre guillemets, dans le sens qu'il y a plus de modifications qui devraient être apportées pour avoir cette cohérence. Mais, au départ, ça nous apparaissait une idée qui pouvait être intéressante.

Cependant, ce que je peux dire, M. le député, sans être trop long, c'est que la réflexion de la commission Charbonneau était assez courte sur cette question-là, et on prenait peut-être certains raccourcis quant à certaines questions, notamment au niveau de l'ajout de certaines responsabilités, sans nécessairement y voir la nécessité, avec tout ce qu'ils proposaient comme ajouts, par exemple, de surveiller les dirigeants d'organismes au niveau de leur éthique, les présidents, les sous-ministres, voir si les sous-ministres font bien leur job, voir si les municipalités font bien leur job, sans ajouter éventuellement de ressource ou de financement supplémentaire. Et là-dessus je pense que nous avons donné certaines réserves.

Mais par ailleurs, au-delà de modifications qui pourraient être apportées du fait qu'évidemment le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, actuellement, là, a une seule responsabilité, c'est relativement aux membres de l'Assemblée nationale, donc, il peut être très proche de ces membres-là, un commissaire qui aurait une responsabilité intégrée devrait évidemment faire en sorte que c'est probablement plus des gens de son équipe, là... qu'il ne pourrait pas toujours être là, comme le Commissaire à l'éthique et à la déontologie, auprès des députés. Donc, il faudrait que les députés apprennent que ça serait éventuellement des membres de son équipe ou de son adjoint qui agiraient. Mais, à part de cela, je pense qu'il y a une idée là-dessus qui pourrait être intéressante.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Oui. Dans le document dont vous parlez, que vous nous avez fait parvenir... J'imagine que vous n'avez pas objection à ce qu'on le cite?

M. Casgrain (François) : Non.

M. Drainville : Ça vous va?

M. Casgrain (François) : Ça va.

M. Drainville : Très bien. Alors, ce document, donc, qui s'intitule Réflexions du Commissaire au lobbyisme relativement à certaines recommandations de la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction, je me permets de citer, puisque vous avez vous-même reconnu l'avoir distribué à l'ensemble des acteurs, vous écrivez un certain nombre de choses.

Vous parlez effectivement du regroupement de l'expertise au sein d'un seul organisme, qui pourrait permettre de porter un regard plus intégré en matière d'éthique et de lobbyisme et favoriser le développement d'une culture d'intégrité globale et cohérente. Vous êtes très, très cohérent, c'est le cas de le dire, par rapport aux propos que vous venez de tenir.

Vous dites : «D'autres juridictions canadiennes confient l'encadrement du lobbyisme à un commissaire qui est également responsable de veiller à l'encadrement des règles d'éthique.» Mais vous ajoutez ceci : «Cependant, aucune de ces juridictions — canadiennes, donc — ne confie l'application de ces règles au regard de l'ensemble des institutions parlementaires, gouvernementales et municipales. Il s'agirait d'une première au Canada. Le regroupement en une seule entité des dimensions de l'éthique et du lobbyisme pour tous ces paliers [...] pose un défi de taille, notamment en raison du grand nombre d'institutions en cause.»

Parmi ces institutions, il y a l'ensemble des lois qui seraient concernées et il y en a vraiment plusieurs qui tomberaient sous le chapeau de ce nouveau commissaire qui s'appellerait le Commissaire à l'éthique et au lobbyisme... enfin... Oui, voilà, c'est ça. Et donc il faudrait, d'une certaine façon, consolider l'ensemble de ces lois pour éventuellement avoir une cohérence, justement, à travers ces lois.

Alors, je souligne, parmi ces lois, il y a bien entendu la loi qui crée le code de déontologie. Il y a la loi, évidemment, qui... la loi sur le lobbyisme. Je ne donnerai pas le titre au long, là. Ensuite de ça, il y a la loi, dans les municipalités, qui s'appelle la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale. Ensuite de ça, il y a la loi qui... le Règlement sur l'éthique et la discipline dans la fonction publique, qui concerne le personnel de l'État, n'est-ce pas? Bien entendu, c'est la Commission municipale qui veille à l'application de la Loi sur l'éthique et la déontologie. Donc, nécessairement, la Commission municipale serait concernée. Est-ce qu'il m'en manque? Est-ce que j'en oublie?

M. Casgrain (François) : La Loi sur le ministère des Affaires municipales aussi serait concernée, compte tenu de la nature des... peut-être des plaintes, l'organisme qui est chargé des plaintes, malgré qu'il resterait pour d'autres types de plaintes. Mais effectivement, vous avez bien noté, il y a quatre juridictions au Canada — je peux peut-être juste commencer par celles-là —quatre juridictions, au Canada, qui donnent effectivement la responsabilité du lobbyisme au commissaire à l'intégrité ou au commissaire... un commissaire à l'éthique, tout dépendant des noms qu'ils portent dans les autres juridictions canadiennes, qui sont généralement des juridictions de... en tout cas, l'Ouest et Centre. C'est Alberta, Saskatchewan, Manitoba, Ontario.

Cependant, il y a six autres juridictions qui ne confient pas les responsabilités du lobbyisme au commissaire à l'intégrité. C'est notamment le cas en Alberta, où est-ce que c'est au niveau de l'accès. Au Nouveau-Brunswick, la loi n'est pas encore en vigueur, mais c'est le Protecteur du citoyen. Et, en Nouvelle-Écosse, par exemple, c'est au niveau du municipal.

Indépendamment de cela, ce que je veux juste mentionner, c'est qu'il y a des régimes distincts en fonction de la perception que l'on a de la réalité, mais dans aucune juridiction canadienne le lobbyisme ne touche les municipalités. En Ontario, certaines municipalités se sont redonné des règlements sur le lobbyisme, mais ces règlements-là peuvent différer en fonction de ce que ces municipalités-là adoptent comme règles. Et, par exemple, c'est là que je le mentionnais, c'est que c'est sûr qu'au niveau du Québec, si on donne ça à un commissaire à l'éthique et au lobbyisme et on inclut toutes les municipalités en plus de l'Assemblée nationale, c'est...

M. Drainville : ...plus de personnel, fonctionnaires...

M. Casgrain (François) : ...à plus de personnel plus les ministres, comme je le disais tout à l'heure, à mon avis, c'est quand même assez gros.

M. Drainville : Assez quoi? Assez quoi?

M. Casgrain (François) : Et à ce moment-là les règles sont différentes aussi au niveau de ces différentes juridictions là. Il faudrait avoir une harmonisation, ce qui serait plus compliqué si on voulait regrouper toutes les juridictions. Mais ce n'est pas impossible, mais ça serait évidemment une première, et le défi serait effectivement de taille.

• (20 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Marie-Victorin.

M. Drainville : Vous n'êtes pas contre, mais mettons que vous soulevez tellement de questions et vous identifiez un très grand nombre de difficultés, si bien qu'on finit par comprendre que ce n'est pas nécessairement votre première option.

M. Casgrain (François) : Regrouper tout? Non.

M. Drainville : Tout étant? Précisez, là. Tout étant?

M. Casgrain (François) : Tout était le municipal, l'Assemblée nationale, le député, la responsabilité au niveau des ministères, là. Disons, je vous parle de la recommandation 54 et les suivantes, là, de la commission Charbonneau, qui parlent également de...

M. Drainville : 54, là, précisons-le, O.K.? Je le cite. Je cite le rapport de la CEIC, là : «Un pouvoir de surveillance touchant l'ensemble des élus provinciaux et municipaux et de leur personnel politique, des sous-ministres, des dirigeants d'organismes publics [...] des présidents de conseil d'administration [et] des organismes et des entreprises d'État.» En fait, on regroupe tout ça au sein d'un même organisme : «[Adopter] une loi regroupant au sein d'un même organisme les instances de contrôle et d'application des règles d'éthique et de lobbyisme de l'État québécois et de ses municipalités, incluant...» Donc, les élus provinciaux et municipaux, leur personnel politique, les sous-ministres, les dirigeants d'organisme public, les présidents de conseil d'administration des organismes et des entreprises d'État.

M. Casgrain (François) : C'est ça.

M. Drainville : Vous trouvez que c'est...

M. Casgrain (François) : C'est gros.

M. Drainville : La bouchée est grosse, mettons.

M. Casgrain (François) : Oui.

M. Drainville : O.K.

M. Casgrain (François) : Donc, dans la commission Charbonneau, ils voyaient... elle, évidemment, au niveau du municipal, pour elle, l'avantage, la question de l'éthique et du lobbyisme, des questions qui peuvent éventuellement... d'être connexes, d'avoir une entité indépendante et éventuellement pouvant avoir un effet, si on peut dire, positif sur l'ensemble des questions éthiques et du lobbyisme.

Oui, je vous dirais ceci, cependant, M. le député, c'est qu'il ne faut jamais oublier que ça ne peut pas être une panacée. On ne peut pas dire : On vous confie la responsabilité, et maintenant tout va bien aller. On a un seul commissaire qui s'occupe de tout.

Il faut toujours se rappeler que les titulaires de charge publique, quels qu'ils soient, ont une responsabilité. Les leaders, dans leur milieu, ont un rôle fondamental à jouer. C'est eux qui vont indiquer la direction, c'est eux qui peuvent indiquer également quelles sont les règles qu'on veut qui soient suivies. On peut établir des règles, mais le commissaire, qui est éventuellement à Québec ou qui serait même à Montréal, peu importe l'endroit où il se trouve, ne peut agir seul. Il doit compter sur une responsabilisation des titulaires de charge publique et un rôle des leaders politiques. Et, à cet égard-là, je pense que c'est ça qui est le plus important si on veut vraiment avoir une culture éthique.

M. Drainville : Vous n'avez pas besoin de...

Le Président (M. Ouellette) : 50 secondes... M. le député de Deux-Montagnes...

M. Drainville : ...nous convaincre de ça, Me Casgrain. La responsabilisation de chacun des titulaires de charge publique, nous en sommes.

Mais je me permets quand même de revenir à ce rapport que vous avez fait parvenir à l'ensemble des formations politiques. Vous soulevez dans ce rapport-là... Alors, j'en lis un autre extrait. Vous dites : «La commission soulève l'application de normes contradictoires ou incompatibles. Cela signifie-t-il qu'il faudra uniformiser toutes les règles? Quelle série de règles sera privilégiée?»

Là, vous ajoutez, par exemple, dans le domaine municipal : «...bien que la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale exige un contenu minimal, chaque municipalité dispose de son propre code d'éthique et de déontologie. Aussi, cette loi ne s'applique qu'aux municipalités locales et au préfet élu d'une MRC, le cas échéant. [Alors que] la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme s'applique beaucoup plus largement — aux municipalités, MRC, organismes municipaux et supramunicipaux.»

Bon, si vous aviez, vous, la possibilité d'améliorer le fonctionnement de ces deux grandes institutions, comment est-ce que vous agiriez? Est-ce que... parce que, dans ce que vous dites et dans ce que j'ai lu ici, il y a différentes combinaisons possibles. Par exemple, on pourrait décider que toute la question de l'éthique, y compris dans le monde municipal, pourrait être regroupée sous un seul ensemble, par exemple, parce qu'actuellement, on le disait, pour ce qui est de l'éthique et de la déontologie, la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale, elle relève de la Commission municipale. Les municipalités ont leur propre code d'éthique. Puis, bien, évidemment, il y a la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme qui s'applique aux titulaires de charge publique dans le milieu municipal, hein? Bon.

Alors, j'imagine que, dans les différentes hypothèses, il y a la possibilité de regrouper tout le mandat éthique sous un seul chapeau. Ou encore on pourrait dire : Bon, bien, tout ce qui est municipal, éthique et lobbyisme, on le regroupe à un seul endroit et... Par exemple, ça pourrait être le Commissaire au lobbyisme qui pourrait être responsable de tout le lobbyisme, donc tous les titulaires de charge publique, et qui pourrait prendre l'aspect, la dimension éthique, mettons, et déontologie dans le monde municipal. Et à ce moment-là le Commissaire à l'éthique, lui, pourrait conserver ses fonctions actuelles par rapport à l'Assemblée nationale puis au Conseil exécutif, par exemple.

Le Président (M. Ouellette) : ...dernière réponse de ce bloc-là.

M. Casgrain (François) : Oui. Donc, c'est sûr que...

M. Drainville : Parce que j'essaie de voir, moi, est-ce qu'on est des... On est ici pour essayer de voir comment on peut améliorer le fonctionnement de nos institutions.

M. Casgrain (François) : C'est sûr que...

M. Drainville : On a besoin de votre éclairage, là, Me Casgrain.

M. Casgrain (François) : Oui. Le Commissaire au lobbyisme, actuellement, a une juridiction qui touche évidemment autant les niveaux parlementaire, gouvernemental et municipal. Et je pense que c'est important que ça soit de façon horizontale. Plusieurs des mandats, si on regarde au Registre des lobbyistes, par exemple, vont toucher des mandats qui sont soit multisectoriels ou multipaliers. Je fais du lobbyisme pour une entreprise qui a besoin d'un agrandissement de son entreprise, je vais faire des représentations au niveau municipal, je vais en faire auprès d'Investissement Québec, je vais en faire auprès du bureau du ministre, éventuellement du député. Est-ce qu'on peut dire : Bien, le municipal va être d'un bord puis l'autre? Je pense que non. Je pense que la situation comme on l'avait fait...

M. Drainville : Le mandat lobbyisme, il faut le centraliser.

M. Casgrain (François) : Comme on l'a actuellement, ça m'apparaît effectivement un registre centralisé et beaucoup mieux que la situation, par exemple, ontarienne où les municipalités, à la pièce, se mettent à se donner chacun un registre, des règles un peu différentes chacune à leur façon. Et quelqu'un est obligé d'aller regarder tous ces registres-là s'il veut savoir exactement si une entreprise fait des représentations auprès de différentes municipalités, alors que nous, un registre centralisé, on est capables de voir, pour une entreprise, où il se fait. Donc, ça, c'est un avantage indéniable du système québécois.

Est-ce qu'on pourrait faire la même chose au niveau éthique? Et là c'est là que j'ai compris votre question un petit peu. Oui, on pourrait possiblement le faire. Évidemment, l'avantage d'avoir un Commissaire à l'éthique et à la déontologie pour les membres de l'Assemblée nationale, les membres du personnel, bon, politique, que ce soit au niveau ministériel ou au niveau des personnels de député, a aussi ses avantages. C'est une personne dédiée. C'est une personne qui s'occupe de ces situations-là. C'est une personne qui a une réalité qui est très proche des députés. Le désavantage qu'il a, c'est le Commissaire à l'éthique et à la déontologie qui pourrait plus vous en parler, c'est la petitesse un petit peu de son organisation qui, à un moment donné, le sclérose un petit peu. Est-ce que c'est la seule raison pourquoi on doit lui donner plein de responsabilités? Je ne suis pas sûr. Est-ce qu'on doit commencer à diviser ça puis... donc, l'éthique municipale, l'éthique puis le lobbyisme comme c'est actuellement?

• (20 h 30) •

Évidemment, quand il y a eu des discussions sur la démocratie municipale... je veux dire, sur la déontologie, l'éthique et déontologie au niveau municipal en 2010... des questions qui se sont posées, hein? Les municipalités sont venues : On veut ci, on veut être comme les membres de l'Assemblée nationale. On dit : Est-ce qu'on veut que ça soit juste des plaintes provenant de l'intérieur? Oui, mais, regarde, dans certaines municipalités, ils sont six, donc ils ne peuvent pas juste se... Donc là, on a dit : Non, n'importe qui peut éventuellement se plaindre d'un agissement d'un élu. Donc, les réalités sont différentes, et on a trouvé un modèle qui est différent. Le modèle, cependant, nous a amenés à une judiciarisation de chacun des cas.

La Commission municipale agit comme un organisme quasi judiciaire. Elle est là sur le banc et elle entend, puis il y a une difficulté au niveau... Je ne veux pas parler de la problématique de la Commission municipale, mais il y a une problématique qui a été engendrée par les amendements qui sont venus un petit peu de toutes parts. Peut-être qu'il faut regarder, revoir à nouveau le modèle, même si les municipalités l'aiment, parce qu'à l'heure actuelle, évidemment... Bon, puis il y a des bureaux, beaucoup de bureaux d'avocats aussi qui l'aiment, là, parce que, écoutez, ça fait travailler du monde des bureaux d'avocats, là, de façon importante, là. Et je pense que ce n'était pas l'idée de départ de la loi, et, à ce niveau-là, peut-être qu'il y a des interrogations, effectivement, à se poser. La commission d'enquête sur l'industrie de la construction a été très sévère pour la Commission municipale. Je pense qu'elle a été indûment sévère dans le sens de... sur certaines questions. La Commission municipale n'avait pas les ressources pour agir différemment. Ça, c'est l'autre point. Puis vous me permettrez...

Je m'excuse, M. le Président, de prendre un peu de temps, mais je pense que c'est important. Si on veut donner des responsabilités à un organisme, il faut lui donner les ressources pour les exercer. Si on ne veut pas lui donner ou si on pense qu'on veut se limiter à tant de ressources, il faut lui donner les responsabilités qu'il est capable de faire avec tant de ressources. Et là-dessus je pense qu'une des problématiques de la Commission municipale, ça a été ça. On lui a donné un pouvoir, supposément, dans sa loi... qui date d'ailleurs de mille neuf cent tranquille, elle a été adoptée en 1932. Il y a des dispositions — j'ai été président de la Commission municipale — qui sont encore là, qui étaient là en 1932 et qui n'ont pas d'allure. Cette loi-là, elle devrait être révisée et elle ne l'a pas été depuis longtemps. On a rajouté plein de bouts, là, mais je pense qu'il n'y a pas d'unité dans cette loi-là, et elle devrait être revue. Fermez la parenthèse. Et donc c'est ce que, peut-être, je pourrais dire en fonction de ce que vous m'avez demandé, M. le député.

M. Drainville : C'est une réponse très complète, c'est un beau survol. Je vous remercie. Je remercie le président pour sa patience, mais je pense que c'était quand même éclairant pour tous les membres de la commission et c'est du temps qui m'est amputé sur le deuxième bloc, de toute façon. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Ouellette) : Bien, je suis fin de vous amputer du temps, mais effectivement c'était un échange qui était important et qui devait se faire. Puis je pense que c'était important qu'on aille au bout des réponses de part et d'autre. Et, M. le député de LaFontaine, vous prenez la suite.

M. Tanguay : Pour 15 minutes, je pense, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Bien... Oui, ça va dépendre de vous.

M. Tanguay : O.K. «Just watch me.» Du Commissaire au lobbyisme, moi... Puis c'était un débat intéressant, effectivement, le collègue de Marie-Victorin, mais ne croyez-vous pas qu'il faudrait voir tout ça, ces questions-là, sous le spectre de la finalité au lendemain d'une enquête? Si d'aventure le Commissaire à l'éthique était aussi Commissaire au lobbyisme ou, vice versa, le Commissaire au lobbyisme était Commissaire à l'éthique, dans le contexte où, même, on pourrait considérer de modifier les modes de sanction non pas par un vote des deux tiers de l'Assemblée nationale, donc des pairs, mais par une sanction imposée par le commissaire, il y aurait des trains qui quitteraient la gare à la même date, mais les sanctions ne seraient pas matérialisées au même moment. Rapidement, le député, dans une relation avec un lobbyiste, serait sanctionné, alors qu'un lobbyiste pourrait, oui, être radié, mais il pourrait y avoir des enquêtes qui seraient transférées à la direction des affaires criminelles et pénales.

Autrement dit, il n'y a pas là une antinomie fondamentale — et je ne réponds pas à la question, je me fais la réflexion, puis vous allez nous aider — entre les finalités des sanctions, leur exécution très rapide et expéditive, selon la nature même... On parle d'élus, là, de 125 députés à l'Assemblée nationale, qui reçoivent un rapport, semble-t-il, en vertu du commissaire... Puis c'est sans droit d'appel, là, je ne peux pas aller en Cour d'appel, ce n'est pas la décision d'un... appelable. On le sanctionne assez rapidement, de façon diligente, et, parallèlement à ça, pour des faits, dans une même cause, qui sont allégués, bien là on peut prendre votre exemple, 2008‑2016, il n'y aurait pas un danger, là, où un des acteurs de cette mauvaise pièce de théâtre est sanctionné, puis c'est un élu, dans les six mois, puis après ça, bien, il y a un lobbyiste, en quelque part, qui a été un rôle principal ou secondaire, peu importe... Lui, quel type de défense pleine et entière pourra-t-il avoir? Et, aux yeux du public, la cause ne sera-t-elle pas déjà entendue? Alors, il y a ça qui m'interpelle, moi. Je ne sais pas ce que vous en pensez?

Le Président (M. Ouellette) : M. Casgrain.

M. Casgrain (François) : Il y a peut-être plusieurs éléments à ce que vous mentionnez. C'est sûr que la relation... parce qu'il faut dire que... Je débuterais comme ceci. Il y a peu de dossiers que le commissaire a eus où il y avait, si on peut dire... qu'il y aurait eu un manque, de la part d'un titulaire de charge publique, de ses normes d'éthique et de déontologie.

Souvent, évidemment, c'est du côté du lobbyiste, le fait de ne pas avoir été transparent, si on peut dire, de ne pas avoir déclaré, de ne pas avoir indiqué, de ne pas avoir son mandat au registre des lobbyistes... avoir indiqué son mandat au registre des lobbyistes, d'où éventuellement un manquement à la loi. Et ce manquement à la loi là, c'est sûr et certain que... Puis souvent je dis aux titulaires de charge publique : C'est pour ça que c'est important que vous vous en occupiez parce que c'est effectivement dans une relation souvent avec un élu ou avec un autre titulaire de charge publique de haut niveau que peut... avoir eu cette relation-là, et on va mettre en doute, éventuellement, la décision qu'on va prendre. Et c'est vous qui allez éventuellement porter le chapeau, qui avez plus de chances de porter le chapeau, même si la responsabilité appartient éventuellement au lobbyiste, et sans faute déontologique.

Bon, dans le cas d'espèce que vous me mentionnez, c'est qu'il y aurait eu une faute déontologique de la part de l'élu, éventuellement, qui, éventuellement, pourrait être sanctionnée, là, tout dépendant si on parle d'un membre de l'Assemblée nationale. Évidemment, ce que je disais tout à l'heure, je ne mentionnais pas que c'était nécessairement le commissaire. C'est le commissaire qui doit prendre ces... d'en arriver à cette conclusion-là. Le commissaire prend une décision, ce qui en est appelable... Et ce que je comprends, c'est qu'évidemment c'est de la régie interne de l'Assemblée, ce qui est différent des corps municipaux, là, qui ne sont pas... ils n'ont pas la même... au niveau constitutionnel, ils ne sont pas au même niveau qu'évidemment les membres de l'Assemblée nationale.

Et je pense qu'effectivement à ce que le lobbyiste aurait le droit à une défense pleine et entière parce que... Mais je pense que c'est des fautes éventuellement différentes et je pense qu'on peut avoir un système qui est double. C'est sûr qu'ils ne seront pas au même niveau, et ça, c'est une préoccupation qu'il faut... un questionnement qu'il faut avoir, mais je ne suis pas sûr que c'est antinomique, nécessairement.

Le Président (M. Ouellette) : Monsieur...

M. Tanguay : Mais néanmoins vous venez de dire que ça serait deux systèmes différents avec un seul arbitre.

M. Casgrain (François) : Bien, un seul arbitre, c'est-à-dire que le Commissaire au lobbyisme n'arbitre pas, c'est les tribunaux qui arbitrent dans le cas, entre guillemets, du lobbyiste. Dans le cas de l'élu, bien, c'est... évidemment, les membres de l'Assemblée nationale disent : On nomme quelqu'un pour occuper des fonctions, en tout cas, lorsqu'il s'occupe des membres de l'Assemblée nationale, donc une personne que l'on désigne pour nous remplacer parce que nous, on est susceptibles d'être un peu en conflit d'intérêts parce que c'est soit quelqu'un de notre formation politique ou celui d'une formation adverse. Et là il peut y avoir une décision qui pourrait être teintée, en tout cas, si... même si les parlementaires font le meilleur travail qu'ils font, quelqu'un qui est de l'extérieur... parce qu'on parlait de ça tout à l'heure : Est-ce que quelqu'un pourrait voir dans cela évidemment un parti pris? Et c'est là que guette... éventuellement les membres de l'Assemblée nationale dans la décision qu'ils peuvent prendre.

Évidemment, quand le commissaire, dans la situation actuelle, ne recommande pas de sanction, bon, bien, ce n'est pas problématique pour les membres de l'Assemblée nationale. Il n'y en a pas encore eu dans le cas où il recommanderait une sanction. Qu'est-ce qui serait fait? On n'a pas encore d'exemple. Je ne suis pas sûr que l'Assemblée qui suivrait la recommandation serait problématique, c'est dans le cas où il ne le suit pas qu'il y a un problème qui risque de se poser aux yeux du public.

• (20 h 40) •

M. Tanguay : Bien oui, tout à fait. Même si on ne change pas la loi, il y a un problème, comme vous venez de l'illustrer... bien, un problème, il y a un défi là à réconcilier. Et donc seriez-vous... Si je pousse le raisonnement un pas plus loin, iriez-vous à nous dire que, si, d'aventure, là, on voulait fusionner les deux postes de commissaires, il ne faudrait pas donner suite a fortiori à la recommandation 22, qui permettrait au commissaire fusionné d'imposer la sanction dans le cas du député?

Alors, vous êtes dans un scénario où vous avez un lobbyiste et un élu de l'Assemblée nationale qui auraient, de façon alléguée, suite à votre enquête ou à l'enquête du commissaire fusionné, je vais l'appeler comme ça, mal agi. Et là, dans le cas du député, bien, c'est final et sans appel, vous recommandez une sanction qui est appliquée selon la recommandation 22. Puis, dans l'autre cas, bien, il y aura un processus avec audi alteram partem et droit d'appel, et ainsi de suite. C'est là où vous... Est-ce que vous recommanderiez de ne pas, si d'aventure on fusionne les deux, a fortiori... n'allez pas donner suite à la recommandation 22, de permettre au commissaire fusionné d'imposer une sanction à l'un des deux acteurs, qui est le député?

Le Président (M. Ouellette) : Me Casgrain.

M. Casgrain (François) : En vous écoutant, j'ai eu un doute sur ma lecture que j'avais eue de la recommandation 22. Quand je lis la recommandation 22, elle m'apparaissait être applicable aux membres du personnel de députés ou aux membres d'un cabinet ministériel. Et là on dit : Le Conseil exécutif, dans le cas du cabinet ministériel, pourrait déléguer éventuellement... donc, le Conseil des ministres pourrait déléguer au Commissaire à l'éthique et à la déontologie relativement à un membre de son personnel parce qu'il est mal placé pour éventuellement sanctionner ou ne pas sanctionner le membre du personnel de cabinet. La même chose pour le personnel de députés, par le biais du Bureau de l'Assemblée nationale. Donc, c'est là que je disais que je divergeais peut-être un peu d'opinion. C'est oui ou c'est non. Je ne comprenais pas, dans les recommandations du commissaire... Bon, évidemment, votre question va peut-être plus loin que la recommandation 22, mais, si on donnait suite à la recommandation 22, c'est plus au niveau des membres de personnel.

Ce que moi, j'avais compris, c'est qu'évidemment l'Assemblée nationale, elle est souveraine, c'est elle qui décide notamment de la discipline de ses membres. Donc, elle confie l'enquête à un commissaire indépendant puis, bon, toutes les règles concernant les déclarations, les conflits d'intérêts, mais elle se garde la responsabilité d'établir éventuellement la sanction applicable ou... c'est-à-dire la sanction applicable en tenant compte ou non de la recommandation du commissaire. Donc, je ne comprenais pas qu'il changeait cet état de choses dans son rapport.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine.

M. Tanguay : Bien, vous avez tout à fait raison, la recommandation 22 traite des employés. Par contre, le débat avait été ouvert avec le Commissaire à l'éthique sur peut-être, le cas échéant... parce que nous ne sommes pas stricto sensu liés à la rédaction des 23 recommandations, mais il s'agit d'une occasion. Mais vous avez tout à fait raison, la recommandation 22 traite les employés. Mais, le cas échéant, la question avait été posée, et le débat avait élargi aussi à la sanction qui pourrait être imposée ou demandée... imposée par le Commissaire à l'éthique lorsqu'il vise également un comportement de député. Là, également, le raisonnement s'applique aussi en matière d'un employé où un employé est impliqué où, là, la recommandation... la sanction est sans appel, là, également. Alors, c'est là où le raisonnement...

Et, même dans un cas où on ne change pas le code actuel, où le commissaire recommande une sanction quand même assez substantielle à un élu, c'est là où je voyais... et ça participe... En tout cas, votre réflexion nous aide à y voir un peu plus clair... des défis qu'aurait... parce que le commissaire nouveau, la nouvelle mouture aurait à jongler avec plusieurs balles et des balles qui seraient de formes différentes : un élu, un employé d'élu, un lobbyiste, avec des obligations tout à fait distinctes dans un contexte où — et je vous rapporte à notre premier bloc d'échange, vous et moi — votre grille d'analyse, moi, peut-être de façon réductrice, je le dis, elle est peut-être stricto sensu une responsabilité stricte en matière de loi sur le lobbyisme — vous avez passé sur le feu rouge ou pas — versus une analyse de comportement d'un élu ou même d'un employé d'élu. Une personne normalement prudente et diligente aurait-elle dérogé de ce comportement type là souhaité.

Alors, ce sont... Puis, peut-être pour une dernière opportunité d'échanger sur ce sujet-là, parce qu'il y a d'autres objets dont j'aimerais traiter avec vous, je voulais juste, donc, m'assurer de voir quels seraient, selon vous, les défis, l'ampleur des défis et jusqu'à quel point on peut mélanger ces différents éléments de nature, là. Sans dire que c'est l'huile et l'eau et que ça ne se mélange pas, là, c'est différent.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, trois minutes, M. Casgrain.

M. Casgrain (François) : Oui. Rapidement. Ce que je n'ai pas mentionné jusqu'à maintenant, il faut dire que, dans le Code de déontologie des lobbyistes — puis je n'oublie pas votre question — il y a une obligation. Il y a une obligation déontologique de la part du lobbyiste, vous avez raison, c'est de ne pas amener... ou amener le titulaire de charge publique en contradiction avec ses normes d'éthique et de déontologie, les normes de conduite qui lui sont applicables.

Donc, éventuellement, s'il y a une norme déontologique pour un élu, il ne peut pas recevoir un cadeau, disons, d'un certain montant ou déraisonnable, je ne peux pas lui offrir, je ne peux pas le tenter. Même juste le tenter, même si l'autre le refuse, c'est éventuellement... Effectivement, ça peut être une faute déontologique pour le lobbyiste. On ne doit pas placer, donc, le titulaire de charge publique dans une situation où est-ce qu'il pourrait contrevenir à son code d'éthique et de déontologie. Donc, ça, je pense que c'est tout à fait important, toutes ces normes-là, parce que c'est ça qui va régir le décideur public, là, celui qui va prendre la décision.

Maintenant, quand on est du côté du décideur, ou le titulaire de charge publique, ou membre de l'Assemblée nationale, on a à prendre une décision, on a des normes, on s'est fait offrir quelque chose et, malencontreusement, disons que le membre l'accepte, moi, je pense que ce n'est pas pour rien qu'il n'y a pas eu de problématique jusqu'à maintenant, mais il pourrait y en avoir si jamais certaines recommandations que je faisais concernant le financement étaient touchées. Mais là c'est important parce que c'est tout notre système qui est basé...

Est-ce qu'il y a un défi de confier ça au commissaire? Bien sûr qu'il y a un défi. Et je pense qu'il faut qu'il y ait des règles qui s'appliquent. Au niveau municipal quand est arrivé le niveau municipal, on a voulu confier, au départ, à la Commission municipale, puis je pense que c'était un pouvoir de sanction, c'est lui qui sanctionne. Au départ, est-ce qu'on en fait un pouvoir de recommandation? Évidemment, c'est ce que les élus voulaient. Les élus municipaux, ils voulaient que ce soit un pouvoir de pure recommandation au conseil municipal. Alors, finalement, ici, on a décidé que ça allait être un pouvoir décisionnel, donc un pouvoir de décider s'il y a eu un manquement, la nature du manquement et, éventuellement, la sanction pour éviter le conflit d'intérêts probablement plus important ou plus susceptible de survenir au niveau municipal parce que plus petite équipe. Généralement, les conseils sont composés, des fois, de tous les membres de la même équipe, ce qui n'est pas le cas généralement à l'Assemblée nationale, même s'il peut y avoir des majorités. Donc, c'est sûr que le défi est différent.

Le défi, au niveau de l'Assemblée, c'est que l'Assemblée est toujours — et au niveau des privilèges parlementaires — responsable de la discipline de ses membres. Est-ce qu'il peut le confier à une autre personne? Oui, mais il faut qu'il y ait des règles permettant à la personne de se défendre de façon pleine et entière, et je pense que c'est possible. C'est peut-être un défi, mais évidemment ça, c'est une discussion que vous, les députés, devez avoir. Mais je pense que ce n'est pas... un n'empêcherait pas l'autre.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de LaFontaine, je vous dirais, votre temps est écoulé.

M. Tanguay : Oui. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois. Merci pour votre présence ce soir.

Mes collègues ont invoqué, un petit peu plus tôt, une des recommandations de la commission Charbonneau qui viserait à réunir, pour ne pas dire fusionner, les services du Commissaire à l'éthique et vos services à vous. Vous avez parlé de la complexité, ce que ça pourrait engendrer comme responsabilités. Mais, au niveau du député ou de la députée elle-même, il y aurait certainement des avantages à mieux s'y retrouver.

Je vous lance quelques petites questions, puis on pourra peut-être interagir là-dessus. Quelle est la ligne entre le citoyen qui vient voir son député et celui que l'on pourrait associer à un lobby? Je vous donne un exemple que l'on a certainement tous vécu au cours des dernières semaines au niveau de l'industrie du taxi, par exemple. On a des commettants qui sont chauffeurs de taxi, donc qui viennent nous interpeller par rapport à une réalité qui les inquiète. Pour nous, c'est le commettant que l'on reçoit, mais, en même temps, cet individu-là participe ou fait partie d'une corporation ou d'une association de chauffeurs de taxi. Quelle est la limite et comment le député peut bien départager le commettant du potentiel lobbyiste qu'il reçoit à son bureau de circonscription?

Le Président (M. Ouellette) : M. Casgrain.

• (20 h 50) •

M. Casgrain (François) : Bonne question, difficile, s'il en est, un peu à répondre dans le sens suivant. C'est sûr que le citoyen, en tant que citoyen, peut interpeller en tout temps, pour son cas personnel, évidemment, un député et il ne fait pas de lobbyisme en ce faisant. Évidemment, le lien entre le commettant doit continuer d'exister. La problématique que vous soulevez, c'est celui qui... est-ce qu'il agit en tant que citoyen pour lui-même ou il agit en tant que citoyen pour finalement soit son entreprise ou soit la corporation? S'il agit pour la corporation, là évidemment qu'il agit... il est éventuellement un lobbyiste.

Évidemment, ce qu'on va regarder souvent, c'est : Est-ce qu'il y a une inscription au registre? Souvent, il va y avoir une inscription. Si on regarde... bien, en tout cas, l'exemple de l'industrie du taxi, à cet égard-là, on voit qu'il y a des mandats qui sont inscrits, un, en faveur d'Uber, qui avait inscrit un mandat. La corporation des chauffeurs de taxi ou certains organismes ont enregistré des mandats. Il y a certaines situations, comme celui qui est peut-être... est-ce qu'il agit pour lui-même, qui est plus difficile à déterminer. Mais, de façon générale, c'est ce qu'on va regarder. S'il y a un mandat d'inscrit, il est clair qu'on va travailler pour éventuellement défendre l'industrie du taxi. Puis la personne qui est chauffeur de taxi vient vous voir, bien, normalement, on considère quand même une transparence dans son action.

M. Charette : Dans la même perspective, le député ou la députée, dans son bureau de circonscription, peut recevoir des mandataires de sociétés d'État. Est-ce qu'une société d'État peut faire ce que l'on pourrait concevoir être du lobbying? Est-ce qu'il y a nécessité, dans son cas, d'un enregistrement particulier ou c'est une relation qui est normale, qui ne nécessite pas d'enregistrement ou de suivi particulier?

M. Casgrain (François) : Donc, dans la loi, on prévoit que quelqu'un qui est titulaire de charge publique, c'est-à-dire qui fait partie d'une institution publique ou qui représente une institution publique, lorsqu'il est dans le cadre de, on va dire, l'exercice de ses fonctions, il ne fait pas du lobbyisme lorsqu'il intervient pour, si on peut dire, l'organisme pour qui il travaille. Comme pour le député qui fait des représentations, même auprès d'un ministre, ou le maire qui vient voir le député ou le ministre responsable de sa région administrative ne fera pas... on ne considérera pas qu'il fait du lobbyisme, même si ça s'apparente, là. Par exemple, je viens voir, en faveur d'une industrie qui se retrouve dans ma municipalité, plaider en faveur de cette industrie-là, le maire. Il ne sera jamais considéré comme faisant du lobbyisme. Il fait sa job, là, lui, là. Évidemment, si c'est la personne de l'entreprise qui vient voir le député pour que le député intervienne, lui, il doit s'inscrire parce qu'il fait une représentation pour essayer d'influencer... pour que le député l'aide à influencer la décision. C'est peut-être la différence que je ferais à votre question.

M. Charette : Toujours de tracer un petit peu la limite parce que c'est réellement le quotidien, là, qui est nôtre au niveau des bureaux de circonscription. On a parlé du chauffeur de taxi, l'entrepreneur ou la propriétaire d'une entreprise quelconque qui interpelle son député se place dans la même situation, étant donné que c'est sa réalité. Elle n'est pas membre d'une association qui pourrait défendre ses intérêts, est-ce que cette personne-là fait du lobbying ou elle est considérée comme un commettant ou une commettante qui vient solliciter les avis ou sinon l'intervention de son député?

M. Casgrain (François) : Il faut regarder, là, évidemment, la nature de la communication qu'il fait auprès du député. Si, évidemment, c'est une communication qui vise vraiment à influencer la prise de décision qui va lui être positive, notamment quand la personne a un pouvoir ou l'institution publique a un pouvoir de décision, c'est plus clair quand elle intervient, quand la personne intervient pour son entreprise. Puis là je comprends, les bureaux de député, c'est là où c'est le plus difficile, c'est là qu'on reçoit probablement le plus de monde, le plus de réalités différentes. Et celle que vous dites, la personne vient pour son entreprise, pour essayer de favoriser son entreprise, pour essayer de faire en sorte que le député intervienne pour l'aider à ce qu'il l'obtienne, bien, c'est là qu'à ce moment-là il y a éventuellement, effectivement, une activité de lobbyisme qui pourrait être à déclarer.

M. Charette : Si le même entrepreneur a, par exemple, des problèmes avec Hydro-Québec, exemple, là ce n'est plus faire valoir ou souhaiter un changement de réglementation qui pourrait le favoriser, mais bien le citoyen corporatif qui sollicite, comme un citoyen pourrait solliciter son député pour obtenir son aide à régler une situation et...

M. Casgrain (François) : Chaque fois, avoir une... Excusez-moi, je n'ai pas attendu le «cue».

Le Président (M. Ouellette) : Mais ça va bien, vous avez une bonne conversation. Puis je pense que l'audio est capable de suivre. Ça va super bien.

M. Casgrain (François) : Excusez, j'ai juste perdu mon idée... Oui, Hydro-Québec. Évidemment, je suis un entrepreneur, j'ai un problème avec Hydro-Québec, j'essaie d'influencer une orientation, l'obtention d'un permis, l'obtention d'un contrat. Non. Non, ce n'est pas toutes les communications, là, il faut qu'elles soient liées soit à une question réglementaire, une question d'un programme... je veux qu'on instaure un programme...

La problématique, notamment, souvent, de, entre guillemets, plainte ou de problématique... ou aider à régler une problématique que l'on a n'est pas nécessairement du lobbyisme. Le lobbyisme, c'est vraiment une communication qui vise à influencer la prise de décision, certaines décisions identifiées dans la loi, notamment les lois, les règlements, les autorisations, par exemple, en environnement, ou un avantage pécuniaire, ou un contrat, et c'est ça qui est visé.

M. Charette : Je vous pose cette question-là, on est à revoir notre code d'éthique, actuellement. Est-ce que vous jugez que notre code d'éthique, pour ces questions-là, est suffisamment clair au niveau de la loi qui régit la relation entre le député et le Commissaire au lobbyisme? Est-ce que, là, on est aussi bien protégés ou il y a des améliorations qui pourraient être souhaitables?

M. Casgrain (François) : C'est sûr que, comme on l'a mentionné, je l'ai mentionné un peu dans mon allocution, la question du rôle du titulaire de charge publique est fondamentale relativement à sa relation avec le lobbyiste. Et, s'il est clair que le lobbyiste ne respecte pas la loi, il devrait y avoir une responsabilité qui, peut être... je ne sais pas si elle est sanctionnable ou peut-être qu'il faut uniquement l'indiquer comme étant une responsabilité claire que l'on a. À l'heure actuelle, il y en a qui disent qu'ils l'ont, il y en d'autres qui ne le disent pas, malgré que, dans un sondage auprès des titulaires de charge publique... disent que 96 % estiment qu'ils ont une responsabilité, mais, quand ils viennent pour l'appliquer, c'est genre, excusez-moi mon éducation judéo-chrétienne : Éloigne de moi ce calice.

On aimerait mieux ne pas avoir à s'en mêler puis à y toucher, sauf que, si on ne s'en mêle pas, si on joue un peu... Puis, cet après-midi, il y a une image qui m'est venue, puis je ne voudrais pas l'utiliser puis prendre trop de votre temps, mais, tu sais, Aurore l'enfant martyre. Vous allez me dire : Pourquoi je vous parle d'Aurore l'enfant martyre? Mais tous les voisins savaient. On ne se mêle pas de ce qu'il se passe chez le voisin, on ne se mêle pas de ce qu'il se passe... Même le père disait : Moi, je ne me mêle pas, je veux garder ma vie de couple. À un moment donné, si on ne se mêle de rien, bien... puis on laisse tout aller, bien, il y a des choses importantes qu'on va rater.

Donc, c'est dans ce sens-là que le rôle du titulaire de charge publique, du député, relativement à l'activité de lobbyistes qui est faite après de lui, il faut que ça soit clair qu'il a une responsabilité. Est-ce que c'est dans le code d'éthique? À Toronto, à Ottawa, dans certaines municipalités ontariennes, c'est le cas. Il y a carrément une disposition qui le prévoit qu'ils ont un rôle à jouer, et ils doivent le jouer. S'assurer, par exemple, notamment à Toronto, que le lobbyiste qui s'adresse à lui est inscrit au registre.

M. Charette : Et c'est un article...

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Deux-Montagnes.

M. Charette : Merci, M. le Président. Donc, c'est un article qui est intégré en bonne et due forme au code d'éthique des élus ontariens et qui, sans que ça soit du mot pour mot, se libelle de façon assez générale?

M. Casgrain (François) : Non, qui se libelle de façon assez claire, qui dit que le titulaire de charge publique ne peut, si on peut dire, avoir des communications avec quelqu'un qui tente de l'influencer sans que cette personne-là ne soit inscrite au registre. Et, si c'est le cas ou c'est de façon... puis ce n'est pas prévu, ça, c'est une rencontre imprévue, il doit lui dire qu'il a l'obligation de s'inscrire et le mentionner au registraire — parce que c'est un registraire dans le cas de Toronto — au registraire. Donc, il y a une obligation très claire, et cette obligation-là peut lui amener, peut-être éventuellement, une réprimande ou ça peut aller éventuellement, si ça fait plusieurs fois qu'il est avisé, à des sanctions qui peuvent être plus importantes.

• (21 heures) •

M. Charette : Et c'est un ajout que vous accueilleriez favorablement si, éventuellement, on convenait, là, de le faire au niveau de notre code d'éthique.

M. Casgrain (François) : Oui. Si c'était dans le... c'est sûr que je l'accueillerais favorablement.

M. Charette : Autre question. Vous avez mentionné, dans votre présentation, tout ce qui est cadeau sous différentes formes avec une valeur qui ne doit pas excéder 200 $ ou sinon qui doit être déclarée si excédant 200 $. On a un fonds qui est administré par l'ensemble... enfin, chaque bureau de circonscription gère une enveloppe, le fameux programme de soutien à l'action bénévole, qui génère beaucoup de questionnements chez les députés, à savoir à travers un montant x qui est donné à un organisme qui se qualifie, donc qui correspond... qui respecte les règles de ce programme-là pour, par exemple, encourager une soirée de reconnaissance de bénévoles, ou une soirée de financement, ou autre, bref, une contribution qui est donnée. C'est de l'argent public, on s'entend bien. Les participants qui veulent assister à cette soirée-là vont devoir payer un prix de 150 $ ou 200 $ — parce qu'il y a un volet financement à cette soirée. Est-ce que la contribution qui est donnée par l'entremise du SAB peut donner droit à une gracieuseté, une gratuité? Et dans quelle mesure, si c'est le cas, ça doit être déclaré ou pas?

M. Casgrain (François) : Écoutez, on participe... il y a toutes sortes de situations où il est susceptible d'avoir, si on peut dire, des avantages qui sont liés à la... on peut dire... je ne dirais pas à la bienséance, on disait ça auparavant, mais des règles un peu d'hospitalité, hein? Je vais donner des conférences à un moment donné puis, bon, on m'offre... il m'est arrivé de me faire offrir une boîte de chocolats ou de me faire offrir quelque chose de... C'est sûr qu'on ne peut pas éliminer ces choses-là. Malgré que, dans mon cas, avant même d'y aller, on dit : Écoutez, le commissaire ne désire pas à ce que vous lui offriez quelque chose pour le remercier. Il ne va pas là pour recevoir quelque chose. Donc, ça, c'est des possibilités qui sont offertes pour éviter qu'on soit dans cette situation-là. Mais chacun a sa réalité.

Ce qui est le plus problématique, c'est quand on dit, ou dans le code, ou dans certains cas, qu'on ne peut pas avoir un avantage qui pourrait avoir effet comme d'influencer... je ne me souviens plus comment on le mentionne en tant que tel. Je vous mets au défi de me dire qu'un député va admettre, à un moment donné, que ce qu'il a reçu, quel que soit le montant, était susceptible d'influencer la décision qu'il va prendre. Puis là, tout à l'heure, on parlait, le député de Rivière-des-Prairies nous mentionnait justement une question à cet égard-là. C'est sûr qu'on ne peut pas... on ne peut pas, tout simplement. Est-ce qu'on doit les refuser? Est-ce qu'on doit tous les refuser? Bien, quand on reçoit quelque chose d'hospitalité... une femme qui reçoit un bouquet de fleurs ou qui reçoit... on reçoit... il ne peut pas les... on ne peut pas nécessairement les refuser. Mais, dans certaines situations, je pense qu'effectivement il faut que les règles soient assez claires. Si c'est un entrepreneur avec qui tu fais affaire, si c'est quelqu'un qui fait du lobbyisme auprès de toi, si c'est quelqu'un qui est susceptible d'en faire, ou etc., je pense qu'à ce moment-là il faut que ça soit clair que c'est interdit.

M. Charette : Selon la connaissance que vous avez du programme de soutien à l'action bénévole, c'est un programme qui est suffisamment balisé actuellement? Est-ce que les députés mériteraient d'être mieux protégés? Est-ce qu'il y a des modifications qui pourraient être souhaitables?

M. Casgrain (François) : À votre question, je m'excuse de ne pas y avoir répondu directement, je suis passé par un autre chemin, mais... puis ça fait un petit peu longtemps que j'ai regardé ces règles-là. Bon, à une époque, je les avais regardées, mais, à mon souvenir, c'est sûr qu'il y a... C'est déjà balisé, il y a une certaine forme de discrétion. Puis je pense que c'est normal qu'il y ait une certaine forme de discrétion qui soit donnée aux députés. Il peut toujours se faire questionner, de toute façon, sur ce qu'il a fait de ces sommes-là. Qu'il donne à un organisme de charité qui, éventuellement, l'invite, bon, à quelque chose... souvent, même, c'est une obligation quasiment pour lui par rapport à ses commettants, un respect relativement à ses commettants. La situation ne peut pas juste être noir ou blanc.

En fait, c'est un petit peu ça que je veux vous dire. Il doit quand même y avoir une forme de place à l'évaluation — et c'est ça, l'éthique, dans le fond — à l'évaluation. Est-ce qu'une personne placée un peu dans la même situation ou une personne à l'extérieur verrait ça comme étant problématique ou non? Est-ce que, moi, le fait que ça soit rendu public, est-ce que je serais mal à l'aise? Est-ce que je serais placé dans une situation qui pourrait nuire, me nuire ou nuire, bon, évidemment, à l'ensemble du système auquel j'appartiens? Je pense que ce sont des questions... L'éthique s'adresse à ces questions-là, et je pense qu'on ne peut pas tout prévoir. La déontologie ne peut pas régler toute l'éthique, tout l'aspect éthique. Et, de ce côté-là, je pense que c'est important qu'on n'essaie pas de tout, tout, tout régler. On ne sera jamais capables. Puis on va arriver à certaines autres zones où est-ce que c'est problématique.

M. Charette : Le commissaire a remis, l'année dernière, un rapport avec 23 recommandations. La plupart constituent, je le pense, des avancées ou des progrès significatifs dans la mesure où on devait les retenir. Il y en a une, par contre, qui a suscité davantage de questionnements, la recommandation n° 4, en vertu de l'article 25 du code d'éthique.

Dans l'éventualité où un député ou une députée avait un intérêt dans un débat quelconque, ce que le commissaire nous propose comme modification, c'est de dire : Voici, déclarez votre intérêt. Mais vous auriez tout de même, par la suite, le droit de participer au débat sans vous mettre en porte-à-faux avec le Commissaire à l'éthique. N'est-ce pas une contradiction avec une règle relativement élémentaire d'éthique? C'est-à-dire, lorsqu'on est en conflit potentiel d'intérêts, non seulement il faut le déclarer, mais on se retire de tout débat qui pourrait ultimement nous favoriser. Est-ce que c'est une recommandation avec laquelle vous êtes confortable?

M. Casgrain (François) : On a parlé, tout à l'heure, de réflexion que l'on avait faite ou... même à la commission Charbonneau, on a parlé de cohérence, la notion de cohérence. Évidemment, si les règles ont à être cohérentes les unes par rapport aux autres... Si on prend, par exemple, la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, l'article 361, si ma mémoire ne me fait pas défaut, indique très bien que, lorsque quelqu'un a un intérêt financier distinct de celui de la municipalité, il doit le déclarer et éviter de participer au débat et de voter. Si ce n'est pas dans le cadre d'une assemblée publique, il doit quitter. Donc, il y a des règles qui sont relativement précises à cet égard-là.

Ce que j'ai compris de situations qui avaient pu se passer... Et là c'est pour ça que, quand je dis en porte-à-faux avec le Commissaire à l'éthique, je ne sais pas lesquelles... je pense savoir laquelle il visait, mais l'idée, c'est de dire : Est-ce qu'on s'en va chercher des députés pour des discussions à un assez haut niveau? Bon, ce n'est pas, des fois, une réglementation. C'est quoi, la nature de ça, on va dire de l'avantage financier? Est-ce que c'est un avantage important? Est-ce que c'est un avantage... Qui va avoir à le déterminer?

Évidemment, si la règle est claire, bien, à ce moment-là, personne ne peut participer à rien. Mais si, par hasard, on a, dans la société... on a des enseignants, on a des gens qui ont été dans le commerce, on a des gens qui sont avocats... mais, dans les avocats, il peut y en avoir, des gens qui ont... dans la fiscalité... Il y en a d'autres qui sont plus en droit civil ou en droit criminel. Il y en a d'autres qui sont des agriculteurs, il y en a d'autres qui sont... donc, de toutes les sphères de la société. C'est ça qu'on veut avoir aussi, au niveau de l'Assemblée, d'avoir des gens qui vont venir nous parler aussi de leur expérience.

Et probablement que c'est dans ce sens-là que le commissaire faisait sa remarque, si je me souviens bien d'avoir lu correctement le rapport qu'il a fait, dire : Est-ce qu'on interdit complètement? Est-ce que ça n'appartient pas aussi aux députés de faire la part des choses si c'est un intérêt financier important? Lui permettre quand même de participer au débat, mais il n'a pas le droit de vote. Et j'ai eu une hésitation en regardant ça, et j'avais justement pris la note relativement, à un moment donné... sur la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, dont je vous ai parlé tout à l'heure. Et c'est là que je me suis dit : Bien, c'est sûr qu'il faut se poser la question. Mais, si on est trop sévères, peut-être qu'on va se priver, dans nos débats, de points de vue intéressants.

• (21 h 10) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Casgrain. Merci, M. le député de Deux-Montagnes. On a été très magnanimes, et c'est une discussion qui est très intéressante. M. le député de LaFontaine...

M. Tanguay : Merci, M. le Président...

Le Président (M. Ouellette) : ...si je vous dis qu'il vous reste 13 minutes, est-ce que vous allez être choqué après moi?

M. Tanguay : Non, rien que vous ne pourrez faire ne me fera me choquer contre vous, mon cher collègue, M. le Président. 13 minutes. J'ai une question, peut-être deux questions au Commissaire au lobbyisme, à Me Casgrain. Après, je laisserai la parole à mes collègues.

Au niveau des communications, rendre publics certains avis... Et là je fais référence aux recommandations 17 et 21 du rapport du Commissaire à l'éthique, 17 et 21 où l'on disait, à 17 : «Que l'article 87 du code soit modifié pour prévoir que le commissaire peut rendre public un avis qu'il a rendu à l'égard d'un membre de l'Assemblée nationale, lorsque ce dernier déclare publiquement avoir obtenu un avis du commissaire.» Ça, c'est la 17.

Et la 21 : «Que les articles 87 et 91 du code soient modifiés pour indiquer que la demande écrite d'avis d'un député ou la demande écrite présentée au commissaire de faire une enquête ne peut être rendue publique qu'après que le commissaire en ait confirmé la réception.»

Alors, sur ces deux recommandations-là, j'aimerais savoir comment vous, vous les accueillez. D'autant plus, dans le contexte où de nouvelles... bien, c'est-à-dire une mise à jour de votre politique de communication, justement, a été faite le 31 mars dernier où, d'une part à 5.1, on disait que la transparence participait du respect du droit du public à l'information, mais qu'il y a, je pense, et corrigez-moi si j'ai tort, il y a néanmoins des atermoiements que vous apportez lorsqu'il s'agit de confirmer ou pas s'il y a vérification ou enquête de votre côté.

Alors, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec cette proposition du Commissaire à l'éthique. Auquel cas, si vous êtes d'accord, bien, vous faites une distinction entre son rôle et le vôtre? Ou, si vous dites non, il devrait y avoir, dans les deux cas, une réserve quant à la confirmation ou pas, que ce soit fait par la personne concernée ou pas, qu'il y ait un devoir de confidentialité quant aux vérifications et enquêtes. Je veux juste que vous éclairiez notre lanterne par rapport à ça.

M. Casgrain (François) : Bien, peut-être que... Il y a quelques aspects à votre question. Le premier, sur la recommandation 17, évidemment, ici, c'est la personne qui dit : Oui, oui, j'ai consulté, tout est correct. Puis évidemment consulté sur quoi, quelle est la conclusion sur laquelle on est d'accord? Bon, ce que j'ai compris, c'est que le commissaire dit : Bien, écoutez, si la personne veut utiliser l'avis que je lui ai donné, il faut, dans le fond, qu'il ne le garde pas pour lui, son avis, il faut qu'il puisse être rendu public. J'ai tendance à être d'accord avec cette position-là, qui m'apparaît être une clarification de ce sur quoi le commissaire s'est vraiment prononcé, avec quels aspects qu'on lui a donnés... parce que c'est toujours un aspect : Voici ce que l'on m'a dit, voici, en fonction de ce que l'on m'a dit, l'avis que j'ai donné, et non pas, bon, évidemment, uniquement une position.

Concernant 21. Évidemment, dans le cas de l'article 21, ce que j'ai compris, évidemment, du commissaire, c'est des situations dans lesquelles il a été peut-être placé... ou il apprend, par le biais, évidemment, éventuellement des médias... on a un journaliste qui l'appelle : On vient de dire qu'on a déposé... l'avez-vous reçu? Il n'a pas encore... même pas encore reçu la confirmation... La personne qui fait l'objet éventuellement de la plainte n'a même pas encore été avisée qu'il y avait une plainte contre elle, alors que la loi se veut une question de transparence.

Oui, c'est difficile. Est-ce qu'on peut complètement s'en sortir quand on dit : Oui, on va faire une plainte et on le dit au journaliste, mais la plainte n'est pas encore faite? C'est peut-être un peu plus difficile, malgré que je comprends parfaitement le commissaire sur sa recommandation.

Maintenant, concernant la politique de communication, effectivement, la politique de communication du commissaire, comme toutes les autres politiques... L'an dernier, on s'était donné, si on peut dire, comme mandat, au cours de l'année, de revoir nos différentes politiques, l'ensemble de nos politiques du commissaire. Bon, en raison de maladie, j'ai été absent de nombreux mois. On a attendu, relativement à la politique de communication, notamment, mon retour pour en parler. On a eu une discussion. On a pausé. On s'est aperçu qu'il y avait certaines contradictions entre certaines parties de notre politique de communication, notamment au niveau des plaintes, comment on rendait publiques les... Est-ce qu'on ne rendait pas publiques les plaintes? On ne disait rien sur nos enquêtes. Mais par ailleurs quelqu'un pouvait nous demander si on était en enquête, il finissait par savoir qu'on avait eu une plainte. Donc, comment on fait pour concilier ça? Et évidemment la question de la loi sur l'accès à l'information, qui, elle, s'applique à la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, qui ne s'applique pas, bon, au niveau du code d'éthique et de déontologie. Donc, évidemment, je pense que c'est deux situations différentes, et je suis très à l'aise avec la position qu'on a prise.

C'est sûr que, dans des circonstances exceptionnelles, il peut arriver... C'est sûr qu'on va confirmer. Si quelqu'un nous dit : Fais une conférence de presse pour dire : Je viens d'envoyer au commissaire, puis le commissaire va dire : Avez-vous reçu? Si on l'a reçu, on va dire : Oui, on l'a reçu. On a fait une conférence de presse ou émis un communiqué de presse. Tu sais, on ne fera pas à semblant de jouer au chat et à la souris.

Donc, il y a eu une situation qui est survenue exactement la journée où est-ce que... Moi, je tenais à ce qu'on finisse avant l'année financière qui finit le 31 mars. Est arrivée une situation, le 31 mars, qui a amené peut-être une mauvaise compréhension de ce qu'on voulait faire. C'est pour ça que, dans l'infolettre qu'on a faite récemment, on a dit pourquoi on avait adopté cette politique de communication là un peu différente de ce qui existait auparavant.

M. Tanguay : Merci beaucoup. Il ne reste que sept minutes, même 6 min 30 s, puis mon collègue de La Prairie a des questions. Rapidement, article 94 du code d'éthique et de déontologie, enquête conjointe, je veux savoir si vous avez des réflexions par rapport à ça. Ou, tel que rédigé et tel qu'il se vit par vos services et peut-être les interrelations, sans aller dans le détail, avec le Commissaire à l'éthique, avez-vous des remarques particulières ou l'article 94, tel qu'il le permet, est suffisamment étayé, vous donne la latitude pour être efficace?

M. Casgrain (François) : Disons que, lors de l'étude du projet de loi n° 48, le commissaire avait dit : Oui, bon, ça peut être une bonne idée, mais il faut être conscient que les enquêtes ont des natures différentes. Si j'arrive au niveau des sanctions pénales, c'est sûr et certain que j'ai des droits donnés, éventuellement, si je veux questionner la personne, ce qui n'est pas le cas... bon. Les situations peuvent des fois être difficiles.

Donc, sans rentrer dans le détail, oui, il y a eu entre les deux commissaires, à un moment donné, certains échanges qui ont eu lieu relativement à ce que... Les enquêtes communes sont cependant excessivement difficiles. Ce que je pense qui est le plus propice, c'est l'échange éventuellement d'information. Il est important, concernant... si jamais ça touchait les mêmes personnes — parce qu'on en a discuté amplement suite à vos questions — qu'il puisse y avoir des échanges... bon, disons que ça restait deux commissaires distincts, qu'il puisse y avoir des échanges entre les commissaires. Je pense que c'est important qu'il en soit ainsi, ne serait-ce que pour échanger et pour éviter des contradictions. Qu'on puisse échanger, ça, je pense que c'est une forme d'entente. Sans être une enquête conjointe, c'est d'avoir des ententes entre les commissaires, comme la même chose qu'ils pourraient faire avec le Vérificateur général, par exemple.

Le Président (M. Ouellette) : Je vous enlève la parole, M. le député de LaFontaine, parce que, là, je voudrais bien que le député de La Prairie parle.

M. Tanguay : Non, mais juste rapidement, parce que je trouve ça intéressant, est-ce que, Me Casgrain, l'échange d'information entre vous, Commissaire au lobbyisme et Commissaire à l'éthique... il n'y a pas de mur de Chine, là, vous pouvez vous échanger toute information?

M. Casgrain (François) : C'est-à-dire que c'est sûr que le... c'est toujours une évaluation du... bien, du commissaire avant tout, des différents commissaires, des commissaires à l'éthique. Est-ce que c'est un échange? L'échange d'information, c'est fluide. Par exemple, s'il y a une rencontre, là, quand est-ce que va se tenir cette rencontre-là? Quel type? Bon, c'est des échanges de ce type-là qui peuvent avoir lieu. Mais il pourrait y avoir une entente, parce que la loi, à mon avis, ne l'interdit pas non plus, entre les commissaires pour éventuellement qu'il y ait certains échanges d'information.

Par ailleurs, de notre côté, généralement, il y a beaucoup d'informations qui vont provenir, qu'on ne veut pas savoir parce qu'on ne veut pas contaminer, si on peut dire, notre preuve. Bien souvent, c'est une question de contamination de la preuve. Si c'est une preuve qui avait été obtenue, alors qu'il n'y avait pas de droits qui ont été donnés, on ne pourrait pas l'utiliser. Et, si on l'a... et là ça peut être problématique. C'est pour ça que les échanges sont avant tout de nature, je dirais, plus administrative que d'échange véritablement d'information.

M. Tanguay : Et vous ne sentirez pas, de votre côté, selon votre témoignage ce soir... «témoignage», c'est un grand mot, là, mais que vous n'avez pas de contrainte légale, par ailleurs, outre que la fonctionnalité des enquêtes puis ne pas contaminer, mais vous n'auriez pas de contrainte légale à ce que les informations d'enquête, de part et d'autre, puissent circuler entre les deux services?

• (21 h 20) •

M. Casgrain (François) : Bien, la question qu'on a eue, par exemple, de la commission Charbonneau : Avez-vous des ententes avec la Sûreté du Québec? Avez-vous déjà eu des échanges? Et est-ce que vous agissez en vase clos ou pas en vase clos? C'est sûr et certain que, bon, sans parler de dossiers, il est arrivé certains cas où est-ce que, bon, on s'est fait demander certaines informations, par exemple, que l'on pouvait avoir pour aider évidemment la compréhension de dossiers ou des échanges. Je pense que ces échanges-là sont profitables. Il ne faut pas agir en vase clos complètement...

M. Tanguay : D'accord. Merci.

M. Casgrain (François) : ...sinon, ce ne serait pas tenable.

M. Tanguay : Merci. Je comprends. J'ai terminé.

Le Président (M. Ouellette) : Ah oui?

M. Tanguay : Oui.

Le Président (M. Ouellette) : Non, mais c'était très pertinent, votre question, M. le député de LaFontaine, parce que l'échange d'information, il faudra peut-être le regarder pour un amendement législatif, ou aller juste dans un échange poli, ou, à un moment donné, c'est quelque chose sur lequel il va falloir se pencher.

Je vous ai volé 30 secondes, M. le député de La Prairie. Il vous reste 2 min 30 s.

M. Merlini : Merci beaucoup, M. le Président. Me Casgrain, M. Pauchant, de HEC Montréal, vous a précédé avant l'heure du souper et a parlé du droit et de l'éthique, qui font partie de la même famille, mais qui sont différents, comme frères et soeurs, différents comportements, différentes attitudes, mais qu'il fallait, nous, les parlementaires, chercher à balancer le droit et l'éthique dans ce qu'on souhaite faire, dans la révision suite au dépôt du rapport, pour améliorer notre code d'éthique — en passant, qui n'aime pas le titre «code d'éthique», il parlait plutôt des valeurs de l'Assemblée nationale...

Une voix : Code des valeurs.

M. Merlini : ...un code de déontologie, et que la confiance était nécessaire au leadership éthique. C'est la confiance qui détermine qu'on ait un leadership éthique. Vous-même, vous l'avez dit, plus tôt dans votre allocution, que la confiance est nécessaire, qu'il faut non seulement respecter les règles, mais respecter l'esprit des règles. Et vous l'avez, particulièrement dans votre rôle de Commissaire au lobbyisme.

Maintenant, je veux vous amener à la recommandation 18 du rapport, qui se lit ainsi : «Que le code, les règles et le règlement soient modifiés de façon à prévoir l'obligation pour les députés, les membres du Conseil exécutif et les membres de leur personnel de participer à une formation dans les six mois du début de leur mandat et, par la suite, à au moins une reprise pour chaque mandat subséquent.»

M. Pauchant en a fait allusion également, que les élus, et leurs membres de personnel, et les membres du Conseil exécutif devraient avoir justement une formation sur l'éthique et la déontologie. Est-ce que ça serait, selon vous, également applicable au lobbyisme? Parce qu'effectivement, quand on arrive de différents milieux, on n'est pas nécessairement habitués à ces choses-là, et là on fait face, comme on disait tantôt, dans les différentes interventions, à des groupes qui veulent nous influencer, qui tentent de nous parler de différents dossiers. Alors, est-ce que ce serait utile pour vous de faire ce genre de formation là et est-ce que ça serait possible de la faire dans le cadre aussi d'une formation à l'éthique et à la déontologie?

M. Casgrain (François) : Non seulement utile, essentiel. Après chacune des élections, on entre en contact, normalement, avec les whips et on leur offre de faire une formation. Oui, pour les nouveaux députés, c'est tout à fait essentiel. Dans certains cas... bon, on va faire une formation, demain, avec la formation de la... avec la Coalition avenir Québec — on est habitués de dire la CAQ — et évidemment à leur demande parce qu'on estimait avoir un besoin. Oui, on avait... on a offert, à un moment donné... Évidemment, le besoin peut aussi se faire sentir par la suite.

On nous a, là, au Bureau de l'Assemblée, également dit : On estime qu'on aurait besoin d'accompagnement. Donc, on a — bon, je pense que c'est parti aujourd'hui ou hier — justement une information pour réoffrir notre offre de services. Lorsqu'on a fait une tournée des régions, notamment, on a demandé à chacun des bureaux de circonscription s'ils étaient intéressés à avoir une formation. Et c'est essentiel aussi parce qu'il y a un tournant, là. Il y a peut-être 40 % de nouveaux députés avec chaque législature. Donc, ces gens-là, ils ont besoin, évidemment, d'information. Mais, quand on arrive comme nouveau député, comme on arrive comme un nouvel élu, on nous en donne tellement! Puis, à un moment donné, c'est essentiel qu'on en ait au début, mais avoir un rafraîchissement, des fois, après deux ans, ou trois ans, ou même, disons, quatre ans après une nouvelle législature, au moins, c'est dans ce sens-là que je pense que c'est important.

Et on a vu même des députés, parce qu'on parlait de ça tout à l'heure, des fois, il y a des confusions : Oui, mais on a eu une formation. Non, ils avaient eu une formation du Commissaire à l'éthique et à la déontologie. Et, des fois, il y a une certaine forme de confusion même sur les différents rôles. Donc, à cet égard-là, je pense qu'effectivement la formation est importante pour exercer ne serait-ce que son leadership, comme vous le mentionnez, conserver la confiance, savoir qu'est-ce qui s'applique. Donc, je pense que oui.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. le député de Marie-Victorin, pour clore...

M. Drainville : Finir en beauté, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, bien, je ne l'ai pas dit, mais je l'ai pensé.

M. Drainville : Comme j'ai seulement quelques minutes, sur les règles d'après-mandat, M. le commissaire, comme vous savez, il y a une différence entre les règles d'après-mandat qui sont prévues dans le code d'éthique par rapport aux règles d'après-mandat qui sont prévues dans votre loi sur le lobbyisme. Si on résume très grossièrement, un ancien ministre ne peut pas faire de lobbying auprès quelque ministère que ce soit pendant deux ans après qu'il ait quitté ses fonctions, alors que, dans la loi sur le lobbying ou sur le lobbyisme, il ne peut pas faire de lobbyisme auprès du ministère ou de l'organisme gouvernemental, là, au sein duquel il a été ministre. Je résume, là, mais, grosso modo, c'est ça. Non?

M. Casgrain (François) : Disons qu'au niveau du lobbyisme... disons que, pour un ancien ministre, là, c'est deux ans. Il ne peut pas être lobbyiste-conseil auprès d'une institution publique, quelle qu'elle soit, et il ne peut pas non plus agir comme lobbyiste d'organisation ou d'entreprise auprès des ministères du gouvernement de façon générale ou auprès de toute autre, si on peut dire, entité gouvernementale auprès de qui il a eu des rapports officiels, directs et importants. Ça veut dire qu'évidemment, si j'étais à la Commission municipale, je suis l'ancien ministre des Affaires municipales, je ne pourrais pas faire d'activités de lobbyisme auprès de la Commission municipale.

M. Drainville : Bien là, écoutez, l'article 29 de votre loi dit : «Nul ne peut exercer des activités de lobbyisme auprès d'un titulaire d'une charge publique exerçant ses fonctions au sein de la même institution parlementaire, gouvernementale ou municipale que celle dans laquelle il a lui-même été titulaire d'une charge publique au cours de l'année qui a précédé...» Blablabla. Donc, vous définissez, vous, l'ensemble des ministères. Quand on lit «la même institution gouvernementale», pour vous, c'est l'ensemble de l'État québécois?

M. Casgrain (François) : «...au sein d'une telle institution avec laquelle il a eu, au cours de cette année, des rapports officiels, directs et importants.» Donc, l'interprétation qui a été donnée et qui avait été même discutée lors du projet de loi n° 48, c'est de dire : Dans le cas des ministres, lorsqu'ils sont assis à la table du conseil, ils ont accès à l'ensemble des dossiers... bien, dans les ministères et organismes. Et, en tout cas, c'est ce qui avait déjà été, là, au niveau du projet de loi n° 48. Est-ce qu'il y aurait avantage à ce que ce soit plus clair? Évidemment, j'en conviens, j'en conviendrai aisément avec vous. Et, si c'était plus clair, ça éviterait effectivement toute interprétation possible à cet égard.

M. Drainville : O.K. Donc, dans votre esprit, même si vous admettez avec moi que la formulation laisse un peu à désirer — puis ce n'est pas de votre faute, on l'aura compris — il n'y a pas vraiment de différence, dans les règles d'après-mandat, entre ce qui est prévu dans le code d'éthique puis ce qui est prévu dans votre loi pour ce qui est des anciens ministres. Il n'y a pas vraiment de différence ou il n'y a pas de différence, en fait?

M. Casgrain (François) : La différence, c'est l'article 28, M. le député, l'article 28 de la Loi sur la transparence et l'éthique en matière de lobbyisme, qui dit : Ce n'est pas... L'article 29 s'applique en tant que lobbyiste d'entreprise ou d'organisation. En tant que lobbyiste-conseil, d'être rémunéré et faire du lobbyisme auprès d'institutions publiques, et là ce n'est pas limité aux ministères, c'est de façon générale, il ne peut pas être lobbyiste-conseil. Donc, dans ce sens-là, il y a une différence, il y a une différence importante. Et c'est une des raisons pour lesquelles on dit : Écoutez, il faut qu'il y ait au moins une harmonisation, sinon le ministre peut penser que quelque chose s'applique, et alors que c'est une autre règle qui peut s'appliquer en vertu d'une autre loi.

M. Drainville : Comme il me reste très peu de temps, donc, ce que vous dites, c'est : Dans le code d'éthique, il n'est pas question de lobbyistes-conseils, c'est ça?

M. Casgrain (François) : Exact. Non.

M. Drainville : Il n'est pas question de lobbyistes-conseils dans le code d'éthique.

M. Casgrain (François) : Non.

M. Drainville : O.K. Ça fait que, si on veut améliorer le code d'éthique, le conseil que vous nous donnez, j'imagine, c'est : Assurez-vous d'être harmonisés avec la loi sur le lobbyisme puis d'intégrer une disposition sur le lobbyisme-conseil dans le code d'éthique.

• (21 h 30) •

M. Casgrain (François) : Oui. Et je voudrais juste apporter un bémol, là. On me montrait l'article en même temps, je voulais être sûr de ce que je venais de vous dire. L'article 60, paragraphe 2° du Code d'éthique des membres de l'Assemblée nationale, effectivement, pourrait être aussi applicable à des lobbyistes-conseils, mais uniquement au niveau des différents ministères, et non pas à l'ensemble des institutions publiques. C'est ça, la distinction. Effectivement, une partie de l'article 28 pourrait être couvert, mais pas l'ensemble de l'article 28.

M. Drainville : O.K. Mais, d'abord, ça, c'est important, il y a quand même une différence, là, malgré une interprétation généreuse, mettons, du deuxième paragraphe de 60. Il faudrait quand même harmoniser. Et, deuxièmement, ça pourrait être une bonne idée de préciser, dans le code d'éthique, d'ajouter une disposition qui concerne très directement le lobbyisme-conseil, comme c'est le cas dans la loi sur le lobbyisme, exact?

M. Casgrain (François) : Oui.

M. Drainville : Exact.

M. Casgrain (François) : Oui, exact.

Le Président (M. Ouellette) : Merci.

M. Drainville : Très bien. Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Marie-Victorin. J'avais une bonne idée où vous vous en alliez, mais là je pense qu'on va arrêter pour ce soir.

Merci, M. Casgrain. Merci aux gens qui vous accompagnent, ça a été très agréable. Je vous remercie.

Je remercie les membres de la commission pour leur collaboration d'aujourd'hui.

Je lève donc la séance, la commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 21 h 31)

Document(s) related to the sitting