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Version finale

41st Legislature, 1st Session
(May 20, 2014 au August 23, 2018)

Thursday, August 17, 2017 - Vol. 44 N° 208

General consultation and public hearings on the 2016 five-year report entitled “Rétablir l’équilibre – Rapport sur l’application de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé”


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Table des matières

Auditions (suite)

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

MM. Antoine Aylwin, Karl Delwaide et Antoine Guilmain

Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec (AGISQ)

Fédération québécoise des sociétés de généalogie (FQSG)

Association des archivistes du Québec (AAQ)

Montréal In Vivo

Document déposé

Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. (SFPQ)

Autres intervenants

M. Guy Ouellette, président

Mme Rita Lc de Santis

Mme Nicole Léger

M. Simon Jolin-Barrette 

Mme Véronyque Tremblay

*          Mme Louise Chabot, CSQ

*          Mme Lise Goulet, idem

*          Mme Nathalie Léger, idem

*          M. Alexandre Allard, AGISQ

*          Mme Lise Chagnon, idem

*          M. Guy Parent, FQSG

*          M. Richard Masson, idem

*          M. James Lambert, AAQ

*          M. Michel Lévesque, idem

*          Mme Diane Baillargeon, idem

*          M. Frank Béraud, Montréal In Vivo

*          Mme Nathalie Ouimet, idem

*          M. Christian Daigle, SFPQ

*          Mme Nadia Lévesque, idem

*          M. Carl Ouellet, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-six minutes)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le rapport quinquennal 2016 intitulé Rétablir l'équilibre — Rapport sur l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Melançon (Verdun) est remplacée par Mme Tremblay (Chauveau); M. St-Denis (Argenteuil) est remplacé par M. Matte (Portneuf); et M. Marceau (Rousseau) est remplacé par Mme Léger (Pointe-aux-Trembles).

Auditions (suite)

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Nous entendrons cet avant-midi les personnes et organismes suivants : la Centrale des syndicats du Québec; MM. Antoine Aylwin, Karl Delwaide et Antoine Guilmain; et l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec.

Nous allons immédiatement souhaiter la bienvenue à la Centrale des syndicats du Québec. Mme Louise Chabot, bonjour. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis après il y aura une période d'échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Mme Chabot, vous allez nous présenter les personnes qui vous accompagnent. À vous la parole.

Centrale des syndicats du Québec (CSQ)

Mme Chabot (Louise) : Bonjour. Merci de l'invitation. Louise Chabot, présidente de la CSQ. À ma droite, Nathalie Léger, conseillère au contentieux à la CSQ, avocate; à ma gauche, Lise Goulet, conseillère à la CSQ, particulièrement pour les dossiers santé et services sociaux, dossiers qui nous animent en termes de demandes d'accès à l'information. Ça fait qu'on a un petit peu d'expertise, si vous avez des exemples à nous demander dans le cadre de ce mémoire.

D'abord, on tient à souligner l'excellence des analyses produites par la Commission d'accès, particulièrement dans son rapport quinquennal, mais on tient aussi à souligner l'importance de ces travaux pour le respect des droits fondamentaux. Tout comme la Commission d'accès, on est préoccupés par les transformations sociales et la multiplication des dispositions légales qui restreignent de plus en plus l'accès aux documents publics ou qui diminuent la protection des renseignements personnels. À notre avis, la transparence de l'État doit primer dans le cadre de ses travaux... et même rétablie, à certains égards. Les enjeux de confidentialité et de sécurité liés à la collecte et à l'utilisation croissante des renseignements personnels soulèvent aussi de multiples préoccupations, et la centrale va prôner d'abord et avant tout l'obtention et le respect d'un consentement donné librement et de façon éclairée quand on parle des règles de protection de renseignements personnels.

On ne s'est pas prononcés sur l'ensemble des problèmes que la commission a soumis dans son rapport quinquennal. On a voulu partager avec vous quelques préoccupations. Sur plusieurs recommandations, nous sommes en accord. Sur d'autres, on aura notre propre point de vue, ou précision, ou ajout.

Sur l'érosion des droits fondamentaux, bien, ça nous apparaît nécessaire de réaffirmer le caractère prépondérant des lois. Avec l'ampleur et la vitesse des transformations sociales, on pense que cet exercice s'impose et que, pour nous, ça justifie une action collective immédiate. À l'heure où on se parle, on observe plutôt une multiplication des dérogations législatives.

C'est pour ça que la centrale sera en accord avec la recommandation 1 et 2 de la commission, soit de mettre sur pied une commission parlementaire qui viserait à déterminer les dispositions législatives dérogatoires qui devraient être abrogées, maintenues ou modifiées, et que toute nouvelle dérogation devrait être soumise à une consultation publique.

Si j'avais, en quelques mots, à vous résumer ça, je vous dirais que le libre accès à l'information devrait être la règle, puis les restrictions puis les dérogations à cette loi-là devraient être l'exception.

• (9 h 40) •

Au niveau de la culture de transparence et de l'accès aux documents des organismes, on pense que le débat public ne peut pas se faire pleinement sans garantir l'accès aux informations essentielles, mais également aux analyses indépendantes qui nous permettent de mieux comprendre les enjeux et de saisir toute la complexité.

Dans ce sens-là, on sera d'accord avec la recommandation de la commission pour élaborer de nouvelles dispositions qui visent à renforcer la loi sur l'accès, mais on va réclamer aussi qu'il y ait le maintien des institutions indépendantes publiques dont l'expertise et la mission sont de veiller au respect des intérêts et des droits de la population.

Au niveau de la documentation, pour nous c'est une nécessité, l'obligation de documenter. Donc, on appuie la modification qui vise à rendre obligatoire la diffusion proactive de l'information à tous les organismes publics et d'en préciser la portée. On pense qu'il y a une carence au plan de l'imputabilité à cet égard, et ça doit être corrigé.

Vous retrouverez à la page 5 de notre avis, donc, notre recommandation qui stipule qu'outre l'obligation de documenter le processus décisionnel de l'administration publique — recommandation n° 6 de la commission — il y ait aussi une obligation législative qui vise à prévoir et à documenter tout processus d'évaluation de l'atteinte des objectifs des politiques puis des programmes publics.

Dans notre avis, on cite l'exemple de la loi sur la réforme de la santé et des services sociaux, qui avait des objectifs bien précis. Ça fait que, quand on dit : «Vise à documenter pour être en mesure d'évaluer», pour nous, c'est majeur.

Assujettir les partenaires privés. On sait que, de plus en plus, l'État fait affaire avec des partenaires privés dans sa gestion publique, qu'il y a même constitution de filiales d'entreprises publiques dont certaines échappent aux règles de transparence établies par la loi, bien qu'elles soient tributaires de fonds publics. Le rapport du Vérificateur général de 2014 avait d'ailleurs souligné l'opacité des processus des contrats en PPP.

Donc, notre organisation appuie l'idée que toute organisation dont le financement repose en grande partie sur l'État doit rendre des comptes au public, notamment sur l'utilisation des sommes reçues. C'est le sens de la recommandation que vous retrouvez dans l'encadré.

Au niveau de la restriction au droit d'accès, on doit renforcer le principe de divulgation maximale. On doit adopter une nouvelle approche en matière de restrictions au droit d'accès pour que celles-ci soient à la fois limitées en nombre, simples, claires et définies restrictivement. Notre expérience, lors de diverses demandes d'accès, puis on pourra vous l'illustrer dans la période de questions, nous a amenés à constater que le refus automatique semble la norme pour plusieurs organismes ou ministères et que le nombre de motifs qu'ils peuvent invoquer à cette fin est beaucoup trop étendu.

Donc, on va être tout à fait en accord avec une modification qui rendrait le refus à la fois facultatif et qui serait dépendant plus d'une justification qui est basée sur la notion de préjudice. Le fait de rendre des restrictions facultatives permettrait à la commission d'évaluer la justesse du refus, puis ça enverrait aussi, également, un message que l'accès doit devenir la norme. Donc, on appuie la recommandation 4 de la commission, qui vise à revoir l'ensemble des restrictions énoncées dans la loi.

Au niveau de la protection des renseignements personnels, la notion de consentement est au coeur de la protection du droit à la vie privée. Il est généralement aussi reconnu que le consentement donné doit être précis, clair et éclairé, et qu'il ne vaut pas que pour l'utilisation... et qu'il ne vaut, pardon, que pour l'utilisation déclarée. On fait référence ici, entre autres, à une décision de la Cour suprême, Aubry contre Éditions Vice-Versa. À l'heure du numérique, puis on sait que le numérique fera partie des stratégies économiques dans les prochaines années, la quantité d'informations amassées, les modalités prévues en lien avec l'utilisation de ces données ainsi que la complexité de la terminologie utilisée pour obtenir un consentement rendent parfois celui-ci illusoire. La notion de consentement est trop souvent mal comprise par la majorité des gens, qui n'ont pas toujours les outils adéquats pour saisir et analyser pleinement ce à quoi ils consentent.

On vous donne un exemple éloquent, qui est le Dossier santé Québec. Bien, on sait que c'est un dossier qui est en croissance, je ne parle pas juste financièrement, au niveau du cumul des données dans le Dossier santé Québec. D'ailleurs, la commission y fait beaucoup référence en termes d'exemples, en termes de problématiques qui ont été soulevées. Bon, ses finalités... Il y a une bonne fin en soi, mais beaucoup de renseignements personnels à divers acteurs du réseau, et on sait que c'est basé, tout ça, sur le consentement implicite des personnes. Pour nous, ça devrait être un consentement explicite, on l'a revendiqué à l'époque où il y a eu des modifications législatives, en 2008. On l'a réitéré en 2009, au moment de la création du DSQ. Et, à notre avis — vous retrouvez ça à la page 10 de notre mémoire — ça serait primordial, dans le cas du Dossier santé Québec, qu'un consentement explicite soit obtenu et réitéré sur une base périodique.

Au niveau de la protection des renseignements sensibles, et je termine avec ça, on est en accord avec les recommandations que la commission présente et avec le fait qu'un renseignement personnel, et particulièrement un renseignement sensible, ça ne pourrait pas être recueilli, même avec le consentement d'une personne, à moins que le renseignement ne soit strictement nécessaire au sens de la loi. On fait référence aussi aux renseignements sensibles qui ont le potentiel d'être utilisés à des fins discriminatoires ou des renseignements qui touchent, là... des renseignements génétiques ou biométriques. D'ailleurs, au fédéral, on a adopté une loi sur cette question-là, la loi S-201. On pense que le Québec devrait s'en inspirer, c'est le sens de notre recommandation, parce qu'elle n'a pas la portée que celle qui est prévue au fédéral, afin que soit interdite sans équivoque l'imposition de mesures disciplinaires, discriminatoires en lien avec les données génétiques des personnes.

Et je conclus en vous disant que, bien, le rapport quinquennal, comme je le disais en introduction, je pense qu'il a le mérite de poser les vrais enjeux dans un contexte qui évolue, une société en évolution, et de tout mettre en oeuvre, finalement, pour rendre proactive cette loi-là, qu'elle soit prépondérante en termes d'accès. Et, si on doit restreindre, pour certains motifs, ou faire des dérogations, bien, ça devrait faire l'objet de commissions parlementaires ou de consultations publiques afin que la population soit en accord avec des restrictions à un droit fondamental qu'est l'accès à l'information. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Chabot. Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Chabot, Me Léger et Mme Goulet. Merci d'être ici avec nous aujourd'hui. Merci pour votre mémoire.

Ma première question touche la recommandation n°2 de la Commission accès à l'information. Vous dites que vous êtes d'avis qu'il devrait y avoir des consultations en plus si on veut mettre... si on veut «déroguer» à la Loi sur l'accès et à la loi sur le privé. Maintenant, vous savez très bien que, quand une loi vient devant l'Assemblée nationale, aujourd'hui, il y a des consultations particulières chaque fois qu'un projet de loi est déposé. S'il y a, dans un projet de loi, une dérogation à la Loi sur l'accès, est-ce que ces consultations particulières, à ce moment-là, ne devraient aussi servir pour que les personnes qui ne sont pas d'accord avec la dérogation viennent se présenter et présenter leurs points de vue? Alors, est-ce qu'on n'a pas déjà en place un processus qui permet la discussion publique de telles dérogations?

Mme Chabot (Louise) : Bien, je vous dirais...

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Merci de la question. Deux choses qui ont fait en sorte qu'on a retenu les recommandations de la commission, c'est, la première, comme je le disais : à partir du moment où on a une loi sur l'accès à l'information, il y a des règles. Et actuellement, bon, on présente un avis dans le cadre non pas d'un projet de loi, mais d'un rapport quinquennal. À partir du moment où ce sera projet de loi, où on a des règles d'accès à l'information, on dit que toute dérogation, bien, devrait être convenue par une commission parlementaire. C'est la première recommandation.

Mais, à partir du moment où on aura ce pacte-là social entre nous, des règles, bien, s'il arrive d'autres dérogations ou si on veut restreindre, bien là, ça devrait faire l'objet d'une consultation publique, puis d'une consultation publique — ce n'est pas obligé de prendre la forme d'une commission parlementaire — pour s'assurer que les citoyens, les personnes, les gens savent à quoi on voudrait pouvoir déroger ou restreindre en termes de principes d'accès à l'information ou de renseignements personnels. Je pense que c'est ça, l'esprit, c'est que ça ne devrait pas se faire juste par réglementation ou par disposition législative.

• (9 h 50) •

Mme de Santis : Je comprends bien. Alors, si une disposition qui fait la dérogation à la Loi sur l'accès se retrouve dans un projet de loi et il y a les consultations particulières, ça, ça répondrait aux critères. Je comprends ça. Mais, si on ne le retrouve pas dans un projet de loi, que c'est ailleurs, vous voulez à ce moment-là qu'il y ait des consultations spécifiques.

Mme Chabot (Louise) : Oui, puis d'associer l'opinion publique. Il y a toutes sortes de moyens maintenant pour que l'opinion publique puisse donner son avis. On serait tous étonnés — puis d'ailleurs on a fait l'exercice, nous, à la centrale, puis je suis certaine qu'on le ferait plus largement sur certaines questions — de la méconnaissance des gens envers ces lois-là ou ces principes-là qui sont importants. C'est quand on est en situation de faire une demande d'accès, parfois, que c'est là qu'on voit que les dérogations ou les restrictions peuvent être plus nombreuses qu'on pensait. Puis on pense que, dans ce sens-là, ça mérite que l'opinion publique soit saisie des dérogations.

Mme de Santis : Vous apportez plusieurs éléments à notre connaissance dans votre mémoire. En particulier, vous dites qu'une bonne partie de la population est fonctionnellement analphabète, O.K., malheureusement, c'est un constat que vous faites. En plus, vous parlez du consentement explicite. Vous savez, chaque fois que la personne clique sur le Net pour avoir accès à l'application, etc., ça, c'est un consentement explicite. Mais je me demande la valeur de ce consentement explicite.

Vous dites aussi que vous êtes inquiets des risques de couplage de données, de comparaison et d'appariement de fichiers de renseignements personnels pouvant permettre de dresser des profils sur les individus et possiblement sur certains groupes d'individus, qui pourraient mener directement ou indirectement, vous dites, à une forme de discrimination. Moi, je vais encore plus loin : à la perte de liberté de choix, au vol d'identité et à beaucoup d'autres résultats.

Maintenant, moi, j'aimerais entendre de vous... Parce que c'est vrai, vous faites ces constats-là, et moi, je vous dis qu'un consentement explicite comme «je clique» n'est pas nécessairement un consentement éclairé. La personne ne sait pas exactement à quoi ils ont donné leur accord, etc. Moi, je vous demande, à vous : Est-ce que vous pouvez me dire qu'est-ce qu'on devrait faire spécifiquement pour qu'on réponde à cette inquiétude que vous avez et que j'ai?

Mme Chabot (Louise) : Bien, je vais laisser mes deux collègues vous répondre. Je vais vous donner une réponse : sur le consentement explicite, on a travaillé très fort là-dessus, particulièrement dans le cas des renseignements personnels en lien avec la santé et services sociaux. L'exemple parfait, là, le DSQ, c'est un consentement implicite qu'on demande. Donc, implicite, ça veut dire que je donne mon consentement puis je ne sais pas, en cours de route de mon historique, quel type de renseignements qui va se retrouver au dossier. On l'a toujours demandé explicite, pour demander à la personne concernée si elle consent explicitement à ce que telle et telle donnée soit là. À partir du moment, comme vous le dites, où c'est implicite, bien, on ne vient plus jamais faire appel à vous.

Le Président (M. Ouellette) : Ne bougez pas, Mme la ministre. Je pense qu'il y aurait une réponse complémentaire de Me Léger, là, juste avant, Mme la ministre.

Mme de Santis : Oui, mais ça, c'est pour le restant de la question. J'aimerais poser... Je n'ai pas parlé... Moi, quand j'ai dit que les personnes qui vont sur le Net et qui cliquent sur «j'accepte», ce n'est pas un consentement implicite, c'est un consentement explicite, parce qu'ils prennent leurs droits, et ils cliquent, et ils disent : J'accepte quelque chose. Ça, ce n'est pas implicite, mais ils ne savent pas quoi ils acceptent. J'ai parlé de ça uniquement pour essayer de donner comme exemple que, même quand on croit qu'un consentement soit explicite, la personne n'a pas nécessairement compris à quoi il consentait ou elle consentait. Alors, l'enjeu est beaucoup plus large de simplement dire : C'est un consentement explicite ou un consentement implicite. C'est tout.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot, est-ce que...

Mme Chabot (Louise) : Mme Goulet.

Le Président (M. Ouellette) : Pardon?

Mme Goulet (Lise) : Mme Goulet.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Goulet, vous identifier pour les besoins de l'audiovidéo, et répondre à la question, s'il vous plaît.

Mme Goulet(Lise) : Oui. Donc, Lise Goulet, conseillère syndicale en santé et services sociaux. Possiblement qu'il y aura des notions de droit qui pourront être complétées par ma collègue Nathalie Léger.

Bon, c'est sûr qu'au niveau de la loi le consentement est bien défini. Il y a des critères explicites qui définissent comment on obtient un consentement explicite. Puis, bon, ce n'est pas mon expertise, mais, le fait de cliquer au niveau d'une application sur le Web, je ne suis pas certaine qu'au niveau des critères de la loi ça constitue un consentement explicite. Mais je ne veux pas m'avancer trop à ce niveau-là.

Mais c'est clair que, quand on regarde notamment le Dossier santé Québec, je vous dirais que, notre sondage a révélé, puis pourtant c'est des gens, la majorité, scolarisés, 96 % de 2 600 répondants sur une semaine nous ont dit ne pas savoir quelles sont les données de santé qui sont cumulées à leur sujet, 92 % ignorent complètement quels professionnels connaissent les données, et 98 % ne savent pas combien de temps les données sont conservées. Alors, ça, c'est le consentement implicite qui fait que le Dossier santé Québec se constitue. Et les gens n'ont pas accès à l'information, dans ce cas-ci, pour consentir. Alors, la notion de consentement suppose qu'on a un accès à l'information. Mais, encore là, quelle information?

Quand on regarde la Loi concernant le partage de certains renseignements de santé, le site du Dossier santé Québec actuellement est conforme à la loi. Le problème, c'est que ça donne des informations très larges et ça ne met pas en contexte comment les informations qu'on cumule sur les gens, que ça soit en termes de biologie médicale, imagerie médicale, prescriptions de médicaments... les gens n'ont pas l'information sur le site actuellement pour saisir les incidences de ce cumul d'informations là et d'un éventuel couplage d'information.

Alors, que faut-il pour obtenir un consentement explicite? Bien, c'est de s'assurer que toute l'information nécessaire pour l'obtenir et leur permettre de comprendre les implications en termes de protection des renseignements et d'usage... que les gens puissent avoir accès à toutes ces informations-là. Et c'est sûr, c'est une information qui est complexe, qui est élaborée. Mais, quand on reconnaît un droit aux gens, il faut s'assurer que l'information soit accessible, compréhensible. Oui, c'est une obligation exigeante, mais c'est un travail, possiblement à définir au sein d'un comité de travail, pour s'assurer que, donc... oui?

Le Président (M. Ouellette) : Il n'y a pas de problème. Peut-être en complémentaire, Me Léger. Vous identifier pour les besoins audio et répondre aux préoccupations de Mme la ministre sur le consentement.

Mme Léger (Nathalie) : Nathalie Léger, conseillère juridique à la CSQ.

Donc, très rapidement, en fait, à la section 3.2.3.1, la commission fait un très bel éventail des critères qui vont devoir être clarifiés dans la loi. Il faut bien comprendre que, dans les lois sur l'accès, à l'heure actuelle, la notion de consentement n'est pas définie. Il pourrait déjà être utile de clarifier dans quel cas on peut dire qu'une personne a donné son consentement.

L'autre élément qu'il faut prendre en considération, c'est qu'il va peut-être devoir y avoir des ajustements en vertu de chacune des lois, puisque la nature des renseignements qui sont colligés par certains ministères ou par certains organismes n'a pas la même sensibilité partout. Et là on tombe ou on fait le lien avec toute la question des renseignements sensibles dont on traite un peu plus loin dans notre mémoire.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la ministre.

• (10 heures) •

Mme de Santis : Vous savez qu'au Québec nos chercheurs ont un problème énorme à avoir accès à des données pour faire leurs recherches. Très souvent, ça leur prend plus que deux ans pour obtenir l'approbation de procéder avec leurs recherches, quand on sait très bien que les projets de recherche et les subventions sont donnés pour une période de trois ans. Donc, il leur reste une année pour faire leurs recherches. Et un des problèmes auxquels font face les rechercheurs, c'est parce qu'ils sont face à ce concept de consentement et de demande à la Commission d'accès à l'information pour avoir accès, et ensuite de faire aussi une demande additionnelle à ceux qui détiennent les renseignements. Et tout ça, ça prend un temps énorme.

J'aimerais comprendre de vous si vous êtes d'accord que, même quand c'est pour fins de recherche ou innovation, ou recherche, il faudrait avoir un consentement explicite chaque fois, parce que vous mettez tellement d'emphase sur cela. Et comment on gère la situation de consentement face à la recherche et l'innovation? Au Québec, les dernières recherches sur le cancer du sein, on a utilisé des données de l'Ontario parce que les données du Québec n'étaient pas disponibles.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Une autre bonne question. Bien, en tout cas, je pense que ça va avoir le mérite justement du renforcement, parce que, pour connaître des chercheurs... Puis effectivement ils ont de la difficulté. Est-ce que la réponse doit... Bien, un, il y a une question de délai, là, qui se pose pour plusieurs personnes, parce que, que ce soient des chercheurs, qu'on soit dans le monde de l'éducation ou qu'on soit dans le monde de la santé, les délais sont importants. Parfois, vu qu'il n'y a pas de réponse, il faut aller ailleurs, comme vous le dites, ou, quand on a la réponse, bien, il est comme trop tard pour procéder à l'analyse qu'on voulait.

Maintenant, sur la notion plus précise de consentement, oui, on y a attaché beaucoup d'importance parce que c'est au coeur de l'enjeu, là, quand on parle de coupage d'information. Mais est-ce que, pour les chercheurs, le consentement explicite doit être une réponse? Je vais laisser Me Léger vous répondre.

Le Président (M. Ouellette) : Me Léger.

Mme Léger (Nathalie) : Donc, pour répondre à votre question, on est d'avis qu'il faut effectivement que le consentement explicite demeure dans tous les cas, mais je pense qu'il pourrait y avoir différentes possibilités, dans le cadre de la révision de la loi, pour simplifier les processus. On n'a pas porté une attention particulière, dans notre mémoire, là-dessus parce qu'on n'est pas des chercheurs, tout simplement, on n'est pas les experts. Mais je pense qu'effectivement il y aurait une marge de manoeuvre pour combiner l'importance que les personnes soient informées que leurs données de santé pourraient être utilisées dans le cadre d'une recherche par un consentement explicite, par exemple lors d'une hospitalisation ou lors de différents tests de santé, avec une simplification des processus. Tout ça devra se faire, je pense, dans le cadre d'une révision plus globale de la Loi sur l'accès pour que l'ensemble des mécanismes soient arrimés. Donc, malheureusement, on ne peut pas vous donner une réponse très précise à l'heure actuelle, mais effectivement il y a peut-être un problème là à évaluer.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Combien de temps il reste?

Le Président (M. Ouellette) : 6 min 30 s.

Mme de Santis : Est-ce qu'il y a des questions de mes collègues? Non? O.K. Alors, moi, je pose la prochaine question, c'est concernant la recommandation n° 27. Ici, on arrive avec une nouvelle expression, «renseignements sensibles». Aujourd'hui, on fait la protection des renseignements personnels. Maintenant, est-ce que vous voulez qu'on protège uniquement les renseignements sensibles? Qui détermine c'est quoi, un renseignement sensible? Qu'est-ce que tout ça veut dire? Parce que, pour moi, c'est la protection des renseignements personnels. Qu'est-ce qui est sensible? Peut-être, vous et moi auraient une différence d'opinions, parce que ce n'est pas... pour moi, aujourd'hui, ce n'est pas clair, c'est très subjectif. Alors, s'il vous plaît, me donner votre explication de pourquoi vous appuyez favorablement cette recommandation.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Mme Goulet.

Mme Goulet (Lise) : Bien, écoutez, c'est un peu dans le sens de la réponse donnée par Me Léger, à savoir qu'il y a un travail de redéfinition possiblement à faire dans le cadre de la révision de la loi. Et effectivement, dans le plan quinquennal de la commission, il y a des groupes qui se sont prononcés justement pour revoir la définition des données, des renseignements personnels, en définissant plus précisément ce que serait une information sensible. Je ne pense pas qu'ici on peut faire le travail de définir ou de distinguer, parce qu'il y a un ensemble d'éléments qui pourraient être regardés pour amener des précisions au niveau de la définition, et effectivement il y a des contextes.

Je vais revenir au Dossier santé Québec, qui a de multiples objectifs, notamment la prise en charge clinique, le suivi des patients, mais aussi revoir l'efficience de la gestion du système de santé et la recherche. Alors, est-ce que la même information médicale aurait le même niveau de sensibilité selon qu'on parle de la prise en charge clinique, qu'on parle de recherche ou qu'on parle d'efficience dans la gestion du système de santé? Peut-être qu'une même information pourrait avoir un niveau de sensibilité différent selon les objectifs de la collecte de données.

Et donc c'est complexe, il y a plusieurs facteurs à considérer quand on discute d'informations sensibles. Et je pense que ça prend un travail d'analyse à partir des documents de réflexion produits par la Commission d'accès à l'information.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Je vais maintenant à la recommandation n° 3. Et j'ai trouvé ça un peu intéressant de voir votre opinion que, si des organismes ou des entités ont des activités financées par les fonds publics, ces entités devraient être assujetties à la Loi sur l'accès. J'ai bien saisi ça. Donc, je me demande : Est-ce que vous incluez là les organismes à but non lucratif qui sont financés fortement par les fonds publics, que ce soient des organismes communautaires ou autres? Et je pose cette question parce qu'en même temps je sais la position des organismes à but non lucratif quant à la transparence dans le lobbyisme. Les deux lois touchent la transparence.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Je vais commencer par répondre à ce qui nous préoccupe grandement, là, les OSBL. Mais d'abord attaquons-nous au gros morceau : les partenariats public-privé, là, où l'État conclut avec des organismes privés pour des périodes qui sont d'une durée assez longue, puis le CHU en est un bel exemple. D'ailleurs, il y a une coalition là-dessus, sur les PPP, au CHU, là, puis ça a fait partie de notre lot d'essayer d'aller chercher de l'information. Puis ces organismes-là sont soustraits à l'obligation de fournir en cours de route les contrats, les conditions de contrat, puis tout ça. C'est inacceptable parce que, grosso modo, c'est le public qui paie, c'est l'État qui est là. Ça fait que, pour nous, la transparence, c'est majeur. Comment on peut faire évaluer... Comment on peut, comme organisme, évaluer un dossier et l'évolution d'un dossier sans connaître les enjeux majeurs? Je pense que, si on répond à ça, là, je... Avec respect, Mme la ministre, un petit OSBL de 50 personnes, à qui on oblige presque, surtout les organismes communautaires, pour avoir une subvention de l'État, d'être obligé de donner tel service, je pense qu'il n'y a pas de crainte à avoir sur l'imputabilité de ces organismes-là.

Mme de Santis : ...ce que vous proposez dans votre mémoire. Et votre mémoire parle d'activités financières, même l'octroi de fonds publics, et vous ne faites pas cette distinction nécessairement. Mais ça va, je comprends votre position, vous l'avez clarifiée maintenant.

Mme Chabot (Louise) : Merci.

Mme de Santis : O.K. M. le Président, il reste combien de temps?

Le Président (M. Ouellette) : Une minute, Mme la ministre.

Mme de Santis : Ah! parfait.

Le Président (M. Ouellette) : Vous pouvez le donner à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, elle va être bien heureuse.

Mme de Santis : J'aimerais entendre de vous, comme dernier commentaire que vous pouvez me faire : En tant que ministre, quel est le point le plus important que, vous croyez, je devrais retenir?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, c'est un peu comme notre conclusion. C'est parce qu'une chose, c'est difficile, mais finalement je l'avais fait dans la présentation : une divulgation maximale. Parce qu'on va maintenir que la loi de l'accès à l'information, quand même, au Québec, elle a été voulue pour la transparence de l'État dans sa gouvernance, donc divulgation maximale, oui, puis restriction et dérogation minimales. Et, s'il doit y avoir dérogation ou restriction, bien, que fondamentalement, vu que ça concerne le public, le public en soit informé.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme Chabot. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

• (10 h 10) •

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Chabot, Mme Léger, Mme Goulet. Vous avez presque fait la conclusion, hein, Mme Chabot? Dans le fond, dans votre introduction, vous disiez : Le libre accès doit, au départ, être la règle. Effectivement, c'est toutes les questions qu'on se pose, depuis hier qu'on a commencé les auditions.

Ma première question irait davantage sur... Vous-même, comme centrale, vous faites des demandes d'accès. Vous donnez un exemple à la page 6, entre autres, comme quoi, parfois, vous vous voyez refuser, dans le fond, qu'on puisse vous transmettre certaines informations, certains documents. Dans votre quotidien à la centrale, quand vous faites des demandes d'accès, en général est-ce que vous les avez, les documents? Est-ce qu'on vous donne accès ou c'est plutôt le contraire? Et, quand vous ne l'avez pas, vous vous butez sur quoi?

Le Commissaire à l'information nous a quand même donné énormément de recommandations par rapport à tout ça, mais on a eu quand même beaucoup de commentaires de gens... bon, les journalistes, entre autres, le disent, ils n'ont pas accès nécessairement, pour toutes sortes de raisons qu'on donne. Les organismes, il y a de plus en plus de dérogations, vous l'avez dit aussi. Alors, pour vous, comme organisation, quelles sont les... vous vous butez à quoi? Ou c'est facile?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Oui, bien, Mme Goulet va compléter. Je vais prendre un exemple bien précis, la loi du ministre de la Santé et des Services sociaux, la loi n° 10, communément appelée, adoptée sous le bâillon, qui avait des objectifs bien précis, dans cette loi-là : simplifier l'accès aux services à la population, contribuer à améliorer la qualité du réseau puis accroître l'efficience du réseau puis l'efficacité du zéro... «du zéro!» — oui, bien, cette réforme-là, pour nous, c'était un zéro — c'est un lapsus, ça fait que «du réseau». Mais il n'y a rien dans la loi constitutive, là, qui permet qu'il y ait des mécanismes pour être en mesure d'évaluer est-ce que cette réforme-là, qui a cette ampleur-là, va atteindre les objectifs qui nous ont été présentés puis comment, comme organisme, on peut suivre.

Ça fait que Mme Goulet a été amenée, dans l'exercice de ses fonctions, à tenter de documenter ce qu'on nous présente, parce que c'est vaste, dans le réseau de la santé, comme réforme, soit le financement à l'activité, qu'on attend, soit les... Puis, dans ces mécanismes-là, souvent on fait référence, dans des documents ministériels, à des avis ou à des documents. Puis, quand on fait une demande, bien, le document, soit qu'il n'existe pas, le document est encore à l'étude, ou c'est très laborieux d'avoir les outils pour être en mesure, nous, de faire une veille sur des objectifs ou des finalités. Ça fait que ça, pour nous, c'est majeur comme... Au niveau de l'éducation, souvent ce qu'on nous dit, c'est : C'est plus le retard. On est obligés de refaire la demande. D'abord, il faut qu'il y ait une autorisation, puis les délais ne sont pas respectés. Ça fait que, quand tu as l'information, c'est un peu plus difficile, ou, si tu l'as, elle arrive trop tard, donc elle devient inutile. Donc, respecter les délais serait en soi quelque chose. Mais, au niveau de la santé, on s'est butés à plusieurs difficultés. Mme Goulet, puis je... un complément.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Goulet.

Mme Goulet (Lise) : Bien, écoutez, on peut vous donner quelques exemples. Quand la réforme s'est mise en place en avril 2015, dès le mois de juin, on a commencé à faire des demandes d'accès pour obtenir les cadres de gestion et d'imputabilité et les plans d'action qui découlaient de ces ententes. On a adressé la demande à l'ensemble des régions du Québec. On a eu des réponses très variables selon les régions. Il y a des régions qui ont répondu... On voulait connaître, au début de la réforme, les délais d'attente, l'accès, bon, pour différents services. Parce qu'on est partis des objectifs de la loi. On s'est dit : Bon, la loi prétend vouloir atteindre tels objectifs, donc on va se donner des critères de comparaison dans le temps en allant chercher des données statistiques, en demandant les ententes de gestion, bon, etc. Et on a obtenu des réponses très, très... Peut-être deux régions ont répondu intégralement à toutes les demandes. Certaines étaient incapables de répondre. D'autres nous ont dit qu'elles ne pouvaient pas répondre parce que c'étaient des documents de travail internes. Donc, les réponses, d'une région à l'autre, étaient variables.

Ensuite, on a fait... On suit les forums, forum sur les soins à domicile, forum sur les CHSLD, et on cite dans ces forums-là différents documents, dont les standards d'hébergement en soins de longue durée, où on s'appuie là-dessus pour expliquer, bon, le travail sur les bonnes pratiques. C'est cité dans un document. On fait une demande d'accès puis on se fait répondre que, finalement, le document n'est pas disponible puisque c'est une ébauche. Mais comment un document cité en référence dans un document ministériel peut être en ébauche? Plusieurs autres demandes, on s'est fait dire que les documents étaient caducs et en révision. Alors, c'est... Voilà.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...comprendre, vous donnez un exemple précis. Mais j'aimerais que vous me donniez dans l'ensemble du portrait, dans l'ensemble de vos demandes, que ce soit en éducation, ou en santé, ou dans des dossiers comme vous dites, mais dans l'ensemble. Est-ce que, généralement, vous avez accès aux documents? Et est-ce que c'est des bons documents qu'on vous donne ou il faut que vous réitériez, le délai est trop tard? C'est quoi, les problématiques que vous vivez?

Mme Chabot (Louise) : Bon, écoutez, ce n'est pas régulièrement non plus qu'on... Je pense que, globalement, la loi a ses effets, parce que c'est son objectif. Mais là ça nous était... Là, ce qu'on observe, c'est un peu ce qu'on... même si on ne fait pas ces demandes-là tous les jours, quand même, mais on observe quand même, avec l'évolution, puis les transformations, puis les grandes réformes... C'est un peu le message qu'on voulait lancer, c'est que ça devrait... refuser de donner un document, il faudrait s'assurer que ça cause un préjudice, quand on parle d'une restriction. Ça fait que, nous, dans notre pratique, c'est la longueur ou des fois de se retrouver devant la difficulté de dire : Bien, comment ça qu'on nous dit que le document n'existe pas?, puis d'être obligés de refaire des démarches pour tenter de l'obtenir. Bien, au niveau juridique, je pense qu'il y a d'autres exemples qui nous amènent parfois à faire une demande d'accès particulièrement pour des dossiers de salariés aux prises avec des problèmes d'invalidité. Ça fait que, là, peut-être que je pourrais laisser Mme Léger sur des exemples plus précis.

Le Président (M. Ouellette) : Voulez-vous avoir la réponse, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles? Me Léger, répondez à Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Nathalie) : En fait, au niveau de l'accès aux renseignements qui sont contenus dans les dossiers de santé, parfois c'est difficile au niveau des établissements. Ça peut poser différentes problématiques aussi au niveau des dossiers disciplinaires, pour obtenir l'ensemble de l'information, mais aussi pour la faire corriger lorsqu'elle est inexacte ou lorsque les renseignements qui sont contenus dans les dossiers médicaux notamment ne sont pas nécessaires au sens où on l'entend dans la loi. On en a fait mention, toute la question de la nécessité, ça déborde un peu ce dont vous avez parlé, mais je pense que tout ça est relié, c'est-à-dire que, pour avoir une loi qui est efficace, il faut qu'on s'assure qu'on ait la bonne information, qu'on diffuse la bonne information, mais qu'on s'attarde aussi à la question de la nécessité des renseignements qu'on collecte et qu'on conserve de manière à s'assurer que le respect de la vie privée des gens soit bien protégé.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Sur un autre ordre d'idées, vous l'avez effleuré tout à l'heure, le nombre d'organismes assujettis à la Loi d'accès. Selon la CAI, la Loi sur l'accès devrait s'appliquer à toute entité substantiellement financée par l'État ou exerçant une fonction de nature publique. Ce qui n'est pas nécessairement le cas actuellement. Dans le rapport qu'il a fait en 2011, il parlait de 50 %, dans le fond, que l'État doit... les organismes doivent être soumis à cette loi. Mais il est revenu, dans ce rapport-ci, en disant qu'il remarque, dans le fond, que l'adoption d'une modification législative qui est demandée va faire que... qui est actuellement dans les orientations gouvernementales, ne fait que codifier l'état actuel de la jurisprudence. Alors, ça, pour lui, ça ne lui permettrait pas d'augmenter le nombre d'organismes soumis à la Loi sur l'accès.

Et vous élaborez dans votre mémoire l'importance... vous parlez des PPP, l'importance... j'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu plus à ce niveau-là, du partage des... vos préoccupations particulièrement sur les filiales. Et puis, tu sais, je pense que ce n'est pas... il y a beaucoup d'organismes qu'on ne réussit pas nécessairement à avoir... à ce qu'ils soient assujettis à la loi.

Mme Chabot (Louise) : Bien, d'entrée de jeu, on était en accord avec l'idée que tous les organismes devraient être soumis à la loi. C'est quand même majeur, surtout quand l'État contracte avec ces entreprises-là pour des... Dans le fond, c'est des fonds publics, c'est l'administration de l'État, donc ils devraient... Ce qu'on a voulu dire plus précisément... Je ne sais pas, Mme Léger, si je vous comprends bien. Peut-être que Mme Léger... Me Léger pourrait compléter. Êtes-vous parentes? Non? Vous avez...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Peut-être, je ne sais pas.

Le Président (M. Ouellette) : On ne lui a pas demandé, Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Ah! bien, il n'y a pas de gêne, c'est un renseignement personnel.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, effectivement, il aurait fallu faire une demande d'accès à l'information.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Il y a de plus en plus, vous l'avez dit aussi d'entrée de jeu, de dérogations. Est-ce que vous avez une explication pourquoi qu'il y a de plus en plus de dérogations? Peut-être que Me Léger peut répondre. Parce qu'hier on en a discuté, que ce n'est plus la règle d'avoir accès. C'est presque maintenant dérogation par dérogation, par dérogation. Il y a une multiplication de dérogations. Est-ce que vous savez pourquoi? Est-ce que vous avez une idée sur ça?

• (10 h 20) •

Mme Chabot (Louise) : Honnêtement, non, on ne sait pas pourquoi. Puis c'est un peu le sens de la recommandation de la commission, qu'on appuie, surtout une loi d'accès à l'information qui a je ne sais pas combien d'années, qui est à son rapport quinquennal. «Quinquennal», ça le dit, ça veut dire qu'entre-temps il y a peut-être eu des dérogations ou des restrictions à d'autres lois dont on ne connaît pas. Et, pour des faits privés, souvent l'omerta est plus pratique que l'ouverture puis la transparence, puis là je ne suis pas dans l'accusation, là.

Donc, c'est un peu ça qu'on dit, ça ne fait comme pas de sens qu'avec le temps on s'aperçoive qu'il y a peut-être plus de dérogations ou de restrictions, que c'est rendu de plus en plus difficile. Je vais vous donner un exemple concret qui va nous arriver puis sur lequel on travaille fort : les accords de libre-échange, quels qu'ils soient, la difficulté d'avoir certains renseignements, dans ces cadres-là, qui permettent à des organismes d'être en mesure d'évaluer, ou de connaître, ou de savoir, d'être informés, c'est extrêmement difficile. Des groupes environnementaux qui tentent d'avoir des informations sur des grands projets aussi.

Ça fait qu'au fil du temps... puis même, notre méconnaissance personnelle, une loi peut prévoir une restriction ou une dérogation qu'on ne connaît pas, c'est juste quand on en fait la demande qu'on se bute. C'est à ça qu'on dit que ça devrait... S'il y a quelque chose que vous devez retenir, c'est comment on renforce la loi, comment on s'assure que le principe de divulgation devient la règle. Puis, oui, c'est possible que, pour des raisons de sécurité de données sensibles, de préjudices, il faille émettre des restrictions, hein, c'est parce que... Puis, s'il faut les émettre, bien, qu'on en consente, tout le monde, et les individus et l'opinion publique, puis qu'on sache clairement ce à quoi... Puis j'imagine que les délais qu'on subit actuellement, quand il y a des demandes, c'est pour toutes sortes de raisons, soit qu'on tente de nous cacher le document, soit qu'on déroge.

C'est pour ça que la commission souhaite aussi avoir ce genre de refus là... de recommandation de refus tacite, donc être en mesure d'évaluer, quand on a un refus : Est-ce que ça cause un préjudice? Là, il y aura la notion de préjudice à prévoir, là, pour lui donner une marge de manoeuvre.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Hum...

Le Président (M. Ouellette) : Je sais, mais...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Tout à l'heure, on a évoqué un peu ce qu'était le consentement, mais les renseignements personnels aussi. Parce qu'on a eu des discussions aussi hier sur les renseignements personnels, entre autres quels seraient les renseignements personnels qui pourraient être divulgués. On voit que, dans la liste électorale, entre autres, on en a discuté un peu hier, sur ça aussi, la liste électorale, qu'on ne peut pas rien... tu sais, c'est une information qui n'a pas à être divulguée, mais en même temps on voit toutes sortes d'informations qui circulent dans les registres fonciers puis ailleurs. Il y a comme une iniquité partout, des informations que tu peux retrouver toute... ta date de naissance, puis tout, d'un côté, puis dans un certain registre, puis ailleurs, pantoute, c'est... Alors, un renseignement personnel, c'est pour ça que la ministre posait la question, puis on en avait discuté un peu hier : C'est quoi, un renseignement personnel qui peut être... qui est divulgué puis qui doit être divulgué?

Le Président (M. Ouellette) : C'était un commentaire.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Vous répondrez plus tard.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. On vous retrouve. Je veux saluer également les collègues de Chauveau et de Portneuf, qui se joignent à nous, la ministre, la collègue de Pointe-aux-Trembles aujourd'hui. Mme Chabot, Me Léger et Mme Goulet, bonjour. Merci d'être présentes aujourd'hui.

Je voudrais qu'on revienne sur la discussion que vous aviez avec ma collègue de Pointe-aux-Trembles relativement à la difficulté d'accès, parfois, lorsque vous faites des demandes d'accès à l'information. Est-ce que la CSQ a déjà eu l'impression qu'il y a eu de la manipulation lorsque vous faites une demande d'accès à l'information?

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chabot.

Mme Chabot (Louise) : Bien, je pense que le terme serait fort, c'est plutôt du questionnement à savoir pourquoi une certaine résistance à nous donner ou à nous fournir certains documents qui, par ailleurs... quand on en fait la demande, c'est parce qu'on sait qu'ils existent, parce qu'on les retrouve cités dans un autre document. C'est difficile de demander quelque chose qu'on ne connaît pas. Des fois, on soupçonne, mais, quand c'est cité, qu'il y a un avis, qu'il y a un travail, qu'il y aura un document puis qu'on le demande, puis là, tout à coup, il n'existe plus ou il ne peut pas être divulgué, là, ça nous questionne fortement.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, c'est qu'il y a comme... de façon institutionnelle, il y a une certaine réticence à transmettre les documents.

Mme Chabot (Louise) : Ce n'est pas un automatisme. Il faut les commander.

M. Jolin-Barrette : Il faut les commander.

Mme Chabot (Louise) : Avec insistance parfois.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis, lorsque vous nous dites ça, «avec insistance», combien de fois ça peut prendre avant... Parce que, tout à l'heure, vous avez dit : Bien, des fois, il faut relancer. Dans une demande d'accès, on n'est pas nécessairement supposé relancer, la loi s'applique : 20 jours, 10 jours supplémentaires.

Mme Chabot (Louise) : Bien, c'est ça qu'on dit, ça devrait être clair, précis puis court. Si on n'y a pas accès, qu'on nous réponde, plutôt que de nous dire que ça n'existe pas : On ne peut pas le donner parce que, parce que, parce que. Parce que c'est un document interne qui est à huis clos. Ça peut arriver, hein, d'avoir un groupe de travail. Ça fait que, si c'est comme ça, normalement on ne devrait pas le trouver dans un autre document en référence. Mais que les raisons ou les motifs de refus soient explicites — j'ai envie d'utiliser ce terme-là — clairs et précis, comme ça on saura sur quoi se baser si on fait appel à ce refus-là. Je pense que c'est possible qu'il y ait des documents qu'on n'ait pas accès.

M. Jolin-Barrette : Mais actuellement, selon votre expérience, supposons que vous faites la demande, vous essuyez un refus, il y a une justification qui est indiquée. Mais, vous, ce que vous voulez... puis il y a un groupe qui est venu nous dire ça hier, c'est que, dans la lettre de refus, supposons, vous voudriez avoir davantage d'explications en vertu de pourquoi est-ce que le document ou l'accès au document est refusé.

Mme Chabot (Louise) : Bien, ce qu'on veut surtout, c'est qu'en général ça ne soit pas refusé, puis, si c'est refusé, ça doit être pour des bons motifs.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Goulet.

Mme Goulet (Lise) : Par exemple, juste donner un exemple, là, on a eu deux, trois réponses où on s'est fait dire que les documents étaient caducs, en révision. Il faut comprendre qu'on est dans une réforme du réseau de la santé où tout est modifié actuellement, donc tout est en révision. Là, j'exagère peut-être, là, mais il y a énormément de choses qui sont modifiées. Et c'est comme si on ne pouvait plus s'appuyer sur les documents produits parce que tout est révisé. Mais vous comprenez que ça devient difficile de faire le suivi d'une réforme comme ça quand on ne peut plus s'appuyer sur les anciens documents puis que les documents en cours sont des documents de travail inaccessibles. Donc, finalement, l'accès à l'information, on en a très peu, là, compte tenu... Puis on nous dit, bon : La réforme va prendre un certain temps à se terminer puis à devenir... qu'on va pouvoir l'évaluer quand elle va être terminée. Mais, c'est ça, il y a un non-sens actuellement en termes de suivi et d'évaluation parce que justement il n'y a pas possibilité d'accéder aux documents actuellement en lien avec la réforme.

Mme Chabot (Louise) : Je vais donner un exemple, c'est parce qu'on parle beaucoup de la santé, c'est une réforme majeure : on est passé de 100 quelques établissements à une trentaine, on a aboli les agences. Ça fait qu'il y avait déjà, au niveau régional, des mines d'informations puis de renseignements qui se sont retrouvées toutes centralisées à une même place. Il y a une question d'archives qu'on pourrait vous reparler. Ça fait que c'est quand même majeur comme réforme puis ça touche à la fois les services aux citoyens mais à la fois nos membres. C'est pour ça qu'on a eu dans les derniers mois, je vous dirais, plus qu'à l'habitude, sinon les questions plus juridiques, à faire appel à des documents pour être en mesure — parce que vous voyez l'actualité sur ce sujet-là — pour être en mesure de commenter et de comprendre. Puis c'est cet exemple-là qui nous donne peut-être plus l'impression, dans les derniers mois puis dans la dernière année, de dire : Ayoye! Comment ça qu'une loi d'accès qui devrait permettre la fluidité de tout ça, qu'une réforme qui avait des objectifs, comment ça que ce n'est pas plus simple? Puis pourquoi il y a ces explications-là? Puis qu'est-ce qu'on fait avec une explication comme ça?

L'idée, c'est de simplifier les choses puis de rendre les documents accessibles, puis, s'ils ne peuvent pas l'être, bien, que la restriction soit claire, puis que la commission puisse exercer aussi son rôle, si on s'adressait à la commission, de dire : Bien, j'accepte qu'ils soient diffusés, ou forcer l'organisme à le faire, à moins que ça cause un préjudice parce que... En tout cas, comme parlementaires, s'il y a un projet de loi sur ce rapport-là, je pense qu'il faut vraiment réfléchir en fonction que les choses évoluent. Il y a des grandes réformes étatiques dans plusieurs domaines, puis il faut s'assurer que la loi suive ces transformations-là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la protection des renseignements sensibles, dans votre mémoire vous abordez la notion de l'utilisation discriminatoire qui peut en être faite. Est-ce que vous pourriez juste élaborer sur ce point-là, l'importance des renseignements sensibles puis l'impact au niveau de la discrimination que ça peut avoir?

• (10 h 30) •

Mme Léger (Nathalie) : En fait, je pense que le projet de loi qui a été adopté au fédéral vient bien éclairer la difficulté ou l'importance de protéger les travailleurs notamment contre l'utilisation de renseignements sensibles. Il faut bien comprendre ce que c'est, un renseignement sensible, puis ça pourra être défini dans le cadre de la loi, parce que je pense que ça va devoir être défini par le cadre d'un article inclus dans la loi pour qu'on s'entende tous sur sa définition. Mais il pourrait y avoir de la discrimination, par exemple, en matière d'accès à certains postes, d'accès à certaines protections d'assurance, d'accès ou de maintien de certains bénéfices reliés à la condition physique. Il peut y avoir aussi des craintes au niveau des conditions de santé qui ne se sont pas encore actualisées. Donc, une personne présente un plus grand risque d'avoir un accident dans le futur ou d'avoir un problème de santé dans le futur, bien, on va exclure cette personne-là du droit d'avoir accès à certains services de santé.

Ce sont des choses qui peuvent sembler hypothétiques, mais, avec l'avancée fulgurante de la possibilité d'avoir accès à des tests génétiques, avec le développement des critères assurantiels qui sont de plus en plus ciblés et qui sont de plus en plus individualisés, c'est des éléments, je pense, qui sont impératifs de prendre en considération et qui... Je pense qu'il ne faut pas se leurrer, et se cacher la tête dans le sable, puis se dire : Ça n'arrivera jamais, là. Il faut le prévenir avant que ce risque-là se matérialise.

M. Jolin-Barrette : Sur la question des partenariats public-privé, ça, vous insistez énormément, vous avez eu un échange avec la ministre, mais... et, lorsqu'il y a la création également de filiales, de sociétés commerciales aussi, on l'a vu, supposons, avec la Société du Plan Nord, supposons, qui bénéficiait de certains privilèges, on n'a pas nécessairement accès. Je comprends que vous, vous souhaitez que les PPP particulièrement soient assujettis comme un organisme public.

Mme Chabot (Louise) : Tout à fait, nous, la commission. Puis, je rappelle, puis on l'a rappelé dans le mémoire, le Vérificateur général n'a pas été tendre à l'endroit de ça dans son rapport en 2014. Ça fait que, pour nous, c'est un... c'est oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur la question de la fermeture des centres de documentation, vous l'abordez au début de votre mémoire, là, fermeture d'un centre de documentation, réforme, c'est quoi, l'impact, en matière d'accès à l'information, de fermer ce genre de centre là?

Mme Chabot (Louise) : Mme Goulet, M. le Président.

Mme Goulet (Lise) : Écoutez, c'est difficile pour nous de faire un lien de cause à effet entre les demandes d'accès à l'information et la fermeture du centre de documentation. Toutefois, on s'est questionnés effectivement s'il n'y avait pas un lien. Je pense qu'il faudrait peut-être vérifier s'il y en a un, effectivement.

Il faut rappeler, la fermeture du centre de documentation, les 16 bibliothèques gouvernementales devaient être regroupées au Centre de services partagés du Québec dans une optique d'efficience budgétaire. Or, on se demande où en est justement... où sont rendus des documents du centre de documentation, parce qu'il était question d'avoir des alternatives. On a parlé de l'Institut national d'excellence santé et services sociaux, on a parlé de la Bibliothèque et Archives nationales. On a appris que c'était rendu au centre de réadaptation en déficience physique de Québec, temporairement, le temps... Et on nous a dit que ce centre-là n'avait pas nécessairement toutes les ressources pour garder active l'ensemble de la documentation.

Alors, la question qu'on se pose, c'est : Y a-t-il un lien entre les difficultés d'accès à l'information et notamment la fermeture du centre de documentation, et où en sont les travaux du Centre de services partagés du Québec en ce qui a trait aux documents du ministère de la Santé et des Services sociaux?

Le Président (M. Ouellette) : ...questions sont posées. Merci beaucoup, Mme Louise Chabot, Mme Lise Goulet et Me Nathalie Léger, représentant la Centrale des syndicats du Québec.

Je vais suspendre quelques minutes, et je vais demander à nos prochains témoins de s'approcher.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

(Reprise à 10 h 36)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant Me Antoine Aylwin et Me Antoine Guilmain. Vous avez 10 minutes pour faire votre présentation. Je pense vous étiez ici lors de notre premier groupe, et je vais vous guider dans votre 10 minutes, là, pour le temps qui va rester, et après il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. C'est Me Guilmain qui... Non, c'est... O.K., c'est vous qui commencez? Ça fait qu'à vous la parole.

MM. Antoine Aylwin, Karl Delwaide et Antoine Guilmain

M. Aylwin (Antoine) : Merci, M. le Président. Mme la ministre, MM., Mmes les députés. La première fois que j'ai foulé les pieds de cette salle-ci, j'avais 17 ans et j'étais à votre place. Ma députée, la députée de Pointe-aux-Trembles, m'avait accordé un soutien financier pour participer au Parlement jeunesse du Québec. Je veux l'en remercier. J'en profite... puis je vous invite tous à accepter les demandes que vous recevrez...

Le Président (M. Ouellette) : ...accès à l'information pour savoir ça, là!

Des voix : Ha, ha, ha!

M. Aylwin (Antoine) : Donc, aujourd'hui, on vient vous parler du rapport quinquennal. Notre collègue Karl Delwaide s'excuse de son absence aujourd'hui. On a écrit le mémoire à trois, et il compte quelques décennies d'expérience, là, dans le domaine. C'est un ancien plaideur, là, du gouvernement du Québec, là, au bureau des plaideurs. Moi, ça fait plus de 10 ans que je pratique dans le domaine. Et Me Guilmain est notre plus récente acquisition ou notre plus récente importation privée, un avocat du Québec mais aussi un avocat qui sera bientôt reçu au Barreau de Paris, qui est doctorant, va soutenir sa thèse en décembre sur les technologies de l'information et va d'ailleurs vous parler de ce sujet-là aujourd'hui.

On a fait le choix de se concentrer sur certaines recommandations qui nous interpelaient plus. Comme vous pouvez vous douter, on représente des entreprises privées, on représente des organismes publics, on représente des individus en réponse à des demandes d'accès à l'information à titre de tiers. On donne des conférences. On donne des conseils sur les lois pertinentes et au niveau provincial et national. On écrit sur le sujet. On donne des conférences. Et c'est la somme de ces expériences-là qui nous donnent un point de vue sur la façon dont fonctionnent les choses au Québec.

• (10 h 40) •

La commission parle de rétablir l'équilibre. Vous aurez vu que notre mémoire s'intitule Maintenir l'équilibre. On pense qu'il y a un certain équilibre qui est atteint présentement, mais on n'a peut-être pas une loi qui est actualisée au XXIe siècle. Donc, les principes de transparence des actions de l'administration publique et les forces économiques du marché ne pas assujettis aux mêmes obligations et contraintes. Il faut se rappeler que ce ne sont pas tous les organismes publics qui ont des missions identiques, qui ont des contextes identiques. Donc, le concept de «one size fits all» est difficile à appliquer en matière d'accès à l'information. Je pense que vous avez réussi, avec les ordres professionnels notamment, de trouver un bon équilibre dans l'application des lois en étant créatifs, là, au niveau de l'application des lois, et vous avez certains organismes à vocation économique qui ont des enjeux précis au niveau de l'accès aux documents. Je ne sais pas si vous avez déjà fait l'exercice de consulter la liste des organismes publics qui sont sur le site de la Commission d'accès à l'information. Vous allez voir qu'on a de tout, notamment au niveau des ressources, puis un enjeu qui est en filigrane de tout ce qui est énoncé par la Commission d'accès à l'information, c'est beaucoup le manque de ressources. On vous l'a dit quand on est venus en 2015, on vous le répète aujourd'hui, il y a plein de gens qui vont vous parler de délai. Mme la ministre, vous avez parlé des délais pour les questions de recherche, les autorisations de recherche, ce n'est pas un hasard, il manque de ressources en matière d'accès à l'information.

Je veux vous parler de la recommandation n° 16, c'est à la page 11 de notre mémoire, les renseignements d'une personne décédée. Dans ma pratique, il y a une partie de ma pratique qui porte sur le litige successoral, fiduciaire. En 2011, je publiais un texte qui reprenait, là, la jurisprudence de la commission puis qui déplorait l'absence de mécanisme pour les renseignements de personnes décédées, qui dénoterait une certaine ouverture quant aux besoins humains, que les personnes ont parfois dans des cas de deuil, d'accéder à des renseignements. Il y a plusieurs décisions de la commission qui ont été rendues là-dessus où on refuse de... par exemple des corps policiers, d'accéder des photos d'un enfant qui a mis fin à ses jours à ses parents, pour essayer de pouvoir faire le deuil de cette personne-là. Je pense qu'en général le cadre d'application ou d'accès aux personnes décédées pourrait être repensé.

Vous avez probablement entendu parler d'une décision, cette année, qui a été rendue par rapport à l'Hôtel-Dieu de Lévis, les refus de soins, refus de transfusion sanguine, des gens qui étaient témoins de Jéhovah. La dame a refusé une transfusion sanguine, est décédée. Son mari a été accusé d'avoir refusé de lui porter secours puis d'avoir apporté les bons soins. Enquête du coroner, plainte criminelle, il a été obligé d'aller jusqu'à la Cour supérieure pour pouvoir avoir accès au dossier médical, puis pouvoir faire ses représentations, puis pouvoir faire valoir ses droits.

Donc, dans le contexte de personnes décédées, puis vous avez cette dynamique-là dans la LSSSS, dans la loi sur l'accès à l'information, dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, il y a plusieurs lois qui reprennent des dispositions qui sont similaires, il y a des approches, qui ont été assez restrictives, qui ont été prises dans le passé qui méritent d'être repensées.

Ensuite, pour les rapports d'enquête de harcèlement au travail, j'ai eu plusieurs dossiers qui concernent des rapports d'enquête de harcèlement au travail, si vous voulez que les gens collaborent dans le cadre d'une enquête de harcèlement au travail, vous devez leur permettre de participer dans un cadre confidentiel, parce que ces gens se côtoient, là, dans le cadre de tous les jours, et les mécanismes actuels, à moins que le rapport soit fait par un professionnel qui est assujetti au secret professionnel, ne permettent pas cette protection-là. Donc, vous avez deux enjeux à arbitrer entre la vie privée puis le droit d'un milieu qui est exempt de harcèlement. Si vous ne protégez pas les renseignements qui sont donnés par ces individus-là, vous ne permettez pas des vraies enquêtes, des bonnes enquêtes en harcèlement, et c'est ce qui a été reconnu dans d'autres provinces, puis on pense que c'est une solution qui est très adaptée au Québec.

La dernière chose, j'ai rédigé dans la Revue du Barreau en 2015, ça a été publié, un article qui reprend la recommandation 38 et 39 sur les notifications en cas d'incident de sécurité. Il faut trouver un juste équilibre. Je pense qu'il y a du bon à ces recommandations-là, mais il faut trouver un juste équilibre pour éviter l'inondation d'avis quand ce n'est pas nécessaire. La Californie, il y a eu un effet d'insensibilisation, ça fait que les gens recevaient des avis mais ne les lisaient plus et n'en tenaient plus compte parce qu'ils en recevaient trop. Donc, il faut trouver un juste équilibre.

Vous allez voir, à la page 21 du mémoire, j'ai essayé de résumer dans un tableau schématique les principaux concepts qui doivent être tenus en compte dans une notification. Vous avez l'exemple de l'Alberta, vous avez l'exemple fédéral qui s'en vient en vigueur dans les prochains mois, là, quand le règlement sera adopté. Donc, c'est de trouver un bon équilibre là-dedans. Je vous référerais, là, à mon texte, là, dans la Revue du Barreau pour plus compléter. Et je vais laisser Me Guilmain utiliser le reste des minutes pour traiter d'enjeux plus technologiques à son tour.

Le Président (M. Ouellette) : Me Guilmain, trois minutes.

M. Guilmain (Antoine) : C'est bon. M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les membres de la commission, tout d'abord, je tiens à souligner l'excellence du rapport quinquennal qui est au centre de la présente consultation aujourd'hui. Plusieurs réalités y sont évaluées sur le plan technologique, économique, social, mais également des pistes de solution concrètes. Je tenterais aujourd'hui de mettre l'accent sur trois tendances technologiques fortes qui sont connues actuellement et qui modèleront notre futur. Je veux parler de l'intelligence artificielle, des bases de données, et des renseignements génétiques et de la biométrie.

Comme vous le savez, la ville de Montréal s'inscrit en chef de file mondial de l'intelligence artificielle, et la province de Québec développe une stratégie numérique particulièrement audacieuse. Dans ce contexte, il ne faut pas que notre quête juridique soit un frein à l'investissement à l'innovation dans le domaine numérique. Au contraire, ça devrait être et ça doit devenir un atout. Or, notre législation sur la protection des renseignements personnels a été conçue à une époque où ces technologies n'existaient pas, n'étaient même pas envisagées. Les notions de document ou de consentement sont particulièrement ancrées dans un monde papier qui était relativement stable. Or, le monde change toujours plus vite, et l'intelligence artificielle pose de nouveaux défis, notamment en matière de protection des renseignements personnels. Je vais vous en donner quelques exemples.

Premièrement, les organisations qui traitent des quantités importantes de données, y compris personnelles, peuvent difficilement aujourd'hui les exploiter et les valoriser. Il faut, en effet, soit obtenir le consentement de chaque individu qui est concerné, souvent c'est un grand nombre et c'est très difficile, soit passer par un processus lent et fastidieux de demande d'autorisation de recherche à la commission, qui a été évoqué tout à l'heure. Il est ainsi primordial de faciliter cette exploitation et cette valorisation des données, et ce, évidemment, dans le respect des droits des citoyens.

Deuxièmement, les organisations qui oeuvrent dans le domaine de l'intelligence artificielle évoluent dans un contexte juridique qui est trop incertain. À titre d'exemple, vous comprendrez qu'il faut bien distinguer les données brutes qui proviennent de l'individu des données qui ont été exploitées, par exemple, qui ont été traitées par un algorithme qui a demandé du temps de création, et, évidemment, dans ce contexte, les droits et la propriété ne devraient pas être la même. Or, aujourd'hui, nos lois sont tout simplement muettes sur ces questions.

Je souligne, par ailleurs, que la province du Québec est l'une des seules qui ne facilite pas encore la communication de renseignements personnels dans un contexte transactionnel. Dans ce contexte, le développement de l'intelligence artificielle au Québec doit passer par une vision qui est plurilatérale des renseignements personnels, en ce sens qu'il faut admettre que plusieurs acteurs sont impliqués, et pas uniquement une seule personne.

Cela étant dit, je vais maintenant évaluer la question des bases de données qui est indissociable et incontournable à tout système d'intelligence artificielle. Cet enjeu, cette fois, je vais l'aborder sous l'angle de l'accès à l'information, et on note dans le rapport quinquennal que, de plus en plus souvent, les organismes publics reçoivent des demandes sur des documents produits à partir de bases de données électroniques. La Commission d'accès à l'information, en ce sens, suggère de modifier la Loi sur l'accès pour préciser les obligations d'un organisme public concernant l'accès à des renseignements contenus dans un document informatisé.

Évidemment, une telle recommandation semble intéressante sur le principe, mais il y a également des limites sur le plan pratique. Je vais les évoquer au nombre de deux dans ce contexte. Premièrement, une telle approche n'est pas neutre sur le plan technologique, et ce qu'il faut saisir, c'est qu'on ne peut pas se permettre... toutes les lois, toutes nos lois au Québec ont été bâties sur ce principe que c'est difficile de distinguer un document qui serait sur support papier et un autre document qui ne le serait pas. On créerait des régimes différents, des définitions différentes, et la Loi sur l'accès ne devrait pas être bâtie comme ça.

Deuxièmement, ce qui est important, c'est que ce n'est pas parce qu'on a les technologies qu'il est systématiquement plus facile de produire des documents. Et c'est trop facile d'avoir, un petit peu, cette action mais en disant : Bien, écoutez, vous avez la technologie, donnez-nous maintenant les documents sur la base électronique. On en a parlé tout à l'heure, les ressources ne sont pas les mêmes pour chaque organisme public.

Je vais terminer maintenant sur les renseignements génétiques et la biométrie, et évidemment on aura compris qu'à l'heure actuelle ils sont de plus en plus facilement accessibles aux citoyens et aux consommateurs. Dans ce contexte, la commission suggère tout simplement d'interdire la collecte, l'utilisation, la communication des renseignements génétiques à des fins autres que médicales, scientifiques ou judiciaires. Nous sommes en désaccord avec une telle position.

Évidemment, il est inacceptable de faire la discrimination génétique par rapport à de tels renseignements. Mais la question que nous nous posons, c'est : Pourquoi ne pas appliquer le cadre législatif préexistant à ces renseignements, en ce sens qu'on connaît déjà les critères de nécessité et de consentement? Si vous donnez votre consentement et que l'entreprise s'engage à les utiliser uniquement dans un contexte de nécessité pour les fins de la collecte, eh bien, à ce moment-là, on ne peut pas se permettre d'interdire tout simplement cette situation, alors que tout le monde est d'accord, en tout cas du côté de l'individu et de l'organisation.

Au bout du compte, et je conclurais ainsi, la législation de demain devra être simple, compréhensible mais surtout adaptée à la nouvelle économie du savoir, et c'est une priorité absolue pour faire du Québec un moteur de croissance, d'attractivité et de compétitivité. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Me Guilmain. Mme la ministre.

• (10 h 50) •

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue à Me Aylwin et Me Guilmain. Merci pour votre mémoire et votre présence ici aujourd'hui.

D'abord, j'aimerais commencer avec la recommandation 10, qui touche le secret professionnel, O.K.? Maintenant, j'aimerais bien comprendre, que vous nous expliquiez, c'est quoi, le secret professionnel quant aux ingénieurs. Est-ce que leurs honoraires sont aussi... font partie de ce qu'on appelle le secret professionnel? Déjà, les articles 23 et 24 de la Loi sur l'accès protègent des renseignements industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical et aussi le secret industriel. J'aimerais comprendre de vous pourquoi vous n'êtes pas tout à fait d'accord qu'il devrait y avoir un certain équilibre entre le secret professionnel et accès à l'information et la protection des renseignements personnels, mais en utilisant cet exemple de l'ingénieur.

Le Président (M. Ouellette) : Me Aylwin.

M. Aylwin (Antoine) : Tout d'abord, je commencerais par la fin. Le gouvernement ou un organisme public a toujours la possibilité de renoncer au secret professionnel. C'est lui, le client, là, dans le cas où on se reporte, puis c'est à l'organisme public ou au gouvernement de rendre des comptes quant au fait de ne pas divulguer les renseignements puis de ne pas refuser, parce que la reddition de comptes reste celle du gouvernement ou de l'organisme public.

Ceci étant, pourquoi le secret professionnel existe à la base? C'est de pouvoir permettre à un client de l'organisme public ou non de pouvoir consulter un professionnel dans un cadre confidentiel puis de pouvoir recevoir des conseils. Ce n'est pas tout ce qui est échangé avec un professionnel qui devient confidentiel, par ailleurs. C'est sûr que, quand on pense à un cadre juridique, ça englobe — il y a plusieurs avocats autour de la table, vous le savez — beaucoup de la relation. Quand on va regarder dans le secteur de la santé, bien, on va regarder aussi la sensibilité des données. Ça fait que le secret professionnel n'est peut-être pas la priorité à laquelle on pense.

Quand on va regarder dans les professions comme comptable ou ingénieur, on va se poser la question, effectivement : Est-ce que tout est couvert par le secret professionnel? La réponse, c'est non. Il n'y a pas la même sensibilité à l'information. La Cour suprême s'est prononcée sur les honoraires d'avocat, mais je ne pense pas que toutes les factures de tous les professionnels sont nécessairement concernées au même titre par l'obligation de confidentialité. C'est sûr que, nous, notre réflexe premier est peut-être de penser, comme membres du Barreau, la sensibilité puis l'enjeu avec nos clients. Je n'ai pas eu à regarder dans le détail les enjeux, tu sais, de dossiers avec des secrets professionnels d'ingénieurs comme tels, mais c'est toute la notion de conseil qu'il faut protéger. Puis c'est vrai que ce n'est pas tous les professionnels qui font uniquement du conseil qui tombent sous la balise du secret professionnel.

Mme de Santis : Si on regarde les honoraires des avocats, ça, c'est la recommandation 12, moi, j'aimerais bien comprendre pourquoi vous êtes contre la recommandation de la commission, parce que vous dites que le total des comptes d'honoraires d'un avocat permet «de divulguer les efforts qu'un client est prêt à prendre». «Est prêt à prendre», ça, c'est avant qu'on sait vraiment c'est quoi, les honoraires. La demande qui est faite pour les honoraires... sont après que les efforts ont été faits.

Alors, je ne comprends pas tout à fait ça. Je me demande pourquoi vous ne seriez pas d'accord que le fardeau de preuve que les comptes d'honoraires soient protégés par le secret professionnel devrait être renversé. Parce que c'est difficile à une personne qui n'a pas l'information de faire preuve qu'elle devrait être divulguée. Alors, pouvez-vous m'expliquer un peu c'est quoi, votre réticence à la suggestion ou la recommandation de la commission?

Le Président (M. Ouellette) : Me Aylwin.

M. Aylwin (Antoine) : Oui. C'est sûr qu'on... Notre background vient de ce que les tribunaux ont déjà tranché sur la question, là — c'est allé jusqu'à la Cour suprême, comme je l'ai évoqué précédemment — et sur le facteur de nuisance, qui sont les préoccupations. À partir du moment où on sait qu'un organisme public est prêt, soit en amont, ou pendant le dossier, ou même après, à investir beaucoup sur une question en particulier, c'est une information, dans un cadre de litige ou dans un cadre politique, qui peut être utilisée au détriment de l'organisme public par le tiers qui, lui, n'a pas à divulguer les ressources qu'il va utiliser sur tel ou tel dossier, ou a déjà utilisées sur tel ou tel dossier. Parce que, là, vous faites référence à des factures qui ont déjà été payées, comme si ça perdait de son caractère privilégié, mais, si je sais qu'un organisme public est prêt à mettre, je ne sais pas, moi, 100 000 $ sur un dossier, bien, je vais faire des demandes, par exemple, des demandes d'accès toujours sur la même question parce que je vais continuer à leur faire dépenser de l'argent, parce que je veux nuire, parce que je sais que c'est une question sensible sur laquelle je vais les faire dépenser. Vous le savez, il y a des contextes politiques en marge de certains organismes municipaux, puis cette information-là peut être utilisée à mauvais escient.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Dans la décision de... mon Dieu, c'est Kalogerakis c. commission scolaire des Patriotes, la Cour supérieure a dit que les honoraires professionnels de l'avocat bénéficient prima facie d'une présomption de confidentialité fondée sur le secret professionnel, mais que cette présomption est simple, donc réfragable. Maintenant, je vous pose la question : Pourquoi on ne devrait pas renverser le fardeau de prouver que les comptes d'honoraires sont protégés par le secret professionnel? Parce que, sinon, la personne qui les demande n'est pas dans une position de faire la preuve nécessaire.

M. Aylwin (Antoine) : Mais la question... Ça va, M. le Président?

Le Président (M. Ouellette) : Oui.

M. Aylwin (Antoine) : La question des présomptions va toujours appeler une question de ressource qui va y répondre. À partir du moment où les présomptions sont d'un côté ou de l'autre, bien, vous allez nécessairement mettre un fardeau, puis je pense qu'il était bien avisé, question coût-bénéfice, là, de mettre la présomption de ce sens-ci pour éviter qu'on rentre dans ce débat-là à chaque fois. Parce qu'à mon sens, dans un grand nombre de cas, cette information-là devrait être reconnue comme étant confidentielle à la fin du dossier, mais vous allez imposer des auditions plus longues, une preuve plus fastidieuse, etc., pour arriver peut-être à un résultat qui n'est pas très, très différent de celui qu'on a aujourd'hui. Puis, vous savez, notre position est vraiment dans un cadre où on peut relier les honoraires à un dossier en particulier. Notre position n'est pas de ne pas divulguer l'ensemble des honoraires d'avocats qui sont dépensés par un organisme public, par exemple, dans un cadre où on ne pourrait pas utiliser cette information de façon aussi particularisée que ce que je détaillais tantôt pour un dossier.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : J'aimerais parler un peu de consentement. Vous dites qu'il semble inutile de préciser davantage les critères de consentement par voie législative. Maintenant, j'aimerais qu'on parle un peu de ça, parce que, pour moi, c'est fort important. Quand on utilise le Net et on veut avoir accès à toutes sortes d'applications, on nous demande de cliquer sur «j'accepte» et on ne sait absolument pas qu'est-ce qu'on accepte. Ce consentement est un consentement explicite, mais ce n'est pas un consentement éclairé. Alors, je me demande si vous êtes d'accord qu'il ne faut rien faire parce que ça suffit.

J'aimerais aussi que... Quand vous avez parlé tout à l'heure de l'intelligence artificielle et qu'il faut faire attention parce que, si on fait trop de protection de renseignements personnels, on ne va pas faciliter l'exploitation, l'innovation, etc., moi, j'aimerais savoir de vous c'est quoi, l'équilibre à atteindre et comment vous, vous préciserez dans une... mais pas dans une disposition de loi, parce que vous ne voulez pas le changer dans la loi, qu'est-ce qu'il faut faire pour établir cet équilibre. Parce que c'est absolument nécessaire, pas parce que le monde est en train d'aller... on est dans un monde numérique et on n'est pas capables aujourd'hui de saisir tout ce que ça veut dire pour nous qu'il faut dire : Pff! Je ne fais rien parce que c'est inévitable. Alors, s'il vous plaît?

• (11 heures) •

M. Aylwin (Antoine) : Je vais répondre au premier volet puis après je vais laisser Me Guilmain répondre pour le deuxième volet. Au niveau du consentement, dans le cadre de notre pratique, on a beaucoup à traiter l'interaction entre les différentes lois sur la protection des renseignements personnels : fédérale, celles de l'ouest du pays, parce que nos clients recherchent des formules de consentement qui ne sont pas différentes pour chacune des provinces au Canada. Puis on explique souvent à nos clients puis à nos collègues du reste du pays qu'au Québec le fardeau est plus élevé, ça prend des consentements qui sont manifestes, on ne reconnaît pas les consentements implicites par «opt-out». Donc, on a déjà un niveau qui est plus élevé. Est-ce qu'il est respecté toujours? Peut-être pas. Je vous dirais que, pour nos clients, il est respecté, mais ça, c'est une opinion qui est très personnelle.

Mais ce n'est pas parce que ce n'est pas respecté qu'il faut changer la loi. Il faut s'assurer qu'elle soit respectée. Puis vous verrez aussi dans nos recommandations qu'on pense que la commission devrait jouer un rôle plus grand de leadership dans la vulgarisation des consentements, dans la simplification de l'information qui est donnée. Un bon exemple, c'est la carte qu'on nous remet comme visiteur quand on entre à l'Assemblée nationale, on n'a pas huit pages de texte, là, en arrière de la carte, pour comprendre c'est quoi, les enjeux de renseignements personnels. On a une carte, mais on comprend.

La commission, je pense, devrait avoir un mandat plus grand à ce niveau-là, faire des politiques types, puis de... En Europe, là, les commissions de données approuvent les politiques puis les formulaires de consentement. Ils ne demandent pas un consentement qui est plus élevé, mais ils s'assurent que c'est fait comme il faut. Ça fait que c'est peut-être plus ça qui est notre approche que d'une approche législative, de changer la façon d'obtenir le consentement. Puis, sur ce, je laisse Me Guilmain compléter.

Le Président (M. Ouellette) : Me Guilmain.

M. Guilmain (Antoine) : Je vais ajouter à cet effet que ce qui est proposé dans le rapport quinquennal, c'est de donner des explications sur ce qu'est «manifeste«, «libre», «éclairé». Donc, on va donner un exemple. Par exemple, «manifeste», eh bien, on viendra dire, à côté de la loi : «Évident, certain et indiscutable». Ça ne change pas grand-chose, on ne casse pas trois pattes avec un canard, puis ça ne va pas aider grand monde à savoir qu'est-ce qu'il faut faire concrètement avec ça.

Donc, l'idée, nous, on a déposé d'ailleurs un mémoire au Commissariat à la protection de la vie privée, au fédéral, du Canada, sur la notion du consentement. Et, dans ce contexte, nous, ce qu'on explique, ce n'est peut-être pas changer la loi, effectivement, mais donner des mandats plus importants aux commissions et leur dire : Bien, écoutez, préparez des documents qui nous permettent de dire... des formes de directives qui vont aider les entreprises, en disant : Écoutez, ça doit tenir sur deux pages, ce n'est pas compliqué : la collecte, l'utilisation, la communication, la conservation, l'accès. Sauf que des fois, effectivement, quand on va sur les sites Internet, on peut passer des jours, des nuits... Il y avait une étude qui avait été faite récemment où on disait qu'il fallait passer à peu près 300 heures par année pour lire toutes les politiques de confidentialité. C'est ça, le problème, c'est véritablement la... Et ce n'est peut-être pas tant dans la loi, le problème, que dans la manière dont on l'approche. Puis c'est en tout cas le point de vue qu'on défend.

Concernant l'intelligence artificielle, je comprends évidemment l'enjeu de se dire : On ne peut pas uniquement privilégier les entreprises et les organisations oeuvrant dans le milieu. Mais la réalité est qu'aujourd'hui on parle essentiellement de renseignements personnels qui concernent des individus. Et ça fait depuis plusieurs années que ce sujet est sur la table, parce que c'est un sujet primordial, important, par opposition à la notion de données que traitent les entreprises et qui est la nouvelle réalité, c'est-à-dire qu'on est dans un contexte où on travaille... 80 % des actifs, on évalue, d'une entreprise s'évaluent à base de données. Pour le moment, aucun législateur à travers le monde ne s'intéresse à ces enjeux. Personne ne s'intéresse à dire : Bon, bien, écoutez, comment on va donner de la sécurité juridique à nos entreprises, de sorte à leur permettre de véritablement exploiter et valoriser les données sur lesquelles ils vont passer du temps à travailler.

Et c'est un petit peu l'objectif de cette présentation, de dire : Oui, effectivement, on a les renseignements personnels, mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres renseignements et ça ne veut pas dire également qu'un renseignement personnel n'évolue pas, en ce sens que, si vous me donnez, par exemple, votre nom, votre prénom et certaines données de santé, eh bien, par exemple, un logiciel de radiographie va être peut-être en mesure d'apprendre de plusieurs personnes et, grâce à ça, sauver des vies. Parce que c'est la réalité, ce n'est pas uniquement une perspective économique, c'est également... je veux dire, il y a des aspects sociétaux là-dedans. Donc, il faut permettre également l'innovation.

Et, comme je l'ai souligné tout à l'heure, on ne peut pas se permettre de favoriser l'innovation au détriment des droits des citoyens. Mais c'est véritablement mettre le sujet sur la table en expliquant : Bien, voilà, il y a des renseignements personnels, et on a d'autres types de données. Et les renseignements personnels, ce n'est pas quelque chose de fixe, ça évolue, et on peut en faire quelque chose. C'est ce que l'avenir nous démontrera.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chauveau.

Mme Tremblay : Oui, merci beaucoup, M. le Président. Alors, ma question va être posée à Me Guilmain. Elle porte un petit peu sur le même sujet, sur ce qu'on vient d'aborder. Vous avez dit tout à l'heure dans votre présentation que Québec est une des seules provinces qui ne partage pas la communication de renseignements personnels dans le transactionnel. Je ne suis pas sûre de bien comprendre ce que vous voulez dire. Pouvez-vous me donner un exemple concret puis également nous dire jusqu'où on devrait aller, justement, dans la divulgation des informations personnelles?

M. Guilmain (Antoine) : Bien, je suis content que cette phrase ait piqué notre intérêt. Je vais laisser Antoine s'exprimer puis, pour ma part, je rajouterai...

M. Aylwin (Antoine) : Dans un cadre prétransactionnel, il y a de l'échange d'information qui se fait entre entreprises pour voir est-ce que je veux acheter, O.K., le concept de base. La loi albertaine puis maintenant la loi fédérale nous disent : Dans un cadre prétransactionnel, on peut échanger des renseignements personnels pour voir est-ce que l'entreprise... Souvent, c'est de l'information sur des hauts dirigeants pour savoir c'est quoi, les conditions salariales. Par exemple, ça se peut qu'il y ait des fins d'emploi, donc je dois pouvoir prévoir si, les actifs ou les actions que je vais acheter, je suis prêt à payer le prix que je suis prêt à payer puis je suis prêt à faire l'acquisition.

Donc, au fédéral puis au provincial, on a établi un cadre, en Alberta, où on peut échanger ces renseignements-là dans un cadre de confidentialité, avec un contrat, on est obligé de détruire les données si la transaction n'opère pas, puis on va donc prendre ces engagements de confidentialité au même titre qu'on prend des engagements de confidentialité auprès de nos employés.

Au Québec, cette exception-là n'existe pas. Et, nous, c'est un problème, là, courant, où on a des clients qui demandent : Mais comment est-ce qu'on va faire pour évaluer la transaction? Puis là on imagine plein de scénarios puis de mécanismes qui sont un peu... qui sont onéreux et qui sont complexes pour essayer d'arriver au même résultat d'évaluer véritablement. Puis ce n'est pas toujours possible d'amalgamer les données d'une façon où est-ce qu'on puisse l'évaluer correctement. Et puis ça, c'est un désavantage compétitif pour les entreprises du Québec.

Puis on le voit, là, les entreprises qui font des acquisitions dans plusieurs juridictions trouvent que c'est vraiment un enjeu qui est difficile à gérer, alors que je ne suis pas certain que ça nous donne une grande valeur de ne pas permettre aux entreprises de faire ces échanges-là. Puis c'est parce que ça favorise l'activité économique de pouvoir bien évaluer une entreprise plutôt que d'avoir des surprises après l'acquisition.

Ça fait que c'est un petit enjeu qui est très pratique. Et ça avait été soulevé dans le cadre des consultations en 2006, la loi n'a pas été amendée en ce sens-là. Il reste que le Québec, on fait cavalier seul sur le sujet. Puis, si je ne me trompe pas, en Europe, là... Mon collègue revient de Bruxelles, où il a fait un séminaire sur les nouvelles règles européennes, là, qui vont entrer en vigueur en avril, et, si je ne me trompe pas, en Europe aussi c'est permis, alors que c'est dans les juridictions qui sont les plus avancées en matière de protection des renseignements personnels.

M. Guilmain (Antoine) : Peut-être un élément également : il y a un enjeu de compétitivité, évidemment, mais également un enjeu de transparence. C'est-à-dire que, si on divulgue qu'effectivement, dans le cas d'une transaction, eh bien, des renseignements personnels pourraient être échangés, eh bien, c'est également à l'avantage de l'individu. Il ne faut pas croire qu'on est dans une situation où, d'un côté... Il faut bien informer les individus de cette situation. Donc, il faut vraiment le voir sous l'angle de la compétitivité puis également de la transparence, parce que l'individu a le droit de savoir ultimement que, dans un contexte transactionnel, eh bien, potentiellement, de l'information personnelle va être échangée.

M. Aylwin (Antoine) : Puis brièvement, M. le Président...

Le Président (M. Ouellette) : Oui. Ah oui!

M. Aylwin (Antoine) : ...ce n'est pas réaliste de penser qu'on peut obtenir le consentement dans ce cadre-là parce que les cadres prétransactionnels sont des cadres qui sont confidentiels, puis il y a des enjeux financiers qui risquent de tomber si on divulgue à grande échelle une transaction potentielle. La ministre connaît ça mieux que moi, encore, là, pour avoir exercé dans le domaine, là. Donc, ce n'est malheureusement pas un sujet qui peut se régler par un consentement, sauf par des consentements en amont, mais là, à ce moment-là, on ne donne aucune information. On dit : Peut-être qu'on va avoir une transaction un jour, puis vous nous permettez d'échanger les renseignements, ce qui ne nous donne pas grand-chose pour informer la personne.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Oui. Merci. C'est intéressant, cette dernière conversation. Je ne suis pas sûre d'avoir tout compris. Alors, bonjour, M. Aylwin, contente de vous revoir, M. Guilmain aussi, d'être ici avec nous aujourd'hui. Et vous avez fait un travail, toute une grande réflexion. Parce qu'on aurait beaucoup de questions, puis on pourrait partager plus longuement que le peu de temps que nous avons, sur plusieurs éléments... parce que vous ne l'avez pas juste relevé, on voit que vous avez réfléchi longuement sur le contexte transactionnel.

Pour faire la différence québécoise ou pas, là, donnez-moi donc un exemple de ce que vous... Parce que, là, vous parlez de transactions, mais, dans le quotidien puis dans la pratique, donnez-moi un exemple de ce que ça veut dire.

• (11 h 10) •

M. Aylwin (Antoine) : J'ai une cliente qui est un courtier d'assurance, qui est... en fait, qui acquiert un autre courtier d'assurance ici, au Québec. Pour évaluer l'entreprise, le prix qu'elle devra payer puis son plan de transition suite à la transaction, elle a besoin d'avoir de l'information sur une quantité d'individus clés au sein de l'entreprise, leurs conditions salariales, leur ancienneté, pour voir, pour penser à l'avance qui est-ce qu'on va garder, à qui est-ce qu'on va offrir une indemnité de départ. C'est quoi, l'expérience que j'ai, de gestion, dans ma direction? Est-ce que c'est toutes des personnes qui sont arrivées récemment, des personnes qui sont bien implantées? J'ai besoin de savoir, bien, combien j'ai de personnes qui sont en congé maladie, j'ai besoin d'avoir des détails là-dessus pour bien savoir c'est quoi, l'état de ma main-d'oeuvre.

Aussi, dans un cas d'un courtier d'assurance, je vais avoir besoin d'information sur les dossiers. Il va falloir que je me fasse une tête sur la valorisation des dossiers clients. Puis il va falloir peut-être que je gratte un peu plus pour voir, bon, les clients qui... les gros clients, là. C'est qui, les gros clients? Ils sont là depuis combien de temps? Ils sont signés pour combien de temps, etc.? Puis, dans ce cadre-là, je peux rentrer également dans... accéder dans des renseignements personnels, puis ça peut avoir des impacts énormes sur le prix et sur la décision de procéder à la transaction, ces informations-là. Puis, dans le cadre actuel, la loi ne permet pas d'échanger ces renseignements-là dans un cadre prétransactionnel autrement qu'avec le consentement de chacun de ces individus-là. Puis, les clients, aller chercher le consentement, c'est infaisable, en pratique, là.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Une fois de faire ce constat-là, quelle est la raison pourquoi que le Québec ne le permet pas?

M. Aylwin (Antoine) : Malheureusement, je pensais que vous alliez me donner la réponse aujourd'hui.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Non...

M. Aylwin (Antoine) : Je n'ai pas la réponse. Je ne comprends pas. Le Canada, le fédéral l'a fait récemment, puis ça semblait une évidence pour tout le monde, là, rendu là. Mais je n'ai aucune idée pourquoi le Québec ne lui a pas emboîté le pas.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Mme la ministre, peut-être, pourra nous répondre, ou l'équipe, pourquoi, là, mais effectivement... Dans votre intro tout à l'heure, vous avez parlé du commissaire à l'accès à l'information et les ressources qui lui manquent. Puis je pense que c'est une... Je réitère, moi aussi, ce que vous dites, et on a eu l'occasion d'en parler avec la ministre lors des crédits. Il ne peut pas compléter et faire son mandat adéquatement, le commissaire à l'accès à l'information, si on ne lui donne pas les ressources et les... les besoins qu'il peut y avoir pour accomplir son mandat. Je pense qu'ils sont six commissaires, sept, avec lui, je crois.

Il y a énormément de retard. Comme députés, on le vit, nous aussi. On a beaucoup de... Dans nos circonscriptions, on a des demandes. On n'a pas des tonnes de monde qui viennent voir les députés à ce niveau-là, mais j'en ai, à Pointe-aux-Trembles, qui m'appellent pour me dire qu'ils ont deux ans, trois ans, des délais à n'en plus finir pour avoir une information, puis que ton information est pertinente à un moment donné mais que dans un an, deux ans, bien, c'est rendu trop tard. Alors, je pense que je réitère... Je sais que la ministre nous écoute — et m'écoute — alors, je lui relance la priorité à ce que... Si on veut avoir un gouvernement transparent comme elle l'a dit et y mettre davantage de transparence, je pense que c'est important de donner les ressources qu'il faut au commissaire d'accès à l'information.

Dans un autre ordre d'idées, je veux revenir, moi, sur le secret professionnel. Parce que vous avez vraiment... vous mettez des petits holà, comme je pourrais dire. Vous avez dit que nous avons... Dans votre mémoire, vous dites : «...nous avons des doutes sur la mise en oeuvre pratique d'une telle mesure. On peut en effet [estimer et] se demander qui décide lorsque l'intérêt public l'emporte, comment définir l'intérêt public, quels critères devraient être pris en compte dans une telle analyse.» Alors, vous remettez en question pas nécessairement le fait du secret professionnel tel quel, mais comment on peut définir l'intérêt public, puis qui le définit tel quel. Pouvez-vous élaborer davantage sur comment vous voyez c'est quoi, l'intérêt public, et comment il devrait être mieux défini?

M. Aylwin (Antoine) : Premièrement, j'ai oublié une chose, quand on a parlé de secret professionnel tantôt, c'est : vous allez devoir modifier la charte si vous voulez avoir des impacts, parce que l'article 31 de la Loi sur l'accès, par exemple, n'a pas vraiment d'application pratique, parce que la charte a une préséance sur la Loi sur l'accès. Ce qui fait que, tant que l'article 9 va exister dans sa rédaction actuelle, je pense que les résultats vont être les mêmes.

Au niveau de l'intérêt public, je vous dirais, c'est un peu les organismes, pas juste le gouvernement, qui sont dépositaires de l'application du critère d'intérêt public, dans l'exercice de leur jugement puis dans les décisions de renoncer ou non dans l'application du secret professionnel. Puis effectivement, l'intérêt public, on a tous notre définition. Je veux dire, quand vous êtes à l'opposition, vous avez probablement une notion d'intérêt public qui est vers plus de divulgation. Quand vous êtes au gouvernement, vous allez avoir une réticence parfois à divulguer des renseignements qui sont sensibles, dans le cadre de... pour des considérations politiques, administratives, de sécurité nationale, etc.

 Je ne dis pas que c'est des mauvaises motivations. Vous avez l'occasion de changer de chaise de temps à autre. Quand on change de chaise, on change de point de vue sur la notion d'intérêt public en général. Nous, on n'a pas constaté nulle part, dans d'autres juridictions, où cette notion-là a reçu une définition qui était efficace. C'est un constat qu'on fait à cause de cette différence de point de vue là.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Pour revenir au secret professionnel, bien, dans le secret professionnel, le commissaire... le rapport nous indique qu'on devrait ne se prévaloir du secret professionnel, sur les deux lois, que dans des cas exceptionnels. Êtes-vous en accord avec ça?

M. Aylwin (Antoine) : Bien, en fait, des cas exceptionnels...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : «Où la relation entre le professionnel et son client repose sur un besoin impérieux de confiance et qu'il est démontré que la divulgation du document [...] risque vraisemblablement de porter préjudice à cette relation...»

M. Aylwin (Antoine) : C'est pour ça que le secret professionnel existe, en effet. À savoir est-ce que c'est exceptionnel ou pas exceptionnel, moi, j'ai tendance à penser que la relation client-professionnel est nécessairement de nature de confiance, O.K.? C'est un des critères pourquoi les professions sont reconnues en vertu du Code des professions. Il y a quatre critères, là, je ne peux pas vous les citer, là, par coeur, là, mais c'en est un, des critères, puis la vulnérabilité du client, etc. Donc, pour moi, c'est difficile de faire une distinction entre la relation professionnelle qui reposerait sur un lien de confiance et celle qui n'est pas reliée sur un lien de confiance. Pour moi, la nuance n'est pas claire, que c'est... qu'on est capables de le couper, ça.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Sauf qu'il va falloir trancher. Il y a le Centre québécois du droit à l'environnement, hier, qui est venu nous présenter son mémoire, puis il nous a indiqué que les requêtes des organismes publics à la CAI pour des demandes d'accès abusives — on a eu l'occasion de discuter de ces accès abusifs en vertu de l'article 137.1, si vous vous y retrouvez, de la loi — avaient, en tout cas comme ils appelaient, un effet... ce qu'il a dit, un effet dilatoire. Considérez-vous que nous devons maintenir l'article 137.1 tel quel?

• (11 h 20) •

M. Aylwin (Antoine) : C'est intéressant, parce que l'article 137.1 est devenu, par l'application jurisprudentielle, une question de ressources. C'est une question, maintenant, d'heures, de possibilité de répondre dans un délai de 30 jours à une demande d'accès. Il existe deux modèles, hein, au niveau de l'accès à l'information : le modèle fédéral, il n'y a pas de délai, on répond, si la demande prend six mois à répondre, on répond au bout de six mois parce que ça prend six mois à répondre, mais on traite les demandes; ou on a un modèle avec un délai, mais où il faut tenir compte que, bien, ce n'est pas toutes les demandes qui peuvent être traitées en dedans de 30 jours.

Il y a des demandes, là, qui sont énormes, là. On en a vu, là, des demandes, là, où on se dit : Bien, écoutez, tant qu'à ça, ce que vous demandez, c'est... Venez à l'organisme public, puis on va vous donner le mot de passe, puis vous allez fouiller dans nos écrans pendant six mois, puis vous allez avoir votre information. Il faut voir aussi, ces demandes-là, qu'elles existent.

L'article 137.1 n'est pas appliqué fréquemment par la Commission d'accès. Je pense que c'est l'objectif, qu'il ne s'applique pas fréquemment mais qu'il s'applique quand il y a vraiment des cas d'abus. Donc, je pense que, dans la mesure où vous gardez un délai pour le traitement des demandes puis que vous mettez cette pression-là sur les organismes publics, il va toujours y avoir un enjeu de ressources, il faut une soupape pour permettre d'évacuer ça. Puis, pourquoi c'est vu comme un moyen dilatoire, peut-être ça revient à une question de ressources. Si ça vous prend un an et demi d'avoir une date d'audition pour plaider la requête sur 137.1, puis qu'éventuellement elle est rejetée, puis que ça prend une autre année et demie avant d'avoir une date sur le fond, je peux voir que c'est vu comme un moyen dilatoire.

J'avais un dossier à Rouyn-Noranda au mois de juin. Tu sais, la commission vous fixe une date sans vous demander si vous êtes disponible. C'est ça, la pratique, actuellement. Puis ils vous fixent une 1 h 30 min ou trois heures, puis des fois ça prend plus que 1 h 30 min ou trois heures pour traiter la demande. On a mis une date à Rouyn au mois de juin. Ça ne fonctionnait pas pour des enjeux de disponibilité puis de délai. Il y avait beaucoup de personnes impliquées. Encore une fois, c'était une demande qui visait plusieurs organismes publics, ce qui fait que tout le monde voulait se faire entendre. Bien, après ça, on nous a dit pour refixer la date : Pas sûr qu'on va avoir des dates avant 2018, là. On ne retourne pas en Abitibi-Témiscamingue avant... en fait, on n'a pas de date encore, on ne sait pas quand est-ce qu'on va y retourner. Ça fait que ça revient sur l'enjeu des ressources.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Ah! Ça va trop vite. J'aurais eu des questions sur les personnes décédées, parce que vous parlez, particulièrement, que se pose un contexte particulier. Et vous parlez de motifs de compassion particulièrement, parce qu'on a quand même... tout ce qui concerne quand même le registre de l'état civil, hier on a discuté un peu des naissances, des décès, particulièrement, puis là vous êtes ouverts pour des motifs de compassion. Ça fait qu'on n'a plus de temps, là, mais on aura l'occasion de se reparler peut-être.

Le Président (M. Ouellette) : C'était un commentaire aussi. Puis je pense que Mme la députée de Pointe-aux-Trembles est très heureuse de vous accueillir, Me Aylwin, et ça nous fait tous vieillir un peu. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Me Aylwin, Me Guilmain, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission. J'aimerais qu'on revienne sur 137.1 de la Loi d'accès. Dans le fond, vous nous dites : Au fédéral, il n'y a pas de délai. Au provincial, il y a un délai, 20 jours plus 10 jours, bon, le 30 jours. Ça peut mettre de la pression sur les organismes publics pour répondre à une telle demande. Mais, ma question, supposons qu'on s'inspirerait du fédéral, comment est-ce qu'on fait pour s'assurer du monitoring et que l'organisme public, dans le fond, qui reçoit la demande d'accès à l'information, bien, elle ne prend pas la demande puis elle la met dans la filière 13 à côté, puis qu'il y a de la poussière qui s'accumule, tout ça? Dans le fond, je pense que le délai dans la loi d'accès québécoise, c'était pour dire à l'organisme public : Bien, le citoyen ou la personne qui fait la demande d'accès, il va s'attendre à avoir la réponse dans un certain temps. Puis, en matière environnementale, parfois c'est important d'avoir les rapports pour prendre une injonction ou prendre une ordonnance de sauvegarde, ou quoi que ce soit. Ça fait que comment est-ce qu'on réconcilie ça?

M. Aylwin (Antoine) : Pour compléter sur le mécanisme au fédéral, il y a un mécanisme de plainte, au niveau des délais de traitement, qui a été mis en place pour compléter, justement, pour qu'il y ait une certaine supervision qui se fasse. Il y a quelques années, il y a un organisme public qui est devenu assujetti à la Loi sur l'accès à l'information et qui a reçu, la journée où ils sont devenus assujettis, des centaines de demandes d'accès à l'information de la même personne. Donc, c'était beaucoup à traiter, puis l'organisme public a, bien, traité les demandes dans l'ordre où elles sont arrivées puis a répondu au fur et à mesure. Le demandeur a fait une plainte parce que la réponse qu'on lui a donnée, c'est : Ça va prendre un an, répondre à vos demandes. Et il a fait une plainte au Commissariat à l'information, qui ont rentré en contact avec l'organisme public, qui sont rentrés dans le mécanisme de plainte, puis ça a certainement mis de la pression sur l'organisme public, qui a continué à répondre aux demandes pendant l'année. Ça fait que l'équilibre est encore là, puis il y a un impact de ne pas répondre dans des délais qui sont raisonnables. Puis c'est sûr que ça va ramener aussi, toujours, la question comment vous êtes organisé, comment vous traitez les demandes, etc. Les organismes sont obligés de rendre compte quand il y a des plaintes qui sont faites de ce sens-là.

Ceci étant, est-ce que c'est un meilleur modèle que le modèle québécois? Je ne suis pas certain. Je pense que j'aime mieux un modèle où on va avoir des demandes qui sont précises, où il va y avoir une collaboration entre le demandeur puis l'organisme pour bien cibler ce qui est demandé. Parce que ça, c'est peut-être quelque chose qui n'est pas systématiquement compris, chez les organismes publics, cette obligation de collaboration là. Des fois, on est dans un climat de confrontation puis... Mais il reste que l'organisme public doit assumer cette responsabilité-là. Le gouvernement a obligé de présenter des plans de classification, a obligé de la divulgation proactive, donc ça fait partie de cette culture-là, donc des demandes plus ciblées. Comme ça, s'il y a des objections, bien, ça va être des débats plus ciblés, puis on va pouvoir traiter les demandes plutôt que de rentrer dans des commissions d'enquête, là, en demandant énormément de documents, puis qu'on n'aboutit jamais au résultat.

M. Jolin-Barrette : Je vous donne l'exemple, hier, que le Centre québécois du droit en environnement nous a donné. Ils avaient présenté une requête pour avoir les 150 rapports de forage. Là, ils se sont fait opposer par le ministère des Ressources naturelles, dans le fond, qu'en vertu de 137 la demande était trop volumineuse, puis c'est un peu comme une partie de pêche, puis que c'était trop volumineux. Le Centre québécois du droit en environnement a dit : Bien, écoutez, nous, on veut avoir les rapports des forages. Il y en a eu 150, puis on a le droit d'avoir accès.

Qu'est-ce qu'on fait dans une situation comme ça, quand, dans le fond, chacun des rapports... C'est important de cibler l'information qu'on veut, mais, si on veut avoir l'information des 150 rapports, est-ce qu'on va être considéré comme quérulent? Est-ce que le citoyen qui veut ça va être considéré comme quérulent parce qu'il veut avoir cette masse d'information là?

M. Aylwin (Antoine) : C'est sûr que je ne sais pas de quoi les documents sont constitués, si on parle des documents qui font une page ou si c'est des documents qui font 50 pages ou 60 pages. Il ne faut pas oublier que les organismes publics, en vertu de la loi, ont des obligations dans le traitement des demandes. Même s'ils veulent donner les documents, ils doivent consulter les documents au complet, les traiter, vérifier si les articles 23 et 24 peuvent s'appliquer, impliquer les tiers. Puis on ne peut pas juste leur pitcher les documents, il faut qu'on leur dise sur quoi on veut les consulter. Il y a la question des renseignements personnels.

Donc, il y a une question de gestion de volume, O.K.? Probablement que les organismes fédéraux sont mieux outillés au niveau technologique pour traiter les demandes d'accès. Moi, j'en fais, là, autant pour des organismes publics que pour des tiers, aux deux niveaux, puis ils ont des logiciels de traitement de l'information au fédéral, donc ils ont des ressources qui leur permettent de mieux traiter puis de faciliter le travail.

Je sais que je suis fatigant avec ça, là, la ministre va penser que je veux juste parler de ressources, mais ça reste que ça revient toujours au même débat. Pour parler de justice, on était en discussion pour implanter certaines réformes technologiques, mais les palais de justice n'ont pas les ordinateurs assez puissants pour acquérir les données, héberger les données. Ça fait que, quand même bien qu'on voudrait avoir un système qui fonctionne mieux, plus transparent, etc., si vous n'êtes pas capable d'avoir les ressources informatiques qui permettent de donner effet à cette volonté-là, on ne peut pas y arriver, là.

M. Jolin-Barrette : On va entendre la Commission d'accès à l'information à la fin du processus. Je veux juste vous poser une question pratico-pratique comme plaideur. Vous l'avez un peu abordée tout à l'heure avec votre exemple de l'Abitibi. Est-ce que ça arrive fréquemment, dans le fond, des situations comme ça, où vous vous retrouvez face... vous n'avez pas assez de temps, où l'horaire n'est pas prédéterminé à l'avance et où on ne vous consulte pas? Parce que ça, c'est important pour les justiciables qui font des demandes d'accès. Si leur demande d'accès est refusée, puis là ils vont en révision, mais, s'ils ne sont jamais entendus, ça a un impact. En tant que plaideur, est-ce que ça vous arrive souvent?

M. Aylwin (Antoine) : Je ne veux pas dire tout le temps, parce que ce serait un peu exagéré. Ça arrive fréquemment. J'ai déjà eu un dossier... Puis là il y a une rotation auprès des commissaires de l'accès à l'information, là. Il y en a qui sont passés, là, un peu comme des étoiles filantes, là. Puis là, malheureusement, on en perd une qui était là depuis de nombreuses années, ça fait que ce n'est pas... Des fois, c'est une question, là, que le président... il n'y a pas de commissaire, là, attribué. Mais j'ai eu un dossier où j'ai eu une audition en septembre. Le dossier n'était pas terminé, on n'a pu se revoir qu'au mois de décembre de l'année suivante pour le continuer, ça fait qu'il y a vraiment des enjeux, là, à ce niveau-là. Tu voulais compléter?

M. Guilmain (Antoine) : Oui. Il y a un élément qui est important également, parce qu'on parle beaucoup de ressources, de ressources technologiques, mais, encore une fois, et je ne saurai trop insister là-dessus, il faut faire vraiment attention à la technomagie et que ce n'est pas parce qu'on est dans une situation où on dote les organismes publics de ressources informatiques que, d'un coup, ils vont devenir des agents de recherche et qu'on va pouvoir leur demander les 150 rapports dans un domaine quelconque.

Donc, c'est un élément qui est important, c'est-à-dire qu'au-delà de l'aspect des ressources informatiques il y a aussi un petit peu savoir ce qu'on veut des organismes publics. Est-ce qu'on veut vraiment les transformer en agents de recherche? Ce n'est peut-être pas ça qu'on veut. Puis c'est un élément qu'il faut également évaluer, c'est-à-dire que la technologie, oui, ça peut aider, mais ce n'est pas une solution miracle. Puis c'est un élément sur lequel on aimerait vraiment insister aujourd'hui.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Merci, M. le député de Borduas. Merci, Me Antoine Aylwin, Me Antoine Guilmain, d'être venus présenter les résultats de votre mémoire à la commission.

Je suspends quelques minutes et je demanderais à l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 11 h 30)

(Reprise à 11 h 32)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec, Mme Lise Chagnon, sa directrice générale, et M. Alexandre Allard, son président. Je pense que c'est M. Allard qui va commencer?

Association des gestionnaires de l'information
de la santé du Québec (AGISQ)

M. Allard (Alexandre) : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Ouellette) : Bon, vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation. Après, il y aura une période d'échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Ça a l'air qu'on ne sortira pas bien, bien loin, parce qu'on a encore du monde de Pointe-aux-Trembles, ça fait que, bon, bien, c'est correct. M. Allard, à vous la parole.

M. Allard (Alexandre) : Merci beaucoup. Bonjour à tous, M. le Président, Mme la ministre, et Mmes, MM. les députés. Merci de nous recevoir aujourd'hui. Donc, je suis Alexandre Allard, président du conseil d'administration de l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec — mieux connus sous le nom d'archivistes médicaux dans les établissements de santé. Et je suis accompagné de Mme Lise Chagnon, qui est directrice générale de l'association.

Donc, l'AGISQ, on est une association professionnelle volontaire à but non lucratif. Nous sommes la voix des archivistes médicaux de la province qui travaillent dans les établissements de santé. On est environ 1 600 dans l'ensemble du réseau. Notre mission est notamment de promouvoir l'utilisation des données cliniques, clinicoadministratives dans un souci de performance du réseau, promouvoir les droits des usagers en matière d'accès à l'information, promouvoir également la sécurité de l'information de la santé. Et on soutient également les établissements avec la conservation de l'information clinique et administrative dans les établissements. Au jour le jour, les archivistes médicaux sont donc responsables de la bonne gestion de toute l'information contenue dans le dossier de santé des usagers, et ce, pour tous les établissements de santé du Québec.

Ceci dit, nous saluons le rapport étoffé de la Commission d'accès à l'information. Nous croyons effectivement que le travail ainsi amorcé saura mettre la table à une réforme de l'encadrement de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels au Québec. Nous souhaitons ainsi nous positionner en faveur de l'élargissement de l'application de la Loi sur l'accès, et donc en faveur de la transparence gouvernementale et de la révision des droits d'accès aux documents.

Soulignons que nous tenons cette position en cohérence avec notre responsabilité en matière de protection de la confidentialité dans les établissements de santé du Québec. Nous concevons effectivement la transparence et la confidentialité comme étant des principes complémentaires plutôt qu'opposés. L'un ne va pas sans l'autre, et l'application de la transparence sur l'information de nature publique doit se faire dans le respect de la confidentialité des informations privées. Or, afin de gérer la tension existant entre ces deux principes cruciaux, les archivistes médicaux doivent disposer d'une législation qui est claire, pertinente, judicieuse et applicable. Nous espérons donc que nos observations sauront favoriser la qualité de la réflexion sur le sujet et aider la progression d'une saine transparence au Québec.

Donc, de l'avis de l'AGISQ, en déterminant des balises raisonnables et réfléchies, il sera possible de rétablir ce fameux équilibre là qui est recherché.

Cela dit, la réalité opérationnelle des archivistes médicaux concerne principalement l'accès des usagers à leurs dossiers de santé, et des tiers, bien sûr. Le dossier de santé appartient à l'usager. Il est détenu par un établissement de santé et géré par l'archiviste médical. Dernièrement, nous avons pu constater que le discours public du ministre de la Santé et des Services sociaux, le Dr Barrette, nous amène vers la mise en place d'un dossier médical accessible par le patient lui-même, qui permettrait pour le patient un accès à son dossier, et même via peut-être une application mobile. Nous appuyons un tel progrès, mais en même temps on est d'avis que la loi sur l'accès à l'information doit aussi tenir compte des restrictions qui sont prévues par la loi de la santé et des services sociaux du Québec. Certaines restrictions servent justement à protéger le public des préjudices graves pouvant être causés par la diffusion d'information autant à l'usager lui-même qu'à des tiers.

La qualité de la relation thérapeutique et de la relation de confiance qui s'installent entre un professionnel de la santé et l'usager est donc liée à la gestion du dossier de santé, et ça, c'est encadré par l'article 25 de la loi de la santé et des services sociaux.

Ainsi, nous partageons la vision émise par la Commission d'accès pour rendre l'information accessible et restreindre des limitations aux informations qui doivent absolument être sous une confidentialité absolue. Il serait notamment avantageux que la protection des renseignements personnels, dans le cadre d'une demande d'accès, puisse être communiquée lorsque leur divulgation et leur communication ne constituent pas une atteinte déraisonnable au droit à la vie privée des tiers. Par le fait même, il est essentiel de prévoir des situations où la divulgation est présumée être une atteinte déraisonnable et celles qui ne le sont pas.

Dans un second temps, la question de l'accès à l'information et la protection des renseignements doit, de nos jours, aborder de nouvelles réalités. Comme l'a bien ciblé la Commission d'accès à l'information dans son rapport, l'existence et la prolifération de banques de données d'informations biométriques et génétiques posent de nouveaux problèmes, en incluant également les technologies portables. En effet, les données de santé personnelles sont de plus en plus utilisées et prisées par les différentes compagnies, que ce soit pour le développement de leurs produits, leur promotion, du marketing, alouette. Considérant la sensibilité de ces informations, les dispositions de la loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, entre autres sur la biométrie, sont à revoir.

Dans un sens, l'utilisation de ces données par un usager et son médecin peut susciter des discours très intéressants, voire même un changement de style de vie, proposer certains suivis médicaux plus poussés en fonction d'une analyse génétique. Par contre, l'utilisation de l'information génétique pour une population de façon systémique, dans un contexte autre que celui pour lequel la banque d'informations génétiques a été compilée, peut avoir des conséquences importantes sur les droits des individus ou d'une population entière. Par exemple, l'accès illégitime par une compagnie d'assurance aux informations génétiques d'un individu pourrait affecter la capacité de ce dernier à se prémunir d'une assurance personnelle.

En ce sens, notamment, l'encadrement de la création des biobanques est une recommandation importante de la commission que nous appuyons. Nous souhaitons d'ailleurs signifier que l'encadrement éventuel de la gestion des biobanques devrait être assuré par les archivistes médicaux sur la base de leur expertise en la matière. D'autre part, en prévoyant un encadrement bien défini pour la création, l'utilisation et la gestion des biobanques, il deviendrait également envisageable d'en tirer des bénéfices additionnels en donnant la capacité à des groupes de recherche d'étudier des informations contenues dans ces banques-là.

C'est le même portrait pour les métadonnées soit en santé ou dans d'autres domaines, mais qui concernent la population. Or, pour ce faire, les banques de données doivent être certaines d'être ouvertes, mais nécessairement anonymisées auparavant. Une telle opération peut être menée par des archivistes médicaux dûment formés. L'archiviste médical dispose effectivement de la formation juridique et des connaissances en gestion et en analyse des données qui pourraient permettre de le faire. En prévoyant l'anonymisation irréversible des informations biomédicales détenues par les organismes publics, la transparence pourrait bénéficier à tous et, comme nous le mentionnions plus tôt, être effectivement le complément de la protection des renseignements personnels.

• (11 h 40) •

Dans un autre ordre d'idées, l'AGISQ souhaite souligner une problématique agissant en amont de toute considération par rapport à l'accès à l'information. À l'heure actuelle, nous constatons que la qualité des données de santé compilées dans le réseau est compromise. En effet, hormis la formation continue proposée par l'AGISQ pour ses membres, les formations ne sont pas obligations à l'heure actuelle. Donc, rien n'assure le développement ou le maintien des compétences des archivistes médicaux. Pourtant, tous peuvent comprendre qu'il ne peut y avoir de tolérance par rapport à la qualité de l'information consignée par les archivistes. Les répercussions et les préjudices potentiels d'une information mal consignée sont effectivement majeurs. Comment expliquerions-nous une erreur médicale causée par une information qui n'est pas validée provenant du dossier médical? Ces préoccupations doivent être prises de front par le gouvernement, et la qualité du travail des archivistes médicaux doit être assurée par l'instauration et le financement d'une formation continue obligatoire.

Nous notons aussi, entre autres, la fiabilité et la sécurité de l'information qui résulteraient d'une généralisation de la journalisation des données et la réalisation d'audits. Donc, dans les établissements, qui consulte quoi? En effet, ces pratiques ne sont pas généralisées dans l'ensemble du réseau de la santé, alors qu'elles le devraient certainement pour assurer l'exactitude des données et assurer la protection des renseignements personnels. On résume cette dernière préoccupation en posant une question très simple : À quoi servirait la transparence de l'information si les informations qui sont transmises ou disponibles ne sont pas validées ou fiables? Encore une fois, dans l'aspect de la sécurité, qui consulte quoi, en termes de transparence, si ce n'est pas validé? L'exactitude et la sécurité de l'information demeurent donc cruciales pour assurer la transparence et la confidentialité, pour assurer que ces principes ne sont pas défendus en vain.

Il faut dire, avec l'arrivée prochaine du financement axé sur le patient, un projet cher à votre collègue Dr Barrette, cet aspect prendra une importance encore plus grande. Relier le financement à la qualité de l'information sera un enjeu, la sécurité de l'information, à l'heure des rançongiciels, un incontournable.

Pour conclure, permettez-moi de porter votre attention à la liste des recommandations de l'AGISQ, que vous retrouvez dans le mémoire également. On demandait ici que le gouvernement rende accessibles à l'usager les renseignements personnels contenus dans son dossier de santé, sous réserve de la présence d'informations préjudiciables pour lui ou des tiers; que le gouvernement accroisse ses efforts en faveur de la validité et la qualité de l'information personnelle en santé; que le gouvernement encadre et exige plus de sécurité sur la protection des renseignements qu'il détient, notamment en généralisant la journalisation des accès sur les données et en exigeant des processus d'audit; que le gouvernement encadre de façon plus serrée la création des banques de données biométriques et génétiques; qu'un responsable de l'accès et de la protection des renseignements personnels soit désigné dans les entités du secteur privé; et que le gouvernement mette sur pied un réseau d'experts sur les données ouvertes, l'anonymisation des banques de renseignements personnels et sur la sécurité informatique. Voilà. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Ça a bien été. Merci, M. Allard, ça a très bien été. Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Merci, M. Allard, Mme Chagnon. Merci pour votre mémoire et d'être ici présents avec nous aujourd'hui. Nous apprécions ça énormément. Merci beaucoup.

Alors, ma première question va toucher les données ouvertes. Hier, on posait la question — et je regarde ma collègue : Les données ouvertes, c'est quoi? Mais les PDF, ce n'est pas une donnée ouverte, O.K., parce qu'on ne peut pas réutiliser ou croiser les données. Les données ouvertes sont des données numériques qui peuvent être réutilisées, qui peuvent être croisées, qui sont accessibles et sujettes à une licence libre. Et donc, c'est vrai, le gouvernement a énormément de renseignements qui devraient être transférés en données ouvertes et mis disponibles aux Québécois et Québécoises pour qu'on crée une nouvelle économie d'innovation, etc. C'est absolument important que cela soit fait.

Mais vous, vous parlez de données ouvertes, d'anonymisation, votre expertise dans l'anonymisation. Si des renseignements personnels sont transférés en données ouvertes, il faut que ces renseignements soient anonymisés. Est-ce que vous pouvez me dire aujourd'hui que vous pouvez m'assurer qu'il n'y a aucune façon qu'après que les renseignements, dans le format données ouvertes, soient anonymisés... qu'on ne peut pas réidentifier les personnes?

Le Président (M. Ouellette) : M. Allard.

M. Allard (Alexandre) : C'est une bonne question, M. le Président. Oui, en fait, c'est une bonne question. Des données nominatives, on pense souvent, avec raccourci, que c'est nom, prénom, date de naissance, c'est tout. Mais ça va beaucoup plus loin que ça. Si on pense, par exemple, aux données de santé, dans notre expertise, bien, c'est sûr que, de commencer à transférer de l'information, par exemple, sur des maladies rares, bien, on s'entend, si ça touche un Québécois sur 1 million, bien, au groupe qu'on est, si cette information-là était rendue disponible, nécessairement en quelque part on finit par être capable d'identifier des gens. Donc, la réponse à cette question est assez large, et je vous dirais que ça dépend.

Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'il est intéressant, il est important de créer des groupes d'experts pour aller regarder ces scénarios-là et s'assurer que, pour une majorité de l'information, il y a peut-être un 80 % de l'information qu'on est en mesure de rendre sous forme de données un peu plus ouvertes, mais il va y avoir un 20 % de l'information qu'on devra peut-être prendre des moyens additionnels pour les protéger, considérant le fait qu'on pourrait venir qu'à identifier des patients, des usagers, des citoyens.

Mme de Santis : Alors, aujourd'hui, il n'existe aucun système parfait où on ne pourrait pas réidentifier et possiblement il y aura toujours un 0,1 % que la réidentification soit possible. À ce moment-là, il faut déterminer c'est quoi, les risques?

M. Allard (Alexandre) : Exactement.

Mme de Santis : Parfait. Maintenant, j'aimerais parler du dossier médical. Moi, je tiens à coeur que mon dossier médical m'appartient, et vous avez dit la même chose. Sauf, une fois que je suis décédée, à qui appartient ce dossier médical? Présentement, il y a un article dans la loi sur l'accès à l'information qui permet que des renseignements personnels qui incluraient mon dossier médical ne peuvent pas être partagés, sauf avec le personnel... sauf avec le liquidateur de la succession, le bénéficiaire d'une assurance vie ou d'une indemnité de décès, ou l'héritier, ou au successible de la personne concernée par le renseignement si cette communication met en cause les intérêts ou les droits à titre de liquidateur, bénéficiaire, héritière ou successible. C'est ça, c'est très, très limité. Alors, très souvent, je rencontre des gens qui voudraient bien savoir les circonstances de décès d'une personne dans un hôpital, dans un établissement, etc., mais ils n'ont pas accès, et ces personnes peuvent être le parent, un enfant, le conjoint. En plus, nous avons une recommandation ici qui est faite par la commission, c'est la recommandation 16, où on permettrait une certaine divulgation pour des raisons de compassion. Je ne comprends pas exactement qu'est-ce que c'est, «compassion». Alors, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

• (11 h 50) •

M. Allard (Alexandre) : O.K. M. le Président, Mme la ministre, petite distinction tout de suite en partant : c'est vrai que l'information médicale appartient à la personne. Dans le milieu, on considère toujours que le support, par contre, appartient au réseau de la santé. Donc, nécessairement, sur un dossier médical, il n'y a pas personne dans le réseau de la santé qui a le droit de partir avec son dossier médical sous le bras. Donc, il pourrait avoir accès à l'information, à certaines copies de l'information, mais il ne peut pas partir avec le dossier, parce qu'on a une obligation légale de conserver l'information des personnes qui ont consulté l'établissement. Donc, la propriété est un peu scindée comme ça.

Pour ce qui est de la conservation et l'information suite au décès, bien, rendu là, ce n'est pas une bibliothèque, les archives médicales, donc n'entre pas qui veut. Et, nécessairement, pour accéder à de l'information d'une personne qui est décédée, il faut être capable de faire valoir un droit, donc il faut faire valoir un droit. Si, par exemple, on est un descendant ou on est un ascendant et on a besoin de faire valoir nos droits, nous pouvons aller récupérer certaines informations au dossier médical. Mais il y a des limites associées à ça, ce n'est pas le petit cousin germain qui va pouvoir accéder à vos causes de décès.

Donc, nécessairement, déjà, la loi encadre bien ces éléments-là. Et par le passé il y avait eu une ouverture qui avait été créée dans la loi concernant le fait que... Des parents qui donnaient naissance à un enfant qui décédait peu de temps après — c'est très malheureux — dans l'ancien système, les parents n'avaient même pas droit aux causes de décès, et il y a un ajustement de la loi qui permet maintenant à un parent qui donne naissance à un enfant qui ne vit pas longtemps au moins de savoir un peu plus d'informations. Donc, il est possible d'ajuster la loi pour être capable de prévoir cette fameuse compassion là, mais en même temps ça a des limites, parce qu'il y a aussi le respect de la vie privée.

Tu sais, il n'y a pas d'obligation au Québec pour quelqu'un d'annoncer à sa famille qu'il a le cancer. S'il ne veut pas le mentionner, ça lui revient, et il pourrait décéder sans même mentionner de quoi il va décéder. Et par la suite, au niveau des archives médicales, nous avons à respecter ces droits-là. Donc, si quelqu'un consentait dans son dossier à dire : J'autorise pour tous mes descendants et tout le monde de la planète à accéder à mon dossier suivant mon décès, bien, nécessairement, le consentement est très large, mais ça nous donnerait des difficultés à l'appliquer, mais, dans les faits, nous aurions une porte ouverte pour être capables de donner de l'information. Mais, en même temps, il n'y a pas personne qui fait ça. On ne le lui recommande pas non plus.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chagnon, pour complément.

Mme Chagnon (Lise) : Dans le fond, c'est qu'on considère, avec ce que M. Allard vient de dire, qu'il est essentiel d'avoir des règles et de prévoir des situations où l'information divulguée pourrait être préjudiciable. Mais, dans les cas où l'information n'est pas présumée avoir une atteinte déraisonnable à la santé ou au suivi d'un usager, comme dans un cas de décès par exemple, effectivement, par mesure de compassion, il pourrait être intéressant que des gens puissent avoir accès à certaines formes d'information, ne serait-ce que pour rassurer la famille ou ne serait-ce que pour aider la famille à faire son deuil. Alors, si cette information-là n'est pas préjudiciable, si certaines règles entourant la divulgation, certaines règles légales, ont été respectées, lorsque les procédures sont finalisées, il devrait être possible de donner accès aux familles à certaines informations qui pourraient leur permettre de mieux vivre la situation. C'est un petit peu ça.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la ministre.

Mme de Santis : Mais qui détermine si c'est pour des raisons de compassion ou pas? Parce qu'il y a des cas qui sont très clairs, blanc et noir que c'est compassion. Mais après on va vers un gris. Mais alors, si on détermine... on dit aux responsables de l'accès à l'information : Il faut que vous décidez ça, comment la personne va décider?

M. Allard (Alexandre) : Si je peux me permettre, ça pourrait être très simple : en identifiant que les descendants et les conjoints ont accès, par exemple, à une cause de décès. Présentement, la loi prévoit, par exemple, que la personne qui a le droit de recevoir copie de l'autopsie dans un cas de décès, c'est la personne qui a consenti à l'autopsie. Donc, pensez aux familles recomposées, pensez aux fameuses chicanes quand qu'il y a décès. Ça arrive malheureusement trop souvent. Bien souvent, c'est de l'information qu'on ne peut pas donner à n'importe quel membre de la famille. Alors, c'est sûr qu'il faudra encadrer.

Et je ne suis pas après dire qu'il faut permettre de transférer un rapport d'autopsie à n'importe qui qui vient cogner à notre porte, mais il y a quelque chose à encadrer, ne serait-ce que pour les motifs de décès. Par la suite, si les gens veulent accéder à plus d'informations contenues au dossier médical, bien, il faut avoir un droit à faire valoir. Sinon, bien, ça ne donne pas accès au dossier de la personne qui m'est proche, qui est décédée.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Est-ce que je comprends de ce que vous dites que, si, dans mon testament, je dis que mon conjoint ou mon enfant aurait droit à mon dossier médical, le système va le respecter?

M. Allard (Alexandre) : On le respectera. On le respectera, puis en même temps peut-être que quelqu'un pourra mettre des limites. Est-ce que c'est encore valide dans 70 ans d'ici, dans 100 ans? Si on ne met pas de délai, c'est qu'il n'y en a pas pour toujours. Et en même temps il y a des règles de conservation qui font en sorte que, cinq ans suivant le décès, il y a beaucoup d'informations qu'on va être en droit d'élaguer du dossier. Donc, on fait de l'épuration. Il y a certains documents qu'on a l'obligation de conserver. On fait tous un bon travail au Québec là-dessus, mais il y a beaucoup moins d'énergie présentement qui est mise au niveau de l'épuration. Mais on a le droit de réduire la taille des dossiers avec le temps.

Le Président (M. Ouellette) : Si vous permettez, Mme la ministre, I just want to take a couple of minutes to say a warm welcome to Senator Ernesto Lopez, from Delaware, who is in Québec City with his two daughters, Anna and Claire, and probably that they will learn a little bit of French by being in the commission today. So a warm welcome to Québec City. Mme la ministre.

Mme de Santis : I reiterate the very warm welcome from all of us, and we are somewhat amazed that you sit there and listen to us. We hope that your understand some of what we say.

Une voix : «Un poco».

Mme de Santis : «Un poco.» «Va bene.» OK. Anyway, very, very welcome.

Alors, on va continuer. À la recommandation 40, vous parlez de journalisation, O.K.? Je ne sais pas si tout le monde comprend c'est quoi, la journalisation des accès aux informations. Peut-être vous pouvez expliquer, et ensuite j'aurai une question.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Chagnon.

Mme Chagnon (Lise) : Dans les dossiers des... Dans tous les systèmes informatiques, on est actuellement capable de savoir qui a consulté quoi. Je vais m'en tenir aux dossiers, parce que c'est l'objet que nous connaissons le plus. Auparavant, un dossier papier sortait d'un service d'archives, et puis il se promenait dans l'établissement, puis il revenait aux archives. Quand il était aux archives, on savait qui le consultait. Mais maintenant, avec l'informatique, il y a des écrans partout, les gens ont des codes d'accès personnalisés, alors on devrait être en mesure de savoir : Lise Chagnon a consulté le dossier d'Alexandre Allard, est allée voir telle page, telle page, telle page, à telle heure.

La journalisation, c'est de savoir qui a consulté un dossier, quand, qu'est-ce qu'il a consulté et est-ce que cette personne-là était autorisée à le consulter, parce qu'il y a des règles très précises. Les professionnels de la santé doivent consulter des dossiers des gens pour lesquels ils apportent des traitements. Ils n'ont pas le droit de consulter le dossier de leur père, de leur mère, de leur soeur, leur propre dossier. Ils doivent respecter certaines règles professionnelles entourant ça. Alors, quand on parle de journalisation, c'est : Est-ce que les systèmes le permettent? La réponse est, dans la majorité des cas, oui. Est-ce que, maintenant, on a les ressources à l'intérieur des établissements de santé pour aller voir, dans toute l'activité d'une journée, est-ce qu'on est... tous les gens qui ont consulté des dossiers, est-ce que ça devait être ces gens-là qui les consultent? Non.

Il n'y a pas de journalisation systématique qui se fait dans les établissements de santé au Québec actuellement. Les systèmes existent, mais les ressources pour le faire ne sont pas ou peu accordées dans le réseau de la santé.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Pouvez-vous m'indiquer... Ah, il me reste cinq minutes?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui. Il vous en reste huit, là. C'est que, dans trois minutes, je vais vous faire signe.

Mme de Santis : O.K., alors. Est-ce que vous pouvez nous expliquer qu'est-ce que vous voulez dire que vous voudriez encadrer la journalisation? Qu'est-ce que vous voulez faire exactement?

Mme Chagnon (Lise) : Je vais te laisser répondre.

M. Allard (Alexandre) : Oui, je vais y aller. En fait, c'est qu'étant donné qu'il y a des normes de sécurité qui obligent les systèmes informatiques à recueillir des journaux des activités, mais que le réseau n'a pas les ressources pour pouvoir le faire, bien, via l'intérêt de protection du public, bien, on aura un intérêt commun à s'assurer que les établissements en fassent un minimum. Et «donner le cadre» pourrait être capable de dire : Bien, entre un établissement et un autre, on a des niveaux de consultation inappropriée qui sont équivalents. Présentement, c'est une page blanche. Nous ne le savons pas. Et notre prétention, c'est de dire qu'on devrait, comme population, investir un peu plus là-dedans, parce que présentement on est proches de zéro, là.

Mme de Santis : Merci. Je vais laisser la parole à ma collègue.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chauveau.

Mme Tremblay : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour à vous deux. Merci beaucoup d'être là. J'aimerais avoir votre position concernant la recommandation n° 28 : «Intégrer les critères du consentement prévus dans la loi sur le privé à la Loi sur l'accès.» Tout à l'heure, la Centrale des syndicats du Québec a soulevé cette rubrique, la problématique du consentement dans le Dossier de santé Québec. Selon la position de la Centrale des syndicats du Québec, c'est : «Ce dossier est une gigantesque base de données qui prend continuellement de l'ampleur au fil de son déploiement, dont les informations sont utilisées à plusieurs fins et pour lequel le consentement à la collecte de données n'est que général et implicite.» Et ce que la centrale, la CSQ a soulevé, c'est qu'il serait primordial, dans le cas du Dossier de santé Québec, qu'un consentement explicite soit obtenu et réitéré sur une base périodique, par exemple lors du renouvellement de la carte d'assurance maladie. J'aimerais avoir votre position là-dessus.

M. Allard (Alexandre) : Écoutez, je vais commencer. Merci, c'est une bonne question. L'idée de renouveler nos voeux à la mise à jour de la carte d'assurance maladie, ce n'est pas bête, ce n'est pas une mauvaise chose. En même temps, la gestion des consentements, c'est lourd. C'est lourd quand on travaille avec des millions et des millions de dossiers. Et il faut considérer que, présentement, avec la récente fusion, un patient peut avoir de nombreux dossiers dans une région administrative, et le travail n'est pas fait sur le terrain. On en a encore pour des années.

Donc, il y a quelque chose d'intéressant, mais en même temps on est tous assurés par la Régie de l'assurance maladie du Québec. Donc, en quelque part, si on veut être en mesure d'obtenir des services, ce n'est pas anormal que les institutions exigent ou proposent des moyens pour assurer une fluidité d'information, pour arriver au meilleur coût possible.

Cela dit, il y a des choses intéressantes comme ça, où certains groupes ont peut-être mis plus de temps à réfléchir à des moyens. Et nous, on serait bien outillés pour travailler avec ces gens-là, pour trouver peut-être une façon qui serait un entredeux intéressant.

• (12 heures) •

Mme Chagnon (Lise) : Oui, mais je peux peut-être poursuivre. Quand le Dossier santé Québec a été mis en place... D'abord, le Dossier santé Québec n'est pas le dossier de l'usager, ce sont quelques informations qui concernent la santé de l'usager. Le vrai dossier de l'usager, c'est le dossier qui est dans un établissement de santé et c'est ce qu'on est en train de mettre en place, le projet que le Dr Barrette met de l'avant, du dossier clinique informatisé régional, alors un dossier par région, qui est le logiciel Cristal-Net.

Alors, quand le DSQ a été mis en place, il y a eu cette réflexion de dire : On demande à la population un «opting in», donc un consentement à chaque Québécois, ou, tout simplement, aux gens, de dire : Bien, si vous ne voulez pas que vos informations de santé soient disponibles, soient accessibles, bien, vous refusez, tout simplement. Le danger de ce renouvellement régulier, disons, aux quatre ans, quand on renouvelle notre carte d'assurance maladie, ou à une autre fréquence, c'est la perte de continuité des informations. Quelqu'un accepte, dit : Ah! ça ne m'intéresse plus, refuse pour quatre ans, huit ans, revient par la suite, bien, il va manquer dans son dossier des informations. Alors, quel est l'intérêt pour le médecin ou le professionnel de la santé de consulter un dossier dont il n'est pas certain qu'il va avoir toutes les informations requises pour la continuité des soins de son patient?

Alors, ce serait une réflexion plus poussée à faire, mais mon premier réflexe, ça serait de vous dire ça : C'est une question de continuité qu'il faudrait qui soit examinée.

Mme Tremblay : Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Trois minutes, Mme la ministre.

Mme de Santis : La recommandation 27 fait référence qu'on voudrait encadrer davantage la collecte et l'utilisation des renseignements personnels concernant les jeunes. O.K. J'aimerais bien comprendre comment cela peut être fait, parce qu'un jeune est derrière un écran, de l'autre côté, on ne le voit pas. Comment on peut protéger le jeune?

M. Allard (Alexandre) : Merci. Si je peux me permettre une question, est-ce un jeune de moins ou de plus de 14 ans? Parce que nous, on respecte encore la loi, on applique, à 14 ans l'enfant a des droits par rapport à son dossier de santé.

Mme de Santis : Moins de 14 ans.

M. Allard (Alexandre) : Moins de 14 ans.

Mme de Santis : Parce que ça, c'est la recommandation qui a été faite par la CAI, et vous vous dites favorables.

M. Allard (Alexandre) : O.K.

Mme de Santis : O.K., mais je veux comprendre comment on peut l'appliquer.

M. Allard (Alexandre) : O.K. L'information par rapport au jeune, ce qu'il faut s'assurer, c'est un peu comme... Comme, récemment, on disait dans les médias, là, que certains jouets à la maison pouvaient recueillir des données sur le lieu, qu'est-ce que l'enfant aime, et tout ça. Donc, quand on récupère de l'information sur les enfants, ce qui est important, c'est d'encadrer tout ça pour s'assurer que l'information soit utilisée seulement dans le cadre pour lequel il a été recueilli. Donc, relié au dossier de santé, bien, vite on va tomber dans les notions de consentement puis qui va avoir les accès.

Donc, quand on reprend un peu le projet du Dr Barrette, où on veut donner des accès au dossier de santé directement aux usagers, bien, la première question qu'on a : Qu'est-ce qu'on va faire avec les enfants? Ça retouche un petit peu votre question. Donc, qu'est-ce qu'on va faire également avec les parents séparés? Est-ce qu'il va y avoir deux accès à ce fameux dossier là? Est-ce qu'il y a un mécanisme qui va prévoir que, par exemple, quand l'enfant va passer 14 ans, woups!, il va y avoir une mise à jour, et les parents n'ont plus accès, et c'est l'enfant qui va récupérer ces accès?

Donc, il y a un élément sécurité par rapport à un dossier qui serait accessible par les usagers, mais, par rapport à la jeunesse, ce qu'il faut faire attention, c'est éviter de mixer des bases de données, parce que, nécessairement, la qualité des données parfois peut être mise en doute. Et on n'est pas convaincus du bien-fondé de tout ça si, à la base, les données sont recueillies pour d'autres besoins, puis après ça on fait une extrapolation des données pour d'autres utilisations, d'autres fins.

Le Président (M. Ouellette) : 30 secondes, Mme la ministre.

Mme de Santis : Ah! je voulais poser une question, parce qu'à la recommandation 36 vous dites que vous croyez que la biométrie devrait aussi être... on devrait «interdire la collecte, l'utilisation, la communication de la biométrie à des fins autres que médicales, scientifiques ou judiciaires». J'allais vous poser une question avec les passeports biométriques.  Alors, d'après vous, on ne devrait pas les avoir.

Le Président (M. Ouellette) : M. Allard, en quelques secondes.

M. Allard (Alexandre) : Oui. Si l'utilisation pour laquelle l'information est collectée, c'est pour le passeport biométrique, ça ne devrait servir qu'à ça. Quand on parle de ça, c'est également quand on a des éléments portables qui recueillent de l'information sur même notre état de santé actuel. Bien, ces informations-là devraient être autant protégées pour la seule utilisation et ne pas commencer à être vendues, ou utilisées, ou être colligées pour d'autres fins que celles de la mise en forme, par exemple.

Mme de Santis : Et le passeport n'est ni médical, ni scientifique, ni judiciaire, alors c'est pour ça que je ne comprenais pas votre proposition.

M. Allard (Alexandre) : O.K.

Mme de Santis : O.K. C'est fini.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Chagnon, heureuse que je suis votre députée. M. Allard, au plaisir de vous recevoir ici, à l'Assemblée nationale, dans notre Parlement.

Je vois que dans... C'est intéressant parce que votre mémoire nous permet d'avoir des éclaircissements sur des aspects qu'on a comme abordés un peu. Je vois que vous soutenez, dans le fond, les archivistes médicaux. Ça, ça va être les gestionnaires dont vous représentez, et il y a plus de 600 archivistes médicaux, de ce que vous avez mis dans votre mémoire.

Le Dossier de santé Québec, là, c'est un... pour ceux qui nous écoutent depuis tout à l'heure, c'est sûr, pas parce que vos réponses ne sont pas claires, puis nos questions ne sont pas nécessairement claires, mais ce n'est pas simple de comprendre. Moi personnellement, je n'ai aucune idée qui sait quoi de ma vie, de ma vie médicale, de ma vie de santé, ma santé. Je n'ai aucune idée qui a l'information puis qui ne l'a pas, quel docteur l'a, puis quel personnel médical a accès ou pas. Par contre, je connais les grands principes. Alors, je sais, le Dossier de santé Québec, ce qu'il est. Mais tout à l'heure vous avez parlé du dossier des usagers, le dossier de l'usager lui-même, donc vous avez fait quand même une distinction. J'aimerais ça que vous nous en parliez davantage pour comprendre vraiment la différence entre les deux.

Et la ministre disait tout à l'heure qu'elle, son dossier, son dossier à elle, médical, ça lui appartient, c'est sa propriété. Vous avez apporté une nuance tout à l'heure que oui, mais il y a un support qui est aussi utilisé pour le personnel médical. Qui a quoi? Qui sait quoi? Qui peut faire quoi? Tout à l'heure, j'ai entendu Mme Chagnon — on a écouté — qu'il faut un... que les gens peuvent y avoir accès par des autorisations particulières. Mais, en même temps, le grand architecte de tout ça, c'est qui? C'est-u le ministre qui est le grand architecte de ça? C'est-u le sous-ministre du ministère de la Santé ou personne, personne ne sait rien de... tout le monde sait tout puis ne savent rien?

Si je regarde ça d'une façon macro, là, le Dossier de santé Québec et le dossier de l'usager, quelle autorisation est donnée à qui? Qui a droit à des accès ou pas? Ça fait que j'aimerais ça que vous me précisez tout ça. Puis je suis convaincue que les gens qui nous écoutent vont vouloir... Tout le monde est concerné par ça, là. C'est peut-être large, ce que je vous pose comme questions, là, si vous êtes capables de nous expliquer, vulgariser, dans le fond, parce que vous êtes les experts de ça, là.

M. Allard (Alexandre) : O.K. Si on commence par distinguer les dossiers, le Dossier santé Québec, c'est un dépôt de données qui concerne seulement les informations des pharmacies communautaires, donc seulement pour l'information des médicaments qui ont été livrés. Ça, c'est la première information qu'on retrouve dans le DSQ. La deuxième information, c'est l'information concernant les laboratoires, et la troisième, c'est la radiologie. Donc, le DSQ, c'est seulement trois domaines d'information.

Une voix : Actuellement.

M. Allard (Alexandre) : Actuellement. Et ça, c'est un projet qui est géré par la DGTI au niveau du ministère de la Santé, donc la Direction...

Mme Chagnon (Lise) : ...générale des technologies de l'information.

M. Allard (Alexandre) : C'est ça que je voulais dire.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : À quel ministère? Au ministère de la Santé?

M. Allard (Alexandre) : Au ministère de la Santé. Donc, eux gèrent le DSQ.

Le dossier médical local, on va l'appeler comme ça, anciennement la chemise papier, là, parce qu'il y a quelques établissements au Québec qui sont numérisés, il y a un projet qui va aller plus loin, mais commençons par celui-là, c'est le dossier qui est conservé dans l'établissement où le patient a consulté et qui va concerner beaucoup plus d'informations. Tous les professionnels qui vont écrire à la main, on va colliger l'information dans le dossier, et ça, ça va constituer le dossier médical.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Excusez-moi, si je peux vous interrompre de temps en temps pour... L'établissement de santé, l'usager va à plusieurs établissements de santé.

M. Allard (Alexandre) : Exact.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Alors, quand vous dites : «L'établissement de santé», le dossier va à l'autre établissement s'il y va, non?

• (12 h 10) •

M. Allard (Alexandre) : C'est ça. Donc, il y a cette nuance-là dans certains cas, parce que le réseau est parfois complexe, les dossiers vont se promener. Quand un CLSC est très étendu, il y a des navettes sécurisées, et on amène les dossiers d'un centre à l'autre. Avec la création des CSSS, en 2003-2004, il y a déjà eu une agglomération des dossiers où plusieurs missions de santé ont créé des plus grosses institutions. Donc là, on commençait à retrouver des dossiers de CHSLD pour la longue durée, des dossiers CLSC pour les services de première ligne et un dossier hôpital, O.K., qui nous amenait à trois dossiers. Le travail qui s'est fait? Rassembler ça, la majorité du temps, à un numéro de dossier, mais avec trois volumes différents, donc, mais ça reste un dossier médical. Ça fait que souvent l'information va être rassemblée à un endroit où, dans certaines régions, elle est dans trois volumes différents. Mais, dépendamment d'où on consulte, l'information va être accessible en fonction de notre besoin.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : À l'inverse, là...

M. Allard (Alexandre) : Oui?

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...si vous voulez me redonner, à l'inverse, mon dossier, je ne veux pas prendre moi, là, plus précisément, mais vous comprenez que je parle comme un citoyen, là, mon dossier à moi, qui l'a?

M. Allard (Alexandre) : Oui. Bien, en fait, tous ceux qui ont accès à votre dossier médical dans une installation. Donc, vous consultez à un hôpital, à...

Une voix : Maisonneuve-Rosemont.

M. Allard (Alexandre) : ...Maisonneuve-Rosemont, bon, bien, les gens qui ont accès à votre dossier, ça va être les médecins. Dans le fond, vous avez un rendez-vous, donc les dossiers, quand on est sous mode papier, sont... On prépare les cliniques en fonction des rendez-vous qu'on a. Donc, dans la fameuse plage horaire où vous avez votre rendez-vous, bien, il y a des agentes administratives qui vont avoir accès à vos dossiers pour préparer votre arrivée. Il va y avoir des infirmières et tous les autres professionnels qui vont avoir à tourner alentour de vous et donner des services, autrement dit. Après ça, si vous avez à consulter, par exemple, en radiologie, au laboratoire, il y a quelques informations qui pourraient être rendues disponibles. Par exemple, à l'inverse, bien, la Direction des services financiers n'a pas accès à votre dossier médical, les services de ressources humaines non plus.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Qui le donne, l'accès?

M. Allard (Alexandre) : Le Service des archives médicales, donc les gens qu'on représente, les archivistes médicaux. Nous, on fait l'accès à l'information, mais, comme chef de service, mon deuxième chapeau, entre autres, bien, on a une équipe d'agents administratifs où on récupère l'information, on s'assure que l'information est rendue disponible à ceux qui en ont de besoin. La grande différence entre le papier et l'électronique, c'est que, la voûte des archives, quand on est papier, bien, il faut arriver avec notre carte d'identité pour rentrer dans les archives pour éventuellement tenter d'avoir accès à un dossier de santé. Ça fait que, si vous êtes travailleur social, vous vous présentez, vous dites : Bon, bien, je soigne Alexandre Allard, j'aimerais avoir accès à son dossier, on va vous le prêter, le dossier, il n'y a pas de problème, on signe un prêt.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...c'est l'archiviste, toujours.

M. Allard (Alexandre) : C'est les agents administratifs.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Donc, le pivot qui donne... qui transmet l'information, c'est l'archiviste.

M. Allard (Alexandre) : Exact, c'est ça, le Service des archives, parce qu'il y a plusieurs types d'emploi aussi, là.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Je vais personnaliser, là. Moi, j'ai eu le cancer, tout le monde sait, je parle difficilement, mais j'y arrive après 95 % de mon... qui est organisé. Mais, moi — je donne l'exemple parce que plusieurs personnes peuvent vivre ça — qui sait que je... Tout le monde le sait parce que c'est public, là.

Des voix : Ha, ha, ha!

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Excusez-moi, mon exemple ne sera peut-être pas très bon, mais qui sait... C'est écrit quelque part parce que j'ai eu une opération, j'ai eu une chirurgie, bon, je l'ai eue. Maintenant, quand je vais consulter un médecin d'une façon routinière, est-ce que ce médecin-là a l'information que j'ai eu une opération, bon, tout le pedigree et historique que vous parliez tout à l'heure?

Mme Chagnon (Lise) : Je vais répondre. Dans le fond, les personnes qui savent, c'est des personnes qui vous traitent. Les professionnels qui ne vous traitent pas n'ont pas à avoir accès à votre dossier. Alors, s'il y a 100 médecins dans un établissement, il y en a deux qui vous traitent, il y en a deux qui ont droit d'avoir accès à votre dossier. Et, à part ça, ceux qui savent, dans les autres médecins autour ou les autres professionnels autour, c'est ceux à qui vous avez donné l'autorisation de consulter votre dossier.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Mais on la donne pour combien de temps, cette autorisation-là?

Mme Chagnon (Lise) : Il n'y a pas vraiment de limite.

M. Allard (Alexandre) : Et, si je peux me permettre, pour compléter, c'est justement là qu'on parle de journalisation. Si on a des moyens pour savoir qui a consulté quoi et qu'on ne fait rien avec, c'est comme ne pas savoir, c'est comme la page blanche. Alors, nécessairement, les gens sous ordre professionnel, les gens qui doivent respecter la confidentialité ont des obligations, il y a des codes d'éthique, mais en même temps il faut mettre un peu de sérieux là-dedans puis s'assurer de faire respecter tout ça. Donc, ce n'est pas vrai que tout le monde a accès à tout.

Et, quand je faisais la différence entre le dossier papier, où je dois me présenter, à l'inverse, le dossier électronique, souvent on donne accès à la voûte des archives au complet. Et, quand on donne accès à la voûte, c'est... Parce qu'on ne peut pas limiter un accès en fonction d'une charge de cas, parce que qu'est-ce qu'on ferait avec les gens qui se présentent à l'urgence? Bien, ce serait plutôt difficile. Mais en même temps il faut se donner les moyens pour être capable d'aller valider qui fait quoi là-dedans puis est-ce que l'information est bien utilisée dans le cadre du travail.

Mme Chagnon (Lise) : On a accès à la voûte, mais chacun a son code personnalisé, et les gens sont bien informés qu'ils ne doivent pas divulguer leurs codes. Alors, un médecin ne peut pas faire ouvrir ses dossiers par une infirmière, par exemple.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Alors, c'est la façon... Le journalistique que vous parlez, dans le fond, permettrait de... pas de sanctionner, là, mais de dire à une personne, là, de... en tout cas, de voir que peut-être il y en a qui ont eu des accès qu'ils ne devraient pas avoir puis de faire... Alors, ça, je vois actuellement qu'il manque des ressources à ce niveau-là.

M. Allard (Alexandre) : Exactement.

Mme Chagnon (Lise) : Et chaque employé du réseau de la santé signe un engagement à la confidentialité quand il arrive à l'emploi, et c'est renouvelé régulièrement.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Renouvelé par année ou...

Mme Chagnon (Lise) : Ça dépend des organisations. Ça devrait être renouvelé à peu près aux deux, trois ans, là, mais...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Ce n'est pas une directive ministérielle, là.

Mme Chagnon (Lise) : Non.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : O.K. Dans un des éléments de votre mémoire, à la fin, vous dites que... Parce que c'est toujours, je pourrais dire, l'équilibre entre l'accès à l'information, qui est absolument important pour une société ouverte puis une société qui permet d'avoir... d'être transparent et toujours la protection des renseignements personnels et privés. Cet équilibre-là, là... Moi, je suis subjuguée de voir comment il faut arriver à trouver cet équilibre-là. À la fin, vous dites que vous appelez «à la vigilance pour assurer la confidentialité et la sécurité de l'information médicale. Les archivistes médicaux saluent le virage technologique et la disponibilité de l'information par les usagers, mais nous sommes inquiets de la disponibilité de l'information préjudiciable pour l'usager. Il serait anormal qu'un usager apprenne être porteur d'un cancer — pour donner l'exemple de celui-là — dans le confort de son salon, sans le soutien médical relié à une nouvelle de ce type.» Comment ça pourrait arriver?

M. Allard (Alexandre) : Bien, en fait, l'idée en arrière de ça, c'est tout en lien avec l'article 25 de la loi de la santé et des services sociaux, qui prévoit qu'un patient qui reçoit de l'information de son dossier médical peut demander d'être accompagné là-dedans. Donc, dans un contexte où l'information est accessible, l'usager, le patient n'a même pas cette possibilité-là, hors du fait que ça va être a posteriori du fait. Ça fait qu'il va falloir qu'il vive avec l'information jusqu'au moment qu'il ait tous les conseils, le pronostic. Parce que ce n'est pas tout de savoir qu'on est porteur d'un cancer, c'est qu'il y en a qui sont pires que d'autres, le pronostic n'est pas pareil, on peut vivre de... il peut nous rester deux semaines à vivre comme il peut nous rester 10, 15, 20 ans, là, ça dépend de ce que c'est. Donc, avec les niveaux d'anxiété que ça peut générer, on ne recommande pas à ce qu'on embarque dans une société où qu'on favorise l'autodiagnostic avec tous les outils sur Internet. Tu sais, si on parle à des sommités, par exemple, sur le TDAH, ils vont nous dire d'emblée, là — pour avoir des petits à la maison : Bien, ce n'est pas tout qui est bon sur Internet, là, voici les trois sites de référence. Ah! bon, bien, parfait. Mais, si on se fie, puis avant même d'aller chercher ces fameux conseils là, on peut tomber vite dans l'inquiétude puis dans un paquet de recettes qu'aucun médecin ne recommanderait, là. Donc, c'est vraiment ce principe-là. Donc, tous les résultats normaux pourraient sortir d'une façon x, et les résultats où les valeurs de référence ne sont pas normales, bien, d'une façon y. Je pense que l'esprit de ce qui est présenté ici, c'est vraiment pour éviter les échappées belles.

Donc, tous les cas qu'on a vus un jour dans les médias puis les petites poursuites qui arrivent, ou les grosses poursuites, dépendamment, là, où, un patient, on avait vu qu'il avait une masse, mais il n'y a personne qui n'a rien fait avec ça. Donc, je pense que l'idée d'ouverture, c'est pour éviter ça, pour se donner comme une deuxième chance. Donc, les médecins ont une responsabilité par rapport à ça, il va sans dire. Mais en même temps juste, déjà, de rajouter un délai dans la disponibilité de l'information, ce serait juste 30 jours, en disant : Bon, bien, l'information, on peut y avoir accès dans 30 jours, donc ça laisserait 30 jours au médecin, par exemple, de vous annoncer les nouvelles. Si, par exemple, il l'échappe, bien là, il va pouvoir arriver d'autre chose, vous pourrez l'appeler, très fâché, pour dire : Bien là, c'est quoi, l'affaire? Mais en même temps il y a quand même une responsabilité qui lui revient.

Donc, il y a moyen de trouver cet équilibre-là dans cette fameuse zone grise là, mais ce n'est pas évident parce qu'on parle d'information préjudiciable. Qu'est-ce qu'on fait avec un adulte qui est déficient intellectuel? C'est qui qui a les accès, le responsable de la résidence supervisée dans laquelle il demeure? Il y a quelque chose de pas propre ou de pas net là-dedans, pas clair, et c'est là que ce serait dommage d'appliquer une règle qui est absolue pour tout le monde.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Allard. M. le député de Borduas.

• (12 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. M. Allard, Mme Chagnon, bonjour. Merci d'être présents aujourd'hui pour participer aux travaux de la commission.

On parlait des banques de données biométriques et génétiques tout à l'heure. Comment est-ce qu'on fait pour s'assurer d'un encadrement qui va faire en sorte que, dans le fond, ces banques-là ne contreviendront pas aux droits des individus qui donnent leurs renseignements génétiques? Puis je pense à ça, mais je pense aussi aux assureurs, supposons, en matière d'assurance vie, c'est un sujet qui est quand même d'actualité. On l'a vu au fédéral aussi. Et ça, il y a beaucoup de personnes qui sont préoccupées par ça, notamment au niveau de l'assurabilité de la personne et surtout aussi au niveau de la détection, parce que ça a déjà été exposé. Supposons que vous avez des enfants, est-ce que vous faites faire un test génétique pour prévenir, dans le fond, pour savoir la condition médicale de votre enfant? Mais, si vous le faites, bien, ça pourrait avoir des conséquences sur son assurabilité. Donc là, c'est la chèvre et le chou, on dit : Bien, écoutez, est-ce que, parce qu'on a davantage d'informations, cet individu-là va être pénalisé? Comment est-ce qu'on fait? Comment on deale ça également avec les banques génétiques?

M. Allard (Alexandre) : M. le Président et M. Borduas, dans les faits... C'est une très bonne question d'actualité parce que, présentement, la technologie est beaucoup dans, si je peux dire, le prêt-à-porter, là, tu sais. On porte nos applications, ils récupèrent de l'information sur nous autres, et c'est là qu'on se dit : Qu'est-ce qu'on fait avec l'information? Comment qu'on pourrait le faire?

Une des premières choses, bien, je ne sais pas jusqu'à quel point c'est possible de le faire : si, déjà, on était en mesure d'appliquer nos propres lois par rapport à cette récupération d'information là, ce serait intéressant. Parce que, pour les bidules qu'on s'achète, qui récupèrent de l'information, moi, pour être un utilisateur ou aimer la technologie, je n'ai aucune idée où que l'information transite et où elle est storée. Mais, si elle est storée aux États-Unis, si moi, je veux accéder à mon information me concernant, autre que sur ma machine, par exemple, si elle était brisée ou si je l'avais perdue, comment je vais faire pour récupérer cette information-là? Présentement, c'est une grande zone de gris.

M. Jolin-Barrette : Puis là vous faites référence, supposons, à une Fitbit ou à une application quelconque.

M. Allard (Alexandre) : Quelque chose de ce genre-là. Bien sûr, les assureurs vont vouloir avoir ce type d'information là. Ils ont commencé avec les voitures, là, en mettant des trucs, puis, dépendamment de ta conduite, bien, ton taux d'assurance est un peu différent. Bien, la suite logique des choses va être d'assurer puis dire : Bien, je vais t'assurer pour moins cher si tu me donnes de l'information. Et ça, c'est une première étape où l'information biométrique va pouvoir... va être demandée par les assureurs. On peut l'encadrer dans des consentements très larges puis en même temps ne pas trop savoir, pour un citoyen, un patient, par où que ça va passer.

Les analyses génétiques, entre autres, il y a des publicités parfois sur des sites... des postes américains, bien, l'analyse génétique est faite aux États-Unis, on n'a aucune idée comment que ça va se passer dans le futur. Peut-être qu'on l'encadre très bien aujourd'hui. Qu'est-ce que ça va être dans 20 ans? Votre information génétique est toujours là-bas. C'est une très bonne question.

M. Jolin-Barrette : Puis comment vous nous suggérez de l'encadrer? Parce que vous dites au gouvernement : «On devrait l'encadrer», par voie législative, de façon explicite?

M. Allard (Alexandre) : Ça pourrait être ça, ça pourrait être ça, ne serait-ce que pour la disposition des banques de données. Donc, est-ce qu'on est en mesure d'exiger que les banques de données concernant la population soient hébergées, par exemple, au Québec ou au Canada? Ou d'avoir des ententes qui le permettent avec les États-Unis pour s'assurer de l'encadrement de ça? Obliger les fameuses compagnies à rendre le consentement et toutes les conditions de la zone de gris qu'on parle très clairs, et même les droits de recours, pour dire : Bien, je ne veux plus de ma fameuse montre intelligente qui prend mes données biométriques. Dorénavant, je veux que vous effaciez les données me concernant. Avec tout ce qui s'est passé dans l'accès à l'information aux États-Unis, la NSA et compagnie, bien, on peut-u croire aujourd'hui que, même si j'efface mon compte, mes données sont toutes effacées au complet? Bien, moi, je n'ai pas la certitude puis je n'ai pas vu ce fameux consentement libre et éclairé là qui va me le jurer hors de tout doute. Ça fait que moi, j'ai beaucoup d'inquiétudes par rapport à ça.

Donc, oui, au niveau législatif, oui, en exigeant un consentement beaucoup plus clair, je pense qu'on va se doter tranquillement de moyens pour améliorer ça. Puis en même temps la technologie évolue assez vite que c'est très correct d'en discuter aujourd'hui puis d'essayer de rendre ça plus clair, mais il va falloir rajouter quand même du dynamisme dans la machine pour s'assurer de pouvoir faire évoluer ça rapidement avec les nouvelles technologies qui vont nous être proposées.

Les juristes, plus tôt, parlaient d'intelligence artificielle. Si on se place comme plaque tournante en intelligence artificielle, bien sûr ça va aider les hôpitaux pour pouvoir y arriver, mais, si on parle d'anonymisation des données... peut-être qu'on a l'impression d'avoir anonymisé des données, mais rajoutons une petite intelligence artificielle qui va commencer à croiser des données entre Facebook puis des données biométriques, puis on va être en mesure d'identifier des gens, c'est sûr. L'information est là.

M. Jolin-Barrette : Je suis curieux, au niveau des serveurs, supposons, pour le DSQ, tout ça, est-ce que c'est fait au Québec ou il y a des partenariats dans d'autres provinces? Est-ce que c'est stocké ici? Le savez-vous?

M. Allard (Alexandre) : C'est une très bonne question. Je crois que c'est au Québec. Il faudrait parler aux gens de la DGTI, c'est eux qui le sauront. Mais je sais que c'est regardé de façon très sérieuse parce que, comme vous pouvez voir dans les médias, avec les rançongiciels, là, les «ransomware», et tout ça, bien... Je lisais dans un article récemment, aux États-Unis, qu'on a tous peur de se faire voler la carte de crédit. On disait que, sur le marché noir, un numéro de carte de crédit ainsi que tous les numéros validateurs, ça vaut 10 $ US sur le marché américain. Un dossier médical complet, ça vaut 100 $, ça vaut 10 fois plus cher. Donc, bien sûr, les rançongiciels sont à la mode, ça devient une source de financement pour un paquet de groupes qu'on ne connaît pas ou qui sont très obscurs, mais il faut mettre une grande dose de sécurité dans ce qu'on est après faire en termes de technologies de l'information, il faut que ce soit béton pour éviter d'ouvrir une brèche, par exemple le dossier médical de toute une population, parce qu'on veut mettre de l'avant à tout prix de la technologie pour les Québécois. Ça, je pense qu'il ne faut pas faire de raccourci dans l'investissement en sécurité.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je suis curieux, tantôt vous avez abordé le fait qu'il pouvait y avoir plusieurs dossiers à l'intérieur d'un CISSS ou d'un CIUSSS. Donc là, on a la partie informatique, on a la partie à la clinique, on a la partie à l'hôpital. Historiquement, pourquoi ça n'a pas été centralisé par le biais d'un outil informatique? Parce que, vous savez, je ne sais pas, le permis de conduire, c'est centralisé. Il y a plein d'endroits où vous arrivez puis, tenez, vous avez accès, vous savez où la personne demeure. Pourquoi est-ce que tout n'est pas centralisé dans des fichiers numériques? Parce qu'un des défis du réseau de la santé, souvent, bien, c'est la paperasse, les codes de facturation, tout ça. On se plaint beaucoup de la lourdeur. Pourquoi ne pas avoir centralisé le tout?

Mme Chagnon (Lise) : Il n'y a pas de réponse simple à votre question. Alors, pourquoi le réseau de la santé est très en retard par rapport à d'autres réseaux, quand on prend la Sûreté du Québec, les banques, etc.? J'ose penser qu'il y a plusieurs considérations monétaires, plusieurs considérations légales aussi. Les établissements étaient des entités juridiques différentes, là plus ça va, plus ça devient fusionné. Il faut se rappeler que la fusion en CISSS et en CIUSSS s'est faite en avril 2015, donc c'est encore tout récent pour le réseau de la santé, et il y a un outil qui a été déterminé pour que ça se fasse, là, au fil des deux, trois, quatre prochaines années. C'est très inégal dans le réseau. Il y a des endroits où, oui, ça a tout été fait. Moi, je pourrais vous parler d'établissements qui sont complètement numérisés, que les dossiers sont accessibles partout, mais c'est encore à petite échelle et c'est surtout beaucoup une question ordres professionnels et monétaire. C'est ce que je vous dirais.

M. Jolin-Barrette : Lorsque...

Le Président (M. Ouellette) : Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme Lise Chagnon, M. Alexandre Allard, représentant l'Association des gestionnaires de l'information de la santé du Québec.

Nous suspendons nos travaux, et la commission reprend à 14 heures ici même, dans cette salle. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 12 h 28)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président (M. Ouellette) : À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission des institutions reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

Nous poursuivons la consultation générale et les auditions publiques sur le rapport quinquennal 2016 intitulé Rétablir l'équilibre — Rapport sur l'application de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

Nous entendrons cet après-midi les organismes suivants : la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, l'Association des archivistes du Québec, Montréal In Vivo et le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec.

Nous recevons immédiatement la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, représentée par son président, M. Guy Parent. Vous avez 10 minutes pour...

Une voix : ...vice-président.

Le Président (M. Ouellette) : Oui, bien, d'ailleurs, j'étais pour vous le laisser présenter à la caméra. Mais, en tout cas, je vais le faire, puis vous allez le refaire : vous êtes accompagné de M. Richard Masson, le vice-président. Ça vous donnera quelques secondes de plus dans votre 10 minutes. Vous avez 10 minutes pour nous livrer votre message, M. Parent, et après il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Je vous laisse la parole, M. Parent.

Fédération québécoise des sociétés de généalogie (FQSG)

M. Parent (Guy) : Merci. Laissez-moi présenter la Fédération québécoise des sociétés de généalogie. C'est un organisme à but non lucratif de regroupement et de représentation des sociétés de généalogie du Québec. Ça a été fondé en 1984. Elle vise la promotion et l'épanouissement de la généalogie au Québec et son rayonnement à l'étranger. À cette fin, la fédération poursuit ses buts tout en respectant l'autonomie des organismes membres.

La fédération est dirigée par un conseil d'administration de neuf administrateurs, et j'insiste : bénévoles, autant que possible issus des différentes régions du Québec, élus pour un mandat de deux ans lors des assemblées générales annuelles. En 2017, la fédération regroupe 75 sociétés. Ce nombre a plus que doublé depuis la création, en 1984. Sous la fédération, on compte près de 20 000 membres généalogistes actifs et membres des sociétés membres. On peut facilement multiplier ce chiffre par deux si on tient compte de tous les chercheurs qui arpentent les centres d'archives et de nos sociétés de généalogie sans être membres, sans adhérer à un de ces organismes. Et tout ce monde, tous ces généalogistes cherchent des noms, des dates, des lieux et des événements.

La généalogie, c'est, au Québec, le paradis, pour toutes sortes de raisons. Ça date, déjà au XIXe siècle, quand Mgr Tanguay a publié le premier dictionnaire généalogique et qui a rendu l'accès aux index, aux données des répertoires des baptêmes, mariages et sépultures disponible pour tous. La publication de ces répertoires s'est poursuivie par la suite, pas seulement par des sociétés de généalogie, mais aussi par des chercheurs indépendants.

Et la diffusion de toutes ces données-là passe aussi par des monographies paroissiales. Vous le savez peut-être, chaque paroisse qui fête un anniversaire significatif, 150 ans, 200 ans, 250, se fait un point d'honneur de publier une monographie historique de sa paroisse et aussi, à l'occasion, accompagnée d'un répertoire complet des baptêmes, mariages et sépultures de ses paroissiens. Ça fait partie de leur devoir de mémoire. Ils en sont très fiers.

Les données généalogiques se retrouvent aussi dans les associations de familles. Chaque famille regroupée en association, les Masson, les Parent, peu importe, se font un point d'honneur de créer ce qu'on appelle un dictionnaire de famille, un dictionnaire généalogique. Le but, c'est de regrouper le maximum de gens portant le même patronyme dans un répertoire. Et les gens sont fiers. Et même que les gens font des représentations, ils consultent le dictionnaire puis ils écrivent aux familles : Mais vous m'avez oublié. Voulez-vous rajouter le nom de mes enfants? Vous ne les avez pas mis. On ne les a pas mis parce qu'on ne les avait pas trouvés à l'époque avec les registres dont nous avions la disposition.

Donc, on peut estimer globalement à près de 100 000 le nombre d'ouvrages généalogiques disséminés à travers les bibliothèques des sociétés de généalogie, des centres d'archives, même des universités. Donc, la pratique de la recherche généalogique est une activité culturelle importante et qui a la faveur populaire pour ceux qui s'y adonnent, mais également pour les contributions historiques qu'ils contribuent à laisser en héritage.

Je dis «faveur populaire», et je peux le dire, vous pouvez le répéter, c'est une grande vérité. En 2005, il y a une étudiante qui a déposé sa thèse de maîtrise à l'Université Laval, elle citait un sondage... au Département de sociologie, c'était sa maîtrise... elle était au doctorat, elle citait un sondage qui disait qu'en 1998, au Québec, je cite, «71 % des Québécois interrogés ont un vif intérêt personnel pour l'histoire et [...] 82 % d'entre eux [...] un [...] intérêt pour l'histoire familiale et la généalogie». Donc, ça vous démontre toute l'ampleur de la faveur populaire, de la recherche pour l'histoire familiale et la généalogie au Québec.

C'est ici évidemment que s'inscrit un dilemme important : Une grande faveur populaire, mais, on en parle dans la loi d'ailleurs, qu'est-ce qui est publiable, qu'est-ce qu'on peut collecter et qu'est-ce qu'on peut diffuser? Toute la grande question est là. Puis répondre à cette question-là constitue un défi important, surtout en cette ère du numérique, parce que les gens diffusent de l'information outre les frontières. Il n'y a pas de limite à l'accès aux données généalogiques.

D'ailleurs, dans le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information, on peut lire, et je cite : «La diffusion en ligne des travaux des généalogistes rend accessible à un large public, presque instantanément, tout un éventail d'informations personnelles, dont l'utilisation par ceux qui y accèdent est difficilement contrôlable.»

Donc, il est difficile de prévoir, dans cinq ans, où ira cette expansion numérique. Si le passé est garant de l'avenir, on n'a encore rien vu à ce niveau-là. Donc, en plus de toutes ces bases de données là offertes par des organismes, des compagnies, il y a aussi les chercheurs indépendants, qui diffusent sur le Web parce qu'ils diffusent à compte d'auteur, et diffuser sur le Web, ça ne coûte presque rien. Au lieu d'écrire un livre ou de publier un répertoire, on diffuse sur le Web, et, quand c'est sur le Web, c'est là pour longtemps. Peu importe la donnée qu'on a mise, essayer de la récupérer, c'est un beau défi. On l'a diffusée, elle ne nous appartient plus.

• (14 h 10) •

Dans notre mémoire, nous faisons des recommandations suite aux remarques de la Commission d'accès à l'information, qui est face à, je cite, «l'incohérence qui découle des différents textes de loi» depuis l'adoption de la loi sur le privé, les modifications au Code civil et les fonctions attribuées au Directeur de l'état civil. Malgré les alertes lancées, les rappels transmis et répétés, la situation a déjà trop tardé à être réglée et se doit de l'être dans les meilleurs délais.

Notre première recommandation va en ce sens : Que le gouvernement trouve des solutions justes et équitables, et règle la problématique qui perdure dans les meilleurs délais en ayant à l'esprit l'importance sociétale — et j'insiste, la généalogie, c'est un milieu de vie — l'importance sociétale que représente la pratique de la généalogie ainsi que la préséance qui se doit de lui être accordée.

Je rappelle l'exception du paragraphe un de la fameuse... de l'article 1 de la loi sur le privé : «La présente loi ne s'applique pas à la collecte, la détention, l'utilisation ou la communication de matériel journalistique, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public», le fameux paragraphe que tout le monde parle. Malheureusement, au fil de l'interprétation des différentes dispositions pertinentes à certaines situations par les tribunaux, cette préséance annoncée s'est vu sapée dans sa finalité, battant ainsi en brèche l'intention originale manifestée par le législateur. La pratique de la généalogie se fait pourtant dans le respect des droits d'autrui, où l'éthique y trouve une place prépondérante.

Soulignons ici que les membres de la fédération s'engagent à respecter son code d'éthique du généalogiste, tel qu'il est stipulé dans notre règlement général, à l'article 2.3 :«Pour être membre de la fédération, une société doit adopter son code d'éthique et le faire respecter par ses membres.» Ce code impose aux généalogistes l'obligation de faire leurs recherches non seulement avec probité et dans le respect des droits, mais par-dessus tout «en respectant la nature confidentielle de certaines informations recueillies sur la vie privée des citoyens, faisant preuve de discernement dans la communication, la publication et la diffusion de telles informations et obtenant, le cas échéant, l'autorisation des personnes concernées».

Les naissances, les mariages et les décès d'individus sont, pour les généalogistes, des événements publics et ont toujours été considérés comme tels dans notre société. Et l'information relative qu'on trouve aux actes de l'état civil se doit d'être considérée accessible aux généalogistes et de façon particulière. Et ça fait le tour de notre deuxième recommandation.

Enfin, préalablement aux modifications législatives entrées en vigueur en janvier 1994, l'accès aux registres de l'état civil était plus permissif. La fédération estime que les registres paroissiaux existant jusqu'au 1er janvier 1994 font partie du domaine public. Elle estime aussi que la publication d'index doit être autorisée même après cette date.

Et je vais lire la recommandation n° 3 : Que la loi soit modifiée afin de rendre accessibles aux généalogistes les actes de l'état civil et que soit prévu explicitement que la publication des index de mariages, de baptêmes et de sépultures du Québec soit autorisée, le tout sans égard d'une période de prescription.

En conclusion, la pratique de la généalogie au Québec occupe directement 40 000 individus — indirectement, on peut multiplier ce chiffre, évidemment — dont la moyenne d'âge est supérieure à 65 ans. La généalogie est un loisir culturel qui intéresse particulièrement les aînés, constituant une activité non seulement stimulante à l'étape de la retraite, mais enrichissante socialement. Et je cite ici Fernand Harvey, le sociologue : «...la généalogie apparaît comme un processus volontaire de transmission de la culture.»

La pratique de la généalogie contribue à la préservation du patrimoine immatériel et permet aux générations qui nous suivent de se souvenir. Les généalogistes ne publient pas des dictionnaires de familles ou des biographies d'ancêtres avec une intention malicieuse, loin de là. Les généalogistes nomment des hommes, des femmes qui ont fait ce que nous sommes aujourd'hui, et racontent les histoires. C'est un acte d'amour. Il dit : Il pousse le bouchon un peu loin. Mais c'est vrai, c'est un acte d'amour, d'amour de nos ancêtres et, par ricochet, l'amour du pays, qu'on le nomme le Canada ou le Québec, je ne me mêle pas de ça. Donc, c'est un acte d'amour.

Et, pour parvenir à leurs réalisations, les généalogistes doivent avoir accès aux données de l'état civil. Le titre du rapport 2016 de la Commission d'accès à l'information, Rétablir l'équilibre, résume toute la problématique rencontrée actuellement en généalogie. Le défi de la législation est de constituer un cadre légal permettant de donner à une activité sociétale — et je reviens sur le mot «sociétale» — essentielle la pleine mesure de ce qui lui revient, et ce, dans les meilleurs délais. Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Merci beaucoup, M. Parent. Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. M. Parent, M. Masson, bienvenue. Je sens l'émotion, la passion, et je comprends bien. Hier, on a eu l'Institut généalogique Drouin qui était devant nous et on a appris, j'ai compris, qu'il y a environ 100 000 «généologues». C'est ça?

Une voix : Généalogistes.

Mme de Santis : ...généalogistes, au Québec, mais qu'il n'y a pas un statut particulier pour les généalogistes. Je comprends que votre fédération a un code d'éthique depuis 1995 et qu'en 2017 ça a été modifié.

Une voix : Tout à fait.

Mme de Santis : O.K. C'est cet aspect qui me préoccupe un petit peu, le fait qu'il n'y a pas de statut. Et les renseignements personnels, aujourd'hui, sont considérés un peu différemment qu'il y a 50 ans ou 30 ans. Quand, en 1994, le Code civil, le nouveau Code civil a été adopté, ça a été adopté à l'unanimité, O.K.? Et les dispositions que vous citez ont été adoptées à l'unanimité. À ce moment-là, on a déterminé que des choses... des renseignements sur la personne devraient être gardés confidentiels. Parce qu'on voit ça complètement différent. Par exemple, quand j'étais jeune, les listes électorales, on les voyait partout, hein? Je voyais qui j'étais, avec qui j'habitais, où j'habitais, mon âge, etc., qu'est-ce que je faisais dans la vie. Aujourd'hui, les listes électorales sont confidentielles, et la Loi électorale ne permet pas à tout le monde d'avoir accès. Et, si on ne respecte pas la confidentialité des listes électorales, il y a des sanctions.

O.K., alors, votre code d'éthique est en place depuis 1995. Est-ce que vous n'avez jamais eu à rappeler à vos membres qu'il fallait respecter le code d'éthique?

M. Parent (Guy) : Je vais répondre partiellement à votre question, comme je suis président depuis 2016 seulement, de la fédération. Depuis 2016, je n'ai eu aucune connaissance, dans les procès-verbaux que j'ai consultés, des procès-verbaux intérieurs de la fédération, qu'il y ait eu une plainte qui ait été acheminée à la fédération. Auparavant, j'étais président aussi de la Société de généalogie de Québec, de 2013 à 2017. Et, pendant quatre ans à cette présidence-là, là non plus il n'y a aucune plainte qui a été formulée à la Société de généalogie de Québec, d'un individu quelconque qui aurait contacté la fédération ou la Société de généalogie, parce que je portais les deux chapeaux, donc c'était facile pour moi de vérifier. Et en aucun moment il n'y a une plainte qui s'est rendue jusqu'à nous.

La seule plainte qui nous a été formulée venait de la Commission d'accès à l'information en 2013. Il y avait une enquête qui était lancée suite à une plainte d'un individu concernant les formulaires de mariage que nous avions obtenus. Les sociétés de généalogie avaient obtenu de façon... avec toutes les permissions requises du ministère, de tout le monde, tout le monde avait dit : Oui, vous pouvez les utiliser. Mais, en 2013, la Commission d'accès à l'information nous a signifié : Nous avons une plainte que nous devons étudier. Et, depuis lors, nous avons eu plusieurs rencontres avec la commissaire. Richard Masson, ici, qui est toujours président de la société, à Montréal, pourrait en parler un peu plus, parce que le dossier continue d'évoluer. Mais c'est la seule plainte, à ma connaissance, qui est parvenue, de façon officielle à une société de généalogie ou à la fédération, d'un individu qui aurait jugé irrecevable de voir son nom apparaître dans un fichier ou dans une base de données. On ne m'en a pas signifié d'autres. Donc, ça nous donne quand même une mesure de l'acceptabilité de ce que publient les généalogistes.

Mme de Santis : Le registre civil n'est pas public.

M. Parent (Guy) : Non.

Mme de Santis : O.K. Vous voulez avoir accès...

M. Parent (Guy) : Oui.

Mme de Santis : ...au registre civil. Et, en ayant accès au registre civil, vous voulez rendre des renseignements publics, et donc il y a un petit problème, là, parce que le registre même n'est pas public. Et comment on peut gérer les responsabilités que vous pouvez avoir vis-à-vis les renseignements auxquels vous demandez accès?

M. Parent (Guy) : Je vais vous donner, moi, mes définitions de ce qu'est un renseignement personnel public et un renseignement personnel privé. Vous pouvez ne pas être d'accord, là.

Mme de Santis : Ah! on est là pour discuter.

• (14 h 20) •

M. Parent (Guy) : Pour moi, un renseignement personnel public, c'est tout ce qui est associé à la ligne du temps d'un individu. Évidemment, ça commence par une naissance puis ça se termine par un décès.

Tout ce qui est renseignement privé, c'est ce qui permet de caractériser un individu, au niveau caractériel : la race, la religion, l'orientation sexuelle. Vous comprenez que c'est tout ce qui permet d'aller plus loin que la simple identification dans la ligne du temps. Le généalogiste, ce qu'il demande, c'est cette identification dans la ligne du temps. L'information qui permet de caractériser un individu, il ne la veut pas, ce n'est pas essentiel. C'est sûr que, si on lui donne, il va la prendre. Mais ce n'est pas essentiel.

On considère, nous, que la ligne du temps est du domaine public. Et si, dans la ligne du temps, il y a un mariage, bien, c'est un événement dans la ligne du temps d'un individu. Puis évidemment il y a des événements que... Décès et naissance, ce sera toujours présent. Baptême et sépulture, ça diminue dans le temps, notre société québécoise étant ce qu'elle est, il y en a moins, ce n'est pas nécessaire qu'il y ait une sépulture d'un individu. Les mariages, en 2011, d'après l'Institut de la statistique du Québec, il y a seulement que 53 % des Québécois qui se sont mariés. Et, d'après ce même institut, d'après un indice de primonuptialité — vous me permettrez l'expression — prévu, seulement 23 % des hommes et 30 % des femmes vont se marier, dans les prochaines années, avant l'âge de 50 ans. Donc, le mariage devient un outil pour le généalogiste, mais moins d'importance que la naissance et le décès, qui sont les répertoires ultimes, les références ultimes dans ce que j'appelle notre ligne de vie. Et, pour moi, ça, c'est du caractère public. Écoutez, vous en faites... C'est ma définition, vous n'êtes pas obligés de l'acheter, j'en suis convaincu.

Mme de Santis : Non, non. Mais regardons un instant le mariage. Le mariage, c'est un renseignement personnel, parce qu'on a beaucoup de couples qui vivent ensemble qui ne sont pas mariés, qui ne viennent pas déclarer à tout le monde : Je suis marié, je ne suis pas marié. Mais on les voit ensemble, et ils décident d'être ensemble. Qu'ils soient mariés ou pas, c'est leur affaire. Alors, pourquoi cela ne devrait pas être protégé comme renseignement?

M. Parent (Guy) : J'ai dit : S'il y a un mariage officiel, c'est un renseignement public. S'il n'y a pas de mariage officiel, ce n'est pas un renseignement public. Si les gens vivent en couple sans être mariés, écoutez, je n'y peux rien, là. Puis je ne le demande pas, de le savoir, non plus. On demande l'acte officiel.

Mme de Santis : Mais, en sachant qu'ils sont mariés, et qu'ils sont nés, et qui sont les parents, on va savoir qui est marié ou pas marié, ou qui vit en couple. Tous ces renseignements deviennent publics. Et est-ce que ce sont des renseignements qui devraient être publics? Ça, c'est une question, vous pensez, de mode, et ceux qui ont adopté le Code civil en 1994 pensent autrement.

Une voix : Tout à fait.

Mme de Santis : O.K. Maintenant, comment... Disons, par exemple, qu'on allait permettre que certains renseignements vous soient transmis. Comment on peut s'assurer que la personne, dans vos organisations, respecte des engagements de confidentialité ou d'utilisation de ces renseignements? Parce qu'ils n'ont pas de statut, il n'y a pas d'ordre, il n'y a pas de loi, il n'y a rien. C'est comme si... Les renseignements, pourquoi ça va être donné à vous au lieu qu'à Rita ou à Johanne?

M. Parent (Guy) : Je vais citer notre code d'éthique. Je l'ai apporté avec moi. Je suis sûr que ça vous...

Mme de Santis : Mais c'est quoi, la valeur juridique de votre code d'éthique?

M. Parent (Guy) : Bon, à la fédération, il y a une catégorie de généalogistes qui sont reconnus par un diplôme que la fédération leur accorde. Le code d'éthique permet, s'il y a dérogation au code d'éthique, que ce diplôme leur soit retiré. Donc, on appelle ça des généalogistes de recherche, de filiation. Ce diplôme leur est retiré.

Puis, si on a une plainte qui provient d'un de nos membres... Nos membres, ce sont des sociétés. Si une de nos sociétés membres reçoit une plainte, que ce soit la société de Lévis, de Québec, de Port-Royal, à Saint-Grégoire de Bécancour, la plainte est acheminée à la fédération, et nous, on étudie la validité de la plainte. Et, si la plainte est valide, on intervient auprès du généalogiste, qui peut perdre ses droits d'être membre, d'adhérer à une société de généalogie. On ne peut pas l'empêcher de faire de la généalogie par la suite, mais il perd son droit d'être affilié à un organisme reconnu par la fédération. C'est une façon de contrôler. En tout cas, je dis contrôler, mais, comme je vous dis, on n'a jamais eu de plainte encore.

Je voudrais bien vous dire : On en a eu, puis il a fallu les traiter, mais ce n'est jamais arrivé, là, et on n'a pas d'expérience dans ce domaine-là. Notre code d'éthique est là, puis les plaintes ne se sont jamais rendues à la fédération. Je ne sais pas si mon ami Richard veut rajouter quelque chose à ce niveau-là. Le code d'éthique, il a travaillé beaucoup avec moi pour le rédiger, et une grande partie est son oeuvre.

Le Président (M. Ouellette) : Vous vous identifiez, M. Masson, pour les besoins de l'audio, et je vous laisse répondre à la question.

M. Masson (Richard) : Je vous dirai, pour revenir un peu... Richard Masson.

Le Président (M. Ouellette) : Oui.

M. Masson (Richard) : Merci. Pour revenir un petit peu en arrière, lorsqu'on a fait référence à ces plaintes qui ont été adressées à la Commission d'accès à l'information et qui nous ont amenés devant elle, bien, aucune de ces allégations-là ne portait sur le fait que de l'information privée avait été divulguée par des membres d'une société quelconque. Tout ce qu'on reprochait aux sociétés et de Québec et de Montréal, qui s'appellent la Société généalogique canadienne-française, portait sur le fait que nous avions accès ou que nous accordions accès à des registres que nous avons dans nos banques de données. Mais que nous nous serions adonnés à une divulgation incorrecte, que nous n'aurions pas obtempéré à une demande de radiation d'information de nature personnelle, il n'y en avait pas, d'allégation dans ce sens-là, il n'y en a jamais. Pratiquement, l'intérêt des membres de nos sociétés... ont une activité qui est de nature historique et se limite à... Les publications qu'on fait de textes ou de recherches qui sont faites en généalogie n'ont pas pour but de divulguer de l'information personnelle, mais uniquement de mettre les gens dans le contexte de l'histoire qui est racontée dans nos publications.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Je regarde vos recommandations. Votre première recommandation, c'est : «Que le gouvernement trouve les solutions justes et équitables et règle la problématique qui perdure dans les meilleurs délais en ayant à l'esprit l'importance sociétale que représente la pratique de la généalogie ainsi que la préséance qui se doit de lui être accordée.»

Maintenant, on retrouve dans la loi privée référence à la généalogie. Mais on dit que la présente loi, la Loi sur la protection des renseignements dans le secteur privé, «ne s'applique pas à la collecte, détention, utilisation ou communication de matériel journaliste, historique ou généalogique à une fin d'information légitime du public». L'Institut généalogique Drouin suggérait que, pour que cette disposition s'applique bien aux généalogistes, il faudrait enlever le mot «légitime». C'est quoi, votre opinion?

M. Masson (Richard) : Richard Masson.

C'est assez difficile de... Pour ma part, je vous le dis bien spontanément, de dire qu'on abrie des activités illégitimes, j'aurais de la misère à soutenir ce point-là. Est-ce que c'est le mot «légitime» qui crée réellement un problème ou si ce n'est pas plutôt le fait que la priorité annoncée par la disposition n'est pas appliquée, n'est pas reconnue? C'est un peu comme le privilège des journalistes, ça, qui fait l'objet d'autres débats devant d'autres instances. Mais la collecte d'information, l'activité en elle-même, pour ma part, se doit d'être reconnue comme légitime à sa face même.

Mme de Santis : Merci. Je laisse...

• (14 h 30) •

M. Parent (Guy) : Je voudrais rajouter un point. Évidemment, le mot «légitime» est en opposition — Richard l'a signalé — au mot «illégitime». Est-ce que c'est ce choix du mot qui pose problème, cette opposition entre illégitime et légitime? Si ce n'est pas légitime, c'est illégitime, c'est quand même un terme assez grave. Est-ce que la problématique vient tout simplement de cette opposition-là? Parce que, quand on met «illégitime» devant le mot... à la place de «légitime», c'est terrible, là. Donc, est-ce que... Écoutez, je soumets ce point-là, là : le mot peut poser problème à cause de cette opposition au mot «illégitime».

Mme de Santis : Merci.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chauveau.

Mme Tremblay : Merci beaucoup, M. le Président. M. Parent, M. Masson, merci beaucoup d'être là. Écoutez, honnêtement, ce n'est pas un dossier, la généalogie, que je maîtrise très bien. Alors, j'aimerais comprendre : En ce moment, quelles sont vos sources pour collecter vos données lorsque quelqu'un vous demande de bâtir son arbre généalogique? Je sais que, pour les informations qui ont plus de 100 ans, il y a le Directeur de l'état civil qui verse à Bibliothèque et Archives nationales... Les registres de l'état civil, donc, qui ont 100 ans sont mis en ligne. Corrigez-moi si je me trompe.

Une voix : Oui.

Mme Tremblay : C'est bien ça. Maintenant, où est-ce que vous allez chercher les informations qui ont moins de 100 ans, en ce moment?

Le Président (M. Ouellette) : M. Parent.

M. Parent (Guy) : Bon. Moi, madame, je suis un praticien de la généalogie depuis 40 ans. J'ai publié 72 articles, j'en ai deux en préparation, une dizaine de biographies. Donc, de la recherche, j'en fais, puis j'en fais encore, puis j'en ferai toujours.

Donc, vous le savez, l'Institut Drouin est propriétaire des microfilms des registres paroissiaux du Québec jusqu'à 1940. À l'époque de la guerre, Gabriel Drouin avait convaincu tout le monde que les Allemands débarquaient puis qu'il fallait protéger les registres, là. Je résume, mais c'est un peu ça, là. Donc, jusqu'à 1940, c'est répandu, mais alors là partout. Quand bien même que vous... c'est partout, les registres, là, jusqu'à 1940, du Québec.

Par la suite, il y a eu des publications de répertoires de mariages, de baptêmes, de sépultures, où des paroisses l'ont fait spontanément, les sociétés historiques locales, toutes fières de le faire d'ailleurs. Et tout ça est disponible dans nos bibliothèques, on ne fera pas un autodafé, là, donc tout...

Mme Tremblay : Jusqu'à quelle année?

M. Parent (Guy) : Ah! ça va jusqu'en... Le dernier que nous avons reçu à Québec arrêtait en 2015, une paroisse qui avait fait ses répertoires jusqu'en 2015. Puis ils l'offraient aux sociétés.

Mme Tremblay : Donc, les difficultés que vous rencontrez en ce moment, c'est ce qui est assez récent?

M. Parent (Guy) : C'est ce qui est assez récent. C'est ce qui n'est...

Une voix : 1994.

M. Parent (Guy) : À partir de 1994. Avant ça, c'était public. Moi, quand je faisais de la généalogie en 1977, j'allais voir mon curé du village de Saint-Narcisse, je disais : M. le curé, je viens faire de la recherche. Il me sortait les registres puis il me disait : Bon après-midi. C'était ça, la... Tout était permis, là.

Depuis 1994, ce n'est plus ça. D'ailleurs, les évêques ont écrit des mandements à leurs curés : Vous n'avez plus le droit de donner accès à vos registres. Dans les faits, ce n'est pas ça qui arrive. On le constate, on reçoit des répertoires. Une paroisse qui ferme ses livres, ils sont très malheureux, là. Le conseil de la fabrique se réunit, on est... Écoutez, il y a une mémoire collective dans nos registres, on la perd. Qu'est-ce qu'on fait? On demande à un généalogiste : Peux-tu nous faire un répertoire de toutes nos données avant que la paroisse ferme? Puis ça, ça se fait, puis on ne dit pas non. Quand on le reçoit dans nos locaux, on ne dit pas non, on dit : Merci.

Une voix : ...

M. Parent (Guy) : On dit : Dieu merci!

Le Président (M. Ouellette) : Oui, oui, c'est le cas de le dire.

M. Parent (Guy) : Donc, c'est là qu'on va chercher cette information-là. Puis l'information, aussi, elle est disponible par l'index des mariages et des décès qui ont été acquis par les sociétés de Québec, et par celles de Montréal, et l'Institut Drouin de façon tout à fait légale. Toutes les autorisations, on les a eues. Puis ça, c'est disponible jusqu'en 1997.

Mme Tremblay : Sur Internet?

M. Parent (Guy) : Sur Internet. C'est offert aux membres des sociétés de généalogie de Québec et de Montréal et à ceux qui sont abonnés à l'Institut Drouin. Puis ça, ça a été obtenu de façon tout à fait légale, là, il n'y a pas eu des...

Mme Tremblay : Maintenant, bon, vous exercez votre métier, vous êtes un passionné, donc j'imagine que vous avez regardé un peu ce qui se fait ailleurs aussi, dans les autres provinces canadiennes, ailleurs également en Europe.

M. Parent (Guy) : Oui, oui. Oui.

Mme Tremblay : Est-ce qu'ils sont beaucoup plus avancés? Est-ce qu'ils sont beaucoup plus permissifs, sur Internet, que nous?

M. Parent (Guy) : Chaque province a une réglementation différente. Moi, j'ai fait des recherches au Nouveau-Brunswick. Au Nouveau-Brunswick, j'ai accès aux naissances, aux mariages et aux décès jusqu'en 1966. C'est comme ça, cette province-là, puis c'est 50 ans... J'ai fait mes recherches en 2016, je présume que c'est 50 ans de prescription. Je n'ai pas posé de questions, là, je tapais ma requête puis j'avais la réponse. Dans d'autres provinces, le Manitoba, où j'ai fait des recherches... Je vous donne ce que j'ai, le résultat de mes recherches. Au Manitoba, c'était : les naissances, 100 ans; les mariages, 80; les décès, 70. En Saskatchewan : 100 ans pour les naissances; 70 ans pour les décès. En Alberta, je n'en ai jamais fait, je ne peux pas vous donner une réponse, je ne le sais pas. En Colombie-Britannique, des drôles de dates : naissances, jusqu'à 1903 — pourquoi 1903? je ne le sais pas — les mariages, 1940; les décès, 1993.

Mme Tremblay : Donc, il semble y avoir quand même une frilosité à rendre publiques toutes les données sur Internet, pas seulement au Québec, mais dans les autres provinces canadiennes aussi.

M. Parent (Guy) : Oui. Parce que je ne connais pas les lois canadiennes, là, mais chaque province a sa propre réglementation. En Ontario — j'ai fait des recherches fréquentes en Ontario — les naissances, c'est 100 ans; les mariages, 1936 — 80 ans, probablement; les décès, 1946, donc 70 ans, là, en 2016, quand j'ai fait mes recherches.

Mme Tremblay : Ce que vous souhaitez obtenir, est-ce que ça se fait ailleurs?

M. Parent (Guy) : Ailleurs? D'après ce que j'ai vu au Canada, non. Il n'y a pas de liberté totale, comme nous, on souhaiterait avoir, comme je parlais précédemment, cette ligne du temps là que je considère d'intérêt public pour les généalogistes, qui n'est pas un renseignement personnel privé, quant à moi : la naissance, le décès... Les décès, il n'y a rien de moins privé que ça, là. La fédération, on a une base de données qui s'appelle Avis de décès. On recueille les avis de décès publiés dans les journaux. On en a des centaines de milliers. Et c'est consulté, madame : l'année dernière, 2016, 722 000 consultations pour les avis de décès. Et l'information qu'on y trouve, elle est variable, vous le savez. Vous lisez peut-être la rubrique nécrologique des journaux. Moi, je les lis. Peut-être pas vous, là, vous n'avez pas le temps, mais moi, je les lis. Et c'est très variable. Parfois, on va dire : La personne est décédée à l'âge de 84 ans, huit mois et trois jours. Puis, à d'autres moments, on va écrire : Est décédée à l'âge de 84 ans, point.

Donc, on fait beaucoup de recoupements de cette façon-là pour identifier des individus. Quand on nous demande une commande... On reçoit des commandes : Je veux établir ma lignée patrilinéaire ou ma lignée matrilinéaire — c'est une nouvelle mode, puis ils ont le droit de faire des lignées matrilinéaires — on part à partir de toute cette base de données là, on part à partir des avis de décès, on part à partir de nos index offerts dans nos sociétés de généalogie, on feuillette nos répertoires. Vous comprenez que ça ne se fait pas en 30 minutes, certains cas-là, parce que, parfois, on frappe des écueils solides dans les recherches. Mais c'est tout ça qu'on consulte.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Parent. Mais c'est sûr aussi que vous devez lire le journal du mercredi.

M. Parent (Guy) : De jeudi, de jeudi. C'est aujourd'hui. La grosse rubrique nécrologique dans Le Soleil, c'est aujourd'hui.

Le Président (M. Ouellette) : Oh! ça a changé? Ah oui, mais dans Le Soleil, mais, dans le vrai journal, c'est le mercredi.

Une voix : Vous parlez de La Presse, là.

Le Président (M. Ouellette) : Dans le vrai journal, le mercredi, il y a des pleines pages. On dirait qu'il y a un cahier, pleines pages, puis tu annonces le mercredi. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Parent, bonjour, M. Masson. C'est toujours agréable, parler de généalogie. Je sais que ce n'est pas... La collègue de Chauveau parlait de votre métier. En fin de compte, ce n'est pas un métier, mais c'en est presque, parce que vous êtes tellement passionnés que vous devez y consacrer énormément d'heures, à cette passion-là que vous avez.

J'aime beaucoup votre conclusion dans votre mémoire, où vous dites : «La généalogie est un loisir culturel qui intéresse particulièrement les aînés, constituant une activité non seulement stimulante à l'étape de la retraite, mais enrichissante socialement. Comme l'a écrit le sociologue Fernand Harvey : "La généalogie apparaît comme un processus volontaire de transmission de la culture."» C'est tellement beau.

M. Parent (Guy) : Quand j'ai lu Fernand Harvey, j'étais tellement heureux, madame.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Je trouve ça... Puis après vous dites : «On peut préciser que la pratique de la généalogie contribue à la préservation du patrimoine immatériel qui permet aux générations qui nous suivent de se souvenir, une activité essentielle [de] notre société.» Parce qu'on en parle souvent, du patrimoine immatériel, on pense aux religieuses, on pense, bon, à tout notre passé, où on a cumulé au fil du temps beaucoup d'informations puis beaucoup de transmissions verbalement, dans le fond, oralement, de plusieurs pratiques qu'on a eues au fil des années. Je trouve que la généalogie a quand même certaines ressemblances à ça.

Je veux revenir au Code civil, là, puis aux registres de l'état civil. Je pense que j'ai trouvé votre slogan — parce que vous n'êtes pas les seuls, hier on a eu aussi des généalogistes qui sont venus nous rencontrer — c'est : Avant 1984, tout était permis, mais tout était secret...

Une voix : ...en 1994.

• (14 h 40) •

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ... — 1994, oui, pardon — rien, aujourd'hui, de secret, mais rien n'est permis. Dans le sens qu'avant 1994 on pouvait avoir plein d'informations, mais, dans les familles, il y avait tellement de secrets familiaux, tout était secret, il fallait tout cacher les affaires.

Une voix : Pour la religion.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Pour la religion particulièrement, mais les secrets de famille, je vous dirais. Et puis aujourd'hui, bien, dans le fond, il n'y a plus rien de secret. Avec tous les réseaux sociaux, on étale n'importe quoi, là, de tout et de rien, mais rien n'est permis par le registre de l'état civil de donner les informations. On garde beaucoup, beaucoup de types d'information. Alors, c'est pour ça que, quand la ministre a parlé de la valeur juridique du généalogiste, je pense que c'est une question qui est pertinente pour trouver la solution à ça.

Si je regarde l'article 150 du Code civil du Québec, où le Directeur de l'état civil a ses... sa fonction est quand même démontrée : «Le registre de l'état civil ne peut être consulté sans l'autorisation du Directeur de l'état civil.

«Celui-ci, s'il permet la consultation, détermine alors les conditions nécessaires à la sauvegarde des renseignements inscrits.»

C'est ça, le rôle. C'est de ça qu'on parle, parce que le Code civil limite ou indique, dans le fond, clairement que c'est le Directeur de l'état civil qui accepte ou non, qui accepte la consultation ou pas. C'est de là que, je dirais, le bât blesse en ce qui vous concerne. Alors, ce n'est pas parce que c'est 100 ans ou pas 100 ans. Parce qu'hier on nous disait que c'était... en France, le...

Une voix : C'était inspiré de la France.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...inspiré de la France, dans le fond, le 100 ans, là, mais il n'y a rien qui indique dans la loi s'il y a un 100 ans. En tout cas, il faudrait me reprendre, mais on ne le voit pas, là. Ce n'est pas dans le Code, en tout cas, civil. Il n'est pas là, le 100 ans, là, il est dans l'air, comme ça.

Ce qui fait que les gens qui ont 100 ans, tu sais, qui dépassent 100 ans, les gens qui sont centenaires, on peut étaler leur vie privée... leur vie, je veux dire, leurs renseignements privés sans problème. Alors, il y a comme une injustice avec ceux d'aujourd'hui que moi ou d'autres, on ne peut pas donner ces renseignements-là. Mais, ceux qui ont 100 ans et plus, on va pouvoir les donner, parce que le 100 ans est prescrit, selon ce qu'on entend, là. Ça fait qu'il y a comme un illogisme dans tout ça.

J'essaie de trouver la solution, de trouver des solutions, parce que votre statut de généalogiste, comme il n'a pas nécessairement de valeur juridique... Parce qu'aujourd'hui tout est valeur juridique, pour avoir le droit de faire des choses, c'est valeur juridique. Votre bénévolat, c'est bien beau, mais il ne nous rassure pas... il ne rassure pas personne que l'information que vous aurez va être vraiment une information qui va être confidentielle, s'il y a lieu, qu'il y aura un jugement par rapport à l'information que vous aurez. Vous avez un code d'éthique, je le comprends, le code d'éthique, il est là, mais je vois chez la ministre l'interrogation par rapport à ça.

Alors, est-ce qu'il faut une valeur juridique aux généalogistes? Ou quelle est la porte de sortie pour essayer que vous ayez... Parce que je trouve très normal que vous puissiez avoir les naissances et les décès, entre autres. Les mariages, on peut en discuter, mais, oui, ça, ça serait utile, mais effectivement c'était peut-être quelque chose qui est plus discutable puis... Mais, malgré tout, là... Mais les naissances...

Pourquoi pensez-vous qu'on garderait confidentielle une naissance? J'essaie de me poser la question. Je comprends votre intervention, de la vouloir. Maintenant, le Directeur de l'état civil, lui, la garde. Parce que la ministre dit : Le registre de l'état civil n'est pas public. Le registre n'est pas public, mais le directeur peut rendre publique l'information. Je pense qu'il y a des nuances. En tout cas, les juristes, je suis convaincue, là, qu'ils trouveraient des portes de sortie. Alors, au tour de la ministre. Je pense que c'est sûr qu'il y a une porte de sortie par rapport à ça, parce que le registre en lui-même peut être confidentiel, mais, le pouvoir qu'on donne au Directeur de l'était civil, on lui donne un pouvoir de divulguer, s'il veut, ou de laisser la consultation. Là, pour moi, il y a une porte de sortie évidente du...

Alors, est-ce qu'on peut... Est-ce que ça se modifie, par rapport au rôle du Directeur de l'état civil, qui doit donner... Je pense qu'il y a un espace que le Directeur de l'état civil peut avoir. Mais est-ce qu'une naissance... qu'est-ce que ça a de ne pas... J'ai hâte, peut-être, qu'on puisse parler au Directeur de l'état civil, parce que pourquoi une naissance ne serait pas publique?

M. Masson (Richard) : Bien, c'est la citoyenneté, finalement. C'est la composition de notre société. Et un individu se caractérise par le fait qu'il est né à une certaine date de parents spécifiques. C'est ce qui fait un individu. Et il n'y a aucune raison de penser que cette information-là doit rester confidentielle.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Mais je comprends ça, M. Masson, mais moi, j'essaie de trouver pourquoi, pour le Directeur de l'état civil, il la garderait confidentielle, parce que, si vous le consultez, il peut vous la donner.

M. Masson (Richard) : Là, c'est un embargo absolu en ce moment, depuis 1994.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Mais il s'appuie sur...

M. Masson (Richard) : Alors qu'il n'a pas sa raison d'être.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Il s'appuie sur quoi quand...

M. Masson (Richard) : Ah! ça...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Est-ce que vous avez fait des... Est-ce que vous faites régulièrement des demandes au Directeur de l'état civil ou pas?

M. Parent (Guy) : Ça fait 20 ans, madame...

Le Président (M. Ouellette) : M. Parent, là, vous nous montrez un beau tableau, vous allez nous expliquer c'est quoi.

M. Parent (Guy) : Ça, c'est un résumé de toutes les interventions qui ont été faites au fil des ans auprès du Directeur de l'état civil : 2015, 2014, 2012, juillet, novembre, octobre 2011, décembre 2011, avril 2010, février 2009, avril 2008, janvier 2008...

Le Président (M. Ouellette) : ...vous savez qui le veut, hein?

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...monsieur, je n'ai pas beaucoup de temps, ça fait que donnez-moi-les pas toutes, là, parce que je manque de temps.

Le Président (M. Ouellette) : Non, non, mais, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, ça va être sur mon temps, là. Mais M. Parent va se faire un grand plaisir de nous le déposer.

M. Parent (Guy) : Oui, c'est une copie de travail, mais, si vous la voulez, on pourra...

Le Président (M. Ouellette) : Bien, envoyez-moi une copie qui n'est pas une copie de travail dans les meilleurs délais, pour les besoins... parce que je pense qu'il y a vraiment une interrogation importante de la part des membres de la commission. Alors, ce n'est pas des renseignements personnels et ce n'est pas à l'encontre de votre code d'éthique, là.

M. Parent (Guy) : Non.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Non? O.K. C'est...

M. Masson (Richard) : Mais il peut y avoir des renseignements personnels à l'intérieur d'un acte de naissance, par exemple l'adresse des parents, quelque chose comme ça. Je peux comprendre qu'il y ait un exercice discrétionnaire qui puisse se faire, mais, sur le fait de la naissance d'un individu et l'identité de ses parents, il n'y a aucune raison que le Directeur de l'état civil cache cette information-là.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Ce que je voulais en venir, c'est que, si vous avez, au fil du temps, une fin de non-recevoir au Directeur de l'état civil, quand, dans la loi, il pourrait... Parce que, selon la loi, c'est lui qui décide si ça peut être consulté ou pas, si on regarde bien la loi. Alors, s'il y a un refus systématique, est-ce que vous êtes capable de me dire pourquoi vous pensez qu'il y a refus systématique et pourquoi vous pensez que la pratique fait qu'on ne le donne pas? Qu'est-ce qui retient le Directeur de l'état civil?

M. Masson (Richard) : Alors, Richard Masson.

J'interviens d'abord en tentant de percer ce mystère qui loge chez le Directeur de l'état civil, mais je pense que c'est que, devant la confusion des diverses lois qui sont impliquées, la prudence a fait en sorte qu'il a dit : Bien, moi, je ne bougerai pas tant que je ne me le ferai pas dire de façon spécifique soit par le tribunal ou bien soit par un amendement législatif.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Il faudra lui poser la question pour le savoir.

M. Masson (Richard) : Voilà.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Mais on comprend que... Moi, ce que je voulais clarifier, c'est que le 100 ans, il est dans l'air, là, mais que, dans les faits, là, l'article 150 du Code civil du Québec indique clairement que c'est sous l'autorisation du Directeur de l'état civil que ça peut être consulté, c'est lui qui accepte ou non. Alors, il s'est peut-être donné une directive, mais on le saura quand on l'interrogera.

Je veux revenir aussi sur le contexte mondial, parce qu'hier on a parlé vraiment du contexte mondial, parce que la comparaison avec les autres nations dans le monde face à la généalogie, ou aller chercher de l'information, ou aller... Quelle différence vous voyez ailleurs dans le monde, par rapport avec le Québec, sur la cueillette d'information? Est-ce que c'est très différent d'un endroit à l'autre?

• (14 h 50) •

M. Parent (Guy) : On a tous le même but... — Guy Parent — on a tous le même but, en généalogie, c'est de trouver, de faire des filiations. La généalogie, c'est la recherche de ses ancêtres, ça, c'est la définition classique, mais aussi, on dit, de façon officielle, de son apparentement, de sa parenté. On recherche ses lointains cousins. Donc, tout ce qui permet de trouver ces informations-là à travers le monde, on le fait. Et c'est très différent d'un pays à l'autre, mais le Québec, évidemment, c'est peut-être l'endroit au monde où on a la collection la plus complète des registres paroissiaux dépouillés. Aussi dépouillés que ça, je n'en connais pas. On a peut-être 100 % de couverture de nos registres paroissiaux disponibles auprès des généalogistes. Ailleurs, je ne vois pas ça.

Le seul exemple que je connais, c'est des recherches que je fais en France, il y a des bases de données. Évidemment, la France, la population, c'est beaucoup plus grand. On parle de 80 millions de données, puis, à chaque trimestre, il s'en rajoute 3 ou 4 millions, de données. Je ne sais pas à quel moment que ça va finir. Au Québec, on a une finalité, on estime... Si on avait tous, tous, tous les registres paroissiaux du Québec, des débuts jusqu'en 2017, on aurait un potentiel de 24 millions, 25 millions d'actes indexés.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Quand vous parlez des registres paroissiaux, ça, c'est parce qu'il y a une cérémonie qui a eu lieu, mais ça parce qu'il y a vraiment un acte qui s'est fait là, de baptême, de sépulture...

M. Parent (Guy) : Oui. Puis ça n'existe plus, ça.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : C'est ça, mais s'ils en ont... s'il y avait moins de... s'il n'y a plus de mariages, nécessairement... il y en a, il y en a, mais, je veux dire, s'il y a moins de mariages religieux, s'il y a moins... Vous n'avez plus ces informations-là.

M. Parent (Guy) : Non.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Les paroisses nous les donnaient facilement précédemment.

M. Parent (Guy) : Là, la nouvelle piste, maintenant, c'est — il y a une nouvelle mode — c'est la généalogie génétique. Là, je fais juste effleurer le sujet, là. Quand on ne trouve pas par les voies normales, si vous me prêtez l'expression, les voies généalogiques normales, on se lance dans les analyses d'ADN maintenant. On compare notre...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : On est capable de voir...

M. Parent (Guy) : De trouver notre ancêtre.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...dans notre ADN, nos ancêtres, comment est-ce qu'on a d'irlandais, d'écossais, de tout. C'est la nouvelle mode.

M. Parent (Guy) : Oui, puis ça peut même, s'il y a les tests sophistiqués, identifier quel est votre ancêtre, par comparaison évidemment. Alors, on peut trouver même, à ce moment-là, qui est votre ancêtre. On est rendu là. Il y a des compagnies qui offrent des tests à 100 $, 400 $... Je ne ferai pas la promotion des tests d'ADN, mais c'est une autre piste que les généalogistes empruntent maintenant, quand les voies... je dis les voies, les voies normales, les voies de la généalogie sont bloquées. On va maintenant vers cette nouvelle option, qui est offerte depuis quatre, cinq ans, mais qui est en pleine explosion, là. On ne se le cachera pas, là, on parle de millions de signatures d'ADN stockées dans deux, trois compagnies américaines, là.

Le Président (M. Ouellette) : On a terminé, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Avant que j'aille à M. le député de Borduas, moi, j'ai une petite question pour vous, M. Parent. Ça fait 45 ans, là, que vous êtes dans cette poutine-là, vous la connaissez un petit peu, votre façon de procéder, dans tous les cas d'adoption, c'est quoi?

M. Parent (Guy) : Bon, on en a eu, des cas d'adoption. Quand on fait une recherche pour un individu, qu'on découvre un cas d'adoption, la position actuellement, la mienne et celle de mes collègues de la Société de généalogie de Québec, c'est qu'on avise le demandeur. Puis ça devient sa démarche à lui. Parce que, là, on tombe vraiment dans... pour nous, on tombe dans la vie privée, là. Ce n'est plus un renseignement personnel public, il y a des choses qu'on ne connaît pas, puis ce n'est pas notre rôle, en tant que Société de généalogie ou comme Fédération de sociétés de généalogie, d'emprunter ce chemin-là pour lui.

Le Président (M. Ouellette) : O.K. Mais c'est parce que, là, vous n'êtes pas sans savoir qu'on vient d'adopter une loi sur l'adoption...

M. Parent (Guy) : Oui, tout à fait.

Le Président (M. Ouellette) : ...puis qu'effectivement il va y avoir des choses qui seront disponibles, mais il y a des choses qui, effectivement, pourraient aider à retrouver les cousins, la famille, etc. Mais il y a toujours des droits de veto qui traînent. Puis probablement que M. le député de Borduas va sûrement y faire référence.

Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, avant que j'aille à M. le député de Borduas.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Oui, c'est ça, si vous me permettez deux secondes. Est-ce que c'est possible, M. le Président, que vous puissiez avoir une initiative, en consentement avec tout le monde, qu'on puisse rencontrer le Directeur de l'état civil dans notre commission parlementaire? Est-ce que c'est possible d'ajouter cette personne-là, qu'il puisse venir?

Le Président (M. Ouellette) : Effectivement, je pense qu'on entend votre demande. Et on aura des discussions avec les collègues. Parce qu'effectivement plus on en parle, plus ça pourrait être intéressant. Je pense que Mme la ministre...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...à la discrétion, avec les consentements de tous.

Le Président (M. Ouellette) : Je pense que Mme la ministre... Puis, je pense, de consentement, on peut tout faire, mais Mme la ministre a bien saisi votre requête, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles, puis on aura sûrement l'opportunité d'y réfléchir. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Parent, M. Masson, bonjour. C'est fort intéressant. On va revenir sur l'adoption parce que je m'étais pris des notes aussi, comme le président l'a souligné. Mais, d'entrée de jeu, je constate dans votre annexe que la Société d'histoire de Beloeil—Mont-Saint-Hilaire, la société d'histoire culturelle de Saint-Antoine-sur-Richelieu sont membres chez vous, donc c'est deux sociétés d'histoire de ma circonscription. Alors, je salue M. Côté et M. Marchessault, qui sont les présidents respectifs de ces sociétés d'histoire là.

Tantôt, on parlait de l'embargo absolu depuis 1994. On parlait des mariages, notamment les actes de mariage. Ce qui est particulier dans notre droit, là, quand on le constate, puis j'ai eu la chance moi-même de le faire, de célébrer deux mariages, alors, comme célébrant autorisé par la collègue la ministre de la Justice, vous devez publier, 20 jours avant la date de la célébration, au palais de justice et sur les lieux où aura lieu la célébration... Donc, supposons que c'est au domaine Cataraqui, bien, vous allez porter la mention que deux personnes vont se marier à cet endroit-là. Même chose, vous allez au palais de justice de Québec, et là vous allez publier ça. Donc, tout le monde au Québec sait qu'à telle date il va y avoir un mariage, et qu'on va unir ces deux personnes-là en vertu des prescriptions du Code civil, et que les gens ont 20 jours pour s'opposer à l'union de ces deux personnes-là. Parce que ce n'est pas comme dans les films, où les gens disent : je m'oppose... ou garder le silence à jamais. Ça se fait avant. C'est bon pour le cinéma, mais, dans la vraie vie, ça ne se fait pas comme ça. Mais donc tout le monde sait qu'il va y avoir un mariage entre deux personnes. Et là, à partir du moment où l'union est consommée, si on peut dire, bien là, ah! ça devient secret. C'est un peu dichotomique, là.

M. Parent (Guy) : Minimalement. Vous ne pouvez pas... Je ne peux pas vous contredire. Ma fille a présidé... «a présidé», est-ce qu'on dit ça?

M. Jolin-Barrette : Célébré.

M. Parent (Guy) : Célébré. Ma fille elle-même a célébré un mariage. Évidemment, elle a fait les démarches que vous racontez. Évidemment, tout est public à ce moment-là. Avant le mariage, tout est public. On l'annonce au palais de justice. Comme les démarches que... Elle, c'était à l'aquarium de Québec. Bon, bien, c'est un beau lieu aussi pour célébrer un mariage.

Effectivement, moi, je suis entièrement d'accord avec vous. Je ne peux pas vous contredire, là. C'est ça qu'on veut, là, que cet événement public là devienne... Après ça, on met un couvercle là-dessus puis ça devient secret, alors que, quand ça a été célébré, on l'annonçait à tout vent. Écoutez...

M. Masson (Richard) : Et on se marie justement pour en faire un événement public.

M. Jolin-Barrette : Et l'autre élément aussi, je pense, qu'il est important de mentionner à la commission, c'est que... Et on a eu un beau débat là-dessus il y a deux ans à l'Assemblée nationale, à savoir que tous les mariages qui sont célébrés au Québec ont un caractère public et qu'il n'y a pas de mariage religieux qui n'emporte pas de conséquences civiles. Et ça, c'est très clair maintenant. Je crois...

Une voix : ...

M. Jolin-Barrette : Justement, c'est en Cour d'appel. Mais il y a un élément par rapport à ça, c'est que, vous, ce que vous réclamez, c'est la modification de l'article 1 de loi sur le privé, d'enlever «légitime» pour venir contrebalancer les décisions de la Commission d'accès à l'information puis des tribunaux.

Est-ce que, si on enlève «légitime», vous pensez que ça va avoir la conséquence comme quoi vous allez être autorisé? Pensez-vous que vous seriez assez attaché juridiquement en vertu de ça, ou vous voulez que le législateur indique clairement que les actes ont un caractère public pour les quatre actes : l'acte de naissance, le mariage, le décès puis l'union civile?

M. Parent (Guy) : Ce serait notre voeu le plus sincère que... Comme j'expliquais précédemment, tout ce qui est dans la ligne du temps d'un individu est pour moi un renseignement personnel, mais un renseignement personnel public. Richard l'a signalé, ça caractérise l'individu, sa citoyenneté. Il est né. Il a des parents. Écoutez, là, c'est la base. C'est la base. Puis je ne vois... O.K., j'ai un biais, j'ai un très fort biais, j'en conviens, mais je ne vois pas le caractère privé de cette information-là. Je suis désolé...

M. Jolin-Barrette : Au niveau de la naissance, là, vous dites : L'acte de naissance devrait avoir un caractère public... — je vais juste finir ma sous-question — doit avoir un caractère public. Pour vous, au sens de l'acte de naissance, c'est la personne... Supposons, moi, Simon. L'acte de naissance comprend le nom des parents, O.K.? Qu'en est-il lorsque, dans le fond, c'est écrit «mère inconnue» ou «père inconnu»? Parce que je vous donne... bien, je vous expose, là, la situation. Présentement, dans le cas des mères porteuses, il y a eu un jugement de la Cour d'appel où il y a eu un projet parental, puis la mère porteuse a décidé de ne pas être sur le certificat de naissance de son enfant, parce qu'elle disait : Bien, moi, j'ai le droit d'être mère inconnue. Dans le fond, le Directeur de l'état civil a dit non, puis la Cour d'appel a dit oui. Comment on gère ça si jamais c'est public?

M. Parent (Guy) : C'est une bonne question. On a peu de précédents, actuellement, d'une telle situation. Je ne sais pas si Richard en a vécu. Moi, actuellement, dans mes recherches, le seul cas que je connais, c'est un couple qui a... Écoutez, là, je rentre dans les détails privés d'un individu...

Une voix : Sans nommer personne.

• (15 heures) •

M. Parent (Guy) : Sans nommer personne, c'est qu'eux, ils ont voulu faire baptiser leur enfant, deux hommes, puis le curé a refusé parce qu'il n'y avait pas de mère d'indiquée, selon leur volonté. Donc, en tant que généalogiste, l'information qu'on a, si jamais on en avait eu une... Il n'a pas été baptisé, cet enfant-là, là, donc, quand même qu'on irait voir dans les registres, ça a été refusé, donc on ne peut pas utiliser l'information. On prend une information qui est fournie par un registre, on ne l'invente pas. Si, dans le registre, c'est deux hommes qui sont écrits, ça va être deux hommes, les parents de l'enfant, mais on tombe, en fait, dans une nouvelle zone.

Je dois vous avouer qu'on a peu d'expérience là-dedans. Dans nos recherches, actuellement, c'est le seul cas que j'ai en tête, là, qui m'a été soumis, puis c'était délicat, comme situation. Là, on marche sur des oeufs avec ces gens-là quand on reçoit une telle demande puis on leur demande tout simplement : Qu'est-ce que vous voulez qu'on écrive? Quand c'est eux qui font une demande de recherche, qu'est-ce que vous voulez qu'on écrive? On va écrire ce que vous voulez, faisant fi de ce qui est écrit officiellement. Vous, c'est les deux noms dans votre parchemin que vous voulez préparer, si c'est ces deux noms-là que vous voulez qui apparaissent, c'est ce qu'on va mettre. Parce qu'on les connaît, ces gens-là, on les côtoie, c'est des gens qui vivent, des gens qui sont de notre âge. On ne consulte pas des registres. Actuellement, notre politique est tellement... On s'entend qu'on va devoir naviguer avec ça, là, parce que c'est tout nouveau, là, dans notre société et c'est très... des cas qui sont très nouveaux dans le monde de la généalogie aussi, parce que ce n'est pas des gens qui ont 50 ans, là, qui nous arrivent avec des situations comme celles-là. Donc, notre métier, là... «notre métier», notre rôle de généalogiste, nous avons à apprivoiser ces situations-là actuellement.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Borduas. C'est moi qui vais terminer, parce que ça me suscite une autre question. Il n'y a pas de danger qu'on se perde, à quelque part, ou il n'y a pas de danger que la précision des informations de la généalogie jusqu'à ce jour, avec ce qui se passe dans l'espace public ou avec ce qu'on vit... qu'à un moment donné les altérations ne soient plus aussi... C'est pour ça que je vous posais la question sur l'adoption. Là, vous nous arrivez avec un autre cas, puis qui est très visuel, et on a plein d'autres cas auxquels je peux penser, et j'ai l'impression que vous allez devoir faire une réflexion et vous allez devoir informer le législateur aussi pour qu'on puisse adapter ça, et ne pas attendre dans 10 ans, là, puis qu'il va être trop tard, parce qu'on va avoir une zone...

Une voix : Une nouvelle zone...

Le Président (M. Ouellette) : C'est ça.

M. Masson (Richard) : Mais ça demeure très minoritaire comme situation face aux principes généraux qui doivent guider les modifications législatives qui se doivent d'être apportées, si vous permettez. Qui se doivent.

Le Président (M. Ouellette) : Bien, je pense que c'est important puis je pense que c'est aussi important qu'on l'adresse.

Je reviens avec le document, je ne vous empresse pas, mais le faire parvenir au secrétariat de la commission, M. Parent.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Oui, bien, on vous donnera les informations tantôt, là, dans les meilleurs délais, pour le besoin des collègues.

M. Guy Parent, M. Richard Masson, représentant la Fédération québécoise des sociétés de généalogie, merci d'être venus déposer devant la commission.

Je suspends quelques minutes et je demanderais à l'Association des archivistes du Québec de bien vouloir s'avancer.

(Suspension de la séance à 15 h 3)

(Reprise à 15 h 10)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant l'Association des archivistes du Québec. Nous allons recevoir M. Michel Lévesque, M. James Lambert et Mme Baillargeon. Je pense que c'est M. Lambert qui va faire la présentation. Vous avez 10 minutes, M. Lambert, pour faire votre présentation, et après il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Ça fait que je vous laisse la parole.

Association des archivistes du Québec (AAQ)

M. Lambert (James) : Bonjour. Nous vous remercions de l'invitation qui nous a été faite de vous présenter la position de l'Association des archivistes du Québec au rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. L'association, qui célèbre cette année son 50e anniversaire, représente quelque 700 membres professionnels et techniciens. Elle a souvent commenté les rapports quinquennaux de la commission.

Mme Diane Baillargeon et M. Lévesque, Michel Lévesque, membres professionnels de l'association, sont les principaux contributeurs au mémoire actuel. Compte tenu de leur longue expérience dans le domaine, Mme Baillargeon et M. Lévesque vont sans doute répondre à la plupart de vos questions.

Je m'appelle James Lambert, et j'ai été responsable du Comité des affaires professionnelles au moment de la rédaction de ce rapport, et je représente Mme Carole Saulnier, présidente de l'association, qui malheureusement ne pouvait pas être présente aujourd'hui.

L'AAQ se prononce résolument en faveur d'une modernisation et d'une mise à jour de la législation sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels dans les secteurs public et privé qui aura pour effet de faciliter un plus grand accès à ceux-là et des restrictions plus serrées à ceux-ci. Les deux mouvements, l'accès, d'un côté, la protection, de l'autre, sont dans l'air du temps des démocraties occidentales : dans le premier cas, pour rendre les gouvernements plus transparents et plus responsables devant le citoyen, et dans le deuxième, pour protéger un espace privé qui semble se rétrécir chaque année, si ce n'est pas chaque semaine.

L'AAQ souscrit à une réévaluation des dispositions législatives dérogatoires à la Loi sur l'accès et à la loi sur le privé et recommande que ces lois soient revues en profondeur afin qu'il y apparaisse l'ensemble des dispositions législatives dérogatoires. Elle juge de plus que c'est à la commission d'exercer un leadership dans la mise en place de cette révision.

L'AAQ constate que le principe du gouvernement ouvert est de plus en plus bafoué par les pratiques actuelles en matière d'accès à l'information. Plusieurs solutions pourraient être mises en avant pour pallier à cette érosion. Tout d'abord, comme la commission le souligne, l'AAQ croit qu'en l'absence de danger réel pour une personne ou un organisme l'information devrait être communiquée. Dans le même ordre d'idées, l'AAQ trouve louable l'objectif de la commission d'élargir la portée du Règlement sur la diffusion de l'information et la protection des renseignements personnels. Il faudrait cependant bien évaluer les impacts d'une telle inclusion, car, dans certains cas, les inconvénients en termes de capacité des organismes dépasseraient largement les avantages que pourraient en tirer les citoyens.

Le même constat peut être fait concernant les organismes visés par la Loi sur l'accès. Le désir d'assurer la transparence administrative doit tenir compte de la réalité vécue sur le terrain. Ainsi, il pourrait être difficile à certains organismes bénéficiant d'un financement public de se conformer à toutes les exigences de la loi. Ici encore, la recherche d'un équilibre devrait prévaloir, et la commission devrait déterminer des critères qui serviraient à établir la liste des organismes publics assujettis à la loi qui serviraient à la fois le bien public et la réalité de certains organismes dont la gestion est basée sur du bénévolat.

L'AAQ est d'accord avec la commission que la loi devrait obliger les organismes publics à documenter leurs processus décisionnels. Elle constate cependant que l'absence de documents découle parfois d'une gestion documentaire déficiente ou inexistante. À cet effet, la Loi sur l'accès devrait faire le lien avec la Loi sur les archives dont la politique administrative concernant la gestion des documents actifs du gouvernement du Québec oblige les organismes publics à gérer efficacement leurs documents et à y consacrer les ressources nécessaires. Enfin, l'absence de documents peut aussi être le fait d'une rédaction qui passe volontairement sous silence certaines informations. Depuis l'adoption de la Loi sur l'accès, des documents critiques, comme des procès-verbaux et des rapports annuels, ne fournissent plus certains types de renseignements, et ce, dans le but de ne pas les rendre accessibles.

L'AAQ souligne l'importance d'engager des spécialistes de la gestion de l'information dans la mise en application de ces lois. Leur rôle est encore plus crucial dans un environnement numérique, particulièrement en ce qui concerne la protection des renseignements personnels enregistrés dans des systèmes d'information. À cet effet, il devrait exister pour les entreprises privées une disposition faisant pendant aux fichiers de renseignements personnels dans les organismes publics, qui obligerait les entreprises à recenser les systèmes d'information dans lesquels sont enregistrés les renseignements personnels et établir des calendriers de conservation pour en disposer. De petits et moyens organismes se sont dotés de tels calendriers en se basant sur des recueils types. Il y aurait lieu de multiplier de tels recueils pour divers types d'entreprises. Lié à un plan de classification qui permet d'organiser l'information, le calendrier de conservation détermine les durées de conservation associées à une catégorisation des actifs informationnels, qui détermine la criticité de la confidentialité des informations.

Ces outils de gestion permettent aux organismes et aux entreprises de repérer l'information, d'en disposer lorsque l'objectif pour lequel l'information a été créée ou enregistrée est atteint et que l'information n'a pas de valeur patrimoniale, et de déterminer sa communicabilité. Ces outils de gestion forment la base d'une saine gouvernance documentaire. Lorsque produits par des professionnels formés et expérimentés, qui tiennent compte de la législation en vigueur, et entérinés par des autorités compétentes, ils contribuent à identifier les documents qui doivent être protégés, ceux visés par des exceptions de la loi, y compris les renseignements personnels. En se basant sur des outils de gestion préparés par des professionnels compétents, les organismes publics et les entreprises privées auront en main des outils qui tiennent compte de l'ensemble des valeurs des documents.

Dans ce contexte, l'AAQ ne peut pas appuyer la recommandation 42 de la commission telle que formulée et qui recommande que les entreprises soient obligées de conserver les renseignements ayant servi à prendre une décision concernant une personne pendant un an suivant cette décision, car cette durée ne tient pas compte des valeurs administratives, légales, financières et historiques qui pourraient justifier une période de conservation plus ou moins longue que celle proposée. Le calendrier de conservation sert justement à établir ces valeurs et à déterminer une durée de conservation en résultant plutôt que de proposer une durée générique, qui ne repose sur aucune analyse.

Par ailleurs, afin de mieux cibler les documents numériques et les données, qui constituent une part de plus en plus importante des documents des organismes publics, la Loi sur l'accès devrait adopter les définitions des termes «document» et «dossier» ainsi que la notion de document technologique tel qu'ils apparaissent dans la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information. De plus, le titre de la Loi sur l'accès devrait être modifié pour Loi sur l'accès à l'information des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels afin d'envoyer le message que ce qui est visé n'est pas le document, mais l'information qui y est contenue, quel que soit l'endroit où cette information se trouve.

En conclusion, toute organisation détenant de l'information personnelle sur des citoyens de notre société se doit de gérer et d'organiser l'information de façon à ce qu'elle soit bien protégée, rapidement repérable et, s'il y a lieu, communicable. Toute personne gérant des informations d'une organisation devrait être formée et avoir acquis les compétences nécessaires à l'exercice de la fonction, soit des études collégiales ou universitaires en gestion de l'information. C'est un gage de services de qualité.

La commission devrait prendre le leadership afin d'assurer que les bonnes gens avec les bons outils assurent l'application d'une législation modernisée sur l'accès à l'information dans les documents et la protection des renseignements personnels. L'AAQ est prête à appuyer la commission dans l'assurance de ces éléments essentiels. Merci de votre écoute.

• (15 h 20) •

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Lambert. Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Baillargeon, M. Lambert, M. Lévesque, merci d'avoir présenté votre mémoire et d'être ici avec nous aujourd'hui. Dans votre mémoire, vous insistez sur l'importance des règles de conservation claires et professionnelles et sur le respect des calendriers de conservation. Alors, moi, j'aimerais qu'on prend un instant maintenant pour que vous nous expliquez exactement qu'est-ce que ça veut dire, un calendrier de conservation, comment ça s'applique aujourd'hui aux documents en général et aux renseignements personnels en particulier et comment vous voyez que ça devrait évoluer dans un avenir.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lambert.

M. Lambert (James) : Un calendrier de conservation essentiellement est un calendrier de durée de conservation des documents. Du moment où un document est créé, ça a une vie qui normalement a trois cycles. Il y a une vie courante qui est déterminée par le calendrier de conservation, là où il y a un calendrier, une conservation, disons, de cinq ans. Pendant les cinq ans, ce document-là est conservé dans les bureaux. Après cinq ans, en vertu du calendrier, ce document peut être envoyé à ce qu'on appelle une salle de documents semi-actifs pendant une période définie, disons cinq ans encore, parce que le document n'est plus d'utilisation courante, mais peut être rappelé de temps en temps. Il y a une troisième phase dans la vie de ce document-là, qui est d'être conservé en permanence comme un document d'archives ou d'être éliminé. En fait, ça peut être éliminé aussi après la phase courante. Donc, il y a trois périodes, et ces périodes sont définies par le calendrier de conservation. L'avantage du calendrier, c'est que ça permet de mieux gérer les documents et les informations dans ces documents-là. On sait que les documents sont dans les bureaux ou au centre de documents semi-actifs, ou ils ont été versés aux archives.

Le Président (M. Ouellette) : M. Lévesque.

M. Lévesque (Michel) : J'aimerais rajouter une information à ce qu'il vient de dire. La base et l'évaluation des valeurs administratives, légales, financières et historiques, donc cette valeur, cette évaluation-là se fait avec les gens qui produisent et reçoivent les documents pour établir justement combien de temps on doit les garder administrativement, combien de temps on doit les garder légalement, combien de temps on doit les garder, effectivement, pour des valeurs financières. Donc, c'est très important, ce travail-là se fait avec les gestionnaires de l'information pour déterminer avec eux leurs besoins. Et, à partir de ces besoins-là, les durées sont établies. Et ces durées-là, c'est là que se base justement l'application du calendrier. C'est qu'au bout de ces durées-là, une fois que ces durées sont atteintes, les documents, les dossiers peuvent être éliminés ou peuvent être, effectivement, conservés à des fins historiques. Donc, c'est à peu près 10 % de la masse documentaire qui est conservée à des fins historiques. L'autre partie, effectivement, va être détruite.

Et donc c'est à partir de cette évaluation-là qu'on peut déterminer ces durées. Et c'est très important, les ministères et les organismes présentement ont tous, en vertu de la loi, des calendriers de conservation qu'ils appliquent à chaque année. Autrement dit, les séries documentaires qui sont identifiées dans les calendriers de conservation, et on parle de toutes les séries qui sont reliées aux activités de l'organisme, bien, elles ont effectivement des durées de conservation, et, à chaque année, les responsables de gestion documentaire envoient dans les différentes directions des listes de dossiers qui sont arrivés à échéance en vertu du calendrier, en vertu de ces délais de conservation. Et c'est à partir de ces listes-là qu'on procède à la destruction ou à la conservation de certains documents historiques. C'est vraiment à partir de ces durées, durées qui sont établies dans le cours normal des activités d'un organisme, qui sont... Un calendrier est reconnu par la cour, donc, en toute bonne foi les durées ont été établies, on peut procéder, après un certain temps, à détruire ces documents-là. Et donc c'est vraiment, systématiquement, des règles qu'on applique à chaque année puis qui sont carrément applicables, là, sur des durées, sur des documents comme ceux-ci et qui permettent, effectivement, qu'un organisme régule sa masse documentaire, sinon il accumulerait ou il détruirait de façon aléatoire ses documents. Donc, c'est vraiment par le processus de règles de conservation qu'on est capable de juguler une masse documentaire.

Mme de Santis : Je ne suis pas tout à fait. Je ne comprends pas tout à fait. Est-ce que c'est chaque document? Est-ce que c'est un dossier? Et qu'est-ce que'on veut dire quand on parle de document? Parce que vous recevez... chaque organisme public reçoit énormément de documents. Alors, qu'est-ce qui est assujetti à cela?

M. Lévesque (Michel) : On ne procède pas vraiment par documents. On procède beaucoup plus par séries de dossiers, effectivement, parce qu'un dossier pourrait avoir 75 documents à l'intérieur, et donc on ne peut pas faire des règles de conservation document par document. Peut-être, certaines séries peuvent s'y... Comme, bon, une série de procès-verbaux, bien, ça peut effectivement... Il peut y avoir une règle de conservation établie pour des procès-verbaux, mais, des dossiers de personnel, on comprend qu'on n'établit pas une règle de conservation pour chaque feuille ou chaque document qu'il y a dans un dossier d'un individu, on l'établit effectivement sur le dossier. La série de dossiers, bien, va avoir une règle de conservation. Comme, exemple, les dossiers de personnel, bien, les dossiers, une fois qu'ils sont fermés, une fois que la personne a quitté, bien, le dossier devient semi-actif, et la règle de conservation, c'est de le garder 75 ans d'âge de l'individu. Ça fait que tous les dossiers des individus, bien, sont conservés selon cette règle de conservation. Cette partie de 75 ans d'âge est beaucoup plus pour une question légale que pour une question administrative, parce que les personnes n'ont plus besoin de s'en servir. Mais la question légale est maintenue pour se défendre, pour prouver quelque chose, etc. Ça fait que, donc... mais c'est beaucoup plus sur des séries de dossiers.

La problématique actuelle, c'est qu'on ne fait pas de règle de conservation pour des banques de données. Il faudrait peut-être en faire aussi, parce que les données présentement ne sont pas gérées par des règles de conservation ni au gouvernement ni dans le public... dans le privé, c'est-à-dire. Ça fait que, donc, en ce sens-là, on fait des règles de conservation présentement pour des dossiers papier, mais on n'en fait pas nécessairement pour les banques de données, parce qu'on n'a pas toujours assimilé des banques de données, effectivement, à des dossiers ou à des documents. Mais, à un moment donné, il faudrait peut-être y arriver, parce qu'un des meilleurs moyens de protection de renseignements, c'est sa destruction. Une fois qu'il n'est plus nécessaire, on le détruit. Ça fait que la règle permet. Mais il faut quand même considérer qu'avant la destruction il peut y avoir différentes raisons, et particulièrement légales, d'arriver à la conservation de ces documents. Je ne sais pas si je réponds, là.

Mme de Santis : Non, vous répondez et vous me soulevez une autre question. Quand vous parlez de banques de données, donnez-moi un exemple pour que je puisse comprendre, parce que, maintenant, je...

M. Lévesque (Michel) : Bien, la meilleure banque de données...

Mme de Santis : ...vous me dites que les banques de données ne sont...

M. Lévesque (Michel) : SAGIR.

Mme de Santis : Pardon?

• (15 h 30) •

M. Lévesque (Michel) : La banque de données SAGIR. La banque de données du gouvernement qui gère les employés du gouvernement. C'est une banque de données dans laquelle on met des données, donc des renseignements, la date de naissance, mon salaire, mon nom, mon prénom, etc., mon adresse, pour faire mon paiement, pour suivre mon assiduité, etc. Ce sont des données qu'on ne retrouve plus nécessairement dans un dossier actuellement mais des données, donc, qui sont à l'intérieur d'une application informatique, donc des champs qui permettent de recevoir ces différentes informations, qui constituent en soi une banque de données. Banque de données qui permet de produire mon état de vacances, produire mon état de paie, etc.

Ces banques de données là, présentement elles sont conservées. Il y a une application, mais les données, en soi, elles sont dans des banques, sur des rubans magnétiques ou «live», sur un appareil, c'est-à-dire un système d'information du gouvernement. Mais là, présentement, la problématique, c'est qu'on n'a pas de règle de conservation pour ces données-là. L'application est gérée par le CSPQ, les données appartiennent aux ministères et organismes, mais personne n'a pris le «lead», le leadership, de faire des règles de conservation, si bien qu'on ne sait pas combien de temps ces données-là sont conservées. Et, lorsqu'elles ne servent plus... Disons que moi, je ne suis plus fonctionnaire et je m'en vais à la retraite, etc., qu'est-ce qu'on fait avec mes données, au moment où je ne peux pas... Je ne le sais pas. Est-ce qu'on les conserve? Est-ce qu'on les détruit? Mais ce n'est pas fait en vertu de règles de conservation.

Donc, on n'a pas fait cette évaluation des données qu'on aurait dû faire pour en établir les justes règles de conservation, les justes durées de conservation, puis après ça décider est-ce qu'on les détruit, est-ce qu'on ne les détruit pas, on les garde, on les garde anonymisées, parce que, bon, finalement, on veut s'en servir pour d'autres fins. Voilà, ça, ce n'est pas fait.

Et présentement plusieurs organismes devraient établir ces durées-là pour pouvoir, de façon intelligente, gérer ces données-là, gérer leurs cycles de vie pour, à un moment donné, s'en départir, et de conserver aussi les données historiques, s'il y a lieu. Mais, au moment où on se parle, on travaille beaucoup... les règles sont beaucoup établies sur les dossiers papier, l'électronique, la même chose pour les courriels...

Mme de Santis : Maintenant, je veux poser d'autres questions, alors... Vous proposez d'introduire les définitions des termes «document», «dossier», «document technologique» dans la loi. Nous avons déjà une définition, entre guillemets, de ces expressions-là dans la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information. Pourquoi vous voudriez introduire dans la Loi sur l'accès des définitions? On voudrait avoir une définition pangouvernement et pas seulement pour une loi.

Mme Baillargeon (Diane) : Bien, c'est un peu ça, l'idée, c'est... Diane Baillargeon, pardon.

C'est justement ça, l'idée. La Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, on définit ces termes-là. La Loi sur les archives les a adoptés. Et on se dit : Bien, faisons de même avec la loi sur l'accès aux documents des organismes publics, la protection des renseignements personnels, la loi sur le privé, pour qu'à chaque fois, quelle que soit la mesure législative, lorsqu'on parle de documents, on parle de la même chose avec la même définition.

Mme de Santis : Et aujourd'hui on ne parle pas de la même chose?

Mme Baillargeon (Diane) : Dans la Loi sur l'accès, on ne définit pas le terme «document».

Mme de Santis : O.K. La définition qui est appliquée est la définition qu'on retrouve dans la Loi concernant le cadre juridique.

M. Lévesque (Michel) : Mais ça a surpris plusieurs spécialistes de voir que les définitions sont introduites dans la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information, qui est une loi très, d'une façon, généraliste et qui n'était pas spécifique, effectivement. C'est pour ça qu'on s'est surpris, entre autres, que la définition de document, qui était déjà dans la Loi sur les archives, ou de dossier ne soit pas modifiée dans la Loi sur les archives mais que, finalement, c'est par la Loi sur le cadre juridique des technologies de l'information que ça s'est fait. Et en plus, et tant mieux d'une certaine façon, que «banque de données» est apparu dans la loi sur le cadre juridique en l'assimilant à un document. Mais, je vous dirais, et je vous mettrais au défi... c'est une loi mal connue, c'est une loi qui est même, des fois, perçue comme étant terriblement non applicable...

Mme de Santis : Mal aimée.

M. Lévesque (Michel) : ...mal aimée, très mal aimée, si bien que ça dessert au lieu de servir. Et, pour nous, comme archivistes, c'est très... Les définitions de ces termes sont la base même de notre profession, mais sont aussi la base même d'une meilleure gestion de l'information. Si elles sont dissolues, ces définitions-là, dans différentes lois, ou... Et pourquoi ne pas ramener les bonnes définitions dans des lois qui sont fortes, comme la Loi sur l'accès ou la Loi sur les archives, pour vraiment leur donner encore plus d'importance? C'est un peu le sens de notre réflexion.

Mme de Santis : Une autre question. Vous proposez de modifier le nom de la loi pour que ça devienne la loi sur l'accès à l'information des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Aujourd'hui, c'est : l'accès aux documents des organismes publics. Est-ce que cela voudrait dire que vous proposez un droit d'accès à une information qui ne serait pas colligée dans un document?

Mme Baillargeon (Diane) : Bien, à partir du moment où on a, comme Michel nous le disait, des données qui sont dans des systèmes d'information et que la loi donne comme titre la Loi sur l'accès aux documents — et la donnée, c'est un document ou ce n'en est pas? — quelqu'un qui fait une demande d'accès et que l'information ne se trouve pas dans un document, mais dans une base de données, dans un système d'information...

Mme de Santis : C'est un document, ça aussi.

Mme Baillargeon (Diane) : Bien, voilà. Bien, en ce moment, tout est ambigu, autant pour le demandeur que pour l'organisme qui reçoit la demande. Et surtout que la Loi sur l'accès... je crois que c'est l'article 15 qui dit qu'on n'a pas à produire un nouveau document pour répondre à une demande, alors des organismes peuvent dire : Bien, on n'a pas ce document-là, il faudrait créer un nouveau document en interrogeant notre base de données.

Donc, on refuse l'accès, et tout ça reste une espèce de flou qui pourrait être beaucoup plus clair si, d'une part, on avait des définitions dans la loi et un titre plus spécifique. Alors, c'est un peu cette proposition-là qu'on vous fait en disant : Essayons d'éclaircir qu'est-ce qui est visé par cette loi-là. Est-ce que c'est le document? Est-ce que c'est l'information? Est-ce que c'est la donnée? Est-ce que c'est le dossier? Qu'est-ce qui est visé? Si c'est tout, bien, rendons ça plus clair, plus transparent, de façon à ce que les organismes publics sachent à quoi ils sont assujettis et que les demandeurs sachent aussi ce qu'ils sont en droit de demander d'un organisme.

Parce qu'il y a des responsables d'accès à l'information qui refusent, au moment où on se parle, des demandes d'accès à l'information parce que l'information, semble-t-il, n'est pas dans des documents. Mais on sait très bien qu'en termes d'archivistique les documents... ou l'information, effectivement, elle est dans les banques de données. Et là on refuse systématiquement de donner de l'information légitime au public pour des raisons qu'on assimile le document. Et pourtant ces responsables devraient connaître la loi sur le cadre juridique de l'information et dire que la banque de données, bien, elle est assimilable à un document. Ça fait que, donc, en ce sens-là, il y a un travers qui n'est pas acceptable, finalement, là.

Mais il y a une chose...

Mme de Santis : Je comprends.

Mme Baillargeon (Diane) : ... — pardon — lorsqu'on met en place ou on modifie un système d'information, il faudrait penser à des extractions de rapports, si on sait que, par exemple, on a des demandes fréquentes concernant les salaires des hauts dirigeants et qu'on met en place un système d'information concernant la paie, la rémunération, bien, il faut penser qu'on va avoir des demandes d'information, et qu'on soit capables d'extraire facilement des rapports concernant les salaires, et non pas qu'on se fasse dire par les gens : Ah! bien, écoutez, c'est tellement compliqué parce que, là, le système n'a pas été pensé pour sortir un rapport. Parce que ça a été fait dans des buts administratifs, de produire un chèque de paie, et non pas un rapport pour répondre à des demandes d'accès. Alors, il faut avoir ça en tête lorsqu'on conçoit des systèmes ou lorsqu'on modifie des systèmes.

Mme de Santis : Maintenant, j'ai une question sur les responsables d'accès à l'information dans les... que ce soient des organismes, dans les entreprises, etc., particulièrement dans les entreprises. Vous vous dites d'accord, mais vous parlez de... selon la taille, cette tâche peut être un peu différente. Maintenant, est-ce que vous voulez dire que, selon la taille, on devrait avoir un responsable ou pas? Et pourquoi la taille? Parce qu'il y a des entreprises de cinq ou 10 employés qui sont très puissantes et qui font beaucoup d'activités où les renseignements personnels peuvent être touchés. Alors, je vous demande de m'expliquer votre remarque dans votre mémoire.

Mme Baillargeon (Diane) : En fait, c'est qu'on avait comme, je dirais, une certaine réserve, c'est de rendre tout organisme qui reçoit des fonds publics assujetti à la Loi sur l'accès. On pense, par exemple, à des petites sociétés de généalogie qui se font aider par leurs municipalités et qui, donc, reçoivent des fonds publics, mais qui ne fonctionnent qu'avec des bénévoles. Est-ce que ces genres d'organismes là devraient être assujettis à la Loi sur l'accès?

Mme de Santis : Je ne parle pas de la Loi sur l'accès, je parle d'avoir un responsable de la protection des renseignements personnels, O.K., dans une entité privée, en vertu de la loi privée. Ça, c'est la recommandation n° 21.

Mme Baillargeon (Diane) : Numéro 21. Écoutez, je vais revoir ça, parce que je...

Mme de Santis : C'est vos commentaires concernant la recommandation 21.

• (15 h 40) •

M. Lévesque (Michel) : Mais en fait, Diane, par rapport au responsable de l'accès, ce qu'on veut vraiment dire, c'est qu'on voit des fois que la responsabilité de l'accès est donnée à un niveau très, très, très haut dans une organisation. Si je prends au gouvernement, souvent c'est le sous-ministre, et, bon, des fois, il va y avoir un responsable par la suite, mais on voit que c'est très souvent à un niveau très haut.

Si, disons, dans une municipalité, on décidait, par la loi, que le niveau devrait échoir au secrétaire-trésorier, bien, effectivement on est à un très haut niveau, et on se demande des fois si, à un niveau plus inférieur, assumer... Bien entendu, les mêmes fonctions assumées par une personne, ça pourrait être aussi efficace que de l'assumer à un niveau très, très, très élevé. Ça fait que, donc... Parce que toute décision, finalement, se prend à ce niveau-là, là.

Ça fait que c'est ça qu'on disait, dans des moyens ou des petits organismes, la responsabilité devrait échoir, peut-être, à une responsable des ressources humaines, à une directrice des ressources humaines, et non pas au dirigeant de l'organisme, qui comprend très bien ce qu'est l'accès, ce que pourrait être l'accès, et effectivement appliquer des normes et des directives en fonction des lois qui sont établies.

C'est dans ce sens-là qu'on émettait ce commentaire-là, c'est-à-dire : le niveau... Laisser pas une liberté, mais, comment dirais-je, une latitude, effectivement, à l'organisme de décider qui doit, dans l'organisme lui-même, être responsable de l'accès. C'est dans ce sens-là.

Mme de Santis : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Lévesque. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Oui. Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Baillargeon, M. Lambert, M. Lévesque. Bienvenue à ces auditions. Votre mémoire est quand même assez volumineux. Alors, ça a été intéressant de voir toutes vos recommandations, vous en avez plusieurs.

Il y en a une particulièrement, vous indiquez, entre autres, que la CAI devrait déterminer les critères retenus pour établir la liste des organismes publics soumis à la Loi d'accès. Quand ce regard... quand on voit un peu ce qui s'est passé en 2011, la CAI... Le rapport quinquennal en 2011, l'une des recommandations, il suggérait que les organismes dont le fonds social est détenu à plus de 50 % par l'État soient soumis à cette loi. Cette fois-ci, à la page... bien, dans son rapport, à la page 14, il dit : «Différents critères peuvent être envisagés, seuls ou combinés : le degré de contrôle de l'organisme par l'État ou [par] un autre organisme public, le financement de l'organisation», le mode de désignation des dirigeants, parce qu'évidemment, si les dirigeants sont nommés tous par le gouvernement, effectivement c'est un critère intéressant. Puis c'est un critère qui a été retenu par d'autres provinces canadiennes, selon le rapport quinquennal que nous avons devant nous. Et vous, vous êtes d'accord sur cette position-là du 50 % ou vous êtes... ou sur différents critères? Comment vous voyez la chose?

Mme Baillargeon (Diane) : Oui. C'est un peu ce que je disais en réponse, tout à l'heure, à Mme de Santis, seulement le 50 % nous semble poser problème parce que, quelquefois dans des très petits organismes, un organisme sportif, par exemple, une chorale municipale, la municipalité va donner peut-être plus que 50 % du budget, mais le 50 % du budget... le budget complet de l'organisation est peut-être de 1 000 $ par année et c'est géré entièrement par des bénévoles. Donc, le seul critère du 50 % ne nous semble pas le plus intéressant. Ça va alourdir pour rien l'administration, ça va décourager les gens de s'impliquer dans ce type d'organisme là sans vraiment apporter quelque chose au niveau de la transparence. Je pense qu'un bouquet de critères serait beaucoup plus intéressant.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Oui, O.K. Parce qu'entre le petit organisme qui est financé presque totalement comme vous le mentionnez et des organismes comme des PPP, tu sais... C'est ça, il faut qu'ils soient soumis quelque part. Ça fait que là... On nous soumettait ce matin surtout les PPP, là vous nous soumettez la plus petite entité. Mais il faut tracer une ligne quelque part, quand même. Puis je pense que l'intention est de s'assurer que les organismes publics soient assujettis à la loi, mais c'est de déterminer lesquels et sur quels critères. Donc, vous seriez plutôt en accord d'avoir plusieurs critères, donc combiner certains de ces critères-là, donc pas juste le financement à 50 %, mais ça pourrait être... nommé par qui, bon. Comme le petit organisme que vous décriviez tout à l'heure, vous trouvez qu'il n'a pas besoin d'être assujetti à la loi sur l'accès à l'information.

M. Lévesque (Michel) : Mais des critères sur la finalité, aussi, de l'information qu'il possède. Ça pourrait être intéressant d'introduire des critères sur la... Bien, c'est-à-dire, la commission a suffisamment une expertise pour définir quels sont les documents qui sont souvent demandés, quels sont les documents qui pourraient être publics, la diffusion des documents. Ils ont travaillé, ça se fait, donc, à partir de ce corpus-là, ils peuvent déterminer chez ces entreprises l'importance de certains documents pour le public, et peut-être même avec une question éthique qui pourrait... des critères éthiques qui pourraient être aussi intéressants. Et ce serait donc une panoplie de ces critères qui pourraient être intéressants pour déterminer qui ou non devrait être assujetti.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Et vous-mêmes, parce que vous êtes des archivistes, dans le fond, vous représentez les archivistes, est-ce que les demandes que vous êtes au courant qui sont demandées, qui sont plus habituelles qu'on peut demander... Est-ce que vous avez des critères que vous, vous suggérez qu'ils devraient s'ajouter? Est-ce que le combiné qui est proposé là, que ce soit le financement, que ce soit nommer les dirigeants... Est-ce que vous en auriez d'autres?

Mme Baillargeon (Diane) : Bien, je pense que ce qu'on vient d'énoncer au niveau de la finalité, la nature des informations conservées, le lien... Par exemple, quand on parle de filiales, quand on parle de... Il y a des très grosses sociétés qui vont se scinder pour devenir, peut-être, des choses plus petites. Mais l'affiliation à un organisme de plus grande taille, ça, ça pourrait être des critères aussi qui sont... L'importance de la nature de l'information qui est produite, l'impact de cette information-là sur la vie des citoyens, alors, ça, ce sont des choses qui sont importantes.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Je voudrais revenir sur vos recommandations que vous faites, les 2 et 3, là. La 2, vous dites que «l'Association des archivistes recommande que la Commission d'accès à l'information prenne l'initiative d'élaborer des modèles et des recueils de documents qui devraient être diffusés de manière proactive par les organismes publics de petite taille». Pouvez-vous m'expliquer davantage?

Mme Baillargeon (Diane) : Bon, le règlement sur la diffusion proactive de l'information, la commission recommande qu'elle élargisse ou elle étende la portée de ce règlement-là. Alors, pour l'instant, ce n'est que les ministères et les organismes gouvernementaux. Quand on va arriver dans le secteur municipal et le secteur de l'éducation, de la santé, etc., quelle serait la nature des informations? Le Règlement sur la diffusion, il y a eu déjà quelques moutures, pour en élargir la portée, qui n'ont pas abouti à des modifications législatives. Dans la première ébauche, on avait un projet de règlement qui était assez universel. Alors, quelle que soit la nature de l'organisation, le règlement était le même.

Ensuite, on est allé de façon un peu plus sectorielle, donc la santé, l'éducation, le municipal, mais, là encore, c'était assez générique pour l'ensemble de chacun de ces secteurs-là. Je pense qu'il faudrait y aller de façon encore un peu plus ventilée. Parce que, par exemple dans le domaine municipal, vous avez des villes comme Montréal puis vous avez des régies intermunicipales qui gèrent un service de police ou un parc intermunicipal, mais le type de documents qui est produit n'est pas le même, donc l'intérêt de diffuser l'information est aussi différent. Et je pense qu'il faudrait, si on veut avoir un règlement qui est bien applicable, et qui est intéressant, et qui rejoint les préoccupations de la population, qu'on aille un peu plus en... de raffiner la ventilation de la réglementation pour bien identifier, pour tels types d'organismes, qu'est-ce qui devrait être diffusé.

• (15 h 50) •

M. Lévesque (Michel) : Un peu dans le même exemple qui a été fait au niveau... c'est-à-dire au niveau des ministères et organismes gouvernementaux. Parce qu'une fois que le règlement a été établi ils ont dû mettre en place, effectivement, ce qui devait être diffusé de façon obligatoire, et on s'est aperçu qu'il fallait un guide, là. Et le secrétariat, effectivement, a travaillé pour raffiner et déterminer quelles étaient les séries documentaires qui devaient être effectivement diffusées, mais aussi, bien entendu, venir définir ces séries, quelles sortes d'informations, quelles compilations d'informations qui devaient être définies, et par la suite, effectivement, sur les sites Web des ministères et organismes gouvernementaux. Et donc ce guide-là qui a été fait, bien, pourrait très bien inspirer d'autres guides, effectivement, dans les secteurs de l'éducation et du municipal, pour vraiment être en mesure de... C'est quoi, diffuser, je ne sais pas, moi, des informations concernant les dépenses d'un maire ou d'une mairesse? Comment on le fait? Effectivement, on le fait pour les ministres, donc on devrait être en mesure de le faire et de le définir, effectivement. Et je pense que ça pourrait être très bien fait.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Vous indiquez également qu'on devrait intégrer... les organismes publics, de documenter leurs processus décisionnels. Vous considérez «que cette responsabilité en est une de gouvernance et devrait avant tout être incluse dans les lois sectorielles». Vous parlez, entre autres, de la Loi sur les cités et villes, la Loi sur l'instruction publique, etc. Pouvez-vous nous en dire davantage?

Mme Baillargeon (Diane) : Oui. On remarque depuis plusieurs années une certaine érosion dans la qualité de l'information qui est inscrite dans des types de documents comme des procès-verbaux, des rapports annuels, des rapports d'étude, des rapports d'activité, etc. Et ça peut être parce que justement ce genre de document là est accessible en vertu de la Loi sur l'accès. Les gens vont s'autogérer, dire : Bien, on ne mettra pas tel type d'information dedans. Donc, je pense qu'on ne peut pas non plus, au niveau de la Loi sur l'accès, dire : Il faut que les organismes publics mettent de l'information. C'est trop général, ça ne sera pas applicable.

Donc, travailler avec les lois sectorielles pour dire, par exemple dans la Loi des cités et villes, bon, je ne sais pas, dans un conseil municipal, ou au niveau d'une commission scolaire, ou, je ne sais pas, moi, d'un collège, etc., quel type d'information devrait nécessairement apparaître. Parce que, de plus en plus, on se rend compte en tant qu'archivistes, nous, ce qu'on se fait demander, ce n'est pas : Quoi?, c'est : Pourquoi? Pourquoi et comment? Pourquoi on a pris cette décision-là? Comment telle chose a été appliquée? Et, si ces informations-là ne sont pas, au moment où on rédige, au moment où on prend cette décision-là et on la met en application... si l'information n'est pas consignée au moment où on le fait, ça va être perdu. Et les premières personnes qui vont perdre l'information, c'est les dirigeants de ces organismes-là eux-mêmes, qui, dans 10 ans, dans 15 ans, dans 20 ans, vont être très intéressés à retrouver l'information.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Avez-vous un exemple plus concret qui toucherait, mettons, comme la Loi sur les cités, que ce serait important que ce soit...

M. Lambert (James) : Moi, j'ai un exemple — James Lambert — j'ai un exemple. Moi, je travaille à l'Université Laval. Il y a une doyenne qui, à un moment donné, voulait savoir comment sa faculté est arrivée à prendre telle politique il y a 20, 25 ans auparavant. Et elle est venue aux archives consulter les procès-verbaux, les rapports annuels pour constater que tout ce qui a été consigné dans les procès-verbaux et dans les rapports annuels, c'est le résultat, ce qui a été décidé. Mais quelles alternatives ont été discutées? Qui a proposé telle alternative? Pourquoi on n'a pas adopté telle... Tout ça, ça a été éliminé.

Pourtant, ce genre d'information se trouvait dans les procès-verbaux il y a 40, 50 ans. On a l'impression que, justement, les procès-verbaux sont devenus plus pauvres, les rapports annuels sont devenus plus pauvres depuis l'adoption de la loi, justement pour ne pas consigner l'information. Documenter, ce n'est pas seulement créer des documents, c'est d'assurer que les renseignements, les bons renseignements sont dans les documents qui existent actuellement.

M. Lévesque (Michel) : On ne consigne plus les noms des personnes qui disent telle chose, telle chose, contrairement au Journal des débats, où on va retrouver ce que dit tel ou tel ministre. Dans les comptes rendus de conseils d'administration importants, on édulcore maintenant les personnes et ce qu'ils disent pour justement un problème... que ces documents-là vont devenir accessibles. Et il faut comprendre en plus qu'ils ne sont pas accessibles immédiatement, là, ils sont protégés 15 ans en vertu de la Loi sur l'accès. Alors, pourquoi, à un moment donné, ces informations-là qui pourraient être intéressantes en soi pour le public ne le sont plus à la face même, là, d'organismes importants et de décisions qui sont importantes.

Une voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Merci, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. Mme Baillargeon, M. Lambert, M. Lévesque, bonjour. Bienvenue à la commission. J'aimerais aborder la question sur les frais exigibles pour la transcription, la reproduction et la transmission de documents et de renseignements personnels. Dans le fond, vous faites une série de recommandations relativement à ce règlement-là, peut-être nous décrire un peu, là... Moi, ma compréhension du règlement, c'est : lorsque vous faites une demande d'accès à l'information, bien, l'organisme public peut vous charger certains frais pour la reproduction de documents. C'est ça?

Une voix : Oui.

M. Jolin-Barrette : Peut-être juste nous exposer les recommandations que vous souhaitez par rapport à la réforme de ce règlement-là.

Mme Baillargeon (Diane) : Alors, Diane Baillargeon.

Donc, le règlement a été fait il y a fort longtemps. D'ailleurs, on n'a qu'à voir sa facture même, on dirait qu'il a été écrit à la machine à écrire manuelle. On ne prévoit que des frais pour la reproduction, pas de frais pour la numérisation. Et beaucoup de demandeurs demandent de recevoir l'information, la réponse à leur demande d'accès de façon numérique, électronique. La demande entre par courriel et dit : Bien, retournez-moi l'information par courriel, et, dans certains cas, l'information qu'on a est sur papier. Donc, si on fait une photocopie, si l'organisme public fait une photocopie, elle peut charger des frais.

Si elle doit numériser le document pour retourner le document par courriel, le règlement ne prévoit pas de frais exigibles pour la numérisation. Ce qui fait que, bien, les organismes peuvent avoir tendance à dire : Non, je ne vous envoie pas l'information par courriel, parce que moi, de toute façon, je dois la traiter, et, si je vous l'envoie de façon numérique, je dois donc mettre des ressources pour la numériser, et je ne peux pas exiger de frais. Donc, je vais l'envoyer de façon papier, ce qui... au niveau du développement durable, ce n'est pas nécessairement intéressant non plus.

La même chose... Je vous disais dans le mémoire que, théoriquement, on devrait inscrire chacun des documents pour dire : Bien, alors, voilà, vous avez demandé cinq documents; il y en a un de 25 pages, voici le titre, ça coûterait x, y z, voilà, voilà, et, au total, ça fait tant de frais. Sauf qu'en ce moment ce n'est en majorité pas ça qui est demandé. Tout ce qui concerne un sujet x... ou encore un demandeur va demander son dossier personnel, qui va être constitué de centaines de documents d'une page ou de deux pages, souvent des courriels, qui vont porter comme titre le nom de l'individu. Si moi, par exemple, Diane Baillargeon, je demande mon dossier personnel, alors la plupart des courriels vont s'appeler Diane Baillargeon, avec 9 h 1, 9 h 8, 9 h 25, 9 h 32, 9 h 45. Et je vais avoir 150 documents d'une page que je ne peux pas lister parce que le titre n'est absolument pas significatif. Le demandeur ne peut pas dire : Oui, je veux celui-là, je veux celui de 9 h 2, mais je ne veux pas celui de 9 h 25. Donc, ça devient complètement inutile.

Donc, ce règlement-là n'est plus en phase avec la façon de travailler des organismes. Donc, il y aurait vraiment une modification en profondeur à faire du règlement, concernant les frais exigibles.

M. Jolin-Barrette : Donc, ce que vous nous dites, c'est que certains organismes publics se servent du fait que, la copie papier, on peut la tarifer, on peut la charger comme source de financement, dans le fond.

Mme Baillargeon (Diane) : Bien, pour un peu diminuer les coûts. Parce que la Loi sur l'accès, il ne faut pas se le cacher, c'est une loi qui est contraignante pour les organismes publics. Parce que les délais sont très courts pour y répondre, il faut donc mobiliser des énergies et des ressources pour répondre aux exigences de la loi. Et la seule chose qui peut être tarifée, c'est la reproduction. Donc, les gens vont avoir tendance... Et des fois c'est moins long, aussi, de reproduire au photocopieur que de numériser document par document, parce qu'à chaque fois qu'on numérise un document ce qu'on reçoit comme titre de document, c'est un chiffre incompréhensible, il faut donc renommer le document. Donc, c'est lourd, cette numérisation-là.

Donc, je pense qu'il faudrait aller dans le sens de... bien, on pourrait peut-être inciter les organismes à numériser et à retourner des documents numériques en leur permettant d'avoir des frais aussi pour la numérisation, et non pas seulement pour la reproduction.

M. Jolin-Barrette : Puis, le fait de charger au citoyen, dans le fond, un coût pour l'accès à des documents de nature publique, vous ne trouvez pas que c'est un... Je comprends l'aspect financement de l'organisation publique qui engendre des coûts, qui doit déployer des ressources, mais ça ne constitue pas un frein, un peu, au concept de la loi d'avoir accès à ces documents-là? Parce qu'on dit, dans le fond : Bien, historiquement, on permettait de charger, en partie pour couvrir les menus frais, mais, si quelqu'un qui a besoin des documents, qui veut avoir les documents... on va lui dire : Bien, tu dois payer pour les avoir.

Mme Baillargeon (Diane) : C'est la même chose. Il peut toujours venir les consulter sur place. Ça, ça ne change pas.

• (16 heures) •

M. Lévesque (Michel) : Voilà. La loi permet la consultation sur place. Le problème qui peut y exister, c'est que, si on prend le nombre de demandes d'accès qu'un organisme reçoit, bien, beaucoup de demandes peuvent représenter une ou deux pages de document pour lesquelles on donne accès où il n'y aura pas de frais, parce que l'organisme bénéficie... le demandeur bénéficie en plus d'une exemption qui est de tant, en fonction du nombre de pages qu'il aurait demandées.

Mais, quand un journaliste nous demande tout sur un sujet donné et que ça représente 2 500 pages, bon, est-ce que c'est plus acceptable de lui donner gratuitement en vertu de l'accès, parce que l'accès est gratuit, parce qu'il cherchait un montant d'argent dans les 1 200 pages qu'on lui a données? C'est là où il y a une problématique à analyser, effectivement. Qu'est-ce qui pourrait être gratuit? Qu'est-ce qui ne sera pas gratuit?

Et il ne faut pas oublier que, dans ce genre de demande, le temps consacré par l'organisme pour y répondre, c'est beaucoup d'argent, là. C'est beaucoup de responsables, de personnes qui ont été mises à profit pour trouver effectivement l'information qui était demandée. Ça fait que, là, il faudrait peut-être qu'il y ait un juste milieu entre des demandes qui ne représentent peut-être pas une somme d'argent appréciable et d'autres demandes qui, effectivement, là, dépassent souvent les milliers de pages, là. Et souvent, pour contourner ça maintenant, ils nous les demandent sous forme numérique, parce que, là, ils n'ont pas à payer. Ça fait que, donc, on joue et, bon...

Mme Baillargeon (Diane) : Et sans compter que, lorsque les documents qui sont demandés contiennent des renseignements personnels qu'il faut caviarder, alors, il faut en plus avoir du temps et de l'énergie pour aller masquer les informations. Et souvent ça demande, à ce moment-là, soit qu'on les renumérise une fois qu'ils... s'ils sont, par exemple, en papier, soit on les numérise pour pouvoir caviarder de façon numérique ou on fait une reproduction, on caviarde de façon manuelle et on numérise ensuite. C'est quand même...

M. Lévesque (Michel) : Et 30 jours pour y répondre. C'est-à-dire 20 jours plus 10 jours pour répondre à une telle demande.

Mme Baillargeon (Diane) : Calendrier.

M. Lévesque (Michel) : Calendrier, donc tous les jours fériés, etc., sont comptés. Ça fait que vous imaginez un peu souvent dans quel bain on est. C'est parce qu'on a déjà fait de l'accès.

M. Lambert (James) : James Lambert. Et vous pouvez comprendre aussi que tout ce qui est obstacle à fournir ces renseignements-là a un impact sur la qualité de la recherche qui est faite. Autrement dit, plus la recherche est longue, moins il y aura de qualité dans la recherche, d'où l'importance aussi de pouvoir repérer rapidement l'information. Le chercheur — appelons-le le chercheur — a une certaine responsabilité. En précisant sa demande, il facilite le repérage des documents, et plus sa demande est large, plus c'est difficile de tout repérer les concernant.

M. Lévesque (Michel) : Et il y a une solution à ça : la diffusion systématique de l'information. Quand on arrive à établir des critères pour dire : Bien, tels ou tels documents qui ont fait l'objet de demandes d'accès dans le passé, ces documents-là, si on pouvait effectivement de plus en plus les rendre accessibles, ne serait-ce que, sur les sites Web, bien, on limite les demandes, les nouvelles demandes d'accès, parce que, là, le demandeur trouve sur le Web, entre autres, ce qu'il nous aurait demandé et qu'on aurait traité en demande d'accès. Ça fait que, donc, la diffusion systématique de l'information, si elle est bien balisée par des critères, bien, vient effectivement aider une meilleure diffusion de l'information et éviter des demandes d'accès inutiles pour des documents qui auraient un caractère public. Ça fait que, donc, en ce sens là, les organismes pourraient, dans ce sens-là, définir encore... aller plus loin sur les documents, les dossiers qui pourraient être accessibles et diffusés de façon systématique.

Une voix : Et gratuite.

M. Lévesque (Michel) : Et gratuite.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, messieurs. M. James Lambert, M. Michel Lévesque et Mme Diane Baillargeon, représentant l'Association des archivistes du Québec, merci d'être venus déposer devant la commission.

Je suspends quelques minutes. Je demanderais aux gens de Montréal In Vivo de s'approcher, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 16 h 4)

(Reprise à 16 h 9)

Le Président (M. Ouellette) : ...nos travaux. Nous recevons maintenant Montréal In Vivo, représenté par son président-directeur général, M. Frank Béraud, et par Mme Nathalie Ouimet, la vice-présidente. J'ai compris que vous ferez une présentation conjointe. Et j'ai compris que vous allez nous faire le plaisir d'une belle présentation audio et vidéo pour les membres de la commission. Vous avez 10 minutes pour nous faire votre présentation. Par la suite, il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. M. Béraud, je vous laisse la parole.

Montréal In Vivo

M. Béraud(Frank) : Bien, merci beaucoup. Alors, tout d'abord, je tiens à remercier évidemment la commission de son invitation à présenter les conclusions relatives à notre consultation sur l'accès aux données de santé. Donc, je suis effectivement M. Béraud, P.D.G. de Montréal In Vivo, qui est la grappe des sciences de la vie et technologies de la santé. Et Mme Nathalie Ouimet, notre vice-présidente Innovation, est la personne qui a en très, très grande partie rédigé notre mémoire.

• (16 h 10) •

Donc, on va commencer par... juste pour vous donner quelques mots sur Montréal In Vivo, parce que ce n'est peut-être pas connu par tout le monde. Donc, Montréal In Vivo représente en fait l'ensemble des acteurs de l'écosystème des sciences de la vie et technologies de la santé du Grand Montréal. Le secteur des sciences de la vie et technologies de la santé contribue à hauteur de 1,6 % du PIB de la province, soit à peu près 5,6 milliards, donc un secteur économique extrêmement significatif pour la province de Québec, est composé de plus de 600 organisations qui emploient environ 56 000 personnes, dont 86 % se situent dans la région métropolitaine. Notre organisation est financée à hauteur, à peu près, de 70 % par les trois paliers de gouvernement et à hauteur d'environ 30 % par le secteur privé. Et notre mandat est purement un mandat de développement économique.

Les activités que vous voyez listées ici, à l'écran, en fait, appuient nos axes d'intervention. Puis un de ces axes d'intervention, pour nous, qui est extrêmement important, c'est celui de l'intégration des innovations technologiques dans le système de santé. Et nous, on croit que l'intégration de l'innovation passe invariablement par un meilleur accès aux données de la santé. Et c'est sur cet aspect que nous allons vraiment focaliser notre intervention.

Ceci dit, en préambule, j'aimerais préciser que nous avons étudié le rapport de la CAI, évidemment, et que nous sommes en accord avec nombre des recommandations et plus particulièrement, bien entendu, celles qui touchent spécifiquement notre secteur. Je pense, par exemple, à celle, numéro 33, sur les renseignements génétiques ou la recommandation n° 46 sur l'autorisation préalable de la CAI, juste à titre d'exemple.

Donc, notre travail, à la grappe, c'est notamment, entre autres choses, de réaliser des consultations, donc de sonder les besoins, les défis de notre secteur. Et c'est ce que l'on a fait dans le cadre, donc, de ces consultations qu'on a faites l'an passé sur l'accès aux données de santé. Donc, le mandat, c'était vraiment de comprendre les besoins du secteur privé, donc, en regard de l'usage et de l'accès des données de santé, puis de voir comment est-ce qu'on pouvait agir et se positionner de façon complémentaire sur d'autres consultations sur l'accès aux données de santé qui ont été réalisées, mais plus en lien avec le secteur de la recherche, par le Pr Rémi Quirion, scientifique en chef.

Donc, à titre de... enfin, pour camper un petit peu les consultations, c'est plus de 60 personnes qui y ont participé, en grande majorité des grandes et petites entreprises pharmaceutiques, mais aussi des PME dans le domaine des biotechnologies, des entreprises dans le secteur des technologies médicales, technologies de l'information en santé, compagnies de recherche à contrat. Donc, je pense qu'avec ça cela donne vraiment un bon portrait, un bon son de cloche sur les enjeux.

Donc, je vais laisser la parole à Nathalie, maintenant, pour parler plus spécifiquement du contexte dans lequel on situe l'accès aux données de santé.

Mme Ouimet (Nathalie) : Donc, je me nomme à nouveau, Nathalie Ouimet, Montréal In Vivo.

Donc, d'abord, d'entrée de jeu, j'aimerais souligner que l'accès aux données de santé, ce n'est pas un enjeu régional pour le secteur des sciences de la vie, c'est vraiment partout dans le monde, tout le monde se préoccupe de comment optimiser l'accès aux données de santé parce que c'est créateur de richesse. Par exemple, la Food and Drug Administration, aux États-Unis, exige depuis 2016 aux entreprises de technologies médicales — technologies médicales, c'est plus les «devices» qu'on dit en anglais — donc de démontrer la valeur de leurs innovations en milieu réel de soins, puis pour ça il faut évidemment avoir accès aux données de santé.

Le Conseil des académies canadiennes a reçu le mandat des IRSC, en 2013, d'examiner la question. Ils ont fait plusieurs recommandations, qui sont d'ailleurs toujours d'actualité. On a vu au printemps, dans la Stratégie québécoise des sciences de la vie, que l'exploitation des mégadonnées en santé est une des priorités retenues, un des créneaux porteurs retenus dans cette stratégie. Donc, pour, encore là, se rendre aux mégadonnées en santé, il faudra vraiment améliorer l'accès.

Finalement, Frank l'a souligné, le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, a fait beaucoup de démarches pour démontrer l'importance de l'accès aux données sur la qualité de la recherche. Et nous appuyons évidemment toutes ses recommandations. Finalement... pas finalement, mais, d'entrée de jeu, on a demandé aux entreprises quels étaient leurs besoins, à quoi voulaient-ils avoir accès et pour faire quoi. Donc, la réponse a été assez uniforme, je dirais que les gens voulaient avoir accès au plus de données possible. Donc, plus on est capable de grouper nos données, mieux ce sera. Ils souhaitent que le système, le gouvernement, les détenteurs de données assurent l'anonymisation, la sécurité, prennent en charge les processus pour avoir, eux, les résultats de manière... des résultats de grande qualité, rapidement, avec beaucoup de fiabilité. Donc, la majorité des entreprises souhaitent travailler avec des chercheurs. Donc, les conclusions que M. Quirion propose sont assez harmonisées, parce que souvent ils travaillent ensemble.

Pour démontrer la valeur des innovations, on l'a vu avec la FDA, c'est maintenant une exigence, mais c'est quand même recommandé parce que les payeurs utilisent ces données-là pour choisir d'introduire ou non une nouvelle innovation. Comprendre la santé des populations, pour les entreprises, c'est pour alimenter leur processus de recherche et développement et soutenir l'introduction et l'implantation des innovations. Donc, une fois qu'on a accepté une innovation, si on donne un feed-back à l'entreprise sur la performance de son innovation en milieu réel, ils sont en mesure d'ajouter des ressources, comprendre comment optimiser, parce que c'est dans leur intérêt aussi que la valeur de leurs innovations soit la plus positive possible.

Les enjeux identifiés sont nombreux. Les délais, vous en avez sans doute entendu parler, donc le rapport Naylor de 2013 soulignait que le Québec traînait de la patte à cet égard-là. Donc, les délais trop longs, c'est incompatible avec les modèles d'affaires des entreprises. Donc, dans nos consultations, tous les gens à qui on a demandé, il n'y a personne qui faisait des demandes d'accès aux données de santé depuis au moins trois ans parce que c'est trop long. Donc, les entreprises vont se tourner vers l'Ontario, où ils ont un système qui est plus reconnu, plus fiable et robuste. Donc, c'est une perte de compétitivité pour la recherche, qui a moins de demandes, mais la province, au niveau développement économique éventuellement, et aussi le fait qu'on a de moins en moins d'études sur les données de santé, donc on va éventuellement sans doute perdre de l'expertise au niveau de la science des données.

L'interprétation des formulaires de consentement, c'est un autre volet des enjeux identifiés. Donc, malgré un consentement large, parfois il faut répéter des consentements auprès des patients à chaque question de recherche, d'une certaine façon. Donc, ça aussi, ça alourdit les processus. Il y a beaucoup de... Ah! on a perdu les minutes...

Donc, les multiples banques de données. Étant donné les processus et étant donné l'intérêt du secteur pour les données de santé, les chercheurs ont développé des banques de données pour alimenter leurs propres recherches et ils travaillent en collaboration à cet égard-là. Donc, ça fait une multitude de banques de données qui, elles, demandent à être mises à jour régulièrement. Donc, ça multiplie les demandes, finalement, d'accès à l'information, notamment aux données de RAMQ, pour mettre à jour les banques de données par pathologie, les banques de données populationnelles, qu'on dit. Donc, ça, ça congestionne, d'une certaine façon, le système.

Les lois aussi obligent les chercheurs à détruire les données au bout d'un certain temps après l'étude. Donc, bien que parfois ça peut être... tu sais, il y a du plus et il y a du moins là-dedans, mais, si on s'en va vers une économie basée davantage sur les données, on serait mieux d'essayer d'enrichir en continu nos banques de données pour leur ajouter de la valeur.

Finalement, la discrimination. Une des craintes, beaucoup, c'est la discrimination basée sur les données de santé, notamment les données génétiques. Donc, il serait intéressant peut-être d'encadrer juridiquement la discrimination, au lieu de ralentir l'accès de peur qu'il y ait des fuites.

Cette «slide» là est rapide. Donc, finalement, les données de santé, ça donne lieu à une industrie qui est en très forte croissance. Le Québec devrait pouvoir se positionner, on pense, là-dessus, notamment les opportunités. Si on facilite l'accès, on aura plus de chercheurs qui vont chercher, qui vont analyser la santé de la population québécoise, donc nos politiques de santé devraient en être améliorées.

L'accès aux données crée des emplois, on l'a vu, donc il y a un secteur en très forte croissance. Attirer l'investissement privé, de la même façon, donc on veut travailler ensemble pour comprendre la santé. L'opportunité aussi, actuelle, des innovations technologiques. Donc, je pense qu'on n'a jamais été aussi avancés pour exploiter les mégadonnées. Donc, il faut pouvoir saisir l'opportunité. La compétitivité de la recherche, on en a parlé, et l'acceptation sociale. Je voudrais juste donner un petit encart là-dessus. Donc, je pense que la protection des renseignements personnels a évolué par rapport aux citoyens avec l'avènement des médias sociaux, les transactions financières en ligne. On a une ouverture beaucoup plus grande, donc je pense que c'est une opportunité, en ce moment, de changer les choses, parce que probablement que la population est tout à fait prête là-dedans. Certaines études le démontrent.

• (16 h 20) •

Nous, on pense — on est une organisation de développement économique — que le Québec devrait bien se positionner sur ce secteur-là. Vous avez la liste, j'en ai déjà parlé, je vais aller plus vite à nos recommandations.

Donc, nous souhaitons, dans le fond, qu'on ait de l'ambition et de l'audace pour créer un guichet central d'accès aux données qui serait géré par une organisation neutre, spécialiste en sciences des données, mais qui en profiterait aussi pour regrouper l'expertise en éthique, en protection des renseignements personnels. Donc, on aurait cette superstructure où on aurait vraiment notre expertise de pointe qui pourrait agir comme service, finalement, à une foule d'organisations. Ce seraient des données prêtes à être utilisées aussi dont cette organisation-là serait responsable de la mise à jour. Donc, ça éviterait la multiplication des demandes de mise à jour. Pour y arriver, il faudra moderniser notre cadre législatif pour qu'on puisse croiser et conserver les données à plus long terme.

Et finalement il faudra aussi réfléchir à une stratégie pour que le milieu, finalement, valorise aussi les données. Donc, si on veut enrichir, avoir des données de qualité, il faut que, par exemple, dans notre cas, en santé, les professionnels de la santé aient le réflexe de bien documenter les données de santé. Peut-être que ça prendrait des incitatifs pour le faire. Actuellement, ils ne sont pas évalués sur cette base-là.

Finalement, il va falloir aussi harmoniser et normaliser à la base nos données parce que probablement que, dans 10 ans, on voudra aussi croiser nos données avec d'autres grandes banques de données sur la scène internationale. Donc, il faut avoir une vision à long terme.

Finalement, en conclusion, je dirais que la CAI, la Commission d'accès à l'information, est un acteur clé de par son expertise sur la protection des renseignements personnels. Donc, je la verrais très bien participer à cet effort commun pour qu'on puisse mettre toutes les bonnes expertises ensemble et arriver à un projet structurant pour le secteur et la compétitivité des sciences de la vie au Québec.

Document déposé

Le Président (M. Ouellette) : Merci beaucoup, Mme Ouimet. Puisque votre présentation PowerPoint a été très intéressante, je vais officiellement la déposer. Donc, elle sera sur le site de la commission et elle sera publique pour les gens qui n'ont pas eu l'opportunité de la voir. Ils vous ont entendus, mais ils n'ont pas eu la possibilité de la voir. Donc, tous les gens pourront effectivement en prendre connaissance sur le site de la commission.

Mme la ministre, pour la première ronde de questions.

Mme de Santis : Merci beaucoup, M. le Président. Alors, bienvenue, M. Béraud et Mme Ouimet. Merci de votre présence. Merci pour votre mémoire, et fort intéressant, très, très intéressant, le sujet.

D'abord, j'aimerais bien m'assurer que j'ai compris. Vous êtes d'accord avec la recommandation 33 qui dit qu'on devrait «interdire la collecte, l'utilisation [...] la communication des renseignements génétiques à des fins autres que médicales, scientifiques ou judiciaires». Est-ce que j'ai bien compris ça, que vous êtes d'accord avec cette recommandation?

M. Béraud (Frank) : Effectivement, oui.

Mme Ouimet (Nathalie) : J'avoue que moi, je n'ai pas étudié en particulier celle-là, là.

Le Président (M. Ouellette) : Mais ça, Mme Ouimet, là, je vous ai vue, là...

Mme Ouimet (Nathalie) : Parce que ça, ça exclurait de donner accès aux entreprises, là. C'est ça qu'il faut comprendre.

M. Béraud (Frank) : En fait, c'est un oui avec un petit bémol, en ce sens que la recherche, pour nous... Nathalie l'a mentionné tout à l'heure, la plupart des entreprises ne veulent pas accéder elles-mêmes à des données, elles veulent travailler avec des groupes de recherche qui vont, eux, avoir accès aux données et travailler sur les résultats de ces analyses, en fait. Donc, c'est dans ce sens-là que... enfin, le sens de mon intervention allait dans ce sens-là.

Mme de Santis : Parfait. J'ai aussi entendu que, depuis trois ans, on ne fait pas de demande d'information de données ici, au Québec, et qu'on se tourne plutôt vers l'Ontario. Pour que tout le monde comprenne mieux, qu'est-ce qui se fait en Ontario que c'est mieux... que les personnes trouvent que c'est plus facile et mieux d'aller en Ontario pour obtenir les données que ça soit fait ici, au Québec? Quelle est la procédure en Ontario?

Mme Ouimet (Nathalie) : En fait, la procédure se fait en quatre mois. Je pense que ça, c'est le gros «selling point», donc, un des arguments les plus importants. Et c'est un concept de guichet unique quand même assez bien rodé, pas parfait, mais quand même il y a beaucoup de... on peut avoir accès à plusieurs sources de données avec une seule demande. Donc, je pense que ce sont les principaux avantages.

Mme de Santis : Et qu'est-ce que vous souhaiteriez voir au Québec?

Mme Ouimet (Nathalie) : Le modèle de l'Ontario, selon moi, a quand même des faiblesses, en ce sens que le gouvernement a décidé de confier à un groupe de chercheurs de gérer l'accès aux données. Donc, il faut absolument que les entreprises passent par ce groupe de chercheurs là pour avoir accès aux données. Donc, ça, je ne pense pas que... Je pense qu'on peut faire mieux au Québec. Je pense qu'il faut davantage ouvrir, donc de ne pas restreindre à un «boys' club», dans le fond, là, l'accès aux données. Donc, c'est pour ça que nous, on recommandait une organisation neutre, imputable, spécialiste des données. Dans notre mémoire, on proposait l'Institut de la statistique du Québec, mais libre à vous de choisir autre...

Mme de Santis : Le bureau de statistique de Québec serait envisageable pour vous?

M. Béraud (Frank) : Oui, on l'a mentionné dans notre mémoire. Mais juste pour revenir sur ce que Nathalie disait, je pense que la motivation sous-jacente pour les entreprises, c'est le délai. C'est vraiment la rapidité d'accès, un, et, deux, la fiabilité et la qualité des données. Donc, c'est en ce sens-là que d'autres juridictions au Canada et ailleurs ont, je dirais, un avantage par rapport au Québec, c'est ce délai d'accès aux données. Donc, sur la façon de le faire, on n'est pas nécessairement en faveur de copier exactement ce qui se fait en Ontario, mais, sur les objectifs qu'ils se sont fixés puis sur les délais qu'ils arrivent à tenir, ça, définitivement, ça peut être un modèle dont on peut s'inspirer.

Mme de Santis : Mais est-ce qu'il y a d'autres standards avec lesquels le Québec pourrait s'harmoniser? Est-ce qu'il y a d'autres endroits, d'autres exemples que vous pouvez nous donner où ça fonctionne, d'après vous, assez bien?

Mme Ouimet (Nathalie) : L'Alberta, au Canada, en tout cas, et de plus en plus, attire les investissements. Je ne connais pas le détail de leur modèle par rapport à d'autres, mais il y a beaucoup d'investissements, récemment, des entreprises, qui se sont faits en Alberta pour avoir accès et, dans le fond, pour valider de l'information de santé.

M. Béraud (Frank) : Le système est un petit peu différent là-bas, dans le sens que c'est une organisation que je dirais semi-privée qui gère, en fait, l'organisation des soins de santé dans une certaine partie de l'Alberta, et donc il y a une espèce d'agilité qui s'est créée, et donc, là encore, un temps d'accès qui nous est dit, en tout cas... Des entreprises, notamment les grandes compagnies pharmaceutiques ou autres qui sont ici, au Québec, mais qui travaillent évidemment avec l'ensemble du Canada, nous disent que les temps d'accès à l'information, les temps d'accès aux données de santé dans ces provinces-là sont tout à fait... beaucoup plus compétitifs que ceux qu'on a ici, au Québec. Maintenant, sur la mécanique en tant que telle, j'avoue ne pas connaître ça très, très bien au niveau de l'Alberta.

Mme Ouimet (Nathalie) : La Colombie-Britannique aussi a choisi un modèle public-privé, de même que l'Angleterre. Donc, ça semble être peut-être une... Je ne sais pas si, moi, c'est cette solution-là, personnellement, que je retiendrais, là, mais c'est souvent le cas. La Colombie-Britannique, par exemple, a choisi certains secteurs thérapeutiques où, là, on a un accès très, très intégré aux données. Au lieu de le faire sur toutes les données, donc, ils ont choisi certains secteurs, c'était-u... l'autisme, entre autres, et le diabète, je crois. Donc, ils ont choisi dans ces secteurs-là d'intégrer complètement les données pour pouvoir donner accès facilement. C'est le Phemi, P-h-e-m-i, qui gère ça.

Mme de Santis : On propose à la recommandation 46 d'éliminer l'approbation de la CAI. Comment répondez-vous à ça?

Mme Ouimet (Nathalie) : Les entreprises en seraient fort heureuses. Dans le fond, ce qu'on entend, c'est que... Selon la perception, en tout cas, des gens, c'est que la CAI répétait relativement ce que la RAMQ fait ensuite, donc ils ne voyaient pas vraiment de valeur. Donc, si on élimine une étape, c'est sûr que ça va aider.

M. Béraud (Frank) : Ce qui nous est dit également, c'est que ça ne va pas résoudre tous les problèmes. C'est qu'on élimine une des barrières ou un des freins, on va dire, mais par contre, en bout de ligne, là où se trouvent les données en tant que telles, les processus et les personnes en place pour gérer l'accès à ces données-là, il y a apparemment encore du travail à faire. Ce n'est pas simplement le fait de supprimer l'étape, je dirais, le petit détour par la CAI, qui fait en sorte que ça va nécessairement aller beaucoup plus vite et mieux. Quand on parlait tantôt d'un organisme guichet unique, entre guillemets, ce serait véritablement un organisme dont la mission, c'est ça, justement. La RAMQ a toute une autre mission aussi, très, très importante. Et donc, en ayant un guichet unique, un organisme indépendant, différent, séparé de la RAMQ nécessairement, bien, à ce moment-là, ce serait, un, de l'expertise technique qui y serait présente et, deux, ce serait leur mission principale. Donc, on veut croire que les délais seraient meilleurs.

Tantôt, on posait la question... L'Institut de la statistique du Québec, ça pourrait être ça, mais il pourrait y avoir d'autres organisations qui pourraient être à même de faire ça. Pour nous, ce qui nous semble... enfin, ce que les entreprises nous disent, ce qui semble important, c'est qu'il y ait un interlocuteur, je dirais, motivé à répondre aux demandes qui sont faites et au sein duquel l'expertise technique et en termes de processus se retrouve.

Mme de Santis : Quelle est la relation actuelle avec la RAMQ?

M. Béraud (Frank) : La relation avec quoi?

Une voix : Avec la RAMQ.

M. Béraud (Frank) : De la part des entreprises?

Mme de Santis : Dans la demande d'accès à des données, c'est quoi, l'expérience que vous avez, ou les entreprises ont, ou les chercheurs ont avec la RAMQ?

• (16 h 30) •

Mme Ouimet (Nathalie) : Ce qu'on dit, c'est que la perception, encore là, c'est... Les gens ne sont pas dans la RAMQ, donc ils ont une perception, puis ce n'est sans doute pas une perception qui est si à jour non plus, parce qu'ils font moins de «business» avec la RAMQ maintenant. Donc, ce qu'on perçoit, c'est qu'il manque de personnel, donc, pour répondre à ces demandes-là. Parce que, veux veux pas, ce n'est pas la priorité de la RAMQ. La RAMQ va répondre au ministre, va répondre aux établissements, puis ensuite aux demandes des chercheurs qui travaillent avec des entreprises. Donc, dans leurs priorités, ce n'est pas dans le haut de la liste. Donc, nécessairement, s'il n'y a pas beaucoup de personnel... Puis est-ce pertinent d'ajouter du personnel là? Moi, je pense qu'on a tellement de façons modernes de travailler avec les données que ça ne devrait plus être fait à la mitaine, mais il devrait y avoir des systèmes intelligents qui gèrent la majorité des données, qui organisent. Donc, si on arrive avec ce qu'on propose, le guichet unique, bien, les données sont déjà organisées, il n'y a plus de petit travail à la mitaine d'être fait, c'est une simple requête qui se fait très rapidement. Donc, la connaissance technologique est là pour que ce soit quelque chose de vraiment très facile et simple. Donc, il faudrait qu'on arrête de le faire à répétition, là...

Mme de Santis : Quand les données sont rendues au guichet unique, ils sont déjà anonymisés?

Mme Ouimet (Nathalie) : Pas nécessairement.

Mme de Santis : Ou elles sont anonymisées au guichet?

Mme Ouimet (Nathalie) : On a consulté des experts récemment, je ne sais pas si tu veux...

M. Béraud (Frank) : Oui. En fait, ce qu'on se fait dire, c'est que le lieu où se fait l'anonymisation n'est pas le plus important. Ce qui est le plus important, c'est que, un, ça se fasse et, deux, que ça se fasse de la bonne façon. Il y a toutes sortes de technologies et d'algorithmes aujourd'hui qui permettent de faire ces anonymisations. Et peut-être que ça ferait du sens que ça soit l'organisme, le guichet unique spécialisé dans ce domaine-là qui soit en charge de faire ça. Mais on n'a pas de modèle coulé dans le béton, pas de réponse, d'un côté ou de l'autre, à cette question en particulier.

Mme de Santis : Est-ce que le Québec a perdu de l'investissement dans les trois dernières années à cause du fait que l'accès à ces données n'était pas aussi facile qu'on l'espérait? Est-ce que vous avez preuve de cela?

M. Béraud (Frank) : On ne l'a pas mesuré, mais on a manqué des opportunités, par exemple. Alors, comment est-ce que ça se traduit en termes d'investissement, je ne le sais pas, mais toujours est-il qu'il y a des décisions économiques qui ont été prises par des entreprises, basées sur des données qui viennent de l'Ontario et de l'Alberta plutôt que basées sur des données qui viennent du Québec. Donc, on peut imaginer qu'il y a quand même une certaine perte d'opportunité, puis l'optimisation n'est peut-être pas idéale, on va dire, entre la situation... Les populations peuvent être relativement comparables entre le Québec et l'Ontario, mais les systèmes de santé sont assez différents. Donc, est-ce que les solutions qui ont été... ou les décisions qui ont été prises basées sur des données d'ailleurs au Canada permettent de répondre de façon optimale aux problématiques des Québécois? Ça, moi, j'en doute.

Mme de Santis : J'aimerais poser une dernière question avant de passer la parole à ma collègue. Vous parlez de moderniser le cadre législatif québécois pour prévoir la valorisation des données de masse en santé. Est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, m'expliquer à quoi vous faites référence exactement et comment on devrait moderniser le cadre législatif?

Mme Ouimet (Nathalie) : C'est que le cadre législatif, dans le fond, actuellement, gère les données en silo. Donc, une personne qui collecte des données pour une fin particulière n'a pas le droit de les partager avec une autre. Donc, quand j'ai discuté avec certains responsables de banques de données de mettre ensemble des données, ils ne pouvaient pas légalement le faire. Donc, ce n'est pas conçu pour faire du partage de données, croiser des données, alors qu'on le sait que, si un jour on veut faire de l'intelligence artificielle, il faut croiser plusieurs sources de données pour avoir un pouvoir statistique suffisant.

Mme de Santis : Merci. Ma collègue...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la députée de Chauveau.

Mme Tremblay : Oui, merci beaucoup. Bien, on va continuer un peu sur le même sujet, là, ce que vous parliez tout à l'heure, la création d'un guichet d'accès central dont les processus sont rapides, transparents et prévisibles. Je veux juste bien comprendre la différence. Tout à l'heure, vous disiez, bon, le modèle de l'Ontario n'est peut-être pas parfait, mais il est mieux que celui du Québec. Vous parliez d'un délai d'environ quatre mois pour avoir accès aux données. Ici, au Québec, en ce moment, la situation actuelle, c'est un délai d'environ combien de mois?

Mme Ouimet (Nathalie) : On dit 18 à 24 mois.

Mme Tremblay : O.K., 18 à 24 mois. Donc, il y a quand même une grosse différence.

M. Béraud (Frank) : Mais c'est surtout très, très décourageant pour une entreprise qui travaille sur un projet, qui, sur un horizon de temps de, mettons, trois ans, doit attendre un an et demi, deux ans pour obtenir ces données, pour pouvoir faire des décisions. C'est sûr que ça ne marche pas. Donc, c'est pour ça qu'ils se tournent vers d'autres juridictions où ils vont faire ce qu'on appelle un proxy, donc une approximation, finalement, de la situation québécoise basée sur des données non québécoises.

Mme Tremblay : Puis là vous nous avez parlé du temps en Ontario, quatre mois. Si vous comparez ailleurs, parce que vous avez évoqué des modèles également qui étaient bien, en Alberta, en Colombie-Britannique, peut-être que, dans d'autres pays aussi c'est encore plus compétitif que quatre mois, selon votre modèle idéal, ce serait quoi, le temps idéal, pour vous, avoir accès à ces données, selon ce que vous avez pu étudier ailleurs? J'essaie de voir le...

Mme Ouimet (Nathalie) : Le rapport Naylor de 2013 a analysé, lui aussi, un certain nombre de juridictions. Puis c'est eux qui sont arrivés avec le quatre mois. Eux, selon leur perception, une organisation qui peut offrir les données en moins de quatre mois — c'est sûr que ça, c'était en 2013, ça a peut-être évolué un petit peu, mais ça nous donne une idée — c'est compétitif. Donc, ça faisait partie des critères de qualité pour évaluer les différents systèmes.

M. Béraud (Frank) : Beaucoup d'entreprises à qui on a parlé seraient très, très heureuses d'avoir un quatre mois au Québec, définitivement.

Mme Tremblay : Vous dites : Montréal In Vivo, bon, recommande d'encadrer également l'utilisation des données hors du réseau de la santé. Pourquoi vraiment hors du réseau de la santé? Vous ne croyez pas en la rapidité à l'intérieur du réseau ou...

Mme Ouimet (Nathalie) : En fait, c'est que, de plus en plus, vous avez une montre intelligente, vous avez des «sensors» chez vous, donc vous pourriez télécharger vos données personnelles dans notre supergros entrepôt de données. Donc, ça aussi, ça permet d'enrichir. Et je vous dirais que c'est déjà... aux États-Unis, c'est assez courant que les gens vont rentrer leurs données dans le réseau, le médecin regarde ça. Donc, le système de santé de l'avenir va fonctionner beaucoup avec des données.

Donc, nécessairement, actuellement, ça, ce n'est pas régi par la Commission d'accès à l'information, ou quoi que ce soit, là, donc il y a comme un flou, je dirais, pour toutes les données personnelles, donc, qui proviennent des technologies, l'Internet des objets, là, en général.

M. Béraud (Frank) : Certaines personnes qui se projettent un peu dans l'avenir, en ce qui concerne les systèmes de santé, les voient de moins en moins hospitalocentriques mais beaucoup plus délocalisés, décentralisés, en fait. Et le patient, de plus en plus, s'en charge, de sa propre santé.

Effectivement, avec l'Internet des objets, technologie qui est en train de se développer à vitesse grand V, il y a énormément — et c'est déjà le cas avec nos montres, nos Fitbit, des choses comme ça — de données personnelles de santé qui sont générées, qui sont encadrées par à peu près rien du tout aujourd'hui et qui ont également une valeur potentielle pour développer des nouvelles solutions de santé. Donc, là aussi, il faudrait penser à faire entrer ça dans... un, pour être en mesure de les collecter puis les centraliser, puis, deux, donner une sorte de cadre, en fait, réglementaire pour tout ça.

Mme Tremblay : Merci beaucoup.

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre. Quatre minutes.

Mme de Santis : Quatre minutes? O.K. Alors, nous allons continuer avec... J'aimerais retourner à la question que je posais tout à l'heure sur la valorisation des données de masse en santé, O.K.? C'est quoi, qu'est-ce que c'est, une donnée de masse?

Mme Ouimet (Nathalie) : Je ne sais pas, je ne suis pas assez spécialiste pour vous répondre. Ce que je dirais cependant, c'est que l'intelligence artificielle s'est beaucoup développée à partir de données, par exemple, de transport, où là il y avait des ensembles très, très importants de données, et pas tant que ça, en tout cas, en santé. Si on regarde, récemment on a eu des investissements importants. Le Québec a créé une grappe en intelligence artificielle. Donc, si on regarde l'intensité des activités au niveau du commerce de détail, des transports versus santé, là, c'est... comme ça. Pourquoi? Parce qu'on a de la difficulté à avoir assez de données pour faire des conclusions.

L'intelligence artificielle en sciences de la vie s'est beaucoup développée au niveau de l'imagerie parce que, là, on a des grandes banques d'images, donc là on a assez de données pour qu'on puisse faire, comment qu'ils appellent ça, du «deep learning», là, l'apprentissage machine. Donc là, ça fonctionne assez bien. Mais, si on était capable de connecter toutes nos sources de données... Moi, Nathalie, citoyenne, j'ai fait une étude de recherche clinique, ils ont collecté un certain nombre de données. Une fois que c'est publié, la plupart des entreprises maintenant sont ouvertes à partager ces données-là. On rentre ça dans notre entrepôt. J'ai ma Fitbit, je ne sais pas, je m'entraîne, je prends mes pulsations, j'ai eu un infarctus, j'ai eu... Donc, tout ça rentre dans la même... Là, on va commencer à avoir assez de données, si on ajoute les données des pharmacies, tout ça.

Donc, il faut essayer de voir... Parce qu'on a beaucoup de données de qualité, ce n'est pas qu'on n'en a pas. Je pense qu'ils ne sont pas harmonisés, connectés. Si on prenait le temps de les harmoniser, les connecter... Puis, encore là, la protection des renseignements personnels, l'expertise de la CAI doit intervenir pour aider à le faire de la bonne façon puis qu'on puisse penser à ce que ce soit finalement une industrie qu'on peut développer ici, là.

Mme de Santis : Est-ce que ces données seraient des données ouvertes? Je présume que c'est des données ouvertes, pour être capable de les coupler, etc. Et donc l'anonymisation de tous ces renseignements-là vient en jeu.

Mme Ouimet (Nathalie) : Bien, c'est parce qu'il faut croiser les données quand elles sont personnalisées, donc il faut pouvoir croiser les données au début, puis on donne accès aux données dénominalisées après.

Mme de Santis : O.K. Alors, c'est des données ouvertes qui ont été anonymisées.

Mme Ouimet (Nathalie) : Oui.

• (16 h 40) •

Mme de Santis : O.K. La RAMQ voudrait toujours avoir un certain contrôle sur les données qui touchent la santé. Comment leur présenter le dossier pour qu'elle soit prête à accepter de partager des renseignements que c'est son devoir de garder secrets ou confidentiels? Ça, c'est un enjeu important dans tout ce qu'on va faire, parce que c'est ça, vraiment, l'affaire là-dedans qui est la plus importante : de pouvoir convaincre la RAMQ de partager les données qu'elle a d'une façon anonymisée.

Parce qu'eux vont poser la question : Quelle assurance nous avons que les données peuvent vraiment être anonymisées et qu'il n'y a aucune façon de remettre les renseignements ensemble pour qu'on puisse identifier quand même en faisant les croisements? Alors, comment on répond à la RAMQ?

Le Président (M. Ouellette) : ...quelques secondes.

M. Béraud (Frank) : Oui. C'est évidemment une question très, très difficile. Je ne pense pas qu'on a de réponse à vous donner qui soit miraculeuse. Mais c'est sûr que, un, pour moi, ça prend une volonté politique très nette, très forte, de dire : Bien, c'est ça qu'on veut faire parce qu'on en a besoin en tant que société. Ça, c'est la première des choses.

Mais après, d'un point de vue de la RAMQ en tant que telle, c'est sûr que, si la confiance s'est développée dans ce qu'on appelle, nous, le guichet unique, si c'est un organisme qui a toute la crédibilité et la confiance nécessaires et qui peut démontrer que tous les aspects de cybersécurité, de protection des données sont faits aux normes et standards actuels les meilleurs, bien, je pense que c'est une façon de faire. Mais aujourd'hui, c'est vrai, il n'y a pas d'incitatif pour la RAMQ à faire ce travail-là.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Ouimet, M. Béraud, au plaisir. C'est assez particulier, votre mémoire, puis ce que vous faites, là, ça m'a pris quand même le temps, de voir vraiment d'où vous venez, qu'est-ce que c'est, puis... Vous êtes de Montréal In Vivo, j'ai eu l'occasion de connaître un peu votre organisation.

Quand on parle des données, je vais poursuivre, c'est... Je comprends les raisons du fait que, bon, c'est de la recherche, c'est de l'innovation, comment être capable de mieux comprendre les déterminants de la santé. Bon, tout ce travail-là, ça va. Mais qui vous les fournirait, ces données-là, les données que vous avez besoin en santé? Ça, d'une part. La ministre a parlé un peu de comment la RAMQ pourrait vous les fournir. Est-ce que c'est la RAMQ qui serait l'organisation la plus large et la plus forte pour être capable de donner toutes ces informations-là? Vous dites dans votre mémoire, quelque part, que même les entreprises ont confessé ne plus faire la demande depuis trois à cinq ans, car les processus d'accès ont été jugés aléatoires et imprévisibles, c'est lent, etc., bon, toutes les données... bon, peut-être parce qu'on n'a pas assez investi ou pas, ou on n'a pas mis aux bonnes places, peu importe, là.

Quand on parle de données de santé, pour vous, c'est quoi, les données? Parce qu'il y en a beaucoup, de données, quand même, qui existent. Quand on parle de... En santé publique, on a régulièrement des données sur combien de personnes qui consultent, combien de personnes ont des maladies chroniques, combien... Bon, ça existe déjà. Alors, vous, les types de données que vous avez, c'est des données qui sont quand même gardées assez confidentielles. Alors, comment vous donnez cet accès-là quand elles sont normalement fermées, ces données-là?

M. Béraud (Frank) : Bien, premièrement, ça serait de définir le «nous», c'est qui en fait, qui est-ce qui demande accès à ces données-là, en fait. L'industrie ne cherche pas nécessairement à avoir accès à ces données, dans la majorité des cas, par elle-même. Je l'ai mentionné, ils veulent travailler avec des groupes de recherche qui sont en mesure de faire ces analyses-là. Ça, c'est la première des choses.

La deuxième des choses, c'est : quand on parle de qui devrait donner l'accès à ces données, vous mentionnez la RAMQ. La RAMQ détient un set, une catégorie de données qui sont des données qui sont essentiellement liées à la facturation, on va dire, dans le système de santé. Mais il y a plein d'autres sources de données qui sont disponibles... qui pourraient être disponibles et qui pourraient être de grande valeur pour ces recherches-là, ces analyses-là.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : De la RAMQ ou de d'autres?

M. Béraud (Frank) : Des données hospitalières, par exemple, les données des pharmacies, les données d'autres professionnels de la santé. Donc, l'idée, la proposition sur la table, c'est de mettre tout ça ensemble dans un entrepôt de données. Et c'est là où ça dépasse largement le cadre uniquement de la RAMQ. Mais c'est vrai que ce qui existe à la RAMQ, c'est des données extrêmement importantes parce que ça permet de faire véritablement des analyses de valeur du...

Je reviens à ce que je disais au début, pour nous, quand on parle d'accès aux données, ce qui est important pour nous, c'est que ça va favoriser notamment l'introduction des nouvelles technologies dans le système de la santé. Mais, pour pouvoir introduire des nouvelles technologies, il faut en démontrer la valeur. Et, pour démontrer la valeur, il faut être capable de dire : Bon, bien, cette nouvelle technologie là permet de faire des économies de x par rapport à l'ancienne technologie. Sauf que le x en question, aujourd'hui les industriels n'y ont pas accès. C'est ce à quoi ils voudraient avoir accès et qui peut prendre, comme on a dit tantôt, 18 à 24 mois pour avoir ces réponses-là.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Il faut quand même se dire que ce n'est pas des données, je vous donne l'exemple, environnementales. C'est des données de la santé. Alors, c'est sûr qu'on est toujours plus réticent aux données de la santé. Ce n'est pas sûr que ça, un gouvernement... ou la responsabilité que nous avons des données publiques, qu'on veut qu'un groupe de pharmacies les ait. Puis vous en représentez quelques-uns. Alors, c'est sûr que c'est toujours inquiétant de vouloir donner ces données-là, dans le fond, à des entreprises privées. Ils vont faire quoi avec? Parce que vous l'expliquez... C'est compréhensible, de l'innovation, de la recherche... on veut tous mettre davantage dans la recherche pour trouver les solutions de demain puis être capable de régler les situations qu'on a aujourd'hui. C'est des beaux défis. Mais vous êtes dans le domaine de la vache sacrée, là, qui est le domaine de la santé, alors c'est un... Il faut casser le verre de ça, là, puis ce n'est pas... c'est un domaine, quand même, je pourrais dire, très sensible, très difficile à vouloir pénétrer, là.

Mme Ouimet (Nathalie) : Un des commentaires qu'on a eus pendant les consultations puis qui, peut-être, pourrait éclairer, un des participants a dit : Oui, il faut protéger les renseignements personnels, mais est-ce devenu éthique de retenir les données, de ne pas les partager? Quelque part, moi, comme patient, j'aimerais que mes données soient partagées pour qu'on améliore la compréhension de la santé et qu'on en vienne à développer des innovations qui vont prévenir les maladies. Une étude, au «U.K.», qu'on a consultée, 400 000 personnes, si je me souviens bien, une large proportion des gens, à partir du moment où ils comprenaient à quoi ça servait, étaient très d'accord pour partager leurs données.

Donc, je pense qu'il faut investir pour protéger les... Tu sais, à partir du moment où on est capable d'anonymiser, il existe des techniques, là, ce n'est pas de la science-fiction, c'est des choses comme ça, mais pour qu'on puisse tirer bénéfice... Parce qu'il y a énormément de bénéfices. Il ne faut pas avoir peur, mais il faut regarder les bénéfices aussi, là. Il y a des risques, mais il y a les bénéfices. On peut gérer les risques. Le risque n'est jamais zéro, vous avez raison, mais...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Vous oubliez un élément, à mon avis, quand... Parce que je ne suis pas en désaccord avec ce que vous dites, là, mais vous oubliez un élément qui est celui de la responsabilité gouvernementale du service public, mais du bien commun, et de s'assurer... C'est dans les mains d'un gouvernement, sur les épaules d'un gouvernement de s'assurer du respect des données qui peuvent être confidentielles et que, si on... On peut avoir une discussion entre nous tous et on n'aura pas les mêmes définitions de ce que c'est, qu'est-ce que je pourrais donner publiquement, qu'est-ce qui est pour moi une donnée personnelle, une donnée confidentielle. Je suis convaincue qu'on n'aurait peut-être pas tous la même définition.

Alors, il y a une responsabilité, un élément que je dis qu'il ne faut pas sous-estimer, c'est celui de la responsabilité d'un gouvernement de s'assurer que les millions de Québécois qui ont... que le gouvernement qu'ils ont mis en place puisse s'assurer de protéger leurs renseignements personnels. Donc, quand vous dites... Je ne pense pas que c'est une crainte de la peur du changement, puisque tout le monde voudrait régler les défis de demain, je pense qu'on a... mais c'est l'équilibre de ça puis la responsabilité gouvernementale par rapport à ça.

• (16 h 50) •

M. Béraud (Frank) : Vous avez raison, c'est un sujet très sensible, effectivement, mais en même temps, si je reviens sur ce que Nathalie disait par rapport à l'étude en question qui a été faite au «U.K.», en Angleterre, la proportion des gens qui étaient en faveur de partager les données de santé, elle a augmenté de façon très significative dans les groupes pour lesquels, bien, ils sont soit eux-mêmes ou soit un proche est confronté à la maladie. Parce que les gens réalisent que les avancées médicales et technologiques vont se faire notamment grâce à ça. Ce qu'il faut bien comprendre aussi, c'est qu'on ne parle pas, là, de donner les informations personnelles et nominales de chacun des Québécois. Ce qui est intéressant pour faire ces analyses, pour faire ce travail de recherche là, c'est d'avoir des données avec, on va dire, patient A, B, C, D, etc., mais on n'aura jamais... Toute la notion d'anonymisation, elle est là, c'est qu'on ne va jamais être capable d'identifier qui est A, qui est B, qui est C.

Par contre, d'avoir accès à ces informations-là de façon dénominalisée, c'est une mine d'or. Et le Québec a tout ce qu'il faut, je veux dire, un système de santé avec payeur unique, un système relativement centralisé. Donc, on a tous les atouts pour le faire. Et c'est vraiment dommage qu'on n'en tire pas le plein potentiel, parce que la santé des Québécois se retrouverait largement améliorée. Et je pense qu'évidemment ça n'arrivera peut-être pas du jour au lendemain, mais, en ayant peut-être une approche graduelle, avec peut-être certains champs thérapeutiques en premier, je ne le sais pas, ou certains types de renseignements en premier, puis après on peut extensionner ça dans le futur... Avoir rapidement, je dirais, des démonstrations qu'il y a un gain, mais qui n'est pas un gain juste pour l'entreprise A, B ou C, mais il y a un gain pour la santé des Québécois de façon plus large.

Mme Ouimet (Nathalie) : Moi, je reviendrais sur la notion de risque. Quel est le risque exactement? Pourquoi a-t-on peur qu'on divulgue des renseignements personnels? Je pense qu'en majorité c'est à cause de la discrimination. On ne voudrait pas que les gens soient victimes de discrimination s'il y avait une fuite de renseignements personnels sur leur santé. Mais encadrons la discrimination, peut-être, au lieu de limiter l'accès aux données qui, elles, sont porteuses de développement économique. Donc, il faut voir de quoi exactement on parle.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Effectivement. Mais je m'interroge quand même dans... Si on demande aux gens : Est-ce que vous êtes... vous accepteriez de donner les données sur la santé?, j'imagine qu'en général, comme vous dites, selon le sondage, ils vont dire oui. Mais, si vous posez la question : Est-ce que ça vous tente de donner vos données sur la santé, de vous?, ils vont vous dire non, probablement. Parfois, quand c'est large, on dit : Ah oui! Hé! il faut avoir des belles données sur la santé, on est d'accord, ça va améliorer. Est-ce que tu donnerais les tiens? Eh! Non.

Ça fait que, là, vous disiez tout à l'heure : Ce n'est pas nominatif, donc ce n'est pas attribué à une personne en elle-même. Vous, vous avez besoin de savoir combien qu'il y a de personnes qui vivent telle problématique, ça a influencé... quel a été le déterminant qui a influencé ce type de maladie ou quel... C'est dans ce sens-là que vous avez besoin de l'information.

M. Béraud (Frank) : Il faut savoir qu'on l'a déjà fait, au Québec, notamment dans un projet extraordinaire qui s'appelle CARTaGENE, qui a... C'est une base de données, maintenant, d'à peu près 40 000 patients québécois, et qui ont tous signé des formulaires de consentement éclairé qui donnaient donc l'autorisation d'utiliser ces données-là. Et ils ont même signé, dans la très grande majorité, les formulaires qui donnaient l'autorisation d'accéder à leurs données génétiques. Donc, moi, je pense qu'on a peut-être peur d'avoir peur, là, un petit peu. Et, en l'expliquant de la bonne façon, en prenant le temps de l'expliquer correctement, je pense qu'on serait surpris, agréablement surpris par rapport à ça.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Il y a des gens qui sont sollicités régulièrement dans les hôpitaux par des fondations, par des chaires de recherche, qui demandent, souvent quand quelqu'un a subi des opérations ou qui a eu à avoir besoin des types de traitements, qui demandent ça régulièrement : Est-ce que vous voulez faire partie d'une étude ou d'une recherche? Est-ce qu'on peut utiliser votre... Ça fait que ce n'est pas du nominatif, c'est vraiment, souvent, d'utiliser le processus, pourquoi que c'est arrivé là, avec toutes les informations nécessaires à faire de la recherche. Ça se voit.

Mais, à ce que je comprends de vous, c'est, dans le fond, d'avoir que les données de l'ensemble... qu'il y ait une réflexion du gouvernement, d'un appareil comme le gouvernement de pouvoir penser et réfléchir à donner des données sur la santé, d'une façon, pour permettre l'innovation et la recherche, etc. C'est ça que je comprends.

Mme Ouimet (Nathalie) : Et je vous dirais que l'expertise québécoise au niveau de l'éthique est très grande et très reconnue. Donc, on a déjà des façons de penser, des façons de réfléchir qui permettent d'encadrer l'utilisation juste et équitable des données, là. C'est sûr que moi-même, je ne voudrais pas que mes données se ramassent... Non. Mais je pense qu'on a justement des grands scientifiques qui sont particulièrement spécialistes là-dedans et qui vont pouvoir éclairer, pour nous indiquer comment faire, pour que justement ce soit une utilisation éthique.

Peut-être, je vais faire juste... Si vous permettez, je vais vous expliquer comment est-ce que... Des fois, on parle de l'évaluation en milieu réel de soins. Nous autres, on trouve ça bien clair de quoi il s'agit, là. Imaginons un traitement, n'importe quoi, pour le cancer, pour une... puis là la compagnie veut vendre son traitement, puis évidemment la compagnie a fait des études qui démontrent que c'est supérieur aux autres. Mais là le gouvernement se retrouve avec une capacité de payer assez limitée. Puis là il dit : Bon, bien, si on utilise le médicament dans l'indication que la compagnie nous donne, qui est assez restreinte, ça va coûter tant, tati, tata, mais est-ce qu'on va être capables de garder l'utilisation dans ce petit carré de sable là? Donc là, il va envoyer le médicament dans le milieu réel.

En Allemagne, ils font ça sur une base régulière. On va l'essayer pendant un an par nos praticiens puis là on va regarder est-ce que c'est vraiment efficace, plus que le traitement b, est-ce que, vraiment, la valeur... Vous nous dites que ça va réduire telle donnée biologique, donc, qui cause des problèmes, de 20 %, donc. O.K., ça a-tu vraiment été 20 % ou c'est juste 5 %? À 5 %, je vais-tu vraiment le prendre ou je ne le prendrai pas? Donc, il va falloir qu'on aide les entreprises finalement à faire cette démonstration-là pour que, d'un autre côté, comme société, on puisse choisir les innovations qui apportent réellement de la valeur.

Le Président (M. Ouellette) : Merci. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Béraud, Mme Ouimet, bonjour. Pour poursuivre sur ce sujet-là — j'écoutais la conversation avec intérêt — dans le fond, vous dites : Il faut, supposons, encadrer la discrimination par rapport aux données. Ça fait que le modèle, dans le fond... Supposons les données de la RAMQ ou les autres données dans le système, on les rend disponibles pour les chercheurs, qui peuvent commercialiser des applications ou des innovations avec des entreprises. Et là, par la suite, les entreprises vendent ces outils-là au ministère de la Santé. C'est un peu le modèle : on utilise les données, on fait de la recherche en partenariat avec des entreprises, ce n'est pas juste de la recherche pure, dans le fond, comment est-ce qu'on fait pour la commercialiser. Puis par la suite, avec les données de la population, on les utilise pour vendre toutes sortes de choses au bénéfice de la société privée et, on l'espère, au bénéfice des citoyens aussi. Mais, sur cet aspect-là, à partir du moment où la donnée, elle est disponible, quand vous dites : Il ne faut pas qu'on utilise la donnée pour discriminer la personne, comment on fait pour éviter que cette discrimination-là soit présente sur la donnée, dans le fond? Parce que je comprends qu'elle est anonymisée, mais, parmi un groupe...

Supposons, les assureurs vont tomber là-dessus, O.K.? Ça fait que, là, eux, pour leur facteur de risque, ils vont évaluer. Ça fait que, là, ils vont se dire... Bien, ils vont regarder la population québécoise ou ils vont regarder certaines régions, aussi, québécoises où il y a des facteurs de prévalence qui sont plus élevés, dans certaines régions où est-ce qu'il y a, supposons, des maladies orphelines, tout ça, puis là ils vont dire : Bien, vous venez de telle région, vous avez une famille souche... Ou ils vont poser des questions. Puis là ils vont dire : Bien, votre taux d'assurance va être plus élevé. Ça fait que l'utilisation de cette donnée-là, même si elle est anonymisée, pourrait servir à augmenter les taux, hein?

M. Béraud (Frank) : Pas nécessairement.

Mme Ouimet (Nathalie) : En fait, la discrimination, là, le problème qu'on a au Canada, c'est : comme personne, on est obligée de déclarer toutes les données dont on est conscients, puis eux autres, ils ont le droit d'en faire ce qu'ils veulent, finalement. Ils peuvent nous discriminer, puis on n'a rien à faire, alors que, dans d'autres juridictions, on n'est pas obligé de déclarer les données, à moins qu'on demande une assurance vie. Comme, en Angleterre, je pense que toute personne qui demande une assurance vie de plus de 1 million de dollars est obligée de déclarer toutes les données auxquelles elle a accès. Mais, moins de tel... eux autres, ils ont déterminé 1 million, là, mais tu n'es pas obligé de déclarer toutes les données auxquelles tu as accès. Comme une personne qui fait un test pour aider la recherche, puis là on lui retourne les données, il dit : Ah! j'ai une susceptibilité à faire de l'alzheimer dans 30 ans. Bien : non, c'est un des facteurs de risque. Donc, il faut qu'on puisse encadrer la discrimination.

• (17 heures) •

M. Béraud (Frank) : Ça, c'est un travail qui est déjà en train de se faire au niveau du fédéral. Mais de toute façon les assureurs font déjà ces calculs-là, font déjà ces analyses-là, pas nécessairement sur les mêmes données, mais ils les font sur toutes sortes... Ils utilisent eux aussi des proxys, là, comme on dit, pour arriver aux mêmes conclusions. Leur travail, c'est de vous mettre dans une catégorie de groupes de risque, c'est... Ils ne font que ça, en fait. Oui, ça pourrait être vu comme étant un travers, mais en même temps il y a énormément de bénéfices à en tirer, je pense, en termes de...

On parle beaucoup de médecine personnalisée ou de médecine de précision aujourd'hui. Pourquoi? Parce que le temps où on développait un traitement, ce qu'on appelait les blockbusters, là, qui allait servir à des milliards ou des millions de personnes sur la planète, c'est fini. Aujourd'hui, on travaille beaucoup plus à développer des traitements qui vont être extrêmement personnalisés en fonction de votre background à vous, votre pathologie, mais aussi votre historique familial, etc., et aussi génétique, d'ailleurs, de façon à ce que vous ayez tout de suite le bon médicament à la bonne dose et, si possible, sans effet secondaire. Bon, bien, l'accès aux données va permettre justement... les données de santé, va permettre d'encore mieux préciser ces traitements-là, et on va être quasiment, idéalement, à terme, quasiment sur du sur-mesure dans certains cas. Donc, il y a beaucoup à gagner d'un point de vue du développement de technologies de santé, de nouvelles approches thérapeutiques pour le patient, pour les patients en général.

M. Jolin-Barrette : Puis pouvez-vous nous donner un aperçu, dans le fond, du marché des joueurs dans le marché? Je comprends qu'à Montréal on a une grappe, mais est-ce que c'est des entreprises internationales, c'est des entreprises canadiennes, des entreprises québécoises? Comment ça se situe, le marché, au niveau, là, de l'innovation avec les chercheurs? Comment ça se définit?

M. Béraud (Frank) : Bien, l'innovation, en tant que telle, c'est international. C'est sûr qu'on a quelques leaders mondiaux au niveau de la recherche à Montréal, dans certaines pathologies, je pense, en diabète, en cardiologie, à Montréal, l'Institut de cardiologie, etc. Il y a des leaders mondiaux qui sont à Montréal et au Québec et qui sont des références dans leur domaine. Les entreprises en tant que telles sont toutes globales. Beaucoup sont présentes au Québec, beaucoup sont présentes à Montréal notamment, notamment les compagnies pharmaceutiques. On a également des compagnies en technologie médicale. Je pense à Medtronic Canada, qui est donc la filiale d'une compagnie américaine, mais qui est, je dirais, la résultante, finalement, du rachat d'une compagnie purement québécoise qui a développé des cathéters cryogéniques, une innovation technologique.

Donc, on a un terreau extrêmement fertile au Québec parce que, justement, on a une excellente recherche, une science de classe mondiale. Et plus spécifiquement, quand on parle de données aujourd'hui, il ne faut pas oublier que le Québec, et en particulier Montréal, quand on parle de science des données, c'est dans le top trois au niveau mondial aujourd'hui. Et, comme Nathalie le mentionnait tout à l'heure, il faut les alimenter, dans le domaine de la santé, il faut les alimenter, ces experts-là, en données pour qu'ils puissent faire tourner leurs algorithmes et leurs innovations technologiques pour justement trouver des nouvelles solutions.

L'exemple de l'imagerie médicale, c'est extraordinaire, ce qu'on est capable de faire aujourd'hui dans certains de ces laboratoires-là à Montréal et au Québec. Identifier des images qui vont permettre non seulement, dans une coloscopie, de regarder... de détecter si oui ou non vous avez un nodule, mais en plus d'être capable de le grader en fonction du stade de gravité de votre nodule, bien, ça, ça va sauver beaucoup d'argent et des vies également. Donc, on a ce potentiel-là au Québec, il faut en tirer parti le plus possible, à mon avis.

Mme Ouimet (Nathalie) : Peut-être que votre question... C'est à peu près le deux tiers des emplois des sciences de la vie qui sont dans des PME, pour vous donner une idée, là. Puis effectivement les PME aimeraient avoir accès à une démonstration de la valeur de leurs innovations pour faciliter l'exportation. Parce que tout le monde est en marché mondial, mais il faut qu'on puisse travailler idéalement avec eux localement. Faire la démonstration locale, ce serait très utile pour eux pour soutenir l'exportation.

M. Béraud (Frank) : Puis le vrai chiffre : 94 % des entreprises en sciences de la vie au Québec ont moins de 200 employés.

Une voix : Moins de 200?

M. Béraud (Frank) : Moins de 200. Donc, c'est un tissu industriel de PME. Le nombre moyen d'employés dans notre secteur, c'est 51 employés, et ça, ça inclut la grande pharma jusqu'à la petite PME, la start-up dans le petit laboratoire, là, qui a deux employés.

M. Jolin-Barrette : Et le nombre d'employés total que ça regroupe?

M. Béraud (Frank) : C'est 56 000 emplois au Québec, au total, incluant... dans le secteur privé et le secteur public.

M. Jolin-Barrette : O.K. Sur l'encadrement éthique, tout à l'heure vous disiez : Bien, c'est important de développer un cadre éthique. Est-ce que vous croyez que, dans l'éventualité où les données seraient arrimées, on aurait des données ouvertes, tout ça, ça prend un cadre réglementaire ou ça prend un cadre qui est autogéré par l'industrie?

Mme Ouimet (Nathalie) : Peut-être pas par l'industrie, là, par exemple. Je pense que l'expertise éthique en recherche est très développée. Est-ce qu'il y a besoin d'avoir un cadre réglementaire en plus, là? Il faudrait demander à des spécialistes, là.

M. Béraud (Frank) : Oui, des avocats pourraient répondre à ça. Mais la façon dont... Et même l'industrie nous ont dit ça, hein, les entreprises nous ont dit ça : eux, ce qu'ils veulent, c'est quelque chose qui soit clair, fiable et prévisible. Ils veulent savoir dans quoi ils s'embarquent, mais ils ne veulent pas avoir à le gérer nécessairement eux-mêmes, en fait. Donc, le cadre réglementaire, à mon avis, il ne viendra pas... enfin, ça ne sera pas de l'autogestion, là, pour moi, c'est très clair. Il faut qu'il y ait un cadre réglementaire qui soit mis en place, mais... Et les entreprises veulent savoir c'est quoi, le carré de sable, comment est-ce qu'on joue dans ce carré de sable là. C'est juste ça qu'ils veulent savoir, en fait, puis après ils vont s'adapter en fonction de ce qu'on leur donne.

M. Jolin-Barrette : Parfait. Je vous remercie.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. le député de Borduas. Mme Nathalie Ouimet, M. Frank Béraud, représentant Montréal In Vivo, merci d'être venus déposer en commission.

Je suspends quelques minutes puis je demanderais aux gens du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec de bien vouloir s'avancer, s'il vous plaît.

(Suspension de la séance à 17 h 5)

(Reprise à 17 h 9)

Le Président (M. Ouellette) : Nous reprenons nos travaux. Nous recevons maintenant le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, son président général, M. Christian Daigle, M. Carl Ouellet, qui est le secrétaire général, et Mme Nadia Lévesque, qui est conseillère en recherche et en planification socioéconomique.

Il semblerait, M. Daigle, que vous allez faire une... votre prochaine présentation de 10 minutes va se faire en collaboration avec Mme Lévesque, et, comme je vous l'ai mentionné, 10 minutes après il y aura un échange, je pense que vous connaissez les us et coutumes des commissions, il y aura un échange avec Mme la ministre et les porte-parole des deux oppositions. Je nous rappelle que nous finissons à 18 heures. Donc, M. Daigle, à vous la parole.

Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec inc. (SFPQ)

M. Daigle (Christian) : Merci, M. le Président. Mmes, MM. les députés, bonjour et merci de nous recevoir. Je suis aujourd'hui accompagné, comme vous l'avez mentionné, de Mme Nadia Lévesque et M. Carl Ouellet, qui est le responsable, également, politique au niveau du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec pour la Commission d'accès à l'information.

Donc, aujourd'hui, nous venons vous présenter nos commentaires et remarques à propos du sixième rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information. Avant de débuter, laissez-moi vous présenter sommairement le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. Nous sommes une organisation syndicale indépendante qui regroupe environ 40 000 membres. Principalement, nos membres proviennent de la fonction publique, dont le personnel de bureau, le personnel technicien et le personnel ouvrier. De plus, nous avons également, aussi, des employés et employées dans 36 organisations différentes qui sont soumises à la Loi de la fonction publique, et ce, même si leurs activités relèvent du domaine... même si les activités relèvent du domaine public, elles font partie... comme mandataires de l'État au niveau des 22 organisations.

Nous croyons important de nous prononcer sur ce rapport pour deux raisons. Dans un premier temps, parce que le travail de nos membres peut être soumis aux législations relatives à l'accès à l'information et à la protection de la vie privée. De plus, à titre d'organisation oeuvrant dans le domaine de l'administration publique, nous sommes des utilisateurs fréquents de la loi d'accès à l'information, mais nous sommes aussi confrontés à la Loi de protection des renseignements personnels dans l'administration quotidienne de nos recours et de nos griefs que les membres déposent et qui ont le gouvernement à titre d'employeur.

Ainsi, le SFPQ considère ce rapport comme une pièce majeure de la réflexion que nous devons avoir collectivement au Québec à l'ère de la société de l'information, mais aussi à l'ère du cynisme citoyen qui réclame transparence et protection tout à la fois. À l'instar de la Commission d'accès à l'information, nous croyons que nous devons donner un coup de barre ici et maintenant.

Pour le SFPQ, ce rapport quinquennal mise dans le mille avec son diagnostic de la situation actuelle et des enjeux à venir, et en ce sens nous croyons que ce rapport pourrait faire office de livre blanc à un projet de loi que nous souhaitons dans un avenir rapproché.

Que ce soit bien clair, nous supportons l'ensemble des constats et recommandations compris dans le rapport de la commission. Nous aimerions toutefois insister sur quelques éléments qui nous apparaissent plus prioritaires ou centraux dans une future loi.

Premièrement, nous croyons que le Québec et l'Administration gouvernementale ont besoin d'un changement profond en matière d'accessibilité à l'information pour qu'une véritable culture de la transparence prévale et s'étende dans tous les organismes assujettis. Notre expérience démontre que la culture entourant l'accès à l'information est très différente selon les organismes, comme nous l'avons illustré dans notre mémoire à l'aide d'un exemple. Nous avons adressé 60 demandes similaires à différents organismes et ministères avec comme résultat quatre refus selon six articles de loi différents. Plusieurs nous ont transmis intégralement les renseignements demandés. Certains nous l'ont envoyé caviardé. Et, au final, certains organismes nous ont référés à leur site Internet, où les documents étaient disponibles dans leur intégralité.

Notre expérience de demande élargie dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental donne toujours ce résultat. Il semble que, d'un côté, on retrouve des organisations qui perçoivent l'accès à l'information comme une simple obligation législative de rendre disponibles certains documents dont on doit connaître le titre exact, au risque d'obtenir un refus, tandis que les plus audacieux vont jusqu'à rendre publics des éléments non spécifiés à la loi, mais qui sont perçus comme essentiels à une reddition de comptes des décisions gouvernementales. Ainsi, on oscille entre une culture où l'accessibilité est conçue comme un privilège jusqu'à une culture où l'information est une obligation démocratique.

À l'instar de la Commission d'accès, nous en appelons à un véritable changement de paradigme pour que l'ensemble de l'information soit disponible, sauf exception. En optant pour une divulgation proactive et l'usage de données ouvertes dans des formats réutilisables, nous croyons que la commission pose les bons jalons de la réforme nécessaire au Québec. De plus, cela éviterait le lourd travail de repérage, copie, censure qui fait en sorte qu'actuellement, suite aux milliers de coupures d'emploi, dans la fonction publique, et de poste, nous nous faisons souvent répondre que notre demande d'accès est refusée, car elle perturberait les activités au sein des ministères et organismes.

Deuxièmement, nous croyons qu'une exception en matière d'accessibilité à l'information et de protection à la vie privée devrait être créée pour les cas de relations de travail et de recours juridiques inhérents à nos conventions collectives. À titre de syndicat qui représente et parle au nom de ses membres, nous sommes confrontés à l'impossibilité pour nous d'obtenir l'accès à l'ensemble du dossier de nos membres qui sont en litige avec l'employeur. Or, lorsque nous faisons une demande d'accès à ce dossier, avec le consentement de nos membres, nous ne savons pas quels documents ont été retirés dudit dossier qui nous est transmis. Cela rend évidemment l'établissement de la preuve ardue pour la partie syndicale, qui ne jouit pas du même accès à l'information que la partie patronale. Mais, plus important encore, cela nous place dans une situation très particulière en regard de nos obligations de représentation juste et complète qui sont prévues au Code du travail, tout en allongeant les délais juridiques.

• (17 h 10) •

Ainsi, tous les rapports d'enquête interne, dont entre autres ceux qui mènent à un congédiement d'employé, ne nous sont jamais transmis à moins que la partie patronale ne les utilise lors d'un arbitrage, auquel cas la partie patronale doit alors nous en remettre une copie. Or, si le rapport d'enquête n'est pas utilisé par la partie patronale, le syndicat n'y a jamais accès.

Tel que la Commission d'accès à l'information l'a si justement remarqué, cela devient encore plus un problème lorsque des enquêtes internes ont cours afin de déterminer l'existence ou non d'une situation de harcèlement psychologique. Comment pouvons-nous alors représenter et défendre nos membres si nous n'avons pas accès à une enquête qui est au coeur du litige? Une exception nous semble essentielle ici.

Troisièmement, nous aimerions que le champ d'application des lois d'accès à l'information s'étende aux tiers avec lesquels le gouvernement signe des contrats pour une somme totale de 8,5 milliards de dollars par année. En choisissant une divulgation proactive de l'information, nous croyons que cette nébuleuse de la sous-traitance publique serait incluse dans les informations financières des ministères et organismes, tout en permettant de connaître le montant de l'entente et la nature des activités confiées. Ce faisant, on reviendrait à l'esprit de la loi, qui devait permettre à la population d'exercer une vigilance citoyenne sur les activités de l'État. Actuellement, tous ces contrats sont inaccessibles en vertu de la loi.

Donc, nous sommes uniquement en désaccord avec la mécanique d'accessibilité invoquée par la commission, qui suggérait un seuil de financement avant de les rendre publiques. Cela suppose encore de la manipulation excessive des milliers de contrats signés annuellement. Nous proposons donc une solution plus économique en temps et plus facile à appliquer.

Quatrièmement, nous aimerions attirer votre attention sur l'usage inapproprié des informations collectées par des technologies qui permettent indirectement de faire de la surveillance des travailleurs. Nous élargissons aujourd'hui notre propos exprimé en 2003, lors du quatrième rapport de la Commission d'accès à l'information et de la consultation spécifique qu'elle avait faite sur la vidéosurveillance. Presque 15 ans plus tard, certaines expériences spécifiques au ministère des Transports et dans la vingtaine de centres d'appels du gouvernement montrent que la technologie évolue et soulève des enjeux émergents, notamment en termes de protection de la vie privée.

Dans notre mémoire, nous évoquons le lien qui existe entre l'évaluation du rendement à la seconde près rendue possible grâce aux technologies. Le niveau de surveillance est tel dans ces cas que l'enjeu en devient un d'équité entre l'ensemble des employés de la fonction publique. Comme la très grande majorité des employés commence à titre d'occasionnel dans la fonction publique, l'obtention d'une permanence est étroitement liée aux évaluations de rendement. Or, un agent de bureau, un ouvrier, un chef d'équipe dans un ministère ou un organisme qui n'est pas surveillé par une technologie comme les caméras de surveillance, les GPS ou un logiciel de minutage sera nécessairement évalué selon des critères différents que son collègue qui oeuvre aux Transports ou dans les centres d'appels.

Est-ce à dire que les technologies privent certains employés d'une protection à leur vie privée? Nous croyons qu'une réflexion à ce niveau est aujourd'hui essentielle, car nous ne connaissons pas les évolutions futures des technologies, mais leur usage par des employeurs doit être réfléchi et circonscrit pour permettre le respect des droits des travailleurs également.

Alors, merci de votre attention.

Le Président (M. Ouellette) : Merci, M. Daigle. Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup, MM. Daigle et Ouellet et Mme Lévesque. Nous apprécions énormément que vous soyez avec nous aujourd'hui et aussi que vous avez rédigé un mémoire que vous nous avez envoyé.

J'aimerais poser une question qui peut-être ne se retrouve pas nécessairement dans votre mémoire. Vous savez que l'article 23 et l'article 24 de la Loi sur l'accès, il y a beaucoup de personnes qui aimeraient voir ces articles modifiés. L'article 23 dit qu'un organisme public ne peut communiquer, entre autres, un renseignement syndical. Et ensuite, l'article 24, on parle de communiquer un renseignement fourni par un tiers et c'est quoi, les conditions.

J'aimerais vous poser : Vous, quelle sorte de renseignement syndical pourrait ou ne pourrait pas être divulgué en vertu de l'article 23? Parce que c'est un article qui s'applique à vous et les renseignements qui parviennent de vous, alors... Et, comme nous avons eu d'autres personnes devant nous qui ont parlé de secret industriel ou information commerciale ou scientifique, etc., j'aimerais voir votre position là-dessus.

M. Daigle (Christian) : Pour débuter, je vais laisser Mme Lévesque commencer et puis je pourrai poursuivre peut-être par la suite.

Le Président (M. Ouellette) : M. Daigle.

Mme Lévesque (Nadia) : Bien, dans le fond...

Le Président (M. Ouellette) : Ah! Mme Lévesque.

• (17 h 20) •

Mme Lévesque (Nadia) : Oui. Les syndicats sont déjà assujettis à divulguer beaucoup de leur information de gouvernance. On a eu ces dernières années des débats publics sur est-ce que les syndicats devraient ou non dévoiler leurs états financiers, notamment, comme si ce n'était pas déjà de facto le fait. Or, comme on est un OBNL avec un membership, bien, on a une obligation de reddition de comptes, nous, comme n'importe quelle organisation, de rendre publics nos états financiers à nos membres, à nos instances votantes. Donc, on a déjà tout plein de mécanismes de transparence, si j'ose dire.

L'article 23, là où il y a peut-être certaines personnes qui aimeraient le voir élargi et où les organisations syndicales vont se montrer réticentes, c'est sur l'appartenance syndicale, donc tout ce qui a trait... Dans la fonction publique, c'est un peu moins pertinent parce que les accréditions syndicales sont attribuées selon... d'emblée. Mais, dans les milieux où il y a du maraudage, où des syndicats peuvent, à certaines périodes, offrir leurs services à un groupe de travailleurs qui est déjà syndiqué avec un autre groupe, bien, évidemment, de connaître l'appartenance syndicale des gens, ça devient une donnée excessivement sensible en termes de compétitivité, là, n'ayons pas peur des mots. Donc, c'est à ce niveau-là, je vous dirais, qu'il y a un enjeu qui est probablement le plus sensible. Puis, à ma connaissance — puis là mes collègues pourront me contredire — je n'ai pas l'impression que c'est un enjeu que le monde syndical a soulevé, de vouloir avoir accès à ces informations-là.

Mme de Santis : C'est des tiers...

Le Président (M. Ouellette) : Mme la ministre.

Mme de Santis : Je m'excuse. C'est des tiers qui demanderaient aux organismes publics des renseignements syndicaux. Alors, c'est des demandes d'accès qui viendraient à nous, et je... Alors, vous avez donné un exemple où vous croyez que les renseignements ne devraient pas être donnés, et je comprends votre réponse. Est-ce qu'il y a d'autres exemples?

M. Daigle (Christian) : Bien, il pourrait y avoir également, aussi, si vous le permettez, au niveau, des fois, des recours juridiques que les membres peuvent exercer. Ce sont des données syndicales. Les ministères colligent le nombre de griefs qu'ils peuvent avoir, le nombre de recours qu'il peut y avoir aussi, et, à l'intérieur de ça, on peut retrouver certaines informations plus personnelles peut-être, également, au niveau des membres qu'on représente. Donc, je ne vois pas l'intérêt qu'un tiers pourrait avoir à aller chercher ces informations-là, si ce n'est qu'après ça que de vouloir faire mauvaise presse, peut-être, au milieu ou au syndicat présent, ou des choses comme ça, ou d'utiliser ça à d'autres fins que ce qui est prévu au départ : c'est d'avoir des relations de travail qui sont saines et harmonieuses entre employés et employeurs. Donc, ce serait de détourner un petit peu le but de cette procédure-là qui est visé. Mais à part ça je n'ai pas de connaissances fines sur qu'est-ce qui pourrait être demandé ou qu'est-ce qui pourrait être protégé par rapport à ça. Peut-être que Mme Lévesque pourrait rajouter.

Mme Lévesque (Nadia) : J'ai eu une grande discussion avec nos gens aux recours sur les enjeux d'accès à l'information dans la gestion des recours au quotidien. C'est quand même des milliers de dossiers qui transigent dans les ministères. Et une chose que mes collègues me faisaient remarquer, c'est que, lorsqu'un employé passe d'un ministère à un autre, donc qu'il y a soit de la mutation ou de la promotion, le ministère qui embauche nouvellement la personne, par exemple, qui arrivait du ministère de l'Éducation et qui s'en irait au ministère des Transports, le ministère des Transports n'a pas accès au dossier de RH du ministère précédent. Et ça, semble-t-il que parfois ça peut créer des barrières inutiles en termes d'information pour notamment ce qui serait des ententes qu'il y aurait avec ce travailleur-là, la partie syndicale, pour enlever certains papiers des dossiers. Bien, à ce moment-là, ça crée des enjeux parce que le nouveau ministère n'est pas au courant de ça. Donc, je vois des points d'interrogation, là, dans des figures. Je ne peux pas aller plus loin sans être moi-même en divulgation d'informations protégées.

Mme de Santis : Non, il ne faut pas aller plus loin, mais je comprends le problème qui existe quand on va d'un ministère à un autre et qu'on ne peut pas avoir accès aux renseignements. Écoutez, j'ai eu ça avec certains personnels au niveau du cabinet et je ne comprends absolument pas. Donc, je comprends, et ce que vous dites, c'est : dans certains cas, ça devrait être des renseignements qui sont disponibles, particulièrement si l'employé, le travailleur dit : Oui, je veux que vous transfériez les renseignements. O.K., je comprends ça.

Regardons un instant à la recommandation 19, qui est l'accessibilité aux rapports d'enquête de harcèlement en milieu de travail, O.K.? Il y a des personnes qui craignent que l'accessibilité au rapport par le plaignant ou la personne accusée de harcèlement a des effets néfastes, et je vous donne des exemples : la dégradation du milieu de travail dans un contexte où l'employeur doit rétablir le climat, risque de représailles contre des témoins, difficulté à conduire une enquête s'il n'est pas possible de garantir la confidentialité des dispositions des témoins. Qu'est-ce que vous pensez de ces préoccupations?

M. Daigle (Christian) : La première préoccupation qu'on peut avoir, c'est la représentation de nos membres. Nous, on a une obligation, en vertu du Code du travail, de pouvoir les défendre d'une façon pleine et entière puis du meilleur qu'on peut aussi. Et de pouvoir les défendre de la meilleure façon qu'on peut, c'est de pouvoir avoir accès aux documents qui nous permettent cette défense-là.

Vous parlez au niveau du harcèlement psychologique, mais ça va également de tous les cas d'enquête. Il y a eu des fois où est-ce que les gens ont été congédiés, à tort ou à raison, il y a eu des enquêtes qui ont été faites de la part de l'employeur, de la part des ministères et organismes. Ce faisant, nous, on n'a pas accès à ça. Donc, si un employé est congédié, il vient déposer un grief pour contester ce congédiement-là. La personne qui le reçoit chez nous, le conseiller qui le reçoit chez nous va avoir à le confronter puis dire : Bien, qu'est-ce qui s'est passé? Pourquoi tu as été congédié? Tant et aussi longtemps qu'on n'a pas également le côté employeur, la version de l'employeur, bien, on prend la version de l'employé pour du cash, tu sais, pour ce qu'elle est, puis qu'elle doit être véridique. On ne peut pas confronter l'employé tant qu'on n'a pas la version de l'employeur. Après ça, l'employeur va nous donner certains éléments, mais il ne nous donnera jamais le rapport d'enquête.

Ce faisant, les éléments qui sont dans le rapport d'enquête sont souvent des éléments qui sont névralgiques au congédiement. Quelqu'un qui se fait congédier pour avoir fait telle, telle, telle petite chose et que l'employé ne nous le dit pas, alors que c'est pertinemment vrai puis ça peut être prouvé, ça a été prouvé dans le rapport d'enquête, nous, on n'aura pas ces informations-là avant peut-être l'arbitrage. Le fait de ne pas avoir ces renseignements-là au préalable ne nous permet pas de confronter l'employé tant et aussi longtemps que l'arbitrage n'est pas commencé et qu'on n'arrive pas, à ce moment-là, avec la partie patronale qui va dire : Bien, en vertu de l'enquête qui a été faite, voici les informations, puis ils vont poser des questions par rapport à ça. Là, on peut demander le rapport d'enquête, il nous est remis. On doit suspendre les procédures pour pouvoir prendre connaissance de ça, pouvoir adresser également notre employé pour dire : Bien, est-ce que c'est vrai, qu'est-ce qui est marqué là-dedans ici? Tu ne nous avais peut-être pas dit ça, tu avais peut-être oublié, tu avais peut-être omis de le dire aussi. Et là, après ça, de savoir est-ce qu'on poursuit ou pas le processus et comment qu'on va par la suite.

Donc, des fois, on allonge même les délais juridiques à travers tout ça, alors qu'on pourrait faire autrement les choses. Alors, d'avoir cette omission-là de rapport d'enquête qui ne nous est pas fourni nous amène des difficultés et des délais supplémentaires et une difficulté de défense pleine et entière aussi.

Mme de Santis : Il faut dire qu'à travers le Canada il y a deux juridictions où c'est plus souple, mais les syndicats n'ont pas accès à ces renseignements-là à prime abord, O.K.? Il y a une solution que je trouve intéressante à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick, et je demande votre opinion. Au Nouveau-Brunswick, la personne qui se plaint et la personne qui est visée ont droit d'aller voir et lire le rapport, mais pas prendre copie. Et je trouve ça intéressant comme solution. Parce que les préoccupations des effets néfastes, moi, je les ai, mais je crois que, les deux personnes, là, et peut-être les témoins, pour ce qui concerne les témoins dans les rapports d'enquête, avoir la même possibilité d'avoir le rapport, mais ne pas copier ou avoir une copie, ça pourrait peut-être répondre un peu à votre inquiétude. Ou vous trouvez que ça ne répond pas du tout?

Le Président (M. Ouellette) : M. Daigle.

M. Daigle (Christian) : Si on parle au niveau du harcèlement psychologique, effectivement, nous n'avons pas accès présentement à rien du rapport. Donc, de pouvoir prendre minimalement connaissance de l'information serait quelque chose qui serait déjà une plus-value pour notre organisation pour pouvoir justement bien représenter nos gens. De ne pas avoir la copie papier, est-ce que ça poserait problème par la suite? Je ne pourrais pas vous dire, mais il y aurait peut-être moyen à ce moment-là qu'on puisse, avec la personne qui est visée ou qui essaie de se défendre à travers tout ça, pouvoir l'accompagner et pouvoir, nous aussi, avoir de l'information qui... qu'on puisse regarder le tout. Ça pourrait déjà être une... Ce serait déjà mieux que qu'est-ce qui se passe présentement. Carl.

• (17 h 30) •

M. Ouellet (Carl) : En tout cas, pour l'avoir vécu, vous savez, ne pas avoir... Moi, de la façon que je vois ça, puis vous me corrigerez si je me trompe, mais, en matière criminelle, ce que j'entends, ou ce que je vois, ou ce que je lis dans les journaux, c'est que, dans un procès, la personne qui est accusée a le droit de recevoir la preuve, puis les avocats vont s'échanger la preuve avant qu'on débute tout tribunal. Moi, je suis dans un cas de congédiement. Donc, ma personne, elle est congédiée. Vous savez, le congédiement... et il peut être très fondé. Et moi, j'étais de ceux... parce que j'ai été un conseiller aux recours, je confrontais beaucoup mes travailleurs pour dire : Il faut vraiment... Je suis prêt à défendre, mais il faut qu'on ait une raison, il faut qu'on ait une cause, il faut qu'on ait une situation qui n'est pas correcte. On s'entend? Donc, n'ayant pas accès à rien du rapport, je ne suis pas en mesure ni de confronter le travailleur ni de bien comprendre la situation. D'ailleurs, l'employeur arrive devant le tribunal d'arbitrage, et je ne dis pas qu'il le fait négativement, mais c'est comme ça, il ne me donne pas le rapport. Moi, si au moins je pouvais... vous disiez : Si on pouvait le voir, si on pouvait le lire, il y a des situations que j'aurais été devant le tribunal de façon totalement différente et peut-être même ne pas m'y présenter si j'avais su quelle était l'accusation ou, en tout cas, quelle était la preuve. Vous savez, le rapport d'enquête, on s'entend, c'est la preuve. C'est ce que l'employeur va se servir.

Et là je vous donnerai une situation en exemple. On est devant le tribunal, l'employeur, par son procureur, a sorti le rapport à deux ou trois reprises en disant : Je vais vous poser une question par rapport au rapport. Donc, notre procureur disait : Bien, si vous posez une question par rapport au rapport, vous devez me donner le rapport d'enquête. Et on retirait la question. Donc, on continuait l'arbitrage. On a fait deux jours, trois jours, mais, à la quatrième journée, on reçoit le rapport. Là, je suis rendu assez loin dans mon processus et là je reçois un rapport qui me dit : Monsieur a fait ceci, monsieur a fait cela, monsieur a été vu en faisant ceci, monsieur a été vu en faisant cela. Là, je repars. Je dois, moi, de mon côté, comme rebâtir une enquête différente et aller valider si effectivement c'est véridique et tenter de voir si les individus qui ont dit des choses là-dedans... sans vouloir les influencer, c'est-u vrai ou ce n'est pas vrai, puis est-ce qu'eux ils rapportent des bobards? Parce que mes travailleurs, depuis le début, me disent : Je n'ai pas fait tel ou tel geste.

Donc, vous comprendrez que moi, quand je vois les causes qui sont en parallèle devant d'autres tribunaux, où les deux parties s'échangent de l'information... Et d'ailleurs notre convention collective prévoit qu'on doit avoir des rencontres pour s'échanger l'ensemble de l'information. Moi, l'ensemble de l'information, dans un dossier, pour moi, de nature de congédiement... Parce que, vous savez, quand on congédie quelqu'un, permettez-moi l'expression, dans le monde du travail, c'est son arrêt de mort, il n'a plus de travail. Donc, c'est quand même assez fort. Donc, qu'est-ce que moi, je dois faire? Je dois avoir les meilleurs éléments pour être en mesure de le défendre le plus adéquatement possible, et, à la limite, à la fin, il y a un arbitre qui va trancher puis qui va rendre une décision qui, normalement, est selon les règles.

Donc, moi, c'est ça qui me rend inconfortable. Je l'ai vécu à plus d'une reprise et, à chaque fois, je suis toujours confronté au même obstacle. Il me semble qu'on ne joue pas sur la même patinoire ou on ne joue pas à forces égales. C'est-à-dire que je joue en défensive jusqu'à tant que j'obtienne les pièces qui vont me permettre de peut-être aller à l'offensive ou, en tout cas, d'au moins être capable de faire une défense pleine et entière.

M. Daigle (Christian) : Et cette façon-là de faire... juste deux petites secondes, mais cette façon de faire là est utilisée par les ministères et organismes à cause de la loi d'accès à l'information, ce qui n'est pas le cas ailleurs pour d'autres employeurs.

Le Président (M. Ouellette) : La règle de défense pleine et entière, on repassera. Mme la ministre.

Mme de Santis : Alors, en matière de données ouvertes, quelle information vous priorisez de prendre dans la forme... de transformer en données ouvertes? Est-ce que c'est les... «Anyway», je vous pose cette question-là parce qu'on est en train de faire un transfert de renseignements et de données que le gouvernement a sur papier, etc., et on les transforme en données ouvertes. Est-ce que vous, vous avez une priorité? Parce qu'il y a tellement de renseignements, alors il faut commencer quelque part.

M. Daigle (Christian) : Oui, bien, comme on l'a mentionné dans notre rapport... dans notre mémoire, puis comme je l'ai mentionné également dans mon discours... oui, dans ma présentation, excusez-moi, on voit également, au niveau de la sous-traitance, tout ce qui est utilisé par les ministères pour effectuer des travaux qui sont dédiés à l'État. Une première chose, ce serait de pouvoir rendre disponibles ces informations-là. Tout ce qui est organisme qui rend des services pour l'État devrait pouvoir rendre des comptes également. Aussi, on devrait pouvoir demander des renseignements parce que c'est les deniers de l'État qui sont utilisés à travers tout ça. On en a pour au-dessus de 8 milliards de dollars par année qui est donné à des organismes qui sont soit mandataires, qui sont soit des sous-traitants, soit... puis on n'a pas accès à ces informations-là. Donc, pour nous, c'est important que l'oeil citoyen puisse avoir accès à ces informations-là. C'est des deniers qui sont publics puis qui sont utilisés pour des services publics même s'ils sont rendus par un autre groupe que la fonction publique. Alors, pour nous, ça serait un premier pas, d'avoir ces informations-là de disponibles.

Mme de Santis : Ils peuvent être déjà disponibles dans un autre format, mais vous voulez les avoir disponibles en données ouvertes.

M. Daigle (Christian) : Oui. Mme Lévesque, qui va...

Mme Lévesque (Nadia) : Dans le fond, un des obstacles auxquels on fait face en matière de sous-traitance, ce n'est pas que l'information n'est pas disponible, l'information est disponible, mais le format devient un enjeu important. Tous les ministères publient chaque mois, ou trois mois peut-être maintenant, là, je ne suis pas certaine, la liste des engagements de plus de 25 000 $ signés par le ministère. C'est une liste PDF. Dans certains ministères plus petits, c'est travaillable, parce que c'est 12, 15 ententes qui sont signées. Mais, quand j'arrive dans des ministères comme le Transport, comme Emploi et Solidarité sociale, où chaque mois c'est des milliers de contrats qui sont signés, bien là, un PDF, vous comprendrez que l'enjeu devient un enjeu de manutention de la donnée. Il faut prendre quelqu'un, l'asseoir sur la chaise, refaire une base de données, saisir les données dedans. Donc, ça, c'est le premier enjeu.

L'autre, bien, on nous réfère vers le SEAO pour avoir des données plus complètes, donc le système électronique d'appel d'offres. Là, c'est : chaque contrat est une fiche. Encore une fois, c'est une question de traiter les données, pouvoir les analyser. L'esprit de la loi, c'est de permettre une vigilance citoyenne sur les activités de l'État. Vous comprendrez que, comme vous, vous le faites, comme parlementaires, les groupes qui s'intéressent à un sujet ne peuvent pas colliger l'information une par une, on est sur des macrodonnées toujours. Donc, il y a le format qui est un enjeu.

Puis il y a aussi un élément qui est peut-être plus dans la divulgation proactive que dans le format des données ouvertes, mais c'est tout ce que sont les données plus qualitatives, qu'on pense aux études d'impact, diverses recherches qui peuvent être commandées pour préparer un projet de loi, pour mesurer certains éléments d'efficacité de certains programmes publics. Toutes ces données-là sont généralement inaccessibles, à part 25 ans plus tard. Et, comme je disais à mon président, en préparation pour aujourd'hui, ça nous prive d'avoir une intelligence collective plus rapide. Parce qu'on apprend de nos erreurs et on apprend de nos bons coups, mais, quand on n'a pas accès aux arguments qui ont fait qu'on a pris une décision x, seulement 25 ans plus tard on y a accès, bien, ça nous prive aussi d'apprendre collectivement plus rapidement en matière de politiques publiques.

M. Daigle (Christian) : Et si vous me permettez, juste une petite... Minimalement, ce qu'on aimerait aussi, c'est qu'il y ait une uniformité à travers les organismes et les ministères. Comme on vous l'a expliqué tantôt, puis, dans notre mémoire, on en fait mention, pour une même demande — puis à chaque fois c'est la même chose — pour une même demande, on peut avoir jusqu'à 60 réponses différentes d'une façon générale de demander. Donc, il y en a qui vont envoyer des données qu'ils vont refuser. Ils vont dire : C'est le secrétaire du Conseil du trésor qui peut vous fournir telle information, ce n'est pas nous. Ils se délaissent de leurs responsabilités. D'autres vont caviarder le document. D'autres vont dire : Bien, il est intégralement sur Internet, alors qu'on fait une demande qui est similaire... Puis on avait demandé à l'époque le PARI, le P-A-R-I, c'est le...

Mme Lévesque (Nadia) : Le programme en ressources informationnelles. Donc, c'est le plan d'investissement annuel, là, en information.

M. Daigle (Christian) : Alors que la demande était similaire pour tous les organismes et ministères, on avait des réponses qui étaient différentes. Les quatre organismes ont complètement refusé, alors qu'ils ont invoqué six articles de loi différents pour nous refuser cette information-là. Donc, c'est là la difficulté qu'on voit aussi, il n'y a même pas une uniformité sur une même information qui est demandée.

Mme de Santis : Les renseignements sur le...

Le Président (M. Ouellette) : C'est fini, Mme la ministre.

Mme de Santis : Merci. Les renseignements sur le SAEO, est-ce que ces renseignements-là...

Le Président (M. Ouellette) : ...terminé, Mme la ministre.

Mme de Santis : Pardon?

Le Président (M. Ouellette) : Vous avez terminé.

Mme de Santis : C'est déjà fini?

Le Président (M. Ouellette) : Oui, déjà.

Mme de Santis : Oh mon Dieu! Je n'ai pas donné une chance... Je m'excuse.

Des voix : ...

Le Président (M. Ouellette) : Non. Bien, si vous voulez revenir, je n'ai aucun problème. Demain, on est disponibles. Mme la députée de Pointe-aux-Trembles.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, madame... Dans le fond, Mme Lévesque, M. Daigle et M. Ouellet, bonjour, au plaisir de vous recevoir au parlement.

Moi, je veux revenir sur la partie des relations de travail, je veux comprendre comme il faut. Dans le processus d'un dossier de l'employé, alors, le dossier de l'employé appartient en général à l'employeur, c'est lui qui... c'est les Ressources humaines, en général, quand il y a un département de ressources humaines. Alors, le dossier est là, aux Ressources humaines, tout ce qui se passe avec l'employé est là, est dans le dossier. S'il y a des avis disciplinaires, s'il y a des demandes de grief ou de l'arbitrage, enfin, bon, tout se cumule. Alors, l'employeur cumule dans ce dossier-là toute la documentation nécessaire.

On l'a aussi comme députés, nous aussi, avec nos citoyens, on doit cumuler les dossiers puis on doit avoir toute l'information dans les dossiers. Si on met des petites notes, il faut avoir les petites notes, puis il faut tout mettre dedans. S'il y a une demande d'accès à l'information, il faut comme fournir tout ça, tout ce qui est là. Donc, nos petites notes personnelles, il faut y penser, si on dit : Cette personne-là n'a pas d'allure, là, puis on écrit ça dans le dossier, ça... Il faut réfléchir à ce qu'on écrit dans nos dossiers, effectivement. Alors, ça fait partie maintenant, depuis plusieurs années... Je ne sais pas sur quelle loi, si c'est les normes ou... quelle loi qui parle du dossier de l'employé, là. Peut-être, vous le savez sous quel type de loi qu'on...

M. Daigle (Christian) : Bien, on a dans la convention collective des articles qui prévoient la connaissance ou la prise de connaissance du dossier par l'employé visé. Donc, la personne, de par la convention collective, peut faire une demande à l'employeur d'aller consulter son dossier, ne peut pas le prendre et partir avec. Souvent, c'est les Ressources humaines qui vont...

• (17 h 40) •

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...nationale? Je veux dire, est-ce que c'est juste... Parce qu'il peut avoir, d'une convention à une autre ou d'une organisation à une autre, il peut avoir une autre forme de remplir un dossier ou de...

Mme Lévesque (Nadia) : Bien, c'est un des effets pervers de la loi actuellement. C'est que le gouvernement du Québec, comme il est assujetti à la loi d'accès et la protection des renseignements personnels, ça s'applique à ses propres employés. Et c'est là qu'il y a un effet pervers. Ce n'est pas l'esprit du tout de la loi de priver l'échange d'information entre les RH puis les syndicats pour parler d'un dossier d'un employé, mais, comme la loi s'applique, ils n'ont pas le choix de l'appliquer. Donc, c'est pour ça qu'on dit : On aurait besoin d'une exception pour les relations de travail dans la fonction publique, parce que c'est vraiment précis à nous. Dans le domaine de la santé, par exemple, avec les hôpitaux, ils ne sont pas assujettis à ça. Mais nous, comme nos employeurs sont les ministères et organismes, bien, on se retrouve un peu pris avec une mécanique qui n'est pas sensée.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Mais jusqu'à quel point un employeur peut donner tout le dossier, parce que... surtout si ça s'en va en arbitrage ou... Tout à l'heure, vous avez parlé particulièrement des rapports d'enquête, je pense que c'est compréhensible, là, rapport d'enquête, mais, dans un dossier, un employeur peut aussi... s'il s'en va devant un tribunal, ou pour aller défendre le point de l'employeur devant le syndicat, où qu'il y aura un grief puis qu'ils ont à se confronter devant la situation, l'employeur doit y mettre aussi toute sa plaidoirie. Alors, il y a toute sa plaidoirie face à... Alors, il doit constituer dans le dossier la défense de l'employeur.

Parce que j'ai eu une situation qui m'a... On m'a parlé de cette situation-là où il a à tout mettre la plaidoirie, donc... Et le syndicat demanderait le dossier, demanderait le dossier, ça fait qu'il aurait toute la plaidoirie de l'employeur. Alors, jusqu'où qu'on remet le dossier? Alors là, vous me dites non, mais je veux comprendre, là.

M. Daigle (Christian) : OK. Alors, je vais laisser mon collègue, là, qui était aux recours avant.

M. Ouellet (Carl) : Vous savez, dans...

Le Président (M. Ouellette) : M. Ouellet.

M. Ouellet (Carl) : Merci. Dans ma connaissance, c'est-à-dire que mon intervention ou l'intervention du syndicat ne se fait pas au moment où l'arbitrage est débuté. Et là vous avez totalement raison, comme moi, je ne donnerais pas ma plaidoirie à la partie adverse, on s'entend. Ça, je pense que vous avez très, très bien ciblé.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...elle est où? Elle est dans le dossier?

M. Ouellet (Carl) : Non, non, non, pas du tout.

Une voix : ...

M. Ouellet (Carl) : Et leur plaidoirie n'est pas dans leur dossier, si vous le permettez. C'est-à-dire que, moi, ce que je veux qu'on se comprenne bien, ce qu'on se demande ou qu'on se dit, c'est qu'au départ d'un dossier disciplinaire ce qu'on fait, Mme Léger, c'est qu'on écrit à l'employeur. On dit : On voudrait avoir accès avec l'employé, qu'il nous signe une autorisation de divulgation de renseignements personnels, sans quoi je ne pourrais pas le faire. Donc, l'employé me donne cette autorisation-là. Je le demande au ministère, donc je dis au ministère : Envoyez-moi toutes les pièces. Et là on ne demande pas, vous savez, si le monsieur paie de la pension alimentaire, ces choses-là. Je ne veux pas ça. Je veux le dossier, moi, disciplinaire, je veux la problématique. Ce que je cherche, c'est à défendre adéquatement le travailleur que je représente. Et, quand je fais cette demande-là, nous ne sommes pas devant le tribunal, mais pas du tout. Il n'y a aucune plaidoirie, et je vais aller plus loin...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Attendez. Juste deux secondes, si vous me permettez. Quand vous dites : je ne veux pas ça, je ne veux pas s'il paie une pension alimentaire puis tout ça, qui détermine qu'est-ce que... Parce qu'un dossier, c'est un dossier. Alors, si j'enlève des éléments du dossier, on va dire : Ah! il n'y a pas tous les éléments dedans. Qu'est-ce qui...

M. Ouellet (Carl) : Je vais tenter de vous expliquer.

Une voix : Il s'en allait là, là.

M. Ouellet (Carl) : Oui. Moi, ce que je faisais, et je pense que c'est ce qu'on fait chez nous, on envoie une lettre de demande d'information et on cible dans cette lettre les documents que nous recherchons. Comme je tentais de vous expliquer, c'est clair que je ne veux pas l'assiduité du travailleur. Je ne veux pas savoir sur quel horaire il travaille. Ce que je veux savoir, je vais demander : Y a-t-il eu des lettres d'avertissement, des lettres de suspension? Puis là je vais demander le rapport d'enquête, je vais demander... Mais ça, là, c'est vraiment au début. Le monsieur ou la madame vient d'être congédié. On lui a fait son grief dans les 30 jours. On est très, très contemporains au départ de l'employé.

Et, je vais vous dire, le Conseil du trésor, qui fait la défense des travailleurs de l'État, reçoit le dossier 30 jours avant l'arbitrage. Donc, sa plaidoirie, à notre procureur du Conseil du trésor, ne sera jamais dans le dossier du travailleur, physique, au ministère... tous les ministères et organismes, il va être au bureau des procureurs de l'État et il va arriver un jour, peut-être, dans le dossier au final, quand on va avoir une décision. Mais, pour ce que j'en connais, moi, quand je demande mes copies du dossier, il n'y a aucune plaidoirie, et je ne brimerais personne. La seule chose que ça me prive, moi, c'est d'avoir un rapport sur lequel sont fondés les éléments qui ont mené l'employeur à mettre fin au lien d'emploi. Comme je disais tantôt, il peut être porteur, pour moi, de confronter mon travailleur et d'en arriver à une solution, même pas aller en arbitrage, parce que c'est patent de vérité qu'il y a là un dossier qui ne peut pas être poursuivi. Et, à l'inverse, le rapport peut me permettre de faire des validations qui vont me permettre de défendre le travailleur adéquatement parce qu'il y a une erreur, il y a une erreur dans ce qui a été vérifié et validé, parce qu'on est capables d'en faire la démonstration. Vous comprenez?

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Donc, quand vous demandez l'accès à tel type de documents, tout à l'heure, vous nous dites qu'on ne vous transmet pas nécessairement tous les documents que vous... Et la raison qu'on vous donne, quelle est-elle en général?

M. Ouellet (Carl) : Là, il faudrait que je... mais généralement on nous dit : Bien, la loi ne nous permet pas de vous donner telle chose. On va caviarder. Il y a des fois qu'on reçoit des choses où c'est tellement caviardé que, je vous le donnerais, c'est comme si je n'avais rien reçu, on s'entend. Mais, bon, on va me dire... Puis des fois ce que je ne sais pas... Parce que, je vous le dis, je vous ai donné un exemple, de demander la copie intégrale, on l'a déjà fait, de demander la copie au complet, il nous arrive une boîte de documents qu'on doit épurer, puis on n'en a pas besoin. Puis, en dernier, on nous disait : Bien, vous allez nous payer 0,20 $ ou 0,30 $ la copie. Bien là, il y a plein de documents que je n'ai pas besoin. Mais, mettons, moi, ce que je ne sais pas, comme je n'ai pas demandé la totalité... Et j'essaie de me restreindre pour ne pas demander la totalité, parce que je dis : Je n'en ai pas vraiment besoin. Puis, quand je ne demande pas la totalité, je ne le sais pas qu'est-ce qui a pu être retiré. Puis des fois j'arrive devant le tribunal, vous le disiez tantôt, je ne suis même pas à la plaidoirie, j'arrive devant le tribunal, et l'employeur va sortir un document que je n'ai pas eu quand j'ai fait ma demande d'accès, alors que j'ai demandé tout ce qu'il y avait dans le disciplinaire ou dans quelque chose qui n'est pas correct avec le travailleur, puis on va me le sortir devant le tribunal en disant : Voici cette pièce-là. Elle vient d'où? Là, bon, vous savez ce que ça fait. Là, les avocats déchirent leurs toges, puis là on arrête les débats un petit peu, puis c'est ce que ça fait.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Donc, votre demande par rapport à ça, c'est quoi?

M. Ouellet (Carl) : Notre demande à nous, je pense qu'on tentait de le préciser tant dans le mémoire que... ça serait de dire : Il faut... La convention le prévoit, qu'on doit avoir toute l'information. Moi, je crois que la loi devrait nous permettre de recevoir les pièces qui sont essentielles à la représentation du travailleur et au litige en cours, c'est-à-dire, si on est dans un congédiement, je devrais recevoir toutes les pièces qu'on peut se servir face au congédiement. Vous savez, comme j'ai expliqué tantôt, quand on est dans le monde criminel, je pense qu'on reçoit l'ensemble de la preuve et, s'il arriverait... C'est que, dans le monde criminel, ce que je vois, s'il arrive une preuve qui n'était pas déposée au départ, et tout ça, ça ne sera même pas retenu. Moi, je reçois le rapport d'enquête aux trois quarts de l'arbitrage, je dois le recevoir, vivre avec, puis me débrouiller, puis ramer avec mon petit bateau là où je suis.

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Je comprends. Sur un autre sujet, celui du harcèlement psychologique, entre autres, la recommandation n° 19 du rapport quinquennal parle de clarifier et uniformiser le régime d'accessibilité au rapport d'enquête de harcèlement en milieu de travail, y compris en ce qui concerne la compétence de la commission de rendre des décisions sur le sujet. Est-ce que vous trouvez que c'est juste de faire cette recommandation-là?

M. Daigle (Christian) : Oui. Pour nous, l'ensemble des recommandations qui ont été faites par la commission doivent être appliquées intégralement, hormis quelques petits détails de mécanique qui pourraient se voir par la suite ou qu'on pourrait étudier au niveau du projet de loi, s'il était déposé. Mais, l'ensemble des recommandations, on est capables de très bien faire avec et on est contents même qu'elles soient faites de cette façon-là aussi, pour pouvoir permettre les informations et l'accessibilité. On sait qu'il peut y avoir des enjeux pointus, comme la ministre tantôt l'a dit, mais on pense que minimalement on se doit de pouvoir avoir un accès possible à ces informations-là qui vont permettre une plus grande transparence pour l'ensemble des situations.

• (17 h 50) •

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : Tu sais, d'entrée de jeu, quand vous avez démontré dans votre mémoire tout le cheminement que vous avez avec toutes sortes d'organismes, j'ai trouvé ça très bien que vous faites cette démonstration-là, parce que c'est... la pratique, c'est quoi. Vous avez vraiment un exemple concret : quatre refus; puis, plusieurs, c'est caviardé; d'autres, c'est des petits bouts. Bon, il y a toutes sortes de... Ça démontre vraiment clairement que, dans la réforme qu'on doit faire, c'est assurément de bien clarifier d'abord le rôle de la personne responsable de l'accès à l'information dans les organismes publics. Parce qu'on voit que... Même si ce qui vous est donné est complètement inégal, inexistants, certains, et tout complètement... la machine à saucisse au complet que vous avez, mais ça démontre quand même que le responsable de l'accès à l'information à un ministère doit jouer un rôle important, doit jouer un rôle où on doit lui donner les critères de sa fonction. Et je pense que ça, dans la loi, il faut que ce soit davantage clarifié, et quels types de documents on peut avoir accès ou pas, puis les critères. On voit qu'il y a de l'abus parfois puis il y a cette inégalité un peu partout. Alors, j'apprécie beaucoup votre démonstration, ça nous donne un peu comment c'est appliqué d'un bord et de l'autre, puis ça nous donne vraiment un exemple très, très concret de... Alors, c'est de poser la question : Comment se fait-il qu'on peut avoir tous ces types de réponses pour la même demande?

Le Président (M. Ouellette) : C'était le commentaire de Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Nous allons maintenant terminer notre journée avec...

Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) : ...

Le Président (M. Ouellette) : Bien, ça va bien. Vous avez eu une bonne journée, Mme la députée de Pointe-aux-Trembles. Vous avez des commentaires et vous avez eu de la visite. M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Merci, M. le Président. M. Daigle, M. Ouellet, Mme Lévesque, bonjour. J'aimerais qu'on poursuive sur, dans le fond, la non-divulgation de la totalité de la preuve lors d'un litige entre l'employeur et le travailleur. Vous avez fait le parallèle avec la transmission de la preuve en matière criminelle. Dans le fond, il y a des mesures de réparation qui peuvent aller jusqu'à l'arrêt des procédures quand il n'y a pas toute la transmission de la preuve. Vous, c'est quoi, les mesures de réparation que vous recherchez dans ce cas-là?

Je comprends que vous souhaiteriez que ce soit inscrit dans la loi que, dans le fond, l'employeur doit donner accès au dossier et aux documents pertinents, mais encore faut-il que... Les documents pertinents, ça va être l'employeur qui va juger, en regardant le dossier, qu'est-ce qui est pertinent à la défense du travailleur là-dedans. Vous ne demandez pas la transmission complète du dossier, ça fait que vous pourriez vous retrouver dans une situation comparable à celle que vous vivez présentement, où, bien, peut-être qu'il pourrait y avoir un document qui serait favorable à la défense du travailleur, là-dedans, par rapport à son congédiement, ou à sa suspension, ou...

Le Président (M. Ouellette) : M. Daigle.

M. Daigle (Christian) : Mais, tout d'abord, on tient à préciser qu'il y a juste les ministères et organismes qui font ça avec nous, au niveau syndical, alors que, pour les autres syndicats, ils reçoivent les documents pertinents puis ils reçoivent l'ensemble des dossiers nécessaires pour la partie syndicale pour faire ça. Donc, c'est à cause de la loi de l'accès à l'information, de par laquelle les ministères sont contraints, qu'il y a une impossibilité d'obtenir ces informations-là à brûle-pourpoint, comme ça, ou dès le départ.

M. Jolin-Barrette : Une sous-question. Ça fait que, dans le fond, si vous êtes avec un employeur privé, ça ne s'applique pas. C'est ce que vous me dites.

M. Daigle (Christian) : Effectivement, effectivement. On est dans un domaine complètement différent, donc. Et la deuxième difficulté qu'on peut avoir avec ça aussi, c'est que nous, on doit avoir une défense au niveau des membres et bien les représenter. Donc, on a une obligation au niveau du Code du travail. Ils peuvent nous poursuivre en vertu de l'article 47.2, 47.3, et ça se fait régulièrement, en disant qu'on n'a pas bien fait notre devoir de représentation. En ayant ces documents-là à l'avance, ce que ça va nous permettre de faire, c'est de pouvoir confronter la personne, comme mon confrère le disait tantôt, dès le départ aussi.

Quand c'est un cas de congédiement, et que c'est évident qu'on ne réussira pas à défendre un dossier, qu'on a déjà eu, des fois, quatre, cinq dossiers qui ont été de la même nature, et qu'on a tous perdu ces griefs-là, on n'ira pas défendre et accaparer l'appareil juridique pendant cinq, six, 10 jours d'audiences, avec un arbitre, avec les coûts que ça assume pour l'employeur, les coûts que ça amène pour l'employeur, les coûts que ça amène pour le syndicat également, aussi. Alors, à ce moment-là, on va pouvoir confronter la personne dès le départ et même retirer le dossier du rôle d'arbitrage. Donc, on va avoir un gain d'efficacité également à travers ça, aussi, et une diminution des coûts que ça pourrait amener.

Puis, si on a, oui, effectivement, une cause qu'on pense qui est défendable, on va être capables de préparer cette cause-là de façon logique, de façon à la bâtir et pouvoir, après ça, être plus efficaces lorsqu'on va arriver lors de l'audience, parce qu'on va pouvoir, après ça, avoir tous les éléments pour poser des questions et faire la défense. Tandis que, là, on se trouve à suspendre les délais. On se trouve, après ça, à pouvoir avoir à faire des nouvelles reconvocations pour des témoins qui ont peut-être déjà témoigné et qu'on doit reconvoquer parce qu'à la lumière des informations qu'on a obtenues on se doit de reposer des questions, qui sont différentes à ce moment-là, aller voir d'autres aspects du problème ou de la situation qui était en litige à ce moment-là aussi. Donc, ça amène tout cet espace-là ou cette difficulté-là supplémentaire.

Alors, nous, c'est vraiment pour avoir une juste représentation des membres qu'on demande d'avoir ces informations-là et de pouvoir avoir une défense qui est, je dirais même, plus proactive dès le départ, aussi, là-dessus.

Le Président (M. Ouellette) : Mme Lévesque.

Mme Lévesque (Nadia) : Si tu me permets, j'ajouterais, quand on parle de divulgation proactive, puis je vais répondre peut-être à Mme Léger en même temps, ce n'est pas juste de changer les procédures, les politiques, donner des directives plus claires aux responsables, c'est qu'on change la culture de l'accès. Donc, ce n'est plus le document qu'il faut savoir précisément est-ce que c'était une enquête administrative ou une enquête interne. Puis, si on n'a pas le bon titre de document, vous savez, on se fait refuser l'accès. Ça fait que, des fois, on passe du temps juste à chercher le vrai titre du document dans lequel l'information qu'on cherche se trouve. C'est d'avoir accès à l'information. Que moi, comme représentante syndicale, je ne sois pas capable de nommer le document dans lequel l'information que je cherche se trouve, c'est non pertinent.

Donc, dans ma demande d'information, je ne demanderai plus un dossier ou un document. Je vais demander de l'information. Puis, à ce moment-là, les personnes aux Ressources humaines qui ont accès au dossier de l'employé vont être beaucoup plus en mesure de me répondre de manière précise à ce que j'ai besoin pour être capable de faire l'analyse.

Une voix : Et, M. Ouellette, je veux rajouter une petite chose.

Le Président (M. Ouellette) : En complément.

M. Ouellet (Carl) : Juste parce que vous disiez : Si vous n'avez pas tout... vous pourriez demander, puis ça va être tributaire de l'employeur de vous donner des documents ou pas. Je pense qu'avec l'expérience puis avec le temps on vient qu'on sait qu'est-ce qu'on doit demander. Si je demande, exemple, l'ensemble du dossier disciplinaire de l'employé, incluant le rapport d'enquête, moi, je pense que c'est ce que j'ai besoin dans le dossier où je suis. Et, si la loi le permet et si la loi l'oblige, je vais avoir le dossier. Un peu comme disait Mme Léger tantôt, même s'il y a des petits tags sur les papiers, ils doivent me les remettre. Donc, je serais à ce moment-là mieux outillé pour bien défendre et bien représenter la personne.

Le Président (M. Ouellette) : M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Oui. Sur la question de la sous-traitance, là, vous en parlez dans votre mémoire, vous dites : Écoutez, lorsqu'on se retrouve face à un tiers, dans le fond, comment je pourrais dire ça... l'offre de services par l'État est de plus en plus déléguée à des organismes à but non lucratif ou à des tiers, des sociétés autres, là, des «inc.». Et là ça pose une problématique au niveau de l'accès à l'information pour savoir la valeur des contrats, tout ça. Pouvez-vous l'aborder un petit peu plus?

M. Daigle (Christian) : Ces organismes-là ne sont pas soumis à la loi d'accès à l'information dès le départ, donc ils n'ont pas à transmettre aucun document, alors qu'ils peuvent être financés jusqu'à 100 % de leurs activités, et n'ont pas aucun compte à rendre ou à donner aucune information publique par rapport à ça et par rapport à ce qu'ils font aussi. Alors, pour nous, on pense qu'il est essentiel de pouvoir avoir ces informations-là pour pouvoir justement, éventuellement aussi, savoir qui donne quoi, qui fait quoi et comment que ça se fait également, aussi, cette information-là, puis comment que le service public est rendu par ces tiers partis là.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous donnez l'exemple, supposons, des carrefours jeunesse‑emploi, où c'est des organismes à but non lucratif qui reçoivent pleinement la subvention mais qu'on ne sait pas comment c'est géré. Ils sont uniquement redevables à, supposons, leurs assemblées de membres.

M. Daigle (Christian) : Exactement.

Mme Lévesque (Nadia) : Et au ministère. Il y a quand même une reddition de comptes prévue envers le ministère, mais là où l'accès à l'information s'arrête, c'est au ministère. Donc, le ministère sait, par exemple, que le Carrefour jeunesse‑emploi de Montcalm a vu tant de jeunes cette année, qu'ils ont été placés dans tels et tels programmes, mais le public, il n'a pas accès à ça. Or, c'est un service qui est public, qui, dans d'autres temps, était donné par l'État. Donc, c'est là où nous, on dit : Tu es dans le champ public, tu es financé par le public, bien, évidemment le public doit pouvoir aussi regarder les informations. Puis on n'est pas dans du nominatif ou des enjeux de cette nature-là, là.

Le Président (M. Ouellette) : 50 secondes, M. le député de Borduas.

M. Jolin-Barrette : Et, dans un cas précis comme ça, par une demande d'accès à l'information auprès du ministère, supposons, de l'Emploi et Solidarité sociale, qui finance les carrefours jeunesse‑emploi — on prend cet exemple-là, là, on ne les vise pas — bien là, vous feriez opposer une exception à la loi pour dire : C'est un tiers en vertu, supposons, de 23, 24.

M. Daigle (Christian) : Tout à fait, monsieur. Alors, on a un refus systématique qui nous est donné qu'on ne peut pas avoir l'information parce que ça concerne un tiers et non pas le ministère même.

M. Jolin-Barrette : O.K. Puis comment on fait pour les mettre dans la «loop» si on ne touche pas uniquement au financement, si le critère, ce n'est pas le financement?

Mme Lévesque (Nadia) : Tu veux-tu que j'y aille?

M. Daigle (Christian) : Oui, vas-y.

Mme Lévesque (Nadia) : On n'a pas tout réfléchi la mécanique puis on s'est dit qu'au projet de loi on serait peut-être plus pointus, mais une des choses, c'est qu'en passant par le ministère... c'est-à-dire de faire l'accès à l'information par le ministère plutôt que par l'organisme. Des fois, on a tendance à le regarder avec la lorgnette de rendre les organismes assujettis à la loi. Ce n'est peut-être pas par là qu'il faut passer, c'est peut-être par le ministère qui signe ledit contrat, ou l'entente, ou la subvention qui, lui, aurait l'obligation de divulguer les informations.

Le Président (M. Ouellette) : Il faudra le regarder. Merci, M. le député de Borduas. M. Christian Daigle, M. Carl Ouellet, Mme Nadia Lévesque, représentant le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, merci d'être venus informer la commission.

La commission ajourne ses travaux au mardi 22 août, à 9 h 30, où elle poursuivra son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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