Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
42nd Legislature, 2nd Session
(October 19, 2021 au August 28, 2022)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, December 2, 2021
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Vol. 46 N° 12
Special consultations and public hearings on Bill 2, An Act respecting family lawreform with regard to filiation and amending the Civil Code in relation to personality rights and civil status
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-cinq minutes)
Le Président (M.
Bachand) :Bonjour à tout le monde. À l'ordre,
s'il vous plaît! La commission est réunie afin de poursuivre les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi
numéro 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et
de l'état civil. Avant de débuter, M. le secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
Le Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce) est remplacée par Mme Maccarone
(Westmount…
Le Secrétaire :
...Saint-Louis; et Monsieur Zanetti, Jean Lesage, remplacé par M. Leduc,
Hochelaga-Maisonneuve.
Le Président (M. Bachand) :
Merci. Merci. Avant de continuer, y a-t-il consentement pour permettre à la
députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques de participer à nos travaux?
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement. Merci beaucoup. Ce matin, nous
entendrons le Mouvement Retrouvailles conjointement avec Les oubliés de la
loi 113. Mais d'abord, nous commençons avec Florence Ashley, juriste, et
biotechnicienne trans féminine. Alors, merci beaucoup d'être avec nous ce
matin. C'est très apprécié. Alors, vous connaissez la procédure. Donc,
10 minutes de présentation, après ça, un échange avec les membres de la
commission. Donc, la parole est à vous. Encore une fois, merci beaucoup d'être
avec nous ce matin.
Ashley (Florence) :
Merci.
Donc, cher ministre et membres de la Commission des institutions, ma firme est
vraiment en plein accord avec les présentations et les mémoires des organismes
LGBTQ+, et je vais concentrer ma présentation sur les aspects légaux du projet
de loi 2. Donc, lors de ma présentation, je veux vraiment attirer votre
attention sur les problèmes liés à quatre aspects du projet de loi, soit,
premièrement, le système à double mention sexe-genre, deux, la mention de sexe
indéterminé, trois, les restrictions et les objections à la mention parentale,
et, quatre, la mention d'altération. Je n'aurai pas le temps de vous parler des
frais de changement et je vous invite à consulter la page 9 de mon mémoire
à ce sujet. Je vous invite à me poser des questions au sujet de ma présentation
ou de mon mémoire et ainsi que toutes autres questions d'ordre juridique ou
éthique que vous pourriez avoir
Donc, dans ces quatre aspects, le projet
de loi se démontre incompatible avec les droits de la personne qui est garantie
aux communautés trans non binaires et intersexes par la charte québécoise et la
Constitution. Je reconnais l'intention bénéfique derrière le projet de
loi 2, mais néanmoins, son opérationnalisation a pour effet de violer le
droit à l'égalité, à la dignité, à la vie privée et à l'intégrité corporelle de
nos communautés. Les droits de la personne, et en particulier le droit à
l'égalité, il faut se rappeler, ne sont pas formels, mais sont bien basés sur
une conception substantive et matérielle de la vie humaine. Il ne faut donc pas
regarder l'intention ou la théorie abstraite, mais avant tout regarder l'impact
tangible des propositions d'une loi sur les communautés. Et, sur ce plan, nous
pouvons aisément voir ses effets néfastes et contraires à la charte.
De plus, le projet de loi 2 est
malheureusement incompatible avec le jugement Moore de la Cour supérieure et en
particulier avec son raisonnement, ses conclusions et ses ordonnances. Je vous
dirige maintenant à la page 1 à 3 de mon mémoire sur le système à double
mention. Le système à double mention sexe-genre est contraire aux droits de la
personne, tant par ses critères médicaux que parce qu'il distingue les
personnes trans des personnes qui ne sont pas trans, et donc révèle leur
transitude. La jurisprudence canadienne, les travaux de la Commission des
droits de la personne et les principes internationaux de... confirment que
toutes exigences médicales, qu'elles soient chirurgicales ou non, au changement
de mention de sexe sont contraires à l'intégrité corporelle.
Également, tout ce système qui révèle
directement ou indirectement le fait qu'une personne est trans viole son droit
à la vie privée et à l'égalité, ce qui est fait par le projet de loi avec son
système à double mention. Le système proposé n'est pas étayé par le jugement
Moore. Les propos du juge Moore sur la distinction entre sexe et genre se
veulent un sujet amené et utilisent les termes dans un sens vernaculaire, qui
est en soi partiellement contesté, et non pas dans un sens légal. Il est
absolument crucial de comprendre qu'au Québec, sur le plan légal, le sexe
inclut l'identité de genre en droit de la personne depuis 1998 et à l'état
civil depuis 2013. Au contraire, le jugement Moore explique justement que les
personnes trans et non binaires ont droit au plein et égal respect de leur
identité de genre, dont dans la mention de sexe, ainsi que le droit de garder
leur transitude privée.
Le juge ordonne au gouvernement de faire
deux choses soit, premièrement, de créer des mentions de sexe qui reflètent
l'identité de genre des personnes non binaires et, deuxièmement, de préserver
l'option d'avoir des documents sans mention pour toutes personnes qui le
désirent. Pour respecter les droits de nos communautés, le gouvernement devrait
garder une seule mention dite sexe, mais ajouter des options pour les personnes
non binaires et pour les personnes qui ne veulent pas révéler leur identité de
genre.
• (11 h 30) •
Je passe maintenant aux pages 4 à 5
de mon mémoire sur la mention indéterminée. Le projet de loi crée une mention
de sexe dite indéterminée pour les nouveau-nés intersexes qui naissent avec des
traits sexués qui n'entrent pas dans le cadre sociomédical binaire homme femme.
Le projet, de plus, crée une obligation de changer cette mention dès que le
sexe devient, entre guillemets, déterminable. Or, le sexe devient déterminable
à cause de traitements chirurgicaux et hormonaux, généralement en bas âge, et
ce, même si ceux-ci sont néfastes...
11 h 30 (version non révisée)
Ashley (Florence) : ...non
urgent et non consenti par l'enfant. Ces chirurgies ne sont pas nécessaires à
la santé, mais visent plutôt à normaliser l'apparence sexuée. Les communautés
intersexes sont, on le comprend bien, fortement opposées à ces aspects du
projet de loi qui violent le droit à l'intégrité corporelle des jeunes
intersexes ainsi que leur droit à l'égalité à la vie privée.
Les parents d'enfants intersexes voudront
éviter cette mention stigmatisante indéterminée, ce qui les encouragera donc davantage
à consentir à des interventions qui visent à normaliser l'apparence sexuée. Ces
interventions devraient plutôt être laissées au choix autonome de l'enfant plus
tard dans sa vie.
On parle ici d'un enjeu qui n'est pas
théorique, mais bien concret. Les études démontrent amplement les pressions à
consentir que vivent les parents d'enfants intersexes et ces interventions ne
sont pas rares au Québec. Entre 2015 et 2020, on a compté plus de 838
chirurgies sur les enfants intersexes de moins de deux ans et 547 sur les
enfants de 3 à 14 ans. Et ces chiffres pourraient être plus élevés selon
comment ils sont comptés.
Le projet de loi va clairement à l'encontre
de l'obligation internationale qui se retrouve dans les principes de Yoga Karta
ce sujet. Dans les principes, les gouvernements, on a une obligation de prendre
toutes mesures possibles pour garantir l'absence de telles interventions qui
visent à imposer une identité de genre sans le consentement total, libre et
averti de l'enfant. Or, c'est précisément ce que le projet de loi fera en
pratique, même si ce n'en est pas nécessairement l'intention. Cette mention de
sexe indéterminé n'a pas sa place au Québec et, tel que le demande la
Déclaration de Malte des communautés intersexe, tout enfant intersexe devrait
avoir droit d'avoir une mention de sexe masculin ou féminin sans procédure
médicale quelconque.
Je passe maintenant aux pages 5 à 7 de mon
mémoire sur la mention parentale. Le projet de loi 2 crée une nouvelle mention
parent en plus de celle de père et mère. C'est là une mention importante et
très bénéfique, mais malheureusement, son application dans le projet de loi
pose problème à deux niveaux. Premièrement, elle est imposée aux pères et mères
trans dont l'enfant rejette l'identité et deuxièmement, elle n'est autrement
une option qui n'est permise qu'aux personnes non binaires.
Le droit de rejet par l'enfant transforme
les mères et pères trans en parents de deuxième classe parce que peu importe
les sentiments de l'enfant, les parents qui ne sont pas trans voient leur
identité de genre respectée dans les documents d'état civil. Mais lorsque le
parent est trans, le projet de loi donnerait à un enfant qui pourrait être très
transphobe le droit de rejeter l'identité parentale. Ça revient à dire que les
pères et mères trans méritent moins le respect de leur identité de genre que
les parents qui ne le sont pas en plus de révéler leur transitude.
Le simple fait que le certificat de
naissance et celui de l'enfant n'empêchent pas du tout le changement de la
mention parentale puisque sujet aux droits de la personne, l'état civil n'est
pas un droit de la personne, mais bien de l'État. Et c'est là la source du
principe d'indisponibilité de l'état civil.
Question connexe, le fait de limiter la
catégorie parent aux seules personnes non binaires est contraire au droit à la
vie privée qui est reconnu par le jugement Moore et ce qu'on peut bien voir par
raisonnement analogique. Selon le juge Moore, un acte d'état civil sans mention
de sexe préserve la vie privée des personnes qui désirent contrôler avec qui
elles partagent leur identité de genre. Permettre un acte sans mention est
obligatoire dans le jugement et non facultatif puisqu'il est contenu dans les
ordonnances du juge.
Mais puisque le projet de loi réserve la
mention parent seulement aux parents trans et non binaires, il n'y a donc
aucune option analogue qui n'est offerte justement pour ces parents qui
voudraient garder privée leur identité parentale. Pour respecter les droits de
la personne au Québec, le gouvernement doit permettre à toute personne d'avoir
la mention parent ainsi que d'assurer le respect de la mention parentale qui
est désirée par les père ou mère trans.
Je me tourne pour mon dernier point. Je
vous dirige à la page 8 de mon mémoire sur la mention... L'altération ou de
modification. Le projet de loi 2 crée une nouvelle indication qui indiquera
donc si l'état civil a été précédemment changé, par exemple par un changement
de nom ou une mention de sexe. L'effet sera soit de révéler directement que la
personne est trans, notamment si la nature du changement est indiquée, ou dans
l'alternative, au moins de révéler indirectement ce fait en encourageant la
curiosité, les examens minutieux envers celle-ci, puisqu'il y aura une marque
indiquant un changement. Même si l'ajout peut paraître neutre, le changement de
mention...
Ashley (Florence) :
...le
fait d'être trans qu'il est impossible de nier l'impact singulier qu'elle aura
sur les communautés trans qui rentre dans la définition de discrimination. Et
contrairement à ce que la demande de la charte canadienne, l'impact n'est ni
proportionné ni restreint, puisqu'on sait bien que les communautés trans sont
un des groupes les plus marginalisés en société, alors que l'absence d'une
indication de changement n'a pas posé problème en plus de 44 ans de changements
de mention de sexe. J'invite donc le gouvernement à simplement retirer cet
ajout proposé au Code civil. Je vous remercie de votre attention et j'attends
vos questions avec grand intérêt.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup de votre
présentation. Donc, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Jolin-Barrette : Bonjour,
Florence Ashley. Merci de...
Ashley (Florence) : Bonjour.
M. Jolin-Barrette : ...participer
aux travaux de la commission. On s'était vus dans le cadre du projet de loi 70
également que vous aviez commenté sur les thérapies de conversion. Et
d'ailleurs, M. le Président, vous me permettrez de souligner que le Parlement
fédéral a adopté, une année après nous, l'interdiction sur les thérapies de
conversion. Alors, je pense que ça démontre qu'on était des précurseurs au
Québec, encore une fois, dans la protection des droits des minorités, et
notamment sur cette question-là, qui est fort importante, au niveau des
thérapies de conversion pour dire que, nous, dans la société québécoise, c'est
complètement inacceptable et intolérable, alors on avait pris les moyens
rapidement pour le faire.
Bon, d'entrée de jeu - vous m'avez
sûrement entendu - quand j'ai déposé le projet de loi, on visait à trouver une
voie de passage justement pour faire en sorte de concilier les recommandations,
bien, en fait, les conclusions du jugement... J'ai bien entendu les membres de
la communauté relativement à l'obligation de chirurgie. J'ai annoncé que
j'allais le retirer du projet de loi. Même chose pour la perception relativement
aux «coming out» forcés. Ça aussi, on va modifier les dispositions
législatives. Je vais avoir quelques questions pour vous. Je n'aborderai pas la
question du jugement... parce que je n'ai pas la même interprétation que vous
relativement aux impératifs puis à ce qui est dit. Donc, ce que vous dites dans
votre mémoire, je ne partage pas nécessairement votre analyse du jugement puis
de certaines modalités. Mais parlons plus du projet de loi 2 et de ce qui est
souhaité par les membres de la communauté.
Bon, dans un premier temps, sur
l'identification par le sexe versus l'identification de genre, si je vous suis
bien, ce qui est demandé par la communauté, c'est notamment de ne pas avoir
cette identification de genre là, et que l'utilisation de la rubrique sexe
soit... Dans le fond, l'identification de genre soit assimilée à l'identité de
sexe et que les gens puissent, lorsqu'ils décident de changer de sexe, dans le
fond, sans avoir d'opération, à être identifiés par masculin ou féminin et
d'inclure une troisième voie pour les personnes non binaires au niveau du sexe,
donc, exemple, permettre d'inscrire F, M ou X sous la rubrique sexe.
Ashley (Florence) : Oui,
donc, absolument, donc, c'est là vraiment ce qui est désiré au niveau
d'avoir... d'étendre les rubriques. Je pense, ce qui important, c'est de
comprendre que dans le contexte québécois, cette distinction en sexe et genre
n'est pas faite en droit et est aussi elle-même en partie contestée dans le
niveau... au niveau plutôt, par exemple, académique où on y voit une division
qui est... puisque plusieurs personnes viendraient dire que, par exemple, le
sexe d'une femme trans est féminin.
• (11 h 40) •
Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'outre
la question de nos concepts dans la société, il faut comprendre que le sexe est
interprété comme ça en droit québécois. Les tribunaux des droits de la personne
en 1998 ont expliqué que, justement, la notion de sexe est une notion complexe
et à plusieurs facettes qui inclut une perspective psychosociale, donc la
perspective de l'identité de genre. Et c'est quelque chose qui est justement
répété dans la jurisprudence, mais aussi dans la possibilité de faire le
changement de mention de sexe depuis 2013 au Québec. Et donc ce n'est pas là...
Donc, il n'y a pas de désir de voir de distinctions faites à ce niveau-là entre
sexe et genre, mais bien d'assurer que sur le plan concret, il n'y ait qu'une
seule mention qui puisse refléter l'identité de genre de toute personne au
Québec, dont les personnes non binaires, donc ce qui amènerait à ajouter des
options...
Ashley (Florence) : …avoir
une option, par exemple non binaire, donc un X, mais aussi en préservant ce que
le gouvernement a offert pendant... il y a, je crois, ça fait maintenant deux
ans, l'option de retirer la mention de sexe des documents, pour les personnes
qui voudraient garder cette information privée, et ça, peu importe si la
personne est homme, femme ou non binaire ou s'identifier autrement.
M. Jolin-Barrette : Une
question là-dessus, vous, je crois que vous êtes à l'Université de Toronto,
vous faites de la recherche au niveau pancanadien, qu'en est-il des autres
juridictions canadiennes, des provinces, des territoires, est-ce qu'ils font
disparaître la mention de sexe des documents de l'état civil?
Ashley (Florence) : Donc, il
y a plusieurs approches qui sont faites à travers le Canada, dans certaines
provinces., donc, disons, dans la plupart des provinces, il y a une option X
qui est créée pour les personnes non binaires, encore là, assimilées à la
notion de sexe, il n'y a pas de distinction entre sexe et genre qui est faite.
Et dans certaines provinces, on a des mouvements verts, enlever les mentions de
sexe sur tous les documents, je pense notamment en Ontario. Depuis 2016, les
cartes d'assurance-maladie ne contiennent aucune mention de sexe ou genre en
Ontario, donc, depuis 2016, n'a pas posé problème. Il y a aussi les précédents
à ce niveau-là, aux Pays-Bas, où, en 2020, il y a eu le retrait de toute
mention de sexe et/ou genre au niveau des papiers d'identité et la Belgique
considère aussi une option similaire en ce moment. Donc, il y a quand même
certains précédents à ce niveau-là. Il y a aussi un parallèle, au niveau de la
mention parentale, avec des provinces comme la Colombie-Britannique et la
Saskatchewan qui appellent tout le monde parent sur les certificats de
naissance, peu importe le cas. Donc, en Colombie-Britannique, c'est le cas depuis...
à la suite d'un jugement en 2001, qui visait l'égalité des couples de même
sexe.
M. Jolin-Barrette : Donc, au
Canada, ce n'est pas uniforme, ce n'est pas toutes les juridictions canadiennes
qui permettent d'enlever la notion de sexe sur les documents d'état civil. Une
question, on a reçu Janik Bastien Charlebois hier ou avant-hier, je pense, c'est
hier, relativement à la notion des enfants nés intersexes. L'objectif que nous
avons avec le projet de loi, c'est de faire en sorte de ne pas mettre de
pression pour que l'enfant subisse une opération rapidement, pas faire en
sorte, supposons, que le corps médical décide rapidement, bien, on va conserver
les organes féminins, puis finalement l'enfant, c'est un petit garçon en
développement... en se développant. Et là ce qu'on voulait faire, c'est de
laisser le temps, et c'est le sens de l'article aussi, pour dire :
Écoutez, laissons l'enfant se développer puis lui-même s'affirmer pour savoir,
dans le fond, quelle est son identité. Ça, c'est l'objectif de la disposition.
Janik Bastien Charlebois, hier, nous a
dit, en gros : On comprend, sauf que ce n'est pas ça que je vous
recommande, je vous recommande, dans le fond, de laisser une assignation
temporaire, dans le fond, que les parents, avec le corps médical, disent :
Bon. Bien, on va assigner à un sexe à la naissance, assignation qui sera
peut-être ou non temporaire. Et là, au fur et à mesure que le développement de
l'enfant, à ce moment-là, s'il y a nécessité de changer son identification, de
changer de sexe, alors on le fera à ce moment-là.
Qu'est-ce que vous pensez de cette
approche-là, pensez-vous qu'on est mieux de conserver, dans le droit, le fait d'avoir
la mention indéterminée ou déjà, tout de suite, de dire : Bien, non,
laissons ça comme ça sur l'assignation temporaire, puis, par la suite, on fera
le changement. Janik Bastien Charlebois nous disait : Écoutez, il y a un
facteur important là-dedans, c'est sur l'acceptation des parents, le
cheminement aussi, tout ça. Et qu'est ce que vous en pensez-vous?
Ashley (Florence) : Donc, je
suis en plein accord avec Janik Bastien Charlebois qui est vraiment une des
plus grandes expertes dans le domaine au monde entier. On a vraiment beaucoup
de chance au Québec d'avoir quelqu'un qui a tant d'expertise sur les enjeux
intersexes et sur les pratiques médicales à ce niveau-là. Je suis en plein
accord avec sa compréhension et aussi ce qu'elle dit...
Ashley (Florence) :
...vraiment s'enligne très bien avec les compréhensions en droit, donc en droit,
tant à travers les différents pays et aussi sur le plan international et je
pense notamment aux documents de la Déclaration de Malte, au principe de yoga
Karta. Donc oui, je suis en plein accord.
Donc, le problème qui... c'est que les
parents vont vivre une pression dès qu'il y a une façon de distinguer d'une
façon ou d'une autre sur l'état civil, que l'enfant est intersexe. Donc, en
laissant la liberté, sans aucun critère médical, de mettre de mette garçon ou
fille, ça réduit cette pression-là et permet donc de justement de donner plus d'autonomie
à ce niveau-là et plus de capacité à disons refuser les pressions que certaines
personnes dans le domaine médical pour essayer de faire pour avoir consentement
des parents à ces chirurgies-là. Donc, à ce niveau-là, je suis en plein accord
avec ce que dit Janik.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous
l'avez abordé rapidement, tout à l'heure, là, sur la question de la
modification de l'acte de naissance de l'enfant dont son parent modifierait son
sexe. Dans le fond, là, on parle d'un document de l'état civil qui appartient à
l'enfant, supposons, plus de 14 ans, là, dans ce cas-là, je pense que c'est 73,
la modification 73 qu'on souhaite faire.
Donc là, on a deux documents officiels de
l'État. Il y a celui du parent qui change son identification, donc, lui, il n'y
a pas d'enjeu, il va venir changer, donc, supposons masculin pour féminin, donc
le fait sur son propre acte de naissance et certificat de naissance. L'enfant,
l'enfant de 14 ans et plus, lui, ce qu'on prévoit, c'est qu'à ce moment-là, la
mention va venir indiquer parent, donc, pour le changement.
Vous vous dites écoutez, non, ça ne
devrait pas être ça parce que vous dites ça vient créer une distinction par
rapport aux parents. De l'autre côté, l'acte de naissance appartient à l'enfant
aussi, donc c'est son document à lui. Comment est-ce que vous vous réconciliez
ça, là, entre les deux? J'aimerais ça vous entendre là dessus parce que ça
inclut des personnes distinctes puis dans le fond, le changement de l'un
impacte le document de l'autre.
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, sur le premier plan, je remarque que déjà le projet de loi tel que rédigé
actuellement prévoit un impact sur le certificat de naissance de l'enfant dans
la mesure où même l'enfant d'en haut de 14 ans aura, s'il y a refus, un
changement de, par exemple, mère à parent. Donc, il y a déjà là... On voit la
volonté du gouvernement à faire des changements. Donc ce n'est pas en soi,
donc, quelque chose qui peut se poser simplement par volonté de l'enfant.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que l'acte
de naissance n'appartient pas à la personne, l'acte de naissance... bon, oui,
le papier est à la personne, mais la question de l'état civil n'appartient pas
à la personne, c'est un droit de l'État. D'où la notion de ce qu'on appelle l'indisponibilité
de l'état civil, qui dit en gros, ce principe qui est considéré comme
fondamental et que à la base, s'il n'y a... la volonté elle-même n'est pas
suffisante pour changer l'état civil, sauf s'il y a des principes d'ordre
public ou de droits de la personne, donc sujet à l'ordre public et aux droits
de la personne, l'État civil appartient à l'État et non pas à la volonté de la personne.
Et c'est ça qui... C'est là vraiment la distinction qui est importante.
• (11 h 50) •
Il y a plusieurs changements qui se font
sur les certificats de naissance, donc, par exemple, des enfants, par exemple,
si les parents font des changements de nom ou comme dans le projet de loi 2, s'il
y a un refus, il y aura un changement qui est fait à Parent pour refléter l'interrelation
entre différents documents d'état civil et entre l'état civil de différentes
personnes. Après, il y a bien sûr la question pratique de savoir, bon, s'il y a
un document qui n'est pas... Donc, les personnes qui reviennent avec leurs
documents, etc. On comprend que ce n'est pas un enjeu qui... Si c'est un enjeu
qui se pose généralement à l'état civil parce que bien qu'il y a une...
Ashley (Florence) : ...une
obligation, par exemple, une personne qui fait un changement, on lui demande de
ramener ses certificats de naissance, mais, si tu en oublies un dans ton
tiroir, bon, ça veut dire qu'il va exister certains certificats qui ne seront
pas tout absolument concordants. Et, en soi, ça ne pose pas nécessairement
problème, notamment parce que le Code civil prévoit que, lorsqu'il y a
changement, tout document précédent est présumé avoir été fait sous, par
exemple, le nouveau nom. Donc, ça ne pose pas en soi de problème sur le plan
juridique.
M. Jolin-Barrette : O.K. Un
grand merci pour votre présence en commission parlementaire, c'est fort
apprécié.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Jean, pour répondre d'emblée à
votre question : une minute.
M. Lemieux : Oh boy! Merci, M.
le Président. Bonjour. Le mémoire est passionnant. Et la beauté de votre
présentation, qui débute notre troisième grosse journée, c'est que ça va dans
le très légal. Alors, permettez-moi de reculer, malgré vos connaissances. Hier,
on a eu avec Séré Beauchesne Lévesque et Daphne Barile, on a eu une
conversation qui a fini par mener à l'idée que peut-être qu'un marqueur de
genre, ce n'est même pas nécessaire, peut-être qu'il ne devrait pas y en avoir,
ni de sexe ni de marqueur de genre, merci, bonsoir. C'est quoi, ça, c'est de la
science-fiction ou c'est un idéal?
Le Président (M.
Bachand) : Rapidement, Florence Ashley, parce que le temps s'écoule.
Merci.
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, je crois que, donc, mon avis n'est pas l'avis de toutes les personnes
dans les communautés trans à ce sujet. Personnellement, bien que je sois, sur
le plan personnel, d'accord avec l'idée d'enlever les marqueurs, ce qui est
justement considéré en Belgique et aux Pays-Bas, je crois qu'il y a une
nécessité d'avoir des consultations communautaires qui sont spécifiques à ce
sujet si on veut envisager ce changement-là parce que, notamment, il y a plusieurs
enjeux à considérer, parce qu'il y a, notamment, peu d'éducation sur le droit à
l'inclusion des personnes trans dans la société civile. Et donc avoir ce
marqueur-là peut partiellement servir à s'auto... dans le fond, aider une
personne à faire respecter son droit...
M. Lemieux : Je comprends,
mais, malheureusement, le président nous regarde de travers, donc je vais céder
mon droit de parole. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Jamais, jamais je ne ferais ça, M. le député de
Saint-Jean. Mais le temps va rapidement, alors je cède de la parole maintenant
à la députée de Westmount St-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonjour, Florence Ashley. Un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui,
encore une fois, en commission, pour discuter des enjeux qui auront un impact
sur la communauté LGBT. Je reflète aussi, je suis très heureuse, comme le
ministre a dit, que maintenant le gouvernement fédéral ira vers l'avant avec
une interdiction des pratiques de conversion. Puis, c'est sûr, je salue
évidemment le ministre d'avoir fait suite au dépôt de mon projet de loi, qui
faisait, dans le fond, le premier geste en ce qui concerne l'interdiction des
pratiques de conversion.
Première question pour vous : Y
a-t-il quelque chose... Vous avez dit dans vos remarques préliminaires :
Au Québec, le sexe inclut l'identité de genre. Y a-t-il quelque chose dans la
loi québécoise qui nous empêcherait d'avoir un marqueur de sexe non binaire?
Ashley (Florence) :
Absolument pas. Donc, le droit québécois est très bien adapté à cette
possibilité-là, notamment parce qu'il considère que le sexe inclut la
perspective psychosociale. Il faut comprendre que, lorsque l'identité de genre
et l'expression de genre ont été ajoutées à la Charte québécoise, c'était...
dans le fond, le but était de rendre plus explicite le fait que les personnes
trans et non binaires étaient déjà protégées sous la notion de sexe. Donc, on
devrait y voir moins une distinction entre sexe et identité de genre, dans le
fond, qu'une spécification qui nous dit le sexe, incluant l'identité, l'expression
de genre. Donc, il n'y a vraiment rien en droit québécois qui empêcherait ça.
Mme Maccarone : Ça soulève la
question. Je pense que pour beaucoup de gens, ils ont un peu de la misère à
comprendre. Si, mettons, on aurait une mention, on aurait m, on aurait f, on
aura... on a entendu hier que la mention de x, ce n'est pas souhaitable, on
devrait avoir peut-être un n-b, par exemple. N'est-ce pas un coming out, à
quelque part, si les gens choisissent le n-b comme identification?
Ashley (Florence) : C'est sûr
qu'il y a cet enjeu-là. Et je crois que c'est particulièrement important ici de
mettre l'accent sur le fait que le gouvernement permet et doit permettre à
toute personne de ne pas avoir de mention, car plusieurs personnes qui sont non
binaires ne voudraient pas indiquer cette information, par exemple, parce qu'elles
veulent naviguer différents contextes sociaux dans différents rôles de genre
pour, par exemple, se protéger. Et, pour que cette option soit...
Ashley (Florence) : ...il faut
qu'elle soit ouverte à toute personne, incluant toutes les personnes qui ne
sont pas trans, parce que si cette option est réservée aux personnes trans, ça
ne fonctionne plus. Donc oui, il peut y avoir un enjeu. Certaines personnes
vont être très confortables avec l'idée d'avoir des documents qui indiquent le
fait qu'elles sont non binaires, mais d'autres personnes, ça ne sera pas le
cas. Il faut donc avoir des options qui sont adaptées à la diversité à l'intérieur
des communautés trans et non binaires, car on ne parle pas ici de communautés
homogènes, mais bien de communautés qui sont très diverses.
Mme Maccarone : Ça me fait
penser, dans votre réponse, je présume que vous êtes d'avis que la mention de
parent aussi est très restrictive dans le projet de loi 2, parce que c'est
réservé uniquement pour les personnes trans, devrait avoir un sens plus large.
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, toute personne devrait pouvoir être parent, et ce, peu importe, si la
personne est trans ou non-binaire.
Mme Maccarone : Parfait.
Expliquez-nous votre vision. Quel est le lien? Vous êtes experte. Quel est le lien
entre l'identité de genre et les droits humains? Je pense que c'est une
question qui est très large, mais très pertinent.
Ashley (Florence) : Oui,
donc, souvent, il y a un peu de mécompréhension dans la société quant au lien
entre le marqueur de genre et le respect des droits de la personne et du droit
à l'égalité, notamment dans l'inclusion dans les espaces genrée. Beaucoup de
personnes semblent croire que les documents d'état civil sont le marqueur de
genre et la base du droit d'accès à certains espaces. Et donc, par exemple, si
une personne n'a pas de f sur sa carte d'assurance maladie, elle n'a pas droit
à accéder, par exemple, à certaines toilettes ou équipes sportives ou autres.
Or, ce n'est pas le cas du tout, parce que l'accès à ces espaces-là fait partie
des... dans le fond, du droit de la personne et non pas du droit d'état civil,
et c'est reconnu, c'est très bien reconnu depuis 1998, 1999, et le Québec était
vraiment en tête de file à ce niveau-là, que l'état civil ne dicte pas l'accès,
c'est l'identité de genre qui dicte l'accès sous le droit à l'égalité.
Mais, malgré ça, et malgré qu'on répète
très souvent dans les médias et on corrige les... plusieurs groupes qui
militent contre les personnes trans qui continuent de répéter que l'état civil
pose des risques à ce niveau-là, malgré le fait qu'on corrige toujours en
disant : Ça n'a rien à voir avec l'état civil, ça tout à voir avec les
droits de la personne. On continue à avoir des personnes qui ne comprennent pas
ça, et je crois que ça serait très important pour le gouvernement de faire de l'éducation
du public à ce niveau-là parce que ça demeure un problème.
Mme Maccarone : Le ministre a
dit qu'il n'était pas de même d'avis que vous selon l'interprétation du
jugement du juge Moore qui a été déposée le 28 janvier. Pouvez-vous nous
expliquer un peu votre vision de là-dessus pour qu'on comprend mieux votre
interprétation, s'il vous plaît?
Ashley (Florence) : Absolument.
Donc, quand on lit le jugement Moore, il faut vraiment faire attention de
distinguer les divers usages des termes. «Sexe et genre» sont utilisés dans le
jugement et je comprends que ça peut devenir un petit peu difficile à certains
points, et, bon, il pourrait y avoir certaines... parfois un petit peu plus de
clarté terminologique. Toutefois, lorsqu'on se... lorsqu'on regarde vraiment,
particulièrement la conclusion, donc, ou le point où il va vraiment nous dire c'est
quoi qui est décidé dans le jugement, ainsi que c'est quoi les ordonnances, on
remarque vraiment qu'il y a là pas aucun désir de créer cette double mention
qui distinguerait les... l'identité et le sexe des personnes trans. Donc, on
regarde au paragraphe 339 où on déclare l'article 61.11,
paragraphe 1, invalide, il nous dit que cette déclaration est faite parce
qu'il ne permet pas aux personnes non binaires de changer la mention de sexe
sur leur acte de naissance pour correspondre à leur identité de genre. Donc, c'est
très clair que c'est en lien avec la mention de sexe.
• (12 heures) •
Et il y a aussi, bien sûr, une ordonnance
qui est par rapport à l'obligation d'avoir une mention de sexe à toute personne
puisqu'au paragraphe 334, le juge prend acte de l'engagement du directeur
d'état civil de délivrer sur demande des certificats d'état civil qui ne contiennent
pas de mention de sexe. Et ce paragraphe-là est immédiatement précédé par une
invalidation de l'article 146 du Code civil, justement, parce qu'il exige
une mention de sexe sur les certificats d'état civil.
12 h (version non révisée)
Mme Maccarone : ...j'ai
plusieurs questions, il va falloir que je fasse des choix. Vous avez dit dans
vos remarques préliminaires que vous n'auriez pas eu la chance de parler des
frais de changement, peut-être que vous pouvez expliquer un peu votre point de
vue là-dessus puis vos recommandations
Ashley (Florence) : Oui,
donc, il faut comprendre que les frais de changement existent parce que le
gouvernement a créé un régime qui impose une mention de sexe à la naissance.
Et, bon, il y a diverses opinions quant à savoir si c'est nécessaire. Mais ce
qui est important de comprendre, c'est que ça demeure, le fait que le prix que
les personnes trans ont à on donner au gouvernement pour faire le changement
est imposé justement à cause des politiques du gouvernement préalable. Et le
problème, c'est que ça... donc ça a l'effet d'agir comme une taxe globale sur
toutes les communautés trans. Donc presque toute personne taxe aura à payer
cette taxe-là pour pouvoir avoir le respect de leur identité.
Donc, en soi, il y a une question d'égalité
globale. Justement parce que c'est en effet une taxe sur une seule population
marginalisée ou, du moins, très disproportionnée sur cette population
marginalisée là. Mais en plus, on sait qu'à cause de la pauvreté des
communautés trans, il y a tellement de personnes trans qui sont immensément
pauvres. On parle de... donc, plus récemment, on parle d'environ le tiers des personnes
trans de plus de 25 ans et plus au Québec qui ont un revenu annuel de
moins de 15 000 dollars. Et donc, si on vit avec moins de 15.000 dollars,
comment est ce qu'on peut payer un changement qui est indexé à 144 dollars?
On a de la misère à payer son loyer, et il y a plusieurs personnes.... et, en
fait, je connais plusieurs personnes qui ont dû attendre plusieurs années avant
de pouvoir changer leur certificat justement par manque de fonds.
Donc, il y a vraiment un impact très
disproportionné à ce niveau-là sur les communautés trans. Et je note que le
projet de loi, justement, reconnaît par exemple une exception aux frais lorsque
c'est en lien avec l'identité autochtone de la personne, et je crois que c'est
une idée superbe et qui devrait justement être étendue aux personnes trans à
cause de cette inégalité là qui pourrait très bien être jugée discriminatoire.
Le Président (M.
Bachand) :Il vous reste 50 secondes,
Mme la députée de Westmount-Saint-Louis.
Mme Maccarone : CDPDJ, ils ont
dit qu'eux ne sont pas d'accord, tu sais, quand quelqu'un, mettons, de 14 ans
fait une demande de faire un changement, ça prend le papier, il y a un
accompagnement de papier du médecin. Êtes-vous d'accord avec eux? Une
professionnelle... attestant un changement est approprié. Est-ce que ça, c'est
important? Puis devons-nous mettre fin à tout ça? Puis devons-nous aussi se
craindre... On a dit qu'on s'attend après à des amendements, qu'il n'y aura
plus besoin de changement chirurgical pour avoir accès à un changement de sexe.
Mais devons-nous se craindre des autres choses, mettons, des critères qui
seront exigés, comme la thérapie hormonale, etc.?
Le Président (M.
Bachand) :Quelques secondes, parce que le
temps est écoulé.
Ashley (Florence) : Oui,
donc. Déjà, tout critère médical quelconque est contraire à la jurisprudence
qui existe. Ce n'est pas quelque chose qui est acceptable et c'est quelque
chose qui... donc, il faut enlever toutes les barrières. Tout au contraire. À
ce changement-là, je suis parfaitement d'accord que... le prérequis d'avoir une
lettre pour confirmer pour les jeunes de... pour les jeunes n'est pas... ne
devrait pas être demandé simplement par le fait que... je sais bien, je
travaille justement... une de mes spécialités, c'est les soins pour les jeunes
trans. Je suis très... donc c'est un enjeu... je travaille beaucoup. Et la
recherche démontre que les jeunes trans, de un, se connaissent, mais plus
important se connaissent mieux que toute autre personne. Donc il n'y a vraiment
aucune base pour faire ce jugement-là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Mme la députée
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plait.
Mme Massé : Oui, bonjour
Florence, contente de vous retrouver. Merci d'être là avec nous. Dans le fond,
je veux être certaine de bien... d'avoir bien entendu. Concernant les papiers
de l'état civil, le papier n'appartient pas à la personne, mais il appartient à
l'État. Donc, par conséquent, ce que vous dites, c'est : Concernant le
changement du marqueur parental, la possibilité pour les enfants de 14 ans
et plus, ça n'a pas de bon sens parce que dans les faits, ça n'appartient pas à
l'enfant, ça appartient à l'État. Je vais vous poser tout de suite ma deuxième
question, parce que j'ai juste 2 minutes alors. L'autre, c'est... je veux
être aussi bien certaine d'avoir compris…
Mme Massé : ...que pour vous,
et vous n'êtes pas la seule, la question de... la possibilité d'inscrire
"parent" ne devrait pas être réservée aux personnes... en fait, je
vais le dire à la positive, devrait être possible pour tout le monde, même
chose pour la case "non-binaire", devrait être possible pour tout le
monde, bien, tout le monde qui se reconnaît comme non-binaire, et, finalement,
de pouvoir retirer les mentions de sexe sur les certificats de l'État, et
éventuellement ça découle sur les papiers sociaux, devrait aussi être possible
pour tout le monde.
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, je confirme qu'au niveau de la deuxième, slash, troisième question, la
mention "parent" et le retrait de toute mention de sexe devraient
être permis pour absolument tout le monde. C'est même là la base même du
principe de préserver la vie privée. Si c'est réservé seulement à des
communautés marginalisées, il y a forcément une indication du fait que la
personne est trans. On ne peut pas avoir ça. Il faut donc ouvrir cette option à
tout le monde. Par rapport à l'état civil, bon, je peux faire une petite
distinction entre papier d'état civil et état civil lui-même. Parce que, bon, c'est
le concept d'état civil qui appartient... donc, c'est l'état civil... la
personne qui appartient à l'État et non à la personne. Le papier, bon,
techniquement, c'est son papier physiquement, mais ce qui est écrit dessus et
le fait que ça correspond à son état civil, ça appartient à l'État. Bon,
avec... très important, sujet aux droits de la personne et aux politiques d'ordre
public, ce qui est justement la raison pourquoi on doit y avoir un respect de
la personne trans parce que, justement, c'est sujet aux droits de la personne.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Bonjour.
Merci de votre présentation. À la page 7 de votre mémoire, quand vous parlez de
la possibilité de n'avoir aucune mention de sexe, vous dites que c'est une
ordonnance du jugement Moore. Donc, juste pour être très claire sur la base du
droit, vous estimez que, si on veut suivre le jugement Moore, il faut
absolument permettre la possibilité de ne pas avoir de mention de sexe. Pour
vous, il n'y a aucune ambiguïté par rapport à ça.
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, c'est très clair dans les termes que le jugement Moore utilise,
particulièrement dans l'ordonnance, donc au paragraphe 343 et 344, où il y a justement
le fait que l'article 146 du Code civil, parce qu'il exige une mention de sexe
sur les certificats d'état civil, est non valide, et 344 qui prend acte de l'engagement
d'offrir des certificats qui ne contiennent pas de mention de sexe. Donc, oui, c'est
très clair dans le jugement.
Mme Hivon : O.K. Parfait,
merci. À la page 13, vous nous parlez, à la toute fin, dans le dernier
paragraphe, là, qu'il faut faciliter au maximum la possibilité de changer la
mention de sexe en permettant, donc, aux personnes intersexes de faire les
changements qui leur sont nécessaires si elles le souhaitent. Dans la réalité,
est-ce que ces changements-là peuvent être, je vous dirais, successifs et
fréquents? Et quelles sont les implications de ça? Qu'est-ce qu'on devrait
tenir à un compte, là, pour les personnes intersexes quand on considère la
possibilité d'avoir quelques changements de mention?
Ashley (Florence) : Oui.
Donc, en général, non, ce n'est pas, donc, ce n'est pas fréquent. Donc, en
général, les personnes ne vont pas changer leur certificat, bon, à... tu sais,
un dans ci, un dans ça. En même temps, il faut aussi comprendre que plusieurs
personnes vivent des réalités très complexes et naviguent aussi... des systèmes
sociaux très complexes, et il ne faut donc pas créer de barrières à des
changements, même si ceux-ci seraient fréquents parce que ça ne veut pas
dire... un changement fréquent ne veut pas dire que ce n'est pas sérieux, c'est
un reflet non pas du manque de sérieux de la personne, mais de la complexité
sociale qui est naviguée à ce niveau-là par la personne parce que nos contextes
sociaux peuvent évoluer très rapidement dans différents contextes. Donc, je
dirais, non, ce n'est pas fréquent. Malgré cela, il ne faut pas rendre ça plus
difficile si c'est le cas.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Alors, sur ce, Florence Ashley,
merci beaucoup d'avoir encore été une fois avec nous ce matin. C'est très
apprécié.
Sur ce, je suspends les travaux pour
accueillir nos prochains invités. Merci beaucoup. À bientôt…
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 13)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend
ses travaux. Alors, il nous fait plaisir d'accueillir les représentantes du
Mouvement Retrouvailles, de même que Les Oubliés-es de la loi 113. Donc,
bienvenue. Merci d'être avec nous. Alors, je vous demanderais peut-être, dans
un premier temps, de vous identifier et, après ça, débuter votre exposé. Comme
vous savez, après nous aurons une période d'échange avec les membres de la
commission. Donc, encore une fois, merci d'être avec nous. Alors, je vous cède
la parole.
Mme Fortin (Caroline) :
Alors, bonjour à tous. J'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent.
Donc, nous avons Mme Lisette Gobei, qui est vice-présidente Mouvement
Retrouvailles, qui est une personne adoptée, qui est à la recherche de son père
et de sa fratrie. Et nous avons madame Sylvie Carole Picard, qui est
représentante du groupe Les Oubliés-es de la loi 113. Elle est la fille d'un
père adopté, décédé. Quant à moi, Caroline Fortin, je suis la présidente et la
coordonnatrice provinciale du Mouvement Retrouvailles. Je suis aussi une
personne adoptée. J'ai retrouvé mes origines maternelles en 1996 et paternelles
en 2019.
Alors, premièrement, nous aimerions
remercier les membres de la commission de nous recevoir aujourd'hui dans le
cadre de ces consultations particulières qui nous interpellent directement,
ainsi que tous ceux et celles qui ont contribué à l'élaboration du projet de
loi numéro 2.
En lisant votre mémoire, vous aurez
constaté que nous sommes heureux que le Québec ait enfin décidé de reconnaître
officiellement le droit aux origines pour tous. Le PL 2 vient compléter
les manques ou dispositions adoptés à l'unanimité en juin 2017 sous le projet
de loi 113. Les recommandations dont nous vous avons fait part au fil des
ans sont finalement introduites dans le projet de loi. C'est donc qu'elles ont
suscité un grand intérêt au sein du gouvernement. En fait, c'est ce que nous
aimons croire.
Aujourd'hui, nous sommes ici pour vous
faire part de notre grande satisfaction et pour soulever certains enjeux à
considérer. Nous ne reprendrons donc pas l'intégralité de notre mémoire. Vous
aurez compris que nous vous présenterons notre point de vue en ce qui a trait
aux droits, aux origines seulement ou majoritairement, devrais-je dire.
Nous constatons que le Québec est prêt
pour une avancée majeure en ce qui a trait aux droits égaux de tous chacun. Le
fait d'ajouter le droit aux origines à la Charte des droits et libertés est un
très grand pas. La personne
En ce qui concerne les nouvelles
dispositions proposées, en résumé, il est prévu que l'acte de naissance indique
que s'il y a eu une modification à l'acte d'origine, que le certificat de
naissance d'origine et le jugement d'adoption seront disponibles, que la
fratrie soit mise en contact, que les descendants du premier degré d'une
personne adoptive décédée aient accès aux informations, que leur refus sur
la...
Mme Fortin (Caroline) : ...du
parrain est levée dès que l'adopté atteint 18 ans ou un an après le décès, seul
le refus de contact peut être retenu ou ajouté, que la divulgation de l'identité
de l'adopté est permise lorsqu'il atteint ses 18 ans, qu'un tiers ne peut pas
placer ou retirer un veto pour un bénéficiaire, que les données médicales d'un
parent soient accessibles par le médecin traitant de l'adopté sur consentement
et des informations médicales à jour faciliteront les diagnostics et
traitements médicaux pour l'adopté et ses descendants, et qu'il y ait plus de
services offerts par les CISSS, CIUSSS, notamment au niveau des services
psychosociaux.
Nous ne pouvons qu'applaudir ces
modifications. Un plus grand nombre de personnes auront maintenant accès aux
renseignements contenus aux dossiers d'adoption, donc à leurs origines, leurs
racines, leur vérité. Le droit à l'égalité et à la dignité est un droit pour
tout être humain, qu'il soit adopté ou non.
Alors, actuellement, la personne concernée
par l'adoption a droit, sous certaines conditions très restrictives, d'avoir
son identité et celle de ses parents d'origine s'il y a un document officiel
reconnu par le gouvernement au dossier. Cette dernière restriction est levée
sous le PL 2, ce qui est très juste et équitable envers tous. La personne qui
recevra l'identité de ses parents d'origine pourra en faire la vérification
elle-même, comme par exemple via l'ADN comme plusieurs le font déjà pour
obtenir des réponses. L'adopté saura désormais d'où il vient, qui lui a donné
la vie, où sont ses racines, quels sont ses antécédents médicaux ou familiaux,
qui sont ses frères et sœurs d'origine. Le casse-tête sera désormais résolu si
les modifications suggérées sont adoptées rapidement.
Jadis, confier un enfant à l'adoption n'était
pas nécessairement un acte intentionnel, mais plutôt un acte pour satisfaire la
religion, la société et la famille. On ne voulait pas ternir l'image avec un
enfant né hors mariage. Aujourd'hui, quoique les raisons pour procéder à une
adoption ne soient pas les mêmes, il n'en demeure pas moins qu'il est très
difficile pour le parent d'origine de vivre une telle séparation et pour l'enfant,
de perdre son lien d'attachement avec celle qui l'a porté neuf mois avec ses
racines.
Ceci nous mène à penser qu'un mode d'adoption
additionnel au mode déjà existant pourrait être offert à certaines occasions,
soit un type d'adoption complétive, une adoption sans rupture du lien de
filiation. Ceci permettrait de conserver le lien filial entre l'adopté et les
parents d'origine, tout en transférant l'exercice de l'autorité parentale à des
parents adoptifs. Un parent pourrait consentir à ce type d'adoption, conserver
son titre de mère ou de père, mais n'ayant pas les responsabilités légales qui
s'y rattachent. Nous pouvons penser à une telle solution par exemple pour un
enfant qui est plus vieux, qui est en famille d'accueil.
Avant que l'adoption ne soit envisagée, il
est donc primordial que le consentement des parents d'origine ait été obtenu en
toute connaissance de cause et lorsqu'ils étaient aptes à en décider ainsi. Il
est également des plus importants que la famille immédiate de l'enfant soit
prise en considération lors d'un tel projet de vie. En effet, le lien qui unit
cet enfant avec ses grands- parents, ses tantes et ses oncles, ses frères, ses
sœurs ou tout autre membre en lien direct avec la famille est un lien d'origine
très important. La décision définitive d'opter pour un type d'adoption ou un
autre devra être prise en considérant ce lien d'appartenance significatif qui
relie l'enfant à ses origines si ceci est dans le meilleur intérêt de l'enfant,
bien naturellement.
Les raisons menant à cette décision n'étant
plus les mêmes que celles d'antan, il faut évoluer avec notre temps et offrir
le meilleur des mondes à nos enfants. Adopter un enfant était, est et sera
toujours un projet de vie tant pour l'adopté que pour l'adoptant. Dans tous les
cas, l'enfant doit être au cœur de la décision. Il doit en être le sujet et non
objet. Ses droits et ses intérêts doivent être respectés, ce qui semble avoir
été bien entendu. D'où l'importance d'offrir une plus large palette de
possibilités pour un projet de vie sain et équilibré.
La connaissance de ses origines est un
besoin fondamental de la personnalité humaine. On doit être en mesure de
pouvoir s'identifier pour aller de l'avant en permettant... la personne adoptée
décédée d'avoir accès aux informations qui les concernent par filiation et à la
fratrie d'être informée et mise en contact. Le Québec fait preuve d'une très
belle et grande ouverture.
• (12 h 20) •
Même si nous sommes en accord avec les
modifications suggérées, nous trouverions intéressant d'ajouter l'accès complet
aux documents inclus dans les dossiers de naissance et d'adoption, ce qui
éviterait bien des interprétations dans plusieurs cas, de ramener à 18 ans l'âge
auquel une personne peut faire une demande d'antécédents et retrouvailles sans
le consentement... sur le consentement de son parent adoptif. De plus, comme
nous ne connaissons pas les procédures se rattachant aux diverses modalités
énoncées dans le projet de loi, nous nous permettons de recommander, entre
autres, que le budget nécessaire...
Mme Fortin (Caroline) : ...bon
fonctionnement des services d'adoption, d'antécédents et de retrouvailles des
CISSS et des CIUSSS soit augmenté, que les effectifs nécessaires à un excellent
fonctionnement, efficace et efficient, soient mis en place, que le personnel
rattaché à ces dossiers ait une formation adéquate et une expérience dans le
domaine.
Disons que l'expérience vécue avec la mise
en place de la Centrale Info-Adoption en juin 2018 nous a laissé un goût amer.
Plusieurs situations malheureuses ont été relevées. Les délais de traitement de
dossiers étaient interminables, des résultats erronés ont été transmis, des
manques à l'éthique ont été relevés, des interventions très rigides, et nous en
passons.
Heureusement, depuis la fermeture de ce
service, les demandes ont été retournées dans les services antécédents et retrouvailles
des CISSS et des CIUSSS concernées et plusieurs de ces situations ont été
corrigées. Mais il n'empêche que les délais pour traiter un dossier demeurent
encore beaucoup trop longs, soit entre 18 et 24 mois, voire plus, selon les
régions. Les procédures administratives trop lourdes nuisent au bon déroulement
du traitement des dossiers. N'oublions pas ici que l'on traite avec des gens en
quête de réponses importantes pour eux, parfois fragiles, qui cherchent et
espèrent depuis longtemps. Le côté humain de l'approche est très important.
Les services d'adoption, d'antécédents et
retrouvailles doivent devenir une priorité en santé et services sociaux afin
que les intervenants, intervenantes puissent exercer leur travail libre de
barrières administratives avec compassion et humanisme, ce qui facilitera leur
travail et leurs relations avec les usagers. Le ministère de la Santé et des
Services sociaux doit s'assurer du bon fonctionnement de tous ses services de
façon juste et équitable. Pour ce faire, il est important que les gens qui
travaillent sur le terrain soient écoutés, entendus et respectés. Tous s'en
porteront mieux.
Je me répète, mais en modifiant les lois
actuelles, le ministre de la Justice donne enfin la vérité à plusieurs
personnes confiées à l'adoption. Il se peut que certaines personnes ne soient
pas entièrement satisfaites des modifications suggérées et qu'il restera des
cas plus délicats ou problématiques. Mais il sera possible de gérer le tout de
façon particulière, comme dans tout autre domaine. À notre avis, le PL 113
était basé sur des cas d'exception. Les procédures à appliquer pour respecter
les mesures adoptées ne reflétaient pas la teneur originale dudit projet de
loi. Le PL 2, quant à lui, semble beaucoup plus axé sur la généralité et non
sur l'exception, ce qui en fait un projet de loi des plus respectables en
matière de droit aux origines.
Le fait de connaître son statut d'adopté,
son identité et celle des autres membres de sa famille d'origine ne mèneront
pas automatiquement à des retrouvailles. De plus, le fait de se retrouver ne
redonne aucun droit et/ou responsabilité légale aux parties concernées.
Cependant, le fait de restreindre la divulgation d'informations sous prétexte
de conserver le secret du passé ne tient plus en 2021. Adopter les
modifications suggérées est une façon de mettre un baume sur les erreurs du
passé et d'en corriger le tir. Est-ce que le Québec est enfin prêt? Nous le
pensons vraiment. Nous vous remercions donc de l'attention portée et espérons
sincèrement que le gouvernement du Québec adoptera rapidement les nouvelles
mesures suggérées, lesquelles sont plus adéquates aux valeurs d'aujourd'hui et
surtout au respect du droit à l'identité pour tous et chacun. Voilà. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, Mme Fortin. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Mme Fortin, Mme Gobeil, Mme Picard, bonjour. Merci d'être
parmi nous. À votre dernière question, sur la rapidité de l'adoption du projet
de loi, bien, écoutez, ça ne dépend pas juste de moi, ça dépend de mes
collègues autour de la table. Mais moi, c'est très clair que je souhaite que ce
projet de loi puisse être adopté dans les meilleurs délais.
Écoutez, je tiens à vous remercier et à
remercier le mouvement Retrouvailles qui, depuis 1983... vous accompagnez les
personnes qui ont été confiées à l'adoption les parents d'origine également.
Vous avez été impliqués notamment sur le projet de loi 113. Vous avez suivi...
je me souviens, on était en commission parlementaire, vous avez suivi toutes
les étapes dans la salle de la commission parlementaire. Vous avez présenté des
points qui sont justes et légitimes, et c'est pour ça qu'on donne suite
notamment aux recommandations... bien, à plusieurs recommandations que vous
nous aviez fait part à l'époque.
Puis, honnêtement, je suis très fier des
dispositions que le gouvernement a décidé de mettre en oeuvre parce que je
crois que les personnes qui ont été confiées à l'adoption ont droit à la
connaissance de leurs origines aussi. Et ça m'apparaît fondamental parce que
lorsqu'on constate ça, les gens qui naissent dans leur famille biologique,
généralement, ont une connaissance de qui sont leurs parents biologiques, ce
qui n'est pas le cas pour les personnes confiées à l'adoption parfois. Et
lorsque l'État a ces informations-là, bien, est-ce qu'on peut justement...
M. Jolin-Barrette : ...aider
les personnes, confiées à l'adoption, à connaître leurs origines. Je vous
demanderais... Vous dites dans votre mémoire, là : L'enfant est enfin le
sujet, dans le monde de l'adoption, et non l'objet comme il l'a été trop
longtemps, ses droits sont reconnus et respectés. Pouvez-vous nous dire, c'est
quoi l'importance de ce droit-là, puis qu'est-ce que vous voulez dire en
parlant que l'enfant, c'était l'objet avant?
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, c'est que, par le passé, je vous dirais qu'on ne considérait pas l'adoption,
comme, justement le meilleur intérêt, bien, le meilleur intérêt de l'enfant. L'enfant
était confié à l'adoption pour sauver la face au niveau de la religion, de la
société, de la famille, on le confiait à l'adoption, et des parents allaient
adopter. Bah, oui, je ne dis pas que c'est tout le monde, là, qui a fait en sorte
que l'enfant était l'objet de l'adoption, mais à quelque part, il y en a qui se
sont dit : Bon, bien... Tu sais, ils ont fait des promesses à Sainte-Anne,
ou Sainte de je ne sais pas qui, et ils ont adopté des enfants juste pour la
forme, pour la promesse qui a été faite, pour... Bon, mais plusieurs ont adopté
pour leurs besoins à eux parce qu'ils n'étaient pas capables d'avoir d'enfants
et tout ça et aussi étant bien conscients d'offrir un foyer beaucoup plus
adéquat à l'enfant. Sauf que ça n'a pas toujours été, là, dans toutes les
situations, le sujet, donc c'était vraiment un objet. C'est une image, là, vous
allez me dire, mais je pense que c'est important, là, de faire la différence
entre le besoin de l'enfant qu'il soit le coeur de la décision et non un objet.
Est-ce que ça répond à votre question?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Pourquoi c'est important d'inscrire, dans la Charte des droits et libertés de
la personne, le droit à la connaissance de ses origines? Pouvez-vous nous
expliquer, là, la quête identitaire, là, d'une personne qui a été confiée à l'adoption?
Pourquoi on doit y répondre?
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, une personne qui a été confiée à l'adoption ne connaît... bon, connaît
ses parents adoptifs, et ça n'enlève rien... Le fait de vouloir connaître ses
origines n'enlève rien aux parents adoptants - ça, je tiens à le préciser -
mais c'est un besoin viscéral de savoir d'où on vient, qui on est, qui est la
personne qui nous a mis au monde, qu'est-ce qu'elle nous a transmis. Puis je
parle de la personne qui nous a mis au monde, mais aussi il y a un père dans
tout ça, là, je veux dire, ça ne s'est pas fait tout seul. Donc, c'est des
informations qu'en tant qu'être humain une personne adoptée n'avait pas accès.
Et ça vient tout au long de la vie, à différents degrés, et selon les
personnes, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, mais on se
pose des questions. On a des comportements, des fois, on ne sait pas d'où ça
vient. On a des goûts, on a des... Bon, en tout cas, il y a plein de choses
dans notre vie, c'est viscéral, c'est difficile à expliquer, mais, moi, je le
compare souvent à... Là, les gens vont trouver... les gens vont trouver ça peut-être
drôle, mais je pense que c'est la meilleure image. Lorsqu'on va adopter ou on
va prendre un animal à quelque part, souvent, on a le pedigree complet. On a
une tranche de steak dans notre assiette puis on est capable d'avoir la
traçabilité de ce morceau de viande là. Nous, en tant que personne adoptée, il
y a encore des restrictions à savoir où on vient, mais on est des êtres
humains. Je veux dire, à quelque part, que, moi, je sois adoptée, que l'autre
personne ne le soit pas, pourquoi il y a une différence à ce niveau-là. Et
aussi, bien, naturellement, au niveau des données médicales, quand on va chez
le médecin, c'est des antécédents médicaux qu'on n'a pas. Le projet de loi 2...
ou encore sur cette... ce lien-là, d'avoir nos données médicales. Mais c'est
vraiment... Il faut savoir qui on est à un moment donné dans la vie. Puis j'entends
déjà des gens dire : Ah! bien, oui, mais moi, ça ne m'a pas dérangé. Non,
peut-être qu'actuellement, ça ne dérange pas, mais peut être que dans dix ans,
dans quinze ans, il va arriver des choses puis on ne sait pas d'où ça vient.
Ces gens-là ont des enfants. Qu'est-ce qu'on a transmis à nos enfants... aussi,
c'est important. Donc, c'est vraiment... On est comme un arbre sans racine, à
quelque part, là, tu sais, on branle au vent, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Qu'est-ce
que vous pensez justement, là, de la disposition qui fait qu'on va pouvoir
permettre dorénavant au descendant au premier degré d'un adopté d'accéder, lui
aussi, à la connaissance des origines? Donc, ça ne sera pas uniquement la
personne qui a été confiée à l'adoption, mais également son descendant au
premier degré qui, lui, va pouvoir avoir accès également à la connaissance des
origines.
• (12 h 30) •
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
je vais laisser...
12 h 30 (version non révisée)
Mme Fortin (Caroline) : ...Picard
veut répondre à cette question, elle est elle-même une personne touchée par
cette mesure.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Bonjour,
M. le ministre. Merci. En tant que descendante directe d'une personne qui a été
adoptée et qui est décédée en bas âge, à 48 ans, mon père est décédé. Vers la
fin de sa vie, il avait amorcé sa demande, là, sa recherche d'origine. Pendant
longtemps, il disait que ce n'était pas un besoin, puis, vers la fin de la vie,
quand qu'il a commencé à être malade, bien, c'est devenu de plus en plus
important pour lui. Il l'a fait, il aurait aimé avoir la réponse avant de
partir, mais c'était aussi important que moi, j'aie la réponse, pour moi, et
mes enfants, et tous les descendants. Maintenant, je suis grand-maman.
Mon père est décédé jeune, mon frère est
malade, mon fils est malade. Et puis, bien, c'est ça, j'aimerais bien savoir si
c'est génétique. Quand moi, quand je réussis à avoir un médecin, on me demande :
Bon, vos parents, vos grands-parents. Mais moi, j'ai juste à côté de mon arbre
généalogique, c'est côté de ma mère parce que mon père a était adopté, puis on
n'a jamais eu de réponse même si mon père avait signé un document à l'effet que
j'étais au courant de ses démarches, que j'étais avec lui pour l'accompagner
dans ces démarches-là. Je crois qu'il serait vraiment heureux de savoir qu'aujourd'hui,
au Québec, en 2020, bien, peut-être qu'on va avoir le droit, en tant que
descendants, d'avoir ces informations-là qui sont dans le dossier.
Donc, il y a plein de gens qui sont
décédés ou qui sont en fin de vie présentement et qui avaient peur avec la loi
113, vu que les dossiers, ça prenait beaucoup de temps avant d'avoir des
réponses, ils avaient peur de décéder avant d'avoir la réponse parce qu'en tant
que descendants, on se faisait fermer la porte à toute information concernant
notre parent qui était adopté et décédé. Donc ça, c'est une grande chose qu'on
ait accès à ces informations-là pour retrouver la famille d'origine, puis avoir
des informations médicales importantes dans nos vies, et de savoir... bien, de
connaître à peu plus, là, les origines, c'est superimportant, là. Mon père est
décédé, ça fait plus de 25 ans, puis ça reste que j'ai encore besoin, moi, de
connaître cette partie-là qui venait de mon père, tu sais. Donc, je pense que
ça va être le même constat pour toutes les personnes adoptées ou adoptables.
M. Jolin-Barrette : Je pense
que c'est très important, ce que vous nous dites, parce que vous venez
illustrer concrètement ce qu'elle veut faire, la disposition législative, puis
pourquoi on le fait. Donc, votre témoignage est très pertinent à cet effet-là.
Vous avez abordé également, en même temps,
l'aspect médical. Là, on vient modifier l'article sur... on vient enlever le risque
de préjudice pour permettre aux médecins d'y aller un petit peu plus largement
pour vérifier les antécédents, parce que l'enjeu avec le risque de préjudice,
mais c'est souvent quand la personne confiée à l'adoption, elle était rendue
dans le bureau du médecin, tu sais, puis là, bien, je suis malade, là. Donc là,
on va en amont pour faire en sorte que, bien, le médecin pourra accéder à
certaines informations du dossier médical justement pour prescrire aux
personnes qui ont été confiées à l'adoption. Mais je regarde l'historique et
donc, bien, il y a des maladies héréditaires, peut-être tout ça, pour prévenir
justement, parce qu'encore une fois, bien que le dossier médical soit
confidentiel de tout le monde au niveau... dans les familles biologiques puis dans
les familles confiées à l'adoption, bien souvent, dans les familles
biologiques, quand vous grandissez dans votre famille biologique, bien, vous
savez que maman, papa, grand-papa, grand-maman, bien, ils ont eu le cancer, ils
ont tel type de maladie, tout ça. Donc, c'est un peu ça qu'on cherche à faire,
justement, en élargissant ça, tout en préservant la confidentialité parce que
ça va être dans les mains du médecin, mais ça donne la possibilité au médecin
traitant de le faire. Donc, je comprends que ça aussi, vous appuyez ça.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Non,
tout à fait. Tout à fait, c'est superimportant.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être pouvez-vous nous décrire comment ça fonctionne actuellement, avec les
règles du Code relativement à la fratrie, pour retrouver quelqu'un de la
fratrie quand quelqu'un a été confié à l'adoption, le mécanisme, comment ça
fonctionne?
Mme Fortin (Caroline) : Actuellement,
avant... alors, ça prend ce qu'on appelle une concordance, donc il faut qu'il y
ait une demande des deux parties, donc une personne adoptée qui a, par exemple,
deux... un frère et une soeur aînés qui ont été adoptés, il faut qu'une ou ces
personnes-là fassent également la demande. Alors, si elle l'ignore, bien, ils
ne pourront pas faire la demande là-dessus. Peut-être que Mme Gobeil pourra
parler de l'importance de...
Mme Fortin (Caroline) : ...de
tout ça, elle est elle-même à la recherche, là, d'un frère et d'une soeur qui
ont été adoptés. Donc, si vous le permettez, je vais lui laisser la parole.
M. Jolin-Barrette : Bonjour.
Mme Gobeil (Lisette) : Bonjour,
M. le ministre. Moi, c'est ça, j'ai un frère et une soeur qui sont plus âgés
que moi. Ça fait que j'ai su qu'eux ont déjà fait des demandes, sauf queux ils
ont fait des demandes dans les années 80, ça fait que, dans ce temps-là,
comme on dit, les papiers ne... il n'y avait pas pour cocher la fratrie, ça
fait que vu qu'ils n'ont pas cette coche-là dans le dossier, ça fait que je ne
peux pas avoir... je ne peux pas faire de concordance, je ne peux pas savoir s'ils
sont au courant qu'ils ont eu d'autres enfants parce que les premiers... c'est
tout en descendant. Comme moi, je sais qu'il y en a deux, puis je ne savais pas
qu'il y en avait après. Ça fait que ça... puis le gouvernement... pas le
gouvernement, mais les centres jeunesse ne font pas non plus de mises à jour de
leurs dossiers, même si je leur ai offert, là, de les aider. Ils ne font pas de
mises à jour. Ça fait que c'est... tant qu'eux ne modifieront pas leurs papiers
dans... pour les centres jeunesse, je ne serai pas au courant.
Puis ce qui est... avec la loi 113,
bien, ce qui m'a permis de savoir que j'avais une autre soeur, c'est parce qu'elle
est née après moi. Ça fait que, là, on a eu le droit de faire une concordante.
Parce que moi, j'avais coché cette partie-là pour la fratrie. Ça fait que ça, j'étais
bien contente d'apprendre que j'avais une soeur, parce que, sinon, s'il n'y
aurait pas eu ce projet de loi là pour modifier ça, je ne l'aurais jamais su.
Ça fait que c'est pour ça qu'avec le
p.l. 2, ce qui va être intéressant, c'est que les deux plus vieux que moi,
j'ai... je sais qu'ils sont au dossier. Dans mon dossier, je vais pouvoir les
connaître. Bien, s'ils veulent, là, mais, je veux dire, au moins, ça me permettrait
un peu de clore ce dossier-là, mais aussi, je suis à la recherche de mon père,
ça non plus, ce n'est pas terminé non plus, là. Mais, au moins, je me dis, dans
notre vie, là, on ne peut pas passer une vie... là, je passe ma vie à chercher,
mais, tu sais, je me dis, à l'âge que je suis rendue, mon conjoint, il est
décédé, mais, dans le temps, il m'a aidée beaucoup, lui, malheureusement, il est
décédé, ça fait que lui, il ne saura jamais la suite, mais moi, je ne veux pas
que ça m'arrive que je décède avant de savoir mon dossier. Moi, dans ma vie, je
vais avoir toutes mes réponses que je me demande depuis... ça fait 40 ans
que je cherche, là, ça fait que, tu sais, j'ai hâte d'avoir des réponses puis
être capable... puis je mets beaucoup de temps là-dedans.
Puis là, ce qui nous aide, nous autres,
dans ce temps-ci, c'est beaucoup l'ADN. C'est comme ça, moi, que j'ai retrouvé
ma mère, parce que je l'ai retrouvée avant le p.l. 113. Mais je me dis :
Il faut donc se battre pour avoir nos antécédents sociobiologiques puis pour
avoir, comme on dit, nos racines. Puis ça fait que c'est pour ça, moi, je
trouve ça vraiment important pour... puis je pense que ça va permettre aux
adoptés aussi d'enlever cette pression qu'on a toujours quand on va chez le
médecin, c'est quoi, vos antécédents? Bien, je ne peux pas vous répondre. Je ne
connais pas mes antécédents sociobiologiques, ça fait que ça aussi ça devient
beaucoup pesant sur nos épaules, cette partie-là de notre dossier qu'on ne
connaît pas. Ça fait que je vous remercie de m'avoir écoutée.
M. Jolin-Barrette : Bien,
merci pour votre réponse. Et justement la disposition dans le projet de
loi 2, ce qu'elle fait, c'est que... pour bien expliquer aux gens, c'est
que désormais qu'un seul enfant confié à l'adoption, lui va dire : Bien,
moi, je recherche mon frère ou ma sœur. Et là, si la deuxième personne, le
frère, la soeur, qui a été confié à l'adoption, avant, s'il n'avait pas dit qu'il
recherchait lui aussi, bien, ça bloquait là. Désormais, le contact va pouvoir
être fait vers la fratrie. Écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre
présentation. Je vais céder la parole à mes collègues, mais un grand merci pour
votre présence.
Le Président (M.
Bachand) :55 secondes... mais avant
de continuer, j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter 5 minutes à
la séance, afin de respecter le droit de parole. M. le député, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Consentement.
Merci beaucoup. Bonjour, mesdames. On vous le souhaite, madame, que vous
puissiez avoir toutes ces informations-là, puis le projet de loi va d'ailleurs
le permettre. Rapidement, le veto de contact, le refus de contact, on en a
parlé, vous en avez parlé au début. On a eu une agricultrice hier qui est venue
nous en parler. Son besoin était davantage informationnel que relationnel.
Est-ce que c'est la même chose pour vous? Et deuxième question, rapidement, le
département de retrouvailles dans les CIUSSS et les CISSS, vous avez dit que c'était
mieux. Ça s'est amélioré. Y aurait-il des points à améliorer également? Donc
voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Il reste quelques secondes
seulement, s'il vous plaît. Désolé.
• (12 h 40) •
Mme Fortin (Caroline) : O.K.,
en fait, pour répondre à la première question, pour le veto de contact, on a
toujours été un accord parce qu'on peut comprendre qu'on ne peut pas obliger
deux personnages à se rencontrer. Par contre, au niveau de l'identité, c'est
très différent, parce que, là, c'est vraiment nos origines et notre identité.
Alors, c'est la différence entre les deux. C'est certain qu'on...
Mme Fortin (Caroline) : ...s'il
n'y a pas de veto de contact, on va être des plus heureux, mais, si jamais il y
en a un, on comprend très bien, il y en a déjà un puis que les gens vivent bien
avec ça. Et la deuxième question, c'était...
M. Chassin :Le département de retrouvailles.
Mme Fortin (Caroline) : Oui,
département de retrouvailles, c'est au niveau des CISSS et des CIUSSS depuis...
bien, ça fonctionnait bien, les délais étaient longs avec la centrale
Infoadoption qui est venue mettre - excusez-moi le mot, je vais le mettre entre
guillemets, mais le bordel...
Le Président (M.
Bachand) :Parfait.
Mme Fortin (Caroline) : ...ça
n'a pas été...
Le Président (M.
Bachand) :Alors sur ce mot, sur ce mot,
madame Fortin, je dois céder la parole. Il n'y a pas de lien, en passant, là,
mais je dois passer la parole au député de Lafontaine. M. le député de
Lafontaine.
Mme Fortin (Caroline) : Mais
je pense qu'il a bien compris.
M. Tanguay : Mais
faites-vous-en pas, je ne vais pas vous laisser terminer votre réponse sur ce
mot-là, je vais vous inviter à poursuivre. Mais d'abord, permettez-moi de vous
saluer, mesdames Fortin, Gobeil, Picard. Et, je vous en prie, complétez votre
réponse pour ne pas finir sur ce mot-là... aujourd'hui.
Mme Fortin (Caroline) : O.K.
Je vais faire vite. Alors, c'est beaucoup mieux, parce que c'est revenu dans
les services où les gens connaissaient la situation, connaissent les gens avec
qui ils font affaire, connaissent leurs dossiers, ont accès beaucoup plus
rapidement aux informations. Alors, tout ça mis ensemble fait que les services
d'antécédents retrouvailles étaient et sont les mieux placés pour pour répondre
aux mesures qui vont être mises en place. De grâce, ne revenez pas avec une
autre centrale ou un autre mécanisme qui va faire en sorte d'alourdir le tout.
M. Tanguay : Donc, si je
comprends bien, c'est dorénavant géré au niveau des CISSS et des CIUSSS, c'est
ça, Il y a des personnes responsables? O.K.
Mme Fortin (Caroline) : Oui,
ils ont un service d'adoption antécédents retrouvailles dans plusieurs CIUSSS.
M. Tanguay : Est ce que j'ai
bien compris, mais ceci dit, c'est quand même 18, 24 mois, les délais dont on
parle aujourd'hui? Est-ce que c'est toujours ça, les délais? Je pense qu'on y
aurait peut-être lieu de voir si on peut les réduire, parce que c'est les
délais, normalement, pour le gouvernement, de créer une place en service de
garde.
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
effectivement, c'est très long, mais ça s'explique, parce qu'ils ont eu
énormément de demandes, mais ils ont peu de personnel, il y a peu de fonds qui
ont été attribués à ces services-là. Donc, ce n'est pas une priorité. Alors, c'est
pourquoi, dans mon intervention tout à l'heure, je disais qu'il faudrait
vraiment prioriser ces services-là pour activer le tout.
M. Tanguay : Et il y a un
aspect important que vous avez dit., moi, que j'ai noté, le côté humain,
important de parler, compassion, humanisme. Ça, je pense que la première règle,
je pense que vous l'avez dit un peu plus tôt, elle est rencontrée, il y a une
personne en charge de faire le lien. Donc vous n'êtes pas... vous ne sautez pas
d'une personne à l'autre, ça, je pense que, déjà là, c'est un premier facteur,
puis vous pourrez me confirmer si j'ai bien compris, que normalement, quand
quelqu'un prend en charge de l'appel, bien, va vous suivre tout au long du processus,
et vous le rencontrez ça, ce côté-là humain, humaniste.
Mme Fortin (Caroline) : Ben
oui, effectivement, c'est que, lorsque lorsqu'un usager fait une demande et,
bon, va faire affaire avec un intervenant ou une intervenante, c'est si
important que ce soit toujours la même personne qui continue le dossier. Je
peux comprendre, c'est une autre personne qui va faire le sommaire d'antécédents
puis qui va aller chercher les informations, mais pour l'interaction avec l'usager,
c'est important que ce soit le même... ou la même intervenante, parce que c'est
souvent des femmes, là, justement, pour développer cette relation de confiance
et de... il faut comprendre l'autre personne. Avec la centrale, c'était tout
simplement, on donne des informations, on ne se casse pas la tête pour en
prendre la tête et les informations venaient de gauche ou de droite, avec des
erreurs, avec des délais, bon, etc. Donc, le fait de ramener ça comme c'était,
ça fonctionne beaucoup mieux. Et je dois dire que les intervenantes qui sont là
aujourd'hui, je ne sais pas s'il y en a qui nous écoutent, mais je suis
certaine qu'elles seront d'accord avec avec ce qu'on avance, mais important qu'elles
soient écoutées, qu'elles soient entendues. C'est ces personnes-là qui
travaillent avec les usagers, alors, en haut, ils doivent savoir ce qui se
passe en bas. Donc, c'est vraiment important de leur donner tout ce qu'ils
peuvent pour améliorer les services, et tout le monde va être beaucoup plus
heureux pour ça.
M. Tanguay : Et ceci dit, à
la page 11 de votre mémoire, vous recommandez d'élargir les services d'accompagnement,
j'aimerais vous demander... vous considérez notamment que la Direction de la
protection de la jeunesse devrait s'outiller davantage pour offrir des services
adéquats à toute la clientèle touchée dans ces secteurs fragiles, pensons entre
autres aux personnes âgées de moins de 18 ans. Donc, vous avez eu des
témoignages à cet effet là qu'il faudrait étayer l'offre de services, l'humanisme
et le contact pour cette catégorie de demandeurs.
• (12 h 50) •
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, cette catégorie-là particulièrement, c'est une catégorie qui est très
fragile, parce que, souvent, les enfants ont été confiés à l'adoption pour des
raisons qui étaient différentes de celles d'antan, donc pour des problèmes de
violence, des problèmes de drogues, des problèmes de maladie mentale ou, bon,
etc.
Mme Fortin (Caroline) : ...c'est
certain qu'entre 14 et 18 ans, entreprendre une quête comme... une démarche
comme celle-là, ce n'est pas évident. Déjà, même si on n'est pas adopté, on est
en quête d'identité à cet âge-là, donc ce n'est pas évident d'en rajouter une
couche, là, le fait de ne pas savoir. Je comprends que oui, ils veulent savoir
mais il faut vraiment aider et accompagner adéquatement ces gens-là sans jamais
mettre trop de pression, sans faire trop vite. Mais je pense qu'il n'y en a pas
tant que ça. Puis, je crois qu'ils sont quand même suivis. Mais ce serait
important vraiment qu'il y ait une emphase là-dessus. Et aussi sur les services
post-retrouvailles. Parce qu'un coup que les retrouvailles sont en faites, le
dossier est fermé, on s'en lave les mains, allez voir ailleurs. Donc, c'est un
peu... ça fait que ça aussi, il y a peut-être des gens qui auraient besoin, là,
de services post-retrouvailles que nous, en tant qu'organisme, on ne peut pas
offrir, donc...
M. Tanguay : Et ce n'est pas
faire du tout à l'heure où on se parle, des services post-retrouvailles? Parce
qu'effectivement, il y a peut-être un besoin psychologique peut-être à ce
niveau-là.
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
c'est ça. C'est à ce niveau-là. Nous, en tant qu'organisme, on va les
accompagner, on va les écouter et tout ça. Mais quand on entre dans une
situation qui est plus problématique, qui a besoin de services, notamment en
psychologique ou... on n'est pas en mesure de les offrir parce qu'on n'a pas
ces intervenants-là. Mais dans les services sociaux, je pense que ce serait
bien d'avoir un suivi dans certains dossiers, après les retrouvailles. Et à l'heure
où on se parle, le dossier est fermé,
M. Tanguay : Et à l'heure où
on se parle, ce n'est pas offert par le réseau public, là.
Mme Fortin (Caroline) : très
peu.
M. Tanguay : Très peu, un peu
ou...
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
je crois qu'il y a des intervenants qui ont le coeur à la bonne place et qui
vont le faire dans certaines situations. Mais c'est vraiment des services, là,
minimums, là, puis ils n'ont pas le temps de le faire, là.
M. Tanguay : O.K. J'ai une
question qui... puis je le sais que ça déborde un peu de ce que vous venez
témoigner aujourd'hui, mais j'ai une question que je trouve intéressante. Vous
avez vu que le projet de loi également parle de gestation pour autrui, parle de
connaissance des origines dans un contexte de procréation assistée. Ce que vous
avez vu là quant à la connaissance des origines, parce que vous venez témoigner
aujourd'hui d'un besoin viscéral de connaître ses origines et ses racines, dans
le contexte, puis je sais que vous pourriez me dire écoutez, on n'a pas lu, on
n'a pas fait l'analyse... pas que vous n'avez pas lu mais qu'on n'a pas fait l'analyse
ou on ne peut pas commenter là-dessus, mais que pensez-vous justement des
niveaux d'accès à la connaissance des origines quant au régime de procréation
assistée et gestation pour autrui? Je ne sais pas si vous avez une réflexion
là-dessus.
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, pour répondre à votre question, oui, j'ai lu le projet de loi de a à
z. Je n'en ai pas fait l'analyse profonde dans tous les coins, mais à quelque
part, oui, au niveau de la gestation pour autrui ou procréation assistée, l'enfant
qui va naître, c'est un être humain, donc c'est très important pour lui qu'il
ait accès à ses origines, tout comme nous.
M. Tanguay : O.K. Parfait. À
la page 5, vous parlez d'adoption... Complétif... Ah! excusez-moi, oui, oui, je
vous en prie. Je ne vous avais pas vue. Oui.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Excusez-moi.
Parce que mon petit-fils a été conçu par don de sperme. Donc, je peux vous dire
que c'est sûr que ma fille, qui est la mère de cet enfant-là, on est
parfaitement d'accord à ce que mon petit-fils ait accès à toute l'information
qui le concerne parce que, bon, ils appellent ça un bébé catalogue, là, il y a
des pères qui donnent leur identité puis il y en a d'autres qui ne la donnent
pas. Mais nous, c'est sûr qu'on sait qu'on va obtenir une réponse par défaut
par l'ADN mais ça serait beaucoup mieux s'il pouvait avoir droit à son
identité, à ses origines, à 18, puis que ça soit dans la charte puis qu'il soit
égal, comme tout le monde, à connaître l'origine de ses parents puis sont
origine à lui.
M. Tanguay : Autrement dit,
comme législateur, vous nous invitez à regarder le régime qui vous est offert
dans le contexte d'adoption, puis peut être de transposer les mêmes accès dans
les régimes de procréation assistée puis de gestation pour autrui, de s'assurer,
comme législateur, qu'un enfant, justement, qu'il soit né, comme vous parlez,
de votre petite-fille, je pense, vous dites...
Mme Picard (Sylvie Carole) :
Mon petit-fils.
M. Tanguay : Votre
petit-fils, c'est ça, ou vous, dans des contextes différents, bien que
justement, qu'il n'y ait pas une iniquité parce qu'un enfant qui naît doit
avoir les mêmes droits qu'un autre.
Mme Picard (Sylvie Carole) : Tout
à fait. Puis moi, en tant que descendante, là, je veux dire, de ne pas
connaître son identité, d'avoir le droit à ses origines, c'est une souffrance
qui est transmise de génération en génération. Donc, moi, j'ai connu ça
beaucoup à cause de mon père, mes enfants, bon, beaucoup parce qu'on ne savait
pas sur le côté de mon père, puis là, bien, mon petit-fils, il a été conçu
comme un bébé catalogue, bien, nous aussi, il va avoir... vivre cette
souffrance-là à un moment donné, à l'adolescence ou à 18 ans, puis qu'il va
rechercher ses origines, c'est...
Mme Picard (Sylvie Carole) :
...qu'ils le sachent, sinon ça amène comme d'autres problèmes, cette
souffrance-là.
M. Tanguay : Et, puis
corrigez-moi si j'ai mal analysé, mais semble-t-il... Que pensez-vous de l'obligation
d'attendre que l'adopter soit décédé avant que le descendant, au premier degré,
puisse faire des démarches?
Mme Picard (Sylvie Carole) :
Bien, qu'il soit décédé, je trouve ça un peu malheureux parce qu'il y a des
personnes adoptées qui ne veulent pas savoir. Pour eux, c'est comme plus ou
moins important. Beaucoup d'hommes se retrouvent dans cette catégorie-là parce
qu'ils ne veulent pas continuer leurs démarches pour avoir... parce qu'ils ont
peur d'être rejetés une deuxième fois. Mais souvent, ces hommes-là, ces
personnes adoptées là ont eu des enfants qui, eux, veulent le savoir. Quand je
vais chez le médecin, je me fais poser des questions puis je ne les ai pas, les
réponses. Donc, c'est important qu'on sache... Et d'attendre que la personne
adoptée ou adoptante soit décédée... Bien, écoutez, si on n'a pas le choix, c'est
mieux que rien, mais c'est sûr que, si on avait la possibilité à ce que même un
descendant au premier degré dirait.. fasse la demande, que la personne adoptée
soit décédée ou non, ça serait un plus, c'est sûr.
Une voix : ...
M. Tanguay : 20 secondes.
Adoption complétive, c'est important. Pourquoi?
Mme Fortin (Caroline) : Bien,
en fait, c'est que la... ça viendrait ouvrir... ça viendrait donner une
opportunité, un choix additionnel, aux parents, de proposer un autre type d'adoption.
Actuellement, on a juste l'adoption plénière, et on a, bon, l'adoption avec
maintien des liens qui est quand même différente, et la tutelle supplétive. En
ajoutant ce type d'adoption là, bien, je crois qu'il y a plusieurs enfants plus
âgés qui sont un, par exemple, en famille d'accueil et qui font de cette
famille d'accueil là leurs parents, leur maman d'accueil, leur papa d'accueil.
Alors, ça pourrait permettre, autant pour le parent adoptant, autant que pour
le parent biologique, de faciliter l'adoption en tant que telle. Alors, je
pense que...
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci Beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour. Bonjour à vous trois. Peut-être d'abord sur la question de
l'adoption, rapide, du projet de loi. Vous pouvez évidemment compter sur la collaboration
des, je pense, des différents partis d'opposition. C'est certain que c'est une
grosse pièce, hein, en plus de 300 quelque chose articles. Vous avez vu
peut-être les autres groupes qui vous ont précédés. Il y a des enjeux plus
délicats, moins consensuels, toute la question trans, intersexe, la question
GPA aussi, gestation pour autrui. Ce n'est pas simple. Des amendements ont été
annoncés par la ministre. Il y aura certainement des amendements aussi du côté
des différents opposants. Mais je pense qu'au final, même si c'est un peu tard
dans la législature, il nous reste quand même, quoi, quatre ou cinq mois de
travaux devant nous avant la fin de la législature en juin prochain. Moi, je
pense qu'on est capable de traverser à temps avant que ça se termine ici, avant
les élections.
Ma question va être assez large, ouverte
puis elle va porter sur l'avenir. Parce que ce que je comprends de votre
mémoire, même s'il y a des ajustements que vous nous suggérez, ce que je
comprends, c'est que vous êtes grosso modo assez satisfaites de ce que contient
le projet de loi. Ça fait que j'ai envie de vous poser la question : C'est
quoi, l'avenir de vos mouvements respectifs si, finalement, on rencontre la
plupart de vos revendications peut-être historiques que je pourrais dire? C'est
quoi, la suite pour vos mouvements, une fois que ça va être adopté, ce projet
de loi là? Qu'est-ce qui va rester à faire? Qu'est-ce qu'il va rester à
accomplir?
Mme Fortin (Caroline) : En
fait, j'ai envie de vous dire, comme dans un des commerciaux, le but du
Mouvement Retrouvailles, c'est de fermer un jour quand tout le monde va avoir
retrouvé. Mais actuellement c'est sûr qu'on en a encore pour plusieurs années
parce que les adoptions du passé ne sont pas toutes réglées. Les adoptions
récentes ou actuelles et futures, c'est sûr qui va toujours continuer d'en
avoir. Mais éventuellement, écoutez, j'espère qu'un jour on pourra dire :
Bien, mission accomplie sur toute la ligne, et les gens n'auront plus besoin de
ce service-là, ce qui me surprendrait, là, soyons sincères. Mais ce n'est pas à
court ni à moyen terme, là, qu'on voit la fin d'un organisme comme le nôtre,
là, parce que les gens auront toujours besoin d'accompagnement, que ce soit
avant, pendant ou après, des gens pour... Parce que, nous, le Mouvement
Retrouvailles, ce sont des bénévoles et des bénévoles qui sont concernés, donc
des personnes adoptées, des personnes... des parents biologiques. On a aussi
des parents adoptants. Et les gens qui viennent nous voir ont besoin de parler
à des gens pour se reconnaître. Alors je pense que ce n'est pas demain qu'on va
fermer.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup.
M. Leduc : Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Mme la députée de
Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui. Bonjour à
vous trois. Heureuse de vous revoir, de retrouver le Mouvement Retrouvailles.
Donc, j'aimerais ça savoir, après quelques années...
Mme Hivon : ...d'entrée
en vigueur du projet de loi 113, pour ce qui est de la question des
antécédents médicaux, si ça fonctionne bien. Et puis la question que j'avais, c'est
si le parent biologique est toujours vivant et qu'il y a des changements dans
sa condition médicale, on découvre des nouvelles réalités, comment les enfants
ont cette information-là? Est-ce que... comment vous êtes comme tenus au
courant de l'évolution de la réalité médicale du parent biologique?
Mme Fortin (Caroline) : En
fait, je vais être franche avec vous, au mouvement Retrouvailles, en tout cas,
moi, personnellement, je n'ai eu aucune personne qui m'a dit qu'il avait fait
une demande au niveau médical. En fait, j'en ai... il y en a qui ont fait des
demandes auprès des médecins, et les médecins leur ont répondu : Ah... il
y a trop de procédures ou bon on va procéder autrement. Donc, je pense que
ça... c'est super d'enlever... bon, un, d'avoir enlevé le préjudice grave pour
devenir un préjudice, puis là d'enlever carrément le préjudice, mais ma
question, je l'ai mise dans mon mémoire puis elle est sincère, est-ce que,
vraiment, des médecins vont vouloir s'embarquer dans une telle procédure? Elle
est là mon interrogation. Mais parce que... c'est ça, mais sinon les gens qui
ont eu la joie de rencontrer soit la fratrie, soit les parents, peu importe,
bon, ils ont eu leurs antécédents médicaux de vive voix de la famille, mais au
niveau des médecins, je sais pas certaines que, d'emblée, ils vont participer à
ça.
Mme Hivon : Donc, quand
il y a un veto de contact, dans les faits, parce qu'il n'y a pas de rencontre
comme telle ou il n'y a pas de divulgation, je dirais, en temps réel avec les
personnes, est-ce que, dans les faits, vous diriez qu'avoir accès à tout le
bagage médical, c'est un peu une vue de l'esprit?
Mme Fortin (Caroline) : Non,
je ne dirais pas ça comme ça, je dirais que c'est un plus, puis c'est une très,
très belle possibilité, O.K., et il faudrait faciliter la tâche aux médecins
pour avoir accès aux informations.
Mme Hivon : O.K. Et
puis, justement, sur le veto de contact, certaines personnes disent qu'à l'ère
des réseaux sociaux, puis de toute l'information qui circulent librement, qu'une
fois qu'on a, dans le fond, l'information, le veto de contact peut être
difficile à respecter. Quelle est l'expérience à cet égard-là des dernières
années?
Le Président (M.
Bachand) :Très rapidement, parce que le
temps dévolu.
Mme Fortin (Caroline) : O.K.,
mais je vous dirais qu'effectivement, ceux qui passent par, bon, par le
mouvement, on est très, très respectueux de tout ça. Par contre, on ne peut pas
empêcher une personne de passer, justement, par les réseaux sociaux, et il y en
a qui arrivent avec leurs gros sabots, et la démarche n'est pas géniale, mais
les cas où j'ai eu connaissance que les personnes se sont adressées à quelqu'un
même avec un véto de contacts, il n'y a pas eu de dégâts, là. Je n'ai pas...
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, Mme Fortin,
Mme Gobeil. Mme Picard, merci infiniment d'avoir été avec nous
aujourd'hui. C'est très apprécié, très constructif. Sur ce la Commission
suspend ses travaux jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.
Des voix : Merci. Merci.
Merci à vous.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
15 h (version non révisée)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bon après-midi. La
Commission des institutions reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions
publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet de loi
numéro 2, Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de
filiation et modifiant le Code civil en matière des droits de la personnalité
et d'état civil. Cet après-midi, nous entendrons la Fédération des associations
de familles monoparentales et recomposées du Québec, Maître Sylvie Schirm, mais
d'abord nous commençons avec les représentants de l'Association des avocats et
avocates en droit familial. Merci beaucoup d'être avec nous. C'est très
apprécié. Donc, d'emblée, je vous demanderais de vous présenter officiellement,
débuter votre exposé de dix minutes, après ça nous aurons une période d'échange
avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous. Merci d'être
ici.
Mme Battaglia (Maria Rita) : Merci.
Bonjour à tous et à toutes. Je me présente, je suis Me Maria Battaglia. Je suis
devant vous aujourd'hui en tant que présidente de l'Association des avocats et
avocates en droit de la famille. Et je suis accompagnée par maître
Marie-Christine Kirouack, qui est également membre du C.A. de notre
association, ainsi que l'ancienne... une de nos anciennes présidentes. Je
prends cette opportunité pour vous dire que, de ma part, de la part de Me
Krouack, nous avons une connaissance approfondie du droit matrimonial et du
droit de la famille. Alors, c'est avec beaucoup de plaisir que nous sommes avec
vous aujourd'hui et on vous remercie pour l'invitation.
L'Association des avocats et avocates en
droit de la famille est un organisme à but non lucratif non subventionné par le
gouvernement, qui regroupe près de 500 avocats et avocates du Québec. Nous
sommes les spécialistes du droit de la famille et nous avons l'expérience de
première ligne en matière familiale. Il n'y a aucune autre corporation
professionnelle qui possède les mêmes formations et connaissances que nous
avons dans le champ de cette pratique qui est très complexe et des fois très,
très difficile. Notre association a pour but d'informer ses membres des
derniers développements jurisprudentiels, de faire de la formation continue, d'intervenir
devant les tribunaux pour faire valoir les intérêts généraux des avocats qui...
en droit de la famille, et même, dans certains cas, pas souvent, mais de
défendre les intérêts des justiciables sur des questions qui affectent l'ensemble
de la population. Finalement, comme c'est le cas...
Mme Battaglia (Maria Rita) :
...elle a également comme rôle de soumettre aux différents ministères des
mémoires sur les politiques avant le projet de loi et projet de loi qui touche
le droit de la famille. Je suis très ravie aujourd'hui de vous déposer au nom
de l'association notre mémoire. Je vous souligne que vous avez en annexe 3 un
tableau comparatif du Code civil, du projet de loi et du Code civil tel qu'il
serait amendé, et c'est quelque chose qui peut vraiment vous aider pour
comparer les différences, et ça va également vous aider dans notre
présentation. Vous avez également un extrait d'un article de droit comparé sur
les droits successoraux des enfants conçus post mortem.
Alors, vu l'ampleur de la réforme proposée
et vu le temps restreint que nous avons, nous avons l'intention de vous
présenter en bref le résumé, c'est important, et la position de notre
association. Nous vous demandons, par contre, à vous, les membres de la
commission, de bien vouloir prendre connaissance de l'ensemble de notre mémoire
pour que vous ayez une vision complète de notre position. À ce moment, je vais
céder la parole à Me Kirouack pour qu'on puisse commencer notre présentation.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Alors, écoutez, dans un premier temps, et pas nécessairement en ordre d'importance,
mais l'association félicite le législateur pour son inclusion de la notion de
violence familiale dans les facteurs à être sous-pesés à l'article 33, de même
qu'à l'article 606 en matière de déchéance d'autorité parentale, sous réserve
des petits commentaires, là, quant à la rédaction de 606 que vous trouverez
dans notre mémoire.
Ceci étant, nous sommes d'opinion que le
législateur devrait aller encore plus loin, et qu'on devrait s'inspirer
fortement des articles 2 et de l'article 16.1 de la récente réforme de la Loi
sur le divorce. L'article 2, notamment, comporte une définition extrêmement
étoffée de ce que constitue la violence familiale, y compris le fait pour un
enfant d'être exposé à celle-ci, bien que, par ailleurs, n'ait pas subi
lui-même de sévices corporels ou de sévices psychologiques.
Deuxième commentaire, l'Association est
profondément surprise de trouver, à l'article 34.1, une définition selon
laquelle, pour être conçu, l'enfant, n'est-ce pas, doit effectivement sa mère,
O.K., ou la personne qui lui donnera naissance doit être enceinte de cet
enfant. Je dois vous dire qu'on a été profondément inquiétés parce que, d'une
part, cet article-là se retrouverait au chapitre du respect des droits de l'enfant,
et, avec égard, on pense que c'est un grand risque de remettre Morgentaler et l'arrêt
Daigle contre Tremblay en question. Si par ailleurs l'objectif poursuivi par le
législateur est qu'il ait une question de certitudes en termes de qualité d'héritier
ou de légataire des enfants qui naissent de procréation assistée post mortem de
l'un de leurs parents, bien, à ce moment-là, il nous semble et on vous suggère
qu'il serait plus simple de modifier l'article 617 pour pouvoir y prévoir soit
une prescription ou, en tout cas, un choix du législateur par rapport à ça. Et
c'est une des raisons en termes de droit comparé des différentes commissions
qui ont réfléchi sur cette question qu'on vous a inclus l'annexe 1.
Troisième sujet : la modification de
mention de sexe à l'acte de naissance. Vous comprendrez que l'Association est
opposée de façon véhémente au nouveau libellé de l'article 71 qui rendrait
effectivement obligatoire les chirurgies et autres traitements médicaux de même
nature avant qu'une personne puisse modifier la mention de son sexe à son acte
de naissance, d'autant que cela aurait pour effet de faire disparaître la
garantie qu'on trouve présentement au deuxième alinéa de l'article 71 au Code
civil, qui est une modification qui existe depuis 2013 et, effectivement, qui
indique que les modifications de l'acte de naissance ne peuvent en aucun cas
être subordonnées à l'exigence que la personne ait subi quelque traitement
médical ou intervention chirurgicale que ce soit. Nous comprenons par ailleurs
des déclarations du 9 novembre dernier du ministre de la Justice que celui-ci
entendait faire marche arrière sur cette question, et c'est notre espérance que
tel sera effectivement le cas.
• (15 h 10) •
Dans la même ligne d'idée, l'association a
été profondément interrogée de la modification...
Mme Kirouack (Marie Christine) : ...de
l'article 145 et 146, vous retrouverez ça à l'article 42 du projet de loi, qui
fait en sorte que désormais, tant l'acte de naissance que le certificat d'état
civil devraient faire état de toutes modifications qui y ont été apportées.
Nous pensons que c'est étiqueter les personnes qui ne sont pas cisgenres, qui
seront prises, quand elles ont à exhiber leur acte de naissance, d'avoir...
dévoiler une partie de leur vie privée. Il en est de même pour ce qui est par
exemple des gens qui ont eu un changement de nom, et j'avoue qu'on s'interroge
sur l'objectif poursuivi par cette modification. En outre, et si je puis me
permettre, une telle modification ferait que, dans certains pays, on mettrait
en péril la sécurité des personnes, effectivement, qui ont eu une modification
à la mention de leur sexe à l'acte de naissance.
Quant aux règles d'établissement de la
filiation, écoutez, avec un grand, puis le plus grand respect, là, mais il est
faux de dire qu'on ne peut pas établir la possession constante d'état dans le
cas où elle est exercée par plus d'une personne simultanément, et je vous
réfère spécifiquement à 524, alinéa 2 tel qu'il serait modifié. Les tribunaux
font ça en tout temps, et notamment si on regarde dans les périodes, qu'on soit
du 16 au 24 mois, qui est le... je vous dirais, le critère jurisprudentiel
actuel, qui serait modifié à 24 mois, ou qu'on serait a posteriori, la question
de possession d'état est une question que nos tribunaux évaluent en tout temps.
La gestation pour autrui. Écoutez, d'entrée
de jeu, l'association pense que les mères porteuses ne seront pas assez
protégées. Vous pourrez voir au mémoire la question des statistiques en termes
de... Le taux de mortalité périnatale chez les femmes, les personnes qui
accouchent, est en hausse au Canada et est incompressible. Non seulement il n'a
pas baissé depuis une vingtaine d'années, mais il augmente légèrement. On parle
d'à peu près 8,3, 8,5 femmes sur 100 000 accouchements qui vont décéder.
Si vous regardez les statistiques qu'on a
aussi dans notre mémoire en regard du taux de dépression, du taux de psychoses
et du taux de problèmes de santé — vous savez, être mère porteuse, ce
n'est pas comme être donneur de sperme — elles sont dans le fond les
seules qui doivent assumer les risques liés à la natalité et à la pérennité, et
on pense que, par rapport à ça, il y a un déséquilibre flagrant au niveau des
parties respectives au contrat.
Je pense qu'à titre d'exemple, il devrait
y avoir une obligation qu'il y ait une assurance-vie, puis ce qui est par
ailleurs prévu à la loi fédérale, O.K. Et que se passe-t-il si, effectivement,
suite à l'accouchement, la mère porteuse, O.K., devient invalide pour une
période de temps soit temporaire, soit de façon plus longue? Et, si on regarde
que ces contrats-là doivent être à titre gratuit, sauf en regard du
remboursement des dépenses, on pense que les mères porteuses sont peu
protégées.
Le Président (M.
Bachand) : Excusez moi, Me Kirouack, le 10 minutes est déjà
passé, ça va extrêmement vite. Mais je regarde du côté du ministre. Si
peut-être vous voulez conclure. O.K. Bien, peut-être conclure rapidement, s'il
vous plaît. Oui.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
O.K. Alors, l'association est aussi contre que la convention soit faite en
forme notariée et qu'elle soit en forme... en langue française obligatoirement,
sauf possibilité, mais surtout, je dois vous dire, au chapitre de la mère
porteuse, de ce qu'on a compris, M. le ministre, c'est que l'objectif du
législateur était que la mère porteuse était seule à décider, elle peut mettre
fin unilatéralement au contrat, O.K. Mais il y a une incongruité, c'est-à-dire
que 541.4 indique clairement que le tribunal, effectivement, pourra décréter
une filiation différente dans les cas où elle ne consentira pas à... le fait
que son lien filial, rétroactivement, soit présumé ne jamais avoir existé, et
on pourra en parler peut-être un peu plus longuement. Alors, je vais clore
là-dessus.
Le Président (M.
Bachand) : Oui. Si vous êtes d'accord, Me Kirouack, on va
débuter...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, non, non, je clos! Je clos.
Le Président (M.
Bachand) : ...je vais débuter la période d'échange avec le...
La parole est au ministre, s'il vous plaît. Merci. Désolé.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Me Battaglia, Me Kirouack, bonjour, merci de participer aux
travaux de la commission parlementaire. Revenons tout d'abord sur la question,
là, de l'avortement, là. Je veux juste être très, très clair, là, il n'est pas
question, en aucun temps, jamais, de remettre en question l'arrêt Morgentaler
ou Daigle contre Tremblay, qui a eu lieu au Québec...
M. Jolin-Barrette : ...c'est
pour ça que ça fait, la disposition à 34.1. 34.1 fait référence au fait qu'on
vient amener une disposition pour prévoir, dans le cas de décès, pour préserver
les droits de l'enfant né... est viable. Il n'est aucunement question de ça.
Puis vous, vous le dites, je pense. À la page 20, 21 de votre mémoire,
vous dites : «Le Code civil ne reconnaît généralement pas au foetus la
personnalité juridique. Celui-ci n'est traité comme une personne que dans les
cas où il est nécessaire de le faire pour protéger ses intérêts après sa
naissance.» Nous, on ne va pas là du tout. C'est la même chose qui est prévue dans
le Code civil, avec différents articles, où il y a le même concept, dans le
fond, où... l'enfant conçu non né. Donc, ce concept -là, il est déjà retrouvé
aux articles 192, 617, 1814, 2373, 2374, 2447 du Code civil du Québec.
Donc, je tiens à vous rassurer. Dans le fond, l'objectif est de faire en sorte
que cet enfant-là, s'il naît... et viable, puisse protéger ses droits
successoraux. Mais il n'est aucunement question...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Avec égard, M. le ministre, je comprends ça, et c'est pour ça qu'on est
intervenu de cette façon-là. Mais à partir du moment où vous voulez insérer cet
article-là, au chapitre du respect des droits de l'enfant par rapport à,
effectivement, un fœtus qui n'a pas de personnalité juridique au code, on trouve
ça terriblement dangereux. Si vous voulez l'insérer, allez le mettre ailleurs
dans le code, mais pas sous ce titre-là.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends votre suggestion. Je comprends votre suggestion. On va l'analyser,
mais à la base, même s'il se retrouve à un autre endroit du code, ce n'est pas
une réouverture de l'avortement. Il faut être très, très clair. Ça fait
référence au...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
On avait compris ça, M. le ministre. On veut juste s'assurer que ça ne donne
pas des idées à certaines personnes à cause du chapitre où il est.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question, Me Kirouack, là. Le 17 octobre dernier, vous avez
collaboré à un article relativement à la pluriparentalité. C'est quoi votre
opinion relativement à la pluriparentalité?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Le 17 octobre? Non.
M. Jolin-Barrette : Oui, qui
a été publié.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non. Je m'excuse, j'ai déjà effectivement commis des articles sur la
pluriparentalité, mais pas le 17 octobre.
M. Jolin-Barrette : Pas le
17 octobre, je n'ai pas la bonne date ici.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, parce que je n'ai rien fait cette année là-dessus. Je suis désolée, là,
mais...
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, c'est quoi votre opinion sur la pluriparentalité?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Sur la pluriparentalité, je vais vous dire, puis quand que je l'enseigne à mes
étudiants, c'est comme : Quant à moi, la parentalité devrait demeurer
biparentales. Et, si on en rajoute 3, pourquoi on n'en rajoute pas 8? Où est ce
qu'on s'arrête, M. le ministre, à partir du moment où on fait sauter ce
paradigme-là? Puis, vous savez, quand ils sont deux, et la jurisprudence et les
études sont vraiment, je vous dirais, constantes là-dessus, quand la chicane
est prise, ça ne va vraiment pas bien pour les enfants. Ça fait qu'est ce qui
est vraiment nécessaire qu'en matière d'autorité parentale, on en ait trois, on
en ait quatre, on en ait cinq? Puis l'autre question que ça sous-tend, c'est qu'à
partir du moment où on reconnaîtrait, comme législateur, la pluriparentalité,
qu'est-ce qui fait qu'à ce moment-là, on peut encore soutenir qu'il ne devrait
pas y avoir de bigamie?
M. Jolin-Barrette : De...
Pardon, je n'ai pas entendu? De?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
De bigamie.
M. Jolin-Barrette : De
bigamie. O.K. Ça fait que vous vous dites : Ça ouvre la porte à toutes
sortes de situations. Juste une question praticopratique. Vous, votre
association vous représentez notamment des avocats praticiens, donc qui sont à
tous les jours au palais, dans les salles de cour, qui conseillent des justiciables,
tout ça. Donc, je comprends que de votre commentaire, le fait d'ouvrir à plus
de 2 parents, vous êtes dans les salles de cour, voyez les chicanes puis tout
ça, vous dites : Feu rouge, attention, ça peut amener des conséquences.,
puis même vers la bigamie.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Définitivement.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Imaginez-vous, M. le ministre, d'avoir une question de garde avec six...
parents qui se chicanent, qui va avoir la garde des enfants? Déjà, c'est
difficile quand nous en avons deux.
M. Jolin-Barrette : Puis
là-dessus, un des objectifs qu'on a avec la réforme du droit de la famille,
notamment en modifiant l'intérêt de l'enfant, en ajoutant la violence familiale
aussi, c'est de faire en sorte vraiment de placer l'enfant au centre du
processus. Puis c'est ce que mon collègue Carmant... pardon, le ministre
délégué à la Santé et Services sociaux, avec son projet loi sur la DPJ, on
souhaite placer l'enfant vraiment au centre, tout ça. Parlons de la question de
la violence familiale qu'on vient insérer à 33. Vous avez dit tantôt :
Nous, on aime mieux la définition du Code criminel. Code criminel...
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Non, ce n'est pas ce qu'on a dit. Je m'excuse. Donc, la récente réforme de la
Loi sur le divorce, qui, à l'article 2...
• (15 h 20) •
M. Jolin-Barrette : Le
divorce. Excusez. Divorce... la Loi sur le divorce. Cette rédaction-là, c'est
plus une rédaction de type common law. Nous, on a l'approche civiliste...
M. Jolin-Barrette : ...le Code
civil, puis violence familiale, ça inclut notamment violences conjugales et les
différents types de violences. Et on veut que ça soit interprété largement. À
partir du moment où je vous dis ça, qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Ce que j'en pense, c'est que... Parce que j'ai 29 ans de pratique, M. le
ministre, si vous saviez le nombre de fois où j'ai été confrontée au tribunal,
qui m'a dit : Monsieur est peut-être un conjoint brutal, mais que je
sache, vous n'avez pas de preuve qu'il a tapé sur les enfants. O.K.? La réforme
de la Loi sur le divorce, entre autres, reconnaît l'impact et je peux vous
dire, pour avoir commis un article là-dessus, O.K., que le fait pour des
enfants d'être confrontés à de la violence familiale, même si eux n'ont pas été
l'objet de sévices, ça amène jusqu'à des modifications épigénétiques. Donc,
oui.
Et par ailleurs, je vais vous dire, au
Québec, nos tribunaux commencent à dire : Bien, écoutez, là, moi, j'ai des
enfants puis je vais avoir un dossier 12, qui est un dossier de juridiction de
la Loi sur le divorce, et un 04 dans une heure et je suis supposé appliquer
deux critères. Et nos tribunaux commencent déjà à, je vous dirais, par
assimilation, appliquer les critères de la Loi sur le divorce, bien que, au
sens strict, ça ne s'applique pas, parce que pour nos tribunaux au Québec, ça
prend une espèce d'uniformité de ce que constitue le critère du meilleur
enfant. Il faut comprendre que juste avant la réforme de la Loi sur le divorce,
si vous regardiez le critère du meilleur intérêt de l'enfant au Québec, que ça
soit dans un 12 ou un 04, c'était interprété de la même façon.
Mme Battaglia (Maria Rita) : ...M.
le ministre, je ne suis pas d'accord avec vous que c'est vraiment du common law
qu'est-ce qui ressort des modifications de la Loi sur le divorce. C'est
vraiment détaillé. Chose qui, pour moi, est très nécessaire pour que les juges
savent qu'il faut qu'on réalise qu'il y a toutes sortes de types de violence.
Et on ne peut pas juste le limiter en le laissant large. C'est mieux qu'on
définit les différents types et qu'on reconnaît les types de violence qui sont
possibles dans des familles. Alors je pense que c'est important que vous
regardiez ça pour vérifier si, effectivement, ça a plus de bon sens qu'on soit
constant avec la Loi sur le divorce et notre Code civil.
M. Jolin-Barrette : Mais avec
égards, c'est exactement l'argument que je vous fais, c'est exactement l'argument
que dans la Loi sur le divorce, la technique légistique employée, c'est la
technique en matière de common law où on vient nommément prévoir chacune des
situations. Dans le fond, ça, c'est l'approche de common law.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Non.
M. Jolin-Barrette : Bien oui.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Avec respect, je ne suis pas d'accord...
M. Jolin-Barrette : En
matière civile, dans le Code civil, vous n'avez pas le détail de chacune des
modalités. C'est un principe général qui couvre les situations. Alors, à ce
moment-là, la violence familiale vient couvrir ce qui est déjà énoncé,
supposons, dans les types de violences parce qu'on veut faire en sorte que ça
puisse être évolutif également dans le Code civil. Donc, si ce n'est pas
mentionné spécifiquement, on veut que ça puisse être évolutif dans le temps et
que la violence familiale soit plus large.
Mais bref, là-dessus, j'ai bien pris note
de vos commentaires. Vous souhaiteriez qu'on incorpore la définition de la Loi
sur le divorce. On va réfléchir à tout ça dans le cadre de l'étude détaillée qu'on
va avoir.
Bon, sur la question des victimes de
violences, le fait que désormais, le contre-interrogatoire, il y a un avocat
qui va pouvoir être assigné, les enfants également, DPJ, ça, vous êtes à l'aise
avec ça, vous êtes d'accord?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bien, si vous regardez dans notre mémoire, d'ailleurs on félicite le
législateur, là, sur cette modification-là au code de procédure civile
M. Jolin-Barrette : O.K.. La
connaissance des origines, le fait, là, qu'on vienne élargir ça, là, dans la
pratique en droit familial, là, est-ce que... Parce que là sur la question des
mères porteuses, de la gestation pour autrui, on vient ouvrir cela pour faire
en sorte que l'enfant puisse avoir accès à leurs origines. Première question
là-dessus. Qu'est-ce que vous en pensez? Puis ensuite, j'aimerais ça qu'on
discute, là, de la convention notariée parce que tout à l'heure vous émettiez
certaines réserves.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Dans l'ordre et dans le désordre, O.K., d'une part sur la question de... On
comprend que c'est la volonté ferme du législateur que ça devienne presque un
droit enchâssé, là, le droit à la connaissance de notre origine. Et comme on
vous l'a écrit dans le mémoire, une des questions qu'on se pose, c'est la
sagesse de permettre à compter de 14 ans, alors qu'on est en pleine crise d'adolescence.
Est-ce qu'il ne serait pas plus sage d'attendre 18 ans? Où est l'urgence? C'est
un premier commentaire général, là. À un âge où, effectivement, les enfants sont
souvent, parce qu'ils sont en crise d'adolescence, en conflit avec leurs
parents, ce n'est peut-être pas le meilleur moment, je vous dirais. Et je ne
suis pas sûre que ça ne serait pas plus sage d'attendre qu'ils aient 18 ans sur
cette question-là.
Sur l'autre question, je comprends que
pour ce qui est des donneurs en matière de procréation, ce qu'on appelle
présentement au code de procréation assistée, bien, la disposition transitoire
fait que...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...ça serait valide juste pour le futur. C'est sûr qu'une des questions qui se
posent, c'est : Est-ce qu'on va avoir une baisse significative du nombre
de donneurs? C'est une chose d'être donneur, c'en est une autre de savoir que
le code prévoit qu'à 14 ans ou à 18 ans on va vous appeler en disant : Je
veux vous rencontrer parce que vous êtes mon parent génétique. Écoutez, tout ça
bouge très vite à travers le monde, donc ça demeure des questions...
M. Jolin-Barrette : Sur la
question de la convention notariée, la convention de gestation pour autrui, ça,
vous avez certaines réserves.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Bien oui. Écoutez, ça fait 20 ans que je rédige des conventions en cette
matière-là. Me Brown, qui est une des plus connues au Québec et au Canada,
hein, la première qu'elle a rédigée, c'était en 84. Alors, on a déjà l'expertise.
Je ne vois pas pourquoi ça devrait être un acte notarié. Et, si c'est la
question de la date avec égard, on a juste à s'inscrire en faux, on l'a fait au
moment de l'article 42. Et l'application des dispositions transitoires en vertu
de l'article 42 pour les renonciations au patrimoine familial, je l'ai fait,
moi, pour mettre de côté des régimes matrimoniaux qui avaient été signés des
contrats de mariage avant qu'on puisse modifier les conventions ou signer une
convention de mariage après, a posteriori des noces. Puis je veux dire,
effectivement, les conventions sont tombées sur une question de dates parce que
ça pouvait se faire pour un contrat de mariage juste avant la célébration du
mariage à une certaine époque.
Je ne vois pas où est la valeur ajoutée, M.
le ministre. Et je trouve que, ce faisant, le Code civil déclarait qu'alors que
c'est notre champ de compétence depuis plus que deux décennies, tout à coup, en
vertu de quoi est-ce qu'on ne serait plus compétents?
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous, vous vous... sur le fait que ça soit confié uniquement aux notaires.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Absolument.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Puis c'est nous qui avons la connaissance juridique. C'est nous qui allons
devant la cour pour les plaider. C'est nous, jusqu'à aujourd'hui, qui avons
préparé ces contrats. Ça change vraiment la pratique... au Québec. Et je n'ai
pas d'autre chose à ajouter parce que Me Kirouack vous a déjà dit, et, dans
notre mémoire, on expose les raisons.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Question. Vous dites : On en faisait beaucoup, de contrats là-dedans, là.
C'était fréquent d'avoir des conventions de gestation pour autrui présentement,
supposons, au cours des 20 dernières années?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non, non, non. Ce qui était fréquent, M. le ministre, c'était les dons de
gamètes. N'oubliez pas, là, 540 nuls de nullité absolue. Donc, mais ce qu'on
faisait beaucoup, c'était des dons de gamètes, avec toutes les discussions
préliminaires que ça implique, O.K. Parce que vous avez A et B dans le champ
gauche, les parents prospectifs, qui vous avez un donneur dans le champ droit
ou deux donneurs, bien, à ce moment-là, effectivement, ça implique toute une
série de discussions avec les parties, et que les gens soient... effectivement
comprennent, là.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
autre question : qu'est-ce que vous faites des recommandations du rapport
sur le comité consultatif sur la réforme du droit de la famille qui, eux,
recommandaient qu'on aille par convention notariée?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Je ne suis pas d'accord. L'association n'est pas d'accord.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
On n'est pas d'accord.
M. Jolin-Barrette : Ça a le
mérite d'être clair, ça a le mérite d'être clair.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
C'est ça.
M. Jolin-Barrette : Autre
élément. Bon, vous êtes les premiers à nous apporter, là, la limite sur le
prénom usuel, bien, sur le nombre de prénoms puis le prénom usuel. J'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Écoutez, sur la question du nouveau régime de prénoms usuels, avec respect, là,
M. le ministre, un, j'essaie de voir c'est quoi, le problème qu'on essaye de
régler. Deux, je trouve que c'est une réforme qui va être particulièrement
coûteuse pour les parties. Trois, ça veut dire que... Je vais me prendre comme
exemple, O.K. Mon prénom usuel, au sens de si je regarde le code actuel, O.K.,
ça doit être Christine, O.K.? Et, en première année, alors que ma mère à la
maison m'appelait toujours Marie, j'ai dit à ma professeure, ce n'est pas ça,
mon nom, c'est Marie Christine. Et depuis ce temps-là que moi, j'agis
effectivement sous Marie Christine. Bien, si je regarde, là, ça veut dire qu'il
faudrait aller effectivement faire une demande au directeur de l'état civil,
payer le tarif et tout ça pour régler je ne suis pas certaine quel problème, M.
le ministre.
Mme Battaglia (Maria Rita) :
Même chose avec moi, M. le ministre. J'ai deux noms et, depuis que je suis
avocate, ça fait plus de 30 ans, je ne n'utilise pas le Maria Rita, j'utilise
le Maria avec le R comme initiale. Est-ce que ça vaut la peine d'aller dépenser
des sous pour changer quoi que ce soit? Ce n'est pas nécessaire, quant à nous.
Il y a d'autres choses à régler, ce n'est pas quelque chose qu'il faut qu'on
fasse, c'est...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Non. Si je peux me permettre, M. le ministre, tu sais, on a beaucoup, beaucoup
d'enfants nés durant les années 90 qui ont ce qu'une de mes amies appelle des
noms à pentures, c'est-à-dire un nom de famille composé de deux noms, O.K. Moi,
la majorité de ceux que je...
M. Jolin-Barrette : Je
connais ça, je connais ça.
• (15 h 30) •
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Oui, mais la majorité que moi, je connais en ont laissé tomber un des deux...
15 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...ah!
bien, écoutez, moi, ma mère puis mon père seraient bien fâchés que je laisse
tomber l'un ou l'autre, là.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
mais ça... regardez, ça, c'est une question plus...
M. Jolin-Barrette : J'aurais
un conflit de loyauté, j'aurais un conflit de loyauté. Bien, écoutez, je vous
remercie grandement pour votre passage en commission.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Je cède la
parole maintenant au député de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay :
Oui. Merci beaucoup, Me Battaglia et Me Kirouack, merci
beaucoup pour le temps excessivement considérable que vous avez dû investir
pour remettre le mémoire qui nous a été acheminé hier. Puis ce n'est pas un
reproche, vous m'entendez bien, là, ce n'est ce pas un reproche à vous, mémoire
excessivement étoffé qui participe de votre expertise. 85 pages, si j'ajoute
les annexes, et vous avez fait de superbes tableaux de compréhension, 321 pages,
alors je n'aurai pas la prétention de vous dire qu'en 24 heures, avec les
auditions hier qui ont fini à 22 heures, puis je ne suis pas en train de
me plaindre, puis je ne suis pas en train de vouloir blâmer, je n'aurai pas la
prétention de vous dire : Bien, j'ai six questions dans mon 10 minutes.
Je vous donne mon dix minutes, je m'engage à vous lire durant le temps des
Fêtes, et je suis certain qu'à la fin, là, vous allez dire de l'audition :
ah! on n'a pas parlé de ça, on n'a pas parlé de ça. Parlez-nous de ce que vous
ne voulez pas qu'on manque. Je vous écoute.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez,
un, je peux juste me permettre un commentaire liminaire. Puis ce n'est pas
envers le gouvernement actuel et ce n'est pas envers le ministre de la Justice,
mais de mon expérience en vingt-cinq ans, on reçoit toujours l'appel ou le
courriel, quand on est chanceux, six jours avant, ce qui fait... ce qui fut le
cas. Donc, j'ai rédigé en quatre jours, 16 heures par jour, O.K.? Ce qui
implique qu'on n'a pas pu vous l'envoyer plus vite que ça.
M. Tanguay : Puis ce n'était
pas un reproche, vous m'avez comprise.
Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K.,
mais non, je vais vous dire, moi, une des grandes inquiétudes qu'on a à l'association,
c'est 541.20 en matière de gestation pour autrui, où il semble clair que jusqu'au
jour de la naissance, si je regarde le régime qui est proposé, O.K., la mère
porteuse, O.K., ou la personne, là, qui est effectivement partie, peut changer
d'idée en tout temps, O.K., sans avoir à se justifier, elle a juste à notifier,
O.K., unilatéralement, je mets fin. Mais à partir du moment où, effectivement,
l'accouchement a lieu et qu'on demande qu'elle signe le consentement à ce que
son lien d'origine filial n'ait jamais été établi, bien, dans les cas où elle
ne le signe pas, quand on regarde 541.20, le tribunal aurait le pouvoir de
penser outre, O.K., et sur la base de : Pourquoi refusez-vous? Et du
meilleur intérêt de l'enfant.
Si je fais un parallèle avec en matière d'adoption,
O.K., je suis désolée, là, mais quelqu'un qui effectivement va signer un
consentement général à l'adoption de son enfant peut même changer d'idée a
posteriori. Or, ici, de ce qu'on comprend, c'est qu'en autant qu'elle a envoyé
l'avis la veille de l'accouchement, tout va bien pour elle. On respecte son
choix. La minute qu'elle a accouché, si vous regardez 541.20, qui ne peut s'appliquer
d'ailleurs qu'à un seul cas, je me permets, O.K., 541.20, O.K., ne s'applique
pas. On n'est pas dans un cas où elle est décédée. On n'est pas dans un cas où
elle a disparu. O.K., on n'est pas non plus dans le cas de son incapacité, donc
il n'en reste qu'un seul, c'est qu'elle refuse. Elle ne veut pas consentir. Et,
dans ces cas-là, si vous regardez, bien, à ce moment-là, le tribunal peut modifier
la filiation selon ce qu'il jugera opportun selon son évaluation de l'intérêt
de l'enfant. Et je vous rappelle que désormais, si effectivement, les
dispositions en matière de la personne qui accouche est présumée, effectivement
le parent de cet enfant-là, c'est à dire même mettre ça de côté.
Ça nous semble très problématique, on ose
espérer que ce n'était pas le désir du législateur, O.K.? Parce qu'il reste que
c'est une très grosse réforme, là, O.K. Mais on pense que c'est plus qu'une
incongruité, ça devrait être modifié.
M. Tanguay :
O.K. Noté. Avez-vous d'autres
éléments, je vous en prie?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Écoutez,
toute la question de la procréation assistée à l'égard d'une personne ou d'une
mère porteuse au sens classique du terme qui n'est pas domiciliée au Québec, on
comprend la logique, O.K., de rédaction du législateur. Notre difficulté, parce
qu'on s'est vraiment copié-collé sur les dispositions en matière d'adoption
internationale, O.K., puis la convention de La Haye, la loi habilitante
québécoise. La difficulté, c'est qu'en matière de gestation pour autrui, il n'y
a pas de convention internationale, O.K., il n'y a pas d'autorité centrale, de
sorte que ce sont les règles habituelles en matière de droit privé international
qui s'appliquent. Le Québec n'a pas une juridiction extraterritoriale pour ce
qui est d'un contrat qui est complètement conclu à l'étranger. Si vous regardez
les dispositions puis a section mémoire, O.K.? Et il ne peut pas non plus...
puis c'est forcer les gens qui vont revenir à les faire...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...n'est ce pas certifier l'acte de naissance de l'enfant devant les tribunaux,
d'une part, puis c'est dit le plus gentiment possible. Je vois mal comment on
va pouvoir trouver des actes de naissance des enfants qui sont nés de gestation
pour autrui étrangère, là. C'est un acte semi-authentique, O.K., qui indique :
Nous avons parent a et parent b et un enfant enfin. Il n'y a pas une annotation :
Ceci est suite à une gestation pour autrui. Donc, dans les cas où,
effectivement, on a une gestation pour autrui qui était légale à l'étranger,
qui a été concrétisée, O.K., auquel on a donné, donc l'acte de naissance a été
émis. On voit mal, à partir du moment où il n'y a pas des conventions, comme en
matière d'adoption internationale, où chacune des juridictions parties à la
convention, dans le fond, décline compétences selon certains scénarios factuels
pour faire en sorte que toutes les situations peuvent être prises soit dans l'une,
soit dans l'autre. Je vous dirais, avec respect, c'est comme si cette
section-là était comme 20 ans trop vite.
M. Tanguay : Donc, pour le...
détromper-moi. Deux choses. La première, c'est qu'il n'y a pas exigence lorsque
la mère porteuse est à l'étranger, il n'y a pas exigence qu'il y ait une
convention préalable. Est-ce qu'il y a exigence?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Non.
Non, en fait, le projet de loi dit que ça en prend une. Moi, ce que je vous
dis, c'est qu'à partir du moment où elle est domiciliée puis quand on regarde
le droit privé international en matière contractuelle, c'est la loi de cet
endroit-là qui s'applique, ce n'est pas la nôtre.
M. Tanguay : Tout à fait. Et
donc je crois que c'est par règlement que le gouvernement pourra déterminer les
États avec lesquels il reconnaîtra la possibilité de le faire pour les mères
porteuses qui y résideraient, dans ces États-là. Alors, vous jugez que, dans le
contexte d'un règlement qui dirait tel État, tel État, tel État, puis on parle
des États souverains et les États américains puis les autres provinces, là, c'est
nettement insuffisant. Ça ne pourra jamais répondre à votre appréhension.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
En fait, ça ne règle pas le problème. Vous comprenez? Même si le Québec
décrète... Par exemple, on va prendre n'importe quel pays, ce n'est pas
important, ne me citez pas, O.K., la France, O.K.? Bien, à moins que la France
signe une convention avec le Québec, comme quoi, similaire en matière d'adoption,
les tribunaux français vont dire : Mais je suis désolé, mais nous avons
compétence, ça s'est passé sur notre territoire, ce sont, tu sais, là, nos
conventions, nos ordonnances. C'est là qui est le problème, là. Parce que je
comprends qu'on veuille empêcher le tourisme procréatif, ça, je comprends tout
à fait, O.K., mais je ne pense pas que c'est la façon d'y arriver.
M. Tanguay : O.K. Bien noté.
D'autres éléments?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Les informations personnelles. On est vraiment... Écoutez, si on regarde en
matière de, le nouveau titre, là... en tout cas, l'équivalent de ce qu'on
appelle la procréation assistée, présentement, et en matière de gestation, les
informations seront au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, au ministère
de la Santé, au Directeur de l'état civil. On a des craintes parce que c'est
des informations extrêmement sensibles, des informations qui sont aussi
confidentielles. Et on a des craintes, effectivement, qu'à se promener d'un
endroit à l'autre, qu'à un moment donné, est-ce nécessaire? Et par rapport à
ça, je vais vous dire, je vais aller plus loin, pourquoi est-ce que la
convention de gestation pour autrui doit être versée au Directeur de l'état
civil? D'autant qu'on demande qu'il y ait des informations personnelles à la
personne qui va se trouver à accoucher. On saura juste, par règlement, jusqu'où
iront ces informations-là, mais je vois mal en vertu de quoi, surtout qu'il y
aura la signature d'un consentement qui attestera qu'il y a eu une convention
et qu'il y a renonciation de la part de la mère porteuse à son lien filial. Je
ne vois pas pourquoi ces informations très personnelles, en termes de ses
antécédents médicaux, seraient là.
M. Tanguay : Deux questions
rapides. Tarif, j'aimerais ça que vous m'en parliez pas le... j'aimerais ça
vous entendre là-dessus, de un. Et, de deux, l'importance de ne pas exiger l'usage
unique du français.
Mme Kirouack (Marie Christine) :
Ah! je vais le prendre dans l'autre sens. Écoutez, on est quand même dans un
pays où il y a deux langues officielles, le français, l'anglais, et je
comprends d'autant moins que, dans les cas où les parties, parce qu'elles le
sont toutes et seraient autorisées, en vertu de la réforme, de le faire
rédiger, par exemple, en anglais, elles devraient d'abord, effectivement,
déclarer et avoir pris connaissance d'une version française. Un, on parle d'accès
à la justice depuis 20 ans. Deux, on va se trouver dans les dossiers où, par
exemple, les parties sont anglophones, elles vont devoir payer pour la
rédaction de deux contrats. Un, ça crée des problèmes importants en matière d'interprétation
subséquente s'il y a une chicane. Deux, je vais vous dire, on était comme un
peu surpris, O.K.? N'oubliez pas qu'en matière de contrat un consentement
éclairé, ça implique qu'on a compris effectivement les termes de ce à quoi on s'engage.
C'est important que les parties peuvent choisir la langue, surtout dans ces
matières-là
M. Tanguay : Parfait. Et dans
la minute qui reste ou à peu près...
Mme Battaglia (Maria Rita) :
...consentement éclairé...
• (15 h 40) •
M. Tanguay : Oui,
consentement éclairé...
Mme Battaglia (Maria Rita) : ...consentement
éclairé pour qu'il comprenne que c'est... on ne peut pas le faire quand on a 2 consentements
qu'il faut font qu'on passe en deux langues différentes et souvent les
anglophones ne comprennent pas le français et vice versa, alors c'est sûr que c'est
très important que la personne aille le choix de langue comme on l'a toujours
fait.
M. Tanguay : Parfait, et
contre certains tarifs également, page 12.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Ah!
bien écoutez, notamment la question qu'on s'est posée, puis je vais vous dire,
là, sur la question des personnes autochtones, quant à nous, là, le tarif
devrait être suspendu pour toujours et non pas pour une période de cinq ans. C'est
la moindre des choses qu'on leur doit. Ça, comme association, là, on a une
position très claire là-dessus. Pourquoi 5 ans? On comprend que par le passé,
il y a eu des dispositions transitoires. L'article 140 entre autres, qu'en
2002, la réforme de 2002 est rentrée en vigueur, il y avait comme période
tampon.
Vu le lourd héritage des gestes qui ont
été posés envers les peuples autochtones, moi, je pense qu'il devrait... Ça ne
devrait jamais rien coûter. Le tarif devrait être suspendu de façon permanente.
M. Tanguay : Merci à vous
deux. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
LaFontaine. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Tantôt vous avez... Bonjour à vous deux. Tantôt vous avez utilisé un
terme, là, on parlait... vous parliez de la gestation pour autrui, vous avez
dit c'est 20 ans trop vite. Voulez-vous expliciter un peu?
Mme Kirouack (Marie Christine) : O.K.
Ce que je veux dire par là, c'est que je m'attends à ce que dans dix ans ou
dans quinze ans ou dans vingt ans, il va y avoir une convention internationale
en matière de gestation pour autrui et qu'à ce moment-là, effectivement, chaque
État va désigner une autorité centrale qui va s'occuper d'appliquer la
convention internationale de la même façon qu'on en a une en matière d'adoption
internationale. C'était ça l'objet de notre propos. C'est juste que
présentement, ce n'est pas ça et en matière scientifique et en matière de
procréation assistée, c'est un peu le Far West à travers le monde, là.
M. Leduc : Mais avant que se
détermine une convention internationale, il faut nécessairement que ça aille
commencer en quelque part jimagine avant que les gens qui ont déjà quelque
chose s'assoient puis en fassent une convention.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
c'est parce que des fois, ce que vous avez, c'est que vous allez avoir des
conventions entre deux pays, par exemple, O.K., qui, des fois, se trouvent à,
comme,faire je dirais les débuts de racines de ce qui devient subséquemment la
convention. Des fois, c'est dans l'autre sens aussi. Vous savez, La Haye, la
convention, des fois, on en a qui sont juste... on fait un constat qu'il y a un
problème important à travers le monde et qu'il faut le régler.
M. Leduc : Puis dites-moi si
j'interprète mal vos propos, mais vous dites en attendant une convention
internationale, il faudrait garder la loi actuelle, c'est-à-dire la nullité
absolue dans le Code civil.
Mme Kirouack (Marie Christine) : Je
ne sais pas. Ce n'est pas ça qu'on a... ce n'est pas ça que j'ai dit ça fait
que je me suis peut être mal exprimée.
M. Leduc : Voulez-vous
clariifier?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Oui,
je vais clarifier le propos. O.K. ce que je dis, c'est que en matière de
gestation pour autrui. O.K. la réforme propose dans le fond, je vous dirais,
deux grands chapitres, O.K. Lorsque les parties sont ici, sont au Québec elles
sont soumises au droit québécois, et lorsque, effectivement, la mère porteuse
est domiciliée à l'étranger, ce qui implique aussi que son enfant, en vertu des
dispositions de droit privé international, je m'excuse, O.K. son acte de
naissance est régi par le lieu de son domicile à sa naissance. O.K. Notre code
est clair par rapport à ça.
Ce qu'on dit, c'est qu'en matière... la
section sur la gestation pour autrui à l'étranger, elle est très problématique
parce qu'on tente de donner une portée extraterritoriale à la loi québécoise
qui... on n'est pas certain si c'est possible.
M. Leduc : Je comprends.
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Oui, bonjour et
merci énormément pour tout le travail que vous avez fait à un compte de 16
heures par jour, donc merci, c'est très apprécié. Moi aussi, je vais digérer
chaque article et je vais regarder tout le travail que vous avez fait.
Hier, une intervenante nous a dit qu'elle
restait dubitative face à la possibilité de vraiment pouvoir encadrer
correctement la gestation pour autrui, c'est-à-dire que va-t-il arriver dans la
mesure où ce qu'on veut toujours, c'est protéger l'enfant, si, par exemple, on
ne respecte pas les règles, que ce soit dans la gestation pour autrui
transfrontalière, vous venez de parler des problèmes, mais même ici? Mettons qu'on
met 21 ans, la femme qui porte l'enfant aurait 19 ans. On dit qu'il ne doit pas
avoir rétribution, on découvre qu'il y a eu rétribution. Quelles peuvent être
les conséquences de ça dans une société où, de toute façon, on va toujours
vouloir protéger l'enfant? Est-ce que vous voyez le type de sanctions? Comment
tout ça peut atterrir concrètement sur le plancher?
Mme Kirouack (Marie Christine) :
O.K. Dans l'ordre et dans le désordre, en matière de ce que je vais vous
appeler les parents prospectifs, O.K. c'est à dire ceux qui contractent pour
obtenir la gestation pour autrui. Vous verrez au mémoire que dans le cas où ces
personnes-là O.K. elles décident qu'elles ne donnent pas suite, et on a des
exemples, là au Québec...
Mme Kirouack (Marie Christine) :
...tout à coup, c'est, tu sais, bon... Parce que je pense à un
cas où madame, dans le couple, effectivement, qui avait contracté avec une mère
porteuse, s'est retrouvée, quatre semaines après la conception des enfants, en
vertu du contrat de gestation pour autrui, enceinte de jumeaux, puis là, on a
fait : Bien, non merci. O.K. De la même façon que je peux penser à des
scénarios... ou si l'enfant naît, par exemple, souffrant de spina bifida, les
parents prospectifs fassent : Savez-vous, on va oublier ça. Dans... La
position de l'association par rapport à ça - puis vous regarderez au mémoire -
c'est qu'il devrait y avoir des dispositions pénales, des dispositions de... Si
les parents prospectifs décident qu'ils ne donnent pas suite effectivement,
bien, qu'à ce moment-là ils soient redevables de toutes les sommes que l'État
pourrait payer pour cet enfant-là, qu'il puisse y avoir des dommages punitifs
dans ces situations-là.
Mme Hivon : O.K. J'ai
tellement de questions. Et puis si c'était l'encadrement, je dirais, général,
là, par exemple, l'âge n'est pas respecté, il y a eu rétribution, on n'a pas respecté
la convention. C'est quoi la suite des choses?
Mme Kirouack (Marie Christine) : Bien,
en fait, je vais vous dire, je pense que vous mettez le doigt, là, sur le
noeud... Parce que si on veut être totalement limpides et transparents, là,
vous avez juste à aller regarder sur Internet, sur Facebook et autrement, hein,
il y a présentement un marché de mères porteuses, il y a présentement un marché
de vente d'ovules, O.K.? Et ça, je peux vous dire que c'est parce que, moi,
j'ai eu des dossiers a posteriori, O.K., que j'ai comme... Donc, je peux vous
dire qu'une mère porteuse, c'est 35 000 $ à 40 000 $ dans ce que moi, j'ai vu,
O.K., et qu'un ovule, ça tourne autour de 10 000 $, 15 000 $. Allez voir.
D'ailleurs, il y avait un article dans... un éditorial, ou quelque chose, dans
La Presse dans la dernière semaine, là, là-dessus. Donc... Bien, qu'est ce
qu'on fait, là? C'est effectivement... C'est un grave problème. Et il va
falloir prévoir effectivement des dispositions sur cette question-là, à savoir,
bien, est-ce que... Puis je suis d'accord avec vous, Mme Hivon, dans les cas,
par exemple, O.K., où vous avez une convention, et la mère aurait 20 ans,
est-ce qu'on va décider qu'on n'y fait pas droit? Le problème, c'est que, ou on
a une approche très stricte, O.K., parce qu'on va considérer que c'est les
règles publiques qui visent à protéger, O.K., la mère porteuse, mais parce
que... Tu sais, une fois qu'on décide qu'on ouvre la barrière, bien, est-ce que
17 ans, c'est correct? Est-ce que 16, c'est correct? Où est-ce qu'on s'arrête?
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. C'est tout le temps qu'on a.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, encore une
fois, d'avoir été avec nous. C'est très, très, très apprécié. On se dit :
À bientôt. Et je suspends les travaux, quelques instants, afin d'accueillir
notre prochain invité. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 48)
(Reprise à 15 h 55)
Le Président (M.
Bachand) :Alors, s'il vous plaît, la
commission reprend ses travaux. Merci accueillir Sylvie Charles et Me Marie-Hélène
Tremblay aux travaux de la commission. Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui,
surtout en présentiel. C'est très agréable. Alors vous connaissez les règles? 10
minutes de présentation pour cette période d'échanges. La parole est à vous. Merci,
encore une fois, d'être avec nous. Merci.
Mme Schirm (Sylvie) : ...de
la commission. Je veux d'abord vous remercier d'avoir tenu votre promesse de
procéder avec la réforme du droit de la famille si longtemps attendue, et nous
sommes vraiment honorées d'être ici aujourd'hui et nous vous remercions pour l'invitation.
Nous sommes également très conscientes que c'est dans cette bâtisse que les
lois se forgent et se forment, et qu'on finit par en accoucher.
Schirm & Tremblay Avocats est un
cabinet composé de spécialistes chevronnés qui pratiquent uniquement en droit
de la famille. Je pratique depuis 33 ans dans ce domaine, Me Tremblay
pratique depuis 14 ans et depuis 10 ans en droit de la famille. Nous
avons une expertise dans tous les domaines qui touchent le droit de la famille.
Notre mémoire s'intitule Dans le meilleur intérêt de nos enfants. Et c'est
dans ce contexte, et toujours étant guidé par ce principe, que nous soumettons
nos commentaires concernant le projet de loi numéro 2.
Notre mémoire met de l'avant nos
commentaires sur les sujets suivants qui sont contenus dans le projet de loi et
nous n'avons pas de commentaires sur les autres aspects de la réforme. En
résumé, on discute de la mère porteuse, le retrait du consentement de la mère
porteuse, la consultation juridique, le remboursement des frais. Nous avons
soulevé aussi la nécessité d'incorporer la définition de la violence familiale
de la Loi sur le divorce dans notre Code civil du Québec pour des raisons que
nous expliquerons, et nous avons également soutenu la position du gouvernement
de ne pas reconnaître la pluriparenté pour les raisons que nous allons vous
expliquer.
En ce qui a trait au consentement de la
mère porteuse, nous considérons qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant de
permettre à la mère porteuse de retirer son consentement à quelque moment que
ce soit. En cas de refus de la mère porteuse de renoncer à sa filiation
maternelle, l'enfant aura donc la mère porteuse comme mère, peu importe la
provenance des ovules et l'autre parent d'intention à l'égard duquel allait
être établi le lien paternel ou le second lien parental. Il est donc à parier
que le père ou le parent d'intention qui, sur le certificat de naissance, va
vouloir exercer ses droits parentaux et avoir accès à cet enfant tant attendu
et si désiré, et avec qui il ou elle, peut avoir un lien biologique. Il, dans le
cas de «il», si son sperme a été utilisé pour la fécondation. L'exercice de ses
droits parentaux permettra à sa conjointe ou son conjoint, c'est-à-dire l'autre
parent d'intention qui est déchu face à cette situation-là, de jouer un rôle
dans la vie de l'enfant, mais elle ou il demeurera également un tiers à son
égard, même si, par exemple, les ovules ont été utilisés pour sa création. Il
est à prévoir, donc, que cette personne sera intervenant ou mise en cause dans
une procédure de garde d'enfant.
Voilà donc un litige de garde d'enfants
qui va débuter entre deux personnes qui ne sont pas partenaires, qui n'ont
jamais planifié être parents ensemble, au contraire, et donc un vit une énorme
déception pouvant donner lieu à une guérilla judiciaire. Donc, nous croyons qu'il
est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas donner à la mère porteuse l'opportunité
de retirer son consentement. En ce qui a trait à la consultation juridique,
nous ne pouvons pas assez insister pour la nécessité d'avoir une consultation
juridique indépendante par avocat pour toutes les parties à la convention de
GPA.
On a déjà vu qu'est-ce qui est arrivé avec
la Loi sur le patrimoine familial qui ne prévoyait pas de consultations
juridiques indépendantes, et plusieurs des renonciations furent annulées par
les tribunaux par manque de consentement, surtout parce que l'épouse, dans ce
cas-là, n'avait pas consulté un conseiller indépendant. Et le notaire, en 1990,
avait le même rôle qu'aujourd'hui. De plus, dans un contexte si délicat comme
une convention de GPA, il n'est pas toujours évident qu'une partie oserait
poser certaines questions en présence de l'autre.
Cette possibilité de consultation
indépendante fermera également la porte à toute prétention de la mère porteuse
à l'effet qu'elle n'a pas compris les conséquences de ses gestes dans la
convention de GPA. Vous direz peut-être que je prêche pour ma paroisse. C'est
vrai, mais ce n'est pas sans fondement, car les avocats qui pratiquent le droit
de la famille sont sur le terrain. Nous connaissons les embûches. Nous sommes
devant les tribunaux. Notre rôle est justement d'évaluer les risques, et de
conseiller le client ou le client en lui faisant voir qu'est-ce qui est le pire
scénario. Notre pratique sur le terrain nous permet de donner des conseils
judicieux et selon les besoins spécifiques de la situation.
• (16 heures) •
Le notaire, lui qui rédige le contrat n'a
pas ce rôle ni peut-il jouer ce rôle, car il conseille les deux parties. De
plus, le notaire n'a pas l'expérience de litige des avocats de terrain
pratiquant le droit de la famille qui connaissent bien le système judiciaire et
ses exigences en...
16 h (version non révisée)
Mme Schirm (Sylvie) :
...familiale et qui peuvent aussi prévoir le litige et la prévention de celui-ci.
Les parties à une convention des GPA doivent comprendre les règles juridiques
applicables et les implications particulières pour chacune d'elles, et leurs
droits et obligations doivent leur être expliqués dans un contexte de possibles
litiges éventuels et en toute confidentialité dans un endroit spécifiquement
établi pour eux, dont le bureau d'un avocat ou cette personne est seule et peut
poser toutes les questions. Il faut s'imaginer que peut-être, on n'osera pas
poser certaines questions en présence de la mère porteuse et les parents d'intention.
Alors, ceci permettra aux parties de vraiment pouvoir avoir toutes les
informations nécessaires. Nous croyons que parler des possibilités de litige
constitue un moyen de prévenir que ces litiges surviennent sans crainte... et
que des questions peuvent être posées sans crainte de la réaction de l'autre
partie.
En ce qui a trait à la question de la
violence familiale, nous comprenons... vous avez constaté que la loi sur le
divorce a récemment été modifiée pour inclure des dispositions pour protéger l'enfant
vivant de cette violence. De plus, une définition détaillée fut incorporée dans
la loi, forçant les tribunaux d'analyser tous les aspects de la vie de l'enfant
et également les impacts...de cette violence. On croit que cette définition
ainsi que l'analyse que les juges doivent faire de la violence familiale
devraient être incluses dans le Code civil du Québec. Les valeurs d'une société
sont inscrites dans sa législation. Cette valeur, protéger les enfants de la
violence familiale, doit absolument s'y trouver par le biais de cette
définition détaillée ainsi que l'obligation des juges de faire l'analyse de
tous ces facteurs qui doivent être considérés. Nous ne devons pas permettre qu'un
juge analysant un dossier de violence familiale ait plus d'outils à sa
disposition, quand les parents sont mariés, que ceux dont les parents sont
conjoints de fait, ce qui représente d'ailleurs, comme vous le savez, la
majorité des couples au Québec. Le traitement égal de tous par la loi est un
droit fondamental et surtout pour des enfants.
Maintenant, en ce qui a trait à la
triparenté ou pluriparenté, la seule fois où je me suis exprimée sur la
pluriparenté, en disant que je n'étais pas d'accord avec ce principe, on m'avait
dit que j'avais une façon hétéronormative de penser. J'ai dû consulter un
dictionnaire pour comprendre ce mot et je ne savais pas, à ce moment-là, que je
me faisais insulter. Parce qu'hétéronormatif est un adjectif qui qualifie une
personne qui pense que l'hétérosexualité est la seule et unique orientation
sexuelle possible. En d'autres termes, une personne hétéronormative est
convaincue qu'une femme ne peut vivre une relation amoureuse qu'avec un homme
et vice versa. Croyez-moi que ce n'est pas du tout mon cas ni non plus celle du
cabinet. Je n'ai pas honte ni crainte d'exprimer notre point de vue en tant que
praticien en droit de la famille. Il faut cesser de croire que la
pluriparentalité est gage de succès. Il est illusoire et utopique de penser
que, si plus de deux personnes décident de participer ensemble à l'élaboration
d'un projet parental, elles seront nécessairement immunisées à la possibilité
de rupture, la survenance d'un conflit ou d'un litige qui impliquerait cet
enfant. Une rupture et un litige concernant un enfant peuvent survenir, peu
importe qu'on ait eu deux, trois ou quatre parents.
Peu importe que les parents sont
hétérosexuels ou issus de la communauté LGBTQ, peu importe qu'ils aient conçu l'enfant
par relation sexuelle, ou ont eu recours à l'adoption ou la procréation
assistée, il n'y a aucun litige plus blessant, plus difficile, plus pénible et
plus laid qu'un procès pour la garde d'un enfant. Voilà qu'avec trois ou quatre
parents le litige sera encore plus difficile, plus long, plus pénible pour les
parties, le système judiciaire, mais surtout pour l'enfant. Et l'enfant, avec
trois parents, on fait quoi? On les divise en combien? Combien de jours de la
semaine, il faut partager cet enfant-là, deux, trois, quatre? Que faire lorsqu'il
y a une prise de décision pour l'école, les sports, le vaccin de la COVID? Quel
effet est-ce que cela aura sur la prise de décision en général, alors que l'enfant
sera mis, malgré lui, au milieu d'un conflit important? Comment gérer, du point
de vue de l'enfant, les trois ou quatre parents en conflit qui se présentent en
même temps chez le dentiste, à l'école ou aux activités sportives? Qui va
prendre les décisions importantes, dans la vie de cet enfant, deux parents
contre un, un juge de la cour...
Mme Schirm (Sylvie) : ...ces
situations, alors que seulement deux parents sont présents, sont déjà souvent
problématiques et anxiogènes pour l'enfant. Il est difficile d'imaginer qu'un
tel scénario serait dans le meilleur intérêt de l'enfant. En effet, nous
croyons qu'un tel scénario reviendrait plutôt à faire prévaloir l'intérêt des
parents au détriment de l'intérêt de l'enfant. C'est pour cette raison que nous
croyons que la pluriparenté n'est pas dans l'intérêt des enfants québécois.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci pour votre présentation, maître. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Me
Schirm, Me Tremblay, merci beaucoup d'être présentes à Québec, ici, pour nous
livrer vos commentaires sur le projet de loi. Je dois comprendre que vous
accueillez tout de même favorablement le projet de loi. On va commencer par la
fin de votre intervention relativement à la pluriparentalité. Nous, on a fait
le choix de demeurer à deux parents. C'est le choix du gouvernement. Je
voudrais juste qu'on élabore un petit peu plus cette question-là, parce que
vous avez donné des exemples quand même précis sur le fait de quelles
pourraient être les conséquences potentielles, et ça, vous nous illustrer ces
conséquences-là par le fait de votre vécu, actuellement, comme avocate
praticienne. Alors, ça me fait penser également pour les lieux de résidence.
Quand les enfants sont séparés, souvent quand il y a des gardes partagées,
bien, ça arrive parfois que les parents conservent une résidence puis que c'est
les parents qui changent, qui vont habiter dans la résidence, puis les enfants
restent là. Mais vous me corrigez, je pense que c'est une minorité...
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
une minorité et c'est pour de très courtes périodes de temps. Ça, c'est le
«nesting» qu'on appelle. Donc, c'est les parents qui changent de maison, mais c'est
toujours fait pour une très courte période de temps.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : En
fait, dans les dossiers litigieux. Parce que sans doute qu'il y a des gens qui
s'arrangent comme ça sans que ce soit litigieux, mais le «nesting», c'est
temporaire, c'est souvent durant l'instance.
M. Jolin-Barrette : O.K. Et
puis, c'est quoi l'impact de la garde partagée sur les enfants? Tu sais, les
enfants, quand ils ont des parents séparés, qui doivent changer de résidence,
tout ça, avec votre longue expérience., je suis sûr que dans certains cas, ça
se passe très bien, mais quand même, l'enfant qui se retrouve avec deux
maisons, deux chambres, deux kits de vêtements, des jouets différents, tout le
kit, là, dans dans votre expérience comment ça se passe? Puis là, dans le fond,
la pluriparentalité, ce que ça fait, c'est que ça pourrait nous amener à avoir
trois maisons, quatre maisons, cinq maisons pour l'enfant. Là, c'est sûr que de
ce que je comprends, quand tout va bien, il n'y en a pas de problème, mais ça
arrive que les couples au Québec, ils se séparent plus souvent que dans le
temps, mettons.
Mme Schirm (Sylvie) :
50 %, un sur deux. Ça, c'est encore les statistiques qui sont là. La garde
partagée peut fonctionner très bien, comme peut-être très difficile pour les
enfants. On demande beaucoup à nos enfants quand on fait une garde partagée.
Puis la réalité est qu'on demande de s'ajuster justement à deux milieux,
parfois avec des valeurs différentes, avec des règles différentes, avec les
nouvelles ou nouveaux conjoints, avec la famille recomposée, avec les enfants
du nouveau ou nouvelle conjointe. Alors, on leur demande énormément déjà dans
le contexte de la garde partagée, toujours dans principe aussi que c'est
important pour les enfants d'avoir accès à leurs deux parents, parce que c'est
vraiment ça, cette... Ça, c'est une valeur importante, qu'ils puissent avoir
accès aux deux parents.
Mais, quand on regarde ce qu'on demande
aux enfants qui vivent la garde partagée et surtout si on ajoute à ça un
conflit parental, c'est certain que qu'est-ce qui est le plus dommageable pour
les enfants, ce n'est même pas le une semaine sur deux, c'est le conflit.
Alors, quand on a un conflit entre trois parents, par exemple, on a vu la cause
devant la Cour d'appel en 2019 où c'était un couple de lesbiennes qui ont
recours à un homme pour avoir une fécondation. Ils ont signé un contrat, tout
le monde était très bien, contrat pour faire venir un enfant au monde. Tout le
monde était de bonne foi. Alors, à un moment donné, un du couple des femmes
change de sexe. Ils se divorcent par la suite. Et là, le parent, le père
biologique, est maintenu à l'extérieur de cette démarche-là. Il réclame d'être
reconnu sur le certificat de naissance. Il y a un immense litige qui s'en va
jusqu'à la Cour d'appel. Alors ça, c'était trois personnes qui voulaient élever
un enfant ensemble, qu'ils ont réglé cet aspect-là entre eux avec une entente
de bonne foi, et voilà qu'est ce qui est arrivé. Alors, on peut très bien
imaginer... Et cette enfant-là, elle a maintenant... elle voit son père
biologique qui n'est pas sur le certificat de naissance, mais vous pouvez
imaginer qu'elle est déchirée entre trois personnes qui sont en conflit.
• (16 h 10) •
Alors ça, c'est qu'est ce que nous
craignons. Comment on va faire ça? Imaginez vous, on va être quoi, trois,
quatre avocats à la cour en train de débattre une garde d'enfant. Et je crois
que si ça fonctionne bien, la triparenté, si ça marche, pour quoi est ce qu'on
a besoin d'être reconnu, si ça fonctionne? Ça, c'est une exigence d'un
adulte...
Mme Schirm (Sylvie) : ...n'est
pas l'exigence, ce n'est pas le meilleur intérêt de l'enfant qui est vu dans ce
contexte-là, c'est l'adulte qui veut être reconnu. Reconnu pourquoi? Parce qu'il
veut exercer des droits. Et l'exercice des droits, ça va être quand? Quand il
va y avoir un conflit de garde.
Alors, nous croyons que, sur le terrain
de notre vie quotidienne, je peux vous dire, qu'un procès de garde, c'est la
pire expérience que quelqu'un peut vivre et c'est très difficile pour les
procureurs aussi et encore plus pour le juge qui doit trancher. Alors, on va le
soumettre encore dans cette démarche-là.
M. Jolin-Barrette : Donc,
vous, ce que vous dites, quand c'est revendiqué, la pluriparentalité, c'est
plus l'adulte qui lui souhaite avoir ses droits plutôt que du point de vue de l'enfant.
Nous, on a construit le projet de loi, que ce soit pour la gestation pour
autrui, puis j'aurais une question là-dessus aussi sur une question de
vocabulaire après, on a construit le projet de loi %rer l'intérêt de l'enfant
puis que ça soit vraiment clair que ça soit ça. Je vais revenir sur la question
de vocabulaire, mais avant ça, dans votre mémoire, vous ne parliez pas des
modifications à l'article 111 relativement aux beaux-parents. On vient
permettre de maintenir des liens avec l'ex-beau-parent, si on veut, si jamais c'est
dans l'intérêt de l'enfant. Qu'est-ce que vous pensez de ça?
Mme Schirm (Sylvie) : Ça, c'est,
à mon avis, excellent. Je n'ai... Parce que c'est des contacts, ce n'est pas
dans le contexte d'une garde, ce n'est pas dans le contexte de diviser l'enfant
en quatre morceaux, mais c'est de permettre à l'enfant de maintenir un lien qui
sera probablement le lien qu'on peut voir dans certains cas où est-ce que des
tiers qui ont obtenu des accès, que ça a été des contacts, ça été pour des
courtes périodes, ce n'était pas une fin de semaine sur deux, ce n'était pas
une semaine sur deux, ce n'était pas deux semaines à Noël, alors... mais c'est
quand même pour permettre le contact. Alors, nous n'avons pas d'objection à ça
parce que c'est un lien qui est important. L'enfant a établi avec cette
personne-là. Alors, à mon avis, ça, ça pourrait... c'est très bien. C'est pour
ça que vous n'avez pas de commentaire dans notre mémoire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Me
Tremblay.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
La distinction, je pense, qui est importante ici, c'est aussi l'autorité
parentale, parce que la triparenté, c'est ça aussi. Puis, pour un peu reprendre
ce que Me Schirm disait tout à l'heure, ce qu'on voit, nous, quand il y a des
expertises psycholégales, c'est des différentes modalités de garde, il n'y a
aucun problème tant que tout le monde est d'accord. Où ça commence à être
problématique avec des répercussions sérieuses pour l'enfant, c'est quand il y
a un conflit. Alors, bien évidemment, nous, on pense... on prévoit le conflit,
puis on dit : Si trop de parties peuvent... ont leur mot à dire, c'est
trop d'intervenants pour l'enfant.
M. Jolin-Barrette : O.K. Sur
le même article, mais le libellé actuel, là, par rapport... c'est un article
qui touche principalement les grands-parents actuellement. Dans votre pratique,
là, les droits d'accès aux grands-parents, là, si vous aviez un portrait à nous
faire, est-ce que c'est un enjeu? Parce que de ce qu'on m'explique notamment, c'est
que, parfois, ça crée des conflits intrafamiliaux, les grands-parents donnent
un accès, la façon que c'est interprété, c'est en faveur des grands-parents
notamment. Comment c'est vécu, sur le terrain, là, l'utilisation de cet
article-là?
Mme Schirm (Sylvie) : Je peux
vous dire que les juges sont extrêmement généreux envers les grands-parents et
je peux vous dire que mon analyse à moi, selon la jurisprudence, c'est qu'à
moins qu'il y a une altercation physique, physique, qu'on arrive aux coups
entre les grands-parents et les parents en présence de l'enfant, on va tout
faire pour permettre aux grands-parents d'avoir un contact. Et le conflit entre
le grand-parent et son enfant qui est l'adulte, évidemment, là, qui est le
parent de l'enfant, du petit-fils ou petite-fille, est mis de côté. Il faut que
le conflit soit vraiment intense et, comme je vous dis, très, très axé, là, sur
un sérieux problème psychologique suite à une expertise, etc. Les tribunaux
sont très généreux envers les grands-parents et tient compte que c'est
important pour les enfants d'avoir un contact physique. Ça fait que, même quand
il y a un... parce que c'est sûr que ces cas-là, il y a un conflit, hein?,
parce qu'il y a quelqu'un qui refuse aux grands-parents d'avoir accès à leurs
petits-enfants. Alors, c'est évident qu'il y a un conflit familial, mais le
conflit doit être extrêmement sérieux pour que le tribunal décide de ne pas
accorder aux grands-parents ou de ne pas permettre aux enfants de voir les
grands-parents.
M. Jolin-Barrette : Et, selon
vous, vous dites : Bon, l'approche, elle est extrêmement généreuse de la
part des tribunaux. Est-ce que c'est une bonne approche ou...
Mme Schirm (Sylvie) : Moi, je
trouve que, oui, je trouve que oui.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Puis on voit même… en fait, c'est souvent dans une situation où il peut y avoir
des conflits, où un parent est décédé, et là le grand-parent du parent décédé
veut avoir accès, il y a eu un conflit familial. Dans ces cas-là, même les
accès vont être un petit peu plus généreux pour permettre à l'enfant d'avoir le
côté maternel ou paternel qui, malheureusement, n'est plus dans sa vie, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Présomption de paternité, en faveur d'un conjoint de fait.
Mme Schirm (Sylvie) : Pas de
problème. Pas de problème avec ça, au contraire.
M. Jolin-Barrette : L'autorité
parentale qui s'exerce sans violence, aucune.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça, on
est entièrement d'accord avec ce principe-là. Le fait de pouvoir faire une
déchéance pour violence familiale, là, comme on a vu les jugements qui ont été
rendus récemment, 100 % d'accord avec ça.
M. Jolin-Barrette : O.K. Bon,
sur la gestation pour autrui...
M. Jolin-Barrette : ...on a eu
Me Kirouack, qui disait : Bien, ça ne devrait pas être juste confié aux
notaires. Vous, votre position par rapport à ça, là?
Mme Schirm (Sylvie) :
Écoutez, notre position, ce n'est pas la question de qui fait le contrat,
vraiment, c'est la question de la consultation juridique. Et c'est ça qui nous
inquiète parce qu'on le voit dans nos bureaux, qu'est ce qui arrive. La
question, là, du patrimoine familial, quand on voit le nombre de causes, ils
sont cités dans notre mémoire, qui ont renversé, les juges ont renversé ces
renonciations-là, on peut juste imaginer combien de femmes n'avaient pas les
moyens financiers de pouvoir aller de l'avant et faire une telle demande. Et
combien de femmes aussi... Parce qu'il faut quand même...
Écoutez, la loi s'applique pour l'égalité
économique des époux, c'était ça, le but de l'exercice. Et, malheureusement, il
y a de nombreuses épouses, c'est sûr qu'on est dans les années... fin des
années 80, début 90, où la situation économique des femmes n'était pas pareil
qu'aujourd'hui. Et ils étaient en séparation de biens puis ils s'en vont chez
le notaire pour renoncer à la maison, les REER, les meubles, etc., chose qu'aujourd'hui
est inconcevable, on ne peut même pas imaginer ça, mais c'est ce qui est
arrivé. Et pourquoi? Parce que, malheureusement, le notaire avait un rôle qui n'était
pas nécessairement le rôle du conseiller indépendant ou que cette femme-là n'osait
pas poser des questions en présence de son conjoint. C'était ça, aussi, la
réalité. Et n'osait pas dire : Bien, c'est quoi? Est-ce que... Ça veut
dire quoi? S'il me laisse demain matin, qu'est-ce qui arrive?
Alors, tout ça... Et les tribunaux, qu'est-ce
qu'ils ont fait quand ils ont annulé ces renonciations-là? Ils l'ont annulé à
cause du fait qu'il manquait un conseil juridique indépendant, c'était la
raison principale.
Alors, nous, qu'est-ce qu'on suggère? Puis
je sais que ça alourdit le processus, je comprends, parce qu'il y a déjà la
question psychosociale, mais c'est trop important. C'est trop important. Là, ce
n'est pas juste un contrat hypothécaire qu'on signe, là, c'est la vie d'un
enfant qui est en jeu.
Alors, je pense qu'une consultation pour
des deux, indépendante, une, ça va donner l'information à tout le monde, un
genre d'attestation qu'ils ont eu la consultation. Et le notaire va peut-être
aussi être rassuré en sachant tout le monde a posé leurs propres questions de
cette façon-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
...juste pour renchérir sur le point de Me Schirm, ce n'est pas juste le
patrimoine familial à l'époque où ça a été instauré. On le voit encore aujourd'hui
les gens qui signent des contrats de mariage : Je ne le savais pas que j'étais
en séparation de biens, je pensais que c'était pour protéger la maison s'il y
avait une faillite, je pensais que tout était... Les gens... Et ce n'est pas la
faute du notaire, là, les gens... Le notaire, son travail, c'est : Bon,
bien, parfait, tout le monde est d'accord, on signe. Puis c'est vrai dans une
réalité de mariage où les gens n'osent pas poser ces questions-là. C'est
difficile d'avoir ces conversations-là dans un couple, là.
M. Jolin-Barrette : Mais le
notaire a quand même la responsabilité d'informer adéquatement les deux parties
sur l'état de ce qu'ils signent.
Mme Schirm (Sylvie) : Oui. Ce
n'est pas la même chose qu'une consultation où nous, on dirait à la personne :
O.K., réalisez-vous... voici les conséquences de qu'est-ce que vous faites,
voici le scénario, le pire qui peut arriver, voici toutes les étapes, voici sur
quoi vous vous engagez, réalisez-vous que? C'est ça, notre travail. Alors... Et
la personne, après, prend sa décision.
Mais elle va peut-être aussi poser les
questions, que ça soit à la mère porteuse ou les parents d'intention, poser les
questions qu'ils n'oseront pas parce que je suis parent d'intention, je veux
que cette femme-là accouche d'un enfant dont finalement je vais en avoir.
Est-ce que je vais oser poser certaines questions en sa présence? Peut-être
pas. Mère porteuse, la même chose.
M. Jolin-Barrette : O.K. Je
vais céder la parole à mes collègues, dernière question. Pour la gestation pour
autrui, on met une obligation d'une séance d'information préalable. Certains
nous disent : Ça devrait être une séance... bien, une évaluation des
parents d'intention, de la mère porteuse, comme ça se fait, supposons, en
matière d'adoption. Votre opinion là-dessus?
Mme Schirm (Sylvie) : Des
fois, je me demande si ce n'est pas tous les parents qui devront subir ça avant
d'avoir un enfant. Et ça, c'est à cette cause de qu'est-ce que je vois dans mon
bureau. Alors... Une licence. Non, mais parfois on se le demande.
Mais je vous dirais que probablement, ça
ne sera pas une mauvaise idée à cause de qu'est-ce que cela représente. L'adoption,
il y a déjà un enfant qui est venu au monde. Ici, là, ce n'est pas le même
processus...
M. Jolin-Barrette : Mais,
pour bien comprendre, seulement séance d'information ou évaluation?
Mme Schirm (Sylvie) :
Évaluation. Je crois que je ne dirai pas non à une évaluation. Je pense que ça
ne sera pas un tort étant donné la façon que tout cela se fait, la délicatesse
de cette situation-là. Puis c'est certain qu'il n'y a rien parfait, hein,
dans... Essayer de protéger tout le monde, là, dans un cas de gestation pour
autrui, c'est déjà difficile. Est-ce que l'évaluation sera une autre étape à
faire? Moi, personnellement ou en tant qu'avocat, je ne dirai pas non à ça
parce que ça sera une preuve de plus, une étape de plus pour franchir là. Mais
on ne s'est pas nécessairement prononcé sur la nécessité non plus de cette
évaluation.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Chapleau, moins de deux minutes,
questions-réponses.
• (16 h 20) •
M. Chaput (Luc) : Merci
beaucoup. Merci, M. le Président. Bonjour, Me Schirm, Me Tremblay, vraiment un
plaisir de vous voir en vrai cette fois-ci...
M. Lévesque (Chapleau) : ...vraiment.
J'aimerais revenir sur la pluriparenté, dont vous avez fait mention, notamment
les enjeux de garde partagée, l'autorité parentale, mais sous l'angle de d'autres
provinces canadiennes. J'imagine que vous avez certains contacts avec des
confrères, consoeurs où... dans certaines provinces où il y a cette
possibilité-là. Comment ça fonctionne avec tous ces enjeux-là?
Mme Schirm (Sylvie) : Il y a
d'autres... je ne suis pas une spécialiste sur qu'est ce qui s'est passé dans
les autres provinces, mais je sais qu'il y a au moins deux, trois provinces qui
ont établi la législation. Je vais vous donner l'exemple, par exemple, de qu'est
ce qui se passe, puis ça aussi, c'est un autre argument pour la consultation
juridique. Il y a un jugement en Colombie-Britannique où les parents d'intention
et la mère porteuse ont signé un contrat et ils ont convenu dans le contrat, et
ça, c'est une autre question que je sais qu'on n'a pas touchée ici, que la mère
porteuse peut avoir des contacts avec l'enfant, parce que ça, c'est l'autre
réalité. Il y a des gens qui vont vouloir quand même maintenir un certain
contact. Alors elle va avoir des contacts avec l'enfant. À un moment donné, les
parents d'intention ne sont plus contents pour toutes sortes de raisons et
coupent le contact avec l'enfant. Alors, elle, elle est devant les tribunaux parce
qu'elle demande, un, d'être reconnue parent, parce que la triparenté existe en
Colombie-Britannique et deuxièmement, elle demande des droits d'accès à l'enfant.
M. Lévesque (Chapleau) : L'enfant
a quatre ans, c'est bien ça? C'est... Oui, on a eu...
Mme Schirm (Sylvie) : Bon,
voilà. Mais ça... puis là il y a un procès de 14 jours, 14 jours
en... Alors, vous voyez, ça, c'est un exemple typique de qu'est ce qui peut
arriver. Et ça, c'est aussi une raison pour la consultation juridique. Parce
que si les parents d'intention et la mère porteuse décident d'inclure...
M. Lévesque (Chapleau) : Puis,
dans ce cas-là, il n'y a même pas de droits pour la mère porteuse, alors que s'il
y avait des droits, ça pourrait créer d'autres enjeux beaucoup plus importants.
Mme Schirm (Sylvie) : Définitivement.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci beaucoup. Et on
continue avec le député de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Merci, Me Schirm, Me Tremblay. Merci d'être... J'aimerais ça repartir de ce que
vous venez de dire. Dans le projet de loi, il y a... évidemment, si ça ne
fonctionne pas, si on n'a pas respecté les conditions, tant lorsque toutes les
parties sont domiciliées au Québec ou dans le contexte où il y a mère porteuse
à l'étranger, il y a l'établissement judiciaire de la filiation. Trouvez vous
que ça, qui est un peu la voie de secours si jamais ça ne fonctionne pas...
trouvez vous que... par rapport à l'accès à la justice, parce que vous l'avez
dit, vous le voyez, là, de tels procès, de telles auditions, c'est ardu
émotivement, financièrement puis les délais, puis il y a un enfant au milieu de
ça. Trouvez-vous que cette voie-là que le législateur dit : Bon, bien, s'il
y a un problème il y aura établissement judiciaire dans le tribunal, là, de la
filiation... trouvez-vous qu'il y aurait lieu d'encadrer ça, je ne sais pas,
par l'aide juridique ou avoir une mesure facilitatrice ou accélérer, ou... peut
être plus globalement accès à la justice, là?
Mme Schirm (Sylvie) : Écoutez,
en théorie, toutes les procédures en droit de la famille doivent être entendues
d'urgence. Ça, c'est écrit. En théorie. Ça s'est écrit notre code de procédure
civile, O.K.? Alors, en tout cas, la notion d'urgence est toujours... est
souvent relative. Puis c'est sûr que... est ce qu'on peut créer une "fast
track", si vous voulez, ou un moyen plus rapide? Je vous dirais que non.
Je pense que toutes les questions de filiation sont urgentes. Toutes les
questions reliées au droit de la famille sont quelque part urgentes. La
médiation existe. Il n'y a rien qui empêche aux gens de se rendre à la
médiation. Les moyens alternatifs aussi. Les négociations entre avocats
existent. Alors, habituellement, quand on est devant le tribunal, c'est parce
qu'on a tout évacué ces possibilités-là, on a tout tenté et puis on est rendus
là parce qu'il n'y a pas d'autre choix. Alors, je ne crois pas qu'on pourrait
vraiment, pour ces raisons-là, faire un accès plus rapide. Mais il y a des délais,
par exemple, la question du délai, par exemple, dans... on doit saisir le
tribunal dans les 60 jours. Alors, c'est sûr que ça va être un peu comme l'injonction
de nos jours, où les mesures de sauvegarde en droit de la famille, où il y a
une salle d'urgence, là, qui va tenter d'aller de l'avant. Mais je ne vois pas
pourquoi on créerait un autre moyen de qu'est ce qui existe déjà dans notre
loi.
M. Tanguay : Et dans... Puis,
précisément, je suis un peu à côté du projet de loi, mais précisément par
rapport à ce qui existe déjà quant à l'accès à la justice en matière familiale,
les consultations, le cinq heures, et tout ça, en séparation. Est-ce qu'il y a
un tour de roue à donner là dessus, il y a-tu des petits ajustements qu'on
pourrait faire? Parce que la loi est ouverte devant nous, ou vous dites :
Non, ça va bien, on va laisser continuer les choses?
Mme Schirm (Sylvie) : Bien,
écoutez, le problème, ce n'est pas dans la loi. Le problème, c'est dans l'administration
de la justice : le nombre de juges, la quantité de juges qui sont
disponibles, les délais qu'on a devant les tribunaux, le manque de personnel.
Alors, les délais, dans mon livre à moi, ce n'est pas au niveau de la loi, si
vous voulez. Les problématiques qui existent, par exemple pour attendre pour
une audition de deux jours à Montréal, on doit être rendus, quoi, à quatre,
cinq mois facilement. Et donc, qu'est ce qu'on fait? Bien, c'est comme un peu
le système de santé, on se ramasse à l'urgence. Alors, on fait une demande de
sauvegarde parce qu'on ne peut pas attendre quatre, cinq mois pour un incident.
Puis là c'est un peu comme ça qu'on fonctionne.
M. Tanguay : O.K. J'ai bien
compris. Donc, vous, plein droit pour la mère porteuse de son corps, de ses
décisions au moment où elle accouche de facto il y aurait...
M. Tanguay : ...établissement,
elle n'aurait pas le droit de l'«opting out», là...
Mme Schirm (Sylvie) : Exactement,
ni avant ni dans les 7 jours parce qu'elle peut retirer... sauf pour la
question de l'avortement.
M. Tanguay : Oui, tout à
fait.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça, on
ne conteste pas ça, son droit de mettre fin à la grossesse.
M. Tanguay : O.K.. Et dans l'intérêt
de l'enfant. Vous ne faites pas dans votre logique une distinction si la mère
porteuse apporte ou pas son ovule?
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : On
y a pensé. On a discuté beaucoup. En fait, nous, on le voyait un peu en deux
étapes, on pense que la convention du GPA devrait aussi prévoir un peu comme
une donation d'ovules, puis ensuite, le transfert de la filiation, là, tu sais.
On devrait le traiter en deux. Mais non, on ne fait pas de distinction,
finalement.
M. Tanguay : O.K.. Mais il
faudrait par contre qu'au départ, si c'est le contexte qu'elle donne l'ovule, à
ce moment-là, le fait de le traduire dans un document juridique aurait
impliqué, puis je reviens sur votre consultation, qu'il y aurait eu une
consultation là-dessus.
Des voix : Bien, absolument.
Exactement. Oui, définitivement.
M. Tanguay : Vous savez,
madame, il y a des mères porteuses qui n'apportent aucun bagage génétique.
Vous, vous apportez un bagage génétique. La rencontre va durer une heure de
plus, peut-être, parce qu'on va vous expliquer... Et la rencontre psychosociale
aussi. Parce qu'on parle des actes notariés, rencontre avec des avocates et
avocats. Psychosociale aussi, il y aurait peut-être... Distinction que la loi
ne fait pas, que la mère porteuse apporte ou pas son bagage génétique.
Mme Schirm (Sylvie) : Non, il
n'y a pas de distinction...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais
essentiellement on ne la fait pas non plus.
M. Tanguay : Non, c'est ça.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Mais
évidemment, il faut qu'elle soit informée.
M. Tanguay : Dans la
convention, vous en feriez écho.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Ou
on prévoit qu'il y a une espèce de grille de sujets à toucher avec la mère
porteuse lors de la rencontre juridique. Puis, il faut que ce soit abordé avec
elle, à savoir est-ce que c'est son ovule ou non? Parce qu'effectivement, son
matériel génétique, elle doit savoir la différence. Elle doit connaître les
possibilités. Mais je ne pense pas... on ne pense pas qu'il devrait y avoir de
distinction aux yeux de la loi.
M. Tanguay : Donc, vous ne
remettez pas en question le fait que ça se fasse par acte notarié?
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Non.
M. Tanguay : Non. Dans la
séquence, quelle serait donc la séquence idéale? Alors...
Mme Schirm (Sylvie) : C'est-à-dire
en même temps que la rencontre psychosociale, peut-être dans ce timing-là, on
devra avoir la rencontre avec l'avocat et, sans violer notre secret
professionnel, on est d'accord pour émettre une attestation en disant :
Nous avons couvert tous les sujets concernant la loi, etc. Et permettre de
donner au notaire, par exemple, l'attestation...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et,
en fait, que le notaire ne puisse pas recevoir la convention, à moins d'avoir
ces attestations-là.
Mme Schirm (Sylvie) : Voilà.
M. Tanguay : Ces deux
attestations là.
Mme Schirm (Sylvie) : C'est
ça.
M. Tanguay : O.K. Qui paie à
ce moment-là? C'est les parents d'intention?
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Parents
d'intention.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça
pourrait être les parents d'intention. Écoutez, une consultation, là, ce n'est
pas si cher que ça. C'est un investissement, mais... et puis ça dépend
évidemment des années de pratique des avocats, là. Mais ça pourrait être les
parents d'intention qui assument ce frais-là.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : Et
c'est pour ça, peut-être... Parce qu'on n'en a pas parlé. Mais c'est pour ça qu'on
dit : Si jamais le projet de loi n'est pas modifié et que la mère porteuse
peut toujours retirer son consentement, bien, alors, elle devrait assumer les
frais que les parents d'intention ont déboursés parce que là l'intention de
tout le monde change.
M. Tanguay : O.K. Justement à
la page 4... de remboursement, vous parlez du remboursement des frais, au bas,
à la page 4. Je vous donne un commentaire, là, c'est un commentaire, je ne veux
pas être désinvolte. Mais vous dites : «Le remboursement des frais est un
incitatif, entre autres, au respect de la convention.» Autrement dit, vous
dites... Bien, je vous dis, quand c'est rendu là, ce n'est pas un gros...
Comprenez-vous, là?
Mme Schirm (Sylvie) : Non, je
suis d'accord, mais je trouve que dans le contexte, là, de réaliser c'est quoi,
nos obligations, il y a un risque. Si vous ne respectez pas votre obligation,
votre consentement, votre convention, le contrat que vous avez signé ou la
convention, à ce moment-là, vous allez avoir un impact financier aussi parce
que...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : C'est
plus un incitatif au début, là, avant de s'engager dans le processus.
M. Tanguay : À y réfléchir,
oui.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) : On
ne fait pas ça en disant : On change d'idée. C'est plus dans ce sens-là.
M. Tanguay : Et ce serait
donc le remboursement de tous les frais, même ceux qui auraient été encourus...
Donc tout, tout, tout...
Mme Schirm (Sylvie) : Tous
les frais assumés par les parents d'intention, oui. Et ça, ça peut être prévu
évidemment dans la loi, mais ça peut être aussi prévu dans la convention.
M. Tanguay : O.K. Parfait.
Est-ce qu'il y a d'autres aspects sur lesquels... Parce que vous êtes des
praticiennes, vous rencontrez des clients, clientes, vous plaidez, vous
voyez... Puis ça me touche, ce que vous dites, parce que vous êtes des
professionnelles, des avocates, mais il y a de l'humain là-dedans, hein, puis
je vois le drapeau rouge que vous levez. Attention! Puis de tels litiges, vous
le voyez dans des contextes qui ne sont pas des contextes très, très, très
particuliers, c'est de droit nouveau, là... ce qu'on va... j'imagine.
Puis j'aimerais vous laisser les quelques
minutes qui restent pour... j'aimerais vous entendre là-dessus. Si on va de l'avant
essentiellement tel que rédigé, je pense que ça va prendre des retours, là, des
retours d'application. Ça va prendre des analyses. On a vu des chercheurs,
chercheuses qui nous ont dit... bien, qui nous ont aidés à comprendre comme
législateurs quelles sont, par exemple, les intentions des mères porteuses. Les
intentions sont multiples au départ. Des fois il y a de l'altruisme beaucoup et
ainsi de suite, qu'ils se valorisent par la grossesse et les parents d'intention,
le sérieux... Alors, je pense que ça va prendre, je pense, des retours sur
comment ce sera vécu, ça, sur le terrain parce que vous, vous allez être.... J'allais
dire sur la ligne de front. Vous allez être aux premières lignes, là.
• (16 h 30) •
Mme Schirm (Sylvie) : Oui,
oui. Et puis on ne s'ennuie jamais en droit de la famille parce que...
16 h 30 (version non révisée)
Mme Schirm (Sylvie) : ...quelque
chose de nouveau qui arrive. Mais c'est certain que c'est un défi, puis c'est
un défi parce qu'il n'y a rien de parfait là-dedans. C'est difficile, là, d'avoir
une législation qui va être parfaite, qui va protéger tout le monde au même
niveau, mais je pense qu'il ne faut pas perdre la notion du meilleur intérêt de
l'enfant. Puis je voudrais, juste à la fin, revenir sur une autre question, qui
est la notion de la violence familiale. Et je sais, je vous ai entendu, M. le
ministre, les échanges que vous avez eus avec Me Kirouack par rapport au common
law, mais je veux juste vous dire qu'est-ce qui se passe dans la vraie vie.
Et les juges qui entendent les causes,
évidemment, ils entendent des gens qui sont mariés, qui sont en instance de
divorce puis ils entendent des conjoints de fait. Alors, une des juges de la
Cour supérieure avait fait le commentaire suivant, elle a dit : Quand je
prends un dossier 12 — 12, c'est un divorce versus un 04. Puis, ça, c'est
partout au Québec. C'est les deux chiffres, là, qu'on sait que c'est un divorce
ou c'est un conjoint de fait — je ne peux pas, moi, prendre le 12,
analyser la violence familiale en vertu de la Loi sur le divorce et appliquer
les critères tels que prévus dans la Loi sur le divorce. Là, la cause suivante,
je mets ça de côté, je prends un 04 puis là je ne fais plus ça.
Alors, qu'est ce qu'ils font présentement?
La jurisprudence qui a sortie, qui a commencé à sortir sur la notion de la
violence familiale puis de l'analyse qui doit être faite, a été justement
exprimée par des juges que, dans le fond, peu importe, là, marié ou pas, ce n'est
pas les enfants qui vont être discriminés, ils appliquent les mêmes critères.
Mais ce que je pense, c'est qu'on devrait quand même l'inclure et non pas juste
laisser «violence familiale». Puis, je vais vous dire encore quelque chose de
plus important. Depuis le tout début de ma pratique, j'ai représenté, au tout
début, surtout, des femmes victimes de violence conjugale. Puis les réactions
du juge, à l'époque - puis là je vous parle, fin années 80, début 90, c'était :
Est-ce qu'il a frappé l'enfant? Puis si la réponse est «non», on n'en parlait
plus. On a évolué normalement, hein, puis on réalise maintenant que l'enfant n'a
pas besoin d'être présent pour avoir un impact à cause de la violence
familiale. Il n'a pas besoin d'être le témoin de la violence physique pour
savoir qu'il y en a. Mais le fait que dans la Loi sur le divorce, on pousse les
magistrats à analyser ça, on les force à le faire.
Parce que ce n'est pas facile non plus. C'est
sûr que, est-ce qu'on veut entendre ça? Est-ce que, comme être humain, on veut
entendre cette violence-là? Pas nécessairement. Alors, le fait que la Loi sur
le divorce les oblige à le faire, fait en sorte que, maintenant, un, les
avocats, on doit faire notre preuve sur ces sujets-là. On doit être plus
vigilants qu'on a mis de l'avant, la preuve. Mais, deuxièmement, les juges
aussi sont forcés de faire une analyse. Et c'est ça qui est tellement
important, et non pas de l'écarter parce qu'on pense que l'enfant ne l'a pas
vécu ou parce que, mon Dieu, c'est horrible d'entendre ça. Alors, je pense qu'on
devrait quand même trouver un mécanisme dans le code... Puis toute la question
du contre-interrogatoire, c'est fantastique. Ça, c'est un gros problème qu'on
avait, dans nos dossiers en droit de la famille et encore moins dans les autres
dossiers, mais je pense que vraiment... Je trouve qu'on devra vraiment le
mettre beaucoup plus clair dans le Code civil pour obliger tout le monde à
ramer dans le même sens et dans tous les dossiers.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Et je cède maintenant la
parole au député d'Hochelaga-Maisonneuve. Je vous rappelle que vous avez 2 min 43 s,
c'est très court, pour question-réponse.
M. Leduc : Les trois secondes
de la fin sont très importantes, merci. Merci beaucoup. Le débat sur la
pluriparentalité est intéressant, puis c'est intéressant parce qu'il n'est pas
dans le projet de loi, mais tout le monde en parle quand même. Vous avez évoqué
le fait que vous aviez comme des craintes à savoir que ça pourrait peut-être
générer davantage de litiges ou c'était des situations qui pouvaient être
litigieuses. Mais j'essaie toujours de prendre un pas de recul puis de me dire,
bien, puis vous l'avez un peu évoqué vous-même, les couples réguliers ont déjà
un bon lot de litiges en soi. Est-ce que c'est vraiment le risque du litige qui
est un problème? Est-ce que ce n'est pas...
Mme Schirm (Sylvie) : Ce n'est
pas le risque du litige, c'est le fait qu'il y a combien de personnes dans le
litige. C'est-à-dire un litige de garde d'enfant, qu'un parent veut la garde et
l'autre veut la garde partagée, je vous donne cet exemple-là, ou que quelqu'un
a déjà une garde partagée, puis ça ne marche pas parce que les enfants ne
fonctionnent pas d'une maison à l'autre, c'est déjà difficile. C'est déjà
difficile, c'est onéreux, c'est long, et les parents s'accusent de toutes
sortes de choses, et l'enfant est pris dans ce conflit-là parce qu'il le vit.
Même s'il n'est pas à la cour, là, il va le vivre, ce conflit-là. Alors, on
ajoute maintenant deux, trois autres joueurs. C'est ça qui est...
M. Leduc : Je comprends puis
je ne veux pas remettre en question les craintes que vous basez sur votre
pratique. J'essaie juste de prendre un peu de recul, je me dis : Est-ce
que, dans les autres législations, à votre connaissance, qui ont appliqué ou
qui ont ouvert un peu à la parentalité, ils ont observé statistiquement en quelque
sorte...
Mme Schirm (Sylvie) : Ça ne
fait pas assez longtemps.
M. Leduc : Ça ne fait pas
assez longtemps.
Mme Schirm (Sylvie) : Ça ne
fait pas assez longtemps. Comme le dossier qu'on vient de parler de la
Colombie-Britannique, c'est là, là. Alors, quand la législation... Ça prend,
là, facilement quatre, cinq ans avant qu'on...
Mme Schirm (Sylvie) :
...jurisprudence là.
M. Leduc : Je vous renverse
la question alors, si dans quelques années, l'Ontario, par exemple, fait un bilan,
puis dit : Bien, finalement, oui, il y a des problèmes, mais pas vraiment
plus ou moins qu'avec les couples réguliers. Est-ce que, devant cet état de
fait là, vous modifieriez votre approche?
Mme Schirm (Sylvie) :
Moi, là, je n'aime pas comparer le Québec aux autres provinces, et on est
vraiment... regardez au niveau des conjoints de fait, O.K., on est vraiment une
société distincte. Alors, le common law... je vous donne un exemple : En
Ontario, les gens, avant de se marier, ils s'en vont voir un avocat chacun pour
signer un... avant de signer un contrat de mariage. Ils consultent et négocient
un contrat de mariage. Je vous mets au défi de trouver deux Québécois qui vont
aller faire ça, O.K. Alors, pourquoi? Parce qu'on a des valeurs différentes, on
a une autre approche. En tout cas, ça, c'est tout le débat de conjoints de fait
que j'espère qu'on va faire l'année prochaine, alors... que j'attends
impatiemment. Alors, mais c'est pour ça que... puis la législation n'est pas
rédigée de la même façon, les approches sont différentes. Alors, j'hésite quand
je veux comparer, mais ce qu'on peut dire, c'est que la jurisprudence n'est pas
à ce niveau-là non plus.
M. Leduc : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. On a la députée de Joliette aussi
pour 2 minutes 43 secondes.
Mme Hivon : Oui, merci
beaucoup. J'aurais des tonnes de questions. Je vais revenir sur la question de
la violence familiale et conjugale. J'ai entendu vos arguments sur la
définition. Je vais peut-être y revenir. Beaucoup de groupes nous ont dit qu'il
faudrait, au-delà de la question de la définition, inscrire violence familiale
et conjugale pour être certain. Vous ne vous êtes pas prononcée. Donc, j'aimerais
vous entendre là-dessus.
Mme Schirm (Sylvie) :
Bon, ça, je suis un peu déchirée avec ça, parce que violence conjugale, je
comprends et je comprends le débat, je suis au courant de ce débat-là, mais le
problème qu'on a eu devant les tribunaux, c'est que quand on utilise les termes
«violence conjugale», dans la tête d'un juge, souvent, c'est le couple. Ça, c'est
le problème... la violence conjugale, c'est le problème du couple. Ce n'est pas
le problème du couple, c'est un problème de la famille. Et justement, avec la
notion de violence familiale, on vient d'élargir ça, on vient de forcer, là, à
analyser le fait que ce n'est pas juste le couple qui est le problème. C'est
pas juste monsieur et madame qui ont le problème, c'est que là, ça s'étend à
tout le monde dans cette famille-là.
Mme Hivon : Mais leur
argument, justement, que je trouve assez intéressant, c'est de dire : Pour
être certain que les juges vont considérer que la violence conjugale, ça a un
impact sur l'enfant, on devrait le dire parce que certains pourraient
interpréter «violence familiale» comme quelque chose qui doit être présent dans
l'ensemble de la famille et toucher directement l'enfant, c'est comme s'ils le
prennent un peu a contrario en disant : Si on met nommément que la
violence conjugale a un impact sur l'enfant, il n'y aura pas d'ambiguïté. Donc,
les juges ne pourront dire : C'est conjugal, ça ne touche pas l'enfant. Ce
qui touche l'enfant, c'est quand on appelle ça familial où il y a une réalité
qui serait différente, alors que ce qu'on veut dire, c'est que : Qu'importe
que ça soit vu comme conjugal entre les conjoints, ça a un impact sur l'enfant.
Mme Schirm (Sylvie) :
Moi, je pense qu'au-delà de cette terminologie, moi, je suis plus inquiète par
la définition et par l'application, l'analyse que les critères du meilleur
intérêt de l'enfant, honnêtement. Et «familial», pour moi, ça force les juges à
voir que ça a un impact sur tout le monde et non pas juste sur, par exemple, le
cas typique, juste sur madame.
Mme Hivon : ...puis je
vais juste me faire... oui.
Mme Schirm (Sylvie) :
Mais je comprends le débat aussi, par exemple, là.
Mme Hivon : Puis, pour
me faire l'avocat du diable, parce que vous venez de faire un très beau
plaidoyer pour dire que le Québec avait son Code civil, c'était différent, nos
valeurs étaient différentes, et c'est ce qui fait en sorte que c'est si
difficile d'importer une définition de la Loi sur le divorce dans la common
law... de la common law dans le Code civil. Moi, j'ai une solution pour ça, c'est
de rapatrier tous ces pouvoirs-là au Québec, mais c'est un autre débat. Mais
vous comprenez l'enjeu, notre Code civil n'est pas bâti d'une manière à... donc
comment on compose avec ça avec l'économie du Code civil, une définition qui
vient de la Loi sur le divorce?
Mme Schirm (Sylvie) : À
mon avis, on peut très bien l'adapter. On peut inclure que le juge... comme
quand le juge doit tenir compte du meilleur intérêt de l'enfant. Quand on l'indique
dans notre code, mais ça... voici les critères détaillés de ça. Je ne vois pas
quelle est la difficulté de le faire. Je comprends que peut-être qu'on ne veut
pas... puis si on utilise le mot «notamment», qui est le mot préféré de tous
les avocats parce qu'on peut mettre n'importe quoi dans «notamment», à mon
avis, ça va régler le problème. Mais je pense que d'une façon quelconque, il
faut aller au-delà de qu'est-ce qui est dans le projet de loi, et vraiment
travailler cet aspect-là.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce...
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Parce que... peut-être pour revenir juste...
Le Président (M.
Bachand) : En terminant, Mme Tremblay.
Mme Tremblay (Marie-Elaine) :
Oui, très, très rapidement. Le juge est toujours confronté à deux versions :
Oui, il y a eu violence. Non, il n'y en a pas. Alors, l'absence de critères
vraiment à évaluer. C'est ça qui est problématique. C'est ça qui fait que les
tribunaux, même s'ils sont très sensibles à cette réalité-là, des fois ils ont
de la misère à convenir : Oui, parfait, il y en a eu la violence, puis on
va agir en conséquence. Difficile à prouver de la violence conjugale, là.
Le Président (M.
Bachand) : Sur ce, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Ça a
été très agréable et très... constructif. Alors, merci beaucoup. Je suspends
les travaux quelques instants pour accueillir les prochains invités. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 41)
(Reprise à 16 h 46)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
Commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les
représentants de la Fédération des associations de familles monoparentales et
recomposées du Québec. Donc, Mme Sylvie Lévesque, qui est directrice générale,
et Mme Lorraine Desjardins, agente de recherche et de communication, merci d'être
avec nous. Alors, vous connaissez la procédure, 10 minutes de présentation et
période d'échange. Donc, la parole est à vous. Merci.
Mme Lévesque (Sylvie) : Merci
beaucoup, M. le Président. Donc vous nous avez déjà nommés, alors je vais
éviter... pour gagner du temps, je ne répéterai pas. Donc, je m'appelle Sylvie
Lévesque, directrice générale. D'abord, la fédération aimerait remercier les
membres de la Commission des institutions de nous permettre d'être entendus
dans le cadre de la présente consultation. Cependant, nous déplorons les délais
extrêmement courts, délais qui ne nous ont pas permis de nous approprier l'ensemble
des éléments contenus dans le projet de loi 2 autant que nous l'aurions voulu.
La fédération déplore également le fait que les volets qui touchent la
parentalité, la conjugalité de la réforme du droit de la famille ne fassent pas
partie de la présente consultation. Bien que nous comprenions que les enjeux
soient nombreux, complexes, il n'en demeure pas moins urgent de corriger les
iniquités actuelles, notamment en ce qui concerne les droits des conjoints de
fait et des enfants nés hors mariage. Cette réforme est d'autant plus urgente
puisque plus du tiers des couples québécois sont en union libre et 60 % des
enfants naissent hors mariage. Rappelons que la position principale de la
fédération est d'étendre les protections actuelles du mariage aux couples avec
enfants, qu'ils soient mariés ou non, incluant l'obligation alimentaire entre
conjoints, le partage du patrimoine familial et la protection de la résidence
familiale. Toutefois, le projet de loi numéro 2 introduit plusieurs avancées
importantes. En ce qui concerne les pratiques en matière de filiation et d'adoption,
la fédération s'était déjà prononcée en faveur d'une adoption sans rupture de
lien préadoptif, en 2009, dans le cadre de l'avant-projet de loi sur la réforme
de l'adoption.
Nous saluons donc la volonté de permettre le
maintien d'échanges et de relations avec la famille d'origine pour les enfants
adoptés. Les avantages sont évidents pour les enfants, mais également pour les
parents biologiques. Dans le cas d'une mère qui, pour toutes sortes de raisons,
aura dû donner son enfant en adoption, cette partie importante de son vécu
personnel, la grossesse et l'accouchement demeurent inscrits dans son histoire
de vie, de rompre radicalement avec toute trace de cette histoire revient à
nier une réalité pourtant fondamentale et toujours déchirante dans l'histoire
de la vie de ces femmes. La fédération recommande cependant que les nouvelles
règles, permettant à un enfant adopté de maintenir des relations et des
échanges avec sa famille d'origine, prévoient également des services d'accompagnement,
tant pour l'enfant lui-même, que pour les membres de sa famille d'origine et de
sa famille adoptive.
La prise en compte de la violence exercée
dans un contexte familial, dans les décisions qui concernent l'enfant,
représente une avancée majeure pour la fédération. D'une part, cette mesure
vient faire écho aux nouvelles dispositions de la Loi sur le divorce, qui
incluent l'existence de violence familiale comme un facteur important pour
déterminer l'intérêt de l'enfant. Cependant, comme la Loi sur le divorce ne
touche que les enfants nés de parents mariés, il est nécessaire d'inscrire
cette réalité dans le Code civil du Québec de façon à mieux protéger des
enfants nés hors mariage.
Toutefois, il sera très important d'inclure,
dans le Code civil du Québec, une définition claire de ce qu'on entend par
violence exercée dans un contexte familial. À ce titre, la fédération appuie la
définition proposée par le Regroupement des maisons pour femmes victimes de
violence conjugale. Cette nouvelle obligation de considérer la violence
familiale doit aussi être accompagnée de moyens concrets pour qu'elle soit
identifiée et reconnue. Or, la violence conjugale est souvent confondue à tort
avec les conflits sévères de séparation par certains intervenants, ce qui
empêche d'assurer une véritable sécurité aux femmes victimes et à leurs
enfants. Et, même lorsqu'elle est reconnue, la violence conjugale est parfois
banalisée par les tribunaux. Il faut questionner la prémisse qui veut qu'il est
toujours dans l'intérêt de l'enfant d'avoir accès à ses deux parents après une
rupture. On doit aussi se demander dans quelle mesure le père, qui a été
violenté la mère de son enfant, peut encore être considéré comme un bon père et
obtenir la garde de son enfant. Le recours trop fréquent de fausses accusations
d'aliénation parentale par certains parents violents nous apparaît également
très préoccupant.
• (16 h 50) •
Aussi, la fédération recommande que l'ensemble
des professionnels juridiques et psychosociaux appelés à intervenir, en matière
familiale, reçoivent une formation de niveau avancé afin d'être mieux outillés
pour identifier et comprendre la violence conjugale, notamment dans un contexte
postséparation. Cette formation devrait également inclure un volet permettant...
Mme Lévesque (Sylvie) : ...les
dérives possibles concernant l'annulation parentale et comment ce concept peut
être instrumentalisé par un ex-conjoint violent. Lorraine, c'est à ton tour.
Mme Desjardins (Lorraine) : Merci.
Alors, présentement, comme on le disait, certains auteurs de violences
conjugales se voient encore octroyer des droits d'accès et de garde par les
tribunaux. Or, il existe présentement trop peu de ressources visant à encadrer
de façon sécuritaire les droits de visite et les échanges de garde pour les
familles dont l'un des parents a été reconnu coupable de violence conjugale.
Dans certains cas, ces échanges doivent se faire sans supervision dans un lieu
public, comme un stationnement, par exemple, et ce, même lorsque les violences
sont avérées et que l'auteur a fait l'objet d'une ordonnance visant à limiter
les contacts avec son ex-conjointe et ses enfants. Il est inacceptable que les
femmes et des enfants continuent à être exposés à de tels dangers. Il faut donc
s'assurer qu'il existe des ressources de supervision des droits d'accès en
quantité suffisante et dans toutes les régions du Québec.
La possibilité qu'un parent puisse, sans l'accord
de l'autre parent, prendre certaines décisions relatives aux soins et à l'accompagnement
d'un enfant victime de violence sexuelle ou familiale est également une grande
avancée. Il faut aussi que cette disposition s'étende aux enfants qui ont été
témoins de violence conjugale entre leurs deux parents, puisqu'ils sont
également des victimes et en gardent des séquelles importantes.
Nous saluons également la possibilité pour
le tribunal d'empêcher qu'un auteur de violence familiale ou sexuelle qui se
représente seul puisse interroger ou contre-interroger l'autre partie ou un
enfant dans le cadre d'un procès pour la garde ou en matière de protection de
la jeunesse.
La fédération accueille aussi très
favorablement la possibilité pour un conjoint de fait décédé pendant la
grossesse de sa conjointe d'être reconnu comme parent sans nécessité d'obtenir
un jugement du tribunal au même titre qu'un conjoint marié. Malheureusement,
cette modification au Code civil ne permettrait pas de régler l'ensemble des
iniquités auxquelles sont exposés les enfants nés hors mariage. Au risque de
nous répéter, la façon la plus sûre de mettre fin à ces iniquités est d'étendre
l'ensemble des protections actuelles du mariage aux conjoints de fait avec
enfants.
L'accès facilité aux comptes conjoints
pour le parent survivant en cas de décès de l'autre parent est également une
amélioration importante. Le fait de perdre un proche est déjà bien assez
éprouvant sans que de lourdes procédures soient exigées pour avoir accès à des
revenus qui sont pourtant vitaux pour fonctionner au quotidien.
L'admissibilité universelle à l'aide
juridique pour tous les enfants qui font l'objet d'une intervention en
protection de la jeunesse est une mesure véritablement essentielle. Pour la
fédération, il est primordial que la parole des enfants puisse véritablement
être entendue et défendue, notamment en présence de violence familiale et
conjugale.
Enfin, nous saluons l'introduction à l'article
611 du Code civil de la possibilité pour un enfant de maintenir des relations
avec l'ex- conjoint de son parent quand cela est dans son intérêt. En effet,
pour certains enfants qui auront vécu plusieurs années avec un beau-parent, il
est parfois difficile de voir ce lien rompu définitivement suite à une rupture
de couple entre les adultes. À ce titre, la fédération recommande qu'un
accompagnement soit disponible pour les familles recomposées qui vivent une
rupture afin de favoriser le maintien de relations entre l'enfant et son
beau-parent si cela est dans son intérêt. En cas de désaccord entre les
adultes, il faut que la parole de l'enfant, peu importe son âge, soit
véritablement prise en compte et qu'il puisse recevoir le soutien dont il a
besoin.
En terminant, la Fédération tient à
appuyer certaines des positions de la Coalition des familles LGBT plus,
notamment en ce qui concerne la reconnaissance de la filiation des enfants nés
d'une gestation pour autrui, un meilleur accès au Régime québécois d'assurance
parentale pour la gestatrice et les parents d'intention, l'accès aux origines
pour les enfants issus de la procréation assistée ou de la gestation pour
autrui et l'adaptation des textes législatifs pour mieux refléter la diversité
familiale.
En ce qui concerne les enjeux entourant la
pluriparentalité, bien que nous n'ayons pas encore eu le temps de compléter
notre réflexion, nous sommes d'avis que la société ne peut plus nier cette
réalité et qui est de plus en plus répandue et qu'il faut réfléchir à des
moyens de mieux encadrer ces nouveaux types de familles.
En conclusion, comme en témoignent les
modifications apportées par le projet de loi 2, les modèles familiaux sont de
plus en plus diversifiés au Québec. Si ce premier volet de la réforme vient
corriger une partie des iniquités ou des incohérences entre le droit de la
famille et la réalité, il reste encore un grand pan du droit familial qu'il
faut urgemment mettre à jour. La fédération réitère l'extrême importance de s'attaquer
dans les meilleurs délais au volet parentalité et conjugalité de la réforme du
droit de la famille. Il est plus...
Mme Desjardins (Lorraine) :
...de corriger les iniquités actuelles, notamment en ce qui concerne les
conjoints de fait et les enfants nés hors mariage. Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup de votre présentation. Je cède
maintenant la parole à M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Madame Lévesque, Madame Desjardins, bonjour. Merci pour votre
présence ici. Écoutez, on sait à quel point vous avez un intérêt pour le droit
de la famille. Vous avez participé notamment aux consultations citoyennes en
2019. Je tiens à vous remercier pour votre apport aujourd'hui.
Bien entendu, il y aura une phase II à la
réforme du droit de la famille au niveau de la conjugalité. On a décidé de
segmenter le tout parce que... pour être en mesure déjà d'avancer. Alors on
touche filiation, gestation pour autrui, connaissance des origines. Et déjà on
apporte certaines... également, on vient diminuer les différences entre les
enfants qui sont nés en mariage et hors mariage, notamment sur l'établissement
de la filiation dans le cadre de ce projet loi là, la possibilité également de
faire reconnaître le conjoint de fait décédé, donc la filiation avec le
conjoint de fait décédé. Si on, je crois, une dizaine ou une vingtaine de cas
par année de femmes qui sont enceintes, qui... que monsieur décède pendant la
grossesse, puis qui n'était pas marié, là, à ce moment-là, madame ne pouvait
pas déclarer la naissance de l'enfant de facto, devait prendre la procédure
judiciaire.
Puis, moi, mon plus grand enjeu avec ça, c'était
le fait que, si jamais ce n'était pas fait, bien, pour l'enfant, ça vient me
pénaliser. Parce que, quand on parle de rente de conjoint... de rente d'orphelin
drames ou, supposons, avec les fonds de pension, puis ça, c'est extrêmement
nécessaire d'avoir une voie simplifiée. Donc, la présomption de paternité va s'appliquer
désormais.
Écoutez, bon, vous représentez les
familles monoparentales recomposées. Sur la question du fait qu'on vient
désormais permettre à un conjoint, en matière de violence familiale, de
consentir à des soins pour l'enfant d'une façon unilatérale, ça, je pense que
vous considérez ça comme une bonne chose, j'imagine, vous le vivez, là, dans
votre association avec les familles où est-ce qu'il doit y avoir parfois des
difficultés?
Mme Desjardins (Lorraine) : Tout
à fait, tout à fait, c'est quelque chose qu'on a déjà vu sur le terrain, comme
on l'a dit abondamment dans notre mémoire, la violence conjugale est parfois,
même si elle est avérée, est parfois un peu traitée... banalisée par certains
tribunaux. C'est-à-dire que, notamment, ça fait en sorte qu'il y a des pères
violents qui ont la garde de leurs enfants. Mais aussi il y a des des soins...
par exemple, quand on se retrouve devant un père qui va faire appel à l'aliénation
parentale pour maintenir son emprise puis utiliser les tribunaux et tout ça,
puis qu'il y a des enfants qui sont... qui ont peur de leur père, qui disent qu'ils
ont peur de leur père, qui ne veulent pas le voir puis qui ont besoin d'être
accompagnés... mettons, ils ont été témoins de scènes assez violentes, là, on
peut imaginer, mettons, une mère qui se fait tirer par les cheveux sur le
plancher que l'enfant ait été témoin de ça, il a besoin d'aide puis il a besoin
d'être pris en charge par des services psychosociaux. Et, si madame veut offrir
ça à son enfant, mais que monsieur s'y oppose, bien, ce n'est pas possible.
Alors, dans le cas où, là, on peut avoir l'autorisation
de seulement un des deux parents, c'est vraiment très, très... Une grande
avancée, là, c'est vraiment quelque chose de très, très bien.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mme Lévesque (Sylvie) : Si je
peux me permettre.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Lévesque (Sylvie) :
Aussi, ce qu'on voit souvent, c'est justement qu'on, en tout cas, la tendance
lourde des dernières années, bien qu'il n'y a pas nécessairement de garde
partagée automatique, on a vu que, bien, même dans des cas comme ceux-là,
souvent, les tribunaux disent : Bien, c'est important qu'ils puissent voir
leur père, etc. Donc, ça fait en sorte qu'effectivement, comme dit Lorraine, ça
cause des situations. Puis il y a des jugements des fois qu'on voit aussi sur
terrain que nos couples nous disent, que le père peut quand même continuer à
avoir des enfants. Donc, on a beaucoup tendance à dire : Il faut
absolument que les enfants aient deux parents, peu importe la condition, peu
importe leur situation. Ce qui fait que, pour les enfants, bien, ça a des
effets quand même à long terme très importants. Donc, je pense, c'est important,
effectivement, ce que vous proposez actuellement dans le projet de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question sur l'article 111, là, qu'on vient modifier pour
maintenir des contacts avec l'ancien conjoint qui n'est pas le parent de l'enfant.
Qu'est-ce que vous pensez de ça, qu'on vient de pouvoir introduire des
contacts, si c'est dans l'intérêt de l'enfant, avec l'ex-conjoint?
• (17 heures) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
nous, dans le contexte de la réforme, lors de la consultation, on avait dit qu'on
trouvait ça intéressant. C'est toujours...
17 h (version non révisée)
Mme Lévesque (Sylvie) : ...en
même temps, il faut toujours voir... C'est sûr que c'est dans l'intérêt de l'enfant,
là, mais en même temps il faut voir... je pense qu'il faudrait aussi baliser la
chose, dans le sens... parce que sinon, ça fait en sorte que la mère doit...
puis, en tout cas, on le sait, avec les enfants, doit quand même continuer à
avoir des liens avec l'ex-conjoint ou, en tout cas, le nouveau beau-parent.
Donc, ça fait... des fois, ce n'est pas toujours heureux. Donc, je pense que...
puis, dépendamment... De toute façon, ça se fait dans le quotidien
actuellement. Sans nécessairement que les gens... que ça soit écrit dans un
projet de loi, il y a des liens qui se font de plus en plus avec les
beaux-parents ou les belles-mères, parce que les gens se recomposent de plus en
plus rapidement de toute façon. Donc, il y en a déjà, des liens, donc c'est
intéressant de pouvoir le permettre, mais, effectivement, il faudra voir
comment ça peut... sans que ça soit une obligation, mais que ça puisse effectivement
le permettre, parce que, pour des enfants, des fois, ça peut être plus
significatif, un beau-parent, que son père biologique aussi. Ça fait que c'est
important de continuer des relations à ce moment-là.
Mme Desjardins (Lorraine) : Oui,
justement, j'allais dire que c'est d'autant plus important dans le cas où il y
a un des deux parents qui est soit décédé ou carrément pas engagé, là, auprès
de l'enfant. Donc, le rôle du beau-parent est vraiment central dans sa vie, à
cet enfant-là. C'est sûr qu'il y a toutes sortes de cas de figure, là, c'est...
Quelqu'un qui a été en couple pendant seulement une année ou deux, ce n'est pas
la même chose qu'un engagement, mettons, qu'un beau-parent qui a été là de l'âge
de 2 ans à l'âge de 14 ans, par exemple, là, c'est sûr. Mais on trouvait ça
quand même intéressant que ça soit dans la loi, que ça puisse apparaître dans
la loi, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues sur...
Excusez-moi, là, j'ai perdu mon idée. Oui, sur la question de l'aliénation
parentale. Bon. Qu'est ce que vous pensez de ça, bon, familles recomposées,
familles monoparentales? Ça se peut qu'il y ait eu des litiges chez des gens
séparés puis que par la suite ils se sont remis en couple, là. Quelle est votre
opinion, là, de l'aliénation parentale? Parce qu'on a mis violence familiale
dans le projet loi pour que ça soit pris en considération, pour éviter... que
les gens n'hésitent pas à dire qu'il y a présence de violence familiale quand
vient le temps de parler de la garde d'enfants. On me parle beaucoup d'aliénation
parentale aussi pour dire : Ah! ça, c'est de l'aliénation parentale, si c'est
allégué. Ça, c'est quoi, votre vision, là, par rapport à tout ça?
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
en fait, ce n'est pas tant notre vision à nous, comme il y a plusieurs
chercheurs qui remettent beaucoup, beaucoup en doute et en cause ce concept-là,
le concept du syndrome d'aliénation parentale. L'origine, là, les fondements
scientifiques de ça sont très, très discutables, selon plusieurs chercheurs en
ce moment. Ce qui est... On doit préférablement parler de comportements
aliénants. C'est sûr qu'il y a des parents qui vont avoir des comportements
plus ou moins corrects envers l'autre parent. Mais, quand on réfère
systématiquement à de l'aliénation parentale, il faut vraiment faire attention.
C'est sûr que l'aliénation parentale a... fait beaucoup parler d'elle en ce
moment, là, puis on a aussi des intervenants psychosociaux qui y réfèrent un
petit peu trop facilement. On a eu des mères, on a eu des cas de mères qui se
ramassaient à la DPJ suite à, justement, de la violence conjugale, des cas de
violence conjugale et qui reçoivent une espèce de double injonction de protéger
leurs enfants d'un ex-conjoint violent, de leur père violent, mais que, quand
ils essaient de le protéger, en même temps ils reçoivent aussi le mandat de
conserver les liens de leur enfant avec ce parent-là. Alors, quand tu as un
enfant qui dit : Je ne veux pas voir mon père parce que j'en ai peur, puis
que, ça, c'est interprété par soit les intervenants de la DPJ, soit par les
tribunaux comme de l'aliénation parentale, bien là, il y a un problème. En
situation de violence conjugale, je pense qu'il faut vraiment y aller très,
très... de façon plus éclairée, là, ne pas avoir recours à ça, là. Écoutez, il
y a plein d'écrits, là, qui existent là-dessus, qui sont de plus en plus
étoffés, qui mettent en cause le recours à ce concept-là, là, qui est
dangereux, en fait, parce qu'on se retrouve avec des parents violents qui
continuent à avoir une emprise et qui utilisent les tribunaux pour conserver
leur emprise, làé
M. Jolin-Barrette : Bien,
écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre passage en commission
parlementaire. Je vais céder la parole à mes collègues. Un grand merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le ministre.
M. le député de Saint-Jean, pour 6 minutes 30 secondes.
M. Lemieux : Merci, M. le
Président...
M. Lemieux : ...je pense que
le député de Chapleau va avoir des questions aussi, mais je vais commencer.
Bonjour, mesdames.
Des voix : Bonjour.
M. Lemieux : Je note au
passage, d'entrée de jeu, que ça fait deux fois en moins d'une demi-heure qu'on
parle de ce qui s'en vient, parentalité et conjugalité, dans une autre étape.
Je le souligne, d'abord, parce que ça met de la pression sur le ministre, mais
je le souligne surtout pour parler de la vastitude, si je peux m'exprimer
ainsi, de ce qu'on a devant nous. Le projet de loi numéro 2 n'est quand même
pas simple, déjà, là. De là la sagesse d'avoir divisé en deux. Mais on a
intégré aussi une autre partie. Et, si je vous en parle, c'est parce que, dans
les consultations, quand il y a presque deux thèmes à un projet de loi, comme c'est
le cas du projet de loi numéro deux, vieux journaliste, moi, je suis toujours
curieux de voir ce que les gens très impliqués dans une partie pensent de l'autre,
même si ce n'est pas leur sphère d'expertise ou si ce n'est pas leur intérêt
premier.
Vous me voyez venir, mais je vous donne le
temps d'y penser. Parce que vous, vous représentez la Fédération des
associations de familles monoparentales et recomposées du Québec. Mais pour
tout le reste de ce qui n'est pas votre sphère d'expertise, je suis quand même
intéressé, prendre une petite minute, pour voir ce que vous pensez du reste du
projet de loi. Parce que nous, ici, on est bombardés d'un groupe à l'autre, à
passer de l'avis et de l'état civil des trans à des questions plus proches de
vos intérêts. Curieux, j'ai le droit, vous en pensez quoi, vous, du reste de ce
qui n'est pas dans votre mémoire?
Mme Desjardins (Lorraine) :
Bien, premièrement, comme les délais étaient archi courts, on n'a pas eu le
temps de se faire une tête. Parce qu'on s'entend, là, c'était très court comme
délai, d'autant plus qu'on venait, nous, de présenter un mémoire sur les
services de garde. Ça fait coup sur paf, paf, là, en deux semaines. On n'a pas
eu le temps de tout s'approprier ça et on a, par ailleurs, comme on disait, on
a parmi nos membres la Coalition des familles LGBT+ qui a des positions. On
appuie certaines de leurs positions, mais on n'a pas pu... on ne peut pas
être... On est généraliste, hein. On a beau être familles monoparentales et recomposées,
on est quand même ouvertes à ces préoccupations-là, mais on n'a pas eu le temps
de se faire une tête ou d'avoir une position démocratique de groupe là-dessus,
sur ces sujets-là.
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
écoutez, c'est des débats du social, hein, c'est un débat social, ces
choses-là. C'est dans le sens qu'effectivement c'est des sujets qu'on parle
depuis longtemps, mais, en même temps, il faut, comment dire... c'est un peu un
projet de loi où on peut prendre à la carte, finalement, les sujets, à laquelle
on peut. Puis, en même temps, nous, on est une fédération, on regroupe des
gens. Donc, il faut prendre le temps aussi de faire des débats puis des débats
sociaux. Puis nos membres font aussi partie de la population. Ils ne sont pas
désincarnés. Donc, on voulait juste aller dans les valeurs sûres. Puis, en même
temps, je pense que, dans l'ensemble, le projet de loi, nous, à la fédération,
on n'est pas totalement en désaccord non plus sur l'ensemble. Mais, en même
temps, c'est assez gros comme morceau aussi à ramasser, là.
M. Lemieux : C'est parfait.
Mesdames, ne vous en faites pas. Comme mon ancien boss disait : C'est
toujours l'invité qui a raison, pas l'intervieweur. Alors, on a le droit à une
mauvaise question par jour. Je veux revenir au droit pas au droit des
beaux-parents, mais... ce dont vous discutiez avec le ministre, un peu plus
tôt, sur le lien que les enfants peuvent maintenir avec leurs anciens
beaux-parents. Et j'ai déjà été confronté à ça. Inquiétez-vous pas, je ne vous
raconterai pas ma vie, là, mais ça m'a interpellé à l'époque. Et là, maintenant
qu'on en parle, ça m'interpelle encore plus. Parce que, dans le fond, on ne
parle pas du droit du beau-parent, on parle du droit et du besoin de l'enfant,
ensuite, et j'ai bien compris votre nuance quand vous parliez de la mère ou du
père, et, ensuite, le beau-parent. On se fout pas mal, dans le fond, de ce qui
peut vouloir. Rendu là, ceci peut être utile, dans le fond, là.
• (17 h 10) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
ce n'est pas : On s'en fout, dans le sens, qu'on le sait qu'aujourd'hui,
comme je le disais tantôt, que les gens ne restent pas longtemps
monoparentales, les gens se recomposent assez rapidement. Donc, il y a quand
même, dans la vie des enfants, aujourd'hui... un enfant de 10 ans va connaître
énormément de, tu sais, de recompositions, donc il va y avoir beaucoup d'adultes
dans sa vie. Donc, en quelque part, ce n'est pas anodin. Et il peut avoir des
relations, effectivement, très significatives qui se développent avec un
beau-parent, des fois, encore plus qu'un parent, comme je disais de base. Donc,
dans ce sens-là, on dit : Il ne faut pas nier la réalité. Et, à ce
moment-là, par contre, effectivement, c'est tout à fait juste ce que vous
dites, ce n'est pas nécessairement des droits juridiques, mais, en même temps,
ça permet aussi à l'enfant des fois de se confier aussi à un beau-parent.
Peut-être qu'il ne se confierait pas non plus à son parent d'origine...
biologique. Donc, dans ce sens-là, on dit : C'est important, un peu comme
un grand-parent, finalement. Donc, d'avoir la possibilité aussi de développer
des relations. Mais...
Mme Lévesque (Sylvie) : ...encore
faut-il, comme je le disais tantôt, que l'enfant le veuille aussi, mais qu'aussi,
ça soit harmonieux là, que ça soit une situation qui ne soit pas conflictuelle
non plus, puis que ça permet aussi à la mère de ne pas être obligée toujours d'avoir
des relations non plus avec son ex à laquelle elle s'est séparée aussi, là,
parce que... à cause des enfants. Donc, c'est pour ça qu'on dit il faut
baliser. En même temps une relation significative, ça veut dire quoi? Est-ce que
c'est après un an? Est-ce que c'est après deux ans, presque deux, trois ans? En
même temps, un enfant peut avoir une relation significative avec un beau-parent
six mois, puis ça peut être plus significatif qu'une vie entière. Donc, tout
est relatif. On parle de relations ici, hein? Ça fait que ce n'est comme pas
évident de réaliser ce plus dans les projets de loi.
Mme Desjardins (Lorraine) : En
même temps, dans notre mémoire, on insiste aussi sur la parole de l'enfant dans
cette situation-là, c'est-à-dire que c'est lui, finalement, qui a le fin mot de
l'histoire. Si, lui, il a envie de conserver des liens avec l'ex-conjoint de
son parent parce que les liens sont significatifs puis que c'est bon pour lui
aussi de le faire, bon, c'est que ça peut être intéressant, là.
M. Lemieux : Merci,
mesdames. Et M. le Président, j'en dois une au député de Chapleau.
Le Président (M. Bachand) :Mais malheureusement, il y a plus de temps.
M. Lemieux : Mais, c'est
ça, j'en dois une...
Le Président (M.
Bachand) :Alors, vous en devez... vous
devez six minutes au député de St-Jean. Blague à part, la parole est maintenant
à la députée de Westmount-St-Louis.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup, M. le Président. Bonsoir, mesdames.
Mme Desjardins (Lorraine) : Bonsoir.
Mme Maccarone : Bonsoir.
Bon après-midi, je ne sais pas, on est dans un sous sol chez nous, ici, ça fait
que je ne sais pas c'est quoi l'heure.
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien
il fait noir, il fait noir partout.
Mme Maccarone : Il fait
noir, c'est ça.
Mme Desjardins (Lorraine) : Nous,
à Montréal, il fait noir en tout cas.
Mme Maccarone : Merci
beaucoup pour votre témoignage. Merci beaucoup aussi pour votre mémoire qui est
fort intéressant, puis merci beaucoup aussi pour ce que vous faites auprès de
nos familles monoparentales et recomposées. Je pense que c'est très important.
Alors merci en leur nom. Je veux revenir sur la violence familiale. Violence
conjugale. Devons-nous se méfier que violence familiale va faire l'ombre à la
violence conjugale?
Mme Lévesque (Sylvie) : C'est
une des des inquiétudes, l'une des inquiétudes qu'on a eu, par exemple, quand
on a vu débarquer la loi fédérale sur le divorce où on parlait de violences
familiales, violences familiales dans le sens où... c'est sûr que nous, on
préfère parler de violences conjugales. Mais en même temps, la violence
familiale est plus large, elle englobe plus de choses et, ce qui est important,
le point vraiment central de l'argument, puis on ne sera pas les seuls à dire
le choc. Je ne sais pas si le regroupement des maisons d'hébergement est déjà
passé devant la commission, mais vous avez vu à quel point c'est important de
définir. Dans la loi sur les divorces, il y a une définition claire de ce que
ça veut dire la violence familiale. Dans le Code civil. Il faut qu'il y ait une
définition claire. D'ailleurs, on propose de prendre que le regroupement vous a
proposée, puis le regroupement, de toute façon, s'inspirait aussi de celle qui
est par la loi sur le divorce. Si c'est clairement défini, ce qu'on entend par
violences familiales, ça devrait, bien, ça devrait... il ne devrait pas y avoir
de problème. C'est sûr que, nous, au quotidien, quand on parle entre nous, on
préfère parler de violence conjugale.
Mme Maccarone : Étant
donné que la violence est un indicateur archi important dans toute la
détermination devant le magistrat, etc. On a entendu un maître Schirm et maître
Tremblay, qui viennent de passer juste avant vous, puis eux ce qu'ils ont fait
dans leur exposé, c'est de parler un peu de l'absence de violence mais dans la
preuve, parce que c'est difficile de faire preuve de la violence, puis la
violence c'est un sens large, ce n'est pas tout le temps ce qu'on pense
physique, ça peut être psychique, ça peut être un impact sur l'enfant. Que
pensez-vous que nous devrons prendre en considération pour s'assurer que les parents
qui passent peut-être devant un juge puissent témoigner pour s'assurer que le
juge comprend puis que le juge prend en considération leur réalité? Un genre de
formation? Je ne sais pas, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Lévesque (Sylvie) : Oui,
c'est ça. C'est une de nos recommandations d'ailleurs, dans notre mémoire, que
l'ensemble des intervenants psychosociaux et juridiques reçoivent une
formation, mais vraiment une formation avancée en violence conjugale et que
cette formation-là aussi porte sur l'aliénation parentale ou, en tout cas, les
allégations d'aliénation parentale. Présentement, on l'a vu, il y a une
recherche a été faite par la Fédération des maisons d'hébergement sur... qui
ont épluché 250 jugements de la Cour, des jugements de garde, et il y avait
vraiment des extraits... des fois, là, un juge qui dit : Bon, monsieur, il
est violent envers son ex-conjointe. Il y a vraiment eu des comportements
inacceptables, mais c'est quand même... il n'a jamais...
Mme Desjardins (Lorraine) : ...violent
envers son enfant, donc on pense qu'il peut avoir la garde de son enfant. Nous,
ce qu'on dit, c'est : Est-ce qu'un père violent, qui a été violent devant
ses enfants avec la mère de ses enfants, peut être considéré comme un bon père?
D'autant plus que ce que vous dites aussi : Ce n'est pas toujours de la
violence physique. On parle de contrôle coercitif aussi. Le coercitif est
quelque chose d'extrêmement violent, même si ce n'est pas physique. Donc ça
aussi, ça a des effets et ça a des... Puis on parle, là... quand je parle de
banalisation par les tribunaux, on parle de violences avérées, de gens qui,
aujourd'hui, auraient apporté le bracelet, là, le bracelet qui a été annoncé
hier, mais ils ont quand même la garde de leurs enfants. Donc, cela veut dire
qu'ils sont obligés... la mère est obligée de garder des contacts avec cet
homme-là. Donc, il faut vraiment une formation en profondeur des intervenants
juridiques, psychosociaux, de la DPJ, et tout ça. Il y a vraiment... il y avait
un article de Mylène Moisan récemment dans le... des articles de Mylène Moisan
récemment dans La Presse... dans Le Soleil, pardon, qui qui mettaient très,
très bien en lumière, justement, deux intervenantes de la DPJ qui intervenaient
complètement différemment, une qui croyait ce que la mère et l'enfant lui
racontaient puis une qui ne croyait pas. Puis pourtant, c'est la même histoire,
Mme Maccarone : C'est qui qui
devrait donner cette formation? Et vous, est-ce que vous devez faire partie de
la liste des personnes qui offrent cette formation?
Mme Desjardins (Lorraine) :
Non, parce que nous, on n'est pas des spécialistes. Je pense que la Fédération
des maisons d'hébergement, l'Alliance des maisons de deuxième étape, le
Regroupement des maisons d'hébergement, les groupes qui interviennent
directement en violence conjugale et familiale devraient faire partie de ces
personnes-là. Nous, c'est sûr, nos associations... d'ailleurs, on a fait un
récent sondage auprès de nos associations, et on se rend compte que nos associations
accueillent de plus en plus de familles qui ont des problématiques de violence,
c'est présent. On n'est pas des intervenantes, on ne fait pas d'hébergement,
mais on fait partie... nos associations font partie du filet préventif et filet
de sécurité qu'on veut offrir à ces familles-là.
Mme Maccarone : Parlez-nous
un peu de... dans votre mémoire, vous parlez d'un double standard : «En
plus de se faire imposer des demandes contradictoires, les mères sont
désavantagées par les doubles standards qui sont appliqués dans les procédures
en matière de garde des enfants et de protection de la jeunesse.» Pouvez-vous
parler un peu de ça, s'il vous plaît?
Mme Desjardins (Lorraine) :
Bien, on donne des exemples qui avaient été donnés par des chercheurs qui ont
épluché 17 études de cas. On demande par exemple aux mères des
comportements sans tache. Puis le père, finalement, on lui dit : Bien, tu
as juste à être sincère dans ce que tu fais. Je n'ai pas... évidemment, je n'ai
pas en mémoire toutes les citations que je vous ai données, mais effectivement,
il y avait plusieurs critères, puis c'était clairement ça qui ressortait, c'est
qu'on était beaucoup moins exigeant envers les pères qu'envers les mères. Puis
c'est vraiment flagrant, là, quand regarde cette étude-là, c'est vraiment très,
très flagrant. Vous irez faire un tour. D'ailleurs, on a mis toutes nos
références en bas de page. Vous irez voir ces études-là, c'est vraiment...
Mme Maccarone : Tout à fait.
Le but, c'est de vous donner une occasion de mettre en évidence les cas qui
sont très importants. Aussi, dans votre mémoire, vous parlez de la supervision
des droits d'accès. Ça fait partie de votre témoignage ce matin... Cet
après-midi. Pouvez-vous aussi expliquer que devons-nous faire de mieux pour s'assurer
que ce processus s'améliore.
• (17 h 20) •
Mme Lévesque (Sylvie) : Ce qu'on
dit depuis plusieurs années, c'est que le problème des services de supervision
de droits d'accès, il n'y en a pas dans toutes les régions du Québec. C'est des
ressources dédiées qui sont financées en partie en entente de services par le
ministère Santé et Services sociaux, par les CISSS et les CIUSSS dans les
régions, et c'est beaucoup par des organismes communautaires. C'est correct que
ça soit aussi par des groupes communautaires, sauf que c'est des groupes,
évidemment, vous savez comme moi que les organismes communautaires sont
sous-financés par rapport à ce qu'on fait comme travail.
De plus en plus, les exigences sont
importantes. De plus en plus, on demande aux communautaires de faire beaucoup
de choses au niveau du filet social pour les familles, la prévention, et tout
ça, et ça fait en sorte que ces organismes-là font ce qu'ils peuvent avec les
ressources qu'ils ont. Donc, ce qu'on dit, c'est que c'est quand même... c'est
quasiment un travail qui devrait être fait par un réseau public, d'une certaine
façon, en tout cas... parce que c'est des situations conflictuelles. C'est des
parents qui ont des difficultés, puis des conflits sévères et à ce moment-là,
bien, il faut avoir des lieux...
Mme Lévesque (Sylvie) : …sécuritaire
pour que ces parents-là puissent... puis les enfants puissent avoir leurs
parents dans des conditions sécuritaires et on a vu des situations.
C'est sûr que ça s'est amélioré avec les
années. Sauf que ce qu'on dit, c'est qu'il faut évidemment augmenter le
financement, la formation et aussi qu'il y en ait dans toutes les régions du
Québec parce que les familles habitent dans toutes les régions du Québec. Et à
ce moment-là, ça fait en sorte que si tu n'as pas de ressources, bien, à
proximité de chez vous... Nous autres, on a entendu parler des situations où il
y a un père qui part d'une région en autobus parce qu'il n'a pas de voiture
pour aller visiter son enfant dans une autre région. Il prend quasiment une
journée complète ou deux jours pour pouvoir le faire, pour voir son enfant une
heure, donc, parce qu'il n'y a pas de ressources dans sa région.
Donc, ce qui fait que ça... donc, c'est
ça, la réalité qui se passe actuellement au niveau des ressources de
supervision, droits d'accès et on pense qu'il faudrait que ça soit, comment
dire, plus considéré, c'est comme si c'était des dossiers qui sont comme moins
prioritaires. Sauf que c'est un travail quand même important de prévention et
aussi qui permet aux enfants, justement, de mieux... en tout cas, d'avoir de
meilleures conditions de vie là. Et qu'il devrait y avoir des ressources
beaucoup plus substantielles et beaucoup plus importantes. On devrait le
considérer davantage, ce dossier-là, qui date de plus de 20 ans, mais qui
n'est jamais sur le dessus de la pile, comme on dit, à moins de catastrophe qui
s'est déjà passée, là, il y a des situations où des enfants ou des mères ont
vécu vraiment de la violence, mais aussi même des morts déjà dans des
situations. Donc, on attend souvent dans des cas comme ça pour réagir
malheureusement.
Mme Desjardins (Lorraine) : Oui,
puis il faudrait aussi questionner justement le bien fondé pour un enfant de
continuer à voir un père qui est à ce point-là violent, qui a été à ce point-là
violant envers sa mère. Puis on parle d'enfants, on parle de femmes victimes de
violences conjugales, mais on parle d'enfants victimes de violences conjugales
parce qu'ils en ont été témoins. Le père n'a peut-être jamais frappé leur
enfant, mais leur enfant l'a vu, ça fait que... ils ont été victimisés.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonjour, bonjour à vous deux. Pour avoir déjà été, dans mon ancienne
vie, responsable d'écrire les mémoires dans un service de recherche syndical,
je réalise tout le défi que ça constitue d'écrire quelque chose de substantiel,
d'intelligible, de pertinent, en si peu de temps. Mais bravo! Moi, je pense que
vous l'avez relevé, le défi, haut la main. Donc, tout à fait solidaire avec la
situation dans laquelle vous étiez. J'aimerais vous entendre, puis, encore une
fois, je sais que vous n'avez pas eu le temps de l'étudier en fond et en comble
ce vaste projet de loi. Mais tout le débat alentour de la pluriparentalité, qui
n'est pas dans le projet de loi, mais qui est un débat entourant le projet de
loi, qu'on a quand même beaucoup aussi. Je ne sais pas si vous avez entendu les
intervenantes, les deux avocates qui vous ont précédées, là, qui étaient plutôt
inquiètes, plutôt en défaveur d'aborder ce sujet-là. Si j'ai bien compris votre
introduction, vous, vous auriez été plutôt, à l'inverse, ouverte à ce qu'on
explore la pluriparentalité. Voulez-vous m'en dire davantage à ce sujet?
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
en fait, ce qu'on disait...
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
en fait...
Mme Lévesque (Sylvie) : Bien,
en fait, c'est... en fait, ce qu'on... oui, dans le sens que ce qu'on dit, c'est
que finalement, ça existe. Ça fait qu'on ne peut pas se mettre la tête dans le
sable, puis dire : ça n'existe pas. Donc nous, on... ce qu'on... Puis
comme on disait, on n'a pas eu le temps de faire les débats dans notre
organisme parce que, comme je vous disais, à cause des délais, bien, des fois,
on y va dans les valeurs, puis je pense que c'est quelque chose... c'est pour
ça qu'on dit dans notre mémoire, faudrait peut-être revenir là-dessus quand on
va discuter de la réforme sur la parentalité, la conjugalité, parce que peut
être que ce serait... ça devrait rentrer aussi peut-être dans ces sujets-là.
Et donc, comme ça existe déjà, puis ça
existe aussi dans d'autres provinces du Canada. Il faudrait voir les balises,
tout ça. On se dit : Bien, il faudrait peut être au moins réfléchir
là-dessus, est-ce c'est quelque chose... Oui, c'est vrai que ça ne peut pas
être évident, déjà d'avoir... quand il y a des séparations, il y a déjà deux
parents, puis bon, il y a déjà bien du monde dedans, puis, bon, qui a le droit,
qui n'a pas le droit, c'est parce que si on donne des droits, il faut aussi
donner des responsabilités. Est-ce que ces parents-là, éventuellement, sûrement
que les avocates en ont parlé... est-ce que aussi, ils vont être obligés de
payer une pension alimentaire, si éventuellement, ils sont reconnus comme...
bon, c'est un peu tout... en même pas, pas parce que ça, ça existe qu'il ne
faut pas être ouverts à cette réalité-là.
Donc, c'est pour ça qu'on n'a pas
nécessairement une position tranchée là-dessus. On pense qu'il faut faire un
débat social à ce niveau-là. Je pense qu'on pourrait le mettre au jeu aussi à
la population. Ça pourrait être intéressant, puis voir éventuellement... pour
laisser aussi le temps à tout le monde de réfléchir qu'est-ce qui serait le
mieux dans ce sens-là, et pour les enfants et pour les familles. Donc, c'est
pour ça qu'on n'a pas nécessairement de position précise...
Mme Lévesque (Sylvie) : ...mais
en même temps, on n'est pas complètement fermés non plus à cette réalité-là qui
existe déjà.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Mme Lévesque, Mme
Desjardins, bonjour. Heureuse de vous entendre. Moi, je veux aller... il y a
beaucoup de choses qui ont été couvertes, et je voudrais vous entendre sur
votre recommandation 5 sur l'offre de soutien. Vous parlez notamment des
situations où il pourrait y avoir une difficulté avec un conflit avec l'ex-beau-parent,
pour l'enfant qui est pris au coeur de tout ça. Puis là vous nous dites, ce
serait bien qu'on entende vraiment la parole de l'enfant pour qu'il puisse
recevoir le soutien dont il a besoin. Je veux comprendre concrètement ce que
vous avez en tête comme type de soutien. Et deuxièmement, comme type de situation,
parce que, là, vous avez l'air de nous l'amener dans le contexte d'une
séparation avec le beau-parent, mais si c'est un couple qui se sépare, est ce
que c'est la même logique? Est-ce que c'est différent? Donc, je veux comprendre
un peu plus en détail.
Mme Desjardins (Lorraine) : Bien,
écoutez, honnêtement, on était plus sur... cette recommandation-là s'adressait
plus à l'article 611, au fait des parents, parce que c'est une situation un peu
particulière qui n'est pas encadrée légalement mais qui, comme on l'a dit
tantôt, qui est réelle. C'est-à-dire qu'il y a des familles recomposées qui se
décomposent, qui se séparent, et après qu'il y ait eu une période assez longue,
plusieurs années de contacts, et le conjoint du parent a joué un rôle de beau-parent,
un rôle central, bien, je pense que le type accompagnement auquel on pensait...
pas, je pense, là, le type d'accompagnement auquel on pensait, c'était
justement d'avoir... que l'enfant soit entendu, qu'il y ait une espèce... je ne
sais pas, ça peut être des intervenants psychosociaux, ça peut être de la
médiation familiale, je ne sais pas, mais pour que la parole de l'enfant soit
entendue dans ce contexte-là. En fait, en même temps, c'est un sujet un peu
particulier parce que, comme disait Sylvie tout à l'heure, il peut arriver,
mettons, que le parent de l'enfant n'a pas nécessairement envie de garder
contact avec son ex-conjoint, même s'il a joué un rôle de beau parent. À ce
moment-là, c'est ça, c'est les adultes, le point de vue des adultes contre celui
des enfants. Donc, évidemment, c'est pour ça que l'aspect intérêt de l'enfant
est important là-dedans. Mais on n'avait pas...
Mme Hivon : O.K. Excusez-moi.
Vous voudriez qu'on consacre une plus grande place, dans cette recomposition-là
où ce changement de situation là, à l'enfant.
Mme Desjardins (Lorraine) :
Exactement.
Plutôt que de juste le voir comme une
relation d'ex-conjoints, là, avec une voix potentielle. O.K. Parfait.
Puis, rapidement, vous avez dit, au début,
là, rapidement vous aussi, que l'adoption sans rupture du lien de filiation,
vous estimiez qu'on devait le considérer à nouveau. Vous jugez que l'adoption
qui permet le maintien de contacts et avec entente de communication, ce n'est
pas suffisant.
Le Président (M.
Bachand) : Le temps est écoulé, alors je vous demanderai de
répondre à quelques secondes. Je suis désolé.
Mme Desjardins (Lorraine) : C'est
juste qu'en 2009, on trouvait que c'était intéressant, comme avenue, d'avoir
cette possibilité d'une adoption sans rupture de lien. C'est quand même bien qu'il
y ait cette possibilité-là de garder des contacts, là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci, Mme Lévesque, Mme Desjardins. Merci
infiniment d'avoir été avec nous aujourd'hui, c'est très apprécié. Sur ce, je
suspends les travaux jusqu'à 19 h 30. Merci. Bon appétit.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
19 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 19 h 30)
Le Président (M.
Bachand) : La Commission des institutions reprend ses travaux.
Nous poursuivons donc les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi numéro 2, Loi portant sur la réforme du
droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en
matière de droits de la personnalité et d'état civil. Ce soir, nous entendrons
le Barreau du Québec, la Coalition des familles LGBT+ conjointement avec le
Conseil québécois LGBT. Mais d'abord, nous avons le plaisir d'accueillir Me
Dominique Goubau, professeur titulaire à la Faculté de droit de l'université
Laval. Merci beaucoup d'être ici ce soir, surtout à présentiel. C'est très
apprécié. Donc vous connaissez les règles, un 10 minutes de présentation
et par après on aura un échange avec les membres de la commission. Donc, la
parole est à vous. Merci beaucoup, maître.
M. Goubau (Dominique) :
Merci M. le Président, M. le ministre, Mesdames et messieurs les députés. D'abord,
évidemment, je vous remercie infiniment de m'avoir invité à participer à vos
travaux. C'est un honneur. Je vous remercie donc infiniment. Je m'excuse. Je
sais que la norme, la coutume veut qu'on présente un mémoire. Je n'ai présenté
qu'une lettre de trois pages parce que j'ai été pris au dépourvu. Je n'ai pas
eu le temps de préparer un mémoire. J'espère que les échanges qu'on va pouvoir
aujourd'hui vont pouvoir pallier le fait que je n'ai pas pu faire ce texte-là.
Je ne sais pas si j'ai besoin de faire deux mots de présentation. Donc, je suis
professeur à l'Université Laval. J'enseigne et je fais de la recherche en droit
de la famille depuis presque 40 ans. J'ai été vice-président de l'Association
internationale de droit de la famille et, pendant une vingtaine d'années,
président du Comité permanent du droit de la famille du Barreau du Québec.
Ceci pour vous dire que je suis un
observateur très attentif du droit de la famille et de son évolution depuis 35 ans
et même un petit peu plus. Alors, je suis donc très, très honoré de pouvoir
participer avec vous à vos réflexions. La première chose que je voudrais vous
dire, c'est que j'entends depuis quelque temps plusieurs intervenants souligner
le fait que ça fait 40 ans qu'on n'a pas réformé le droit de la famille et plus
particulièrement ce qui nous occupe aujourd'hui le droit de la filiation, les
effets de la filiation, et qu'il est donc grand temps, et qu'il faut donc
absolument changer les choses puisque ça fait si longtemps. Je pense que quand
on fait l'étude d'un chapitre du Code civil aussi important, il est nécessaire
de faire une toute petite mise au point là-dessus.
Le Québec est en fait un État qui, depuis
plusieurs décennies, procède très régulièrement à la réforme de son droit de la
filiation et des effets de la filiation. On parle de 80. Évidemment, ça, ça
fait 40 ans, mais à 91, on a réécrit la disposition très important, l'article 33
sur l'intérêt de l'enfant que le projet de loi bonifie encore. En 1997,
certains s'en souviennent, l'importante réforme des règles de fixation aux
pensions alimentaires pour enfant, donc un effet de la filiation encore. Et
puis, surtout, en 2002, cette réforme fondamentale des droits de la filiation
par laquelle le Code civil reconnaît la possibilité pour des personnes de même
sexe d'être parent d'un enfant et introduit des mécanismes qui étaient à l'époque
tout à fait révolutionnaire et tout à fait unique au monde, par exemple, la
présomption de maternité.
Je peux vous dire qu'ailleurs, on a
regardé ça avec beaucoup d'intérêt. De nombreuses juridictions ont imité le
Québec depuis. Donc, ceci pour vous dire que le Québec a longtemps, et il n'y a
pas si longtemps, au fond, était à l'avant-garde en matière de droit de la
filiation et des effets de la filiation. 2004, on a introduit les effets de la
convention, les règles de la Convention internationale en matière d'adoption
internationale dans une loi particulière, ici, mais également dans le Code
civil et finalement, en 2017, ça c'est hier, c'est avant-hier, l'adoption de la
tutelle supplétive, on en reparle encore dans le projet de loi aussi, le projet
de loi 2, l'adoption coutumière qui est reconnue depuis 2017 dans le Code
civil, de même que l'adoption avec la reconnaissance de la préexistence d'un
lien de filiation et donc cette idée d'ouverture en matière d'adoption qui est
très présente dans le Code civil.
Donc, ceci pour rectifier cette idée selon
laquelle il n'y a pas eu pendant 40 ans de réforme. Je pense qu'aujourd'hui,
les travaux que vous faites s'inscrivent dans la continuité d'un processus de
réforme qui est, donc, qui est très réel au Québec. Évidemment, c'est une très
bonne chose de continuer et il y a dans le projet de loi que j'applaudis un
certain nombre de principes que je trouve excellents et qu'il faut
effectivement introduire dans le Code civil. Je pense en particulier à un
encadrement plus resserré de ce qui existe, mais qui est mal encadré, c'est-à-dire
de la gestation pour autrui. Et surtout, ce qui va avoir une incidence très
importante, peut être plus qu'on pense, c'est la reconnaissance dans la charte
québécoise du droit aux origines.
Personnellement, j'aurais mis également
une disposition au chapitre du Code civil concernant les droits de la
personnalité, car c'est ni plus ni moins un nouveau droit de la personnalité.
Est-ce que c'est un droit qu'on peut rattacher à la vie privée? Peut-être. Est-ce
que c'est un droit autonome qui mériterait sa place dans le code...
M. Goubau (Dominique) :
...puisque c'est notre loi fondamentale, donc je pense que, dans la Charte,
bien sûr, mais comme la plupart des droits de la personnalité sont dans la
Charte, ils sont aussi dans le Code civil, ce serait, je pense, une bonne idée
de l'inscrire également dans le Code civil.
Alors, évidemment, ce projet s'inscrit
dans le cadre d'une plus vaste réforme du droit de la famille. Je ne peux pas m'empêcher
de souligner que l'urgence nationale en termes de réforme du droit de la
famille, ce n'est pas dans le chapitre de la filiation, ce n'est pas dans le
chapitre des effets de la filiation aujourd'hui. Bien sûr, il y a des choses à
modifier, à parfaire, à... mais l'urgence nationale à modifier le droit de la
famille, c'est évidemment le deuxième volet de cette réforme que tout le monde
attend, c'est sur le plan de la conjugalité. Le Code civil du Québec, aujourd'hui,
pour quelqu'un qui le lit pour la première fois, il ne reconnaît pas la famille
québécoise. On n'y parle pas de monoparentalité, on n'y parle pas de
reconstitution familiale. On ne tient pas compte du fait non plus que près de
70 % des enfants en 2021 naissent hors mariage. Or, le modèle, évidemment,
dominant dans le Code civil, c'est celui en mariage.
Il y a un symbole de ce décalage entre ce
qu'on lit dans le Code civil et les familles au quotidien dans la vraie vie, et
c'est la toute première disposition du livre sur la famille. Vous savez, chaque
livre du Code civil commence par une disposition qui est vraiment le principe
de base. L'article premier aux droits des personnes : Tout être humain a
la personnalité juridique, et tout le monde exerce et a la capacité pour
exercer ses droits. C'est le grand principe qui fonde aussi l'égalité entre les
personnes dans le cas du Code civil. Si on prend le chapitre des obligations, l'article
1371, qui est le premier article de ce grand chapitre sur les obligations, qui
commence en disant : Il est de l'essence des obligations qu'il y ait deux
parties, un objet, une cause, etc. Voilà poser au premier article les principes
les plus importants du droit des obligations. En droit de la famille, la
première disposition, celle qu'on lit en premier quand on veut savoir ce que
dit le Code civil, c'est le mariage doit être célébré par un célébrant
compétent. Aujourd'hui, pour la plupart des gens, c'est insignifiant comme
entrée en matière du Code civil. C'est en décalage complet avec ce que les gens
vivent au quotidien.
Or, il y a une disposition qui est citée
dans le projet de loi 2, qui est l'article 522, qui ouvre le chapitre de la
filiation et qui dit : Tous les enfants dont la filiation est établie ont
les mêmes droits, les mêmes obligations, quelles que soient les circonstances
de leur naissance. En d'autres mots, cette disposition, elle existe, elle n'est
pas modifiée par le projet de loi, mais elle exprime, à mon avis, très, très
bien l'esprit de la réforme, c'est-à-dire tous les enfants sont égaux, et on
reconnaît la diversité des familles. C'est ça que dit l'article 522. Je suggère
que cette disposition devrait désormais être l'article d'entrée du livre 2 de
la famille et que, lorsqu'un citoyen ouvre le Code civil au chapitre de la
famille, la première chose qu'on lui dit, c'est que les enfants vivent dans des
familles très différentes, mais ils ont tous les mêmes droits, ils ont tous les
mêmes obligations. On reconnaît le principe d'égalité, on reconnaît le principe
de la diversité. Il me semble que ce serait une façon assez solennelle et juste
d'entamer le livre 2 du droit la famille.
Alors, cet article 522 exprime donc l'idée
d'égalité. Et je constate avec plaisir que le projet de loi tend à instaurer
plus d'égalité entre les enfants et donc à appliquer concrètement ce principe d'égalité,
quelles que soient les circonstances de la naissance. Par exemple, je vois qu'on
tente d'harmoniser les règles concernant le droit de connaître ses origines et
qui est déjà, depuis de nombreuses années, accordé aux enfants adoptés. Eh
bien, on fait le parallèle avec les enfants issus de la procréation assistée
pour leur permettre également ce droit de retrouver éventuellement les
personnes dont ils sont issus.
• (19 h 40) •
Alors, un autre exemple que je salue aussi
et qui est une conséquence de ce principe d'égalité, c'est l'élargissement de
la présomption de paternité en dehors du cadre du mariage. C'est un peu symbolique,
mais c'est important. On reconnaît, comme d'ailleurs c'est le cas dans toutes
les provinces canadiennes sauf au Québec, on reconnaît que cette présomption de
paternité en mariage, eh bien, ça doit s'appliquer aussi au mariage, c'est tout
à fait bienvenu. J'applaudis cette réforme puisque, comme je vous ai dit, la
plupart des enfants maintenant naissent hors mariage, et ils échappaient au
bénéfice de cette règle, et désormais ils vont l'avoir. Ceci dit, c'est plutôt
symbolique parce que la présomption de paternité n'a évidemment plus du tout la
même force et la même utilité qu'elle avait avant 1980. La présomption de
paternité a beaucoup moins d'impact en termes d'établissement de la filiation
ou de preuve de la filiation. C'est devenu un mode très accessoire. Mais, bon,
sur le plan symbolique, c'était important de le souligner...
M. Goubau (Dominique) : ...et
c'est peut-être l'utilité. M. le Président, vous allez m'interrompre, je n'ai
pas regardé l'heure, donc je ne sais pas... Mais il y a, je pense, des
dispositions dans le code qui seraient tellement faciles à modifier et qui vont
directement dans le sens de ce principe d'égalité des enfants. J'en cite un, l'article
410. Je sais qu'il est dans le chapitre de la conjugalité, mais il ne devrait
pas se retrouver dans le chapitre de la conjugalité. C'est une disposition qui
dit que lorsque les parents se séparent - les parents mariés parce que c'est en
mariage - eh bien, le parent qui a la garde des enfants, il peut bénéficier d'un
droit d'usage de la résidence familiale où les enfants habitent, et résidence
familiale qui est la propriété de l'autre parent, c'est-à-dire du non-gardien.
Eh bien, quand j'explique aux étudiants que cette règle, dans une société où 70
% des enfants naissent hors mariage, ne s'applique pas hors mariage, les
étudiants sont absolument abasourdis, ils ne comprennent pas.
Le Président (M.
Bachand) :Merci maître. Vous aviez
malheureusement raison. Je dois vous interrompre parce qu'on passe à la période
d'échanges. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît,
M. Jolin-Barrette : M. le
Président, Me Goubau, bonjour.
M. Goubau (Dominique) :
Bonjour.
M. Jolin-Barrette : Merci
beaucoup d'être avec nous ce soir. Je devrais dire bonsoir. Écoutez, bien, dans
un premier temps, je tiens à souligner que vous avez contribué au rapport du
Comité consultatif sur la réforme du droit de la famille qui a été paru en
2015. On s'est beaucoup inspirés du rapport, notamment. Puis vous disiez :
Bien, écoutez, ce n'est pas vrai que depuis 40 ans, il n'y a pas eu de réforme.
Je suis d'accord avec vous. Il y a des éléments, il y a des jalons qui ont été
apportés, mais d'une façon aussi substantielle, je pense qu'il était temps que
l'on bouge. On y va en deux volets. Je comprends que vous avez un intérêt
marqué aussi pour la conjugalité, mais ça va s'en venir au cours des prochains
mois. Donc, on y va par bouchées, comme on dit, pour démarrer. Une question :
vous n'avez pas abordé la question de l'article 611 dans votre allocution
préliminaire relativement... On vient le transformer un peu, donc on...
relativement aux droits des grands-parents. On vient inclure le beau-parent,
donc, dans le fond, dans l'intérêt de l'enfant, l'accès aux beaux-parents. Et
sur la question des grands-parents, vous êtes moins à l'aise là-dessus.
Pouvez-vous nous expliquer votre point de vue?
M. Goubau (Dominique) : Oui.
Alors oui. Et puis même, je suis un petit peu en conflit d'intérêts parce que
je suis un sextuple grand-père et donc j'ai un intérêt particulier que je dois
dénoncer. Mais, non, je pense que cet article constitue un recul par rapport à
la disposition qu'on a aujourd'hui. D'abord, ce n'est pas un droit des
grands-parents, c'est un droit des enfants, des petits-enfants de maintenir des
relations personnelles, particulièrement dans des contextes de séparation ou de
décès avec leurs grands-parents.
La spécificité de cette disposition,
lorsqu'elle a été adoptée dans le Code civil, c'est qu'on a reconnu la place
tout à fait particulière des grands-parents dans la famille québécoise et dans
le Code civil. Et il y a toutes sortes de personnes, aujourd'hui, qui gravitent
autour des enfants, particulièrement dans des contextes de transitions
familiales et de recomposition familiale. Alors, le nouvel article 611 désigne
le beau-parent qui, en cas de nouvelle séparation, pourrait via cette
disposition, maintenir contact. Ça ne change pas grand-chose. Les tribunaux
reconnaissent déjà ce droit. Et si un beau-parent peut faire la preuve que c'est
dans l'intérêt des enfants et qu'il constitue, qu'il représente une personne
significative pour cet enfant, il n'y aura aucun juge qui va refuser de
permettre le maintien d'une forme de relation.
Mais la particularité de l'article 611
jusqu'à aujourd'hui, c'est que pour les grands-parents, il y a une présomption,
et qu'ils n'ont pas à faire la preuve. C'est aux autres à faire la preuve que
ce ne serait pas dans l'intérêt de l'enfant de maintenir ces relations. Et les
parents ne peuvent faire obstacle à ce lien tout à fait privilégié que s'il y a
des motifs sérieux de le faire. Et donc le droit reconnaissait que, parmi
toutes les personnes qui gravitent autour des enfants — je trouve que
c'est assez sympathique comme approche — les grands-parents ont une
place particulière. Et, aujourd'hui, la reformulation dans le projet de loi d'aujourd'hui,
au fond, ramène les grands-parents sur le même pied que le beau-parent. Ils ne
peuvent demander le maintien d'une relation personnelle, voire même peut être
éventuellement d'un droit de contact, que s'ils peuvent faire la démonstration
que c'est dans l'intérêt de l'enfant.
On comprend aussi qu'une des conditions
désormais, c'est qu'il soit déjà une personne significative. Or, aujourd'hui,
ce n'est pas nécessaire. Si vous avez, par exemple, un couple qui se sépare à
la naissance de l'enfant, et que la mère quitte avec les enfants, avec l'enfant
qui est encore très jeune et avec lequel les beaux-parents, donc les
grands-parents paternels, n'ont pas de contacts, dans la nouvelle mouture de
611, ils ne se qualifient pas. Alors qu'aujourd'hui, ils ont cette présomption.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Juste une question là-dessus parce que c'était une des recommandations du
comité consultatif de reformuler, hein? Il était recommandé de reformuler la
présomption de l'article 611 dont bénéficient actuellement les
grands-parents...
M. Jolin-Barrette : ...à en
faire un droit de l'enfant subordonné au principe de l'intérêt de l'enfant.
Alors, actuellement, dans le code actuel, vous le dites bie, que la présomption
en faveur des grands-parents, mais cette présomption-là ne rentre en conflit
avec le critère principal qui devrait être au niveau de l'intérêt de l'enfant.
Parce que, tout à l'heure, on a eu la discussion avec d'autres intervenants qui
disaient : Mais, écoutez, parfois, c'est le droit des parents, on regarde
comment c'était construit, c'est le droit des parents ou le droit des tierces
parties, dans ce cas-ci, les grands-parents, qui semblait primer un peu sur le
droit de l'enfant aussi. C'est sûr qu'en matière de grands-parents c'est un
contexte particulier, sauf que ça peut arriver aussi parfois que ce n'était pas
nécessairement dans l'intérêt de l'enfant d'avoir le lien que les
grands-parents, puis il y a toutes sortes d'histoires aussi qui se retrouvent à
la cour, tout ça, mais c'était une des recommandations reformulées.
M. Goubau (Dominique) : Alors,
deux choses là-dessus. D'abord, je ne serais pas trop inquiet aujourd'hui,
quand on regarde la jurisprudence concernant les relations personnelles entre
grands-parents et les petits-enfants, les tribunaux rappellent constamment que
c'est un droit de l'enfant. Et la notion d'intérêt de l'enfant n'est pas exclue
du processus décisionnel, les tribunaux l'ont bien compris et appliquent l'article
33, quand il s'agit de décider de maintenir ou non ou de créer une forme de
relation, de permettre à des grands-parents d'avoir l'occasion de connaître
leurs petits- enfants. Ils vont aussi appliquer l'article 33 et se demander si
c'est, dans ce cas particulier, dans l'intérêt de l'enfant. Donc c'est déjà le
cas. Ça, c'est la première chose.
Deuxième chose. Sur le fait, vous avez
raison de me de me rappeler le rapport du comité consultatif, et je regarde le
président de ce comité-là en arrière de vous, j'ai été dissident sur une très
importante question, celle de la conjugalité et de l'encadrement de la
conjugalité hors mariage dans ses effets patrimoniaux. Je ne pouvais pas être
dissident sur tout, hein, et donc il fallait être efficace.
M. Jolin-Barrette : Est ce
que c'était votre souhait d'être dissident sur tout?
M. Goubau (Dominique) : Non,
non.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Mais, en matière de filiation, vous étiez d'accord avec le rapport?
M. Goubau (Dominique) : Oui,
oui, tout à fait, mais il y a beaucoup dans ce rapport. Évidemment, quand on
est dans un petit groupe de 10 personnes, on ne fait pas la guerre sur tous les
points.
Le Président (M.
Bachand) :Est-ce que c'est une leçon pour
la commission?
M. Goubau (Dominique) : Comme
on dit : À bon entendeur, salut!
Le Président (M.
Bachand) : M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Une autre
question. Bon. Dans le rapport sur le comité consultatif qui recommandait
également de limiter à deux parents et de ne pas élargir, êtes-vous toujours d'accord
avec ça, le fait de limiter à deux parts?
M. Goubau (Dominique) : Sur
la question, est-ce qu'on devrait permettre à deux parents, trois parents,
quatre parents, cinq parents, mon opinion personnelle, elle n'a pas plus de
poids, je pense, que l'opinion de n'importe qui, c'est une question, à la
limite, très personnelle, très sociale. Certainement pas une question
juridique. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, dans le projet de loi tel
qu'il est, je vois et je comprends qu'on s'en tient à deux parents maximum,
mais je vois tout de même une disposition qui ouvre la porte à la
reconnaissance de la multiparenté, et je parle bien la multiparenté, pas la
multiparentalité, j'imagine que plusieurs intervenants ont dû vous faire la
distinction entre les deux, multiparentalité qui traite du rôle parental. Un
beau-parent peut jouer un rôle à l'égard des enfants, on dira qu'il assume un
rôle de parentalité, il est dans le registre de la parentalité. Quand on parle
de la parenté, on vise la filiation.
C'est bien ce que réclament plusieurs
groupes qui... regardons ce qui se passe en Ontario, en Colombie-Britannique,
en Alberta, on constate que, lorsqu'on commence à encadrer la Gestation pour
autrui ou la procréation assistée, qu'elle soit médicalement assistée ou non,
eh bien, la suite logique, c'est de reconnaître que trois, quatre, cinq, six
personnes peuvent être impliquées et que, dès lors, il faut les reconnaître au
registre de la filiation. Le comité consultatif a estimé qu'il n'y avait pas
assez de demandes actuellement dans la société québécoise, que peut-être un
jour, ça arriverait, mais nous avons conclu que ce n'était pas quelque chose qu'on
voulait recommander.
• (19 h 50) •
Ceci dit, je vois, dans le projet de loi,
une disposition qui est la réécriture de la notion de possession constante d'État.
Ça peut paraître un petit peu technique, en réalité, cette notion de possession
constante d'État, elle est fondamentale en droit de la filiation. C'est une,
pour faire très bref, c'est une... c'est le deuxième mode d'établissement de la
filiation. Lorsque le nom du père, c'est généralement le père, n'est pas un
acte de naissance, la filiation peut être également établie en faisant la
démonstration que, dans l'entourage, cette personne est généralement considérée
comme le père d'un enfant. Et le droit actuel dit : C'est une... il faut
un certain nombre de faits qui démontrent qu'il y a un comportement parental,
mais également qu'il y a un lien entre...
M. Goubau (Dominique) : ...enfants
et la personne dont on le dit issu. En d'autres mots, il faut que l'entourage
soit convaincu, généralement, il peut y avoir des exceptions, généralement
convaincu que ce père qui se comporte à l'égard de cet enfant comme un père, qu'en
réalité c'est son père, sous-entendu biologique. C'est ça la possession
constante d'état. Or, aujourd'hui, on redéfinit dans le projet de loi la notion
de possession constante d'état en disant : Désormais la possession
constante d'état, c'est quoi? C'est un...ce sont des faits qui permettent de
constater qu'une personne a agi comme père ou comme mère à l'égard d'un enfant.
On passe donc du registre de la parentalité et du rôle parental et la... comment
dire là, l'image que l'entourage a d'une personne qui joue un rôle parental, on
passe de ce registre-là à celui de la filiation en disant : Si vous avez
un comportement parental depuis la naissance et pendant 24 mois, la
jurisprudence a dit quelque part entre 18 et 24 mois, le projet de loi retient
24 mois, eh bien, vous êtes considéré comme le père d'un enfant.
M. Jolin-Barrette : Mais
cela, c'est le verrou de filiation.
M. Goubau (Dominique) : Pardon?
M. Jolin-Barrette : C'est le
verrou de filiation.
M. Goubau (Dominique) : Je n'ai
pas entendu.
M. Jolin-Barrette : C'est le
verrou de filiation qui vient être inséré. Mais par contre, si jamais ce n'était
pas lui le père biologique, il y a un mécanisme de sortie aussi. Mais c'est
toujours dans un contexte de deux parents. Mais si je reviens à la
pluriparentalité, là, par rapport à la gestation pour autrui, là, supposons que
la porte était ouverte à ça, là, on se retrouve avec potentiellement la mère
porteuse, le conjoint de la mère porteuse, parent un d'intention, parent deux d'intention,
donneur de sperme, donneur d'ovules. Ça fait que là, on est rendu à 6, minimum,
puis ça pourrait être ça. Moi avec ce que j'ai entendu, je trouve qu'on est
dans une situation où, dans l'intérêt des enfants, c'est préférable d'avoir
deux parents et du potentiel associé, à tous les impacts et les conséquences
juridiques qu'il peut y avoir.
M. Goubau (Dominique) : Personnellement,
je vous suis là-dessus, mais quand vous dites, c'est limiter la possession
constante d'état à deux personnes, et le projet de loi inscrit un principe
jurisprudentiel, la Cour d'appel a dit il n'y a pas longtemps qu'il ne peut pas
y avoir de possession constante d'état à l'égard de deux pères simultanément et
vous l'inscrivez très justement dans la loi. Sauf que la Cour d'appel a dit ça
pourquoi? Parce que la possession constante d'état, c'est le lien entre un
enfant et un adulte dont on le dit issu et par conséquent, de façon très
logique, la Cour d'appel a dit : Il ne peut pas y en avoir deux, ça ne se
peut pas que tu aies deux pères. Donc, c'est la raison pour laquelle la Cour d'appel
a dit : Il ne peut pas y avoir de possession constante d'état simultanée.
Mais là, ce que vous faites, enfin, ce que fait le projet de loi 2, on
vient dire : La possession constante d'État, c'est le comportement
parental. Or, il peut y avoir plusieurs personnes qui ont un comportement
parental. Et je peux vous dire ceci : Si j'étais demain matin... si cette
définition passe dans la loi et que j'étais consulté, je ne vous dis pas que c'est
bien ou pas bien, mais si j'étais consulté par un trio dans le cadre d'un
contrat de mère porteuse, dont depuis le début de la naissance, les deux pères
se sont comportés comme des pères, et sont connus dans l'entourage comme des
personnes qui se comportent comme des pères et que la mère est dans le décor
aussi, donc... et qu'il y a une revendication de triparenté, je n'aurais pas
beaucoup d'hésitation à défendre devant un tribunal que les deux se qualifient
au sens de la possession constante d'état, qui est désormais un mécanisme qui
réfère au comportement parental et que la seule raison pour laquelle le
deuxième père ne peut pas être inscrit à l'acte de naissance, c'est parce qu'il
y a cette interdiction, dans les dispositions sur l'acte d'état civil, dans les
règles d'état civil, et donc je pense que cette disposition est fragile en
termes de respect de l'article 15 de la Charte canadienne et le principe d'égalité.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie beaucoup pour votre témoignage, je vais céder la parole à mes
collègues, mais je tiens à dire que ce n'est pas l'intention du législateur et
on va apporter des clarifications relativement pour que ça ne soit pas cette
interprétation-là qui soit retenue et que vous n'ayez pas à faire une opinion
juridique en ce sens là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, M. le Président. Pr Goubau, merci. Donc, un débat sur la
constitutionnalité ce soir, ça serait quand même intéressant. Mais j'aimerais
vous ramener sur le droit aux origines. Vous avez mentionné ça d'entrée de jeu,
vous avez mentionné la connaissance des origines, vous avez également parlé de
l'inscription à la Charte, mais aussi au Code civil. Puis je voulais savoir un
peu, là, votre position par rapport à ça, donc vous êtes, j'imagine, favorable
à ce qui est présenté par rapport au projet de loi. Puis peut-être nous parler
de l'inscription puis de la façon dont vous voyez ça, là, autant à la Charte
qu'au Code civil.
M. Goubau (Dominique) : Alors
moi, je suis tout à fait favorable à l'inscription dans la charte et même au
chapitre des droits de la personnalité, du droit de tout individu de connaître
ses origines, dans le respect des dispositions...
M. Goubau (Dominique) : ...La
loi, dans les conditions prévues dans la loi. Mais je veux indiquer que le
projet de loi 2 apporte tout de même certaines différences selon la situation
dans laquelle l'enfant se trouve. Un exemple en matière d'adoption de l'enfant,
il peut y avoir un droit de veto non seulement sur le contact, mais également
sur l'identité, alors que lorsqu'on parle de procréation assistée, le projet de
loi 2 met en place un système de veto donc sur le contact, mais pas sur l'identité.
Et donc, je m'interroge sur le traitement différent du droit de connaître ses
origines de l'enfant issu de la procréation assistée et de l'enfant adopté. Je
pense qu'il faut si il y a un droit de veto et... S'il n'y a pas de droit de
veto pour l'enfant en procréation assistée pour ce qui est de l'identité, alors
il ne devrait pas y avoir de droit de veto en droit d'adoption. On affirme le
principe de l'égalité des enfants, il faut en tirer les conclusions. Et lorsqu'on
organise ce principe excellent du droit aux origines, il faut l'appliquer
également, quelles que soient les circonstances de la naissance de l'enfant et
pas faire des distinctions là-dessus.
Il y a un autre élément qui est en lien
direct avec la question que vous posez, c'est la difficulté que certains
enfants pourraient avoir en procréation assistée à retrouver la personne dont ils
sont issus. Et lorsqu'on parle de GPA, le projet de loi, et je pense c'est une
très bonne chose, organise de façon très détaillée le formalisme autour de l'entente
à plusieurs étapes. Il y a donc une trace, non seulement une trace, mais une
trace notariée. Donc, il n'est pas très compliqué pour un enfant qui veut
retrouver ses origines de faire appel au registre et au greffe...
M. Chassin :
Mais vous, vous questionnez même les formalités qui entourent la procréation
assistée. Mais êtes-vous en faveur des formalités ou non, pas nécessairement?
M. Goubau (Dominique) : Non,
je pense que c'est une très bonne idée en GPA. Mais je m'étonne que pour la
gestation, pas pour la gestation, pour la procréation assistée dite artisanale
ou par relations sexuelles, qu'il n'y ait aucune formalité. Déjà, dans le droit
actuel, c'est un problème. Aujourd'hui, vous savez, quand deux personnes ont un
projet parental avec l'apport... Ou une personne seule avec l'apport des forces
génétiques d'un tiers, il peut y avoir une discussion, à mon avis
insignifiante, devant les tribunaux pour savoir est-ce que oui ou non, ça s'est
fait par procréation assistée? Est-ce que oui ou non, il y a eu un projet
parental au sens de l'article 538? Il n'y aurait plus de discussion possible.
Le Président (M.
Bachand) : Merci, maître. Je vois passer de la parole au député
de Lafontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup.
Bonne soirée, merci beaucoup d'être avec nous, professeur Goubau. Je pense que
je vous ai eu comme professeur en 97.
M. Goubau (Dominique) : Merci
de me rajeunir.
M. Tanguay : À l'Université
Laval. Alors, ça ne se veut pas un coup bas, non, mais merci beaucoup. Puis
vous avais gardé cette passion, cet intérêt et je me rappelle du cours de droit
de la famille. C'était très, très enrichissant et très dynamique, la façon dont
vous s'enseignez. Alors, je le retrouve, ça, ce soir puis souvent les cours
étaient de soir également alors c'est comme un retour vers l'arrière. Puis je
ne sais pas quand sera l'examen, mais je vais bien travailler.
Écoutez, j'aimerais vous entendre. Vous
avez parlé beaucoup de l'article 611, semble donc aussi s'y ajouter, mais peut
être que vous allez me dire que ça, ça s'est développé avec les années, avec la
jurisprudence, la possibilité pour l'enfant âgé de 10 ans et plus d'y
consentir. Ça, j'imagine, ça s'est créé... c'est un... on récupère ce qui s'est
développé dans la jurisprudence, c'est ça?
M. Goubau (Dominique) : Non.
Je trouve que c'est une très bonne chose de l'ajouter, même si ça rejoint la
jurisprudence qui, depuis plusieurs années maintenant, a déterminé que
normalement, lorsqu'un enfant donne son avis à partir de 10 ans, ça devient pas
mal le critère déterminant. Pas seulement pour les grands-parents, mais aussi
en matière de garde. Lorsqu'un enfant refuse de voir un parent ou veut être en
garde partagée, la Cour d'appel au Québec est vraiment très claire là-dessus, à
partir de 10 ans, c'est un élément extrêmement important, à partir de 12 ans, c'est
quasiment le critère déterminant. Donc, le nouvel article 611 reprend cette
règle-là et je trouve que c'est une très bonne chose.
M. Tanguay : Et vous avez mis
en garde le législateur un peu plus tôt lorsque vous avez dit, bien, dans le
cas des parents, le fait d'ajouter le critère d'avoir une relation
significative pour pouvoir prétendre avoir un lien ou pouvoir faire reconnaître
un lien, évidemment, si l'enfant avant 10 ans n'a pas de lien significatif et
qu'à dix ans, il peut dire est-ce que j'ai l'intention d'avoir une relation
avec les beaux-parents, s'il n'y a pas eu de lien significatif, la réponse
risque d'être %99.9 des cas, non.
M. Goubau (Dominique) : C'est
ça.
• (20 heures) •
M. Tanguay : J'imagine. Alors
c'est comme si, couplés ensemble, ces deux critères-là reviennent sur votre
point encore plus diminuer l'accès des grands-parents, le cas échéant, à l'enfant.
M. Goubau (Dominique) : Oui,
c'est surtout que l'article 611 tel qu'il est proposé ici...
20 h (version non révisée)
M. Goubau (Dominique) : ...vient
mettre et organiser un obstacle à l'organisation de relations personnelles
entre des grands-parents et leurs petits-enfants, particulièrement dans des
contextes où il y aurait une séparation précoce qui n'aurait pas permis, dans
ce cas particulier, aux grands-parents, de faire la preuve d'un lien
significatif avec l'enfant. Jusqu'à présent la loi prévoyait que, même s'il n'y
a pas encore de contacts, ça vaut la peine de préserver ce potentiel de
contacts parce que les grands-parents représentent des personnes particulières
dans la vie de chacun.
M. Tanguay : Dans le décret
que vous avez envoyé, vous parlez entre autres le lien... vous vouliez aborder
le lien entre le droit de la preuve en matière de filiation et le fait de la
naissance comme mode d'établissement de la filiation maternelle. Est-ce que
vous avez développé... Voulez-vous développer davantage là-dessus, s'il vous
plaît?
M. Goubau (Dominique) : Oui.
En fait, il faut faire le lien entre cet article 523 qui dit, dans le projet de
loi, hein... enfin, ce qui deviendrait l'article 523 du Code civil qui dirait
que c'est la naissance qui établit la maternité et c'est la déclaration au
Directeur d'état civil qui établirait la paternité et l'article 114, au
chapitre de l'état civil, le nouvel article 114, tel que modifie le projet de
loi, dirait : Le père à l'obligation de déclarer. C'est ce que dit le
nouvel article 114 dans le projet de loi. J'ai mis à côté... Excusez, la mère a
l'obligation de déclarer puisque sa maternité est établie par la naissance.
Elle a donc l'obligation de déclarer cette naissance. J'ai mis à côté de cette
disposition-là : Et pourquoi pas le père, point d'interrogation. La mère
aurait l'obligation de déclarer; le père n'aurait pas cette obligation. Moi, je
soutiens que, s'il est acceptable que c'est la maternité qui établit... que c'est
l'accouchement qui établit le lien de maternité, je pense que ce qui établit au
fond la paternité, c'est le lien génétique, et que les deux ont une obligation
de déclaration.
Et, par conséquent, à mon avis, l'article
523 devrait être formulé de manière à refléter ce principe selon lequel,
effectivement, l'accouchement établit la maternité, mais le lien génétique
établit la paternité, et les deux ont donc l'obligation de déclarer. C'est
tellement vrai, que c'est le lien génétique qui établit la paternité que, même
si un père déclare sa paternité au Directeur d'état civil, et donc, selon le
projet de loi, sa paternité serait établie pas seulement prouvée, mais établie
par cette déclaration. Et bien, s'il n'y a pas possession constante d'état
conforme à cette déclaration, sa paternité peut être contestée. Par qui? Par
celui qui vient avec un test génétique. C'est donc bien la preuve que ce qui
fonde la paternité, c'est la génétique et ce n'est pas la déclaration. De même
que ce qui fonde la maternité, c'est l'accouchement de la mère et non pas sa
déclaration.
La déclaration au Directeur de l'état
civil, dans cette logique, deviendrait une obligation pour qu'on constitue une
preuve, à l'égard de tous, de qui est la mère et qui est le père, c'est-à-dire
une déclaration permettant d'établir l'acte de naissance qui constitue la
preuve, à l'égard de tous, de la paternité de la maternité. Ce serait beaucoup
plus logique parce que ça éviterait d'arriver avec un double standard. C'est-à-dire
que, pour la mère, c'est le fait biologique qui établit la maternité, alors
que, pour le père, lui, il n'a même pas l'obligation de déclarer. C'est ce qui
établit sa paternité, c'est sa volonté de déclarer son geste de déclarer. Ce
sont deux, comment dire, traitements complètement différents que je trouve
illogiques. Et voilà.
M. Tanguay : Au chapitre de l'article
96 du projet de loi, donc tout le chapitre sur la gestation pour autrui, quel
drapeau rouge ou jaune vous voudriez nous, de façon plus spécifique, vous
voudriez nous agiter quant à... Parce que c'est un régime en soi, là. Il y a 38
articles qui vont s'ajouter, du jour au lendemain, à la mise en vigueur dans le
Code civil. C'est un régime en soi. Et il y a une logique interne, il y a des
choix qui sont faits, et, des fois, on ne pense pas toujours aux conséquences.
J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Goubau (Dominique) : Quand
je l'ai lu, je n'ai pas tout compris. J'ai dû le lire quelquefois et je me suis
dit : C'est écrit comme une loi ontarienne où on veut tout prévoir et tout
mettre dans la loi. C'est une loi... c'est une façon de faire qui manque le
génie du droit civil. Et je pense qu'il y a moyen de dire des choses de façon
beaucoup plus simple avec les mêmes garanties, quitte à donner du détail dans
une loi particulière. Ça, c'est déjà fait. On l'a fait en adoption, on l'a
fait... Ça se fait...
M. Goubau (Dominique) : ...et
l'adoption internationale, tout n'est pas dans le Code civil, il y a une loi
sur l'adoption internationale. Même chose pour l'enlèvement. Et donc, ça, ça a
été ma première réaction. Ensuite, j'ai tout lu et je me suis réjoui de voir qu'il
y a un véritable souci d'éviter l'écueil le plus dangereux, c'est-à-dire l'exploitation
des femmes et le trafic d'enfants, l'enfant objet d'un contrat. Et donc, ça, c'est
la bonne nouvelle, mais je trouve que, dans la forme, c'est trop compliqué.
Et puis, il y a une dernière chose que je
voudrais dire, c'est que ce n'est pas conforme non plus à la tradition du droit
civil. Le Code civil veut donner, dans son livre 2, une image de la
famille du Québec. Là, vous avez un certain nombre de dispositions, mais qui
sont écrasées par la multitude de dispositions concernant un mode de filiation
qui est important, mais qui, on s'entend, ne concerne pas des millions de
personnes. Et donc, ça prend formellement, géographiquement, j'allais dire, une
place qui ne répond pas à la réalité de la vie.
Et c'est pour ça que ça me dérange de voir
autant de détails, autant d'explications sur une forme. Si vous donnez ce texte
tel qu'il est à quelqu'un à l'étranger, et qui lit ça, il dit : Tiens, au
Québec, c'est incroyable, vraiment, la gestation pour autrui, ça marche. Et ce
n'est pas juste, ce n'est pas exact, hein? Et ça ne veut pas dire que ce n'est
pas important comme sujet, mais peut être qu'il pourrait être traité soit de
façon plus simple, soit alors dans un texte parallèle. On pourrait garder le
principe dans le code et dire : Voici les grands principes de la gestation
pour autrui. Si vous voulez le détail, vous regardez la petite loi sur la
gestation pour autrui. Ce serait plus élégant, à mon avis.
M. Tanguay : Est-ce que...
Trouvez-vous que dans ces dispositions là, dans les 38 articles, on
protège suffisamment l'intérêt de l'enfant? Trouvez-vous qu'il est suffisamment
au centre du début à la fin? Et y voyez-vous peut-être des écueils qui
pourraient survenir quant à la protection de l'intérêt de l'enfant?
Le Président (M.
Bachand) : ...
M. Goubau (Dominique) : Oui.
Je pense que c'est un effort louable, mais je ne suis pas très rassuré.
M. Tanguay : Ah non?
Pourquoi?
M. Goubau (Dominique) : C'est
à dire, pas par le texte, mais j'entends évidemment ici et là des gens
expliquer que la gestation pour autrui, finalement, ça se passe très bien et
que c'est un projet commun de trois, quatre personnes. Et je suis sûr que ça
existe, mais je suis tout aussi persuadé, je n'ai pas une connaissance par la
recherche que j'en ai faite, mais par les décisions que j'en ai lu et j'en ai
lu énormément, les tribunaux nous ramènent des scénarios dans le champ de l'adoption
qui nous racontent des histoires qu'on veut à tout prix éviter, et je pense que
ce ne sont pas les dispositions, telles que prévu dans le projet de loi, qui
vont complètement régler ces questions- là. Je pense que le fédéral a son rôle
à jouer et qu'il faut rendre la Loi sur la procréation assistée au fédéral plus
effective dans son application, et que lorsqu'il y a des infractions, eh bien,
ça s'appelle des infractions pénales. Il doit y avoir des poursuites. Et quand
on... Il n'y en a pas actuellement. À toutes fins pratiques, cette loi n'est
pas appliquée. Et là, ce n'est pas la responsabilité du Québec. Merci beaucoup,
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve. Et je vous
rappelle que pour les deux prochains intervenants, le temps de questions et de
réponses est assez court. Donc, M. le député d'Hochelaga-Maisonneuve,
2 min 43 s, s'il vous plaît.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Me Goubau. Hier, votre collègue Me Louise Langevin, à la
même heure, était ici devant nous et elle tenait les propos suivants quant aux
concepts qu'on entend parfois du droit à l'enfant, et non pas le droit de l'homme,
mais le droit à l'enfant, puis elle disait : Ça n'existe pas, le droit à l'enfant.
Il ne faut pas mélanger avec le désir d'avoir un enfant, un désir de l'enfant.
Est-ce que vous... Comment vous vous situez, vous, par rapport à cette
affirmation?
M. Goubau (Dominique) : Je
pense que c'est une évidence quand on dit qu'il n'y a pas de droit à l'enfant.
C'est une façon d'exprimer l'idée selon laquelle les règles de la filiation
doivent être au service des enfants et non pas des adultes. On a vu dans l'histoire,
par exemple, de l'adoption au Québec, comme partout au monde, que bien souvent,
ce mécanisme de filiation est au service d'adultes et non pas au service des
enfants. Et donc, il faut rappeler régulièrement qu'il n'y a pas ce droit aux
enfants et qu'il faut que... les règles de filiation sont là pour donner un
lien de filiation à un enfant dont il est le bénéficiaire. Et donc, voilà.
Donc, et je pense que c'est ce que tente de faire le projet de loi 2 en
encadrant une activité qui, aujourd'hui, souffre d'une absence totale d'encadrement.,
pratiquement oui, vraiment, puisque l'entente elle-même est considérée comme
nulle. Aujourd'hui, au moins, elle bénéficiera de cet encadrement-là
M. Leduc : Et ça ne remet pas
en question le concept qui n'existerait pas de droit à l'enfant?
• (20 h 10) •
M. Goubau (Dominique) :
Alors, vous faites bien de poser la question. Il ne s'agit pas d'un contrat
dont l'enfant est l'objet. C'est une entente sur...
M. Goubau (Dominique) : ...un
projet de filiation et de parenté. Alors, certains vont dire : Oui, ce
sont des nuances de juriste, mais c'est quand même très important comme nuance.
On n'est pas dans le chapitre sur droits et obligations. L'enfant n'est pas un
objet de cette entente, de ce contrat. Les règles sont là pour encadrer une
entente entre des adultes, mais dans l'intérêt des enfants et dans un cadre
juridique qui essaie, et j'espère qu'il y arrivera, d'éviter les écueils.
M. Leduc : Merci
beaucoup.
M. Goubau (Dominique) :
Vous savez, sur les écueils, juste une dernière chose...
Le Président (M.
Bachand) : Oui, allez-y.
M. Goubau (Dominique) :
Les... On dit : On ne peut pas rémunérer, mais on peut compenser. Bien,
regardez ce qui se passe en matière de recherche pharmaceutique. On a la même
règle. Moi, j'ai plusieurs étudiants qui ont financé leurs études en acceptant
d'être cobayes, alors qu'ils ne l'auraient pas fait, n'eût été de leurs besoins
financiers. Donc, je pense que le même problème se pose en matière de GPA.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette, s'il vous plaît.
Mme Hivon : Oui, merci.
Bonsoir, M. Goubau. Vous dites, un des éléments, là, dans votre lettre :
Les formalités entourant la procréation assistée, c'est logique de traiter
différemment la GPA et les autres modes de procréation assistée. Tantôt, vous l'avez
effleuré, mais là ça a bifurqué. Qu'est-ce que vous voulez dire précisément?
M. Goubau (Dominique) :
Je voulais essentiellement indiquer que la GPA hors procréation médicalement
assistée, où, évidemment, il y a un dossier médical et des traces, et et hors
GPA, eh bien, il n'y a pas de formalisme qui permet d'écarter tout débat sur l'existence
ou non du projet parental. Et je pense que ce ne serait pas très compliqué d'exiger...
ça ne doit pas être notarié, mais d'exiger un document dans lequel l'accord des
parties est acté. D'autant plus que le projet de loi insiste, et je pense qu'il
a raison de le faire, sur le fait que tout le monde doit être bien au courant.
La cause, c'est la Cour d'appel qui a établi qu'elle ne peut pas y avoir de
projet parental au sens de l'article 538 si toutes les parties ne sont pas
au courant préalablement. Alors, comment le prouver? La meilleure preuve, c'est
l'écrit. Donc, je pense que pour éviter ça, ce serait du bon droit, hein,
"good law", éviter les conflits, eh bien, ce serait très intéressant
de prévoir dans le projet de loi qu'une entente écrite doit être faite entre le
donneur, celui qui apporte ses fonds génétiques, et ceux qui sont dans le
projet dans le projet parental.
Ceci dit, il y a juste une petite petite
anomalie dans cette réécriture de l'article 538, que je peux peut-être
signaler en passant, si je peux la trouver, y aller... Voilà, 538. On nous dit,
à 538.2, alinéa 2, on indique : "Toutefois, une réclamation de
filiation est possible si le tiers qui a fourni son matériel reproductif par
relation sexuelle ou par insémination artisanale n'a pas été informé au
préalable de la nature de son apport à ce projet." C'est l'arrêt de la
Cour d'appel. Mais moi, je soumets que, puisque vous avez justement redéfini le
projet parental à l'article précédent, c'est-à-dire que le projet parental
implique que le donneur des forces génétiques soit au courant, alors cet
article 538.2, alinéa 2, n'a pas de sens, parce qu'il n'y a pas de
projet parental si l'on n'est pas au courant. Donc, 538, alinéa 2, n'a pas
sa raison d'être.
Et, dernière chose, la distinction dans la
loi... dans le projet de loi, entre procréation médicalement assistée,
artisanale ou par relation sexuelle n'a au fond de sens que sur une question de
preuve. C'est parce qu'on doit pouvoir le prouver Or, médicalement, on peut le
prouver, on a le dossier médical. Pour les autres, on ne peut pas le prouver.
Donc, la loi le distingue en disant : Attention, si ce n'est pas médical,
alors il faut qu'il soit au courant, etc. Mais, s'il y a un document, il n'y aura
aucun problème.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, c'est tout le temps... Le temps file
très, très, très rapidement. Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir,
maître.
M. Goubau (Dominique) :
...
Le Président (M. Bachand) :
Cela dit, je suspends les travaux quelques instants pour accueillir nos
prochaines invitées. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 20 h 15)
(Reprise à 20 h 20)
Le Président (M.
Bachand) :Alors, bonsoir à tout le monde.
Alors, s'il vous plaît, la Commission reprend ses travaux. Alors, il me fait
plaisi — si vous n'avez pas de sièges, merci — alors il me
fait plaisir d'accueillir les représentants de la Coalition des familles LGBT,
plus également du Conseil québécois LGBT, à la façon de bien prononcer. Je vous
invite premièrement à Bienvenue, très heureuse à voir ce soir avec nous. Vous
avez à vous présenter, à débuter l'exposé et, après ça, on aura l'échange avec
les membres de la commission. Et, si vous voulez enlever vos masques durant la
présentation, il n'y a aucun souci. C'est plus confortable. Alors la parole est
à vous. Merci beaucoup.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) : Merci.
M. le Président, M. le ministre, vous, les parlementaires, merci beaucoup de
votre invitation aujourd'hui. Je suis directrice au Conseil québécois LGBT, le
regroupement des quelque 65 organisations LGBTQ plus au Québec.
Le Québec a, par le passé, été une figure
de proue en matière de respect et d'inclusion concrète des communautés
LGBTQIA+. Depuis le dépôt du projet de loi 2, notamment via des lettres
ouvertes et des publications sur les réseaux sociaux, le peuple québécois
démontre non seulement son ouverture et sa compréhension des enjeux, mais aussi
son souci de maintenir le climat actuel d'acceptation et de respect que notre
société a travaillé fort à créer. D'ailleurs, notre mémoire que vous avez reçu
est accompagné de plus de 60 lettres d'appui provenant d'organisations
communautaires, d'organisations féministes, de grands syndicats, d'entreprises,
et ce, de partout au Québec. Grâce à une campagne d'information, c'est plus de
35000 courriels de solidarité envoyés par des citoyens à des députés de l'Assemblée
nationale qui ont été reçus. Et la pétition rédigée par le Centre de lutte
contre l'oppression des genres et soumise par la députée de
Sainte-Marie-Saint-Jacques a amassé plus de 12.000 signatures. Nous souhaitons
que le Québec redevienne un leader dans la défense des droits de toute personne
à la vie, à la dignité, à la disposition de son corps et à la vie privée.
Vu le temps restreint que j'ai, je vous
invite à regarder notre mémoire concernant les enjeux touchant les personnes
trans et non binaires. Sur ces enjeux-là, je tiens à réaffirmer, là, notre
appui aux experts que vous avez vus et que vous verrez, là, soit Florence
Ashley, Trans Estrie... l'ATQ, la Coalition des familles, avec qui je suis. Une
des choses qui pourrait être intéressante de discuter, c'est peut-être la
question de la mention d'altération sur les certificats de naissance. Donc, si
jamais vous voulez m'en parler, ça me ferait plaisir.
Moi, je vais m'attarder un peu sur notre
recommandation concernant les personnes intersexes. Dans le fond, la première
revendication des groupes intersexe, c'est, et depuis de nombreuses années, que
cessent les interventions non consenties que les enfants intersexes subissent.
Toute action gouvernementale qui est faite concernant les personnes intersexes
doit partir de ce postulat de base, de ce besoin essentiel. Ces
interventions-là sont irréversibles, sont non urgentes pour la santé des
enfants. Elles sont motivées par un souci cosmétique de normalisation. Elles
peuvent avoir des effets secondaires, des conséquences dommageables pour la
santé physique et mentale. Elles constituent dans tous les cas une agression
puisqu'elles sont faites sans le consentement de la personne qui les subit. Au
Québec, ces interventions-là ont lieu, elles sont enseignées dans nos écoles de
médecine. D'après l'enquête d'Édith Paré-Roy parue cette année, entre 2015 et
2020, c'est 1385 chirurgies qui ont été pratiquées sur des enfants intersexes
de 0 à 14 ans. Ces jeunes-là, bien, ils ont été privés de la possibilité de
pouvoir donner leur consentement libre et éclairé sur le fait de subir une
opération ou non. Pourtant, c'est eux qui vont vivre avec les conséquences de
ces opérations-là, puis pour toute leur vie. Ces interventions-là sont
condamnées par plusieurs institutions à l'international, à commencer par les
Nations unies, le Conseil de l'Europe, et sont interdites à Malte, au Portugal,
en Allemagne pour motif de violation des droits humains, parce que ce sont des
mutilations vues par plusieurs institutions comme de la torture.
Dans le projet de loi 2, il y a trois
mesures qui vont à l'encontre des droits des enfants intersexes à la vie, à la
sûreté, à l'intégrité et à la liberté. D'abord, il y a l'ajout de la mention de
sexe dit indéterminé sur l'acte de naissance, l'exigence de changer cette
mention une fois que le sexe est déterminé et la conditionnalité à des
modifications corporelles pour accéder au changement de mention de sexe,
disposition qui... le ministre nous a déjà annoncé, là, qu'elle serait amendée.
Il faut savoir qu'il y a très peu de
parents, là, qui seraient en mesure d'accepter que la mention du sexe de leur
enfant reste indéterminée, puisque cette mention distingue leur enfant
intersexe des enfants dits normaux. Elle serait visible sur des documents
officiels, ce qui expose à des risques inutiles de discrimination. Évidemment,
bien, il n'y a aucun parent qui souhaite que leur enfant soit discriminé. Donc,
ça pousserait à accepter des interventions dites normalisantes. Le statut
indéterminé, selon le projet de loi, est aussi appelé à être corrigé dès que
possible. Ça, ça renforce l'idée que c'est temporaire et qu'en fait, comme la
mention, le corps devrait être corrigé. Il faut savoir que les personnes
intersexes sont nombreuses à se satisfaire de l'attribution de genre... de sexe
binaire, soit M ou F, et ce, peu importe leurs caractéristiques sexuelles.
En fait, cette nouvelle mention là, ce n'est
pas une demande des principales personnes concernées. Je peux rappeler... je
voudrais rappeler aussi que, comme pour les personnes trans et non binaires,
pour les personnes intersexes, avoir recours à des interventions médicales ou à
l'hormonothérapie, c'est vraiment un choix personnel pour son bien-être et non
pas un besoin universel. Bref, dans sa présente mouture, le projet de loi ne
répond pas aux besoins des personnes intersexes et malheureusement, il nuit à l'avancée
de...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
...plutôt que d'y contribuer comme c'était l'intention au départ.
Pour la suite, je vais laisser la parole à
ma collègue, Mona Greenbaum, qui est directrice à la Coalition des familles
LGBT et qui va davantage vous parler des enjeux touchant les familles.
Mme Greenbaum (Mona) : Merci.
Donc, je vous remercie beaucoup pour votre invitation pour venir présenter nos
mémoires. Je n'ai que cinq minutes pour vous parler de droit de la famille, et
donc je vais parler de certains points clés de notre mémoire, que vous avez
reçu.
En fait, il y a trois éléments principaux
dans le projet de loi qui nous inquiètent. Le premier concerne la gestation
pour autrui. Nous nous réjouissons que l'État propose de mettre en place une
procédure administrative relativement facile afin que les parents d'intention
soient légalement reconnus sans l'obligation d'aller devant les tribunaux. Nous
sommes en accord avec l'essentiel du processus administratif recommandé. Par
contre, nous nous opposons à des articles qui donnent à la gestatrice la
possibilité de devenir le parent légal de l'enfant dans les 7 à 30 jours
suivant la naissance de l'enfant. Nous sommes évidemment d'accord avec le
principe d'autonomie corporelle. Tout au long de la grossesse, la femme
porteuse doit avoir le droit unique et autonome de prendre ou de refuser des
traitements médicaux. Elle doit avoir aussi le droit de mettre fin à la
grossesse. Nous estimons par contre que si la femme porteuse n'a pas fait des
démarches pendant sa grossesse pour terminer le projet de la GPA, il n'est pas
dans l'intérêt de l'enfant qu'elle dispose d'un autre 30 jours après sa
naissance pour changer d'idée.
En mettant l'emphase sur la personne qui
porte l'enfant, nous croyons que le projet de loi se fixe sur des notions
essentialistes où la vision d'une femme enceinte est tellement puissante qu'elle
obstrue ce qui est dans le meilleur l'intérêt de l'enfant. Selon nous, c'est le
meilleur intérêt de l'enfant qui doit toujours primer. Il est donc impensable
qu'une personne qui n'avait pas un projet parental et qui, de plus, n'est
souvent même pas liée génétiquement à l'enfant puisse avoir le droit de décider
du futur de ce dernier. Si on pense aux impacts réels de cette recommandation,
on ne peut qu'imaginer le stress immense que les parents d'intention vont vivre
pendant ces 30 jours, moment qui est censé d'être de joie et d'attachement avec
le nouveau-né. Cette période de 30 jours va aussi, sans aucun doute, créer
beaucoup d'anxiété autour de la relation entre parents et femmes porteuses.
Est-ce vraiment dans l'intérêt de l'enfant de freiner cette harmonie?
Notre deuxième inquiétude concerne la
pluriparenté. Les familles pluriparentales sont déjà légalement reconnues dans
plusieurs provinces canadiennes, Colombie-Britannique, Ontario et la
Saskatchewan reconnaissent les familles pluriparentales comme étant
fonctionnelles, socialement valides et valables et capables de répondre aux
besoins des enfants. Dans la situation actuelle au Québec, un enfant dans une
famille pluriparentale risque de perdre contact avec un de ses parents s'il y a
des problèmes, car un troisième ou quatrième parent n'a aucun droit ni
responsabilité. Est-ce vraiment dans l'intérêt de l'enfant de perdre l'accès à
un parent ou de perdre son soutien? C'est exactement pour cela que l'encadrement
légal est essentiel. Si on met l'enfant au centre de nos préoccupations, nous
croyons que, comme dans les autres provinces canadiennes, nous devons encadrer
toutes ces familles qui existent et non seulement les familles traditionnelles.
La troisième inquiétude concerne les
parents trans et non binaires. Nous avons demandé, tel que prévu dans le
jugement de la Cour supérieure, qu'un troisième rôle parental soit créé, celui
de parrain, pour correspondre aux besoins des parents qui ne s'identifiaient
pas avec les rôles traditionnels mère et père. C'est avec consternation que
nous avons constaté que le gouvernement a décidé de mettre en place la
catégorie parent pour refléter la réalité des parents non binaires, sans
toutefois offrir ce choix à tous les parents québécois. En créant une catégorie
distincte, la catégorie parrain, accessible uniquement aux parents non binaires
et trans le gouvernement nie les droits à la confidentialité, la vie privée et
la sécurité, des droits fondamentaux inscrits dans la Charte des droits et
libertés du Québec. La solution est simple nous croyons que toute personne, qu'elle
soit trans ou non, pourrait faire bon usage de cette catégorie. Les Québécois
et Québécoises auraient donc la possibilité d'être désignés comme mère, ou père,
ou parrain de leur enfant. Un tel changement permettrait de prendre en
considération la réalité des rôles parentaux contemporains. Merci pour votre
écoute.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup pour votre présentation. M. le
ministre, s'il vous plaît.
• (20 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Madame Greenbaum, Madame Marchand-Labelle, merci
beaucoup pour votre présence ici, en commission parlementaire, ce soir. Si vous
voulez, débutons par la gestation pour autrui. Relativement aux mères
porteuses, vous dites, dans votre mémoire, que... Bien, en fait, revenons à la
base de la façon qu'on a construit le projet de loi. Moi, ce qui m'a guidé en
construisant le projet de loi, c'est de faire en sorte, en premier...
20 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...protéger
l'intérêt de l'enfant à naître, parce que, bon, ça existe, la gestation pour
autrui au Québec, certains vont en Ontario ou d'autres gens le font ici, au
Québec, mais ce n'est pas encadré, puis l'enfant peut se retrouver dans un flou
juridique, ce qu'on ne veut pas. Puis on veut lui assurer une famille, on veut
assurer une filiation, des obligations alimentaires. C'est engageant lorsqu'on
décide d'avoir un enfant, puis il faut que l'enfant soit protégé.
Deuxièmement, également, on voulait s'assurer
qu'il n'y a pas de marchandisation du corps de la femme, que la mère porteuse,
ses droits soient garantis, qu'en tout temps elle ait toujours l'autonomie sur
son corps. Et ce qu'on a fait notamment, c'est que le contrat, dans le fond, il
est exécutoire d'une façon unilatérale. Il est exécutoire uniquement en faveur
de la mère porteuse, que ça soit notamment au niveau du remboursement des
frais, que ça soit également au niveau de la remise de l'enfant.
Là, vous, vous nous dites : Écoutez,
suite à l'accouchement, ça ne devrait pas être permis pour la mère de revenir
sur sa décision dans le cadre du projet parental. Donc vous, vous dites :
Le contrat, il devrait être exécutoire en faveur des parents d'intention. Donc,
à partir du moment où la mère porteuse accouche, il y a délivrance de l'enfant,
si je peux dire, il y a remise de l'enfant, si je peux dire ça comme ça, et la
mère porteuse n'a plus rien à dire. C'est bien ça?
Mme Greenbaum (Mona) : C'est
ça, exactement. Nous, on pense que, comme, tout au long du processus, pendant
la grossesse, et tout ça, c'est vraiment la femme porteuse qui a tout le
contrat. Puis ça fait sens pour nous qu'elle peut terminer le contrat, qu'elle
peut décider d'avorter, c'est son choix, c'est son corps. Donc, on est
absolument d'accord avec ça.
Mais, après l'accouchement, pour nous, c'est
le meilleur intérêt de l'enfant qui doit primer. Donc, c'est très important que
les personnes qui ont eu le projet parental, les personnes qui ont souvent des
liens génétiques aussi avec l'enfant doivent avoir, comme, l'accès à la
filiation tout de suite.
Puis, en tout cas dans les autres
provinces canadiennes, rien n'empêche la femme porteuse d'aller devant les
tribunaux si elle veut le faire. Mais pourquoi mettre le fardeau sur elle puis
toute la pression sur les parents dans cette période qui est tellement
importante pour l'attachement avec l'enfant, pour aussi, comme, la création des
liens entre les parents d'intention et la gestatrice? Donc, on trouve que,
comme ça va mettre beaucoup de stress et anxiété dans cette période, donc, à ce
moment-là, après l'accouchement, pour nous, c'est les parents d'intention qui
doivent avoir le contrat.
M. Jolin-Barrette : Une
sous-question par rapport à ça : Supposons que, dans l'éventualité où la
mère porteuse a également son propre rapport de force génétique, est-ce que
votre réponse, elle change ou elle ne change pas?
Mme Greenbaum (Mona) : Non,
ça ne change pas parce que pour nous, mais depuis des années au Québec, si je
comprends bien, comme, ce qui est dans le Code civil, c'est le projet parental
qui est le plus important. Donc, quand on a parlé de ça en 2002, quand on a
parlé des familles homoparentales, le fait que, comme, ce n'est pas... comme, on
ne fait une distinction, dans un couple lesbien, entre le parent biologique et
puis le parent qui est sa conjointe aussi, mais l'important, c'est que ces
personnes ont décidé de fonder une famille ensemble. Donc, ça, c'est vraiment,
pour nous, le plus important.
Mais c'est sûr que la société met une
valeur sur la biologie aussi. Donc, c'est... on pense que, comme, c'est sûr
que, comme, ça peut avoir une influence aussi. Puis souvent, dans le cas des
couples hétéros, le côté génétique vient des deux parents d'intention, donc ça
peut être le sperme de monsieur, puis l'ovule de sa conjointe, et puis l'embryon
qui est implanté dans la femme porteuse. Donc, cette personne, on ne comprend
pas pourquoi, si c'est le projet parental, et puis de plus, c'est, comme, dans
la grande majorité des cas, elle n'a pas de lien génétique avec l'enfant. Donc,
pourquoi est-ce que ça, c'est, comme, on va donner tout le pouvoir à cette
personne qui a tout le temps pendant sa grossesse de changer d'idée? Mais elle
ne l'a pas fait. Donc, soudainement, comme, elle a tout le pouvoir.
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, je n'ai jamais accouché. Mais, lorsqu'une personne accouche, au moment où
elle vit ce moment-là aussi, tu sais, peut-être que c'était son intention avant
de remettre l'enfant, puis elle a fait la convention notariée et tout le kit,
mais on veut laisser la possibilité aussi à la personne qui a porté cet
enfant-là de déterminer. Puis là, si en plus on ajoute son bagage génétique
elle-même, là, elle se retrouve tout de même impliquée.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
elle n'avait pas de projet parental. Et puis, pendant... comme elle a été
coachée par les intervenantes psychosociales, elle a signé l'entente...
Mme Greenbaum (Mona) :
...tout le temps pendant la grossesse de changer idée. Donc, à ce moment-là, si
elle change idée soudainement d'accord, et elle peut aller devant les
tribunaux.
M. Jolin-Barrette : Mais
donc vous vous dites : Bien, mettons le fardeau sur la femme qui vient d'accoucher?
Mme Greenbaum (Mona) :
Oui, exactement. Parce que... pour nous, ce n'est pas dans l'intérêt de l'enfant
qu'une personne qui décide spontanément comme ça va avoir tout le pouvoir, car
elle n'avait pas de projet parental, puis c'est ça qui doit vraiment primer
pour nous.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Juste une question : L'Ontario, eux, ils ont la même disposition que nous,
là, sur qu'ils ne peuvent pas donner le consentement avant le septième jour.
Selon votre expérience, en Ontario, est-ce que c'est fréquent que les mères
porteuses refusent de donner leur consentement?
Mme Greenbaum (Mona) :
Mais c'est sûr que comme la recherche nous dit que comme ça arrive très, très,
très rarement qu'une gestatrice va décider de garder l'enfant. C'est vraiment,
je pense qu'il y a eu... il n'y a pas eu des cas comme ça au Canada, mais
écoute on pense que ça va créer beaucoup, comme j'ai mentionné tantôt, ça va
créer de l'anxiété, puis je ne vois pas pourquoi on doit comme mettre cette
situation où on encourage la chicane, l'anxiété, le stress. Quand ce n'est pas
comme quelque chose qui existe dans la vraie vie, ce n'est pas comme on ne voit
pas beaucoup de cas comme ça, c'est vraiment, vraiment faire les gestatrices
vont décider de garder l'enfant. Donc, pourquoi mettre tout le pouvoir sur une
personne qui n'a pas un projet parental?
M. Jolin-Barrette : Je
voulais juste vous reposer une question là-dessus parce que c'est vraiment
sensible comme sujet : Vous ne trouvez pas que... supposons qu'on ne
permet pas, là, à la mère porteuse de garder l'enfant, ça fait vraiment plus
une... comme si le corps de la femme n'était vraiment qu'un véhicule, qu'un
incubateur pour pour l'enfant, parce que, tu sais, il y a l'intention, tu sais,
du projet parental, au départ, tout ça, il y a le développement aussi, mais c'est
comme si c'était plus une livraison, là, c'est... tu sais, c'est un peu dans ce
sens-là que...
Mme Greenbaum (Mona) :
Mais moi je ne le dirais pas comme ça, mais c'est sûr que c'est une femme qui a
décidé d'utiliser son corps pour aider une personne ou un couple pour fonder
une famille, donc...
M. Jolin-Barrette : O.K.
Sur la question de la rémunération, vous nous invitez à faire pression sur le
gouvernement fédéral pour permettre la rémunération. Or, vous ne pensez pas que
si on permet la rémunération, ça irait justement à l'encontre de ce qu'on ne
souhaite pas, que des personnes utilisent ça qui seraient peut-être dans une
situation de vulnérabilité pour dire : Bien, ça va me permettre de tirer
des revenus, puis que ça soit un mode de vie?
Mme Greenbaum (Mona) :
Pardon? Excusez, je n'ai pas compris votre question.
M. Jolin-Barrette : J'ai
dit : Si jamais, là, ça devenait rémunéré, là, vous ne pensez pas que ça
ferait en sorte qu'une certaine clientèle vulnérable pourrait se servir de ça,
justement, pour utiliser leur corps pour tirer des revenus, puis que ça ferait
en sorte que ça ne sera pas nécessairement fait par altruisme?
Mme Greenbaum (Mona) :
Mais c'est... de ce que j'ai compris en termes de la recherche, c'est il y a
une combinaison des facteurs ou des motivations pour les gestatrices. Donc, on
n'est pas comme d'emblée complètement contre cette idée de rémunération, parce
qu'en fait, il y a beaucoup de personnes dans la société qui utilisent leur
corps pour gagner de l'argent. Donc, tous les travailleurs de construction
utilisent leur corps aussi. Puis si c'est un souhait, comme je ne dis pas que c'est
nécessaire pour nous, notre position, c'est que les dépenses de la gestatrice
doivent être couvertes, et puis la gestatrice ne doit pas se trouver dans une
position où elle est plus pauvre qu'elle était comme avant le début de projet
de GPA.
Donc, on ne veut pas qu'elle perde l'argent,
mais comme si, à un moment, les législateurs au fédéral, je sais qu'actuellement
c'est un crime, donc comme dans l'acte criminel, dans le Code criminel, mais si,
à un moment, ils décident que oui on peut payer une gestatrice, donc là, si ça
c'est ce que les gestatrices veulent, donc peut-être ce ne sera pas une
mauvaise chose. Je ne sais pas, mais pour le moment, comme on a écouté le
témoignage de Mme Picard, il y a une ou deux jours, puis elle a dit :
Ce n'était pas ça qu'elle cherchait, c'était comme la motivation principale est
un acte altruiste, et puis elle voulait juste être couverte pour ses dépenses.
Donc, je crois que ça, c'est le point de vue de la majorité des gestatrices.
• (20 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Mais
je suis d'accord, mais le projet de loi fait déjà ça, fait déjà couvrir les
dépenses, puis exemple le...
M. Jolin-Barrette : ...si
jamais il y a une perte de revenus associée, ça peut être compensé également.
Mais si c'était ouvert à rémunération, là, il pourrait y avoir des dérapages,
puis ce n'est pas la même chose que de travailler sur la construction, là. Tu
sais, je comprends que vous me dites : C'est l'utilisation du corps, là,
puis les autres, c'est un marteau puis c'est des couvreurs, puis... mais...
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
dans certains pays, le travail du sexe est rémunéré, et puis ça fait partie de
leur législation, donc je vois un parallèle là, mais ce n'est pas ça qu'on
suggère dans notre mémoire. Ce que nous, on a suggéré était vraiment... comme
la couverture des dépenses soit élargie, que ça couvre aussi la période
postnatale. Donc, c'est comme si, pour une raison ou un autre, il y a une
maladie ou la personne qui a accouché doit comme cesser de travailler, donc, ça
va être couvert. Parce qu'actuellement, je pense, et je ne suis pas expert dans
ça, mais je pense que les ententes couvrent seulement juste la période jusqu'à
l'accouchement. Et puis, après ça, s'il y a des problèmes, bien, tant pis pour
la personne qui a accouché.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. Vous,
vous êtes en faveur d'une grossesse préalable avant un projet de gestation pour
autrui?
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
pour la raison que je pense que c'est comme... c'est vraiment... une gestatrice
entre dans un projet qui est compliqué. Et puis, c'est une chose de penser à qu'est-ce
que ça veut dire d'être enceinte, d'accoucher toute seule, en théorie, mais de
vivre actuellement l'expérience... Comme moi, je sais... comme, j'ai vécu cette
expérience deux fois, oui. Je sais que, pour moi, je ne peux jamais être une
gestatrice, mais comme ma belle-soeur, par exemple, elle a... comme elle a eu
trois enfants, et puis elle a dit : Oui, je peux être gestatrice. Donc,
elle sait ce que ça veut dire. Mais une personne qui n'a jamais vécu ça, je ne
sais pas... comme, ça va être trop théorique, et puis la personne peut avoir...
comme, ça peut être trop bouleversant, on croit.
M. Jolin-Barrette : O.K., je
vous remercie grandement pour votre présence à la commission. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le ministre. M. le
député de Chapleau, pour 3 min 30 s.
M. Lévesque (Chapleau) : Oui,
merci beaucoup, M. le Président. Peut-être le député de Saint-Jean aura
peut-être une question par la suite, là. Mais, Mme Marchand-Labelle,
Mme Greenbaum, un plaisir de vous revoir, on avait l'occasion d'échanger,
là.
J'aimerais vous amener sur la question de
la pluriparenté. Vous en aviez parlé, là. Il y a plusieurs intervenants, je ne
sais pas si vous avez eu l'occasion de les écouter, ils nous ont fait part de
certaines craintes, certains risques, notamment en lien avec l'intérêt de l'enfant,
notamment s'il y avait de la discorde. Puis, bon, il y a trois ou quatre
parents qui tirent un peu sur la couverte. Puis j'aimerais peut-être vous
entendre, d'avoir votre position par rapport à ça, puis sur ces enjeux-là
spécifiquement, donc tout l'enjeu de la garde partagée, l'enjeu de l'exercice
de l'autorité parentale aussi, comment ça se fait, même lorsque ça va bien,
quand ça va moins bien face au tribunal. On a aussi le cas, là, actuellement en
Colombie-Britannique, où est-ce qu'il y a une mère porteuse qui n'est même
reconnue avec des droits, mais qui... l'enfant a actuellement quatre ans, mais
demande d'avoir accès ou d'avoir un certain... certains droits. Donc, j'aimerais
peut-être voir, là, par rapport... où vous vous situez par rapport à tout ça.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
elle voulait que sa filiation soit ajoutée après, oui.
M. Lévesque (Chapleau) : ...sur
ça, mais plus sur les autres points aussi.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, mais
en général, comme j'ai entendu cet argument qu'il y aurait trop de chicane, et
puis que ça serait trop compliqué aussi, mais la réalité, c'est que ces
familles existent. Donc, ce n'est pas une question : Est-ce qu'on va les
permettre ou non? Ces familles sont déjà là.
Je dirais que les personnes qui ont
témoigné, comme notamment cet après-midi, c'est des personnes qui travaillent,
je pense, exclusivement avec des familles biparentales, donc des familles avec
deux parents. Donc, leur expérience, c'est une expérience avec des couples qui
se chicanent puis qu'il y a des divorces, des séparations puis des
recompositions. Donc ça, c'est comme des situations qui sont vraiment
différentes d'une famille pluriparentale que d'avoir les trois ou quatre
personnes qui sont dans ces familles ne sont pas dans une relation conjugale,
ils sont dans une relation parentale avec l'enfant. Donc, ce n'est pas comme le
même niveau émotif de la relation. Et puis, de plus, ces personnes discutent
beaucoup, beaucoup, beaucoup avant de comme fonder leur famille parce qu'ils
savent déjà que ça va être compliqué. Mais je sais que, cet après-midi... m'a
posé la question : Mais qu'est-ce qui est arrivé dans les autres
provinces? Est ce qu'il y a des chicanes? Mais là...
M. Lévesque (Chapleau) : ...
Mme Greenbaum (Mona) : Oui, c'est
ça. En Colombie-Britannique, cette loi existe depuis 2013, donc ça fait comme
déjà huit ans. Puis on n'a pas beaucoup de cas où il y a eu des problèmes avec
ces familles-là, beaucoup moins qu'avec les familles biparentales. Mais la
question comme de base, c'est vraiment : Est-ce que ces enfants méritent d'être
protégés comme les autres enfants au Québec ou non? Puis, pour moi, je vois
beaucoup de parallèles dans cette situation qu'avec la situation qu'on a vécue
en 2002...
Mme Greenbaum (Mona) : ...avec
les familles homoparentales, et en 2002, on a dit : une famille, c'est une
mère et un père. Et ça, c'est ce qu'on a entendu assez fréquemment dans cette
période-là. Et puis... mais nos familles étaient déjà là, puis là, on dit :
Là, une famille, c'est deux parents. Mais ces familles sont là déjà, au Québec,
ça existe. Mais ces enfants... ils risquent de perdre un enfant, l'accès à un
parent ou le soutien financier d'un parent aussi, donc c'est important que ces
enfants sont protégés. Parce qu'on dit... comme, j'ai entendu : On peut
donner les mêmes genres de droits que des grands-parents, comme, qui ont comme
un certain accès. Mais imagine que si ce parent est le parent principal dans la
vie de l'enfant, mais qu'il n'est pas légalement reconnu. Cet enfant risque de
perdre... comme, on va le voir peut-être une fin de semaine chaque deux
semaines. Ce n'est pas suffisant. C'est important que ces familles soient
protégées. Et puis ça se fait dans d'autres provinces, donc je ne vois pas
pourquoi pas ici aussi. Si on veut...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Merci. Mme la
députée de Westmount-Saint-Louis, s'il vous plaît.
Mme Maccarone : Merci, M. le
Président. Bonsoir Mesdames, un plaisir de vous avoir avec nous ce soir. Je
veux continuer un peu avec le sujet de pluriparentalité parce qu'Ariane j'ai
aussi des questions pour toi. Gêne-toi pas. On a entendu. Vous l'avez adressé,
Mona, un peu, avec Me Schirm qui est venue, puis elle a dit : Mon Dieu! Ça
peut être compliqué, ça peut être trois maisons, quatre maisons. Le ministre a
fait un exposé de ça, ça peut-être six personnes. La femme porteuse, son mari,
les parents d'intention et le donateur de gènes biologiques. C'est-u trop
compliqué, une famille pluriparentale?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais d'abord,
ce n'est pas ça qu'on voit sur le terrain, car moi, je connais plusieurs
familles parentales. Ce n'est pas des familles à six personnes, et puis des...
comme, un exponentielle nombre de parents, c'est des familles de trois ou
quatre parents, comme on en voit dans d'autres provinces canadiennes. Et c'est
sûr que ces familles peuvent vivre des problèmes. C'est sûr qu'ils pensent
beaucoup avant de fonder leur famille, mais ils peuvent quand même vivre des
problèmes et puis c'est exactement pour cette raison qu'on doit mettre un
encadrement légal autour de ces familles. Ce n'est pas... comme on dit :
Mais c'est compliqué, donc, on ne va pas légiférer. C'est exactement pour ça qu'on
a besoin d'un encadrement.
Mme Maccarone : Ça me fait
penser qu'avant le changement des lois en 2002, les enfants avec les familles
homoparentales étaient discriminés. Alors, n'ayant pas de la filiation avec le
deuxième parent, ces enfants, parfois, perdaient l'accès à leur parent non
biologique et aussi le soutien financier de ces parents dans le cas de
séparation et de rupture difficile. Alors, dans la situation des familles
parentales, pensez-vous que la même chose peut arriver à un enfant? Et est-ce
que c'est dans l'intérêt de l'enfant de ne pas reconnaître légalement les
parents concernés?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
pour nous, évidemment, c'est essentiel que les parents, les personnes sont
reconnues complètement parce que quand... on ne voit pas beaucoup de chicanes
dans cette communauté-là, parce que, comme j'ai mentionné, il y a quand même
beaucoup de planification. C'est... il y a énormément de planification avant de
fonder ces familles-là, mais quand même, des problèmes peuvent arriver, puis c'est
important si on veut vraiment considérer l'enfant, c'est super important que
les parents soient reconnus.
Mme Maccarone : Comment
est-ce que c'est vu par la communauté, vos membres, d'entendre le ministre dire
que pour lui : Moi, ce que je reconnais, c'est les familles, c'est deux
parents, puis c'est ça? C'est vu comment, ça?
Mme Greenbaum (Mona) : Mais c'est
comme... ces familles se sentaient invisibilisées, c'est sûr. Et puis je me
souviens de ce feeling en 2002 pour les familles homoparentales, qu'on nous
disait qu'une famille avec deux mères ou deux pères, ce n'est pas une famille.
Donc c'était difficile parce que c'est complètement invisibilisant et un peu
péjoratif. Parce qu'eux autres c'est sûr qu'ils se considèrent comme familles.
Mme Maccarone : Ariane, vous
avez mentionné un peu dans vos remarques la notion de parent. Peut être, vous
pouvez renchérir un peu, parce qu'on sait que dans le projet de loi 2
actuellement, parent est maintenant accessible, mais uniquement pour la
communauté des personnes trans et non binaires, ça fait que pouvez-vous
élaborer un peu sur l'impact de ceci?
• (20 h 50) •
Mme Marchand-Labelle (Ariane) : Certainement,
bien, en fait... c'est simple, quand on crée une nouvelle catégorie qui n'est
réservée qu'à un type de population, bien, nécessairement, ça crée un coming
out non volontaire. Donc, pour nous, c'est sûr que c'est... le ministre a déjà
dit que ce n'était pas son intention de faire des coming out, mais garder cette
situation-là, bien, c'est obliger un coming out au final, parce que tout le
monde le saura très bien que si ce n'est pas écrit père ou mère, bien, c'est
parce que c'est une personne trans qui l'a demandé, c'est une personne non
binaire qui l'a demandée. Puis on pense aussi qu'il y a des personnes qui ne
sont pas trans qui voudraient avoir la mention de parent, par souci d'équité
dans un couple...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
...hétérosexuel, parce qu'un parent est féministe et trouve que d'être... ou
parce qu'une mère trouve que le titre de «mère» a une certaine lourdeur dans
notre société, donc, on pense vraiment que le... être parent, bien, c'est pour
tout le monde, ça doit juste être une option. Puis je ne vois pas non plus de
grandes complications, là, pour offrir cette option-là. Si on peut déjà choisir
«père», «mère», pourquoi on ne peut pas choisir «parent»? Puis pourquoi il
faudrait qu'il y ait des conditions à ça, en fait?
Mme Maccarone : Vous
mentionnez dans votre mémoire, le numéro 5, «la timidité des nouvelles
dispositions concernant la reconnaissance des liens de filiation». Je sais qu'on
discute... on dispute, dans le fond, beaucoup de pluriparentalité, mais vous
mentionnez aussi les mentions parentales, gestion pour autrui. Peut- être que
vous pouvez renchérir un peu là-dessus.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
sur... comme la timidité de ça?
Mme Maccarone : C'est dans le
mémoire du conseil québécois, c'est le point numéro 5...
Mme Greenbaum (Mona) : O.K.,
O.K. C'est votre mémoire.
Mme Maccarone : ...la
timidité des nouvelles dispositions.
Mme Greenbaum (Mona) : Parce
qu'on a deux mémoires.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Oui, c'est ça.
Mme Maccarone : Oui, tout à
fait, puis c'est... honnêtement, c'était injuste de mettre ces deux groupes
ensemble, ils auraient dû avoir chacun leur temps, on n'a pas assez de temps.
Entre nous, 10 minutes, 5 chaque, c'est... écoute, c'est impardonnable, pour
vrai.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Mais, grosso modo, en fait, nous, on pense, puis c'est ça que je disais au
début, qu'on est dans une société, on a une population au Québec ouverte,
tolérante qui veut qu'on soit des leaders puis qui veut qu'on aille de l'avant
avec des idées innovantes dans les dossiers LGBT, puis, à notre avis, c'est
très minimal, tu sais, ce qu'on nous offre. Je pense qu'on peut aller plus loin
que ça, je pense qu'il n'y a pas d'opposition en fait à aller plus loin que ça.
Puis je pense que les populations qu'on représente, dans le fond, elles ont
droit aux mêmes droits que tout le monde, là, puis je pense que c'est des
valeurs communes au Québec, en fait, là, je ne pense même pas que c'est sujet à
débat, en fait, puis que ce soit pour la pluriparentalité, ou pour la gestation
pour autrui, ou pour reconnaître les personnes trans, les personnes intersexes.
Je veux dire, on n'arrête pas de parler de l'autonomie des femmes qui portent
des enfants. Bien, l'autonomie des personnes trans, l'autonomie des personnes
non binaires, l'autonomie des personnes intersexes aussi, c'est tout aussi
important, puis je ne comprends pas vraiment pourquoi il y a autant de cerceaux
dans lesquels il faut passer lorsqu'on est une personne trans, une personne non
binaire, une personne intersexe, puisqu'on reconnaît tout le monde, l'autonomie...
au corps de la femme.
Mme Maccarone : Parce qu'il y
a déjà assez de barrières, on le sait...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Absolument.
Mme Maccarone : ...pour les
gens dans la communauté.
Parlons-nous un peu de l'impact sur vos
deux organismes suite au dépôt du projet de loi 2, parce que je présume que,
un, vous avez... déjà vous avez des défis, puis ils ont dû exploser.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais,
pour nous, c'est sûr que tout le côté de l'encadrement légal de la GPA, c'est
une très bonne nouvelle. Donc, on est très, très, très... On attend ça depuis
beaucoup d'années, donc c'est une excellente nouvelle. Et puis, pour nous, on
voit ça comme une opportunité, car, comme on a mentionné à plusieurs reprises,
une réforme de droit familial, ça ne vient pas fréquemment. Puis, moi, je suis
comme... je suis vieille, je suis une vieille militante, j'étais là en 2002,
comme quand on a eu les droits pour les familles homoparentales, et puis à ce
moment-là le Québec était la place la plus avancée au monde pour les familles
LGBT, puis je vois ici comme une opportunité, puis les membres de mon organisme
voient cette opportunité qu'on peut être plus progressistes que d'autres places
dans le monde et puis qu'à l'époque, alors on redevient leaders dans ça. Donc,
c'est exactement ça, c'est notre souhait que, comme... oui, comme il y a déjà d'autres...
Je ne veux pas comme comparer tout le temps avec d'autres provinces, mais il y
en a, d'autres provinces, qui font des choses qui sont plus progressistes, et
puis je pense que, ça, c'est notre opportunité, puis j'espère qu'on peut la
prendre.
Mme Maccarone : On a entendu
la CDPDJ en commission, qui a parlé des personnes mineures de 14 ans et plus
puis de l'exigence de fournir une lettre d'une personne appartenant à une
profession désignée attestant que le changement est approprié, puis ils
dénoncent ceci, parce que maintenant la loi est ouverte. Alors, devons-nous
enlever ce critère?
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Selon nous, oui. On pense que les enfants du même âge qui ne sont pas des
personnes trans qui font d'autres choix, hein, pour leur santé, on leur donne
cette possibilité-là de le faire sans le consentement parental, ou d'autres
choix, là, médicaux et tout ça, prendre la pilule, des choses comme ça. Donc,
nous, on ne comprend pas pourquoi c'est bon pour les autres enfants, mais les
personnes trans, elles, on remet en doute leur propre jugement sur elles-mêmes,
donc finalement on les infantilise ou on considère qu'elles n'ont pas de libre
arbitre comme les autres. Est-ce que c'est positif de pouvoir compter? Bien
sûr. Encore faut-il qu'ils soient disponibles, ce qui n'est pas le cas partout
au Québec, et c'est très difficile d'avoir accès à des soins avec des personnes
qui connaissent ces enjeux-là...
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
...c'est vraiment difficile. Surtout si on n'est pas à Montréal, c'est vraiment
compliqué. Je pense, Séré, vous en a parlé hier, mais c'est vrai dans toutes
les régions du Québec.
Mme Maccarone : On a entendu
Janik Bastien Charlebois aussi en commission. Elle a parlé de beaucoup de
discussions en ce qui concerne les personnes intersexes. Puis elle, elle a dit
que son souhait sur, mettons, les pièces d'identité ou l'acte de naissance, c'est
que les parents choisissent un sexe parce que la mention d'indéterminé, ce n'est
pas ça qu'il faut. Êtes-vous d'avis que c'est une bonne recommandation? Vous
supportez cette décision de dire aux parents de faire un choix? Puis est-ce que
c'est aux parents de faire ce choix de M ou F, jusqu'à tant que l'enfant est là
l'âge où on peut déterminer un sexe qui est plus approprié?
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
Oui, tout à fait. Je pense que les parents peuvent faire le choix. Évidemment,
en discutant avec le personnel médical, je pense aussi qu'il y a une réalité, c'est
qu'il manque de soutien pour ces parents-là. Ils ont un docteur à qui il peut
parler, docteur qui n'est pas nécessairement un grand expert non plus du sujet.
Il manque de soutien pour comprendre vraiment cette réalité-là dans son
ensemble, pour faire ce choix-là, mais aussi pour accompagner l'enfant par la
suite, parce que l'important, c'est de garder l'ouverture, en fait, que son
enfant peut évoluer d'une façon qu'on n'a pas nécessairement prévu. C'est ça
qui est le plus important. La réalité, c'est que, bon, ce qui est ce qui va
être mis sur l'acte de naissance, c'est d'une importance un peu secondaire,
comparé à comment le parent va être capable par la suite d'accueillir son
enfant tel qu'il est. C'est ça qui va le plus d'impact, tu sais, puis,
évidemment, le fait que son enfant n'ait pas subi de chirurgie non consentie
bébé. Mais effectivement, sur l'acte de naissance, sur le certificat de
naissance, le parent peut choisir en concertation avec le docteur. On pense qu'il
n'y a pas de problème, en autant que les parents peuvent être bien outillés
avec ça et qu'ils ne soient pas seuls ou dans une dynamique de pouvoir avec un
docteur qui veut pousser beaucoup pour une idée. Je sais, il faut qu'il y
ait... c'est pour ça qu'il faut qu'il y ait un soutien aussi.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît?
Mme Massé : Merci, M. le
Président. Bonsoir, mesdames. Je n'ai que 2 minutes «ish», alors allons
droit au but. Ariane, tu as parlé de la question de l'altération, la mention de
l'altération. Si tu pouvais prendre 15 secondes pour dire pourquoi c'est
si important de ne pas aller de ce côté-là. Et Mona, tu as dit : C'est une
opportunité d'être les plus progressistes au monde, comme nous l'avions été en
2002. Est-ce que, pour toi, ça veut dire qu'il faut absolument inclure la
pluriparentalité dans ce projet-là? Alors, divisez-vous ça dans la minute «ish»
qu'il reste.
Mme Marchand-Labelle (Ariane) :
C'est bon. Merci. Oui, en fait, le fait que sur des papiers comme le certificat
de naissance, on mentionne qu'il y a eu altération, c'est en quelque sorte une
forme, encore une fois, de coming out non consenti, puisque, bien, les gens,
ils vont bien voir. Il y a eu altération, ça veut dire qu'il y a eu un
changement de nom ou de sexe. Puis aussi, ça signifie que ce certificat-là est
de moins grande valeur d'un point de vue juridique, légal. En 15 secondes.
Mme Greenbaum (Mona) : Mais
évidemment que, pour nous, on veut encore être le leader mondial, parce que le
Québec a vraiment... on a avancé beaucoup à travers les années, puis on veut
continuer à être leader dans ça. Puis l'inclusion des familles pluriparentales,
c'est nécessaire. On a dit qu'on veut une comme une réforme du droit familial
qui reflète la réalité de ce qu'on vit au Québec. Et puis, ces familles sont
là, donc il ne faut pas les oublier.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Mme Massé : Merci. Bien, en
fait, peut être juste dire qu'effectivement, quand on n'existe pas dans la loi,
et d'ailleurs, quand on dit la mention M, F, parent, mère, père, il y a
maintenant mère-mère, père-père. Alors...
Mme Greenbaum (Mona) : Mais c'est
important pour les protections, mais en effet, c'est très important
symboliquement aussi. Comme ça a tellement pour nous à travers les années, le
fait que, oui, on a eu des droits, des responsabilités avec ça aussi, mais,
comme, nos familles sont beaucoup moins discriminées aussi maintenant parce qu'ils
sont comme reconnus dans le Code civil. Ça, c'est très important.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Mme la députée de Joliette, s'il
vous plaît.
• (21 heures) •
Mme Hivon : Oui. Bonjour à
vous deux. Merci beaucoup de vos présentations. Puis, depuis tantôt, vous
parlez de 2002, donc je veux juste saluer Paul Bégin parce que je dois dire que
comme ministre de la Justice à l'époque, il était extrêmement progressiste. L'Union
civile entre conjoints de même sexe, puis tout ça. Donc, petite minute
chauvine. J'ai eu la chance de le côtoyer, donc je veux juste lui rendre
hommage, parce que c'est vrai quand on a franchi des pas de géant. J'espère qu'on
va en franchir d'autres avec cette réforme. Je veux...
21 h (version non révisée)
Mme Hivon : ...je veux
continuer sur la pluriparentalité. J'aimerais ça que vous nous donniez des
exemples les plus concrets, les cas les plus concrets qui font que c'est en
train de se normaliser. Donc, ce que vous avez en tête quand vous dites :
Si on comprenait bien les cas concrets, on ne serait pas dans tous ces
questionnements-là.
Mme Greenbaum (Mona) : Oui. C'est
intéressant parce qu'en fait beaucoup de gens associent la pluriparentalité
avec la communauté LGBT, mais ça existe, dans le monde hétérosexuel, ces gens
aussi. Donc, il y en a... Mais il y a une famille qui était dans les journaux
il y a quelques semaines. C'est un couple hétéro dont la femme a eu une
chimiothérapie quand elle était dans sa vingtaine, et donc qui l'a rendue infertile.
Et puis, donc, c'est un couple hétéro. Puis leur meilleure amie qui est aussi
hétéro, qui est rendue 37, 38 ans, puis elle venait juste de, comme, casser
avec son chum, puis c'est des amis, donc... Et puis ils ont décidé : O.K.,
ça, c'est notre chance, donc on va fonder une famille ensemble. Et puis donc c'était
le sperme de l'homme et puis l'amie, la meilleure amie, qui a porté l'enfant
avec ses propres ovules. Et cette famille-là a décidé de mettre les deux femmes
sur l'acte de naissance. Donc, le père biologique qui est aussi le parent
social, qui est très impliqué dans la vie de l'enfant n'est pas reconnu
légalement. Donc, si jamais il y a un problème, supposons, entre ce couple-là,
puis ce couple se sépare, et puis les deux amies femmes décident : Non, on
ne veut pas l'avoir dans notre vie. Donc, il va couper complètement. Il va...
complètement. L'enfant va perdre son parent social mais aussi son parent
biologique.
Mme Hivon : Bien, en tout
cas, il n'y aurait pas d'entente, puis qu'évidemment...
Mme Greenbaum (Mona) : Oui,
mais il n'est pas actuellement reconnu légalement. Mais c'est sûr, dans la
communauté LGBT aussi, ça existe. Il y a comme des cas, des couples lesbiennes,
par exemple, avec un donneur connu qui n'est pas juste un donneur. Parfois, c'est
juste un donneur, mais dans d'autres situations, c'est un père. Et puis,
souvent, c'est le couple lesbien qui mette leur nom sur l'acte de naissance,
puis le père n'a aucun droit ni responsabilité.
Mme Hivon : Puis quand...
cinq parents, six parents, huit parents, je comprends que ce n'est pas la
réalité, mais est-ce que vous dites : De toute façon, on mettrait une
limite ou est-ce que c'est quelque chose qui est encadré...
Mme Greenbaum (Mona) : Oui.
Mais je pense, en Saskatchewan et puis en Ontario, on met la limite à quatre
parents. Et puis, sur... J'ai inclus ça à la fin de notre mémoire en annexe.
Mais, dans le formulaire pour la déclaration Live Birth, il y a comme place
pour mère, père, parent quatre fois. Donc, ça, ça marche. Je pense plus que ça,
peut-être, on peut avoir des parents sociaux. Mais ce n'est pas... on ne voit
pas beaucoup. Mais, moi, je n'ai jamais rencontré un cas de cinq parents.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Sur ce, merci beaucoup d'avoir
été avec nous en cette belle soirée.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir nos autres invités. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 21 h 4)
(Reprise à 21 h 12)
Le Président (M.
Bachand) : ...à l'ordre, s'il vous plaît. La commission reprend
ses travaux. Alors, il me fait plaisir d'accueillir la représentante du Barreau
du Québec. Alors, merci beaucoup de passer un bout de veillée avec nous, c'est
très apprécié, on apprécie votre générosité. Alors, je vous demanderais, d'abord,
Mme la bâtonnière, de vous présenter, présenter les gens qui vous accompagnent.
Après ça, vous avez dix minutes de présentation, et, comme vous le savez, on
aura un échange après ça avec les membres de la commission. Donc, Me Claveau, s'il
vous plaît.
Mme Claveau (Catherine) : Merci,
M. le Président. Alors, je me présente, je suis Catherine Claveau, bâtonnière
du Québec. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Marie-Hélène Dubé, Me Régine
Tremblay et Me Anna Victoria Aguerre, qui sont toutes des avocates et membres
de notre groupe de travail sur le projet de loi 2.
Alors, le Barreau du Québec vous remercie
de nous avoir invitées à participer aux consultations particulières entourant
ce projet de loi tout aussi important qu'attendu par la société québécoise. C'est
avec beaucoup d'enthousiasme que nous vous présentons notre mémoire, qui couvre
la quasi-totalité des sujets abordés par le projet de loi. Cependant, compte
tenu des délais impartis pour mener à terme l'étude des modifications
proposées, nous nous réservons l'opportunité d'émettre des commentaires
supplémentaires en lien avec les sujets qui nous amènent devant vous aujourd'hui.
Quant à la question de la conjugalité, qui a été évacuée de la présente
réforme, nous comprenons qu'un second projet de loi traitant de cette
importante question sera présenté dans les prochains mois, du moins, nous l'espérons.
Le projet de loi numéro 2 comprend tout de
même des modifications qui témoignent de l'intention du législateur de vouloir
moderniser le droit québécois de la famille en faveur des parents conjoints de
fait. Nous saluons également l'intention louable visant à rendre plus inclusive
la rédaction de plusieurs textes de loi afin de tenir compte des différentes
réalités de sexe, de genre, ainsi qu'une meilleure représentation des femmes et
des personnes non binaires dans les textes législatifs.
Le Barreau tient toutefois à attirer votre
attention sur certains enjeux soulevés par ce projet de loi. Compte tenu de l'heure
tardive, je m'en tiendrai aux éléments qui nous semblent les plus
problématiques. Tout d'abord, en matière d'autorité parentale, nous sommes d'avis
que le législateur aurait pu aller plus loin que de simplement reconnaître la
possibilité pour un enfant et son beau-parent de maintenir des liens
significatifs. Nous estimons que le projet de loi aurait dû reconnaître à cette
personne des droits et des obligations à l'égard de l'enfant, dont une
obligation alimentaire à son endroit. À l'instar du régime in loco parentis,
qui est déjà prévu dans la Loi sur le divorce, ce régime s'inscrit davantage
dans une optique de protection de l'enfant et de ses intérêts. Nous suggérons
donc de prévoir une disposition dans le projet de loi à cet effet.
Nous remettons également en question la
proposition de créer un mécanisme parallèle à la voie judiciaire qui
permettrait de constater la présence de violence conjugale, ce qui accorderait
à un seul parent l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de son enfant
afin qu'il reçoive des soins de santé ou des services sociaux. Nous comprenons
très bien les objectifs poursuivis par cette modification. Cependant, nous nous
interrogeons sur l'encadrement de ce nouveau pouvoir accordé à un fonctionnaire
désigné, sur l'usage qui pourra être fait de cette déclaration, sur sa valeur
probante et sur la possibilité de s'y opposer. Si cette possibilité existe, à
notre avis, l'ajout d'un pouvoir permettant aux juges de...
Mme Claveau (Catherine) : ...ou
un ou des attributs de l'autorité parentale, dans les cas où la violence
familiale est constatée, est suffisant pour pallier la problématique que le
législateur cherche à régler. Nous suggérons donc de retirer l'article 603.1 du
Code civil proposé par le projet de loi.
En matière de filiation, le Barreau est
préoccupé par l'ajout dans le Code civil de la définition de l'enfant conçu,
mais non encore né, qui a été intégré dans un chapitre intitulé Du respect des
droits de l'enfant, lui-même inclus dans un titre qui s'intitule De certains
droits de la personnalité. La définition proposée crée une fiction juridique
qui se distancie de la décision de la Cour suprême dans Tremblay contre Daigle.
Dans cet arrêt, la cour établit que seul l'enfant né vivant et viable, c'est-à-dire
celui qui a une vie totalement indépendante de celle de sa mère, peut avoir une
personnalité juridique. Si la définition de l'enfant conçu, mais non encore né
ne change pas le fait que seul l'enfant né vivant et viable est sujet de droit,
la définition proposée vient concrétiser qu'il est, à tout le moins, objet de
droit. En outre, ce statut repose exclusivement sur le fait que la personne qui
le porte est enceinte, impliquant de facto le corps de cette dernière et
ultimement, des enjeux relatifs à la liberté de sa personne et de son intégrité
physique. Nous suggérons donc de retirer l'article 34.1 du Code civil du Québec
proposé par le projet de loi. Nous nous inquiétons donc des impacts découlant
de l'application d'une telle définition, a fortiori dans un contexte où
celle-ci est introduite conjointement aux nouvelles règles applicables à la
gestation pour autrui. Ainsi, une convention pourrait-elle avoir pour effet...
pour objet l'enfant conçu, mais non encore né, et donc imposer des obligations
ou restrictions contraignantes à la personne qui est enceinte, et ce,
contrairement à son droit à la liberté de sa personne.
À ce chapitre, nous avons également
quelques préoccupations en lien avec le nouveau régime de gestation pour autrui
proposé par le projet de loi. D'abord, nous saluons l'introduction d'un régime
juridique encadrant la gestion pour autrui par voie conventionnelle. Toutefois,
nous croyons que si la convention de gestation pour autrui est une excellente
mesure de sauvegarde pour la protection des parties, elle ne doit toutefois pas
constituer un passage obligatoire à l'application d'un droit en cette matière,
auquel cas les parties et enfants nés de contrats verbaux ne pourraient pas
bénéficier des protections qui sont prévues dans le projet de loi. Or, on peut
présumer que, justement, ce sont les personnes les plus vulnérables de la
société qui, pour des raisons financières notamment, refuseront d'officialiser
le projet de gestation pour autrui par convention écrite. Ainsi, la convention
deviendrait essentiellement... devrait essentiellement se résumer à un document
émis par l'État détaillant les droits et obligations des parties tel que prévu
au Code civil et à la Charte des droits et libertés de la personne. Ce document
inclurait également une liste de clauses interdites dans une telle convention.
De plus, nous croyons que la meilleure façon de pallier à la marchandisation de
l'enfant et à la commercialisation du corps de la femme est de s'assurer que
toutes les parties soient bien informées de leurs droits et obligations
respectifs. Ainsi, si la voie contractuelle doit être favorisée, nous suggérons
également que le projet de loi prévoit l'exigence d'un avis juridique
indépendant. Actuellement, le projet de loi n'exige pas une telle mesure et
propose simplement que les parties fassent la convention ensemble par acte
notarié. Ce faisant, le projet de loi semble conclure à l'absence de
contentieux du fait que ces parties partagent une intention commune de mener à
terme le projet parental établi par les parents d'intention. Nous sommes d'avis
qu'en assimilant ainsi les droits et intérêts de la personne qui donnera
naissance à l'enfant à ceux des parents d'intention, le projet de loi escamote
les besoins spécifiques et même souvent opposés de la personne qui donnera
naissance à l'enfant. Cela nous semble discutable, particulièrement dans les
cas où cette personne est susceptible de se retrouver dans une situation de
vulnérabilité. C'est pourquoi nous proposons que l'obtention de conseils
prodigués par des conseillers juridiques indépendants pour chacune des parties
à la convention est le meilleur, sinon le seul moyen de protéger chacune des
personnes impliquées.
• (21 h 20) •
Dans le même ordre d'idée, je tiens à
souligner le rôle plutôt discret que la réforme accorde aux avocats en ce qui
concerne la convention de gestation pour autrui. J'invite le législateur...
Mme Claveau (Catherine) : ...à
reconsidérer ce rôle, particulièrement pour ce qui est des règles prévues au
projet de loi relatives à l'obtention du consentement de la personne qui
portera l'enfant, l'avis de retrait de ce consentement, la conservation des
sommes d'argent liées à la gestation pour autrui dans un compte en fidéicommis
et autres procédures actuellement dévolues au notaire.
Les membres du Barreau sont non seulement
outillés pour éclairer les parties dans une convention de gestation pour
autrui, mais ils sont aussi formés pour déceler en temps opportun les litiges
potentiels entre les parties avant même qu'ils ne se cristallisent. Les avocats
doivent être considérés comme des véritables partenaires du législateur dans la
mise en oeuvre de la réforme proposée et pourraient à notre avis être davantage
mis à contribution au niveau des opérations juridiques liées au nouveau régime
de gestation pour autrui.
Ainsi, s'il est un message qu'il faut
retenir aujourd'hui, c'est le suivant : Nous croyons que l'avocat doit
avoir un rôle plus important que celui prévu dans le projet de loi actuel sur
les trois aspects suivants du projet de gestation pour autrui. Premièrement, à
titre de conseiller juridique, l'avocat a un rôle à jouer dans l'établissement
du contrat de gestation pour autrui afin de protéger les personnes les plus
vulnérables. Pardon. Deuxièmement, grâce à sa formation professionnelle, il est
lui aussi bien placé pour conseiller les parties, soit les parents d'intention
et la mère porteuse, dont les intérêts sont parfois divergents lors de l'établissement
de la convention de gestation. Enfin, son expérience pratique, notamment en
litiges, lui permet de jouer un rôle dans les différentes étapes du projet afin
d'aviser les parties des enjeux potentiels et ainsi réduire les risques de
complications futures.
Je termine en vous invitant à prendre
connaissance de notre rapport, si ce n'est déjà fait, qui contient plusieurs
autres commentaires et réflexions, notamment en matière de filiation, de droit
aux origines, de reconnaissance d'identité de genre et de respect du droit à la
vie privée à l'égard de cette identité. Je vous remercie encore une fois pour
votre invitation et nous sommes maintenant prêts à recevoir vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Maître. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Madame la bâtonnière, Me Claveau, Me... Me Tremblay, Me
Dubé. Bonjour, merci d'être là. Je n'ai oublié personne? Non, O.K. Parfait.
Bien, c'est ça. C'est parce que nous on voit le duplex. Je suis à l'écran aussi,
puis il est tard, donc... Bon, parlons, si vous voulez bien, de 34.1,
relativement, là, à l'enfant conçu. L'objectif de la disposition, ce n'est
vraiment pas de rouvrir le débat de Daigle contre Tremblay, ce n'est vraiment
pas de remettre en question le droit à l'avortement, tout ça, loin de là. Je
vous en assure. Et on a eu la discussion tout à l'heure, là, avec l'Association
des avocats en droit familial, donc à l'article 3 du projet de loi, 34.1.
La disposition, elle est là pour faire en sorte que en matière de gestation
pour autrui, l'embryon qui est congelé puis qu'il est placé dans la voûte, si
je peux dire, et que Madame... Monsieur décède et madame, dix ans plus tard,
décide de se faire inséminer et un enfant naît de cette... de ce don de gamètes,
de ce don de sperme-là qui était devenu la propriété de Madame. C'est au
niveau, notamment, de la stabilité des successions aussi, donc qui ne
deviendrait pas un héritier dix ans plus tard, alors que la succession, elle
est fermée depuis plusieurs années. Donc, ce que ça fait, c'est que si madame
était enceinte au moment du décès de monsieur, dans le fond, l'enfant pourra
hériter suite à la grossesse, mais il faut trouver un mécanisme au niveau de la
stabilité des successions rattaché au fait que scientifiquement désormais... et
quand j'ai visité les cliniques de fertilité, là, on me disait même il y a...
dans certains endroits au Canada, il y a du sperme de conservé depuis 50 ans.
Alors les nouvelles technologies nous amènent là. Alors je comprends que tout à
l'heure on nous a dit : Il n'est peut-être pas placé au bon endroit dans
le bon livre. Qu'est-ce que vous en pensez?
Mme Claveau (Catherine) : Je
vais laisser maître Dubé répondre à votre question.
Mme Dubé (Marie-Hélène) : En
fait, j'en pense, M. le ministre, qu'effectivement, il serait préférable d'exprimer
ses préoccupations dans le cadre de...
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
...dans 17. Comme on l'a indiqué dans notre mémoire, le fait que cette
disposition se trouve là où elle se trouve suscite des préoccupations. Puis
merci de nous avoir éclairés quant à vos intentions, ça nous rassure. Mais une
chose est certaine, c'est que l'article 617, s'il doit être modifié, devrait
prendre également en considération le moment où une personne devient enceinte.
Et j'aimerais que maître Tremblay vous fasse part de ses réflexions à ce sujet.
Mme Tremblay (Régine) :
Merci. En fait, d'un moment où une personne peut être enceinte, il y a un
certain flou au niveau de d'abord, est-ce que ce sera l'intention ou le fait
biologique? Puis on peut aussi soulever que, dépendamment des manières de
procréer, le moment où une femme sera enceinte sera différent. En effet, dans l'hypothèse
d'une relation sexuelle, le moment sera le premier jour suivant les dernières
règles. Si c'est une insémination intra-utérine, donc une élimination par le
sperme, le moment sera la journée de la procédure, la journée de l'implantation.
Par contre, si on fait un transfert d'embryon, une fécondation in vitro, l'embryon
pourra être transféré à trois ou cinq jours de vie. Donc, ne serait ce qu'à ce
moment-là, il y a des peut-être des ajustements ou des réflexions à avoir sur
qu'est ce que ça veut dire enceinte selon les différents scénarios. Puis au...
Merci.
M. Jolin-Barrette : Mais vous
êtes d'accord avec moi que ça prend une solution pour couvrir dans le fond les
embryons qui sont congelés durant plusieurs années, là.
Mme Tremblay (Régine) : Je
pense que le Barreau est d'accord avec vous sur cette question. En matière de
droit comparé, on peut aussi explorer d'autres avenues, puis on pourra vous
faire parvenir des détails à ce sujet. Mais certaines juridictions vont
favoriser un avis à la succession. Donc, ça permet une certitude au niveau de l'établissement
de la succession. Évidemment...
M. Jolin-Barrette : Mais
juste là-dessus, l'avis à la succession, là, c'est parce que tu sais, exemple,
là, quand ils font congeler du sperme, là, ou des embryons, là, il y en a pas
mal, là. Ça fait que ce que je veux dire, c'est que, tu sais, s'il y a eu
plusieurs prélèvements, ils m'expliquaient ça, là, ils peuvent congeler
beaucoup, donc, tu sais, s'il y a différentes implantations, ils vont-u faire
un avis à la succession à chaque fois? Tu sais, ce que je veux dire, c'est que
ça peut s'étirer sur vraiment plusieurs années.
Mme Tremblay (Régine) : Je
pense qu'on pourrait vous revenir si vous voulez une réponse plus détaillée en
droit comparé sur les avis de succession. Mais je pense que l'idée est d'annoncer,
pour que la succession sache dans un certain délai, qu'il pourrait avoir des
enfants qui vont hériter qui sont présentement non conçus. Merci.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Peut-être une question sur l'encadrement de la gestation pour autrui
relativement aux huit 30 jours, là, qu'on a prévus relativement au consentement
de la mère porteuse de, dans le fond, de consentir à l'exécution du projet
parental. Nous, on a construit le projet de loi pour... De façon à faire en
sorte de protéger les intérêts de l'enfant, mais également ceux de la mère
porteuse. Là, le Barreau dit 30 jours, c'est un peu long. C'est ce que je
comprends?
Mme Claveau (Catherine) :
Effectivement. Me Tremblay va pouvoir vous donner d'autres détails par rapport
à ça.
Mme Tremblay (Régine) : Donc,
le Barreau, d'abord, aimerait maintenir le principe de 7 jours par précaution
mais comme vous l'avez dit en effet, trouve que le 30 jours peut être long. On
comprend que les parties ont des intérêts qui pourraient être divergents, que
ça amène de l'insécurité pour les parents d'intention et aussi peut être des
remises en question pour la femme ou la personne qui portera l'enfant. On
aimerait inviter le législateur à pousser davantage la réflexion.
À notre connaissance et nous aimerions
vous référer à l'annexe 2 de notre mémoire, nous sommes les seuls au Canada à
imposer dans le texte de la loi principale un délai de 30 jours, ce qui
pourrait envoyer des messages contradictoires sur des enjeux qui sont réglés
ailleurs.
Par ailleurs, nous aimerions attirer à
votre attention qu'il pourrait avoir un problème pratique. Donc, je suis à la
page 19 de notre mémoire. Donc, un problème pratique de cohérence avec le délai
de déclaration au Code civil du Québec en vertu de l'article 113 qui est un
délai de 30 jours. Donc, c'est pour ça, donc, il y a un aspect pratique, puis
un aspect plus complexe. Puis, on invite le législateur à pousser davantage la
réflexion sur l'exigence d'un délai de 30 jours.
• (21 h 30) •
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
question relativement, là, à 603 points 1. Vous soulevez des questionnements
sur la mécanique relativement... 603.1, là...
21 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...faire
en sorte, désormais, qu'un seul parent puisse consentir à des soins pour l'enfant
lorsqu'il y a présence de violence familiale. Pour ce faire, on s'est inspiré
de la même façon, supposons, pour résilier le bail de logement, qu'un officier
public, dans le fond, désigné puisse constater qu'effectivement il y a violence
familiale, puis, dans ces cas-là, les règles du code s'appliquent, là, je pense
c'est 1974.1, pour résilier le bail, pour que, souvent, madame puisse quitter
le bail, en fait, puisse casser son bail puis quitter. Vous dites :
Écoutez, nous, on a peut-être des enjeux avec ça, là, niveau de la mécanique,
là. J'aimerais ça savoir que sont les enjeux puis qu'est-ce que vous proposez.
Mme Claveau (Catherine) : Certainement.
Me Dubé va pouvoir répondre à cette question.
Mme Dubé (Marie-Hélène) : À
notre avis, on ne peut pas comparer la procédure de résiliation de bail locatif
avec le retrait d'un attribut de l'autorité parentale pour un enfant. Le
problème provient tout particulièrement du fait que, dans l'appréciation faite
par les tribunaux de l'intérêt de l'enfant menant ultimement au retrait d'un
attribut de l'autorité parentale ou même à la déchéance complète de l'autorité
parentale, on prendrait en considération la violence familiale. Nous craignons
que l'attestation prévue à 603.1 soit utilisée dans la pratique pour se
substituer à la réflexion que le tribunal devra avoir en lien avec l'exercice
de l'autorité parentale. Cette déclaration, qui est prévue à 603.1,
constituerait un commencement de preuve qui pourrait avoir des conséquences
beaucoup plus importantes que la résiliation d'un bail à long terme dans la vie
de l'enfant et dans la vie de ses parents. De là l'idée de laisser cette
analyse délicate de l'existence de la violence conjugale au tribunal et plutôt
de laisser la discrétion judiciaire déterminer de manière plus juste si, oui ou
non, il est adéquat de retirer un attribut de l'autorité parentale.
Un autre aspect, c'est que le projet de loi
prévoit ce retrait dans le cas des soins, mais il y a d'autres décisions qui
ressortent de l'autorité parentale envers lesquelles le même processus de
réflexion, la même discrétion judiciaire pourrait être approprié. Alors, nous
croyons que c'est aussi dommage de restreindre cette possibilité uniquement aux
soins de nature psychosociale.
M. Jolin-Barrette : Mais
juste pratico-pratique, là, parce que, là, vous, ce que vous dites, vous dites :
Bien, écoutez... Bon, vous êtes d'accord sur le fond que, désormais, on devrait
pouvoir faire en sorte qu'en présence de violence familiale un des deux parents
puisse avoir la possibilité de... exemple, que l'enfant puisse aller voir un...
Pratico-pratique, revenons à la base, là,
quand qu'il y a de la violence familiale, ça arrive qu'il y a un des deux
parents qui dit : Non, je ne veux pas que tu amènes l'enfant voir le
psychologue, parce que c'est une mesure de contrôle puis c'est une mesure pour
empêcher. Les psychologues, dans le fond, s'ils n'ont pas le consentement des
deux parents, là, ils disent : Bien, je suis désolé, je ne peux pas voir
votre enfant parce que mon code de déontologie m'y empêche puis que ça me prend
le consentement des deux. Ça fait qu'on veut éviter ce genre de situation là
pour qu'il ait des soins qui soient offerts aux enfants.
Le rapport Rebâtir la confiance, il en
faisait une recommandation puis il disait : Idéalement, le processus
devrait être déjudiciarisé pour que ça soit plus simple. Parce que, là, dans la
proposition que vous nous faites, ça voudrait dire qu'il faudrait prendre
requête au tribunal pour faire autoriser le tout. Vous ne trouvez pas que ça va
alourdir le tout dans le cadre de ces situations-là, alors qu'on veut
simplifier les choses justement pour que les enfants aient des services lorsqu'il
y a présence de violence familiale?
Mme Dubé (Marie-Hélène) : Premièrement,
M. le ministre, c'est une situation qui se produit très fréquemment, et il y a
déjà cette solution de se présenter devant les tribunaux. Et c'est
quotidiennement, ce problème se retrouve devant les tribunaux, et le juge
exerce son pouvoir de décision comme prévu à l'article 604. Donc, c'est un
problème qui a déjà une solution.
Maintenant, je vous entends quant au fait
que ça requiert que les parents se présentent devant le tribunal. Et c'est sûr
que, si c'est le seul enjeu, ça peut paraître comme étant un obstacle pour
certains parents. Par ailleurs, la réalité est que c'est souvent une
problématique qui existe parmi...
Mme Dubé (Marie-Hélène) : ...plusieurs
autres questions doivent, de toute façon, être débattues devant le tribunal. C'est
rarement un enjeu qui existe de manière isolée. Souvent, les parents, dans le
cadre de leur séparation, doivent débattre de la garde ou du temps parental,
dépendant de la Loi sur le divorce ou du Code civil. On utilise des termes
différents, mais le débat au sujet des enfants, il est souvent beaucoup plus
vaste qu'uniquement cette question-là. Et de toute façon, on est devant le
tribunal.
M. Jolin-Barrette : Mais...
Ça, je comprends ça, mais dire.... Nous, on a reçu le rapport Rebâtir la
confiance, puis c'est une des recommandations qui est présente dans le rapport
Rebâtir la confiance. Peut-être que j'ai certains collègues qui vont pouvoir
mieux nous renseigner sur pourquoi ils sont arrivés à cette recommandation-là.
Mais notamment, les maisons d'hébergement étaient là-dessus, puis ils nous
disaient : Bien, écoutez, c'est important parce que, notamment, ça fait
partie du maintien de contrôle, également, par rapport aux enfants. Donc, c'est
sûr qu'à la cour... Moi, j'aime ça quand... Je parle souvent d'accessibilité et
d'efficacité du système de justice. Ça fait que je veux que ce soit efficace,
mais je ne contrôle pas tout, comme ministre de la Justice, en termes d'efficacité.
Puis il y a l'indépendance des tribunaux, que vous connaissez, et donc ils vont
à leur rythme.
Et tout à l'heure, on avait Me Schirm qui
était là puis qui nous disait : Bien, écoutez, avant d'avoir une date à Montréal,
là, même si c'est supposé être jugé en urgence, en familial, ce n'est pas si
urgent que ça en termes de délais. Alors, si on oblige... on continue d'utiliser
la même procédure, actuellement, d'aller devant le tribunal, attendre que ce
soit traité, puis tout ça, puis les coûts, aussi, associés à ça... Ça fait que
je suis sensible à l'argument que vous me dites avant d'enlever un attribut de
l'autorité parentale, sauf que c'est une demande également des femmes qui
vivent ce type de violence là, puis c'est surtout dans l'intérêt des enfants d'avoir
du soutien psychologique. Ça fait que c'est ça qu'on essaie de réconcilier. Je
comprends vos préoccupations, mais d'un autre côté, il faut trouver une voie
qui est plus simple pour, justement, permettre à ces enfants-là d'avoir des
soins.
Peut-être une autre question, sur la...
Oui, les conjoints de fait décédés pendant la grossesse, la présomption de
paternité qui va être étendue aux conjoints de fait. Ça, vous êtes à l'aise?
Mme Tremblay (Régine) : Oui...
M. Jolin-Barrette : O.K.
Autre point... Une dernière question avant de céder la parole à mes collègues.
Relativement à l'admissibilité universelle à l'aide juridique pour les enfants
qui font face à une intervention de la DPJ, ça aussi, vous êtes en faveur, en
ce qui concerne la représentation?
Mme Tremblay (Régine) : Oui,
effectivement. Certainement, oui.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Écoutez, un grand merci au Barreau, ce soir, pour votre présentation. On va
prendre acte avec intérêt de votre mémoire.
Mme Tremblay (Régine) : Merci,
M. le ministre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci... Alors, je vais céder la parole au député de
LaFontaine. M. le député de LaFontaine, s'il vous plaît.
M. Tanguay : Merci beaucoup, M.
le Président. Alors, à mon tour de vous saluer, Mes Claveau, Aguerre, Tremblay
et Dubé. Merci de répondre à nos questions. Comme vous l'avez dit, il y
aurait... Il faut compléter notre analyse du mémoire que l'on a reçu hier, puis
ce n'est pas un reproche que je vous fais, loin de là. C'est un projet de loi
qui fait 360 articles. Vous soulevez plusieurs éléments très importants,
pointus, qui requièrent donc une analyse, que je m'engage à compléter.
Ce soir, j'aurais l'intention de vous
poser des questions sur le volet, là, gestation pour autrui, le volet
international, où la mère porteuse ou la personne qui donnera naissance n'est
pas domiciliée au Québec, est à l'étranger. Avez-vous des données, avez-vous
faire l'analyse... Est-ce que ça, ce volet-là, international, on le retrouve
notamment dans les législations... les autres législations provinciales? Est-ce
qu'il y a ce... De facto, est-ce que ça vient, ce volet-là, ou est-ce que nous
aurions... Puis ce n'est pas un jugement que je fais, là, je fais juste poser
une question. Est-ce qu'on aurait pu dire : Bien, au Québec, la mère
porteuse ou la personne devra obligatoirement résider au Québec?
Mme Tremblay (Régine) : À
notre connaissance, dans les lois provinciales qui encadrent la gestation pour
autrui, il n'y a aucune mention du volet international. En fait de données, les
seules données sur lesquelles je suis tombée dans le cadre de mes recherches
portent sur la Colombie-Britannique pour l'année 2015. Pour l'année 2015, en
Colombie-Britannique, nous savons qu'il y a eu 48 naissances de projets de
gestation pour autrui, et de ce nombre, un tiers proviendrait des parents
étrangers. Ces données sont évaluées par une autrice qui s'appelle Pamela
White, puis ça me ferait plaisir de vous en fournir davantage dans les
prochaines communications.
Le Président (M.
Bachand) : ...peut-être laisser votre micro... s'il vous plaît.
• (21 h 40) •
M. Tanguay : Ah! oui, c'est
juste parce qu'il n'était pas allumé...
M. Tanguay : ...m'entendais
pas, là... beau être comme ça, au plus haut... ça aide quand il est aimé. Mais
donc il y a le volet international ou ça s'est fait sans qu'il y ait le volet
international?
Mme Tremblay (Régine) :
Le volet international n'est pas prévu dans les lois provinciales. Donc, ça a
lieu...
M. Tanguay : Ça a eu
lieu pareil en 2015. 38 cas, ça a eu lieu.
Mme Tremblay (Régine) : 48
cas et le tiers, exactement.
M. Tanguay : Et le
tiers. Comment est-ce possible?
Mme Tremblay (Régine) :
C'est juste qu'il n'y a pas n'y a pas de règle...
M. Tanguay : Qui l'interdit.
Mme Tremblay (Régine) :
...qui impose aux parents d'intention ou qui l'interdit d'être résident de la
Colombie-Britannique. À cet effet, d'ailleurs, un des cas de jurisprudence qu'il
y a concerne des parents québécois, des parents québécois qui sont allés en
Colombie-Britannique pour leur projet de gestation...
M. Tanguay : O.K. Et
donc, tel que rédigés, les articles qui nous concernent sur le volet
international, article 541.27 et suivants, est-ce que vous y voyez...
Parce qu'évidemment, quand on parle du volet international, il y a toujours une
emprise qui est beaucoup plus difficile, ne serait-ce que la convention qui,
telle que proposée, ne serait pas notariée. La mère d'intention, la mère
porteuse ou la personne qui va donner naissance n'aurait pas nécessairement la
rencontre psychosociale. Après ça, bien, c'est du droit international privé, il
faut faire reconnaître l'acte de naissance ici. Y voyez-vous des écueils tout à
fait particuliers quant à de potentiels risques de l'échapper dans ce cas-là?
Mme Tremblay (Régine) :
Pour être absolument honnête avec vous, M. le député, on n'a pas eu ces
réflexions-là. C'est un projet complexe, puis on se réserve, si vous voulez, la
possibilité de vous transmettre d'autres commentaires.
M. Tanguay : Merci à
vous. Parfait. Vous proposez... "Finalement, nous suggérons de modifier le
projet de loi pour conférer aux juges la discrétion nécessaire afin d'évaluer
si l'enfant est en mesure de manifester sa volonté indépendamment de son âge -
ici, nous en sommes - le maintien des significatifs entre l'enfant et l'ex-conjoint
du parent ou des grands-parents..." Donc, faire en sorte... le juge, la
discrétion au-delà de l'âge de 10 ans. Ça, est-ce que... Ça se fait
comment, ça, pratico-pratique, par le juge?
Une voix : Me Dubé va
répondre à la question.
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Pratico-pratique, lorsqu'il y a un enjeu, que ce soit au niveau de la garde, ou
au niveau des droits d'accès, ou les demandes d'accès de grands-parents, la
question du désir des enfants peut être soulevée par les autres parties lorsque
l'une ou l'autre des parties le souhaite. Et l'entente peut présenter son désir
à l'une ou l'autre de ces parties. Il peut être lui-même être représenté par un
avocat. Et donc, la question de ses volontés est exprimée soit par la voie des
parties au litige ou directement par l'enfant qui est représenté par son
avocat. Pratico-pratique, c'est comme ça que ça se passe.
M. Tanguay : Et est-ce
que ça, ça participe d'une évolution jurisprudentielle ou peut-être même
législative où on prend davantage puis on le met dans les lois? Puis là vous,
vous suggérez que, même au-delà d'une limite d'âge, le juge pourrait en juger,
par exemple, d'un enfant de neuf ans. Trouvez-vous que ça participe d'une trame
de fond où on donne davantage, justement, la parole aux enfants, parce qu'on
parle de leur intérêt, alors on pourrait peut-être les entendre?
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Le droit de l'enfant à être entendu est certainement une considération qui
existe, et depuis déjà assez longtemps. La Cour d'appel s'est déjà penchée sur
cette question-là. Et il y a un arrêt-phare sur la question, qui remonte déjà
presque vingt ans, où, justement, c'était le cas d'un enfant de neuf ans, et
son avocat souhaitait présenter au tribunal sa propre perception du meilleur
intérêt de l'enfant. Et la Cour d'appel a dit : Non, vous devez agir en
fonction du mandat que votre client, l'enfant, vous donne. Il s'agissait d'un
enfant de neuf ans. Alors, je pense que cela illustre le fait qu'ici encore la
discrétion judiciaire a sa place pour que l'on puisse évaluer au cas par cas la
maturité de l'enfant et les circonstances particulières dans lesquelles il se
trouve.
M. Tanguay : Et c'est
pour ça que si je vous comprends bien, à 611, vous proposez de mettre cette
évaluation-là du cas par cas plutôt que la règle du 10 ans.
Mme Dubé (Marie-Hélène) : Exactement.
M. Tanguay : D'accord. J'aimerais
vous entendre...
M. Tanguay : ...c'est
important, l'impact de l'ajout de la violence familiale dans le Code civil sur
les communautés autochtones. Vous faites référence à la loi sur les foyers
familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux et
qui prévoit une définition de violence familiale, et nous nous interrogeons sur
les impacts de cette définition sur les dispositions prévues au projet de loi.
J'aimerais vous entendre davantage pour bien comprendre votre point, s'il vous
plaît.
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, maître Aguerre va répondre.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Oui, merci. Donc, écoutez, c'est une très, très bonne question. A priori,
je voudrais quand même commencer en soulignant que le Code civil... en fait le
projet de loi ne propose pas une définition de la violence familiale et c'est
ce qui s'oppose en fait à la situation de la loi fédérale dont vous venez de
faire mention qui, elle, définit la violence familiale. Et comme on le sait, en
vertu du nouveau régime qui est prévu par le projet de loi, une fois que la
violence familiale est constatée, elle peut mener soit au retrait de l'attribut
de l'autorité parentale ou encore à la déchéance de l'autorité parentale au
grand complet. Donc, on s'interrogeait. On n'a pas ciblé de problématique
spécifique, mais on s'interrogeait sur l'impact, l'interaction de ces deux
lois-là, de ces deux régimes-là, particulièrement dans le contexte qu'on
connaît en milieu autochtone où, malheureusement, les situations peut être de
violence ont une connotation beaucoup plus importante, disons, impacts très
importants. Qu'est-ce que ça pourrait vouloir dire pour les parents en milieu
autochtone? Est-ce que... et là je vais faire ça très, très gros, est-ce qu'on
va arriver à plusieurs décisions de déchéance d'autorité parentale à cause de
cet arrimage-là qu'il a à faire? Est-ce qu'on va avoir plus de décisions en
matière de retrait d'attribut de l'autorité parentale? Bref, je pense que le
problème vient du fait que la loi fédérale prévoit une définition, la loi
provinciale ne prévoit pas de définition. Est-ce que c'est une définition qui
va être similaire ou contraire? ÇA reste à voir. Mais à toutes fins pratiques,
nous, ce qu'on voulait, c'est présenter cette problématique-là, cette
problématique potentielle là au législateur pour qu'il réfléchisse.
M. Tanguay : Et je pense qu'il
va sans dire qu'il y aurait lieu q que la définition ne soit pas différente, j'imagine.
Il va sans dire, n'est-ce pas?
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Il y aurait effectivement un intérêt à ce que les définitions soient à tout le
moins complémentaires ou en harmonie, effectivement.
M. Tanguay :
Tout à
fait. Tout à fait. Vous parlez, il y a bien un passage dans votre mémoire ou
vous parlez de l'importance d'arrimer les frais, je reviens, excusez-moi,
gestation pour autrui. Les frais admissibles au remboursement. Vous soulignez l'importance
d'avoir un certain arrimage. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme Tremblay (Régine) :
Merci. Ça va dans la même logique de qu'est-ce qu'on vient juste de dire? Donc,
on est au courant d'une coexistence des régimes, puis on voudrait juste s'assurer
qu'il y a une harmonisation entre les régimes qui sont présents notamment au
Canada
M. Tanguay :
Bon. Et
au niveau des agences, avez-vous une réflexion là-dessus, les permettre pour
les permettre?
Mme Tremblay (Régine) : Notre
remarque sur les agences, c'est qu'on pense qu'on devrait pousser la réflexion.
Puis dans une optique d'accès à la justice, oon aimerait aussi souligner au
législateur la nécessité de créer un marché où tout le monde va être rémunéré,
sauf la femme ou la personne qui porte. L'autre chose par rapport aux agences,
puis on aimerait souligner à l'attention du législateur, c'est que si les
agences se voient confier des sommes d'argent, ils n'ont a pas nécessairement
de code de déontologie, puis ils n'ont pas non plus d'assurance responsabilité
professionnelle. Donc il faut être conscient de la création d'un marché de
services qui entoure la reproduction et aussi des dangers que cela pourrait
représenter pour le public.
M. Tanguay :
Je
comprends, très bon point. Merci beaucoup à vous quatre.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de La Fontaine. M. le
député d'Hochelaga-Maisonneuve, vous avez la parole.
M. Leduc : Merci, M. le
Président. Bonsoir. Plus tôt dans la soirée, vous a précédé un professeur de l'Université
Laval, maître Goubau, et il faisait référence à une inquiétude par rapport à ce
qu'il percevait, je pense, comme un recul par rapport aux grands-parents,
droits des grands parents. Est-ce que vous partagez sa lecture de la situation?
Mme Dubé (Marie-Hélène) :
Malheureusement,
je n'ai pas entendu les commentaires précis du professeur Goubau, mais
définitivement, le Barreau constate que la modification proposée à l'article
611 mènerait à un recul des droits des grands-parents. On est arrivé au même
constat et voilà. Je ne sais pas si vous souhaitez poser une autre question,
mais définitivement, on partage le constat.
M. Leduc : Pouvez-vous
expliquer donc votre lecture de ce constat-là?
• (21 h 50) •
Mme Dubé (Marie-Hélène) : C'est-à-dire
que, selon l'article 611 actuel, il y a une présomption que les contacts entre
les enfants, les petits-enfants et les grands-parents sont dans...
Mme Dubé (Marie-Hélène) :...l'intérêt
des enfants, alors que si la modification va de l'avant, cette présomption va
disparaître.
M. Leduc : Bon, c'est à
peu près les propos que le professeur tenait. Peut être sur une question plus
de priorisation et il y a beaucoup de contenu, bien sûr, dans votre mémoire. Si
vous aviez à sortir, là, un ou deux, peut être trois éléments qu'il faudrait
absolument ne pas échapper dans les multiples amendements que nous allons
préparer, ce serait lesquels?
Mme Claveau (Catherine) :
Me Aguerre va répondre.
M. Leduc : ...votre
micro.
Mme Aguerre (Ana Victoria) :
Excusez moi, un grand classique. Écoutez, je vais commencer, puis j'espère que
mes collègues vont avoir les mêmes priorités que moi. Je suis convaincue que
oui. Je céderais peut-être après la parole à Me Claveau sur le rôle important
des avocats dans la mise en oeuvre de la réforme en droit de la famille,
particulièrement en ce qui concerne le rôle à jouer dans les conventions de
gestation pour autrui. Je vous dirais qu'en termes de priorités, écoutez, il y
en a plusieurs. Je pense que les questions relatives à l'autorité parentale et
à la reconsidération par le législateur de l'inclusion d'un régime similaire
ou... en droit civil québécois seraient extrêmement importantes. Je vais céder
la parole maintenant à Me Claveau pour parler du rôle des avocats dans la
réforme du droit de la famille.
Le Président (M.
Bachand) : Il reste... Me Claveau, il reste très, très, très
peu de temps. En quelques secondes. Désolé.
Mme Claveau (Catherine) :
Oui. Bien, écoutez. Nous, nos membres sont formés en droit de la famille. On
est... On est... On a tout ce qu'il faut pour bien l'accompagner, puis bien
conseiller les gens. Puis ça nous paraît vraiment important, entre autres, dans
le cadre de la convention de gestation pour autrui. Pour nous, il est
primordial que chacune des parties ait son propre avis juridique avant de faire
ces conventions-là. Pour nous, c'est essentiel plutôt que d'avoir une
convention commune notariée, il faut vraiment que chacune des parties ait son
propre conseil juridique. Un consentement éclairé, ça, c'est vraiment la base
pour nous. Ça, c'est une des choses que je pense qui serait vraiment
importante. Et quand je dis conseil juridique... Oui, excusez-moi.
Le Président (M.
Bachand) : Excusez-moi, parce que je dois passer de la parole à
la députée de Joliette.
Mme Claveau (Catherine) :
Oui, bien sûr.
M. Leduc : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Joliette.
Mme Hivon : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour à vous quatre. Merci pour votre présentation. Je veux
être exactement sur ce point-là qui a été peu abordé. En fait, vous allez me
dire... Je vais essayer de résumer ce que vous nous dites sur le formalisme de
la convention. Moi, j'y vois une certaine contradiction. Ça fait que je vous
invite à m'éclairer davantage. En fait, si j'ai bien compris, vous dites que
vous ne souhaitez pas qu'il y ait une obligation de convention écrite notariée
parce que vous dites ça pourrait peut-être être une convention verbale. On peut
risquer de nuire à des personnes qui ont moins de moyens et moins d'organisation
qui pourraient être plus vulnérables. Mais par ailleurs, quelques paragraphes
plus bas, puis vous venez de le dire, vous dites qu'il faudrait avoir un avis
juridique pour chacune des parties, ce qui est du formalisme, ce qui est des
frais. Donc, je veux juste que vous me réconciliiez tout ça, là.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, dans le fond, je pense qu'on peut pousser un peu plus, puis ça paraît à
notre page 18 du mémoire, ce qu'on dit, c'est que ça n'est... Si on...
Évidemment, ça serait toujours mieux qu'il y ait une convention. Puis quand on
parle de frais, nous, ce qu'on prévoit, c'est que ça ne serait pas nécessaire
que ça soit une convention notariée. On pense à un document qui serait émis par
l'État, qui détaillerait les droits et les obligations des parties dans la
gestation pour autrui, c'est-à-dire les parents des... la personne qui va
donner naissance, et dans lesquels on trouverait aussi des clauses à ne pas...
tu sais, des interdictions de conditions qui seraient... qui seraient
illégales.
Alors, ce serait un document, tout
simplement qui pourrait être reçu devant deux témoins. Et donc il n'y aurait
pas de... Ça ne serait pas obligé d'être une convention devant notaire. Je
répète que, pour nous, ce qui est important, et ça, ça... C'est qu'on n'ait pas
un document où est ce que chacune des parties a nécessairement le même
conseiller juridique qui va... qui va attester cette convention-là. Pour nous,
je répète, c'est important qu'ils aient chacun leur opinion juridique
indépendante.
Mme Hivon : Mais en ce
moment, c'est déjà prévu qu'il y a des rencontres, pas purement juridiques,
mais des rencontres avec chacune des parties. Vous, je comprends... Je veux
bien comprendre, votre conception, c'est d'avoir un peu plus un contrat d'adhésion,
en quelque sorte, où la base sera toute là. On vient signer, mais avant de
signer, il faut avoir un avis juridique. J'essaie juste de comprendre en quoi c'est
différent que d'avoir une convention écrite avec des rencontres individualisées
pour les personnes.
Mme Claveau (Catherine) :
Bien, nous, notre compréhension de la convention de notariée, c'est que c'est
un notaire qui fait la convention pour les deux personnes. En principe, si c'est
un professionnel de droit pour une demande...
Mme Claveau (Catherine) :
...parallèle d'une demande conjointe, une convention conjointe. Si on le fait,
on le fait entre autres en médiation, on fait souvent des divorces conjoints.
Bien, le professionnel ne prend pas parti. Il fait la convention qui répond aux
intérêts des deux, puis l'avocat qui notamment fait la médiation recommande
toujours aux gens devant lui d'aller se chercher quand même une opinion
indépendante pour voir vraiment si ses propres droits sont respectés puis qu'il
y ait un consentement libre et éclairé.
Mme Hivon : Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Me Claveau, maîtres Aguerre,
Tremblay, Dubé, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir. C'est très, très,
très apprécié.
Cela dit, la commission ajourne ses
travaux au vendredi 3 décembre, après les affaires courantes. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 21 h 57)