Journal des débats (Hansard) of the Committee on Institutions
Version préliminaire
43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)
Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.
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Thursday, December 4, 2025
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Vol. 48 N° 2
Special consultations and public hearings on Bill 1, Québec Constitution Act, 2025
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11 h (version non révisée)
(Onze heures vingt-huit)
Le Président (M.
Bachand) :Alors s'il vous plaît, bonjour,
tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la commission
des Institutions ouverte. La Commission est réunie afin d'entreprendre la
consultation générale et les auditions publiques sur le projet de loi n° 1,
loi constitutionnelle de 2025 sur le Québec. Avant de débuter, Mme la
Secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. Mme Haytayan (Laval-des-Rapides) est remplacée par M. Sainte-Croix
(Gaspé), Mme Schmaltz (Vimont) par Mme Bourassa
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré), Mme Lakhoyan Olivier (Chomedey) par Mme Garceau
(Robert-Baldwin) et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques) par M. Cliche-Rivard
(Saint-Henri—Sainte-Anne).
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, ce matin,
nous allons débuté par la remarque préliminaire, puis après nous entendrons
trois groupes, ce matin, donc Droits collectifs Québec, le Commissaire à la
langue française et l'Institut de recherche sur le Québec. Nous sommes maintenant
rendus aux remarques préliminaires, M. le ministre, vous avez... disposez de 6
min.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. Chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui
afin de débuter les consultations générales sur le projet de loi n° 1, loi
constitutionnelle de 2025 sur le Québec. Très heureux, également, de constater
l'engouement que suscite le projet, nous avons reçu plus de 200 mémoires, 211
mémoires. Que ceux-ci soient critiques ou favorables, force est d'admettre que
les questions constitutionnelles intéressent les Québécois et les Québécoises.
Le projet d'une constitution pour le Québec ne date pas d'hier. L'idée d'une constitution
proprement québécoise est rêvée depuis l'époque du Mouvement des Patriotes, le
projet a été porté par tous les... toutes les formations politiques et par
plusieurs figures politiques importantes d'hier et d'aujourd'hui. Nous avons
bâti le projet de loi sur cet héritage, sur des décennies de discussions
collectives qui transcendent tout le spectre politique québécois.
Aujourd'hui, nous proposons de doter le
Québec des outils dont il a besoin afin de protéger son identité, de renforcer
son autonomie et de rassembler les Québécoises et les Québécois autour d'un
symbole fort d'affirmation et de fierté. Cette démarche n'est d'ailleurs pas
inusitée. La majorité des États fédérés dans le monde se sont, en effet, dotés
d'une constitution. Les 50 États américains, les 26 cantons suisses, les Länder
autrichiens, les Länder allemands, les États fédérés de l'Australie et même au
Canada, la Colombie britannique depuis 1996. Pourquoi le Québec devrait-il
continuer d'attendre? Pourquoi? En octobre, nous avons mis au jeu un projet de constitution
du Québec, un point de départ pour les discussions fondamentales que nous
entamons aujourd'hui. Un texte qui, comme nous l'avons souligné, se veut le
miroir et le bouclier de la nation québécoise. Le projet se décline en
plusieurs parties. Il regroupe dans une première partie la Constitution du
Québec, les principes et fondements exprimés dans les lois de nature
constitutionnelles dont le Québec s'est doté au cours de son histoire. Il
propose, dans un deuxième temps, d'adopter une loi sur l'autonomie constitutionnel
afin de préserver et de renforcer la capacité du Québec d'exercer pleinement
ses pouvoirs et de faire ses propres choix. Dans une troisième partie, le
projet propose la création, au sein de notre Parlement, d'un interprète
constitutionnel proprement québécois, le Conseil constitutionnel.
• (11 h 30) •
Enfin, le projet envisage également
diverses modifications à des lois existantes, notamment des ajouts à la loi
constitutionnelle de 1867, afin d'y ancrer davantage la différence québécoise.
Au cours de la dernière année, nous avons multiplié les rencontres auprès d'acteurs
de la sphère politique, dont mes collègues de l'opposition, de la sphère
universitaire, de la société civile, auprès des représentants des nations
autochtones. Ces nombreuses discussions nous ont guidés dans l'élaboration de
ce projet de loi constitutionnelle, tout comme les 42 recommandations du rapport
sur les enjeux conventionnels, coprésidé par M. Sébastien Proulx et M.
Guillaume Rousseau, dont les membres Martine Tremblay, Catherine Mathieu,
Amélie Binette et Luc Godbout faisaient partie. Fruit du travail de six experts
de différents horizons qui ont eux-mêmes reçu et analysé des dizaines de...
11 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...nous
sommes par ailleurs choyés de pouvoir bénéficier des lumières du professeur
Patrick Taillon, qui a accepté d'agir à titre de conseiller spécial dans ce
dossier de première importance pour la nation québécoise.
La Constitution a fait couler beaucoup d'encre
dans les dernières semaines. Nous avons pris connaissance des commentaires et
de l'engouement que le projet suscite et nous serons à l'écoute des groupes qui
viendront nous faire part... nous en faire part dans le cours des prochaines
semaines.
Vous me permettrez d'emblée de rectifier
certains faits, d'abord concernant l'article 5 de la nouvelle loi sur l'autonomie
constitutionnelle. Et je veux être clair : aucun organisme ne se verra
empêché de contester les lois adoptées par l'Assemblée nationale, mais, dans
certaines circonstances, lorsque les élus de la nation québécoise vont
considérer que certaines lois contiennent les caractéristiques fondamentales de
la nation québécoise, comme la laïcité et la protection du français, les
recours devront être financés autrement qu'avec les fonds publics, autrement qu'avec
l'argent des contribuables. Ce n'est pas normal que des organismes publics
utilisent l'argent des citoyens, des millions de dollars, pour attaquer les
valeurs québécoises appuyées démocratiquement ici, à l'Assemblée nationale. En
outre, l'article en question ne s'applique ni aux organismes communautaires ni
aux syndicats.
Certains se sont également inquiétés que l'on
réduise par le projet de constitution la portée de la charte québécoise. C'est
tout le contraire. On cherche à la renforcer, notamment en accordant à ses
dispositions prédominantes un statut constitutionnel.
Le Québec a été un précurseur dans la
défense des droits de la personne, et le projet de constitution s'inscrit dans
cette même voie. Les droits collectifs ont eux aussi toujours fait partie de
notre univers législatif, jamais au détriment des droits individuels, mais
plutôt dans une perspective d'équilibre, d'harmonie et de vivre ensemble de la
société québécoise, une dynamique que le projet de constitution respecte en
tous points.
Rappelons à cet égard un passage fort
pertinent du rapport annuel de 1974 de la Ligue des droits de l'homme,
désormais Ligue des droits et libertés : «Une charte des droits de l'homme
au Québec qui serait fondée sur un respect inconditionnel des droits
individuels, au détriment des droits collectifs, constituerait, en ce domaine
comme en d'autres, une base injuste, voire immorale, car il en va du droit à la
vie même de la collectivité québécoise de langue française.»
Cet équilibre entre les droits collectifs
et les droits individuels constitue l'un des éléments qui différencient notre charte
de la charte canadienne. D'ailleurs, le projet de constitution confirme qu'elles
doivent bénéficier d'une interprétation distincte pour leur permettre de
coexister.
Par ailleurs, le Québec continuera d'affirmer
son identité nationale et constitutionnelle dans le respect le plus complet des
institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise. Elle réaffirme
notre reconnaissance des 11 nations autochtones, de leurs droits existants,
ancestraux ou issus de traités, et de leur droit de maintenir et de développer
leurs langues et leurs cultures d'origine.
La démarche que nous entamons aujourd'hui
en est une... est une opportunité unique pour tous les parlementaires de poser
un geste fort pour l'avenir du Québec. Nous avons l'occasion d'adopter une constitution
qui rassemblera tous les Québécois autour d'un projet qui rend justice à nos institutions,
à nos valeurs et notre matière de vivre, qui ne sont ni caquistes, ni solidaires,
ni péquistes, ni libérales, mais fièrement et distinctement québécoises. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie,
pour 4 minutes 30 secondes, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. M. le ministre, collègues de la banquette gouvernementale, collègues
des oppositions, professeur Taillon. Le projet de loi n° 1 est un document sans
légitimité et autoritaire, un projet orienté politiquement.
Autoritaire, car il est le fruit de sept
années de gouvernement caquiste qui travaille à museler toute personne, groupe
qui ne pensent pas comme lui et qui veulent contester ses lois. À preuve, l'article
5 de la Loi sur l'autonomie constitutionnelle, et je veux être clair, prévoit
qu'aucun organisme public ne pourra contester avec des fonds publics une
disposition d'une loi lorsque cette dernière protège l'autonomie constitutionnelle
ou les caractéristiques fondamentales du Québec. Par exemple, un ordre
professionnel, une université, une municipalité qui reçoit des fonds du
gouvernement ne pourrait contester une telle loi.
Sans légitimité, car la loi souffre d'un
déficit de consultation préalable par un comité transpartisan. Une constitution
appartient au peuple, pas au ministre retranché dans son bureau. Le ministre
avait aussi le devoir de s'asseoir avec les Premières Nations et les Inuits
afin de travailler à l'élaboration d'un texte tenant compte de la Déclaration
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour respecter la
motion adoptée par l'Assemblée nationale et le droit international. Il n'en est
rien. Il n'y a aucune approche de justice réconciliatrice dans ce document. Le
document devait être rassembleur, il divise. Il vise à neutraliser les contre-pouvoirs
et, à ce titre, il fait reculer l'État de droit. Ce projet de loi est un projet
d'un gouvernement usé, en fin de régime, qui veut empêcher toute...
M. Morin : ...J'invite le
ministre à retirer son projet de loi, à rédiger un texte à l'issue de travaux
transpartisans qui aura pour mandat de recueillir la volonté du peuple afin de
donner au Québec une véritable Constitution. Il faut recommencer le travail
immédiatement. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne pour 1 min 30 s, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci. M.
le Président. Un projet de loi important, mais qui part avec un grave déficit
démocratique en l'absence de consultation préalable. Maintenant, le ministre
avait promis une ouverture, une consultation, mais ça commence mal, M. le
Président, parce que le gouvernement refuse de remplacer les plages horaires
vacantes, aujourd'hui, déjà, dès le premier jour. Il y a de la disponibilité,
il y a trois groupes qui pourraient être entendus de manière supplémentaire
aujourd'hui. La ville de Montréal souhaite être entendue. La Commissaire à
l'éthique et à la déontologie souhaite être entendue aussi. Il y a une
quarantaine de groupes qui attendent une plage horaire, sans parler des groupes
qui ont été regroupés et qui ne se connaissent même pas. Alors, je... je
réitère ma demande au gouvernement, M. le Président, afin qu'il accepte notre
invitation de remplir les plages horaires disponibles. Je mets au défi le
gouvernement de remplir toutes les plages horaires vacantes. Il y en a
également deux qui sont disponibles la semaine prochaine. On a fait des
recommandations de demandes... des demandes en ce sens. Si le ministre veut se
démontrer ouvert comme il dit qu'il l'est, s'il veut consulter, comme il dit
qu'il consulte, il doit absolument inviter les groupes qui n'ont pas encore été
entendus. C'est une demande formelle qu'on lui fait. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Et je comprends qu'il y
a consentement pour le député de Jean-Talon puisse faire ses remarques
préliminaires pour une durée d'une minute. Consentement. M. le député
Jean-Talon, s'il vous plaît.
M. Paradis : Merci. Ça va
nous faire plaisir d'être en dialogue avec les Québécoises et les Québécois sur
ce projet de loi, mais il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'un mirage. Le
ministre insiste encore aujourd'hui pour nous dire qu'il présente un projet de
Constitution qui n'est ni caquiste ni péquiste, ni... ni d'un autre parti
politique, mais c'est un projet de loi caquiste qui présente un document
fédéraliste. C'est une tentative désespérée du gouvernement de la CAQ de faire
marcher la troisième voie, celle de l'autonomie du Québec dans le fédéralisme
canadien, troisième voie qui est un échec sur toute la ligne. Et plutôt que
d'en tirer des leçons et de dire que ça prend l'indépendance du Québec, il
continue dans la même voie de l'échec. Ce document ne changera rien au fait que
nous sommes soumis au carcan fédéral et que la seule solution pour en sortir,
c'est l'indépendance du Québec. Par ailleurs, c'est un document d'une
importance fondamentale qui a été écrit dans le plus grand secret, et ça non
plus, ce n'est pas acceptable, et ça vicie le document à sa base.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Donc, nous
allons procéder aux auditions. Je vous rappelle que c'est des auditions de
30 minutes et ça va être serré. On reçoit beaucoup de gens. Donc, je vais
tenter de... de faire appliquer les règles et l'entendre, là, à la minute près.
Donc, on reçoit notre premier groupe. Alors, c'est les représentants de Droits
collectifs Québec. Merci beaucoup d'être avec nous ce matin, c'est très
apprécié. Je vous invite à d'abord à vous présenter puis à débuter votre
présentation pour huit minutes. Merci.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Merci
infiniment, M. le Président. Antonin-Xavier Fournier, administrateur au conseil
d'administration de Droits collectifs Québec. Je suis accompagné par Me
François Côté, qui est notre avocat général.
Donc, d'abord, une brève présentation de
Droits collectifs Québec. Droits collectifs Québec est un organisme à but non
lucratif dont la mission est de contribuer à la défense des droits collectifs
et des droits individuels des Québécoises et des Québécois, notamment de la
nation québécoise. Il cherche notamment à réaliser des initiatives liées à la
recherche, à l'éducation populaire en matière de droits collectifs, contribuer
à la mobilisation sociale visant à promouvoir le... le... le renforcement,
pardonnez-moi, des droits individuels et collectifs, mettre sur pied des
initiatives de représentation politique comme celles qu'on est en train de
faire aujourd'hui avec vous en commission parlementaire et finalement,
évidemment, contribuer au débat juridique avec différentes interventions. On a
notamment le rôle d'intervenant dans la contestation de la loi n° 21 à la
Cour suprême du Canada, on conteste également la traduction des jugements en
français à la Cour suprême et on est également impliqué dans le dossier
linguistique via la nomination de la Gouverneure générale, Son Excellence Mary
Simon. Voilà, essentiellement pour la présentation de Droits collectifs Québec.
• (11 h 40) •
C'est un grand jour aujourd'hui, dans une
certaine mesure, parce que, pour la première fois, on présente formellement un
projet de Constitution. Ce projet de Constitution là, présenté par la Coalition
avenir Québec, qui aurait pu être mieux fait, mieux consulté, il y aurait pu
avoir des consultations qui sont plus larges, mais néanmoins Droits collectifs
Québec considère qu'il s'agit d'un pas en avant assez extraordinaire pour la
nation québécoise. En fait, le ministre l'a bien souligné, M. le Président,
cette Constitution-là cherche à régler une anomalie importante, hein? Il y a
plus de 100 États fédérés à travers le monde qui ont leur propre
constitution. Alors, c'est une anomalie, en quelque sorte, que, dans un État
plurinational comme le Canada, le Québec ne puisse pas avoir sa propre
Constitution. Premièrement, donc, remédier à une anomalie...
M. Fournier (Antonin-Xavier) : ...j'aimerais
revenir sur la question importante de l'écriture en vase clos, qui a souvent
été reprochée au ministre et à la Coalition avenir Québec. Et j'aimerais
redonner un exemple historique très important. Chapitre, on est en 1958 en
France. Le général de Gaulle est de retour aux affaires. Le pays est dans une
anarchie complète, le Parlement est dysfonctionnel et on a un homme, Michel
Debré, un premier ministre, premier Premier ministre du général de Gaulle, qui
va écrire, seul dans son bureau, une constitution qu'on appellera celle de la
cinquième République. Alors cette Constitution, loin de représenter une
anomalie ou une mauvaise constitution, est probablement aujourd'hui la
constitution la plus durable de l'histoire de la France depuis la Révolution
française de 1989. J'entends les parlementaires ici, autour de la table,
s'offusquer d'avoir un projet qui aurait été fait en vase clos, s'offusquer du
fait que, évidemment, c'est un projet de loi qui est présenté en fin de mandat,
que ce gouvernement manque de légitimité. Ils n'ont pas tort, partiellement,
mais néanmoins, je regrette de voir le symbolisme politique dans lequel on se
retrouve aujourd'hui, la partisanerie qui empêche de faire avancer, je pense,
un débat qui est très important pour le Québec. Le symbolisme politique nous a
amenés loin. Je pense aux accords du lac Meech qui ont échoué à cause du
symbolisme politique. Je pense, notamment, à la réforme du mode de scrutin qui
est toujours abandonnée, même si elle poursuit de bons objectifs, en raison de
questions partisanes. Donc, en ce sens, Droits Collectifs Québec invite les
parlementaires à appuyer le projet de loi du ministre et à faire preuve d'une
réflexion qui s'élèvera au dessus des partis. Sur ce, je laisse le point, je
laisse la parole à notre avocat général, Maître Côté.
M. Côté
(François) :Merci beaucoup, M. le
Président, M. le ministre, messieurs, dames les députés, c'est toujours un
honneur et un plaisir d'être ici, à l'Assemblée nationale, pour discuter des
projets de loi qui sont présentés pour faire avancer le Québec et notre nation.
Et nous sommes ici entrain d'assister à l'écriture d'une page d'histoire, mais
qui n'est pas sortie de nulle part. Le Québec existe en tant qu'État, c'est un fait,
depuis des siècles et à ce titre, autant depuis la Confédération, il est un
État fédéré, qu'il est un État avec ses propres institutions, ses propres lois,
mais également aussi son propre modèle social distinct. Nous sommes à
l'intérieur d'une fédération canadienne, pour l'instant, un État fédéré
francophone civiliste, avec des modèles d'intégration, d'organisation sociale
et d'équilibrage entre l'individuel et le collectif, qui sont les nôtres, qui
ont toujours été les nôtres et que nous voulons voir perdurer dans l'avenir, en
distinction de la pensée dominante et standardisée du reste de la fédération
canadienne. Ne le perdons pas de vue : la raison d'être d'une fédération
comme entité politique est de permettre à chacune des entités fédérées qui la composent
de demeurer elles-mêmes sans être harmonisée ou dissoute. Le projet de
Constitution, le projet de loi n° 1, en ce sens, est une entreprise
ambitieuse, légitime et nécessaire qui va permettre de formaliser la réalité
qui est que le Québec, en tant qu'État, soit doté jusqu'ici d'un ensemble de
lois, de normes, de règles, de coutumes et d'usages à valeur quasi
constitutionnelle qui n'attendaient que d'être formellement reconnus pour
pouvoir s'élever dans le grand ordre constitutionnel de cette fédération qui
s'appelle Canada, aux côtés et à égalité normative et hiérarchique, avec des
grands documents comme la Charte canadienne des droits et libertés, dont on se
passera de commentaires sur sa légitimité d'adoption à elle. C'est un projet de
loi qui permettra au Québec d'affirmer sa différence d'une manière dirigée vers
l'interprétation et l'application de nos lois, de notre droit devant les
tribunaux et devant la manière de penser, d'agir et d'appliquer le droit et la
justice au Québec dans une série d'objets névralgiques. On l'a dit, à quelques
égards, le processus de consultation aurait-il pu être plus étendu? Oui, ça
aurait été souhaitable. Mais est-ce juridiquement nécessaire? Non. Nous sommes
ici face à un projet constitutionnel qui est légitime, valide et légal, tant
dans une perspective du droit constitutionnel canadien, dans lequel le Québec
s'inscrit pour l'instant, que dans une perspective de droit international des
peuples à l'autodétermination qui permet la constitutionnalisation par voie législative,
comme l'écrasante majorité des constitutions de l'histoire l'ont, par ailleurs,
été. Droits Collectifs Québec salue le projet de loi constitutionnelle et
reconnaît la capacité constitutionnelle du Québec d'adopter sa propre
Constitution...
M. Côté
(François) :...sa propre constitution,
qu'il s'agisse de la Constitution de l'État fédéré du Québec au sein de la
fédération canadienne ou dans tout autre statut politique ultérieur qu'il
pourrait connaître.
Ceci dit, nous l'avons mentionné, c'est un
projet qui est également perfectible et pour lequel nous avons formulé une
série de recommandations, qui sont dans notre mémoire, notamment pour clarifier
certains aspects de la Constitution, rajouter certaines dispositions pour
affirmer davantage la tradition civiliste, ajouter une formule d'amendement à
la Constitution, préciser certains éléments de la souveraineté parlementaire et
du conseil constitutionnel et, finalement, protéger l'ensemble du projet de loi
un par un recours à la souveraineté parlementaire à l'endroit de la Charte
canadienne des droits et libertés. Là-dessus, le temps étant un maître cruel,
je vais m'arrêter, et il nous fera plaisir de répondre aux questions des
députés.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Vous êtes vraiment sur
la coche. C'est très, très apprécié. La présidence vous remercie. Donc, je me
tourne vers le gouvernement pour une période d'échange de 10 minutes
30 secondes. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Merci, M.
le Président. M. Fournier, Me Côté, bonjour, merci de participer aux travaux de
la commission parlementaire. Écoutez, je vous remercie pour votre mémoire.
D'entrée de jeu, là, vous avez entendu les différentes critiques par rapport au
projet de loi, notamment sur la question de l'érosion de l'État de droit, de
l'atteinte aux droits individuels. C'est quoi, votre lecture par rapport à ça?
Est-ce que la Constitution porte atteinte aux contre-pouvoirs de l'État porte
atteinte aux droits individuels des Québécois et des Québécois? C'est quoi,
votre lecture de ça?
M. Côté
(François) :Ma réponse tient en un seul
mot : Non. La Constitution ne porte pas atteinte aux contre-pouvoirs. Le
projet constitutionnel ne porte pas atteinte à la capacité de la société civile
de pouvoir avoir son mot à dire dans les actes législatifs du gouvernement. On
parle ici d'un rééquilibrage. On parle ici du fait de rappeler que nous sommes
dans un état de tradition civiliste, que nous sommes un État avec ses propres
particularités et qui n'aurait pas à se mobiliser contre lui-même. Je reprends
votre intervention à l'ouverture de la séance. L'article cinq, où il est
question par exemple de la capacité de contester certaines lois d'importance
nationale, serait uniquement limité à éviter une réaction auto-immune de l'État
envers lui-même. Donc, il n'est pas question ici de limiter les
contre-pouvoirs. Il est au contraire question ici, notamment au travers de
l'affirmation de la tradition civiliste du droit québécois, y compris en
matière de libertés fondamentales, on a lu les commentaires de la Commission
des droits de la personne là-dessus... il est ici question d'affirmer qu'autant
le modèle anglo-canadien est tout à fait légitime en common law, mais autant le
Québec est distinct et différent. On parle ici de l'affirmation d'un
rééquilibrage qui correspond à notre vivre-ensemble juridique depuis des
siècles et qui a été mise à mal par le constitutionnalisme canadien imposé
depuis 1982 avec le modèle de la Charte canadienne des droits et libertés. En
rehaussant le constitutionnalisme québécois au rang de constitution formelle,
on affirme le caractère distinct, tout à fait légitime et différent, de notre
modèle où on n'est pas à la recherche d'un tout aux droits individuels, mais
bien une recherche d'harmonie et de coexistence entre les droits individuels et
les droits collectifs parce que les droits individuels doivent s'inscrire à
l'intérieur d'une société.
• (11 h 50) •
Le Président (M.
Bachand) :M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Pour les
gens qui nous écoutent, là, sur le dernier bout de votre intervention, là,
quelle est l'importance des droits collectifs pour la nation québécoise par
rapport aux droits individuels puis qu'est-ce qu'un droit collectif?
M. Côté
(François) :Le droit... Un droit
collectif, c'est un droit qui est de facture universaliste et qui pose
l'environnement juridique de base dans lequel tous les membres de la nation,
tous les membres de l'État ont le droit d'évoluer. Ce n'est pas un droit qu'on
mobilise comme une exception pour aller contester quelque chose devant les
tribunaux. C'est quelque chose qui met la table et qui pose la toile dès le
départ, comme par exemple le droit collectif de tous les citoyens au Québec de
pouvoir vivre et travailler en français langue commune.
Il y a un équilibre à effectuer entre les
droits individuels et les droits collectifs et cet équilibre que le projet de
loi numéro un réussit brillamment à atteindre, c'est de rappeler que les droits
individuels n'existent pas dans le vide. Un droit individuel, ce n'est pas la
capacité pour une personne... à tout le moins dans notre conception civiliste,
ce n'est pas la capacité pour une personne de s'extraire de sa société pour
demander que l'individu passe devant tout le collectif. On est en train de dire
que, dans une société civiliste comme la nôtre, les droits individuels
s'inscrivent dans un cadre collectif. Parce qu'à quoi servent les droits
individuels? À permettre à tous et chacun de pouvoir évoluer comme tous les
autres membres de la société, dans une...
M. Côté (François) :...égalité de droit auprès de tous les citoyens. Mais elle
n'existe pas dans le vide. On parle d'une société qui s'appelle le Québec, qui
vient avec ses caractéristiques, qui ont un intérêt tout à fait légitime à être
perduré. Et dans cette perspective, c'est véritablement une harmonie entre les
droits individuels et les droits collectifs auxquels on assiste.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que les droits collectifs qu'on vient insérer dans la Loi constitutionnelle de
2025 concourent à la protection des droits individuels? Et je donne un exemple.
La laïcité de l'État, le droit à un État laïc, moi, je considère ça comme un
droit collectif. Mais je le perçois également comme un droit individuel, que le
citoyen a le droit, lui, d'invoquer à avoir un État laïc, avoir des services
publics laïcs. Est-ce que... Est-ce que je suis sur la bonne voie si
j'interprète ça de cette façon-là, que les droits collectifs aident au
vivre-ensemble, et notamment sur la question de faire... de le... de le ramener
vers un droit individuel aussi?
M. Côté
(François) :Absolument. Les droits
collectifs, tous universalistes soient-ils, ont un volet d'application
individuel. L'individu qui bénéficie d'un droit collectif peut en exiger le
respect et au travers de cette voie d'application, le droit collectif a une
facette individuelle, mais les deux concourent ensemble. Et vous avez raison
dans votre conception que les droits collectifs, la laïcité, la langue
française, la tradition civiliste, notre modèle d'intégration nationale, c'est
quelque chose qui profite non seulement à l'ensemble, mais à tous les individus
qui le composent, également dans un rapport d'harmonie et de complémentarité.
M. Jolin-Barrette : Selon
votre analyse, là, en quoi la Loi conditionnelle de 2025 va nous permettre
d'avoir des outils supplémentaires à l'intérieur de la fédération canadienne?
Qu'est-ce que ça va changer selon vous, le fait que le Québec se donne le
constitution d'une loi sur l'autonomie constitutionnelle, d'un Conseil
constitutionnel, qu'il y ait des modifications à la Loi constitutionnelle de
1867?
M. Côté
(François) :Alors, pour répondre rapidement,
la Loi constitutionnelle, le projet de loi 1, a une limite. Il ne pourra pas
changer la répartition des pouvoirs et le partage des compétences. Il ne pourra
pas aller chercher des pouvoirs à Ottawa, mais par contre il va servir, comme
vous avez utilisé de manière très appropriée la métaphore de bouclier, pour
rappeler, particulièrement auprès des tribunaux, des interprètes et des
décideurs, que le Québec opère avec une modélisation différente. Avec une
théorie civiliste du droit dans ses sources, ses structures et ses méthodes,
qui fonctionne différemment, qui est pensé différemment que celle du reste du
Canada. Et le fait de formaliser la Constitution du Québec, ne le perdons pas
de vue. La Constitution canadienne, c'est un ensemble duquel fait partie la Loi
constitutionnelle de 1982. Et à partir du moment donné où on donne à la
Constitution du Québec un caractère de reconnaissance formelle, qu'on en fait
une constitution formelle de l'État fédéré du Québec, on parle de deux ordres
constitutionnels qui arrivent largement sur une égalité hiérarchique. Et en
vertu du principe de non-contradiction, autant la Constitution du Québec ne
pourra pas contredire la Constitution canadienne, autant le reste de la
Constitution canadienne sera dans l'obligation intellectuelle d'en tenir compte
et de s'appliquer et de s'interpréter de manière cohérente avec la Constitution
du Québec. Mon confrère veut prendre la parole, je vais lui céder.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : J'aimerais
dire, dans une certaine mesure, que le projet de loi sur la Constitution du
Québec va participer à sortir de ce que j'appelle l'immobilisme constitutionnel
qui a caractérisé la société canadienne et québécoise depuis 1982. Pierre
Elliott Trudeau l'a dit à plusieurs reprises, il voulait faire une constitution
qui allait durer 1000 ans. Le rapport Proulx-Rousseau l'a bien dit,
c'est-à-dire on est dans la technique des petits pas pour réhabiliter cet
immobilisme constitutionnel-là. Je pense que là on fait un pas qui est plus
important avec le dépôt du projet de loi 25. Projet de loi 1, pardonnez-moi.
M. Jolin-Barrette : Oui,
projet de loi 1.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Je
m'excuse. Constitution 2025, projet de loi 1. Voilà.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
c'est ça. OK. Je veux vous demander, là, comment vous définissez le pouvoir
constituant des assemblées législatives au Canada, le fait que l'Assemblée, là,
se prononce sur une constitution puis on veuille adopter le texte? Est-ce que
c'est possible de faire ça en droit constitutionnel canadien québécois?
M. Côté
(François) :Je vais vous répondre tant en
matière de droit constitutionnel canadien qu'en matière de droit international,
par un mot. C'est valide. Absolument. L'Assemblée nationale dispose du pouvoir
et de la légitimité nécessaire pour adopter une Constitution. Ensuite, des
critiques ont été énoncées quant au processus. Est-ce que des consultations
plus amples auraient été...
M. Côté (François) :
...ma foi, oui, des consultations plus amples sont toujours souhaitables, on
cherche toujours le consensus. Mais nous, nous affirmons que l'Assemblée
nationale a tout à fait le pouvoir et la légitimité nécessaires, c'est reconnu
dans le Pacte international sur les droits civils et politiques, c'est reconnu
par la Charte des Nations unies, c'est reconnu par autant de précédents, même
en matière constitutionnelle canadienne. Le Québec a le pouvoir
unilatéralement, par une loi de l'Assemblée nationale, de se doter de sa propre
constitution. Il n'y a aucun problème de validité ou de légitimité juridique
là-dessus.
M. Jolin-Barrette : Dans
l'éventualité où les Québécois décidaient de voter en faveur de la souveraineté
et que le Québec était doté de cette constitution-là, est-ce que cette
constitution-là demeurerait un outil pour la nation québécoise dans
l'éventualité où le Québec décidait de devenir un État souverain? Est-ce que ce
qu'on fait aujourd'hui peut servir à l'intérieur du Canada et peut servir
aussi...
Le Président (M.
Bachand) : En 30 secondes...
M. Jolin-Barrette : ...si
jamais le Québec décide...
Le Président (M.
Bachand) : ...en 30 secondes.
M. Côté (François) :
En 30 secondes, oui, dans la mesure où le Québec se dotait de sa
constitution aujourd'hui, rien ne l'empêcherait que cette constitution serve de
constitution transitoire vers un Québec souverain. C'est un projet qui, peu
importe le statut politique du Québec, représente un pas en avant et qui ne le
bloque pas d'aucune manière. Et, rappelons-le, cette Constitution s'effectuera
à coût politique et constitutionnel nul face à Ottawa, sans aucun regret.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Merci beaucoup. Je me tourne maintenant vers
l'opposition officielle. M. le député de l'Acadie, pour
6 min 37 s, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Me Côté, M. Fournier, bonjour. Merci d'être là. Merci pour votre
mémoire. J'attire votre votre attention à la page 5 de votre mémoire, à la
toute fin, vous parlez, au paragraphe 1.3, d'un projet ambitieux et perfectible,
et vous estimez, Droits collectifs Québec, qu'«il aurait été éminemment
souhaitable qu'un plus important processus de consultation de la société civile
ait lieu». Si votre souhait était exaucé, quels mécanismes mettriez-vous en
place pour qu'on ait une véritable consultation avec la société civile?
M. Côté (François) :
Si vous me permettez, on en a déjà une. Ceci est une consultation avec la
société civile. On n'est pas en train de parler de nature, on est simplement en
train de parler de degré. Alors, peut-être que, et là vous me posez la
question à brûle-pourpoint, peut-être que des commissions itinérantes auraient
pu être intéressantes, peut-être que des comités transpartisans auraient pu
être intéressants. Sauf qu'il y en a, une consultation ici, et maintenant, et à
tout événement, encore une fois, si c'est souhaitable, ce n'est pas une
condition sine qua non nécessaire pour que le projet de loi demeure valide.
• (12 heures) •
Donc, oui, effectivement, une
consultation... des consultations plus élargies, et on appelle à ce que, dans
l'avenir, quand on sera appelé à rouvrir la Constitution... parce que là, pour
l'instant, c'est un premier pas, cette constitution, ce n'est pas la fin d'une
histoire, c'est l'ouverture d'un chapitre. Il pourra y avoir des modifications,
on pourra traiter de d'autres objets, on pourra y rajouter des dispositions.
Et, qui sait, si jamais le Québec devient souverain, il va avoir tout un autre
aspect, toute la question des anciennes compétences fédérales. La Constitution
du Québec, elle est appelée à évoluer et, au travers d'une telle évolution, de
telles consultations, notamment auprès des Premières Nations, auprès des divers
groupes de la société civile, aura avantage à avoir lieu, ce sera souhaitable.
Mais est-ce que c'est nécessaire? Est-ce qu'on est face à un manquement qui
frappe d'invalidité le projet dans sa légitimité? Je ne le crois pas, non.
M. Fournier (Antonin-Xavier) :
Une constitution, si vous permettez, M. le député, une constitution est
proprement évolutive, hein, c'est sui generis, une constitution, elle se génère
d'elle-même en quelque sorte, on le sait, les théories constitutionnelles sont
claires à ce chapitre-là. Il n'y a pas de procédure de modification qui est
prévue. D'ailleurs, c'est une de nos recommandations, qu'il y ait une procédure
contraignante ou qu'il n'y en ait pas, la Constitution, elle est appelée à
évoluer par elle-même. Donc, si, par exemple, après les élections législatives
d'octobre ou de novembre de l'année prochaine, de nouvelles formations
politiques veulent mener de nouvelles consultations ou encore réformer la
Constitution, l'amender, ils pourront le faire, sans aucun problème, avec les
formules qui seront prévues au projet de loi du ministre.
M. Morin : Je vous remercie.
Parlons des Premières Nations, vous y avez fait référence. Il y a quelques
références, dans le projet, aux Premières Nations. On reconnaît qu'il existe,
au Québec, des nations. Il n'y a cependant aucune reconnaissance de, par exemple,
la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il y a
un des considérants qui reconnaît qu'ils peuvent développer leur langue, leur
culture. Il n'y a absolument rien qui parle d'un partenariat avec les Premières
Nations, d'une...
12 h (version non révisée)
M. Morin : ...construction de
leur développement économique, vous ne trouvez pas qu'il y a quelque chose de
majeur qui manque dans ce document-là?
M. Côté (François) :Ce sera quelque chose qu'une législature ultérieure
pourrait tout à fait amender, le projet demeure perfectible. Mais est-ce qu'on
parle d'un manque qui viendrait affecter la validité ou la légitimité du
projet? La réponse ici est non, dans le sens que les Premières Nations, tout
comme beaucoup d'autres groupes de la société civile, ont un intérêt inhérent à
participer, bien sûr, au projet constitutionnel. Mais si on parle de — et
là j'anticipe une question sur le devoir de consultation des Premières Nations — on
ne doit pas perdre de vue le fait que le devoir de consultation et le devoir
constitutionnel de consultation des Premières Nations, il s'applique uniquement
lorsqu'il est question de porter atteinte aux droits collectifs ancestraux
issus des traités des Premières Nations qui leur sont constitutionnellement
reconnus.
Or, pour avoir lu le projet de loi n° 1
d'une couverture à l'autre, outre, j'aimerais vous demander, à vous, M. le
député, ou à quiconque d'autre, où est le moindre recul aux droits des
Premières Nations à l'intérieur de ce projet de loi. Alors, bien sûr, on pourrait
toujours avoir l'occasion de faire des avancées, bien sûr, et le projet n'est
pas fixé dans la pierre. On va pouvoir l'amender par la suite. C'est une étape
qui s'en va vers le progrès et vers l'avenir. Mais à ce stade-ci, il n'y a tout
simplement aucune atteinte aux droits culturels, aux droits collectifs, aux
droits linguistiques, aux droits d'autogestion et d'autodétermination des
Premières Nations. Rien ne leur est enlevé.
M. Morin : Vous ne pensez pas
qu'il y avait là une belle opportunité de co-construire avec les Premiers Peuples
un document qui aurait tenu compte de la Déclaration des Nations unies sur les
droits des peuples autochtones? Je vous souligne, vous êtes au courant, il y a
une plainte qui a été formulée aux Nations unies sur ce sujet-là. Je... je vous
vois réagir. Mais n'était-ce pas là une opportunité de travailler avec eux?
Parce qu'on veut un document qui rassemble la population, pas qui la divise. Je
comprends votre réponse de tout à l'heure sur un point purement formel, mais...
mais on parle de plus que ça ici. Alors, il y avait une opportunité, vous ne pensez
pas qu'on aurait pu la prendre?
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Oui,
je pense que ça aurait été... je pense que ça aurait été intéressant de l'apprendre.
On est en commission parlementaire, on est en consultation, que je sache, c'est
la période législative où la ministre peut apporter des changements. Donc, si
le ministre veut apporter des changements suite aux suggestions de l'opposition
sur la question des autochtones, qui est une question par ailleurs primordiale
et très importante pour la nation québécoise et pour les nations autochtones, bien,
je vous invite à faire les représentations nécessaires pour que le ministre
puisse faire les modifications législatives nécessaires.
Une voix : ...
M. Morin : Je vous remercie, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne
pour 2 min 12 s, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation, votre mémoire. Écoutez, advenant le
rejet du projet de constitution par l'ensemble des partis d'opposition et par
une grande majorité de la société civile, comment est-ce qu'une constitution imposée
par le gouvernement peut, selon vous, être considérée comme légitime?
M. Côté
(François) :Il y a cette chose qui s'appelle
la démocratie qui, dans notre système actuel, a porté au pouvoir un
gouvernement démocratiquement élu par le peuple. Après ça, vous êtes en train
de me parler d'un rejet de la société civile. Je ne partage pas votre lecture, M.
le député. Au contraire, j'ai l'impression qu'on est face à un projet qui est
beaucoup plus rassembleur qu'il n'est divisif. Même si certaines voix divisées
occupent beaucoup d'espace dans l'attention publique, on est face à un projet
qui rassemble, qui se... qui est largement à droit constant, qui reconnaît une
réalité déjà existante, face auquel le gouvernement actuel a tout à fait la
légitimité de procéder à son adoption.
On souhaite absolument, dans l'intérêt
supérieur du Québec, que ce projet soit adopté par une majorité transpartisane.
Bien sûr. Et là-dessus, M. le député, j'en ferai appel à votre propre
conscience politique de peut-être mettre de côté les divisions partisanes pour
vous fédérer derrière un projet rassembleur. Mais, pour ce qui est de la
légitimité même, le projet serait tout à fait légitime s'il était adopté par
une majorité législative.
M. Cliche-Rivard : Merci de
votre réponse. Selon vous, est-ce que le gouvernement a obtenu directement le
mandat de déposer un tel projet de loi aux dernières élections par la
population?
M. Côté
(François) :Cette question en elle-même
pourrait être questionnée dans le sens que ça faisait partie de l'agenda du
gouvernement depuis plusieurs campagnes électorales même, de défendre l'identité
et l'autonomie du Québec. Et si on prend le temps de lire le projet de loi
n° 1, c'est exactement ce qu'il fait. On ne parle pas d'apporter des
transformations à l'ordre social ou au contrat social québécois. On parle...
M. Côté (François) :...d'affirmer et de rehausser avec force constitutionnelle
un modèle juridique, politique, social différent. Mais ce n'est pas
transformatif modificateur, c'est quelque chose qui reconnaît une réalité
préexistante que le gouvernement s'était déjà, d'une certaine manière, engagé à
protéger, à reconnaître et à valoriser. Donc, je ne suis pas surpris, et pour
cette raison supplémentaire, je salue le projet de loi n°1 et le gouvernement
pour en proposer l'adoption.
M. Cliche-Rivard : Merci.
M. Fournier (Antonin-Xavier) : M.
le député, si demain matin... si demain matin, un gouvernement décidait
d'arriver ici en Chambre et d'adopter ou de proposer un projet de loi sur la
réforme du mode de scrutin, je pense que, peu importe le gouvernement qui le
proposerait, il aurait la légitimité pour le faire. De mon point de vue et de
notre point de vue à nous, c'est la même chose.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Jean-Talon pour 1 min 41 sec, s'il
vous plaît.
M. Paradis : Bon, si je
comprends bien, en vous écoutant, puis votre introduction puis votre
conclusion, vous êtes dithyrambiques envers ce projet de loi, là, j'ai noté
plusieurs adjectifs : brillant, parfaitement légitime, etc. Mais vous
lancez la pierre aux partis d'opposition parce que, dites-vous, ils ont
politisé le projet... et alors vous parlez de voix divisées et de divisions
partisanes. Est-ce que je comprends bien que pour vous, actuellement, les
oppositions font de la politique, alors qu'en parangons de pureté et de
virginité, le ministre a proposé, sans aucun intérêt politique, cette
constitution dans la dernière année de son mandat? C'est ça?
M. Fournier (Antonin-Xavier) : Vous
avez tout à fait raison, M. le député de Jean-Talon, c'est bien ça? Je ne me
trompe pas? Non? C'est... oui, c'est le député de Jean-Talon, c'est ça? Oui,
bon, vous avez tout à fait raison, M. Jean... M. le député de Jean-Talon. Il
n'y a pas simplement les partis d'opposition qui font de la politique, je pense
qu'on peut penser légitimement que le gouvernement aussi en fait. De la
politique partisane, j'entends.
M. Paradis : Donc, est-ce que
vous êtes d'accord qu'il y a un débat qui est aussi de nature politique à avoir
sur la démarche qui a mené à ce projet de loi, mais aussi sur son contenu?
M. Côté
(François) :Si vous me... si vous me
permettez très rapidement, le débat est sain et nécessaire et on est en train
d'y assister en ce moment, et toutes les contributions sont tout à fait
intéressantes.
M. Paradis : Mais c'est quoi
voix divisées, d'abord? Vous avez dit des voix divisées, puis de la division
partisane? À quoi faites-vous référence?
M. Côté
(François) :C'est que c'est un projet de
loi qui a avantage à être amélioré. On peut discuter sur le détail. On a formulé
12 propositions d'amendements, même, mais de chercher à battre le projet de loi
lui-même, c'est quelque chose... ce serait une terrible erreur. Je pense que
les partis... les parlementaires ont avantage, ici, à dépasser les lignes
partisanes pour s'entendre vers l'idée d'un projet qui va rejoindre autant
d'assentiment que possible pour aller de l'avant. Je pense que c'est un projet
qui est plus important que les diverses opinions et affiliations partisanes, et
tous les opinions sont valides dans la mesure où elles devraient converger vers
quelque chose pour l'intérêt... Quénec.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Maître Côté, M.
Fournier, merci beaucoup d'avoir été avec nous. Je suspends les travaux
rapidement pour... accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 10)
(Reprise à 12 h 11)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît, la commission reprend
ses travaux. Avant d'aller plus loin, j'aurais besoin d'avoir votre
consentement, parce qu'on a commencé un petit peu en retard, d'ajouter 10
minutes au temps de cette séance. Donc, est-ce qu'il y a consentement?
Des voix : Consentement.
Le Président (M.
Bachand) : Consentement, donc, pour les 10 minutes. Alors, il
me fait plaisir d'accueillir le Commissaire à la... s'il vous plaît, s'il vous
plaît. Alors, il me fait plaisir d'accueillir le Commissaire à la langue
française, M. Dubreuil, merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, c'est très
apprécié. Je vous invite à débuter. Comme vous le savez, on est très serrés
dans le temps, 8 min de présentation, après ça, une cette période d'échange.
Alors M. Dubreuil, merci. Peut-être... présentez les gens qui vous accompagnent
aussi...
M. Dubreuil (Benoît) :
...bonjour, M. le Président, mesdames, messieurs les membres de la commission.
Alors, merci de nous permettre de présenter la position du Commissaire à la
langue française sur le projet de loi n° 1. Je suis accompagné aujourd'hui
d'Éric Poirier, commissaire adjoint, Maxime Simoneau, avocat enquêteur, et
Amélie Descheneau-Guay, conseillère en exemplarité et conformité.
Alors, comme vous le savez, le mandat du
Commissaire à la langue française est notamment de surveiller le respect des
droits fondamentaux qui sont prévus à la Charte de la langue française et aussi
de suivre l'évolution de la situation linguistique. Donc, à ce titre, nous
prenons connaissance, en fait, de tous les projets de loi qui sont déposés à l'Assemblée
et nous évaluons leurs répercussions potentielles sur la situation
linguistique.
Donc, de prime abord, nous pensons qu'une
constitution québécoise a le potentiel d'offrir une protection accrue pour le
français. Nous constatons d'ailleurs, là, que le texte qui a été proposé
accorde au français une place qui est importante. Néanmoins, nous pensons que
cette proposition peut être améliorée de façon à créer une dynamique
institutionnelle susceptible de mieux protéger à la fois la Charte de la langue
française et le statut du français. Alors, je vais laisser mon commissaire
adjoint, Éric Poirier, présenter le détail de nos propositions.
M. Poirier (Éric) : Merci, M.
le commissaire. Dans un premier temps, nous croyons que la Constitution du
Québec devrait, autant que possible, ériger une structure juridique aussi forte
pour le projet québécois de faire du français la langue officielle et commune
que ce que la Constitution du Canada propose à l'égard du projet canadien des
deux langues officielles.
Nous recommandons d'abord, à l'article 16
du projet de Constitution, d'inscrire les dispositions prépondérantes de la
Charte de la langue française aux côtés de celles de la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec. Cela permettrait de garantir la
complémentarité entre les deux chartes, intention qui était d'ailleurs présente
chez le législateur québécois dès la conceptualisation de la Charte de la
langue française en 1977. Cette façon de faire correspondrait à celle choisie
par le constituant canadien, qui, dans la Constitution du Canada a lui-même
garanti la complémentarité des droits individuels et des droits linguistiques
en les inscrivant dans le même document.
Par la même occasion, lorsque la
complémentarité entre les deux chartes sera assurée dans le projet de
Constitution du Québec, la disposition de souveraineté parlementaire de la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec pourra être retirée de
la Charte de la langue française. Nous recommandons ensuite l'ajout d'un nouveau
titre intitulé De l'aménagement linguistique dans le projet de
Constitution en vue d'exposer clairement le projet d'aménagement linguistique
du Québec, qui comprend d'abord la Charte de la langue française. Cette
approche serait équivalente à celle suivie par le Canada, qui a explicité le
projet linguistique canadien en l'exposant dans la Loi constitutionnelle de
1982, aux articles 16 à 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Nous proposons enfin... enfin, que la
disposition de souveraineté parlementaire de la Charte canadienne des droits et
libertés soit ajoutée, non seulement dans le projet de Constitution mais
également dans le projet de loi sur l'autonomie constitutionnelle, dans le
projet de loi sur le Conseil constitutionnel et dans la partie intitulée Autres
modifications du projet de loi. L'utilisation de cette disposition
permettrait au législateur de signaler où sont les choix démocratiques du
Québec en matière linguistique. Évidemment, la proposition pourrait être
abandonnée si la Loi constitutionnelle de 1982 était modifiée pour pleinement
tenir compte du projet d'aménagement linguistique du Québec, ce qui n'est
toujours pas le cas... toujours le cas aujourd'hui.
Dans un deuxième temps, nous croyons que
le projet de loi devrait définir l'horizon constitutionnel visé. Pour ce faire,
le projet de loi sur l'autonomie constitutionnelle devrait indiquer, dans des
dispositions transitoires, que l'équivalent de motion de modification
constitutionnelle et de motion de demande du Québec aux partis fédéraux en
matière constitutionnelle doit être étudié aux premières séances visées par ses
articles 6 et 7. Les parlementaires devraient être amenés à travailler sur les
questions qui touchent le plus directement la langue, notamment les compétences
en matière de culture, de télécommunications et d'immigration. Le projet de loi
devrait engager l'État pour que les consensus québécois en matière d'autonomie
constitutionnelle, particulièrement dans les domaines essentiels à la vitalité
et à la pérennité du français et de la culture commune, soient discutés et
précisés.
Dans cette logique, le projet de loi sur
l'autonomie constitutionnelle devrait indiquer, toujours dans des dispositions
transitoires, que l'équivalent d'une motion portant sur la reconduction de la
disposition de souveraineté parlementaire de la Charte canadienne des droits et
libertés, prévue dans la Charte de la langue française, soit débattue à
l'Assemblée nationale à l'hiver 2027.
En ce qui concerne le projet de loi sur le
Conseil... constitutionnel, pardon, qui propose d'instituer un interprète
constitutionnel québécois, nous recommandons d'en élargir le mandat et
l'autonomie. La Cour suprême du Canada, comme vous le savez, est appelée
fréquemment à se prononcer sur la Charte de la langue française, et ses
décisions ont des impacts plus largement sur la politique linguistique du
Québec. Les tribunaux sont incontournables pour statuer sur des questions
linguistiques, et leurs décisions peuvent avoir des effets importants, comme nous
le savons, sur l'autonomie constitutionnelle du Québec, avec des...
M. Poirier (Éric) : ...les
effets potentiels sur la situation linguistique. Dans le contexte du
fédéralisme judiciaire canadien, un interprète constitutionnel québécois
pourrait contribuer à enrichir la discussion.
Enfin, parmi les autres modifications
proposées par le projet de loi, nous recommandons d'ajouter dans la loi
d'interprétation, donc une loi qui... dont on propose déjà une modification,
une nouvelle disposition qui préciserait que le droit à l'instruction dans la
langue de la minorité applicable au Québec et dans le reste du Canada doit
trouver une interprétation asymétrique. En effet, le droit à l'instruction dans
la langue de la minorité applicable au Québec doit se fonder sur des principes
distincts de ceux applicables dans le reste du Canada. Au Québec, ces principes
doivent concorder évidemment avec l'objectif de faire du français la langue
officielle et commune. M. le commissaire, à vous.
M. Dubreuil (Benoît) : Merci.
En conclusion, nous soulignons le rôle, en fait, que pourrait jouer le
Commissaire à la langue française pour accompagner les parlementaires dans les
discussions constitutionnelles. Donc, nous proposons ainsi d'ajouter une
disposition indiquant que le commissaire doit, sur demande du gouvernement ou
de l'Assemblée, produire dans les six mois un avis sur les effets sur la
situation linguistique de l'exercice par les parlements du Québec ou du Canada
de leurs compétences constitutionnelles respectives. Donc, comme nous l'avons
montré dans nos études depuis une vingtaine d'années, la place du français
s'est fragilisée dans plusieurs sous-secteurs de l'économie et de la culture,
ce qui est en partie lié à la manière dont le gouvernement du Canada exerce ses
responsabilités constitutionnelles. L'adoption d'une Constitution québécoise ne
viendrait pas en soi changer cette situation. Toutefois, elle pourrait créer
une dynamique susceptible de mieux protéger la charte et le français.
Alors, je vous remercie, puis on est
disponible pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. M. Dubreuil, Me Poirier, Mme Descheneau-Guay,
Me Simoneau, merci d'être présents et merci aux Commissaires en langue
française de déposer un mémoire en commission parlementaire, mémoire fort
complet.
J'aurais envie de demander, mais avec
l'adoption de la loi de 1982, qu'est-ce que ça a changé sur le régime
linguistique au Québec? Parce que la... la Loi conditionnelle arrive en 1982,
mais nous, au Québec, on s'était dotés de la loi 101 en 1977. Donc, cette
loi conditionnelle là, qui a été adoptée par le fédéral sans le Québec, qu'est-ce
que ça a eu comme conséquences sur le régime linguistique au Québec?
M. Dubreuil (Benoît) : Je
vais laisser, peut-être, le commissaire adjoint répondre, qui est un grand
expert, évidemment, de ces questions.
M. Poirier (Éric) : D'abord,
on pourrait d'abord parler de l'article 23 de la Charte canadienne des
droits et libertés. Donc, le constituant est venu... donc, le constituant
canadien est venu mettre dans la Constitution canadienne des dispositions en
matière de langue d'enseignement. Donc, avant 1982, toutes les questions, sauf
les questions confessionnelles en matière d'éducation, d'enseignement, de
langue, d'enseignement étaient débattues ici à l'Assemblée nationale. Donc, les
limites, l'aménagement, etc., c'était discuté ici par les parlementaires. Après
1982, une partie des questions ont été retirées des mains des parlementaires de
l'Assemblée nationale. Ils ont été remis dans les mains des tribunaux québécois
et canadiens et a fortiori à la Cour suprême du Canada. Donc, il y a eu,
évidemment, là, incontestablement, sur la question linguistique, une perte de
souveraineté de l'Assemblée nationale en matière d'éducation, en matière de
langue. Donc, ça, c'est pour la question la plus évidente à l'article 23
de la Charte canadienne.
• (12 h 20) •
Mais également avec la superposition de la
Charte canadienne des droits et libertés, donc toutes les autres questions,
accessoirement linguistiques, rattachées aux droits et libertés de la personne,
liberté d'expression, droit à l'égalité qui ont des dimensions linguistiques.
Ce qui est arrivé avec cette charte, c'est qu'il y a... Avant, ces questions
étaient débattues, encore une fois, ici, avec une Charte québécoise des droits
et libertés qui peut être modifiée par les... les parlementaires québécois avec
l'évolution de la société. Donc, il y a beaucoup de questions qui ont été
retirées, encore une fois, des mains des parlementaires québécois qui ont été
remis dans la Constitution canadienne et qui sont maintenant tranchées par les
tribunaux et a fortiori par la Cour suprême du Canada.
M. Jolin-Barrette : Donc,
dites-moi si j'ai bien compris, ça veut dire, au Québec, l'Assemblée nationale
en 1977 s'était dotée d'un régime linguistique puis le constituant canadien,
sans l'accord du Québec, est venu dire : Bien, écoutez, le régime
linguistique québécois, c'est nous qui allons venir le définir. Puis on a
adopté des dispositions législatives pour venir contrecarrer ce qui avait été
développé par le Québec. Alors, ma sous-question à ça, c'est : Trouvez-vous
qu'on... dans la Convention québécoise qu'on dépose puis dans la loi sur
l'autonomie on a les outils juridiques pour mieux protéger le français ou pour
donner au français un statut, une protection plus grande au statut du français
au Québec? Et sinon, qu'est-ce qui manque dans la Constitution?
M. Dubreuil (Benoît) : Il y
a... il y a des outils. Par contre, les propositions qu'on fait... que l'on
fait, particulièrement les premières, là, je crois, un, deux, trois, quatre,
visent vraiment à renforcer, justement en créant dans...
M. Dubreuil (Benoît) : ...la
Constitution du Québec une structure qui est équivalente à celle que l'on
trouve dans la Constitution du Canada, pour vraiment que tout ce qui concerne
le projet linguistique du Québec, l'aménagement linguistique, soit vraiment à
la même hauteur que, notamment, le régime de protection des droits et libertés
comme c'est le cas évidemment du côté de la Charte canadienne, où on ne peut
pas invalider des dispositions concernant le bilinguisme canadien en invoquant,
par exemple, des clauses de droits et libertés. Je ne sais pas si Éric voulait
compléter.
M. Poirier (Éric) : Exact,
donc, dans la proposition, si je peux parler en termes botaniques, disons, il y
a plusieurs graines qui sont déjà plantées qui... et on voit clairement qu'il y
a un souci de protection du français.
Nous, nos recommandations, c'est de
prendre le projet tel qu'il est, puis de l'amener juste un petit peu plus loin,
c'est-à-dire autant que possible, donc avec un nouveau titre de l'aménagement
linguistique dans la Constitution du Québec qui serait un peu une réponse aux
articles 16 à 23 de la Charte canadienne. Donc, on viendrait comme le
constituant canadien qui est venu mettre dans son document le plus important
son projet d'aménagement linguistique. Nous nous proposons de reprendre les
articles qui sont déjà là, d'en ajouter quelques-uns, puis de les mettre dans
une section en soi à part autoportante, pour répondre au projet linguistique
canadien pour autant que possible, parce qu'évidemment, ce n'est pas possible,
là, étant donné le régime canadien et l'architecture constitutionnelle qu'on a
devant nous, d'y arriver tout à fait, mais autant que possible, avec la
manœuvre... la marge de manœuvre dont dispose le Parlement québécois d'essayer
de répondre le plus possible pour arriver le plus possible, le plus près
possible d'un l'équivalence et ensuite de ça, d'avoir le relais.
Donc, comme la Constitution du Canada
place le projet d'aménagement linguistique, et ensuite de ça indique que le
relais se retrouve dans la loi sur les langues officielles. Donc le projet
linguistique est dans la charte canadienne et on retrouve son relais dans la
loi sur la langue officielle. Nous nous proposons, avec un titre de
l'aménagement linguistique, d'y mettre le projet linguistique québécois et de
mettre le relais avec la Charte de la langue française en mettant sur un même
pied les dispositions prépondérantes de la Charte de la langue française et de
la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.
M. Jolin-Barrette : OK.
Pourquoi vous nous proposez d'utiliser la disposition de souveraineté
parlementaire?
M. Dubreuil (Benoît) : C'est-à-dire
que la... celle du Québec, en fait, par rapport à la Charte québécoise, si les
changements que l'on propose étaient apportés, ne serait plus nécessaires. Par
contre, évidemment, du côté de la Charte canadienne, l'enjeu étant évidemment
que le statut du français au Québec, le rôle particulier du gouvernement du
Québec à l'égard de la protection du français, c'est une reconnaissance qui n'a
jamais eu lieu dans la Constitution canadienne, malgré, évidemment, les
décennies de débats sur la question. Donc, pour avoir la protection, maintenir
la protection de la Charte de la langue française et du statut du français, ça
nous semble pertinent de maintenir cette disposition. Maître Poirier?
M. Poirier (Éric) : Exact.
Exactement ça. Donc, avec nos propositions, on peut retirer la disposition de
souveraineté parlementaire de la Charte québécoise des droits et libertés, qui
se retrouve dans la Charte de langue française parce qu'on va mettre la Charte
de la langue française et la Charte des droits et libertés de la personne de
manière complémentaire dans la Constitution du Québec.
Mais en échange, étant donné que les choix
démocratiques du Québec en matière linguistique se retrouvent dans la Charte
québécoise des droits et libertés, bien on indique d'ajouter la disposition de
souveraineté parlementaire de la Charte canadienne, ce qui d'abord, permet
d'indiquer que tout le débat sur la liberté d'expression, le droit à l'égalité,
qui ont une connotation aussi linguistique, le débat se fera sur la Charte
québécoise des droits et non pas sur la Charte canadienne. Et par la bande,
d'envoyer le signal que les choix démocratiques du Québec sont dans la Charte
québécoise, parce que nous savons qu'un certain nombre de dispositions de la
Charte canadienne qui n'est pas... que le législateur québécois ne peut pas
déroger, mais on... nous envoyant... nous pourrions envoyer quand même le
signal.
Le Président (M.
Bachand) : Allez-y, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui. Je
veux vous entendre, là, sur les droits collectifs par rapport aux droits
individuels, par rapport, justement, au français, parce qu'il y a beaucoup de
critiques de la loi constitutionnelle de 2025 qu'on a déposée, qui
disent : Vous attaquez les droits individuels parce que vous consacrez les
droits collectifs. C'est quoi votre lecture par rapport à la protection de la langue
française, qui est un droit collectif par rapport à l'ensemble des droits
collectifs qu'on inclut par rapport aux droits individuels? Est-ce qu'on peut
se revendiquer... est-ce qu'on peut utiliser les droits collectifs à titre
individuel?
M. Dubreuil (Benoît) : Oh mon
Dieu, je vais y penser aussi, mais on est dans des questions de philosophie du
droit.
M. Poirier (Éric) : Nous,
notre position, ce qu'on essaie de dire, c'est que quand on regarde la
Constitution du Canada, nous avons mis des droits linguistiques, donc
collectifs, l'article 23 de la Charte canadienne, par exemple, à côté des
droits individuels : liberté d'expression, liberté de religion, etc. En
les mettant dans le même document, ça empêche le débat d'attaquer une
disposition avec une autre; ils sont dans le même document. Ils sont ensemble,
il faut les lire ensemble, il faut les interpréter...
M. Poirier (Éric) : ...interpréter
ensemble. Nous, ce qu'on dit, c'est qu'on devrait répondre à ça en faisant un
peu la même chose. En mettant les droits individuels de la Charte des droits et
libertés de la personne et les droits collectifs, par exemple de la Charte de
la langue française, dans le même document, pour que les documents se parlent
plutôt que de s'attaquer les uns les autres.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que la Loi constitutionnelle de 1982 a nui à la protection du français au
Québec?
M. Dubreuil (Benoît) : Oh mon
Dieu, c'est une vaste... c'est une vaste question. C'est sûr qu'elle n'a pas
reconnu... c'était la revendication évidemment traditionnelle du Québec qui, à
ma connaissance, est encore portée, là, à très, très largement d'avoir une
reconnaissance du caractère distinct du Québec, ce qui était évidemment lié à
sa culture et à sa langue, et au rôle particulier que jouait le gouvernement du
Québec dans un pays où il existe un rapport de force asymétrique défavorable à
l'une des deux langues officielles. Peut-être une autre... un autre enjeu
aussi, c'est évidemment, comme vous le savez, la Constitution de 1982 a rendu
quasiment impossible les modifications au texte constitutionnel canadien,
c'est-à-dire qu'on est en quelque sorte prisonniers aussi d'une répartition des
compétences qui date de 1867. Et il n'aura pas à échapper à votre attention que
c'est une répartition des compétences qui n'est pas tout à fait adaptée à la
réalité d'aujourd'hui, particulièrement quand on parle de langue et de culture.
Ce n'était pas la même réalité, évidemment en 1867. Donc, cette répartition des
compétences mériterait d'être complètement revue pour refléter, en fait, la
réalité de la société d'aujourd'hui, ce qui me semble très difficile.
Le Président (M. Bachand) :Rapidement.
M. Jolin-Barrette : Je vais
céder la parole à mon collègue, Mme la Présidente... M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Il reste 50 secondes, M. le
député de Saint-Jean.
M. Lemieux : Bien, je vais
quand même prendre le temps de vous remercier, M. le Commissaire, de veiller au
grain en venant commenter et critiquer, mais essayer de bonifier aussi, l'étude
des projets de loi, dont celui-ci. Aujourd'hui, c'est le Noël avant le temps
pour les constitutionnalistes puis les avocats, là, c'est clair. Mais en même
temps, les gens s'attendent à la promesse de base qu'on va mettre les lois
essentielles dans la Constitution pour les protéger. Est-ce que tout ce qui a
trait au français est bien dedans?
M. Dubreuil (Benoît) : Alors,
il y a la proposition, je vous voudrais, là, vraiment centrale que l'on amène.
Pour nous, c'est quand même très, très important et c'est ce qui permettrait
enfin de ne pas appliquer la charte... la clause de souveraineté parlementaire
du Québec. Donc, ça serait quand même une modification importante pour nous.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui, je vous
remercie, M. le Président. Bonjour, M. le Commissaire, et mes salutations à
tous les collègues qui vous accompagnent aujourd'hui. Merci également pour
votre rapport. J'aimerais en connaître davantage en ce qui a trait à votre
recommandation numéro quatre, à la page cinq de votre mémoire, parce que vous
voulez inscrire l'objet du projet de loi sur l'autonomie conditionnelle dans le
projet de Constitution, son chapitre premier titre quatre, pour rappeler qu'il
est des principes fondateurs de l'État québécois. Et quand je lis le titre
quatrième, chapitre premier de la Loi sur les principes fondateurs, on
reconnaît évidemment que la seule langue officielle du Québec est le français.
Donc, qu'est-ce que ça va ajouter de plus pour la protection de la langue
française?
• (12 h 30) •
M. Dubreuil (Benoît) : C'est
un peu lié à ce que je viens de dire, c'est-à-dire que l'enjeu, c'est que
l'action des deux parlements, aussi bien à Québec et à Ottawa, ont une
incidence sur la langue... sur la langue française. Même parfois, quand le
gouvernement fédéral agit dans le coeur de ses compétences fédérales, il peut y
avoir une incidence sur la langue française. Puis, quand il agit dans des
domaines de compétences qui se... où des choses se chevauchent quand il agit en
fonction de son pouvoir de dépenser, bien il peut y avoir toutes sortes
d'incidences sur la langue française. Donc, pour nous, à l'intérieur de
l'ensemble canadien, en raison de l'inégalité structurelle dont j'ai parlé et
du rôle particulier que devrait avoir le Québec pour ce qui est de la
préservation de l'une des deux langues officielles, il doit y avoir, du côté de
l'Assemblée nationale, du côté de l'État québécois, cette préoccupation
constante d'exercer ses compétences puis d'agir par rapport à la fédération
d'une manière qui lui permet de jouer un rôle plein, complet par rapport à la
défense du français. Et ça concerne vraiment l'exercice des compétences. Maître
Poirier, voulez-vous...
M. Poirier (Éric) : Je
rajouterais un petit élément, là, d'un point de vue de juriste. C'est qu'il ne
faut pas oublier qu'une fois le projet de loi 1 adopté, ce sera des lois
séparées, donc la Constitution du Québec, la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle, la Loi sur le Conseil constitutionnel. Et on va perdre un
peu, si on veut, peut-être, là, l'idée que, bien, la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle pointe vers un horizon, nous amène vers un avenir. Donc, pour
ne pas que ça se perde quand on va juste regarder le projet de Constitution,
nous pensons qu'il devrait y avoir un pont entre les deux, et que la
Constitution ne soit pas juste de codifier ce qu'on voit et ce qui se fait,
mais qu'on aille un petit peu plus loin et qu'on pointe vers un horizon.
Évidemment, là, nous, notre point de vue, c'est un horizon linguistique, donc
de protection du français et de marche du Québec vers davantage d'autonomie
constitutionnelle sur la question du français.
M. Morin : Je vous remercie.
Autre question...
12 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...je vous réfère
à la page neuf de votre mémoire. Vous parlez du projet de loi sur le Conseil
constitutionnel et vous dites, évidemment, que les interprètes constitutionnels
importants sont la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême. Quel
serait, selon vous, le rôle déterminant du Conseil constitutionnel? Et, une
fois un avis donné par le Conseil constitutionnel, est-ce que ça empêche les
citoyens de contester l'avis devant les tribunaux?
M. Dubreuil (Benoît) : Non,
mais...
M. Poirier (Éric) : Oui. C'est
qu'on aurait un... C'est que, présentement, il n'y a pas d'interprète officiel,
d'interprète québécois officiel. Donc, lorsqu'il y a un litige constitutionnel
ou un différend entre le gouvernement du Québec et du Canada et que c'est
tranché par la Cour suprême du Canada, finalement, c'est neuf juges nommés par
Ottawa qui décident et qui sont les seuls interprètes officiels. Quand il est
question de la Charte de la langue française ou quand il est question de la
politique linguistique québécoise, avec un conseil constitutionnel, ce que ça
va permettre, c'est, dans l'espace public, un dialogue. Donc, présentement, il
y a un monopole qui est donné à la Cour suprême du Canada, avec neuf juges
nommés par le gouvernement fédéral. Donc, le Conseil constitutionnel briserait
ce monopole et permettrait dans l'espace public d'avoir un vrai dialogue, un
dialogue enrichi entre deux interprètes officiels. Maintenant, est-ce qu'une
question tranchée par le constitutionnel... par le Conseil constitutionnel
pourrait être revue par un tribunal judiciaire? Bien, ça va dépendre de la
nature du Conseil constitutionnel. Si c'est un Conseil constitutionnel non
judiciaire, dans ce cas-là, ça ne serait pas... ça ne serait pas révisable.
Donc, il y aurait une interprétation supplémentaire qui serait discutée dans l'espace
public sur les enjeux constitutionnels.
M. Morin : Très bien. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. le Président. Merci beaucoup de votre mémoire, intervention. Je
voudrais vous amener à la recommandation 10. On a beaucoup parlé de
contre-pouvoirs, d'affaiblissement et de l'intervention du gouvernement dans
ces contre-pouvoirs-là. Vous mentionnez, là, des modifications nécessaires aux
articles 16 et 17 du projet de loi constitutionnelle... en fait, ce projet
de loi sur l'autonomie constitutionnelle et vous dites que les articles tel qu'écrit
auraient pour effet de miner l'indépendance des institutions parlementaires ou
leur apparence d'indépendance. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
M. Poirier (Éric) : Tu sais,
c'est que les articles 16 et 17 donnent un pouvoir au ministre ou à un gouvernement
de donner certaines instructions aux organismes qui sont visés à l'annexe dans
le sens de l'autonomie constitutionnelle. Nous, avec le mandat qui est le
nôtre, donc nous sommes une institution parlementaire...
M. Cliche-Rivard : Indépendante.
M. Poirier (Éric) : ...nous
avons un mandat sur la Charte de la langue française, nous sommes nommés aussi
à l'annexe. Et donc là, en disant littéralement 16 et 17, le ministre, le
gouvernement pourrait venir nous dire à nous, institution indépendante, mais
aussi aux autres institutions indépendantes désignées par l'Assemblée nationale :
Bien, arrêtez de faire ceci, arrêtez de faire cela, selon les dispositions des
articles 16 et 17. Donc, nous, tout ce qu'on dit, c'est pour préserver l'indépendance
des institutions parlementaires, préserver l'indépendance du Commissaire à la
langue française et aussi l'apparence d'indépendance. Nous pensons qu'il
devrait y avoir des petits ajustements aux articles 16 et 17 pour que...
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Parce que le temps file. M. le député, 40 secondes.
M. Cliche-Rivard : ...pour
vous, mais c'est autant vrai pour le Protecteur du citoyen, c'est vrai pour la
CDPDJ, pour les autres ensemble qui sont mentionnés aux deux tiers, des
nominations aux deux tiers. C'est ce que vous soulignez, là, qu'il y a une
intrusion de l'exécutif, là.
M. Dubreuil (Benoît) : C'est-à-dire,
les institutions parlementaires, la liste, évidemment, c'est l'Assemblée, c'est
le Protecteur du citoyen, le Vérificateur général, le Commissaire à l'éthique,
le Commissaire au lobbyisme, le commissaire au bien-être des enfants et nous.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Donc, oui, il y aurait une intervention ou une intrusion de l'exécutif dans ce
travail indépendant.
M. Dubreuil (Benoît) : C'est
la question de l'indépendance, justement, par rapport au pouvoir du ministre
précisément, oui.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
Jean-Talon.
M. Paradis : Vous avez
utilisé une formule. Tout à l'heure, vous avez dit : Bon, on veut essayer
d'en faire plus pour le français au Québec, mais, étant donné l'architecture
canadienne, on n'y arrivera jamais tout à fait. Je pense que c'est à peu près
ça que vous avez dit. Est-ce qu'on est d'accord que, malgré que l'article deux
du projet de loi de Constitution dit que la Constitution du Québec a préséance
sur toute règle de droit incompatible, il va toujours demeurer que, tant qu'on
est au Canada, ce sont les articles de la Constitution canadienne sur les
droits linguistiques qui vont primer sur le reste, comme quand, par exemple, le
gouvernement canadien a répondu à la clause Québec de la première version de la
Charte de la langue française par la clause Canada, qui est maintenant dans la
Constitution, et, comme la Cour suprême l'a rappelé dans de nombreuses
décisions, qu'on va toujours rester soumis à ce cadre constitutionnel canadien
sur les droits linguistiques?
M. Dubreuil (Benoît) : Oui, c'est
pour ça qu'on recommande justement le maintien de la clause de souveraineté
parlementaire, qui permet quand même de réduire beaucoup les risques, à l'exception
évidemment de l'article 23, voilà...
M. Paradis : ...mais est-ce
que le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui change fondamentalement
cette nature, que les droits linguistiques, c'est, d'abord et avant tout,
Ottawa qui décide, à moins qu'on cherche à se protéger par une clause de
souveraineté parlementaire, ce à quoi ne change rien, le projet de loi demeure?
M. Dubreuil (Benoît) : Bien,
c'est vrai que le débat tourne beaucoup autour de l'utilisation de la clause de
souveraineté parlementaire.
M. Paradis : Que le projet de
loi soit adopté ou non.
M. Poirier (Éric) : Mais nous,
ce qu'on dit, c'est «autant que possible». Donc, il y a des avancées avec le
projet de loi n° 1, qui est devant nous. Avec nos
recommandations, nous pensons qu'on peut aller encore un peu plus loin pour
protéger le régime linguistique québécois. Mais on dit «autant que possible»,
donc, évidemment que, même avec la clause de souveraineté parlementaire, il y
aurait des avancées en matière d'autonomie constitutionnelle, ça, c'est indéniable.
Mais la Constitution canadienne va toujours être supérieure à la Constitution
québécoise, peu importe les dispositions qu'on met dans notre propre
constitution.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. Merci beaucoup d'avoir été avec nous
ce matin, c'est très, très, très apprécié.
Donc, je suspends les travaux quelques
instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 38)
(Reprise à 12 h 39)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La commission
reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de
l'Institut de recherche sur le Québec. Merci beaucoup d'être avec nous, c'est
très apprécié. Donc, vous connaissez les règles, mais je vous invite d'abord à
vous présenter puis débuter votre présentation, s'il vous plaît. Merci.
M. Vallée (Vincent) : Bonjour.
Merci pour l'invitation. Je m'appelle Vincent Vallée. Je suis vice-président de
l'Institut de recherche sur le Québec, et je suis accompagné d'Édouard Baraton
qui est historien, collaborateur scientifique à l'institut.
Donc, peut-être un mot tout simplement
pour présenter notre institut de recherche que certains connaissent. L'Institut
de recherche sur le Québec a pour mission l'étude de la question nationale
québécoise et, plus largement, l'analyse des intérêts du Québec et de son
identité. L'IRQ, comme on l'appelle, regroupe des chercheurs, des intellectuels
de différentes tendances qui ont l'intérêt national du Québec. En parlant
d'intérêt national, souvent, l'arène politique donne l'impression que les
groupes qui représentent les Québécois se battent davantage pour leurs propres
intérêts, c'est-à-dire des intérêts partisans, que pour l'intérêt supérieur de
la nation à tort ou à raison. Or, il faut distinguer les intérêts partisans ou
idéologiques de l'intérêt national du Québec. À l'IRQ, on définit l'intérêt
national comme la garantie de la pérennité et la vitalité de son existence,
ainsi que sa capacité à réaliser ses aspirations. C'est son autodétermination
et la préservation de son existence collective et nationale.
• (12 h 40) •
Le Canada a lui-même son propre intérêt
supérieur et, malheureusement, l'intérêt national du Québec n'est pas toujours
parmi ses principales priorités, parfois même qu'elles peuvent devenir
incompatibles... ou avoir peut-être des tensions avec l'intérêt national du
Québec. C'est pourquoi on souligne la posture d'action unilatérale que prend
aujourd'hui le Québec. Plusieurs leviers politiques et juridiques lui
permettent d'agir en ce sens. Ceux-ci découlent directement d'un traité
international trop souvent oublié. Il s'agit de la capitulation de Montréal de
1760, considéré comme sacré et inviolable par le Conseil privé de... de Londres
en 1774, écrit par le juge Mansfield. Eh bien, c'est ce traité, dont la valeur
constitutionnelle fondamentale est reconnue par Londres, qui se retrouve
inscrit dans la Loi constitutionnelle de 1867, notamment, au
paragraphe 92.13 de cette loi constitutionnelle et dans l'article 45
de la Loi constitutionnelle de 1982. Ce pouvoir, issu du traité de...
M. Vallée (Vincent) : ...1760
permet au Québec de contrôler sa propre constitution et, de façon plus
importante encore, son Code civil, qui en représente sa constitution sociale, un
droit fondamental à la différence québécoise qui est bien antérieur à la
fédération canadienne.
De ce constat, on propose d'utiliser...
que le Québec utilise les pouvoirs qu'il détient pour donner pleine cohérence à
la Constitution. C'est pourquoi nous proposons, comme première recommandation,
que la Constitution du Québec prévoie l'inscription, ou plutôt la
réinscription, d'une nationalité québécoise dans le Code civil. Parce que, oui,
on a eu une nationalité dans le Code civil, qui a été retirée en 1991, vous
pouvez voir le mémoire à ce sujet-là. Ensuite, toujours pour des raisons de
cohérence, on constate l'importance fondamentale que le projet... que le projet
offre aux droits collectifs. On les voit surtout pour la nation québécoise.
Nous, on pense que ce qui est bon pour minou est également bon pour pitou.
L'État du Québec a une responsabilité à
l'égard de toutes les nations sur son territoire. C'est pourquoi on propose
l'adoption d'une loi sur l'autodétermination interne des nations autochtones afin
qu'ils fassent pleinement partie de la constitution québécoise. Comme pour les
Québécois, cette mesure prévoirait des modalités pour offrir le contrôle du
corps national à chacune des 11 nations autochtones. Et ça aussi, ça peut être
inscrit dans le Code civil du Québec.
Ensuite, pas d'autodétermination sans
contrôle de notre territoire, c'est pourquoi on propose d'assurer la protection
de l'hydroélectricité par une précision sur la protection de l'eau et de ses
usages... ses usages par une modification de l'article 20 du projet de
Constitution.
On en profite pour souligner l'article 17
du projet de Constitution, qui prévoit que l'État tient sa légitimité de la
volonté du peuple qui habite son territoire. Pour donner pleine cohérence à cet
article, on recommande que la Constitution offre des pouvoirs à la nouvelle
fonction de citoyen québécois, qui serait dans la nationalité québécoise, en
leur permettant de déclencher une convention citoyenne sur un sujet qui les
préoccupe, ce qui serait ensuite... reviendrait aux élus de déterminer ce
qu'ils en font. Maintenant, je laisse la parole à Édouard.
M. Baraton (Édouard) : Bonjour
à tous. Merci de me recevoir, moi qui n'ai pas l'honneur d'être citoyen
canadien et qui vais parler à titre d'historien, d'historien du droit. Alors,
qu'est-ce qu'une nationalité? Une nationalité, c'est une forme d'appartenance
macrosociale qui est apparue au XVIe siècle dans le droit français, qui est
passée, à l'époque de la Nouvelle-France, dans le droit effectif au Québec et qui
a survécu, dans le droit québécois, à la Conquête et au changement de régime.
Cette appartenance civile, elle a été exposée dans le Code civil de 1866, qui
établissait l'existence de Bas-Canadiens, distincts des sujets britanniques.
À quoi servirait-il de rétablir une
définition explicite d'une nationalité québécoise aujourd'hui? Bien, il me
semble que c'est déjà très important pour rassurer les Québécois eux-mêmes
qu'ils sont Québécois, car, aujourd'hui, être Québécois de manière claire et
univoque, dans le droit, cela n'existe pas. C'est important aussi pour
permettre aux nouveaux arrivants eux-mêmes de savoir comment devenir Québécois
et quels sont les droits spécifiques qui sont attachés à cette qualité. C'est
important aussi, ensuite, pour constituer les bases d'une citoyenneté
québécoise, qui est nécessaire à l'autodétermination interne et externe. Et de
ce point de vue là, les derniers événements relatifs au référendum de 1995 ne
peuvent que souligner qu'habituellement un peuple qui s'autodétermine a établi
un corps électoral spécifique pour ses besoins, et, en l'occurrence, ce serait
logique que ce soit sur une nationalité.
Par ailleurs, la définition d'une
nationalité québécoise serait l'occasion d'ouvrir un espace afin que les
nations autochtones puissent, elles aussi, s'autodéterminer en reprenant le
contrôle sur leurs formes d'appartenance. Et là je rappellerai que le traité
nisga de 2006 permet à la nation nisga de Colombie-Britannique de déterminer
qui sont les Nisgas avec une citoyenneté nisga propre. C'est un modèle qui me
semble inspirant.
Enfin, la nationalité québécoise serait
l'occasion d'établir des règles spécifiques relatives aux francophones hors
Québec qui pourraient être intéressés. Et ainsi on passerait de déclarations de
solidarité, qui se trouvent dans l'actuel projet constitutionnel, à des moyens
juridiques effectifs de cette solidarité.
Enfin, créer une nationalité québécoise,
une catégorie directement disponible pour le législateur à l'avenir dans le
Code civil, c'est une entreprise de rationalisation administrative, car à
défaut d'une définition claire de ce qu'est un Québécois, on a vu se multiplier
les définitions partielles, parfois incohérentes et contradictoires entre
elles.
Pour terminer, je dirais que le Québec a
besoin de sortir de ce que j'appellerais le grattonisme juridique. Vous savez
tous qu'Elvis Gratton, dans son avion, a beaucoup de mal à dire ce qu'il est.
Et pourquoi est-ce qu'il a du mal à dire ce qu'il est? Eh bien, parce qu'il
n'existe aucune définition de ce qu'est un Québécois dans la loi. C'est donc à
vous, messieurs, mesdames les législateurs, de mettre fin à cette difficulté.
Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Alors,
merci, M. le Président. Alors, M....
M. Jolin-Barrette : ...Vincent
Vallée, M. Édouard Baraton, bonjour. Merci de participer aux travaux de la
commission. D'entrée de jeu, je tiens à vous remercier. Bon, dans un premier
temps, là, vous avez parlé en début d'intervention, là, qu'on devait s'assurer
de préserver l'intérêt national du Québec. Alors, est-ce que la Loi
constitutionnelle de 2025 qu'on a déposée contribue, aide ou va dans la
direction de soutenir l'intérêt national de la nation québécoise?
M. Vallée (Vincent) : On
pense que oui. On pense qu'il ne faut pas non plus négliger ce que soulèvent
les partis d'opposition. On pense que chaque parti a l'intérêt national à cœur.
Toutefois, je pense qu'il est important de garder à l'esprit qu'est-ce qui est
au fondement de cet intérêt-là. Comme on l'a mentionné, on a donné notre
définition, c'est la définition de l'Institut de recherche sur le Québec. Et
puis il faut dire que, depuis plusieurs années, le Québec était resté un peu
pris à cause de 1982, parce que le Québec n'a pas ratifié cette
Constitution-là, dans des débats qui étaient soit faire entrer le Québec dans
la Constitution, ce qui a échoué, ou dans l'indépendance du Québec, ce qui est
une option qui est toujours appuyée par certains partis politiques. Maintenant,
on a trouvé une nouvelle voie, une tentative de dire : Bien, voici, à
défaut de dire ce qu'on est dans la Constitution canadienne, disons-le dans la
Constitution québécoise. Et vous avez plusieurs modalités qui vont dans le sens
de défendre l'intérêt national, on... Oui.
M. Jolin-Barrette : OK. Donc,
vous pensez que c'est une plus-value d'adopter une constitution québécoise, une
loi sur l'autonomie, pour faire en sorte que le Québec puisse faire des gains à
l'intérieur du Canada.
M. Vallée (Vincent) : Mais
définitivement, d'avoir une Constitution du Québec, ça va dans le sens de
l'intérêt national du Québec, ne serait-ce que pour dire : Bien, pourquoi
est-ce qu'on refuse de signer la Constitution de 1982, eh bien, c'est pour les
raisons qu'on évoque ici, voici ce qu'on en est. Puis, en plus, on décide de le
codifier, donc à travers le processus, à travers la manière de le faire, on
vient présenter la différence québécoise, la différence québécoise juridique, en
inscrivant cette différence-là, plutôt que de laisser les tribunaux le faire à
travers la jurisprudence, ce qui est, comme M. Côté l'a dit, Me Côté l'a
dit un petit peu plus tôt, tout à fait légitime, mais qui correspond davantage
à une autre approche que celle du Québec.
M. Jolin-Barrette : OK. Vous
avez dit en début d'intervention, là, là, voici ce qu'on est, voici ce qu'on
est. Dans le fond, la Constitution, c'est ça, voici ce qu'on est : comment
on décide de vivre au Québec, quelles sont les valeurs, quelles sont les lois
fondamentales, quels sont les paramètres du vivre ensemble québécois, la
laïcité, le français, l'égalité entre les hommes et les femmes. Pour vous,
pour... les règles, c'est important qu'on vienne le coucher sur papier dans un
document, de... de reprendre les lois fondamentales de l'État québécois, de les
rassembler puis de dire : Bien, c'est ça, le... le ciment, le liant de la
société québécoise.
• (12 h 50) •
M. Vallée (Vincent) : Mais on
pense que le fait de l'écrire dans une Constitution, de l'affirmer, de
clarifier surtout, on pense que c'est positif. On pense également qu'il y a
plusieurs éléments dans la Constitution qui vont dans ce sens-là puis qu'il n'y
a pas de problème.
Moi, j'avais l'habitude de dire aussi que,
dans les dernières années, comme on a mentionné, dans les débats avec le
Canada, on a cherché à sortir le Québec du Canada, mais en s'affirmant comme
ça, on décide de sortir plutôt le Canada du Québec.
M. Jolin-Barrette : OK. Vous
avez dit dans... dans votre mémoire que l'article 23 du... du projet de
Constitution, sur le caractère indivisible du territoire québécois, était
compatible avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones. J'ai bien compris ça?
M. Vallée (Vincent) : Oui.
D'ailleurs, je l'ai sous les yeux, l'article 46 de la déclaration dont
vous parlez, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones de 2007, elle nous dit : Aucune disposition dans la présente
déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, aucun acte
ayant pour effet de détruire ou d'amoindrir totalement ou partiellement
l'intégrité territoriale ou l'unité politique d'un État souverain et
indépendant. L'article 46.
M. Jolin-Barrette : OK. Donc,
pour vous, ce qu'on a à l'article 23 de la Constitution québécoise, de
dire «le territoire québécois est indivisible», c'est compatible avec la
Déclaration des Nations unies.
M. Vallée (Vincent) : On
comprend qu'il peut y avoir des insécurités par rapport à ça, puis c'est pour
cette raison-là qu'on propose de garantir l'autodétermination interne, à ne pas
confondre avec l'autodétermination externe; autodétermination interne qui est
reconnue par la Cour suprême par ailleurs. La garantir aux autochtones, ça veut
dire le contrôle de leurs institutions, la garantie de leurs droits collectifs,
comme la langue, leurs coutumes. Des choses comme celles-là. Mais oui, tout à
fait.
M. Jolin-Barrette : Puis,
pour les gens qui nous écoutent, expliquez... si vous pouvez nous expliquer
c'est quoi la différence entre l'autodétermination interne versus externe.
M. Vallée (Vincent) : Mais
l'autodétermination interne se résume à la phrase que Robert Bourassa avait...
M. Vallée (Vincent) : ...je ne
l'ai pas à l'esprit par cœur, mais qui nous avait dit que le Québec était une
nation libre de déterminer son avenir, sa société, ses institutions, etc. Donc,
ça, c'est l'autodétermination interne. L'autodétermination externe, c'est le
droit de sécession. D'ailleurs, l'autodétermination interne du Québec, elle est
garantie par la capitulation de Montréal de 1760. Donc, c'est un traité
international qui nous dit, tant et aussi longtemps qu'on respecte
l'autodétermination interne des Québécois, eh bien, ils vont... ils vont
respecter de descendre les armes, parce que c'était ça qui était question,
c'était une guerre. Si on ne respecte pas l'autodétermination interne des
Québécois en droit, on a le droit de reprendre les armes, donc de faire
l'autodétermination externe, donc le droit de sécession.
M. Jolin-Barrette : OK. Mais,
dans tous les cas, le projet de Constitution québécoise est pacifique, là, il
n'est pas question de reprendre les armes.
M. Vallée (Vincent) : On vous
dit, en droit.
M. Jolin-Barrette : Non, non,
non, je vous rassure, mais je ne veux juste pas laisser de flou là-dessus.
Donc, par rapport aux nations autochtones, je comprends que c'est compatible
avec... avec ça.
Vous l'avez dit, vous avez dit :
Écoutez, avec le projet de constitution, ça donne des outils au Québec, et là
vous dites : Ça sort le Canada du Québec. Moi, je vous dirais, le projet
de loi, ce qu'on vise à faire, c'est assurer de l'autonomie, au sein du Canada,
pour le Québec, mais cette constitution-là pourrait servir si jamais le Québec
décidait de devenir souverain. Est-ce que vous êtes d'accord avec nous que le
projet de constitution laisse le libre choix aux Québécois sur leur avenir
politique puis sur leur régime politique?
M. Vallée (Vincent) : Totalement,
100 % d'accord avec ça. Non seulement ça permet de faire ça, mais, en
plus, ça permet, pour des indépendantistes, de déterminer qu'est-ce que sera
l'État du Québec, qui ne sera pas un État canadien. Parce que, dans l'état
actuel des choses, puis, comme on l'a mentionné, avec l'effacement de la
nationalité québécoise et d'autres éléments, si le Québec devenait indépendant
demain matin, il deviendrait une sorte d'État canadien dépendant du Canada. Il
pourrait, en tout cas, le devenir si on ne détermine pas quelles sont les
institutions du Québec, indépendamment de la logique juridique
constitutionnelle du Canada.
M. Jolin-Barrette : OK.
Dernière question, je vais céder la parole à ma collègue de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
L'importance, à ce moment-ci, que le Québec se donne outils supplémentaires,
d'une constitution, d'une loi constitutionnelle, d'un conseil constitutionnel,
quel est-il? Tu sais, pourquoi est-ce qu'on devrait faire ça à ce moment-ci?
M. Vallée (Vincent) : Mais il
y a plusieurs raisons, parce qu'il y a des reculs au niveau de l'intérêt
national du Québec depuis plusieurs années. Et, en faisant ça, bien, on le
sait, comme l'a mentionné monsieur... mais le Commissaire à la langue française
et ses collègues un petit peu plus tôt, la Cour suprême détermine comment
interpréter les lois québécoises. On nous dit que c'est au nom de l'intention
du législateur qu'on le fait, mais lorsqu'on regarde la jurisprudence, on se
demande de quelle manière ils ont lu l'intention du législateur. Comme, par
exemple, au niveau de la Charte québécoise des droits... des droits de la
personne, eh bien, on voit qu'ils l'interprètent avec l'intention du
législateur de la Charte canadienne. Donc, nécessairement, il faut qu'on leur
rappelle quelle est l'intention du législateur québécois pour qu'on respecte le
droit. C'est... on parle d'États de droit, mais ça, c'est un des fondements de
l'État de droit. C'est l'intention du législateur, l'esprit de la loi...
l'esprit des lois, comme dirait Montesquieu même.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré,
deux petites minutes.
Mme Bourassa : Je vais faire
ça rapidement. Laïcité, charte québécoise, langue française, vous avez dit
qu'une constitution aiderait les citoyens à mieux comprendre comment s'organise
l'État québécois. C'est vraiment ce que je veux entendre, qu'est-ce que ça
change, pour les gens dans la société, de rassembler tout ça et d'en faire un
texte unique?
M. Vallée (Vincent) : Bon,
mais je vais vous répondre comme un prof de droit. J'ai adoré ce projet de
constitution là pour des raisons un peu égoïstes, je vais l'avouer. C'est un
excellent outil pédagogique pour les étudiants. Parce que, lorsqu'on présente
le projet de la Loi constitutionnelle de 1867, on dit : Bon, cette
phrase-là, c'est ça, mais il faut la lire comme ça à la place, alors que là,
bien, bon, bien, on sait qu'est-ce qu'est le pouvoir judiciaire, on sait
qu'est-ce qu'est le pouvoir législatif, qu'est-ce qu'est le pouvoir exécutif.
Mais, je vous dirais, bon, c'est peut-être pratique pour des juristes, je ne
sais pas si, pour M., Mme Tout-le-monde, ce serait si clair que ça. De toute
façon, moi, je ne vois pas, c'est personnel, mais moi, je ne vois pas ce projet
de loi comme quelque chose de définitif. Ce n'est pas une première constitution
que le Québec se donne, c'est une évolution de la Constitution du Québec qui
existait déjà, en la codifiant, en mettant ne logique québécoise autour de ça.
Et, ensuite, il n'y a rien qui empêche à ce qu'il y ait des modifications à
cette constitution-là, qui pourraient inclure une réflexion qui soit avec la
population, avec les citoyens, pour justement répondre à cet objectif-là
pédagogique, vous avez raison.
Mme Bourassa : Alors, rapidement,
si le temps me le permet. Vous dites qu'on essaie une nouvelle voie, que le
statu quo, ça n'a pas marché jusqu'ici, puis que, si on ne se définit pas
clairement, notre loi constitutionnelle, on laisse les autres le faire à notre
place et qu'il y a un risque...
Mme Bourassa : C'est quoi
ce risque-là?
M. Vallée (Vincent) :
Bien, c'est le... Ça revient un petit peu à ce qu'on mentionnait un petit peu
plus tôt. C'est que la jurisprudence canadienne, on le voit, ce n'est peut-être
pas toujours comment le Québec aimerait que ça soit interprété. Il y a eu un
très bon texte ce matin, d'ailleurs signé par Henri Brun, qui mentionnait que,
bien, dans une fédération, différents ordres de gouvernement, différentes
constitutions doivent se lire les unes par rapport aux autres. Donc, en
clarifiant qu'est-ce que c'est notre contrat social, en clarifiant c'est quoi
notre constitution, eh bien, on regarde les constitutions les unes par rapport
aux autres. Donc, on les fait communiquer ensemble.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. M. Vallée, M. Baraton, merci d'être avec nous. Merci pour
votre mémoire. J'ai quelques questions pour vous. Quand j'ai lu le texte,
j'ai... C'est une impression, vous pourrez la confirmer ou pas, qu'en ce qui a
trait aux Premières Nations, il n'y avait pas comme tel de texte ou de document
qui les reconnaissait comme peuple, mais on parle de la nation québécoise. Et
quand on regarde la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples
autochtones, au départ, la déclaration affirme que les peuples autochtones sont
égaux à tous les autres peuples, tout en reconnaissant le droit de tous les
peuples d'être différents, de s'estimer différents, d'être respectés en tant
que tels. Et comment ce document-là qui nous est présenté pourrait faire en
sorte que ça concorderait davantage avec la Déclaration des Nations unies en ce
qui a trait à la reconnaissance des Premières Nations comme peuples?
M. Baraton (Édouard) :
Et, bien, si je peux répondre, en l'occurrence, la Déclaration des Nations
unies dit que les autochtones doivent pouvoir déterminer qui fait partie de
leur communauté nationale et leur donner la gestion de leurs institutions, y
compris éventuellement avec une dimension territoriale, locale, sur des
territoires traditionnels, etc. Donc, on proposait d'ailleurs que la
Constitution soit suivie d'une loi sur l'autodétermination des peuples
autochtones qui devrait créer un cadre juridique large correspondant à la
demande de l'ONU, dans laquelle eux-mêmes pourraient choisir de
s'autodéterminer suivant leur propre volonté. Et c'est ça qui est intéressant
dans la notion d'autodétermination, c'est que ce n'est pas au législateur
québécois de dire exactement ce que devra donner le résultat final. Ce qui
relève de la responsabilité du législateur québécois, c'est de donner le cadre
de l'autodétermination. Et, d'une certaine manière, je serais tenté de dire,
d'appuyer l'autodétermination des autochtones et celle du Québec de manière
dialectique et harmonisée. Et de ce point de vue là, il s'agit de revenir à une
vieille tradition juridique québécoise. Si vous lisez l'article des
Capitulations, l'article 40 des Capitulations de 1760, vous verrez que les
nations autochtones sont désignées comme nations alliées et qu'il y a des
garanties qui leur sont données sur leur territoire. Et par ailleurs, elles ont
des garanties de droit civil qui découlaient du droit français. C'est pour ça
que, par exemple, au Bas-Canada, les autochtones ont pu voter de 1791 à 1840.
Donc, retrouvons cet esprit-là. Décolonisons. Laissons-leur leur espace pour
déterminer eux-mêmes leurs institutions. Et à partir de là, il sera légitime
que, parallèlement, la nation québécoise fasse de même.
• (13 heures) •
M. Morin : Je vous
remercie pour ces précisions, parce que ce que vous décrivez et qui est juste
par ailleurs, je ne le retrouve pas dans le projet de loi. Donc, on aura un
effort ici, le gouvernement aurait un effort de décolonisation. C'est très
bien. Oui, allez-y.
M. Vallée (Vincent) :
Bien, c'était... Je dirais que c'est peut-être un défaut de notre point de vue,
en tout cas, de mon point de vue du moins même du rapport... ce n'était pas
dans leur mandat de parler de la question autochtone. On peut comprendre que
c'est une question qui est sensible. C'est une question qui est parfois
difficile, mais on pense, comme ça avait été mentionné un petit peu plus tôt,
que c'est une belle occasion pour le Québec d'entamer au moins ces
discussions-là pour leur dire : Regardez là, le projet canadien, ce qu'il
vous offre, avec le cadre de la Loi sur les Indiens, vous êtes tous des
Indiens, vous n'êtes pas des nations, comme la déclaration de René Lévesque en
1985, si je ne m'abuse. Eh bien, le Québec, avec son Code civil, peut la faire,
cette reconnaissance-là. Il peut faire des pas dans cette direction-là.
M. Morin : Alors, je
vous suis. C'est effectivement un sujet qui est sensible, mais qui est
important. Puis, on est ici pour ça, justement, traiter de ces questions-là.
Toujours dans la Déclaration des NationsuUnies, à l'article 32, on dit
clairement que les États doivent consulter les peuples autochtones concernés et
coopèrent avec eux de bonne foi par l'intermédiaire de leurs propres institutions
représentatives, en vue d'obtenir leur consentement donné librement et en
connaissance de cause, notamment en ce qui a trait à l'établissement d'un tel
projet de loi. Avez-vous l'impression que ça a été fait ici?
M. Vallée (Vincent) :
Pour le projet de loi, comme on l'a dit, moi, je pense que c'est une première
étape qui est dans la bonne direction pour le Québec, pour s'affirmer. Ensuite,
il n'y a rien qui empêche d'améliorer le projet de loi, d'aller plus loin, de
faire ces fameuses consultations-là. C'est des consultations qui peuvent
prendre beaucoup d'années, hein? On comprend qu'il y a des échéances, qu'il y a
des limites pour les gouvernements, mais on pense qu'une bonne première étape,
ce serait de leur tendre la main puis leur dire : Regardez dans les
prochaines...
13 h (version non révisée)
M. Vallée (Vincent) : ...prochaines
années, on va avancer dans ce sens-là, on ouvre cette porte-là, puis on va
faire quelque chose que le Canada ne vous offre pas.
M. Morin : Mais êtes-vous d'accord
avec moi que, justement, ça peut prendre des années? Mais si on veut rédiger une
constitution qui touche à l'ensemble des gens qui habitent le territoire
québécois, on n'a pas à être pressé. Ce n'est pas une course. On veut unir tout
le monde.
M. Vallée (Vincent) : Mais là
ce n'est pas la constitution d'un pays qu'on est en train de faire, c'est une
évolution constitutionnelle d'une constitution qui existait déjà. Pour nous, c'est
un pas qui est en avant. Puis, ensuite, comme je l'ai dit, on pourra entamer
des négociations sérieuses. Il n'y a rien qui empêche le gouvernement de s'engager
lui-même à faire ces négociations-là pour la suite.
M. Morin : Très bien. Une
question un peu plus pointue. À l'article 20 de la Constitution du Québec,
ça m'a frappé... du projet de loi, pardon, c'est écrit : L'eau est une
ressource collective faisant partie de ce patrimoine commun. On... on ne parle
pas de son usage puis on ne parle pas de l'environnement en général, on parle
juste de l'eau. Et il me semble qu'il manque des éléments. Pouvez-vous nous
aider là-dessus?
M. Vallée (Vincent) : Bien,
nous, on s'est limité à la question de l'hydroélectricité parce qu'il y a une
disposition dans la Constitution canadienne, c'est l'article... là, c'est le...
C'est ce qu'on appelle le pouvoir déclaratoire. Le pouvoir déclaratoire permet
au Canada de déterminer que certaines... certains travaux, donc comme Hydro-Québec,
par exemple, pourraient devenir de compétence fédérale. Donc, oui,
effectivement, on pense que d'ajouter ses usages pourrait permettre de
protéger, d'ajouter un autre bouclier pour des ressources naturelles. Puis moi,
par ailleurs, personnellement, je ne serais pas contre qu'on ajoute encore plus
de garanties pour des ressources naturelles. Donc, c'est limité à celui-là
parce qu'il y avait une raison très concrète, mais effectivement.
M. Morin : Parfait. Merci, M.
le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. Je vais vous citer à la page 31 :
«Trop souvent, les grands choix collectifs se discutent sans que la nation
québécoise soit explicitement invitée à se prononcer comme tel.» Vous dites
aussi : «Quoi qu'il en soit, si la légitimité émane du peuple, comme le
laisse entendre l'article 7 du projet de Constitution, pour être
conséquent, il faudrait faire approuver le texte par le peuple.» Donc, autrement
dit, ce que vous demandez, c'est que le projet de loi ne soit pas sanctionné
sans qu'il ait été au préalable soumis au vote populaire, est-ce que je
comprends bien?
M. Baraton (Édouard) : Si je
puis me permettre, oui, en fait, l'idée en la matière, c'est qu'on a plusieurs
logiques qui cohabitent dans l'esprit québécois et dans l'esprit politique
canadien. Par exemple, du point de vue canadien, il n'existe que des
consultations populaires, mais vous savez très bien ici que tout le monde
appelle ça des référendums. Ce n'est pas la même philosophie. D'un côté, on pense
qu'on consulte les sujets, c'est l'ancienne tradition britannique, et, de l'autre,
on pense que le peuple décide.
On est dans un cas un peu équivoque. Le
Québec, c'est un ordre juridique, c'est un ensemble juridique antérieur à l'espace
canadien et auquel on essaie de trouver une modalité désormais démocratique d'expression
de sa propre volonté. Il est vrai qu'en logique canadienne un vote par l'Assemblée
nationale devrait suffire puisque c'est la tradition de la souveraineté
parlementaire qui sera alors invoquée, mais, en logique québécoise, on serait
tenté de dire qu'une consultation populaire à un référendum devrait l'appuyer.
Moi, je pense que c'est très important pour la suite, pour faire de ce texte un
vrai texte constitutionnel, puisque lorsque... lorsqu'il y aura, ce qu'à Dieu
ne plaise, un éventuel conflit entre la Constitution canadienne et la
Constitution québécoise, si elle a été adoptée par consultation populaire ou
par référendum, alors le législateur québécois pourra dire à la Cour suprême
canadienne : Depuis 1998, vous dites qu'il y a un principe de démocratie
derrière les institutions canadiennes. Fort bien. Quels textes nous opposez-vous?
Vous nous opposez le texte de 1982 et le texte de 1867, qui sont deux textes du
Parlement britannique votés en vertu, comme le disait Edmund Burke en 1791, du
droit de conquête, de cession et de possession. On est assez loin de la
démocratie. Et qu'avons-nous, nous, Québécois? Nous avons une Constitution
votée par le peuple. Alors, messieurs les juges canadiens, il vous faudra
choisir, soit la démocratie, c'est secondaire, soit c'est important, et vous
devrez prendre en compte la volonté du peuple.
M. Cliche-Rivard : Encore
faut-il que le peuple l'ait voté.
M. Baraton (Édouard) : Encore
faut-il que le peuple l'ait voté, en effet.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : ...
M. Cliche-Rivard : Ah oui? Mon
Dieu! il y a du temps qui m'a été approuvé. Puis si ça ne devait pas être le
cas, finalement, si le peuple ne l'approuvait pas, ou si on n'allait pas par
voie de référendum, alors il n'aura pas davantage de légitimité.
M. Baraton (Édouard) : Alors,
excusez-moi, je suis un peu un maudit français de ce point de vue là, donc je
pense que la souveraineté est dans le peuple. Mais ce n'est pas formellement la
tradition juridique canadienne, en droit canadien strict, il vous suffit d'un
vote à l'Assemblée nationale sans difficulté. Mais, dans ce cas-là, la force
politique du texte sera moins forte à mes yeux.
M. Cliche-Rivard : Mais vous
l'avez dit vous-même, dans l'esprit du Québec, de l'Assemblée nationale, c'est
tout autre.
M. Baraton (Édouard) : Tout à
fait.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Alors, merci
beaucoup d'avoir été avec nous.
Cela dit, je suspends les travaux jusqu'à
15 heures. Merci. À plus tard.
(Suspension de la séance à 13 h 07)
14 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 heures)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bon
après-midi à tout le monde. Alors, la commission reprend ses travaux, et on
débute cet après-midi avec le Réseau féministe québécois. Alors, merci beaucoup
d'être avec nous cet après-midi, c'est très apprécié. Vous connaissez les
règles, on est très serrés dans le temps, alors je vous invite d'abord à vous
présenter puis à débuter votre présentation, s'il vous plaît. Merci.
Mme Houle (Alexandra) : Merci,
M. le Président, Mesdames, messieurs les membres de la commission, je vous
remercie de nous recevoir aujourd'hui. Je me présente, Alexandra Houle,
présidente du Réseau féministe québécois, et je suis accompagnée de Ghislaine
Gendron, membre du Réseau féministe québécois, un organisme dont la mission est
de défendre les droits des femmes selon le sexe, de lutter contre toutes les
formes d'exploitation sexuelle, reproductive, identitaire, médicale, et d'intervenir
dans le débat public pour rappeler une réalité simple : les femmes sont
une catégorie sexuelle réelle et leurs droits doivent être protégés
collectivement.
Nous sommes un groupe féministe
universaliste. Nous avons l'honneur d'être ici pour discuter de ce projet de Constitution
et nous sommes heureuses de participer à ce moment historique pour notre nation
québécoise. J'aimerais commencer en rappelant quelque chose de fondamental :
ces dernières décennies, le Québec a connu une transformation majeure pour les
droits des femmes. On parle souvent de ce passé comme s'il appartenait à un
autre siècle, à une époque lointaine, mais ce n'est pas le cas. Les femmes qui
ont vécu ce Québec profondément religieux, inégalitaire, où leurs corps étaient
contrôlés, sont encore vivantes aujourd'hui. Pendant des générations, la
religion déterminait le rôle des femmes, leur sexualité, leur nombre d'enfants
ainsi que leur place dans la société.
Cette réalité, nous l'avons quittée pour
une raison : pour permettre aux femmes d'accéder à l'égalité. C'est pour
cela que la laïcité a émergé comme une réponse moderne à un Québec catholique
traditionnel où les femmes n'étaient pas libres. Au Québec, l'avancée des
droits des femmes va de pair avec la laïcité. La transition de notre province
vers la laïcité, vers l'égalité, vers le contrôle de leur propre destinée par
les femmes n'est pas un accident historique. C'est un cheminement collectif...
15 h (version non révisée)
Mme Houle (Alexandra) : ...aujourd'hui,
ce projet de Constitution nous offre l'occasion d'inscrire dans notre texte
fondateur le fruit de ce chemin. Ce que propose le gouvernement, c'est de
mettre en mots ce que les Québécois reconnaissent largement comme leurs piliers :
la laïcité de l'État, l'égalité entre les sexes, le français comme langue
commune et un modèle d'intégration qui repose sur une culture nationale
définie. Ces éléments sont déjà au cœur du consensus social. Le rapport
Bouchard-Taylor l'avait montré. l'égalité hommes-femmes, la laïcité et le
français sont les bases du vivre-ensemble québécois. Ce projet de Constitution,
à nos yeux, vient formaliser ce consensus.
Et nous croyons que, pour les femmes,
cette formalisation arrive au bon moment. Nous saluons l'inscription du
principe d'égalité. Toutefois, nous recommandons qu'il soit formulé comme l'égalité
entre les sexes, plutôt que l'égalité entre les femmes et les hommes. L'expression
«entre les sexes» repose sur la réalité biologique, qui a structuré l'histoire
des discriminations. Les lois qui ont permis aux femmes d'accéder à l'espace
public, d'obtenir des congés de maternité, CPE, RQAP, retrait préventif,
protection au travail, catégories sportives féminines, reconnaissent toutes que
les femmes et les hommes n'ont pas les mêmes corps et que c'est précisément
cette différence qui a fondé l'inégalité. C'est la base de la protection
collective des femmes. Le RFQ considère que nommer clairement les choses
protège mieux les droits des femmes.
Nous souhaitons reconnaître l'effort du
gouvernement d'intégrer la protection du droit à l'avortement dans la future
Constitution du Québec. Comme nous l'expliquons dans notre mémoire, la
jurisprudence Morgentaler a certes permis de garantir l'accès à l'avortement,
mais elle ne l'a jamais élevé au rang de droit fondamental. Nous avons
également constaté dans d'autres pays à quel point un droit qui repose
uniquement sur une interprétation judiciaire peut être remis en question très
rapidement. Nous avons, nous avons pris note des inquiétudes soulevées par
plusieurs juristes et groupes concernant la formulation proposée.
Nous ne prétendons pas avoir la réponse
technique. Il revient au législateur de trouver la rédaction la plus... la plus
claire et la plus sécuritaire. Notre position est simple : le droit des
femmes de disposer de leur corps doit être protégé et il doit l'être sans
ambiguïté.
Le RFQ défend la laïcité parce qu'elle
protège les femmes en tant que groupe. Le modèle canadien fondé sur la
prédominance des droits individuels place souvent la liberté de religion au-dessus
de l'égalité entre les sexes. Cela crée des inégalités structurelles qui
touchent les femmes de plein fouet, notamment celles issues de communautés où
les normes religieuses hiérarchisent les sexes. Au Québec, l'interculturalisme
offre un modèle différent. Il repose sur l'intégration à une culture commune et
non sur une juxtaposition de communautés aux droits parallèles. Cette approche
protège mieux l'égalité entre les sexes. Nous soutenons donc pleinement l'inscription
de la laïcité dans la Constitution.
Sur un autre ordre d'idée, nous proposons
également l'ajout du droit à la dignité et du droit à l'intégrité dans la
Constitution. Ces principes sont la base moderne des constitutions
contemporaines, notamment en Europe. Pourquoi est-ce essentiel? Parce que ce
sont ces principes qui permettent de lutter efficacement contre l'exploitation
sexuelle et la prostitution, les dérives des grossesses pour autrui et la
marchandisation du corps des femmes et certaines pratiques médicales qui ne
respectent pas le consentement libre et éclairé. Ce droit collectif à la
dignité serait une avancée majeure pour la protection des femmes au Québec.
J'aimerais maintenant aborder un sujet qui
est délicat mais incontournable. Notre organisme documente les financements
fédéraux accordés au Québec, financement qui sert ensuite à contester le modèle
québécois et parfois même ce projet de Constitution. Nous avons constitué un
dossier de plus d'une centaine de programmes financés par Ottawa qui ont des
impacts directs sur les droits des femmes et sur les choix collectifs du
Québec. Parmi ces exemples, citons : les poursuites financées par Ottawa
contre la loi n° 21 sur la laïcité de l'État, les programmes fédéraux du
ministère Femmes et Égalité des genres, qui exigent explicitement l'adhésion à
la grille d'analyse intersectionnelle comme condition d'accès au financement.
Dans presque tous les cas, Ottawa finance des organismes qui s'attaquent à des
choix fondamentaux du Québec : la laïcité, la protection des femmes, le
droit civil et la sécurité publique. Ce n'est pas anodin.
C'est la raison pour laquelle nous
appuyons la recommandation d'un droit de retrait avec pleine compensation pour
éviter que des fonds publics fédéraux servent à affaiblir les fondements d'une constitution
québécoise.
Après avoir rappelé ce parcours historique
et expliqué pourquoi l'égalité, la laïcité et la dignité sont essentielles, il
faut maintenant nommer clairement ce qui nous inquiète. Plusieurs organisations
féministes et communautaires demandent le retrait de l'égalité hommes-femmes et
de la laïcité du projet de Constitution. Pour nous, c'est totalement
incompréhensible. Ce sont précisément ces deux piliers, l'égalité et la
laïcité, qui ont permis aux femmes de se libérer du contrôle religieux, d'accéder
au marché du travail et de faire des choix reproductifs, de sortir de la
dépendance. Retirer ces fondements, ce serait trahir l'histoire des femmes du
Québec, ce...
Mme Houle (Alexandra) : ...livrer
notre cadre juridique à des pressions idéologiques qui ne reflètent pas le
consensus québécois.
Le Réseau féministe québécois est
favorable au projet de constitution dans son ensemble. Nous croyons que ce
texte fondateur peut offrir une base solide pour protéger les droits collectifs
des femmes. Nous souhaitons que cette constitution soit assez forte pour
traverser les générations et assez claire pour protéger les femmes quelles que
soient les pressions politiques du moment. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, Mme Houle. M.
le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : ...M. le
Président. Mme Houle, Mme Gendron, bonjour. Merci beaucoup d'être en commission
parlementaire pour présenter la mémoire du Réseau féministe québécois. D'entrée
de jeu, je voudrais aborder un des sujets qui a fait le plus parler dans la
constitution, puis vous l'avez abordé vous-même, là, c'est
l'article 29 : «L'État protège la liberté des femmes d'avoir recours
à une interruption volontaire de grossesse.» Vous avez dit : Écoutez,
nous, par rapport à la formulation des termes, on n'est pas juristes. Par
contre, vous êtes en accord avec l'objectif de l'inscrire dans la Constitution.
Mme Houle (Alexandra) : Oui.
Bien, en fait, nous, lorsqu'on a lu l'article 9, on s'est vraiment posé la
question puis on a consulté tous nos membres ainsi que plusieurs spécialistes
sur l'avortement. Ce qu'on a constaté parmi notre enquête, c'est qu'il n'y
avait pas de réponse claire. Il y a... D'un côté, on dit que les
jurisprudences, c'est suffisant pour protéger, mais, de l'autre côté, des
femmes qui étaient en faveur de ne jamais encadrer, ou légaliser, ou inscrire
nulle part le droit à l'avortement ont changé d'opinion en fonction de ce qui
se passait dans les autres pays. Tu sais, on pourrait nommer les États-Unis,
par exemple, où les jurisprudences ont été... ont été attaquées en justice puis
que, finalement, c'est les États qui doivent eux-mêmes décider de faire qu'est-ce
qu'ils veulent.
Donc, nous, c'était difficile pour nous de
nous positionner parce qu'il n'y a pas vraiment de réponse claire. Cependant,
nous, ce qu'on vous propose dans notre mémoire, on parle de l'ajout de la
dignité et de l'intégrité dans la Constitution, donc, par défaut, bien, le
droit à l'avortement peut entrer dans l'intégrité du corps de la femme puis de
la dignité. Donc, on ne sait pas, ça pourrait être comme une façon de faire une
espèce de compromis, de l'inscrire dans la Constitution sans forcément nommer
l'avortement, mais l'inclure dans le principe de dignité qu'on peut retrouver
dans d'autres constitutions européennes.
M. Jolin-Barrette : Je
comprends, dans votre mémoire aussi, vous faites référence à certains autres
pays où il y a eu des renversements jurisprudentiels, comme la Pologne, le
Venezuela, les États-Unis. Donc, je comprends qu'il y a une part... il y a une
crainte de la part de vos membres à l'effet que ce droit-là puisse reculer
parce qu'il est uniquement protégé par la jurisprudence au Canada, comme
c'était le cas aux États-Unis.
Mme Houle (Alexandra) : Oui,
c'est ça. Donc, on n'a pas de garantie d'un côté puis de l'autre que tout va
être protégé à 100 %. Tu sais, des jurisprudences, oui, ça se fait
renverser, c'est une possibilité. Au Canada, on est convaincu que ça n'arrivera
pas, mais ça pourrait arriver. On voit la montée des groupes pro-vie qui
mettent énormément de pression. Puis, tu sais, nous, de notre côté, on
travaille aussi sur les dossiers de grossesse pour autrui puis ce qu'on
constate, c'est que plus ça avance, il y a des choses qui bougent et des...
quand on regarde dans d'autres pays, comme aux États-Unis, des femmes qui se
font avorter parce qu'elles ne veulent plus être mères porteuses, ça l'arrive.
On ne serait pas étonné, nous, de voir des clients de GPA poursuivre la mère
porteuse parce qu'ils considèrent que le foetus, c'est leur produit à eux. Tu
sais, on ne va pas forcément le considérer comme un humain, mais comme un
produit parce qu'ils ont acheté un embryon ou qu'ils l'ont fait faire, ils ont
acheté le matériel génétique aussi, ou c'est leur matériel génétique dans le
corps d'une autre personne. Donc, ça va arriver un jour, les contestations,
c'est sûr. Donc, il faut trouver une façon qui fait du sens de protéger
l'avortement, que ce soit... bien, au Québec.
• (15 h 10) •
M. Jolin-Barrette : OK. Ça
fait que vous voulez...
Mme Gendron (Ghislaine) : Si
on peut vous alerter là-dessus. Nous, on s'est dit que, si on avait une phrase
ou... un principe, plutôt, qui ne nommerait pas nécessairement l'avortement,
mais qui engloberait le droit à se faire avorter ou à ne pas se faire avorter,
comme on en voit quelques fois dans les contrats de grossesse pour autrui où on
exige dans les contrats des réductions embryonnaires, comme on a vu aux
États-Unis, et des femmes s'opposaient à ça.. Donc, nous, c'est ce qu'on s'est
dit, c'est que, si... en fait, il faudrait avoir un principe qui dirait :
Toute personne est souveraine de son propre corps, et puis ancrer ce droit-là
dans l'intégrité physique au consentement des soins et ne jamais perdre... et
ce principe-là respecterait que toute intervention biologique ne pourrait pas
être imposée à une femme.
M. Jolin-Barrette : Ça fait
que votre préoccupation première, c'est le respect complet et intégral de la
liberté de choix des femmes.
Mme Gendron (Ghislaine) : De
la dignité physique et de son intégrité physique, de sa dignité et de son
intégrité, ce qui comprendrait le droit à ne pas se faire avorter et inclurait
aussi le droit à l'avortement. C'est elle qui décide...
M. Jolin-Barrette : C'est
ça...
Mme Gendron (Ghislaine) : Voilà...
M. Jolin-Barrette : C'est
bon, c'est la liberté de choix. Il y a juste les femmes qui choisissent pour
elles-mêmes, puis il n'y a personne d'autre qui doit se mêler de ça ou imposer
des restrictions.
Mme Gendron (Ghislaine) :
Voilà.
M. Jolin-Barrette : OK.
Sur l'égalité entre les femmes et les hommes, ça, je veux vous entendre là-dessus
parce que vous dites : Vous ne devriez pas écrire «entre les femmes et les
hommes» mais vous devriez dire l'égalité «entre les sexes». Si vous pouvez
m'expliquer qu'est ce que vous voulez dire par là puis à quel point c'est
important dans la société québécoise, ça, l'égalité entre les femmes et les
hommes?
Mme Houle (Alexandra) :
Bien, en fait, pour commencer, sur l'égalité entre les sexes plutôt que
l'égalité entre les femmes et les hommes, si on fait un tour de table en date
du 4 décembre 2025, je suis sûre que ce n'est pas tout le monde qui a la
même définition même de ce que c'est qu'une femme. On l'a vu dans les dernières
années, une femme, pour certains, c'est un ressenti. D'autres, c'est une
réalité biologique. Pour nous, une femme, c'est la femelle adulte de l'être
humain. Donc, pour nous, c'est important, surtout avec toutes les législations
qui ont passé, de définir clairement ce que c'est. On l'a vu par exemple dans
le cas de Mohamad Al Ballouz, le prisonnier qui a assassiné sa femme et ses
enfants, qui a décidé de changer d'identité de genre pendant le processus
juridique et qui exigeait d'être dans une prison pour femme. Juste définir ce
que c'est clairement qu'une femme, disons que ce cas-là l'illustrait
parfaitement. Ça a créé un tollé au Québec, là. Tout le monde s'est révolté
comme ça. Comment on peut changer aussi facilement? Bien, c'est ça. Quand on
n'a pas de définition claire de ce que c'est qu'un homme, une femme, ça donne
des situations comme ça. Et pour nous, c'est pour ça que c'est important de
clairement le définir. Puis dans... dans une constitution, à notre avis, c'est
l'endroit pour le mettre, là, nous, ce qu'on voudrait... mais c'est l'égalité
entre les sexes et pas juste un concept flou de femme et homme, qui n'est pas clairement
défini.
M. Jolin-Barrette : OK.
Vous avez abordé un peu tout à l'heure le modèle d'intégration qu'on a au
Québec. On a adopté une loi sur l'intégration nationale. Puis là je veux vous
demander comment est-ce que ce modèle là d'intégration protège davantage
l'égalité entre les hommes et les femmes ou entre les sexes que le
multiculturalisme canadien?
Mme Houle (Alexandra) :
Bien, en fait, le modèle que nous, nous avons versus le modèle canadien, nous,
on adhère au fait qu'il y a une culture québécoise, puis les gens adhèrent à
ça. Nous, dans nos valeurs fondamentales, on a l'égalité hommes-femmes. Donc,
on ne va pas traiter forcément, donc, femme telle... Elle est de telle
communauté, de tel groupe. Donc, on va s'adapter à tout ce qu'elle représente
de diversité pour faire des droits sur mesure pour elle, pour adapter nos...
nos lois en fonction d'elle. Si je pourrais vous nommer un cas, là, qui
l'illustre quand même assez bien, qui n'est pas forcément au Québec, mais qui
est quand même canadien, Yasmine Mohammed qui est une... bien qui est... qui
est maintenant une militante féministe, c'est une jeune fille... une jeune
femme, qui a été... qui a été mariée à un... est-ce que tu peux...
Mme Gendron (Ghislaine) :
Oui. Alors, elle était mariée. Elle avait été mariée de force, là, à une
personne de sa communauté. Elle était originaire d'Égypte. Et puis elle avait
fait des plaintes parce que le Tribunal de la jeunesse en
Colombie-Britannique... et puis parce qu'elle avait été... subi des... des
lésions corporelles dans le cadre de sa famille. Et puis le juge avait répondu
que ça faisait partie de la culture. Ça lui avait été répondu que ça faisait
partie de sa culture. Alors, le fait de... C'est comme pour nous, c'est comme
de donner deux droits, deux sortes de droits, ou trois sortes de droits. Il y a
eu des cas aussi avec des autochtones qui n'ont pas été... où les tribunaux ont
fait des décisions différentes en respectant une culture qui était différente
puis... Alors, pour nous, c'est comme avoir des droits différents et c'est...
Très souvent c'est les femmes et les enfants qui souffrent de ces... de
cette... comment je dirais ça, de cette relativité-là des droits en fonction
des cultures. Voilà.
Mme Houle (Alexandra) :
...au Québec, de la façon qu'on va traiter ces cas-là, qu'on l'a vu il y a
quelques années, je pense, avec une adolescente de Victoriaville qui avait été
mariée de force à l'étranger et qui était venue ici. Dès que la DPJ a été au
courant de cette situation-là, ça n'a pas été long qu'ils l'ont tout de suite
retirée de la famille, puis qu'ils l'ont protégée. Ça fait que, là, il n'y a
pas eu un traitement parce que bon, elle fait partie de telle communauté, c'est
plus délicat. Ça... Ça n'a pas été long que, tout de suite, ils l'ont retirée
puis on a pris la peine de faire une enquête puis de placer cette jeune-là en
sécurité. Ça fait que, pour nous, c'est de cette façon-là qu'on le voit, là.
M. Jolin-Barrette : Je
vous remercie pour votre passage. Je vais céder la parole à ma collègue de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Le Président
(M. Bachand) :Mme la députée, il
reste une minute. Question, réponse.
Mme Bourassa : Je vais
faire vraiment rapidement. Donc, de ce que je comprends, selon vous, l'égalité
hommes-femmes, ça a préséance et ça doit avoir préséance sur la liberté de
religion...
Mme Houle (Alexandra) : ...oui,
oui, c'est nécessaire. Ça permet d'offrir une chance à toutes les femmes
d'avoir leur droit de respect... leur droit d'être respectées, que leurs droits
soient respectés, peu importe la religion que tu as. Je veux dire, moi, je veux
que toutes les femmes aient les mêmes droits que moi, peu importe leurs
communautés culturelles. C'est important, c'est nécessaire. Je crois que, oui,
c'est ça.
Mme Gendron (Ghislaine) : Je
rajouterais que les... bien, toutes les religions, les livres... ce qu'on
appelle les livres sacrés viennent d'une époque où... très lointaine où les
femmes étaient à peine plus valorisées que du bétail. Donc, les... Il n'y a pas
que ça, dans les religions, ce n'est essentiellement ça, bien sûr, mais on
vient... ça vient quand même de là. Donc, les religions étant par elles-mêmes
patriarcales, eh bien, déjà, il y a une inégalité qui est véhiculée par les
interprétations de ces religions-là, qui sont dans un autre contexte
historique. Voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
l'Acadie.
M. Morin : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, Mmes Houle et Gendron. Heureux que vous soyez là.
Merci pour votre mémoire. Moi, j'aimerais que vous nous parliez un peu... À la
page 13, dans votre mémoire, vous parlez de l'action parlementaire et le
financement d'organisations par les gouvernements et vous craignez... enfin, je
vous cite : «Il nous paraît donc déraisonnable de vouloir museler
inutilement des organisations tirant une partie de leurs revenus de l'État, tel
que le suggère le projet de loi actuel. Cela contreviendrait aux règles de base
de notre démocratie.» Et j'aimerais vous entendre davantage là-dessus, quelles
sont... quelles sont vos craintes, etc. Donc, si vous pouviez nous en dire
plus, j'apprécierais grandement.
Mme Houle (Alexandra) : Oui,
certainement. En fait, nous, ce qu'on constate, c'est surtout au niveau
fédéral, là, qu'on le voit. Nous, ça fait quand même un petit bout qu'on
observe tous les projets qui sont subventionnés, au Québec, notamment, et ce
qu'on observe, c'est que, souvent, c'est des projets... On en a trouvé un que
c'est un projet de recherche, je pense que c'est une affaire comme presque
1 million de dollars qui a été donné pour démontrer que le port du
voile, c'était... au Québec, c'était... les femmes étaient victimes de racisme.
Donc, tu sais, pour nous, bien, on a vu toutes sortes de projets, que ce soient
des initiatives, des programmes équité, diversité, inclusion, tu sais. On va
donner 1,5 million à un organisme pour aller donner plein de formations
gratuites dans des métiers vraiment très ciblés.
Ça fait que ça, c'est toutes des sources
de financement qui sont obtenues si on adopte la grille dans notre... dans
notre organisme, si on est ouvertement intersectionnel. Puis, en fait, c'est
même demandé, là, dans les demandes de subvention, il faut avoir la grille
d'analyse intersectionnelle dans notre projet, puis il faut que ton organisme
le soit.
• (15 h 20) •
Donc, pour nous, que le gouvernement
fédéral oblige les organismes à changer leurs missions ou même à s'adapter ou à
adopter une idéologie, ça vient un peu contrer ce qu'on fait au Québec, là. Le
Secrétariat de la condition féminine ne va pas nous obliger à être
intersectionnels. Nous, on est un groupe universaliste, tout le monde est
admissible, peu importe ton type de féminisme, ce qui n'est pas le cas avec le
fédéral. Donc, ce qu'on voit, c'est que c'est beaucoup d'argents qui sont
injectés dans toutes sortes de projets qui adhèrent à la vision d'Ottawa et pas
forcément à celle du Québec. On l'a vu avec les contestations pour la loi n° 21,
c'est un peu ce même principe là, tu sais, Ottawa a financé un nombre
incalculable d'organismes pour contester la loi n° 21. Bien, on est
là-dedans, là.
M. Morin : OK. Donc, quand
vous dites : Museler inutilement les organisations tirant une partie...
tel que le suggère le projet de loi actuel, donc, à votre avis, le projet de
loi, il a des dispositions qui suggèrent ça?
Mme Houle (Alexandra) : Bien,
en fait, dans le projet de loi, c'est ça, nous... Nous, on parlait surtout du
fédéral, dans notre mémoire, mais, dans la Constitution, on parle plus des
organismes québécois. Donc, ce que l'État propose dans la Constitution, c'est
de... donc que tes subventions ne puissent pas servir à contester le
gouvernement, tu sais. Grosso modo, c'est un peu ça. Nous, ce qu'on a observé
par rapport à, vraiment, ici, l'argent du gouvernement provincial, c'est qu'il
y a énormément d'organismes communautaires que les subventions du gouvernement,
ça représente 90 % de leurs revenus, si ce n'est pas 100 %. Ce n'est
pas tous les organismes qui sont 100 % autonomes au Québec. Donc, c'est
sûr que si tes subventions pour faire fonctionner ton organisme, tu ne peux pas
faire tout ce que tu veux avec puis que tu décides de contester, tu sais, c'est
un peu... c'est un peu paradoxal, tu sais. Ta mission, c'est de faire quelque
chose, mais là c'est conditionnel à beaucoup de... à beaucoup de choses. Mais,
en même temps, tu sais, je pourrais vous donner un exemple, là, on a vu
énormément de mémoires qui ont été déposés puis des actions qui ont été faites
par des groupes, dont plusieurs groupes féministes, qui contestent l'égalité...
Mme Houle (Alexandra) : ...et
femmes-hommes dans la Constitution. Donc, c'est des organismes qui sont
subventionnés. Qu'est-ce qu'on fait lorsque... puis là je vous nomme... tu
sais, ils sont peut-être comme 70, là, à avoir déposé des mémoires qui vont
dans ce sens-là, qui ne veulent... qui contestent l'égalité entre les hommes et
les femmes dans le projet de Constitution. C'est financé par Québec, mais on va
contester quelque chose qui est aussi fondamental que l'égalité entre les
hommes et les femmes. Donc, nous, c'est là qu'on se questionne, là, est-ce
qu'on va laisser les groupes communautaires contester des principes aussi
fondamentaux? Nous, c'est ça. Tu sais, on se dit, bon, est-ce que c'est au gouvernement
peut-être de baliser davantage la façon qu'il donne des subventions. Ou est-ce
que c'est juste pour la mission, tout dépendant de qu'est-ce que tu as dans ta
mission? Parce qu'une convention de subvention il y a énormément de lignes, là.
Quand un organisme décide de signer en bas de la feuille pour l'avoir, il doit
respecter énormément de choses. Donc, est-ce que ce sera au gouvernement de
décider de mettre une petite clause : Vous ne contestez pas l'égalité
hommes-femmes? Ce serait à vous de voir, là.
M. Morin : Parfait. Je vous
remercie. Maintenant, dans votre mémoire, vous n'abordez pas la question des...
des femmes autochtones, si elles ont été consultées ou pas, leur place dans
le... le projet de loi. Est-ce que c'est quelque chose qui vous inquiète?
Mme Gendron (Ghislaine) : Parce
qu'on n'en a pas parlé, vous voulez dire que parce qu'on a on n'a pas parlé des
femmes autochtones, vous demandez si ça nous inquiète.
M. Morin : Oui, bien, c'est
ça, est-ce que... est-ce que vous avez une position là-dessus? Est-ce que le
projet de loi vous inquiète? Il ne semble pas y avoir eu de consultation auprès
des femmes autochtones.
Mme Gendron (Ghislaine) : Bien
nous, c'est sûr qu'on souhaite qu'il y ait une consultation, puis je pense
qu'elles vont vous présenter des choses. Oui. Mais non, pas du tout, pas du
tout.
M. Morin : Parfait.
Mme Houle (Alexandra) : Bien,
en fait, nous, on est allés avec le concept femmes en général. Puis là on est
en pleine consultation. Il y a quoi? Il y a 211 organismes qui ont envoyé
des mémoires, il va y avoir plus de 300 personnes, groupes qui vont être
consultés, ça fait que j'imagine... Mais en fait, de ce que j'ai vu qui
commençait à être déposé, il va y en avoir, là, mais on n'est pas des
spécialistes de la question autochtone.
M. Morin : Parfait.Merci.
Merci M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne,
s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup, M. le Président. Je veux revenir sur la question du collègue sur le
financement des... des organismes, là. Page 14, vous parlez des positions
contraires aux choix collectifs québécois. Vous nommez lutte racisme
systémique, déni de la binarité du sexe. Je voulais juste bien comprendre,
selon vous, ça, ce sont des choix collectifs québécois, c'est les positions
collectives?
Mme Houle (Alexandra) : Vous
parlez de?
M. Cliche-Rivard : Vous
nommez lutte au racisme systémique puis déni de binarité du sexe.
Mme Houle (Alexandra) : Mais
les positions officielles du gouvernement, c'est la lutte au racisme, il n'y a
pas... Le gouvernement n'a pas encore reconnu le... le racisme systémique.
Puis, pour la binarité, pour nous, le sexe est binaire, donc...
M. Cliche-Rivard : Mais vous
pensez que ceux qui feraient la promotion d'autres choses auraient des
positions contraires aux choix collectifs québécois. C'est la position que vous
soutenez, là.
Mme Houle (Alexandra) : Bien,
en fait, nous, ce qu'on nomme, c'est qu'il y a deux sexes. Donc, c'est sûr que
s'il y a des groupes qui sont financés qui vont dans le sens... Il y a une
différence entre sexe et genre. On peut parler de diversité de genre puis en
faire la promotion, l'expliquer aux gens, mais on ne peut pas dire qu'il y a
comme 36 sexes, là. Si jamais vous cherchez un spécialiste sur la question,
vous allez rencontrer François Chapleau le 10 décembre, il va pouvoir tout
vous expliquer ça en long et en large.
M. Cliche-Rivard : J'aimerais
vous entendre aussi sur... Le ministre de la Justice vous parlait d'inscrire
l'avortement ou de ne pas l'inscrire. Visiblement, ce qui est écrit à la
page 7, c'est que ça vous divise. Vous n'êtes pas convaincu d'une des deux
options. Vous n'en soutenez aucune, en fait.
Mme Houle (Alexandra) : Mais
en fait c'est que nous, ce qu'on voit, c'est qu'il y a deux possibilités puis
qu'il n'y a pas de consensus. En fait, il faut voir qu'est-ce qui est le plus
plausible puis quelle est la meilleure façon de protéger l'avortement. Puis
nous, on n'a pas été capable d'en trouver une qui était vraiment solide à
100 %, garantie qu'il n'y aura jamais de revirement sur le droit de
l'avortement au Québec, là.
M. Cliche-Rivard : Vous
référez Morgentaler 88. Depuis 88, est-ce que ce droit-là a été affaibli,
selon vous?
Mme Houle (Alexandra) : Pas
pour le moment, pas pour le moment, mais comme je le dis...
Mme Gendron (Ghislaine) : Pardon.
Moi, je dirais oui, ça a été un peu affaibli avec l'introduction de la GPA.
Heureusement, on remercie d'ailleurs le ministre, M. Barrette, d'avoir
protégé dans son projet de loi la GPA de... pour que les femmes puissent
avorter, ce qui n'est pas le cas en Ontario. Donc, si vous me parlez d'un
exemple, nous avons vu des contrats de GPA en Ontario, d'agence intermédiaire,
dans... de grossesses pour autrui, dans lequel c'est bien écrit dans le
contrat, que les parents d'intention seront responsables, c'est eux qui vont décider
si la femme doit se faire avorter ou non. Alors, pour votre... Ma réponse est
oui. Notre réponse est oui, en fait, il y a une...
M. Cliche-Rivard : Puis ce
sont des contrats qui ont été jugés légaux et valides, ça?
Mme Gendron (Ghislaine) : Ah,
bien là, il faudrait... il faudrait aller en Cour suprême. Il faut aller en
Cour suprême.
Le Président (M.
Bachand) :M. le député de Jean-Talon,
s'il vous plaît. M. le député de Jean-Talon.
Mme Gendron (Ghislaine) : ...mais
elles n'ont pas été... Ça n'a pas été testé.
Le Président (M.
Bachand) :Merci.
Mme Gendron (Ghislaine) : Voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Donc...
Le Président (M.
Bachand) :...M. le député de Jean-Talon.
M. Paradis : Merci.
J'aimerais continuer sur le même sujet de la protection du droit à l'avortement
parce que vous commencez dans votre mémoire par saluer la volonté du
gouvernement de l'inscrire au cœur de la Constitution, mais vous terminez en
disant : Nous ne sommes pas juristes, donc nous laissons au gouvernement
le soin de déterminer la meilleure façon. Nous, vous savez, quand on va arriver
à l'étude article par article, qu'on va essayer de voir, bien, qui nous a dit
quoi puis qu'est ce qu'on retient. Donc, vous, est-ce que vous êtes... Vous
n'êtes pas contre le fait que ce soit dans la constitution, mais, si ça ne
l'est pas, vous ne vous opposez pas non plus à ça. Donc, en réalité, vous
êtes... Vous venez de le...
Mme Gendron (Ghislaine) : ...ce
qu'on aimerait, c'est que ça soit plus large que simplement l'avortement, qu'on
aille plus largement en disant que les femmes sont souveraines de leur corps,
qu'elles ont droit à leur intégrité physique et qu'elles ont droit à leur
dignité. Alors, pour nous, ça, ça protège l'avortement et ça protège aussi les
femmes qui font des grossesses pour autrui et auxquelles on leur tente de leur
imposer par des contrats des interventions médicales, que ce soit la réduction
embryonnaire ou que ce soit l'avortement, par exemple, aussi.
M. Paradis : Et mon but,
c'est vraiment d'éclairer, là, pour nous quelle est votre posture. Parce qu'il
y a des groupes qui sont très, très, très fortement opposés à l'inscription
dans la Constitution, et ces groupes-là, ils y voient un risque. Vous, si, à la
fin, c'est ça, la décision, est-ce que vous êtes fâchés, est-ce que vous
trouvez qu'on a manqué une opportunité ou vous dites : Bien, ça nous va
parce qu'on n'était nous-mêmes pas déterminés tant que ça sur la posture à
choisir?
Mme Houle (Alexandra) : Bien,
en fait, nous on va voir si vous... si vous ajoutez la dignité, l'intégrité des
femmes. Je veux dire, si nous, on considère que, si vous l'intégrez, déjà là,
vous protégez d'une certaine façon l'avortement en plus de protéger les femmes
contre l'exploitation sexuelle. Juste faire cet ajout-là, ça protège les femmes
d'une liste d'abus incroyable. Donc, nous... Tu sais, peu importe ce que vous
faites avec l'article 29, nous, c'est surtout si vous faites ces ajouts-là
qu'on va regarder, là.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Donc, Mme Houle, Mme
Gendron, merci infiniment d'avoir été avec nous.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 15 h 29)
(Reprise à 15 h 31)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît, la
commission reprend ces travaux. Ça fait plaisir d'accueillir Mme Marie-Claude
Girard. Merci beaucoup d'être avec nous cet après-midi. Vous connaissez les
règles, alors je vous laisse débuter, après ça, faire une période d'échange
avec les membres de la commission. Merci encore d'être avec nous aujourd'hui.
Mme Girard (Marie-Claude) : Merci.
Alors, d'abord, je suis Marie-Claude Girard, je suis retraitée de la Commission
canadienne des droits de la personne et je suis très active au niveau... bien,
c'est-à-dire, j'essaie d'être active au niveau du développement de la société,
alors je publie régulièrement dans les médias québécois sur les sujets de la
laïcité de l'État et sur le droit des femmes à l'égalité. Je vous remercie pour
l'invitation. Alors, ma présentation, j'aimerais tout d'abord vous remercier
pour cette invitation à commenter le projet de loi un, loi constitutionnelle
sur le Québec.
Il s'agit pour moi d'une initiative
importante puisqu'une constitution est la pierre angulaire d'un État. Le projet
de loi un reflète bien les valeurs fondamentales du Québec, soit la langue
française, la laïcité de l'État et l'égalité entre les femmes et les hommes, ou
l'égalité entre les sexes, comme vient de suggérer le Réseau féministe
québécois. J'aimerais toutefois suggérer...
15 h 30 (version non révisée)
Mme Girard (Marie-Claude) : ...quelques
amendements visant à mieux définir et protéger les droits collectifs et les
principes fondateurs du Québec. Ces derniers sont si fondamentaux que leur
libellé devrait être bonifié pour en faire des obligations positives de l'État.
Ils devraient tous... ainsi tous contenir des obligations de résultats ou
imposer à l'État de promouvoir ou de mettre en place des mesures spécifiques
pour les protéger.
C'est ce qu'a fait, par exemple, le Canada
en l'inscrivant avec l'objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du
patrimoine multiculturel des Canadiens, dans l'article 27 sur le
multiculturalisme de la Constitution canadienne. On peut aujourd'hui que
constater... on ne peut aujourd'hui que constater l'efficacité d'un droit
collectif... d'un droit positif. On doit faire la même chose pour les droits
collectifs et les principes fondateurs du Québec. Ainsi, l'article 28
proposé sur le droit à l'égalité devrait se lire : «L'État protège et
promeut l'égalité entre les femmes et les hommes.» Cet ajout permettrait d'éviter
l'effritement d'une des valeurs phares du Québec, à savoir l'égalité des sexes,
une valeur qui continue à être très précaire ici et dans le monde. Je vous
laisse trouver la formulation appropriée pour les autres articles, notamment
ceux liés à la langue française, à la laïcité et au modèle d'intégration
nationale.
Enfin, comme il s'agit de droits
fondamentaux et de principes fondateurs, il faut faire en sorte qu'ils soient
pérennes, en précisant qu'ils ne peuvent être modifiés qu'à la suite d'un
référendum populaire.
J'aimerais maintenant aborder la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle. Pour moi, les organismes sans but lucratif jouent un rôle
essentiel en servant des causes sociales, culturelles ou éducatives dans la
société. Il est donc important qu'ils puissent continuer à pouvoir contester, s'ils
le désirent, la constitution québécoise ou loi qui touche ses principes ou ses
caractéristiques fondamentales. Je recommande donc de réduire la portée de l'article
5 pour en faire... pour faire en sorte que les OSBL qui reçoivent des
subventions soient encore habilités à le faire.
Voyons maintenant les modifications
proposées à la Loi constitutionnelle de 1867. Le projet de loi vise à ajouter
trois particularités du Québec, à savoir son caractère laïque, son modèle d'intégration
nationale et le fait que le Québec est un état de tradition civiliste. C'est
très pertinent, mais il manque la reconnaissance que le Québec est un État qui
reconnaît des droits collectifs intrinsèques et inaliénables, dont le droit
collectif des femmes à l'égalité avec les hommes, et que le Québec est un État
qui a le droit de choisir librement son régime politique et son statut
juridique. Ces particularités devraient donc y être ajoutées.
Abordons maintenant les autres
modifications proposées, en commençant par celles au Code civil. Le projet de
loi n° 1 propose de reconnaître l'égalité entre les femmes et les hommes
comme principe fondateur du Québec, ce qui est très bien. Il est, pour ce faire,
fondamental de distinguer les notions de sexe et d'identité de genre et de
reconnaître que le sexe est une réalité biologique immuable et la base du droit
des femmes à l'égalité, alors que l'identité de genre, basée sur un ressenti,
peut fluctuer dans le temps, selon les circonstances. Malheureusement, le Code
civil amalgame le sexe et l'identité de genre dans la mention de sexe sur l'acte
de naissance, ce qui invisibilise les femmes. Cette façon de faire brime leur
droit à l'égalité, puisqu'il n'est plus possible d'utiliser les données de l'acte
de naissance pour protéger, par exemple, l'intégrité du sport féminin ou les
lieux désignés pour protéger les femmes, je pense aux vestiaires, aux toilettes,
aux refuges, aux prisons pour femmes. Le Comité de sages sur l'identité de
genre appelait d'ailleurs, au printemps dernier, à distinguer rigoureusement
les notions de sexe et de genre et à éviter toute terminologie qui amalgame les
deux notions. Il convient donc d'ajouter aux modifications proposées au Code
civil un amendement à ces articles 70 et 70.1 afin d'établir une distinction
explicite et rigoureuse entre les notions de sexe et de genre et d'éviter toute
terminologie susceptible de les confondre. Pour moi, il s'agit d'un amendement
nécessaire si le gouvernement veut être crédible dans sa volonté d'inscrire l'égalité
entre les femmes et les hommes dans la constitution québécoise.
Maintenant, les modifications proposées à
la charte des droits. J'aimerais signifier mon appui, que je n'ai
malheureusement pas fait dans mon mémoire, mon appui à l'ajout de l'article
9.2....
Mme Girard (Marie-Claude) : ...9.2
stipulant qu'en cas de conflit entre l'exercice de droit à l'égalité entre les
femmes et les hommes et l'exercice de la liberté de religion, le premier
l'emporte. Cet ajout reflète en fait la Loi favorisant le respect de la
neutralité religieuse de l'État qui demande que les accommodements accordés
pour un motif religieux respectent le droit à l'égalité entre les femmes et les
hommes.
J'ai vu que certains organismes, tels la
Commission des droits de la personne ainsi que le Barreau du Québec,
s'opposaient à cet ajout puisque cela introduirait une hiérarchisation des
droits. Cette prise de position étonne puisque l'égalité des droits entre les
femmes et les hommes, inscrite à l'article 50.1 de la Charte québécoise,
fait déjà en sorte que ce droit à l'égalité prime sur les autres. On retrouve
la même chose à l'article 28 de la Charte canadienne qui offre une
garantie au droit à l'égalité entre les sexes, et je cite, indépendamment des
autres dispositions de la Charte. En somme, l'égalité des sexes ou l'égalité
entre les femmes et les hommes priment déjà en droit. Le projet de loi
n° 1 ne fait que le codifier afin de guider les juges dans leur
interprétation, ce qui est une très bonne chose.
Rappelons-le, partout dans le monde, quand
les droits des femmes reculent, la religion n'est pas loin.
Enfin, la Loi sur le ministère de la
Justice, l'histoire de la contestation de la loi 21 nous a enseigné que
l'apport d'intervenants en appui aux procureurs peut être très utile puisqu'il
soulève des arguments juridiques complémentaires. Ainsi, il est donc essentiel
de s'assurer que la modification suggérée à l'article 42 ne restreint pas
la possibilité, pour les intervenants conservatoires ou amicaux, de participer
à la défense de la Constitution ou d'une loi du Parlement du Québec en appui
aux procureurs.
J'aimerais terminer en disant que j'appuie
à 100 % toutes les recommandations que vient de vous présenter le Réseau
féministe québécois et que l'on retrouve également explicité dans leur
excellent et très inspirant mémoire. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci infiniment. M. le
ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Bonjour, Mme Girard. Merci de participer aux travaux de la commission.
Peut-être deux précisions. D'entrée de jeu, relativement à l'article cinq, pour
vous rassurer, les organismes à but non lucratif, sans but lucratif ne sont pas
visés par l'article cinq. C'est uniquement les organismes publics qui sont
listés à l'annexe, donc, qui ne sont pas couverts. Donc, je vous rassure sur ce
point-là sur votre commentaire.
Autre point, sur l'article 42,
relativement au rôle du procureur général, l'article n'interdit pas aux groupes
de soutenir le procureur général, on vient simplement préciser dans la Loi sur
le ministère de la Justice le rôle du procureur général, donc il y a... Vous
n'avez pas de crainte à avoir, ce n'est pas ce que ça vise précisément.
Alors...
Mme Girard (Marie-Claude) : Je
comprends que ce n'est pas l'intention, mais d'autres avocats m'ont dit qu'il y
avait un danger potentiel à ce que ce soit juste le procureur qu'il puisse
intervenir, alors je voulais juste m'assurer que ce soit... qu'on puisse
continuer à vous appuyer au bon moment.
• (15 h 40) •
M. Jolin-Barrette : On est
d'accord là-dessus, puis je vais le préciser en étude détaillée. Donc, vous
faites bien de me le dire.
Bon, l'égalité entre les femmes et les
hommes, ou l'égalité entre les sexes, je veux qu'on discute de ça. Parce que
vous l'avez bien dit, là, la Commission des droits de la personne, le Barreau
nous ont déposé des mémoires puis ont dit : Écoutez, c'est donc bien
horrible, ça, ce que le gouvernement veut faire, de dire qu'au Québec, là, on
va donner la priorité au droit à l'égalité entre les femmes et les hommes. Moi,
je pensais qu'on avait pas mal un consensus là-dessus au Québec, puis je
pensais que, dans notre société, ça devrait être ça, ça devrait être le fait de
dire : Au-delà de tout autre droit, les hommes puis les femmes sont égaux,
puis notre base juridique devrait être interprétée à la lumière de ça, puis on
ne devrait pas faire passer à la liberté de religion qu'un homme refuse d'être servi
pour des raisons religieuses par une femme. Ça fait que je veux vous entende
là-dessus.
Mme Girard (Marie-Claude) : Je
suis... je suis d'accord. Comme j'ai dit dans ma présentation, de toute façon,
qu'on regarde la Constitution canadienne, qui priorise avec l'article 28
l'égalité entre les sexes et... la Constitution canadienne, le droit des femmes
à l'égalité doit être pris en considération quand on prend les autres lois,
donc il y a préséance. Ce que j'ai compris des autres mémoires, dans le fond...
Bien, c'est contesté à deux endroits. Ce que j'ai compris des autres mémoires,
c'était : Bien, c'est déjà là, alors il faut laisser une flexibilité aux
juges d'interpréter dans les différentes circonstances comment on devrait
interpréter l'égalité ou les autres droits. Alors, c'est pour ça que je vous
remercie de codifier ce droit-là parce que c'est... Ce droit-là, l'égalité
entre les hommes et les femmes ou l'égalité entre les sexes, fait déjà partie
de la... des deux chartes de droit, canadienne et québécoise, alors de le
codifier pour le préciser, pour enlever une marge de manœuvre aux juges, bravo,
parce que c'est tellement...
Mme Girard (Marie-Claude) : ...fondamental
que ça doit être à l'avant. On ne crée pas un droit, il est déjà là. Les autres
contestations que j'ai vues...
M. Jolin-Barrette : ...là-dessus.
Mme Girard, vous êtes d'accord avec moi que la nécessité pour le législateur
d'intervenir pour guider les tribunaux, pour dire ce que, comme nation, comme
société, on veut, c'est que, quand vous avez la liberté de religion, d'un côté,
puis l'égalité entre les hommes et les femmes, vous allez donner priorité à
l'égalité entre les femmes et les hommes. Donc, on vient sciemment,
consciemment, hiérarchiser ce droit-là, puis vous, vous êtes d'accord avec ça.
Mme Girard (Marie-Claude) : Tout
à fait. Dans le fond, vous précisez ce qui est déjà dans les chartes...
M. Jolin-Barrette : Mais qui
n'est pas...
Mme Girard (Marie-Claude) :
...mais vous allez plus loin peut-être, mais oui.
M. Jolin-Barrette : ...mais
qui n'est pas interprété de cette façon-là par les tribunaux.
Mme Girard (Marie-Claude) : Exact,
pour enlever l'interprétation des juges. Alors, oui, bravo, merci. Comme je
l'ai dit, quand les droits des femmes reculent, c'est toujours... partout dans
le monde, la religion n'est pas loin derrière. Alors, merci pour cette
précision-là.
M. Jolin-Barrette : OK.
J'aimerais vous entendre sur la question des droits collectifs, parce qu'on
vient dans la loi constitutionnelle de 2025 nommer les choses et dire que la
nation québécoise est titulaires de droits collectifs. Et vous le savez,
lorsqu'on a... notre gouvernement commencé à faire ça en 2018, de nommer les
choses, exemple, que la nation québécoise avait le droit à la laïcité, la
protection du français, on s'est fait accuser de dire : Ça n'existe pas,
des droits collectifs, puis on s'est fait nier ça, là, par les opposants qui
vont venir en commission parlementaire. Que pensez-vous de l'existence de droits
collectifs sur le français, sur l'égalité entre les hommes et les femmes, sur
la laïcité, le fait de les introduire dans la loi constitutionnelle de 2025?
Mme Girard (Marie-Claude) : Je
dis bravo. D'ailleurs, c'est ce qui distingue la Charte québécoise qui inclut
des droits collectifs et de la Charte canadienne qui mise exclusivement sur les
droits individuels. Pour moi, les droits collectifs sont indispensables pour...
Par exemple, là, je vais prendre encore l'égalité entre les hommes et les
femmes, ça fait en sorte que les droits collectifs pour l'ensemble des femmes,
ce qui comprend aussi les femmes autochtones, qu'on parle de... le droit
collectif de l'ensemble des femmes, l'égalité, c'est pour toutes... c'est pour
toutes les femmes. Ça permet d'élever les conditions sociales, d'élever... de
s'assurer que tous nos lois et nos règlements respectent le droit collectif des
femmes à l'égalité. Quand on parle juste des droits individuels, c'est un
peu... c'est l'approche intersectionnelle, c'est un peu comme le
multiculturalisme, c'est comme si on abandonnait les femmes... les femmes
peuvent choisir ce qu'elles veulent, mais on ne leur donne pas les conditions
pour atteindre l'égalité. On respecte les droits individuels : Ah! oui,
toi, tu te considères inférieur à tout le monde. C'est correct, c'est ton
choix. Toi, tu te considères...
Alors, ça prend des droits collectifs pour
atteindre une égalité entre les hommes et les femmes des groupes spécifiques.
Si on n'a pas ça, que c'est que des droits individuels, on ne peut pas mettre
en place les conditions pour arriver à une égalité globale pour tout le monde,
pour toutes les femmes.
M. Jolin-Barrette : Vous
venez d'aborder aussi dans votre réponse la différence entre la charte
québécoise, donc la Charte des droits et libertés de la personne, et la Charte
canadienne, donc la Charte des droits et libertés. Pour les gens qui nous
écoutent, là, c'est quoi, la différence entre les deux? Puis pourquoi est-ce
important que la charte québécoise ne soit pas un copier-coller de la Charte
canadienne?
Mme Girard (Marie-Claude) :
D'abord, la charte québécoise a précédé la Charte canadienne et la Charte
québécoise était déjà là en reconnaissant... quand même des droits collectifs à
la base. Quand l'analyse des droits collectifs a été faite pour la Charte
canadienne, ça a été suggéré, on a dit : Non, non, parce qu'avec... ça
contrevient un petit peu au multiculturalisme souhaité par les pères de la
Charte canadienne, parce que multiculturaliste, c'est : Tout le monde peut
choisir et on te respecte dans... de façon générale. Les droits collectifs,
c'est les droits qu'on se donne en tant que nation, ce que Canada ne veut pas
faire, lui, il veut respecter tout le monde individuellement, mais il n'y a pas
de cohésion sociale. Les droits collectifs, c'est des... ce sont des choix que
les citoyens font puis disent : Nous, pour notre vivre-ensemble, on pense
que c'est important d'avoir... de protéger la langue, de protéger l'égalité
entre les femmes, d'où l'importance des droits collectifs.
En faisant ça, on aide tout le monde. On
n'abandonne pas chacun à son sort individuellement. Pour moi, c'est la force de
la charte québécoise. C'est pour ça que c'est important d'avoir... qu'elle soit
incluse dans le projet constitutionnel, et c'est la force du Québec, c'est
vraiment...
M. Jolin-Barrette : ...Mme
Girard, pour votre passage. Je vais céder la parole à mon collègue de
Saint-Jean-sur-Richelieu.
Le Président (M.
Bachand) : Merci. M. le député de Saint-Jean, trois minutes, s'il
vous plaît.
M. Lemieux : Merci beaucoup,
M. le Président. Mme Girard, de toute évidence, si vous ne le connaissez pas
très bien, vous êtes passionnée par le droit, mais particulièrement pour les
chartes que vous connaissez très bien...
M. Lemieux : ...j'ai écrit, au
début de votre présentation, il y a quelque chose qui m'a frisé les oreilles.
Vous avez dit : Ça va prendre le référendum populaire ça, pour faire ça.
C'étaient des changements à ce qui serait fait, auxquels vous faisiez allusion.
Puis ça m'a posé la question parce que ça a été beaucoup évoqué. Il y a ceux
qui sont des constitutionnalistes de fin de semaine et puis qui aiment beaucoup
ça, comme moi, puis il y a ceux qui ne connaissent pas ça mais qui ont des
opinions, puis c'est le processus, à ce moment-là, qui vient les
chercher : comment on fait ça, une Constitution, par qui, comment,
combien? Bon.
Vous, quand vous avez préparé votre
mémoire, vous étiez... Évidemment, la laïcité, c'est toujours en arrière de
votre tête, on le sent, on entend, on le comprend, hommes-femmes, tout ça,
mais; par rapport à la démarche puis au processus, si vous avez senti le besoin
de parler des référendums, à quelque part, c'est que vous aviez une vision de
ce que c'était qu'on était en train de faire, là.
Mme Girard (Marie-Claude) : Oui,
mais deux choses. Pour moi, le processus pour développer la loi
constitutionnelle que le gouvernement est en train de faire... le fait qu'on
participe toutes, que tous les groupes soient... vous allez entendre plus de
200 groupes, et tout ça, on peut participer à ce projet de loi là, il est
quand même très ouvert. Il y a des comités qui... Il y avait eu des rencontres
qui ont été faites. Bravo! Ce n'est peut-être pas idéal, oui, ça aurait été
bien de demander à chaque Québécois, québécoise qu'est-ce qu'ils en pensaient,
mais vous êtes les représentants de vos constituants. Alors, pour moi, c'est
quand même un processus démocratique. C'est une première étape qui pourrait
être unifiée par un autre gouvernement qui va suivre, mais ça consolide à ce
que ça nous représente au Québec.
Quand je parle de processus référendaire
populaire, c'est parce que, pour moi, les droits collectifs qui sont
énumérés... Dans le fond, vous n'inventez pas, ils font partie de notre corpus
actuel, mais ces droits-là sont tellement fondamentaux que je n'aimerais pas
qu'un nouveau gouvernement sur simple majorité puisse les changer. Ça prend un
processus solide. Est-ce que c'est un processus référendaire pour dire :
Ça reflète mes valeurs en tant que société, ou un autre plus complexe? Mais il
faut que ça soit plus que la majorité...
M. Lemieux : Justement. Il me
reste juste quelques secondes, mais, ce matin, on s'est fait expliquer que ce
n'était jamais fini. Dans le fond, c'est organique, une constitution, et avec
le temps, ça va s'ajouter. Vous êtes contente de ce qui est sur la table pour
commencer? Vous êtes à l'aise avec ça?
Mme Girard (Marie-Claude) : Pour
moi, c'est la première... c'est la... ça consolide ce qui existe actuellement
de façon claire. Après ça, si on veut devenir un peuple indépendant et puis on
va ajouter les... tout le champ de juridiction fédérale à l'intérieur, au moins
on n'aura plus besoin de discuter de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Puis on vient de solidifier ça...
M. Lemieux : Et de laïcité.
Mme Girard (Marie-Claude) :
Et de laïcité.
M. Lemieux : Merci, Mme
Girard.
Mme Girard (Marie-Claude) :
Ça va être concret. Puis là on pourra compléter à droite et à gauche selon la
volonté du peuple.
M. Lemieux : Merci, Mme
Girard. Merci, Monsieur le président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. Monsieur le député
de l'Acadie, s'il vous plaît.
• (15 h 50) •
M. Morin : ...Monsieur le
président. Alors, bonjour, madame Girard. Merci, merci d'être là. J'aurais
juste une question rapide pour vous, monsieur le Président, question
d'intendance. On a aussi le professeur émérite, M. Chapleau. Je comprends qu'il
ne sera pas entendu, mais qu'il a déposé...
Le Président (M.
Bachand) : Il va être entendu plus tard.
M. Morin : Plus tard?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, effectivement.
M. Morin : OK, parfait. Très
bien. Je vous remercie. Alors, merci pour votre mémoire, Mme Girard. J'ai une
question pour vous. À la recommandation quatre, et c'est en... il y a un lien
que je vais faire, là, et je vais vous le dire, avec votre recommandation
trois. Je comprends que vous souhaitez que, dans la loi, sur le Conseil
constitutionnel, on puisse permettre à des intervenants conservatoires ou
amicaux d'appuyer le procureur général lorsque la loi est contestée ou
lorsqu'une loi constitutionnelle est contestée même si ces organismes reçoivent
de l'argent de l'État, mais que les mêmes organismes, cependant, qui reçoivent
de l'argent de l'État ne pourraient pas, eux, contester une loi. Donc, ça va
d'un côté, mais pas de l'autre. Tu sais, c'est... je voudrais juste que vous
puissiez me préciser ça.
Mme Girard (Marie-Claude) :
Non, non. Non, non, ce n'est pas ça que j'ai dit, mais non. OK. Je veux juste
préciser. Quand je parlais des OSBL, je veux qu'ils soient... des organismes à
but non lucratif, qu'ils puissent continuer à contester la loi. Quand je
demandais une modification à l'article cinq, je veux qu'ils puissent continuer
à contester les lois, tout comme je veux que les organismes et les OSBL, que...
je pense au mouvement québécois Pour les droits des femmes du Québec, qu'ils
puissent continuer à appuyer le procureur en défendant les lois du Québec. Je
suis... C'est dans... Les deux, c'est dans le même sens.
M. Morin : Ah bon? Très bien.
Excellent. Merci, merci pour cette...
Mme Girard (Marie-Claude) :
Précision.
M. Morin : ...cette
clarification, cette précision. À votre recommandation cinq, c'est à la page
onze, vous dites : «Le Québec est un État qui reconnaît des droits
collectifs intrinsèques et inaliénables, dont le droit collectif des femmes à
l'égalité avec les...
M. Morin : ...le droit de
choisir librement son régime politique, son statut juridique. Donc, je
comprends que vous voulez idéalement que ce soit ajouté à l'article 28 qui
reconnaît l'égalité entre les hommes et les femmes. Est-ce que je vous saisis
bien?
Mme Girard (Marie-Claude) :
C'est ce que je veux dire. Je suppose que c'est l'article 28, c'est qu'on
propose de changer la Loi constitutionnelle de 1867. On ajoute trois
caractéristiques du Québec actuellement dans le projet de loi, que ce soit que
le caractère laïque, son modèle d'intégration nationale et le fait que le
Québec est de tradition civiliste. Bravo! Mais j'aimerais aussi qu'on inclue
là-dedans l'égalité entre les droits collectifs, dont l'égalité entre les
femmes et les hommes. La raison d'être, entre autres parce que je ne l'ai pas
expliqué, mais la raison d'être, pour donner un exemple, dans la Constitution
canadienne, ça protège aussi l'égalité entre les femmes... entre les sexes,
c'est marqué «entre les sexes» à l'article 28. Cependant, même si elle est
indépendamment de tout, la façon que le politique le lit, le multiculturalisme
a préséance. Alors, les droits à l'égalité ne sont pas perçus de la même façon.
Alors, pour moi, de rajouter dans le... dans la... la Loi constitutionnelle de
1867 l'égalité entre les femmes et les hommes, les valeurs collectives, dont
l'égalité entre les femmes et les hommes, vient... vient préciser davantage que
ne le fait la Constitution canadienne. Puis nous, on a notre propre façon de le
faire parce qu'on a le modèle d'intégration nationale qui est aussi une valeur
collective. Alors, on ne met pas les... On ne mêle pas les... C'est le
multiculturalisme canadien qui me fait peur. D'ailleurs, le droit à l'égalité a
été ajouté à la Constitution canadienne. C'est à la suite de pressions de
féministes qui avaient peur de la Loi sur le multiculturalisme qui veut dire,
cette loi là, elle enferme les femmes dans leurs communautés. Et si leurs
communautés culturelles ou religieuses n'accordent pas un droit égal entre les
femmes et les hommes, ces femmes-là, le multiculturalisme les emprisonne. Nous
nos... notre modèle d'intégration nationale est la valeur collective des femmes
et des hommes. C'est qu'on regarde toutes les femmes. On ne dit pas je respecte
ton droit, toi dans ton petit coin, puis reste là. On veut que toutes les
femmes aient droit à l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est une
approche universaliste. C'est pour ça que de rajouter dans la modification
proposée la Loi constitutionnelle de 1867 nous permettrait de faire un pas de
plus en affirmant le droit à l'égalité entre les hommes et les femmes.
M. Morin : Je vous
remercie. Et vous a ajouté aussi dans votre recommandation «et le droit de choisir
librement son régime politique et son statut juridique».
Mme Girard (Marie-Claude) :
Pour moi, c'est ma façon de dire que le Québec est... que le Québec existe et
qu'on a le droit de faire nos choix. Est-ce que c'est la bonne formulation? Je
ne sais pas, mais c'est comme dire qu'on a nos institutions, qu'on a nos choix
à faire et qui peuvent se distinguer de ceux du Canada, oui.
M. Morin : Parfait. Très
bien. Je vous remercie pour ces éclaircissements et je n'ai pas d'autres
questions. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci pour votre présentation. Vous avez échangé avec le ministre
tout à l'heure, là, sur la question de l'article 5 pour la portée puis la
capacité des organismes à contester. Le ministre vous a rassuré sur
l'article 5, mais il y a l'article 4 aussi dans le projet qui
dit : «La présente loi s'applique au gouvernement et à ses ministères, aux
organismes visés à l'annexe I ainsi qu'aux organismes et aux catégories
d'organismes que le gouvernement détermine». Donc, il n'y a pas seulement avec
l'article 5, finalement, il y a aussi une capacité du gouvernement d'aller
plus loin au niveau de l'article 4. Est-ce que vous l'avez étudié, ça, ou...
Mme Girard (Marie-Claude) :
Ça ne m'a pas frappé quand je l'ai lu.
M. Cliche-Rivard : Ça ne
vous a pas frappé.
Mme Girard (Marie-Claude) :
J'ai... Ma préoccupation, c'était l'article 5 pour qu'on puisse, surtout
les OSBL. Là, je ne parle pas des autres qui sont 100 % financés ou de la
liste. Je n'ai pas regardé sous cet angle.
M. Cliche-Rivard : Si
l'interprétation se confirmait à l'effet que ça pourrait avoir cet effet-là
pour l'article 4, votre commentaire serait le même, finalement, à savoir
qu'il faudrait permettre...
Mme Girard (Marie-Claude) :
Oui. Oui, parce que les OSBL et ils servent à ça, c'est des regroupements plus
populaires que d'État, pour défendre leurs droits. Puis ils devraient pouvoir
continuer à contester.
M. Cliche-Rivard : Puis
advenant que ça devait leur être interdit, ça serait quoi votre... votre vision
de ça? Comment vous trouveriez ça?
Mme Girard (Marie-Claude) :
Bien, ma recommandation, c'est que ce ne soit pas interdit. C'est... Ça sert
les citoyens si un regroupement sans but lucratif qui a des valeurs communes
qui peut se faire valoir, se doit... On doit être à l'écoute des citoyens.
M. Cliche-Rivard : Ça
affaiblirait donc les contre-pouvoirs. Vous êtes d'accord avec moi, là.
Mme Girard (Marie-Claude) :
De ne pas écouter personne? Oui. Puis ce n'est pas ça que ça dit, là, si j'ai
bien compris, si les OSBL ont droit de parole, tout comme les citoyens.
M. Cliche-Rivard : Bien,
on va l'attendre comme vous, la réponse pour l'article 4. On l'a eu pour
de vrai à l'article 5, j'ai eu la réponse, mais à l'article 4, ce
n'est pas très clair. Donc on y viendra. Vous avez eu un échange aussi avec le
collègue de Saint-Jean sur les...
M. Cliche-Rivard :
...référendum populaire, vous dites, pour modification, j'en conviens, mais
est-ce que le tout le projet de constitution lui-même ne devrait pas être
approuvé par référendum populaire?
Mme Girard (Marie-Claude) :
Non, je ne pense pas qu'il devrait être approuvé par un référendum populaire,
parce que, comme je dis, c'est la première étape. Et cette étape-ci, ce que je
vois dans le projet de loi, ce sont tous des droits ou des valeurs ou des...
qui existent déjà. Ça ne crée pas de nouveau droit, ça précise les choses, ça
codifie le droit, mais ça ne crée pas aucun nouveau droit. On n'a a pas besoin
de référendum populaire pour savoir si ce qu'on a présentement... C'est
comme... C'est la base commune qu'on a, après ça, des ajouts. Puis si on passe
à d'autres étapes, je veux bien, mais c'est tellement fondamental, c'est
tellement ancré. La laïcité, ça fait... ça fait 30 ans qu'on la développe.
L'égalité entre les femmes et les hommes, comme le Réseau féministe québécois a
mentionné, ça ne fait pas si longtemps que ça qu'on a acquis. Et c'est un droit
fragile, en s'il vous plaît, qu'on va voir partout dans le monde.
Est-ce qu'on va requestionner ça? Non, ça
fait déjà partie de l'historique du Québec, ça fait juste reconnaître qu'est-ce
qui est, puis, à partir de là, on va avoir un socle commun solide, mais, à ce
moment-là, on pourra continuer à bâtir.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de Jean-Talon, s'il
vous plaît.
M. Paradis : Vous êtes
reconnue, je pense, pour votre défense des valeurs universalistes québécoises
que vous opposez souvent aux valeurs multiculturalistes du Canada. Et
d'ailleurs, à la page 10 de votre mémoire, vous rappelez que le droit des
femmes à l'égalité fait partie des valeurs fondamentales, tant au Canada qu'au
Québec, mais que le multiculturalisme canadien vient distorsionner cette
réalité-là au Canada.
Mme Girard (Marie-Claude) : Tout
à fait.
M. Paradis : En conséquence,
vous proposez l'insertion d'un autre article qui modifierait la Loi
constitutionnelle de 1867 pour reconnaître les droits collectifs des femmes,
dont notamment le droit à l'égalité. J'aimerais savoir, par contre, quelle est
l'efficacité, pour vous, de cette mesure-là, dans l'optique où le
multiculturalisme canadien imprègne des dispositions importantes de la Charte
canadienne des droits et libertés, telle qu'interprétée par la Cour suprême du
Canada, et ça, ça va toujours rester le carcan qui va avoir préséance sur tout
ce qu'on va faire au Québec.
Mme Girard (Marie-Claude) :
C'est vrai, ça ne modifie pas le carcan dans lequel nous sommes. Ça fait juste
rappeler... c'est comme, c'est une deuxième... Ça rappelle une deuxième fois
l'importance de l'égalité pour les femmes et les hommes au Québec. Parce que,
comme j'ai dit tantôt, l'égalité — ou dans mon mémoire — l'égalité
entre les sexes est déjà protégée dans la Charte canadienne, indépendamment de
toute autre disposition, ce qui comprend le multiculturalisme. Sauf que, comme
c'est laissé dans le langage populaire, on est tellement... le droit
individualiste où la personne individuelle met plus l'accent sur le respect du
multiculturalisme, on dirait qu'on oublie les juges. Ils le prennent en
considération, peut-être, c'est un acte interprétatif, alors ils l'interprètent
comme on veut. Le fait de le remettre, dans la Loi constitutionnelle, ferait en
sorte, j'espère, que les juges le regarderaient deux fois, pas seulement dans
la Constitution canadienne, mais encore avec... mettraient une loupe encore
plus sur ce droit-là.
Le Président (M.
Bachand) : Merci...
Mme Girard (Marie-Claude) :
Ce n'est pas suffisant, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas suffisant,
mais c'est, au moins, une loupe supplémentaire.
Le Président (M.
Bachand) : Mme Girard, merci infiniment d'avoir été avec nous.
Ça a été très, très apprécié.
Et je suspends les travaux quelques
instants. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 heures)
16 h (version non révisée)
(Reprise à 16 h 02)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! La
commission reprend ses travaux. Alors, il me fait plaisir de recevoir les
représentants, représentantes de l'Association professionnelle des notaires du
Québec. Donc, Me Vallières, Me Bibeau, merci beaucoup d'être avec nous. Alors,
vous connaissez les règles, alors je vous invite à débuter votre présentation,
et après on aura un échange avec les membres de la commission. Merci beaucoup.
M. Bibeau
(François) :Merci, M. le Président. M. le
ministre, Mmes et MM. les députés et membres de la commission, bonjour à tous.
Je me présente, François Bibeau, notaire et directeur général de l'Association
professionnelle des notaires du Québec, l'APNQ. Je suis accompagné de ma
collègue, Me Camille Vallières, qui est notaire et vice-présidente de l'APNQ.
Bien que nous ayons certaines
recommandations à vous soumettre dans le cadre du projet de loi, nous tenons
surtout à souligner que nous sommes heureux de participer à cette importante
consultation générale. D'emblée, l'APNQ se réjouit de retrouver, à plusieurs
endroits dans la loi conditionnelle de 2025, la tradition civiliste comme l'une
des caractéristiques fondamentales de l'État du Québec. S'agissant
effectivement d'un symbole important de la société québécoise, cette tradition
distingue notre régime juridique de ceux qui prévalent ailleurs en Amérique du
Nord.
La Constitution gagnerait à préciser,
selon nous, que ce qu'incarne la tradition civiliste dans notre approche du
droit, le Québec étant le seul État d'Amérique du Nord situé au nord du
Mexique, où l'on retrouve un notariat de type latin issu de nos origines
françaises, le notariat est une composante incontournable de cette tradition
civiliste, alors que l'histoire sociopolitique du Québec témoigne d'elle-même
de l'interdépendance du notariat et de la tradition civiliste aujourd'hui et
plus que jamais, le notaire personnifie cette tradition.
Ainsi, l'APNQ propose de reconnaître dans
le texte constitutionnel, ou les commentaires l'accompagnant, la contribution
structurante des notaires à la mise en œuvre du droit civil québécois et la
sécurisation des rapports juridiques entre citoyens. Je cède maintenant la
parole à ma consœur, Me Vallières.
Mme Vallières (Camille) : Merci.
Ainsi, ce qui distingue le Québec sur le plan juridique, c'est notamment la
présence de ce notariat de type latin, et cette distinction, le législateur l'a
lui-même reconnue en introduisant la fonction de Notaire général du Québec aux
côtés du Procureur général. Pourtant, cette fonction emblématique dans un État
civiliste, demeure sans description, sans rôle ni responsabilité définie. Le
projet de Constitution modifie l'article 4 de la Loi sur le ministère de
la Justice pour préciser les tâches du Procureur général, mais ne profite pas
de cette même occasion pour clarifier celle du Notaire général. Or, pour un
État qui affirme noir sur blanc sa tradition civiliste, il serait logique et
souhaitable d'expliquer ce qu'implique cette fonction et comment elle s'harmonise,
tout en se distinguant de celle du Procureur général. Le partage des
compétences entre ces deux titres illustre d'ailleurs très bien la cohabitation
de ces professions dans notre système juridique.
Nous recommandons donc de profiter du
moment constitutionnel pour définir ce rôle, en cohérence avec la vocation du
notariat dans un système de droit civil. Des responsabilités telles que la garde
du Grand Sceau, la délivrance des documents officiels ou la valorisation de la
fonction notariale ne sont que quelques exemples qui permettraient de mieux
encadrer ce titre et ses fonctions.
J'en viens maintenant à la mission des
tribunaux. L'article 54 la définit à travers la résolution de litiges. C'est
exact, mais ce n'est qu'une partie de la justice québécoise. Le Québec a cette
particularité, encore une fois liée au civilisme, de compter une portion
importante de procédures non contentieuses où les notaires collaborent à l'administration
de la justice, notamment en présentant et en recevant des demandes non
contentieuses et en conduisant certaines procédures dont l'issue se formalise
par un procès-verbal des opérations et conclusions, lequel, dans certains cas
même, prend effet sans intervention du tribunal. Ne pas reconnaître
explicitement cette dimension dans la Constitution pourrait laisser croire que
la justice québécoise se limite au domaine contentieux. Ce serait inexact et risquerait
d'effacer une voie d'accès à la justice qui est aujourd'hui essentielle.
Nous proposons donc une rédaction qui
reflète la réalité, une justice à la fois contentieuse et non contentieuse où
tribunaux et notaires exercent des rôles complémentaires.
Cette complémentarité nous mène
naturellement à vous parler aussi de l'accès à la magistrature. Depuis 2023,
les notaires peuvent accéder à certaines fonctions judiciaires. C'est une
avancée majeure non seulement pour la profession, mais surtout pour l'accès à
la justice, puisque cela élargit la diversité des expertises au sein de la
magistrature. Or, si la Constitution ne précise pas que les juges peuvent être
choisis parmi différents parcours juridiques, on laisse place à une
interprétation restrictive qui pourrait par inadvertance effacer cette
évolution pourtant récente.
Nous vous recommandons donc une
terminologie inclusive mentionnant simplement que les juges sont nommés parmi
les juristes répondant aux conditions prévues par la loi ou les règlements.
Cela suffit à préserver, dans le texte fondateur du Québec, l'ouverture que le
législateur a lui-même instaurée...
M. Bibeau
(François) :...traitons maintenant des
articles 18 à 21 de la Loi sur l'autonomie conditionnelle du Québec. L'APNQ
adhère à l'approche visant à enchâsser dans l'article 18 les restrictions déjà
prévues dans la Loi sur le ministère du Conseil exécutif. Sont visés des immeubles
appartenant à l'État du Québec ou à des entités ou une entité créées par
celle-ci et tout transfert relatif à un tel immeuble en faveur d'une
institution fédérale.
L'APNQ a cependant des réserves à vous
communiquer en ce qui concerne les articles 19 à 21. Nous avons de la
difficulté à comprendre le besoin d'une notification ou d'un avis au ministre
introduit par ces articles, et ce, par un vendeur privé d'un immeuble en faveur
d'une institution fédérale. En tenant pour acquis qu'une telle institution qui
décide d'acquérir un immeuble au Québec ne le fera que dans l'un de ces
domaines de compétence, nous sommes inquiets quant aux conséquences qui
découleront de cette obligation. Des projets importants, tant pour le Québec
que pour le Canada, risquent d'être indûment retardés ou simplement abandonnés,
et la population risque de subir des conséquences.
Le pouvoir de gouverner du fédéral se
trouverait définitivement amputé. Ce qui nous amène à nous questionner sur la
validité d'une telle limitation. Il serait dommage que l'institution fédérale
ait recours à sa Loi sur l'expropriation pour contourner la... la
problématique, dis-je, créée par cette obligation, alors que la négociation de
gré à gré est depuis longtemps privilégiée en semblables circonstances.
Selon nous, le processus proposé aux
articles 19 à 21 provoquera une lourdeur administrative excessive. En effet, le
règlement auquel il est fait référence aux articles 19 et 20, de même que les
autres règlements qui suivront potentiellement ne nous sont présentement
qu'inconnus. À notre point de vue, c'est par législation et non par
réglementation qu'un droit aussi fondamental que la vente d'un immeuble privé
en faveur d'une institution fédérale peut être circonscrit, d'autant plus que
le non-respect des articles 19 ou 20 entraînera une nullité absolue. Ainsi,
dans le but d'éviter toute lourdeur administrative et tout délai additionnel
dans les dossiers, nous proposons de reformuler les articles 19 à 21 en y
retirant, entre autres, la question de l'avis au ministre et en évitant le
recours à la réglementation, en favorisant ainsi la voie législative. Nous vous
remercions pour votre écoute et sommes évidemment disponibles maintenant à
répondre à vos questions. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Alors, Me Vallières, Me Bibeau, bonjour, pour
l'Association professionnelle des notaires. Merci beaucoup d'être présents.
Vous représentez, en termes associatifs, beaucoup de notaires du Québec, donc,
je pense, plus que la moitié, c'est ça, des notaires?
• (16 h 10) •
M. Bibeau
(François) :À peu près, oui. Exactement.
M. Jolin-Barrette : C'est ça.
Alors, vous avez un grand groupe. Écoutez, merci beaucoup pour votre mémoire.
Vous considérez important qu'on réfère à la tradition civiliste dans le projet
de loi, donc, dans la Loi constitutionnelle de 2025. Les dernières années, on a
eu l'occasion, beaucoup, de valoriser le rôle du notaire, notamment avec mon
collègue en face de moi, mon collègue de l'Acadie. On a travaillé sur le projet
de loi n° 40, on a fait en sorte de reconnaître le rôle important du
notaire au Québec. Sur la question de la tradition civiliste, on vient de
l'insérer dans la Loi constitutionnelle de 1867. Pourquoi c'est important,
selon vous, de faire ça?
Mme Vallières (Camille) : Je
pense que c'est un point, si je peux me permettre, c'est un point qui définit
bien, effectivement, la nation québécoise, mais ça vaut la peine d'être défini,
parce que, veux veux pas, tradition civiliste, ça reste un terme qui peut
sembler large ou, quand on est moins habitué, qu'est-ce que ça signifie peut
être moins précis et... versus, on va dire, l'autre tradition, de common law,
qu'on peut retrouver ailleurs au Canada. Un des grands points distinctifs,
c'est notre Code civil, c'est la présence de notaires, c'est le partage de
certaines compétences. Donc, c'est surtout l'importance de... si on souhaite
définir la nation comme étant une nation de tradition civiliste, de venir
encadrer et mettre certains qualificatifs sur ce point... ces points
distinctifs.
M. Bibeau
(François) :Vous savez aussi que, sur le
plan international, il y a beaucoup d'États où il y a un notariat organisé et
institutionnalisé. L'Union internationale du notariat latin regroupe quelque 90
pays membres, et, en Amérique du Nord, le seul pays qui est, d'ailleurs, un
État fondateur de l'Union internationale du notariat latin, bien, c'est le
Québec. Et je vous avoue que plusieurs notariats mondiaux souhaitent faire des
affaires avec le notariat québécois, tendre des ponts pour des relations
internationales avec les ressortissants de leur pays qui sont ici, au Québec.
Alors, on pense que c'est vraiment une très grande distinction...
M. Bibeau
(François) :...du Québec par rapport aux
autres États d'Amérique du Nord.
M. Jolin-Barrette : Diriez-vous
que les notaires puis la tradition civiliste a fait en sorte qu'au cours de
l'histoire québécoise vous avez été, je dirais, les gardiens un peu de la... de
la langue française, d'une façon différente de vivre au Québec que dans celle
du Canada? Comment vous... vous percevez ça, la présence des notaires au Québec
à travers l'histoire et l'évolution du Québec?
M. Bibeau
(François) :Si je peux me permettre,
effectivement, on... on associe souvent le notariat à l'évolution du Québec. Et
puis un petit clin d'oeil à nos confrères québécois je me... je me fais souvent
la joie de leur rappeler qu'au début de la colonie française le métier d'avocat
était interdit en Nouvelle-France. Alors, les seuls juristes qui étaient
autorisés ici en terre de Nouvelle-France, c'étaient les notaires. Et, bon, ça
a été assez long, hein? Pardon?
M. Jolin-Barrette : Ils ne
voulaient pas de chicane dans la colonie, c'est pour ça.
M. Bibeau
(François) :Bien, je ne suis pas sûr
qu'ils ont... qu'ils ont réussi tout à fait, mais en fait ce n'était pas à
cause des notaires, ça, je ne pense pas. Mais donc, effectivement, il y a
beaucoup, beaucoup d'éléments qui reposent au fil des temps sur l'implication
des notaires en Nouvelle-France puis dans... au Québec par la suite et... C'est
ça. Et on n'en est pas peu fiers, hein? On est souvent les précurseurs dans
notre profession, bien que ce ne soit pas connu, de plusieurs éléments qui
structurent aujourd'hui le monde professionnel. Premier ordre professionnel
organisé. Au début, il y avait trois chambres des notaires dans les grandes...
dans les grandes villes du Québec. Donc, on... on pense que ça peut être
intéressant aussi de bien l'asseoir dans la Constitution pour faire un... un
pas. On aime ça penser qu'on est un petit peu le... le petit côté distinct du
Québec.
M. Jolin-Barrette : Je veux
vous demander, Me Bibeau, là, sur l'aspect, là, de participation aux tribunaux
judiciaires, le rôle des notaires. Je comprends que vous faites référence,
entre autres, à l'acte notarié qui devrait rentrer prochainement en vigueur
aussi, le fait que lorsqu'on va devant notaire désormais, bien, il y a certains
actes qui vont pouvoir être exécutés comme faire valoir œuvre de jugement, là.
C'est un peu à ça que vous faites référence.
M. Bibeau
(François) :Effectivement, tous les...
les actes à connotation pécuniaire. Je vais quand même laisser Me Vallières
vous parler de cet aspect-là, parce que c'est elle qui a travaillé sur cet
élément-là dans notre... dans notre mémoire, mais c'est... c'est à un autre
niveau, au niveau de la procédure non contentieuse, surtout qu'on faisait
ressortir le rôle du notaire ici. Camille, si tu veux prendre le... le point.
Mme Vallières (Camille) : Exactement,
donc, dans les procédures non contentieuses, parce que je pense que ce n'est
plus un secret que les notaires sont présents dans les tribunaux. On fait
beaucoup de procédures non contentieuses. Moi-même, en pratique, ça m'arrive.
Il y a certaines procédures où est-ce que les procès-verbaux des opérations et
conclusions, donc lorsque le notaire a fait une grande partie du travail, les
procès-verbaux vont être déposés pour être entériné par le tribunal. Il y a
même certaines procédures où le procès-verbal est déposé au tribunal seulement pour
une question de publication. Donc, c'est vraiment le procès-verbal qui, comme
vous l'avez super... très bien mentionné, là, fait état de jugement. Donc, oui,
la force exécutoire va s'enligner dans un petit peu ce qui existe déjà en
pratique avec ces fameux... ces fameux procès-verbaux et procédures qui sont à
caractère non contentieux mais qui peuvent valoir.
M. Bibeau
(François) :Pour permettre aux membres de
la commission de bien comprendre ce dont on parle quand on parle de procédure
non contentieuse, pensons par exemple à une procédure d'homologation de
testaments qui... qui n'aurait pas été faite devant notaire, donc un testament
holographe ou un testament devant témoins, ou pensons à toute la procédure pour
la nomination d'un tuteur aux mineurs. Alors, ce sont des... des procédures qui
peuvent être traitées devant notaire et qui sont déposées par la suite pour...
pour valoir.
Mme Vallières (Camille) :
Bref, lorsqu'il n'y a pas de chicane.
M. Bibeau
(François) :C'est ça.
M. Jolin-Barrette : OK.
Peut-être, deux dernières questions avant de céder la parole à ma collègue. Sur
la question, là, vous... dans votre recommandation 4, là, vous
dites : On devrait spécifier la diversité de parcours juridique pouvant
mener à la magistrature. Est-ce que c'est parce que vous craignez qu'un autre
gouvernement décide d'abroger la possibilité pour les notaires d'accéder à la
magistrature? C'est pour ça que vous voulez que ce soit dans la Constitution?
Mme Vallières (Camille) : Je
ne dirais pas que ce soit une crainte, nécessairement, d'une abolition, parce
que, veux veux pas, la loi a été adoptée. C'est maintenant en place. C'est
surtout pour éviter peut-être une interprétation, on va dire, plus
traditionnelle. Ça reste une nouveauté, une innovation, l'accès à la
magistrature pour la profession notariale. Je sais que par règlement, par les
projets, c'est introduit, mais en le figeant dans la Constitution, si jamais,
là, ça allait de l'avant, je pense que ça viendrait asseoir ces belles avancées
qu'il y a eu au niveau législatif.
M. Jolin-Barrette : Vous
savez que j'ai...
M. Bibeau
(François) : Mais en fait ça découle...
M. Bibeau
(François) : ...découle aussi de ce dont on vient de parler,
c'est plus... Il y a deux professions juridiques au Québec, bien, ça découle de
tout ça.
M. Jolin-Barrette : Vous
savez que j'ai été pratiquement excommunié pour avoir proposé ça dans un projet
de loi, et finalement la Terre n'a pas arrêté de tourner, là.
M. Bibeau
(François) : On salue votre courage, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Oui, mais
je vais peut-être devenir notaire après la politique, Me Bibeau.
M. Bibeau
(François) : C'est une bonne idée.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question, là. Les articles 19 à 21, là, le souci que nous
avons, c'est au niveau de l'intégrité territoriale du Québec. Donc, lorsque
c'est des organismes publics qui... qui veulent vendre ou céder une partie, ça
doit être approuvé par le gouvernement du Québec. Les particuliers,
actuellement, ce n'est pas capté. Donc, ce que l'on souhaite, c'est que l'État
québécois puisse être souverain sur son territoire puis puisse s'assurer que,
s'il y a une transaction, mais le gouvernement du Québec soit au courant, un
peu comme c'est le cas sur un immeuble qui est visé par la Loi sur le
patrimoine culturel, le notaire doit vérifier si c'est le cas. Alors, il n'y a
pas énormément d'immeubles par année qui sont acquis comme ça, mais je pense
que c'est pertinent.
L'idée, ce n'est pas d'alourdir la tâche
du notaire, mais de... comme État-nation, de s'assurer que l'intégrité
territoriale du Québec soit préservée. Ça fait que je voulais juste vous
spécifier ça, mais je prends note de vos commentaires, et je vais céder la
parole à ma collègue.
Le Président (M.
Bachand) : Mme la députée de Charlevoix,
1 min 40 s.
Mme Bourassa : Bon, je vais
faire vite. Alors, pour les articles sur la transaction impliquant le fédéral,
vous soulevez des enjeux de délai, vous parlez de lourdeur administrative. Quel
correctif pourrait être apporté pour diminuer, alléger ces inquiétudes-là, mais
en conservant l'objectif du gouvernement?
M. Bibeau
(François) : Bien, en fait, à l'heure actuelle, comme on réfère
à un règlement pour nous expliquer plus précisément comment va... tout ça va
être orchestré, on est dans l'ignorance. On ne sait pas tout à fait quelles
vont être les obligations, quelles vont être les contraintes que cela va
apporter, cette... ce fameux avis au ministre. Alors, c'est pour ça que l'une
de nos recommandations... bien, dans notre recommandation, on favoriserait que
tout soit ensaché au niveau législatif plutôt qu'au niveau réglementaire. Parce
qu'en plus, quand on traite de cession de terrains, de vente de terrains,
d'immeubles, bien, c'est important comme processus, comme cession de droits.
Alors, à ce moment-là, on pense que ça devrait se... être ramené dans un
processus législatif plutôt qu'un processus réglementaire. Puis là, bien,
peut-être que nos craintes seraient apaisées parce qu'on verrait que finalement
la lourdeur ne sera pas si grande. Mais, à l'heure actuelle, on comprend que,
comme les règlements peuvent changer assez aisément, bien, il y aura un travail
plus lourd pour les professionnels du droit qui auront à transiger sur ces
propriétés-là.
Mme Bourassa : Merci.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie.
• (16 h 20) •
M. Morin : Oui, merci, M. le
Président. Alors, Me Vallières, Me Bibeau, bonjour. Heureux de vous
retrouver. Merci pour cette capsule historique qui faisait référence à
Louis XIV. Mais si mon souvenir est bon, Louis XV a abrogé l'édit de
Louis XIV, alors les avocats sont débarqués, mais un peu plus tard...
M. Bibeau (François) :
Oui. Puis Louis XVI s'est fait... Louis XVI a passé à la guillotine.
M. Morin : ...enfin, bref.
Moi, je voudrais vous... J'ai quelques questions justement pour les
articles 18, 19, 20 et 21 de la Loi sur l'autonomie constitutionnelle,
parce que ça s'appelle l'intégrité territoriale du Québec. Mais là j'aimerais
comprendre, puis corrigez-moi si je fais erreur, il semble y avoir une
interdiction de vendre au fédéral, mais pas en Ontario, pas au
Nouveau-Brunswick, pas au Maine, pas au New Hampshire. Donc, c'est une
protection de l'intégrité territoriale qui vise un seul ordre de gouvernement,
est-ce que je me trompe ou je lis mal ou...
M. Bibeau
(François) : Bien, c'est un peu les questions que vous avez pu
voir dans notre mémoire, hein, on considère même que c'est plus facile pour un
simple citoyen ontarien de procéder dans une situation comme celle-là. Alors,
c'est ce qui nous inquiète ici beaucoup par rapport à ça. Là, on vient de
considérer que le gouvernement fédéral est comme un non-résident dans le fond,
ça ressemble à ça, là, ici.
M. Morin : Exact. C'est ça,
c'est comme si, au fond, ils avaient un statut... Ça fait qu'ils ont le même
statut que l'État belge, ce qui est un peu curieux.
M. Bibeau
(François) : On comprend que... tu sais, là, on n'a pas élaboré
là-dessus, dans notre présentation tout à l'heure, dans le mémoire, on en
parle, mais on parle de port, on parle de pont, on parle de tout ce qui relève
de compétence fédérale, des voies ferrées. Et là, tout à coup... Puis là on
parle de toute cession, toute cession de droits. Mais une cession de droits, ce
n'est pas juste une vente, là, c'est un droit superficiaire pour les éoliennes
ou autres, c'est un droit de passage sur une voie ferrée, c'est une servitude
d'accès, c'est... Alors là, pour le notaire qui va avoir à travailler dans des
dossiers comme ça, il y a une poignée de notaires qui vont devenir experts, à
savoir : Oui, ça, c'est tel règlement qui a été adopté...
M.
Bibeau (François) :
...puis, tel autre règlement est venu
le défaire, là, maintenant, ce n'est plus telle ou telle l'autorisation que ça
prend, c'était l'autre... Puis en quoi va... en quoi va... Qu'est-ce que ça va
représenter, l'avis au ministre? C'est... on lui envoie une notification, un
avis, that's it? Ou si on doit avoir un... un contre-courant qui revient avec
une autorisation de procéder? Alors tout ça, c'est des questions qu'on se pose,
puis comme je disais à votre collègue d'en face, bien, la grande inquiétude,
bien, vient du fait qu'on n'en sait pas beaucoup avec le texte de loi qu'on a
là, parce qu'on réfère au règlement, alors... au règlement à être adopté,
alors... on ne sait pas, exactement.
M. Morin : Donc, ça, ça
aussi, c'est un enjeu. J'imagine, si on envoie un avis au ministre, le ministre
peut dire non, parce que sinon, ça donne quoi d'envoyer un avis au ministre
s'il fait juste l'empiler son bureau... bien en fait, ça serait plutôt dans son
ordinateur, là, maintenant, là. Mais... alors, ça fait quoi? Puis s'il dit non,
qu'est-ce qui arrive, là? Le gouvernement fédéral va exproprier le terrain?
Des voix : ...
Mme Vallières (Camille) :
Si
je peux me permettre, justement, en... prioriser... on a la vente de gré à gré
qui existe, qui est justement privilégiée pour la plupart des transactions pour
éviter de devoir tomber dans des procédures d'expropriation qui ne sont pas
effacées non plus par l'introduction. Et comme vous le mentionnez bien, l'avis
prend qu'elle forme, la réception, donc il reste des flous qui risquent de
faire que, déjà, peu vont être en mesure de se rendre. Le risque, aussi, de
nullités si jamais les règlements ne sont pas bien appliqués ou que les
procédures ne sont pas appliquées telles qu'elles sont demandées, pourraient
avoir des impacts quand même assez importants, de venir rendre une transaction
nulle non seulement sur la transaction en soi, mais sur les projets qui pourraient
être développés. On parlait des projets à l'intérieur de champs de compétences,
des parts, des voix, etc. Donc de se rendre compte par après qu'il y a une
nullité sous prétexte que ça pourrait avoir des conséquences assez importantes
dans le flou qui existe présentement, peut-être, sous réserve des règlements
qui sortiraient s'ils étaient laissés tels quels.
M. Morin : Puis, dans notre
tradition civiliste, justement, dans le chapitre des obligations au Code civil,
il y a, entre autres, les contrats. Puis à moins, à moins d'être un interdit ou
en tutelle ou... habituellement, les gens, dans notre tradition, sont libres de
contracter. Est-ce que je me trompe?
M. Bibeau
(François) : C'est sûr. On ose croire que les règlements vont
être plus précis sur la manière dont ça devra se passer. Comme par exemple,
tout à l'heure, le ministre faisait référence à la loi sur les biens culturels,
où par exemple, si vous voulez vendre une propriété qui est située dans un
arrondissement historique, ou... historique ou naturel, bien, ça va vous
prendre certaines autorisations. Si vous achetez une propriété dans le
Vieux-Montréal, puis vous voulez changer les fenêtres, bien, vous avez des
autorisations demandées d'avance, mais on comprend que c'est de la... c'est de
la structure qui ne va pas vous empêcher de disposer de votre droit. Alors,
ultimement, la question que vous posez : qu'est ce qui arrive si le
ministre, pour différentes raisons, refuse? Eh bien, ça vient restreindre le
droit de propriété d'un vendeur qui souhaite vendre son bout de terrain qui est
sur le bord du fleuve, parce que le ministre... parce que le gouvernement
fédéral veut, veut faire une jetée ou veut installer, quelle que soit la
structure. Bien là, on considère que ça devient difficile à comprendre, là,
parce qu'effectivement, il y a un service qui va tarder à être délivré.
M. Morin : À être rendu ou
délivré, puis, dans notre tradition civiliste, habituellement, dans les
rapports privés, on laisse une liberté aux gens. C'est... c'est un des éléments
de notre tradition. Donc, je comprends que dans la Constitution, on parle
beaucoup, beaucoup de la tradition civiliste, mais avec un bémol.
M. Bibeau (François) : C'est ça.
C'est sûr qu'on pourrait avoir plein d'exemples où il y a eu des encadrements,
comme, par exemple, les ventes à des non-résidents avec des contraintes ou des
montants à geler ou à réserver, mais on comprend qu'il y a des raisons pour le
faire. Ici, on comprend mal la raison. C'est juste ça.
M. Morin : Ça fait que je
vous remercie beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le député de
St-Henri-Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci de votre excellent mémoire merci de votre présentation.
Évidemment, la question précise identique, on la posera à la Chambre, là, mais
je voulais quand même faire référence au Barreau qui lui, est sorti de manière
assez claire. Vous l'avez lu, certainement, comme moi, les communiqués. Je
cite, là, quand même : le projet de Constitution soulève des enjeux
juridiques fondamentaux. Quand même des éléments là-dedans, l'affaiblissement
du régime québécois de protection des droits fondamentaux et libertés de la
personne, atteinte à la séparation des pouvoirs et à l'indépendance des
tribunaux, diminution des contre-pouvoirs, je continue, enjeux constitutionnels
et atteinte à la prévisibilité juridique du droit québécois. Réouverture des
débats sur le droit à l'avortement. Manque de transparence dans la nomination
des juges à la Cour suprême. Absence de reconnaissance des droits des peuples
autochtones... Protégeons notre état de droit. Quand même, ce n'est pas rien,
venant du Barreau...
M. Cliche-Rivard : ...pourrait
avoir probablement plus, le ministre dit juste ça, mais écoutez, j'aimerais ça
vous entendre, vous, si vous avez une réaction face à ce que le barreau
dénonce.
M. Bibeau
(François) :Bien, en fait, vous avez
remarqué qu'on s'est lancé candidement dans l'analyse des sections du projet de
loi qui concernaient les notaires plus directement. Moi, je ne suis pas
constitutionnel... constitutionnaliste, maître Vallière non plus, à moins
qu'elle me cachait ça, on sait que nos ordres professionnels vont, soit le
Barreau et la Chambre des notaires, vont vous présenter des mémoires qui
vont... qui vont sous-tendre à poser ces questions-là. On ose espérer parce que
je n'ai pas en tête la liste exacte de toutes les personnes que vous allez
entendre devant cette commission, mais on ose espérer que les
constitutionnalistes se feront entendre aussi à cet effet-là. Donc, moi, je
vous dirais que prenons pour acquis que toutes les règles constitutionnalistes
sont respectées, puis qu'on peut aller de l'avant avec ce projet-là. Donc, on
s'est fait entendre sur ce qui nous semblait être important à notre niveau.
M. Cliche-Rivard : Le Barreau
parle quand même, puis ça, ça devrait vous intéresser, là, d'atteinte à la
prévisibilité juridique du droit au Québec. Pour un notaire, ça devrait être
quand même épeurant, non?
Mme Vallières (Camille) :
C'est sûr qu'il y a certains, peut-être, petits points, entre autres certaines,
on va dire, bien, le point sur la territorialité qu'on a abordé, là,
précédemment en est un bon. Donc, il y a peut-être des petits points
d'interrogation qui se posent encore et, veux, veux pas, un juriste, qu'ils
soient avocats ou notaires, travaille à l'intérieur de balises, surtout un
juriste québécois dans une tradition civiliste, avec le bijuridique qui existe
et qui se côtoie. Un professionnel sans ses outils ou dont les outils sont
moins bien définis peut... peut aller à tâtons un peu. Alors, je vous dirais
que...
Le Président (M.
Bachand) : Merci...
Mme Vallières (Camille) :
...c'est la réponse pour l'instant, qu'on aime bien savoir quels sont les
outils qui sont utilisés et qui doivent être utilisés.
Le Président (M.
Bachand) :Merci...
M. Bibeau
(François) :Bien entendu, pour les
civilistes que nous sommes...
Le Président (M.
Bachand) :Excusez, maître Bibeau, je dois
céder la parole au député de Jean-Talon, désolé. M. le député Jean-Talon.
Désolé.
M. Bibeau
(François) :Pas de problème.
M. Paradis : Merci. À la page
onze de votre mémoire, vous parlez des articles 19 à 21 de la Loi sur la
souveraineté parlementaire du Québec, et vous dites que ça va créer une
lourdeur administrative excessive venant d'un gouvernement qui a déposé encore
un projet de loi ce matin, supposément pour débureaucratisé le Québec.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
M. Bibeau
(François) :Bien, je pense qu'on s'est
exprimé tout à l'heure, là, vous m'avez entendu vous dire que, dans le fond, ce
qui nous inquiète, c'est qu'on n'en sait pas beaucoup. On réfère beaucoup à un
processus réglementaire pour nous en dire plus que ça, alors pour l'instant, ce
qu'on voit aux articles 18 à 21, bien, ça ne nous dit pas tout à fait
quelle va être la portée de l'avis au ministre, qu'est-ce que ça va constituer?
Est-ce que le ministre peut refuser? Est-ce que c'est juste qu'il faut l'aviser
pour que lui tienne un registre des transactions qui vont se faire? Si c'est
ça, je comprends que ce n'est pas si compliqué, mais en même temps, on peut se
poser beaucoup de questions. Puis on sait que dans la lourdeur que représente
un dossier de transaction immobilière parce qu'il faut bien le dire
aujourd'hui, là, les notaires qui pratiquent en droit immobilier vont tous vous
le dire, le droit immobilier, c'est une spécialité en soi maintenant. C'est
très lourd, très compliqué, beaucoup de règles à respecter, beaucoup de
responsabilités qui en découlent. Là, on vient en ajouter une couche, mais on
n'en sait pas encore beaucoup là-dessus. Alors ça va donner très, très...
spéciale, oui, c'est ça.
M. Paradis : Très bien. Donc,
lourdeur administrative excessive. L'article douze du projet de Constitution
dit que la nation a droit à ce que son système juridique de tradition civiliste
soit protégé. Est-ce que ça veut dire, selon vous, que dans le Canada, il est
menacé? Il est nécessaire de la protéger, cette tradition civiliste?
M. Bibeau
(François) :Ce que l'on remarque, nous,
dans notre secteur d'activité, c'est qu'effectivement, quand on est une
province sur le nombre de provinces qu'il y a dans le Canada avec les
territoires aujourd'hui, on parle de quatorze... quatorze entités, c'est assez
difficile d'être certain de quoi que ce soit. Par exemple, au niveau du
fonctionnement bancaire, on a déjà vu des tendances au niveau du droit immobilier
à venir vouloir nous imposer ou nous... nous suggérer des façons de faire au
Québec qui sont monnaie courante en Ontario, en Alberta, dans les autres
provinces canadiennes, alors qu'ici ce n'est pas nécessaire. Je vous le donne
en 1000 les assurances titres, alors qu'ici ce n'est pas nécessaire
régulièrement, parce qu'on a un notaire qui fait le travail d'analyse des
titres sur une propriété. C'est un peu les choses comme ça auxquelles on fait
référence, ici.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, maître Vallière, maître Bibeau,
merci infiniment d'avoir été avec nous. Cela dit, je suspends les travaux
quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci beaucoup.
M. Bibeau
(François) :Merci.
Mme Vallières (Camille) :
Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 32)
16 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 16 h 33
)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! la
commission reprend ses travaux. Ça me fait plaisir d'accueillir les
représentantes du Rassemblement pour la laïcité. Merci beaucoup d'être avec
nous. Je vous inviterais à vous présenter et à débuter votre présentation, s'il
vous plaît. Merci beaucoup.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Parfait! Alors, Bonjour. Merci.
Merci, M. le Président. Merci, M. le ministre. MM., Mmes les députés, merci
pour votre invitation.
Alors, je suis Nadia El-Mabrouk, je suis
professeur titulaire au Département d'informatique de l'Université de Montréal
et je suis ici à titre de présidente du Rassemblement pour la laïcité. C'est un
regroupement d'organismes et d'individus qui œuvrent à la promotion de la
laïcité au Québec. Alors je suis accompagnée par Fatima Aboubakr, qui est
directrice de garderie, et de Marie-Claude Girard, qui est retraitée de la
Commission canadienne des droits de la personne. Et puis toutes deux sont
membres du conseil d'administration du Rassemblement pour la laïcité, RPL.
Au RPL, nous avons... on a accueilli avec
enthousiasme ce projet de Constitution du Québec qui rassemble, affirme et
codifie les attributs de la nation québécoise, ses valeurs sociales, son système
judiciaire, ses principes et ses droits collectifs qui en font une société
distincte. Ces valeurs découlent d'un parcours historique incontestable et
spécifique du Québec. Alors, nous sommes d'avis qu'il est temps de les affirmer
dans un texte de loi structurant et fondateur tel qu'une Constitution.
En cohérence avec ce parcours historique,
nous saluons particulièrement l'inscription du droit à des services publics
laïques comme droit collectif de la nation québécoise. Il faut rappeler que la laïcisation
de l'État québécois, depuis la Révolution tranquille, s'est faite par rupture
avec un pouvoir religieux, mais aussi avec une morale et des codes de conduite
religieux. L'intégration des nouveaux arrivants au Québec ne s'est pas faite
par la multiplication des symboles religieux, mais bien par leur retrait des
institutions publiques. Autrement dit, ce n'est pas en superposant des droits
religieux individuels, mais bien en consacrant un droit collectif à la
neutralité religieuse des institutions publiques que s'est forgée la laïcité
québécoise.
Alors, la loi sur la laïcité de l'État,
loi n° 21 a permis, c'est vrai, de consacrer ce droit, ce droit collectif,
mais la situation du Québec à l'intérieur du Canada fait craindre des reculs.
La doctrine du multiculturalisme canadien et des accommodements religieux amène
à une vision différentialiste du vivre ensemble qui fait primer la liberté
religieuse sur toutes autres libertés, plutôt qu'une laïcité sans passe-droit
pour raisons religieuses ou idéologiques, autrement dit, une laïcité vue comme
un droit collectif inaliénable. Alors il nous semble que de consacrer
clairement la laïcité comme un droit collectif permet de régler l'ambiguïté
inhérente à la loi n° 21 et de consacrer la vision universaliste de la
laïcité.
Rappelons que la Constitution canadienne,
que le Québec n'a pas signée, consacre quant à elle une protection au
multiculturalisme à son article 27. C'est pourquoi nous saluons, dans ce
projet de Constitution québécoise, l'inscription dans les principes
fondamentaux de l'État national du Québec, le fait que le modèle d'intégration
du Québec se distingue du multiculturalisme...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...canadien. Nous approuvons
également les modifications apportées à la Charte des droits et libertés de la
personne, notamment l'article 24 qui établit la laïcité de l'État et le modèle
d'intégration à la nation québécoise comme des principes interprétatifs pour la
Charte. Cela permettra, on l'espère, de guider adéquatement la CDPDJ dans son
analyse des plaintes et sa rédaction d'avis sur des accommodements religieux.
Nous insistons sur le fait qu'il n'y a rien d'autoritaire, comme nous avons pu
l'entendre à maintes reprises, d'affirmer les principes fondamentaux de la
nation québécoise, comme l'intégration à la nation québécoise. Les Québécois
réclament depuis longtemps un modèle de gestion du vivre-ensemble, différent du
multiculturalisme canadien, qui mise sur l'intégration de toutes et tous à un
espace culturel commun, dynamique, s'enrichissant de l'apport des Québécois et
Québécoises de toutes origines. Dans des sociétés aussi pluralistes que le
Québec, et bien, c'est important d'amener les différents groupes sociaux à se
côtoyer et à converger harmonieusement vers une base commune de la citoyenneté.
L'égalité entre les femmes et les hommes fait partie de cette base. La
séparation des religions et de l'État en fait aussi partie. Les pressions
communautaristes et religieuses qui sont tangibles dans notre société, comme le
voilement des fillettes, les CPE et garderies qui sélectionnent les enfants en
fonction de leur religion, la normalisation de l'abattage rituel et la
généralisation des produits religieux halal et cacher sont largement
entretenus. C'est que des exemples, hein? On pourrait parler aujourd'hui de
l'exception religieuse dans le Code criminel qui malheureusement, apparemment,
ne va pas être éliminé.
Bon, alors tout ça, c'est largement
entretenu par le modèle du multiculturalisme canadien que le Québec n'adopte
pas et qui encourage les nouveaux arrivants à s'identifier à leur communauté
d'origine plutôt qu'à la société d'accueil. Ce modèle favorise
l'auto-ghettoïsation, le repli identitaire et l'intégrisme religieux. À
l'inverse, la laïcité mise sur ce qui est commun à tous, consacre toutes les
libertés, y compris les libertés religieuses, pourvu que celles-ci restent des
libertés, respecte les lois, ne s'impose pas aux autres et n'isole pas les
membres de certaines communautés des autres citoyens. En particulier, nous
sommes nombreux à provenir de pays où l'islam est religion d'État, hein, où
le... c'est ça, où le lien, c'est la religion. En arrivant au Québec, nous
souhaitons bénéficier de la même liberté que tous les autres citoyens au
Québec. Et donc, il est du devoir de l'État de garantir cette liberté à toutes
et tous en assurant des services publics laïques, et en particulier, une école
laïque. Cela n'a rien d'autoritaire. Cela relève de la responsabilité de
l'État.
• (16 h 40) •
Alors, nous nous inquiétons cependant que
cette Constitution, qui devrait tenir lieu de super loi, puisse être modifiée
facilement au même titre qu'une loi ordinaire. Alors, nous réclamons, donc,
dans un processus...on réclame un processus plus robuste tel qu'un référendum
populaire, un appui des deux tiers de l'Assemblée nationale ou autre, pour en
assurer la stabilité. Nous recommandons également de revoir le libellé des
articles qui consacrent les droits collectifs et les principes fondamentaux du
Québec pour en faire des obligations positives de l'État. Par exemple, le
législateur pourrait ajouter et s'engage à fournir à tous ces citoyens des
services laïques à l'article 22 qui stipule que l'État est laïc. L'État serait
ainsi tenu de mettre en place les moyens nécessaires pour y parvenir. L'action
«et promeut» pourrait également être ajoutée aux articles 19, 28 et 30. Par
exemple, l'article 19 pourrait se lire : «L'État protège et promeut les
caractéristiques fondamentales du Québec.» Transformer ces articles en droit
positif ferait non seulement en sorte que l'État contribue à défendre et à
promouvoir ces valeurs fondamentales du Québec, mais le contraindrait aussi à
se doter d'outils permettant d'assurer activement ses obligations en matière de
laïcité, d'intégration nationale et de droit à l'égalité des femmes. Enfin,
pour être cohérent avec la reconnaissance de l'égalité entre les femmes et les
hommes dans les principes fondateurs, il conviendrait d'amender les articles 70
et 70.1 du Code civil du Québec afin d'établir une distinction explicite et
rigoureuse entre les notions de sexe et d'identité de genre et d'éviter toute
terminologie susceptible de les confondre...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : ...et de porter atteinte aux droits des femmes basées
sur le sexe.
En conclusion, bien qu'il ne s'agisse pas
à nos yeux d'un projet nécessairement définitif ou final de constitution pour
la nation québécoise, ce texte est une synthèse bienvenue des valeurs,
principes et caractéristiques fondamentales du Québec, largement partagés par
la population québécoise. Nous considérons qu'il a un potentiel rassembleur qui
devrait être saisi par les partis d'opposition. Merci.
Le Président
(M. Bachand) :Merci beaucoup pour
votre présentation, M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette :
Merci, M. le Président. Mme El-Mabrouk, Mme Aboubakr,
Mme Girard, bonjour. Merci de participer aux travaux de la commission.
D'entrée de jeu, vous êtes en faveur de la laïcité. C'est un droit collectif,
mais aussi c'est un droit individuel, la laïcité.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Exactement. Oui, oui, tout à
fait.
M. Jolin-Barrette :
Comment est-ce que vous conciliez les positions de la Commission des droits de
la personne qui descendent en flammes la loi que nous avons déposée, donc, la
Loi constitutionnelle de 2025, en disant : C'est effrayant de hiérarchiser
les droits, en faisant en sorte que l'égalité entre les femmes et les hommes
prime sur la liberté de religion. Comment vous recevez ça quand la Commission
des droits de la personne dit ça?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : OK. Alors, moi, je ne vais pas parler de primer. En tout
cas, il me semble normal, en tout cas de... de consacrer l'égalité des femmes
et des hommes comme une base de la citoyenneté. Écoutez. Moi, je pense que...
Alors, maintenant, juridiquement parlant, est-ce qu'il faut hiérarchiser les
droits? Je ne voudrais pas rentrer là-dedans. Mais écoutez, moi, je pense que
le Québec a le droit et le devoir même de... de... bien, de définir ce qui est,
ce qui définit le Québec, ce qui en fait une société à part, et définir un
socle commun pour... pour... qui nous rassemble. Et je pense que l'égalité
entre les hommes et les femmes, bien, premièrement, c'est quelque chose de
fondamental pour le Québec moderne, je pense, là. Dans l'histoire du Québec,
depuis la Révolution tranquille, c'est ce qui l'a forgé. Et puis c'est ce
qui... c'est ce qui attire les immigrants comme nous, comme Fatima, comme moi.
C'est l'égalité. C'est... C'est vraiment un principe. C'est la moitié de
l'humanité, hein, les femmes. Donc, je pense que s'il y a quelque chose qui
peut rassembler, c'est bien ça. Et de le... Et de faire, et de le... l'affirmer
et d'en faire une priorité, je ne vois absolument pas comment ça peut déranger.
Mais effectivement, je me rappelle que la... que la commission avait déjà...
était déjà contre ce principe là, ça fait déjà un petit moment. Et ça me
fait... ça me... Je ne peux pas comprendre ça.
M. Jolin-Barrette : Et
est-ce que l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est un des principes de
la laïcité?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Bien, l'égalité, c'est un principe de la laïcité. Le
principe... Bien, la laïcité permet de protéger cette égalité. Je pense que
c'est la meilleure façon de protéger cette égalité. La laïcité a pour objectif
de maximiser les libertés, hein? Ça paraît bizarre quand je dis ça, mais
c'est... C'est comme ça qu'il faut la voir. C'est un droit, c'est un devoir du
gouvernement, hein, je pense, qui... pour permettre de protéger les libertés
individuelles. Alors, quand on parle de libertés collectives, de droits
collectifs, c'est un droit collectif pour permettre de protéger les libertés
individuelles. Moi, je pense qu'il ne faut absolument pas voir de contradiction
entre droits collectifs et droits individuels, mais il faut quand même le voir
comme un droit collectif, parce que ce n'est pas à chaque citoyen d'aller se
battre pour avoir une école laïque, pour avoir droit de savoir... à avoir... à
avoir droit de demander un milieu non religieux dans son CPE ou dans son école.
Ce n'est pas à chaque citoyen de faire ce travail-là. Le gouvernement a le
devoir d'assurer ce droit à des services publics laïcs, mais on l'assure pour protéger
la liberté individuelle de tout le monde.
M. Jolin-Barrette : Et
c'est ce que le ministre Roberge est en train de faire avec le projet de loi n° 9, sur beaucoup d'éléments dont
vous avez soulevé. Et je voudrais vous questionner sur le... une formule
d'amendement parce que, tout à l'heure, vous avez dit : Bien, écoutez, le
projet de constitution, on souhaite voir allier les oppositions parce qu'il y a
du bon dedans, mais également vous voudriez qu'on ne puisse pas modifier ce
projet de loi simplement. Vous souhaitez que ça puisse être modifié uniquement
par consultation de la population ou par un vote des deux tiers de l'Assemblée.
Pourquoi c'est important d'avoir une formule d'amendement dans la Constitution?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Bien, écoutez, si c'est une... si c'est une super loi
qui... qui a pour objectif de consacrer les... ce qui est les spécificités du
Québec qui... les droits fondamentaux...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...du Québec, le modèle
fondamental d'intégration au Québec... Si on peut modifier les droits
fondamentaux sur simple amendement, je pense que ce n'est pas logique. Est-ce
que la Loi sur le multiculturalisme canadien pourrait être changée? Est-ce que
la Constitution canadienne pourrait être changée sur simple amendement? Ça
m'étonnerait. Et je pense que ça le fragilise parce que les mots sont
importants. Et je vous remercie d'avoir fait attention aux mots. Je pense que
les mots ont beaucoup d'importance là-dedans.
Alors, je donne un exemple, par exemple,
dans le mémoire, mais on peut en avoir d'autres. Vous savez, quand on parle
d'inclusion, on sous-entend des groupes communautaires, on sous-entend la
nation. Bien, on ne voit pas de nation, on voit un vivre-ensemble basé sur
l'amalgamation de groupes communautaires, qu'on inclut mais sans jamais
intégrer dans un discours citoyen commun. Moi, je pense qu'il y a une grande
différence entre parler d'intégration et d'inclusion.
Alors, je sais que le Parti libéral
avait... parlait beaucoup d'inclusion. Pour moi, l'inclusion, eh bien, ça veut
dire : on n'intègre pas, on les prend comme ils sont, et puis c'est le
multiculturalisme canadien. Donc, je pense que c'est important de ne pas
pouvoir changer les mots parce que les mots sont importants et font toute une
différence.
M. Jolin-Barrette : Et c'est
pour ça qu'on a défini quel est le modèle d'intégration au Québec, qui est
distinct du multiculturalisme canadien, où nous, on refuse la ghettoïsation des
gens.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Exactement.
M. Jolin-Barrette : On
souhaite qu'ils s'intègrent en français, avec les valeurs québécoises, et
qu'ils apportent leur bagage, mais dans un tronc commun.
Peut-être une question avant de céder la
parole à mon collègue de Gaspé, là. Vous avez dit d'entrée de jeu : Il n'y
a rien d'autoritaire dans ce projet de loi là. Or, il y a certaines
organisations qu'on va entendre qui disent que c'est autoritaire, le projet de
loi constitutionnelle, alors qu'il reprend l'ensemble des normes qui existent
déjà : la protection de la langue française, la laïcité, l'égalité entre
les femmes et les hommes, donc, différents éléments. Donc, pourquoi vous dites
que ce n'est pas autoritaire?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Moi, je trouve que la laïcité,
c'est ce qu'il y a de moins autoritaire pour arriver à régler des problèmes
sociaux. Ce qui serait autoritaire, c'est comme on... comme je disais à Fatima,
c'est d'interdire, par exemple, les gens de... je ne sais pas, aller dans les
mosquées et interdire les gens de parler. Ce serait autoritaire, ça.
Dire : On n'accueille pas telle immigration, ça, ce serait autoritaire.
Ce qu'on dit, on dit qu'on les... Tout le
monde vient, et puis, pour permettre au monde parallèle, parce que, vous savez,
une société est pleine de mondes parallèles, il y a vraiment... vous avez les
Indiens... les Indiens de l'Inde sont ensemble, la communauté chinoise est
ensemble, les Maghrébins font leurs activités ensemble. Il y a beaucoup
d'activités communautaires qui sont tout à fait correctes, c'est normal, hein,
on est... le droit associatif doit exister, mais tous ces... En fait, ça fait
des mondes parallèles qui ne se parlent pas.
• (16 h 50) •
Et là la meilleure... C'est ce qu'il y a
de moins autoritaire, en fait, de dire : Ils ont le droit, le droit d'association,
le droit de religion, tout ça, c'est des droits protégés, mais on va faire en
sorte qu'au sein de l'État on ait un... on ait une base commune sur laquelle on
se parle en tant que citoyens, et puis on va s'entendre sur des valeurs
communes, comme le fait que la religion ne peut pas se mettre devant des
lois... des lois civiques, que l'égalité entre les hommes et les femmes ne peut
pas... ne peut pas être entravée par des règles religieuses. Et donc on affirme
l'essentiel qui nous réunit, et voilà, pour créer un discours citoyen.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Il reste deux minutes
pour la question et réponse de M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Merci, M.
le Président. Bonjour, madame. Bonjour, mesdames. Merci pour votre présence et
votre contribution à nos travaux. J'ai raté une partie de votre allocution,
peut-être que c'était plus clair, mais je pose quand même la question. Vous,
soulevez un risque d'exclusion des citoyens par la défense de leurs droits
devant les tribunaux. Qu'est-ce qui vous amène à cette interprétation?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Écoutez, nous, on est un
rassemblement pour la laïcité. Et donc j'écoute les inquiétudes des membres,
parce qu'on a des membres associatifs qui sont dans notre groupe, Mme Girard
fait partie du Rassemblement pour la laïcité, et donc, j'ai voulu amener à une
crainte qui est... qui est dans notre... dans les différents groupes que le
Rassemblement pour la laïcité englobe. Voilà. Donc, je pense qu'il faut faire
attention à ça, mais je vais laisser...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :...voilà, je n'ai pas plus de
choses à dire que ça. Mais peut-être toi.
Mme Girard (Marie-Claude) : C'est
surtout dans l'interprétation de cet article de loi là qui est... certains de
nos membres ont peur de... que ça exclue les intervenants amicaux ou en appui
au procureur dans le libellé, parce que le libellé dit que c'est le procureur
qui est chargé de défendre la loi. Nous, ce qu'on voulait s'assurer, c'est que
ce soit au procureur, mais qu'il pouvait aussi avoir d'autres personnes en
appui au procureur. Ce n'est pas pour lui enlever son rôle, ce n'est pas... ce
n'est pas l'idée, mais ce n'est pas exclusif. C'était une crainte que plusieurs
de nos membres avaient.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de l'Acadie,
s'il vous plaît.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, Mme El-Mabrouk, Mme Aboubakr, bonjour, Mme Girard, rebonjour.
Merci pour votre mémoire. J'ai quelques questions pour vous, notamment la
page 12, votre recommandation 3. Vous dites : Développer la
formation des maîtres permettant d'outiller les enseignants, aborder le thème
de la laïcité dans leur apprentissage. Vous voulez qu'on insère ça dans la
Constitution? Est-ce que je vous comprends bien ou qu'est-ce que vous voulez
faire avec ça?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Non, pas dans la Constitution,
non, non, non. Je... Nos recommandations... d'ailleurs, je le dis dans
l'introduction, je pense que les recommandations ne sont pas nécessairement
liées au texte de la Constitution, mais ce sont des recommandations d'outils
qui peuvent permettre d'appuyer les... par exemple, comme on dit là, on
voudrait, on voudrait faire de ces articles des droits positifs, hein, en tout
cas des obligations pour le gouvernement. Et donc ça, c'est des outils qu'on
suggère pour que les gouvernements... le gouvernement appuie activement, en
fait fasse la promotion active des valeurs fondamentales du Québec. Voilà.
M. Morin : D'accord. Et dans
la formation des maîtres, ça ne se fait pas déjà? C'est absent?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Bon, écoutez, à mon avis, oui.
M. Morin : Oui. Oui.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : Si ça se fait, tant mieux!
Mme Girard (Marie-Claude) : C'est
en partie absent. C'est complètement absent des manuels de culture et
citoyenneté québécoise. Il y a la laïcité dedans, mais la façon que c'est
enseigné, c'est un enseignement tronqué de la laïcité. On n'enseigne même pas
les quatre principes fondateurs de la laïcité. L'égalité entre les citoyens et
les citoyennes n'apparaît pas dans aucun des manuels scolaires qui enseignent
la laïcité. Alors, dans ce sens-là, oui. Si on avait... Si en changeant le
libellé de la Constitution pour en mettre... les principes fondateurs pour en
mettre... et promeut, par exemple, et protège et promeut, ça forcerait le
gouvernement à s'assurer qu'il fasse en sorte de protéger correctement la
laïcité. Pour là, l'intention est là, mais ce n'est pas traduit correctement
dans les cours, parce que la laïcité, c'est marqué que ça contrevient à des
droits, que ça... que ça heurte. L'enseignement qui y est n'est vraiment pas en
faveur de la laïcité. Alors, c'est un peu pour ça, là... c'est pour ça que je
crois fermement que les enseignants n'ont pas la formation. S'ils l'ont, ça ne
transparaît pas dans les manuels qui sont présentement dans nos écoles et qui
parlent de laïcité.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :D'ailleurs, on a mis un exemple
de manuel. Donc un exemple d'encadrer qui parle de laïcité, qui parle de discrimination
religieuse, donc qui met la laïcité dans le cadre de discrimination religieuse
comme la discrimination raciale envers les Noirs. Bon, alors je pense qu'il y a
un problème pour savoir ce que c'est que la laïcité. Moi, je suis pour qu'on
s'entende sur la définition des termes. D'ailleurs, dans d'autres mémoires,
j'ai dit, par exemple, que... Je parle de la loi n° 21 où je trouve que la
neutralité religieuse veut dire une chose et son contraire, et on ne peut
pas... on ne peut pas affirmer des principes si on n'en définit pas la
définition. C'est pour ça que je dis que définir la laïcité comme un droit
collectif, je pense que ça sous-entend que c'est un droit pour tous qui ne peut
pas être... En tout cas, des droits individuels religieux ne peuvent pas venir
entraver un droit collectif à la laïcité. En tout cas, je pense que ça permet
de clarifier la définition. Mais si on est tous pour la laïcité en disant tous
le contraire, écoutez, on ne va pas avancer. Moi, je pense que c'est important
de s'entendre sur le sens qu'on veut donner, et le sens, c'est un sens
universaliste de... de... c'est ça, de... de droits collectifs.
M. Morin : Je vous remercie.
Et... et là je... Mme Girard, c'est ça, je comprends donc votre suggestion de
tout à l'heure, quand vous voulez qu'il y ait une modification à la
Constitution, qu'on ne mette pas uniquement la protection de l'égalité
hommes-femmes, mais de la promotion aussi, qui, selon vous, permettrait,
obligerait l'État après, dans les manuels ou dans les formations qui sont
données...
M. Morin : ...donc à aller
plus loin qu'où on est présentement. Je vous comprends bien?
Mme Girard (Marie-Claude) : Exact.
M. Morin : Parfait.
Mme Girard (Marie-Claude) :
C'est pour le droit des femmes, pour la laïcité, pour le modèle d'intégration
nationale. Ça prend un qualificatif pour forcer l'État à défendre davantage
ces... ces valeurs fondamentales là. Comme le multiculturalisme... le Canada a
fait le multiculturalisme. Et, comme je disais tout à l'heure, on voit l'effet
que ça a eu. On entend que parler du multiculturalisme. Il faut faire la même
chose avec nos valeurs fondamentales, les valeurs fondamentales du Québec.
M. Morin : Parfait. Merci.
Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup. Merci de votre présentation. J'ai une question pour vous. Le
point 5, dans vos recommandations, parle de l'école publique, l'école
laïque par ailleurs. Vous savez, on a parlé, là, beaucoup de financement des
écoles privées, religieuses ici, autour de la table, dans les dernières années,
pourtant le gouvernement refuse, là, de mettre fin à ces subventions-là. Est-ce
que c'est conforme, ça, avec les principes de laïcité?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Mais je pense que le projet de
loi n° 9 vient de proposer de baisser les...
M. Cliche-Rivard : Pas tout à
fait, pas tout à fait.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : ...le financement des écoles privées religieuses.
M. Cliche-Rivard : Depuis
2019, ça avait demandé. Là, il y a une partie qui n'est pas substantielle
duquel ils vont avancer un peu en 2025, mais on est encore très loin du compte.
Vous ne trouvez pas ça surprenant?
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Bon, sur ce je suis... je serais
d'accord là-dessus, là. Mais peut-être que Fatima... Je ne sais pas.
Mme Aboubakr (Fatima) : Oui,
oui. Écoute, c'est un point... Merci beaucoup tout le monde d'abord. Mais moi,
ça fait longtemps que je... J'étais même surprise d'apprendre que le
gouvernement subventionne par nos taxes des écoles religieuses et j'étais même
fâchée de ça.
M. Cliche-Rivard : Avec
raison.
Mme Aboubakr (Fatima) : Donc,
il est temps vraiment de... Si ce n'est pas inclus dans le projet de loi, il
faut l'inclure parce que, vraiment, il est temps de... de le faire. C'est...
c'est très injuste envers les gens qui ont... qui travaillent fort de voir
leurs taxes partir dans des écoles religieuses.
M. Cliche-Rivard : C'est
quand même la huitième année de ce gouvernement là. Comment vous comprenez ou
comment vous expliquez que ça ne s'est pas encore fait, ça?
Mme Aboubakr (Fatima) : Bien,
j'espère qu'ils vont le faire.
Mme El-Mabrouk (Nadia) :Mais ici, c'est un projet de constitution par contre. Là,
il y a plein de choses à faire, mais je ne suis pas sûre qu'il faille
introduire ces... ces éléments là dans une constitution. Dans la Constitution,
on parle des principes, et je trouve que les principes sont bien énoncés.
M. Cliche-Rivard : OK. Et
donc dans votre lecture à vous, là, advenant l'adoption de la laïcité comme de
ces principes-là dans la Constitution, on s'entend que le financement des
écoles privées religieuses va être interdit par la Constitution.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Oui, je pense que... En tout
cas, c'est... Oui, c'est dans la... dans la vision de la laïcité. C'est dans le
principe de la laïcité.
M. Cliche-Rivard : Donc, ce
serait important puis intéressant que le gouvernement soit conforme à ses
objectifs.
Mme Girard (Marie-Claude) : ...notre
recommandation de dire, en mettant... protège et promeut la laïcité. Ça veut
dire que promouvoir la laïcité, ça veut... continuer. Il y a le projet de loi n° 9
qui est bienvenu et parfait. Et s'il y a encore des lacunes, des craques
dedans, on va poursuivre. Comme, par exemple, il y a d'autres recommandations
par le Parti québécois aussi pour renforcer la laïcité.
M. Cliche-Rivard : Après huit
ans en toute fin de législature.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Jean-Talon.
• (17 heures) •
M. Paradis : Vous défendez
avec verve, avec vigueur, le modèle de laïcité québécois. Vous nous dites que
c'est un modèle inclusif qui est ouvert, qui tient compte des expériences
ailleurs dans le monde. Mais pourtant ce modèle, il est complètement rejeté par
le Canada, par le régime fédéral, toutes les épithètes ont été utilisées :
discriminatoire, intolérant, identitaire, replié sur nous-mêmes, xénophobe,
raciste, etc. Vous concluez votre mémoire en disant : Ce qu'il y a dans ce
projet de loi, c'est un pas en avant, mais, dites-vous, il ne s'agit pas d'un
projet de constitution d'un pays souverain qui nous permettrait de protéger
véritablement le modèle de laïcité québécoise. Donc, ce qui est sous-entendu
par votre mémoire, c'est que, malgré ce projet de loi, on va rester soumis au
carcan, au régime fédéral qui rejette le modèle de laïcité québécois.
Mme El-Mabrouk
(Nadia) :Écoutez, tout à fait. Je pense
qu'il y a... il y a toujours des contradictions et je pense qu'on ne va pas
pouvoir... Là, on essaie... La contradiction principale, c'est les
accommodements religieux. C'est cette doctrine des accommodements religieux. Un
accommodement religieux, c'est quoi? C'est une dérogation à une loi ou un
règlement pour... pour se conformer à une règle religieuse. S'il y a... C'est
complètement contradictoire dans les termes à la neutralité religieuse. Alors,
effectivement, c'est un peu difficile. Alors, je comprends qu'on essaie de...
de diminuer l'emprise des... des accommodements religieux. On essaie de mettre
des balises supplémentaires pour éviter ça. On dit que les accommodements...
qu'un accommodement religieux doit... ne peut être accordé que s'il se conforme
à la laïcité. Sauf qu'il y a toujours une contradiction dans les termes. Je
suis d'accord. Alors, on fait ce qu'on... Effectivement, je pense que... Mais,
bon, on peut faire quand même... on peut avancer. Nous, on est pour faire
avancer les bonnes choses. Écoutez, nous, on pense qu'il faut avancer... ce
qu'on peut au moment où on se parle...
17 h (version non révisée)
Le Président (M.
Bachand) :Merci...
Mme El-Mabrouk
(Nadia) : ...bien sûr, il y a toujours des contradictions.
Le Président (M.
Bachand) : ...encore une fois d'être... d'être à l'ordre avec
nous aujourd'hui. Je suspends les travaux, bien, les cloches sonnent, donc on
est appelé à aller voter. Donc, on s'excuse pour le petit retard. Donc, on se
voit plus tard. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 02)
(Reprise à 17 h 18)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît, la
commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir M. Alain
Fontaine et également M. Jessy Gareau à la commission. Alors, vous avez 4 min
de présentation chacun. Après ça, on aura une période d'échange malheureusement
un petit peu écourtée à cause du vote qui vient d'avoir lieu. Alors M.
Fontaine, la parole est à vous pour 4 min.
M. Fontaine (Alain) :
Bon,
je vous remercie de votre accueil, Mesdames et Messieurs membres de la
Commission des institutions. Mon nom est Alain Fontaine, je suis bachelier en
administration des affaires puis jeune retraité, si on peut dire. Pour ce qui
est de la Constitution. Je... complètement d'accord à ce qu'il y en ait une. Ça
serait la première constitution du Québec avec un grand C qu'on va dire, parce
que, déjà, vous avez... les membres de l'Assemblée nationale ont déjà prêté
serment dans le respect de la Constitution du Québec, mais avec un petit C. La
différence, elle va être, entre autres, que la Constitution du Québec va être
rassemblée dans un texte documenté qu'on n'avait pas jusqu'à présent, sauf dans
plusieurs textes comme la Charte des droits et libertés, c'est... on dit que
c'est quasi constitutionnel, mais l'idéal c'est que ce soit dans la
Constitution. C'est pour ça que je recommande que toute la partie 1 de la
Charte québécoise des droits et libertés soit dans la Constitution telle
quelle, au lieu de n'avoir qu'une référence, comme il est suggéré. Après ça,
j'aimerais aussi qu'il y ait les nations autochtones. Un... un texte à part, juste
pour eux, pour les reconnaître.
Ensuite, il est question, aussi, de la
nation québécoise, naturellement telle qui.... qui est devant nous
actuellement. Puis une forme, une...une disposition sur l'interprétation de la
Constitution du Québec que je suggère aussi. Ensuite, c'est l'État du Québec
qu'on... qui comprend le Parlement du Québec, qui, en fait, c'est sur...
l'Assemblée nationale, la loi sur l'Assemblée nationale, j'aimerais que ça soit
complètement écrit dans la Constitution du Québec, puis, après qu'on puisse
abroger qu'est-ce qu'on appelle la loi sur l'Assemblée nationale. Même chose
pour le gouvernement du Québec et, on peut dire, la loi sur l'exécutif qu'on
pourrait...à peu près, mais je pense une... trentaine d'articles, quelque chose
de semblable à ça, qu'on pourrait intégrer dans la nouvelle Constitution du
Québec, puis, après, l'abroger, là, qu'est ce qu'on appelle la loi sur
l'exécutif. Puis après ça, pour les tribunaux, je suggère qu'on... spécifie
l'indépendance du pouvoir judiciaire. Ensuite, on peut ajouter les compétences
législatives que le Québec a. C'est, en gros, c'est qu'est-ce que... qui existe
déjà des articles 92 à 95 dans la constitution de la loi constitutionnelle de
1867.
• (17 h 20) •
Ensuite, on a... on ajouterait les affaires
extérieures, il y deux articles qui... en ce moment, qui existent déjà. Les
symboles du Québec, ça comprend, comme on dit, le drapeau puis la devise...
même le... les armoiries puis le harfang des neiges, en tout cas... les
couleurs comme le bleu d'azur, puis le blanc, en tout ça, toute... j'ai amené
une liste complète. Après ça, on peut parler du Trésor du Québec, des
propriétés, de la fiscalité... Aussi, ça, c'est un petit peu avant les symboles
du Québec, finalement, une procédure de modification. Moi, je suggère ... les
trois quarts, c'est-à-dire les membres de l'Assemblée nationale, parce qu'à
l'heure actuelle, les deux tiers, ce serait trop facile. Déjà, le
gouvernement... partie gouvernementale, a déjà les deux tiers, ce serait trop
facile, que je présume, pour modifier une telle constitution. Et enfin, les...
qu'est ce qu'on appelle la primauté de la Constitution, je le mettrais à la fin
au lieu de au début, parce que d'après moi, c'est plus important la Charte des
droits...
M. Fontaine (Alain) :
...que la... que l'expliquer. La primauté, on peut mettre ça à la fin, de dire
que c'est... qu'est ce que c'est, au juste, la primauté de la Constitution.
Puis il y a des dispositions finales qui pourraient englober qu'est ce qui est
déjà dans la Constitution du Canada, mais qu'on pourrait spécifier les articles
qui sont dans la... dans la Loi sur constitutionnelle de 1867, les articles de
la Loi constitutionnelle de 1982, qui s'appliquent au Québec, mais qui, en
plus, pourraient faire partie de la Constitution du Québec.
Le Président
(M. Bachand) : Parfait. Merci beaucoup. Merci beaucoup,
M. Fontaine. On va vous revenir lors de la période d'échange.
M. Gareau, s'il vous plaît.
M. Gareau (Jessy) : Bon.
Merci beaucoup de me donner la parole aujourd'hui. Donc, ce que je tiens à
dire, je vais revenir sur comme deux points dans mon mémoire, que je veux
absolument que les parlementaires donc retiennent. La première proposition, que
je... que je fais... Pardon, je suis un peu malade. Donc, la première
proposition, c'est donc que, dans la constitution... que toutes les lois de
l'Assemblée nationale utilisent la clause de dérogation de la charte canadienne
pour se soustraire à un maximum d'articles dans la Charte canadienne des droits
et libertés. Pourquoi que je propose ça? C'est parce que la charte canadienne a
été imposée, comme vous le savez, en 1982. Donc, elle n'a pas été... Elle n'est
pas légitime dans donc... dans le contexte québécois. Donc, ça me paraît tout à
fait normal qu'on utilise la clause de dérogation sur l'ensemble des lois
adoptées par l'Assemblée nationale. Et ça va aussi permettre donc, de redonner
une importance à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, ce
qui m'apparaît essentiel, bien sûr. Puis je tiens aussi à rappeler que René
Lévesque, après le rapatriement, il avait utilisé la clause dérogation sur
l'ensemble des lois de l'Assemblée nationale. Donc, ça paraît tout à fait
normal qu'on continue donc sur cette voie. Donc ça, c'est la première
proposition que je vais prendre.
L'autre proposition que je voudrais donc
présenter en fait, c'est que c'est le fait, donc, de venir inscrire les
conditions minimales dans la constitution québécoise, les conditions minimales
pour que le Québec signe la Constitution canadienne de 1982 parce que je...
c'est une opinion, j'ai l'impression qu'on manque un peu de cohérence au
Québec. On avait donc les conditions de Robert Bourassa avec l'accord du lac
Meech. Après ça, ça a été avec l'accord de Charlottetown. Là, plus récemment,
je pense, autour de 2007, il y avait aussi Philippe Couillard qui avait proposé
une formule, donc, pour signer la Constitution. Ça n'avait pas marché. Donc je
pense qu'il faudrait qu'on vienne inscrire les conditions minimales dans cette constitution
québécoise advenant, donc, la signature, donc, de la Constitution. Puis, je
pense, çà nous donnerait un meilleur rapport de force face à Ottawa à ce
niveau-là. Donc, ce sont les deux propositions que je souhaite, donc, bien, que
je propose et que je présente au gouvernement. Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci beaucoup, M. Gareau. Donc,
période d'échange avec le côté ministériel pour six minutes. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, M. Gareau. Bonjour,
M. Fontaine. Merci de participer aux travaux de la commission. D'entrée de
jeu, j'aurais peut-être une question pour M. Gareau. Vous avez bien raison
de dire que M. Lévesque avait utilisé la disposition de dérogation systématiquement
à la suite du rapatriement de la Constitution auquel le Québec n'a jamais
adhéré, n'a jamais apposé sa signature. Vous parlez également de cohérence
gouvernementale sur les modalités et les exigences du Québec. Donc, pour vous,
là, vous croyez qu'on devrait utiliser la disposition de souveraineté
parlementaire dans la... en fait, dans les trois lois qu'on adopte dans la
Constitution, dans la Loi sur l'autonomie et dans la Loi sur le Conseil
constitutionnel.
M. Gareau (Jessy) : Oui.
Nous sommes alors tout à fait légitimes puisque la constitution de 1982 nous a
été imposée. Donc, c'est tout à fait légitime qu'on essaie par tous les moyens
légaux, évidemment, de se soustraire à ce régime. Donc, ça m'a l'air tout à
fait légitime. Et c'est en, je dirais, en cohérence avec la position
traditionnelle donc du gouvernement du Québec d'accroître le plus que possible
son autonomie et que la constitution québécoise soit le moins possible soumise
au cadre constitutionnel canadien.
M. Jolin-Barrette : OK.
Pensez-vous que la Loi constitutionnelle de 2025 qu'on dépose, M. Garneau,
va nous donner des outils pour accroître l'autonomie constitutionnelle du
Québec?
M. Gareau (Jessy) : De
ce que, moi, j'ai l'impression, ça va donner certains outils. Donc, ça va, je
pense, accroître légèrement l'autonomie du Québec. Évidemment que je
souhaiterais qu'on puisse accroître davantage encore l'autonomie. Mais, comme
vous le savez probablement, dans le cadre constitutionnel canadien, c'est un
peu difficile d'accroître l'autonomie du Québec.
M. Jolin-Barrette : OK.
Je vous remercie. Peut-être une question pour M. Fontaine.
M. Fontaine, vous nous invitez à mettre en place une procédure
d'amendement de la constitution, donc d'amendement formel. Vous avez dit
plus... deux tiers ou plus, même trois quarts de la députation...
M. Jolin-Barrette : ...modifier
la Constitution?
M. Fontaine (Alain) : Oui,
pour que ce soit vraiment plus difficile que... qu'un simple... comme à...,
vous le savez que ça prend les... pour les deux tiers ça prend 84 députés
et vous les avez dépassé amplement aux dernières élections. Ça faisait trop
facile, disons, vu qu'est ce qui s'est passé à la dernière élection. C'est pour
ça, avec trois-quarts, ça prend au moins 94 députés sur 125. Ça fait que
là on est sûr que c'est ça ne sera pas juste le parti gouvernemental qui vote
des... des amendements, mettons, des modifications à la Constitution telle qui
seraient adoptées, mais...
M. Jolin-Barrette : Ça, ça
pourrait arriver, parce que le parti libéral de... de M. Bourassa...
M. Fontaine (Alain) : Oui,
oui, ça pourrait arriver, mais les probabilités sont plutôt... plutôt mince.
M. Jolin-Barrette : C'est ça,
c'est arrivé à deux ou trois reprises qu'ils ont eues au-delà du nombre de
94 députés.
Une voix : ...
M. Jolin-Barrette : 102,
99...
M. Fontaine (Alain) : Oui,
mais ça on peut dire depuis Duplessis, peut-être, c'est arrivé comment, deux,
trois fois?
M. Jolin-Barrette : Oui,
c'est ça.
M. Fontaine (Alain) : C'est
très, très rare. Il y a beaucoup plus d'élections qu'il y a eu moins que...
M. Jolin-Barrette : Vous avez
raison.
M. Fontaine (Alain) : C'est
pour ça que... c'est qu'est-ce que je souhaite, même pour l'adoption actuelle
de la constitution avant juin, j'imagine, pas prochainement, là, mais... Ce
serait idéal que ce ne soit pas juste le parti gouvernemental qui vote pour,
mais aussi au moins quelques députés ou un parti de l'opposition pour que ce
soit, comme vous dites, une constitution vraiment québécoise plutôt qu'une
constitution gouvernementale juste caquiste. Vous comprenez?
M. Jolin-Barrette : Oui,
bien, vous savez, pour moi, c'est une constitution qui est québécoise, mais je
ne peux pas enlever la partisanerie des collègues des oppositions, là.
M. Fontaine (Alain) : Qu'un
autre gouvernement, il va sûrement le changer, la modifier facilement avec
50 % plus un. Parce que tout ce que vous voulez mettre dans une condition
peut être biffé comme une loi ordinaire parce que vous dites que c'est la loi
des lois. Une loi des lois doit être supérieure aux autres lois pour au moins
de la modification.
M. Jolin-Barrette : OK. Merci
beaucoup, M. Gareau, M. Fontaine. Je vais céder la parole à ma collègue de Charlevoix—Côte-de-Beaupré.
Le Président (M.
Bachand) : ...la députée, s'il vous plaît.
Mme Bourassa : Oui. Vous
répondez selon qui peut répondre, dans les dernières années, on a vu des gens,
là, qui s'opposaient aux différentes lois adoptées par l'Assemblée nationale,
demander au fédéral de recourir au pouvoir de désaveu. Donc, à votre avis, si
ça, ça arrivait, est-ce qu'on devrait enclencher des négociations
constitutionnelles pour abolir ce pouvoir-là?
M. Gareau (Jessy) : Personnellement,
je suis tout à fait en faveur. Je commence?
Mme Bourassa : Allez-y,
allez-y.
• (17 h 30) •
M. Gareau (Jessy) : OK.
Personnellement, je suis tout à fait en faveur et je crois même qu'on devrait,
donc, adopter... bien, déclencher un référendum sur cet enjeu afin qu'on aille
un pouvoir... bien, un rapport de force beaucoup plus grand face à Ottawa.
Parce que si on obtient, je ne sais pas, 55 %, 60 % de population qui
vote en faveur de l'abolition du pouvoir de désaveu, je vois mal comment Ottawa
pourrait décider de faire comme de rien n'était, comme s'il n'y avait aucun
problème, puis on a fait déplacer des millions de gens pour aller voter, puis
qu'ils ont été voter en faveur d'une telle abolition. Donc moi, ça paraît tout
à fait normal qu'on déclenche, donc, ce genre de processus qui va mener à des
négociations constitutionnelles.
Mme Bourassa : Est-ce que vous
voulez ajouter quelque chose?
M. Fontaine (Alain) : Oui,
mais le pouvoir de désaveu, il était... l'idée était de l'abolir déjà avec la
charte de Victoria de 1971, mais c'est tellement, ça fait tellement longtemps
que ça n'a pas été utilisé, c'est comme périmé. C'est peut-être même possible
qu'ils ne puissent pas l'utiliser ce pouvoir-là. Mais on pourrait même
jusqu'aller jusqu'en cour suprême, supposant qu'ils l'utilisaient, pour
demander à la Cour Suprême si, en effet, il est encore en vigueur ce
pouvoir-là. Peut-être qu'il ne l'est plus.
Mme Bourassa : OK.
Le Président (M.
Bachand) :...suivre, comme on dit, je
regarde les visages que... il y a des gens qui auraient aimé ça intervenir sur
ça.
M. Fontaine (Alain) : Savez-vous
en quelle années ça a été utilisé la dernière fois, le pouvoir de désaveu?
C'est quoi, les années 1920, 1007...
Mme Bourassa : 1943.
M. Fontaine (Alain) : 1943,
pendant la guerre.
Mme Bourassa : On m'a soufflé
la réponse.
Le Président (M.
Bachand) :Je m'en souviens. M. le député
de l'Acadie, M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci, M. le
Président.M. Fontaine, M. Gareau, merci d'être là, par visio pour M.
Gareau, M. Fontaine, bien, écoutez, très impressionnant le document que vous
avez soumis, parce que je comprends qu'au fond, le document, vous l'avez réécrit
au complet ou à peu près ou vous l'avez bonifié.
M. Fontaine (Alain) : Bien
c'est à peu près comme on dit... la... qu'est-ce qu'ils appellent la
constitution de projet de numéro un, là, le projet de loi un, j'ai pas mal tout
inclus plus la partie un de la Charte québécoise, là, des droits de la
personne, droit des libertés de la personne, plus la loi sur l'Assemblée
nationale, plus la loi sur l'exécutif, puis quelques articles ici et là, comme
celle... entre autres, j'ai modernisé les articles de 92 à 95 de la loi
constitutionnelle de 1867... en fait, ça serait une constitution complète de
355 articles.
M. Morin : Merci... Oui c'est
ça, merci beaucoup, vous l'avez... vous l'avez bonifié. J'ai évidemment lu avec
attention que vous avez inclus...
17 h 30 (version non révisée)
M. Morin : ...tous les
symboles qui décrivent le Québec. Dans le projet qu'on a devant nous, il y en a
deux, mais là vous, vous y êtes allés... Bien, bravo! Félicitations!
M. Fontaine (Alain) : ...
M. Morin : Exact. J'ai une
question pour vous, parce que, là aussi, vous l'avez bonifié, dans le projet qu'on
a devant nous, entre autres, dans le préambule, on reconnaît aux Premières
Nations leurs cultures. Vous, vous allez... vous allez beaucoup plus loin que
ça, vous parlez... leurs cultures, leurs langues, leurs économies, leurs
identités, leurs institutions. Pourquoi c'est important pour vous que tous ces
éléments-là soient inclus dans une constitution québécoise?
M. Fontaine (Alain) : En
fait, c'est pour les reconnaître tels qu'ils sont. Puis, avec les médias, tout
ça, j'ai entendu parler, justement, des autochtones, et ils n'étaient pas
contents trop, trop, ils disaient : C'est colonialiste, le fait qu'ils
disaient, à un moment donné, là, le... sur les autochtones, là... C'est comme
qu'est-ce qui est écrit sur la loi 101, à un moment donné, là, «descendants des
premiers habitants du pays». Ils n'ont pas aimé ça. Je ne sais pas pourquoi,
là, mais ils trouvaient ça colonialiste, ce considérant-là, ils disaient :
On est juste dans les considérants. C'est pour ça, moi, je les ajoute dans des
lois, c'est plus précis, parce que...
M. Morin : Dans le texte
même.
M. Fontaine (Alain) : Oui,
parce que, dans un préambule... la Cour suprême du Canada s'est déjà prononcée
sur un préambule, elle dit : Ça introduit, mais ce n'est pas... ce n'est
pas un texte vraiment juridique, ça. C'est comme des principes, mais ce n'est
pas... au point de vue juridique, c'est vraiment les articles. C'est pour ça.
M. Morin : Bien, je vous
remercie. Je vous remercie beaucoup. J'ai une autre question pour vous. Quand
vous parlez des principes fondateurs de l'État du Québec, vous faites une
référence à votre article 125, à l'eau, qui est une ressource collective. Ça,
on en fait état dans le projet de loi, mais vous ne parlez pas, comme tel, plus
globalement, de l'environnement. Est-ce que c'est quelque chose qui devrait se
retrouver vous pensez?
M. Fontaine (Alain) : Oui,
oui, c'est certain. Parce que, là, ce n'est pas que... Qu'est-ce qui n'y est
pas, ça veut pas dire que ça ne peut pas l'être. Moi, je... Parce que, là, avec
le nombre d'articles, il n'y a pas tout... On pourrait même parler de l'air,
jusque... à la limite, l'eau, l'air, la terre, le feu. En tout cas, le feu, ça,
c'est une question grecque, mais vous comprenez qu'est-ce que je vous dis, le
sol, le sous-sol. On exploite les ressources minières beaucoup, au Québec, ça
peut être aussi comme... faire partie du patrimoine. Il n'y a pas juste l'eau, il
y a le sol, comme, le sous-sol, l'air, même. C'est très important, mais on
pourrait l'indiquer, c'est tout.
M. Morin : Parfait. Bien, je
vous remercie beaucoup, M..
Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, pour 1 min 16 s.
M. Cliche-Rivard : Merci, M.
le Président. J'ai une question pour M. Gareau. Vous parlez, à 3.4, là, de la
question de la charte québécoise puis de la clause dérogatoire versus la charte
canadienne. Vous dites, évidemment, là, mur-à-mur sur la charte canadienne,
mais vous dites aussi, dans l'autre sens, que l'Assemblée nationale ne pourrait
pas invoquer la clause de... dérogatoire pour contester en vertu de la charte
québécoise. Pouvez-vous juste nous en dire un peu plus sur votre position?
M. Gareau (Jessy) : OK, oui.
Donc, moi, donc, je l'ai dit récemment, la charte québécoise, elle a toute la
légitimité dont... que je considère parce qu'elle a été adoptée par l'Assemblée
nationale, on peut la modifier. Donc, c'est une charte issue de l'Assemblée
nationale. La charte canadienne n'a aucune légitimité. Donc, moi, je considère
qu'on peut appliquer la clause de dérogation.
Ensuite, l'enjeu, c'est... concernant,
donc, la nomination des juges... le 3.4, que... je pense que je l'ai
moyennement bien expliqué, mais, dans le fond, je considère que si l'Assemblée
nationale fait des recommandations de nomination de juges et qu'Ottawa nomme
ces juges-là... je considère que l'Assemblée nationale ne devrait pas utiliser
la clause dérogatoire pour déroger à un jugement d'un juge qui a été nommé sur
recommandation de l'Assemblée nationale, parce que je considère qu'il doit y
avoir un équilibre, quand même, au niveau de la clause de dérogation, on doit l'utiliser
quand même dans des cas particuliers pour se soustraire à un jugement qui
serait nommé... par un juge qui serait nommé, donc, par Ottawa sans prendre en
compte l'opinion du Québec. Mais je considère que, si l'opinion du Québec a été
prise en compte, on ne doit pas utiliser la clause d'une dérogation.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de
Jean-Talon, pour une petite minute, s'il vous plaît.
M. Paradis : Le ministre
insiste vraiment pour dire que ce n'est pas une Constitution caquiste, ni
péquiste, ni Qsiste, ni libérale, mais pourtant, vous, d'emblée, vous l'avez
qualifiée de Constitution caquiste. Pourquoi?
M. Fontaine (Alain) : Bien
là, c'est qu'il m'a posé réellement la question, puis ça va devenir une Constitution
caquiste, d'après moi, si elle est adoptée, votée juste par le parti
gouvernemental, vous comprenez? Veux veux pas. C'est pour ça, moi, je considère
qu'au moins quelques députés de l'opposition...
M. Fontaine (Alain) : ...à la
limite... en faire une constitution québécoise, parce que le prochain
gouvernement, s'il n'y a pas de formule d'amendement d'au moins les trois
quarts, comme on dit, il va... il peut «scraper» ça facilement. Il s'agit d'un
vote, puis... tandis que si c'est vraiment avec une procédure de modification à
trois quarts... Mais moi, en fait, j'aurais aimé qui présente le projet de loi
en question en 2023. On aurait eu le temps d'en discuter plus longtemps puis
d'avoir un référendum sur ce sujet...
Le Président (M.
Bachand) :Merci. Merci... le temps... le
temps... Alors, M. Fontaine, M. Gareau, merci beaucoup d'avoir été avec nous
autres cet après-midi. C'est très, très, très apprécié. Et je suspends les
travaux quelques instants pour accueillir notre... nos prochains invités.
Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 38)
(Reprise à 17 h 39)
Le Président (M.
Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît. La
Commission reprend ses travaux. Merci beaucoup. Alors, il me fait plaisir de
recevoir M. Alexandre Cloutier, président, et Mme Lucie Laflamme, directrice
générale de la TÉLUQ. Merci beaucoup d'être ici, désolé du petit retard, on est
allé voter. Alors, Monsieur... M. Cloutier, bienvenue. Vous connaissez les
règles, bien sûr. Alors, la parole est à vous.
M. Cloutier (Alexandre) : Merci
beaucoup. Merci de nous recevoir, M. le ministre, distingués membres de cette
Commission. Je suis accompagné de Mme Lucie Laflamme, qui est la directrice de
l'université TÉLUQ et moi-même, Alexandre Cloutier, je suis président de
l'Université du Québec. Écoutez, c'est une occasion qui est importante, je
pense, dans l'histoire du Québec, d'adopter une Constitution, sans doute, mais
d'y ajouter aussi les dispositions en lien avec la liberté universitaire et
l'autonomie universitaire. Je pense que c'est une occasion unique, une occasion
à saisir. Comme vous le savez, il n'y a pas si longtemps, nous étions réunis
ici même pour discuter de la Loi sur la liberté universitaire, au moment où il
y a eu ces débats ici à l'Assemblée nationale. Il n'y avait pas d'intention de
déposer un texte de nature constitutionnelle, si ça avait été le cas, peut-être
que la Commission aurait réfléchi à faire en sorte que les dispositions
proposées ou les conclusions auraient peut-être été différentes.
• (17 h 40) •
Pourquoi c'est si important, la liberté
universitaire? Parce que la liberté universitaire permet le libre débat, permet
la confrontation des idées, permet aux chercheurs d'aller au bout de leurs
réflexions, sans contrainte, sans dogme, sans se faire imposer par l'État des
idéologies. Une des conditions essentielles pour l'existence même de
l'Université, avec un «U» majuscule, c'est la liberté universitaire. Dans la
Loi sur la liberté universitaire, dans le préambule de la loi, le législateur
québécois a aussi reconnu l'autonomie universitaire, mais uniquement dans son
préambule. Vous avez l'occasion d'y inclure à la fois l'autonomie et la liberté
universitaire dans le texte même de la Constitution. Pourquoi l'autonomie
universitaire est-elle aussi importante d'être reconnue? Parce que l'autonomie
universitaire, sans elle, il y a un risque que l'État ou d'autres acteurs
contrôlent le contenu des cours, définissent les priorités scientifiques,
imposent des recrutements de profs, de doyens, même de recteurs, basés sur des
critères qui ne sont pas de nature académique. Et donc, c'est une occasion à
notre point de vue, pour le législateur, d'aller un pas plus loin. Il faut
savoir que ce ne serait pas...
M. Cloutier (Alexandre) : ...d'y
inclure l'autonomie, la liberté universitaire. Ça se fait dans d'autres pays,
en Allemagne, entre autres, en Finlande et d'autres pays. Et donc on pense que
c'est une occasion pour le Québec de se démarquer, assurément en Amérique du
Nord. Et je terminerai en disant simplement : Partout autour de nous, le
principe de démocratie s'effrite. Alors, à chaque fois que nous avons une
occasion de renforcer ces mêmes principes, nous devons les saisir. Et je pense
que nous sommes dans une de ces situations. Alors, je cède la parole à ma
collègue...
Mme Laflamme (Lucie) : Merci.
Alors, on croit, par ailleurs, souvent que les principes d'autonomie
universitaire et de liberté académique sont acquis, mais c'est faux. L'exemple
américain le montre très bien. Il y a deux ans, personne n'aurait imaginé que
les universités et la science se feraient attaquer presque à tous les jours.
Depuis l'élection du président Trump, les organismes subventionnaires ont subi
des coupes drastiques en fonction de critères idéologiques. Des mots comme
justice environnementale ou équité ont été bannis. Certaines universités se
sont vu imposer des positions idéologiques sous menace de sanctions financières
ou d'audits externes. Le vice-président JD Vance a même affirmé que
l'université était l'ennemie. Le président Trump lui-même a soutenu que Harvard
était une blague, qui enseigne la haine et la stupidité. Heureusement, il y a
des dirigeants courageux aux États-Unis qui défendent leurs institutions devant
les tribunaux. C'est le cas du président de Harvard qui tient tête à
l'administration Trump, malgré des coupures de plus de 2 milliards de
dollars et la menace de ne pas pouvoir procéder à l'inscription d'étudiants
étrangers.
Et vous savez quoi? La seule façon que
Harvard a de défendre sa mission essentielle d'enseignement et de recherche,
c'est de mobiliser les tribunaux. Sans les tribunaux, jamais il ne serait
possible, pour Harvard et d'autres universités, de contester les mesures
idéologiques que l'administration américaine impose, soi-disant dans l'intérêt
de la nation. Dans un cas comme celui de l'Université Harvard, on peut même se
demander si ce n'est pas l'université qui protège l'intérêt de la nation en
défendant la liberté académique et l'autonomie universitaire. Quand nous analysons
ce qui se passe dans les universités américaines, on ne peut s'empêcher
d'affirmer que le projet de loi numéro n° 1, dans sa
forme actuelle, pourrait aussi éventuellement compromettre la capacité des
établissements universitaires québécois à défendre leurs missions fondamentales
en cas d'atteinte idéologique, comme c'est le cas actuellement aux États-Unis.
En invoquant le principe de protection de
la nation québécoise dans d'éventuelles lois, les gouvernements vont pouvoir
interdire toute contestation judiciaire de la part des établissements
universitaires. En gros, pour notre système universitaire québécois, cela
signifie qu'une loi adoptée au nom de l'intérêt national pourrait prévaloir sur
la liberté académique ou l'autonomie universitaire. Et nous ne pourrions pas la
contester, même si, comme aux États-Unis, les établissements universitaires
d'ici pourraient, au contraire, estimer que c'est dans l'intérêt national de la
contester. Nous ne pensons pas qu'il y a une intention du gouvernement actuel
de brimer la liberté et l'autonomie universitaire. Mais ce qui est vrai
aujourd'hui peut changer demain, comme nous le démontre l'exemple américain.
Considérant l'importance de l'enjeu pour
les établissements universitaires québécois et leur rôle pour la société en
général, nous sommes d'avis qu'en plus d'enchâsser les principes de liberté et
d'autonomie universitaire dans la Constitution, il est absolument primordial
que les établissements universitaires soient exclus de l'article 5 sur la
contestation judiciaire. C'est vital pour l'avenir de la mission des
établissements universitaires québécois, lesquels peuvent assurément contribuer
éventuellement à sauvegarder une démocratie qui pourrait éventuellement être en
péril.
M. Cloutier (Alexandre) :
Merci, Lucie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui, Mme
Laflamme, M. Cloutier, merci beaucoup d'être présents aujourd'hui. Peut-être
juste vous poser une question — j'ai déjà entendu M. Cloutier — pour
le réseau UQ, là, les gens qui vont dans vos institutions, partout...
M. Jolin-Barrette : ...sur le
territoire, là, la majorité des gens, c'est des gens qui c'est la première fois
qu'ils vont à l'université dans leur famille. Pouvez-vous juste nous spécifier
ça?
M. Cloutier (Alexandre) : Merci
beaucoup de la question, je l'apprécie. C'est vrai que je n'ai pas présenté
l'Université du Québec. L'Université du Québec a été fondée grâce au dépôt du
rapport Parent parce que les francophones avaient un retard historique, et
c'était extrêmement difficile pour le peuple québécois d'avoir accès à
l'université, particulièrement à des universités de proximité. Encore
aujourd'hui, un étudiant sur deux est un étudiant de première génération, donc
leurs parents n'est pas allé à l'université. Et on peut penser que le retard
historique des francophones a été comblé, je veux porter à votre attention que
dans les régions Saguenay–Lac-Saint-Jean et Côte-Nord, Gaspésie, c'est autour de
20 % le taux des diplômés universitaires, alors que c'est plus de
50 % à Montréal. La disparité régionale est encore énorme. J'invite les
parlementaires à continuer de soutenir les actions pour offrir une formation
universitaire de qualité sur l'ensemble du territoire québécois.
M. Jolin-Barrette : Je vais
aller plus précisément sur le sujet. Donc, Mme Laflamme vous dites : Les
universités devraient être exclues de l'article 5. La mécanique de l'article 5,
c'est, lorsque les parlementaires visent une loi, ils disent ça fait partie des
caractéristiques fondamentales, notamment dans le cadre du projet de loi, on
parle de la Charte de la langue française et de la Loi sur la laïcité. Est-ce
que vous trouvez que les universités devraient dépenser des milliers, voire des
millions de dollars en contestations judiciaires, supposons, pour contester la
loi sur la laïcité et la loi no° 101?
Mme Laflamme (Lucie) : En
fait, ce que nous, on veut protéger, c'est la mission universitaire, la liberté
académique et l'autonomie universitaire. Donc, c'est de ça dont il est question
aujourd'hui. Tout ce que vous nommez ça, c'est en périphérie. Nous, ce qu'on
vient de... on vient vraiment défendre, c'est vraiment la mission de
l'université, le droit de faire de l'enseignement et de la recherche de façon
libre hors de toute influence politique, économique, idéologique.
M. Jolin-Barrette : Je suis
d'accord avec vous, mais 5, dans le fond, parce que vous l'avez abordé, c'est
ça, 5, dans le fond, c'est de dire : Mais lorsque les parlementaires vont
décider ensemble sur certaines lois particulières, alors... Mais je comprends
que pour vous, le principe, il est vraiment important de garantir puis de
mettre dans la Constitution le fait de garantir la liberté académique.
M. Cloutier (Alexandre) : Si
vous me permettez de répondre plus directement à la question. Qu'est-ce que dit
l'article 5? C'est dès que le législateur mentionne que c'est pour
protéger la nation québécoise.
M. Jolin-Barrette : Pour les
caractéristiques fondamentales.
M. Cloutier (Alexandre) : Exact.
Ce qui semble assez large. À ce moment-là, les universités se retrouvent dans
une position où ils ne pourraient pas défendre leurs points de vue en lien avec
l'autonomie et la liberté universitaire. Alors, je vais pousser la
conversation. D'un point de vue...
M. Jolin-Barrette : Mais non,
juste un instant. Ils pourraient, mais pas avec les fonds publics. C'est ce que
l'article dit.
• (17 h 50) •
M. Cloutier (Alexandre) : Bien,
ça, c'est une excellente question. Qu'est-ce que les fonds publics? Est-ce que
l'argent de nos fondations, pour lesquelles on reçoit 25 millions du
gouvernement du Québec pour soutenir nos fondations est de l'argent public?
Bon, je vous pose la question parce que j'avoue que je ne suis pas sûr de
saisir ce que vous voulez dire par «l'argent qui n'est pas public». C'est
extrêmement difficile d'y apporter. Est-ce que les frais de scolarité des
étudiants, c'est de l'argent public ou pas? Est-ce qu'il faudrait distinguer
les sommes qui sont payées par... J'ai vraiment de la difficulté à...
Honnêtement, là-dessus, je ne suis pas sûr de vous suivre, c'est parce que
c'est soit qu'on peut contester donc en acceptant que les universités sont
autonomes dans l'utilisation de leurs sommes. Mais c'est beaucoup plus complexe
lorsqu'on amène la nuance que j'ai vu que vous avez apporté ce matin en lien
avec l'utilisation de l'argent peut-être qui émane du privé. Mais je ne suis
pas certain de comprendre l'applicabilité de ça. Alors, les fondations, pour
moi c'est un gros point d'interrogation. D'autant que, quand les gens donnent,
comme vous le savez, un retour d'impôt de 50 %. Pour les universités, on
reçoit 25 millions pour l'ensemble du réseau universitaire du gouvernement du
Québec pour soutenir les fondations. Alors, le seul élément qu'il me reste dans
la tête, c'est dire peut-être que l'argent qui vient des étudiants pourrait
être considéré comme une contribution de nature privée. Mais là, encore là,
comment distinguer les sommes? Est-ce que le temps de mon secrétaire général et
de mon équipe juridique pour contester est un temps qui... qui serait considéré
au sens de la loi? En tout cas. Bref, vous voyez toutes les questions de nature
juridique que ça enlève. À mon avis à moi, c'est une erreur importante d'y
inclure les universités pour la raison que je viens donner.
Mais je vais en ajouter une autre, du côté
américain, présentement, on prétend que c'est dans l'intérêt... que c'est pour
protéger la nation américaine qu'on coupe dans la recherche sur l'égalité entre
les hommes et les femmes. Le président Trump prétend que c'est dans... c'est
dans l'intérêt des États-Unis de couper ou de diminuer la recherche en lien
avec la vaccination. Qui nous dit qu'on ne serait pas à l'abri un jour d'un
gouvernement québécois qui passerait une loi, à l'Assemblée nationale, qui
prétendrait que c'est dans l'intérêt national...
M. Jolin-Barrette : ...la
différence qu'il y a, c'est que le président Trump n'a pas adopté de lois pour
faire ça au Congrès notamment. C'est des décisions unilatérales de l'exécutif,
ce qui n'est pas prévu dans la loi. Juste pour vous rassurer, les fondations ne
sont pas visées, les dons collectés dans le cadre des fondations.
J'aimerais vous amener sur un autre
élément, sur la liberté universitaire.
M. Cloutier (Alexandre) :
Malgré... Malgré...
M. Jolin-Barrette : Juste
un... Juste un point, je vais terminer ma question. Vous avez dit tout à
l'heure, vous ne voulez pas que l'État contrôle, supposons, qui est nommé,
supposons, dans les universités. Ça prend une liberté de choix par rapport aux
professeurs, aux doyens, aux recteurs. J'en suis aussi. Mais qu'est-ce que vous
pensez de certaines universités où on se retrouve dans des situations où
désormais on restreint le rôle des assemblées facultaires et on a retiré le
pouvoir des facultés de nommer les doyens puis que maintenant c'est uniquement
le recteur qui désigne les doyens dans les différentes facultés?
Le Président (M.
Bachand) :M. Cloutier, rapidement, s'il
vous plaît.
M. Cloutier (Alexandre) : Je
ne suis pas sûr de saisir...
Mme Laflamme (Lucie) : Oui,
moi non plus.
M. Jolin-Barrette : Bien, que
le recteur désigne le doyen de chacune des facultés plutôt que ça soit les assemblées
facultaires de professeurs.
Mme Laflamme (Lucie) : Mais,
en même temps, je pense que le recteur, lui, il est désigné par les
professeurs. Il y a quand même un mode de désignation qui est collégial,
collectif et communautaire pour désigner un recteur. Donc, moi, je pense que,
si le... s'ils ont collectivement tout retiré et que le recteur les nomme,
c'est un peu... c'est un choix universitaire qui relève de la liberté et de
l'autonomie universitaire.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Alors, M. Cloutier, Mme Laflamme, merci d'être là. L'autonomie
universitaire, c'est fondamental, à mon avis, mais moi, j'aimerais bien...
j'aimerais bien vous entendre sur l'article 5 de la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle. Vous avez commencé à donner des exemples. J'ai écouté M. le
ministre, mais moi, quand je lis ça, je ne vois pas beaucoup de paramètres qui
pourraient restreindre l'action gouvernementale qui pourrait tenter de museler
des universités par différentes lois, puis ce qui fait que les universités ne
pourraient pas les contester. Et ça pourrait avoir un impact sur la mission
même de l'université, qui est de faire de la recherche ou autrement. Alors,
est-ce que c'est une crainte que vous partagez?
M. Cloutier (Alexandre) : Bien,
je pense qu'on a été très clairs à ce sujet-là, là. Pour... En fait, je suis...
je n'ai pas vu les précisions en lien avec les fondations. Je ne sais pas si la
disposition auquel vous faisiez référence, c'est dans les notes explicatives du
projet de loi ou ça tient ailleurs. En tout cas, moi, je ne les ai pas vues. La
formulation que je retrouvais dans le projet de loi me semblait très large. On
parlait d'impôt des Québécois... de contribution de l'État, et une formulation
aussi large nous amène toutes sortes de questionnements de nature juridique.
Alors, il y aurait tout avantage à le préciser. Mais la position des 20
universités au Québec, le mémoire du BCI, le mémoire de l'Université du Québec,
ce qu'ils demandent, c'est le retrait pur et simple du monde universitaire.
Puis, comme je le disais tout à l'heure,
on disait que le président Trump, il avait agi par décrets et non pas par lois,
c'est tout à fait exact, sauf qu'on n'est absolument pas à l'abri d'un
gouvernement du Québec qui, lui, déciderait de procéder par une loi et qui
pourrait intervenir libre, en quelque sorte, de toute forme de contrainte de
nature judiciaire. Il faut accepter que, dans le débat démocratique et les
lois, on a un système de... on a un système judiciaire qui est là pour que les
contribuables puissent faire valoir leurs droits. Parfois, on trouve ça
dérangeant. D'autres fois, on trouve ça agréable, parce qu'on l'a en soutien.
Mais c'est le jeu des principes et de la balance des pouvoirs. Et il faut être
extrêmement prudent lorsqu'on joue, là, dans ces équilibres, et
particulièrement pour les universités. Parce que, je le rappelle, l'autonomie
et la liberté universitaire sont liées au principe même de démocratie. Alors,
il faut être extrêmement...
Le Président (M.
Bachand) : M. le député d'Acadie, parce que le temps file
rapidement. M. le député de l'Acadie.
M. Morin : Non, non...
Continuez, continuez.
Mme Laflamme (Lucie) : ...dans
les universités, il y a un paquet d'intellectuels aussi qui peuvent nourrir un
débat public puis des choix publics. Donc, juste pour ça, là, on mérite d'être
défendus puis on mérite aussi d'être exclus du... de l'article 5, d'être
capables de pouvoir contester au besoin. Dans le monde universitaire, on est
contestés, hein, dans les directions universitaires, on est tout le temps
challengés, ça fait partie de ça. Puis on forme des gens qui vont être capables
de vous challenger, de challenger le politique, le public, le judiciaire,
partout. Donc, c'est important de nous laisser la latitude pour pouvoir garder
nos institutions universitaires.
M. Morin : Absolument. Puis
c'est comme ça aussi qu'on peut préserver une saine démocratie, à mon avis.
Donc, tenter de restreindre les activités d'une université, une contestation,
tenter de les museler, c'est quant à moi une attaque envers notre démocratie.
Je vous remercie.
Le Président (M.
Bachand) : M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci.
Merci beaucoup de votre présentation. La dernière fois qu'on s'est vus, je
pense, c'était dans le cadre du projet de loi n° 74, où vous défendiez
sensiblement des dispositions similaires pour retirer, là, sur les quotas d'étudiants
étrangers, notamment pour le deuxième cycle...
M. Cliche-Rivard : ...là,
aujourd'hui, vous venez faire un plaidoyer qui se ressemble, quand même, là.
Mme Laflamme
(Lucie) :
Bien, il était en compagnie d'une autre personne.
M. Cliche-Rivard : 1 Oui.
Bien, vos arguments sont essentiellement les mêmes, mais ils n'ont pas été
retenus la dernière fois. Vous avez espoir cette fois-ci?
M. Cloutier
(Alexandre) :
Vous faites référence aux amendements sur le PEQ
ou... je ne suis pas sûr, M. le député, honnêtement...
M. Cliche-Rivard : Vous étiez
à établir là, puis vous demandiez d'être soustrait sur le nombre d'étudiants
étrangers dans vos programmes d'études supérieures, notamment la recherche.
M. Cloutier (Alexandre) : Le
principe d'autonomie, de liberté universitaire, c'est... vous retrouvez ça dans
tous les mémoires de toutes les universités qui vont venir vous rencontrer
aujourd'hui. Mais honnêtement, on est très préoccupé par le retrait du droit de
contestation. Et pour nous, ça nous apparaît être hautement problématique pour
les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure. On ne prétend pas que le
gouvernement actuel souhaite avoir une attitude agressive envers les
universités, mais on peut penser que dans le futur, par contre,
malheureusement, ça pourrait être le cas.
M. Cliche-Rivard : Je vous
laisse sur une petite dernière. Est-ce que vous pensez que la liberté puis
l'autonomie, les mêmes principes, là, doivent également primer au niveau des
artistes et du milieu culturel?
M. Cloutier
(Alexandre) :
Mon Dieu, vous faites un parallèle avec... le monde. Je
ne suis pas sûr, encore une fois, de vous suivre, là.
Mme Laflamme (Lucie) : Oui,
pouvez-vous l'expliquer un petit peu?
M. Cliche-Rivard : Bien,
récemment, on a entendu des déclarations quand même assez incendiaires du
politique par rapport au milieu culturel. Pensez-vous que l'autonomie devrait
avoir le même porte-étendard, le même, le même...
Mme Laflamme (Lucie) : On va
laisser nos élus débattre de ça, je pense.
M. Cloutier (Alexandre) : Je pense
que c'est sage, aussi.
M. Cliche-Rivard : On aurait
aimé ça vous entendre, quand même.
Le Président (M.
Bachand) :Alors, donc, M. le député de
Jean-Talon. S'il vous plaît.
M. Paradis : Bon, soyons,
soyons très concrets. Nous sommes... dans quelques années, la Loi sur
l'autonomie constitutionnelle du Québec a été adoptée. Un gouvernement du
Québec qui n'a rien à voir avec l'un quelconque des partis politiques ici,
adopte une loi qui dicte à l'Université du Québec et aux universités du Québec
quoi enseigner et interdit d'enseigner un certain nombre de choses dans ses
cours. Est-ce qu'avec l'article cinq, vous êtes en mesure de contester une
telle loi?
M. Cloutier (Alexandre) : Bien,
c'est notre crainte, en fait... c'est... c'est que l'interprétation de la
défense de la protection du Québec, telle que formulée, soit beaucoup trop
large et que l'idée qu'on laisse entendre que ce n'est pas vrai, qu'on pourrait
contester si ce n'est pas des sommes qui sont liées à l'État québécois. Le
point d'interrogation, qu'est ce que ça veut dire concrètement? C'est très
difficile pour nous de s'y retrouver là-dedans et on ne comprend pas, tout
simplement pas, pourquoi. En fait, c'est un peu paradoxal. Pensez-y deux
secondes, on est ici devant vous pour plaider l'autonomie universitaire, mais
en même temps qu'on demande que le principe soit inclus dans la Constitution du
Québec, le gouvernement du Québec nous enlève un droit de contester. Qui est
en, à notre point de vue, en contravention directe justement, du principe de
l'autonomie universitaire.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup, alors M. Cloutier, Mme Laflamme,
merci beaucoup d'avoir été avec nous aujourd'hui.
M. Cloutier (Alexandre) : Merci
beaucoup.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, je suspends cette...
les travaux jusqu'à 19 h 30. Merci, à tantôt.
(Suspension de la séance à 18
heures
)
19 h (version non révisée)
(Reprise à 19 h 30)
Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît! Bonsoir à tout le monde. Alors,
nous... la commission reprend ses travaux. Donc, nous débutons, ce soir, avec MM.
Bernard Racine et André Huot, mais qui sont en visioconférence. Merci beaucoup
d'être avec nous, c'est très apprécié. Donc, vous avez quatre minutes chacun de
présentation puis, après ça, on va avoir un échange avec les membres de la
commission. Donc, je ne sais pas qui commence, M. Racine, M. Huot. M. Racine,
allez-y. Allez-y, monsieur.
M. Racine (Bernard) : D'accord.
Bonsoir, M. le Président, députés et autres membres de la commission. Merci de
votre invitation à témoigner. Je suis Bernard Racine, citoyen de Saint-Denis-de-Brampton
en Estrie. Je me présente ici à titre personnel. La Constitution débute ainsi :
La Constitution du Québec est la loi des lois. La Constitution du Québec a
préséance sur toute règle de droit incompatible, c'est dire l'importance de ce
projet de loi. Il ne devrait pas être traité comme tous les autres étant donné
son incidence sur toutes les lois. Je m'inquiète des impacts qu'auront sur les
citoyens et citoyennes plusieurs articles de ce projet de loi et qui mettent en
péril le Québec progressiste que des générations ont bâti ensemble.
L'article 29 de la Constitution, qui
traite des interventions volontaires de grossesse, en est un exemple, décrié,
entre autres, par des groupes de femmes, le Barreau du Québec et le Collège des
médecins. Il ouvre la porte à la contestation du droit des femmes à disposer de
leur corps. Un net recul par rapport à la situation actuelle. C'est là un
exemple parmi tant d'autres que la démarche actuelle est déficiente. Elle
entache grandement la...
19 h 30 (version non révisée)
M. Racine (Bernard) : ...du
document, il lui donne des couleurs partisanes. La présente consultation a lieu
après le dépôt du projet de loi. Or, le processus aurait dû être inverse, c'est-à-dire
organiser une consultation d'une grande variété de composantes de la société
québécoise, exemples : agriculture, Premières Nations, organismes
communautaires, PME, syndicats, etc., à la manière d'une Assemblée constituante
et en prendre compte pour la rédaction du texte de loi. Cela aurait aussi
permis à la population d'être mieux informée sur les tenants et aboutissants et
de mieux comprendre de quoi il en retourne.
De plus, un tel projet de loi ne devrait
pas être adopté à la majorité simple, mais bien aux deux tiers des députés de l'Assemblée
nationale. C'est la règle pour modifier les statuts de bien des organismes. Il
devrait donc en être ainsi pour une Constitution. Faire entériner la
Constitution par référendum lui donnerait aussi plus de force politique. Ce n'est
pas en fin de mandat qu'un gouvernement devrait se mettre à la tâche d'amorcer
une telle démarche, mais bien au début. Un projet de loi qui veut instaurer une
telle préséance mérite qu'on y mette le temps. Il faudrait donc mieux
abandonner le présent projet de loi et recommencer de la bonne manière. Avant
même d'adopter une Constitution, il faut réformer notre mode de scrutin pour
assurer une meilleure représentativité des électeurs et électrices...
Le Président (M.
Bachand) : Il vous reste moins d'une minute, M. Racine.
Merci.
M. Racine (Bernard) : ...à
l'Assemblée nationale. Merci. À l'approche des prochaines élections, c'est le projet
de loi n° 499 sur la réforme du mode de scrutin qu'il faudrait adopter.
Contrairement au projet de loi n° 1, ce projet de loi est l'aboutissement
de longues réflexions, échanges et consultations. Commençons donc par le
commencement. Merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup, M. Racine.
Vous êtes très efficace. M. Huot, s'il vous plaît.
M. Huot (André) : Oui. Ça
fait que c'est à mon tour.
Le Président (M.
Bachand) :Oui, s'il vous plaît.
M. Huot (André) : Oui.
Parfait! Bonjour. Moi, j'encourage l'adoption de la loi n° 1 en tant qu'initiative
valorisant le Québec. Je perçois cette loi comme un document rassemblant la volonté
gouvernementale concernant le Québec dans le Canada. C'est une occasion pour le
Canada de collaborer en respectant la volonté exprimée. J'appuie cette
initiative à condition de l'associer sans tarder à un processus complémentaire
garantissant une Constitution par et pour le peuple. Le peuple étant à la fois
tout le monde et personne, un processus est nécessaire pour garantir à chaque
individu la possibilité de participer adéquatement et équitablement. Un tel
processus peut être conçu par n'importe qui mais doit être validé par le
peuple. Si plusieurs processus sont proposés, il va de soi que celui qui
convient le mieux au peuple doit être retenu.
J'ai conçu un tel processus en tant que
citoyen, je l'ai travaillé dans le cadre d'une recherche universitaire, et il a
été validé auprès de 5 000 adresses tirées au sort, représentant
chaque municipalité et chaque circonscription du Québec. Le processus convient à
93,6 %. Il est applicable tel quel, à moins qu'on propose mieux. La Constitution
qui résultera de ce processus devra être approuvée par un référendum qui lui
donnera sa légitimité. Cette Constitution sera vraiment la constitution du
peuple conforme à l'autodétermination des peuples. Elle prévaudra sur toute
autre loi, y compris la loi n° 1 et la Constitution canadienne. Le cadre
du processus se lit ainsi : Le mandat de l'Assemblée constituante est de
rédiger la Constitution du Québec en précisant à qui s'applique la Constitution,
qui applique la Constitution? Comment est mise à jour la Constitution? Quels
sont les pouvoirs publics et leur but? Comment est accordé et retiré chaque
pouvoir public?
M. Huot (André) :
...c'est tout. Ça peut sembler incomplet ou simpliste, mais pensez-y, une fois
que tous les pouvoirs publics sont identifiés avec leurs buts et qu'il est
précisé comment est accordé et retiré chaque pouvoir, toutes les institutions
nécessaires à l'organisation sociale devront en émaner conformément à la
volonté collective.
Le Président
(M. Bachand) : Il vous reste une petite minute,
M. Huot. Merci.
M. Huot (André) : Oui,
merci. La mise en place du processus est prévue ainsi : Si l'appui citoyen
est évident, l'Assemblée nationale du Québec mandate Élections Québec pour
informer la population, créer le comité organisateur, puis créer l'Assemblée
constituante. Avec 5 000 citoyens au hasard ayant pu se prononcer, je
considère évident l'appui citoyen à 93,6 %. C'est maintenant à l'Assemblée
nationale de mandater Élections Québec comme prévu ou de me proposer mieux. En
15 minutes, vous pouvez valider vous-mêmes le processus constituant proposé ou
proposer mieux via mon site Web qui est andrehuot.qcrecherche. Merci.
Le Président
(M. Bachand) : Merci infiniment. M. le ministre, s'il vous
plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Alors, M. Racine, M. Huot, merci beaucoup de
participer aux travaux de la Commission des institutions sur le projet de loi n° 1. Écoutez, dans un premier temps,
peut-être pour M. Huot, outres les deux modifications suggérées, là, que
vous... que vous proposez, je comprends que vous êtes en accord avec le... ce
qui est proposé à l'intérieur du projet de loi.
M. Huot (André) : Bien,
en général, je suis plutôt d'accord, mais j'y accorde moins d'importance parce
que, pour moi, c'est comme... c'est comme un point de départ. C'est sûr qu'il y
a des éléments que je suis moins à l'aise comme celui concernant l'avortement.
Je l'enlèverais complètement. Il y a d'autres... d'autres éléments, là, qu'à la
lecture, je trouvais que ce n'était pas pertinent de les mettre dans la
constitution, mais en considérant ma proposition d'avoir un processus
constituant citoyen, donc, ça devient moins important, peu importe ce qu'il y a
dans ce document-là.
• (19 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Puis
peut-être en lien avec... avec ce que vous venez de dire, supposons, sur
l'avortement, donc je comprends que vous faites référence, là, à
l'article 29 du projet de loi, là, qui dit : «L'État protège la
liberté des femmes d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse».
Donc, pourquoi vous êtes en désaccord avec ça?
M. Huot (André) : Bien,
c'est que c'est comme un élément qui... un élément particulier que je ne serais
pas porté à mettre dans une constitution. Ce serait un autre document ailleurs,
une autre loi, là. Je ne l'intégrerais pas dans une constitution parce que
c'est... La volonté de la population peut changer dans le temps sans qu'on
ait... sans que ça doive nécessiter de changer de constitution.
M. Jolin-Barrette : Ah!
Vous... Vous dites : Peut-être que la société voudrait limiter le droit à
l'avortement un jour. C'est ça?
M. Huot (André) : Oui.
Ça se pourrait qu'au fil du temps qu'elle considère que, finalement, en y
repensant, bien oui, le droit de la femme à choisir qu'est-ce qu'elle veut
faire avec son corps, bien, elle pourrait considérer que son corps, l'enfant
qui commence à exister, que c'est un autre corps, et non plus son corps puis à
ce moment-là... si on permet l'avortement, à ce moment-là pourrait même être
considéré comme un meurtre, mais dans certaines circonstances, bien, ça
pourrait être accepté parce que ne pas l'accepter pourrait être pire.
M. Jolin-Barrette :
Bien, dans le fond, M. Huot, pourquoi est ce que le gouvernement du Québec
a décidé de mettre cette disposition à l'article 29, puis je pense qu'on
va être en désaccord là-dessus, bien nous, c'est véritablement pour encapsuler
et s'assurer que, de tous les gouvernements, si jamais ce droit-là, il était
attaqué, bien, l'État québécois va être obligé d'agir pour défendre cette
liberté-là des femmes, parce que les femmes ont fait une lutte constante pour
avoir la liberté de choix sur leur corps. Et je pense que c'est un des éléments
fondamentaux de la cité québécoise de dire qu'il y a uniquement les femmes qui
peuvent choisir sur... pour prendre les décisions par rapport à leurs soins de
santé, alors pour l'avortement. Donc, c'est pour ça que l'article est écrit
comme ça, pour dire : L'État du Québec protège. Ce n'est pas un article
sur l'avortement...
M. Jolin-Barrette : ...mais
c'est un article pour faire en sorte de positionner l'État résolument comme
étant du côté des femmes, pour leur assurer la liberté de choix. Ça fait que
c'est pour ça qu'on l'a mis là, justement pour ne pas que ça bouge, au Québec,
si jamais le droit était attaqué, puis d'avoir les outils, un outil
supplémentaire pour le protéger.
Peut-être une question avant de céder la
parole à mon collègue de Gaspé, pour M. Bernard...
Le Président (M.
Bachand) : ...
M. Jolin-Barrette : Oui.
Pardon, excusez-moi. Excusez-moi, M. Racine, je suis désolé, j'ai inversé votre
nom. Donc, dans votre mémoire, là, vous dites qu'on devrait prévoir un
processus de modification qui est plus formel pour la Constitution. À quoi... à
quoi vous pensez?
M. Racine (Bernard) : Comme
je disais, je pensais à un vote aux deux tiers. Autant pour l'adoption
initiale, autant pour modifier la Constitution. Comme vous parlez de l'article
29, bien, on ne peut pas être certain quelle position prendront même les
gouvernements québécois dans le futur. Puis ça ou d'autres points, si c'est
juste changé à la majorité simple aussi, pour l'adoption, ça donne moins de
légitimité au processus. Puis je rejoins M. Huot aussi, que, dès le départ,
c'est... la consultation aurait dû se faire avant la rédaction du texte de
Constitution.
M. Jolin-Barrette : OK, donc
je comprends que votre souci, entre autres, c'est que, si la disposition sur
l'interruption volontaire de grossesse, elle est là, il faudrait, au minimum,
avoir une formule d'amendement qui est plus rigide, avec un vote des deux
tiers, pour s'assurer qu'un gouvernement futur ne vienne pas affaiblir cet
article-là. Je comprends bien?
M. Racine (Bernard) : Oui,
mais comme je disais aussi, ce serait préférable qu'il n'apparaisse pas, qu'il
reste comme c'est là. Comme c'est là, l'interruption volontaire de grossesse,
c'est un soin, et les femmes ont droit à ce soin-là. Puis c'est la position de
plusieurs personnes. Ne mettons pas ça dans une Constitution. D'ailleurs, il y
a... dans les médias, il y a quelqu'un qui se... qui voyait que ce serait là
une cible à abattre, là, une position antichoix. Donc, c'est pour ça que moi,
je rejoins ceux qui ont la position que le statu quo est préférable dans ce
cas-là.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
respecte... je respecte ça. Il y a beaucoup de gens qui pensent comme vous,
puis je suis à l'écoute. Vous n'avez pas peur que le droit soit attaqué? Vous
ne pensez pas que l'Assemblée nationale, comme société, on devrait se
positionner, que les élus ensemble se disent : C'est important d'avoir
tous les outils juridiques à notre portée justement pour protéger le droit?
M. Racine (Bernard) : Bien,
moi, je regarde la position de beaucoup de groupes de femmes, le Conseil du
statut de la femme, la Fédération des femmes du Québec. Je donne comme... J'ai
comme un petit préjugé favorable pour la position des femmes, par rapport à un
sujet qui les touche en premier, et beaucoup de femmes aussi ont cette
position-là qu'actuellement, comme c'est là, OK, ce n'est pas... ce n'est pas
le fait de le mettre dans la Constitution que ça va protéger... ça va plus
protéger ce droit-là.
Je suis conscient qu'à l'Assemblée
nationale, tout le monde est là puis tient à protéger ce droit-là puis
considère que c'est précieux, mais, encore une fois, moi, je suis dans la
position que le statu quo, pour l'instant, est... est préférable à mettre dans
une Constitution. Puis d'ailleurs ma position, c'est que la rédaction de ce
texte-là aurait dû se faire en amont, puis tous ces points de vue là avaient pu
participer à la rédaction même du document.
M. Jolin-Barrette : D'accord.
Bien, écoutez, j'accueille ça. Je vais céder la parole à mon collègue, mais
simplement vous dire que ce dont on parle, c'est d'obliger l'État québécois à
agir sur ce dossier-là si jamais il est attaqué. Mais je cède la parole à mon
collègue.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de Gaspé,
il reste 2 min 25 s.
M. Sainte-Croix : Merci, M.
le Président. M. Racine, M. Huot, à mon tour de vous remercier pour votre
contribution à nos travaux. J'aurais une question qui touche... qui touche...
qui vous touche, les deux. Est-ce que vous considérez que notre Assemblée
nationale a toute la légitimité démocratique pour étudier un projet de
Constitution?
M. Huot (André) : Bien, je
peux répondre. Ce que moi, je dis : Oui, elle a la légitimité pour un
projet de Constitution...
M. Huot (André) : ...mais pas
pour un projet de constitution citoyenne. Il y a une différence énorme entre
les deux. C'est qu'en tant que gouvernement, oui vous pouvez écrire la
constitution que vous voulez, puis elle est valable, mais ce n'est pas une
constitution citoyenne. Une constitution citoyenne doit vraiment être rédigée
par et pour le peuple et approuvée par le peuple.
M. Racine (Bernard) : Je
rejoins M. Huot dans ce sens-là, que la participation citoyenne, autant pour la
rédaction que pour entériner la constitution, ça donne beaucoup plus de force
et de validité. On peut parler de légitimité, c'est certain. Une légitimité,
on... vous avez le droit de passer une loi, mais si on parle de validité au
niveau de la façon que c'est... c'est... comme je vous disais, de force
politique, c'est certain que si vous avez l'appui de la population, ça va
donner plus de force à ce document-là qu'une loi, surtout une loi qui est
passée à la majorité simple.
Le Président (M.
Bachand) : 50 secondes, M. le député de Gaspé.
M. Sainte-Croix : Est-ce que
vous considérez que le... l'exercice auquel on se prête ce soir, à savoir une
consultation, participe à ce qui semble être, je ne dirais pas, problématique,
mais vous avez une certaine réserve sur l'absence de consultation... est-ce que
vous jugez que, ce soir, ça participe à... au processus?
Le Président (M.
Bachand) :Peut-être, M. Huot, rapidement,
s'il vous plaît.
M. Huot (André) : Bien, ça
participe, mais c'est partiel, parce que ce n'est pas tous les citoyens qui ont
la possibilité de participer, parce que c'est quand même limité dans le temps,
puis il y a des filtres qui vont décider qui qui a son mot à dire ou pas. Ça
fait que, dans ce sens-là, c'est partiel.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Oui, merci, M. le
Président. Alors, M. Racine, M. Huot, bonsoir, merci d'être là avec nous. M.
Racine, je crois que vous avez mentionné, et j'aimerais vous entendre
là-dessus... vous avez dit : Ne pas présenter une loi ou ce type de loi là
en fin de mandat. C'est ce que le gouvernement fait présentement. Alors, quels
sont les enjeux, pour vous, quand un gouvernement présente une telle loi en fin
de mandat?
• (19 h 50) •
M. Racine (Bernard) : C'est
que, bien sûr, le processus est précipité, et on parle d'une constitution, on
parle de quelque chose qui est important. Si, vraiment, on veut que ce soit une
constitution qui ne soit pas que symbolique, une vraie constitution, bien,
comme je le disais, on doit y mettre le temps. Donc, en fin de mandat, à une
année d'échéance des élections, ça précipite... précipite les choses. Et c'est
pour ça... D'avoir une consultation un coup que le texte est édité, ce n'est
pas comme si on fait une consultation au préalable. Quand c'est une
consultation... C'est vrai que le gouvernement consulte, mais, en même temps,
ce processus de consultation là, il permet à la population de s'informer. Donc,
si c'était échelonné sur tout le mandat, bien, ça permettrait à la population
aussi d'être mieux informée puis de savoir de qu'est-ce que... à quoi ça rime,
tout ça. Ça fait que, vraiment, on peut juste gagner à établir ça sur une plus
grande période. Les choses sont trop précipitées.
M. Morin : Qu'est-ce que vous
pensez, M. Racine, de la procédure, par exemple, d'une commission
transpartisane, qui aurait même pu inclure des citoyens, et qui serait allée
ramasser et écouter les citoyens dans l'ensemble du Québec avant de proposer un
texte?
M. Racine (Bernard) : C'est...
c'est exactement... Moi, je parlais de l'assemblée constituante, qui est un peu
cette démarche-là. M. Huot aussi semble avoir tablé sur une autre hypothèse de
consultation. Dans tout ce qu'on... dans tous ces cas-là, on s'entend pour
dire : l'idéal, avant d'arriver avec un texte qui a été écrit, puis où on
peut juste réagir sur les articles de loi, que c'est vraiment préférable puis
souhaitable, surtout pour une constitution, de mener des consultations, autant
pour aller chercher l'information des citoyens, mais, en même temps, pour
pouvoir donner de l'information, puis que les gens se... puis que tous les
gens, le Québec multiple, tous les gens, tous les... participants de la société
québécoise peuvent donner une couleur à la Constitution, puis ils peuvent
s'informer sur le processus.
M. Morin : Et je comprends
ici, de votre suggestion, que, si...
M. Morin : ...le gouvernement
avait décidé de participer de cette façon-là, on aurait eu une constitution du
peuple plutôt qu'une constitution du gouvernement. Est-ce que je me trompe?
M. Racine (Bernard) : Non,
vous avez raison.
M. Morin : Très bien. Je
crois vous avoir entendu dire qu'il fallait maintenant recommencer le travail.
C'est ce que vous souhaitez que le gouvernement fasse?
M. Racine (Bernard) : Oui,
effectivement. Ce qui a été fait à date, ce n'est pas perdu. Les consultations
actuelles, il y a des mémoires qui ont été déposées, il y a déjà des... il y a
déjà un premier processus qui est enclenché, puis, ça, ce n'est pas perdu, ça
peut servir. Mais recommençons à zéro, OK? Puis avec ce qui a... ce qui a été
fait à date, mais recommençons avec une vraie consultation citoyenne et, comme
je le disais, un gros enjeu de démocratie actuellement, c'est le mode de
scrustin... de scrutin. Commençons par ça et, là, l'Assemblée nationale sera
aussi plus significative de la population pour en... pour embarquer dans un tel
processus.
M. Morin : Et d'après vous,
comment, dans le cadre de ce processus-là, comment devrait-on aborder la
question avec les Premières Nations?
M. Racine (Bernard) : Bon,
les Premières Nations, justement, c'est vraiment, ils sont comme oubliées
là-dedans, les Premières Nations et beaucoup d'autres éléments. Dans ce
processus-là, eux aussi auraient leur mot à dire. Puis, on le sait ce que c'est
être une minorité, on devrait avoir une sensibilité spéciale à c'est quoi être
une minorité, puis surtout se retrouver en position de minorité sur les terres
qu'où nos ancêtres étaient avant toute l'arrivée des colons européens. Ça fait
que c'est certain que là-dessus, puis sur bien d'autres choses, la... comme
beaucoup l'ont dit, la condition est perfectible, mais non seulement elle doit
être perfectible, mais on doit recommencer tout le processus avec une réelle
consultation. Puis, ça éviterait justement toutes les contestations qui sont
déjà en cours.
M. Morin : Alors je vous
remercie, M. Racine et Huot. Merci beaucoup d'avoir participé aux travaux de la
commission. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup à vous deux de vos présentations. J'aurais une petite question pour M.
Racine, vous parliez des deux tiers tout à l'heure, bon, le gouvernement,
depuis les derniers mois, a perdu sa majorité aux deux tiers, elle l'avait il y
a quelques mois, mais là, avec 81 députés, ils ont... n'ont plus ce
résultat. Dites-moi, on nomine, par exemple, quand on nomme des représentants
comme le Protecteur du citoyen aux deux tiers, par exemple, de l'Assemblée. Ça
enverrait quelle image que, au contraire, ce projet de constitution-là soit
seulement adopté à majorité simple? Quelle image ça enverrait?
M. Racine (Bernard) : Bien,
ça envoyait... ça enverrait une mauvaise image. Tantôt, on parlait de
légitimité. On peut... on peut jouer avec ce mot-là, là, lui donner plein de
sens, mais certainement que ça enlèverait une certaine légitimité au processus,
puis, aussi, au texte de la Constitution. Ça enlèverait de la... de la force,
comme on disait, une force politique de ce... Puis, c'est un texte qui, à
l'intérieur du Canada, pour l'instant, c'est symbolique, on va se le dire.
C'est symbolique, mais c'est un... symbolique envers le Canada, mais pour les
citoyens ça attaque plusieurs de leurs libertés. Ça fait que je ne crois pas
qu'on y gagnerait à adopter ce texte-là, en ce moment.
M. Cliche-Rivard : Puis est-ce
que vous êtes en faveur du deux tiers plus un référendum citoyen ou si vous
jugez que le deux tiers serait suffisant?
M. Racine (Bernard) : Non. Je
suis... je suis en faveur des deux. Là encore une fois, comme j'écrivais, comme
je le disais en tout cas, ça renforce encore plus la force du texte. Un coup...
si vous l'adoptez aux deux tiers, vous avez en plus un référendum qui vient
appuyer ce texte-là, là vous pouvez... vous pouvez vous en servir comme force
politique. Mais un texte adopté à majorité simple ça donne un texte, comme on
dit, qui a des couleurs partisanes. Ça donne la force d'un texte partisan.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup à tous les deux.
Le Président (M.
Bachand) :Merci. M. le député de
Jean-Talon, s'il vous plaît.
M. Paradis : Merci à tous les
deux de votre participation à cet exercice citoyen. Vous dites un peu dans...
chacun dans des mots un peu différents, mais vous dites...
M. Paradis : ...si je peux
l'interpréter comme ça. Ce n'est pas un exercice citoyen, c'est un exercice du
gouvernement de la CAQ. Donc, le document, quand vous le lisez, comment vous
vous sentez, vous, comme citoyen? Est-ce que vous trouvez que c'est un... un
document qui représente l'ensemble du Québec ou qui représente la volonté d'un
gouvernement qui est issu bien sûr, d'un parti politique?
M. Racine (Bernard) :
Moi,
je vais vous dire, ça... je ne vois pas de... quand je lis la... cette
constitution là, je vois, je vois le Québec de quand j'étais petit, un Québec
uniforme, d'une seule couleur, OK? Mais moi, depuis... maintenant, je connais
un Québec qui est différent de ça, un Québec qui a plein de couleurs. Donc moi,
je disais : c'est une constitution qui manque de couleur. C'est une
constitution que je trouve... qui paraît, qui paraît partisane, puis qui l'est,
je veux dire... le processus lui a donné des couleurs partisanes, puis c'est ça
que ça donne, ça donne ce que le processus a généré.
Le Président (M.
Bachand) :M. Huot, voulez-vous rajouter
quelque chose?
M. Huot (André) : Oui, bien
c'est ça...ça correspond probablement quand même assez bien à la
population, mais ça serait à valider. Mais c'est surtout que, selon mon point
de vue, c'est une prise de position qui correspond à la volonté gouvernementale,
puis l'intérêt, c'est de voir comment le reste du Canada va réagir à ça. Pour
moi, c'est ça, le principal intérêt. Donc, ce qui est écrit dans cette
constitution-là... bon, tant mieux si ça correspond à la population, mais ce
n'est pas si important que ça, à condition d'avoir une constitution citoyenne
qui elle, c'est la vraie constitution, puis elle, elle va correspondre à la
volonté citoyenne, c'est elle qui compte.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. Huot, merci beaucoup,
M. Racine, de Saint-Denis-de-Brompton, dans le plus beau comté du Québec. Merci
beaucoup. Et puis on se dit à très bientôt. Merci beaucoup de votre
participation. Alors je suspends les travaux quelques instants. Merci.
(Suspension de la séance à 19 h 59)
(Reprise à 20 h 01)
Le Président (M.
Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît. La commission continue
ses travaux. Alors, il nous fait plaisir de recevoir l'Institut du Nouveau
Monde avec sa directrice générale, merci beaucoup de participer aux travaux de
la commission, c'est très apprécié. Vous connaissez les règles, une
présentation de 8 min, après ça, on aura une période d'échange avec les membres
de la commission. Alors la parole est à vous, merci beaucoup.
Mme Flon (Malorie) : Merci.
Bonjour, M. le ministre, Messieurs, dames, députés, membres de la commission,
merci de votre accueil. L'INM est une organisation à but non lucratif,
indépendante et non partisane. Notre mission est d'accroître la participation à
la vie démocratique et nos activités visent à rehausser les habiletés à
dialoguer sainement, à renforcer la confiance entre les citoyens et les
institutions et faire valoir la complémentarité entre la démocratie
représentative et participative. Nous voulons souligner, devant cette
commission, que le projet de loi constitutionnelle s'inscrit dans un contexte
mondial de fragilisation des démocraties qui nous encourage à être vigilants si
on veut maintenir la santé de notre régime politique. Aux États-Unis, les
attaques contre l'indépendance d'institutions judiciaires académiques
témoignent d'un affaiblissement des contre-pouvoirs qui nous incitent à ne rien
tenir pour acquis, et c'est l'angle avec lequel nous avons lu ce projet de loi.
Je souligne d'emblée que l'INM est favorable à l'idée de doter le Québec d'une
Constitution. Nous avons d'ailleurs fait valoir l'intérêt d'une Constitution
pour le Québec et contribué à vulgariser ce que c'est, qu'une Constitution. En
menant une vaste...
20 h (version non révisée)
Mme Flon (Malorie) : ...démarche
d'assemblée constituante citoyenne et ouverte en 2018 dans le cadre d'une
initiative de recherche-action et d'un projet de théâtre documentaire. C'est un
projet qui a donné lieu à un texte de Constitution citoyenne du Québec qu'on a
déposé formellement à l'Assemblée nationale en juin 2019.
Cela étant dit, nous voulons faire valoir
quatre éléments auprès de cette commission. Le premier est que toute loi
édictant une constitution du Québec devrait être fondée sur une démarche de
participation publique ouverte, structurée, afin d'en assurer la légitimité et
de représenter fidèlement, le plus fidèlement possible, les besoins, les
aspirations, les intérêts de la population. Comme loi des lois, une
contribution... une constitution doit nous permettre de refonder le contrat
social qui nous lie les uns aux autres, et à cet effet, on considère que son
processus d'élaboration et d'adoption est aussi important que le contenu. Il
doit s'ancrer dans une participation publique élargie et une approche
pédagogique et transpartisane aussi. Et c'était d'ailleurs une recommandation
du Comité consultatif sur les enjeux constitutionnels du Québec au sein de la
Fédération canadienne, qui a déposé son rapport l'an dernier. Le processus d'élaboration
du projet de loi n° 1 n'a toutefois pas fait l'objet d'une démarche
citoyenne préalable, et force est de constater aujourd'hui que plusieurs
groupes de la société civile contestent actuellement la légitimité du projet,
ce qui aurait pu être évité.
Je comprends que cette commission va
entendre un large nombre de groupes dans les prochains mois, c'est un exercice
démocratique important, mais qui a deux faiblesses qui sont propres aux travaux
parlementaires en général. D'abord, vous accueillerez un défilé de points de
vue d'individus ou de groupes, mais ces mêmes acteurs n'ont pas l'opportunité
de délibérer et de discuter entre eux pour faire évoluer leurs propres points
de vue et dégager des consensus sociétaux sur ce qui doit se retrouver dans
cette constitution.
La deuxième faiblesse, si on veut, c'est
que les personnes et les groupes qui vont se faire entendre ne seront pas
représentatifs de la diversité de la population québécoise. Il aurait fallu
sortir des murs de l'Assemblée nationale pour ce faire.
Nos deuxième et troisième recommandations
portent sur la protection des contre-pouvoirs dans le projet de loi comme tel.
Nous croyons qu'il faut réviser le chapitre II de la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle afin de garantir explicitement le droit, pour un organisme
qui reçoit des fonds publics, de contester devant les tribunaux toute loi, y
compris celle dans laquelle une disposition de souveraineté parlementaire a été
insérée. Donc, en permettant aux citoyens et aux organisations de porter un différend
devant les tribunaux, le droit de contester assure le bon fonctionnement du
système de frein, de contrepoids qui est indispensable à une saine démocratie.
Donc, concrètement, l'article 5 de la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle aurait pour effet de réduire la transparence du débat
démocratique en permettant l'adoption de mesures controversées, sans en
expliquer la nécessité, d'affaiblir les contre-pouvoirs institutionnels
essentiels à l'équilibre démocratique et de compromettre la protection de
droits fondamentaux et en particulier ceux des groupes vulnérables et
marginalisés.
De plus, le projet de loi n° 1 accorde
une majorité gouvernementale à une... accorde à une majorité gouvernementale la
possibilité de modifier unilatéralement la Constitution sans devoir obtenir l'appui
d'autres groupes parlementaires ou de la population du plus large. Du moins, c'est
la lecture et la compréhension qu'on en a à ce stade. Et cette facilité avec
laquelle la Constitution pourrait être modifiée par un seul parti politique nous
semble contraire à l'esprit d'une loi qui tire sa légitimité de la volonté
populaire. Ainsi, nous recommandons, et c'est le troisième élément, de revoir
le contenu du projet de Constitution et celui en particulier du chapitre II
de la Loi sur l'autonomie constitutionnelle pour empêcher qu'une formation
politique majoritaire puisse amender trop aisément la Constitution et prévoir
que certaines modifications majeures puissent être soumises à un référendum
populaire. On a dans notre mémoire inclus des exemples de comment cette
révision constitutionnelle pourrait être balisée, qui sont tirés de la
Constitution citoyenne du Québec de 2019.
Notre quatrième et dernière recommandation
s'inscrit dans le contexte que je décrivais en préambule, donc de fragilisation
des démocraties dans le monde et vise vraiment à renforcer le lien entre la
population et les institutions, une condition qui est essentielle à la
pérennité de notre...
Mme Flon (Malorie) : ...démocratie
comme régime politique pour le Québec. On voit que dans le projet de loi sur le
Conseil constitutionnel, il y aurait une occasion concrète de penser la
démocratie, là, au-delà du seul moment électoral et d'innover en matière de
participation publique. Et on recommande d'intégrer minimalement un dispositif
participatif à la Loi sur le Conseil constitutionnel afin que les avis du
Conseil s'appuient non seulement sur l'expertise des spécialistes, des experts,
mais aussi sur la participation du public. On pense qu'un tel dispositif
participatif devrait faire l'objet d'un dialogue entre les différents acteurs
politiques et sociaux, mais on pourrait ainsi bonifier les travaux du Conseil
constitutionnel par des intrants délibératifs citoyens. Ça pourrait prendre la
forme d'une instance consultative, à l'image du forum de consultation de la
Commissaire sur la santé ou le bien-être. Elle a une instance consultative dans
sa loi constitutive, mais il y a d'autres modèles aussi qui pourraient être
envisagés.
En conclusion, je souligne qu'il y a
beaucoup de littérature scientifique qui prouve que les meilleures décisions en
administration publique sont celles qui triangulent les savoirs techniques des
institutions scientifiques, des experts expérientiels, des citoyens. La
population amène un éclairage qui est souvent basé, oui, sur des valeurs, sur
des principes, sur la... une vision d'un avenir souhaitable, et donc, ce
constat devrait nous inciter à mieux faire participer la population dès
l'élaboration des projets de loi. J'espère qu'il nourrira aussi votre réflexion
sur notamment la composition et le fonctionnement d'un éventuel Conseil
constitutionnel au Québec. Donc, voilà, je m'arrête ici et je suis à l'écoute
de vos questions.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre,
s'il vous plaît.
M. Jolin-Barrette : Oui,
merci, M. le Président. Bonsoir, Mme Flon, pour l'Institut du Nouveau Monde.
Merci d'être présente avec nous. Bien, écoutez, je... la Constitution, ça
intéresse beaucoup les gens. D'ailleurs, l'Institut du Nouveau Monde avait fait
une démarche qui a produit un texte, un projet de texte constitutionnel, il y a
de cela quelques années, je pense, c'est 2018, 2019, environ?
Mme Flon (Malorie) : Exact.
• (20 h 10) •
M. Jolin-Barrette : Dans ces
années-là, puis je notais parce que je regardais ça aussi avant de déposer le
texte de la Constitution, là, notamment l'article 30, alinéa 2, qui est... qui
est intéressant, là. Les membres de l'Assemblée nationale ont le pouvoir d'initiative
législative. Alinéa 2 : «Les membres ne peuvent user de stratégie
obstructive pour retarder les débats.» Alors, écoutez, je garde ça en note,
là-dessus. Je voulais vous parler de l'article 5 de la Loi sur l'autonomie
constitutionnelle, parce que vous l'avez abordé tout à l'heure. Puis je pense
que c'est important de clarifier les choses, parce que vous sembliez indiquer
que ça limitait la capacité d'ester en justice, donc de prendre des recours
pour les organismes qui sont prévus à la loi. Or, ce n'est pas le cas. Il n'y a
aucune limitation d'ester en justice. Simplement, le mécanisme fait en sorte
que l'Assemblée nationale, l'Assemblée des députés représentant la nation
québécoise, qui se sont fait légitimement élire lors des élections, donc, je pense
que c'est assez démocratique, à ce moment-là, peuvent décider dans le texte
d'une loi d'indiquer que la loi comprend des caractéristiques fondamentales
pour la nation québécoise, exemple, la laïcité, exemple la protection de langue
française. Ici, ce mécanisme-là, il est enclenché, ça fait en sorte qu'un
organisme public ne peut pas utiliser les fonds publics pour contester la loi.
Ça ne signifie pas qu'il perd sa capacité d'agir en justice. Ça fait que
voulais juste déposer ça parce que peut-être que je ne l'ai... je ne l'ai pas
suffisamment expliqué puis c'est pour ça peut-être qu'on reçoit des mémoires où
il manque un peu cette nuance-là, mais je voulais le porter à votre attention
relativement au fait qu'il y a cette partie-là, qui parfois est... a été mal
saisie, un peu, là.
Mme Flon (Malorie) : Donc, ce
que vous m'amenez comme précision, excusez-moi, c'est pour bien comprendre le
sens de votre explication, c'est que ce serait que les organismes qui sont...
qui reçoivent des fonds publics pourraient tout de même s'adresser aux
tribunaux? Ou non, ce n'est pas ce que vous venez de dire?
M. Jolin-Barrette : Oui.
Mme Flon (Malorie) : OK.
M. Jolin-Barrette : Oui, en
toutes circonstances, tout le monde peut s'adresser en tout temps aux
tribunaux. La distinction, c'est que si vous êtes prévu à la liste, puis ça ne
couvre pas les organismes communautaires, comme je le dis, ça ne couvre pas les
syndicats. Mais si vous êtes un organisme dans le périmètre de l'État, donc qui
est un organisme de l'État, bien, ça fait en sorte que pour certaines types de
lois très limitées, bien, on ne peut pas utiliser les fonds publics pour
contester cette loi-là. Mais je vous donne un exemple...
M. Jolin-Barrette :
...une municipalité qui voudrait contester une disposition de la Loi sur
l'aménagement et l'urbanisme. Ce n'est pas prévu que l'aménagement et
l'urbanisme est une caractéristique fondamentale de l'État québécois. Ce n'est
pas le sens des caractéristiques fondamentales de l'État québécois, c'est ce
qui nous définit, c'est les valeurs fondamentales de l'État québécois. J'avais
une question peut-être pour vous. Vous avez beaucoup insisté sur le mécanisme
d'adoption et la légitimité. Selon vous, est ce que l'Assemblée nationale est un
organe délibérant, démocratique qui... Mais comment vous voyez ça sur ce qu'on
fait quand on étudie des projets de loi, qu'on tient des consultations
publiques comme ça? Comment vous le qualifiez, là?
Mme Flon (Malorie) :
Mais oui, l'Assemblée nationale, c'est un lieu de délibération entre les élus
surtout. Donc, oui, vous êtes élus démocratiquement. Vous représentez la
population du Québec. Mais pour que ce soit encore plus facile pour vous de
bien jouer ce rôle, comme nous sommes une société très, très diversifiée, il
peut être utile, et souvent il est recommandé de combiner vos propres
délibérations avec des délibérations auprès de la population, du public, qui
eux aussi peuvent vous aider à avoir des perspectives plus vastes sur ce que
souhaite et veut la population. Donc, c'est dans cet esprit-là que...
M. Jolin-Barrette :
Juste une question là-dessus. Est-ce que je dois déduire que vous pensez qu'on
vit en vase clos, ici, à l'Assemblée nationale, puis que chacun des élus de l'Assemblée
nationale n'est pas en contact à toutes les semaines, toutes les fins de
semaine, avec... avec les gens des circonscriptions ou partout à travers le
Québec, puis qu'on n'est pas à l'écoute?
Mme Flon (Malorie) :
Non, pas du tout. Je ne veux pas du tout insinuer que les élus ne sont pas à
l'écoute de leurs constituants. Cependant, on est 9 millions ici au
Québec. Et donc je pense qu'il est possible que les élus ne puissent pas quand
même avoir des tours d'horizon tout le temps très complets des différentes perspectives
qui peuvent s'exprimer. Vous avez beaucoup de dossiers, vous avez beaucoup de
travail, vous n'avez pas la science infuse non plus. Donc, c'est normal que
vous puissiez vous vous alimenter vous-mêmes auprès de... d'experts, oui,
souvent, mais aussi de regroupements de la population dans le cadre d'autres
espaces de discussion puis de délibération. Et la participation citoyenne aux
travaux de l'Assemblée nationale, il y a eu un rapport de l'Assemblée
nationale, je pense, en 2020 ou en 2021, qui a fait état de quand même des
défis de participer aux travaux parlementaires pour les citoyens. Et c'est un
processus qui est encore un petit peu... très, très formel, qui peut être
intimidant. Donc, ce n'est pas tous les profils de citoyens qui vont envoyer un
mémoire, s'inscrire par une demande de participation pour être entendus en
commission parlementaire. Donc...
Donc, je pense qu'il y a certes, dans
certains cas, il y a des sujets de société qui sont suffisamment importants
pour qu'effectivement on puisse penser sortir des... des murs de l'Assemblée
nationale pour aller à la rencontre de la population. Il y aurait... Tu sais,
nous, c'est sûr qu'on aurait idéalement recommandé une assemblée constituante
citoyenne, sans surprise, hein, j'imagine, sur la base de l'expérience que nous
avions eue en 2019. On avait trouvé que c'était quand même fructueux comme
exercice pédagogique et d'information collective. Mais cela dit, il y aurait
pu... Vous auriez pu aussi faire le choix, par exemple, d'une commission spéciale
pour prendre un petit peu plus de temps, puis aller faire des consultations
plus approfondies hors des murs. Donc, ce n'est vraiment pas pour... Mon point
n'est pas du tout de délégitimiser... délégitimer l'exercice délibératif des
élus, mais simplement de dire qu'il y a d'autres moyens, surtout lorsqu'il est
question d'un projet aussi important, fondateur pour notre société, pour notre
vision d'avenir. Il y a d'autres moyens qui auraient pu aussi être privilégiés.
M. Jolin-Barrette : Excellent.
Bien, écoutez, je vous remercie beaucoup pour votre passage en commission. Je
vais céder la parole à mes collègues. Merci beaucoup pour votre présence.
Le Président
(M. Bachand) :M. le député de
Saint-Jean, pour trois minutes.
M. Lemieux : Bonsoir,
Mme Flon. Comme j'ai trois minutes, parce que c'est beaucoup, mais c'est
plus que ce que j'ai eu au cours des dernières heures, je veux prendre
15 secondes pour vous dire que votre projet de constitution citoyenne du
Québec en 2018‑2019 avait un titre extraordinaire. Vous devriez... Si vous
n'avez pas les droits d'auteur là-dessus, prenez-les. Constituons. C'était
vraiment chouette et ça a été médiatiquement très populaire. Et ça a été
effectivement un gros exercice. Je me souviens de la... de l'avoir suivi un
peu...
M. Lemieux : ...par les
médias. Ça n'a pas été facile non plus, là, parce que vous n'aviez pas les
moyens d'un État pour faire comme un État devrait faire. Donc, finalement, je
ne dis pas que ça n'a pas bien marché, je dis juste qu'au final vous avez vu
les limites aussi de la proposition.
Ma question, c'est plus : À partir du
moment où on n'a pas procédé par assemblée constituante, puis ce n'est pas
parce qu'on ne connaît pas la recette, là, mais ça prend du temps, ça prend des
moyens, ça prend plein de choses, puis, à partir du moment où on a le sentiment
qu'on a besoin de ça, pour des raisons de vision autonomiste, pour des raisons
de protection, parce qu'on a fait des lois sur le français, on a fait des lois
sur l'intégration, on a fait des lois sur plein de choses, dont la laïcité,
puis qu'on sent le besoin de les rendre encore plus probantes, encore plus
pertinentes, encore plus pérennes, est-ce qu'il y a quelque chose de
fondamentalement pas correct à l'idée de dire : On va avoir ça, puis, si
quelqu'un veut faire plus avec après, qu'il le fasse? Et, ce matin, on a
entendu des gens qui nous disaient : Effectivement, ce n'est pas... ce
n'est pas l'assemblée constituante idéale, où on a tout refait le monde, on a tout
réorganisé, on a tout pensé, tout le monde a eu son mot à dire, depuis le
moment de la conception du projet jusqu'à sa finalité, mais, au final, ce n'est
quand même pas banal, de sortir une constitution au Québec, depuis le temps
qu'on en parle.
Le Président (M.
Bachand) : En 45 secondes, Mme Flon, s'il vous plaît. Merci.
Mme Flon (Malorie) : Tout à
fait, mais je n'ai pas bien compris la question. Je suis d'accord avec vous que
ce n'est pas banal, et donc il faut y porter une attention importante. Mais
votre question, c'est? Je n'ai pas compris la question.
M. Lemieux : La question,
c'est : Après l'expérience que vous avez vécue, je me disais : Bien,
au moins, on aura, nous aussi, une expérience législative, avec un résultat
législatif, et puis on pourra construire là-dessus.
Mme Flon (Malorie) : On peut
construire là-dessus, mais il faudrait quand même qu'on ait un document qui
est... qui est célébré par la population du Québec et que le Québec applaudit
et est fier de porter. Et c'est surtout ça, en fait, qui est... qui est ma
crainte. Voyant un peu comment ça se passe en ce moment, je ne voudrais pas que
ce soit, justement, une occasion un peu... ou qu'on soit passé à côté. Donc, ce
n'est peut-être pas ça qui va arriver, je n'ai pas de boule de cristal, mais je
pense qu'il faut faire tout ce qu'on peut en notre pouvoir pour que la
population du Québec se reconnaisse dans ce document-là, soit fière de sa
constitution et puis que ça continue à nous guider pour les années à venir.
• (20 h 20) •
M. Lemieux : Et c'est la grâce
qu'on se souhaite, justement. Merci beaucoup, Mme Flon.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député
d'Acadie, s'il vous plaît.
M. Morin : Merci. Merci, M.
le Président. Mme Flon, bonsoir. Merci d'être... d'être avec nous.
J'ai une question pour vous à la suite du
questionnement de M. le ministre, quand il parlait du rôle de l'Assemblée, on
est élus démocratiquement. Effectivement, vous avez... c'est vrai, on est élus,
on représente la population, on représente les gens dans nos comtés puis on
adopte des lois. C'est ce que le législateur fait. Cependant, celle-ci, le
gouvernement nous la présente... parce que c'est le gouvernement, là, c'est une
constitution caquiste, on va le dire. Ce n'est pas juste en opposition qu'on
fait de la partisanerie, le gouvernement en fait aussi. Ceci étant, on nous
présente ça comme étant la loi des lois. Et, dans le cadre d'un processus pour
s'assurer justement qu'il n'y aura pas de partisanerie, le gouvernement a
mandaté à grands frais un rapport, le rapport Rousseau-Proulx, où il y avait
des recommandations sur la Constitution québécoise. Et une des premières
recommandations, c'était justement de s'assurer qu'il y aura une démarche
transpartisane. Visiblement, le gouvernement ne l'a pas suivie, cette
recommandation. Mais j'aimerais vous entendre là-dessus, parce que c'est
quelque chose que j'ai demandé au ministre à plusieurs reprises. Est-ce que,
pour vous, ça aurait été un élément supplémentaire qui aurait accordé une plus
grande légitimité au document?
Mme Flon (Malorie) : Bien,
c'est sûr que oui, la réponse, c'est oui. Je pense que ce serait l'idéal que
l'ensemble des partis s'entendent sur un projet de constitution qui soit
présenté au peuple québécois également. C'est surtout qu'il faut que ce projet
nous ancre comme société, puis dans sa majorité. Donc, forcément, ça serait une
démarche transpartisane qui serait... qui serait préférable, mais aussi
citoyenne, hein, je le répète, donc que ce ne soit pas juste des experts qui
puissent s'exprimer. Mais là vous allez me dire : Oui, il y a la
population qui s'exprime aussi aujourd'hui puis dans les prochains mois dans le
cadre...
Mme Flon (Malorie) : ...cette
commission parlementaire. C'est pour ça qu'il faut que le processus suive son
cours. Mais on a... on est en droit, je pense, d'espérer pour le Québec une
Constitution qui rallie les différentes formations politiques et la population
dans toute sa diversité. Donc là, il y a plusieurs chemins pour arriver là. On
en a emprunté un, c'est la prérogative du gouvernement de déterminer le
processus constitutionnel. Nous en aurions souhaité un autre. On l'a dit et il
y en a d'autres qui le disent aussi, mais je pense que l'important, c'est qu'on
en arrive, oui, à un texte de Constitution qui soit acceptable pour tout le
monde. C'est sûr que là, en ce moment, on le voit mal, le chemin nous semble un
petit peu trop tortureux pour... pour se rendre là.
M. Morin : Oui,
effectivement, tortueux, oui. Puis évidemment, d'après vous, une démarche
transpartisane, ça aurait pu... ç'aurait pu être des parlementaires de tous les
partis, mêmes des... en fait des indépendants. Mais ça aurait pu aussi être des
membres de la société civile.
Mme Flon (Malorie) : Mais
vous savez, avant de faire le projet Constitution 2018, on avait fait une
recherche et on avait comparé, fait une analyse comparative de différents...
différentes initiatives de type assemblée constituante dans différents pays. Il
y en a qui ont fait des assemblées constituantes mixtes avec des élus
différentes formations et des citoyens. Il y en a pour qui c'était juste des
citoyens. Des fois c'étaient des élus, des citoyens élus, des fois des citoyens
tirés au sort. Donc, il y a toutes sortes de modèles qui existent en vérité,
là, desquels on aurait pu aussi s'inspirer. Puis souvent, c'est des démarches
qui s'étalent sur un certain... un certain temps, un certain nombre de mois,
mais d'avoir, c'est ça, des gens qui peuvent s'y pencher avant que ce soit
présenté en commission parlementaire, c'est sûr que ça aurait été intéressant
aussi de notre point de vue.
M. Morin : Je vous remercie.
J'aurais une question. Le temps file. Parce que vous y faites référence dans
votre mémoire et c'est l'article 9 de la partie II de la Loi sur
l'autonomie constitutionnelle du Québec. Cette disposition-là dit : «Le
Parlement du Québec peut, lorsqu'il le juge opportun, inclure une disposition
de souveraineté parlementaire, d'office ou en réponse à une décision
judiciaire, dans toute loi qu'il édicte, sans qu'il soit requis de la
contextualiser ou de la justifier.» Donc, ça semble être un arbitraire pur.
Un peu plus tôt aujourd'hui, il y a
quelqu'un, dans le cadre des consultations, qui nous disait qui disait inviter
le Parlement à utiliser la clause de dérogation systématiquement, surtout celle
de la Charte canadienne, dans à peu près tous les projets ou toutes les lois
québécoises.
L'article 9 dit aussi qu'«il ne peut
être exercé aucun pourvoi en contrôle judiciaire», quand ça se fait. Vous ne
trouvez pas ça inquiétant? Donc, on ne pourrait pas contester aucune loi du
Parlement?
Mme Flon (Malorie) : Écoutez,
le... pour vous répondre, ça requiert des compétences juridiques que je n'ai
pas en ce moment, là. Ça fait que, tu sais, de comprendre comment vraiment ça
s'appliquerait, cette clause-là, ça sort de notre domaine d'expertise, là, à
l'INM. Donc, il faudrait peut-être questionner d'autres... d'autres personnes
qui vont être auditionnées.
M. Morin : Parfait. Cependant
vous quand même soulignez, dans votre mémoire, et je cite, c'est à la
page 8, qu'il faut protéger quand même les contre-pouvoirs dans la
Constitution.
Mme Flon (Malorie) : Ah! OK,
vous faites...
M. Morin : Ce que l'article 9
semble éliminer complètement.
Mme Flon (Malorie) : Oui,
excusez-moi, je n'avais pas bien compris. Je n'avais pas compris que c'était de
cet article dont vous parliez. Mais effectivement, ça c'est... c'est quelque
chose qui nous inquiète. Donc, même si on n'est pas juriste, en lisant ça, ça
nous a... ça nous a fait poser des questions, puis on s'inquiète de la
transparence, effectivement, des décisions publiques sur aussi la confiance du
public, là. Ça fait qu'il y a tout ce qu'il y a en ligne de compte.
M. Morin : Très bien, je vous
remercie.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup pour votre mémoire. Merci pour votre présentation aussi.
Vous avez parlé, tu sais, de la démarche
en amont de la... tu sais, de la consultation citoyenne. On a fait des
revendications en ce sens notamment aussi, là, après pour une consultation
itinérante, pour qu'il y ait davantage de gens qui soient... qui soient
consultés. Visiblement, ce n'est pas la voie privilégiée pour l'instant. Puis
là, au contraire, on s'en va vers les consultations, puis ensuite l'étude
détaillée. Considérant que votre première recommandation, là, à sa face même,
là, ne sera pas... ne sera pas suivie, qu'est-ce... qu'est ce que vous retenez
finalement de... Est-ce qu'elle est inéluctablement illégitime, la
Constitution? Comment vous ressentez ça considérant que votre première
recommandation puis la recommandation...
M. Cliche-Rivard :
...de... que vous faites, elle ne sera pas
respectée, vraisemblablement.
Mme Flon (Malorie) : Bien,
je... Ce n'est pas inéluctable. Je pense qu'il faut laisser le processus suivre
son cours. Il y a des... certainement des choses qui peuvent être... qui
peuvent arriver encore, là, d'ici à la présentation pour adoption, mais c'est
sûr qu'en est.. comme je le disais plus tôt, on est un peu inquiets de la façon
dont ça se passe. On ne sent pas qu'il y ait une adhésion populaire en ce
moment puis on pense que ce serait important qu'il y en ait une. Donc, c'est
pas mal ça que je peux... que je peux vous dire.
Puis, bien, en attendant, c'est sûr qu'on
a contribué, à travers notre mémoire, à souligner des choses qui devraient
certainement être modifiées dans le texte de la Constitution.
M. Cliche-Rivard : Vous
dites, vous ne sentez pas nécessairement une adhésion populaire, actuellement.
Pouvez-vous m'en dire plus?
Mme Flon (Malorie) : Bien,
écoutez, vous lisez certainement les médias comme moi.
M. Cliche-Rivard : C'est ce
que vous entendez puis ressentez aussi sur le terrain, parmi les gens que vous
consultez, ou c'est vraiment juste votre lecture de la revue de presse?
Mme Flon (Malorie) : Bien,
écoutez, c'est notre lecture de la revue de presse. On n'a pas mené de
consultation sur cette question-là dans les derniers temps. Donc, pour
l'instant, c'est plus un ressenti. C'est pour ça qu'il faut qu'on laisse le
processus suivre son cours.
M. Cliche-Rivard : Puis
évidemment, ce que... ce que vous relevez, c'est que la revue de presse, c'est
quand même des acteurs de la société civile qui s'expriment, là. Donc, ce n'est
pas c'est pas dans un vase clos, ça non plus, exact?
Mme Flon (Malorie) : Exact,
mais on n'a pas la possibilité... comme ce n'est pas dans le cadre d'une
consultation structurée, de s'assurer que tout le monde puisse s'exprimer. Dans
les médias, c'est aussi des... certains porte-parole d'organisations mieux
organisées qui s'expriment, donc, c'est ça.
Le Président (M.
Bachand) : Merci beaucoup. M. le député de Jean-Talon, s'il
vous plaît.
M. Paradis : Merci. Donc, une
de vos suggestions, c'est de revoir le contenu du projet de Constitution afin
d'empêcher qu'une formation politique majoritaire puisse l'amender trop
aisément. Cependant, je vous... je vous ramène à la page 5 de votre mémoire, où
vous dites que le processus d'adoption de la Constitution semble aussi
important que la justesse de son contenu. Et là vous dites que ça doit s'ancrer
dans une démarche publique élargie, une approche pédagogique transpartisane,
etc.
Dans la mesure où le projet qu'on a devant
nous, et tout le monde le sait, a été rédigé dans le bureau du ministre, en tout
cas, ce n'est pas... ça n'a pas été le processus public dont vous parlez, si
jamais ce projet était adopté par la majorité du gouvernement de la CAQ,
actuellement, est-ce que vous feriez toujours la même recommandation sur le
fait qu'elle ne peut pas être modifiée autrement qu'avec une majorité
qualifiée?
Mme Flon (Malorie) : C'est
une bonne question. C'est une bonne question, et qui mérite d'être débattue.
M. Paradis : Bien, compte
tenu de ce que vous dites, que ce n'est pas juste le contenu, mais c'est la
façon dont elle aura été adoptée qui compte, on peut présumer, peut-être, que
vous ne feriez pas la même recommandation. Est-ce que je vous fais aller un pas
plus loin que...
Mme Flon (Malorie) : Bien
oui. Non, faites-moi pas dire des choses que je ne dis pas, mais ça revient
à... Je vous ramène à notre intention, notre souhait, c'est qu'on se dote au
Québec d'une Constitution qui tire sa légitimité dans les aspirations de la
population. Et donc, en ce sens-là, ça ne devrait pas être un document qui est
si simple à modifier. Si on fait bien le travail, on sera... on devrait être en
mesure de... ça devrait durer longtemps puis être pertinent longtemps, ce
document-là. Donc, voilà.
Le Président (M.
Bachand) :Sur ce, Mme Flon, merci
beaucoup d'avoir participé aux travaux de la commission, c'est fort apprécié.
Sur ce, je vais suspendre les travaux
quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.
(Suspension de la séance à 20 h 31)
20 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 20 h 34)
M. Bachand : Alors s'il vous
plaît, la commission reprend ses travaux. Alors il nous fait plaisir d'accueillir
les représentants du Mouvement du Grand Québec. Alors donc, M. Smith, M. d'Andrea
et M. White. Alors, M. d'Andrea, je pense que vous faites la présentation pour
débuter. Donc, je vous rappelle vous avez huit minutes de présentation, puis
après ça on aura une période d'échange entre l'ensemble des représentants du
Mouvement du Grand Québec. Donc la parole est à vous, s'il vous plaît.
D'Andrea (Giuliano) : Merci.
On est très content d'être ici. Mes salutations à tout le monde. Je vais
commencer avec une petite histoire. Nous, dans le mouvement, on commence
toujours avec une histoire. On va parler de... il y avait une fois un alpiniste
qui s'appelait Don Gusto, un anglo- québécois historique qui décida de faire de
l'alpinisme à Charlevoix à via ferrata et pendant son trajet, il trébucha,
tombait et, une chance, il avait une corde et restait suspendu 100 mètres
du sol. Il regardait en haut, il y avait un autre 100 mètres à grimper et
il essayait, il ne pouvait pas. Dans son désespoir, il laisse de côté sa
laïcité et décide de prier : «Au secours! il disait, Y a-t-il quelqu'un en
haut?» Tout d'un coup, le vent se met à souffler, les nuages se dispersent et
une voix vient du ciel disant : «Je peux te sauver si tu crois en moi.»
Don Gusto était étonné, il disait : «Oui, oui, sauvez-moi! Qu'est-ce que
je dois faire?» Et la voix répondit : «Si tu crois en moi, laisse la corde.»
Don Gusto regarde en bas, il regarde en haut, il pense un peu et puis il répond :
«Y a-t-il quelqu'un d'autre en haut?»
Ça, c'est un peu le dilemme de la
communauté anglophone. On est un peu comme Don Gusto, on est piégé sur une
corde. D'un certain côté, la voix, c'est un peu les institutions du Québec. On
a des bonnes suggestions, mais on a peur. On ne sait pas quoi faire. On se
tient à cette corde. Si de Tocqueville était vivant aujourd'hui, et s'il
voulait donner une définition de la communauté anglophone, il aurait probablement
une difficulté parce qu'ethniquement ils sont tous différents, bien, beaucoup
de différences, de religion, d'ethnicité, de culture, de langue. Et pourtant, c'est
une... une communauté. Et, comme Don Gusto, c'est une communauté fièrement
attachée au Québec. Des fois, on entend des voix dans la communauté, d'habitude
ça vient toujours d'un secteur très négatif qui aimerait se victimiser au lieu
de parler, au lieu de s'asseoir et au lieu d'essayer d'avoir des vrais échanges
entre communautés. Et, comme porte-parole du mouvement, je peux vous dire que
les Québécois, Anglo-Québécois, et les minorités que nous on représente, ils
sont fièrement Québécois à notre manière. Mais comme...
D'Andrea (Giuliano) : ...fièrement
québécois. Si on a eu des difficultés dans le passé, ça fait un... ça a
beaucoup à faire avec la langue. Et nous, on se pose... Ça fait 30 ans que
le mouvement existe, et on... on est en train de dire que, écoutez, la langue
française n'est pas bien maîtrisée par notre communauté. Et pourtant, c'est Mme
la Marquise, la chanson, Tout va très bien, tout va très bien dans nos
institutions, qui est faux. Ça ne va pas très bien, ça va mal. Beaucoup de
Québécois de notre communauté veulent quitter le Québec ou, au moins, c'est ça
qu'ils disent aux médias. Et nous, on est convaincus plutôt qu'on veut rester.
On veut contribuer. On est Québécois. Et on aurait aimé être capables de
discuter un peu plus dans des... des réunions avec d'autres Québécois pour
parler de la Constitution. On a des suggestions, on a des idées à avancer.
Et je cède la parole à M. White, qui
peut suggérer certaines idées que le mouvement est... est fier.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. White. Il vous
reste un peu plus de trois minutes. M. White. Je sais que la caméra ne
fonctionne pas. Est-ce que le micro fonctionne? M. White.
M. White (Peter G.) : Est-ce
que vous avez devant vous une copie écrite de ma soumission?
Le Président (M.
Bachand) : Oui, oui.
M. White (Peter G.) : Oui,
vous l'avez. OK. Alors, vous allez me suivre. Alors, j'aimerais vous présenter
très brièvement un cadre théorique du concept de minorité nationale tiré du
livre Multicultural citizenship : A liberal theory of minority rights,
publié par le brillant jeune théoricien politique canadien Will Kymlicka aux
éditions Clarendon Press, Oxford en 1995. Il y a minorité nationale partout où
nous observons dans un État donné, la coexistence de plusieurs nations, où le
terme nation signifie une communauté historique plus ou moins complète du point
de vue des institutions qui équipent un territoire donné ou patrie et qui a une
langue et une culture distinctes et un vouloir vivre commun. Dans ce sens
sociologique, la notion de nation est étroitement liée à celle de peuple ou de
culture et... qu'une telle nation n'est pas fondée sur la descendance ou le
sang. Par conséquent, un pays où vit plus d'une nation n'est pas un
État-nation, mais un État multinations. Et les petites cultures forment des
minorités nationales. Nous soutenons donc que les Québécois anglophones
constituent une minorité nationale au sein de l'État multinations du Québec,
tout comme les Québécois francophones constituent une minorité nationale au
sein de l'État multinations du Canada.
• (20 h 40) •
Dans un État multinations, la Constitution
est, entre autres choses, un contrat entre la ou les minorités et la majorité
qui définit les termes qui ont été négociés et sur lesquels les diverses
parties se sont entendues dans le but d'établir et de bâtir solidairement
l'entreprise ou l'aventure de leur pays. Toutes les parties doivent alors
approuver officiellement ces termes.
En passant, nous devons toujours nous
souvenir que cette Assemblée nationale du Québec n'a jamais officiellement
ratifié l'acte de la Constitution de 1982.
Pour se sentir en sécurité au sein d'une
culture dominante plus vaste, une minorité nationale a besoin de cinq
garanties. Premièrement, la reconnaissance formelle de son existence en tant
que minorité nationale légitime au sein de la société dans son ensemble et la
reconnaissance formelle de son droit légitime à sa perpétuation culturelle au
sein de la communauté majoritaire. Deuxième. Une définition claire et formelle
à laquelle sont souscrit la minorité et la majorité des caractéristiques qui
distinguent la minorité nationale de la majorité, que la minorité nationale
désire préserver et protéger de l'assimilation, de l'homogénéisation, et que la
majorité consent à reconnaître et à respecter. Troisièmement, le droit
incontestable à s'autogouverner dans les domaines qui la caractérisent
essentiellement. Quatrièmement, le droit incontestable d'être représenté dans
les institutions de la communauté majoritaire. Et, cinquièmement et dernier, le
droit de veto sur toutes les propositions...
M. White (Peter G.) :
...amendement constitutionnel qui pourrait être préjudiciable à toute
protection constitutionnelle des droits qu'elle a acquis en tant que minorité
nationale ou, en d'autres termes, le consentement obligatoire de chacune des
parties à des modifications contractuelles affectant ses droits ou son statut.
C'est une clause qui est normalement présente dans toute forme de contrat.
Alors merci de votre attention. Et je passe la parole à M.D'Andrea.
Le Président
(M. Bachand) :Maintenant, nous
sommes rendus à la période d'échange. Alors, merci beaucoup, M. White, M.
D'Andrea. M. le ministre, s'il vous plaît, pour une période de neuf minutes.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Merci, M. le Président. M. Smith, M. D'Andrea,
M. White, bonjour. Merci de participer aux travaux de la
commission. À la fin de votre mémoire, je constate que vous indiquez qu'il
s'agit d'un pas en avant, donc, le projet de Loi constitutionnelle de 2025.
C'est exact?
D'Andrea (Giuliano) : Oh oui!
Absolument. Ça fait... Vous savez, M. Smith et moi-même, on était à
Bélanger-Campeau quand il y avait la commission jeunesse. Et à cette époque là,
ça fait 35 ans déjà, on parlait d'une constitution québécoise. Et comme
représentants de la communauté anglophone, nous, on avait dit : C'est le
temps de parler. C'est une bonne idée. On peut s'échanger des idées. Ça fait
30 ans quand c'était la commission sur la loi référendaire, en 1995, on
s'est présenté encore une fois et on a parlé de constitution. On a toujours
parlé de constitution pendant ces dernières 30 années. Mais le problème,
c'est qu'avec notre communauté, il y a de la difficulté, comme je l'ai dit. Et
aussi... Et ça vient des deux côtés. D'un côté, je trouve une loi ici qui
reflète très bien la pensée d'une bonne partie des Québécois. Mais l'autre
partie des Québécois, ils ne se retrouvent pas dans ces textes, ils n'ont pas
contribué dans ses textes. Et ce qui serait intéressant, c'est de faire une
pause, de peut-être faire une plus vaste consultation et d'essayer de ramasser
tous ces Québécois, qu'ils puissent eux aussi être fiers d'avoir une
constitution québécoise. Mais ça prend une consultation un peu plus vaste.
M. Jolin-Barrette : Je
vous entends. Puis on est présentement en auditions publiques, puis on
consulte. Mais vous venez de dire... Écoutez, il y a une bonne partie des gens
qui se reconnaissent là-dedans. Il y a une partie de la population qui n'est...
qui ne s'y reconnaît pas. Pouvez-vous identifier les éléments, selon vous, qui
font en sorte qu'ils ne s'y reconnaissent pas selon vous? Comme quoi? Qu'est-ce
qui manque?
D'Andrea (Giuliano) : Bon, on
peut aller dans les stéréotypes. Peut-être ça aide à défricher un peu. On
parlait tout le temps dans les années 60, 70, des deux solitudes. Et ce
que je trouve dans ma communauté, même qu'elle parle français et même qu'elle
veut s'engager, qu'il y a des concepts qui sont un peu, disons, autres que les
nôtres, que ce soit le concept de la famille, que ce soit des concepts de la
langue, du fait qu'on se sent des fois comme si on est... Vous savez, il y a le
train et puis il y a le petit «caboose» en arrière. Et les anglophones sont là.
OK? Le train, il passe. C'est la locomotive. Et nous, on est traînés avec les
projets. Alors, c'est vraiment la... le manque de participation qui manque.
Même si le sujet... Vous savez même si... Même s'il y a des aspects qui sont
rassembleurs, que ce soit les droits de la femme, que ce soit la liberté de
parole, que ce soit beaucoup de concepts qu'on a, même l'idée fondamentale
d'une constitution qui est un contrat social. Mais dans le contrat social, à la
base, ça veut dire qu'on négocie avec les sociétés. On cherche ces sociétés
pour entendre leurs idées, pour discuter. Quand on était anglophones, on n'a
pas vu ce geste. Et même, ce n'est pas la faute du gouvernement, ce n'est pas
la faute de l'Assemblée nationale. Notre communauté est divisée. Peut-être ce
qu'on aurait besoin, nous, c'est un état général de la communauté anglophone au
début...
D'Andrea (Giuliano) : ...de
Montréal, que ce soit... mais il faut qu'on commence à communiquer. Ça manque.
M. Jolin-Barrette : Là, ce
soir, M. Andréa, vous êtes là avec votre organisation, puis j'essaie, moi...
Supposons, supposons qu'on veut bonifier, là, à la lumière de vos commentaires.
J'essaie de décoder qu'est-ce que... qu'est-ce qui... qu'est-ce qui manque,
selon vous. Parce que vous m'avez parlé de la famille, mais, dans le projet de
loi de 2025, on n'a pas d'élément qui touche la famille, à l'exception de :
l'État protège l'intérêt de l'enfant, qui est un... qui est qui est un concept
avéré qui existe dans nos lois, notamment quand on a fait la réforme du droit
de la famille puis quand on a fait la réforme, le ministre Carmant, avec la loi
sur la DPJ.
Vous m'avez parlé aussi de la langue. La
langue, je lisais dans votre mémoire un passage, là où vous parlez des
anglophones dits historiques, vous avez dit : Le gouvernement a choisi de
restreindre délibérément la taille de ce groupe, tout en marginalisant par rapport
à la majorité francophone, allant même jusqu'à remettre en cause sa légitimité.
On pourrait en conclure que la population anglophone historique relève d'un
groupe exclusif doté de droits protégés et définis par la majorité, certes
respectés, mais dont les membres ne sont jamais véritablement inclus dans le
bassin de la majorité. Dès lors, une fiction se crée, c'est la possession d'une
déclaration d'admissibilité plutôt que l'appartenance à une culture ou à une
histoire qui devient le véritable critère. Ainsi, même un prince anglais, tel
le prince Harry, décidant de s'installer au Québec se verrait accorder moins de
droits que des milliers d'Italiens, de Grecs et d'autres qui ont obtenu cette
déclaration et sont dès lors considérés comme anglophones historiques. L'ironie
de cette situation aurait de quoi faire sourire si elle n'était pas tout
simplement insultante.» Ce qui est décrit là, dans le fond, c'est la loi 101,
de dire que toutes les personnes qui décident d'immigrer au Québec doivent
aller à l'école française. Est-ce que je dois comprendre que vous êtes en
désaccord avec la loi 101?
D'Andrea (Giuliano) : Non.
Non, ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça. Même, si vous lisez notre mémoire, la
seule chose qu'on est peut-être en désaccord, avec le système d'éducation,
c'est on devrait avoir et... Nous, on a toujours milité pour des écoles
intégrées, parce que la loi 101 crée, dans une certaine façon, une ségrégation
des communautés. On a la communauté anglophone qui a ses écoles, c'est bien,
alors on a la communauté francophone, la majorité, qui a ses écoles, mais entre
les deux, des fois, il n'y a pas assez de contacts.
• (20 h 50) •
Alors, imaginez dans notre situation, on
s'imagine qu'on joue avec nos amis en français, on travaille avec nos amis en
français, on peut se marier avec des francophones, mais il faut apprendre dans
deux institutions différentes, quand on pourrait avoir peut-être un projet
pilote qui donnerait un système où les deux communautés linguistiques
pourraient s'échanger des idées et devenir vraiment des maîtres de la langue
française.
Et nous, dans la communauté, je veux
cependant terminer sur ça, ce n'est pas assez pour nous, d'apprendre le
français, il faut le maîtriser, parce que si, nous, on ne maîtrise pas le français,
qu'est-ce qui arrive? On va immigrer. C'est ça, le problème.
Le Président (M.
Bachand) :50 secondes, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
suis d'accord avec vous, le liant de la société québécoise, c'est le fait
d'apprendre et de parler le français, tout en préservant les droits de la
communauté anglophone. D'ailleurs, le régime linguistique dans la Loi
constitutionnelle de 1867 est fondé comme ça. Alors, les jeunes anglophones qui
souhaitent étudier en français dans les écoles francophones, ils peuvent le
faire aussi. On n'a pas décidé d'ériger deux systèmes séparés volontairement,
c'était une demande de la communauté anglophone. Donc, je comprends que vous
dites : Il y a peut-être une réflexion à avoir, du côté de la communauté
anglophone, pour n'avoir qu'un seul système d'éducation?
D'Andrea (Giuliano) : Oui,
mais, au même moment... là, on est encore... qui est... On voudrait avoir... on
voudrait aller à des écoles francophones, mais, si on fait ça... française,
mais, si on fait ça, on perd nos droits. Alors, il y a une réflexion à faire
aussi. Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir un système où on ne perd pas ses
droits de génération? Moi, j'ai...
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. D'Andrea. Merci. Je
dois passer la parole au député d'Acadie. M. le député de l'Acadie, s'il vous
plaît.
M. Morin : Oui. Merci, M. le
Président. Aors...
M. Morin : ...d'Andrea, White.
Merci d'être avec la commission ce soir, merci pour votre mémoire. M. d'Andrea,
je vais vous permettre de terminer, vous aviez commencé à nous parler...
continuer ce que vous aviez commencé à nous dire.
D'Andrea (Giuliano) : Qu'est-ce
que je disais? J'ai oublié.
M. Morin : C'était en réponse
à une question de M. le ministre. Vous parliez des... des écoles.
D'Andrea (Giuliano) : Oui,
oui. On... écoutez... moi, je suis allé à l'école anglophone, j'ai commencé
pendant la crise de Saint-Léonard et à Saint-Léonard, on avait des écoles
bilingues avant la crise et on a fermé ça. Ce qui est arrivé, c'est que parce
qu'il y avait ces tensions, on a éliminé les écoles bilingues et on a fait des
écoles anglaises et françaises, disons. Et nous, comme communauté italienne, on
est allé vers les écoles anglaises. Pas parce qu'on ne voulait pas apprendre le
français, on nous avait même menti, on nous disait à ma mère et mon père :
Ne vous en faites pas, ils vont apprendre le français. La réalité, c'est que
ceux qui sont sortis du système des fois ils parlent le français comme des vaches
espagnoles, je m'excuse, mais c'est la réalité. Et quand on se pose la question
pourquoi tous ces Québécois ont quitté le Québec? C'est parce qu'ils ne sont
pas capables de se dénicher un travail en français ici, au Québec, parce qu'on
n'a jamais valorisé l'apprentissage du français à un niveau d'expertise. Dans
les communautés... dans tout le monde, quand on a une minorité, la première
chose que les parents disent aux enfants, c'est : Hé, ce n'est pas assez
que toi, tu es égal à l'autre, tu dois être supérieur à l'autre parce que t'es
un néo, disons ou québécois, ou canadien, ou quelque chose d'autre. Alors, dans
notre communauté, on devait faire ça. On ne l'a pas fait. Et nous, on
préconisait des écoles... on ne peut peut-être même pas... comme on ne voulait
pas vraiment pousser l'idée, en réalité, des écoles intégrées, mais on voulait
au moins avoir le débat, avoir cette utopie, cette manière de penser que
peut-être un Québécois il peut jouer ensemble dans la même école et sans tomber
dans, comme le ministre suggérait : Bien oui, mais vous pouvez aller à
l'école française. Je sais qu'on peut aller à l'école française, mais les
minorités ils ne veulent pas perdre ces droits qu'ils ont.
M. Morin : M. d'Andrea, je
comprends que votre organisme, Mouvement du Grand Québec, vous n'êtes pas
contre une constitution québécoise.
D'Andrea (Giuliano) : Non.
M. Morin : S'il y avait eu
une commission transpartisane avant qu'on ait un texte de loi, là, qui a
consulté les gens au Québec sur un plus grand nombre, est-ce que c'est quelque
chose que votre communauté, votre mouvement aurait apprécié?
D'Andrea (Giuliano) : Absolument.
Absolument. C'était ça qu'on cherchait pendant des années.
M. Morin : Parce qu'on se
comprend qu'une constitution, c'est avant tout un document, vous l'avez
mentionné, c'est un contrat, mais c'est un contrat du peuple par le peuple.
D'Andrea (Giuliano) : Oui.
M. Morin : Pas un contrat du
gouvernement.
D'Andrea (Giuliano) : Non.
M. Morin : D'accord. Donc,
c'est un élément qui aurait, en fait, aidé à légitimiser l'action
gouvernementale.
D'Andrea (Giuliano) : Oui,
absolument. Et ça aurait légitimiser aussi la Constitution. Vous savez, dans le
mémoire, j'ai parlé un peu de Rocky Balboa. Bon, Rocky Balboa est qui? Bon,
c'est un petit Italien de Philadelphie qui devient champion plus tard. Mais, il
n'est pas italo-américain, il est américain, il se sent américain. Et c'est la
même chose pour nous : on est Québécois et il faut se sentir Québécois,
même si nos origines, on peut être fiers de nos origines, mais à la fin, on est
Québécois. Et ce n'est pas qu'on cherche aux autres de nous dire : Oui,
oui, vous êtes Québécois. On veut assumer, on veut prendre notre place.
M. Morin : Je vous remercie.
Dans le texte que nous avons, il y a... il y a un considérant qui dit que
l'État du Québec entend poursuivre cet objectif dans le respect des
institutions de la communauté québécoise. L'expression anglaise, on ne retrouve
rien qui touche la communauté anglaise par la suite dans le document et on
parle du respect des institutions, on ne parle pas du respect de la communauté,
on parle des intentions de la communauté. Comment vous avez reçu ça?
Le Président (M.
Bachand) :...secondes.
D'Andrea (Giuliano) : Nous, il
faut que, dans notre communauté... Bon, il y a un dicton, hein? Les
francophones disent : Ne touchez pas à la loi 101. Les anglophones
disent : Ne touchez pas à nos institutions. Quand même, il y a beaucoup
d'anglophones qui disent : OK, mais il faut réformer nos institutions,
parce qu'elles ne font pas la job qu'elles devraient faire. Alors, quand moi,
j'entends qu'il faut penser aux institutions, aux droits, oui, c'est vrai, mais
il faut penser à ces Québécois qui... qui se servent de ces institutions, et
ces institutions doivent répondre aux besoins de ces Québécois. Alors, c'est
nuancé.
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. le député de
Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît. 1 min 53 s.
M. Cliche-Rivard : Merci
beaucoup de votre présentation. Il y a deux choses... puis je veux réconcilier
pour être sûr d'avoir bien compris. D'un côté, vous dites : Quand même,
malgré ces inquiétudes, nous pensons que le projet de loi n° 1
est un pas dans la bonne direction. De l'autre côté, vous recommandez que le
projet soit reporté, et que des véritables consultations aient lieu. Ça fait
que je veux juste bien comprendre, là, finalement, puis vous donner la chance
de bien expliquer.
D'Andrea (Giuliano) : On est
très contents qu'il y ait au moins, aujourd'hui, une poussée vers une
constitution québécoise. Bon, on l'a fait, on l'a déclaré, on est ici, on est
en train de parler, et dans ma communauté, là, on est en train de parler, parce
que c'est une réalité, bon. Ayant dit cela, oui, c'est... en principe, on est
contents, mais les détails...
M. Cliche-Rivard : Plus
compliqué, ça.
D'Andrea (Giuliano) : C'est
compliqué, et ça manque. Et on voudrait que beaucoup d'autres Québécois peuvent
donner leur voix, leurs idées, et c'est... c'est ça.
M. Cliche-Rivard : Vous
parlez quand même d'aggraver les divisions, vous parlez de populations
marginalisées. C'est ça, le sentiment de la communauté?
D'Andrea (Giuliano) : Oui. Et
vous allez entendre... dans les médias, les tambours, les tam-tam, ils vont
augmenter, parce qu'encore une fois ils vont présenter la communauté anglophone
comme victime, et puis la discussion va tomber.
M. Cliche-Rivard : Merci de
votre temps aujourd'hui, merci.
Le Président (M.
Bachand) :Merci, M. le député de
Jean-Talon, s'il vous plaît.
M. Paradis : Merci. C'est...
c'est intéressant, parce qu'au début de cette consultation on a vu M. Smith
agiter avec fierté son drapeau québécois à l'écran, et vous faites écho à ce
geste... on le voit à nouveau le faire... et vous faites écho, dans vos
commentaires, à ce geste, vous... vous dites : Nous sommes de fiers
Québécois. Mais comme beaucoup de Québécois, vous ne vous êtes pas sentis
écoutés aux fins du document que vous avez devant vous, vous dites : Une
partie des Québécois, comme nous, on n'a pas contribué à ces textes. Et ce que
vous demandez aujourd'hui... c'est que vous dites... Bien, ça, ici, on est dans
le cadre formel d'une... d'une consultation générale à l'Assemblée nationale,
et vous voulez plus que ça, vous voulez un vrai dialogue.
• (21 heures) •
D'Andrea (Giuliano) : Oui,
absolument. C'est... c'est... je ne peux pas ajouter à ce que vous avez dit,
c'est... c'est exactement... en plein ça.
M. Paradis : Et donc, pour
continuer dans la foulée de mon collègue, donc, vous dites : Bien là, on
n'a pas le bon document devant nous, il faut recommencer pour avoir un vrai
processus démocratique dans lequel on va se sentir inclus.
D'Andrea (Giuliano) : Oui,
c'est un bon geste, c'est un bon... un bon projet, parce que ça fait qu'on en
parle aujourd'hui. Mais, en principe, on en a parlé, mais là, dans les détails,
il faut faire une autre réflexion plus approfondie. C'est... c'est ça que...
Le Président (M.
Bachand) :Merci beaucoup. M. Smith, M.
White, M. D'Andrea, merci beaucoup d'avoir été avec nous, ça a été très, très,
très apprécié.
Sur ce, la commission ajourne ses travaux
au vendredi 5 décembre, après les avis touchant les travaux des
commissions, où elle va poursuivre son mandat. Merci beaucoup, belle soirée.
Merci.
(Fin de la séance à 21 h 01)