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Version préliminaire

43rd Legislature, 2nd Session
(début : September 30, 2025)

Cette version du Journal des débats est une version préliminaire : elle peut donc contenir des erreurs. La version définitive du Journal, en texte continu avec table des matières, est publiée dans un délai moyen de 2 ans suivant la date de la séance.

Pour en savoir plus sur le Journal des débats et ses différentes versions

Friday, December 5, 2025 - Vol. 48 N° 3

Special consultations and public hearings on Bill 1, Québec Constitution Act, 2025


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Journal des débats

11 h (version non révisée)

(Onze heures vingt-sept minutes)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre, s'il vous plaît! Bonjour, tout le monde. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des institutions ouverte. La commission est réunie afin de poursuivre la consultation générale et audition publique du projet de loi n° 1, Loi constitutionnelle de 2025 sur le Québec. Avant de débuter, Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Schmaltz (Vimont) est remplacée par Mme Bourassa (Charlevoix—Côte-de-Beaupré) et Mme Massé (Sainte-Marie—Saint-Jacques), par M. Cliche-Rivard (Saint-Henri—Sainte-Anne).

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, il me fait plaisir d'accueillir le premier groupe ce matin. Donc, les représentantes du regroupement Pour les droits des femmes du Québec. Mesdames, merci beaucoup d'être avec vous... d'être avec nous. On est contents d'être avec vous aussi. Alors, je vous laisse la parole. Comme vous savez, vous avez 20 minutes de présentation, plus la période d'échange. Alors, la parole est à vous. Merci beaucoup.

Mme Leduc (Ann) : Merci. Je vous remercie de cette invitation faite à Pour des droits des femmes du Québec, aussi appelé PDF Québec. Je m'appelle Ann Leduc, présidente. Je suis accompagnée de Dominique Gaucher, vice-présidente, et de Michèle Sirois, qui est assise à côté de moi, présidente sortante. En premier lieu, nous voulons saluer l'importance...

Mme Leduc (Ann) : ...est accordé à la laïcité et à l'égalité des droits entre les sexes dans le projet de constitution du Québec. Ce sont les principales raisons qui font que PDF Québec appuie le projet de loi. Cependant, nous voulons apporter deux réserves. Premièrement, le droit à l'avortement ne devrait pas se retrouver dans le projet de loi. Et deuxièmement, la définition du mot «femme» sur une base biologique est le socle de l'égalité entre les sexes.

Alors, premièrement, sur la question de l'avortement, nous partageons les nombreuses opinions disant que le système actuel est robuste et optimal dans les circonstances et qu'inscrire ce droit dans une loi comporte trop de risques d'ouvrir la porte aux tentatives de modification pour un limiter l'accès. L'intention est bonne, mais ça risque de faire plus de mal que de bien du fait que ce droit est actuellement bien protégé et qu'il ne faut pas offrir aux opposants au libre choix des leviers pour le fragiliser. On note que le Collège des médecins, le Barreau du Québec, l'ancienne présidente du Conseil du statut de la femme Me Christiane Pelchat, la professeure émérite Me Louise Langevin et la Dre Diane Francoeur, la directrice générale de la Société des gynécologues obstétriciens du Canada sont du même avis. Nous demandons au gouvernement de retirer ce droit du projet de loi et plutôt d'améliorer l'accès aux diverses méthodes contraceptives et aux possibilités d'interruption de grossesse non désirée.

En second lieu, on ne trouve pas de définition du mot «femme» dans le projet de constitution du Québec, ce qui pose problème. On trouve une définition dans le document gouvernemental du Secrétariat à la condition féminine intitulé Stratégie gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes 2022‑2027. Il y a une confusion problématique entre sexe et genre. Les termes «femme» et «pays», et je cite, font référence, lorsque le contexte s'y prête, à toutes les personnes, dont le sexe à la naissance est féminin. Jusque-là, ça va, mais on y inclut les personnes non-binaires, queer ou trans, ainsi que toutes celles s'identifiant comme des femmes. Cela inclut donc des hommes à la naissance qui se présentent comme femmes. Or, le genre est une construction sociale, alors que le sexe se constitue des caractéristiques biologiques et physiologiques qui distinguent les femmes des hommes. Ce qui pose problème, c'est que le genre semble ici fusionner avec le sexe, alors qu'il s'agit de deux choses très différentes. Et cette fusion ou confusion entre sexe et genre a de graves conséquences pour les femmes et les filles. Deux récentes décisions des cours britanniques, dont la Cour suprême de la Grande-Bretagne nous alerte concernant les conséquences sur l'égalité des sexes, de cette fusion des catégories sexe et genre. On peut résumer ainsi leur jugement.

• (11 h 30) •

Cette confusion entre les deux concepts, premièrement, saborde les efforts vers l'égalité, deuxièmement, constitue un déni de la réalité scientifiquement reconnue de la binarité des sexes biologiques et, troisièmement, enfreint la liberté de conscience et la liberté de croyance des citoyens et des citoyennes. Alors qu'on peut changer de genre, on ne peut pas changer de sexe. L'égalité entre les femmes et les hommes ne peut se réaliser avec une définition confuse. Cette fusion entre sexe et genre continue de s'imposer partout, brouillant les données et rendant impossible l'analyse de la progression ou la régression de l'égalité des sexes. Les conséquences de cette confusion pour les femmes se font déjà d'ailleurs sentir dans plusieurs domaines, notamment dans les sports féminins où les femmes ont été mises en concurrence avec des hommes s'identifiant comme femmes. La même confusion pousse souvent la recherche médicale à cause de données qui pourraient être erronées par manque de ventilation sur la base du sexe. L'égalité entre les femmes et les hommes ne sera possible et même concevable que si le gouvernement revient à la réalité biologique de la binarité des sexes de l'espèce humaine. Nous avons salué l'adoption de la motion présentée par le ministre de la Justice pour ne pas éliminer le mot «femme» en 2023. Et le manque de cohérence sur les... sur les définitions à travers les instances gouvernementales nourrit nos inquiétudes.

Voici d'autres exemples des conséquences néfastes de la fusion du sexe et du genre sur nos populations les plus vulnérables et sur nos chances d'atteindre l'égalité des sexes. Les femmes emprisonnées, qui sont dans la plupart des cas les victimes de violences sexuelles, doivent confronter la présence d'hommes s'identifiant comme femmes dans plusieurs purges des peines pour homicide ou agression sexuelle. Des femmes emprisonnées et des gardiennes de prison doivent encore vivre des menaces à leur sécurité et un déni de leur dignité...


 
 

11 h 30 (version non révisée)

Mme Leduc (Ann) :  ...à cause de cette confusion entre les notions de sexe et de genre. Une autre conséquence est qu'il devient impossible de nommer et d'enseigner la violence masculine déployée contre les femmes à cause de leur sexe et non pas à cause de leur genre. Cela prive les enfants d'une éducation qui est essentielle à leur sécurité et à leur développement vers une maturité adulte soucieuse de ne plus violenter les femmes et les filles. Le matériel présenté aux enfants à l'école est aussi problème. Dès le primaire, on gomme les différences entre le sexe et le genre, ce qui rend impossible de remettre en question les stéréotypes sexistes des générations futures. Cet enseignement de l'identité de genre nous semble en contradiction avec l'importante lutte contre les stéréotypes sexistes, ainsi qu'avec le combat contre l'homophobie que mène la société québécoise depuis de nombreuses années. Finalement, l'invisibilisation et l'effacement des femmes par le changement de la définition de ce qu'est une femme nourrit des inquiétudes au sujet du statut des femmes dans la société et de leur réelle chance d'atteindre l'égalité de fait. Pour contrer cela, PDF demande au gouvernement de tirer les mêmes conclusions que la Cour suprême de la Grande-Bretagne, qui a statué très récemment que l'égalité entre les hommes et les femmes repose sur une définition biologique du sexe, ce qui a rétabli la protection des droits et des espaces réservés aux femmes et aux filles. Nous demandons au gouvernement du Québec de définir le mot femme pendant le projet de loi comme désignant un être humain de sexe féminin dès sa conception. Je vous remercie de nous avoir accordé l'occasion de vous présenter nos arguments.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup pour votre présentation, M. le ministre, s'il vous plaît, vous avez la parole.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Alors, bonjour à Mme Leduc, Mme Gaucher et Mme Sirois pour le droit des femmes du Québec, donc PDF Québec. Merci pour votre présence en commission parlementaire. D'entrée de jeu, j'aimerais débuter par la page 8 de votre mémoire, lorsque vous abordez la question de l'article 5 de la Loi sur l'autonomie constitutionnelle. Donc, vous, vous êtes en faveur du fait que l'article 5 prévoit que lorsqu'on traite de caractéristiques fondamentales dans certaines lois, que l'Assemblée nationale ait le pouvoir de dire : Bien, écoutez, si les parlementaires se prononcent, adoptent une disposition pour dire : dans cette loi-là, c'est la loi sur la laïcité, on indique que c'est des caractéristiques fondamentales de... Québécois ou dans la Charte de la langue française, il s'agit de caractéristiques fondamentales, que les organismes publics québécois ne puissent pas, en demandes, attaquer ces lois-là avec des fonds publics, ils pourraient toujours le faire, mais sans les fonds publics. Donc, c'est quoi votre position là dessus?

Mme Sirois (Michèle) :  Moi, je pense qu'on est d'accord avec ça. Quand les contribuables nomment... les citoyens élisent des députés, il y a une certaine souveraineté parlementaire et c'est important à défendre. Toute personne peut garder son... peut poursuivre, contester, prendre la parole. On est contre la censure de le... la parole, l'expression, par contre, est ce qu'ils doivent être financés à même les... les goussets de l'État? Nous ne croyons pas.

M. Jolin-Barrette : OK. C'est clair.

Mme Sirois (Michèle) :  On est d'accord avec ça.

M. Jolin-Barrette : Parfait, merci. Sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Dans le... la loi constitutionnelle de 2025 qu'on a déposée, on fait... on indique très clairement que l'égalité entre les femmes et les hommes doit primer sur la liberté de religion. Donc, si jamais il y a un conflit entre l'égalité entre les hommes et les femmes et la liberté de religion, bien l'égalité entre les femmes et les hommes va primer sur la liberté de religion. Donc, ça, vous êtes d'accord avec ça?

Mme Leduc (Ann) :  Oui.

Mme Sirois (Michèle) :  Oui, tout à fait. La seule question, c'est toujours quand on parle d'égalité des femmes avec les hommes, c'est de quelles femmes on parle? Depuis 2015...

M. Jolin-Barrette : Si vous voulez, on va y revenir, mais je veux juste préciser là-dessus. Donc, pour vous, là, le fait de hiérarchiser les droits, là, supposons qu'on... sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes sur un droit, liberté de religion. Pourquoi c'est important de faire ça?

Mme Sirois (Michèle) :  Parmi les valeurs fondamentales qui sont répétées depuis des dizaines d'années, hein, le français est important, l'égalité entre les femmes et les hommes et la séparation entre les religions et l'État. Alors, nous avons...

Mme Sirois (Michèle) :...toujours défendu ces trois valeurs-là et que vous les inscriviez dans la Constitution, ces valeurs fondamentales, nous sommes tout à fait d'accord avec ça.

M. Jolin-Barrette : OK. Bon, sur la question de qu'est-ce qu'une femme? Là, vous dites depuis plusieurs années, la notion de sexe, de genre, elle est... elle est confuse.

Mme Sirois (Michèle) :Oui. Depuis 2015, c'est l'auto... l'erreur qui a été faite par les instances gouvernementales en 2015, c'est d'introduire la notion d'auto-identification de la mention de sexe. Alors, on se retrouve avec de plus en plus, malheureusement, et ça a ouvert la porte à des dérives qui ont mené à invisibiliser les femmes. Vous-même, en 2023, sur le projet de loi 12, quand un député a voulu enlever le mot «femme» pour garder seulement «la personne qui porte le bébé pour quelqu'un d'autre», vous êtes revenu avec une motion qui dit que les femmes accouchent. Écoutez, il y a quelque chose d'anormal de proclamer, prendre le temps et les énergies de l'Assemblée nationale pour proclamer que ce sont les femmes qui accouchent. Les bébés savent... les petits enfants savent ça depuis longtemps. Il y a quelque chose qui est anormal, c'est l'auto-identification du sexe. Alors, donc, on devrait justement et en même temps, l'année suivante, la ministre Biron qui a présenté un projet... une motion pour dire qu'on ne doit pas identifier les femmes comme les personnes à utérus, et bien, il y a un problème fondamental, c'est qu'on n'a pas défini qu'est-ce qu'une femme. Une femme, c'est comme la Cour suprême d'Angleterre qui a dit : C'est quelqu'un qui est né biologiquement, femme. Identifié, femme...

• (11 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Mais vous avez raison, Madame... Mme Sirois, je m'en souviens très bien. Pour moi, c'est fondamental que le terme «femme» soit là puis que dans nos lois, on nomme les femmes qui représentent 50 % de la population. Puis c'est pour ça que j'avais insisté, puis je pense qu'on s'en... on s'en souvient très bien ici, autour de la table, pour qu'on... on... n'invisibilise pas les femmes dans notre société. Alors, je reçois vos commentaires, je veux juste vous poser une autre question avant de céder la parole à mes collègues sur la question de l'article 29 sur l'interruption volontaire de grossesse. Parce que je pense qu'on a le même objectif, donc, nous, on dit dans le projet de loi : «L'État protège la liberté des femmes d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse.» Donc, la façon que c'est écrit, c'est pour obliger l'État québécois à agir si le libre choix des femmes il est attaqué. Donc, j'entends beaucoup et je comprends les critiques par rapport au fait qu'il soit inscrit «interruption volontaire de grossesse», mais vous n'êtes pas craintive que demain matin le Parlement fédéral peut recriminaliser l'avortement ou restreindre le droit à l'avortement? On n'est pas à l'abri non plus qu'une Cour change d'idée aussi, comme ça s'est fait aux États-Unis. Donc, tout à l'heure, vous nous avez dit : Bien, écoutez, le fait de l'inscrire pourrait amener d'autres gouvernements à modifier la loi, mais c'est déjà l'état du droit actuellement, là. Ce qu'on souhaite, c'est ériger une digue supplémentaire, puis d'obliger le ministre de la Justice actuel, futur, les gouvernements futurs, à s'assurer clairement que les valeurs québécoises sur le libre choix d'accéder à ce soin de santé-là, bien que l'État soit derrière les femmes pour ça. Alors, je veux... je veux vous entendre là-dessus.

Mme Sirois (Michèle) :OK. Même si l'intention est bonne, et je comprends, premier réflexe, il dit : Oh, ça va être sûr. Mais déjà, un groupe qui est contre le libre choix des femmes, libre choix à leur autonomie procréative, qui s'oppose à ça, ils salivent déjà, ils sont déjà contents, là, dire : Ah, enfin on va pouvoir avoir une prise. Parce qu'il y a quatre décisions, arrêts de la Cour suprême, là, à partir de 1988 jusqu'en 1999 qui ont sécurisé les... il n'y a aucune femme ni aucun... ceux qui donnent les soins de santé de... d'avortement, ils ne peuvent pas être criminalisés. Et c'est une situation unique au Canada quand on regarde...

Mme Sirois (Michèle) :...en France, ils l'ont mis dans leur constitution parce qu'ils avaient mis des limites. Il y avait une loi qui limitait, ça a été 10 semaines en 1975 et puis 12 semaines, puis après 14 semaines. Tandis que la situation, au Canada, elle est exemplaire, et puis je me fie non seulement au jugement, mais en plus à tous les avis de personnes qui les ont regardés, je dois dire que je comprends votre bonne intention, M. le ministre, mais je pense que la situation requiert que ce soit la... le statu quo pour protéger l'autonomie procréative des femmes.

M. Jolin-Barrette : Je... je comprends, je comprends votre point, je vous entends. Je vous soumettrais seulement que lorsque Mme Daigle, elle s'est retrouvée devant les tribunaux, il n'y avait pas de loi. C'était une injonction. Et là, ce que vous nous dites, c'est que la jurisprudence dit ça, mais si jamais la loi, elle était contestée tel que nous le faisons, là, est-ce dire que vous ne faites pas confiance aux tribunaux pour confirmer l'intention du législateur? Parce qu'on est... on est comme dans un dilemme. Actuellement, les tribunaux ont déterminé ce... ce point-là, avec lequel je suis d'accord. Si on viendrait renforcer ça, la crainte que j'entends, c'est que les tribunaux ne respecteront pas l'intention du législateur. Donc, comment est-ce qu'on fait pour dire : bien, la jurisprudence est là, elle est susceptible, encore, d'être contestée, ça va se retrouver devant un juge, puis dans l'autre cas, aussi, si l'assemblée se prononce là-dessus, si c'est porté devant les tribunaux, ça va être les juges, aussi, qui vont se prononcer là-dessus. Donc, avez-vous une crainte que le système judiciaire fasse comme aux États-Unis, puis change de... change d'opinion? Dans un cas ou dans l'autre, ils pourraient le faire.

Mme Sirois (Michèle) :J'aurais une crainte si vous gardez l'article 29, parce que là, vous donnez une prise à des groupes antiavortement. S'il n'y a pas de loi, c'est pas mal plus difficile de contester quelque chose parce qu'il n'y a quand même pas juste la jurisprudence, là, il y a quatre jugements qui sont là et qui fait qu'on ne peut pas criminaliser. C'est une situation unique, c'est ce vide juridique qui protège les femmes. Alors moi, je dis : vaut mieux un tient que deux tu l'auras, c'est la sagesse populaire et j'adhère à ça. Nous avons des mesures de protection qui est la réalité et que... qui fait que l'avortement est un soin de santé, comme on ne protège pas vos droits à la vasectomie, on ne protège pas non plus dans les lois. C'est un soin de santé et on veut que ça reste un soin de santé.

M. Jolin-Barrette : Je comprends ça. Peut-être une...

Le Président (M. Bachand) : Le temps... le temps est écoulé, M. le ministre. Désolée. M. le député de l'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Alors, mesdames Leduc, Gaucher, Sirois, bonjour. Merci d'être en commission avec nous pour l'organisme Les droits des femmes du Québec. J'aimerais qu'on continue sur la même, la même lignée, en fait, la même voie. Vous avez parlé, effectivement, que l'interruption volontaire de grossesse, c'est un soin de santé. Et donc, j'imagine que, puis confirmez-moi si je fais erreur, comme bien d'autres soins de santé, on n'a pas besoin de le mettre dans la Constitution. Est-ce que c'est votre argument?

Mme Sirois (Michèle) :Oui, exactement. On n'énumère pas tous les autres soins de santé pour les protéger. Alors donc, c'est un... le droit à l'avortement, c'est de facto, c'est le statu quo qu'on demande là-dessus, c'est... non criminalisé et les femmes ne sont pas possibles de poursuites, ni ceux qui... les prestataires de soins. Alors, on voudrait que ça continue comme ça.

M. Morin : Et parce que... parce que c'est un soin de santé, bien évidemment, on ne met pas toutes les autres prestations de soins de santé dans une constitution. Alors je comprends que si le législateur est cohérent, bien, il ne mettra pas plus ce soin de santé là, sinon la question se poserait : pourquoi celui-là puis pas les autres?

Mme Sirois (Michèle) :On est conscientes que les femmes ont un avantage unique qui est de pouvoir procréer. Ce sont les seules qui peuvent procréer les enfants, il n'y en a pas d'autres que les femmes. Même quand on dit : une personne qui peut... une femme ou une personne qui peut porter un bébé pour quelqu'un d'autre, dans la question de la...de la GPA, eh bien, il n'y a jamais personne qui m'a...

Mme Sirois (Michèle) :...qui était l'autre personne à part une femme qui peut porter un bébé. Alors c'est sûr que c'est une faculté particulière que les femmes ont et que beaucoup de gens aimeraient bien... on parle d'une société patriarcale, il y a beaucoup d'hommes qui aimeraient bien contrôler cette faculté que les femmes ont. Mais, justement, depuis 1988, les jugements de 89, 97, je crois, 99 aussi, font que les femmes... c'est des jugements qui ont protégé ce droit aux femmes de contrôler cette capacité à procréer.

M. Morin : Et ça, clairement, ça... c'est uniquement les femmes. C'est très, très clair, là. Donc, au fond, vous craignez... parce que là, si je vous ai bien entendus, avec toutes les décisions de la Cour suprême, l'état du droit est quand même bien délimité. Alors, quelqu'un qui voudrait, demain matin, contester une décision, bien, il n'y aurait pas véritablement d'argument juridique. Alors, si je comprends bien votre argument, si le législateur, lui, par son action, inclut dans une loi, par exemple la protection de l'IVG, bien là, ça pourrait donner une raison, un motif à différents groupes de vouloir ou de pouvoir le contester.

Mme Sirois (Michèle) :Ça constitue un risque pour nous et on n'est pas prête à prendre ce risque quand la situation va bien, hein, la sagesse populaire dit : Ça va bien? Ne touches pas, n'ouvres pas la machine elle va très, très bien la machine à laver ou à... un objet fonctionne bien, pourquoi le changer? Pourquoi prendre un risque quand on sait qu'il y a des menaces, qu'il y a des groupes qui n'attendent que ça? Alors on est dans une situation très particulière que beaucoup d'Américaines et de Françaises nous envient pour ça. Et puis moi je pense que c'est quelque chose qui fait... c'est le succès statu quo qui peut encore nous protéger.

M. Morin : Oui, je comprends. En fait, vous dites : On est dans une situation qui est unique, au Québec et au Canada présentement il n'y a pas d'inquiétude, donc ne touchons pas à ça.

• (11 h 50) •

Mme Sirois (Michèle) : Oui, c'est ça. Exactement.

M. Morin : D'ailleurs, il y a un très grand nombre de groupes de femmes, plusieurs, évidemment, m'ont contacté, ont contacté d'autres parlementaires et elles sont effectivement inquiètes. Comment vous expliquez qu'on se ramasse dans un texte avec cette disposition-là, puisqu'effectivement, comme vous l'avez souligné, la sagesse populaire semble dire : Écoutez, s'il vous plaît, ne touchez pas à ça.

Mme Sirois (Michèle) :Moi, je pense que l'intention est tout à fait louable. Même moi, la première fois, quand j'ai vu en France qu'on voulait sécuriser, j'avais... c'est là que je me suis plongé dans la différence entre les deux régimes. Mais on a un régime particulier qui protège les femmes et puis je comprends qu'on puisse penser que ça va être protégé au Québec, mais je pense qu'il ne faut pas donner l'occasion au larron qui voudrait contester l'autonomie procréative des femmes.

M. Morin : Et, justement, souvent on parle... on parle la France, donc, au fond, en France, avec l'étude ou l'analyse que vous avez faite, vous en arrivez à la conclusion que la protection qui est accordée ici, elle est plus grande, elle est plus sûre. Est-ce que je me trompe?

Mme Sirois (Michèle) :Absolument. Et je comprends qu'en France il l'ait fait, tout à fait. Entre un dix semaines, puis douze semaines, puis quatorze, un autre gouvernement peut ramener ça à dix, douze et enlever le droit comme c'est arrivé aux États-Unis. Donc, on a des jugements de la Cour suprême qui nous protègent. En tout cas, je me sens... je nous sens protéger, nous les femmes, et pas juste moi, des spécialistes, des féministes spécialistes de la question disent toutes : Ne touchez pas. Bien, moi, je pense qu'après aussi avoir étudié les choses, je me rallie à ces spécialistes, ces expertes.

M. Morin : Parfait. Je vous remercie... je vous remercie beaucoup. C'est très éclairant pour les membres de la commission. J'ai aussi une question, je voudrais savoir, vous soutenez également que l'interdiction qui est faite à certains organismes d'utiliser des fonds publics pour contester certaines lois, c'est quelque chose avec lequel vous êtes... vous seriez...

M. Morin : ...bien en faveur, est-ce que je vous ai bien compris?

Mme Sirois (Michèle) :Répétez votre question, s'il vous plaît.

M. Morin : Dans votre mémoire, à la page six, vous soutenez que la loi sur l'autonomie constitutionnelle, qui interdit à certains organismes d'utiliser des fonds publics pour contester certaines lois, énonce qu'elle protège la nation québécoise ainsi que l'autonomie constitutionnelle, ainsi que les caractéristiques fondamentales du Québec. Est-ce que c'est quelque chose que vous êtes en faveur ou pas?

Mme Sirois (Michèle) :Oui, en faveur avec cette interdiction, comme je l'ai dit au ministre tout à l'heure. On a le cas de la loi 21 sur la laïcité de l'État, qui a commencé par essayer d'être contesté par la Commission scolaire English Montréal et avec des fonds publics. Je pense que c'est une chose... la Commission English Montreal doit occuper ses fonds publics pour avoir une meilleure offre de services aux élèves, on est déjà en pénurie d'argent, sans contester une loi qui est... qui a été votée par une majorité et, en plus, qui ont la légitimité parce que la population québécoise est très, très en faveur de cette loi. Alors donc, pour une raison de bon fonctionnement, bonne allocation des ressources, puis, deuxièmement, de légitimité de cette... de la loi 21, c'est un exemple concret auquel on peut penser.

M. Morin : Je vous remercie. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. Donc, Mme Leduc, Gaucher, Sirois, merci infiniment d'avoir participé aux travaux de la commission, c'est fort apprécié. Sur ce, je vais suspendre les travaux quelques instants pour accueillir notre prochain invité. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 11 h 55)

(Reprise à 11 h 56)

Le Président (M. Bachand) : À l'ordre s'il vous plaît, la commission reprend ses travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir M. Yanick Gagnon. Merci beaucoup d'être avec nous, c'est très apprécié. Vous connaissez les règles, alors je vous laisse débuter votre présentation. Après ça, on aura une période d'échange avec les membres de la commission. Bienvenue encore, merci.

M. Gagnon (Yanik) : Et enfin, merci... merci à vous. C'est moi qui vous remercie de prendre votre temps important pour écouter des organismes et des citoyens. Donc, moi, je me présente comme fier citoyen du Québec, jeune retraité. Et puis, j'ai passé ma carrière comme étant pompier et si j'ai trouvé important de vous faire un petit mémoire aujourd'hui, c'est que... déjà là, la loi 1, ça le dit hein, c'est la loi 1, numéro un, c'est de venir asseoir sur du législatif notre... notre nation. Donc nous sommes une nation, c'est un fait, la Constitution canadienne l'a aussi énuméré dans la Constitution. Puis, bien entendu, la Charte dans son entièreté, bien, pour moi, elle est primordiale et puis il y a quelques points que je voulais aussi amener, ou peser pour.

En fait, la religion ne doit, justement, en aucun temps prédominer sur quelconque article de la Constitution et en vue aussi de ces accommodements qu'on avait dit raisonnables à un certain moment, qui sont peut-être devenus déraisonnables aussi à un certain autre moment et qui semblaient aussi vouloir primer certaines religions par rapport à d'autres, qui sont peut-être un petit peu plus insistant. Et puis moi, je vois ça important à ce que l'État demeure laïque en tout temps. En fait, pour le vivre ensemble, tout simplement, pour la liberté de chacun, mais la liberté des uns se termine lorsque la liberté des autres commence à être empiéter...

M. Gagnon (Yanik) : ...et si on a décidé d'un état laïc, bien, c'est un état laïc et non pas aller énumérer par la religion, invoquer toutes sortes de droits, là, qui pourraient être injustes au regard des autres. Par la suite, je voulais aussi souligner qu'au Canada, il y a aussi d'autres provinces qui se sont dotées d'une constitution. Il faudrait peut-être voir à travers ces constitutions-là qu'est-ce qui a été des bons points, puis qu'est-ce qui a peut-être été contesté par la suite.

Sur un autre sujet, notre nation est distincte. Et puis moi, je demeure... je demeure... je travaille à temps partiel maintenant dans le domaine de l'hôtellerie et puis ce que je vois, c'est du monde qui vient de partout dans le monde, puis eux-mêmes voient la distinction entre le Québec et le reste du Canada. Ils nous font souvent la distinction entre le Québec et l'Ontario. Donc, notre capacité d'accueil, notre langue, qui appellent «notre accent québécois», moi, je l'adore, puis ailleurs aussi, en Europe, on parle de notre accent, mais aussi notre territoire. Le vaste territoire du Québec, nos écrivains, notre musique, donc notre culture, nos artisans qui sont vraiment à part du reste du monde. Et puis il faut l'aimer, cette différence-là, et puis cette culture-là, et puis notre créativité aussi. Donc, je pense que justement, la loi 1 viendrait assir des assises législatives, même si dans la Constitution canadienne, on dit que la seule langue qui est reconnue au Québec, c'est le français. Bien, on ne le voit pas encore partout. On a de la difficulté des fois à se faire servir en français puis même en anglais par... par endroits. Et puis, un des gros points aussi que je juge très important, c'est de se servir de cette loi constitutionnelle au Québec comme outil pour rapatrier des droits qui nous appartiennent, qui sont maintenant, ou qui ont été de tout temps gérés par Ottawa.

Bien, en fait, ça avait peut-être l'air un petit peu échevelé, mon affaire, là, parce que j'ai... un peu, mais ça ressemble un petit peu à ça. Ça ressemble un petit peu à ça. Donc, j'ai voulu souligner ça vraiment en tant que... en tant que citoyen québécois, puis moi, je verrais une fierté d'avoir notre propre constitution. Puis je fais confiance à ce gouvernement-là qu'on a présentement pour pouvoir mener ce projet de loi à terme et en faire une loi. Voilà.

• (12 heures) •

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Alors, c'est pour ça une consultation générale, ça ne permet pas juste aux groupes, mais aux citoyens aussi de participer. Alors, M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, bonjour, M. Gagnon. Merci beaucoup d'être à l'Assemblée nationale et à participer aux travaux parlementaires. Merci pour votre mémoire et également merci pour votre implication dans la société. Vous nous avez dit récemment retraité comme pompier, puis là je comprends que vous travaillez encore à temps partiel. Donc, on a besoin des travailleurs expérimentés au Québec, alors merci de continuer à travailler. Globalement, je comprends que vous êtes en accord avec le projet de loi, vous avez dit : Écoutez, dans la Constitution canadienne, on reconnaît maintenant la nation, on reconnaît aussi que le français c'est la seule langue officielle et commune du Québec. Ça, c'est récent. C'est l'Assemblée nationale, notre gouvernement, avec le projet de loi n° 96, qui est venu clairement indiquer dans la loi constitutionnelle de 1867 que les Québécois et Québécoises forment une nation et que le français est la seule langue unique... la seule langue officielle et commune du Québec, le français. Pourquoi est-ce qu'on a fait ça? Bien, c'est pour assurer les caractéristiques fondamentales parce que trop longtemps, le Québec a attendu. Attendu qu'Ottawa, que le gouvernement fédéral reconnaisse le Québec, attendu que les autres provinces canadiennes, les autres États fédérés du Canada, reconnaissent le Québec. Mais ce n'est jamais venu. Alors, nous, la posture qu'on a prise, c'est de dire : Bien, on va se donner de tous les outils pour avancer, pour assurer l'autonomie de la nation québécoise au sein du Canada. Donc, c'est la doctrine...


 
 

12 h (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...constitutionnelle que nous avons mis en place, puis on continue avec ça, avec la Constitution, la loi conditionnelle qu'on a déposée, de 2025, pour faire en sorte que peu importe le gouvernement dans le futur, que les Québécois, la nation québécoise, aient davantage de pouvoir d'autonomie pour faire des gains. Vous l'avez dit, on est une société distincte. On parle français. La façon d'accueillir les personnes immigrantes, au Québec, elle est différente. Le ministre Roberge, le ministre de L'Immigration, a adopté le modèle d'intégration nationale, pour dire : on accueille les gens en français puis on veut, nous, ici au Québec, faire en sorte que les gens s'intègrent aux valeurs québécoises en français, puis on ne veut pas du multiculturalisme canadien qui fait en sorte de... ghettoïser la population, d'avoir du repli sur soi-même. Alors, pour nous, je pense qu'on va dans la même logique que vous voulez. Puis vous savez, pour moi, la démarche que nous faisons, elle est vraiment québécoise dans un sens où il y a beaucoup d'éléments, puis peut-être l'avez vous remarqué dans la Constitution, il y a beaucoup d'éléments qui s'y retrouvent, que ça a été des lois, puis des principes qui ont été adoptés à la fois par le Parti libéral du Québec, ou à la fois par le Parti québécois, mais on en a rajouté, certains principes, qui n'étaient pas présents et qui, à mon avis, par... apparaissent essentiels, notamment l'égalité entre les femmes et les hommes qui prime sur la liberté de religion, ça, c'est un nouveau concept. On se fait critiquer par la Commission des droits de la personne, par le Barreau du Québec de dire : ne faites pas ça, il ne faut pas que vous défendiez l'égalité entre les femmes et les hommes d'une façon supérieure à la liberté de religion. C'est ça qu'on me dit, là. Alors je voudrais vous entendre, votre point de vue de citoyen par rapport à ça. Quand on dit qu'au Québec, là, ça devrait rester égal.

M. Gagnon (Yanik) : Bien, dans la Constitution canadienne, on disait que Dieu avait primauté. Bon, après ça, Dieu, bien, il faut le définir, Dieu, puis Dieu est souvent différent pour tout le monde. Maintenant, il y a des dogmes qui sont des religions, parfois sectaires, et puis... Lorsqu'on décide, pour moi, lorsqu'on décide de vivre tout le monde ensemble, c'est que peu importe nos différences, peu importe notre couleur, peu importe notre langue, peu importe notre religion, qu'on puisse trouver des terrains où ce que tout ça est sorti, ça veut dire qu'on parle... on n'est pas un religieux, on n'est pas un Anglais, on n'est pas... non, on est quelqu'un, on s'intègre, on se parle, tout le monde ici se parle, on est de religion quoi, ici? On ne le sait pas, puis c'est parfait comme ça. Mais de venir jouer avec la religion pour dire : bien, OK, c'est... moi, dans ma religion, les femmes agissent comme ça... écoutez, là on va se ramasser avec... avec du monde qui vont être musulmans un jour, qui vont être... OVNI un autre jour, qui vont être une table un autre jour, là, je ne le sais pas, mais ça va faire en sorte qu'il y a des gens qui vont se servir de l'outil de la religion, justement, pour peut-être outrepasser les droits des femmes, puis les droits des femmes, bien c'est aussi les droits des hommes. C'est-à-dire qu'on a tous les mêmes droits. Peu importe d'où tu viens, peu importe qui tu es et peu importe la religion, puis ça, je pense que c'est ça au Québec, c'est comme ça au Québec.

M. Jolin-Barrette : Je voudrais vous entendre, vous l'abordez dans votre mémoire. Il y a... relativement la loi constitutionnelle de 1982, le processus de modification de la loi constitutionnelle de 1982, donc, je voudrais vous entendre... Qu'est ce que vous pensez du processus de modification de la Constitution canadienne qui a été enchâssée en 1982, là, pour rappel, pour les gens qui nous écoutent, pour certaines dispositions de la constitution canadienne, ça prend les 10 provinces et territoires, ça prend le Sénat, ça prend la Chambre des communes. Des fois, c'est 7-50, 7 provinces représentant 50 % de la population avec le Sénat, la Chambre des communes. Parfois, c'est des modifications bilatérales, donc Canada et Québec, supposons. Parfois, c'est des modifications unilatérales, comme on le fait, présentement, avec l'article 45, sur le fait d'inscrire les caractéristiques du Québec, notamment la tradition civiliste, le modèle d'intégration de vivre-ensemble et le caractère laïc de l'État des Québécois, donc la constitution qu'on dépose versus la constitution canadienne. J'aimerais vous entendre là-dessus, sur les procédures de modification.

M. Gagnon (Yanik) : Bien, 1982, à mon souvenir, on ne l'a pas... on n'était pas là. C'était... exactement...

M. Gagnon (Yanik) : ...étais sous un Parti québécois, à ce moment-là, puis c'était René Lévesque, si je ne me trompe pas et puis on n'était pas là. On avait déjà 1867, puis la différence que je vois entre les deux, c'est que c'est correct, là, 1867, là. C'était le fondement du Canada à ce moment-là. Puis, par la suite, nous, ce qu'on voulait, je crois, bien, en tout cas, c'était de dire justement qu'on est distinct ici, au Québec. Et puis c'est Ottawa, je pense, qui voulait centraliser toute la patente. Puis moi, ce que je voyais, c'est qu'il n'y a pas juste le Québec, là, qui est contre ça, là, la façon dont Ottawa gère, là, présentement, là. On pourrait aller en Colombie-Britannique ou en Alberta, ou même au Nouveau-Brunswick, puis on y verrait des différences aussi. Donc, qu'est-ce que je trouve de bien avec le projet de Constitution du Québec, c'est-à-dire qu'à l'intérieur de la nation, qui est le Canada, nous, nous avons aussi notre Constitution qui fait notre distinction avec nos lois, nos règles et puis... puis voilà.

M. Jolin-Barrette : Mais je vous remercie beaucoup, M. Gagnon, pour votre passage en commission. Je vais céder la parole à mes collègues.

Le Président (M. Bachand) : Où est-ce qu'il a des... d'autres interventions? Mme la députée de...

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Il reste combien de temps monsieur...

Le Président (M. Bachand) : ...de Lotbinière-Frontenac. Il reste deux minutes.

• (12 h 10) •

Mme Lecours (Lotbinière-Frontenac) : Parfait. Bien, merci, M. le Président. Donc, bien, premièrement, j'aimerais vous féliciter pour avoir présenté un mémoire, puis d'être ici devant nous aujourd'hui. C'est quand même assez... on reçoit plus de mémoire de la part de groupes que de part de citoyens, donc je vous félicite pour ça. Vous semblez attacher une importance particulière à notre culture, mais aussi à l'intégrité du... présente et future du territoire du Québec. Pourquoi c'est important pour vous que le... le territoire du Québec demeure indivisible puis que notre culture, notre langue, les droits civils et la laïcité soient consacrés dans la vie constitution?

M. Gagnon (Yanik) : Bien, en fait, notre territoire, on l'a constitué, hein? À travers les années, à travers les époques, on s'est constitué une nation québécoise. Donc, en fait, notre territoire, bien c'est sûr que moi je ne le voudrais pas divisible, je ne veux pas que ça devienne comme les États-Unis, là, je ne veux pas que chaque état, chaque... à un moment donné, si on veut vivre ensemble, il ne faut pas dire bien, regardes, je vais aller juste un petit peu ici en haut, ça marche comme ça, on va se déplacer un petit peu vers l'ouest, c'est une autre chose. Non, je pense qu'on a besoin d'une unicité aussi avec nos particularités à nous. Et puis notre territoire, bien, c'est notre patinoire, c'est notre beauté, puis c'est tout ce que ça engendre.

Moi, je ne suis pas sûr que quelqu'un, je dis n'importe quoi, mais quelqu'un plus au nord ou quelqu'un plus au sud voudrait dire : Bien, moi, je me sors du Québec. Là, on va peut-être entendre certains groupes, je ne le sais pas que, eux autres, ils vont dire : Moi, la Constitution québécoise, je n'en veux pas. Ils vont revenir un peu avec quand on mettait la loi 101, on s'en va tous du Québec, on se sauve. Finalement, je n'ai pas vu grand monde se sauver.

Donc, moi, c'est là que... c'est là que je fais la différence aussi entre le reste du territoire du Canada, notre Québec; notre Québec, notre culture; notre culture, notre langue; notre langue, nos artisans, notre musique, la façon de faire, notre musique n'est pas pareille, notre façon de faire notre musique tient beaucoup de l'Irlande, de l'Écosse, tout ça. Puis, aujourd'hui, bien il y a tout ce beau monde-là parle en français, moi, j'ai des racines irlandaises.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup, M. Gagnon. Je cède la parole maintenant au député d'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Gagnon. Merci... merci d'être là avec nous. Je vais me permettre de vous féliciter pour le travail que vous avez fait, le document que vous avez produit à la commission. C'est très apprécié, merci beaucoup. J'ai quelques questions pour vous, dans votre document, je n'ai pas vu aucune référence au rôle et à la place des Premières Nations et des Inuits. Est-ce que c'est un élément auquel vous avez réfléchi? Est-ce que vous pouvez partager vos réflexions avec la...

M. Morin : ...commission sur ce sujet-là.

M. Gagnon (Yanik) : Tout à fait. En fait, les premières, les Premières Nations et les Inuits, on les voit à travers... dans la loi n°1, ils sont nommés, ils sont là aussi. Pour moi, les autochtones ont leur unicité aussi, leur distinction, ils ont leur langue, ils ont leur propre... ils ont leurs artisans, ils ont leur culture, eux aussi. Tout ça à l'intérieur de la nation, notre nation, qui est notre nation du Québec. Donc, je crois que tout le monde peut y trouver, aussi, son compte. Maintenant, si on veut laisser plus de place, parce que le projet de loi n°1, de qu'est ce que j'en vois, est encore ouvert, c'est-à-dire qu'il est modifiable, aussi, dans le temps et il s'adapte, aussi, dans le temps. Donc, si on veut les inclure, je pense qu'on a un très bon ministre, présentement, aux Affaires autochtones, pour le faire. Je pense qu'il y a eu des rapprochements qui se sont faits que j'ai rarement vus anciennement, qui est le ministre, aussi, de la Sécurité publique, c'est un ami à moi. Et puis... et puis la place des autochtones, si on vient les assir, bien, il faudrait peut-être venir assir, aussi, place des Irlandais? Il faudrait peut-être venir assir, aussi, la place du quartier chinois. Il faudrait peut-être... tu sais, on est plusieurs nations dans notre nation, donc, moi, je ne vois pas... je ne viendrai pas dire : on a oublié les autochtones, non, ils sont là, dans la loi n°1, mais aussi, il faudrait en faire des... peut-être des balises si on veut le rendre dans le législatif. Par contre, dans notre constitution, c'est les premiers, c'est les Premières Nations, c'est eux qui étaient là avant nous et il faut souligner leur culture, leur langue. Et puis, je pense que c'est important, aussi, de les mettre à l'avant dans ce projet de loi là, aussi, qu'ils soient là eux aussi puis qu'ils puissent dire qu'est-ce qu'ils en pensent, mais aussi quelle place qu'ils veulent occuper aussi, ou pas.

M. Morin : Et donc, corrigez-moi si je fais erreur, mais si je vous ai bien compris, donc, vous les incluez dans la nation québécoise? Est-ce que j'ai bien...

M. Gagnon (Yanik) : Bien, ils font partie... ils font partie du Québec, oui, bien sûr, c'est... comment je dirais ça, comme je vous disais tantôt, c'est... Il y a des Irlandais, il y a des Italiens, chacun est capable, aussi, de dire : Bien, moi, j'ai des racines italiennes, j'ai des racines irlandaises, puis ils peuvent différer de leur culture, mais en bout de piste, on est tous ensemble, on est tous une nation, puis les peuples autochtones en font aussi partie, autant qu'ils veulent. Par contre, il faut garder leur unicité, leurs écoles et tout ça. Il faut... il faut conserver ça parce que c'est... je pense qu'ils ont été assez tapés dessus avec les années, ils ont perdu beaucoup de leurs acquis, de leur culture, de leur langue et tout ça. Puis là, on veut faire, ils veulent faire revivre ça, bien, crime, il faut les laisser faire à l'intérieur de notre nation, bien sûr.

M. Morin : Dans le projet de loi, dans la partie qu'on appelle le préambule, il y a un considérant qui fait référence aux Premières Nations et on leur permet de développer leur langue et leur culture d'origine. Pourtant, quand on regarde les textes internationaux qui... qui les visent, on parle beaucoup plus que ça, on parle de développement économique, on parle de la possibilité, vous l'avez mentionnée, de gérer leurs écoles, leur territoire, etc. Est-ce que vous pensez qu'on devrait ajouter tout ça et que ça devrait être plus qu'un considérant? Ou si on le laisse comme ça?

M. Gagnon (Yanik) : Bien, en fait, il faudrait discuter avec eux premièrement. Deuxièmement, c'est... il faudrait aussi voir, comme les dames qui parlaient précédemment, entre le statu quo puis qu'est ce qu'on inscrit. Parce que là, on va jusqu'où? Comme je le disais tantôt, oui, y a les Premières Nations, mais la nation québécoise, c'est fait de plusieurs nations, aussi, à travers les époques. Donc, est-ce qu'il faut tout inclure... pour venir faire quoi, en bout de piste? Tu sais, comme de dire : Bien, OK, il y a les peuples autochtones puis il y a un Québécois. C'est quoi un Québécois? Tu sais? À quelque part, c'est quoi un Québécois? Bien, c'est un mélange de tout ça, parce qu'à travers nous, puis je suis sûr qu'il y en a parmi nous ici qui ont du sang autochtone, puis il y en a probablement, aussi, qui ont été métissés, qui ne le savent même pas. Donc, à quelque part, ces gens-là...

M. Gagnon (Yanik) : ...font partie de nous. Et il faut qu'ils gardent leur distinction, mais est-ce que ça viendrait assir quoi de plus, de tout rajouter ça, puis qu'est-ce qu'on viendrait ajouter, là? C'est... c'est qu'est-ce qu'il serait pertinent de venir ajouter? Bien, ça, ça serait à eux, là, de vous le dire, là, d'après moi, là.

M. Morin : Très bien, je vous remercie. Dernière question pour vous, parce que dans votre document, vous parlez aussi beaucoup de la... de la culture et des artistes.

M. Gagnon (Yanik) : Oui.

M. Morin : J'aimerais que vous nous expliquiez davantage votre pensée sur l'importance des artistes. Qu'est-ce qu'ils... Comment ils contribuent à notre identité, à notre culture, au sein, évidemment, de la société québécoise et puis évidemment, le rôle qu'ils ont à jouer dans notre société.

M. Gagnon (Yanik) : Oui, en fait, je crois que nos artistes, c'est les représentants, je vais aller loin, de nos âmes, un peu. Tu sais, de qu'est-ce qu'on incarne. Eux, ils savent tout prendre ça, puis nous le remettre en plus beau. Ça fait que c'est vu à travers notre musique, c'est vu à travers nos émissions, c'est vu à travers nos films, puis ce que je trouve de beau aussi, c'est que je pense que notre jeunesse est sensible à ça beaucoup. Moi, j'ai deux enfants puis moi j'écoutais beaucoup de musique anglaise, pop, «whatever», dans mes années... des années 90, mes enfants écoutent du rap en français. Ce n'est-tu pas beau? On a su faire quelque chose qui venait d'ailleurs, on a su faire quelque chose puis nous le rendre à nous, à notre sauce, où on peut s'identifier nous-mêmes. Ça fait que je pense que nos artisans puis notre culture, c'est une représentation de nous-mêmes. Dans le fond, c'est notre cœur, c'est notre battement, si on perd ça, on perd notre identité.

• (12 h 20) •

Le Président (M. Bachand) :Merci...

M. Morin : ...je suis d'accord avec vous, et pour ça, je pense qu'on peut être très fiers de nos artistes. Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Merci beaucoup. Merci de votre présentation, merci de votre mémoire aussi. À votre point 7, vous parlez d'amendements, là, puis la possibilité d'amender le futur document.

M. Gagnon (Yanik) : Oui.

M. Cliche-Rivard : Qu'est-ce que vous pensez de son adoption, là, tout simplement? Est-ce qu'il pourrait être adopté seulement par un parti? Est-ce que ça prendrait les deux tiers? Ça prendrait-tu tous les partis pour que ce document de constitution-là soit valide, ou est-ce qu'il faudrait le soumettre au vote populaire, à la population? C'est quand même la Constitution du Québec dont on parle. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Gagnon (Yanik) : Oui, c'est la Constitution du Québec. Maintenant, j'aurais de la difficulté à répondre à votre question et je va vous expliquer pourquoi. C'est qu'à un moment donné, il faut faire quelque chose et puis on peut laisser du temps, bien sûr, mais aussi à un moment donné, s'il y a juste des empêcheurs de tourner en rond puis qu'on n'aboutit pas, bien, on va faire comme plusieurs lois, c'est-à-dire qu'on va regarder... on va garder le statu quo, on va balayer ça en avant, puis les autres s'en occuperont, ou sinon ça va finir dans la filière 13. Ça fait que je pense qu'il faut commencer quelque chose. Je me dis que si... Je ne peux pas être à votre place non plus, c'est vous les législateurs, mais si ça avance, si je vois qu'il y a de la contribution, bien, à quelque part, tout le monde va être d'accord, à un certain moment donné, plus ou moins. Mais si on garde nos camps puis on dit : Vous, vous voulez faire ça, nous autres, on ne veut rien savoir. Bien, à un moment donné, le gouvernement, il est là, puis le gouvernement, il est là pour prendre des décisions puis gouverner. C'est de même, je le vois.

M. Cliche-Rivard : Point 3, vous parlez aussi de créer un article empêchant tout gouvernement du Québec de signer la Constitution, là, canadienne. Vous appelez appeler ça un peu la «clause Pablo», j'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Gagnon (Yanik) : Oui, bien, c'est parce que ça a été dit dans les médias.

M. Cliche-Rivard : Oui?

M. Gagnon (Yanik) : M. Pablo Rodriguez voulait signer la constitution de 82.

M. Cliche-Rivard : Puis qu'est-ce que vous pensez de ça?

M. Gagnon (Yanik) : Bien, c'est quoi le rapport? C'était en 82. On ne reviendra pas, là. Je ne me mettrai pas à signer des papiers de 1867. Ça fait que s'il veut signer une constitution, on en a une, là.

M. Cliche-Rivard : Parfait. Merci beaucoup de votre temps aujourd'hui.

M. Gagnon (Yanik) : Plaisir.

Le Président (M. Bachand) :M. Gagnon, merci beaucoup. Vous êtes un exemple de participation citoyenne en consultation générale, c'est très apprécié. Cela dit, je resuspends les travaux quelques instants pour accueillir le prochain groupe. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 23)

(Reprise à 12 h 24)

Le Président (M. Bachand) :À l'ordre, s'il vous plaît, la commission reprend ses travaux. Avant d'aller plus loin, j'aurais besoin d'un consentement pour ajouter 7 minutes à la séance. Consentement?

Des voix : Consentement.

Le Président (M. Bachand) : Merci beaucoup. Donc, ça fait plaisir de recevoir les représentantes de SOS Grossesse Estrie. Merci beaucoup d'être avec nous, alors je vous cède la parole immédiatement, après ça, nous aurons une période d'échange avec les membres de la commission.

Mme Hamel (Pascale) : Merci, alors, mesdames, messieurs les membres de la commission, merci de nous donner la parole aujourd'hui. Je me présente, Pascale Hamel, directrice générale de SOS Grossesse Estrie depuis 28 ans. Également, Émilie Dugré, membre du conseil d'administration de l'organisme. SOS Grossesse Estrie est un organisme communautaire qui, depuis 1988, donc 37 ans, accompagne toutes femmes et personnes vivant une grossesse imprévue, ayant peur d'être enceinte ou vivant une situation difficile durant la grossesse et leurs proches. Nous les accompagnons, quel que soit leur choix, sans jugement ni influence.

Nous avons développé une expertise d'intervention et de prévention en Estrie et sommes reconnus comme l'un des trois seuls organismes d'aide, d'information et de référence pro-choix au Québec, dont le seul en Estrie. Chaque année, des milliers de personnes sont aidées et sensibilisées par nos services d'aide téléphonique, clavardage, aide par courriel, d'aide au choix, accompagnement à l'interruption de grossesse et bien d'autres, et par nos activités de prévention. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que nous ressentons une inquiétude majeure : l'inclusion d'une interruption de grossesse dans la loi constitutionnelle n°1 du Québec de 2025. Nous n'avons aucune expertise juridique, mais nous avons une grande expertise terrain puisque nous accompagnons des milliers de femmes vivant une grossesse, qu'elle soit prévue ou non, chaque année. Pour nous, cette mention est inutile et pourrait fragiliser des droits déjà garantis en politisant une pratique médicale qui doit demeurer protégée par des principes universels. L'avortement est un soin de santé, tout comme tout autre soin. Depuis l'arrêt Morgentaler, le 28 janvier 1988, ce droit est protégé par la Charte canadienne des droits et libertés. Cela signifie que les femmes du Québec disposent déjà d'une garantie juridique solide concernant leur santé reproductive. Inscrire l'avortement dans un article de loi n'offre aucune protection supplémentaire, selon lui.

Depuis de nombreuses années, le mouvement anti-choix, entre autres, certains partis politiques cherchent à remettre en question ce droit. Cela ouvre la porte à des interprétations qui ne protègent pas les femmes. Nous avons la responsabilité de ne pas revenir en arrière pour la génération future, puisque nous sommes bien protégés depuis 37 ans, toute mesure susceptible d'affaiblir ces acquis risquerait de replonger les femmes dans une situation d'injustice, de vulnérabilité et de danger. Ce que nous ne voulons pas revivre.

Mme Dugré (Émilie) : Nous observons d'ailleurs une recrudescence préoccupante du mouvement anti-choix au Québec et dans notre région, en Estrie. Cette présence se manifeste par des campagnes de désinformation, des pressions sociales et parfois des actions directes auprès des femmes qui cherchent de l'aide. Ces groupes ne défendent pas la liberté de choix. Ils influencent, culpabilisent et jugent des personnes qui vivent déjà des situations difficiles et délicates. Les groupes adhérant à ce mouvement attendent une loi depuis plusieurs années et pourraient cibler cette disposition pour tenter de la modifier et ainsi restreindre l'avortement. Plutôt que de renforcer la protection, on risque de créer un terrain propice à la polarisation et à l'instabilité juridique entourant ce droit. Or, l'avortement et la santé reproductive exigent un choix éclairé fondé sur des informations fiables, un accompagnement respectueux et une liberté totale de décision. Les femmes qui nous consultent doivent pouvoir réfléchir sans subir de pression idéologique ou morale. Chaque tentative d'ingérence fragilise leur autonomie et leur dignité. Pour les organismes comme SOS Grossesse Estrie, cette montée des groupes anti-choix représente une charge de travail supplémentaire. Nous devons consacrer du temps et des ressources à surveiller leur activité, à contrer leurs messages et à protéger les femmes contre leurs influences. Ce temps, nous devrions plutôt le mettre à profit pour être plus visibles et accessibles à la population, pour renforcer notre présence dans les communautés et pour améliorer l'accès aux services. En somme, l'essor des groupes anti-choix détourne l'énergie des organismes communautaires de leur mission première, qui est de soutenir les femmes dans leurs choix...

Mme Dugré (Émilie) : ...sans jugements et avec respect. Il est donc essentiel que le gouvernement reconnaisse cette réalité et investisse dans la visibilité et l'accessibilité des services plutôt que de laisser le terrain aux discours culpabilisants. Selon nous, une Constitution doit protéger des principes universels, soit la liberté, l'égalité, la dignité et l'intégrité physique. Elle n'a pas à cibler une pratique précise, sinon cela risque de créer un précédent qui pourrait être utilisé à d'autres fins et qui... et qui politise un soin de santé qui demeure protégé de tout cela. SOS Grossesse Estrie, comme plusieurs autres organismes, soutiennent quotidiennement les femmes dans leurs choix reproductifs. Or, l'accès aux soins demeure un défi : délais, manque de ressources et disparités régionales. Le projet de loi nº1 est déjà critiqué pour ses impacts possibles sur la liberté d'expression et l'autonomie des organismes. Ajouter le mot «avortement» dans ce contexte accentue la polarisation et détourne l'attention des véritables enjeux qui sont de garantir un accès concret, humain et égalitaire aux services de santé reproductive.

Le gouvernement dispose déjà d'un outil structurant qui est le Plan d'action gouvernemental sur l'accès à l'avortement 2024-2027, Protéger le droit des femmes de choisir déposé en novembre 2024. Ce plan vise à assurer un accès sécuritaire, rapide et équitable à l'interruption de grossesse partout au Québec. Il répond aux enjeux réels, soit les délais trop longs, le manque de ressources et les pressions accrues du mouvement anti-choix et bien d'autres. C'est dans ce plan que le gouvernement devrait investir son énergie. Dans son application, dans le financement des services, dans le soutien aux organismes pro-choix qui travaillent directement avec les femmes. Nous ne comprenons pas pourquoi le ministre Jolin-Barrette rouvre cette question dans le projet de loi nº2, alors que ce débat a déjà eu lieu lors des travaux menés par la ministre Biron. Médecins, juges, organismes et experts avaient déjà été clairs : inscrire le mot «avortement» dans une loi constitutionnelle ne renforce pas les droits, cela les met en péril.

Aujourd'hui, nous avons l'impression de devoir répéter les mêmes arguments, de réinvestir un temps précieux pour expliquer des positions déjà comprises. Pendant ce temps, les besoins criants demeurent sur le terrain. Les femmes ont donc besoin d'un accès rapide, humain et sécuritaire. Nos organismes ont besoin d'un financement adéquat pour y répondre. Chaque heure passée à ce débat constitutionnel est 1 h perdue pour répondre aux besoins réels des femmes de l'Estrie et partout au Québec.

• (12 h 30) •

Mme Hamel (Pascale) : Donc, Mesdames et Messieurs, je le redis à nouveau, l'inclusion d'un interruption de grossesse dans ce projet de loi est selon nous inutile, juridiquement risqué et politiquement dangereuse. Le ministre de la Justice, M. Jolin-Barrette, promet de nous écouter, mais il croit avoir... et nomme avoir... croit avoir trouvé la voie pour s'assurer du droit des femmes, et cela nous inquiète énormément. Qui a déjà eu peur d'être enceinte? Savez-vous que les femmes, tout au long de la fertilité, ont peur de nombreuses fois d'être enceintes, car aucune méthode de contraception n'est... n'est efficace à 100 %? Une grossesse sur deux n'est pas prévue et une femme sur trois aura recours à l'avortement au cours de sa vie. M. Jolin-Barrette promet d'être attentif aux critiques, mais refuse de reculer. Les femmes sont inquiètes. Les milieux communautaires et les professionnels de la santé sont grandement inquiets. Nous sommes inquiètes pour la génération future. Le Québec est un endroit dans le monde où le droit à l'avortement est fort, solide et bien protégé, et ce, entre autres, grâce à des nombreuses luttes féministes. SOS Grossesse Estrie défend l'accès aux soins et le respect des choix des femmes et la stabilité des droits. Nous demandons donc de renoncer à inscrire l'article 29 portant sur le droit à l'avortement du projet de loi constitutionnelle nº1 et de privilégier des actions concrètes comme renforcer le financement des organismes pro-choix, contrer la désinformation, améliorer l'accès, humaniser les soins pour les femmes ayant recours à l'avortement, améliorer l'accessibilité de la pilule abortive, payer les coûts des avortements pour les personnes sans RAMQ, offrir la contraception gratuite et accessible, améliorer l'éducation à la sexualité dans les écoles. Le droit des femmes à disposer de leur corps est un droit fondamental, primordial, crucial, essentiel, capital et indispensable. Ne fragilisons pas ce qui est déjà acquis au Québec. Merci de votre attention.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup. M. le ministre, s'il vous plaît.

M. Jolin-Barrette : Oui, merci, M. le Président. Mme Pascale Hamel, Mme Émilie Dugré, bonjour, de SOS Grossesse Estrie. Merci pour votre présence en commission parlementaire. Je tiens à vous remercier également du travail que vous faites pour accompagner les femmes dans le cadre de votre mission. Si vous voulez, on va parler de l'interruption volontaire de grossesse. Mais avant, j'aurais peut-être une ou deux questions sur d'autres commentaires que vous avez dit. Vous avez dit : Le projet de loi nº1 affecte l'autonomie des organismes. Peut-être faites-vous référence à l'article 5 de la Loi sur l'autonomie...


 
 

12 h 30 (version non révisée)

M. Jolin-Barrette : ...constitutionnelle. Or, puis c'est une question de précision, là, le projet de loi ne couvre pas les organismes communautaires, ne couvre pas les syndicats. Ça fait que, je voulais juste porter ça à votre attention pour qu'on s'entende là-dessus. Je ne sais pas si c'était à ça que vous faisiez référence.

Mme Hamel (Pascale) : On parlait d'autonomie en général, là, en lien avec le projet de loi, là.

M. Jolin-Barrette : OK

Mme Hamel (Pascale) : L'article 25.

M. Jolin-Barrette : L'article 25…

Mme Hamel (Pascale) : 29! 29, excusez-moi.

M. Jolin-Barrette : Pardon?

Mme Hamel (Pascale) : Dans le fond, c'était peut-être une façon de le dire, mais je ne voulais pas parler d'un autre article que l'article 29, là.

M. Jolin-Barrette : On est sur 29.

Mme Hamel (Pascale) : Tout à fait.

M. Jolin-Barrette : Est-ce que vous êtes... est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'on indique : «l'État protège l'égalité entre les femmes et les hommes»?

Mme Hamel (Pascale) : Je vous dirais que je pense que oui. Je n'ai pas nécessairement lu tous... tous les articles en lien avec ça. Mais à ce niveau-là, je sais que certains organismes se questionnent par rapport à... l'égalité entre les hommes et les femmes, tandis qu'on n'inclut pas la communauté LGBTQ+, etc. dans ça, pour certains organismes, mais ce n'est pas notre mission à nous de parler de ça aujourd'hui.

M. Jolin-Barrette : OK, mais, sur le principe, vous êtes d'accord qu'on inscrive dans la Constitution «l'égalité entre les hommes et les femmes»? Puis vous êtes d'accord, j'imagine, avec le fait que l'égalité entre les femmes et les hommes prime sur la liberté de religion. Exemple, là, un homme qui refuse d'être servi pour des considérations religieuses par une femme dans un service public, ça vous êtes d'accord avec ça? Le fait qu'on vienne interdire ça?

Mme Hamel (Pascale) : Que vous venez interdire ça? OK, oui, là je serais d'accord. Je pensais que vous disiez l'inverse, excusez-moi.

M. Jolin-Barrette : Non, non, non. Le but c'est de faire en sorte que l'égalité entre les femmes et les hommes prime sur la liberté de religion. Ça, on est d'accord là-dessus?

Mme Hamel (Pascale) : Oui, ça, je suis d'accord avec ça. Ça va.

M. Jolin-Barrette : OK.

Mme Hamel (Pascale) : Ce n'est pas de cet article-là qu'on est venu vous parler aujourd'hui, donc... c'est correct, je suis capable de répondre quand même.

M. Jolin-Barrette : OK. Bon, sur la question de l'avortement, moi, j'ai le même objectif que les différents groupes que vous avez, de s'assurer de la protection de la liberté de choix. Ça fait qu'on part là-dessus. Le débat, puis vous me corrigerez là, mais il m'apparaît que ça revient souvent dans l'actualité.

Vous l'avez dit là, au Québec, il y a des mouvements anti-choix de plus en plus présents, puis ils sont là, ils font des manifestations, ils ont attaqué la loi qui avait été présentée par l'ancien député de La Pinière, M. Barrette, par le Parti libéral, qui avait appuyé à l'unanimité à l'Assemblée nationale sur le périmètre de sécurité autour des cliniques d'avortement. Puis, moi, comme comme procureur général, j'ai défendu cette loi-là, puis on a eu un jugement de la Cour supérieure récemment, puis la loi, elle a été validée.

Dans le jugement, par contre, la juge a quand même dit que le fait de manifester contre des femmes, puis contre le personnel qui travaille dans les cliniques d'avortement, ça, c'est de la liberté d'expression. Mais ils l'ont justifié en vertu de l'article un de la charte, ça fait qu'on a réussi à préserver la disposition. C'est quand même la charte canadienne qui dit que d'insulter, de crier après des femmes, on considère ça comme de la liberté d'expression.

Moi, je vous dis, j'ai un gros, gros problème avec ça. J'ai un gros, gros problème avec le fait qu'on puisse considérer qu'il s'agit de la liberté d'expression, parce que, je n'ai pas votre expérience, votre expertise aussi, mais j'imagine que quand on décide d'aller se faire avorter, un, c'est une décision personnelle qui relève uniquement des femmes, puis on ne souhaite pas se faire écœurer quand on va à la clinique d'avortement. Ça fait que, tu sais, puis je suis d'accord avec vous, les groupes anti-choix, ils sont là, puis il faut les surveiller bien comme il faut.

Après ça, à chaque élection fédérale, ça revient dans l'actualité parce qu'on a des députés à Ottawa qui sont anti-avortement, puis ils s'essayent de toutes les façons possibles. Il y a des pétitions qui ont été déposées pas plus tard que 2024 au Parlement fédéral. En 2020, il y a un projet de loi qui a été déposé, qui a été appuyé par plus de 80 députés pour restreindre l'accès à l'avortement aussi. Alors, moi, je vous dirais, ça me préoccupe beaucoup. Puis, l'objectif de l'article 29, c'est justement de dire que le gouvernement du Québec là, actuellement et pour le futur, va prendre fait et cause si jamais le fédéral restreint le droit à l'avortement, ce qui... ce qui pourrait arriver demain matin, là, on n'est pas à l'abri de ça...

M. Jolin-Barrette : ...parce que le législateur fédéral peut le faire, là, il y a un amendement qui peut être déposé au Code criminel, tout ça. Moi, je veux m'assurer que l'État québécois soit du côté des femmes et fasse en sorte de justement exercer le leadership qu'on a choisi au Québec. Ça fait que, ça, c'est la démarche derrière ça. Puis... on est dans une situation aussi où, oui, c'est vrai que l'état du droit, actuellement, la jurisprudence le prévoit, mais aux États-Unis aussi, c'était comme ça. Puis ça ne prend pas nécessairement une loi pour contester cet État de droit là. Voici l'état d'esprit dans lequel on a réfléchi ça, je voulais vous le partager. Puis je voulais vous entendre là-dessus, puis je vous ai bien entendu en... préliminaire, puis je l'ai dit avant la commission parlementaire, que je voulais écouter tous les groupes, puis réfléchir à tout ça, puis ce que vous me dites, ça me fait réfléchir aussi, mais je voulais juste qu'on puisse avoir cet échange-là à partir du moment où je porte à votre attention ces éléments-là.

Mme Hamel (Pascale) : Je comprends que le gouvernement veut faire une bonne action, ça on le comprend, mais nous, tu sais, quand je vais parler en tant que SOS Grossesse Estrie, je fais aussi partie de comité... en avortements au Québec, comme je mentionnais, ça fait 28 ans que je travaille sur SOS Grossesse Estrie, j'ai entendu des partis politiques essayer de, justement, mettre des amendements, en tout cas, il y a eu... depuis 28 ans, j'en ai vu passer, même on avait une limite, bien, ce n'était pas une limite là, mais il y avait, tu sais, des femmes qui ne pouvaient pas se faire avorter au-delà de 20 semaines il y a plusieurs années parce qu'il n'y avait pas d'équipe médicale pour le pratiquer. J'ai référé des femmes aux États-Unis, donc j'ai vécu quand même tout ça, je comprends très bien que ce que vous pensez que mettre le mot avortement protégerait les femmes du Québec. Je suis heureuse qu'on protège les femmes du Québec. Non, je ne veux pas que des personnes crient après les femmes qui se fassent avorter.

Mais dans les comités qu'on a eus, il y a aussi, également, on fait partie de la fédération FQPN, Fédération québécoise... excusez, là, j'ai un blanc de mémoire, là...

• (12 h 40) •

M. Jolin-Barrette : Du planning des naissances.

Mme Hamel (Pascale) : Oui, c'est ça, voilà, c'est le stress. La FQPN, on en fait partie, ils ont écrit un gros mémoire, on en a... on a participé à ça également, il y a beaucoup plus d'informations, on avait participé avec la ministre Biron à des échanges, elle nous a écoutés à plusieurs reprises, elle pensait faire la même chose, c'est pour ça qu'on dit, on... c'est comme si on refait le travail. Je ne dis pas que votre idée n'est pas bonne, mais nous, dans ce qu'on voit avec le Collège des médecins, avec les organismes, bien c'est que c'est plus à risque ça, que de laisser ça, comme c'est là, protégé par la Charte des droits et libertés.

Aux États-Unis, oui, il y a eu un renversement de loi, j'ai suivi ça un peu, quand même, parce qu'on a été sollicités beaucoup, là, quand c'est arrivé dans les médias, parce que ça amenait beaucoup de crainte malgré tout au Canada. Mais on sait que la personne qui était quand même là avant que ça se passe avait mis des personnes au gouvernement qui étaient anti-choix. Donc je pense que si ici on réussit à avoir des députés puis des gens au gouvernement qui sont pro-choix, on risque moins de vivre, ça peut-être ici, au Canada. Comme j'ai dit, je ne suis pas... je n'ai pas étudié en droit, mais pour nous autres, de ce qu'on voit avec les comités qu'on a eus, avec les réflexions, on vous ramène que nous, on sent que c'est plus dangereux. J'avais aussi une statistique, il y avait la France en 2024 qui a finalement constitutionnalisé l'avortement, puis maintenant il y aurait une limite de 14 semaines que j'ai vue dernièrement, donc...

M. Jolin-Barrette : Oui, c'était... c'était déjà là avant la constitutionnalisation, donc ils l'ont mis, donc la France c'est un système différent. La démarche qu'on vous propose, la démarche de ma collègue, c'était de légiférer sur le droit à l'avortement. C'était ça, à l'époque, ce que Mme Biron proposait.

Là, ce n'est pas ça qu'on vous propose, c'est vraiment de positionner l'État québécois avec une obligation d'agir pour faire en sorte, justement, que les gouvernements, ils soient encapsulés, ils soient enchâssés pour avoir une obligation de défendre ce droit-là. Puis, vous savez, dans les différentes chartes, là, on vient dire quels sont les droits, parce qu'il y a une question aussi de positionnement comme société. Il faut être... il faut être capable de nommer les choses dans nos lois fondamentales pour dire : Eille, au Québec, là, les femmes, elles ont le droit de choisir, puis l'État québécois va devoir le défendre. Parce qu'on n'est pas à l'abri par la suite d'un renversement jurisprudentiel, on n'est pas à l'abri de quelqu'un qui va déposer... Ça fait que je comprends très bien ce que vous me dites, puis je l'accueille, puis je vais réfléchir à tout ça. Donc je vous remercie beaucoup pour votre présence.

Le Président (M. Bachand) : Merci, M. le ministre. M. le député d'Acadie, s'il vous plaît.

M. Morin : Merci, monsieur...

M. Morin : ...le Président, bonjour mesdames Hamel et Dugré, merci pour votre passage à la commission et le document que vous nous avez déposé. J'ai une question pour vous, j'aimerais, j'aimerais comprendre, si vous pouviez préciser, parce qu'à la fin de votre document, vous écrivez : SOS Grossesse Estrie rejette fermement le processus entourant le projet de loi no° 1. Et... qu'est ce que vous voulez dire par ça? Pouvez-vous élaborer davantage, s'il vous plaît?

Mme Hamel (Pascale) : C'est peut-être une erreur, là, s'il n'a pas été... c'est parce que je cherche le document, je suis désolée, en même temps, parce que là, aujourd'hui, on vous a fait une présentation plus élaborée. On avait été invités à écrire un mémoire, mais on ne savait pas qu'on avait l'heureuse... qu'on aurait été invitées ici, avec vous. Mais... puis, ça... parce que je cherche le document, si ça a été écrit de cette façon...

M. Morin : C'est parce que c'est à la... c'est à la toute fin de votre document. C'est écrit en caractères gras : S.O.S Grossesse Estrie rejette fermement le processus entourant le projet de loi n° 1. Et par la suite, vous dites : Recommandations : retrait de l'article 29, dont on a parlé beaucoup, j'aurai aussi quelques questions pour vous, mais mon... mon attention s'est d'abord arrêtée là-dessus. Puis qu'est ce que vous voulez dire? Est-ce que vous pouvez élaborer davantage?

Mme Hamel (Pascale) : Je peux vous dire, c'est que dans le fond, c'est la façon dont il a été écrit, il n'a pas été écrit de la bonne façon. C'était vraiment en lien seulement avec l'article 29, qu'on faisait une... qu'on faisait un rejet là, dans le fond. Ça fait que, désolée.

M. Morin : Non, non, non, je vous... je vous en prie, là, je voulais... je voulais bien comprendre votre pensée, votre position. Maintenant, il n'y a pas eu de consultation préalable avant le dépôt du projet de loi. Et donc on a un projet de loi qui a été déposé par le gouvernement, et il y a l'article 29 dedans. Pensez vous que ça aurait été souhaitable qu'il y ait une consultation transpartisane préalable, où on aurait pu parler à tous les membres, les groupes de la société civile, et où vous auriez pu exprimer vos craintes avant même qu'on se ramasse avec un projet de loi qui est devant le Parlement, puis là, bien, il faut travailler, il faut travailler avec. Pouvez-vous, pouvez-vous partager votre réflexion là-dessus avec... avec la commission, s'il vous plaît?

Mme Hamel (Pascale) : Là, j'ai compris que M. Jolin-Barrette a expliqué la différence entre Mme Biron, ce qu'elle proposait et lui... et M. Jolin-Barrette, mais oui, c'est sûr qu'elle nous avait consultés, donc une consultation, si on consulte la population générale, ce n'est pas la même chose que de faire une consultation auprès d'organismes communautaires, auprès de professionnels de la santé qui travaillent au niveau du dossier de l'avortement. Moi, si j'en jase avec des gens ici et là, souvent ils ne comprennent pas parce qu'ils ne travaillent pas là-dedans. Ils ne sont pas, à tous les jours, avec les femmes, avec le vécu, puis avec toutes les inquiétudes que nous, comme groupe, ça peut amener. Donc, consulter les organismes, consulter les professionnels de la santé, consulter encore des juges, avoir... un plus grand avis avant de prendre une décision. Je ne sais pas s'il est trop tard, mais s'il n'est pas trop tard, nous, on va se rendre disponibles malgré qu'on n'a pas beaucoup de temps parce qu'on est dans la lutte des anti-choix en Estrie, présentement, et au Québec. Mais... puis on a aussi nos services sur le terrain... c'est ça, avec les femmes.

M. Morin : Oui, je vous comprends.

Mme Hamel (Pascale) : Est-ce que ça répond à votre question?

M. Morin : Bien, en partie, parce que, avant même que le projet de loi soit rédigé, le... le ministre avait demandé à deux experts, messieurs Rousseau et Proulx, de lui proposer des recommandations sur un projet de constitution. Et une des premières recommandations était à l'effet qu'il fallait une consultation transpartisane, qui aurait pu inclure des citoyens, dans toutes les régions du Québec pour recueillir, justement, l'ensemble des commentaires des citoyens. Et à mon avis, ce processus-là aurait permis, évidemment, aurait eu une procédure plus... plus souple, donc, on aurait même pu vous parler plus longtemps, on aurait pu vous écouter plus longtemps. Ça n'a pas été fait. Pensez-vous que ça aurait été une bonne chose?

Mme Hamel (Pascale) : Oui, comme je viens de nommer, ça aurait été une bonne chose, puis quand je dis : les citoyens ne sont pas nécessairement au courant, ça ne veut pas dire de ne pas les consulter, mais de, peut-être, les informer davantage. On aurait peut-être pu faire, s'il y a une conférence avec plein d'organismes, avec des citoyens, expliquer ce qu'on vit, un peu, ce qu'on vous a expliqué aujourd'hui avec le résumé de huit minutes? Mais, tu sais, j'ai des amis qui m'ont...

Mme Hamel (Pascale) : ...dire OK, mais c'est quoi exactement que tu vas faire aujourd'hui? Pourquoi que c'est dangereux? Bien, je vais prendre du temps avec eux autres parce que, puis pourtant c'est des gens, des professionnels de la santé, une infirmière, tout ça, mais quand tu ne travailles pas là-dedans, tu ne comprends pas de la même façon que quand, c'est ça, quand on est soit dans les organismes communautaires qui réfèrent vers l'avortement ou des professionnels qui pratiquent l'avortement ou... donc oui, une consultation aurait été souhaitable. Puis, s'il y a possibilité, je ne sais pas, comme je vous dis, je ne connais pas au niveau de la loi, mais s'il y a possibilité de revenir en arrière avec une consultation avant que ce soit accepté, je crois que ça serait préférable.

M. Morin : Bien je vous remercie parce que c'est justement ce que je demande au gouvernement. Ça fait que là-dessus, on partage... on est dans la même communauté, n'est-ce pas, de pensée d'intérêt?

Mme Hamel (Pascale) : Merci.

M. Morin : Évidemment, vous, vous trouvez que l'état actuel du droit au Canada et au Québec est suffisamment précis en ce qui a trait à la protection du choix des femmes d'avoir une interruption volontaire de grossesse et donc, évidemment, ce que vous dites, au fond, c'est que si vous poser un geste puis que vous apporter des critères ou des paramètres nouveaux, bien là, vous risquez d'engendrer des consultations et après ça, des contestations de votre disposition.

Mme Hamel (Pascale) : C'est ça.

M. Morin : Et donc c'est la crainte que vous exprimez aujourd'hui.

Mme Hamel (Pascale) : Oui, c'est la crainte qu'on exprime. Comme je le disais, il y a des... il y a des personnes au gouvernement que, depuis de nombreuses années, qui ont essayé de mettre des barrières, de mettre le... de reconnaître le foetus, tu sais, il y a... on en entend parler, ça fait des années et, nous, en mettant... en mettant ça, bien, le mot avortement, on a vraiment peur que ça mette... que ça amène des restrictions. C'est ça. C'est que... bien, je ne veux pas nommer nécessairement, quel parti, etc. du gouvernement, mais on...

• (12 h 50) •

M. Morin : Non, non, c'est ça.

Mme Hamel (Pascale) : On en a plusieurs, puis... c'est ça. Donc, pour nous autres, c'est vraiment un danger qu'on voit, puis qu'on voit dans d'autres pays, puis quand il y a des limites... tu sais les... souvent les gens sont inquiets à cause des avortements de troisième trimestre, mais c'est très, très rare, là. Donc, quand on le vit, quand on aide les femmes, la plupart des avortements se passent en début de grossesse, le temps qu'on l'apprenne, on prend une décision, etc., ça fait entre 8 et 12 semaines de grossesse, mais c'est quand on dépasse la limite, c'est là qu'on voit que... soit la population ou des personnes qui sont... qui sont contre l'avortement. Là, ça vient les déranger, mais c'est très rare, puis c'est pour des raisons de toutes sortes, puis de toute façon, on est qui, nous, pour décider si la femme c'est le meilleur choix pour elle? C'est à la femme de décider. Donc, mettre des restrictions, pour nous autres, ça va limiter et des femmes, des fois, qui l'apprennent très tard qu'elles sont enceintes pour différentes raisons, soit qu'elles prennent une méthode de contraception, qu'elles ne s'aperçoivent pas qu'elle est enceinte, puis là, elle n'aurait comme plus le droit si jamais un jour il y a des restrictions qui sont mises à cause qu'on a mis le mot avortement au Québec, là, dans la loi. Donc, c'est ces inquiétudes-là qu'on a.

M. Morin : Très bien. Merci beaucoup. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bachand) :Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. M. le député de Saint-Henri—Sainte-Anne, s'il vous plaît.

M. Cliche-Rivard : Bonjour à vous deux. Merci beaucoup de votre présentation, merci de votre document également. Écoutez, vous avez eu une période d'échange avec le ministre, je me demande si vous vous en sortez convaincu. Est-ce que vous changez de position ou si vous vous êtes plus que jamais déterminée que vous détenez la bonne position?

Mme Hamel (Pascale) : Parce qu'on travaille avec de nombreux organismes sur un comité de veille en avortement, on a eu ces discussions-là régulièrement avec d'autres organismes, d'autres intervenants, des professionnels qui pratiquent dans les cliniques d'avortement. On ne changera pas de décision, on va garder la même parce que, pour nous autres, dans notre compréhension et il y a quand même, bon, des juges, il y a quand même des personnes de la loi qui nous ont aidés dans cette réflexion-là, on ne changera pas de décision, nous...

Pourquoi on mettrait avortement? Est-ce qu'il faudrait mettre d'autres soins de santé? Tu sais, il faudrait faire une liste, puis à un moment donné, ils vont en manquer? Tu sais, donc l'avortement, c'est un soin de santé comme tous les autres et, pour nous, on considère qu'il est bien protégé de cette façon-là. Oui, on a... moi, depuis 28 ans, j'ai eu des inquiétudes, je pense, très souvent parce qu'il y a eu des... c'est ça, gens au gouvernement qui ont essayé de mettre des amendements, ils ont essayé de toutes sortes de façons de mettre des droits au fœtus, mais là, ça m'inquiète encore plus ce qu'on vit là pour la génération future. Puis c'est pour ça aujourd'hui que je suis ici...

M. Cliche-Rivard : Je comprends.

Mme Hamel (Pascale) : ...parce que ce n'est pas... c'est la première fois, dans le fond, c'est notre première fois ici, à faire une présentation, on n'est pas habitués de faire ça, c'est quand même stressant, mais je le fais pour la génération future parce que ça m'inquiète vraiment.

M. Cliche-Rivard : Puis vous le... vous le faites très bien, merci. On partage vos préoccupations, là, je partage aussi votre lecture des choses. Il y avait un article du Devoir quand même moi qui m'a fait sursauter, ça disait en voulant ajouter la liberté d'avortement dans la constitution du Québec...

M. Cliche-Rivard : ...le gouvernement Legault offre une nouvelle cible à abattre». Ça, c'est l'association anti-choix Campagne Québec Vie qui dit ça. Moi, ça m'a fait quand même bondir, là, que ça fédérait les associations anti-choix. Comment vous vous êtes senti quand vous avez lu ça?

Mme Hamel (Pascale) : Bien, c'est sûr que les anti-choix, eux autres, tu sais, bie, on les suit sur les réseaux, ils nous suivent aussi, ça, on le sait, parce que des fois on voit des... des façons d'écrire sur notre site qu'ils copient, etc. Parce qu'ils essaient de se faire passer pour des groupes pro-choix. Et encore, juste pour dire, la semaine dernière, ils avaient réussi à mettre une publicité dans un agenda, je ne nommerai pas laquelle, mais un agenda de professionnel de la santé. Alors c'était le groupe anti-choix qui était dans cet agenda-là, alors quelqu'un a vu ça passer sur une story, une story qui dure 24 h. Heureusement qu'ils l'ont vu, les agendas n'ont pas été distribués, mais ça m'a mis vraiment, vendredi passé, en colère, et ces groupes-là travaillent avec Campagne Québec Vie campagne, Campagne Québec Vie ont... il y a deux ans, ont fait la première marche au Québec, pro-vie. Donc, ils sont de plus en plus... c'est ça, visibles, et c'est de plus en plus, là... de se faire voir, puis, ici à Sherbrooke, on... parce qu'on est à Sherbrooke, ici, les locaux de SOS Grossesse, puis ils sont là depuis quatre ans avec une pancarte pendant les 40 jours, donc avec leur numéro de téléphone..., etc. Donc, on a beaucoup d'inquiétudes par rapport aux anti-choix, puis... je ne sais pas si ça répond à votre question, là.

M. Cliche-Rivard : Ça répond très bien à ma question. Je voulais vous

remercier beaucoup de votre temps.

Mme Dugré (Émilie) : Est-ce que je peux ajouter...

Le Président (M. Bachand) : Oui, rapidement, Mme Dugré.

Mme Dugré (Émilie) : Oui, je veux ajouter quelque chose.Merci, M. le Président. Donc, effectivement, je pense que ce que Mme Hamel a dit, c'est : il faut avoir une inquiétude réelle par rapport à la montée des mouvements anti-choix au Québec. On sait que, tu sais, dans les dernières années, on le voit concrètement, bon, il y a 10 ans, il y a 15 ans, on en entendait peu parler. Maintenant, ils sont très actifs, ils sont très actifs sur les médias sociaux, également, pour présenter des services, puis ce n'est vraiment pas évident, je vous dirais, tu sais, il y a énormément de désinformation, ils se présentent comme des organismes pro-choix, souvent, sur leur site web, sur leur page Facebook, et je vous inviterais à visionner deux beaux documentaires : La peur au ventre, qui a été réalisé par Léa Clermont-Dion et Libre de choisir, qui a été réalisé par Julie Boivert et Élise Ekker-Lambert, je crois que certains députés ont vu ce deuxième documentaire. Je pense que ça nous donne une belle idée de la situation, là, au Québec.

Le Président (M. Bachand) :Mme Hamel, Mme Dugré, merci beaucoup. Bravo pour le travail que vous faites à SOS grossesse. Puis je vais me permettre, aussi, parce que je vois la pancarte Moisson Estrie, alors vous autres aussi, vous êtes un organisme qui fait un super bon boulot en Estrie, on est très contents. Alors, merci beaucoup d'avoir participé à la commission. Cela dit, la commission ajourne ses travaux au mardi 9 décembre à 10 h, où elle va poursuivre son mandat. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 12 h 56)


 
 

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