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Version finale

31st Legislature, 4th Session
(March 6, 1979 au June 18, 1980)

Friday, December 21, 1979 - Vol. 21 N° 259

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Objectifs et orientation de la Société générale de financement - Étude de la directive no 2


Journal des débats

 

Objectifs et orientation de la Société générale de financement

Etude de la directive no 2

(Douze heures six minutes)

Le Président (M. Laberge): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de l'industrie, du commerce et du tourisme continue les travaux qui ont été entrepris le 29 novembre à propos de la Société générale de financement, et plus spécialement concernant la directive no 2 donnée à cette société.

Les membres de cette commission sont: M. Dubois (Huntingdon), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Grégoire (Frontenac), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine) remplacée par M. Perron (Duplessis), M. Lefebvre (Viau), M. Ouellette (Beauce-Nord), M. Raynauld (Outremont), M. Sco-wen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Shaw (Pointe-Claire), M. Tremblay (Gouin) remplacé par M. Duhaime (Saint-Maurice).

Peuvent aussi intervenir: M. Gagnon (Champlain), M. Godin (Mercier), M. Goulet (Bellechasse), M. Landry (Fabre), M. Marchand (Laurier), M. Michaud (Laprairie), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier). Les membres de cette commission sont-ils d'accord pour que le député de Duplessis soit rapporteur?

M. Raynauld: D'accord.

Le Président (M. Laberge): M. Perron (Duplessis) sera rapporteur de la commission. Y a-t-il une façon particulière de procéder? Le ministre a-t-il une déclaration à faire au départ ou s'il attend des questions en particulier? M. le ministre.

Directive no 2

M. Duhaime: M. le Président, c'est essentiellement la continuation de la commission parlementaire qui a siégé l'autre jour sur la directive no 2 qui, pour les fins du journal des Débats, mériterait d'être explicitée.

Le Président (M. Laberge): Voulez-vous que nous lisions d'abord cette directive?

M. Duhaime: Non, ce n'est pas nécessaire. C'est simplement ce qu'on appelle la directive no 2 à la SGF, relativement à une participation dans un consortium québécois, dans le but de produire des oléfines et autres produits connexes. Nous avons eu l'occasion d'entendre, jusqu'à présent, les gens de la SGF, le président-directeur général et les principaux officiers de la SGF impliqués dans ce dossier. Je pense que le gouvernement a eu l'occasion de faire connaître tout son dossier pour ce qui est de la directive no 2. Si je comprends bien le but de notre séance de ce matin, c'est que le député de Notre-Dame-de-Grâce avait demandé une séance additionnelle. Alors, j'imagine qu'on doit être à la veille de savoir pourquoi?

Le Président (M. Laberge): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. J'ai essentiellement deux questions à poser au ministre mais, avant de les poser, je veux les situer dans un contexte. Je comprends que ce soit la dernière journée de la session, mais c'est possible que ce soit un moment historique, ici ce matin; si nous nous embarquons dans un autre secteur, cela pourrait facilement devenir une voie sans issue avec d'autres secteurs dans les sociétés d'Etat, et je pense que c'est très important qu'on donne les réponses sérieuses et concrètes à ces deux questions.

La première, je l'ai déjà soulevée avec le ministre, concerne le champ d'activité visé par la directive. J'ai suggéré au ministre que le premier article de la directive no 2 avait pour effet d'ajouter toutes les activités d'un groupe no 18 de la classification du Bureau de la statistique du Québec, dont le pétrole et le charbon. Cela permet à la Société générale de financement de s'occuper de ces activités, d'ajouter ce groupe à la liste des groupes qui sont déjà approuvés dans lesdirectives no 1. Dans ces directives, vous avez douze groupes dans lesquels la société peut déjà faire affaires. La directive no 2 a deux volets. Le premier article, c'est le volet qui donne le droit à la société de s'occuper de ce groupe. Les trois derniers articles sont des articles qui portent sur un projet précis, un projet Carbide Gulf. Nous croyons que ce n'est pas l'intention du gouvernement de permettre à la Société générale de financement de faire affaires dans les pétroles et les charbons. La raison qui nous mène à cette conclusion c'est que vous ne nous avez donné aucune documentation pertinente pour une affaire de cette ampleur.

Le document que vous nous montrez, M. le ministre, touche la pétrochimie seulement; il n'est pas question de pétrole ou de charbon. Vous avez dit, la semaine passée, quand on s'est rencontré la dernière fois, que ce n'était pas l'intention du gouvernement de permettre à la SGF de s'occuper du secteur complet du groupe no 18, pétrole et charbon. Mais en émettant cette directive avec le premier article, vous donnez, en effet, à la Société générale de financement le droit de faire affaires dans ce secteur, pourvu, bien sûr, qu'elle reçoive une directive du gouvernement pour chaque nouvel investissement dans ce domaine.

La différence clé qui nous préoccupe, c'est que dans l'article 16, paragraphe 4, on lit: "Une directive autorisant la société à investir dans un domaine visé dans l'article 4a ainsi que les documents pertinents doivent faire l'objet d'un débat à la commission élue de l'industrie et du commerce", etc.

Notre interprétation de l'affaire, M. le ministre, c'est que, dorénavant, le gouvernement peut élar-

gir le champ d'activité de la SGF dans le secteur 18, pétrole et charbon, et lui permettre de faire de nouveaux investissements, conformément à l'article 16, avec une directive approuvée par le lieutenant-gouverneur en conseil, mais il y a des directives qui ne seront pas nécessairement soumises à une commission parlementaire pour approbation parce que ce sera un groupe qui est déjà approuvé par les modalités prévues dans l'article 4a. Cette distinction entre une directive émise par le lieutenant-gouverneur en conseil et une directive émise par le lieutenant-gouverneur en conseil qui est obligatoirement vue et discutée par une commission parlementaire est pour nous un élément essentiel. L'objectif de cet article était d'empêcher la Société générale de financement de commencer à faire des affaires dans de nouveaux secteurs de l'industrie sans que l'Assemblée nationale n'en ait pris connaissance et n'ait l'occasion de poser les questions. (12 h 15)

Nous vous avons dit clairement que ce n'est pas l'intention de cette commission parlementaire et de cette directive de donner le droit à la Société générale de financement de s'occuper de tout le secteur 18, pétrole et charbon. Vous n'avez soumis aucune documentation pour les justifier. Alors, nous trouvons que ce premier article ne doit pas exister, pour les raisons que je viens d'expliquer.

Avant de passer à un deuxième sujet, je veux simplement demander si le ministre ne peut pas accepter de changer le premier article en biffant "le groupe no 18" et en substituant le sous-numéro... je ne me le rappelle pas pour le moment, mais c'est dans mon dossier.

C'est le groupe numéro 18, sous-groupe 369: Fabricants de dérivés divers du pétrole et du charbon. Alors, si vous pouvez accepter de changer le premier article de cette façon, je pense que le premier problème que je viens de décrire sera réglé.

M. Raynauld: Pendant qu'on se consulte pour avoir des informations additionnelles sur le contenu des groupes en question, est-ce que je pourrais poser une question un peu simpliste au ministre? Pourquoi trouvez-vous nécessaire d'avoir le paragraphe 1? Au fond, notre problème, c'est ce paragraphe. En réalité, la directive porte sur les articles 2, 3 et 4. C'est cela, la directive. La directive, c'est de permettre la formation d'un consortium québécois de production d'oléfines et d'autres produits connexes. Le paragraphe 4 dit: "Le secteur de la pétrochimie devient ainsi un des secteurs jugés prioritaires." Il me semble que c'est l'essentiel. L'article 1 est un élargissement éventuel considérable qui déborde de beaucoup le contenu de la directive. Alors, c'est ce qui a amené mon collègue à se dire: Avec la mécanique — que je ne comprends pas parfaitement — et la dynamique qu'il y a là-dedans, le premier paragraphe pourrait permettre au gouvernement d'aller bien au-delà du contenu de la directive en tant que telle, comme les paragraphes 2, 3 et 4 la donnent. Là, la question est de savoir si cette permission qui est don- née en vertu de l'article 1 va dispenser le gouvernement de présenter des directives, parce qu'on pourrait invoquer l'article 4a de la loi de la SGF et à ce moment, elle pourra continuer dans des secteurs que nous considérerons peut-être comme étant tout à fait étrangers à ce qui est prévu dans la directive de façon spécifique. C'est là qu'est la difficulté. J'ai demandé également d'aller voir les groupes statistiques. Je ne les connais pas par coeur, mais j'ai déjà beaucoup travaillé là-dedans. Ces 20 groupes manufacturiers sont des groupes énormes. Il y a des centaines d'industries là-dedans.

Tout est regroupé en vingt groupes. Sous ces vingt groupes, il y a encore deux ou trois catégories. On appelle cela une catégorie à deux chiffres. Après cela, il y a trois chiffres, quatre chiffres. Il y a un très grand nombre d'industries. Je suis même en train de me demander si la directive, en réalité, ne porte pas sur le groupe 19. En vertu des paragraphes 2, 3 et 4, je me demande si ce n'est pas autant le groupe 19 que le groupe 18, parce que, d'après le premier paragraphe, le groupe 19, c'est l'industrie chimique. J'ai l'impression que le groupe 18 n'est pas suffisant, de toute façon, pour vraiment remplir les exigences des paragraphes 2, 3 et 4.

Il me semble que, si on voulait essayer de résoudre cette difficulté-là rapidement, le moyen le plus simple serait d'enlever le numéro 1. J'ai l'impression que vous n'en avez pas besoin. Le contenu de la directive est donné par les trois autres paragraphes. J'ai l'impression, en tout cas, que...

M. Scowen: C'est la suggestion qu'on a faite la dernière fois de le rayer complètement, si vous vous en souvenez.

M. Raynauld: Ces groupes-là, à part cela, je les trouve très embarrassants. Je n'ai pas la liste au complet, mais je suis certain que, quand je vais l'avoir, il y aura des recoupements, des...

M. Scowen: Je veux simplement ajouter un mot à ce que mon collègue dit. A l'époque, quand on a adopté cette loi, il y a un an, on a mis cette expression "un groupe industriel". Vous la voyez dans l'article 4, par exemple, et ailleurs. Cela n'a jamais été dans l'esprit du gouvernement ou de l'Opposition de lier cette expression "groupe industriel" avec les grands groupes des industries manufacturières tels que définis par le Bureau de la statistique du Québec, etc.; l'idée, c'était un groupe de compagnies ou un groupement de compagnies. Quand j'ai vu cette première directive — j'appuie complètement ce qu'a dit le député d'Outremont — j'ai été un peu étonné de voir que vous accordiez le droit de s'occuper des groupes tels que définis dans l'annuaire du Bureau de la statistique parce que ce n'était pas cela du tout. Il s'agissait de définir le groupe avec des mots assez précis, pas nécessairement en tenant compte de la classification. J'ai fait cette suggestion ce matin

de changer le numéro dans le premier article comme une alternative qui est, pour mol, une deuxième alternative moins acceptable, quant à moi, que celle de mon collègue.

M. Duhaime: Je voudrais apporter une précision sur ce que vous disiez tantôt. Je pense qu'on s'était entendu qu'on ne peut pas dissocier comme telle l'industrie chimique des produits du pétrole. Cela m'apparaît assez évident, sauf que, si on veut donner un sens au regroupement des activités industrielles ou autres des vingt groupes qu'on retrouve au Bureau de la statistique dans la classification des activités économiques du Québec, il est bien évident que, quand on parle d'industrie chimique, c'est autre que les dérivés du pétrole et du charbon. Autrement, on aurait fait encore un autre groupe. Avant de répondre à votre premier point, j'aimerais peut-être que vous me disiez votre deuxième, parce que j'ai l'impression que c'est relié.

M. Scowen: Non, ce n'est pas relié du tout. M. Duhaime: Ce n'est pas relié?

M. Scowen: Non, c'est complètement à part. En effet, en résumé, ce sont les raisons de notre intervention dans l'industrie pétrochimique. Je veux parler un peu du document. C'est le deuxième aspect. Mais le premier c'est d'abord et avant tout de la définir.

M. Duhaime: D'une façon générale, nous avons introduit dans notre loi cette notion de directives aux sociétés d'Etat pour en avoir un contrôle plus direct de la part du gouvernement. Je vous fais part de mes inquiétudes d'une façon générale sur l'orientation que nous sommes en train de prendre comme parlementaires vis-à-vis des sociétés d'Etat et la mécanique des directives.

Je pense que c'était un net progrès, sur le plan des relations entre le gouvernement et les sociétés d'Etat, plus particulièrement pour les ministres de tutelle des sociétés d'Etat, qu'on puisse utiliser une directive, ou la directive, ou la méthode de la directive, pour donner des orientations ou des objectifs à des sociétés d'Etat.

On est parti de cette idée. Cela a cheminé, cela a fait son chemin. On retrouve aujourd'hui, aussi bien dans la loi de SIDBEC— et encore hier, en commission parlementaire, sur le projet de loi 73, nous avons longuement parlé de cette question — la notion de directive à la SGF. Ce qu'on est en train de faire — et je vous fais part de mon inquiétude — c'est que, comme parlementaires, on ajoute, à partir de la directive, on dit: Nous, on veut avoir le dépôt de la directive devant l'Assemblée nationale. Ceci veut dire qu'on rend publique au monde entier la directive du gouvernement, par l'intermédiaire d'un ministre, à une société d'Etat. Jusque-là, cela va.

Ce que nous avons ajouté par ailleurs dans le passé — et cela a été un des amendements à la loi constitutive de la SGF, la loi 108, chapitre 66, 1978 — on a ajouté une autre mécanique qui consiste, une fois que la directive est déposée, à avoir un débat, un débat en commission élue. On en est là pour l'instant.

Mon inquiétude consiste à vous dire ceci. Nous sommes dans des champs d'activités industrielles, dans un domaine où la concurrence est, d'une façon générale, farouche et on est en train littéralement d'ouvrir nos dossiers à nos concurrents. C'est le premier point.

Le deuxième, c'est que, si nous continuons dans la même veine, un jour viendra, à moins qu'on n'y mette un cran d'arrêt, qu'au-delà du débat en commission élue, on demandera que la directive soit ensuite soumise aux voix à l'Assemblée nationale. Je pense que si on s'en va dans cette direction, on va mettre en place une mécanique où les conseils d'administration, les sociétés d'Etat comme telles, vont se retrouver à peu près paralysés. C'est mon opinion.

Maintenant, pour répondre à votre question...

M. Scowen: M. le ministre, avant que vous répondiez, il y a un malentendu très profond et très important. Je veux simplement ajouter quelque chose à ce que vous venez de dire.

Il y a deux éléments dans ce que vous avez dit. Il y a la question des directives entre le gouvernement et les sociétés d'Etat. C'est une décision qui a été prise par le gouvernement, pour établir un meilleur contrôle sur quelque chose dont il avait toujours la responsabilité.

Et quant à moi, même ce que vous avez fait hier, dans le cas de SIDBEC, était un peu excessif. Je ne suis pas du tout persuadé que chaque directive autorisant une société d'Etat à investir, que chaque directive portant sur n'importe quel détail d'opération de la société, que le gouvernement, pour de bonnes raisons, décide qu'il veut faire par directives, doit être soumise à l'approbation lors d'un débat en commission parlementaire.

Je suis complètement d'accord avec votre argumentation, il y a la question de la concurrence, etc. L'idée qui était derrière le projet de loi 108, qui était le fruit d'un long débat — et cela vaut la peine de le relire — c'était un effort de la part des parlementaires d'essayer d'établir un certain contrôle sur l'élargissement des activités des sociétés d'Etat.

Ce que nous avons demandé et ce que je vous demande aujourd'hui, c'est que, franchement, dans le cas de la pétrochimie, à titre d'exemple, cela ne m'intéresse pas du tout d'écouter ou de comprendre les détails d'un consortium proposé entre le gouvernement du Québec, Gulf et Union Carbide. C'est un projet. Cela peut être bon ou mauvais. Il y en a quelques-uns qui sont d'une envergure telle que c'est probablement une bonne idée de les soumettre à une commission parlementaire. Vous n'êtes pas obligés, mais c'est quelque chose que vous aurez décidé de faire, simplement parce que vous n'êtes pas certains. Mais l'essentiel, c'est qu'aujourd'hui, nous nous lançons dans un nouveau secteur, la pétrochimie; c'est possible que l'affaire Gulf-Union Carbide

marche, c'est possible qu'elle ne marche pas. C'est possible aussi qu'à la suite de cette démarche, vous décidiez d'aller ailleurs. (12 h 30)

M. Duhaime: Je dois ajouter que, si je n'étais pas convaincu que ça allait marcher, je n'aurais pas donné la directive.

M. Scowen: J'en suis certain. Mais, quant à moi, j'essaie maintenant de parler de l'esprit de la commission parlementaire qui n'était pas du tout d'essayer de contrôler tous les investissements, certainement pas, et même pas nécessairement tous les nouveaux projets. Mais c'est l'entrée, le moment d'entrée dans un nouveau secteur, de s'assurer que toute la population, que tout le monde est conscient que, ce bon matin, le 21 décembre 1979, on se lance dans un secteur qui est aussi grand que la sidérurgie, qui peut, d'ici dix ans, pour un autre gouvernement ou peut-être vous-même, je ne sais pas, avoir des conséquences sérieuses, de grandes pertes, de grands avantages, de grandes complications. Mais, chaque fois qu'on cherchait le début de ces interventions, quand on se voyait devant Marine Industrie avec des pertes de plusieurs millions de dollars, on se demandait: How the hell did we get into this?

Si on faisait les recherches, on verrait qu'un bon matin, un ministre, avec la meilleure volonté du monde et les conseils de deux ou trois personnes, avait décidé d'acheter une petite compagnie dans les chantiers navals; c'était, semble-t-il, une bonne idée, à ce moment-là. Les autres gouvernements sont obligés de faire affaires avec ce monstre, dix ans ou quinze ans plus tard, et la version adulte de ce petit enfant qui est né sans que les raisons aient été connues et bien organisées.

Quant à moi, c'est l'essentiel, l'idée de base de la directive, paragraphe 4, de l'article 16 du projet de loi 108. Premièrement, je déplore qu'on n'ait pas assez d'information et de justification sur le raisonnement qui explique l'entrée dans la pétrochimie et je déplore que le champ d'action prévu à l'article ici...

J'espère que vous comprenez cette distinction, parce que, je le répète, ce n'est pas pour obliger la compagnie ou le gouvernement à faire débattre toutes les directives de l'investissement de chaque compagnie; on ne s'intéresse pas à ces choses.

M. Duhaime: Bon, alors, vous avez beaucoup de choses dans votre intervention. Je voudrais d'abord vous dire, dans un premier temps, que, si nous continuons — je ne parle pas de nous autour de la table; je dis nous, comme parlementaires — depuis des années, le même topo que celui que nous avons allègrement commencé — je pense que je dois plaider coupable le premier, je pense qu'on a tous un peu notre part de responsabilité on est en train d'ancrer dans l'esprit des gens, des contribuables et dans l'opinion publique que les sociétés d'Etat au Québec sont malades, qu'elles sont condamnées à tourner à perte. Vous venez tout juste vous-même, en toute bonne foi très probablement, dans un but bien légitime, de condamner les activités de la SGF dans le secteur de la construction navale.

Je pense que c'est important que je mentionne ici, pour le bénéfice de ceux qui vont avoir le loisir de nous lire un jour, que, dans tous les pays du monde, ou à peu près, dans le secteur de la construction navale, les entreprises nationales sont subventionnées, les entreprises publiques qui appartiennent aux Etats sont subventionnées dans la construction maritime, autant que le secteur agricole, et le secteur privé qui oeuvre dans la construction navale depuis les dix ou quinze dernières années, c'est un secteur largement subventionné aussi.

Dans un autre domaine, dans la sidérurgie, British Steel, qui est un de nos partenaires dans SIDBEC-Normines, est une compagnie normalisée qui appartient aux citoyens de Grande-Bretagne, qui est subventionnée; le chiffre que j'ai en tête, je pense qu'il est juste, c'est 13,4% de son chiffre d'affaires, en subventions directes de l'Etat.

Ce que nous faisons avec la SGF depuis les dernières années, c'est faire porter le poids financier à la Société générale de financement d'une activité industrielle qui est les chantiers maritimes alors qu'on sait très bien que ce secteur-là n'est pas rentable et qu'il est en déficit constant. Le gouvernement fédéral, par exemple, vient de donner un contrat, à la suite d'une soumission, à une entreprise ontarienne qui est établie à Port Wheder par exemple, compagnie qui peut se permettre de soumissionner à la baisse parce que, dans d'autres secteurs de ses activités propres comme compagnie, elle a des contrats du gouvernement fédéral sans soumissions. Ce qu'on gagne d'un côté, on peut le reporter sur l'autre. Je pense qu'il est important que je mentionne cela pour replacer les choses.

La Société générale de financement fait des profits à l'heure où je vous en parle. Le seul secteur qui tourne en déficit est le secteur de la construction maritime. J'ai ici l'état des opérations du dernier trimestre. J'ai le rapport du président. C'est une nouvelle politique qui a été étblie et qui est bénéfique, je pense, pour l'information des contribuables. On produit maintenant des rapports intérimaires semestriels, autant à la SGF qu'à SIDBEC. Le dernier rapport que j'ai en main nous indique très bien que la SGF dégage un profit de $1 million. Je voudrais qu'on arrête à un moment donné de dire que les sociétés d'Etats sont mal contrôlées, mal administrées, qu'elles vont mal, que c'est ceci, que c'est cela, alors que la situation est tout autre.

Ce que je voudrais dire également, c'est que nous devrions tous ensemble faire l'effort nécessaire pour redorer le blason de nos sociétés d'Etat. Il y a des gens qui siègent aux conseils d'administration de ces sociétés qui ont dans leur secteur d'activité des fleurons, des hommes et des femmes qui siègent aux conseils d'administration qui ont réussi dans leur domaine et qui fournissent, comme citoyens, un apport que je trouve — moi en tout cas —- méritoire. On ne les aide pas

beaucoup dans leur tâche, parce qu'on a une approche négative sur leur action. Je suis prêt à plaider coupable le premier.

Ceci étant dit, si on revient au dossier de la pétrochimie, vous avez des craintes qu'on se lance dans une nouvelle aventure. Moi aussi j'ai des craintes. C'est pourquoi nous avons pris toutes les précautions à l'étape phase I où nous sommes, avec deux partenaires, et que nous avons une possibilité de nous retirer en reprenant nos billes. Il s'agit d'un investissement projeté de l'ordre de $500 millions en phase II, horizon 1982, 1983. Je n'ai pas l'intention de reprendre ce que M. Coulombe, le président de la SGF, nous a dit ici, ni ce que M. Dupuis également nous a mentionné ou encore ce que M. Houde de la SGF nous a mentionné. C'est un secteur industriel névralgique pour le Québec, un secteur clef. Si on ne fait rien — les chiffres sont sur la table — on va être complètement dépendant des activités pétrochimiques qui vont se passer ailleurs qu'au Québec et on va sans aucun doute en payer le prix. Ce que vous voudriez que l'on fasse, finalement, si j'ai bien compris le point que vous avez développé tout à l'heure, c'est qu'on restreigne la directive no 2 pour ne pas permettre à la SGF d'avoir des activités dans le groupe défini comme étant le groupe 18, c'est-à-dire la fabrication de produits du pétrole et du charbon, et que l'on restreigne la directive à un projet, à un seul projet, celui qui est sur la table. Est-ce que je comprends bien le sens de votre argumentation?

M. Scowen: Non.

M. Duhaime: Allez-vous me l'expliquer?

M. Scowen: Oui. Simplement pour reprendre le début de votre réplique, M. le ministre, je veux répéter ce que j'ai dit il y a deux semaines. Nous ne sommes pas contre les sociétés d'Etat. Nous ne sommes même pas contre les sociétés d'Etat perdantes, celles qui perdent de l'argent. C'est très possible qu'il y ait d'autres raisons d'avoir des sociétés d'Etat ici, au Québec, qui perdent de l'argent. J'en prends une, à titre d'exemple, qui est municipale, la CTCUM à Montréal. C'est une société d'Etat, en effet, qui perd, je pense, $700 millions à $800 millions par année. Il y a des raisons, pour l'existence des activités de l'Etat dans l'économie, qui débordent les questions de profit. Tout ce que nous demandons, c'est que, quand on se lance dans un nouveau secteur...

M. Duhaime: Est-ce qu'on peut arrêter deux minutes? Ce qui est dit reste dit.

M. Scowen: De toute façon, ce que nous voulons, c'est qu'avant qu'on se lance dans de nouveaux secteurs, on explique par écrit les raisons. Si on veut dire, par exemple, qu'on veut justifier une intervention dans les chantiers navals, sachant que ce ne sera jamais rentable et même en sachant que cela pourrait se faire autrement que par les subventions à l'entreprise privée, mais tenant compte de ces deux possibilités, nous avons de bonnes raisons de nous occuper qu'on les définisse, qu'on nous permette, après, de juger si les raisons étaient justifiées, qu'on nous permette de comparer les résultats avec les objectifs.

Pour répondre directement à la question que vous venez de me poser: quant à moi, la question, aujourd'hui, ce n'est pas de justifier votre projet Gulf, Union Carbide, gouvernement du Québec. C'est un projet, c'est le projet que vous vous êtes incités à vous occuper dans le secteur pétrochimique. Mais, en 1968, vous avez acheté une petite compagnie, DOSCO. Je pense, si je me rappelle bien, que cela a coûté à peu près la même chose que celui-ci, à peu près $100 millions; $60 millions, c'est une petite affaire! Si les personnes avaient dit: Ecoutez, DOSCO c'est une affaire, je ne sais pas si c'est bon ou non, mais est-ce que vous réalisez que vous avez des conséquences qui découlent de ce petit achat d'une petite aciérie à Contrecoeur? Les implications qui vont suivre pourront être énormes. Alors, on doit s'asseoir d'abord et décider si nous voulons ouvrir le rôle de l'Etat dans le domaine de l'acier. C'est cela qui se passe aujourd'hui. Sur la base d'un projet spécifique, on se lance dans un secteur et je veux savoir pourquoi on se lance dans le secteur. Tout ce que j'ai dit maintenant a déjà été dit, il y a un an, et c'est pourquoi la loi a été écrite comme elle est écrite. Quand je cherchais la justification, j'ai lu le document et, finalement, je suis rendu à la dernière page qui est la seule page, dans ce document, qui essaie de faire suite à la demande de cet article et cela s'appelle "la participation de la SGF dans le secteur pétrochimique en résumé"; c'est tout le raisonnement que nous avons, la dernière page, pour justifier cette intervention importante. Je ne parle pas de Gulf, Carbide, je parle, et je me répète pour la nième fois, de notre démarche dans un nouveau secteur.

Alors, la chose qui m'intéresse c'est, premièrement, de définir les directives pour qu'elles soient conformes à la page disant que vous vous donnez le droit d'entrer dans le secteur pétrochimique et non dans le secteur du pétrole et du charbon, qui est beaucoup plus étendu et, deuxièmement, que cette page devienne un peu plus étoffée pour que nous puissions avoir des raisons plus solides que cela.

M. Duhaime: Vous permettez, 30 secondes, je ne peux pas vous suivre dans votre raisonnement parce que le document que vous avez en main est un document d'accompagnement. Je vais aller plus loin que cela, j'aurais très bien pu venir devant la commission parlementaire pour tenir le débat sur la directive sans fournir aucun document. Je pense que la loi 108 nous contraint à joindre à la directive des documents pertinents à la directive. Ici, ce n'est pas un document qui est relié comme tel à la directive, c'est un document que j'ai demandé à la SGF de nous préparer pour faciliter le travail des parlementaires qui sont plus ou moins familiers avec ce secteur. Cela n'a rien à voir avec la directive comme telle et je voudrais qu'il soit bien clair...

M. Scowen: Dans votre esprit, c'est quoi un document pertinent?

M. Duhaime: Que la page treize que vous venez d'évoquer de ce document n'a rien à voir avec la directive, elle a quelque chose à voir avec nos travaux en commission parlementaire, admis. Quant au reste, non. (12 h 45)

Qu'est-ce qui serait l'exemple d'un document pertinent? Je vais vous donner un exemple. Si nous devions joindre des annexes à une directive, je pense que la loi obligerait le gouvernement à déposer les annexes en même temps que la directive et ce serait un document pertinent à la directive, mais, quant au reste, il n'y a rien dans la loi 108, en lui donnant l'interprétation la plus large possible... Je l'ai lue et relue plusieurs fois; je n'ai pas participé aux débats qui ont conduit à la sanction de la loi 108, elle a été sanctionnée le 22 décembre 1978, mais j'ai cependant relu ce qui a été dit en commission, j'en ai même des extraits devant moi et si je puis trouver le paragraphe pertinent, je vais vous citer... Je n'arrive pas à le retrouver, mais c'est votre collègue, le député de Saint-Laurent, M. Forget, qui était à la commission parlementaire. Donnez-moi deux secondes et je vais le retrouver.

M. Raynauld: Je pourrais peut-être indiquer ce que nous avons compris de ça, de notre côté; j'ai participé à ces négociations tardives sur ce projet de loi en décembre 1978 avec mon collègue de Saint-Laurent. Je pense que, avant de faire ça, j'aimerais qu'on se résume, étant donné qu'il faudrait terminer bientôt et essayer de tirer des conclusions.

Le premier point, c'est à propos du contenu de la directive qui nous est donnée. Personnellement, je réitère la suggestion d'éliminer le paragraphe 1 de la directive, étant donné que ça ne sera pas seulement une approbation du projet en particulier puisque, dans le paragraphe 4 de la directive, telle qu'elle serait, cela permettrait quand même d'affirmer que le secteur de la pétrochimie devient un des secteurs jugés prioritaires. Cela répond, je pense, à l'objectif essentiel du gouvernement de ce côté, mais ça, c'est sur le contenu de la directive et j'aimerais que notre débat ne porte pas seulement là-dessus, parce que ça dérive beaucoup et je veux arriver au fond.

Sur le fond, l'intention initiale, de ce côté-ci de l'Assemblée en tout cas, lorsque nous avons eu ce débat sur les directives et sur les relations entre les sociétés d'Etat et l'Assemblée nationale, était que nous ayons un débat de fond sur les décisions d'une très grande importance. On a interprété ça comme étant une occasion pour les parlementaires de participer à des orientations majeures et l'adoption d'un nouveau secteur de développement pour une société d'Etat était, à nos yeux, une de ces orientations majeures. Nous voulions, à ce moment, un débat de fond.

Le problème qui s'est posé depuis, à l'occasion de ces deux directives qui ont été émises, c'est qu'on n'a pas eu de débat sur le fond. En ce qui concerne l'orientation de la SGF dans la pétrochimie, on a eu une séance où on a pu écouter les gens parler, mais on n'a pas eu de débat sur le fond et on voudrait avoir des documents qui nous permettent d'avoir ce débat sur le fond, lorsqu'il s'agit, encore une fois, d'une orientation majeure, nouvelle de la part d'une société d'Etat.

Si on suivait l'esprit, sinon la lettre de la loi, les documents pertinents devraient inclure, il me semble, une étude de faisabilité, une étude sur les marchés, une étude sur les taux de rendement qui sont attendus de la part de la société d'Etat, lorsqu'elle s'engage dans un champ d'orientation nouveau. Il y a une foule de documents. Mais c'était l'esprit avec lequel on avait abordé ce problème. Ce n'était pas pour discuter en deux paragraphes le contenu d'une directive comme celle-là. C'est davantage pour clarifier les relations entre le gouvernement et la société d'Etat. Je pense que cela peut se défendre. Moi aussi, de mon côté, j'ai quelques réserves sur la procédure qui a été adoptée. Mais cela n'a rien à voir, à mes yeux, avec l'intention que nous avions de participer aux grandes décisions qui vont orienter et commander, en plus, toute une série de décisions particulières de la part du gouvernement.

Mon collègue a fait allusion à DOSCO et au premier investissement de $60 millions. Là, on nous dit, cette fois-ci — on se pense bien habile — qu'on a la possibilité de se retirer si on n'est pas satisfait des développements dans le secteur de la pétrochimie d'ici deux ou trois ans. Mais c'est de la mécanique. Le problème n'est pas là. Le problème de fond est de savoir s'il est avantageux, aux yeux d'un jugement global, pour la société québécoise, qu'une de nos sociétés d'Etat s'engage dans un domaine comme la pétrochimie, dans les circonstances actuelles. C'est le débat de fond.

Personnellement, je diffère d'avis avec mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce sur le fond de ces questions. Ce sont des divergences légitimes. Nous en discutons beaucoup. Personnellement, je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt de la société québécoise, à l'heure actuelle, de nous engager dans toutes sortes d'aventures; et ces aventures se sont soldées, jusqu'à maintenant, par des infusions de fonds qui proviennent de qui? Elles proviennent des contribuables québécois qui sont souvent les moins riches de notre société. Il y a des effets de redistribution absolument extraordinaires. Les gens oublient toujours que 85% des impôts dans une société comme le Québec sont payés par des gens qui ne gagnent pas $20 000. On engage des fonds comme cela dans des grandes entreprises qui, bien souvent, n'apportent pas les résultats qu'on en attendait au départ. Je veux bien qu'on ne fasse pas exprès pour attaquer les sociétés d'Etat que nous avons au Québec, mais on ne peut pas non plus se fermer complètement les yeux. On ne peut dire que cela va bien aujourd'hui dans les sociétés d'Etat en général, parce que la vérité est tout autre. Ce serait mentir à la population que de dire que les sociétés d'Etat, c'est un succès. Ce n'est pas un succès. Je le regrette. Cela n'a pas été un succès jusqu'à

maintenant et, lorsqu'on fait allusion à des succès partiels, c'est toujours avec l'idée qu'on enlève — quand on fait un jugement comme celui-là — les secteurs qui vont mal. Pour SIDBEC, on dit: Dans le secteur manufacturier, cela ne va pas si mal; ils ont fait de l'argent pendant deux mois. Mais cela fait dix ans que cela existe. Encore, il faut enlever les boulettes, sur lesquelles on fait des déficits. La SGF, c'est la même chose. On dit: Cela va bien, la SGF. On fait de l'argent depuis deux ou trois mois aussi dans la SGF. Mais n'oubliez pas d'enlever tout le secteur naval, par exemple. Alors, on enlève le secteur déficitaire et on dit: Par ailleurs, cela va bien. Je pense que ce n'est pas un jugement global adéquat que de noter qu'il peut, à certains endroits, se réaliser une certaine rentabilité. Je pense qu'on fait un jugement plus global que cela quand on fait cela. C'est pour cela que personnellement — en principe — je ne veux pas prendre une position favorable au développement des sociétés d'Etat. Je l'accepterai par exception, mais je ne veux certainement pas en faire une règle générale. Je ne vois pas qu'en règle générale...

M. Scowen: Cela devient de plus en plus clair.

M. Raynauld: ... on doive pour aucune considération, encourager des activités non rentables. Parce que la rentabilité dont nous parlons, ce n'est pas seulement une rentabilité purement financière, mais on parle d'une rentabilité globale. Une rentabilité globale, cela veut dire que c'est avantageux pour la collectivité et, quand ce n'est pas rentable dans ce sens large, il n'y a personne qui va me faire croire que c'est avantageux pour la collectivité. Ce n'est pas possible. Encore une fois, je ne reprends pas la notion de rentabilité au sens étroit du terme, où il faut faire de l'argent demain matin, mais en règle générale, dans des activités non rentables dans un sens large, c'est une activité qui n'apporte pas les avantages qu'on attend de ces activités. Par conséquent, il faut essayer autant que possible de réduire ces engagements et ces déficits, encore une fois compris dans un sens large.

Je ne veux pas aller plus loin sur cette question. Je reviens donc à l'essentiel. Il y a deux points; d'abord un point technique sur le contenu de la directive et, le deuxième, je suis obligé de déplorer le fait qu'on n'a pas eu de débat sur le fond, ce qui était l'intention de ceux qui ont adopté l'article 16 de la SGF en décembre 1978. Nous voulions avoir un débat de fond et je pense qu'il est possible d'avoir un tel débat avec des documents qui sont des documents bien connus dans n'importe quel milieu. Ce sont ces documents que nous n'avons pas vus, qui ne sont peut-être même pas préparés par les autorités compétentes parce qu'elles ne trouvent pas cela utile peut-être. Je veux bien qu'on dise: On va faire des sociétés d'Etat, on va toutes les exploiter exactement comme une société privée. Le président du conseil d'administration va arriver devant ses actionnaires et il va dire: Ayez confiance, nous avons pris une bonne décision; si notre décision n'est pas bonne, dans cinq ans vous nous mettrez dehors. C'est cela le comportement d'une société privée quand arrivent les grandes décisions: Ayez confiance en nous, nous sommes compétents, nous connaissons cela.

Nous, nous avons des sociétés publiques, des sociétés d'Etat, il me semble que c'est parce qu'on veut une certaine participation du public à ces grandes décisions. Et cette participation du public à ces grandes décisions doit passer par une Assemblée nationale, mais pas avec une seule feuille de papier et pas non plus avec le genre de document qui nous a été soumis et qu'on a considéré comme étant, soit un document d'accompagnement, soit un document pertinent. Encore une fois, j'aimerais que, la prochaine fois qu'une occasion se présentera ici, le gouvernement ne s'en tienne pas à un libellé très étroit des lois, mais qu'il accepte d'ouvrir le débat. A la fin d'un débat convenable qui devrait durer plus d'une heure, parce que cela concerne des engagements de plusieurs centaines de millions de dollars, on aurait le sentiment, après deux ou trois jours de débat, qu'on a été capable de se faire une idée, de se faire un jugement comme parlementaires, encore une fois, jugement global, pas spécialisé, pas technique, mais un jugement global sur l'opportunité de prendre de tels engagements majeurs.

M. Duhaime: M. le Président...

M. Scowen: Tenant compte du fait qu'il est presque une heure, est-ce que le ministre, dans sa réplique, peut nous dire s'il sera prêt à tenir cette commission parlementaire et nous permettre d'avoir ce débat de fond lors de la reprise de la session au mois de février?

M. Duhaime: Réponse: Non. Je voudrais répondre au député d'Outremont. Si on consentait à me donner trois minutes, je conclurais là-dessus, simplement pour essayer de tout ramasser.

La boule de cristal, quand on la regarde, ce n'est jamais facile. Il n'y a personne qui est prophète et encore moins fakir, mais il faut faire attention quand on porte des jugements d'opportunité sur l'avenir d'un secteur industriel ou d'un secteur manufacturier. Vous ne pouvez élargir le débat et aller sur le terrain du textile, par exemple, mais je le mentionne. Il y a eu des jugements très sévères qui ont été portés sur ce secteur d'activité industrielle. Aujourd'hui, les faits démentent les pronostics. (13 heures)

Je ne peux pas laisser passer ce que le député d'Outremont vient de dire, par exemple, au sujet de SIDBEC, pour ce qui est du problème de boulettes, et des chantiers maritimes de la SGF. Je vais dire essentiellement ceci pour ce qui est de SIDBEC: Je ne me sens pas, mais pas du tout solidaire des décisions de l'ancien gouvernement de passer à la phase II en amont. Ce n'est pas ma responsabilité; la décision a été prise, elle est là. Aujourd'hui, on en a les conséquences, elles sont devant nous. Ma responsabilité, maintenant, est de

tenter — de faire l'impossible également — avec la nouvelle direction de SIDBEC, de trouver une solution à ce problème.

Pour ce qui est des chantiers maritimes, si on voulait être le moindrement objectif, on reconnaîtrait qu'il y a une société d'Etat qui oeuvre dans un secteur industriel où la rentabilité est, ces années-ci, très difficile. C'est la règle qu'on retrouve à peu près partout dans le monde. Ce qu'on devrait peut-être faire — c'est mon approche personnelle en tout cas — si le gouvernement décide de maintenir ses activités dans les chantiers maritimes et qu'une société est en quelque sorte condamnée à y rester, c'est au moins, comme gouvernement, admettre que c'est déficitaire au départ et avoir un programme de subventions, de sorte qu'on pourrait très facilement corriger les états financiers de cette compagnie. Vous allez me dire: C'est le principe des vases communicants, de toute façon l'argent vient de la même poche. C'est vrai, mais ça changerait très probablement l'approche.

Mon dernier mot, M. le Président, va être sur la question des documents. Je ne veux pas être légaliste et donner une interprétation trop restrictive au texte, ni non plus donner une interprétation restreinte aux propos qui ont été tenus en décembre 1978, lors du débat sur les amendements à la loi 108, mais je voudrais dire ceci: II est évident qu'à la SGF, avant de prendre une décision d'aller dans la pétrochimie, il y a eu des études exhaustives qui ont été faites, il y en a des piles. J'essaie de voir exactement ce que vous demandez, ce que vous exigez, avec beaucoup d'insistance, tant lors de nos débats sur cette directive que lors du débat sur le projet de loi no 73 condernant SIDBEC. Il s'agit de voir exactement jusqu'où ça nous mène. Le gouvernement, techniquement parlant, pourrait prendre toute la brique qui a servi à faire l'analyse, le cheminement pour arriver à prendre une décision d'aller dans ce secteur, et la mettre sur la table à la commission, à la disposition de tous ses membres, soit du côté ministériel ou du côté de l'Opposition. Mais il faut bien comprendre qu'on ne doit pas inverser les rôles non plus. Le rôle de l'Opposition, à mon sens, dans un dossier comme celui-là... A partir du moment où une directive est déposée à l'Assemblée nationale, il y a un délai de 30 jours et, dans les 30 jours le débat doit avoir lieu, ce qui m'apparaît peut-être un temps trop court pour que, raisonnablement l'Opposition puisse se préparer en conséquence. J'admets au départ que le délai est peut-être restreint, mais, par définition, l'Opposition, dans notre système parlementaire, ambitionne de prendre la place du gouvernement. C'est le rôle de l'Opposition de se documenter elle-même sur un dossier comme celui-là et de venir en commission parlementaire mettre en doute l'à-propos de la décision que le gouvernement peut prendre à travers une directive. Ce que vous me dites, c'est: Préparez-moi 50 pages, 25 pages ou 100 pages, ou faites-les préparer à la SGF, faites préparer un document qui va faire la démonstration de votre raisonnement. Mettez-nous ça sur la table, on va en prendre connaissance et après ça on va vous interroger et vous contre-interroger là-dessus. Je comprends que c'est exactement là où vous voulez en venir, mais on est bien au-delà des dispositions de la loi 108. Si on avait voulu aller jusque-là, je pense qu'on l'aurait indiqué dans la loi. Cela n'a pas été le cas.

M. le Président, je vous dis ceci. Nous avons eu l'occasion d'entendre les gens de la SGF. J'ai moi-même exposé, du mieux que j'ai pu en tout cas, le pourquoi de notre décision d'aller dans ce secteur identifié comme étant le groupe no 18 et de donner une directive en ce sens à la SGF. Vous nous dites que le débat de fond n'a pas eu lieu. Je ne suis pas convaincu de ça.

Je suis plutôt d'avis qu'il a eu lieu, le débat de fond, et que les explications ont été données, bien sûr, de façon plus précise, sur le projet de consortium avec Gulf et Union Carbide. Je pense qu'on est allé bien au-delà également. On a eu l'occasion d'entendre M. Coulombe, je m'en souviens comme si c'était hier; il nous a expliqué la problématique nord-américaine de la pétrochimie et l'avenir de cette industrie. Pour moi, en tout cas, c'est une question d'appréciation, vous allez en convenir avec moi. Vous dites: Le débat de fond n'a pas eu lieu. Je vous dis: Le débat de fond a eu lieu, le reste, c'est une question d'appréciation.

M. Scowen: Vous vous souvenez que l'objet de la première commission parlementaire était précisément d'écouter des témoins de la SGF. M. le Président, on nous a refusé le débat de fond dès le moment où les témoins sont partis; vous avez dit: Ce n'est pas à cette commission qu'on doit avoir le débat de fond, c'est pour écouter les gens de la SGF. Vous ne vous souvenez pas de cela? C'est très clairement écrit et il a ajourné la commission. Les gens de la SGF sont partis et le président a dit: Ce n'est pas mon mandat de permettre un débat de fond ici c'est pour écouter. Vous étiez présent, je ne sais pas comment vous ne pouvez pas vous en rappeler.

M. Duhaime: Vous nous référez à la décision du président de la commission parlementaire, ce n'est pas ma décision.

M. Scowen: C'est d'accord, mais j'ai commencé le débat de fond avec vous, à la fin de cette commission parlementaire, et le président l'a ajournée.

M. Duhaime: Pour ne pas finir notre commission ce matin dans la même confusion que la dernière fois, je vous ai demandé moi-même, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, si on pouvait libérer les gens de la SGF. Vous avez dit: oui, cela va. La commission ne s'est pas terminée là, elle a continué pendant au moins une demi-heure sinon davantage et on vous a entendu longuement développer la même argumentation que vous venez de faire, ce matin, pendant une autre demi-heure et vous avez eu les mêmes réponses aux deux occasions.

M. Scowen: On vous avait posé des questions et le président vous avait refusé le droit de répondre. C'est tout écrit dans le journal des Débats, ce

n'était pas un débat de fond. J'ai posé des questions et le président a ajourné la commission avant que vous ayez eu l'occasion d'y répondre. Je ne peux pas imaginer comment vous pouvez nier le fait, c'est là.

Le Président (M. Laberge): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, la question que je me pose c'est celle-ci: C'est la première fois qu'il m'arrive une situation du genre, mais est-ce qu'on peut discuter, dans une commission parlementaire, une décision antérieure de la présidence? Je trouve que c'est un peu douteux. J'aimerais mieux qu'on mette fin à cette discussion, pas la discussion du débat mais la discussion sur une décision antérieure. D'ailleurs, il y a un article du règlement qui... La présidence, tout en étant indivisible, c'est plusieurs personnes quand même; à ce moment, je n'étais pas présent, mais j'ai eu certains échos et je ne voudrais pas qu'on revienne là-dessus.

M. Raynauld: M. le Président, je pense que ce n'est pas cela non plus.

Le Président (M. Laberge): Je voudrais simplement que vous fassiez vos commentaires concernant le débat de ce matin directement sur la pertinence des documents qui ont été déposés, etc.

M. Raynauld: M. le Président, sur cette question, je voudrais simplement dire qu'il n'est pas question de contester une décision d'un autre président d'une autre commission, il s'agit de savoir si on a eu un débat de fond. C'est simplement un exemple qui a été apporté pour montrer que le débat de fond n'a pas eu lieu. On a entendu — malheureusement je n'étais pas là — les gens, mais c'est le débat avec le gouvernement que nous voulions dont nous parlons, un débat qui porte sur la décision que le gouvernement prend et cette décision n'a pas eu lieu.

M. Duhaime: Je m'excuse, mais vous lirez la transcription et je pense que le député de Notre-Dame-de-Grâce va le reconnaître, j'ai moi-même fait un exposé de départ sur cette question et ensuite on a interrogé les gens de la SGF.

M. Scowen: Vous avez lu ce document?

M. Duhaime: Non, je m'excuse, vous relirez le débat. Ce que vous avez entre les mains, c'est à peu près le plan de travail de l'argumentation que j'ai développée, point. C'est pour cela que je vous dis que c'est un document d'accompagnement. J'aurais très bien pu ne pas le déposer et vous laisser prendre des notes. C'est ce que je ferai la prochaine fois, d'après ce que je peux voir, si cela ne vous aide pas.

M. Scowen: Est-ce que je peux poser une dernière question au ministre?

Le Président (M. Laberge): La commission est maîtresse de ses travaux, nous avons suspendu le cours du temps.

M. Scowen: Je retourne à ma première question. Est-ce que le ministre croit que l'intention du gouvernement et le contenu de l'article 1 de la directive no 2, en ce qui concerne le champ d'action de la SGF, sont en concordance l'une avec l'autre? Sinon accepterait-il ou d'éliminer ou d'amender l'article 1 pour en limiter la portée à ses vraies intentions?

M. Duhaime: Mais avec la meilleure volonté du monde — je ne veux pas faire état des conversations en dehors des travaux de notre commission — je pense que c'est mon devoir d'affirmer qu'à la suite de vos interrogations et de vos interventions, on a fait une réévaluation de toute cette question, à mon ministère, et on en est venu à la conclusion qu'il n'y avait pas lieu de modifier la directive pour une raison très simple: avant même de faire et de pousser quelque projet que ce soit dans le secteur du groupe 18, il faut d'abord et avant tout que la SGF soit autorisée à ouvrir la porte de ce secteur. C'est ce que le premier paragraphe indique. Je pense que même si on en parlait encore toute la journée — je comprends très bien votre demande — la réponse serait non. Quand bien même on continuerait à en parler pendant trois heures, je ne reviendrai pas sur cette décision. Nous aussi on a fait l'effort d'essayer de concilier votre point de vue avec ce qu'on avait comme approche et essayer, comme parlementaires, de trouver une voie mitoyenne où on aurait pu faire un consensus, mais je ne la trouve pas. Même si vous me répétez cela pendant cinq heures et que vous reprenez votre argumentation, invariablement je vais vous répondre non. J'aimerais bien pouvoir vous dire oui, mais je vous dis non.

Le Président (M. Laberge): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, juste avant de terminer, je voudrais ajouter un mot. Sur le contenu de la directive, je pense que le ministre peut imposer sa décision. Je n'y reviendrai pas. Mais je voudrais ajouter que sur le débat et sur l'interprétation de l'article 16 de la loi de la SGF, il s'agit d'une loi du Parlement, de l'Assemblée nationale, et sur cette interprétation, je pense que le ministre n'est pas maître de cette interprétation. Il s'agit, encore une fois, d'un article de loi et là-dessus, je veux dire que nous nous réservons les prises de positions éventuelles que nous pourrons avoir à ce sujet, sur l'interprétation de la loi.

M. Duhaime: Vous n'avez pas besoin de faire une telle déclaration. C'est implicite en soi. Vous avez à votre disposition tous les moyens que vous pourrez juger utiles. Je ne prends pas sur moi d'être l'interprète infaillible. Je vous dis qu'en lisant et en donnant le sens naturel aux mots qu'on a sous les yeux, j'en suis arrivé à cette

conclusion. C'est l'avis de mon ministère et c'est aussi l'avis des dirigeants de la SGF. Ce n'est pas un solo.

M. Scowen: M. le Président, simplement pour appuyer mon collègue; il voulait dire, en effet, qu'aujourd'hui nous sommes très insatisfaits du raisonnement et de l'attitude du ministre. C'était simplement pour que ce soit parfaitement clair.

Le Président (M. Laberge): Sur ce, messieurs, la commission ayant accompli son mandat, je demande au rapporteur de faire rapport à la Chambre de nos travaux. Cette commission de l'industrie, du commerce et du tourisme ajourne ses travaux sine die.

Fin de la séance à 13 h 15

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