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(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme
s'est réunie pour entendre certaines représentations en vue de
revoir l'orientation de SIDBEC.
Les membres de la commission sont: M. Baril
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Biron (Lotbinière), M. Dussault
(Châteauguay), M. Fortier (Outremont), M. Perron (Duplessis), qui
remplace Mme Harel (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), qui
remplace M. Lavigne (Beauharnois), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Paradis
(Brome-Missisquoi), qui remplace M. Maciocia (Viger); M. Paré
(Shefford), M. Martel (Richelieu) remplace M. Payne (Vachon) et M. Ciaccia
(Mont-Royal), qui remplace M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Les intervenants sont: M. Beaumier (Nicolet), M. Bélanger
(Mégantic-Compton), remplacé par M. Lincoln (Nelligan), M. Blais
(Terrebonne), remplacé par Mme Harel (Maisonneuve), M. Champagne
(Mille-Îles), M. Dubois (Huntingdon), remplacé par M. Kehoe
(Chapleau), M. Grégoire (Frontenac), M. Rocheleau (Hull),
remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay
(Chambly) et M. Vaillancourt (Orford).
À l'ajournement d'hier soir, nous en étions toujours aux
représentants de SIDBEC.
M. Ciaccia: M. Leduc (Saint-Laurent) est remplacé par M.
Lincoln (Nelligan).
Le Président (M. Boucher): M. Leduc (Saint-Laurent) est
remplacé par M. Lincoln (Nelligan) comme membre.
M. Ciaccia: M. Bélanger (Mégantic-Compton) est
remplacé par M. Leduc (Saint-Laurent).
Le Président (M. Boucher): M. Bélanger
(Mégantic-Compton) est remplacé par M. Leduc (Saint-Laurent).
Correction à la liste des membres.
Nous en étions encore hier aux représentants de SIDBEC. M.
le ministre.
M. Biron: M. le Président, pour rappeler l'entente d'hier
soir, à savoir une demi-heure de chaque côté de la table ce
matin divisée comme les parties voudront la diviser pour nous permettre,
à Il h 10 exactement, d'entendre le mémoire du Syndicat des
métallos. Après les métallos, nous reprendrons, s'il reste
des questions pour SIDBEC.
M. Ciaccia: M. le Président, si je pouvais suggérer
au ministre que la première demi-heure soit prise par les
députés ministériels, vous pourriez vous la partager comme
vous le voudriez. La deuxième demi-heure, on pourrait poser des
questions du côté de l'Opposition.
M. Biron: Très bien.
Le Président (M. Boucher): D'accord? Alors, M. le
député de Verchères.
Les administrateurs de SIDBEC (suite)
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Si je reprends
où on en était, hier soir, à une heure assez tardive, la
présentation qui nous a été faite, je retiens qu'il y a
fondamentalement quatre scénarios qui nous ont été
présentés. Le premier scénario qui est le statu quo.
J'essaie de les situer un peu pour qu'on se remette dans le contexte. Ce
scénario amènerait des revenus nets en pourcentage de 6,8% - avec
la correction qui nous a été faite hier - des emplois au nombre
de 4282 et des besoins de fonds de 197 000 000 $, je pense, jusqu'en 1985. Le
deuxième scénario qu'on a appelé
"réaménagement global" amènerait des revenus nets de
14,9%, des emplois qui seraient à la baisse et qui se situeraient
à 2780 et des besoins de fonds de 233 000 000 $. Il y a un
troisième scénario avec deux versions qui nous a
été présenté: une version que l'on retrouve assez
détaillée dans le document et, une autre qui nous a
été présentée verbalement, c'est le statu quo avec
projet. Donc, le statu quo plus deux projets qui sont la tuberie et le laminoir
fil machine amèneraient des revenus nets de 11,3%, un niveau d'emploi
à 4410 et des besoins de fonds de 354 000 000 $. On ne nous a pas
donné de chiffre quant au scénario qui appellerait l'utilisation
du laminoir à froid avec l'utilisation de bandes à chaud
provenant de l'extérieur. Finalement, il y a le quatrième
scénario qui est le "superscénario", avec des revenus nets de 19
700 000 $, un niveau d'emploi qui n'a
pas été précisé, mais je présume
qu'il devait être aussi important que les deux versions statu quo et des
besoins de fonds de 1 200 000 000 $.
La première constatation qui saute aux yeux en regardant
l'ensemble de ces scénarios, c'est que la proposition qui nous est
faite, celle du réaménagement global coûte plus cher au
gouvernement, par les temps qui courent, et provoque des pertes d'emplois.
Autrement dit, on nous incite et on incite le gouvernement actuellement par
cette proposition, à investir pour perdre des emplois. Et je peux
comprendre que l'objectif de l'entreprise et de la direction, c'est d'obtenir
une rentabilisation à long terme, je pense qu'on nous l'a assez bien
indiqué hier. Mais on peut néanmoins s'interroger
légitimement sur les choix qui nous sont proposés, compte tenu
des impacts sociaux, des impacts en termes d'emplois et du besoin d'argent que
cela amènerait, des mises de fonds que le gouvernement devrait
faire.
À première vue, le scénario qui nous apparaît
le plus intéressant, c'est encore le statu quo, c'est celui qui demande
le moins de mise de fonds du gouvernement et qui protège le plus
d'emplois, bien sûr avec un accroc important au niveau de la
rentabilité; c'est-à-dire que le niveau de rentabilité est
inférieur à celui de l'ensemble des autres scénarios.
Je voudrais poser un certain nombre de questions, passer un peu à
travers chacun de ces scénarios et j'ai un certain nombre de questions
pour chacun d'eux. D'abord, au niveau de l'étude du statu quo, le
scénario qui nous est présenté à différents
endroits, ce qui est intéressant de noter, c'est que, entre autres,
à un moment donné, on dit que le secteur manufacturier pourrait
néanmoins être temporairement rentabilisable. Et on ajoute
même, un peu avant, c'est à la page précédente
où on indique cette mention, que des études connexes ont par
ailleurs montré que la fermeture des plats ne présente aucun
intérêt. C'est une phrase qui est à la fois
intéressante pour ceux qui craignent la fermeture des plats mais aussi
un peu intrigante compte tenu de la présentation qui a été
faite.
Bien sûr que l'objectif, quand on nous indique que le secteur
manufacturier serait temporairement rentabilisable, on nous a aussi
indiqué hier que néanmoins, on ne serait pas capable de le
rentabiliser à long terme parce que les bonnes années ne seraient
pas suffisantes pour éponger les mauvaises années.
Néanmoins, quand on analyse les investissements qui nous sont
proposés dans ce scénario, des investissements d'entretien,
d'amélioration ou aussi des investissements défensifs, je les
retrouve à la page 124. Je m'excuse, je ne sais pas si vous avez la
même pagination, je ne veux pas tourner le fer dans la plaie. Je sais que
mon collègue de Duplessis a signalé hier, qu'il n'y avait pas de
pagination; donc, si vous retrouvez à un moment donné, les
investissements prévus au statu quo, vous avez des investissements qui
totalisent à peu près 71 000 000 $.
Voilà la question que je pose. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen
de réduire ces investissements à la fois défensifs et
d'entretien pour arriver finalement aux mêmes résultats, dans
l'optique d'un choix de ce statu quo? De plus, est-ce qu'il serait possible de
connaître d'une façon plus détaillée les
détails des investissements défensifs prévus notamment
dans le secteur des produits plats?
Un peu plus loin, à la page 147, à la page où on
indique que le secteur serait temporairement rentabilisable, on dit
également que, notamment, par le biais de la tuberie et par des
investissements dans les laminoirs à plats, les investissements qui ne
prolongent pas la durée de la vie des laminoirs, cependant, des
études à cet effet sont actuellement en cours... De quelles
études s'agit-il? Depuis quand sont-elles menées? Où
sont-elles rendues? Ces études qui nous permettraient finalement de
rentabiliser temporairement le secteur manufacturier? Est-ce qu'il y a une
relation entre ces études et les chiffres qui nous sont donnés
précédemment où on parle d'investissements
défensifs spécifiques?
Voilà le premier bloc de questions que je voulais poser à
ce moment concernant l'étude de ce scénario qu'on appelle le
statu quo.
M. De Coster (Robert): Est-ce que vous pourriez nous donner
précisément la teneur de votre question, M. le
député?
M. Charbonneau: Je le répète. M. De Coster, vous
parlez dans ce scénario d'investissements d'entretien,
d'amélioration, et d'investissements défensifs qui totalisent 71
000 000 $. Voici la question que je vous pose. Est-ce qu'il ne serait pas
possible d'arriver à des performances relativement à l'entretien,
à l'amélioration et à la consolidation de nos
équipements dans notre position actuellement... autrement dit, de faire
des investissements défensifs qui soient moins coûteux que ceux
qui nous sont actuellement présentés.
Deuxièmement, il est question plus loin d'études qui sont
actuellement en cours qui visent à appuyer la mention que le secteur
manufacturier pourrait être temporairement rentabilisable. De quelles
études s'agit-il? Depuis quand ces études sont-elles en cours?
Où sont-elles rendues? Est-ce qu'il y a un lien entre ces études
et les chiffres qui nous sont donnés quant aux investissements
prévus pour soutenir le scénario du statu quo?
M. De Coster: M. Raimondi va répondre à la
première partie de votre question en ce qui a trait aux
investissements.
M. Raimondi (Jean-Claude): Vous avez mentionné que les
investissements pour le statu quo sont de 71 000 000 $. Il faut distinguer deux
choses. D'abord les investissements normaux de renouvellement qui sont de 25
000 000 $ par an. Là on peut répondre tout de suite à
votre question: Est-ce que c'est diminuable? Ce genre d'investissements peut
toujours être diminué. En fait dans le budget 1983 on les diminue
de façon draconienne. Mais, sur un horizon de dix ans, ce n'est pas
réaliste de prévoir une réduction de ce niveau
d'investissements qui ne représente que 5% du volume des ventes -
c'est-à-dire à peu près la moitié de ce que les
concurrents investissent habituellement pour maintenir les équipements.
Donc, ces 25 000 000 $ qui se répètent d'une année
à l'autre peuvent être réduits un an, deux ans mais
certainement pas à long terme.
La deuxième partie concerne les 46 000 000 $ qui sont du "one
short deal". Ce sont des investissements défensifs qui sont
échelonnés sur cinq ans et qu'on répartit par secteurs. Il
y a 32 000 000 $ sur les plats, 10 000 000 $ pour les barres et
profilés, ce qui reste est pour les fils et fils machine. Vous demandez
si on peut diminuer ces investissements. Ce genre d'investissements
défensifs, il est important de comprendre que c'est un processus
continuel d'étude. Ces 46 000 000 $ résultent d'une étude
d'envergure qui a été faite il y a deux ans et qui a
identifié pour le secteur des plats un besoin de 32 000 000 $. Il y a
des études actuellement en cours qui semblent conclure peut-être
un petit peu différemment personnellement je suis mal placé pour
commenter là-dessus, je pense que M. Gilles Charette pourra commenter
là-dessus - et qui, peut-être peuvent, non pas infirmer, mais,
disons, dévier un petit peu de ces 46 000 000 $. Mais les 46 000 000 $
résultent d'une étude d'envergure qui a été faite
il y a un an et demi. Alors, le résultat des études en cours, je
ne peux pas parler de cela.
M. De Coster: M. Charette va répondre à la
deuxième partie de la question.
M. Charette (Gilles): La deuxième - si j'ai bien compris -
c'est ce qu'on fait depuis deux ans sur des études sectorielles dans les
plats. C'est bien cela votre question?
M. Charbonneau: J'ai demandé d'abord s'il était
possible de réduire les investissements prévus pour l'entretien,
l'amélioration et les investissements défensifs. On vient d'avoir
la réponse. Deuxièmement, on parlait d'études en cours et
je demandais quelles étaient ces études. Est-ce que ce sont ces
études qui appuient les chiffres dont on a parlé
précédemment? Finalement, peut-on faire une question subsidiaire
à l'intervention de M. Raimondi? Il semble qu'il existe actuellement des
études qui tendraient à infirmer, du moins à
atténuer, les montants qui sont mentionnés au niveau des
investissements défensifs. Je ne sais pas si...
M. Charette: Je vais répondre à votre question et
vous changerez de direction si vous pensez que je n'y réponds pas mais,
en tout cas, en ce qui concerne les dépenses normales pour
réduire nos coûts d'entretien, il y a toujours moyen de
réduire nos dépenses en capital à un strict minimum. On le
fait, d'ailleurs, dans le moment pour des raisons financières. Mais le
problème avec SIDBEC-DOSCO, c'est qu'on le fait depuis dix, quinze et
vingt ans. C'est la raison fondamentale pour laquelle nous avons des
problèmes sérieux quand les marchés fléchissent.
C'est une tactique que les aciéristes canadiens autres que SIDBEC-DOSCO
n'ont pas utilisée du tout. Les aciéristes canadiens, depuis
surtout la fin des années soixante, investissent, comme Jean-Claude le
mentionnait, de 7% à 10% de leur revenu net de vente en dépenses
en capital. Chez SIDBEC-DOSCO, c'est bien le contraire. Je pense qu'on est
chanceux si on rejoint 5%. Le résultat de ça, c'est qu'on a des
équipements qui vieillissent rapidement. On a des bris inattendus. Si on
dit aujourd'hui: Est-ce qu'il y a moyen de réduire ces dépenses?
La réponse est: oui. On va tout simplement continuer ce qu'on a fait
dans le passé et c'est une question de mort lente, si vous voulez. On
est dans le processus actuel et je pense que, si on continue ce processus, ce
n'est pas nécessairement bénéfique pour notre
corporation.
On a eu, par exemple, en 1981, trois bris d'équipement majeurs
qui normalement auraient pu être évités. C'était
strictement au laminoir à chaud. Au moins deux auraient pu être
évités si on avait eu une politique d'investissement comparable
à - ou même qui approcherait - celle de nos compétiteurs,
il y a plusieurs années. Je pense à ce stade que nous demander si
on peut réduire les dépenses? C'est oui. La conséquence,
c'est d'empirer une situation dans laquelle on s'enlise d'une façon
absolument incroyable depuis dix ou vingt ans.
M. Charbonneau: N'est-il pas exact de dire - je me rattache
à l'intervention de M. Raimondi - que depuis quelque temps, il y a un
groupe de travail, que peut-être même vous avez mis sur pied
vous-même, ou M. De Coster ou la direction, qui en arrive à la
conclusion que, d'une part, SIDBEC-DOSCO doit continuer dans la
production des plats, que le travail effectué démontre que nous
avons une place sur le marché des produits plats au Canada de
façon profitable. On démontre aussi la possibilité
d'exploiter des laminoirs à chaud et à froid à
capacité avec des marges moyennes de profit intéressantes,
même si ce ne sont pas des marges de profit qui sont comparables à
celles de nos concurrents? On indique aussi que la rentabilité des
produits longs est intimement liée à la production des produits
plats, entre autres, l'utilisation de la ferraille. Finalement, cette
étude, qui est celle d'un groupe de travail que vous avez mis sur pied
privilégie dans le fond ou améliore votre scénario de
statu quo en nous indiquant que peut-être pour quelque 20 000 000 $ il
est possible de consolider nos positions et peut-être même de faire
quelques conquêtes de marché.
M. Charette: Je pourrais peut-être répondre à
votre question en reculant un peu plus pour voir l'historique. Ce rapport fait
partie d'une série de rapports et d'un historique, enfin d'une
étude qu'on entreprend chez SIDBEC depuis l'arrivée de M. De
Coster. Quand M. De Coster a embauché la nouvelle équipe qui est
en place aujourd'hui -ce sont tous des gens qui sont venus de l'industrie
privée - le dictum qu'on a reçu du PDG, c'est l'efficacité
du fonctionnement. Au commencement de l'année 1981 ou aux derniers jours
de l'année 1980, on a mis sur pied un groupe qui s'appelait le module
Conversion-Contrecoeur. Ce module s'est attaqué aux coûts de
production dans toute l'usine de Contrecoeur, parce que c'est là que
sont 70% de nos dépenses. L'un des volets de ce module de conversion a
été les coûts de production de tous les
éléments qui rentrent dans les produits plats. Ce groupe de
module de conversion s'est subdivisé, un an plus tard, en 1982, et l'un
des aspect qu'il a entrepris spécifiquement, c'est le secteur des plats.
Au même moment, on préparait aussi entre nous le plan de
redressement qui est ici. On a mis à jour dans le plan de redressement
une grande partie des données qu'on possédait.
Ce qui ressort d'une étude comme celle-là, c'est que des
améliorations sont possibles. Si vous revenez nous voir dans six mois ou
dans trois mois, vous verrez qu'il y a encore d'autres améliorations
possibles. Nous faisons cela, la compétition fait cela, tout le monde
fait cela et c'est l'agressivité et la compétition entre les
aciéristes au Canada. Maintenant, si l'on prend cette étude et
qu'on dit: Tiens, c'est le sauveur, ou si l'on prend d'autres études qui
sont ou seront en cours et on dit: Tiens, on a finalement la solution
miracle... Je vous assure que le laminoir à chaud qu'on possède,
d'abord, c'est un très vieux laminoir; il y a des pièces
d'équipement là-dedans qui remontent à 50 ans. Quand on a
un bris d'une vieille pièce d'équipement comme cela qui est
complètement désuète, le temps qu'il faut pour
réparer le bris, faire fabriquer les pièces est plus long qu'il
faudrait pour un laminoir équivalent qui est beaucoup plus moderne, pour
lequel il est posssible d'avoir des pièces plus facilement, de les faire
couler plus facilement aussi.
Ce qui veut dire que si on veut, à long terme - je reviens au
plan de redressement plutôt que de m'attarder sur des rapports qu'on
pourrait publier ou des améliorations qu'on pourrait apporter et qu'on
espère continuer à apporter à tous les jours - si je
reviens au plan de redressement, qui lui s'adresse au long terme, asseoir sur
un vieux laminoir comme cela l'avenir des plats de chez SIDBEC, à mon
avis, c'est une erreur grossière. Dans un marché où les
affaires vont mal, la compétition coupe les prix et il faut faire face
aux prix des concurrents. Or, notre laminoir, avec l'âge et la
capacité qu'il possède, je ne pense pas du tout qu'il puisse,
à long terme, affronter la compétition.
Au point de vue du coût, on le sait qu'on est
désavantagé. Des études faites par Estel nous le
démontrent carrément.
Au point de vue de la qualité du laminoir à chaud,
à long terme encore - on ne regarde pas demain ou après-demain,
on regarde à long terme - on sait qu'on est limité au point de
vue de la dimension et de la surface. Donc, à long terme, on dit que
c'est impossible pour nous de remplir le mandat de rentabilité, que vous
nous avez donné, dans les plats. Pour nous, la définition de
rentabilité, c'est de rivaliser avec les canadiens. Les canadiens,
à mon avis, sont parmi les meilleurs dans le monde; je parle des trois
grands dans le domaine des plats.
Selon l'équipement qu'on possède, même avec les
améliorations qu'on pourrait apporter, à long terme, c'est une
erreur grave de croire que la gestion de SIDBEC va pouvoir dire à son
actionnaire: Les gars, ne vous inquiétez pas, on va rivaliser avec les
trois grands canadiens. On va pouvoir le faire avec les améliorations
qu'on vous suggère, dans le fil machine, dans les bases de
profilés; mais dans les plats, avec l'équipement qu'on
possède aujourd'hui, même avec la meilleure volonté au
monde, je ne pense pas que l'on puisse vous dire la même chose.
À court terme, c'est une histoire différente. Nous ici, on
s'adresse au long terme, on demande à l'actionnaire de nous donner la
direction qu'il veut qu'on prenne. On a eu une direction très claire
jusqu'à ce jour: la rentabilité; c'est dans ce sens que le plan
de redressement s'adresse. A court terme, il y a un tas de choses qu'on
peut
faire, mais c'est à très court terme; dans cinq ans, les
conditions peuvent être changées, on va être encore pris
avec un laminoir à chaud qui, à mon avis, a des problèmes
de désuétude et de coûts élevés. (10 h
30)
Je peux vous donner un exemple. Je vous entends mentionner ce rapport,
il faut que je vous dise que dans ce rapport, on utilise des chiffres de 1981;
on n'a pas utilisé les chiffres pour les augmentations de salaire
payées aux syndiqués en 1982, ils n'étaient pas loin de
20%; ce n'est pas inclus là-dedans. Là-dedans, c'est en dollars
constants, en 1981. On n'a pas inclus, dans ce rapport, les augmentations du
prix de l'essence, qui sont de 25% pour 1982. C'est encore là des
chiffres de 1981. Je ne voudrais pas commencer à discuter chacun de ces
rapports ici, parce que vous devez en avoir d'autres que vous ne m'avez pas
mentionnés.
M. Charbonneau: J'aime autant ne pas répondre à
cela.
M. Charette: On s'adresse au long terme ici. Je crois qu'il faut
d'abord répondre à cela. Une fois qu'on a répondu à
cela, à court terme, il y a des choses qu'on peut faire, mais cela ne
réglera pas le problème à long terme.
M. Charbonneau: Je constate que si on a un objectif à long
terme de rentabilité, qu'on est une société d'État
et qu'on se sort du secteur des produits plats... Voici la question que je
pose: À quoi cela sert-il d'être dans le secteur de l'acier au
Québec, si c'est simplement pour rivaliser avec les aciéries dans
les secteurs où on peut le faire avec des équipements ultra
modernes et que l'on n'apporte aucun soutien au secteur secondaire au
Québec, aux industries de consommation?
Une autre question me vient à l'esprit. Je voulais la poser un
peu plus tard, mais je la pose maintenant: Comment se fait-il que vous ne nous
ayez pas parlé, hier, et que vous ne nous ayez pas
présenté d'étude sur l'impact qu'aurait le retrait de
SIDBEC du secteur des produits plats sur les entreprises
québécoises qui consomment de l'acier? Je me demande si
dès le départ, lorsqu'on a fondé SIDBEC, elle n'avait pas
un rôle fondamental et, si on sort SIDBEC du secteur des produits plats
et qu'on vise la rentabilité, on réduit les emplois, on va
peut-être être capable de rivaliser avec Dofasco, Algoma, Stelco
dans un certain nombre de créneaux de production, mais on va avoir fait
quoi pour l'industrie au Québec et pour l'économie
québécoise?
M. De Coster: Écoutez, c'est le dilemme de base. On le
soulève, ce dilemme.
D'abord, la première chose de toutes, encore une fois, je
répète ce que j'ai dit hier en ce qui a trait aux coûts
sociaux et aux coûts économiques. Ce n'était pas notre
mandat de les évaluer; quelqu'un d'autre devait le faire. Cela, je pense
que c'est établi. On nous a demandé de faire des études de
redressement sur la base d'un mandat qu'on reçoit du Conseil des
ministres et à l'intérieur d'une loi qui est encore en vigueur.
Alors, on a projeté ce qu'on pense que doivent être les mesures
pour redresser l'entreprise et la mettre sur la voie de la rentabilité.
C'est le mandat qu'on a. Évidemment, on tombe dans le grand dilemme qui
est de se demander ce qu'est la raison d'être de SIDBEC comme
société d'État. Si on regarde les objectifs de
l'entreprise à son début, c'était évidemment
d'essayer d'établir une entreprise de base qui permettrait un
développement d'industries secondaires. Ce n'est pas en faisant du rond
à béton qu'on met dans le béton pour faire une route qu'on
crée de l'industrie secondaire. C'est plutôt en faisant des
automobiles, des réfrigérateurs et des choses comme
celles-là qu'on crée une activité
périphérique, une activité secondaire. On est rendu
à ce dilemme, lequel est: Maintenons-nous l'entreprise telle quelle en
lui faisant jouer un rôle social et de développeur
économique ou rentabilisons-nous l'entreprise? Alors, il y a un prix
à ce que vous dites et cela devra être la décision
gouvernementale. Il y a un prix pour maintenir des emplois, un prix pour
développer l'activité économique et il y a un prix pour la
rentabiliser.
M. Charbonneau: Pouvez-vous nous dire avec votre
expérience et les relations que vous avez avec vos clients, si vous vous
retiriez actuellement du secteur des produits plats, ce qui arriverait à
vos clients?
M. De Coster: Ce qui va arriver à nos clients qui sont
consommateurs de produits plats, c'est qu'ils vont avoir une augmentation dans
leurs coûts d'approvisionnement d'acier qui va être
l'équivalent du prix du transport à partir de l'endroit où
ils vont acheter. S'ils ne peuvent plus acheter chez nous parce que les plats
ne sont pas là, ils vont être obligés d'aller acheter
à Hamilton et, s'ils achètent à Hamilton, le principe
d'égalisation n'existe plus et, conséquemment, ils seront
obligés de payer la différence du fret. C'est ce qui va arriver
à Canam, dans la Beauce. C'est entendu que c'est une des
conséquences. Maintenant, ces conséquences sont-elles assez
fortes pour empêcher d'atteindre un objectif qui nous est tracé
par le gouvernement et la loi? Cela reste à déterminer. Le
verdict ultime, c'est le gouvernement qui devra le rendre.
M. Charbonneau: Je veux passer à
l'étude du scénario du réaménagement global,
mais juste avant je voudrais vous faire remarquer néanmoins que, quand
on parle de rentabilité à long terme, vos scénarios, quand
on est rendu à parler de 1991, c'est déjà une dizaine
d'années. Je peux comprendre que pour vous, l'objectif de
rentabilité était plus que dix ans; c'est peut-être une
vingtaine d'années.
M. De Coster: C'est-à-dire que c'est un horizon qu'on
regarde, M. le député. Je pense que, quand on a une
décision aussi fondamentale à prendre, on ne peut pas la prendre
sur une base d'un an, deux ans ou trois ans; on ne peut pas prendre, sur des
études d'un an, deux ans ou trois ans, une décision de fermer la
mine ou une décision de ne plus faire de produits plats. Alors, on
essaie de projeter au meilleur de notre connaissance un horizon de 10 ans ou 15
ans en partant d'hypothèses qui peuvent être les meilleures
possible, à notre connaisssance.
M. Charbonneau: On m'indique que, malheureusement, on n'a pas
tout le temps qu'on voudrait pour discuter, en tout cas maintenant, on pourra
se reprendre plus tard. Je vais donc essayer de vous poser un certain nombre de
questions en vrac, vous m'excuserez si je les lance une après l'autre
sans qu'on ait la chance d'en discuter, quitte à ce qu'on y revienne un
peu plus tard. Au niveau du scénario de l'étude de
réaménagement global, ce qui est difficile à comprendre,
c'est pourquoi on se départirait des laminoirs quand on dit que le
projet de tuberie par soudures à résistance électrique
serait plus rentable - 32% par rapport à 18% - avec l'approvisionnement
à notre propre laminoir à chaud, d'une part.
M. De Coster: Très rapidement, M. le député,
pour répondre à cela. C'est que foncièrement le coeur de
notre fonctionnement avec le laminoir à chaud, on ne l'améliore
pas en mettant une tuberie, le problème demeure le même sur le
laminoir à chaud et cela, c'est le coeur de notre cancer.
M. Charbonneau: Si on ne se plaçait pas en position de
vulnérabilité, si on décidait, finalement, de
s'approvisionner en bandes à tube à l'extérieur, qu'est-ce
qui arrive si à un moment donné...
M. De Coster: M. le député, on peut...
M. Charbonneau: ... pour toutes sortes de raisons, la conjoncture
frappe nos concurrents, il y a une grève chez nos concurrents, ou un
"lock out", ou encore ces gens décident de serrer les ouïes
à SIDBEC, est-ce qu'on ne se place pas en position de
vulnérabilité, finalement?
M. De Coster: C'est certain et ce n'est pas un scénario
qu'on a mis comme étant un scénario de base, cela fait partie
d'un scénario global. C'est évident que ce scénario est
tellement rentable et le "pay back", la période de retour est tellement
courte, qu'on peut prévoir, dans un horizon normal, que la situation que
vous décrivez n'arrivera pas. Vous savez que Dofasco et Stelco ont mis
en service deux laminoirs à chaud géants et vont créer une
surcapacité considérable qui va durer des années à
venir. C'est évident que si les deux ensemble décident qu'ils ne
nous donnent pas de bandes à chaud, on va rester le derrière
à l'eau.
M. Charbonneau: J'aurais une autre question au niveau du laminoir
à chaud. Néanmoins, M. Astier me disait hier que si le
procédé qu'on utilise, Steckel, était désuet ou
vétuste, ce n'était pas un mauvais outil de production. Est-ce
que...
M. De Coster: Encore là, ce n'est pas le steckel qui est
mauvais, c'est notre équipement. Ce n'est peut-être pas le
principe du Steckel, ce n'est pas un principe qui est fortement
développé, à l'heure actuelle. Mais, quel que soit le
processus, ce sont nos équipements de base qui ne le sont pas. On peut
avoir un...
M. Charbonneau: Si on revient à l'étude du
troisième scénario, c'est-à-dire le statu quo avec deux
projets d'investissement ou de modernisation, celui du fil machine et de la
tuberie. Ce qui est étonnant, par ailleurs, c'est de se rendre compte...
Je comprends un peu, mais je ne comprends pas tout à fait,
peut-être que c'est l'objectif de rentabilité qui est votre seul
guide. Mais, comment en arrive-t-on à ne pas décider de se lancer
dans la tôle galvanisée et dans la tôle forte, alors qu'on
nous a indiqué qu'il y avait du marché important à aller
chercher là? On décide plutôt de se lancer dans le fil
machine et la tuberie. Est-ce qu'on ne pourrait pas, à moindre
coût ou en fixant un objectif de rentabilité qui est moins
important que celui qu'on s'est donné actuellement, avantageusement, se
lancer dans la tôle galvanisée et dans la tôle forte,
même dans la tôle prélaquée...
M. De Coster: Voulez-vous une réponse rapide à
cela?
M. Charbonneau: II paraît qu'il faut avoir des choses
rapides ce matin?
M. De Coster: Je pense que c'est facile de l'envisager, M. le
député, c'est que présentement nous vendons tout notre
laminé à froid, dans les périodes normales.
Conséquemment, l'avantage qu'on peut avoir
à implanter une ligne de galvanisation qui va nous coûter
50 000 000 $, c'est la différence dans le profit qu'on va faire. Et
quand on prend la différence dans le profit, pour un investissement de
50 000 000 $ à 60 000 000 $, c'est ridicule. Si on avait une
disponibilité, une surcapacité, très bien; mais là,
on est obligé de procéder par substitution, on dit: on vend tout
notre laminé, alors on ne vendra pas tel laminé pour en faire de
la galvanisation ou de la tôle forte.
M. Charbonneau: II y a des gens qui connaissent aussi le secteur
de l'acier et qui nous disent qu'on pourrait aller dans le galvanisé
à bien moins cher, finalement que 50 000 000 $ à 60 000 000 $.
Est-ce que...
M. De Coster: C'est une projection.
M. Charbonneau: ... vos projections d'investissement ne sont pas
liées aussi à la grande hypothèse ou à la grande
expansion.
M. De Coster: Je regrette. On s'est ramené à des
mesures beaucoup plus normales que dans le passé; on s'est gardé
de cela. Maintenant, il peut y avoir des opinions quant à tel et tel
projet. Cela dépend du volume qu'on veut sortir en fonction des
marchés. Cela dépend des prix, des qualités qu'on veut
avoir, des gammes qu'on veut avoir. Il y a plusieurs variantes à ces
choses.
Maintenant, si on avait le projet majeur d'expansion de 1 200 000 $
qu'on vous a montré, à ce moment, les lignes de galvanisation
deviendraient essentielles et probablement des projets de tôle forte
comme cela. C'est pour cela qu'on dit: le projet devient tellement vaste qu'il
nous faut non seulement remplacer nos équipements de base mais il
faudrait mettre des unités de parachèvement au bout. À ce
moment, cela devient réaliste.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Verchères, je regrette, le temps est
expiré.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci M. le Président. M. De Coster, hier, on
a fait référence au personnel de SIDBEC, on a dit que parmi les
cadres il y avait beaucoup de gens nouvellement arrivés; il semblait y
avoir une rotation de personnel. Je me demande quelles en sont les raisons. Car
dans un de vos plans de redressement, vous aviez souligné, je pense
à celui du 8 juin, que pour de multiples raisons, SIDBEC rencontre de
sérieuses difficultés à recruter des gestionnaires
compétents et expérimentés.
Est-ce que vous pourriez nous expliquer quelles sont ces raisons?
M. De Coster: D'abord, quand on veut avoir des gestionnaires
expérimentés, on cherche habituellement dans le secteur où
nous sommes. Et dans ce secteur, ce sont des personnes qui sont dans
l'entreprise privée et ce sont des personnes qui sont habituellement en
dehors de la province de Québec.
Quand on veut les attirer, c'est évident qu'il nous faut à
ce moment, apporter au moins une amélioration dans leur condition
salariale et dans leur condition générale, et comme
société d'État, c'est certain qu'il y a une limite; il y a
une limite, une contrainte sérieuse à ce faire.
Deuxièmement, il y a bien souvent des problèmes de langue, des
problèmes de famille. Troisièmement, il semble y avoir une
réticence à se diriger vers une société
d'État. Quatrièmement, c'est peut-être encore la plus
grave, c'est qu'on a fait état depuis je ne sais combien de temps que
SIDBEC s'en allait à la fermeture, que SIDBEC était une
entreprise rendue au bord de la faillite; on l'a tellement
discréditée qu'il y a fort peu de gens qui peuvent avoir la
vocation que nous avons eue de s'embarquer dans l'aventure.
M. Ciaccia: M. le Président, je veux féliciter le
personnel qui est avec vous parce que je dois comprendre que ce ne sont pas
tous les gens dans le secteur privé qui veulent faire face à une
commission parlementaire et exposer tous les problèmes publiquement. Je
comprends un peu le problème d'attirer...
M. De Coster: Me permettez-vous une précision, M. le
député? C'est que si on a dit qu'on avait de la difficulté
à recruter, cela ne veut pas dire que les personnes qu'on a
recrutées ne sont pas du calibre qu'on...
M. Ciaccia: Je ne voulais pas impliquer cela du tout. Au
contraire, je pense que les réponses que vous nous donnez
démontrent le contraire. Mais c'est juste que vous avez une nouvelle
équipe. Je ne sais pas combien de gens dans votre présente
équipe sont là depuis le début de SIDBEC, il y a cinq ans,
mais on nous a dit dans le passé: lançons-nous dans les plats.
Là, l'équipe que vous avez, vous dites: non, non, on va fermer le
secteur des plats. Est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'une autre équipe,
si on ne maintient pas la continuité, une autre équipe va venir
dans quelques années et dire: on va recommencer. On devrait nous
relancer dans les plats? Lorsqu'on nous propose un plan de redressement
à long terme, si vous n'avez pas la permanence, comment peut-on
continuer à mettre en place ce plan de redressement? (10 h 45)
M. De Coster: C'est évident que je ne peux pas garantir la
continuité du personnel en place à l'heure actuelle, du personnel
de
haute direction. Je ne suis certainement pas dans une position à
l'heure actuelle pour vous garantir cette continuité. J'espère
qu'il y aura continuité. Il reste tout de même que c'est une
entreprise qui, globalement, a à peu près 5400 employés en
temps normal, sans compter les employés de Québec-Cartier qui
sont affectés à nos opérations. Quand on dit qu'on a
renouvelé l'équipe de direction, on a amélioré le
"middle management". Il reste tout de même un gros noyau de personnes qui
sont en place, qui l'étaient il y a cinq ans, et qui l'étaient il
y a aussi douze ou treize ans.
M. Ciaccia: Une des conclusions que j'en tire serait de souligner
l'importance de la part de l'actionnaire de prendre des décisions qui
vont assurer la continuité de la gestion de SIDBEC.
Dans un autre ordre d'idées...
M. De Coster: Excusez. Quand on parle de remplacement en plus du
recrutement de l'extérieur, il y a aussi les promotions internes.
M. Ciaccia: ... voyons la question de l'équipement. Est-ce
exact de dire que la fermeture des plats est basée principalement sur le
fait que l'équipement est désuet?
Le Président (M. Boucher): M.
Raimondi.
M. Raimondi: Pourriez-vous répéter la question?
Une voix: Pardon.
M. Raimondi: II y a deux paramètres qui ont
influencé la décision sur la fermeture des plats; le premier,
c'est certain, c'est la désuétude des équipements. Il faut
bien comprendre qu'il y a une grande différence entre faire des
études internes d'amélioration d'équipements et comparer
l'état de nos équipements à celui de nos concurrents;
parce que lorsqu'on parle de viabilité, c'est cela qu'il faut regarder,
c'est la comparaison avec nos concurrents. La comparaison amène à
une conclusion indéniable, on n'est pas dans les mêmes lignes.
Pour votre information, on vous signale qu'il existe en Amérique
du Nord quatre laminoirs Steckel. Il existe quatre laminoirs du même type
que celui que nous avons dans les laminoirs à chaud. Il y en a un qui
est utilisé par Episco qui fait beaucoup d'argent; il fait de l'argent
pour une raison simple, il ne vend pas sous forme de produits plats, il vend
sous forme de tuyau qui a une structure de prix différente. Il y a un
autre laminoir qui est à Oregon Steel, dans l'Ouest. Ils ont des
situations très particulières de marché, ils sont loin de
la concurrence et ils ont une gamme bien spéciale de produits de
tôle forte et de tôle laminée à chaud qui leur permet
de subsister. Ces gens ont certains problèmes financiers, mais ils
subsistent.
Le troisième, c'est Lone Star Steel qui est exactement dans la
même situation que Episco. Elle ne fait que du tuyau, elle n'a pas notre
gamme de produits; elle n'a pas le même marché, ni la même
concurrence.
Le quatrième, c'est Newport Steel. Elle est dans une situation un
peu comparable à la nôtre. Avec un marché
compétitif, elle a une gamme un peu semblable à la nôtre.
Elle a fait faillite il y a deux ans. Là, on vient de voir Steckel en
Amérique du Nord. C'est à peu près le bilan. Donc, c'est
certain que la vétusté des équipements, c'est un
paramètre important.
Le deuxième, qui a été considéré
aussi dans cette décision, c'est le paramètre commercial,
qu'est-ce qui va se passer dans deux ans, ou même l'an prochain? Il va y
avoir des surplus incroyables qui vont complètement bouleverser les
règles commerciales. Le marché va être excessivement
compétitif, les prix ne vont pas évoluer dans les dix prochaines
années comme ils ont évolué dans les dix dernières
années. Le jeu va être très serré et, à notre
actif, pour nous battre dans un jeu serré, on a les laminoirs à
chaud actuels.
M. Ciaccia: II y a certains employés de SIDBEC qui nous
indiquent que le jugement que vous portez sur l'état de
l'équipement est un peu excessif. Ils ne croient pas que ce soit aussi
sérieux, que les conditions justifient de dire que l'équipement
est désuet, qu'il faut fermer les plats pour cette raison. S'il y a des
raisons de marché, cela est une autre affaire mais pas à cause de
l'état de l'équipement.
M. De Coster: II y a les deux et une troisième raison qui
en est une de rentabilité. M. Charette peut vous le dire. Il faut dire
que le jugement sur les plats ne repose pas uniquement sur un jugement interne.
Nous avons eu comme consultants une firme de Hollande. Comme on vous l'a
indiqué, c'était une firme qui non seulement nous conseillait
mais qui envisageait très sérieusement de s'associer avec nous en
"partnership" sur le plan des produits plats.
M. Ciaccia: Vous avez parlé hier du marché de l'Est
du Canada. Je présume que vous avez pris en considération les
développements possibles dans le domaine énergétique, soit
à Terre-Neuve ou en Nouvelle-Ecosse, et SIDBEC serait l'aciérie
la plus près, excepté pour Sisco, mais Sisco a des
problèmes. Cela serait-il un élément qui pourrait porter
à la conclusion que peut-
être c'est un marché qui devrait être exploré
encore plus à court terme quand ces projets seront mis de l'avant?
M. De Coster: En effet, en 1979, quand je suis entré, cela
a été un des premiers, sinon le premier, dossiers qui ont
été mis sur ma table, justement le développement en
fonction des programmes énergétiques. Maintenant, je vais laisser
encore - parce que c'est une question surtout de commercialisation - à
M. Raimondi le soin de répondre.
M. Raimondi: Effectivement ces projets n'ont pas
été oubliés. Il ne faut pas être super-optimistes
non plus en considérant ces projets. Il y a deux problèmes. Le
premier est qu'ils n'auront pas un impact à court terme. Le
deuxième est qu'il y a encore pas mal d'incertitude autour de ces
projets. On ne peut pas compter à cent pour cent sur des projets qui
sont encore incertains et même s'ils se réalisent ce sera dans un
avenir assez éloigné. Il est sûr qu'ils n'ont pas
été oubliés mais leur poids dans les décisions des
marchés est quand même très relatif.
M. Ciaccia: Merci.
M. Fortier: Comme nous avons peu de temps, je vais essayer de
poser mes questions le plus brièvement possible. Je vous demanderais
d'être aussi bref pour donner une chance à mon collègue.
Pour ma part, j'aimerais féliciter SIDBEC pour son approche d'identifier
les points forts de SIDBEC et les points où il y aurait plus de
compétition. Je pense bien que, si on pense à la survie de SIDBEC
dans l'avenir, c'est un exercice qui doit se faire.
J'ai des questions sur une présentation publique comme celle
qu'on a eue hier. Je comprends que la commission parlementaire s'interroge sur
la survie de SIDBEC, sur les orientations de SIDBEC, sur le plan de relance de
SIDBEC; mais toute cette information est donnée publiquement alors que
vous nous dites dans le même temps que vous faites face à une
concurrence extrêmement serrée. Je pense que M. De Coster a fait
la remarque hier que depuis trois ou quatre mois, en particulier, tout ce
débat a eu un impact négatif sur le moral des troupes. Pour
autant que je sache Dofasco, ou DOSCO, enfin vos compétiteurs, Dofasco,
en Ontario, et les autres, ne font pas de déclarations publiques sur
leurs plans de relance et sur les équipements qu'ils vont acheter. Ce
sont des orientations.
La question que je voudrais poser à M. De Coster sur ce sujet est
s'il n'est pas un peu suicidaire pour une société qui est en
compétition avec d'autres sociétés de venir étaler
tout cela sur la place publique. Je comprends que cela est nécessaire
puisque le gouvernement doit discuter de l'orientation. Mais vous êtes en
compétition. Vous n'êtes pas Hydro-Québec. Quand
Hydro-Québec fait ce genre de présentation, elle a le monopole au
Québec. Mais, vous, vous n'avez pas un monopole et vous divulguez
beaucoup de détails. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
Venant du secteur privé, j'étais éberlué de la
quantité de détails que vous nous avez donnés et qui sont
maintenant connus de tous vos compétiteurs qui sont ici même au
Québec. Par conséquent, eux peuvent s'ajuster pour prendre des
décisions pour contrecarrer justement les orientations que vous nous
avez définies. Sans vouloir être négatif, j'aimerais que
vous faisiez certains commentaires là-dessus pour nous dire dans quelle
mesure il est possible pour une société qui, de toute
évidence, est en difficulté d'agir de cette façon et dans
quelle mesure ce n'est pas possible pour la concurrence de contrecarrer le plan
de relance que vous nous avez défini.
M. De Coster: M. le député, je ne peux pas
être plus d'accord avec vous. Il y a un point peut-être où
je le serai moins, c'est une question de degré, ce n'est pas un peu
suicidaire, c'est suicidaire. D'abord, vous trouverez là un des motifs
de notre recommandation de privatiser SIDBEC. On ne peut pas gérer une
entreprise de cette envergure sur la place publique. Maintenant, si nous avons
fait ce genre d'exercice aujourd'hui, c'est parce qu'on est tenu de le faire
à la commission parlementaire. Si ce n'avait pas été fait
aujourd'hui par l'entreprise... Ce sont des documents qui ont circulé
librement et vous avez vu une partie de ce qui a librement circulé.
Beaucoup d'autres documents ont circulé très librement. Pour moi,
c'est suicidaire et non seulement ça mais cela a contribué
à discréditer l'entreprise. On l'a discréditée sur
la place publique, devant ses clients, devant ses banquiers, devant ses
fournisseurs, devant le public, etc. Cela a été
quasi-systématique. Alors, le préjudice à l'entreprise est
considérable.
M. Fortier: Oui, et d'autant plus -enfin, là j'aimerais
avoir votre confirmation - encore là vous nous présentez une
étude de marketing et je sais fort bien que les études de
marketing ne sont jamais gelées dans le ciment. Vous continuez à
les adapter et, normalement, dans le secteur privé, on arrête un
plan de relance mais tant que l'investissement n'est pas fait de facto, on peut
ajuster à la dernière minute le plan d'investissement pour tenir
compte des nouvelles données, compte tenu de ce que les
compétiteurs décident de faire, soit parce qu'ils ont entendu
parler de vos propres décisions et ils ont décidé de faire
certaines
choses. Alors, dans quelle mesure ce plan que vous nous présentez
est figé dans le ciment? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu -j'imagine
dans un an, dans deux ans -puisque certains des investissements seront faits
sur une période de X années, d'ajuster votre plan de relance en
tenant compte des nouvelles données de marketing? S'il y avait alors
obligation de revenir en commission parlementaire, ça fait un processus
décisionnel qui est pour le moins très lourd.
M. De Coster: Oui, c'est certain. Mais, il reste que l'entreprise
doit avoir des décisions fondamentales. Est-ce qu'à long terme on
reste dans les plats ou est-ce qu'à long terme on sort des plats? Sans
cette orientation fondamentale, je me demande comment l'entreprise peut faire
une planification stratégique raisonnée. Alors, il y a des
décisions fondamentales sur lesquelles il faut qu'on s'appuie pour
être capables de prendre les décisions. Maintenant, on va dire -
pour répondre un peu aussi, en même temps, à une question
de M. Charbonneau...
M. Fortier: Enfin, de toute façon, je pense bien que,
étant donné qu'il s'agissait de redéfinir la mission de
SIDBEC, l'exercice, d'une façon générale, était
utile. Je pense bien que nous sommes d'accord pour dire qu'on doit avoir de
graves inquiétudes.
M. De Coster: II faut des orientations de base. Ce que je voulais
dire, pour revenir à ce que M. Charbonneau disait, il faut
déterminer si on reste ou si on sort des plats, ça c'est
fondamental. Deuxièmement, on a clairement déterminé que
simplement sortir des plats ne change en rien la situation. Ce n'est pas parce
qu'on dit: Demain matin on ne fabrique pas des plats que la situation est
changée. Il faut un réaménagement global des
facilités de l'entreprise pour que ce soit significatif et en même
temps, puisqu'on sort des plats ou qu'on devra sortir des plats, si on doit le
faire, il faut absolument qu'on renforce au moins le secteur fort de SIDBEC,
qui est celui des produits longs. Vous avez entendu M. Astier parler de la
situation privilégiée dans laquelle se situait SIDBEC dans ses
produits longs. On ne dit pas uniquement qu'il faut réaménager et
fermer les plats, mais il faut d'abord penser à structurer et à
bon!fier le secteur des produits longs parallèlement aux
décisions de fermeture. (11 heures)
M. Fortier: Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Ignorant la question de la vocation sociale de
SIDBEC, si on ferme les plats ou non, si on conserve les 1500 employés
de plus selon le statu quo et le réaménagement global, est-ce
qu'on pourrait parler de l'investissement du projet de
réaménagement global? Vous avez 70 000 000 $ dans le processus de
modernisation du fil machine, ce sont des millions de 1982 qu'on étend
sur trois ans. Pourtant, dans l'autre investissement, la tuberie SRE, il y a 60
000 000 $, en dollars de 1981. Cela n'indique pas le déboursé
pour quelle période. Aujourd'hui, à la fin de l'année
1982, la valeur de ces dollars est purement dépassée, ces
chiffres sont purement relatifs. Ici, il y a certains chiffres de 1981 et
certains chiffres de 1982. Si je me souviens bien - peut-être que je me
souviens mal de votre démonstration - je pense que ces chiffres
étaient calculés à un coût de 10%. Lorsque vous
parlez de la modernisation du fil machine - prenons un exemple - à 70
000 000 $ d'investissement, vous parlez d'une rentabilité très
forte, de 23 000 000 $ de profit par an. Est-ce que vous pourriez me dire
combien il faut de temps pour installer cette modernisation? Est-ce que c'est
trois ans? Combien de temps cela prendra-t-il pour la réaliser? Combien
cela coûtera-t-il, en dollars actuels, puisqu'on est déjà
dépassé par rapport à 1982?
M. Raimondi: Dans le cas du laminoir, les dollars qu'on vous a
donnés, ce sont des dollars de 1982, premièrement.
M. Lincoln: Oui, je le sais.
M. Raimondi: Pour ce qui est de l'implantation du laminoir, on a
deux options devant nous: selon la disponibilité des fonds, on peut
l'installer de façon assez rapide en trois ans; si nous sommes pris dans
une position où il faut étaler pour raison de
disponibilité de fonds, on pourrait étaler cela sur cinq ans.
C'est certain que selon l'option, si l'on calcule le coût réel, en
dollars courants, il y aura un impact, mais qui est quand même
relativement minime; on parle de deux ans de décalage.
M. Lincoln: Quand vous parlez de 23 000 000 $, est-ce que vous
parlez d'un retour sur l'investissement brut ou net? Avant, vous faisiez le
point, en parlant de SIDBEC en général, qu'on avait
calculé le retour brut et, après les frais d'administration, de
financement, etc., cela descendait à 0,4%. Est-ce que les 23 000 000 $
sont bruts ou nets?
M. Raimondi: Les 23 000 000 $ dont on parle, c'est
évidemment après les frais directs de production, les frais
d'usine, les frais d'administration d'usine et les frais de vente.
M. Lincoln: Quand vous parlez de la comparaison entre le projet
de réaménagement global et le statu quo, il y a très peu
de différence quand vous prenez cela sur une base relative de quatre
ans, de 1983 à 1986. La différence dans la demande de fonds
globale est de 36 000 000 $; il y a 233 000 000 $ d'un côté pour
le réaménagement global et, de l'autre côté, 197 000
000 $. Alors, c'est à peu près la même chose. Par contre,
il y a une très forte différence dans la rentabilité. Il
faut calculer qu'il y a 1500 employés qui entrent en ligne de compte.
Quelle est la période maximale de réaménagement global que
vous envisagez pour tous ces plans de modernisation qui seront mis en place?
Est-ce que ces chiffres pourraient changer d'une façon drastique?
M. Raimondi: Les quantifications financières ont
été basées sur un échéancier qu'on peut
résumer de la façon suivante: dans le réaménagement
global, il y a tout d'abord des fermetures à faire et elles
s'échelonneraient entre 1983 et 1985. Il y a les deux nouveaux projets
et, en supposant une prise de décision avant la fin de l'année,
ceux-ci pourraient démarrer, la tuberie et le laminoir en 1985. Donc, on
prévoit, pour ces quantifications, des démarrages de projets en
1985.
Si l'échéancier n'était pas respecté, c'est
certain que les quantifications varieraient. Elles varieraient dans le sens
suivant: Si on avance les fermetures, l'impact est favorable sur la
rentabilité. C'est évident que, si on était capable
d'avancer le démarrage des projets, l'impact serait aussi favorable sur
la rentabilité. Je ne sais pas si cela répond à votre
question.
M. Lincoln: Oui, cela répond à ma question.
Dernière question. Lorsque vous parlez d'un investissement pour le
laminoir et la tuberie, en tout, si on parle du dollar en 1981, en 1982, on a
à peu près, 130 000 000 $ ou 150 000 000 $. Le
député de Verchères a parlé d'un investissement du
gouvernement. Vous parlez de quoi? D'amener ces fonds sur la place publique
avec des garanties gouvernementales? Cette question n'a pas été
abordée du tout ou bien a-t-elle été abordée
purement en principe?
M. Raimondi: Concernant les études, nous avons fait les
deux types d'approche. D'abord, on suppose que l'actionnaire va financer la
mise de fonds directe de l'actionnaire par fonds propres. La deuxième
étude, qui n'a pas été présentée du tout ici
et que nous ne sommes pas équipés pour présenter, suppose
un financement à 100%. Autrement dit, on se finance avec un aval de
l'actionnaire; on se finance auprès des banques, avec des taux
d'intérêt. Les taux que nous avons utilisés pour les
projets, ce sont des financements à long terme à 15% et les taux
de financement de dette seraient de 17%. Les études sont faites, elles
sont disponibles.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Brome-Missisquoi.
M. Fortier: Je n'ai qu'une question très rapide.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Excusez-moi. Tout votre plan de relance, si j'ai bien
compris - c'est seulement une confirmation que je veux - est basé sur le
fait que l'achat de boulettes, à l'avenir, se ferait là où
ce serait dans le meilleur intérêt de SIDBEC. Donc, est-ce que je
conclus bien en disant que les chiffres que vous nous avez mis sur le tableau,
le rendement dont parlait mon collègue de Nelligan est basé sur
le fait que vous auriez accès à un marché international
des boulettes et qu'il n'y aurait plus d'engagement de SIDBEC vis-à-vis
de Normines? Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Brome-Missisquoi, il vous reste trois minutes.
M. Paradis: M. De Coster, une question bien brève. Dans
votre rapport de l'année 1981, vous mentionnez que plusieurs semaines de
négociation intense ont conduit, au début de décembre, au
renouvellement, avant leur date d'échéance, des conventions
collectives couvrant la majorité des employés. Ces nouvelles
conventions, d'une durée de trois ans, prévoient des
augmentations substantielles de salaire et des améliorations quant aux
avantages sociaux. Le renouvellement de ces ententes, sans interruption du
travail dans nos usines, est une étape significative dans
l'amélioration de nos relations avec nos employés.
Lorsqu'on parle, à ce moment-ci, de changements majeurs, de
réorientation, etc., dans quel état se situent les relations avec
les employés et ont-ils été impliqués dans les
diverses formulations que vous nous avez présentées, comme le
plan de relance et autres?
M. De Coster: Les relations de travail se sont
améliorées considérablement. Je pense qu'on doit en
trouver une démonstration dans la compréhension et la
coopération des deux parties lors de la dernière
négociation qui s'est terminée par la signature d'un contrat, qui
était sensiblement celui de l'industrie. On a réussi à le
signer un mois et demi avant l'échéance.
Historiquement, il y avait à chaque renégociation des
grèves ou des lock-out. Sur le plan des relations de travail, le climat
s'est considérablement amélioré; c'est évident
qu'on reste encore deux parties qui négocient, mais le climat s'est
considérablement amélioré.
Dans une planification stratégique, comme celle que nous avons
entreprise depuis le début de 1980 - pour répondre
spécifiquement à votre question - les syndicats n'ont pas
été impliqués directement. Les syndicats ont
été impliqués directement dans les derniers mois par
l'intermédiaire ou par la volonté du ministre
désigné.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites, M. De Coster, qu'on aurait
besoin d'un associé ou d'un partenaire. À un moment donné,
il aurait été question qu'une société de Hollande,
à laquelle vous aviez fait allusion, aurait pu s'associer dans cette
aventure avec SIDBEC. Quelles ont été les raisons pour lesquelles
cela n'a pas fonctionné?
M. De Coster: C'est exact que nous avons négocié
pendant plusieurs mois en même temps que se faisaient les études
que je vous ai déjà signalées. Cela a duré un an.
Nous avons regardé d'un bout à l'autre le projet de laminoir
à chaud, le projet de laminoir à froid, de façon à
bien situer quelles étaient les possibilités et l'incidence de
l'implantation d'un nouveau laminoir. Encore là, je n'aimerais pas
étaler sur la place publique des négociations avec une autre
compagnie et surtout une compagnie étrangère alors que je ne suis
pas autorisé à le faire. Mais ce que je peux vous dire, c'est
que, pour SIDBEC, il y a eu une démonstration très claire que le
projet était complètement hors de sa portée en raison de
son amplitude, en raison des sommes qui y étaient impliquées et
des risques commerciaux.
En ce qui a trait à notre partenaire possible et éventuel,
qui aurait pris un tiers de la production du nouveau laminoir, je peux vous
signaler qu'il a eu des difficultés et qu'il y a eu un divorce entre la
partie allemande et la partie hollandaise. La déconfiture
économique récente les a, eux aussi, convaincus que ce
n'était pas le temps de s'impliquer dans un projet de cette
envergure.
M. Leduc (Saint-Laurent): À quelle époque cela
s'est-il produit?
M. De Coster: Vous voulez dire?
M. Leduc (Saint-Laurent): Les négociations.
M. De Coster: Les négociations, particulièrement au
cours de l'année 1980. Les derniers rapports sont revenus quand,
Jean-Claude?
M. Raimondi: Estel a déposé le rapport final de
l'étude globale en décembre 1981. Ils ont commencé
à avoir des problèmes, je pense, dans les quatre ou cinq mois qui
ont suivi.
M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, il n'y a pas d'avenue de ce
côté. C'est terminé.
Le Président (M. Boucher): Tel qu'entendu, nous devons
entendre maintenant les représentants du Syndicat des métallos.
Je demanderais à M. Louis Laberge, président de la FTQ, et
à M. Clément Godbout, directeur du district de Québec, de
se présenter, en remerciant les représentants de SIDBEC.
À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien vous
avancer pour qu'on puisse procéder.
MM. les membres de la commission, s'il vous plaît! M. le
député de Verchères, s'il vous plaît!
M. Laberge, si vous voulez procéder à la lecture de votre
mémoire. (11 h 15)
Syndicat des métallos - FTQ
M. Godbout (Clément): M. le Président, je voudrais
remercier ceux qui nous ont permis de présenter aujourd'hui notre
mémoire. Je pense que vous me permettrez de présenter ceux qui
m'accompagnent pour la présentation de notre mémoire. D'abord, le
président de la Fédération des travailleurs du
Québec, M. Louis Laberge, à ma droite; à ma gauche, M.
Gérard Doquier qui est le directeur national de notre syndicat. Nous
sommes accompagnés de représentants et d'officiers syndicaux de
SIDBEC-DOSCO et de SIDBEC-Normines. Si je passe à la droite de M.
Laberge, M. André Tremblay, du local de Contrecoeur, SIDBEC-DOSCO;
Marcel Bureau, permanent de la chaîne SIDBEC-DOSCO pour le Syndicat des
métallos, on l'appelle Ti-No; Laurier Dennanay, président du
local de Montréal, DOSCO; Marcel Édoin, président du local
de Longueuil; Liliane Aubry, présidente du local des employés de
bureau, Contrecoeur; à ma gauche, Hervé Bérubé,
président du local de SIDBEC-Normines, de Gagnon; Guy Bellemare,
président du local du plan de boulettes de Port-Cartier; Harold Whitton,
président des employés de Port-Cartier, également; Raymond
Sliger, coordonnateur responsable à l'administration du Syndicat des
métallos;
Solange Essiembre, présidente des employés de bureau de
Port-Cartier, SIDBEC, et Raymond Blaney, président de la chaîne de
Quebec Cartier Mining à Port-Cartier.
Je voudrais tout d'abord remercier le gouvernement ainsi que SIDBEC, la
direction de SIDBEC, de nous avoir permis, de nous avoir donné les
informations nécessaires à la présentation de notre
mémoire. Vous allez noter que, dans ce cas-ci comme dans bien d'autres,
on n'a pas été gâté par le temps. On ne nous a pas
donné plus de temps qu'il n'en faut, on a fait notre possible pour
expliquer notre point de vue. On aurait apprécié avoir plus de
temps, mais cela était comme cela. De toute façon, on voudrait
remercier ceux qui nous ont permis d'avoir les dossiers, les documents en main
pour préparer notre mémoire.
Deuxièmement, j'aimerais indiquer que nous avons reçu la
collaboration de compétences humaines de l'intérieur de la
compagnie SIDBEC, bien sûr, des gens qui n'étaient pas tous
syndiqués, on parle également de cadres qui nous ont donné
des informations. J'espère qu'eux, n'ayant pas la protection d'un
syndicat, ne seront sujets à aucunes représailles à cause
des informations qu'ils nous ont données, parce que, dans cette
période, il est fort possible qu'il y ait eu des tensions de
créées.
Je dirai également, avant de commencer la lecture du
mémoire, qu'il y a plusieurs travailleurs et travailleuses de SIDBEC,
que cela soit de Normines ou que cela soit de DOSCO, présentement dans
la salle. Je voudrais dire que les déclarations fracassantes et souvent
intempestives de plusieurs ministres n'ont certainement pas aidé au
climat. Dans les régions éloignées, je pense que cela a
été la même chose, cela a créé des tensions
très grandes et j'espère que la commission parlementaire va nous
permettre de remettre les choses à leur place, et de situer les
problèmes tels qu'ils le sont, en mettant fin à cette avalanche
de déclarations qui rend tout le monde nerveux et malheureux et qui
n'aide pas du tout à la situation.
SIDBEC, comme les autres sidérurgies, traverse une période
difficile. Nous sommes à la croisée des chemins. Les
décisions que le gouvernement doit prendre doivent tenir compte des
objectifs sociaux et économiques qui ont mené à la
création de SIDBEC. Ces objectifs continuent d'exister et demeurent un
défi que la collectivité québécoise doit relever.
Des décisions hâtives, guidées par la panique pendant la
crise économique mondiale actuelle, seraient une catastrophe. Tout doit
être évalué, étudié, soupesé de
façon approfondie avant d'apporter le remède pour corriger la
situation.
Il faut que notre société d'État
sidérurgique demeure intégrée et transforme nos propres
ressources naturelles. Cet objectif demeure encore valable aujourd'hui,
même si les investissements dans SIDBEC-Normines créent des
difficultés financières et structurelles à SIDBEC. La
présence des partenaires et des multiples contrats qui les lient
complique la recherche d'une solution au problème de
SIDBEC-Normines.
Nous abordons d'abord les problèmes des opérations
minières. Ceci dit, nous croyons à une solution globale au
problème de SIDBEC, mais nous admettons tout de même qu'il y a des
difficultés particulières aux opérations minières
et aux opérations manufacturières.
En 1969, après les recommandations en ce sens par le conseil
d'orientation économique et le comité de sidérurgie, le
gouvernement du Québec créait SIDBEC avec la mission de s'engager
dans tous les secteurs de l'industrie sidérurgique, depuis l'exploration
et l'extraction du minerai jusqu'à la production et la vente de produits
finis. Après six années de production manufacturière,
SIDBEC s'engageait en 1974 à pousser plus à fond
l'intégration de l'entreprise par la construction d'une usine de
bouletage à Port-Cartier afin d'éliminer ses goulots
d'étranglement. On se rappellera que SIDBEC devait importer de la
Suède et du Brésil ses matières premières alors que
le Québec en possédait en abondance. À cette
époque, il était acquis et vous voyez la déclaration de
SIDBEC à ce moment... C'est dans ce contexte d'une stratégie
d'expansion de deux entreprises, SIDBEC et Québec-Cartier, que
SIDBEC-Normines fut constituée de trois partenaires: SIDBEC, 50,1%;
British Steel, 41,6%; la compagnie minière Québec-Cartier,
8,2%.
Les partenaires se sont engagés à financier 35% de
l'équité du projet d'un coût approximatif de 545 000 000 $
et à acheter ou payer une production annuelle de 6 000 000 de tonnes au
prorata de leur participation pour 25 ans. De plus, par de multiples contrats,
les partenaires se sont liés dans un mariage indissoluble, garanti par
le gouvernement du Québec, pour les engagements de SIDBEC.
La compagnie Québec-Cartier a donc vendu à SIDBEC-Normines
son concentrateur et les installations connexes à Gagnon pour 45 000 000
$, ainsi que le gisement de fer de la ville de Fire Lake pour un montant
payé sur chaque tonne de concentré produite, 10 000 000 $ en
1982. La Québec-Cartier s'engageait à faire des modifications de
raccordement aux voies ferrées pour 50 000 000 $, et aux installations
de manutentation de Port-Cartier pour 6 000 000 $. SIDBEC obtenait le
financement de l'usine de bouletage de Port-Cartier, 314 000 000 $.
Dans ce contexte de 1976, les projets d'expansion de SIDBEC
étaient évidemment crédibles. SIDBEC avait
déterminé ses
besoins immédiats à 1 500 000 tonnes et obtenait des
quantités équivalentes de réserve pour son expansion
future. Comme les autres aciéries, SIDBEC a cherché à
garantir ses approvisionnements et à se mettre à l'abri des
incertitudes du marché international. À l'époque, le
calcul était juste. SIDBEC réglait ainsi définitivement
son problème d'approvisionnement, il pouvait à l'avenir
concentrer son expansion dans le secteur de la transformation. SIDBEC voyait
grand en s'assurant en amont d'une double capacité d'approvisionnement,
d'une presque double capacité de production de concentrateur et d'une
double capacité de bouletage pour ses besoins immédiats et
futurs.
Il est évident aujourd'hui que les vannes ont été
beaucoup trop ouvertes du côté des approvisionnements et que
SIDBEC subit un véritable rez de marée financier dans ses
opérations manufacturières. Les différents goulots
d'étranglement possibles de SIDBEC dans l'avenir ont, le moins qu'on
puisse dire, été éliminés radicalement dans
l'accord, à la demande même de la direction de SIDBEC. Il ne
paraît pas juste aujourd'hui de tenter de faire reposer toutes les
responsabilités des problèmes de SIDBEC sur SIDBEC-Normines.
Nous sommes confrontés, en 1982, à une situation où
des partenaires, dont SIDBEC, ont forcé une entreprise à produire
de l'acier qu'ils ne peuvent consommer, mais qu'ils sont obligés
d'acheter pour revendre à perte sur le marché international qui
est déjà surchargé.
Au plan financier, SIDBEC-Normines doit toujours faire des profits, ne
peut s'endetter et ses partenaires n'ont qu'à payer la note même
s'ils doivent en crever. Tout a été conçu dans un
scénario de croissance continue et stable jusqu'à la fin du
siècle. Les estimations des résultats financiers pour 1982 pour
SIDBEC sont éloquents. Les pertes imputables à SIDBEC-Normines
directement et indirectement sont de l'ordre de 80 000 000 $; 22 000 000 $ en
frais financiers sur les pertes antérieures, les coûts
d'inventaire et l'intérêt sur la dette long terme, sur
l'investissement dans SIDBEC-Normines; 23 000 000 $ en perte sur la revente des
boulettes d'oxyde et préréduit; 30 300 000 $ occasionnés
par l'obligation de consommer les boulettes de SIDBEC-Normines par rapport au
prix inférieur du marché international et 4 100 000 $ pour la
quote-part de la perte de SIDBEC-Normines.
L'entente des partenaires dans SIDBEC-Normines ne laisse pas beaucoup de
flexibilité sur le niveau des achats. SIDBEC atteindra son maximum de
déficit d'achat de 1 500 000 tonnes et, après 1983, elle devra
augmenter ses achats, mais, plus elle achète, plus elle perd. On n'a pas
besoin de plusieurs dessins pour comprendre que cela n'a plus de bon sens. Les
travailleurs ne sont pas intéressés non plus à produire
des inventaires quand on ne voit pas le jour où on pourra les
écouler, même à perte.
Ces données ont à nos yeux une valeur d'illustration
d'ordre de grandeur des problèmes financiers de SIDBEC, mais nous ne
sommes pas prêts à accepter l'argument sous-jacent de SIDBEC aux
pertes de 30 000 0000 $ occasionnées par l'achat de boulettes de
SIDBEC-Normines plutôt que sur le marché international. SIDBEC a
voulu se mettre carrément à l'abri des fluctuations du
marché international en prenant le contrôle de SIDBEC-Normines.
Nous n'accepterons jamais que SIDBEC aille ailleurs s'alimenter sur le
marché international parce qu'il est plus propice, alors que c'est la
même entreprise qui nous a demandé, il y a six ans, comme
collectivité, d'investir massivement dans SIDBEC-Normines pour lui
assurer sa sécurité d'approvisionnement. SIDBEC doit s'alimenter
en matières premières au Québec. C'est une exigence sur
laquelle nous ne lâcherons pas et nous demandons au gouvernement, dans le
cadre de sa politique d'achat chez nous, de demeurer inflexible sur ce point et
nous croyons que SIDBEC peut et doit vivre avec cette contrainte.
Il est maintenant acquis par tous les intervenants et les partenaires
dans SIDBEC-Normines que SIDBEC ne pourra jamais, dans l'horizon des
années quatre-vingt, consommer la quantité qu'elle s'est
engagée à acheter dans SIDBEC-Normines. Nous sommes
évidemment d'accord avec ce diagnostic: il faut libérer SIDBEC de
cette contrainte et des pénalités qui l'accompagnent. Nous sommes
également bien conscients que les intérêts des partenaires
dans SIDBEC-Normines ne sont pas nécessairement identiques. British
Steel aura intérêt à diminuer ses achats de 41,7%, mais il
n'en va pas de même pour la compagnie minière
Québec-Cartier dont les engagements ne sont qu'à 8%. SIDBEC
écope évidemment de la plus lourde responsabilité,
50,1%.
Nous avons maintenant une compréhension plus globable des
contrats qui façonnent SIDBEC-Normines et ce n'est pas gai comme
portrait d'ensemble. À peu de chose près, SIDBEC qui a le
contrôle ne contrôle rien, son pouvoir est théorique. Il
faudrait plutôt dire que SIDBEC a la majorité des engagements
financiers et des obligations contraignantes des partenaires. Elle doit payer
la majorité de la note, elle n'a aucun pouvoir de changer les
données de la situation. D'autre part, la compagnie
Québec-Cartier avec 8% de contrôle a, à toutes fins utiles,
le contrôle des décisions majeures; les deux partenaires,
c'est-à-dire British Steel et SIDBEC, à 92% de contrôle et
d'engagements ne peuvent bouger sans l'accord de Québec-Cartier. C'est
ce qu'on
appelle se faire peinturer dans le coin.
Nous ne nous attarderons pas sur les contrats de services de
Québec-Cartier qui vont représenter, en 1982, des coûts de
40 000 000 $ et des redevances de 10 000 000 $ pour SIDBEC-Normines, si ce
n'est pour vous dire que nous pensons qu'il y a sûrement du gras à
couper quelque part dans ces ententes secondaires résiliables.
Nous avons étudié tous les scénarios et les
hypothèses connues à ce jour sur l'avenir de SIDBEC-Normines
ainsi que les engagements financiers qui en découlent, soit la fermeture
permanente, la fermeture temporaire de cinq ans, les réajustements de
production à différents niveaux, 60%, 70%, 75%, 80%, 90% ou 100%
et à un fonctionnement de 3 300 000 tonnes. Ce sont les scénarios
que nous avons regardés.
Nous rejetons les scénarios extrêmes que sont le maintien
de la situation actuelle ou bien la fermeture de SIDBEC-Normines. La situation
actuelle, à un niveau de production de 6 000 000 de tonnes, coûte
aux partenaires 100 000 000 $, soit la différence de 20 $ la tonne entre
le prix international et le prix du marché. La structure juridique et
financière de SIDBEC-Normines impose une perte de 50 000 000 $ à
SIDBEC. Ce coût est évidemment inacceptable pour SIDBEC; l'enfant
mis au monde par SIDBEC est à coup sûr en train de le faire
crever. SIDBEC n'a ni les moyens, ni l'ampleur de British Steel pour supporter
un tel fardeau. Québec-Cartier, par contre, s'en tire avec des
coûts de 8 000 000 $, mais ses redevances de 10 000 000 $ viennent
compenser ses pertes et elle n'a pas de motifs criants pour changer la
situation.
Le maintien des opérations à 6 000 000 de tonnes
crée un surplus d'inventaires inutiles et de moins en moins vendables
sur un marché international déprimé. La gestion et le
coût de tels inventaires créent des obligations trop
contraignantes pour les partenaires.
Quant à l'hypothèse de fermeture, le remboursement de la
dette obligataire, la radiation du placement dans SIDBEC-Normines et les pertes
liquides accumulées, ainsi que la perte de revenus du gouvernement du
Québec calculée de la façon la plus conservatrice et la
plus restrictive possible, au niveau du manque à gagner sur les salaires
perdus, démontrent que, sur une base de cinq ans, les coûts sont
tout aussi élevés que le maintien des opérations à
un niveau réajusté. (11 h 30)
Selon nous, la seule option possible et réaliste demeure le
maintien des opérations à un niveau de 3 300 000 tonnes par an et
que les partenaires soient tenus d'acheter leur quote-part. Les achats de
SIDBEC seraient ainsi plus concordants avec ses besoins de consommation. Il
faudrait réduire de moitié la production, réviser les
contrats avec Québec-Cartier pour éliminer tout le gras,
renégocier les clauses de redevances, faire dans SIDBEC-Normines une
révision de fond en comble pour réduire tous les coûts,
modifier en conséquence les clauses de pénalité et les
contraintes financières.
En fonctionnant à 50% de sa capacité d'exploitation,
SIDBEC-Normines encourra des pertes de l'ordre de 40 000 000 $ et la quote-part
de SIDBEC sera de 20 000 000 $. Par rapport à l'écart du prix
défavorable de 20 $, il en coûtera 60 000 000 $ de plus aux
partenaires à l'achat dont 30 000 000 $ à SIDBEC; au total, notre
coût sera de 50 000 000 $ par an.
Quel que soit le scénario envisagé, fermeture permanente
ou temporaire, fermeture de Gagnon - mine et concentrateur - avec maintien de
l'usine de bouletage et réduction des niveaux d'exploitation,
SIDBEC-Normines coûtera 100 000 000 $ par an à ses partenaires,
dont 50 000 000 $ à SIDBEC.
Nous sommes disposés à réviser immédiatement
tous ces scénarios avec tous les partenaires mais nous ne croyons pas
que la facture puisse être sensiblement réduite. Telle est,
à notre avis, la donnée de base du problème. Ce n'est gai
pour personne et personne ne peut la modifier même avec la meilleure
volonté au monde. Il nous reste à l'accepter une fois pour toutes
et à agir en conséquence.
Nous serions d'accord pour que les pertes d'exploitation de
SIDBEC-Normines ne soient pas imputées à SIDBEC et que le
gouvernement du Québec assume directement ce coût. SIDBEC,
cependant, ne doit pas être relevée de son obligation d'acheter sa
quote-part ainsi réduite d'approvisionnement de SIDBEC-Normines. Selon
nos estimations, SIDBEC est à peu près sur le même pied que
les autres aciéries canadiennes en ce qui concerne le coût de ses
matières premières. Ce n'est donc pas le facteur
déterminant de sa non-rentabilité.
L'option de réduction de production, malgré la part
importante des coûts fixes qu'assume SIDBEC-Normines, devrait favoriser
un meilleur contrôle des coûts tout en évitant
l'amoncellement astronomique d'inventaires inutiles dans la conjoncture
actuelle. On peut espérer compresser le déficit d'exploitation de
SIDBEC-Normines. Cette option oblige une réouverture de tous les
contrats avec les partenaires de SIDBEC. Nous connaissons à l'avance les
difficultés, mais nous croyons que cette opération -puisque c'est
la seule possible et réaliste -va réussir. Puisque les
créanciers obligataires devront approuver les nouvelles dispositions de
l'entente, il s'impose que les partenaires SIDBEC, British Steel et
Québec-Cartier et les gouvernements du Québec et de la
Grande-Bretagne trouvent un nouveau consensus et le recommandent avec
force aux créanciers.
Nous demandons au gouvernement que dorénavant les travailleurs,
par leur syndicat, soient présents et impliqués dans
l'évaluation plus serrée des options qui vous ont
été présentées, dont la nôtre, de participer
à l'élaboration du plan de redressement et de financement de
SIDBEC-Normines. Nous demandons aussi d'être présents aux
négociations avec les partenaires de SIDBEC-Normines de façon que
nous puissions défendre les positions des travailleurs dans cet
important dossier.
L'hypothèse de la fermeture de SIDBEC-Normines - les
installations de Port-Cartier, Gagnon et Fire Lake - doit être
étudiée à la lumière de la situation
particulière de la Côte-Nord. Il va de soi qu'une perte d'emplois
concentrée dans une région, la Côte-Nord, qui se
débat avec un taux de chômage de 23%, excluant ceux qui ont
quitté la région - et je pense que, si nous mettons les deux
ensemble, c'est d'environ 40% dont on parle - appelé
inévitablement à croître, revêt plus de
gravité que semblable phénomène dans la région
montréalaise.
Les achats effectués par SIDBEC-Normines à l'usine de
bouletage à Port-Cartier étaient effectués majoritairement
sur la Côte-Nord en 1981, soit 3 200 000 $ à Port-Cartier
même, Il 600 000 $ ailleurs dans la région sur des dépenses
totales de 24 700 000 $. De même les achats effectués par
SIDBEC-Normines se faisaient à 50% environ - soit 22 000 000 $ - sur la
Côte-Nord. C'est dire que le démantèlement des seules
installations de SIDBEC-Normines sur la Côte-Nord porte un coup
très dur à la vie économique et sociale des citoyens de
cette région.
Prenons enfin le cas de la ville de Gagnon, dont toute la vie
économique repose sur SIDBEC. Ce sont 3500 habitants qui, à plus
ou moins long terme, perdraient leur emploi. Des gens qui, en majorité,
vivent loin de grands centres depuis 15 ou 20 ans. Des familles qui, dans un
grand nombre de cas, perdront non pas un, mais deux ou trois salaires puisque
SIDBEC-Normines était l'unique source de revenus, directe ou indirecte.
Des travailleurs parvenus à un âge où les employeurs
n'embauchent plus; des femmes qui avaient réussi à se faire une
place sur le marché du travail, même dans des emplois
traditionnellement masculins. Tous ces travailleurs et travailleuses devront
s'expatrier à la recherche d'emplois qui n'existent pas et faire face
à la discrimination patronale favorisée par la crise
économique.
La disparition de Gagnon, c'est plus que la mise en chômage de
2000 personnes. C'est un gaspillage d'installations publiques d'une
cinquantaine de millions de dollars dont, par exemple, le CLSC, l'aréna,
une école toute neuve, qui n'auront plus d'utilisateurs. C'est le
déracinement d'une population attachée à son coin de pays.
C'est l'asphyxie lente de la Côte-Nord qui se poursuit.
Aux pertes d'argent énormes, à la souffrance de ces
travailleurs et travailleuses qui se sont expatriés, au
dépérissement de toute une région du Québec doivent
s'ajouter enfin une prise en compte plus globale des enjeux en cause. Il ne
s'agit pas seulement d'un choix économique. C'est essentiellement un
choix de nature politique auquel le gouvernement doit faire face.
Voulons-nous d'une société qui laisse aller à la
dérive économique et sociale une région entière? Le
gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour redonner un nouveau souffle
à SIDBEC-Normines et participer ainsi à une tentative de
redémarrage de la Côte-Nord. Le chômage représente
une perte économique énorme. De plus, il accentue les pires
travers d'une société, ses inégalités, ses
injustices et sa discrimination.
Si le coût financier immédiat de fermeture est relativement
bien cerné entre 500 000 000 $ et 600 000 000 $, les études
d'impact économique sont inexistantes dans le débat actuel. Pour
évaluer l'ampleur de cet impact, une méthode consiste à
mesurer la perte globale de la richesse nationale provoquée par une
fermeture à partir des achats et des salaires directs. Dans le cas de
SIDBEC-Normines, cette méthode nous permet d'évaluer la perte de
richesse nationale à 200 000 000 $ par an, soit 1 000 000 000 $ sur un
scénario de cinq ans. Dans la conjoncture actuelle, le Québec ne
peut se permettre de sacrifier un tel impact économique.
Les activités manufacturières. L'objectif d'une
sidérurgie intégrée, contrôlée par les
Québécois et utilisatrice de nos ressources naturelles constitue
un levier important pour aider au développement d'industries de
transformation au Québec. D'ailleurs, l'influence de SIDBEC sur le prix
de l'acier est réelle. Un simple regard sur la gamme des prix des autres
producteurs peut confirmer que, là où SIDBEC est absente, ce sont
les acheteurs qui paient les frais de transport à partir de Hamilton.
Lorsque, au contraire, SIDBEC vend le produit, ce sont les producteurs
ontariens qui assument les coûts de transport. Ils doivent concurrencer
SIDBEC qui établit ses prix à partir de Contrecoeur. La
présence de SIDBEC permet à notre petite et moyenne entreprise
d'avoir un avantage naturel sur le marché québécois et
facilite la pénétration vers d'autres marchés. Si SIDBEC
se retirait d'une gamme de produits, le coût des produits aux PME
augmenterait, rétablissant ainsi les marges de profits des producteurs
ontariens.
SIDBEC a réussi à promouvoir la
transformation de l'acier par l'industrie québécoise en
utilisant nos richesses naturelles. Il s'agit maintenant d'éliminer ses
faiblesses pour qu'elle devienne un vrai moteur de développement
industriel québécois-Toute l'industrie sidérurgique
mondiale, et non seulement SIDBEC, traverse une période très
difficile. La crise économique qui amplifie les faiblesses de SIDBEC
frappe aussi durement tous les autres producteurs. Tout récemment,
l'International Iron and Steel Institute, réuni à Tokyo, a
annoncé que toutes les sociétés sidérurgiques
seraient en difficulté pendant quelques années. Les trois grands
producteurs intégrés d'acier au Canada, soit la Stelco, Dofasco
et Algoma, traversent une période de pertes ou de diminution de profits,
créant des mises à pied massives.
SIDBEC peut justifier certains de ses problèmes financiers par la
crise mondiale, mais elle ne peut se servir de cette crise comme écran
pour masquer l'ensemble des autres problèmes financiers, structurels et
fonctionnels. Certaines des faiblesses de SIDBEC ont été
héritées de DOSCO. Ces faiblesses, elle n'a pas su les corriger.
De plus, notre société d'État et les différents
gouvernements ont commis une liste très longue d'erreurs pour lesquelles
SIDBEC continue à subir des effets néfastes.
Pendant les bonnes années, SIDBEC n'investissait pas au
même niveau que ses concurrents. Il n'est pas surprenant qu'avec la
décroissance économique actuelle, SIDBEC ait cessé de
progresser. Ses concurrents canadiens, qui ont été plus
prévoyants et qui se sont mieux équipés, peuvent continuer
à progresser même si c'est à un rythme plus lent.
Il a été reconnu par les vérificateurs de
l'entreprise que SIDBEC acquiert des immobilisations à un rythme deux
fois plus lent que l'ensemble de l'industrie de l'acier. Cette situation met en
péril le maintien de sa part du marché ainsi que, d'une
façon certaine, sa marge de profit brut.
Le gouvernement, qui est le seul actionnaire de SIDBEC, doit accepter
une partie des responsabilités de ce manque d'investissements. Plusieurs
projets proposés par SIDBEC, comme celui, par exemple, du fil machine,
même si la preuve a été faite qu'il s'agissait d'un
investissement pouvant rentabiliser une partie des activités, n'ont
jamais vu le jour à cause de l'inertie du gouvernement. Ce manque
d'initiative du gouvernement a eu comme résultat qu'un autre producteur
s'est lancé dans le domaine. À l'avenir, les décisions
d'investissements devront être prises rapidement, sans piétinement
par l'actionnaire, c'est-à-dire le gouvernement.
D'autre part, SIDBEC doit assumer un fardeau financier que les autres
producteurs canadiens n'ont pas. Les vérificateurs de SIDBEC ont
suggéré au gouvernement de recapitaliser l'entreprise afin
d'assainir sa structure financière en injectant du capital nouveau pour
un montant évalué à 140 000 000 $.
Si on compare SIDBEC à ses concurrents, elle a été
obligée de financer ses besoins en capital par une proportion d'emprunts
plus élevée. SIDBEC assume donc des dépenses
d'intérêt supérieures à celles de ses concurrents,
réduisant ainsi sa rentabilité comparativement à ces
derniers.
En sidérurgie, les besoins en capital sont énormes et
lourds à supporter. Il est donc impératif de ne jamais investir
plus qu'absolument nécessaire. Cette nécessité est
généralement dictée par les besoins de la
clientèle. L'utilisation des équipements est au maximum et il
devient inévitable d'investir pour augmenter les capacités. Ces
augmentations de capacité doivent être judicieusement
dosées pour ne pas demeurer inutilisées pendant trop longtemps.
Il en est de même pour chaque étape de production où l'on
doit décider soit d'acheter la matière première, soit de
la produire soi-même si on peut le faire à moindre coût.
C'est ainsi qu'au gré de la "profitabilité" des
activités existantes, on observe généralement une
croissance de l'entreprise qui implique une intégration graduelle vers
l'amont, c'est-à-dire qu'on juge propice d'accaparer l'opération
précédente. L'objectif est évidemment d'améliorer
sa propre marge bénéficiaire, tout en s'assurant d'une part
grandissante du marché. L'intégration vers l'amont se fait donc
par étapes et à partir du marché.
L'histoire des investissements de SIDBEC nous montre plutôt une
démarche dans le sens contraire. On investit très peu dans les
laminoirs et les parachèvements, mais alors massivement dans la
production de l'acier primaire: aciérie, Midrex et Normines. La
tentation était grande car, en 1969, avec l'achat de DOSCO, SIDBEC ne
possédait que l'aciérie de l'usine de Montréal pour
produire environ 200 000 tonnes de billettes. L'erreur fut d'investir des
sommes colossales dans des capacités excédentaires, avec l'effet
automatique néfaste de gonfler les coûts de production par des
charges d'intérêt disproportionnées. Car pendant ce temps,
la production des laminoirs ne progressait pas du tout dans la même
mesure et leur appel de matière sur les installations nouvelles en amont
ne correspondait pas à un taux d'utilisation suffisamment
élevé.
D'ailleurs, dans le cas où on en douterait, la haute direction de
SIDBEC savait exactement ce qu'elle faisait, si l'on se reporte aux propos du
président dans le rapport annuel de 1975. Ces mêmes propos avaient
d'ailleurs été livrés en commission parlementaire en avril
1976. Qu'on nous
permette d'en reprendre quelques extraits. "Si on y regarde de plus
près, on pourra observer que, depuis 1969, SIDBEC n'a pas eu
d'investissement d'argent dans ses laminoirs ou dans ses usines de
parachèvement, dont la capacité de production globale de produits
finis, est d'environ 800 000 tonnes par an. Si elle avait fait le contraire, en
investissant à fond dans ses usines de parachèvement, elle aurait
souffert de façon tragique d'un manque à gagner dans l'acier
primaire. Cela eût été mettre la charrue devant les boeufs.
"Cependant, en investissant dans une mine, dans une usine de bouletage, dans
des usines de réduction et dans des fours électriques, elle peut,
pour autant que le gouvernement la supporte, établir, en deux ou trois
ans, une infrastructure très solide qui lui permettra de produire de
l'acier en fusion sur une base compétitive. C'est, à mon avis, un
des objectifs les plus importants à atteindre dans une sidérurgie
intégrée. Quand nous atteindrons cet objectif, il nous sera
permis de penser beaucoup plus loin."
La direction à l'époque savait donc exactement ce qu'elle
faisait et elle croyait sans doute faire bonne route. On voulait aller loin et
vite, sans trop d'égards pour les coûts énormes et leur
influence sur la rentabilité immédiate de l'entreprise.
Cette philosophie de la haute direction envers les grosses
dépenses d'immobilisation en amont se reflète d'ailleurs dans
plusieurs autres projets de capitalisation. Ce fut, pendant un temps,
l'attitude qui prévalait chez les cadres supérieurs. En somme, il
ne faut pas trop regarder à la dépense, pourvu qu'on soit moderne
et bien équipé. C'est ainsi qu'on peut relever plusieurs
investissements importants dont l'ampleur dépassait inutilement les
besoins stricts, c'est-à-dire qu'on aurait pu facilement s'en tirer
à meilleur compte. Qu'on nous permette d'en souligner trois.
SIDBEC-Feruni. Quand SIDBEC a décidé de s'intégrer
en s'embarquant dans cette activité, on n'y est pas allé avec le
dos de la cuiller. On a englouti une bonne dizaine de millions et on est parti
en grande dans la ferraille. On entend rarement parler d'un entrepreneur
privé qui aurait besoin d'investir 10 000 000 $ pour pouvoir ouvrir une
cour de ferraille. Les résultats de tout cela: SIDBEC achète ses
ferrailles de Feruni à un prix plus élevé. Encore une
fois, cela coûte cher de se rendre indépendant du marché.
De toute façon, les autres solutions avaient été
écartées du revers de la main. (11 h 45)
Longueuil. En 1977, SIDBEC mettait la main sur l'usine de Questel,
comportant une aciérie électrique de deux fours et un laminoir
à barres et petits profilés communément appelés
fers marchands. Il s'agissait d'une aubaine au prix de 27 000 000 $. Or, pas
question d'essayer de faire de l'argent avec cette usine comme elle
était. Il fallait investir pour l'améliorer, 30 000 000 $ en
quatre ans. Cela nous apparaît nettement extravagant. D'autant plus
qu'une étude de la firme américaine McKee, pour le compte de la
Banque Royale, en novembre 1976, fixait le montant des investissements à
prévoir pour les cinq prochaines années entre 8 000 000 $ et 10
000 000 $.
La coulée continue de brames. Voilà un investissement de
l'ordre de 35 000 000 $ faisant appel à une technologie moderne qui
allait régler un tas de problèmes au laminoir à chaud.
L'ennui, c'est qu'elle mettait quatre ans à se réaliser et qu'on
aurait pu s'en tirer tout aussi bien sinon mieux avec une dépense de 5
000 000 $ qui aurait porté fruit après un an, en faisant appel
à la technologie conventionnelle et bien établie des fours en
fosses qu'on appelle "pits". Je demanderais à M. Duval, à l'aide
de diapositives, d'expliquer ce qu'on veut dire.
M. Duval (André): Pour fixer les idées, parce qu'on
va discuter un peu à l'intérieur de l'usine, on va vous
présenter, au total, douze dispositives. Les six premières sont
de caractère général, mais c'est simplement pour vous
donner une meilleure impression de ce dont on parle.
En premier, on a jugé bon de vous montrer un four
électrique et ses composantes. Est-ce qu'il y a moyen d'ajuster l'image?
Non, regardez le four électrique un peu, qu'on prenne la peine de le
regarder comme il faut. C'est l'engin principal de fusion et
d'élaboration de l'acier à Contrecoeur. Il y en a quatre. C'est
la technique traditionnelle des lingots qui sont en train d'être
démoulés. Lorsqu'on parlera de lingots tantôt, vous aurez
une meilleure idée de ce que dont on parle. C'est un laminoir à
brames dégrossisseur - je passe à l'autre - et c'est la sortie
d'un four de réchauffage en amont du laminoir à chaud. J'aimerais
qu'on remarque ici, dans les deux diapositives qu'on vient de voir, le
degré de chauffage de l'acier. L'acier est chauffé à
blanc. C'est la façon de faire quand on veut ensuite le laminer. La
solution qui a été retenue en 1960... Allez donc moins vite.
Une voix: On pourrait reculer un bout.
M. Duval: Reculez un peu, s'il vous plaît! C'est... Restez
là.
Une voix: On n'a pas encore la technique de SIDBEC.
M. Duval: C'est la... C'est une idée de la technique... Un
mot sur la coulée continue. On va parler tantôt des deux
routes qui nous étaient possibles à l'époque: la
coulée continue ou les lingots. On peut rester là. Ce n'est pas
du tout le type de machine qui a été retenu, mais c'est pour
donner une idée du principe de l'affaire. La machine de SIDBEC est une
machine a cintrage, il y a donc une courbure; on ne coupe pas comme cela
à la verticale, mais la brame est dirigée vers la verticale
graduellement, au moyen de rouleaux. L'idée, c'est de prendre l'acier
liquide en poche et d'en faire une brame. L'épaisseur de la brame est de
l'ordre de sept pouces. Alors, si vous vous souvenez de la photographie de
tantôt, il y avait des lingots. Du temps où l'on travaillait en
lingots à Contrecoeur, on avait des lingots de vingt-quatre pouces
d'épaisseur et de différentes largeurs naturellement et le poids
était d'environ huit ou dix tonnes.
Maintenant, on peut changer si la machine le veut bien. On peut
reprendre le texte. D'accord, restez là.
M. Godbout: Regardez, SIDBEC avait des lumières et nous
autres, on n'en a pas.
Le problème majeur du laminoir à chaud de Contrecoeur en a
toujours été un de chauffage et non de laminage. Le passage des
lingots aux brames de coulée continue n'a toujours pas apporté de
solution adéquate au problème de chauffage. Il a plutôt eu
pour effet de l'exacerber en fournissant des brames de 7 pouces
d'épaisseur en remplacement des brames laminées à 6,5
pouces d'épaisseur. En effet, pour maintenir les cadences
élevées de laminage, on doit encore maintenant faire appel au
four à sole tournante, dont le coût d'exploitation demeure
prohibitif. D'ailleurs, ce four aurait disparu avec la solution conventionnelle
des fours "pits".
Qu'on ne se méprenne pas. La coulée continue de brames est
un procédé moderne et qui possède les avantages certains.
Cependant, dans le contexte de Contrecoeur, ce n'était pas la solution
la mieux indiquée, car elle était beaucoup plus chère,
plus lente à rapporter et elle ne réglait pas complètement
le problème de chauffage à l'entrée du laminoir. Qu'il
nous suffise de mentionner ici qu'en 1980, Dofosco a choisi d'alimenter son
nouveau laminoir à chaud en lingots bien chauffés dans des fours
en fosses et cela n'est certainement pas par ignorance des bienfaits de la
coulée continue de brames.
C'est un domaine où on pourrait se montrer intarissable. On parle
ici maintenant des faiblesses chroniques de la direction, mais nous n'allons
encore là soulever qu'un nombre limité d'exemples qui nous
apparaissent cependant avoir leur importance.
Dans toute compagnie sidérurgique, il y a des postes clés
à la direction où une compétence technique est absolument
nécessaire et sans laquelle toute rentabilité d'une entreprise
est mise en danger. Il n'est pas nécessaire que tous les cadres soient
des sidérurgistes de tradition, mais il faut avoir un noyau suffisant de
gens qui ont vécu les problèmes d'exploitation des usines
sidérurgiques. SIDBEC a trop souvent comblé les postes des cadres
supérieurs par des personnes qui avaient travaillé dans d'autres
industries que celles de l'acier. Certaines compétences sont
interchangeables, mais, si on veut obtenir rapidement de bons résultats
d'exploitation, on ne peut lésiner sur la capital humain
nécessaire. Après avoir acquis ce personnel qualifié, il
faut s'arranger pour le conserver et l'employer à la formation des
autres cadres, afin de renforcer l'équipe.
Depuis 1969, on a connu pas moins de sept directeurs à l'usine de
Contrecoeur, quatre à l'usine de Montréal. Dans le cas de l'usine
de Longueuil, la fréquence de changement a été de deux en
quatre ans depuis 1978. Parmi ces directeurs, un bon nombre n'étaient
pas du tout qualifiés, quant à leur formation ou à leur
expérience des opérations sidérurgiques, pour
accéder à un tel poste. La fréquence des remplacements le
démontre d'ailleurs assez bien. L'absence de continuité à
la direction des usines se traduit par de fréquents changements aux
procédures et aux autres postes subalternes, incompatibles avec des
solutions adéquates et durables à apporter aux problèmes
techniques et humains. Dans ces conditions, on ne peut pas penser à une
équipe dont le potentiel grandit et qui peut améliorer son
efficacité.
Lors du démarrage, en 1971, la nouvelle aciérie fut
confiée à un jeune gérant de 26 ans, dont
l'expérience fort limitée le rendait bien incapable d'exploiter
à fond les nouveaux fours électriques mis à sa
disposition. Ce fut une erreur grave et coûteuse. Il fut remplacé
après deux ans par un autre jeune homme un peu plus
expérimenté, qui fut lui-même remplacé après
deux ans.
Ce qui a toujours manqué à ce poste vraiment
stratégique, c'est une personne dont les connaissances techniques et
l'expérience de production d'acier de qualité en feraient un
leader naturel, capable de s'imposer par sa compétence auprès des
contremaîtres et des ouvriers, tout en maintenant une cadence
d'exploitation et une rigueur de contrôle comparable à ce qui se
fait de mieux au monde. Il nous semble incompréhensible qu'une telle
lacune n'ait jamais été reconnue par la direction et
comblée rapidement. Il s'agit véritablement du coeur des
opérations manufacturières de SIDBEC et il est primordial qu'il
soit entre les mains d'un aciériste chevronné.
Anémie du département de ventes et marketing. Alors, il y
a une diapositive présentement au tableau. Vous allez retrouver
d'ailleurs ces tableaux dans vos
dossiers.
M. Duval: Restez là.
M. Godbout: Celle où tu étais avant.
M. Duval: Non, celle-là.
M. Godbout: Parfait.
M. Duval: II faudrait faire la mise au point, peut-être.
Vous l'avez. C'est une répartition par types de produits, quand on
parlait... Est-ce que la distance focale est correcte? Cela donne une
idée de la gamme des produits fabriqués en sidérurgie.
Quand on parlait des fameux produits longs, ce matin, ils sont en haut, et les
produits plats - la tôle - sont en bas. Je pense que chacun peut voir les
rails, le matériel de voie, les palplanches, qui ne sont pas
laminées au Canada, les rails, laminées chez Sisco, les
poutrelles chez Algoma particulièrement, les barres, les fers marchands
ronds et fil machine chez SIDBEC, entre autres. En bas, on a les tôles,
les fameuses tôles fortes, habituellement d'épaisseur
élevée et supérieure à trois seizième de
pouce, en mesure anglaise, ou 4,5 millimètres, et plutôt larges.
Les tôles moyennes, qui sont un peu moins larges, moins épaisses.
Ensuite, on passe aux feuillards. Donc, comme l'indique l'image, c'est de la
tôle mince et étroite qui a été refendue dans le
sens de la largeur. Les tôles minces comme telles, en pleine largeur.
Ensuite, on indique les tôles galvanisées, deux types de
tôle revêtue, c'est-à-dire les tôles
galvanisées et le fer-blanc. On aurait pu y ajouter les tôles
laquées et tout cela, mais c'est une diapositive qui aurait pu
être plus complète que cela. Enfin, cela donne une idée des
différents produits.
M. Godbout: Lumière.
Depuis 1969, aucun nouveau produit n'a été offert à
la clientèle, le responsable des ventes n'arrivant pas à
justifier quoi que ce soit sous ce rapport.
Si la raison d'être de SIDBEC est la mise en valeur des
transformations secondaires au Québec, il est incroyable qu'en 14 ans,
on n'ait pas réussi à augmenter la gamme des produits afin de
mieux servir la clientèle. Il est vrai que les produits de haute
qualité auraient exigé la présence à
l'aciérie d'un sidérurgiste de haut calibre, mais, même
avec les moyens du bord et dans les qualités courantes, on aurait pu
offrir certains produits nouveaux et complémentaires, comme nous le
verrons plus loin.
La recherche de nouveaux marchés et l'addition de nouveaux
produits exigent une attention constante à la clientèle et
à ses besoins, tout en ne perdant pas de vue les limites de ses propres
engins de production. La responsabilité des ventes est donc un poste
clé. Chez SIDBEC, entre 1969 et 1977, ce poste a été sous
la responsabilité d'un type dont l'expérience de vente se
limitait au travail de l'intérieur sur les prévisions et les
statistiques du marché. Depuis 1977, le poste a changé de
titulaire à quatre reprises. Pas étonnant que SIDBEC reconnaisse
que son marketing n'est pas à la hauteur. Nous avons un autre
tableau.
M. Duval: Ce n'est pas la peine de fermer les lumières,
parce que vous avez les tableaux à la fin de notre mémoire.
M. Godbout: Ce sont des tableaux que vous retrouvez à la
fin du mémoire. Ce tableau-ci: Produits plats et évolution de la
production.
M. Duval: Vous pouvez lire, vous commenterez à la fin du
paragraphe.
M. Godbout: En outre, lors de la pénurie de 1974, SIDBEC a
pris la décision d'augmenter brutalement ses prix en établissant
une surcharge de 35 $ la tonne. Elle fut le seul fournisseur parmi les grandes
sidérurgies canadiennes à prendre ainsi avantage de la situation
et les clients ont la mémoire longue pour ce genre de choses. Le chiffre
des ventes pour l'année 1975 montre bien que, lorsque le marché
est redevenu normal, SIDBEC fut rayée de la liste des fournisseurs par
plusieurs clients. On retrouve le tableau 2.
M. Duval: Non, le précédent, s'il vous
plaît!
M. Godbout: L'autre avant.
M. Duval: Le précédent, le tableau de la courbe des
ventes, montre l'évolution, face à la courbe de production qui
correspond aux ventes, depuis 1969. On remarque, naturellement, en 1976,
l'effet du lock-out de six mois, mais déjà en 1975, on voit,
après le sommet de 1974, que les ventes avaient considérablement
diminué et elles étaient même inférieures à
celles de l'année précédente. C'est un résultat de
la position du marketing de SIDBEC dans la question des prix en 1974.
Naturellement, en 1976, c'était un tout autre problème, la
production a cessé pendant six mois et cela nous donne le creux qu'on a
connu là. Cet accident de parcours, mis de côté pour tout
de suite, on voit la progression sur une longue période de la production
des tôles laminées à chaud - en rouge - qui alimentent le
laminoir à froid. On devrait lire laminoir à froid, la production
totale des laminoirs à froid. En bas, on voit les tôles
laminées à froid comme telles; dernière courbe,
l'évolution des quantités. (12 heures)
M. Godbout: Les coûts d'entretien. Vous avez un tableau
là-dessus.
Les frais d'entretien constituent une part importante du prix de revient
et on remarque une croissance énorme à ce poste. À
Contrecoeur, aux produits plats, par exemple, les dépenses d'entretien,
entre 1973 et 1978, avaient augmenté de 36%. Cependant, entre 1977 et
1981, l'augmentation fut de 168%. Il y a certainement là des
problèmes qui ne sont pas sous contrôle adéquat.
M. Duval: Les dépenses d'entretien, entre 1973 et 1977,
c'est sur une période de quatre ans, 36%; sur la période de
quatre ans suivante, c'est le chiffre qu'on a là, en pourcentage, bien
sûr.
M. Godbout: Le rôle de l'ingénierie. L'influence des
responsables de cette fonction a toujours été largement
prépondérante au sein de l'entreprise. Cela découle, en
bonne partie, de l'importance des programmes d'investissement et des travaux
neufs mis en marché depuis 1969. Plusieurs choix d'importance ont
cependant souffert de mauvais rapports avec les responsables de la production
et de l'entretien des usines. C'est ainsi qu'on en arrive à des
solutions souvent plus coûteuses et mal adaptées aux besoins
réels et aux contraintes imposées par les installations
existantes.
Comme on a tenté de le démontrer, les problèmes
majeurs de SIDBEC ne sont pas tous d'ordre structurel, ni tous attribuables
à la vétusté de certaines installations. Ce sont
plutôt des problèmes d'ordre fonctionnel qui peuvent être
résolus. Nous avons deux tableaux. Parmi les diverses solutions
examinées, il y a celle de la direction de SIDBEC qui prône la
fermeture de la division des produits plats ainsi qu'un retranchement des
activités dans le fil machine, les profilés, les fers marchands,
de même que l'expansion de la tuberie basée sur l'achat de la
barre à tube.
M. Duval: Les deux tableaux qu'on a reproduits là sont les
tableaux présentés par SIDBEC, hier, et qui montrent...
Voulez-vous reculer s'il vous plaît? Bon, restez là. C'est le
tableau des activités schématiques. Il est reproduit sur papier,
mais c'étaient ces trois secteurs: schéma des activités
actuelles qui montrent naturellement les plats, le fil machine et les
profilés. Et le tableau suivant tente de montrer ce qui reste. Il reste
la moitié de Midrex, la moitié de Peruni et la moitié
d'une aciérie, finalement, au niveau de tonnage dont on parle. Il n'y a
plus de produits plats, plus de Truscon, il n'y a plus de 18 pouces à
l'île de Montréal, c'est la peau de chagrin.
M. Godbout: Merci. Vous avez eu une idée sur tableau de ce
qui reste dans la proposition de SIDBEC. Les raisons avancées pour
soutenir une option semblable reposent sur le manque de rentabilité de
ces produits plats et celui-ci découlerait du fait que les
équipements sont dépassés. Nous ne sommes pas d'avis que
les équipements sont inadéquats. En effet, le laminoir à
chaud réversible est un outil tout à fait approprié pour
le laminage de tôle en quantité modeste. Vous savez, il n'est
peut-être pas nécessaire de viser à être les
meilleurs au monde. On accepterait, nous, que SIDBEC soit le meilleur au
Québec. Il possède de nombreux avantages, notamment au plan de
l'investissement initial réduit de même qu'au plan du prix de
revient sur les faibles tonnages. D'ailleurs, un laminoir à chaud du
type de celui de Contrecoeur peut bien rivaliser avec ceux des grands
producteurs à la condition qu'il soit bien exploité. Si on
l'approvisionne en acier de bonne qualité et s'il est bien
chauffé, ce laminoir produira une bobine de tôle laminée
à chaud de qualité amplement suffisante pour les marchés
actuels. Cette qualité de la bande laminée à chaud
convient très bien au laminage à froid et le surplus peut
très bien être destiné à la tuberie et à de
nombreuses autres applications en tôle laminée à chaud
comme telle.
D'ailleurs, que les produits plats de Contrecoeur soient
compétitifs auprès de la clientèle, c'est reconnu non
seulement par la direction de SIDBEC, mais aussi par les clients
eux-mêmes qui en ont acheté 424 000 tonnes en 1981.
En outre, ce même type de laminoir à chaud est loin
d'être en voie de disparition. Le tableau, s'il vous plaît!
M. Duval: On a essayé de mettre sur un tableau un certain
nombre d'usines de construction récente, plus ou moins récente,
mais non antérieure à 1970. C'est Acerita, je crois, au
Brésil. Il y a Washington Steel, Oregon Steel dont M. Raimondi a fait
état tantôt. Il y a Cabot Steel qui vient d'ouvrir un autre
laminoir à chaud réversible aussi, Southern Cross et Highveld qui
sont en Afrique du Sud. Ce sont des laminoirs qui destinent leur production
à des marchés restreints en volume ou à des applications
très spéciales comme dans le cas de Cabot Steel où ils
font un tas de choses, y inclus le titane. Encore là, les volumes sont
restreints.
Il y a aussi des études en cours présentement en Colombie
pour l'Espagne, la Nouvelle-Zélande - le dernier me semble plutôt
à l'étape préliminaire, pour les Indes -toujours pour le
même type de laminoir à chaud réversible, à une
cage.
Une voix: Merci.
M. Godbout: Plusieurs entreprises sidérurgiques
reconnaissent les avantages inhérents à cet engin et en font
l'exploitation présentement, ou elles étudient
sérieusement son implantation. Nous avons vu au tableau une dizaine
d'exemples parmi les plus récents. D'autres laminoirs en
opération auraient pu être ajoutés, notamment celui de
l'Arbed, au Luxembourg. À l'usine de la société Highveld,
en Afrique du Sud, le laminoir va démarrer au début de 1983.
À cette fin, la direction de Highveld s'était assurée de
l'expertise des responsables du laminoir de Contrecoeur en signant un contrat
d'échanges techniques et de formation de personnel.
Quant à nous, il est inacceptable de vouloir fermer ce laminoir
sous prétexte qu'il n'est pas rentable, car avant d'être en
position de parler de rentabilité, il faudrait tout de même avoir
mis un peu d'ordre dans sa propre maison. En dehors du coût de
l'enfournement, la façon traditionnelle d'exploiter l'aciérie de
Contrecoeur fait que les brames à l'entrée du laminoir à
chaud coûtent beaucoup trop cher. La question de chauffage des brames n'a
jamais été résolue de façon adéquate, avec
le résultat qu'on gaspille à ce seul poste un montant de 5 $
à 10 $ la tonne.
La façon de faire l'entretien à Contrecoeur, en plus de
coûter beaucoup trop cher en frais directs d'entretien, est très
coûteuse en temps de production gaspillé. La façon de
vendre les produits plats de S1DBEC doit être enfin sérieusement
révisée. Il faut non seulement se concentrer sur les produits
à plus grande marge bénéficiaire, mais aussi cesser de
craindre de trop bien servir le marché québécois.
Alors, seulement, on pourra commencer à parler
sérieusement de la rentabilité des produits plats à
Contrecoeur et on sera sans doute à même de réaliser avec
le reste du monde que non seulement les produits plats sont plus profitables,
mais qu'ils ont un effet d'entraînement sur l'industrie secondaire de
loin supérieur à celui des barres d'armature et de la broche
à clou.
Par contre, la proposition d'investir 1 250 000 000 $ pour demeurer dans
le domaine des produits plats ne nous apparaît pas très
sérieuse. L'augmentation subite de la capacité de production
qu'entraînerait une telle dépense ne pourrait être
rapidement absorbée par le marché.
Une telle recommandation est cependant compatible avec l'approche
traditionnelle de la direction de SIDBEC envers les investissements. On ne
tente pas d'étaler les montants et de doser l'effort sur une plus longue
période, tout en suivant de près l'évolution du
marché. C'est pourtant là l'approche d'entreprises profitables
comme Dofasco qui explique les programmes d'expansion comme suit... Le tableau,
s'il vous plaît'. Vous voyez la déclaration de Dofasco.
M. Duval: Cela est un classique en sidérurgie, si on peut
dire, c'est le développement d'un laminoir à chaud à
partir d'une cage réversible. On a simplifié cela, il y a des
étapes qui ont été omises pour la clarté du
tableau; cela s'est fait en plus d'étapes que cela, mais on ne veut pas
entrer dans les détails.
À droite, vous avez le laminoir dégrossisseur qui lamine
la brame de six pouces et demi ou de sept pouces, comme tantôt. À
gauche, il y a la cage finisseuse avec, en schéma, les deux fours de
maintien parce que, durant les cinq phases de laminage, l'acier est
enroulé tour à tour sur un des deux mandrins contenus dans les
fours de part et d'autre du laminoir. Après la cinquième phase,
l'acier s'en va naturellement vers la bobineuse complètement à
gauche.
Dofasco a fait la preuve d'une expansion ordonnée et graduelle de
sa capacité de laminage à chaud en introduisant, à un
moment donné, trois cages finisseuses qui étaient les cages 4, 5
et 6 d'un laminoir éventuellement finisseur continu avec une
augmentation intermédiaire de la capacité tout en maintenant la
première cage. Cette première cage est devenue la cage no 2 en
phase finale. Toute cette affaire-là s'est déroulée sur
une période de temps relativement longue, mais disons que les trois
étapes mentionnées sont de 1957 à 1965. Naturellement, il
ne s'agit pas d'étapes qui doivent être étalées sur
50 ans. Cela s'est quand même fait sur un certain nombre d'années,
mais cela a permis et s'inscrit dans la ligne de la philosophie de l'expansion
de Dofasco dont j'ai mis une citation en anglais expliquant que l'expansion et
les mises de fonds doivent être dosées progressivement et suivre
de près les demandes de la clientèle.
M. Godbout: Vous avez la déclaration de Dofasco dans le
dossier, en haut de la page 31. D'ailleurs, on sait fort bien que les deux
usines de Hamilton sont en train de d'ouvrir leur nouveau laminoir à
chaud. Proposer que SIDBEC investisse des centaines de millions dans un nouveau
laminoir à chaud de forte capacité ne répond pas du tout
à la réalité commerciale. De là à
recommander de se retirer du marché des tôles, il y a cependant
toute une marge. SIDBEC possède une part de marché qui commence
à s'approcher d'un niveau d'utilisation intéressant de ses
installations de produits plats.
Après avoir connu une bonne année, en 1981, avec une
production de 475 000 tonnes au laminoir à chaud et des
expéditions de produits plats de 424 000 tonnes, l'année 1982
sera certes beaucoup moins bonne, et
ce, pour tous les produits d'acier. Mais les tôles de Contrecoeur
ne souffriront pas plus que les autres produits. On s'attend quand même
à des expéditions totales du laminoir à froid voisinant
les deux tiers de celles de 1981. Dans l'état actuel de la conjoncture,
c'est une performance qui n'est pas à dédaigner.
En outre, si on regarde du côté de la tôle
laminée à froid proprement dite, le pourcentage d'utilisation du
laminoir à froid est présentement au-dessus de la moyenne et les
perspectives du marché à court et moyen terme sont plus
encourageantes. Ce n'est pas du tout le temps de tirer sa
révérence, mais plutôt de se cramponner à notre part
de marché pour traverser la crise et de mettre en valeur nos points
forts.
Parmi ceux-ci, il faut se décider à admettre les
possibilités commerciales de la tôle galvanisée sur le
marché du Québec et des Maritimes. Le marché est là
pour environ 150 000 tonnes par an et on pourrait y participer avec la
qualité actuelle de notre tôle. Tout ce qui manque, c'est
l'installation pour galvaniser conçue expressément pour servir ce
marché. En ce sens, nous rejetons encore les prévisions
d'investissements de SIDBEC, qui avance un montant de 55 000 000 $ pour une
ligne de galvanisation. Cette solution n'est pas la mieux adaptée aux
besoins du marché et ne correspond pas au bon rendement sur le capital.
Il faut y aller de façon beaucoup plus modeste, tout en servant la
clientèle de façon adéquate.
Nous avons voulu démontrer qu'il y a moyen de rentabiliser les
produits plats et d'éviter ainsi la fermeture quasi totale du complexe
de Contrecoeur. Le temps que nous avions à notre disposition - et je
pense que vous allez bien le saisir - ne nous a pas permis de préparer
une présentation aussi approfondie sur toutes les autres usines de
SIDBEC. Ce n'est pas notre faute, on ne nous a pas donné tout le temps
dont on aurait eu besoin; je parle de Montréal et de Truscon, entre
autres. SIDBEC doit se préparer un plan de redressement dans la
même orientation que notre présentation sur la relance de l'usine
de Contrecoeur. Il faut analyser en profondeur toutes les activités pour
trouver les moyens de rentabiliser au maximum les autres produits avec une
injection raisonnable de capital.
Il est tout à fait surprenant que la direction de SIDBEC ait
proposé la fermeture de l'aciérie et du laminoir de l'usine de
Montréal lorsque les chiffres d'affaires du complexe de Montréal
démontrent qu'il contribue, pendant les bonnes années, de 18%
à 48% des profits bruts de la société, tandis qu'en 1982,
il n'est responsable que de 11,8% des pertes. (12 h 15)
La direction de Montréal a identifié plusieurs
possibilités qui pouvaient être explorées. Nous insistons
pour que des études approfondies soient préparées sur le
potentiel des usines de Montréal et de Truscon. Avant de décider
de fermer l'usine de Montréal, il faudrait chiffrer les données
du marché sur les différents produits spécifiques à
ces installations, en tenant compte de la flexibilité inhérente
à cette usine de dimensions plus modestes. Nous n'accepterons jamais de
fermer une usine qui a contribué, pour la foi du saint ciel, 24 000 000
$ en profits bruts d'exploration durant les trois dernières
années sans qu'une justification détaillée soit
disponible.
En ce qui touche les usines de Longueuil et d'Etobicoke, en Ontario, la
menace de fermeture semble écartée pour le moment, même si
personne ne travaille à Longueuil présentement. En effet, ces
usines sont considérées comme nécessaires à
l'avenir de SIDBEC, car si l'expansion du fil machine est
réalisée, on peut s'attendre, d'une part, à une meilleure
utilisation du laminoir de Longueuil et, d'autre part, à un rôle
accru de l'usine d'Etobicoke pour écouler une partie croissante du fil
sur le marché de l'Ontario.
Quant à l'aciérie de Longueuil, il s'agit là
d'installations toutes récentes - on l'appelle la Cadillac; j'ai entendu
M. le ministre le dire - dont les dimensions et caractéristiques en font
un endroit tout désigné pour l'élaboration des
coulées de qualité spéciale. En effet, ces qualités
plus exigeantes sont mieux adaptées à la taille des fours
électriques de 50 tonnes, aux machines de coulée continue de
trois brins de billettes et aux espaces intérieurs disponibles pour
l'inspection et le conditionnement des billettes. Nous sommes d'avis que SIDBEC
possède là des atouts majeurs pour créer de nouveaux
marchés dans des produits qui commandent des prix de vente plus
élevés et, par conséquent, une marge de
bénéfices plus attrayante.
C'est notre conviction, en tout cas, que l'ampleur des coûts
économiques et sociaux d'un éventuel démantèlement
de SIDBEC est carrément sous-évaluée, tant nous sommes
obnibulés depuis quelque temps par les coûts effectivement
considérables associés au maintien de SIDBEC. D'une part, les
coûts du maintien en activité peuvent être diminués,
nous en sommes convaincus. D'autre part, les coûts économiques et
sociaux du démantèlement seraient tout simplement astronomiques
pour le Québec.
Il n'y a à peu près pas d'études
québécoises ou canadiennes sur l'impact des fermetures sur la
santé mentale et physique des travailleurs. Mais plusieurs d'entre nous
ont vécu et ont vu les effets des fermetures. Le travailleur
licencié devient angoissé et dépressif parce qu'il ne
réussit pas à se trouver un nouvel emploi en dépit de
tous
ses efforts, qu'il ne parvient plus à faire face à ses
paiements sur sa maison ou son automobile ou, plus fondamentalement, parce
qu'il a perdu toute confiance en lui et se sent inutile et isolé dans
toute la vie sociale. Le moindre choc financier, soit un accident d'automobile
ou une maladie, aggrave l'état de la crise. Ce contexte provoque ou
aggrave le problème d'alcoolisme et de tension à
l'intérieur du couple et de la famille. Le drame social et humain des
fermetures d'usine n'apparaît jamais malheureusement dans le bilan des
compagnies qui ferment leurs usines.
Les coûts sociaux du chômage peuvent semblablement
être calculés également. Une multitude d'études ont
été effectuées à ce sujet aux États-Unis,
mais le Québec accuse là aussi un retard considérable dans
ce domaine et ce ne serait pas du tout, avec plus de 15% de chômeurs, la
matière qui manque.
Plusieurs études ont démontré des liens entre le
chômage, la morbidité, et la mortalité, entre le
chômage et la délinquance; des associations étroites ont
été établies entre ces phénomènes et un taux
élevé de chômage. L'étude la plus exhaustive sur ce
sujet qui a été présentée au Congrès
américain concluait qu'en 1970, aux États-Unis, une hausse de
1,4% du taux de chômage équivalait à 5,7% de plus de
suicides, à 4,7% de plus d'hospitalisations, à 5,6% de plus
d'emprisonnements, à 8% de plus d'homicides, à 2,7% de plus de
décès dûs aux cirrhoses du foie ainsi qu'aux maladies
cardio-vasculaires, et à 2,7% de plus du taux général de
mortalité. C'étaient des milliards de dollars que la
société américaine devait assumer pour les coûts
sociaux et humains.
Pourtant, quand on parle de fermer les portes ou de licencier une partie
importante des employés d'une usine comme SIDBEC, il ne s'agit pas
seulement de froides statistiques qui continuent à s'ajouter au
coût exorbitant du chômage actuel. Ce sont surtout des hommes et
des femmes qui ont été actifs pour la société
durant leur vie complète et qu'on jettera sur le pavé comme de
vulgaires déchets. Dans l'état actuel de la crise, ces
travailleurs et ces travailleuses qui ont consacré 10, 15 ou 20 ans de
leur vie dans ce secteur ne peuvent même pas nourrir l'espoir de trouver
un autre emploi ni même de se recycler, car on leur dit en clair: La
société n'a plus besoin de vous. Pour les quelques chanceux qui
retrouveront un emploi, l'expérience nous démontre que les
travailleuses et les travailleurs de l'acier perdront 47% de revenu pour les
deux prochaines années.
Perdre son emploi, nous le savons trop bien, ce n'est pas seulement
perdre un revenu régulier; c'est, du jour au lendemain, se retrouver
dans l'insécurité économique, à la merci d'une
société qui n'est vivable que si on y travaille, mais qui ne
permet pas à ceux qui le veulent de travailler. La perte souvent la plus
dure, c'est le régime de retraite. Prenons par exemple le cas de la
fermeture de SIDBEC; un travailleur de 20 années de service et qui
aurait 44 ans d'âge n'a droit à aucune retraite. Dans tous les
cas, les travailleurs cesseront d'accumuler des crédits de rente et
devront repartir à zéro dans un autre régime, à
condition, bien sûr, qu'ils aient la chance très rare de trouver
un nouvel emploi où il y a un régime.
La perte d'un emploi, c'est aussi la perte d'ancienneté et le
travailleur devra repartir à zéro pour les promotions, les
vacances, le régime d'assurance, l'assurance-maladie et j'en passe. La
perte d'un emploi, pour un père de famille, c'est l'incapacité de
pouvoir assurer dorénavant la sécurité nécessaire
au développement de sa famille. C'est l'humiliation devant ses enfants
et c'est aussi, pour la mère, une accumulation de problèmes
financiers, sociaux et médicaux. Des chercheurs québécois
ont démontré qu'après la fermeture de ITT-Rayonier sur la
Côte-Nord, le taux de consultation médicale des femmes de 30
à 39 ans est monté en flèche. Les chercheurs avancent
comme hypothèse que les femmes assument sans doute un fardeau familial
plus lourd du fait de la présence de jeunes enfants et ce fardeau, elles
l'assument dans la solitude de leur maison. La situation est la même pour
les mères qui perdent leur emploi et encore plus catastrophique pour les
mères des familles monoparentales.
La perte d'un emploi pour un jeune travailleur ou travailleuse, c'est le
découragement pur et simple. Devant l'incapacité de leurs jeunes
confrères d'accéder au marché du travail, ils savent
qu'eux aussi seront rejetés et viendront s'ajouter au gaspillage
incroyable de cette jeune force de travail.
La perte d'un emploi pour une travailleuse ou pour un travailleur plus
âgé, c'est l'élimination du marché du travail pour
le reste de sa vie alors que la plupart ont été incapables
d'accumuler quelques revenus additionnels pour s'assurer une préretraite
et ne pas être aux crochets de la société.
Nous pourrions poursuivre ainsi longtemps l'énumération de
la liste des conséquences humaines et sociales des scénarios de
mises à pied qui se concoctent actuellement dans les bureaux de
fonctionnaires qui ne jonglent qu'avec des bilans financiers. Nous
n'accepterons pas dans ce débat une approche strictement comptable, car
les véritables enjeux sont beaucoup plus exhaustifs.
Avec une masse salariale de 100 000 000 $ et des achats au Québec
à 63% de 239 000 000 $, SIDBEC augmente la
richesse nationale des Québécois de 700 000 000 $ par
année; dans un scénario de cinq ans, c'est à un
appauvrissement collectif de 3 500 000 000 $ auquel nous confronte la fermeture
de SIDBEC.
Ici, il y a une phrase que je veux ajouter. Dans le scénario
d'une fermeture partielle des opérations de SIDBEC, alors que 1600
emplois seraient sacrifiés, l'impact global sur la richesse nationale
serait de 2 000 000 000 $ sur cinq ans. Les perspectives économiques qui
nous confrontent ne nous permettent pas d'espérer pouvoir rattraper un
tel recul de la société québécoise.
Nous demandons au gouvernement, lorsqu'il parle du bilan financier
négatif des opérations de SIDBEC, de nous illustrer
également l'impact économique et social des plus positifs de
cette entreprise; c'est le bilan global de cette entreprise que doivent
connaître le gouvernement et les Québécois avant de prendre
toute décision sur l'avenir.
En conclusion, nous déplorons que le gouvernement ait
créé un véritable climat de panique
généralisé autour des problèmes qui confrontent
SIDBEC et SIDBEC-Normines. Je crois, que c'est exact, lorsque M. le
président De Coster disait que cela n'aide pas à une entreprise,
ce qui s'est passé. Les problèmes de ces deux entreprises, dans
la conjoncture économique mondiale, ressemblent drôlement aux
problèmes des entreprises concurrentes de ce secteur. C'est parce que
SIDBEC est une entreprise d'État que le gouvernement ne peut continuer
à tenir sur SIDBEC un discours étroitement comptable et à
courte vue. La recherche de solutions aux problèmes de SIDBEC et de
SIDBEC-Normines ne peut, dans le contexte actuel, être limitée
à la nécessité d'un quelconque équilibre
budgétaire gouvernemental ou d'une quelconque rentabilité
d'entreprise privée à court terme.
SIDBEC et SIDBEC-Normines sont un des maillons forts de l'exploitation
de nos ressources naturelles et de notre développement
économique; c'est à la fois la vie de toute une région et
la base de notre infrastructure économique sur laquelle repose le sort
de centaines de petites et moyennes entreprises qui ont besoin de SIDBEC et de
SIDBEC-Normines pour poursuivre leurs activités. Ces petits clients que
sont les PME québécoises viendront très loin dans la liste
des priorités des grandes acieries canadiennes; en fait, elles sont
vouées à une mort certaine tellement les délais de
livraison les sortiront systématiquement du marché.
SIDBEC et SIDBEC-Normines, c'est aussi notre indépendance
économique dans le secteur qui, quelle que soit la conjoncture, sera
toujours névralgique pour le développement industriel du
Québec. C'est parce que cette entreprise est nationalisée qu'elle
nous permet de faire des évaluations qui nous portent plus loin que le
court terme. C'est parce qu'elle est nationalisée qu'il faut agir
différemment de l'entreprise privée à son égard et
tenir compte de toutes les considérations afférentes à sa
fermeture.
Le gouvernement du Québec et la société
québécoise, puisque, de toute façon, en dernier recours,
c'est toujours la société qui doit absorber tous les coups
d'où qu'ils viennent, doivent tenir compte des dimensions et des
coûts sociaux et humains dans toute décision sur l'avenir de ces
entreprises.
Nous demandons au gouvernement que, dorénavant, lorsqu'il parlera
des coûts financiers de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, il nous parle
également et en même temps des coûts sociaux et humains et
de l'impact économique de ces entreprises sur l'avenir du Québec.
Nous tenons à cette exigence, car nous croyons que les coûts
sociaux et humains sont tout aussi importants, et peut-être tout aussi
onéreux et plus lourds à supporter pour la société
que les coûts strictement financiers. C'est en quelque sorte à
partir du problème très important qui nous confronte que nous
demandons au gouvernement de jeter les bases de sa conception d'une
société démocratique, respectueuse de la dignité
des personnes et vouée tant à l'amélioration de la
qualité de vie humaine et sociale des citoyens qu'au mieux-être
économique de l'ensemble.
Nous avons la conviction que les problèmes techniques et de
gestion de SIDBEC peuvent être résorbés. Nous avons
également la certitude que personne ne trouvera de solution miracle dans
SIDBEC-Normines. Nous sommes tout à fait conscients des contraintes
financières du gouvernement du Québec et de la
nécessité d'en arriver le plus rapidement possible à une
rentabilité financière dans les opérations de SIDBEC. Le
travail sera difficile et nous en convenons. C'est pourquoi les travailleurs de
SIDBEC et de SIDBEC-Normines offrent leur collaboration pour relever le
défi et participer activement à la réorganisation
d'ensemble qui s'impose dans ces deux entreprises. C'est un nouveau
départ qui doit s'effectuer dans ces entreprises et les travailleurs qui
sont aussi insatisfaits que vous de la situation actuelle vous tendent la main
pour tenter d'en sortir tous ensemble, le plus rapidement possible et le plus
efficacement possible, pour le mieux-être de l'ensemble de la
société québécoise.
Les différents scénarios de fermeture de SIDBEC et de
SIDBEC-Normines entraîneraient 3000 pertes d'emplois: 1600 emplois
à SIDBEC et 1500 à SIDBEC-Normines, pour une perte de richesse
nationale de 3 500 000 000 $. Par ailleurs, il faut mentionner que le
Québec consomme
20% de la production canadienne, alors que SIDBEC n'en produit
actuellement que 8%.
En toute justice, le gouvernement fédéral doit appuyer
notre démarche et celle qui a été faite jusqu'à ce
jour par nos gouvernements, surtout qu'il a déjà
subventionné la sidérurgie néo-écossaise Sisco
à raison de 89 000 000 $.
Je voudrais demander au directeur national de notre syndicat, à
ce moment-ci, lui qui a participé et qui a été très
actif à ce dossier, de nous expliquer ce que le gouvernement
fédéral a fait dans Sisco.
M. Doquier (Gérard): C'est assez simple. Le gouvernement
fédéral a prêté son concours et ses experts pour
faire des études de rentabilité d'une aciérie qui est de
loin en plus mauvais état que SIDBEC ne l'est et - je pense que c'est le
point le plus capital - a aidé à trouver des
débouchés pour les produits fabriqués par l'aciérie
de Sisco. Bien sûr, Sisco est encore moins spécialisée ou
plus spécialisée, si vous voulez, que SIDBEC, parce que la
majeure partie de sa production, ce sont des rails et qu'il n'y a que deux
importants producteurs de rails au Canada, Sisco et Algoma. Mais l'appui du
fédéral au niveau de Sisco fait en sorte que Sisco continue
à opérer. Sans l'appui massif du fédéral, Sisco
serait fermée depuis à peu près deux ans.
Une voix: Merci.
M. Godbout: Le gouvernement fédéral a
déjà avisé le gouvernement de la Nouvelle-Écosse
qu'il est prêt à négocier une entente qui amènerait
la construction d'une Co Kerie d'une valeur de 100 000 000 $. En
conséquence, le gouvernement du Québec doit revendiquer du
fédéral sa juste part pour SIDBEC. (12 h 30)
Nous avons voulu démontrer que les déficits de
SIDBEC-Normines étaient causés par les contrats liant les
partenaires et qui menottent SIDBEC, même si elle détient la
majorité des actions.
Les déficits des opérations manufacturières ne sont
pas causés par des équipements désuets. Certes, la crise
économique nous frappe durement et elle nous oblige à nous serrer
les coudes et à trouver des manières d'augmenter la
rentabilité de SIDBEC. La solution se situe plutôt dans une
meilleure gestion des équipements que nous avons en main et dans
quelques investissements qui augmenteraient la productivité, la
qualité des produits et finalement la rentabilité des
opérations.
SIDBEC a présenté au gouvernement des projets
d'investissement pour les tôles galvanisées, le fil machine, les
tôles fortes et la tuberie. Nous voyons dans ces investissements un
potentiel élargissement de la gamme de produits et une
amélioration de la rentabilité des opérations.
Nous exigeons d'être impliqués dans l'analyse de ces
projets, dans l'élaboration de l'orientation de l'entreprise, dans les
futurs plans de redressement et nous voulons les outils pour le faire. Une fois
ce plan de redressement complété, nous nous engageons à le
présenter à nos membres. Si ce plan fait l'objet d'ententes entre
les parties, c'est-à-dire s'il est accepté par nos membres, y
compris notre syndicat, nous serons alors disposés à recommander
à nos membres de s'impliquer tant dans la gestion que dans le
financement de SIDBEC, pourvu que les règles de notre implication soient
clairement définies.
La collectivité québécoise ne peut se permettre de
détruire ces outils économiques privilégiés que
sont SIDBEC et SIDBEC-Normines. Le défi qui nous a été
proposé dans les années soixante est toujours là car nous
ne l'avons pas encore complètement relevé.
Aucun gouvernement, quel qu'il soit, n'a le droit d'humilier les
Québécois, en laissant croire que nous ne possédons pas
les capacités et la fierté de réussir ce grand projet
collectif. Si nous n'avons pas le courage ensemble de maintenir en vie ce
moteur économique essentiel qu'est SIDBEC, nous redeviendrons ce que
plusieurs souhaitent, des valets au service des possédants
étrangers et nous devrons nous contenter des miettes qu'ils veulent bien
nous laisser. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Godbout. Étant
donné que nous sommes à l'heure de la suspension, j'indique aux
membres de la commission et aux représentants du syndicat que la
période des questions pourra avoir lieu après la période
de questions de l'Assemblée nationale, vers 15 heures cet
après-midi.
Je vous invite donc à revenir cet après-midi et la
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 33)
(Reprise de la séance à 16 h 01)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du
tourisme est réunie pour entendre certaines représentations en
vue de revoir l'orientation de SIDBEC.
Les membres de la commission, aujourd'hui, seront: M. Charbonneau
(Verchères); M. Biron (Lotbinière); M. Dussault
(Châteauguay); M. Fortier
(Outremont); M. Perron (Duplessis); M.
Lincoln (Nelligan); M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Paré
(Shefford); M. Grégoire (Frontenac); M. Ciaccia (Mont-Royal).
Les intervenants sont: M. Martel (Richelieu); M. Leduc (Saint-Laurent);
M. Blais (Terrebonne); M. Kehoe (Chapleau); M. Champagne (Mille-Îles); M.
Rocheleau (Hull); M. Tremblay (Chambly) et M. Vaillancourt (Orford).
Nous en étions... M. le député de Duplessis,
excusez-moi.
M. Perron: M. le Président, je voudrais demander ici aux
membres de la commission si ces derniers seraient prêts à entendre
le mémoire no 5 du Regroupement municipal des villes de Gagnon et de
Port-Cartier tout de suite après le mémoire no 2, celui des
métallos, puisque ces personnes doivent s'absenter ce soir à
cause des horaires d'avion et ainsi de suite. Alors, est-ce que les membres
seraient prêts à accepter ça?
M. Ciaccia: II n'y a pas d'objection. Nous sommes d'accord, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): Alors, c'est
accepté.
M. Fortier: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Voici, M. le Président, je suis tout à
fait d'accord. Les métallos vont prendre un certain temps. Ils ont
présenté un mémoire extrêmement étoffé
et il va falloir passer au travers. D'ailleurs, le porte-parole de notre parti
a indiqué son accord. Mais, ce qui m'inquiète, c'est le
déroulement de nos activités jusqu'à la fin. Je pense bien
que, vu l'importance du sujet, il est malheureux que le gouvernement n'ait pas
prévu plus de deux jours. Je ne sais pas si on peut indiquer
dorénavant l'ordre dans lequel nous allons procéder
jusqu'à minuit, mais il est à peu près certain que, d'ici
là, on va avoir beaucoup de difficultés à entendre la
totalité des mémoires.
Alors, je me demandais, M. le Président, si le ministre avait des
indications à nous donner pour le déroulement ultérieur de
cette commission qui, de toute évidence, aurait dû être
programmée sur une période de temps beaucoup plus longue, puisque
SIDBEC et les métallos à eux deux auraient dû, normalement,
prendre deux jours; c'est malheureux. Je sais que ces gens nous ont
parlé; ils ont dit que certains d'entre eux étaient
désolés du retard que la commission prenait, mais je crois que la
programmation voulue par le gouvernement a été tout à fait
inacceptable.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, j'ai parlé aux
gens de la municipalité de Contrecoeur qui ont la bienveillance
d'attendre leur tour depuis hier. Je pense qu'ils acceptent eux aussi
d'attendre encore une fois pour laisser les gens de la Côte-Nord, ceux
qui ont des avions à prendre, passer avant eux. Ils m'ont indiqué
que leur mémoire n'est pas tellement long et que, suivant les questions
des membres, ça ne devrait pas prendre trop de temps. Ce que je
demanderais, en toute considération, étant donné qu'ils
devaient passer hier soir, qu'on les a remis à aujourd'hui et qu'on les
remet encore, c'est qu'ils soient les premiers à passer après les
personnes qui ont à prendre un avion, afin que la soirée ne soit
pas trop avancée quand ils le feront. Je ne peux pas donner
d'indications sur les autres...
M. Fortier: Vous avez toute notre coopération.
Le Président (M. Desbiens): Alors, ça va. M. le
ministre.
M. Biron: D'abord, je voudrais faire des... Je n'ai que quelques
questions à poser aux représentants des métallos. Je
voudrais faire des commentaires sur le mémoire qui est devant nous, qui
nous a été présenté. Je veux à la fois
féliciter et surtout remercier les gens des métallos qui se sont
donné la peine de fouiller le dossier profondément. Je sais que,
depuis quelques semaines, les métallos ont dû libérer
plusieurs de leurs principaux responsables pour étudier en profondeur le
dossier, compte tenu des informations que nous avons pu leur procurer. Ils se
sont préparés pour venir ici et on doit dire aujourd'hui que leur
mémoire est empreint d'une très grande responsabilité. Le
mémoire contient une vision globale de ce que serait SIDBEC et
SIDBEC-Normines et, bien sûr, plusieurs des suggestions pratiques
seraient même, à première vue, probablement
réalisables. C'est un mémoire qui, je dois le dire... Bien
sûr, nous et les dirigeants de SIDBEC avions analysé
différents scénarios pour SIDBEC-Normines, et différents
scénarios pour les activités manufacturières de SIDBEC.
C'est un mémoire qui nous est présenté maintenant avec un
brin d'air frais qui mérite qu'on s'arrête pendant quelques
instants pour en parler, mais qui mérite aussi qu'on s'y arrête
pendant quelques jours pour le chiffrer en profondeur.
Je comprends que les représentants des métallos n'avaient
pas tous les chiffres en main et on n'a pas pu mettre des extensions en disant:
Cela rapportera tant ou il y aura tel pourcentage de retour sur nos
investissements, un peu comme SIDBEC l'a fait hier - c'est dans ce sens que
j'en
arriverai, un peu plus tard, à vous faire une suggestion -
chiffrer véritablement le scénario au complet avec une approche
globale de solution pour SIDBEC et SIDBEC-Normines.
Le scénario présenté par les métallos fait
état de négociations qui devront être menées avec
nos partenaires et nos bailleurs de fonds. Il y a peut-être le
côté de l'analyse de marché où il faudra aussi
s'arrêter ensemble pour avoir une analyse un peu plus complète,
à savoir si nous nous décidons d'investir dans tel domaine
d'activité manufacturière plutôt que dans tel autre, pour
s'assurer moralement de ne pas faire les mêmes erreurs qu'autrefois et
d'avoir véritablement un marché pour l'argent que le
Québec mettra collectivement dans cette entreprise.
Il y a quand même une différence énorme entre le
côté marketing, le côté gamme de produits dans la
présentation des métallos, et dans la présentation des
dirigeants de SIDBEC. Il faut se rappeler que SIDBEC est une sidérurgie
intégrée - on a dit qu'elle était trop petite pour
être grande et trop grande pour être petite - c'est-à-dire
qu'avec SIDBEC, jusqu'à maintenant, on a essayé de
l'intégrer complètement de la mine aux produits finis jusqu'aux
clous, aux vis et aux fils et de l'intégrer complètement, de
l'autre côté, à produire véritablement l'ensemble,
la gamme de tous les produits. Les dirigeants de SIDBEC nous suggèrent
de réduire cette gamme et de viser certains créneaux de produits.
Il y a peut-être lieu aussi, sur le mémoire des métallos,
de s'arrêter avec une étude de marché et de décider
s'il faut véritablement ou si on a des possibilités de passer
à travers en élargissant la gamme de produits, ou si on ne
devrait pas la réduire et viser certains créneaux, des 10 000
tonnes et 50 000 tonnes à la fois, sans nécessairement viser les
grands créneaux de production, particulièrement ceux des produits
plats, en investissant énormément d'argent et en cherchant des
grands marchés de millions de tonnes pour le même produit.
Maintenant, quant au secteur minier, je pense que votre analyse sera
pessimiste pour certains; pour d'autres, ce sera une analyse réaliste,
mais je pense bien que vous voyez le marché très difficile pour
les prochaines années. Vous nous dites: On n'est pas
intéressés à produire des boulettes, des matériaux
et à ne pas les vendre, à les laisser dans les cours quelque part
ou être pris avec. Je pense que c'est une attitude très
responsable. D'un autre côté, vous n'allez pas jusqu'à
l'extrême en disant: On enlève tout. Vous choisissez un
scénario du centre en gageant à la fois sur les
équipements installés dans le bouletage à Port-Cartier et
en gageant sur l'avenir avec la connaissance des hommes et des femmes qui
connaissent leur métier dans SIDBEC-
Normines. Mais le fait de réduire la production à 3 000
000 de tonnes, c'est sûr que, au départ, cela nécessite une
négociation avec nos partenaires; cela nécessite une
négociation avec les prêteurs, une négociation avec les
partenaires, ce qui fera en sorte de minimiser les coûts du minerai de
fer rendu à Port-Cartier, parce que je crois que c'est un point
important et c'est là, semble-t-il, qu'il y aurait des économies
à faire si on fait le dégraissage sur toute la ligne.
Négociation avec les partenaires, aussi, pour les coûts de
bouletage. Là, les économies seraient beaucoup moindres parce
que, déjà, l'usine de bouletage me semble - d'après tout
ce que j'ai su jusqu'à ce jour, tout ce que j'ai pu lire et analyser sur
SIDBEC-Normines - assez moderne; elle est très bien rodée. Il me
semble qu'on a atteint des capacités de production, et il y a
peut-être des économies à faire en cours de route, mais le
fait de réduire aussi la production à 3 000 000 de tonnes au lieu
de 4 000 000 ou 5 000 000 de tonnes va un peu élever les coûts par
tonne de produit.
Il y a peut-être un peu d'économies à faire à
l'usine de bouletage, à ce qu'il me semble, mais beaucoup moins.
Là où il y a une négociation très sérieuse
à faire, c'est à partir du minerai jusqu'à l'usine de
bouletage. Cela nécessite une négociation avec les partenaires.
Cela nécessite aussi une négociation avec les prêteurs qui
n'auraient peut-être pas été prêts à
négocier, il y a un an ou deux, mais qui, à cause de
l'état du marché actuel et du taux d'intérêt qui a
diminué d'une façon importante... Il y a peut-être des
ouvertures possibles de ce côté, mais cela nécessite cela
quand même, d'une façon sérieuse et professionnelle.
Une question - j'y reviendrai à la fin, mais que je vous en donne
préavis - lorsque vous dites: II y a réouverture de tous les
contrats avec les partenaires. Pour moi, les travailleurs sont des partenaires.
Est-ce que vous laissez entendre qu'on est prêt à s'asseoir, puis
à regarder ensemble ce qu'on peut faire pour minimiser nos coûts
de fonctionnement?
La production à 3 000 000 de tonnes ou à 3 300 000 tonnes,
je pense que vous avez vu juste en disant qu'on devra faire un effort accru
pour vendre l'excédent qui sera la part de SIDBEC ou 50%, 1 500 000
tonnes ou quelque chose comme cela, et cet excédent, le vendre au
maximum du prix qu'on pourra trouver sur le marché; donc, de faire le
marketing d'une façon très professionnelle.
Je veux vous donner ici l'assurance que, quel que soit le
scénario que nous allons accepter pour SIDBEC et SIDBEC-Normines, toute
la quantité de boulettes nécessitée par SIDBEC sera prise
au Québec. Pas question qu'on fasse venir des boulettes de
l'étranger
lorsque, au Québec, on est capable d'en produire. Je suis assez
reconnu, je pense, comme un des défenseurs de l'achat chez nous, de
l'achat au Québec, pour vous donner cette assurance. Même si, dans
un scénario tel que vous le suggérez, SIDBEC-Normines et SIDBEC
sont des entités séparées, il y aura toujours un lien qui
sera conservé, afin qu'au moins les centaines de milliers de tonnes de
boulettes dont nous aurons besoin -que ce soient 200 000 tonnes ou 800 000
tonnes de boulettes - seront des boulettes produites au Québec.
Ou côté manufacturier, c'est là que vous avez un
grand nombre de suggestions concernant différentes économies que
nous pourrions faire. Vous faites l'analyse de surinvestissement en amont, et
je crois que vous avez vu juste. Tout le monde voit cela dans l'histoire de
SIDBEC. Vous nous dites aussi qu'il y a eu des investissements importants de
faits, dont l'ampleur dépasse les besoins. Exemples: Questeel et
SIDBEC-Feruni. Je pense qu'il faudrait regarder cela, avec les dirigeants de
SIDBEC. Cela serait intéressant de voir votre point de vue
là-dessus.
Au point où nous en sommes aujourd'hui, s'il y a moyen de reculer
un peu puis d'économiser quelque chose ou s'il faut vivre avec des
erreurs du passé ou si, véritablement, on était
obligé de les faire à cause de certaines autres
considérations qui n'ont pu être trouvées dans les rapports
que nous vous avons remis...
Vous avez noté - je crois que le président de SIDBEC l'a
d'ailleurs noté lui-même; il me l'a dit à plusieurs
reprises - les nombreux changements à la direction dans l'histoire de
SIDBEC depuis une quinzaine d'années, ce qui fait des problèmes
énormes pour la direction du capital humain. C'est sûr qu'à
chaque fois qu'on change de direction, on change aussi une vision globale de
l'entreprise ou une vision sectorielle de l'entreprise. Je pense que,
là-dessus, tout le monde est d'accord avec vous. Il s'agit d'avoir les
meilleurs hommes possible et de faire en sorte d'assurer une certaine
continuité. (16 h 15)
L'offre que vous nous faites à la fin, celle d'une participation
plus intense aux décisions importantes de l'entreprise, me semble aussi
donner une assurance d'une certaine continuité au point de vue
technique, ou moins pour s'assurer que ce qu'on a fait hier ne soit pas
nécessairement changé demain avec une nouvelle vision, pour qu'on
puisse discuter à fond de la raison pour laquelle on a posé tel
ou tel geste, il y a un an, deux ans et trois ans. Ceci veut dire que, de temps
à autre, il faudra aussi poser des gestes de changement, ne pas craindre
d'avoir des idées neuves, mais cela nous assure d'une démarche
progressive sans des changements du jour au lendemain qui reviennent un peu aux
mêmes changements quelques années plus tard.
Vous nous avez aussi mentionné des problèmes de chauffage
de brames ou de déficience de marketing pour un certain bout de temps,
du coût d'entretien, du rôle de l'ingénierie,
d'équipement inadéquat ou adéquat, selon le
côté de la clôture où on se place. De même,
vous mentionnez que le modèle de laminoir à chaud que nous avons
présentement à SIDBEC est loin d'être en voie de
disparition, une suggestion sur la tôle galvanisée. Vous dites un
peu comme la direction de SIDBEC, c'est-à-dire que la proposition
d'investir 1 250 000 000 $ dans les plats n'était pas sérieuse
parce qu'il n'y a pas de marché. Je pense que votre analyse
là-dessus est passablement juste.
Mais, quand même, tous ces détails au point de vue
manufacturier, j'aimerais qu'on puisse en discuter plus à fond, entendre
les gens de SIDBEC et la direction et, à l'intérieur d'un
comité restreint composé des représentants des
travailleurs et des représentants de la direction, sous la direction de
mon ministère, essayer de revoir si véritablement il y a des
économies importantes à faire ou s'il y a des directions
nouvelles qu'on doit se donner mutuellement dans la gestion de ce qui est, ou
de ce qui restera, ou de ce que deviendra SIDBEC.
Vous mentionnez aussi qu'il n'y a pas de solution miracle. Dans votre
présentation, vous nous dites qu'il y a des contraintes
financières, qu'on ne peut pas continuer comme cela parce que cela
démoralise tout le monde. Tant et aussi longtemps qu'un gouvernement est
obligé de pomper de l'argent dans une société
d'État, il arrive ce qui arrive depuis quelques mois. Tant qu'un
gouvernement est obligé de donner de l'argent, d'ailleurs, à une
société privée, il arrive toujours de l'incertitude et de
l'insécurité.
J'ai mentionné tout à l'heure à l'Assemblée
nationale le cas de Chrysler; on pourrait mentionner le cas de Massey-Ferguson
ou le cas de plusieurs entreprises qui ont dû avoir besoin d'argent des
gouvernements, et même des petites et moyennes entreprises qui sont en
difficultés temporaires ou permanentes. Cela crée, bien
sûr, de l'insécurité, d'autant plus que c'est une grande
société qui est la propriété de l'État
québécois, cela aussi crée beaucoup
d'insécurité. Si SIDBEC était rentable, je pense qu'on ne
serait pas ici autour de la table à discuter sur son avenir. Lorsqu'elle
fait 600 000 000 $ de chiffres d'affaires et qu'elle perd 150 000 000 $,
n'importe quelle entreprise, qu'elle soit publique ou privée, va
susciter des discussions, à moins qu'elle ferme ses portes. Après
cela, on se réunira autour d'une table en disant: Qu'est-il
arrivé pour qu'elle ferme? Mais, il sera trop tard.
On pleurera sur le lait renversé.
Parce que c'est une société d'État, je pense que le
gouvernement a accepté une position qui est responsable: avant
d'apporter des changements majeurs, il a consulté tous les intervenants
ou les principaux intervenants, ceux qui étaient principalement
intéressés, en l'occurrence les représentants des
travailleurs.
Vous dites qu'il faut véritablement en arriver le plus rapidement
possible à une rentabilité financière, tout en
étant aussi responsable du point de vue social, particulièrement
sur la Côte-Nord où il y aura un coût à payer pendant
X années si on veut maintenir les opérations. Vous nous dites:
Nous sommes prêts et nous vous tendons la main pour tenter ensemble de
sortir une offre de collaboration vraiment positive. Vous nous faites la
suggestion du gouvernement fédéral. La décision du
gouvernement du Québec vis-à-vis du gouvernement
fédéral était prise là-dessus, c'est-à-dire
de demander la participation du gouvernement fédéral, mais je
pense qu'il était trop tôt. Tant et aussi longtemps que nous ne
nous sommes pas arrêtés, nous autres, définitivement, sur
le scénario que nous allons accepter, il est trop tôt pour se
présenter à Ottawa et dire: Donnez-nous de l'argent. La
réponse va être: Qu'est-ce que vous faites? Ce qu'on fait? On va
dire: On n'est pas encore décidé, on consulte nos gens.
Aussitôt que la décision sera arrêtée, bien
sûr, il y aura une demande formelle de transmise à Ottawa et aussi
on comptera sur tous les membres de l'Assemblée nationale. Comme on a eu
le support, dans un autre cas, aujourd'hui, du député
d'Outremont, on aura certainement le support du député de
Mont-Royal et de son groupe et on aura besoin aussi, bien sûr, du support
de la population et des travailleurs là-dessus. Mais, avant, il faut
s'arrêter à notre scénario et faire une présentation
responsable au niveau du gouvernement fédéral.
Vous avez comme objectif une meilleure gestion des équipements et
de l'investissement qui pourrait augmenter la productivité, la
qualité et la rentabilité; je pense que c'est exactement cela
que, tous ensemble, il faut viser. Mais, avant d'en arriver à votre
conclusion, j'ai toujours cru -et particulièrement dans ces
années difficiles qu'on traverse - que le développement
économique, la gestion des entreprises ou la gestion des gouvernements,
cela ne sera plus jamais pareil. À cause de la crise qu'on a
vécue depuis quelques années, je pense qu'il ne faut pas craindre
des idées neuves, des gens d'action et des personnalités fortes.
Vous nous faites une suggestion d'idées neuves pour une
société d'État de l'envergure de SIDBEC: une participation
des travailleurs aux décisions importantes de l'entreprise, en allant
jusqu'à l'éventualité d'une participation des travailleurs
au financement de l'entreprise. Quand on parle d'idées neuves, je pense
que cela en est une.
Je veux vous citer une lettre que j'ai reçue d'un de mes amis,
professeur d'université, à propos de SIDBEC. Vous allez
certainement reconnaître des actions que les hommes de SIDBEC doivent
mener. Je cite un paragraphe de cette lettre: "Plusieurs formules existent
déjà qui pourraient être examinées concernant
SIDBEC. Mais, elles supposent d'abord une volonté de survivre et un
espoir de pouvoir le faire chez les premiers concernés et les mieux
placés pour le faire: les hommes de SIDBEC. Sans cette volonté
première, sans ces ressources essentielles directement
impliquées, le projet national est voué à l'échec.
Sans elles, moins forte sera la volonté nationale de maintenir actif un
complexe sidérurgique. Sans elles, cette volonté et ces
ressources, les parties impliquées s'enfonceront davantage dans
l'engourdissement d'un certain fonctionnarisme et alors les déficits
seront intenables. Sans un engagement plus manifeste des employés de
SIDBEC, les chances de ce projet national dans la crise actuelle sont trop
minces. Mieux vaut s'en tenir à la perspective financière et
comptable. Un pays se construit - continue mon ami professeur
d'université - avec des citoyens capables d'affronter les situations
difficiles avec courage et intelligence. Si ces vertus n'existent pas
suffisamment dans notre secteur sidérurgique, mieux vaut s'en retirer au
plus tôt."
Je réalise que, sans avoir lu la lettre de mon ami le professeur,
vous nous offrez de vous impliquer d'un bout à l'autre du processus.
Bien sûr, on voit cela de temps à autre dans certaines petites
entreprises ou moyennes entreprises. On n'a pas vu cela encore dans de grandes
entreprises. J'ai vécu cette expérience il y a quelques mois avec
la compagnie Forano, qui est une autre des sociétés
d'État, qui était en difficulté, où les
travailleurs nous ont offert leur participation, à condition d'avoir une
véritable participation aux décisions tout le long de la ligne
d'opération. Nous avons formé un comité décisionnel
et, déjà, je peux vous dire que j'ai parlé avec le
président de la Société générale de
financement ce matin qui me disait qu'il était très satisfait des
étapes franchies depuis quelques mois à cause de la participation
des travailleurs dans l'entreprise. Déjà, ils sont parvenus
à faire des économies au niveau de la production par certaines
petites suggestions, bien minimes si vous voulez, mais qui, en bout de piste,
sont importantes dans la période économique que nous traversons
présentement. Votre participation aux décisions, aux suggestions,
aux étapes importantes qu'ensemble nous allons franchir, je l'accepte.
Quant à vous impliquer financièrement, vous savez que,
déjà, à plusieurs reprises, j'ai parlé de la
participation financière des travailleurs au capital-actions de
l'entreprise. Mais je m'oppose et je m'opposerai toujours à demander
à des travailleurs d'investir dans une entreprise où je serai
moralement certain qu'ils perdront leur argent. Le jour où j'accepterai
votre offre, c'est que, personnellement, je serai moralement assuré que
les travailleurs, un jour ou l'autre, pourront ravoir une partie de leur argent
ou, au moins, ne perdront pas leur argent en plus de perdre leur emploi, si
l'entreprise s'en allait à la fermeture complète. C'est dans ce
sens que je vous dis que, sur le principe, je suis d'accord. Sur l'application,
nous allons revoir ensemble les scénarios que cela implique, nous allons
revoir ensemble si véritablement il existe un marché dans les
différents créneaux qui seront suggérés et si le
marché existe, si nous sommes capables de produire efficacement, sans
nécessairement chercher une rentabilité extraordinaire, mais au
moins sans perdre d'argent, une fois cela fait, en ayant toujours à
l'esprit qu'il faut aussi conserver le maximum d'emplois et qu'il faut aussi
faire en sorte que d'autres entreprises québécoises, d'autres PME
bénéficient de la présence d'une grande entreprise de la
taille de SIDBEC.
Ici, j'apprécie, et je veux vous le redire, votre offre et votre
volonté d'implication dans les décisions à prendre. C'est
le premier ministre lui-même qui, il y a au-delà d'un an, à
l'occasion d'un discours à l'Assemblée nationale, nous
traçait cette voie, et je le cite, parce qu'on est dans une
période difficile et les gens qui relèvent la tête dans une
période difficile, je pense que cela mérite d'être
cité. Le premier ministre nous disait donc: "Nous sommes pourtant dans
une période où l'inaction et l'absence de motivation peuvent
quasiment paraître excusables, tant les difficultés et les
contraintes sont grandes." C'est peut-être le cas de SIDBEC et de
SIDBEC-Normines. "Malgré cela, même en sachant à quel point
le changement peut bousculer des habitudes et aussi des intérêts,
on a préféré miser ensemble sur notre capacité
d'agir, d'inventer et de réussir."
Si je reprenais ce paragraphe et si je voulais l'appliquer aux
suggestions que vous nous faites, je pense que vous avez répondu
à ce défi que lançait le premier ministre aux gens du
Québec, vous avez essayé d'inventer, d'agir et de suggérer
quelque chose.
Je ne peux pas aujourd'hui répondre clairement aux questions que
vous nous posez sur la sécurité. Comme je l'ai fait à
l'Assemblée nationale tout à l'heure, je dois vous dire qu'on a
tenu cette commission parlementaire pour écouter les gens, prendre les
quelques jours ou les quelques semaines nécessaires pour décanter
tout cela, couper les ailes de ce qui est impossible et essayer de garder ce
qui est pratique afin de déboucher sur un scénario qui aurait des
chances, au moins à moyen terme, de réussir.
Mais ce qui me frappe davantage dans votre présentation, c'est
que vous avez confiance. Bien sûr, des gens pourront dire: Vous avez le
dos au mur, vous n'avez pas le choix, mais je pense qu'on sent dans ce que vous
dites dans votre mémoire que c'est profond, c'est vécu, c'est
senti. On nous dit, dans le fond, que la confiance, c'est une plante à
croissance lente, qui se fane aisément, dans un climat de faible
progression économique. Il existe plusieurs variétés dans
cette confiance, dont la plus résistante est issue d'un croisement entre
la foi et l'espérance. Ceci dit, je vous dis...
M. Ciaccia: Eux autres, ils veulent savoir si vous allez fermer
la mine, oui ou non.
Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît...
M. Ciaccia: C'est cela qu'ils veulent savoir.
Une voix: C'est trop de poésie!
M. Biron: Ceci dit, je serais tenté d'en faire encore et
de parodier Vigneault, qui vient justement de la Côte-Nord et qui disait
qu'il n'y a pas de temps à perdre, qu'il n'y a que du temps perdu.
M. Ciaccia: N'en mettez pas plus!
M. Biron: Ce que je suis tenté de vous suggérer,
c'est de fouiller encore plus à fond le mémoire que vous nous
avez présenté, le scénario global que vous nous avez
présenté, pour voir si réellement chacune des
pièces entre bien à sa place et si on doit en enlever ou en
remettre d'autres. Je suis prêt, très rapidement, la semaine
prochaine, à former un petit comité, très restreint,
composé de représentants du ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme avec des gens de la direction de SIDBEC, avec quelques
représentants des métallos, pour essayer tous ensemble de
regarder les implications de ce scénario, d'évaluer le
scénario d'un bout à l'autre, pour nous éclairer en tout
cas, au gouvernement du Québec, afin d'en arriver à la
décision la plus juste et la plus responsable possible. (16 h 30)
Sur cette question, êtes-vous prêts à nous donner un
petit coup de main et à participer à ce comité qui va
durer peut-être quelques jours ou quelques semaines au plus, mais qui va
évaluer d'une façon très précise votre
présentation? J'en reviens à ma
question du début sur la réouverture de contrats avec nos
partenaires. Est-ce que, dans ce sens, vous vous considérez comme un
partenaire et qu'on peut se revoir et savoir ensemble ce qu'on peut
économiser dans nos coûts de production?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Godbout.
M. Godbout: Tout au long de notre mémoire, nous avons
très bien laissé sentir que nous nous considérions comme
un partenaire à part entière. Dans ce que vous avez dit à
ce jour sur notre mémoire, dans vos réactions sur la vision
globale du mémoire, je pense qu'en même temps il y a une critique
assez sévère des attitudes des représentants de nos
gouvernements, passés et présents, de leur action, et de leur
façon de voir et d'intervenir, lorsque c'est nécessaire, dans un
dossier comme celui de SIDBEC.
Vous avez parlé tout à l'heure d'une décision
rapide où l'on coupe les ailes à un projet, mais il y a deux
façons de tuer le poisson, si vous voulez. C'est d'abord de rendre une
décision rapide et intempestive. À ce moment, c'est se
débarrasser le plus rapidement possible de la question. On peut aussi
prendre assez de temps pour que personne ne soit capable finalement de
réagir. Je crois qu'il est important de doser les deux de façon
qu'on soit capable de réagir. Je suis d'accord et on ne s'attend pas non
plus cet après-midi à avoir les réponses sur tout.
Dans notre mémoire, je dirai tout de suite que nous sommes
d'accord pour chiffrer notre proposition avec les représentants du
gouvernement et de SIDBEC. Vous admettrez que, dans le délai qui nous a
été accordé, je pense que tout le monde va bien le
comprendre, on n'a pas eu le temps de chiffrer tout cela. On a des idées
mais il reste du travail à faire. On est prêt à le faire,
mais les études doivent porter sur le marché requis. Pendant que
nous avons préparé ce dossier, soyez convaincus que nous en avons
toujours été bien conscients. Durant la préparation de
notre mémoire, nous avons toujours considéré qu'en dernier
recours, c'est le marché qui décide, nous avons été
bien conscients de cela. Nous avons vite réalisé, même si
nous sommes dans le mouvement syndical, qu'avec du fer on ne fait pas de
très bons gâteaux, il faut faire d'autres choses, on a très
bien saisi cela.
M. Laberge (Louis): Ma belle-mère l'a toujours fait!
M. Godbout: Quant à la proposition que vous faites:
Seriez-vous prêts à vous asseoir à un comité
où il y aurait des représentants du ministère, des
représentants de SIDBEC et du syndicat, pour commencer à regarder
le dossier et voir, par rapport aux recommandations ou aux propositions qu'on
fait dans notre rapport, par exemple les contrats liant les parties et les
partenaires... Bien sûr, je pense que vous le retrouverez de façon
éclatante à la page 45 de notre mémoire où on dit:
Oui, on est prêt à regarder cela. Il s'agira pour nous de savoir
quelles sont les règles du jeu que vous nous proposez, quelle est notre
représentation. Si cela devait se faire à peu près de
façon traditionnelle, trois ou quatre représentants du
ministère, sept, huit ou dix représentants de l'entreprise et la
moitié d'un du mouvement syndical, on ne serait pas d'accord. Si l'on
veut être partenaire, on devrait être considéré comme
tel et, à ce moment, j'aimerais vous demander également, au nom
des travailleurs, que vous nous fassiez connaître le plus rapidement
possible un peu les règles du jeu, qui seront les représentants
et quel sera le nombre de personnes qui y siègent, dans le sens de
regarder ce qu'il faut regarder.
Une voix: En principe, on est d'accord.
M. Godbout: Bien sûr, en principe, on accepte. Sur la
participation, vous avez posé une question, vous avez dit: II y a des
idées neuves qui ressortent dans votre mémoire. Je ne suis pas
certain que ce soient des idées neuves. On ne voudra pas se les
attribuer à nous seuls, elles peuvent être
présentées avec des mots à nous et qui peuvent être
différents. Malheureusement, je crois que le mouvement syndical a
souvent proposé cette approche, mais il y a plusieurs politiciens et
bien des entreprises qui ont été sourds et qui n'ont pas compris
ce qu'on a dit à travers les années. Je ne pense pas que cela
soit complètement neuf comme proposition, mais c'est peut-être
fait dans des termes différents. Quand vous demandez quelle sorte de
participation les travailleurs font, soyez assuré d'une chose, c'est que
nous vous disons - et nous le disons dans notre mémoire à
plusieurs reprises - que, bien sûr, c'est par leur syndicat. Si on veut
qu'ils aient une voix, c'est par le syndicat qu'ils l'ont.
Quant au financement, nous n'en sommes pas rendus là non plus.
Vous le voyez dans notre proposition. Nous sommes prêts à
recommander aux travailleurs de participer à la gestion, nous sommes
prêts à recommander aux travailleurs, peut-être, de se
rendre jusqu'au financement - une partie du financement, en tout cas - mais on
ajoute qu'il y a des choses qu'il faut faire avant. Par exemple, il faut
établir le plan de redressement. Qu'est-ce que c'est? Nous, on veut
faire partie de cela. Si vous voulez faire un plan de redressement et le lancer
et
qu'on apprenne par les journaux, en petits morceaux, un peu ce que
c'est, on ne prétend pas alors avoir participé à part
entière. Si vous parlez de notre participation comme partenaire, sur
laquelle on est d'accord et qu'on propose, le financement viendra après
que toutes les règles du jeu auront été établies et
après que le programme de plan de redressement aura été
accepté.
À ce moment-là, soyez assuré d'une chose, on ne
recommandera jamais à nos gens d'embarquer dans le financement si,
à l'avance, c'est certain qu'ils vont le perdre. On a le même
objectif là-dessus. Cela est clair.
M. Laberge: Si vous permettez, M. le Président, pour
répondre peut-être de façon un peu plus précise
à une question très précise: Êtes-vous prêts
à rouvrir vos conventions collectives?, je vous renvoie la balle.
Êtes-vous prêts à rouvrir la convention qui a
été signée et qui lie SIDBEC et SIDBEC-Normines à
ses partenaires? Il est bien évident qu'on ne pourrait pas demander aux
membres chez nous s'ils sont prêts à rouvrir leurs conventions
collectives, alors que cela servirait à payer des redevances à
Québec-Cartier, entre autres.
Il faut que les règles du jeu soient établies très
clairement et que tout le monde les connaisse. Bien sûr que nous sommes
prêts à participer. Moi, je suis très heureux, M. le
ministre, que vous nous ayez appelés des partenaires. C'est la
première fois que cela se dit de façon aussi officielle.
D'ailleurs, c'est à la mode ces temps-ci. Durant toutes ces
années où un tas de compagnies ramassaient les profits à
la pelletée, nous étions des emmerdeurs. Maintenant que les
déficits s'accumulent, nous sommes des partenaires. Mais, on ne tient
rancune à personne.
Ce qui est important - et je pense que c'est cela qu'il nous faut
retenir - c'est que le Québec est un pays aussi riche, comme on se le
disait entre nous, qu'il l'était en 1976, en 1981 et 1982, ou en 1980 ou
1981. Il n'y a que ce climat morose et cet esprit défaitiste qu'il nous
faut combattre. Nos richesses sont toujours là. Il s'agit de savoir les
exploiter au meilleur rendement possible. Il y a un tas de choses qui peuvent
être faites. Bien sûr que les travailleurs sont
intéressés à cela. Mais je n'ai pas besoin de vous dire -
et d'ailleurs, le mémoire des Métallos-FTQ là-dessus est
très clair - que, lorsqu'on a besoin - je ne sais pas, moi -d'installer
une machine qui va pouvoir produire 100 000 tonnes parce que le besoin est de
100 000 tonnes et qu'on en installe une qui va produire ou qui peut produire
500 000 tonnes - et on ne sait jamais quand on aura besoin de 500 000 tonnes -
cela ne prête pas les uns et les autres à être un peu plus
réduits dans leurs demandes, dans leurs exigences.
Je pense que tout le monde commence à prendre conscience de cela.
Il y a des difficultés. SIDBEC n'est pas pire que toutes les autres
aciéries à travers le monde. Tout le monde est en
difficulté dans ce domaine-là. Je dois avouer bien candidement
que j'ai bien aimé le mémoire de SIDBEC. Il donne des options, il
les donne de façon très claire. M. De Coster a été
très franc. Il a dit que cela ne faisait pas partie de notre mandat
d'évaluer les conséquences sociales, le coût social de la
fermeture de SIDBEC-Normines, de la fermeture du plat. Moi, je l'ai
trouvé très habile. Il ne s'est pas mis les deux pieds dans les
plats. Il a seulement parler de fermer le plat et là-dessus on est en
désaccord. Là aussi il s'est établi un nouveau "partner",
M. le ministre, vous serez très intéressé de savoir cela.
C'est que les cadres de SIDBEC, les cadres de SIDBEC-Normines ayant
été alertés par quelques paroles perdues se sont sentis
dans le bain et on a pu échanger beaucoup plus librement qu'on ne l'a
jamais fait. Cela ramène peut-être des choses à leur place.
C'est là qu'on a appris des choses et qu'on est en position de vous dire
qu'on est prêt à faire des choses nous aussi. Ce qui est le plus
rafraîchissant, je pense, jusqu'à maintenant, c'est que,
même en invoquant le mémoire de SIDBEC qui mentionne un tas de
scénarios, on n'en est pas venu à une conclusion. Bien sûr,
on a dit: Nous préférerions que ce soit remis à
l'entreprise privée ou, si l'entreprise privée peut rendre SIDBEC
rentable en la libérant de ses engagements vis-à-vis de
SIDBEC-Normines, la société d'État pourrait probablement
faire la même chose sans être obligée de faire un tas de
culbutes, une fois qu'elle n'est plus obligée de payer pour du tonnage
et de le revendre à perte; probablement qu'une société
d'État pourrait le faire. Mais la responsabilité...
Bien sûr qu'on peut aller acheter au Brésil ou ailleurs,
mais qu'est-ce qu'on fait avec les installations qui nous ont
coûté plusieurs centaines de millions? Qu'est-ce qu'on fait avec
tous ces gens là-bas? Enfin, je pense que vous êtes fort conscient
de cela, M. le ministre, et à toutes vos questions, oui, nous sommes
prêts à participer. Évidemment que nous aurons certains
prérequis. La réouverture des conventions collectives part de la
réouverture de la convention collective. Là, vous auriez raison,
si l'on avait réussi à vous faire signer une convention
collective comme celle-là, de vous plaindre de notre trop grand pouvoir,
ce qu'on n'a pas réussi.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous voulez
ajouter quelque chose, M. le ministre?
M. Biron: Oui, je pense que c'est clair pour tout le monde. Il
faut bien sûr prendre des décisions assez rapidement mais
être responsable de nos décisions. D'ailleurs, si l'on retarde
trop, on va se le faire reprocher par nos amis d'en face, mais il faut aussi se
souvenir que chaque jour qu'on fonctionne de ce temps-là, on perd 500
000 $. Maintenant qu'on a un partenaire, on en perd 250 000 $; j'ose
prétendre que vous allez en payer la moitié.
M. Laberge: On vous a fait économiser quelques millions
hier.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Biron: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je dois avouer que
j'aime l'approche de M. Laberge; c'est franc et clair, mais je vais faire
attention aux questions que je vais vous poser.
Premièrement, je dois féliciter le Syndicat des
métallos pour son mémoire. Je ne ferai pas un long discours,
mais...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Frontenac.
M. Grégoire: Je pense que les métallos ont
posé une question et j'aurais, moi aussi, aimé avoir la
réponse. Est-ce qu'on peut rouvrir la fameuse convention?
M. Ciaccia: Un instant, M. le Président...
M. Grégoire: Le ministre n'a pas répondu
là-dessus. J'aimerais, moi aussi, avoir la réponse.
Le Président (M. Bordeleau): Le ministre acceptera de
répondre tantôt. La parole est donc toujours au
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: S'il veut répondre maintenant, cela ne me...
Je ne veux pas couper le droit de parole au ministre.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le ministre.
M. Biron: Légalement, c'est non, mais, devant des
situations complètement impossibles à vivre, je pense qu'il n'y a
personne parmi nos partenaires ou parmi les bailleurs de fonds qui vont nous
forcer à continuer de perdre de l'argent comme cela. Cela veut dire
qu'en pratique il faut au moins essayer.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Mont-Royal. (16 h 45)
M. Ciaccia: Merci. Premièrement, je voudrais vous
féliciter pour votre mémoire, parce que je le trouve positif et
très constructif, au point de vue technique et au point de vue
professionnel. Vous acceptez les règles du jeu du marché par des
subventions, ce n'est pas de la charité que vous voulez. Vous voulez que
l'entreprise fonctionne pour qu'il y ait des emplois pour les membres de votre
syndicat. Personne ne peut être en contradiction avec cela. C'est une
approche qu'on doit encourager, premièrement. Deuxièmement, je
présume que, quand le ministre vous a demandé si vous vous
considériez comme partenaires pour les fins de la réouverture du
contrat, pas partenaires dans d'autres sens, je présume - je ne le sais
pas - je dois conclure que ni le gouvernement - m'entendez-vous? - ni SIDBEC ne
vous a fait des propositions dans le sens suivant: Voici ce que nous sommes
prêts à faire. Nous vous demandons de vous engager dans telle ou
telle condition. Est-ce exact qu'aucune proposition ne vous a été
faite?
Vous êtes au courant qu'il y a une recommandation du comité
interministériel qui propose la fermeture des opérations de
SIDBEC-Normines?
M. Godbout: On l'a appris dans le Devoir, oui.
M. Ciaccia: Vous l'avez appris dans le Devoir. Vous admettez dans
votre mémoire et vous reconnaissez que les conséquences sociales
et économiques de cette fermeture, pour la Côte-Nord, seraient
désastreuses. On vous a dit ici, en commission parlementaire, par
l'entremise des questions que nous avons posées et des réponses
que nous avons obtenues, que des études socio-économiques des
conséquences de la fermeture de SIDBEC-Normines n'ont pas encore
été effectuées ni par le gouvernement, ni par SIDBEC. On
peut peut-être comprendre que ce n'est pas le rôle de SIDBEC de
faire cela.
M. Laberge: Par aucun gouvernement.
M. Ciaccia: Par aucun. Personne ne l'a fait. Aucun gouvernement
fédéral, municipal, provincial...
M. Laberge: Ni actuel, ni précédent.
M. Ciaccia: Excepté que le gouvernement
précédent ne voulait pas fermer la mine; alors, il n'avait pas
besoin de faire l'étude socio-économique, advenant
la fermeture d'une mine qu'il n'était pas prêt à
fermer. Êtes-vous d'accord que vous avez fait référence au
contrat entre les partenaires, pas les partenaires syndicaux...
M. Laberge: ... de SIDBEC-Normines.
M. Ciaccia: SIDBEC-Normines, et les fiduciaires, que des mesures
immédiates devraient être prises ou auraient dû être
prises - commençons par maintenant, je ne veux pas vous engager dans le
passé, pour faire porter le blâme sur qui que ce soit -pour
renégocier ces contrats parce que, dans le contexte actuel, il y a des
pénalités avec lesquelles le Québec ne peut pas vivre?
Acceptez-vous cette approche?
M. Laberge: On le dit.
M. Ciaccia: Vous l'avez dit dans votre mémoire.
Êtes-vous d'accord aussi que le gouvernement devrait continuer les
opérations de SIDBEC-Normines au moins tant et aussi longtemps que se
poursuivra la renégociation des clauses de pénalité?
M. Laberge: II est bien obligé, car cela va coûter
plus cher, si elle ferme.
M. Ciaccia: Un instant. Il est obligé, mais vous
êtes d'accord qu'il ne devrait pas commencer par renégocier la
fermeture avant de renégocier le changement des
pénalités?
M. Laberge: Je suis bien d'accord.
M. Ciaccia: Bien d'accord, contrairement au rapport du
comité interministériel, comité qui avait fait, entre
autres recommandations - cela prend une renégociation - la
négociation de la fermeture.
M. Godbout: C'est primordial!
M. Ciaccia: On est d'accord sur cette approche de
renégocier - je ne dirai pas qui l'a fait et quand - les clauses de
pénalité pour les enlever, ce qui représenterait des
sommes assez énormes.
Une voix: II vous a vu venir!
M. Ciaccia: Oui, je sais, j'ai dit que je ferais attention avec
M. Laberge. Êtes-vous d'accord, M. Laberge, qu'il faudrait entreprendre
une étude approfondie sur les coûts socio-économiques et
sur toutes les conséquences pour la Côte-Nord de la cessation des
opérations de SIDBEC-Normines? Il faudrait le faire, au moins qu'on ait
ces chiffres, pas dans le but de prôner la fermeture, mais sachons ce que
cela impliquerait. Êtes-vous d'accord?
M. Laberge: Si vous voulez une réponse là-dessus,
M. le député, bien, cela serait mieux qu'on le sache. Moi, je
trouve que c'est peut-être du temps perdu. On rappelait tantôt une
parole de Gilles Vigneault: "II n'y a que du temps perdu et non pas de temps
à perdre", c'est un peu la même chose. Il ne s'agit pas de pouvoir
chiffrer cela de façon précise, on sait que c'est un
désastre. En sachant que c'est un désastre, ne perdons pas de
temps à étudier la profondeur du désastre: un
désastre, c'est un désastre. Allons ailleurs.
M. Ciaccia: J'accepte cette approche, M. Laberge. En plus, je
pense que, maintenant que vous me faites réfléchir sur ce point
spécifique, il est possible que, si moi, par exemple, je veux, je suis
persuadé qu'il faut fermer la mine, cela se peut que, si c'est moi qui
vais entreprendre les coûts socio-économiques, je vais diriger les
études dans le sens que cela prouve qu'on est mieux de fermer. Alors,
dans ce sens, je comprends votre approche et, peut-être, je pourrais en
comprendre les dangers.
M. Laberge: Vous savez, que vous arriviez avec 1 000 00O $ en
plus ou en moins, cela ne règle pas le désastre.
M. Ciaccia: Je serais d'accord qu'au point de vue humain cela ne
se mesure pas en termes de dollars. Je pense que ce qu'il faut rechercher,
c'est plutôt ce que vous recherchez à faire dans votre
mémoire, c'est de trouver la solution pour éviter le
désastre.
M. Godbout: II y a une première chose, par exemple, dans
le premier volet de votre remarque - cela peut être une question -c'est
la négociation avec les partenaires. Nous, nous disons que l'avenir de
SIDBEC réside dans la négociation de ce contrat, c'est la
réponse. Dans notre mémoire, nous ne le disons peut-être
pas clairement, je ne le sais pas, mais la raison qui nous l'a fait mentionner,
c'est que nous prétendons que, dans le contexte actuel, avec des efforts
compétents et continus de la part du gouvernement, nous croyons que les
partenaires vont être réalistes et vont accepter de regarder le
contrat.
M. Ciaccia: M. Godbout, je ne pourrais être...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... plus d'accord avec vous. C'est pour cela que j'ai
demandé de convoquer British Steel et US Steel ici. J'aurais voulu me
faire dire qu'elles veulent que le Québec continue à être
saigné
d'argent; je ne pense pas que ce soit l'intention. Savez-vous ce que je
pense qui est arrivé, et je pense que le ministre des Finances l'a
confirmé? Le gouvernement n'a jamais essayé de renégocier.
Le ministre des Finances l'a admis hier matin. C'est simple comme cela. On fait
de gros drames et on fait des suppositions. On n'a jamais essayé de
renégocier. Et je suis persuadé que, si on essaie de
renégocier, on va réussir.
Le ministre a parlé de décisions qui doivent être
prises, de recommandations, de comités, de vous impliquer. Seriez-vous
d'accord qu'on puisse reconvoquer... Je veux bien qu'on comprenne les termes;
je ne parle pas de suspendre la présente commission parlementaire. Je
pense qu'hier soir il y a eu une mauvaise interprétation de ce que
j'avais... Ce n'est pas une suspension, on continue les travaux de cette
commission jusqu'à ce que la commission décide qu'ils sont
terminés, mais on prend la décision, ou le gouvernement prendrait
la décision, ferait une recommandation pour qu'on reconvoque cette
commission à une date ultérieure, afin de présenter les
résultats des recommandations pour éviter que des
décisions ne soient prises sans que les parties impliquées
puissent revenir ici et que cela soit discuté. Seriez-vous d'accord ou
seriez-vous contre une telle approche?
Le Président (M. Bordeleau): M.
Laberge.
M. Laberge: C'est-à-dire qu'en ouvrant la convention
collective dont vous parlez, il faut faire bien attention à une chose,
cela ne prendra pas soin des 50 000 000 $ de déficit. On se comprend
bien? Selon la production actuelle, je pense que cela se divise en 20 000 000 $
et 30 000 000 $; 20 000 000 $ de pénalités et 30 000 000 $ que
SIDBEC doit utiliser pour s'approvisionner à SIDBEC-Normines.
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Laberge: Non, mais pourvu qu'on se comprenne.
M. Ciaccia: Oui, oui.
M. Laberge: Parfait. Très bien.
M. Ciaccia: Cela réduit les pénalités, cela
n'enlève pas tout le déficit; je suis d'accord avec vous.
M. Laberge: D'accord.
M. Ciaccia: Cela enlève les pénalités.
M. Laberge: Là, il s'agit d'évaluer si cela vaut la
peine que cela nous coûte 30 000 000 $...
M. Ciaccia: Par année.
M. Laberge: ... pour s'approvisionner au Québec
plutôt qu'au Brésil.
M. Ciaccia: Oui. M. Laberge: Voilà.
M. Ciaccia: II faut décider cela: Est-ce que cela vaut la
peine de payer 30 000 000 $ pour s'approvisionner ici plutôt qu'au
Brésil? Mais, il y a une autre question: Est-ce que c'est mieux de payer
30 000 000 $ pour s'approvisionner au Québec plutôt qu'au
Brésil, plutôt que de fermer la mine et que cela nous coûte
50 000 000 $ par année?
M. Laberge: Voilà.
M. Ciaccia: Cela, c'est une autre question.
M. Laberge: C'est cela.
M. Ciaccia: D'accord. Boni
M. Laberge: Vous l'avez, l'affaire.
M. Fortier: On s'en vient bien dans le Parti libéral.
M. Tremblay: C'est qu'ils ont deux discours, un devant les
travailleurs et un autre à part cela.
M. Ciaccia: Non, il y a seulement l'autre question sur la
possibilité de convoquer de nouveau... Comme principe.
M. Godbout: J'ai vu la résolution qui va être
tranchée par la commission, il y a une résolution qui a
été déposée devant la commission; nous ne voterons
pas là-dessus, comme vous le savez.
M. Ciaccia: Je ne vous le demande pas non plus.
M. Godbout: Ce que je dirais à ce moment-ci, c'est que
notre position est claire dans notre mémoire, je pense que tout le monde
l'a dit; vous avez l'air de l'avoir comprise telle que nous l'avons
présentée. Nous, on ne voit pas non plus beaucoup de gains
à retarder l'étude qui devrait s'amorcer le plus rapidement
possible avec notre participation. À ce moment-là, cela sera aux
gens de la commission, à vous autres, les députés à
la commission, de décider de la bienvenue de votre résolution.
Mais nous, notre position est claire et je ne pense pas qu'on aurait beaucoup
d'autres choses à ajouter, sauf de commencer à travailler tout de
suite dans cette direction.
M. Ciaccia: Je ne voulais pas vous embarquer dans ma
résolution, je voulais seulement faire certains points. Maintenant que
vous les avez faits, que vous êtes d'accord avec certaines des questions,
je voudrais seulement porter à l'attention du ministre que les points
sur lesquels j'ai posé des questions à M. Laberge et à M.
Godbout sont tous les points qui sont contenus dans la résolution que
j'ai déposée hier soir à l'Assemblée nationale. Je
voudrais demander au président... Je ne veux pas débattre la
résolution maintenant, il l'a prise en délibéré. Je
voudrais seulement la remplacer, la libeller, avec la version que je vais
déposer maintenant, et le seul but de cela, c'est que j'ai fait quelques
petits réaménagements dans le libellé...
M. Tremblay: Bonne idée!
M. Ciaccia: ... afin d'éviter, sur un point technique, que
cela puisse être déclaré irrecevable. C'était pour
la rendre plutôt conforme aux règlements de l'Assemblée
nationale. Cela ne change pas le fond: "II est résolu que cette
commission parlementaire invite le gouvernement" plutôt que "recommande".
Alors, je vous en donne une copie, M. le Président, et je demanderais de
la distribuer. J'ai des copies additionnelles pour les distribuer aux membres
de la commission. Je n'ai pas fini.
M. Dussault: M. le Président. M. Ciaccia: Je n'ai
pas fini.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Je voudrais me réjouir, au nom de mes
collègues de la commission, que M. le député de Mont-Royal
ait repris sa motion, parce qu'on doit dire qu'hier, quand elle nous a
été distribuée, on a dû constater que c'était
de l'improvisation d'un bout à l'autre. On est content qu'il ait eu la
nuit pour la retravailler un peu.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Sur la question.
M. Ciaccia: II y a certains propos auxquels on ne devrait
même pas s'abaisser à répondre, excepté que, de 16
heures à 18 heures, on a regardé des vues de SIDBEC, la
présentation qui a été faite à 150 milles à
l'heure. J'avais de 18 heures à 20 heures pour souper et préparer
ma résolution. Alors, si le reproche que vous me faites, c'est que j'ai
travaillé trop vite, je l'accepte; mais, au moins, j'ai pris mes
responsabilités, j'ai pris cela au sérieux et j'ai essayé
de venir. Le but de cela, vous allez voir que c'est non partisan; dans les
changements que j'ai faits, il n'y a pas de partisanerie. Cela demande de
prendre des mesures pour le bénéfice des syndicats, le
bénéfice de votre gouvernement et le bénéfice du
Québec. Si vous m'accusez d'avoir agi trop vite - peut-être qu'il
y avait des fautes d'ortographe - si c'est le seul reproche que vous me faites,
j'espère que je vais l'accepter.
M. Dussault: M. le Président.
M. Ciaccia: Vous allez passer par-dessus.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: Nous avions deux jours et nous avions jusqu'à
la fin des travaux de la journée d'aujourd'hui pour faire ce travail.
Qu'on ne nous dise pas qu'on a des excuses; c'était improvisé, M.
le Président.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Perron: Est-ce qu'on pourrait procéder, s'il vous
plaît, au lieu de se chicaner?
M. Ciaccia: Passons aux choses sérieuses. (17 heures)
Le Président (M. Desbiens): Oui. À l'ordre, s'il
vous plaît! M. le député.
M. Ciaccia: Merci, M. le député de Duplessis. C'est
très raisonnable.
Le Président (M. Desbiens): Je comprends, M. le
député de Mont-Royal, que vous vous retiriez, que vous êtes
encore maître de votre motion d'hier et que vous présentiez une
nouvelle motion qui est celle-ci. Comme hier et pour les mêmes motifs, je
prends avis du dépôt de votre motion et nous en discuterons
à la fin des travaux de la commission.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président.
Si vous me le permettez, j'aurais quelques autres petites questions. M.
le Président, je voudrais juste reprendre un des propos du ministre. Il
a assuré à cette commission que les boulettes seront
achetées au Québec et je me réjouis qu'il nous ait
donné cette garantie. Maintenant, je voudrais demander au ministre... Je
sais que le but de la commission, c'est plutôt de poser des questions aux
intervenants, mais je voudrais poser cette question au nom de certains
intervenants qui, peut-être, voudraient la poser, mais ne peuvent pas le
faire.
Je voudrais demander au ministre si
cette garantie qu'il vient de nous donner, je dois l'interpréter
dans le sens qu'il est prêt à recommander à son
gouvernement que SIDBEC-Normines ne ferme pas, parce que la seule façon
d'acheter des boulettes, c'est si cela ne ferme pas. Si, demain matin ou la
semaine prochaine ou dans trois mois, la mine ferme, on ne pourra pas acheter
des boulettes et la raison pour laquelle je demande cela, c'est parce que, M.
le Président, à la période des questions, j'ai
essayé d'obtenir du ministre qu'il m'assure que lui - je ne voulais pas
une garantie du gouvernement, parce que je sais que ce n'est pas le temps, on
ne peut pas l'avoir - il va recommander de ne pas fermer SIDBEC-Normines. Je
voudrais savoir si les garanties qu'il a données au syndicat doivent
aller dans ce sens.
M. Biron: M. le Président, je vais avoir...
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: ... la même attitude responsable que j'ai depuis
le début dans ce dossier, c'est de dire que le gouvernement n'a pas pris
de décision. Nous étions ici pour écouter les principaux
intervenants. Je pense qu'il y a tellement de présentations qui sont
intéressantes, qui méritent une analyse en profondeur, il va
falloir prendre le temps de laisser décanter cela quelques jours, revoir
les mémoires d'un bout a l'autre avant de se revoir, établir une
stratégie et finalement accepter un scénario.
Ce à quoi je m'engage vis-à-vis du député,
c'est à revoir en profondeur les présentations qui nous ont
été faites et à procéder après.
M. Ciaccia: Mais, vous n'êtes pas prêt a
écarter de votre point de vue la recommandation du comité
interministériel disant que SIDBEC-Normines, il faut que cela ferme.
Vous n'êtes pas prêt, à ce moment, à écarter
cette possibilité.
M. Biron: J'ai dit que le gouvernement n'a pas pris de
décision encore. On n'a pas voulu prendre de décision avant
d'écouter les principaux intervenants.
M. Ciaccia: Très bien. Je voulais juste clarifier votre
position.
Le Président (M. Desbiens): C'est terminé?
M. le député de Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. On va procéder;
on va essayer de se chicaner le moins possible ici, à cette commission,
surtout sur l'interprétation des règlements.
Je vous dis franchement que la présence des Métallurgistes
unis d'Amérique ici aujourd'hui, accompagnés de M. Laberge,
président de la FTQ, et le mémoire qu'ils nous ont fourni ont
apporté aux membres de cette commission et sûrement à la
population du Québec, spécialement à la population de la
Côte-Nord, un genre de regain de vie, en tout cas, une bonne
bouffée d'air frais, malgré que ce ne soit pas un ouragan. C'est
une bonne bouffée d'air frais, comme dirait peut-être M.
Laberge.
Le rapport en lui-même est très positif et c'est entendu
que ce rapport touche autant l'aval que l'amont. On parle de modifications
nécessaires au niveau de SIDBEC-Normines, soit l'entreprise
minière. On parle aussi de modifications nécessaires au niveau
des entreprises manufacturières, sans pour autant aller aussi loin et
dépenser des millions de dollars pour faire les planifications
nécessaires avant de fermer. Je peux vous assurer qu'il y a un facteur
tout à fait nouveau qui a été apporté dans ce
mémoire, malgré que ce ne soit pas complet. Il reste que c'est le
premier intervenant qui se présente devant nous et qui donne un ensemble
de ce que pourraient être les coûts socio-économiques,
spécialement pour la Côte-Nord, si jamais il y avait fermerture de
SIDBEC-Normines.
Je l'ai déjà dit, et je le maintiens encore ici, c'est
certain qu'il ne faut pas fermer SIDBEC-Normines et qu'il faut regarder
très attentivement les propositions des métallos sur la question
de SIDBEC et sur celle de la société minière
SIDBEC-Normines. J'ai bien compris qu'au niveau du marché, par exemple,
il fallait que SIDBEC ait beaucoup plus d'agressivité pour faire ses
mises en marché. J'ai bien compris aussi que les intentions du
mémoire exprimées par les métallos, c'était de
faire en sorte qu'on prenne surtout le marché de l'Est dans la
production; cela veut dire le marché québécois, cela veut
dire le marché des provinces de l'Est, ce qui va permettre de meilleurs
prix, donc compétitifs, face à l'Ontario et face aussi aux
États-Unis et, de plus, permettre le maintien du maximum d'emplois.
Voilà les commentaires que j'avais à faire. Il y a une
chose que je relève du mémoire, d'ailleurs vous le mentionnez
à deux reprises, cela a été soulevé par le ministre
ainsi que par le député de Mont-Royal. Il s'agit de la
participation des travailleurs et des travailleuses, par le biais de leur
syndicat, à un comité restreint qui pourrait étudier et
présenter quelque chose de potable. Je vous assure que cela
m'intéresse drôlement. Je suis parfaitement d'accord lorsque M.
Godbout mentionne que cela prendrait une participation à peu près
égale des partenaires. Il faudrait que ce comité en question,
où il y aurait les trois
parties représentées, prépare quelque chose de
concret. Quand je parle des trois parties représentées, c'est
à peu près à parts égales, sinon, au moins, que les
métallurgistes y soient bien représentés, qu'ils puissent
apporter des propositions qui s'imposent et aussi qu'ils puissent
présenter des propositions au gouvernement, par la suite, conjointement,
pour en arriver au maintien des opérations, autant dans SIDBEC que dans
SIDBEC-Normines. Vous mentionnez votre participation nécessaire à
l'élaboration et à la prise de décision, à deux
reprises, à la page Il et à la page 45 de votre
mémoire.
Je termine sur cette question. Je crois que c'est important que vous le
fassiez et que le gouvernement l'accepte, pour cette simple et unique raison.
Rappelez-vous qu'on a eu l'occasion de travailler ensemble depuis environ six
à huit semaines et, depuis ce temps, les choses avancent beaucoup plus
vite, en tout cas, en ce qui concerne le mémoire et les
représentations que vous faites.
Au bas de la page 26 de votre mémoire, vous mentionnez: Entre
1977 et 1981, l'augmentation fut de 168% quant aux coûts d'entretien.
Serait-il possible d'expliquer les causes ou encore ce à quoi on peut
attribuer des augmentations aussi substantielles dans les coûts de
l'entretien? Je reviendrai avec quelque deux ou trois questions par la
suite.
M. Godbout: Je dirais tout de suite, d'abord, que, dans le bas de
la page 26 de notre mémoire, nous disons "qu'il y a certainement
là des problèmes qui ne sont pas sous contrôle
adéquat." Ce sont des chiffres qu'on a retrouvés dans nos
recherches. On pourrait donner quelques exemples spécifiques de ce dont
on parle. Je demanderais a M. Duval d'expliquer ce que l'on veut dire par
là.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Serait-il possible de demander à M.
Godbout de présenter - je pense que mes collègues vont être
d'accord et vont comprendre l'importance de ma question; je vois qu'il y a
trois conseillers qui sont maintenant à la table des métallos qui
étaient en retrait lors de la présentation - les gens qui
l'accompagnent et de préciser leurs qualifications? Entre autres, M.
Duval a fait un certain nombre d'interventions tantôt.
Le Président (M. Desbiens): M. Godbout.
M. Godbout: Je n'ai certainement pas d'objection. Il y a M.
Gérald Pelletier, qui est recherchiste et économiste au Syndicat
des métallos; M. Jean-Guy Frenette, que tout le monde connaît, de
la FTQ, il est le directeur de la recherche pour la FTQ; M. André Duval,
qui a été consultant durant la préparation de notre
mémoire et qui nous a donné un fameux coup de main sur la
recherche de l'acier. Il connaît assez bien le dossier de l'acier.
M. Charbonneau: En fait, si on me permet juste une question
additionnelle, je comprends qu'il a été un de vos consultants,
mais je pense qu'il serait important, pour les membres de la commission et pour
l'ensemble des gens qui ont la chance d'écouter vos
représentations, de savoir quelle est l'expérience de M. Duval
dans le domaine de l'acier. Je pense que le Syndicat des métallos a eu
le bon choix d'aller chercher quelqu'un qui connaît cela, mais il est
peut-être important que les gens connaissent l'expérience que M.
Duval peut avoir dans le domaine de la sidérurgie.
M. Laberge: Peut-être que M. Godbout va convaincre M.
Duval, malgré son humilité, d'étaler ses
expériences. Tous les autres qui accompagnent les recherchistes et M.
Duval, c'est du monde ordinaire!
M. Charbonneau: Non, mais je pense, M. Laberge, que les membres
du comité qui me connaissent bien - parce que j'ai travaillé avec
eux - vont être d'accord avec moi pour dire que cela a peut-être un
intérêt particulier que M. Duval présente ses états
de service dans le domaine de l'acier. Cela ne peut pas nuire à la cause
des métallos, à ce moment-ci, je ne pense pas.
M. Duval: Je vous dirai tout simplement, M. le Président,
que j'ai été à l'emploi de SIDBEC durant une dizaine
d'années, de janvier 1965 à mars 1975, et qu'à ce titre
j'ai dirigé, enfin j'ai été responsable pendant environ
cinq ans, de 1970 à 1975, de la production et de l'entretien du laminoir
à froid et du laminoir à chaud.
M. Fortier: ...
M. Duval: Non, j'ai quitté SIDBEC en 1975 pour des raisons
personnelles.
Le Président (M. Desbiens): Alors, on revient...
M. Duval: Depuis 1978, je suis consultant.
M. Charbonneau: Je crois que vous êtes
ingénieur-conseil dans la métallurgie...
M. Duval: Oui, je peux vous dire que la majeure partie de mes
connaissances a été acquise aux frais de l'entreprise
SIDBEC-DOSCO.
M. Charbonneau: Merci, M. Duval.
Le Président (M. Desbiens): M. Godbout, vous aviez la
parole.
M. Godbout: Je vais demander à M. Duval de répondre
à la question de M. Perron en ce qui a trait aux coûts d'entretien
qui ont passé, de 1973 à 1977, à 36% et à 168% de
1977 à 1981. C'est votre question?
M. Duval: Dans l'examen qu'on a fait de la situation,
principalement sur les produits plats, on a bien naturellement regardé
les endroits où on pourrait effectuer des économies. Un de ces
endroits est au poste critique, enfin très important, de l'entretien des
laminoirs à produits plats dont naturellement on a dit dans le
passé qu'ils étaient très anciens et qu'ils avaient un
certain nombre de défauts qui les déclassaient.
On a remarqué une augmentation considérable sur les deux
périodes examinées, de 1973 à 1977 - c'est une
période qui inclut la fameuse année 1974, donc on ne peut pas
dire qu'on a choisi des années particulièrement favorables - et
de 1977 à 1981. On s'est aperçu d'augmentations qui nous
apparaissent un peu anormales. Il y a certainement quelque chose qui pourrait
être fait là. Le poste de l'entretien, au budget 1982 de SIDBEC,
pour l'usine de Contrecoeur, est de 41 000 000 $. Il est bien évident
que, si on parvenait à épargner un pourcentage appréciable
de ces 41 000 000 $, que ce soit dans les plats ou ailleurs, ou à
l'aciérie ou au laminoir à fil, ce serait à notre avantage
de le faire.
On ne s'est pas prononcé sur l'importance des économies
qu'on pourrait réaliser parce qu'on n'a pas creusé suffisamment
l'affaire. De toute façon, la gestion d'un poste aussi important que
l'entretien est relativement délicate. En d'autres termes, on identifie
un potentiel d'économies et, à cette étape-ci, c'est
à peu près tout ce qu'on peut faire. On est aussi confiant qu'il
y a des économies à faire.
M. Godbout: De toute façon, sur cet aspect de 36% à
168%, il devrait y avoir une bonne chance qu'on découvre un peu de gras,
comme c'est à la mode. (17 h 15)
La première partie de vos commentaires, M. Perron, bien
sûr, on les endosse. On vous les a expliqués. On pense, en tout
cas, que la plus belle richesse naturelle qu'on a au Québec, c'est
probablement la richesse humaine. Pas seulement probablement, c'est
celle-là. Il y a des compétences incroyables à
l'intérieur des usines qui ne sont pas utilisées, parmi les
travailleurs et travailleuses de l'usine, et on les a utilisées pour
préparer un mémoire comme le nôtre. Vous en voyez un peu
les résultats. Je pense que, si on les utilise à l'avenir, on est
capable de faire des choses pas mal le "fun".
M. Perron: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions
pour le moment, mais je voudrais tout de même dire ceci à M.
Godbout. C'est que les compétences sont très fortes à ce
niveau-là parce que son mémoire, justement, le mémoire des
métallos, nous permet de comprendre que, sur le plan des travailleurs,
il y a vraiment des gens qui peuvent s'impliquer pour remettre les choses
à leur place afin de garder le maximum d'emplois. Alors, je passe la
parole à mes collègues tout en me réservant le droit de
revenir plus tard si jamais je sens le besoin de le faire.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, j'ai bien
apprécié la présentation qui a été faite par
les métallos, surtout l'historique. Je crois qu'il est important,
lorsqu'on aborde un sujet comme celui-là... Et mon collègue de
Mont-Royal, au début de la commission parlementaire, avait noté
justement quelles étaient les ambitions que, collectivement -parce que
ce n'était pas une question de parti politique - la révolution
tranquille, je crois, avait décidé de se lancer dans SIDBEC et,
s'il faut faire des ajustements maintenant, il faudrait le faire en fonction de
ces objectifs, ces ambitions et ces défis que nous nous étions
donnés. J'ai bien apprécié ce rappel historique. En notant
qu'il y a des erreurs qui ont été faites et sans jeter le
blâme sur personne - je crois que ce serait trop facile de jeter des
blâmes à gauche et à droite - il faut reconnaître que
le développement économique ne se fait pas toujours par des
investissements massifs et qu'il est possible, comme le souligne le
mémoire, de faire des ajustements, de procéder avec prudence et
de s'ajuster au marché. Je crois qu'encore là, les gens de tous
les milieux - et, je pense bien, y compris les politiciens - doivent en tirer
une leçon puisque, dans le passé, je crois que c'était
trop facile de toujours assurer le développement économique avec
de gros investissements monstrueux qui n'ont pas toujours apporté une
bonne solution, y compris celui de la Côte-Nord, quand on pense à
ITT-Rayonier. Alors, c'est un rappel que j'ai bien apprécié, pour
ma part.
Vous critiquez le plan que SIDBEC nous a proposé. Je dois
admettre que je doute que les membres de la commission soient compétents
pour porter un jugement. Je crois que vous l'avez fait dans un esprit positif.
Même si je suis ingénieur moi-même, je ne
suis pas spécialiste en métallurgie et je vais laisser aux
gens qui sont plus compétents que nous le soin de juger du
bien-fondé de vos recommandations.
Vous l'avez dit vous-mêmes, ces recommandations ont
été faites à la suite d'une étude... J'étais
pour dire superficielle, mais j'utilise le mot dans le sens que vous avez eu
peu de temps pour préparer votre mémoire et que, de toute
évidence il faudrait chiffrer ces recommandations. Il ne faudrait pas se
surprendre, je crois, si certaines de vos recommandations, en fin de compte,
n'étaient pas acceptées ou recommandées puisque, vous
l'avez dit vous-mêmes, il va falloir les chiffrer et voir si,
éventuellement, elles sont dans le meilleur intérêt du
Québec.
M. Laberge: On a voulu vous donner plus de pistes que de
solutions.
M. Fortier: D'accord, c'est dans ce sens-là que je l'ai
pris. Comme vous l'avez dit, c'était plutôt une espèce de
défrichage, en disant: II y a peut-être des choses qui pourraient
être faites et auxquelles certaines personnes n'ont pas pensé. Ce
que j'essayais de dire, c'est que les membres de la commission ne peuvent pas
s'ériger en juges techniques de ce qui est bon ou de ce qui est mauvais
parmi les recommandations techniques que vous avez faites. C'est plutôt
une ouverture d'esprit, c'est dans ce sens-là, pour ma part, que je l'ai
pris.
Vous avez dit aussi, M. Laberge, qu'on vit une crise et ça nous
amène, tous et chacun, à tirer des leçons. Vous avez dit
qu'il y a des choses extraordinaires qui se passent maintenant et, même
dans le secteur privé, les patrons parlent aux syndicats, le
gouvernement parle davantage avec certaines personnes parce qu'ils sont en
difficulté. Je pourrais même vous dire qu'il y a de plus en plus
de syndicalistes qui parlent au Parti libéral du Québec. Il faut
croire que c'est un signe des temps. Il faut croire qu'il y avait un manque de
confiance. Maintenant, on se rend compte finalement qu'il y a des gens de ce
côté-ci de la Chambre qui ont également des aspirations et
qui sont capables, je crois, de les réaliser.
Pour ma part, je dois vous dire que j'ai bien apprécié la
rencontre que nous avons eue dernièrement et j'exprime le voeu que ces
contacts vont se continuer. Nous, comme vous, voulons le développement
économique du Québec et, étant ingénieur
moi-même, je dois vous dire que j'ai choisi cette profession puisque je
voulais développer le Québec. Je crois que nous n'avons pas de
leçon à prendre de quiconque pour assurer le développement
économique du Québec. Je vous demande de continuer dans cette
ouverture d'esprit et je puis vous assurer de notre collaboration.
Ce qui m'a frappé durant les derniers mois - ça me fait
plaisir de voir que le ministre est très réceptif à tout
ça aujourd'hui - et je crois que votre mémoire y fait allusion -
et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus - c'est que l'attitude
que le gouvernement a prise depuis trois ou quatre mois n'était pas
celle, à mon avis, qui pouvait amener les parties, ou SIDBEC ou les
syndicats, à travailler ensemble puisque cela a créé un
peu un climat de panique.
Par ailleurs, on a parlé du besoin d'avoir des compétences
dans SIDBEC; on a dit qu'il était nécessaire d'avoir une certaine
permanence et que, malheureusement, il y a peut-être eu trop de
changements dans la direction de SIDBEC. Même si votre mémoire
tend à critiquer quelque peu la direction dans les choix qu'elle fait
sur le plan technique, je crois qu'encore là il faudrait, tous et chacun
d'entre nous, souhaiter que les gestes posés par tous et chacun d'entre
nous, les politiciens et surtout le gouvernement, aillent dans le sens de
conserver une direction à SIDBEC, d'assurer que les gens
compétents acceptent de travailler pour SIDBEC, de faire des
déclarations responsables et d'éviter le bordel que nous avons eu
depuis trois ou quatre mois en ce qui concerne la Côte-Nord et en ce qui
concerne SIDBEC en particulier.
J'appelle peut-être la réponse à ma question
moi-même. Je me demandais si vous aviez des commentaires à
formuler sur le processus qui devrait être suivi à l'avenir
lorsqu'on a à réévaluer une mission d'une
société d'État comme celle-là et peut-être
qu'on devrait apprendre, à la lumière de ce qui s'est
passé depuis quelques mois, comment nous devons remettre en cause
collectivement des décisions qui ont peut-être été
prises il y a 15 ou 20 ans, et à le faire d'une façon
intelligente et d'une façon responsable.
M. Godbout: Là-dessus, je dirais que, bien sûr, des
déclarations qui ont été intempestives, souvent
nombreuses, compliquées et contradictoires ont créé dans
la population, en tout cas chez les gens, les hommes et les femmes, les
travailleurs de SIDBEC-Normines qui vivaient autour de ces installations, la
même chose dans la région de DOSCO, c'est-à-dire pour
SIDBEC-DOSCO, Montréal, Contrecoeur et Longueuil, un climat de tension
extrême. C'est évident que, pour ma part, il m'est arrivé
de répondre à quelques fonctionnaires qui nous demandaient: Que
peut-on faire pour vous aider? Demandez donc à vos ministres de garder
le silence, ça va nous aider beaucoup.
Il reste qu'il y a peut-être des choses qu'on ne saisit pas
à ce moment-ci. Pourquoi? Je vous dirais qu'on ne saisit pas toute la
portée de ça, mais, pour les gens
qui ont vécu, durant ces trois ou quatre derniers mois, dans les
usines ou dans les régions de SIDBEC-DOSCO et SIDBEC-Normines, ce
n'était pas beaucoup humain et peu acceptable. C'était vraiment
le drame.
Nous avions hâte que cette commission parlementaire tienne ses
travaux parce que ce n'était pas facile de travailler dans une telle
tension. Vous avez vu un peu les réactions à Sept-Îles:
2500 personnes, un samedi après-midi, ont manifesté leur
désir de travailler. La même chose il y a quelques jours à
Longueuil, avec les travailleurs de Contrecoeur et de Montréal.
Je pense qu'il est vrai de noter que, dans ces conditions-là, en
alertant les gens comme on l'a fait, on s'est même posé la
question: Est-ce que le gouvernement ne tente pas de bâtir l'opinion
publique pour fermer SIDBEC? Cela nous a inquiétés
profondément et je pense qu'on l'a indiqué.
M. Fortier: Ce qu'on doit souhaiter, puisque le ministre est ici
pour nous écouter, mais il y a d'autres membres du cabinet qui ne sont
pas ici... C'est malheureux d'ailleurs de constater que, pour un sujet aussi
important, certains membres du cabinet sont absents, parce qu'ils auraient eu
à apprendre en écoutant la discussion. Je pense au ministre des
Finances et à celui de l'Énergie et des Ressources. Quand
même, j'oserais espérer que le ministre passera le message aux
membres du cabinet.
Une question plus précise. Ce qui m'a frappé, c'est qu'on
a parlé de la possibilité de former un comité. La
proposition du ministre était très spécifique. Est-ce
qu'on pourrait se réunir la semaine prochaine... Le ministre a dit une
personne du ministère, une personne du syndicat et une personne de la
direction. Je crois à la qualité de votre mémoire et les
experts qui vous ont entourés indiquent que, si votre mémoire est
d'une telle qualité, c'est grâce à la collaboration de bien
des compétences. Par ailleurs, il n'y a pas seulement des
problèmes techniques comme tels, mais il y a des problèmes
financiers qui vont appeler d'autres compétences.
D'ailleurs, je dois féliciter la FTQ ou les métallos
d'arriver avec un mémoire de cette qualité. D'ailleurs, mon
collègue de Verchères l'a souligné, c'est parce que vous
avez fait appel à des compétences qui ont pu, avec les
travailleurs de SIDBEC et avec votre expérience syndicale, en arriver a
des propositions tangibles.
Ce n'est pas une question "loadée", c'est tout simplement que
j'essaie de comprendre. Ce que vous proposez, ce n'est pas juste une
réunion la semaine prochaine. C'est quelque chose qui serait un peu plus
permanent. Je le sais fort bien. Pour ma part, je suis extrêmement
réceptif à des recommandations comme celles-là. Vous
n'avez peut-être pas de propositions précises à faire
aujourd'hui, mais j'essaie de comprendre, de votre part, quel serait le genre
de comité qui pourrait exister, qui ferait appel, bien sûr, aux
gens des syndicats, mais qui ferait appel aussi aux compétences que vous
avez à l'intérieur de votre famille ouvrière ou même
des consultants que vous pouvez embaucher. Par ailleurs, est-ce que vous voyez
cela au niveau du ministère ou si, pour avoir des fruits à long
terme, il ne serait pas préférable que ce comité travaille
surtout au niveau de SIDBEC proprement dit, parce que c'est là que les
décisions devront se prendre, dans un premier temps?
M. Laberge: Je n'ai aucune hésitation, au nom des
métallos et au nom de la FTQ, à vous dire que si, à un
moment donné, vous voulez un comité d'experts formé de
trois personnes, de notre côté, il y aura quelqu'un pour nous
représenter. Enfin, c'est un genre de comité un peu
différent. Il peut y avoir ce comité restreint d'experts. Il peut
y avoir ce comité de dirigeants de SIDBEC, de responsables du
gouvernement et de responsables des syndicats qui représentent les
travailleurs de SIDBEC et de SIDBEC-Normines. Enfin, nous autres, on n'est pas
habitués à des comités de un, un, un. On aime être
au moins deux. Au moins, on sent un coude.
Pour nous, c'est très important. Si Clément a bien
reflété les anxiétés que certaines
déclarations avaient révélées, d'un autre
câté, je me demande si ces déclarations n'ont pas servi
à créer un climat un peu plus sérieux, un peu plus serein
à la commission parlementaire. Je pense que tout le monde a
peut-être réalisé que la situation était plus grave
qu'on ne l'avait imaginé, qu'on en était rendu à une
croisée des chemins, qu'il faut s'asseoir, qu'il faut regarder et qu'il
faut décider.
Les partenaires qui sont couverts par une convention collective à
toute épreuve -j'aimerais bien en avoir une comme celle-là - ce
n'est pas sûr qu'ils sont convaincus, au même point que nous
semblons l'être tous ensemble, de la gravité de la situation.
Quand on parle de participer à toutes les rencontres et à tout
cela, on veut savoir, en étant là, sur place, si le gouvernement
fait sa "job" pour essayer de convaincre les partenaires. S'il fait sa "job",
mais que ce sont les partenaires qui ne veulent rien savoir, on sera bien
placé pour savoir à qui s'adresser. Au lieu de chialer contre le
gouvernement qui aura essayé, on chialera contre les partenaires qui ne
veulent rien savoir.
C'est dans ce sens-là qu'on veut savoir très exactement.
Nous sommes directement impliqués non seulement pour une "job" qui
rapporte un certain salaire, mais, dans ce
coin-là, c'est la vie, c'est la vie de famille, c'est la
société tout entière de la Côte-Nord qui est
impliquée et on veut s'engager jusqu'aux oreilles.
Une voix: Contrecoeur.
M. Laberge: Contrecoeur et Montréal, bien sûr,
même si, dans ce coin-là, l'impact social est important pour les
familles concernées, il l'est moins pour la société. Tous
ces gens-là sont impliqués. Ils en ont conscience et on veut
s'engager. C'est pour cela que, quand vous parlez d'un comité, M. le
ministre, on est entièrement d'accord et on va participer "à la
planche". (17 h 30)
M. Godbout: M. Fortier, il y a un point que j'aimerais ajouter.
À la question que vous avez posée, je n'ai pas compris que le
ministre nous proposait un, un, un. J'ai compris un comité restreint et
j'ai également dit que nous voulions en établir les règles
du jeu. Nous fonctionnons en vertu d'un mandat, comme vous le savez. Les
règles du jeu étant établies, nous en parlons avec les
officiers et les membres de notre syndicat. Si nous sentons le besoin d'avoir
des techniciens ou des spécialistes dans certains domaines, au niveau de
l'employeur, au niveau du ministère comme à notre niveau, on a le
choix de ceux qu'on veut. Ce sont des principes fondamentaux qu'on veut
protéger. On est d'accord, mais il y a des choses qu'on veut savoir; on
veut que le ministre nous dise comment cela va fonctionner, dans quel cadre,
quels sont les "guide-lines" du comité de travail qui va se faire. C'est
dans ce sens. À partir de là, on voit notre monde et on part.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Beaucoup de choses ont déjà
été dites et je ne voudrais pas les reprendre. Je ne voudrais pas
non plus jouer le rôle d'un juge technique, pas plus que la plupart des
membres de la commission. En fait, personne ici n'a la prétention
d'être un expert. J'ai affiché mes couleurs dès le
début de cette commission et je conçois qu'une des tâches
que j'ai ici, à cette commission, compte tenu des impacts et des
propositions qui étaient sur la table du gouvernement lorsqu'on a
commencé, était de faire ressortir qu'il y avait diverses
solutions et qu'on pouvait les étudier avec les gens qui viendraient
devant cette commission. On peut aussi, bien sûr, souligner un certain
nombre de faiblesses dans les propositions qui ont été faites
jusqu'à maintenant au gouvernement et qui auraient pu amener celui-ci
à prendre une décision dans un sens qui aurait été
désastreux pour la Côte-Nord, bien sûr, mais aussi pour la
région de
Contrecoeur et, peut-être un peu plus que M. Laberge ne le pense,
dans la région de Contrecoeur.
Cela étant dit, je voudrais m'adresser au Syndicat des
métallos. Vous avez indiqué, à un moment donné, que
vous partagez, dans le fond, un des scénarios qui ont été
mis de l'avant par la direction de l'entreprise avec des modalités. Si
on a bien compris votre mémoire, vous privilégiez plutôt le
scénario du statu quo avec modifications, c'est-à-dire des
investissements défensifs et des investissements qui pourraient amener
à corriger un certain nombre de choses. On a parlé des
problèmes d'entretien, tantôt. Il y a une solution de rechange
à ce scénario de statu quo avec quelques modifications
d'investissement au niveau défensif. Il y a le troisième
scénario dont il a été question ce matin avec les
dirigeants de la compagnie, le scénario du statu quo avec le projet
d'expansion. Il ne semble pas qu'on ait retenu, au niveau de la direction de la
compagnie, des investissements qui semblent plus attrayants. Par exemple, la
ligne de galvanisation.
Je voudrais savoir si on a bien compris, en interprétant votre
mémoire, la proposition que vous nous faites comme étant le
maintien - en tout cas, au niveau manufacturier, en particulier, parce que
c'est ce que je connais le plus - des activités actuelles avec un
certain nombre d'investissements défensifs. Voyez-vous ces
investissements défensifs de la même façon que ceux qui
nous ont été présentés ce matin? Est-ce que vous
croyez que les solutions qui nous ont été
présentées en termes de projets éventuels d'investissement
ou de créneaux d'action qu'on pourrait entreprendre, dans lesquels on
pourrait s'engager, sont celles qu'on devrait retenir? Est-ce que vous partagez
ces opinions ou si vous avez d'autres suggestions? Quand on lit votre
mémoire, il semble que vous ayez peut-être fait des choix
différents de ceux que la compagnie a faits.
M. Godbout: Sur le plan technique, je dirai d'abord que je ne
suis pas certain qu'on comprenne exactement ce que vous voulez dire par le mot
"défensif". Nous disons que SIDBEC doit être agressive et non
seulement...
M. Charbonneau: Oui, mais j'ai emprunté le terme
utilisé dans la présentation de la compagnie quand elle parlait
d'investissements défensifs.
M. Godbout: D'accord.
M. Charbonneau: Autrement dit, pour consolider ce qu'on a
déjà sans nécessairement améliorer ou ajouter des
équipements. C'est dans ce sens, si on se
comprend.
M. Godbout: Ce qu'on a à dire là-dessus, avant de
passer au niveau technique, c'est qu'une chose nous semble fondamentale au
départ: les travailleurs dans ces usines ou dans les mines ou dans les
"plans" de boulettes doivent avoir leur mot à dire sur ce que sont les
investissements et de quelle façon on va les faire. Nous pensons qu'une
des conditions de survie d'une société agressive et en bonne
santé, c'est que les travailleurs participent à ce qui va se
faire et à ce qui se fait.
On a tenté dans notre mémoire, d'un bout à l'autre,
de dire à tout le monde - au gouvernement, etc. - qu'on doit changer
d'approche. SIDBEC doit également changer d'approche. Il faut impliquer
les travailleurs dans ce qu'on va faire. C'est ce qui me semble très
important, en partant, bien sûr, des règles du jeu qu'on a
établies. Sur le plan technique, je pense que vous avez en partie
raison.
M. Duval: On en a très peu parlé et on n'a pas
étudié cela en termes de scénario et de statu quo. On se
sert de ces expressions depuis quelques jours seulement. Nous on a la
conviction de pouvoir rentabiliser l'entreprise à court terme et de
fonctionner à profit, si on pose un certain nombre de gestes à
court terme et qui demanderaient des investissements limités. On parle
principalement des produits plats: on a un montant d'environ 20 000 000 $
à 25 000 000 $ pour les prochains trois ans. Ce sont des
améliorations qui ont d'ailleurs été reconnues par
plusieurs membres de la direction de SIDBEC à différents niveaux.
On sait qu'on a certaines améliorations assez conséquentes
à apporter à l'aciérie. On a des améliorations
à apporter au laminoir à chaud et au laminoir à froid et
aussi naturellement du côté non seulement de la production, mais
de l'entretien.
Si on appelle ces investissements "défensifs", moi je veux bien.
Il s'agit d'améliorer la qualité, l'utilisation et la
productivité du laminoir et des produits du laminoir. L'ordre de
grandeur des montants qu'on a en tête, c'est une vingtaine de millions
durant les prochains trois ans. Maintenant, c'est évident que, si on
veut en même temps, et si ça se révèle
bénéfique à l'étude détaillée... Je
pense que nous sommes fondés de croire qu'il y a certains produits,
certains créneaux du marché qui nous sont tout
particulièrement désignés. On a parlé, par exemple,
dans le rapport, spécifiquement et nommément, de la production de
la tôle revêtue. Je veux bien qu'on le réétudie en
détail, le cas échéant, quand cela viendra, mais on a un
fort préjugé favorable envers ce produit par les études du
passé, par les caractéristiques de ce genre de produit et par le
marché de l'Est du Canada.
M. Charbonneau: II y a une deuxième chose qui, en tout
cas, m'a fait bondir un peu ce matin. Écoutez, j'étais un peu au
courant, mais je pense qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont peut-être pas
réalisé l'impact de ce que vous avez dit. C'est quand vous nous
avez indiqué qu'à votre avis, il n'y a pas, depuis des
années, sinon depuis le début de SIDBEC, aux postes clés
de l'aciérie, d'aciéristes reconnus, chevronnés.
J'aimerais cela que vous expliquiez quelle est l'importance stratégique
dans une entreprise de la taille et du type de SIDBEC d'avoir à un poste
clé un aciériste chevronné.
M. Duval: C'est le chef cuisinier dans un restaurant.
M. Godbout: Si vous faites une crise d'appendicite, vous allez
chez le médecin et non chez le dentiste. En d'autres termes, ce qu'on
veut dire, c'est que, sur le plan syndical, quand il y a quelqu'un d'essentiel
qui manque, rendu au niveau du plancher de l'usine, vous pouvez voir un peu
jusqu'à quel point les informations ou les ordres que les travailleurs
reçoivent peuvent être mêlés, compliqués pour
les travailleurs d'expérience qui disent: Cela n'a pas de bon sens qu'on
nous demande cela. Ce sont ces questions qui sont revenues souvent, qui ont
créé des tensions et des climats un peu de désespoir et,
jusqu'à un certain point, un peu de rage dans certains cas. Vous
connaissez comme moi le dossier. Tout cela a fait qu'on a souvent crié
très fort qu'il manquait de compétences, qu'on savait que cela
nous arrivait tout échevelé au niveau du plancher. C'est à
cause de cela, c'est qu'il manquait un chef cuisinier et les tartes
étaient prises au fond.
M. Charbonneau: Si on vous comprend bien, cela ne veut pas
nécessairement dire... Des fois, on a entendu dire qu'à
différents niveaux de la direction, il n'y avait pas de gens qui
connaissaient le domaine de l'acier, etc. Vous ne voulez pas
nécessairement dire: Cela vous prend un chef cuisinier à tous les
postes de direction de l'entreprise.
M. Godbout: Non, on a identifié...
M. Charbonneau: Donc, cela ne veut pas dire nécessairement
qu'à tous les postes clés de l'entreprise, cela nous prend des
gens qui sont des métallurgistes.
M. Duval: On n'a pas tout réglé en faisant cette
recommandation, mais on croit avoir identifié un point faible et on
souhaiterait qu'il soit corrigé. On n'a jamais dit que, dans SIDBEC, il
n'y a pas de compétences. Des compétences, il y en a, et
cela fait quatorze ans que cela tourne. C'est évident que les
gens ont appris. On considère qu'à ce point précis, il y
avait du renforcement à apporter.
M. Godbout: Moi, je dirais que tous ceux qui ont travaillé
à différents postes comme ceux-là ont fait leur possible,
mais avec la compétence qu'ils avaient.
M. Charbonneau: II ne s'agit pas de faire ici de...
M. Godbout: Ce qu'on essaie de dire, c'est qu'il y a là,
à notre point de vue, en tout cas, une place pour intervenir
rapidement.
M. Duval: Quand on parle d'un aciériste chevronné,
M. le député, on parle d'un type qui a passé quinze ou
vingt ans de sa vie en exploitation d'aciérie électrique qui
fabrique des aciers de qualité. On considère que ce serait un
apport à l'exploitation de l'aciérie de Contrecoeur.
M. Charbonneau: On m'a déjà laissé entendre
- et ce n'est pas, d'ailleurs, une décision qui avait été
prise par la direction actuelle de SIDBEC, je pense que je dois le
préciser - qu'à une époque, on aurait refusé -
peut-être que vous pouvez le confirmer -d'embaucher un aciériste
de calibre international et vraiment compétent, parce que,
paraît-il, cela aurait déséquilibré la structure
salariale au niveau des cadres. Autrement dit, on ne voulait pas le payer plus
cher que les autres cadres ou avoir des problèmes avec les autres
cadres. On aurait décidé, finalement, qu'il valait mieux se
priver d'un aciériste plutôt que d'en payer un bon, parce qu'on
aurait eu des problèmes avec les chefs cuisiniers adjoints.
M. Duval: C'est une anecdote dont j'ai eu vent.
M. Charbonneau: Vu que vous avez été dix ans dans
l'entreprise, il y a des risques qu'elle soit vraie.
M. Godbout: Mais je pense, M. Charbonneau, que, dans notre
mémoire, on dit qu'il y a là quelque chose à regarder de
façon sérieuse de la part de SIDBEC et du gouvernement.
M. Laberge: Je vais seulement vous donner un petit exemple de ce
qu'on veut dire. À la commission de la santé et de la
sécurité, il y a des inspecteurs sur les chantiers de
construction. Arrive un inspecteur sur un chantier de démolition, un
petit édifice de trois étages. Vous savez combien cela peut
prendre de temps pour démolir un édifice de trois étages,
les grasses patentes. Il a donné un avis de correction et il a
donné quinze jours pour réparer cela. Évidemment, quand il
est revenu au bout de quinze jours, il ne reconnaissait plus le coin, parce
qu'il n'y avait plus une brique.
M. Charbonneau: D'accord. Je pense que le message est clair. Mais
c'est important. Je le sais, parce que les installations de Contrecoeur sont
dans mon comté. J'ai entendu, moi aussi, des plaintes à de
nombreuses occasions. Je considère qu'il y a des postes
stratégiques où c'est important, finalement, d'avoir les
personnes clés.
Je voudrais terminer. Il n'y a qu'une façon, dans l'avenir, de
pouvoir sortir de ce pétrin, outre les expertises techniques, outre les
décisions financières qu'on pourra prendre. Il y a un clou sur
lequel je tape depuis des années. Je pense que les métallos sont
là pour en témoigner. Peut-être, comme ancien journaliste,
que j'ai la déformation de croire que l'information et l'échange
d'information sont à la base de la compréhension. Si on met les
gens dans le coup, on en a déjà eu la preuve. J'ai
travaillé de près avec votre comité, vous le savez, et
j'ai vu comment il y avait des gens responsables à qui on avait
donné des documents, qui les avaient gardés confidentiellement et
qui n'avaient pas mis en danger la situation concurrentielle de l'entreprise,
mais qui nous avaient permis, finalement, aujourd'hui, de voir un revers de la
médaille étoffé, qui est peut-être perfectible. Si
on a vu ce revers de la médaille, c'est parce qu'on avait des gens
responsables à qui on a fait confiance, à qui on a donné
de l'information et qui l'ont utilisée adéquatement.
Cela prouve que, finalement, si on peut le faire à des moments
importants, on pourrait peut-être le faire d'une façon
régulière et permanente. Cela réglerait bien des
problèmes. J'ai l'impression qu'il y a pas mal de problèmes de
relations de travail parce que les gens ne se parlent pas, parce que les gens
ont une conception traditionnelle de la hiérarchie, de la façon
dont les entreprises devraient fonctionner, ce qui fait qu'à un moment
donné, au lieu d'échanger de l'information, on se la cache
mutuellement. On a des privilèges. On prétend que l'information
ne doit pas descendre à tel type de niveau, parce que ce n'est pas de
son ressort. J'ai l'impression qu'on a une preuve éloquente maintenant,
avec cette commission, que l'échange d'information est aussi un
élément stratégique pour l'avenir qui s'annonce difficile,
parce qu'on n'aura pas réglé le problème de la concurrence
dans le domaine de l'acier en quittant cette commission. Il y a peut-être
un moyen d'améliorer la situation
stratégique de SIDBEC, c'est de faire en sorte que tout le monde
soit dans le coup. C'est peut-être aussi plus facile pour les gens qui
sont sur le terrain, pour les travailleurs et leur famille d'être
solidaires d'un certain nombre de décisions quand ils comprennent la
situation. Quand on ne comprend pas, on ne peut pas accepter bien des
affaires.
M. Laberge: Mais là, vous venez - si vous me le permettez,
M. le Président - de soulever un point d'une importance capitale. Il est
bien évident que, s'il y a des échanges plus constants et plus
ouverts entre la direction et les travailleurs par le truchement de leur
syndicat, cela peut améliorer grandement les choses, mais on ne s'en va
pas dans le prochain paradis terrestre où il n'y a plus de patrons et
plus de travailleurs.
M. Charbonneau: Non, non.
M. Laberge: Si on est tous égaux, crime! on n'a plus de
job, nous autres.
M. Charbonneau: Loin de moi l'idée de vous mettre à
pied, M. Laberge. (17 h 45)
M. Laberge: D'ailleurs, ce n'est pas la même chose à
l'Assemblée nationale, il faudrait que tous les députés
puissent parler à leur premier ministre en tout temps.
M. Charbonneau: J'aime autant ne pas répondre à
ça!
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Très brièvement, M. le
Président. Vous avez eu beaucoup de félicitations pour votre
mémoire, mais, mis à part les félicitations, je me suis
rendu compte qu'il y avait une critique qui venait de la part du ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et qui était quand même
assez virulente pour ce qui est de chiffrer le mémoire. Le ministre
propose un comité qui, dans les jours à venir ou la semaine
prochaine - dans les meilleurs délais - va pouvoir chiffrer votre
mémoire.
Si on peut constater que, en ce qui concerne les activités
manufacturières de SIDBEC, il semble y avoir différents
scénarios avec des chiffres différents qui nous ont
été présentés par différents intervenants,
je dois souligner que ce n'est pas ma perception pour SIDBEC-Normines.
Les chiffres que vous avez présentés et les chiffres que
nous a présentés la compagnie SIDBEC sont les mêmes, c'est
identique. Alors je ne peux pas voir ce qu'un comité - là,
ça sent la pelure de banane politique, je m'excuse de l'expression - va
chiffrer dans ce domaine. Là-dessus, j'attire votre attention à
la page 10 de votre mémoire où vous dites: "Quel que soit le
scénario envisagé, fermeture permanente ou temporaire, fermeture
de Gagnon, mine et concentrateur avec maintien de l'usine de boulettage et
réduction des niveaux d'activités, SIDBEC-Normines coûtera
environ 100 000 000 $ par an à ses partenaires, donc 50 000 000 $
à SIDBEC. Nous sommes disposés à réviser
immédiatement tous ces scénarios avec les partenaires, mais nous
ne croyons pas que la facture puisse être sensiblement réduite.
Telle est, à notre avis, la donnée de base du problème.
Elle n'est pas gaie pour personne, mais personne ne peut la modifier, avec la
meilleure volonté du monde. Il ne nous reste qu'à l'accepter une
fois pour toutes et qu'à agir en conséquence. Nous serions
d'accord pour que les pertes de SIDBEC-Normines ne soient pas imputées
à SIDBEC et que le gouvernement du Québec assume directement ce
coût." En relisant ce passage, je me rappelle les propos du ministre des
Finances, qui était le deuxième intervenant en commission
parlementaire, hier, et je me pose la question: Est-ce que le gouvernement du
Québec, est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme - s'il n'accepte pas ces chiffres, qu'il nous le dise ici je tiens
pour acquis que tout le monde les accepte - à partir de ces chiffres, a
une volonté de garder SIDBEC-Normines ouverte? Est-ce qu'il y a une
volonté politique dans ce gouvernement de garder la Côte-Nord
ouverte? Ce n'est pas en réétudiant des chiffres, tous, nous
pouvons les étudier ad nauseam... Le petit comité, surtout s'il
n'y a pas de représentant du ministère des Finances qui y
siège, ça sent la pelure de banane à plein nez. Veut-on,
au cours de la semaine prochaine, à l'intérieur du comité,
en ce qui concerne cet élément - je ne discute pas de la valeur
du comité sur les autres éléments - tenter de chiffrer la
valeur économique du nord du Québec? Veut-on tenter de chiffrer
sur le plan socio-économique ce que va représenter la fermeture
de SIDBEC-Normines? Une étude, de 1970, des États-Unis dit que,
lorsqu'il y a une hausse de chômage de 1,4%, ça équivaut
à 7,7% de plus de suicides, à 4,7% de plus d'hospitalisations,
à 5,6% de plus d'emprisonnements, à 8% de plus d'homicides,
à 2,7% de plus de décès dûs aux cirrhoses du foie
ainsi qu'aux maladies cardio-vasculaires, 2,7% de plus du taux
général de mortalité. Veux-t-on chiffrer ça dans le
petit comité? Et, si on ne veut pas chiffrer et qu'on est d'accord avec
les chiffres, est-ce que, après deux jours de commission parlementaire
où toutes les parties sont unanimes sur un point, il ne serait pas temps
que cette commission parlementaire dise au gouvernement du Québec: En ce
qui concerne SIDBEC-
Normines, en ce qui concerne la Côte-Nord, voici le prix, voici la
facture et on la garde ouverte. Si on va en comité sur les autres
sujets, je suis d'accord, mais qu'on règle au moins ça, parce
que, moi, comme parlementaire, je vais avoir l'impression d'avoir perdu deux
jours. Je m'excuse! J'aimerais avoir les commentaires de M. Laberge ou de
n'importe qui...
M. Laberge: Non, ce n'est pas à nous à faire ce
genre de commentaires, vous le comprenez bien. On veut tous vous avoir.
M. Paradis: Je demanderais au ministre, dans ce cas
là.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, jusqu'à il y a trois ou
quatre minutes, je pense que les discussions autour de cette table
s'étaient élevées assez au-dessus de la basse partisanerie
politique. Je regrette énormément, pour les travaux de cette
commission, l'intervention du député de Brome-Missisquoi. J'ai
dit au commencement de cette commission que le gouvernement n'avait pas
arrêté de décision, qu'il écoutait et
écouterait jusqu'au bout tous les intervenants qui avaient quelque chose
à lui dire dans ce domaine, lui faire les suggestions nécessaires
quant à quelque scénario que ce soit concernant SIDBEC-Normines,
sauf le statu quo, c'est-à-dire de continuer à produire 5 500 000
à 6 000 000 de tonnes et perdre 100 000 000 $ au minimun par
année et peut-être plus. Il n'y aura pas de négociation si
l'on maintient le statu quo, c'est-à-dire à 6 000 0000 de tonnes.
Cependant, tout autre scénario implique des négociations avec des
partenaires et des bailleurs de fonds. Si le Parti libéral du
Québec a fourré le Québec dans le pétrin, en
négociant mal ses contrats, en 1974-1975, ce n'est toujours pas notre
responsabilité. Laissez-nous au moins le temps d'essayer, nous autres,
de négocier comme du monde, pour corriger des choses que vous avez mal
faites en 1975. Après cela, on se reparlera autour de la table.
M. Paradis: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je vais reformuler ma question pour que le ministre
la saisisse bien. Ce que j'ai compris de son intervention tantôt, c'est
qu'il a dit aux métallos que leur mémoire n'était pas
suffisamment chiffré, qu'il faudrait un petit comité qui se
repenche sur les chiffres. J'ai attiré l'attention du ministre sur une
partie du mémoire, sur laquelle tous les intervenants, tous les
spécialistes qui ont témoigné se sont entendus. Les
métallos disent: Quel que soit le scénario que vous retiendrez
à partir du comité, à partir du rapport
interministériel, à partir de la position de SIDBEC, le
coût pour les contribuables du Québec, pour l'ensemble de la
collectivité québécoise, est de 50 000 000 $. Si le
gouvernement n'est pas prêt, est-ce que vous, comme ministre,
porte-parole ou responsable du ministère de l'Industrie, du Commerce et
du Tourisme à cette commission parlementaire, pouvez nous dire
aujourd'hui si ce coût vous apparaît impossible, vous
apparaît aberrant? Est-ce que vous pouvez nous dire, comme ministre
responsable, que ce coût en est un que vous pouvez assumer et que cela
vaut la peine de l'assumer pour garder le Nord-Ouest québécois
ouvert? Ce n'est pas compliqué comme question, mais cela sous-entend
toutes ces choses, M. le ministre, au niveau de la négociation des
contrats et de la diminution de la production. Mais qu'on sache que cette
volonté politique est au moins là, si la négociation des
contrats devait se faire. Si la proposition que les travailleurs ont faite -
ils ont indiqué qu'ils ne voulaient pas produire des boulettes pour rien
et qu'ils étaient prêts à ramener la production à un
niveau raisonnable... Est-ce que vous seriez prêt à dire que cela
vaut la peine que le gouvernement du Québec investisse 50 000 000 $ pour
garder la Côte-Nord présentement, et que vous avez les moyens de
le faire?
M. Biron: Savez-vous, M. le député de
Brome-Missisquoi, qu'une renégociation dans les contrats avec les
bailleurs de fonds, alors qu'on a des prêts à 10 1/2% ou 11%
à long terme... Si, en renégociant, il fallait payer 15% ou 18%,
comme c'était le cas l'an dernier, cela fait une différence
énorme de 20 000 000 $ à 50 000 000 $ de plus par année
d'intérêt. Donc, en fonction de la négociation qui viendra,
en fonction de la décision que le gouvernement prendra d'abord,
deuxièmement, de la négociation avec les bailleurs de fonds, de
la négociation avec d'autres partenaires comme British Steel ou comme la
compagnie minière Québec Cartier - on sait que la compagnie
minière Québec Cartier reçoit une royauté pour
qu'on puisse employer le minerai de la mine de Fire Lake - il y a, là
aussi, toute une différence de négociation et on s'entend - je
pense que cela a été très clair dans le mémoire des
métallos - en disant: II semble qu'il y a du gras à quelque part.
Jusqu'où? À quelle épaisseur? On ne le sait pas encore.
Mais au cours de la négociation qui pourra venir très rapidement,
on pourra voir exactement quels sont ces chiffres précis. C'est dans ce
sens que je dis que la première préoccupation et la
première
recommandation des métallos concernant une production de 3 000
000 à 3 500 000 de tonnes comporte une négociation
sérieuse avec les bailleurs de fonds - on n'a pas le droit de le faire
tout de suite, les contrats nous le défendent - une négociation
sérieuse avec les bailleurs de fonds, avec nos partenaires et ensuite,
on pourra mettre un chiffre exact sur le coût de l'opération.
M. Paradis: Si je suis votre intervention - je me base sur celle
de SIDBEC et sur la présentation des métallos - si tout
fonctionne en tenant compte du taux d'intérêt d'aujourd'hui, en
tenant compte du fait que les pénalités tomberaient, etc., que la
négociation aboutisse de façon positive, est-ce que vous
contestez le chiffre de 50 000 000 $, M. le ministre?
M. Biron: J'ai dit et je répète qu'il faudra
peut-être un crayon et le calculer. Cela dépendra du
résultat des négociations. Aussitôt que vous ouvrez des
contrats avec des partenaires, on ne sait pas trop où on va finir avec
cela. Demandez à ceux qui ont de l'expérience dans la
négociation, lorsqu'on ouvre un contrat, où on finit? On n'a pas
d'idée au début, mais on sait qu'on ouvre un contrat. On a
certains objectifs. En cours de route, il y a de la négociation. Dans ce
cas, il y a des contrats plus qu'importants à négocier avec tout
le monde. Si vous voulez, on va terminer la commission parlementaire, on va
décanter tout cela et on va remettre cela ensemble, on va essayer
d'établir un scénario. On va consulter les gens des
métallos, les gens de la direction de SIDBEC. On va voir quelle sorte de
négociations il y aura à faire, et ensuite il y aura un chiffre
exact que je pourrai vous fournir, mais à l'heure actuelle je ne peux
pas vous fournir ce chiffre tant et aussi longtemps que la négociation
ne se sera pas déroulée.
M. Paradis: Si vous atteignez vos objectifs, M. le ministre, dans
la négociation - avec tout le talent que vous avez et avec l'aide de
tout le monde - êtes-vous d'accord comme membre de cette commission
qu'une fois ces objectifs atteints, s'ils sont tous atteints et que vous en
arrivez avec une facture suivant la proposition des métallos, encore une
fois, et celle de SIDBEC - de 50 000 000 $, cette commission se prononce, au
cas où le gouvernement aurait réussi à atteindre ses
objectifs, pour qu'on garde la Côte-Nord et SIDBEC-Normines ouvertes?
M. Biron: Je dis depuis le début de cette commission que
je ne m'attends pas de prendre des décisions sur le coin de la table. Je
vais regarder, je vais prendre le temps d'analyser sérieusement tout ce
qui nous a été présenté. Après cela, j'en
viendrai à une recommandation.
M. Paradis: Vous n'avez pas répondu à cette partie
de ma question; avez-vous l'intention d'adjoindre au comité que vous
allez former quelqu'un qui représente le ministère des Finances,
surtout à la suite des propos du ministre des Finances hier matin
à cette commission?
M. Biron: Je peux vous assurer que, dans tout ce qu'on fait
vis-à-vis de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, nous sommes toujours en
relation très constante et très étroite avec le
ministère des Finances.
M. Paradis: Plus précisément, dans le
comité, avez-vous l'intention d'avoir quelqu'un du ministère des
Finances ou de faire rapport?
M. Biron: Pour le moment, on va essayer de ne pas trop se casser
la tête et de ne pas décider de la forme de la table qui va
être là. Nous sommes d'accord pour dire qu'il y a des partenaires
privilégiés que le gouvernement du Québec doit consulter,
la direction de SIDBEC, la direction des métallos. Après cela,
quand on parle de gouvernement, de ministre à ministre ou de
ministère à ministère, on peut se parler très
facilement.
M. Paradis: Une fois les négociations
réalisées, vous proposez-vous de demander à nouveau la
convocation de cette commission parlementaire pour faire rapport du
résultat des négociations avant de poser des gestes en ce qui
concerne SIDBEC et Normines?
M. Biron: II y a une motion là-dessus qui n'a pas encore
été étudiée. D'une façon ou d'une autre, si
nous devons poser des gestes précis avec SIDBEC et y injecter à
nouveau des sommes d'argent, c'est sûr qu'aussitôt qu'on
réinjecte une somme d'argent il y aura une commission parlementaire sur
SIDBEC.
Le Président (M. Desbiens) Je constate qu'il est 18
heures. Il y a deux autres intervenants sur ma liste, entre autres le
député de Frontenac. Ce matin...
M. Grégoire: J'en ai pour cinq minutes, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens) ... à la fin des
audiences, il avait fait placer son nom sur la liste. Malheureusement, je
n'avais pas eu... S'il y a un consentement pour quelques minutes.
M. Grégoire: Quatre minutes, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens) Cela va. M. le
député de Frontenac, s'il vous plaît!
(18 heures)
M. Grégoire: J'ai juste deux points; le premier point est
très bref. À la page 6 de votre mémoire, M. Godbout, vous
dites: "Les travailleurs ne sont pas intéressés non plus à
produire des inventaires quand on ne voit pas le jour où on pourra les
écouler, même à perte." J'aimerais que vous mettiez cette
page dans votre poche et que vous la regardiez comme il le faut quand vous
viendrez à Thetford. J'ai reçu le bilan de la
Société nationale de l'amiante. On a pour 74 789 000 $
d'inventaire en stock d'amiante. Mettez cette page dans votre poche et vous la
sortirez quand vous arriverez chez nous. J'ai l'impression aussi qu'on a les
mêmes problèmes que vous. Les mines de fer, cela ne veut pas dire
que, parce qu'il se vend moins de fer aujourd'hui, que c'est mauvais pour tout
le temps. Ce n'est pas parce qu'il se vend moins d'amiante aujourd'hui que
c'est mauvais pour tout le temps. J'ai confiance que cela va reprendre pour le
fer et pour l'amiante. On ne va tout de même pas fermer les moulins
à bois parce que cela va mal aujourd'hui. Le monde va avoir besoin de
planches demain quand la crise va être finie. C'est vrai que cela baisse
aussi dans les usines de papier. Tout le monde va racheter du papier quand la
crise va être finie. C'est vrai que je ne comprends pas pourquoi on
fermerait une aciérie si toutes les acieries vont mal dans le monde.
Cela va reprendre, cette affaire. J'ai confiance.
Pour que cela reprenne, il faut que tout le monde s'y mette. Or, il y en
a un dont on n'a pas assez parlé, vous en avez parlé dans votre
mémoire et je voudrais parler de celui-là. Il faut qu'il y soit
aussi comme partenaire, il va falloir l'appeler notre "partner" lui aussi.
À la page 44 de votre mémoire, vous dites: "En toute
justice, le gouvernement fédéral doit appuyer notre
démarche, surtout qu'il a déjà subventionné la
sidérurgie néoécossaise Sisco à raison de 89 000
000 $". S'il y a une subvention de 89 000 000 $ en Nouvelle-Écosse, je
pense qu'il pourrait faire la même chose au Québec. Il a
versé 14 000 000 $ à une mine d'amiante à Terre-Neuve qui
était fermée et nous, elle ne vient pas encore. Le
fédéral a déjà informé le gouvernement de la
Nouvelle-Écosse qu'il est prêt à négocier une
entente qui mènerait à la construction d'une cokerie d'une valeur
de 100 000 000 $. En conséquence, le gouvernement du Québec doit
revendiquer du fédéral sa juste part pour SIDBEC.
M. le Président, c'est justement parce que j'ai confiance en
l'avenir. Je vais le dire aussi au ministre que ni les mines d'amiante - il n'y
a pas de danger que les mines d'amiante ferment pour le moment, c'est encore
rentable - ni les mines de fer, ni les usines de papier, ni les moulins
à bois n'ont de raison de fermer parce qu'on est en période de
crise. Mais si tout le monde s'y met, si le gouvernement fédéral
embarque aussi, je pense que, pendant les années de crise, c'est le
temps de les rendre rentables. Vous parliez tantôt de 60 000 000 $
à investir sur trois ans, 20 000 000 $ par année pendant trois
ans. Or, on a injecté 85 000 000 $...
M. Godbout: 25 000 000 $ pour trois ans. On parlait de 20 000 000
$ à 25 000 000 $ sur trois ans.
M. Duval: Sur trois ans.
M. Grégoire: Sur trois ans, je pensais que c'était
par année. Pour les rendre rentables, je ne sais pas si les chiffres
sont bons, si vous faites des déficits de 100 000 000 $, rien que 25 000
000 $ échelonnés sur trois ans pour la rentabiliser, cela me
surprendrait un peu. Cela va prendre plus que cela, à mon avis.
M. Duval: C'est ce qu'on dit dans le rapport que cela va prendre
plus que cela, mais on parle d'investissements.
M. Grégoire: On pourrait parler d'investissements. Il faut
aussi nettoyer...
M. Duval: Cela va prendre autre chose que des investissements
parce qu'on dit que les investissements ne sont pas toujours la solution
à tous nos problèmes.
M. Grégoire: II faut aussi nettoyer la structure
financière de la compagnie, je suppose.
M. Laberge: Voilà:
M. Grégoire: Commencer par renégocier la
convention, nettoyer la structure financière de la compagnie. Je me
rappelle fort bien que le Canadien National arrivait avec des déficits.
À un moment donné, le gouvernement fédéral a pris
la dette. Plus d'intérêt à payer sur la dette, cela s'est
mis à faire des profits. C'est le gouvernement fédéral qui
payait les intérêts, par exemple.
M. Laberge: C'est cela.
M. Grégoire: S'il l'a fait pour Bombardier, il a
financé la ville de New York avec Bombardier...
M. Laberge: Et Dome Petroleum!
M. Grégoire: ... Dome Petroleum, combien de milliards pour
sauver quatre banques? Chrysler en Ontario? La mine Advocate à
Terre-Neuve? Tout cela, et c'était fermé à part cela.
Alors qu'il y avait
un surplus d'amiante partout au Canada, on va en ouvrir une autre
à Terre-Neuve. C'est...
M. Ciaccia: M. le Président, une question juste
pour...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ...On avait donné un consentement au
député de Frontenac...
M. Grégoire: Moi, quand je commence à embarquer
là-dedans...
M. Ciaccia: ... pour poser des questions sur SIDBEC pas sur
Bombardier, New York, Chrysler et tout le reste. On peut être ici
jusqu'à minuit. C'était sur SIDBEC.
M. Grégoire: Oui, mais je pense qu'il faut que ces
affaires-là soient dites. Si tous les partenaires embarquent, même
le gouvernement fédéral, il fait de l'argent avec les
impôts que les travailleurs paient, sinon on va payer de
l'assurance-chômage. Il faut qu'il embarque. Je me dis que s'il est
capable d'acheter cette année pour 2 800 000 000 $ d'avions de guerre,
ce n'est même pas votre acier qui sert là-dedans, il pourrait bien
y aller pour quelques dizaines de millions dans SIDBEC. J'ai deux
questions...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Perron: Une courte question.
M. Grégoire: Vous êtes d'accord? Allez-vous faire
des démarches là-dessus aussi?
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît;
M. Grégoire: Le ministre a-t-il l'intention de
présenter un dossier à Ottawa la-dessus?
M. Ciaccia: On est d'accord pour que tu arrêtes de parler
aussi.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs,
s'il vous plaît!
M. Grégoire: Quand cela commence à les fatiguer,
ils ne veulent plus qu'on parle.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, j'ai une courte question
à poser aux représentants des métallos. Au bas de page 10
de votre mémoire, vous mentionnez: "Nous serions d'accord pour que les
pertes d'opération de SIDBEC-Normines ne soient pas imputées
à SIDBEC et que le gouvernement du Québec assume directement ce
coût." Oui, d'accord. Maintenant, on sait que, actuellement, le
gouvernement du Québec assume ce coût de SIDBEC. Vu qu'il y a des
gens qui ont transmis des mémoires qui colportent le fait que
SIDBEC-Normines devrait faire partie d'une société d'État
autre que SIDBEC, est-ce que vous voulez dire que cela devrait être comme
cela? Sinon, voudriez-vous expliquer votre position là-dessus?
M. Frenette (Jean-Guy): II faut être bien clair: la
réouverture des contrats, pour nous, c'est un moyen d'essayer d'enlever
du gras. Ce n'est pas cela qui va sauver la mise, c'est bien clair. Les
pénalités payées à l'heure actuelle ont uniquement
pour but de permettre à SIDBEC-Normines d'absorber les coûts fixes
auxquels elle ne peut pas faire face quand elle diminue son niveau
d'opération en bas de son "break-even" qui est 5 000 000 $. Il faut donc
redéfinir un niveau de fonctionnement en dessous du "break-even" de 5
000 000 $, qui serait 3 000 000 $; il faudra donc nécessairement avoir
automatiquement, dans SIDBEC-Normines, et c'est cela qu'on voudrait essayer de
rouvrir, une perte d'opération, alors que ce n'est pas possible à
l'heure actuelle par les formes d'entente. SIDBEC-Normines ne peut jamais faire
de pertes d'opération. Or, ces 20 000 000 $ au minimum, qui seraient la
perte d'opération que le Québec devrait assumer dans
SIDBEC-Normines à un niveau de production en dessous de son
"break-even", on dit qu'ils devraient être pris quelque part dans le
gouvernement. Mais les aspects juridiques du type de société
d'État qu'il faudrait voir là-dessus, on veut regarder beaucoup
plus à fond toutes les implications légales de cela; plusieurs,
hier, ont été amassés. Merci beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: On a dit beaucoup de choses en bien ou en mal de la
direction de SIDBEC, mais il reste quand même qu'au cours des douze,
treize ou quinze dernières années, il y a eu cinq
négociations dont quatre se sont terminées par grève ou
"lockout". À la dernière, on s'est entendu un mois, ou à
peu près, avant l'échéance de la convention. M. Godbout,
depuis l'arrivée de M. De Coster et de quelques nouveaux dirigeants dans
le domaine du personnel, est-ce que vous diriez que les relations de travail se
sont améliorées entre les dirigeants de SIDBEC et les
métallos, les travailleurs, comparativement à ce que
c'était autrefois lorsqu'on était en grève ou
en "lock-out" à peu près à chaque
négociation?
M. Godbout: Assurément, on l'a dit, il n'y a pas de
problème à le redire. Je pense que l'arrivée de M. De
Coster - ce n'est peut-être pas seulement cela - a amélioré
de façon sensible les relations de travail. Bien sûr, il reste des
inconvénients et des griefs, c'est normal, mais les conditions de
travail se sont améliorées de façon remarquée.
M. Laberge: Ce n'est peut-être pas lui, mais cela a
coïncidé avec son arrivée.
M. Biron: D'accord. Cela veut dire - si je comprends bien - qu'il
y a eu une amélioration énorme et il y a encore de la place pour
s'améliorer.
M. Godbout: C'est cela.
M. Biron: Je vous remercie.
M. Charbonneau: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Ce n'est pas pour continuer...
M. Laberge: M. le Président, si vous me permettez, il
resterait à vous remercier, ainsi que les membres de la commission; je
pense que vous avez démontré beaucoup d'attention à la
présentation des mémoires, beaucoup de sérieux. Les
questions que vous avez posées démontrent que vous avez vraiment
étudié le dossier et on est fort heureux de cela. On veut
remercier le gouvernement et le ministre responsable, M. Biron, qui nous a
permis de venir en commission parlementaire. Il était temps, je pense,
que cela se fasse pour assainir le climat, le rendre un peu plus serein. Tout
le monde semble être unanime à regarder cela d'un peu plus
près. Apparemment, on n'en est pas encore arrivé à des
décisions catastrophiques; au contraire, je pense que l'Opposition, les
députés du gouvernement, tout le monde semble être d'accord
pour regarder cela de plus près et pour se dire qu'ensemble, si on
retrousse ses manches, si on y met chacun du sien, il y a moyen de faire
quelque chose là-dedans, parce qu'on aura toujours besoin d'acier au
Québec. Aussi bien avoir une aciérie du Québec qui va nous
fournir notre acier, aussi bien avoir une mine au Québec qui va
fonctionner et qui va alimenter l'aciérie du Québec qui a besoin
d'acier, au lieu de le faire venir d'ailleurs. On vous remercie. Nous sommes
à votre entière disposition et, si le besoin s'en fait sentir,
nous reviendrons.
Le Président (M. Desbiens): Je voudrais informer tous les
participants qu'à la reprise des travaux, à 20 heures, nous
entendrons le Regroupement municipal des villes de Gagnon et de Port-Cartier,
suivi de la ville de Contrecoeur.
M. Charbonneau: On avait convenu tantôt que le prochain
groupe à entendre, après les gens qui devaient prendre l'avion,
serait celui de la ville de Contrecoeur. Cependant, s'il arrivait que cet avion
soit déjà parti et que, de toute façon, les gens l'aient
manqué dans ce cas, en toute équité, je demanderais que ce
soit la municipalité de Contrecoeur, qui attend depuis hier soir, qui
soit entendue la première.
Le Président (M. Desbiens): On pourra peut-être
résoudre cela en revenant. La commission élue permanente de
l'industrie, du commerce et du tourisme suspend ses travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 11)
(Reprise de la séance à 20 h 11)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du
tourisme reprend ses travaux pour entendre certaines représentations en
vue de revoir l'orientation de SIDBEC.
M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je sais que l'ordre de la Chambre nous lie,
c'est-à-dire que nous aurons l'obligation de terminer les travaux de
cette commission ce soir. Nous pourrons continuer après 10 heures mais
je ne crois pas que d'après les règlements de l'Assemblée
nationale, nous puissions ajourner après aujourd'hui. Je voudrais savoir
si nous allons avoir l'occasion d'entendre tous les intervenants qui sont ici
ce soir, et dans quel ordre ils seront entendus. Est-ce que ce serait possible,
afin de permettre à tous les intervenants de faire leur
présentation, de fixer un certain temps pour leur intervention ou, faute
de cela, d'aviser certains intervenants qu'ils ne pourront pas se faire
entendre ce soir? Ce serait malheureux de procéder jusqu'à minuit
et d'avoir deux ou trois intervenants qui n'auront pas eu l'occasion de se
faire entendre. Je me demande si on pourrait établir un certain ordre de
procédure.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Dans le même ordre d'idées, M. le
Président, je me demande si on pourrait s'entendre pour donner 20
minutes à chaque délégation pour s'exprimer et
ensuite s'entendre sur une limite de temps pour les questions.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Est-ce que SIDBEC doit...
M. Biron: Voulez-vous, on va commencer, on a quatre groupes
d'intervenants à écouter. On pourrait au moins passer ces gens et
voir alors s'il y en a qui veulent retourner. Si on donnait une vingtaine de
minutes à chaque groupe pour faire sa présentation, je pense bien
qu'il y a déjà des choses qui nous été
présentées depuis une journée et demie; d'ailleurs, on a
eu des mémoires et on peut les lire aussi. Si on donnait une vingtaine
de minutes à chaque côté en nous limitant quand même
à cinq minutes de questions chaque côté, quitte, à
la fin, lorsqu'on aura passé le dernier groupe, si on le veut, à
revenir sur SIDBEC ou, si on le veut à revenir sur une discussion
générale entre nous. Au moins, les groupes qui sont venus ici
pourront faire leur présentation, je pense que c'est cela
l'important.
M. Ciaccia: La question que je me pose...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Écoutez, je ne veux pas éterniser le
débat. Je regarde la brique de SECOR Inc. et tout le reste et je me
demande si on peut présenter cela en vingt minutes.
En tout cas, commençons et faisons de notre mieux.
Regroupement municipal de Gagnon et de
Port-Cartier
Le Président (M. Desbiens): Le premier groupe est celui du
Regroupement municipal des villes de Gagnon et de Port-Cartier.
M. René Coicou, maire de Gagnon, si vous voulez présenter
les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît, et présenter
votre mémoire.
M. Coicou (René): M. le Président, il me fait
plaisir de vous présenter l'équipe qui a travaillé
à l'élaboration du mémoire dont nous allons maintenant
prendre connaissance. Il s'agit de M. Bernard Dionne, maire de Port-Cartier, M.
François Carpentier, commissaire industriel de la région, M.
Daniel Bruneau, directeur général de la ville de Gagnon, M. Roger
Miller, de la firme SECOR Inc., et M. Dennis Senik, de la même firme. Je
suis René Coicou, maire de
Gagnon.
Je m'adresse à vous aujourd'hui, M. le Président, au nom
des citoyens de Port-Cartier et de Gagnon et aussi au nom de tous les habitants
de toutes les villes nordiques qui subissent les retombées
économiques générées par SIDBEC-Normines.
Pour ceux qui ne connaissent pas la géographie de cette partie du
Québec, je vous situe brièvement quelques villes minières.
D'abord, la ville de Gagnon est située à 192 milles au nord-est
de Port-Cartier et de Sept-Îles. C'est une ville éloignée,
qu'une route présentement en construction reliera à Manic 5 et
à Baie-Comeau.
La Compagnie minière Québec Cartier a exploité la
mine du lac Jeannine pendant 15 ans, jusqu'à épuisement. En 1976,
SIDBEC-Normines sauvait la ville de Gagnon en exploitant la mine de Fire Lake,
située à 50 milles de Gagnon.
La ville de Gagnon a une superficie de 2500 milles carrés, soit
50 milles sur 50 milles et une population de 4000 habitants, dont 80% des
travailleurs travaillent à la mine et aux installations du lac
Jeannine.
La ville de Fermont est située à 100 milles au nord de
Gagnon où la Compagnie minière Québec Cartier exploite la
mine du mont Wright.
La ville de Port-Cartier, comme vous le savez, regroupe plusieurs
installations: une usine de boulettes de SIDBEC-Normines, un port de mer en eau
profonde avec des équipements connexes, une usine de Rayonier mettant en
disponibilité des ateliers de réparation, des équipements
ferroviaires, un élévateur à grains, le plus important de
l'Est du Canada. Il y a aussi des bureaux de la compagnie minière
Québec Cartier. Il faut aussi dire que le nord du Québec est une
région peu connue des autres Québécois mais elle demeure,
pour ceux qui y habitent depuis plusieurs années, une région
attachante, très belle, pleine d'attraits pour les amateurs de nature
sauvage et les mordus de la chasse et de la pêche. Cependant, la
réalité économique du nord est loin d'être à
l'image de ce paradis terrestre. Le comté de Duplessis qui est
représenté à l'Assemblée nationale par le
député du Parti québécois, M. Denis Perron, a subi
des mises à pied à plus de dix reprises, depuis trois ans,
dû à la fermeture d'usines et d'industries. La fermeture de
Rayonier à Port-Cartier, la mise à pied de 1300 travailleurs en
1979 et l'éventuelle fermeture de Schefferville sont des exemples des
difficultés économiques que vit notre région.
Aussi faut-il souligner qu'aujourd'hui, plus de 20% de la population du
comté de Duplessis bénéficie de prestations
d'assurance-chômage et plus de 15% reçoit des prestations d'aide
sociale. M. le Président, la réalité que je viens de
vous
décrire se passe chez nous. C'est ici que des hommes et des
femmes, des Québécois, des Québécoises subissent
l'insécurité presque permanente de décisions et de projets
auxquels ils ne sont que poussières de mine. Je voudrais vous dire
quelques mots des hommes et des femmes que je représente à titre
de maire de Gagnon.
Gagnon compte environ - comme je le disais tout à l'heure - 4000
habitants. Des hommes et des femmes venus de tous les coins de la province et
même de pays étrangers n'ont pas eu peur de quitter leur terre
d'origine pour tenter l'aventure dans une région alors
inhospitalière. À la suite de plus de vingt ans d'efforts, ils
ont fait de cette terre aride une communauté originale qui a
établi une infrastructure solide, répondant aux goûts et
aux besoins des habitants. Au cours des dix dernières années, le
gouvernement du Québec a investi 30 000 000 $ pour doter la ville de
Gagnon d'infrastructures adéquates. Ces gens venus de partout se sont
enracinés et sont devenus des citoyens à part entière de
la Côte-Nord. Puis une génération nouvelle est née
là-bas. Ces hommes et ces femmes n'ont jamais connu le chômage et
sont fiers de participer à la réalisation du grand projet de
développement du nord québécois, ce nord devenu le mythe
d'un Québec riche et dynamique, en pleine expansion.
Inutile de dire que la décision du gouvernement de fermer
SIDBEC-Normines a créé dans la population des sentiments de
désillusion, de découragement, de panique, voire de
désespoir. Le contexte géographique du nord a créé
une mentalité spéciale. Si le gouvernement déménage
ses gens, il les déracine, sans compter les multiples problèmes
économiques que cette transplantation occasionnerait. Les gens de la
Côte-Nord ont aidé à l'édification d'un
Québec riche et fort et maintenant, vous voulez l'oublier. Vous ne
pouvez balayer du revers de la main toute une population de travailleurs qui a
accepté de s'isoler, de rompre les liens qui les rattachaient à
leur région, au pays d'origine, pour vivre l'expérience du
nord.
Peut-on humainement demander à des gens de tout abandonner,
maison, milieu social, amis, terres qu'ils aiment? Les villes nordiques sont
interdépendantes. Fermer Gagnon, c'est donner le coup de grâce
à d'autres villes comme Port-Cartier et Sept-Îles.
M. le Président, afin d'être prêts à
défendre les vies de nos concitoyens, nous avons décidé,
mon collègue de Port-Cartier et moi, de confier à des
experts-conseils le soin de préparer une étude économique
de notre région. Alors, sans plus tarder, je laisse la parole à
M. Miller.
M. Miller (Roger): M. le Président, je suis heureux...
Le Président (M. Desbiens): II vous reste une quinzaine de
minutes pour présenter le rapport.
M. Miller: Cela va être difficile. J'ai fait tout mon
possible pour couper. Je vais tenter de me limiter à l'essentiel. Je
suis heureux de participer à ce débat.
En 1963, je travaillais chez Damiron Coppé, à Paris, firme
qui, en fait, réalisait l'étude originale pour le comité
de sidérurgie. D'ailleurs, à cette époque, j'ai connu M.
Astier que j'ai rencontré aujourd'hui. Les autorités locales de
Port-Cartier et de Gagnon, ainsi que la corporation de développement
économique ont confié à SECOR un mandat en deux volets:
analyser les options qui s'offrent et estimer les coûts sociaux
qu'entraînerait la fermeture. Les commanditaires de l'étude n'ont
placé aucune restriction quant à la façon dont SECOR
conduirait son analyse et quant aux conclusions qui pourraient s'en
dégager. Ce sont les nôtres.
L'ensemble des secteurs de l'acier, on le sait déjà, est
en situation difficile, mais il est important de dissocier les
éléments conjoncturels des éléments structurels.
L'annonce tardive de la tenue de la commission parlementaire nous a
obligés à entreprendre une étude complexe dans un
délai de moins de deux semaines. Ces délais, courts et
contraignants se reflètent évidemment dans la méthodologie
utilisée et, malheureusement, dans le texte par les fautes de
frappe.
SECOR a pu constituer une équipe: moi-même, qui suis
professeur à l'Université du Québec à
Montréal, Dennis Senick, Christiane Langevin, Yvan Allaire et Marcel
Côté. SECOR a entrepris une étude des paramètres
stratégiques de la décision. Nous avons interviewé de
nombreuses personnes familières avec le dossier et consulté les
documents pertinents.
Une brève esquisse de SIDBEC s'impose pour bien comprendre la
problématique de SIDBEC-Normines. SIDBEC est née en 1964. En
décembre 1968, SIDBEC annonçait l'achat des installations de
DOSCO, et c'est autour de ces installations que s'amorça la
réalisation du grand projet de SIDBEC. Entre le projet initial et la
SIDBEC d'aujourd'hui, il y a des différences importantes et il est bon
de bien connaître la vision de 1968. SIDBEC est née d'une
volonté politique et son évolution s'est faite sous l'impulsion
de décisions politiques. La création de SIDBEC en 1964 visait
à la réalisation de trois objectifs: développer une
sidérurgie intégrée permettant la transformation au
Québec d'une partie du minerai de fer, stimuler le développement
de l'industrie secondaire et briser la structure des prix de l'acier qui
défavorisait les
utilisateurs québécois qui payaient des coûts de
transport élevés.
Notre esquisse de la stratégie initiale s'articule autour de
quatre éléments. En premier lieu, dès le commencement, la
décision fut prise de fabriquer des produits plats pour stimuler le
développement économique.
En second lieu, selon la stratégie envisagée, SIDBEC
devait atteindre vers les années quatre-vingt la capacité de 3
000 000 à 4 000 000 de tonnes d'acier et se doter de laminoirs efficaces
pour les produits plats à chaud et à froid. Il s'agissait d'une
taille fort respectable par comparaison aux autres sidérurgistes dans le
monde. L'expansion en deux phases successives des installations originales de
DOSCO fut entreprise au coût de 700 000 000 $.
En troisième lieu, la décision de fabriquer des produits
plats impliquait des choix technologiques majeurs, notamment des
investissements dans des laminoirs et des investissements dans la production
d'acier primaire, soit dans les filières traditionnelles: hauts
fourneaux, affinage à l'oxygène et coulées continues, qui,
à l'époque, n'étaient pas tellement traditionnelles, ou
dans des voies novatrices de la réduction directe et de l'affinage
à arc électrique.
Or, au moment où les décisions d'expansion furent prises,
la technologie de la fabrication de l'acier était en effervescence, ce
qui est un terme approprié pour la sidérurgie. En effet, un choix
se présentait entre, d'une part, une aciérie
intégrée dont la taille optimale atteignait plusieurs millions de
tonnes pour réaliser des économies d'échelle et, d'autre
part, des mini-aciéries de 200 000 à 300 000 tonnes
alimentées à la ferraille.
Le gouvernement du Québec a tenté de trouver un compromis
entre ces deux types d'aciéries. D'une part, il refusait de construire
une usine intégrée selon la filière traditionnelle et il
ne construisit pas non plus de mini-aciérie. Il opta pour une
aciérie de grande taille où la production reposerait sur des
fours à arc électrique, dont les coûts d'investissement par
tonne sont plus faibles. Ce choix technologique, doublé de la
volonté de produire des aciers plats, imposait une autre contrainte
majeure. La production d'aciers plats de qualité acceptable comportait
l'obligation d'alimenter les fours électriques non plus inclusivement
avec de la ferraille, mais aussi avec du fer pré réduit. La
décision fut prise d'ériger en succession deux usines de
réduction directe d'une capacité de 1 350 000 tonnes, par
année.
En quatrième lieu, dans le but d'utiliser des produits
québécois et de ne plus importer des boulettes à faible
teneur en silice, la décision fut prise de procéder à une
intégration verticale vers l'amont. SIDBEC, vous le savez
déjà, aurait pu décider de s'approvisionner sur le
marché international des boulettes. La décision
stratégique fut toutefois prise de s'alimenter au Québec.
De plus, au lieu d'approvisionner une usine de bouletage à partir
de mines existantes, la décision fut prise de constituer un complexe
intégré mine-concentrateur-boulettage d'une taille faible, mais
quand même élevée, c'est-à-dire de 6 000 000 de
tonnes. Le projet initial ne fut jamais réalisé. En effet, la
stratégie effectivement mise en oeuvre est loin de la stratégie
planifiée. L'incompréhension du gouvernement du Québec
quant aux exigences en capital d'une entrée concurrentielle dans
l'industrie sidérurgique explique cet état de fait. Les
diagnostics de l'état de SIDBEC abondent depuis quelque temps. Un
consensus se dégage, dont voici les principaux éléments:
d'abord SIDBEC en 1982, est une scierie hybride. Le projet est complet dans une
direction, mais inachevé dans l'autre: intégration totale en
amont, non-intégration en aval, production de fer et d'acier par des
procédés nouveaux qui dépendent du gaz naturel et de
l'électricité, production pour un marché régional
seulement.
Puis des déséquilibres apparaissent au sein des
capacités de production. L'ensemble des décisions et des
non-décisions techniques et économiques prises au fil des ans
n'ont pas réalisé le plan original. En raison de son
intégration vers l'amont et de la carence de ses investissements en
aval, SIDBEC se retrouve aujourd'hui avec des surplus de production qu'elle
doit vendre sur les marchés internationaux. Ces surplus sont de l'ordre
suivant: 1 400 000 tonnes au concentrateur secondaire; 1 400 000 tonnes de
boulettes à faible teneur en silice; 500 000 tonnes environ de boulettes
préréduites par SIDBEC; et, de 150 000 à 250 000 tonnes de
brames et de billettes de coulée continue.
Les contrats entre les partenaires fondateurs de SIDBEC-Normines
obligent SIDBEC à des achats irréalistes, au prix
américain ajusté, de boulettes dont elle n'a pas de besoin. Ces
boulettes seront vendues sur le marché international au prix "spot". Or,
il existe actuellement, un écart significatif entre le prix
américain et les prix internationaux. Le tableau 3.2 illustre cette
situation.
SIDBEC a atteint une part de marché au Canada d'environ 7%. C'est
une entrée, donc, assez mitigée. Non seulement cette part de
marché est-elle maintenant en déclin, mais elle est
principalement concentrée dans les produits longs et non dans les
produits plats, comme c'était prévu initialement. Nous estimons
la part de SIDBEC dans les produits plats à moins de 20% du
marché québécois et sa part dans les produits longs,
à environ 30%. Pour les marchés du Canada, c'est respectivement
3%
et 10%. L'entrée mitigée n'a donc pas permis à
SIDBEC de devenir un acteur clé. La faiblesse de la position
concurrentielle de SIDBEC dans les produits plats risque de ramener
l'entreprise au statut de mini-aciérie, ce qu'elle aurait pu être
dès le départ. (20 h 30)
La décision d'investir en amont de préférence
à en aval a donc affaibli la position concurrentielle de SIDBEC dans les
produits plats, ses équipements ne tenant pas toujours la concurrence.
Enfin, SIDBEC est dotée d'une structure de capital inadéquate.
L'entrée et le développement d'une entreprise sidérurgique
exigent, d'une part, des mises de fonds substantielles et la volonté de
livrer une dure bataille pour les parts de marché. Actionnaire unique,
le gouvernement du Québec devait comprendre et assumer les
conséquences d'une entrée dans le secteur de la
sidérurgie. Or, à cet égard, le gouvernement s'est
avéré un investisseur avare, mettant plus l'accent sur ses
déboursés que sur les besoins réels en
équité de l'entreprise. Bien que la participation du gouvernement
soit importante, SIDBEC est sous-capitalisée et sa dette à long
terme est plus élevée que la moyenne de l'industrie.
SIDBEC est donc à la croisée des chemins. Les performances
financières de SIDBEC sont mauvaises, on le sait. Depuis quatorze ans,
une seule année de rentabilité.
SIDBEC doit donc se redéfinir. Elle ne peut survivre sans des
modifications des carences structurelles qui l'affligent. Nous n'avons pas
tenté d'analyser à fond toutes les options de SIDBEC, car cela
dépassait le cadre de notre mandat. Plusieurs stratégies ont
été évoquées; je n'y ferai que
référence. La première stratégie, la
stratégie de retranchement: SIDBEC redevient une mini-aciérie et
on n'a évidemment plus besoin de boulettes. La deuxième
stratégie, qui serait le projet initial de 3 000 000 à 4 000 000
de tonnes, est reprise en main. Dans cette perspective qui amènera des
bagarres concurrentielles très fortes, il faudra investir au moins 1 000
000 000 $ sur une période de dix ans, le temps de construire les
installations.
Dans cette perspective, SIDBEC consommerait environ 2 500 000 tonnes de
boulettes à faible teneur. Le projet de SIDBEC-Normines aurait donc
trouvé sa raison d'être.
Troisième stratégie: la spécialisation. On l'a
évoqué aujourd'hui, la recherche de créneaux. Ce choix
diminuerait sensiblement la consommation de boulettes à faible teneur en
silice à environ 700 000 tonnes.
La décision initiale de construire SIDBEC fut politique. Le choix
auquel le gouvernement est convié aujourd'hui est aussi politique. Mais
quelle que soit la stratégie choisie pour SIDBEC, SIDBEC-Normines doit
demeurer une entité intacte. En effet, SIDBEC-Normines est une
entreprise rationnelle et complète. Son appartenance à SIDBEC
devrait être remise en cause et son devenir devrait être
déterminé en fonction de sa propre performance et de ses
perspectives d'avenir.
Une esquisse succincte de SIDBEC-Normines est nécessaire pour
bien comprendre la décision à laquelle cette assemblée est
conviée. SIDBEC-Normines a été formée au
début des années 1970 pour exploiter le gisement de Fire Lake en
vue d'approvisionner ses actionnaires en boulettes préréduites.
SIDBEC-Normines a été formée en vertu d'une convention
d'achats à long terme de boulettes entre SIDBEC, la Compagnie
minière Québec Cartier et, en fait, British Steel International.
Voilà la clé de voûte de toute l'entreprise. Sans cette
convention, les prêteurs ne se seraient pas impliqués dans ce
projet de haute intensité en capital.
En 1974, le marché à long terme du minerai de fer
était en croissance très forte. Le projet de SIDBEC-Normines
était justifiable autant pour les sidérurgistes comme SIDBEC et,
en fait, British Steel que pour un exploiteur minier tel que la compagnie
minière Québec Cartier. Les partenaires de SIDBEC-Normines
poursuivaient chacun des objectifs spécifiques. Il faut les
rappeler.
SIDBEC, dont la participation est de 50,1%, entretenait la vision
suivante: s'assurer un approvisionnement présent et futur de boulettes
à faible teneur en silice pour ses procédés de
réduction directe; s'assurer d'être majoritaire pour des raisons
politiques dans un développement minier québécois
autochtone, dans une industrie où la présence des
sociétés américaines est évidente; sauver, pour le
gouvernement du Québec, la ville de Gagnon d'une extinction certaine et
réaliser, pour le compte du gouvernement, la concrétisation d'un
rêve d'une société intégrée. British Steel,
dont la participation est de 41,6%, désirait s'assurer un
approvisionnement captif de boulettes de hauts fourneaux. La stratégie
de la compagnie minière Québec Cartier - dont la participation
est de 8,2% - était de développer un des gisements dont elle
était propriétaire. Dans le contexte d'un marché en
croissance, elle a participé à l'exploitation d'un gisement, soit
celui de Fire Lake. SIDBEC et la compagne minière Québec Cartier
ont donc réalisé ensemble les études économiques
nécessaires. La compagnie minière Québec Cartier a, plus
tard, accepté de vendre des installations de Gagnon qui étaient
désuètes tout en gardant des servitudes. Les installations et
leur financement se répartissent comme suit: mine, concasseur et
concentrateur,
190 000 000 $; usine de concentration secondaire et de boulettage, 400
000 000 $; autres investissements, 40 000 000 $, pour une total de 630 000 000
$. Cette somme a été financée à 35% par les
investissements des actionnaires et à 65% par des emprunts - un sur le
marché américain à 10,18% et l'autre sur le marché
canadien à 11,18% -remboursables sur une période de vingt ans
à partir de 1982. Il est bon de prendre note que SIDBEC a aussi
emprunté la somme qu'elle a investie en actions.
Le financement et la mise sur pied de SIDBEC s'articulent autour de
quatre conventions, on l'a mentionné. Ces documents juridiques
serrés sont une pratique normale dans les "joint ventures" où les
investissements en capital sont importants. Ces quatre conventions sont la
convention d'achat de boulettes, la convention entre propriétaires,
l'acte de fiducie, le certificat de parachèvement et le contrat de
gestion. Je ne ferai pas la lecture de toutes les clauses de ces contrats. La
cessation des activités de SIDBEC-Normines entraînerait au terme
des diverses conventions les effets suivants: nécessité de
l'accord unanime des partenaires de Québec-Normines pour la fermeture et
autres décisions; continuation de la garantie et des obligations de
SIDBEC et du gouvernement du Québec dans l'hypothèse d'une vente;
compensation et retour de la propriété du gisement Fire Lake
à la Compagnie minière Québec-Cartier;
pénalité pour bris de contrat et obligation de repaiement des
dettes d'environ 325 000 000 $ pour le gouvernement du Québec, si on
comprend les pénalités.
En résumé, la seule décision, compte tenu des
conventions, à laquelle le gouvernement du Québec - et cette
commission - peut arriver, à titre d'actionnaire de SIDBEC et de
SIDBEC-Normines, est de nouer des négociations avec ses partenaires dans
SIDBEC-Normines et les prêteurs.
Les prêteurs, dont l'investissement se chiffre à plus de
400 000 000 $ il va sans dire, ont tenté de protéger leur
investissement. Ils ont tenu, pour assurer la rentabilité des
épargnes qu'elles investissent au nom d'individus, à ce que les
parties adhèrent à une convention qui comporte des obligations
strictes. SIDBEC-Normines est un producteur à coût
élevé, les coûts unitaires à la tonne annuelle de
boulettes de SIDBEC-Normines sont élevés. En comparaison avec
producteurs américains et canadiens de minerai, cette
société minière fait partie de la catégorie des
producteurs à coût élevé, pour la raison suivante:
le coût des immobilisations par tonne de capacité nominale
annuelle est de 105 $ la tonne annuelle alors que la moyenne de l'industrie est
d'environ 80 $. La capacité nominale de 6 000 000 de tonnes annuelles ne
donne pas les mêmes économies d'échelle à la gestion
que de plus grandes installations, notamment celles de la Compagnie
minière Québec Cartier.
Les installations de Québec-Normines exigent des manutentions
supplémentaires. Voici à titre illustratif au tableau 3.1, une
estimation des coûts unitaires de Québec-Normines à la
capacité nominale de 6 000 000 de tonnes annuelles, 3.1. On remarque
que, pour 6 000 000 de tonnes, nous avons estimé les coûts
unitaires à 54 $, soit 23,70 $ pour les frais d'exploitation à la
mine, 14 $ pour les frais d'exploitation à l'usine de boulettage, 2,80 $
de redevance à Québec-Cartier, un sous-total de 40,50 $ de frais
d'exploitation plus 9,00 $ de frais financiers et 4,50 $ d'amortissement pour
un total de 54 $. Ces coûts permettent à SIDBEC-Normines de faire
des profits, ce qu'elle a fait en 1981. En effet, le prix américain des
Grands-Lacs de 1982 pour des boulettes était de l'ordre de 0,82 $ US par
unité de fer. En soustrayant les coûts de transport de
Port-Cartier, SIDBEC-Normines recevrait environ 57 $ la tonne pour des
boulettes à 68 $ et 54 $ pour des boulettes à 65 $.
Ainsi, SIDBEC-Normines couvrirait l'ensemble de ses frais d'exploitation
et pourrait même réaliser des bénéfices dans
certaines conditions. Alors, où se trouve le problème si
SIDBEC-Normines fait des profits? SIDBEC, British Steel et la Compagnie
minière Québec-Cartier achètent, au prix américain
ajusté, des boulettes qu'elles utilisent, soit pour leurs fins internes
ou qu'elles revendent sur le marché international. Or, comme nous
l'avons vu, un écart croissant est apparu depuis quelques années
entre les prix internationaux et les prix américains. Les boulettes
expédiées de Port-Cartier font face à une concurrence
féroce des produits brésiliens, africains et australiens. Le prix
FOB Port-Cartier sur le marché "spot" est environ actuellement de 0,48
$, je peux même dire que cela a baissé un peu, c'est 0,45 $ par
unité de fer, soit 37 $ canadien. En janvier 1981, il était de
0,6588 $ US par unité de fer.
Le prix "spot" dramatise en quelque sorte l'écart entre les
coûts unitaires d'exploitation de SIDBEC-Normines estimés en 1982,
à 44 $ ou 44,50 $ la tonne.
Le Président (M. Desbiens): M. Miller, je regrette de vous
interrompre. On a déjà dépassé de huit minutes le
temps qu'on s'était promis. Est-ce qu'il vous en reste encore pour
longtemps?
M. Coicou: M. le Président, si vous permettez, compte tenu
que nous étions bousculés par les événements et vu
que cela fait plusieurs heures que nous attendons ici, je pense que tout le
monde est exténué, vous
n'êtes pas les seuls, nous aussi, nous venons de très loin,
il faudrait prendre encore un certain temps afin de dégager la
véracité du mémoire. On ne veut pas le lire au complet,
mais cela va prendre encore quelques minutes pour pouvoir l'exposer.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, si vous me permettez, je
crois qu'il y a beaucoup d'enjeu dans cela pour ces régions. Pour moi,
je suis prêt à donner mon consentement même si nous devons
siéger après minuit, je crois que ces gens méritent
d'être entendus. Les conséquences sont assez
sérieuses...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal...
M. Ciaccia: Vous voulez me couper la parole?
Le Président (M. Desbiens): Oui.
M. Ciaccia: Je voulais seulement suggérer qu'on continue
et qu'on laisse les gens faire leurs représentations. S'il faut
siéger après minuit, on siégera après minuit. On
n'est pas pour leur couper la parole.
Le Président (M. Desbiens): Cela va.
Il n'y a pas davantage de consentement aux manifestations dans la salle,
je n'ai qu'à faire appliquer l'entente dont vous aviez convenu tout
à l'heure. Vous avez proposé vous-mêmes vingt minutes. Le
consensus a été établi de cette façon. Si vous
voulez en établir un autre, je suis à votre disposition, je suis
là pour cela.
M. le ministre.
M. Biron: M. le Président, on s'était entendu comme
cela, en disant on va essayer de limiter les mémoires à vingt
minutes, sans les restreindre à vingt minutes plus deux secondes. La
seule chose qu'on demande, si c'était possible, parce qu'il y a aussi
trois autres groupes qui attendent depuis hier et on s'excuse, cela a pris plus
de temps qu'on avait prévu et les travaux de la Chambre ont
retardé aussi les travaux de la commission, s'il y avait moyen aussi de
penser au dernier groupe à l'autre bout qui, lui, devra passer à
minuit. Nous, si on veut siéger jusqu'à minuit on est prêt
à le faire, mais il y a aussi d'autres groupes qui attendent. C'est
juste parce qu'il y a des choses qui se sont déjà dites et s'il y
avait possibilité d'y aller à l'essentiel, on pourra poser des
questions sur cela.
Le Président (M. Desbiens): On pourrait peut-être
ajouter, pour le bénéfice de tout le monde aussi, que les
mémoires sont toujours déposés. Ces mémoires ont
été étudiés par tous les membres de la commission
déjà et autant possible ils voudraient bien aussi poser des
questions. Tous ces mémoires sont déposés au
secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale.
Si vous voulez compléter maintenant. Je pense qu'on a un nouveau
consensus et c'est établi.
M. Perron: Merci, M. le Président.
M. Miller: Les conséquences sur SIDBEC de l'engagement
dans SIDBEC-Normines sont désastreuses. SIDBEC a vu trop grand et ne
consomme qu'une partie des boulettes qu'elle s'est engagée à
acheter. SIDBEC est donc aux prises avec un problème dont les
principales caractéristiques sont les suivantes: écart croissant
entre le prix d'achat et le prix de vente des boulettes; écart fixe pour
plusieurs années entre ses engagements d'achat et ses besoins de
boulettes; impossibilité dans le cadre des conventions actuelles de
s'approvisionner aux marchés internationaux; obligation de payer des
pénalités importantes dans le cas de la réduction de ses
engagements; obligation de fournir à SIDBEC-Normines sa partie de
liquidité, je n'irai pas trop dans les détails. (20 h 45)
En conclusion, les coûts unitaires d'exploitation de
SIDBEC-Normines sont du même ordre approximativement que les prix
internationaux. Par contre, les coûts unitaires totaux sont
supérieurs aux prix qu'obtiennent les actionnaires de SIDBEC-Normines
pour leur minerai. L'écart entre les coûts unitaires
d'exploitation et les coûts unitaires totaux sur une base de 6 000 000 de
tonnes est de l'ordre de 14 $. M. De Coster parlait hier de 12 $. Sur une base
d'exploitation, SIDBEC-Normines est donc viable; sur une base financière
elle n'est pas rentable actuellement. La question doit être
résolue par une analyse de l'avenir - c'est-à-dire une analyse du
marché d'abord. Avant d'analyser les options qui se présentent
aux actionnaires de SIDBEC-Normines, notamment le gouvernement du
Québec, il est important de mieux connaître l'évolution du
marché. Nous avons pu établir que le marché du minerai de
fer sous forme de concentré se raffermira probablement vers 1985. Celui
des boulettes a aussi de bonnes chances de se raffermir, également selon
des experts vers 1985. La demande prévue d'acier primaire est une
variable critique dans nos prévisions. Nous avons donc
réalisé une étude macro-économique. Au sein du
segment particulier de concentré ou de boulettes à faible teneur
en silice où SIDBEC-Normines oeuvre, les perspectives sont
intéressantes surtout dans les pays en voie de développement, et
à plus long terme sur la côte est américaine.
Je passe donc la parole à mon collègue
Dennis Senik pour faire une courte présentation du
marché.
M. Senik (Dennis): M. le Président, la demande de minerai
de fer est essentiellement dérivée de la production d'acier brut.
Cependant, la relation entre la demande du minerai de fer et la production
d'acier brut n'est pas simple. Alors la présentation que nous faisons
ici aujourd'hui est un résumé succinct d'une analyse
nuancée et complexe. La difficulté d'établir des
prévisions d'acier est notoire. Avant les années 1974-1975,
l'industrie de l'acier, malgré son histoire déjà longue,
était loin d'avoir atteint le stade de maturité. Au contraire les
produits sidérurgiques formaient un marché en forte croissance.
Le taux moyen annuel de croissance de 1950 à 1972 était de 6%.
Or, depuis 1972, la demande d'acier a fléchi considérablement en
raison des réajustements des décisions d'achat. Le tableau 4.2
nous donne une esquisse des changements dramatiques qui se sont faits.
Les prévisions au début des années soixante
étaient erronnées. Même les pessimistes ont
surestimé la production présente d'environ 20%, tel que
montré au tableau 4.4. La production et la demande d'acier ont
fléchi de manière inégale dans les différents
marchés du monde. L'analyse du tableau 4.5 illustre bien les divergences
dans les taux de croissance. Les marchés nord-américain et
européen ont accusé les baisses les plus importantes, alors que
les marchés de l'Orient du Pacifique, de l'Amérique latine, du
Moyen-Orient, de l'Afrique et des pays communistes affichent des augmentations
de production depuis 1974.
Les prévisions pour les années quatre-vingt
suggèrent elles aussi une croissance faible pour les pays
industrialisés et une croissance forte pour les pays en
développement. Le tableau 4.6 illustre la demande et la production
prévues dans les principaux marchés régionaux. Les
prévisions de la production d'acier esquissées au tableau 4.7
donnent une production moyenne en 1985 de 860 000 000 de tonnes
métriques.
Seule une croissance élevée dans les pays en
développement aura un impact significatif sur la production mondiale
d'acier brut. Le ratio entre la production d'acier primaire et la production
d'acier augmente graduellement, principalement à cause des
développements de la sidérurgie dans le tiers-monde où il
y a pénurie de ferraille. En 1979, le ratio de production était
de 72 tonnes d'acier primaire par 100 tonnes d'acier brut. En 1986, un ratio de
76% est prévu. En somme, la production d'acier primaire augmentera
malgré le plafonnement relatif de la demande d'acier brut. L'acier
primaire comprend deux types de produit: la fonte de hauts fournaux et le fer
de réduction directe ou éponges de fer. La ventilation
prévue de la production jusqu'en 1988 de ces deux produits est
indiquée au tableau 4.8. Les boulettes d'oxyde de fer ne constituent que
18% à 20% de l'alimentation des procédés de production de
fonte, mais entre 75% et 100% de l'alimentation des procédés de
réduction directe.
La production du fer de réduction directe croîtra fort
probablement plus rapidement dans les régions du monde qui, pour
l'instant, produisent peu d'acier. Le tableau 4.9 donne une estimation de la
production de fer de réduction directe dans les diverses régions
du monde. L'essor prévu de la production du fer de réduction
directe ne s'appuie pas sur les pays industrialisés où la
combinaison d'une hausse du prix du gaz naturel et des excédents de
ferraille nuisent aux procédés de réduction directe pour
alimenter la production de l'acier brut. L'essor, au contraire, s'articule sur
le fait que la réduction directe et les fours à arc
électrique représentent un moyen moins dispendieux en capital,
pour les pays en voie de développement, de mettre sur pied leur propre
sidérurgie.
Le marché du minerai de fer est, on le sait, le fruit d'un
domaine dérivé. L'industrie du minerai de fer est
caractérisée par quatre grands éléments. Tel que
démontre au tableau 4.11, les principaux concurrents sont les
entreprises du Brésil, d'Afrique, des États-Unis, d'Australie et
du Canada. C'est un long tableau; ce qui est important c'est que
SIDBEC-Normines ne produit qu'une fraction infime. On parle de moins de 2%. La
vente du minerai se réalise surtout par l'intermédiaire des
contrats à long terme et des prises de participation.
Les coûts d'immobilisation des installations minières en
font des mégaprojets. Les fluctuations dans les prix et les frais fixes
laissent peu de possibilités de repli. L'émergence, depuis 20
ans, d'un marché international maritime, la substitution par la feraille
et la faiblesse de la production d'acier créent une conjoncture
difficile. Toutefois, cette conjoncture ne doit pas nous faire perdre de vue la
dynamique à long terme.
Le minerai de fer n'est pas un produit indifférencié et
homogène. Au contraire, il donne naissance à des segments
précis délimités par des caractéristiques
techniques. Les segments du marché s'établissent aujourd'hui
approximativement de la façon démontrée au tableau
4.10.
La demande et la production globale de minerai de fer au niveau mondial
est appelée à se raffermir légèrement vers les
années quatre-vingt-cinq. En s'appuyant sur l'hypothèse d'une
production mondiale d'acier de 860 000 000 de tonnes nous arrivons à la
conclusion qu'il y aura même un déficit dans l'offre des boulettes
en 1985. Le tableau 4.16 donne les éléments clés de la
balance
entre l'offre et la demande pour les boulettes de fer et souligne
l'importance de la demande de l'importation des boulettes de réduction
directe.
Je passe la parole à Roger Miller.
M. Miller: L'incertitude quant au marché futur et les avis
divergents d'experts obligent en toute décence et logique le
gouvernement du Québec à cueillir les informations
supplémentaires en vue d'une décision
délibérée. L'étude que nous présentons est
une étude assez macro. Une étude détaillée des
marchés devra passer firme par firme les possibilités à
travers le monde.
Nous arrivons maintenant aux options stratégiques face à
SIDBEC-Normines. Le gouvernement du Québec est appelé à se
pencher sur l'avenir de SIDBEC-Normines à deux titres: à titre
d'agent économique actionnaire et à titre de gouvernement
responsable de l'administration judicieuse des fonds publics. En premier lieu,
esquissons en termes conceptuels la décision de continuation ou de
"désinvestissement" ou de fermeture. Les décisions quant à
l'avenir de SIDBEC-Normines et de SIDBEC ne peuvent prendre la forme d'un
utopique retour en arrière ou d'une remise en cause des décisions
passées. Elles doivent au contraire se prendre dans le contexte d'une
analyse coût-bénéfice tourné vers l'avenir et
soucieuse des contraintes financières. Il est donc utile de distinguer
viabilité de rentabilité. Une entreprise sera rentable si les
actionnaires peuvent tirer de l'entreprise des profits dans une perspective
à long terme.
Le critère pour déterminer la viabilité d'une
entreprise est la supériorité durant la période d'analyse
des revenus d'exploitation sur les dépenses d'exploitation. Une
entreprise non viable n'a qu'un choix: la liquidation, par une disposition de
ses actifs. Par contre, une entreprise viable n'est pas nécessairement
rentable. De mauvaises décisions antérieures peuvent lui imposer
des frais financiers onéreux qui compromettent sa rentabilité.
Dans ce contexte, sa structure financière doit être
réorganisée pour mieux refléter sa valeur
véritable.
Une entreprise peut même assumer des pertes d'exploitation
temporaires sans que sa survie soit mise en cause. Dans de nombreuses
industries, la décision de continuer les activités en assumant
des pertes est courante. Par exemple, compte tenu de la situation, plusieurs
entreprises comme Stelco, Algoma ou la compagnie minière Québec
Cartier subissent des pertes très importantes sans proclamer tout haut
leur situation et évoquer la probabilité de fermeture. L'option
de fermer une entreprise n'est valable que si la valeur de liquidation de
l'entreprise est supérieure à sa valeur en fonctionnement,
délestée de toutes ses dettes. Le rappel de ces
considérations élémentaires nous permettra de
déterminer les options qui se présentent dans le cas de
SIDBEC-Normines. SIDBEC-Normines est une entreprise viable, la fermeture doit
être rejetée.
Notre analyse des coûts d'exploitation de SIDBEC-Normines
suggère, comme nous l'avons mentionné, les coûts unitaires
de 40,50 $ pour les boulettes. À ces coûts de fonctionnement
s'ajoutent des dépenses d'intérêt de 9 $ la tonne et des
frais d'amortissement de 4,50 $. Les coûts d'exploitation correspondent
approxi- mativement aux revenus des ventes, il n'y a donc pas lieu de fermer
SIDBEC-Normines. En fait, l'option de continuation est supérieure.
L'analyse du comité interministériel qui indique des pertes de
100 000 000 $ n'est pas pertinente. D'une part, elle est faite dans la
perspective de SIDBEC et non de SIDBEC-Normines; d'autre part, elle confond des
coûts historiques dont le financement est inévitable, quelle que
soit la décision prise, avec des coûts d'exploitation et des
coûts de possibilités.
Les frais financiers de SIDBEC-Normines représentent environ 9 $
la tonne. Une restructuration financière convertirait en actions une
partie de la dette, diminuant ainsi les coûts unitaires totaux. Dans la
mesure où les parties semblent satisfaites de la convention actuelle -
elles ne peuvent que difficilement la modifier - ce mode de fonctionnement,
très près d'un remboursement annuel des pertes, semble
adéquat.
Dans le contexte très peu reluisant du marché actuel,
l'option continuation, sans restructuration, renflouement ou vente,
c'est-à-dire le statu quo, nous semble la plus appropriée. Son
coût annuel est de l'ordre de 30 000 000 $ à 50 000 000 $, au
meilleur de nos estimations. Si on prend la différence de 12 $ la tonne,
cela nous donne une somme de 36 000 000 $. Ce coût nous apparaît
inférieur au coût probable associé au refinancement et au
paiement des obligations dont écoperait le gouvernement du Québec
dans le cas d'une fermeture.
La décision de continuer s'imposant, il faut maintenant examiner
les options secondaires. D'abord, le programme et le niveau d'exploitation de
SIDBEC-Normines doivent être harmonisés au marché. En
effet, à titre d'acheteur, SIDBEC a tendance à vouloir minimiser
le volume d'achat et à baisser le volume de production de
SIDBEC-Normines, faisant ainsi augmenter ses coûts unitaires de
production. (21 heures)
Par contre, du point de vue de SIDBEC-Normines, la situation est fort
différente, les coûts fixes de SIDBEC-Normines sont relativement
élevés alors que
les coûts variables sont plus faibles. Des analyses
préliminaires suggèrent que, du point de vue de SIDBEC-Normines
et dans la mesure où SIDBEC-Normines peut écouler sa production,
le niveau optimal de production est de 6 000 000 de tonnes. Bien sûr, il
ne s'agit là que d'une option théorique, préférable
aux Normines, car cela ne signifie pas que conjoncturalement Normines ne
pourrait pas réduire son niveau de production, comme le font, ses
concurrents. Cependant, à l'encontre de la situation actuelle, sa
séparation de SIDBEC enlèverait les freins institutionnels, qui
lui permettent d'harmoniser sa production au marché.
Compte tenu du conflit d'intérêt de SIDBEC concernant la
production, il serait préférable de scinder les liens entre
SIDBEC et SIDBEC-Normines, et de tranférer la propriété et
les conventions de SIDBEC à SIDBEC International. SIDBEC sera ainsi
libre de s'approvisionner à sa guise sur les marchés qui lui
conviendraient le mieux. Pour sa part, SIDBEC International deviendrait un
marchand de minerai détenant 50,1% des actions de SIDBEC-Normines. Le
gouvernement serait appelé à y injecter annuellement de 30 000
000 $ à 50 000 000 $ au prix du marché actuel.
En bref, considérés dans leur totalité, les
coûts associés à l'option de fermeture, sont les suivants:
prise en charge de la quote-part de SIDBEC de la dette de SIDBEC-Normines, qui
devient exigible sur le champ, soit une dette de 210 000 000 $ ou un coût
annuel d'intérêt entre 25 000 000 $ et 30 000 000 $ par
année. Des pénalités de divers ordres, prévues aux
conventions et estimées à environ 75 000 000 $, soit un
coût annuel de 9 000 000 $ à 11 000 000 $. Des coûts
supplémentaires pourraient amener la compagnie minière
Québec Cartier, et enfin, British Steel, à accéder
à la demande de fermeture, estimés - soyons
généreux pour les besoins de la cause - au quart de leur
quote-part, soit 50 000 000 $ ou un coût annuel de l'ordre de 7 000 000
$. Des coûts de fermeture physique estimés à 25 000 000 $,
soit un coût annuel de l'ordre de 3 000 000 $. Des coûts sociaux,
imputables à SIDBEC, à SIDBEC-Normines, et au gouvernement du
Québec, d'une valeur présente, de l'ordre de 70 000 000 $
représentant, si empruntés, une valeur annuelle de l'ordre de 10
000 000 $. Une perte comptable imposante aux livres de SIDBEC, qui exigerait,
une restructuration financière complète de cette entreprise.
Dans l'hypothèse où tous ces coûts seraient
défrayés, par des emprunts, les déboursés annuels,
en intérêts, sur cette dette, se situeraient aux environs de 55
000 000 $ à 60 000 000 $. Bien, qu'il faille rafiner l'analyse de la
viabilité de SIDBEC-Normines, hors du contexte des finances et des
méandres comptables de SIDBEC, il semble que la fermeture
coûterait plus cher que le maintien du fonctionnement. En effet, je le
rappelle, la continuation coûterait 36 000 000 $ par année au
gouvernement du Québec et la fermeture coûterait autour de 60 000
000 $.
En dernière analyse, considérons les coûts sociaux
de la fermeture de SIDBEC-Normines. L'évaluation des coûts sociaux
découlant d'une fermeture est un exercice complexe. L'aventure est
hardie et les hypothèses sont nombreuses, nous en convenons. Toutefois,
notre approche est suffisamment précise pour saisir l'impact social et
son importance relative. Selon les données recueillies et des
hypothèses prudentes, il en coûterait quelque 140 000 000 $ au
gouvernement, aux entreprises minières de la région, sur une
période de trois ans, si SIDBEC-Normines fermait ses portes.
En guise de conclusion, rappelons que le dossier de SIDBEC est
exceptionnel, à plusieurs égards. En premier lieu, SIDBEC est un
des grands rêves économiques de la révolution tranquille,
qui s'achève aujourd'hui en pétarade. En second lieu, les enjeux
financiers sont énormes. En troisième lieu, des avances
stratégiques de taille semblent avoir été commises. Notre
étude a porté sur la situation de SIDBEC-Normines. Les
délais serrés ont quelque peu limitée l'étendue de
nos analyses. Toutefois, une certaine connaissance du marché des
minerais de fer, de même que l'application des techniques de l'analyse
stratégique nous ont permis de cerner rapidement les variables critiques
du dossier SIDBEC-Normines.
Nos conclusions sont basées sur une analyse de la situation de
SIDBEC-Normines, des engagements des diverses parties et du marché
international du minerai de fer. Les principaux points d'ancrage sont les
suivants, et c'est un rappel: Des coûts unitaires d'exploitation de
SIDBEC-Normines, à l'exclusion des frais financiers et d'amortissement,
correspondent approximativement au prix que l'entreprise peut actuellement
tirer sur le marché. En cas de fermeture, le gouvernement du
Québec fera face à des frais financiers plus importants que ceux
qu'ils n'assument actuellement, par sa quote-part, dans SIDBEC-Normines.
Dans l'éventualité d'une décision de fermeture, la
dette de SIDBEC-Normines serait exigible et devrait être
refinancée à un coût plus élevé que le taux
moyen de 10 3/4% payé présentement. Cette décision
présuppose l'accord des partenaires. En cas de fermeture, le
gouvernement du Québec et les autres partenaires sociaux de la
Côte-Nord, devront assumer des coûts sociaux et économiques
importants. Le gouvernement du Québec ne tirera aucun revenu
significatif de
sa part de la vente des immobilisations de SIDBEC-Normines.
Les prix internationaux des minerais de fer sont actuellement
très bas par rapport aux prix américains, mais ils sont
appelés à se raffermir légèrement vers
l'année 1985; ce qui permettrait d'assurer la viabilité
financière des exploitations de SIDBEC-Normines.
La viabilité de SIDBEC-Normines pourrait être
améliorée par sa désaffiliation du groupe SIDBEC, en
particulier sa performance de ventes sur les marchés internationaux
pourrait être améliorée par une association avec un
véritable marchand international de minerai de fer.
Dans le cas de SIDBEC-Normines, il me semble évident que si elle
était délestée de ses dettes, la recherche active d'un
investisseur permettrait sûrement de trouver un intéressé
dans le monde prêt à maintenir l'entreprise en exploitation. Dans
la mesure où l'analyse approfondie que nous recommandons confirmerait le
bien-fondé de nos conclusions quant à la viabilité de
SIDBEC-Normines, il y aurait lieu de scinder SIDBEC et SIDBEC-Normines. SIDBEC
International associé à un partenaire privé pourrait
devenir la base d'une entreprise spécialisée dans le commerce
international du minerai de fer. Cette nouvelle entreprise viendrait s'ajouter
à la communauté des gens d'ici qui ont une vision mondiale et qui
croient que, malgré les avatars de SIDBEC et les caprices du
marché, le Québec demeure toujours un pays de fer. Merci.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le
député de Duplessis.
M. Coicou: M. le Président, si vous me le permettez, M.
Dionne, maire de Port-Cartier, aimerait dire quelques mots.
Le Président (M. Desbiens): Sûrement. Allez-y.
M. Dionne (Bernard): M. le Président, au nom des citoyens
de la Côte-Nord, nous vous remercions et nous remercions aussi les
membres de la commission d'avoir accepté d'écouter notre rapport.
Comme vous pouvez le voir, les prévisions sont optimistes, comme nous
l'avons toujours été d'ailleurs.
L'étude prouve que SIDBEC-Normines a tout intérêt
sur le plan économique à continuer ses activités. Fermer
SIDBEC-Normines représente une décision lourde de
conséquences, non seulement sur le plan économique, mais sur le
plan humain. Le sort de Port-Cartier, la ville dont je suis le maire, est
intimement lié à celui de Gagnon. L'usine de boulettage de
SIDBEC-Normines est le dernier maillon de la chaîne de cette industrie du
fer. La fermeture de Rayonier Québec a déjà porté
un dur coup à l'économie des villes de Port-Cartier et de
Sept-Îles. Malheureusement, le gouvernement du Québec a
réagi très lentement dans ce dossier. Plusieurs familles sont
parties, mais cet exode massif est maintenant terminé. Les gens savent
qu'ils ne peuvent trouver de travail ailleurs en cette période de crise.
La plupart préfèrent rester sur place et il est capital de rester
sur place. Pour nous, c'est une question de vie ou de mort. Si nous partons,
nous laissons mourir une région qui abonde en richesses naturelles:
faune, énergie, mines, bois, etc.; si nous restons, nous serons
prêts quand l'économie reprendra de la vigueur. De plus, il serait
aberrant de laisser s'éteindre des collectivités bien
organisées qui ont dépensé des sommes considérables
à créer un mode de vie qui leur convient. Nous pouvons dire que
la Côte-Nord connaît un tournant important dans son histoire.
Après des années de réalisations grandioses où des
hommes motivés par un fort sentiment d'appartenance ont
créé un exemple minier québécois, ceux-ci sont
frappés durement par la crise économique. Il faut donc inventer
des solutions nouvelles pour s'en sortir. Le nord possède un capital
humain diversifié qui ne demande qu'à être
utilisé.
La population de la Côte-Nord est une population dynamique, active
et unie. Elle a toujours travaillé et est prête à prendre
un nouveau virage. Depuis quelques années, le gouvernement insiste sur
des programmes de conditionnement physique, de protection de l'air et de l'eau
et il met sur pied des campagnes de sécurité. La personne avant
toute chose. Il ne faudrait pas oublier non plus le droit pour une personne
d'habiter son pays, droit fondamental qu'on a tendance à laisser de
côté quand surviennent les difficultés
économiques.
C'est donc un mariage de solutions humaines et économiques qu'il
faut trouver aux problèmes des villes nordiques. Le Québec a les
yeux tournés sur la Côte-Nord et se demande ce qu'il adviendra des
villes minières. Les maires de plusieurs villes à travers le
Québec ont manifesté leur appui aux citoyens de Gagnon et de
Port-Cartier. Nous avons ici présents M. Ménard, le maire de
Fermont, et M. Bégin, le maire de Schefferville. Nous avons eu des
appuis de tous les coins du Québec. J'en passe, je vais en nommer
quelques-uns: Ville de La Tuque, East Angus, Havre-Saint-Pierre,
Sept-Îles, Témiscamingue, Roberval, Rivière-du-Loup,
Thetford-Mines, Chicoutimi, le Grand Baie-Comeau, Trois-Rivières,
Québec, Joliette, et j'en passe. Plus de 50 nous ont confirmé
leur appui actuellement. Les Québécois restent perplexes,
inquiets, face à cette fermeture. Ce n'est guère prometteur pour
l'avenir économique du pays. Ne faut-il pas essayer de créer un
climat d'espoir, de confiance en l'avenir? Je dis bien: Créer un
climat
d'espoir, de confiance en l'avenir.
La jeunesse de la Cote-Nord a foi dans sa région; lui enlever ses
raisons de vivre constitue, pour le gouvernement, un véritable
infanticide politique. Il s'apercevra qu'il est difficile d'aller à
l'encontre d'un pays décidé à vivre coûte que
coûte. L'histoire l'a prouvé plus d'une fois, M. le
Président. Même si le gouvernement se dit incapable de continuer
à assumer les déficits de SIDBEC-Normines, il n'a pas le choix,
comme le souligne le rapport de nos experts-conseils. En cas de fermeture, le
gouvernement du Québec devra assumer des coûts économiques
et sociaux importants et ne tirera aucun revenu significatif de sa part de la
vente des immobilisations de SIDBEC-Normines. Celui-ci a donc
intérêt à attendre que les coûts montent. En 1985, le
prix du minerai de fer va augmenter et SIDBEC-Normines deviendra plus
rentable.
Mesdames et messieurs, si nous sommes venus devant cette commission
parlementaire, c'est que nous croyons que les dés ne sont pas encore
jetés; je dis bien: Les dés ne sont pas encore jetés. En
principe, celle-ci n'est-elle pas une séance d'information et de
réflexion? Je suis sûr qu'ensemble nous pourrons trouver des
solutions sur la survie de SIDBEC-Normines et des villes qui dépendent
d'elle. Pour le bien-être des milliers de citoyens de la Côte-Nord
et du Québec, Normines doit vivre. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais tout
d'abord m'excuser. Les autres membres de la commission sont sans doute
d'accord. Puisqu'on a travaillé depuis hier à certains
mémoires qui avaient beaucoup d'importance, cela ne veut pas dire que le
vôtre n'a pas d'importance, mais il reste que la commission était
en droit de poser des questions, surtout à SIDBEC et aux filiales de
SIDBEC. C'est pourquoi, ce soir, nous sommes très en retard dans nos
travaux.
Votre mémoire soulève certains faits nouveaux que nous
n'avions pas vus lors de la présentation de mémoires d'autres
intervenants, par exemple, des tableaux sur les prix internationaux, sur les
prix régionaux, quant aux possibilités de marché et quant
aux productions. Il semble important qu'on regarde cela de très
près. Dans ce rapport, pour la deuxième fois, on soulève
les coûts sociaux et économiques pour la Côte-Nord,
spécialement pour Gagnon et Port-Cartier. Les membres de la commission
doivent être très conscients, ainsi que le ministre qui
représente le gouvernement du Québec, de ces coûts sociaux
si jamais le gouvernement décidait de faire une telle fermeture. Plus
cela va, moins je doute qu'une telle décision sera prise, malgré
que je ne veux pas présumer de la décision.
J'aurais quelques questions à poser surtout de nature technique
afin d'avoir des informations pour mon bénéfice et celui des gens
de la commission. A la page 36 de votre rapport, dans le tableau 3.2,
concernant le minerai de fer et les prix américains, est-ce que vous
pourriez expliquer le concentré non-Bessemer, Mesabi et Old Range?
Qu'est-ce que vous voulez dire par ces deux marchés?
Si vous voulez, je vais vous poser mes questions les unes après
les autres. J'attendrai ensuite les réponses. À la page 54 et 55,
on voit le tableau 4.5: Les marché régionaux de l'acier:
historique de la demande et taux de croissance. À moins que je ne
comprenne mal ce que vous dites dans ce tableau et aussi dans le suivant, par
le biais de la société elle-même, soit SIDBEC-Normines ou
la société d'État, qui prendra la charge de
SIDBEC-Normines dans l'éventualité où elle serait
dissociée de SIDBEC, vous considérez qu'on devrait axer les mises
en marché et être très agressif sur les marchés de
l'Orient Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique parce qu'on sait qu'en
Amérique latine cela va être assez difficile d'être agressif
sur les marchés à cause du Brésil. (21 h 15)
À la page 72, au tableau 4.16, demande et offre de boulettes sur
le marché international. Il y a des chiffres qui m'intriguent dans le
taux de croissance 1979-1985 comparé au taux de croissance 1979-1988. Si
on prend celui de 1979-1985, vous avez 33,4% et, 1979-1988, vous avez 25,9%.
Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il y a une telle chute entre 1979-1985
comparé à 1979-1988? Parce qu'il semble y avoir une chute dans
les importations de boulettes de réduction directe.
M. Miller: Pour répondre à cette première
question, de 1985-1988, l'augmentation est faible, soit de 16,9% à
23,8%; quand on fait la moyenne arithmétique pour le taux de croissance,
cela fait une moyenne un peu plus faible. Mais ce qu'il faut remarquer, c'est
l'augmentation prévue, en 1985 et en 1988, de l'importation de boulettes
de réduction directe, et 1985 et 1988 sont deux années dans
l'avenir.
M. Perron: Ah, bon! D'accord, merci. Les deux autres
questions.
M. Miller: 54 et 55. Il est clair que l'analyse
macro-économique que l'on fait indique que la croissance se
réalisera surtout dans les pays en voie de développement et non
dans les pays industrialisés. On se retrouve - et c'est paradoxal - dans
une situation bizarre, c'est que l'industrie
sidérurgique devient une industrie de croissance dans les pays en
voie de développement et c'est vers eux surtout qu'il faudra se tourner
pour vendre, nous d'un pays qu'on pense industrialisé, nos produits et
nos matières premières.
M. Perron: Donc, de ce côté, si je comprends bien,
d'après ce que nous a dit M. Astier hier, vous êtes à peu
près de la même position, qu'on devrait plutôt orienter le
marché de boulettes vers le Moyen-Orient et les autres pays
asiatiques.
M. Miller: C'est-à-dire que, par un effort d'analyse firme
par firme, pays par pays, par des contacts continus, par le
développement à long terme de bonnes relations d'affaires, on
peut espérer développer des marchés.
M. Perron: Merci. L'autre question n'est suggérée
par le tableau de la page 36.
M. Miller: II y en a un qui est le concentré et l'autre
les boulettes. Bessemer, on fait référence à un type de
four; Mesabi, c'est une région américaine et le Old Range, c'est
une autre région. Les prix ne sont pas toujours les mêmes à
cause de la façon dont on comptabilise. On fait le rapport de ces prix,
que l'on a pris directement dans Sguillings' Mining Review, qui est une
autorité en la matière sur les types de concentrés et de
boulettes.
M. Perron: Maintenant, j'ai une dernière question. Vous
avez mentionné, presque à la fin de votre exposé, que
SIDBEC-Normines devait être dissociée de SIDBEC et s'en aller
possiblement vers SIDBEC International. Là-dessus, je suis
peut-être d'accord avec vous que SIDBEC-Normines s'en aille vers une
autre société d'État, pas nécessairement SIDBEC
International, lorsqu'on regarde les informations que nous a données M.
De Coster quant au groupe, à moins de le grossir et d'ajouter
énormément de personnel pour faire la mise en marché et
être agressif sur le marché.
Cependant, vous avez ajouté quelque chose qui est tout de
même très important, en tout cas pour SIDBEC-Normines. SIDBEC
pourrait s'approvisionner sur le marché qu'elle choisirait.
Là-dessus, je ne suis pas du tout d'accord avec vous, parce qu'il me
semble que, SIDBEC ayant des entreprises manufacturières, on devrait
l'obliger à acheter ses boulettes de SIDBEC-Normines, qui est aussi une
société en grande partie québécoise, puisqu'on
détient 50,1% des actions et c'est là que j'accroche. Je voudrais
bien que vous m'expliquiez pourquoi une telle position.
M. Miller: Ce sont des décisions politiques de l'obliger
à acheter. Si l'on veut laisser SIDBEC libre de produire des profits, il
faut lui donner les moyens de s'approvisionner, mais on peut l'obliger, on a
esquissé ces considérations cet après-midi.
M. Perron: Si je comprends bien c'est une question de
rentabilité pour SIDBEC, c'est pour cette raison que vous dites que
SIDBEC devrait s'en aller au marché qu'elle choisira.
M. Miller: L'idée fondamentale c'est de séparer les
entités et de les obliger à des performances, de les forcer
chacune à tenter de prendre les décisions les plus
économiques possible. Quant à l'idée de SIDBEC
internationale, cette mention ne fait que refléter notre vision
fondamentale que c'est le statu quo, "le moins de changement possible", qui est
la solution optimale, parce que, aller renégocier les ententes avec les
prêteurs, avec les partenaires cela va être extrêmement ardu.
Ils vont sûrement accepter de négocier, mais entre négocier
et changer les choses, il y a une bonne distance. Le moins de changement
possible on fait dans la situation, le mieux c'est. L'idée de passer
à SIDBEC international qui serait scindé du groupe SIDBEC, ou
comme M. De Coster a évoqué, cela pourrait être une
société privée ou même une autre
société d'État. L'idée c'est de couper le lien de
façon à ne pas colorer la situation financière de
SIDBEC-Normines que l'on a dépeinte d'une manière assez
négative en raison des sommes qui ont été
empruntées pour être investies dans SIDBEC-Normines, en raison des
contraintes, en raison des coûts d'opportunité, si bien, qu'on
impute à SIDBEC-Normines la responsabilité d'une perte
énorme, alors que dans les faits, les pertes en liquidité ne
tournent qu'autour de 54 000 000 $ dont la moitié est assumée par
le gouvernement du Québec.
M. Perron: Merci beaucoup, M. Miller.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: C'est malheureux qu'on n'ait pas plus de temps pour
étudier davantage votre mémoire et vous poser plus de questions.
Je pense que cela doit bien être la première fois que nous avons
une commission parlementaire qui doit se pencher sur la fermeture d'une ville
et possiblement d'une région. À ma connaissance cela doit
être la première fois qu'une commission parlementaire doit
étudier un tel problème. Les recommandations qu'elle fera et tous
les mémoires qui sont présentés, pourraient permettre au
gouvernement de prendre une décision à ce sujet. Je crois que
c'est sérieux.
Vous parliez des coûts sociaux. Vous avez mentionné le
chiffre de 140 000 000 $. Qui va subir ces pertes? Est-ce que c'est le
gouvernement, est-ce que ce sont les individus? Est-ce qu'une partie de ce
montant est incluse dans le montant de 325 000 000 $ qui a été
estimé par SIDBEC pour le coût de fermeture de la mine? Est-ce que
vous pourriez donner des détails brièvement?
M. Miller: Non, je ne pense pas que ces coûts de 140 000
000 $ fassent partie de l'estimation de 325 000 000 $ qui a été
mentionnée, hier, par SIDBEC. Ce coût de 140 000 000 $ a
été établi par nous. La somme de dépenses directes
assumées par les entreprises, les gouvernements qui doivent payer
l'assurance-chômage, l'assurance sociale, les frais de
déménagement, les paies de séparation, le bien-être
social, les impôts fonciers qui devront continuer à être
payés à moins que le gouvernement du Québec veuille
contester l'évaluation, les pertes des contributions des employeurs aux
régimes sociaux des employés, les pertes de revenus d'impôt
ainsi que les coûts de fermeture. Ces 140 000 000 $ ne sont
sûrement pas compris dans les estimations de SIDBEC.
M. Ciaccia: Quand vous parlez de perte de revenus, ces 140 000
000 $ alors, est-ce que c'est un chiffre global? Ce n'est pas un chiffre
annuel, parce que si vous parlez de perte de revenus d'impôt, normalement
ce serait annuellement. Si on perd un emploi et que le gouvernement perd les
impôts, ce n'est pas seulement pour une année.
M. Miller: C'est réparti sur trois ans. Nous avons fait
des hypothèses indiquant qu'après une année un certain
nombre d'employés retrouvent un emploi et qu'après une
deuxième année un certain nombre d'employés retrouvent un
emploi; si bien que les contributions gouvernementales
d'assurance-chômage ou de bien-être social diminuent. Nous n'avons
cependant pas inclu le coût de créer de nouveaux emplois, qu'on
estime d'une façon très minimale à 6000 $ par emploi. On
sait très bien qu'un emploi créé, au bout d'une
année il y en a très peu qui reste. Ces coûts de
création de nouveaux emplois n'ont pas été estimés,
si bien que les 140 000 000 $ pourraient être - si on voulait faire des
manipulations statistiques -gonflés comme on veut.
Nous avons pris des hypothèses extrêmement prudentes de
façon à être le plus honnête possible.
M. Ciaccia: Un scénario possible qui a été
évoqué dans certains documents c'est le
réaménagement des activités de SIDBEC-Normines qui
impliquerait possiblement - je crois - la fermeture de la mine mais un nouvel
arrangement avec Quebec Cartier Mining où ils prendraient le minerai de
Fermont, Mont Wright et maintiendraient l'usine à Port Cartier. Quel
serait l'impact d'un tel réaménagement des activités?
M. Miller: Ces scénarios ont été
évoqués hier. Il est clair que nous n'avons pas
étudié ces scénarios pour la simple et bonne raison que
nous n'avons pas accès aux coûts intérieurs de
SIDBEC-Normines, ni à tous les contrats avec Québec Cartier. Mais
il est clair qu'on dit, en théorie, qu'il est préférable
pour SIDBEC-Normines de fonctionner à un maximum de production -parce
que c'est là que les coûts unitaires sont les plus faibles.
Cependant nous ne pouvons pas dire quel est le niveau de production optimal
parce que nous n'avons par accès aux chiffres à
l'intérieur. S'aventurer dans des estimations du genre...
M. Ciaccia: Je voulais dire sur la ville de Gagnon. Vous n'avez
pas une estimation des effets: est-ce que cela impliquerait la fermeture de
Gagnon aussi?
M. Miller: S'il y avait un réaménagement à
Québec Cartier?
M. Ciaccia: Oui.
M. Miller: II est clair que si SIDBEC-Normines et Québec
Cartier se mettaient à renégocier un nouvel arrangement de la
production, cela pourrait aller jusqu'à la fermeture de Gagnon. Mais
nous n'avons pas examiné cela.
M. Ciaccia: J'aurais une autre question. À la page 68,
vous parlez de vos prévisions. Certaines des affirmations que vous avez
faites semblent rejoindre les opinions de d'autres intervenants, par exemple le
professeur Astier, quand vous parliez de d'autres marchés dans le
tiers-monde, mais la plupart des prévisions qui nous ont
été soumises sont beaucoup plus pessimistes que les vôtres.
Vous semblez nous dire que pour 1985 il peut y avoir une reprise, tandis que
tous les autres qui sont venus devant cette commission et les études
qu'ils ont étalées semblaient la reporter à beaucoup plus
tard. Même ils semblaient presque dire qu'il n'y aurait pas de reprise.
Alors, comment expliquez-vous ces différences? (21 h 30)
M. Miller: D'abord, au tableau 4.14, nous avons des
prévisions qui ont été faites pour la compagnie
minière Québec-Cartier, entreprise qui a des
intérêts très importants à avoir des estimations
valables. Il est clair qu'il y a des différences dans les estimations.
On peut contester, discuter les estimations de collègues, mais ce qu'il
faut se rappeler, c'est qu'au cours des années
soixante-dix, quand les marchés étaient à la
hausse, tout le monde faisait des estimations optimistes. Maintenant que tout
est à la baisse, tout le monde fait des estimations pessimistes. Tout ce
que nous disons, c'est que pour bien comprendre la structure, la dynamique et
les prévisions du marché, il faut faire une étude
micro-économique de toutes les possibilités à travers le
monde. Nous avons tenté de démontrer qu'il existe
présentement des personnes qui sont prêtes à s'aventurer
dans des estimations moins pessimistes que celles qui ont cours dans les
milieux. Mais, notre mot n'est pas final. Au contraire, notre recommandation
tend à procéder à des études
micro-économiques firme par firme à travers le monde pour voir
véritablement le marché.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, au fur et
à mesure qu'on progresse dans l'étude des problèmes de
SIDBEC et qu'on prend connaissance des mémoires, il y a quelque chose
qui me frappe. Nous, les intervenants, à peu près tout le monde a
identifié un des problèmes majeurs de SIDBEC: l'implication de
SIDBEC dans SIDBEC-Normines et les fameux contrats. Tout le monde a
pensé à ça. Dès que nous avons regardé le
dossier, nous avons dit: Écoutez, il faudrait sûrement que ces
contrats soient renégociés. Or, le ministre est venu nous dire:
Bien non, je n'ai pas pensé à ça. Je voudrais savoir si le
ministre y a pensé? D'autant plus qu'il a demandé une
étude par un comité interministériel. Est-ce qu'il
n'aurait pas fallu commencer par ça? Ce n'est pas possible qu'il n'y ait
pas pensé. Je comprends mal qu'il n'ait pas pensé à ce
problème, alors que c'est la première chose sur laquelle nous
nous sommes penchés. Tous les intervenants disent: Écoutez, c'est
un des problèmes majeurs de SIDBEC. Alors, je veux savoir si le ministre
y a pensé, puis, s'il y a pensé, est-ce qu'il a posé des
gestes? Et, s'il n'a pas posé de gestes, est-ce parce qu'il pense qu'il
n'y a aucun avis de ce côté, que ce n'est pas possible? Il nous a
dit cet après-midi: Je pense que oui; là, écoutez prenez
votre temps, on va aller voir nos partenaires et on va leur parler;
peut-être qu'on va revenir avec des solutions. Je ne cache pas que
ça me surprend. Je ne comprends pas.
Je me demande si l'exercice qu'on fait n'est pas un peu long, si tout
est basé là-dessus.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Je vais répondre au député de
Saint-Laurent en disant que je comprends qu'il n'a pas pu suivre toute la
commission. Il était probablement occupé soit à une autre
commission parlementaire, à l'Assemblée nationale ou ailleurs.
J'ai déjà répondu à cette question à
plusieurs reprises. À titre d'information personnelle, si nous
produisions plus de 5 400 000 tonnes ou 6 000 000 de tonnes, il n'y aurait pas
de renégociation à faire puisque c'est prévu dans les
contrats et que c'est comme ça que ça fonctionne. C'est une
entreprise qui est organisée pour ne pas perdre d'argent à
condition que les compagnies partenaires - SIDBEC, British Steel et US Steel en
particulier - en assument tout le coût. Alors, on paie un prix pour les
boulettes qui est artificiellement élevé - ils appellent
ça le prix des Grands Lacs - et après, on les revend sur le
marché mondial à 25 $ ou 35 $ de perte quand on trouve des
acheteurs quelque part...
M. Leduc (Sain-Laurent): Répondez à ma question,
est-ce que vous y avez pensé? C'est ma question.
M. Biron: Je vous réponds que, tant et aussi longtemps que
la décision n'est pas prise... Vous n'avez peut-être jamais rien
négocié dans votre vie, je ne sais pas ce que vous avez fait,
vous semblez...
M. Charbornneau: ... ministre.
M. Biron: D'abord, il faut s'arrêter pour prendre une
décision. Une fois que la décision sera prise; si on n'a pas
besoin de négocier, on n'ira pas bâdrer nos partenaires ni les
bailleurs de fonds. Mais si la décision se prend de produire moins de 5
400 000 tonnes, bien sûr que cela implique une négociation. On y a
pensé aussi, mais, avant, je pense qu'il était honnête de
discuter avec les principaux intervenants, d'écouter tous ceux qui
avaient quelque chose à nous dire d'intéressant dans le dossier
et, après cela, prendre une décision. On fait le contraire des
autres entreprises. Une autre entreprise, habituellement, prend sa
décision et là on se retrouve en commission parlementaire avec
des entreprises qui sont fermées et qui ont pris toutes sortes de
décisions; les gens ont de la misère, les travailleurs ne
travaillent pas et, après cela, il faut payer les pots cassés.
Nous, avant d'en arriver à une décision, on a voulu consulter les
gens. Une fois que la décision sera prise, bien sûr, cela
impliquera une négociation, et on y a pensé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous y aviez pensé
auparavant? C'était ma question. Je ne suis peut-être pas
habitué parce que j'arrive à l'Assemblée nationale...
M. Biron: Bien sûr, on y a pensé.
M. Leduc (Saint-Laurent): ... et aux commissions, mais...
M. Biron: C'est élémentaire, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Vous y avez pensé.
M. Biron: Bien sûr, on y a pensé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous avez posé des
gestes?
M. Tremblay: Même vous, M. le député, y avez
pensé. N'importe qui y a pensé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Cela a l'air qu'il n'y a pas
pensé.
M. Tremblay: Voyons donc.
M. Biron: M. le député de Saint-Laurent, on va en
arriver à une décision sur un scénario. S'il y en a un
scénario qu'on décide qui implique une négociation, on la
fera. Si un scénario, tel que celui proposé aujourd'hui par nos
amis de Port-Cartier et de Gagnon, n'implique pas de négociation, je
pense que cela ne donne rien d'aller se promener à travers le monde pour
négocier des choses.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous n'avez posé aucun
geste jusqu'à aujourd'hui?
M. Biron: Je vous répète que si le scénario
qui est choisi... On va recommencer tranquillement. Vous comprenez vite, mais
il faut vous expliquer longtemps.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est ce que vous dites.
M. Biron: Si le scénario qui est choisi, c'est de produire
plus de 5 400 000 tonnes, ce scénario n'implique pas de
négociation. Pourquoi négocier si l'on choisit celui-là?
Celui qui est présenté par nos amis d'en face, de Port-Cartier et
de Gagnon, n'implique pas de négociation, donc on n'a pas besoin de
négocier. On attendra, voulez-vous...
M. Leduc (Saint-Laurent): Je vais vous répondre.
M. Biron: ... d'arriver au pont avant de traverser la
rivière.
M. Leduc (Saint-Laurent): C'est assez facile de comprendre que 5
000 000, c'est trop. Je ne pense pas que cela prenne une étude en
commission parlementaire...
M. Biron: Ce n'est pas cela...
M. Leduc (Saint-Laurent): ... pour savoir qu'on n'a pas besoin de
5 000 000. J'ai compris cela dès le départ.
M. Biron: Vous devriez dire cela. Ils nous suggèrent 6 000
000.
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien, je ne suis pas d'accord.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ferai juste une précision. Savez-vous, il
est très tard et je ne reprendrai pas tous les propos du ministre, mais,
strictement pour le journal des Débats et ceux qui nous écoutent,
l'explication que le ministre vient de donner, c'est un peu...
Une voix: Farfelu.
M. Ciaccia: C'est une explication selon votre
interprétation, mais ce n'est pas exactement la façon dont les
choses se sont produites depuis septembre. Alors, je n'argumenterai pas, mais
je dirai seulement que je ne suis pas d'accord avec votre interprétation
du moment où l'on commence à négocier et le reste...
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Je serai très bref. Le dossier qui a
été soumis ce soir est très technique. Je me permettrai,
avec l'autorisation des maires, de contacter les gens de SECOR, pour
l'approfondir. J'aimerais simplement dire ceci. Le maire Dionne, de
Port-Cartier nous a dit: Heureusement que les dés ne sont pas encore
jetés. J'ose espérer que les dés ne sont pas pipés.
Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: D'abord, je voudrais remercier les représentants
de la Côte-Nord, des villes de Gagnon et de Port-Cartier en particulier,
de leur grande patience d'être ici depuis hier, ainsi que deux autres
maires, ceux de Fermont et de Schefferville qui sont présents.
Je comprends que c'est un problème qui inquiète la
Côte-Nord. Vous êtes venus me voir déjà, on s'en est
parlé, je pense qu'on s'est expliqué assez franchement
là-dessus. Je vous avais donné la garantie qu'on ne prendrait
aucune décision sans que tout le monde s'entende. Il y a
différents scénarios et il y a des économies à
faire. Je pense bien que tout le monde reconnaît que, de la part du
gouvernement du Québec, il y a des
économies à faire et un effort énorme pour le
développement de la Côte-Nord.
Vous nous dites qu'il faut faire quelque chose sur la Côte-Nord;
cette semaine, mon collègue, le ministre de l'Énergie et des
Ressources, annonce le commencement de l'investissement de 500 000 000 $
à Baie-Comeau par Reynolds. Je pense que c'est quelque chose d'important
qui commence. Le premier contrat est octroyé pour le creusage, les
fondations et tout cela. On travaille à d'autres contrats pour votre
région et je pense qu'il faut profiter des ressources naturelles qu'il y
a à cet endroit.
Quand est-ce qu'on pourra s'entendre sur d'autre chose? On ne le sait
pas, mais, au moins, c'est une région du pays qui nous
intéresse.
M. Fortier: Baie-Comeau, ce n'est pas Sept-Îles.
M. Biron: Je sais cela aussi. Je suis allé dans la
région à quelques reprises, mon cher collègue.
Je voudrais poser une question à M. Miller. Vous avez dit tout
à l'heure que Québec Cartier a subi des pertes l'an dernier.
Est-ce que vous pouvez nous chiffrer approximativement l'ordre des pertes de
Québec Cartier l'an dernier ou cette année? Est-ce que c'est
historique.
M. Miller: C'est sûrement conjoncturel, et l'information
que j'ai, c'est de l'information personnelle. Je n'ai pas accès aux
chiffres de Québec Cartier, alors, je ne peux pas dire le montant
exact.
M. Biron: Ceci dit, je veux juste faire un commentaire sur le
document, puis je sais, que vous avez travaillé beaucoup
là-dessus, mais à l'instar de mon collègue de Mont-Royal,
je pense qu'il faut dire que tous ceux qu'on a entendus jusqu'à ce jour
et tous ceux que j'ai consultés, parmi les experts à travers le
monde, ne sont pas du tout d'accord avec vous. Vous êtes à peu
près le seul, qui nous présentez un scénario aussi
optimiste, en nous disant que les boulettes en 1995, on va en avoir besoin de 6
000 000 de tonnes et qu'il n'y a aucun problème à les produire,
à les vendre, il n'y a aucun problème.
On a entendu un spécialiste, M. Astier, hier, qui nous disait,
que l'acier de fabrication va recommencer vers 1985. Le minerai, un peu plus
tard, vers 1987-1988, peut-être 1990. Les boulettes, on ne savait pas
encore quand. Alors, il y a un horizon de marché où on ne
s'entend pas du tout. S'il faut réussir à vendre des boulettes
sur le marché mondial, à 25 $ la tonne, cela fait
déjà des pertes considérables, et cela si on trouve un
marché. Ce qui est difficile, à l'heure actuelle, c'est de
trouver un marché pour des boulettes, ce que les métallos ont
reconnu dans leur présentation cet après-midi. Vous vous
êtes fiés aux chiffres d'un rapport de Québec Cartier,
octobre 1981. Vous savez certainement, que, depuis octobre 1981, le
marché s'est affaissé complètement, même les
chiffres portant là-dessus, aujourd'hui, pour 1982, ne sont pas exacts;
la demande s'est effondrée, au lieu de 166 000 000 de tonnes, c'est
autour de 100 000 000 de tonnes. Il y a des surplus installés un peu
partout dans le monde. La base même de votre étude, je n'y crois
pas. Or, à partir de là, bien sûr, on ne parle pas du tout
le même langage, parce que, le marché des boulettes,
d'après tous ceux que nous avons consultés, n'existe pas ou
existe un peu, mais n'existera pas en grande quantité avant 1990, au
plus tôt et, peut-être après. Je crois que c'est quelque
chose d'important.
Lorsque vous dites aussi que, l'entreprise peut être viable une
fois qu'on a enlevé les emprunts, les intérêts, la
différence du prix de vente, puis les amortissements, je crois qu'il ne
faut pas trop charrier dans une saine gestion où il faut bien compter
qu'il y a un montant d'argent quelque part en l'air, et qu'il va falloir payer
un jour ou l'autre, sinon, on va faire payer des intérêts
là-dessus et les intérêts sur les pertes. Or, ce n'est pas
le fait de séparer SIDBEC de SIDBEC-Normines, qui va régler tous
les problèmes, je ne pense pas. Je crois que c'est d'abord une
étude de marché, qu'il faut revoir d'une façon très
sérieuse, pour votre part, et finalement, probablement, que vos chiffres
vont changer considérablement.
Ceci dit, j'estime, qu'il y a un minimum dans votre scénario de
perte entre 60 000 000 $ à 100 000 000 $ et peut-être plus 100 000
000 $ par année, probablement, et beaucoup plus, si on n'est pas capable
de vendre nos boulettes. S'il s'agissait de garder nos boulettes en inventaire
pendant un bon bout de temps, vous verriez quelle différence cela
pourrait faire sur les coûts de fonctionnement. Je vous remercie d'avoir
travaillé à ce rapport, mais je vous encourage fortement à
revoir les chiffres des boulettes du marché mondial, en particulier du
minerai, et de l'acier primaire.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Je voudrais remercier... Pardon!
M. Coicou: M. le Président, M. Miller, aimerait
répondre aux questions de M. Biron.
M. Miller: Oui. D'abord, je vois que vous avez compris la
distinction entre viabilité et rentabilité. Comme de toute
façon, la décision de fermeture entraîne des
coûts très importants, on n'est pas pris devant la
problématique de: Est-ce que SIDBEC-Normines est rentable?
SIDBEC-Normines, n'est pas rentable. La question, c'est: Est-ce qu'elle est
viable? Comme de toute façon, les coûts de fermeture
équivalent, ils sont un peu supérieurs aux coûts de
maintenir l'unité en fonctionnement pour quelques années, on dit:
Ne prenez pas de décision hardie et téméraire. (21 h
45)
Deuxièmement, on dit: Nos prévisions sont optimistes. J'ai
parlé ce matin, avec M. Astier; on a parlé de scénarios
optimistes et de scénarios pessimistes, mais le fait de retarder la
décision, quant à SIDBEC-Normines, va vous donner un choix
très intéressant. C'est celui d'attendre quelques années
au cours desquelles, compte tenu de la situation, maintenir SIDBEC-Normines en
exploitation ne correspond qu'au coût que de toute façon vous
auriez à payer si vous la fermiez. Cela vous permet dans deux, trois,
quatre ans, si véritablement la situation ne se raffermit pas, de
procéder alors à une chirurgie véritable. Mais, pendant
les quatre ou cinq prochaines années, on peut facilement continuer
à assumer les pertes d'exploitation et de trésorerie, qui sont de
toute façon inférieures au coût de la fermeture. C'est une
leçon, dans le fond, élémentaire de science
économique.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Un petit commentaire bref là-dessus. En fait,
assumer des pertes d'exploitation de 90 000 000 $, comme on en a assumé
cette année aux exploitations minières, c'est passablement fort.
Le gouvernement doit faire des choix, c'est-à-dire qu'on a des
priorités et ce n'est pas une machine à piastres; on n'est pas
encore un État souverain, je pense. Il faut couper quelque chose
ailleurs, s'il faut assumer des déficits là. Alors, la
première est qu'il faut prendre l'argent quelque part...
M. Ciaccia: ... une imprimerie, si vous devenez souverain.
M. Biron: Deuxième chose, le commentaire que je veux faire
aussi, c'est qu'on avait demandé aux principaux intervenants de nous
dire, eux, quelles sortes d'efforts ils étaient prêts à
faire dans le fond pour nous aider? C'est trop facile de prendre tout le
problème et de le retourner sur la table du gouvernement, en disant:
"C'est votre responsabilité; c'est une erreur dans la décision
prise par les libéraux en 1975, puis continuez comme cela." C'est trop
facile. Je pense...
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Biron: ... qu'il faut regarder l'effort commun qu'on a
à faire et c'est ce qu'on a cherché ensemble tout le long de
cette commission parlementaire.
Ceci dit, encore une fois je vous remercie d'avoir participé par
vos travaux à éclairer la commission et je vous dis aussi que,
votre mémoire étant déposé, on pourra bien
sûr y référer tranquillement lorsque tout cela pourra se
décanter au cours des jours à venir.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, je crois que jusqu'à
environ 6 heures moins deux minutes, nous avions gardé un ton
d'intervention et de débat à cette commission parlementaire: Je
parle d'un ton assez élevé, mais nous ne faisions pas vraiment de
partisanerie, nous ne lancions pas de blâmes. Je ne peux laisser passer
les propos que le ministre vient de dire. Ils les a déjà dits
à six heures moins deux et à ce moment, je me suis dit: Eh bien!
on va laisser faire. Mais, de le répéter, je pense que je ne puis
pas accepter que vous disiez que la faute est strictement celle des
libéraux en 1975. Je vais vous expliquer une petite chose que
peut-être tout le monde va comprendre. Il faut faire une distinction
entre SIDBEC-Normines qui produit des boulettes, l'institution de
SIDBEC-Normines, qui a été créée d'après des
études optimistes, de la même façon que vous voulez la
fermer d'après des études pessimistes. À ce
moment-là, tout le monde était d'accord pour dire qu'il y avait
un grand avenir dans l'acier et qu'il fallait approvisionner SIDBEC. Alors, on
a institué SIDBEC-Normines.
Maintenant, la question des contrats. Même si vous modifiez des
contrats, ce n'est pas cela qui va rendre SIDBEC-Normines rentable dans la
conjoncture économique d'aujourd'hui. Mais ce que vous auriez pu faire
et que vous pourriez encore faire, c'est d'enlever les clauses de
pénalités du contrat, ce qui réduirait vos pertes et
rendrait un peu plus acceptable et moins onéreuse pour les contribuables
l'exploitation de SIDBEC-Normines. Alors, ne blâmez pas les contrats; ils
ajoutent seulement au fardeau. Vous pouvez renégocier les contrats tant
que vous voulez, aussi longtemps que le marché des boulettes sera tel
qu'il est aujourd'hui, vous allez avoir des problèmes. Vous allez perdre
33 000 000 $ par année, d'après les chiffres que M. De Coster
nous a produits hier. Alors, ne blâmez pas les contrats.
Blâmez-vous vous-mêmes de ne pas avoir renégocié
en septembre 1980 pour réduire les pertes.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, j'aimerais dire au
député de Mont-Royal que, justement, la clause dont il vient de
parler concernant les pénalités; c'est justement dans les
contrats qui ont été signés. Je m'excuse, mais il faut
justement renégocier cela avec les partenaires.
M. Ciaccia: Vous avez tout manqué le point, mais on ne
continuera pas; il est 9 h 50.
M. Perron: On pourrait continuer longtemps là-dessus.
M. Biron: Pourrait-on passer à un autre groupe?
M. Perron: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis, vous avez la parole.
M. Perron: En terminant, je voudrais remercier le Regroupement
municipal de Port-Cartier et spécialement les gens de Gagnon, de
Fermont, de Port-Cartier et de Sept-Îles qui sont présents ici et
qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire.
Merci à tout le monde.
Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. M. le
maire.
M. Dionne: J'ajouterais seulement un détail, M. le
Président, avant qu'on se quitte. Ce n'est pas moi qui dois adresser les
remerciements de circonstance, c'est M. Coicou, mais j'aimerais rappeler que
nous avons, depuis 1979, subi à Port-Cartier une fermeture d'usine,
Rayonier Québec. Nous avons vu des gens de la Côte-Nord souffrir,
passer des étapes extrêmement difficiles, perdre leur
propriété et tous leurs biens. C'est une décision
importante qui comporte des répercussions sociales extrêmement
importantes. M. le ministre, nous n'avons pas envie de rire, nous avons envie
de vivre. C'est clair?
M. Coicou: M. le Président, M. le ministre, MM. les
députés, comme mot de la fin, j'aimerais vous remercier de nous
avoir écoutés. Comme vous le savez, avec le raz-de-marée
de mauvaises nouvelles qui déferle depuis un mois dans les journaux,
cela a fait beaucoup de blessures; il y a beaucoup de personnes qui sont
marquées, dans ma ville, dans ma région, même des enfants
qui sont à l'école sont marqués. Comme le maire l'a dit
tout à l'heure: les dés n'ont pas fini d'être joués.
Je pense que c'est tout à fait normal d'étudier, d'une
façon objective, la situation de SIDBEC-Normines, parce que nous croyons
sincèrement qu'il y a des solutions à ce problème.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions. J'invite
maintenant...
M. Charbonneau: Le député de Contrecoeur, M. le
Président, s'il vous plaît.
Le Président (M. Desbiens): ... les porte-parole de la
ville de Contrecoeur à se présenter à la table pour la
présentation de leur mémoire. M. Jean-Pierre Lavoie, je vous
demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent.
Ville de Contrecoeur
M. Lavoie (Jean-Pierre): M. le Président, j'ai à ma
droite le secrétaire-trésorier, M. Roger Bérubé, de
la corporation municipale de Contrecoeur et, à ma gauche, un
échevin, M. Roch Bernier.
M. le ministre, MM. les députés membres de la commission
parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme, au nom de la
municipalité de Contrecoeur et des municipalités avoisinantes,
j'ai l'honneur de vous présenter un mémoire sur l'avenir de
SIDBEC, en particulier sur l'impact socio-économique de la fermeture des
laminoirs à plats de la compagnie SIDBEC à Contrecoeur.
Les dirigeants de la municipalité de Contrecoeur ne peuvent se
permettre de présenter une solution quant aux problèmes de
SIDBEC, mais nous croyons sincèrement en l'avenir de cette compagnie qui
a fait grandir Contrecoeur. Nous espérons, par ce mémoire,
sensibiliser le gouvernement sur l'importance de SIDBEC dans notre
municipalité et dans notre région. Nous croyons que la population
de Contrecoeur est prête à participer à la sauvegarde de
SIDBEC et nous vous proposons de faire notre part. C'est avec confiance, M. le
ministre, que nous soumettons le présent document à votre
attention.
Mandats et appuis. Les municipalités de Boucherville, Varennes,
Verchères, Sainte-Julie, Saint-Amable et Calixa-Lavallée qui
forment, avec la municipalité de Contrecoeur, la municipalité
régionale de comté De Lajemmerais, ont adopté une
résolution lors d'une assemblée du conseil de la MRC tenue le 28
octobre 1982, par laquelle ils mandatent la municipalité de Contrecoeur
pour représenter la MRC De Lajemmerais dans le dossier de SIDBEC-DOSCO
et par laquelle ils appuient unanimement la position de Contrecoeur. Les villes
de Sorel et de Tracy ont adopté une résolution lors de leur
assemblée régulière tenue au
début du mois de novembre 1982 pour mandater la
municipalité de Contrecoeur pour les représenter dans son
mémoire et ils appuient notre position dans le dossier.
Les municipalités de Saint-Antoine, Saint-Denis de même que
les municipalités régionales de comté du Bas-Richelieu et
du Haut-Richelieu, qui représentent une population totale de 139 000
habitants, mandatent et appuient également notre municipalité en
ce qui concerne l'avenir de SIDBEC.
Vous pouvez consulter en annexe les différentes
résolutions mentionnées ci-haut.
Un très bref historique. C'est en juillet 1968 que la
sidérurgie québécoise s'installait a Contrecoeur, choisie
principalement en raison de la proximité du marché de l'Est des
États-Unis et du Canada, des facilités de transport et de
l'énergie disponible. Le 5 juin 1972, c'est l'inauguration de
l'aciérie et, en 1973, c'est le démarrage de l'usine de
réduction et la création de SIDBEC-Feruni. En juillet 1974, on
procède à l'expansion de l'aciérie à Contrecoeur,
deux fours, une coulée continue et une coulée continue à
brames et le début du module 2, l'usine de réduction.
Pendant ce temps, la municipalité de la paroisse de Contrecoeur
procède en 1967 à la confection d'un plan de zonage dans lequel
on prévoit de grandes zones pour l'industrie lourde et autant pour
l'industrie secondaire. C'est également en 1967 que la
municipalité de la paroisse de Contrecoeur prolonge son réseau
d'aqueduc sur toute sa zone industrielle. Le 7 novembre 1967, la
municipalité du village de Contrecoeur, dont le budget est alors de 102
000 $, emprunte la somme de 440 000 $ pour la construction d'une usine de
filtration d'eau. En 1976, on procède à la fusion de la
municipalité de la paroisse et du village de Contrecoeur.
Plus récemment, soit en 1978, la municipalité effectue
l'achat d'un camion d'incendie avec échelle téléscopique.
Pourtant, il n'y a pas de construction résidentielle bien
élevée à Contrecoeur. On pourrait continuer à
démontrer, au niveau de la population, au niveau des budgets, au niveau
du développement domiciliaire, au niveau des loisirs, etc., comment
l'évolution de la municipalité de Contrecoeur est liée
à l'évolution de SIDBEC et quelle est l'influence de cette
compagnie sur notre municipalité.
Mais notre but n'est pas d'écrire une histoire ou de critiquer
des décisions ou de prouver l'évidence, et les quelques faits
relatés ici sont seulement pour rappeler au gouvernement qu'il doit
prendre une grosse décision quant à l'avenir de SIDBEC, que pour
nous, à Contrecoeur, SIDBEC, c'est important.
L'impact socio-économique au niveau local. La municipalité
de Contrecoeur effectuait un recensement au mois d'août 1982. Selon ce
recensement, la population totale de Contrecoeur est de 5347 habitants dont
2303 personnes sur le marché du travail, en incluant les chômeurs.
Selon Statistique Canada, la région de Contrecoeur connaît un taux
de chômage de 14,3%. Ce taux représente les chômeurs actifs.
C'est donc dire que ces chiffres officiels excluent une certaine partie des
chômeurs qui ne se rapportent pas régulièrement à
leur bureau du centre d'emploi du gouvernement fédéral.
La direction SIDBEC confirmait récemment les chiffres de la
municipalité à l'effet que la fermeture des laminoirs à
plats, de la coulée continue de brames, d'un four et d'un module de
réduction résulterait en des mises à pied permanentes de
825 personnes au complexe de Contrecoeur. Je vous invite à consulter le
tableau à la page suivante qui représente la répartition
par villes des employés de SIDBEC qui travaillent au complexe de
Contrecoeur selon la liste des employés de SIDBEC mise à jour en
octobre 1982. À la gauche complètement, vous voyez les
municipalités dont il est question; au centre, le nombre
d'employés de SIDBEC qui résident dans la ville qui est
énumérée à gauche et finalement à droite le
pourcentage des employés de SIDBEC du complexe de Contrecoeur qui
résident dans cette même ville. À titre d'exemple, à
Contrecoeur, il y a 661 employés à SIDBEC, ce qui
représente 30,6% des employés du complexe. À Tracy, nous
avons 307 employés, ce qui donne un pourcentage de 14,2% et à
Sorel, 284 pour 13,2%. Nous revenons avec les 825 personnes qui seront mises
à pied au niveau du complexe de Contrecoeur. (22 heures)
Si l'on considère que 30,6% des employés de SIDBEC
à Contrecoeur demeurent sur le territoire de notre municipalité,
on peut conclure que 252 employés résidant à Contrecoeur,
seront directement touchés par une mise à pied
qu'entraînerait la fermeture partielle des installations de Contrecoeur,
telle que recommandée par la haute direction de SIDBEC. Ce chiffre de
252 représente à lui seul 11% de la main-d'oeuvre de Contrecoeur,
252 chômeurs de plus parmi les travailleurs les mieux payés de
notre population; c'est important et lourd de conséquences.
Nous vivons en 1982 une situation que la municipalité de
Contrecoeur n'a jamais connue. Des travailleurs spécialisés et
expérimentés sont obligés de demeurer à la maison
et d'attendre. Qu'est-ce qu'ils attendent? La fameuse reprise
économique. Évidemment, cette situation temporaire n'est pas
particulière à Contrecoeur, mais, chez nous, la population est
jeune et spécialisée. Il sera pratiquement impossible pour
plusieurs de ces travailleurs de retrouver un travail
dans leur spécialité. De plus, à la suite des
appels faits aux principales entreprises locales qui font affaires avec SIDBEC,
nous estimons qu'environ 80 personnes résidant à Contrecoeur
perdraient leur emploi si le gouvernement appliquait la recommandation de
SIDBEC. C'est donc dire que l'impact de la fermeture des laminoirs à
plats de la compagnie SIDBEC, à Contrecoeur, ferait doubler le nombre de
chômeurs, en causant environ 332 mises à pied permanentes (ou
14,4% de la main-d'oeuvre locale) et affecterait directement plus de 764
personnes ou, si vous préférez, 14,3% de la population totale,
selon le ratio, 2303 travailleurs pour 5347 habitants.
Selon d'autres chiffres avancés par la municipalité et
récemment confirmés par la direction de SIDBEC, la compagnie
SIDBEC a dépensé à Contrecoeur, durant l'année
1981, en achats divers, la somme de 2 320 000 $. Une fermeture des laminoirs
à plats entraînerait une réduction de 1 712 000 $ ou de
73%. Cette perte devra être supportée principalement par des
petites entreprises locales, soit deux compagnies de transport, quatre
entrepreneurs généraux, deux quincailleries, un atelier
d'usinage, ainsi que trois ou quatre garages. Nous connaissons les
problèmes auxquels font face les entreprises de cette taille avec la
crise économique que le Québec traverse présentement; ce
sera un dur coup pour certains et ce sera un coup de trop pour d'autres.
Aux achats de la compagnie viennent s'ajouter les achats des
travailleurs et ajoutons que ce ne sont pas les résidents de la
municipalité qui font vivre dix restaurants à Contrecoeur. Une
chose est certaine, c'est qu'advenant la fermeture partielle de SIDBEC
plusieurs commerces seraient affectés et, parmi ceux-ci, quelques-uns ne
survivraient pas.
D'autre part, le rôle d'évaluation de la corporation
municipale de Contrecoeur pour l'année 1982 est de 155 156 310 $ dont 67
948 630 $ ou 43,8% pour la compagnie SIDBEC. Le budget total de la
municipalité pour l'année 1982 est de 2 142 374 $; les revenus de
la taxe foncière générale sont de 1 163 164 $, les revenus
de la taxe de secteur de l'ex-paroisse sont de 127 965 $ et la taxe d'eau
représente un revenu de 240 132 $.
Si l'on envisage l'hypothèse de la fermeture des produits plats
et que les bâtiments soient non utilisés après la
fermeture, l'évaluation de ces bâtiments tomberait à 20% de
leur valeur marchande et l'évaluation totale de SIDBEC serait
diminuée de 24 000 000 $ ou 35%; soit une baisse de revenus de 182 400 $
au niveau de la taxe foncière et de 24 000 $ au niveau de la taxe de
secteur.
L'eau potable est utilisée pour des fins sanitaires seulement;
donc, la consommation varie proportionnellement au nombre de travailleurs.
Advenant 825 mises à pied, la consommation d'eau potable serait
réduite de 63 000 000 de gallons à 36 000 000 de gallons ou 42%
de moins. À 0,17 $ les 1000 litres, la municipalité subirait une
baisse de revenus de 20 000 $.
C'est donc dire que cette perte de 226 400 $ résulterait en une
augmentation de taxes pour les contribuables de 18%, et cette augmentation
devrait être absorbée par une population dont une importante
proportion serait sans travail.
L'impact socio-économique au niveau régional. Il est
évident que la municipalité de Contrecoeur n'a pas eu le temps de
compiler bien des statistiques au niveau de la région, mais tous
connaissent la situation tragique qui affecte particulièrement la
région de Sorel au niveau du chômage. Or, selon notre tableau sur
la provenance des employés de SIDBEC, en plus des 252 venant de
Contrecoeur, on sait que 380 travailleurs de la région de Sorel-Tracy
perdraient leur emploi et qu'il en serait de même pour 138 autres
travailleurs de la rive sud si le gouvernement décidait de fermer les
produits plats de l'usine de SIDBEC.
Ces chiffres ne sont peut-être pas catastrophiques, mais
n'oublions pas la situation de ces municipalités. On parle de 45%
à 50% de chômeurs à Sorel. La région de Sorel a,
d'ailleurs, été désignée zone d'intervention
spéciale par le gouvernement fédéral. De plus, un
consensus semble se dégager, à savoir qu'un emploi dans le
secteur primaire correspond à trois emplois dans d'autres domaines.
C'est donc dire que, dans les territoires de la municipalité
régionale de comté de Lajemmerais, de la municipalité
régionale de comté du Bas-Richelieu et de la municipalité
régionale de comté du Haut-Richelieu où résident
les 825 travailleurs dont les postes sont en jeu, on peut parler d'une affaire
de 3300 emplois.
D'autre part, selon les chiffres qui suivent, les achats de la compagnie
en 1982 dans le territoire englobant Boucherville, Sorel-Tracy et
Trois-Rivières totalisent 20 256 000 $ et les pertes prévisibles,
à la suite de la fermeture des laminoirs à plats seraient de 13
715 000 $ ou une réduction de 67%.
Nous croyons qu'une décision négative de la part du
gouvernement affecterait grandement notre région pour plusieurs
années et que, même avec une reprise économique, les
travailleurs de SIDBEC mis à pied de façon définitive
resteront défavorisés.
Toutes les municipalités qui nous ont mandatés et qui nous
ont fourni leur appui sont conscientes que le gouvernement devra investir pour
que SIDBEC continue à vivre. Ces municipalités sont aux prises
avec des problèmes économiques hors de leur contrôle.
Elles sont durement touchées par le chômage et veulent
conserver les emplois qui subsistent encore, et nous croyons que toutes ces
municipalités ont confiance en l'avenir de SIDBEC.
Nous passons ici à la participation de la municipalité de
Contrecoeur. Compte tenu de l'importance de la compagnie SIDBEC pour la
municipalité de Contrecoeur, compte tenu de l'impact d'une fermeture
partielle des activités de cette compagnie sur notre territoire, la
municipalité, par la seule voie qu'il lui est possible de prendre,
s'engage pour l'année 1983 à réduire de 53 000 $ le compte
de taxes de SIDBEC.
En 1982, la municipalité a confectionné, au coût de
36 000 $, un rôle de valeur locative. Le total de ce rôle à
être imposé en 1983 est de 12 402 480 $, dont 8 986 620 $ ou 72%
pour la compagnie SIDBEC. Le fait de ne pas imposer de taxe sur le rôle
de valeur locative fera économiser à SIDBEC pas moins de 134 780
$, car, tel que récemment annoncé publiquement par la
municipalité en octobre 1982, le taux de taxe relatif à ce
rôle devait être de 1 $ et 1,50 $ les 100 $ d'évaluation
locative.
Le manque à gagner sera récupéré par la taxe
foncière dont l'évaluation de SIDBEC représente 43,8%,
d'où une économie réelle pour SIDBEC de 53 242 $. Les
autres compagnies et les commerces bénéficieront également
de cette mesure qui nous semble juste et équitable dans les
circonstances.
Évidemment, les contribuables de la municipalité devront
absorber le coût de cette mesure. Mais nous ferons l'impossible pour
comprimer notre budget de 1983 - déjà comprimé en 1982,
d'ailleurs - et pour retarder certains projets afin de minimiser les
dépenses. Nous croyons que notre population est prête à
payer un peu plus et à recevoir un peu moins pour venir en aide à
SIDBEC.
Conclusion. Dans ce mémoire, nous avons tenté de
démontrer combien la municipalité de Contrecoeur est
dépendante de la compagnie SIDBEC. Nous avons constaté la
situation difficile que traverse notre région, particulièrement
au niveau du chômage, mais surtout nous voulons dire notre confiance et
notre optimisme quant à l'avenir de notre sidérurgie
québécoise. La municipalité de Contrecoeur offre de
participer à la sauvegarde de SIDBEC, mais nous savons que nos humbles
moyens ne pèsent pas lourd dans la balance. Toutefois, nous
espérons que notre exemple portera fruit.
Il était important pour la municipalité de Contrecoeur de
se faire entendre sur ce sujet. Les dirigeants de la municipalité
désirent remercier le gouvernement qui nous a donné cette
occasion de le faire. Merci.
Le Président (M. Paré): Merci. M. Dussault:
M. le Président...
Le Président (M. Paré): Oui, M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: ... je m'excuse auprès des gens de
Contrecoeur. Je n'ai pas voulu interrompre la lecture de l'exposé. Je
voudrais vérifier s'il y a consentement pour continuer après 22
heures l'audition des mémoires. On aurait dû normalement le faire
à 22 heures, mais je ne voulais pas être impoli à
l'égard de nos invités. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on
continue l'audition des mémoires après 22 heures?
Le Président (M. Paré): Vous n'étiez pas
ici; on a déjà donné le consentement.
M. Dussault: Moi aussi, M. le Président, j'accorde mon
consentement pour qu'on continue l'étude des mémoires. Merci.
Le Président (M. Paré): C'est déjà
accepté. Merci. La parole est maintenant au député de
Verchères.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je voudrais
remercier le ministre qui m'a cédé son droit de parole et dire
aux gens de la municipalité de Contrecoeur que le ministre
réagira probablement un peu plus tard. Je voudrais, d'abord, vous
remercier de votre patience - cela fait deux jours que vous êtes ici - et
de la collaboration que vous avez manifestée aux membres de la
commission en acceptant que d'autres interviennent avant vous alors que vous
veniez après la compagnie SIDBEC. Je voudrais également remercier
les gens de la municipalité de Contrecoeur et les féliciter pour
le travail assez extraordinaire qu'ils nous présentent aujourd'hui,
compte tenu du temps qu'ils ont eu à leur disposition pour
préparer un tel mémoire.
Je ne sais pas si les gens s'en rendent compte, mais c'est un
sacré éclairage que, finalement, on nous apporte ce soir sur
l'impact socio-économique dans la région de Contrecoeur
située sur la rive sud du Saint-Laurent. Jusqu'à maintenant, on a
beaucoup parlé des impacts socio-économiques. Les Métallos
ont développé ce sujet, ce matin, mais on n'avait pas
été aussi précis quant à l'impact que ça
pourrait avoir en termes socio-économiques pour la région
immédiate de Contrecoeur. Je pense qu'il fallait que ce soit fait. Le
fait que vous ayez réussi en si peu de temps à ramasser des
données importantes, factuelles, chiffrées, qui nous permettent
d'avoir une idée assez précise de l'impact qu'aurait la
décision de fermer une partie des installations importantes de SIDBEC
situées à Contrecoeur, va, j'en suis
convaincu, peser assez lourd dans la décision qui devra
éventuellement être prise par le gouvernement.
D'autres municipalités aussi - vous en avez fait état dans
votre mémoire - vous ont offert leur collaboration, vous ont
peut-être même fourni des chiffres. Il était important
à ce moment-ci du débat qu'on apporte cet éclairage
particulier. Je n'ai pas beaucoup de questions. Les choses sont tellement
claires dans le mémoire que l'on n'a pas de raison de douter des
chiffres que vous avancez. J'aimerais simplement vous faire préciser une
chose. Est-ce que vous avez pu, au cours des derniers mois, évaluer
l'impact qu'ont eu, depuis un certain temps, depuis le début de
l'année, je crois, les mises à pied temporaires, mais dont le
temporaire dure déjà depuis un bon bout de temps, dans la
région de Contrecoeur? Est-ce que cet impact est inclus parmi ceux que
vous avez indiqués? Ou est-ce que ceux que vous avez indiqués
faisaient plutôt état d'impacts qui se produiraient si l'usine
était fermée de façon permanente?
M. Lavoie: Ce que nous avons tenté de refléter dans
le mémoire était un impact directement relié à la
fermeture des produits plats, du module de réduction et d'un four.
Cependant, nous pouvons peut-être ajouter que dans la
municipalité, présentement, au complexe de Contrecoeur, il y a
quelque 400 employés qui sont mis à pied temporairement et on
peut estimer à environ 120, avec le rapport de 30,6%, les
employés du complexe qui demeurent à Contrecoeur.
Déjà, en ce qui concerne les commerces, nous ressentons
effectivement ce ralentissement économique. (22 h 15)
De plus, dans la situation présente que nous vivons, étant
donné qu'il y a des mises à pied assez fréquentes, il y a
une atmosphère de crainte qui se développe et je peux vous
assurer que les investissements ou les dépenses qui normalement se font
de façon courante sont limitées au minimum présentement au
sein des commerces. Cela, c'est pour l'impact sur les petits commerçants
du coin, de chez nous, et plusieurs sont en mesure de le prouver.
M. Charbonneau: Donc, si je comprends bien, les gens qui sont
déjà mis à pied, en ce qui concerne
particulièrement la municipalité de Contrecoeur, est-ce que
c'était inclus dans le chiffre que vous nous avez donné? Je pense
que vous avez parlé de 252.
M. Lavoie: Nous aurions effectivement 252 mises à pied
à cause de la fermeture proposée par la direction de SIDBEC;
cependant, nous en avons calculé 80 qui s'ajouteraient, des emplois
indirects comme des camionneurs, des travailleurs de la construction, etc. Avec
le nouveau total, les gens qui sont déjà inclus dans les 14%
qu'on a cités sur le chômage régional, nous arrivons
à la conclusion que le chômage pourrait même atteindre
jusqu'à 20% et 23% dans la région immédiate de
Contrecoeur.
M. Charbonneau: Je présume que, finalement, vous avez fait
votre calcul à partir des pourcentages, comme vous l'avez indiqué
tantôt. Cela ne tient pas compte, par exemple, de la liste
d'ancienneté. Sur la liste des gens qui seraient les premiers mis
à pied ou les premiers affectés par d'éventuelles
décisions de fermeture, il pourrait très bien arriver que le
hasard ferait qu'on retrouve une partie plus importante que les 30% dont vous
avez fait état parmi les gens qui demeurent à Contrecoeur.
M. Lavoie: Cela pourrait arriver. On s'est basé sur les
statistiques; on n'avait pas la moyenne d'âge des employés des
différentes villes. Si on veut apporter un peu de précisions,
présentement, avec les 14,3% de chômage à Contrecoeur, on
évalue cela à 329 employés; la fermeture des plats
causerait 252 nouvelles mises à pied; 80 emplois dépendent
directement de SIDBEC; si on enlève des 329 chômeurs actuels les
30,6% qui correspondent aux 400 chômeurs présentement au complexe,
on arrive avec 539 chômeurs sur une population de travailleurs de 2303,
ce qui donnerait effectivement 23,4% de la population des travailleurs.
M. Charbonneau: Vous avez indiqué dans votre
mémoire que vous ne le présentiez pas uniquement au nom de la
municipalité de Contrecoeur, mais de plusieurs autres
municipalités, y compris les gens de la région de Sorel,
où le taux de chômage est déjà actuellement beaucoup
plus élevé qu'il ne l'est à Contrecoeur.
M. Lavoie: Effectivement.
M. Charbonneau: II est à 35%, peut-être même
plus actuellement. Il est aussi exact de signaler qu'à Contrecoeur,
outre SIDBEC, il y a les installations de Stelco et il y a aussi des usines de
meubles et de chaussures qui sont des secteurs, comme on le sait, mous et qui
sont peut-être actuellement plus affectés par la situation
économique que d'autres types d'entreprises.
M. Lavoie: Nous avons effectivement dans le secteur mou un
léger problème pour certaines entreprises.
M. Charbonneau: Écoutez, je ne veux pas prolonger plus
longtemps la discussion, sauf que je voudrais signaler aux membres de la
commission - vous l'avez fait, mais je
pense que c'est important de le noter - que la municipalité de
Contrecoeur a fait un effort particulier. Je pense que la décision que
vous avez prise n'était pas facile; je le sais parce qu'on a eu des
discussions ensemble pour décréter de ne pas utiliser le pouvoir
de taxation que vous veniez de vous donner et que vous aviez envisagé
d'utiliser pour l'an prochain. Dans ce sens, vous avez pris la décision
politique, finalement, de demander à l'ensemble des citoyens de
Contrecoeur de participer à une espèce de corvée sauvetage
de SIDBEC. Je pense que cela mérite d'être souligné.
Si, d'une part, ce matin, on a entendu le Syndicat des métallos,
qui s'est dit prêt éventuellement, à certaines conditions
qui, je pense, sont normales, à faire sa part, on peut dire que
l'ensemble de la population de Contrecoeur, par la décision que la
municipalité a prise au cours des derniers jours, a aussi
décidé de mettre l'épaule à la roue, puis
d'apporter une contribution tangible. Il y a des gens qui vont peut-être
trouver que 53 000 $, ce n'est pas beaucoup, mais pour une municipalité
comme Contrecoeur, je crois qu'il faut signaler que c'est important. J'aimerais
que vous nous précisiez ce que cela va vouloir dire en termes de hausse
pour l'ensemble des contribuables la décision que vous avez prise de ne
pas utiliser ce pouvoir de taxation additionnelle que vous veniez de vous
donner.
M. Lavoie: Pour la municipalité, à l'heure
actuelle, nous avons un budget de 2 200 000 $. On peut faire le rapport de 53
000 $ sur le budget de 2 200 000 $: cela donne quelque chose comme 3%, je
pense.
M. Bernier (Roch): Cela veut dire que, si on parle d'augmentation
de taxes réelle, c'est 18%, parce que, dans le budget municipal, il y a
des revenus qui viennent du gouvernement, des compensations, puis d'autres
revenus. C'est l'ugmentation de taxes réelle pour l'année
1983.
M. Lavoie: Excusez-moi, les 53 000 $ comme tels, disons, qui
libèrent SIDBEC.
M. Charbonneau: C'est la part de SIDBEC.
M. Lavoie: C'est cela. Je crois qu'on peut se limiter à
cela. Cela va.
M. Charbonneau: Je voudrais vous remercier, encore une fois, et
remercier, à travers vous, la population de Contrecoeur. Je pense que
les gens ont compris que tout le monde devait faire un effort. Cet effort est
louable. Dans votre mémoire, vous espériez que votre exemple
porte fruit; j'espère qu'il va, effectivement, porter fruit; j'ai
l'impression qu'il va porter fruit. J'ai l'impression que, finalement, on va
peut-être réussir non seulement à sauver les meubles, mais
à consolider la position de SIDBEC, et de l'ensemble de la région
qui, dans notre coin, en est dépendante en bonne partie. On n'est pas la
Côte-Nord, ce n'est peut-être pas la seule industrie dans notre
coin, mais, comme vous l'avez souligné, si Contrecoeur baisse
considérablement son niveau d'activité, cela va être un
coup assez considérable pour l'ensemble de la région et, en
particulier, pour Contrecoeur. Merci infiniment.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
et féliciter les invités pour leur mémoire, les
informations qui sont contenues dans ce mémoire et aussi pour la
position qu'ils ont prise. Je crois que vous témoignez de votre devise:
"À coeur vaillant, tout est possible". Je pense que vous montrez une
grande responsabilité de la part des autorités municipales et
vous donnez l'exemple que, dans un moment difficile, vous êtes
prêts à faire votre part pour essayer d'encourager, d'une
façon tangible, une industrie qui est en difficulté. Comme vous
le savez, on nous a suggéré différents scénarios,
différentes possibilités concernant les opérations
manufacturières de SIDBEC. Je suis convaincu, - et je l'espère -
que le gouvernement va prendre en considération toutes les
représentations qui ont été faites, ainsi que les
suggestions des différents mémoires.
Les Métallos en avaient fait plusieurs quant à leur
perception de ce que le gouvernement devrait faire ou que SIDBEC devrait faire
pour améliorer leur performance afin de maintenir, autant que possible,
le fonctionnement de SIDBEC. Je crois que c'est dans cet esprit que la
commission parlementaire, quant à moi, a lieu, pour essayer de faire
ressortir les différentes possibilités, et que le gouvernement
puisse prendre des décisions pour essayer d'éviter le genre de
situation que vous venez de souligner. Vous avez déjà un
chômage assez élevé dans votre région qu'ajoutant
d'autres chômeurs, je crois que vous allez arriver à un taux de
chômage qu'on n'a pas connu depuis la dépression. C'est grave.
C'est sérieux. Vous avez certainement notre sympathie et notre appui.
Vous pouvez être certains qu'on va suivre ce dossier de très
près pour obliger le gouvernement à prendre les mesures
nécessaires à faire tous les efforts, dans un but de
rentabilité, mais aussi pour maintenir, autant que possible, les emplois
dans cette très importante industrie. On vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le
ministre.
M. Biron: M. le maire, je voudrais joindre ma voix à
celles de mes collègues et particulièrement à celle du
député de Verchères pour vous remercier de votre patience,
bien sûr, mais aussi du ton et de la qualité de votre
présentation. Qualité dans le sens que vous voulez participer
à redonner un peu de vie à SIDBEC et l'offre que vous faites de
la part de la municipalité, c'est quelque chose qui me touche. Cet
après-midi, je disais qu'il n'y a pas d'avenir pour SIDBEC si les hommes
de SIDBEC n'y croient pas. Je pense que les gens de SIDBEC sont aussi des gens
des municipalités concernées. La municipalité de
Contrecoeur y croit tellement que vous dites: Nous, nous allons faire un
effort. Ce n'est pas beaucoup dans un océan de 150 000 000 $ de
déficit, mais c'est un symbole. Puis, un symbole pour moi, c'est
important; c'est beaucoup plus important que la piastre au bout, parce que vous
avez voulu donner un signe tangible de foi dans le plus long terme avec SIDBEC.
Cela peut motiver beaucoup de gens qui travaillent chez SIDBEC. Cela peut
motiver les travailleurs de la base comme les dirigeants de l'entreprise de
savoir qu'il y a une municipalité chez vous qui croit tellement à
SIDBEC que vous dites: On veut nous aussi y participer. Un peu comme dans
l'évangile de dimanche dernier, alors que la veuve mettait son obole et
le Seigneur a dit que cela, c'est aussi important que l'argent des riches.
Alors, la participation, de la municipalité dans ce sens, moi, je la
juge importante et sérieuse. Je veux vous en remercier publiquement.
J'apprécie le geste que vous avez posé. Veuillez croire que nous
tiendrons compte dans notre décision de la foi de la municipalité
de Contrecoeur envers SIDBEC.
M. Lavoie: Merci.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre
participation. J'inviterais maintenant le regroupement socio-économique
de Gagnon, Port-Cartier et Sept-Îles à s'avancer. M. Gaudette, si
vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît!
Regroupement socio-économique de Port-Cartier,
Gagnon et Sept-Îles
M. Gaudette (Pascal): Mon nom est Pascal Gaudette. M. le
Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et
messieurs, je suis président de la Chambre de commerce de Port-Cartier
et porte-parole de notre regroupement. J'ai, à mes côtés,
M. André Gauthier, président du Comité d'adaptation
communautaire; M. Jacques Hamel, président de la Chambre de commerce
régionale Manicouagan; Mme A. Cormier, représentante du goupre
Action-Gagnon et de l'Association des hommes d'affaires de la même ville;
M. Richard Routier, un travailleur du fer licencié, qui travaille
très fort ces temps-ci au reclassement de ses confrères qui ont
subi le même sort; le maire de Schefferville, M. Charles Bégin; M.
René Bélanger, représentant de la Chambre de commerce de
Sept-Îles, ainsi que le maire de Ferment, M. Jean-Claude Ménard.
Je voudrais vous faire remarquer l'absence du maire de Sept-Îles, M.
Jean-Marc Dion, ainsi que celle du commissaire industriel de Sept-Îles,
M. André Coutu. Ils sont absents pour des raisons majeures. (22 h
30)
Le Président (M. Desbiens): Merci.
M. Gaudette: Avant de faire cette présentation, M. le
Président, nous tenons à faire une mise au point. Si notre
mémoire est politique, votre décision le sera sûrement.
Plus que notre voix, c'est la voix de la Côte-Nord, celle de milliers de
travailleurs, de commerçants, d'entrepreneurs de chez nous, bien
sûr, mais également de tous les Québécois qui
bénéficient économiquement d'une Côte-Nord
dynamique. Certains prétendront que notre mémoire est partisan.
Rien de plus faux. Il est dur, nous en convenons, mais ce n'est que la
réaction normale à l'impact qu'ont eu les déclarations
gouvernementales ces derniers temps. Fermer Normines, c'est fermer la
Côte-Nord. Quelle autre réaction pouvions-nous avoir?
Nous n'avons pas la prétention de vous démontrer, analyse
à l'appui, le bien-fondé des diverses solutions, d'autres
s'étant livrés à ce genre d'exercice, votre comité
interministériel entre autres. Au fond, sous le couvert d'une commission
parlementaire sur SIDBEC, c'est le procès de SIDBEC-Normines que l'on
veut faire. Le rapport du comité et les déclarations
ministérielles en sont la démonstration. De notre
côté, nous voulons vous convaincre que la recherche de solutions
est à peine entamée et que le climat de panique qui règne
actuellement n'est pas propice à la réflexion.
Quelle est, donc, cette Côte-Nord, ce Nouveau-Québec dont
tout le monde parle, mais que bien peu connaissent? Voici quatre grandes
caractéristiques de notre région. Premièrement, l'ensemble
du Québec perçoit tant bien que mal ce qui est pourtant
évident: son avenir se joue sur la Côte-Nord. Deuxièmement,
développé par des capitaux étrangers avant tout
intéressés au fer et au bois, le Nouveau-Québec n'a jamais
donné réellement la mesure de ses moyens. La richesse
phénoménale de la fosse du Labrador a, d'ailleurs, jusqu'à
ce jour, été laissée inexploitée. Même
aujourd'hui, l'exploitation du Nouveau-Québec est surtout faite par
les
minières locales, ces "joint ventures" dont la raison
d'être est le fer. C'est encore sur elles que l'on compte pour notre
avenir. Troisièmement, notre région a attiré chez elle une
main-d'oeuvre jeune qui, de toute évidence, se devait d'être
spécialisée. Ce besoin a permis à des travailleurs de
régions plus défavorisées d'y trouver ambition et
indépendance. Championne des hauts salaires, les villes de
Sept-Îles, Port-Cartier, Schefferville, Gagnon et Fermont n'ont pas connu
le chômage avant aujourd'hui. Quatrièmement, même si la
région compte cinq villes, elles ne forment qu'un tout. Cependant, notre
balance commerciale avec l'extérieur est largement déficitaire.
Suivant les données de votre ministère du Travail, la
région employait, en 1979, 22 708 travailleurs dont plus de 8500 dans le
secteur primaire. La proportion conservatrice d'un emploi primaire pour trois
autres emplois créait donc dans la région un déficit de 12
000 emplois au profit, principalement, des autres centres économiques de
la province.
Nous vous proposons maintenant une réflexion sur le sort d'une
compagnie, mais également sur le sort de milliers de travailleurs de
chez nous et d'ailleurs, de milliers de personnes qui ont accepté de
s'isoler et qui se voient maintenant à la merci d'une décision
sur laquelle elles n'ont rien à dire.
M. Biron déclarait, le 1er novembre, que le gouvernement serait
prêt à assumer un "certain coût social" si Normines fermait.
C'est là beaucoup de générosité pour une
région qui a, par le passé, largement contribué à
défrayer les coûts sociaux des régions voisines. C'est
faire preuve d'un grand sens de ses responsabilités que d'accepter
d'assumer, un peu, les conséquences de son fait unique.
Sans vouloir faire un historique, rappelons-nous les circonstances de la
création de SIDBEC. Prérequis pour devenir "maîtres chez
nous", le rêve d'une sidérurgie québécoise avait
pris forme. Enfin, nous allions avoir le contrôle de notre
économie. Notons que le cheminement de SIDBEC fut marqué par deux
époques majeures: l'acquisition d'équipements de transformation
pour l'acier brut et, par la suite, la venue de SIDBEC-Normines pour rendre
SIDBEC maîtresse de ses approvisionnements en minerai de fer. Pour
éviter la confusion, nous emploierons "Normines" pour désigner
SIDBEC-Normines. La création de Normines a permis aux
Québécois de participer au développement de la
Côte-Nord, de ne pas être à la merci de multinationales
américaines et de ne pas les laisser seules s'approprier de la plus
grande partie des richesses naturelles du Québec. Combien de fois nous
a-t-on souligné l'importance de former une élite de dirigeants
susceptibles de reprendre la gestion de nos richesses naturelles, de
réaliser dans le fer ce que l'on avait fait au niveau de
l'électricité. Dans la même foulée que les
multinationales américaines, basant ses décisions sur les
mêmes indicateurs de développement économique, le
gouvernement s'associa à British Steel et à la minière
Québec Cartier fondant Normines. Depuis cette date, les travailleurs de
Normines oeuvrant sur une terre qui n'est plus désormais celle de
Caïn ont su produire avec détermination près de 20 000 000
de tonnes de boulettes de fer, les meilleures au monde.
Si l'on fait l'analyse des performances de Normines au cours de ces cinq
années, on les résume par deux constatations majeures. Normines
est une réussite remarquable sur le plan de l'efficacité
technique et opérationnelle, tout en étant un boulet financier
pour SIDBEC. L'opinion publique ne retient malheureusement que ce dernier
aspect et les déclarations ministérielles récentes
l'amènent à ignorer tout le reste. Oui, Normines est une
réussite du côté technique et opérationnel
grâce à une conception originale et remarquable et à un
agencement de ressources humaines bien adaptés.
Voici quelques aspects, d'ailleurs, techniques et humains qui
méritent d'être cités. Premièrement, un gisement
contenant très peu d'éléments chimiques ou
métalliques contaminants, ce qui permet de produire des boulettes de
haute qualité reconnues comme étant les meilleures au monde.
Deuxièmement, une équipe d'exploitation
expérimentée et stable pour une telle région, cela
ajouté à des relations de travail saines et harmonieuses. Enfin,
une flexibilité quasi unique permettant de produire des boulettes
répondant aux exigences actuelles et futures de tous les types
d'aciéries. Et ce sont, M. le Président, ces faits, ces
réalisations que l'on passe sous silence.
Permettez-nous maintenant de vous faire un bilan partiel, bien
sûr, de ce qu'était notre région avant d'être
touchée par la crise. En 35 ans, en dollars non actualisés, c'est
plus de 4 000 000 000 $ que les minières ont investis sur la
CÔte-Nord. En 1974, le gouvernement provincial, par l'entremise de SIDBEC
et d'autres partenaires, investissait à son tour 630 000 000 $
répartis entre Gagnon et Port-Cartier. C'était là un bel
effort, mais combien modeste, vis-à-vis de ceux que nos voisins du Sud
avaient faits. Et ce n'est pas tout. Les investissements miniers et ceux du
gouvernement fédéral exclus, les valeurs foncières
résidentielles de nos municipalités s'élevaient à
plus de 500 000 000 $, en 1979 encore. Il n'y a pas que la région qui
profita de ce développement. De 1975 à 1979, c'est plus de 100
000 000 $ en impôts que le gouvernement fédéral a
tirés des poches des travailleurs et ce, à Sept-Îles
seulement, ou
encore près de 250 000 000 $ pour le trésor provincial
dans le seul comté de Duplessis.
Mais la récession économique qui frappa le Québec
en 1981 fut perçue beaucoup plus tôt chez nous. La fermeture de
Rayonier et la mise à pied de 1300 travailleurs, en 1979,
précéda la crise nationale du fer et de l'acier. En juillet 1982,
Sept-Îles, Port-Cartier, Schefferville, principales victimes de cette
crise, perdirent 4350 emplois dans le secteur primaire seulement. Et on
prévoyait qu'en décembre de cette année, nonobstant
l'avenir de Normines, 1030 emplois additionnels seraient perdus dans le secteur
primaire, laissant, en décembre 1982, plus de 13 450 emplois perdus,
soit 67% de la main-d'oeuvre disponible. N'ayant appris que la semaine
dernière la décision de la minière IOC, nous n'avons pas
inclus la fermeture de Schefferville dans nos données.
Autres faits. Comme partout ailleurs, nos travailleurs ont d'abord
investi leurs économies dans l'achat d'une résidence. En trois
ans, ce marché a chuté de 40%, anéantissant d'un seul coup
toutes leurs économies. La Société canadienne
d'hypothèques et de logement est maintenant propriétaire de 90%
de l'univers locatif à Port-Cartier et de 50% à Sept-Îles.
Cette perte d'équité foncière, pour une population jeune
et fortement endettée, n'a pu que causer faillites financières et
faillites familiales. Est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme a songé que, depuis deux semaines, toutes les marges de
crédit accordées aux entreprises de Gagnon ont été
rappelées et que les fournisseurs ne consentent aucun crédit? Le
mot "C.O.D" est maintenant monnaie courante et même Normines goûte
à cette médecine.
De plus, la situation financière des municipalités est
maintenant sujette à caution; leur taux d'endettement
s'élève à un total de 87 000 000 $. N'est-il pas
raisonnable de penser qu'à court terme, votre gouvernement devra donc se
porter au secours de la ville de Schefferville? N'est-il pas raisonnable aussi
de croire qu'une analyse des coûts engendrés par la fermeture de
Normines doit inclure à court terme la responsabilité
financière de votre gouvernement en ce qui a trait aux dettes des villes
de Gagnon et Port-Cartier? Assumer un "certain coût social", disiez-vous,
M. le ministre; un coût social certain aurait été plus
juste. De 1980 à ce jour, c'est 108 entreprises commerciales qui ont
fermé à Sept-Îles et 140 à Port-Cartier. Et ce n'est
pas fini! Quand le bâtiment va, tout va. Sept-Îles n'a émis
qu'un seul permis de construction cette année et Port-Cartier, aucun.
Voilà donc dans quel contexte régional nous assumerons les
conséquences de vos décisions. Si certains coûts sociaux
sont appréciables en argent, vous conviendrez avec nous que d'autres le
sont plus difficilement.
Le 21 septembre 1982, le comité interministériel
déposait son rapport sur la stratégie gouvernementale concernant
l'avenir de SIDBEC. Nous n'avons ni la prétention, ni la
compétence de mettre en pièces ce document sur une base technique
et comptable. D'autres se chargeront d'ajuster ces chiffres avec la
réalité. Cependant, à la section 2.2 du rapport, au
chapitre des besoins de fonds de SIDBEC, on retrouve que, pour les cinq
prochaines années, son implication dans Normines lui coûtera 633
000 000 $. Cette situation est tout simplement intolérable, suivant le
même rapport.
Puis, l'on passe à la section 4.2 de ce même rapport et on
lit ceci: "II apparaît -à l'analyse que, pour un
déboursé en 1983 d'environ 325 000 000 $, la fermeture de
SIDBEC-Normines apporte une solution rapide et définitive aux pertes"
dites minières". On est donc amené implicitement à
comparer pour les cinq prochaines années des pertes prévisibles
de 633 000 000 $ à une dépense immédiate de 325 000 000 $
pour la fermeture. Quel choc, évidemment, pour celui qui arrête
là son analyse de la situation sans pousser plus loin l'étude de
la compréhension du document! D'une part, les 633 000 000 $ de pertes
englobent l'intérêt du déficit encouru par SIDBEC dans les
opérations "dites minières", lesquelles
s'élèveraient à 185 000 000 $ au 31 décembre 1982,
alors que, d'autre part, les 325 000 000 $ de coût de fermeture
n'incluent pas ces 185 000 000 $.
Avant de mettre la clé sur la porte, encore faut-il satisfaire la
condition essentielle suivante: l'acceptation de la fermeture de Normines par
British Steel, deuxième principal partenaire. M. De Coster nous a fait
part hier que British Steel n'était pas d'accord pour fermer Normines.
N'aurait-il pas été plus sage que le ministre Biron obtienne
cette information avant de soulever la panique?
Encore mieux, le rapport interministériel, en annexe C2, dresse
le tableau comparatif des coûts de fermeture et du scénario no 1,
soit la continuation des opérations par Normines. Ce tableau
considère comme hypothèse que les pertes liquides
accumulées de 185 000 000 $ au niveau des opérations
minières de SIDBEC au 31 décembre 1982 et la mise de fonds
initiale de 57 000 000 $ sont exclues de l'analyse. Ce sont des dépenses
déjà encourues qu'il faudra acquitter dans tous les
scénarios envisagés. Ce tableau montre avec assez
d'évidence que le paiement de 325 000 000 $ dans le scénario de
fermeture coûterait au gouvernement du Québec 53 000 000 $ par
année pendant 20 ans, alors que le maintien des opérations
coûterait 55 000 000 $ en moyenne par année. Les 53 000 000
$ sont une perte fixe incompressible, alors que les 55 000 000 $ peuvent
être diminués sensiblement avec une augmentation du rendement de
l'entreprise. Ceci est, d'ailleurs, confirmé par M. De Coster qui a
témoigné devant vous quant à une réduction des
dépenses de Normines de 8 000 000 $. Par ailleurs, la reprise
économique inévitable engendrera assurément des profits.
(22 h 45)
II n'y a donc, entre les deux scénarios, que 2 000 000 $
d'économie. Voilà donc ce que vous achèteriez avec ces 2
000 000 $: la perte de votre équité dans Normines, la chance
possible de tout récupérer lors de la reprise, la perte d'une
technologie d'avant-garde, la faillite de la ville de Gagnon et celle probable
de Port-Cartier, la multitude de faillites commerciales et personnelles et,
enfin, la perte de revenus d'impôts et de taxes. Faut-il encore
continuer? Ces 2 000 000 $ ne suffiraient même pas, M. le
Président, à couvrir les déboursés d'aide et de
support inhérents au chômage que vous auriez provoqué.
Parlant de chômage, nous avons dressé jusqu'à
maintenant un bilan de la région excluant la fermeture de Normines.
Qu'en serait-il si votre gouvernement se comportait comme IOC à
Schefferville ou ITT à Port-Cartier? Le premier ministre disait, il y a
quelques jours, que l'IOC avait agi comme seuls les capitaux étrangers
savent le faire, comme des gens qui ont peu de racines au Québec.
Qu'adviendrait-il si Normines, conformément à une décision
que vous prendriez, se comportait comme du capital étranger? Demain
matin, 800 travailleurs seraient sur le pavé à Gagnon, 800
travailleurs du secteur primaire qui, au surplus, sont à logement dans
une ville où la condition essentielle au bail est de travailler pour la
minière. Entre 1000 et 1200 familles qui, si elles
déménagent, devront encourir un déboursé moyen de
4000 $ pour acheminer leurs effets et ce, à Port-Cartier ou à
Sept-Îles seulement. Déménager, mais pour aller
où?
Et le scénario continue. Demain matin, vous incomberait
l'obligation d'assumer la dette municipale de Gagnon. Demain matin, c'est plus
de 23 000 000 $ d'investissements que les petites gens et certaines
institutions de Gagnon perdraient. Demain matin, encore, le salaire de ces
travailleurs serait remplacé par les prestations de chômage et de
bien-être. Demain matin, 400 autres travailleurs de Normines seraient
congédiés à Port-Cartier. Combien en restera-t-il dans le
secteur primaire? Le taux de chômage à Port-Cartier serait alors
de 80%.
Et après-demain matin, M. le Président, la minière
Québec Cartier parviendrait-elle à continuer ses
opérations, après avoir perdu 44 000 000 $ d'honoraires annuels
venant de Normines, elle qui, cette année, enregistrera un
déficit substantiel? Finalement, M. le Président, que
resterait-il de Port-Cartier si les transporteurs maritimes jugeaient non
rentable que leurs bateaux chargés de grain, en provenance des Grands
Lacs, retournent toutes cales vides faute de minerai? Lorsqu'on tient compte de
tout ce qui précède et qu'on pousse à fond l'analyse du
dossier, il devient impossible d'imaginer la fermeture partielle ou
complète de Normines.
Enfin, on a beaucoup parlé des liens contractuels de SIDBEC avec
ses actionnaires, ainsi qu'avec ses détenteurs d'obligations. Plusieurs
les trouvent excessivement contraignants dans le contexte actuel. Ces contrats
ont ceci de particulier: ils obligent les partenaires à prendre tous les
moyens pour que l'association fonctionne durant la vie utile de l'entreprise,
soit 25 ans. N'est-ce pas là raisonnable, compte tenu de l'impact social
et économique que leur présence suscite dans une région
comme la Côte-Nord?
Lorsque Hydro-Québec a signé le contrat la liant avec le
gouvernement de Terre-Neuve pour le développement des chutes Churchill,
elle n'a pas hésité à obtenir des garanties de prix et de
volume pour une longue période. Le gouvernement trouve odieux
aujourd'hui que la province voisine veuille renier sa parole parce que les
conditions ont changé de façon imprévisible. Y aurait-il
deux poids, deux mesures? Le gouvernement se réserverait-il le droit
souverain d'exiger des modifications lorsque les conditions changent de
façon défavorable pour lui? N'est-ce pas là le genre de
contrat que le gouvernement du Québec aura envie d'appliquer avec ses
futurs partenaires pour le développement économique du
Québec? N'est-ce pas là un objectif des plus louables dans un
contexte comme le nôtre? N'est-ce pas là, encore, le genre de
contrat que le gouvernement, ainsi que la population de la Côte-Nord
auraient voulu voir signer par la compagnie ITT à Port-Cartier?
Pourquoi, alors, ne pas vouloir collectivement rester responsables de ce qui
nous arrive et respecter nos engagements comme nous voudrons socialement que
d'autres, dans l'avenir, respectent les leurs?
Nous désirons, maintenant, M. le Président, vous faire les
recommandations suivantes. La première recommandation consiste à
dissocier SIDBEC de SIDBEC-Normines et à rétablir la structure
financière de SIDBEC en y injectant du capital-actions dans les plus
brefs délais. Cette opération aura pour effet,
premièrement, de placer les problèmes de chacune des compagnies
dans leur cadre respectif; deuxièmement, de permettre à la
direction de SIDBEC de se soulager d'un fardeau important qui l'étouffe
et ainsi de favoriser l'investissement dans les
secteurs rentables afin de concentrer toutes ses énergies
à produire et à vendre plus d'acier; troisièmement, de
permettre aux employés de SIDBEC de réaliser des objectifs de
réduction de coûts qui ne seraient pas annulés par des
pertes qui proviennent de Normines. Ils pourraient alors reprendre peu à
peu confiance en eux et en leur entreprise. Quatrièmement, d'avoir une
chance de rétablir rapidement la crédibilité de SIDBEC aux
yeux de l'opinion publique.
Une deuxième recommandation est d'intégrer Normines dans
une autre société du gouvernement, car il est peu probable que
l'on puisse trouver rapidement un autre partenaire. En effet, aucune entreprise
privée n'a actuellement le désir de récupérer les
pertes de SIDBEC dans Normines. Elles ont besoin de toutes leurs
liquidités pour passer la crise actuelle. De plus, elles concentrent,
avec raison, leurs ressources financières et leurs énergies
à la production et au développement de produits finis afin
d'être en mesure de profiter du marché de l'acier au moment de la
reprise économique.
Cette même société recevrait du gouvernement
québécois le mandat exceptionnel de mettre en place dans les plus
brefs délais un plan d'action visant à rentabiliser Normines aux
premiers jours de la reprise économique. Il faut comprendre, M. le
Président, que les difficultés de Normines ne sont pas d'ordre
technique, mais plutôt des problèmes de marché, puisque
Normines, en raison de ses contrats, ne peut commercialiser elle-même son
produit, étant tenue de vendre la totalité de sa production
à ses actionnaires. Dans ces conditions, elle devrait être prise
en charge par un organisme qui puisse être agressif sur les
marchés internationaux et mettre en valeur la qualité de son
produit afin d'en accroître les ventes. Ces efforts permettraient
à Normines d'attendre la reprise économique en limitant les
déficits et d'être en bonne position au moment du raffermissement
de la demande.
Enfin, plusieurs vous auront suggéré ou vous
suggéreront la privatisation de l'entreprise. Nous ne pouvons
qu'être d'accord, mais de quelle façon? En fermant les portes? En
agissant comme ITT, en attendant des années pour qu'un tiers se montre
intéressé à relever le défi, à oublier
l'image négative qu'entraîne un tel constat d'échec? ITT a
attendu trois ans avant qu'un promoteur fasse valoir un certain
intérêt. Il en a coûté à ITT 4 500 000 $ par
an pour tenir ses installations dans les boules à mites. Voilà un
coût additionnel qu'une fermeture entraîne et que le comité
interministériel a oublié.
Depuis juin dernier, le gouvernement, par ses ministres, réagit
avec panique au dilemme par des déclarations négatives et
contradictoires. Les pertes enregistrées par
SIDBEC, toutes prévisibles qu'elles étaient, semblent
soudainement vous avoir pris de court. Pourtant, les géants dans le
domaine minier subissent des pertes considérables cette année,
eux qui, lors de leurs investissements, y allaient d'une mise de fonds de 50%.
Lorsque Normines fut créée, la mise de fonds des actionnaires fut
de beaucoup inférieure et SIDBEC y injecta sa part à même
son fonds de roulement. C'était plutôt à cette
époque qu'il aurait fallu être surpris.
Cette panique ne devrait-elle pas être uniquement la nôtre?
N'allons-nous pas être les premières victimes d'un problème
qui provient de décisions prises il y a plusieurs années et dont
les conséquences actuelles ne sont que logiques, si l'on
considère le manque de capitalisation? Que l'on recherche la
privatisation, une rationalisation des opérations, la venue d'un tiers,
n'est-il pas plus prudent de le faire avec un complexe en marche?
Dans les démarches que vous entreprendrez pour trouver la
solution, il est essentiel que vous répondiez aux questions suivantes:
A-t-on pris tous les moyens pour vendre et produire à meilleur
coût? Avons-nous recherché sérieusement un partenaire
intéressé dans une garantie d'approvisionnement de produits de
très haute qualité? Avons-nous mis tous les efforts
nécessaires à commercialiser, sur le marché international,
la production de Normines? Avons-nous tenté d'augmenter notre
pénétration du marché de l'acier québécois,
de l'acier canadien? Quelles démarches ont été entreprises
avec les travailleurs du groupe SIDBEC pour réorganiser leur convention
collective? Quelle considération avons-nous donnée à des
formules de participation pour ces mêmes travailleurs, de façon
à les inciter à augmenter leur productivité et à
diminuer les coûts? Avons-nous considéré des formules de
participation au capital-actions par les Québécois, avec
incitatifs fiscaux adéquats? Allons-nous abandonner aussi rapidement six
ans d'efforts? Le gouvernement se comportera-t-il comme une abeille butinant de
fleur en fleur, tantôt le fer, tantôt l'amiante?
Le rapport du comité interministériel a
dégagé superficiellement - et c'est là un
euphémisme - les coûts engendrés par la fermeture. Nous en
avons longuement discuté. Comment ne pas terminer par une
dernière liste de recommandations?
Premièrement, reprendre avec calme et intelligence l'analyse du
dossier.
Deuxièmement, intégrer dans votre personnel
sous-ministériel du sang nouveau ayant plus d'audace, plus de confiance
dans notre capacité québécoise de relever les défis
et plus d'optimisme en l'avenir. Troisièmement, examiner avec soin et
prudence les décisions à prendre et leur impact, tous les
impacts,
en considérant l'opinion de tous les intervenants
impliqués ici dans ce dossier. Enfin, arrêter le plus rapidement
possible de traumatiser la population de la Côte-Nord. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout
d'abord, remercier les intervenants, spécialement M. Gaudette, le
président de la Chambre de commerce de Port-Cartier, qui a
présenté le mémoire au nom du groupe. Je ne ferai
sûrement aucune allusion au mémoire, en ce qui a trait au sens
politique qu'on peut lui donner ou qu'on peut interpréter dans quelques
paragraphes. Je voudrais surtout m'en tenir à quelques commentaires se
rapportant, et ce, pour le bénéfice de la commission ainsi que
pour le bénéfice du ministre, à la page 9. Il est vrai
que, durant plusieurs années, les gens de la région de
Sept-Îles-Port-Cartier ainsi que des villes nordiques de Gagnon, Fermont
et Schefferville sont ceux qui ont payé le plus d'impôt au
Québec, parce que les salaires y étaient en grande
majorité les plus élevés. C'est pourquoi, lorsqu'on dit
que, de 1975 à 1979, les deux gouvernements respectifs ont reçu
plus de 350 000 000 $ en impôts, je pense qu'il y a lieu que le
gouvernement continue à faire des efforts, même le maximum, pour
maintenir l'exploitation de SIDBEC-Normines.
À la page 11, on mentionne, à la fin du premier
paragraphe: "le mot C.O.D. vous dit-il quelque chose? Même Normines
goûte à cette médecine." Il y a environ un mois, j'ai eu
l'occasion de rencontrer moi-même quelques hommes d'affaires de Gagnon.
Je voudrais souligner ici que Mme Cormier, qui a contribué à ce
mémoire, ainsi que M. Brodeur, qui a présenté un
mémoire pour dépôt seulement, à l'article no 7 de
notre ordre du jour, ont fourni beaucoup d'informations concernant le milieu
des affaires de Gagnon. Nul doute que, si vous lisez attentivement les deux
mémoires en question, vous allez constater qu'effectivement on doit
payer comptant dans la ville de Gagnon, actuellement, et ce, pour toutes sortes
de raisons. (23 heures)
M. Fortier: ...
M. Perron: Je ne reprendrai pas le commentaire qu'a fait le
député d'Outremont; je vais le laisser passer. Tout cela pour
vous dire, que lorsque je suis allé à Gagnon, j'ai
rencontré plusieurs personnes du monde des affaires et je puis vous
assurer que c'est du comptant: non pas aux 24 heures, mais, dans certains cas,
même avant que la marchandise parte de Sept-Îles ou de Port-Cartier
ou d'ailleurs, et cela pour plusieurs raisons, comme je l'ai mentionné
tout à l'heure avant que le député d'Outremont
intervienne.
A la page 16 du mémoire, on voit l'implication que pourrait avoir
la fermeture de SIDBEC-Normines qui aurait des impacts très
négatifs sur la ville de Port-Cartier, mais beaucoup plus sur la ville
de Gagnon. Au début de cette commission, j'ai fait allusion au fait que
les travailleurs travaillant actuellement pour SIDBEC-Normines pourraient muter
certains travailleurs de Fermont. Il est sûr que cela pourrait causer
énormément de problèmes aussi dans la ville de Fermont,
à plusieurs familles, si jamais une telle décision était
prise. Je n'ai pas besoin de répéter ici devant les intervenants
que, jusqu'à ce jour, je me suis opposé, et ce, depuis plusieurs
années, à la fermeture de SIDBEC-Normines, et que je continuerai
avec vous sur ce point à défendre les intérêts de la
Côte-Nord, et spécialement du comté de Duplessis.
Il y a quatre questions que je voudrais poser à une ou l'autre
des personnes qui seraient susceptibles de répondre. À la page
quatre, à la fin du dernier paragraphe, vous mentionnez: "On se
souviendra qu'au cours de la dernière décennie la Compagnie
minière Québec Cartier et l'IOC y allèrent
d'investissements massifs: ouverture d'une nouvelle mine à mont Wright,
et érection d'une ville complète à Fermont, construction
d'une usine de boulettage et d'un concentrateur à Sept-Îles,
investissement à Labrador City, doublant la capacité de
concentration du minerai de fer".
Pour le bénéfice des membres de cette commission,
pourriez-vous nous dire à combien s'élèvent les
investissements de ces compagnies minières sur la Côte-Nord, entre
1970 et 1978 et ce, sans mentionner les montants qui ont été
déboursés pour Normines, puisque nous les avons
déjà eus au cours de cette commission?
M. Gaudette: Je vais demander à M. Gauthier de
répondre.
M. Gauthier (André): M. le Président, M. Coutu qui
est commissaire industriel de Sept-Îles est celui qui a fait la recherche
pour cette partie du mémoire; malheureusement, il n'est pas ici.
Les vérifications que nous avons faites auprès de la
Compagnie minière Québec Cartier et de la minière IOC nous
amènent à conclure que Québec Cartier a investi une somme
approximative de 800 000 000 $. Vous vous rappellerez le développement
de Fermont. Enfin, quant à la compagnie Iron Ore, c'est 500 000 000 $
qui furent investis durant ces années, soit au moment où Normines
elle-même faisait ses investissements.
On a parlé beaucoup de gros chiffres
devant cette commission. Sur la Côte-Nord, on est habitué
aux gros chiffres, parce que généralement ce sont de gros
investissements. Il faut aussi tenir compte que, dans les bonnes années,
la compagnie minière IOC, par exemple, pouvait faire des profits de 150
000 000 $ à 200 000 000 $. Ceci vous permet, peut-être de
comprendre que, bien souvent, lorsque les périodes sont creuses et que
vient par la suite une bonne période, cela permet d'éponger une
bonne partie des déficits que l'on peut avoir accumulés.
M. Perron: Merci, M. Gauthier. Maintenant, à la page 6,
lorsque vous parlez "des relations de travail saines et harmonieuses", à
votre connaissance, quel est le taux de roulement des employés à
Normines? Comment qualifiez-vous les relations de travail de l'entreprise? Je
pose la question puisqu'elle a déjà été
posée antérieurement dans les deux dernières
journées que nous avons passées.
M. Gaudette: Les relations de travail sont très bonnes;
à notre connaissance, il n'y a même jamais eu de grève
à SIDBEC-Normines. Quant au taux de roulement du personnel, de
très élevé qu'il était au début, il est
maintenant très bas; on parle d'environ 3%, c'est très
minime.
M. Perron: Cela voudrait dire en ce qui concerne les
employés, c'est pratiquement stable comparativement à d'autres
compagnies.
M. Gaudette: Les employés ont un sentiment d'appartenance
et ils demeurent sur place dans le cas de Normines.
M. Perron: Toujours à la page 6, lorsque vous parlez d'une
"flexibilité quasi unique", pourriez-vous expliquer aux membres de cette
commission ce que cela veut dire en détaillant beaucoup plus, vous
l'avez seulement mentionné dans votre mémoire?
M. Gaudette: On aurait voulu avoir les experts que plusieurs
autres intervenants ici ont eus. Malheureusement, cela nous est assez
difficile. Avec les rencontres qu'on a eues et les contacts qu'on a eus, on
nous a dit que Normines est extrêmement bien organisée. On peut
produire des boulettes à basse teneur en silice, des boulettes à
haute teneur en silice, des boulettes qui sont autofondantes, tout cela sans
faire aucune espèce de modification aux installations si ce n'est
quelques détails. C'est ce qu'on peut appeler une usine assez
versatile.
M. Perron: Merci. Une dernière question. On dit, en haut
de la page 7: "Une technologie originale développée localement
depuis cinq ans et pouvant être exportée vers d'autres usines
partout dans le monde". Qu'entendez-vous par exportation technologique puisque
la phrase peut être interprétée à peu près
comme ceci?
M. Gaudette: II s'est développé à Normines
au cours des dernières années plusieurs nouvelles "patentes" - on
peut appeler cela des "patentes" - qui technologiquement sont avancées.
Entre autres, un système de convoyeur à doubles rouleaux, qui est
vendu partout au monde, qui est susceptible d'être vendu dans tous les
pays par les ingénieries Dravo sur lesquels la compagnie Normines
obtient un droit de royautés d'environ 25 000 $, selon les
renseignements qu'on a eus. C'est cela la technologie qu'on peut exporter
à l'extérieur et c'est une partie seulement. On a
développé des techniques qui sont assez intéressantes. En
fait, c'est cela.
M. Perron: Est-ce exact que ce que vous venez de mentionner
concernant les convoyeurs, cela a été fait avec la participation
des travailleurs et de la direction de SIDBEC-Normines?
M. Gaudette: Cela a été fait entièrement
à Port-Cartier, contre l'avis de plusieurs firmes techniques qui
disaient que cela ne fonctionnerait pas. Cela a fonctionné chez
nous.
M. Perron: Merci beaucoup. J'aurai peut-être d'autres
questions après les autres intervenants.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Je ne sais pas si les intervenants se sont
aperçus de l'approche Gaston-Alphonse du Parti québécois.
Les députés sont tous en faveur de garder Normines, de ne pas
fermer Contrecoeur. Le ministre, lui ne s'engage pas, il va étudier. Je
trouve l'approche un peu curieuse.
M. Perron: II faudrait peut-être donner une chance au
ministre un peu aussi.
M. Ciaccia: C'est une bonne stratégie. En attendant, vous
ne savez pas où vous allez. Je vous remercie de votre mémoire. Je
crois que beaucoup de points que vous avez soulevés auraient pu
être évités: celui de l'incertitude, de
l'insécurité et le C.O.D. On l'a déploré à
l'ouverture de la commission. Je pense que cela aurait pu être
évité s'il avait été clair au début que la
décision n'était pas prise que toutes les options seraient
étudiées et que cette commission parlementaire entendrait tous
les intervenants et, je crois, sans toutes les
déclarations contradictoires des différents membres du
gouvernement.
Vous avez posé plusieurs questions à la fin de votre
mémoire. Jusqu'à maintenant, je ne pense pas qu'on ait pu
répondre vraiment à ces questions. Je voudrais vous poser une
question. Vous parlez des coûts sociaux et de la fermeture de certains
commerces. Est-ce qu'il y a d'autres projets dans la région qui se
discutent, qui pourraient se réaliser, mais qui seraient mis en danger
par la fermeture de SIDBEC-Normines? On sait que, si vous fermez
SIDBEC-Normines, Gagnon ferme. Mais des projets qui seraient discutés
dans un avenir assez rapproché, est-ce qu'il y en a?
M. Gaudette: M. Gauthier va vous donner une bonne réponse
là-dessus.
M. Gauthier (André): II faut se rappeler que
Sept-Îles, jusqu'à 1980, était le deuxième plus
grand port, en tonnage, au Canada, immédiatement après Vancouver.
C'était, et c'est encore, du moins jusqu'aux deux dernières
années, le point optimal de rentabilité pour les "laquiers",
c'est-à-dire ces bateaux qui vont dans les Grands Lacs. Ils ont
développé une technologie concernant ces vaisseaux qui maximise
les profits. Si on continue à avoir une chute dans nos
expéditions, si Normines fermait, juste ça, en soi, si aussi
ça pouvait entraîner d'autres problèmes, il est
évident qu'on ne serait plus rentables. Il y a des
élévateurs à grain à Port-Cartier. Jusqu'à
quand les bateaux vont-ils faire le voyage et retourner les cales vides? C'est
un fait qu'il est fort possible que les transporteurs qui veulent faire des
profits modifient leur philosophie d'approche aux "laquiers" et,
éventuellement, il y aura un autre point optimal, mais qui ne sera plus
Sept-Îles.
Notre diversification à nous, plus particulièrement sur la
côte, à Port-Cartier et à Sept-Îles, c'est, entre
autres, de tenter de transporter autre chose que du fer. C'est ça qui
peut être mis en péril. Il y a également, évidemment
- et vous le savez -le traversier-rail qui, pour le moment, est mis en
veilleuse, parce que le contexte économique sur la Côte-Nord ne se
prête plus immédiatement à ce genre d'investissement. Notre
région, c'est un tout. Si une des partie est affectée, ça
se reflète automatiquement ailleurs.
M. Ciaccia: Vous nous dites que, si vous fermez Normines,
effectivement vous fermez...
M. Gauthier (André): M. Gaudette a dit tantôt que
fermer Normines, c'est fermer la Côte-Nord. C'est le sentiment que nous
avons tous.
M. Ciaccia: D'ailleurs, la question du port avait
été soulevée comme un avantage pour Normines par le
professeur Astier, je crois. Il disait qu'il y avait deux avantages pour
Normines, premièrement, l'environnement et que, dans l'avenir, s'il y
avait croissance de la demande, la construction d'autres usines deviendrait
plus difficile, et aussi l'avantage de Sept-Îles pour l'exportation quant
aux usines. Par exemple, ce serait plus dispendieux, du point de vue du
transport, pour certaines usines aux États-Unis. Est-ce qu'il y a
d'autres projets?
M. Gauthier (André): Bien, enfin, le seul projet qui est
concerné, c'est le projet de Pointe-Noire où on attend une
décision du gouvernement fédéral. On l'attend depuis
déjà un bon moment. On espère qu'elle va venir et on
espère surtout qu'une circonstance comme la fermeture de Normines ne
remettra pas en question cette décison, ne remettra pas en question tout
le travail qu'on a accompli dans ce dossier pour amener ces gens à
consentir à investir chez nous, cette infrastructure, cet outil de
développement dont on a besoin. Le seul autre projet qui n'est pas
affecté par ça, c'est, évidemment, la réouverture
de l'usine ITT à laquelle le gouvernement du Québec et le
gouvernement fédéral tentent présentement de trouver une
solution. Mais ça, ce n'est pas pour demain matin, non plus.
M. Ciaccia: Les chiffres que vous aviez sont sensiblement les
mêmes que ceux du rapport interministériel. Ils ont aussi
été confirmés hier, je crois, en bonne partie, par des
représentants de SIDBEC et la conclusion semblait claire. Il n'y a
presque pas d'autre conclusion que celle que vous mentionnez selon les chiffres
qui ont été soumis et qui n'ont pas été contredits
par le gouvernement. Le gouvernement ne met pas en doute ces chiffres. Il n'y a
presque pas d'autre conclusion que de dire que ça va coûter
beaucoup moins cher de garder Normines ouverte, non seulement en se basant sur
les chiffres de l'exploitation de SIDBEC-Normines mais en regardant toute la
survie de cette région. Je vous remercie pour votre mémoire. Je
vais donner l'occasion à mes collègues de vous poser d'autres
questions. (23 h 15)
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: M. le Président, au-delà des
considérations techniques et financières contenues dans votre
mémoire, ce qui m'a frappé, c'est le cri de révolte qui
semble venir du document. Vous vous sentez trahis et, comme l'a fait notre
porte-parole au début de la commission, on n'a pas cherché
à blâmer le gouvernement pour la conjoncture
internationale. Il faut ensemble faire face à ces difficultés. Je
sais, pour vous avoir parlé à différents moments - je suis
allé sur la Côte-Nord - que c'est avec la même attitude que
vous avez abordé le problème. J'aimerais comprendre pour quelle
raison vous sentez une trahison, et je sens chez vous ce cri de révolte.
Tout à l'heure, le maire de Port-Cartier disait: Nous voulons vivre
là. Il s'est produit des faits ou des choses parce que vous avez des
contacts avec votre député... J'étais à
Sept-Îles moi-même à la fin d'août, le premier
ministre y est allé au début de septembre et j'ai du mal à
comprendre que le dialogue ait été brisé à ce
point. Je crois que c'est tout à fait normal que le gouvernement, devant
une conjoncture internationale très difficile, se pose des questions,
mais j'aimerais comprendre comment il se fait que ce cri de révolte soit
si fort.
Il y a des choses qui se sont dites, il y a des choses qui ont
été faites qui vous portent à crier au monde:
"Collectivement nous avons voulu une deuxième Hydro-Québec dans
les années cinquante et soixante. Collectivement nous avons voulu
développer la Côte-Nord. Ne nous laissez pas tomber." J'aimerais
que vous vous exprimiez là-dessus.
M. Gauthier (André): Nous, de la Côte-Nord, on est
loin. Si vous regardez la carte, on l'a apportée exprès, on est
à 400 milles de Québec, pour Sept-Îles, et 360 milles, pour
Port-Cartier. La ville la plus près de nous est celle de Baie-Comeau et
elle est située à 150 milles. Baie-Comeau, c'est une ville de
bois et de papier et c'est une ville d'aluminium. On n'a pas de rapports
étroits avec Baie-Comeau au niveau économique, on est
isolé. Quand une compagnie comme Iron Ore annonce une fermeture, on se
dit: C'est une compagnie, elle a fait des profits, c'est malheureux, ce sont
des capitaux étrangers. Ce ne sont pas des gens de chez nous, mais quand
une entreprise à caractère gouvernemental dit, par la voix d'un
ministre, depuis juin et tout dernièrement, surtout il y a un mois: On
ferme! des gens isolés ne peuvent avoir une autre réaction que
celle-là, non seulement parce que c'est nous qui sommes
concernés, mais parce qu'on est allés là parce qu'on
savait que l'avenir du Québec était là. L'avenir du
Québec est sur la Côte-Nord. Il y a la fosse du Labrador
d'où on ne tire, à toutes fins utiles, que du fer
présentement. On ne tire pas autre chose que ça.
On a non seulement l'impression de jouer notre avenir, mais on a
l'impression de jouer l'avenir de tout le monde. On a l'impression de ne pas
être compris. Cette déclaration a évidemment causé
une panique sur le littoral, mais a causé aussi une panique dans les
villes concernées.
J'étais là il y a trois semaines, un lundi où j'ai
été à Fermont et à Gagnon. C'est une angoisse. On
parlait tantôt du crédit à Gagnon; je peux vous dire
qu'à Sept-Îles on a des problèmes de crédit
présentement. Imaginez-vous que les banques sont très nerveuses
et on vit avec cette espèce d'impression que tout d'un coup, si une
banque décide - et vous me pardonnerez l'expression - de tirer la
"plug", que vont faire les autres? Les directeurs de banque sont des gens qui
sont chez nous la plupart pour deux ans, trois ans; ils connaissent un peu le
pays et ils s'en vont. Comment allez-vous expliquer à un directeur de
banque que finalement il y a de l'avenir sur la CÔte-Nord si ça
fait six mois, un an ou un an et demi qu'il est là? Il n'a pas tout vu
ça, lui.
Ce mémoire, c'est un cri. Écoutez! Il y avait neuf
regroupements qui représentaient beaucoup de gens. Nous étions
tous assis autour d'une table. Il y en avait de tous les partis politiques. Il
y avait des gens de tous les milieux. C'est un cri qui vient des tripes parce
que notre pays, c'est la Côte-Nord et, c'est ce qu'on veut sauver, sauver
pour nous et sauver pour tout le monde.
M. Fortier: Écoutezi Je vous ai bien entendu et je crois
que les membres de la commission aussi. Jusqu'à ce que le gouvernement
prenne une décision, parce que d'après ce que le ministre nous a
dit, malgré ce qu'il a dit, il y a un mois ou il y a deux mois, ou ce
que le ministre des Finances a pu dire, la décision, semble-t-il, n'est
pas encore prise. J'ose espérer que c'est vrai. Mais pour
réconforter et pour calmer cette angoisse, vous faites des
recommandations à la fin. À ce moment-ci, est-ce que le
gouvernement pourrait faire des choses sans prendre de décision?
Qu'est-ce qu'il pourrait dire? Qu'est-ce qu'il pourrait faire pour calmer cette
angoisse et pour au moins faciliter la prise de décision d'une
façon rationnelle et d'une façon objective et pour faire en sorte
que, collectivement, nous prenions cette décision-là puisque,
à l'origine, collectivement, nous l'avons prise? C'est ce que vous nous
avez rappelé.
M. Gauthier (André): Vous savez, en partie, on s'arrange
un peu avec nos affaires. Demain, il y aura des rencontres avec les
gérants de banque pour essayer de leur expliquer la situation, essayer
de leur redonner confiance. Il y en aura une demain matin. Il est
évident que la seule façon de donner confiance à tous ces
gens-là, c'est que le gouvernement démontre autant de choix que
nous en avons pour ce pays. C'est la première chose.
Il y a, évidemment, des gestes concrets qui pourraient être
posés, par exemple, expliquer à ceux dont, bien souvent, on
dépend au niveau financier, que cela s'en
vient, mais il faut le faire avec une certaine
crédibilité, c'est-à-dire qu'il faut arriver là en
se disant: II y a une décision, elle est prise. On ne peut pas
l'annoncer car il y a encore des petites choses, mais on a confiance. À
ce moment-là, on pourra rétablir ce climat. Les gens d'en haut,
il faut aller les voir, les recontrer et démontrer cette foi. C'est un
problème qui est unique. Imaginez des gens de Gagnon qui vont aller
"bumper" à Fermont! Imaginez un peu cela! Il ne faut pas oublier
qu'à Gagnon, les gens ont beaucoup plus d'ancienneté. Il y a une
convention collective et ils peuvent aller "bumper" à Fermont où
la population est, règle générale, plus jeune. Ce sont des
problèmes. Ce sont deux villes isolées. Les familles vont
déménager à 100 milles plus loin, de Gagnon à
Fermont, pour s'y établir. On a ici, avec nous, le maire de Fermont. Il
pourrait peut-être vous dire un peu dans quel contexte ces gens-là
vont se rendre dans sa ville.
M. Ménard (Jean-Claude): C'est sûrement un
problème. La ville de Fermont, vous le savez tous, a été
incorporée en 1974. Elle existe depuis huit ans. La raison de
l'existence de la ville de Fermont, c'est le gisement du mont Wright, dont les
travaux sont assurés par la compagnie minière Québec
Cartier, qui est également la gestionnaire de SIDBEC-Normines pour la
mine du lac Fire. La convention collective, qui régit les
employés de Gagnon, du Lac Jeannine, du Fire Lake et du mont Wright, est
la même.
La semaine dernière, il y a eu des mises à pied touchant
159 employés exactement, à la mine du lac Fire. À la mine
du mont Wright, il y a eu 160 employés mis à pied. Sur les 159
mises à pied à la mine du lac Fire, 100 ont assez
d'ancienneté pour déplacer des gens à l'intérieur
de la ville de Fermont. Les gens, à Fermont, sont propriétaires
de leurs maisons. Selon un système que la compagnie minière a
établi, ils peuvent vendre ces maisons. Les gens qui résident
à Gagnon sont locataires de maisons qui sont la propriété
de la compagnie SIDBEC-Normines.
Vous pouvez vous imaginer que vous allez avoir une population en
transition de 100, 150 ou 200 personnes. Si vous imaginez le scénario
qui prévoit la fermeture de SIDBEC-Normines, vous auriez environ de 800
à 900 personnes qui partiraient d'une ville comme Gagnon et qui s'en
viendraient dans une ville comme Fermont, où il y aurait des personnes
qui garderaient leur logement ou leur maison, parce qu'ils en sont
propriétaires, et les autres personnes ne voudraient pas quitter, les
autres personnes n'auraient pas d'endroit où se loger. On a une
population dont la moyenne d'âge est de 23 ans. On a plus de 1000
étudiants à l'école. Quand on voit le problème
qu'on vit dans la province de Québec où les écoles sont
sous-peuplées, chez nous, les écoles sont surpeuplées.
C'est un contexte social qui devient intenable. On vit dans une situation
où les gens sont très tendus; c'est très difficile.
Quand on a parlé du fonctionnement, tout à l'heure, on a
oublié de dire que SIDBEC exporte, des plans de boulettes de
Port-Cartier, du "know-how" ou du savoir. On devrait aussi savoir que les
mineurs qui travaillent à la mine de SIDBEC-Normines, au lac Fire et
ceux qui travaillent à la mine du mont Wright sont peut-être les
plus productifs au monde. Il y a du monde de la Chine, de l'Afrique, de
l'Amérique du Sud et de l'Australie qui viennent visiter les mines du
mont Wright ou du lac Fire pour étudier le savoir-faire et le "know-how"
que nous, les Québécois, avons pu développer. Je pense
qu'on a raison d'être fiers de cela. Les gens qui vivent dans les villes
nordiques en sont conscients. La tension qu'on vit à l'heure actuelle
est intenable.
M. Fortier: Pour conclure... Excusez, vous voulez ajouter quelque
chose?
M. Gaudette: Pour répondre à votre question, ce
serait peut-être intéressant d'avoir le témoignage de
Richard Routhier qui, comme je le disais tout à l'heure, est un
ex-travailleur licencié du fer. Il pourrait peut-être nous
expliquer ce que c'est que perdre sa position dans le fer, surtout quand on
demeure à Gagnon.
M. Routhier (Richard): Perdre un emploi sur la Côte-Nord
par rapport à d'autres régions et, comme on l'a expliqué
depuis deux jours, étant donné que tout est relié au fer,
dans le contexte actuel, c'est comme un château de cartes qui s'effondre.
C'est l'effritement de toutes les économies qu'on a accumulées
depuis notre arrivée. La génération de travailleurs qui
est arrivée pour bâtir la Côte-Nord à partir de 1970
-on parle toujours des investissements de 1970 jusqu'à aujourd'hui - est
arrivée là-bas dès l'âge de 22 ou 23 ans. Ils sont
arrivés, se sont mis à l'ouvrage, ont fondé un foyer, se
sont acheté une maison; au moment même où on commence
à vivre un peu, à être bien installés et à
aimer la Côte-Nord, le bonhomme perd son emploi. On n'a pas eu le temps
de se faire un coussin financier, la maison qu'on a payée à
l'époque - on parle de 1977 sur la Côte-Nord - peut-être 50
000 $, ailleurs au Québec, on la payait 40 000 $. Il y avait
déjà une différence de 10 000 $ plus cher. On acceptait ce
contexte parce que c'étaient les règles du jeu dans ce
temps-là.
Pour ce qui est des salaires, ce n'est pas qu'ils soient
élevés sur la Côte-Nord,
c'est parce qu'on travaille plus de 40 heures par semaine et on va
chercher la différence. La différence, on l'a mise sur une maison
parce qu'on la payait plus cher. Aujourd'hui, au moment où on se parle,
une maison qui a été payée 50 000 $ en vaut 25 000 $. Ce
n'est pas charrié, ce que je dis. J'ai une maison et je ne serais pas
capable de la vendre plus de 25 000 $. C'est le prix d'une maison mobile il y a
cinq ans. Et si, encore, on réussissait à vendre la maison 25 000
$ et qu'on voulait s'en aller, mais ce n'est pas ce qu'on veut. On veut rester
sur la Côte-Nord. Si on va dans d'autres régions du Québec,
les maisons qui étaient de 40 000 $ il y a cinq ans se vendent 45 000 $
ou 50 000 $. La perte est de combien? De 35 000 $ ou de 40 000 $ pour un
travailleur. C'est bien de valeur, mais tu ne recommences pas, quand tu fais
une perte comme celle-là. Si tu perds ton emploi, tu vas travailler pour
une autre compagnie et c'est possible; mais perdre un emploi et tout perdre,
les dix dernières années de ta vie, qui sont les plus
importantes, surtout quand on parle d'une maison! Tout le monde conviendra que
pour un travailleur ou un ménage, l'investissement le plus important,
c'est une maison. Tu la paies toute ta vie et elle prend de la valeur. Mais ce
n'est plus cela, le prix des maisons est en chute libre. Je ne suis pas un
économiste, mais j'ai tenté de vendre ma maison et ç'a
été impossible, je n'ai eu aucune offre dans l'espace d'un an.
Tout le monde essaie de se débarrasser ou de se sortir du trou. Ce n'est
pas possible.
En même temps, perdre son emploi sur la Côte-Nord, dans le
secteur du fer, comme vous le savez, ce sont des emplois
spécialisés. Chaque emploi qu'on peut avoir au niveau de la
production surtout est important, parce que la majorité des travailleurs
peuvent conduire de la grosse machinerie. Je pourrais peut-être vous
donner un exemple, je pense que cela vaudrait la peine que je le fasse. Au
niveau d'une usine de boulettes, comme vous le savez, pour ceux qui sont
présents ou qui ont déjà vu une usine de boulettes, il y a
des disques bouletteurs où la boulette se forme. Un disque bouletteur,
c'est une assiette circulaire aussi grande que la table autour de laquelle vous
êtes assis. Il est incliné peut-être à 25
degrés, il tourne et il y passe environ 100 tonnes à l'heure. (23
h 30)
Le bonhomme qui fait fonctionner ce disque à boulettage, il n'est
pas arrivé là du jour au lendemain. C'est de même que tu
fais de la boulette, mon ami; et au bout de huit heures il a fait des erreurs.
Cela a coûté de l'argent pour former ce bonhomme. Le gars est
spécialisé aujourd'hui, parce qu'une boulette, je ne sais pas si
cela a été mentionné, cela n'a pas n'importe quelle
grosseur. Ce n'est pas une boulette d'un pouce, une boulette d'un demi-pouce,
une boulette d'un quart de pouce. Cela a environ 5/8. L'opérateur de
disque à boulettage doit toujours considérer la grosseur de sa
boulette et ajuster sa machine en conséquence.
Le temps que cela a pris pour former ce travailleur, cela a
coûté de l'argent aux compagnies. Combien cela va-t-il en
coûter pour en former d'autres? Mais ce qui est plus grave, le bonhomme
va aller faire une demande d'emploi pour une autre compagnie, il va expliquer
qu'il est un opérateur de disque à boulettage, cela va être
bien intéressant pour celui qui va l'interviewer, l'employeur, de savoir
ce qu'est un disque à boulettage, il n'a jamais vu cela de sa vie. Mais
il va juste savoir ce qu'est un disque à boulettage, il n'a pas besoin
d'un opérateur à boulettage. Cela fait que notre bonhomme qui
gagnait 10 $ ou Il $ l'heure comme un travailleur spécialisé
n'est tout simplement qu'un manoeuvre au salaire minimum. Cela fait une
différence de salaire énorme. Autrement dit il travaille pour
l'équivalent de l'assurance-chômage qu'il retire à sa mise
à pied, s'il s'en va travailler ailleurs. C'est ça qui est
dramatique. C'est un travailleur spécialisé et comme M.
Ménard le disait, je l'en remercie de le reconnaître, on a fait
nos preuves sur la Côte-Nord. Dans 30 ans, je dirais que cela existe
depuis 5 ans au niveau industriel, je pense qu'on a fait nos preuves et qu'on a
bâti un pays. La preuve que c'est un pays où c'est vivable, c'est
qu'on veut y rester. On a parlé de Gagnon, Fermont, Schefferville. Soit
dit en passant, je me suis occupé activement du comité de
reclassement il y a un bout de temps et maintenant je m'occupe de toutes sortes
de comités pour venir en aide aux chômeurs.
Je suis allé à Schefferville l'hiver passé
plusieurs fois. J'ai vu - là, M. Bégin pourrait peut-être
renchérir - une ville qui est en train de fermer. Les gens qui veulent
rester là c'est parce que ça fait 30 ans qu'ils vivent là.
Gagnon, cela fait 25 ans et les gens veulent vivre à Gagnon.
Sept-Îles et Port-Cartier, c'est la même chose. La croyance
populaire, dans le restant du Québec, on se fait demander: Qu'est-ce que
tu fais là, comment fais-tu pour vivre là? Je ne réponds
plus à cela parce que j'aime la Côte-Nord et tous les gens qui
sont assis ici, on aime la Côte-Nord. Moi je suis allé là
par choix, M. Gauthier aussi et tous les gens autour de moi sont là par
choix. J'aurais pu m'en aller avant cela pendant que le contexte était
bon mais je suis demeuré sur la Côte-Nord et je veux y demeurer
encore.
Je reprends peut-être ce que M. Gauthier tantôt disait: Ce
n'est pas un mémoire politique, c'est un mémoire qui vient, je
dirais, des tripes, mais moi j'ai pour mon dire que je suis en train de jouer
ma chemise et je joue la chemise de peut-
être 4000 à 5000 travailleurs. C'est aussi simple que cela.
C'est tout ce qu'il nous reste. Avant de la perdre, je vais me débattre,
tout faire pour que la Côte-Nord reste ouverte.
M. Fortier: En terminant, M. le Président, je comprends
bien tout ce que vous me dites, mais ce que j'ai de la difficulté
à comprendre - je m'adresse au ministre maintenant - c'est, comme il l'a
confirmé, qu'il a dit: La décision n'est pas prise. Mais je ne
comprends pas le traumatisme que lui et d'autres membres du cabinet ont
créé sur la Côte-Nord, pour quelle raison ils ont fait des
déclarations aussi irresponsables alors que tous et chacun
réalisent bien qu'on joue avec la vie des citoyens de la
Côte-Nord. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: M. le Président, premièrement, je tiens
à remercier votre organisme pour le mémoire. On a entendu
beaucoup de chiffres. Vous autres vous y avez mis peut-être plus de coeur
que de chiffres. C'est ce qui va m'amener à vérifier les chiffres
que vous avez mis dans votre mémoire. Ces chiffres traitent de pertes
d'emploi et, lorsqu'on parle de taux de chômage à 80%, il faut
être certain, comme parlementaires, que ce sont des chiffres exacts. Vous
mentionnez, dans votre mémoire - j'ai numéroté les pages
à la main - à la page 10, que, "en juillet 1982, Sept-Îles,
Port-Cartier et les villes nordiques comptaient 40 400 habitants, soit une
main-d'oeuvre forte d'environ 20 000 personnes. Sept-Îles, Port-Cartier
et Schefferville, principales victimes de la crise, avaient déjà
perdu 4350 emplois dans le secteur primaire seulement." Vous ajoutez:
"Dès cette époque, on pouvait prévoir qu'en
décembre de cette année, nonobstant l'avenir de SIDBEC-Normines,
1030 emplois additionnels seraient perdus dans le secteur primaire, laissant
donc en décembre 1982 plus 13 450 emplois perdus, soit 67% de la
main-d'oeuvre disponible. Même en excluant les travailleurs dont les
mises à pied sont, nous dit-on, temporaires, la proportion est
supérieure à 55%. N'ayant appris que la semaine dernière
la décision de la compagnie minière IOC, nous n'avons pas inclus
la fermeture de Schefferville dans nos données." Ma question est bien
simple: Ces statistiques viennent d'où, exactement? (23 h 30)
M. Routhier: Comme je l'ai mentionné tantôt, le
travail que je fais depuis deux ans consiste à m'occuper et à
compiler des données sur les gens que je représente. Dans un
premier temps, à l'échelle du comité de reclassement que
j'ai représenté à la compagnie minière IOC, je
siégeais à un comité où il y avait
déjà 600 travailleurs mis à pied. J'avais, par ce travail,
accès autant aux listes du syndicat, parce que j'ai oeuvré dans
le syndicat, qu'aux listes que la compagnie était obligée de nous
remettre en vertu du fait qu'il y avait un comité de reclassement
officiel. Les chiffres dont on parle, si on parle de 4350 emplois perdus dans
le secteur primaire seulement, c'est qu'à tous les mois, les rapports de
membres du syndicat, si on a, par exemple, 1000 personnes qui travaillent dans
un local et s'il y a eu une mise à pied de quinze personnes, le mois
suivant, c'est 985 personnes. Donc, ce à quoi je veux en venir, c'est
que j'ai fait une comparaison entre le nombre de travailleurs en 1979, avant le
déclenchement de la crise - je parle de juillet 1979 - et leur nombre en
juillet 1982. Pourquoi les deux dates au mois de juillet? Je parle toujours du
plus fort de la production, parce que, en juillet, dans le domaine du fer,
c'est le plus fort de la production. J'ai compilé, selon le rapport des
membres du syndicat, tous les syndicats du fer et du papier, le nombre
d'emplois qu'on avait en 1979 et j'ai compilé aussi en juillet 1982,
d'après le rapport des membres, le nombre de membres. Je suis
arrivé à un chiffre de 4350 mises à pied dans le secteur
primaire. Je parle, comme on dit dans le rapport, de l'axe Port-Cartier,
Sept-Îles et Schefferville.
Quant à la deuxième partie de votre question, pourquoi
1030 emplois additionnels, c'est qu'au moment où on se parle, il y a un
comité de reclassement qui a été formé à la
mine Québec Cartier, à SIDBEC. Je parle de Port-Cartier, Fermont
et Gagnon qui totalisent au-delà de 700 travailleurs et aussi le nombre
de travailleurs mis à pied "dits saisonniers". Avant, on disait des
mises à pied saisonnières, parce que le gars était
sûr d'être rappelé. Là, je me permets de dire "dits
saisonniers", parce que je pense qu'ils ne seront pas rappelés. Je pense
qu'on aura bientôt un autre comité de reclassement. Ce qui fait
que le chiffre de 1030 travailleurs, c'est 727, le chiffre du comité de
reclassement et les mises à pied saisonnières pour lesquelles les
compagnies nous on dit: On va peut-être les rappeler. J'espère,
mais parti comme c'est là, j'en doute. En tout cas, on vit d'espoir ces
temps-ci sur la Côte-Nord. Avant, on vivait comme tout le monde avec un
peu d'argent, mais là, cela va mal.
Quant au chiffre de 67%, il peut paraître, si vous vérifiez
avec Statistique Canada... À un moment donné, j'ai regardé
les chiffres qu'ils nous sortaient dans la région et j'avais
évalué pas mal les mises à pied et le nombre des
travailleurs. Je me suis même aperçu que j'aurais dû
travailler mon chiffre autrement. J'aurais dû calculer
le nombre de gars qui restaient et qui travaillaient et cela aurait
été plus court. Mon chiffre de 67% a été sorti par
Statistique Canada dans le sens que nous avons nos chiffres, mais Statistique
Canada sort un chiffre qui peut parfois être embêtant avec le
nôtre. Pour eux, c'est la région 09 qui inclut Baie-Comeau.
Présentement, si cela continue ainsi, cela va être eux, le
Klondike plutôt que Sept-Îles, mais comme M. Gauthier le disait
tantôt, Baie-Comeau, c'est une autre région. C'est comme
Québec et Montréal. Le gars qui reste à Montréal
reste à Montréal et celui qui reste à Québec reste
à Québec, et il y a 150 milles. Nous autres, c'est pareil sur la
Côte-Nord. Donc, ici je parle toujours de l'axe Port-Cartier,
Sept-Îles, Schefferville et des villes nordiques. Ce 67%, c'est
même un chiffre très conservateur avec ce qui nous attend cet
hiver. C'est de cette façon que j'ai travaillé mes chiffres, dans
le sens que... Et aussi, on a contrevérifié avec le Centre de la
main-d'oeuvre du Québec. On arrive pas mal avec les mêmes
données.
M. Paradis: Vous mentionnez à la page 16 la question de
l'implication au niveau portuaire dans Port-Cartier des bateaux chargés
de grain. Vous dites: Finalement, que resterait-il de Port-Cartier si les
bateaux chargés de grain en provenance des Grands-Lacs jugeaient non
rentable de retourner toutes cales vides faute de minerai? Je trouve que c'est
une grosse affirmation. Avez-vous vérifié auprès de ces
gens? Avez-vous fait des démarches auprès des compagnies qui
effectuent ce service?
M. Gauthier (André): Dans le cadre des activités en
vue d'essayer de diversifier l'économie, la plupart des gens qui sont
assis à cette table ont travaillé au niveau de la baie de
Sept-Îles pour tenter de voir de quelle façon diversifier cela. On
transborde actuellement du charbon dans la baie de Sept-Îles. Cela ne
donne pas des emplois dans la région, ça sort des bateaux, ce
sont des "self unloaders", des bateaux qui se déchargent et se chargent
en plein centre de la baie. Le transporteur en question, qui couvre la
région, c'est Canada Steamship Lines. Canada Steamship Lines est
intéressée à la région parce qu'il y a
déjà une grosse demande; le trafic engendre le trafic. Quand le
trafic baisse, le mouvement inverse se fait: une baisse de trafic engendre une
baisse de trafic. Il est évident que, pour des céréaliers,
c'est intéressant d'aller à Port-Cartier où il y a des
élévateurs à grain, parce qu'ils reviennent chargés
de minerai. La journée où ils ne reviendront pas chargés
de minerai, ces gens vont aller ailleurs. Cela peut prendre un an, deux ans ou
cinq ans, mais ça va être inévitable, ils vont aller vers
un autre port où ils vont pouvoir faire le voyage pleins aller et
retour; c'est économique.
M. Paradis: Je remarque, à la page introductive de votre
mémoire, que le Regroupement socio-économique de Port-Cartier,
Gagnon et Sept-Îles est composé de la Chambre de commerce de
Port-Cartier, du Comité de citoyens de Port-Cartier, d'Action Gagnon, de
l'Association des hommes d'affaires de Gagnon, de la ville de Sept-Îles,
de la Chambre de commerce de Sept-Îles, du Comité d'adaptation
communautaire, de la Corporation de promotion industrielle de Sept-Îles
et de la Chambre de commerce de la régionale de Manicouagan.
Depuis combien d'années ce comité est-il en fonction?
M. Gaudette: De tous ces regroupements?
M. Paradis: Oui.
M. Gaudette: Depuis douze ou treize jours, depuis le moment
où on a été avisés que ces intervenants
étaient tous ensemble et devaient remettre un mémoire unique,
alors que la plupart s'attendaient à avoir chacun l'occasion de remettre
son mémoire. Là, on a dit: On met tout ça ensemble, c'est
un "melting pot" et on remet un mémoire.
M. Paradis: C'est ce qu'on appelle de la concertation.
M. Gaudette: Douze jours. M. Paradis: Maintenant...
M. Gaudette: Je dois ajouter, par ailleurs, que c'est quand
même un travail qui s'est fait avec beaucoup
d'homogénéité parce que la plupart des membres de ces
groupes socio-économiques travaillent dans différents
comités et différentes organisations depuis le début des
mauvais jours, soit 1979 et 1980.
M. Paradis: Vous avez entendu les remarques du ministre,
lorsqu'il s'adressait aux travailleurs. Il a parlé de la formation d'un
comité qu'il mettrait sur pied dans les prochains jours. Est-ce que
votre groupement si le ministre voulait bien l'inviter possède les
ressources humaines et autres nécessaires pour participer à un
tel "task force"?
M. Gaudette: Je vous assure que du bénévolat on en
fait; si ça nous est offert, on va sauter dessus à pieds joints
et je vous garantis qu'on va trouver le temps.
M. Paradis: D'accord. J'aurais une dernière question et je
vais l'adresser au ministre directement. Elle suit celle que je
viens de poser. Étant donné le caractère qui me
semble très représentatif de votre regroupement, pour que la
population locale soit impliquée - parce que j'ai compris que le
ministère serait impliqué, j'ai compris que la direction de
SIDBEC-Normines serait impliquée, j'ai également compris que les
travailleurs seraient impliqués dans votre communauté... Mais on
a entendu, ce soir, des répercussions qui sont plus vastes que ces trois
partenaires. Votre groupement qui est devant nous pourrait être
complété dans votre milieu, s'il y a d'autres intervenants qui
veulent s'y joindre, question que vous suiviez le dossier de très
près. À ce moment-là, M. le ministre, est-ce que vous
accepteriez d'inviter les représentants socio-économiques - comme
je les appelle - de la région à participer à votre "task
force"?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: Je vais en profiter en même temps pour intervenir
sur le fond du mémoire et répondre à la question du
député de Brome-Missisquoi.
D'abord, je remercie les représentants qui sont ici, ce soir, de
leur patience au cours de ces deux dernières journées. Je veux
vous dire que je comprends la nervosité qui anime les gens là-bas
comme, d'ailleurs, ceux de la région de Contrecoeur. Je comprends qu'il
y a énormément d'émotivité dans l'air. (23 h
45)
Jusqu'à maintenant, j'ai toujours tenu la même position,
à savoir que le gouvernement n'avait pas arrêté de
décision, mais qu'il y avait des scénarios qui étaient
émis de part et d'autre, en particulier par le conseil d'administration
de SIDBEC. Il est sûr que c'est devenu plus incertain ou c'est devenu
beaucoup plus émotif ou volatile depuis les deux derniers mois ou
quelque chose comme cela, au fur et à mesure qu'on apprend que SIDBEC
s'en va allègrement vers un déficit de 150 000 000 $ cette
année. Tant et aussi longtemps que le gouvernement avait assez d'argent
qu'il pouvait percevoir dans les poches des citoyens pour payer le
déficit de SIDBEC, personne n'en parlait; mais quand même le
scénario était toujours là.
La question fondamentale à laquelle je n'ai pas encore
apporté de réponse, mais que j'ai eue aussitôt que je suis
arrivé au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme au
mois de mai 1981... Je me souviens d'avoir écrit à M. De Coster,
le président de SIDBEC, lorsque, après une première
rencontre, il m'a fait part de tous les problèmes de financement de
SIDBEC; et on n'était pas encore dans la crise économique. M. De
Coster nous disait dans ses plans de redressement dont j'ai pris connaissance:
Voulez-vous s'il vous plaît de toute urgence nous délester du
fardeau que constitue SIDBEC-Normines? Faites ce que vous voulez avec,
faites-le fonctionner, vendez-le, fermez-le, faites ce que vous voulez; mais
c'est un fardeau pour nous, qu'on ne peut plus assumer nous autres, SIDBEC,
comme entreprise manufacturière et producteur sidérurgique.
Personne n'en a parlé à l'époque. Cela n'a pas
créé d'incertitude et d'inquiétude chez vous.
Peut-être que vous auriez aimé que je vous dise: C'est cela. Je
pense qu'il fallait que j'agisse en toute responsabilité, demander des
chiffres, essayer d'analyser des marchés. Bien sûr, le
marché a évolué depuis ce temps dans la mauvaise
direction. Mais ce qui a créé véritablement l'incertitude
et l'inquiétude, c'est que les déficits de 150 000 000 $ de
SIDBEC sont devenus connus au milieu de l'été et tout le monde
à travers le Québec nous disait: Qu'est-ce que vous allez faire
pour pallier à cela? On ne peut pas prendre plus d'argent ailleurs. Il
faut couper d'autres programmes d'aide sociale, d'aide aux PME ou tout
cela.
Quand on songe que dans tous les programmes d'aide aux entreprises
québécoises réunies, petites, moyennes et grandes, que
j'administre en tant que ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
cette année, je donnerai un maximum de 100 000 000 $ dans toutes les
entreprises réunies, je n'ai certainement pas le moyen de donner 150 000
000 $ à une seule entreprise. Il faut que je coupe toutes les
entreprises réunies qui coupent des dizaines, des centaines et des
milliers d'emplois. C'est là que c'est devenu émotif, bien
sûr, parce que c'est devenu public; les gens en sont venus à
s'inquiéter, à se poser des questions et à dire: Qu'est-ce
que vous faites pour corriger cela? Qu'est-ce qu'on fait pour corriger cela? On
a dit: On a plusieurs scénarios sur la table, dont l'un est
recommandé par le conseil d'administration de SIDBEC, c'est de dire: II
faut aussi envisager éventuellement la fermeture de SIDBEC-Normines si
on ne trouve personne qui veut plonger dedans et acheter cela à notre
place.
Cela m'amène justement à dire, si on ne trouve pas
personne qui veut plonger dedans... Dans votre mémoire, vous avez
parlé des grands de l'acier. À l'heure actuelle, les grands de
l'acier, les géants de l'acier, des dix plus importants producteurs de
minerai de l'Amérique du Nord, du Canada et des États-Unis, 90%
de leur capacité de production est actuellement arrêtée. Ce
n'est pas fermé définitivement, mais arrêté. Cela
veut dire que dans le domaine de l'acier, du minerai, c'est très
difficile, non seulement en Amérique du Nord, mais à travers tout
le monde; et d'ailleurs M. Astier nous a parlé là-dessus, de son
inquiétude vis-à-vis de la reprise: 85%
pour les produits manufacturiers, 90% pour les minerais et
peut-être après pour les boulettes. Cela peut être avant ou
après, mais on ne prévoit pas, à court terme, en tout cas,
voir une reprise importante du marché des boulettes et en particulier,
de ce qu'on fait là-bas.
Alors, quand vous nous dites, et je vous comprends: "Nos gérants
de banque sont inquiets et c'est payable sur livraison", les gérants de
banque s'inquiètent bien sûr, ils voient le déficit de 150
000 000 $ de SIDBEC et ils disent: Qu'est-ce qui arrivera? Il doit y avoir des
scénarios quelque part et je pense qu'on ne peut pas garder cela secret.
Quand n'importe quelle entreprise devient aussi déficitaire, cela
deviendra public quelque part. Bien sûr, vous nous dites: II faut avoir
foi. Il faut avoir foi, mais il faut aussi trouver des solutions et c'est cela
dans le fond qui crée de l'inquiétude et de la nervosité.
Quant à moi, je vous assure que là-dessus, je comprends la
réaction des gens, mais la vérité toute franche est
là et on est obligé de vivre avec. D'autant plus que le
marché des boulettes, en tout cas à court terme, n'est pas bon;
à moyen terme, il n'est pas bon; à plus long terme, il peut
devenir bon. Ce qui confirme un peu d'ailleurs notre vue, notre vision du
marché, c'est que Iron Ore, en annonçant la fermeture de sa mine
de Schefferville - j'ai vu cela quelque part dans les journaux - avait un
partenaire à Labrador City qui détenait 7% des actions d'Iron Ore
et qui demandait, il y a un an et demi ou deux ans, 30 000 000 $ pour vendre
ses 7% à un autre; cette année il serait prêt à le
donner pour zéro. Il ne prévoit pas que ce sera bon au cours des
prochaines années. Dans le fond, nous ne sommes pas seuls, ce ne sont
pas juste les spécialistes de SIDBEC, ce sont aussi d'autres
spécialistes dans le monde qui disent: C'est difficile, et on ne voit
pas trop l'heure de passer au travers. Ceci dit, il faut essayer dans tous ces
scénarios d'en trouver. Le Syndicat des métallos nous a
suggéré cet après-midi de produire à 3 000 000 de
tonnes. Cela a l'avantage d'employer juste une ligne de production au lieu de
deux, de diminuer les coûts de fonctionnement partout. Cela nous force
à renégocier avec nos partenaires et les bailleurs de fonds,
à faire une nouvelle négociation, à faire en sorte que
cela coûte le meilleur marché possible le minerai de fer rendu
à Port-Cartier. D'ailleurs, vous le dites vous-mêmes et tout le
monde l'a reconnu: la qualité des boulettes, la productivité de
l'usine de boulettage, c'est excellent. Bien sûr, il y a toujours de
l'amélioration à apporter, mais c'est excellent. C'est une
suggestion dans le milieu, de dire: On va peut-être plier un peu le dos
et on va attendre que l'orage passe; lorsque l'orage sera passé, si la
conjoncture reprend dans trois ans, cinq ans ou huit ans, au moins les usines
seront là, seront toujours en production; il s'agira de virer un petit
peu la clé, d'engager d'autres gens et d'extraire plus de minerai. En
attendant, on n'a pas perdu des sommes d'argent astronomiques. On est face
à cette question.
Je veux vous apporter aussi des commentaires sur vos remarques de la
fin. Si on a pris tous les moyens pour vendre à meilleur coût,
bien sûr, c'est constant. On essaie de produire au meilleur marché
possible et vendre au plus cher possible, mais quand le marché n'y est
pas, le marché n'y est pas. Rechercher sérieusement un partenaire
intéressé dans un garantie d'approvisionnement, c'est lui dire
qu'il doit s'engager, qu'il doit remplacer SIDBEC. De ce temps-là, il
n'y en a aucun. On a fait des efforts énormes pour commercialiser, mais
encore une fois, c'est toujours la même chose. Nous devons toujours faire
face à l'augmentation de pénétration du marché. M.
De Coster nous a dit hier qu'à ce point de vue, c'était à
peu près la meilleure firme au monde qui fait la commercialisation pour
SIDBEC International. Bien sûr, on pourra peut-être y apporter
certains griefs ou autrement, mais il reste quand même qu'il y a une
firme compétente de ce côté qui a de la difficulté
à vendre tous les produits fabriqués par SIDBEC.
Quant aux démarches de renégociation, j'ai dit et je
répète que cela ne donnait rien de négocier avant de
savoir exactement ce qu'on décidait. Dans ce sens, lorsque la
décision sera prise, s'il y a une décision qui n'implique pas de
négociation, il n'y a rien à faire. S'il y a une décision
qui implique des négociations, il y aura des choses de faites. La
négociation de conventions collectives pour les travailleurs, sauf cet
après-midi où on a eu une ouverture franche et honnête de
la part des métallos, jusqu'à maintenant, il n'y pas eu de
négociation pour dire aux travailleurs: Vous allez diminuer vos
salaires. Encore là, SIDBEC et SIDBEC-Normines réunies paient 150
000 000 $ en salaires, tout cela ensemble par année. On fait 150 000 000
$ de déficit. Cela veut dire que même si les travailleurs
travaillaient pour absolument rien, aucun salaire, on ne ferait pas encore
d'argent avec. Là, on n'en perdrait plus. On ne peut pas demander aux
travailleurs d'avoir une diminution de 100% de leur salaire. Dans le fond, le
problème est beaucoup plus profond que juste une diminution de salaire,
même si une diminution de salaire, c'est important.
Une formule de participation pour les travailleurs. La première
rencontre que j'ai eue avec les représentants des travailleurs de
SIDBEC, aussitôt que j'ai été nommé ministre ou un
mois ou deux après, je leur ai offert - le député de
Verchères était avec nous - une présence au sein du
conseil
d'administration de SIDBEC. À l'époque, les
représentants des métallos ont dit: Nous vous remercions de votre
offre, laissez-la sur la table, nous ne sommes pas prêts à
l'accepter. Il y a un cheminement qu'il faut faire nous aussi. On s'en vient
dans une négociation de convention collective. Ce ne serait
peut-être pas bon qu'il y ait dans le moment présent des
travailleurs au sein du conseil d'administration. Donc, il y a eu une offre de
la part du ministre responsable vis-à-vis des travailleurs d'une
participation aux décisions jusqu'au conseil d'administration. Mais pour
des raisons que j'ai comprises, les travailleurs ont décidé
d'attendre pour accepter mon offre. Aujourd'hui, dans le mémoire des
métallos, il y a une réponse très honnête,
très franche et très directe à l'offre que j'avais faite
il y a déjà au-delà d'un an aux représentants des
travailleurs.
Vous avez posé une question qui est intéressante:
Avez-vous pensé à des formules de participation au
capital-actions pour les Québécois avec incitatifs fiscaux
adéquats? Je dois dire que non, je n'y ai pas pensé. J'aimerais
bien que vous me disiez, à propos des incitatifs fiscaux
adéquats, ce à quoi vous pensez. Il y a déjà un
régime d'épargne-actions qui existe au Québec. Je pense
que c'est un incitatif fiscal. Faut-il donner beaucoup plus et que cela
devienne finalement un cadeau pur et simple d'actions de SIDBEC? Je ne pense
pas que vous vouliez aller jusque-là. Il y a déjà un
régime d'épargne-actions; cela voudrait dire que, si on pouvait
coter SIDBEC de quelque façon, il y a peut-être des gens parmi
vous autres qui seraient intéressés. J'aimerais cela que vous me
disiez quels sont vos incitatifs fiscaux adéquats? Vous,
personnellement, pensez-vous qu'il y a une chance raisonnable que des gens de
votre région, en dehors des travailleurs parce que cet après-midi
ils ont eu énormément d'ouvertures de ce côté,
puissent dire oui à cela?
Les quatre dernières recommandations, je voudrais les passer
rapidement. Calme et intelligence à l'analyse du dossier. Je pense que
depuis un an et demi qu'on étudie le dossier, si cela n'est pas avec
calme... On s'est même fait blâmer par nos amis de l'Opposition,
que cela avait pris trop de temps. Justement, c'étaient des
décisions difficiles; il fallait véritablement être
responsables jusqu'au bout et demander toutes les informations
nécessaires. Oui, véritablement, cela a été
très sérieux l'analyse du dossier, avec énormément
de calme et de modération.
Votre allusion au sous-ministre. Lorsque j'ai vu votre mémoire,
j'en ai parié avec plusieurs de mes hauts fonctionnaires. Il y en a un
qui a trouvé la bonne réponse, il a dit: "Vous savez, M. le
ministre, habituellement les fonctionnaires sont toujours coupables et les
hommes politiques ne sont jamais coupables". C'est peut-être facile
d'attaquer un sous-ministre qui ne peut pas répondre en public ou des
hauts fonctionnaires, mais à nos amis de l'Opposition, je rappelle
qu'à la dernière élection du 13 avril 1981 il y a eu deux
sous-ministres qui se sont essayés comme candidats libéraux et
ils ont été battus. Alors, je ne sais pas si cela a une incidence
quelconque, mais je prends votre allusion qu'on critique à peu
près toujours les fonctionnaires et les hauts fonctionnaires.
Bien sûr, on a examiné avec soin et prudence les
décisions à prendre. Quant à arrêter de traumatiser
la Côte-Nord, j'en reviens exactement à ce que je vous disais au
début que tant et aussi longtemps que le marché du fer ne sera
pas mieux dans le monde, il y a gens qui vont s'inquiéter pour ceux qui
produisent du fer et, tant et aussi longtemps qu'il y aura des pertes aussi
énormes à SIDBEC-Normines, il y a des gens qui vont
s'inquiéter en disant qu'un bon jour, les bailleurs de fonds et les
propriétaires vont mettre la clé dans la porte, que cela n'a pas
de bon sens de continuer avec des pertes comme celles-là. Cela repose la
vraie question du début: Qu'est-on capable de faire ensemble? On a eu
une offre, beaucoup d'ouvertures de la part des métallos aujourd'hui, de
la part de la municipalité de Contrecoeur, en disant: "Eh bien, nous
autres on a foi et on est capable de faire notre bout de chemin". Je pense que
c'est la question fondamentale, une fois que le gouvernement aura pris la
décision sur un scénario donné, ce que tout le monde
ensemble et collectivement fera. Cela n'est pas vrai que c'est le gouvernement
tout seul qui va tout faire. On n'est pas capable de tout faire. Les
contribuables du Québec n'ont pas non plus les moyens de tout faire.
Donc, c'est collectivement tous ceux intéressés dans le milieu,
les travailleurs, les dirigeants et tous ceux qui, tout près de SIDBEC,
en profitent ou vivent de SIDBEC.
Alors, je vous repose ma question concernant les "incitatifs" fiscaux,
le régime d'épargne-actions et je vous repose aussi la question
concernant la suggestion faite cet après-midi par les métallos:
Une production de 3 000 000 de tonnes, pensez-vous qu'on serait capable de
vivre avec cela de quelque façon que ce soit, en attendant? Pensez-vous
que c'est une proposition raisonnable? Comment verrait-on sur la
Côte-Nord la proposition qui a été faite de la part des
métallos en essayant de diminuer et de négocier avec nos
partenaires et les bailleurs de fonds au meilleur marché possible?
Quant à la question du député de Brome-Missisquoi,
j'ai fait l'offre cet après-midi aux métallos parce qu'il y a eu
vraiment une ouverture des gens qui voulaient s'impliquer. Les gars disent:
"Nous autres, nous sommes prêts à mettre de l'argent
là-dedans". De ce côté, ils sont
véritablement les premiers partenaires et je pense qu'ils vivent
assez près de chez vous pour qu'ils puissent vous informer
considérablement. C'est directement entre les travailleurs et les
dirigeants de SIDBEC, qui vivent quotidiennement ensemble. Je pense qu'il faut
faire un effort pour d'abord analyser le scénario global et complet qui
a été présenté par les métallos. Au fur et
à mesure de l'évolution du dossier, la population sera
informée; même si je vous disais que vous ne serez pas
informés, vous savez qu'aussitôt qu'il y a deux personnes qui
connaissent quelque chose dans le gouvernement c'est rendu public. Or, il
s'agit maintenant de faire en sorte que tous les principaux
intéressés du milieu puissent être informés et nous
dire continuellement ce qu'ils en pensent. D'ailleurs, je pense, M. le
député de Brome-Missisquoi, que le fait que le gouvernement ait
décidé de convoquer cette commission parlementaire avant
même d'en arriver à une décision, c'est la preuve
évidente que la consultation, cela se fait d'une façon
sérieuse de la part du gouvernement. Je pense qu'on en a donné la
preuve, par la tenue de cette commission... (Minuit)
M. Paradis: Me permettez-vous une précision?
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Brome-Missisquoi.
M. Paradis: Je comprends votre point d'information et je partage
votre opinion, quand deux personnes le savent, cela se sait partout au
gouvernement, mais ce n'était pas dans un but strictement d'information,
c'était dans un but de participation, cela est différent de
l'information. Je suis convaincu que les employeurs, comme les travailleurs
concernés, ont des approches au dossier, je suis convaincu qu'ils ont
des intérêts cruciaux dans ledit dossier. Mais je suis
également convaincu qu'au niveau de la participation, le milieu
socio-économique, parce que si - il faut en croire les
représentations de ces gens - on ferme Normines, c'est toute la
région qu'on ferme, ils sont intéressés au même
titre, à titre d'employeurs dans certains cas, à titre
d'employés dans certains cas et, dans certains autres cas, à
titre d'employés déjà congédiés.
M. Biron: Ce que j'ai offert cet après-midi, dans le fond,
aux métallos, à la suite de leurs propositions globales, à
la fois sur le côté minier et sur l'aspect manufacturier, c'est de
les chiffrer le plus rapidement possible. Or, je pense que la proposition
venait en deux, c'est normal qu'eux soient là pour qu'on puisse ensemble
les chiffrer le plus rapidement possible et dire: Cela donne quoi finalement?
C'est qu'eux-mêmes l'ont reconnu, ils ont dit: On avait des chiffres de
base, mais on n'avait vraiment pas tous les chiffres, cela serait
intéressant de voir s'il n'y a pas des points où on a
erré, où on n'est pas allé assez loin ou trop loin. Or,
c'est dans ce sens, d'abord, avec eux, je pense bien, pour leur donner toute
l'aide technique et répondre à leurs questions et chiffrer
rapidement l'offre, le scénario global présenté par les
métallos. Au moins, on aura une alternative globale en réponse
à l'alternative globale qui nous est présentée par
SIDBEC.
M. Paradis: Si vous me permettez seulement une autre remarque, M.
le ministre, votre alternative va être globale en ce qu'elle concerne
SIDBEC-Normines et les métallos, cela va être global. Mais, en ce
qui concerne les propriétaires de commerces, en ce qui concerne les
travailleurs qui travaillent dans ces commerces ou toutes les entreprises
dépendantes, je pense que vous êtes conscient, après avoir
passé deux jours en commission parlementaire, que s'il fallait qu'il y
ait une décision dans le sens de fermer Normines, cela affecte tous ces
gens. Si cet aspect du dossier n'est pas à la table, n'est pas pris en
considération au moment où vous arrivez à adopter un des
scénarios proposés ou tout autre scénario qui sera
développé, il peut y avoir une espèce de vide et je ne
peux pas voir quel élément négatif un groupement comme
cela pourrait apporter à cette table.
M. Biron: Je pense que déjà les gens sont
informés constamment et quotidiennement. Quand on parle de villes
minières comme Fermont, Gagnon, Port-Cartier, Sept-Îles ou
Schefferville, tout le monde vit ensemble et je pense qu'il n'y a pas de
travailleur de SIDBEC-Normines ou de Québec Cartier ou Iron Ore qui ne
vive pas côte à côte avec des gens. Je pense que,
première chose, pour être efficace et rapide, on va essayer de
chiffrer le scénario global qui a été
présenté cet après-midi par les métallos, il faut
aller le plus rapidement possible pour chiffrer celui-ci et les gens vont au
moins savoir si c'est réalisable ou pas.
M. Paradis: J'aimerais savoir ce qu'ils en pensent, eux autres,
de ne pas participer.
M. Biron: Je pense que j'avais deux questions que je vous avais
posées: les incitatifs fiscaux et la suggestion des métallos.
M. Gauthier (André): En fait, il y a cinq points que vous
avez soulevés. D'abord, je tiens à vous faire remarquer, au
niveau de la pénétration du marché, qu'on ne connaît
pas cela particulièrement, mais je pense que
l'on ne peut pas faire autrement que sourire quand on mentionnne SIDBEC
International. SIDBEC International vend de l'acier et, nous autres, ce qui
nous intéresse localement, c'est Normines; elle, ce sont des boulettes.
Ce n'est pas la même chose.
M. Biron: Je voudrais seulement vous corriger, SIDBEC
International vend des boulettes.
M. Gauthier (André): Oui, elle vend des boulettes, mais
elle vend aussi de l'acier. De toute façon, si elle vend des boulettes,
à ce jour, elle n'a pas dû faire un bon travail, parce que des
boulettes, il y en a pas mal.
M. Biron: Voulez-vous...
M. Gauthier (André): Attendez un instant, je vais
seulement terminer.
M. Biron: Voulez-vous que je vous vende quelques tonnes de
boulettes pour mettre dans votre salon?
M. Gauthier (André): Quand on disait de scinder Normines
et SIDBEC, c'est un peu cela qu'on voulait, il n'y a pas de miracle
là-dedans. Si on regarde l'expérience vécue par Iron Ore,
Québec Cartier Mining, Wabush Mines, on se rend compte que ces
entreprises, malgré le fait qu'elles se sont associées avec des
aciéries, ont du marketing et en vendent. Iron Ore a baissé sa
production, a fermé Schefferville, mais c'est encore ouvert à
Labrador City, il se fait encore des boulettes et il se vend encore des
boulettes. Il y a peut-être de la difficulté à en vendre
mais c'est à cause du marché. Mais Iron Ore est installée
là et cet endroit est "gras dur", à la minute que cela va
reprendre parce qu'il y a déjà un système de marketing en
place.
Vous savez, scinder Normines de SIDBEC, pour employer une image, nous
pensons que Normines, c'est un enfant sain et fort, mais sa mère, on l'a
mise au bien-être social. Bon! II faut que cet enfant, quelqu'un
l'adopte. Nous voulons que Normines reste la propriété des
Québécois. On ne veut pas retourner aux années 1954
à 1960. On veut que cela reste la propriété des
Québécois. Mais il faudrait qu'une société
d'État ou un ministère s'embarque, un ministère qui croit
à Normines s'embarque et pilote cela. On ne vendra pas 6 000 000 de
tonnes demain matin, c'est bien évident. Mais si on commence tout de
suite à s'occuper du marketing, quand la reprise va se faire, il y avait
les experts tantôt de Gagnon et de Fermont qui parlaient dans un secteur
d'une reprise possible en 1985, et on a remis l'infrastructure en place.
C'est vrai qu'il y a bien des choses qui se savent sur la
Côte-Nord. Je peux vous en dire une qu'on sait sur la Côte-Nord. On
a parlé de réouverture de contrats, on en a parlé toute la
journée. Il y a des gens qui sont à Port-Cartier, qui y sont
déjà depuis un bon bout de temps, qui s'appellent Québec
Cartier Mining, qui doivent rire dans leur barbe et vous attendre de pied
ferme. Tout le monde sait que Québec Cartier Mining rêve d'une
chose, fermer Fire Lake et aller s'approvisionner au mont Right,
renégocier des contrats. Quand on écoutait les gens parler, tous
ceux ici autour de la table, on revoyait toujours le scénario,
Québec Cartier Mining va réussir à les avoir dans le
détour, va fermer Gagnon, Fermont va rester ouvert et Québec
Cartier Mining va se sortir du trou.
Les incitatifs fiscaux. On est des gens de bon sens. Quand on est
tombé dans le problème de l'usine ITT, on a rencontré le
premier ministre Lévesque. On lui a soumis un plan de financement de
cette usine par des incitatifs fiscaux. Dans le cas d'ITT, c'est évident
que ce n'était pas tellement attrayant, l'incitatif fiscal, le
déboursé de l'investisseur. Il devait y avoir un retour fiscal
supérieur à son déboursé, car qui va acheter des
actions de l'usine ITT à cause de l'image qu'on a créée
pour y inciter les gens?
Pour cela, on a utilisé notre imagination. Si cela prend cela,
faisons-le. S'il faut modifier des règlements d'interprétation au
niveau de l'impôt, faisons-le. Mais il faut qu'il y ait un incitatif
fiscal et rappelez-vous une chose, la journée où il n'y a plus de
travailleurs à Normines, il n'y a plus d'impôts qui se paient au
gouvernement. La portion d'impôts qui serait retournée dans un
abri fiscal, finalement, ce n'est pas de l'argent que vous perdez. C'est de
l'argent que vous n'aurez pas si vous fermez Normines. Il n'y a pas de recette,
mais vous pouvez demander à M. Lévesque, M. Lévesque a en
main notre plan. Il avait été très
intéressé. On avait fait des approches au gouvernement
fédéral, qui s'était aussi montré très
intéressé, pour être bien certain que cela pouvait se
balancer des deux côtés.
Vous parlez de 3 000 000 de tonnes, de 3 300 000 tonnes plutôt que
de 6 000 000. On n'est pas des experts. Avec du bon sens, on peut en faire un
bout mais à un moment donné, cela prend des chiffres à
côté. On a entendu tantôt M. Miller parler de Gagnon et
Fermont. Il arrivait avec une option d'une production supérieure
à 3 300 000 tonnes. Je pense que cela vaut la peine de l'examiner
attentivement. Je pense que cela vaut la peine de l'étudier
complètement. Si elle s'avérait bonne, tant mieux, mais si elle
ne s'avérait pas bonne, il faudrait regarder évidemment autre
chose. Mais je pense que cela vaut la peine de l'examiner. Je ne peux pas vous
dire qu'on va tout sacrifier comme
cela. De toute façon, on n'a pas les pouvoirs autour de la table,
de vous dire: Oui, ce n'est pas 3 300 000 tonnes, mettez-en 300 ou 400 à
pied à Gagnon. On ne peut pas faire cela, c'est bien évident.
Quant à la participation du milieu, il y a des syndicats chez
nous. C'est fortement syndicalisé, mais il y a des élus, il y a
des corps municipaux. Vous avez vu le maire de Gagnon, vous avez vu le maire de
Port-Cartier. Ce sont des gens qui représentent des gens. Il y a les
chambres de commerce, qui sont des gens qui représentent d'autres gens.
Quand on joue notre avenir, on aime bien voir "game" en personne, ne pas la
regarder à la télévision. Si on doit vous donner notre
avis, on aimerait bien avoir des billets pour regarder la partie se jouer.
M. Biron: M. le Président, un seul commentaire. Je ne
voudrais pas qu'on parte avec le dossier de M. Miller en disant, parce que lui
a dit qu'il y aura un marché en 1985: C'est extraordinaire, cela part!
Jusqu'à ce jour, il est le seul à parler de marché en
1985. Tous les autres qu'on a pu consulter nous mettent cela beaucoup plus
loin. Ce n'est pas être pessimiste pour rien; c'est essayer d'être
réaliste avec ce qu'on a. Il y a des efforts énormes qui ont
été faits du côté de SIDBEC, de SIDBEC-Normines et
de SIDBEC International pour conquérir le marché; on a beaucoup
de difficulté à l'heure actuelle, parce que tout simplement le
marché n'existe pas.
Encore une fois, je vous remercie de votre présentation. Veuillez
croire qu'on va essayer de prendre la meilleure décision possible, une
fois qu'on aura tout en main et qu'on aura eu le temps de digérer un peu
tout ce qui nous a été présenté hier et
aujourd'hui.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, des fois j'ai l'impression
qu'on participe à un dialogue de sourds. Ces gens sont venus et vous ont
vraiment parlé de leurs tripes. J'essaie de m'imaginer ou de me mettre
dans leur position et de voir tout leur passé et leur avenir qui s'en
va, toute une ville qui va disparaître, tout, non seulement les espoirs,
mais les efforts et les sacrifices qu'ils vous ont décrits d'une
façon tellement éloquente, ici ce soir, que franchement personne
ne pouvait ne pas réagir. Cela ne sert à rien de commencer
à leur compter des chiffres, 3,3, 4,5, et la compagnie là-bas qui
voulait vendre en 1980 pour 30 000 000 $ et qui aujourd'hui ne veut pas vendre.
Cela c'est un autre problème. Mais même si vous voulez parler de
chiffres, des chiffres de fermeture et d'ouverture de la mine, parlons donc des
chiffres positifs qui permettraient une lueur d'espoir. On dit que la raison de
l'insécurité, c'est qu'on a perdu 50 000 000 $. Je pense que ce
soir, vous ne leur avez pas donné une lueur d'espoir. Du tout!
J'espère que les banquiers ne liront pas le journal des Débats de
ce soir, je crois qu'ils vont être encore plus inquiets qu'ils ne
l'étaient avant la commission parlementaire.
Vous avez mentionné, c'est vrai, que M. De Coster, dans ses
mémoires, voulait se départir de SIDBEC-Normines. Mais vous avez
oublié de dire qu'hier M. De Coster, personnellement, sa recommandation,
ce n'était pas de fermer SIDBEC-Normines; c'est important aussi de le
dire. Avec toutes les informations que vous avez, je ne vous demande pas de
prendre un engagement, mais au moins d'ouvrir la possibilité
d'écarter la fermeture de SIDBEC-Normines. Cela me dépasse
complètement. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est tard et que cela
fait deux jours qu'on dort quatre heures par nuit et qu'on se réveille
de bonne heure, mais cela me dépasse complètement. Vous avez des
représentations, des groupes qui sont devant nous, il y en a eu un autre
groupe avant, vous avez les chiffres, et vous n'êtes pas capables de
donner une lueur d'espoir et de dire: Écoutez... British Steel, à
part cela, vous a dit: On ne veut pas fermer. J'espère que je me trompe,
vous donnez l'impression que vous vous dirigez vers une fermeture. Si je prends
les déclarations du ministre des Finances, hier matin, il était
catégorique, radical et statique, il ne voulait rien faire, et si je
prends l'approche que vous prenez ce soir, c'est décourageant. Face aux
représentations qu'ils vous ont faites, vous voulez parler de chiffres,
même les chiffres de votre propre comité
interministériel...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Châteauguay sur une question de règlement.
M. Dussault: M. le Président, vous savez, le discours que
vient de commencer M. le député de Mont-Royal pourrait durer
jusqu'à 3 heures ce matin. Ce n'est pas la raison pour laquelle on est
ici. On a entendu le groupe, il avait un excellent mémoire, lequel va
faire réfléchir les membres de la commission, et va faire
réfléchir le gouvernement sans doute aussi. Maintenant qu'on a
fait notre travail auprès de ce groupe, je pense qu'on devrait leur
permettre d'aller dormir. À minuit et quinze minutes on devrait entendre
le groupe suivant à qui on aura aussi des questions à poser. Ces
gens qui nous attendent sont là depuis plusieurs heures aussi.
M. le Président, je voudrais que vous appliquiez les
règles habituelles de la commission afin que notre travail continue. Si
M. le député de Mont-Royal veut faire des remarques, il trouvera
sans doute une
autre occasion pour faire cela à un moment donné.
(0 h 15)
M. Ciaccia: Si le député de Châteauguay veut
aller dormir, libre à lui d'aller se coucher! Si vous voulez aller
dormir, allez-y! Je pense que l'avenir de ces gens-là est un peu trop
important pour dire qu'on va aller se coucher.
M. Dussault: Question de règlement, M. le
Président. C'est de la démagogie que fait le député
de Mont-Royal. J'ai le droit, à cette commission-ci, de faire appliquer
le règlement. Ce que je vous demande, M. le Président, c'est
qu'on évite les grands discours de M. le député de
Mont-Royal pour pouvoir remercier les gens qui sont venus nous présenter
un mémoire - qui l'ont très bien fait - afin qu'on puisse passer
au suivant parce qu'il est minuit et quart, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Avant toute chose, M.
Ménard avait demandé la parole, et M. Gaudette.
M. Gaudette: Je pourrais charger M. Ménard de vous
remercier.
M. Ménard: Je serai très bref, M. Ciaccia.
M. Ciaccia: Je ne veux pas vous enlever le droit de parole, je
voulais vous poser une question. Je n'avais pas terminé. Ne vous laissez
pas intimider, nous allons continuer.
M. Ménard: Non, non.
M. Ciaccia: J'avais une question à poser. Si on veut
appliquer le règlement, comme je n'avais pas épuisé mon
droit de parole, je pourrais parler pendant vingt minutes, mais ce n'est pas ce
que je veux faire. La raison de mon intervention, avant cette interruption,
était de porter à l'attention du ministre certains faits et lui
demander, à la lumière des représentations -cela fait deux
jours qu'on entend des chiffres, des statistiques, des mémoires, des
prévisions, des précisions - s'il peut donner un peu plus
d'espoir qu'il ne l'a fait en ce qui concerne Normines.
Je comprends les problèmes et je ne vous suggère pas de
continuer à perdre 150 000 000 $ par année. Je sais qu'il y a des
problèmes à SIDBEC, mais vous avez des chiffres qui ne sont pas
contestés. Est-ce que vous pourriez donner une petite lueur d'espoir, au
moins, en essayant d'écarter la fermeture de Normines? C'est strictement
ce que je demande.
M. Charbonneau: Je ne sais pas combien de fois le ministre a
répondu à cette question.
Le Président (M. Desbiens) À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Charbonneau: C'est facile de donner l'impression qu'on n'y a
pas répondu.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: Bon Dieu!
Le Président (M. Desbiens): Le ministre a demandé
la parole.
M. Biron: Je vais répéter pour - je ne sais pas
combien - peut-être la centième fois que la décision du
gouvernement n'est pas prise. Je pourrais, moi aussi, faire de la basse
politique et créer de l'espoir chez tout le monde. Jusqu'à
maintenant, depuis que je suis en politique, j'ai été
honnête avec tout le monde et je tiens encore à l'être
à la fois avec les gens de la Côte-Nord comme avec les gens de
Contrecoeur. Je dis que la décision n'est pas prise et ce sera
après étude et analyse, après avoir laissé
décanter tout ce qu'on a entendu et, en particulier, après avoir
tenu compte du scénario responsable, comme je l'ai qualifié cet
après-midi, présenté par les Métallurgistes unis
d'Amérique, les métallos du Québec, une fois qu'on aura
tous ces chiffres en main, je serai prêt à faire une
recommandation au gouvernement. Pour le moment, c'est le statu quo, il n'y a
aucune décision de prise. Je n'ai pas l'intention de prendre une
décision tout de suite, ni de faire de la politique partisane, ni de
créer de l'espoir ou du désespoir, je veux simplement être
franc, honnête et direct, dire la vérité et dire ce que je
pense à tout le monde. La décision n'est pas prise; lorsque les
études seront terminées, la décision se prendra.
Le Président (M. Desbiens): M. Ménard.
M. Ménard: M. le Président, M. le ministre, je
serai très bref, je ne voudrais que faire quelques mises au point. Je ne
veux pas aller dans les chiffres, je ne veux pas faire un discours de chiffres,
mais j'aimerais attirer l'attention de la commission sur la situation mondiale
dans le marché du fer. Je ne me déclare pas spécialiste
comme M. Astier; c'est sûr que le marché des boulettes est
saturé dans le monde, mais le marché des concentrés est
encore ouvert, le marché "direct shipping" ou de sinter est encore
très bon.
Je voudrais souligner aussi que les gros développements miniers
dans le monde sont au Brésil où CVRD produit à peu
près pour
40 000 000 $; il y a Carajas à l'heure actuelle, qui vient
d'emprunter 3 500 000 000 $ à la Banque mondiale et elle va emprunter
encore 3 000 000 000 $ dans les prochains mois, à des taux
d'intérêt assez élevés, pour développer un
projet à 600 km à l'intérieur du Brésil, une
production de 40 000 000 $ additionnels qui va lui coûter assez cher
aussi.
Vous avez aussi au Libéria, à l'heure actuelle, un projet
qui fonctionne à très gros régime, et un autre en
Guinée qui doit être développé assez prochainement
dans le secteur des concentrés. Il y a aussi Kodramuck en Inde, qui
commence à produire avec un plan de boulettes qui se bâtit un peu
partout à l'extérieur.
Juste pour amplifier, je devrais dire que nous, les gens de la
Côte-Nord, aimerions dire aux gens du Québec que nous avons
participé à la collectivité et à la
communauté en payant des taxes. Nous n'avons pas fait notre travail,
peut-être; nous avons dormi trop longtemps et nous sommes restés
assis sur notre derrière avec des projets grandioses et des mines
seulement pour ne pas diversifier notre économie. Nous sommes ici et
nous sommes très conscients de notre faiblesse. Nous voulons essayer de
combler cette faiblesse, mais, en même temps aussi, nous aimerions dire
aux gens du Québec qu'il y a de l'avenir dans les mines, il y a de
l'avenir dans la sidérurgie, il y a de l'avenir dans notre pays, mais il
faudrait être là le matin où cela va commencer. Si on
ferme, notre valeur courante va baisser et quand la reprise va se faire, on ne
sera plus là.
Nous, les gens de la Côte-Nord, avons du "home work" à
faire, nous avons du travail à faire chez nous et nous devons le faire.
Nous demandons au gouvernement du Québec de nous écouter, de nous
aider, de nous soutenir dans les moments difficiles pour que, quand les jours
meilleurs vont revenir, nous soyons assez matures pour pouvoir fonctionner.
C'est tout ce qu'on voulait dire.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Je pense...
Le Président (M. Desbiens): M.
Gaudette, avant.
M. Gaudette: Au nom du regroupement, je vous remercie infiniment
de nous avoir écoutés. Je voudrais vous faire remarquer que M.
Ménard est surintendant divisionnaire pour la compagnie minière
Québec Cartier à mont Wright.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: Oui, M. le Président. Je pense que M.
Ménard, le maire de la ville de Fermont, vient d'exprimer en partie ce
que j'allais dire avant de remercier les personnes qui ont cru bon venir ici se
présenter devant la commission. Je peux vous assurer, comme je l'ai fait
avec d'autres, que je maintiens toujours ma position sur la question de
SIDBEC-Normines. En 1971 - cela va peut-être répondre aux
questions de M. Routhier -je suis arrivé à Sept-Îles, sur
la Côte-Nord, dans le comté de Duplessis, avec l'intention de
repartir deux ou trois ans plus tard. Comme vous pouvez le constater,
après onze ans, je suis toujours sur la Côte-Nord et, moi non
plus, je n'ai pas l'intention de partir et de laisser partir des gens.
M. Routhier: Vous ne répondez pas, vous confirmez ce que
j'ai dit;
M. Perron: C'est cela. Merci tout le monde.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.
J'inviterais maintenant les représentants de la Chambre de
commerce de la province de Québec à s'approcher.
À l'ordre! En ce début de 12 novembre, voudriez-vous, M.
Langlois nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît!
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Langlois (Charles): Merci, M. le Président. Je suis
accompagné, ce soir, de M. Jean-Paul Létourneau,
vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province
de Québec, à ma droite; plus à droite, Pierre Lemieux,
économiste à la chambre; à ma gauche, Marcel Tardif,
directeur des affaires publiques à la Chambre de commerce de la province
de Québec.
J'aimerais vous dire que celui qui vous parle a été
élu, lundi soir, au terme du congrès de la Chambre de commerce de
la province de Québec, au poste de président. J'occupe aussi un
poste de cadre supérieur dans une des importantes entreprises de
camionnage de la province de Québec et il me plaît de vous dire
qu'avant cela, j'ai occupé, pendant six ans, un poste de cadre dans une
entreprise minière de la Côte-Nord qui dirige une usine de
boulettage à Pointe-Noire et qui a aussi des activités
minières au Labrador.
Je dois vous dire que les chiffres que j'ai entendus depuis hier me sont
familiers. Je me suis retrempé dans ce qu'étaient les
activités minières et dans le langage de l'acier. Je suis un
résident de Sept-Îles depuis 24 ans et, comme tous ceux que vous
avez entendus avant moi venant de la Côte-
Nord, je n'ai pas l'intention de déménager.
Pour aborder le problème de SIDBEC, qui a été
créée en 1964, je dois dire qu'elle a suscité de grands
espoirs qui ont, en grande majorité, été
déçus. Je devrais vous dire que je vais omettre plusieurs
passages du mémoire étant donné l'heure tardive; je vais
m'en tenir aux points plus spécifiques du but de notre
présentation et de la solution que nous proposons. La situation ne s'est
pas résorbée, il est donc temps de poser des questions
fondamentales et d'y apporter les réponses nécessaires. C'est ce
qu'ont tenté de faire les représentants de SIDBEC depuis hier. Le
conseil d'administration de SIDBEC a adopté une stratégie
d'entreprise dont il considère la mise en oeuvre essentielle au
redressement de l'entreprise et qu'il recommande fortement au gouvernement
d'entériner avec diligence. Faut-il insister?
La stratégie proposée comporte deux volets: le premier
volet consiste en une réorganisation de la structure, de la production
et du financement de SIDBEC. Le deuxième volet s'articule autour de la
privatisation de la société d'État. La chambre reprend
à son compte les mots des membres du conseil d'administration au cours
d'une assemblée tenue le 7 juin 1982, résolution qui, à
notre point de vue, passera à l'histoire car il est rare que les
administrateurs d'une société d'État admettent que la
privatisation constitue une solution désirable. Le texte de cette
résolution se lisait comme suit: "II est résolu de demander au
gouvernement du Québec que la direction de SIDBEC soit autorisée,
par mandat spécifique, à entamer des pourparlers relativement
à la vente de la totalité des actions de SIDBEC à
l'entreprise privée".
Le conseil d'administration de SIDBEC, nommé par le gouvernement,
est constitué de personnalités avantageusement connues dans le
monde des affaires et ayant une connaissance de première main des
difficultés inhérentes à la sidérurgie
québécoise. La Chambre de commerce du Québec croit que
leurs considérations et recommandations doivent servir de fondement au
débat sur l'avenir de SIDBEC et devront peser lourd dans les
recommandations de la présente commission parlementaire ainsi que dans
la décision du Conseil des ministres.
La Chambre de commerce du Québec, en se présentant devant
cette commission, n'entend pas reprendre l'analyse technique de la situation
actuelle de SIDBEC; il aurait été prétentieux, en moins de
deux semaines, de refaire la démarche effectuée par le conseil
d'administration de la société d'État. L'objectif de la
chambre est plutôt de replacer le problème de SIDBEC dans le cadre
général de l'économie du Québec et du rôle
que l'État doit y jouer.
En 1981, SIDBEC a réalisé une perte nette de 61 500 000 $.
Depuis sa fondation,
SIDBEC n'a malheureusement pas réalisé de profit
significatif, à part qu'en 1974. Des profits de 5 000 000 $,
réalisés en 1969, sont davantage attribuables à une
écriture comptable. Depuis 1977, les pertes annuelles de SIDBEC ont
augmenté à un taux annuel moyen de 21,4%. Au cours de ces cinq
années, les pertes cumulatives de SIDBEC se chiffrent à 223 200
000 $. Au 31 décembre 1981, le déficit accumulé de SIDBEC
atteignait 294 800 000 $. La direction de SIDBEC prévoit des pertes de
quelque 150 000 000 $ pour la seule année 1982. Depuis 1968, l'Etat a
investi dans SIDBEC quelque 616 000 000 $, soit la somme du capital-actions et
du surplus d'apport apparaissant au bilan au 31 décembre 1981. (0 h
30)
À la page 6. Investies dans un portefeuille diversifié,
ces sommes d'argent auraient pu obtenir un rendement comparable aux 10,6% de
croissance annuelle moyenne de l'indice du Toronto Stock Exchange 300 entre
1966 et 1981. Ainsi, les 616 000 000 $ confiés à SIDBEC au cours
des années constitueraient aujourd'hui un fonds de près de 1 000
000 000 $, soit plus précisément 965 000 000 $. Ces 965 000 000 $
représentent l'investissement des Québécois dans SIDBEC.
Si on suppose que la valeur actuelle de SIDBEC est de 321 000 000 $, soit
l'avoir net des actionnaires au 31 décembre 1981, il s'ensuit que les
Québécois sont aujourd'hui moins riches de 644 000 000 $ qu'ils
n'auraient été s'ils n'avaient pas investi dans SIDBEC. Autrement
dit, SIDBEC nous a coûté 644 000 000 $. Cette estimation de 644
000 000 $ est conservatrice, entre autres raisons parce que la valeur
réelle de SIDBEC est sans doute inférieure à la valeur aux
livres de l'avoir des actionnaires, soit 321 000 000 $.
Les problèmes de SIDBEC. Nous l'avons dit, notre intention n'est
pas d'étudier tous les problèmes particuliers de SIDBEC. Ce qui
nous importe, c'est leurs conséquences pour l'ensemble de
l'économie et des contribuables du Québec. J'aimerais omettre le
dernier paragraphe de la page 9, toute la page 10 et une partie de la page 11,
qui sont des chiffres qui ont été transmis hier par la direction
de SIDBEC à la commission. Je reprends au troisième paragraphe de
la page 11.
Comment se fait-il que SIDBEC ait pu accumuler autant de
problèmes? Ce ne semble pas à cause d'un manque de ressources
financières. La société d'État profite de la
garantie de l'État et a déjà reçu plus de 600 000
000 $ en placements et subventions. Bien que peu de gens l'aient prévu
dans l'euphorie des années soixante, l'expérience démontre
maintenant qu'il n'a pas été profitable d'investir dans une
sidérurgie d'État. On réalise maintenant que
les 644 000 000 $ des contribuables québécois investis
dans l'aventure SIDBEC trouveraient aujourd'hui, surtout en période de
difficultés économiques, un emploi plus utile. Parlant des
entreprises publiques fonctionnant en milieu concurrentiel, l'économiste
Michel Boucher, de l'École nationale d'administration publique,
écrit: "Tout le système de contrôle et de surveillance mis
en place par des gestionnaires est orienté vers des objectifs politiques
et bureaucratiques qui sont généralement différents du
profit."
Les solutions proposées par la société
d'État. Pour régler les problèmes de la
société d'État, le conseil d'administration de SIDBEC
propose un ensemble de solutions regroupées autour de deux grands
volets: des solutions administratives pour une réorganisation de
l'entreprise, et une solution que la chambre appuie, soit la vente de la
société d'État à des intérêts
privés. La chambre n'a pas grand-chose à ajouter concernant les
solutions administratives de nature technique qui sont proposées. Elle
estime que la direction de SIDBEC est bien placée pour procéder
à ce genre d'évaluation.
On ne peut cependant éviter la question de SIDBEC-Normines. La
société d'État propose trois options: premièrement,
qu'elle soit autorisée à vendre à des tiers ses actions
dans SIDBEC-Normines; deuxièmement, que l'on puisse procéder
à un réaménagement majeur des opérations de
SIDBEC-Normines en fermant la mine du lac Fire et en obtenant une garantie
d'approvisionnement du mont Wright, en rationalisant les opérations de
l'usine de boulettage et en diminuant à un tiers la participation de
SIDBEC dans Normines; troisièmement, que SIDBEC puisse négocier
avec ses partenaires l'abandon complet et définitif des
opérations de SIDBEC-Normines.
Étant donné les contrats qui lient SIDBEC à ses
partenaires, British Steel et US Steel ainsi qu'aux détenteurs
d'obligations de SIDBEC-Normines, les deux premières solutions
apparaissent problématiques et il n'est pas impossible que la
troisième soit la plus réaliste. Selon les calculs de SIDBEC, la
fermeture permanente de Normines en 1983 coûterait à la
société d'État quelque 490 000 000 $, c'est-à-dire
pas davantage que les pertes prévues de 1983 à 1987 seulement. En
tout état de cause, il semble que le propriétaire actuel ou futur
de SIDBEC devra trouver une solution rapide pour éliminer le fardeau
financier que constitue SIDBEC-Normines. Que l'on parle de réorganiser
les opérations de SIDBEC ou de réaménager sa structure
financière, il est impérieux que les solutions adoptées ne
coûtent rien de plus au trésor public. Si un coût est
inévitable, il doit être justifié par une réduction
plus qu'équivalente du coût entraîné par les autres
solutions. SIDBEC a déjà coûté beaucoup trop cher
aux Québécois et il serait inacceptable, sous un prétexte
ou sous un autre, que le gouvernement y investisse davantage.
La privatisation de SIDBEC. Nous faisons donc face à deux
exigences: d'une part, réorganiser SIDBEC pour la rendre
éventuellement rentable et, d'autre part, épargner aux
contribuables québécois tout investissement additionnel dans
cette entreprise. Or, il est une solution qui pourrait satisfaire
simultanément ces deux exigences: que l'État vende SIDBEC
à des intérêts privés qui se chargeront de
rentabiliser l'entreprise. Telle est la deuxième option que propose le
conseil d'administration de SIDBEC. On pose parfois la question de savoir si
SIDBEC pourrait trouver preneur auprès d'acheteurs privés. Or, de
deux choses l'une: ou bien SIDBEC ne vaut rien sur le marché, ce qui
signifierait que ses perspectives de rentabilité sont nulles, quelle que
soit la réorganisation qu'on lui fasse subir. Si tel était le
cas, il ne fait pas de doute que les contribuables québécois
devraient tout simplement fermer la boutique, plutôt que de continuer
à perdre plus de 100 000 000 $ par année. Ou bien, ce qui est
plus probable, SIDBEC peut devenir rentable si on procède au
réaménagement qui s'impose et si la compagnie était
propriété d'intérêts privés qui auront la
rentabilité pour objectif. Dans ce cas, la direction de SIDBEC, si on
lui en donne le mandat, pourra trouver un acheteur qui sera prêt à
payer pour le capital-actions de SIDBEC une valeur sans doute inférieure
à sa valeur aux livres, mais une valeur quand même positive.
L'État et les contribuables pourraient ainsi limiter leurs pertes en
recouvrant une partie des fonds qu'ils ont investis dans SIDBEC.
La privatisation de SIDBEC constitue la seule solution acceptable aux
problèmes de la société d'État. La dilapidation du
trésor public doit cesser. Le gouvernement du Québec devrait donc
autoriser SIDBEC à chercher un ou plusieurs acheteurs pour toutes les
actions détenues par l'État et entamer des pourparlers avec les
acheteurs potentiels. Ces démarches devraient s'accompagner d'un mandat
pour réduire le plus possible le fardeau que SIDBEC-Normines constitue
pour l'entreprise.
Il est possible qu'une grande partie du plan de redressement de SIDBEC
doive être mise en oeuvre par le futur propriétaire de
l'entreprise. En effet, la privatisation de SIDBEC doit être
réalisée rapidement afin que le trésor public ne soit plus
mis à contribution si ce n'est pour limiter les dégâts et
financer les frais de la privatisation en incluant les garanties aux
détenteurs d'obligations et aux partenaires de Normines.
Il n'est pas possible de savoir avec
certitude si le processus de privatisation de SIDBEC entraînerait
la fermeture de SIDBEC-Normines. Une seule chose est claire: les nouveaux
propriétaires de SIDBEC voudront éliminer les pertes de 500 000
000 $ à 600 000 000 $ que SIDBEC prévoit encourir au cours de ses
arrangements actuels avec SIDBEC-Normines au cours des cinq prochaines
années. Si SIDBEC-Normines devait fermer ses portes, le gouvernement du
Québec pourrait prévoir un programme spécial de
relocalisation ou de compensation pour les 3200 habitants de la ville de
Gagnon, mais il ne faut pas oublier que cette ville n'existerait sans doute
plus si Normines n'avait pas été créée en 1978.
Même s'il devait coûter 20 000 $ par habitant, un tel programme de
64 000 000 $ coûterait beaucoup moins cher que les pertes que Normines
impose à SIDBEC durant une seule année.
Conclusion: Une analyse de la situation de SIDBEC et du coût
qu'elle impose aux contribuables québécois indique que seule la
privatisation de l'entreprise peut à la fois relancer celle-ci et
dégager l'Etat du fardeau financier qu'elle représente. C'est
là le seul espoir pour le maintien d'une activité
économique et de l'emploi à Gagnon. Plusieurs problèmes
pratiques resteront à résoudre, dont les moyens d'éliminer
les pertes causées par SIDBEC-Normines, mais le gouvernement du
Québec doit, dès maintenant, s'engager à ne plus engloutir
l'argent des contribuables dans cette entreprise et à la privatiser le
plus rapidement possible. Plus précisément, la Chambre de
commerce du Québec recommande que le gouvernement du Québec
accepte le principe de la privatisation de SIDBEC et que, par
conséquent, il accepte la recommandation du conseil d'administration de
SIDBEC et autorise la société d'État à entamer des
pourparlers relativement à la vente à un ou à des
acheteurs privés de ces actions. Que le gouvernement du Québec
confie au conseil d'administration de SIDBEC le mandat de réduire le
fardeau que SIDBEC-Normines constitue pour l'entreprise. Que le gouvernement du
Québec n'injecte plus de fonds dans SIDBEC si ce n'est pour minimiser
ses pertes en se dégageant de l'entreprise et qu'un
échéancier d'un an soit établi et adopté pour la
privatisation de SIDBEC.
M. le Président, nous croyons que le gouvernement du
Québec doit aux citoyens qui sont les véritables actionnaires de
SIDBEC de mandater clairement les administrateurs de SIDBEC pour qu'ils offrent
l'entreprise sur le marché privé. Cette solution
représenterait, à moyen terme, la seule possibilité de
maintenir les activités minières et manufacturières mises
en place par SIDBEC.
MM. les députés, c'était la présentation de
la chambre. Nous serons heureux de répondre, s'il y a lieu, aux
questions des membres de la commission.
Le Président (M. Desbiens) M. le ministre.
M. Biron: La première chose, M. le président de la
Chambre de commerce du Québec, je voudrais officiellement vous
féliciter pour votre élection et vous offrir mes voeux de bon
succès pour le mandat que vous entreprenez. Vous entreprenez un mandat
dans une époque difficile pour l'économie mondiale, canadienne et
québécoise et, bien sûr, beaucoup de chefs d'entreprises
auront besoin d'être aidés, stimulés et
conseillés.
Ceci dit, votre mémoire va complètement à
l'opposé du mémoire qu'on vient d'entendre. Je suppose que vous
parlez au nom de la Chambre de commerce de la province de Québec et non
au nom de la Chambre de commerce de Sept-Îles. Tout à l'heure, la
Chambre de commerce de Sept-îles nous a parlé un peu dans l'autre
sens, mais c'est une note au dossier qu'il nous faut analyser.
Je voudrais vous poser quelques questions. Si l'État
québécois ne s'était pas impliqué dans SIDBEC en
1964 ou 1968, à l'époque où quelques pourcents seulement
de la production d'acier du Canada était faite au Québec...
Au-delà de 85% étaient en Ontario, mais maintenant on a
augmenté un peu notre pourcentage. Ma première question est la
suivante: Est-ce que vous pensez que des entreprises privées auraient
fait la même chose?
Deuxième chose, j'aurais aimé aussi que vous nous parliez
de la réaction de votre mémoire sur des PME
québécoises qui emploient des matériaux de SIDBEC, par
exemple, Canam Manac dans la Beauce. J'en ai une série qui ont
communiqué avec moi au cours des derniers mois, qui, elles, seraient
pénalisées par l'absence de SIDBEC sur le marché
québécois parce que maintenant le prix des autres aciéries
canadiennes, au lieu d'être FOB Hamilton, il est FOB Montréal, ce
qui fait une différence de 15 $ la tonne ou 20 $ meilleur marché
la tonne, quelque chose comme cela, ce qui permet finalement à ces
entreprises québécoises d'être beaucoup plus
compétitives sur leur propre marché. J'aimerais que vous nous
parliez de l'impact de votre recommandation. Vous dites: Si vous ne trouvez pas
d'acheteur, on a assez dépensé d'argent, fermez. Si on allait au
bout de cette recommandation, cela voudrait dire qu'il y a de nombreuses PME
québécoises qui pourraient souffrir d'un "backlash", comme on dit
en anglais, d'une répercussion. J'aimerais que vous nous parliez de
cela. Oui...
M. Langlois: D'abord, je voudrais que le ministre de l'Industrie,
du Commerce et du Tourisme soit très prudent et ne fasse pas dire
à notre mémoire ce qu'il ne dit pas. Notre mémoire ne
parle pas de fermeture de SIDBEC. Notre mémoire exprime de la confiance
vis-à-vis des investisseurs privés qui pourraient être
intéressés à SIDBEC, à certaines conditions
évidemment. Nous pensons que cette hypothèse doit être
explorée à fond, de façon dynamique, comme le
président de SIDBEC l'a si bien mentionné hier.
À votre première question, je dois vous faire remarquer
que le mémoire de la Chambre de commerce du Québec n'est pas
incompatible avec tous les autres mémoires qui ont été
présentés ici, aujourd'hui et hier, parce qu'il ne parle pas de
fermeture. On est convaincu qu'il y a un effort sérieux à faire
vers la privatisation et nous sommes convaincus qu'elle représente la
meilleure solution à moyen terme pour garder les activités
minières et manufacturières de SIDBEC en marche.
Vous avez posé une autre question: Si SIDBEC ou si le
gouvernement ne s'était pas impliqué dans une industrie
sidérurgique au début des années soixante, est-ce que
l'entreprise privée aurait augmenté... Je sais pertinemment
qu'à cette époque des approches avaient été faites
par des entreprises privées canadiennes dans le domaine de la
sidérugie pour augmenter leur part manufacturière au
Québec, leur part de produits manufacturiers au Québec. Je ne
suis pas en mesure de dire ce qu'il en est résulté, mais,
finalement, le gouvernement du temps s'est lancé dans l'aventure SIDBEC.
(0 h 45)
En ce qui regarde l'influence de la disparition éventuelle ou
hypothétique de SIDBEC du marché québécois, ce
à quoi nous ne croyons pas, est-ce que les prix payés par les PME
du Québec qui achètent des produits de l'acier seraient
changés? C'est sûr que Stelco et Dofasco ont un prix FOB Hamilton.
Il ne faudrait pas oublier que les produits des aciéries sont vendus par
des centres de distribution qui sont situés en grande partie dans la
région de Montréal. Je me demande, sans avoir toutes les
informations - peut-être que M. Létourneau pourra documenter ce
que je dis - mais je pense bien que si Raymond Industrie, de Sept-Îles,
achète 3000 tonnes d'acier en plaques de Drummond Me Call à
Montréal, j'ai l'impression que Drummond Me Call peut très bien
lui vendre de la plaque qui vient de SIDBEC tout comme la plaque qui peut venir
de Stelco ou de Dofasco à Hamilton. Il doit payer le prix que Drummond
Me Call vend à Montréal.
M. Létourneau (Jean-Paul): Notre hypothèse est
toujours, d'ailleurs, qu'il y a possibilité de maintenir des
opérations de
SIDBEC. Maintenant - M. le Président, si vous me permettez - la
raison pour laquelle nous insistons pour que le gouvernement explore cette
alternative qu'il aille du côté de la privatisation, tel que cela
a été recommandé, c'est parce que nous considérons
la question dans un ensemble plus vaste que celui qu'on a exposé
jusqu'ici devant cette commission, c'est-à-dire qu'on observe la
situation financière générale du Québec.
On voit que le gouvernement du Québec va devoir faire face
très bientôt à des hausses considérables de
dépenses pour financer l'assistance sociale, que le gouvernement du
Québec fait face à des baisses des entrées de fonds, que
le gouvernement du Québec a des difficultés grandissantes
à financer les besoins de trésorerie, qu'il y a une
possibilité de détérioration de la cote des obligations du
Québec sur les marchés et les nouveaux coûts
afférents, si on continue d'ajouter SIDBEC, au rythme de déficit
où cela fonctionne, à toutes les autres dépenses qui
s'ajoutent, que la fiscalité des citoyens du Québec est
déjà plus élevée que partout ailleurs au Canada,
d'où une impossibilité à peu près pratique
d'imposer encore plus les Québécois pour continuer l'aventure de
SIDBEC et aussi les autres entreprises étatiques qui attendent leur tour
pour venir chercher ici leur pitance.
Dans ce contexte, nous ne savons pas combien de temps le gouvernement du
Québec va être capable, tout simplement physiquement capable, de
supporter SIDBEC, quels que soient les scénarios qu'on ait entendus, je
veux dire les scénarios réalistes. Dans ce contexte, on dit: Le
gouvernement du Québec ne peut pas, n'a pas le droit d'ignorer la
possibilité que propose le conseil d'administration d'offrir maintenant
SIDBEC sur le marché. Il propose un échéancier d'un an. On
n'est pas contre la réorganisation, le réarrangement qui a
été prévu ici, les renégociations, etc., qui
peuvent se faire parallèlement, mais qu'on aille au moins de ce
côté, parce que l'alternative est peut-être pire.
M. Biron: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Biron: J'aimerais vous poser deux autres questions
brèves, après cela, je vais laisser la parole à mon
collègue de Mont-Royal. Dans votre optique de privatisation, est-ce que
vous pourriez aussi nous faire une suggestion pour une société
mixte? On sait que c'est difficile pour des sociétés
complètement privées, quelquefois, de conquérir certains
marchés ou de s'attacher fermement au Québec, alors que dans
des
sociétés mixtes, au moins, on peut y avoir un mot à
dire et elles sont aussi bien gérées, de manière à
faire en sorte d'assurer leur continuité sur le sol
québécois. Dans la deuxième question que j'ai à
vous poser, j'aimerais avoir vos commentaires sur l'offre des métallos
d'aujourd'hui sur une participation des travailleurs aux décisions et,
éventuellement, avec possibilité au capital-actions de
l'entreprise.
M. Langlois: Pour répondre à la question sur la
société mixte, si elle représente une possibilité
qui permettrait à l'État du Québec d'alléger son
fardeau dans la sidérurgie québécoise, cette
possibilité, s'il n'y a pas moyen d'atteindre la complète
privatisation dans des délais raisonnables que nous avons fixés
à une période exploratoire d'une année, s'il n'y avait pas
moyen, au cours de cette année, d'atteindre la complète
privatisation et que la participation du capital privé et du capital
public dans la sidérurgie québécoise offrait, comme je le
disais, des possibilités au gouvernement d'alléger son fardeau
dans la sidérurgie, je pense qu'il serait tout à fait normal que
le gouvernement étudie cette possibilité. Mais cela
n'enlève pas l'objectif premier, je pense, de fixer la complète
privatisation.
En ce qui concerne l'offre des métallos, je peux vous dire que
c'est une proposition qui est certainement intéressante, pour autant que
le gouvernement peut être concerné et que les autres partenaires
peuvent être concernés. Vous devez la considérer à
sa valeur, mais j'ai bien remarqué que le président de la FTQ a
dit cet après-midi, après l'offre de M. Godbout: Oui, mais il y a
des prérequis. Il faudrait peut-être voir quels sont ces
prérequis.
M. Biron: Le sens de ma question était surtout sur la
participation aux décisions, parce que, si j'ai bien compris - il y a,
bien sûr, participation au capital-actions - pour l'essentiel même,
pour dynamiser l'entreprise, M. Godbout suggérait une participation
active aux décisions concernant les investissements, les
améliorations, les décisions importantes et stratégiques
à l'intérieur de l'entreprise.
M. Langlois: Je peux vous dire, personnellement, que je
considère que c'est une décision que des partenaires adultes
doivent prendre dans une entreprise. Si la direction de l'entreprise et le
syndicat s'entendent pour qu'une méthode semblable fonctionne, eh bien,
tant mieux. C'est une opinion bien personnelle que j'exprime.
M. Létourneau: II serait tout à fait normal, M. le
Président, que les travailleurs soient actionnaires.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux d'abord me
joindre au ministre pour féliciter M. Langlois pour son élection
à la chambre de commerce.
Premièrement, nous regrettons que votre mémoire vienne
aussi tard, parce que je crois qu'il contient des propositions assez
intéressantes et des principes de base. Quant aux avertissements que
vous venez de donner au ministre au sujet de la situation financière du
Québec, je pense que cela aurait été bon s'il y avait eu
plus de gens pour l'écouter, parce qu'à une heure moins cinq du
matin, vous allez convenir avec moi que... Ce n'est pas votre faute et ce n'est
pas la nôtre.
Je suis d'accord aussi avec vous que votre mémoire ne va pas
à l'encontre des autres mémoires qui ont été
présentés. Par exemple, le mémoire du groupe qui vous
précédait dit spécifiquement à la page 21, je
pense: "Enfin, plusieurs vous auront suggéré -en parlant au
gouvernement - ou vous suggéreront la privatisation de l'entreprise.
Nous ne pouvons qu'être d'accord, mais -c'est la question qu'il pose - de
quelle façon?" Je ne pense pas que ce soit quelque chose de radical ou
quelque chose que les autres mémoires ont écarté, mais il
y a une question que je me pose, et, avant de vous la poser aussi, je pense
qu'il va y avoir des leçons à tirer des expériences des
dernières années avec les sociétés d'État.
Il y a certains désavantages à ce que j'appellerais la
mentalité gouvernementale quant au fonctionnement de certaines
entreprises et la mentalité de l'entreprise privée. Je pense
qu'il faut le dire clairement. Il y a certains cas dans lesquels le
gouvernement doit s'impliquer, mais, dans l'opération de
l'"entrepreneurship", je pense qu'il y a des mises en garde à faire au
gouvernement.
Maintenant que vous préconisez la privatisation, la question que
je me pose est la suivante: Est-ce le moment propice maintenant de dire: On a
tellement de pertes, on a une opération pour laquelle même SIDBEC
dit: On n'a pas de marketing. On n'a pas réussi à attirer
certains cadres. Il faudrait vendre maintenant. Ce serait presque, à
vrai dire, "higher sales". Est-ce le temps de disposer de SIDBEC ou est-ce
qu'il y a des mesures à prendre? Je me souviens que Northern Electric
avant de devenir Northern Telecom avait un problème. Elle perdait de
l'argent elle aussi. Elle a fait venir quelqu'un, un cadre, et lui a dit:
Mettez de l'ordre dans la cabane. Quand on a mis de l'ordre dans la cabane,
c'est devenu quelque chose de mieux, parce qu'il faut penser aussi aux
investissements qu'il y a là-dedans. Je vous pose cette question.
M. Langlois: II faut se demander s'il y
a un temps plus propice qu'un autre pour entreprendre des recherches sur
le marché privé vers la privatisation de SIDBEC. Rappelons-nous
qu'il n'y a pas tellement longtemps, le marché de l'acier était
bon en Amérique du Nord. Les aciéries fonctionnaient à
pleine capacité, celle de Hamilton en Ontario donnait d'excellents
résultats, les aciéries américaines fonctionnaient bien.
Les produits s'écoulaient bien aussi sur le marché
européen. Tout le monde cherchait des boulettes, on en vendait.
Malgré tout cela, dans cette période de bonne conjoncture, notre
société d'État n'a réussi à faire de profits
qu'une année seulement. Ce n'est pas un blâme à l'endroit
de la direction de SIDBEC, parce que nous reconnaissons - nous l'avons dit dans
le mémoire - aux administrateurs de SIDBEC de grandes qualités.
C'était peut-être à cause de la structure ou de
l'équipement, enfin, de ce qui existait à SIDBEC, et je ne suis
pas trop familier avec cela. On doit se poser une question. En bonne
période d'activité économique, l'entreprise privée
réalisait des profits, payait des dividendes à ses actionnaires,
alors que la nôtre ne réussissait pas à faire de profits.
Voici la question que je me pose: Est-ce qu'on aurait dû la vendre il y a
quatre ans, quand toute l'industrie sidérurgique allait bien et que
SIDBEC n'allait pas bien?
M. Létourneau: M. le Président, si vous
permettez.
Le Président (M. Desbiens) Oui.
M. Létourneau: II faut aussi rappeler le contexte
général que j'ai mentionné tantôt. Il y a un
jugement à poser. Est-ce qu'on sera en meilleure posture dans un an ou
deux pour faire la même proposition? Nous pensons que de toute
façon nous n'avons rien à perdre à aller voir, à
aller sur le marché. On va voir ce qui se passe, on va voir quelles sont
les offres. Nous sommes confiants que les gens qui sont dans ce genre
d'industrie savent regarder à beaucoup plus long terme que deux ou trois
ans et qu'ils ont souvent des ressources bien plus grandes que celles dont nous
disposons nous-mêmes pour ce genre d'opérations. Ils peuvent
trouver un intérêt considérable dans ce que nous avons
déjà. Il ne faut pas l'oublier, malgré les comparaisons
faites à notre désavantage, ce que nous avons se situe dans une
partie du monde relativement stable. Les infrastructures sont toutes là,
la production peut sortir et elle sort déjà.
L'accessibilité est très bonne et cela se situe en
Amérique du Nord. Ce sont tous des points qui nous apparaissent positifs
et que d'autres considèrent comme positifs quand ils nous regardent de
leur pays ou de l'extérieur.
M. Langlois: M. le Président, si vous me permettez un bref
commentaire, il n'y aurait peut-être pas très long de chemin
à faire pour en arriver à amorcer, dans une première
étape, un processus de privatisation si on se tourne du
côté de SIDBEC-Normines. SIDBEC-Normines est déjà ce
qu'on appelle en langage commun un "joint venture", parce qu'il y a de
l'entreprise privée. La Compagnie minière Québec Cartier
est une entreprise privée; British Steel est une entreprise
nationalisée, mais qui fonctionne, que je sache, selon les mêmes
critères qu'une d'entreprise privée parce que British Steel doit
écouler des produits en Europe et qu'il y a des ententes qui lient les
partenaires de la Communauté économique européenne. Le
gouvernement de la Grande-Bretagne ne permet pas à British Steel, que je
sache, de faire du dumping de produits d'acier en Europe, car elle est
régie par des règles de marché, par des ententes. Ce que
nous avons appris au cours de cette commission parlementaire, c'est que le
problème qui est causé à SIDBEC par Normines, c'est
l'entente qui lie SIDBEC à ses partenaires dans Normines. Je vois
très bien SIDBEC-Normines comme étant déjà pas mal
privatisée, fonctionnant pas mal selon le principe de l'entreprise
privée. Si le conseil d'administration de SIDBEC recevait le mandat
clair d'aller voir ses partenaires dans Normines pour essayer de faire une
entente qui soit moins lourde ou plus avantageuse pour SIDBEC... Vous savez que
des gens d'affaires sont toujours prêts à conclure une bonne
affaire. (1 heure)
M. Ciaccia: Je suis entièrement d'accord avec vous. C'est
la position que nous avons suggérée au gouvernement. Alors, quand
vous dites dans votre mémoire de confier le mandat à SIDBEC pour
réduire le fardeau que SIDBEC-Normines constitue pour l'entreprise, on
ne doit pas l'interpréter comme si vous préconisiez que
SIDBEC-Normines ferme ses portes. Si vous étiez dans l'entreprise
privée et que des chiffres vous démontraient que cela vous
coûtera plus cher de fermer que de fonctionner, quelle sorte de
décision prendriez-vous?
M. Létourneau: M. le Président, si vous me
permettez de compléter la dernière question, il y a une autre
épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de SIDBEC,
même dans ses scénarios de restructuration, et elle a
été signalée par le président de SIDBEC et certains
de ses collaborateurs particulièrement. C'est cette fameuse question du
dumping. On nous a bien dit que, s'il avait fallu remplir tous les formulaires,
les réactions qu'on pouvait prévoir du côté
américain, on ne sait pas trop ce qu'elles auraient été.
Or, les propositions de restructuration qui ont été faites
impliquent
encore plus d'aide, d'investissements de l'État. Où cela
nous aurait menés, nous ne le savons pas. On nous a signalé qu'il
y avait là des dangers. Alors, c'est une autre difficulté qu'il
ne faut pas sous-estimer non plus et qui pourrait réduire de beaucoup
les solutions de rechange qu'on aura dans l'avenir pour aider SIDBEC.
M. Langlois: Pour reprendre la question du député
de Mont-Royal, l'entreprise privée mène ses affaires
évidemment dans le but de les rentabiliser et de payer des dividendes
à ses actionnaires. Alors, les décisions de fermeture ou de
maintien des opérations et des services sont en fonction de ce
critère et aussi, évidemment, de la conservation de la
main-d'oeuvre, des frais de capitaux à rembourser, et ainsi de
suite.
Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais je tiens à
vous dire qu'il y a deux usines de boulettage, de minerai de fer en
fonctionnement dans la province de Québec présentement: il y en a
une à Pointe-Noire, qui est exploitée par les Mines Wabush et qui
est alimentée par du minerai concentré provenant des mines de
Wabush, de la mine Scully, en territoire terre-neuvien. La mine de Wabush est
un "joint venture". Il y a six ou sept partenaires qui sont des
aciéristes canadiens, dont Stelco et Dofasco, trois ou quatre
américains, un italien et une compagnie de management qui mène
cela pour ses partenaires et qui détient une part minoritaire. Il y a
certainement une espèce d'entente entre les partenaires qui ont permis
de faire le financement sur la même base que Normines. Il a bien fallu
qu'on aille chercher du financement sur les marchés américain et
européen pour pouvoir ramasser les 500 000 000 $ ou 600 000 000 $ que
cela a coûté au moment où cela s'est bâti, mais il
semble que l'entente entre les partenaires soit une entente équitable
qui engage la responsabilité de chacun en vertu de leur participation
dans l'entreprise. Je peux vous dire en connaissance de cause que la
participation dans l'entreprise est dans la même proportion que le
tonnage qu'on s'est engagé à prendre. Cela veut dire que,
lorsqu'on est obligé de faire un ralentissement des activités,
les partenaires absorbent la diminution en même temps. Il n'y en a pas un
qui est plus pénalisé que les autres. Il semble - je ne le sais
pas, à moins que je ne me trompe réellement - qu'on parle de
diminution en bas d'un certain tonnage à Normines et, là, SIDBEC
en prend un coup, alors que, dans le cas de Mines Wabush, chaque année,
les partenaires se réunissent, étudient les besoins
d'opération pour l'année suivante, font leur budget en fonction
des décisions sur les besoins d'opération et de consommation que
les partenaires prennent. L'an prochain, Mines Wabush va fonctionner à
la moitié de sa capacité.
M. Ciaccia: Vous avez raison. C'est parce que ce contrat-ci ne
contient pas une clause minimale. Il aurait peut-être fallu
prévoir - mais peut-être qu'à ce moment-là on n'y
pensait pas - d'avoir une clause qui aurait permis de réduire la
production sans pénalité. C'est encore plus compliqué,
parce qu'il y a la question du concentrateur de la Québec Cartier
Mining, qui n'est pas utilisé à un certain pourcentage. Alors, la
Québec Cartier Mining veut être payée, parce qu'elle dit:
On vous a vendu la mine. Comprenez-vous? C'est pas mal complexe. Mais, sur le
principe, je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est cela que le
gouvernement devrait faire immédiatement et cela pourrait aider à
atteindre les objectifs de tous ceux qui ont présenté des
mémoires et les objectifs du gouvernement de renégocier ces
clauses de pénalité. C'est un des problèmes, pas tous,
mais un des problèmes.
M. Langlois: Je voudrais revenir très brièvement
à ce qu'on a entendu concernant Normines. Normines a bâti à
Port-Cartier une usine de boulettage qui est récente, qui est à
la fine pointe de l'innovation technique, qui a fait ses preuves et cela
serait, évidemment désastreux de perdre les possibilités
que cette usine comporte, même quand la conjoncture est difficile. Il
faut, évidemment, faire comme l'entreprise privée ferait:
minimiser les pertes dans une conjoncture difficile, mais essayer de garder la
main-d'oeuvre, le personnel et les aménagements en entretenant des
opérations très réduites, mais ne jamais envisager de
condamner une installation comme celle-là.
M. Ciaccia: C'est là-dessus que je vous dis que je suis
d'accord avec vous quand on parle de "l'approche de l'entreprise
privée", parce que si vous savez - je ne fais pas de politique -
à un moment donné, qu'il y a des problèmes, l'entreprise
privée, elle, réagit tout de suite. Vous ne demandez pas quinze
études et vous n'avez pas une question électorale: je n'irai pas
changer de gestionnaire, parce que je ne veux pas laisser savoir ceci, parce
qu'il faut que je me présente ici et là. Vous n'avez pas de
problème constitutionnel. C'est cela, le danger, quand l'État se
mêle de ces affaires, parce que pour, une question électorale, on
ne peut pas s'occuper de renégocier le contrat, car il ne faut rien
laisser savoir aux électeurs. Au mois d'avril, le ministre a
mentionné que deux sous-ministres se sont présentés, oui,
mais je pense bien que, dans le comté de M. Perron, le
député de Duplessis, et dans le comté où est
Contrecoeur, s'il avait fallu agir au mois d'avril ou au mois de février
1981, cela aurait pu vous causer des problèmes
électoraux. Alors, on n'a pas agi. C'est pour cela qu'aujourd'hui
on se retrouve avec 150 000 000 $. On parle des différents
scénarios où l'entreprise privée va agir
immédiatement. Quand vous savez que vous allez perdre 10 000 000 $, vous
n'attendez pas, vous agissez tout de suite. C'est cela, le problème.
M. Perron: M. le Président, je voudrais seulement soulever
une chose.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que c'est une question
de règlement?
M. Perron: Disons que c'est pour répondre au
député de Mont-Royal. En 1975, lorsque le gouvernement
libéral a décidé d'acheter les installations de Gagnon,
c'était, justement, à ce moment-là, pour sauver des votes,
mais je voudrais vous souligner qu'il y a 60% de la population qui ont
voté pour le PQ.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! S'il vous
plaît! Est-ce que vous avez terminé?
M. Ciaccia: Oui, j'ai terminé. Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais dire aux gens
de la chambre de commerce que je vais mettre les cartes sur la table. En ce qui
me concerne, moi, lors des dernières élections, ma position
était très claire et elle n'a pas encore changée.
J'étais contre l'idée de la privatisation, du moins dans sa
totalité. Je n'ai jamais été contre l'idée
qu'éventuellement on pourrait faire un "joint venture" avec les
opérations manufacturières, je l'ai déjà dit. Mais
je n'arrive pas à comprendre comment, actuellement, on pourrait garantir
le niveau d'emploi qui est nécessaire. Je ne sais pas si vous avez
entendu aujourd'hui les témoignages des gens de la municipalité
de Contrecoeur, mais je présume que vous les avez entendus, parce que
vous avez commenté tantôt le passage de M. Laberge; donc, vous
avez entendu son témoignage, et aussi celui du Syndicat des
métallos. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment
actuellement, parce que, tout à coup, on vendrait l'ensemble des
opérations de SIDBEC à l'entreprise privée, les gens de la
Côte-Nord et ceux de mon comté auraient la garantie que le niveau
d'emploi serait maintenu.
J'ai plutôt l'impression qu'on a un problème. SIDBEC nous a
posé le problème hier. Si le gouvernement exige de SIDBEC le taux
de rentabilité de ses concurrents de l'entreprise privée, il faut
faire de la grande chirurgie. J'imagine que, si c'était l'entreprise
privée qui devenait propriétaire demain, elle ferait exactement
ce que SIDBEC nous propose, c'est-à-dire de la grande chirurgie. Le
problème est qu'il n'y aurait pas de commission parlementaire. Il n'y en
a pas eu la semaine dernière quand l'Iron Ore a décidé de
fermer à Schefferville. J'imagine qu'il n'y aurait pas de commission
parlementaire éventuellement, non plus, si on décidait de fermer
le secteur des produits plats à Contrecour. Mais l'actionnaire, le
propriétaire privé déciderait de fermer les produits plats
et la municipalité de Contrecoeur, les travailleurs de Contrecoeur, le
député de Verchères et le gouvernement du Québec
prendraient leur trou et n'auraient rien à dire. Je ne suis pas
convaincu actuellement que, dans cette ligne de pensée, on va
régler les problèmes d'emploi.
On vit une crise économique aiguë. On a un taux de
chômage dramatique. Peut-être qu'il faut se résigner - je le
dis au ministre; je le dis au gouvernement - à ne pas avoir le niveau de
rentabilité qu'on souhaiterait avoir et peut-être que ce n'est pas
le seul objectif qu'on doit avoir dans une société comme SIDBEC.
Si on me garantissait que le niveau d'emploi serait le même, que,
finalement, les problèmes des gens qui vivent de SIDBEC seraient
réglés parce qu'on remettrait l'entreprise entre les mains du
secteur privé, je changerais mon fusil d'épaule et je dirais aux
gens: J'ai peut-être pris l'engagement électoral de me battre
contre la privatisation mais je serais prêt à l'accepter si on
avait des garanties. Mais rien ne me permet de dire actuellement que les gens
de mon comté seraient mieux protégés et auraient des
garanties que leurs emplois seraient maintenus si on allait dans la direction
que vous nous proposez.
M. Langlois: M. le Président, cela dépend de
l'objectif qu'on recherche. Si le gouvernement du Québec a comme choix
de continuer à verser des montants d'argent pour combler les
déficits de SIDBEC... En 1982, si je tiens compte du nombre d'emplois
directs dans SIDBEC, à l'exclusion de SIDBEC-Normines, chaque emploi
à SIDBEC coûte 30 000 $ au trésor québécois.
Si c'est l'objectif qu'on a de garder de l'emploi à 30 000 $ l'emploi,
mon Dieu, je ne peux pas argumenter sur le point de vue du
député. Mais si on veut libérer le contribuable
québécois de son fardeau et exploiter une entreprise dans une
optique de rentabilité qui sera une bonne contributrice à
l'économie québécoise en bonne conjoncture
économique, qui sera une moins bonne contributrice en période de
ralentissement économique, mais qui ne continuera pas à imposer
un fardeau fiscal à chaque Québécois, si c'est
l'objectif
qu'on recherche, nous prétendons que la privatisation va amener
cela. Mais cela dépend de l'objectif qu'on a.
M. Létourneau: M. le Président, en plus de cela,
les scénarios que nous avons vus de SIDBEC ne garantissent pas les
emplois. Tous les scénarios prévoient des diminutions d'emplois.
Il n'y a pas de garantie. Au-delà de tout cela, la question fondamentale
que nous continuons de poser est celle-ci: Pendant combien de temps le
gouvernement du Québec va-t-il être capable de supporter ce
fardeau, tout simplement physiquement, financièrement,
mathématiquement? Je ne pense pas qu'il y ait de grandes garanties
d'emplois.
M. Charbonneau: Je me rappelle bien les scénarios qui nous
ont été proposés par la direction; je prends, par exemple,
le scénario du statu quo où on maintenait les niveaux d'emploi
actuels. Bien sûr, on ne parle pas d'une conjoncture telle que celle que
l'on connaît actuellement. On sait qu'actuellement, de toute
façon, il y a des mises à pied importantes, qui ont
été faites depuis quelques mois; elles affectent plusieurs
centaines de travailleurs. Prenons simplement l'an dernier. Au niveau
manufacturier, on n'a pas perdu d'argent. On n'a pas fait, non plus, de profits
qui nous permettraient de faire des investissements que l'entreprise devrait
faire normalement, on en convient, mais les gens ont travaillé et c'est
un élément important, selon moi. (1 h 15)
II y a aussi une autre dimension. C'est facile de prendre le nombre
d'employés de SIDBEC, de calculer les investissements qui sont requis et
de dire: Cela coûte 30 000 $ pour chaque emploi, mais les emplois
indirects seraient aussi perdus et peut-être que ceux-là,
finalement, réduiraient le montant.
M. Létourneau: C'est M. le ministre lui-même qui
nous a dit tantôt que le déficit annuel de SIDBEC et non les
investissements, était égal au montant des salaires.
Une voix: Des opérations.
M. Charbonneau: On est bien conscient qu'il y a un
problème financier majeur. On ne serait pas ici si ce problème
n'existait pas.
M. Létourneau: C'est beaucoup trop; cela ne se justifie
même pas pour les retombées socio-économiques. C'est trop
élevé.
M. Charbonneau: Vous irez dire cela dans nos comtés!
M. Létourneau: Nous réalisons pleinement la
difficulté énorme dans laquelle se trouvent le gouvernement,
l'Opposition et ceux qui ont la responsabilité de gouverner. Nous savons
que c'est une situation extrêmement difficile pour vous. Nous le
réalisons, mais on vous propose une solution de rechange,
c'est-à-dire qu'on appuie la direction de SIDBEC qui vous propose une
solution de rechange.
M. Charbonneau: Je voudrais simplement signaler à mon
collègue d'Outremont que j'aurais aimé qu'il fasse les
commentaires qu'il vient de faire devant les métallos cet
après-midi. Je ne suis pas certain qu'il aurait eu le culot de le faire.
Je suis assez content qu'il y ait encore des dirigeants syndicaux des
métallos ici dans la salle. Peut-être que le député
de Verchères va se faire battre, si jamais... mais il y a une
sacrée "gang" de députés libéraux qui vont y
goûter aussi, je vous en passe un papier.
Le Président (M. Desbiens): Avez-vous terminé?
M. Charbonneau: Oui.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre: À
l'ordre, s'il vous plaîti Je rappelle, malgré l'heure, que les
manifestations sont interdites dans la salle. M. le député de
Shefford.
M. Paré: M. le Président, cela me fait plaisir
d'intervenir, parce qu'il y a des choses importantes là-dedans, mais je
dois dire, moi aussi, en passant, que je suis malheureux que vous fassiez votre
intervention à cette heure. C'est vrai qu'on fait de la politique - on
n'a pas le choix, c'est notre rôle - mais il y a des interventions qui
viennent de changer complètement d'allure de l'autre
côté.
J'avais trois questions à poser. Vous avez répondu
à la première. Elle allait dans le sens que je vous n'avez pas
l'impression de vouloir privatiser l'entreprise, avec tout ce qu'on
connaît, la crise économique, la crise budgétaire et
financière que vit présentement SIDBEC; finalement, c'est une
vente à rabais. Vous avez répondu là-dessus, je n'y
reviendrai pas, mais j'ai deux autres questions à poser. À cause
de la conjoncture économique qu'on connaît, de la situation du fer
dans le monde, des marchés, du comportement de l'entreprise
privée et de ceux qui sont directement impliqués dans l'acier,
dans le fer, après ce qu'on a vu à Schefferville - on ferme quand
cela ne
fonctionne plus et que le marché est mort, et cela vient de
s'éteindre - n'avez-vous pas l'impression que privatiser SIDBEC-Normines
présentement voudrait dire presque automatiquement fermer Normines,
étant donné qu'il y a des surplus partout? Cela voudrait presque
dire qu'on accepte cela dans la situation actuelle, si cela devient une
entreprise privée. Comme l'entreprise privée doit faire de
l'argent, c'est une question de profits et non pas une question de conscience
sociale. Cela voudrait presque dire automatiquement la fermeture de la mine.
C'est ma première question.
La deuxième est celle-ci: Si on se réfère à
la page 17 de votre mémoire, on dit: "Si SIDBEC-Normines devait fermer
ses portes, le gouvernement du Québec pourrait prévoir un
programme spécial de relocalisation ou de compensation pour les 32QG
habitants de la ville de Gagnon." Vous continuez. "Même s'il devait
coûter 20 000 $ par habitant, un tel programme de 64 000 000 $
coûterait beaucoup moins cher que les pertes que Normines impose à
SIDBEC durant une seule année." Cela semble vouloir dire que, si on
fermait Normines, finalement, les conséquences seraient que cela
coûterait 64 000 000 $, quand on a entendu toute la journée et
même hier - l'Opposition en a fait grand état aux deux
intervenants qui vous ont précédés - que c'était
effrayant. Les conséquences désastreuses qui ont
été exprimées par les intervenants qui vous ont
précédés, qu'en pensez-vous? Dans votre mémoire,
vous semblez dire que les conséquences sont qu'il faudra
débourser 64 000 000 $. Donc, on l'oublie, ce n'est pas grave,
étant donné que le déficit d'une seule année
coûte plus cher, alors qu'on a entendu vos prédécesseurs
dire que les conséquences sont catastrophiques et que c'est même
plus coûteux, finalement, que de la garder ouverte.
Mes deux questions sont interreliées. C'est pour cette raison que
je les ai posées dans le même souffle. Finalement, si on dit que
privatiser veut dire la fermeture, les conséquences vont être
très grandes, si on se fie aux intervenants
précédents.
M. Langlois: M. le Président, dans le cas de
SIDBEC-Normines, la crainte du député que la privatisation
amène la fermeture de SIDBEC-Normines est, à notre point de vue,
peu probable, parce que SIDBEC-Normines a déjà un marché
pour les boulettes de minerai de fer. L'usine ne peut pas fonctionner à
sa pleine capacité, parce que la demande n'est pas là, mais on a
quand même entendu les dirigeants de SIDBEC parler hier d'exploiter une
ligne à 105%, ce qui représente, si j'ai bien compris, 3 300 000
tonnes de boulettes sur une capacité maximale annuelle de 6 000 000 de
tonnes. Donc, ce n'est pas une fermeture. C'est quand même une
opération au ralenti. À la page 17 du mémoire, les 64 000
000 $ représentent strictement l'hypothèse que, si cela
coûtait 20 000 $ par habitant de Gagnon - on ne parle pas d'un
travailleur, on parle d'un habitant de Gagnon, le père, la mère
et les enfants - cela coûterait 64 000 000 $. C'est une hypothèse
de relocalisation seulement. C'est pour faire une comparaison. C'est pour
montrer l'ampleur des chiffres que cela comporte. C'est sûr que, s'il
fallait en arriver à la fermeture de Gagnon, cela ne coûterait pas
seulement de l'argent pour relocaliser les gens. Cela coûterait de
l'argent pour éliminer l'équipement qu'il y a là,
abandonner la ville et ainsi de suite. Il y a toute une infrastructure
municipale. C'est pourquoi la chambre croit sincèrement que la
privatisation ou un pas vers la privatisation va épargner cette solution
et va permettre, comme on le dit à la fin de notre mémoire - si
ce n'est pas noté au mémoire, je l'ai rajouté verbalement
- on est convaincu, surtout dans le cas de Normines, de garder pendant la
période difficile l'opération minière au ralenti, mais au
moins en activité. Merci, M. le Président.
M. Létourneau: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M.
Létourneau.
M. Létourneau: ... nous ne contestons pas les chiffres de
SIDBEC quant au coût de la fermeture. Pour parler de l'hypothèse
-supposons qu'on ne parle que de l'hypothèse, car je reconnais que notre
président a exprimé l'opinion qu'en fait ce n'est pas
celle-là que nous considérons, mais pensons-y pour un instant -
ce coût est encore inférieur au déficit qu'a encouru ou que
SIDBEC-Normines entraînera pour SIDBEC pendant cinq ans.
M. Paré: Cela veut dire, si je comprends bien, que vous
contestez les chiffres énormes qui ont été
mentionnés par l'intervenant précédent sur les
conséquences de la fermeture de Normines. Vous maintenez que ce serait
beaucoup moindre que ce qui a été donné comme
chiffres.
M. Létourneau: M. le Président, nous accordons tout
simplement plein crédit aux chiffres qui ont été
publiés par SIDBEC à ce sujet. Il est sûr que les
intervenants sont allés plus loin que les chiffres produits par
SIDBEC-Normines. Ils ont parlé, eux, des conséquences de la
fermeture des commerces et de la perte d'emploi dans leurs commerces. C'est une
situation vraie. On ne conteste pas ces chiffres.
M. Ciaccîa: Seulement une précision, M. le
Président. Je ne peux pas laisser ces remarques sans réponse.
Nous n'avons pas changé, je voudrais le faire remarquer au
député de Shefford...
Le Président (M. Desbiens): On s'engage, M. le
député de Mont-Royal, dans le même genre de discussion que
tantôt.
M. Ciaccia: Seulement pour...
Le Président (M. Desbiens): Je vais faire comme j'ai fait
avec le député de Duplessis...
M. Ciaccia: Non, non, je ne m'engage pas...
Le Président (M. Desbiens): ... et donner plutôt la
parole à votre collègue d'Outremont.
M. Ciaccia: C'est une précision, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): Je pourrai la faire.
M. Ciaccia: En 30 secondes. Le gouvernement doit prendre en
considération les coûts sociaux et, deuxièmement, j'ai
demandé spécifiquement - j'ai pris cette position et je la prends
encore - si cela coûte moins cher, de garder la ligne ouverte
plutôt que de la fermer, je pense que c'est clair qu'il faut la garder
ouverte. Je le dis à la chambre de commerce et je l'ai dit aux
intervenants précédents, qu'ils soient en Chambre ou non. Je
voulais seulement préciser qu'on n'a pas changé du tout.
M. Paré: Si vous êtes d'accord là-dessus, il
n'y a pas de problème.
Le Président (M. Desbiens): M. le député
d'Outremont.
M. Fortier: Merci, M. le Président. Nous sommes ici depuis
hier pour tenter de résoudre des problèmes. Je dois dire que
l'approche que nous avons eue depuis le début a été une
approche très pragmatique et non pas doctrinaire. Il est évident
que l'attitude qu'on doit adopter devant la situation à laquelle nous
faisons face présentement doit prendre en considération des
questions de rentabilité, bien sûr, mais également le fait
que, collectivement, le Québec a décidé de prendre
certaines décisions dans les années de la révolution
tranquille. Je pense bien que je vais être le premier à admettre
que tous et chacun, j'ose l'espérer, doivent apprendre de certaines de
ces décisions. Peut-être qu'on est allé trop loin à
certains moments, mais il reste qu'au moment où on se parle on ne peut
pas agir comme si ces gestes n'avaient pas été posés.
C'est pour cela que, lorsque les gens de la Côte-Nord, qui étaient
avant vous ici, ont souligné qu'ils croyaient qu'ils étaient un
peu laissés à eux-mêmes, pour ma part, j'admets que le
Québec a une responsabilité collective vis-à-vis de ces
gens. Notre approche et l'approche de mes collègues a été
non seulement comptable, mais elle a pris en considération les
responsabilités du gouvernement du Québec et du Québec
dans son ensemble.
Cela dit, il est certain qu'on doit rechercher, en ayant cette toile de
fond qui est très pitoyable présentement, compte tenu de la
conjoncture et des situations internationales, les solutions qui sont les plus
rentables à long terme et les solutions qui vont être les moins
onéreuses pour le gouvernement du Québec. Là-dessus, je
pense qu'on s'entend.
Je ferai remarquer à mon collègue de Verchères que
tous les taux de rentabilité qui nous ont été
donnés par SIDBEC - je l'ai fait dire à M. De Coster -
étaient basés sur le fait que ces taux n'étaient valables
qu'à certaines conditions. Une de ces conditions était que SIDBEC
n'achète plus aucune boulette de Normines et qu'elle puisse aller les
chercher au Brésil, s'il le faut. Il est bien certain que cette
décision ou cette recommandation, à mon avis, est à peu
près impossible à accepter. Par conséquent, les taux de
rentabilité qui nous ont été proposés doivent
être escomptés d'un montant que je ne connais pas, et SIDBEC ne
nous a pas fourni de calculs.
Il est faux de dire que les 12% et les 16% qu'on nous a donnés
sur le tableau sont réalistes. Votre collègue de Duplessis ne
sera pas tout à fait d'accord si votre parti va recommander
d'aménager un nouveau SIDBEC où SIDBEC n'aura plus aucune
responsabilité vis-à-vis de Normines au point d'aller acheter les
boulettes au Brésil. J'espère qu'on peut au moins s'entendre
là-dessus.
M. Perron: Pour une fois, on est d'accord.
M. Fortier: J'espère que vous allez parler à votre
collègue de Verchères pour dire qu'on a un problème de
rentabilité.
M. Charbonneau: Je n'ai pas nié cela, non plus.
M. Fortier: Non, mais vous avez mentionné les taux de
rentabilité. Je dis que les taux de rentabilité qui nous ont
été montrés au tableau...
M. Charbonneau: Non, je m'excuse. Ils parlaient de 6,8% dans le
cas du statu quo; ce n'est pas 16%.
M. Fortier: ... doivent être escomptés par le fait
que ces gens nous ont dit clairement: Donnez-nous le loisir d'acheter des
boulettes n'importe où dans le monde. Je vais vous dire bien clairement
que notre parti n'est pas prêt du tout à accepter cette
recommandation.
M. Charbornneau: Pas plus que nous, d'ailleurs.
M. Fortier: Bon! Cela dit, je souligne que la chambre de commerce
nous rappelle une triste vérité, c'est que la situation
financière du gouvernement du Québec est très mauvaise. Si
c'était une société privée, le gouvernement serait
en faillite. Plus que cela, l'analyse de la situation financière du
Québec, c'est une problématique conjoncturelle. Donc, cela ne
durera pas seulement un an, cela ne durera pas seulement deux ans, cela va
durer sept, huit ou neuf ans. Il est vrai qu'il faut prendre en
considération l'incapacité du Québec d'assumer des
fardeaux qui soient excessifs par rapport à d'autres services que
l'État doit fournir, que ce soient des services de santé, des
services d'éducation et d'autres. C'est un rappel pertinent et qui
amène peut-être un nouvel éclairage, en tout cas un
éclairage différent de ce qu'autres nous ont
présenté jusqu'à maintenant.
J'aimerais quand même à ce sujet avoir vos impressions sur
la question de la responsabilité collective. M. Létourneau en
particulier avait été invité à donner son avis
lorsque le Parti libéral du Québec a présenté son
manifeste. Vous avez insisté pour que nous soyons plus précis.
Lors de notre congrès, on a tenté d'être précis. On
a dit: Dorénavant, sûrement qu'avant de se lancer dans de
nouvelles aventures très coûteuses, en ce qui nous concerne, nous
serons plus que prudents, nous serons excessivement prudents. D'ailleurs, nous
avions recommandé au gouvernement de ne pas se lancer dans l'aventure
d'Asbestos Corporation et je crois que nous avions raison de le faire. Mais il
s'agit là d'une problématique historique et la recommandation que
vous faites est basée sur des raisons financières. (1 h 30)
Mais il semblerait, en lisant votre mémoire, que votre
recommandation est basée aussi sur des aspects idéologiques. Vous
dites que ce serait mieux - enfin je ne veux pas vous mettre les mots dans la
bouche -compte tenu de l'efficacité plus grande d'une
société privée, d'aller dans cette direction. Mais je me
demande si votre mémoire prend en considération cette
responsabilité collective et qu'il faut collectivement trouver les
meilleures solutions pour SIDBEC, pour le comté de Verchères,
pour le comté de Duplessis et la Côte-Nord. J'aimerais que vous
nous disiez dans quelle mesure vous croyez que, collectivement, les élus
du peuple doivent prendre en considération cette conjoncture
historique.
M. Létourneau: M. le Président, je répondrai
en trois étapes. Premièrement, pour ce qui est de la
responsabilité sociale de l'entreprise, nous en sommes; d'ailleurs, si
cela intéresse certains membres de cette commission, nous venons tout
juste de présenter un rapport à notre assemblée annuelle
sur la question de la responsabilité sociale de l'entreprise; nous
l'avons définie, nous en avons établi les composantes et les
balises. Dans cette responsabilité sociale, nous estimons que la
question de protéger les emplois est une responsabilité sociale
de l'entreprise dans toute la mesure de ses capacités. Nous estimons
aussi qu'une responsabilité sociale, essentielle de l'entreprise, c'est
de réaliser des profits, et pour une raison très simple, c'est
que, lorsqu'elle n'en réalise pas, elle devient un problème, elle
devient un fardeau pour la société. Si elle fait faillite, il y a
des mises à pied, etc. Donc, il y a d'abord une responsabilité
sociale fondamentale qui est celle de faire des profits. Subséquemment,
et pour autant qu'on en fait, il faut s'en servir pour essayer le plus possible
de protéger les emplois, surtout dans les situations difficiles que nous
traversons; là-dessus, nous sommes d'accord.
Maintenant, vous avez demandé si nous avons une raison
idéologique. Je dirais que la première raison est plutôt et
principalement financière. On a investi près de 1 000 000 000 $
dans cette affaire. On en est rendu au point où chaque année, le
déficit coûte le salaire complet de ceux qui y travaillent
directement, et c'est trop; cela a dépassé les normes du bon
sens. Que voulez-vous qu'on y fasse? L'autre raison est structurelle. Ce n'est
pas que nous croyons que SIDBEC soit une aussi mauvaise entreprise que certains
le disent présentement. Le problème principal de SIDBEC, c'est
d'être une entreprise coincée dans une structure de prise de
décision qui la dessert considérablement. Cela tient au fait que
c'est une entreprise - que voulez-vous que je vous dise? - de production de
biens qui a besoin d'une souplesse et d'une rapidité de décision
qu'elle n'a pas quand elle est située comme elle l'est et dans un
endroit comme celui où elle est. Alors, nous disons: Écoutez,
retournons cela au secteur privé et on pense qu'on a des chances de
maintenir les emplois. Donc, notre option n'est pas de faire disparaître
les emplois.
M. Fortier: Je pense bien que l'on se rejoint. Peut-être
étiez-vous ici, quand j'ai posé la question à M. De
Coster, lorsqu'on nous a montré au tableau toutes les études de
marché et les stratégies de marketing.
Venant personnellement du secteur privé, je n'en revenais pas,
parce que je me suis dit: Ce n'est pas possible qu'on étale toutes nos
stratégies de marketing face à la compétition
serrée. J'avais demandé à M. De Coster: Ne croyez-vous pas
que c'était un peu suicidaire? Si vous vous en souvenez, il m'a
répondu: Ce n'est pas un peu suicidaire, c'est très suicidaire.
De ce côté, je pense qu'on se rejoint dans la mesure où la
structure même, les exigences du parlementarisme et le besoin de revoir
ensemble la mission de SIDBEC nous obligent à aller dans des
détails qui font que tous les compétiteurs de SIDBEC, maintenant,
savent exactement ce que SIDBEC fera et, étant donné qu'ils
peuvent avancer plus rapidement, ils peuvent contrecarrer très
facilement les stratégies que SIDBEC se donnera. De ce
côté, je pense qu'on se rejoint, mais, encore une fois, même
si en principe on peut y voir certains avantages, et il reste que sur le plan
pratique - dans le fond, vous dites: Peut-être qu'il faudrait aller
négocier avec un aciériste nord-américain...
M. Létourneau: Ou un autre.
M. Fortier: ... alors, si je comprends bien, cela pourrait
être une compagnie canadienne, cela pourrait être une compagnie
américaine - on irait à l'encontre de tout ce qu'on a
essayé de faire au Québec depuis X années dans ce secteur.
Par ailleurs, qu'elle serait la motivation de cette société ayant
un siège social à Pittsburgh? Venant du milieu dont je viens et
de la formation politique dont je suis membre, remarquez bien que je n'ai rien,
nécessairement, contre les gens qui voudraient venir investir ici, mais,
quand même, il faudrait bien réaliser que, dans un secteur comme
celui-là, qui est très important et où on a
créé beaucoup d'aspirations, où on a voulu relever des
défis, le fait que le siège social soit aux État-Unis, au
Canada ou dans l'Ouest plutôt qu'ici, cela changerait les perspectives
d'avenir dans la mesure où on ne saurait pas très bien quelle
serait la motivation et que les décisions seraient prises dans le
meilleur intérêt de la maison mère de cette nouvelle
compagnie. Je ne dirais pas que les produits vendus ici ne seraient pas bon
marché nécessairement, mais les décisions d'entreprise
seraient prises dans le meilleur intérêt de l'entreprise, dans une
perspective globale, et on ne peut pas présumer, à ce moment-ci,
des conclusions ou des stratégies que se donnerait cette entreprise et
dans quelle mesure elles favoriseraient le Québec. Est-ce que vous avez
quelques commentaires là-dessus?
M. Létourneau: M. le Président, encore une fois, il
y a une question de mesure des inconvénients et, d'un côté
de la balance, il y a toujours la même chose, le coût. Il y a des
limites à ce coût. Nous soumettons humblement qu'on a
dépassé les limites. On peut mettre des avantages de l'autre
côté, si on veut, mais, vraiment, quand on est rendu à ce
qu'on est obligé de payer et qu'on voit la perspective de continuer de
payer comme cela pendant on ne sait pas combien de temps, encore avec de beaux
scénarios comme on en a entendu depuis le début de SIDBEC sur ce
qui pourrait arriver et avec l'expérience qu'on a de ce qui est
arrivé après l'exposé des beaux scénarios, enfin,
nous, on est obligé de conclure par ce que nous vous recommandons.
M. Fortier: Je vous remercie beaucoup. Merci, M. le
Président.
M. Langlois: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): Oui, monsieur.
M. Langlois: ... j'aurais un bref commentaire à faire
à la suite des remarques du député d'Outremont. Sauf
lorsqu'il arrive des décisions d'investissements de sommes importantes,
les décisions en ce qui concerne les opérations minières
de la Côte-Nord et la conduite des affaires quotidienne, à ma
connaissance, sont prises dans les bureaux des entreprises qui sont
situés à Montréal. Quand M. De Coster veut parler aux gens
de la Compagnie minière Québec Cartier, il leur parle; leurs
bureaux sont sur la rue McGill College, à Montréal. Le
président de la compagnie est là, ses adjoints sont là, le
secrétaire de la compagnie est là. Quand les gens veulent parler
au président de la compagnie Iron Ore, il est à Montréal,
rue Sherbrooke. Les partenaires de Mines Wabush sont à Toronto, c'est
Stelco et Dofasco qui sont là. Le fait d'être associé
à des gens dont les sièges sociaux pourraient être
situés à Cleveland, Pittsburgh ou Chicago - parce que ce sont les
grands centres de l'acier en Amérique du Nord - aux États-Unis et
à Hamilton et Sault-Sainte-Marie au Canada, je ne pense pas que cela
puisse représenter des inconvénients au point où il faut
continuer, comme citoyens québécois, à supporter la
tâche que SIDBEC impose à chaque citoyen du Québec.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Duplessis.
M. Perron: M. le Président, cette commission parlementaire
nous a apporté beaucoup de choses, malgré les problèmes
que vit SIDBEC actuellement. Des gens nous ont sensibilisé à
beaucoup de problèmes vécus. Il y en a qui nous ont
apporté des faits nouveaux, il y en a d'autres qui nous ont
apporté des idées nouvelles, en plus des
faits nouveaux. Je pense que cette commission parlementaire a
été très positive jusqu'à maintenant. Quant
à moi, devant tous les intervenants qui sont passés, j'ai
toujours gardé la même position, je n'ai jamais
dérogé à ce que j'ai toujours pensé et ce, depuis
que j'ai été élu à l'Assemblée nationale,
surtout en ce qui a trait aux sociétés d'État. Quelque
chose nous a été présenté, d'ailleurs, par le
Syndicat des métallos. Je voudrais revenir là-dessus,
après mes commentaires, pour vous poser une question en rapport avec les
voeux des métallos, qui ont été, d'ailleurs,
endossés par le ministre lui-même et par la majorité des
membres de cette commission. Vous semblez dire, depuis un certain temps - c'est
normal, je crois, que vous le fassiez encore comme représentants de la
Chambre de commerce de la province de Québec, parce que vous l'avez
toujours fait - qu'à peu près toutes les sociétés
d'État ne valent pas grand-chose. Vous semblez dire, par exemple, que
les sociétés d'État qui sont rentables devraient vous
appartenir. Vous semblez dire qu'une société d'État qui
n'est pas rentable doit être vendue à l'entreprise privée,
donc privatisée, à un coût très abordable pour
ensuite la rentabiliser.
Je vais vous donner des exemples assez concrets. En 1976, lorsqu'on a
élu notre gouvernement, si ma mémoire est bonne, il y avait
quatorze sociétés d'État qui n'étaient pas
rentables. Actuellement, il y en a deux, dont une, à moins que je ne me
trompe, que nous avons créée nous-mêmes. Toutes les autres
sociétés d'État sont rentables, à part ces
deux.
D'autre part, lorsqu'on regarde les problèmes que vivent Dofasco,
Algoma, qui font partie de l'entreprise privée, elles ont aussi des
problèmes; il y en a même une couple qui sont déficitaires;
pourtant, c'est de l'entreprise privée. Je pense que, comme
gouvernement, étant propriétaire d'une société
d'État - je parle en même temps de la collectivité - on
doit prendre nos responsabilités. Qu'on réaménage SIDBEC
en dissociant SIDBEC de Normines, c'est possible qu'on le fasse. Qu'on
réaménage dans le sens peut-être d'investir, mais non pas
à tour de bras, pour concrétiser les opérations
manufacturières face aux besoins du marché, cela va de soi
aussi.
Mais là où je suis contre, c'est que vous parlez toujours
de privatisation lorsque vous venez ici à la commission parlementaire.
M. Langlois a mentionné tout à l'heure qu'il serait
nécessaire de s'en aller vers la privatisation autant dans SIDBEC, si ma
mémoire est bonne, que dans SIDBEC-Normines. Mais, dans le cas de
SIDBEC-Normines, on sait parfaitement bien, d'après ce qui nous a
été dit et ce qu'on a vu depuis plusieurs mois, que cela prend le
consentement des actionnaires. Avec le consentement des actionnaires, à
ce moment-là, on peut se ramasser avec l'un ou l'autre des actionnaires
qui devient propriétaire de SIDBEC-Normines. Dès lors, les
décisions ne seront donc plus prises au Québec. Je dis toujours
qu'il faut rajuster le contexte, mais les décisions ne seraient plus
prises au Québec. Elles seraient prises ailleurs qu'au Québec et
elles nous arriveraient sur la tête comme une avalanche, comme c'est
arrivé, par exemple, dans le cas de Schefferville, même si on
était un peu sensibilisé à cela depuis deux ou trois ans.
La question que je veux vous poser est celle-ci: je voudrais savoir ce que vous
pensez, en tant que représentants de la chambre de commerce, de
l'hypothèse - l'implication des travailleurs a été
proposée - qui a été mise de l'avant aujourd'hui par les
Métallurgistes unis d'Amérique.
M. Langlois: M. le Président, on a répondu un peu
tout à l'heure à cette question. C'est une proposition que les
métallos ont faite ici aujourd'hui; c'est une décision qu'ils
auront à prendre en temps et lieu, lorsque les règles du jeu
auront été arrêtées, si j'ai bien compris, lorsque
le comité restreint proposé par le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme se sera mis au travail et que cette possibilité
aura été étudiée. Ce sera au Syndicat des
métallos de prendre la décision en fonction des
intérêts de ses membres. Si les métallos décident
que cette hypothèse de s'impliquer financièrement dans la gestion
de SIDBEC, mon Dieu! c'est dans l'intérêt de leurs membres, que
cela fait l'affaire de tout le monde, que c'est une bonne entente, qu'elle est
raisonnable et qu'elle va permettre à la société
d'État, encore là, de faire ses frais et d'en décharger
les contribuables québécois, on sera les premiers à s'en
réjouir, M. le Président. (1 h 45)
Je voudrais revenir sur les propos du député de Duplessis
très brièvement; il est déjà tard, et je pense
qu'on commence à avoir notre voyage. Notre mémoire parle de
SIDBEC; il ne parle pas des autres sociétés d'État,
qu'elles soient déficitaires ou non. On parle de SIDBEC. Vous avez
mentionné qu'il y avait deux sociétés d'État
déficitaires et, si j'ai bien compris, SIDBEC est l'une de ces deux.
Dans le cas de Normines, on a mentionné que c'était
déjà une entreprise qu'on considérait, à toutes
fins utiles, toute calquée sur l'entreprise privée, presque de
l'entreprise privée, parce qu'il y a trois partenaires qui en font
partie. Il y en a un qui est britannique, il y en a un qui est installé
dans la province de Québec, qui est propriété
américaine et qui est chez nous depuis déjà plus de 20
ans. Quand je suis arrivé à Sept-Îles, en 1960, le
premier
ministre de l'époque est venu couper le ruban du bureau de
Québec Cartier Mining, à Port-Cartier. Cela fait 22 ans de cela,
déjà. Vous avez vu un des cadres de Québec Cartier ici ce
soir, ce sont eux qui mènent Québec Cartier, alors
SIDBEC-Normines est considérée, à toutes fins utiles,
comme déjà privatisée; c'est presque fait, il ne resterait
plus grand-chose à faire. Si le gouvernement du Québec confie le
mandat aux dirigeants de SIDBEC d'aller explorer la possibilité, avec
ses partenaires, de reprendre les discussions concernant le cas de Normines, on
est convaincu que ce serait une façon à moyen terme de garder ces
choses en marche et, à la reprise de l'activité
économique, d'améliorer cela. On n'est pas venu devant cette
commission comme à la chasse aux moulins à vent. On est venu dire
des choses que l'on pense être dans le meilleur intérêt de
la société québécoise et des citoyens du
Québec. C'est cela qu'on est venu dire, M. le Président.
M. Perron: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: M. le Président, je voudrais faire une
brève remarque avant de commencer. Personnellement, j'ai beaucoup de
respect et j'admire la sincérité du député de
Verchères dans la défense des intérêts des gens de
son comté. C'est sûr qu'il a pris une position très nette
dans l'affaire et qu'il a défendu ses convictions avec beaucoup de
fermeté. J'admire sa conviction. En même temps, je lui demande de
respecter autant notre sincérité. Personnellement, je ne passe
pas de message. Vous avez eu l'air de dire qu'on passait un message à la
FTQ, un autre message devant la chambre de commerce. C'est peut-être
votre perception, mais je tiens à dire, sans aucune équivoque,
que ce que nous avons dit devant la FTQ - j'étais là quand mes
collègues ont parlé - était très simple. On a
trouvé le mémoire excellent. C'est un mémoire positif qui
faisait des suggestions très concrètes pour la
réorganisation de l'administration. En fait, on pensait que
c'était même un mémoire qui pouvait sortir d'une chambre de
commerce, parce que c'était très bien fait. On a dit cela
très clairement.
En deuxième lieu, on a dit aussi que ce mémoire
était une ouverture très positive. Ces gens ont été
d'accord avec la suggestion d'entrer dans un comité; ils ont
été même d'accord avec une suggestion de rouvrir les
conventions collectives de plein gré, ce qui est un pas drastique ces
jours-ci, pour un gros syndicat. Je pense que c'était une
reconnaissance, surtout pour un parti comme le nôtre qui est censé
être un parti très préjugé contre les syndicats,
selon l'opinion publique. Mais on a dit cela et on ne change pas.
En même temps, je pense aussi qu'il faut reconnaître que,
depuis le commencement, nous n'avons pas dit: Fermons SIDBEC-Normines.
Peut-être dites-vous que c'est un malentendu, mais cela a paru dans un
document interministériel. C'est cela qui a causé toute cette
histoire. Nous avons dit dès le début mon collègue de
Mont-Royal l'a dit: Ne fermons pas l'usine avant la réouverture des
contrats. Peut-être devriez-vous nous donner un peu de crédit pour
avoir été les premiers à suggérer la chose de
façon officielle, à l'appuyer et à demander au ministre
des Finances de reconnaître qu'il n'avait pas négocié la
réouverture du contrat et que c'était une possibilité.
Je ne peux pas dire qu'on est insensible à ce qui se passe chez
les travailleurs, qu'on fait cela avec du "grandstanding", je ne pense pas que
ce soit cela. On est aussi convaincu que vous et on ne veut pas que des emplois
soient perdus. On ne veut pas que SIDBEC ou SIDBEC-Normines ferment. Nous ne
sommes pas là pour faire de la petite politique. Je pense qu'il faut
aussi respecter nos convictions. En même temps, je suis personnellement
un pragmatiste, je pense qu'il faut voir toutes les suggestions; je ne pense
pas qu'il faille ignorer les idées. Je comprends votre point de vue, qui
est de dire: On a 4780 travailleurs chez SIDBEC; il faut les conserver, a
priori, autant que possible. Nous sommes d'accord là-dessus, mais, en
même temps, il fut reconnaître que les circonstances du monde
économique actuel font que, par exemple, dans la société
Asbestos, que le gouvernement a achetée, on devait garantir les emplois
et il y a des mises à pied. On peut penser aux compressions
budgétaires qui se font aujourd'hui dans les secteurs des
hôpitaux, de la santé et de l'éducation. Cela n'est pas
quelque chose qu'on peut garantir pour toujours. On en peut pas dire: SIDBEC a
4780 employés, et, coûte que coûte, cela va demeurer 4780
employés.
Il faut voir d'autres suggestions. Par exemple, si nous sommes
intéressés à discuter de façon tout à fait
positive avec la chambre de commerce, je ne vois pas pourquoi on aurait
été des hypocrites devant la FTQ. Si on pense cela, c'est
malheureux, mais moi, personnellement, je suis disposé à
être aussi sympathique à la chambre de commerce qu'à la FTQ
et à penser que c'est une suggestion tout à fait
concrète.
C'est là que je pose la même question à la chambre
de commerce que j'ai déjà posée à M. De Coster.
À Nanticoke, en Ontario - je sais cela parce que j'y ai
été bien souvent, Stelco a bâti une usine magnifique; le
gouvernement d'Ontario devait lancer, comme vous le savez, un canton,
Townsend, qui devait amener 30 000 habitants. Cela devait être un
développement fantastique. L'acier est tombé, l'usine de Stelco
travaille à petit rendement et le projet de Townsend a été
abandonné. Au contraire, c'est une espèce de situation un peu
désastreuse. Si vous regardez aux États-Unis, c'est la pagaille
dans le monde de l'acier, et aussi en Europe, et même au Japon. Où
allez-vous trouver une solution pratique. Je comprends que vous vous dites que
vous allez vendre cela à l'industrie privée. Je l'ai
demandé à M. De Coster, lequel avait fait la suggestion de vendre
SIDBEC-Normines à l'industrie privée. Il m'a répondu: Bon,
c'est très bien, mais où allez-vous trouver des gens qui vont
acheter une industrie déficitaire, quand il y a un surplus fantastique
d'acier dans le monde? Je lui ai dit: Combien de temps mettez-vous
là-dedans? Alors, il m'a répondu: On n'a pas calculé le
temps, peut-être que cela va être six mois ou huit mois. C'est ce
que je voulais savoir de vous. Est-ce un "pine sky", une espèce de
"wishful thinking"? Ou bien pensez-vous qu'aujourd'hui dans le monde il y a un
grand consortium qui se ferait de toutes sortes d'aciéries
intéressées? Pourquoi? Pour capter un marché ou pour faire
quelque chose ici qu'elles ne font pas chez elles? Quel serait
l'intérêt aujourd'hui, par exemple, pour ces grandes
aciéries de venir acheter SIDBEC?
M. Létourneau: M. le Président, nous avons
confiance qu'avec une bonne préparation, une bonne stratégie de
mise en vente, un mandat clair et ouvert confié à des
professionnels de ce genre d'opérations, il y a des chances de vendre
ces actions de SIDBEC, tel que le propose le conseil d'administration de
SIDBEC. Si, à la fin de l'échéancier d'un an, on n'a rien
réussi, on est prêt à revenir ici pour discuter à
nouveau de la question.
M. Lincoln: Le ministre l'a suggéré peut-être
comme une espèce d'offre formulée, une espèce de "joint
venture" du gouvernement, comme cela se fait dans toutes sortes d'industries.
Avez-vous pensé aussi que cela serait peut-être réalisable,
une espèce d'option comme cela s'est fait en Colombie britannique dans
des circonstances différentes? Cela n'était pas de l'industrie
déficitaire. On a lancé des émissions d'actions à
très bas tirage avec un maximum par habitant; les gens achetaient des
actions sur une très vaste échelle pour donner du capital
à une entreprise. Peut-être qu'à ce moment-là aussi
cela testerait un peu tous les gens qui disent: Bon, allons sauver SIDBEC, mais
qui s'en foutent, car c'est le gouvernement qui paie. Ce serait peut-être
intéressant de tester qui va mettre son argent là-dedans et
acheter des actions. Si le ministre s'était intéressé
à la question, peut-être qu'il aurait pu proposer cela comme
solution. Est-ce quelque chose à considérer parce que là
on cherche des capitaux énormes? Si on a 6 000 000 d'habitants au
Québec, une population travailleuse de 2 500 000 habitants,
peut-être que cela serait une option à considérer de lancer
une émission d'actions à bas tirage. Pensez-vous que c'est
réalisable?
M. Létourneau: M. le Président, pour
compléter la dernière question, nous ne saurons jamais s'il y a
un acheteur à moins d'aller sur le marché de manière
professionnelle pour la vendre. Il faut le faire. On ne l'a jamais encore fait.
Il faut donc le faire pour le savoir. D'autre part, pour répondre
à la question du député, cette proposition, nous l'avons
examinée et elle nous plaît. C'est une proposition semblable
à celle de la British Columbia Resources Corporation.
M. Lincoln: Oui, la British Columbia Resources.
M. Létourneau: British Columbia Resources and Investments
Corporation. Pourquoi ne pas distribuer les actions de SIDBEC aux citoyens du
Québec? Ils en sont les propriétaires. Nous n'avons pas
d'objection. C'est une idée.
M. Lincoln: Le ministre n'est pas là. Êtes-vous
prêt à ajouter cela à votre recommandation? Il est
là maintenant. C'est bon. Le ministre m'a assuré qu'il y aurait
une autre solution à considérer, c'est peut-être un tirage
d'actions à la façon de la British Columbia Resources and
Investments qui va dans le public à un tirage très bas où
vous pouvez récolter du capital. Si, par exemple, les
Québécois sont réellement désireux de sauver leur
propre entreprise, s'ils veulent garder leur aciérie ici, vous
êtes de bons propagandistes, si vous pouviez lancer l'idée, ce
serait peut-être quelque chose à considérer d'une
façon sérieuse, parce qu'en Colombie britannique ils ont
trouvé des fonds considérables avec cela. Je ne me souviens pas
des chiffres, mais c'était élevé.
Le Président (M. Desbiens) M. Langlois.
M. Langlois: M. le Président, si vous me permettez une
très brève intervention, à la suite des remarques du
député pour savoir s'il y aurait, dans la conjoncture actuelle,
dans le marché de l'acier principalement, des acheteurs éventuels
ou de l'entreprise privée qui seraient intéressés. J'ai vu
sur le tableau, hier, dans les diapositives projetées par la direction
de SIDBEC, que SIDBEC a vendu des produits manufacturés d'acier pour
614 000 000 $, en 1982, si ma mémoire est bonne. Cela
représente déjà un marché très
intéressant, n'est-ce pas? Il n'est pas dit qu'une aciérie qui
recherche le genre de marché que SIDBEC possède dans le moment,
avec les produits que SIDBEC manufacture, ne serait pas
intéressée, justement, à regarder cela attentivement.
Même si la rentabilité n'est pas là, il reste qu'il y a un
marché et une gamme de produits qui existent.
M. Lincoln: Ce que je voulais dire, c'est: Est-ce que, à
ce moment, cela n'entraîne pas ce que le député de
Verchères allait vous dire? Si, par exemple, vous avez une grosse
aciérie qui vient là pour capter ce marché, ce qu'elle va
faire en fait, c'est prendre tout ce qu'il y a de secteurs non rentables de son
point de vue, parce qu'elle a de la machinerie beaucoup plus moderne, beaucoup
plus grosse. Elle va accaparer le marché. En même temps, elle va
réellement stopper une grosse partie de l'entreprise. C'est un risque de
cette façon.
M. Létourneau: M. le Président, il n'y a rien qui
dit que les conditions de vente ne pourraient pas exiger la continuation de
certaines activités.
M. Lincoln: Oui.
M. Langlois: II y a des facteurs économiques aussi en
approvisionnement de matières premières et en coût de
transport, surtout lorsqu'il y a des installations dans un endroit comme
Contrecoeur ou dans l'Est de Montréal ou à Longueuil et qu'elles
ont déjà plusieurs années de remboursement de capital de
faites et sur lequel les taux d'intérêt sont relativement bas. Il
n'est pas dit, non plus, que l'entreprise va regarder tous ces facteurs.
Le Président (M. Desbiens) M. le député de
Châteauguay.
M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que le
député de Châteauguay me permettrait juste un commentaire?
Je voudrais d'abord rassurer mon collègue de Nelligan que je ne voulais
pas mettre en doute sa sincérité. Quant à mes commentaires
sur le mémoire de la chambre de commerce, je ne pense pas qu'en soi j'ai
dit que je considérais comme une hérésie la position de la
chambre de commerce. La seule chose, c'est que, dans le contexte actuel
où déjà on a un taux de chômage élevé,
je considère qu'un de mes mandats, le premier mandat que je dois avoir
face aux gens que je représente, c'est de faire en sorte qu'on puisse
maintenir le niveau d'emploi actuellement. Il y a quelques années, on
aurait pu envisager une hypothèse qui aurait fait en sorte qu'on aurait
peut-être mis des gens à pied, mais que ces gens auraient pu se
relocaliser ou se trouver des emplois ailleurs facilement, mais ce n'est pas le
cas actuellement. Dans le contexte actuel, on doit avoir une autre
préoccupation que la simple rentabilité. Les remarques que j'ai
pu faire, qui auraient pu être blessantes, étaient surtout
à l'endroit d'un sarcasme de la part du député d'Outremont
qui disait que l'objectif n'était pas de sauver les
députés péquistes. Quand on disait cela, on voulait
peut-être laisser entendre que, finalement, entre le député
qui cherche à sauver des "jobs" et la rentabilité qu'il faut
préserver, le choix, c'est la rentabilité. Il ne s'agit pas de
sauver le député péquiste, ni ses "jobs". (2 heures)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Châteauguay, en terminant.
M. Charbonneau: Les choses étant claires maintenant, votre
sincérité n'est pas mise en doute dans mon esprit.
M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais, à
titre d'adjoint parlementaire au ministre, m'associer aux voeux du ministre
pour féliciter le nouveau président de la Chambre de commerce de
la province de Québec de son accession à ce poste. Je lui
souhaite le meilleur mandat possible. Je voudrais lui poser une question de
clarification relativement aux propos qu'il a tenus tout à l'heure. Il a
fait une certaine comparaison entre le groupe Wabush et le groupe Normines. On
sait que le contrat entre les trois composantes de SIDBEC-Normines constitue
une des grandes difficultés du problème qui nous a amenés
à nous réunir. Je voudrais savoir si, concernant le groupe
Wabush, il a dit qu'ils ont - donc avec une certaine certitude dans son esprit
-ou qu'ils doivent avoir l'impression qu'il a le même arrangement que
celui du groupe Normines. Est-ce que votre information à ce sujet est
telle que vous nous dites qu'ils ont véritablement le même
arrangement que SIDBEC-Normines?
M. Langlois: Je ne suis pas en position pour affirmer avec
certitude qu'il s'agit des mêmes clauses de contrat qui lient les
partenaires de Mines Wabush que ceux de Normines. Il reste que ce sont deux
arrangements qui se ressemblent sauf qu'à Mines Wabush il y a sept
partenaires et, à Normines, il y en a trois. Les clauses exactes des
contrats, je ne suis pas en mesure de vous les dire.
M. Dussault: Avez-vous l'impression que les contraintes, d'un
groupe à l'autre, sont sensiblement les mêmes?
M. Langlois: C'est une entreprise à sept
partenaires qui doit prendre des décisions concernant les quotas
de production pour les années à venir. Les partenaires se
réunissent une fois par année pour déterminer cela.
À une autre reprise, ils font des budgets. Stelco dit: L'an prochain,
j'aurai besoin de tant de tonnes provenant de Wabush. C'est comme cela que les
autres inscrivent leurs chiffres et additionnent.
M. Dussault: Tirez-vous la conclusion que si c'est bon pour le
groupe Wabush, les composantes du groupe Normines devraient convenir d'un tel
arrangement?
M. Langlois: C'est encore difficile pour moi de répondre
à cette question. C'est une une question difficile. Wabush a
été fondée au début des années soixante. Les
activités ont commencé au début de 1965. Cela fait tout
près de vingt ans maintenant et cela fonctionne encore. Deux partenaires
ont lâché au tout début, ce sont les Allemands, mais les
mêmes partenaires canadiens, américains et italiens y sont
toujours.
M. Dussault: Pour terminer - je vous pose la question - votre
mémoire nous dit-il implicitement de respecter le contrat qui lie les
composantes de SIDBEC-Normines?
M. Langlois: Non, ce qu'on a dit - le mémoire ne le dit
peut-être pas implicitement et clairement - au moins, c'est qu'on pense
que, dans un objectif de privatisation, le gouvernement devrait mandater le
conseil d'administration de SIDBEC de voir quelles sont les possibilités
d'alléger le fardeau de SIDBEC concernant ses ententes dans
Normines.
M. Dussault: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, pour
conclure.
M. Biron: Je voudrais vous remercier et m'excuser encore au nom
de toute la commission de vous avoir fait veiller aussi tard. Merci de votre
intervention et j'en profite aussi, en même temps, pour remercier mes
collègues des deux côtés de la table pour ces deux jours
passés ensemble. Je pense qu'il y a eu du travail constructif de fait.
Il s'agit maintenant de...
Une voix: La motion.
M. Biron: Discutons-nous de la motion?
Des voix: Oui.
M. Biron: J'ai un droit de parole d'une heure sur la motion.
M. Ciaccia: Oui et, moi, j'ai un droit de réplique de deux
heures.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs!
Ce n'est pas terminé. M. Langlois veut intervenir.
M. Langlois: Vous allez me permettre, je pense, à cette
heure tardive, de dire à la commission que, même s'il est tard,
nous avons apprécié le fait d'être entendus. Si les deux
jours que je viens de passer à l'Assemblée nationale sont le
reflet du travail d'un député, vous allez me permettre, M. le
Président, avec humour, de laisser savoir au député de
Duplessis de ne rien craindre de ma part aux prochaines élections, je ne
serai pas contre lui.
Le Président (M. Desbiens): Je remercie les
participants.
M. Biron: Si je comprends bien le président de la chambre
de commerce, vous ne serez pas candidat à la convention du Parti
québécois contre lui.
Le Président (M. Desbiens): Je dois souligner qu'il y a un
autre mémoire qui a été soumis, celui de M. Laurent
Brodeur, mais pour dépôt seulement. Enfin, je remercie tous les
membres de la commission, tous les participants de leur collaboration. Je
demande au rapporteur de faire rapport de nos travaux à
l'Assemblée nationale. La commission élue permanente de
l'industrie, du commerce et du tourisme a rempli le mandat qui lui avait
été confié d'entendre certaines représentations en
vue de revoir l'orientation de SIDBEC.
Motion proposant la renégociation des clauses
de pénalité (suite)
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... pourrais-je avoir une décision de votre
part sur la motion que j'ai présentée avant-hier? Vous en aviez
pris avis. Je voudrais savoir si elle est recevable.
M. Dussault: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal, j'avais pris avis du dépôt de la motion.
M. Ciaccia: Oui?
Le Président (M. Desbiens): On pourrait peut-être
l'étudier à ce moment-ci, mais, avant, M. le député
de Châteauguay, sur une question de règlement.
M. Dussault; Oui, M. le Président. Compte tenu de l'heure
tardive - il est près de 2 h 10 du matin - compte tenu que, vers 22
heures, au moment où j'ai vérifié - je comprends, M. le
Président, que vous étiez occupé - s'il y avait
consentement des membres de la commission pour qu'on continue l'audition des
mémoires - j'ai bien dit pour l'audition des mémoires
personnellement, à l'heure qu'il est, je ne donnerais pas mon
consentement pour que l'on continue les travaux de la commission. Notre mandat
étant rempli, personnellement, je pense qu'il faudrait qu'on mette fin
à nos travaux, M. le Président.
M. Lincoln: "Black and white". Ce sera dans tous les journaux.
C'est du... "For goodness sake!"
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, soyons un peu plus
honnêtes que cela. On a obtenu le consentement de la commission pour
continuer...
M. Lincoln: "This is typical of you!" M. le député
de Châteauguay. Petit politicien! Vous riez! Vous croyez que c'est
amusant! C'est imbécile!
M. Ciaccia: Je crois que la commission siège encore avec
le consentement de tous les membres. Je ne pense pas qu'un des membres,
à ce moment-ci, peut unilatéralement retirer son consentement. Je
demande seulement....
M. Dussault: M. le Président...
M. Lincoln: Mais, demain....
M. Ciaccia: On est ici à 2 h 10.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!
M. Ciaccia: M. le Président...
M. Dussault: Vous direz ce que vous voulez. Vous racontez des
histoires tout le temps. Ce ne sera pas nouveau. Il n'y a pas de consentement,
M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À
l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!
M. Dussault: II est 2 h 10. C'est suffisant. On a perdu du temps
avec cette motion hier pendant une heure, M. le Président. C'est assez.
C'est assez.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre!
M. Ciaccia: M. le Président, le consentement a
été donné pour continuer les travaux de la commission.
M. Paradis: II est déjà donné. Ils ne
respectent pas les contrats. Ils ne respectent rien.
Le Président (M. Desbiens): II faudrait... M. Lincoln:
Ils ne respectent rien.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! À l'ordre, s'il vous plaît, MM. les membres de la
commission! À l'ordre! Il faudrait, à ce moment-ci...
M. Ciaccia: Donnez-moi votre décision et qu'on en
finisse.
Le Président (M. Desbiens): Je pense que ce serait
difficile pour moi de rendre une décision avec cette nouvelle
controverse, sans avoir la transcription des débats de
l'Assemblée nationale. Il est impossible de l'avoir à cette
heure. Il y aurait peut-être la possibilité, toutefois, d'aller
écouter la cassette à cette heure-ci pour savoir ce qui s'est
passé à ce moment-là.
M. Ciaccia: Oui, M. le Président. M. Lincoln: M. le
Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: ... vous rappelez-vous ce que vous avez dit hier?
Le Président (M. Desbiens): Ce que j'ai dit hier...
M. Lincoln: Oui
Le Président (M. Desbiens): ... c'est le
dépôt et l'étude, après la fin de la commission.
M. Lincoln: C'est cela.
Le Président (M. Desbiens): Mais ce n'est pas
là-dessus que la question de règlement est venue.
M. Dussault: Ce n'est pas du tout cela, M. le Président,
si on me le permet. La seule chose qu'il faut comprendre, c'est qu'à
cause de l'heure tardive il n'y a pas de consentement de la part d'un membre de
la commission. Or, cela prend le consentement unanime pour que l'on continue de
faire autre chose que l'étude des mémoires. J'ai demandé
au président à 22 h 10, pour ne pas couper la parole aux gens qui
étaient présents ici, de constater s'il y avait
consentement pour continuer l'audition des mémoires. On a dit
qu'il y avait consentement. Il y avait consentement pour l'audition des
mémoires. Il n'y avait pas d'autre consentement que celui-là. Je
ne donne pas mon consentement pour continuer sur autre chose que l'audition des
mémoires, puisque notre mandat consistait à faire l'audition des
mémoires et à poser des questions aux invités, ce qui est
fait. C'est consommé, M. le Président. Maintenant, on demande de
lever l'assemblée.
M. Ciaccia: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: ... quand le député de
Châteauguay est intervenu, premièrement, c'est sur la continuation
des travaux de la commission, mais, à ce moment-là, le
consentement avait déjà été donné. Il
était 22 h 10 quand il est intervenu. Je me souviens d'avoir
regardé l'horloge. Il était 22 h 10 et on peut le vérifier
sur les cassettes. Le consentement avait déjà été
donné, M. le Président. Si c'est nécessaire, avec de
petites tactiques semblables, on essaie, au moyen d'une technicité, de
ne pas discuter de la motion pendant cinq minutes. Je pense que c'est tout
à fait malhonnête et je vais exiger qu'on aille écouter les
cassettes. On va rester le temps qu'il faudra pour écouter les
cassettes.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, je n'ai aucune objection.
Quand j'ai fait mon intervention, je savais ce que je faisais. Comme je ne
voulais pas qu'on considère qu'on avait donné implicitement notre
accord pour continuer sur toutes sortes de choses autres que l'audition de
mémoires, j'ai lu quasiment au mot près l'intervention que j'ai
faite.
M. Paradis: C'est enregistré.
M. Dussault: J'ai bien dit: Moi aussi, bien sûr, j'accorde
mon consentement pour continuer après 22 heures pour l'audition des
mémoires. C'est ce que j'ai dit. C'est ce que vous allez entendre sur la
cassette, si vous allez l'écouter. Si tout le monde veut se coucher
à 3 heures pour le faire, je n'ai aucune objection. Cela ne va que vous
démontrer que vous ne comprenez rien.
Le Président (M. Desbiens): II reste une seule solution,
si vous l'exigez, c'est d'aller entendre les cassettes. Techniquement, je pense
que c'est possible.
M. Paradis: Là-dessus, il faudrait l'entendre à
deux endroits, lorsqu'elle a été donnée à
l'intérieur de l'heure limite, parce que, si ma mémoire est aussi
fidèle que celle du député de Mont-Royal, l'intervention
du député de Châteauguay s'est produite à 22 h 10.
Il faudrait donc, pour avoir l'essence du consentement qui a été
donné, retourner au premier consentement donné à cette
commission, qui a été donné à l'intérieur
des délais, tenant pour acquis qu'un consentement a été
donné à l'extérieur des délais. Surtout, à
la suite de la réponse qui a été donnée au
député de Châteauguay, on lui a dit: Vous n'avez pas pris
note que cette commission avait donné le consentement pour continuer -
c'est là qu'il a fait sa remarque - à l'extérieur des
limites? Il a dit: Si cela a été fait, c'est correct. Alors, on
peut aller écouter les deux passages et, en écoutant les deux
passages, on va se rendre compte que cette commission a donné son
consentement pour continuer à siéger.
M. Dussault: M. le Président, je pense que cela
mérite une réponse. J'ai expressément dit, au moment
où je suis intervenu à 22 h 10 à peu près: M. le
Président - celui qui avait pris votre place à ce moment pourra
en témoigner - pour ne pas être impoli à l'égard des
gens qui sont ici à 22 heures, je ne leur ai pas coupé la parole,
parce que cela n'aurait pas été correct, mais je tiens à
vous dire, maintenant qu'ils ont terminé leur intervention... Je n'ai
même pas permis à mon collègue de commencer à poser
des questions, justement pour que cela reste bien clair. J'ai dit: M. le
Président, est-ce qu'il y a eu constatation qu'il y avait consentement
pour que l'on dépasse 22 heures? Le président a dit: II n'y a pas
eu de constatation. Alors, j'ai demandé effectivement que cela devienne
clair. Voilà. C'est tout à fait correct, parce que j'aurais pu le
faire à 22 heures, mais je ne voulais pas être impoli à
l'égard du groupe que nous recevions. Ce sont des gens de Contrecoeur
qui étaient là. Je n'aurais pas été correct dans ma
peau si j'avais coupé la parole à ces gens. Je l'ai fait au
moment où c'était convenable.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. le Président, s'il pouvait arrêter de
parler pendant trente secondes, est-ce que je dois comprendre que le
député de Châteauguay refuse son consentement pour...
M. Dussault: Pour faire autre chose que de l'audition de
mémoires.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: II refuse son consentement afin que nous puissions
déposer ou avoir la décision du président sur une motion
qui demanderait que cette commission invite le gouvernement à prendre
les mesures immédiates pour renégocier...
M. Dussault: II n'y a pas de consentement pour continuer les
travaux de la commission.
M. Ciaccia: J'ai le droit de parole. Le Président (M.
Desbiens): À l'ordre!
M. Ciaccia: ... en vue de leur élimination les clauses de
pénalité des contrats...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dussault: Je vous invite à mettre fin
immédiatement aux travaux de la commission, M. le Président.
M. Ciaccia: ... relatifs à SIDBEC-Normines et à
poursuivre les opérations de SIDBEC-Normines tant et aussi longtemps que
se poursuivra la renégociation desdites clauses. Je veux savoir si le
député de Châteauguay essaie de nous dire qu'il voudrait
refuser - pas parce qu'il n'a pas le droit - son consentement pour cette
motion. Est-ce cela qu'il nous dit? Est-ce que le député de
Verchères est d'accord avec le député de
Châteauguay? Est-ce que le député de Duplessis est d'accord
avec les petites politicailleries du député de
Châteauguay?
M. Dussault: M. le Président, je prends sur mon compte
à moi de refuser mon consentement pour faire autre chose que l'audition
de mémoires à cette heure-ci.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Ciaccia: Est-ce qu'il prend toujours le droit de parole par
lui-même?
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Dussault: II est 2 h 15 du matin.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! Je crois
qu'il devient inutile de poursuivre sur cette lancée. La seule solution
qui me reste dans les circonstances, c'est de mettre fin aux travaux de la
commission.
M. Paradis: Pour la cassette, vous prenez la parole du
député?
M. Ciaccia: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le
député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si le député de Châteauguay a
raison et qu'il n'a donné son consentement que pour entendre les
mémoires, cela veut dire qu'il n'y a pas de consentement pour le
dépôt du rapport. Cela veut dire que cette commission ne peut pas
faire rapport à l'Assemblée nationale et qu'elle n'a pas fini ses
travaux.
Le Président (M. Desbiens): Je suspends les travaux de la
commission pour quelques minutes.
(Suspension de la séance à 2 h 15)
(Reprise de la séance à 2 h 17)
Le Président (M. Desbiens): La commission reprend ses
travaux. Nous allons suspendre pour qu'on puisse entendre les cassettes.
M. Ciaccia: Mais, M. le Président, il y a deux choix. Si
nous écoutons les cassettes et que le député de
Châteauguay a raison, cela veut dire qu'on ne peut pas faire rapport et
que la commission n'a pas terminé ses travaux. Si, d'autre part, le
député de Châteauguay n'a pas raison, cela veut dire qu'il
va falloir que vous rendiez une décision sur la motion que nous avons
déposée.
Le Président (M. Desbiens): C'est cela.
M. Ciaccia: Ah! D'une façon ou d'une autre, la commission
n'aurait pas terminé ses travaux.
M. Paradis: Pourrais-je vous souligner un point de
règlement? Je pense que, présentement, la commission siège
illégalement, qu'elle n'a pas quorum. Dans les circonstances, il faut
que vous ajourniez la commission et redemandiez au leader du gouvernement de la
convoquer. On n'a pas le quorum présentement et votre devoir est
d'ajourner et de demander au leader du gouvernement de convoquer la commission
à nouveau.
M. Ciaccia: M. le Président, jamais, de mémoire
ai-je vu des gens du parti ministériel quitter la commission avant
qu'elle soit terminée, avant que vous l'ayez vous-même
ajournée. Dans ma mémoire, c'est une chose qui ne s'est jamais
vue, quand des gens sont venus ici pour prier le
gouvernement de garder leur ville et leur vie. On n'a jamais vu ce
spectacle de tous les sièges vides du côté
ministériel.
Le Président (M. Desbiens): C'est cela que je cherche, le
fameux quorum.
M. Ciaccia: C'est l'article 145, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Article 145.
M. Ciaccia: L'article 145 se lit comme suit: "La majorité
des membres qui composent une commission en forme le quorum, et ce quorum est
présumé exister tant qu'un membre n'a pas souligné son
absence. Cependant, il est nécessaire à la validité d'un
vote." L'article 146: "Si, pendant une séance, un membre signale au
président que le quorum n'existe pas ou si le président le
constate lui-même à l'occasion d'un vote, il ajourne à
l'heure et au jour qu'il juge opportuns."
M. Paradis: Donc, II faut fixer une heure et un jour. Je vous
demande officiellement de constater l'absence de quorum.
Le Président (M. Desbiens): Je constate qu'il y a absence
de quorum et j'ajourne les travaux sine die.
M. Ciaccia: On attendra l'ordre de la Chambre.
Le Président (M. Desbiens): On attendra le nouvel ordre de
la Chambre pour siéger.
M. Ciaccia: Très bien. Merci, M. le Président.
(Fin de la séance à 2 h 25)