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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Thursday, November 11, 1982 - Vol. 26 N° 195

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Auditions en vue de la révision de l'orientation de SIDBEC


Journal des débats

 

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Boucher): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme s'est réunie pour entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC.

Les membres de la commission sont: M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Biron (Lotbinière), M. Dussault (Châteauguay), M. Fortier (Outremont), M. Perron (Duplessis), qui remplace Mme Harel (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), qui remplace M. Lavigne (Beauharnois), M. Leduc (Saint-Laurent), M. Paradis (Brome-Missisquoi), qui remplace M. Maciocia (Viger); M. Paré (Shefford), M. Martel (Richelieu) remplace M. Payne (Vachon) et M. Ciaccia (Mont-Royal), qui remplace M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).

Les intervenants sont: M. Beaumier (Nicolet), M. Bélanger (Mégantic-Compton), remplacé par M. Lincoln (Nelligan), M. Blais (Terrebonne), remplacé par Mme Harel (Maisonneuve), M. Champagne (Mille-Îles), M. Dubois (Huntingdon), remplacé par M. Kehoe (Chapleau), M. Grégoire (Frontenac), M. Rocheleau (Hull), remplacé par M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce), M. Tremblay

(Chambly) et M. Vaillancourt (Orford).

À l'ajournement d'hier soir, nous en étions toujours aux représentants de SIDBEC.

M. Ciaccia: M. Leduc (Saint-Laurent) est remplacé par M. Lincoln (Nelligan).

Le Président (M. Boucher): M. Leduc (Saint-Laurent) est remplacé par M. Lincoln (Nelligan) comme membre.

M. Ciaccia: M. Bélanger (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Leduc (Saint-Laurent).

Le Président (M. Boucher): M. Bélanger (Mégantic-Compton) est remplacé par M. Leduc (Saint-Laurent). Correction à la liste des membres.

Nous en étions encore hier aux représentants de SIDBEC. M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, pour rappeler l'entente d'hier soir, à savoir une demi-heure de chaque côté de la table ce matin divisée comme les parties voudront la diviser pour nous permettre, à Il h 10 exactement, d'entendre le mémoire du Syndicat des métallos. Après les métallos, nous reprendrons, s'il reste des questions pour SIDBEC.

M. Ciaccia: M. le Président, si je pouvais suggérer au ministre que la première demi-heure soit prise par les députés ministériels, vous pourriez vous la partager comme vous le voudriez. La deuxième demi-heure, on pourrait poser des questions du côté de l'Opposition.

M. Biron: Très bien.

Le Président (M. Boucher): D'accord? Alors, M. le député de Verchères.

Les administrateurs de SIDBEC (suite)

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Si je reprends où on en était, hier soir, à une heure assez tardive, la présentation qui nous a été faite, je retiens qu'il y a fondamentalement quatre scénarios qui nous ont été présentés. Le premier scénario qui est le statu quo. J'essaie de les situer un peu pour qu'on se remette dans le contexte. Ce scénario amènerait des revenus nets en pourcentage de 6,8% - avec la correction qui nous a été faite hier - des emplois au nombre de 4282 et des besoins de fonds de 197 000 000 $, je pense, jusqu'en 1985. Le deuxième scénario qu'on a appelé "réaménagement global" amènerait des revenus nets de 14,9%, des emplois qui seraient à la baisse et qui se situeraient à 2780 et des besoins de fonds de 233 000 000 $. Il y a un troisième scénario avec deux versions qui nous a été présenté: une version que l'on retrouve assez détaillée dans le document et, une autre qui nous a été présentée verbalement, c'est le statu quo avec projet. Donc, le statu quo plus deux projets qui sont la tuberie et le laminoir fil machine amèneraient des revenus nets de 11,3%, un niveau d'emploi à 4410 et des besoins de fonds de 354 000 000 $. On ne nous a pas donné de chiffre quant au scénario qui appellerait l'utilisation du laminoir à froid avec l'utilisation de bandes à chaud provenant de l'extérieur. Finalement, il y a le quatrième scénario qui est le "superscénario", avec des revenus nets de 19 700 000 $, un niveau d'emploi qui n'a

pas été précisé, mais je présume qu'il devait être aussi important que les deux versions statu quo et des besoins de fonds de 1 200 000 000 $.

La première constatation qui saute aux yeux en regardant l'ensemble de ces scénarios, c'est que la proposition qui nous est faite, celle du réaménagement global coûte plus cher au gouvernement, par les temps qui courent, et provoque des pertes d'emplois. Autrement dit, on nous incite et on incite le gouvernement actuellement par cette proposition, à investir pour perdre des emplois. Et je peux comprendre que l'objectif de l'entreprise et de la direction, c'est d'obtenir une rentabilisation à long terme, je pense qu'on nous l'a assez bien indiqué hier. Mais on peut néanmoins s'interroger légitimement sur les choix qui nous sont proposés, compte tenu des impacts sociaux, des impacts en termes d'emplois et du besoin d'argent que cela amènerait, des mises de fonds que le gouvernement devrait faire.

À première vue, le scénario qui nous apparaît le plus intéressant, c'est encore le statu quo, c'est celui qui demande le moins de mise de fonds du gouvernement et qui protège le plus d'emplois, bien sûr avec un accroc important au niveau de la rentabilité; c'est-à-dire que le niveau de rentabilité est inférieur à celui de l'ensemble des autres scénarios.

Je voudrais poser un certain nombre de questions, passer un peu à travers chacun de ces scénarios et j'ai un certain nombre de questions pour chacun d'eux. D'abord, au niveau de l'étude du statu quo, le scénario qui nous est présenté à différents endroits, ce qui est intéressant de noter, c'est que, entre autres, à un moment donné, on dit que le secteur manufacturier pourrait néanmoins être temporairement rentabilisable. Et on ajoute même, un peu avant, c'est à la page précédente où on indique cette mention, que des études connexes ont par ailleurs montré que la fermeture des plats ne présente aucun intérêt. C'est une phrase qui est à la fois intéressante pour ceux qui craignent la fermeture des plats mais aussi un peu intrigante compte tenu de la présentation qui a été faite.

Bien sûr que l'objectif, quand on nous indique que le secteur manufacturier serait temporairement rentabilisable, on nous a aussi indiqué hier que néanmoins, on ne serait pas capable de le rentabiliser à long terme parce que les bonnes années ne seraient pas suffisantes pour éponger les mauvaises années. Néanmoins, quand on analyse les investissements qui nous sont proposés dans ce scénario, des investissements d'entretien, d'amélioration ou aussi des investissements défensifs, je les retrouve à la page 124. Je m'excuse, je ne sais pas si vous avez la même pagination, je ne veux pas tourner le fer dans la plaie. Je sais que mon collègue de Duplessis a signalé hier, qu'il n'y avait pas de pagination; donc, si vous retrouvez à un moment donné, les investissements prévus au statu quo, vous avez des investissements qui totalisent à peu près 71 000 000 $.

Voilà la question que je pose. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de réduire ces investissements à la fois défensifs et d'entretien pour arriver finalement aux mêmes résultats, dans l'optique d'un choix de ce statu quo? De plus, est-ce qu'il serait possible de connaître d'une façon plus détaillée les détails des investissements défensifs prévus notamment dans le secteur des produits plats?

Un peu plus loin, à la page 147, à la page où on indique que le secteur serait temporairement rentabilisable, on dit également que, notamment, par le biais de la tuberie et par des investissements dans les laminoirs à plats, les investissements qui ne prolongent pas la durée de la vie des laminoirs, cependant, des études à cet effet sont actuellement en cours... De quelles études s'agit-il? Depuis quand sont-elles menées? Où sont-elles rendues? Ces études qui nous permettraient finalement de rentabiliser temporairement le secteur manufacturier? Est-ce qu'il y a une relation entre ces études et les chiffres qui nous sont donnés précédemment où on parle d'investissements défensifs spécifiques?

Voilà le premier bloc de questions que je voulais poser à ce moment concernant l'étude de ce scénario qu'on appelle le statu quo.

M. De Coster (Robert): Est-ce que vous pourriez nous donner précisément la teneur de votre question, M. le député?

M. Charbonneau: Je le répète. M. De Coster, vous parlez dans ce scénario d'investissements d'entretien, d'amélioration, et d'investissements défensifs qui totalisent 71 000 000 $. Voici la question que je vous pose. Est-ce qu'il ne serait pas possible d'arriver à des performances relativement à l'entretien, à l'amélioration et à la consolidation de nos équipements dans notre position actuellement... autrement dit, de faire des investissements défensifs qui soient moins coûteux que ceux qui nous sont actuellement présentés.

Deuxièmement, il est question plus loin d'études qui sont actuellement en cours qui visent à appuyer la mention que le secteur manufacturier pourrait être temporairement rentabilisable. De quelles études s'agit-il? Depuis quand ces études sont-elles en cours? Où sont-elles rendues? Est-ce qu'il y a un lien entre ces études et les chiffres qui nous sont donnés quant aux investissements prévus pour soutenir le scénario du statu quo?

M. De Coster: M. Raimondi va répondre à la première partie de votre question en ce qui a trait aux investissements.

M. Raimondi (Jean-Claude): Vous avez mentionné que les investissements pour le statu quo sont de 71 000 000 $. Il faut distinguer deux choses. D'abord les investissements normaux de renouvellement qui sont de 25 000 000 $ par an. Là on peut répondre tout de suite à votre question: Est-ce que c'est diminuable? Ce genre d'investissements peut toujours être diminué. En fait dans le budget 1983 on les diminue de façon draconienne. Mais, sur un horizon de dix ans, ce n'est pas réaliste de prévoir une réduction de ce niveau d'investissements qui ne représente que 5% du volume des ventes - c'est-à-dire à peu près la moitié de ce que les concurrents investissent habituellement pour maintenir les équipements. Donc, ces 25 000 000 $ qui se répètent d'une année à l'autre peuvent être réduits un an, deux ans mais certainement pas à long terme.

La deuxième partie concerne les 46 000 000 $ qui sont du "one short deal". Ce sont des investissements défensifs qui sont échelonnés sur cinq ans et qu'on répartit par secteurs. Il y a 32 000 000 $ sur les plats, 10 000 000 $ pour les barres et profilés, ce qui reste est pour les fils et fils machine. Vous demandez si on peut diminuer ces investissements. Ce genre d'investissements défensifs, il est important de comprendre que c'est un processus continuel d'étude. Ces 46 000 000 $ résultent d'une étude d'envergure qui a été faite il y a deux ans et qui a identifié pour le secteur des plats un besoin de 32 000 000 $. Il y a des études actuellement en cours qui semblent conclure peut-être un petit peu différemment personnellement je suis mal placé pour commenter là-dessus, je pense que M. Gilles Charette pourra commenter là-dessus - et qui, peut-être peuvent, non pas infirmer, mais, disons, dévier un petit peu de ces 46 000 000 $. Mais les 46 000 000 $ résultent d'une étude d'envergure qui a été faite il y a un an et demi. Alors, le résultat des études en cours, je ne peux pas parler de cela.

M. De Coster: M. Charette va répondre à la deuxième partie de la question.

M. Charette (Gilles): La deuxième - si j'ai bien compris - c'est ce qu'on fait depuis deux ans sur des études sectorielles dans les plats. C'est bien cela votre question?

M. Charbonneau: J'ai demandé d'abord s'il était possible de réduire les investissements prévus pour l'entretien, l'amélioration et les investissements défensifs. On vient d'avoir la réponse. Deuxièmement, on parlait d'études en cours et je demandais quelles étaient ces études. Est-ce que ce sont ces études qui appuient les chiffres dont on a parlé précédemment? Finalement, peut-on faire une question subsidiaire à l'intervention de M. Raimondi? Il semble qu'il existe actuellement des études qui tendraient à infirmer, du moins à atténuer, les montants qui sont mentionnés au niveau des investissements défensifs. Je ne sais pas si...

M. Charette: Je vais répondre à votre question et vous changerez de direction si vous pensez que je n'y réponds pas mais, en tout cas, en ce qui concerne les dépenses normales pour réduire nos coûts d'entretien, il y a toujours moyen de réduire nos dépenses en capital à un strict minimum. On le fait, d'ailleurs, dans le moment pour des raisons financières. Mais le problème avec SIDBEC-DOSCO, c'est qu'on le fait depuis dix, quinze et vingt ans. C'est la raison fondamentale pour laquelle nous avons des problèmes sérieux quand les marchés fléchissent. C'est une tactique que les aciéristes canadiens autres que SIDBEC-DOSCO n'ont pas utilisée du tout. Les aciéristes canadiens, depuis surtout la fin des années soixante, investissent, comme Jean-Claude le mentionnait, de 7% à 10% de leur revenu net de vente en dépenses en capital. Chez SIDBEC-DOSCO, c'est bien le contraire. Je pense qu'on est chanceux si on rejoint 5%. Le résultat de ça, c'est qu'on a des équipements qui vieillissent rapidement. On a des bris inattendus. Si on dit aujourd'hui: Est-ce qu'il y a moyen de réduire ces dépenses? La réponse est: oui. On va tout simplement continuer ce qu'on a fait dans le passé et c'est une question de mort lente, si vous voulez. On est dans le processus actuel et je pense que, si on continue ce processus, ce n'est pas nécessairement bénéfique pour notre corporation.

On a eu, par exemple, en 1981, trois bris d'équipement majeurs qui normalement auraient pu être évités. C'était strictement au laminoir à chaud. Au moins deux auraient pu être évités si on avait eu une politique d'investissement comparable à - ou même qui approcherait - celle de nos compétiteurs, il y a plusieurs années. Je pense à ce stade que nous demander si on peut réduire les dépenses? C'est oui. La conséquence, c'est d'empirer une situation dans laquelle on s'enlise d'une façon absolument incroyable depuis dix ou vingt ans.

M. Charbonneau: N'est-il pas exact de dire - je me rattache à l'intervention de M. Raimondi - que depuis quelque temps, il y a un groupe de travail, que peut-être même vous avez mis sur pied vous-même, ou M. De Coster ou la direction, qui en arrive à la

conclusion que, d'une part, SIDBEC-DOSCO doit continuer dans la production des plats, que le travail effectué démontre que nous avons une place sur le marché des produits plats au Canada de façon profitable. On démontre aussi la possibilité d'exploiter des laminoirs à chaud et à froid à capacité avec des marges moyennes de profit intéressantes, même si ce ne sont pas des marges de profit qui sont comparables à celles de nos concurrents? On indique aussi que la rentabilité des produits longs est intimement liée à la production des produits plats, entre autres, l'utilisation de la ferraille. Finalement, cette étude, qui est celle d'un groupe de travail que vous avez mis sur pied privilégie dans le fond ou améliore votre scénario de statu quo en nous indiquant que peut-être pour quelque 20 000 000 $ il est possible de consolider nos positions et peut-être même de faire quelques conquêtes de marché.

M. Charette: Je pourrais peut-être répondre à votre question en reculant un peu plus pour voir l'historique. Ce rapport fait partie d'une série de rapports et d'un historique, enfin d'une étude qu'on entreprend chez SIDBEC depuis l'arrivée de M. De Coster. Quand M. De Coster a embauché la nouvelle équipe qui est en place aujourd'hui -ce sont tous des gens qui sont venus de l'industrie privée - le dictum qu'on a reçu du PDG, c'est l'efficacité du fonctionnement. Au commencement de l'année 1981 ou aux derniers jours de l'année 1980, on a mis sur pied un groupe qui s'appelait le module Conversion-Contrecoeur. Ce module s'est attaqué aux coûts de production dans toute l'usine de Contrecoeur, parce que c'est là que sont 70% de nos dépenses. L'un des volets de ce module de conversion a été les coûts de production de tous les éléments qui rentrent dans les produits plats. Ce groupe de module de conversion s'est subdivisé, un an plus tard, en 1982, et l'un des aspect qu'il a entrepris spécifiquement, c'est le secteur des plats. Au même moment, on préparait aussi entre nous le plan de redressement qui est ici. On a mis à jour dans le plan de redressement une grande partie des données qu'on possédait.

Ce qui ressort d'une étude comme celle-là, c'est que des améliorations sont possibles. Si vous revenez nous voir dans six mois ou dans trois mois, vous verrez qu'il y a encore d'autres améliorations possibles. Nous faisons cela, la compétition fait cela, tout le monde fait cela et c'est l'agressivité et la compétition entre les aciéristes au Canada. Maintenant, si l'on prend cette étude et qu'on dit: Tiens, c'est le sauveur, ou si l'on prend d'autres études qui sont ou seront en cours et on dit: Tiens, on a finalement la solution miracle... Je vous assure que le laminoir à chaud qu'on possède, d'abord, c'est un très vieux laminoir; il y a des pièces d'équipement là-dedans qui remontent à 50 ans. Quand on a un bris d'une vieille pièce d'équipement comme cela qui est complètement désuète, le temps qu'il faut pour réparer le bris, faire fabriquer les pièces est plus long qu'il faudrait pour un laminoir équivalent qui est beaucoup plus moderne, pour lequel il est posssible d'avoir des pièces plus facilement, de les faire couler plus facilement aussi.

Ce qui veut dire que si on veut, à long terme - je reviens au plan de redressement plutôt que de m'attarder sur des rapports qu'on pourrait publier ou des améliorations qu'on pourrait apporter et qu'on espère continuer à apporter à tous les jours - si je reviens au plan de redressement, qui lui s'adresse au long terme, asseoir sur un vieux laminoir comme cela l'avenir des plats de chez SIDBEC, à mon avis, c'est une erreur grossière. Dans un marché où les affaires vont mal, la compétition coupe les prix et il faut faire face aux prix des concurrents. Or, notre laminoir, avec l'âge et la capacité qu'il possède, je ne pense pas du tout qu'il puisse, à long terme, affronter la compétition.

Au point de vue du coût, on le sait qu'on est désavantagé. Des études faites par Estel nous le démontrent carrément.

Au point de vue de la qualité du laminoir à chaud, à long terme encore - on ne regarde pas demain ou après-demain, on regarde à long terme - on sait qu'on est limité au point de vue de la dimension et de la surface. Donc, à long terme, on dit que c'est impossible pour nous de remplir le mandat de rentabilité, que vous nous avez donné, dans les plats. Pour nous, la définition de rentabilité, c'est de rivaliser avec les canadiens. Les canadiens, à mon avis, sont parmi les meilleurs dans le monde; je parle des trois grands dans le domaine des plats.

Selon l'équipement qu'on possède, même avec les améliorations qu'on pourrait apporter, à long terme, c'est une erreur grave de croire que la gestion de SIDBEC va pouvoir dire à son actionnaire: Les gars, ne vous inquiétez pas, on va rivaliser avec les trois grands canadiens. On va pouvoir le faire avec les améliorations qu'on vous suggère, dans le fil machine, dans les bases de profilés; mais dans les plats, avec l'équipement qu'on possède aujourd'hui, même avec la meilleure volonté au monde, je ne pense pas que l'on puisse vous dire la même chose.

À court terme, c'est une histoire différente. Nous ici, on s'adresse au long terme, on demande à l'actionnaire de nous donner la direction qu'il veut qu'on prenne. On a eu une direction très claire jusqu'à ce jour: la rentabilité; c'est dans ce sens que le plan de redressement s'adresse. A court terme, il y a un tas de choses qu'on peut

faire, mais c'est à très court terme; dans cinq ans, les conditions peuvent être changées, on va être encore pris avec un laminoir à chaud qui, à mon avis, a des problèmes de désuétude et de coûts élevés. (10 h 30)

Je peux vous donner un exemple. Je vous entends mentionner ce rapport, il faut que je vous dise que dans ce rapport, on utilise des chiffres de 1981; on n'a pas utilisé les chiffres pour les augmentations de salaire payées aux syndiqués en 1982, ils n'étaient pas loin de 20%; ce n'est pas inclus là-dedans. Là-dedans, c'est en dollars constants, en 1981. On n'a pas inclus, dans ce rapport, les augmentations du prix de l'essence, qui sont de 25% pour 1982. C'est encore là des chiffres de 1981. Je ne voudrais pas commencer à discuter chacun de ces rapports ici, parce que vous devez en avoir d'autres que vous ne m'avez pas mentionnés.

M. Charbonneau: J'aime autant ne pas répondre à cela.

M. Charette: On s'adresse au long terme ici. Je crois qu'il faut d'abord répondre à cela. Une fois qu'on a répondu à cela, à court terme, il y a des choses qu'on peut faire, mais cela ne réglera pas le problème à long terme.

M. Charbonneau: Je constate que si on a un objectif à long terme de rentabilité, qu'on est une société d'État et qu'on se sort du secteur des produits plats... Voici la question que je pose: À quoi cela sert-il d'être dans le secteur de l'acier au Québec, si c'est simplement pour rivaliser avec les aciéries dans les secteurs où on peut le faire avec des équipements ultra modernes et que l'on n'apporte aucun soutien au secteur secondaire au Québec, aux industries de consommation?

Une autre question me vient à l'esprit. Je voulais la poser un peu plus tard, mais je la pose maintenant: Comment se fait-il que vous ne nous ayez pas parlé, hier, et que vous ne nous ayez pas présenté d'étude sur l'impact qu'aurait le retrait de SIDBEC du secteur des produits plats sur les entreprises québécoises qui consomment de l'acier? Je me demande si dès le départ, lorsqu'on a fondé SIDBEC, elle n'avait pas un rôle fondamental et, si on sort SIDBEC du secteur des produits plats et qu'on vise la rentabilité, on réduit les emplois, on va peut-être être capable de rivaliser avec Dofasco, Algoma, Stelco dans un certain nombre de créneaux de production, mais on va avoir fait quoi pour l'industrie au Québec et pour l'économie québécoise?

M. De Coster: Écoutez, c'est le dilemme de base. On le soulève, ce dilemme.

D'abord, la première chose de toutes, encore une fois, je répète ce que j'ai dit hier en ce qui a trait aux coûts sociaux et aux coûts économiques. Ce n'était pas notre mandat de les évaluer; quelqu'un d'autre devait le faire. Cela, je pense que c'est établi. On nous a demandé de faire des études de redressement sur la base d'un mandat qu'on reçoit du Conseil des ministres et à l'intérieur d'une loi qui est encore en vigueur. Alors, on a projeté ce qu'on pense que doivent être les mesures pour redresser l'entreprise et la mettre sur la voie de la rentabilité. C'est le mandat qu'on a. Évidemment, on tombe dans le grand dilemme qui est de se demander ce qu'est la raison d'être de SIDBEC comme société d'État. Si on regarde les objectifs de l'entreprise à son début, c'était évidemment d'essayer d'établir une entreprise de base qui permettrait un développement d'industries secondaires. Ce n'est pas en faisant du rond à béton qu'on met dans le béton pour faire une route qu'on crée de l'industrie secondaire. C'est plutôt en faisant des automobiles, des réfrigérateurs et des choses comme celles-là qu'on crée une activité périphérique, une activité secondaire. On est rendu à ce dilemme, lequel est: Maintenons-nous l'entreprise telle quelle en lui faisant jouer un rôle social et de développeur économique ou rentabilisons-nous l'entreprise? Alors, il y a un prix à ce que vous dites et cela devra être la décision gouvernementale. Il y a un prix pour maintenir des emplois, un prix pour développer l'activité économique et il y a un prix pour la rentabiliser.

M. Charbonneau: Pouvez-vous nous dire avec votre expérience et les relations que vous avez avec vos clients, si vous vous retiriez actuellement du secteur des produits plats, ce qui arriverait à vos clients?

M. De Coster: Ce qui va arriver à nos clients qui sont consommateurs de produits plats, c'est qu'ils vont avoir une augmentation dans leurs coûts d'approvisionnement d'acier qui va être l'équivalent du prix du transport à partir de l'endroit où ils vont acheter. S'ils ne peuvent plus acheter chez nous parce que les plats ne sont pas là, ils vont être obligés d'aller acheter à Hamilton et, s'ils achètent à Hamilton, le principe d'égalisation n'existe plus et, conséquemment, ils seront obligés de payer la différence du fret. C'est ce qui va arriver à Canam, dans la Beauce. C'est entendu que c'est une des conséquences. Maintenant, ces conséquences sont-elles assez fortes pour empêcher d'atteindre un objectif qui nous est tracé par le gouvernement et la loi? Cela reste à déterminer. Le verdict ultime, c'est le gouvernement qui devra le rendre.

M. Charbonneau: Je veux passer à

l'étude du scénario du réaménagement global, mais juste avant je voudrais vous faire remarquer néanmoins que, quand on parle de rentabilité à long terme, vos scénarios, quand on est rendu à parler de 1991, c'est déjà une dizaine d'années. Je peux comprendre que pour vous, l'objectif de rentabilité était plus que dix ans; c'est peut-être une vingtaine d'années.

M. De Coster: C'est-à-dire que c'est un horizon qu'on regarde, M. le député. Je pense que, quand on a une décision aussi fondamentale à prendre, on ne peut pas la prendre sur une base d'un an, deux ans ou trois ans; on ne peut pas prendre, sur des études d'un an, deux ans ou trois ans, une décision de fermer la mine ou une décision de ne plus faire de produits plats. Alors, on essaie de projeter au meilleur de notre connaissance un horizon de 10 ans ou 15 ans en partant d'hypothèses qui peuvent être les meilleures possible, à notre connaisssance.

M. Charbonneau: On m'indique que, malheureusement, on n'a pas tout le temps qu'on voudrait pour discuter, en tout cas maintenant, on pourra se reprendre plus tard. Je vais donc essayer de vous poser un certain nombre de questions en vrac, vous m'excuserez si je les lance une après l'autre sans qu'on ait la chance d'en discuter, quitte à ce qu'on y revienne un peu plus tard. Au niveau du scénario de l'étude de réaménagement global, ce qui est difficile à comprendre, c'est pourquoi on se départirait des laminoirs quand on dit que le projet de tuberie par soudures à résistance électrique serait plus rentable - 32% par rapport à 18% - avec l'approvisionnement à notre propre laminoir à chaud, d'une part.

M. De Coster: Très rapidement, M. le député, pour répondre à cela. C'est que foncièrement le coeur de notre fonctionnement avec le laminoir à chaud, on ne l'améliore pas en mettant une tuberie, le problème demeure le même sur le laminoir à chaud et cela, c'est le coeur de notre cancer.

M. Charbonneau: Si on ne se plaçait pas en position de vulnérabilité, si on décidait, finalement, de s'approvisionner en bandes à tube à l'extérieur, qu'est-ce qui arrive si à un moment donné...

M. De Coster: M. le député, on peut...

M. Charbonneau: ... pour toutes sortes de raisons, la conjoncture frappe nos concurrents, il y a une grève chez nos concurrents, ou un "lock out", ou encore ces gens décident de serrer les ouïes à SIDBEC, est-ce qu'on ne se place pas en position de vulnérabilité, finalement?

M. De Coster: C'est certain et ce n'est pas un scénario qu'on a mis comme étant un scénario de base, cela fait partie d'un scénario global. C'est évident que ce scénario est tellement rentable et le "pay back", la période de retour est tellement courte, qu'on peut prévoir, dans un horizon normal, que la situation que vous décrivez n'arrivera pas. Vous savez que Dofasco et Stelco ont mis en service deux laminoirs à chaud géants et vont créer une surcapacité considérable qui va durer des années à venir. C'est évident que si les deux ensemble décident qu'ils ne nous donnent pas de bandes à chaud, on va rester le derrière à l'eau.

M. Charbonneau: J'aurais une autre question au niveau du laminoir à chaud. Néanmoins, M. Astier me disait hier que si le procédé qu'on utilise, Steckel, était désuet ou vétuste, ce n'était pas un mauvais outil de production. Est-ce que...

M. De Coster: Encore là, ce n'est pas le steckel qui est mauvais, c'est notre équipement. Ce n'est peut-être pas le principe du Steckel, ce n'est pas un principe qui est fortement développé, à l'heure actuelle. Mais, quel que soit le processus, ce sont nos équipements de base qui ne le sont pas. On peut avoir un...

M. Charbonneau: Si on revient à l'étude du troisième scénario, c'est-à-dire le statu quo avec deux projets d'investissement ou de modernisation, celui du fil machine et de la tuberie. Ce qui est étonnant, par ailleurs, c'est de se rendre compte... Je comprends un peu, mais je ne comprends pas tout à fait, peut-être que c'est l'objectif de rentabilité qui est votre seul guide. Mais, comment en arrive-t-on à ne pas décider de se lancer dans la tôle galvanisée et dans la tôle forte, alors qu'on nous a indiqué qu'il y avait du marché important à aller chercher là? On décide plutôt de se lancer dans le fil machine et la tuberie. Est-ce qu'on ne pourrait pas, à moindre coût ou en fixant un objectif de rentabilité qui est moins important que celui qu'on s'est donné actuellement, avantageusement, se lancer dans la tôle galvanisée et dans la tôle forte, même dans la tôle prélaquée...

M. De Coster: Voulez-vous une réponse rapide à cela?

M. Charbonneau: II paraît qu'il faut avoir des choses rapides ce matin?

M. De Coster: Je pense que c'est facile de l'envisager, M. le député, c'est que présentement nous vendons tout notre laminé à froid, dans les périodes normales. Conséquemment, l'avantage qu'on peut avoir

à implanter une ligne de galvanisation qui va nous coûter 50 000 000 $, c'est la différence dans le profit qu'on va faire. Et quand on prend la différence dans le profit, pour un investissement de 50 000 000 $ à 60 000 000 $, c'est ridicule. Si on avait une disponibilité, une surcapacité, très bien; mais là, on est obligé de procéder par substitution, on dit: on vend tout notre laminé, alors on ne vendra pas tel laminé pour en faire de la galvanisation ou de la tôle forte.

M. Charbonneau: II y a des gens qui connaissent aussi le secteur de l'acier et qui nous disent qu'on pourrait aller dans le galvanisé à bien moins cher, finalement que 50 000 000 $ à 60 000 000 $. Est-ce que...

M. De Coster: C'est une projection.

M. Charbonneau: ... vos projections d'investissement ne sont pas liées aussi à la grande hypothèse ou à la grande expansion.

M. De Coster: Je regrette. On s'est ramené à des mesures beaucoup plus normales que dans le passé; on s'est gardé de cela. Maintenant, il peut y avoir des opinions quant à tel et tel projet. Cela dépend du volume qu'on veut sortir en fonction des marchés. Cela dépend des prix, des qualités qu'on veut avoir, des gammes qu'on veut avoir. Il y a plusieurs variantes à ces choses.

Maintenant, si on avait le projet majeur d'expansion de 1 200 000 $ qu'on vous a montré, à ce moment, les lignes de galvanisation deviendraient essentielles et probablement des projets de tôle forte comme cela. C'est pour cela qu'on dit: le projet devient tellement vaste qu'il nous faut non seulement remplacer nos équipements de base mais il faudrait mettre des unités de parachèvement au bout. À ce moment, cela devient réaliste.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Verchères, je regrette, le temps est expiré.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci M. le Président. M. De Coster, hier, on a fait référence au personnel de SIDBEC, on a dit que parmi les cadres il y avait beaucoup de gens nouvellement arrivés; il semblait y avoir une rotation de personnel. Je me demande quelles en sont les raisons. Car dans un de vos plans de redressement, vous aviez souligné, je pense à celui du 8 juin, que pour de multiples raisons, SIDBEC rencontre de sérieuses difficultés à recruter des gestionnaires compétents et expérimentés.

Est-ce que vous pourriez nous expliquer quelles sont ces raisons?

M. De Coster: D'abord, quand on veut avoir des gestionnaires expérimentés, on cherche habituellement dans le secteur où nous sommes. Et dans ce secteur, ce sont des personnes qui sont dans l'entreprise privée et ce sont des personnes qui sont habituellement en dehors de la province de Québec.

Quand on veut les attirer, c'est évident qu'il nous faut à ce moment, apporter au moins une amélioration dans leur condition salariale et dans leur condition générale, et comme société d'État, c'est certain qu'il y a une limite; il y a une limite, une contrainte sérieuse à ce faire. Deuxièmement, il y a bien souvent des problèmes de langue, des problèmes de famille. Troisièmement, il semble y avoir une réticence à se diriger vers une société d'État. Quatrièmement, c'est peut-être encore la plus grave, c'est qu'on a fait état depuis je ne sais combien de temps que SIDBEC s'en allait à la fermeture, que SIDBEC était une entreprise rendue au bord de la faillite; on l'a tellement discréditée qu'il y a fort peu de gens qui peuvent avoir la vocation que nous avons eue de s'embarquer dans l'aventure.

M. Ciaccia: M. le Président, je veux féliciter le personnel qui est avec vous parce que je dois comprendre que ce ne sont pas tous les gens dans le secteur privé qui veulent faire face à une commission parlementaire et exposer tous les problèmes publiquement. Je comprends un peu le problème d'attirer...

M. De Coster: Me permettez-vous une précision, M. le député? C'est que si on a dit qu'on avait de la difficulté à recruter, cela ne veut pas dire que les personnes qu'on a recrutées ne sont pas du calibre qu'on...

M. Ciaccia: Je ne voulais pas impliquer cela du tout. Au contraire, je pense que les réponses que vous nous donnez démontrent le contraire. Mais c'est juste que vous avez une nouvelle équipe. Je ne sais pas combien de gens dans votre présente équipe sont là depuis le début de SIDBEC, il y a cinq ans, mais on nous a dit dans le passé: lançons-nous dans les plats. Là, l'équipe que vous avez, vous dites: non, non, on va fermer le secteur des plats. Est-ce qu'il n'y a pas un danger qu'une autre équipe, si on ne maintient pas la continuité, une autre équipe va venir dans quelques années et dire: on va recommencer. On devrait nous relancer dans les plats? Lorsqu'on nous propose un plan de redressement à long terme, si vous n'avez pas la permanence, comment peut-on continuer à mettre en place ce plan de redressement? (10 h 45)

M. De Coster: C'est évident que je ne peux pas garantir la continuité du personnel en place à l'heure actuelle, du personnel de

haute direction. Je ne suis certainement pas dans une position à l'heure actuelle pour vous garantir cette continuité. J'espère qu'il y aura continuité. Il reste tout de même que c'est une entreprise qui, globalement, a à peu près 5400 employés en temps normal, sans compter les employés de Québec-Cartier qui sont affectés à nos opérations. Quand on dit qu'on a renouvelé l'équipe de direction, on a amélioré le "middle management". Il reste tout de même un gros noyau de personnes qui sont en place, qui l'étaient il y a cinq ans, et qui l'étaient il y a aussi douze ou treize ans.

M. Ciaccia: Une des conclusions que j'en tire serait de souligner l'importance de la part de l'actionnaire de prendre des décisions qui vont assurer la continuité de la gestion de SIDBEC.

Dans un autre ordre d'idées...

M. De Coster: Excusez. Quand on parle de remplacement en plus du recrutement de l'extérieur, il y a aussi les promotions internes.

M. Ciaccia: ... voyons la question de l'équipement. Est-ce exact de dire que la fermeture des plats est basée principalement sur le fait que l'équipement est désuet?

Le Président (M. Boucher): M.

Raimondi.

M. Raimondi: Pourriez-vous répéter la question?

Une voix: Pardon.

M. Raimondi: II y a deux paramètres qui ont influencé la décision sur la fermeture des plats; le premier, c'est certain, c'est la désuétude des équipements. Il faut bien comprendre qu'il y a une grande différence entre faire des études internes d'amélioration d'équipements et comparer l'état de nos équipements à celui de nos concurrents; parce que lorsqu'on parle de viabilité, c'est cela qu'il faut regarder, c'est la comparaison avec nos concurrents. La comparaison amène à une conclusion indéniable, on n'est pas dans les mêmes lignes.

Pour votre information, on vous signale qu'il existe en Amérique du Nord quatre laminoirs Steckel. Il existe quatre laminoirs du même type que celui que nous avons dans les laminoirs à chaud. Il y en a un qui est utilisé par Episco qui fait beaucoup d'argent; il fait de l'argent pour une raison simple, il ne vend pas sous forme de produits plats, il vend sous forme de tuyau qui a une structure de prix différente. Il y a un autre laminoir qui est à Oregon Steel, dans l'Ouest. Ils ont des situations très particulières de marché, ils sont loin de la concurrence et ils ont une gamme bien spéciale de produits de tôle forte et de tôle laminée à chaud qui leur permet de subsister. Ces gens ont certains problèmes financiers, mais ils subsistent.

Le troisième, c'est Lone Star Steel qui est exactement dans la même situation que Episco. Elle ne fait que du tuyau, elle n'a pas notre gamme de produits; elle n'a pas le même marché, ni la même concurrence.

Le quatrième, c'est Newport Steel. Elle est dans une situation un peu comparable à la nôtre. Avec un marché compétitif, elle a une gamme un peu semblable à la nôtre. Elle a fait faillite il y a deux ans. Là, on vient de voir Steckel en Amérique du Nord. C'est à peu près le bilan. Donc, c'est certain que la vétusté des équipements, c'est un paramètre important.

Le deuxième, qui a été considéré aussi dans cette décision, c'est le paramètre commercial, qu'est-ce qui va se passer dans deux ans, ou même l'an prochain? Il va y avoir des surplus incroyables qui vont complètement bouleverser les règles commerciales. Le marché va être excessivement compétitif, les prix ne vont pas évoluer dans les dix prochaines années comme ils ont évolué dans les dix dernières années. Le jeu va être très serré et, à notre actif, pour nous battre dans un jeu serré, on a les laminoirs à chaud actuels.

M. Ciaccia: II y a certains employés de SIDBEC qui nous indiquent que le jugement que vous portez sur l'état de l'équipement est un peu excessif. Ils ne croient pas que ce soit aussi sérieux, que les conditions justifient de dire que l'équipement est désuet, qu'il faut fermer les plats pour cette raison. S'il y a des raisons de marché, cela est une autre affaire mais pas à cause de l'état de l'équipement.

M. De Coster: II y a les deux et une troisième raison qui en est une de rentabilité. M. Charette peut vous le dire. Il faut dire que le jugement sur les plats ne repose pas uniquement sur un jugement interne. Nous avons eu comme consultants une firme de Hollande. Comme on vous l'a indiqué, c'était une firme qui non seulement nous conseillait mais qui envisageait très sérieusement de s'associer avec nous en "partnership" sur le plan des produits plats.

M. Ciaccia: Vous avez parlé hier du marché de l'Est du Canada. Je présume que vous avez pris en considération les développements possibles dans le domaine énergétique, soit à Terre-Neuve ou en Nouvelle-Ecosse, et SIDBEC serait l'aciérie la plus près, excepté pour Sisco, mais Sisco a des problèmes. Cela serait-il un élément qui pourrait porter à la conclusion que peut-

être c'est un marché qui devrait être exploré encore plus à court terme quand ces projets seront mis de l'avant?

M. De Coster: En effet, en 1979, quand je suis entré, cela a été un des premiers, sinon le premier, dossiers qui ont été mis sur ma table, justement le développement en fonction des programmes énergétiques. Maintenant, je vais laisser encore - parce que c'est une question surtout de commercialisation - à M. Raimondi le soin de répondre.

M. Raimondi: Effectivement ces projets n'ont pas été oubliés. Il ne faut pas être super-optimistes non plus en considérant ces projets. Il y a deux problèmes. Le premier est qu'ils n'auront pas un impact à court terme. Le deuxième est qu'il y a encore pas mal d'incertitude autour de ces projets. On ne peut pas compter à cent pour cent sur des projets qui sont encore incertains et même s'ils se réalisent ce sera dans un avenir assez éloigné. Il est sûr qu'ils n'ont pas été oubliés mais leur poids dans les décisions des marchés est quand même très relatif.

M. Ciaccia: Merci.

M. Fortier: Comme nous avons peu de temps, je vais essayer de poser mes questions le plus brièvement possible. Je vous demanderais d'être aussi bref pour donner une chance à mon collègue. Pour ma part, j'aimerais féliciter SIDBEC pour son approche d'identifier les points forts de SIDBEC et les points où il y aurait plus de compétition. Je pense bien que, si on pense à la survie de SIDBEC dans l'avenir, c'est un exercice qui doit se faire.

J'ai des questions sur une présentation publique comme celle qu'on a eue hier. Je comprends que la commission parlementaire s'interroge sur la survie de SIDBEC, sur les orientations de SIDBEC, sur le plan de relance de SIDBEC; mais toute cette information est donnée publiquement alors que vous nous dites dans le même temps que vous faites face à une concurrence extrêmement serrée. Je pense que M. De Coster a fait la remarque hier que depuis trois ou quatre mois, en particulier, tout ce débat a eu un impact négatif sur le moral des troupes. Pour autant que je sache Dofasco, ou DOSCO, enfin vos compétiteurs, Dofasco, en Ontario, et les autres, ne font pas de déclarations publiques sur leurs plans de relance et sur les équipements qu'ils vont acheter. Ce sont des orientations.

La question que je voudrais poser à M. De Coster sur ce sujet est s'il n'est pas un peu suicidaire pour une société qui est en compétition avec d'autres sociétés de venir étaler tout cela sur la place publique. Je comprends que cela est nécessaire puisque le gouvernement doit discuter de l'orientation. Mais vous êtes en compétition. Vous n'êtes pas Hydro-Québec. Quand Hydro-Québec fait ce genre de présentation, elle a le monopole au Québec. Mais, vous, vous n'avez pas un monopole et vous divulguez beaucoup de détails. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Venant du secteur privé, j'étais éberlué de la quantité de détails que vous nous avez donnés et qui sont maintenant connus de tous vos compétiteurs qui sont ici même au Québec. Par conséquent, eux peuvent s'ajuster pour prendre des décisions pour contrecarrer justement les orientations que vous nous avez définies. Sans vouloir être négatif, j'aimerais que vous faisiez certains commentaires là-dessus pour nous dire dans quelle mesure il est possible pour une société qui, de toute évidence, est en difficulté d'agir de cette façon et dans quelle mesure ce n'est pas possible pour la concurrence de contrecarrer le plan de relance que vous nous avez défini.

M. De Coster: M. le député, je ne peux pas être plus d'accord avec vous. Il y a un point peut-être où je le serai moins, c'est une question de degré, ce n'est pas un peu suicidaire, c'est suicidaire. D'abord, vous trouverez là un des motifs de notre recommandation de privatiser SIDBEC. On ne peut pas gérer une entreprise de cette envergure sur la place publique. Maintenant, si nous avons fait ce genre d'exercice aujourd'hui, c'est parce qu'on est tenu de le faire à la commission parlementaire. Si ce n'avait pas été fait aujourd'hui par l'entreprise... Ce sont des documents qui ont circulé librement et vous avez vu une partie de ce qui a librement circulé. Beaucoup d'autres documents ont circulé très librement. Pour moi, c'est suicidaire et non seulement ça mais cela a contribué à discréditer l'entreprise. On l'a discréditée sur la place publique, devant ses clients, devant ses banquiers, devant ses fournisseurs, devant le public, etc. Cela a été quasi-systématique. Alors, le préjudice à l'entreprise est considérable.

M. Fortier: Oui, et d'autant plus -enfin, là j'aimerais avoir votre confirmation - encore là vous nous présentez une étude de marketing et je sais fort bien que les études de marketing ne sont jamais gelées dans le ciment. Vous continuez à les adapter et, normalement, dans le secteur privé, on arrête un plan de relance mais tant que l'investissement n'est pas fait de facto, on peut ajuster à la dernière minute le plan d'investissement pour tenir compte des nouvelles données, compte tenu de ce que les compétiteurs décident de faire, soit parce qu'ils ont entendu parler de vos propres décisions et ils ont décidé de faire certaines

choses. Alors, dans quelle mesure ce plan que vous nous présentez est figé dans le ciment? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu -j'imagine dans un an, dans deux ans -puisque certains des investissements seront faits sur une période de X années, d'ajuster votre plan de relance en tenant compte des nouvelles données de marketing? S'il y avait alors obligation de revenir en commission parlementaire, ça fait un processus décisionnel qui est pour le moins très lourd.

M. De Coster: Oui, c'est certain. Mais, il reste que l'entreprise doit avoir des décisions fondamentales. Est-ce qu'à long terme on reste dans les plats ou est-ce qu'à long terme on sort des plats? Sans cette orientation fondamentale, je me demande comment l'entreprise peut faire une planification stratégique raisonnée. Alors, il y a des décisions fondamentales sur lesquelles il faut qu'on s'appuie pour être capables de prendre les décisions. Maintenant, on va dire - pour répondre un peu aussi, en même temps, à une question de M. Charbonneau...

M. Fortier: Enfin, de toute façon, je pense bien que, étant donné qu'il s'agissait de redéfinir la mission de SIDBEC, l'exercice, d'une façon générale, était utile. Je pense bien que nous sommes d'accord pour dire qu'on doit avoir de graves inquiétudes.

M. De Coster: II faut des orientations de base. Ce que je voulais dire, pour revenir à ce que M. Charbonneau disait, il faut déterminer si on reste ou si on sort des plats, ça c'est fondamental. Deuxièmement, on a clairement déterminé que simplement sortir des plats ne change en rien la situation. Ce n'est pas parce qu'on dit: Demain matin on ne fabrique pas des plats que la situation est changée. Il faut un réaménagement global des facilités de l'entreprise pour que ce soit significatif et en même temps, puisqu'on sort des plats ou qu'on devra sortir des plats, si on doit le faire, il faut absolument qu'on renforce au moins le secteur fort de SIDBEC, qui est celui des produits longs. Vous avez entendu M. Astier parler de la situation privilégiée dans laquelle se situait SIDBEC dans ses produits longs. On ne dit pas uniquement qu'il faut réaménager et fermer les plats, mais il faut d'abord penser à structurer et à bon!fier le secteur des produits longs parallèlement aux décisions de fermeture. (11 heures)

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Ignorant la question de la vocation sociale de SIDBEC, si on ferme les plats ou non, si on conserve les 1500 employés de plus selon le statu quo et le réaménagement global, est-ce qu'on pourrait parler de l'investissement du projet de réaménagement global? Vous avez 70 000 000 $ dans le processus de modernisation du fil machine, ce sont des millions de 1982 qu'on étend sur trois ans. Pourtant, dans l'autre investissement, la tuberie SRE, il y a 60 000 000 $, en dollars de 1981. Cela n'indique pas le déboursé pour quelle période. Aujourd'hui, à la fin de l'année 1982, la valeur de ces dollars est purement dépassée, ces chiffres sont purement relatifs. Ici, il y a certains chiffres de 1981 et certains chiffres de 1982. Si je me souviens bien - peut-être que je me souviens mal de votre démonstration - je pense que ces chiffres étaient calculés à un coût de 10%. Lorsque vous parlez de la modernisation du fil machine - prenons un exemple - à 70 000 000 $ d'investissement, vous parlez d'une rentabilité très forte, de 23 000 000 $ de profit par an. Est-ce que vous pourriez me dire combien il faut de temps pour installer cette modernisation? Est-ce que c'est trois ans? Combien de temps cela prendra-t-il pour la réaliser? Combien cela coûtera-t-il, en dollars actuels, puisqu'on est déjà dépassé par rapport à 1982?

M. Raimondi: Dans le cas du laminoir, les dollars qu'on vous a donnés, ce sont des dollars de 1982, premièrement.

M. Lincoln: Oui, je le sais.

M. Raimondi: Pour ce qui est de l'implantation du laminoir, on a deux options devant nous: selon la disponibilité des fonds, on peut l'installer de façon assez rapide en trois ans; si nous sommes pris dans une position où il faut étaler pour raison de disponibilité de fonds, on pourrait étaler cela sur cinq ans. C'est certain que selon l'option, si l'on calcule le coût réel, en dollars courants, il y aura un impact, mais qui est quand même relativement minime; on parle de deux ans de décalage.

M. Lincoln: Quand vous parlez de 23 000 000 $, est-ce que vous parlez d'un retour sur l'investissement brut ou net? Avant, vous faisiez le point, en parlant de SIDBEC en général, qu'on avait calculé le retour brut et, après les frais d'administration, de financement, etc., cela descendait à 0,4%. Est-ce que les 23 000 000 $ sont bruts ou nets?

M. Raimondi: Les 23 000 000 $ dont on parle, c'est évidemment après les frais directs de production, les frais d'usine, les frais d'administration d'usine et les frais de vente.

M. Lincoln: Quand vous parlez de la comparaison entre le projet de réaménagement global et le statu quo, il y a très peu de différence quand vous prenez cela sur une base relative de quatre ans, de 1983 à 1986. La différence dans la demande de fonds globale est de 36 000 000 $; il y a 233 000 000 $ d'un côté pour le réaménagement global et, de l'autre côté, 197 000 000 $. Alors, c'est à peu près la même chose. Par contre, il y a une très forte différence dans la rentabilité. Il faut calculer qu'il y a 1500 employés qui entrent en ligne de compte. Quelle est la période maximale de réaménagement global que vous envisagez pour tous ces plans de modernisation qui seront mis en place? Est-ce que ces chiffres pourraient changer d'une façon drastique?

M. Raimondi: Les quantifications financières ont été basées sur un échéancier qu'on peut résumer de la façon suivante: dans le réaménagement global, il y a tout d'abord des fermetures à faire et elles s'échelonneraient entre 1983 et 1985. Il y a les deux nouveaux projets et, en supposant une prise de décision avant la fin de l'année, ceux-ci pourraient démarrer, la tuberie et le laminoir en 1985. Donc, on prévoit, pour ces quantifications, des démarrages de projets en 1985.

Si l'échéancier n'était pas respecté, c'est certain que les quantifications varieraient. Elles varieraient dans le sens suivant: Si on avance les fermetures, l'impact est favorable sur la rentabilité. C'est évident que, si on était capable d'avancer le démarrage des projets, l'impact serait aussi favorable sur la rentabilité. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Lincoln: Oui, cela répond à ma question. Dernière question. Lorsque vous parlez d'un investissement pour le laminoir et la tuberie, en tout, si on parle du dollar en 1981, en 1982, on a à peu près, 130 000 000 $ ou 150 000 000 $. Le député de Verchères a parlé d'un investissement du gouvernement. Vous parlez de quoi? D'amener ces fonds sur la place publique avec des garanties gouvernementales? Cette question n'a pas été abordée du tout ou bien a-t-elle été abordée purement en principe?

M. Raimondi: Concernant les études, nous avons fait les deux types d'approche. D'abord, on suppose que l'actionnaire va financer la mise de fonds directe de l'actionnaire par fonds propres. La deuxième étude, qui n'a pas été présentée du tout ici et que nous ne sommes pas équipés pour présenter, suppose un financement à 100%. Autrement dit, on se finance avec un aval de l'actionnaire; on se finance auprès des banques, avec des taux d'intérêt. Les taux que nous avons utilisés pour les projets, ce sont des financements à long terme à 15% et les taux de financement de dette seraient de 17%. Les études sont faites, elles sont disponibles.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Fortier: Je n'ai qu'une question très rapide.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Excusez-moi. Tout votre plan de relance, si j'ai bien compris - c'est seulement une confirmation que je veux - est basé sur le fait que l'achat de boulettes, à l'avenir, se ferait là où ce serait dans le meilleur intérêt de SIDBEC. Donc, est-ce que je conclus bien en disant que les chiffres que vous nous avez mis sur le tableau, le rendement dont parlait mon collègue de Nelligan est basé sur le fait que vous auriez accès à un marché international des boulettes et qu'il n'y aurait plus d'engagement de SIDBEC vis-à-vis de Normines? Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Brome-Missisquoi, il vous reste trois minutes.

M. Paradis: M. De Coster, une question bien brève. Dans votre rapport de l'année 1981, vous mentionnez que plusieurs semaines de négociation intense ont conduit, au début de décembre, au renouvellement, avant leur date d'échéance, des conventions collectives couvrant la majorité des employés. Ces nouvelles conventions, d'une durée de trois ans, prévoient des augmentations substantielles de salaire et des améliorations quant aux avantages sociaux. Le renouvellement de ces ententes, sans interruption du travail dans nos usines, est une étape significative dans l'amélioration de nos relations avec nos employés.

Lorsqu'on parle, à ce moment-ci, de changements majeurs, de réorientation, etc., dans quel état se situent les relations avec les employés et ont-ils été impliqués dans les diverses formulations que vous nous avez présentées, comme le plan de relance et autres?

M. De Coster: Les relations de travail se sont améliorées considérablement. Je pense qu'on doit en trouver une démonstration dans la compréhension et la coopération des deux parties lors de la dernière négociation qui s'est terminée par la signature d'un contrat, qui était sensiblement celui de l'industrie. On a réussi à le signer un mois et demi avant l'échéance.

Historiquement, il y avait à chaque renégociation des grèves ou des lock-out. Sur le plan des relations de travail, le climat s'est considérablement amélioré; c'est évident qu'on reste encore deux parties qui négocient, mais le climat s'est considérablement amélioré.

Dans une planification stratégique, comme celle que nous avons entreprise depuis le début de 1980 - pour répondre spécifiquement à votre question - les syndicats n'ont pas été impliqués directement. Les syndicats ont été impliqués directement dans les derniers mois par l'intermédiaire ou par la volonté du ministre désigné.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous dites, M. De Coster, qu'on aurait besoin d'un associé ou d'un partenaire. À un moment donné, il aurait été question qu'une société de Hollande, à laquelle vous aviez fait allusion, aurait pu s'associer dans cette aventure avec SIDBEC. Quelles ont été les raisons pour lesquelles cela n'a pas fonctionné?

M. De Coster: C'est exact que nous avons négocié pendant plusieurs mois en même temps que se faisaient les études que je vous ai déjà signalées. Cela a duré un an. Nous avons regardé d'un bout à l'autre le projet de laminoir à chaud, le projet de laminoir à froid, de façon à bien situer quelles étaient les possibilités et l'incidence de l'implantation d'un nouveau laminoir. Encore là, je n'aimerais pas étaler sur la place publique des négociations avec une autre compagnie et surtout une compagnie étrangère alors que je ne suis pas autorisé à le faire. Mais ce que je peux vous dire, c'est que, pour SIDBEC, il y a eu une démonstration très claire que le projet était complètement hors de sa portée en raison de son amplitude, en raison des sommes qui y étaient impliquées et des risques commerciaux.

En ce qui a trait à notre partenaire possible et éventuel, qui aurait pris un tiers de la production du nouveau laminoir, je peux vous signaler qu'il a eu des difficultés et qu'il y a eu un divorce entre la partie allemande et la partie hollandaise. La déconfiture économique récente les a, eux aussi, convaincus que ce n'était pas le temps de s'impliquer dans un projet de cette envergure.

M. Leduc (Saint-Laurent): À quelle époque cela s'est-il produit?

M. De Coster: Vous voulez dire?

M. Leduc (Saint-Laurent): Les négociations.

M. De Coster: Les négociations, particulièrement au cours de l'année 1980. Les derniers rapports sont revenus quand, Jean-Claude?

M. Raimondi: Estel a déposé le rapport final de l'étude globale en décembre 1981. Ils ont commencé à avoir des problèmes, je pense, dans les quatre ou cinq mois qui ont suivi.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, il n'y a pas d'avenue de ce côté. C'est terminé.

Le Président (M. Boucher): Tel qu'entendu, nous devons entendre maintenant les représentants du Syndicat des métallos. Je demanderais à M. Louis Laberge, président de la FTQ, et à M. Clément Godbout, directeur du district de Québec, de se présenter, en remerciant les représentants de SIDBEC.

À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez bien vous avancer pour qu'on puisse procéder.

MM. les membres de la commission, s'il vous plaît! M. le député de Verchères, s'il vous plaît!

M. Laberge, si vous voulez procéder à la lecture de votre mémoire. (11 h 15)

Syndicat des métallos - FTQ

M. Godbout (Clément): M. le Président, je voudrais remercier ceux qui nous ont permis de présenter aujourd'hui notre mémoire. Je pense que vous me permettrez de présenter ceux qui m'accompagnent pour la présentation de notre mémoire. D'abord, le président de la Fédération des travailleurs du Québec, M. Louis Laberge, à ma droite; à ma gauche, M. Gérard Doquier qui est le directeur national de notre syndicat. Nous sommes accompagnés de représentants et d'officiers syndicaux de SIDBEC-DOSCO et de SIDBEC-Normines. Si je passe à la droite de M. Laberge, M. André Tremblay, du local de Contrecoeur, SIDBEC-DOSCO; Marcel Bureau, permanent de la chaîne SIDBEC-DOSCO pour le Syndicat des métallos, on l'appelle Ti-No; Laurier Dennanay, président du local de Montréal, DOSCO; Marcel Édoin, président du local de Longueuil; Liliane Aubry, présidente du local des employés de bureau, Contrecoeur; à ma gauche, Hervé Bérubé, président du local de SIDBEC-Normines, de Gagnon; Guy Bellemare, président du local du plan de boulettes de Port-Cartier; Harold Whitton, président des employés de Port-Cartier, également; Raymond Sliger, coordonnateur responsable à l'administration du Syndicat des métallos;

Solange Essiembre, présidente des employés de bureau de Port-Cartier, SIDBEC, et Raymond Blaney, président de la chaîne de Quebec Cartier Mining à Port-Cartier.

Je voudrais tout d'abord remercier le gouvernement ainsi que SIDBEC, la direction de SIDBEC, de nous avoir permis, de nous avoir donné les informations nécessaires à la présentation de notre mémoire. Vous allez noter que, dans ce cas-ci comme dans bien d'autres, on n'a pas été gâté par le temps. On ne nous a pas donné plus de temps qu'il n'en faut, on a fait notre possible pour expliquer notre point de vue. On aurait apprécié avoir plus de temps, mais cela était comme cela. De toute façon, on voudrait remercier ceux qui nous ont permis d'avoir les dossiers, les documents en main pour préparer notre mémoire.

Deuxièmement, j'aimerais indiquer que nous avons reçu la collaboration de compétences humaines de l'intérieur de la compagnie SIDBEC, bien sûr, des gens qui n'étaient pas tous syndiqués, on parle également de cadres qui nous ont donné des informations. J'espère qu'eux, n'ayant pas la protection d'un syndicat, ne seront sujets à aucunes représailles à cause des informations qu'ils nous ont données, parce que, dans cette période, il est fort possible qu'il y ait eu des tensions de créées.

Je dirai également, avant de commencer la lecture du mémoire, qu'il y a plusieurs travailleurs et travailleuses de SIDBEC, que cela soit de Normines ou que cela soit de DOSCO, présentement dans la salle. Je voudrais dire que les déclarations fracassantes et souvent intempestives de plusieurs ministres n'ont certainement pas aidé au climat. Dans les régions éloignées, je pense que cela a été la même chose, cela a créé des tensions très grandes et j'espère que la commission parlementaire va nous permettre de remettre les choses à leur place, et de situer les problèmes tels qu'ils le sont, en mettant fin à cette avalanche de déclarations qui rend tout le monde nerveux et malheureux et qui n'aide pas du tout à la situation.

SIDBEC, comme les autres sidérurgies, traverse une période difficile. Nous sommes à la croisée des chemins. Les décisions que le gouvernement doit prendre doivent tenir compte des objectifs sociaux et économiques qui ont mené à la création de SIDBEC. Ces objectifs continuent d'exister et demeurent un défi que la collectivité québécoise doit relever. Des décisions hâtives, guidées par la panique pendant la crise économique mondiale actuelle, seraient une catastrophe. Tout doit être évalué, étudié, soupesé de façon approfondie avant d'apporter le remède pour corriger la situation.

Il faut que notre société d'État sidérurgique demeure intégrée et transforme nos propres ressources naturelles. Cet objectif demeure encore valable aujourd'hui, même si les investissements dans SIDBEC-Normines créent des difficultés financières et structurelles à SIDBEC. La présence des partenaires et des multiples contrats qui les lient complique la recherche d'une solution au problème de SIDBEC-Normines.

Nous abordons d'abord les problèmes des opérations minières. Ceci dit, nous croyons à une solution globale au problème de SIDBEC, mais nous admettons tout de même qu'il y a des difficultés particulières aux opérations minières et aux opérations manufacturières.

En 1969, après les recommandations en ce sens par le conseil d'orientation économique et le comité de sidérurgie, le gouvernement du Québec créait SIDBEC avec la mission de s'engager dans tous les secteurs de l'industrie sidérurgique, depuis l'exploration et l'extraction du minerai jusqu'à la production et la vente de produits finis. Après six années de production manufacturière, SIDBEC s'engageait en 1974 à pousser plus à fond l'intégration de l'entreprise par la construction d'une usine de bouletage à Port-Cartier afin d'éliminer ses goulots d'étranglement. On se rappellera que SIDBEC devait importer de la Suède et du Brésil ses matières premières alors que le Québec en possédait en abondance. À cette époque, il était acquis et vous voyez la déclaration de SIDBEC à ce moment... C'est dans ce contexte d'une stratégie d'expansion de deux entreprises, SIDBEC et Québec-Cartier, que SIDBEC-Normines fut constituée de trois partenaires: SIDBEC, 50,1%; British Steel, 41,6%; la compagnie minière Québec-Cartier, 8,2%.

Les partenaires se sont engagés à financier 35% de l'équité du projet d'un coût approximatif de 545 000 000 $ et à acheter ou payer une production annuelle de 6 000 000 de tonnes au prorata de leur participation pour 25 ans. De plus, par de multiples contrats, les partenaires se sont liés dans un mariage indissoluble, garanti par le gouvernement du Québec, pour les engagements de SIDBEC.

La compagnie Québec-Cartier a donc vendu à SIDBEC-Normines son concentrateur et les installations connexes à Gagnon pour 45 000 000 $, ainsi que le gisement de fer de la ville de Fire Lake pour un montant payé sur chaque tonne de concentré produite, 10 000 000 $ en 1982. La Québec-Cartier s'engageait à faire des modifications de raccordement aux voies ferrées pour 50 000 000 $, et aux installations de manutentation de Port-Cartier pour 6 000 000 $. SIDBEC obtenait le financement de l'usine de bouletage de Port-Cartier, 314 000 000 $.

Dans ce contexte de 1976, les projets d'expansion de SIDBEC étaient évidemment crédibles. SIDBEC avait déterminé ses

besoins immédiats à 1 500 000 tonnes et obtenait des quantités équivalentes de réserve pour son expansion future. Comme les autres aciéries, SIDBEC a cherché à garantir ses approvisionnements et à se mettre à l'abri des incertitudes du marché international. À l'époque, le calcul était juste. SIDBEC réglait ainsi définitivement son problème d'approvisionnement, il pouvait à l'avenir concentrer son expansion dans le secteur de la transformation. SIDBEC voyait grand en s'assurant en amont d'une double capacité d'approvisionnement, d'une presque double capacité de production de concentrateur et d'une double capacité de bouletage pour ses besoins immédiats et futurs.

Il est évident aujourd'hui que les vannes ont été beaucoup trop ouvertes du côté des approvisionnements et que SIDBEC subit un véritable rez de marée financier dans ses opérations manufacturières. Les différents goulots d'étranglement possibles de SIDBEC dans l'avenir ont, le moins qu'on puisse dire, été éliminés radicalement dans l'accord, à la demande même de la direction de SIDBEC. Il ne paraît pas juste aujourd'hui de tenter de faire reposer toutes les responsabilités des problèmes de SIDBEC sur SIDBEC-Normines.

Nous sommes confrontés, en 1982, à une situation où des partenaires, dont SIDBEC, ont forcé une entreprise à produire de l'acier qu'ils ne peuvent consommer, mais qu'ils sont obligés d'acheter pour revendre à perte sur le marché international qui est déjà surchargé.

Au plan financier, SIDBEC-Normines doit toujours faire des profits, ne peut s'endetter et ses partenaires n'ont qu'à payer la note même s'ils doivent en crever. Tout a été conçu dans un scénario de croissance continue et stable jusqu'à la fin du siècle. Les estimations des résultats financiers pour 1982 pour SIDBEC sont éloquents. Les pertes imputables à SIDBEC-Normines directement et indirectement sont de l'ordre de 80 000 000 $; 22 000 000 $ en frais financiers sur les pertes antérieures, les coûts d'inventaire et l'intérêt sur la dette long terme, sur l'investissement dans SIDBEC-Normines; 23 000 000 $ en perte sur la revente des boulettes d'oxyde et préréduit; 30 300 000 $ occasionnés par l'obligation de consommer les boulettes de SIDBEC-Normines par rapport au prix inférieur du marché international et 4 100 000 $ pour la quote-part de la perte de SIDBEC-Normines.

L'entente des partenaires dans SIDBEC-Normines ne laisse pas beaucoup de flexibilité sur le niveau des achats. SIDBEC atteindra son maximum de déficit d'achat de 1 500 000 tonnes et, après 1983, elle devra augmenter ses achats, mais, plus elle achète, plus elle perd. On n'a pas besoin de plusieurs dessins pour comprendre que cela n'a plus de bon sens. Les travailleurs ne sont pas intéressés non plus à produire des inventaires quand on ne voit pas le jour où on pourra les écouler, même à perte.

Ces données ont à nos yeux une valeur d'illustration d'ordre de grandeur des problèmes financiers de SIDBEC, mais nous ne sommes pas prêts à accepter l'argument sous-jacent de SIDBEC aux pertes de 30 000 0000 $ occasionnées par l'achat de boulettes de SIDBEC-Normines plutôt que sur le marché international. SIDBEC a voulu se mettre carrément à l'abri des fluctuations du marché international en prenant le contrôle de SIDBEC-Normines. Nous n'accepterons jamais que SIDBEC aille ailleurs s'alimenter sur le marché international parce qu'il est plus propice, alors que c'est la même entreprise qui nous a demandé, il y a six ans, comme collectivité, d'investir massivement dans SIDBEC-Normines pour lui assurer sa sécurité d'approvisionnement. SIDBEC doit s'alimenter en matières premières au Québec. C'est une exigence sur laquelle nous ne lâcherons pas et nous demandons au gouvernement, dans le cadre de sa politique d'achat chez nous, de demeurer inflexible sur ce point et nous croyons que SIDBEC peut et doit vivre avec cette contrainte.

Il est maintenant acquis par tous les intervenants et les partenaires dans SIDBEC-Normines que SIDBEC ne pourra jamais, dans l'horizon des années quatre-vingt, consommer la quantité qu'elle s'est engagée à acheter dans SIDBEC-Normines. Nous sommes évidemment d'accord avec ce diagnostic: il faut libérer SIDBEC de cette contrainte et des pénalités qui l'accompagnent. Nous sommes également bien conscients que les intérêts des partenaires dans SIDBEC-Normines ne sont pas nécessairement identiques. British Steel aura intérêt à diminuer ses achats de 41,7%, mais il n'en va pas de même pour la compagnie minière Québec-Cartier dont les engagements ne sont qu'à 8%. SIDBEC écope évidemment de la plus lourde responsabilité, 50,1%.

Nous avons maintenant une compréhension plus globable des contrats qui façonnent SIDBEC-Normines et ce n'est pas gai comme portrait d'ensemble. À peu de chose près, SIDBEC qui a le contrôle ne contrôle rien, son pouvoir est théorique. Il faudrait plutôt dire que SIDBEC a la majorité des engagements financiers et des obligations contraignantes des partenaires. Elle doit payer la majorité de la note, elle n'a aucun pouvoir de changer les données de la situation. D'autre part, la compagnie Québec-Cartier avec 8% de contrôle a, à toutes fins utiles, le contrôle des décisions majeures; les deux partenaires, c'est-à-dire British Steel et SIDBEC, à 92% de contrôle et d'engagements ne peuvent bouger sans l'accord de Québec-Cartier. C'est ce qu'on

appelle se faire peinturer dans le coin.

Nous ne nous attarderons pas sur les contrats de services de Québec-Cartier qui vont représenter, en 1982, des coûts de 40 000 000 $ et des redevances de 10 000 000 $ pour SIDBEC-Normines, si ce n'est pour vous dire que nous pensons qu'il y a sûrement du gras à couper quelque part dans ces ententes secondaires résiliables.

Nous avons étudié tous les scénarios et les hypothèses connues à ce jour sur l'avenir de SIDBEC-Normines ainsi que les engagements financiers qui en découlent, soit la fermeture permanente, la fermeture temporaire de cinq ans, les réajustements de production à différents niveaux, 60%, 70%, 75%, 80%, 90% ou 100% et à un fonctionnement de 3 300 000 tonnes. Ce sont les scénarios que nous avons regardés.

Nous rejetons les scénarios extrêmes que sont le maintien de la situation actuelle ou bien la fermeture de SIDBEC-Normines. La situation actuelle, à un niveau de production de 6 000 000 de tonnes, coûte aux partenaires 100 000 000 $, soit la différence de 20 $ la tonne entre le prix international et le prix du marché. La structure juridique et financière de SIDBEC-Normines impose une perte de 50 000 000 $ à SIDBEC. Ce coût est évidemment inacceptable pour SIDBEC; l'enfant mis au monde par SIDBEC est à coup sûr en train de le faire crever. SIDBEC n'a ni les moyens, ni l'ampleur de British Steel pour supporter un tel fardeau. Québec-Cartier, par contre, s'en tire avec des coûts de 8 000 000 $, mais ses redevances de 10 000 000 $ viennent compenser ses pertes et elle n'a pas de motifs criants pour changer la situation.

Le maintien des opérations à 6 000 000 de tonnes crée un surplus d'inventaires inutiles et de moins en moins vendables sur un marché international déprimé. La gestion et le coût de tels inventaires créent des obligations trop contraignantes pour les partenaires.

Quant à l'hypothèse de fermeture, le remboursement de la dette obligataire, la radiation du placement dans SIDBEC-Normines et les pertes liquides accumulées, ainsi que la perte de revenus du gouvernement du Québec calculée de la façon la plus conservatrice et la plus restrictive possible, au niveau du manque à gagner sur les salaires perdus, démontrent que, sur une base de cinq ans, les coûts sont tout aussi élevés que le maintien des opérations à un niveau réajusté. (11 h 30)

Selon nous, la seule option possible et réaliste demeure le maintien des opérations à un niveau de 3 300 000 tonnes par an et que les partenaires soient tenus d'acheter leur quote-part. Les achats de SIDBEC seraient ainsi plus concordants avec ses besoins de consommation. Il faudrait réduire de moitié la production, réviser les contrats avec Québec-Cartier pour éliminer tout le gras, renégocier les clauses de redevances, faire dans SIDBEC-Normines une révision de fond en comble pour réduire tous les coûts, modifier en conséquence les clauses de pénalité et les contraintes financières.

En fonctionnant à 50% de sa capacité d'exploitation, SIDBEC-Normines encourra des pertes de l'ordre de 40 000 000 $ et la quote-part de SIDBEC sera de 20 000 000 $. Par rapport à l'écart du prix défavorable de 20 $, il en coûtera 60 000 000 $ de plus aux partenaires à l'achat dont 30 000 000 $ à SIDBEC; au total, notre coût sera de 50 000 000 $ par an.

Quel que soit le scénario envisagé, fermeture permanente ou temporaire, fermeture de Gagnon - mine et concentrateur - avec maintien de l'usine de bouletage et réduction des niveaux d'exploitation, SIDBEC-Normines coûtera 100 000 000 $ par an à ses partenaires, dont 50 000 000 $ à SIDBEC.

Nous sommes disposés à réviser immédiatement tous ces scénarios avec tous les partenaires mais nous ne croyons pas que la facture puisse être sensiblement réduite. Telle est, à notre avis, la donnée de base du problème. Ce n'est gai pour personne et personne ne peut la modifier même avec la meilleure volonté au monde. Il nous reste à l'accepter une fois pour toutes et à agir en conséquence.

Nous serions d'accord pour que les pertes d'exploitation de SIDBEC-Normines ne soient pas imputées à SIDBEC et que le gouvernement du Québec assume directement ce coût. SIDBEC, cependant, ne doit pas être relevée de son obligation d'acheter sa quote-part ainsi réduite d'approvisionnement de SIDBEC-Normines. Selon nos estimations, SIDBEC est à peu près sur le même pied que les autres aciéries canadiennes en ce qui concerne le coût de ses matières premières. Ce n'est donc pas le facteur déterminant de sa non-rentabilité.

L'option de réduction de production, malgré la part importante des coûts fixes qu'assume SIDBEC-Normines, devrait favoriser un meilleur contrôle des coûts tout en évitant l'amoncellement astronomique d'inventaires inutiles dans la conjoncture actuelle. On peut espérer compresser le déficit d'exploitation de SIDBEC-Normines. Cette option oblige une réouverture de tous les contrats avec les partenaires de SIDBEC. Nous connaissons à l'avance les difficultés, mais nous croyons que cette opération -puisque c'est la seule possible et réaliste -va réussir. Puisque les créanciers obligataires devront approuver les nouvelles dispositions de l'entente, il s'impose que les partenaires SIDBEC, British Steel et Québec-Cartier et les gouvernements du Québec et de la

Grande-Bretagne trouvent un nouveau consensus et le recommandent avec force aux créanciers.

Nous demandons au gouvernement que dorénavant les travailleurs, par leur syndicat, soient présents et impliqués dans l'évaluation plus serrée des options qui vous ont été présentées, dont la nôtre, de participer à l'élaboration du plan de redressement et de financement de SIDBEC-Normines. Nous demandons aussi d'être présents aux négociations avec les partenaires de SIDBEC-Normines de façon que nous puissions défendre les positions des travailleurs dans cet important dossier.

L'hypothèse de la fermeture de SIDBEC-Normines - les installations de Port-Cartier, Gagnon et Fire Lake - doit être étudiée à la lumière de la situation particulière de la Côte-Nord. Il va de soi qu'une perte d'emplois concentrée dans une région, la Côte-Nord, qui se débat avec un taux de chômage de 23%, excluant ceux qui ont quitté la région - et je pense que, si nous mettons les deux ensemble, c'est d'environ 40% dont on parle - appelé inévitablement à croître, revêt plus de gravité que semblable phénomène dans la région montréalaise.

Les achats effectués par SIDBEC-Normines à l'usine de bouletage à Port-Cartier étaient effectués majoritairement sur la Côte-Nord en 1981, soit 3 200 000 $ à Port-Cartier même, Il 600 000 $ ailleurs dans la région sur des dépenses totales de 24 700 000 $. De même les achats effectués par SIDBEC-Normines se faisaient à 50% environ - soit 22 000 000 $ - sur la Côte-Nord. C'est dire que le démantèlement des seules installations de SIDBEC-Normines sur la Côte-Nord porte un coup très dur à la vie économique et sociale des citoyens de cette région.

Prenons enfin le cas de la ville de Gagnon, dont toute la vie économique repose sur SIDBEC. Ce sont 3500 habitants qui, à plus ou moins long terme, perdraient leur emploi. Des gens qui, en majorité, vivent loin de grands centres depuis 15 ou 20 ans. Des familles qui, dans un grand nombre de cas, perdront non pas un, mais deux ou trois salaires puisque SIDBEC-Normines était l'unique source de revenus, directe ou indirecte. Des travailleurs parvenus à un âge où les employeurs n'embauchent plus; des femmes qui avaient réussi à se faire une place sur le marché du travail, même dans des emplois traditionnellement masculins. Tous ces travailleurs et travailleuses devront s'expatrier à la recherche d'emplois qui n'existent pas et faire face à la discrimination patronale favorisée par la crise économique.

La disparition de Gagnon, c'est plus que la mise en chômage de 2000 personnes. C'est un gaspillage d'installations publiques d'une cinquantaine de millions de dollars dont, par exemple, le CLSC, l'aréna, une école toute neuve, qui n'auront plus d'utilisateurs. C'est le déracinement d'une population attachée à son coin de pays. C'est l'asphyxie lente de la Côte-Nord qui se poursuit.

Aux pertes d'argent énormes, à la souffrance de ces travailleurs et travailleuses qui se sont expatriés, au dépérissement de toute une région du Québec doivent s'ajouter enfin une prise en compte plus globale des enjeux en cause. Il ne s'agit pas seulement d'un choix économique. C'est essentiellement un choix de nature politique auquel le gouvernement doit faire face.

Voulons-nous d'une société qui laisse aller à la dérive économique et sociale une région entière? Le gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour redonner un nouveau souffle à SIDBEC-Normines et participer ainsi à une tentative de redémarrage de la Côte-Nord. Le chômage représente une perte économique énorme. De plus, il accentue les pires travers d'une société, ses inégalités, ses injustices et sa discrimination.

Si le coût financier immédiat de fermeture est relativement bien cerné entre 500 000 000 $ et 600 000 000 $, les études d'impact économique sont inexistantes dans le débat actuel. Pour évaluer l'ampleur de cet impact, une méthode consiste à mesurer la perte globale de la richesse nationale provoquée par une fermeture à partir des achats et des salaires directs. Dans le cas de SIDBEC-Normines, cette méthode nous permet d'évaluer la perte de richesse nationale à 200 000 000 $ par an, soit 1 000 000 000 $ sur un scénario de cinq ans. Dans la conjoncture actuelle, le Québec ne peut se permettre de sacrifier un tel impact économique.

Les activités manufacturières. L'objectif d'une sidérurgie intégrée, contrôlée par les Québécois et utilisatrice de nos ressources naturelles constitue un levier important pour aider au développement d'industries de transformation au Québec. D'ailleurs, l'influence de SIDBEC sur le prix de l'acier est réelle. Un simple regard sur la gamme des prix des autres producteurs peut confirmer que, là où SIDBEC est absente, ce sont les acheteurs qui paient les frais de transport à partir de Hamilton. Lorsque, au contraire, SIDBEC vend le produit, ce sont les producteurs ontariens qui assument les coûts de transport. Ils doivent concurrencer SIDBEC qui établit ses prix à partir de Contrecoeur. La présence de SIDBEC permet à notre petite et moyenne entreprise d'avoir un avantage naturel sur le marché québécois et facilite la pénétration vers d'autres marchés. Si SIDBEC se retirait d'une gamme de produits, le coût des produits aux PME augmenterait, rétablissant ainsi les marges de profits des producteurs ontariens.

SIDBEC a réussi à promouvoir la

transformation de l'acier par l'industrie québécoise en utilisant nos richesses naturelles. Il s'agit maintenant d'éliminer ses faiblesses pour qu'elle devienne un vrai moteur de développement industriel québécois-Toute l'industrie sidérurgique mondiale, et non seulement SIDBEC, traverse une période très difficile. La crise économique qui amplifie les faiblesses de SIDBEC frappe aussi durement tous les autres producteurs. Tout récemment, l'International Iron and Steel Institute, réuni à Tokyo, a annoncé que toutes les sociétés sidérurgiques seraient en difficulté pendant quelques années. Les trois grands producteurs intégrés d'acier au Canada, soit la Stelco, Dofasco et Algoma, traversent une période de pertes ou de diminution de profits, créant des mises à pied massives.

SIDBEC peut justifier certains de ses problèmes financiers par la crise mondiale, mais elle ne peut se servir de cette crise comme écran pour masquer l'ensemble des autres problèmes financiers, structurels et fonctionnels. Certaines des faiblesses de SIDBEC ont été héritées de DOSCO. Ces faiblesses, elle n'a pas su les corriger. De plus, notre société d'État et les différents gouvernements ont commis une liste très longue d'erreurs pour lesquelles SIDBEC continue à subir des effets néfastes.

Pendant les bonnes années, SIDBEC n'investissait pas au même niveau que ses concurrents. Il n'est pas surprenant qu'avec la décroissance économique actuelle, SIDBEC ait cessé de progresser. Ses concurrents canadiens, qui ont été plus prévoyants et qui se sont mieux équipés, peuvent continuer à progresser même si c'est à un rythme plus lent.

Il a été reconnu par les vérificateurs de l'entreprise que SIDBEC acquiert des immobilisations à un rythme deux fois plus lent que l'ensemble de l'industrie de l'acier. Cette situation met en péril le maintien de sa part du marché ainsi que, d'une façon certaine, sa marge de profit brut.

Le gouvernement, qui est le seul actionnaire de SIDBEC, doit accepter une partie des responsabilités de ce manque d'investissements. Plusieurs projets proposés par SIDBEC, comme celui, par exemple, du fil machine, même si la preuve a été faite qu'il s'agissait d'un investissement pouvant rentabiliser une partie des activités, n'ont jamais vu le jour à cause de l'inertie du gouvernement. Ce manque d'initiative du gouvernement a eu comme résultat qu'un autre producteur s'est lancé dans le domaine. À l'avenir, les décisions d'investissements devront être prises rapidement, sans piétinement par l'actionnaire, c'est-à-dire le gouvernement.

D'autre part, SIDBEC doit assumer un fardeau financier que les autres producteurs canadiens n'ont pas. Les vérificateurs de SIDBEC ont suggéré au gouvernement de recapitaliser l'entreprise afin d'assainir sa structure financière en injectant du capital nouveau pour un montant évalué à 140 000 000 $.

Si on compare SIDBEC à ses concurrents, elle a été obligée de financer ses besoins en capital par une proportion d'emprunts plus élevée. SIDBEC assume donc des dépenses d'intérêt supérieures à celles de ses concurrents, réduisant ainsi sa rentabilité comparativement à ces derniers.

En sidérurgie, les besoins en capital sont énormes et lourds à supporter. Il est donc impératif de ne jamais investir plus qu'absolument nécessaire. Cette nécessité est généralement dictée par les besoins de la clientèle. L'utilisation des équipements est au maximum et il devient inévitable d'investir pour augmenter les capacités. Ces augmentations de capacité doivent être judicieusement dosées pour ne pas demeurer inutilisées pendant trop longtemps. Il en est de même pour chaque étape de production où l'on doit décider soit d'acheter la matière première, soit de la produire soi-même si on peut le faire à moindre coût.

C'est ainsi qu'au gré de la "profitabilité" des activités existantes, on observe généralement une croissance de l'entreprise qui implique une intégration graduelle vers l'amont, c'est-à-dire qu'on juge propice d'accaparer l'opération précédente. L'objectif est évidemment d'améliorer sa propre marge bénéficiaire, tout en s'assurant d'une part grandissante du marché. L'intégration vers l'amont se fait donc par étapes et à partir du marché.

L'histoire des investissements de SIDBEC nous montre plutôt une démarche dans le sens contraire. On investit très peu dans les laminoirs et les parachèvements, mais alors massivement dans la production de l'acier primaire: aciérie, Midrex et Normines. La tentation était grande car, en 1969, avec l'achat de DOSCO, SIDBEC ne possédait que l'aciérie de l'usine de Montréal pour produire environ 200 000 tonnes de billettes. L'erreur fut d'investir des sommes colossales dans des capacités excédentaires, avec l'effet automatique néfaste de gonfler les coûts de production par des charges d'intérêt disproportionnées. Car pendant ce temps, la production des laminoirs ne progressait pas du tout dans la même mesure et leur appel de matière sur les installations nouvelles en amont ne correspondait pas à un taux d'utilisation suffisamment élevé.

D'ailleurs, dans le cas où on en douterait, la haute direction de SIDBEC savait exactement ce qu'elle faisait, si l'on se reporte aux propos du président dans le rapport annuel de 1975. Ces mêmes propos avaient d'ailleurs été livrés en commission parlementaire en avril 1976. Qu'on nous

permette d'en reprendre quelques extraits. "Si on y regarde de plus près, on pourra observer que, depuis 1969, SIDBEC n'a pas eu d'investissement d'argent dans ses laminoirs ou dans ses usines de parachèvement, dont la capacité de production globale de produits finis, est d'environ 800 000 tonnes par an. Si elle avait fait le contraire, en investissant à fond dans ses usines de parachèvement, elle aurait souffert de façon tragique d'un manque à gagner dans l'acier primaire. Cela eût été mettre la charrue devant les boeufs. "Cependant, en investissant dans une mine, dans une usine de bouletage, dans des usines de réduction et dans des fours électriques, elle peut, pour autant que le gouvernement la supporte, établir, en deux ou trois ans, une infrastructure très solide qui lui permettra de produire de l'acier en fusion sur une base compétitive. C'est, à mon avis, un des objectifs les plus importants à atteindre dans une sidérurgie intégrée. Quand nous atteindrons cet objectif, il nous sera permis de penser beaucoup plus loin."

La direction à l'époque savait donc exactement ce qu'elle faisait et elle croyait sans doute faire bonne route. On voulait aller loin et vite, sans trop d'égards pour les coûts énormes et leur influence sur la rentabilité immédiate de l'entreprise.

Cette philosophie de la haute direction envers les grosses dépenses d'immobilisation en amont se reflète d'ailleurs dans plusieurs autres projets de capitalisation. Ce fut, pendant un temps, l'attitude qui prévalait chez les cadres supérieurs. En somme, il ne faut pas trop regarder à la dépense, pourvu qu'on soit moderne et bien équipé. C'est ainsi qu'on peut relever plusieurs investissements importants dont l'ampleur dépassait inutilement les besoins stricts, c'est-à-dire qu'on aurait pu facilement s'en tirer à meilleur compte. Qu'on nous permette d'en souligner trois.

SIDBEC-Feruni. Quand SIDBEC a décidé de s'intégrer en s'embarquant dans cette activité, on n'y est pas allé avec le dos de la cuiller. On a englouti une bonne dizaine de millions et on est parti en grande dans la ferraille. On entend rarement parler d'un entrepreneur privé qui aurait besoin d'investir 10 000 000 $ pour pouvoir ouvrir une cour de ferraille. Les résultats de tout cela: SIDBEC achète ses ferrailles de Feruni à un prix plus élevé. Encore une fois, cela coûte cher de se rendre indépendant du marché. De toute façon, les autres solutions avaient été écartées du revers de la main. (11 h 45)

Longueuil. En 1977, SIDBEC mettait la main sur l'usine de Questel, comportant une aciérie électrique de deux fours et un laminoir à barres et petits profilés communément appelés fers marchands. Il s'agissait d'une aubaine au prix de 27 000 000 $. Or, pas question d'essayer de faire de l'argent avec cette usine comme elle était. Il fallait investir pour l'améliorer, 30 000 000 $ en quatre ans. Cela nous apparaît nettement extravagant. D'autant plus qu'une étude de la firme américaine McKee, pour le compte de la Banque Royale, en novembre 1976, fixait le montant des investissements à prévoir pour les cinq prochaines années entre 8 000 000 $ et 10 000 000 $.

La coulée continue de brames. Voilà un investissement de l'ordre de 35 000 000 $ faisant appel à une technologie moderne qui allait régler un tas de problèmes au laminoir à chaud. L'ennui, c'est qu'elle mettait quatre ans à se réaliser et qu'on aurait pu s'en tirer tout aussi bien sinon mieux avec une dépense de 5 000 000 $ qui aurait porté fruit après un an, en faisant appel à la technologie conventionnelle et bien établie des fours en fosses qu'on appelle "pits". Je demanderais à M. Duval, à l'aide de diapositives, d'expliquer ce qu'on veut dire.

M. Duval (André): Pour fixer les idées, parce qu'on va discuter un peu à l'intérieur de l'usine, on va vous présenter, au total, douze dispositives. Les six premières sont de caractère général, mais c'est simplement pour vous donner une meilleure impression de ce dont on parle.

En premier, on a jugé bon de vous montrer un four électrique et ses composantes. Est-ce qu'il y a moyen d'ajuster l'image? Non, regardez le four électrique un peu, qu'on prenne la peine de le regarder comme il faut. C'est l'engin principal de fusion et d'élaboration de l'acier à Contrecoeur. Il y en a quatre. C'est la technique traditionnelle des lingots qui sont en train d'être démoulés. Lorsqu'on parlera de lingots tantôt, vous aurez une meilleure idée de ce que dont on parle. C'est un laminoir à brames dégrossisseur - je passe à l'autre - et c'est la sortie d'un four de réchauffage en amont du laminoir à chaud. J'aimerais qu'on remarque ici, dans les deux diapositives qu'on vient de voir, le degré de chauffage de l'acier. L'acier est chauffé à blanc. C'est la façon de faire quand on veut ensuite le laminer. La solution qui a été retenue en 1960... Allez donc moins vite.

Une voix: On pourrait reculer un bout.

M. Duval: Reculez un peu, s'il vous plaît! C'est... Restez là.

Une voix: On n'a pas encore la technique de SIDBEC.

M. Duval: C'est la... C'est une idée de la technique... Un mot sur la coulée continue. On va parler tantôt des deux

routes qui nous étaient possibles à l'époque: la coulée continue ou les lingots. On peut rester là. Ce n'est pas du tout le type de machine qui a été retenu, mais c'est pour donner une idée du principe de l'affaire. La machine de SIDBEC est une machine a cintrage, il y a donc une courbure; on ne coupe pas comme cela à la verticale, mais la brame est dirigée vers la verticale graduellement, au moyen de rouleaux. L'idée, c'est de prendre l'acier liquide en poche et d'en faire une brame. L'épaisseur de la brame est de l'ordre de sept pouces. Alors, si vous vous souvenez de la photographie de tantôt, il y avait des lingots. Du temps où l'on travaillait en lingots à Contrecoeur, on avait des lingots de vingt-quatre pouces d'épaisseur et de différentes largeurs naturellement et le poids était d'environ huit ou dix tonnes.

Maintenant, on peut changer si la machine le veut bien. On peut reprendre le texte. D'accord, restez là.

M. Godbout: Regardez, SIDBEC avait des lumières et nous autres, on n'en a pas.

Le problème majeur du laminoir à chaud de Contrecoeur en a toujours été un de chauffage et non de laminage. Le passage des lingots aux brames de coulée continue n'a toujours pas apporté de solution adéquate au problème de chauffage. Il a plutôt eu pour effet de l'exacerber en fournissant des brames de 7 pouces d'épaisseur en remplacement des brames laminées à 6,5 pouces d'épaisseur. En effet, pour maintenir les cadences élevées de laminage, on doit encore maintenant faire appel au four à sole tournante, dont le coût d'exploitation demeure prohibitif. D'ailleurs, ce four aurait disparu avec la solution conventionnelle des fours "pits".

Qu'on ne se méprenne pas. La coulée continue de brames est un procédé moderne et qui possède les avantages certains. Cependant, dans le contexte de Contrecoeur, ce n'était pas la solution la mieux indiquée, car elle était beaucoup plus chère, plus lente à rapporter et elle ne réglait pas complètement le problème de chauffage à l'entrée du laminoir. Qu'il nous suffise de mentionner ici qu'en 1980, Dofosco a choisi d'alimenter son nouveau laminoir à chaud en lingots bien chauffés dans des fours en fosses et cela n'est certainement pas par ignorance des bienfaits de la coulée continue de brames.

C'est un domaine où on pourrait se montrer intarissable. On parle ici maintenant des faiblesses chroniques de la direction, mais nous n'allons encore là soulever qu'un nombre limité d'exemples qui nous apparaissent cependant avoir leur importance.

Dans toute compagnie sidérurgique, il y a des postes clés à la direction où une compétence technique est absolument nécessaire et sans laquelle toute rentabilité d'une entreprise est mise en danger. Il n'est pas nécessaire que tous les cadres soient des sidérurgistes de tradition, mais il faut avoir un noyau suffisant de gens qui ont vécu les problèmes d'exploitation des usines sidérurgiques. SIDBEC a trop souvent comblé les postes des cadres supérieurs par des personnes qui avaient travaillé dans d'autres industries que celles de l'acier. Certaines compétences sont interchangeables, mais, si on veut obtenir rapidement de bons résultats d'exploitation, on ne peut lésiner sur la capital humain nécessaire. Après avoir acquis ce personnel qualifié, il faut s'arranger pour le conserver et l'employer à la formation des autres cadres, afin de renforcer l'équipe.

Depuis 1969, on a connu pas moins de sept directeurs à l'usine de Contrecoeur, quatre à l'usine de Montréal. Dans le cas de l'usine de Longueuil, la fréquence de changement a été de deux en quatre ans depuis 1978. Parmi ces directeurs, un bon nombre n'étaient pas du tout qualifiés, quant à leur formation ou à leur expérience des opérations sidérurgiques, pour accéder à un tel poste. La fréquence des remplacements le démontre d'ailleurs assez bien. L'absence de continuité à la direction des usines se traduit par de fréquents changements aux procédures et aux autres postes subalternes, incompatibles avec des solutions adéquates et durables à apporter aux problèmes techniques et humains. Dans ces conditions, on ne peut pas penser à une équipe dont le potentiel grandit et qui peut améliorer son efficacité.

Lors du démarrage, en 1971, la nouvelle aciérie fut confiée à un jeune gérant de 26 ans, dont l'expérience fort limitée le rendait bien incapable d'exploiter à fond les nouveaux fours électriques mis à sa disposition. Ce fut une erreur grave et coûteuse. Il fut remplacé après deux ans par un autre jeune homme un peu plus expérimenté, qui fut lui-même remplacé après deux ans.

Ce qui a toujours manqué à ce poste vraiment stratégique, c'est une personne dont les connaissances techniques et l'expérience de production d'acier de qualité en feraient un leader naturel, capable de s'imposer par sa compétence auprès des contremaîtres et des ouvriers, tout en maintenant une cadence d'exploitation et une rigueur de contrôle comparable à ce qui se fait de mieux au monde. Il nous semble incompréhensible qu'une telle lacune n'ait jamais été reconnue par la direction et comblée rapidement. Il s'agit véritablement du coeur des opérations manufacturières de SIDBEC et il est primordial qu'il soit entre les mains d'un aciériste chevronné.

Anémie du département de ventes et marketing. Alors, il y a une diapositive présentement au tableau. Vous allez retrouver d'ailleurs ces tableaux dans vos

dossiers.

M. Duval: Restez là.

M. Godbout: Celle où tu étais avant.

M. Duval: Non, celle-là.

M. Godbout: Parfait.

M. Duval: II faudrait faire la mise au point, peut-être. Vous l'avez. C'est une répartition par types de produits, quand on parlait... Est-ce que la distance focale est correcte? Cela donne une idée de la gamme des produits fabriqués en sidérurgie. Quand on parlait des fameux produits longs, ce matin, ils sont en haut, et les produits plats - la tôle - sont en bas. Je pense que chacun peut voir les rails, le matériel de voie, les palplanches, qui ne sont pas laminées au Canada, les rails, laminées chez Sisco, les poutrelles chez Algoma particulièrement, les barres, les fers marchands ronds et fil machine chez SIDBEC, entre autres. En bas, on a les tôles, les fameuses tôles fortes, habituellement d'épaisseur élevée et supérieure à trois seizième de pouce, en mesure anglaise, ou 4,5 millimètres, et plutôt larges. Les tôles moyennes, qui sont un peu moins larges, moins épaisses. Ensuite, on passe aux feuillards. Donc, comme l'indique l'image, c'est de la tôle mince et étroite qui a été refendue dans le sens de la largeur. Les tôles minces comme telles, en pleine largeur. Ensuite, on indique les tôles galvanisées, deux types de tôle revêtue, c'est-à-dire les tôles galvanisées et le fer-blanc. On aurait pu y ajouter les tôles laquées et tout cela, mais c'est une diapositive qui aurait pu être plus complète que cela. Enfin, cela donne une idée des différents produits.

M. Godbout: Lumière.

Depuis 1969, aucun nouveau produit n'a été offert à la clientèle, le responsable des ventes n'arrivant pas à justifier quoi que ce soit sous ce rapport.

Si la raison d'être de SIDBEC est la mise en valeur des transformations secondaires au Québec, il est incroyable qu'en 14 ans, on n'ait pas réussi à augmenter la gamme des produits afin de mieux servir la clientèle. Il est vrai que les produits de haute qualité auraient exigé la présence à l'aciérie d'un sidérurgiste de haut calibre, mais, même avec les moyens du bord et dans les qualités courantes, on aurait pu offrir certains produits nouveaux et complémentaires, comme nous le verrons plus loin.

La recherche de nouveaux marchés et l'addition de nouveaux produits exigent une attention constante à la clientèle et à ses besoins, tout en ne perdant pas de vue les limites de ses propres engins de production. La responsabilité des ventes est donc un poste clé. Chez SIDBEC, entre 1969 et 1977, ce poste a été sous la responsabilité d'un type dont l'expérience de vente se limitait au travail de l'intérieur sur les prévisions et les statistiques du marché. Depuis 1977, le poste a changé de titulaire à quatre reprises. Pas étonnant que SIDBEC reconnaisse que son marketing n'est pas à la hauteur. Nous avons un autre tableau.

M. Duval: Ce n'est pas la peine de fermer les lumières, parce que vous avez les tableaux à la fin de notre mémoire.

M. Godbout: Ce sont des tableaux que vous retrouvez à la fin du mémoire. Ce tableau-ci: Produits plats et évolution de la production.

M. Duval: Vous pouvez lire, vous commenterez à la fin du paragraphe.

M. Godbout: En outre, lors de la pénurie de 1974, SIDBEC a pris la décision d'augmenter brutalement ses prix en établissant une surcharge de 35 $ la tonne. Elle fut le seul fournisseur parmi les grandes sidérurgies canadiennes à prendre ainsi avantage de la situation et les clients ont la mémoire longue pour ce genre de choses. Le chiffre des ventes pour l'année 1975 montre bien que, lorsque le marché est redevenu normal, SIDBEC fut rayée de la liste des fournisseurs par plusieurs clients. On retrouve le tableau 2.

M. Duval: Non, le précédent, s'il vous plaît!

M. Godbout: L'autre avant.

M. Duval: Le précédent, le tableau de la courbe des ventes, montre l'évolution, face à la courbe de production qui correspond aux ventes, depuis 1969. On remarque, naturellement, en 1976, l'effet du lock-out de six mois, mais déjà en 1975, on voit, après le sommet de 1974, que les ventes avaient considérablement diminué et elles étaient même inférieures à celles de l'année précédente. C'est un résultat de la position du marketing de SIDBEC dans la question des prix en 1974. Naturellement, en 1976, c'était un tout autre problème, la production a cessé pendant six mois et cela nous donne le creux qu'on a connu là. Cet accident de parcours, mis de côté pour tout de suite, on voit la progression sur une longue période de la production des tôles laminées à chaud - en rouge - qui alimentent le laminoir à froid. On devrait lire laminoir à froid, la production totale des laminoirs à froid. En bas, on voit les tôles laminées à froid comme telles; dernière courbe,

l'évolution des quantités. (12 heures)

M. Godbout: Les coûts d'entretien. Vous avez un tableau là-dessus.

Les frais d'entretien constituent une part importante du prix de revient et on remarque une croissance énorme à ce poste. À Contrecoeur, aux produits plats, par exemple, les dépenses d'entretien, entre 1973 et 1978, avaient augmenté de 36%. Cependant, entre 1977 et 1981, l'augmentation fut de 168%. Il y a certainement là des problèmes qui ne sont pas sous contrôle adéquat.

M. Duval: Les dépenses d'entretien, entre 1973 et 1977, c'est sur une période de quatre ans, 36%; sur la période de quatre ans suivante, c'est le chiffre qu'on a là, en pourcentage, bien sûr.

M. Godbout: Le rôle de l'ingénierie. L'influence des responsables de cette fonction a toujours été largement prépondérante au sein de l'entreprise. Cela découle, en bonne partie, de l'importance des programmes d'investissement et des travaux neufs mis en marché depuis 1969. Plusieurs choix d'importance ont cependant souffert de mauvais rapports avec les responsables de la production et de l'entretien des usines. C'est ainsi qu'on en arrive à des solutions souvent plus coûteuses et mal adaptées aux besoins réels et aux contraintes imposées par les installations existantes.

Comme on a tenté de le démontrer, les problèmes majeurs de SIDBEC ne sont pas tous d'ordre structurel, ni tous attribuables à la vétusté de certaines installations. Ce sont plutôt des problèmes d'ordre fonctionnel qui peuvent être résolus. Nous avons deux tableaux. Parmi les diverses solutions examinées, il y a celle de la direction de SIDBEC qui prône la fermeture de la division des produits plats ainsi qu'un retranchement des activités dans le fil machine, les profilés, les fers marchands, de même que l'expansion de la tuberie basée sur l'achat de la barre à tube.

M. Duval: Les deux tableaux qu'on a reproduits là sont les tableaux présentés par SIDBEC, hier, et qui montrent... Voulez-vous reculer s'il vous plaît? Bon, restez là. C'est le tableau des activités schématiques. Il est reproduit sur papier, mais c'étaient ces trois secteurs: schéma des activités actuelles qui montrent naturellement les plats, le fil machine et les profilés. Et le tableau suivant tente de montrer ce qui reste. Il reste la moitié de Midrex, la moitié de Peruni et la moitié d'une aciérie, finalement, au niveau de tonnage dont on parle. Il n'y a plus de produits plats, plus de Truscon, il n'y a plus de 18 pouces à l'île de Montréal, c'est la peau de chagrin.

M. Godbout: Merci. Vous avez eu une idée sur tableau de ce qui reste dans la proposition de SIDBEC. Les raisons avancées pour soutenir une option semblable reposent sur le manque de rentabilité de ces produits plats et celui-ci découlerait du fait que les équipements sont dépassés. Nous ne sommes pas d'avis que les équipements sont inadéquats. En effet, le laminoir à chaud réversible est un outil tout à fait approprié pour le laminage de tôle en quantité modeste. Vous savez, il n'est peut-être pas nécessaire de viser à être les meilleurs au monde. On accepterait, nous, que SIDBEC soit le meilleur au Québec. Il possède de nombreux avantages, notamment au plan de l'investissement initial réduit de même qu'au plan du prix de revient sur les faibles tonnages. D'ailleurs, un laminoir à chaud du type de celui de Contrecoeur peut bien rivaliser avec ceux des grands producteurs à la condition qu'il soit bien exploité. Si on l'approvisionne en acier de bonne qualité et s'il est bien chauffé, ce laminoir produira une bobine de tôle laminée à chaud de qualité amplement suffisante pour les marchés actuels. Cette qualité de la bande laminée à chaud convient très bien au laminage à froid et le surplus peut très bien être destiné à la tuberie et à de nombreuses autres applications en tôle laminée à chaud comme telle.

D'ailleurs, que les produits plats de Contrecoeur soient compétitifs auprès de la clientèle, c'est reconnu non seulement par la direction de SIDBEC, mais aussi par les clients eux-mêmes qui en ont acheté 424 000 tonnes en 1981.

En outre, ce même type de laminoir à chaud est loin d'être en voie de disparition. Le tableau, s'il vous plaît!

M. Duval: On a essayé de mettre sur un tableau un certain nombre d'usines de construction récente, plus ou moins récente, mais non antérieure à 1970. C'est Acerita, je crois, au Brésil. Il y a Washington Steel, Oregon Steel dont M. Raimondi a fait état tantôt. Il y a Cabot Steel qui vient d'ouvrir un autre laminoir à chaud réversible aussi, Southern Cross et Highveld qui sont en Afrique du Sud. Ce sont des laminoirs qui destinent leur production à des marchés restreints en volume ou à des applications très spéciales comme dans le cas de Cabot Steel où ils font un tas de choses, y inclus le titane. Encore là, les volumes sont restreints.

Il y a aussi des études en cours présentement en Colombie pour l'Espagne, la Nouvelle-Zélande - le dernier me semble plutôt à l'étape préliminaire, pour les Indes -toujours pour le même type de laminoir à chaud réversible, à une cage.

Une voix: Merci.

M. Godbout: Plusieurs entreprises sidérurgiques reconnaissent les avantages inhérents à cet engin et en font l'exploitation présentement, ou elles étudient sérieusement son implantation. Nous avons vu au tableau une dizaine d'exemples parmi les plus récents. D'autres laminoirs en opération auraient pu être ajoutés, notamment celui de l'Arbed, au Luxembourg. À l'usine de la société Highveld, en Afrique du Sud, le laminoir va démarrer au début de 1983. À cette fin, la direction de Highveld s'était assurée de l'expertise des responsables du laminoir de Contrecoeur en signant un contrat d'échanges techniques et de formation de personnel.

Quant à nous, il est inacceptable de vouloir fermer ce laminoir sous prétexte qu'il n'est pas rentable, car avant d'être en position de parler de rentabilité, il faudrait tout de même avoir mis un peu d'ordre dans sa propre maison. En dehors du coût de l'enfournement, la façon traditionnelle d'exploiter l'aciérie de Contrecoeur fait que les brames à l'entrée du laminoir à chaud coûtent beaucoup trop cher. La question de chauffage des brames n'a jamais été résolue de façon adéquate, avec le résultat qu'on gaspille à ce seul poste un montant de 5 $ à 10 $ la tonne.

La façon de faire l'entretien à Contrecoeur, en plus de coûter beaucoup trop cher en frais directs d'entretien, est très coûteuse en temps de production gaspillé. La façon de vendre les produits plats de S1DBEC doit être enfin sérieusement révisée. Il faut non seulement se concentrer sur les produits à plus grande marge bénéficiaire, mais aussi cesser de craindre de trop bien servir le marché québécois.

Alors, seulement, on pourra commencer à parler sérieusement de la rentabilité des produits plats à Contrecoeur et on sera sans doute à même de réaliser avec le reste du monde que non seulement les produits plats sont plus profitables, mais qu'ils ont un effet d'entraînement sur l'industrie secondaire de loin supérieur à celui des barres d'armature et de la broche à clou.

Par contre, la proposition d'investir 1 250 000 000 $ pour demeurer dans le domaine des produits plats ne nous apparaît pas très sérieuse. L'augmentation subite de la capacité de production qu'entraînerait une telle dépense ne pourrait être rapidement absorbée par le marché.

Une telle recommandation est cependant compatible avec l'approche traditionnelle de la direction de SIDBEC envers les investissements. On ne tente pas d'étaler les montants et de doser l'effort sur une plus longue période, tout en suivant de près l'évolution du marché. C'est pourtant là l'approche d'entreprises profitables comme Dofasco qui explique les programmes d'expansion comme suit... Le tableau, s'il vous plaît'. Vous voyez la déclaration de Dofasco.

M. Duval: Cela est un classique en sidérurgie, si on peut dire, c'est le développement d'un laminoir à chaud à partir d'une cage réversible. On a simplifié cela, il y a des étapes qui ont été omises pour la clarté du tableau; cela s'est fait en plus d'étapes que cela, mais on ne veut pas entrer dans les détails.

À droite, vous avez le laminoir dégrossisseur qui lamine la brame de six pouces et demi ou de sept pouces, comme tantôt. À gauche, il y a la cage finisseuse avec, en schéma, les deux fours de maintien parce que, durant les cinq phases de laminage, l'acier est enroulé tour à tour sur un des deux mandrins contenus dans les fours de part et d'autre du laminoir. Après la cinquième phase, l'acier s'en va naturellement vers la bobineuse complètement à gauche.

Dofasco a fait la preuve d'une expansion ordonnée et graduelle de sa capacité de laminage à chaud en introduisant, à un moment donné, trois cages finisseuses qui étaient les cages 4, 5 et 6 d'un laminoir éventuellement finisseur continu avec une augmentation intermédiaire de la capacité tout en maintenant la première cage. Cette première cage est devenue la cage no 2 en phase finale. Toute cette affaire-là s'est déroulée sur une période de temps relativement longue, mais disons que les trois étapes mentionnées sont de 1957 à 1965. Naturellement, il ne s'agit pas d'étapes qui doivent être étalées sur 50 ans. Cela s'est quand même fait sur un certain nombre d'années, mais cela a permis et s'inscrit dans la ligne de la philosophie de l'expansion de Dofasco dont j'ai mis une citation en anglais expliquant que l'expansion et les mises de fonds doivent être dosées progressivement et suivre de près les demandes de la clientèle.

M. Godbout: Vous avez la déclaration de Dofasco dans le dossier, en haut de la page 31. D'ailleurs, on sait fort bien que les deux usines de Hamilton sont en train de d'ouvrir leur nouveau laminoir à chaud. Proposer que SIDBEC investisse des centaines de millions dans un nouveau laminoir à chaud de forte capacité ne répond pas du tout à la réalité commerciale. De là à recommander de se retirer du marché des tôles, il y a cependant toute une marge. SIDBEC possède une part de marché qui commence à s'approcher d'un niveau d'utilisation intéressant de ses installations de produits plats.

Après avoir connu une bonne année, en 1981, avec une production de 475 000 tonnes au laminoir à chaud et des expéditions de produits plats de 424 000 tonnes, l'année 1982 sera certes beaucoup moins bonne, et

ce, pour tous les produits d'acier. Mais les tôles de Contrecoeur ne souffriront pas plus que les autres produits. On s'attend quand même à des expéditions totales du laminoir à froid voisinant les deux tiers de celles de 1981. Dans l'état actuel de la conjoncture, c'est une performance qui n'est pas à dédaigner.

En outre, si on regarde du côté de la tôle laminée à froid proprement dite, le pourcentage d'utilisation du laminoir à froid est présentement au-dessus de la moyenne et les perspectives du marché à court et moyen terme sont plus encourageantes. Ce n'est pas du tout le temps de tirer sa révérence, mais plutôt de se cramponner à notre part de marché pour traverser la crise et de mettre en valeur nos points forts.

Parmi ceux-ci, il faut se décider à admettre les possibilités commerciales de la tôle galvanisée sur le marché du Québec et des Maritimes. Le marché est là pour environ 150 000 tonnes par an et on pourrait y participer avec la qualité actuelle de notre tôle. Tout ce qui manque, c'est l'installation pour galvaniser conçue expressément pour servir ce marché. En ce sens, nous rejetons encore les prévisions d'investissements de SIDBEC, qui avance un montant de 55 000 000 $ pour une ligne de galvanisation. Cette solution n'est pas la mieux adaptée aux besoins du marché et ne correspond pas au bon rendement sur le capital. Il faut y aller de façon beaucoup plus modeste, tout en servant la clientèle de façon adéquate.

Nous avons voulu démontrer qu'il y a moyen de rentabiliser les produits plats et d'éviter ainsi la fermeture quasi totale du complexe de Contrecoeur. Le temps que nous avions à notre disposition - et je pense que vous allez bien le saisir - ne nous a pas permis de préparer une présentation aussi approfondie sur toutes les autres usines de SIDBEC. Ce n'est pas notre faute, on ne nous a pas donné tout le temps dont on aurait eu besoin; je parle de Montréal et de Truscon, entre autres. SIDBEC doit se préparer un plan de redressement dans la même orientation que notre présentation sur la relance de l'usine de Contrecoeur. Il faut analyser en profondeur toutes les activités pour trouver les moyens de rentabiliser au maximum les autres produits avec une injection raisonnable de capital.

Il est tout à fait surprenant que la direction de SIDBEC ait proposé la fermeture de l'aciérie et du laminoir de l'usine de Montréal lorsque les chiffres d'affaires du complexe de Montréal démontrent qu'il contribue, pendant les bonnes années, de 18% à 48% des profits bruts de la société, tandis qu'en 1982, il n'est responsable que de 11,8% des pertes. (12 h 15)

La direction de Montréal a identifié plusieurs possibilités qui pouvaient être explorées. Nous insistons pour que des études approfondies soient préparées sur le potentiel des usines de Montréal et de Truscon. Avant de décider de fermer l'usine de Montréal, il faudrait chiffrer les données du marché sur les différents produits spécifiques à ces installations, en tenant compte de la flexibilité inhérente à cette usine de dimensions plus modestes. Nous n'accepterons jamais de fermer une usine qui a contribué, pour la foi du saint ciel, 24 000 000 $ en profits bruts d'exploration durant les trois dernières années sans qu'une justification détaillée soit disponible.

En ce qui touche les usines de Longueuil et d'Etobicoke, en Ontario, la menace de fermeture semble écartée pour le moment, même si personne ne travaille à Longueuil présentement. En effet, ces usines sont considérées comme nécessaires à l'avenir de SIDBEC, car si l'expansion du fil machine est réalisée, on peut s'attendre, d'une part, à une meilleure utilisation du laminoir de Longueuil et, d'autre part, à un rôle accru de l'usine d'Etobicoke pour écouler une partie croissante du fil sur le marché de l'Ontario.

Quant à l'aciérie de Longueuil, il s'agit là d'installations toutes récentes - on l'appelle la Cadillac; j'ai entendu M. le ministre le dire - dont les dimensions et caractéristiques en font un endroit tout désigné pour l'élaboration des coulées de qualité spéciale. En effet, ces qualités plus exigeantes sont mieux adaptées à la taille des fours électriques de 50 tonnes, aux machines de coulée continue de trois brins de billettes et aux espaces intérieurs disponibles pour l'inspection et le conditionnement des billettes. Nous sommes d'avis que SIDBEC possède là des atouts majeurs pour créer de nouveaux marchés dans des produits qui commandent des prix de vente plus élevés et, par conséquent, une marge de bénéfices plus attrayante.

C'est notre conviction, en tout cas, que l'ampleur des coûts économiques et sociaux d'un éventuel démantèlement de SIDBEC est carrément sous-évaluée, tant nous sommes obnibulés depuis quelque temps par les coûts effectivement considérables associés au maintien de SIDBEC. D'une part, les coûts du maintien en activité peuvent être diminués, nous en sommes convaincus. D'autre part, les coûts économiques et sociaux du démantèlement seraient tout simplement astronomiques pour le Québec.

Il n'y a à peu près pas d'études québécoises ou canadiennes sur l'impact des fermetures sur la santé mentale et physique des travailleurs. Mais plusieurs d'entre nous ont vécu et ont vu les effets des fermetures. Le travailleur licencié devient angoissé et dépressif parce qu'il ne réussit pas à se trouver un nouvel emploi en dépit de tous

ses efforts, qu'il ne parvient plus à faire face à ses paiements sur sa maison ou son automobile ou, plus fondamentalement, parce qu'il a perdu toute confiance en lui et se sent inutile et isolé dans toute la vie sociale. Le moindre choc financier, soit un accident d'automobile ou une maladie, aggrave l'état de la crise. Ce contexte provoque ou aggrave le problème d'alcoolisme et de tension à l'intérieur du couple et de la famille. Le drame social et humain des fermetures d'usine n'apparaît jamais malheureusement dans le bilan des compagnies qui ferment leurs usines.

Les coûts sociaux du chômage peuvent semblablement être calculés également. Une multitude d'études ont été effectuées à ce sujet aux États-Unis, mais le Québec accuse là aussi un retard considérable dans ce domaine et ce ne serait pas du tout, avec plus de 15% de chômeurs, la matière qui manque.

Plusieurs études ont démontré des liens entre le chômage, la morbidité, et la mortalité, entre le chômage et la délinquance; des associations étroites ont été établies entre ces phénomènes et un taux élevé de chômage. L'étude la plus exhaustive sur ce sujet qui a été présentée au Congrès américain concluait qu'en 1970, aux États-Unis, une hausse de 1,4% du taux de chômage équivalait à 5,7% de plus de suicides, à 4,7% de plus d'hospitalisations, à 5,6% de plus d'emprisonnements, à 8% de plus d'homicides, à 2,7% de plus de décès dûs aux cirrhoses du foie ainsi qu'aux maladies cardio-vasculaires, et à 2,7% de plus du taux général de mortalité. C'étaient des milliards de dollars que la société américaine devait assumer pour les coûts sociaux et humains.

Pourtant, quand on parle de fermer les portes ou de licencier une partie importante des employés d'une usine comme SIDBEC, il ne s'agit pas seulement de froides statistiques qui continuent à s'ajouter au coût exorbitant du chômage actuel. Ce sont surtout des hommes et des femmes qui ont été actifs pour la société durant leur vie complète et qu'on jettera sur le pavé comme de vulgaires déchets. Dans l'état actuel de la crise, ces travailleurs et ces travailleuses qui ont consacré 10, 15 ou 20 ans de leur vie dans ce secteur ne peuvent même pas nourrir l'espoir de trouver un autre emploi ni même de se recycler, car on leur dit en clair: La société n'a plus besoin de vous. Pour les quelques chanceux qui retrouveront un emploi, l'expérience nous démontre que les travailleuses et les travailleurs de l'acier perdront 47% de revenu pour les deux prochaines années.

Perdre son emploi, nous le savons trop bien, ce n'est pas seulement perdre un revenu régulier; c'est, du jour au lendemain, se retrouver dans l'insécurité économique, à la merci d'une société qui n'est vivable que si on y travaille, mais qui ne permet pas à ceux qui le veulent de travailler. La perte souvent la plus dure, c'est le régime de retraite. Prenons par exemple le cas de la fermeture de SIDBEC; un travailleur de 20 années de service et qui aurait 44 ans d'âge n'a droit à aucune retraite. Dans tous les cas, les travailleurs cesseront d'accumuler des crédits de rente et devront repartir à zéro dans un autre régime, à condition, bien sûr, qu'ils aient la chance très rare de trouver un nouvel emploi où il y a un régime.

La perte d'un emploi, c'est aussi la perte d'ancienneté et le travailleur devra repartir à zéro pour les promotions, les vacances, le régime d'assurance, l'assurance-maladie et j'en passe. La perte d'un emploi, pour un père de famille, c'est l'incapacité de pouvoir assurer dorénavant la sécurité nécessaire au développement de sa famille. C'est l'humiliation devant ses enfants et c'est aussi, pour la mère, une accumulation de problèmes financiers, sociaux et médicaux. Des chercheurs québécois ont démontré qu'après la fermeture de ITT-Rayonier sur la Côte-Nord, le taux de consultation médicale des femmes de 30 à 39 ans est monté en flèche. Les chercheurs avancent comme hypothèse que les femmes assument sans doute un fardeau familial plus lourd du fait de la présence de jeunes enfants et ce fardeau, elles l'assument dans la solitude de leur maison. La situation est la même pour les mères qui perdent leur emploi et encore plus catastrophique pour les mères des familles monoparentales.

La perte d'un emploi pour un jeune travailleur ou travailleuse, c'est le découragement pur et simple. Devant l'incapacité de leurs jeunes confrères d'accéder au marché du travail, ils savent qu'eux aussi seront rejetés et viendront s'ajouter au gaspillage incroyable de cette jeune force de travail.

La perte d'un emploi pour une travailleuse ou pour un travailleur plus âgé, c'est l'élimination du marché du travail pour le reste de sa vie alors que la plupart ont été incapables d'accumuler quelques revenus additionnels pour s'assurer une préretraite et ne pas être aux crochets de la société.

Nous pourrions poursuivre ainsi longtemps l'énumération de la liste des conséquences humaines et sociales des scénarios de mises à pied qui se concoctent actuellement dans les bureaux de fonctionnaires qui ne jonglent qu'avec des bilans financiers. Nous n'accepterons pas dans ce débat une approche strictement comptable, car les véritables enjeux sont beaucoup plus exhaustifs.

Avec une masse salariale de 100 000 000 $ et des achats au Québec à 63% de 239 000 000 $, SIDBEC augmente la

richesse nationale des Québécois de 700 000 000 $ par année; dans un scénario de cinq ans, c'est à un appauvrissement collectif de 3 500 000 000 $ auquel nous confronte la fermeture de SIDBEC.

Ici, il y a une phrase que je veux ajouter. Dans le scénario d'une fermeture partielle des opérations de SIDBEC, alors que 1600 emplois seraient sacrifiés, l'impact global sur la richesse nationale serait de 2 000 000 000 $ sur cinq ans. Les perspectives économiques qui nous confrontent ne nous permettent pas d'espérer pouvoir rattraper un tel recul de la société québécoise.

Nous demandons au gouvernement, lorsqu'il parle du bilan financier négatif des opérations de SIDBEC, de nous illustrer également l'impact économique et social des plus positifs de cette entreprise; c'est le bilan global de cette entreprise que doivent connaître le gouvernement et les Québécois avant de prendre toute décision sur l'avenir.

En conclusion, nous déplorons que le gouvernement ait créé un véritable climat de panique généralisé autour des problèmes qui confrontent SIDBEC et SIDBEC-Normines. Je crois, que c'est exact, lorsque M. le président De Coster disait que cela n'aide pas à une entreprise, ce qui s'est passé. Les problèmes de ces deux entreprises, dans la conjoncture économique mondiale, ressemblent drôlement aux problèmes des entreprises concurrentes de ce secteur. C'est parce que SIDBEC est une entreprise d'État que le gouvernement ne peut continuer à tenir sur SIDBEC un discours étroitement comptable et à courte vue. La recherche de solutions aux problèmes de SIDBEC et de SIDBEC-Normines ne peut, dans le contexte actuel, être limitée à la nécessité d'un quelconque équilibre budgétaire gouvernemental ou d'une quelconque rentabilité d'entreprise privée à court terme.

SIDBEC et SIDBEC-Normines sont un des maillons forts de l'exploitation de nos ressources naturelles et de notre développement économique; c'est à la fois la vie de toute une région et la base de notre infrastructure économique sur laquelle repose le sort de centaines de petites et moyennes entreprises qui ont besoin de SIDBEC et de SIDBEC-Normines pour poursuivre leurs activités. Ces petits clients que sont les PME québécoises viendront très loin dans la liste des priorités des grandes acieries canadiennes; en fait, elles sont vouées à une mort certaine tellement les délais de livraison les sortiront systématiquement du marché.

SIDBEC et SIDBEC-Normines, c'est aussi notre indépendance économique dans le secteur qui, quelle que soit la conjoncture, sera toujours névralgique pour le développement industriel du Québec. C'est parce que cette entreprise est nationalisée qu'elle nous permet de faire des évaluations qui nous portent plus loin que le court terme. C'est parce qu'elle est nationalisée qu'il faut agir différemment de l'entreprise privée à son égard et tenir compte de toutes les considérations afférentes à sa fermeture.

Le gouvernement du Québec et la société québécoise, puisque, de toute façon, en dernier recours, c'est toujours la société qui doit absorber tous les coups d'où qu'ils viennent, doivent tenir compte des dimensions et des coûts sociaux et humains dans toute décision sur l'avenir de ces entreprises.

Nous demandons au gouvernement que, dorénavant, lorsqu'il parlera des coûts financiers de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, il nous parle également et en même temps des coûts sociaux et humains et de l'impact économique de ces entreprises sur l'avenir du Québec. Nous tenons à cette exigence, car nous croyons que les coûts sociaux et humains sont tout aussi importants, et peut-être tout aussi onéreux et plus lourds à supporter pour la société que les coûts strictement financiers. C'est en quelque sorte à partir du problème très important qui nous confronte que nous demandons au gouvernement de jeter les bases de sa conception d'une société démocratique, respectueuse de la dignité des personnes et vouée tant à l'amélioration de la qualité de vie humaine et sociale des citoyens qu'au mieux-être économique de l'ensemble.

Nous avons la conviction que les problèmes techniques et de gestion de SIDBEC peuvent être résorbés. Nous avons également la certitude que personne ne trouvera de solution miracle dans SIDBEC-Normines. Nous sommes tout à fait conscients des contraintes financières du gouvernement du Québec et de la nécessité d'en arriver le plus rapidement possible à une rentabilité financière dans les opérations de SIDBEC. Le travail sera difficile et nous en convenons. C'est pourquoi les travailleurs de SIDBEC et de SIDBEC-Normines offrent leur collaboration pour relever le défi et participer activement à la réorganisation d'ensemble qui s'impose dans ces deux entreprises. C'est un nouveau départ qui doit s'effectuer dans ces entreprises et les travailleurs qui sont aussi insatisfaits que vous de la situation actuelle vous tendent la main pour tenter d'en sortir tous ensemble, le plus rapidement possible et le plus efficacement possible, pour le mieux-être de l'ensemble de la société québécoise.

Les différents scénarios de fermeture de SIDBEC et de SIDBEC-Normines entraîneraient 3000 pertes d'emplois: 1600 emplois à SIDBEC et 1500 à SIDBEC-Normines, pour une perte de richesse nationale de 3 500 000 000 $. Par ailleurs, il faut mentionner que le Québec consomme

20% de la production canadienne, alors que SIDBEC n'en produit actuellement que 8%.

En toute justice, le gouvernement fédéral doit appuyer notre démarche et celle qui a été faite jusqu'à ce jour par nos gouvernements, surtout qu'il a déjà subventionné la sidérurgie néo-écossaise Sisco à raison de 89 000 000 $.

Je voudrais demander au directeur national de notre syndicat, à ce moment-ci, lui qui a participé et qui a été très actif à ce dossier, de nous expliquer ce que le gouvernement fédéral a fait dans Sisco.

M. Doquier (Gérard): C'est assez simple. Le gouvernement fédéral a prêté son concours et ses experts pour faire des études de rentabilité d'une aciérie qui est de loin en plus mauvais état que SIDBEC ne l'est et - je pense que c'est le point le plus capital - a aidé à trouver des débouchés pour les produits fabriqués par l'aciérie de Sisco. Bien sûr, Sisco est encore moins spécialisée ou plus spécialisée, si vous voulez, que SIDBEC, parce que la majeure partie de sa production, ce sont des rails et qu'il n'y a que deux importants producteurs de rails au Canada, Sisco et Algoma. Mais l'appui du fédéral au niveau de Sisco fait en sorte que Sisco continue à opérer. Sans l'appui massif du fédéral, Sisco serait fermée depuis à peu près deux ans.

Une voix: Merci.

M. Godbout: Le gouvernement fédéral a déjà avisé le gouvernement de la Nouvelle-Écosse qu'il est prêt à négocier une entente qui amènerait la construction d'une Co Kerie d'une valeur de 100 000 000 $. En conséquence, le gouvernement du Québec doit revendiquer du fédéral sa juste part pour SIDBEC. (12 h 30)

Nous avons voulu démontrer que les déficits de SIDBEC-Normines étaient causés par les contrats liant les partenaires et qui menottent SIDBEC, même si elle détient la majorité des actions.

Les déficits des opérations manufacturières ne sont pas causés par des équipements désuets. Certes, la crise économique nous frappe durement et elle nous oblige à nous serrer les coudes et à trouver des manières d'augmenter la rentabilité de SIDBEC. La solution se situe plutôt dans une meilleure gestion des équipements que nous avons en main et dans quelques investissements qui augmenteraient la productivité, la qualité des produits et finalement la rentabilité des opérations.

SIDBEC a présenté au gouvernement des projets d'investissement pour les tôles galvanisées, le fil machine, les tôles fortes et la tuberie. Nous voyons dans ces investissements un potentiel élargissement de la gamme de produits et une amélioration de la rentabilité des opérations.

Nous exigeons d'être impliqués dans l'analyse de ces projets, dans l'élaboration de l'orientation de l'entreprise, dans les futurs plans de redressement et nous voulons les outils pour le faire. Une fois ce plan de redressement complété, nous nous engageons à le présenter à nos membres. Si ce plan fait l'objet d'ententes entre les parties, c'est-à-dire s'il est accepté par nos membres, y compris notre syndicat, nous serons alors disposés à recommander à nos membres de s'impliquer tant dans la gestion que dans le financement de SIDBEC, pourvu que les règles de notre implication soient clairement définies.

La collectivité québécoise ne peut se permettre de détruire ces outils économiques privilégiés que sont SIDBEC et SIDBEC-Normines. Le défi qui nous a été proposé dans les années soixante est toujours là car nous ne l'avons pas encore complètement relevé.

Aucun gouvernement, quel qu'il soit, n'a le droit d'humilier les Québécois, en laissant croire que nous ne possédons pas les capacités et la fierté de réussir ce grand projet collectif. Si nous n'avons pas le courage ensemble de maintenir en vie ce moteur économique essentiel qu'est SIDBEC, nous redeviendrons ce que plusieurs souhaitent, des valets au service des possédants étrangers et nous devrons nous contenter des miettes qu'ils veulent bien nous laisser. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Godbout. Étant donné que nous sommes à l'heure de la suspension, j'indique aux membres de la commission et aux représentants du syndicat que la période des questions pourra avoir lieu après la période de questions de l'Assemblée nationale, vers 15 heures cet après-midi.

Je vous invite donc à revenir cet après-midi et la commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

(Reprise de la séance à 16 h 01)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme est réunie pour entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC.

Les membres de la commission, aujourd'hui, seront: M. Charbonneau (Verchères); M. Biron (Lotbinière); M. Dussault (Châteauguay); M. Fortier

(Outremont); M. Perron (Duplessis); M.

Lincoln (Nelligan); M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Paré (Shefford); M. Grégoire (Frontenac); M. Ciaccia (Mont-Royal).

Les intervenants sont: M. Martel (Richelieu); M. Leduc (Saint-Laurent); M. Blais (Terrebonne); M. Kehoe (Chapleau); M. Champagne (Mille-Îles); M. Rocheleau (Hull); M. Tremblay (Chambly) et M. Vaillancourt (Orford).

Nous en étions... M. le député de Duplessis, excusez-moi.

M. Perron: M. le Président, je voudrais demander ici aux membres de la commission si ces derniers seraient prêts à entendre le mémoire no 5 du Regroupement municipal des villes de Gagnon et de Port-Cartier tout de suite après le mémoire no 2, celui des métallos, puisque ces personnes doivent s'absenter ce soir à cause des horaires d'avion et ainsi de suite. Alors, est-ce que les membres seraient prêts à accepter ça?

M. Ciaccia: II n'y a pas d'objection. Nous sommes d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Alors, c'est accepté.

M. Fortier: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Voici, M. le Président, je suis tout à fait d'accord. Les métallos vont prendre un certain temps. Ils ont présenté un mémoire extrêmement étoffé et il va falloir passer au travers. D'ailleurs, le porte-parole de notre parti a indiqué son accord. Mais, ce qui m'inquiète, c'est le déroulement de nos activités jusqu'à la fin. Je pense bien que, vu l'importance du sujet, il est malheureux que le gouvernement n'ait pas prévu plus de deux jours. Je ne sais pas si on peut indiquer dorénavant l'ordre dans lequel nous allons procéder jusqu'à minuit, mais il est à peu près certain que, d'ici là, on va avoir beaucoup de difficultés à entendre la totalité des mémoires.

Alors, je me demandais, M. le Président, si le ministre avait des indications à nous donner pour le déroulement ultérieur de cette commission qui, de toute évidence, aurait dû être programmée sur une période de temps beaucoup plus longue, puisque SIDBEC et les métallos à eux deux auraient dû, normalement, prendre deux jours; c'est malheureux. Je sais que ces gens nous ont parlé; ils ont dit que certains d'entre eux étaient désolés du retard que la commission prenait, mais je crois que la programmation voulue par le gouvernement a été tout à fait inacceptable.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, j'ai parlé aux gens de la municipalité de Contrecoeur qui ont la bienveillance d'attendre leur tour depuis hier. Je pense qu'ils acceptent eux aussi d'attendre encore une fois pour laisser les gens de la Côte-Nord, ceux qui ont des avions à prendre, passer avant eux. Ils m'ont indiqué que leur mémoire n'est pas tellement long et que, suivant les questions des membres, ça ne devrait pas prendre trop de temps. Ce que je demanderais, en toute considération, étant donné qu'ils devaient passer hier soir, qu'on les a remis à aujourd'hui et qu'on les remet encore, c'est qu'ils soient les premiers à passer après les personnes qui ont à prendre un avion, afin que la soirée ne soit pas trop avancée quand ils le feront. Je ne peux pas donner d'indications sur les autres...

M. Fortier: Vous avez toute notre coopération.

Le Président (M. Desbiens): Alors, ça va. M. le ministre.

M. Biron: D'abord, je voudrais faire des... Je n'ai que quelques questions à poser aux représentants des métallos. Je voudrais faire des commentaires sur le mémoire qui est devant nous, qui nous a été présenté. Je veux à la fois féliciter et surtout remercier les gens des métallos qui se sont donné la peine de fouiller le dossier profondément. Je sais que, depuis quelques semaines, les métallos ont dû libérer plusieurs de leurs principaux responsables pour étudier en profondeur le dossier, compte tenu des informations que nous avons pu leur procurer. Ils se sont préparés pour venir ici et on doit dire aujourd'hui que leur mémoire est empreint d'une très grande responsabilité. Le mémoire contient une vision globale de ce que serait SIDBEC et SIDBEC-Normines et, bien sûr, plusieurs des suggestions pratiques seraient même, à première vue, probablement réalisables. C'est un mémoire qui, je dois le dire... Bien sûr, nous et les dirigeants de SIDBEC avions analysé différents scénarios pour SIDBEC-Normines, et différents scénarios pour les activités manufacturières de SIDBEC. C'est un mémoire qui nous est présenté maintenant avec un brin d'air frais qui mérite qu'on s'arrête pendant quelques instants pour en parler, mais qui mérite aussi qu'on s'y arrête pendant quelques jours pour le chiffrer en profondeur.

Je comprends que les représentants des métallos n'avaient pas tous les chiffres en main et on n'a pas pu mettre des extensions en disant: Cela rapportera tant ou il y aura tel pourcentage de retour sur nos investissements, un peu comme SIDBEC l'a fait hier - c'est dans ce sens que j'en

arriverai, un peu plus tard, à vous faire une suggestion - chiffrer véritablement le scénario au complet avec une approche globale de solution pour SIDBEC et SIDBEC-Normines.

Le scénario présenté par les métallos fait état de négociations qui devront être menées avec nos partenaires et nos bailleurs de fonds. Il y a peut-être le côté de l'analyse de marché où il faudra aussi s'arrêter ensemble pour avoir une analyse un peu plus complète, à savoir si nous nous décidons d'investir dans tel domaine d'activité manufacturière plutôt que dans tel autre, pour s'assurer moralement de ne pas faire les mêmes erreurs qu'autrefois et d'avoir véritablement un marché pour l'argent que le Québec mettra collectivement dans cette entreprise.

Il y a quand même une différence énorme entre le côté marketing, le côté gamme de produits dans la présentation des métallos, et dans la présentation des dirigeants de SIDBEC. Il faut se rappeler que SIDBEC est une sidérurgie intégrée - on a dit qu'elle était trop petite pour être grande et trop grande pour être petite - c'est-à-dire qu'avec SIDBEC, jusqu'à maintenant, on a essayé de l'intégrer complètement de la mine aux produits finis jusqu'aux clous, aux vis et aux fils et de l'intégrer complètement, de l'autre côté, à produire véritablement l'ensemble, la gamme de tous les produits. Les dirigeants de SIDBEC nous suggèrent de réduire cette gamme et de viser certains créneaux de produits. Il y a peut-être lieu aussi, sur le mémoire des métallos, de s'arrêter avec une étude de marché et de décider s'il faut véritablement ou si on a des possibilités de passer à travers en élargissant la gamme de produits, ou si on ne devrait pas la réduire et viser certains créneaux, des 10 000 tonnes et 50 000 tonnes à la fois, sans nécessairement viser les grands créneaux de production, particulièrement ceux des produits plats, en investissant énormément d'argent et en cherchant des grands marchés de millions de tonnes pour le même produit.

Maintenant, quant au secteur minier, je pense que votre analyse sera pessimiste pour certains; pour d'autres, ce sera une analyse réaliste, mais je pense bien que vous voyez le marché très difficile pour les prochaines années. Vous nous dites: On n'est pas intéressés à produire des boulettes, des matériaux et à ne pas les vendre, à les laisser dans les cours quelque part ou être pris avec. Je pense que c'est une attitude très responsable. D'un autre côté, vous n'allez pas jusqu'à l'extrême en disant: On enlève tout. Vous choisissez un scénario du centre en gageant à la fois sur les équipements installés dans le bouletage à Port-Cartier et en gageant sur l'avenir avec la connaissance des hommes et des femmes qui connaissent leur métier dans SIDBEC-

Normines. Mais le fait de réduire la production à 3 000 000 de tonnes, c'est sûr que, au départ, cela nécessite une négociation avec nos partenaires; cela nécessite une négociation avec les prêteurs, une négociation avec les partenaires, ce qui fera en sorte de minimiser les coûts du minerai de fer rendu à Port-Cartier, parce que je crois que c'est un point important et c'est là, semble-t-il, qu'il y aurait des économies à faire si on fait le dégraissage sur toute la ligne. Négociation avec les partenaires, aussi, pour les coûts de bouletage. Là, les économies seraient beaucoup moindres parce que, déjà, l'usine de bouletage me semble - d'après tout ce que j'ai su jusqu'à ce jour, tout ce que j'ai pu lire et analyser sur SIDBEC-Normines - assez moderne; elle est très bien rodée. Il me semble qu'on a atteint des capacités de production, et il y a peut-être des économies à faire en cours de route, mais le fait de réduire aussi la production à 3 000 000 de tonnes au lieu de 4 000 000 ou 5 000 000 de tonnes va un peu élever les coûts par tonne de produit.

Il y a peut-être un peu d'économies à faire à l'usine de bouletage, à ce qu'il me semble, mais beaucoup moins. Là où il y a une négociation très sérieuse à faire, c'est à partir du minerai jusqu'à l'usine de bouletage. Cela nécessite une négociation avec les partenaires. Cela nécessite aussi une négociation avec les prêteurs qui n'auraient peut-être pas été prêts à négocier, il y a un an ou deux, mais qui, à cause de l'état du marché actuel et du taux d'intérêt qui a diminué d'une façon importante... Il y a peut-être des ouvertures possibles de ce côté, mais cela nécessite cela quand même, d'une façon sérieuse et professionnelle.

Une question - j'y reviendrai à la fin, mais que je vous en donne préavis - lorsque vous dites: II y a réouverture de tous les contrats avec les partenaires. Pour moi, les travailleurs sont des partenaires. Est-ce que vous laissez entendre qu'on est prêt à s'asseoir, puis à regarder ensemble ce qu'on peut faire pour minimiser nos coûts de fonctionnement?

La production à 3 000 000 de tonnes ou à 3 300 000 tonnes, je pense que vous avez vu juste en disant qu'on devra faire un effort accru pour vendre l'excédent qui sera la part de SIDBEC ou 50%, 1 500 000 tonnes ou quelque chose comme cela, et cet excédent, le vendre au maximum du prix qu'on pourra trouver sur le marché; donc, de faire le marketing d'une façon très professionnelle.

Je veux vous donner ici l'assurance que, quel que soit le scénario que nous allons accepter pour SIDBEC et SIDBEC-Normines, toute la quantité de boulettes nécessitée par SIDBEC sera prise au Québec. Pas question qu'on fasse venir des boulettes de l'étranger

lorsque, au Québec, on est capable d'en produire. Je suis assez reconnu, je pense, comme un des défenseurs de l'achat chez nous, de l'achat au Québec, pour vous donner cette assurance. Même si, dans un scénario tel que vous le suggérez, SIDBEC-Normines et SIDBEC sont des entités séparées, il y aura toujours un lien qui sera conservé, afin qu'au moins les centaines de milliers de tonnes de boulettes dont nous aurons besoin -que ce soient 200 000 tonnes ou 800 000 tonnes de boulettes - seront des boulettes produites au Québec.

Ou côté manufacturier, c'est là que vous avez un grand nombre de suggestions concernant différentes économies que nous pourrions faire. Vous faites l'analyse de surinvestissement en amont, et je crois que vous avez vu juste. Tout le monde voit cela dans l'histoire de SIDBEC. Vous nous dites aussi qu'il y a eu des investissements importants de faits, dont l'ampleur dépasse les besoins. Exemples: Questeel et SIDBEC-Feruni. Je pense qu'il faudrait regarder cela, avec les dirigeants de SIDBEC. Cela serait intéressant de voir votre point de vue là-dessus.

Au point où nous en sommes aujourd'hui, s'il y a moyen de reculer un peu puis d'économiser quelque chose ou s'il faut vivre avec des erreurs du passé ou si, véritablement, on était obligé de les faire à cause de certaines autres considérations qui n'ont pu être trouvées dans les rapports que nous vous avons remis...

Vous avez noté - je crois que le président de SIDBEC l'a d'ailleurs noté lui-même; il me l'a dit à plusieurs reprises - les nombreux changements à la direction dans l'histoire de SIDBEC depuis une quinzaine d'années, ce qui fait des problèmes énormes pour la direction du capital humain. C'est sûr qu'à chaque fois qu'on change de direction, on change aussi une vision globale de l'entreprise ou une vision sectorielle de l'entreprise. Je pense que, là-dessus, tout le monde est d'accord avec vous. Il s'agit d'avoir les meilleurs hommes possible et de faire en sorte d'assurer une certaine continuité. (16 h 15)

L'offre que vous nous faites à la fin, celle d'une participation plus intense aux décisions importantes de l'entreprise, me semble aussi donner une assurance d'une certaine continuité au point de vue technique, ou moins pour s'assurer que ce qu'on a fait hier ne soit pas nécessairement changé demain avec une nouvelle vision, pour qu'on puisse discuter à fond de la raison pour laquelle on a posé tel ou tel geste, il y a un an, deux ans et trois ans. Ceci veut dire que, de temps à autre, il faudra aussi poser des gestes de changement, ne pas craindre d'avoir des idées neuves, mais cela nous assure d'une démarche progressive sans des changements du jour au lendemain qui reviennent un peu aux mêmes changements quelques années plus tard.

Vous nous avez aussi mentionné des problèmes de chauffage de brames ou de déficience de marketing pour un certain bout de temps, du coût d'entretien, du rôle de l'ingénierie, d'équipement inadéquat ou adéquat, selon le côté de la clôture où on se place. De même, vous mentionnez que le modèle de laminoir à chaud que nous avons présentement à SIDBEC est loin d'être en voie de disparition, une suggestion sur la tôle galvanisée. Vous dites un peu comme la direction de SIDBEC, c'est-à-dire que la proposition d'investir 1 250 000 000 $ dans les plats n'était pas sérieuse parce qu'il n'y a pas de marché. Je pense que votre analyse là-dessus est passablement juste.

Mais, quand même, tous ces détails au point de vue manufacturier, j'aimerais qu'on puisse en discuter plus à fond, entendre les gens de SIDBEC et la direction et, à l'intérieur d'un comité restreint composé des représentants des travailleurs et des représentants de la direction, sous la direction de mon ministère, essayer de revoir si véritablement il y a des économies importantes à faire ou s'il y a des directions nouvelles qu'on doit se donner mutuellement dans la gestion de ce qui est, ou de ce qui restera, ou de ce que deviendra SIDBEC.

Vous mentionnez aussi qu'il n'y a pas de solution miracle. Dans votre présentation, vous nous dites qu'il y a des contraintes financières, qu'on ne peut pas continuer comme cela parce que cela démoralise tout le monde. Tant et aussi longtemps qu'un gouvernement est obligé de pomper de l'argent dans une société d'État, il arrive ce qui arrive depuis quelques mois. Tant qu'un gouvernement est obligé de donner de l'argent, d'ailleurs, à une société privée, il arrive toujours de l'incertitude et de l'insécurité.

J'ai mentionné tout à l'heure à l'Assemblée nationale le cas de Chrysler; on pourrait mentionner le cas de Massey-Ferguson ou le cas de plusieurs entreprises qui ont dû avoir besoin d'argent des gouvernements, et même des petites et moyennes entreprises qui sont en difficultés temporaires ou permanentes. Cela crée, bien sûr, de l'insécurité, d'autant plus que c'est une grande société qui est la propriété de l'État québécois, cela aussi crée beaucoup d'insécurité. Si SIDBEC était rentable, je pense qu'on ne serait pas ici autour de la table à discuter sur son avenir. Lorsqu'elle fait 600 000 000 $ de chiffres d'affaires et qu'elle perd 150 000 000 $, n'importe quelle entreprise, qu'elle soit publique ou privée, va susciter des discussions, à moins qu'elle ferme ses portes. Après cela, on se réunira autour d'une table en disant: Qu'est-il arrivé pour qu'elle ferme? Mais, il sera trop tard.

On pleurera sur le lait renversé.

Parce que c'est une société d'État, je pense que le gouvernement a accepté une position qui est responsable: avant d'apporter des changements majeurs, il a consulté tous les intervenants ou les principaux intervenants, ceux qui étaient principalement intéressés, en l'occurrence les représentants des travailleurs.

Vous dites qu'il faut véritablement en arriver le plus rapidement possible à une rentabilité financière, tout en étant aussi responsable du point de vue social, particulièrement sur la Côte-Nord où il y aura un coût à payer pendant X années si on veut maintenir les opérations. Vous nous dites: Nous sommes prêts et nous vous tendons la main pour tenter ensemble de sortir une offre de collaboration vraiment positive. Vous nous faites la suggestion du gouvernement fédéral. La décision du gouvernement du Québec vis-à-vis du gouvernement fédéral était prise là-dessus, c'est-à-dire de demander la participation du gouvernement fédéral, mais je pense qu'il était trop tôt. Tant et aussi longtemps que nous ne nous sommes pas arrêtés, nous autres, définitivement, sur le scénario que nous allons accepter, il est trop tôt pour se présenter à Ottawa et dire: Donnez-nous de l'argent. La réponse va être: Qu'est-ce que vous faites? Ce qu'on fait? On va dire: On n'est pas encore décidé, on consulte nos gens. Aussitôt que la décision sera arrêtée, bien sûr, il y aura une demande formelle de transmise à Ottawa et aussi on comptera sur tous les membres de l'Assemblée nationale. Comme on a eu le support, dans un autre cas, aujourd'hui, du député d'Outremont, on aura certainement le support du député de Mont-Royal et de son groupe et on aura besoin aussi, bien sûr, du support de la population et des travailleurs là-dessus. Mais, avant, il faut s'arrêter à notre scénario et faire une présentation responsable au niveau du gouvernement fédéral.

Vous avez comme objectif une meilleure gestion des équipements et de l'investissement qui pourrait augmenter la productivité, la qualité et la rentabilité; je pense que c'est exactement cela que, tous ensemble, il faut viser. Mais, avant d'en arriver à votre conclusion, j'ai toujours cru -et particulièrement dans ces années difficiles qu'on traverse - que le développement économique, la gestion des entreprises ou la gestion des gouvernements, cela ne sera plus jamais pareil. À cause de la crise qu'on a vécue depuis quelques années, je pense qu'il ne faut pas craindre des idées neuves, des gens d'action et des personnalités fortes. Vous nous faites une suggestion d'idées neuves pour une société d'État de l'envergure de SIDBEC: une participation des travailleurs aux décisions importantes de l'entreprise, en allant jusqu'à l'éventualité d'une participation des travailleurs au financement de l'entreprise. Quand on parle d'idées neuves, je pense que cela en est une.

Je veux vous citer une lettre que j'ai reçue d'un de mes amis, professeur d'université, à propos de SIDBEC. Vous allez certainement reconnaître des actions que les hommes de SIDBEC doivent mener. Je cite un paragraphe de cette lettre: "Plusieurs formules existent déjà qui pourraient être examinées concernant SIDBEC. Mais, elles supposent d'abord une volonté de survivre et un espoir de pouvoir le faire chez les premiers concernés et les mieux placés pour le faire: les hommes de SIDBEC. Sans cette volonté première, sans ces ressources essentielles directement impliquées, le projet national est voué à l'échec. Sans elles, moins forte sera la volonté nationale de maintenir actif un complexe sidérurgique. Sans elles, cette volonté et ces ressources, les parties impliquées s'enfonceront davantage dans l'engourdissement d'un certain fonctionnarisme et alors les déficits seront intenables. Sans un engagement plus manifeste des employés de SIDBEC, les chances de ce projet national dans la crise actuelle sont trop minces. Mieux vaut s'en tenir à la perspective financière et comptable. Un pays se construit - continue mon ami professeur d'université - avec des citoyens capables d'affronter les situations difficiles avec courage et intelligence. Si ces vertus n'existent pas suffisamment dans notre secteur sidérurgique, mieux vaut s'en retirer au plus tôt."

Je réalise que, sans avoir lu la lettre de mon ami le professeur, vous nous offrez de vous impliquer d'un bout à l'autre du processus. Bien sûr, on voit cela de temps à autre dans certaines petites entreprises ou moyennes entreprises. On n'a pas vu cela encore dans de grandes entreprises. J'ai vécu cette expérience il y a quelques mois avec la compagnie Forano, qui est une autre des sociétés d'État, qui était en difficulté, où les travailleurs nous ont offert leur participation, à condition d'avoir une véritable participation aux décisions tout le long de la ligne d'opération. Nous avons formé un comité décisionnel et, déjà, je peux vous dire que j'ai parlé avec le président de la Société générale de financement ce matin qui me disait qu'il était très satisfait des étapes franchies depuis quelques mois à cause de la participation des travailleurs dans l'entreprise. Déjà, ils sont parvenus à faire des économies au niveau de la production par certaines petites suggestions, bien minimes si vous voulez, mais qui, en bout de piste, sont importantes dans la période économique que nous traversons présentement. Votre participation aux décisions, aux suggestions, aux étapes importantes qu'ensemble nous allons franchir, je l'accepte. Quant à vous impliquer financièrement, vous savez que,

déjà, à plusieurs reprises, j'ai parlé de la participation financière des travailleurs au capital-actions de l'entreprise. Mais je m'oppose et je m'opposerai toujours à demander à des travailleurs d'investir dans une entreprise où je serai moralement certain qu'ils perdront leur argent. Le jour où j'accepterai votre offre, c'est que, personnellement, je serai moralement assuré que les travailleurs, un jour ou l'autre, pourront ravoir une partie de leur argent ou, au moins, ne perdront pas leur argent en plus de perdre leur emploi, si l'entreprise s'en allait à la fermeture complète. C'est dans ce sens que je vous dis que, sur le principe, je suis d'accord. Sur l'application, nous allons revoir ensemble les scénarios que cela implique, nous allons revoir ensemble si véritablement il existe un marché dans les différents créneaux qui seront suggérés et si le marché existe, si nous sommes capables de produire efficacement, sans nécessairement chercher une rentabilité extraordinaire, mais au moins sans perdre d'argent, une fois cela fait, en ayant toujours à l'esprit qu'il faut aussi conserver le maximum d'emplois et qu'il faut aussi faire en sorte que d'autres entreprises québécoises, d'autres PME bénéficient de la présence d'une grande entreprise de la taille de SIDBEC.

Ici, j'apprécie, et je veux vous le redire, votre offre et votre volonté d'implication dans les décisions à prendre. C'est le premier ministre lui-même qui, il y a au-delà d'un an, à l'occasion d'un discours à l'Assemblée nationale, nous traçait cette voie, et je le cite, parce qu'on est dans une période difficile et les gens qui relèvent la tête dans une période difficile, je pense que cela mérite d'être cité. Le premier ministre nous disait donc: "Nous sommes pourtant dans une période où l'inaction et l'absence de motivation peuvent quasiment paraître excusables, tant les difficultés et les contraintes sont grandes." C'est peut-être le cas de SIDBEC et de SIDBEC-Normines. "Malgré cela, même en sachant à quel point le changement peut bousculer des habitudes et aussi des intérêts, on a préféré miser ensemble sur notre capacité d'agir, d'inventer et de réussir."

Si je reprenais ce paragraphe et si je voulais l'appliquer aux suggestions que vous nous faites, je pense que vous avez répondu à ce défi que lançait le premier ministre aux gens du Québec, vous avez essayé d'inventer, d'agir et de suggérer quelque chose.

Je ne peux pas aujourd'hui répondre clairement aux questions que vous nous posez sur la sécurité. Comme je l'ai fait à l'Assemblée nationale tout à l'heure, je dois vous dire qu'on a tenu cette commission parlementaire pour écouter les gens, prendre les quelques jours ou les quelques semaines nécessaires pour décanter tout cela, couper les ailes de ce qui est impossible et essayer de garder ce qui est pratique afin de déboucher sur un scénario qui aurait des chances, au moins à moyen terme, de réussir.

Mais ce qui me frappe davantage dans votre présentation, c'est que vous avez confiance. Bien sûr, des gens pourront dire: Vous avez le dos au mur, vous n'avez pas le choix, mais je pense qu'on sent dans ce que vous dites dans votre mémoire que c'est profond, c'est vécu, c'est senti. On nous dit, dans le fond, que la confiance, c'est une plante à croissance lente, qui se fane aisément, dans un climat de faible progression économique. Il existe plusieurs variétés dans cette confiance, dont la plus résistante est issue d'un croisement entre la foi et l'espérance. Ceci dit, je vous dis...

M. Ciaccia: Eux autres, ils veulent savoir si vous allez fermer la mine, oui ou non.

Le Président (M. Bordeleau): S'il vous plaît...

M. Ciaccia: C'est cela qu'ils veulent savoir.

Une voix: C'est trop de poésie!

M. Biron: Ceci dit, je serais tenté d'en faire encore et de parodier Vigneault, qui vient justement de la Côte-Nord et qui disait qu'il n'y a pas de temps à perdre, qu'il n'y a que du temps perdu.

M. Ciaccia: N'en mettez pas plus!

M. Biron: Ce que je suis tenté de vous suggérer, c'est de fouiller encore plus à fond le mémoire que vous nous avez présenté, le scénario global que vous nous avez présenté, pour voir si réellement chacune des pièces entre bien à sa place et si on doit en enlever ou en remettre d'autres. Je suis prêt, très rapidement, la semaine prochaine, à former un petit comité, très restreint, composé de représentants du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme avec des gens de la direction de SIDBEC, avec quelques représentants des métallos, pour essayer tous ensemble de regarder les implications de ce scénario, d'évaluer le scénario d'un bout à l'autre, pour nous éclairer en tout cas, au gouvernement du Québec, afin d'en arriver à la décision la plus juste et la plus responsable possible. (16 h 30)

Sur cette question, êtes-vous prêts à nous donner un petit coup de main et à participer à ce comité qui va durer peut-être quelques jours ou quelques semaines au plus, mais qui va évaluer d'une façon très précise votre présentation? J'en reviens à ma

question du début sur la réouverture de contrats avec nos partenaires. Est-ce que, dans ce sens, vous vous considérez comme un partenaire et qu'on peut se revoir et savoir ensemble ce qu'on peut économiser dans nos coûts de production?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Godbout.

M. Godbout: Tout au long de notre mémoire, nous avons très bien laissé sentir que nous nous considérions comme un partenaire à part entière. Dans ce que vous avez dit à ce jour sur notre mémoire, dans vos réactions sur la vision globale du mémoire, je pense qu'en même temps il y a une critique assez sévère des attitudes des représentants de nos gouvernements, passés et présents, de leur action, et de leur façon de voir et d'intervenir, lorsque c'est nécessaire, dans un dossier comme celui de SIDBEC.

Vous avez parlé tout à l'heure d'une décision rapide où l'on coupe les ailes à un projet, mais il y a deux façons de tuer le poisson, si vous voulez. C'est d'abord de rendre une décision rapide et intempestive. À ce moment, c'est se débarrasser le plus rapidement possible de la question. On peut aussi prendre assez de temps pour que personne ne soit capable finalement de réagir. Je crois qu'il est important de doser les deux de façon qu'on soit capable de réagir. Je suis d'accord et on ne s'attend pas non plus cet après-midi à avoir les réponses sur tout.

Dans notre mémoire, je dirai tout de suite que nous sommes d'accord pour chiffrer notre proposition avec les représentants du gouvernement et de SIDBEC. Vous admettrez que, dans le délai qui nous a été accordé, je pense que tout le monde va bien le comprendre, on n'a pas eu le temps de chiffrer tout cela. On a des idées mais il reste du travail à faire. On est prêt à le faire, mais les études doivent porter sur le marché requis. Pendant que nous avons préparé ce dossier, soyez convaincus que nous en avons toujours été bien conscients. Durant la préparation de notre mémoire, nous avons toujours considéré qu'en dernier recours, c'est le marché qui décide, nous avons été bien conscients de cela. Nous avons vite réalisé, même si nous sommes dans le mouvement syndical, qu'avec du fer on ne fait pas de très bons gâteaux, il faut faire d'autres choses, on a très bien saisi cela.

M. Laberge (Louis): Ma belle-mère l'a toujours fait!

M. Godbout: Quant à la proposition que vous faites: Seriez-vous prêts à vous asseoir à un comité où il y aurait des représentants du ministère, des représentants de SIDBEC et du syndicat, pour commencer à regarder le dossier et voir, par rapport aux recommandations ou aux propositions qu'on fait dans notre rapport, par exemple les contrats liant les parties et les partenaires... Bien sûr, je pense que vous le retrouverez de façon éclatante à la page 45 de notre mémoire où on dit: Oui, on est prêt à regarder cela. Il s'agira pour nous de savoir quelles sont les règles du jeu que vous nous proposez, quelle est notre représentation. Si cela devait se faire à peu près de façon traditionnelle, trois ou quatre représentants du ministère, sept, huit ou dix représentants de l'entreprise et la moitié d'un du mouvement syndical, on ne serait pas d'accord. Si l'on veut être partenaire, on devrait être considéré comme tel et, à ce moment, j'aimerais vous demander également, au nom des travailleurs, que vous nous fassiez connaître le plus rapidement possible un peu les règles du jeu, qui seront les représentants et quel sera le nombre de personnes qui y siègent, dans le sens de regarder ce qu'il faut regarder.

Une voix: En principe, on est d'accord.

M. Godbout: Bien sûr, en principe, on accepte. Sur la participation, vous avez posé une question, vous avez dit: II y a des idées neuves qui ressortent dans votre mémoire. Je ne suis pas certain que ce soient des idées neuves. On ne voudra pas se les attribuer à nous seuls, elles peuvent être présentées avec des mots à nous et qui peuvent être différents. Malheureusement, je crois que le mouvement syndical a souvent proposé cette approche, mais il y a plusieurs politiciens et bien des entreprises qui ont été sourds et qui n'ont pas compris ce qu'on a dit à travers les années. Je ne pense pas que cela soit complètement neuf comme proposition, mais c'est peut-être fait dans des termes différents. Quand vous demandez quelle sorte de participation les travailleurs font, soyez assuré d'une chose, c'est que nous vous disons - et nous le disons dans notre mémoire à plusieurs reprises - que, bien sûr, c'est par leur syndicat. Si on veut qu'ils aient une voix, c'est par le syndicat qu'ils l'ont.

Quant au financement, nous n'en sommes pas rendus là non plus. Vous le voyez dans notre proposition. Nous sommes prêts à recommander aux travailleurs de participer à la gestion, nous sommes prêts à recommander aux travailleurs, peut-être, de se rendre jusqu'au financement - une partie du financement, en tout cas - mais on ajoute qu'il y a des choses qu'il faut faire avant. Par exemple, il faut établir le plan de redressement. Qu'est-ce que c'est? Nous, on veut faire partie de cela. Si vous voulez faire un plan de redressement et le lancer et

qu'on apprenne par les journaux, en petits morceaux, un peu ce que c'est, on ne prétend pas alors avoir participé à part entière. Si vous parlez de notre participation comme partenaire, sur laquelle on est d'accord et qu'on propose, le financement viendra après que toutes les règles du jeu auront été établies et après que le programme de plan de redressement aura été accepté.

À ce moment-là, soyez assuré d'une chose, on ne recommandera jamais à nos gens d'embarquer dans le financement si, à l'avance, c'est certain qu'ils vont le perdre. On a le même objectif là-dessus. Cela est clair.

M. Laberge: Si vous permettez, M. le Président, pour répondre peut-être de façon un peu plus précise à une question très précise: Êtes-vous prêts à rouvrir vos conventions collectives?, je vous renvoie la balle. Êtes-vous prêts à rouvrir la convention qui a été signée et qui lie SIDBEC et SIDBEC-Normines à ses partenaires? Il est bien évident qu'on ne pourrait pas demander aux membres chez nous s'ils sont prêts à rouvrir leurs conventions collectives, alors que cela servirait à payer des redevances à Québec-Cartier, entre autres.

Il faut que les règles du jeu soient établies très clairement et que tout le monde les connaisse. Bien sûr que nous sommes prêts à participer. Moi, je suis très heureux, M. le ministre, que vous nous ayez appelés des partenaires. C'est la première fois que cela se dit de façon aussi officielle. D'ailleurs, c'est à la mode ces temps-ci. Durant toutes ces années où un tas de compagnies ramassaient les profits à la pelletée, nous étions des emmerdeurs. Maintenant que les déficits s'accumulent, nous sommes des partenaires. Mais, on ne tient rancune à personne.

Ce qui est important - et je pense que c'est cela qu'il nous faut retenir - c'est que le Québec est un pays aussi riche, comme on se le disait entre nous, qu'il l'était en 1976, en 1981 et 1982, ou en 1980 ou 1981. Il n'y a que ce climat morose et cet esprit défaitiste qu'il nous faut combattre. Nos richesses sont toujours là. Il s'agit de savoir les exploiter au meilleur rendement possible. Il y a un tas de choses qui peuvent être faites. Bien sûr que les travailleurs sont intéressés à cela. Mais je n'ai pas besoin de vous dire - et d'ailleurs, le mémoire des Métallos-FTQ là-dessus est très clair - que, lorsqu'on a besoin - je ne sais pas, moi -d'installer une machine qui va pouvoir produire 100 000 tonnes parce que le besoin est de 100 000 tonnes et qu'on en installe une qui va produire ou qui peut produire 500 000 tonnes - et on ne sait jamais quand on aura besoin de 500 000 tonnes - cela ne prête pas les uns et les autres à être un peu plus réduits dans leurs demandes, dans leurs exigences.

Je pense que tout le monde commence à prendre conscience de cela. Il y a des difficultés. SIDBEC n'est pas pire que toutes les autres aciéries à travers le monde. Tout le monde est en difficulté dans ce domaine-là. Je dois avouer bien candidement que j'ai bien aimé le mémoire de SIDBEC. Il donne des options, il les donne de façon très claire. M. De Coster a été très franc. Il a dit que cela ne faisait pas partie de notre mandat d'évaluer les conséquences sociales, le coût social de la fermeture de SIDBEC-Normines, de la fermeture du plat. Moi, je l'ai trouvé très habile. Il ne s'est pas mis les deux pieds dans les plats. Il a seulement parler de fermer le plat et là-dessus on est en désaccord. Là aussi il s'est établi un nouveau "partner", M. le ministre, vous serez très intéressé de savoir cela. C'est que les cadres de SIDBEC, les cadres de SIDBEC-Normines ayant été alertés par quelques paroles perdues se sont sentis dans le bain et on a pu échanger beaucoup plus librement qu'on ne l'a jamais fait. Cela ramène peut-être des choses à leur place. C'est là qu'on a appris des choses et qu'on est en position de vous dire qu'on est prêt à faire des choses nous aussi. Ce qui est le plus rafraîchissant, je pense, jusqu'à maintenant, c'est que, même en invoquant le mémoire de SIDBEC qui mentionne un tas de scénarios, on n'en est pas venu à une conclusion. Bien sûr, on a dit: Nous préférerions que ce soit remis à l'entreprise privée ou, si l'entreprise privée peut rendre SIDBEC rentable en la libérant de ses engagements vis-à-vis de SIDBEC-Normines, la société d'État pourrait probablement faire la même chose sans être obligée de faire un tas de culbutes, une fois qu'elle n'est plus obligée de payer pour du tonnage et de le revendre à perte; probablement qu'une société d'État pourrait le faire. Mais la responsabilité...

Bien sûr qu'on peut aller acheter au Brésil ou ailleurs, mais qu'est-ce qu'on fait avec les installations qui nous ont coûté plusieurs centaines de millions? Qu'est-ce qu'on fait avec tous ces gens là-bas? Enfin, je pense que vous êtes fort conscient de cela, M. le ministre, et à toutes vos questions, oui, nous sommes prêts à participer. Évidemment que nous aurons certains prérequis. La réouverture des conventions collectives part de la réouverture de la convention collective. Là, vous auriez raison, si l'on avait réussi à vous faire signer une convention collective comme celle-là, de vous plaindre de notre trop grand pouvoir, ce qu'on n'a pas réussi.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose, M. le ministre?

M. Biron: Oui, je pense que c'est clair pour tout le monde. Il faut bien sûr prendre des décisions assez rapidement mais être responsable de nos décisions. D'ailleurs, si l'on retarde trop, on va se le faire reprocher par nos amis d'en face, mais il faut aussi se souvenir que chaque jour qu'on fonctionne de ce temps-là, on perd 500 000 $. Maintenant qu'on a un partenaire, on en perd 250 000 $; j'ose prétendre que vous allez en payer la moitié.

M. Laberge: On vous a fait économiser quelques millions hier.

Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous avez terminé?

M. Biron: D'accord.

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je dois avouer que j'aime l'approche de M. Laberge; c'est franc et clair, mais je vais faire attention aux questions que je vais vous poser.

Premièrement, je dois féliciter le Syndicat des métallos pour son mémoire. Je ne ferai pas un long discours, mais...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Je pense que les métallos ont posé une question et j'aurais, moi aussi, aimé avoir la réponse. Est-ce qu'on peut rouvrir la fameuse convention?

M. Ciaccia: Un instant, M. le Président...

M. Grégoire: Le ministre n'a pas répondu là-dessus. J'aimerais, moi aussi, avoir la réponse.

Le Président (M. Bordeleau): Le ministre acceptera de répondre tantôt. La parole est donc toujours au député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: S'il veut répondre maintenant, cela ne me... Je ne veux pas couper le droit de parole au ministre.

Le Président (M. Bordeleau): D'accord. M. le ministre.

M. Biron: Légalement, c'est non, mais, devant des situations complètement impossibles à vivre, je pense qu'il n'y a personne parmi nos partenaires ou parmi les bailleurs de fonds qui vont nous forcer à continuer de perdre de l'argent comme cela. Cela veut dire qu'en pratique il faut au moins essayer.

Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le député de Mont-Royal. (16 h 45)

M. Ciaccia: Merci. Premièrement, je voudrais vous féliciter pour votre mémoire, parce que je le trouve positif et très constructif, au point de vue technique et au point de vue professionnel. Vous acceptez les règles du jeu du marché par des subventions, ce n'est pas de la charité que vous voulez. Vous voulez que l'entreprise fonctionne pour qu'il y ait des emplois pour les membres de votre syndicat. Personne ne peut être en contradiction avec cela. C'est une approche qu'on doit encourager, premièrement. Deuxièmement, je présume que, quand le ministre vous a demandé si vous vous considériez comme partenaires pour les fins de la réouverture du contrat, pas partenaires dans d'autres sens, je présume - je ne le sais pas - je dois conclure que ni le gouvernement - m'entendez-vous? - ni SIDBEC ne vous a fait des propositions dans le sens suivant: Voici ce que nous sommes prêts à faire. Nous vous demandons de vous engager dans telle ou telle condition. Est-ce exact qu'aucune proposition ne vous a été faite?

Vous êtes au courant qu'il y a une recommandation du comité interministériel qui propose la fermeture des opérations de SIDBEC-Normines?

M. Godbout: On l'a appris dans le Devoir, oui.

M. Ciaccia: Vous l'avez appris dans le Devoir. Vous admettez dans votre mémoire et vous reconnaissez que les conséquences sociales et économiques de cette fermeture, pour la Côte-Nord, seraient désastreuses. On vous a dit ici, en commission parlementaire, par l'entremise des questions que nous avons posées et des réponses que nous avons obtenues, que des études socio-économiques des conséquences de la fermeture de SIDBEC-Normines n'ont pas encore été effectuées ni par le gouvernement, ni par SIDBEC. On peut peut-être comprendre que ce n'est pas le rôle de SIDBEC de faire cela.

M. Laberge: Par aucun gouvernement.

M. Ciaccia: Par aucun. Personne ne l'a fait. Aucun gouvernement fédéral, municipal, provincial...

M. Laberge: Ni actuel, ni précédent.

M. Ciaccia: Excepté que le gouvernement précédent ne voulait pas fermer la mine; alors, il n'avait pas besoin de faire l'étude socio-économique, advenant

la fermeture d'une mine qu'il n'était pas prêt à fermer. Êtes-vous d'accord que vous avez fait référence au contrat entre les partenaires, pas les partenaires syndicaux...

M. Laberge: ... de SIDBEC-Normines.

M. Ciaccia: SIDBEC-Normines, et les fiduciaires, que des mesures immédiates devraient être prises ou auraient dû être prises - commençons par maintenant, je ne veux pas vous engager dans le passé, pour faire porter le blâme sur qui que ce soit -pour renégocier ces contrats parce que, dans le contexte actuel, il y a des pénalités avec lesquelles le Québec ne peut pas vivre? Acceptez-vous cette approche?

M. Laberge: On le dit.

M. Ciaccia: Vous l'avez dit dans votre mémoire. Êtes-vous d'accord aussi que le gouvernement devrait continuer les opérations de SIDBEC-Normines au moins tant et aussi longtemps que se poursuivra la renégociation des clauses de pénalité?

M. Laberge: II est bien obligé, car cela va coûter plus cher, si elle ferme.

M. Ciaccia: Un instant. Il est obligé, mais vous êtes d'accord qu'il ne devrait pas commencer par renégocier la fermeture avant de renégocier le changement des pénalités?

M. Laberge: Je suis bien d'accord.

M. Ciaccia: Bien d'accord, contrairement au rapport du comité interministériel, comité qui avait fait, entre autres recommandations - cela prend une renégociation - la négociation de la fermeture.

M. Godbout: C'est primordial!

M. Ciaccia: On est d'accord sur cette approche de renégocier - je ne dirai pas qui l'a fait et quand - les clauses de pénalité pour les enlever, ce qui représenterait des sommes assez énormes.

Une voix: II vous a vu venir!

M. Ciaccia: Oui, je sais, j'ai dit que je ferais attention avec M. Laberge. Êtes-vous d'accord, M. Laberge, qu'il faudrait entreprendre une étude approfondie sur les coûts socio-économiques et sur toutes les conséquences pour la Côte-Nord de la cessation des opérations de SIDBEC-Normines? Il faudrait le faire, au moins qu'on ait ces chiffres, pas dans le but de prôner la fermeture, mais sachons ce que cela impliquerait. Êtes-vous d'accord?

M. Laberge: Si vous voulez une réponse là-dessus, M. le député, bien, cela serait mieux qu'on le sache. Moi, je trouve que c'est peut-être du temps perdu. On rappelait tantôt une parole de Gilles Vigneault: "II n'y a que du temps perdu et non pas de temps à perdre", c'est un peu la même chose. Il ne s'agit pas de pouvoir chiffrer cela de façon précise, on sait que c'est un désastre. En sachant que c'est un désastre, ne perdons pas de temps à étudier la profondeur du désastre: un désastre, c'est un désastre. Allons ailleurs.

M. Ciaccia: J'accepte cette approche, M. Laberge. En plus, je pense que, maintenant que vous me faites réfléchir sur ce point spécifique, il est possible que, si moi, par exemple, je veux, je suis persuadé qu'il faut fermer la mine, cela se peut que, si c'est moi qui vais entreprendre les coûts socio-économiques, je vais diriger les études dans le sens que cela prouve qu'on est mieux de fermer. Alors, dans ce sens, je comprends votre approche et, peut-être, je pourrais en comprendre les dangers.

M. Laberge: Vous savez, que vous arriviez avec 1 000 00O $ en plus ou en moins, cela ne règle pas le désastre.

M. Ciaccia: Je serais d'accord qu'au point de vue humain cela ne se mesure pas en termes de dollars. Je pense que ce qu'il faut rechercher, c'est plutôt ce que vous recherchez à faire dans votre mémoire, c'est de trouver la solution pour éviter le désastre.

M. Godbout: II y a une première chose, par exemple, dans le premier volet de votre remarque - cela peut être une question -c'est la négociation avec les partenaires. Nous, nous disons que l'avenir de SIDBEC réside dans la négociation de ce contrat, c'est la réponse. Dans notre mémoire, nous ne le disons peut-être pas clairement, je ne le sais pas, mais la raison qui nous l'a fait mentionner, c'est que nous prétendons que, dans le contexte actuel, avec des efforts compétents et continus de la part du gouvernement, nous croyons que les partenaires vont être réalistes et vont accepter de regarder le contrat.

M. Ciaccia: M. Godbout, je ne pourrais être...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... plus d'accord avec vous. C'est pour cela que j'ai demandé de convoquer British Steel et US Steel ici. J'aurais voulu me faire dire qu'elles veulent que le Québec continue à être saigné

d'argent; je ne pense pas que ce soit l'intention. Savez-vous ce que je pense qui est arrivé, et je pense que le ministre des Finances l'a confirmé? Le gouvernement n'a jamais essayé de renégocier. Le ministre des Finances l'a admis hier matin. C'est simple comme cela. On fait de gros drames et on fait des suppositions. On n'a jamais essayé de renégocier. Et je suis persuadé que, si on essaie de renégocier, on va réussir.

Le ministre a parlé de décisions qui doivent être prises, de recommandations, de comités, de vous impliquer. Seriez-vous d'accord qu'on puisse reconvoquer... Je veux bien qu'on comprenne les termes; je ne parle pas de suspendre la présente commission parlementaire. Je pense qu'hier soir il y a eu une mauvaise interprétation de ce que j'avais... Ce n'est pas une suspension, on continue les travaux de cette commission jusqu'à ce que la commission décide qu'ils sont terminés, mais on prend la décision, ou le gouvernement prendrait la décision, ferait une recommandation pour qu'on reconvoque cette commission à une date ultérieure, afin de présenter les résultats des recommandations pour éviter que des décisions ne soient prises sans que les parties impliquées puissent revenir ici et que cela soit discuté. Seriez-vous d'accord ou seriez-vous contre une telle approche?

Le Président (M. Bordeleau): M.

Laberge.

M. Laberge: C'est-à-dire qu'en ouvrant la convention collective dont vous parlez, il faut faire bien attention à une chose, cela ne prendra pas soin des 50 000 000 $ de déficit. On se comprend bien? Selon la production actuelle, je pense que cela se divise en 20 000 000 $ et 30 000 000 $; 20 000 000 $ de pénalités et 30 000 000 $ que SIDBEC doit utiliser pour s'approvisionner à SIDBEC-Normines.

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Laberge: Non, mais pourvu qu'on se comprenne.

M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Laberge: Parfait. Très bien.

M. Ciaccia: Cela réduit les pénalités, cela n'enlève pas tout le déficit; je suis d'accord avec vous.

M. Laberge: D'accord.

M. Ciaccia: Cela enlève les pénalités.

M. Laberge: Là, il s'agit d'évaluer si cela vaut la peine que cela nous coûte 30 000 000 $...

M. Ciaccia: Par année.

M. Laberge: ... pour s'approvisionner au Québec plutôt qu'au Brésil.

M. Ciaccia: Oui. M. Laberge: Voilà.

M. Ciaccia: II faut décider cela: Est-ce que cela vaut la peine de payer 30 000 000 $ pour s'approvisionner ici plutôt qu'au Brésil? Mais, il y a une autre question: Est-ce que c'est mieux de payer 30 000 000 $ pour s'approvisionner au Québec plutôt qu'au Brésil, plutôt que de fermer la mine et que cela nous coûte 50 000 000 $ par année?

M. Laberge: Voilà.

M. Ciaccia: Cela, c'est une autre question.

M. Laberge: C'est cela.

M. Ciaccia: D'accord. Boni

M. Laberge: Vous l'avez, l'affaire.

M. Fortier: On s'en vient bien dans le Parti libéral.

M. Tremblay: C'est qu'ils ont deux discours, un devant les travailleurs et un autre à part cela.

M. Ciaccia: Non, il y a seulement l'autre question sur la possibilité de convoquer de nouveau... Comme principe.

M. Godbout: J'ai vu la résolution qui va être tranchée par la commission, il y a une résolution qui a été déposée devant la commission; nous ne voterons pas là-dessus, comme vous le savez.

M. Ciaccia: Je ne vous le demande pas non plus.

M. Godbout: Ce que je dirais à ce moment-ci, c'est que notre position est claire dans notre mémoire, je pense que tout le monde l'a dit; vous avez l'air de l'avoir comprise telle que nous l'avons présentée. Nous, on ne voit pas non plus beaucoup de gains à retarder l'étude qui devrait s'amorcer le plus rapidement possible avec notre participation. À ce moment-là, cela sera aux gens de la commission, à vous autres, les députés à la commission, de décider de la bienvenue de votre résolution. Mais nous, notre position est claire et je ne pense pas qu'on aurait beaucoup d'autres choses à ajouter, sauf de commencer à travailler tout de suite dans cette direction.

M. Ciaccia: Je ne voulais pas vous embarquer dans ma résolution, je voulais seulement faire certains points. Maintenant que vous les avez faits, que vous êtes d'accord avec certaines des questions, je voudrais seulement porter à l'attention du ministre que les points sur lesquels j'ai posé des questions à M. Laberge et à M. Godbout sont tous les points qui sont contenus dans la résolution que j'ai déposée hier soir à l'Assemblée nationale. Je voudrais demander au président... Je ne veux pas débattre la résolution maintenant, il l'a prise en délibéré. Je voudrais seulement la remplacer, la libeller, avec la version que je vais déposer maintenant, et le seul but de cela, c'est que j'ai fait quelques petits réaménagements dans le libellé...

M. Tremblay: Bonne idée!

M. Ciaccia: ... afin d'éviter, sur un point technique, que cela puisse être déclaré irrecevable. C'était pour la rendre plutôt conforme aux règlements de l'Assemblée nationale. Cela ne change pas le fond: "II est résolu que cette commission parlementaire invite le gouvernement" plutôt que "recommande". Alors, je vous en donne une copie, M. le Président, et je demanderais de la distribuer. J'ai des copies additionnelles pour les distribuer aux membres de la commission. Je n'ai pas fini.

M. Dussault: M. le Président. M. Ciaccia: Je n'ai pas fini.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Je voudrais me réjouir, au nom de mes collègues de la commission, que M. le député de Mont-Royal ait repris sa motion, parce qu'on doit dire qu'hier, quand elle nous a été distribuée, on a dû constater que c'était de l'improvisation d'un bout à l'autre. On est content qu'il ait eu la nuit pour la retravailler un peu.

M. Ciaccia: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Sur la question.

M. Ciaccia: II y a certains propos auxquels on ne devrait même pas s'abaisser à répondre, excepté que, de 16 heures à 18 heures, on a regardé des vues de SIDBEC, la présentation qui a été faite à 150 milles à l'heure. J'avais de 18 heures à 20 heures pour souper et préparer ma résolution. Alors, si le reproche que vous me faites, c'est que j'ai travaillé trop vite, je l'accepte; mais, au moins, j'ai pris mes responsabilités, j'ai pris cela au sérieux et j'ai essayé de venir. Le but de cela, vous allez voir que c'est non partisan; dans les changements que j'ai faits, il n'y a pas de partisanerie. Cela demande de prendre des mesures pour le bénéfice des syndicats, le bénéfice de votre gouvernement et le bénéfice du Québec. Si vous m'accusez d'avoir agi trop vite - peut-être qu'il y avait des fautes d'ortographe - si c'est le seul reproche que vous me faites, j'espère que je vais l'accepter.

M. Dussault: M. le Président.

M. Ciaccia: Vous allez passer par-dessus.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: Nous avions deux jours et nous avions jusqu'à la fin des travaux de la journée d'aujourd'hui pour faire ce travail. Qu'on ne nous dise pas qu'on a des excuses; c'était improvisé, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À l'ordre!

M. Perron: Est-ce qu'on pourrait procéder, s'il vous plaît, au lieu de se chicaner?

M. Ciaccia: Passons aux choses sérieuses. (17 heures)

Le Président (M. Desbiens): Oui. À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député.

M. Ciaccia: Merci, M. le député de Duplessis. C'est très raisonnable.

Le Président (M. Desbiens): Je comprends, M. le député de Mont-Royal, que vous vous retiriez, que vous êtes encore maître de votre motion d'hier et que vous présentiez une nouvelle motion qui est celle-ci. Comme hier et pour les mêmes motifs, je prends avis du dépôt de votre motion et nous en discuterons à la fin des travaux de la commission.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président.

Si vous me le permettez, j'aurais quelques autres petites questions. M. le Président, je voudrais juste reprendre un des propos du ministre. Il a assuré à cette commission que les boulettes seront achetées au Québec et je me réjouis qu'il nous ait donné cette garantie. Maintenant, je voudrais demander au ministre... Je sais que le but de la commission, c'est plutôt de poser des questions aux intervenants, mais je voudrais poser cette question au nom de certains intervenants qui, peut-être, voudraient la poser, mais ne peuvent pas le faire.

Je voudrais demander au ministre si

cette garantie qu'il vient de nous donner, je dois l'interpréter dans le sens qu'il est prêt à recommander à son gouvernement que SIDBEC-Normines ne ferme pas, parce que la seule façon d'acheter des boulettes, c'est si cela ne ferme pas. Si, demain matin ou la semaine prochaine ou dans trois mois, la mine ferme, on ne pourra pas acheter des boulettes et la raison pour laquelle je demande cela, c'est parce que, M. le Président, à la période des questions, j'ai essayé d'obtenir du ministre qu'il m'assure que lui - je ne voulais pas une garantie du gouvernement, parce que je sais que ce n'est pas le temps, on ne peut pas l'avoir - il va recommander de ne pas fermer SIDBEC-Normines. Je voudrais savoir si les garanties qu'il a données au syndicat doivent aller dans ce sens.

M. Biron: M. le Président, je vais avoir...

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: ... la même attitude responsable que j'ai depuis le début dans ce dossier, c'est de dire que le gouvernement n'a pas pris de décision. Nous étions ici pour écouter les principaux intervenants. Je pense qu'il y a tellement de présentations qui sont intéressantes, qui méritent une analyse en profondeur, il va falloir prendre le temps de laisser décanter cela quelques jours, revoir les mémoires d'un bout a l'autre avant de se revoir, établir une stratégie et finalement accepter un scénario.

Ce à quoi je m'engage vis-à-vis du député, c'est à revoir en profondeur les présentations qui nous ont été faites et à procéder après.

M. Ciaccia: Mais, vous n'êtes pas prêt a écarter de votre point de vue la recommandation du comité interministériel disant que SIDBEC-Normines, il faut que cela ferme. Vous n'êtes pas prêt, à ce moment, à écarter cette possibilité.

M. Biron: J'ai dit que le gouvernement n'a pas pris de décision encore. On n'a pas voulu prendre de décision avant d'écouter les principaux intervenants.

M. Ciaccia: Très bien. Je voulais juste clarifier votre position.

Le Président (M. Desbiens): C'est terminé?

M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. On va procéder; on va essayer de se chicaner le moins possible ici, à cette commission, surtout sur l'interprétation des règlements.

Je vous dis franchement que la présence des Métallurgistes unis d'Amérique ici aujourd'hui, accompagnés de M. Laberge, président de la FTQ, et le mémoire qu'ils nous ont fourni ont apporté aux membres de cette commission et sûrement à la population du Québec, spécialement à la population de la Côte-Nord, un genre de regain de vie, en tout cas, une bonne bouffée d'air frais, malgré que ce ne soit pas un ouragan. C'est une bonne bouffée d'air frais, comme dirait peut-être M. Laberge.

Le rapport en lui-même est très positif et c'est entendu que ce rapport touche autant l'aval que l'amont. On parle de modifications nécessaires au niveau de SIDBEC-Normines, soit l'entreprise minière. On parle aussi de modifications nécessaires au niveau des entreprises manufacturières, sans pour autant aller aussi loin et dépenser des millions de dollars pour faire les planifications nécessaires avant de fermer. Je peux vous assurer qu'il y a un facteur tout à fait nouveau qui a été apporté dans ce mémoire, malgré que ce ne soit pas complet. Il reste que c'est le premier intervenant qui se présente devant nous et qui donne un ensemble de ce que pourraient être les coûts socio-économiques, spécialement pour la Côte-Nord, si jamais il y avait fermerture de SIDBEC-Normines.

Je l'ai déjà dit, et je le maintiens encore ici, c'est certain qu'il ne faut pas fermer SIDBEC-Normines et qu'il faut regarder très attentivement les propositions des métallos sur la question de SIDBEC et sur celle de la société minière SIDBEC-Normines. J'ai bien compris qu'au niveau du marché, par exemple, il fallait que SIDBEC ait beaucoup plus d'agressivité pour faire ses mises en marché. J'ai bien compris aussi que les intentions du mémoire exprimées par les métallos, c'était de faire en sorte qu'on prenne surtout le marché de l'Est dans la production; cela veut dire le marché québécois, cela veut dire le marché des provinces de l'Est, ce qui va permettre de meilleurs prix, donc compétitifs, face à l'Ontario et face aussi aux États-Unis et, de plus, permettre le maintien du maximum d'emplois.

Voilà les commentaires que j'avais à faire. Il y a une chose que je relève du mémoire, d'ailleurs vous le mentionnez à deux reprises, cela a été soulevé par le ministre ainsi que par le député de Mont-Royal. Il s'agit de la participation des travailleurs et des travailleuses, par le biais de leur syndicat, à un comité restreint qui pourrait étudier et présenter quelque chose de potable. Je vous assure que cela m'intéresse drôlement. Je suis parfaitement d'accord lorsque M. Godbout mentionne que cela prendrait une participation à peu près égale des partenaires. Il faudrait que ce comité en question, où il y aurait les trois

parties représentées, prépare quelque chose de concret. Quand je parle des trois parties représentées, c'est à peu près à parts égales, sinon, au moins, que les métallurgistes y soient bien représentés, qu'ils puissent apporter des propositions qui s'imposent et aussi qu'ils puissent présenter des propositions au gouvernement, par la suite, conjointement, pour en arriver au maintien des opérations, autant dans SIDBEC que dans SIDBEC-Normines. Vous mentionnez votre participation nécessaire à l'élaboration et à la prise de décision, à deux reprises, à la page Il et à la page 45 de votre mémoire.

Je termine sur cette question. Je crois que c'est important que vous le fassiez et que le gouvernement l'accepte, pour cette simple et unique raison. Rappelez-vous qu'on a eu l'occasion de travailler ensemble depuis environ six à huit semaines et, depuis ce temps, les choses avancent beaucoup plus vite, en tout cas, en ce qui concerne le mémoire et les représentations que vous faites.

Au bas de la page 26 de votre mémoire, vous mentionnez: Entre 1977 et 1981, l'augmentation fut de 168% quant aux coûts d'entretien. Serait-il possible d'expliquer les causes ou encore ce à quoi on peut attribuer des augmentations aussi substantielles dans les coûts de l'entretien? Je reviendrai avec quelque deux ou trois questions par la suite.

M. Godbout: Je dirais tout de suite, d'abord, que, dans le bas de la page 26 de notre mémoire, nous disons "qu'il y a certainement là des problèmes qui ne sont pas sous contrôle adéquat." Ce sont des chiffres qu'on a retrouvés dans nos recherches. On pourrait donner quelques exemples spécifiques de ce dont on parle. Je demanderais a M. Duval d'expliquer ce que l'on veut dire par là.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Serait-il possible de demander à M. Godbout de présenter - je pense que mes collègues vont être d'accord et vont comprendre l'importance de ma question; je vois qu'il y a trois conseillers qui sont maintenant à la table des métallos qui étaient en retrait lors de la présentation - les gens qui l'accompagnent et de préciser leurs qualifications? Entre autres, M. Duval a fait un certain nombre d'interventions tantôt.

Le Président (M. Desbiens): M. Godbout.

M. Godbout: Je n'ai certainement pas d'objection. Il y a M. Gérald Pelletier, qui est recherchiste et économiste au Syndicat des métallos; M. Jean-Guy Frenette, que tout le monde connaît, de la FTQ, il est le directeur de la recherche pour la FTQ; M. André Duval, qui a été consultant durant la préparation de notre mémoire et qui nous a donné un fameux coup de main sur la recherche de l'acier. Il connaît assez bien le dossier de l'acier.

M. Charbonneau: En fait, si on me permet juste une question additionnelle, je comprends qu'il a été un de vos consultants, mais je pense qu'il serait important, pour les membres de la commission et pour l'ensemble des gens qui ont la chance d'écouter vos représentations, de savoir quelle est l'expérience de M. Duval dans le domaine de l'acier. Je pense que le Syndicat des métallos a eu le bon choix d'aller chercher quelqu'un qui connaît cela, mais il est peut-être important que les gens connaissent l'expérience que M. Duval peut avoir dans le domaine de la sidérurgie.

M. Laberge: Peut-être que M. Godbout va convaincre M. Duval, malgré son humilité, d'étaler ses expériences. Tous les autres qui accompagnent les recherchistes et M. Duval, c'est du monde ordinaire!

M. Charbonneau: Non, mais je pense, M. Laberge, que les membres du comité qui me connaissent bien - parce que j'ai travaillé avec eux - vont être d'accord avec moi pour dire que cela a peut-être un intérêt particulier que M. Duval présente ses états de service dans le domaine de l'acier. Cela ne peut pas nuire à la cause des métallos, à ce moment-ci, je ne pense pas.

M. Duval: Je vous dirai tout simplement, M. le Président, que j'ai été à l'emploi de SIDBEC durant une dizaine d'années, de janvier 1965 à mars 1975, et qu'à ce titre j'ai dirigé, enfin j'ai été responsable pendant environ cinq ans, de 1970 à 1975, de la production et de l'entretien du laminoir à froid et du laminoir à chaud.

M. Fortier: ...

M. Duval: Non, j'ai quitté SIDBEC en 1975 pour des raisons personnelles.

Le Président (M. Desbiens): Alors, on revient...

M. Duval: Depuis 1978, je suis consultant.

M. Charbonneau: Je crois que vous êtes ingénieur-conseil dans la métallurgie...

M. Duval: Oui, je peux vous dire que la majeure partie de mes connaissances a été acquise aux frais de l'entreprise SIDBEC-DOSCO.

M. Charbonneau: Merci, M. Duval.

Le Président (M. Desbiens): M. Godbout, vous aviez la parole.

M. Godbout: Je vais demander à M. Duval de répondre à la question de M. Perron en ce qui a trait aux coûts d'entretien qui ont passé, de 1973 à 1977, à 36% et à 168% de 1977 à 1981. C'est votre question?

M. Duval: Dans l'examen qu'on a fait de la situation, principalement sur les produits plats, on a bien naturellement regardé les endroits où on pourrait effectuer des économies. Un de ces endroits est au poste critique, enfin très important, de l'entretien des laminoirs à produits plats dont naturellement on a dit dans le passé qu'ils étaient très anciens et qu'ils avaient un certain nombre de défauts qui les déclassaient.

On a remarqué une augmentation considérable sur les deux périodes examinées, de 1973 à 1977 - c'est une période qui inclut la fameuse année 1974, donc on ne peut pas dire qu'on a choisi des années particulièrement favorables - et de 1977 à 1981. On s'est aperçu d'augmentations qui nous apparaissent un peu anormales. Il y a certainement quelque chose qui pourrait être fait là. Le poste de l'entretien, au budget 1982 de SIDBEC, pour l'usine de Contrecoeur, est de 41 000 000 $. Il est bien évident que, si on parvenait à épargner un pourcentage appréciable de ces 41 000 000 $, que ce soit dans les plats ou ailleurs, ou à l'aciérie ou au laminoir à fil, ce serait à notre avantage de le faire.

On ne s'est pas prononcé sur l'importance des économies qu'on pourrait réaliser parce qu'on n'a pas creusé suffisamment l'affaire. De toute façon, la gestion d'un poste aussi important que l'entretien est relativement délicate. En d'autres termes, on identifie un potentiel d'économies et, à cette étape-ci, c'est à peu près tout ce qu'on peut faire. On est aussi confiant qu'il y a des économies à faire.

M. Godbout: De toute façon, sur cet aspect de 36% à 168%, il devrait y avoir une bonne chance qu'on découvre un peu de gras, comme c'est à la mode. (17 h 15)

La première partie de vos commentaires, M. Perron, bien sûr, on les endosse. On vous les a expliqués. On pense, en tout cas, que la plus belle richesse naturelle qu'on a au Québec, c'est probablement la richesse humaine. Pas seulement probablement, c'est celle-là. Il y a des compétences incroyables à l'intérieur des usines qui ne sont pas utilisées, parmi les travailleurs et travailleuses de l'usine, et on les a utilisées pour préparer un mémoire comme le nôtre. Vous en voyez un peu les résultats. Je pense que, si on les utilise à l'avenir, on est capable de faire des choses pas mal le "fun".

M. Perron: M. le Président, je n'ai pas d'autres questions pour le moment, mais je voudrais tout de même dire ceci à M. Godbout. C'est que les compétences sont très fortes à ce niveau-là parce que son mémoire, justement, le mémoire des métallos, nous permet de comprendre que, sur le plan des travailleurs, il y a vraiment des gens qui peuvent s'impliquer pour remettre les choses à leur place afin de garder le maximum d'emplois. Alors, je passe la parole à mes collègues tout en me réservant le droit de revenir plus tard si jamais je sens le besoin de le faire.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, j'ai bien apprécié la présentation qui a été faite par les métallos, surtout l'historique. Je crois qu'il est important, lorsqu'on aborde un sujet comme celui-là... Et mon collègue de Mont-Royal, au début de la commission parlementaire, avait noté justement quelles étaient les ambitions que, collectivement -parce que ce n'était pas une question de parti politique - la révolution tranquille, je crois, avait décidé de se lancer dans SIDBEC et, s'il faut faire des ajustements maintenant, il faudrait le faire en fonction de ces objectifs, ces ambitions et ces défis que nous nous étions donnés. J'ai bien apprécié ce rappel historique. En notant qu'il y a des erreurs qui ont été faites et sans jeter le blâme sur personne - je crois que ce serait trop facile de jeter des blâmes à gauche et à droite - il faut reconnaître que le développement économique ne se fait pas toujours par des investissements massifs et qu'il est possible, comme le souligne le mémoire, de faire des ajustements, de procéder avec prudence et de s'ajuster au marché. Je crois qu'encore là, les gens de tous les milieux - et, je pense bien, y compris les politiciens - doivent en tirer une leçon puisque, dans le passé, je crois que c'était trop facile de toujours assurer le développement économique avec de gros investissements monstrueux qui n'ont pas toujours apporté une bonne solution, y compris celui de la Côte-Nord, quand on pense à ITT-Rayonier. Alors, c'est un rappel que j'ai bien apprécié, pour ma part.

Vous critiquez le plan que SIDBEC nous a proposé. Je dois admettre que je doute que les membres de la commission soient compétents pour porter un jugement. Je crois que vous l'avez fait dans un esprit positif. Même si je suis ingénieur moi-même, je ne

suis pas spécialiste en métallurgie et je vais laisser aux gens qui sont plus compétents que nous le soin de juger du bien-fondé de vos recommandations.

Vous l'avez dit vous-mêmes, ces recommandations ont été faites à la suite d'une étude... J'étais pour dire superficielle, mais j'utilise le mot dans le sens que vous avez eu peu de temps pour préparer votre mémoire et que, de toute évidence il faudrait chiffrer ces recommandations. Il ne faudrait pas se surprendre, je crois, si certaines de vos recommandations, en fin de compte, n'étaient pas acceptées ou recommandées puisque, vous l'avez dit vous-mêmes, il va falloir les chiffrer et voir si, éventuellement, elles sont dans le meilleur intérêt du Québec.

M. Laberge: On a voulu vous donner plus de pistes que de solutions.

M. Fortier: D'accord, c'est dans ce sens-là que je l'ai pris. Comme vous l'avez dit, c'était plutôt une espèce de défrichage, en disant: II y a peut-être des choses qui pourraient être faites et auxquelles certaines personnes n'ont pas pensé. Ce que j'essayais de dire, c'est que les membres de la commission ne peuvent pas s'ériger en juges techniques de ce qui est bon ou de ce qui est mauvais parmi les recommandations techniques que vous avez faites. C'est plutôt une ouverture d'esprit, c'est dans ce sens-là, pour ma part, que je l'ai pris.

Vous avez dit aussi, M. Laberge, qu'on vit une crise et ça nous amène, tous et chacun, à tirer des leçons. Vous avez dit qu'il y a des choses extraordinaires qui se passent maintenant et, même dans le secteur privé, les patrons parlent aux syndicats, le gouvernement parle davantage avec certaines personnes parce qu'ils sont en difficulté. Je pourrais même vous dire qu'il y a de plus en plus de syndicalistes qui parlent au Parti libéral du Québec. Il faut croire que c'est un signe des temps. Il faut croire qu'il y avait un manque de confiance. Maintenant, on se rend compte finalement qu'il y a des gens de ce côté-ci de la Chambre qui ont également des aspirations et qui sont capables, je crois, de les réaliser.

Pour ma part, je dois vous dire que j'ai bien apprécié la rencontre que nous avons eue dernièrement et j'exprime le voeu que ces contacts vont se continuer. Nous, comme vous, voulons le développement économique du Québec et, étant ingénieur moi-même, je dois vous dire que j'ai choisi cette profession puisque je voulais développer le Québec. Je crois que nous n'avons pas de leçon à prendre de quiconque pour assurer le développement économique du Québec. Je vous demande de continuer dans cette ouverture d'esprit et je puis vous assurer de notre collaboration.

Ce qui m'a frappé durant les derniers mois - ça me fait plaisir de voir que le ministre est très réceptif à tout ça aujourd'hui - et je crois que votre mémoire y fait allusion - et j'aimerais avoir vos commentaires là-dessus - c'est que l'attitude que le gouvernement a prise depuis trois ou quatre mois n'était pas celle, à mon avis, qui pouvait amener les parties, ou SIDBEC ou les syndicats, à travailler ensemble puisque cela a créé un peu un climat de panique.

Par ailleurs, on a parlé du besoin d'avoir des compétences dans SIDBEC; on a dit qu'il était nécessaire d'avoir une certaine permanence et que, malheureusement, il y a peut-être eu trop de changements dans la direction de SIDBEC. Même si votre mémoire tend à critiquer quelque peu la direction dans les choix qu'elle fait sur le plan technique, je crois qu'encore là il faudrait, tous et chacun d'entre nous, souhaiter que les gestes posés par tous et chacun d'entre nous, les politiciens et surtout le gouvernement, aillent dans le sens de conserver une direction à SIDBEC, d'assurer que les gens compétents acceptent de travailler pour SIDBEC, de faire des déclarations responsables et d'éviter le bordel que nous avons eu depuis trois ou quatre mois en ce qui concerne la Côte-Nord et en ce qui concerne SIDBEC en particulier.

J'appelle peut-être la réponse à ma question moi-même. Je me demandais si vous aviez des commentaires à formuler sur le processus qui devrait être suivi à l'avenir lorsqu'on a à réévaluer une mission d'une société d'État comme celle-là et peut-être qu'on devrait apprendre, à la lumière de ce qui s'est passé depuis quelques mois, comment nous devons remettre en cause collectivement des décisions qui ont peut-être été prises il y a 15 ou 20 ans, et à le faire d'une façon intelligente et d'une façon responsable.

M. Godbout: Là-dessus, je dirais que, bien sûr, des déclarations qui ont été intempestives, souvent nombreuses, compliquées et contradictoires ont créé dans la population, en tout cas chez les gens, les hommes et les femmes, les travailleurs de SIDBEC-Normines qui vivaient autour de ces installations, la même chose dans la région de DOSCO, c'est-à-dire pour SIDBEC-DOSCO, Montréal, Contrecoeur et Longueuil, un climat de tension extrême. C'est évident que, pour ma part, il m'est arrivé de répondre à quelques fonctionnaires qui nous demandaient: Que peut-on faire pour vous aider? Demandez donc à vos ministres de garder le silence, ça va nous aider beaucoup.

Il reste qu'il y a peut-être des choses qu'on ne saisit pas à ce moment-ci. Pourquoi? Je vous dirais qu'on ne saisit pas toute la portée de ça, mais, pour les gens

qui ont vécu, durant ces trois ou quatre derniers mois, dans les usines ou dans les régions de SIDBEC-DOSCO et SIDBEC-Normines, ce n'était pas beaucoup humain et peu acceptable. C'était vraiment le drame.

Nous avions hâte que cette commission parlementaire tienne ses travaux parce que ce n'était pas facile de travailler dans une telle tension. Vous avez vu un peu les réactions à Sept-Îles: 2500 personnes, un samedi après-midi, ont manifesté leur désir de travailler. La même chose il y a quelques jours à Longueuil, avec les travailleurs de Contrecoeur et de Montréal.

Je pense qu'il est vrai de noter que, dans ces conditions-là, en alertant les gens comme on l'a fait, on s'est même posé la question: Est-ce que le gouvernement ne tente pas de bâtir l'opinion publique pour fermer SIDBEC? Cela nous a inquiétés profondément et je pense qu'on l'a indiqué.

M. Fortier: Ce qu'on doit souhaiter, puisque le ministre est ici pour nous écouter, mais il y a d'autres membres du cabinet qui ne sont pas ici... C'est malheureux d'ailleurs de constater que, pour un sujet aussi important, certains membres du cabinet sont absents, parce qu'ils auraient eu à apprendre en écoutant la discussion. Je pense au ministre des Finances et à celui de l'Énergie et des Ressources. Quand même, j'oserais espérer que le ministre passera le message aux membres du cabinet.

Une question plus précise. Ce qui m'a frappé, c'est qu'on a parlé de la possibilité de former un comité. La proposition du ministre était très spécifique. Est-ce qu'on pourrait se réunir la semaine prochaine... Le ministre a dit une personne du ministère, une personne du syndicat et une personne de la direction. Je crois à la qualité de votre mémoire et les experts qui vous ont entourés indiquent que, si votre mémoire est d'une telle qualité, c'est grâce à la collaboration de bien des compétences. Par ailleurs, il n'y a pas seulement des problèmes techniques comme tels, mais il y a des problèmes financiers qui vont appeler d'autres compétences.

D'ailleurs, je dois féliciter la FTQ ou les métallos d'arriver avec un mémoire de cette qualité. D'ailleurs, mon collègue de Verchères l'a souligné, c'est parce que vous avez fait appel à des compétences qui ont pu, avec les travailleurs de SIDBEC et avec votre expérience syndicale, en arriver a des propositions tangibles.

Ce n'est pas une question "loadée", c'est tout simplement que j'essaie de comprendre. Ce que vous proposez, ce n'est pas juste une réunion la semaine prochaine. C'est quelque chose qui serait un peu plus permanent. Je le sais fort bien. Pour ma part, je suis extrêmement réceptif à des recommandations comme celles-là. Vous n'avez peut-être pas de propositions précises à faire aujourd'hui, mais j'essaie de comprendre, de votre part, quel serait le genre de comité qui pourrait exister, qui ferait appel, bien sûr, aux gens des syndicats, mais qui ferait appel aussi aux compétences que vous avez à l'intérieur de votre famille ouvrière ou même des consultants que vous pouvez embaucher. Par ailleurs, est-ce que vous voyez cela au niveau du ministère ou si, pour avoir des fruits à long terme, il ne serait pas préférable que ce comité travaille surtout au niveau de SIDBEC proprement dit, parce que c'est là que les décisions devront se prendre, dans un premier temps?

M. Laberge: Je n'ai aucune hésitation, au nom des métallos et au nom de la FTQ, à vous dire que si, à un moment donné, vous voulez un comité d'experts formé de trois personnes, de notre côté, il y aura quelqu'un pour nous représenter. Enfin, c'est un genre de comité un peu différent. Il peut y avoir ce comité restreint d'experts. Il peut y avoir ce comité de dirigeants de SIDBEC, de responsables du gouvernement et de responsables des syndicats qui représentent les travailleurs de SIDBEC et de SIDBEC-Normines. Enfin, nous autres, on n'est pas habitués à des comités de un, un, un. On aime être au moins deux. Au moins, on sent un coude.

Pour nous, c'est très important. Si Clément a bien reflété les anxiétés que certaines déclarations avaient révélées, d'un autre câté, je me demande si ces déclarations n'ont pas servi à créer un climat un peu plus sérieux, un peu plus serein à la commission parlementaire. Je pense que tout le monde a peut-être réalisé que la situation était plus grave qu'on ne l'avait imaginé, qu'on en était rendu à une croisée des chemins, qu'il faut s'asseoir, qu'il faut regarder et qu'il faut décider.

Les partenaires qui sont couverts par une convention collective à toute épreuve -j'aimerais bien en avoir une comme celle-là - ce n'est pas sûr qu'ils sont convaincus, au même point que nous semblons l'être tous ensemble, de la gravité de la situation. Quand on parle de participer à toutes les rencontres et à tout cela, on veut savoir, en étant là, sur place, si le gouvernement fait sa "job" pour essayer de convaincre les partenaires. S'il fait sa "job", mais que ce sont les partenaires qui ne veulent rien savoir, on sera bien placé pour savoir à qui s'adresser. Au lieu de chialer contre le gouvernement qui aura essayé, on chialera contre les partenaires qui ne veulent rien savoir.

C'est dans ce sens-là qu'on veut savoir très exactement. Nous sommes directement impliqués non seulement pour une "job" qui rapporte un certain salaire, mais, dans ce

coin-là, c'est la vie, c'est la vie de famille, c'est la société tout entière de la Côte-Nord qui est impliquée et on veut s'engager jusqu'aux oreilles.

Une voix: Contrecoeur.

M. Laberge: Contrecoeur et Montréal, bien sûr, même si, dans ce coin-là, l'impact social est important pour les familles concernées, il l'est moins pour la société. Tous ces gens-là sont impliqués. Ils en ont conscience et on veut s'engager. C'est pour cela que, quand vous parlez d'un comité, M. le ministre, on est entièrement d'accord et on va participer "à la planche". (17 h 30)

M. Godbout: M. Fortier, il y a un point que j'aimerais ajouter. À la question que vous avez posée, je n'ai pas compris que le ministre nous proposait un, un, un. J'ai compris un comité restreint et j'ai également dit que nous voulions en établir les règles du jeu. Nous fonctionnons en vertu d'un mandat, comme vous le savez. Les règles du jeu étant établies, nous en parlons avec les officiers et les membres de notre syndicat. Si nous sentons le besoin d'avoir des techniciens ou des spécialistes dans certains domaines, au niveau de l'employeur, au niveau du ministère comme à notre niveau, on a le choix de ceux qu'on veut. Ce sont des principes fondamentaux qu'on veut protéger. On est d'accord, mais il y a des choses qu'on veut savoir; on veut que le ministre nous dise comment cela va fonctionner, dans quel cadre, quels sont les "guide-lines" du comité de travail qui va se faire. C'est dans ce sens. À partir de là, on voit notre monde et on part.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Beaucoup de choses ont déjà été dites et je ne voudrais pas les reprendre. Je ne voudrais pas non plus jouer le rôle d'un juge technique, pas plus que la plupart des membres de la commission. En fait, personne ici n'a la prétention d'être un expert. J'ai affiché mes couleurs dès le début de cette commission et je conçois qu'une des tâches que j'ai ici, à cette commission, compte tenu des impacts et des propositions qui étaient sur la table du gouvernement lorsqu'on a commencé, était de faire ressortir qu'il y avait diverses solutions et qu'on pouvait les étudier avec les gens qui viendraient devant cette commission. On peut aussi, bien sûr, souligner un certain nombre de faiblesses dans les propositions qui ont été faites jusqu'à maintenant au gouvernement et qui auraient pu amener celui-ci à prendre une décision dans un sens qui aurait été désastreux pour la Côte-Nord, bien sûr, mais aussi pour la région de

Contrecoeur et, peut-être un peu plus que M. Laberge ne le pense, dans la région de Contrecoeur.

Cela étant dit, je voudrais m'adresser au Syndicat des métallos. Vous avez indiqué, à un moment donné, que vous partagez, dans le fond, un des scénarios qui ont été mis de l'avant par la direction de l'entreprise avec des modalités. Si on a bien compris votre mémoire, vous privilégiez plutôt le scénario du statu quo avec modifications, c'est-à-dire des investissements défensifs et des investissements qui pourraient amener à corriger un certain nombre de choses. On a parlé des problèmes d'entretien, tantôt. Il y a une solution de rechange à ce scénario de statu quo avec quelques modifications d'investissement au niveau défensif. Il y a le troisième scénario dont il a été question ce matin avec les dirigeants de la compagnie, le scénario du statu quo avec le projet d'expansion. Il ne semble pas qu'on ait retenu, au niveau de la direction de la compagnie, des investissements qui semblent plus attrayants. Par exemple, la ligne de galvanisation.

Je voudrais savoir si on a bien compris, en interprétant votre mémoire, la proposition que vous nous faites comme étant le maintien - en tout cas, au niveau manufacturier, en particulier, parce que c'est ce que je connais le plus - des activités actuelles avec un certain nombre d'investissements défensifs. Voyez-vous ces investissements défensifs de la même façon que ceux qui nous ont été présentés ce matin? Est-ce que vous croyez que les solutions qui nous ont été présentées en termes de projets éventuels d'investissement ou de créneaux d'action qu'on pourrait entreprendre, dans lesquels on pourrait s'engager, sont celles qu'on devrait retenir? Est-ce que vous partagez ces opinions ou si vous avez d'autres suggestions? Quand on lit votre mémoire, il semble que vous ayez peut-être fait des choix différents de ceux que la compagnie a faits.

M. Godbout: Sur le plan technique, je dirai d'abord que je ne suis pas certain qu'on comprenne exactement ce que vous voulez dire par le mot "défensif". Nous disons que SIDBEC doit être agressive et non seulement...

M. Charbonneau: Oui, mais j'ai emprunté le terme utilisé dans la présentation de la compagnie quand elle parlait d'investissements défensifs.

M. Godbout: D'accord.

M. Charbonneau: Autrement dit, pour consolider ce qu'on a déjà sans nécessairement améliorer ou ajouter des équipements. C'est dans ce sens, si on se

comprend.

M. Godbout: Ce qu'on a à dire là-dessus, avant de passer au niveau technique, c'est qu'une chose nous semble fondamentale au départ: les travailleurs dans ces usines ou dans les mines ou dans les "plans" de boulettes doivent avoir leur mot à dire sur ce que sont les investissements et de quelle façon on va les faire. Nous pensons qu'une des conditions de survie d'une société agressive et en bonne santé, c'est que les travailleurs participent à ce qui va se faire et à ce qui se fait.

On a tenté dans notre mémoire, d'un bout à l'autre, de dire à tout le monde - au gouvernement, etc. - qu'on doit changer d'approche. SIDBEC doit également changer d'approche. Il faut impliquer les travailleurs dans ce qu'on va faire. C'est ce qui me semble très important, en partant, bien sûr, des règles du jeu qu'on a établies. Sur le plan technique, je pense que vous avez en partie raison.

M. Duval: On en a très peu parlé et on n'a pas étudié cela en termes de scénario et de statu quo. On se sert de ces expressions depuis quelques jours seulement. Nous on a la conviction de pouvoir rentabiliser l'entreprise à court terme et de fonctionner à profit, si on pose un certain nombre de gestes à court terme et qui demanderaient des investissements limités. On parle principalement des produits plats: on a un montant d'environ 20 000 000 $ à 25 000 000 $ pour les prochains trois ans. Ce sont des améliorations qui ont d'ailleurs été reconnues par plusieurs membres de la direction de SIDBEC à différents niveaux. On sait qu'on a certaines améliorations assez conséquentes à apporter à l'aciérie. On a des améliorations à apporter au laminoir à chaud et au laminoir à froid et aussi naturellement du côté non seulement de la production, mais de l'entretien.

Si on appelle ces investissements "défensifs", moi je veux bien. Il s'agit d'améliorer la qualité, l'utilisation et la productivité du laminoir et des produits du laminoir. L'ordre de grandeur des montants qu'on a en tête, c'est une vingtaine de millions durant les prochains trois ans. Maintenant, c'est évident que, si on veut en même temps, et si ça se révèle bénéfique à l'étude détaillée... Je pense que nous sommes fondés de croire qu'il y a certains produits, certains créneaux du marché qui nous sont tout particulièrement désignés. On a parlé, par exemple, dans le rapport, spécifiquement et nommément, de la production de la tôle revêtue. Je veux bien qu'on le réétudie en détail, le cas échéant, quand cela viendra, mais on a un fort préjugé favorable envers ce produit par les études du passé, par les caractéristiques de ce genre de produit et par le marché de l'Est du Canada.

M. Charbonneau: II y a une deuxième chose qui, en tout cas, m'a fait bondir un peu ce matin. Écoutez, j'étais un peu au courant, mais je pense qu'il y a beaucoup de gens qui n'ont peut-être pas réalisé l'impact de ce que vous avez dit. C'est quand vous nous avez indiqué qu'à votre avis, il n'y a pas, depuis des années, sinon depuis le début de SIDBEC, aux postes clés de l'aciérie, d'aciéristes reconnus, chevronnés. J'aimerais cela que vous expliquiez quelle est l'importance stratégique dans une entreprise de la taille et du type de SIDBEC d'avoir à un poste clé un aciériste chevronné.

M. Duval: C'est le chef cuisinier dans un restaurant.

M. Godbout: Si vous faites une crise d'appendicite, vous allez chez le médecin et non chez le dentiste. En d'autres termes, ce qu'on veut dire, c'est que, sur le plan syndical, quand il y a quelqu'un d'essentiel qui manque, rendu au niveau du plancher de l'usine, vous pouvez voir un peu jusqu'à quel point les informations ou les ordres que les travailleurs reçoivent peuvent être mêlés, compliqués pour les travailleurs d'expérience qui disent: Cela n'a pas de bon sens qu'on nous demande cela. Ce sont ces questions qui sont revenues souvent, qui ont créé des tensions et des climats un peu de désespoir et, jusqu'à un certain point, un peu de rage dans certains cas. Vous connaissez comme moi le dossier. Tout cela a fait qu'on a souvent crié très fort qu'il manquait de compétences, qu'on savait que cela nous arrivait tout échevelé au niveau du plancher. C'est à cause de cela, c'est qu'il manquait un chef cuisinier et les tartes étaient prises au fond.

M. Charbonneau: Si on vous comprend bien, cela ne veut pas nécessairement dire... Des fois, on a entendu dire qu'à différents niveaux de la direction, il n'y avait pas de gens qui connaissaient le domaine de l'acier, etc. Vous ne voulez pas nécessairement dire: Cela vous prend un chef cuisinier à tous les postes de direction de l'entreprise.

M. Godbout: Non, on a identifié...

M. Charbonneau: Donc, cela ne veut pas dire nécessairement qu'à tous les postes clés de l'entreprise, cela nous prend des gens qui sont des métallurgistes.

M. Duval: On n'a pas tout réglé en faisant cette recommandation, mais on croit avoir identifié un point faible et on souhaiterait qu'il soit corrigé. On n'a jamais dit que, dans SIDBEC, il n'y a pas de compétences. Des compétences, il y en a, et

cela fait quatorze ans que cela tourne. C'est évident que les gens ont appris. On considère qu'à ce point précis, il y avait du renforcement à apporter.

M. Godbout: Moi, je dirais que tous ceux qui ont travaillé à différents postes comme ceux-là ont fait leur possible, mais avec la compétence qu'ils avaient.

M. Charbonneau: II ne s'agit pas de faire ici de...

M. Godbout: Ce qu'on essaie de dire, c'est qu'il y a là, à notre point de vue, en tout cas, une place pour intervenir rapidement.

M. Duval: Quand on parle d'un aciériste chevronné, M. le député, on parle d'un type qui a passé quinze ou vingt ans de sa vie en exploitation d'aciérie électrique qui fabrique des aciers de qualité. On considère que ce serait un apport à l'exploitation de l'aciérie de Contrecoeur.

M. Charbonneau: On m'a déjà laissé entendre - et ce n'est pas, d'ailleurs, une décision qui avait été prise par la direction actuelle de SIDBEC, je pense que je dois le préciser - qu'à une époque, on aurait refusé - peut-être que vous pouvez le confirmer -d'embaucher un aciériste de calibre international et vraiment compétent, parce que, paraît-il, cela aurait déséquilibré la structure salariale au niveau des cadres. Autrement dit, on ne voulait pas le payer plus cher que les autres cadres ou avoir des problèmes avec les autres cadres. On aurait décidé, finalement, qu'il valait mieux se priver d'un aciériste plutôt que d'en payer un bon, parce qu'on aurait eu des problèmes avec les chefs cuisiniers adjoints.

M. Duval: C'est une anecdote dont j'ai eu vent.

M. Charbonneau: Vu que vous avez été dix ans dans l'entreprise, il y a des risques qu'elle soit vraie.

M. Godbout: Mais je pense, M. Charbonneau, que, dans notre mémoire, on dit qu'il y a là quelque chose à regarder de façon sérieuse de la part de SIDBEC et du gouvernement.

M. Laberge: Je vais seulement vous donner un petit exemple de ce qu'on veut dire. À la commission de la santé et de la sécurité, il y a des inspecteurs sur les chantiers de construction. Arrive un inspecteur sur un chantier de démolition, un petit édifice de trois étages. Vous savez combien cela peut prendre de temps pour démolir un édifice de trois étages, les grasses patentes. Il a donné un avis de correction et il a donné quinze jours pour réparer cela. Évidemment, quand il est revenu au bout de quinze jours, il ne reconnaissait plus le coin, parce qu'il n'y avait plus une brique.

M. Charbonneau: D'accord. Je pense que le message est clair. Mais c'est important. Je le sais, parce que les installations de Contrecoeur sont dans mon comté. J'ai entendu, moi aussi, des plaintes à de nombreuses occasions. Je considère qu'il y a des postes stratégiques où c'est important, finalement, d'avoir les personnes clés.

Je voudrais terminer. Il n'y a qu'une façon, dans l'avenir, de pouvoir sortir de ce pétrin, outre les expertises techniques, outre les décisions financières qu'on pourra prendre. Il y a un clou sur lequel je tape depuis des années. Je pense que les métallos sont là pour en témoigner. Peut-être, comme ancien journaliste, que j'ai la déformation de croire que l'information et l'échange d'information sont à la base de la compréhension. Si on met les gens dans le coup, on en a déjà eu la preuve. J'ai travaillé de près avec votre comité, vous le savez, et j'ai vu comment il y avait des gens responsables à qui on avait donné des documents, qui les avaient gardés confidentiellement et qui n'avaient pas mis en danger la situation concurrentielle de l'entreprise, mais qui nous avaient permis, finalement, aujourd'hui, de voir un revers de la médaille étoffé, qui est peut-être perfectible. Si on a vu ce revers de la médaille, c'est parce qu'on avait des gens responsables à qui on a fait confiance, à qui on a donné de l'information et qui l'ont utilisée adéquatement.

Cela prouve que, finalement, si on peut le faire à des moments importants, on pourrait peut-être le faire d'une façon régulière et permanente. Cela réglerait bien des problèmes. J'ai l'impression qu'il y a pas mal de problèmes de relations de travail parce que les gens ne se parlent pas, parce que les gens ont une conception traditionnelle de la hiérarchie, de la façon dont les entreprises devraient fonctionner, ce qui fait qu'à un moment donné, au lieu d'échanger de l'information, on se la cache mutuellement. On a des privilèges. On prétend que l'information ne doit pas descendre à tel type de niveau, parce que ce n'est pas de son ressort. J'ai l'impression qu'on a une preuve éloquente maintenant, avec cette commission, que l'échange d'information est aussi un élément stratégique pour l'avenir qui s'annonce difficile, parce qu'on n'aura pas réglé le problème de la concurrence dans le domaine de l'acier en quittant cette commission. Il y a peut-être un moyen d'améliorer la situation

stratégique de SIDBEC, c'est de faire en sorte que tout le monde soit dans le coup. C'est peut-être aussi plus facile pour les gens qui sont sur le terrain, pour les travailleurs et leur famille d'être solidaires d'un certain nombre de décisions quand ils comprennent la situation. Quand on ne comprend pas, on ne peut pas accepter bien des affaires.

M. Laberge: Mais là, vous venez - si vous me le permettez, M. le Président - de soulever un point d'une importance capitale. Il est bien évident que, s'il y a des échanges plus constants et plus ouverts entre la direction et les travailleurs par le truchement de leur syndicat, cela peut améliorer grandement les choses, mais on ne s'en va pas dans le prochain paradis terrestre où il n'y a plus de patrons et plus de travailleurs.

M. Charbonneau: Non, non.

M. Laberge: Si on est tous égaux, crime! on n'a plus de job, nous autres.

M. Charbonneau: Loin de moi l'idée de vous mettre à pied, M. Laberge. (17 h 45)

M. Laberge: D'ailleurs, ce n'est pas la même chose à l'Assemblée nationale, il faudrait que tous les députés puissent parler à leur premier ministre en tout temps.

M. Charbonneau: J'aime autant ne pas répondre à ça!

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Très brièvement, M. le Président. Vous avez eu beaucoup de félicitations pour votre mémoire, mais, mis à part les félicitations, je me suis rendu compte qu'il y avait une critique qui venait de la part du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et qui était quand même assez virulente pour ce qui est de chiffrer le mémoire. Le ministre propose un comité qui, dans les jours à venir ou la semaine prochaine - dans les meilleurs délais - va pouvoir chiffrer votre mémoire.

Si on peut constater que, en ce qui concerne les activités manufacturières de SIDBEC, il semble y avoir différents scénarios avec des chiffres différents qui nous ont été présentés par différents intervenants, je dois souligner que ce n'est pas ma perception pour SIDBEC-Normines.

Les chiffres que vous avez présentés et les chiffres que nous a présentés la compagnie SIDBEC sont les mêmes, c'est identique. Alors je ne peux pas voir ce qu'un comité - là, ça sent la pelure de banane politique, je m'excuse de l'expression - va chiffrer dans ce domaine. Là-dessus, j'attire votre attention à la page 10 de votre mémoire où vous dites: "Quel que soit le scénario envisagé, fermeture permanente ou temporaire, fermeture de Gagnon, mine et concentrateur avec maintien de l'usine de boulettage et réduction des niveaux d'activités, SIDBEC-Normines coûtera environ 100 000 000 $ par an à ses partenaires, donc 50 000 000 $ à SIDBEC. Nous sommes disposés à réviser immédiatement tous ces scénarios avec les partenaires, mais nous ne croyons pas que la facture puisse être sensiblement réduite. Telle est, à notre avis, la donnée de base du problème. Elle n'est pas gaie pour personne, mais personne ne peut la modifier, avec la meilleure volonté du monde. Il ne nous reste qu'à l'accepter une fois pour toutes et qu'à agir en conséquence. Nous serions d'accord pour que les pertes de SIDBEC-Normines ne soient pas imputées à SIDBEC et que le gouvernement du Québec assume directement ce coût." En relisant ce passage, je me rappelle les propos du ministre des Finances, qui était le deuxième intervenant en commission parlementaire, hier, et je me pose la question: Est-ce que le gouvernement du Québec, est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme - s'il n'accepte pas ces chiffres, qu'il nous le dise ici je tiens pour acquis que tout le monde les accepte - à partir de ces chiffres, a une volonté de garder SIDBEC-Normines ouverte? Est-ce qu'il y a une volonté politique dans ce gouvernement de garder la Côte-Nord ouverte? Ce n'est pas en réétudiant des chiffres, tous, nous pouvons les étudier ad nauseam... Le petit comité, surtout s'il n'y a pas de représentant du ministère des Finances qui y siège, ça sent la pelure de banane à plein nez. Veut-on, au cours de la semaine prochaine, à l'intérieur du comité, en ce qui concerne cet élément - je ne discute pas de la valeur du comité sur les autres éléments - tenter de chiffrer la valeur économique du nord du Québec? Veut-on tenter de chiffrer sur le plan socio-économique ce que va représenter la fermeture de SIDBEC-Normines? Une étude, de 1970, des États-Unis dit que, lorsqu'il y a une hausse de chômage de 1,4%, ça équivaut à 7,7% de plus de suicides, à 4,7% de plus d'hospitalisations, à 5,6% de plus d'emprisonnements, à 8% de plus d'homicides, à 2,7% de plus de décès dûs aux cirrhoses du foie ainsi qu'aux maladies cardio-vasculaires, 2,7% de plus du taux général de mortalité. Veux-t-on chiffrer ça dans le petit comité? Et, si on ne veut pas chiffrer et qu'on est d'accord avec les chiffres, est-ce que, après deux jours de commission parlementaire où toutes les parties sont unanimes sur un point, il ne serait pas temps que cette commission parlementaire dise au gouvernement du Québec: En ce qui concerne SIDBEC-

Normines, en ce qui concerne la Côte-Nord, voici le prix, voici la facture et on la garde ouverte. Si on va en comité sur les autres sujets, je suis d'accord, mais qu'on règle au moins ça, parce que, moi, comme parlementaire, je vais avoir l'impression d'avoir perdu deux jours. Je m'excuse! J'aimerais avoir les commentaires de M. Laberge ou de n'importe qui...

M. Laberge: Non, ce n'est pas à nous à faire ce genre de commentaires, vous le comprenez bien. On veut tous vous avoir.

M. Paradis: Je demanderais au ministre, dans ce cas là.

Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, jusqu'à il y a trois ou quatre minutes, je pense que les discussions autour de cette table s'étaient élevées assez au-dessus de la basse partisanerie politique. Je regrette énormément, pour les travaux de cette commission, l'intervention du député de Brome-Missisquoi. J'ai dit au commencement de cette commission que le gouvernement n'avait pas arrêté de décision, qu'il écoutait et écouterait jusqu'au bout tous les intervenants qui avaient quelque chose à lui dire dans ce domaine, lui faire les suggestions nécessaires quant à quelque scénario que ce soit concernant SIDBEC-Normines, sauf le statu quo, c'est-à-dire de continuer à produire 5 500 000 à 6 000 000 de tonnes et perdre 100 000 000 $ au minimun par année et peut-être plus. Il n'y aura pas de négociation si l'on maintient le statu quo, c'est-à-dire à 6 000 0000 de tonnes. Cependant, tout autre scénario implique des négociations avec des partenaires et des bailleurs de fonds. Si le Parti libéral du Québec a fourré le Québec dans le pétrin, en négociant mal ses contrats, en 1974-1975, ce n'est toujours pas notre responsabilité. Laissez-nous au moins le temps d'essayer, nous autres, de négocier comme du monde, pour corriger des choses que vous avez mal faites en 1975. Après cela, on se reparlera autour de la table.

M. Paradis: M. le Président...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je vais reformuler ma question pour que le ministre la saisisse bien. Ce que j'ai compris de son intervention tantôt, c'est qu'il a dit aux métallos que leur mémoire n'était pas suffisamment chiffré, qu'il faudrait un petit comité qui se repenche sur les chiffres. J'ai attiré l'attention du ministre sur une partie du mémoire, sur laquelle tous les intervenants, tous les spécialistes qui ont témoigné se sont entendus. Les métallos disent: Quel que soit le scénario que vous retiendrez à partir du comité, à partir du rapport interministériel, à partir de la position de SIDBEC, le coût pour les contribuables du Québec, pour l'ensemble de la collectivité québécoise, est de 50 000 000 $. Si le gouvernement n'est pas prêt, est-ce que vous, comme ministre, porte-parole ou responsable du ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à cette commission parlementaire, pouvez nous dire aujourd'hui si ce coût vous apparaît impossible, vous apparaît aberrant? Est-ce que vous pouvez nous dire, comme ministre responsable, que ce coût en est un que vous pouvez assumer et que cela vaut la peine de l'assumer pour garder le Nord-Ouest québécois ouvert? Ce n'est pas compliqué comme question, mais cela sous-entend toutes ces choses, M. le ministre, au niveau de la négociation des contrats et de la diminution de la production. Mais qu'on sache que cette volonté politique est au moins là, si la négociation des contrats devait se faire. Si la proposition que les travailleurs ont faite - ils ont indiqué qu'ils ne voulaient pas produire des boulettes pour rien et qu'ils étaient prêts à ramener la production à un niveau raisonnable... Est-ce que vous seriez prêt à dire que cela vaut la peine que le gouvernement du Québec investisse 50 000 000 $ pour garder la Côte-Nord présentement, et que vous avez les moyens de le faire?

M. Biron: Savez-vous, M. le député de Brome-Missisquoi, qu'une renégociation dans les contrats avec les bailleurs de fonds, alors qu'on a des prêts à 10 1/2% ou 11% à long terme... Si, en renégociant, il fallait payer 15% ou 18%, comme c'était le cas l'an dernier, cela fait une différence énorme de 20 000 000 $ à 50 000 000 $ de plus par année d'intérêt. Donc, en fonction de la négociation qui viendra, en fonction de la décision que le gouvernement prendra d'abord, deuxièmement, de la négociation avec les bailleurs de fonds, de la négociation avec d'autres partenaires comme British Steel ou comme la compagnie minière Québec Cartier - on sait que la compagnie minière Québec Cartier reçoit une royauté pour qu'on puisse employer le minerai de la mine de Fire Lake - il y a, là aussi, toute une différence de négociation et on s'entend - je pense que cela a été très clair dans le mémoire des métallos - en disant: II semble qu'il y a du gras à quelque part. Jusqu'où? À quelle épaisseur? On ne le sait pas encore. Mais au cours de la négociation qui pourra venir très rapidement, on pourra voir exactement quels sont ces chiffres précis. C'est dans ce sens que je dis que la première préoccupation et la première

recommandation des métallos concernant une production de 3 000 000 à 3 500 000 de tonnes comporte une négociation sérieuse avec les bailleurs de fonds - on n'a pas le droit de le faire tout de suite, les contrats nous le défendent - une négociation sérieuse avec les bailleurs de fonds, avec nos partenaires et ensuite, on pourra mettre un chiffre exact sur le coût de l'opération.

M. Paradis: Si je suis votre intervention - je me base sur celle de SIDBEC et sur la présentation des métallos - si tout fonctionne en tenant compte du taux d'intérêt d'aujourd'hui, en tenant compte du fait que les pénalités tomberaient, etc., que la négociation aboutisse de façon positive, est-ce que vous contestez le chiffre de 50 000 000 $, M. le ministre?

M. Biron: J'ai dit et je répète qu'il faudra peut-être un crayon et le calculer. Cela dépendra du résultat des négociations. Aussitôt que vous ouvrez des contrats avec des partenaires, on ne sait pas trop où on va finir avec cela. Demandez à ceux qui ont de l'expérience dans la négociation, lorsqu'on ouvre un contrat, où on finit? On n'a pas d'idée au début, mais on sait qu'on ouvre un contrat. On a certains objectifs. En cours de route, il y a de la négociation. Dans ce cas, il y a des contrats plus qu'importants à négocier avec tout le monde. Si vous voulez, on va terminer la commission parlementaire, on va décanter tout cela et on va remettre cela ensemble, on va essayer d'établir un scénario. On va consulter les gens des métallos, les gens de la direction de SIDBEC. On va voir quelle sorte de négociations il y aura à faire, et ensuite il y aura un chiffre exact que je pourrai vous fournir, mais à l'heure actuelle je ne peux pas vous fournir ce chiffre tant et aussi longtemps que la négociation ne se sera pas déroulée.

M. Paradis: Si vous atteignez vos objectifs, M. le ministre, dans la négociation - avec tout le talent que vous avez et avec l'aide de tout le monde - êtes-vous d'accord comme membre de cette commission qu'une fois ces objectifs atteints, s'ils sont tous atteints et que vous en arrivez avec une facture suivant la proposition des métallos, encore une fois, et celle de SIDBEC - de 50 000 000 $, cette commission se prononce, au cas où le gouvernement aurait réussi à atteindre ses objectifs, pour qu'on garde la Côte-Nord et SIDBEC-Normines ouvertes?

M. Biron: Je dis depuis le début de cette commission que je ne m'attends pas de prendre des décisions sur le coin de la table. Je vais regarder, je vais prendre le temps d'analyser sérieusement tout ce qui nous a été présenté. Après cela, j'en viendrai à une recommandation.

M. Paradis: Vous n'avez pas répondu à cette partie de ma question; avez-vous l'intention d'adjoindre au comité que vous allez former quelqu'un qui représente le ministère des Finances, surtout à la suite des propos du ministre des Finances hier matin à cette commission?

M. Biron: Je peux vous assurer que, dans tout ce qu'on fait vis-à-vis de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, nous sommes toujours en relation très constante et très étroite avec le ministère des Finances.

M. Paradis: Plus précisément, dans le comité, avez-vous l'intention d'avoir quelqu'un du ministère des Finances ou de faire rapport?

M. Biron: Pour le moment, on va essayer de ne pas trop se casser la tête et de ne pas décider de la forme de la table qui va être là. Nous sommes d'accord pour dire qu'il y a des partenaires privilégiés que le gouvernement du Québec doit consulter, la direction de SIDBEC, la direction des métallos. Après cela, quand on parle de gouvernement, de ministre à ministre ou de ministère à ministère, on peut se parler très facilement.

M. Paradis: Une fois les négociations réalisées, vous proposez-vous de demander à nouveau la convocation de cette commission parlementaire pour faire rapport du résultat des négociations avant de poser des gestes en ce qui concerne SIDBEC et Normines?

M. Biron: II y a une motion là-dessus qui n'a pas encore été étudiée. D'une façon ou d'une autre, si nous devons poser des gestes précis avec SIDBEC et y injecter à nouveau des sommes d'argent, c'est sûr qu'aussitôt qu'on réinjecte une somme d'argent il y aura une commission parlementaire sur SIDBEC.

Le Président (M. Desbiens) Je constate qu'il est 18 heures. Il y a deux autres intervenants sur ma liste, entre autres le député de Frontenac. Ce matin...

M. Grégoire: J'en ai pour cinq minutes, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens) ... à la fin des audiences, il avait fait placer son nom sur la liste. Malheureusement, je n'avais pas eu... S'il y a un consentement pour quelques minutes.

M. Grégoire: Quatre minutes, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens) Cela va. M. le député de Frontenac, s'il vous plaît!

(18 heures)

M. Grégoire: J'ai juste deux points; le premier point est très bref. À la page 6 de votre mémoire, M. Godbout, vous dites: "Les travailleurs ne sont pas intéressés non plus à produire des inventaires quand on ne voit pas le jour où on pourra les écouler, même à perte." J'aimerais que vous mettiez cette page dans votre poche et que vous la regardiez comme il le faut quand vous viendrez à Thetford. J'ai reçu le bilan de la Société nationale de l'amiante. On a pour 74 789 000 $ d'inventaire en stock d'amiante. Mettez cette page dans votre poche et vous la sortirez quand vous arriverez chez nous. J'ai l'impression aussi qu'on a les mêmes problèmes que vous. Les mines de fer, cela ne veut pas dire que, parce qu'il se vend moins de fer aujourd'hui, que c'est mauvais pour tout le temps. Ce n'est pas parce qu'il se vend moins d'amiante aujourd'hui que c'est mauvais pour tout le temps. J'ai confiance que cela va reprendre pour le fer et pour l'amiante. On ne va tout de même pas fermer les moulins à bois parce que cela va mal aujourd'hui. Le monde va avoir besoin de planches demain quand la crise va être finie. C'est vrai que cela baisse aussi dans les usines de papier. Tout le monde va racheter du papier quand la crise va être finie. C'est vrai que je ne comprends pas pourquoi on fermerait une aciérie si toutes les acieries vont mal dans le monde. Cela va reprendre, cette affaire. J'ai confiance.

Pour que cela reprenne, il faut que tout le monde s'y mette. Or, il y en a un dont on n'a pas assez parlé, vous en avez parlé dans votre mémoire et je voudrais parler de celui-là. Il faut qu'il y soit aussi comme partenaire, il va falloir l'appeler notre "partner" lui aussi.

À la page 44 de votre mémoire, vous dites: "En toute justice, le gouvernement fédéral doit appuyer notre démarche, surtout qu'il a déjà subventionné la sidérurgie néoécossaise Sisco à raison de 89 000 000 $". S'il y a une subvention de 89 000 000 $ en Nouvelle-Écosse, je pense qu'il pourrait faire la même chose au Québec. Il a versé 14 000 000 $ à une mine d'amiante à Terre-Neuve qui était fermée et nous, elle ne vient pas encore. Le fédéral a déjà informé le gouvernement de la Nouvelle-Écosse qu'il est prêt à négocier une entente qui mènerait à la construction d'une cokerie d'une valeur de 100 000 000 $. En conséquence, le gouvernement du Québec doit revendiquer du fédéral sa juste part pour SIDBEC.

M. le Président, c'est justement parce que j'ai confiance en l'avenir. Je vais le dire aussi au ministre que ni les mines d'amiante - il n'y a pas de danger que les mines d'amiante ferment pour le moment, c'est encore rentable - ni les mines de fer, ni les usines de papier, ni les moulins à bois n'ont de raison de fermer parce qu'on est en période de crise. Mais si tout le monde s'y met, si le gouvernement fédéral embarque aussi, je pense que, pendant les années de crise, c'est le temps de les rendre rentables. Vous parliez tantôt de 60 000 000 $ à investir sur trois ans, 20 000 000 $ par année pendant trois ans. Or, on a injecté 85 000 000 $...

M. Godbout: 25 000 000 $ pour trois ans. On parlait de 20 000 000 $ à 25 000 000 $ sur trois ans.

M. Duval: Sur trois ans.

M. Grégoire: Sur trois ans, je pensais que c'était par année. Pour les rendre rentables, je ne sais pas si les chiffres sont bons, si vous faites des déficits de 100 000 000 $, rien que 25 000 000 $ échelonnés sur trois ans pour la rentabiliser, cela me surprendrait un peu. Cela va prendre plus que cela, à mon avis.

M. Duval: C'est ce qu'on dit dans le rapport que cela va prendre plus que cela, mais on parle d'investissements.

M. Grégoire: On pourrait parler d'investissements. Il faut aussi nettoyer...

M. Duval: Cela va prendre autre chose que des investissements parce qu'on dit que les investissements ne sont pas toujours la solution à tous nos problèmes.

M. Grégoire: II faut aussi nettoyer la structure financière de la compagnie, je suppose.

M. Laberge: Voilà:

M. Grégoire: Commencer par renégocier la convention, nettoyer la structure financière de la compagnie. Je me rappelle fort bien que le Canadien National arrivait avec des déficits. À un moment donné, le gouvernement fédéral a pris la dette. Plus d'intérêt à payer sur la dette, cela s'est mis à faire des profits. C'est le gouvernement fédéral qui payait les intérêts, par exemple.

M. Laberge: C'est cela.

M. Grégoire: S'il l'a fait pour Bombardier, il a financé la ville de New York avec Bombardier...

M. Laberge: Et Dome Petroleum!

M. Grégoire: ... Dome Petroleum, combien de milliards pour sauver quatre banques? Chrysler en Ontario? La mine Advocate à Terre-Neuve? Tout cela, et c'était fermé à part cela. Alors qu'il y avait

un surplus d'amiante partout au Canada, on va en ouvrir une autre à Terre-Neuve. C'est...

M. Ciaccia: M. le Président, une question juste pour...

Le Président (M. Bordeleau): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ...On avait donné un consentement au député de Frontenac...

M. Grégoire: Moi, quand je commence à embarquer là-dedans...

M. Ciaccia: ... pour poser des questions sur SIDBEC pas sur Bombardier, New York, Chrysler et tout le reste. On peut être ici jusqu'à minuit. C'était sur SIDBEC.

M. Grégoire: Oui, mais je pense qu'il faut que ces affaires-là soient dites. Si tous les partenaires embarquent, même le gouvernement fédéral, il fait de l'argent avec les impôts que les travailleurs paient, sinon on va payer de l'assurance-chômage. Il faut qu'il embarque. Je me dis que s'il est capable d'acheter cette année pour 2 800 000 000 $ d'avions de guerre, ce n'est même pas votre acier qui sert là-dedans, il pourrait bien y aller pour quelques dizaines de millions dans SIDBEC. J'ai deux questions...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Perron: Une courte question.

M. Grégoire: Vous êtes d'accord? Allez-vous faire des démarches là-dessus aussi?

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît;

M. Grégoire: Le ministre a-t-il l'intention de présenter un dossier à Ottawa la-dessus?

M. Ciaccia: On est d'accord pour que tu arrêtes de parler aussi.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs, s'il vous plaît!

M. Grégoire: Quand cela commence à les fatiguer, ils ne veulent plus qu'on parle.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, j'ai une courte question à poser aux représentants des métallos. Au bas de page 10 de votre mémoire, vous mentionnez: "Nous serions d'accord pour que les pertes d'opération de SIDBEC-Normines ne soient pas imputées à SIDBEC et que le gouvernement du Québec assume directement ce coût." Oui, d'accord. Maintenant, on sait que, actuellement, le gouvernement du Québec assume ce coût de SIDBEC. Vu qu'il y a des gens qui ont transmis des mémoires qui colportent le fait que SIDBEC-Normines devrait faire partie d'une société d'État autre que SIDBEC, est-ce que vous voulez dire que cela devrait être comme cela? Sinon, voudriez-vous expliquer votre position là-dessus?

M. Frenette (Jean-Guy): II faut être bien clair: la réouverture des contrats, pour nous, c'est un moyen d'essayer d'enlever du gras. Ce n'est pas cela qui va sauver la mise, c'est bien clair. Les pénalités payées à l'heure actuelle ont uniquement pour but de permettre à SIDBEC-Normines d'absorber les coûts fixes auxquels elle ne peut pas faire face quand elle diminue son niveau d'opération en bas de son "break-even" qui est 5 000 000 $. Il faut donc redéfinir un niveau de fonctionnement en dessous du "break-even" de 5 000 000 $, qui serait 3 000 000 $; il faudra donc nécessairement avoir automatiquement, dans SIDBEC-Normines, et c'est cela qu'on voudrait essayer de rouvrir, une perte d'opération, alors que ce n'est pas possible à l'heure actuelle par les formes d'entente. SIDBEC-Normines ne peut jamais faire de pertes d'opération. Or, ces 20 000 000 $ au minimum, qui seraient la perte d'opération que le Québec devrait assumer dans SIDBEC-Normines à un niveau de production en dessous de son "break-even", on dit qu'ils devraient être pris quelque part dans le gouvernement. Mais les aspects juridiques du type de société d'État qu'il faudrait voir là-dessus, on veut regarder beaucoup plus à fond toutes les implications légales de cela; plusieurs, hier, ont été amassés. Merci beaucoup.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: On a dit beaucoup de choses en bien ou en mal de la direction de SIDBEC, mais il reste quand même qu'au cours des douze, treize ou quinze dernières années, il y a eu cinq négociations dont quatre se sont terminées par grève ou "lockout". À la dernière, on s'est entendu un mois, ou à peu près, avant l'échéance de la convention. M. Godbout, depuis l'arrivée de M. De Coster et de quelques nouveaux dirigeants dans le domaine du personnel, est-ce que vous diriez que les relations de travail se sont améliorées entre les dirigeants de SIDBEC et les métallos, les travailleurs, comparativement à ce que c'était autrefois lorsqu'on était en grève ou

en "lock-out" à peu près à chaque négociation?

M. Godbout: Assurément, on l'a dit, il n'y a pas de problème à le redire. Je pense que l'arrivée de M. De Coster - ce n'est peut-être pas seulement cela - a amélioré de façon sensible les relations de travail. Bien sûr, il reste des inconvénients et des griefs, c'est normal, mais les conditions de travail se sont améliorées de façon remarquée.

M. Laberge: Ce n'est peut-être pas lui, mais cela a coïncidé avec son arrivée.

M. Biron: D'accord. Cela veut dire - si je comprends bien - qu'il y a eu une amélioration énorme et il y a encore de la place pour s'améliorer.

M. Godbout: C'est cela.

M. Biron: Je vous remercie.

M. Charbonneau: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Ce n'est pas pour continuer...

M. Laberge: M. le Président, si vous me permettez, il resterait à vous remercier, ainsi que les membres de la commission; je pense que vous avez démontré beaucoup d'attention à la présentation des mémoires, beaucoup de sérieux. Les questions que vous avez posées démontrent que vous avez vraiment étudié le dossier et on est fort heureux de cela. On veut remercier le gouvernement et le ministre responsable, M. Biron, qui nous a permis de venir en commission parlementaire. Il était temps, je pense, que cela se fasse pour assainir le climat, le rendre un peu plus serein. Tout le monde semble être unanime à regarder cela d'un peu plus près. Apparemment, on n'en est pas encore arrivé à des décisions catastrophiques; au contraire, je pense que l'Opposition, les députés du gouvernement, tout le monde semble être d'accord pour regarder cela de plus près et pour se dire qu'ensemble, si on retrousse ses manches, si on y met chacun du sien, il y a moyen de faire quelque chose là-dedans, parce qu'on aura toujours besoin d'acier au Québec. Aussi bien avoir une aciérie du Québec qui va nous fournir notre acier, aussi bien avoir une mine au Québec qui va fonctionner et qui va alimenter l'aciérie du Québec qui a besoin d'acier, au lieu de le faire venir d'ailleurs. On vous remercie. Nous sommes à votre entière disposition et, si le besoin s'en fait sentir, nous reviendrons.

Le Président (M. Desbiens): Je voudrais informer tous les participants qu'à la reprise des travaux, à 20 heures, nous entendrons le Regroupement municipal des villes de Gagnon et de Port-Cartier, suivi de la ville de Contrecoeur.

M. Charbonneau: On avait convenu tantôt que le prochain groupe à entendre, après les gens qui devaient prendre l'avion, serait celui de la ville de Contrecoeur. Cependant, s'il arrivait que cet avion soit déjà parti et que, de toute façon, les gens l'aient manqué dans ce cas, en toute équité, je demanderais que ce soit la municipalité de Contrecoeur, qui attend depuis hier soir, qui soit entendue la première.

Le Président (M. Desbiens): On pourra peut-être résoudre cela en revenant. La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 11)

(Reprise de la séance à 20 h 11)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme reprend ses travaux pour entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je sais que l'ordre de la Chambre nous lie, c'est-à-dire que nous aurons l'obligation de terminer les travaux de cette commission ce soir. Nous pourrons continuer après 10 heures mais je ne crois pas que d'après les règlements de l'Assemblée nationale, nous puissions ajourner après aujourd'hui. Je voudrais savoir si nous allons avoir l'occasion d'entendre tous les intervenants qui sont ici ce soir, et dans quel ordre ils seront entendus. Est-ce que ce serait possible, afin de permettre à tous les intervenants de faire leur présentation, de fixer un certain temps pour leur intervention ou, faute de cela, d'aviser certains intervenants qu'ils ne pourront pas se faire entendre ce soir? Ce serait malheureux de procéder jusqu'à minuit et d'avoir deux ou trois intervenants qui n'auront pas eu l'occasion de se faire entendre. Je me demande si on pourrait établir un certain ordre de procédure.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Dans le même ordre d'idées, M. le Président, je me demande si on pourrait s'entendre pour donner 20

minutes à chaque délégation pour s'exprimer et ensuite s'entendre sur une limite de temps pour les questions.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Est-ce que SIDBEC doit...

M. Biron: Voulez-vous, on va commencer, on a quatre groupes d'intervenants à écouter. On pourrait au moins passer ces gens et voir alors s'il y en a qui veulent retourner. Si on donnait une vingtaine de minutes à chaque groupe pour faire sa présentation, je pense bien qu'il y a déjà des choses qui nous été présentées depuis une journée et demie; d'ailleurs, on a eu des mémoires et on peut les lire aussi. Si on donnait une vingtaine de minutes à chaque côté en nous limitant quand même à cinq minutes de questions chaque côté, quitte, à la fin, lorsqu'on aura passé le dernier groupe, si on le veut, à revenir sur SIDBEC ou, si on le veut à revenir sur une discussion générale entre nous. Au moins, les groupes qui sont venus ici pourront faire leur présentation, je pense que c'est cela l'important.

M. Ciaccia: La question que je me pose...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Écoutez, je ne veux pas éterniser le débat. Je regarde la brique de SECOR Inc. et tout le reste et je me demande si on peut présenter cela en vingt minutes.

En tout cas, commençons et faisons de notre mieux.

Regroupement municipal de Gagnon et de Port-Cartier

Le Président (M. Desbiens): Le premier groupe est celui du Regroupement municipal des villes de Gagnon et de Port-Cartier.

M. René Coicou, maire de Gagnon, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît, et présenter votre mémoire.

M. Coicou (René): M. le Président, il me fait plaisir de vous présenter l'équipe qui a travaillé à l'élaboration du mémoire dont nous allons maintenant prendre connaissance. Il s'agit de M. Bernard Dionne, maire de Port-Cartier, M. François Carpentier, commissaire industriel de la région, M. Daniel Bruneau, directeur général de la ville de Gagnon, M. Roger Miller, de la firme SECOR Inc., et M. Dennis Senik, de la même firme. Je suis René Coicou, maire de

Gagnon.

Je m'adresse à vous aujourd'hui, M. le Président, au nom des citoyens de Port-Cartier et de Gagnon et aussi au nom de tous les habitants de toutes les villes nordiques qui subissent les retombées économiques générées par SIDBEC-Normines.

Pour ceux qui ne connaissent pas la géographie de cette partie du Québec, je vous situe brièvement quelques villes minières. D'abord, la ville de Gagnon est située à 192 milles au nord-est de Port-Cartier et de Sept-Îles. C'est une ville éloignée, qu'une route présentement en construction reliera à Manic 5 et à Baie-Comeau.

La Compagnie minière Québec Cartier a exploité la mine du lac Jeannine pendant 15 ans, jusqu'à épuisement. En 1976, SIDBEC-Normines sauvait la ville de Gagnon en exploitant la mine de Fire Lake, située à 50 milles de Gagnon.

La ville de Gagnon a une superficie de 2500 milles carrés, soit 50 milles sur 50 milles et une population de 4000 habitants, dont 80% des travailleurs travaillent à la mine et aux installations du lac Jeannine.

La ville de Fermont est située à 100 milles au nord de Gagnon où la Compagnie minière Québec Cartier exploite la mine du mont Wright.

La ville de Port-Cartier, comme vous le savez, regroupe plusieurs installations: une usine de boulettes de SIDBEC-Normines, un port de mer en eau profonde avec des équipements connexes, une usine de Rayonier mettant en disponibilité des ateliers de réparation, des équipements ferroviaires, un élévateur à grains, le plus important de l'Est du Canada. Il y a aussi des bureaux de la compagnie minière Québec Cartier. Il faut aussi dire que le nord du Québec est une région peu connue des autres Québécois mais elle demeure, pour ceux qui y habitent depuis plusieurs années, une région attachante, très belle, pleine d'attraits pour les amateurs de nature sauvage et les mordus de la chasse et de la pêche. Cependant, la réalité économique du nord est loin d'être à l'image de ce paradis terrestre. Le comté de Duplessis qui est représenté à l'Assemblée nationale par le député du Parti québécois, M. Denis Perron, a subi des mises à pied à plus de dix reprises, depuis trois ans, dû à la fermeture d'usines et d'industries. La fermeture de Rayonier à Port-Cartier, la mise à pied de 1300 travailleurs en 1979 et l'éventuelle fermeture de Schefferville sont des exemples des difficultés économiques que vit notre région.

Aussi faut-il souligner qu'aujourd'hui, plus de 20% de la population du comté de Duplessis bénéficie de prestations d'assurance-chômage et plus de 15% reçoit des prestations d'aide sociale. M. le Président, la réalité que je viens de vous

décrire se passe chez nous. C'est ici que des hommes et des femmes, des Québécois, des Québécoises subissent l'insécurité presque permanente de décisions et de projets auxquels ils ne sont que poussières de mine. Je voudrais vous dire quelques mots des hommes et des femmes que je représente à titre de maire de Gagnon.

Gagnon compte environ - comme je le disais tout à l'heure - 4000 habitants. Des hommes et des femmes venus de tous les coins de la province et même de pays étrangers n'ont pas eu peur de quitter leur terre d'origine pour tenter l'aventure dans une région alors inhospitalière. À la suite de plus de vingt ans d'efforts, ils ont fait de cette terre aride une communauté originale qui a établi une infrastructure solide, répondant aux goûts et aux besoins des habitants. Au cours des dix dernières années, le gouvernement du Québec a investi 30 000 000 $ pour doter la ville de Gagnon d'infrastructures adéquates. Ces gens venus de partout se sont enracinés et sont devenus des citoyens à part entière de la Côte-Nord. Puis une génération nouvelle est née là-bas. Ces hommes et ces femmes n'ont jamais connu le chômage et sont fiers de participer à la réalisation du grand projet de développement du nord québécois, ce nord devenu le mythe d'un Québec riche et dynamique, en pleine expansion.

Inutile de dire que la décision du gouvernement de fermer SIDBEC-Normines a créé dans la population des sentiments de désillusion, de découragement, de panique, voire de désespoir. Le contexte géographique du nord a créé une mentalité spéciale. Si le gouvernement déménage ses gens, il les déracine, sans compter les multiples problèmes économiques que cette transplantation occasionnerait. Les gens de la Côte-Nord ont aidé à l'édification d'un Québec riche et fort et maintenant, vous voulez l'oublier. Vous ne pouvez balayer du revers de la main toute une population de travailleurs qui a accepté de s'isoler, de rompre les liens qui les rattachaient à leur région, au pays d'origine, pour vivre l'expérience du nord.

Peut-on humainement demander à des gens de tout abandonner, maison, milieu social, amis, terres qu'ils aiment? Les villes nordiques sont interdépendantes. Fermer Gagnon, c'est donner le coup de grâce à d'autres villes comme Port-Cartier et Sept-Îles.

M. le Président, afin d'être prêts à défendre les vies de nos concitoyens, nous avons décidé, mon collègue de Port-Cartier et moi, de confier à des experts-conseils le soin de préparer une étude économique de notre région. Alors, sans plus tarder, je laisse la parole à M. Miller.

M. Miller (Roger): M. le Président, je suis heureux...

Le Président (M. Desbiens): II vous reste une quinzaine de minutes pour présenter le rapport.

M. Miller: Cela va être difficile. J'ai fait tout mon possible pour couper. Je vais tenter de me limiter à l'essentiel. Je suis heureux de participer à ce débat.

En 1963, je travaillais chez Damiron Coppé, à Paris, firme qui, en fait, réalisait l'étude originale pour le comité de sidérurgie. D'ailleurs, à cette époque, j'ai connu M. Astier que j'ai rencontré aujourd'hui. Les autorités locales de Port-Cartier et de Gagnon, ainsi que la corporation de développement économique ont confié à SECOR un mandat en deux volets: analyser les options qui s'offrent et estimer les coûts sociaux qu'entraînerait la fermeture. Les commanditaires de l'étude n'ont placé aucune restriction quant à la façon dont SECOR conduirait son analyse et quant aux conclusions qui pourraient s'en dégager. Ce sont les nôtres.

L'ensemble des secteurs de l'acier, on le sait déjà, est en situation difficile, mais il est important de dissocier les éléments conjoncturels des éléments structurels. L'annonce tardive de la tenue de la commission parlementaire nous a obligés à entreprendre une étude complexe dans un délai de moins de deux semaines. Ces délais, courts et contraignants se reflètent évidemment dans la méthodologie utilisée et, malheureusement, dans le texte par les fautes de frappe.

SECOR a pu constituer une équipe: moi-même, qui suis professeur à l'Université du Québec à Montréal, Dennis Senick, Christiane Langevin, Yvan Allaire et Marcel Côté. SECOR a entrepris une étude des paramètres stratégiques de la décision. Nous avons interviewé de nombreuses personnes familières avec le dossier et consulté les documents pertinents.

Une brève esquisse de SIDBEC s'impose pour bien comprendre la problématique de SIDBEC-Normines. SIDBEC est née en 1964. En décembre 1968, SIDBEC annonçait l'achat des installations de DOSCO, et c'est autour de ces installations que s'amorça la réalisation du grand projet de SIDBEC. Entre le projet initial et la SIDBEC d'aujourd'hui, il y a des différences importantes et il est bon de bien connaître la vision de 1968. SIDBEC est née d'une volonté politique et son évolution s'est faite sous l'impulsion de décisions politiques. La création de SIDBEC en 1964 visait à la réalisation de trois objectifs: développer une sidérurgie intégrée permettant la transformation au Québec d'une partie du minerai de fer, stimuler le développement de l'industrie secondaire et briser la structure des prix de l'acier qui défavorisait les

utilisateurs québécois qui payaient des coûts de transport élevés.

Notre esquisse de la stratégie initiale s'articule autour de quatre éléments. En premier lieu, dès le commencement, la décision fut prise de fabriquer des produits plats pour stimuler le développement économique.

En second lieu, selon la stratégie envisagée, SIDBEC devait atteindre vers les années quatre-vingt la capacité de 3 000 000 à 4 000 000 de tonnes d'acier et se doter de laminoirs efficaces pour les produits plats à chaud et à froid. Il s'agissait d'une taille fort respectable par comparaison aux autres sidérurgistes dans le monde. L'expansion en deux phases successives des installations originales de DOSCO fut entreprise au coût de 700 000 000 $.

En troisième lieu, la décision de fabriquer des produits plats impliquait des choix technologiques majeurs, notamment des investissements dans des laminoirs et des investissements dans la production d'acier primaire, soit dans les filières traditionnelles: hauts fourneaux, affinage à l'oxygène et coulées continues, qui, à l'époque, n'étaient pas tellement traditionnelles, ou dans des voies novatrices de la réduction directe et de l'affinage à arc électrique.

Or, au moment où les décisions d'expansion furent prises, la technologie de la fabrication de l'acier était en effervescence, ce qui est un terme approprié pour la sidérurgie. En effet, un choix se présentait entre, d'une part, une aciérie intégrée dont la taille optimale atteignait plusieurs millions de tonnes pour réaliser des économies d'échelle et, d'autre part, des mini-aciéries de 200 000 à 300 000 tonnes alimentées à la ferraille.

Le gouvernement du Québec a tenté de trouver un compromis entre ces deux types d'aciéries. D'une part, il refusait de construire une usine intégrée selon la filière traditionnelle et il ne construisit pas non plus de mini-aciérie. Il opta pour une aciérie de grande taille où la production reposerait sur des fours à arc électrique, dont les coûts d'investissement par tonne sont plus faibles. Ce choix technologique, doublé de la volonté de produire des aciers plats, imposait une autre contrainte majeure. La production d'aciers plats de qualité acceptable comportait l'obligation d'alimenter les fours électriques non plus inclusivement avec de la ferraille, mais aussi avec du fer pré réduit. La décision fut prise d'ériger en succession deux usines de réduction directe d'une capacité de 1 350 000 tonnes, par année.

En quatrième lieu, dans le but d'utiliser des produits québécois et de ne plus importer des boulettes à faible teneur en silice, la décision fut prise de procéder à une intégration verticale vers l'amont. SIDBEC, vous le savez déjà, aurait pu décider de s'approvisionner sur le marché international des boulettes. La décision stratégique fut toutefois prise de s'alimenter au Québec.

De plus, au lieu d'approvisionner une usine de bouletage à partir de mines existantes, la décision fut prise de constituer un complexe intégré mine-concentrateur-boulettage d'une taille faible, mais quand même élevée, c'est-à-dire de 6 000 000 de tonnes. Le projet initial ne fut jamais réalisé. En effet, la stratégie effectivement mise en oeuvre est loin de la stratégie planifiée. L'incompréhension du gouvernement du Québec quant aux exigences en capital d'une entrée concurrentielle dans l'industrie sidérurgique explique cet état de fait. Les diagnostics de l'état de SIDBEC abondent depuis quelque temps. Un consensus se dégage, dont voici les principaux éléments: d'abord SIDBEC en 1982, est une scierie hybride. Le projet est complet dans une direction, mais inachevé dans l'autre: intégration totale en amont, non-intégration en aval, production de fer et d'acier par des procédés nouveaux qui dépendent du gaz naturel et de l'électricité, production pour un marché régional seulement.

Puis des déséquilibres apparaissent au sein des capacités de production. L'ensemble des décisions et des non-décisions techniques et économiques prises au fil des ans n'ont pas réalisé le plan original. En raison de son intégration vers l'amont et de la carence de ses investissements en aval, SIDBEC se retrouve aujourd'hui avec des surplus de production qu'elle doit vendre sur les marchés internationaux. Ces surplus sont de l'ordre suivant: 1 400 000 tonnes au concentrateur secondaire; 1 400 000 tonnes de boulettes à faible teneur en silice; 500 000 tonnes environ de boulettes préréduites par SIDBEC; et, de 150 000 à 250 000 tonnes de brames et de billettes de coulée continue.

Les contrats entre les partenaires fondateurs de SIDBEC-Normines obligent SIDBEC à des achats irréalistes, au prix américain ajusté, de boulettes dont elle n'a pas de besoin. Ces boulettes seront vendues sur le marché international au prix "spot". Or, il existe actuellement, un écart significatif entre le prix américain et les prix internationaux. Le tableau 3.2 illustre cette situation.

SIDBEC a atteint une part de marché au Canada d'environ 7%. C'est une entrée, donc, assez mitigée. Non seulement cette part de marché est-elle maintenant en déclin, mais elle est principalement concentrée dans les produits longs et non dans les produits plats, comme c'était prévu initialement. Nous estimons la part de SIDBEC dans les produits plats à moins de 20% du marché québécois et sa part dans les produits longs, à environ 30%. Pour les marchés du Canada, c'est respectivement 3%

et 10%. L'entrée mitigée n'a donc pas permis à SIDBEC de devenir un acteur clé. La faiblesse de la position concurrentielle de SIDBEC dans les produits plats risque de ramener l'entreprise au statut de mini-aciérie, ce qu'elle aurait pu être dès le départ. (20 h 30)

La décision d'investir en amont de préférence à en aval a donc affaibli la position concurrentielle de SIDBEC dans les produits plats, ses équipements ne tenant pas toujours la concurrence. Enfin, SIDBEC est dotée d'une structure de capital inadéquate. L'entrée et le développement d'une entreprise sidérurgique exigent, d'une part, des mises de fonds substantielles et la volonté de livrer une dure bataille pour les parts de marché. Actionnaire unique, le gouvernement du Québec devait comprendre et assumer les conséquences d'une entrée dans le secteur de la sidérurgie. Or, à cet égard, le gouvernement s'est avéré un investisseur avare, mettant plus l'accent sur ses déboursés que sur les besoins réels en équité de l'entreprise. Bien que la participation du gouvernement soit importante, SIDBEC est sous-capitalisée et sa dette à long terme est plus élevée que la moyenne de l'industrie.

SIDBEC est donc à la croisée des chemins. Les performances financières de SIDBEC sont mauvaises, on le sait. Depuis quatorze ans, une seule année de rentabilité.

SIDBEC doit donc se redéfinir. Elle ne peut survivre sans des modifications des carences structurelles qui l'affligent. Nous n'avons pas tenté d'analyser à fond toutes les options de SIDBEC, car cela dépassait le cadre de notre mandat. Plusieurs stratégies ont été évoquées; je n'y ferai que référence. La première stratégie, la stratégie de retranchement: SIDBEC redevient une mini-aciérie et on n'a évidemment plus besoin de boulettes. La deuxième stratégie, qui serait le projet initial de 3 000 000 à 4 000 000 de tonnes, est reprise en main. Dans cette perspective qui amènera des bagarres concurrentielles très fortes, il faudra investir au moins 1 000 000 000 $ sur une période de dix ans, le temps de construire les installations.

Dans cette perspective, SIDBEC consommerait environ 2 500 000 tonnes de boulettes à faible teneur. Le projet de SIDBEC-Normines aurait donc trouvé sa raison d'être.

Troisième stratégie: la spécialisation. On l'a évoqué aujourd'hui, la recherche de créneaux. Ce choix diminuerait sensiblement la consommation de boulettes à faible teneur en silice à environ 700 000 tonnes.

La décision initiale de construire SIDBEC fut politique. Le choix auquel le gouvernement est convié aujourd'hui est aussi politique. Mais quelle que soit la stratégie choisie pour SIDBEC, SIDBEC-Normines doit demeurer une entité intacte. En effet, SIDBEC-Normines est une entreprise rationnelle et complète. Son appartenance à SIDBEC devrait être remise en cause et son devenir devrait être déterminé en fonction de sa propre performance et de ses perspectives d'avenir.

Une esquisse succincte de SIDBEC-Normines est nécessaire pour bien comprendre la décision à laquelle cette assemblée est conviée. SIDBEC-Normines a été formée au début des années 1970 pour exploiter le gisement de Fire Lake en vue d'approvisionner ses actionnaires en boulettes préréduites. SIDBEC-Normines a été formée en vertu d'une convention d'achats à long terme de boulettes entre SIDBEC, la Compagnie minière Québec Cartier et, en fait, British Steel International. Voilà la clé de voûte de toute l'entreprise. Sans cette convention, les prêteurs ne se seraient pas impliqués dans ce projet de haute intensité en capital.

En 1974, le marché à long terme du minerai de fer était en croissance très forte. Le projet de SIDBEC-Normines était justifiable autant pour les sidérurgistes comme SIDBEC et, en fait, British Steel que pour un exploiteur minier tel que la compagnie minière Québec Cartier. Les partenaires de SIDBEC-Normines poursuivaient chacun des objectifs spécifiques. Il faut les rappeler.

SIDBEC, dont la participation est de 50,1%, entretenait la vision suivante: s'assurer un approvisionnement présent et futur de boulettes à faible teneur en silice pour ses procédés de réduction directe; s'assurer d'être majoritaire pour des raisons politiques dans un développement minier québécois autochtone, dans une industrie où la présence des sociétés américaines est évidente; sauver, pour le gouvernement du Québec, la ville de Gagnon d'une extinction certaine et réaliser, pour le compte du gouvernement, la concrétisation d'un rêve d'une société intégrée. British Steel, dont la participation est de 41,6%, désirait s'assurer un approvisionnement captif de boulettes de hauts fourneaux. La stratégie de la compagnie minière Québec Cartier - dont la participation est de 8,2% - était de développer un des gisements dont elle était propriétaire. Dans le contexte d'un marché en croissance, elle a participé à l'exploitation d'un gisement, soit celui de Fire Lake. SIDBEC et la compagne minière Québec Cartier ont donc réalisé ensemble les études économiques nécessaires. La compagnie minière Québec Cartier a, plus tard, accepté de vendre des installations de Gagnon qui étaient désuètes tout en gardant des servitudes. Les installations et leur financement se répartissent comme suit: mine, concasseur et concentrateur,

190 000 000 $; usine de concentration secondaire et de boulettage, 400 000 000 $; autres investissements, 40 000 000 $, pour une total de 630 000 000 $. Cette somme a été financée à 35% par les investissements des actionnaires et à 65% par des emprunts - un sur le marché américain à 10,18% et l'autre sur le marché canadien à 11,18% -remboursables sur une période de vingt ans à partir de 1982. Il est bon de prendre note que SIDBEC a aussi emprunté la somme qu'elle a investie en actions.

Le financement et la mise sur pied de SIDBEC s'articulent autour de quatre conventions, on l'a mentionné. Ces documents juridiques serrés sont une pratique normale dans les "joint ventures" où les investissements en capital sont importants. Ces quatre conventions sont la convention d'achat de boulettes, la convention entre propriétaires, l'acte de fiducie, le certificat de parachèvement et le contrat de gestion. Je ne ferai pas la lecture de toutes les clauses de ces contrats. La cessation des activités de SIDBEC-Normines entraînerait au terme des diverses conventions les effets suivants: nécessité de l'accord unanime des partenaires de Québec-Normines pour la fermeture et autres décisions; continuation de la garantie et des obligations de SIDBEC et du gouvernement du Québec dans l'hypothèse d'une vente; compensation et retour de la propriété du gisement Fire Lake à la Compagnie minière Québec-Cartier; pénalité pour bris de contrat et obligation de repaiement des dettes d'environ 325 000 000 $ pour le gouvernement du Québec, si on comprend les pénalités.

En résumé, la seule décision, compte tenu des conventions, à laquelle le gouvernement du Québec - et cette commission - peut arriver, à titre d'actionnaire de SIDBEC et de SIDBEC-Normines, est de nouer des négociations avec ses partenaires dans SIDBEC-Normines et les prêteurs.

Les prêteurs, dont l'investissement se chiffre à plus de 400 000 000 $ il va sans dire, ont tenté de protéger leur investissement. Ils ont tenu, pour assurer la rentabilité des épargnes qu'elles investissent au nom d'individus, à ce que les parties adhèrent à une convention qui comporte des obligations strictes. SIDBEC-Normines est un producteur à coût élevé, les coûts unitaires à la tonne annuelle de boulettes de SIDBEC-Normines sont élevés. En comparaison avec producteurs américains et canadiens de minerai, cette société minière fait partie de la catégorie des producteurs à coût élevé, pour la raison suivante: le coût des immobilisations par tonne de capacité nominale annuelle est de 105 $ la tonne annuelle alors que la moyenne de l'industrie est d'environ 80 $. La capacité nominale de 6 000 000 de tonnes annuelles ne donne pas les mêmes économies d'échelle à la gestion que de plus grandes installations, notamment celles de la Compagnie minière Québec Cartier.

Les installations de Québec-Normines exigent des manutentions supplémentaires. Voici à titre illustratif au tableau 3.1, une estimation des coûts unitaires de Québec-Normines à la capacité nominale de 6 000 000 de tonnes annuelles, 3.1. On remarque que, pour 6 000 000 de tonnes, nous avons estimé les coûts unitaires à 54 $, soit 23,70 $ pour les frais d'exploitation à la mine, 14 $ pour les frais d'exploitation à l'usine de boulettage, 2,80 $ de redevance à Québec-Cartier, un sous-total de 40,50 $ de frais d'exploitation plus 9,00 $ de frais financiers et 4,50 $ d'amortissement pour un total de 54 $. Ces coûts permettent à SIDBEC-Normines de faire des profits, ce qu'elle a fait en 1981. En effet, le prix américain des Grands-Lacs de 1982 pour des boulettes était de l'ordre de 0,82 $ US par unité de fer. En soustrayant les coûts de transport de Port-Cartier, SIDBEC-Normines recevrait environ 57 $ la tonne pour des boulettes à 68 $ et 54 $ pour des boulettes à 65 $.

Ainsi, SIDBEC-Normines couvrirait l'ensemble de ses frais d'exploitation et pourrait même réaliser des bénéfices dans certaines conditions. Alors, où se trouve le problème si SIDBEC-Normines fait des profits? SIDBEC, British Steel et la Compagnie minière Québec-Cartier achètent, au prix américain ajusté, des boulettes qu'elles utilisent, soit pour leurs fins internes ou qu'elles revendent sur le marché international. Or, comme nous l'avons vu, un écart croissant est apparu depuis quelques années entre les prix internationaux et les prix américains. Les boulettes expédiées de Port-Cartier font face à une concurrence féroce des produits brésiliens, africains et australiens. Le prix FOB Port-Cartier sur le marché "spot" est environ actuellement de 0,48 $, je peux même dire que cela a baissé un peu, c'est 0,45 $ par unité de fer, soit 37 $ canadien. En janvier 1981, il était de 0,6588 $ US par unité de fer.

Le prix "spot" dramatise en quelque sorte l'écart entre les coûts unitaires d'exploitation de SIDBEC-Normines estimés en 1982, à 44 $ ou 44,50 $ la tonne.

Le Président (M. Desbiens): M. Miller, je regrette de vous interrompre. On a déjà dépassé de huit minutes le temps qu'on s'était promis. Est-ce qu'il vous en reste encore pour longtemps?

M. Coicou: M. le Président, si vous permettez, compte tenu que nous étions bousculés par les événements et vu que cela fait plusieurs heures que nous attendons ici, je pense que tout le monde est exténué, vous

n'êtes pas les seuls, nous aussi, nous venons de très loin, il faudrait prendre encore un certain temps afin de dégager la véracité du mémoire. On ne veut pas le lire au complet, mais cela va prendre encore quelques minutes pour pouvoir l'exposer.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, si vous me permettez, je crois qu'il y a beaucoup d'enjeu dans cela pour ces régions. Pour moi, je suis prêt à donner mon consentement même si nous devons siéger après minuit, je crois que ces gens méritent d'être entendus. Les conséquences sont assez sérieuses...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Vous voulez me couper la parole?

Le Président (M. Desbiens): Oui.

M. Ciaccia: Je voulais seulement suggérer qu'on continue et qu'on laisse les gens faire leurs représentations. S'il faut siéger après minuit, on siégera après minuit. On n'est pas pour leur couper la parole.

Le Président (M. Desbiens): Cela va.

Il n'y a pas davantage de consentement aux manifestations dans la salle, je n'ai qu'à faire appliquer l'entente dont vous aviez convenu tout à l'heure. Vous avez proposé vous-mêmes vingt minutes. Le consensus a été établi de cette façon. Si vous voulez en établir un autre, je suis à votre disposition, je suis là pour cela.

M. le ministre.

M. Biron: M. le Président, on s'était entendu comme cela, en disant on va essayer de limiter les mémoires à vingt minutes, sans les restreindre à vingt minutes plus deux secondes. La seule chose qu'on demande, si c'était possible, parce qu'il y a aussi trois autres groupes qui attendent depuis hier et on s'excuse, cela a pris plus de temps qu'on avait prévu et les travaux de la Chambre ont retardé aussi les travaux de la commission, s'il y avait moyen aussi de penser au dernier groupe à l'autre bout qui, lui, devra passer à minuit. Nous, si on veut siéger jusqu'à minuit on est prêt à le faire, mais il y a aussi d'autres groupes qui attendent. C'est juste parce qu'il y a des choses qui se sont déjà dites et s'il y avait possibilité d'y aller à l'essentiel, on pourra poser des questions sur cela.

Le Président (M. Desbiens): On pourrait peut-être ajouter, pour le bénéfice de tout le monde aussi, que les mémoires sont toujours déposés. Ces mémoires ont été étudiés par tous les membres de la commission déjà et autant possible ils voudraient bien aussi poser des questions. Tous ces mémoires sont déposés au secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale.

Si vous voulez compléter maintenant. Je pense qu'on a un nouveau consensus et c'est établi.

M. Perron: Merci, M. le Président.

M. Miller: Les conséquences sur SIDBEC de l'engagement dans SIDBEC-Normines sont désastreuses. SIDBEC a vu trop grand et ne consomme qu'une partie des boulettes qu'elle s'est engagée à acheter. SIDBEC est donc aux prises avec un problème dont les principales caractéristiques sont les suivantes: écart croissant entre le prix d'achat et le prix de vente des boulettes; écart fixe pour plusieurs années entre ses engagements d'achat et ses besoins de boulettes; impossibilité dans le cadre des conventions actuelles de s'approvisionner aux marchés internationaux; obligation de payer des pénalités importantes dans le cas de la réduction de ses engagements; obligation de fournir à SIDBEC-Normines sa partie de liquidité, je n'irai pas trop dans les détails. (20 h 45)

En conclusion, les coûts unitaires d'exploitation de SIDBEC-Normines sont du même ordre approximativement que les prix internationaux. Par contre, les coûts unitaires totaux sont supérieurs aux prix qu'obtiennent les actionnaires de SIDBEC-Normines pour leur minerai. L'écart entre les coûts unitaires d'exploitation et les coûts unitaires totaux sur une base de 6 000 000 de tonnes est de l'ordre de 14 $. M. De Coster parlait hier de 12 $. Sur une base d'exploitation, SIDBEC-Normines est donc viable; sur une base financière elle n'est pas rentable actuellement. La question doit être résolue par une analyse de l'avenir - c'est-à-dire une analyse du marché d'abord. Avant d'analyser les options qui se présentent aux actionnaires de SIDBEC-Normines, notamment le gouvernement du Québec, il est important de mieux connaître l'évolution du marché. Nous avons pu établir que le marché du minerai de fer sous forme de concentré se raffermira probablement vers 1985. Celui des boulettes a aussi de bonnes chances de se raffermir, également selon des experts vers 1985. La demande prévue d'acier primaire est une variable critique dans nos prévisions. Nous avons donc réalisé une étude macro-économique. Au sein du segment particulier de concentré ou de boulettes à faible teneur en silice où SIDBEC-Normines oeuvre, les perspectives sont intéressantes surtout dans les pays en voie de développement, et à plus long terme sur la côte est américaine.

Je passe donc la parole à mon collègue

Dennis Senik pour faire une courte présentation du marché.

M. Senik (Dennis): M. le Président, la demande de minerai de fer est essentiellement dérivée de la production d'acier brut. Cependant, la relation entre la demande du minerai de fer et la production d'acier brut n'est pas simple. Alors la présentation que nous faisons ici aujourd'hui est un résumé succinct d'une analyse nuancée et complexe. La difficulté d'établir des prévisions d'acier est notoire. Avant les années 1974-1975, l'industrie de l'acier, malgré son histoire déjà longue, était loin d'avoir atteint le stade de maturité. Au contraire les produits sidérurgiques formaient un marché en forte croissance. Le taux moyen annuel de croissance de 1950 à 1972 était de 6%. Or, depuis 1972, la demande d'acier a fléchi considérablement en raison des réajustements des décisions d'achat. Le tableau 4.2 nous donne une esquisse des changements dramatiques qui se sont faits.

Les prévisions au début des années soixante étaient erronnées. Même les pessimistes ont surestimé la production présente d'environ 20%, tel que montré au tableau 4.4. La production et la demande d'acier ont fléchi de manière inégale dans les différents marchés du monde. L'analyse du tableau 4.5 illustre bien les divergences dans les taux de croissance. Les marchés nord-américain et européen ont accusé les baisses les plus importantes, alors que les marchés de l'Orient du Pacifique, de l'Amérique latine, du Moyen-Orient, de l'Afrique et des pays communistes affichent des augmentations de production depuis 1974.

Les prévisions pour les années quatre-vingt suggèrent elles aussi une croissance faible pour les pays industrialisés et une croissance forte pour les pays en développement. Le tableau 4.6 illustre la demande et la production prévues dans les principaux marchés régionaux. Les prévisions de la production d'acier esquissées au tableau 4.7 donnent une production moyenne en 1985 de 860 000 000 de tonnes métriques.

Seule une croissance élevée dans les pays en développement aura un impact significatif sur la production mondiale d'acier brut. Le ratio entre la production d'acier primaire et la production d'acier augmente graduellement, principalement à cause des développements de la sidérurgie dans le tiers-monde où il y a pénurie de ferraille. En 1979, le ratio de production était de 72 tonnes d'acier primaire par 100 tonnes d'acier brut. En 1986, un ratio de 76% est prévu. En somme, la production d'acier primaire augmentera malgré le plafonnement relatif de la demande d'acier brut. L'acier primaire comprend deux types de produit: la fonte de hauts fournaux et le fer de réduction directe ou éponges de fer. La ventilation prévue de la production jusqu'en 1988 de ces deux produits est indiquée au tableau 4.8. Les boulettes d'oxyde de fer ne constituent que 18% à 20% de l'alimentation des procédés de production de fonte, mais entre 75% et 100% de l'alimentation des procédés de réduction directe.

La production du fer de réduction directe croîtra fort probablement plus rapidement dans les régions du monde qui, pour l'instant, produisent peu d'acier. Le tableau 4.9 donne une estimation de la production de fer de réduction directe dans les diverses régions du monde. L'essor prévu de la production du fer de réduction directe ne s'appuie pas sur les pays industrialisés où la combinaison d'une hausse du prix du gaz naturel et des excédents de ferraille nuisent aux procédés de réduction directe pour alimenter la production de l'acier brut. L'essor, au contraire, s'articule sur le fait que la réduction directe et les fours à arc électrique représentent un moyen moins dispendieux en capital, pour les pays en voie de développement, de mettre sur pied leur propre sidérurgie.

Le marché du minerai de fer est, on le sait, le fruit d'un domaine dérivé. L'industrie du minerai de fer est caractérisée par quatre grands éléments. Tel que démontre au tableau 4.11, les principaux concurrents sont les entreprises du Brésil, d'Afrique, des États-Unis, d'Australie et du Canada. C'est un long tableau; ce qui est important c'est que SIDBEC-Normines ne produit qu'une fraction infime. On parle de moins de 2%. La vente du minerai se réalise surtout par l'intermédiaire des contrats à long terme et des prises de participation.

Les coûts d'immobilisation des installations minières en font des mégaprojets. Les fluctuations dans les prix et les frais fixes laissent peu de possibilités de repli. L'émergence, depuis 20 ans, d'un marché international maritime, la substitution par la feraille et la faiblesse de la production d'acier créent une conjoncture difficile. Toutefois, cette conjoncture ne doit pas nous faire perdre de vue la dynamique à long terme.

Le minerai de fer n'est pas un produit indifférencié et homogène. Au contraire, il donne naissance à des segments précis délimités par des caractéristiques techniques. Les segments du marché s'établissent aujourd'hui approximativement de la façon démontrée au tableau 4.10.

La demande et la production globale de minerai de fer au niveau mondial est appelée à se raffermir légèrement vers les années quatre-vingt-cinq. En s'appuyant sur l'hypothèse d'une production mondiale d'acier de 860 000 000 de tonnes nous arrivons à la conclusion qu'il y aura même un déficit dans l'offre des boulettes en 1985. Le tableau 4.16 donne les éléments clés de la balance

entre l'offre et la demande pour les boulettes de fer et souligne l'importance de la demande de l'importation des boulettes de réduction directe.

Je passe la parole à Roger Miller.

M. Miller: L'incertitude quant au marché futur et les avis divergents d'experts obligent en toute décence et logique le gouvernement du Québec à cueillir les informations supplémentaires en vue d'une décision délibérée. L'étude que nous présentons est une étude assez macro. Une étude détaillée des marchés devra passer firme par firme les possibilités à travers le monde.

Nous arrivons maintenant aux options stratégiques face à SIDBEC-Normines. Le gouvernement du Québec est appelé à se pencher sur l'avenir de SIDBEC-Normines à deux titres: à titre d'agent économique actionnaire et à titre de gouvernement responsable de l'administration judicieuse des fonds publics. En premier lieu, esquissons en termes conceptuels la décision de continuation ou de "désinvestissement" ou de fermeture. Les décisions quant à l'avenir de SIDBEC-Normines et de SIDBEC ne peuvent prendre la forme d'un utopique retour en arrière ou d'une remise en cause des décisions passées. Elles doivent au contraire se prendre dans le contexte d'une analyse coût-bénéfice tourné vers l'avenir et soucieuse des contraintes financières. Il est donc utile de distinguer viabilité de rentabilité. Une entreprise sera rentable si les actionnaires peuvent tirer de l'entreprise des profits dans une perspective à long terme.

Le critère pour déterminer la viabilité d'une entreprise est la supériorité durant la période d'analyse des revenus d'exploitation sur les dépenses d'exploitation. Une entreprise non viable n'a qu'un choix: la liquidation, par une disposition de ses actifs. Par contre, une entreprise viable n'est pas nécessairement rentable. De mauvaises décisions antérieures peuvent lui imposer des frais financiers onéreux qui compromettent sa rentabilité. Dans ce contexte, sa structure financière doit être réorganisée pour mieux refléter sa valeur véritable.

Une entreprise peut même assumer des pertes d'exploitation temporaires sans que sa survie soit mise en cause. Dans de nombreuses industries, la décision de continuer les activités en assumant des pertes est courante. Par exemple, compte tenu de la situation, plusieurs entreprises comme Stelco, Algoma ou la compagnie minière Québec Cartier subissent des pertes très importantes sans proclamer tout haut leur situation et évoquer la probabilité de fermeture. L'option de fermer une entreprise n'est valable que si la valeur de liquidation de l'entreprise est supérieure à sa valeur en fonctionnement, délestée de toutes ses dettes. Le rappel de ces considérations élémentaires nous permettra de déterminer les options qui se présentent dans le cas de SIDBEC-Normines. SIDBEC-Normines est une entreprise viable, la fermeture doit être rejetée.

Notre analyse des coûts d'exploitation de SIDBEC-Normines suggère, comme nous l'avons mentionné, les coûts unitaires de 40,50 $ pour les boulettes. À ces coûts de fonctionnement s'ajoutent des dépenses d'intérêt de 9 $ la tonne et des frais d'amortissement de 4,50 $. Les coûts d'exploitation correspondent approxi- mativement aux revenus des ventes, il n'y a donc pas lieu de fermer SIDBEC-Normines. En fait, l'option de continuation est supérieure. L'analyse du comité interministériel qui indique des pertes de 100 000 000 $ n'est pas pertinente. D'une part, elle est faite dans la perspective de SIDBEC et non de SIDBEC-Normines; d'autre part, elle confond des coûts historiques dont le financement est inévitable, quelle que soit la décision prise, avec des coûts d'exploitation et des coûts de possibilités.

Les frais financiers de SIDBEC-Normines représentent environ 9 $ la tonne. Une restructuration financière convertirait en actions une partie de la dette, diminuant ainsi les coûts unitaires totaux. Dans la mesure où les parties semblent satisfaites de la convention actuelle - elles ne peuvent que difficilement la modifier - ce mode de fonctionnement, très près d'un remboursement annuel des pertes, semble adéquat.

Dans le contexte très peu reluisant du marché actuel, l'option continuation, sans restructuration, renflouement ou vente, c'est-à-dire le statu quo, nous semble la plus appropriée. Son coût annuel est de l'ordre de 30 000 000 $ à 50 000 000 $, au meilleur de nos estimations. Si on prend la différence de 12 $ la tonne, cela nous donne une somme de 36 000 000 $. Ce coût nous apparaît inférieur au coût probable associé au refinancement et au paiement des obligations dont écoperait le gouvernement du Québec dans le cas d'une fermeture.

La décision de continuer s'imposant, il faut maintenant examiner les options secondaires. D'abord, le programme et le niveau d'exploitation de SIDBEC-Normines doivent être harmonisés au marché. En effet, à titre d'acheteur, SIDBEC a tendance à vouloir minimiser le volume d'achat et à baisser le volume de production de SIDBEC-Normines, faisant ainsi augmenter ses coûts unitaires de production. (21 heures)

Par contre, du point de vue de SIDBEC-Normines, la situation est fort différente, les coûts fixes de SIDBEC-Normines sont relativement élevés alors que

les coûts variables sont plus faibles. Des analyses préliminaires suggèrent que, du point de vue de SIDBEC-Normines et dans la mesure où SIDBEC-Normines peut écouler sa production, le niveau optimal de production est de 6 000 000 de tonnes. Bien sûr, il ne s'agit là que d'une option théorique, préférable aux Normines, car cela ne signifie pas que conjoncturalement Normines ne pourrait pas réduire son niveau de production, comme le font, ses concurrents. Cependant, à l'encontre de la situation actuelle, sa séparation de SIDBEC enlèverait les freins institutionnels, qui lui permettent d'harmoniser sa production au marché.

Compte tenu du conflit d'intérêt de SIDBEC concernant la production, il serait préférable de scinder les liens entre SIDBEC et SIDBEC-Normines, et de tranférer la propriété et les conventions de SIDBEC à SIDBEC International. SIDBEC sera ainsi libre de s'approvisionner à sa guise sur les marchés qui lui conviendraient le mieux. Pour sa part, SIDBEC International deviendrait un marchand de minerai détenant 50,1% des actions de SIDBEC-Normines. Le gouvernement serait appelé à y injecter annuellement de 30 000 000 $ à 50 000 000 $ au prix du marché actuel.

En bref, considérés dans leur totalité, les coûts associés à l'option de fermeture, sont les suivants: prise en charge de la quote-part de SIDBEC de la dette de SIDBEC-Normines, qui devient exigible sur le champ, soit une dette de 210 000 000 $ ou un coût annuel d'intérêt entre 25 000 000 $ et 30 000 000 $ par année. Des pénalités de divers ordres, prévues aux conventions et estimées à environ 75 000 000 $, soit un coût annuel de 9 000 000 $ à 11 000 000 $. Des coûts supplémentaires pourraient amener la compagnie minière Québec Cartier, et enfin, British Steel, à accéder à la demande de fermeture, estimés - soyons généreux pour les besoins de la cause - au quart de leur quote-part, soit 50 000 000 $ ou un coût annuel de l'ordre de 7 000 000 $. Des coûts de fermeture physique estimés à 25 000 000 $, soit un coût annuel de l'ordre de 3 000 000 $. Des coûts sociaux, imputables à SIDBEC, à SIDBEC-Normines, et au gouvernement du Québec, d'une valeur présente, de l'ordre de 70 000 000 $ représentant, si empruntés, une valeur annuelle de l'ordre de 10 000 000 $. Une perte comptable imposante aux livres de SIDBEC, qui exigerait, une restructuration financière complète de cette entreprise.

Dans l'hypothèse où tous ces coûts seraient défrayés, par des emprunts, les déboursés annuels, en intérêts, sur cette dette, se situeraient aux environs de 55 000 000 $ à 60 000 000 $. Bien, qu'il faille rafiner l'analyse de la viabilité de SIDBEC-Normines, hors du contexte des finances et des méandres comptables de SIDBEC, il semble que la fermeture coûterait plus cher que le maintien du fonctionnement. En effet, je le rappelle, la continuation coûterait 36 000 000 $ par année au gouvernement du Québec et la fermeture coûterait autour de 60 000 000 $.

En dernière analyse, considérons les coûts sociaux de la fermeture de SIDBEC-Normines. L'évaluation des coûts sociaux découlant d'une fermeture est un exercice complexe. L'aventure est hardie et les hypothèses sont nombreuses, nous en convenons. Toutefois, notre approche est suffisamment précise pour saisir l'impact social et son importance relative. Selon les données recueillies et des hypothèses prudentes, il en coûterait quelque 140 000 000 $ au gouvernement, aux entreprises minières de la région, sur une période de trois ans, si SIDBEC-Normines fermait ses portes.

En guise de conclusion, rappelons que le dossier de SIDBEC est exceptionnel, à plusieurs égards. En premier lieu, SIDBEC est un des grands rêves économiques de la révolution tranquille, qui s'achève aujourd'hui en pétarade. En second lieu, les enjeux financiers sont énormes. En troisième lieu, des avances stratégiques de taille semblent avoir été commises. Notre étude a porté sur la situation de SIDBEC-Normines. Les délais serrés ont quelque peu limitée l'étendue de nos analyses. Toutefois, une certaine connaissance du marché des minerais de fer, de même que l'application des techniques de l'analyse stratégique nous ont permis de cerner rapidement les variables critiques du dossier SIDBEC-Normines.

Nos conclusions sont basées sur une analyse de la situation de SIDBEC-Normines, des engagements des diverses parties et du marché international du minerai de fer. Les principaux points d'ancrage sont les suivants, et c'est un rappel: Des coûts unitaires d'exploitation de SIDBEC-Normines, à l'exclusion des frais financiers et d'amortissement, correspondent approximativement au prix que l'entreprise peut actuellement tirer sur le marché. En cas de fermeture, le gouvernement du Québec fera face à des frais financiers plus importants que ceux qu'ils n'assument actuellement, par sa quote-part, dans SIDBEC-Normines.

Dans l'éventualité d'une décision de fermeture, la dette de SIDBEC-Normines serait exigible et devrait être refinancée à un coût plus élevé que le taux moyen de 10 3/4% payé présentement. Cette décision présuppose l'accord des partenaires. En cas de fermeture, le gouvernement du Québec et les autres partenaires sociaux de la Côte-Nord, devront assumer des coûts sociaux et économiques importants. Le gouvernement du Québec ne tirera aucun revenu significatif de

sa part de la vente des immobilisations de SIDBEC-Normines.

Les prix internationaux des minerais de fer sont actuellement très bas par rapport aux prix américains, mais ils sont appelés à se raffermir légèrement vers l'année 1985; ce qui permettrait d'assurer la viabilité financière des exploitations de SIDBEC-Normines.

La viabilité de SIDBEC-Normines pourrait être améliorée par sa désaffiliation du groupe SIDBEC, en particulier sa performance de ventes sur les marchés internationaux pourrait être améliorée par une association avec un véritable marchand international de minerai de fer.

Dans le cas de SIDBEC-Normines, il me semble évident que si elle était délestée de ses dettes, la recherche active d'un investisseur permettrait sûrement de trouver un intéressé dans le monde prêt à maintenir l'entreprise en exploitation. Dans la mesure où l'analyse approfondie que nous recommandons confirmerait le bien-fondé de nos conclusions quant à la viabilité de SIDBEC-Normines, il y aurait lieu de scinder SIDBEC et SIDBEC-Normines. SIDBEC International associé à un partenaire privé pourrait devenir la base d'une entreprise spécialisée dans le commerce international du minerai de fer. Cette nouvelle entreprise viendrait s'ajouter à la communauté des gens d'ici qui ont une vision mondiale et qui croient que, malgré les avatars de SIDBEC et les caprices du marché, le Québec demeure toujours un pays de fer. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Coicou: M. le Président, si vous me le permettez, M. Dionne, maire de Port-Cartier, aimerait dire quelques mots.

Le Président (M. Desbiens): Sûrement. Allez-y.

M. Dionne (Bernard): M. le Président, au nom des citoyens de la Côte-Nord, nous vous remercions et nous remercions aussi les membres de la commission d'avoir accepté d'écouter notre rapport. Comme vous pouvez le voir, les prévisions sont optimistes, comme nous l'avons toujours été d'ailleurs.

L'étude prouve que SIDBEC-Normines a tout intérêt sur le plan économique à continuer ses activités. Fermer SIDBEC-Normines représente une décision lourde de conséquences, non seulement sur le plan économique, mais sur le plan humain. Le sort de Port-Cartier, la ville dont je suis le maire, est intimement lié à celui de Gagnon. L'usine de boulettage de SIDBEC-Normines est le dernier maillon de la chaîne de cette industrie du fer. La fermeture de Rayonier Québec a déjà porté un dur coup à l'économie des villes de Port-Cartier et de Sept-Îles. Malheureusement, le gouvernement du Québec a réagi très lentement dans ce dossier. Plusieurs familles sont parties, mais cet exode massif est maintenant terminé. Les gens savent qu'ils ne peuvent trouver de travail ailleurs en cette période de crise. La plupart préfèrent rester sur place et il est capital de rester sur place. Pour nous, c'est une question de vie ou de mort. Si nous partons, nous laissons mourir une région qui abonde en richesses naturelles: faune, énergie, mines, bois, etc.; si nous restons, nous serons prêts quand l'économie reprendra de la vigueur. De plus, il serait aberrant de laisser s'éteindre des collectivités bien organisées qui ont dépensé des sommes considérables à créer un mode de vie qui leur convient. Nous pouvons dire que la Côte-Nord connaît un tournant important dans son histoire. Après des années de réalisations grandioses où des hommes motivés par un fort sentiment d'appartenance ont créé un exemple minier québécois, ceux-ci sont frappés durement par la crise économique. Il faut donc inventer des solutions nouvelles pour s'en sortir. Le nord possède un capital humain diversifié qui ne demande qu'à être utilisé.

La population de la Côte-Nord est une population dynamique, active et unie. Elle a toujours travaillé et est prête à prendre un nouveau virage. Depuis quelques années, le gouvernement insiste sur des programmes de conditionnement physique, de protection de l'air et de l'eau et il met sur pied des campagnes de sécurité. La personne avant toute chose. Il ne faudrait pas oublier non plus le droit pour une personne d'habiter son pays, droit fondamental qu'on a tendance à laisser de côté quand surviennent les difficultés économiques.

C'est donc un mariage de solutions humaines et économiques qu'il faut trouver aux problèmes des villes nordiques. Le Québec a les yeux tournés sur la Côte-Nord et se demande ce qu'il adviendra des villes minières. Les maires de plusieurs villes à travers le Québec ont manifesté leur appui aux citoyens de Gagnon et de Port-Cartier. Nous avons ici présents M. Ménard, le maire de Fermont, et M. Bégin, le maire de Schefferville. Nous avons eu des appuis de tous les coins du Québec. J'en passe, je vais en nommer quelques-uns: Ville de La Tuque, East Angus, Havre-Saint-Pierre, Sept-Îles, Témiscamingue, Roberval, Rivière-du-Loup, Thetford-Mines, Chicoutimi, le Grand Baie-Comeau, Trois-Rivières, Québec, Joliette, et j'en passe. Plus de 50 nous ont confirmé leur appui actuellement. Les Québécois restent perplexes, inquiets, face à cette fermeture. Ce n'est guère prometteur pour l'avenir économique du pays. Ne faut-il pas essayer de créer un climat d'espoir, de confiance en l'avenir? Je dis bien: Créer un climat

d'espoir, de confiance en l'avenir.

La jeunesse de la Cote-Nord a foi dans sa région; lui enlever ses raisons de vivre constitue, pour le gouvernement, un véritable infanticide politique. Il s'apercevra qu'il est difficile d'aller à l'encontre d'un pays décidé à vivre coûte que coûte. L'histoire l'a prouvé plus d'une fois, M. le Président. Même si le gouvernement se dit incapable de continuer à assumer les déficits de SIDBEC-Normines, il n'a pas le choix, comme le souligne le rapport de nos experts-conseils. En cas de fermeture, le gouvernement du Québec devra assumer des coûts économiques et sociaux importants et ne tirera aucun revenu significatif de sa part de la vente des immobilisations de SIDBEC-Normines. Celui-ci a donc intérêt à attendre que les coûts montent. En 1985, le prix du minerai de fer va augmenter et SIDBEC-Normines deviendra plus rentable.

Mesdames et messieurs, si nous sommes venus devant cette commission parlementaire, c'est que nous croyons que les dés ne sont pas encore jetés; je dis bien: Les dés ne sont pas encore jetés. En principe, celle-ci n'est-elle pas une séance d'information et de réflexion? Je suis sûr qu'ensemble nous pourrons trouver des solutions sur la survie de SIDBEC-Normines et des villes qui dépendent d'elle. Pour le bien-être des milliers de citoyens de la Côte-Nord et du Québec, Normines doit vivre. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord m'excuser. Les autres membres de la commission sont sans doute d'accord. Puisqu'on a travaillé depuis hier à certains mémoires qui avaient beaucoup d'importance, cela ne veut pas dire que le vôtre n'a pas d'importance, mais il reste que la commission était en droit de poser des questions, surtout à SIDBEC et aux filiales de SIDBEC. C'est pourquoi, ce soir, nous sommes très en retard dans nos travaux.

Votre mémoire soulève certains faits nouveaux que nous n'avions pas vus lors de la présentation de mémoires d'autres intervenants, par exemple, des tableaux sur les prix internationaux, sur les prix régionaux, quant aux possibilités de marché et quant aux productions. Il semble important qu'on regarde cela de très près. Dans ce rapport, pour la deuxième fois, on soulève les coûts sociaux et économiques pour la Côte-Nord, spécialement pour Gagnon et Port-Cartier. Les membres de la commission doivent être très conscients, ainsi que le ministre qui représente le gouvernement du Québec, de ces coûts sociaux si jamais le gouvernement décidait de faire une telle fermeture. Plus cela va, moins je doute qu'une telle décision sera prise, malgré que je ne veux pas présumer de la décision.

J'aurais quelques questions à poser surtout de nature technique afin d'avoir des informations pour mon bénéfice et celui des gens de la commission. A la page 36 de votre rapport, dans le tableau 3.2, concernant le minerai de fer et les prix américains, est-ce que vous pourriez expliquer le concentré non-Bessemer, Mesabi et Old Range? Qu'est-ce que vous voulez dire par ces deux marchés?

Si vous voulez, je vais vous poser mes questions les unes après les autres. J'attendrai ensuite les réponses. À la page 54 et 55, on voit le tableau 4.5: Les marché régionaux de l'acier: historique de la demande et taux de croissance. À moins que je ne comprenne mal ce que vous dites dans ce tableau et aussi dans le suivant, par le biais de la société elle-même, soit SIDBEC-Normines ou la société d'État, qui prendra la charge de SIDBEC-Normines dans l'éventualité où elle serait dissociée de SIDBEC, vous considérez qu'on devrait axer les mises en marché et être très agressif sur les marchés de l'Orient Pacifique, au Moyen-Orient et en Afrique parce qu'on sait qu'en Amérique latine cela va être assez difficile d'être agressif sur les marchés à cause du Brésil. (21 h 15)

À la page 72, au tableau 4.16, demande et offre de boulettes sur le marché international. Il y a des chiffres qui m'intriguent dans le taux de croissance 1979-1985 comparé au taux de croissance 1979-1988. Si on prend celui de 1979-1985, vous avez 33,4% et, 1979-1988, vous avez 25,9%. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il y a une telle chute entre 1979-1985 comparé à 1979-1988? Parce qu'il semble y avoir une chute dans les importations de boulettes de réduction directe.

M. Miller: Pour répondre à cette première question, de 1985-1988, l'augmentation est faible, soit de 16,9% à 23,8%; quand on fait la moyenne arithmétique pour le taux de croissance, cela fait une moyenne un peu plus faible. Mais ce qu'il faut remarquer, c'est l'augmentation prévue, en 1985 et en 1988, de l'importation de boulettes de réduction directe, et 1985 et 1988 sont deux années dans l'avenir.

M. Perron: Ah, bon! D'accord, merci. Les deux autres questions.

M. Miller: 54 et 55. Il est clair que l'analyse macro-économique que l'on fait indique que la croissance se réalisera surtout dans les pays en voie de développement et non dans les pays industrialisés. On se retrouve - et c'est paradoxal - dans une situation bizarre, c'est que l'industrie

sidérurgique devient une industrie de croissance dans les pays en voie de développement et c'est vers eux surtout qu'il faudra se tourner pour vendre, nous d'un pays qu'on pense industrialisé, nos produits et nos matières premières.

M. Perron: Donc, de ce côté, si je comprends bien, d'après ce que nous a dit M. Astier hier, vous êtes à peu près de la même position, qu'on devrait plutôt orienter le marché de boulettes vers le Moyen-Orient et les autres pays asiatiques.

M. Miller: C'est-à-dire que, par un effort d'analyse firme par firme, pays par pays, par des contacts continus, par le développement à long terme de bonnes relations d'affaires, on peut espérer développer des marchés.

M. Perron: Merci. L'autre question n'est suggérée par le tableau de la page 36.

M. Miller: II y en a un qui est le concentré et l'autre les boulettes. Bessemer, on fait référence à un type de four; Mesabi, c'est une région américaine et le Old Range, c'est une autre région. Les prix ne sont pas toujours les mêmes à cause de la façon dont on comptabilise. On fait le rapport de ces prix, que l'on a pris directement dans Sguillings' Mining Review, qui est une autorité en la matière sur les types de concentrés et de boulettes.

M. Perron: Maintenant, j'ai une dernière question. Vous avez mentionné, presque à la fin de votre exposé, que SIDBEC-Normines devait être dissociée de SIDBEC et s'en aller possiblement vers SIDBEC International. Là-dessus, je suis peut-être d'accord avec vous que SIDBEC-Normines s'en aille vers une autre société d'État, pas nécessairement SIDBEC International, lorsqu'on regarde les informations que nous a données M. De Coster quant au groupe, à moins de le grossir et d'ajouter énormément de personnel pour faire la mise en marché et être agressif sur le marché.

Cependant, vous avez ajouté quelque chose qui est tout de même très important, en tout cas pour SIDBEC-Normines. SIDBEC pourrait s'approvisionner sur le marché qu'elle choisirait. Là-dessus, je ne suis pas du tout d'accord avec vous, parce qu'il me semble que, SIDBEC ayant des entreprises manufacturières, on devrait l'obliger à acheter ses boulettes de SIDBEC-Normines, qui est aussi une société en grande partie québécoise, puisqu'on détient 50,1% des actions et c'est là que j'accroche. Je voudrais bien que vous m'expliquiez pourquoi une telle position.

M. Miller: Ce sont des décisions politiques de l'obliger à acheter. Si l'on veut laisser SIDBEC libre de produire des profits, il faut lui donner les moyens de s'approvisionner, mais on peut l'obliger, on a esquissé ces considérations cet après-midi.

M. Perron: Si je comprends bien c'est une question de rentabilité pour SIDBEC, c'est pour cette raison que vous dites que SIDBEC devrait s'en aller au marché qu'elle choisira.

M. Miller: L'idée fondamentale c'est de séparer les entités et de les obliger à des performances, de les forcer chacune à tenter de prendre les décisions les plus économiques possible. Quant à l'idée de SIDBEC internationale, cette mention ne fait que refléter notre vision fondamentale que c'est le statu quo, "le moins de changement possible", qui est la solution optimale, parce que, aller renégocier les ententes avec les prêteurs, avec les partenaires cela va être extrêmement ardu. Ils vont sûrement accepter de négocier, mais entre négocier et changer les choses, il y a une bonne distance. Le moins de changement possible on fait dans la situation, le mieux c'est. L'idée de passer à SIDBEC international qui serait scindé du groupe SIDBEC, ou comme M. De Coster a évoqué, cela pourrait être une société privée ou même une autre société d'État. L'idée c'est de couper le lien de façon à ne pas colorer la situation financière de SIDBEC-Normines que l'on a dépeinte d'une manière assez négative en raison des sommes qui ont été empruntées pour être investies dans SIDBEC-Normines, en raison des contraintes, en raison des coûts d'opportunité, si bien, qu'on impute à SIDBEC-Normines la responsabilité d'une perte énorme, alors que dans les faits, les pertes en liquidité ne tournent qu'autour de 54 000 000 $ dont la moitié est assumée par le gouvernement du Québec.

M. Perron: Merci beaucoup, M. Miller.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est malheureux qu'on n'ait pas plus de temps pour étudier davantage votre mémoire et vous poser plus de questions. Je pense que cela doit bien être la première fois que nous avons une commission parlementaire qui doit se pencher sur la fermeture d'une ville et possiblement d'une région. À ma connaissance cela doit être la première fois qu'une commission parlementaire doit étudier un tel problème. Les recommandations qu'elle fera et tous les mémoires qui sont présentés, pourraient permettre au gouvernement de prendre une décision à ce sujet. Je crois que c'est sérieux.

Vous parliez des coûts sociaux. Vous avez mentionné le chiffre de 140 000 000 $. Qui va subir ces pertes? Est-ce que c'est le gouvernement, est-ce que ce sont les individus? Est-ce qu'une partie de ce montant est incluse dans le montant de 325 000 000 $ qui a été estimé par SIDBEC pour le coût de fermeture de la mine? Est-ce que vous pourriez donner des détails brièvement?

M. Miller: Non, je ne pense pas que ces coûts de 140 000 000 $ fassent partie de l'estimation de 325 000 000 $ qui a été mentionnée, hier, par SIDBEC. Ce coût de 140 000 000 $ a été établi par nous. La somme de dépenses directes assumées par les entreprises, les gouvernements qui doivent payer l'assurance-chômage, l'assurance sociale, les frais de déménagement, les paies de séparation, le bien-être social, les impôts fonciers qui devront continuer à être payés à moins que le gouvernement du Québec veuille contester l'évaluation, les pertes des contributions des employeurs aux régimes sociaux des employés, les pertes de revenus d'impôt ainsi que les coûts de fermeture. Ces 140 000 000 $ ne sont sûrement pas compris dans les estimations de SIDBEC.

M. Ciaccia: Quand vous parlez de perte de revenus, ces 140 000 000 $ alors, est-ce que c'est un chiffre global? Ce n'est pas un chiffre annuel, parce que si vous parlez de perte de revenus d'impôt, normalement ce serait annuellement. Si on perd un emploi et que le gouvernement perd les impôts, ce n'est pas seulement pour une année.

M. Miller: C'est réparti sur trois ans. Nous avons fait des hypothèses indiquant qu'après une année un certain nombre d'employés retrouvent un emploi et qu'après une deuxième année un certain nombre d'employés retrouvent un emploi; si bien que les contributions gouvernementales d'assurance-chômage ou de bien-être social diminuent. Nous n'avons cependant pas inclu le coût de créer de nouveaux emplois, qu'on estime d'une façon très minimale à 6000 $ par emploi. On sait très bien qu'un emploi créé, au bout d'une année il y en a très peu qui reste. Ces coûts de création de nouveaux emplois n'ont pas été estimés, si bien que les 140 000 000 $ pourraient être - si on voulait faire des manipulations statistiques -gonflés comme on veut.

Nous avons pris des hypothèses extrêmement prudentes de façon à être le plus honnête possible.

M. Ciaccia: Un scénario possible qui a été évoqué dans certains documents c'est le réaménagement des activités de SIDBEC-Normines qui impliquerait possiblement - je crois - la fermeture de la mine mais un nouvel arrangement avec Quebec Cartier Mining où ils prendraient le minerai de Fermont, Mont Wright et maintiendraient l'usine à Port Cartier. Quel serait l'impact d'un tel réaménagement des activités?

M. Miller: Ces scénarios ont été évoqués hier. Il est clair que nous n'avons pas étudié ces scénarios pour la simple et bonne raison que nous n'avons pas accès aux coûts intérieurs de SIDBEC-Normines, ni à tous les contrats avec Québec Cartier. Mais il est clair qu'on dit, en théorie, qu'il est préférable pour SIDBEC-Normines de fonctionner à un maximum de production -parce que c'est là que les coûts unitaires sont les plus faibles. Cependant nous ne pouvons pas dire quel est le niveau de production optimal parce que nous n'avons par accès aux chiffres à l'intérieur. S'aventurer dans des estimations du genre...

M. Ciaccia: Je voulais dire sur la ville de Gagnon. Vous n'avez pas une estimation des effets: est-ce que cela impliquerait la fermeture de Gagnon aussi?

M. Miller: S'il y avait un réaménagement à Québec Cartier?

M. Ciaccia: Oui.

M. Miller: II est clair que si SIDBEC-Normines et Québec Cartier se mettaient à renégocier un nouvel arrangement de la production, cela pourrait aller jusqu'à la fermeture de Gagnon. Mais nous n'avons pas examiné cela.

M. Ciaccia: J'aurais une autre question. À la page 68, vous parlez de vos prévisions. Certaines des affirmations que vous avez faites semblent rejoindre les opinions de d'autres intervenants, par exemple le professeur Astier, quand vous parliez de d'autres marchés dans le tiers-monde, mais la plupart des prévisions qui nous ont été soumises sont beaucoup plus pessimistes que les vôtres. Vous semblez nous dire que pour 1985 il peut y avoir une reprise, tandis que tous les autres qui sont venus devant cette commission et les études qu'ils ont étalées semblaient la reporter à beaucoup plus tard. Même ils semblaient presque dire qu'il n'y aurait pas de reprise. Alors, comment expliquez-vous ces différences? (21 h 30)

M. Miller: D'abord, au tableau 4.14, nous avons des prévisions qui ont été faites pour la compagnie minière Québec-Cartier, entreprise qui a des intérêts très importants à avoir des estimations valables. Il est clair qu'il y a des différences dans les estimations. On peut contester, discuter les estimations de collègues, mais ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'au cours des années

soixante-dix, quand les marchés étaient à la hausse, tout le monde faisait des estimations optimistes. Maintenant que tout est à la baisse, tout le monde fait des estimations pessimistes. Tout ce que nous disons, c'est que pour bien comprendre la structure, la dynamique et les prévisions du marché, il faut faire une étude micro-économique de toutes les possibilités à travers le monde. Nous avons tenté de démontrer qu'il existe présentement des personnes qui sont prêtes à s'aventurer dans des estimations moins pessimistes que celles qui ont cours dans les milieux. Mais, notre mot n'est pas final. Au contraire, notre recommandation tend à procéder à des études micro-économiques firme par firme à travers le monde pour voir véritablement le marché.

M. Ciaccia: Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, au fur et à mesure qu'on progresse dans l'étude des problèmes de SIDBEC et qu'on prend connaissance des mémoires, il y a quelque chose qui me frappe. Nous, les intervenants, à peu près tout le monde a identifié un des problèmes majeurs de SIDBEC: l'implication de SIDBEC dans SIDBEC-Normines et les fameux contrats. Tout le monde a pensé à ça. Dès que nous avons regardé le dossier, nous avons dit: Écoutez, il faudrait sûrement que ces contrats soient renégociés. Or, le ministre est venu nous dire: Bien non, je n'ai pas pensé à ça. Je voudrais savoir si le ministre y a pensé? D'autant plus qu'il a demandé une étude par un comité interministériel. Est-ce qu'il n'aurait pas fallu commencer par ça? Ce n'est pas possible qu'il n'y ait pas pensé. Je comprends mal qu'il n'ait pas pensé à ce problème, alors que c'est la première chose sur laquelle nous nous sommes penchés. Tous les intervenants disent: Écoutez, c'est un des problèmes majeurs de SIDBEC. Alors, je veux savoir si le ministre y a pensé, puis, s'il y a pensé, est-ce qu'il a posé des gestes? Et, s'il n'a pas posé de gestes, est-ce parce qu'il pense qu'il n'y a aucun avis de ce côté, que ce n'est pas possible? Il nous a dit cet après-midi: Je pense que oui; là, écoutez prenez votre temps, on va aller voir nos partenaires et on va leur parler; peut-être qu'on va revenir avec des solutions. Je ne cache pas que ça me surprend. Je ne comprends pas.

Je me demande si l'exercice qu'on fait n'est pas un peu long, si tout est basé là-dessus.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Je vais répondre au député de Saint-Laurent en disant que je comprends qu'il n'a pas pu suivre toute la commission. Il était probablement occupé soit à une autre commission parlementaire, à l'Assemblée nationale ou ailleurs. J'ai déjà répondu à cette question à plusieurs reprises. À titre d'information personnelle, si nous produisions plus de 5 400 000 tonnes ou 6 000 000 de tonnes, il n'y aurait pas de renégociation à faire puisque c'est prévu dans les contrats et que c'est comme ça que ça fonctionne. C'est une entreprise qui est organisée pour ne pas perdre d'argent à condition que les compagnies partenaires - SIDBEC, British Steel et US Steel en particulier - en assument tout le coût. Alors, on paie un prix pour les boulettes qui est artificiellement élevé - ils appellent ça le prix des Grands Lacs - et après, on les revend sur le marché mondial à 25 $ ou 35 $ de perte quand on trouve des acheteurs quelque part...

M. Leduc (Sain-Laurent): Répondez à ma question, est-ce que vous y avez pensé? C'est ma question.

M. Biron: Je vous réponds que, tant et aussi longtemps que la décision n'est pas prise... Vous n'avez peut-être jamais rien négocié dans votre vie, je ne sais pas ce que vous avez fait, vous semblez...

M. Charbornneau: ... ministre.

M. Biron: D'abord, il faut s'arrêter pour prendre une décision. Une fois que la décision sera prise; si on n'a pas besoin de négocier, on n'ira pas bâdrer nos partenaires ni les bailleurs de fonds. Mais si la décision se prend de produire moins de 5 400 000 tonnes, bien sûr que cela implique une négociation. On y a pensé aussi, mais, avant, je pense qu'il était honnête de discuter avec les principaux intervenants, d'écouter tous ceux qui avaient quelque chose à nous dire d'intéressant dans le dossier et, après cela, prendre une décision. On fait le contraire des autres entreprises. Une autre entreprise, habituellement, prend sa décision et là on se retrouve en commission parlementaire avec des entreprises qui sont fermées et qui ont pris toutes sortes de décisions; les gens ont de la misère, les travailleurs ne travaillent pas et, après cela, il faut payer les pots cassés. Nous, avant d'en arriver à une décision, on a voulu consulter les gens. Une fois que la décision sera prise, bien sûr, cela impliquera une négociation, et on y a pensé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous y aviez pensé auparavant? C'était ma question. Je ne suis peut-être pas habitué parce que j'arrive à l'Assemblée nationale...

M. Biron: Bien sûr, on y a pensé.

M. Leduc (Saint-Laurent): ... et aux commissions, mais...

M. Biron: C'est élémentaire, M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous y avez pensé.

M. Biron: Bien sûr, on y a pensé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous avez posé des gestes?

M. Tremblay: Même vous, M. le député, y avez pensé. N'importe qui y a pensé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela a l'air qu'il n'y a pas pensé.

M. Tremblay: Voyons donc.

M. Biron: M. le député de Saint-Laurent, on va en arriver à une décision sur un scénario. S'il y en a un scénario qu'on décide qui implique une négociation, on la fera. Si un scénario, tel que celui proposé aujourd'hui par nos amis de Port-Cartier et de Gagnon, n'implique pas de négociation, je pense que cela ne donne rien d'aller se promener à travers le monde pour négocier des choses.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais vous n'avez posé aucun geste jusqu'à aujourd'hui?

M. Biron: Je vous répète que si le scénario qui est choisi... On va recommencer tranquillement. Vous comprenez vite, mais il faut vous expliquer longtemps.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est ce que vous dites.

M. Biron: Si le scénario qui est choisi, c'est de produire plus de 5 400 000 tonnes, ce scénario n'implique pas de négociation. Pourquoi négocier si l'on choisit celui-là? Celui qui est présenté par nos amis d'en face, de Port-Cartier et de Gagnon, n'implique pas de négociation, donc on n'a pas besoin de négocier. On attendra, voulez-vous...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je vais vous répondre.

M. Biron: ... d'arriver au pont avant de traverser la rivière.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est assez facile de comprendre que 5 000 000, c'est trop. Je ne pense pas que cela prenne une étude en commission parlementaire...

M. Biron: Ce n'est pas cela...

M. Leduc (Saint-Laurent): ... pour savoir qu'on n'a pas besoin de 5 000 000. J'ai compris cela dès le départ.

M. Biron: Vous devriez dire cela. Ils nous suggèrent 6 000 000.

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien, je ne suis pas d'accord.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ferai juste une précision. Savez-vous, il est très tard et je ne reprendrai pas tous les propos du ministre, mais, strictement pour le journal des Débats et ceux qui nous écoutent, l'explication que le ministre vient de donner, c'est un peu...

Une voix: Farfelu.

M. Ciaccia: C'est une explication selon votre interprétation, mais ce n'est pas exactement la façon dont les choses se sont produites depuis septembre. Alors, je n'argumenterai pas, mais je dirai seulement que je ne suis pas d'accord avec votre interprétation du moment où l'on commence à négocier et le reste...

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je serai très bref. Le dossier qui a été soumis ce soir est très technique. Je me permettrai, avec l'autorisation des maires, de contacter les gens de SECOR, pour l'approfondir. J'aimerais simplement dire ceci. Le maire Dionne, de Port-Cartier nous a dit: Heureusement que les dés ne sont pas encore jetés. J'ose espérer que les dés ne sont pas pipés. Merci.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: D'abord, je voudrais remercier les représentants de la Côte-Nord, des villes de Gagnon et de Port-Cartier en particulier, de leur grande patience d'être ici depuis hier, ainsi que deux autres maires, ceux de Fermont et de Schefferville qui sont présents.

Je comprends que c'est un problème qui inquiète la Côte-Nord. Vous êtes venus me voir déjà, on s'en est parlé, je pense qu'on s'est expliqué assez franchement là-dessus. Je vous avais donné la garantie qu'on ne prendrait aucune décision sans que tout le monde s'entende. Il y a différents scénarios et il y a des économies à faire. Je pense bien que tout le monde reconnaît que, de la part du gouvernement du Québec, il y a des

économies à faire et un effort énorme pour le développement de la Côte-Nord.

Vous nous dites qu'il faut faire quelque chose sur la Côte-Nord; cette semaine, mon collègue, le ministre de l'Énergie et des Ressources, annonce le commencement de l'investissement de 500 000 000 $ à Baie-Comeau par Reynolds. Je pense que c'est quelque chose d'important qui commence. Le premier contrat est octroyé pour le creusage, les fondations et tout cela. On travaille à d'autres contrats pour votre région et je pense qu'il faut profiter des ressources naturelles qu'il y a à cet endroit.

Quand est-ce qu'on pourra s'entendre sur d'autre chose? On ne le sait pas, mais, au moins, c'est une région du pays qui nous intéresse.

M. Fortier: Baie-Comeau, ce n'est pas Sept-Îles.

M. Biron: Je sais cela aussi. Je suis allé dans la région à quelques reprises, mon cher collègue.

Je voudrais poser une question à M. Miller. Vous avez dit tout à l'heure que Québec Cartier a subi des pertes l'an dernier. Est-ce que vous pouvez nous chiffrer approximativement l'ordre des pertes de Québec Cartier l'an dernier ou cette année? Est-ce que c'est historique.

M. Miller: C'est sûrement conjoncturel, et l'information que j'ai, c'est de l'information personnelle. Je n'ai pas accès aux chiffres de Québec Cartier, alors, je ne peux pas dire le montant exact.

M. Biron: Ceci dit, je veux juste faire un commentaire sur le document, puis je sais, que vous avez travaillé beaucoup là-dessus, mais à l'instar de mon collègue de Mont-Royal, je pense qu'il faut dire que tous ceux qu'on a entendus jusqu'à ce jour et tous ceux que j'ai consultés, parmi les experts à travers le monde, ne sont pas du tout d'accord avec vous. Vous êtes à peu près le seul, qui nous présentez un scénario aussi optimiste, en nous disant que les boulettes en 1995, on va en avoir besoin de 6 000 000 de tonnes et qu'il n'y a aucun problème à les produire, à les vendre, il n'y a aucun problème.

On a entendu un spécialiste, M. Astier, hier, qui nous disait, que l'acier de fabrication va recommencer vers 1985. Le minerai, un peu plus tard, vers 1987-1988, peut-être 1990. Les boulettes, on ne savait pas encore quand. Alors, il y a un horizon de marché où on ne s'entend pas du tout. S'il faut réussir à vendre des boulettes sur le marché mondial, à 25 $ la tonne, cela fait déjà des pertes considérables, et cela si on trouve un marché. Ce qui est difficile, à l'heure actuelle, c'est de trouver un marché pour des boulettes, ce que les métallos ont reconnu dans leur présentation cet après-midi. Vous vous êtes fiés aux chiffres d'un rapport de Québec Cartier, octobre 1981. Vous savez certainement, que, depuis octobre 1981, le marché s'est affaissé complètement, même les chiffres portant là-dessus, aujourd'hui, pour 1982, ne sont pas exacts; la demande s'est effondrée, au lieu de 166 000 000 de tonnes, c'est autour de 100 000 000 de tonnes. Il y a des surplus installés un peu partout dans le monde. La base même de votre étude, je n'y crois pas. Or, à partir de là, bien sûr, on ne parle pas du tout le même langage, parce que, le marché des boulettes, d'après tous ceux que nous avons consultés, n'existe pas ou existe un peu, mais n'existera pas en grande quantité avant 1990, au plus tôt et, peut-être après. Je crois que c'est quelque chose d'important.

Lorsque vous dites aussi que, l'entreprise peut être viable une fois qu'on a enlevé les emprunts, les intérêts, la différence du prix de vente, puis les amortissements, je crois qu'il ne faut pas trop charrier dans une saine gestion où il faut bien compter qu'il y a un montant d'argent quelque part en l'air, et qu'il va falloir payer un jour ou l'autre, sinon, on va faire payer des intérêts là-dessus et les intérêts sur les pertes. Or, ce n'est pas le fait de séparer SIDBEC de SIDBEC-Normines, qui va régler tous les problèmes, je ne pense pas. Je crois que c'est d'abord une étude de marché, qu'il faut revoir d'une façon très sérieuse, pour votre part, et finalement, probablement, que vos chiffres vont changer considérablement.

Ceci dit, j'estime, qu'il y a un minimum dans votre scénario de perte entre 60 000 000 $ à 100 000 000 $ et peut-être plus 100 000 000 $ par année, probablement, et beaucoup plus, si on n'est pas capable de vendre nos boulettes. S'il s'agissait de garder nos boulettes en inventaire pendant un bon bout de temps, vous verriez quelle différence cela pourrait faire sur les coûts de fonctionnement. Je vous remercie d'avoir travaillé à ce rapport, mais je vous encourage fortement à revoir les chiffres des boulettes du marché mondial, en particulier du minerai, et de l'acier primaire.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je voudrais remercier... Pardon!

M. Coicou: M. le Président, M. Miller, aimerait répondre aux questions de M. Biron.

M. Miller: Oui. D'abord, je vois que vous avez compris la distinction entre viabilité et rentabilité. Comme de toute

façon, la décision de fermeture entraîne des coûts très importants, on n'est pas pris devant la problématique de: Est-ce que SIDBEC-Normines est rentable? SIDBEC-Normines, n'est pas rentable. La question, c'est: Est-ce qu'elle est viable? Comme de toute façon, les coûts de fermeture équivalent, ils sont un peu supérieurs aux coûts de maintenir l'unité en fonctionnement pour quelques années, on dit: Ne prenez pas de décision hardie et téméraire. (21 h 45)

Deuxièmement, on dit: Nos prévisions sont optimistes. J'ai parlé ce matin, avec M. Astier; on a parlé de scénarios optimistes et de scénarios pessimistes, mais le fait de retarder la décision, quant à SIDBEC-Normines, va vous donner un choix très intéressant. C'est celui d'attendre quelques années au cours desquelles, compte tenu de la situation, maintenir SIDBEC-Normines en exploitation ne correspond qu'au coût que de toute façon vous auriez à payer si vous la fermiez. Cela vous permet dans deux, trois, quatre ans, si véritablement la situation ne se raffermit pas, de procéder alors à une chirurgie véritable. Mais, pendant les quatre ou cinq prochaines années, on peut facilement continuer à assumer les pertes d'exploitation et de trésorerie, qui sont de toute façon inférieures au coût de la fermeture. C'est une leçon, dans le fond, élémentaire de science économique.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Un petit commentaire bref là-dessus. En fait, assumer des pertes d'exploitation de 90 000 000 $, comme on en a assumé cette année aux exploitations minières, c'est passablement fort. Le gouvernement doit faire des choix, c'est-à-dire qu'on a des priorités et ce n'est pas une machine à piastres; on n'est pas encore un État souverain, je pense. Il faut couper quelque chose ailleurs, s'il faut assumer des déficits là. Alors, la première est qu'il faut prendre l'argent quelque part...

M. Ciaccia: ... une imprimerie, si vous devenez souverain.

M. Biron: Deuxième chose, le commentaire que je veux faire aussi, c'est qu'on avait demandé aux principaux intervenants de nous dire, eux, quelles sortes d'efforts ils étaient prêts à faire dans le fond pour nous aider? C'est trop facile de prendre tout le problème et de le retourner sur la table du gouvernement, en disant: "C'est votre responsabilité; c'est une erreur dans la décision prise par les libéraux en 1975, puis continuez comme cela." C'est trop facile. Je pense...

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Biron: ... qu'il faut regarder l'effort commun qu'on a à faire et c'est ce qu'on a cherché ensemble tout le long de cette commission parlementaire.

Ceci dit, encore une fois je vous remercie d'avoir participé par vos travaux à éclairer la commission et je vous dis aussi que, votre mémoire étant déposé, on pourra bien sûr y référer tranquillement lorsque tout cela pourra se décanter au cours des jours à venir.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, je crois que jusqu'à environ 6 heures moins deux minutes, nous avions gardé un ton d'intervention et de débat à cette commission parlementaire: Je parle d'un ton assez élevé, mais nous ne faisions pas vraiment de partisanerie, nous ne lancions pas de blâmes. Je ne peux laisser passer les propos que le ministre vient de dire. Ils les a déjà dits à six heures moins deux et à ce moment, je me suis dit: Eh bien! on va laisser faire. Mais, de le répéter, je pense que je ne puis pas accepter que vous disiez que la faute est strictement celle des libéraux en 1975. Je vais vous expliquer une petite chose que peut-être tout le monde va comprendre. Il faut faire une distinction entre SIDBEC-Normines qui produit des boulettes, l'institution de SIDBEC-Normines, qui a été créée d'après des études optimistes, de la même façon que vous voulez la fermer d'après des études pessimistes. À ce moment-là, tout le monde était d'accord pour dire qu'il y avait un grand avenir dans l'acier et qu'il fallait approvisionner SIDBEC. Alors, on a institué SIDBEC-Normines.

Maintenant, la question des contrats. Même si vous modifiez des contrats, ce n'est pas cela qui va rendre SIDBEC-Normines rentable dans la conjoncture économique d'aujourd'hui. Mais ce que vous auriez pu faire et que vous pourriez encore faire, c'est d'enlever les clauses de pénalités du contrat, ce qui réduirait vos pertes et rendrait un peu plus acceptable et moins onéreuse pour les contribuables l'exploitation de SIDBEC-Normines. Alors, ne blâmez pas les contrats; ils ajoutent seulement au fardeau. Vous pouvez renégocier les contrats tant que vous voulez, aussi longtemps que le marché des boulettes sera tel qu'il est aujourd'hui, vous allez avoir des problèmes. Vous allez perdre 33 000 000 $ par année, d'après les chiffres que M. De Coster nous a produits hier. Alors, ne blâmez pas les contrats. Blâmez-vous vous-mêmes de ne pas avoir renégocié

en septembre 1980 pour réduire les pertes.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, j'aimerais dire au député de Mont-Royal que, justement, la clause dont il vient de parler concernant les pénalités; c'est justement dans les contrats qui ont été signés. Je m'excuse, mais il faut justement renégocier cela avec les partenaires.

M. Ciaccia: Vous avez tout manqué le point, mais on ne continuera pas; il est 9 h 50.

M. Perron: On pourrait continuer longtemps là-dessus.

M. Biron: Pourrait-on passer à un autre groupe?

M. Perron: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis, vous avez la parole.

M. Perron: En terminant, je voudrais remercier le Regroupement municipal de Port-Cartier et spécialement les gens de Gagnon, de Fermont, de Port-Cartier et de Sept-Îles qui sont présents ici et qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire. Merci à tout le monde.

Le Président (M. Desbiens): Je vous remercie. M. le maire.

M. Dionne: J'ajouterais seulement un détail, M. le Président, avant qu'on se quitte. Ce n'est pas moi qui dois adresser les remerciements de circonstance, c'est M. Coicou, mais j'aimerais rappeler que nous avons, depuis 1979, subi à Port-Cartier une fermeture d'usine, Rayonier Québec. Nous avons vu des gens de la Côte-Nord souffrir, passer des étapes extrêmement difficiles, perdre leur propriété et tous leurs biens. C'est une décision importante qui comporte des répercussions sociales extrêmement importantes. M. le ministre, nous n'avons pas envie de rire, nous avons envie de vivre. C'est clair?

M. Coicou: M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, comme mot de la fin, j'aimerais vous remercier de nous avoir écoutés. Comme vous le savez, avec le raz-de-marée de mauvaises nouvelles qui déferle depuis un mois dans les journaux, cela a fait beaucoup de blessures; il y a beaucoup de personnes qui sont marquées, dans ma ville, dans ma région, même des enfants qui sont à l'école sont marqués. Comme le maire l'a dit tout à l'heure: les dés n'ont pas fini d'être joués. Je pense que c'est tout à fait normal d'étudier, d'une façon objective, la situation de SIDBEC-Normines, parce que nous croyons sincèrement qu'il y a des solutions à ce problème.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions. J'invite maintenant...

M. Charbonneau: Le député de Contrecoeur, M. le Président, s'il vous plaît.

Le Président (M. Desbiens): ... les porte-parole de la ville de Contrecoeur à se présenter à la table pour la présentation de leur mémoire. M. Jean-Pierre Lavoie, je vous demanderais de présenter les personnes qui vous accompagnent.

Ville de Contrecoeur

M. Lavoie (Jean-Pierre): M. le Président, j'ai à ma droite le secrétaire-trésorier, M. Roger Bérubé, de la corporation municipale de Contrecoeur et, à ma gauche, un échevin, M. Roch Bernier.

M. le ministre, MM. les députés membres de la commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme, au nom de la municipalité de Contrecoeur et des municipalités avoisinantes, j'ai l'honneur de vous présenter un mémoire sur l'avenir de SIDBEC, en particulier sur l'impact socio-économique de la fermeture des laminoirs à plats de la compagnie SIDBEC à Contrecoeur.

Les dirigeants de la municipalité de Contrecoeur ne peuvent se permettre de présenter une solution quant aux problèmes de SIDBEC, mais nous croyons sincèrement en l'avenir de cette compagnie qui a fait grandir Contrecoeur. Nous espérons, par ce mémoire, sensibiliser le gouvernement sur l'importance de SIDBEC dans notre municipalité et dans notre région. Nous croyons que la population de Contrecoeur est prête à participer à la sauvegarde de SIDBEC et nous vous proposons de faire notre part. C'est avec confiance, M. le ministre, que nous soumettons le présent document à votre attention.

Mandats et appuis. Les municipalités de Boucherville, Varennes, Verchères, Sainte-Julie, Saint-Amable et Calixa-Lavallée qui forment, avec la municipalité de Contrecoeur, la municipalité régionale de comté De Lajemmerais, ont adopté une résolution lors d'une assemblée du conseil de la MRC tenue le 28 octobre 1982, par laquelle ils mandatent la municipalité de Contrecoeur pour représenter la MRC De Lajemmerais dans le dossier de SIDBEC-DOSCO et par laquelle ils appuient unanimement la position de Contrecoeur. Les villes de Sorel et de Tracy ont adopté une résolution lors de leur assemblée régulière tenue au

début du mois de novembre 1982 pour mandater la municipalité de Contrecoeur pour les représenter dans son mémoire et ils appuient notre position dans le dossier.

Les municipalités de Saint-Antoine, Saint-Denis de même que les municipalités régionales de comté du Bas-Richelieu et du Haut-Richelieu, qui représentent une population totale de 139 000 habitants, mandatent et appuient également notre municipalité en ce qui concerne l'avenir de SIDBEC.

Vous pouvez consulter en annexe les différentes résolutions mentionnées ci-haut.

Un très bref historique. C'est en juillet 1968 que la sidérurgie québécoise s'installait a Contrecoeur, choisie principalement en raison de la proximité du marché de l'Est des États-Unis et du Canada, des facilités de transport et de l'énergie disponible. Le 5 juin 1972, c'est l'inauguration de l'aciérie et, en 1973, c'est le démarrage de l'usine de réduction et la création de SIDBEC-Feruni. En juillet 1974, on procède à l'expansion de l'aciérie à Contrecoeur, deux fours, une coulée continue et une coulée continue à brames et le début du module 2, l'usine de réduction.

Pendant ce temps, la municipalité de la paroisse de Contrecoeur procède en 1967 à la confection d'un plan de zonage dans lequel on prévoit de grandes zones pour l'industrie lourde et autant pour l'industrie secondaire. C'est également en 1967 que la municipalité de la paroisse de Contrecoeur prolonge son réseau d'aqueduc sur toute sa zone industrielle. Le 7 novembre 1967, la municipalité du village de Contrecoeur, dont le budget est alors de 102 000 $, emprunte la somme de 440 000 $ pour la construction d'une usine de filtration d'eau. En 1976, on procède à la fusion de la municipalité de la paroisse et du village de Contrecoeur.

Plus récemment, soit en 1978, la municipalité effectue l'achat d'un camion d'incendie avec échelle téléscopique. Pourtant, il n'y a pas de construction résidentielle bien élevée à Contrecoeur. On pourrait continuer à démontrer, au niveau de la population, au niveau des budgets, au niveau du développement domiciliaire, au niveau des loisirs, etc., comment l'évolution de la municipalité de Contrecoeur est liée à l'évolution de SIDBEC et quelle est l'influence de cette compagnie sur notre municipalité.

Mais notre but n'est pas d'écrire une histoire ou de critiquer des décisions ou de prouver l'évidence, et les quelques faits relatés ici sont seulement pour rappeler au gouvernement qu'il doit prendre une grosse décision quant à l'avenir de SIDBEC, que pour nous, à Contrecoeur, SIDBEC, c'est important.

L'impact socio-économique au niveau local. La municipalité de Contrecoeur effectuait un recensement au mois d'août 1982. Selon ce recensement, la population totale de Contrecoeur est de 5347 habitants dont 2303 personnes sur le marché du travail, en incluant les chômeurs. Selon Statistique Canada, la région de Contrecoeur connaît un taux de chômage de 14,3%. Ce taux représente les chômeurs actifs. C'est donc dire que ces chiffres officiels excluent une certaine partie des chômeurs qui ne se rapportent pas régulièrement à leur bureau du centre d'emploi du gouvernement fédéral.

La direction SIDBEC confirmait récemment les chiffres de la municipalité à l'effet que la fermeture des laminoirs à plats, de la coulée continue de brames, d'un four et d'un module de réduction résulterait en des mises à pied permanentes de 825 personnes au complexe de Contrecoeur. Je vous invite à consulter le tableau à la page suivante qui représente la répartition par villes des employés de SIDBEC qui travaillent au complexe de Contrecoeur selon la liste des employés de SIDBEC mise à jour en octobre 1982. À la gauche complètement, vous voyez les municipalités dont il est question; au centre, le nombre d'employés de SIDBEC qui résident dans la ville qui est énumérée à gauche et finalement à droite le pourcentage des employés de SIDBEC du complexe de Contrecoeur qui résident dans cette même ville. À titre d'exemple, à Contrecoeur, il y a 661 employés à SIDBEC, ce qui représente 30,6% des employés du complexe. À Tracy, nous avons 307 employés, ce qui donne un pourcentage de 14,2% et à Sorel, 284 pour 13,2%. Nous revenons avec les 825 personnes qui seront mises à pied au niveau du complexe de Contrecoeur. (22 heures)

Si l'on considère que 30,6% des employés de SIDBEC à Contrecoeur demeurent sur le territoire de notre municipalité, on peut conclure que 252 employés résidant à Contrecoeur, seront directement touchés par une mise à pied qu'entraînerait la fermeture partielle des installations de Contrecoeur, telle que recommandée par la haute direction de SIDBEC. Ce chiffre de 252 représente à lui seul 11% de la main-d'oeuvre de Contrecoeur, 252 chômeurs de plus parmi les travailleurs les mieux payés de notre population; c'est important et lourd de conséquences.

Nous vivons en 1982 une situation que la municipalité de Contrecoeur n'a jamais connue. Des travailleurs spécialisés et expérimentés sont obligés de demeurer à la maison et d'attendre. Qu'est-ce qu'ils attendent? La fameuse reprise économique. Évidemment, cette situation temporaire n'est pas particulière à Contrecoeur, mais, chez nous, la population est jeune et spécialisée. Il sera pratiquement impossible pour plusieurs de ces travailleurs de retrouver un travail

dans leur spécialité. De plus, à la suite des appels faits aux principales entreprises locales qui font affaires avec SIDBEC, nous estimons qu'environ 80 personnes résidant à Contrecoeur perdraient leur emploi si le gouvernement appliquait la recommandation de SIDBEC. C'est donc dire que l'impact de la fermeture des laminoirs à plats de la compagnie SIDBEC, à Contrecoeur, ferait doubler le nombre de chômeurs, en causant environ 332 mises à pied permanentes (ou 14,4% de la main-d'oeuvre locale) et affecterait directement plus de 764 personnes ou, si vous préférez, 14,3% de la population totale, selon le ratio, 2303 travailleurs pour 5347 habitants.

Selon d'autres chiffres avancés par la municipalité et récemment confirmés par la direction de SIDBEC, la compagnie SIDBEC a dépensé à Contrecoeur, durant l'année 1981, en achats divers, la somme de 2 320 000 $. Une fermeture des laminoirs à plats entraînerait une réduction de 1 712 000 $ ou de 73%. Cette perte devra être supportée principalement par des petites entreprises locales, soit deux compagnies de transport, quatre entrepreneurs généraux, deux quincailleries, un atelier d'usinage, ainsi que trois ou quatre garages. Nous connaissons les problèmes auxquels font face les entreprises de cette taille avec la crise économique que le Québec traverse présentement; ce sera un dur coup pour certains et ce sera un coup de trop pour d'autres.

Aux achats de la compagnie viennent s'ajouter les achats des travailleurs et ajoutons que ce ne sont pas les résidents de la municipalité qui font vivre dix restaurants à Contrecoeur. Une chose est certaine, c'est qu'advenant la fermeture partielle de SIDBEC plusieurs commerces seraient affectés et, parmi ceux-ci, quelques-uns ne survivraient pas.

D'autre part, le rôle d'évaluation de la corporation municipale de Contrecoeur pour l'année 1982 est de 155 156 310 $ dont 67 948 630 $ ou 43,8% pour la compagnie SIDBEC. Le budget total de la municipalité pour l'année 1982 est de 2 142 374 $; les revenus de la taxe foncière générale sont de 1 163 164 $, les revenus de la taxe de secteur de l'ex-paroisse sont de 127 965 $ et la taxe d'eau représente un revenu de 240 132 $.

Si l'on envisage l'hypothèse de la fermeture des produits plats et que les bâtiments soient non utilisés après la fermeture, l'évaluation de ces bâtiments tomberait à 20% de leur valeur marchande et l'évaluation totale de SIDBEC serait diminuée de 24 000 000 $ ou 35%; soit une baisse de revenus de 182 400 $ au niveau de la taxe foncière et de 24 000 $ au niveau de la taxe de secteur.

L'eau potable est utilisée pour des fins sanitaires seulement; donc, la consommation varie proportionnellement au nombre de travailleurs. Advenant 825 mises à pied, la consommation d'eau potable serait réduite de 63 000 000 de gallons à 36 000 000 de gallons ou 42% de moins. À 0,17 $ les 1000 litres, la municipalité subirait une baisse de revenus de 20 000 $.

C'est donc dire que cette perte de 226 400 $ résulterait en une augmentation de taxes pour les contribuables de 18%, et cette augmentation devrait être absorbée par une population dont une importante proportion serait sans travail.

L'impact socio-économique au niveau régional. Il est évident que la municipalité de Contrecoeur n'a pas eu le temps de compiler bien des statistiques au niveau de la région, mais tous connaissent la situation tragique qui affecte particulièrement la région de Sorel au niveau du chômage. Or, selon notre tableau sur la provenance des employés de SIDBEC, en plus des 252 venant de Contrecoeur, on sait que 380 travailleurs de la région de Sorel-Tracy perdraient leur emploi et qu'il en serait de même pour 138 autres travailleurs de la rive sud si le gouvernement décidait de fermer les produits plats de l'usine de SIDBEC.

Ces chiffres ne sont peut-être pas catastrophiques, mais n'oublions pas la situation de ces municipalités. On parle de 45% à 50% de chômeurs à Sorel. La région de Sorel a, d'ailleurs, été désignée zone d'intervention spéciale par le gouvernement fédéral. De plus, un consensus semble se dégager, à savoir qu'un emploi dans le secteur primaire correspond à trois emplois dans d'autres domaines. C'est donc dire que, dans les territoires de la municipalité régionale de comté de Lajemmerais, de la municipalité régionale de comté du Bas-Richelieu et de la municipalité régionale de comté du Haut-Richelieu où résident les 825 travailleurs dont les postes sont en jeu, on peut parler d'une affaire de 3300 emplois.

D'autre part, selon les chiffres qui suivent, les achats de la compagnie en 1982 dans le territoire englobant Boucherville, Sorel-Tracy et Trois-Rivières totalisent 20 256 000 $ et les pertes prévisibles, à la suite de la fermeture des laminoirs à plats seraient de 13 715 000 $ ou une réduction de 67%.

Nous croyons qu'une décision négative de la part du gouvernement affecterait grandement notre région pour plusieurs années et que, même avec une reprise économique, les travailleurs de SIDBEC mis à pied de façon définitive resteront défavorisés.

Toutes les municipalités qui nous ont mandatés et qui nous ont fourni leur appui sont conscientes que le gouvernement devra investir pour que SIDBEC continue à vivre. Ces municipalités sont aux prises avec des problèmes économiques hors de leur contrôle.

Elles sont durement touchées par le chômage et veulent conserver les emplois qui subsistent encore, et nous croyons que toutes ces municipalités ont confiance en l'avenir de SIDBEC.

Nous passons ici à la participation de la municipalité de Contrecoeur. Compte tenu de l'importance de la compagnie SIDBEC pour la municipalité de Contrecoeur, compte tenu de l'impact d'une fermeture partielle des activités de cette compagnie sur notre territoire, la municipalité, par la seule voie qu'il lui est possible de prendre, s'engage pour l'année 1983 à réduire de 53 000 $ le compte de taxes de SIDBEC.

En 1982, la municipalité a confectionné, au coût de 36 000 $, un rôle de valeur locative. Le total de ce rôle à être imposé en 1983 est de 12 402 480 $, dont 8 986 620 $ ou 72% pour la compagnie SIDBEC. Le fait de ne pas imposer de taxe sur le rôle de valeur locative fera économiser à SIDBEC pas moins de 134 780 $, car, tel que récemment annoncé publiquement par la municipalité en octobre 1982, le taux de taxe relatif à ce rôle devait être de 1 $ et 1,50 $ les 100 $ d'évaluation locative.

Le manque à gagner sera récupéré par la taxe foncière dont l'évaluation de SIDBEC représente 43,8%, d'où une économie réelle pour SIDBEC de 53 242 $. Les autres compagnies et les commerces bénéficieront également de cette mesure qui nous semble juste et équitable dans les circonstances.

Évidemment, les contribuables de la municipalité devront absorber le coût de cette mesure. Mais nous ferons l'impossible pour comprimer notre budget de 1983 - déjà comprimé en 1982, d'ailleurs - et pour retarder certains projets afin de minimiser les dépenses. Nous croyons que notre population est prête à payer un peu plus et à recevoir un peu moins pour venir en aide à SIDBEC.

Conclusion. Dans ce mémoire, nous avons tenté de démontrer combien la municipalité de Contrecoeur est dépendante de la compagnie SIDBEC. Nous avons constaté la situation difficile que traverse notre région, particulièrement au niveau du chômage, mais surtout nous voulons dire notre confiance et notre optimisme quant à l'avenir de notre sidérurgie québécoise. La municipalité de Contrecoeur offre de participer à la sauvegarde de SIDBEC, mais nous savons que nos humbles moyens ne pèsent pas lourd dans la balance. Toutefois, nous espérons que notre exemple portera fruit.

Il était important pour la municipalité de Contrecoeur de se faire entendre sur ce sujet. Les dirigeants de la municipalité désirent remercier le gouvernement qui nous a donné cette occasion de le faire. Merci.

Le Président (M. Paré): Merci. M. Dussault: M. le Président...

Le Président (M. Paré): Oui, M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: ... je m'excuse auprès des gens de Contrecoeur. Je n'ai pas voulu interrompre la lecture de l'exposé. Je voudrais vérifier s'il y a consentement pour continuer après 22 heures l'audition des mémoires. On aurait dû normalement le faire à 22 heures, mais je ne voulais pas être impoli à l'égard de nos invités. Est-ce qu'il y a consentement pour qu'on continue l'audition des mémoires après 22 heures?

Le Président (M. Paré): Vous n'étiez pas ici; on a déjà donné le consentement.

M. Dussault: Moi aussi, M. le Président, j'accorde mon consentement pour qu'on continue l'étude des mémoires. Merci.

Le Président (M. Paré): C'est déjà accepté. Merci. La parole est maintenant au député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier le ministre qui m'a cédé son droit de parole et dire aux gens de la municipalité de Contrecoeur que le ministre réagira probablement un peu plus tard. Je voudrais, d'abord, vous remercier de votre patience - cela fait deux jours que vous êtes ici - et de la collaboration que vous avez manifestée aux membres de la commission en acceptant que d'autres interviennent avant vous alors que vous veniez après la compagnie SIDBEC. Je voudrais également remercier les gens de la municipalité de Contrecoeur et les féliciter pour le travail assez extraordinaire qu'ils nous présentent aujourd'hui, compte tenu du temps qu'ils ont eu à leur disposition pour préparer un tel mémoire.

Je ne sais pas si les gens s'en rendent compte, mais c'est un sacré éclairage que, finalement, on nous apporte ce soir sur l'impact socio-économique dans la région de Contrecoeur située sur la rive sud du Saint-Laurent. Jusqu'à maintenant, on a beaucoup parlé des impacts socio-économiques. Les Métallos ont développé ce sujet, ce matin, mais on n'avait pas été aussi précis quant à l'impact que ça pourrait avoir en termes socio-économiques pour la région immédiate de Contrecoeur. Je pense qu'il fallait que ce soit fait. Le fait que vous ayez réussi en si peu de temps à ramasser des données importantes, factuelles, chiffrées, qui nous permettent d'avoir une idée assez précise de l'impact qu'aurait la décision de fermer une partie des installations importantes de SIDBEC situées à Contrecoeur, va, j'en suis

convaincu, peser assez lourd dans la décision qui devra éventuellement être prise par le gouvernement.

D'autres municipalités aussi - vous en avez fait état dans votre mémoire - vous ont offert leur collaboration, vous ont peut-être même fourni des chiffres. Il était important à ce moment-ci du débat qu'on apporte cet éclairage particulier. Je n'ai pas beaucoup de questions. Les choses sont tellement claires dans le mémoire que l'on n'a pas de raison de douter des chiffres que vous avancez. J'aimerais simplement vous faire préciser une chose. Est-ce que vous avez pu, au cours des derniers mois, évaluer l'impact qu'ont eu, depuis un certain temps, depuis le début de l'année, je crois, les mises à pied temporaires, mais dont le temporaire dure déjà depuis un bon bout de temps, dans la région de Contrecoeur? Est-ce que cet impact est inclus parmi ceux que vous avez indiqués? Ou est-ce que ceux que vous avez indiqués faisaient plutôt état d'impacts qui se produiraient si l'usine était fermée de façon permanente?

M. Lavoie: Ce que nous avons tenté de refléter dans le mémoire était un impact directement relié à la fermeture des produits plats, du module de réduction et d'un four. Cependant, nous pouvons peut-être ajouter que dans la municipalité, présentement, au complexe de Contrecoeur, il y a quelque 400 employés qui sont mis à pied temporairement et on peut estimer à environ 120, avec le rapport de 30,6%, les employés du complexe qui demeurent à Contrecoeur. Déjà, en ce qui concerne les commerces, nous ressentons effectivement ce ralentissement économique. (22 h 15)

De plus, dans la situation présente que nous vivons, étant donné qu'il y a des mises à pied assez fréquentes, il y a une atmosphère de crainte qui se développe et je peux vous assurer que les investissements ou les dépenses qui normalement se font de façon courante sont limitées au minimum présentement au sein des commerces. Cela, c'est pour l'impact sur les petits commerçants du coin, de chez nous, et plusieurs sont en mesure de le prouver.

M. Charbonneau: Donc, si je comprends bien, les gens qui sont déjà mis à pied, en ce qui concerne particulièrement la municipalité de Contrecoeur, est-ce que c'était inclus dans le chiffre que vous nous avez donné? Je pense que vous avez parlé de 252.

M. Lavoie: Nous aurions effectivement 252 mises à pied à cause de la fermeture proposée par la direction de SIDBEC; cependant, nous en avons calculé 80 qui s'ajouteraient, des emplois indirects comme des camionneurs, des travailleurs de la construction, etc. Avec le nouveau total, les gens qui sont déjà inclus dans les 14% qu'on a cités sur le chômage régional, nous arrivons à la conclusion que le chômage pourrait même atteindre jusqu'à 20% et 23% dans la région immédiate de Contrecoeur.

M. Charbonneau: Je présume que, finalement, vous avez fait votre calcul à partir des pourcentages, comme vous l'avez indiqué tantôt. Cela ne tient pas compte, par exemple, de la liste d'ancienneté. Sur la liste des gens qui seraient les premiers mis à pied ou les premiers affectés par d'éventuelles décisions de fermeture, il pourrait très bien arriver que le hasard ferait qu'on retrouve une partie plus importante que les 30% dont vous avez fait état parmi les gens qui demeurent à Contrecoeur.

M. Lavoie: Cela pourrait arriver. On s'est basé sur les statistiques; on n'avait pas la moyenne d'âge des employés des différentes villes. Si on veut apporter un peu de précisions, présentement, avec les 14,3% de chômage à Contrecoeur, on évalue cela à 329 employés; la fermeture des plats causerait 252 nouvelles mises à pied; 80 emplois dépendent directement de SIDBEC; si on enlève des 329 chômeurs actuels les 30,6% qui correspondent aux 400 chômeurs présentement au complexe, on arrive avec 539 chômeurs sur une population de travailleurs de 2303, ce qui donnerait effectivement 23,4% de la population des travailleurs.

M. Charbonneau: Vous avez indiqué dans votre mémoire que vous ne le présentiez pas uniquement au nom de la municipalité de Contrecoeur, mais de plusieurs autres municipalités, y compris les gens de la région de Sorel, où le taux de chômage est déjà actuellement beaucoup plus élevé qu'il ne l'est à Contrecoeur.

M. Lavoie: Effectivement.

M. Charbonneau: II est à 35%, peut-être même plus actuellement. Il est aussi exact de signaler qu'à Contrecoeur, outre SIDBEC, il y a les installations de Stelco et il y a aussi des usines de meubles et de chaussures qui sont des secteurs, comme on le sait, mous et qui sont peut-être actuellement plus affectés par la situation économique que d'autres types d'entreprises.

M. Lavoie: Nous avons effectivement dans le secteur mou un léger problème pour certaines entreprises.

M. Charbonneau: Écoutez, je ne veux pas prolonger plus longtemps la discussion, sauf que je voudrais signaler aux membres de la commission - vous l'avez fait, mais je

pense que c'est important de le noter - que la municipalité de Contrecoeur a fait un effort particulier. Je pense que la décision que vous avez prise n'était pas facile; je le sais parce qu'on a eu des discussions ensemble pour décréter de ne pas utiliser le pouvoir de taxation que vous veniez de vous donner et que vous aviez envisagé d'utiliser pour l'an prochain. Dans ce sens, vous avez pris la décision politique, finalement, de demander à l'ensemble des citoyens de Contrecoeur de participer à une espèce de corvée sauvetage de SIDBEC. Je pense que cela mérite d'être souligné.

Si, d'une part, ce matin, on a entendu le Syndicat des métallos, qui s'est dit prêt éventuellement, à certaines conditions qui, je pense, sont normales, à faire sa part, on peut dire que l'ensemble de la population de Contrecoeur, par la décision que la municipalité a prise au cours des derniers jours, a aussi décidé de mettre l'épaule à la roue, puis d'apporter une contribution tangible. Il y a des gens qui vont peut-être trouver que 53 000 $, ce n'est pas beaucoup, mais pour une municipalité comme Contrecoeur, je crois qu'il faut signaler que c'est important. J'aimerais que vous nous précisiez ce que cela va vouloir dire en termes de hausse pour l'ensemble des contribuables la décision que vous avez prise de ne pas utiliser ce pouvoir de taxation additionnelle que vous veniez de vous donner.

M. Lavoie: Pour la municipalité, à l'heure actuelle, nous avons un budget de 2 200 000 $. On peut faire le rapport de 53 000 $ sur le budget de 2 200 000 $: cela donne quelque chose comme 3%, je pense.

M. Bernier (Roch): Cela veut dire que, si on parle d'augmentation de taxes réelle, c'est 18%, parce que, dans le budget municipal, il y a des revenus qui viennent du gouvernement, des compensations, puis d'autres revenus. C'est l'ugmentation de taxes réelle pour l'année 1983.

M. Lavoie: Excusez-moi, les 53 000 $ comme tels, disons, qui libèrent SIDBEC.

M. Charbonneau: C'est la part de SIDBEC.

M. Lavoie: C'est cela. Je crois qu'on peut se limiter à cela. Cela va.

M. Charbonneau: Je voudrais vous remercier, encore une fois, et remercier, à travers vous, la population de Contrecoeur. Je pense que les gens ont compris que tout le monde devait faire un effort. Cet effort est louable. Dans votre mémoire, vous espériez que votre exemple porte fruit; j'espère qu'il va, effectivement, porter fruit; j'ai l'impression qu'il va porter fruit. J'ai l'impression que, finalement, on va peut-être réussir non seulement à sauver les meubles, mais à consolider la position de SIDBEC, et de l'ensemble de la région qui, dans notre coin, en est dépendante en bonne partie. On n'est pas la Côte-Nord, ce n'est peut-être pas la seule industrie dans notre coin, mais, comme vous l'avez souligné, si Contrecoeur baisse considérablement son niveau d'activité, cela va être un coup assez considérable pour l'ensemble de la région et, en particulier, pour Contrecoeur. Merci infiniment.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier et féliciter les invités pour leur mémoire, les informations qui sont contenues dans ce mémoire et aussi pour la position qu'ils ont prise. Je crois que vous témoignez de votre devise: "À coeur vaillant, tout est possible". Je pense que vous montrez une grande responsabilité de la part des autorités municipales et vous donnez l'exemple que, dans un moment difficile, vous êtes prêts à faire votre part pour essayer d'encourager, d'une façon tangible, une industrie qui est en difficulté. Comme vous le savez, on nous a suggéré différents scénarios, différentes possibilités concernant les opérations manufacturières de SIDBEC. Je suis convaincu, - et je l'espère - que le gouvernement va prendre en considération toutes les représentations qui ont été faites, ainsi que les suggestions des différents mémoires.

Les Métallos en avaient fait plusieurs quant à leur perception de ce que le gouvernement devrait faire ou que SIDBEC devrait faire pour améliorer leur performance afin de maintenir, autant que possible, le fonctionnement de SIDBEC. Je crois que c'est dans cet esprit que la commission parlementaire, quant à moi, a lieu, pour essayer de faire ressortir les différentes possibilités, et que le gouvernement puisse prendre des décisions pour essayer d'éviter le genre de situation que vous venez de souligner. Vous avez déjà un chômage assez élevé dans votre région qu'ajoutant d'autres chômeurs, je crois que vous allez arriver à un taux de chômage qu'on n'a pas connu depuis la dépression. C'est grave. C'est sérieux. Vous avez certainement notre sympathie et notre appui. Vous pouvez être certains qu'on va suivre ce dossier de très près pour obliger le gouvernement à prendre les mesures nécessaires à faire tous les efforts, dans un but de rentabilité, mais aussi pour maintenir, autant que possible, les emplois dans cette très importante industrie. On vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le

ministre.

M. Biron: M. le maire, je voudrais joindre ma voix à celles de mes collègues et particulièrement à celle du député de Verchères pour vous remercier de votre patience, bien sûr, mais aussi du ton et de la qualité de votre présentation. Qualité dans le sens que vous voulez participer à redonner un peu de vie à SIDBEC et l'offre que vous faites de la part de la municipalité, c'est quelque chose qui me touche. Cet après-midi, je disais qu'il n'y a pas d'avenir pour SIDBEC si les hommes de SIDBEC n'y croient pas. Je pense que les gens de SIDBEC sont aussi des gens des municipalités concernées. La municipalité de Contrecoeur y croit tellement que vous dites: Nous, nous allons faire un effort. Ce n'est pas beaucoup dans un océan de 150 000 000 $ de déficit, mais c'est un symbole. Puis, un symbole pour moi, c'est important; c'est beaucoup plus important que la piastre au bout, parce que vous avez voulu donner un signe tangible de foi dans le plus long terme avec SIDBEC. Cela peut motiver beaucoup de gens qui travaillent chez SIDBEC. Cela peut motiver les travailleurs de la base comme les dirigeants de l'entreprise de savoir qu'il y a une municipalité chez vous qui croit tellement à SIDBEC que vous dites: On veut nous aussi y participer. Un peu comme dans l'évangile de dimanche dernier, alors que la veuve mettait son obole et le Seigneur a dit que cela, c'est aussi important que l'argent des riches. Alors, la participation, de la municipalité dans ce sens, moi, je la juge importante et sérieuse. Je veux vous en remercier publiquement. J'apprécie le geste que vous avez posé. Veuillez croire que nous tiendrons compte dans notre décision de la foi de la municipalité de Contrecoeur envers SIDBEC.

M. Lavoie: Merci.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions de votre participation. J'inviterais maintenant le regroupement socio-économique de Gagnon, Port-Cartier et Sept-Îles à s'avancer. M. Gaudette, si vous voulez présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Regroupement socio-économique de Port-Cartier, Gagnon et Sept-Îles

M. Gaudette (Pascal): Mon nom est Pascal Gaudette. M. le Président, M. le ministre, MM. les députés, mesdames et messieurs, je suis président de la Chambre de commerce de Port-Cartier et porte-parole de notre regroupement. J'ai, à mes côtés, M. André Gauthier, président du Comité d'adaptation communautaire; M. Jacques Hamel, président de la Chambre de commerce régionale Manicouagan; Mme A. Cormier, représentante du goupre Action-Gagnon et de l'Association des hommes d'affaires de la même ville; M. Richard Routier, un travailleur du fer licencié, qui travaille très fort ces temps-ci au reclassement de ses confrères qui ont subi le même sort; le maire de Schefferville, M. Charles Bégin; M. René Bélanger, représentant de la Chambre de commerce de Sept-Îles, ainsi que le maire de Ferment, M. Jean-Claude Ménard. Je voudrais vous faire remarquer l'absence du maire de Sept-Îles, M. Jean-Marc Dion, ainsi que celle du commissaire industriel de Sept-Îles, M. André Coutu. Ils sont absents pour des raisons majeures. (22 h 30)

Le Président (M. Desbiens): Merci.

M. Gaudette: Avant de faire cette présentation, M. le Président, nous tenons à faire une mise au point. Si notre mémoire est politique, votre décision le sera sûrement. Plus que notre voix, c'est la voix de la Côte-Nord, celle de milliers de travailleurs, de commerçants, d'entrepreneurs de chez nous, bien sûr, mais également de tous les Québécois qui bénéficient économiquement d'une Côte-Nord dynamique. Certains prétendront que notre mémoire est partisan. Rien de plus faux. Il est dur, nous en convenons, mais ce n'est que la réaction normale à l'impact qu'ont eu les déclarations gouvernementales ces derniers temps. Fermer Normines, c'est fermer la Côte-Nord. Quelle autre réaction pouvions-nous avoir?

Nous n'avons pas la prétention de vous démontrer, analyse à l'appui, le bien-fondé des diverses solutions, d'autres s'étant livrés à ce genre d'exercice, votre comité interministériel entre autres. Au fond, sous le couvert d'une commission parlementaire sur SIDBEC, c'est le procès de SIDBEC-Normines que l'on veut faire. Le rapport du comité et les déclarations ministérielles en sont la démonstration. De notre côté, nous voulons vous convaincre que la recherche de solutions est à peine entamée et que le climat de panique qui règne actuellement n'est pas propice à la réflexion.

Quelle est, donc, cette Côte-Nord, ce Nouveau-Québec dont tout le monde parle, mais que bien peu connaissent? Voici quatre grandes caractéristiques de notre région. Premièrement, l'ensemble du Québec perçoit tant bien que mal ce qui est pourtant évident: son avenir se joue sur la Côte-Nord. Deuxièmement, développé par des capitaux étrangers avant tout intéressés au fer et au bois, le Nouveau-Québec n'a jamais donné réellement la mesure de ses moyens. La richesse phénoménale de la fosse du Labrador a, d'ailleurs, jusqu'à ce jour, été laissée inexploitée. Même aujourd'hui, l'exploitation du Nouveau-Québec est surtout faite par les

minières locales, ces "joint ventures" dont la raison d'être est le fer. C'est encore sur elles que l'on compte pour notre avenir. Troisièmement, notre région a attiré chez elle une main-d'oeuvre jeune qui, de toute évidence, se devait d'être spécialisée. Ce besoin a permis à des travailleurs de régions plus défavorisées d'y trouver ambition et indépendance. Championne des hauts salaires, les villes de Sept-Îles, Port-Cartier, Schefferville, Gagnon et Fermont n'ont pas connu le chômage avant aujourd'hui. Quatrièmement, même si la région compte cinq villes, elles ne forment qu'un tout. Cependant, notre balance commerciale avec l'extérieur est largement déficitaire. Suivant les données de votre ministère du Travail, la région employait, en 1979, 22 708 travailleurs dont plus de 8500 dans le secteur primaire. La proportion conservatrice d'un emploi primaire pour trois autres emplois créait donc dans la région un déficit de 12 000 emplois au profit, principalement, des autres centres économiques de la province.

Nous vous proposons maintenant une réflexion sur le sort d'une compagnie, mais également sur le sort de milliers de travailleurs de chez nous et d'ailleurs, de milliers de personnes qui ont accepté de s'isoler et qui se voient maintenant à la merci d'une décision sur laquelle elles n'ont rien à dire.

M. Biron déclarait, le 1er novembre, que le gouvernement serait prêt à assumer un "certain coût social" si Normines fermait. C'est là beaucoup de générosité pour une région qui a, par le passé, largement contribué à défrayer les coûts sociaux des régions voisines. C'est faire preuve d'un grand sens de ses responsabilités que d'accepter d'assumer, un peu, les conséquences de son fait unique.

Sans vouloir faire un historique, rappelons-nous les circonstances de la création de SIDBEC. Prérequis pour devenir "maîtres chez nous", le rêve d'une sidérurgie québécoise avait pris forme. Enfin, nous allions avoir le contrôle de notre économie. Notons que le cheminement de SIDBEC fut marqué par deux époques majeures: l'acquisition d'équipements de transformation pour l'acier brut et, par la suite, la venue de SIDBEC-Normines pour rendre SIDBEC maîtresse de ses approvisionnements en minerai de fer. Pour éviter la confusion, nous emploierons "Normines" pour désigner SIDBEC-Normines. La création de Normines a permis aux Québécois de participer au développement de la Côte-Nord, de ne pas être à la merci de multinationales américaines et de ne pas les laisser seules s'approprier de la plus grande partie des richesses naturelles du Québec. Combien de fois nous a-t-on souligné l'importance de former une élite de dirigeants susceptibles de reprendre la gestion de nos richesses naturelles, de réaliser dans le fer ce que l'on avait fait au niveau de l'électricité. Dans la même foulée que les multinationales américaines, basant ses décisions sur les mêmes indicateurs de développement économique, le gouvernement s'associa à British Steel et à la minière Québec Cartier fondant Normines. Depuis cette date, les travailleurs de Normines oeuvrant sur une terre qui n'est plus désormais celle de Caïn ont su produire avec détermination près de 20 000 000 de tonnes de boulettes de fer, les meilleures au monde.

Si l'on fait l'analyse des performances de Normines au cours de ces cinq années, on les résume par deux constatations majeures. Normines est une réussite remarquable sur le plan de l'efficacité technique et opérationnelle, tout en étant un boulet financier pour SIDBEC. L'opinion publique ne retient malheureusement que ce dernier aspect et les déclarations ministérielles récentes l'amènent à ignorer tout le reste. Oui, Normines est une réussite du côté technique et opérationnel grâce à une conception originale et remarquable et à un agencement de ressources humaines bien adaptés.

Voici quelques aspects, d'ailleurs, techniques et humains qui méritent d'être cités. Premièrement, un gisement contenant très peu d'éléments chimiques ou métalliques contaminants, ce qui permet de produire des boulettes de haute qualité reconnues comme étant les meilleures au monde.

Deuxièmement, une équipe d'exploitation expérimentée et stable pour une telle région, cela ajouté à des relations de travail saines et harmonieuses. Enfin, une flexibilité quasi unique permettant de produire des boulettes répondant aux exigences actuelles et futures de tous les types d'aciéries. Et ce sont, M. le Président, ces faits, ces réalisations que l'on passe sous silence.

Permettez-nous maintenant de vous faire un bilan partiel, bien sûr, de ce qu'était notre région avant d'être touchée par la crise. En 35 ans, en dollars non actualisés, c'est plus de 4 000 000 000 $ que les minières ont investis sur la CÔte-Nord. En 1974, le gouvernement provincial, par l'entremise de SIDBEC et d'autres partenaires, investissait à son tour 630 000 000 $ répartis entre Gagnon et Port-Cartier. C'était là un bel effort, mais combien modeste, vis-à-vis de ceux que nos voisins du Sud avaient faits. Et ce n'est pas tout. Les investissements miniers et ceux du gouvernement fédéral exclus, les valeurs foncières résidentielles de nos municipalités s'élevaient à plus de 500 000 000 $, en 1979 encore. Il n'y a pas que la région qui profita de ce développement. De 1975 à 1979, c'est plus de 100 000 000 $ en impôts que le gouvernement fédéral a tirés des poches des travailleurs et ce, à Sept-Îles seulement, ou

encore près de 250 000 000 $ pour le trésor provincial dans le seul comté de Duplessis.

Mais la récession économique qui frappa le Québec en 1981 fut perçue beaucoup plus tôt chez nous. La fermeture de Rayonier et la mise à pied de 1300 travailleurs, en 1979, précéda la crise nationale du fer et de l'acier. En juillet 1982, Sept-Îles, Port-Cartier, Schefferville, principales victimes de cette crise, perdirent 4350 emplois dans le secteur primaire seulement. Et on prévoyait qu'en décembre de cette année, nonobstant l'avenir de Normines, 1030 emplois additionnels seraient perdus dans le secteur primaire, laissant, en décembre 1982, plus de 13 450 emplois perdus, soit 67% de la main-d'oeuvre disponible. N'ayant appris que la semaine dernière la décision de la minière IOC, nous n'avons pas inclus la fermeture de Schefferville dans nos données.

Autres faits. Comme partout ailleurs, nos travailleurs ont d'abord investi leurs économies dans l'achat d'une résidence. En trois ans, ce marché a chuté de 40%, anéantissant d'un seul coup toutes leurs économies. La Société canadienne d'hypothèques et de logement est maintenant propriétaire de 90% de l'univers locatif à Port-Cartier et de 50% à Sept-Îles. Cette perte d'équité foncière, pour une population jeune et fortement endettée, n'a pu que causer faillites financières et faillites familiales. Est-ce que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme a songé que, depuis deux semaines, toutes les marges de crédit accordées aux entreprises de Gagnon ont été rappelées et que les fournisseurs ne consentent aucun crédit? Le mot "C.O.D" est maintenant monnaie courante et même Normines goûte à cette médecine.

De plus, la situation financière des municipalités est maintenant sujette à caution; leur taux d'endettement s'élève à un total de 87 000 000 $. N'est-il pas raisonnable de penser qu'à court terme, votre gouvernement devra donc se porter au secours de la ville de Schefferville? N'est-il pas raisonnable aussi de croire qu'une analyse des coûts engendrés par la fermeture de Normines doit inclure à court terme la responsabilité financière de votre gouvernement en ce qui a trait aux dettes des villes de Gagnon et Port-Cartier? Assumer un "certain coût social", disiez-vous, M. le ministre; un coût social certain aurait été plus juste. De 1980 à ce jour, c'est 108 entreprises commerciales qui ont fermé à Sept-Îles et 140 à Port-Cartier. Et ce n'est pas fini! Quand le bâtiment va, tout va. Sept-Îles n'a émis qu'un seul permis de construction cette année et Port-Cartier, aucun. Voilà donc dans quel contexte régional nous assumerons les conséquences de vos décisions. Si certains coûts sociaux sont appréciables en argent, vous conviendrez avec nous que d'autres le sont plus difficilement.

Le 21 septembre 1982, le comité interministériel déposait son rapport sur la stratégie gouvernementale concernant l'avenir de SIDBEC. Nous n'avons ni la prétention, ni la compétence de mettre en pièces ce document sur une base technique et comptable. D'autres se chargeront d'ajuster ces chiffres avec la réalité. Cependant, à la section 2.2 du rapport, au chapitre des besoins de fonds de SIDBEC, on retrouve que, pour les cinq prochaines années, son implication dans Normines lui coûtera 633 000 000 $. Cette situation est tout simplement intolérable, suivant le même rapport.

Puis, l'on passe à la section 4.2 de ce même rapport et on lit ceci: "II apparaît -à l'analyse que, pour un déboursé en 1983 d'environ 325 000 000 $, la fermeture de SIDBEC-Normines apporte une solution rapide et définitive aux pertes" dites minières". On est donc amené implicitement à comparer pour les cinq prochaines années des pertes prévisibles de 633 000 000 $ à une dépense immédiate de 325 000 000 $ pour la fermeture. Quel choc, évidemment, pour celui qui arrête là son analyse de la situation sans pousser plus loin l'étude de la compréhension du document! D'une part, les 633 000 000 $ de pertes englobent l'intérêt du déficit encouru par SIDBEC dans les opérations "dites minières", lesquelles s'élèveraient à 185 000 000 $ au 31 décembre 1982, alors que, d'autre part, les 325 000 000 $ de coût de fermeture n'incluent pas ces 185 000 000 $.

Avant de mettre la clé sur la porte, encore faut-il satisfaire la condition essentielle suivante: l'acceptation de la fermeture de Normines par British Steel, deuxième principal partenaire. M. De Coster nous a fait part hier que British Steel n'était pas d'accord pour fermer Normines. N'aurait-il pas été plus sage que le ministre Biron obtienne cette information avant de soulever la panique?

Encore mieux, le rapport interministériel, en annexe C2, dresse le tableau comparatif des coûts de fermeture et du scénario no 1, soit la continuation des opérations par Normines. Ce tableau considère comme hypothèse que les pertes liquides accumulées de 185 000 000 $ au niveau des opérations minières de SIDBEC au 31 décembre 1982 et la mise de fonds initiale de 57 000 000 $ sont exclues de l'analyse. Ce sont des dépenses déjà encourues qu'il faudra acquitter dans tous les scénarios envisagés. Ce tableau montre avec assez d'évidence que le paiement de 325 000 000 $ dans le scénario de fermeture coûterait au gouvernement du Québec 53 000 000 $ par année pendant 20 ans, alors que le maintien des opérations

coûterait 55 000 000 $ en moyenne par année. Les 53 000 000 $ sont une perte fixe incompressible, alors que les 55 000 000 $ peuvent être diminués sensiblement avec une augmentation du rendement de l'entreprise. Ceci est, d'ailleurs, confirmé par M. De Coster qui a témoigné devant vous quant à une réduction des dépenses de Normines de 8 000 000 $. Par ailleurs, la reprise économique inévitable engendrera assurément des profits. (22 h 45)

II n'y a donc, entre les deux scénarios, que 2 000 000 $ d'économie. Voilà donc ce que vous achèteriez avec ces 2 000 000 $: la perte de votre équité dans Normines, la chance possible de tout récupérer lors de la reprise, la perte d'une technologie d'avant-garde, la faillite de la ville de Gagnon et celle probable de Port-Cartier, la multitude de faillites commerciales et personnelles et, enfin, la perte de revenus d'impôts et de taxes. Faut-il encore continuer? Ces 2 000 000 $ ne suffiraient même pas, M. le Président, à couvrir les déboursés d'aide et de support inhérents au chômage que vous auriez provoqué.

Parlant de chômage, nous avons dressé jusqu'à maintenant un bilan de la région excluant la fermeture de Normines. Qu'en serait-il si votre gouvernement se comportait comme IOC à Schefferville ou ITT à Port-Cartier? Le premier ministre disait, il y a quelques jours, que l'IOC avait agi comme seuls les capitaux étrangers savent le faire, comme des gens qui ont peu de racines au Québec. Qu'adviendrait-il si Normines, conformément à une décision que vous prendriez, se comportait comme du capital étranger? Demain matin, 800 travailleurs seraient sur le pavé à Gagnon, 800 travailleurs du secteur primaire qui, au surplus, sont à logement dans une ville où la condition essentielle au bail est de travailler pour la minière. Entre 1000 et 1200 familles qui, si elles déménagent, devront encourir un déboursé moyen de 4000 $ pour acheminer leurs effets et ce, à Port-Cartier ou à Sept-Îles seulement. Déménager, mais pour aller où?

Et le scénario continue. Demain matin, vous incomberait l'obligation d'assumer la dette municipale de Gagnon. Demain matin, c'est plus de 23 000 000 $ d'investissements que les petites gens et certaines institutions de Gagnon perdraient. Demain matin, encore, le salaire de ces travailleurs serait remplacé par les prestations de chômage et de bien-être. Demain matin, 400 autres travailleurs de Normines seraient congédiés à Port-Cartier. Combien en restera-t-il dans le secteur primaire? Le taux de chômage à Port-Cartier serait alors de 80%.

Et après-demain matin, M. le Président, la minière Québec Cartier parviendrait-elle à continuer ses opérations, après avoir perdu 44 000 000 $ d'honoraires annuels venant de Normines, elle qui, cette année, enregistrera un déficit substantiel? Finalement, M. le Président, que resterait-il de Port-Cartier si les transporteurs maritimes jugeaient non rentable que leurs bateaux chargés de grain, en provenance des Grands Lacs, retournent toutes cales vides faute de minerai? Lorsqu'on tient compte de tout ce qui précède et qu'on pousse à fond l'analyse du dossier, il devient impossible d'imaginer la fermeture partielle ou complète de Normines.

Enfin, on a beaucoup parlé des liens contractuels de SIDBEC avec ses actionnaires, ainsi qu'avec ses détenteurs d'obligations. Plusieurs les trouvent excessivement contraignants dans le contexte actuel. Ces contrats ont ceci de particulier: ils obligent les partenaires à prendre tous les moyens pour que l'association fonctionne durant la vie utile de l'entreprise, soit 25 ans. N'est-ce pas là raisonnable, compte tenu de l'impact social et économique que leur présence suscite dans une région comme la Côte-Nord?

Lorsque Hydro-Québec a signé le contrat la liant avec le gouvernement de Terre-Neuve pour le développement des chutes Churchill, elle n'a pas hésité à obtenir des garanties de prix et de volume pour une longue période. Le gouvernement trouve odieux aujourd'hui que la province voisine veuille renier sa parole parce que les conditions ont changé de façon imprévisible. Y aurait-il deux poids, deux mesures? Le gouvernement se réserverait-il le droit souverain d'exiger des modifications lorsque les conditions changent de façon défavorable pour lui? N'est-ce pas là le genre de contrat que le gouvernement du Québec aura envie d'appliquer avec ses futurs partenaires pour le développement économique du Québec? N'est-ce pas là un objectif des plus louables dans un contexte comme le nôtre? N'est-ce pas là, encore, le genre de contrat que le gouvernement, ainsi que la population de la Côte-Nord auraient voulu voir signer par la compagnie ITT à Port-Cartier? Pourquoi, alors, ne pas vouloir collectivement rester responsables de ce qui nous arrive et respecter nos engagements comme nous voudrons socialement que d'autres, dans l'avenir, respectent les leurs?

Nous désirons, maintenant, M. le Président, vous faire les recommandations suivantes. La première recommandation consiste à dissocier SIDBEC de SIDBEC-Normines et à rétablir la structure financière de SIDBEC en y injectant du capital-actions dans les plus brefs délais. Cette opération aura pour effet, premièrement, de placer les problèmes de chacune des compagnies dans leur cadre respectif; deuxièmement, de permettre à la direction de SIDBEC de se soulager d'un fardeau important qui l'étouffe et ainsi de favoriser l'investissement dans les

secteurs rentables afin de concentrer toutes ses énergies à produire et à vendre plus d'acier; troisièmement, de permettre aux employés de SIDBEC de réaliser des objectifs de réduction de coûts qui ne seraient pas annulés par des pertes qui proviennent de Normines. Ils pourraient alors reprendre peu à peu confiance en eux et en leur entreprise. Quatrièmement, d'avoir une chance de rétablir rapidement la crédibilité de SIDBEC aux yeux de l'opinion publique.

Une deuxième recommandation est d'intégrer Normines dans une autre société du gouvernement, car il est peu probable que l'on puisse trouver rapidement un autre partenaire. En effet, aucune entreprise privée n'a actuellement le désir de récupérer les pertes de SIDBEC dans Normines. Elles ont besoin de toutes leurs liquidités pour passer la crise actuelle. De plus, elles concentrent, avec raison, leurs ressources financières et leurs énergies à la production et au développement de produits finis afin d'être en mesure de profiter du marché de l'acier au moment de la reprise économique.

Cette même société recevrait du gouvernement québécois le mandat exceptionnel de mettre en place dans les plus brefs délais un plan d'action visant à rentabiliser Normines aux premiers jours de la reprise économique. Il faut comprendre, M. le Président, que les difficultés de Normines ne sont pas d'ordre technique, mais plutôt des problèmes de marché, puisque Normines, en raison de ses contrats, ne peut commercialiser elle-même son produit, étant tenue de vendre la totalité de sa production à ses actionnaires. Dans ces conditions, elle devrait être prise en charge par un organisme qui puisse être agressif sur les marchés internationaux et mettre en valeur la qualité de son produit afin d'en accroître les ventes. Ces efforts permettraient à Normines d'attendre la reprise économique en limitant les déficits et d'être en bonne position au moment du raffermissement de la demande.

Enfin, plusieurs vous auront suggéré ou vous suggéreront la privatisation de l'entreprise. Nous ne pouvons qu'être d'accord, mais de quelle façon? En fermant les portes? En agissant comme ITT, en attendant des années pour qu'un tiers se montre intéressé à relever le défi, à oublier l'image négative qu'entraîne un tel constat d'échec? ITT a attendu trois ans avant qu'un promoteur fasse valoir un certain intérêt. Il en a coûté à ITT 4 500 000 $ par an pour tenir ses installations dans les boules à mites. Voilà un coût additionnel qu'une fermeture entraîne et que le comité interministériel a oublié.

Depuis juin dernier, le gouvernement, par ses ministres, réagit avec panique au dilemme par des déclarations négatives et contradictoires. Les pertes enregistrées par

SIDBEC, toutes prévisibles qu'elles étaient, semblent soudainement vous avoir pris de court. Pourtant, les géants dans le domaine minier subissent des pertes considérables cette année, eux qui, lors de leurs investissements, y allaient d'une mise de fonds de 50%. Lorsque Normines fut créée, la mise de fonds des actionnaires fut de beaucoup inférieure et SIDBEC y injecta sa part à même son fonds de roulement. C'était plutôt à cette époque qu'il aurait fallu être surpris.

Cette panique ne devrait-elle pas être uniquement la nôtre? N'allons-nous pas être les premières victimes d'un problème qui provient de décisions prises il y a plusieurs années et dont les conséquences actuelles ne sont que logiques, si l'on considère le manque de capitalisation? Que l'on recherche la privatisation, une rationalisation des opérations, la venue d'un tiers, n'est-il pas plus prudent de le faire avec un complexe en marche?

Dans les démarches que vous entreprendrez pour trouver la solution, il est essentiel que vous répondiez aux questions suivantes: A-t-on pris tous les moyens pour vendre et produire à meilleur coût? Avons-nous recherché sérieusement un partenaire intéressé dans une garantie d'approvisionnement de produits de très haute qualité? Avons-nous mis tous les efforts nécessaires à commercialiser, sur le marché international, la production de Normines? Avons-nous tenté d'augmenter notre pénétration du marché de l'acier québécois, de l'acier canadien? Quelles démarches ont été entreprises avec les travailleurs du groupe SIDBEC pour réorganiser leur convention collective? Quelle considération avons-nous donnée à des formules de participation pour ces mêmes travailleurs, de façon à les inciter à augmenter leur productivité et à diminuer les coûts? Avons-nous considéré des formules de participation au capital-actions par les Québécois, avec incitatifs fiscaux adéquats? Allons-nous abandonner aussi rapidement six ans d'efforts? Le gouvernement se comportera-t-il comme une abeille butinant de fleur en fleur, tantôt le fer, tantôt l'amiante?

Le rapport du comité interministériel a dégagé superficiellement - et c'est là un euphémisme - les coûts engendrés par la fermeture. Nous en avons longuement discuté. Comment ne pas terminer par une dernière liste de recommandations?

Premièrement, reprendre avec calme et intelligence l'analyse du dossier.

Deuxièmement, intégrer dans votre personnel sous-ministériel du sang nouveau ayant plus d'audace, plus de confiance dans notre capacité québécoise de relever les défis et plus d'optimisme en l'avenir. Troisièmement, examiner avec soin et prudence les décisions à prendre et leur impact, tous les impacts,

en considérant l'opinion de tous les intervenants impliqués ici dans ce dossier. Enfin, arrêter le plus rapidement possible de traumatiser la population de la Côte-Nord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Merci, M. le Président. Je voudrais, tout d'abord, remercier les intervenants, spécialement M. Gaudette, le président de la Chambre de commerce de Port-Cartier, qui a présenté le mémoire au nom du groupe. Je ne ferai sûrement aucune allusion au mémoire, en ce qui a trait au sens politique qu'on peut lui donner ou qu'on peut interpréter dans quelques paragraphes. Je voudrais surtout m'en tenir à quelques commentaires se rapportant, et ce, pour le bénéfice de la commission ainsi que pour le bénéfice du ministre, à la page 9. Il est vrai que, durant plusieurs années, les gens de la région de Sept-Îles-Port-Cartier ainsi que des villes nordiques de Gagnon, Fermont et Schefferville sont ceux qui ont payé le plus d'impôt au Québec, parce que les salaires y étaient en grande majorité les plus élevés. C'est pourquoi, lorsqu'on dit que, de 1975 à 1979, les deux gouvernements respectifs ont reçu plus de 350 000 000 $ en impôts, je pense qu'il y a lieu que le gouvernement continue à faire des efforts, même le maximum, pour maintenir l'exploitation de SIDBEC-Normines.

À la page 11, on mentionne, à la fin du premier paragraphe: "le mot C.O.D. vous dit-il quelque chose? Même Normines goûte à cette médecine." Il y a environ un mois, j'ai eu l'occasion de rencontrer moi-même quelques hommes d'affaires de Gagnon. Je voudrais souligner ici que Mme Cormier, qui a contribué à ce mémoire, ainsi que M. Brodeur, qui a présenté un mémoire pour dépôt seulement, à l'article no 7 de notre ordre du jour, ont fourni beaucoup d'informations concernant le milieu des affaires de Gagnon. Nul doute que, si vous lisez attentivement les deux mémoires en question, vous allez constater qu'effectivement on doit payer comptant dans la ville de Gagnon, actuellement, et ce, pour toutes sortes de raisons. (23 heures)

M. Fortier: ...

M. Perron: Je ne reprendrai pas le commentaire qu'a fait le député d'Outremont; je vais le laisser passer. Tout cela pour vous dire, que lorsque je suis allé à Gagnon, j'ai rencontré plusieurs personnes du monde des affaires et je puis vous assurer que c'est du comptant: non pas aux 24 heures, mais, dans certains cas, même avant que la marchandise parte de Sept-Îles ou de Port-Cartier ou d'ailleurs, et cela pour plusieurs raisons, comme je l'ai mentionné tout à l'heure avant que le député d'Outremont intervienne.

A la page 16 du mémoire, on voit l'implication que pourrait avoir la fermeture de SIDBEC-Normines qui aurait des impacts très négatifs sur la ville de Port-Cartier, mais beaucoup plus sur la ville de Gagnon. Au début de cette commission, j'ai fait allusion au fait que les travailleurs travaillant actuellement pour SIDBEC-Normines pourraient muter certains travailleurs de Fermont. Il est sûr que cela pourrait causer énormément de problèmes aussi dans la ville de Fermont, à plusieurs familles, si jamais une telle décision était prise. Je n'ai pas besoin de répéter ici devant les intervenants que, jusqu'à ce jour, je me suis opposé, et ce, depuis plusieurs années, à la fermeture de SIDBEC-Normines, et que je continuerai avec vous sur ce point à défendre les intérêts de la Côte-Nord, et spécialement du comté de Duplessis.

Il y a quatre questions que je voudrais poser à une ou l'autre des personnes qui seraient susceptibles de répondre. À la page quatre, à la fin du dernier paragraphe, vous mentionnez: "On se souviendra qu'au cours de la dernière décennie la Compagnie minière Québec Cartier et l'IOC y allèrent d'investissements massifs: ouverture d'une nouvelle mine à mont Wright, et érection d'une ville complète à Fermont, construction d'une usine de boulettage et d'un concentrateur à Sept-Îles, investissement à Labrador City, doublant la capacité de concentration du minerai de fer".

Pour le bénéfice des membres de cette commission, pourriez-vous nous dire à combien s'élèvent les investissements de ces compagnies minières sur la Côte-Nord, entre 1970 et 1978 et ce, sans mentionner les montants qui ont été déboursés pour Normines, puisque nous les avons déjà eus au cours de cette commission?

M. Gaudette: Je vais demander à M. Gauthier de répondre.

M. Gauthier (André): M. le Président, M. Coutu qui est commissaire industriel de Sept-Îles est celui qui a fait la recherche pour cette partie du mémoire; malheureusement, il n'est pas ici.

Les vérifications que nous avons faites auprès de la Compagnie minière Québec Cartier et de la minière IOC nous amènent à conclure que Québec Cartier a investi une somme approximative de 800 000 000 $. Vous vous rappellerez le développement de Fermont. Enfin, quant à la compagnie Iron Ore, c'est 500 000 000 $ qui furent investis durant ces années, soit au moment où Normines elle-même faisait ses investissements.

On a parlé beaucoup de gros chiffres

devant cette commission. Sur la Côte-Nord, on est habitué aux gros chiffres, parce que généralement ce sont de gros investissements. Il faut aussi tenir compte que, dans les bonnes années, la compagnie minière IOC, par exemple, pouvait faire des profits de 150 000 000 $ à 200 000 000 $. Ceci vous permet, peut-être de comprendre que, bien souvent, lorsque les périodes sont creuses et que vient par la suite une bonne période, cela permet d'éponger une bonne partie des déficits que l'on peut avoir accumulés.

M. Perron: Merci, M. Gauthier. Maintenant, à la page 6, lorsque vous parlez "des relations de travail saines et harmonieuses", à votre connaissance, quel est le taux de roulement des employés à Normines? Comment qualifiez-vous les relations de travail de l'entreprise? Je pose la question puisqu'elle a déjà été posée antérieurement dans les deux dernières journées que nous avons passées.

M. Gaudette: Les relations de travail sont très bonnes; à notre connaissance, il n'y a même jamais eu de grève à SIDBEC-Normines. Quant au taux de roulement du personnel, de très élevé qu'il était au début, il est maintenant très bas; on parle d'environ 3%, c'est très minime.

M. Perron: Cela voudrait dire en ce qui concerne les employés, c'est pratiquement stable comparativement à d'autres compagnies.

M. Gaudette: Les employés ont un sentiment d'appartenance et ils demeurent sur place dans le cas de Normines.

M. Perron: Toujours à la page 6, lorsque vous parlez d'une "flexibilité quasi unique", pourriez-vous expliquer aux membres de cette commission ce que cela veut dire en détaillant beaucoup plus, vous l'avez seulement mentionné dans votre mémoire?

M. Gaudette: On aurait voulu avoir les experts que plusieurs autres intervenants ici ont eus. Malheureusement, cela nous est assez difficile. Avec les rencontres qu'on a eues et les contacts qu'on a eus, on nous a dit que Normines est extrêmement bien organisée. On peut produire des boulettes à basse teneur en silice, des boulettes à haute teneur en silice, des boulettes qui sont autofondantes, tout cela sans faire aucune espèce de modification aux installations si ce n'est quelques détails. C'est ce qu'on peut appeler une usine assez versatile.

M. Perron: Merci. Une dernière question. On dit, en haut de la page 7: "Une technologie originale développée localement depuis cinq ans et pouvant être exportée vers d'autres usines partout dans le monde". Qu'entendez-vous par exportation technologique puisque la phrase peut être interprétée à peu près comme ceci?

M. Gaudette: II s'est développé à Normines au cours des dernières années plusieurs nouvelles "patentes" - on peut appeler cela des "patentes" - qui technologiquement sont avancées. Entre autres, un système de convoyeur à doubles rouleaux, qui est vendu partout au monde, qui est susceptible d'être vendu dans tous les pays par les ingénieries Dravo sur lesquels la compagnie Normines obtient un droit de royautés d'environ 25 000 $, selon les renseignements qu'on a eus. C'est cela la technologie qu'on peut exporter à l'extérieur et c'est une partie seulement. On a développé des techniques qui sont assez intéressantes. En fait, c'est cela.

M. Perron: Est-ce exact que ce que vous venez de mentionner concernant les convoyeurs, cela a été fait avec la participation des travailleurs et de la direction de SIDBEC-Normines?

M. Gaudette: Cela a été fait entièrement à Port-Cartier, contre l'avis de plusieurs firmes techniques qui disaient que cela ne fonctionnerait pas. Cela a fonctionné chez nous.

M. Perron: Merci beaucoup. J'aurai peut-être d'autres questions après les autres intervenants.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je ne sais pas si les intervenants se sont aperçus de l'approche Gaston-Alphonse du Parti québécois. Les députés sont tous en faveur de garder Normines, de ne pas fermer Contrecoeur. Le ministre, lui ne s'engage pas, il va étudier. Je trouve l'approche un peu curieuse.

M. Perron: II faudrait peut-être donner une chance au ministre un peu aussi.

M. Ciaccia: C'est une bonne stratégie. En attendant, vous ne savez pas où vous allez. Je vous remercie de votre mémoire. Je crois que beaucoup de points que vous avez soulevés auraient pu être évités: celui de l'incertitude, de l'insécurité et le C.O.D. On l'a déploré à l'ouverture de la commission. Je pense que cela aurait pu être évité s'il avait été clair au début que la décision n'était pas prise que toutes les options seraient étudiées et que cette commission parlementaire entendrait tous les intervenants et, je crois, sans toutes les

déclarations contradictoires des différents membres du gouvernement.

Vous avez posé plusieurs questions à la fin de votre mémoire. Jusqu'à maintenant, je ne pense pas qu'on ait pu répondre vraiment à ces questions. Je voudrais vous poser une question. Vous parlez des coûts sociaux et de la fermeture de certains commerces. Est-ce qu'il y a d'autres projets dans la région qui se discutent, qui pourraient se réaliser, mais qui seraient mis en danger par la fermeture de SIDBEC-Normines? On sait que, si vous fermez SIDBEC-Normines, Gagnon ferme. Mais des projets qui seraient discutés dans un avenir assez rapproché, est-ce qu'il y en a?

M. Gaudette: M. Gauthier va vous donner une bonne réponse là-dessus.

M. Gauthier (André): II faut se rappeler que Sept-Îles, jusqu'à 1980, était le deuxième plus grand port, en tonnage, au Canada, immédiatement après Vancouver. C'était, et c'est encore, du moins jusqu'aux deux dernières années, le point optimal de rentabilité pour les "laquiers", c'est-à-dire ces bateaux qui vont dans les Grands Lacs. Ils ont développé une technologie concernant ces vaisseaux qui maximise les profits. Si on continue à avoir une chute dans nos expéditions, si Normines fermait, juste ça, en soi, si aussi ça pouvait entraîner d'autres problèmes, il est évident qu'on ne serait plus rentables. Il y a des élévateurs à grain à Port-Cartier. Jusqu'à quand les bateaux vont-ils faire le voyage et retourner les cales vides? C'est un fait qu'il est fort possible que les transporteurs qui veulent faire des profits modifient leur philosophie d'approche aux "laquiers" et, éventuellement, il y aura un autre point optimal, mais qui ne sera plus Sept-Îles.

Notre diversification à nous, plus particulièrement sur la côte, à Port-Cartier et à Sept-Îles, c'est, entre autres, de tenter de transporter autre chose que du fer. C'est ça qui peut être mis en péril. Il y a également, évidemment - et vous le savez -le traversier-rail qui, pour le moment, est mis en veilleuse, parce que le contexte économique sur la Côte-Nord ne se prête plus immédiatement à ce genre d'investissement. Notre région, c'est un tout. Si une des partie est affectée, ça se reflète automatiquement ailleurs.

M. Ciaccia: Vous nous dites que, si vous fermez Normines, effectivement vous fermez...

M. Gauthier (André): M. Gaudette a dit tantôt que fermer Normines, c'est fermer la Côte-Nord. C'est le sentiment que nous avons tous.

M. Ciaccia: D'ailleurs, la question du port avait été soulevée comme un avantage pour Normines par le professeur Astier, je crois. Il disait qu'il y avait deux avantages pour Normines, premièrement, l'environnement et que, dans l'avenir, s'il y avait croissance de la demande, la construction d'autres usines deviendrait plus difficile, et aussi l'avantage de Sept-Îles pour l'exportation quant aux usines. Par exemple, ce serait plus dispendieux, du point de vue du transport, pour certaines usines aux États-Unis. Est-ce qu'il y a d'autres projets?

M. Gauthier (André): Bien, enfin, le seul projet qui est concerné, c'est le projet de Pointe-Noire où on attend une décision du gouvernement fédéral. On l'attend depuis déjà un bon moment. On espère qu'elle va venir et on espère surtout qu'une circonstance comme la fermeture de Normines ne remettra pas en question cette décison, ne remettra pas en question tout le travail qu'on a accompli dans ce dossier pour amener ces gens à consentir à investir chez nous, cette infrastructure, cet outil de développement dont on a besoin. Le seul autre projet qui n'est pas affecté par ça, c'est, évidemment, la réouverture de l'usine ITT à laquelle le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral tentent présentement de trouver une solution. Mais ça, ce n'est pas pour demain matin, non plus.

M. Ciaccia: Les chiffres que vous aviez sont sensiblement les mêmes que ceux du rapport interministériel. Ils ont aussi été confirmés hier, je crois, en bonne partie, par des représentants de SIDBEC et la conclusion semblait claire. Il n'y a presque pas d'autre conclusion que celle que vous mentionnez selon les chiffres qui ont été soumis et qui n'ont pas été contredits par le gouvernement. Le gouvernement ne met pas en doute ces chiffres. Il n'y a presque pas d'autre conclusion que de dire que ça va coûter beaucoup moins cher de garder Normines ouverte, non seulement en se basant sur les chiffres de l'exploitation de SIDBEC-Normines mais en regardant toute la survie de cette région. Je vous remercie pour votre mémoire. Je vais donner l'occasion à mes collègues de vous poser d'autres questions. (23 h 15)

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, au-delà des considérations techniques et financières contenues dans votre mémoire, ce qui m'a frappé, c'est le cri de révolte qui semble venir du document. Vous vous sentez trahis et, comme l'a fait notre porte-parole au début de la commission, on n'a pas cherché

à blâmer le gouvernement pour la conjoncture internationale. Il faut ensemble faire face à ces difficultés. Je sais, pour vous avoir parlé à différents moments - je suis allé sur la Côte-Nord - que c'est avec la même attitude que vous avez abordé le problème. J'aimerais comprendre pour quelle raison vous sentez une trahison, et je sens chez vous ce cri de révolte. Tout à l'heure, le maire de Port-Cartier disait: Nous voulons vivre là. Il s'est produit des faits ou des choses parce que vous avez des contacts avec votre député... J'étais à Sept-Îles moi-même à la fin d'août, le premier ministre y est allé au début de septembre et j'ai du mal à comprendre que le dialogue ait été brisé à ce point. Je crois que c'est tout à fait normal que le gouvernement, devant une conjoncture internationale très difficile, se pose des questions, mais j'aimerais comprendre comment il se fait que ce cri de révolte soit si fort.

Il y a des choses qui se sont dites, il y a des choses qui ont été faites qui vous portent à crier au monde: "Collectivement nous avons voulu une deuxième Hydro-Québec dans les années cinquante et soixante. Collectivement nous avons voulu développer la Côte-Nord. Ne nous laissez pas tomber." J'aimerais que vous vous exprimiez là-dessus.

M. Gauthier (André): Nous, de la Côte-Nord, on est loin. Si vous regardez la carte, on l'a apportée exprès, on est à 400 milles de Québec, pour Sept-Îles, et 360 milles, pour Port-Cartier. La ville la plus près de nous est celle de Baie-Comeau et elle est située à 150 milles. Baie-Comeau, c'est une ville de bois et de papier et c'est une ville d'aluminium. On n'a pas de rapports étroits avec Baie-Comeau au niveau économique, on est isolé. Quand une compagnie comme Iron Ore annonce une fermeture, on se dit: C'est une compagnie, elle a fait des profits, c'est malheureux, ce sont des capitaux étrangers. Ce ne sont pas des gens de chez nous, mais quand une entreprise à caractère gouvernemental dit, par la voix d'un ministre, depuis juin et tout dernièrement, surtout il y a un mois: On ferme! des gens isolés ne peuvent avoir une autre réaction que celle-là, non seulement parce que c'est nous qui sommes concernés, mais parce qu'on est allés là parce qu'on savait que l'avenir du Québec était là. L'avenir du Québec est sur la Côte-Nord. Il y a la fosse du Labrador d'où on ne tire, à toutes fins utiles, que du fer présentement. On ne tire pas autre chose que ça.

On a non seulement l'impression de jouer notre avenir, mais on a l'impression de jouer l'avenir de tout le monde. On a l'impression de ne pas être compris. Cette déclaration a évidemment causé une panique sur le littoral, mais a causé aussi une panique dans les villes concernées.

J'étais là il y a trois semaines, un lundi où j'ai été à Fermont et à Gagnon. C'est une angoisse. On parlait tantôt du crédit à Gagnon; je peux vous dire qu'à Sept-Îles on a des problèmes de crédit présentement. Imaginez-vous que les banques sont très nerveuses et on vit avec cette espèce d'impression que tout d'un coup, si une banque décide - et vous me pardonnerez l'expression - de tirer la "plug", que vont faire les autres? Les directeurs de banque sont des gens qui sont chez nous la plupart pour deux ans, trois ans; ils connaissent un peu le pays et ils s'en vont. Comment allez-vous expliquer à un directeur de banque que finalement il y a de l'avenir sur la CÔte-Nord si ça fait six mois, un an ou un an et demi qu'il est là? Il n'a pas tout vu ça, lui.

Ce mémoire, c'est un cri. Écoutez! Il y avait neuf regroupements qui représentaient beaucoup de gens. Nous étions tous assis autour d'une table. Il y en avait de tous les partis politiques. Il y avait des gens de tous les milieux. C'est un cri qui vient des tripes parce que notre pays, c'est la Côte-Nord et, c'est ce qu'on veut sauver, sauver pour nous et sauver pour tout le monde.

M. Fortier: Écoutezi Je vous ai bien entendu et je crois que les membres de la commission aussi. Jusqu'à ce que le gouvernement prenne une décision, parce que d'après ce que le ministre nous a dit, malgré ce qu'il a dit, il y a un mois ou il y a deux mois, ou ce que le ministre des Finances a pu dire, la décision, semble-t-il, n'est pas encore prise. J'ose espérer que c'est vrai. Mais pour réconforter et pour calmer cette angoisse, vous faites des recommandations à la fin. À ce moment-ci, est-ce que le gouvernement pourrait faire des choses sans prendre de décision? Qu'est-ce qu'il pourrait dire? Qu'est-ce qu'il pourrait faire pour calmer cette angoisse et pour au moins faciliter la prise de décision d'une façon rationnelle et d'une façon objective et pour faire en sorte que, collectivement, nous prenions cette décision-là puisque, à l'origine, collectivement, nous l'avons prise? C'est ce que vous nous avez rappelé.

M. Gauthier (André): Vous savez, en partie, on s'arrange un peu avec nos affaires. Demain, il y aura des rencontres avec les gérants de banque pour essayer de leur expliquer la situation, essayer de leur redonner confiance. Il y en aura une demain matin. Il est évident que la seule façon de donner confiance à tous ces gens-là, c'est que le gouvernement démontre autant de choix que nous en avons pour ce pays. C'est la première chose.

Il y a, évidemment, des gestes concrets qui pourraient être posés, par exemple, expliquer à ceux dont, bien souvent, on dépend au niveau financier, que cela s'en

vient, mais il faut le faire avec une certaine crédibilité, c'est-à-dire qu'il faut arriver là en se disant: II y a une décision, elle est prise. On ne peut pas l'annoncer car il y a encore des petites choses, mais on a confiance. À ce moment-là, on pourra rétablir ce climat. Les gens d'en haut, il faut aller les voir, les recontrer et démontrer cette foi. C'est un problème qui est unique. Imaginez des gens de Gagnon qui vont aller "bumper" à Fermont! Imaginez un peu cela! Il ne faut pas oublier qu'à Gagnon, les gens ont beaucoup plus d'ancienneté. Il y a une convention collective et ils peuvent aller "bumper" à Fermont où la population est, règle générale, plus jeune. Ce sont des problèmes. Ce sont deux villes isolées. Les familles vont déménager à 100 milles plus loin, de Gagnon à Fermont, pour s'y établir. On a ici, avec nous, le maire de Fermont. Il pourrait peut-être vous dire un peu dans quel contexte ces gens-là vont se rendre dans sa ville.

M. Ménard (Jean-Claude): C'est sûrement un problème. La ville de Fermont, vous le savez tous, a été incorporée en 1974. Elle existe depuis huit ans. La raison de l'existence de la ville de Fermont, c'est le gisement du mont Wright, dont les travaux sont assurés par la compagnie minière Québec Cartier, qui est également la gestionnaire de SIDBEC-Normines pour la mine du lac Fire. La convention collective, qui régit les employés de Gagnon, du Lac Jeannine, du Fire Lake et du mont Wright, est la même.

La semaine dernière, il y a eu des mises à pied touchant 159 employés exactement, à la mine du lac Fire. À la mine du mont Wright, il y a eu 160 employés mis à pied. Sur les 159 mises à pied à la mine du lac Fire, 100 ont assez d'ancienneté pour déplacer des gens à l'intérieur de la ville de Fermont. Les gens, à Fermont, sont propriétaires de leurs maisons. Selon un système que la compagnie minière a établi, ils peuvent vendre ces maisons. Les gens qui résident à Gagnon sont locataires de maisons qui sont la propriété de la compagnie SIDBEC-Normines.

Vous pouvez vous imaginer que vous allez avoir une population en transition de 100, 150 ou 200 personnes. Si vous imaginez le scénario qui prévoit la fermeture de SIDBEC-Normines, vous auriez environ de 800 à 900 personnes qui partiraient d'une ville comme Gagnon et qui s'en viendraient dans une ville comme Fermont, où il y aurait des personnes qui garderaient leur logement ou leur maison, parce qu'ils en sont propriétaires, et les autres personnes ne voudraient pas quitter, les autres personnes n'auraient pas d'endroit où se loger. On a une population dont la moyenne d'âge est de 23 ans. On a plus de 1000 étudiants à l'école. Quand on voit le problème qu'on vit dans la province de Québec où les écoles sont sous-peuplées, chez nous, les écoles sont surpeuplées. C'est un contexte social qui devient intenable. On vit dans une situation où les gens sont très tendus; c'est très difficile.

Quand on a parlé du fonctionnement, tout à l'heure, on a oublié de dire que SIDBEC exporte, des plans de boulettes de Port-Cartier, du "know-how" ou du savoir. On devrait aussi savoir que les mineurs qui travaillent à la mine de SIDBEC-Normines, au lac Fire et ceux qui travaillent à la mine du mont Wright sont peut-être les plus productifs au monde. Il y a du monde de la Chine, de l'Afrique, de l'Amérique du Sud et de l'Australie qui viennent visiter les mines du mont Wright ou du lac Fire pour étudier le savoir-faire et le "know-how" que nous, les Québécois, avons pu développer. Je pense qu'on a raison d'être fiers de cela. Les gens qui vivent dans les villes nordiques en sont conscients. La tension qu'on vit à l'heure actuelle est intenable.

M. Fortier: Pour conclure... Excusez, vous voulez ajouter quelque chose?

M. Gaudette: Pour répondre à votre question, ce serait peut-être intéressant d'avoir le témoignage de Richard Routhier qui, comme je le disais tout à l'heure, est un ex-travailleur licencié du fer. Il pourrait peut-être nous expliquer ce que c'est que perdre sa position dans le fer, surtout quand on demeure à Gagnon.

M. Routhier (Richard): Perdre un emploi sur la Côte-Nord par rapport à d'autres régions et, comme on l'a expliqué depuis deux jours, étant donné que tout est relié au fer, dans le contexte actuel, c'est comme un château de cartes qui s'effondre. C'est l'effritement de toutes les économies qu'on a accumulées depuis notre arrivée. La génération de travailleurs qui est arrivée pour bâtir la Côte-Nord à partir de 1970 -on parle toujours des investissements de 1970 jusqu'à aujourd'hui - est arrivée là-bas dès l'âge de 22 ou 23 ans. Ils sont arrivés, se sont mis à l'ouvrage, ont fondé un foyer, se sont acheté une maison; au moment même où on commence à vivre un peu, à être bien installés et à aimer la Côte-Nord, le bonhomme perd son emploi. On n'a pas eu le temps de se faire un coussin financier, la maison qu'on a payée à l'époque - on parle de 1977 sur la Côte-Nord - peut-être 50 000 $, ailleurs au Québec, on la payait 40 000 $. Il y avait déjà une différence de 10 000 $ plus cher. On acceptait ce contexte parce que c'étaient les règles du jeu dans ce temps-là.

Pour ce qui est des salaires, ce n'est pas qu'ils soient élevés sur la Côte-Nord,

c'est parce qu'on travaille plus de 40 heures par semaine et on va chercher la différence. La différence, on l'a mise sur une maison parce qu'on la payait plus cher. Aujourd'hui, au moment où on se parle, une maison qui a été payée 50 000 $ en vaut 25 000 $. Ce n'est pas charrié, ce que je dis. J'ai une maison et je ne serais pas capable de la vendre plus de 25 000 $. C'est le prix d'une maison mobile il y a cinq ans. Et si, encore, on réussissait à vendre la maison 25 000 $ et qu'on voulait s'en aller, mais ce n'est pas ce qu'on veut. On veut rester sur la Côte-Nord. Si on va dans d'autres régions du Québec, les maisons qui étaient de 40 000 $ il y a cinq ans se vendent 45 000 $ ou 50 000 $. La perte est de combien? De 35 000 $ ou de 40 000 $ pour un travailleur. C'est bien de valeur, mais tu ne recommences pas, quand tu fais une perte comme celle-là. Si tu perds ton emploi, tu vas travailler pour une autre compagnie et c'est possible; mais perdre un emploi et tout perdre, les dix dernières années de ta vie, qui sont les plus importantes, surtout quand on parle d'une maison! Tout le monde conviendra que pour un travailleur ou un ménage, l'investissement le plus important, c'est une maison. Tu la paies toute ta vie et elle prend de la valeur. Mais ce n'est plus cela, le prix des maisons est en chute libre. Je ne suis pas un économiste, mais j'ai tenté de vendre ma maison et ç'a été impossible, je n'ai eu aucune offre dans l'espace d'un an. Tout le monde essaie de se débarrasser ou de se sortir du trou. Ce n'est pas possible.

En même temps, perdre son emploi sur la Côte-Nord, dans le secteur du fer, comme vous le savez, ce sont des emplois spécialisés. Chaque emploi qu'on peut avoir au niveau de la production surtout est important, parce que la majorité des travailleurs peuvent conduire de la grosse machinerie. Je pourrais peut-être vous donner un exemple, je pense que cela vaudrait la peine que je le fasse. Au niveau d'une usine de boulettes, comme vous le savez, pour ceux qui sont présents ou qui ont déjà vu une usine de boulettes, il y a des disques bouletteurs où la boulette se forme. Un disque bouletteur, c'est une assiette circulaire aussi grande que la table autour de laquelle vous êtes assis. Il est incliné peut-être à 25 degrés, il tourne et il y passe environ 100 tonnes à l'heure. (23 h 30)

Le bonhomme qui fait fonctionner ce disque à boulettage, il n'est pas arrivé là du jour au lendemain. C'est de même que tu fais de la boulette, mon ami; et au bout de huit heures il a fait des erreurs. Cela a coûté de l'argent pour former ce bonhomme. Le gars est spécialisé aujourd'hui, parce qu'une boulette, je ne sais pas si cela a été mentionné, cela n'a pas n'importe quelle grosseur. Ce n'est pas une boulette d'un pouce, une boulette d'un demi-pouce, une boulette d'un quart de pouce. Cela a environ 5/8. L'opérateur de disque à boulettage doit toujours considérer la grosseur de sa boulette et ajuster sa machine en conséquence.

Le temps que cela a pris pour former ce travailleur, cela a coûté de l'argent aux compagnies. Combien cela va-t-il en coûter pour en former d'autres? Mais ce qui est plus grave, le bonhomme va aller faire une demande d'emploi pour une autre compagnie, il va expliquer qu'il est un opérateur de disque à boulettage, cela va être bien intéressant pour celui qui va l'interviewer, l'employeur, de savoir ce qu'est un disque à boulettage, il n'a jamais vu cela de sa vie. Mais il va juste savoir ce qu'est un disque à boulettage, il n'a pas besoin d'un opérateur à boulettage. Cela fait que notre bonhomme qui gagnait 10 $ ou Il $ l'heure comme un travailleur spécialisé n'est tout simplement qu'un manoeuvre au salaire minimum. Cela fait une différence de salaire énorme. Autrement dit il travaille pour l'équivalent de l'assurance-chômage qu'il retire à sa mise à pied, s'il s'en va travailler ailleurs. C'est ça qui est dramatique. C'est un travailleur spécialisé et comme M. Ménard le disait, je l'en remercie de le reconnaître, on a fait nos preuves sur la Côte-Nord. Dans 30 ans, je dirais que cela existe depuis 5 ans au niveau industriel, je pense qu'on a fait nos preuves et qu'on a bâti un pays. La preuve que c'est un pays où c'est vivable, c'est qu'on veut y rester. On a parlé de Gagnon, Fermont, Schefferville. Soit dit en passant, je me suis occupé activement du comité de reclassement il y a un bout de temps et maintenant je m'occupe de toutes sortes de comités pour venir en aide aux chômeurs.

Je suis allé à Schefferville l'hiver passé plusieurs fois. J'ai vu - là, M. Bégin pourrait peut-être renchérir - une ville qui est en train de fermer. Les gens qui veulent rester là c'est parce que ça fait 30 ans qu'ils vivent là. Gagnon, cela fait 25 ans et les gens veulent vivre à Gagnon. Sept-Îles et Port-Cartier, c'est la même chose. La croyance populaire, dans le restant du Québec, on se fait demander: Qu'est-ce que tu fais là, comment fais-tu pour vivre là? Je ne réponds plus à cela parce que j'aime la Côte-Nord et tous les gens qui sont assis ici, on aime la Côte-Nord. Moi je suis allé là par choix, M. Gauthier aussi et tous les gens autour de moi sont là par choix. J'aurais pu m'en aller avant cela pendant que le contexte était bon mais je suis demeuré sur la Côte-Nord et je veux y demeurer encore.

Je reprends peut-être ce que M. Gauthier tantôt disait: Ce n'est pas un mémoire politique, c'est un mémoire qui vient, je dirais, des tripes, mais moi j'ai pour mon dire que je suis en train de jouer ma chemise et je joue la chemise de peut-

être 4000 à 5000 travailleurs. C'est aussi simple que cela. C'est tout ce qu'il nous reste. Avant de la perdre, je vais me débattre, tout faire pour que la Côte-Nord reste ouverte.

M. Fortier: En terminant, M. le Président, je comprends bien tout ce que vous me dites, mais ce que j'ai de la difficulté à comprendre - je m'adresse au ministre maintenant - c'est, comme il l'a confirmé, qu'il a dit: La décision n'est pas prise. Mais je ne comprends pas le traumatisme que lui et d'autres membres du cabinet ont créé sur la Côte-Nord, pour quelle raison ils ont fait des déclarations aussi irresponsables alors que tous et chacun réalisent bien qu'on joue avec la vie des citoyens de la Côte-Nord. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: M. le Président, premièrement, je tiens à remercier votre organisme pour le mémoire. On a entendu beaucoup de chiffres. Vous autres vous y avez mis peut-être plus de coeur que de chiffres. C'est ce qui va m'amener à vérifier les chiffres que vous avez mis dans votre mémoire. Ces chiffres traitent de pertes d'emploi et, lorsqu'on parle de taux de chômage à 80%, il faut être certain, comme parlementaires, que ce sont des chiffres exacts. Vous mentionnez, dans votre mémoire - j'ai numéroté les pages à la main - à la page 10, que, "en juillet 1982, Sept-Îles, Port-Cartier et les villes nordiques comptaient 40 400 habitants, soit une main-d'oeuvre forte d'environ 20 000 personnes. Sept-Îles, Port-Cartier et Schefferville, principales victimes de la crise, avaient déjà perdu 4350 emplois dans le secteur primaire seulement." Vous ajoutez: "Dès cette époque, on pouvait prévoir qu'en décembre de cette année, nonobstant l'avenir de SIDBEC-Normines, 1030 emplois additionnels seraient perdus dans le secteur primaire, laissant donc en décembre 1982 plus 13 450 emplois perdus, soit 67% de la main-d'oeuvre disponible. Même en excluant les travailleurs dont les mises à pied sont, nous dit-on, temporaires, la proportion est supérieure à 55%. N'ayant appris que la semaine dernière la décision de la compagnie minière IOC, nous n'avons pas inclus la fermeture de Schefferville dans nos données." Ma question est bien simple: Ces statistiques viennent d'où, exactement? (23 h 30)

M. Routhier: Comme je l'ai mentionné tantôt, le travail que je fais depuis deux ans consiste à m'occuper et à compiler des données sur les gens que je représente. Dans un premier temps, à l'échelle du comité de reclassement que j'ai représenté à la compagnie minière IOC, je siégeais à un comité où il y avait déjà 600 travailleurs mis à pied. J'avais, par ce travail, accès autant aux listes du syndicat, parce que j'ai oeuvré dans le syndicat, qu'aux listes que la compagnie était obligée de nous remettre en vertu du fait qu'il y avait un comité de reclassement officiel. Les chiffres dont on parle, si on parle de 4350 emplois perdus dans le secteur primaire seulement, c'est qu'à tous les mois, les rapports de membres du syndicat, si on a, par exemple, 1000 personnes qui travaillent dans un local et s'il y a eu une mise à pied de quinze personnes, le mois suivant, c'est 985 personnes. Donc, ce à quoi je veux en venir, c'est que j'ai fait une comparaison entre le nombre de travailleurs en 1979, avant le déclenchement de la crise - je parle de juillet 1979 - et leur nombre en juillet 1982. Pourquoi les deux dates au mois de juillet? Je parle toujours du plus fort de la production, parce que, en juillet, dans le domaine du fer, c'est le plus fort de la production. J'ai compilé, selon le rapport des membres du syndicat, tous les syndicats du fer et du papier, le nombre d'emplois qu'on avait en 1979 et j'ai compilé aussi en juillet 1982, d'après le rapport des membres, le nombre de membres. Je suis arrivé à un chiffre de 4350 mises à pied dans le secteur primaire. Je parle, comme on dit dans le rapport, de l'axe Port-Cartier, Sept-Îles et Schefferville.

Quant à la deuxième partie de votre question, pourquoi 1030 emplois additionnels, c'est qu'au moment où on se parle, il y a un comité de reclassement qui a été formé à la mine Québec Cartier, à SIDBEC. Je parle de Port-Cartier, Fermont et Gagnon qui totalisent au-delà de 700 travailleurs et aussi le nombre de travailleurs mis à pied "dits saisonniers". Avant, on disait des mises à pied saisonnières, parce que le gars était sûr d'être rappelé. Là, je me permets de dire "dits saisonniers", parce que je pense qu'ils ne seront pas rappelés. Je pense qu'on aura bientôt un autre comité de reclassement. Ce qui fait que le chiffre de 1030 travailleurs, c'est 727, le chiffre du comité de reclassement et les mises à pied saisonnières pour lesquelles les compagnies nous on dit: On va peut-être les rappeler. J'espère, mais parti comme c'est là, j'en doute. En tout cas, on vit d'espoir ces temps-ci sur la Côte-Nord. Avant, on vivait comme tout le monde avec un peu d'argent, mais là, cela va mal.

Quant au chiffre de 67%, il peut paraître, si vous vérifiez avec Statistique Canada... À un moment donné, j'ai regardé les chiffres qu'ils nous sortaient dans la région et j'avais évalué pas mal les mises à pied et le nombre des travailleurs. Je me suis même aperçu que j'aurais dû travailler mon chiffre autrement. J'aurais dû calculer

le nombre de gars qui restaient et qui travaillaient et cela aurait été plus court. Mon chiffre de 67% a été sorti par Statistique Canada dans le sens que nous avons nos chiffres, mais Statistique Canada sort un chiffre qui peut parfois être embêtant avec le nôtre. Pour eux, c'est la région 09 qui inclut Baie-Comeau. Présentement, si cela continue ainsi, cela va être eux, le Klondike plutôt que Sept-Îles, mais comme M. Gauthier le disait tantôt, Baie-Comeau, c'est une autre région. C'est comme Québec et Montréal. Le gars qui reste à Montréal reste à Montréal et celui qui reste à Québec reste à Québec, et il y a 150 milles. Nous autres, c'est pareil sur la Côte-Nord. Donc, ici je parle toujours de l'axe Port-Cartier, Sept-Îles, Schefferville et des villes nordiques. Ce 67%, c'est même un chiffre très conservateur avec ce qui nous attend cet hiver. C'est de cette façon que j'ai travaillé mes chiffres, dans le sens que... Et aussi, on a contrevérifié avec le Centre de la main-d'oeuvre du Québec. On arrive pas mal avec les mêmes données.

M. Paradis: Vous mentionnez à la page 16 la question de l'implication au niveau portuaire dans Port-Cartier des bateaux chargés de grain. Vous dites: Finalement, que resterait-il de Port-Cartier si les bateaux chargés de grain en provenance des Grands-Lacs jugeaient non rentable de retourner toutes cales vides faute de minerai? Je trouve que c'est une grosse affirmation. Avez-vous vérifié auprès de ces gens? Avez-vous fait des démarches auprès des compagnies qui effectuent ce service?

M. Gauthier (André): Dans le cadre des activités en vue d'essayer de diversifier l'économie, la plupart des gens qui sont assis à cette table ont travaillé au niveau de la baie de Sept-Îles pour tenter de voir de quelle façon diversifier cela. On transborde actuellement du charbon dans la baie de Sept-Îles. Cela ne donne pas des emplois dans la région, ça sort des bateaux, ce sont des "self unloaders", des bateaux qui se déchargent et se chargent en plein centre de la baie. Le transporteur en question, qui couvre la région, c'est Canada Steamship Lines. Canada Steamship Lines est intéressée à la région parce qu'il y a déjà une grosse demande; le trafic engendre le trafic. Quand le trafic baisse, le mouvement inverse se fait: une baisse de trafic engendre une baisse de trafic. Il est évident que, pour des céréaliers, c'est intéressant d'aller à Port-Cartier où il y a des élévateurs à grain, parce qu'ils reviennent chargés de minerai. La journée où ils ne reviendront pas chargés de minerai, ces gens vont aller ailleurs. Cela peut prendre un an, deux ans ou cinq ans, mais ça va être inévitable, ils vont aller vers un autre port où ils vont pouvoir faire le voyage pleins aller et retour; c'est économique.

M. Paradis: Je remarque, à la page introductive de votre mémoire, que le Regroupement socio-économique de Port-Cartier, Gagnon et Sept-Îles est composé de la Chambre de commerce de Port-Cartier, du Comité de citoyens de Port-Cartier, d'Action Gagnon, de l'Association des hommes d'affaires de Gagnon, de la ville de Sept-Îles, de la Chambre de commerce de Sept-Îles, du Comité d'adaptation communautaire, de la Corporation de promotion industrielle de Sept-Îles et de la Chambre de commerce de la régionale de Manicouagan.

Depuis combien d'années ce comité est-il en fonction?

M. Gaudette: De tous ces regroupements?

M. Paradis: Oui.

M. Gaudette: Depuis douze ou treize jours, depuis le moment où on a été avisés que ces intervenants étaient tous ensemble et devaient remettre un mémoire unique, alors que la plupart s'attendaient à avoir chacun l'occasion de remettre son mémoire. Là, on a dit: On met tout ça ensemble, c'est un "melting pot" et on remet un mémoire.

M. Paradis: C'est ce qu'on appelle de la concertation.

M. Gaudette: Douze jours. M. Paradis: Maintenant...

M. Gaudette: Je dois ajouter, par ailleurs, que c'est quand même un travail qui s'est fait avec beaucoup d'homogénéité parce que la plupart des membres de ces groupes socio-économiques travaillent dans différents comités et différentes organisations depuis le début des mauvais jours, soit 1979 et 1980.

M. Paradis: Vous avez entendu les remarques du ministre, lorsqu'il s'adressait aux travailleurs. Il a parlé de la formation d'un comité qu'il mettrait sur pied dans les prochains jours. Est-ce que votre groupement si le ministre voulait bien l'inviter possède les ressources humaines et autres nécessaires pour participer à un tel "task force"?

M. Gaudette: Je vous assure que du bénévolat on en fait; si ça nous est offert, on va sauter dessus à pieds joints et je vous garantis qu'on va trouver le temps.

M. Paradis: D'accord. J'aurais une dernière question et je vais l'adresser au ministre directement. Elle suit celle que je

viens de poser. Étant donné le caractère qui me semble très représentatif de votre regroupement, pour que la population locale soit impliquée - parce que j'ai compris que le ministère serait impliqué, j'ai compris que la direction de SIDBEC-Normines serait impliquée, j'ai également compris que les travailleurs seraient impliqués dans votre communauté... Mais on a entendu, ce soir, des répercussions qui sont plus vastes que ces trois partenaires. Votre groupement qui est devant nous pourrait être complété dans votre milieu, s'il y a d'autres intervenants qui veulent s'y joindre, question que vous suiviez le dossier de très près. À ce moment-là, M. le ministre, est-ce que vous accepteriez d'inviter les représentants socio-économiques - comme je les appelle - de la région à participer à votre "task force"?

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: Je vais en profiter en même temps pour intervenir sur le fond du mémoire et répondre à la question du député de Brome-Missisquoi.

D'abord, je remercie les représentants qui sont ici, ce soir, de leur patience au cours de ces deux dernières journées. Je veux vous dire que je comprends la nervosité qui anime les gens là-bas comme, d'ailleurs, ceux de la région de Contrecoeur. Je comprends qu'il y a énormément d'émotivité dans l'air. (23 h 45)

Jusqu'à maintenant, j'ai toujours tenu la même position, à savoir que le gouvernement n'avait pas arrêté de décision, mais qu'il y avait des scénarios qui étaient émis de part et d'autre, en particulier par le conseil d'administration de SIDBEC. Il est sûr que c'est devenu plus incertain ou c'est devenu beaucoup plus émotif ou volatile depuis les deux derniers mois ou quelque chose comme cela, au fur et à mesure qu'on apprend que SIDBEC s'en va allègrement vers un déficit de 150 000 000 $ cette année. Tant et aussi longtemps que le gouvernement avait assez d'argent qu'il pouvait percevoir dans les poches des citoyens pour payer le déficit de SIDBEC, personne n'en parlait; mais quand même le scénario était toujours là.

La question fondamentale à laquelle je n'ai pas encore apporté de réponse, mais que j'ai eue aussitôt que je suis arrivé au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme au mois de mai 1981... Je me souviens d'avoir écrit à M. De Coster, le président de SIDBEC, lorsque, après une première rencontre, il m'a fait part de tous les problèmes de financement de SIDBEC; et on n'était pas encore dans la crise économique. M. De Coster nous disait dans ses plans de redressement dont j'ai pris connaissance: Voulez-vous s'il vous plaît de toute urgence nous délester du fardeau que constitue SIDBEC-Normines? Faites ce que vous voulez avec, faites-le fonctionner, vendez-le, fermez-le, faites ce que vous voulez; mais c'est un fardeau pour nous, qu'on ne peut plus assumer nous autres, SIDBEC, comme entreprise manufacturière et producteur sidérurgique. Personne n'en a parlé à l'époque. Cela n'a pas créé d'incertitude et d'inquiétude chez vous. Peut-être que vous auriez aimé que je vous dise: C'est cela. Je pense qu'il fallait que j'agisse en toute responsabilité, demander des chiffres, essayer d'analyser des marchés. Bien sûr, le marché a évolué depuis ce temps dans la mauvaise direction. Mais ce qui a créé véritablement l'incertitude et l'inquiétude, c'est que les déficits de 150 000 000 $ de SIDBEC sont devenus connus au milieu de l'été et tout le monde à travers le Québec nous disait: Qu'est-ce que vous allez faire pour pallier à cela? On ne peut pas prendre plus d'argent ailleurs. Il faut couper d'autres programmes d'aide sociale, d'aide aux PME ou tout cela.

Quand on songe que dans tous les programmes d'aide aux entreprises québécoises réunies, petites, moyennes et grandes, que j'administre en tant que ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, cette année, je donnerai un maximum de 100 000 000 $ dans toutes les entreprises réunies, je n'ai certainement pas le moyen de donner 150 000 000 $ à une seule entreprise. Il faut que je coupe toutes les entreprises réunies qui coupent des dizaines, des centaines et des milliers d'emplois. C'est là que c'est devenu émotif, bien sûr, parce que c'est devenu public; les gens en sont venus à s'inquiéter, à se poser des questions et à dire: Qu'est-ce que vous faites pour corriger cela? Qu'est-ce qu'on fait pour corriger cela? On a dit: On a plusieurs scénarios sur la table, dont l'un est recommandé par le conseil d'administration de SIDBEC, c'est de dire: II faut aussi envisager éventuellement la fermeture de SIDBEC-Normines si on ne trouve personne qui veut plonger dedans et acheter cela à notre place.

Cela m'amène justement à dire, si on ne trouve pas personne qui veut plonger dedans... Dans votre mémoire, vous avez parlé des grands de l'acier. À l'heure actuelle, les grands de l'acier, les géants de l'acier, des dix plus importants producteurs de minerai de l'Amérique du Nord, du Canada et des États-Unis, 90% de leur capacité de production est actuellement arrêtée. Ce n'est pas fermé définitivement, mais arrêté. Cela veut dire que dans le domaine de l'acier, du minerai, c'est très difficile, non seulement en Amérique du Nord, mais à travers tout le monde; et d'ailleurs M. Astier nous a parlé là-dessus, de son inquiétude vis-à-vis de la reprise: 85%

pour les produits manufacturiers, 90% pour les minerais et peut-être après pour les boulettes. Cela peut être avant ou après, mais on ne prévoit pas, à court terme, en tout cas, voir une reprise importante du marché des boulettes et en particulier, de ce qu'on fait là-bas.

Alors, quand vous nous dites, et je vous comprends: "Nos gérants de banque sont inquiets et c'est payable sur livraison", les gérants de banque s'inquiètent bien sûr, ils voient le déficit de 150 000 000 $ de SIDBEC et ils disent: Qu'est-ce qui arrivera? Il doit y avoir des scénarios quelque part et je pense qu'on ne peut pas garder cela secret. Quand n'importe quelle entreprise devient aussi déficitaire, cela deviendra public quelque part. Bien sûr, vous nous dites: II faut avoir foi. Il faut avoir foi, mais il faut aussi trouver des solutions et c'est cela dans le fond qui crée de l'inquiétude et de la nervosité. Quant à moi, je vous assure que là-dessus, je comprends la réaction des gens, mais la vérité toute franche est là et on est obligé de vivre avec. D'autant plus que le marché des boulettes, en tout cas à court terme, n'est pas bon; à moyen terme, il n'est pas bon; à plus long terme, il peut devenir bon. Ce qui confirme un peu d'ailleurs notre vue, notre vision du marché, c'est que Iron Ore, en annonçant la fermeture de sa mine de Schefferville - j'ai vu cela quelque part dans les journaux - avait un partenaire à Labrador City qui détenait 7% des actions d'Iron Ore et qui demandait, il y a un an et demi ou deux ans, 30 000 000 $ pour vendre ses 7% à un autre; cette année il serait prêt à le donner pour zéro. Il ne prévoit pas que ce sera bon au cours des prochaines années. Dans le fond, nous ne sommes pas seuls, ce ne sont pas juste les spécialistes de SIDBEC, ce sont aussi d'autres spécialistes dans le monde qui disent: C'est difficile, et on ne voit pas trop l'heure de passer au travers. Ceci dit, il faut essayer dans tous ces scénarios d'en trouver. Le Syndicat des métallos nous a suggéré cet après-midi de produire à 3 000 000 de tonnes. Cela a l'avantage d'employer juste une ligne de production au lieu de deux, de diminuer les coûts de fonctionnement partout. Cela nous force à renégocier avec nos partenaires et les bailleurs de fonds, à faire une nouvelle négociation, à faire en sorte que cela coûte le meilleur marché possible le minerai de fer rendu à Port-Cartier. D'ailleurs, vous le dites vous-mêmes et tout le monde l'a reconnu: la qualité des boulettes, la productivité de l'usine de boulettage, c'est excellent. Bien sûr, il y a toujours de l'amélioration à apporter, mais c'est excellent. C'est une suggestion dans le milieu, de dire: On va peut-être plier un peu le dos et on va attendre que l'orage passe; lorsque l'orage sera passé, si la conjoncture reprend dans trois ans, cinq ans ou huit ans, au moins les usines seront là, seront toujours en production; il s'agira de virer un petit peu la clé, d'engager d'autres gens et d'extraire plus de minerai. En attendant, on n'a pas perdu des sommes d'argent astronomiques. On est face à cette question.

Je veux vous apporter aussi des commentaires sur vos remarques de la fin. Si on a pris tous les moyens pour vendre à meilleur coût, bien sûr, c'est constant. On essaie de produire au meilleur marché possible et vendre au plus cher possible, mais quand le marché n'y est pas, le marché n'y est pas. Rechercher sérieusement un partenaire intéressé dans un garantie d'approvisionnement, c'est lui dire qu'il doit s'engager, qu'il doit remplacer SIDBEC. De ce temps-là, il n'y en a aucun. On a fait des efforts énormes pour commercialiser, mais encore une fois, c'est toujours la même chose. Nous devons toujours faire face à l'augmentation de pénétration du marché. M. De Coster nous a dit hier qu'à ce point de vue, c'était à peu près la meilleure firme au monde qui fait la commercialisation pour SIDBEC International. Bien sûr, on pourra peut-être y apporter certains griefs ou autrement, mais il reste quand même qu'il y a une firme compétente de ce côté qui a de la difficulté à vendre tous les produits fabriqués par SIDBEC.

Quant aux démarches de renégociation, j'ai dit et je répète que cela ne donnait rien de négocier avant de savoir exactement ce qu'on décidait. Dans ce sens, lorsque la décision sera prise, s'il y a une décision qui n'implique pas de négociation, il n'y a rien à faire. S'il y a une décision qui implique des négociations, il y aura des choses de faites. La négociation de conventions collectives pour les travailleurs, sauf cet après-midi où on a eu une ouverture franche et honnête de la part des métallos, jusqu'à maintenant, il n'y pas eu de négociation pour dire aux travailleurs: Vous allez diminuer vos salaires. Encore là, SIDBEC et SIDBEC-Normines réunies paient 150 000 000 $ en salaires, tout cela ensemble par année. On fait 150 000 000 $ de déficit. Cela veut dire que même si les travailleurs travaillaient pour absolument rien, aucun salaire, on ne ferait pas encore d'argent avec. Là, on n'en perdrait plus. On ne peut pas demander aux travailleurs d'avoir une diminution de 100% de leur salaire. Dans le fond, le problème est beaucoup plus profond que juste une diminution de salaire, même si une diminution de salaire, c'est important.

Une formule de participation pour les travailleurs. La première rencontre que j'ai eue avec les représentants des travailleurs de SIDBEC, aussitôt que j'ai été nommé ministre ou un mois ou deux après, je leur ai offert - le député de Verchères était avec nous - une présence au sein du conseil

d'administration de SIDBEC. À l'époque, les représentants des métallos ont dit: Nous vous remercions de votre offre, laissez-la sur la table, nous ne sommes pas prêts à l'accepter. Il y a un cheminement qu'il faut faire nous aussi. On s'en vient dans une négociation de convention collective. Ce ne serait peut-être pas bon qu'il y ait dans le moment présent des travailleurs au sein du conseil d'administration. Donc, il y a eu une offre de la part du ministre responsable vis-à-vis des travailleurs d'une participation aux décisions jusqu'au conseil d'administration. Mais pour des raisons que j'ai comprises, les travailleurs ont décidé d'attendre pour accepter mon offre. Aujourd'hui, dans le mémoire des métallos, il y a une réponse très honnête, très franche et très directe à l'offre que j'avais faite il y a déjà au-delà d'un an aux représentants des travailleurs.

Vous avez posé une question qui est intéressante: Avez-vous pensé à des formules de participation au capital-actions pour les Québécois avec incitatifs fiscaux adéquats? Je dois dire que non, je n'y ai pas pensé. J'aimerais bien que vous me disiez, à propos des incitatifs fiscaux adéquats, ce à quoi vous pensez. Il y a déjà un régime d'épargne-actions qui existe au Québec. Je pense que c'est un incitatif fiscal. Faut-il donner beaucoup plus et que cela devienne finalement un cadeau pur et simple d'actions de SIDBEC? Je ne pense pas que vous vouliez aller jusque-là. Il y a déjà un régime d'épargne-actions; cela voudrait dire que, si on pouvait coter SIDBEC de quelque façon, il y a peut-être des gens parmi vous autres qui seraient intéressés. J'aimerais cela que vous me disiez quels sont vos incitatifs fiscaux adéquats? Vous, personnellement, pensez-vous qu'il y a une chance raisonnable que des gens de votre région, en dehors des travailleurs parce que cet après-midi ils ont eu énormément d'ouvertures de ce côté, puissent dire oui à cela?

Les quatre dernières recommandations, je voudrais les passer rapidement. Calme et intelligence à l'analyse du dossier. Je pense que depuis un an et demi qu'on étudie le dossier, si cela n'est pas avec calme... On s'est même fait blâmer par nos amis de l'Opposition, que cela avait pris trop de temps. Justement, c'étaient des décisions difficiles; il fallait véritablement être responsables jusqu'au bout et demander toutes les informations nécessaires. Oui, véritablement, cela a été très sérieux l'analyse du dossier, avec énormément de calme et de modération.

Votre allusion au sous-ministre. Lorsque j'ai vu votre mémoire, j'en ai parié avec plusieurs de mes hauts fonctionnaires. Il y en a un qui a trouvé la bonne réponse, il a dit: "Vous savez, M. le ministre, habituellement les fonctionnaires sont toujours coupables et les hommes politiques ne sont jamais coupables". C'est peut-être facile d'attaquer un sous-ministre qui ne peut pas répondre en public ou des hauts fonctionnaires, mais à nos amis de l'Opposition, je rappelle qu'à la dernière élection du 13 avril 1981 il y a eu deux sous-ministres qui se sont essayés comme candidats libéraux et ils ont été battus. Alors, je ne sais pas si cela a une incidence quelconque, mais je prends votre allusion qu'on critique à peu près toujours les fonctionnaires et les hauts fonctionnaires.

Bien sûr, on a examiné avec soin et prudence les décisions à prendre. Quant à arrêter de traumatiser la Côte-Nord, j'en reviens exactement à ce que je vous disais au début que tant et aussi longtemps que le marché du fer ne sera pas mieux dans le monde, il y a gens qui vont s'inquiéter pour ceux qui produisent du fer et, tant et aussi longtemps qu'il y aura des pertes aussi énormes à SIDBEC-Normines, il y a des gens qui vont s'inquiéter en disant qu'un bon jour, les bailleurs de fonds et les propriétaires vont mettre la clé dans la porte, que cela n'a pas de bon sens de continuer avec des pertes comme celles-là. Cela repose la vraie question du début: Qu'est-on capable de faire ensemble? On a eu une offre, beaucoup d'ouvertures de la part des métallos aujourd'hui, de la part de la municipalité de Contrecoeur, en disant: "Eh bien, nous autres on a foi et on est capable de faire notre bout de chemin". Je pense que c'est la question fondamentale, une fois que le gouvernement aura pris la décision sur un scénario donné, ce que tout le monde ensemble et collectivement fera. Cela n'est pas vrai que c'est le gouvernement tout seul qui va tout faire. On n'est pas capable de tout faire. Les contribuables du Québec n'ont pas non plus les moyens de tout faire. Donc, c'est collectivement tous ceux intéressés dans le milieu, les travailleurs, les dirigeants et tous ceux qui, tout près de SIDBEC, en profitent ou vivent de SIDBEC.

Alors, je vous repose ma question concernant les "incitatifs" fiscaux, le régime d'épargne-actions et je vous repose aussi la question concernant la suggestion faite cet après-midi par les métallos: Une production de 3 000 000 de tonnes, pensez-vous qu'on serait capable de vivre avec cela de quelque façon que ce soit, en attendant? Pensez-vous que c'est une proposition raisonnable? Comment verrait-on sur la Côte-Nord la proposition qui a été faite de la part des métallos en essayant de diminuer et de négocier avec nos partenaires et les bailleurs de fonds au meilleur marché possible?

Quant à la question du député de Brome-Missisquoi, j'ai fait l'offre cet après-midi aux métallos parce qu'il y a eu vraiment une ouverture des gens qui voulaient s'impliquer. Les gars disent: "Nous autres, nous sommes prêts à mettre de l'argent là-dedans". De ce côté, ils sont

véritablement les premiers partenaires et je pense qu'ils vivent assez près de chez vous pour qu'ils puissent vous informer considérablement. C'est directement entre les travailleurs et les dirigeants de SIDBEC, qui vivent quotidiennement ensemble. Je pense qu'il faut faire un effort pour d'abord analyser le scénario global et complet qui a été présenté par les métallos. Au fur et à mesure de l'évolution du dossier, la population sera informée; même si je vous disais que vous ne serez pas informés, vous savez qu'aussitôt qu'il y a deux personnes qui connaissent quelque chose dans le gouvernement c'est rendu public. Or, il s'agit maintenant de faire en sorte que tous les principaux intéressés du milieu puissent être informés et nous dire continuellement ce qu'ils en pensent. D'ailleurs, je pense, M. le député de Brome-Missisquoi, que le fait que le gouvernement ait décidé de convoquer cette commission parlementaire avant même d'en arriver à une décision, c'est la preuve évidente que la consultation, cela se fait d'une façon sérieuse de la part du gouvernement. Je pense qu'on en a donné la preuve, par la tenue de cette commission... (Minuit)

M. Paradis: Me permettez-vous une précision?

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Je comprends votre point d'information et je partage votre opinion, quand deux personnes le savent, cela se sait partout au gouvernement, mais ce n'était pas dans un but strictement d'information, c'était dans un but de participation, cela est différent de l'information. Je suis convaincu que les employeurs, comme les travailleurs concernés, ont des approches au dossier, je suis convaincu qu'ils ont des intérêts cruciaux dans ledit dossier. Mais je suis également convaincu qu'au niveau de la participation, le milieu socio-économique, parce que si - il faut en croire les représentations de ces gens - on ferme Normines, c'est toute la région qu'on ferme, ils sont intéressés au même titre, à titre d'employeurs dans certains cas, à titre d'employés dans certains cas et, dans certains autres cas, à titre d'employés déjà congédiés.

M. Biron: Ce que j'ai offert cet après-midi, dans le fond, aux métallos, à la suite de leurs propositions globales, à la fois sur le côté minier et sur l'aspect manufacturier, c'est de les chiffrer le plus rapidement possible. Or, je pense que la proposition venait en deux, c'est normal qu'eux soient là pour qu'on puisse ensemble les chiffrer le plus rapidement possible et dire: Cela donne quoi finalement? C'est qu'eux-mêmes l'ont reconnu, ils ont dit: On avait des chiffres de base, mais on n'avait vraiment pas tous les chiffres, cela serait intéressant de voir s'il n'y a pas des points où on a erré, où on n'est pas allé assez loin ou trop loin. Or, c'est dans ce sens, d'abord, avec eux, je pense bien, pour leur donner toute l'aide technique et répondre à leurs questions et chiffrer rapidement l'offre, le scénario global présenté par les métallos. Au moins, on aura une alternative globale en réponse à l'alternative globale qui nous est présentée par SIDBEC.

M. Paradis: Si vous me permettez seulement une autre remarque, M. le ministre, votre alternative va être globale en ce qu'elle concerne SIDBEC-Normines et les métallos, cela va être global. Mais, en ce qui concerne les propriétaires de commerces, en ce qui concerne les travailleurs qui travaillent dans ces commerces ou toutes les entreprises dépendantes, je pense que vous êtes conscient, après avoir passé deux jours en commission parlementaire, que s'il fallait qu'il y ait une décision dans le sens de fermer Normines, cela affecte tous ces gens. Si cet aspect du dossier n'est pas à la table, n'est pas pris en considération au moment où vous arrivez à adopter un des scénarios proposés ou tout autre scénario qui sera développé, il peut y avoir une espèce de vide et je ne peux pas voir quel élément négatif un groupement comme cela pourrait apporter à cette table.

M. Biron: Je pense que déjà les gens sont informés constamment et quotidiennement. Quand on parle de villes minières comme Fermont, Gagnon, Port-Cartier, Sept-Îles ou Schefferville, tout le monde vit ensemble et je pense qu'il n'y a pas de travailleur de SIDBEC-Normines ou de Québec Cartier ou Iron Ore qui ne vive pas côte à côte avec des gens. Je pense que, première chose, pour être efficace et rapide, on va essayer de chiffrer le scénario global qui a été présenté cet après-midi par les métallos, il faut aller le plus rapidement possible pour chiffrer celui-ci et les gens vont au moins savoir si c'est réalisable ou pas.

M. Paradis: J'aimerais savoir ce qu'ils en pensent, eux autres, de ne pas participer.

M. Biron: Je pense que j'avais deux questions que je vous avais posées: les incitatifs fiscaux et la suggestion des métallos.

M. Gauthier (André): En fait, il y a cinq points que vous avez soulevés. D'abord, je tiens à vous faire remarquer, au niveau de la pénétration du marché, qu'on ne connaît pas cela particulièrement, mais je pense que

l'on ne peut pas faire autrement que sourire quand on mentionnne SIDBEC International. SIDBEC International vend de l'acier et, nous autres, ce qui nous intéresse localement, c'est Normines; elle, ce sont des boulettes. Ce n'est pas la même chose.

M. Biron: Je voudrais seulement vous corriger, SIDBEC International vend des boulettes.

M. Gauthier (André): Oui, elle vend des boulettes, mais elle vend aussi de l'acier. De toute façon, si elle vend des boulettes, à ce jour, elle n'a pas dû faire un bon travail, parce que des boulettes, il y en a pas mal.

M. Biron: Voulez-vous...

M. Gauthier (André): Attendez un instant, je vais seulement terminer.

M. Biron: Voulez-vous que je vous vende quelques tonnes de boulettes pour mettre dans votre salon?

M. Gauthier (André): Quand on disait de scinder Normines et SIDBEC, c'est un peu cela qu'on voulait, il n'y a pas de miracle là-dedans. Si on regarde l'expérience vécue par Iron Ore, Québec Cartier Mining, Wabush Mines, on se rend compte que ces entreprises, malgré le fait qu'elles se sont associées avec des aciéries, ont du marketing et en vendent. Iron Ore a baissé sa production, a fermé Schefferville, mais c'est encore ouvert à Labrador City, il se fait encore des boulettes et il se vend encore des boulettes. Il y a peut-être de la difficulté à en vendre mais c'est à cause du marché. Mais Iron Ore est installée là et cet endroit est "gras dur", à la minute que cela va reprendre parce qu'il y a déjà un système de marketing en place.

Vous savez, scinder Normines de SIDBEC, pour employer une image, nous pensons que Normines, c'est un enfant sain et fort, mais sa mère, on l'a mise au bien-être social. Bon! II faut que cet enfant, quelqu'un l'adopte. Nous voulons que Normines reste la propriété des Québécois. On ne veut pas retourner aux années 1954 à 1960. On veut que cela reste la propriété des Québécois. Mais il faudrait qu'une société d'État ou un ministère s'embarque, un ministère qui croit à Normines s'embarque et pilote cela. On ne vendra pas 6 000 000 de tonnes demain matin, c'est bien évident. Mais si on commence tout de suite à s'occuper du marketing, quand la reprise va se faire, il y avait les experts tantôt de Gagnon et de Fermont qui parlaient dans un secteur d'une reprise possible en 1985, et on a remis l'infrastructure en place.

C'est vrai qu'il y a bien des choses qui se savent sur la Côte-Nord. Je peux vous en dire une qu'on sait sur la Côte-Nord. On a parlé de réouverture de contrats, on en a parlé toute la journée. Il y a des gens qui sont à Port-Cartier, qui y sont déjà depuis un bon bout de temps, qui s'appellent Québec Cartier Mining, qui doivent rire dans leur barbe et vous attendre de pied ferme. Tout le monde sait que Québec Cartier Mining rêve d'une chose, fermer Fire Lake et aller s'approvisionner au mont Right, renégocier des contrats. Quand on écoutait les gens parler, tous ceux ici autour de la table, on revoyait toujours le scénario, Québec Cartier Mining va réussir à les avoir dans le détour, va fermer Gagnon, Fermont va rester ouvert et Québec Cartier Mining va se sortir du trou.

Les incitatifs fiscaux. On est des gens de bon sens. Quand on est tombé dans le problème de l'usine ITT, on a rencontré le premier ministre Lévesque. On lui a soumis un plan de financement de cette usine par des incitatifs fiscaux. Dans le cas d'ITT, c'est évident que ce n'était pas tellement attrayant, l'incitatif fiscal, le déboursé de l'investisseur. Il devait y avoir un retour fiscal supérieur à son déboursé, car qui va acheter des actions de l'usine ITT à cause de l'image qu'on a créée pour y inciter les gens?

Pour cela, on a utilisé notre imagination. Si cela prend cela, faisons-le. S'il faut modifier des règlements d'interprétation au niveau de l'impôt, faisons-le. Mais il faut qu'il y ait un incitatif fiscal et rappelez-vous une chose, la journée où il n'y a plus de travailleurs à Normines, il n'y a plus d'impôts qui se paient au gouvernement. La portion d'impôts qui serait retournée dans un abri fiscal, finalement, ce n'est pas de l'argent que vous perdez. C'est de l'argent que vous n'aurez pas si vous fermez Normines. Il n'y a pas de recette, mais vous pouvez demander à M. Lévesque, M. Lévesque a en main notre plan. Il avait été très intéressé. On avait fait des approches au gouvernement fédéral, qui s'était aussi montré très intéressé, pour être bien certain que cela pouvait se balancer des deux côtés.

Vous parlez de 3 000 000 de tonnes, de 3 300 000 tonnes plutôt que de 6 000 000. On n'est pas des experts. Avec du bon sens, on peut en faire un bout mais à un moment donné, cela prend des chiffres à côté. On a entendu tantôt M. Miller parler de Gagnon et Fermont. Il arrivait avec une option d'une production supérieure à 3 300 000 tonnes. Je pense que cela vaut la peine de l'examiner attentivement. Je pense que cela vaut la peine de l'étudier complètement. Si elle s'avérait bonne, tant mieux, mais si elle ne s'avérait pas bonne, il faudrait regarder évidemment autre chose. Mais je pense que cela vaut la peine de l'examiner. Je ne peux pas vous dire qu'on va tout sacrifier comme

cela. De toute façon, on n'a pas les pouvoirs autour de la table, de vous dire: Oui, ce n'est pas 3 300 000 tonnes, mettez-en 300 ou 400 à pied à Gagnon. On ne peut pas faire cela, c'est bien évident.

Quant à la participation du milieu, il y a des syndicats chez nous. C'est fortement syndicalisé, mais il y a des élus, il y a des corps municipaux. Vous avez vu le maire de Gagnon, vous avez vu le maire de Port-Cartier. Ce sont des gens qui représentent des gens. Il y a les chambres de commerce, qui sont des gens qui représentent d'autres gens. Quand on joue notre avenir, on aime bien voir "game" en personne, ne pas la regarder à la télévision. Si on doit vous donner notre avis, on aimerait bien avoir des billets pour regarder la partie se jouer.

M. Biron: M. le Président, un seul commentaire. Je ne voudrais pas qu'on parte avec le dossier de M. Miller en disant, parce que lui a dit qu'il y aura un marché en 1985: C'est extraordinaire, cela part! Jusqu'à ce jour, il est le seul à parler de marché en 1985. Tous les autres qu'on a pu consulter nous mettent cela beaucoup plus loin. Ce n'est pas être pessimiste pour rien; c'est essayer d'être réaliste avec ce qu'on a. Il y a des efforts énormes qui ont été faits du côté de SIDBEC, de SIDBEC-Normines et de SIDBEC International pour conquérir le marché; on a beaucoup de difficulté à l'heure actuelle, parce que tout simplement le marché n'existe pas.

Encore une fois, je vous remercie de votre présentation. Veuillez croire qu'on va essayer de prendre la meilleure décision possible, une fois qu'on aura tout en main et qu'on aura eu le temps de digérer un peu tout ce qui nous a été présenté hier et aujourd'hui.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, des fois j'ai l'impression qu'on participe à un dialogue de sourds. Ces gens sont venus et vous ont vraiment parlé de leurs tripes. J'essaie de m'imaginer ou de me mettre dans leur position et de voir tout leur passé et leur avenir qui s'en va, toute une ville qui va disparaître, tout, non seulement les espoirs, mais les efforts et les sacrifices qu'ils vous ont décrits d'une façon tellement éloquente, ici ce soir, que franchement personne ne pouvait ne pas réagir. Cela ne sert à rien de commencer à leur compter des chiffres, 3,3, 4,5, et la compagnie là-bas qui voulait vendre en 1980 pour 30 000 000 $ et qui aujourd'hui ne veut pas vendre. Cela c'est un autre problème. Mais même si vous voulez parler de chiffres, des chiffres de fermeture et d'ouverture de la mine, parlons donc des chiffres positifs qui permettraient une lueur d'espoir. On dit que la raison de l'insécurité, c'est qu'on a perdu 50 000 000 $. Je pense que ce soir, vous ne leur avez pas donné une lueur d'espoir. Du tout! J'espère que les banquiers ne liront pas le journal des Débats de ce soir, je crois qu'ils vont être encore plus inquiets qu'ils ne l'étaient avant la commission parlementaire.

Vous avez mentionné, c'est vrai, que M. De Coster, dans ses mémoires, voulait se départir de SIDBEC-Normines. Mais vous avez oublié de dire qu'hier M. De Coster, personnellement, sa recommandation, ce n'était pas de fermer SIDBEC-Normines; c'est important aussi de le dire. Avec toutes les informations que vous avez, je ne vous demande pas de prendre un engagement, mais au moins d'ouvrir la possibilité d'écarter la fermeture de SIDBEC-Normines. Cela me dépasse complètement. Je ne sais pas si c'est parce qu'il est tard et que cela fait deux jours qu'on dort quatre heures par nuit et qu'on se réveille de bonne heure, mais cela me dépasse complètement. Vous avez des représentations, des groupes qui sont devant nous, il y en a eu un autre groupe avant, vous avez les chiffres, et vous n'êtes pas capables de donner une lueur d'espoir et de dire: Écoutez... British Steel, à part cela, vous a dit: On ne veut pas fermer. J'espère que je me trompe, vous donnez l'impression que vous vous dirigez vers une fermeture. Si je prends les déclarations du ministre des Finances, hier matin, il était catégorique, radical et statique, il ne voulait rien faire, et si je prends l'approche que vous prenez ce soir, c'est décourageant. Face aux représentations qu'ils vous ont faites, vous voulez parler de chiffres, même les chiffres de votre propre comité interministériel...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Châteauguay sur une question de règlement.

M. Dussault: M. le Président, vous savez, le discours que vient de commencer M. le député de Mont-Royal pourrait durer jusqu'à 3 heures ce matin. Ce n'est pas la raison pour laquelle on est ici. On a entendu le groupe, il avait un excellent mémoire, lequel va faire réfléchir les membres de la commission, et va faire réfléchir le gouvernement sans doute aussi. Maintenant qu'on a fait notre travail auprès de ce groupe, je pense qu'on devrait leur permettre d'aller dormir. À minuit et quinze minutes on devrait entendre le groupe suivant à qui on aura aussi des questions à poser. Ces gens qui nous attendent sont là depuis plusieurs heures aussi.

M. le Président, je voudrais que vous appliquiez les règles habituelles de la commission afin que notre travail continue. Si M. le député de Mont-Royal veut faire des remarques, il trouvera sans doute une

autre occasion pour faire cela à un moment donné.

(0 h 15)

M. Ciaccia: Si le député de Châteauguay veut aller dormir, libre à lui d'aller se coucher! Si vous voulez aller dormir, allez-y! Je pense que l'avenir de ces gens-là est un peu trop important pour dire qu'on va aller se coucher.

M. Dussault: Question de règlement, M. le Président. C'est de la démagogie que fait le député de Mont-Royal. J'ai le droit, à cette commission-ci, de faire appliquer le règlement. Ce que je vous demande, M. le Président, c'est qu'on évite les grands discours de M. le député de Mont-Royal pour pouvoir remercier les gens qui sont venus nous présenter un mémoire - qui l'ont très bien fait - afin qu'on puisse passer au suivant parce qu'il est minuit et quart, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Avant toute chose, M. Ménard avait demandé la parole, et M. Gaudette.

M. Gaudette: Je pourrais charger M. Ménard de vous remercier.

M. Ménard: Je serai très bref, M. Ciaccia.

M. Ciaccia: Je ne veux pas vous enlever le droit de parole, je voulais vous poser une question. Je n'avais pas terminé. Ne vous laissez pas intimider, nous allons continuer.

M. Ménard: Non, non.

M. Ciaccia: J'avais une question à poser. Si on veut appliquer le règlement, comme je n'avais pas épuisé mon droit de parole, je pourrais parler pendant vingt minutes, mais ce n'est pas ce que je veux faire. La raison de mon intervention, avant cette interruption, était de porter à l'attention du ministre certains faits et lui demander, à la lumière des représentations -cela fait deux jours qu'on entend des chiffres, des statistiques, des mémoires, des prévisions, des précisions - s'il peut donner un peu plus d'espoir qu'il ne l'a fait en ce qui concerne Normines.

Je comprends les problèmes et je ne vous suggère pas de continuer à perdre 150 000 000 $ par année. Je sais qu'il y a des problèmes à SIDBEC, mais vous avez des chiffres qui ne sont pas contestés. Est-ce que vous pourriez donner une petite lueur d'espoir, au moins, en essayant d'écarter la fermeture de Normines? C'est strictement ce que je demande.

M. Charbonneau: Je ne sais pas combien de fois le ministre a répondu à cette question.

Le Président (M. Desbiens) À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Charbonneau: C'est facile de donner l'impression qu'on n'y a pas répondu.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Bon Dieu!

Le Président (M. Desbiens): Le ministre a demandé la parole.

M. Biron: Je vais répéter pour - je ne sais pas combien - peut-être la centième fois que la décision du gouvernement n'est pas prise. Je pourrais, moi aussi, faire de la basse politique et créer de l'espoir chez tout le monde. Jusqu'à maintenant, depuis que je suis en politique, j'ai été honnête avec tout le monde et je tiens encore à l'être à la fois avec les gens de la Côte-Nord comme avec les gens de Contrecoeur. Je dis que la décision n'est pas prise et ce sera après étude et analyse, après avoir laissé décanter tout ce qu'on a entendu et, en particulier, après avoir tenu compte du scénario responsable, comme je l'ai qualifié cet après-midi, présenté par les Métallurgistes unis d'Amérique, les métallos du Québec, une fois qu'on aura tous ces chiffres en main, je serai prêt à faire une recommandation au gouvernement. Pour le moment, c'est le statu quo, il n'y a aucune décision de prise. Je n'ai pas l'intention de prendre une décision tout de suite, ni de faire de la politique partisane, ni de créer de l'espoir ou du désespoir, je veux simplement être franc, honnête et direct, dire la vérité et dire ce que je pense à tout le monde. La décision n'est pas prise; lorsque les études seront terminées, la décision se prendra.

Le Président (M. Desbiens): M. Ménard.

M. Ménard: M. le Président, M. le ministre, je serai très bref, je ne voudrais que faire quelques mises au point. Je ne veux pas aller dans les chiffres, je ne veux pas faire un discours de chiffres, mais j'aimerais attirer l'attention de la commission sur la situation mondiale dans le marché du fer. Je ne me déclare pas spécialiste comme M. Astier; c'est sûr que le marché des boulettes est saturé dans le monde, mais le marché des concentrés est encore ouvert, le marché "direct shipping" ou de sinter est encore très bon.

Je voudrais souligner aussi que les gros développements miniers dans le monde sont au Brésil où CVRD produit à peu près pour

40 000 000 $; il y a Carajas à l'heure actuelle, qui vient d'emprunter 3 500 000 000 $ à la Banque mondiale et elle va emprunter encore 3 000 000 000 $ dans les prochains mois, à des taux d'intérêt assez élevés, pour développer un projet à 600 km à l'intérieur du Brésil, une production de 40 000 000 $ additionnels qui va lui coûter assez cher aussi.

Vous avez aussi au Libéria, à l'heure actuelle, un projet qui fonctionne à très gros régime, et un autre en Guinée qui doit être développé assez prochainement dans le secteur des concentrés. Il y a aussi Kodramuck en Inde, qui commence à produire avec un plan de boulettes qui se bâtit un peu partout à l'extérieur.

Juste pour amplifier, je devrais dire que nous, les gens de la Côte-Nord, aimerions dire aux gens du Québec que nous avons participé à la collectivité et à la communauté en payant des taxes. Nous n'avons pas fait notre travail, peut-être; nous avons dormi trop longtemps et nous sommes restés assis sur notre derrière avec des projets grandioses et des mines seulement pour ne pas diversifier notre économie. Nous sommes ici et nous sommes très conscients de notre faiblesse. Nous voulons essayer de combler cette faiblesse, mais, en même temps aussi, nous aimerions dire aux gens du Québec qu'il y a de l'avenir dans les mines, il y a de l'avenir dans la sidérurgie, il y a de l'avenir dans notre pays, mais il faudrait être là le matin où cela va commencer. Si on ferme, notre valeur courante va baisser et quand la reprise va se faire, on ne sera plus là.

Nous, les gens de la Côte-Nord, avons du "home work" à faire, nous avons du travail à faire chez nous et nous devons le faire. Nous demandons au gouvernement du Québec de nous écouter, de nous aider, de nous soutenir dans les moments difficiles pour que, quand les jours meilleurs vont revenir, nous soyons assez matures pour pouvoir fonctionner. C'est tout ce qu'on voulait dire.

Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Je pense...

Le Président (M. Desbiens): M.

Gaudette, avant.

M. Gaudette: Au nom du regroupement, je vous remercie infiniment de nous avoir écoutés. Je voudrais vous faire remarquer que M. Ménard est surintendant divisionnaire pour la compagnie minière Québec Cartier à mont Wright.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Oui, M. le Président. Je pense que M. Ménard, le maire de la ville de Fermont, vient d'exprimer en partie ce que j'allais dire avant de remercier les personnes qui ont cru bon venir ici se présenter devant la commission. Je peux vous assurer, comme je l'ai fait avec d'autres, que je maintiens toujours ma position sur la question de SIDBEC-Normines. En 1971 - cela va peut-être répondre aux questions de M. Routhier -je suis arrivé à Sept-Îles, sur la Côte-Nord, dans le comté de Duplessis, avec l'intention de repartir deux ou trois ans plus tard. Comme vous pouvez le constater, après onze ans, je suis toujours sur la Côte-Nord et, moi non plus, je n'ai pas l'intention de partir et de laisser partir des gens.

M. Routhier: Vous ne répondez pas, vous confirmez ce que j'ai dit;

M. Perron: C'est cela. Merci tout le monde.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.

J'inviterais maintenant les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec à s'approcher.

À l'ordre! En ce début de 12 novembre, voudriez-vous, M. Langlois nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Langlois (Charles): Merci, M. le Président. Je suis accompagné, ce soir, de M. Jean-Paul Létourneau, vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec, à ma droite; plus à droite, Pierre Lemieux, économiste à la chambre; à ma gauche, Marcel Tardif, directeur des affaires publiques à la Chambre de commerce de la province de Québec.

J'aimerais vous dire que celui qui vous parle a été élu, lundi soir, au terme du congrès de la Chambre de commerce de la province de Québec, au poste de président. J'occupe aussi un poste de cadre supérieur dans une des importantes entreprises de camionnage de la province de Québec et il me plaît de vous dire qu'avant cela, j'ai occupé, pendant six ans, un poste de cadre dans une entreprise minière de la Côte-Nord qui dirige une usine de boulettage à Pointe-Noire et qui a aussi des activités minières au Labrador.

Je dois vous dire que les chiffres que j'ai entendus depuis hier me sont familiers. Je me suis retrempé dans ce qu'étaient les activités minières et dans le langage de l'acier. Je suis un résident de Sept-Îles depuis 24 ans et, comme tous ceux que vous avez entendus avant moi venant de la Côte-

Nord, je n'ai pas l'intention de déménager.

Pour aborder le problème de SIDBEC, qui a été créée en 1964, je dois dire qu'elle a suscité de grands espoirs qui ont, en grande majorité, été déçus. Je devrais vous dire que je vais omettre plusieurs passages du mémoire étant donné l'heure tardive; je vais m'en tenir aux points plus spécifiques du but de notre présentation et de la solution que nous proposons. La situation ne s'est pas résorbée, il est donc temps de poser des questions fondamentales et d'y apporter les réponses nécessaires. C'est ce qu'ont tenté de faire les représentants de SIDBEC depuis hier. Le conseil d'administration de SIDBEC a adopté une stratégie d'entreprise dont il considère la mise en oeuvre essentielle au redressement de l'entreprise et qu'il recommande fortement au gouvernement d'entériner avec diligence. Faut-il insister?

La stratégie proposée comporte deux volets: le premier volet consiste en une réorganisation de la structure, de la production et du financement de SIDBEC. Le deuxième volet s'articule autour de la privatisation de la société d'État. La chambre reprend à son compte les mots des membres du conseil d'administration au cours d'une assemblée tenue le 7 juin 1982, résolution qui, à notre point de vue, passera à l'histoire car il est rare que les administrateurs d'une société d'État admettent que la privatisation constitue une solution désirable. Le texte de cette résolution se lisait comme suit: "II est résolu de demander au gouvernement du Québec que la direction de SIDBEC soit autorisée, par mandat spécifique, à entamer des pourparlers relativement à la vente de la totalité des actions de SIDBEC à l'entreprise privée".

Le conseil d'administration de SIDBEC, nommé par le gouvernement, est constitué de personnalités avantageusement connues dans le monde des affaires et ayant une connaissance de première main des difficultés inhérentes à la sidérurgie québécoise. La Chambre de commerce du Québec croit que leurs considérations et recommandations doivent servir de fondement au débat sur l'avenir de SIDBEC et devront peser lourd dans les recommandations de la présente commission parlementaire ainsi que dans la décision du Conseil des ministres.

La Chambre de commerce du Québec, en se présentant devant cette commission, n'entend pas reprendre l'analyse technique de la situation actuelle de SIDBEC; il aurait été prétentieux, en moins de deux semaines, de refaire la démarche effectuée par le conseil d'administration de la société d'État. L'objectif de la chambre est plutôt de replacer le problème de SIDBEC dans le cadre général de l'économie du Québec et du rôle que l'État doit y jouer.

En 1981, SIDBEC a réalisé une perte nette de 61 500 000 $. Depuis sa fondation,

SIDBEC n'a malheureusement pas réalisé de profit significatif, à part qu'en 1974. Des profits de 5 000 000 $, réalisés en 1969, sont davantage attribuables à une écriture comptable. Depuis 1977, les pertes annuelles de SIDBEC ont augmenté à un taux annuel moyen de 21,4%. Au cours de ces cinq années, les pertes cumulatives de SIDBEC se chiffrent à 223 200 000 $. Au 31 décembre 1981, le déficit accumulé de SIDBEC atteignait 294 800 000 $. La direction de SIDBEC prévoit des pertes de quelque 150 000 000 $ pour la seule année 1982. Depuis 1968, l'Etat a investi dans SIDBEC quelque 616 000 000 $, soit la somme du capital-actions et du surplus d'apport apparaissant au bilan au 31 décembre 1981. (0 h 30)

À la page 6. Investies dans un portefeuille diversifié, ces sommes d'argent auraient pu obtenir un rendement comparable aux 10,6% de croissance annuelle moyenne de l'indice du Toronto Stock Exchange 300 entre 1966 et 1981. Ainsi, les 616 000 000 $ confiés à SIDBEC au cours des années constitueraient aujourd'hui un fonds de près de 1 000 000 000 $, soit plus précisément 965 000 000 $. Ces 965 000 000 $ représentent l'investissement des Québécois dans SIDBEC. Si on suppose que la valeur actuelle de SIDBEC est de 321 000 000 $, soit l'avoir net des actionnaires au 31 décembre 1981, il s'ensuit que les Québécois sont aujourd'hui moins riches de 644 000 000 $ qu'ils n'auraient été s'ils n'avaient pas investi dans SIDBEC. Autrement dit, SIDBEC nous a coûté 644 000 000 $. Cette estimation de 644 000 000 $ est conservatrice, entre autres raisons parce que la valeur réelle de SIDBEC est sans doute inférieure à la valeur aux livres de l'avoir des actionnaires, soit 321 000 000 $.

Les problèmes de SIDBEC. Nous l'avons dit, notre intention n'est pas d'étudier tous les problèmes particuliers de SIDBEC. Ce qui nous importe, c'est leurs conséquences pour l'ensemble de l'économie et des contribuables du Québec. J'aimerais omettre le dernier paragraphe de la page 9, toute la page 10 et une partie de la page 11, qui sont des chiffres qui ont été transmis hier par la direction de SIDBEC à la commission. Je reprends au troisième paragraphe de la page 11.

Comment se fait-il que SIDBEC ait pu accumuler autant de problèmes? Ce ne semble pas à cause d'un manque de ressources financières. La société d'État profite de la garantie de l'État et a déjà reçu plus de 600 000 000 $ en placements et subventions. Bien que peu de gens l'aient prévu dans l'euphorie des années soixante, l'expérience démontre maintenant qu'il n'a pas été profitable d'investir dans une sidérurgie d'État. On réalise maintenant que

les 644 000 000 $ des contribuables québécois investis dans l'aventure SIDBEC trouveraient aujourd'hui, surtout en période de difficultés économiques, un emploi plus utile. Parlant des entreprises publiques fonctionnant en milieu concurrentiel, l'économiste Michel Boucher, de l'École nationale d'administration publique, écrit: "Tout le système de contrôle et de surveillance mis en place par des gestionnaires est orienté vers des objectifs politiques et bureaucratiques qui sont généralement différents du profit."

Les solutions proposées par la société d'État. Pour régler les problèmes de la société d'État, le conseil d'administration de SIDBEC propose un ensemble de solutions regroupées autour de deux grands volets: des solutions administratives pour une réorganisation de l'entreprise, et une solution que la chambre appuie, soit la vente de la société d'État à des intérêts privés. La chambre n'a pas grand-chose à ajouter concernant les solutions administratives de nature technique qui sont proposées. Elle estime que la direction de SIDBEC est bien placée pour procéder à ce genre d'évaluation.

On ne peut cependant éviter la question de SIDBEC-Normines. La société d'État propose trois options: premièrement, qu'elle soit autorisée à vendre à des tiers ses actions dans SIDBEC-Normines; deuxièmement, que l'on puisse procéder à un réaménagement majeur des opérations de SIDBEC-Normines en fermant la mine du lac Fire et en obtenant une garantie d'approvisionnement du mont Wright, en rationalisant les opérations de l'usine de boulettage et en diminuant à un tiers la participation de SIDBEC dans Normines; troisièmement, que SIDBEC puisse négocier avec ses partenaires l'abandon complet et définitif des opérations de SIDBEC-Normines.

Étant donné les contrats qui lient SIDBEC à ses partenaires, British Steel et US Steel ainsi qu'aux détenteurs d'obligations de SIDBEC-Normines, les deux premières solutions apparaissent problématiques et il n'est pas impossible que la troisième soit la plus réaliste. Selon les calculs de SIDBEC, la fermeture permanente de Normines en 1983 coûterait à la société d'État quelque 490 000 000 $, c'est-à-dire pas davantage que les pertes prévues de 1983 à 1987 seulement. En tout état de cause, il semble que le propriétaire actuel ou futur de SIDBEC devra trouver une solution rapide pour éliminer le fardeau financier que constitue SIDBEC-Normines. Que l'on parle de réorganiser les opérations de SIDBEC ou de réaménager sa structure financière, il est impérieux que les solutions adoptées ne coûtent rien de plus au trésor public. Si un coût est inévitable, il doit être justifié par une réduction plus qu'équivalente du coût entraîné par les autres solutions. SIDBEC a déjà coûté beaucoup trop cher aux Québécois et il serait inacceptable, sous un prétexte ou sous un autre, que le gouvernement y investisse davantage.

La privatisation de SIDBEC. Nous faisons donc face à deux exigences: d'une part, réorganiser SIDBEC pour la rendre éventuellement rentable et, d'autre part, épargner aux contribuables québécois tout investissement additionnel dans cette entreprise. Or, il est une solution qui pourrait satisfaire simultanément ces deux exigences: que l'État vende SIDBEC à des intérêts privés qui se chargeront de rentabiliser l'entreprise. Telle est la deuxième option que propose le conseil d'administration de SIDBEC. On pose parfois la question de savoir si SIDBEC pourrait trouver preneur auprès d'acheteurs privés. Or, de deux choses l'une: ou bien SIDBEC ne vaut rien sur le marché, ce qui signifierait que ses perspectives de rentabilité sont nulles, quelle que soit la réorganisation qu'on lui fasse subir. Si tel était le cas, il ne fait pas de doute que les contribuables québécois devraient tout simplement fermer la boutique, plutôt que de continuer à perdre plus de 100 000 000 $ par année. Ou bien, ce qui est plus probable, SIDBEC peut devenir rentable si on procède au réaménagement qui s'impose et si la compagnie était propriété d'intérêts privés qui auront la rentabilité pour objectif. Dans ce cas, la direction de SIDBEC, si on lui en donne le mandat, pourra trouver un acheteur qui sera prêt à payer pour le capital-actions de SIDBEC une valeur sans doute inférieure à sa valeur aux livres, mais une valeur quand même positive. L'État et les contribuables pourraient ainsi limiter leurs pertes en recouvrant une partie des fonds qu'ils ont investis dans SIDBEC.

La privatisation de SIDBEC constitue la seule solution acceptable aux problèmes de la société d'État. La dilapidation du trésor public doit cesser. Le gouvernement du Québec devrait donc autoriser SIDBEC à chercher un ou plusieurs acheteurs pour toutes les actions détenues par l'État et entamer des pourparlers avec les acheteurs potentiels. Ces démarches devraient s'accompagner d'un mandat pour réduire le plus possible le fardeau que SIDBEC-Normines constitue pour l'entreprise.

Il est possible qu'une grande partie du plan de redressement de SIDBEC doive être mise en oeuvre par le futur propriétaire de l'entreprise. En effet, la privatisation de SIDBEC doit être réalisée rapidement afin que le trésor public ne soit plus mis à contribution si ce n'est pour limiter les dégâts et financer les frais de la privatisation en incluant les garanties aux détenteurs d'obligations et aux partenaires de Normines.

Il n'est pas possible de savoir avec

certitude si le processus de privatisation de SIDBEC entraînerait la fermeture de SIDBEC-Normines. Une seule chose est claire: les nouveaux propriétaires de SIDBEC voudront éliminer les pertes de 500 000 000 $ à 600 000 000 $ que SIDBEC prévoit encourir au cours de ses arrangements actuels avec SIDBEC-Normines au cours des cinq prochaines années. Si SIDBEC-Normines devait fermer ses portes, le gouvernement du Québec pourrait prévoir un programme spécial de relocalisation ou de compensation pour les 3200 habitants de la ville de Gagnon, mais il ne faut pas oublier que cette ville n'existerait sans doute plus si Normines n'avait pas été créée en 1978. Même s'il devait coûter 20 000 $ par habitant, un tel programme de 64 000 000 $ coûterait beaucoup moins cher que les pertes que Normines impose à SIDBEC durant une seule année.

Conclusion: Une analyse de la situation de SIDBEC et du coût qu'elle impose aux contribuables québécois indique que seule la privatisation de l'entreprise peut à la fois relancer celle-ci et dégager l'Etat du fardeau financier qu'elle représente. C'est là le seul espoir pour le maintien d'une activité économique et de l'emploi à Gagnon. Plusieurs problèmes pratiques resteront à résoudre, dont les moyens d'éliminer les pertes causées par SIDBEC-Normines, mais le gouvernement du Québec doit, dès maintenant, s'engager à ne plus engloutir l'argent des contribuables dans cette entreprise et à la privatiser le plus rapidement possible. Plus précisément, la Chambre de commerce du Québec recommande que le gouvernement du Québec accepte le principe de la privatisation de SIDBEC et que, par conséquent, il accepte la recommandation du conseil d'administration de SIDBEC et autorise la société d'État à entamer des pourparlers relativement à la vente à un ou à des acheteurs privés de ces actions. Que le gouvernement du Québec confie au conseil d'administration de SIDBEC le mandat de réduire le fardeau que SIDBEC-Normines constitue pour l'entreprise. Que le gouvernement du Québec n'injecte plus de fonds dans SIDBEC si ce n'est pour minimiser ses pertes en se dégageant de l'entreprise et qu'un échéancier d'un an soit établi et adopté pour la privatisation de SIDBEC.

M. le Président, nous croyons que le gouvernement du Québec doit aux citoyens qui sont les véritables actionnaires de SIDBEC de mandater clairement les administrateurs de SIDBEC pour qu'ils offrent l'entreprise sur le marché privé. Cette solution représenterait, à moyen terme, la seule possibilité de maintenir les activités minières et manufacturières mises en place par SIDBEC.

MM. les députés, c'était la présentation de la chambre. Nous serons heureux de répondre, s'il y a lieu, aux questions des membres de la commission.

Le Président (M. Desbiens) M. le ministre.

M. Biron: La première chose, M. le président de la Chambre de commerce du Québec, je voudrais officiellement vous féliciter pour votre élection et vous offrir mes voeux de bon succès pour le mandat que vous entreprenez. Vous entreprenez un mandat dans une époque difficile pour l'économie mondiale, canadienne et québécoise et, bien sûr, beaucoup de chefs d'entreprises auront besoin d'être aidés, stimulés et conseillés.

Ceci dit, votre mémoire va complètement à l'opposé du mémoire qu'on vient d'entendre. Je suppose que vous parlez au nom de la Chambre de commerce de la province de Québec et non au nom de la Chambre de commerce de Sept-Îles. Tout à l'heure, la Chambre de commerce de Sept-îles nous a parlé un peu dans l'autre sens, mais c'est une note au dossier qu'il nous faut analyser.

Je voudrais vous poser quelques questions. Si l'État québécois ne s'était pas impliqué dans SIDBEC en 1964 ou 1968, à l'époque où quelques pourcents seulement de la production d'acier du Canada était faite au Québec... Au-delà de 85% étaient en Ontario, mais maintenant on a augmenté un peu notre pourcentage. Ma première question est la suivante: Est-ce que vous pensez que des entreprises privées auraient fait la même chose?

Deuxième chose, j'aurais aimé aussi que vous nous parliez de la réaction de votre mémoire sur des PME québécoises qui emploient des matériaux de SIDBEC, par exemple, Canam Manac dans la Beauce. J'en ai une série qui ont communiqué avec moi au cours des derniers mois, qui, elles, seraient pénalisées par l'absence de SIDBEC sur le marché québécois parce que maintenant le prix des autres aciéries canadiennes, au lieu d'être FOB Hamilton, il est FOB Montréal, ce qui fait une différence de 15 $ la tonne ou 20 $ meilleur marché la tonne, quelque chose comme cela, ce qui permet finalement à ces entreprises québécoises d'être beaucoup plus compétitives sur leur propre marché. J'aimerais que vous nous parliez de l'impact de votre recommandation. Vous dites: Si vous ne trouvez pas d'acheteur, on a assez dépensé d'argent, fermez. Si on allait au bout de cette recommandation, cela voudrait dire qu'il y a de nombreuses PME québécoises qui pourraient souffrir d'un "backlash", comme on dit en anglais, d'une répercussion. J'aimerais que vous nous parliez de cela. Oui...

M. Langlois: D'abord, je voudrais que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme soit très prudent et ne fasse pas dire à notre mémoire ce qu'il ne dit pas. Notre mémoire ne parle pas de fermeture de SIDBEC. Notre mémoire exprime de la confiance vis-à-vis des investisseurs privés qui pourraient être intéressés à SIDBEC, à certaines conditions évidemment. Nous pensons que cette hypothèse doit être explorée à fond, de façon dynamique, comme le président de SIDBEC l'a si bien mentionné hier.

À votre première question, je dois vous faire remarquer que le mémoire de la Chambre de commerce du Québec n'est pas incompatible avec tous les autres mémoires qui ont été présentés ici, aujourd'hui et hier, parce qu'il ne parle pas de fermeture. On est convaincu qu'il y a un effort sérieux à faire vers la privatisation et nous sommes convaincus qu'elle représente la meilleure solution à moyen terme pour garder les activités minières et manufacturières de SIDBEC en marche.

Vous avez posé une autre question: Si SIDBEC ou si le gouvernement ne s'était pas impliqué dans une industrie sidérurgique au début des années soixante, est-ce que l'entreprise privée aurait augmenté... Je sais pertinemment qu'à cette époque des approches avaient été faites par des entreprises privées canadiennes dans le domaine de la sidérugie pour augmenter leur part manufacturière au Québec, leur part de produits manufacturiers au Québec. Je ne suis pas en mesure de dire ce qu'il en est résulté, mais, finalement, le gouvernement du temps s'est lancé dans l'aventure SIDBEC. (0 h 45)

En ce qui regarde l'influence de la disparition éventuelle ou hypothétique de SIDBEC du marché québécois, ce à quoi nous ne croyons pas, est-ce que les prix payés par les PME du Québec qui achètent des produits de l'acier seraient changés? C'est sûr que Stelco et Dofasco ont un prix FOB Hamilton. Il ne faudrait pas oublier que les produits des aciéries sont vendus par des centres de distribution qui sont situés en grande partie dans la région de Montréal. Je me demande, sans avoir toutes les informations - peut-être que M. Létourneau pourra documenter ce que je dis - mais je pense bien que si Raymond Industrie, de Sept-Îles, achète 3000 tonnes d'acier en plaques de Drummond Me Call à Montréal, j'ai l'impression que Drummond Me Call peut très bien lui vendre de la plaque qui vient de SIDBEC tout comme la plaque qui peut venir de Stelco ou de Dofasco à Hamilton. Il doit payer le prix que Drummond Me Call vend à Montréal.

M. Létourneau (Jean-Paul): Notre hypothèse est toujours, d'ailleurs, qu'il y a possibilité de maintenir des opérations de

SIDBEC. Maintenant - M. le Président, si vous me permettez - la raison pour laquelle nous insistons pour que le gouvernement explore cette alternative qu'il aille du côté de la privatisation, tel que cela a été recommandé, c'est parce que nous considérons la question dans un ensemble plus vaste que celui qu'on a exposé jusqu'ici devant cette commission, c'est-à-dire qu'on observe la situation financière générale du Québec.

On voit que le gouvernement du Québec va devoir faire face très bientôt à des hausses considérables de dépenses pour financer l'assistance sociale, que le gouvernement du Québec fait face à des baisses des entrées de fonds, que le gouvernement du Québec a des difficultés grandissantes à financer les besoins de trésorerie, qu'il y a une possibilité de détérioration de la cote des obligations du Québec sur les marchés et les nouveaux coûts afférents, si on continue d'ajouter SIDBEC, au rythme de déficit où cela fonctionne, à toutes les autres dépenses qui s'ajoutent, que la fiscalité des citoyens du Québec est déjà plus élevée que partout ailleurs au Canada, d'où une impossibilité à peu près pratique d'imposer encore plus les Québécois pour continuer l'aventure de SIDBEC et aussi les autres entreprises étatiques qui attendent leur tour pour venir chercher ici leur pitance.

Dans ce contexte, nous ne savons pas combien de temps le gouvernement du Québec va être capable, tout simplement physiquement capable, de supporter SIDBEC, quels que soient les scénarios qu'on ait entendus, je veux dire les scénarios réalistes. Dans ce contexte, on dit: Le gouvernement du Québec ne peut pas, n'a pas le droit d'ignorer la possibilité que propose le conseil d'administration d'offrir maintenant SIDBEC sur le marché. Il propose un échéancier d'un an. On n'est pas contre la réorganisation, le réarrangement qui a été prévu ici, les renégociations, etc., qui peuvent se faire parallèlement, mais qu'on aille au moins de ce côté, parce que l'alternative est peut-être pire.

M. Biron: M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Biron: J'aimerais vous poser deux autres questions brèves, après cela, je vais laisser la parole à mon collègue de Mont-Royal. Dans votre optique de privatisation, est-ce que vous pourriez aussi nous faire une suggestion pour une société mixte? On sait que c'est difficile pour des sociétés complètement privées, quelquefois, de conquérir certains marchés ou de s'attacher fermement au Québec, alors que dans des

sociétés mixtes, au moins, on peut y avoir un mot à dire et elles sont aussi bien gérées, de manière à faire en sorte d'assurer leur continuité sur le sol québécois. Dans la deuxième question que j'ai à vous poser, j'aimerais avoir vos commentaires sur l'offre des métallos d'aujourd'hui sur une participation des travailleurs aux décisions et, éventuellement, avec possibilité au capital-actions de l'entreprise.

M. Langlois: Pour répondre à la question sur la société mixte, si elle représente une possibilité qui permettrait à l'État du Québec d'alléger son fardeau dans la sidérurgie québécoise, cette possibilité, s'il n'y a pas moyen d'atteindre la complète privatisation dans des délais raisonnables que nous avons fixés à une période exploratoire d'une année, s'il n'y avait pas moyen, au cours de cette année, d'atteindre la complète privatisation et que la participation du capital privé et du capital public dans la sidérurgie québécoise offrait, comme je le disais, des possibilités au gouvernement d'alléger son fardeau dans la sidérurgie, je pense qu'il serait tout à fait normal que le gouvernement étudie cette possibilité. Mais cela n'enlève pas l'objectif premier, je pense, de fixer la complète privatisation.

En ce qui concerne l'offre des métallos, je peux vous dire que c'est une proposition qui est certainement intéressante, pour autant que le gouvernement peut être concerné et que les autres partenaires peuvent être concernés. Vous devez la considérer à sa valeur, mais j'ai bien remarqué que le président de la FTQ a dit cet après-midi, après l'offre de M. Godbout: Oui, mais il y a des prérequis. Il faudrait peut-être voir quels sont ces prérequis.

M. Biron: Le sens de ma question était surtout sur la participation aux décisions, parce que, si j'ai bien compris - il y a, bien sûr, participation au capital-actions - pour l'essentiel même, pour dynamiser l'entreprise, M. Godbout suggérait une participation active aux décisions concernant les investissements, les améliorations, les décisions importantes et stratégiques à l'intérieur de l'entreprise.

M. Langlois: Je peux vous dire, personnellement, que je considère que c'est une décision que des partenaires adultes doivent prendre dans une entreprise. Si la direction de l'entreprise et le syndicat s'entendent pour qu'une méthode semblable fonctionne, eh bien, tant mieux. C'est une opinion bien personnelle que j'exprime.

M. Létourneau: II serait tout à fait normal, M. le Président, que les travailleurs soient actionnaires.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je veux d'abord me joindre au ministre pour féliciter M. Langlois pour son élection à la chambre de commerce.

Premièrement, nous regrettons que votre mémoire vienne aussi tard, parce que je crois qu'il contient des propositions assez intéressantes et des principes de base. Quant aux avertissements que vous venez de donner au ministre au sujet de la situation financière du Québec, je pense que cela aurait été bon s'il y avait eu plus de gens pour l'écouter, parce qu'à une heure moins cinq du matin, vous allez convenir avec moi que... Ce n'est pas votre faute et ce n'est pas la nôtre.

Je suis d'accord aussi avec vous que votre mémoire ne va pas à l'encontre des autres mémoires qui ont été présentés. Par exemple, le mémoire du groupe qui vous précédait dit spécifiquement à la page 21, je pense: "Enfin, plusieurs vous auront suggéré -en parlant au gouvernement - ou vous suggéreront la privatisation de l'entreprise. Nous ne pouvons qu'être d'accord, mais -c'est la question qu'il pose - de quelle façon?" Je ne pense pas que ce soit quelque chose de radical ou quelque chose que les autres mémoires ont écarté, mais il y a une question que je me pose, et, avant de vous la poser aussi, je pense qu'il va y avoir des leçons à tirer des expériences des dernières années avec les sociétés d'État. Il y a certains désavantages à ce que j'appellerais la mentalité gouvernementale quant au fonctionnement de certaines entreprises et la mentalité de l'entreprise privée. Je pense qu'il faut le dire clairement. Il y a certains cas dans lesquels le gouvernement doit s'impliquer, mais, dans l'opération de l'"entrepreneurship", je pense qu'il y a des mises en garde à faire au gouvernement.

Maintenant que vous préconisez la privatisation, la question que je me pose est la suivante: Est-ce le moment propice maintenant de dire: On a tellement de pertes, on a une opération pour laquelle même SIDBEC dit: On n'a pas de marketing. On n'a pas réussi à attirer certains cadres. Il faudrait vendre maintenant. Ce serait presque, à vrai dire, "higher sales". Est-ce le temps de disposer de SIDBEC ou est-ce qu'il y a des mesures à prendre? Je me souviens que Northern Electric avant de devenir Northern Telecom avait un problème. Elle perdait de l'argent elle aussi. Elle a fait venir quelqu'un, un cadre, et lui a dit: Mettez de l'ordre dans la cabane. Quand on a mis de l'ordre dans la cabane, c'est devenu quelque chose de mieux, parce qu'il faut penser aussi aux investissements qu'il y a là-dedans. Je vous pose cette question.

M. Langlois: II faut se demander s'il y

a un temps plus propice qu'un autre pour entreprendre des recherches sur le marché privé vers la privatisation de SIDBEC. Rappelons-nous qu'il n'y a pas tellement longtemps, le marché de l'acier était bon en Amérique du Nord. Les aciéries fonctionnaient à pleine capacité, celle de Hamilton en Ontario donnait d'excellents résultats, les aciéries américaines fonctionnaient bien. Les produits s'écoulaient bien aussi sur le marché européen. Tout le monde cherchait des boulettes, on en vendait. Malgré tout cela, dans cette période de bonne conjoncture, notre société d'État n'a réussi à faire de profits qu'une année seulement. Ce n'est pas un blâme à l'endroit de la direction de SIDBEC, parce que nous reconnaissons - nous l'avons dit dans le mémoire - aux administrateurs de SIDBEC de grandes qualités. C'était peut-être à cause de la structure ou de l'équipement, enfin, de ce qui existait à SIDBEC, et je ne suis pas trop familier avec cela. On doit se poser une question. En bonne période d'activité économique, l'entreprise privée réalisait des profits, payait des dividendes à ses actionnaires, alors que la nôtre ne réussissait pas à faire de profits. Voici la question que je me pose: Est-ce qu'on aurait dû la vendre il y a quatre ans, quand toute l'industrie sidérurgique allait bien et que SIDBEC n'allait pas bien?

M. Létourneau: M. le Président, si vous permettez.

Le Président (M. Desbiens) Oui.

M. Létourneau: II faut aussi rappeler le contexte général que j'ai mentionné tantôt. Il y a un jugement à poser. Est-ce qu'on sera en meilleure posture dans un an ou deux pour faire la même proposition? Nous pensons que de toute façon nous n'avons rien à perdre à aller voir, à aller sur le marché. On va voir ce qui se passe, on va voir quelles sont les offres. Nous sommes confiants que les gens qui sont dans ce genre d'industrie savent regarder à beaucoup plus long terme que deux ou trois ans et qu'ils ont souvent des ressources bien plus grandes que celles dont nous disposons nous-mêmes pour ce genre d'opérations. Ils peuvent trouver un intérêt considérable dans ce que nous avons déjà. Il ne faut pas l'oublier, malgré les comparaisons faites à notre désavantage, ce que nous avons se situe dans une partie du monde relativement stable. Les infrastructures sont toutes là, la production peut sortir et elle sort déjà. L'accessibilité est très bonne et cela se situe en Amérique du Nord. Ce sont tous des points qui nous apparaissent positifs et que d'autres considèrent comme positifs quand ils nous regardent de leur pays ou de l'extérieur.

M. Langlois: M. le Président, si vous me permettez un bref commentaire, il n'y aurait peut-être pas très long de chemin à faire pour en arriver à amorcer, dans une première étape, un processus de privatisation si on se tourne du côté de SIDBEC-Normines. SIDBEC-Normines est déjà ce qu'on appelle en langage commun un "joint venture", parce qu'il y a de l'entreprise privée. La Compagnie minière Québec Cartier est une entreprise privée; British Steel est une entreprise nationalisée, mais qui fonctionne, que je sache, selon les mêmes critères qu'une d'entreprise privée parce que British Steel doit écouler des produits en Europe et qu'il y a des ententes qui lient les partenaires de la Communauté économique européenne. Le gouvernement de la Grande-Bretagne ne permet pas à British Steel, que je sache, de faire du dumping de produits d'acier en Europe, car elle est régie par des règles de marché, par des ententes. Ce que nous avons appris au cours de cette commission parlementaire, c'est que le problème qui est causé à SIDBEC par Normines, c'est l'entente qui lie SIDBEC à ses partenaires dans Normines. Je vois très bien SIDBEC-Normines comme étant déjà pas mal privatisée, fonctionnant pas mal selon le principe de l'entreprise privée. Si le conseil d'administration de SIDBEC recevait le mandat clair d'aller voir ses partenaires dans Normines pour essayer de faire une entente qui soit moins lourde ou plus avantageuse pour SIDBEC... Vous savez que des gens d'affaires sont toujours prêts à conclure une bonne affaire. (1 heure)

M. Ciaccia: Je suis entièrement d'accord avec vous. C'est la position que nous avons suggérée au gouvernement. Alors, quand vous dites dans votre mémoire de confier le mandat à SIDBEC pour réduire le fardeau que SIDBEC-Normines constitue pour l'entreprise, on ne doit pas l'interpréter comme si vous préconisiez que SIDBEC-Normines ferme ses portes. Si vous étiez dans l'entreprise privée et que des chiffres vous démontraient que cela vous coûtera plus cher de fermer que de fonctionner, quelle sorte de décision prendriez-vous?

M. Létourneau: M. le Président, si vous me permettez de compléter la dernière question, il y a une autre épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus de SIDBEC, même dans ses scénarios de restructuration, et elle a été signalée par le président de SIDBEC et certains de ses collaborateurs particulièrement. C'est cette fameuse question du dumping. On nous a bien dit que, s'il avait fallu remplir tous les formulaires, les réactions qu'on pouvait prévoir du côté américain, on ne sait pas trop ce qu'elles auraient été. Or, les propositions de restructuration qui ont été faites impliquent

encore plus d'aide, d'investissements de l'État. Où cela nous aurait menés, nous ne le savons pas. On nous a signalé qu'il y avait là des dangers. Alors, c'est une autre difficulté qu'il ne faut pas sous-estimer non plus et qui pourrait réduire de beaucoup les solutions de rechange qu'on aura dans l'avenir pour aider SIDBEC.

M. Langlois: Pour reprendre la question du député de Mont-Royal, l'entreprise privée mène ses affaires évidemment dans le but de les rentabiliser et de payer des dividendes à ses actionnaires. Alors, les décisions de fermeture ou de maintien des opérations et des services sont en fonction de ce critère et aussi, évidemment, de la conservation de la main-d'oeuvre, des frais de capitaux à rembourser, et ainsi de suite.

Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais je tiens à vous dire qu'il y a deux usines de boulettage, de minerai de fer en fonctionnement dans la province de Québec présentement: il y en a une à Pointe-Noire, qui est exploitée par les Mines Wabush et qui est alimentée par du minerai concentré provenant des mines de Wabush, de la mine Scully, en territoire terre-neuvien. La mine de Wabush est un "joint venture". Il y a six ou sept partenaires qui sont des aciéristes canadiens, dont Stelco et Dofasco, trois ou quatre américains, un italien et une compagnie de management qui mène cela pour ses partenaires et qui détient une part minoritaire. Il y a certainement une espèce d'entente entre les partenaires qui ont permis de faire le financement sur la même base que Normines. Il a bien fallu qu'on aille chercher du financement sur les marchés américain et européen pour pouvoir ramasser les 500 000 000 $ ou 600 000 000 $ que cela a coûté au moment où cela s'est bâti, mais il semble que l'entente entre les partenaires soit une entente équitable qui engage la responsabilité de chacun en vertu de leur participation dans l'entreprise. Je peux vous dire en connaissance de cause que la participation dans l'entreprise est dans la même proportion que le tonnage qu'on s'est engagé à prendre. Cela veut dire que, lorsqu'on est obligé de faire un ralentissement des activités, les partenaires absorbent la diminution en même temps. Il n'y en a pas un qui est plus pénalisé que les autres. Il semble - je ne le sais pas, à moins que je ne me trompe réellement - qu'on parle de diminution en bas d'un certain tonnage à Normines et, là, SIDBEC en prend un coup, alors que, dans le cas de Mines Wabush, chaque année, les partenaires se réunissent, étudient les besoins d'opération pour l'année suivante, font leur budget en fonction des décisions sur les besoins d'opération et de consommation que les partenaires prennent. L'an prochain, Mines Wabush va fonctionner à la moitié de sa capacité.

M. Ciaccia: Vous avez raison. C'est parce que ce contrat-ci ne contient pas une clause minimale. Il aurait peut-être fallu prévoir - mais peut-être qu'à ce moment-là on n'y pensait pas - d'avoir une clause qui aurait permis de réduire la production sans pénalité. C'est encore plus compliqué, parce qu'il y a la question du concentrateur de la Québec Cartier Mining, qui n'est pas utilisé à un certain pourcentage. Alors, la Québec Cartier Mining veut être payée, parce qu'elle dit: On vous a vendu la mine. Comprenez-vous? C'est pas mal complexe. Mais, sur le principe, je suis d'accord avec vous. Je pense que c'est cela que le gouvernement devrait faire immédiatement et cela pourrait aider à atteindre les objectifs de tous ceux qui ont présenté des mémoires et les objectifs du gouvernement de renégocier ces clauses de pénalité. C'est un des problèmes, pas tous, mais un des problèmes.

M. Langlois: Je voudrais revenir très brièvement à ce qu'on a entendu concernant Normines. Normines a bâti à Port-Cartier une usine de boulettage qui est récente, qui est à la fine pointe de l'innovation technique, qui a fait ses preuves et cela serait, évidemment désastreux de perdre les possibilités que cette usine comporte, même quand la conjoncture est difficile. Il faut, évidemment, faire comme l'entreprise privée ferait: minimiser les pertes dans une conjoncture difficile, mais essayer de garder la main-d'oeuvre, le personnel et les aménagements en entretenant des opérations très réduites, mais ne jamais envisager de condamner une installation comme celle-là.

M. Ciaccia: C'est là-dessus que je vous dis que je suis d'accord avec vous quand on parle de "l'approche de l'entreprise privée", parce que si vous savez - je ne fais pas de politique - à un moment donné, qu'il y a des problèmes, l'entreprise privée, elle, réagit tout de suite. Vous ne demandez pas quinze études et vous n'avez pas une question électorale: je n'irai pas changer de gestionnaire, parce que je ne veux pas laisser savoir ceci, parce qu'il faut que je me présente ici et là. Vous n'avez pas de problème constitutionnel. C'est cela, le danger, quand l'État se mêle de ces affaires, parce que pour, une question électorale, on ne peut pas s'occuper de renégocier le contrat, car il ne faut rien laisser savoir aux électeurs. Au mois d'avril, le ministre a mentionné que deux sous-ministres se sont présentés, oui, mais je pense bien que, dans le comté de M. Perron, le député de Duplessis, et dans le comté où est Contrecoeur, s'il avait fallu agir au mois d'avril ou au mois de février 1981, cela aurait pu vous causer des problèmes

électoraux. Alors, on n'a pas agi. C'est pour cela qu'aujourd'hui on se retrouve avec 150 000 000 $. On parle des différents scénarios où l'entreprise privée va agir immédiatement. Quand vous savez que vous allez perdre 10 000 000 $, vous n'attendez pas, vous agissez tout de suite. C'est cela, le problème.

M. Perron: M. le Président, je voudrais seulement soulever une chose.

Le Président (M. Desbiens): Est-ce que c'est une question de règlement?

M. Perron: Disons que c'est pour répondre au député de Mont-Royal. En 1975, lorsque le gouvernement libéral a décidé d'acheter les installations de Gagnon, c'était, justement, à ce moment-là, pour sauver des votes, mais je voudrais vous souligner qu'il y a 60% de la population qui ont voté pour le PQ.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! S'il vous plaît! Est-ce que vous avez terminé?

M. Ciaccia: Oui, j'ai terminé. Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais dire aux gens de la chambre de commerce que je vais mettre les cartes sur la table. En ce qui me concerne, moi, lors des dernières élections, ma position était très claire et elle n'a pas encore changée. J'étais contre l'idée de la privatisation, du moins dans sa totalité. Je n'ai jamais été contre l'idée qu'éventuellement on pourrait faire un "joint venture" avec les opérations manufacturières, je l'ai déjà dit. Mais je n'arrive pas à comprendre comment, actuellement, on pourrait garantir le niveau d'emploi qui est nécessaire. Je ne sais pas si vous avez entendu aujourd'hui les témoignages des gens de la municipalité de Contrecoeur, mais je présume que vous les avez entendus, parce que vous avez commenté tantôt le passage de M. Laberge; donc, vous avez entendu son témoignage, et aussi celui du Syndicat des métallos. J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment actuellement, parce que, tout à coup, on vendrait l'ensemble des opérations de SIDBEC à l'entreprise privée, les gens de la Côte-Nord et ceux de mon comté auraient la garantie que le niveau d'emploi serait maintenu.

J'ai plutôt l'impression qu'on a un problème. SIDBEC nous a posé le problème hier. Si le gouvernement exige de SIDBEC le taux de rentabilité de ses concurrents de l'entreprise privée, il faut faire de la grande chirurgie. J'imagine que, si c'était l'entreprise privée qui devenait propriétaire demain, elle ferait exactement ce que SIDBEC nous propose, c'est-à-dire de la grande chirurgie. Le problème est qu'il n'y aurait pas de commission parlementaire. Il n'y en a pas eu la semaine dernière quand l'Iron Ore a décidé de fermer à Schefferville. J'imagine qu'il n'y aurait pas de commission parlementaire éventuellement, non plus, si on décidait de fermer le secteur des produits plats à Contrecour. Mais l'actionnaire, le propriétaire privé déciderait de fermer les produits plats et la municipalité de Contrecoeur, les travailleurs de Contrecoeur, le député de Verchères et le gouvernement du Québec prendraient leur trou et n'auraient rien à dire. Je ne suis pas convaincu actuellement que, dans cette ligne de pensée, on va régler les problèmes d'emploi.

On vit une crise économique aiguë. On a un taux de chômage dramatique. Peut-être qu'il faut se résigner - je le dis au ministre; je le dis au gouvernement - à ne pas avoir le niveau de rentabilité qu'on souhaiterait avoir et peut-être que ce n'est pas le seul objectif qu'on doit avoir dans une société comme SIDBEC. Si on me garantissait que le niveau d'emploi serait le même, que, finalement, les problèmes des gens qui vivent de SIDBEC seraient réglés parce qu'on remettrait l'entreprise entre les mains du secteur privé, je changerais mon fusil d'épaule et je dirais aux gens: J'ai peut-être pris l'engagement électoral de me battre contre la privatisation mais je serais prêt à l'accepter si on avait des garanties. Mais rien ne me permet de dire actuellement que les gens de mon comté seraient mieux protégés et auraient des garanties que leurs emplois seraient maintenus si on allait dans la direction que vous nous proposez.

M. Langlois: M. le Président, cela dépend de l'objectif qu'on recherche. Si le gouvernement du Québec a comme choix de continuer à verser des montants d'argent pour combler les déficits de SIDBEC... En 1982, si je tiens compte du nombre d'emplois directs dans SIDBEC, à l'exclusion de SIDBEC-Normines, chaque emploi à SIDBEC coûte 30 000 $ au trésor québécois. Si c'est l'objectif qu'on a de garder de l'emploi à 30 000 $ l'emploi, mon Dieu, je ne peux pas argumenter sur le point de vue du député. Mais si on veut libérer le contribuable québécois de son fardeau et exploiter une entreprise dans une optique de rentabilité qui sera une bonne contributrice à l'économie québécoise en bonne conjoncture économique, qui sera une moins bonne contributrice en période de ralentissement économique, mais qui ne continuera pas à imposer un fardeau fiscal à chaque Québécois, si c'est l'objectif

qu'on recherche, nous prétendons que la privatisation va amener cela. Mais cela dépend de l'objectif qu'on a.

M. Létourneau: M. le Président, en plus de cela, les scénarios que nous avons vus de SIDBEC ne garantissent pas les emplois. Tous les scénarios prévoient des diminutions d'emplois. Il n'y a pas de garantie. Au-delà de tout cela, la question fondamentale que nous continuons de poser est celle-ci: Pendant combien de temps le gouvernement du Québec va-t-il être capable de supporter ce fardeau, tout simplement physiquement, financièrement, mathématiquement? Je ne pense pas qu'il y ait de grandes garanties d'emplois.

M. Charbonneau: Je me rappelle bien les scénarios qui nous ont été proposés par la direction; je prends, par exemple, le scénario du statu quo où on maintenait les niveaux d'emploi actuels. Bien sûr, on ne parle pas d'une conjoncture telle que celle que l'on connaît actuellement. On sait qu'actuellement, de toute façon, il y a des mises à pied importantes, qui ont été faites depuis quelques mois; elles affectent plusieurs centaines de travailleurs. Prenons simplement l'an dernier. Au niveau manufacturier, on n'a pas perdu d'argent. On n'a pas fait, non plus, de profits qui nous permettraient de faire des investissements que l'entreprise devrait faire normalement, on en convient, mais les gens ont travaillé et c'est un élément important, selon moi. (1 h 15)

II y a aussi une autre dimension. C'est facile de prendre le nombre d'employés de SIDBEC, de calculer les investissements qui sont requis et de dire: Cela coûte 30 000 $ pour chaque emploi, mais les emplois indirects seraient aussi perdus et peut-être que ceux-là, finalement, réduiraient le montant.

M. Létourneau: C'est M. le ministre lui-même qui nous a dit tantôt que le déficit annuel de SIDBEC et non les investissements, était égal au montant des salaires.

Une voix: Des opérations.

M. Charbonneau: On est bien conscient qu'il y a un problème financier majeur. On ne serait pas ici si ce problème n'existait pas.

M. Létourneau: C'est beaucoup trop; cela ne se justifie même pas pour les retombées socio-économiques. C'est trop élevé.

M. Charbonneau: Vous irez dire cela dans nos comtés!

M. Létourneau: Nous réalisons pleinement la difficulté énorme dans laquelle se trouvent le gouvernement, l'Opposition et ceux qui ont la responsabilité de gouverner. Nous savons que c'est une situation extrêmement difficile pour vous. Nous le réalisons, mais on vous propose une solution de rechange, c'est-à-dire qu'on appuie la direction de SIDBEC qui vous propose une solution de rechange.

M. Charbonneau: Je voudrais simplement signaler à mon collègue d'Outremont que j'aurais aimé qu'il fasse les commentaires qu'il vient de faire devant les métallos cet après-midi. Je ne suis pas certain qu'il aurait eu le culot de le faire. Je suis assez content qu'il y ait encore des dirigeants syndicaux des métallos ici dans la salle. Peut-être que le député de Verchères va se faire battre, si jamais... mais il y a une sacrée "gang" de députés libéraux qui vont y goûter aussi, je vous en passe un papier.

Le Président (M. Desbiens): Avez-vous terminé?

M. Charbonneau: Oui.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre: À l'ordre, s'il vous plaîti Je rappelle, malgré l'heure, que les manifestations sont interdites dans la salle. M. le député de Shefford.

M. Paré: M. le Président, cela me fait plaisir d'intervenir, parce qu'il y a des choses importantes là-dedans, mais je dois dire, moi aussi, en passant, que je suis malheureux que vous fassiez votre intervention à cette heure. C'est vrai qu'on fait de la politique - on n'a pas le choix, c'est notre rôle - mais il y a des interventions qui viennent de changer complètement d'allure de l'autre côté.

J'avais trois questions à poser. Vous avez répondu à la première. Elle allait dans le sens que je vous n'avez pas l'impression de vouloir privatiser l'entreprise, avec tout ce qu'on connaît, la crise économique, la crise budgétaire et financière que vit présentement SIDBEC; finalement, c'est une vente à rabais. Vous avez répondu là-dessus, je n'y reviendrai pas, mais j'ai deux autres questions à poser. À cause de la conjoncture économique qu'on connaît, de la situation du fer dans le monde, des marchés, du comportement de l'entreprise privée et de ceux qui sont directement impliqués dans l'acier, dans le fer, après ce qu'on a vu à Schefferville - on ferme quand cela ne

fonctionne plus et que le marché est mort, et cela vient de s'éteindre - n'avez-vous pas l'impression que privatiser SIDBEC-Normines présentement voudrait dire presque automatiquement fermer Normines, étant donné qu'il y a des surplus partout? Cela voudrait presque dire qu'on accepte cela dans la situation actuelle, si cela devient une entreprise privée. Comme l'entreprise privée doit faire de l'argent, c'est une question de profits et non pas une question de conscience sociale. Cela voudrait presque dire automatiquement la fermeture de la mine. C'est ma première question.

La deuxième est celle-ci: Si on se réfère à la page 17 de votre mémoire, on dit: "Si SIDBEC-Normines devait fermer ses portes, le gouvernement du Québec pourrait prévoir un programme spécial de relocalisation ou de compensation pour les 32QG habitants de la ville de Gagnon." Vous continuez. "Même s'il devait coûter 20 000 $ par habitant, un tel programme de 64 000 000 $ coûterait beaucoup moins cher que les pertes que Normines impose à SIDBEC durant une seule année." Cela semble vouloir dire que, si on fermait Normines, finalement, les conséquences seraient que cela coûterait 64 000 000 $, quand on a entendu toute la journée et même hier - l'Opposition en a fait grand état aux deux intervenants qui vous ont précédés - que c'était effrayant. Les conséquences désastreuses qui ont été exprimées par les intervenants qui vous ont précédés, qu'en pensez-vous? Dans votre mémoire, vous semblez dire que les conséquences sont qu'il faudra débourser 64 000 000 $. Donc, on l'oublie, ce n'est pas grave, étant donné que le déficit d'une seule année coûte plus cher, alors qu'on a entendu vos prédécesseurs dire que les conséquences sont catastrophiques et que c'est même plus coûteux, finalement, que de la garder ouverte.

Mes deux questions sont interreliées. C'est pour cette raison que je les ai posées dans le même souffle. Finalement, si on dit que privatiser veut dire la fermeture, les conséquences vont être très grandes, si on se fie aux intervenants précédents.

M. Langlois: M. le Président, dans le cas de SIDBEC-Normines, la crainte du député que la privatisation amène la fermeture de SIDBEC-Normines est, à notre point de vue, peu probable, parce que SIDBEC-Normines a déjà un marché pour les boulettes de minerai de fer. L'usine ne peut pas fonctionner à sa pleine capacité, parce que la demande n'est pas là, mais on a quand même entendu les dirigeants de SIDBEC parler hier d'exploiter une ligne à 105%, ce qui représente, si j'ai bien compris, 3 300 000 tonnes de boulettes sur une capacité maximale annuelle de 6 000 000 de tonnes. Donc, ce n'est pas une fermeture. C'est quand même une opération au ralenti. À la page 17 du mémoire, les 64 000 000 $ représentent strictement l'hypothèse que, si cela coûtait 20 000 $ par habitant de Gagnon - on ne parle pas d'un travailleur, on parle d'un habitant de Gagnon, le père, la mère et les enfants - cela coûterait 64 000 000 $. C'est une hypothèse de relocalisation seulement. C'est pour faire une comparaison. C'est pour montrer l'ampleur des chiffres que cela comporte. C'est sûr que, s'il fallait en arriver à la fermeture de Gagnon, cela ne coûterait pas seulement de l'argent pour relocaliser les gens. Cela coûterait de l'argent pour éliminer l'équipement qu'il y a là, abandonner la ville et ainsi de suite. Il y a toute une infrastructure municipale. C'est pourquoi la chambre croit sincèrement que la privatisation ou un pas vers la privatisation va épargner cette solution et va permettre, comme on le dit à la fin de notre mémoire - si ce n'est pas noté au mémoire, je l'ai rajouté verbalement - on est convaincu, surtout dans le cas de Normines, de garder pendant la période difficile l'opération minière au ralenti, mais au moins en activité. Merci, M. le Président.

M. Létourneau: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M.

Létourneau.

M. Létourneau: ... nous ne contestons pas les chiffres de SIDBEC quant au coût de la fermeture. Pour parler de l'hypothèse -supposons qu'on ne parle que de l'hypothèse, car je reconnais que notre président a exprimé l'opinion qu'en fait ce n'est pas celle-là que nous considérons, mais pensons-y pour un instant - ce coût est encore inférieur au déficit qu'a encouru ou que SIDBEC-Normines entraînera pour SIDBEC pendant cinq ans.

M. Paré: Cela veut dire, si je comprends bien, que vous contestez les chiffres énormes qui ont été mentionnés par l'intervenant précédent sur les conséquences de la fermeture de Normines. Vous maintenez que ce serait beaucoup moindre que ce qui a été donné comme chiffres.

M. Létourneau: M. le Président, nous accordons tout simplement plein crédit aux chiffres qui ont été publiés par SIDBEC à ce sujet. Il est sûr que les intervenants sont allés plus loin que les chiffres produits par SIDBEC-Normines. Ils ont parlé, eux, des conséquences de la fermeture des commerces et de la perte d'emploi dans leurs commerces. C'est une situation vraie. On ne conteste pas ces chiffres.

M. Ciaccîa: Seulement une précision, M. le Président. Je ne peux pas laisser ces remarques sans réponse. Nous n'avons pas changé, je voudrais le faire remarquer au député de Shefford...

Le Président (M. Desbiens): On s'engage, M. le député de Mont-Royal, dans le même genre de discussion que tantôt.

M. Ciaccia: Seulement pour...

Le Président (M. Desbiens): Je vais faire comme j'ai fait avec le député de Duplessis...

M. Ciaccia: Non, non, je ne m'engage pas...

Le Président (M. Desbiens): ... et donner plutôt la parole à votre collègue d'Outremont.

M. Ciaccia: C'est une précision, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Je pourrai la faire.

M. Ciaccia: En 30 secondes. Le gouvernement doit prendre en considération les coûts sociaux et, deuxièmement, j'ai demandé spécifiquement - j'ai pris cette position et je la prends encore - si cela coûte moins cher, de garder la ligne ouverte plutôt que de la fermer, je pense que c'est clair qu'il faut la garder ouverte. Je le dis à la chambre de commerce et je l'ai dit aux intervenants précédents, qu'ils soient en Chambre ou non. Je voulais seulement préciser qu'on n'a pas changé du tout.

M. Paré: Si vous êtes d'accord là-dessus, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Desbiens): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci, M. le Président. Nous sommes ici depuis hier pour tenter de résoudre des problèmes. Je dois dire que l'approche que nous avons eue depuis le début a été une approche très pragmatique et non pas doctrinaire. Il est évident que l'attitude qu'on doit adopter devant la situation à laquelle nous faisons face présentement doit prendre en considération des questions de rentabilité, bien sûr, mais également le fait que, collectivement, le Québec a décidé de prendre certaines décisions dans les années de la révolution tranquille. Je pense bien que je vais être le premier à admettre que tous et chacun, j'ose l'espérer, doivent apprendre de certaines de ces décisions. Peut-être qu'on est allé trop loin à certains moments, mais il reste qu'au moment où on se parle on ne peut pas agir comme si ces gestes n'avaient pas été posés. C'est pour cela que, lorsque les gens de la Côte-Nord, qui étaient avant vous ici, ont souligné qu'ils croyaient qu'ils étaient un peu laissés à eux-mêmes, pour ma part, j'admets que le Québec a une responsabilité collective vis-à-vis de ces gens. Notre approche et l'approche de mes collègues a été non seulement comptable, mais elle a pris en considération les responsabilités du gouvernement du Québec et du Québec dans son ensemble.

Cela dit, il est certain qu'on doit rechercher, en ayant cette toile de fond qui est très pitoyable présentement, compte tenu de la conjoncture et des situations internationales, les solutions qui sont les plus rentables à long terme et les solutions qui vont être les moins onéreuses pour le gouvernement du Québec. Là-dessus, je pense qu'on s'entend.

Je ferai remarquer à mon collègue de Verchères que tous les taux de rentabilité qui nous ont été donnés par SIDBEC - je l'ai fait dire à M. De Coster - étaient basés sur le fait que ces taux n'étaient valables qu'à certaines conditions. Une de ces conditions était que SIDBEC n'achète plus aucune boulette de Normines et qu'elle puisse aller les chercher au Brésil, s'il le faut. Il est bien certain que cette décision ou cette recommandation, à mon avis, est à peu près impossible à accepter. Par conséquent, les taux de rentabilité qui nous ont été proposés doivent être escomptés d'un montant que je ne connais pas, et SIDBEC ne nous a pas fourni de calculs.

Il est faux de dire que les 12% et les 16% qu'on nous a donnés sur le tableau sont réalistes. Votre collègue de Duplessis ne sera pas tout à fait d'accord si votre parti va recommander d'aménager un nouveau SIDBEC où SIDBEC n'aura plus aucune responsabilité vis-à-vis de Normines au point d'aller acheter les boulettes au Brésil. J'espère qu'on peut au moins s'entendre là-dessus.

M. Perron: Pour une fois, on est d'accord.

M. Fortier: J'espère que vous allez parler à votre collègue de Verchères pour dire qu'on a un problème de rentabilité.

M. Charbonneau: Je n'ai pas nié cela, non plus.

M. Fortier: Non, mais vous avez mentionné les taux de rentabilité. Je dis que les taux de rentabilité qui nous ont été montrés au tableau...

M. Charbonneau: Non, je m'excuse. Ils parlaient de 6,8% dans le cas du statu quo; ce n'est pas 16%.

M. Fortier: ... doivent être escomptés par le fait que ces gens nous ont dit clairement: Donnez-nous le loisir d'acheter des boulettes n'importe où dans le monde. Je vais vous dire bien clairement que notre parti n'est pas prêt du tout à accepter cette recommandation.

M. Charbornneau: Pas plus que nous, d'ailleurs.

M. Fortier: Bon! Cela dit, je souligne que la chambre de commerce nous rappelle une triste vérité, c'est que la situation financière du gouvernement du Québec est très mauvaise. Si c'était une société privée, le gouvernement serait en faillite. Plus que cela, l'analyse de la situation financière du Québec, c'est une problématique conjoncturelle. Donc, cela ne durera pas seulement un an, cela ne durera pas seulement deux ans, cela va durer sept, huit ou neuf ans. Il est vrai qu'il faut prendre en considération l'incapacité du Québec d'assumer des fardeaux qui soient excessifs par rapport à d'autres services que l'État doit fournir, que ce soient des services de santé, des services d'éducation et d'autres. C'est un rappel pertinent et qui amène peut-être un nouvel éclairage, en tout cas un éclairage différent de ce qu'autres nous ont présenté jusqu'à maintenant.

J'aimerais quand même à ce sujet avoir vos impressions sur la question de la responsabilité collective. M. Létourneau en particulier avait été invité à donner son avis lorsque le Parti libéral du Québec a présenté son manifeste. Vous avez insisté pour que nous soyons plus précis. Lors de notre congrès, on a tenté d'être précis. On a dit: Dorénavant, sûrement qu'avant de se lancer dans de nouvelles aventures très coûteuses, en ce qui nous concerne, nous serons plus que prudents, nous serons excessivement prudents. D'ailleurs, nous avions recommandé au gouvernement de ne pas se lancer dans l'aventure d'Asbestos Corporation et je crois que nous avions raison de le faire. Mais il s'agit là d'une problématique historique et la recommandation que vous faites est basée sur des raisons financières. (1 h 30)

Mais il semblerait, en lisant votre mémoire, que votre recommandation est basée aussi sur des aspects idéologiques. Vous dites que ce serait mieux - enfin je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche -compte tenu de l'efficacité plus grande d'une société privée, d'aller dans cette direction. Mais je me demande si votre mémoire prend en considération cette responsabilité collective et qu'il faut collectivement trouver les meilleures solutions pour SIDBEC, pour le comté de Verchères, pour le comté de Duplessis et la Côte-Nord. J'aimerais que vous nous disiez dans quelle mesure vous croyez que, collectivement, les élus du peuple doivent prendre en considération cette conjoncture historique.

M. Létourneau: M. le Président, je répondrai en trois étapes. Premièrement, pour ce qui est de la responsabilité sociale de l'entreprise, nous en sommes; d'ailleurs, si cela intéresse certains membres de cette commission, nous venons tout juste de présenter un rapport à notre assemblée annuelle sur la question de la responsabilité sociale de l'entreprise; nous l'avons définie, nous en avons établi les composantes et les balises. Dans cette responsabilité sociale, nous estimons que la question de protéger les emplois est une responsabilité sociale de l'entreprise dans toute la mesure de ses capacités. Nous estimons aussi qu'une responsabilité sociale, essentielle de l'entreprise, c'est de réaliser des profits, et pour une raison très simple, c'est que, lorsqu'elle n'en réalise pas, elle devient un problème, elle devient un fardeau pour la société. Si elle fait faillite, il y a des mises à pied, etc. Donc, il y a d'abord une responsabilité sociale fondamentale qui est celle de faire des profits. Subséquemment, et pour autant qu'on en fait, il faut s'en servir pour essayer le plus possible de protéger les emplois, surtout dans les situations difficiles que nous traversons; là-dessus, nous sommes d'accord.

Maintenant, vous avez demandé si nous avons une raison idéologique. Je dirais que la première raison est plutôt et principalement financière. On a investi près de 1 000 000 000 $ dans cette affaire. On en est rendu au point où chaque année, le déficit coûte le salaire complet de ceux qui y travaillent directement, et c'est trop; cela a dépassé les normes du bon sens. Que voulez-vous qu'on y fasse? L'autre raison est structurelle. Ce n'est pas que nous croyons que SIDBEC soit une aussi mauvaise entreprise que certains le disent présentement. Le problème principal de SIDBEC, c'est d'être une entreprise coincée dans une structure de prise de décision qui la dessert considérablement. Cela tient au fait que c'est une entreprise - que voulez-vous que je vous dise? - de production de biens qui a besoin d'une souplesse et d'une rapidité de décision qu'elle n'a pas quand elle est située comme elle l'est et dans un endroit comme celui où elle est. Alors, nous disons: Écoutez, retournons cela au secteur privé et on pense qu'on a des chances de maintenir les emplois. Donc, notre option n'est pas de faire disparaître les emplois.

M. Fortier: Je pense bien que l'on se rejoint. Peut-être étiez-vous ici, quand j'ai posé la question à M. De Coster, lorsqu'on nous a montré au tableau toutes les études de marché et les stratégies de marketing.

Venant personnellement du secteur privé, je n'en revenais pas, parce que je me suis dit: Ce n'est pas possible qu'on étale toutes nos stratégies de marketing face à la compétition serrée. J'avais demandé à M. De Coster: Ne croyez-vous pas que c'était un peu suicidaire? Si vous vous en souvenez, il m'a répondu: Ce n'est pas un peu suicidaire, c'est très suicidaire. De ce côté, je pense qu'on se rejoint dans la mesure où la structure même, les exigences du parlementarisme et le besoin de revoir ensemble la mission de SIDBEC nous obligent à aller dans des détails qui font que tous les compétiteurs de SIDBEC, maintenant, savent exactement ce que SIDBEC fera et, étant donné qu'ils peuvent avancer plus rapidement, ils peuvent contrecarrer très facilement les stratégies que SIDBEC se donnera. De ce côté, je pense qu'on se rejoint, mais, encore une fois, même si en principe on peut y voir certains avantages, et il reste que sur le plan pratique - dans le fond, vous dites: Peut-être qu'il faudrait aller négocier avec un aciériste nord-américain...

M. Létourneau: Ou un autre.

M. Fortier: ... alors, si je comprends bien, cela pourrait être une compagnie canadienne, cela pourrait être une compagnie américaine - on irait à l'encontre de tout ce qu'on a essayé de faire au Québec depuis X années dans ce secteur. Par ailleurs, qu'elle serait la motivation de cette société ayant un siège social à Pittsburgh? Venant du milieu dont je viens et de la formation politique dont je suis membre, remarquez bien que je n'ai rien, nécessairement, contre les gens qui voudraient venir investir ici, mais, quand même, il faudrait bien réaliser que, dans un secteur comme celui-là, qui est très important et où on a créé beaucoup d'aspirations, où on a voulu relever des défis, le fait que le siège social soit aux État-Unis, au Canada ou dans l'Ouest plutôt qu'ici, cela changerait les perspectives d'avenir dans la mesure où on ne saurait pas très bien quelle serait la motivation et que les décisions seraient prises dans le meilleur intérêt de la maison mère de cette nouvelle compagnie. Je ne dirais pas que les produits vendus ici ne seraient pas bon marché nécessairement, mais les décisions d'entreprise seraient prises dans le meilleur intérêt de l'entreprise, dans une perspective globale, et on ne peut pas présumer, à ce moment-ci, des conclusions ou des stratégies que se donnerait cette entreprise et dans quelle mesure elles favoriseraient le Québec. Est-ce que vous avez quelques commentaires là-dessus?

M. Létourneau: M. le Président, encore une fois, il y a une question de mesure des inconvénients et, d'un côté de la balance, il y a toujours la même chose, le coût. Il y a des limites à ce coût. Nous soumettons humblement qu'on a dépassé les limites. On peut mettre des avantages de l'autre côté, si on veut, mais, vraiment, quand on est rendu à ce qu'on est obligé de payer et qu'on voit la perspective de continuer de payer comme cela pendant on ne sait pas combien de temps, encore avec de beaux scénarios comme on en a entendu depuis le début de SIDBEC sur ce qui pourrait arriver et avec l'expérience qu'on a de ce qui est arrivé après l'exposé des beaux scénarios, enfin, nous, on est obligé de conclure par ce que nous vous recommandons.

M. Fortier: Je vous remercie beaucoup. Merci, M. le Président.

M. Langlois: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): Oui, monsieur.

M. Langlois: ... j'aurais un bref commentaire à faire à la suite des remarques du député d'Outremont. Sauf lorsqu'il arrive des décisions d'investissements de sommes importantes, les décisions en ce qui concerne les opérations minières de la Côte-Nord et la conduite des affaires quotidienne, à ma connaissance, sont prises dans les bureaux des entreprises qui sont situés à Montréal. Quand M. De Coster veut parler aux gens de la Compagnie minière Québec Cartier, il leur parle; leurs bureaux sont sur la rue McGill College, à Montréal. Le président de la compagnie est là, ses adjoints sont là, le secrétaire de la compagnie est là. Quand les gens veulent parler au président de la compagnie Iron Ore, il est à Montréal, rue Sherbrooke. Les partenaires de Mines Wabush sont à Toronto, c'est Stelco et Dofasco qui sont là. Le fait d'être associé à des gens dont les sièges sociaux pourraient être situés à Cleveland, Pittsburgh ou Chicago - parce que ce sont les grands centres de l'acier en Amérique du Nord - aux États-Unis et à Hamilton et Sault-Sainte-Marie au Canada, je ne pense pas que cela puisse représenter des inconvénients au point où il faut continuer, comme citoyens québécois, à supporter la tâche que SIDBEC impose à chaque citoyen du Québec.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, cette commission parlementaire nous a apporté beaucoup de choses, malgré les problèmes que vit SIDBEC actuellement. Des gens nous ont sensibilisé à beaucoup de problèmes vécus. Il y en a qui nous ont apporté des faits nouveaux, il y en a d'autres qui nous ont apporté des idées nouvelles, en plus des

faits nouveaux. Je pense que cette commission parlementaire a été très positive jusqu'à maintenant. Quant à moi, devant tous les intervenants qui sont passés, j'ai toujours gardé la même position, je n'ai jamais dérogé à ce que j'ai toujours pensé et ce, depuis que j'ai été élu à l'Assemblée nationale, surtout en ce qui a trait aux sociétés d'État. Quelque chose nous a été présenté, d'ailleurs, par le Syndicat des métallos. Je voudrais revenir là-dessus, après mes commentaires, pour vous poser une question en rapport avec les voeux des métallos, qui ont été, d'ailleurs, endossés par le ministre lui-même et par la majorité des membres de cette commission. Vous semblez dire, depuis un certain temps - c'est normal, je crois, que vous le fassiez encore comme représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec, parce que vous l'avez toujours fait - qu'à peu près toutes les sociétés d'État ne valent pas grand-chose. Vous semblez dire, par exemple, que les sociétés d'État qui sont rentables devraient vous appartenir. Vous semblez dire qu'une société d'État qui n'est pas rentable doit être vendue à l'entreprise privée, donc privatisée, à un coût très abordable pour ensuite la rentabiliser.

Je vais vous donner des exemples assez concrets. En 1976, lorsqu'on a élu notre gouvernement, si ma mémoire est bonne, il y avait quatorze sociétés d'État qui n'étaient pas rentables. Actuellement, il y en a deux, dont une, à moins que je ne me trompe, que nous avons créée nous-mêmes. Toutes les autres sociétés d'État sont rentables, à part ces deux.

D'autre part, lorsqu'on regarde les problèmes que vivent Dofasco, Algoma, qui font partie de l'entreprise privée, elles ont aussi des problèmes; il y en a même une couple qui sont déficitaires; pourtant, c'est de l'entreprise privée. Je pense que, comme gouvernement, étant propriétaire d'une société d'État - je parle en même temps de la collectivité - on doit prendre nos responsabilités. Qu'on réaménage SIDBEC en dissociant SIDBEC de Normines, c'est possible qu'on le fasse. Qu'on réaménage dans le sens peut-être d'investir, mais non pas à tour de bras, pour concrétiser les opérations manufacturières face aux besoins du marché, cela va de soi aussi.

Mais là où je suis contre, c'est que vous parlez toujours de privatisation lorsque vous venez ici à la commission parlementaire. M. Langlois a mentionné tout à l'heure qu'il serait nécessaire de s'en aller vers la privatisation autant dans SIDBEC, si ma mémoire est bonne, que dans SIDBEC-Normines. Mais, dans le cas de SIDBEC-Normines, on sait parfaitement bien, d'après ce qui nous a été dit et ce qu'on a vu depuis plusieurs mois, que cela prend le consentement des actionnaires. Avec le consentement des actionnaires, à ce moment-là, on peut se ramasser avec l'un ou l'autre des actionnaires qui devient propriétaire de SIDBEC-Normines. Dès lors, les décisions ne seront donc plus prises au Québec. Je dis toujours qu'il faut rajuster le contexte, mais les décisions ne seraient plus prises au Québec. Elles seraient prises ailleurs qu'au Québec et elles nous arriveraient sur la tête comme une avalanche, comme c'est arrivé, par exemple, dans le cas de Schefferville, même si on était un peu sensibilisé à cela depuis deux ou trois ans. La question que je veux vous poser est celle-ci: je voudrais savoir ce que vous pensez, en tant que représentants de la chambre de commerce, de l'hypothèse - l'implication des travailleurs a été proposée - qui a été mise de l'avant aujourd'hui par les Métallurgistes unis d'Amérique.

M. Langlois: M. le Président, on a répondu un peu tout à l'heure à cette question. C'est une proposition que les métallos ont faite ici aujourd'hui; c'est une décision qu'ils auront à prendre en temps et lieu, lorsque les règles du jeu auront été arrêtées, si j'ai bien compris, lorsque le comité restreint proposé par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme se sera mis au travail et que cette possibilité aura été étudiée. Ce sera au Syndicat des métallos de prendre la décision en fonction des intérêts de ses membres. Si les métallos décident que cette hypothèse de s'impliquer financièrement dans la gestion de SIDBEC, mon Dieu! c'est dans l'intérêt de leurs membres, que cela fait l'affaire de tout le monde, que c'est une bonne entente, qu'elle est raisonnable et qu'elle va permettre à la société d'État, encore là, de faire ses frais et d'en décharger les contribuables québécois, on sera les premiers à s'en réjouir, M. le Président. (1 h 45)

Je voudrais revenir sur les propos du député de Duplessis très brièvement; il est déjà tard, et je pense qu'on commence à avoir notre voyage. Notre mémoire parle de SIDBEC; il ne parle pas des autres sociétés d'État, qu'elles soient déficitaires ou non. On parle de SIDBEC. Vous avez mentionné qu'il y avait deux sociétés d'État déficitaires et, si j'ai bien compris, SIDBEC est l'une de ces deux.

Dans le cas de Normines, on a mentionné que c'était déjà une entreprise qu'on considérait, à toutes fins utiles, toute calquée sur l'entreprise privée, presque de l'entreprise privée, parce qu'il y a trois partenaires qui en font partie. Il y en a un qui est britannique, il y en a un qui est installé dans la province de Québec, qui est propriété américaine et qui est chez nous depuis déjà plus de 20 ans. Quand je suis arrivé à Sept-Îles, en 1960, le premier

ministre de l'époque est venu couper le ruban du bureau de Québec Cartier Mining, à Port-Cartier. Cela fait 22 ans de cela, déjà. Vous avez vu un des cadres de Québec Cartier ici ce soir, ce sont eux qui mènent Québec Cartier, alors SIDBEC-Normines est considérée, à toutes fins utiles, comme déjà privatisée; c'est presque fait, il ne resterait plus grand-chose à faire. Si le gouvernement du Québec confie le mandat aux dirigeants de SIDBEC d'aller explorer la possibilité, avec ses partenaires, de reprendre les discussions concernant le cas de Normines, on est convaincu que ce serait une façon à moyen terme de garder ces choses en marche et, à la reprise de l'activité économique, d'améliorer cela. On n'est pas venu devant cette commission comme à la chasse aux moulins à vent. On est venu dire des choses que l'on pense être dans le meilleur intérêt de la société québécoise et des citoyens du Québec. C'est cela qu'on est venu dire, M. le Président.

M. Perron: Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. le Président, je voudrais faire une brève remarque avant de commencer. Personnellement, j'ai beaucoup de respect et j'admire la sincérité du député de Verchères dans la défense des intérêts des gens de son comté. C'est sûr qu'il a pris une position très nette dans l'affaire et qu'il a défendu ses convictions avec beaucoup de fermeté. J'admire sa conviction. En même temps, je lui demande de respecter autant notre sincérité. Personnellement, je ne passe pas de message. Vous avez eu l'air de dire qu'on passait un message à la FTQ, un autre message devant la chambre de commerce. C'est peut-être votre perception, mais je tiens à dire, sans aucune équivoque, que ce que nous avons dit devant la FTQ - j'étais là quand mes collègues ont parlé - était très simple. On a trouvé le mémoire excellent. C'est un mémoire positif qui faisait des suggestions très concrètes pour la réorganisation de l'administration. En fait, on pensait que c'était même un mémoire qui pouvait sortir d'une chambre de commerce, parce que c'était très bien fait. On a dit cela très clairement.

En deuxième lieu, on a dit aussi que ce mémoire était une ouverture très positive. Ces gens ont été d'accord avec la suggestion d'entrer dans un comité; ils ont été même d'accord avec une suggestion de rouvrir les conventions collectives de plein gré, ce qui est un pas drastique ces jours-ci, pour un gros syndicat. Je pense que c'était une reconnaissance, surtout pour un parti comme le nôtre qui est censé être un parti très préjugé contre les syndicats, selon l'opinion publique. Mais on a dit cela et on ne change pas.

En même temps, je pense aussi qu'il faut reconnaître que, depuis le commencement, nous n'avons pas dit: Fermons SIDBEC-Normines. Peut-être dites-vous que c'est un malentendu, mais cela a paru dans un document interministériel. C'est cela qui a causé toute cette histoire. Nous avons dit dès le début mon collègue de Mont-Royal l'a dit: Ne fermons pas l'usine avant la réouverture des contrats. Peut-être devriez-vous nous donner un peu de crédit pour avoir été les premiers à suggérer la chose de façon officielle, à l'appuyer et à demander au ministre des Finances de reconnaître qu'il n'avait pas négocié la réouverture du contrat et que c'était une possibilité.

Je ne peux pas dire qu'on est insensible à ce qui se passe chez les travailleurs, qu'on fait cela avec du "grandstanding", je ne pense pas que ce soit cela. On est aussi convaincu que vous et on ne veut pas que des emplois soient perdus. On ne veut pas que SIDBEC ou SIDBEC-Normines ferment. Nous ne sommes pas là pour faire de la petite politique. Je pense qu'il faut aussi respecter nos convictions. En même temps, je suis personnellement un pragmatiste, je pense qu'il faut voir toutes les suggestions; je ne pense pas qu'il faille ignorer les idées. Je comprends votre point de vue, qui est de dire: On a 4780 travailleurs chez SIDBEC; il faut les conserver, a priori, autant que possible. Nous sommes d'accord là-dessus, mais, en même temps, il fut reconnaître que les circonstances du monde économique actuel font que, par exemple, dans la société Asbestos, que le gouvernement a achetée, on devait garantir les emplois et il y a des mises à pied. On peut penser aux compressions budgétaires qui se font aujourd'hui dans les secteurs des hôpitaux, de la santé et de l'éducation. Cela n'est pas quelque chose qu'on peut garantir pour toujours. On en peut pas dire: SIDBEC a 4780 employés, et, coûte que coûte, cela va demeurer 4780 employés.

Il faut voir d'autres suggestions. Par exemple, si nous sommes intéressés à discuter de façon tout à fait positive avec la chambre de commerce, je ne vois pas pourquoi on aurait été des hypocrites devant la FTQ. Si on pense cela, c'est malheureux, mais moi, personnellement, je suis disposé à être aussi sympathique à la chambre de commerce qu'à la FTQ et à penser que c'est une suggestion tout à fait concrète.

C'est là que je pose la même question à la chambre de commerce que j'ai déjà posée à M. De Coster. À Nanticoke, en Ontario - je sais cela parce que j'y ai été bien souvent, Stelco a bâti une usine magnifique; le gouvernement d'Ontario devait lancer, comme vous le savez, un canton,

Townsend, qui devait amener 30 000 habitants. Cela devait être un développement fantastique. L'acier est tombé, l'usine de Stelco travaille à petit rendement et le projet de Townsend a été abandonné. Au contraire, c'est une espèce de situation un peu désastreuse. Si vous regardez aux États-Unis, c'est la pagaille dans le monde de l'acier, et aussi en Europe, et même au Japon. Où allez-vous trouver une solution pratique. Je comprends que vous vous dites que vous allez vendre cela à l'industrie privée. Je l'ai demandé à M. De Coster, lequel avait fait la suggestion de vendre SIDBEC-Normines à l'industrie privée. Il m'a répondu: Bon, c'est très bien, mais où allez-vous trouver des gens qui vont acheter une industrie déficitaire, quand il y a un surplus fantastique d'acier dans le monde? Je lui ai dit: Combien de temps mettez-vous là-dedans? Alors, il m'a répondu: On n'a pas calculé le temps, peut-être que cela va être six mois ou huit mois. C'est ce que je voulais savoir de vous. Est-ce un "pine sky", une espèce de "wishful thinking"? Ou bien pensez-vous qu'aujourd'hui dans le monde il y a un grand consortium qui se ferait de toutes sortes d'aciéries intéressées? Pourquoi? Pour capter un marché ou pour faire quelque chose ici qu'elles ne font pas chez elles? Quel serait l'intérêt aujourd'hui, par exemple, pour ces grandes aciéries de venir acheter SIDBEC?

M. Létourneau: M. le Président, nous avons confiance qu'avec une bonne préparation, une bonne stratégie de mise en vente, un mandat clair et ouvert confié à des professionnels de ce genre d'opérations, il y a des chances de vendre ces actions de SIDBEC, tel que le propose le conseil d'administration de SIDBEC. Si, à la fin de l'échéancier d'un an, on n'a rien réussi, on est prêt à revenir ici pour discuter à nouveau de la question.

M. Lincoln: Le ministre l'a suggéré peut-être comme une espèce d'offre formulée, une espèce de "joint venture" du gouvernement, comme cela se fait dans toutes sortes d'industries. Avez-vous pensé aussi que cela serait peut-être réalisable, une espèce d'option comme cela s'est fait en Colombie britannique dans des circonstances différentes? Cela n'était pas de l'industrie déficitaire. On a lancé des émissions d'actions à très bas tirage avec un maximum par habitant; les gens achetaient des actions sur une très vaste échelle pour donner du capital à une entreprise. Peut-être qu'à ce moment-là aussi cela testerait un peu tous les gens qui disent: Bon, allons sauver SIDBEC, mais qui s'en foutent, car c'est le gouvernement qui paie. Ce serait peut-être intéressant de tester qui va mettre son argent là-dedans et acheter des actions. Si le ministre s'était intéressé à la question, peut-être qu'il aurait pu proposer cela comme solution. Est-ce quelque chose à considérer parce que là on cherche des capitaux énormes? Si on a 6 000 000 d'habitants au Québec, une population travailleuse de 2 500 000 habitants, peut-être que cela serait une option à considérer de lancer une émission d'actions à bas tirage. Pensez-vous que c'est réalisable?

M. Létourneau: M. le Président, pour compléter la dernière question, nous ne saurons jamais s'il y a un acheteur à moins d'aller sur le marché de manière professionnelle pour la vendre. Il faut le faire. On ne l'a jamais encore fait. Il faut donc le faire pour le savoir. D'autre part, pour répondre à la question du député, cette proposition, nous l'avons examinée et elle nous plaît. C'est une proposition semblable à celle de la British Columbia Resources Corporation.

M. Lincoln: Oui, la British Columbia Resources.

M. Létourneau: British Columbia Resources and Investments Corporation. Pourquoi ne pas distribuer les actions de SIDBEC aux citoyens du Québec? Ils en sont les propriétaires. Nous n'avons pas d'objection. C'est une idée.

M. Lincoln: Le ministre n'est pas là. Êtes-vous prêt à ajouter cela à votre recommandation? Il est là maintenant. C'est bon. Le ministre m'a assuré qu'il y aurait une autre solution à considérer, c'est peut-être un tirage d'actions à la façon de la British Columbia Resources and Investments qui va dans le public à un tirage très bas où vous pouvez récolter du capital. Si, par exemple, les Québécois sont réellement désireux de sauver leur propre entreprise, s'ils veulent garder leur aciérie ici, vous êtes de bons propagandistes, si vous pouviez lancer l'idée, ce serait peut-être quelque chose à considérer d'une façon sérieuse, parce qu'en Colombie britannique ils ont trouvé des fonds considérables avec cela. Je ne me souviens pas des chiffres, mais c'était élevé.

Le Président (M. Desbiens) M. Langlois.

M. Langlois: M. le Président, si vous me permettez une très brève intervention, à la suite des remarques du député pour savoir s'il y aurait, dans la conjoncture actuelle, dans le marché de l'acier principalement, des acheteurs éventuels ou de l'entreprise privée qui seraient intéressés. J'ai vu sur le tableau, hier, dans les diapositives projetées par la direction de SIDBEC, que SIDBEC a vendu des produits manufacturés d'acier pour

614 000 000 $, en 1982, si ma mémoire est bonne. Cela représente déjà un marché très intéressant, n'est-ce pas? Il n'est pas dit qu'une aciérie qui recherche le genre de marché que SIDBEC possède dans le moment, avec les produits que SIDBEC manufacture, ne serait pas intéressée, justement, à regarder cela attentivement. Même si la rentabilité n'est pas là, il reste qu'il y a un marché et une gamme de produits qui existent.

M. Lincoln: Ce que je voulais dire, c'est: Est-ce que, à ce moment, cela n'entraîne pas ce que le député de Verchères allait vous dire? Si, par exemple, vous avez une grosse aciérie qui vient là pour capter ce marché, ce qu'elle va faire en fait, c'est prendre tout ce qu'il y a de secteurs non rentables de son point de vue, parce qu'elle a de la machinerie beaucoup plus moderne, beaucoup plus grosse. Elle va accaparer le marché. En même temps, elle va réellement stopper une grosse partie de l'entreprise. C'est un risque de cette façon.

M. Létourneau: M. le Président, il n'y a rien qui dit que les conditions de vente ne pourraient pas exiger la continuation de certaines activités.

M. Lincoln: Oui.

M. Langlois: II y a des facteurs économiques aussi en approvisionnement de matières premières et en coût de transport, surtout lorsqu'il y a des installations dans un endroit comme Contrecoeur ou dans l'Est de Montréal ou à Longueuil et qu'elles ont déjà plusieurs années de remboursement de capital de faites et sur lequel les taux d'intérêt sont relativement bas. Il n'est pas dit, non plus, que l'entreprise va regarder tous ces facteurs.

Le Président (M. Desbiens) M. le député de Châteauguay.

M. Charbonneau: M. le Président, est-ce que le député de Châteauguay me permettrait juste un commentaire? Je voudrais d'abord rassurer mon collègue de Nelligan que je ne voulais pas mettre en doute sa sincérité. Quant à mes commentaires sur le mémoire de la chambre de commerce, je ne pense pas qu'en soi j'ai dit que je considérais comme une hérésie la position de la chambre de commerce. La seule chose, c'est que, dans le contexte actuel où déjà on a un taux de chômage élevé, je considère qu'un de mes mandats, le premier mandat que je dois avoir face aux gens que je représente, c'est de faire en sorte qu'on puisse maintenir le niveau d'emploi actuellement. Il y a quelques années, on aurait pu envisager une hypothèse qui aurait fait en sorte qu'on aurait peut-être mis des gens à pied, mais que ces gens auraient pu se relocaliser ou se trouver des emplois ailleurs facilement, mais ce n'est pas le cas actuellement. Dans le contexte actuel, on doit avoir une autre préoccupation que la simple rentabilité. Les remarques que j'ai pu faire, qui auraient pu être blessantes, étaient surtout à l'endroit d'un sarcasme de la part du député d'Outremont qui disait que l'objectif n'était pas de sauver les députés péquistes. Quand on disait cela, on voulait peut-être laisser entendre que, finalement, entre le député qui cherche à sauver des "jobs" et la rentabilité qu'il faut préserver, le choix, c'est la rentabilité. Il ne s'agit pas de sauver le député péquiste, ni ses "jobs". (2 heures)

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Châteauguay, en terminant.

M. Charbonneau: Les choses étant claires maintenant, votre sincérité n'est pas mise en doute dans mon esprit.

M. Dussault: Merci, M. le Président. Je voudrais, à titre d'adjoint parlementaire au ministre, m'associer aux voeux du ministre pour féliciter le nouveau président de la Chambre de commerce de la province de Québec de son accession à ce poste. Je lui souhaite le meilleur mandat possible. Je voudrais lui poser une question de clarification relativement aux propos qu'il a tenus tout à l'heure. Il a fait une certaine comparaison entre le groupe Wabush et le groupe Normines. On sait que le contrat entre les trois composantes de SIDBEC-Normines constitue une des grandes difficultés du problème qui nous a amenés à nous réunir. Je voudrais savoir si, concernant le groupe Wabush, il a dit qu'ils ont - donc avec une certaine certitude dans son esprit -ou qu'ils doivent avoir l'impression qu'il a le même arrangement que celui du groupe Normines. Est-ce que votre information à ce sujet est telle que vous nous dites qu'ils ont véritablement le même arrangement que SIDBEC-Normines?

M. Langlois: Je ne suis pas en position pour affirmer avec certitude qu'il s'agit des mêmes clauses de contrat qui lient les partenaires de Mines Wabush que ceux de Normines. Il reste que ce sont deux arrangements qui se ressemblent sauf qu'à Mines Wabush il y a sept partenaires et, à Normines, il y en a trois. Les clauses exactes des contrats, je ne suis pas en mesure de vous les dire.

M. Dussault: Avez-vous l'impression que les contraintes, d'un groupe à l'autre, sont sensiblement les mêmes?

M. Langlois: C'est une entreprise à sept

partenaires qui doit prendre des décisions concernant les quotas de production pour les années à venir. Les partenaires se réunissent une fois par année pour déterminer cela. À une autre reprise, ils font des budgets. Stelco dit: L'an prochain, j'aurai besoin de tant de tonnes provenant de Wabush. C'est comme cela que les autres inscrivent leurs chiffres et additionnent.

M. Dussault: Tirez-vous la conclusion que si c'est bon pour le groupe Wabush, les composantes du groupe Normines devraient convenir d'un tel arrangement?

M. Langlois: C'est encore difficile pour moi de répondre à cette question. C'est une une question difficile. Wabush a été fondée au début des années soixante. Les activités ont commencé au début de 1965. Cela fait tout près de vingt ans maintenant et cela fonctionne encore. Deux partenaires ont lâché au tout début, ce sont les Allemands, mais les mêmes partenaires canadiens, américains et italiens y sont toujours.

M. Dussault: Pour terminer - je vous pose la question - votre mémoire nous dit-il implicitement de respecter le contrat qui lie les composantes de SIDBEC-Normines?

M. Langlois: Non, ce qu'on a dit - le mémoire ne le dit peut-être pas implicitement et clairement - au moins, c'est qu'on pense que, dans un objectif de privatisation, le gouvernement devrait mandater le conseil d'administration de SIDBEC de voir quelles sont les possibilités d'alléger le fardeau de SIDBEC concernant ses ententes dans Normines.

M. Dussault: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, pour conclure.

M. Biron: Je voudrais vous remercier et m'excuser encore au nom de toute la commission de vous avoir fait veiller aussi tard. Merci de votre intervention et j'en profite aussi, en même temps, pour remercier mes collègues des deux côtés de la table pour ces deux jours passés ensemble. Je pense qu'il y a eu du travail constructif de fait. Il s'agit maintenant de...

Une voix: La motion.

M. Biron: Discutons-nous de la motion?

Des voix: Oui.

M. Biron: J'ai un droit de parole d'une heure sur la motion.

M. Ciaccia: Oui et, moi, j'ai un droit de réplique de deux heures.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs! Ce n'est pas terminé. M. Langlois veut intervenir.

M. Langlois: Vous allez me permettre, je pense, à cette heure tardive, de dire à la commission que, même s'il est tard, nous avons apprécié le fait d'être entendus. Si les deux jours que je viens de passer à l'Assemblée nationale sont le reflet du travail d'un député, vous allez me permettre, M. le Président, avec humour, de laisser savoir au député de Duplessis de ne rien craindre de ma part aux prochaines élections, je ne serai pas contre lui.

Le Président (M. Desbiens): Je remercie les participants.

M. Biron: Si je comprends bien le président de la chambre de commerce, vous ne serez pas candidat à la convention du Parti québécois contre lui.

Le Président (M. Desbiens): Je dois souligner qu'il y a un autre mémoire qui a été soumis, celui de M. Laurent Brodeur, mais pour dépôt seulement. Enfin, je remercie tous les membres de la commission, tous les participants de leur collaboration. Je demande au rapporteur de faire rapport de nos travaux à l'Assemblée nationale. La commission élue permanente de l'industrie, du commerce et du tourisme a rempli le mandat qui lui avait été confié d'entendre certaines représentations en vue de revoir l'orientation de SIDBEC.

Motion proposant la renégociation des clauses de pénalité (suite)

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... pourrais-je avoir une décision de votre part sur la motion que j'ai présentée avant-hier? Vous en aviez pris avis. Je voudrais savoir si elle est recevable.

M. Dussault: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal, j'avais pris avis du dépôt de la motion.

M. Ciaccia: Oui?

Le Président (M. Desbiens): On pourrait peut-être l'étudier à ce moment-ci, mais, avant, M. le député de Châteauguay, sur une question de règlement.

M. Dussault; Oui, M. le Président. Compte tenu de l'heure tardive - il est près de 2 h 10 du matin - compte tenu que, vers 22 heures, au moment où j'ai vérifié - je comprends, M. le Président, que vous étiez occupé - s'il y avait consentement des membres de la commission pour qu'on continue l'audition des mémoires - j'ai bien dit pour l'audition des mémoires personnellement, à l'heure qu'il est, je ne donnerais pas mon consentement pour que l'on continue les travaux de la commission. Notre mandat étant rempli, personnellement, je pense qu'il faudrait qu'on mette fin à nos travaux, M. le Président.

M. Lincoln: "Black and white". Ce sera dans tous les journaux. C'est du... "For goodness sake!"

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, soyons un peu plus honnêtes que cela. On a obtenu le consentement de la commission pour continuer...

M. Lincoln: "This is typical of you!" M. le député de Châteauguay. Petit politicien! Vous riez! Vous croyez que c'est amusant! C'est imbécile!

M. Ciaccia: Je crois que la commission siège encore avec le consentement de tous les membres. Je ne pense pas qu'un des membres, à ce moment-ci, peut unilatéralement retirer son consentement. Je demande seulement....

M. Dussault: M. le Président...

M. Lincoln: Mais, demain....

M. Ciaccia: On est ici à 2 h 10.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Dussault: Vous direz ce que vous voulez. Vous racontez des histoires tout le temps. Ce ne sera pas nouveau. Il n'y a pas de consentement, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Dussault: II est 2 h 10. C'est suffisant. On a perdu du temps avec cette motion hier pendant une heure, M. le Président. C'est assez. C'est assez.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre!

M. Ciaccia: M. le Président, le consentement a été donné pour continuer les travaux de la commission.

M. Paradis: II est déjà donné. Ils ne respectent pas les contrats. Ils ne respectent rien.

Le Président (M. Desbiens): II faudrait... M. Lincoln: Ils ne respectent rien.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît, MM. les membres de la commission! À l'ordre! Il faudrait, à ce moment-ci...

M. Ciaccia: Donnez-moi votre décision et qu'on en finisse.

Le Président (M. Desbiens): Je pense que ce serait difficile pour moi de rendre une décision avec cette nouvelle controverse, sans avoir la transcription des débats de l'Assemblée nationale. Il est impossible de l'avoir à cette heure. Il y aurait peut-être la possibilité, toutefois, d'aller écouter la cassette à cette heure-ci pour savoir ce qui s'est passé à ce moment-là.

M. Ciaccia: Oui, M. le Président. M. Lincoln: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: ... vous rappelez-vous ce que vous avez dit hier?

Le Président (M. Desbiens): Ce que j'ai dit hier...

M. Lincoln: Oui

Le Président (M. Desbiens): ... c'est le dépôt et l'étude, après la fin de la commission.

M. Lincoln: C'est cela.

Le Président (M. Desbiens): Mais ce n'est pas là-dessus que la question de règlement est venue.

M. Dussault: Ce n'est pas du tout cela, M. le Président, si on me le permet. La seule chose qu'il faut comprendre, c'est qu'à cause de l'heure tardive il n'y a pas de consentement de la part d'un membre de la commission. Or, cela prend le consentement unanime pour que l'on continue de faire autre chose que l'étude des mémoires. J'ai demandé au président à 22 h 10, pour ne pas couper la parole aux gens qui étaient présents ici, de constater s'il y avait

consentement pour continuer l'audition des mémoires. On a dit qu'il y avait consentement. Il y avait consentement pour l'audition des mémoires. Il n'y avait pas d'autre consentement que celui-là. Je ne donne pas mon consentement pour continuer sur autre chose que l'audition des mémoires, puisque notre mandat consistait à faire l'audition des mémoires et à poser des questions aux invités, ce qui est fait. C'est consommé, M. le Président. Maintenant, on demande de lever l'assemblée.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: ... quand le député de Châteauguay est intervenu, premièrement, c'est sur la continuation des travaux de la commission, mais, à ce moment-là, le consentement avait déjà été donné. Il était 22 h 10 quand il est intervenu. Je me souviens d'avoir regardé l'horloge. Il était 22 h 10 et on peut le vérifier sur les cassettes. Le consentement avait déjà été donné, M. le Président. Si c'est nécessaire, avec de petites tactiques semblables, on essaie, au moyen d'une technicité, de ne pas discuter de la motion pendant cinq minutes. Je pense que c'est tout à fait malhonnête et je vais exiger qu'on aille écouter les cassettes. On va rester le temps qu'il faudra pour écouter les cassettes.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Châteauguay.

M. Dussault: M. le Président, je n'ai aucune objection. Quand j'ai fait mon intervention, je savais ce que je faisais. Comme je ne voulais pas qu'on considère qu'on avait donné implicitement notre accord pour continuer sur toutes sortes de choses autres que l'audition de mémoires, j'ai lu quasiment au mot près l'intervention que j'ai faite.

M. Paradis: C'est enregistré.

M. Dussault: J'ai bien dit: Moi aussi, bien sûr, j'accorde mon consentement pour continuer après 22 heures pour l'audition des mémoires. C'est ce que j'ai dit. C'est ce que vous allez entendre sur la cassette, si vous allez l'écouter. Si tout le monde veut se coucher à 3 heures pour le faire, je n'ai aucune objection. Cela ne va que vous démontrer que vous ne comprenez rien.

Le Président (M. Desbiens): II reste une seule solution, si vous l'exigez, c'est d'aller entendre les cassettes. Techniquement, je pense que c'est possible.

M. Paradis: Là-dessus, il faudrait l'entendre à deux endroits, lorsqu'elle a été donnée à l'intérieur de l'heure limite, parce que, si ma mémoire est aussi fidèle que celle du député de Mont-Royal, l'intervention du député de Châteauguay s'est produite à 22 h 10. Il faudrait donc, pour avoir l'essence du consentement qui a été donné, retourner au premier consentement donné à cette commission, qui a été donné à l'intérieur des délais, tenant pour acquis qu'un consentement a été donné à l'extérieur des délais. Surtout, à la suite de la réponse qui a été donnée au député de Châteauguay, on lui a dit: Vous n'avez pas pris note que cette commission avait donné le consentement pour continuer - c'est là qu'il a fait sa remarque - à l'extérieur des limites? Il a dit: Si cela a été fait, c'est correct. Alors, on peut aller écouter les deux passages et, en écoutant les deux passages, on va se rendre compte que cette commission a donné son consentement pour continuer à siéger.

M. Dussault: M. le Président, je pense que cela mérite une réponse. J'ai expressément dit, au moment où je suis intervenu à 22 h 10 à peu près: M. le Président - celui qui avait pris votre place à ce moment pourra en témoigner - pour ne pas être impoli à l'égard des gens qui sont ici à 22 heures, je ne leur ai pas coupé la parole, parce que cela n'aurait pas été correct, mais je tiens à vous dire, maintenant qu'ils ont terminé leur intervention... Je n'ai même pas permis à mon collègue de commencer à poser des questions, justement pour que cela reste bien clair. J'ai dit: M. le Président, est-ce qu'il y a eu constatation qu'il y avait consentement pour que l'on dépasse 22 heures? Le président a dit: II n'y a pas eu de constatation. Alors, j'ai demandé effectivement que cela devienne clair. Voilà. C'est tout à fait correct, parce que j'aurais pu le faire à 22 heures, mais je ne voulais pas être impoli à l'égard du groupe que nous recevions. Ce sont des gens de Contrecoeur qui étaient là. Je n'aurais pas été correct dans ma peau si j'avais coupé la parole à ces gens. Je l'ai fait au moment où c'était convenable.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président, s'il pouvait arrêter de parler pendant trente secondes, est-ce que je dois comprendre que le député de Châteauguay refuse son consentement pour...

M. Dussault: Pour faire autre chose que de l'audition de mémoires.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: II refuse son consentement afin que nous puissions déposer ou avoir la décision du président sur une motion qui demanderait que cette commission invite le gouvernement à prendre les mesures immédiates pour renégocier...

M. Dussault: II n'y a pas de consentement pour continuer les travaux de la commission.

M. Ciaccia: J'ai le droit de parole. Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!

M. Ciaccia: ... en vue de leur élimination les clauses de pénalité des contrats...

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: Je vous invite à mettre fin immédiatement aux travaux de la commission, M. le Président.

M. Ciaccia: ... relatifs à SIDBEC-Normines et à poursuivre les opérations de SIDBEC-Normines tant et aussi longtemps que se poursuivra la renégociation desdites clauses. Je veux savoir si le député de Châteauguay essaie de nous dire qu'il voudrait refuser - pas parce qu'il n'a pas le droit - son consentement pour cette motion. Est-ce cela qu'il nous dit? Est-ce que le député de Verchères est d'accord avec le député de Châteauguay? Est-ce que le député de Duplessis est d'accord avec les petites politicailleries du député de Châteauguay?

M. Dussault: M. le Président, je prends sur mon compte à moi de refuser mon consentement pour faire autre chose que l'audition de mémoires à cette heure-ci.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Est-ce qu'il prend toujours le droit de parole par lui-même?

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Dussault: II est 2 h 15 du matin.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! Je crois qu'il devient inutile de poursuivre sur cette lancée. La seule solution qui me reste dans les circonstances, c'est de mettre fin aux travaux de la commission.

M. Paradis: Pour la cassette, vous prenez la parole du député?

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Si le député de Châteauguay a raison et qu'il n'a donné son consentement que pour entendre les mémoires, cela veut dire qu'il n'y a pas de consentement pour le dépôt du rapport. Cela veut dire que cette commission ne peut pas faire rapport à l'Assemblée nationale et qu'elle n'a pas fini ses travaux.

Le Président (M. Desbiens): Je suspends les travaux de la commission pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 2 h 15)

(Reprise de la séance à 2 h 17)

Le Président (M. Desbiens): La commission reprend ses travaux. Nous allons suspendre pour qu'on puisse entendre les cassettes.

M. Ciaccia: Mais, M. le Président, il y a deux choix. Si nous écoutons les cassettes et que le député de Châteauguay a raison, cela veut dire qu'on ne peut pas faire rapport et que la commission n'a pas terminé ses travaux. Si, d'autre part, le député de Châteauguay n'a pas raison, cela veut dire qu'il va falloir que vous rendiez une décision sur la motion que nous avons déposée.

Le Président (M. Desbiens): C'est cela.

M. Ciaccia: Ah! D'une façon ou d'une autre, la commission n'aurait pas terminé ses travaux.

M. Paradis: Pourrais-je vous souligner un point de règlement? Je pense que, présentement, la commission siège illégalement, qu'elle n'a pas quorum. Dans les circonstances, il faut que vous ajourniez la commission et redemandiez au leader du gouvernement de la convoquer. On n'a pas le quorum présentement et votre devoir est d'ajourner et de demander au leader du gouvernement de convoquer la commission à nouveau.

M. Ciaccia: M. le Président, jamais, de mémoire ai-je vu des gens du parti ministériel quitter la commission avant qu'elle soit terminée, avant que vous l'ayez vous-même ajournée. Dans ma mémoire, c'est une chose qui ne s'est jamais vue, quand des gens sont venus ici pour prier le

gouvernement de garder leur ville et leur vie. On n'a jamais vu ce spectacle de tous les sièges vides du côté ministériel.

Le Président (M. Desbiens): C'est cela que je cherche, le fameux quorum.

M. Ciaccia: C'est l'article 145, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Article 145.

M. Ciaccia: L'article 145 se lit comme suit: "La majorité des membres qui composent une commission en forme le quorum, et ce quorum est présumé exister tant qu'un membre n'a pas souligné son absence. Cependant, il est nécessaire à la validité d'un vote." L'article 146: "Si, pendant une séance, un membre signale au président que le quorum n'existe pas ou si le président le constate lui-même à l'occasion d'un vote, il ajourne à l'heure et au jour qu'il juge opportuns."

M. Paradis: Donc, II faut fixer une heure et un jour. Je vous demande officiellement de constater l'absence de quorum.

Le Président (M. Desbiens): Je constate qu'il y a absence de quorum et j'ajourne les travaux sine die.

M. Ciaccia: On attendra l'ordre de la Chambre.

Le Président (M. Desbiens): On attendra le nouvel ordre de la Chambre pour siéger.

M. Ciaccia: Très bien. Merci, M. le Président.

(Fin de la séance à 2 h 25)

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