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Version finale

32nd Legislature, 4th Session
(March 23, 1983 au June 20, 1984)

Monday, June 6, 1983 - Vol. 27 N° 84

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi 29 - Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

(Dix-sept heures trente minutes)

Le Président (M. Paré): À l'ordre, messieurs! Je déclare la séance de la commission de l'industrie, du commerce et du tourisme ouverte. Cette commission a pour mandat d'étudier le projet de loi no 29, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives.

Les membres de la commission sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Biron (Lotbinière), Ciaccia (Mont-Royal), Dubois (Huntingdon), Dussault (Châteauguay), Mme Harel (Maisonneuve), MM. Lavigne (Beauharnois), Lincoln (Nelligan), Fortier (Outremont), Marquis (Matapédia), et Payne (Vachon).

Les intervenants sont: MM. Beaumier (Nicolet), Bisaillon (Sainte-Marie), Blais (Terrebonne), Champagne (Mille-Îles), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Grégoire (Frontenac), Mailloux (Charlevoix), Rocheleau (Hull), Tremblay (Chambly).

À ce moment, il faudrait désigner un rapporteur à la commission.

M. Biron: M. Dussault.

M. Fortier: M. le ministre va être obligé de faire le rapport tout seul.

Le Président (M. Paré): Le rapporteur à la commission sera M. Dussault (Châteauguay).

J'invite maintenant le ministre à faire ses commentaires sur le projet de loi 29.

Remarques préliminaires

M. Biron: Les commentaires sont très courts puisqu'en deuxième lecture - on l'a d'ailleurs constaté - l'Opposition nous a appuyés dans notre volonté de libéraliser davantage la production, l'embouteillage et la vente des boissons alcooliques. J'apprécie grandement d'ailleurs le rôle de l'Opposition dans ce débat de deuxième lecture de même que les interventions fort positives que les membres de l'Opposition ont faites. Je dis à l'intention du député d'Outremont que nous sommes acquis à cette volonté de procéder par étapes pour donner une chance aux entrepreneurs québécois de taille plus petite que les grandes entreprises oeuvrant aussi dans ce domaine, de donner une chance à ces entrepreneurs québécois d'apprendre, au cours des prochaines années, à vivre avec cette volonté d'une plus grande libéralisation du commerce des boissons alcooliques. Ceci dit, je suis prêt à passer à l'étude article par article du projet de loi.

Le Président (M. Paré): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je voulais excuser mon collègue de Mont-Royal, mais il arrive à l'instant. Quant à nous, nous avons soulevé quelques questions lors de l'étude du projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Si le ministre voulait collaborer, on pourrait, dans un premier temps, soulever certaines questions qui nous permettraient d'aller beaucoup plus rapidement lorsqu'on procéderait à l'étude article par article.

J'ai soulevé...

M. Biron: Je remarque, M. le député d'Outremont, que votre brillant collègue dont vous venez de saluer l'arrivée quitte déjà.

M. Fortier: Peut-être que...

M. Ciaccia: Si vous me permettez M. le Président.

Le Président (M. Paré): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: On travaille en équipe de notre côté. J'ai d'autres devoirs pour le moment. Ce n'est pas par manque de respect envers le ministre ou par manque de respect quant à l'importance du sujet. Je veux assurer le ministre que lorsque la séance va reprendre, à 20 heures, je serai ici pour continuer les travaux et l'étude article par article du projet de loi.

M. Biron: Avant que vous quittiez M. le député, est-ce qu'on peut s'entendre pour travailler jusqu'à minuit sur ces travaux si nécessaire? Si on termine avant, tant mieux. Si on en a besoin, je pense...

M. Fortier: On est convenu, de part et d'autre, qu'on finirait ce soir, je crois qu'il n'y a pas de difficulté.

M. Biron: D'accord. Merci.

Le Président (M. Paré): J'appelle donc l'article 1.

La mission sociale de la SAQ

M. Fortier: Attendez. On était convenu qu'il y avait deux ou trois sujets qu'on voulait aborder avant d'étudier article par article si le ministre est d'accord. On a l'intention de collaborer pour l'adoption du projet de loi.

La première chose qui a été soulevée lors de la discussion en deuxième lecture, c'était la mission sociale. On fait état du fait que, dans le rapport de la SAQ, l'an dernier, le président, M. Germain Léger, soulevait ou réitérait certains énoncés que vous aviez faits lors de la table ronde et faisait état des différentes missions de la SAQ. Bien sûr, la mission fiscale tout le monde la connaît. On n'insistera pas là-dessus. On y reviendra peut-être à un autre tantôt.

La mission économique qui fait le sujet, dans une très grande mesure, du projet de loi comme tel, on aura l'occasion d'en discuter plus à fond. Mais la SAQ a une mission sociale. Bien sûr, on aperçoit à la télévision ces annonces... Quel est le thème déjà?

M. Biron: La modération a bien meilleur goût.

M. Fortier: La modération avant toute chose, oui. Bon! Cela, c'est une dimension de la mission sociale. Certaines personnes qui se préoccupent de l'alcoolisme peuvent voir dans cette libéralisation de la vente de l'alcool certains aspects favorables du point de vue économique mais, par ailleurs, elles voient que cette vente pourrait aggraver l'alcoolisme au Québec, un phénomène ou une maladie sociale assez aiguë chez les jeunes et chez d'autres membres de la société. J'aimerais demander spécifiquement au ministre s'il reconnaît à la Société des alcools une mission sociale. Quels sont les montants d'argent ou quelles sont les actions que la SAQ a entreprises? On sait que certaines brasseries, dans le passé et présentement, ont cherché à s'intéresser à la question et se sont engagées vis-à-vis des mouvements qui luttaient contre l'alcoolisme. Alors, j'aimerais savoir quels sont les efforts qui sont faits par la SAQ proprement dite et si des directives ont été données à la SAQ d'avoir un rôle limité de ce côté. De quelle façon le ministre se préoccupe-t-il de cette mission sociale qui, à mon avis, doit exister ou devrait exister.

M. Biron: M. le député, je crois que les prix de vente des produits ont un effet très régulateur sur la consommation des boissons alcooliques. L'an dernier, les ventes totales, en particulier en spiritueux, ont atteint 27 900 000 000 de litres. C'étaient les plus basses ventes de spiritueux des cinq dernières années. Or, c'est l'alcool, le gin, le scotch, le rye, etc. Peut-être qu'à cause de la conjoncture économique, les gens ont changé leurs habitudes pour boire du vin ou de la bière - vous trouvez cela à la page 9 - en tout cas, vous avez peut-être des indications. Les chiffres sont très précis et comparatifs. C'est probablement à cause de la régulation et du prix de vente, qui a augmenté, me direz-vous, à cause de la mission fiscale de la SAQ et du gouvernement du Québec. Les ventes de vin ont diminué légèrement, soit 60 600 000 litres en 1982-1983, mais elles étaient quand même un peu plus élevées qu'en 1978, 1979, 1980 et 1981. Si on pouvait faire le relevé de la situation avant la venue du vin dans les épiceries, vous verriez qu'il y a eu une augmentation considérable des quantités de vin consommé au Québec.

Tout cela pour dire qu'on a beau faire des programmes pour sensibiliser les gens, comme on le fait à la télévision, on va les sensibiliser jusqu'à un certain point, mais personnellement, je crois que le plus grand régulateur, c'est encore la capacité de payer des gens. On s'aperçoit avec ces chiffres que lorsqu'on augmente trop rapidement le prix, la consommation coupe d'une façon assez importante. Théoriquement, il s'agirait de doubler encore le prix des spiritueux et vous pourriez couper vos ventes à peut-être 15 000 000 de litres. Or, c'est dire que c'est très important dans la consommation de spiritueux. Cela n'empêche pas d'avoir une responsabilité sociale et de continuer d'informer les gens en disant qu'il faut une certaine modération. À l'intérieur même de la SAQ, on a un comité du conseil qui travaille sur l'alcoolisme; cela, c'est pour les cadres, les travailleurs et les travailleuses de la SAQ. Mais tout de même, je pense qu'on donne l'exemple à ce niveau.

M. Fortier: Ce que le ministre nous dit, c'est bien sûr ce que l'on savait déjà, c'est qu'avec l'accroissement des prix dû à la ponction fiscale qui est de plus en plus élevée, il y a une diminution de la consommation. D'ailleurs, cela a un effet sur la rentabilité fiscale de l'entreprise dans une certaine mesure.

Mais ma question était plus spécifique. Vous me dites qu'il y a un comité. Ma question était à savoir, si, dans le plan quinquennal de la SAQ, c'était une mission qui était retenue d'une façon explicite. Est-ce que le conseil d'administration, en plus d'avoir un comité, a arrêté des politiques très précises? Est-ce qu'il donne des subventions à des associations qui oeuvrent dans ce milieu ou si les sommes d'argent qui deviennent des surplus, des profits

d'opération passent en entier à l'actionnaire principal qui, lui, par son ministère des Affaires sociales, se charge de ce problème? Ce que j'essayais de savoir, c'est ceci: Est-ce que la SAQ comme telle dépense de l'argent ou exerce une influence précise dans ce secteur ou si elle ne fait que suivre l'évolution du dossier d'une façon très générale sans intervenir précisément pour tenter de comprendre le problème de l'alcoolisme? Car, étant le principal agent de vente au Québec, on peut dire qu'elle est certainement une cause directe de ce qui arrive au Québec. Est-ce qu'elle assume cette responsabilité ou si le gouvernement lui a demandé de ne pas s'en occuper, parce qu'il y avait un autre ministère qui s'en occupait?

M. Biron: Je ne crois pas que ce soit la responsabilité de la SAQ, dans le fond, d'aider ou de subventionner des groupes ad hoc qu'il y aurait un peu partout au Québec pour essayer de solutionner le problème de l'alcoolisme. La responsabilité de la SAQ est d'importer, de produire, d'embouteiller, d'acheter et de revendre des boissons alcooliques. C'est sûr qu il faut être prudent. Si la quantité de nos ventes de spiritueux et de vin augmentait d'une façon considérable, de ce côté, je m'inquiéterais. Mais je dois dire que lorsque je regarde les ventes totales en spiritueux, en vin et même en bière au cours de la dernière année, je constate que la consommation d'alcoo. au Québec n'a pas augmenté au cours des cinq dernières années.

On peut dire que a consommation est trop haute. D'autres gens diront qu'elle n'est pas assez haute. Lorsqu'on garde à peu près le même niveau... En 1978-1979, le total des spiritueux et des vins vendus était de 90 000 000 de litres. En 1982-1983, il y a encore 90 000 000 de litres vendus. Je me dis que c'est à peu près les mêmes quantités. Donc, le problème n'est pas plus grave. Il est demeuré le même qu'il était. Il y a un peu plus de gens adultes, donc il y a un peu moins de consommation per capita.

Ce qu'on fait quand même présentement, c'est qu'on essaie d'encourager des comités de gens pour qu'ils sensibilisent les gens à une meilleure qualité de vin: prendre peut-être un peu moins de vin, mais du vin de meilleure qualité. Dans ce sens, ce sont peut-être des connaissances de la qualité du produit qu'on peut apporter. Mais ce n'est pas à la SAQ, je pense, d'intervenir dans le problème de correction de l'alcoolisme au Québec. Cela revient beaucoup plus à d'autres ministères, en particulier le ministère des Affaires sociales.

M. Fortier: Mais bien sûr, s'il y a une baisse du volume, cela peut nous indiquer que le problème n'est pas aussi considérable. Mais il reste que les gens que j'ai consultés nous disent qu'il y a des problèmes d'alcoolisme au Québec et d'une façon plus aiguë chez les jeunes.

Si la SAQ était une entreprise privée, je pense que chacun d'entre nous, ici, à l'Assemblée nationale, dirait qu'il faut que cette entreprise privée qui fait des profits très importants, comme en fait la SAQ, assume une responsabilité sociale.

Ce que vous nous dites, dans le fond, c'est que la mission sociale de la SAQ est réduite à peu près à zéro. Si c'est là une décision du gouvernement, je remercie le ministre de nous en faire part. C'est donc dire que la mission sociale de la SAQ se limite à ces slogans publicitaires, qu'il faut boire modérément. Elle s'arrête là. Le gouvernement ne voit, dans la SAQ, qu'un agent fiscal et économique. Sa mission sociale a un rôle très limité. Je crois que c'est ce que j'ai compris de l'intervention du ministre. Je le remercie de son information. (17 h 45)

M. Biron: Le rôle premier, dans le fond, de la SAQ, est un rôle à la fois économique et fiscal. Je crois qu'il revient beaucoup plus à d'autres organismes directement sous la responsabilité de mon collègue des Affaires sociales de faire en sorte de corriger des problèmes d'alcoolisme. Il est sûr que si la SAQ brisait les actions de l'autre ministère, il faudrait intervenir par une directive auprès de la SAQ. Mais tant et aussi longtemps que les quantités sont à peu près les mêmes, on peut dire que l'action de la SAQ ne contribue pas à accentuer le problème de l'alcoolisme au Québec.

M. Fortier: II est vrai que la SAQ a un rôle dans le sens où elle doit faire respecter la loi ou les règlements en ce qui concerne la vente aux mineurs, j'imagine. Je ne sais pas ce que la loi dit spécifiquement là-dessus mais c'est quelque chose comme: Dans les magasins de la SAQ, vous ne devez vendre qu'à des gens âgés de plus de 18 ans, j'imagine?

M. Biron: Je pourrais...

M. Fortier: Oui, ce serait peut-être une dernière question. En ce qui concerne la vente des boissons alcooliques dans les magasins de la SAQ, la SAQ a une responsabilité directe. J'imagine que dans les épiceries, à venir jusqu'à maintenant, vous aviez une responsabilité partagée puisque les vins et les boissons qui étaient là n'étaient qu'en dépôt. Donc, c'était votre propriété. Peut-être nous direz-vous que le statut de la marchandise va changer plus tard, mais, à venir jusqu'à maintenant, c'étaient vos produits qui étaient en étagère. J'imagine donc que la SAQ avait une certaine responsabilité de voir à ce que la vente ne

se fasse pas à des mineurs, d'une façon générale. J'aimerais que vous m'éclairiez à savoir dans quelle mesure la SAQ met en application la loi qui défend la vente des boissons alcooliques aux mineurs, du moins dans ses magasins et, par extension, dans les épiceries qui vendent à titre d'agents de la SAQ proprement dite?

M. Biron: D'accord. Dans les magasins de la SAQ, les directives sont très strictes à l'égard de nos employés. L'âge est de 18 ans et plus. Donc, nous ne vendons pas de spiritueux ni de vin ni de boissons alcooliques aux mineurs. Quant aux épiceries, ces gens détiennent leur permis de la Régie des permis des boissons alcooliques. La régie est un tribunal judiciaire qui a à faire respecter les permis qu'elle émet. Il est sûr que si quelqu'un était pris à ne pas respecter le permis, il serait susceptible de perdre son permis. Je pense que c'est assez sévère là-dessus pour forcer tout le monde jusqu'ici à respecter assez bien les directives de ce côté-là.

M. Fortier: Nous dites-vous que, dans le cas des épiceries, la SAQ n'a pas de mandat? C'est la régie qui a le mandat comme tel.

M. Biron: Elle n'a pas de mandat. Comme d'ailleurs pour les restaurants ou pour les salles à manger.

M. Fortier: D'accord. Mais le mandat de la SAQ, en ce qui concerne la vente aux mineurs, se limite à ses propres magasins?

M. Biron: Oui.

M. Fortier: C'est un sujet sur lequel nous reviendrons certainement. Je voulais connaître l'étendue de la SAQ, l'étendue de ses responsabilités à ce sujet. Je vais passer à un autre sujet. Je m'excuse si...

M. Biron: Là-dessus, je m'engage à trouver une statistique qui est très importante et très intéressante lorsqu'on compare l'Ontario et le Québec au point de vue consommation per capita de boissons alcooliques. On s'aperçoit qu'en Ontario il y a une très forte consommation de spiritueux comparativement au Québec. Au Québec, la consommation de vin est beaucoup plus élevée.

M. Fortier: II y avait un article dans la Presse, dernièrement, à ce sujet, qui dénotait des modifications ou des variations substantielles dans les différentes provinces du Canada, quant au type de consommation alcoolique. Oui, j'ai pris connaissance...

M. Biron: Exact. D'accord.

M. Fortier: ...de la nature des boissons alcooliques qui sont vendues au Québec. Il y a des variations dans le goût ou dans les habitudes qui sont assez considérables.

Je m'excuse d'aller du coq à l'âne car c'étaient des sujets qui n'avaient pas nécessairement de relation entre eux mais cela va nous permettre d'avancer un peu plus rapidement par la suite.

Les agences de distribution

Le deuxième sujet, que je voulais aborder, tenait à des représentations qui ont été faites au ministre par l'Association du Québec des agences de vin et de spiritueux. Corrigez-moi, si je fais erreur. Ce que j'ai compris, non seulement de la loi mais des règlements qui seront promulgués, et dont nous n'avons pas copie comme d'habitude, les importateurs ou les agents qui représentent les marques européennes d'une façon générale, peuvent importer des vins par l'entremise de la SAQ et peuvent même importer en vrac ces vins et les faire embouteiller ici. Jusqu'à maintenant, ils pouvaient les faire embouteiller par la SAQ. Vous me corrigerez si j'ai tort, mais je crois qu'à l'avenir ils pourront les faire embouteiller par un agent privé.

M. Biron: Exact.

M. Fortier: Ces gens ont fait part au ministre - c'est là que vous avez reçu ce mémoire du 19 avril, dont j'ai eu copie - de cinq recommandations qui avaient été faites lors de la réunion de février 1982. Ils se disent en désaccord avec la décision du gouvernement, à la page 4, que je cite: "Par contre, nous devons vous dire que nous sommes loin d'être en accord avec la décision qui semble avoir été prise à l'égard de l'accès au réseau des épiceries du Québec, non seulement parce que la mesure atteindrait nos membres de plein fouet, non seulement parce qu'elle appliquerait un système de deux poids deux mesures qui est, dans une société où l'on croit encore à la libre entreprise, une injustice flagrante, mais également parce qu'elle instituerait un régime où régnerait en maître l'arbitraire."

J'aimerais que le ministre nous explique le sens de sa décision qui ferait que dans les épiceries on ne retrouverait que des vins importés par les fabricants. Le mot "fabricant" deviendrait à ce moment-là synonyme d'importateur, puisqu'il semblerait qu'à l'avenir ces gens fabriqueraient beaucoup moins qu'ils ne le faisaient jusqu'à maintenant puisqu'ils auraient la permission de mettre dans leurs bouteilles jusqu'à 99% ou 100% de vins importés. J'aimerais que le ministre nous explique pour quelles raisons ces gens seraient importateurs et pourraient vendre dans les épiceries alors que les autres

importateurs n'auraient pas le droit de vendre leurs produits dans les épiceries. Est-ce que l'accusation de deux poids deux mesures serait juste, compte tenu que le ministre, semble-t-il, veut développer une certaine concurrence dans cette industrie? S'il veut établir un système de concurrence propre à la libre entreprise, ne croit-il pas qu'il devrait permettre à tous d'entrer en concurrence? Cela aurait, d'une part, l'avantage d'adopter la même mesure pour tous - donc, une certaine équité dans la décision gouvernementale - et, par ailleurs, cela permettrait à ceux qui veulent faire des mélanges de vins ou mettre en vente des vins sous une étiquette qui serait la leur de concurrencer d'autres vins, les vins français, et d'affronter la concurrence ici même avant d'aller l'affronter dans des pays voisins.

Autrement dit, si on veut que nos fabricants produisent ici des vins sous une étiquette particulière aux fabricants du Québec, est-ce qu'on ne devrait pas les mettre en concurrence dès le départ avec d'autres fabricants de vins, des vins français ou des vins européens, pour qu'ils puissent s'aguerrir face à cette concurrence et connaître de plus près les goûts de la clientèle et leur permettre d'affronter la clientèle québécoise avant d'aller affronter celle des États-Unis, par exemple?

M. Biron: C'est un problème qui a été étudié à fond à la suite de la présentation des agents promotionnels. Vous avez la lettre. Ce que nous recherchons, dans le fond, c'est le maximum de retombées économiques pour le Québec; c'est ce que nous recherchons. Si on permet à des gens d'importer et de faire embouteiller au Québec sous des marques autres que des marques québécoises, d'abord, premièrement, le profit de marque n'est pas au Québec, il est ailleurs. Notre embouteilleur aura tant la bouteille pour embouteiller, point à la ligne, pas autre chose. Si c'est sa marque, si cela s'appelle Portneuf, Lotbinière, Outremont, etc., là, il va faire un profit sur sa marque. Dans ce domaine, il y a un profit de marque et c'est important pour l'entreprise qui veut développer de nouveaux produits, qui veut moderniser ses chaînes de production.

Deuxièmement, il est faux de dire que nous allons essayer de conquérir d'autres marchés parce qu'on va embouteiller au Québec des grandes marques françaises, italiennes ou autres. Nous, nous disons que lorsque la marque sera bien établie au Québec, on pourra conquérir d'autres marchés avec des marques québécoises parce que le profit de marque appartiendra à des entreprises québécoises. Le jour où on se sert de notre producteur québécois comme d'un simple embouteilleur - c'est-à-dire qu'on dit: Tu vas embouteiller à tel prix la bouteille et, après cela, on vend cela dans les épiceries - pour aller vendre sur le marché américain on n'a pas besoin de passer par le Québec. On peut passer directement de l'Italie à New York ou de France à New York et ainsi de suite.

Finalement, peut-être que pour un petit bout de temps on aura un petit marché pour l'ouvrir parce que c'est plus accessible de se servir du Québec comme porte d'entrée en Nouvelle-Angleterre, mais, avec le temps, on perdra complètement, car le producteur québécois n'a aucun levier sur l'importateur ou sur l'agent de promotion. Dans ce sens-là, on a décidé qu'on se servira des épiceries pour permettre à des producteurs québécois -à propriété au moins à 51% québécoise - de développer des marques québécoises, de faire du profit de marque avec ces marques-là et de conquérir des marchés extérieurs avec des marques québécoises si elles le veulent.

Je pense qu'en faisant ainsi - on a l'impression en tout cas et c'est ce qu'on vise - on va maximiser les chances pour les entreprises québécoises de s'installer solidement sur ce marché.

M. Fortier: Vous avez mal compris mon argumentation. Ce que je disais, c'est que, dans un marché captif, comme celui des épiceries... Sans vouloir préjuger de qualité de ces vins. Certains d'entre nous ont des goûts un peu plus poussés et cherchent à acheter des vins ayant une qualité supérieure. J'espère que le débouché fait par le ministre va augmenter cette qualité. Ces vins, de l'avis de certains experts - dont je ne suis pas - sont de qualité bien ordinaire, ne permettent pas d'espérer que, lorsqu'ils iront sur des marchés étrangers, ils auront un grand succès. Étant donné qu'il s'agissait d'un marché captif et que l'habitude s'est prise chez certaines personnes d'acheter une bouteille de vin, c'était plutôt une habitude de dire: Je prends une bouteille de vin - et si l'étiquette comme vous le dites portait la marque Portneuf, c'était bon, etc.

Lorsque ces mêmes fabricants vont vouloir exploiter le marché des États-Unis, le succès qu'ils auront eu ici même au Québec ne sera pas déterminant puisqu'il viendrait d'un certain marché captif qui pourrait leur faire croire qu'ils produisent un vin très acceptable, mais qui viendrait d'un certain monopole de fait. Lorsque ces gens voudront vendre ces vins aux États-Unis, ils se rendront compte, à ce moment-là, que leurs vins ne sont peut-être pas au même niveau d'excellence que ceux des marchés étrangers comme celui que les États-Unis pourraient exiger.

Tout simplement, je faisais allusion, plus tôt, au fait que, dans l'intérêt même de ces exportateurs futurs, ils devraient affronter une concurrence dès maintenant qui ferait que les vins qu'ils produiraient sous leurs étiquettes maison seraient des vins

d'une excellence certaine puisque, de toute évidence, un jour ou l'autre, ils auront à concurrencer d'autres vins. Je crois que lorsqu'on parle en termes d'exportation, on pense surtout au marché américain et que la qualité des vins d'exportation devra certainement égaler la qualité des vins de la Californie et tout cela, bien sûr, avec un certain marketing, avec une certaine stratégie de vente.

L'argumentation que j'apportais en était plutôt une de concurrence qui permettait même à ceux qui voudraient exporter dans l'avenir, de développer des mélanges de vins ou de développer une qualité de vin qui leur permettrait à l'avenir, de concurrencer d'autres vins aux États-Unis ou ailleurs. S'ils veulent affronter une concurrence dans l'avenir, ils seraient aussi bien d'y faire face maintenant, ici même au Québec.

M. Biron: Vous dites qu'au Québec ce serait un marché captif à compter de l'adoption de la loi ou en septembre. Les firmes privées et la SAQ ensemble vont mettre en marché une possibilité de 70 marques différentes de vin dans les épiceries.

Lorsqu'on songe qu'un épicier habituellement en tient 30 en stock, c'est que le marché n'est pas aussi captif que vous le dites. Si l'indépendant ou la firme privée, parmi les onze qui ont des permis, ne produit pas au moins une ou deux bonnes sortes de vin, il ne vendra absolument rien dans les épiceries avec le temps parce que l'épicier ne sera pas obligé d'acheter. L'an prochain, cela est augmenté à 10. Donc, on va augmenter à un minimum de 120 marques le choix possible pour les épiciers. Dans deux ans, ce sera ouvert complètement. Ce n'est pas un marché captif. Dans le fond, les lois du libéralisme économique vont jouer à la fois pour le prix et la qualité. (18 heures)

M. Fortier: Entre les onze producteurs et la SAQ, cela fait douze producteurs.

M. Biron: Étant donné que cela est ouvert. Jusqu'à maintenant, chaque producteur pouvait produire - ce n'est pas ce qui est arrivé - de la piquette, si on veut, parce que l'épicier était obligé d'en prendre deux marques sur trois. Mais dans deux ans, il ne sera pas obligé de rien prendre. Alors, cela force les producteurs à produire de la qualité. D'abord, le marché va se faire compétitif ici. Il faut se dire que le marché sera très compétitif ici, mais cela lui permet d'améliorer la qualité de ses produits et de conquérir un certain marché. Ce ne sont pas les onze producteurs qui vont être capables de conquérir le marché extérieur, probablement trois ou quatre, parmi les meilleurs. Dans le fond, c'est la loi du libéralisme économique. Les gens ont décidé de le jouer et je pense que cela est sain pour l'économie québécoise.

M. Fortier: Juste une précision. Vous avez dit: dans deux ans. Est-ce que les règlements disent que ceci va se faire d'une façon évolutive? Par ailleurs, pouvez-vous me préciser si les règlements, en ce qui concerne les dispositions, le genre d'étagères, est-ce que tout cela va disparaître pour laisser une indépendance d'action aux épiciers pour qu'ils puissent bâtir les étagères qu'ils veulent et disposer de la façon qu'ils veulent: mettre sur l'étagère du haut le vin qu'ils préfèrent, et ainsi de permettre à la concurrence de jouer pleinement et non pas d'être dictée par quelqu'un qui, au ministère, déciderait que tel vin va être sur la tablette numéro 1 et tel autre vin sur la tablettte numéro 2? Vous avez parlé d'un délai de deux ans, je me demandais ce à quoi vous faisiez allusion?

M. Biron: Parce qu'on ne veut pas qu'une entreprise, mettons le plus grand fabricant de vin au Québec puisse dire: Je mets 25 marques sur le marché et je vais conquérir tout le marché. Alors, dès septembre, l'épicier a le choix, mais chaque producteur est limité à 5 marques, pas plus; à 10 marques en septembre 1984 et complètement ouvert en septembre 1985. Cela pour donner un laps de temps de deux ans aux plus petits producteurs québécois afin qu'ils s'ajustent à travers cela. L'épicier n'est plus obligé, en septembre, d'acheter deux sur trois, comme cela était avant, ou deux sur cinq. Alors, déjà, en septembre, il y aurait un choix qui va se faire vis-à-vis de la qualité des produits. On sait que les épiciers ne tiendront pas plus qu'une trentaine de marques en moyenne; peut-être les grandes épiceries vont-elles en tenir plus, mais on sait qu'en moyenne, cela va être 30.

Deuxièmement, il n'y aura plus d'obligation d'avoir un présentoir de telle ou telle façon, telle affiche là-dessus et tant de bouteilles. L'épicier va être libre de changer son présentoir.

M. Fortier: Je crois qu'il est 18 heures. J'ai encore des questions, mais on pourrait continuer la discussion à 20 heures, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Tel qu'entendu, nous reprendrons les travaux à 20 heures. La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 03)

(Reprise de la séance à 20 h 16)

Le Président (M. Paré): À l'ordre! La commission de l'industrie, du commerce et

du tourisme reprend ses travaux dans le but d'étudier le projet de loi no 29. Je vais nommer à nouveau les membres et les intervenants, étant donné qu'il y a eu des changements.

Les membres de la commission sont: MM. Marquis (Matapédia), Biron (Lotbinière), Ciaccia (Mont-Royal), Dubois (Huntingdon), Dussault (Châteauguay), Blouin (Rousseau), Tremblay (Chambly), Lincoln (Nelligan), Fortier (Outremont), Champagne (Mille-Îles), Payne (Vachon).

Les intervenants sont: MM. Beaumier (Nicolet), Bisaillon (Sainte-Marie), Biais (Terrebonne), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Grégoire (Frontenac), Mailloux (Charlevoix), Rocheleau (Hull).

Lorsque nous avons suspendu les travaux, nous en étions encore aux discussions préliminaires. La parole est à vous, M. le ministre.

M. Fortier: Pourriez-vous me rappeler le sujet qu'on avait abordé juste avant de partir?

Une voix: Les agences de distribution. M. Biron: Les agents...

M. Fortier: Nous parlions des agences de distribution. Vous avez fait allusion... On parlait du mérite de la concurrence au niveau local et du fait que les agences importatrices de vin européen seraient exclues de la vente dans les épiceries. Vous avez fait allusion au fait qu'il y aurait quand même une concurrence d'ici à deux ans alors que les fabricants auraient l'avantage de vendre et d'être en concurrence véritablement. Vous disiez qu'il y aurait de facto une certaine concurrence. Vous avez fait allusion à une période de deux ans. Vous avez fait allusion à cette réglementation. Est-ce que cette réglementation est disponible présentement? Est-ce qu'elle pourrait être étudiée par l'Opposition? Est-ce qu'elle est assez précise? Elle est très importante si on regarde le projet de loi. C'est en fait la réglementation qui va déterminer la gouverne générale du projet de loi. À quel moment pourrait-on la consulter? Est-ce qu'on pourra effectivement la consulter?

M. Biron: La réglementation n'est pas complétée encore. Les parties essentielles de la réglementation apparaissent dans le discours de deuxième lecture que j'ai fait. J'ai fait retaper ce discours-là avec des points précis, des points importants qui sont numérotés jusqu'à 26. Je voudrais vous remettre une copie, deux copies de ce discours. Vous pourrez retrouver à l'intérieur de cela les plus importants changements. À l'intérieur de cela, il y a, bien sûr, une partie de réglementation, l'autre partie est de la loi. Il faut que vous sachiez qu'aujourd'hui, chaque producteur est autorisé à produire trois marques qu'on peut offrir dans les épiceries et l'épicier est obligé de prendre deux des trois marques pour mettre sur ses tablettes. Même s'il n'a qu'une bouteille de ces deux marques, il est obligé d'en prendre pour les mettre sur ses tablettes. Ce qui fait qu'un producteur donné pourrait produire du vin de très pauvre qualité et vendre quand même quelques-unes de ces marques parce que l'épicier est obligé d'en prendre. Nous ne voulons plus limiter à trois. On s'est entendu pour libéraliser ce commerce, donc, obtenir une concurrence qui serait plus saine. Augmenter éventuellement à autant de marques qu'un producteur voudrait économiquement produire. On veut y aller par étapes pour ne pas pénaliser les petits producteurs. La première étape c'est tout de suite cette année, à compter de septembre, dire à chaque producteur: Tu es autorisé à lister - disponible pour les épiciers - cinq marques de vin au lieu de trois. Mais en retour, l'épicier n'est plus obligé d'acheter une seule de ces cinq.

M. Fortier: Quand on parle de producteurs, on parle de 55.

M. Biron: 55 plus la SAQ qui a quinze marques. L'an prochain, on monte à dix marques par producteur. Il n'y a pas beaucoup de producteurs qui vont se rendre à dix, mais quand même la partie de la réglementation fait qu'il faut adopter une réglementation qui fait cela temporairement et au bout de deux ans il n'y a pas de limite. Le règlement concernant le nombre de marques tombe automatiquement.

M. Fortier: Ce qui veut dire qu'il y aurait une certaine concurrence. Quelle est la politique qui sous-tend cette action? Vous espérez que les producteurs, en important du vin européen, vont faire le marketing des vins sous étiquette québécoise et quels sont les objectifs? J'imagine qu'avec une stratégie comme celle-là - vous avez un changement assez important dans la gestion de la vente des vins au Québec - cela ne s'est pas fait sans une certaine préparation, une certaine stratégie. Pour convaincre le cabinet d'un changement aussi substantiel vous avez dû définir des objectifs à long terme. Est-ce que vous avez fait des études? Est-ce que vous pourriez nous communiquer des objectifs que vous fixez? Certainement que vous fixez des objectifs économiques. Est-ce que vous pourriez nous faire part de ces objectifs? Est-ce que vous avez une étude que vous pourriez nous remettre sur le sujet? Quels sont les objectifs que vous poursuivez, disons, dans cinq ans d'ici, en termes de volume ou de marketing, en termes de pénétration de

marché à l'étranger?

M. Biron: Les objectifs, c'est d'établir une marque de qualité pour les vins québécois. À l'heure actuelle, un producteur peut importer 30% de son vin. Il est forcé de mélanger avec du produit du moût, du concentré ou des raisins qu'il achète à l'extérieur et qu'il est obligé de mélanger à 70% le vin qui serait prétendument fait ici. On ne produit pas de raisin ici. C'est bien difficile de dire que c'est du vin québécois. Ce qui nous a impressionnés, jusqu'à un certain point, c'est l'exemple de l'Allemagne qui réussit à vendre d'excellents vins, même à l'extérieur de l'Allemagne, alors qu'elle ne produit pas de raisin ou à peu près pas. Les producteurs importent du raisin de différents pays et ils font le mélange du vin en Allemagne et ils le revendent sous une marque allemande. On croit que nos producteurs québécois sont ou capables de produire leur propre vin s'ils le veulent à partir de concentré, de moût ou de vin, ou ils sont capables d'importer du vin de différents pays ou de différentes régions d'un pays donné, et de faire le mélange de ces vins pour finalement développer une marque de qualité qui serait un mélange, mais purement et strictement nord-américain selon le goût des gens de l'Amérique du Nord et qui serait produit au Québec.

Si on réussit à faire cela avec une certaine qualité de vin, un mélange de vins qui proviendront d'ailleurs, nous sommes assurés de leur fournir les bouteilles, les étiquettes, l'emballage, les caisses et tout cela, la main-d'oeuvre pour l'embouteillage et après cela conquérir certains marchés en Amérique du Nord. C'est sûr qu'on ne produira pas du vin ici pour la réexpédier en Europe. On ne se contera pas d'histoire avec cela. Il y a des marchés disponibles en Amérique du Nord pour du vin de qualité. Dans ce sens, en enlevant le plafond de 30% de maximum de vins importés en vrac ou prêts à embouteiller, nous croyons que nous donnons l'occasion à des producteurs québécois de produire une plus haute qualité de vins.

M. Fortier: En termes économiques, d'une part, j'imagine que la SAQ ou le gouvernement espère maintenir sa marge fiscale. D'autre part, en termes de mission économique, vous espérez qu'en plus de la valeur ajoutée pour la partie qui va être faite ici, il va y avoir des pénétrations de marché. En termes de volume, est-ce que vous avez des expectatives, disons, dans cinq ans ou dix ans d'ici? Si vous avez étudié l'exemple de l'Allemagne, j'imagine que vous devez avoir une idée du genre de pénétration que vous espérez qu'on puisse réaliser dans quelques années d'ici, bien sûr, par l'entremise du secteur privé. Ce ne sera pas l'État qui le fera; ce sera surtout l'entreprise privée comme telle, mais j'imagine que vous avez défini des objectifs lointains.

M. Biron: D'ailleurs, dans mon discours, je parlais de ces objectifs et particulièrement des objectifs du marché américain dans le nord-est des États-Unis. On a fait faire une étude par la SAQ du marché du vin dans le nord-est des États-Unis et cette étude a été remise à chacun des producteurs privés en lui disant: Voilà le potentiel de ce marché. Si vous pouvez y aller, tant mieux, c'est à vous de regarder ce que vous êtes capables de faire, ce qui ne défendra pas à la SAQ de tenter sa chance, elle aussi, sur les marchés à l'extérieur du Québec. C'est tout à fait normal. On va vivre en régime de libre concurrence, mais nous voulons surtout encourager les entreprises privées parce que nous savons que chaque entreprise veut un plus grand marché pour elle, un plus grand chiffre d'affaires. Il n'y a pas moyen de le prendre au Québec, ce plus grand chiffre d'affaires. La tarte, au Québec, est au maximum. On a vu que depuis cinq ans il n'y a pas plus de marché. Ou on en tasse un ou on conquiert un nouveau marché à l'extérieur. Notre stratégie c'est de conquérir des marchés à l'extérieur. Si on ne faisait que doubler le chiffre d'affaires qu'on fait au Québec - je crois que c'est raisonnable d'y penser; dans le nord-est des États-Unis il y a 100 000 000 de personnes alors qu'il y en a 6 500 000 au Québec - si on doublait tout simplement le marché québécois, ce serait passablement d'argent.

M. Fortier: En combien d'années espérez-vous faire cela?

M. Biron: D'ici à quelques années. Si nos producteurs sont efficaces et peuvent établir des marques de qualité, nous sommes capables, d'ici à cinq ans, de conquérir, dans le nord-est américain, un marché qui serait disponible. Mais encore là c'est de la qualité que cela prendra pour aller là.

M. Fortier: Est-ce que l'étude de marketing à laquelle vous faites allusion serait disponible? Est-ce qu'on peut en avoir une copie? Est-ce un renseignement confidentiel?

M. Biron: Non. On pourra en remettre une copie à l'Opposition. On en a remis une copie à chacun des producteurs. On n'a pas voulu la sortir à l'extérieur des producteurs existants, des onze qui avaient des permis, parce qu'on croyait que ce n'était pas juste et qu'il fallait au moins la donner à ceux qui ont des permis. Si vous voulez la garder comme document de travail, à l'Opposition,

je n'y vois pas d'objection.

M. Fortier: Étant donné qu'il s'agit d'un changement substantiel dans l'orientation de la SAQ ou de la vente des vins, cela nous permettrait de mesurer l'effort demandé au secteur privé et, dans une certaine mesure, ce qui peut légitimer le changement d'orientation. Si on se retrouvait finalement avec des retombées économiques pas plus importantes que celles qui existent présentement, on pourrait toujours se demander pour quelles raisons le gouvernement a changé l'orientation de la SAQ, quoique en favorisant le secteur privé ici... Je crois que la seule façon de le justifier, c'est par une augmentation des ventes à l'étranger; autrement c'est assez difficile de le justifier.

M. Biron: Dans le système actuel c'est à peu près impossible pour une entreprise privée de vendre à l'étranger. Il fallait passer par la SAQ et cela était compliqué pour rien. Là, au moins, n'importe qui, même un entrepreneur privé, pourrait avoir une commande pour livrer aux États-Unis et tout simplement acheter le vin. Il n'a même pas besoin de notre permission pour cela, faire transiter le vin par le Québec, l'embouteiller et le retourner aux États-Unis. Pourvu que nous puissions constater à l'arrivée et au départ que le vin a transité par le Québec et qu'il a été transformé là, c'est parfait. Aujourd'hui ce n'est pas possible de le faire.

M. Fortier: M. le ministre, vous avez fait allusion au fait que c'était une première étape et qu'on verrait à l'expérience les résultats à l'avenir. On peut percevoir que les fabricants, ceux qu'on appelle ainsi, vont importer et peut-être fabriquer dans une certaine mesure, ou ne pas fabriquer, mais de toute façon faire le marketing de ces marques, les marques maison, assurer un niveau de la qualité. Il est assez facile d'imaginer que le rôle de la SAQ pour ce marché, qui sera dans un premier temps dans les épiceries du Québec et éventuellement pour le marché extérieur, sera plutôt un rôle de papier. J'imagine que les fabricants vont négocier eux-mêmes à l'étranger, vont assumer la responsabilité des taux de change. Ils vont assumer la responsabilité des marchés qu'ils vont conclure en Europe, ils vont assumer la responsabilité de l'embouteillage, les difficultés de préserver la qualité du vin. Éventuellement ce sera vendu à des grossistes. Les grossistes vont assurer l'entreposage de ces vins, la vente aux détaillants. On peut prévoir que, dans l'avenir, des compagnies aussi considérables que Provigo ou IGA ou d'autres vont engager du personnel pour faire le marketing à l'intérieur même de leurs épiceries, qu'ils auront certainement un rôle à jouer qui influencera la pénétration de tel vin par rapport à tel vin. Eux-mêmes auront leurs propres efforts de marketing, j'imagine. (20 h 30)

Dans une optique comme celle-là, on peut facilement prévoir que dans l'avenir, ou même très rapidement, pour cette partie du marché qui ne sera pas faite directement par la SAQ - étant donné que les règlements seront changés, comme vous l'avez dit, pour laisser libre cours aux règles du marché de jouer - le rôle de la SAQ sera plutôt un rôle sur papier. Autrement dit, quant au vin qui sera importé, ce sera la SAQ qui interviendra pour s'assurer que les bouts de papier réglementaires soient signés. Mais, éventuellement, le vin ne transitera pas physiquement par la SAQ et va être acheminé, embouteillé, dans les entrepôts des grossistes et éventuellement vendu aux détaillants.

Dans l'avenir, si on extrapole à partir de ce régime, on peut facilement prévoir qu'on s'en ira dans une direction où la SAQ aura un rôle important, mais plus limité, puisqu'elle n'a que 350 magasins, alors que les épiciers en ont environ 1000, un nombre certainement quatre ou cinq fois plus élevé. Vous allez dans les régions où vous voulez donner des agences au secteur privé.

Donc, on peut s'acheminer très rapidement, au Québec, vers un système très différent. On le verra tout à l'heure. Mon collègue de Mont-Royal et moi même - on était justement un peu en retard et on s'en excuse - discutions des modalités de ces changements. On a des questions à poser sur la façon dont cela se fera. Dans le moment, j'extrapolais uniquement dans le domaine de la macro-économie pour voir vers quoi on s'achemine. C'est donc dire que, dans l'avenir, dans cinq ans ou dans dix ans, si, comme vous le signalez, les ventes à l'étranger sont importantes, si le secteur privé joue son rôle qui ne sera plus qu'un rôle de revente en partant de la SAQ, mais plutôt un rôle assez déterminant dans le domaine des importations et de la stimulation des ventes de certains produits dans les épiceries, on peut facilement conclure que le rôle du secteur privé sera très important.

J'imagine que vous avez envisagé toutes ces possibilités et que vous acceptez les conclusions ou les modalités qu'il faudra apporter plus tard pour assurer que le système se perpétue puisque vous avez indiqué qu'il y aurait une évolution certaine de ce système et que, éventuellement, on fera les modifications nécessaires pour s'ajuster au nouveau mode de marché qui sera favorisé par le projet de loi qui nous est déposé.

M. Biron: La SAQ a vraiment trois identités. La première identité est celle

d'embouteilleur. Elle achète du vin ou des spiritueux en vrac, l'embouteille et le revend. Donc, elle a une identité d'embouteilleur sur le même pied que les onze autres producteurs québécois. C'est une fonction importante, puisque la quantité de vin embouteillée par la SAQ est à peu près la même, peut-être un peu moins, que les onze producteurs réunis. Donc, c'est déjà très important de ce côté.

Tout cela est acheminé vers un grossiste de première distribution qui est la SAQ, section grossiste, où on décide de prendre la marge fiscale décidée par le ministre des Finances. Mais tout doit transiter par le grossiste de première distribution, à la fois les onze producteurs privés et la SAQ, section embouteillage. À partir du grossiste de première distribution, c'est redistribué pour vente au détail, soit dans les 300 magasins de la SAQ ou dans les 10 000 points de vente chez les épiciers. Donc, c'est redistribué chez les épiciers à travers un grossiste...

M. Fortier: 10 000.

M. Biron: 9000 et quelques centaines.

M. Fortier: Ah mon Dieu!

M. Biron: C'est distribué à travers des grossistes - Provigo et tous ces groupes -qui, eux, redistribuent à leurs épiciers. Tandis que la SAQ grossiste distribue directement à ses magasins. Là, il y a un profit d'exploitation sur les magasins comme

Il y a normalement un profit d'exploitation à l'embouteillage. Mais le gros du profit de la SAQ - si on peut appeler cela profit, c'est un profit fiscal - est pris au niveau de la SAQ, section grossiste. Donc, SAQ grossiste demeurera toujours. Les magasins de vente au détail demeureront aussi, quoiqu'on limite quand même le nombre de magasins de détail en allant dans des agences privées, dans des régions plus éloignées, de même qu'en faisant de plus en plus confiance aux épiceries.

La vente de vin dans les épiceries se fait à peu près en même quantité que la vente de vin en succursale, à peu près la même quantité cette année, peut-être un petit peu moins dans les épiceries que la vente totale dans les succursales. Nous voulons que la SAQ, secteur embouteillage, puisse être en compétition directe avec les entreprises privées et sur la même base. Plus l'entreprise privée va être efficace, dynamique et productive, plus cela va forcer la SAQ-embouteillage à être efficace et productive. Autrement, elle va tout simplement débarquer du marché. Pour cela, il faut permettre à la SAQ-embouteillage de concurrencer aussi sur les marchés extérieurs du Québec. Si on peut avoir beaucoup d'embouteillage là-bas, tant mieux pour ceux et celles qui travaillent là.

M. Fortier: Étant donné les investissements que la SAQ avait faits dans le domaine de l'embouteillage en particulier, qui lui permettaient d'accroître considérablement le marché - je crois que c'est un des arguments que vous avez fait valoir - le fait qu'on limite maintenant le nombre de marques maison qu'elle peut vendre, est-ce que ceci va indirectement ajouter aux frais généraux qu'elle devra assumer à partir d'un marché moindre? Est-ce que ceci n'aura pas comme conséquence secondaire, étant donné la ponction fiscale qui est faite par le ministre des Finances, d'augmenter les coûts aux contribuables et, d'une façon plus générale, compte tenu de l'importance des décisions du ministre des Finances - on y reviendra tout à l'heure parce que c'est un sujet extrêmement important - est-ce que cette mission économique, dont on prévoit les conséquences dans cinq ou dix ans, est réalisable, compte tenu justement des décisions du ministre des Finances qui, lui, ne considère pas du tout la mission économique? Autrement dit, ce que j'essaie de dire est que la mission économique de la SAQ me semble une nouveauté totale, qui semble en contradiction flagrante avec la mission fiscale qui a été celle de la SAQ à venir jusqu'à maintenant. De quelle façon voyez-vous une conciliation de ces deux missions? Est-ce que votre mission économique est possible si le ministre des Finances continue à exercer sa mission fiscale d'une façon tellement prépondérante?

M. Biron: Oui, c'est possible. Je crois que ce qui va arriver d'ici à cinq ans - il est quand même difficile de voir dans des boules de cristal - je prétends que la part du marché québécois va rester sensiblement la même entre les entrepreneurs privés et la SAQ-embouteillage. Mais si on peut avoir une meilleure compétition sur le marché québécois, le fait d'ouvrir la concurrence est sain, je pense. Enfin, tout le monde reconnaît qu'une saine concurrence fait du bien à tout le monde. Donc, en ouvrant la compétition sur le marché québécois, cela va nous forcer à améliorer notre qualité, notre service et nos prix. Cela pourrait aussi nous permettre de conquérir d'autres marchés à l'extérieur.

En fait, tout le processus consiste à se donner les outils nécessaires pour conquérir d'autres marchés en disant que les parts respectives de marché vont rester sensiblement les mêmes et que la quantité de spiritueux, de vin et de bière vendue sur la marché québécois restera sensiblement la même au cours des prochaines années. Donc, il n'y a pas d'agrandissement de la tarte québécoise ni de meilleure répartition de

cette tarte. La seule chose est qu'on met dans les mains de la SAQ et dans les mains des privés des possibilités pour conquérir des marchés à l'extérieur du Québec, donc, pour agrandir la tarte à l'extérieur.

M. Fortier: Comme vous l'avez dit vous-même, la tarte québécoise a elle-même diminué depuis un an ou deux.

M. Biron: Elle ne bougera pas.

M. Fortier: S'il y a plus grande concurrence, on pourrait prévoir une conclusion néfaste: que la SAQ fasse moins de profits dans l'avenir. Là-dessus, je crois que mon collègue de Mont-Royal voudrait aborder la question fiscale d'une façon plus particulière, entre autres choses. Je vais lui laisser la parole et je vous remercie.

Le Président (M. Paré): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Premièrement...

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, je voudrais seulement vous faire remarquer que vous êtes tellement important aux commissions parlementaires qu'il y a même un coprésident qui préside aujourd'hui cette commission.

M. Ciaccia: J'espère qu'il ne fera pas la même chose qu'à l'autre commission parlementaire à laquelle j'assistais. Chaque fois où j'essayais de poser une question, elle était irrecevable. À la fin, vous savez...

M. Fortier: Vous voyez où cela nous mène...

M. Ciaccia: Ils invoquaient le règlement.

M. Biais: Si vos questions sont intelligentes, elles seront reçues.

Le Président (M. Paré): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Ciaccia: Le ministre venait à la rescousse des témoins.

M. Fortier: Ici, cela va être plus facile.

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais faire quelques remarques. On en est encore aux remarques préliminaires. Si vous me permettez, je veux premièrement m'excuser de n'avoir pu assister pour faire mes remarques au cours de la deuxième lecture, mais j'étais occupé dans une autre commission parlementaire que nous considérions assez importante.

Une voix: II faut que cela dure!

M. Ciaccia: Premièrement, je dois déplorer le fait qu'un projet de loi qui est très important, qui affecte les activités non seulement de la Société des alcools du Québec mais qui peut affecter l'économie de secteurs très importants au Québec, soit déposé juste avant la date limite, le 1er juin, qu'on le discute à toute vitesse parce qu'on n'a pas vraiment le temps de discuter de ce projet de loi de la même façon que s'il avait été déposé, comme plusieurs commentateurs s'y attendaient, au mois d'avril ou au mois de mai. C'est la première remarque que je voudrais faire. C'est un projet de loi qui va affecter l'avenir de plusieurs agents économiques.

Dans les deux dernières semaines de la session - je pense que le ministre sera d'accord avec moi - il sera difficile d'aller au fond, de faire le débat sur le fond des différentes missions de la SAQ, de voir lesquelles de ces missions auront priorité sur les autres, quelle sorte d'équilibre il y aura entre les différentes missions. Juste pour donner un exemple, il y a eu des télex qui vous ont été envoyés aujourd'hui, M. le ministre, par des gens qui voudraient vraiment être entendus, qui voudraient vous faire des représentations. Il y a l'Association des détaillants en alimentation, l'Association des épiciers en gros, l'Association Collabore qui vend en gros aux petits indépendants, aux dépanneurs, et le Comité des vins. Je pense que ces gens-là auraient eu le droit normalement de se faire entendre en commission parlementaire, de donner leur point de vue. Je ne dis pas que tous les points qu'ils auraient soulevés auraient été acceptés par le gouvernement - parce que le gouvernement doit faire des choix - mais au moins de les entendre. Ils ont des problèmes qui sont assez particuliers et le fait que nous soyons à deux semaines de la fin de la session, c'est peut-être difficile d'entreprendre ce processus. C'est là le premier point que je voulais soulever, de déplorer le fait que le gouvernement - ce n'est peut-être même pas la faute du ministre, il y a peut-être eu des raisons de stratégie encore plus déterminantes au Conseil des ministres - nous amène ces différents projets de loi, des projets de loi très importants. Je parle de celui-ci, je ne veux pas enfreindre le règlement, M. le Président, mais je pourrais parler de la SGF dont on va discuter jeudi et vendredi. On va dépenser 400 000 000 $ ou 500 000 000 $ et on nous amène cela à la dernière minute. Celui-ci est important. C'est important pour les intervenants, pour les agents qui sont affectés par le projet de loi. Je pense qu'ils auraient eu le droit d'avoir un peu plus de temps pour porter leurs préoccupations à l'attention du gouvernement.

M. Biais: ...M. le Président...

Le Président (M. Paré): M. le député de Terrebonne.

M. Biais: Est-ce qu'il serait possible de demander aux intervenants, étant donné que nous n'avons pas beaucoup de temps pour en parler, de parler du projet de loi et non du fait qu'on n'a pas le temps d'en parler. On gagnerait du temps pour en parler.

Le Président (M. Paré): On viendra bientôt sur l'étude du projet de loi article par article. Nous sommes aux questions préliminaires. Il faudrait rester à l'intérieur du projet de loi, sauf qu'on est toujours dans les débats préliminaires.

M. Ciaccia: M. le Président, dans le temps de Socrate et de Platon, il y avait des philosophes qui s'appelaient des sophistes. Les sophistes disaient des demi-vérités. Je crois que 2000 ans après Socrate et Platon, le sophisme continue même au Québec.

M. Biais: II y a encore le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est vrai que cela est une demi-vérité. Il n'y a aucun cloute que si je prends le temps de souligner certaines choses, cela laissera moins de temps à la commission parlementaire mais pour moi, il est important de souligner cet aspect de la stratégie et de la position que le gouvernement prend. (20 h 45)

Deuxièmement, je voudrais arriver à la question de l'aspect fiscal.

M. Biron: C'est la Palice. M. Ciaccia: Pardon. M. Biron: C'est la Palice. M. Ciaccia: C'est la quoi?

M. Biron: C'est la Palice ce que vous venez de dire là.

M. Fortier: C'est un français. Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant.

La mission fiscale

M. Ciaccia: Exactement. M. le Président, si je ne l'avais pas dit ceux qui m'ont demandé de faire cette représentation à la commission parlementaire me l'auraient reproché. Je ne veux pas me faire faire des reproches par ceux qui m'ont fait ces représentations.

Deuxièmement, il y a l'aspect fiscal. Je voudrais vraiment faire appel au bon sens du ministre. Je voudrais solliciter vraiment son opinion sur l'aspect fiscal de la SAQ. Le ministre des Finances l'a déjà dit, le ministre des Finances a déclaré, dans son dernier budget le 25 mai dernier - je cite le Journal des affaires du samedi 21 août 1982 qu'il fallait que le gouvernement du Québec obtienne 275 000 000 $ de la Société des alcools du Québec. Je trouve cette approche un peu aberrante et je voudrais avoir les commentaires du ministre.

Un monopole comme la SAQ a une certaine raison d'être pour des questions de distribution, sociale, de qualité, de prix uniforme. Comme tout monopole il y a des limites. Quand un monopole commence à déborder ses limites il devient moins économique. C'est pour cela que nous avons la loi "anticombine" la loi antimonopole parce que cela affecte la mission économique.

Comment le ministre peut-il accepter du ministre des Finances de se faire dire cette année vous allez me chercher 275 000 000 $? L'an prochain on a commandé 335 000 000 $. On est dans une société économique libre. Le ministre des Finances n'a même pas eu l'audace de dire à Hydro-Québec vous allez aller me chercher tant d'argent? Il a dit des dividendes d'un certain pourcentage peut-être ils vont être réalisés et peut-être que non. En tant qu'agent économique, comment peut-on dire à une compagnie - ce serait dans l'entreprise privée et ce serait absolument inacceptable et ce n'est même pas possible de dire c'est l'argent que vous allez chercher en taxes ou en dividendes. On ne le dit pas à Hydro-Québec mais pourquoi le ministre permet-il de se le faire dire?

Quand le ministre des Finances dit on ira chercher 275 000 000 $ dans les poches de la SAQ c'est vraiment une taxe qu'il impose au lieu de dire dans son budget on augmente les impôts ou bien on augmente la taxe de vente, même la taxe sur les cigarettes. C'est un certain pourcentage. On peut dire c'est du luxe car ce n'est pas une nécessité. La boisson c'est un luxe et non une nécessité. On impose une taxe. La population sait le pourcentage qu'elle doit payer.

Vous allez me corriger si je me trompe mais je pense que la SAQ est la seule société d'État où le gouvernement, où le ministre des Finances oblige un certain rendement c'est-à-dire 275 000 000 $. Comment le ministre peut-il accepter cela parce qu'il y aura des conséquences négatives sur l'industrie et sur l'économie. Je cite votre rapport d'activité de 1982-1983 où vousfaites état de l'augmentation des revenus. Curieusement, je pense que c'est le seul endroit, la seule industrie - je ne dirai pas au Québec, mais presque au monde - où les revenus augmentent et le volume diminue.

Quand le volume diminue, M. le ministre, ce sont des gens au Québec qui ne vendent pas leur produit, qui n'augmentent pas leur production. Le volume diminue pour les importations mais il va diminuer aussi éventuellement pour les producteurs du Québec. Il va diminuer pour ceux qui vont embouteiller. Vous voulez leur donner le droit d'embouteiller mais il va diminuer pour les embouteilleurs. L'activité économique va diminuer, l'activité fiscale va augmenter, mais à quel prix?

Est-ce qu'on peut permettre qu'un gouvernement tienne toute une population en otage? C'est ce que vous faites. C'est ce que le ministre fait. Il dit qu'on a ici une population de 6 000 000 d'habitants et qu'on va récupérer 275 000 000 $ de la Société des alcools du Québec.

M. Tremblay: Vous êtes très constant.

M. Ciaccia: Alors votre société est obligée de faire des pirouettes, de faire son possible pour récupérer cet argent. Elle va augmenter les prix. Je ne sais pas ce qu'elle fera aux salaires, mais je pense que la masse salariale a quand même augmenté. Cela va créer des pressions artificielles, non pas des pressions de marché libre. Cela va obliger la société à prendre des mesures qui vont aller à l'encontre d'un développement économique sain.

Je voudrais avoir la réaction du ministre à une telle approche. J'aimerais que le ministre, même le gouvernement adopte la position de dire qu'on va imposer une taxe d'un certain montant et, éventuellement, si la taxe n'est pas aussi élevée que le veut le ministre... Par exemple, prenons la taxe sur l'essence. On avait besoin de beaucoup plus d'argent. Le ministre n'a pas dit à Petrocan, à Imperial Oil et à Esso qu'il avait besoin d'un montant X. Il a imposé une taxe, et c'est honnête. C'est une approche honnête. Nous sommes contre cette taxe parce que c'est quelque chose qui va au détriment de notre économie mais, au moins, l'approche de dire qu'on impose une taxe de 40% est honnête car tout le monde sait que, lorsqu'il achète un litre d'essence, il paie 40% de taxe, mais quand il achète une bouteille de vin, de scotch ou de gin, il ne connaît pas le pourcentage de la taxe. La SAQ s'est fait dire 275 000 000 $. Mais c'est malhonnête. C'est une taxe cachée. C'est une taxe déguisée.

M. Tremblay: M. le ministre, on devrait mettre le...

M. Ciaccia: Je veux avoir la réaction du ministre. Parce qu'on n'a pas tout le temps voulu, je ne voudrais pas citer le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme quand il était chef de l'Union

Nationale, dans l'Opposition. Que disait-il contre la SAQ? Je ne voudrais pas vous citer mais vous étiez dur envers elle. Vous exigiez certaines performances de la SAQ. Je sais que vous ne pouvez pas aller aussi loin que cela. Je le sais parce que, quand on est chef d'un parti de l'Opposition, on peut se permettre certaines déclarations, certaines affirmations, certaines approches qu'on ne peut se permettre comme ministre. Je suis assez réaliste pour le réaliser, mais aller complètement à l'opposé et imposer des profits... Vous étiez dans l'entreprise privée. Est-ce que dans l'entreprise privée on peut dire à une compagnie qu'on lui impose de faire tant de profits? C'est impossible. Si vous avez un exemple, je voudrais bien l'avoir aussi. Quelle autre société d'État se fait imposer le pourcentage de ses profits? S'il n'y en a pas d'autres, je ne vois pas pourquoi, dans ce domaine-ci, la SAQ devrait se le faire imposer.

Quand on parle des ventes, les résultats financiers augmentent. Je peux citer certains commentateurs là-dessus. Même aujourd'hui, dans la Presse, M. Guy Pinard dit qu'il y a près de 500 000 000 $ en taxes payées par la Société des alcools du Québec. Là, vous ne pouvez pas blâmer le gouvernement fédéral; le fédéral ne prend que 144 000 000 $ ou 145 000 000 $.

Une voix: Ce n'est pas marqué, par exemple.

M. Tremblay: Ils sont bien bons.

Une voix: Ce n'est pas marqué sur la facture.

M. Ciaccia: C'est vous qui prenez cela en taxes. Mais si vous voulez le prendre en taxes, dites-le, que ce sont des taxes. N'imposez pas un degré de profit. Je ne vais que citer quelques extraits de l'article de Guy Pinard: "En effet, au cours de l'année financière qui vient de se terminer, le gouvernement du Québec a reçu de la SAQ 495 500 000 $ sous forme de dividendes de la taxe de vente perçue en son nom et des droits perçus sur les ventes aux détenteurs de permis. Il s'agissait là d'une augmentation de 15,2% par rapport à l'an dernier et de 95,8% par rapport à 1974-1975." En 1974-1975, c'était un gouvernement libéral. Pendant ce temps, le gouvernement fédéral touchait, sous formes de droits de douanes, d'accise et de taxes de vente, quelque 144 400 000 $.

M. Tremblay: Des grenailles, des grenailles!

M. Ciaccia: Plus loin dans l'article, on lit: "Les dividendes exigées par M. Parizeau ayant grimpé de 72%, soit de 160 000 000 $

à 275 000 000 $ depuis 1979-1980 - c'est seulement en l'espace de trois ans - 72%. Je pense que c'est le consommateur qui en paie le prix, c'est l'économie qui en paie le prix.

Une voix: Ce n'est pas trois ans.

M. Ciaccia: Les taxes ne sont pas des agents économiques, elles n'aident pas l'économie. Les taxes sont absorbées par le gouvernement pour payer les déficits. Les agents économiques, c'est quand le volume augmente. C'est même dans votre rapport d'activité de 1982-1983.

M. Tremblay: M. le Président, question de règlement. Le député est en train, malgré lui, d'induire la commission en erreur et je ne voudrais pas le laisser aller comme ça.

M. Ciaccia: Voulez-vous mettre mon siège en jeu?

M. Tremblay: Non, non. Je veux juste vous avertir, je sais que vous allez retirer cela. Vous êtes en train de dire que les taxes ne servent qu'à payer les déficits. Dans le budget d'un gouvernement, il n'y a pas que des déficits, il y a autre chose aussi. C'est malgré lui qu'il est en train d'induire la commission en erreur.

M. Ciaccia: M. le Président...

M. Tremblay: II n'a pas dit toute la vérité.

M. Ciaccia: Quand vous avez un déficit de 3 000 000 000 $, je ne sais pas à quoi les taxes servent.

Une voix: Démission!

M. Tremblay: C'est grave, ça!

M. Ciaccia: Elles ne suffisent même pas à payer le déficit. Vous avez un déficit de 3 000 000 000 $. Je n'ai même pas dit tout ce que j'aurais pu dire.

M. Tremblay: Vous avez dit "les taxes". M. Ciaccia: Oui, oui.

M. Tremblay: Vous n'avez pas dit "cette taxe-là", vous avez dit "les taxes".

Vous voyez comme c'est bête? On peut glisser...

M. Ciaccia: M. le Président, je ne serai pas trop long. Je voudrais citer le rapport d'activité pour démontrer que même si les ventes augmentent, le volume baisse. À la page 13 du rapport de la SAQ, pour les ventes de spiritueux en volume, il y a eu une diminution de 8,2%. Les ventes de vin ont enregistré, pour la première fois en 1982-1983, une baisse de volume. Il va venir un moment où les taxes seront "contreproductives" car elles vont réduire l'activité économique. J'aimerais entendre le ministre sur ce point. Puisqu'on parle des propos et des commandes du ministre des Finances, dans son discours sur le budget, à la page 53, on lit ce qui suit: "Les prix de gros de la SAQ seront fixés en appliquant sur le coût des ventes un taux de majoration inférieur de 20 points de pourcentage au taux utilisé pour les mêmes catégories de produits vendus dans les succursales. Cette méthode, basée sur le coût des ventes corrige le défaut du système actuel dans lequel la SAQ distribue à ses partenaires commerciaux 22.5% des majorations utilisées dans la détermination des prix de vente au détail. Je voudrais que le ministre deuxième point - nous explique ce que cela veut dire. Il y a beaucoup de gens qui ne semblent pas comprendre exactement - et quand je dis des gens, ce sont des gens du milieu - qui demandent ce que le ministre des Finances a voulu dire exactement, quelle est la conséquence spécifique de cet aspect du budget. (21 heures)

Dans mes remarques préliminaires, je vais me limiter à cet aspect fiscal. J'ai demandé les commentaires du ministre. Je voudrais savoir comment le ministre accepte cette façon de procéder. En termes de conflit d'intérêts, on va soulever, au fur et à mesure de l'étude du projet de loi, d'autres conflits d'intérêts que nous voyons entre les différents aspects: les relations du ministre avec la SAQ, pas les relations personnelles, la question de votre rôle, le rôle du ministre, le rôle de la SAQ, le rôle de différents agents; aussi on va soulever la question de la réglementation discrétionnaire que le ministre a imposée dans ce projet de loi.

Juste pour faire un autre point sur l'aspect fiscal qui est vraiment une question de fond, on a de la difficulté à accepter ce principe parce qu'il me semble que si vous dites que la SAQ a quatre missions, sociale, économique, fiscale - trois, il me semblait qu'il y en avait une quatrième, c'est trois? -il semble que la seule mission qui a priorité et qui va vraiment mettre de côté les deux autres, c'est l'aspect fiscal. Car si vous pouvez permettre au ministre des Finances de vous commander le montant de dividendes qui va être perçu, je pense qu'il va falloir que la SAQ, de nécessité, laisse tomber, diminue sensiblement les deux autres missions parce que c'est sur celle-là qu'ils vont se concentrer. Je pense que c'est un aspect fondamental du projet de loi.

M. Biron: J'aurais aimé que le député de Mont-Royal, sans lui faire de reproche,

ait été ici sur la fin de l'après-midi, alors que votre collègue d'Outremont s'inquiétait de la mission sociale de la SAQ en disant que si la SAQ faisait en sorte d'augmenter les quantités de vin et spiritueux sur le marché, cela pouvait causer des préjudices à la population québécoise, en particulier à celle qui souffre d'alcoolisme. Bien sûr, il faut un régulateur entre les différentes missions de la SAQ. Même si la Société des alcools payait de la publicité partout, à coût de dizaines de millions de dollars, pour inviter les gens à la modération, cela n'aurait pas autant d'effet qu'une augmentation du prix des spiritueux et du vin. J'ai d'ailleurs moi-même soulevé la question cet après-midi pour votre collègue d'Outremont: on s'aperçoit que lorsqu'on augmente assez le prix du produit, cela agit un peu comme régulateur. C'est exact, parce que cette année, les ventes de spiritueux ont diminué en volume de près de 10%; c'est la plus basse quantité de spiritueux vendus au Québec au cours des cinq dernières années. Cela veut dire qu'en augmentant le prix nous limitons, en quelque sorte, le marché et nous faisons en sorte que la mission sociale de la SAQ soit remplie, en tout cas une partie, parce qu'on limite les quantités de spritueux consommés par les Québécois. La même chose vis-à-vis du vin où on a une légère baisse cette année comparativement à l'an dernier. Il faut aussi présumer que des augmentations de prix ont un effet régulateur sur les quantités de boissons alcooliques consommées par les citoyens et finalement, une partie de la mission sociale est remplie. S'il fallait baisser le prix de 50% demain matin, vous vous imaginez qu'il y aurait beaucoup plus de vin et de spiritueux de consommés à mon point de vue. Il y aurait problème social à quelque part que votre collègue, le député d'Outremont, à bon escient, cet après-midi soulevait.

Dans ce sens, il faut vraiment avoir un équilibre entre la mission sociale et la mission fiscale et aussi la mission économique qui est corrigée par ce projet de loi et qui fait en sorte que finalement, la SAQ deviendra forcément un partenaire économique important pour les onze autres producteurs québécois dans ce sens.

Vous avez mentionné l'aspect fiscal longuement, donc, le rendement fiscal de la SAQ en disant qu'il y aurait peut-être lieu de faire comme sur l'essence, d'imposer une taxe et de dire: Si la taxe n'est pas assez élevée, on l'augmente. Nous avons aussi considéré cette possibilité, M. le député de Mont-Royal, mais c'est beaucoup plus compliqué dans 2200 marques-formats que nous avons présentement, donc une liste de prix de 2200, soit en pourcentage, soit à tant le gallon ou à tant le litre. Finalement, nous avons cru que la méthode la plus efficace et la plus simple pour le ministre des Finances était non pas de décider lui-même qu'il y aurait 1 $ sur une sorte de vin et et 1,25 $ sur une autre sorte et 4 $ sur un spiritueux ou 6 $ etc. La méthode la plus efficace, c'était pour le ministre des Finances de confier la responsabilité aux administrateurs de la SAQ, d'établir d'une façon la plus juste possible en pourcentage vis-à-vis de certains produits la marge fiscale qu'ils devraient prendre sur chacun des produits donnés, mais en arrivant à la fin de l'année pour fournir les impôts nécessaires au gouvernement du Québec. Sur l'essence, je vous rappelle qu'il y a trois ou quatre produits différents. C'est beaucoup plus facile pour le ministre des Finances de contrôler et de décider. Tandis que sur 2200 marques-formats, cela devient déjà plus difficile. Cette façon de percevoir des taxes pour le gouvernement du Québec, c'est la même façon dans toutes les autres provinces canadiennes. On n'a pas innové cela. Tout ce qu'on a fait, on a fait exactement la même chose au Québec que dans les autres provinces canadiennes ou les autres provinces canadiennes ont fait la même chose que le Québec, mais il semble que c'est la façon la plus facile possible et la plus efficace de faire confiance aux administrateurs de la Société des alcools dans ce sens.

La mission économique, vous l'avez mentionné aussi, elle est importante et nous ne voulions pas que la SAQ se comporte comme un monopole à tous les paliers de la production et de la vente. Dans ce sens, au point de vue de la production ou de l'embouteillage, la SAQ devient exactement sur le même pied que tous les autres producteurs québécois. Un état détaillé des activités est fourni chaque année au ministre responsable afin qu'il puisse juger si le rendement de la section embouteillage est au moins un peu profitable et au moins un peu comparable au rendement des autres industries du secteur privé. Là où nous prenons la marge fiscale, c'est au niveau de la SAQ grossiste de première distribution et c'est là qu'il est le plus facile d'ailleurs de la prendre. Les magasins de la société se comporteront comme d'excellents concurrents et de bons concurrents honnêtes pour les épiceries qui, elles, seront mandatées pour vendre à 10 000 points de vente - et c'est beaucoup - et vendre au détail comme aux magasins de la SAQ mais pour la part des épiciers, donner un meilleur service à la population.

Percevoir la marge fiscale, c'est beaucoup plus facile au plan de la SAQ grossiste. Je répète que pour moi il y a vraiment trois entités dans la SAQ ou trois responsabilités d'administration: l'embouteillage ou la fabrication, grossiste de première distribution et détaillant. La première et la dernière fonction sont en compétition avec l'entreprise privée, donc,

doivent avoir des états financiers séparés et ne pas se servir de la marge fiscale du ministre des Finances pour faire la compétition aux entreprises privées. Or, je pense que le projet de loi nous permet de le faire d'une façon efficace et honnête pour nos compétiteurs.

Vous avez aussi mentionné certaines représentations faites aujourd'hui en commission parlementaire. Je vous ferai remarquer qu'il y a eu de nombreuses consultations depuis un an et demi. Vous avez mentionné tout à l'heure M. Pinard, de la Presse, qui a eu d'excellentes critiques depuis un an sur l'attitude du gouvernement vis-à-vis de la Société des alcools et du commerce des boissons alcooliques. Sa critique majeure, au cours des dernières semaines, a été que le projet de loi prenait trop de temps à être adopté et qu'il aurait dû être adopté avant. Cela a pris un peu de temps, c'est exact et je le reconnais, parce que nous avons voulu consulter, reconsulter et "rereconsulter" tous les principaux intervenants dans ce domaine. C'est sûr qu'on n'a pas répondu à 100%, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, aux demandes de ces intervenants, mais on a essayé le mieux possible de respecter la philosophie de départ et le principe qu'on s'était donné. D'ailleurs, l'Opposition a collaboré à l'occasion de l'étude en deuxième lecture en disant: Nous apprécions la direction qui a été prise par le gouvernement dans ce secteur, c'est-à-dire de libéraliser davantage le commerce des boissons alcooliques. Or, on a consulté beaucoup et on a voulu respecter cette question de principe de libéraliser au maximum tout en respectant notre mission sociale et notre mission fiscale et, en même temps aussi, de permettre aux entrepreneurs québécois de vivre le mieux possible ou de s'adapter le mieux possible à cette libéralisation du commerce des boissons alcooliques.

J'assure le député de Mont-Royal qu'on continuera dans l'application de cette loi, comme on l'a fait pour d'autres lois depuis que je suis là, de discuter à fond les problèmes avec les partenaires du secteur privé. Le projet de loi n'est pas voté pour éliminer qui que ce soit mais, au contraire, pour faire en sorte qu'on ait plus de retombées économiques ou le maximum de retombées économiques du commerce des boissons alcooliques au Québec, tout en respectant la mission fiscale et sociale du gouvernement et de la Société des alcools.

De plus, vous avez posé une question qui m'amène aussi sur ce point de libéralisation: les conséquences de l'aspect du budget des 20 points de pourcentage. Autrefois et jusqu'à aujourd'hui, les grossistes et les détaillants avaient une commission sur le prix de détail: 6% du prix de détail pour le grossiste et 16,5% pour le détaillant. Si on accepte le principe de libéralisation, c'est-à-dire la marge brute du grossiste et du détaillant, on ne devrait pas s'en mêler. Si on va jusqu'au bout de la libéralisation, on dit: Cela regarde l'entreprise privée. Ne nous en mêlons pas. Vendons à un prix X au grossiste privé et laissons-le prendre ses 3%, 6% ou 10%, comme il veut prendre. Automatiquement, le marché interviendra et limitera jusqu'à un certain point la profitabilité de l'entreprise. On sait que l'entreprise privée, avec la concurrence, est obligée de se limiter jusqu'à un certain point dans sa marge de profit brut. C'est la même chose pour le détaillant. Pourquoi forcerais-je un détaillant à prendre 16,5% s'il veut prendre 15% ou 20%? Je pense qu'on doit le laisser libre d'ajuster sa marge de profit brut en conséquence de ses coûts d'exploitation. Mais cela, c'était notre première décision, donc, vendre à un prix net à un grossiste de première distribution en lui disant: Nous ne nous occupons pas de ta marge de profit brut d'exploitation. Nous ne voulons pas nous occuper non plus de la marge de profit brut et d'exploitation du détaillant. Mais après avoir discuté avec plusieurs de ces gens, on nous a dit: Mettez au moins un plafond minimal. Qu'on ne puisse pas descendre en bas de quelque chose qu'on juge au moins essentiel parce qu'on a peur que certaines gens pourraient faire des "loss leaders" avec le vin, en quelque sorte un "dumping" pour s'approprier d'autres marchés. Alors, c'est à la suite de ces suggestions qui nous sont venues de l'entreprise privée que le ministre des Finances a fixé à 20 points de pourcentage le minimum de prix de vente sur le marché des boissons alcooliques. C'est-à-dire qu'on force, en quelque sorte, l'épicier et le détaillant à ne pas vendre les vins au prix coûtant, donc, de les vendre au moins avec 20 points de pourcentage sur le prix de gros de la SAQ. (21 h 15)

M. Ciaccia: Voulez-vous, on va prendre un exemple. Suppossons qu'un vin se vend 2 $. L'épicier détaillant, avant cet énoncé dans le budget, l'achetait pour 1,55 $, 22,5% de moins. D'accord?

M. Biron: Oui.

M. Ciaccia: II l'achète 1,55 $. Il le vend 2 $. Certains détaillants sont même obligés - je pense que c'est le cas des dépanneurs qui restent ouverts plus longtemps - de le vendre 2,05 $ pour payer leurs dépenses. Est-ce que cet énoncé dans le budget...

Une voix: On parle du prix de gros.

M. Ciaccia: Est-ce que la même chose existera ou bien si cela voudra dire... L'interprétation de certains est que plutôt

que la bouteille de 2 $ coûte 1,55 $, elle coûtera 1,80 $. Qu'est-ce que c'est exactement? Est-ce que vous nous dites que c'est la même situation qui existera?

M. Biron: Sa bouteille, coûtera la même chose, sauf que le prix de vente est limité à un minimum de 20 points de pourcentage. Il n'y a pas de maximum. Il peut prendre la marge de profit qu'il veut.

M. Ciaccia: Cela veut dire que si on achète une bouteille 1,55 $ de la Société des alcools du Québec, 20%, qui est le minimum qu'elle peut être vendue, sera...

M. Biron: Non, c'est 20 points de pourcentage. C'est considéré sur le prix de gros plus la marge fiscale. Supposons qu'on prenne la moyenne qui est de 100% de marge fiscale, incluant le profit du détaillant et du grossiste de même que les coûts d'exploitation - le profit brut, il faut s'entendre - du détaillant et du grossiste et le coût d'exploitation de la SAQ dans ses magasins de détail. Un vin qui vaut 1 $, on lui ajoute un autre dollar pour la marge fiscale, et les coûts d'exploitation du grossiste et du détaillant d'une part, qui vont au détail, de même que les coûts d'exploitation de la SAQ détail qui sont d'environ 15% ou 16%.

M. Ciaccia: Quel est le changement entre ce que le ministre a dit et la situation actuelle avant cet énoncé? Actuellement, il y a 6% au distributeur et 16,5% au détaillant pour un total de 22,5%.

M. Biron: Exact.

M. Ciaccia: Cela veut dire que l'épicier l'achètera à 22,5% moins...

Une voix: Pas l'épicier, le distributeur.

M. Ciaccia: Le distributeur ou le détaillant.

M. Biron: À l'heure actuelle, le distributeur n'achète pas. Vous verrez les changements dans la loi.

M. Ciaccia: Est-ce que c'est la même situation?

M. Biron: Non. À l'heure actuelle... M. Ciaccia: Quel est le changement?

M. Biron: ...le grossiste n'achète pas. Il est payé à commission, une commission de 6%. Lui, il vend au nom de la Société des alcools à l'épicier et perçoit de l'épicier. La Société des alcools du Québec le paie 6% de même que la SAQ diminue le coût de l'épicier de 16,5%.

M. Ciaccia: Quelle est la nouvelle façon?

M. Biron: La nouvelle de façon de procéder, c'est que la bouteille de vin se vendra le même prix - moins les déductions - au grossiste qui, lui, l'achètera, cela deviendra sa propriété, comme il achète n'importe quelle autre marchandise. Le grossiste Provigo, par exemple, achètera. Il se retournera et revendra à son détaillant au prix qu'il veut, avec la marge bénéficiaire qu'il veut. Il est impossible qu'il garde ses 6%. Selon moi, il gardera 5% ou 6%.

M. Ciaccia: Quel est le minimum?

M. Biron: À l'heure actuelle, le minimum fait en sorte que le détaillant ne pourra pas vendre en bas d'un prix plancher, mais il pourra vendre en haut. C'est-à-dire que nous ne voulons plus donner de commission aux grossistes et aux détaillants. On se dit: Si on vit dans un régime de libre entreprise, vendons à un prix net au grossiste qui, lui, en retour, vendra au prix qu'il veut au détaillant qui, en retour, vendra le prix qu'il veut au consommateur.

M. Ciaccia: En pratique, qu'est-ce qui va arriver aux 6% du grossiste?

M. Biron: En pratique, on prévoit que le grossiste va garder 5% ou 6%, mais il est libre de garder 4% s'il le veut, de même que de prendre 8%; mais s'il prend 8%, son client va chialer, on sait cela d'avance.

M. Fortier: M. le ministre, prenons une chaîne comme Provigo qui est grossiste et détaillant. Mettons-la dans la même boîte pour faciliter la compréhension. À venir jusqu'à maintenant, ils avaient ensemble 22.5%.

M. Biron: Exact.

M. Fortier: Là, maintenant, on a essayé de comprendre le paragraphe qui dit: Le prix de gros de la SAQ sera fixé en appliquant sur le coût des ventes du taux de majoration - c'est le prix de gros de la SAQ - inférieur de 20 points. On parle de 20%, les prix de gros seront fixés en appliquant sur le coût des ventes, ce n'est pas le prix de vente, c'est le coût des ventes. Alors, on parle de 20% qui s'applique à quoi? Le paragraphe qui est ici parle du prix de gros, il ne parle pas du prix de détail.

M. Biron: Non, car le prix de détail, ce n'est pas nous qui allons le fixer.

M. Fortier: Comment expliquez-vous

ce paragraphe qui dit que les prix de gros seront fixés - le prix de gros dans le système actuel, pour la bouteille de 2 $, c'est 1,55 $...

M. Biron: II n'y a pas de prix...

M. Fortier: Ce qu'on essayait d'établir à l'aide de ce paragraphe, pour la même bouteille qui devrait se vendre 2 $, quel est le prix de gros?

M. Ciaccia: Le coût, aujourd'hui, pour une bouteille de 2 $ est 1,55 $.

M. Biron: Exact.

M. Ciaccia: D'après cet article ici, quel sera le prix du détaillant? Le 1,55 $ du grossiste, qu'est-ce qu'il va payer?

M. Biron: À mon point de vue, le prix payé par le grossiste sera sensiblement le même que si le prix était payé aujourd'hui par le grossiste et détaillant. Le ministre des Finances ou la SAQ ajustera sa marge fiscale en conséquence au niveau des SAQ grossistes pour donner au ministre des Finances le montant qu'il exige.

M. Ciaccia: Cela va venir en plus, d'abord. Il ne pourra plus vendre pour 2 $, il ne pourra plus avoir la même marge de profit, il va falloir qu'il vendu plus cher.

M. Biron: Non, parce que cela va être le même prix.

M. Ciaccia: Si c'est la même chose, pourquoi faire un changement dans le budget? Il aurait pu laisser la même chose.

M. Biron: Non, c'est cela que je vous dis, cela sera le même prix, à mon point de vue, sauf que si le détaillant et le grossiste décident de couper le prix, ils auront droit de couper le prix, alors qu'actuellement, ils n'ont pas le droit. C'est juste cela. On se dit, nous, si on vit dans le système de libéralisme économique, arrêtons de garantir des profits à ces gens, qu'ils contrôlent eux-mêmes leurs profits, comme ils font dans le domaine de la bière. Il n'y a personne qui garantit un profit à l'épicier dans ce domaine. Il n'y a personne qui garantit un profit au grossiste sur la distribution de la bière.

M. Ciaccia: II y a garantie d'un profit sur la SAQ, car c'est le ministre qui l'impose. Toutes les autres n'ont pas de garantie de profit et on ne s'en attend pas. Peut-être...

M. Biron: Même la garantie de la SAQ, on ne peut pas dire que c'est un profit, c'est une perception d'impôt.

M. Ciaccia: Peut-être qu'on ne comprend pas, peut-être que mon collègue le comprend mieux que moi, il peut... Moi, je ne comprends pas la différence entre cela. Quelles vont être les conséquences? Quelle est la signification? Vous dites d'après vous, mais d'après le ministre des Finances, qu'est-ce que cela veut dire ce paragraphe?

M. Fortier: M. le ministre, j'aimerais simplement dire que j'avais dit qu'en deuxième lecture on était d'accord sur le principe de la libéralisation et de la commercialisation par système privé, on est d'accord. D'ailleurs, je viens justement de recevoir des copies des télégrammes que vous avez reçus aujourd'hui. Je m'aperçois que la Chambre de commerce du Québec et que l'Association des épiciers en gros, l'Association des détaillants en alimentation, tous ces gens disent: on est d'accord sur le principe, mais... Je comprends pourquoi ils disent cela, ces gens, je ne les avais pas consultés avant de parler en deuxième lecture, ils ont dit la même chose: On est d'accord sur le principe, mais c'est quand on commence à lire les détails que là on ne se comprend plus et ces gens vont jusqu'à dire: Reportez l'adoption du projet de loi en deuxième lecture article par article parce qu'on ne comprend pas et on voudrait comprendre. C'est cela qu'on essaie de comprendre. Je pense bien que la chambre de commerce fait allusion... Vous voulez libéraliser la vente des vins par un système privé, mais vous allez adopter une réglementation tellement compliquée à comprendre que dans le fond, c'est quasiment une antithèse. C'est le système privé, mais c'est une réglementation qui fait qu'on ne se comprend pas entre nous autres.

M. Biron: C'est le dada de la chambre de commerce qui parle toujours de réglementation lorsqu'on en fait de moins en moins de réglementation. Elle ne peut critiquer la réglementation, elle n'est pas faite encore. La seule chose, par exemple, si on vit dans l'entreprise privée, on va respecter les lois de l'entreprise privée. On parle de libéralisme économique, ce n'est pas au gouvernement à garantir des profits aux grossistes et aux détaillants. À mon point de vue, ils feront exactement ce qu'ils font pour n'importe quel autre produit vendu dans leurs épiceries ou leurs entreprises de grossistes. Nous, tout ce qu'on a à faire, c'est de leur vendre à un prix net et leur dire: À compter de maintenant, votre profit, c'est votre affaire. Ce n'est plus notre affaire à nous. Ou on arrête de vivre en libéralisme économique et l'État va dicter ses volontés partout.

M. Ciaccia: Le ministre des Finances vous a sûrement consulté avant d'écrire ce paragraphe? Qu'est-ce que signifie, quelle est la différence entre ce paragraphe et ce qui se produit aujourd'hui? Si vous pouviez me donner un exemple.

M. Biron: D'accord.

M. Ciaccia: Prenez l'exemple du vin qui se vend aujourd'hui 2 $ la bouteille et qui coûte aux détaillants 1,55 $. Au taux d'intérêt de 22,5%, cela revient à 1,55 $. Avec le nouveau budget, quels seront les nouveaux chiffres?

M. Biron: Le chiffre sera de 1,55 $, sauf que le prix de vente n'est plus assuré. Le profit brut de vente n'est plus assuré alors qu'autrefois il l'était. Nous, on dit: II est possible que l'épicier vende à 2 $.

M. Ciaccia: Mais il peut vendre moins cher ou plus cher.

M. Biron: II peut vendre moins cher ou plus cher.

M. Ciaccia: C'est la seule signification?

M. Biron: À l'heure actuelle, oui, sauf qu'il ne peut pas vendre à moins de 20 points de pourcentage. Il ne peut pas vendre moins de 1,80 $. C'est le minimum. Il pourra vendre 2 $ ou 2,25 $ ou n'importe quel prix. Il y a un plancher pour dire que le détaillant ne pourra pas couper le prix pour en faire un "loss leader".

M. Ciaccia: II peut aller aussi bas que 1,80 $?

M. Biron: II peut couper jusqu'à 1,80 $ et si cela ne rapporte pas assez au ministre des Finances, ce qui va arriver, c'est que toute la série de vins va être augmentée à 1,60 $, c'est tout, autant pour le magasin de la SAQ que pour le détaillant ou le grossiste et le détaillant ensemble.

M. Ciaccia: Si je comprends bien...

M. Biron: II n'y a plus de profit garanti.

M. Ciaccia: ...l'achat va être le même: 1,55 $. Mais, au lieu d'être obligé de vendre à 2 $, il peut vendre à 1 80 $ jusqu'à... plus.

M. Biron: Plus. En pratique, ce qu'on prévoit, c'est que le prix de vente va être sensiblement le même. Mais, c'est fort possible qu'à cause de la concurrence dans certaines régions du Québec, le prix de vente descende à 1,80 $.

M. Ciaccia: Quand vous avez dit que l'une des raisons pour lesquelles le projet de loi est retardé - vous le déposez à la fin de mai ou au début de juin, juste avant le 1er juin - c'est que vous aviez été obligé de consulter certains organismes. Est-ce que vous avez consulté effectivement l'Association des épiciers en gros, l'Association des détaillants en alimentation, Collabore et le Comité des vins?

M. Biron: Je n'ai pas été obligé de consulter, je me suis cru obligé de consulter. Et, j'ai consulté beaucoup depuis un an et demi. Je pense qu'il n'y a pas un projet de loi où il y a eu autant de consultations avec les différents intervenants. D'abord, avant de présenter mon mémoire au Conseil des ministres sur le principe. Deuxièmement, après avoir fait accepter le principe de libéralisation au Conseil des ministres, j'ai fait encore une autre consultation complète et j'ai consulté à plusieurs reprises ces gens-là pour savoir comment ils voyaient l'application du principe. Et, en fonction de tout cela, on est arrivé aujourd'hui avec ce projet de loi. Ils ont tous été consultés.

M. Ciaccia: Les quatre associations que je vous ai mentionnées ont-elles été consultées?

M. Biron: Oui.

M. Ciaccia: Pourquoi aujourd'hui vous enverraient-elles un télex dans le but d'être entendues avant de voter la loi?

M. Fortier: Ces différents intervenants sont bien clairs dans le texte du télex: "Aucune des associations n'a été consultée de façon formelle sur le texte du projet de loi et encore moins sur le règlement".

M. Biron: Je n'ai pas déposé le texte du projet de loi entre les mains des associations avant de le déposer en Chambre entre les mains des parlementaires y compris l'Opposition. Vous m'auriez critiqué si je l'avais fait et avec raison. En fait, le projet de loi traduit exactement le résultat de nos consultations. Il est sûr qu'on ne peut pas accepter leurs recommandations à 100%. Si on nous dit: On libéralise le commerce et en même temps on dit: Garantis-nous notre profit, cela je ne suis pas capable de le faire. Ou on accepte un principe ou non. Une fois que le principe est accepté et qu'on s'en va dans une direction, je pense qu'on ne s'en ira pas dans une autre direction pour une partie du projet de loi. Autrement, vous allez critiquer et avec raison. Alors, on essaie d'être le plus logique possible avec un principe qui est d'ouvrir la concurrence au secteur privé et lui permettre d'occuper la place qu'il veut occuper ou qu'il peut

occuper, considérant le marché. (21 h 30)

M. Fortier: Mais, de toute évidence, en lisant les télégrammes des trois ou quatre associations, dont vous avez eu copie, ce qui les inquiète beaucoup, c'est la réglementation. D'ailleurs, les parlementaires, comme vous le savez, sont tous très inquiets de toutes les recommandations et de toutes les lois. Un comité spécial étudie en particulier ce problème, mais il est bien évident que dans le présent cas, la réglementation définira, de façon très précise, l'intention du projet de loi. Surtout dans un domaine économique comme celui-là, qui subit l'impact du ministre des Finances par la ponction fiscale dont mon collègue de Mont-Royal a discuté, ces personnes se posent des questions à savoir quelles seront les conséquences.

Même si vous leur avez peut-être dit, privément, quelles étaient... Vous avez mentionné, dans un communiqué de presse, certaines déclarations ou intentions en ce qui concerne la réglementation. Ces personnes ne la connaissent pas. Jusqu'à maintenant, elles ont vécu un système et je ne pense pas qu'on puisse reprocher aux gens qui ont vécu dans un système qui a été voulu par le gouvernement de se poser des questions et d'être inquiets d'une nouvelle façon de procéder. Même s'ils sont d'accord avec le principe, ils aimeraient bien maintenant connaître la réglementation, qui est très discrétionnaire par définition. C'est le gouvernement qui décrète les conditions. Vous nous dites que l'interprétation de la déclaration du ministre des Finances est telle et telle... Vous dites que c'est votre interprétation.

Les gens disent que ce n'est pas clair. C'est loin d'être clair. Je le lis d'une certaine façon. Je veux bien prendre votre parole, mais il reste que c'est loin d'être clair. Vous avez bien soin de dire que c'est votre interprétation en tant que ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. On n'a pas ici l'assurance, parce que le ministre des Finances n'est pas présent, que c'est son interprétation. Il reste toutefois que les gens qui bénéficieront du système, en particulier les grossistes et les détaillants, se posent de nombreuses questions et disent qu'ils aimeraient bien être entendus avant que le projet de loi soit adopté, article par article.

C'est ce qui m'inquiète un peu. Comme lorsque le gouvernement adopte un projet de loi favorable à un secteur de l'industrie, normalement, les seuls télégrammes reçus auraient du être des messages de félicitations disant: "Merci beaucoup, c'est exactement ce que nous demandions". Mais, présentement, les télégrammes indiquent une certaine inquiétude, une certaine nervosité, puisque les personnes concernées se rendent bien compte que les modalités idéales, que vous avez définies dans votre discours de deuxième lecture, ne se répercuteront dans la réalité qu'autant que le gouvernement, ou le Conseil des ministres, et le ministre des Finances, qui a un poids considérable, comme mon collègue de Mont-Royal l'a signifié, approuvent les règlements que le ministère développera. Alors là, c'est toute la concurrence qui existe entre la mission fiscale et la mission économique. C'est ainsi qu'on peut constater que la mission fiscale peut avoir un impact considérable sur la mission économique. On ne peut pas reprocher à ces gens, compte tenu du poids que détient le ministre des Finances jusqu'à maintenant, d'être inquiets du résultat final de l'opération. Je comprends qu'ils veuillent être entendus pour faire valoir certains points de vue.

Un moyen de corriger leurs appréhensions ou plutôt une suggestion que je ferais serait que, même sans attendre les résultats de la commission spéciale du député de Trois-Rivières et du député de Westmount, qui travaillent sur les questions de la réglementation, le ministre s'engage, pour régler ce dilemme, à faire accepter par le cabinet une clause dans le projet de loi qui stipulerait qu'il ne sera pas adopté tant et aussi longtemps que la réglementation ne sera pas déposée en commission parlementaire. À ce moment-là, il n'y a aucune difficulté, on pourrait procéder à l'étude du projet de loi. Nous pourrions éventuellement étudier la réglementation plus en détail et si vraiment c'est aussi clair et limpide que le communiqué de presse du ministre, je ne crois pas que nous aurions des difficultés. Si les prix de gros sont exactement tels que l'a mentionné le ministre, il n'y aura aucune difficulté.

Je pense bien qu'on doit comprendre que le secteur privé, qui aura à vivre avec certaines décisions, s'inquiète de celles qui ne sont pas sous le contrôle du ministre. C'est difficile, à ce moment-ci, de s'en tenir à la parole du ministre parce qu'on sait qu'un autre ministre a toujours été très important à la Société des alcools du Québec et que la réglementation doit finalement être approuvée par le cabinet. Conséquemment, je comprends les appréhensions qui existent. C'est donc la raison pour laquelle je prétends qu'il serait peut-être possible, sans surseoir à l'adoption du projet de loi, de donner raison quand même à ces gens du secteur privé qui bénéficient du nouveau projet de loi en lui ajoutant un article qui demanderait que la réglementation soit déposée et discutée en commission parlementaire.

M. Biron: M. le député d'Outremont, je peux vous donner la garantie qu'avant que la réglementation finale soit déposée et adoptée par le Conseil des ministres, je vais rencontrer chacun des groupes encore une

fois pour discuter avec eux du ou des points qui les inquiètent un peu. À mon sens, à la lecture de ce télégramme, il y a un seul point qui les inquiète. Ils disent: Libéralisez, mais protégez-nous. C'est un peu incomplet ou, en tout cas, contraire. Ce sont deux paradoxes. Il faut absolument, à mon point de vue, si nous libéralisons, dire: Vous allez jouer le jeu de l'entreprise privée comme vous le jouez pour tout le reste et vous déciderez vous-mêmes de la marge de profit brut que vous désirez. Mon collègue, le ministre des Finances, a fait un bout de chemin dans leur direction en disant: On va quand même limiter à un prix plancher le prix de vente dans vos épiceries. Quant à moi, mon choix aurait été de libéraliser complètement et dire à l'entreprise privée: J'ai confiance en votre jugement pour ne pas vendre trop bas ou en dessous du prix coûtant. C'est un peu ridicule lorsque vous pouvez faire un profit brut raisonnable à la fois pour vos commerces de grossiste ou pour vos commerces d'épicerie... C'est le point qui les inquiète, mais je pense qu'il faut leur donner l'assurance morale qu'ils auront eux-mêmes à décider. Et c'est ce que je m'attends de faire vis-à-vis d'eux.

M. Ciaccia: M. le ministre, vous ne trouvez pas qu'il est un peu difficile de demander à l'industrie de jouer le jeu de l'entreprise privée quand la SAQ ne le joue pas?

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, la SAQ va jouer le jeu de l'entreprise privée à la fois avec la section de l'embouteillage et la section de la vente au détail. Seule la section SAQ grossiste, qui est un agent de perception de marge fiscale pour le gouvernement, a bien sûr un rôle à remplir comme percepteur de marge fiscale. Elle perçoit la taxe et elle la remet au gouvernement.

M. Ciaccia: Ne soyons pas naïfs. Il y a plus que cela. Il y a le fait que vous êtes producteur, distributeur, que vous faites l'embouteillage. C'est vous qui fixez certains prix, c'est vous qui allez déterminer les inventaires dans les magasins, c'est vous qui déterminez quels produits vont être vendus dans les épiceries, quels produits vont être vendus à la SAQ.

M. Biron: Ce n'est pas vrai.

M. Ciaccia: Ne me dites pas que la SAQ est une entreprise privée. Voyons! Vous faites imposer par le ministre un certain profit. Seulement ce point-là vous met à part de l'entreprise privée. N'essayez pas d'avoir deux poids, deux mesures en disant: II ne faut pas que les entreprises privées nous demandent certaines choses. La raison pour laquelle elles vous demandent ces choses-là, c'est parce qu'il y a des règlements, des conditions que la SAQ impose, qui les obligent à vous demander cela. Il y a deux poids, deux mesures. Si c'était l'entreprise privée libre, je serais d'accord avec vous. Écoutez, on n'est pas ici pour encourager des monopoles et encourager des situations artificielles. D'un côté, vous l'avez, la situation artificielle et à eux, vous dites: Non, non, comportez-vous...

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, lorsque vous dites qu'on va obliger l'épicier à garder tel ou tel produit, à faire telle ou telle étagère, j'ai dit, avant le souper, à votre collègue, que ce n'est pas vrai...

M. Ciaccia: Je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas dit cela.

M. Biron: Tout ce que nous faisons maintenant...

M. Ciaccia: Je n'ai pas dit cela.

M. Biron: ...c'est que nous disons: À l'heure actuelle, l'épicier est obligé de prendre deux marques sur trois de chacun des producteurs. Ce qu'on enlève par la loi, c'est l'obligation de prendre deux marques sur trois. Vous avez le choix.

M. Ciaccia: Je vais vous arrêter tout de suite. Est-ce que l'épicier a le droit de vendre ce qu'il veut?

M. Biron: Oui.

M. Ciaccia: Non, vous le limitez. Il y a certains produits qu'il n'a pas le droit de vendre.

M. Biron: Non. L'épicier...

M. Ciaccia: Je vais vous donner un exemple.

M. Biron: Voulez-vous, on va terminer cela? L'épicier a le choix parmi cinq marques de produits québécois fabriqués ou embouteillés par chacun des producteurs, pour la première année...

M. Fortier: Est-ce qu'il y a moyen d'ajouter notre mot?

M. Ciaccia: Ce n'est pas l'entreprise libre. Vous le limitez.

M. Biron: Laissez-moi terminer. Pour la première année, il a le choix entre cinq marques de chacun des producteurs. Donc, 55 plus 15 de la SAQ, soit un choix de 70 marques. Pour la deuxième année, M. le député de Mont-Royal, l'épicier a le choix

entre 10 marques de chacun des producteurs, donc 110 plus 15 de la SAQ, pour un total de 125 marques. La troisième année, il a le choix parmi toute la gamme de produits fabriqués par les embouteilleurs ou les fabricants québécois. C'est complètement libre, sauf que les deux premières années, pour protéger les plus petits de nos fabricants et de nos embouteilleurs, on n'a pas le droit d'ouvrir complètement. Il faut leur donner le temps de s'ajuster en fonction de la nouvelle loi. Je pense qu'on a été tout simplement raisonnable sur ce point en donnant deux ans aux fabricants québécois pour s'ajuster en conséquence. Au bout de deux ans, l'épicier est totalement libre de choisir n'importe quel vin embouteillé ou fabriqué au Québec.

M. Ciaccia: Est-ce que l'épicier va avoir le droit de vendre les vins qui sont embouteillés au Québec, mais qui proviennent de l'extérieur du Québec, qui sont identifiés par une aire géographique.

M. Biron: Non.

M. Ciaccia: Ce n'est pas l'entreprise privée.

M. Biron: L'épicier va avoir...

M. Ciaccia: Vous avez le droit de les vendre, par exemple...

M. Biron: L'épicier va avoir le droit... Écoutez un petit peu, M. le député de Mont-Royal. Cela est notre responsabilité économique et je ne suis pas intéressé à perdre des emplois au Québec et à les exporter en France, en Italie, en Espagne, au Portugal ou n'importe où à travers le monde...

M. Ciaccia: Vous les vendez. La SAQ les vend.

M. Biron: Mais les emplois...

M. Ciaccia: La SAQ les vend ces produits-là.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, les emplois que nous visons, nous voulons les assurer au Québec. Nous voulons en faire davantage. C'est dans ce sens-là que l'épicier sera libre de choisir des vins de marque québécoise, embouteillés au Québec par des fabricants québécois.

M. Ciaccia: Avec ce raisonnement, la SAQ ne devrait pas vendre de ces vins non plus. Si vous voulez encourager l'entreprise québécoise, pourquoi faire deux poids deux mesures en disant aux épiciers qu'ils ne peuvent pas vendre ces vins quand la SAQ pourra les vendre? Ce n'est pas la raison. C'est parce que vous voulez - soyons honnêtes et réalistes - protéger toutes les SAQ qui vendent ces produits parce que si vous donniez le droit aux épiciers de vendre les mêmes produits, il se pourrait que les ventes de la SAQ baissent. C'est cela l'entreprise libre.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, est-ce que je peux vous dire qu'il y a 350, exactement 360 magasins de la SAQ? Il y a tout près de 10 000 points de vente d'épiciers au Québec. Ce n'est pas du tout la même chose. Le magasin de la SAQ, c'est un certain service qu'on donne dans un grand arrondissement à la population québécoise de pouvoir s'approvisionner en spiritueux, d'abord, parce qu'ils ne sont pas vendus ailleurs, en vin importé d'une certaine qualité et en vin de table comme il y en a partout, chez tous les épiciers. Les gens ne vont pas exprès à la SAQ pour du vin de table, ils vont à la SAQ pour autre chose. Le gouvernement, en tant que responsable d'une société d'État, doit donner un certain service à la population, et pour cela il utilise ses 360 magasins de la SAQ. Quant au grand marché de tout le monde, c'est la liberté complète dans deux ans pour l'épicier d'acheter du vin produit au Québec. Encore là, ma responsabilité économique est d'assurer des emplois et d'assurer une certaine marge de manoeuvre financière aux entreprises québécoises.

M. Ciaccia: Vous essayez de justifier quelque chose par de mauvaises raisons. Les épiciers vendent 25% des vins...

M. Fortier: Ce sont les dépanneurs. M. Biron: 35%. M. Ciaccia: 35%.

M. Biron: On prévoit qu'en améliorant la qualité des vins, cela pourra augmenter un peu. Je vous rappelle, M. le député de Mont-Royal, que le gouvernement du Parti québécois a été le seul gouvernement et le premier dans le fond à donner la permission de vendre du vin dans 10 000 points de vente au Québec. Avant, les gouvernements libéraux, ceux de l'Union Nationale ou des conservateurs - sans les blâmer - n'ont jamais voulu vendre le vin et les spiritueux en dehors des magasins de la Société des alcools du Québec.

M. Ciaccia: Oui, c'est M. Rodrigue...

M. Biron: L'étape de la libéralisation de la vente des boissons alcooliques au détail a été franchie, et grandement, par le gouvernement actuel. Vous devriez le

reconnaître.

M. Ciaccia: Oui, c'est Rodrigue Tremblay qui a introduit ce projet de loi. Je m'en souviens.

M. Fortier: Comme le disait mon collègue, Reed Scowen, toute libéralisation est bienvenue.

M. Ciaccia: La seule chose qui ne va pas, c'est quand vous essayez de justifier le fait que ce sont les règles de l'entreprise privée qui s'appliquent. On n'en discutera pas durant toute la soirée mais vous savez comme moi que ce ne sont pas les règles de l'entreprise privée. Vous avez des raisons spécifiques. Vous mettez des restrictions aux épiciers que vous n'avez pas vous-même.

M. Biron: Pas sur les vins de table de marque québécoise.

M. Ciaccia: Mais sur les autres vins.

M. Biron: Ah! Parfait! Parce qu'on ne veut pas laisser vendre des spiritueux partout, parce que votre collègue d'Outremont va se fatiguer...

M. Ciaccia: Les vins, même les vins. Non, non, pas les spiritueux, les vins. Les vins qui sont embouteillés au Québec. C'est une recommandation qui vous a été faite par...

M. Biron: ...les agents de promotion. Votre collègue en a parlé avant le souper, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: La fédération du Québec des représentants de vins et spiritueux. Ils vous ont fait la recommandation de pouvoir vendre dans les épiceries tous les vins qui sont embouteillés au Québec. (21 h 45)

M. Biron: Ils ont le droit de le faire.

M. Ciaccia: Sauf pour ceux qui sont...

M. Biron: Sauf qu'ils doivent avoir des marques québécoises. Le profit de marque est important là-dedans. Si on veut conquérir des marchés à l'extérieur du Québec il faut protéger nos producteurs.

M. Ciaccia: Je veux juste revenir sur un point et après j'attaquerai un autre problème que nous voyons. J'avais mentionné qu'il y avait quatre missions et il y en a effectivement quatre. Il y a les missions commerciale, fiscale, économique et sociale. Je comprends que le ministre essaie pour la solidarité ministérielle de justifier ce que le ministre des Finances fait. Quand vous nous dites que cela fait partie de l'aspect social, de vous imposer des profits, parce que cela réduit la consommation, je pourrais peut-être vous croire si la consommation au moins était au même niveau que l'accroissement de la population. Vous voyez que la population augmente et que la demande baisse; mais encore pis que cela, les profits de la Société des alcools du Québec augmentent d'une façon spectaculaire. La seule raison c'est que vous imposez une taxe déguisée -pas vous mais le ministre des Finances - qui va chercher 500 000 000 $ au Québec dans la poche des consommateurs. Pour l'année 1975, 494 000 000 $...

M. Biron: 275 000 000 $.

M. Ciaccia: 275 000 000 $ seulement en dividendes, à part toutes les autres taxes. Je n'achète pas l'argument que cela fait partie de l'aspect social. Je ne pense pas que le ministre des Finances soit vraiment intéressé à l'aspect social. Il y a des déficits et il faut qu'il les comble.

Maintenant, je voudrais revenir à une autre question.

M. Biron: Sur ce point-là, M. le député de Mont-Royal, juste pour votre information... Vous dites que cela a augmenté rapidement. Vous avez cité tout à l'heure un article de M. Pinard, de la Presse, qui parle de 1979-1980. Il faudrait peut-être noter qu'en 1979-1980 il y a eu une grève à la SAQ et que les magasins ont été fermés passablement longtemps. C'est ce qui a fait baisser la marge fiscale remise au gouvernement. En 1978-1979, ce n'est pas 160 000 000 $, mais 215 000 000 $. Si vous partez de 1978-1979, à 215 000 000 $, et que vous y mettez l'indexation pour l'inflation vous arriverez, en 1982-1983, à 315 000 000 $ que la SAQ aurait dû donner au gouvernement alors qu'elle n'a donné que 275 000 000 $. On doit dire que de ce côté-là le ministre des Finances a pris moins que l'inflation comme marge bénéficiaire fiscale de la SAQ.

Prenez donc la page 10 en bas. Vous avez, en 1978-1979, 215 000 000 $ de dividendes; en 1979-1980 vous en avez 160 000 000 $ à cause de la grève et, en 1980-1981, vous avez 203 000 000 $ - ce sont les résultats de la grève qui se continuaient - pour revenir, en 1981-1982, à 225 000 000 $ et 275 000 000 $.

M. Ciaccia: Cela ne change pas le raisonnement.

M. Biron: Oui.

M. Ciaccia: Je n'ai même pas cité les 160 000 000 $.

M. Biron: Vous avez cité, en lisant tout

à l'heure l'article de M. Pinard, 16D 000 000 $.

M. Ciaccia: Mais cela ne change pas le raisonnement que cela a augmenté de 215 000 000 $ à 275 000 000 $.

M. Biron: C'est moins que...

M. Ciaccia: II y a eu une augmentation sur le volume des ventes mais une baisse sur la vente des produits.

M. Biron: Ce que je vous dis, M. le député de Mont-Royal...

M. Ciaccia: Cela ne change pas le raisonnement.

M. Biron: Oui, cela change parce que de 215 000 000 $ à 275 000 000 $, en cinq ans, c'est moins que l'inflation. Lorsque vous dites que le ministre des Finances s'est enrichi aux dépens du monde, c'est moins que l'inflation. L'inflation était plus que cela. Si vous comptez seulement 10% d'inflation par année, vous arrivez autour de 315 000 000 $.

M. Ciaccia: Je pourrais accepter votre raisonnement si le volume était resté le même, mais il a baissé. Ne me parlez pas d'inflation avec le volume qui baisse. Prenez en considération la baisse de volume. Voyons! Si vous vendez moins de produits et que vous avez plus de profits, ne dites pas que 215 000 000 $ à 275 000 000 $ c'est seulement l'inflation. Votre raisonnement serait exact si le volume avait été maintenu. Quand le volume baisse c'est plus que l'inflation.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, voulez-vous prendre à la page 9, la cinquième ligne en haut de la page, où vous avez les ventes totales en millions de litres. Alors, 90 400 000 litres en 1978-1979 et 90 100 000 en 1982-1983, c'est exactement la même chose ou presque. Pendant ce temps-là, la marge fiscale a augmenté de 215 000 000 $ à 275 000 000 $, donc moins que l'inflation. Vous allez bien reconnaître que le gouvernement du Québec a pris moins que l'inflation sur le profit fiscal de la SAQ. Là-dessus, vous devriez faire une motion de félicitations à l'endroit de mon collègue, le ministre des Finances.

M. Ciaccia: Non, parce que vous avez augmenté de 577 000 000 $ à 787 000 000 $, dans les ventes nettes.

M. Biron: En dollars. M. Ciaccia: En dollars.

M. Biron: Mais regardez la quantité.

M. Ciaccia: Et la quantité est restée la même.

M. Biron: Exact.

M. Ciaccia: Alors, ne me parlez pas d'inflation. Vous pourriez parler d'inflation si les quantités avaient augmenté.

M. Biron: Vous venez de dire le contraire, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Bien oui, mais elles ont même diminué.

M. Biron: Je pense que vous devriez peut-être changer d'article.

M. Ciaccia: Elles ont même diminué de 90 400 000 à 90 100 000. Elles ont diminué. Le volume a diminué. Il n'est pas resté le même.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, je pense que la commission parlementaire de l'énergie et des ressources vous a affecté un peu. Vous étiez plus brillant que cela la dernière fois que je vous ai vu en commission parlementaire.

M. Ciaccia: Non, non. Regardez l'évolution des ventes à la page 11.

M. Tremblay: L'inflation fait augmenter le volume.

M. Ciaccia: Regardez l'évolution des ventes totales en millions de dollars...

M. Tremblay: C'est fort:

M. Ciaccia: ... de 1978-1979 à 1982-1983.

Une voix: C'est l'inflation.

M. Ciaccia: Regardez le volume qui a diminué. Le volume n'a même pas été maintenu, il a diminué.

M. Biron: M. le député, regardez donc les chiffres de la SAQ. Les chiffres sont de 90 400 000 en 1978-1979 et de 90 100 000 en 1982-1983, en volume. Le volume est exactement le même. Les sommes payées au gouvernement sont moins que l'inflation. Donc, la performance fiscale s'est améliorée de la part du ministre des Finances. Il a été beaucoup moins gourmand que vous le prétendez et que l'inflation.

M. Ciaccia: Est-ce exact?

M. Biron: Bien sûr que c'est exact. On

devrait peut-être donner un cours à votre recherchiste.

M. Tremblay: C'est parce qu'il est pris dans des problèmes d'inflation du volume.

M. Biron: Ce qui est arrivé, M. le député de Mont-Royal, c'est que la vente totale des spiritueux - vous avez raison - a diminué de 34 000 000 $ à 27 900 000 $, tandis que les vins, en vente totale, ont augmenté de 54 000 000 $ à 60 000 000 $. Les ventes de spiritueux ayant diminué, il est sûr que cela change pour beaucoup dans les chiffres de vente, mais les chiffres de vente sur le vin ont augmenté.

M. Fortier: À ce sujet-là, seulement pour expliquer la différence que cherche mon collègue de Mont-Royal, lorsqu'on parle des ventes, lorsque les journaux font état des pertes de vin dues à une mauvaise manutention, etc., est-ce que ceci se retrouve dans les ventes ou si cela se retrouve dans les dollars? J'imagine que les dollars paient pour les volumes de vin qui ont été gâtés par une mauvaise conservation.

M. Biron: Cela entre dans le coût des ventes. C'est-à-dire que ce n'est pas dans les dollars de vente, c'est dans les coûts d'exploitation.

M. Fortier: Est-ce que les chiffres qui sont là représentent les ventes réelles ou si...

M. Biron: Les ventes réelles faites dans les magasins et dans les épiceries.

M. Fortier: Les pertes entrent dans les coûts d'exploitation.

M. Biron: Les coûts des ventes.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on peut revenir un instant sur les chiffres de 1978 à 1982, que vous citiez? Vous dites que le taux d'inflation... Si vous regardez les chiffres par rapport à l'année 1974-1975...

M. Biron: Ah! Je n'ai pas ces chiffres-là.

M. Ciaccia: ...il y a une augmentation de 95,8%. C'est plus que l'inflation. Mais c'est le principe auquel je m'attaque. Le principe qu'un ministre des Finances puisse vous dire que, cette année, c'est X dollars que vous devrez lui donner.

M. Fortier: Indépendamment du marché.

M. Ciaccia: Indépendamment de ce que le marché sera. C'est sur ce principe. Je n'ai pas mis en doute les pourcentages d'augmentation à savoir si c'est l'inflation, quoique, de 1974 à nos jours, c'est plus que l'inflation.

M. Fortier: Ils devraient nous féliciter pour...

M. Ciaccia: Même, vous devriez nous féliciter de porter cela à votre attention et de vous donner des arguments à transmettre à votre ministre des Finances. Il s'en vient un peu gourmand, votre ministre des Finances. En 1982-1983, il va vouloir 335 000 000 $.

M. Biron: Mais je vous dis que sa performance...

M. Ciaccia: Si le volume continue de diminuer et qu'il veut 335 000 000 $ et 275 000 000 $, que va-t-il arriver à votre industrie? Soyez donc réaliste.

M. Biron: Je peux vous dire...

M. Ciaccia: L'inflation a maintenant diminué. Vous voulez parler d'inflation, je vais en parler. Vous augmentez pour une année de 275 000 000 $ à 335 000 000 $. Or, le taux d'inflation vient de baisser, il est beaucoup moindre à 10%, peut-être 7% ou 8%. Qu'est-ce qui va arriver au taux d'inflation quant au montant exigé par le ministre avec la baisse de volume de 8%?

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, vous devriez au moins noter la performance extraordinaire de 1978-1979 à 1982-1983. Pour 1983-1984, si vous voulez, on le regardera ensemble un peu plus tard. Pour le moment, essayons de faire la marge fiscale nécessaire au gouvernement du Québec.

M. Ciaccia: Ce n'est pas cela, la question. La question, c'est le principe. Pouvez-vous me donner l'exemple d'une autre société d'État dont le ministre exige tel profit? Pouvez-vous m'en citer une?

M. Biron: Voulez-vous vous enquérir auprès de toutes les autres provinces canadiennes? C'est exactement la même chose.

M. Ciaccia: Non, non, laissez faire les autres provinces. Quand ça fait votre affaire, vous y référez.

M. Fortier: C'est un statut particulier.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, on n'exige pas un profit de la SAQ, on exige de la SAQ qu'elle perçoive, en tant que percepteur d'une certaine marge fiscale pour le gouvernement, une marge fiscale décidée par le gouvernement, comme n'importe quelle

autre société d'État des autres provinces canadiennes qui s'occupent aussi, en même temps, de vente et de distribution ou d'embouteillage de boissons alcooliques. C'est exactement la même chose.

M. Ciaccia: Je m'étonne de ce principe. Je me demande si les autres provinces canadiennes exigent un montant fixe de profit. De 1976 à 1977 - vous parlez de 1979 et de 1980 - vous avez eu une augmentation de 103 000 000 $. Si vous regardez 1983-1984, avec vos 335 000 000 $, c'est le double de dividendes avec une baisse de volume. Au moins, n'essayez pas de le justifier. Dites plutôt que vous allez faire des représentations auprès du ministre des Finances pour qu'il soit plus raisonnable et qu'il n'exige pas des montants si énormes.

Quand vous dites que vous ne pouvez pas fixer des taxes, je ne suis pas d'accord avec vous. Si on a le temps, plus tard, on discutera de la question de la majoration fiscale et de la majoration commerciale. Vous pourriez fixer un montant et on saura quelle est votre augmentation commerciale et votre augmentation fiscale. Comme cela, on saura le montant des taxes et le montant de profit commercial. Mais vous ne le faites même pas.

M. Biron: Le profit commercial, c'est quelques millions de dollars, pas plus que cela, alors que le profit fiscal est là, il est demandé par le ministre des Finances chaque année.

M. Ciaccia: C'est une taxe déguisée.

M. Biron: II ne faut pas se dire que c'est un surprofit que la Société des alcools fait; elle perçoit des taxes selon un niveau décrété par le ministre des Finances.

M. Ciaccia: J'ai parlé tantôt de conflit d'intérêts. J'en vois un entre la mission fiscale et toutes les autres missions. Il y a priorité. Est-ce que vous ne voyez pas - ce n'est pas quelque chose de personnel, c'est quelque chose d'institutionnel, je ne parle pas de vous personnellement - un conflit d'intérêts entre un ministre...

M. Fortier: Le pouvoir discrétionnaire.

M. Ciaccia: ...qui a un pouvoir discrétionnaire, comme cette loi vous en donne un - vous allez avoir un pouvoir discrétionnaire dans la réglementation - et le rôle du même ministre dans une campagne de financement? Remarquez bien que cela n'a rien à voir avec vous personnellement. Ce serait un autre ministre que je lui poserais la même question. C'est le rôle du ministre qui a le pouvoir discrétionnaire d'après la loi et c'est le même ministre qui est chargé de faire une campagne de financement pour le parti politique qu'il représente.

M. Biron: II n'y a pas de pouvoir discrétionnaire accordé au ministre dans cette loi. Vous n'avez peut-être pas eu le temps de lire la loi.

M. Ciaccia: J'ai eu le temps de la lire.

M. Biron: II n'y a pas de pouvoir discrétionnaire dans cette loi, il y a un pouvoir pour le ministre responsable de donner des directives ou de faire adopter des règlements par le Conseil des ministres. Mais le ministre lui-même n'a aucun pouvoir discrétionnaire. (22 heures)

M. Ciaccia: Ce ministre a des décisions à prendre.

M. Biron: Les décisions que le ministre a à prendre ne s'adressent pas directement à l'une ou à l'autre entreprise. La décision de principe, c'était d'abord de décider si on ajoutait d'autres permis d'embouteillage ou de producteur. On a décidé que l'on n'en ajoute pas d'autres et il y a assez de capacité de production. Cela aurait pu décider d'ajouter un ou deux permis et là vous auriez peut-être pu dire: II y a eu une discrétion dans ce sens. On a pris une situation de facto, nous allons conserver cette situation. Après cela, c'est de donner des directives à la SAQ, mais ce ne sont pas des directives qui disent à la SAQ: Tu vas acheter de tel agent ou de tel fournisseur. La SAQ est totalement libre d'administrer de la meilleure façon possible les achats et les ventes, particulièrement les achats de la société. Il n'y a aucun pouvoir discrétionnaire du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme dans cette loi.

M. Ciaccia: Dans la réglementation, il y a une certaine discrétion. On en a signalé une, la question de la marge de profit. C'est toujours comme une épée de Damoclès que vous pourriez tenir sur certains agents dans cette industrie. L'article 35 lui-même de la loi dit: Les permis peuvent être suspendus ou révoqués pour cause par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme... C'est vrai, on dit: pour cause. Mais dans la réalité des choses, vous pourriez essayer de faire une défense qu'il n'y a pas de pouvoir discrétionnaire...

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, vous devriez, par exemple, lire tout de suite après l'article 36 qui donne un droit d'appel justement pour se protéger contre un pouvoir discrétionnaire qui aurait pu faire en sorte d'enlever, sans raison, un permis industriel dans ce domaine. Il y a un droit d'appel dans

l'autre article qui suit. La décision du juge de la Cour provinciale est sans appel. Il faudrait lire 35 avec 36.

M. Ciaccia: Une fois que la décision est prise, le pouvoir d'appel, vous savez ce que j'en pense.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, un permis peut être suspendu ou révoqué pour cause par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, au moyen d'un avis écrit indiquant les motifs de la suspension ou de la révocation. À part cela, vous avez les deux motifs qui suivent dans le cas d'un permis industriel, le ministre peut suspendre ou révoquer un permis, premièrement et deuxièmement, et avec un droit d'appel. Les gens sont véritablement protégés.

M. Ciaccia: Même dans la réglementation à l'article 37, c'est vrai que c'est le gouvernement, mais le gouvernement va agir selon vos recommandations. Il y a toute une série de situations où vous pouvez faire des réglementations pour toutes sortes de choses. Je sais que vous allez dire non, vous allez vous défendre. Vous n'admettrez pas la position que je prends, évidemment. Je vous signale que, d'après moi, vous êtes dans une situation très difficile, ouverte à toutes les critiques possibles, à des situations possibles de conflits d'intérêts, à des pressions qui pourraient être indues. Parce que quand on lit: le gouvernement peut, même dans l'ancienne loi, c'était le gouvernement peut. Mais le gouvernement agit par l'entremise du ministre. Je pense que, par prudence, j'aurais cru qu'un ministre responsable de la SAQ... parce que non seulement il faut donner l'impression qu'un gouvernement est juste et honnête, mais il faut agir aussi en conséquence, c'est comme la femme de César. Je pense que vous vous êtes placé dans une situation où existent des conflits possibles.

M. Biron: M. le député, si vous regardez le règlement de l'ancienne loi ou de la loi actuelle, il y a très peu de changements avec l'article 37 actuel, sauf pour être de concordance avec le fond de la nouvelle loi. Quant au reste, vous avez à peu près les mêmes modalités de règlement.

M. Ciaccia: Oui, sauf que cela vous donne une discrétion.

M. Biron: Étant donné que nos gens vont pouvoir acheter du vin en grande quantité, il faut déterminer les conditions d'achat et non pas les conditions de fabrication, comme cela était autrefois. On laisse aussi la fabrication, mais on ajoute l'achat. Les gens vont embouteiller, il faut déterminer les conditions d'embouteillage. En fait, ce n'est que pour être de concordance avec le fond des autres articles de la loi.

M. Ciaccia: L'article 37 paragraphe 10: "Prévoir toute autre mesure utile à l'application de la présente loi". Cela vous donne une marge de manoeuvre assez complète et assez grande.

M. Biron: Par exemple, si on est appelé à faire des changements en vertu de la loi fédérale, il faut prévoir cela, cela nous prend un article pour pouvoir faire certains changements en vertu d'un changement qui sera fait à la loi fédérale. Avec cela, on peut intervenir rapidement.

M. Ciaccia: Je ne critique pas l'article, je ne critique pas les pouvoirs qu'un gouvernement doit avoir dans ce domaine. Ce que je soulève, c'est qu'il peut y avoir un conflit d'intérêts - la nature humaine, c'est la nature humaine - entre les pouvoirs que vous avez et le rôle que vous avez comme responsable de la campagne de financement pour votre parti.

M. Biron: Est-ce que je peux vous dire que la campagne de financement du Parti québécois va très bien?

M. Ciaccia: Je n'ai aucun doute.

M. Biron: Les résultats seront annoncés en fin de semaine prochaine. Lorsqu'on accepte une telle responsabilité, lorsqu'on a fait cela pendant une campagne de financement, on n'en fait pas deux ou trois, je peux vous l'assurer.

M. Ciaccia: Avez-vous les chiffres des gens qui sont du domaine de l'industrie?

M. Biron: Je n'ai pas de chiffres. Tout dépend de ce que nos comtés ont pu faire. Les comtés eux-mêmes ont vu beaucoup de gens parmi les sympathisants, des militants. Cela a été même surprenant comme résultat qu'on a pu avoir en cours de route.

M. Fortier: À la SDI, on fournit de bonnes listes.

M. Ciaccia: Sans parler des autres, en tout cas. Cela ne vous fait rien si je suis un peu sceptique. On va commencer l'étude article par article.

Le Président (M. Champagne): On s'était entendu dès de départ, à ce qu'on m'a dit, pour finir à minuit. Alors, on va appeler les articles un par un.

M. Fortier: M. le Président, juste une question au préalable. Notre porte-parole

indique qu'on va commencer. Voici une question que j'avais posée en deuxième lecture. Je n'ai pas compris pourquoi le gouvernement qui veut absolument mêler l'Opposition et la population nous présente le projet de loi 26 qui modifie certaines lois. Un projet de loi...

M. Tremblay: Mêler l'Opposition, c'est facile.

M. Fortier: ...c'est le projet de loi 29 et c'est le projet de loi 26. Pourriez-vous nous expliquer pouquoi vous n'avez pas mis cela ensemble? Il aurait été plus facile pour nous de suivre les modifications que vous faites au même projet de loi. Il y a deux ou trois projets de loi qui sont modifiés... Il y a deux ou trois lois qui sont modifiées par deux projets de loi tout à fait différents. J'imagine que lorsque nous serons rendus là, il faudra poser des questions sur l'autre projet de loi qui viendra plus tard proposé par le ministre de la Justice?

M. Biron: Sur deux choses vraiment très différentes, on a voulu respecter l'Opposition, c'est-à-dire apporter ici en cette commission parlementaire de l'industrie, du commerce et du tourisme les modifications à l'autre loi qui sont de concordance avec des décisions prises en fonction de la loi 29. Mon collègue de la Justice avec des changements, par une autre loi, veut aussi apporter des modifications de concordance avec sa loi. Je crois que c'est pour la bonne compréhension des parlementaires. Autrement, les deux seraient arrivées en même temps et on aurait dit: Pourquoi fait-on des modifications à cette loi? On ne sait pas trop pourquoi? Il aurait fallu expliquer qu'à une autre commission parlementaire, on a discuté d'autre chose. On a pensé qu'on allait être logique sur le fond d'un sujet d'un bout à l'autre et l'autre commission parlementaire sera logique sur le fond du sujet d'un bout à l'autre.

M. Fortier: Est-ce que le ministre peut me donner l'assurance sur les 25 projets de loi qui ont été déposés le mardi, 31 mai, qu'il n'y a pas d'autres projets de loi qui touchent les lois existantes? Ce sont les deux seuls projets de loi qui vont modifier les lois qui sont discutées ici ce soir.

M. Biron: Je suis au courant de mes lois, mais on me dit qu'on peut vous donner cette assurance qu'il n'y a rien d'autre de modifié.

M. Fortier: Moi qui pensais que c'était mieux coordonné. En tout casl

Étude article par article

Le Président (M. Champagne): J'appelle l'article 1. Y a-t-il des questions ou des commentaires?

M. Biron: C'est un article de concordance et pour fins de précision par rapport à ce qui va se passer un peu plus loin.

M. Ciaccia: Adopté.

M. Biron: En particulier, vous allez retrouver plusieurs articles pour enlever les mots "cidre fort" parce que ce sont les mêmes producteurs de cidre et de cidre fort. Au lieu de donner deux permis, on a décidé de n'en donner qu'un.

Le Président (M. Champagne): Alors, l'article 1 est adopté. J'appelle l'article 2.

M. Fortier: Ce sont les changements au conseil d'administration. Est-ce que le ministre peut nous dire si c'est parce qu'il n'est pas satisfait du présent conseil d'administration? Quelles sont les raisons politiques pour lesquelles vous faites le changement?

M. Biron: Non. C'est tout simplement parce que la Société des alcools prenant de l'importance et voulant aussi essayer d'avoir des représentants à la fois du côté vente au détail, donc consommateurs et du côté producteurs, embouteillage, on a pensé devoir élargir un peu le conseil d'administration et limiter le mandat du P.-D.G. qui passe de dix ans à cinq ans. Autrefois, on avait possiblement jusqu'à dix ans et maintenant on limite à cinq ans, de même que le mandat des autres membres qui sera de deux ans au lieu de trois ans.

M. Fortier: Le président du conseil d'administration est-il à temps plein?

M. Biron: II est à temps plein.

M. Fortier: II est à temps plein également?

M. Biron: Le président? Non. Ici, le nouveau président du conseil d'administration n'est pas à temps plein. C'est un poste à temps partiel pour présider les séances du conseil.

M. Fortier: En plus du conseil d'administration, y a-t-il un comité exécutif? Je ne le vois pas dans le projet de loi ici. Il n'y a qu'un conseil d'administration comme tel.

M. Biron: Non, il n'y a pas de comité exécutif, mais à l'intérieur du conseil d'administration, il y a...

M. Fortier: Des comités.

M. Biron: ...différents comités.

M. Fortier: Des comités comme dans toutes les compagnies.

M. Biron: Oui.

M. Ciaccia: Y a-t-il une raison pour laquelle vous augmentez le nombre d'administrateurs? La dernière fois que j'ai vu cela...

M. Biron: À cause des responsabilités...

M. Ciaccia: II n'y a pas un règlement hors cour prévu?

M. Biron: Non.

M. Ciaccia: II n'y a pas de cause?

M. Biron: Non.

M. Fortier: La dernière fois, c'était à Hydro-Québec. Vous voyez ce que cela a donné.

M. Biron: C'est ce qu'il y a de plus faible en nombre à l'heure actuelle comme conseil d'administration. Toutes les sociétés d'État ont plus que cela aujourd'hui.

M. Fortier: Excusez-moi. Je crois que la Loi sur Hydro-Québec dit que le président du conseil était l'intermédiaire privilégié entre la société et le gouvernement. Ici, je ne le vois pas. Peut-être que j'ai mal lu. Quel est le rôle du président du conseil? Est-ce que c'est le président qui est l'intermédiaire avec le ministre? Est-ce que c'est défini? Je m'excuse, peut-être que j'ai mal lu.

M. Biron: Non. Le président du conseil préside les séances du conseil.

M. Fortier: Et celui qui est l'intermédiaire normal, qui est-ce? C'est le président ou le président du conseil?

M. Biron: C'est le P.-D.G. avec certains rapports qui pourraient venir du président du conseil vis-à-vis des grandes orientations de la société.

M. Fortier: Alors le rôle du président du conseil est assez limité.

M. Biron: C'est assez limité. M. Fortier: Vous croyez que...

M. Biron: La plupart des entreprises privées maintenant, sauf de très grandes entreprises où le président du conseil est à temps plein, d'à peu près cette taille-là, ont un président du conseil à temps très partiel.

M. Fortier: Oui, mais dans le secteur privé, M. le ministre, avec toute déférence, vous avez des actionnaires qui élisent des administrateurs et, normalement d'ailleurs, comme dans les très grandes boîtes, c'est un ancien président qui va accéder à un poste de président du conseil. Il est là pour s'assurer que les différents actionnaires par leurs membres délégués ont droit à toute l'équité requise. Mais dans ce cas, il n'y a qu'un seul actionnaire. Le ministre donne des instructions très précises. Le président du conseil, s'il n'est pas le porte-parole du gouvernement, ne fait qu'appeler l'ordre du jour et s'assurer que le décorum est suivi. Cela semble d'une utilité assez limitée pour assurer la fonction économique que vous voulez lui assurer.

M. Biron: Sauf qu'il a aussi une fonction, comme on dit, sociale, fiscale et commerciale. Or, je crois qu'il est utile d'avoir un président du conseil qui est un peu comme un chien de garde à l'intérieur de toute la boîte et qui peut faire certains rapports au ministre responsable.

M. Fortier: Le président est nommé, je crois, par le gouvernement.

M. Biron: Oui.

M. Fortier: Ce n'est pas le conseil d'administration qui recommande...

M. Biron: Non, c'est le gouvernement qui nomme le président.

Le Président (M. Champagne): Y a-t-il d'autres questions sur l'article 2?

M. Fortier: Adopté. (22 h 15)

Le Président (M. Champagne): Adopté. L'article 2 est adopté. J'appelle l'article 3.

M. Biron: Je pense que c'est une peu comme la plupart des autres sociétés d'État. On précise les conditions d'emploi du P.-D.G. établies par contrat. L'article 13 aussi rend plus uniforme la notion de conflit d'intérêts. Il y a un changement à "conflit d'intérêts". C'est un peu comme ce que l'on retrouve dans les autres sociétés d'État, que ce soit le CRIQ, l'Institut national de productivité, le Palais des congrès, REXFOR, SOQUEM, SOQUIP.

M. Fortier: Je suis d'accord avec le ministre là-dessus. Mais dans d'autres sociétés d'État, on m'a indiqué à plusieurs reprises que, entre autres aux filiales de la

SGF, le président-directeur général avait un contrat avec une rémunération qui comportait un salaire et une formule de motivation avec un pourcentage des ventes. Cela peut être assez intéressant, d'ailleurs, à la SAQ si la personne est payée d'après le pourcentage des ventes. Est-ce que vous avez un système de motivation ou s'il s'agit d'un salaire forfaitaire qui n'inclut aucune forme de motivation, en fonction des résultats ou des dividendes du ministre des Finances? Peut-être que la rémunération devrait être supérieure lorsque le président-directeur général réussit à satisfaire les exigences du ministre des Finances. Est-ce que le ministre de l'Industrie et du Commerce est d'accord là-dessus?

M. Biron: Non. Je ne suis pas d'accord, parce qu'on ferait en sorte que la SAQ entre directement en conflit avec l'entreprise privée étant donné son monopole de première distribution. Il serait assez facile d'entrer en concurrence là-dessus. On a voulu intentionnellement que la SAQ ait un rôle important comme agent de développement économique. Je crois que ce sera tout simplement à salaire.

M. Fortier: Je crois que les journaux ont fait état que le contrat de M. Wermenlinger venait à terme à la fin d'avril. Cela m'a toujours surpris que, d'après les journaux, il y avait un ingénieur. On pense qu'un autre ingénieur pourrait aller là. Je ne sais pas si les ingénieurs ont une formation particulière pour aller à la SAQ. Je ne suis pas candidat, de toute façon. Est-ce que vous pouvez nous indiquer, à ce stade-ci, si le contrat de M. Wermenlinger sera renouvelé ou si vous pensez à quelqu'un d'autre à la suite du départ de M. Wermenlinger à la fin d'avril?

M. Biron: Est-ce que votre entrée en matière à propos des ingénieurs signifie que les ingénieurs sont meilleurs en administration qu'en politique?

M. Fortier: D'après les résultats financiers, cela semble peut-être être un rendement assez intéressant. Mais j'oserais espérer que, en politique, ils aient un rendement encore supérieur une fois au pouvoir. Mais on n'entrera pas dans ce sujet.

M. Biron: M. le député d'Outremont, le contrat du président-directeur général actuel se terminait vers la fin de mai. Je ne me suis pas encore arrêté pour savoir ce qui arriverait avec les nominations à venir. Je voulais d'abord passer le projet de loi. Il demeure en poste, comme pour toutes les autres fonctions, tant et aussi longtemps qu'il n'a pas été renommé ou que son successeur n'a pas été nommé.

M. Fortier: Comte tenu de la nouvelle orientation de la SAQ, est-ce que vous avez en tête la possibilité de nommer quelqu'un qui serait plus à même de s'adapter à la nouvelle orientation de la SAQ? Est-ce que vous avez élaboré certains critères pour le choix du candidat qui sera éventuellement choisi?

M. Biron: On est en train d'élaborer certains critères, mais je ne m'y suis pas arrêté et je ne veux pas préjuger de la décision du Conseil des ministres.

M. Fortier: Est-ce que le choix se fait à partir d'une recommandation du ministre de l'Industrie et du Commerce?

M. Biron: Oui, habituellement, c'est toujours le ministre de tutelle qui propose.

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Champagne): L'article 3...

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Champagne): ...est adopté. J'appelle l'article 4.

M. Biron: C'est pour clarifier le cas des agences en région. En vertu de l'ancien article, nous pouvions nommer des agents. On pouvait autoriser des personnes à vendre des boissons alcooliques à titre d'agents de la Société des alcools du Québec. Or, c'est pour rendre plus claire la fonction d'agent en région.

M. Ciaccia: Pourquoi avez...

M. Biron: Pour que, finalement, les gens aient le droit d'acheter au lieu de ne vendre qu'à commission. À l'heure actuelle, les agents en région, comme Blanc-Sablon, demandent un certain pourcentage des ventes, point à la ligne, cela finit là. Maintenant, ils auront le droit d'acheter et de revendre avec la marge de profit qu'ils voudront, comme n'importe quel autre distributeur.

M. Ciaccia: Là, vous ajoutez dans la nouvelle loi, dans le projet de loi actuel, dans e) et même dans g) "aux conditions qu'elle détermine". Cela est un autre pouvoir discrétionnaire, est-ce qu'il y a une raison spéciale pour cela?

M. Biron: Parce que ce sont des contrats qui sont négociés entre l'agent distributeur et la société.

M. Ciaccia: Qu'est-ce qu'ils faisaient avant le nouveau projet de loi, car ce n'était

pas cela. Je présume qu'ils faisaient affaires quand même, ils n'avaient pas ce pouvoir discrétionnaire.

M. Biron: C'est ce que je viens de vous dire. Avant cela, c'était à commission seulement, alors que là, on veut permettre, comme on permet aux grossistes et aux épiciers dans la question des épicieries, d'acheter et de revendre avec la marge de profit qu'ils désirent. On veut maintenant leur permettre d'acheter et de revendre.

M. Ciaccia: Ce n'est pas ce que vous dites.

M. Biron: Ils vont recourir aux soumissions publiques. Finalement, c'est beaucoup plus clair maintenant.

M. Ciaccia: C'est moins clair, parce que "aux conditions qu'elle détermine", cela peut être n'importe quoi, n'importe quelles conditions. Cela ouvre la porte, encore une fois, à l'ingérence du gouvernement, l'ingérence politique. Si vous vouliez spécifier toutes les conditions que vous venez de mentionner, vous auriez pu inclure toutes ces conditions dans le projet de loi.

M. Biron: D'accord, c'est pour clarifier, parce que d'une façon ou d'une autre, nous déterminions les conditions avant de recourir aux appels d'offres. Ce sera la même chose. La société détermine ses conditions, on le faisait d'une façon ou d'une autre.

M. Fortier: Vous avez parlé d'appels d'offres, M. le ministre. Je crois, - je ne sais pas à quel endroit j'ai lu cela - que vous demandez maintenant des appels d'offres à Blanc-Sablon et à d'autres endroits éloignés. Est-ce vrai qu'il y avait un, deux, ou trois mandataires dans une région donnée, et que maintenant vous iriez en appel d'offres pour en avoir seulement un? On sait l'impact que cela peut avoir dans une ville donnée, dans une région nordique, d'être le vendeur de spiritueux, d'alcool et de vin. Cela peut vouloir dire la faillite de celui qui n'aura pas la chance d'être le distributeur officiel de la Société des alcools et la fortune de celui qui pourra négocier et même celui-là pourra négocier selon des termes très avantageux pour la société. Quelqu'un pourrait obtenir de devenir agent dans une région nordique et le simple fait que la clientèle serait accrue, parce qu'il vendrait des vins spiritueux, il pourrait exiger de n'avoir aucun escompte et cela serait à l'avantage de la régie. De quelle façon pouvez-vous concilier cette formule que vous mettez de l'avant avec le fait que ce changement pourrait avoir des répercussions néfastes sur ceux qui, dans le moment, sont vos agents d'une autre façon?

M. Biron: C'est-à-dire, qu'on n'a pas, à l'heure actuelle, des agents qui vendent des spiritueux. Les gens ne vendent que du vin ou du vin fortifié. Là, maintenant, c'est une certaine quantité de spiritueux, vraiment une quantité minimale, mais on ne veut pas, non plus, ouvrir partout et avoir une couple de cents agents. Nous avons essayé la première année avec 4 agents; cette année, on va se rendre à 21 au total, c'est possible qu'on dépasse un peu, mais on voudrait au moins regarder, justement, car nous aussi on se préoccupe de ce qui va arriver, l'impact de l'environnement économique des autres épiciers de la même place.

M. Fortier: On veut des exemples de noms des villes où vous avez déjà procédé, où vous avez l'intention de procéder et quelle est l'expérience de ceux qui ont été les candidats chanceux et ceux qui ont été les candidats malchanceux? Est-ce qu'il y a déjà eu des faillites et des impacts extrêmement négatifs ou positifs pour ceux qui ont été choisis?

M. Biron: Jusqu'à maintenant, on a trois expériences, en particulier à Saint-Michel-du-Squatec et à Saint-Paul-de-Montmagny, où on suit cela d'assez près. Cela a augmenté le chiffre d'affaires de l'épicerie en question de 20%; mais à ce jour, selon les enquêtes maisons qu'on a pu faire, cela n'a pas dérangé d'autres compétiteurs de la même place.

M. Fortier: Ils auront perdu dans la vente des vins, j'imagine. Ils ont perdu le privilège.

M. Biron: Les autres continuent à vendre des vins. Le vin, c'est différent.

M. Fortier: Ils ne perdent pas le droit qu'ils avaient auparavant.

M. Biron: Non, ils ne perdent pas le droit, sauf que le gagnant de la soumission obtient la permission de vendre des spiritueux, ce qui n'était pas vendu auparavant dans la place.

M. Fortier: Et l'on procède par appel d'offres?

M. Biron: Oui par appel d'offres.

M. Fortier: Quels sont les critères qui prévalent pour faire le choix et une fois la soumission accordée? Il y a négociation? C'est ce que vous avez dit?

Autrement dit, l'appel d'offres ne définit pas les conditions d'exploitation.

M. Biron: L'appel d'offres définit les conditions d'exploitation et s'adresse à ceux

ou à celles qui détiennent déjà un permis de vente de bière et de vin. Donc, si vous n'avez pas de permis, vous ne pouvez pas répondre à l'appel d'offres.

Une première sélection a été faite selon d'autres normes et le plus bas soumissionnaire obtient le permis pour deux ans.

M. Fortier: Et à ce moment-là, vous vendez sur escomptes. Ces escomptes seront donc différents de ceux auxquels mon collègue de Mont-Royal faisait allusion précédemment. Il s'agit donc d'escomptes en région.

M. Biron: Exact.

M. Fortier: Et ceci est défini par règlement ou bien si vous avez déjà procédé parce que vous aviez déjà le pouvoir de le faire à ce moment-là?

M. Biron: On avait le pouvoir de procéder et de poser nos conditions sur l'appel d'offres. Les gens ont donc soumissionné à X% et, finalement, la meilleure soumission a été acceptée pour un contrat de deux ans.

Quoi qu'il en soit, on peut s'accorder la permission de le faire, on continuera à élargir un peu cette année, mais avant d'aller plus loin, nous voulons examiner très sérieusement la situation pour ne pas nuire à d'autres entreprises ou à d'autres commerces dans le secteur.

M. Fortier: Quel était l'objectif? Est-ce que, dans le passé, vous aviez des magasins de la SAQ dans ces régions. Et si vous n'en n'aviez pas, est-ce qu'il s'agissait d'obtenir des débouchés mieux étoffés?

M. Biron: II n'y avait pas de magasins ni de roulottes. En un mot, il n'y avait rien. Le critère est qu'il doit y avoir une distance de 30 kilomètres d'un magasin de la SAQ.

Par exemple, dans le cas de Saint-Paul-de-Montmagny ou Saint-Michel-du-Squatec, ces endroits n'étaient pas desservis à moins de 30 kilomètres par un magasin de la SAQ. C'est le premier critère de base. On ne veut pas remplacer un magasin de la Société des alcools du Québec par une agence.

M. Fortier: Vous dites quand même que c'est pour permettre, dans un premier temps, la vente de boissons alcooliques. Vous allez commencer tranquillement et l'évolution amènera certainement une tendance à se répandre dans les magasins généraux qu'on connaissait en 1920. Je pense qu'on fait présentement le tour de la boucle, 60 ans après la formation de la Commission des liqueurs, on revient à l'état de faits qui existait dans le bon vieux temps. Il est certain que ces magasins prendront plus d'expansion et que la gamme des produits ira en s'accroissant dans 10 ou 15 ans. J'imagine que c'est l'évolution que vous prévoyez et que, de fait, ceux qui obtiennent ces agences pourront déterminer ou développer un marché assez lucratif sur un nombre d'années.

M. Biron: Ce sont quand même des endroits où la population n'est pas très forte, c'est-à-dire partout où la population est le moindrement suffisante pour justifier la présence d'une succursale de la SAQ, et que cette succursale est déjà ouverte. Ce sont des populations très faibles où il ne serait jamais rentable d'avoir un magasin de la SAQ, donc un minimum de 350 000 $ de ventes peut justifier l'implantation d'une mini-succursale que nous appelons une roulotte. Cela signifie que ces magasins atteindront un chiffre d'affaires beaucoup inférieur parce qu'il s'agit de municipalités à faible population. Ce service est accordé à des citoyens qui habitent trop loin, à notre point de vue, d'un magasin de la Société des alcools du Québec.

M. Fortier: Votre objectif est-il d'augmenter les ventes ou de diminuer vos frais d'exploitation en n'ouvrant pas un magasin parce qu'il ne serait pas rentable?

Je vous fais remarquer que je ne suis pas contre le principe. Je crois que dans certaines régions des Laurentides que je ne vous mentionnerai pas, si certains endroits étaient tenus par des gens du secteur privé, à mon avis, ce serait aussi bien. Ce qui m'inquiète, je vous l'avoue franchement, ce sont les modalités et, pour revenir à ce que mon collège de Mont-Royal mentionnait, dans quelle mesure le ministre peut-il influencer les choix et dans quelle mesure le ministre peut-il influencer les négociations pour qu'on revienne, en fait, au système qui existait dans les années 1935, 1940, 1945 ou 1950, alors que le ministre avait un pouvoir discrétionnaire tellement illimité que la caisse du parti s'en ressentait d'une manière assez appréciable.

M. Biron: Le ministre ne peut pas intervenir parce que l'on procède par appel d'offres public. Ce système existe en Ontario, et jusqu'à présent, ils en ont environ 69 ou 70 qui desservent certaines régions. C'est beaucoup plus une préoccupation de service au public québécois, car tout le monde a le droit d'être servi à une distance raisonnable de son domicile. Et, lorsqu'on parle de 30 kilomètres, cela faisait des distances assez longues pour ces gens-là qui voulaient se procurer quelques bouteilles de spiritueux. Or, c'est beaucoup plus un service à rendre à une population qui est plus éloignée d'un magasin de la SAQ. (22 h 30)

M. Ciaccia: Est-ce que cela va être un monopole pour celui qui va avoir le permis?

M. Biron: C'est un petit monopole dans sa région. Mais, on sait que la possibilité de vente est très limitée.

M. Ciaccia: N'existe-t-il pas le danger que celui qui va obtenir ce monopole ne vendra pas seulement des vins et des spiritueux?

M. Biron: Non, parce qu'il faut déjà qu'il ait un permis de vente de bière et de vin. Cela veut dire qu'il faut qu'il ait déjà une épicerie.

M. Ciaccia: Alors, est-ce qu'il va y avoir un danger que celui qui va avoir ce monopole puisse soumissionner presque au prix coûtant, sans profit, parce que cela va lui attirer une clientèle additionnelle au détriment de ses concurrents dans ce domaine-là?

M. Biron: Cela pourrait être possible théoriquement. Mais, en pratique, on n'a pas vu cela encore. Dans le fond, il lui faut aménager un certain espace à l'intérieur de son magasin. Pendant ce temps-là, cela coûte de l'argent, cela demande un certain service à la clientèle. Non, je pense qu'en fait, c'est sûr que c'est intéressant pour la personne qui détient un commerce et qui obtient ce permis-là: cela lui donne un avantage marqué sur ses concurrents, mais, tout le monde a la même chance, parmi ceux qui ont des permis, de participer aux soumissions publiques, dans une région donnée.

M. Ciaccia: Est-ce qu'on peut avoir les noms des endroits où vous avez déjà accordé ces permis-là?

M. Biron: On en a trois jusqu'à maintenant avec lesquels on a une expérience et on en a dix-huit autres qui commencent.

M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez nous donner la liste?

M. Biron: Oui, on peut déposer la liste des endroits.

M. Fortier: Ce qui nous intéresserait, ce serait de savoir quel escompte vous avez négocié avec ces gens-là.

M. Ciaccia: Je vais vous faire part de ma préoccupation. Supposons que vous avez deux ou trois épiciers dans un village. Celui qui va soumissionner, il va le faire au prix coûtant. Il est prêt, lui, à ne pas faire de profit sur les vins ou la boisson, parce que cela va attirer la clientèle pour ses autres produits. Vous parliez auparavant de la loi du marché libre. Là, on tronque un peu cette loi-là. Cela donne un avantage à celui qui va obtenir ce monopole au détriment des autres, un monopole purement artificiel. Ce n'est pas la même chose de dire: On va procéder par soumissions avec un magasin qui va vendre strictement du vin et des spiritueux. Celui qui va soumissionner, il va falloir qu'il aille d'après les règles économiques. Il va falloir qu'il voie un avantage pour lui et qu'il juge son profit strictement sur les produits qu'il va vendre parmi les vins et les spiritueux. Mais, une fois que vous mélangez les épiciers, le danger c'est que l'individu qui veut vendre ses autres produits soumissionne au prix coûtant et ait un avantage qui n'est pas tout à fait équitable vis-à-vis de ses concurrents parce que lui, il aura un monopole sur quelque chose que les autres n'ont pas le droit d'avoir, qui affecte d'autres secteurs. Si vous donniez un monopole strictement pour les vins et spiritueux, ce serait compréhensible. Mais, cela va affecter les autres secteurs de l'industrie. Avez-vous eu des plaintes à ce sujet?

M. Biron: Non, à venir jusqu'à maintenant, on n'a pas eu de plainte et dans le fond, on a copié le système qui existait en Ontario avec quelques années de retard. C'est sûr que lorsqu'on fait des soumissions publiques, il y en a seulement un qui a le contrat, que ce soit le contrat d'une construction, ou de la vente d'équipement, ou de vente d'automobiles ou autre chose. Ce sont des soumissions publiques. Celui qui fait le meilleur prix a le contrat. Si on enlevait à certaines personnes la permission de soumissionner, je comprendrais qu'il y ait une critique. Au départ, tout le monde est sur le même pied. C'est celui qui fait la meilleure soumission, comme n'importe quel transporteur... Je ne peux pas soumissionner sur du transport en camion si je n'ai pas de permis, mais les autres qui ont des permis ont le droit de soumissionner. C'est celui qui a le meilleur prix qui l'emporte. Les 5 autres ou les 18 autres qui ont soumissionné et qui ont perdu le contrat, ils l'ont perdu. Ils se reprennent à la prochaine soumission.

M. Ciaccia: Vous n'avez pas envisagé des soumisssions strictement pour des magasins qui vont vendre seulement des vins et des spiritueux.

M. Biron: Cela ne serait pas rentable. Si ce n'est pas rentable pour un magasin de la Société des alcools du Québec, ce ne sera pas plus rentable pour un individu qui vendrait peut-être pour 100 000 $ de spiritueux. Il n'y a pas de profit à faire.

Le Président (M. Champagne): Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Fortier: On parlait du sous-paragraphe c. À quoi s'applique le sous-paragraphe g?

M. Biron: Le sous-paragraphe g est l'ancien qui est reformulé pour ne viser que la livraison des boissons alcooliques pour le compte de la SAQ.

M. Fortier: ...

M. Biron: Lorsqu'on engage des transporteurs privés pour leur donner le permis au lieu de se servir des camions de la SAQ.

M. Fortier: Et le sous-paragraphe h: "d'autoriser, aux conditions qu'elle détermine, toute personne à acheter de la Société, d'une autre personne autorisée en vertu..."

M. Biron: Le changement qu'on apporte est de permettre aux grossistes d'acheter au lieu de vendre à commission.

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Alors, l'article 4 est adopté. J'appelle l'article 5.

M. Fortier: Si je comprends bien l'article 5, présentement la limite est de 100 000 $ et tout achat doit passer par le Conseil du trésor. Cela doit être assez onéreux en termes de temps, de procédure et d'approbation. J'imagine que des contrats de 100 000 $ vous en avez pour des millions et des millions par année.

M. Biron: C'est surtout la location d'immeubles, de locaux. Le montant de 100 000 $ a été mis là en 1971. Cela veut dire qu'en 1983, 300 000 $...

M. Fortier: Est-ce que toutes les autres formes d'achat, comme l'achat des vins, doivent passer par le Conseil du trésor ou si on parle seulement d'immeubles?

M. Biron: Non, l'achat des vins est une exception. Les autres achats passent par le Conseil du Trésor à l'heure actuelle. Il y a plusieurs contrats qui, dans le fond, prennent du temps pour rien. Je pense que le montant de 100 000 $ ayant été fixé en 1971...

M. Fortier: Mais l'article 5 ne touche que l'article 20. "La Société ne peut, sans l'autorisation du Conseil du trésor, conclure un contrat relatif à des biens meubles ou immeubles...

M. Biron: C'est cela.

M. Fortier: "...en considération d'une somme supérieure à 300 000 $."

M. Biron: Achat de biens meubles, de bâtisses ou de location ou immeubles...

M. Ciaccia: ...et produits en dehors du cours normal de leurs affaires.

M. Biron: Cela concerne surtout les baux des magasins.

M. Ciaccia: L'article 20...

M. Biron: On enlève le sous-paragraphe c: "contracter un emprunt qui porte à plus de 500 000 $ le total des sommes empruntées par elle et non encore remboursées..." D'une façon ou d'une autre, avant de faire des emprunts importants, il faut passer par le Conseil du trésor. Ils sont toujours, à cause de leur marge de crédit, au-dessus de 500 000 $.

M. Fortier: D'autant plus qu'ils doivent payer des dividendes assez élevés.

M. Ciaccia: L'article 20.1, c'est pourquoi cela? Pourquoi avez-vous ajouté cet article-là?

M. Biron: Si la société décide - parce que ce serait possible que la société décide de prendre une participation dans une entreprise privée du domaine des boissons alcooliques - un producteur québécois de s'associer en disant: On va prendre 30%, si on a une offre raisonnable, pour les actions. Avant que la société ne décide... la société peut négocier mais il faut qu'elle obtienne la permission du gouvernement.

M. Ciaccia: Avant ce projet de loi-là, qu'est-ce que la société devait faire dans un cas semblable?

M. Biron: Elle n'a pas à demander de permission au gouvernement. Elle peut le faire elle-même à la condition que cela coûte moins de 100 000 $.

M. Ciaccia: Cela veut dire qu'elle ne peut pas le faire.

M. Biron: Cela veut dire qu'elle ne peut pas le faire sans demander la permission au gouvernement. En augmentant à 300 000 $, on...

M. Ciaccia: Non, non. Je ne parle pas de l'article 20. Je parle de l'article 20.1.

M. Biron: Aujourd'hui, elle a le droit de le faire.

M. Ciaccia: "...acquérir des actions ou des parts d'une autre entreprise." Est-ce qu'aujourd'hui, la société a le droit d'acquérir des actions ou des parts d'une

autre entreprise? J'ai l'impression qu'elle n'a pas le droit de le faire. Je vais vous dire le danger que je...

M. Biron: On me dit ici que des actions sont considérées comme des biens meubles, donc elle a le droit de le faire pour moins de 1DQ 000 $; pour plus de 100 000 $, il faut qu'elle obtienne l'autorisation du Conseil du trésor.

M. Ciaccia: Je vais vous dire le danger que je vois dans 20.1. Achetez les actions ou les parts d'une autre entreprise pour 100 000 $ ou même 300 000 $, dans ce domaine, il n'y a pas une grosse entreprise. Effectivement, en pratique, elle n'a pas ce droit. Elle l'a en théorie jusqu'à 300 000 $ mais à part cela, elle ne l'a pas.

Dans le vin, vous parlez des biens meubles ou immeubles en considération d'une somme supérieure à 300 000 $. Vous ne parlez pas d'acquérir des actions ou des parts d'une autre entreprise. Selon la loi actuelle existante, la SAQ n'aurait pas le droit, même avec la permission du Conseil du trésor, de faire cette acquisiton.

M. Biron: Les actions en droit, ce sont des biens meubles, les actions d'une autre entreprise.

M. Ciaccia: Oui, jusqu'à 300 000 $. Là vous allez un peu plus loin que cela. Vous donnez une autorisation implicite, vous élargissez les pouvoirs de la société. Vous dites qu'elle peut acquérir des actions ou des parts d'une autre entreprise avec l'autorisation du gouvernement. Est-ce que ce n'est pas une façon d'élargir le rôle de la SAQ sans être obligé de revenir à l'Assemblée nationale?

M. Biron: Non, aujourd'hui, si on considère que des actions d'une autre entreprise sont des biens meubles, la société pourrait pour une somme inférieure à 100 000 $ et, supérieure à 100 000 $, elle doit passer par le Conseil du trésor. Avec la nouvelle loi, la société ne peut pas même pour 50 000 $. Une entreprise dont on dirait qu'il y a 20% du capital-actions à vendre pour 50 000 $, la société ne peut pas, sans l'autorisation du gouvernement. On restreint un peu les droits de la société.

M. Fortier: Je pense, M. le ministre, que vous avez fait allusion au fait que, je ne sais pas à quel moment, avec le développement de la nouvelle politique du gouvernement vous verriez des "joint venture", des coentreprises entre le secteur privé et la société dans le domaine de l'embouteillage. Est-ce que ce genre de coentreprise est couvert par cela ici? Est-ce que c'est cela que vous visez?

M. Biron: Oui, c'est couvert par cela. En fait, ce qu'on voit beaucoup plus facilement, ce n'est peut-être pas pour le marché québécois, c'est qu'il pourrait y avoir un consortium entre la société et un ou deux embouteilleurs privés pour conquérir un marché donné en Floride, admettons. Pourquoi la société irait seule? Elle pourrait peut-être former une filiale ou un consortium avec d'autres et avec l'autorisation du gouvernement elle pourra le faire, mais sans l'autorisation du gouvernement, elle ne pourrait pas le faire.

M. Ciaccia: Avec tous les pouvoirs que détient la SAQ, est-ce qu'il n'y a pas de danger de créer des pressions sur certaines entreprises pour les acheter? Il doit y avoir une raison pour laquelle vous avez ajouté 20.1 car ce n'était pas dans l'ancienne loi. Vous avez amendé 20 de 300 000 $.

M. Biron: Si je ne mettais pas cet article 20.1, la société pourrait peut-être faire des pressions pour acheter pour 295 000 $ sans permission du gouvernement, tandis que là elle ne peut pas.

M. Ciaccia: L'article 20.2, quand on parlait des pouvoirs discrétionnaires du ministre, n'est-il pas un exemple parfait? "La société doit se conformer aux directives du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme concernant les objectifs et l'orientation de la société, dès que celles-ci sont approuvées par le gouvernement." (22 h 45)

La question est: Est-ce que c'est pour limiter la Société des alcools du Québec qu'on donne ces pouvoirs au ministre? Si c'est évidemment pour la limiter, est-ce que c'est parce qu'il y avait des abus dans le passé? Quelle est la raison de 20.2?

M. Biron: C'est d'abord le pouvoir de directive qu'on retrouve dans toutes les sociétés d'Etat maintenant. Exemple, si le gouvernement décidait de dire à la société: Vous allez faire de la recherche et du développement pour trouver des méthodes afin de faire pousser des vignes au Québec, on pourrait, par une directive, leur dire: Vous allez mettre tel pourcentage de vos revenus... C'est comme toutes les autres directives des sociétés d'État. Exactement la même chose.

M. Ciaccia: Cela ne veut pas dire nécessairement...

M. Biron: II faut que ce soit accepté par le gouvernement et déposé devant l'Assemblée nationale dans les quinze jours.

M. Ciaccia: Vous savez comme moi que cela n'arrive pas et si l'Assemblée nationale

ne siège pas, c'est comme ex post facto.

M. Biron: M. le député de Mont-Royal, chaque fois que j'ai donné une directive, elle a toujours été déposé devant l'Assemblée nationale.

M. Ciaccia: C'est trop tard à ce moment-là. Une fois que vous l'avez déposée que voulez-vous qu'on fasse avec? On va regarder cela et après? M. le Président, l'article 5, sur division.

Le Président (M. Champagne): L'article 5 est adopté sur division. J'appelle l'article 6.

Les permis

M. Biron: La section concernant les permis industriels a été remplacée. Les articles modifiés ont été regroupés. Vous allez trouver dans cette section un peu de changements parce qu'on a remplacé toute la section qui demandait à être remplacée. L'article 6 s'adresse à l'article 24, en particulier. L'article 24 a été modifié pour regrouper le permis de fabricant de cidre fort et le permis de fabricant de cidre léger dans un permis unique de fabricant de cidre tel que je vous le disais tout à l'heure. C'est plus technique et il y a maintenant un seul permis.

M. Fortier: Vous dites 1, 2, 3, 4 et après cela vous dites: "Un permis d'entrepôt peut être délivré en vertu de la présente loi." Pourquoi ne pas avoir dit 1, 2, 3, 4, 5?

M. Biron: Les quatre premiers, c'est le ministre, tandis que le cinquième permis peut être délégué. Les premiers, c'est important de les avoir et une fois qu'on détient un des quatre, on peut facilement demander un permis d'entrepôt.

M. Fortier: Tout à l'heure, on parlait de la limitation des permis de fabrication de vins du Québec qui sont limités à onze présentement. Est-ce que les autres permis sont limités comme les permis des brasseurs. À ma connaissance, c'est très limité. Est-ce qu'il y a des permis de distillateur? Est-ce que tous ces permis sont limités à toutes fins utiles?

M. Biron: Les brasseurs et les distillateurs ne sont pas limités à l'heure actuelle, mais, en pratique, cela coûte tellement d'argent pour s'installer. Là où cela coûte un peu meilleur marché, ce sont les fabricants de vin. C'est pour cela qu'on a voulu limiter parce que les capacités d'embouteillage sont occupées à 25%, 30%.

M. Fortier: Quand on parle de limitation, c'est une décision du cabinet ou une décision du ministre?

M. Biron: C'est une recommandation du ministre contenue dans la décision du cabinet.

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Champagne): N'oubliez pas, il y a 25, 26 et 27 aussi. D'accord.

M. Fortier: Appelez-les un à un.

Le Président (M. Champagne): L'article 24 de l'article 6. J'appelle l'article 25 de l'article 6.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté. Article 26, adopté.

M. Fortier: Un instant. C'est le permis de distillateur, d'accord.

Le Président (M. Champagne): Article 26 adopté. J'appelle l'article 27.

M. Fortier: 27. 4°, je pense que c'est le changement clé. On dit: "Le permis de fabricant de vin autorise, conformément aux règlements, la personne qui le détient: 4°, à acheter ou à embouteiller des vins dans les cas prévus par règlement." On parle de quoi là?

M. Biron: C'est que, aujourd'hui, vous ne pouvez pas, avec un permis, embouteiller du vin d'appellation contrôlée. Mais maintenant, on pourrait le faire. Dans le cas d'un Pisse Dru, par exemple, un fabricant québécois pourrait conclure une entente avec la compagnie et embouteiller sous l'étiquette Pisse Dru du vin au Québec.

M. Ciaccia: Est-ce que des représentations vous ont été faites parce que, quand on importe des produits en vrac pour les vendre comme des produits de France, du Portugal, de l'Espagne ou de l'Italie, ils sont embouteillés ici, au Québec, mais il n'y a pas de moyen pour que ces pays puissent contrôler la qualité? Quelles représentations vous ont été faites pour s'assurer qu'il y ait un contrôle ou possiblement même pour interdire l'importation en vrac et l'embouteillage ici d'un produit de tel pays?

M. Biron: On est justement en train de terminer ce dossier. On a beaucoup parlé avec l'industrie et on a obtenu toute la collaboration de l'industrie pour avoir un contrôle. Les gens s'inquiétaient. On ne peut pas inscrire sur la bouteille "Vin de France embouteillé au Québec" lorsque c'est du vin

du Maroc ou d'ailleurs. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas aussi bon, mais on veut éviter la fausse représentation. On est en train de compléter notre règlement là-dessus, notre entente avec les producteurs et je pense qu'on pourra avoir quelque chose qui va se tenir, qui ne créera pas trop de bureaucratie, mais qui sera très clair tout en donnant la garantie au client, à l'acheteur, qu'il a vraiment ce qui est inscrit sur la bouteille. C'était une de nos préoccupations et celle de l'industrie et du pays vendeur aussi.

M. Fortier: En relation avec cela, je croyais que vous aviez dit que les vins de marque maison n'auraient pas droit à une identification. Selon ce que vous venez de dire, ils auraient droit à une certaine identification du pays d'origine...

M. Biron: Du pays d'origine.

M. Fortier: ...mais pas de la province comme Bordeaux, Bourgogne...

M. Biron: Non, du pays d'origine. Vous pourriez avoir sur une bouteille de vin de table "Vin de France embouteillé au Québec" de marque Mont-Royal.

M. Fortier: Mount-Royal.

M. Ciaccia: Ce serait un vin d'Italie, assurément.

M. Biron: Un vin d'Italie, excusez-moi, M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Avez-vous eu des représentations des pays producteurs qui s'inquiètent?

M. Biron: Oui, il y a des pays producteurs qui s'inquiètent.

M. Ciaccia: Ce sont eux qui vous ont fait ces représentations?

M. Biron: Aussi, mais l'industrie s'en inquiétait de même.

M. Ciaccia: Dans la question des prix, est-ce qu'il y a un taux de majoration identique ou différent pour les vins importés et embouteillés au Québec et pour les produits importés en bouteille?

M. Biron: II y a un taux de majoration différent. Pour les vins embouteillés au Québec, il y a un certain produit québécois qu'il faut encourager. Deuxièmement, il y a un coût supplémentaire à garder en inventaire des vins importés en bouteille. Habituellement, on est obligé d'avoir des quantités un peu plus grandes ou qui vont durer un peu plus longtemps. Cela rencontre à la fois un excédent de coût et une préoccupation de retombées québécoises.

M. Ciaccia: Est-ce que des représentations vous ont aussi été faites pour essayer de maintenir le même taux de majoration pour le produit importé en vrac et embouteillé au Québec et le produit importé en bouteille?

M. Biron: Oui, des représentations nous ont été faites là-dessus. Notre réponse a toujours tenu compte de notre préoccupation des retombées québécoises, elles sont importantes. En plus, la deuxième condition est aussi importante. Il faut considérer l'excédent des coûts à la Société des alcools du Québec, donc au gouvernement, pour maintenir en inventaire un stock qui va durer un peu plus longtemps et qui coûte plus cher à maintenir.

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Champagne): L'article 27 est adopté. Article 28.

M. Fortier: Adopté.

M. Biron: Comme information, l'article 27 nous permet de donner la permission à un fabricant d'importer du vin et d'exporter ce vin, même s'il n'est pas au répertoire de la Société des alcools du Québec.

M. Fortier: L'article 28 touche le cidre.

Le Président (M. Champagne): Le ministre faisait une remarque sur l'article 27.

M. Fortier: Bon, d'accord.

Le Président (M. Champagne): Article 28.

M. Fortier: Adopté.

M. Biron: C'est technique.

Le Président (M. Champagne): Adopté. Article 29.

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté. Article 30.

M. Fortier: Article 30: "Les permis sont délivrés par le ministre de l'Industrie, du Commerce..." Cela revient à la question qu'on posait tout à l'heure. Le nombre de permis est déterminé dans certains cas; dans d'autres cas, il est arbitraire, j'imagine. Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté. Article 31.

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté. Article 32.

M. Ciaccia: Article 32. Quelle est la raison de cet article? Y a-t-il une raison spécifique?

M. Biron: On va prendre un exemple. Supposons que Métro ou Provigo, un gros distributeur, un important grossiste décidait d'acheter un permis de fabricant et de ne faire embouteiller par lui que du vin, le seul vin qui pourrait être distribué dans toute la chaîne Provigo, alors les dix autres auraient beaucoup de difficulté. C'est pour cela qu'on a dit que celui qui a un permis de grossiste, de distributeur autorisé, n'a pas le droit de détenir un intérêt dans un permis.

M. Fortier: Autrement dit, vous ne permettrez pas de faire dans le domaine du vin ce que le gouvernement fait présentement dans le domaine du sucre.

M. Biron: Est-ce que le sucre entre dans les boissons alcooliques?

Le Président (M. Champagne): L'article 32 est adopté. L'article 33?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Champagne): J'appelle 34.

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté. J'appelle 35.

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté. J'appelle 36.

M. Biron: C'est technique, cela aussi. M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté. J'appelle 37.

Règlements

M. Fortier: Dans 37, 4°, on dit: "définir, dans le cas du vin, en indiquant leur composition et leur volume d'alcool, les catégories suivantes: vin de table, vin fortifié, vin aromatisé et vin appéritif." On m'indique que ces définitions sont assez arbitraires. Ce qu'on appelle vin de table en

France est une chose et j'imagine que, vous, vous allez le définir d'une autre façon. Pour quelle raison voulez-vous définir ces différentes classes et dans quelles mesures cela est complémentaire de la législation fédérale? On m'indique que la législation fédérale est assez bonne en ce qui concerne les spiritueux, un peu moins bonne en ce qui concerne les vins. Est-ce que c'est comme complément à la législation fédérale que... Ce qui m'inquiétait était la définition que l'on donnait à vin de table. J'imagine qu'elle est différente en France de ce qu'elle est au Québec.

M. Biron: Les définitions sont a peu près identiques, à ce qu'on me dit, avec ce qui existe au fédéral, mais elles sont conformes avec à ' peu près toutes les législations, tous les qualificatifs que l'on peut donner aux pays producteurs habituellement.

M. Fortier: Est-ce que le vin de table va être le vin produit par les fabricants québécois sous des marques québécoises? C'est cela que vous appelez vin de table? En France, c'est une...

M. Biron: Ici, j'ai comme définition: le vin de table est la boisson obtenue par la fermentation alcoolique du jus de raisin, du jus de raisin reconstitué ou d'un moût de raisin qui contient, sans addition d'alcool, au moins 6% et pas plus de 15% en volume; tandis que le vin fortifié, c'est la boisson fabriquée à partir d'alcool, de vin contenant au moins 10% d'alcool en volume, auquel est ajouté du concentré de raisin ou du sucre solide et qui, par fermentation ou par addition d'alcool, contient au moins 15% et pas plus de 20% d'alcool en volume.

M. Fortier: Ce que je veux vous dire, c'est qu'on a parlé, tout à l'heure, du vin importé d'Europe par appellation contrôlée et du vin de marque maison. Là, vous apportez une nouvelle définition qui recouvre et l'appellation contrôlée et le produit maison québécois. Cela touche aux deux.

M. Biron: Non. C'est du vin de table qui pourrait à la fois être...

M. Fortier: Pourrait être une appellation contrôlée ou non.

M. Biron: Non, appellation contrôlée, vous avez à 3 une définition générique: qui peut venir d'un pays ou d'une région à l'intérieur, mais qui n'est pas une appellation contrôlée donc, qui est reconnu comme un bon vin, mais sans appellation contrôlée. (23 heures)

M. Fortier: La seule raison pour laquelle vous en faites l'énumération ici... Je

me demandais s'il y avait une raison particulière pour laquelle vous mettiez cela dans la loi. Il ne me semble pas évident que ce serait très utile de le faire parce que vous auriez pu dire...

M. Biron: On a annoncé des règlements là-dessus.

M. Fortier: À 6°, vous mentionnez des étiquettes numérotées, ce qui signifie que toutes les personnes qui achèteront une bouteille, à l'avenir, trouveront un numéro de référence et que ce sera une forme de loterie de la SAQ. On gratte l'étiquette pour gagner un million à la fin de l'année ou quoi?

M. Biron: II s'agit aussi d'un contrôle fiscal.

M. Fortier: Mais je vous donne une bonne suggestion.

M. Tremblay: L'alcool ajouté au "gambling". Cela marcherait, ce petit marketing, ce serait parfait.

M. Fortier: Et le 7° revient au pouvoir de réglementation où vous voulez édicter quels vins seront vendus dans les épiceries ou non. On touche donc à la réglementation dont vous parliez il y a quelques instants.

M. Biron: D'accord, ce seront des catégories.

Le Président (M. Champagne): L'article 37 est adopté. Cela veut dire que l'article 6 est adopté. J'appelle l'article 7 parce que tous les autres étaient des sous-articles. Maintenant, passons à l'article 7.

M. Fortier: Peut-on savoir de quel alinéa il s'agit? Lorsque l'on mentionne "alinéa", j'aimerais en connaître la signification. Est-ce qu'il s'agit du paragraphe commençant par "Toutefois"?

M. Biron: Le 2e alinéa de l'article 38 est supprimé.

Une voix: Ça va, adopté.

Le Président (M. Champagne): L'article 7 est adopté. J'appelle l'article 8.

M. Biron: L'amende est augmentée considérablement, mais elle est en ligne maintenant avec ce qui existe au gouvernement fédéral là-dessus. Quand nous nous adressons aux entreprises, je pense que ce sont des gens responsables qui connaissent la loi et qui n'ont qu'à la suivre.

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Champagne): Adopté.

M. Ciaccia: Quelle est l'amende présentement?

Une voix: Quel est le nombre d'amendes qui ne sont pas indexées, par exemple?

Une voix: Cela n'existe pas.

M. Ciaccia: Tu es aussi brillant ici que tu l'étais à la commission de l'énergie.

M. Tremblay: II est expert dans tout, lui.

M. Biron: II y a une amende générale qui est de 2000 $, à l'heure actuelle.

Le Président (M. Champagne): L'article 8 est adopté. J'appelle l'article 9.

M. Biron: C'est la même chose. L'amende qui était de 100 $ peut être maintenant fixée à un montant situé entre 100 $ et 1000 $.

M. Ciaccia: Adopté.

M. Fortier: L'article 9 dit: "Quiconque entrave ou gêne, dans l'exercice de ses fonctions, un officier de police, un enquêteur..."

M. Biron: Cela s'adresse aux individus, c'est pour cette raison que l'amende ne dépasse pas 1000 $, alors que l'autre s'adresse aux entreprises.

M. Fortier: Ici, dans l'autre loi qui s'adresse, c'est-à-dire l'article 45 ...

M. Biron: C'était l'article 39.

M. Fortier: Dans le projet de loi 26...

M. Ciaccia: Y aurait-il une contradiction?

M. Fortier: "Quiconque entrave ou gêne une personne autorisée en vertu de l'article 125"... Ce ne sont pas les mêmes personnes, je présume.

M. Biron: Ce ne sont pas les mêmes personnes.

M. Fortier: Adopté.

Le Président (M. Champagne): L'article 9 est adopté. J'appelle l'article 10.

M. Biron: II y avait certains problèmes

à prouver, à monter une cause dans quatre mois, lorsque les gens trouvaient des méthodes techniques pour retarder et, au bout de quatre mois, tout tombait. On veut donc s'accorder un délai plus long. Il est proposé de porter le délai à un an.

Le Président (M. Champagne): Adopté. L'article 10 est adopté. J'appelle l'article 11.

M. Fortier: Mais ce n'est pas la même loi.

M. Biron: Là, on change de loi.

Le Président (M. Champagne): Ah! Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques.

M. Biron: Là, il était question de cidre léger, de cidre ordinaire et de cidre fort. On supprime la notion de cidre fort. Il y a donc le cidre léger qui sera fixé de 1,5% à 7% d'alcool. Il était question de fixer le pourcentage maximal de cidre par règlement par la suite. On enlève une catégorie de cidre.

M. Fortier: ...

M. Biron: C'est 1°, 2° et 3°; à 4°, l'on a simplifié la définition et rendu le mot "spiritueux" plus conforme à la réalité.

M. Fortier: Vous définissez le mot "vin" ici. Est-ce qu'il s'agit de la même définition que celle dont on a parlé il y a quelques instants? J'espère.

M. Biron: La définition 5°, c'est cela.

M. Fortier: Adopté en ce qui me concerne.

Le Président (M. Champagne): L'article 11 est adopté. J'appelle l'article 12.

M. Biron: C'est technique.

M. Fortier: Attendez une minute. D'accord, allons-y.

Le Président (M. Champagne): L'article 12 est adopté. J'appelle l'article 13.

M. Ciaccia: L'article 13? Peut-être que ce serait...

M. Biron: C'est pour enlever le titre.

M. Ciaccia: Je vais la poser à ce moment-ci, cette question-là. Je pense bien qu'elle n'entre pas dans l'article 13, mais... Les brasseries qui sont fermées le dimanche, je sais que cela n'entre pas à l'intérieur de l'article 13, mais on va le glisser. Cela parle de vendre ou de livrer au Québec des boissons alcooliques.

M. Tremblay: On va donner notre consentement pour sortir de la pertinence, M. le député.

M. Ciaccia: Merci beaucoup, M. le député. J'apprécie beaucoup votre coopération.

Quelle est la position du ministre sur les heures d'ouverture des brasseries qui sont fermées le dimanche? Je pense qu'il y a eu des représentations à savoir que ceux qui veulent rester ouverts devraient avoir le droit de le faire. Quelle est votre position?

M. Biron: Cela relève de mon collègue, le ministre de la Justice, qui est responsable de la Régie des permis d'alcools du côté juridique. Ma sympathie irait à un élargissement en général, pas simplement à l'endroit des brasseries, mais à un élargissement du commerce au détail incluant les brasseries. Jusqu'à quel point? Je suis en train de faire de nombreuses consultations sur l'élargissement possible du commerce au détail, mais c'est mon collègue, le ministre de la Justice, qui s'occupe de ce problème-là.

M. Ciaccia: Est-ce que la juridiction du ministre de la Justice, ce n'est pas dans l'application de la loi une fois que les heures d'ouverture sont déterminées? Je ne pense pas que ce soit la responsabilité du ministre de la Justice. Est-ce que ce l'est?

M. Biron: C'est sa responsabilité vis-à-vis des boissons alcooliques.

M. Ciaccia: Est-ce que, en prenant cette décision, il consulte votre ministère?

M. Biron: Vous savez que notre administration est toujours collégiale, mon cher ami.

M. Ciaccia: Oui. Il est tard pour commencer un vrai débat là-dessus. Franchement, je suis fatigué.

Alors, si je comprends bien, votre position serait d'appuyer les représentations qui ont été faites disant que ceux qui veulent rester ouverts le dimanche le pourraient, sans imposer l'obligation de rester ouverts ou fermés à qui que ce soit.

M. Biron: Vous connaissez mon ouverture d'esprit et mon libéralisme habituel.

M. Ciaccia: Avec un grand "L" ou avec un petit "1"?

M. Fortier: Cela dépend si le

gouvernement change.

M. Ciaccia: II est malin, mon collègue.

M. Tremblay: Parce que nous autres, on est partis de là et on a évolué.

M. Ciaccia: Vous avez évolué en descendant. Vous avez évolué de reculons. Bon, l'article 13 est adopté.

Le Président (M. Champagne): L'article 13 est adopté. J'appelle l'article 14.

M. Fortier: L'article 14 modifie l'article 91. L'article 91 dit: Aucune boisson alcoolique ne peut être gardée ni possédée au Québec.

Une voix: Vous allez trop vite là. M. Fortier: Oui. L'article 14.

M. Biron: L'article 14 modifie l'article 83.

M. Fortier: L'article 83 de cette loi est remplacé par les suivants: "83. Sous réserve du paragraphe i de l'article 91 et du droit d'un détenteur de permis délivré en vertu de la Loi sur la Société des alcools du Québec de posséder des boissons alcooliques aux fins autorisées par son permis, il est défendu de posséder...". Alors, je me réfère à l'article 91 qui dit: Aucune boisson alcoolique ne peut être gardée ni possédée au Québec, excepté: i par une personne dans sa résidence pourvu qu'il s'agisse de bière, de cidre et de vin de fabrication domestique et qui n'est pas gardée dans le but d'en vendre.

Le problème que cela soulève, c'est qu'à ma connaissance, quoique cela pose des difficultés, on a le droit d'aller aux États-Unis, de revenir avec quelques caisses de boisson, de vin, étant donné que cela coûte à peu près 50% meilleur marché que dans les magasins de la Société des alcools du Québec. À ce moment-là, l'article 91 ne nous permet pas de les garder. Il y a un autre article sur le transport - l'article 92 -qui fait que c'est un crime de transporter des boissons alcooliques qui n'ont pas été acquises dans les magasins de la SAQ. Ma première question: Je me demandais si on n'allait pas un peu trop loin pour pénaliser éventuellement des touristes qui viennent des États-Unis ou qui viendraient de France. L'autre dimension...

M. Tremblay: ...trois caisses.

M. Fortier: Comme j'en ai fait part dans un discours en deuxième lecture, des électeurs sont venus me voir pour constater que, lorsqu'ils importaient quelques caisses de vin après avoir visité la France ou un autre pays, c'était quasiment plus cher que d'acheter cela dans un magasin de la SAQ. Je me demandais quel était le motif de la SAQ et du ministre de pénaliser les touristes qui vont dans les pays étrangers comme cela. De toute évidence, la réglementation et la loi ont été écrites pour assurer la ponction fiscale que le ministre des Finances veut avoir. S'il voulait permettre une latitude un peu plus grande, une compétition normale, on n'irait pas jusqu'à punir intensivement ceux qui, lorsqu'ils sont touristes en pays étranger, rapportent 12 ou 24 bouteilles de vin. Pour ceux qui viennent des États-Unis, la loi semble dire qu'ils n'ont même pas le droit de rapporter cela des États-Unis. Ils n'ont pas le droit d'en transporter et ils n'ont pas le droit d'en garder chez eux.

M. Biron: M. le député, la loi fédérale dit que les quantités maximales permises sont limitées à deux gallons impériaux par personne, bière comprise. Cela veut dire une caisse de 24 bouteilles de 25 onces.

M. Fortier: 250 centilitres.

M. Biron: C'est la loi fédérale qui donne la permission pour une caisse.

M. Fortier: De 24 bouteilles.

M. Biron: De douze bouteilles. Deux gallons impériaux par personne. Un voyageur peut transporter cela avec lui. Il n'y a aucun problème.

M. Fortier: La même chose s'applique au vin.

M. Biron: Oui. Il n'y a aucun problème.

M. Fortier: Jusqu'ici l'article 91 semble pénaliser la résidence. Quelqu'un garde cela à sa résidence... L'article 92 semble pénaliser ceux qui en font le transport.

M. Biron: L'article 91f donne la permission, dans les bagages d'un voyageur, d'en transporter pour son usage personnel.

M. Tremblay: ...dans la valise. Je le sais par expérience.

M. Fortier: Quant à la marge fiscale qui est prise chez ceux qui importent du vin de France ou d'ailleurs en quantité limitée, pour ceux qui arrivent à Mirabel avec deux caisses de vin, ils paieront au fédéral quelques sous par bouteille, mais la SAQ se charge de leur imposer une taxe qui est équivalente au prix qu'ils auraient payé s'ils les avaient achetées à Montréal. À ce moment-là, cela me semble réellement une désapprobation de ceux qui ont l'audace d'importer deux caisses de vin en visitant

une province de France. Je me demandais quel était le but de cette rigueur intempestive.

M. Biron: II y a un tableau des taux des droits. Eau-de-vie, c'est 0,15 $ l'once; vins mousseux et champagne, 0,15 $ l'once; autres vins... M. Champagne, 0,15 $ l'once.

Le Président (M. Champagne): On proposait de monter cela!

M. Biron: Autres vins, 0,10 $ l'once; la bière, 0,01 $ l'once. C'est perçu par le fédéral sur la première caisse.

M. Fortier: Et après cela, la SAQ...

M. Biron: Après cela, la SAQ va percevoir sur la deuxième caisse, mais, sur la première caisse, il n'y a rien.

M. Fortier: Ce que j'essaie de vous dire, c'est que de la façon qu'ils procèdent, ils déterminent le prix auquel ils vendraient ici et perçoivent la différence entre le prix qui a été payé plus le transport, et la différence devient la taxe de perception. Cela me semble un procédé assez anormal si ce n'est pour préserver la marge fiscale du ministre des Finances d'une façon très rigoureuse. On en prend acte. Je le signalais au ministre en disant qu'un ou deux électeurs qui sont venus me voir n'en croyaient pas leurs yeux lorsqu'ils ont vu la facture qu'ils devaient payer à la Société des alcools du Québec.

M. Biron: Dites-leur de revenir avec une caisse et il n'y aura pas de problème.

M. Fortier: Même avec une caisse, ils vont payer.

M. Biron: Article 14.

Le Président (M. Paré): L'article 14 est adopté?

M. Fortier: C'est cela.

Le Président (M. Paré): Article 15?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): L'article 15 est adopté. Article 16?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): L'article 16 est adopté. Article 17?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Article 17, adopté. Article 18?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Article 18, adopté.

M. Biron: C'est un article de concordance. C'est principalement à cause de la disparition de l'expression "cidre fort".

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Article 18, adopté. Article 19?

M. Biron: De concordance avec l'autre qu'on vient d'adopter.

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Article 19, adopté. Article 20?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Article 20, adopté. Article 21? (23 h 15)

M. Biron: C'est de concordance avec l'article 17 qu'on a adopté tout à l'heure à cause de la disparition de l'expression "vin désigné". Cela s'appelle maintenant "boisson alcoolique".

Le Président (M. Paré): Article 21, adopté. Article 22?

M. Biron: Encore une fois, cela répond à l'expression "cidre fort" et "vins désignés".

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Article 22, adopté. Article 23?

M. Fortier: On change de loi, M. le Président.

Le Président (M. Paré): Oui. C'est maintenant la Loi sur les permis d'alcool.

M. Biron: Oui. Cela aussi est de concordance. Remplacer l'expression "vin désigné".

Une voix: Adopté.

M. Fortier: Attendez un instant. Vous dites "permis d'épicerie", mais, dans les cas dont on parlait tout à l'heure, en régions éloignées, est-ce qu'il s'agit d'un autre permis en plus du permis d'épicerie et est-ce que vous leur permettez de vendre des spiritueux?

M. Biron: Oui, c'est une autorisation de la SAQ. L'épicerie agit comme agent de la SAQ.

M. Fortier: D'accord. Merci.

Le Président (M. Paré): Article 23, adopté. Article 24?

Dispositions transitoires et finales

M. Biron: C'est transitoire. À l'article 24, ce sont le président et les membres du conseil d'administration dont le mandat n'est pas expiré qui terminent leur mandat.

Le Président (M. Paré): Article 24, adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté. Article 25?

M. Biron: C'est pour transférer au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme le personnel du Service des permis industriels de la société.

M. Fortier: On parle de combien de personnes?

M. Biron: De dix ou onze personnes.

M. Fortier: Cela crée un problème avec le syndicat? Est-ce que c'est négocié?

M. Ciaccia: Quelle en est la raison?

M. Fortier: Parce que les permis, avant, étaient donnés par la SAQ et sont maintenant donnés par le ministère.

M. Biron: Aucun problème avec le syndicat là-dessus.

Le Président (M. Paré): Article 25, adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté. Article 26?

M. Biron: C'est technique. L'ancienne loi demeure en vigueur aussi longtemps que celle-ci n'est pas sanctionnée.

Le Président (M. Paré): Article 26, adopté?

M. Ciaccia: Adopté.

Le Président (M. Paré): Adopté. Article 27?

M. Ciaccia: Sur division.

Le Président (M. Paré): Article 27, adopté sur division. Article 28?

M. Fortier: À l'article 28, j'ai fait une demande. Le ministre m'a rassuré en disant que les personnes qui ont demandé d'être entendues seront consultées plus tard. À la lecture des télégrammes, tout de même, ces gens semblent disposer de peu d'assurance, toute ministérielle qu'elle soit. Est-ce que le ministre pourrait quand même insister davantage pour nous dire que ces gens seront entendus? De fait, ces gens demandent d'être entendus en commission parlementaire ou, tout au moins, ils veulent que la réglementation soit déposée et qu'ils aient la chance d'en discuter avant que la loi soit promulguée.

Je me demandais si on ne pourrait pas avoir l'assurance - on pourrait l'inscrire ici -que cette loi n'entrera pas en vigueur tant et aussi longtemps que la réglementation ne sera pas étudiée en commission parlementaire ou toute autre proposition que le ministre pourrait nous faire, et qui donnerait raison sur le principe de ce qui est soulevé par les auteurs des télégrammes que nous avons reçus.

M. Biron: Je peux m'engager, M. le député, à rencontrer les auteurs des télégrammes, d'ici quelques semaines. Nous voulons que cette présente loi entre en vigueur possiblement en juillet ou en août, pour être complètement en vigueur le 1er septembre. Il y a peut-être certaines parties qu'il faudra mettre en vigueur avant. Au cours des prochaines semaines, je vais rencontrer les gens. Non pas cette semaine, à cause de la loi sur la 5GF, mais la semaine prochaine j'aurai probablement le temps de rencontrer les gens qui nous ont fait parvenir les télégrammes.

M. Fortier: Également, une autre assurance que nous aimerions avoir. J'imagine qu'on ne passera pas à la troisième lecture immédiatement? Serait-il possible que le ministre rencontre ces gens avant qu'on adopte le projet de loi en troisième lecture, afin de pouvoir faire le point à ce moment-là et vérifier leurs craintes? Tout à l'heure, le ministre nous a donné une interprétation du budget, mais c'était sa propre interprétation et j'imagine que, d'ici ce temps-là, il pourra avoir l'assurance du ministre des Finances sur l'interprétation véritable qu'on peut y donner ou, du moins, la réglementation devrait préciser ce genre de problème. Si, avant de passer en troisième lecture, ce qui devrait se faire dans la toute dernière semaine, c'est-à-dire à la fin de la semaine prochaine, vous rencontriez - puisque nous sommes le 6, il

faudrait que ce soit avant le 18 - ces gens et s'ils étaient satisfaits quant à la réglementation et à l'interprétation à donner au budget et au contenu de la réglementation ou, encore, si le ministre pouvait nous donner une copie de la réglementation telle qu'elle est présentement - cela a déjà été fait par d'autres ministres cela nous permettrait de donner les assurances qu'il faut à ceux qui s'inquiètent du changement de la loi et surtout de la réglementation qui n'est pas encore publiée.

M. Biron: Là-dessus, vous pouvez dire à ceux qui s'inquiètent que, le plus tôt possible, je vais les rencontrer. Je ne veux pas prendre la place du leader du gouvernement qui appelle les lois aussitôt qu'il est prêt à les adopter. Je pense bien que la troisième lecture peut retarder un peu. Comme je vous le dis, cette semaine, c'est à peu près impossible à cause de l'autre loi sur la SGF; si c'est possible, la semaine prochaine, j'essaierai de rencontrer ces gens. En tout cas, je peux vous donner l'assurance morale de les rencontrer le plus tôt possible.

M. Fortier: Avant la troisième lecture, pour qu'on puisse faire le point parce que je ne veux pas partir... Je suis sûr que mon collègue de Mont-Royal collaborera avec moi parce que je pense qu'on aimerait bien que le projet de loi réponde aux objectifs véritables que le ministre s'est fixés, qu'il ne soit pas contraint par le ministre des Finances à faire des choses qu'il ne voudrait pas faire. Sans vouloir entreprendre un "filibuster" dans la dernière semaine, on voudrait collaborer, mais on voudrait avoir l'assurance que les craintes de ces intervenants seront prises en sérieuse considération avant l'adoption du projet de loi en troisième lecture.

M. Biron: M. le député, je prends l'engagement de rencontrer ces gens le plus tôt possible. J'espère que ce sera avant la troisième lecture et vous allez être heureux.

M. Fortier: Merci.

M. Ciaccia: Sur la question de la réglementation, il y a un précédent dans d'autres lois où nous avons demandé au ministre responsable de déposer les règlements à l'Assemblée nationale avant l'adoption en troisième lecture et je me souviens d'un projet de loi où nous avions fait une motion spéciale à cet effet et le ministre s'était engagé à le faire. Est-ce qu'il serait possible, parce que le gouvernement se donne un pouvoir de réglementation assez large, serait-il possible d'avoir, avant la troisième lecture, une copie des règlements que vous avez prévus dans votre projet de loi, pour qu'on ait au moins quelque chose pour nous permettre de nous prononcer en troisième lecture?

M. Biron: Toutes les idées sont dans le discours que j'ai remis à votre collègue. Je ne sais pas si vous avez une copie de cela...

Une voix: Oui, j'en ai une copie.

M. Biron: Je vais essayer de voir si on pourrait terminer nos règlements avant la troisième lecture. Je n'en suis pas assuré moi non plus. On a quatre lois en marche présentement, celle de la SGF, celle du crédit touristique, celle sur les SODEQ. J'ai quand même mon contentieux qui doit aussi travailler sur les autres lois.

M. Ciaccia: Même si c'est seulement un projet de règlement. On comprend que les règlements peuvent être modifiés en cours de route, mais au moins on aurait quelque chose sur lequel on peut se baser, parce que c'est toujours difficile pour nous. On donne un chèque en blanc au gouvernement: un pouvoir de réglementation. On n'a aucune idée sur l'étendue des règlements que vous avez l'intention d'adopter. Au moins, on en aurait une idée et on pourrait se prononcer en toute connaissance de cause en troisième lecture.

M. Biron: Je ne peux probablement pas vous donner la copie finale des règlements avant la troisième lecture, mais je pourrais vous donner au moins les grandes indications en disant que je ne peux pas me couler les pieds dans le ciment là-dessus; il peut peut-être y avoir de petits changements en cours de route. Au moins, vous allez avoir l'essentiel des règlements qu'on s'attend d'adopter avant la troisième lecture.

M. Ciaccia: Avant la troisième lecture. On aura l'essentiel des règlements. Il y a une autre question que je voudrais aborder avant qu'on termine nos travaux sur les annonces que vous faites. Premièrement, quel est le budget de la SAQ concernant les annonces publicitaires, la télévision, dans les journaux...

M. Biron: La modération a meilleur goût, c'est cela que vous voulez savoir?

M. Ciaccia: II y en avait une qui concernait un bateau qui s'en allait plein de vin. Franchement, je ne sais pas ce que cela faisait à la TV.

M. Tremblay: Présentement, on est en train de sortir du but de la commission, du mandat de la commission, cela prendra notre consentement pour que le député puisse poser sa question.

M. Ciaccia: Je demanderais au député: Est-ce que je peux poser cette question?

M. Tremblay: Je consentirai, M. le Président.

M. Ciaccia: Merci, vous êtes gentil. Merci beaucoup.

M. Fortier: Vous voyez l'importance des "backbenchers".

M. Biron: Notre budget là-dessus est de 1 600 000 $ pour 1983-1984.

M. Ciaccia: Quel est le but de ces annonces? Ce n'est certainement pas l'aspect social, car on voit des bateaux qui s'en vont à travers le monde. C'est un monopole. Vraiment, qu'est-ce que cela donne, 1 600 000 $?

M. Biron: C'est important, je pense, pour notre production, pour l'image de marque. C'est bon, dans le fond, que vous me posiez la question parce que, de temps à autre, nous aussi, il nous faut nous arrêter et nous dire: Est-ce que le montant de 1 600 000 $ pourrait être mieux employé ailleurs ou par le ministère des Affaires sociales, vous allez me dire, ou quelque chose comme cela? Nous aussi, on se questionne.

M. Ciaccia: La raison pour laquelle je la pose, c'est qu'on reçoit des appels au bureau de comté. Des gens voient cela et, franchement, ils sont presque scandalisés: Je n'ai pas de choix, moi, il faut que j'aille à la Société des alcools du Québec, je ne peux pas aller ailleurs pour acheter mes produits; voulez-vous me dire pourquoi j'ai besoin de voir des bateaux qui s'en vont sur l'océan pour la SAQ? Qu'est-ce que cela va faire pour moi? Ils voient leurs taxes augmenter et tout le reste. Ce sont des dépenses inutiles.

M. Fortier: Au lieu de recevoir de la publicité, ils aimeraient mieux recevoir des bouteilles.

M. Ciaccia: Réduisez le prix du vin et cela va prendre la place de la publicité.

M. Biron: Je reçois votre suggestion, M. le député de Mont-Royal.

Le Président (M. Paré): Donc, l'article 28 est adopté.

M. Fortier: Adopté avec les réserves et les commentaires qu'on vient de faire.

Le Président (M. Paré): L'article 28 est adopté. Les notes explicatives sont adoptées.

M. Fortier: C'est dans le rapport.

Le Président (M. Paré): Adopté. Est-ce que le projet de loi 29 est adopté? Adopté.

M. Fortier: Adopté avec les commentaires et les réserves que nous avons faits.

Le Président (M. Paré): J'inviterais le rapporteur de la commission à faire rapport à l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais. La commission ayant rempli le mandat qui lui était confié ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 27)

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