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Version finale

30th Legislature, 4th Session
(March 16, 1976 au October 18, 1976)

Friday, April 9, 1976 - Vol. 17 N° 21

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi 22 - Loi modifiant la Loi concernant l'établissement par SIDBEC d'un complexe sidérurgique intégré


Journal des débats

 

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la criasse et de la pêche

Etude du projet de loi no 22

Loi modifiant la Loi concernant

l'établissement par SIDBEC d'un

complexe sidérurgique intégré

Séance du vendredi 9 avril 1976

(Onze heures vingt-six minutes)

M. Houde, Limoilou (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Etude du projet de loi no 22.

M. Saint-Pierre: M. le Président, le chef de l'Opposition officielle m'avait demandé un délai de cinq minutes. Cela fait déjà douze ou treize minutes. Je pense qu'on n'abusera pas du fait qu'il n'est pas présent mais peut-être que, sur le sujet que nous avions hier, les députés ministériels auraient des questions qu'on pourrait immédiatement poser, compte tenu du temps assez restreint que nous avons ce matin pour parachever le témoignage des gens de SIDBEC, de même que l'étude, article par article, du projet de loi no 22.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Avant de donner la parole au député, je voudrais mentionner les membres de la commission parlementaire: M. Bellemare (Johnson), M. Tardif (Anjou) qui remplace M. Cadieux (Beauharnois); M. Côté (Matane), M. Bonnier (Taschereau) qui remplace M. Déom (Laporte); M. Denis (Berthier), M. Lachance (Mille-Iles), M. Kennedy (Châteauguay) qui remplace M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine); M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Lessard (Saguenay), M. Malouin (Drummond), M. Marchand (Laurier), M. Morin (Sauvé), M. Saint-Pierre (Chambly) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Avez-vous quelques questions à poser? Le député de Taschereau.

Le bilan de SIDBEC

M. Bonnier: M. le Président, j'aurais une question en particulier en ce qui regarde le bilan. Je pense bien que le député de Laurier a commencé hier à poser une question, mais, par le bilan, on s'aperçoit que les comptes à recevoir sont à la baisse, si on compare 1975 avec 1974. Et, par ailleurs, les stocks, évidemment, sont à la hausse, ce qui pourrait indiquer un problème réel en ce qui regarde la mise en marché. C'est vrai que l'année 1974 a été extraordinaire, il semble bien, pour l'ensemble des aciéries et que l'année 1975 a été particulièrement difficile. Je pense que ces deux énoncés nous en donnent une preuve. Mais, est-ce qu'à part de dire simplement qu'on espère que la situation va s'améliorer d'ici 1978, nous avons des indications précises de l'amélioration de ces conditions?

M. Gignac: Est-ce que vous voulez parler des stocks?

M. Bonnier: C'est-à-dire que, plus on stocke, moins on vend. Je tiens pour acquis que j'ai moins de comptes à recevoir, c'est-à-dire que mes clients m'ont payé et que je suis pris. C'est probablement un problème de vente.

M. Gignac: C'est un peu un problème de vente. C'est aussi — ce que vous avez mentionné — le fait que l'année 1975 n'a pas été une année tellement extraordinaire au point de vue des ventes en soi.

Depuis 1969 jusqu'à maintenant, à l'exception de 1975, normalement, les stocks et les comptes à recevoir que vous voyez au bilan... Normalement, les comptes à recevoir sont sous contrôle. On a un "roll-over" d'à peu près un sixième des ventes. C'est-à-dire qu'après 43 jours, en pratique, en moyenne, on est payé pour les facturations qu'on a faites.

Pour ce qui est des stocks, jusqu'à maintenant, excepté pour l'année 1975, c'est à peu près 30% de notre chiffre de vente qu'on garde en stock, compte tenu de tous les stocks qu'on possède. Je parle de boulettes, je parle de billettes, je parle de lingots, je parle de produits finis, de cornières, d'acier d'armature et de tous les stocks.

Maintenant, c'est évident qu'on a terminé l'année avec des stocks élevés dans deux ou trois secteurs différents, particulièrement dans les boulettes — je pense que cela a été mentionné hier — et aussi dans les lingots, de même qu'un peu également dans les billettes.

La majorité des autres stocks était à peu près normale. C'est ce qui fait la différence. On compte baisser nos stocks d'ici la fin de l'année 1976 à un niveau raisonnable qui est à peu près 30% de notre chiffre de vente.

M. Bonnier: Est-ce que je pourrais poser juste une autre petite question, M. le Président?

Le Président (M. Houde, Limoilou): Oui.

M. Bonnier: Dans son exposé, M. Gignac a dit que la production d'acier en fusion placerait SIDBEC-DOSCO dans une meilleure posture de compétition. Cela améliorerait donc les ventes. Est-ce que vous pourriez nous expliquer brièvement comment est-ce que cela vous placerait dans une meilleure posture par rapport aux autres aciéries?

M. Gignac: A ce moment-là, je pense que cela nous permet de penser à beaucoup de choses. A partir du moment où on a de l'acier en fusion, de l'acier en poche, qui est à un prix compétitif, surtout avec le procédé qu'on a, cela peut permettre, entre autres choses, d'installer des équipements, puisqu'on parle de laminoirs.

C'est moins gênant d'aller voir les financiers et leur demander s'ils seraient disposés à nous prêter de l'argent pour investir dans de nouveaux laminoirs, d'une part; d'autre part, si on a à faire des ententes avec des partenaires, du potentiel, pour participer avec nous dans certains de ces investissements, c'est beaucoup plus facile, parce que c'est évident que c'est à la base de tout ce qui suit. Si votre acier en fusion n'est pas compétitif, à ce moment, il n'y a rien qui suit qui l'est. Si votre acier en fusion est à un coût compétitif, cela veut dire que, normalement, si vous avez des équipements qui se tiennent en aval de cet acier, vous devenez compétitif.

M. Bonnier: Cela touche au problème que vous avez touché hier, le vieillissement de vos équipements...

M. Gignac: Oui, mais si ma base est solide et bonne, les gens perçoivent cela rapidement. Je veux dire dans le domaine de l'acier. Cela peut attirer des bénéfices qu'on ne connaît pas maintenant, mais, indéniablement, cela peut attirer des bénéfices sur le plan des investissements, cela peut faciliter un tas de choses.

M. Bonnier: Merci.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Anjou.

M. Saint-Pierre: Sur le même sujet peut-être... Une chose qui est surprenante, M. Gignac, c'est que vous nous mentionnez que le laminoir à barres et à fil, finalement, est un secteur où vous avez une forte rentabilité alors que le laminoir à froid est un secteur réellement à problèmes. Evidemment, en regardant les brochures, on est surpris de se rendre compte que le laminoir à barres a été fait avant le laminoir à froid et que le laminoir à froid ne date, après tout, que de juillet 1966, bien sûr, avant que SIDBEC achète les installations de la DOSCO. Est-ce qu'il y a eu des erreurs de la direction du temps de DOSCO sur la grandeur de l'usine ou sur sa conception? Parce qu'il me semble finalement que, juillet 1966, cela doit être relativement récent et moderne, si je peux employer l'expression, par rapport aux installations aux Etats-Unis dans le même secteur.

M. Gignac: Vous parlez du laminoir à froid?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Gignac: Le laminoir à froid est plus moderne que le laminoir à chaud, si vous voulez. La conception du laminoir est assez bonne, mais, par contre, il y a des carences, il y a des défauts qui ne sont pas tellement apparents, comme le manque d'espace, par exemple, pour stocker les bobines, des choses comme cela, de petits détails qui font qu'on se trouve à être pas mal tassés dans le laminoir à froid.

C'est une des raisons qui nous empêchent de pouvoir stocker d'une façon rationnelle et de donner un bon service à nos clients, parce qu'on n'a pas réellement d'aire de stockage proprement dite. C'est stocker sur le plancher. Je pense que c'est une des choses à laquelle on peut remédier, à des prix relativement modestes. Cependant, avant de le faire, on voudrait s'assurer qu'en amont du laminoir à froid, on est dans la bonne direction. Le laminoir à froid, d'une façon générale, a été beaucoup amélioré depuis 1969. Dans les deux laminoirs, au point de vue d'investissements nouveaux, c'est là qu'on a installé une ligne de nettoyage qui nous a coûté $6 millions ou $7 millions — et qui fonctionne très bien, je dois dire — qui nous a permis d'augmenter la grosseur de nos bobines, donc de diminuer les coûts.

Par contre, il y a certains problèmes qui se rattachent surtout au rendement métallique. C'est probablement le plus gros problème qu'on a au laminoir à froid. Ce n'est pas uniquement dû au layout du laminoir à froid, en soi. C'est aussi dû au fait que, dans le moment, on utilise des lingots et que ces lingots, même si cela a l'air facile à faire, à couler, il n'en reste pas moins qu'il faut qu'il y ait des dimensions exactes et qu'il y ait de la bonne qualité, etc., parce que, si ces lingots n'ont pas la qualité requise et les dimensions requises, la répercussion se fait au laminoir à froid.

Je pense que je l'ai mentionné hier, c'est une chose qui est inconnue pour nous, du moins, parce qu'on ne le fait pas encore, quand on va éliminer la coulée des lingots pour passer aux brames, à ce moment, je pense qu'il va y avoir une amélioration assez marquée, particulièrement dans le rendement métallique au laminoir à froid. Le rendement métallique, cela peut vouloir dire au laminoir à froid, cela peut être une variance annuelle de $2 millions à $3 millions, peut-être $4 millions. En fait, dans les deux laminoirs, ce n'est pas une chose en particulier, c'est une foule de petits détails cumulatifs qui font qu'on a beaucoup de difficultés à exploiter les laminoirs. Je dois dire qu'on a pris, pendant un an au moins, les meilleurs experts de US Steel, qui sont venus nous aider.

Il y a une chose que nous avons faite dans nos laminoirs à tôles. Nous avons réussi, à ce jour, à établir une qualité d'acier en tôle qui est compétitive avec celle de nos concurrents, ce que nous n'avions pas quand nous avons pris l'affaire en 1969. Nous avons été obligés de le faire à un coût. Si nous n'avions pas eu cette qualité, nous aurions été obligés de fermer les laminoirs.

Maintenant, il s'agit de régler les problèmes de production et c'est ce à quoi nous allons employer beaucoup d'efforts d'ici les deux ou trois prochaines années. Evidemment, il y a aussi le fait que si nous pouvions contrôler dans tous ses détails l'exploitation d'une façon assez rigide de ces deux laminoirs et les faire fonctionner à pleine production, donc avoir un "marketing" adéquat de ce dont nous parlions hier, je pense que nous pourrions améliorer la situation considérablement. Mais ces laminoirs ne seront jamais des laminoirs concurrentiels. Nous serons toujours non compé-

titifs, c'est-à-dire que cela nous coûtera toujours plus cher qu'à nos compétiteurs de convertir un lingot ou une brame en tôles, à cause de l'économie d'échelle. Mais, si nous l'améliorons, évidemment, dans l'ensemble, nous pouvons améliorer la situation financière de la compagnie.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le député d'Anjou.

M. Tardif: Merci, M. le Président. M. Gignac, la Presse a publié hier deux articles sur SIDBEC. Vous avez sans doute eu l'occasion d'en prendre connaissance. Dans un de ces deux articles intitulé "Ça ne tourne pas rond chez SIDBEC", on dit: "Tout ne tourne pas rond chez Sidbec, dont le déficit ne cesse d'augmenter" on fait état de certains problèmes qui existeraient dans votre compagnie. Je suis d'accord avec vous pour affirmer que tout ce qui est imprimé dans les journaux n'est pas nécessairement vrai. Nous, les députés, sommes bien placés pour confirmer ce fait. Malgré tout, il y a certaines questions qui se posent et j'aimerais connaître vos commentaires à l'égard des problèmes qui sont soulevés dans l'article.

Un des problèmes mentionnés a trait à la présence des francophones chez SIDBEC et on mentionne qu'au cours des dernières années il a été possible de former des cadres francophones au sein de votre compagnie dans le domaine de l'acier, mais que ceux-ci auraient eu des difficultés à percer, et que, d'autre part, certaines des réunions du conseil d'administration de SIDBEC se font en anglais. Pourrais-je connaître vos commentaires à l'égard de ces problèmes?

M. Gignac: Dans les deux cas, vous avez tort ou le journaliste a tort.

M. Tardif: Ce n'est pas moi. C'est le journaliste. Attention, je n'ai pas dit que je faisais miens les commentaires.

M. Gignac: D'accord. Ce ne sont pas vos commentaires. D'abord, les réunions du conseil d'administration se tiennent en français. Que voulez-vous que je vous dise? C'est aussi simple que cela. De dire que les francophoneo ont de la difficulté à percer dans la compagnie, je trouve cela fort, pas mal. Parce que, quand j'ai été nommé président de cette compagnie, en 1969, c'était 100% anglophone.

A Contrecoeur, actuellement, à toutes fins pratiques, c'est 100% francophone. Il faut tout de même, maudit, que les gens comprennent cela. A part cela, tout en gardant nos anglophones, (dont plusieurs sont bilingues), on a quand même réussi à former depuis sept ans — ce n'est pas tellement long — une main-d'oeuvre francophone qui commence à être assez qualifiée. Il ne faut quand même pas être masochiste et prendre des cas particuliers — parce qu'il y a des cas particuliers — pour généraliser et dire que SIDBEC ne donne pas de chance à ses francophones. On court les rues pour en trouver, en chercher, en engager. Je ne peux attacher d'importance à ces balivernes, je les lis, je me dis le type est mal informé. Que voulez-vous que je vous dise?

M. Tardif: Oui, écoutez, je vous pose la question, parce que je veux vous donner l'occasion de rétablir les faits, s'il y a lieu. Nous, de notre côté, nous avons un point de vue. Je pense que c'est l'occasion rêvée pour vous, aujourd'hui, de nous laisser savoir si les problèmes qui sont mentionnés là, existent réellement.

M. Gignac: Un petit instant, je pense que j'ai peut-être des statistiques ici. Alors, j'ai les statistiques ici, les dernières: en 1975, à l'usine de Contrecoeur — commençons ainsi — les employés payés à l'heure, 99,3% francophones et bilingues.

Dans les bureaux, 98,7% bilingues et la moyenne totale 99,1%. Je pense que cela parle de façon assez éloquente. C'est sur un total de 1481 employés. Cela fait déjà un bon morceau. A l'usine de Truscon, qui est une des vieilles usines de l'ancien complexe de Dominion Steel and Coal Corporation, en 1975, dans l'usine, c'était à 92,4% francophone. Dans les bureaux, c'était à 71,2% francophone ou bilingue. Dans l'ensemble, c'était à 87,3%. Je dois vous dire qu'en 1969, c'était pas mal différent de cela. C'était beaucoup plus anglicisé parce que Truscon est une des anciennes usines de Dominion Steel and Coal Corporation et quand je suis arrivé là, le gérant, les staff, enfin, tout le personnel de cadre était à peu près anglophone.

A l'usine de Montréal, où on a aussi de très vieux employés de Dominion Steel and Coal Corporation — et entre parenthèses, je dois dire qu'ils sont extrêmement compétents dans le domaine où ils oeuvrent — en 1975, dans les employés payés à l'heure, les contremaîtres, on avait 84,9% francophones ou bilingues et, dans les bureaux, 75% francophones et bilingues, une moyenne de 82,7%. Si vous prenez l'année 1971 — je n'ai pas les autres —il y a eu une augmentation du personnel francophone et bilingue d'à peu près 8% dans l'ensemble. A l'usine d'Etobicoke, évidemment, qui est en Ontario, c'est unilingue anglophone, malgré que je dois dire qu'il y a plusieurs Canadiens français qui travaillent là.

C'est évident qu'on fait des efforts pour aller recruter du personnel francophone bilingue et il ne faut pas se leurrer, parce que les contacts qu'on a ne sont pas uniquement des contacts locaux, ce sont des contacts à l'échelle non seulement nationale, mais internationale. Il faut que nos cadres soient bilingues, qu'ils soient francophones ou anglophones. Il faut qu'ils soient bilingues pour être en mesure de discuter de certains problèmes. Si des employés ou des cadres doivent aller visiter des équipements en dehors du pays, il faut qu'ils puissent s'exprimer dans le langage de ce pays.

Je suis obligé de vous dire que la langue de travail internationale est l'anglais. Je ne peux pas vous dire autre chose que ça.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Le chef de l'Opposition.

M. Morin: M. le Président, avec votre permission, j'aimerais maintenant en venir au rapport dette-équité. La première question que je voudrais vous poser, M. le président de SIDBEC est celle-ci. A combien s'établissait, au 31 décembre 1975, le rapport dette, capital-actions, dette-équité de l'entreprise, comparativement à ses concurents? Lors de la comparution de 1974, à laquelle je n'ai pas eu le plaisir de participer, puisque j'étais retenu par le genre de problèmes qu'évoquait le député il y a un instant, c'était le moment du bill 22; ce n'est pas très heureux que le projet de loi actuel qui vous intéresse porte le même numéro.

M. Gignac: C'est le bill.

M. Morin: C'est une mauvaise coïncidence, une pénible coïncidence. Mais enfin, il faut vivre avec lui. Lors de cette comparution...

M. Saint-Pierre: On réserve le no 22 pour les projets de loi importants, chaque année.

M. Morin: Oui, je vois ça.

M. le Président, lors de cette comparution, le président de SIDBEC avait déposé un document fort intéressant, quinze tableaux préparés pour la commission des finances, etc., pour la comparution du 18 juillet 1974 et, là-dedans, il y avait une étude comparative du rapport dette-équité — si vous vous souvenez de ce document — qui, de façon graphique, nous donnait une idée, établissait une comparaison entre SIDBEC, DOFASCO, ALGOMA et STELCO. Si je jette un coup d'oeil sur ce tableau, on pouvait constater que le rapport avoir-dette, équité-dette comme vous dites, était pour STELCO, de presque 7 pour 1. Pour ALGOMA, 4 pour 1 ; pour DOFASCO, à peu près 3 pour 1 et enfin, pour SIDBEC, la situation était de 1 sur 1. Dans votre exposé d'hier, à la page 16, vous nous avez dit que votre ratio, votre rapport dette à long terme, par rapport aux avoirs, est d'environ 7 à 1. Dois-je comprendre que vous avez maintenant un chiffre, une dette qui est sept fois ce que sont les avoirs?

Autrement dit, est-ce que, sur le graphique qui nous avait été donné, la colonne noire serait maintenant sept fois plus élevée que la colonne grise?

M. Gignac: Je crois que j'ai parlé hier que, pour chaque dollar de vente — un instant, si je peux reprendre mon texte...

M. Morin: Vous avez dit également que votre ratio d'intérêt par dollar de vente était de 7-1 également.

M. Gignac: Qui était à peu près la même chose que le ratio dette-équité. Cela me surprend beaucoup que vous me disiez que notre ratio était de 1-1...

M. Morin: En 1971, je m'excuse. Vous l'avez déposé en 1974, mais ces chiffres sont pour l'année 1971.

M. Gignac: A ce moment-là, cela veut dire que ce que le gouvernement avait souscrit et non payé avait dû être considéré. Il a dû y avoir un aménagement quelconque dans les chiffres. On n'a jamais eu un ratio de 1-1. On a toujours été plus élevé. On a toujours varié de 60% à 70% de dette contre 30% à 40% d'équité. Cela a été à peu près notre "pattern".

J'ai ici le chiffre. Actuellement, si on prend STELCO. prenons une moyenne, non pas une année. Si on prend la moyenne de STELCO, DOFASCO, ALGOMA, pour la période 1970-1974, ce sont les chiffres officiels, c'est $0.28 de dette par $1 d'équité.

M. Morin: Un sur quatre... M. Gignac: Pour SIDBEC...

M. Morin: ... à peu près.

M. Gignac:... pour la même période... Ce que je vous disais, c'est que, pour STELCO, ALGOMA et DOFASCO, pour la période de 1970-1975, une moyenne pondérée de $0.28 par $1 d'équité; pour la même période, à SIDBEC, la moyenne pondérée et de $1.60 par $1 d'équité. Cela fait à peu près cela, sept fois.

M. Morin: Oui. Evidemment, ce n'est pas une situation dont vous puissiez vous réjouir outre mesure. Est-ce que je puis vous demander si l'actuel projet de loi que nous nos apprêtons à adopter va améliorer ce rapport? Dans quelle mesure va-t-il le faire?

M. Gignac: L'actuel projet de loi règle les problèmes de liquidité de SIDBEC, à toutes fins pratiques, pour l'année 1976. Je ne pense pas qu'on ait prévu aller plus loin que cela pour le moment, pour des raisons qui ne sont pas sous mon contrôle.

Cela va évidemment améliorer légèrement le rapport équité-dette, le ratio équité-dette, mais, en réalité, ce rapport peut être amélioré de deux façons. Cela peut être amélioré par des mesures correctives financières et cela peut aussi être amélioré si la compagnie faisait des profits.

On va peut-être se retrouver, à un moment donné, dans une espèce de cercle vicieux. Les mesures correctives financières peuvent toujours être utilisées pour un certain nombre d'années, mais je dirais un nombre d'années limité. Je pense que ce qu'il faut regarder, ce à quoi il faut penser, c'est de prendre les moyens pour que SIDBEC devienne rentable.

M. Morin: C'est bien ma conviction aussi.

M. Gignac: Je parle d'une façon permanente, non pas d'une année sur cinq. Pour que SIDBEC devienne rentable, il faut, je le répète encore, qu'on ait de l'acier en fusion à un coût compétitif. C'est pour cela qu'on s'est acharné à mettre en place des morceaux de sidérurgie intégrée qui

vont faire que, d'ici 1978, on va avoir au moins cela. A ce moment, je pense qu'il serait beaucoup plus facile d'analyser la situation de SIDBEC et de dire ce qu'on peut faire maintenant pour corriger d'une façon permanente la rentabilité et tout ce qui s'ensuit. Quand vous êtes rentables, il y a bien des choses qui se corrigent.

M. Saint-Pierre: C'est un seul point, M. le Président, que j'aimerais ajouter. Bien sûr, je pense que le gouvernement est conscient, dès le départ, d'une sous-capitalisation dans SIDBEC, mais il y a des facteurs, comme l'explique M. Gignac, où il faut reculer de plusieurs années pour les expliquer. Bien sûr, lorsqu'on fait des comparaisons avec les trois autres grandes compagnies d'acier au Canada, on a des compagnies qui ont quand même une feuille de route qui s'étale sur 40, 50 et 60 années. On a des compagnies où, en général, en tout cas, non pas en général, mais où, exclusivement, chaque année, les profits viennent ajouter à l'avoir des actionnaires alors que, dans le cas de SIOBEC, depuis le début des opérations, il y a quand même $36 millions, dans une petite compagnie, qui constituent le déficit accumulé dans les opérations. Cela joue aussi négativement dans le rapport dette-équité.

Simplement pour ne pas laisser la mauvaise impression que le gouvernement ne fait pas cette année un effort pour tenter d'aider l'entreprise — j'aurai l'occasion peut-être plus loin d'en dire davantage, en demandant le plus de discipline, le plus de rigueur et le plus de volonté possible pour corriger la question de la rentabilité — il faut quand même se rendre compte qu'en versant $53 millions de capital souscrit, cette année, le gouvernement verse, dans une seule année, 30% de l'avoir des actionnaires actuels. Or, je pense que si on avait d'autres chiffres, il y a très peu d'autres compagnies canadiennes qui bénéficient de la part de leurs actionnaires dans le moment, d'une infusion de capital dans une année qui représente 30% de l'avoir des actionnaires. Mais, bien sûr, je pense qu'on ne se raconte pas d'histoire ici. Pour changer ce rapport dette-équité, il faut voir également une phase très importante d'emprunts et d'investissements que traverse SIDBEC, qui serait, si on avait des statistiques, complètement disproportionnée par rapport à ce que peuvent faire les autres avec peut-être l'exception de STELCO, bien qu'à STELCO encore, les investissements qui sont faits actuellement, étant d'un ordre très supérieur cependant, en proportion de l'avoir des actionnaires ou de leur chiffre de vente, deviennent finalement peut-être plus faciles à absorber que la nature des investissements de SIDBEC, qui, dans l'espace assez restreint de trois ou quatre ans... On voit plus de $200 millions à Contrecoeur; on voit $540 millions d'actions majoritaires, par une filiale, bien sûr, mais qui impliquent des responsabilités qui augmentent la dette à long terme, à cause des immobilisations. Tout cela pour dire qu'il me semble qu'avec $53 millions, cette année, le gouvernement, comme actionnaire, fait beaucoup plus que les actionnaires des autres compagnies d'acier.

M. Morin: SIDBEC paie $52 millions d'intérêts aussi sur la dette.

M. Saint-Pierre: Non, les intérêts, M. le Président...

M. Morin: Non. Evidemment, je parle de 1969 à 1976, $52 millions d'intérêts...

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin:... ce qui est un montant considérable. Je ne veux pas m'étendre là-dessus indûment. Je vais me contenter de souhaiter, comme vous le faisiez vous-même dans votre exposé, hier, qu'en temps et lieu, cette situation soit corrigée. Je voudrais passer à autre chose.

Pour les fins des opérations courantes, combien a-t-on emprunté en 1975? J'entends les nouveaux emprunts.

M. Gignac: Strictement pour les emprunts bancaires?

M. Morin: Oui. Pour les opérations courantes.

M. Gignac: A toutes fins pratiques, la réponse à votre question, M. Morin, c'est qu'on a dû, par le biais de différentes voies, emprunter à peu près $14 millions pour pouvoir fonctionner en 1975, soit en escomptant les actions qu'on avait en réserve, les actions qui n'avaient pas été escomptées, soit en faisant des emprunts à la caisse de dépôt, soit en faisant tout simplement des emprunts commerciaux à des banques à charte.

Emprunts

M. Morin: En 1976, M. le président de SIDBEC, compte tenu du fait que le présent projet de loi va vous apporter une souscription en capital-actions pour les quatre prochaines années, est-ce que vous allez miser sur ces apports éventuels de capital-actions pour emprunter davantage? En d'autres termes, va-t-on escompter les montants que le projet de loi 22 vous apporte au cours des quatre prochaines années?

M. Gignac: Les actions que le gouvernement a souscrites par le biais de la loi 22, je ne crois pas qu'elles soient toutes escomptées cette année. De toute façon, la partie importante qui va être escomptée le sera sûrement pour payer des équipements qu'on est en train actuellement d'installer et de finir. Cela va aussi prendre un montant assez considérable si notre chiffre de ventes augmente pour être en mesure de financer nos comptes à recevoir et nos inventaires. Si on fait encore des pertes en 1976, ce seront, disons, des montants qu'il faudra aller chercher à même, ce qu'on appelle, nous autres, notre fonds consolidé, un peu comme la province; on n'a pas le choix.

M. Morin: Vous prévoyez que cela pourrait être de quel ordre, vos emprunts en 1976, un chiffre approximatif? Je ne vous demande pas un chif-

fre exact, je ne vous demande qu'une ordre de grandeur.

M. Gignac: Sur le plan du fonctionnement, on n'aurait pas à emprunter cette année, à cause du fait que j'ai mentionné hier soir, c'est-à-dire qu'on va baisser nos inventaires d'ici la fin de l'année. Alors, de ce côté, on n'aura pas d'emprunt supplémentaire à faire.

La totalité des actions qui vont être escomptées va être utilisée pour payer des équipements.

M. Morin: De Port-Cartier?

M. Gignac: Oui, ceux de Port-Cartier et surtout de Contrecoeur, parce que Contrecoeur se termine cette année, à toutes fins pratiques. Tous les comptes vont être payables avant la fin de Tannée. M. Howison me dit que nous allons emprunter environ $80 millions, cette année, des $107 millions qui nous sont souscrits par le gouvernement.

M. Morin: Me tournant maintenant vers la question du déficit pour les années 1976 et 1977, j'ai remarqué qu'à plusieurs reprises, dans votre exposé, vous nous avez parlé des différences ou des variations entre ce que vous aviez prévu et les résultats obtenus. Vous faites donc des budgets prévisionnels, si je vous ai bien compris. Pour 1976 et peut-être aussi pour 1977, si vous aviez déjà mis cela sur le papier, quelles sont vos prévisions approximatives en ce qui concerne les déficits éventuels?

M. Gignac: Si on parle du budget de 1976, au mois de septembre 1975, nous avions prévu une perte de $400 000 pour 1976. Depuis ce temps, nous avons rajusté notre nudget et nous croyons que, pour l'année 1976, nous allons encourir une perte d'à peu près $8 millions, après avoir payé $14 millions d'intérêts.

Pour l'année 1977, ce sont des prévisions qui sont faites sans budget détaillé, nous prévoyons une perte de $17 millions, après avoir payé $30 millions d'intérêts. Il y a des intérêts capitalisés là-dedans.

Pour l'année 1978, nous prévoyons une perte de $9,5 millions, après avoir payé $27 millions d'intérêts. Maintenant, 1978, c'est dans deux ans, c'est réellement un "ball park figure". Si l'économie changeait et devenait beaucoup plus dynamique qu'elle ne l'est présentement, nous pourrions possiblement faire beaucoup mieux que cela, même en payant $27 millions.

M. Morin: Selon la tournure...

M. Gignac: C'est pour cela que je vous dis que le jeu des intérêts dans notre bilan joue un rôle prédominant.

M. Morin: C'est évident. Avec le rapport dette-équité que vous avez, cela ne peut pas faire autrement. Vous comptez alors que, si les conditions s'améliorent en Amérique du Nord, sur le plan économique...

M. Gignac: Dans le monde.

M. Morin: ... ou dans le monde occidental, en tout cas, comme certains l'indiquent, vous pensez qu'à ce moment, vous prendriez un tournant définitif vers la rentabilité.

M. Gignac: Oui.

M. Morin: C'est bien difficile d'aller plus loin pour l'instant, parce qu'aujourd'hui, deux ans, c'est beaucoup de temps.

Est-il exact, comme je l'ai entendu dire, que SIDBEC aurait soumis au gouvernement une demande financière supérieure, même bien supérieure à ce qui est offert par le projet de loi que nous étudions en ce moment?

M. Gignac: Je pense qu'il est exact de dire que nous avons fait des demandes, en fait, pour 1976, 1977 et 1978, et que le gouvernement a accepté nos demandes pour 1976. Je pense d'ailleurs que M. Saint-Pierre l'a mentionné dans son exposé.

M. Morin: Dans son exposé de deuxième lecture, oui, mais je voulais m'en assurer auprès de vous afin de savoir exactement ce qui en était.

Autrement dit, ce que vous apporte le bill, pour les années subséquentes, ne correspond pas à ce que vous auriez souhaité obtenir.

M. Gignac: Là, cela devient une question d'interprétation. Nous avons couvert nos besoins pour 1976. Je pense que le gouvernement — peut-être que M. Saint-Pierre pourrait répondre mieux que moi à cette question — veut savoir ce qui en sera à la fin de 1976 et ce que nous prévoyons après avoir vu un budget pour 1977 et une possibilité pour 1978, que le gouvernement voudrait savoir à quoi s'en tenir, d'une façon plus précise, parce qu'évidemment, nous n'avons pas fait de budget pour 1977 et nous n'en avons pas fait non plus pour 1978.

M. Saint-Pierre: Pour éclairer les membres de la commission, M. le Président, je dirais que nous avons eu plusieurs discussions, j'en ai eu moi-même, à partir de décembre 1975, bien sûr, avec les gens de SIDBEC. Les demandes de SIDBEC au 23 janvier étaient de l'ordre de $150,3 millions, soit $109 076 000 et $41,2 millions en 1977. Comme il y avait là un dossier technique fort complexe, le Conseil des ministre avait retenu, à sa réunion de janvier, accepté en principe l'ensemble des propositions financières du projet de Fire Lake, mais considéré qu'il fallait mieux étudier plus en profondeur les autres demandes de SIDBEC, ce sont des opérations courantes. Un comité fut donc créé sous la présidence de M. Guerci, comprenant des représentants du Conseil du trésor et du ministère de l'Industrie et du Commerce, pour analyser l'ensemble des opérations de SIDBEC et, en particulier, pour obtenir un éclairage plus complet sur l'ensemble des demandes. Il ne m'apparaît pas approprié de déposer ici ces rapports, mais, à la

suite de ces rencontres, les demandes de SIDBEC étaient alors de $175,8 millions, donc une augmentation de $25,5 millions. Il y avait des correctifs pour chaque année, mais, en particulier, $32 millions additionnels pour l'année 1978.

Dans l'analyse de ces demandes et le rapport qui nous a été soumis au Conseil exécutif par M. Guerci et son groupe, on a décomposé l'analyse de toutes ces demandes, tant pour le projet de Fire Lake que pour le manque à gagner, l'augmentation du fonds de roulement, les variations des comptes à recevoir, des comptes à payer, d'autres types de besoins, en particulier, les avances pour le contrat de SIDBEC à SOQUIP et d'autres besoins semblables. Les recommandations du comité qui ont été acceptées par le gouvernement, se montaient à $87 millions. Comme les versements étaient faits sur une période de trois ou quatre ans, nous avons actualisé la somme de $107 millions, pour nous donner les $87 millions. Il y avait des variations mineures, que je ne voudrais pas mentionner ici, mais fondamentalement — j'en vois ici, en fait, sur les comptes à recevoir — des variations de stock d'inventaire et autres, mais je pense que, comme l'a indiqué M. Gignac, la divergence fondamentale était sur l'acceptation ou non, par le gouvernement, des déficits mentionnés pour les années 1977/78. Nous estimons que l'ampleur de ces déficits est telle que des examens plus approfondis, des discussions subséquentes devraient avoir lieu avec la direction de SIDBEC, avant que l'actionnaire accepte l'ordre de grandeur des déficits qui sont proposés. Mais, en dehors de cela, je pense que nous nous entendons à dire que, grosso modo, les demandes de SIDBEC avaient été acceptées. Il y a eu de légères différences sur le fonds de roulement requis, sur l'amélioration des comptes à payer. Fondamentalement, ce sont les quelque $30 millions de déficit prévus pour deux années qui n'ont pas été retenus.

Le Président (M. Houde, Limoilou): L'honorable chef de l'Opposition.

M. Morin: M. le Président, compte tenu de la situation qui a été décrite, en décembre 1975, le président de SIDBEC annonçait ce qu'il appelait, je crois, un plan d'action draconien, pour tenter de... Ou, si vous voulez, une sorte de réorganisation, une sorte de programme d'austérité, si j'ai bien compris ce qui a transpiré dans la presse et je voudrais vous demander quelques détails là-dessus.

Quelle est l'ampleur exacte de ce programme d'austérité pour l'emploi et les mises à pied, s'il y a lieu, pour les investissements, les modifications aux lignes de production, la restructuration administrative? Est-ce que vous pourriez nous donner quelques précisions sur cette austérité?

M. Gignac: Je pense que c'est en marche. Draconien cela voulait dire... Moi, j'avais indiqué "drastique". Apparemment, la définition du mot "drastique" c'est-à-dire qui purge. Ce n'est pas moi qui...

M. Morin: Vouliez-vous dire drastique ou draconien?

M. Gignac: Je voulais dire drastique.

M. Morin: Remarquez que ce qui est draconien peut être drastique. L'inverse peut être vrai aussi.

M. Gignac: Ce qu'on visait surtout par là, c'était d'exercer des contrôles plus sévères à tous les niveaux de l'exploitation de SIDBEC dans toutes les usines. Exercer des contrôles très sévères sur les dépenses d'entretien, par exemple. Je dois dire qu'on commence à voir les résultats de cela. Cela porte fruit. On suit maintenant pas à pas... Evidemment, on ne suit pas trop les opérations qui fonctionnent bien. On suit plutôt celles qui sont un peu en détresse, si je peux dire, de telle façon que nos employés, à tous les niveaux de responsabilité, sachent que la haute direction de l'entreprise est fort bien au courant de la façon qu'eux administrent leurs propres responsabilités, si je puis dire. Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est impossible pour le président de la compagnie ou le vice-président même, d'aller sur le plancher pour faire fonctionner un laminoir. Il faut observer une ligne d'autorité, une ligne de responsabilité. Mais la responsabilité qu'on a comme hauts administrateurs de la compagnie, c'est de trouver les bonnes personnes, les personnes compétentes pour chacun de ces niveaux de telle façon que cette personne compétente engage sa responsabilité vis-à-vis d'autres, le processus se poursuivant jusqu'au bas de la ligne.

Je pense que, si d'une part, on pense aux problèmes qu'on a, seulement le problème de la langue qui a été mentionné, pour être en mesure de recruter des francophones ou des gens bilingues pour pouvoir travailler dans nos usines, on a déjà là une contrainte épouvantable. Cela veut dire qu'on est obligé d'entrainer beaucoup de gens, de faire beaucoup d'entrainement sur place. Or les résultats de ces cours de formation ne sont pas des résultats immédiats, ce sont des résultats qui prennent du temps à venir. Je mentionne cette contrainte-là, parce que si on se place dans un contexte nord-américain, par exemple, je peux aller chercher des gens très compétents partout en Amérique du Nord, ils ont seulement un petit problème...

M. Morin: ... la raison d'être.

M. Gignac: ... c'est qu'ils ne parlent pas la langue française.

M. Morin: C'est cela, et vous perdriez une bonne partie de votre raison d'être.

M. Gignac: Si vous voulez. Alors, c'est une contrainte très pénible parfois, mais on a accepté de vivre avec cette contrainte.

D'autre part, en suivant pas à pas, comme je vous ai dit tout à l'heure, certaines opérations aux

laminoirs, je pense qu'on va pouvoir améliorer d'une façon sensible les résultats de ces laminoirs, mettre certaines choses sous contrôle, qui ne le sont plus ou moins, et faire la relation entre ces choses et d'autres. Je vous ai mentionné, par exemple, que je ne peux pas accuser les laminoirs à froid ou à chaud de tous les maux de la société. Je sais fort bien que l'aciérie a une responsabilité énorme, celle d'approvisionner ces laminoirs avec des produits qui sont requis, les bons produits, ce qui n'est pas toujours le cas. C'est un enchaînement d'événements que nous sommes actuellement en train de mettre sous contrôle et qui, éventuellement, j'espère, donnera des résultats positifs. Evidemment, le fait de le déclarer publiquement, parce que, normalement, ce ne sont pas des choses que l'on fait d'une façon publique, c'était pour mettre tout mon personnel, tant de cadre que mon personnel syndiqué — c'est-à-dire les gens de métier — au courant de la situation. Je pense que c'est mieux d'avoir des gens informés que d'avoir des gens mal informés et qui ne savent pas pourquoi on fait telle chose ou telle chose.

M. Morin: Est-ce que, déjà, ce programme de redressement et d'austérité a eu des conséquences? Dans votre conférence de presse de décembre, vous parliez d'éliminer le bois mort. C'est une sorte d'avertissement que vous dispensiez à tout votre personnel.

M. Gignac: Je m'excuse. C'était assez astucieux, mon affaire. J'ai dit qu'on se débarrasserait du bois mort, s'il y en avait, et qu'on devrait utiliser les bons éléments de la compagnie qui sont sous-utilisés, les éléments humains, et il y en a. Si vous lisez le texte, je m'en souviens encore, c'est ça.

Maintenant, si je peux revenir à un autre fait que vous avez mentionné, M. Morin, c'est la question des mises à pied. Dans le domaine de la sidérurgie et dans le domaine où on oeuvre, surtout dans l'industrie de parachèvement, et aussi au niveau de l'installation des fours électriques, etc., des laminoirs, il y a des mises à pied cycliques en ce sens que si l'économie est extrêmement forte et qu'on fonctionne à quatre équipes, on a le maximum des employés. Dans le moment, on ne marche pas au maximum, on marche, dans certains cas, à 60%. Alors, ce sont des mises à pied, dans certains cas, que j'appellerais temporaires. Mais les vraies mises à pied, si on peut appeler ça ainsi, c'est si on décide qu'un département n'est réellement pas rentable, ne le sera jamais, on décide de le fermer. Ce sont des choses qu'il faut envisager et ce ne sont pas des choses faciles à faire, mais ce sont des choses qu'il va falloir réellement envisager. Je crois qu'on est en train de les envisager d'une façon bien froide. C'est évident que ça va causer certains problèmes.

M. Morin: Mais les décisions ne sont pas encore prises.

M. Gignac: II n'y a pas tellement de décisions à prendre, il y en a une ou deux, elles ne sont pas prises encore.

M. Morin: Est-ce qu'il est possible d'évaluer les effets bénéfiques de ces mesures de redressement? Est-ce qu'on peut évaluer, par exemple, les réductions de coûts que cela pourrait entraîner?

M. Gignac: Dans les usines, en ce moment, je ne pourrais pas vous dire, je m'étais donné trois mois, les trois premiers mois de l'année, pourvoir si on pouvait noter quels effets ces mesures entraîneraient. Je peux vous parler des bureaux administratifs où on a réellement sapé les budgets d'une façon assez rigide. On a même fait des mises à pied, disons permanentes et on n'emploie tout simplement pas de monde. On ne fait pas d'engagement. On procède d'une façon négative de ce côté.

Si quelqu'un s'en va, qu'on peut se passer du poste, ce poste est éliminé. Je peux vous dire qu'au bureau administratif, actuellement, on a une variance favorable. Cela veut donc dire que cela a donné des résultats pour les trois premiers mois de l'année.

M. Morin: Quand vous dites une différence favorable, vous voulez dire qu'il y a moins de postes qu'il y en avait ou davantage?

M. Gignac: II y a moins de postes, oui.

M. Morin: Moins de postes. C'est favorable pour la compagnie. Je comprends. Très bien. Non, j'ai terminé sur ce sujet. On peut peut-être passer à autre chose.

En juillet 1974, lors de la dernière comparution, vous nous aviez dit que SIDBEC avait dû reporter à plus tard certains investissements très rentables ou dont on prévoyait qu'ils le seraient dans une nouvelle usine de fil et barres.

Vous aviez déclaré reporter ces investissements en raison d'un manque de liquidité. J'aimerais revenir là-dessus. Peut-être y avez-vous fait allusion plus tôt, hier. J'aimerais savoir si vous avez l'intention de réaliser ces investissements qui pourraient, semble-t-il, aider à assurer votre rentabilité.

M. Gignac: On est en train de se creuser la tête pour voir s'il n'y aurait pas moyen, d'ici un an ou deux, de mettre en forme le projet de doublage du laminoir à fil et barres, sans que le gouvernement intervienne sur le plan financier.

Il en va ainsi de la tréfilerie de l'usine de Montréal. Il n'y a aucun doute dans notre esprit que ces deux projets étaient de beaucoup les plus rentables dans l'immédiat, que la compagnie pouvait envisager.

Mais il reste quand même que le laminoir à fil et barres, au point de vue de la création ou de l'effet d'entraînement sur l'emploi, en dehors de SIDBEC, a beaucoup moins d'impact que des laminoirs à tôles, comme je vous l'ai dit hier. Une partie importante des produits se retrouve dans l'in-

dustrie de la construction et il n'y a à peu près pas de transformation qui se fait après que le produit est livré.

Je vous donne l'exemple d'acier d'armature. Vous prenez une barre d'acier d'armature, vous la mettez dans le coffrage et c'est cela, la valeur ajoutée. Pour le fil, c'est un peu différent. Il a un effet d'entraînement assez prononcé. Si on prend le fil à ressort, qui est utilisé, par exemple, dans les matelas, il a un effet d'entraînement. C'est fait à l'usine de Montréal, c'est étiré suivant un certain diamètre, suivant la qualité du produit. C'est vendu à des compagnies comme Matelas Suprême de Saint-Narcisse, par exemple et c'est retransformé. Cela contribue nettement et directement au développement de l'industrie secondaire.

Donc, on peut dire d'une façon assez sûre qu'à peu près 50% des produits du laminoir à barres et fil entraînent des créations d'emplois une fois que c'est livré, alors que l'autre partie, en entraîne beaucoup moins. Je parle des produits comme l'acier d'armature et autres choses comme cela.

Cependant, du même coup, je dois vous dire que tous les produits de ce laminoir sont très rentables. En fait, si on avait seulement cela, on ne serait pas ici aujourd'hui pour vous demander de l'argent. On serait plutôt ici pour vous payer des dividendes.

M. Morin: Mais est-ce que vous prévoyez être capable de réaliser ces investissements? Est-ce que dans votre esprit, il y a un échéancier, un calendrier éventuel?

M. Gignac: II faudrait absolument, dans mon esprit — disons que c'est un sentiment personnel — que ces investissements soient faits avant l'année 1979, 1980, au plus tard. Si on ne le fait pas, on n'aide pas l'industrie secondaire du Québec qui emploie le fil de notre usine de Montréal et il y en a beaucoup.

M. Morin: Est-ce que vous êtes en mesure de faire face à toutes les commandes qui vous parviennent?

M. Gignac: Dans le moment, oui. Mais dans deux ans, je ne crois pas qu'on puisse être en mesure de faire face à toutes les commandes qui vont nous parvenir. Quand les lignes de transport de transmission de la baie James vont commencer à se montrer, comme une partie importante de ces lignes sont des pylônes à haubans, c'est-à-dire qui sont retenues par des fils, cela prend des quantités énormes de fil.

Dans le passé, on a toujours été capable de fournir 100% de ce fil à l'Hydro-Québec, par le biais d'une compagnie qui le manufacture, mais je ne crois pas qu'on soit en mesure, à cause du troncage qu'on a fait, de fournir l'Hydro-Québec maintenant. Quand elle aura besoin de ce fil, il faudra que ce soit fourni par nous peut-être, mais par d'autres aussi.

M. Morin: Oui, ces piliers haubanés vont être construits probablement après 1978, quand elle va commencer à ériger les grandes lignes de transmission. Je ne pense pas que vous nous ayez dit ce que cela pourrait représenter comme demande de liquidité.

M. Gignac: Non, on essaie de trouver un moyen de financer cela sans demander de l'argent au gouvernement, par "lease back", par exemple, ou des choses comme cela.

M. Morin: Ce sont des montants de quel ordre?

M. Gignac: Si on parle du doublage de l'usine, du laminoir à fil et barres, on parle d'un montant d'à peu près $30 millions. Simultanément, il faut investir environ de $15 millions à $20 millions à l'usine de Montréal pour être en mesure de transformer la tige qui va être éventuellement transformée en fil. On parle d'un montant total d'à peu près $50 millions.

M. Morin: Bien. Il me reste encore seulement quelques questions, M. le Président, de sorte que je prévois que nous pourrons avoir terminé pour 13 heures. De toute façon, je voudrais laisser à mes collègues l'occasion de poser leurs questions aussi. J'ai déjà abusé un peu du temps de la commission. Il me reste deux ou trois questions et notamment une au sujet des approvisionnements en gaz naturel. Avez-vous obtenu une garantie ferme, une garantie convenable d'approvisionnement en gaz naturel pour les prochaines années de la part des compagnies qui contrôlent la distribution du gaz entre les provinces?

M. Gignac: C'est une question à laquelle c'est assez difficile de répondre, parce que, dans ce problème, il y a des éléments politiques, comme vous le savez, qui entrent en jeu et sur lesquels je n'ai aucun contrôle. Personnellement, je me sens en sécurité pour ce qui touche les deux premiers modules de réduction qu'on a installés à Contrecoeur. J'ai justement appris la semaine dernière que Trans-Canada Pipe Line, qui s'opposait à transporter du gaz qu'on a acheté directement, par le biais de SOQUIP, dans les champs pétrolifè-res ou gaziers de l'Alberta, a maintenant accepté de transporter ce gaz, via Pan-Alberta, via TransCanada, via Gaz-Métro.

C'est du gaz qu'on a acheté dans les champs gaziers et qui nous appartient. On a payé pour; on a versé $1,5 million pour cela, ce qui va assurer notre approvisionnement pour plusieurs années, évidemment, non pas tout l'approvisionnement, mais une partie assez importante de l'approvisionnement. Une des raisons, je dois dire, qui nous a fait choisir l'usine de réduction, avec, comme réducteur, le gaz naturel, c'est que le gaz naturel était un produit canadien.

En fait, quand toute la boucle sera bouclée, on peut dire qu'on sera la seule sidérurgie au Canada à s'approvisionner en matières premières — le gaz en est une — de produits canadiens, alors que, dans le cas du charbon à coke, comme

vous le savez, 95% du charbon à coke est en provenance des Etats-Unis.

Si, un jour — cela s'est parlé lors de la crise de l'énergie — il fallait que les Etats-Unis mettent un embargo sur le charbon à coke, cela pourrait être assez désastreux. Ils l'ont fait, comme vous le savez, pour la ferraille. Ils ont mis un embargo sur la ferraille il y a deux ans. C'est ce qui a fait, d'ailleurs, monter les prix en flèche au Canada et aux Etats-Unis. Je pense qu'il y a un avantage certain actuellement à avoir des denrées ou à avoir des approvisionnements de matières premières canadiennes. Evidemment, si on pouvait toutes les trouver au Québec, cela serait encore beaucoup mieux.

Projet Cansteel

M. Morin: Bien. J'aurais encore une ou deux questions, mais elles seraient peut-être destinées plutôt au ministre, qui pourrait nous éclairer sur l'état actuel du projet Cansteel. C'est à lui que j'adresse ma question, mais je ne voudrais pas que vous vous gêniez pour intervenir, si vous avez quelque chose à dire, M. le président de SIDBEC. Est-ce que le ministre pourrait nous dire où en est ce projet et quelle est sa position devant les approvisionnements en matière première, le site? Quelle est la position de SIDBEC aussi dans le cadre d'un tel projet?

M. Saint-Pierre: Brièvement, M. le Président, il faut se rappeler que le gouvernement fédéral, par le truchement du ministère de l'Expansion économique régionale, avait fait faire des études très préliminaires pour tenter d'identifier la possibilité d'une occasion d'implanter dans l'Est canadien une aciérie d'une capacité d'environ 2 millions de tonnes, une aciérie primaire. Nous avons suivi le dossier, malgré souvent l'impression que peut laisser le chef de l'Opposition officielle que le projet Cansteel est une réalité qui va se faire en Nouvelle-Ecosse. Je pense que la vérité est assez différente de cela. Il est vrai que le gouvernement de la Nouvelle-Ecosse, et c'était son droit parfait, a établi une corporation nouvelle, a établi un nouveau président. Là comme ailleurs, je pense bien que la mise sur pied de structures et d'organigrammes est une chose facile. La réalisation est une chose plus complexe. Personnellement, toutes les...

M. Morin: Vous avez engagé des fonds, M. le ministre.

M. Saint-Pierre: Très minimes et très sommaires, en fait. Des fonds qui sont de moins de $1 million ou $2 millions. Je pense bien qu'on n'ira pas bien loin dans un projet de $3 milliards ou $4 milliards; lorsqu'on engage $2 millions, c'est plus symbolique qu'autre chose. Tout cela pour dire que, fondamentalement, et c'est toujours l'évaluation que nous avons faite nous-mêmes, ces projets ne peuvent démarrer tant que nous ne pouvons réunir à une table, des actionnaires qui sont prêts à regarder sérieusement le projet et qui sont prêts à aller plus loin que simplement des études préliminaires ou des études de relations publiques ou appelons cela comme on veut. C'est ce qu'on a tenté de faire au gouvernement du Québec, suivre le dossier, tenter de discuter, bien sûr, avec SIDBEC, mais également avec d'autres entreprises qui auraient pu voir dans la province de Québec un site peut-être plus avantageux que la Nouvelle-Ecosse pour l'implantation d'une telle usine. Je dois dire qu'à ce jour, autant il y a des gens qui ont exprimé un intérêt, autant il n'y avait personne qui était prêt à mettre, comme dans le projet de Fire Lake dont nous venons de discuter, l'argent nécessaire. Toutes les compagnies peuvent exprimer des intérêts, mais lorsqu'on leur demande d'ouvrir la main droite, pour montrer l'argent et le déposer sur la table, là, les choses piétinent un peu pour dire le moins.

Au gouvernement du Québec, contrairement peut-être à l'impression persistante que le chef de l'Opposition peut avoir sur le sujet, nous n'avons pas été inactifs. Il y a des gens qui ont continué, au ministère de l'Industrie et du Commerce, à surveiller de près le dossier. Un comité de sidérurgie a été formé, qui groupe des représentants de différents ministères, incluant des représentants de SIDBEC. Un rapport nous a été soumis au ministère de l'Industrie et du Commerce. Deux choses se dégageaient de ce rapport, premièrement, pour le conseil exécutif, l'urgence d'avoir des positions peut-être pas identiques mais tout au moins semblables aux recommandations qui pouvaient nous être faites. Ainsi, si des personnes, fonctionnaires ou autres, peuvent recommander d'aller de l'avant, et que ceux qui sont directement intéressés par ce secteur, la compagnie SIDBEC, peuvent avoir des vues divergentes, non seulement sur le projet de Cansteel, mais sur les chances de succès d'un tel projet ici-même, je pense que moi-même, avant de soumettre quoi que ce soit à mes collègues du conseil des ministres, il m'apparaît essentiel d'être capable de réconcilier ces divergences et de tenter d'expliquer ou de voir qui peut avoir raison.

A cet effet, j'ai demandé des discussions supplémentaires entre les gens de SIDBEC et les gens du comité de sidérurgie qui examinaient le dossier.

Un deuxième point, évidemment, avant d'aller plus loin, c'est que nous ne pouvons pas demander au gouvernement du Québec de défrayer 90% ou un montant très substantiel des études considérables qui seront requises, de l'ordre de $4 millions ou $5 millions, si, à la table, tout ce que nous avons, ce sont des compagnies canadiennes ou étrangères qui disent: Nous sommes intéressées, mais qui ne sont pas prêtes à payer des études.

Je refuse moi-même d'aller plus loin dans le dossier, à moins d'être capable de réunir à la table des gens qui sont au moins prêts à mettre leur part de ce qu'ils veulent avoir du gâteau comme risque du départ pour poursuivre les études.

Ceci dit, M. Gignac veut peut-être apporter des commentaires. Je pense que le chef de l'Opposition voit trop facilement le béton et les struc-

tures s'ériger en Nouvelle-Ecosse et qu'il est trop pessimiste quant aux efforts que nous avons faits pour examiner la situation, saisir l'occasion, s'il s'en présente une, de faire quelque chose, mais également, avoir le courage de dire qu'il n'y a rien à faire, que ce n'est pas rentable, et, alors, de refuser d'aller plus loin.

M. Morin: Ce qui m'inquiétait, M. le Président, et je pense l'avoir dit clairement à plusieurs reprises, ce n'était pas le fait que le gouvernement du Québec était totalement inactif. Je m'imaginais bien qu'il suivait le dossier au moins du coin de l'oeil, mais je ne pouvais faire autrement que de m'inquiéter du fait que la décision lui échappait dans une très large mesure. C'était plutôt le sens de mes questions...

M. Saint-Pierre: D'après vous, à qui revient la décision?

M. Morin: ...Et de stimuler...

M. Saint-Pierre: D'après les questions que vous posez en Chambre, vous avez l'impression que c'est le gouvernement fédéral qui va décider cela. Or, il n'en est rien. Le gouvernement fédéral a pu consacrer $1 million ou $2 millions pour faire faire... finalement, c'est une filiale de STELCO qui a fait les études préliminaires, mais le gouvernement fédéral a bien dit, par après, et nous avons eu accès à tous ces documents: Voici les études de base que nous avons faites, maintenant c'est aux provinces ou à des entreprises à décider si elles doivent aller plus loin. Pour nous, il peut y avoir deux possibilités. Nous avons deux décisions: Oui ou non, le projet est-il suffisamment intéressant pour aller plus loin? C'est cette décision que nous devons prendre. Mais il se pourrait fort bien que nous puissions établir que le projet est intéressant, mais que, compte tenu des autres activités dans lesquelles SIDBEC est engagée, cela risquerait de gâter la sauce de lui demander d'être impliquée directement elle-même dans ce projet. Là, je connaîtrais l'à-propos d'une décision de M. Gignac ou de son conseil d'administration de dire que, même si le projet est intéressant, sur le plan des ressources humaines, sur le plan de notre capacité à absorber des choses de l'ordre de plusieurs milliards, nous préférons nous concentrer sur ce dont nous avons discuté jusqu'ici et laisser à d'autres ce soin.

Il reviendrait au gouvernement de dire: Y a-t-il intérêt, si nous en sommes capables, de mettre ensemble des partenaires qui vont exploiter cette usine? En passant, il y a quand même eu une variation substantielle depuis l'étude du MEER, qui prévoyait que le marché était exclusivement un marché d'extérieur, alors que nous avons la conviction, et, de plus en plus, je pense que cette conviction est partagée par d'autres, que le projet n'a aucune chance de réalisation s'il ne peut s'appuyer pour au moins 30% à 40%, sur un marché fondamentalement canadien.

Nous pourrions nous poser la question nous-mêmes: Y a-t-il intérêt à appuyer des groupes, des consortiums qui pourraient être formés de compagnies canadiennes, qui seraient prêts à s'implanter à Gros-Cacouna ou à Sept-lles, des régions qui, sur le plan de l'emploi, présentent des problèmes. Y a-t-il intérêt à les encourager ou devons-nous même les décourager, quitte à voir l'implantation se faire en Nouvelle-Ecosse? Fondamentalement, je ne suis pas sûr que le projet va se réaliser en Nouvelle-Ecosse. D'ailleurs, le projet là-bas suscite de l'intérêt à cause uniquement des problèmes de SYSCO et je pense que là, nous avons la conviction que l'implantation en Nouvelle-Ecosse, à la baie de Gabarus, ne résoudrait en rien les problèmes de SYSCO, en particulier les problèmes d'emploi dans la région où SYSCO est implantée. Je ne sais pas si M. Gignac a des points à ajouter.

M. Morin: J'aimerais que M. Gignac nous fasse part un peu de sa réaction et de l'attitude de SIDBEC dans ce dossier, parce que vous ne pouvez pas être indifférents à un projet de cette taille. Cela aura certainement des conséquences, que vous soyez dedans ou que vous soyez à l'extérieur.

M. Gignac: M. le Président, je me contenterais de l'intérêt d'un an du montant à être engagé pour rectifier la situation des laminoirs à plat à Contrecoeur, et je pense que ce serait là ma priorité. Personnellement, le projet Cansteel, qui a commencé au MEER et qui prévoyait en fait une capacité additionnelle non pas de 4 millions, mais cela allait jusqu'à 10 millions de tonnes, si ma mémoire est fidèle, de 5 à 10 millions de tonnes, si vous voulez mon opinion, ce projet était absolument farfelu. Comme M. Saint-Pierre l'a dit, le profil ou, si vous voulez, le but premier de ce projet, qui a été proposé par le MEER, et qui était d'exporter particulièrement des brames et des billettes, c'est un rêve en trois dimensions.

D'autre part, si on pense à aller chercher des partenaires pour faire un tel projet, que ce soit en Nouvelle-Ecosse, à Gros-Cacouna ou à Tombouctou, je vais vous dire qu'il y a une négociation d'au moins dix ans à faire pour en arriver à un accord. Nous avons un petit projet minier qui est tout fin prêt, dans lequel il n'y a que trois partenaires, qui sont désireux de participer, cela fait trois ans que nous discutons et nous ne sommes pas encore arrivés à une décision. Avant que des partenaires valables, de la taille de British Steel ou de Thyssen ou de Bethléhem Steel ou de l'US Steel ou STELCO ou... nommez les tous, avant que tous ces gens se mettent d'accord sur un projet de cette envergure, il me semble qu'il y a déjà là un échéancier qui me paraît très éloigné. Si on pense au marché canadien, je crois qu'il faut l'oublier, parce qu'il ne serait pas en mesure d'absorber cette production. Il serait peut-être en mesure d'absorber une partie de la production, mais, à ce moment-là, mon raisonnement est que nous à SIDBEC. nous pouvons nous occuper de cette partie très facilement et nous avons le "know-how" pour le faire.

C'est la position qu'on a prise. Ce n'est pas une question de dire... En fait, on travaille pour le Québec. On ne travaille pas pour... On travaille dans les intérêts du Québec, que ce soit SIDBEC, que ce soit ce que vous voudrez; moi, cela m'est parfaitement égal. Je voudrais qu'on crée au moins une sidérurgie et qu'on la mette sur pied et qu'on la fasse fonctionner comme il faut, avec des marchés.

M. Morin: Des marchés.

M. Gignac: J'ai expliqué un peu hier ce qu'il en était de ces marchés. C'est un procédé qui est très long à développer et je ne vois pas du tout, en ce moment, une aciérie de cette taille arriver sur le marché, non pas québécois, sur le marché national. Ce serait presque désastreux. Par contre, s'il y avait des partenaires non canadiens, c'est-à-dire des partenaires étrangers, ce n'est pas impossible que ces partenaires puissent importer ou participer aux projets et importer ou exporter dans leurs pays des produits tels que des bandes à chaud ou des choses comme cela. En fait, on peut penser à tout, mais c'est un projet d'une complexité énorme. Cela entraîne des études et des discussions qui sont extrêmement complexes. On peut vous dire facilement, sans se tromper, d'ailleurs, on l'a dit, qu'un projet de cette nature coûterait à peu près $3,2 milliards et j'étais bien heureux que M. Speer, le président de US Steel, je pense, il y a une couple de semaines, ait fait une déclaration selon laquelle il pensait établir une sidérurgie sur un "green side" comme il dit, de quatre millions de tonnes et que le coût en serait de $3 250 000 000. Donc, nos estimations n'étaient pas trop mal.

M. Morin: Alors que la dernière estimation pour le projet Cansteel était de $910 millions, je pense.

M. Gignac: Cela dépend. Je ne sais pas, je n'ai pas vu l'estimation de Cansteel. Je ne sais pas comment cela a été fait, avec quel paramètre, quelle production. Prenons le projet STELCO-NATICOKE qui est légèrement repoussé dans le temps. Le budget initial était de $500 millions. Ce n*est pas à moi de vous dire combien cela va coûter, mais j'ai l'impression que cela va coûter pas mal plus cher que cela. En fait, ils parlent, dans leur propre bilan, il y a une note cette année dans le message du président, de $1,1 milliard, alors qu'en novembre 1974, on parlait de $500 millions. L'inflation étant très accentuée depuis quelques années, les prévisions qu'on peut faire dans ce domaine sont toujours remises en question.

M. Morin: M. le Président, en ce qui me concerne, j'en ai terminé et je serais prêt à passer à l'adoption du projet article par article, mais peut-être que les collègues gouvernementaux ont des questions à poser.

M. Saint-Pierre: Compte tenu du temps, peut-être qu'on pourrait commencer article par ar- ticle, remercier M. Gignac, l'assurer de notre appui continu vis-à-vis des objectifs qui sont poursuivis. Je pense que je me fais le porte-parole de tous les parlementaires pour exprimer une inquiétude au niveau de la rentabilité, mais la confiance que les cadres supérieurs et le conseil d'administration vont mettre tous les efforts en place pour tenter d'atteindre la rentabilité le plus rapidement possible, compte tenu des sommes qui sont en jeu.

M. le Président, il y a un petit point que je pourrais mentionner à des parlementaires, plusieurs d'entre eux, avaient exprimé le désir de visiter les installations de Contrecoeur. Je veux simplement demander à M. Gignac s'il serait possible de le faire le mercredi. Ce sera ouvert, bien sûr, à tous les parlementaires, incluant ceux du parti de l'Opposition. Est-ce que mercredi le 21 ou le 22 avril pourrait convenir à SIDBEC? Il ne faut pas réduire la productivité pour cela, mais... avril 1976.

M. Kennedy: Est-ce le 21 avril ou le 22 avril?

M. Saint-Pierre: Le 21 avril est un mercredi et le 22 avril est un jeudi. C'est pour vous autres.

M. Kennedy: Est-ce que c'est mercredi le 21 ou le 22?

M. Marchand: Cela pourrait être le 21 pour la bonne raison que nous sommes en congrès à partir du vendredi et, pour plusieurs, on doit partir le jeudi, parce que des gens de notre délégation s'en viennent le jeudi.

M. Saint-Pierre: Parfait, est-ce qu'on s'entend pour le 21 avril? A quelle heure, M. Gignac? Quelle heure vous convient le matin, 21 avril?

M. Gignac: A 7 heures, il n'y a pas de problème. Je pense que je suis absolument d'accord avec la proposition que vous faites. Quant à la date, M. le ministre, je pense que j'aimerais avoir au moins une journée pour y penser, parce qu'on me dit qu'il y a peut-être, durant cette semaine, une planification de nos visites à l'avance et quand on a des délégations assez considérables qui viennent de partout, on n'a pas la liste des visites industrielles. On pourrait vous confirmer la date. Il y a une chose que je dois vous dire, il y a une réserve que je dois faire.

C'est qu'actuellement, nous sommes en négociation, vous le savez peut-être, et je me demande si...

M. Saint-Pierre: On discutera tous les deux et nous allons réfléchir.

M. Gignac: Si vous voulez venir régler mes problèmes de négociation, je n'ai pas d'objection. Si c'est pour les dérégler je vais...

Adoption du projet de loi

M. Saint-Pierre: Merci, M. Gignac. Article 1.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 1.

M. Morin: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 2.

M. Morin: De même.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 3.

M. Morin: Egalement.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 4.

M. Morin: Cela va.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 5.

M. Morin: Oui.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 6.

M. Morin: Un instant, s'il vous plaît. Juste une question que j'aimerais poser à l'article 5 qui remplace l'ancien article 7. On nous dit qu'à toute assemblée des actionnaires, Sa Majesté — j'aime beaucoup cette expression à l'heure du rapatriement de la constitution — en sa qualité d'actionnaire est représentée par le ministre désigné à cette fin par le lieutenant-gouverneur en conseil.

Est-ce que je pourrais demander s'il ne serait pas utile de spécifier tout de suite, ici, quel est le ministre désigné? Je crois que cela va être le ministre de l'Industrie et du Commerce. Pourquoi est-ce qu'on ne le dit pas en toutes lettres?

M. Saint-Pierre: C'est simplement qu'il y a, de plus en plus, un nombre assez considérable de sociétés d'Etat. Souvent, suivant les changements ministériels ou les remaniements ministériels, il apparaît souhaitable de partager différemment les responsabilités des ministres. En ayant cela comme ça, tel que rédigé, on permet au lieutenant-gouverneur en conseil, en particulier au premier ministre, d'assigner une responsabilité particulière à un ministre. Il est entendu que l'esprit du règlement est de la confier au ministre de l'Industrie et du Commerce, mais comme le ministre...

M. Morin: C'était autrefois au ministre des Finances que la responsabilité était dévolue par la loi...

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: Ce serait plus logique que ce soit le ministre de l'Industrie et du Commerce. C'est pour cela que je vous posais la question.

M. Saint-Pierre: Normalement oui, mais cela pourrait être un ministre d'Etat, cela pourrait être un autre ministre. C'est simplement une flexibilité qu'on se donne.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Article 5, adopté. Article 6, adopté?

M. Morin: Adopté.

M. Saint-Pierre: A l'article 6, M. le Président, j'aurais un petit amendement à suggérer qui se lirait sous le sous-paragraphe c). Je lis l'amendement: "Après les mots "Gagnon et Port-Cartier", il faudrait ajouter: incluant tout contrat pour l'achat des produits de ce complexe".

J'explique un peu l'amendement. M. Gignac nous a expliqué qu'un des besoins était que la compagnie SIDBEC devait signer avec ses partenaires un engagement d'acheter, de la nouvelle compagnie à être formée, le résultat de la production, donc des boulettes d'oxyde de fer.

Or, certaines interprétations pourraient nous faire penser que garantir le paiement des sommes d'argent payables par la compagnie, par suite de l'inexécution de ses obligations, en vertu de plusieurs contrats visant à l'acquisition, la construction, l'exploitation. On peut penser que l'exploitation incluait les boulettes de fer, mais, comme il y a des opinions juridiques qui mettent en doute que le mot "exploitation" inclut l'obligation d'acheter la production, c'est plutôt relié à des dépenses même d'exploitation, pour ne pas causer une difficulté au moment du financement du projet. Le gouvernement propose donc d'ajouter ce que j'ai dit, soit, après le nom "Port-Cartier", incluant tout contrat pour l'achat des produits de ce complexe."

M. Morin: Est-ce que je pourrais vous faire une petite suggestion, purement de forme?

M. Saint-Pierre: Sûrement.

M. Morin: Plutôt que le mot "incluant" qui traduit un peu trop littéralement l'anglais, vous ne pourriez pas dire tout simplement "y compris" ou "y inclus"?

M. Saint-Pierre: Sûrement.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Est-ce "y compris" ou "y inclus"?

M. Morin: "Y compris", c'est plus simple. M. Saint-Pierre: "Y compris".

Le Président (M. Houde, Limoilou): Amendement adopté?

M. Morin: Adopté.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté. Article 6, adopté, avec amendement. Article 7?

M. Morin: Adopté aussi.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Adopté. Le projet de loi no 22, adopté, avec amendements.

M. Morin: M. le Président, je voudrais remercier ces messieurs de SIDBEC et, particulière-

ment, le président qui a répondu avec beaucoup de patience à nos questions. Je voudrais tout particulièrement le féliciter de la transparence de ses propos. Cela est rafraîchissant, quand on compare cela avec certaines autres commissions parlementaires où il est beaucoup plus difficile d'obtenir tous les faits. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Y a-t-il d'autres membres qui veulent adresser la parole?

M. Saint-Pierre: J'en ai déjà eu l'occasion, M. le Président, mais, en terminant, j'ai à remercier les parlementaires qui se sont tous, sans exception, bien préparés pour cette commission parlementaire sur une société d'Etat qui est bien importante et qui constitue un outil important dans le développement et la croissance économique du Québec. Je rappelle, sur une note non partisane, que mon souci partagé par le gouvernement d'une présence accrue des Québécois francophones dans notre vie économique trouve l'expression de cette réalisation dans au moins un volet, c'est le rôle des sociétés d'Etat.

Sûrement, au cours de l'année, nous aurons l'occasion d'en entendre d'autres qui viendront ici,, annuellement, expliquer leur fonctionnement devant les membres de cette commission parlementaire; en particulier, le groupe de la Société générale de financement qui sera ici au début de mai, devant une commission parlementaire, le rôle de la Société de développement industriel du Qué- bec, la SDI, et la Société du parc industriel de Bé-cancourqui également sera là prochainement.

M. Morin: II y aura aussi les sociétés exploitantes de la baie James, si vous n'y voyez pas d'objection.

M. Saint-Pierre: Sûrement.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci bien. M. Gignac.

M. Gignac: M. le Président, pourrais-je seulement dire un mot pour remercier M. Saint-Pierre, M. Morin et tous les parlementaires qui sont ici présents, d'avoir été aussi patients eux-mêmes et d'écouter nos propos. Je tiens à vous dire que nous sommes fort conscients que notre société représente un volet — pour employer l'expression de M. Saint-Pierre — important de l'économie du Québec. Pour nous, ces commissions parlementaires où on peut exprimer un peu nos idées et vous convaincre de certaines choses sont très importantes sur le plan de la motivation.

Je pense que, après une commission parlementaire comme celle que nous avons eue depuis une couple de jours, on retourne chez soi et qu'on a plus envie de faire quelque chose pour le Québec.

Le Président (M. Houde, Limoilou): Merci bien! La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 1)

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