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Version finale

30th Legislature, 4th Session
(March 16, 1976 au October 18, 1976)

Wednesday, May 26, 1976 - Vol. 17 N° 62

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce


Journal des débats

 

Commission permanente

de l'industrie et du commerce,

du tourisme, de la chasse et de la pêche

Etude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce

Séance du mercredi 26 mai 1976 (Dix heures seize minutes)

M. Brisson (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

La commission se réunit afin d'étudier les crédits budgétaires du ministère de l'Industrie et du Commerce. Je dois vous signaler que M. Ostiguy (Verchères) remplace M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine).

Discussion générale. Le ministre.

Exposé général du ministre, M. Guy Saint-Pierre

M. Saint-Pierre: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion, la semaine dernière, d'envoyer un document très complet qui, je pense, tente de fournir le plus de détails possible aux membres de la commission sur l'activité du ministère au cours des douze derniers mois. Je déplore que le chef de l'Opposition officielle ne l'ait pas reçu à son bureau. J'ai fait vérifier si M. Lessard en a également reçu une copie et d'autres de l'Opposition. J'ai presque la certitude que jeudi dernier, tous les membres de la commission sans exception, ont reçu — enfin, on leur a transmis, dans une enveloppe — l'ensemble de ce document qui permet de résumer les activités du ministère.

Vous me permettrez au début de présenter mes collaborateurs. A ma droite immédiate, M. John Dinsmore, sous-ministre en titre au ministère de l'Industrie et du Commerce et à ma gauche, M. Marcel Bergeron, sous-ministre adjoint, responsable de l'administration et du secteur de la recherche et du développement. D'autres sous-ministres adjoints viendront en cours de route se joindre à nous, en particulier, M. Pierre Shooner qui n'est pas ici actuellement qui s'est joint au ministère. Comme vous le savez, M. Jean Labonté, qui était sous-ministre l'an dernier et qui est maintenant président de la Société de développement industriel a été remplacé par M. Shooner, mais l'autre poste vacant sera comblé par M. Patrick Hyndman, qui a représenté le Québec pendant nombre d'années à la fois à Paris et à Dûsseldorf, et qui sera en poste au ministère aux mois de juillet et août prochain comme sous-ministre adjoint. M. Christian Latortue, à ma gauche, est également directeur général de l'administration et a donc une responsabilité particulière au niveau de la préparation du budget. Je pense qu'en cours de route, alors que nous aborderons certains des programmes, nous pourrons présenter d'autres personnes, d'autres fonctionnaires du ministère qui donneront peut-être une physionomie derrière des noms qui, à l'occasion, peuvent survenir.

Vous me permettrez de vous souhaiter la bienvenue à cette commission qui nous permettra de procéder ensemble à l'étude des crédits de ce ministère à vocation économique qui est un peu, puisque j'en suis le responsable au plan ministériel, mon ministère. Ce ministère est, en dépit d'une certaine malice qu'on affecte à répéter la phrase publicitaire, celui de nombreux hommes d'affaires québécois qu'il tente d'aider de façon très générale par l'affectation, comme nous le verrons ici, de plus de 80% de ses ressources financières et humaines.

Mais le MIC est aussi, dans une bonne proportion, le ministère de tous les Québécois tous ceux qui ont besoin d'information sur les grandes données économiques, aussi bien que de ceux qui tirent des bénéfices sociaux de l'exploitation équilibrée de nos ressources: travailleurs, entrepreneurs, commerçants et investisseurs, épargnants et actionnaires de divers types.

De fait, sur les 1325 fonctionnaires à l'oeuvre au sein de ce ministère en 1975, près de 1100 ont été affectés à des dossiers exclusivement reliés à l'entreprise autochtone ou fortement axés sur le Québec. C'est le cas des services réunis sous les programmes d'aide au développement de l'entreprise, d'aide aux PME, des conseillers industriels, des spécialistes en développement des ressources humaines.

M. Morin: Le ministre aurait-il l'amabilité de nous communiquer un exemplaire de son texte? Cela en faciliterait la compréhension.

M. Saint-Pierre: Sûrement.

M. Morin: Nous pourrions suivre plus facilement. Merci.

M. Saint-Pierre: Des services entiers, tels ceux de la recherche, le Bureau de la statistique, la direction des communications et les responsables du programme d'éducation économique orientent leurs activités à près de 100% vers l'intérieur du Québec. Enfin, les services reliés à l'industrie des pêcheries, l'aide au commerce, le bureau de normalisation et les organismes rattachés au MIC, comme la SGF, la Société de développement industriel, le Centre de recherches industrielles, la Société du parc industriel de Bécancour et la sidérurgie d'Etat, SIDBEC, ont une action orientée vers le développement de la structure industrielle et la promotion des francophones.

D'autres activités, par exemple celles des services internationaux, sont un canal normal pour la prospection d'investissements étrangers, mais je souligne une fois de plus que la fonction de marketing des produits québécois à l'étranger et celle des accords de fabrication sous licence travaillent quasi exclusivement dans une perspective directement orientée sur le développement de l'entreprise autochtone.

Je voudrais, dans cette brève introduction, demander la collaboration des députés réunis autour de cette table pour que la discussion se poursuive selon un ordre qui est celui des programmes

du ministère, afin d'éviter, autant que possible, de mobiliser à la fois tous les fonctionnaires responsables des divers services.

Je suis disposé, pour ma part, à mettre à la disposition de chacun tous les documents qui peuvent éclairer notre travail, même si nous devons faire imprimer certains des documents pour fins de distribution. Je crois que, par les années passées, nous avons affiché, sur ce plan, une attitude d'ouverture à laquelle nous ne voulons rien changer.

Permettez-moi de dire ici, brièvement, dans quelle direction le ministère de l'Industrie et du Commerce a orienté son action en 1975/76. Nous avons tenté, durant cette année, de poursuivre notre travail en fonction d'une stratégie industrielle réelle, même si cette stratégie n'a jamais été exprimée formellement dans ses moindres détails.

Notre stratégie se résume à deux grands axes que j'ai déjà mentionnés précédemment: la transformation de notre structure industrielle et une présence accrue des Québécois dans notre vie économique.

Pour assurer le premier volet de cette proposition, il faut procéder à l'intégration de notre économie industrielle. Nous avons donc mis en place divers programmes qui visent à intégrer l'entreprise étrangère à notre économie, tout en posant plusieurs gestes vers l'ouverture de tous les milieux économiques aux francophones.

En même temps, nous avons poursuivi divers travaux qui visent à susciter un développement plus équilibré de l'entreprise autochtone. L'aide accrue que le gouvernement a donnée à plusieurs sociétés d'Etat, oeuvrant dans le secteur économique, telles la SGF, SIDBEC, SDI, SOQUIA, SOQUEM, SOQUIP, etc., est une dimension importante visant à atteindre cet objectif.

L'autre volet est celui de la transformation de notre structure industrielle. L'élimination de la désarticulation économique se traduit par la recherche de l'intégration, mais il existe également deux autres aspects fondamentaux à cette transformation de structures. Le premier est la modernisation des secteurs industriels et le déplacement progressif de l'industrie vers les secteurs de pointe et le second est le rétablissement d'un équilibre régional.

Or, dans tous nos programmes, nous avons graduellement mis en place une coordination de ces divers éléments qui sont l'armature d'une stratégie industrielle. Je donnerai tantôt quelques illustrations concrètes de cette affirmation. Auparavant, je voudrais cependant rappeler que, dans la poursuite de nos objectifs, nous ne voulons rejeter aucun moyen de les atteindre pour des raisons dogmatiques.

Ainsi, dans l'année achevée, nous avons tenté d'établir une politique cohérente face aux investissements étrangers. Cette politique qui se veut une politique d'ouverture nous apparaît en concordance réelle avec les objectifs et les besoins économiques du Québec.

Notre position d'ouverture aux investissements étrangers est conçue dans une perspective macro-économique actuelle qui tient compte de la réalité internationale. Le présent n'est toujours que le point de rencontre entre l'avenir et le passé. Il va de soi que, dans l'établissement de nos objectifs pour l'avenir, nous ne pouvons éliminer la réalité actuelle et que nous devons travailler à partir de cette réalité où pèse nécessairement l'héritage du passé.

La réalité actuelle en matière d'investissement international est celle d'une grande mobilité des capitaux. Même les capitaux québécois ou canadiens se répartissent dans le monde en fonction de la rentabilité d'investissements et le Québec contrôle au moins deux grandes sociétés américaines dites multinationales par le biais de la Caisse de dépôt et de placement. De fait, dans quelques années, le problème qui a déjà évolué en ce sens ne sera plus celui des investissements américains ou des investissements étrangers au Québec ou au Canada, mais celui des investissements canadiens et québécois à l'étranger et aux Etats-Unis en particulier.

D'autre part, des évaluations récentes comme celles de l'économiste Galbraith signalent qu'il est inévitable d'assister à la multiplication des entreprises internationales, lesquelles ne font qu appliquer au plan de la pratique économique un certain mondialisme qui est une aspiration constante au niveau politique, mais qui sur ce dernier plan devra peut-être attendre de grands bouleversements, peut-être violents, avant d'avoir la bénédiction des gouvernements actuels.

Ce mondialisme ou cet universalisme est apparu depuis quelques siècles comme une tendance constante de la pensée des philosophes les plus visionnaires et il est pensable que notre siècle en voit des manifestations plus concrètes.

En attendant, la mondialisation du commerce et des transferts de capitaux de technologie et de biens est un fait acquis et la structure internationale de l'entreprise est une réalité dont le Québec voudra profiter largement dès qu'il possédera ses propres entreprises internationales, ce qui devrait se produire à moyen terme.

Dans cette perspective, nous avons estimé illogique de fermer la porte du Québec à l'entreprise étrangère. Il reste, cependant, que nous avons établi un cadre rigide à l'investissement étranger et que, malgré notre position non doctrinaire sur la présence de l'Etat dans l'économie, la plupart des grands projets actuels impliquent directement l'Etat québécois, lorsqu'il y a d'importants partenaires étrangers.

Au sujet de l'étatisme qui apparaît encore comme une panacée aux yeux de nombre de théoriciens de l'économie québécoise, je souligne de nouveau que notre gouvernement au Québec n'a pas un remède universel à nos problèmes de structure. Néanmoins, ce gouvernement est, en dépit de certaines réserves, celui qui a investi le plus dans les entreprises d'Etat depuis des décennies. De fait, jamais aucun gouvernement québécois n'a consacré autant d'argent à des projets majeurs dont ses propres filiales sont les maîtres d oeuvre que l'actuel gouvernement.

Ce gouvernement investit, pour prendre un cas d'espèce, dans la Société générale de financement, des sommes de $70 millions en trois ans, ce qui est de beaucoup plus que la société avait reçu auparavant, en neuf ans d'existence. Il a également consenti des investissements substantiels tant à la SDI que dans le projet de SIDBEC où nous avons autorisé, avec l'assentiment de l'Assemblée nationale, des déboursés de plus de $140 millions, il y a déjà quelques semaines. Tout cela m'amène à demander que l'on envisage avec rigueur l'activité et les positions de ce gouvernement, car s'il refuse I'étatisme comme dogme, paradoxalement, il l'a favorisé comme jamais auparavant aucun autre gouvernement, et cela, parce que les activités de ce type, dans une perspective favorable à l'économie mixte et où l'entrepreneur a toujours et plus que jamais sa place, nous avons jugé essentiel de suppléer à certaines carences de l'économie.

Notre attitude sur ce plan n'a pas changé et ne changera pas. J'aimerais également aborder ici ce qui est devenu un mythe populaire, c'est le mythe de la subvention incohérente visant essentiellement la grande entreprise multinationale. Je rappelle donc qu'en dépit de certaines subventions accordées à de telles entreprises, notre politique reste toujours sélective et que nous offrons au total beaucoup plus d'aide à l'entreprise autochtone qu'à l'entreprise multinationale, même si, comme le soulignait M. Laurent Laplante dans un article sur la structure industrielle de l'Ontario, ce sont les multinationales qui ont les installations les plus avancées dans les secteurs de pointe et que ce sont elles qui offrent les meilleurs salaires. Par exemple, la Société de développement industriel, qui regroupe actuellement tous les programmes gouvernementaux de subventions a offert 68% de ses prêts, 50% de ses prises en charge d'intérêts, et 73% de ses dépenses consacrées à l'achat de capital-actions à des entreprises québécoises. Il s'agit là de proportions basées sur les sommes dépensées en 1975/76, et non pas du nombre de dossiers traités.

En outre, parmi les entreprises considérées comme non québécoises, seulement 10% des entreprises aidées ne sont pas canadiennes. De plus, dans quelques cas d'entreprises étrangères, la SDI est devenue un actionnaire important de l'entreprise, généralement dans un secteur à forte productivité où nous trouvons de nouveaux marchés pour notre compétence et nos ressources développées en l'occurence à un degré très élevé de transformation.

Finalement, notre alliance avec l'entreprise étrangère a souvent pris la forme de tentatives de remplacer ce qui était auparavant des importations pour le marché québécois par la création d'emplois ici même, au Québec, nous permettant, dans un second temps, d'exporter une partie de nos possibilités, de notre savoir-faire à l'étranger.

Je ne rappelle pas ici les progrès accomplis dans ce secteur par la Société générale de financement. Nous venons en effet de compulser les documents propres à cette entreprise. Mais je souligne que les organismes rattachés au MIC ont donné leur coup de pouce à notre économie en 1975/76.

Le Centre de recherches industrielles, de son côté, a complété sa réorganisation en 1975, et il a commencé à recourir à la publicité pour offrir aux entrepreneurs québécois ses services qui, je le crois, peuvent être et sont précieux.

Le CRIQ a déjà à son actif des réalisations intéressantes.

Je pense, par exemple, à cette entreprise, Les Céramiques de Beauce, où le CRIQ a contribué largement à développer les procédés de fabrication et d'organisation de production, tandis que la SDI fournissait son aide à la reconstruction de cette usine sur des bases nouvelles après l'incendie qui l'avait ravagée il y a trois ans.

Voilà un exemple de l'aide que nous sommes désormais en mesure d'offrir à l'entreprise québécoise. Nous l'aidons dans son développement technologique et dans son établissement, nous l'aidons ensuite dans sa recherche de marchés extérieurs par nos bureaux à l'étranger et les systèmes divers de missions d'acheteurs et de représentants.

Nous sommes à préparer la version définitive de notre programme "Action-croissance" dont la mise en marche se fera prochainement. Ce programme désignera, selon des critères très stricts, 100 ou 150 entreprises, des PME québécoises auxquelles le MIC offrira en priorité tous les types de services qu'il possède en échange d'un engagement de l'entreprise à réinvestir ses profits et à se plier à un certain nombre de conditions répondant à nos orientations générales.

D'autre part, l'année écoulée nous a permis de favoriser le développement des pêches rnaritimes en poursuivant et en intensifiant les divers types d'action que nous définirons plus tard. Pour l'Est du Québec, je souligne que le projet de cale sèche des Méchins est en voie de réalisation et que, dans une région plus immédiate, le projet de Cabano, dont on parle moins, maintenant qu'il est en bonne voie, semble augurer d'un développement d'un type nouveau que nous allons répéter quand l'occasion s'en présentera.

Au nombre des projets industriels qui ont fait l'objet de discussions publiques durant l'année écoulée, je ne peux passer sous silence ceux de Donohue, de l'aluminerie et de Tricofil.

Dans le premier cas, nous avons assisté, récemment, au démarrage d'un projet moteur important impliquant des sommes de plus de $300 millions et offrant un nombre important d'emplois nouveaux dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, grâce à l'utiiisation rationnelle d'une importante ressource renouvelable, la forêt

Inutile d'aller plus loin puisque, encore hier soir, nous étions avec les cadres de la SGF dans une discussion détaillée du projet de Donohue, mais on ne saurait minimiser, comme je l'ai d'ailleurs souligné dans le débat de deuxième lecture, les efforts nombreux et complexes pour mettre en place de tels projets qui sont à une échelle mondiale et qui doivent répondre à des critères de rentabilité très stricts.

Dans celui de l'aluminerie qui a fait l'objet de

longues discussions à cette même table l'an dernier, je rappelle que le gouvernement a toujours pris en considération les opinions qu'il a demandées à ses spécialistes et qu'il a constamment adapté ses plans aux évidences pertinentes émanant des études approfondies.

Je souligne enfin que, quand nous envisageons de tels projets, nous prévoyons, infailliblement, que le Québec retire de leur mise en oeuvre plus de profits qu'il n'investit d'argent sous quelque forme que ce soit.

Le projet d'aluminerie n'est pas mort. Nous attendons des développements pour bientôt, mais nous attendrons cette fois d'avoir en main une synthèse approfondie et rigoureuse de tous les éléments fort nombreux qui sont pertinents au dossier avant de le discuter publiquement.

Il reste que nous sommes aussi convaincus que les citoyens de la nécessité de protéger notre environnement, tout en développant une économie dont la structure industrielle affiche une faiblesse chronique et intolérable.

Sur le projet d'aluminerie, il est peut-être nécessaire d'indiquer que, depuis l'an dernier, l'industrie mondiale de l'aluminium et de ses produits dérivés a atteint un creux en termes de faiblesse de demandes ou de prix, non pas en termes de prix plus bas, mais l'ascension croissante des prix des dernières années s'est stabilisée.

De nombreuses études parues dans des revues spécialisées dont Fortune et nombre d'autres revues encore plus spécialisées ont démontré les besoins de tendance à long terme et le raffermissement évident des structures de prix, ce qui nous permettrait d'obtenir peut-être ici, dans la région de Québec, des prix de revient inférieurs aux prix du marché.

Comme je l'ai mentionné, nous avons poursuivi, au cours des douze derniers mois, des études détaillées, tant sut l'évolution de la demande que sur l'évolution des prix, de même qu'une étude particulière sur un site de localisation dans la région du Québec métropolitain.

Nous croyons fermement que le secteur de l'aluminium — et des études au ministère l'ont confirmé récemment — est un secteur à développer au Québec, bien sûr, avec un maximum de transformation.

D'ailleurs nous avons toujours refusé même d'aborder ou d'analyser sommairement des projets d'aluminerie qui n'impliquaient pas, au cours des dernières années, des transformations poussées en produits finis ou semi-finis ici même au Québec et nous examinons constamment ces éléments dans le dossier d'aluminerie. Comme je l'ai mentionné, au cours des prochains mois, nous aurons en main tous les éléments des études qui ont été entreprises au cours de la dernière année, qui nous permettront de reprendre en particulier la question du prix de l'énergie. La position concurrentielle du Québec a évolué au cours des derniers mois vis-à-vis d'autres régions et il importe de bien en saisir les dimensions pour ne pas avoir une attitude dogmatique qui nous ferait oublier ou qui nous empêcherait de saisir une occa- sion quand même un peu exceptionnelle d'apporter à la région de Québec un projet moteur. Ceci dit, bien sûr, il n'est nullement question d acheter des projets industriels, si intéressants soient-ils, et nous aborderons le dossier avec le plus de jugement et le plus d'esprit critique possible.

Nous avons consacré argent et recherches à cet aspect, tant à Saint-Félicien, que dans le projet d'aluminerie et nous nous assurons toujours de ne pas sacrifier indûment les richesses dont le temps affirme sans cesse l'irremplaçable valeur.

Pour ce qui est de Tricofil, je tiens à souligner que malgré les réserves exprimées auparavant dans ce dossier, le gouvernement du Québec y a toujours collaboré plus que quiconque sauf les travailleurs eux-mêmes qui ont investi toute leur vie.

Ce dernier aspect, évidemment, est difficilement monnayable, mais pour ce qui est de fonds, compte tenu de la portée de cette expérience et des appuis qu'elle a recueillis, je rappelle que le gouvernement du Québec a consacré près de $250 000 en études et subventions à ce projet, qu'il est le seul à y avoir investi, sous forme de capital-actions à intérêt différé, une comme de plus de $300 000.

De plus, le gouvernement du Québec, tout en étant le plus important actionnaire de Tricofil par son investissement, demeure le partenaire dont les mises de fonds offre de loin le moins de garanties. C'est peut-être normal, mais il me semble que l'on pourrait néanmoins reconnaître, une fois pour toutes, que nous n'avons pas boudé Tricofii et que sans la participation du gouvernement du Québec, Tricofil ne fonctionnerait sans doute pas à l'heure actuelle. Ceci dit, je suis heureux que d'autres institutions aient offert leur participation à cette entreprise et je rappelle qu'elles l'ont fait dans une perspective de participation avec le gouvernement du Québec.

Je mentionne en particulier deux entreprises, la SID du mouvement Desjardins et la Banque de Nouvelle-Ecosse qui, au niveau des prêts bancaires, ont apporté un élément très important dans l'évolution de ce dossier. Il est d'aillerus indubitable que nombre de facteurs qui manquaient au dossier, Iors de notre refus précédent d'ajouter financièrement à Tricofil, ont été substantiellement modifiés et que dans cette situation nouvelle, nous avons pu répondre à nos engagements antérieurs et transformer notre prêt en capital-actions avec intérêt différé. Je souhaite plein succès à Tricofil et ses travailleurs et pour autant que le projet demeure toujours dans l'orientation qu'il prend actuellement, je pense qu'il est possible de voir, pour les travailleurs qui ont montré à la fois beaucoup de détermination et de patience, le succès au cours des prochains mois.

Loin de moi l'idée de régler ici le sort du Québec, mais je voudrais en terminant souligner qu'en dépit des combats statistiques qui se tiennent régulièrement face à l'opinion, nous avons au MIC la ferme conviction que des améliorations sensibles se produisent dans l'ensemble de notre climat économique et ce, en dépit de très sérieux pro-

blèmes qui touchent le Québec comme toute la planète.

Nous travaillons donc avec un certain optimisme et il existe, au sein de l'ensemble de nos services, un excellent esprit de travail, un dynamisme réel qui est pour le ministre en titre une raison de plus d'affirmer sa conviction face à cette tâche essentielle et urgente qu'est la prise en main de notre économie, son progrès accéléré selon les grandes lignes de stratégie que j'exprimais plus tôt. Les choix économiques sont difficiles et leur traduction dans la réalité demande de la délicatesse et du dévouement, de la sincérité aussi.

Je trouve ces qualités abondamment chez mes collaborateurs du MIC et des organismes rattachés et je tiens à les remercier de consacrer le meilleur d'eux-mêmes à une tâche qui est essentielle à l'évolution harmonieuse du Québec.

Commentaires du chef de l'Opposition M. Jacques-Yvan Morin

NI. Morin: M. le Président, devant la situation économique extrêmement difficile dans laquelle nous nous débattons actuellement, vous ne vous étonnerez pas sans doute que je veuille profiter de l'occasion qui m'est donnée pour vous entretenir, tout d'abord, de la conjoncture économique et, ensuite, de la nécessité où nous nous trouvons de relancer l'économie du Québec, non seulement par une série de mesures plus ou moins discontinues et interreliées, mais sur le fondement d'un nouveau modèle économique.

Vous avez entendu comme moi, M. le Président, la réponse que le premier ministre Bourassa tente constamment de donner, en Chambre ou à l'extérieur, à ceux qui, nombreux, lui reprochent son inaction dans le domaine économique. Le Québec, dit-il souvent, traverse l'une des crises les plus graves de son histoire. C'est vrai ajoute-t-il, les choses vont particulièrement mal en cette année 1976. mais c'est la même chose partout, ajoute-t-il et le Québec devrait se compter chanceux puisque toute proportion gardée, ça va moins mal ici qu'ailleurs. Au temps où les choses allaient bien partout, il nous disait piutôt que ça allait mieux ici qu'ailleurs. Je suis sûr, étant donné que vous êtes souvent présent en Chambre, M. le Président, que vous aurez reconnu ces propos que l'on entend régulièrement, comme des variations sur un même thème, tant dans la bouche du premier ministre d'ailleurs qu'à l'occasion, dans celles du ministre des Finances et du ministre de l'Industrie et du Commerce.

Je voudrais commencer par établir ce matin, avec chiffres à l'appui, que ce message est inexact; il est faux.

A mon avis, c'est vouloir tromper la population que de prétendre que, depuis 1970, le Québec a mieux fait, s'est mieux comporté sur le plan économique que l'ensemble des autres provinces ou de l'économie canadienne.

Toutes les statistiques disponibles — et j'ai eu l'occasion encore récemment, lors du discours du budget, de les faire vérifier à nouveau — démontrent que, les choses allaient bien partout, de 1970 à 1974, en particulier, les choses allaient moins bien au Québec que dans le reste du Canada. Et lorsque les choses se sont mises à aller mal partout, à compter de 1974, la situation s'est détériorée plus fortement au Québec que dans le reste du Canada.

Cette réalité, aucun beau discours ne peut la faire oublier. Elle exige plus que des mesures ponctuelles ou de bonnes intentions. Elle nécessite, à notre avis, un nouveau modèle de développement. Toutefois, avant de décrire ce modèle de développement, j'aimerais considérer, comme le ministre le fait d'habitude en fin d'année, les principaux indicateurs économiques portant sur les dernières années.

Commençons par l'emploi. Nous verrons jusqu'à quel point les réalisations — si l'on peut employer ce mot — ont été désastreuses, et à quel point les slogans ronflants au début, ont fait place, dans la réalité, à la pire performance de toutes les régions canadiennes.

En effet, toute proportion gardée, c'est au Québec qu'on observe, depuis 1970, la plus faible création d'emplois. Par exemple, de 1970 à 1975, le nombre de personnes ayant un emploi a augmenté de 18,1% pour l'ensemble du Canada, tandis que pour les différentes régions ou provinces, on peut observer les résultats suivants: ...

M. Saint-Pierre: Quelle était la période?

M. Morin: De 1970 à 1975.

M. Saint-Pierre: L'année 1970?

M. Morin: En prenant l'année 1970 comme point de référence et jusqu'à 1975.

M. Saint-Pierre: L'année 1975 inclusivement ou exclusivement?

M. Morin: Dans ce cas-ci, c'est inclusivement. Ce sont les chiffres... L'année 1970, je le répète, est prise comme point de référence. En réalité, il s'agit donc des taux qu'on peut observer depuis 1971. Cela rappellera au ministre de l'Industrie et du Commerce la petite querelle que j'ai eue en Chambre, avec le premier ministre, sur la portée exacte de ces statistiques.

On observe donc les résultats suivants pour les différentes régions ou provinces: Pour la Colombie-Britannique, 26,8%; en Ontario, le taux d'augmentation a été de 19,5%; dans les Maritimes, il a été de 16,1%; pour les provinces des Prairies de 15,8% et enfin, au Québec, de 14,8%. C'est dire que, comparé aux autres régions du Canada, c'est le Québec qui a le moins, bien fait, depuis 1970, en termes de création de nouveaux emplois.

Je mets quiconque au défi de contester ces chiffres. Je les ai fait vérifier à plusieurs reprises et je suis prêt à les défendre. En chiffres absolus — car ces pourcentages peuvent paraître quelque peu abstraits — la performance québécoise est tout aussi insatisfaisante, puisqu'il ne s'est créé, en moyenne, chaque année, au Québec qu'à peine 64 000 nouveaux emplois. Pendant cette pé-

riode l'Ontario en créait, en moyenne, 117 000, par année.

Dans ces circonstances, il ne faut pas s'étonner que non seulement le taux de chômage québécois se soit maintenu à un niveau supérieur de 30% par rapport au taux canadien, mais que l'écart ait augmenté, par rapport à la période 1965-1970, dominée, vous le savez, par le gouvernement de l'Union Nationale. Notre situation s'est donc dégradée par rapport aux autres provinces et il va sans dire que l'écart avec l'Ontario qui est notre principal concurrent économique, est encore plus élevé, puisqu'il a atteint, pendant cette période, 65%.

M. Saint-Pierre: L'écart de...

M. Morin: L'écart dans l'augmentation de la création d'emplois.

M. Saint-Pierre: Vous admettez que pour la...

M. Morin: M. le Président, puis-je demander au ministre de me donner la réplique par la suite, s'il le désire? Je n'ai aucune objection à ce qu'il apporte des corrections à mes chiffres, s'il les estime erronés.

M. Cadieux: Est-ce qu'on peut avoir une copie de votre texte?

M. Saint-Pierre: Est-ce qu'on peut avoir une copie de votre texte?

M. Morin: M. le Président, il s'agit de notes éparses. Je n'ai pas l'avantage d'avoir à ma disposition, comme le ministre, tout un ministère pour me rédiger les textes. J'ai des notes éparses que j'essaie de rassembler ce matin. Si vous n'êtes pas d'accord avec mes chiffres, vous aurez tout le loisir d'apporter votre opinion là-dessus.

M. Côté: Le ministre de l'Industrie et du Commerce fait exactement ce que vous faites en Chambre quotodiennement.

M. Morin: Le résultat de tout cela, M. le Président...

M. Cadieux: Est-ce qu'on peut avoir une copie des chiffres du chef de l'Opposition et des notes du chef de l'Opposition?

M. Morin: M. le Président.. Une Voix: ... conseil central.

M. Morin: ... je viens d'expliquer que je parle à partir de notes éparses...

M. Cadieux: Vous avez des chiffres tout de même.

M. Morin: ... et de chiffres dont certains ont été vérifiés ce matin même. Donc, je n'ai pas de texte, à proprement parler, je n'ai que des notes.

M. Cadieux: Est-ce qu'on peut avoir une copie des notes?

M. Morin: Ce serait nouveau, M. le Président, que, dans une commission, l'Opposition distribue un texte aux membres de la commission. Nous n'en avons pas.

M. Cadieux: M. le Président, vous comprendrez que, lorsqu'il donne des chiffres ou des dates, le ministre a le droit de vérifier et de demander, s'il a mal compris ou si cela a été mal prononcé, quelles dates et quels chiffres le député vient de donner pour pouvoir ensuite donner la réplique. S'il ne veut pas nous confier ses chiffres, ses notes, on va être obligé de lui poser des questions.

M. Morin: M. le Président, il y aura, par la suite, un débat qui durera sûrement quelques heures, en commission, sur tous ces chiffres. Je mets...

M. Cadieux: S'il ne les comprend pas, s'il ne les entend pas.

M. Morin: ... le député au défi. Qu'il prenne des notes! Je le mets au défi de contester ces chiffres par la suite, s'il y comprend quelque chose.

M. Cadieux: On ne vous entend pas, on vous comprend mal.

M. Morin: M. le Président, j'attire votre attention sur le fait que la tradition veut qu'à la suite de l'exposé du ministre, l'Opposition ait tout le temps requis pour faire son propre exposé sur la situation économique du Québec, sans être interrompue.

M. Cadieux: ... quand on voudra.

M. Morin: Le résultat est que la position du Québec s'est fortement détériorée. En avril 1975, le Québec comptait 70 000 chômeurs de plus qu'en avril 1970. C'est dire que, pendant les cinq années de gouvernement libéral, le nombre de nouveaux emplois a été inférieur de 70 000 au nombre des nouveaux arrivants sur le marché du travail.

En d'autres mots, depuis 1970, le chômage a augmenté de 35%, alors que la main-d'oeuvre n'augmentait que de 15%.

Enfin, contrairement à ce qu'affirme quelquefois le premier ministre, le chômage excessif du Québec ne découle pas d'un taux supérieur de participation de la main-d'oeuvre au Québec, puisque le taux québécois, qui est de 57,2%, se maintient à un niveau constamment inférieur au taux canadien, qui est de 58,8%.

On ne m'en voudra pas de mentionner un grand nombre de statistiques. C'est la seule façon de bien comprendre la situation. C'est la seule façon de porter un diagnostic sur la situation existante et donc de déterminer les remèdes qu'il faudra par la suite appliquer, si l'on veut redresser

cette situation.

Sur le plan des prix, la situation, loin de s'améliorer par rapport au reste du Canada, s'est également détériorée. Alors que, traditionnellement, le taux d'inflation québécois avait toujours été inférieur au taux canadien, pour la première fois, au cours des années 1974 et 1975, le taux d'inflation a été plus élevé au Québec qu'ailleurs. A titre d'exemple, prenons l'année 1971, pour un taux canadien de 3%, on observait un taux québécois de 2%. En 1974, l'inflation au Québec était de 11,1%, comparativement à 10,8% au Canada.

Je pourrais, de la sorte, passer en revue, la plupart des grands indicateurs économiques des dernières années. Jetons un coup d'oeil sur le taux composé de croissance annuelle moyenne pour les cinq dernières années, en comparant les résultats obtenus par le Québec avec ceux du Canada. Pour ce qui est du produit national brut, le Québec obtient un taux composé de 12,1%, alors que le Canada obtient 12,6%. Pour ce qui est du revenu personnel...

M. Saint-Pierre: Je voudrais bien...

M. Morin: Non. M. le Président, le ministre aura tout le loisir d'expliquer par la suite comment il arrive à des résultats différents des miens. Je serais bien intéressé à la chose.

M. Saint-Pierre: D'accord.

M. Morin: Je signale au ministre que les chiffres que je lui donne incluent 1971. S'il les compare avec des chiffres qui n'incluent pas 1971, il ne serait pas étonnant qu'il arrive à des résultats différents, mais je crois qu'on doit inclure l'année 1971 dans cette évaluation de la performance économique du Québec.

Pour le revenu personnel, le chiffre a été de 13,5% au Québec, contre 13,9% au Canada. Dans les immobilisation, voici enfin un résultat qui semble, du moins à première vue, favorable au Québec, puisque le pourcentage a été de 21,2%, au Québec contre 16,4% au Canada. Pour l'emploi, le résultat donne 2,7% au Québec, contre 3,5% au Canada.

En somme, trois des quatre principaux indicateurs indiquent une croissance inférieure au Québec. Le seul qui fasse exception est celui qui conserve les immobilisations, et encore, faut-il souligner que, malgré ce rattrapage, le Québec continue d'obtenir une part des investissements canadiens qui est chroniquement inférieure à sa part dans la population du Canada, puisque la part québécoise est de 22% au cours des cinq dernières années, alors que nous comptons 28% de la population du Canada.

Je reviens brièvement au domaine des investissements. Dans le domaine manufacturier, en particulier, l'année 1975 a été particulièrement désastreuse. Alors qu'en Ontario, les investissements manufacturiers augmentaient de 38%, ceux qui ont été réalisés au Québec diminuaient de 0,6%. Pour 1976, j'ai fait relever récemment les tout derniers résultats; II s'agit d'ailleurs des prévisions qui ont été données par le ministre je crois.

Alors que, dans l'ensemble du Canada, on prévoit une augmentation de 5,8% et que l'Ontario connaîtra, toujours selon les prévisions, une augmentation de l'ordre de 14,3%, le Québec, lui, connaîtra une diminution de 7,1%. Si on exprime cela en termes réels, en termes d'emplois créés, par exemple, il s'agit d'une diminution qui, certainement, dépassera de beaucoup ces 7%. Peut-être serons-nous devant une diminution de l'ordre de 15% ou 20%.

Sur le plan du développement régional et de la réduction des écarts régionaux, les progrès ont été sporadiques. C'est le moins qu'on puisse dire. La région du Lac-Saint-Jean a attendu une dizaine d'années que se réalise le projet de papeterie Nous sommes sur le point d'aboutir peut-être et nous nous en réjouissons. Mais la Gaspésie attend toujours un nouveau projet industrie! d'envergure. Le Bas-du-Fleuve attend son superport de transbordement. L'Estrie attend une politique de développement autochtone de l'amiante, pour ne citer que ces régions, bien sûr.

Quant à la structure industrielle du Québec, que l'on qualifie généralement de traditionnelle, qui est en voie de vieillissement, elle n'a guère évolué depuis les cinq dernières années. Les projets industriels dans les domaines à haute technologie, qu'il s'agisse du secteur pétrochimique, de l'industrie d'équipement nucléaire, de i'informati-que, se font toujours rarissimes.

Enfin, l'année 1970 a marqué le début d'une période prolongée et continue de très faible croissance démographique, et j'estime que cela non seulement est sûrement causé par la situation économique, mais en outre cela a des conséquences pour l'avenir économique du Québec. Alors que, dans les autres provinces, la population augmentait de près de 9% au cours de cette période qui va de 1970 à 1975, celle du Guébec augmentait de moins de 3%. Le changement dans les mentalités, une politique familiale peu imaginative — je souligne en passant I'absence d'allocations à !a naissance, l'absence de garderies, l'absence de programmes d'aide à la femme au foyer — sont sûrement largement responsables de cette situation.

Ce ralentissement de la croissance démographique a d'ailleurs fourni l'occasion au premier ministre de jongler à nouveau avec les chiffres et d'affirmer que le Quebec avait connu, au cours des dernières années, une croissance du revenu personnel par habitant supérieure à celle des autres provinces. Une telle conclusion est fort trompeuse, M. le Président. A défaut de pouvoir s'attribuer de véritables succès en matière de développement économique, M. Bourassa s'attribue de fausses victoires. La preuve en est qu'à croissance démographique égale au reste du Canada, le Québec aurait connu un taux de croissance du revenu par habitant inférieur à la moyenne canadienne.

M. Saint-Pierre: C'est évident.

M. Morin: M. le Président... Je sais que c'est évident, mais il faudrait que le premier ministre ait

l'honnêteté de le reconnaître et de le dire, et non pas de tourner les chiffres à l'envers pour les accommoder à sa sauce.

M. Saint-Pierre: ... et de parler...

M. Morin: M. le Président...

M. Saint-Pierre: Monsieur...

M. Morin: ... j'insiste sur la nécessité...

M. Saint-Pierre: Bien...

M. Morin: ... d'attendre que j'aie terminé mon exposé avant que le ministre puisse intervenir...

M. Côté: Vous aviez un bon début seulement avec des notes...

M. Morin: ... parce que tout se tient. Il aura l'occasion de constater, dans la suite de mes propos, que j'apporte des nuances à cela. Quelquefois aussi la situation est plus grave qu'il ne veut bien le reconnaître.

En réalité, si l'on considère les chiffres globaux, on s'aperçoit que la position réelle du Québec est en pleine régression. Par exemple, au début des années soixante, la part du Québec dans le revenu personnel au Canada se situait autour de 26%. Or, en 1973, elle était déjà tombée à 24,8%. Cela signifie que l'importance économique du Québec décroît rapidement, par rapport au reste du Canada.

Pour corriger cette situation, le gouvernement Bourassa n'a eu pendant longtemps qu'une seule politique, qui était celie de la porte ouverte aux entreprises étrangères. On se rendait à New York — on se rend encore à New York — à l'occasion, pour garantir aux Américains que l'on traitera exactement sur le même pied le capital étranger et le capital québécois. On s'opposera même à la mise en oeuvre de la nouvelle loi fédérale sur le tamisage des investissements étrangers. On subventionnera de façon scandaleuse l'exploitation de nos richesses naturelles par certaines multinationales, comme ce fut le cas pour l'ITT, avec le triste résultat que les Québécois ne contrôlent à peu près rien de leur propre développement.

Dois-je vous rappeler certaines données qui apportent un démenti a certaines affirmations que l'on entend trop souvent en Chambre et à l'extérieur? Considérons par exemple le taux de contrôle québécois francophone sur le secteur manufacturier. Pour l'ensemble du secteur, vous le savez, il est de moins de 15%. Pour les aliments et boissons, il est de moins de 20%. Dans le textile, il n'atteint pas 5%. Dans le vêtement, il n'atteint pas 15%. Pour les pâtes et papiers, il est de moins de 10%. Dans les produits métalliques, il est de moins de 15%. Dans la machinerie, il est également de moins de 20%. Dans le matériel de transport, il n'atteint pas 10%. Dans les appareils électriques, nous avons de la peine à nous rendre à 5%. Quant au pétrole et à certains autres domai- nes, le ministre ie sait comme moi, le taux de contrôle atteint Q%. Les deux seuls secteurs où nous ayons plus de 50% des titres sont le bois et le cuir.

Dans le domaine du commerce de détail, pour l'ensemble, le contrôle québécois francophone est de moins de 40%, et je songe en particulier à un exemple qui est totalement inacceptable: les Québécois francophones exercent moins de 20% du contrôle des produits alimentaires au détail.

Je pourrais continuer de la sorte, secteur par secteur, à faire l'inventaire de cette faiblesse affligeante qu'il faudrait redresser rapidement, non plus par des cataplasmes sur des jambes de bois, mais avec un programme, de redressement global, un nouveau modèle de développement.

Dans l'industrie primaire, moins de 5% de la valeur ajoutée de l'industrie minière est sous le contrôle des Québécois francophones.

Cela évoque naturellement le grand débat sur l'origine des capitaux qui financent l'économie québécoise et l'économie canadienne. Selon le rapport Gray, la source de financement est à 22% de provenance étrangère et à 78% de nature canadienne. Selon le rapport Tetley, 73% du financement externe des filiales de compagnies étrangères provenait en 1969 de sources canadiennes et ceci s'ajoute au fait que la majeure partie du financement total provenait de sources internes aux entreprises, lesquelles avaient été probablement réalisées à la suite d'opérations canadiennes, c'est-à-dire profit non réparti, épuisement et amortissement.

Toujours selon le rapport Tetley, les filiales américaines prennent dans leur pays d'origine une très faible partie du nouveau capital requis par les investissements, soit 1,6% des investissements miniers totaux, 19% des investissements pétroliers et 11% des investissements manufacturiers.

Devant cette situation, il y a tant de choses que nous pourrions faire si nous voulions utiliser les instruments qui sont déjà à notre disposition, comme, le mouvement coopératif. N'est-il pas aberrant, par exemple, de constater que, sur un budget qui va atteindre, cette année, une dizaine de milliards, le Québec en consacre une part infime au développement des coopératives?

En somme, c'est peut-être au niveau de la gestion que le bilan du gouvernement Bourassa aura été le plus désastreux. Ce résultat n'est d'ailleurs pas étonnant. Il est la conclusion logique de cinq années de manque d'initiative, de laisser-faire et surtout, à notre avis, la conséquence directe d'une absence totale d'imagination en matière de développement économique. Lorsqu'on en est rendu à parler de l'apport des investissements étrangers comme étant l'essentiel d'une politique de développement économique au lieu d'un complément à un projet sérieux de relance économique, c'est qu'on n'a pas vraiment de politique. La porte est tantôt grande ouverte, tantôt moitié ouverte, tantôt moitié fermée en matière d'investissement étranger. A quand remontent les derniers grands énoncés de politique minière sur l'amiante? A quand remontent les grands énoncés pour ce qui est des

produits pétroliers? A quand remontent les grands énoncés de politique à l'égard des petites et moyennes entreprises, à l'égard de la transformation des richesses naturelles, des institutions financières, du tourisme, de la planification? Poser ces questions, c'est y répondre n'est-ce pas?

Comment peut-on s'étonner alors d'un taux de chômage de 10% en 1975, quand on sait que, depuis 1970, le gouvernement n'a fait aucun effort pour doter le Québec d'une politique sérieuse de main-d'oeuvre?

C'est cette léthargie économique qui rend de plus en plus urgente la nécessité de proposer aux Québécois un projet de développement économique nouveau, intégré et surtout adapté à la mentalité des Québécois, un projet qui s'appuiera forcément sur cette double prémisse fondamentale en matière économique: premièrement, un modèle économique ne s'importe pas et, deuxièmement, on ne peut compter sur l'apport étranger comme fondement d'une croissance économique soutenue. Le cadre, l'initiative, doivent venir avant tout des Québécois. C'est sur ces bases que s'est élabore le projet économique que l'on retrouve dans le programme du parti que je représente dans cette Assemblée, projet qui veut remettre de l'ordre dans les priorités, qui s'intéresse, bien sûr, aux intérêts étrangers, mais uniquement comme complément de l'épargne québécoise, projet qui s'appuie également sur la réalité historique du Québec, sur cette réalité qui fait que l'entreprise privée doit être complétée par un appui substantiel de l'Etat au développement du secteur coopératif et des institutions d'Etat. C'est une façon d'aborder le problème qui nous paraît de plus en plus nécessaire et qui est fondée sur ies succès passés des Québécois et en particulier des Québécois francophones.

Quand on sait que, parmi les cinquante plus grandes entreprises du Québec, seulement cinq sont contrôlées par des Québécois francophones, et que deux sont des coopératives, c'est-à-dire la Coopérative Fédérée et celle de Granby, que deux sont des entreprises d'Etat, je me réfère à SIDBEC et à Marine Industrie, et qu'une cinquième enfin est privée — je songe à Bombardier —on ne peut miser essentiellement sur un modèle traditionnel pour assurer notre développement.

Parler d'un modèle québécois qui non seulement convienne aux Québécois, mais surtout dans lequel on puisse espérer réussir, c'est donc parler de solutions qui peuvent apporter cette addition originale à l'entreprise privée. Nous sommes devant la nécessité urgente de doter le Québec d'un véritable projet économique, projet qui mise avant tout sur nos actifs les plus sûrs, j'entends une main-d'oeuvre compétente, les ressources financières et techniques du secteur privé, du secteur coopératif, ainsi que sur le secteur privé. En somme, une politique économique dont les bases, les moyens et les objectifs sont, avant tout, québécois, tout comme dans le cas des Canadiens qui ont conçu un projet pour l'industrie ontarienne de l'automobile, l'industrie ontarienne de la pétrochimie et l'industrie ontarienne de l'équipement nucléaire.

Tout comme les Suédois qui doivent leur succès à un modèle mixte, associant au secteur privé une forte présence des coopératives et institutions d'Etat. Tout comme dans le cas de la France, on se demande bien ce que serait son économie sans une forte présence du secteur public dans l'industrie automobile, dans les pétroles et dans l'aviation.

M. le Président, on a l'impression qu'au cours des dernières années, on a beaucoup plus cherché à refaire l'image du ministère de l'Industrie et du Commerce qu'à changer la nature profonde des interventions de ce ministère. La politique économique, à vrai dire, reste à faire. Evidemment, ce n'est pas une caractéristique qui s'applique simplement à ce ministère, elle s'applique à l'ensemble du gouvernement. C'est sans doute au fond sa philosophie du développement qui est en cause.

Il y a eu certains changements, je le reconnais. On a défini certaines priorités, par exemple, la politique en matière de parcs industriels; il y a eu la création de la SDI, quoiqu'en ce qui concerne ce dernier point, il s'agit beaucoup plus d'un raffinement et d'une extension de l'ancienne loi de l'aide au développement régional et de la défunte société de crédit industriel, que d'un instrument d'intervention nouveau et inédit. Dans l'ensemble, l'effet et l'incitation demeurent globalement similaires.

Pour le reste, nous devons bien nous rendre compte que les énoncés de nouvelles politiques visaient trop souvent la création d'images et d'impressions plutôt que d'orientations nouvelles et décisives en matière de politique économique. Trop souvent, les suites ont été décevantes, sans compter l'impression souvent donnée par le ministre de revirement dans ses politiques et de contradiction qu'ont laissées les nombreuses déclarations du ministère, notamment en matière d'investissement étranger.

Je vous rappelle, par exemple, un certain nombre de politiques qui n'ont pas connu de suite ou qui ont fait l'objet de variations presque saisonnières. Nous attendons toujours la politique d'achat; ce sont des promesses, on s'en souviendra, qui sont restées sans suite. Quant à la politique globale de développement économique, bien sûr, il y a eu des études, mais quelles suites concrètes ont-elles connues? De 1970 à 1974, la priorité était aux investissements étrangers. En 1975/76, on nous parle plutôt de porte ouverte aux investissements étrangers et de priorité donnée aux autochtones. En 1975/76, l'accent est mis sur le développement de l'éducation économique, mais nous attendons toujours des programmes précis. Il ne se fait guère d'éducation économique concrète. En 1975, vous vous en souviendrez, on voulait mettre l'accent sur le secteur du commerce, mais quel programme d'action concrète a-t-on mis au point et mis en oeuvre? Le budget sur ce point est stagnant. En 1975/76, on nous a parlé d'intégrer les multinationales.

Je lisais encore ces jours-ci, je relisais les propos de mars 1976, les propos tout récents du nouveau sous-ministre adjoint du ministère de

l'Industrie et du Commerce, M. Pierre Shooner, dans lesquels il disait l'intention du ministère d'user de persuasion, d'incitation volontaire, pour tenter d'amener les multinationales à se conduire correctement au Québec.

M. le Président, l'expérience des autres pays démontre comme celle du Québec la nécessité, non seulement d'avoir des slogans directeurs, mais d'avoir une véritable politique de développement industriel, de tenir compte du fait que les multinationales, si elles ne sont pas encadrées par un code d'investissement précis, continueront à agir la plupart du temps exactement comme par le passé.

Je voudrais maintenant, après avoir montré à quel point nous étions devant de simples slogans au cours des années passées, tenter de décrire ce que pourraient être concrètement les instruments d'une politique de développement, d'une véritable politique de développement. Nous avons mis de l'avant — et le ministre, hier soir encore, affectait de s'en moquer — un certain nombre d'éléments de cette politique, et je voudrais les rappeler brièvement car je crois que, sans ces gestes concrets, la structure industrielle du Québec demeurera ce qu'elle a toujours été dans le passé, malgré de légers progrès dans certains secteurs. Nous avons mis de l'avant la création d'une société de réorganisation industrielle chargée de favoriser systématiquement la modernisation des anciens secteurs industriels, de créer de nouveaux secteurs et de promouvoir l'expansion de la formule coopérative, entre autres.

Nous avons mis de l'avant la création d'un secteur témoin dans le domaine des produits pétroliers, lequel permettrait à SOQUIP d'agir au niveau du raffinage et de la distribution des produits pétroliers. Nous attendons toujours que le gouvernement, par décret ministériel, autorise SOQUIP à mettre en oeuvre le mandat B qui est décrit dans la loi constitutive qui lui aurait permis de pénétrer dans les secteurs — bien plus rentables que celui de l'exploration — du raffinage et de la distribution des produits pétroliers.

Nous avons proposé également la prise en main par les Québécois de l'industrie de l'amiante, c'est-à-dire la création d'un office de mise en marché du minerai pour commencer, sinon, même, l'achat de l'une des entreprises, comme on l'a d'ailleurs recommandé au gouvernement. Nous avons préconisé l'adoption de mesures fiscales obligeant les compagnies qui exploitent nos richesses naturelles à en faire progressivement la transformation au Québec. Et nous avons proposé de doubler le fardeau fiscal des propriétaires non québécois dont les gisements ne sont pas mis en exploitation.

M. le Président, j'ajoute encore quelques points pour bien marquer la différence qui existe entre ce que nous a proposé le ministère au cours des dernières années et les conclusions auxquelles nous en sommes venus, quant à la nécessité d'un nouveau modèle économique.

Nous croyons qu'il est indispensable de créer une société de développement des industries cul- turelles qui jouerait, auprès des industries culturelles, le même rôle que la Société de développement industriel auprès du monde des affaires, société qui aurait également pour but d'implanter, au niveau international, nos diverses industries culturelles et de concurrencer efficacement certains pays dans les domaines où, faute de véritables efforts de marketing, le Québec n'a jamais pris la place qui lui revient.

J'ajoute encore deux mots que j'ai évoqués déjà, à une ou deux reprises, dans cet exposé préliminaire. Nous pensons qu'on doit assujettir les entreprises multinationales à un code d'investissements et imposer l'obligation à ces entreprises de réinvestir au Québec, au moins la moitié des bénéfices qui y ont été faits.

Nous pensons, de plus que les compagnies d'assurance et de fiducie doivent réinvestir au Québec l'épargne que les Québécois leur confient. Enfin, il est nécessaire de mettre sur pied un office du plan chargé de constituer, avec la participation des principaux agents économiques, un plan global de développement et la création de sociétés régionales de développement chargées de collaborer à la préparation et à la mise en oeuvre du plan sur une base régionale.

M. le Président, je ne voudrais pas alourdir indûment cet exposé. Nous pensons que nous avons là des linéaments, les premiers éléments d'un programme réaliste et conforme surtout à la réalité québécoise. D'ailleurs, quand on considère les récents projets industriels majeurs, on s'aperçoit que ce qui est marquant, c'est l'intervention directe de l'Etat. J'avais l'occasion de le rappeler, hier soir, à l'occasion de l'étude du projet.de loi autorisant le nouveau capital de la SGF. Si nous avons eu des projets industriels majeurs, récemment, à l'exception peut-être de l'ITT, ce sont SIDBEC à Port-Cartier et le projet de la SGF-Donohue à Saint-Félicien.

M. le Président, le ministre nous disait tout à l'heure les efforts considérables qu'il a entrepris pour ce qui est de Tricofil. Je voudrais lui rappeler que ses efforts ont abouti à la suite de pressions considérables. Je pense qu'il n'osera pas soutenir que cela lui est venu naturellement et spontanément. Il a fallu tout un mouvement dans l'opinion publique, il a fallu que les communautés religieuses investissent dans ce projet presque autant que le gouvernement pour qu'il aboutisse. Je dois lui rappeler qu'à notre avis, son erreur principale dans ce dossier a été son attitude négative dès le départ. S'il s'était abstenu au moins de démolir le projet dans l'opinion publique, je crois que les solutions auraient été beaucoup plus faciles à trouver. Bien sûr, devant la levée de boucliers, devant la réaction de l'opinion publique, il a dû battre en retraite et il a dû, en fin de compte, se rallier à ceux qui voulaient sauver l'entreprise.

Mais, pour ma part, je tiens à lui dire que nous n'avons pas été insensibles à son attitude préliminaire. Elle démontrait un préjugé défavorable à la coopération. J'ose croire que son changement d'attitude, récemment, à l'égard de Tricofil et la participation hésitante que le gouvernement a fini

par y apporter marquent une évolution de votre attitude à l'endroit de l'ensemble du secteur coopératif.

M. le Président, il est temps que j'en vienne à mes conclusions. Il est vraiment temps que le Québec se remette en marche. Les résultats des cinq dernières années, je l'ai démontré, sont vraiment catastrophiques sur le plan du développement économique. Il est vraiment urgent de harnacher toutes les forces de la nation, d'abord en lui proposant un projet collectif, capable de multiplier ses énergies, mais aussi, en privilégiant les instruments dont nous avons le contrôle comme, par exemple, les coopératives, le capital privé québécois, le capital d'Etat, par rapport aux instruments dont la maîtrise nous échappe.

Pour nous, les richesses naturelles et le territoire font partie du patrimoine collectif. Leur exploitation doit servir avant tout la collectivité. Nous croyons que les critères de rentabilité économique doivent être subordonnés aux critères de rentabilité sociale. Nous avons comme objectif de démocratiser le fonctionnement de l'économie en favorisant les formes collectives d'organisation et en assurant la participation des travailleurs aux décisions de l'entreprise; c'est là un développement qui doit venir le plus tôt possible.

Si j'ai dit tout cela, c'est que j'ai confiance dans le peuple du Québec. Nous le croyons capable de prendre en main la gouverne de ses affaires et la maîtrise de son destin. Nous sommes même assurés que la prise en charge par les Québécois de leur vie économique leur apportera non seulement un milieu de travail plus en accord avec leurs aspirations, mais une prospérité plus grande que celle à laquelle ils peuvent s'attendre dans le système actuel. Nous croyons, en effet, les Québécois capables d'affronter victorieusement les défis multiples qu'un rythme d'évolution sans précédent lance aussi bien aux individus qu'aux collectivités.

J'en ai terminé, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Brisson): Le ministre.

Réplique du ministre

M. Saint-Pierre: M. le Président, les rumeurs récentes de la décision du député, notre bon collègue, le député de Maisonneuve, de ne pas se représenter, me portaient à croire qu'il y avait une bataille entre la gauche et la droite au sein de l'Opposition officielle, mais le texte de ce matin me confirme que, finalement, c'est toujours la vocation littéraire qui domine dans ce parti. Nous avons eu finalement le même texte que l'an dernier, à toutes fins pratiques. J'aimerais refaire la comparaison. Il y a quelques chiffres nouveaux qui ont été ajoutés, mais pour l'essentiel de la trame de l'argumentation du député de Sauvé, il faut tout au moins lui donner une bonne note pour la cohérence. Il me semble que le chef de l'Opposition officielle, sans nécessairement faire preuve de narcissisme, se complaît quand même a jouer constamment sur un sentiment défaitiste, un sen- timent de piger dans les statistiques ce qu'il peut y avoir de plus noir dans une situation donnée. D'ailleurs, cela fait je ne sais pas combien d'années que je suis en politique et, à chaque automne, le chef politique du Parti québécois, M. Le-vesque, annonce toujours des taux de chômage de 15% l'hiver. J'ai devant moi les taux de chômage bruts au Québec depuis les six dernières années, ils n'ont jamais atteint 10%, contrairement à ce qu'a affirmé le chef de l'Opposition. Tantôt, j'aurai l'occasion d'y revenir. Les chiffres les plus élevés qu'on a pu avoir, c'est 9,7%. Il y a des hivers où on affirmait 15% et, au maximum, c'est allé à 8%, 7, 4% et des choses semblables. Il y a toujours une façon de jouer...

M. Morin: Des chiffres désaisonnalisés ou des chiffres réels?

M. Saint-Pierre: Pardon?

M. Morin: Des taux désaisonnalisés...

M. Saint-Pierre: Ce sont les taux bruts. Je vais vous en donner une copie, sûrement, vous pourrez les regarder. Je vous défie de trouver une seule année, un seul mois où c'est allé au-dessus de 10%. Votre chef affirme 15% â tous les hivers.

M. Morin: Ce n'est pas triomphal.

M. Saint-Pierre: Non, mais je vous dis que votre chef nous parle de 15% et on n'atteint jamais 10%. C'est une espèce d'attitude défaitiste. Je ne voudrais pas prétendre un instant que la situation est parfaite. D'ailleurs, si on relève l'ensemble de mes conférences de presse au mois de décembre, chaque année, je me suis fait un devoir de tenter de donner les deux côtés de la médaille; des côtés positifs, il y en a. Je défie le chef de l'Opposition de les contester.

M. Morin: En grattant.

M. Saint-Pierre: Chaque année, j'ai également mentionné les aspects qui pouvaient être négatifs. Je reviens sur certains des points qui ont été mentionnés, qui m'apparaissent... Pour faire une réplique plus détaillée d'un discours que je n'attendais pas ce matin, on me permettra de consulter en détail, puisque je n'avais pas de texte, et, avant la fin des crédits, de tenter d'apporter des corrections. Les corrections les plus évidentes qui m'ont frappé ce matin sont les suivantes. Vous avez mentionné dans votre texte que, pour illustrer la détérioration de la situation économique en 1975, le chômage avait atteint au Québec 10%. J'ai ici le chiffre officiel pour 1975; 8,1% pour le chômage de l'année 1975. Vous avez donné 10%, j'attends le journal... Pardon?

M. Morin: Est-ce le taux réel?

M. Saint-Pierre: Vous contestez cela encore? 8,1%; M. Bédard... Il n'y a pas d'erreur.

M. Morin: Le taux réel? Est-ce le taux moyen ou le taux réel?

M. Saint-Pierre: C'est le taux réel de l'année de chômage 1975, 8,1%, Québec, indicateur économique. Je peux déposer le document et demander d'en faire tirer des photocopies.

M. le Président, il y a eu d'autres choses qui ont été mentionnées et qui m'apparaissent des sophismes incroyables. Le chef de l'Opposition, en voulant contester ies chiffres que M. Bourassa a mentionnés en ce qui touche le revenu personnel par habitant... Je répète ce qui est bien connu de tous, je vais vous les redonner. Lorsqu'on parle de revenu personnel par habitant, on parle, bien sûr, du revenu personnel divisé par le nombre d'habitants. Alors, pour la période de 1971 à 1975, ce fut une augmentation annuelle moyenne de 14% au Québec et de 13% au Canada. Ce sont les chiffres officiels. Je peux les déposer encore; l'indicateur économique Québec, préparé par la direction générale de la recherche et de la planification au ministère de l'Industrie et du Commerce, indique donc nettement que, pour la période 1971/75, le revenu personnel par habitant a été substantiellement plus élevé au Québec qu'au Canada...

M. Morin: Oui, mais 1971 n'est pas inclus.

M. Saint-Pierre: Pardon?

M. Morin: 1971 n'est pas inclus.

M. Saint-Pierre: 1971 est I année de départ...

M. Morin: Et de référence, c'est cela.

M. Saint-Pierre: ... et da référence. On partirait de 1970, ça ferait, je pense, au niveau du revenu personnel... Je vais faire le relevé. M. Bédard. Voulez-vous nous calculer, pour le besoin du chef de l'Opposition officielle... Vous voulez avoir quoi, exactement, l'année 1970? L'année 1971 n'est pas incluse. C'est l'année de départ.

Vous voulez avoir l'année de départ comme quoi, en 1970? L'année de base, c'est 1970 ou 1971?

M. Morin: Prenez 1970 comme année de base.

M. Saint-Pierre: C'est intéressant, je vais revenir un peu plus...

M. Morin: Parce que ça change le résultat.

M. Saint-Pierre: Oui bien, écoutez! En janvier 1970, j'ai abandonné la vie privée pour dire qu'on avait besoin d'un changement de gouvernement. Je ne suis pas prêt à prendre responsabilité pour ce qui est arrivé durant les quatre premiers mois de 1970.

M. Morin: Mais nous ne vous tenons responsables qu'à compter de l'élection.

M. Saint-Pierre: Mais enfin, c'est mineur. Je suis bien prêt à prendre 1970. Ce que je vous dis, c'est quand on prend les chiffres de 1971 à 1975, qui sont les chiffres que nous prenons généralement pour une période de quatre ou cinq ans. on a là une tendance qui m'apparaît utilisable.

Si vous voulez avoir 1970 comme année de base... M. Bédard, pouvez-vous calculer, pour les fins de la commission, ce qu'aurait donné le revenu personnel par habitant pour 1970...

M. Morin: Donnez-nous le revenu personnel global aussi.

M. Saint-Pierre: Le revenu personnel par habitant... Non, c'est le point que vous avez soulevé. Je veux voir le sophisme que vous avez donné. De 1970 à 1975, au lieu de 1971 à 1975.

Mais là où votre sophisme est terrible, c'est qu'après avoir dit que la croissance de la population au Québec était moindre qu'ailleurs, vous dites: On devrait prendre les chiffres de revenu personnel pour le Québec, revenu total personnel, et diviser cela non pas par le nombre d'habitants actuels, mais par le nombre d'habitants si on avait eu la même croissance que les autres provinces. C'est évident, sur le plan de la population, que. si le Québec avait amené, même dans les années 1972, 1973, 1974... Même s'il y a eu un renversement sur le plan démographique au niveau de l'immigration, alors qu'en 1968/69, on avait une perte de gens qui quittaient le Québec — je pourrais donner des chiffres, c'est une des tendances qu'on a changées — que depuis 1972, il y a. au contraire, des mouvements démographiques favorables, positifs au Québec. Mais si ces mouvements avaient eu la même ampleur qu'en Ontario en termes d'immigrants, si le taux de natalité du Québec avait été le même que celui du Mexique ou de l'Ontario, il est bien évident que ces personnes auraient, par leur activité économique, contribué à augmenter le revenu personnel.

En d'autres termes, lorsqu'on joue — sans vous donner une leçon de calcul numéral — avec le numérateur et le dénominateur, il faut faire attention, parce que, quand on ajoute quelque chose en bas ou qu'on soustrait, on change complètement la valeur de ce qu'on tente de prouver.

M. Morin: C'est un indicateur biaisé.

M. Cadieux: Au point de vue de la natalité, qu'est-ce que l'Opposition a fait là-dedans?

M. Saint-Pierre: On va reprendre la discussion, M. le Président. Le revenu personnel par habitant, je défie le chef de l'Opposition quant à ça, c'est le revenu personnel total d'une population divisé par le nombre total d'habitants. On ne peut pas prendre les habitants théoriques, si on avait eu le même taux de croissance, parce que là. il faudrait également changer le numérateur et dire quel aurait été l'accroissement du revenu personnel au Québec, si ces personnes étaient effective-

ment venues au Québec, et c'est évident que ces personnes ne se seraient pas tourné les pouces. Elles auraient généré une activité économique. D'ailleurs, je vais vous la donner en détail. Les composantes du revenu personnel, vous les savez. En parlant des salaires, des traitements, des revenus complémentaires, les soldes et allocations des militaires, les revenus nets des agriculteurs, les intérêts et dividendes, revenus de placements, les transferts courants du gouvernement, les revenus personnels disponibles. Enfin, il y a toute une série de composantes qui seraient à additionner. C'est pour ça que cela m'apparaît des sophismes dignes de M. Michaud, mais indignes du chef de l'Opposition officielle en Chambre.

D'ailleurs, M. le Président — je vais revenir sans m'empresser là-dedans — il y a un des documents que M. Bourassa n'a jamais déposé. Je vais le déposer en Chambre. Le chef de l'Opposition, en parlant des difficultés de l'économie du Québec, aurait pu le mentionner. Je dépose, M. le Président, la page 17, de l'étude économique de l'OCDE, décembre 1972: La situation économique au Canada.

Pour le bénéfice des membres de cette commission, je vais lire une partie du paragraphe de la page 17...

M. Morin: Pourrions-nous en avoir un exemplaire?

M. Saint-Pierre: ...parce que c'est en plein coeur du sujet que le chef de l'Opposition a suggéré.

Le Président (M. Brisson): En avez-vous des copies?

M. Saint-Pierre: On va en faire venir des copies. On va les disbribuer.

M. Cadieux: On n'est pas avare.

M. Saint-Pierre: Et je cite l'étude économique de l'OCDE. Je suis certain que le chef de l'Opposition accorde une grande crédibilité à ces études d'un organisme aussi prestigieux que l'OCDE.

Je cite: La province de Québec semblant être plutôt avantagée du point de vue de la situation géographique et des ressources naturelles, il est plus difficle d'expliquer son retard économique sans faire intervenir des causes historiques et divers autres facteurs qui ne sont pas d'ordre économique. Parmi ces derniers, on pourrait mentionner la nette préférence, traditionnellement accordée dans le système d'enseignement québécois, à la culturelle générale par opposition à la formation technique et à la préparation aux affaires.

Il se peut aussi qu'à une époque plus récente... — cela a été écrit en décembre 1972...

M. Morin: Cela va être notre fautel

M. Saint-Pierre: Un instant. Je cite les experts.

M. Morin: Inspirés par le gouvernement canadien.

M. Cadieux: Ecoutez donc un peu. On vous a écouté tantôt.

Le Président (M. Brisson): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Saint-Pierre: II se peut aussi qu'à une époque plus récente, le mouvement séparatiste y ait freiné l'installation des nouvelles entreprises et les investissements productifs.

M. le Président, il est bien certain que...

M. Morin: Est-ce la seule explication que vous avez à nous donner?

M. Saint-Pierre: C'est complémentaire à ce que vous n'avez pas voulu donner vous-même et qui m'apparaît mériter une certaine considération. L'expertise des gens de l'OCDE en matière économique, je pense que...

M. Morin: Oui, inspirés par le gouvernement fédéral.

M. Saint-Pierre: Absolument pas. Ce sont des gens extérieurs au Canada qui viennent faire l'analyse de la situation au Canada. Si vous voulez mettre en cause ce qui se passe au Canada, la validité des études de l'OCDE...

M. Morin: Je me demande si l'OCDE est au courant de la façon dont les obligations du Québec, par exemple, se vendent fort bien, même échelonnées sur 20 ans.

M. Saint-Pierre: Je comprends bien...

M. Morin: Elle ne savait peut-être pas cela avant de faire une telle affirmation.

M. Saint-Pierre: Voyant le témoignage du banquier de la plus importante banque au monde, je comprendrais pourquoi la confiance des investisseurs au Québec se maintient malgré toutes les entreprises de démolition auxquelles on peut assister à gauche et à droite.

M. Morin: Vous voyez bien que c'est contradictoire.

M. Saint-Pierre: Ceci dit, j'aimerais compléter. En décembre dernier, les services de mon ministère — je pense qu'on ne conteste pas la validité des chiffres donnés — donnaient justement, sur l'ensemble des indicateurs économiques... Et je pense aux pages 5 et 6, le chef de l'Opposition en a sûrement une copie, on voit l'ensemble des années de 1971 à 1975.

A la page 6, ce sont les indicateurs économiques pour le Canada. Il me semble que là, on a une bonne comparaison et, parmi les chiffres mentionnés par le chef de l'Opposition, il y a cer-

taines contradictions avec ceux que je peux avoir ici; mais je vois qu'au niveau du produit provincial brut, on va être obligé de déclarer un match nul parce que sur la période de quatre ans, le produit national brut au prix du marché: 13,2% et 13,2% dans les deux cas.

M. Morin: Vous n'avez pas l'année 1970.

M. Saint-Pierre: Un instant. Je vous donne les chiffres qui sont ici. Si vous voulez prendre l'année 1970, on va la prendre... Nous disons que nous n'étions pas là en janvier 1970.

M. Morin: Prenons l'année 1970 comme point de référence. Vous allez voir qu'il y a une différence.

M. Saint-Pierre: Je continue. Je vois donc qu'au niveau du revenu personnel par habitant, au niveau des salaires, traitements et revenus complémentaires, au niveau des immobilisations totales, au niveau du secteur de la fabrication, au niveau de la consommation des ménages, au niveau même de l'indice des prix à la consommation, les performances des indicateurs économiques québécois sur une période de quatre ans sont supérieurs à ceux de la moyenne canadienne.

J'admets, à l'avance, avec le chef de l'Opposition, que deux indicateurs ou tout au moins d'autres m'apparaissent marginaux, comme la valeur des expéditions et il y en avait un autre qui est un peu marginal. Il n'y a pas beaucoup de différence, mais il y a deux indicateurs qui mériteraient de notre part une attention particulière, c'est la croissance de la population. Là, il faudrait trois heures pour expliquer les phénomènes de dénatalité plus prononcés au Québec qu'ailleurs, expliquer sûrement que les situations conflictuelles que nous vivons depuis quelque temps doivent sûrement rendre très difficile la tâche d'attirer un pourcentage équitable de l'immigration canadienne, et un autre facteur que le chef de l'Opposition a souligné et qui mérite une attention particulière, est la faiblesse de la croissance de l'emploi au Québec par rapport au Canada.

Je ne veux pas me consoler en comparant le Québec à 2,9% par année, qui dépasse de beaucoup les performances d'autres pays industriels, mais il est vrai que comparées au Canada, nos performances sont inférieures.

Tout ceci dit: M. le Président, c'est évident que le Québec n'est pas la terre promise, le paradis perdu, qu'on peut se tourner les pouces et que tout va nous tomber dans les mains. Nous avons d'ailleurs contre nous des facteurs réels, qui peuvent jouer contre nous. C'est bien certain que lorsqu'on évoque toutes les situations très difficiles, les conflits de travail que nous avons eus dans l'industrie de la construction, on comprendra qu'il n'est pas surprenant qu'en 1975 et même peut-être en 1976, dans le secteur de la fabrication en particulier là où les investissements peuvent se faire à d'autres endroits que le Québec, on ait des difficultés réelles de croissance. C'est bien sûr que certaines des entreprises... J'ai devant moi le député de Beauharnois, vous n'avez qu'à parler aux gens de Goodyear, cela nous prendra beaucoup de force de persuasion pour les convaincre de revenir mettre un sou noir au Québec, parce qu'ils y ont eu des problèmes. J'en ai déjà parlé moi-même avec nos syndicats de la construction; je leur ai dis que c'était véritablement du kidnapping de la vie économique des régions du Québec. D'ailleurs, même le président de Sidbec, M. Jean-Paul Gignac, à un certain moment, a dû évoquer la possibilité de faire des investissements au Brésil tellement la situation était rendue difficile ici. La jonction entre le monde de l'éducation et le monde du travail reste à faire au Québec et je pense que, même avec les progrès substantiels qui ont pu être accomplis, on a encore beaucoup à faire sur ce plan-là. Je pense également que les conflits que nous avons dans le secteur public ne nous aident sûrement pas dans notre travail pour tenter de stimuler la croissance économique du Québec. Je vais donner un cas d'espèce parmi d'autres. Vendredi dernier, j'avais le président d'une entreprise qui voulait investir quelque chose comme $40 millions au Québec; il devait venir me voir à 11 heures, à place d Youville, pour tenter de stimuler tout le travail que des fonctionnaires avaient fait vis-à-vis d'une entreprise extrêmement intéressante, qui n'était pas une entreprise européenne, qui nous aurait permis de diversifier et d'avoir un apport substantiel. Je n'ai pas besoin de vous dire la scène qu'il y avait à place d'Youville, à 11 heures, devant nos bureaux vendredi dernier et comment, durant le repas, j'ai eu passablement de difficulté à convaincre ce type que les situations — dans ce cas, c'était le conflit des professionnels — étaient quelque chose de très marginal et que, finalement, il n'y aurait pas de problème. Les deux hsures de la discussion se sont passées sur les relations de travail et sur le fait que sa firme hésitait beaucoup, face à des situations très difficiles qu'il a pu voir avec d'autres, des grèves qui s'éternisaient, des conflits qui semblaient très politiques — j'emploie ses propres mots — à tenter de faire des investissements. C'était $40 millions, 3000 emplois. Malheureusement, ie syndicat des 3000 travailleurs n'est pas formé encore parce que s'il était formé, je pense qu'il mettrait au pas bien d'autres gens du monde syndical qui nous rendent la tâche très difficile pour stimuler le Québec.

M. Morin: Bref, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes.

M. Saint-Pierre: Non, M. le Président. Je vais un peu terminer par cela, parce que...

M. Cadieux: Quand ceia va mal, vous les appuyez.

M. Morin: Allons donc!

M. Cadieux: Mais oui. Prenez l'exemple de Goodyear à Valleyfield.

M. Saint-Pierre: M. ie Président, ce qui est le plus surprenant, c'est que le chef de l'Opposition a bien étalé le fait qu'on avait des difficultés très réelles et que c'était très noir. Je l'écoutais et j'avais presque envie de quitter le Québec pour me trouver un autre paradis, mais je vais changer d'idée. Je voyais que le chef de l'Opposition aime les sondages Gallup. Je lui en donne un dernier. Le 18 février 1976...

M. Morin: Je ne les ai pas évoqués ceux-là, mais, si vous y tenez, on peut...

M. Saint-Pierre: On va les évoquer parce qu'ils réapparaissent très intéressants face au travail de destruction qui peut se faire dans bien des régions au Québec. On posait la question suivante: En général, diriez-vous que votre niveau de vie, c'est-à-dire les choses que vous achetez et que même vous faites, est à la hausse, à la baisse ou s'il reste le même? Ce qui est surprenant, M. le Président, c'est que parmi ceux qui disaient que !e niveau de vie était à la hausse, dans la région de l'Atlantique, ce sont des chiffres que le chef de l'Opposition pourrait ajouter à ses statistiques, 51% des gens disaient que leur niveau de vie était à la hausse, en Ontario, 56% des gens disaient qu'il était à la hausse, dans les provinces des prairies, 55% des gens disaient qu'il était à la hausse, en Colombie-Britannique — le 18 février 1976 on venait de vivre le régime Barrett — 45% des gens disaient que leur niveau de vie était à la hausse, au Québec, M. le chef de l'Opposition, 70% des gens disaient que leur niveau de vie était à la hausse. Alors que, sur le plan national, 58% des Canadiens, si on inclut le Québec, disaient que leur niveau de vie était à la hausse, au Québec, 70% des gens disaient que leur niveau de vie était à la hausse. Ce aui est frappant, c'est qu'il y en avait 12% au Québec qui disaient que le niveau de vie était à ia baisse. Je ne sais pas si ce sont toujours les 12% ou les 16% qu'on retrouve dans certains autres sondages qui montrent beaucoup de tenacité à votre option politique, mais je vois ici qu'il y en a 12% qui prétendaient qu'il était à la baisse.

M. le Président, je ne voudrais pas donner à ces propos une note partisane, mais je pense qu'il serait éminemment injuste d'accepter ce portrait très noir que nous a fait le chef de l'Opposition officielle, accepter que les programmes du MIC ne sont que des slogans creux, qu'il n'y a pas, derrière nos lignes de force, derrière les programmes qui ont été énoncés au cours des dernières années, des actions très concrètes. D'ailleurs, en passant programme par programme et éléments de programme, on verra qu'en matière d'éducation économique, de prospection des entreprises, d'outils pour les autochtones, que ce soit la SDI, SODEQ, les commissaires industriels, les ententes-cadres conclues avec le gouvernement fédéral et j'en passe, il y a là quand même une foule d'actions qui ont été prises pour tenter tout au moins de maintenir la position concurrentielle que le Québec peut avoir dans le Canada et de nous permettre d'atteindre les objectifs qui ont été énoncés.

J'ai pris en note les sept ou huit points que le chef de l'Opposition nous a mentionnés, qu'il nous avait d'ailleurs mentionnés. Je dois avouer que ça ressemble beaucoup à de la structurite que la société de réorganisation industrielle qui va moderniser systématiquement l'enteprise en forçant les regroupements... J'ai lu le programme de votre parti, ça se ressemble. Je dois vous avouer que je ne n'y ai pas tellement confiance. Nos propres expériences en matière de fusion des entreprises nous montrent que ce n'est pas un terrain tellement facile et que vous risquez d'avoir beaucoup de pierres d'achoppement.

Pour les autres éléments qui ont été mentionnés, est-ce que les Québécois vont être plus maîtres de leur économie si demain matin au lieu d'avoir des stations-service Shell, on a des stations-service SOQUIP un peu partout dans le Québec et qu'on se retrouve avec un conflit de travail dans lequel les balayeurs de stations-service ou les hommes d'entretien vont vouloir avoir le même salaire que ceux des hôpitaux, qu'on aura augmenté de 50 000 personnes le nombre de travailleurs du front commun ou du secteur public et parapublic? Je ne le crois pas, je ne pense pas...

M. Morin: C'est ça, l'origine de votre politique d'attentisme devant le développement du secteur public?

M. Saint-Pierre: Non, c'est qu'il n'y a aucun intérêt, M. le Président. C'est comme exproprier. Lorsqu'on a un pouvoir de réglementation qui peut être à la limite presque absolu, il n'y a aucun intérêt à prendre l'argent des contribuables, parce que nous — les créditistes ne sont pas ici — sommes très loin d'eux, nous n'imprimons pas l'argent. C'est la même chose que nationaliser Bell Canada, c'est nationaliser des poteaux de téléphone, vous le savez, nationaliser le secteur témoin, qu'est-ce que ça va être? C'est multiplier dans le secteur parapublic, un secteur qui peut être amplement réglementé au niveau de la distribution.

Ce serait la même chose avec l'achat d'une mine d'amiante. Si on achète toutes les mines d'amiante du Québec, le lendemain matin, les travailleurs n'ont plus d'emplois, n'ont plus de production; il me semble que les ressources que nous pouvons avoir dans ce secteur, mieux vaut les orienter dans des secteurs comme la SDI, comme SOQUIP, comme SOQUEM, qui peuvent augmenter l'activité industrielle.

M. Morin: Ce sont les experts qui ont recommandé l'achat d'Asbestos et de Golden Eagle.

M. Saint-Pierre: Ecoutez, les experts, vous les choisissez vite lorsqu'ils sont conformes à vos propres préjugés. Lorsqu'il y a un fonctionnaire au troisième niveau au ministère des Richesses naturelles qui écrit un mémo de trois pages, que j'ai vu et qui recommande la nationalisation de ça, je re-

grette mais je ne suis pas prêt à prendre cet avis. Il y a d'autres experts, pour votre information, qui ne sont pas d'accord avec ces points de vue et qui, à l'intérieur de la structure gouvernementale, sont dans les niveaux hiérarchiques beaucoup plus élevés.

M. le Président, tous les points mentionnés, les sept points mentionnés...

M. Morin: ... Hydro-Québec pendant que vous y êtes.

M. Saint-Pierre: ... par le chef de l'Opposition officielle, même si on les appliquait demain matin dans le but de forcer le réinvestissement des profits, l'adoption de nouvelles mesures fiscales, l'office du plan, les sociétés régionales de... j'ai bien l'impression que l'an prochain, on pourrait se retrouver ici et finalement, le verdict n'aurait pas tellement changé. J'ai plus confiance aux mesures très concrètes que nous avons tenté de prendre et qui me semblent, dans certains secteurs, avoir donné des résultats.

M. Morin: M. le Président...

Le Président (M. (Brisson): Le député de Sauvé.

M. Morin: ... il est bien visible que dans le fondement de cette discussion se trouve une divergence de philosophie politique et économique. Donc, je pense qu'il ne servirait pas à grand-chose d'éterniser un débat qui serait une sorte de dialogue de sourds.

J'attirerais cependant l'attention sur le fait que quand nous nous réunirons l'année prochaine, probablement que le verdict que j'aurai à porter sur l'économie québécoise, à ce moment-là, sera plus dur que celui que j'ai eu à porter cette année. Le ministre s'est bien gardé, dans ses derniers commentaires, d'évoquer les prévisions pour l'année 1976.

M. Saint-Pierre: Quelle va être la croissance du PNB réelle? Voulez-vous me la donner? La croissance du PNB réelle, d'après vous, cette année en 1976?

M. Morin: Donnez-nous vos chiffres et nous allons les ausculter et je vous dirai...

M. Saint-Pierre: Je vais me risquer à 5%, par rapport à l'an dernier, une croissance qui était près de zéro — vous l'avez tellement répété — et je vous dis que 5% comme croissance réelle, comparez-la à celle des 20 dernières années, ce n'est pas si pire que cela, 5% de croissance réelle, vous ne trouvez pas cela acceptable?

M. Morin: C'est ce que vous prédisez pour... M. Saint-Pierre: Je voyais la presse et tout le monde s'attendait à 5,4%. Nous-mêmes, en décembre... M. Bédard, quels sont vos chiffres?

M. Morin: Vous aviez prévu 3% en décembre, si ma mémoire est bonne.

M. Saint-Pierre: La création d'emplois est plus forte qu'on l'avait prévu en décembre. En décembre, on avait prévu 3% ou 4%. Je me suis risqué à 5% ou plus, à la lecture de ce qu'avaient donné une vingtaine d'analystes financiers de la presse, il y a trois ou quatre jours.

M. Morin: Et cela, en dépit de la période postolympique et des difficultés qui vont survenir avec la fin des travaux, en particulier dans les immeubles à bureaux, les hôtels, les Jeux olympiques?

Tant mieux si le ministre peut nous assurer qu'en dépit de cette situation, il prévoit une augmentation. Je puis lui dire que, l'année prochaine, je ne me ferai pas faute d'examiner cela avec lui, point par point.

Mais est-ce que ce ne serait pas utile qu'on tente de se mettre d'accord sur les statistiques? Le ministre faisait allusion aux données statistiques...

M. Saint-Pierre: Une période de quatre ou cinq ans, préparée par nos services, qui ne sont pas partisans, m'apparaît une période suffisante pour dégager des tendances. Vous insistez sur 1970. Je vous demande encore une fois pourquoi vous utilisez 1970.

M. Morin: Comme indicateur, comme période de référence, comme année de référence.

M. Saint-Pierre: Alors, votre dogme, c'est quoi? Est-ce que c'est cinq ans? Six ans? C'est quoi?

M. Morin: Non, il s'agit de juger votre gouvernement. Vous enlevez une année parce qu'elle ne fait pas votre affaire.

M. Saint-Pierre: Non, M. le Président. Je vous dis que, pour le gouvernement qui est élu le 12 mai, il faut bien admettre qu'avant qu'on reprenne la confiance des investisseurs privés, face à la détérioration qui était survenue de 1966 à 1968 — et je ne suis pas obligé de vous donner les chiffres, on peut voir que la part diminuait constamment — donnez-nous au moins quatre ou cinq mois pour rétablir cette confiance dans le secteur privé.

M. Morin: Nous vous faisons grâce de six mois. Nous prenons l'année 1970 comme simple année de référence. On n'inclut pas la croissance de 1970 dans les chiffres. On vous fait grâce de six mois. Seulement, vous devez prendre l'année 1971.

Quand on ajoute l'année 1971 et qu'on ajoute 1970 à titre d'année de référence, les données sont bien différentes. Voulez-vous qu'on fasse

l'exercice point par point? Je suis prêt à ce que vos fonctionnaires sortent leurs calculatrices et on peut peut-être le calculer. Vous allez voir que les chiffres sont différents.

Je comprends très bien le premier ministre d'utiliser 1971 comme année de référence et de ne pas inclure la croissance de 1971. Cela fait son affaire, parce que les chiffres ont l'air plus élevés, se comparent plus favorablement avec les chiffres canadiens. Mais si vous voulez, on peut faire l'exercice, en vérifiant chaque chiffre.

M. Saint-Pierre: On peut le faire, on va avoir les chiffres que vous m'avez demandés dès cet après-midi et on comparera.

M. Morin: Voulez-vous qu'on le fasse maintenant?

M. Saint-Pierre: Non, on va perdre du temps. Vous et moi avons autre chose à discuter que de calculer des chiffres.

M. Morin: Non, c'est parce que c'est important et je voudrais bien qu'on le règle une fois pour toutes, pour que M. Bourassa ne nous sorte pas constamment, en Chambre, des chiffres qui sont biaisés, qui sont inexacts.

M. Saint-Pierre: Non, ils ne sont pas biaisés, les quatre dernières années...

M. Cadieux: Ils ne sont pas biaisés. C'est parce qu'on commence par 1971. On ne biaise rien. C'est basé sur l'année 1971 au lieu de 1970, il n'y a pas de biaisage là-dedans.

M. Morin: M. le député ne comprend certainement pas que, quand on se sert de 1971 comme point de référence, on n'inclut pas les chiffres de 1971. Je pense qu'il faudrait qu'il le comprenne.

M. Cadieux: Je le comprends très bien et c'est sa volonté de...

M. Morin: Est-ce que vous étiez au gouvernement en 1971? Oui ou non? Vous étiez au gouvernement. Je vous fais grâce des six premiers mois de 1970, cela aggraverait encore vos chiffres.

M. Cadieux: Les six autres mois, il a fallu rétablir la confiance.

M. Morin: M. le Président, je serais prêt à faire l'exercice, quitte à ce que vos adjoints vérifient mes calculs.

M. Saint-Pierre: Sûrement que cela va être nécessaire, voyant les faussetés que vous avez dites ce matin. 10% en 1975. Ce n'est pas cela que vous avez dit, 10% de chômage? Si je peux avoir le journal des Débats, je serai bien heureux.

M. Morin: En chiffres réels, je pense que le ministre aurait peut-être des surprises.

M. Saint-Pierre: Qu'est-ce que vous voulez dire, en chiffres réels?

M. Morin: En particulier, lorsqu'il parlait tout à l'heure du chômage d'hiver.

M. Saint-Pierre: Mais quel a été le taux du chômage?

M. Morin: Du chômage d'hiver... M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Cela a dépassé légèrement 10% dans certains cas.

M. Saint-Pierre: Donnez-les-moi.

M. Morin: Je vais vous les sortir, les chiffres, si vous le désirez.

M. Saint-Pierre: Donnez-les-moi. Je les ai ici pour les trois ou quatre dernières années où, d'après vous, cela a été moins bien. Donnez-les. Je vais vous les donner.

M. Morin: Octobre, novembre, décembre 1975, en chiffres réels.

M. Saint-Pierre: Réels, bruts, ce qu'on appelle bruts. Réels, ce n'est pas un bon terme.

M. Morin: Non, non. Les chiffres réels.

M. Saint-Pierre: Quappelle-t-il les chiffres réels?

M. Morin: Non désaisonnalisés.

M. Saint-Pierre: Ah! ce qu'on appelle les chiffres bruts.

M. Morin: De toute façon, M. le Président, j'ai envoyé chercher les chiffres. Nous les avons dans un dossier là-haut.

M. Saint-Pierre: Je les ai. Les taux de chômage, M. le Président, je peux les déposer. Vous me dites, encore une fois, octobre, novembre, décembre.

M. Morin: Octobre, novembre, décembre 1975.

M. Saint-Pierre: Pour le Québec, octobre 1975, 7,1%. C'est un chiffre brut.

M. Morin: Des chiffres désaisonnalisés ou réels?

M. Saint-Pierre: C'est brut. Les chiffres désaisonnalisés, je peux vous les donner, 8,4%.

M. Morin: En termes réels, maintenant?

M. Saint-Pierre: Non. M. Bédard, voulez-vous

expliquer qu'il y a bruts et qu'il y a désaisonnali-sés, réels. M. Bédard va vous le dire.

M. Morin: II y a aussi réels. Enfin, je les ai envoyé chercher. On pourra peut-être comparer.

M. Saint-Pierre: Vous avez trois chiffres dé-saisonnalisés, bruts et réels. C'est quoi, réels?

M. Morin: Je les ai envoyé chercher, nous allons les analyser point par point.

M. Saint-Pierre: En ce qui concerne la comparaison des taux de chômage, à l'heure actuelle, il faut faire attention à la nouvelle définition qui est utilisée par Statistique Canada.

M. Morin: Cela avantage d'à peu près 1%; cela diminue les taux d'à peu près 1%, d'après la mise en garde qu'on nous fait.

M. Saint-Pierre: Non, cela n'avantage pas, c'est plus conforme à la réalité. M. Bédard, est-ce que, d'après vous, c'est...

Je pense qu'on a probablement amélioré la définition du chômage, en termes du marché du travail comme tel. On utilise maintenant la population de quinze ans et plus, plutôt que la population de quatorze ans et plus. On a une définition beaucoup plus stricte de ce qu'est une personne qui a un emploi et ce qu'est une personne qui est en chômage et qui est active sur le marché du travail.

On a pris la population de 1971, alors qu'avant, c'était celle de 1961.

En plus de cela évidemment...

C'est très important. ... en termes de structure de population, on a utilisé les dernières données du recensement de 1971, plutôt que celles de 1961.

M. Morin: J'ai envoyé chercher les taux réels. Si le ministre veut attendre un instant, nous allons pouvoir comparer, année par année. Mais voudrait-il qu'en attendant...

M. Saint-Pierre: Un instant. Je veux continuer cela, parce que j'ai toujours pensé que vous appeliez des taux réels ce qu'on appelle les taux bruts, c'est-à-dire quel est, à un moment donné, le pourcentage de chômeurs. Les taux désaisonnalisés, ce sont ceux qui compensent, compte tenu de l'été, de l'hiver, enfin, des cycles saisonniers que nous pouvons avoir. Je vous les donne de nouveau. Je prends les pires. C'est évident, parce que c'est cela que vous utilisez vous-même.

Je remarque, dans vos discours, que l'été, vous utilisez les taux désaisonnalisés.

M. Morin: Non, nous utilisons toujours ce que nous appelons les taux réels. Dans un instant, je vais être en mesure de vous en parler plus longuement.

M. Saint-Pierre: Les taux bruts — M. le Président, je vais prendre les pires — dans les mois d'octobre, de novembre et de décembre, les chiffres les plus élevés, ce sont les taux désaisonnalisés. Cela nous donne, en octobre 1975, 8,4% pour le Québec, 8,6% pour le mois de novembre et 8,5% pour le mois de décembre.

D'ailleurs, j'ai la feuille devant moi. Depuis 1972, je n'ai aucun chiffre qui ne se rapproche même... Dans les taux désaisonnalisés, qui sont les taux finalement les plus importants, en termes de signification, il n'y en a aucun qui atteint 9%.

M. Morin: M. le Président, en attendant que j'aie les chiffres sous la main, est-ce qu'on pourrait essayer de concilier nos chiffres, pour ce qui est des indicateurs économiques, en incluant l'année 1970, comme point de référence?

M. Saint-Pierre: J'ai dit que cet après-midi nous aurons fait faire le calcul. Je ne sais pas ce que cela donnera s'il faut calculer chacun des chiffres. Les spécialistes vont nous faire cela. Cela me fera plaisir d'en discuter avec vous et de regarder vos chiffres. D'ailleurs, c'est le problème. Vous avez tous mes chiffres, parce que je publie tout ce que j'ai, mais, vous, vous ne me donnez pas ce que vous avez. C'était la même chose, hier soir.

M. Morin: Je suis prêt à vous les donner. M. Saint-Pierre: Entre parenthèses...

M. Morin: Je suis prêt même à faire faire une copie de ces deux feuilles...

M. Saint-Pierre: Très bien.

M. Morin: ... pour que vous puissiez vérifier.

M. Saint-Pierre: Faites-en donc faire une copie.

M. Morin: Ce serait peut-être utile.

M. Saint-Pierre: En passant, est-ce qu'on pourrait avoir également la copie du rapport que vous avez évoqué, dont vous étiez en possession, hier soir, au sujet des Industries Valcartier. Il y a une tradition parlementaire, quand on évoque des documents...

M. Morin: Ce n'était pas un document. C'est surtout une lettre qui a été d'ailleurs publiée dans les journaux. Je pourrais vous en remettre une copie, si vous le désirez.

M. Saint-Pierre: Vous n'avez pas le rapport de...

M. Morin: C'est une lettre d'un organisme syndical qui s'inquiétait justement de cette transaction. Elle a été publiée; elle a été rendue publique.

M. Saint-Pierre: C'est parce qu'hier, vous avez

mentionné les conclusions d'un rapport préparé pour la Banque canadienne nationale.

M. Morin: Ce rapport, non, je ne l'ai pas. M. Saint-Pierre: Vous ne l'avez pas.

M. Morin: J'y ai fait allusion. Il y a été fait allusion dans la presse et dans cette lettre à laquelle je me réfère. Peut-être pouvons-nous faire reproduire les deux sur une même feuille.

M. Saint-Pierre: Vos chiffres réels s'en viennent.

M. Cadieux: On voudrait savoir ce que vous voulez dire par chiffres réels. Le ministre vous l'a demandé deux ou trois fois tantôt. Qu'est-ce que cela veut dire, chiffres réels, plutôt que chiffres bruts?

M. Saint-Pierre: Les chiffres réels...

M. Cadieux: ...ils prétendent qu'il y avait trois chiffres...

M. Saint-Pierre: 10%, c'est dans quoi?

M. Morin: Oui, je vais vous donner les statistiques. Ce sont des statistiques fédérales...

M. Saint-Pierre: Est-ce qu'on peut les... Pour la province de Québec?

M. Morin: Pour le Québec, en chiffres réels. Je ne sais pas si cela correspond à votre définition des chiffres bruts, mais pour 1975...

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: ...en janvier...

M. Saint-Pierre: Janvier...

M. Morin: ...le chômage atteignait...

M. Saint-Pierre: Janvier 1975.

M. Morin: Janvier 1975, il atteignait 10,3%. En février, 10,9%; en mars, 10,8%; en avril, 10,4% et en mai, 8,7%. Ensuite, cela oscille entre 7% et 9%. La moyenne de l'année étant de 8,9%. Je vois que nous sommes d'accord au moins sur la moyenne de l'année.

M. Saint-Pierre: Non, il y a quelque chose, on n'est pas d'accord. On va vous dire l'erreur, c'est que les chiffres que vous avez, c'est à un moment où Statistique Canada refaisait sa méthode de calculer le chômage. Alors, les chiffres que je vous ai donnés en 1975, et les 8,1% que je vous ai donnés, c'est suivant la définition — j'allais utiliser les termes de M. Bédard — améliorer le chômage.

M. Morin: Oui, mais cela a pour effet de dimi- nuer en général les taux d'à peu près 1%, ce que vous appelez le réajustement.

M. Saint-Pierre: Oui, mais une partie qui est très importante, c'est évident que, si on utilise comme population cible les données de 1961, alors que la population de 15 à 21 ans était, en termes de pourcentage, plus importante qu'elle ne l'est aujourd'hui, on sait que c'est là qu'on a beaucoup de chômage. Cela nous donne donc des taux de chômage qui sont artificiellement élevés. M. Bédard a mentionné d'autres éléments qui ont pu changer sur le...

M. Morin: Pourriez-vous me dire quand la nouvelle méthode est entrée en vigueur?

M. Saint-Pierre: La nouvelle méthode est entrée en vigueur le 1er janvier...

M. Morin: 1976.

M. Saint-Pierre: Oui, mais justement, un instant...

M. Morin: Alors, vous avez rétroactivement appliqué la méthode à 1975, ce qui évidemment faisait votre affaire.

M. Saint-Pierre: Non, c'est parce que c'était beaucoup plus cohérent. Sans cela, on avait... Ecoutez, c'est comme... M. le chef de l'Opposition officielle, c'est comme une entreprise qui change sa méthode comptable constamment. Elle est obligée de réajuster les chiffres des années antérieures pour avoir une cohérence dans les années. C'est le certificat que les vérificateurs sont obligés de donner, que la méthode utilisée cette année est la même que l'an dernier. Comme il y avait changement de méthode, les chiffres ont été modifiés pour 1975, pour tenir compte de cela.

M. Morin: Oui, écoutez, je pense que nous allons entrer dans une impasse, si nous nous référons à des corrections statistiques a posteriori, des corrections statistiques artificielles dans une large mesure. Je soutiens que le taux réel tel qu'il était calculé, à ce moment, en 1975, était tel que je viens de le mentionner. Que vous ayez fait des corrections par la suite, des ajustements par la suite, je le veux bien, mais, à l'époque où ces taux ont été calculés, ils étaient bien tels que je les ai mentionnés. Je pense que vous en convenez.

M. Saint-Pierre: C'est Statistique Canada qui a fait les corrections tout simplement pour avoir cohérence dans sa méthode de calcul.

M. Cadieux: Une des corrections, ce serait qu'au lieu de calculer un jeune à 14 ans, qui serait sur le marché du travail, on a commencé à calculer les jeunes à 15 ans. Je pense que c'est très normal aussi.

M. Morin: De toute façon, le ministre admettra

que, quelle que soit la méthode de calcul pour un certain nombre de mois en 1975, nous avons eu le record des taux de chômage depuis des décennies.

M. Saint-Pierre: Oui, mais est-ce que le chef de l'Opposition admet avec moi que le nombre de chômeurs en Ontario, pour la première fois depuis toujours, a excédé le nombre de chômeurs au Québec? Il y a sûrement le phénomène...

M. Morin: Ils ont une population évidemment plus considérable.

M. Saint-Pierre: Ils ont toujours eu une population considérable, mais là, cette année, ils ont plus de chômeurs, en chiffres réels, si je prends les chiffres désaisonnalisés de... Les derniers que nous avons, bon! En Ontario, 255 000 chômeurs actuellement, en avril 1976...

M. Morin: Cela représente quel pourcentage?

M. Saint-Pierre: 255 000, ce qui représente, en chiffres désaisonnalisés, 6.5%, et qu'au Québec, nous en avons 224 000. Ce que je veux vous dire... C'est la première fois, depuis toujours, à ma connaissance, M. Bédard, je ne sais pas, j'ai regardé les statistiques pour les dix dernières années, c'est la première fois qu'en Ontario, on a un nombre de chômeurs plus élevé qu'au Québec, sauf exception pour le mois de janvier 1972.

M. Morin: M. le Président, est-ce que le ministre voudrait que nous comparions maintenant... Je lui ai fait distribuer les tableaux d'indicateurs économiques comprenant l'année 1970 comme année de référence. Est-ce qu'il veut que nous procédions maintenant ou s'il veut attendre la séance de l'après-midi?

M. Saint-Pierre: Je préférerais faire analyser tous ces tableaux avant. Vous venez de me présenter ça. Cela fait trois secondes que je les ai.

M. Morin: Oui. Je le veux bien. Je n'ai pas d'objection, au contraire, à vous donner tout le temps voulu pour les considérer.

M. Saint-Pierre: Mais vous avez pris cela de Statistique Canada, les données?

M. Morin: Oui, c'est tiré de Statistique Canada, et même de façon plus précise, je m'excuse, c'est tiré de votre propre conférence de presse, mais en y ajoutant, comme vous pouvez le voir, la colonne 1970, à titre d'année de référence. Bien! Nous pourrons en reparler cet après-midi. Nous pourrions peut-être, M. le Président, aborder d'autres questions.

Je vais procéder un peu comme les années passées, si vous le voulez bien. Avant d'aborder le premier programme, je vais étudier, avec le ministre, un certain nombre de problèmes, selon notre coutume, et, par la suite, nous pourrons adopter, assez rapidement, les divers programmes.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que le ministre est d'accord?

M. Saint-Pierre: Je ne suis pas d'accord, mais c'est une bonne...

M. Morin: C'est toujours ce que nous avons fait dans le passé.

M. Saint-Pierre: Vous n'avez pas fait cela avec moi l'année passée. Non, cela m'apparait plus logique. Je vous donne un document très complet sur tous les programmes.

M. Morin: Oui. Je rassure le ministre. Nous allons passer l'étude des crédits programme par programme. Je tiens à le rassurer. Mais, dans mon dossier général, j'ai quelques questions dont j'aimerais l'entretenir maintenant. D'ailleurs, ça va revenir exactement au même.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que ces questions touchent à vos différents dossiers? Parce que si on discute maintenant et qu'il faut y revenir après, il faudrait tout de même...

M. Morin: Non, nous n'allons pas y revenir, M. le Président. Cela n'a jamais été le cas, d'ailleurs, dans l'étude des crédits que nous avons faite dans les autres ministères ou dans celui-ci.

M. Cadieux: Vous allez peut-être obliger le ministre à faire venir des fonctionnaires qui étaient prévus pour cet après-midi, pour demain ou...

M. Morin: Le ministre est très capable de se défendre comme un grand garçon.

M. Cadieux: On n'en doute pas. M. Saint-Pierre: Allez-y!

Le Président (M. Brisson): L'honorable chef de l'Opposition a la parole.

M. Saint-Pierre: Vous n'êtes pas à court de sujets toujours?

M. Morin: Un instant, M. le Président! Je n'ai pas 36 fonctionnaires derrière moi pour me passer le bon dossier au bon moment.

M. Cadieux: Un, deux, trois, quatre, cinq...

M. Saint-Pierre: Heureusement que les re-cherchistes ont la sécurité d'emploi.

M. Cadieux: Est-ce que les grands silences apparaissent au journal des Débats, les longs silences?

Investissements étrangers

M. Morin: M. le Président, j'aimerais aborder la question de la politique des investissements étrangers. Elle touche forcément l'ensemble du développement économique.

Je rappellerai au ministre qu'après plusieurs années d'études, le rapport Tetley a été complété et a fait l'objet d'un certain nombre de fuites. Le ministre pourrait-il me dire si les conclusions du rapport Tetley qui n'ont pas été publiées seront rendues publiques à un moment ou à un autre?

Le ministre se souviendra que nous avons eu droit à seulement une partie du rapport en question, les considérations générales, mais que les conclusions n'ont pas été rendues publiques. On n'a pas daigné les imprimer.

Le ministre n'estime-t-il pas que cela serait important que nous ayons ces conclusions sous la main, que nous puissions en prendre connaissance? Et d'abord, lui-même en a-t-il pris connaissance? L'a-t-on saisi de cet aspect du rapport Tetley?

J'imagine qu'il devait être extrêmement intéressé à avoir les conclusions concrètes de cette étude et y aura-t-il des suites? Cela sera-t-il suivi d'un projet de loi?

M. Saint-Pierre: II y avait dans le rapport Tetley qui a été rendu public une analyse intéressante de tout ce qui touche les investissements étrangers. Il est vrai que, dans des versions préliminaires qui ont été modifiées, remodifiées, changées, il y avait également des recommandations très particulières, très détaillées, pourrait-on dire, qui étaient loin de faire...

Certaines d'entre elles étaient acceptables au gouvernement, mais d'autres étaient nettement inacceptables et, compte tenu que, lorsque ces rapports sont publiés, on leur donne toujours un certain caractère officiel, les gens n'hésitent pas à les prendre comme des textes de loi et compte tenu que le Conseil des ministres devait être saisi d'une prise de position en ce qui touche les investissements étrangers, nous avons cru bon, au lieu d'épurer les recommandations pour prendre celles qui étaient conformes aux politiques du gouvernement, de publier le document de recherche sans y apporter le moindre changement, mais de publier presque au même moment à la fois le mémoire du Conseil des ministres, ce qui est assez rare, et également les politiques précises retenues par le gouvernement.

Je pense que c'est très précis en termes de critères d'évaluation, ce qui nous permet, vis-à-vis de la législation fédérale sur laquelle nous avons un droit de consultation, de nous guider dans nos recommandations qui sont formulées.

Il n'est pas dans notre intention, actuellement, d'avoir une loi particulière vis-à-vis des investissements étrangers. En fait, comme je le mentionnais au chef de l'Opposition officielle, si, au cours des dernières années les universitaires ont aimé se pencher sur le problème des investissements étrangers au Canada, je pense qu'au cours des prochaines années, on va se pencher sur le problème des investissements canadiens à l'étranger.

M. Morin: Effectivement, cela pourrait être un problème.

M. Saint-Pierre: C'est déjà le début de bien des choses.

M. Morin: Nous n'en disconvenons pas.

M. Saint-Pierre: Dans nombre de secteurs, les conditions de salaire sont plus élevées au Canada qu'aux Etats-Unis en particulier. C'est surtout vis-à-vis des Etats-Unis que nous avons le plus de difficultés. Les taux d'inflation sont plus bas. Les croissances de salaire sont plus basses et la productivité est de beaucoup plus élevée. Alors, ces trois facteurs mis ensemble peuvent rendre difficiles les investissements étrangers au Québec comme au Canda.

M. Morin: Nous ne disconvenons pas que cela soit un problème qu'il faudra affronter. Effectivement. D'ailleurs, parmi les solutions que je mentionnais tout à l'heure, certaines étaient dirigées justement sur ces problèmes que le ministre vient d'évoquer.

Mais, à la suite de son discours de Francfort, par exemple, le ministre peut-il nous dire si nous serons bientôt en présence d'une loi sur la question des investissements étranger? Je sais qu'il en a été question. Où en est ce projet?

M. Saint-Pierre: II n'a jamais été question de loi au gouvernement. On considère que cela n'est pas nécessaire une fois que la politique du gouvernement vis-à-vis des investissements étrangers est définie et je pense qu'elle l'a été très clairement.

Tant pour les acquisitions que les étrangers pourraient faire au Canada, que vis-à-vis des nouvelles implantations, je pense que nous avons amplement, par plus d'un mécanisme, les pouvoirs d'intervenir avant les prises de décision. D'ailleurs, j'ai déjà mentionné que, même sans aucun projet de loi, je connais peu d'entreprises qui sont intéressées à s'implanter au Québec si le gouvernement du Québec n'est pas d'accord avec l'implantation. A la suite, d'ailleurs, des discours de Francfort et de New York, j'ai ici pas moins de seize critères d'évaluation que nos fonctionnaires utilisent lorsqu'on examine en détail l'acquisition ou la création d'entreprises contrôlées par des étrangers. Ces critères vont de phénomènes d'intégration à l'économie québécoise, l'intégration économique, c'est-à-dire le degré d'autonomie des opérations de la compagnie québécoise, l'accroissement des approvisionnements en biens et services produits au Québec, la transformation des ressources, l'élargissement de la nature des opérations de l'entreprise au Québec, le réinvestissement accru des profits au Québec, des intégrations socio-culturelles, comme la participation accrue des Québécois francophones, soit comme actionnaires, soit comme directeurs, comme administrateurs, comme cadres, la francisation des entreprises et le français comme langue de travail, des critères également de performance économique, accroissement de la productivité, du rendement industriel et commercial, création d'emplois, nouveaux ininvestissements, accroissement des exportations et ou diminution des importations, création de nouveaux produits, c'est-à-dire innovation, dépenses en recherche et développement et augmentation de la variété des pro-

duits; treizièmement, amélioration de la technologie; quatrozièmement, perfectionnement du personnel et du personnel-cadre; quinzièmement, incidence sur la concurrence interne et seizièmement, situation actuelle de l'entreprise québécoise, gestion, finance et marchés.

Il me semble qu'avec des critères aussi précis, un projet de loi...

M. Morin: C'est vous qui les qualifiez de précis. Vous devez admettre que ce sont des critères très généraux. Prenons, par exemple... Je devrais peut-être demander au ministre si ces critères sont tirés du discours de Francfort ou de celui de New York.

M. Saint-Pierre: C'est essentiellement le même.

M. Morin: Est-ce qu'il existe une sorte de petite codification de ces critères pour fins ministérielles et qui pourraient nous être communiquée?

M. Saint-Pierre: Oui, je vais rendre public ce document qui est simplement un sommaire de ce qui a déjà été dit à Francfort, d'ailleurs.

M. Morin: Bien. Même si c'est un sommaire, cela nous intéresse.

M. Saint-Pierre: Certainement.

M. Morin: Prenons, par exemple, l'approvisionnement au Québec, par les compagnies multinationales. C'est un très beau critère, mais, en fait, elles ne le font pas ou si peu. Elles s'approvisionnent, vous le savez...

M. Saint-Pierre: Vous pensez à quelle compagnie en particulier? Pouvez-vous m'en donner une? La plus grande au monde, General Motors.

M. Morin: Je parle de façon globale. Vous le savez comme moi...

M. Saint-Pierre: Vous me reprochez d'avoir des critères qui sont trop généraux, mais vos accusations sont très globales.

M. Morin: Ce n'est pas une accusation. Entendons-nous bien. J'essaie de...

M. Saint-Pierre: C'est un constat qui n'est pas qualifié.

M. Morin: Voilà. Si vous voulez, c'est un constat et...

M. Saint-Pierre: Prenons un cas précis. Est-ce que vous prétendez — je vais prendre une compagnie, General Motors... Voulez-vous en prendre une autre? Je ne le sais pas. Est-ce que General Motors vous va?

M. Morin: Ecoutez, si vous voulez prendre General Motors, on va pouvoir l'analyser secteur par secteur. D'où viennent les tôles, par exemple, de General Motors?

M. Saint-Pierre: Quel est votre constat vis-à-vis de...

M. Morin: Je vous pose la question. Vous avez les chiffres plus que moi, les chiffres précis. D'où viennent les tôles de General Motors?

M. Saint-Pierre: II faudrait le demander à General Motors.

M. Morin: Ah, bien oui! Là je vous demande...

M. Saint-Pierre: Oui, mais vous portez une accusation, vous faites un constat, moi. je vous demande de le préciser.

M. Morin: Je vous dis que les tôles de General Motors, par exemple, puisque vous avez voulu choisir cette entreprise, ne viennent pas du Québec, elles ne viennent pas de SIDBEC. Vous êtes bien obligé de l'admettre.

M. Saint-Pierre: Mais SIDBEC n'en fait pas. C'est évident que je suis obligé de I admettre. SIDBEC ne fait pas de tôle pour les automobiles, comme SIDBEC ne fait pas.

M. Morin: Et vous croyez que SIDBEC ne serait pas en mesure de le faire?

M. Saint-Pierre: Non.

M. Morin: Eh bien, voyons! Vous croyez qu'il n'y aurait pas moyen d'obtenir de SIDBEC des tôles pour les automobiles si vous aviez une politique d'achat ici au Québec? Vous n'avez pas de politique d'achat, alors forcément...

M. Saint-Pierre: Un instant. Vous changez de sujet à toutes les secondes. Un instant. SIDBEC n'est nullement intéressée aux marchés des tôles pour le marché des automobiles, de la même façon que SIDBEC n'est pas intéressée à des profilés de certaines dimensions qui sont presque... Il y a une seule compagnie canadienne... STELCO n'est pas intéressée. C'est presque Algoma qui a entièrement le marché des profilés, des "wide flanges", les poutres d'une certaine dimension. Mais, si vous voulez les chiffres, je les ai déjà vus d'une façon confidentielle, je peux les obtenir de façon à les rendre publics, pour voir l'augmentation très substantielle des achats d'une compagnie comme General Motors vis-à-vis du marché québécois, la valeur ajoutée en termes de...

M. Morin: Ce sont vos propres rapports qui, d'année en année, disent que les compagnies étrangères ne s'approvisionnent pas suffisamment auprès des PME québécoises. Ce n'est pas moi qui le dit. ce sont vos propres documents qui le disent. Là, vous me demandez un exemple particulier, je vous en donne un et là, évidemment, il ne fait pas votre affaire.

M. Saint-Pierre: Non, il fait mon affaire parfaitement. Si on prend l'exemple de General Motors — je n'ai pas le fonctionnaire ici, vous vous promenez un peu dans mon ministère, je fais venir le type — qui s'est associée avec le ministère, avec expo-profits qui a eu lieu à Saint-Laurent, on a tenté, je pense que tous les efforts ont été faits, tant pour l'entreprise que pour le ministère, de montrer à nos PME québécoises le marché que pouvait représenter General Motors. Un peu à regret, je ne le cache pas, face à une possibilité très considérable, je pense qu'il y a à peine 60 entreprises qui sont allées aussi loin que de demander les devis sur les achats et les approvisionnements. Nous avions pensé que face à la plus grande entreprise au monde, il y aurait eu plus que 60 entreprises.

On poursuit notre travail pour tenter d'identifier à des fabricants des PME qu'il y a là un marché qu'ils devraient examiner en profondeur même s'ils ne font pas de travail actuellement. Je voyais dans la Presse hier... j'ai parlé aux gens de l'Ecole polytechnique sur le marché de l'énergie nucléaire. C'est la même chose là-bas. Je l'ai justement le projet d'expo-profits, que cela a donné.

Un instant, je vais vous donner... En dépit de la grève des postes, 442 manufacturiers et hommes d'affaires ont visité la chaîne de montage de l'usine et ont examiné 12 000 pièces exposées, non seulement pour les autobus, mais il y avait des pièces pour les autres.

Non seulement ces manufacturiers ont-ils pu envisager des contrats de sous-traitants, mais ils ont acquis par leurs discussions et observations, une foule de connaissances relatives aux techniques et aux méthodes de fabrication. 286 compagnies ont manifesté leur intérêt réel et 200 d'entre elles ont soumis des propositions concrètes pour la fabrication d'un grand nombre de pièces.

Depuis la date de l'exposition, 35 manufacturiers ont manifesté le désir de visiter General Motors et de rencontrer les acheteurs. Nous ferons suite à leur demande au début de 1976. On pourrait demander aux fonctionnaires le nombre exact — je sais qu'il y a eu certains... j'ai déjà vu des chiffres — d'entreprises du Québec qui sont maintenant des pourvoyeurs de General Motors; je ne les ai pas ici, mais je pourrai les obtenir.

M. Morin: Je ne conteste pas une politique d'information comme celle-là, qui consiste à essayer d'aboucher la grande société avec les petites et moyennes entreprises québécoises, c'est certainement dans la ligne de ce que nous souhaiterions. Mais à vrai dire, quand on considère la situation d'ensemble, il faut que vous admettiez, parce que ce sont vos propres rapports qui le disent, que les grandes entreprises s'approvisionnent encore beaucoup trop à l'étranger et non pas au Québec. Que vous fassiez des efforts, c'est tant mieux. Mais je crois qu'il faudrait avoir une politique beaucoup plus ferme, beaucoup plus suivie dans ce domaine si vous voulez vraiment obtenir des résultats.

Je ne veux pas revenir sur l'exemple des tôles, mais le jour où vous aurez une politique d'achat systématique, je suis sûr que SIDBEC serait intéressée à faire ces tôles, à diversifier ces tôles, parce que l'autre jour, j'ai entendu M. Gignac lui-même nous le dire.

J'aimerais peut-être passer à un autre aspect de cette même situation et demander au ministre ce qu'il pense de l'application de la deuxième partie du projet de loi fédéral sur le tamisage des investissements étrangers. Est-ce que l'attitude du ministère a changé depuis l'an dernier alors que nous en avions parlé? Je rappelle au ministre que cette deuxième partie n'est pas encore appliquée à cause des objections, notamment du Québec.

M. Saint-Pierre: Je m'excuse, vous êtes mal informé, la deuxième partie de la loi est en vigueur depuis nombre de mois et nous avons eu quelques cas. Nos réactions...

M. Morin: Quelle représentation avez-vous faite? Oui, c'est ça, son application a été retardée, elle est entrée en vigueur, d'accord. Est-ce que vous pourriez me dire quels ont été vos rapports avec l'organisme fédéral compétent au sujet de l'application de cette loi?

M. Saint-Pierre: Les rapports ont été très bons. Le point qui est majeur dans cela, c'est que l'opinion du gouvernement du Québec semble avoir une voix déterminante dans l'option que prend le gouvernement fédéral.

M. Déry, qui est à ma gauche, qui est responsable du bureau d'examen des investissements étrangers au Québec, m'indique que, dans 98% des cas, la recommandation du gouvernement du Québec est suivie par le gouvernement fédéral.

Sur la deuxième partie de la loi, nos réserves sont les mêmes que celles que nous avions déjà formulées, c'est-à-dire que le mécanisme prévu risque simplement de créer une surenchère entre les provinces, au niveau des principes; que deuxièmement, le mécanisme risque d'éviter que des cas fort intéressants ne viendront même pas au Canada, à cause du mécanisme mis en place. Je parle toujours de nouvelles implantations.

Depuis que la loi est en vigueur, nous avons eu seulement deux cas où le cabinet fédéral a donné une réponse, c'est-à-dire du 15 octobre 1975 au 31 mars 1976, deux entreprises, Internote Financial Holding, à Granby, et les Placements Orion Ltée, à Montréal, où le gouvernement fédéral a donné une réponse affirmative.

Mais l'autre côté de la médaille, c'est qu'il y a des investissements intéressants, que nous aurions peut-être pu avoir au Québec, qui ne sont pas venus à cause de la législation fédérale. C'est la seule et unique raison pour laquelle nous nous opposons à cette législation, dans un pays où nous avons un taux de chômage comme nous avons actuellement.

M. Morin: Mais vous savez bien, quand même, que cette législation avait pour but, notamment, d'empêcher les "take over" et que,si vous pensez que, dans l'immédiat, vous pouvez régler certains cas de sous-emploi, à long terme, vous vous re-

trouverez avec des problèmes peut-être plus graves.

M. Saint-Pierre: Mais la législation, la deuxième partie de la loi — c'est le sens de votre question — ne visait pas les prises de contrôle, ce que vous appelez les "take over". La deuxième partie de la loi...

M. Morin: Ce sont les nouveaux?

M. Saint-Pierre: Ce sont les nouveaux investissements. Sur les prises de contrôle, nous n'avons pas exprimé des opinions divergentes; s'il y a quelque chose, nous avons été une province qui a été la plus difficile, qui a le plus tenté d'empêcher les prises de contrôle.

M. Morin: Dans votre discours de Francfort, auquel je reviens brièvement, vous disiez ceci et j'aimerais que vous l'explicitiez peut-être davantage. Cela avait piqué ma curiosité. "Dans le cadre de notre politique de porte ouverte aux investissements étrangers, il existe trois secteurs dans lesquels nous avons, soit à Ottawa, soit à Québec, quelques restrictions. Il s'agit des ressources naturelles, du secteur des biens culturels, et de celui des institutions financières et monétaires. "Pour l'exploitation des ressources naturelles, nous demanderons aux entreprises étrangères intéressées de s'associer à des intérêts québécois. Nous demanderons aussi à ces entreprises de procéder sur place à une transformation de la richesse, pour atteindre, petit à petit, la production de produit fini. Nous serons raisonnables sur la cadence de ces transformations accrue, mais fermes sur l'objectif".

Pourriez-vous nous préciser votre pensée, en particulier pour ce qui est de l'association à des intérêts québécois et nous donner, peut-être, des débuts de réalisation qui montreraient que ce n'était pas là simplement des paroles, mais que c'étaient des objectifs concrets?

M. Saint-Pierre: Si on prend le secteur des Richesses naturelles, dans une certaine mesure, bien sûr, cela touche le ministère que dirige M. Cournoyer. Mais nous sommes également impliqués, puisque la plupart de ces projets ne sont pas uniquement des projets, soit miniers ou soit pétroliers, mais des projets de complexes intégrés.

Il me semble que le texte que vous venez de citer est très clair. C'est la ligne de conduite, dans chacun des nouveaux projets, qui est soulevée, lorsqu'il y a des investissements étrangers, nous demandons, nous insistons — et je pourrais nommer plusieurs projets — qu'il y ait, d'une part, un partenaire québécois qui soit choisi. Lorsqu'on n'est pas capable d'identifier, dans le secteur privé — et je l'ai mentionné hier — c'est là que la Société générale de financement peut jouer un rôle de partenaire du groupe étranger. D'autre part, nous demandons une transformation poussée de la richesse.

Le projet d'aluminerie dont vous allez sûre- ment parler tantôt est un bon exemple où, dès le départ, ce sont deux des critères qui sont posés, qui sont compris de tous ceux qui s'assoient autour de la table avec nous. C'est-à-dire qu'il y aura une présence québécoise dans l'équité de la structure du complexe lui-même...

M. Morin: De l'aluminium de première fusion ou de la transformation?

M. Saint-Pierre: Des deux.

M. Morin: C'est un de vos propres fonctionnaires qui avait quelque peu ri de l'idée de transformation des produits d'aluminium, ici au Québec, l'année dernière, en soulignant que la plupart des pays veulent transformer l'aluminium chez eux.

M. Saint-Pierre: Qui est-ce qui... Il n'y a jamais personne de chez nous qui a dit cela.

M. Morin: Je vous retrouverai le document.

M. Saint-Pierre: C'est un de vos gens qui a ri de cela, mais, une fois que l'usine va être réalisée, rira bien qui rira le dernier.

M. Morin: C'était le mémoire du ministère, la comparution d'un représentant du ministère devant le comité sur l'environnement. Oui, je m'en souviens très bien.

M. Saint-Pierre: Qui a ri de... Qu'est-ce que vous...

M. Morin: De l'idée de transformer...

M. Saint-Pierre: C'est M. Marceau, qui est au dossier, qui a comparu...

M. Morin: Je vous apporterai les citations peut-être cet après-midi, mais je l'ai distinctement à l'esprit. Je vous en ai même parlé en Chambre, une fois ou deux.

M. Saint-Pierre: Non, ce n'est pas de cela dont vous m'avez parlé en Chambre. J'ai bonne mémoire. Il n'y a personne du ministère qui a ri de notre objectif de transformer, d'aller à une étape plus longue que l'usine d'électrolyse. Des usines d'électrolyse, au Québec, sans bouger le petit doigt comme cela, on en aurait eu une à Valley-field. On l'a refusée, sans même faire de cadeau, sans donner une "cenne" noire. On l'a refusée; on n'est pas intéressé.

Notre objectif, on va l'avoir, il va y avoir transformation. Je prends cela comme cas d'espèce, mais il y en a beaucoup d'autres. Prenons le projet en pétrochimie d'Inventa, transformation poussée, participation de Québécois. Prenons le projet de Didier qui a été annoncé; d'ailleurs, qui est en voie de réalisation.

M. Morin: Quelle participation? Pourriez-vous, dans chaque cas, me donner la participation qué-

bécoise, en pourcentage, par exemple, du capital-actions?

M. Saint-Pierre: Si vous voulez, je vais faire la recherche. C'est le genre de question que dans les programmes, nous pouvons avoir des réponses. Dans le cas de Didier, la FDI est propriétaire à... Il y a un intérêt Québécois. M. Layton et la SDI qui est propriétaire, je pense, à 50%, et le groupe Didier est propriétaire à 50%. Il y a toute une foule de projets.

En d'autres termes, dès qu'on a un projet dans les richesses naturelles, souvent dans des projets industriels, cette participation des Québécois et une transformation poussée de la richesse naturelle, ce sont des lignes de force de notre action. Les gens de la SDI, lorsque nous étudierons le programme de la SDI, pourront vous dire leur propre attitude vis-à-vis des dossiers qu'ils ont dans le moment.

M. Morin: Oui, d'accord. Est-ce que je pourrais demander au ministre, dans la foulée de son discours de Francfort et de ce critère d'association à des intérêts québécois, s'il pourrait me donner la liste des projets qui, depuis le début de l'année, concrétisent cet objectif?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Aussi bien pour la transformation de la richesse sur place. J'aimerais que, si c'était possible...

M. Saint-Pierre: II y en a plusieurs. Je pense à celui de Forex, en Abitibi qui est un exemple concret.

M. Morin: Oui. Est-ce qu'il y aurait moyen aussi de mettre deux colonnes, par exemple la participation québécoise, en pourcentage du capital-actions et une autre colonne, la participation des Québécois francophones? Est-ce possible d'indiquer cela? Je pense que ce serait aussi très révélateur.

M. Saint-Pierre: Simplement la définition... On peut le faire, mais c'est très arbitraire de commencer, dans le cas d'une compagnie, à définir ce qu'est une compagnie québécoise francophone.

M. Morin: Non, une participation québécoise francophone, cela peut être identifié. Puisque c'est vous qui investissez, par exemple, je vais probablement en conclure que c'est une participation francophone. Vous n'allez pas contredire cela.

M. Saint-Pierre: Mais, souvent, ce sont des sociétés. On va le faire.

M. Morin: II y a moyen de le faire? M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Cela m'intéresserait de le savoir, parce que ce sont de belles paroles, mais, quand vient le moment de les concrétiser, j'aimerais voir ce que cela donne.

M. Saint-Pierre: On va répondre sur deux points, avec deux réserves. Premièrement, le chef de l'Opposition va comprendre que le discours datant d'à peine six mois, avec toute la foulée de projets, pour prendre vos termes, que nous avons à l'étude actuellement, ce serait de mauvaise guerre vis-à-vis de l'Ontario de commencer à en dévoiler la nature. Je suis obligé simplement de mentionner des projets qui ont été annoncés. Ces projets, contrairement à ce que, peut-être, on peut penser chez vous, cela ne se réalise pas avec la manne du ciel et en trois semaines. C'est souvent...

M. Morin: C'est concédé que cela prend un certain temps, avant de mettre une politique en oeuvre.

M. Saint-Pierre: II y a un nombre restreint de projets qui ont pu être annoncés, entre novembre 1975 et mai 1976.

M. Morin: Oui, mais, dans ce nombre restreint de projets, je serais curieux d'avoir les chiffres pour voir si vraiment votre énoncé de Francfort correspondait à des choses concrètes, à des mesures concrètes.

M. le Président, avant d'aborder un autre sujet, je regarde l'heure. Est-ce que le ministre voudrait...

M. Saint-Pierre: Moi, j'aime autant aller jusqu'à 1 heure, vu que je ne suis pas certain de ce qui va survenir, cet après-midi, avec la fête des parlementaires.

M. Morin: Je crois que nous siégeons. M. Saint-Pierre: On siège. M. Morin: Nous siégeons.

M. Saint-Pierre: Je n'aurais pas objection à siéger jusqu'à 13 heures, vu que, cet après-midi, je ne suis pas trop certain de ce qu'il va survenir avec la fête des parlementaires.

M. Morin: Je crois que nous siégeons.

M. Saint-Pierre: On siège? Je n'aurais pas d'objection à siéger jusqu'à 13 heures. J'aimerais même autant cela.

Education économique

M. Morin: Bien. Me tournant maintenant vers un dossier qui relève du programme 1 et qui est celui de l'éducation économique, je constate qu'aucun programme ou élément des crédits du ministère ne concerne comme tel l'éducation économique. C'est pourquoi je choisis d'en discuter dans le cadre du premier programme. Deux études ont été faites, semble-t-il, une auprès des enseignants et des commissions scolaires et une au-

tre auprès des étudiants du secondaire IV et du secondaire V. C'est le document qui a été rendu public il y a quelque temps, intitulé "Connaissances économiques des étudiants du secondaire IV et V, etc." Dans les deux cas, on constate que les connaissances et l'intérêt pour la chose économique sont très faibles. J'aimerais demander au ministre quelle suite concrète il entend donner à ces études. Est-ce que, par exemple, on a l'intention, dès l'an prochain, d'obtenir la modification de la grille des cours aux niveaux secondaire et collégial pour inclure un enseignement obligatoire?

M. Saint-Pierre: Je cite, à partir de documents que vous avez déjà vous-même: En 1975/76, au niveau de l'éducation économique, nous visions surtout à miser sur la sensibilisation, l'information et la formation du public. Alors, les deux études que vous avez mentionnées ont été un peu évoquées dans ce cadre, c'est-à-dire frapper l'imagination des Québécois sur le peu de connaissances en matière économique que pouvaient avoir différents groupes dans la société, tant au niveau scolaire qu'au niveau adulte. Nous avons également en 1975/76, et le chef de l'Opposition est sûrement au courant, puisque cela avait été mentionné publiquement, la création d'un CRIPPE, un centre régional voué à l'animation en matière d'éducation économique. Alors, un premier CRIPPE a été formé dans la région de Sherbrooke. Notre idée était qu'après cette première expérience pilote et suivant les leçons qu'on pourrait en retirer, on pourrait étendre à d'autres régions de la province ces structures locales qui seraient responsables de l'animation en matière d'éducation économique et qui permettraient de rejoindre tous les multiplicateurs dans le secteur de l'éducation économique. Celui de Sherbrooke a bénéficié, bien sûr, d'une assistance financière importante au cours de l'année dernière. Nous poursuivons l'expérience.

M. Morin: Le nom exact, je m'excuse? M. Saint-Pierre: C'est CRIPPE... M. Morin: C'est le comité...

M. Saint-Pierre: C'est le centre régional d'information et ce... C'est le problème de se promener. M. Bruneau, je ne pensais pas ce matin qu'on était pour avoir besoin de lui; il est directement responsable, il pourrait nous renseigner là-dedans. Je pourrais donner la définition, CRIPPE. Cela a été mentionné dans les journaux, vous l'avez vu.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Le service de l'éducation a lancé, d'ailleurs, en septembre dernier, un bulletin qui s'appelle L'Economique, tiré à plus de 6000 exemplaires. D'ailleurs, nous avons dû doubler ce tirage, vu la demande très forte. Il y a eu des brochures, des documents audio-visuels présentant les principaux éléments de notre programme qui ont été distribués et utilisés largement pour répondre aux questions de la population. Un répertoire des sources d'information économique au Québec a été publié; un dépliant, Le Québec; Quelques chiffres; et une brochure, Nécessité de l'éducation économique, ont permis de répondre à certains besoins spécifiques de nos clientèles. Les CRIPPE rejoignent, j'aime à le signaler, tous les multiplicateurs dans une région donnée, enfin chambres de commerce, professeurs d'universités, mais également structures syndicales, le monde coopératif, enfin tous les groupes intéressés. Nous avons également commencé l'an dernier la réalisation et la conception de documents qui seront diffusés pour certains à partir de la fin de mai — dans quelques jours — entre autres une série de dix brochures sur les concepts économiques fondamentaux, deux autres répertoires touchant l'Amérique du Nord et l'Europe, un livre de poche intitulé "l'Education économique pour tous", une bande dessinée économique, une brochure de prestige sur les réalités économiques du Québec, et une étude sur le commerce extérieur du Québec.

De plus, le service a contribué par le biais de l'agence ECOBEC, Conseil d'expansion économique, à la préparation d'une série de brochures sur les institutions économiques québécoises, SIDBEC-Hydro.

En matière de formation, le service d'éducation économique a misé sur la préparation de sessions de formation économique destinées à d'éventuels formateurs. Cette activité a été développée en collaboration avec le Centre de formation et de consultation.

Nous avons aidé financièrement la Téléuniversité, de l'Université du Québec, à produire et diffuser un cours d'initiation à la vie économique et favorisé la signature d'une entente entre le CRIPPE de Sherbrooke et le CEREP français pour l'utilisation de jeux économiques à des fins de formation.

Nous avons également eu des discussions intenses avec, à la fois, le Conseil supérieur de l'éducation, mais plus spécifiquement, le ministère de l'Education sur le problème que vous avez soulevé, c'est-à-dire un cours obligatoire au niveau de l'école secondaire. Je pense que l'Education a un esprit assez ouvert. On sent certaines réticences sur le contenu et les objectifs de ce cours, mais nous tentons de poursuivre. Ce n'est pas notre responsabilité, le contenu des cours. C'est foncièrement la responsabilité du ministère de l'Education, mais il nous apparaît que les lacunes qui ont été décelées au niveau de la formation économique des Québécois sont, à long terme, un handicap sérieux qu'il nous faut surmonter pour déboucher sur une croissance économique.

M. Morin: Si les divers CRIPPE qui existeront éventuellement tombent dans une terre non fertile, s'ils sèment dans une terre qui n'est pas prête à recueillir la semence, ça ne donnera pas grand-chose. C'est pour ça que la dernière étude sur les connaissances économiques des étudiants du secondaire me paraît particulièrement révélatrice, et

il me semble que c'est à ce niveau qu'il faudra faire une intervention décisive.

Vous me dites que le ministère de l'Education est saisi du problème. Il semble, d'après ce que vous me dites, que leur réaction est favorable, mais hésitante, de sorte qu'il n'y a pas eu de progrès réel de ce côté.

M. Saint-Pierre: D'ailleurs il faut se rappeler que c'est un dossier qui a quelques années déjà.

M. Morin: C'est pour ça que ça m'intrigue. Je sais qu'on en parlait même avant que vous fassiez faire ces études, et je m'étonne que le ministère de l'Education...

M. Saint-Pierre: Je crois savoir que, personnellement, ou au nom de votre Parti, vous trouvez qu'un cours obligatoire, visant à initier les jeunes à la vie économique serait peut-être nécessaire au niveau secondaire.

M. Morin: Je crois que ce serait utile au niveau secondaire, tout comme nous avions, l'année dernière, fait adopter par l'Assemblée, une résolution qui avait pour objectif de réinstituer l'enseignement obligatoire de l'histoire. Malheureusement, j'apprends au ministre — je ne lui apprends peut-être pas — que cette résolution est restée, pour ainsi dire, lettre morte, parce que le ministère n'y a pas donné suite, de sorte que, cette année, il y a peut-être une ou deux régionales qui ont donné suite, qui ont réinstallé l'enseignement obligatoire de l'histoire. Mais dans l'ensemble, ça tourne à vide. C'est pour ça qu'il faut s'y prendre longtemps d'avance pour obtenir un résultat comme celui-là. Parce que j'avoue que cela peut être une entreprise périlleuse. Je ne confierais pas ça aux chambres de commerce, par exemple. Cela pourrait servir à des fins autres que celles qu'on peut imaginer dans une perspective pédagogique.

J'aimerais savoir si vous comptez...

M. Cadieux: Pour l'information du chef de l'Opposition, concernant l'enseignement de l'histoire — ça ne concerne peut-être pas les crédits tels quels — mais j'ai su que le ministre de l'Education, dans un discours qu'il prononçait hier ou dimanche, à Sherbrooke, je crois, parlait justement de ce problème de l'enseignement de la langue, de l'histoire et même de la religion.

M. Morin: Oui, mais il n'annonçait pas... M. Cadieux: C'est récent.

M. Morin: ... de bien grands débouchés à ce que je sache.

M. Cadieux: II disait que c'était une nouvelle tendance...

M. Saint-Pierre: II faut se rappeler qu'au niveau de — je le dis sans malice — l'éducation économique, on a déjà eu un échec auprès du comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation qui a, quand même, selon la loi, certains pouvoirs et qui avait rejeté, lorsque j'étais ministre de l'Education, un projet de programme en éducation économique.

M. Morin: Cela ne veut pas dire qu'il faille abandonner.

M. Saint-Pierre: Non. Mais je vous mentionne... Il y a un peu d'histoire.

M. Morin: Je voudrais savoir si vous appuyez vraiment pour obtenir cette transformation. Cela fait-il l'objet de démarches répétées, suivies?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Avez-vous espoir d'aboutir dans un délai raisonnable? Cela va-t-il venir dans dix ou quinze ans?

M. Saint-Pierre: Non. Avant cela.

M. Morin: Vous croyez?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Mais dans combien d'années...

M. Saint-Pierre: II ne faut pas sous-estimer...

M. Morin: ... à votre avis, peut-on s'attendre à obtenir cela?

M. Saint-Pierre: Je ne le sais pas. Je pense qu'on va poursuivre... On veut bien respecter la juridiction du ministère de l'Education dans ce secteur. On pense qu'il n'y a pas de résistance majeure, tant du ministre lui-même que de ses adjoints immédiats. On est conscient des difficultés d'implanter cela. Cela prend des personnes ressources bien préparées, non seulement au niveau du contenu du programme, mais même lorsqu'on s'est entendu sur le contenu, il ne faut pas sous-estimer le fait que les maîtres capables de former les jeunes dans ce secteur précis, il n'y en a pas tellement.

Il y a beaucoup de bonne volonté, mais il y a un certain manque de préparation.

Alors, là encore, peut-être faudrait-il prévoir un an ou deux ans pour former ces maîtres avant de pouvoir déboucher concrètement à l'intérieur de l'école.

Et je pense que le chef de l'Opposition — et je le lui ferai parvenir, s'il ne l'a pas reçu — en voyant certaines des réponses que les jeunes ont pu donner à un questionnaire, c'est...

J'aurais aimé qu'on ajoute les réponses aux questions. C'est effarant.

M. Morin: J'ai cru en voir quelques-unes. Ce n'est peut-être pas dans ce document que je les ai vues, mais on l'a effectivement rendu public, il me semble...

M. Saint-Pierre: II y a 30% des jeunes qui disaient que. Télé-Métropole était un monopole d'Etat.

M. Morin: Ce document, j'imagine, a été communiqué au ministère de l'Education. Il en est saisi. A vrai dire, cela aurait plutôt été au ministère de l'Education à faire faire une telle étude, mais on dirait qu'il n'est pas du tout sensibilisé à ces problèmes.

Pour nous résumer, vous avez donc espoir d'aboutir, prochainement...

M. Saint-Pierre: A quoi?

M. Morin: ... à des cours obligatoires ou à des cours facultatifs?

M. Saint-Pierre: Au départ, à des cours optionnels, parce que, finalement... Au départ, c'est un cours optionnel, mais beaucoup mieux structuré que celui qui existe dans le moment. Il touche à peine 10% de la population au niveau secondaire, mais peut-être, éventuellement, pourrions-nous avoir un cours obligatoire, surtout si l'ensemble des partis politiques s'entend que voilà là une carence qu'il nous faut, comme Québécois, surmonter, sinon...

Et cela me frappe... Est-ce que c'est peut-être là une des raisons pour lesquelles, vis-à-vis des universitaires, on a si peu d'entrepreneurs au niveau de l'entrepreneurship, au niveau de ceux qui sont mieux formés? Est-ce que ceci peut résulter du fait que l'école évite le contact avec la réalité économique de telle sorte que, lorsqu'on termine l'université, on a peut-être dix ans de rattrapage à faire vis-à-vis de cela.

M. Morin: Naturellement, c'est lié à un contexte psychologique plus vaste. Si le ministre se promène dans tout le Québec et parle aux jeunes, il va se rendre compte qu'ils ont une image du développement économique québécois qui n'est pas des plus rutilante. Souvent les jeunes nous disent: A quoi bon travailler si je n'ai pas le sentiment de travailler pour ma collectivité, de travailler pour moi-même? De sorte que c'est lié à l'image qu'ils se font du développement du Québec. S'ils persistent à avoir une image qui est essentiellement du développement du Québec par d'autres et pour d'autres, cela ne les intéresse pas. Et comme on les comprend.

M. Saint-Pierre: Je ne veux pas être malin, mais si vous fouillez l'étude un peu, vous allez vous rendre compte que les jeunes, toujours d'après l'étude, ont une meilleure image de l'entreprise qu'ils en ont et des syndicats et du gouvernement. Cela ne vous surprend pas?

M. Morin: Ce n'est pas de nature à me surprendre non plus.

M. Saint-Pierre: II y a un écart favorable à l'entreprise.

M. Morin: Mais je vous signale que j'ai rencontré beaucoup d'étudiants qui nous tenaient ce langage-là, qui auraient été prêts à participer à la vie économique à condition qu'ils aient le senti- ment de travailler pour leur collectivité. Peut-être qu'en travaillant là-dessus aussi un peu, cela favoriserait le climat.

M. Saint-Pierre: Alors, j'ai votre définition pour CRIPPE: centre régional d'initiatives pour le progrès économique.

M. Morin: Bien. J'espère que cela se répandra comme la grippe à l'occasion. J'aimerais demander au ministre quel est le budget actuel du ministère de l'Industrie et du Commerce au titre de l'éducation économique. Pourriez-vous nous indiquer combien ont coûté ces deux études, par exemple?

M. Saint-Pierre: Vous l'avez dans le document. Service d'éducation économique, $614 000 c'est au programme 1, élément 2, soutien technique du ministère. L'éducation économique a $614 000. On voit que les traitements ont $93 000; communications, essentiellement de la publicité, $162 000; les services, $151 000. Quant aux études, je n'ai pas le prix détaillé. Ce n'était pas tellement, $40 000, il me semble, pour les deux études. On va l'obtenir de M. Bruneau qui malheureusement n'est pas ici. Programme 1, élément 2. C'est à peu près... Soutien technique du ministère, c'est quelques pages après. Vous avez le détail.

M. Morin: Ces deux études entrent dans quelle catégorie?

M. Saint-Pierre: Dans services 04. C'est à l'intérieur des $151 000. Il faut dire que $151 000 ce n'est pas le coût des deux études. Je sais que...

M. Morin: J'ai vu $100 000 dans une coupure de journal quelque part, est-ce possible?

M. Saint-Pierre: $100 000, il me semble que c'est moins que cela. On va obtenir les chiffres.

M. Morin: Ce sont les chiffres pour 1976.

M. Saint-Pierre: C'est cela. Ce sont les chiffres pour...

M. Morin: Pour l'année en cours.

M. Saint-Pierre: Non. Pour l'année prochaine 1976/77, le budget.

M. Morin: Oui. C'est cela. Pour l'année en cours.

M. Saint-Pierre: L'ancien budget était de $700 000.

M. Morin: Vous voulez dire l'ancien budget du service de l'éducation économique.

M. Saint-Pierre: Le service d'éducation économique pour l'année qui s'est terminée le 31 mars.

M. Morin: C'est à même ce montant qu'avaient été payées les deux études en question. Y a-t-il d'autres études semblables à celles-là, j'entends des études recherchant de l'information sur l'enseignement de l'économie?

M. Saint-Pierre: Je pense que les professeurs... Quand j'ai parlé des sept brochures sur les grands concepts économiques, ce sont des professeurs d'université qui ont fait le travail; je n'ai pas les noms. On pourrait les obtenir; ce sont des professeurs d'université qui ont fait du travail sur ça, je sais qu'il y en a un à Laval; le professeur Masson a eu des mandats pour préparer les plaquettes sur les grands concepts économiques.

M. Morin: Est-ce qu'elles sont prêtes, ces plaquettes?

M. Saint-Pierre: Non, ce sont celles que j'ai mentionnées et qui vont être prêtes dans quelques semaines.

M. Morin: Est-ce que le ministre me ferait l'amabilité de me les communiquer quand elles sortiront?

M. Saint-Pierre: Sûrement, elles seront distribuées à tous les parlementaires.

M. Morin: Très bien, je crois que ce serait du plus haut intérêt, puisque ce serait quelque chose de concret et on pourrait enfin juger de l'effet des dépenses du ministère dans ce domaine.

M. Saint-Pierre: Voulez-vous qu'on vous envoie les bandes dessinées? Je les ai eues.

M. Morin: Volontiers.

M. Saint-Pierre: C'est amusant, sur le même principe...

M. Morin: Je signale au ministre qu'il y a quelques années, j'ai participé à un exercice de ce genre dans l'audio-visuel. Nous avions demandé — non, je n'étais pas en Chambre à ce moment — le cinéaste Fernand Dansereau avait fait, pour le Mouvement national des Québécois, trois films de vingt minutes sur la vie économique. Je crois que, dans le genre, c'était probablement le premier effort qui s'était fait au Québec et il m'a paru, à cette époque, très réussi. Je recommande au ministre de demander à ses fonctionnaires de voir ces films à un moment ou à un autre; ça leur donnerait une idée de ce qui peut être fait pour intéresser notamment les jeunes à la vie économique, et dans une perspective aussi d'objectifs sociaux. Autrement dit, plaçant l'économie dans un contexte plus global pour faire comprendre à ceux qui voient le film que l'économie n'est pas une chose en soi, mais que ça doit être au service de la population.

Quant à l'orientation du programme, est-ce que c'est de développer un intérêt général pour les questions économiques, ce qu'on pourrait ap- peler la culture économique, ou s'il s'agit de former des spécialistes en administration, en comptabilité? Avez-vous pu définir, dans vos contacts avec le ministère de l'Education ou au sein de votre propre service, les objectifs fondamentaux de ce que vous appelez l'éducation économique?

M. Saint-Pierre: Ce n'est sûrement pas le deuxième que vous avez mentionné. Ce n'est pas de former des comptables et des administrateurs. C'est de développer, d'une part, une motivation face à des clientèles très différentes vis-à-vis de la question économique comme telle; deuxièmement, favoriser une démarche personnelle visant à acquérir une connaissance des rouages de l'économie, une connaissance des concepts économiques, tant sur le plan macro-économique que micro-économique et là, il y a toute une gamme qui est possible pour une population adulte peu scolarisée, par rapport à ce qui est possible vis-à-vis des jeunes qui, là, peuvent tenter d'aller plus loin.

Finalement, c'est pour permettre une meilleure connaissance à l'ensemble de la population vis-à-vis de l'ensemble de l'économie, dans les fonctions que nous avons comme consommateurs, comme travailleurs à l'intérieur d'une entreprise, comme population. On part du principe...

M. Morin: Donc, il s'agit d'une entreprise de vulgarisation...

M. Saint-Pierre: C'est cela. Elle ne vise pas à former des spécialistes...

M. Morin: ... de la vie économique. M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: D'après ce que le sous-ministre adjoint, M. Shooner, avait déclaré récemment, l'éducation économique visait à accroître la présence des Québécois dans l'industrie et le commerce. J'imagine que c'est un objectif qui suivrait l'autre?

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: Dans le mesure où on augmente la culture économique, ou le degré de connaissances économiques, on peut sans doute espérer accroître la présence dans l'industrie et le commerce.

Mais je me demande si on peut vraiment penser atteindre un tel objectif lorsqu'on sait que les diplômés ayant une formation économique générale se dirigent très peu vers l'industrie et le commerce, que les diplômés de l'Ecole des hautes études commerciales ont très peu accès à la grande entreprise — j'entends la grande entreprise anglophone — je pense à ce qui a été dit par M. Laurin, récemment, sur la difficulté d'entrer dans l'entreprise anglophone.

Est-ce que le ministre s'est penché sur ces autres aspects de la question? C'est une chose que de mieux former votre population sur le plan éco-

nomique, mais si cela ne débouche pas sur une présence, sur un accès, sur une ouverture plus large de l'industrie et du commerce aux diplômés qui, éventuellement, se feront plus nombreux dans le domaine économique, on tourne en rond.

M. Saint-Pierre: Je pense que plusieurs des programmes mis de l'avant visent justement à faire un meilleur trait d'union entre la population et le monde économique et sa prise de décision.

En fait, au même colloque auquel vous faites allusion, auquel M. Laurin participait, je pense que M. Sauvé a indiqué l'évolution positive, bien qu'il reste encore beaucoup de progrès à accomplir au niveau de la présence...

M. Morin: M. Maurice...

M. Saint-Pierre: M. Maurice Sauvé. ... sur la présence des cadre francophones dans la grande entreprise. Un dirigeant d'une compagnie de conseillers en administration a fait état des changements très subits, entre 1968 et aujourd'hui, sur les demandes et les placements de cadres francophones dans la très grande entreprise à tous les niveaux. J'y ai fait allusion moi-même au Canadian Club, au niveau des conseils d'administration, puisque j'estime que les conseils d'administration sont quand même un rouage qui peut indiquer une espèce d'imperméabilité entre l'entreprise et le monde dans lequel elle vit.

Au niveau de la SDI, c'est un des facteurs qui est retenu, la présence des Québécois francophones dans les cadres de l'entreprise pour l'obtention des subventions de la Société de développement industriel. Voilà donc un ensemble de mesures, les discussions privées que nous avons. Je pense qu'elles donnent des résultats. Mais, c'est un peu un jeu à deux sens. Oui, je pense qu'il y a des progrès.

Vous prenez l'ensemble du secteur des pâtes et papiers. Vous reculez il y a cinq ans. Je pense qu'il y avait à peine un ou deux gérants d'usines, parmi environ quarante qui existent au Québec, qui étaient des Québécois francophones. Aujourd'hui, ce serait presque l'inverse, un ou deux seraient des anglophones et la plupart seraient des Québécois francophones. Je pense qu'il faut quand même admettre...

Mais, bien sûr, c'est une voie à deux sens. C'est-à-dire que les Québécois eux-mêmes doivent être prêts à exercer un rôle là-dedans. Dans ce cadre, la vie économique...

M. Morin: Au niveau des HEC... M. Saint-Pierre: Pardon?

M. Morin: On ne peut pas dire que les diplômés de l'Ecole des hautes études commerciales étaient de ceux qui refusaient d'aller dans ces entreprises.

M. Saint-Pierre: Non. Je reconnais qu'il y a des facteurs qui peuvent expliquer pourquoi les diplômés, qui sont multiples, ne vont pas dans la grande entreprise. M. Laurin, que je connais, va également vous dire que, pour toutes sortes de raisons traditionnelles, historiques, manque de connaissances et autres, il y a une tendance pour les diplômés des HEC à ne pas aller vers la grande entreprise. Il y a une tendance à aller dans les bureaux de comptables agréés, dans la vérification, strictement. Il y a une tendance à rester à I université, d'aller dans la fonction publique.

M. Morin: Le problème, évidemment, c est que...

M. Saint-Pierre: Je m'excuse, M. le Président. Je pense encore à d'autres initiatives que le ministère a justement faites pour faire ce joint. Nous avons un programme qui a commencé, l'an dernier, avec un certain succès pour les étudiants d'été. Nous prenons les étudiants en administration des entreprises francophones et nous les plaçons avec un programme qui a eu beaucoup de succès dans un encadrement avec des entreprises pour justement briser un peu un cercle vicieux entre l'un et l'autre.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Nous le faisons pour les petites et les moyennes entreprises. C'est un aspect, mais...

M. Morin: J'allais justement parler au ministre de ce cercle vicieux, parce que l'esprit qu'on appelle "d'entrepreneurship", cela ne s'acquiert pas dans un cours d'économie politique, quoique cela puisse ntaurellement aider certains individus qui, peut-être, ne s'y seraient pas intéressés, à faire preuve de cet esprit. En général, "l'entrepreneur-ship", cela s'apprend sur le tas, cela s'apprend dans l'entreprise. Or, je constate — et M. Laurin l'a dit bien clairement — que les Québécois sont encore largement rejetés dans la grande entreprise. J'ai l'impression qu'il va y avoir une action beaucoup plus directe, beaucoup plus dynamique, du ministère à entreprendre, si on veut penser briser ce cercle vicieux. J'ai l'impression que, jusqu'ici, il ne s'est pas fait grand chose.

M. Saint-Pierre: Je pense que vous avez une mauvaise impression de la réalité. Dans les faits, dans toutes les entreprises aujourd'hui, il me semble, qui opèrent au Québec, de toute nature, la petite, la moyenne et la grande, on se plaint d'une pénurie de personnes compétentes, de langue française, en gestion, en marketing, en production. Il y a peut-être une période d'ajustement entre les deux. Non, je pense que...

M. Morin: J'ai entendu cela du Conseil du patronat, qui représente fort bien la très grande entreprise québécoise. Mais, quand on parle aux éducateurs, notamment aux gens des Hautes études commerciales, on a un tout autre tableau. Il y a des diplômés, mais ils ne trouvent pas à s'employer. C'est une réalité que le ministre ne peut pas nier.

M. Saint-Pierre: C'est parce que ces diplômés, dans le cours de leur carrière, ne sont pas orientés vers des secteurs propres. Je pense qu'au contraire, on pourrait vous donner la démonstration aujourd'hui — et j'ai déjà eu des discussions avec M. Laurin qui reconnaissait le fait — du cas de je ne sais pas combien de personnes de langue française qui ont entre 38 et 45 ans, qui sont recherchées, qui ont un bagage, une formation académique, également l'expérience professionnelle, dans nombre de secteurs, non seulement vis-à-vis de la vie de l'entreprise sur le plan technique, sur le plan du marketing, sur le plan du prix de revient, sur la planification d'entreprises et divers autres domaines. C'est évident qu'un diplômé des HEC qui a passé 17 ans de sa vie à faire de la vérification dans les commissions scolaires a peut-être un mauvais bagage professionnel pour, à 40 ans, devenir vice-président d'une compagnie de pâtes et papiers. Je pense qu'il y a beaucoup d'efforts qui sont faits pour accélérer ce phénomène d'osmose entre la population francophone qui est préparée à ces postes et la vie économique elle-même.

M. Morin: Je ne veux pas aller plus loin, l'heure est passée.

Le Président (M. Brisson): II est 13 heures...

M. Morin: Evidemment, cela met en cause toute la question de la francisation de l'entreprise aussi.

Le Président (M. Brisson): Nous sommes disposés à siéger probablement cet après-midi.

M. Saint-Pierre: A 16 heures, cet après-midi, après la période des questions.

Le Président (M. Brisson): A 16 heures, oui. De toute façon, on ajourne sine die jusqu'à nouvel ordre de la Chambre.

(Suspension de la séance à 13 h 4)

Reprise de la séance à 16 h 17

M. Brisson (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

Avez-vous d'autres questions?

M. Morin: M. le Président, avant que nous n'allions plus loin, j'aurais un document dont j'aimerais demander le dépôt au ministre. Il s'agit de la liste des entreprises aidées par la SDI au cours de l'année 1975/76. Le ministre sait que dans le passé, nous avons obtenu cette liste. Elle faisait même partie du document qu'il nous remettait. Cette année, elle ne s'y trouve pas pour des raisons que j'ignore. Si on pouvait nous la communiquer, j'en serais très heureux.

Est-ce que ça pourrait être fait au cours de la séance présente?

M. Saint-Pierre: Pas aujourd'hui, mais on pourrait l'avoir pour demain matin à 10 heures, parce que la SDI, c'est un petit peu en dehors du ministère. Mais demain matin à 10 heures on l'aura.

M. Morin: Bien!

M. le Président, me tournant vers le programme 1...

M. Saint-Pierre: On prend l'étude...

M. Morin: Oui, nous pouvons procéder, à moins que vous n'ayez des renseignements supplémentaires à nous donner. Vous n'aviez pas de document...

M. Saint-Pierre: J'en aurai dans à peu près une demi-heure.

M. Morin: Une demi-heure.

M. Saint-Pierre: Je veux vous convaincre, à fond; alors, ça me prend les chiffres additionnels...

M. Morin: Bon!

M. Saint-Pierre: On est en train de les préparer.

Gestion interne et soutien

M. Morin: Abordons, en conséquence, le programme no 1: Gestion interne et soutien. J'aimerais demander, à ce sujet, comment s'explique la hausse de plus de 20% des crédits à l'élément 1, qui porte sur la direction et le soutien administratif du ministère, lesquels crédits passent de $1 018 000 à$1 227 200.

M. Saint-Pierre: Essentiellement un des grands points, M. le Président, tel qu'on le voit dans le cahier, c'est surtout le budget additionnel fourni par un CT pour le bureau d'investissements étrangers. C'est le groupe que dirige M. Déry qui

reçoit, dans le cadre du processus de consultation de la loi fédérale, toutes les demandes de prise en charge d'entreprises de nouveaux investissements. C'est un groupe qui n'existait pas il y a deux ans et auquel on doit ajouter des postes. Mais l'augmentation de base est beaucoup moindre. Maintenant, on voit d'autres détails ici, dans les $208 000, $20 000, $25 000, $11 000. Régularisation de trois postes, d'autres points semblables. Augmentation de salaires et indexation.

M. Morin: Cela représente quel montant, ce groupe qui n'existait pas la dernière fois?

M. Saint-Pierre: Cela représente $125 000 soit $105 000 plus $20 000

II y a un autre point également — si on veut les prendre plus en détail — vous avez l'augmentation de trois postes, dont un accordé par le Conseil du trésor pour le Conseil général de l'industrie; en termes de postes, c'est le transfert de M. De Cos-ter, qui était le sous-ministre en titre et qui est maintenant au Conseil général de l'industrie alors qu'auparavant, M. Ouimet était contractuel. Un peu plus loin dans le dossier, cela va enlever un contractuel et cela ajoute un poste qui était l'équivalent d'un sous-ministre en titre quand même.

M. Morin: Toujours au programme 1, pour la gestion interne et le soutien, j'aimerais demander s'il y a eu des changements au cabinet du ministre, parmi les membres de son cabinet.

J'ai une liste sous les yeux qui date de l'année dernière et j'aimerais savoir s'il existe...

M. Saint-Pierre: Si vous voulez me la montrer, peut-être que je pourrais vous dire quels changements il y a eu.

Ce sont surtout les secrétaires particuliers: M. Lacoursière est encore à notre service Mlle Gatien est ici, elle est également à notre service; M. François Roberge est toujours à notre service; M. François Labrousse, qui était au cabinet du ministre, est maintenant au cabinet du sous-ministre. C'est un changement.

M. Jacques Zigby est toujours chef de cabinet au cabinet du ministre et M. Scowen est en congé sans solde, dans le moment. Il a été prêté à l'agence fédérale de la lutte à l'inflation, comme administrateur.

M. Morin: Donc, il n'y a pas, à proprement parler...

M. Saint-Pierre: II n'y a pas d'addition.

M. Morin: ... d'addition à la liste du personnel affecté au cabinet du ministre.

M. Saint-Pierre: II n'y a pas d'addition. Il y a une soustraction de deux. M. Scowen est en congé sans solde et M. Labrousse est au cabinet du sous-ministre.

M. Morin: Au niveau des sous-ministres, il y a eu je crois certains changements.

M. Saint-Pierre: Oui. Au niveau des sous-ministres je les ai mentionnés ce matin. D'ailleurs, on les voit très en détail un peu plus loin dans le cahier. Je ne sais pas si vous voulez les prendre. On les a nom par nom.

M. Morin: Oui. A l'annexe 2 c)?

M. Saint-Pierre: On l'a sous le chapitre de la direction du personnel. Je ne sais pas si vous l'avez retrouvé. C'est à l'élément 2, un peu plus loin. Vous avez tous les mouvements, les concours et toutes les mutations qui ont pu avoir lieu. Annexe 2 c).

M. Morin: Oui. C'est ce que nous avons. Annexe 2 c).

M. Saint-Pierre: On voit les changements. Donc, M. Dinsmore est passé du rang de sous-ministre adjoint à celui de sous-ministre. Par recrutement, M. Pierre Shooner est devenu sous-ministre adjoint. Comme je l'ai mentionné, il faudrait ajouter, par mutation, M. Patrick Hyndman, qui viendra de...

M. Morin: De Dusseldorf.

M. Saint-Pierre: Le Dusseldort, pour l'année qui s'envient. Le document est complet jusqu'au 31 mars. La mutation de M. Hyndman est pour l'année prochaine.

M. Morin: M. Hyndman se verra-t-il confier des fonctions précises au ministère?

M. Saint-Pierre: Oui, bien sûr. La nature exacte de ses fonctions n'a pas encore été délimitée. Il y a des discussions préliminaires, mais, au départ, la responsabilité de la direction générale de l'industrie a été assumée directement par M. Dinsmore depuis que le poste n'a pas été comblé, depuis le départ de M. Labonté pour la SDI.

M. Morin: M. Shooner venait, si je ne m'abuse, des chambres de commerce.

M. Saint-Pierre: II était directeur général de la Chambre de commerce de Montréal.

M. Morin: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée de sa formation antérieure?

M. Saint-Pierre: Les hautes études commerciales, une expérience à la ville de Montréal, au bureau économique de la ville de Montréal, pendant trois ou quatre ans. Après cela, la chambre de commerce pour un bon nombre d'années et, finalement, responsable de la revue Commerce, responsable également du secrétariat et directeur général de la Chambre de commerce de la cité de Montréal.

M. Morin: Oui, je l'ai connu dans ces fonctions. Quelle fonction précise a-t-il comme sous-ministre adjoint?

M. Saint-Pierre: II s'occupe particulièrement de tout ce qui touche les services aux entreprises. Alors, si on prend l'organigramme du ministère, tout ce qui touche le service aux entreprises est actuellement sous la direction de M. Shooner. On le voit d'ailleurs sur l'organigramme qui vous a été donné au départ. Les noms sont inscrits et les liens hiérarchiques. M. Shooner a également la responsabilité de la direction des communications.

M. Morin: M. Scowen vous a donc quittés.

M. Saint-Pierre: C'est un congé sans solde. Il n'a pas quitté.

M. Morin: Un congé sans solde.

M. Saint-Pierre: II sera de retour au début de décembre.

M. Morin: Est-ce qu'il était là de façon permanente ou seulement pour mener à bien un projet?

M. Saint-Pierre: Non, il était là en permanence.

M. Morin: Je crois que vous lui aviez confié l'étude de la politique à l'endroit des entreprises multinationales.

M. Saint-Pierre: C'est un des dossiers qu'il a regardés.

M. Morin: Et il reviendra à quel moment? M. Saint-Pierre: Vers la mi-décembre.

M. Morin: Oui, j'ai encore quelques questions, M. le Président, mais il faut nous donner le temps de regarder le tableau et de constater quels ont été les changements intervenus.

M. Saint-Pierre: Dans les départs, il y a peut-être des précisions à apporter qui auraient pu être mises là. M. Jean-Marc Blondeau, qui était autrefois au bureau du sous-ministre, est maintenant secrétaire du Centre de recherches industrielles du Québec

C'est indiqué comme départ, mais c'est à l'intérieur de la fonction publique.

M. Morin: Vers le CRIQ.

M. Saint-Pierre: Vers le CRIQ. M. Louis Asselin est décédé. Si vous tournez l'autre page, je vais vous donner M. Bernard Roy qui était directeur des services techniques à la section des pêcheries, il est maintenant aux Affaires intergouvernementales dans le plan d'aménagement de l'Outaouais, un certain mandat. M. Ronald Carré est à l'OPDQ. M. Gérald Alain est maintenant au ministère de la Fonction publique. M. Lucien Saulnier est au bureau du premier ministre.

M. Morin: Est-ce que vous savez exactement en quelle capacité il est au bureau du premier ministre?

M. Saint-Pierre: Conseiller en matières urbaines, révision de certains dossiers, mais je pense qu'il faudrait plutôt le demander au premier ministre lui-même.

M. Morin: Oui, nous aurons l'occasion de le faire.

M. Saint-Pierre: Parmi les personnes recrutées, je note M. Claude Soucy, directeur de la Direction des études régionales. Est-ce qu'il est présent? Il n'est pas présent, non. Son directeur général, M. Denis Bédard est ici, mais M. Soucy dépend de M. Bédard.

M. Morin: Quels étaient ses antécédents?

M. Saint-Pierre: M. Soucy était à l'OPDQ au moment où il a été recruté; il a fait des études régionales, il a été auparavant professeur à l'Université du Québec à Rimouski. Il a un doctorat en géographie industrielle de l'Université de Bordeaux.

M. Morin: Quand à M. Louis Jobidon, chef du Service du génie civil?

M. Saint-Pierre: II était autrefois au Centre de recherche industrielle pendant quatre ou cinq ans.

M. Morin: Déjà dans la fonction publique.

M. Saint-Pierre: II a déjà été dans la fonction publique, c'est par voie de concours, il y avait un concours à l'intérieur de la fonction publique et c'est lui qui avait été choisi.

M. Morin: Je vois. Et M. José Suys ou doit-on le prononcer à la manière hollandaise? C'est un nom hollandais? En ce cas, ce serait Suys?

M. Saint-Pierre: Belge.

M. Morin: C'est Suys. Est-ce qu'il est présent?

M. Saint-Pierre: Non, il n'est pas ici.

M. Morin: Quels sont ses antécédents?

M. Saint-Pierre: II a fait des expériences considérables dans l'industrie et, dernièrement, dans une entreprise de fabrication de maisons mobiles, il était directeur général de Bellevue.

C'est par voie de concours?

Oui.

Il a été recruté par voie de concours pour ce poste.

M. Morin: De quelle usine était-il?

M. Saint-Pierre: Des maisons Bellevue, à Thetford Mines.

M. Morin: Quant à M. Paul Laurent, directeur adjoint des communications, c'est un nom qui m'est familier, mais quels sont ses antécédents?

M. Saint-Pierre: II était à l'Hydro-Québec. Il était avec vous dans le... Comment appeliez-vous cela, en 1966-1967? Les Etats généraux du Canada français; c'est là, je pense, que vous l'avez connu.

M. Morin: C'est probablement cela, effectivement. Vous avez un excellent recrutement, à ce que je vois.

M. Saint-Pierre: Très bien. Souhaitons qu'ils se poursuive dans les prochaines années.

M. Morin: M. le Président, pour le programme 1, ce sont les questions que j'avais. Je suis prêt à l'adopter.

Le Président (M. Brisson): Elément 1, adopté. Elément 2, adopté. Donc, le programme 1 est adopté. Programme 2, recherche économique. Crédits à voter, $1 201 300.

Recherche économique

M. Saint-Pierre: Dans le document qu'on a remis, dans la recherche économique, c'est essentiellement l'ensemble des études qui sont faites constamment au ministère. Sur le plan des études économiques, on a donné la grande division qu'on y retrouve. Il y a certaines études globales, les études sur les comptes économiques du Québec, les projections économiques à moyen terme, la structure manufacturière du Québec et l'évolution de la structure industrielle régionale.

Il y a eu certaines études qui sont données en B, sur le plan, c'est-à-dire les études sectorielles sur le textile et le vêtement, sur la transformation des richesses minières, sur le matériel de transport, sur le commerce de gros et de détail, sur l'équipement de loisir et de-sport.

Il y a également des études régionales, particulièrement en matière de politique portuaire, sur la Loi des fonds industriels et sur la géographie du commerce au Québec. Il y a eu, troisièmement, des études en relations économiques internationales; c'est essentiellement l'ensemble des négociations multilatérales du GATT, dans lequel nous avons un intérêt soutenu, et des études sur le commerce international et le développement économique du Québec.

Quatrièmement, des études en matière de politique industrielle, les ententes auxiliaires sur le secteur manufacturier avec le gouvernement fédéral, les investissements étrangers, les petites et moyennes entreprises par rapport aux programmes existants et un certain bilan de l'action de la SDI depuis son existence.

Cinquièmement, des études reliées à l'analyse et à la prévision économique; alors, conjoncture industrielle, situation économique, bilan annuel de décembre, économie québécoise 1976 et perspectives 1977.

Certaines de ces études peuvent être termi- nées, d'autres sont en cours de réalisation. D'ailleurs, dans le texte qui les accompagne, nous avons donné un peu en détail où se trouve l'évolution de certaines de ces études.

C'est la politique du ministère de tenter, lorsque les autorités du ministère sont satisfaites de la qualité des travaux qui sont faits, de publier le plus rapidement possible, pour que soit disponible à l'ensemble de la population le résultat de ces études.

Négociations du GATT

M. Morin: M. le Président, puisqu'il s agit de recherche économique, j'imagine qu'il s'est fait un effort de recherche particulier au sujet des négociations du GATT. D'ailleurs, le ministre vient d'y faire une courte allusion. Aussi, j'aimerais l'entretenir de questions relatives aux tarifs douaniers. Vous savez que le Québec ne participe pas directement aux négociations. Le ministre des Affaires intergouvernementales me répétait ces jours-ci qu'un observateur québécois avait été présent à Genève, au cours des négociations. Il ne faisait pas partie de l'équipe de négociation du Canada, il était là comme simple observateur. Apparemment, il est maintenant rentré au Québec. D'autre part, dans votre description du programme 2, vous nous parlez des négociations commerciales multilatérales du GATT. Selon ce que nous apprend le cahier, un premier document établissant les objectifs généraux avait été complété au début de l'année.

Par la suite, l'énoncé des positions québécoises a été accepté par le Conseil des ministres, en septembre 1975. Enfin, les objectifs généraux ainsi que les objectifs sectoriels portant sur une vingtaine de catégories de produits ont ensuite été transmis au gouvernement fédéral.

Plus tard, vous avez ajouté encore une quinzaine de dossiers sectoriels qui ont porté également sur certaines mesures non tarifaires, des mesures comme les normes, les politiques d'achat, les subventions, etc.

J'aimerais que le ministre nous décrive le travail du ministère de l'Industrie et du Commerce en 1975/76 de façon un peu plus précise, en préparation des négociations du GATT. Est-ce qu'on peut avoir une idée des catégories de produits dont il s'agit, des dossiers sectoriels qui ont été analysés et préparés?

M. Saint-Pierre: Je vais demander à M. Bé-dard de résumer brièvement ce qui se fait sur le plan des études à ce sujet.

En ce qui concerne les négociations du GATT, les secteurs étudiées jusqu'ici, qui ont été terminés et dont les recommandations ont été transmises au gouvernement fédéral portaient sur les produits suivants: les produits agricoles alimentaires, les produits de la pêche, les produits chimiques et organiques, les produits pétrochimiques, les engrais, les produits du caoutchouc, les produits du bois, les pâtes et papiers, les produits de fonte, fer et acier, les produits du cuivre, les produits d'aluminium, les machines électriques industrielles, le matériel de transport, les instruments et les appa-

reils spécialisés, les meubles et le mobilier médico-chirurgical.

Les secteurs qui sont à l'étude et qu'on est en train de compléter portent sur les chaussures, les textiles, vêtements, amiante, zinc, équipements électroniques, télécommunications, machinerie et ouvrages en métaux, en plus des barrières non tarifaires, comme les normes des politiques d'achat, les droits compensateurs. Nous avons également fait des recommandations concernant une liste assez longue de produits tropicaux qui sont négociés de façon spéciale à Genève pour les pays en voie de développement, de façon à voir s'il y a un abaissement plus considérable des tarifs pouvant avoir un impact au Québec.

M. Morin: Est-ce que ces travaux sont tous confidentiels ou si certains ont circulé ou ont été rendus publics?

M. Saint-Pierre: Aucun des travaux n'a été rendu public. Ils se situent dans un processus de négociation avec le gouvernement fédéral. Dans cette perspective, ce sont des positions gouvernementales qui, au cours des négociations, peuvent évoluer.

M. Morin: Je me rends compte que c'est délicat, parce qu'en cours de négociation, il peut y avoir des changements d'attitude, il y a un processus d'échange, bien sûr. Je m'excuse, j'ai un mot à faire parvenir à mon bureau. Je me demandais simplement si ce serait de l'ordre du possible de choisir l'un quelconque des domaines que vous avez mentionnés, un domaine qui vous paraîtrait exemplaire, pour porter à notre connaissance le type de travail que vous faites dans ces dossiers. Je me rends compte que c'est une demande peu conventionnelle, mais j'aurais aimé pouvoir voir le genre de travail que vous faites, le genre de documents que vous rédigez pour faire valoir les positions québécoises dans un secteur donné, n'importe lequel. J'adresse ma question au ministre, parce que ce n'est évidemment pas à M. Bédard qu'il appartient de prendre une décision comme celle-là. Est-ce qu'il y en aurait une qui vous paraîtrait peut-être moins litigieuse ou se prêtant mieux à un débat que d'autres et qui nous donnerait une idée du genre de travail que vous faites?

C'est peut-être un penchant personnel qui me fait poser cette question en particulier. C'est parce que cette question du GATT m'intéresse particulièrement.

M. Saint-Pierre: Dans votre cas, c'est pour savoir le travail qu'on fait ou... Vous ne voulez pas la rendre publique, si on vous la donne. C'est sous le sceau confidentiel.

M. Morin: Ce n'est pas pour la rendre publique. C'est pour me donner une idée du travail que vous effectuez pour faire valoir les intérêts du Québec auprès du gouvernement fédéral.

M. Saint-Pierre: Peut-être que je peux expliquer la méthodologie de travail, tout d'abord.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Nous avons choisi les produits ou les secteurs industriels. C'est parfois les secteurs les plus importants. On descendait, de façon très détaillée, au niveau de la nomenclature des tarifs.

M. Morin: Des priorités, j'imagine.

M. Saint-Pierre: C'est ça. Certains tarifs pour lesquels il se fait très peu de production au Québec, pour lesquels on considère qu'il y a peu de potentiel, évidemment, ne donnaient pas lieu à une étude très poussée.

Par contre, pour une question comme le matériel de transport, c'est vital pour un secteur industriel qui est en développement au Québec. Alors, en ce qui concerne les secteurs comme le matériel de transport, on analysait l'évolution de l'industrie depuis une dizaine d'années. Nous regardions spécialement sa performance sur le marché domestique, sur le marché canadien pour voir si la part du marché canadien, approvisionné à partir de la production québécoise, avait augmenté ou diminué. Nous examinions ensuite le marché extérieur pour voir si l'industrie avait été capable de concurrencer ou de pénétrer sur les marchés étrangers. Compte tenu de leur performance et du potentiel que l'on qualifiait pour l'industrie, on pouvait, à ce moment-là, déjà proposer certaines recommandations sur, soit continuer une protection tarifaire pour l'industrie basée sur l'argument, à ce moment-là, qu'elle était progressive, mais pas encore assez forte pour faire face à une concurrence plus poussée tout de suite sur les marchés internationaux, ou, si elle était capable de faire face immédiatement à un abaissement de tarifs, on pouvait souligner qu'il n'y aurait pas objection à ce qu'il y ait un abaissement tarifaire en ce qui concerne ce secteur industriel.

Mais, sur le marché extérieur, nous examinions en particulier trois marchés: Les tarifs communautaires du Marché commun, les Etats-Unis et le Japon, et là, nous faisions des demandes précises sur des abaissements possibles de tarifs sur certains de ces marchés.

M. Morin: Des abaissements de tarifs au Japon, aux Etats-Unis ou dans la Communauté économique.

M. Saint-Pierre: C'est ça.

M. Morin: Oui.

Est-ce que vous analysiez également les importations de l'étranger faites au Québec? Est-ce que cela entre également en ligne de compte?

M. Saint-Pierre: Effectivement. Nous prenions en considération également les importations sur le marché canadien.

M.Morin: Donc, la concurrence ici même.

M. Saint-Pierre: C'est ça.

On a un tableau de synthèse qui résume un

peu les positions prises jusqu'ici dans chacun des secteurs. Il y a toujours trois volets, c'est-à-dire la position à l'égard des réductions tarifaires canadiennes, puisqu'on est dans le contexte des réductions tarifaires, la position à l'égard des réductions tarifaires à l'étranger, pour permettre à nos entreprises de pénétrer, et les barrières non tarifaires et certaines remarques particulières entre la position de certains pays ou de certaines zones qui semblent représenter plus d'intérêt pour nous que d'autres zones.

M. Morin: Les ententes de restriction volontaire et tout ça aussi, j'imagine que cela est entré en ligne de compte? Dans le textile, par exemple, c'est fort important...

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: ... les restrictions volontaires.

M. Saint-Pierre: Dans le cas particulier du textile, nous ne prévoyons pas que les négociations du GATT puissent changer l'accord international qui existe déjà sur le textile.

Alors, notre étude a surtout porté sur l'évolution de l'industrie dans un contexte international et une analyse beaucoup plus poussée de la politique fédérale du textile.

M. Morin: Nous pourrons peut-être parler du textile un peu plus tard. Je garde ce secteur pour une étude peut-être un peu plus approfondie.

Donc, vous avez fait des recommandations dans ce document que vous avez fait parvenir aux autorités fédérales, des recommandations quant à l'abaissement des barrières tarifaires à l'étranger et j'imagine aussi au relèvement des barrières tarifaires ici pour protéger, dans certains cas, certaines industries.

M. Saint-Pierre: Plutôt le maintien que le relèvement.

M. Morin: Plutôt le maintien parce que, effectivement, le mouvement général est à la baisse, bien sûr. Est-ce que dans certains cas précis, vous avez fait des recommandations pour qu'on tente de les relever, parce que dans une négociation, cela arrive aussi qu'on relève les barrières tarifaires pour certains produits, à tout le moins?

M. Saint-Pierre: Cela n'a pas été le cas.

M. Morin: Jusqu'ici, cela n'a pas été le cas...

M. Saint-Pierre: ... en ce qui concerne le relèvement des barrières tarifaires.

M. Morin: Donc, vous n'avez pas demandé ce genre de mesures. Je répète ma demande de tout à l'heure. Est-ce que c'est possible que nous ayons sous les yeux, supposons, vos recommandations sur un produit, n'importe lequel, le plus anodin? Cela me donnerait, personnellement, une idée de la façon dont vous fonctionnez. Je suis tout à fait disposé à tenir ce document dans mon dossier et à ne pas le rendre public, mais cela me donnerait une idée de la façon dont vous fonctionnez.

M. Saint-Pierre: On comprend le caractère un peu délicat de tous ces documents en ce sens que c'est... Peut-être que je pourrais transmettre sous le sceau de la confidentialité les 27 premières pages de notre étude qui donnent l'ensemble de nos objectifs sectoriels pour les produits agricoles et alimentaires, de même que certains des principes du départ en ce qui touche les aspects de la négociation du GATT. Je pense qu'il est clair que c'est cela. Cela voudrait dire les 27 premières pages de ce document, en remettre une copie aux autres membres de la commission.

M. Morin: Je suis prêt à le traiter sous le sceau de la confidentialité. Je crois que cela nous informerait beaucoup mieux sur la façon dont vous procédez.

M. Saint-Pierre: Je peux également rendre publique la position du gouvernement du Québec et les discussions avec le gouvernement du Canada concernant les négociations commerciales multilatérales. C'est un document ratifié par le Conseil des ministres il y a déjà plusieurs mois. En avez-vous des copies?

On va en faire faire des copies pour les autres membres de la commission.

M. Morin: J'aurais presque envie de vous demander si nous ne pourrions pas prendre connaissance de ces documents pour y revenir peut-être demain matin, le cas échéant, si nous avions des questions à poser.

M. Saint-Pierre: Pas de problème.

Le Président (M. Brisson): Par élément.

M. Morin: Non. Je n'ai pas terminé, de toute façon, le programme 2.

Le Président (M. Brisson): D'accord.

M. Morin: Le temps passe, malheureusement. Pourrais-je vous demander de m'indiquer les secteurs que vous privilégiez?

J'ai cru, tout à l'heure, comprendre, à l'exposé de M. Bédard, que le matériel de transport était quelque chose de très important. Je le comprends, étant donné qu'on est en train de bâtir quelque chose dans ce domaine-là ici au Québec. Est-ce qu'il y a d'autres secteurs que vous privilégiez dans vos négociations avec les autorités fédérales, tant pour le tarif à l'importation que pour l'ouverture du marché des USA, par exemple.

M. Saint-Pierre: Je m'excuse, j'étais distrait. Est-ce qu'il y a ...

M. Morin: Non, je veux bien répéter. Je vous demandais quels sont les secteurs privilégiés qui font l'objet d'une négociation entre vous et le pouvoir fédéral, tant en ce qui concerne les tarifs que l'ouverture du marché des USA?

M. Saint-Pierre: L'ensemble des secteurs qui ont été mentionnés feront l'objet de discussions avec le gouvernement fédéral, chaque secteur en particulier, mais si on peut mentionner les secteurs les plus importants, il y a évidemment les produits chimiques et pétrochimiques, l'aluminium, les pâtes et papiers; il y a là un groupe de produits extrêmement importants; le papier peint, où il y a des barrières tarifaires; tous les types de papier. En ce qui concerne les métaux, je pense qu'on peut faire mention ici de l'approche complémentaire de la négociation au GATT qui s'appelle l'approche sectorielle et, en ce qui concerne ces négociations spéciales, sectorielles, c'est une approche proposée par le gouvernement canadien et l'objectif est de voir s'il est possible de réduire d'une façon plus poussée les tarifs à partir d'une matière brute jusqu'au produit fini. Evidemment, cette technique pourrait avoir pour effet d'accroître la transformation des richesses naturelles ou de toute autre matière non transformée dans le pays où elle est extraite. Nous examinons la possibilité d'appliquer une méthode semblable pour des produits québécois et nous l'avons fait tout particulièrement pour l'aluminium.

M. Morin: Est-ce que vous vous inspirez, ce faisant, de certaines techniques qui ont été proposées par des pays de la CNUCED, par exemple, par certains pays en voie de développement qui peuvent favoriser justement la transformation chez eux de leurs matières premières. C'est une idée que j'ai déjà vue quelque part. D'où lavez-vous tirée?

M. Saint-Pierre: L'approche sectorielle a été proposée à Genève par le gouvernement fédéral, par le gouvernement canadien plus particulièrement. Oui, mais il y a d'autres pays qui ont...

Oui, c'est une approche qui est un peu une stratégie complémentaire à une stratégie qui porte sur les groupes de pays qui parfois essaient de monopoliser la production ou le marché d'une matière première comme on peut le faire pour le fer, ou un groupe de pays pourrait essayer d'établir les règles du jeu concernant tout le marché du fer à partir des produits de matière brute jusqu'à des produits semi-transformés. Alors, l'approche sectorielle se situe à l'intérieur du GATT et peut être une approche complémentaire à d'autres stratégies qu'on pourrait avoir en termes d'échanges économiques internationaux concernant des produits de matière première.

M. Morin: Sur ces aspects, je vais prendre connaissance du dossier et on pourra peut-être y revenir.

Est-ce que, dans l'avenir, le Québec compte être représenté directement aux tables de négociation du GATT ou comme membre d'une délégation canadienne?

M. Saint-Pierre: C'est difficile de parler pour l'avenir, M. le Président, je pense que le point important à souligner, c'est que les négociations du GATT avaient été, jusqu'ici, l'apanage exclusif du gouvernement central.

Je pense que la participation du gouvernement du Québec et l'influence que peut exercer le gouvernement du Québec auprès de la position canadienne sont quand même énormément plus importantes que ce que nous avions eu dans le passé. Maintenant, à l'avenir on doit reconnaître les difficultés pour toutes les fédérations d'avoir des représentants des Etats membres au sein d'une délégation à Genève. Evidemment, si le Québec obtient un partenaire à part égale, toutes les provinces canadiennes vont vouloir également avoir leur partenaire et cela fait alors une structure de délégation. Personnellement, nous trouvons que cette année, en tout cas, on va pouvoir, après l'expérience juger de la participation que nous avons pu avoir et elle m'apparaît loin d'être négligeable.

M. Morin: Est-ce que vous avez déjà obtenu la réponse des autorités fédérales à vos propositions?

M. Saint-Pierre: Je pense que les méthodes de négociation ou le processus de décision concernant la négociation du GATT est tel qu'il n'est probablement pas nécessaire d'avoir un observateur permanent à Genève comme tel. Le mandat de négociation des négociateurs fédéraux canadiens à Genève est décidé à Ottawa et toutes les décisions sont prises à Ottawa. Alors, de toute façon, les discussions...

M. Morin: On va avoir des problèmes.

M. Saint-Pierre: ... techniques qu'on peut avoir concernant les secteurs industriels, il faut absolument les avoir à Ottawa de ce point de vue.

Pour bien se comprendre, on établit la distinction que c'est à Ottawa que les décisions se prennent et non nécessairement à Genève. Le fait d'être présent à Genève n'apporte rien à l'élément canadien. Il est plus important... Au niveau des sous-ministres, il y a un groupe qui a été constitué, un groupe de fonctionnaires; il y a des études qui sont faites. Les rencontres ont lieu trimestriellement et je pense qu'il y a là des mécanismes qui nous permettent d'influer sur la position canadienne, de connaître à l'avance quels sont les éléments qu'on...

M. Morin: Cela, j'imagine que vous pouvez peser sur les positions initiales du gouvernement fédéral avant qu'il n'aille participer à un round. Mais une fois qu'il est à Genève ou ailleurs, à négocier l'abaissement de tel ou tel tarif, il se peut qu'il entre dans un processus de quiproquo, de "given thing " comme on dit quelquefois.

M. Saint-Pierre: Oui, mais ce n'est pas une partie de poker, ça. C'est toujours en retournant...

M. Morin: Je m'en doute bien.

M. Saint-Pierre: ... à Ottawa pour avoir des directives. C'est quand même du Canada que se prennent les directives et les gens à Genève ne font que réagir à des positions...

M. Morin: Allez-vous être consultés à chaque étape de la négociation de Genève?

M. Saint-Pierre: On l'a été suffisamment jusqu'ici pour penser qu'on va continuer d'être consulté. Même à cela, il faut bien dire qu'il n'y a rien qui nous garantit, bien sûr, que les positions canadiennes, même s'il y a parfaite unanimité entre le Canada et le Québec, vont être acceptées par tous les autres pays.

M. Morin: Sûrement, c'est à cela que je faisais allusion justement dans ce processus d'échange. A un moment, le gouvernement fédéral peut être appelé à vouloir sacrifier un secteur, par exemple, pour obtenir autre chose dans un autre secteur. Je me demandais, par exemple — c'est peut-être au ministre de l'Agriculture que je devrais le demander, mais je prends un exemple — Est-ce que le gouvernement central ne serait pas tenté de sacrifier les producteurs laitiers qui, comme par hasard, sont surtout concentrés au Québec, en tout cas pour ce qui est des dérivés du lait industriel? Comme il l'a toujours fait, d'ailleurs, je vous le signale, pour l'industrie textile qui, elle aussi, est concentrée au Québec, pour mieux défendre certains intérêts de l'Ouest ou de l'Ontario.

M. Saint-Pierre: C'est-à-dire que l'agriculture, c'est bien connu, est un élément un peu particulier dans les négociations internationales et non seulement les Etats-Unis, mais la communauté européenne ont un peu tendance à traiter ça d'une façon séparée de l'ensemble des autres secteurs.

M. Morin: Mais, est-ce que cela entre ou cela n'entre pas en ligne de compte lorsque vous allez négocier ces questions à Ottawa. J'imagine que votre collègue du ministère de l'Agriculture doit certainement — pour ce qui est du lait industriel — avoir des recommandations à vous faire.

M. Saint-Pierre: Vous les avez dans les vingt-sept premières pages.

M. Morin: Bon, je vais en prendre connaissance avec le plus grand intérêt. Dans ce processus où le gouvernement fédéral peut être appelé, par hypothèse, à sacrifier une industrie pour favoriser le développement d'une autre — on ne peut pas nier que, dans le passé, le Québec a souvent eu à souffrir, de façon dramatique, de certaines politiques fédérales; je pense au domaine du textile, par exemple, dont on s'entretiendra tout à l'heure un peu plus à fond — est-ce que vous allez avoir l'occasion, avant qu'Ottawa ne décide, à rencontre des intérêts du Québec, de peser vraiment de tout votre poids sur cette négociation? Ce que je crains, c'est que vous fassiez de très bonnes recherches. Je ne doute pas que vous ayez tous les gens compétents autour de vour pour le faire. Je sais que nous avons des gens compétents au Québec.

Mais entre connaître les chiffres, bien comprendre ses intérêts et les faire valoir et les faire prévaloir, c'est une autre affaire. Je dois dire que l'expérience, jusqu'ici, dans le domaine fédéral au Canada, n'a pas été des plus encourageantes pour le Québec. Vous me dites que, dans l'avenir, c'est appelé à changer, que désormais le Québec s'en occupe, s'en mêle, rédige des documents, fait valoir ses intérêts auprès d'Ottawa, mais est-ce que le ministre a le sentiment que le vieux système est changé foncièrement? Le vieux système de la décision unilatérale, par Ottawa, qui était appelé, évidemment, à arbitrer, entre les diverses régions et à sacrifier, au besoin telle industrie au Québec, pour favoriser l'expansion de telle autre, ou favoriser l'exportation du blé de l'Est, par exemple?

M. Saint-Pierre: C'est une comptabilité assez difficile à faire en détail. Je voyais mon collègue, le ministre de l'Industrie de l'Ontario, s'offusquer, hier, à l'Assemblée législative de Toronto, sur la décision du gouvernement fédéral d'accorder la priorité, sur le plan du transport des passagers, à la zone Québec-Montréal, à l'encontre de la zone Windsor-Toronto.

Les arbitrages sont constants, mais une chose est certaine, lorsqu'on ne s'occupait pas du dossier, qu'on ne le suivait pas de près, je pense qu'on laissait à d'autres le soin de défendre nos intérêts. Dans le moment, on s'occupe du dossier, on suit nos intérêts, on les pilote. Pour ce qui est des résultats, il faudrait attendre qu'on se revoit, dans quatre ou cinq ans, pour voir ce que cela a donné de plus que la dernière fois. Chose certaine, à moins de penser que les négociations commerciales, c'est un jeu de billes d'enfant, on ne peut pas toujours gagner. Quelquefois on gagne, quelquefois, on perd. Il s'agit que, globalement, on puisse dire finalement qu'on a pu influencer le cours des choses et que nous ne sommes pas si perdants que cela.

M. Morin: Oui, évidemment, c'est une question de degré. Ce n'est pas le gouvernement du Québec qui prendra les décisions en dernière analyse. Vous éclairerez le gouvernement fédéral, sûrement?

M. Saint-Pierre: Mais le point que je veux faire voir, ce n'est même pas le gouvernement du Canada qui, en dernière analyse, prend les dernières décisions.

M. Morin: D'accord, mais, tout de même, il sait très bien ce qu'il peut se permettre de sacrifier, parce qu'il sait très bien qu'il peut gagner sur autre chose. C'est lui qui décide, c'est lui qui pèse, en dernière analyse. C'est un avantage considérable pour...

M. Saint-Pierre: Si on a l'impression qu'il a trahi une partie du pays pour l'autre, on n'hésitera pas à le condamner. Si, autrement, on a l'impression que, dans les choix difficiles, on a eu une part équitable du gâteau, on exprimera notre satisfaction.

M. Morin: Ce que je crains, c'est que vous ne disiez pas suffisamment fort ce qui doit être dit, pour protéger suffisamment les intérêts du Québec. Je pense, par exemple, même si cela n'intéresse pas directement votre ministère, aux agriculteurs québécois qui, d'après ce qu'on nous apprenait à la fin de l'année 1975, sont ceux qui risquent de perdre le plus au Canada, par suite de la mise en place des nouveaux accords du GATT sur la limitation du commerce mondial des produits agricoles, à cause de leur grande dépendance par rapport à l'industrie laitière.

Je me permets de faire état de ce qu'on rapportait, dans les journaux, le 18 décembre 1975: "La position du ministère de l'Industrie et du Commerce canadien à Genève est logique en soi, si l'on considère que l'essentiel des exportations canadiennes de produits agricoles est constitué de céréales, tout comme c'est le cas aux Etats-Unis."

Plus loin, on disait: "II paraît logique que le Canada doive renoncer, en bonne partie, à sa politique protectionniste sur les produits laitiers, en échange de la promesse du rétablissement d'un commerce plus libre des céréales.

Cela évoque pour moi une situation que le ministre connaît sûrement très bien, qui a toujours prévalu dans ce pays et qui fait que, dans le secteurs des céréales comme d'ailleurs dans le secteur de l'industrie lourde, le pouvoir fédéral a toujours eu tendance à faire prévaloir les intérêts de l'Ouest et des céréales. Dans le cas présent, il semble que la manière dont cela se dessine, ce soit aux dépens des produits laitiers.

De même, dans le cas de la grande industrie lourde, cela a toujours été l'Ontario qui a été privilégié par ces négociations. Je pense que cela, on ne peut pas le nier. C'est l'histoire économique du pays.

Renverser des tendances comme cela, je souhaite au ministre bien du plaisir. J'ai hâte comme lui de voir le résultat de ces tractations avec Ottawa. Je ne suis pas aussi optimiste que lui, cependant.

Dans le cas plus spécifique de l'agriculteur québécois, est-ce que — je n'ai pas lu les documents que vous m'avez donnés tout à l'heure, peut-être pourrons-nous y revenir — vous pouvez m'assurer que vous avez fait des pressions très fortes pour que l'industrie laitière du Québec ne soit pas la victime de l'exportation des grains de l'Ouest? Vous savez que cela compte pour 75% des recettes agricoles des cultivateurs du Québec.

M. Saint-Pierre: Oui, et que l'agriculteur québécois est celui au monde qui reçoit le plus pour sa production de lait industriel et de lait nature. M. Pigeon au congrès de Rome...

Je pense, M. le Président, dans ce cas, avec mon collègue de l'Agriculture, que c'est une question qui n'est pas sans parallèle avec ce qu'on retrouve dans le secteur manufacturier. C'est une question de productivité. Je pense qu'il est possible de maintenir des protections normales pour le marché intérieur, mais je pense qu'il faut plutôt miser dans le cadre général d'une réduction des barrières tarifaires sur l'ouverture que pourraient avoir nos propres agriculteurs, particulièrement sur le marché américain, pour leur propre production, considérant le fait que différents programmes de modernisation de l'agriculture pourraient permettre à ceux-ci, sur le plan de la productivité, de faire face à cette concurrence.

M. Morin: Le lait industriel, concurrence les producteurs américains, sur leur propre terrain?

M. Saint-Pierre: Si les barrières tarifaires ne s'y opposent pas. Je parle du lait industriel et du lait nature également.

M. Morin: Oui, c'est cela.

M. Saint-Pierre: Dans le document d'ailleurs que vous avez lu, cela peut en désappointer quelques-uns, mais il me semble qu'en matière de commerce international, au tout départ, il faut faire un choix. Il faut faire un choix permettant après, une certaine période de temps, de s'assurer qu'on aura identifié des secteurs et que, dans ces secteurs, nos entreprises seront capables de percer dans les marchés étrangers; ou bien, faire le choix qu'aucune de nos entreprises ne serait capable de faire cela dans aucun des secteurs. Ce serait trancher sur un marché intérieur qui, dans le cas du Canada, est de 21 millions. Il y a un prix à payer pour cela.

Le choix qu'on a fait, c'est le premier choix. Vous le verrez en blanc et en noir dans le document du Conseil des ministres. Tout en se ménageant des phases de transition, c'est faire le choix qu'il est plus important d'ouvrir nos marchés pour nos industriels que de protéger notre marché à des fins exclusives.

Pour citer M. Parizeau, prendre l'autre choix, ce serait demander au gouvernement et aux consommateurs d'offrir à notre agriculture et à nos industriels des béquilles permanentes.

M. Morin: Oui, mais là, il s'agit d'un secteur particulièrement névralgique, parce que — vous le savez — cela représente, étant donné...

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: ... qu'on a spécialisé le Québec dans la production du lait nature ou industriel, autre politique fédérale, soit dit en passant, parce que la vocation agricole du Québec, ce n'était pas nécessairement de se concentrer dans le lait.

M. Saint-Pierre: C'était quoi?

M. Morin: Cela aurait pu être une diversification et cela peut encore l'être, j'espère.

M. Saint-Pierre: Mais ce n'était pas un choix terriblement mauvais de se spécialiser dans le lait. C'était responsable. Il aurait pu y avoir des choix beaucoup plus mauvais, compte tenu des facteurs...

M. Morin: A la condition...

M. Saint-Pierre: ... climatiques.

M. Morin: Oui. Tout d'abord, c'est un choix de guerre qui a été dicté par des contraintes particulières. Deuxièmement, une fois qu'on a cantonné le Québec dans le lait...

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: ... si on le laisse tomber pour les grains de l'Ouest, je crois que ce serait passablement catastrophique pour l'agriculture québécoise. Je voudrais attirer l'attention du ministre sur le fait qu'il n'y a pas à protéger les intérêts de la classe agricole, seulement dans le fait qu'on doit la rendre prospère. Il n'y a pas que cela.

Il y a l'intérêt fondamental de maintenir une agriculture ici, au Québec, parce qu'on peut se mettre dans la logique suivante: II faut sacrifier quelque chose. C'est une question de degré, mais si on va jusqu'au bout de cette logique, on pourrait être amené à l'idée qu'il faut sacrifier l'agriculture québécoise dans son entier pour privilégier tel secteur industriel. Je sais que c'est absurde, mais je mène la logique jusqu'à l'absurde. Le résultat de cela, c'est qu'il n'y aurait plus ici au Québec d'agriculture digne de ce nom. Cela aurait des conséquences beaucoup plus graves que le simple fait de ne plus exporter des produits agricoles. Cela aurait des conséquences internes pour le Québec. Cela aurait des conséquences sociales pour le Québec. C'est dans cet esprit que je posais mes questions au ministre. J'espère qu'il est sensibilisé à ces aspects.

M. Saint-Pierre: Depuis longtemps.

M. Morin: Je regrette d'avoir à attendre quatre ou cinq ans pour voir le résultat des démarches du ministre auprès du GATT, parce que peut-être l'un ou l'autre de nous ne sera plus là à ce moment. Vous voyez que je me place sur un plan non partisan. Je ne sais pas lequel de nous deux ne sera pas là.

M. Côté: On parle de La Haye pour vous.

M. Morin: C'est une rumeur dont je ne connais pas la source. Je serais fort honoré, mais il n'en est pas question.

M. Saint-Pierre: Vous allez défendre nos intérêts, si vous allez là.

M. Morin: Oui. Je ne sais pas qui peut lancer ces rumeurs. C'est comme celle qui portait sur la nomination...

M. Saint-Pierre: De M. Burns.

M. Morin: ... de M. Burns au Tribunal du travail. Je soupçonne que tout cela vient du bureau du premier ministre.

M. Saint-Pierre: Vous vous trompez. J'en ai parlé à M. Burns et il m'a expliqué.

M. Morin: Oui?

M. Saint-Pierre: Cela vient d'une conversation qu'il a eue avec un journaliste qui est parti sur une tangente.

M. Morin: C'est plus récent, mais, l'année dernière...

M. Saint-Pierre: L'année dernière...

M. Morin: Les rumeurs de l'année dernière, je pense, on a cru les retracer au bureau du premier ministre. C'était une de ces blagues dont il est coutumier.

M. Saint-Pierre: Personne n'a succombé à la tentation?

Importation de produits textiles

M. Morin: Non, il n'en était pas question Nous tournant maintenant vers la question des textiles, est-ce que je pourrais vous demander de nous mettre au point des derniers développements? Je sais qu'il y a eu votre lettre récente. Pourriez-vous faire le point sur les exigences du Québec en matière d'importation de produits textiles?

M. Saint-Pierre: M. le Président, il y a un problème récent qui touche les filaments de polyester. La lettre, je pense, parle par elle-même. M. Jamieson a pris quelques décisions récemment qui sont quand même un virage assez prononcé par rapport aux traditions auxquelles nous avait habitués le gouvernement fédéral. Il y a eu certaines restrictions qui ont été imposées. Fondamentalement, nos efforts ont porté depuis un an, d'une part, à convaincre le gouvernement fédéral qu'il y avait un problème; je pense que, tout au moins au niveau politique, cette chose est acquise, et, deuxièmement, a tenter de moderniser l'appareil de contrôle canadien qui, à mon sens, par rapport à ce qu'on retrouve dans d'autres pays, dont notamment les Etats-Unis, ne se compare pas, en ce sens qu'au Canada, même avec beaucoup de bonne volonté entre ce qui a été prévu dans la loi, entre le conseil consultatif des textiles, entre le cabinet fédéral et tout cela, entre les preuves qui doivent être faites, par le temps que le gouvernement fédéral peut négocier avec des pays des accords acceptables, le mal est fait et demeure permanent. Alors, je n'ai pas eu de réponse à ma lettre. Nous allons reprendre la discussion avec M. Jamieson sous peu.

M. Morin: J'imagine que vous avez pris connaissance, je suis sûr que vous avez pris connaissance de l'étude qui a été rendue publique...

M. Saint-Pierre: Par l'Institut canadien des textiles?

M. Morin: ... en novembre dernier, dans laquelle on disait ceci... Non, c'est une étude onta-rienne. "An Ontario study indicates that the Federal Government has not taken full advantage of international agreements to prevent the erosion of the Canadian textile and clothing industry's share of the domestic market". Cela dit également: "Ottawa's policy of attempting to restrain disruption of the Canadian market by invoking provisions of the GATT has not halted a continuing decline in the Canadian share of the market". De sorte que le pourcentage avait baissé de 44% en deux ans, alors qu'il était de 70% en 1949 et de 53% en 1970.

C'est assez dramatique comme chute. Je vous signale un passage qui me paraissait particulièrement pointu. "Means for avoiding these disruptions are available under GATT", the study said, "but have not been fully utilized by the federal government to the detriment of the textile and apparel industry."

Quelle est l'attitude que vous avez prise là-dessus? Est-ce que vous étiez d'accord avec cette étude ontarienne?

M. Saint-Pierre: Oui. Elle donnait suite à des rencontres que nous avions eues au niveau des ministres de l'Industrie et du Commerce du Canada et des différentes provinces.

On fait état de l'article 4, je pense, de l'accord qui permet, lorsque l'industrie du textile d'une nation donnée est gravement menacée, d'invoquer — c'est 4 ou 3 — ...

M. Morin: N'importe quelle industrie qui est gravement menacée.

M. Saint-Pierre: Non, le textile. Il y a un accord particulier sur le textile...

M. Morin: Ah! Je comprends ce que vous...

M. Saint-Pierre: ... et, à l'intérieur de cet accord, il y a deux articles. Il y en a un, celui qui est utilisé généralement pour conclure les accords bilatéraux, et il y en a un autre qui permet de prendre une action unilatérale.

On avait supporté la position de l'Ontario dans ce dossier. Il y a seulement un élément que j'aimerais expliquer. Encore une fois, je souligne que des décisions récentes de M. Jamieson représentent un virage par rapport à ce que nous avions eu avant d'Ottawa, et ça nous inspire peut-être plus confiance. Un des points qu'il ne faut pas oublier, c'est que, dans la majorité de ces cas, cependant, pour l'industrie du textile, les pays qui ont pu causer des perturbations ne sont pas les pays d'Asie ou les pays comme le Japon ou Hong Kong.

M. Morin: Ce sont les Etats-Unis.

M. Saint-Pierre: Ce sont les Etats-Unis, la France, l'Autrice. Ce sont des pays industrialisés. Je ne fais pas une affirmation. Je pose une question. Se peut-il qu'Ottawa soit un peu hésitant puisque ces mêmes pays ont en général des façons... pourraient en général avoir des façons unilatérales, enfin, de répliquer à des mesures prises par Ottawa dans d'autres secteurs?

M. Morin: Parce que ça devient assez dramatique. Le ministre le sait. Je n'ai pas à lui apprendre ce qui se passe dans le textile.

Je voyais un commentaire dans la Gazette par un analyste que vous connaissez, qui est M. Alan Gray, et qui s'étonnait un peu de voir que c'était l'Ontario qui prenait avec acharnement la défense du textile, alors que Québec était certainement plus intéressé encore que l'Ontario, aussi bien en termes absolus qu'en termes relatifs, comme le soulignait ce commentateur.

Il nous apprenait, dans cet article, dans ce commentaire du 28 novembre 1975, qui était intitulé: "Quebec not upstaged by textile report", il nous disait que le Québec avait déjà tous les renseignements contenus dans le rapport, mais, néanmoins, on constate que c'est l'Ontario qui a fait les premiers pas. Mais...

M. Saint-Pierre: Je m'excuse. Je pourrais relever dans le dossier, avant cette rencontre, avant ce mémoire de l'Ontario... Il faut...

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: ... se rendre compte également, sans faire de politique partisane, que le gouvernement de l'Ontario, pour parler au gouvernement fédéral, est souvent obligé de parler par la voix des media, ce qu'on n'a pas à faire, nous, ici. Mais avant cette rencontre, si ma mémoire est précise, j'avais eu une rencontre d'une journée avec M. Gillespie, antérieure à celle-ci. Elle avait eu une certaine publicité. Je ne sais pas si M. Gray l'avait...

M. Morin: Non, il n'en fait pas état. Je me souviens effectivement de cette rencontre dont vous avez peut-être parlé en Chambre à l'occasion, oui.

Mais la conclusion de M. Gray était la suivante: If this situation continues, there will be lost employment, greater dependence on foreign marketing decisions and the basic industry may disappear.

Je crois qu'effectivement, on va atteindre bientôt le point de non-retour dans le domaine du textile. J'aimerais vous demander... Le temps avance. Peut-être reviendrai-je demain matin sur la question du textile, parce que j'avais beaucoup de questions.

M. Saint-Pierre: ... d'autres questions...

M. Morin: Mais je peux peut-être poser les suivantes ce soir: Est-ce que le Québec est prêt à

défendre des positions concrètes comme celles de l'Ontario, ou encore celles du comité sénatorial de la Commission canadienne du textile, comme, par exemple, les suivantes: Garanties à l'effet que l'industrie autochtone pourrait voir sa part du marché passer de 45% à 65% ou à 70%.

Cela a déjà été d'ailleurs un chiffre que nous avons connu dans le passé, vers la fin des années soixante, si ma mémoire est bonne, ou encore l'élargissement du nombre de produits nommés au contingentement, c'est-à-dire 15% au Canada par rapport à 70% aux Etats-Unis, des surtaxes au dumping — il paraît qu'il s'en fait aussi — et enfin, ce qu'on appelle le préenregistrement. C'est peut-être la mesure la plus anodine.

M. Saint-Pierre: La plus importante, cependant parce que c'est cela...

M. Morin: Pour savoir ce qui se passe.

M. Saint-Pierre: Pour savoir ce qui se passe.

M. Morin: D'accord.

M. Saint-Pierre: Et c'est ce qu'il y a de plus important pour nous.

M. Morin: Mais cela ne vous sert pas à grand-chose pour obtenir un résultat concret.

M. Saint-Pierre: Oui, mais là aussi, il y a un cercle vicieux. Si on ne sait pas ce qui se passe, il est assez difficile de suggérer ou de mettre de l'avant des mesures qui pourraient corriger la situation quand on ignore la situation.

La plupart des points que vous avez soulevés... D'ailleurs, dans le mémoire de l'Ontario, il n'y a rien de... Reprenez ma lettre à M. Jamieson. Il me semble qu'elle avait été déposée en Chambre. Il y a quand même des points très précis que nous lui recommandons en ce qui touche les filaments de polyester. Dans les autres discussions, il y a eu également des points très précis, mais fondamentalement, je pense qu'il y a deux points importants, soit une volonté du gouvernement fédéral de sauver l'industrie du textile canadienne et de peut-être cesser de considérer qu'elle n'a fait aucun effort pour se moderniser. Je pense qu'il y a peut-être là des préjugés qu'il nous faut surmonter. Deuxièmement, un meilleur mécanisme pour faire la surveillance des importations dans le secteur des textiles avant même qu'elles ne pénètrent au Canada. C'est la grande différence avec les Etats-Unis. Vous voulez, demain matin, envoyer du polyester du Canada aux Etats-Unis à $0.65 la livre. Ils ne vous refuseront pas. Ils vont simplement empêcher que la marchandise entre aux Etats-Unis et elle sera arrêtée dans le petit port de Rouses Point, de Montréal. On vous fera remplir une formule de 22 pages. On va dire qu'on envoie cela pour faire l'analyse et finalement, au bout d'un mois, quand vous n'avez pas obtenu toutes les réponses, vous vous découragez et vous gardez votre marchandise. Il n'y a personne qui peut se permettre de garder cela dans les bureaux de douane, alors qu'au Canada, elle entre à Montréal et elle est rendue chez Eaton, Simpsons, Morgan, Dupuis et elle est vendue à des consommateurs; huit mois après. Statistique Canada nous informe que les prix ont dégringolé dans le polyester de $1.37 à $0.65.

M. Morin: Les Américains savent se défendre.

M. Saint-Pierre: C'est cela. Alors, ce point, d'une façon très énergique, les fonctionnaires le poursuivent auprès des fonctionnaires d'Ottawa. Nous tentons de modifier cela.

M. Morin: J'ai encore des questions sur le textile, mais j'ai l'impression qu'elles vont peut-être trouver réponses dans les deux documents que le ministre a bien voulu me remettre.

Je proposerais, avec l'accord du ministre...

M. Saint-Pierre: Un point que j'aimerais ajouter sur le cas des textiles que M. Dinsmore...

M. Morin: Oui, je vous en prie.

M. Saint-Pierre: II y a également la création récente d'un comité par M. Jamieson pour étudier les mesures requises à court terme pour neutraliser les effets très dommageables des fluctuations importantes dans les importations, tant en quantité qu'en prix, tout le long de la chaîne de transformation. Et cela est un autre aspect très important qu'il ne faudrait pas négliger, c'est-à-dire que souvent, en tentant de protéger la fibre au Canada, on peut rendre la vie impossible à l'industrie du textile et en voulant protéger le textile, le tissu, on peut rendre la vie impossible à ceux qui sont dans le vêtement. Vous comprenez le point.

Ceux qui sont dans le vêtement... Si on empêche l'importation de textile, les intéressés se retrouvent dans I'impossibilité de faire la concurrence pour vendre leurs produits à l'étranger sur les marchés habituels et on remonte la chaîne. Donc, il faut avoir une nouvelle façon d'aborder la question qui tienne compte de ces trois-là. Et souvent, lorsque l'industrie de la fibre nous demande des mesures pour les protéger, l'industrie du textile a une attitude contraire en disant: Faites attention. Si vous les protégez trop...

M. Morin: ... le vêtement...

M. Saint-Pierre: Bien non. Il y a les tissus et après cela, le vêtement. Il y a la fibre, le tissu et le vêtement, ces trois secteurs ont des...

Alors, ce comité a trois sous-ministres du gouvernement fédéral; trois représentants de chacune des provinces, Québec, Ontario et Manitoba et six représentants de l'industrie. Les fibres, les textiles et les vêtements sont représentés. Les réunions sont déjà commencées. Il y a un échéancier prévoyant la remise d'un rapport à M. Jamieson à la fin de juin.

M. Morin: Serez-vous saisi de ce rapport, finalement, puisque vous aurez un représentant à ce

comité? Donc, automatiquement, vous serez tenu au courant.

M. Saint-Pierre: Nous avons un membre.

M. Morin: J'imagine que vous aurez un représentant à ce comité, donc automatiquement vous serez tenu au courant. Est-ce que ce rapport sera rendu public à l'époque?

M. Saint-Pierre: Cela va être effectivement l'initiative du fédéral pour sortir des conclusions.

M. Morin: Le ministre le déposera peut-être s'il est rendu public de façon à ce que nous l'ayons à notre disposition?

M. Saint-Pierre: Parfait.

M. Morin: M. le Président, de toute façon, je sais que nous devions ajourner dans quelques minutes à cause de la réception qui a lieu tout à l'heure, dans une demi-heure, est-ce que nous pourrions ajourner pour que je puisse, de toute façon, prendre connaissance des documents, ce soir ou cette nuit.

M. Saint-Pierre: Ce n'est pas à six heures la réception?

M. Morin: Je ne sais pas quelles instructions vous avez reçues, mais à six heures il y a une réception et je pense que l'idée était de pouvoir aller déposer nos papiers à nos bureaux et nous préparer pour cette réception qui a lieu à six heures. J'en fais la proposition. Cela me donnerait l'occasion de lire ces documents et de revenir là-dessus demain matin.

Le Président (M. Brisson): Est-ce que les membres sont d'accord pour qu'on ajourne à demain matin, dix heures?

M. Cadieux: Tantôt, le leader a parlé de deux commissions à 10 h 30. Les Revenus et notre commission. Est-ce que c'est 10 heures ou 10 h 30?

Le Président (M. Brisson): La nôtre est à 10 heures.

M. Cadieux: Parce qu'eux, c'est 10 h 30. C'est ce que j'ai compris.

M. Morin: M. le Président, je voudrais faire remarquer, en terminant, que de toute façon j'aurais pu souligner, cinq minutes après le début de la séance, que nous n'avions déjà plus quorum.

Le Président (M. Brisson): Ne soyez pas méchant.

M. Morin: Est-ce que je pourrais vous demander de faire en sorte que demain nous ayons quorum? Ce matin, c'était la même chose. Nous n'avions pas commencé depuis cinq minutes qu'il manquait déjà deux membres pour avoir le quorum. Je ne l'ai pas souligné parce que je ne veux pas entraver la marche de l'étude des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce, mais j'estime que ce n'est pas normal que cela se déroule de cette façon-là.

Je félicite les deux députés qui nous tiennent compagnie, mais ils sont conscients eux aussi qu'il y a plusieurs collègues qui manquent autour de la table.

M. Saint-Pierre: Vous aviez demandé des détails sur...

M. Morin: Je devrais le souligner, ce sont les députés de Matane et de Beauharnois qui sont présents.

M. Saint-Pierre: Et de Chambly.

M. Morin: Où est-il? Oui, cela va de soi. Le ministre.

M. Saint-Pierre: Vous avez demandé ce matin des détails sur les études qui avaient été faites et je vous donne copie des deux CT.

M. Morin: Oui, merci. Alors, j'examinerai cela également d'ici demain matin.

Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses travaux à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 17 h 23)

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