Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente
de l'industrie et du commerce,
du tourisme, de la chasse et de la pêche
Etude des crédits du ministère de
l'Industrie et du Commerce
Séance du mercredi 26 mai 1976 (Dix heures seize minutes)
M. Brisson (président de la commission permanente de
l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche):
A l'ordre, messieurs!
La commission se réunit afin d'étudier les crédits
budgétaires du ministère de l'Industrie et du Commerce. Je dois
vous signaler que M. Ostiguy (Verchères) remplace M. Lacroix
(Iles-de-la-Madeleine).
Discussion générale. Le ministre.
Exposé général du ministre, M.
Guy Saint-Pierre
M. Saint-Pierre: M. le Président, j'ai déjà
eu l'occasion, la semaine dernière, d'envoyer un document très
complet qui, je pense, tente de fournir le plus de détails possible aux
membres de la commission sur l'activité du ministère au cours des
douze derniers mois. Je déplore que le chef de l'Opposition officielle
ne l'ait pas reçu à son bureau. J'ai fait vérifier si M.
Lessard en a également reçu une copie et d'autres de
l'Opposition. J'ai presque la certitude que jeudi dernier, tous les membres de
la commission sans exception, ont reçu enfin, on leur a transmis,
dans une enveloppe l'ensemble de ce document qui permet de
résumer les activités du ministère.
Vous me permettrez au début de présenter mes
collaborateurs. A ma droite immédiate, M. John Dinsmore, sous-ministre
en titre au ministère de l'Industrie et du Commerce et à ma
gauche, M. Marcel Bergeron, sous-ministre adjoint, responsable de
l'administration et du secteur de la recherche et du développement.
D'autres sous-ministres adjoints viendront en cours de route se joindre
à nous, en particulier, M. Pierre Shooner qui n'est pas ici actuellement
qui s'est joint au ministère. Comme vous le savez, M. Jean
Labonté, qui était sous-ministre l'an dernier et qui est
maintenant président de la Société de développement
industriel a été remplacé par M. Shooner, mais l'autre
poste vacant sera comblé par M. Patrick Hyndman, qui a
représenté le Québec pendant nombre d'années
à la fois à Paris et à Dûsseldorf, et qui sera en
poste au ministère aux mois de juillet et août prochain comme
sous-ministre adjoint. M. Christian Latortue, à ma gauche, est
également directeur général de l'administration et a donc
une responsabilité particulière au niveau de la
préparation du budget. Je pense qu'en cours de route, alors que nous
aborderons certains des programmes, nous pourrons présenter d'autres
personnes, d'autres fonctionnaires du ministère qui donneront
peut-être une physionomie derrière des noms qui, à
l'occasion, peuvent survenir.
Vous me permettrez de vous souhaiter la bienvenue à cette
commission qui nous permettra de procéder ensemble à
l'étude des crédits de ce ministère à vocation
économique qui est un peu, puisque j'en suis le responsable au plan
ministériel, mon ministère. Ce ministère est, en
dépit d'une certaine malice qu'on affecte à répéter
la phrase publicitaire, celui de nombreux hommes d'affaires
québécois qu'il tente d'aider de façon très
générale par l'affectation, comme nous le verrons ici, de plus de
80% de ses ressources financières et humaines.
Mais le MIC est aussi, dans une bonne proportion, le ministère de
tous les Québécois tous ceux qui ont besoin d'information sur les
grandes données économiques, aussi bien que de ceux qui tirent
des bénéfices sociaux de l'exploitation équilibrée
de nos ressources: travailleurs, entrepreneurs, commerçants et
investisseurs, épargnants et actionnaires de divers types.
De fait, sur les 1325 fonctionnaires à l'oeuvre au sein de ce
ministère en 1975, près de 1100 ont été
affectés à des dossiers exclusivement reliés à
l'entreprise autochtone ou fortement axés sur le Québec. C'est le
cas des services réunis sous les programmes d'aide au
développement de l'entreprise, d'aide aux PME, des conseillers
industriels, des spécialistes en développement des ressources
humaines.
M. Morin: Le ministre aurait-il l'amabilité de nous
communiquer un exemplaire de son texte? Cela en faciliterait la
compréhension.
M. Saint-Pierre: Sûrement.
M. Morin: Nous pourrions suivre plus facilement. Merci.
M. Saint-Pierre: Des services entiers, tels ceux de la recherche,
le Bureau de la statistique, la direction des communications et les
responsables du programme d'éducation économique orientent leurs
activités à près de 100% vers l'intérieur du
Québec. Enfin, les services reliés à l'industrie des
pêcheries, l'aide au commerce, le bureau de normalisation et les
organismes rattachés au MIC, comme la SGF, la Société de
développement industriel, le Centre de recherches industrielles, la
Société du parc industriel de Bécancour et la
sidérurgie d'Etat, SIDBEC, ont une action orientée vers le
développement de la structure industrielle et la promotion des
francophones.
D'autres activités, par exemple celles des services
internationaux, sont un canal normal pour la prospection d'investissements
étrangers, mais je souligne une fois de plus que la fonction de
marketing des produits québécois à l'étranger et
celle des accords de fabrication sous licence travaillent quasi exclusivement
dans une perspective directement orientée sur le développement de
l'entreprise autochtone.
Je voudrais, dans cette brève introduction, demander la
collaboration des députés réunis autour de cette table
pour que la discussion se poursuive selon un ordre qui est celui des
programmes
du ministère, afin d'éviter, autant que possible, de
mobiliser à la fois tous les fonctionnaires responsables des divers
services.
Je suis disposé, pour ma part, à mettre à la
disposition de chacun tous les documents qui peuvent éclairer notre
travail, même si nous devons faire imprimer certains des documents pour
fins de distribution. Je crois que, par les années passées, nous
avons affiché, sur ce plan, une attitude d'ouverture à laquelle
nous ne voulons rien changer.
Permettez-moi de dire ici, brièvement, dans quelle direction le
ministère de l'Industrie et du Commerce a orienté son action en
1975/76. Nous avons tenté, durant cette année, de poursuivre
notre travail en fonction d'une stratégie industrielle réelle,
même si cette stratégie n'a jamais été
exprimée formellement dans ses moindres détails.
Notre stratégie se résume à deux grands axes que
j'ai déjà mentionnés précédemment: la
transformation de notre structure industrielle et une présence accrue
des Québécois dans notre vie économique.
Pour assurer le premier volet de cette proposition, il faut
procéder à l'intégration de notre économie
industrielle. Nous avons donc mis en place divers programmes qui visent
à intégrer l'entreprise étrangère à notre
économie, tout en posant plusieurs gestes vers l'ouverture de tous les
milieux économiques aux francophones.
En même temps, nous avons poursuivi divers travaux qui visent
à susciter un développement plus équilibré de
l'entreprise autochtone. L'aide accrue que le gouvernement a donnée
à plusieurs sociétés d'Etat, oeuvrant dans le secteur
économique, telles la SGF, SIDBEC, SDI, SOQUIA, SOQUEM, SOQUIP, etc.,
est une dimension importante visant à atteindre cet objectif.
L'autre volet est celui de la transformation de notre structure
industrielle. L'élimination de la désarticulation
économique se traduit par la recherche de l'intégration, mais il
existe également deux autres aspects fondamentaux à cette
transformation de structures. Le premier est la modernisation des secteurs
industriels et le déplacement progressif de l'industrie vers les
secteurs de pointe et le second est le rétablissement d'un
équilibre régional.
Or, dans tous nos programmes, nous avons graduellement mis en place une
coordination de ces divers éléments qui sont l'armature d'une
stratégie industrielle. Je donnerai tantôt quelques illustrations
concrètes de cette affirmation. Auparavant, je voudrais cependant
rappeler que, dans la poursuite de nos objectifs, nous ne voulons rejeter aucun
moyen de les atteindre pour des raisons dogmatiques.
Ainsi, dans l'année achevée, nous avons tenté
d'établir une politique cohérente face aux investissements
étrangers. Cette politique qui se veut une politique d'ouverture nous
apparaît en concordance réelle avec les objectifs et les besoins
économiques du Québec.
Notre position d'ouverture aux investissements étrangers est
conçue dans une perspective macro-économique actuelle qui tient
compte de la réalité internationale. Le présent n'est
toujours que le point de rencontre entre l'avenir et le passé. Il va de
soi que, dans l'établissement de nos objectifs pour l'avenir, nous ne
pouvons éliminer la réalité actuelle et que nous devons
travailler à partir de cette réalité où pèse
nécessairement l'héritage du passé.
La réalité actuelle en matière d'investissement
international est celle d'une grande mobilité des capitaux. Même
les capitaux québécois ou canadiens se répartissent dans
le monde en fonction de la rentabilité d'investissements et le
Québec contrôle au moins deux grandes sociétés
américaines dites multinationales par le biais de la Caisse de
dépôt et de placement. De fait, dans quelques années, le
problème qui a déjà évolué en ce sens ne
sera plus celui des investissements américains ou des investissements
étrangers au Québec ou au Canada, mais celui des investissements
canadiens et québécois à l'étranger et aux
Etats-Unis en particulier.
D'autre part, des évaluations récentes comme celles de
l'économiste Galbraith signalent qu'il est inévitable d'assister
à la multiplication des entreprises internationales, lesquelles ne font
qu appliquer au plan de la pratique économique un certain mondialisme
qui est une aspiration constante au niveau politique, mais qui sur ce dernier
plan devra peut-être attendre de grands bouleversements, peut-être
violents, avant d'avoir la bénédiction des gouvernements
actuels.
Ce mondialisme ou cet universalisme est apparu depuis quelques
siècles comme une tendance constante de la pensée des philosophes
les plus visionnaires et il est pensable que notre siècle en voit des
manifestations plus concrètes.
En attendant, la mondialisation du commerce et des transferts de
capitaux de technologie et de biens est un fait acquis et la structure
internationale de l'entreprise est une réalité dont le
Québec voudra profiter largement dès qu'il possédera ses
propres entreprises internationales, ce qui devrait se produire à moyen
terme.
Dans cette perspective, nous avons estimé illogique de fermer la
porte du Québec à l'entreprise étrangère. Il reste,
cependant, que nous avons établi un cadre rigide à
l'investissement étranger et que, malgré notre position non
doctrinaire sur la présence de l'Etat dans l'économie, la plupart
des grands projets actuels impliquent directement l'Etat
québécois, lorsqu'il y a d'importants partenaires
étrangers.
Au sujet de l'étatisme qui apparaît encore comme une
panacée aux yeux de nombre de théoriciens de l'économie
québécoise, je souligne de nouveau que notre gouvernement au
Québec n'a pas un remède universel à nos problèmes
de structure. Néanmoins, ce gouvernement est, en dépit de
certaines réserves, celui qui a investi le plus dans les entreprises
d'Etat depuis des décennies. De fait, jamais aucun gouvernement
québécois n'a consacré autant d'argent à des
projets majeurs dont ses propres filiales sont les maîtres d oeuvre que
l'actuel gouvernement.
Ce gouvernement investit, pour prendre un cas d'espèce, dans la
Société générale de financement, des sommes de $70
millions en trois ans, ce qui est de beaucoup plus que la société
avait reçu auparavant, en neuf ans d'existence. Il a également
consenti des investissements substantiels tant à la SDI que dans le
projet de SIDBEC où nous avons autorisé, avec l'assentiment de
l'Assemblée nationale, des déboursés de plus de $140
millions, il y a déjà quelques semaines. Tout cela m'amène
à demander que l'on envisage avec rigueur l'activité et les
positions de ce gouvernement, car s'il refuse I'étatisme comme dogme,
paradoxalement, il l'a favorisé comme jamais auparavant aucun autre
gouvernement, et cela, parce que les activités de ce type, dans une
perspective favorable à l'économie mixte et où
l'entrepreneur a toujours et plus que jamais sa place, nous avons jugé
essentiel de suppléer à certaines carences de
l'économie.
Notre attitude sur ce plan n'a pas changé et ne changera pas.
J'aimerais également aborder ici ce qui est devenu un mythe populaire,
c'est le mythe de la subvention incohérente visant essentiellement la
grande entreprise multinationale. Je rappelle donc qu'en dépit de
certaines subventions accordées à de telles entreprises, notre
politique reste toujours sélective et que nous offrons au total beaucoup
plus d'aide à l'entreprise autochtone qu'à l'entreprise
multinationale, même si, comme le soulignait M. Laurent Laplante dans un
article sur la structure industrielle de l'Ontario, ce sont les multinationales
qui ont les installations les plus avancées dans les secteurs de pointe
et que ce sont elles qui offrent les meilleurs salaires. Par exemple, la
Société de développement industriel, qui regroupe
actuellement tous les programmes gouvernementaux de subventions a offert 68% de
ses prêts, 50% de ses prises en charge d'intérêts, et 73% de
ses dépenses consacrées à l'achat de capital-actions
à des entreprises québécoises. Il s'agit là de
proportions basées sur les sommes dépensées en 1975/76, et
non pas du nombre de dossiers traités.
En outre, parmi les entreprises considérées comme non
québécoises, seulement 10% des entreprises aidées ne sont
pas canadiennes. De plus, dans quelques cas d'entreprises
étrangères, la SDI est devenue un actionnaire important de
l'entreprise, généralement dans un secteur à forte
productivité où nous trouvons de nouveaux marchés pour
notre compétence et nos ressources développées en
l'occurence à un degré très élevé de
transformation.
Finalement, notre alliance avec l'entreprise étrangère a
souvent pris la forme de tentatives de remplacer ce qui était auparavant
des importations pour le marché québécois par la
création d'emplois ici même, au Québec, nous permettant,
dans un second temps, d'exporter une partie de nos possibilités, de
notre savoir-faire à l'étranger.
Je ne rappelle pas ici les progrès accomplis dans ce secteur par
la Société générale de financement. Nous venons en
effet de compulser les documents propres à cette entreprise. Mais je
souligne que les organismes rattachés au MIC ont donné leur coup
de pouce à notre économie en 1975/76.
Le Centre de recherches industrielles, de son côté, a
complété sa réorganisation en 1975, et il a
commencé à recourir à la publicité pour offrir aux
entrepreneurs québécois ses services qui, je le crois, peuvent
être et sont précieux.
Le CRIQ a déjà à son actif des réalisations
intéressantes.
Je pense, par exemple, à cette entreprise, Les Céramiques
de Beauce, où le CRIQ a contribué largement à
développer les procédés de fabrication et d'organisation
de production, tandis que la SDI fournissait son aide à la
reconstruction de cette usine sur des bases nouvelles après l'incendie
qui l'avait ravagée il y a trois ans.
Voilà un exemple de l'aide que nous sommes désormais en
mesure d'offrir à l'entreprise québécoise. Nous l'aidons
dans son développement technologique et dans son établissement,
nous l'aidons ensuite dans sa recherche de marchés extérieurs par
nos bureaux à l'étranger et les systèmes divers de
missions d'acheteurs et de représentants.
Nous sommes à préparer la version définitive de
notre programme "Action-croissance" dont la mise en marche se fera
prochainement. Ce programme désignera, selon des critères
très stricts, 100 ou 150 entreprises, des PME québécoises
auxquelles le MIC offrira en priorité tous les types de services qu'il
possède en échange d'un engagement de l'entreprise à
réinvestir ses profits et à se plier à un certain nombre
de conditions répondant à nos orientations
générales.
D'autre part, l'année écoulée nous a permis de
favoriser le développement des pêches rnaritimes en poursuivant et
en intensifiant les divers types d'action que nous définirons plus tard.
Pour l'Est du Québec, je souligne que le projet de cale sèche des
Méchins est en voie de réalisation et que, dans une région
plus immédiate, le projet de Cabano, dont on parle moins, maintenant
qu'il est en bonne voie, semble augurer d'un développement d'un type
nouveau que nous allons répéter quand l'occasion s'en
présentera.
Au nombre des projets industriels qui ont fait l'objet de discussions
publiques durant l'année écoulée, je ne peux passer sous
silence ceux de Donohue, de l'aluminerie et de Tricofil.
Dans le premier cas, nous avons assisté, récemment, au
démarrage d'un projet moteur important impliquant des sommes de plus de
$300 millions et offrant un nombre important d'emplois nouveaux dans la
région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, grâce à l'utiiisation
rationnelle d'une importante ressource renouvelable, la forêt
Inutile d'aller plus loin puisque, encore hier soir, nous étions
avec les cadres de la SGF dans une discussion détaillée du projet
de Donohue, mais on ne saurait minimiser, comme je l'ai d'ailleurs
souligné dans le débat de deuxième lecture, les efforts
nombreux et complexes pour mettre en place de tels projets qui sont à
une échelle mondiale et qui doivent répondre à des
critères de rentabilité très stricts.
Dans celui de l'aluminerie qui a fait l'objet de
longues discussions à cette même table l'an dernier, je
rappelle que le gouvernement a toujours pris en considération les
opinions qu'il a demandées à ses spécialistes et qu'il a
constamment adapté ses plans aux évidences pertinentes
émanant des études approfondies.
Je souligne enfin que, quand nous envisageons de tels projets, nous
prévoyons, infailliblement, que le Québec retire de leur mise en
oeuvre plus de profits qu'il n'investit d'argent sous quelque forme que ce
soit.
Le projet d'aluminerie n'est pas mort. Nous attendons des
développements pour bientôt, mais nous attendrons cette fois
d'avoir en main une synthèse approfondie et rigoureuse de tous les
éléments fort nombreux qui sont pertinents au dossier avant de le
discuter publiquement.
Il reste que nous sommes aussi convaincus que les citoyens de la
nécessité de protéger notre environnement, tout en
développant une économie dont la structure industrielle affiche
une faiblesse chronique et intolérable.
Sur le projet d'aluminerie, il est peut-être nécessaire
d'indiquer que, depuis l'an dernier, l'industrie mondiale de l'aluminium et de
ses produits dérivés a atteint un creux en termes de faiblesse de
demandes ou de prix, non pas en termes de prix plus bas, mais l'ascension
croissante des prix des dernières années s'est
stabilisée.
De nombreuses études parues dans des revues
spécialisées dont Fortune et nombre d'autres revues encore plus
spécialisées ont démontré les besoins de tendance
à long terme et le raffermissement évident des structures de
prix, ce qui nous permettrait d'obtenir peut-être ici, dans la
région de Québec, des prix de revient inférieurs aux prix
du marché.
Comme je l'ai mentionné, nous avons poursuivi, au cours des douze
derniers mois, des études détaillées, tant sut
l'évolution de la demande que sur l'évolution des prix, de
même qu'une étude particulière sur un site de localisation
dans la région du Québec métropolitain.
Nous croyons fermement que le secteur de l'aluminium et des
études au ministère l'ont confirmé récemment
est un secteur à développer au Québec, bien sûr,
avec un maximum de transformation.
D'ailleurs nous avons toujours refusé même d'aborder ou
d'analyser sommairement des projets d'aluminerie qui n'impliquaient pas, au
cours des dernières années, des transformations poussées
en produits finis ou semi-finis ici même au Québec et nous
examinons constamment ces éléments dans le dossier d'aluminerie.
Comme je l'ai mentionné, au cours des prochains mois, nous aurons en
main tous les éléments des études qui ont
été entreprises au cours de la dernière année, qui
nous permettront de reprendre en particulier la question du prix de
l'énergie. La position concurrentielle du Québec a
évolué au cours des derniers mois vis-à-vis d'autres
régions et il importe de bien en saisir les dimensions pour ne pas avoir
une attitude dogmatique qui nous ferait oublier ou qui nous empêcherait
de saisir une occa- sion quand même un peu exceptionnelle d'apporter
à la région de Québec un projet moteur. Ceci dit, bien
sûr, il n'est nullement question d acheter des projets industriels, si
intéressants soient-ils, et nous aborderons le dossier avec le plus de
jugement et le plus d'esprit critique possible.
Nous avons consacré argent et recherches à cet aspect,
tant à Saint-Félicien, que dans le projet d'aluminerie et nous
nous assurons toujours de ne pas sacrifier indûment les richesses dont le
temps affirme sans cesse l'irremplaçable valeur.
Pour ce qui est de Tricofil, je tiens à souligner que
malgré les réserves exprimées auparavant dans ce dossier,
le gouvernement du Québec y a toujours collaboré plus que
quiconque sauf les travailleurs eux-mêmes qui ont investi toute leur
vie.
Ce dernier aspect, évidemment, est difficilement monnayable, mais
pour ce qui est de fonds, compte tenu de la portée de cette
expérience et des appuis qu'elle a recueillis, je rappelle que le
gouvernement du Québec a consacré près de $250 000 en
études et subventions à ce projet, qu'il est le seul à y
avoir investi, sous forme de capital-actions à intérêt
différé, une comme de plus de $300 000.
De plus, le gouvernement du Québec, tout en étant le plus
important actionnaire de Tricofil par son investissement, demeure le partenaire
dont les mises de fonds offre de loin le moins de garanties. C'est
peut-être normal, mais il me semble que l'on pourrait néanmoins
reconnaître, une fois pour toutes, que nous n'avons pas boudé
Tricofii et que sans la participation du gouvernement du Québec,
Tricofil ne fonctionnerait sans doute pas à l'heure actuelle. Ceci dit,
je suis heureux que d'autres institutions aient offert leur participation
à cette entreprise et je rappelle qu'elles l'ont fait dans une
perspective de participation avec le gouvernement du Québec.
Je mentionne en particulier deux entreprises, la SID du mouvement
Desjardins et la Banque de Nouvelle-Ecosse qui, au niveau des prêts
bancaires, ont apporté un élément très important
dans l'évolution de ce dossier. Il est d'aillerus indubitable que nombre
de facteurs qui manquaient au dossier, Iors de notre refus
précédent d'ajouter financièrement à Tricofil, ont
été substantiellement modifiés et que dans cette situation
nouvelle, nous avons pu répondre à nos engagements
antérieurs et transformer notre prêt en capital-actions avec
intérêt différé. Je souhaite plein succès
à Tricofil et ses travailleurs et pour autant que le projet demeure
toujours dans l'orientation qu'il prend actuellement, je pense qu'il est
possible de voir, pour les travailleurs qui ont montré à la fois
beaucoup de détermination et de patience, le succès au cours des
prochains mois.
Loin de moi l'idée de régler ici le sort du Québec,
mais je voudrais en terminant souligner qu'en dépit des combats
statistiques qui se tiennent régulièrement face à
l'opinion, nous avons au MIC la ferme conviction que des améliorations
sensibles se produisent dans l'ensemble de notre climat économique et
ce, en dépit de très sérieux pro-
blèmes qui touchent le Québec comme toute la
planète.
Nous travaillons donc avec un certain optimisme et il existe, au sein de
l'ensemble de nos services, un excellent esprit de travail, un dynamisme
réel qui est pour le ministre en titre une raison de plus d'affirmer sa
conviction face à cette tâche essentielle et urgente qu'est la
prise en main de notre économie, son progrès
accéléré selon les grandes lignes de stratégie que
j'exprimais plus tôt. Les choix économiques sont difficiles et
leur traduction dans la réalité demande de la délicatesse
et du dévouement, de la sincérité aussi.
Je trouve ces qualités abondamment chez mes collaborateurs du MIC
et des organismes rattachés et je tiens à les remercier de
consacrer le meilleur d'eux-mêmes à une tâche qui est
essentielle à l'évolution harmonieuse du Québec.
Commentaires du chef de l'Opposition M. Jacques-Yvan
Morin
NI. Morin: M. le Président, devant la situation
économique extrêmement difficile dans laquelle nous nous
débattons actuellement, vous ne vous étonnerez pas sans doute que
je veuille profiter de l'occasion qui m'est donnée pour vous entretenir,
tout d'abord, de la conjoncture économique et, ensuite, de la
nécessité où nous nous trouvons de relancer
l'économie du Québec, non seulement par une série de
mesures plus ou moins discontinues et interreliées, mais sur le
fondement d'un nouveau modèle économique.
Vous avez entendu comme moi, M. le Président, la réponse
que le premier ministre Bourassa tente constamment de donner, en Chambre ou
à l'extérieur, à ceux qui, nombreux, lui reprochent son
inaction dans le domaine économique. Le Québec, dit-il souvent,
traverse l'une des crises les plus graves de son histoire. C'est vrai
ajoute-t-il, les choses vont particulièrement mal en cette année
1976. mais c'est la même chose partout, ajoute-t-il et le Québec
devrait se compter chanceux puisque toute proportion gardée, ça
va moins mal ici qu'ailleurs. Au temps où les choses allaient bien
partout, il nous disait piutôt que ça allait mieux ici
qu'ailleurs. Je suis sûr, étant donné que vous êtes
souvent présent en Chambre, M. le Président, que vous aurez
reconnu ces propos que l'on entend régulièrement, comme des
variations sur un même thème, tant dans la bouche du premier
ministre d'ailleurs qu'à l'occasion, dans celles du ministre des
Finances et du ministre de l'Industrie et du Commerce.
Je voudrais commencer par établir ce matin, avec chiffres
à l'appui, que ce message est inexact; il est faux.
A mon avis, c'est vouloir tromper la population que de prétendre
que, depuis 1970, le Québec a mieux fait, s'est mieux comporté
sur le plan économique que l'ensemble des autres provinces ou de
l'économie canadienne.
Toutes les statistiques disponibles et j'ai eu l'occasion encore
récemment, lors du discours du budget, de les faire vérifier
à nouveau démontrent que, les choses allaient bien
partout, de 1970 à 1974, en particulier, les choses allaient moins bien
au Québec que dans le reste du Canada. Et lorsque les choses se sont
mises à aller mal partout, à compter de 1974, la situation s'est
détériorée plus fortement au Québec que dans le
reste du Canada.
Cette réalité, aucun beau discours ne peut la faire
oublier. Elle exige plus que des mesures ponctuelles ou de bonnes intentions.
Elle nécessite, à notre avis, un nouveau modèle de
développement. Toutefois, avant de décrire ce modèle de
développement, j'aimerais considérer, comme le ministre le fait
d'habitude en fin d'année, les principaux indicateurs économiques
portant sur les dernières années.
Commençons par l'emploi. Nous verrons jusqu'à quel point
les réalisations si l'on peut employer ce mot ont
été désastreuses, et à quel point les slogans
ronflants au début, ont fait place, dans la réalité,
à la pire performance de toutes les régions canadiennes.
En effet, toute proportion gardée, c'est au Québec qu'on
observe, depuis 1970, la plus faible création d'emplois. Par exemple, de
1970 à 1975, le nombre de personnes ayant un emploi a augmenté de
18,1% pour l'ensemble du Canada, tandis que pour les différentes
régions ou provinces, on peut observer les résultats suivants:
...
M. Saint-Pierre: Quelle était la période?
M. Morin: De 1970 à 1975.
M. Saint-Pierre: L'année 1970?
M. Morin: En prenant l'année 1970 comme point de
référence et jusqu'à 1975.
M. Saint-Pierre: L'année 1975 inclusivement ou
exclusivement?
M. Morin: Dans ce cas-ci, c'est inclusivement. Ce sont les
chiffres... L'année 1970, je le répète, est prise comme
point de référence. En réalité, il s'agit donc des
taux qu'on peut observer depuis 1971. Cela rappellera au ministre de
l'Industrie et du Commerce la petite querelle que j'ai eue en Chambre, avec le
premier ministre, sur la portée exacte de ces statistiques.
On observe donc les résultats suivants pour les
différentes régions ou provinces: Pour la Colombie-Britannique,
26,8%; en Ontario, le taux d'augmentation a été de 19,5%; dans
les Maritimes, il a été de 16,1%; pour les provinces des Prairies
de 15,8% et enfin, au Québec, de 14,8%. C'est dire que, comparé
aux autres régions du Canada, c'est le Québec qui a le moins,
bien fait, depuis 1970, en termes de création de nouveaux emplois.
Je mets quiconque au défi de contester ces chiffres. Je les ai
fait vérifier à plusieurs reprises et je suis prêt à
les défendre. En chiffres absolus car ces pourcentages peuvent
paraître quelque peu abstraits la performance
québécoise est tout aussi insatisfaisante, puisqu'il ne s'est
créé, en moyenne, chaque année, au Québec
qu'à peine 64 000 nouveaux emplois. Pendant cette pé-
riode l'Ontario en créait, en moyenne, 117 000, par
année.
Dans ces circonstances, il ne faut pas s'étonner que non
seulement le taux de chômage québécois se soit maintenu
à un niveau supérieur de 30% par rapport au taux canadien, mais
que l'écart ait augmenté, par rapport à la période
1965-1970, dominée, vous le savez, par le gouvernement de l'Union
Nationale. Notre situation s'est donc dégradée par rapport aux
autres provinces et il va sans dire que l'écart avec l'Ontario qui est
notre principal concurrent économique, est encore plus
élevé, puisqu'il a atteint, pendant cette période,
65%.
M. Saint-Pierre: L'écart de...
M. Morin: L'écart dans l'augmentation de la
création d'emplois.
M. Saint-Pierre: Vous admettez que pour la...
M. Morin: M. le Président, puis-je demander au ministre de
me donner la réplique par la suite, s'il le désire? Je n'ai
aucune objection à ce qu'il apporte des corrections à mes
chiffres, s'il les estime erronés.
M. Cadieux: Est-ce qu'on peut avoir une copie de votre texte?
M. Saint-Pierre: Est-ce qu'on peut avoir une copie de votre
texte?
M. Morin: M. le Président, il s'agit de notes
éparses. Je n'ai pas l'avantage d'avoir à ma disposition, comme
le ministre, tout un ministère pour me rédiger les textes. J'ai
des notes éparses que j'essaie de rassembler ce matin. Si vous
n'êtes pas d'accord avec mes chiffres, vous aurez tout le loisir
d'apporter votre opinion là-dessus.
M. Côté: Le ministre de l'Industrie et du Commerce
fait exactement ce que vous faites en Chambre quotodiennement.
M. Morin: Le résultat de tout cela, M. le
Président...
M. Cadieux: Est-ce qu'on peut avoir une copie des chiffres du
chef de l'Opposition et des notes du chef de l'Opposition?
M. Morin: M. le Président.. Une Voix: ... conseil
central.
M. Morin: ... je viens d'expliquer que je parle à partir
de notes éparses...
M. Cadieux: Vous avez des chiffres tout de même.
M. Morin: ... et de chiffres dont certains ont été
vérifiés ce matin même. Donc, je n'ai pas de texte,
à proprement parler, je n'ai que des notes.
M. Cadieux: Est-ce qu'on peut avoir une copie des notes?
M. Morin: Ce serait nouveau, M. le Président, que, dans
une commission, l'Opposition distribue un texte aux membres de la commission.
Nous n'en avons pas.
M. Cadieux: M. le Président, vous comprendrez que,
lorsqu'il donne des chiffres ou des dates, le ministre a le droit de
vérifier et de demander, s'il a mal compris ou si cela a
été mal prononcé, quelles dates et quels chiffres le
député vient de donner pour pouvoir ensuite donner la
réplique. S'il ne veut pas nous confier ses chiffres, ses notes, on va
être obligé de lui poser des questions.
M. Morin: M. le Président, il y aura, par la suite, un
débat qui durera sûrement quelques heures, en commission, sur tous
ces chiffres. Je mets...
M. Cadieux: S'il ne les comprend pas, s'il ne les entend pas.
M. Morin: ... le député au défi. Qu'il
prenne des notes! Je le mets au défi de contester ces chiffres par la
suite, s'il y comprend quelque chose.
M. Cadieux: On ne vous entend pas, on vous comprend mal.
M. Morin: M. le Président, j'attire votre attention sur le
fait que la tradition veut qu'à la suite de l'exposé du ministre,
l'Opposition ait tout le temps requis pour faire son propre exposé sur
la situation économique du Québec, sans être
interrompue.
M. Cadieux: ... quand on voudra.
M. Morin: Le résultat est que la position du Québec
s'est fortement détériorée. En avril 1975, le
Québec comptait 70 000 chômeurs de plus qu'en avril 1970. C'est
dire que, pendant les cinq années de gouvernement libéral, le
nombre de nouveaux emplois a été inférieur de 70 000 au
nombre des nouveaux arrivants sur le marché du travail.
En d'autres mots, depuis 1970, le chômage a augmenté de
35%, alors que la main-d'oeuvre n'augmentait que de 15%.
Enfin, contrairement à ce qu'affirme quelquefois le premier
ministre, le chômage excessif du Québec ne découle pas d'un
taux supérieur de participation de la main-d'oeuvre au Québec,
puisque le taux québécois, qui est de 57,2%, se maintient
à un niveau constamment inférieur au taux canadien, qui est de
58,8%.
On ne m'en voudra pas de mentionner un grand nombre de statistiques.
C'est la seule façon de bien comprendre la situation. C'est la seule
façon de porter un diagnostic sur la situation existante et donc de
déterminer les remèdes qu'il faudra par la suite appliquer, si
l'on veut redresser
cette situation.
Sur le plan des prix, la situation, loin de s'améliorer par
rapport au reste du Canada, s'est également
détériorée. Alors que, traditionnellement, le taux
d'inflation québécois avait toujours été
inférieur au taux canadien, pour la première fois, au cours des
années 1974 et 1975, le taux d'inflation a été plus
élevé au Québec qu'ailleurs. A titre d'exemple, prenons
l'année 1971, pour un taux canadien de 3%, on observait un taux
québécois de 2%. En 1974, l'inflation au Québec
était de 11,1%, comparativement à 10,8% au Canada.
Je pourrais, de la sorte, passer en revue, la plupart des grands
indicateurs économiques des dernières années. Jetons un
coup d'oeil sur le taux composé de croissance annuelle moyenne pour les
cinq dernières années, en comparant les résultats obtenus
par le Québec avec ceux du Canada. Pour ce qui est du produit national
brut, le Québec obtient un taux composé de 12,1%, alors que le
Canada obtient 12,6%. Pour ce qui est du revenu personnel...
M. Saint-Pierre: Je voudrais bien...
M. Morin: Non. M. le Président, le ministre aura tout le
loisir d'expliquer par la suite comment il arrive à des résultats
différents des miens. Je serais bien intéressé à la
chose.
M. Saint-Pierre: D'accord.
M. Morin: Je signale au ministre que les chiffres que je lui
donne incluent 1971. S'il les compare avec des chiffres qui n'incluent pas
1971, il ne serait pas étonnant qu'il arrive à des
résultats différents, mais je crois qu'on doit inclure
l'année 1971 dans cette évaluation de la performance
économique du Québec.
Pour le revenu personnel, le chiffre a été de 13,5% au
Québec, contre 13,9% au Canada. Dans les immobilisation, voici enfin un
résultat qui semble, du moins à première vue, favorable au
Québec, puisque le pourcentage a été de 21,2%, au
Québec contre 16,4% au Canada. Pour l'emploi, le résultat donne
2,7% au Québec, contre 3,5% au Canada.
En somme, trois des quatre principaux indicateurs indiquent une
croissance inférieure au Québec. Le seul qui fasse exception est
celui qui conserve les immobilisations, et encore, faut-il souligner que,
malgré ce rattrapage, le Québec continue d'obtenir une part des
investissements canadiens qui est chroniquement inférieure à sa
part dans la population du Canada, puisque la part québécoise est
de 22% au cours des cinq dernières années, alors que nous
comptons 28% de la population du Canada.
Je reviens brièvement au domaine des investissements. Dans le
domaine manufacturier, en particulier, l'année 1975 a été
particulièrement désastreuse. Alors qu'en Ontario, les
investissements manufacturiers augmentaient de 38%, ceux qui ont
été réalisés au Québec diminuaient de 0,6%.
Pour 1976, j'ai fait relever récemment les tout derniers
résultats; II s'agit d'ailleurs des prévisions qui ont
été données par le ministre je crois.
Alors que, dans l'ensemble du Canada, on prévoit une augmentation
de 5,8% et que l'Ontario connaîtra, toujours selon les prévisions,
une augmentation de l'ordre de 14,3%, le Québec, lui, connaîtra
une diminution de 7,1%. Si on exprime cela en termes réels, en termes
d'emplois créés, par exemple, il s'agit d'une diminution qui,
certainement, dépassera de beaucoup ces 7%. Peut-être serons-nous
devant une diminution de l'ordre de 15% ou 20%.
Sur le plan du développement régional et de la
réduction des écarts régionaux, les progrès ont
été sporadiques. C'est le moins qu'on puisse dire. La
région du Lac-Saint-Jean a attendu une dizaine d'années que se
réalise le projet de papeterie Nous sommes sur le point d'aboutir
peut-être et nous nous en réjouissons. Mais la Gaspésie
attend toujours un nouveau projet industrie! d'envergure. Le Bas-du-Fleuve
attend son superport de transbordement. L'Estrie attend une politique de
développement autochtone de l'amiante, pour ne citer que ces
régions, bien sûr.
Quant à la structure industrielle du Québec, que l'on
qualifie généralement de traditionnelle, qui est en voie de
vieillissement, elle n'a guère évolué depuis les cinq
dernières années. Les projets industriels dans les domaines
à haute technologie, qu'il s'agisse du secteur pétrochimique, de
l'industrie d'équipement nucléaire, de i'informati-que, se font
toujours rarissimes.
Enfin, l'année 1970 a marqué le début d'une
période prolongée et continue de très faible croissance
démographique, et j'estime que cela non seulement est sûrement
causé par la situation économique, mais en outre cela a des
conséquences pour l'avenir économique du Québec. Alors
que, dans les autres provinces, la population augmentait de près de 9%
au cours de cette période qui va de 1970 à 1975, celle du
Guébec augmentait de moins de 3%. Le changement dans les
mentalités, une politique familiale peu imaginative je souligne
en passant I'absence d'allocations à !a naissance, l'absence de
garderies, l'absence de programmes d'aide à la femme au foyer
sont sûrement largement responsables de cette situation.
Ce ralentissement de la croissance démographique a d'ailleurs
fourni l'occasion au premier ministre de jongler à nouveau avec les
chiffres et d'affirmer que le Quebec avait connu, au cours des dernières
années, une croissance du revenu personnel par habitant
supérieure à celle des autres provinces. Une telle conclusion est
fort trompeuse, M. le Président. A défaut de pouvoir s'attribuer
de véritables succès en matière de développement
économique, M. Bourassa s'attribue de fausses victoires. La preuve en
est qu'à croissance démographique égale au reste du
Canada, le Québec aurait connu un taux de croissance du revenu par
habitant inférieur à la moyenne canadienne.
M. Saint-Pierre: C'est évident.
M. Morin: M. le Président... Je sais que c'est
évident, mais il faudrait que le premier ministre ait
l'honnêteté de le reconnaître et de le dire, et non
pas de tourner les chiffres à l'envers pour les accommoder à sa
sauce.
M. Saint-Pierre: ... et de parler...
M. Morin: M. le Président...
M. Saint-Pierre: Monsieur...
M. Morin: ... j'insiste sur la nécessité...
M. Saint-Pierre: Bien...
M. Morin: ... d'attendre que j'aie terminé mon
exposé avant que le ministre puisse intervenir...
M. Côté: Vous aviez un bon début seulement
avec des notes...
M. Morin: ... parce que tout se tient. Il aura l'occasion de
constater, dans la suite de mes propos, que j'apporte des nuances à
cela. Quelquefois aussi la situation est plus grave qu'il ne veut bien le
reconnaître.
En réalité, si l'on considère les chiffres globaux,
on s'aperçoit que la position réelle du Québec est en
pleine régression. Par exemple, au début des années
soixante, la part du Québec dans le revenu personnel au Canada se
situait autour de 26%. Or, en 1973, elle était déjà
tombée à 24,8%. Cela signifie que l'importance économique
du Québec décroît rapidement, par rapport au reste du
Canada.
Pour corriger cette situation, le gouvernement Bourassa n'a eu pendant
longtemps qu'une seule politique, qui était celie de la porte ouverte
aux entreprises étrangères. On se rendait à New York
on se rend encore à New York à l'occasion, pour
garantir aux Américains que l'on traitera exactement sur le même
pied le capital étranger et le capital québécois. On
s'opposera même à la mise en oeuvre de la nouvelle loi
fédérale sur le tamisage des investissements étrangers. On
subventionnera de façon scandaleuse l'exploitation de nos richesses
naturelles par certaines multinationales, comme ce fut le cas pour l'ITT, avec
le triste résultat que les Québécois ne contrôlent
à peu près rien de leur propre développement.
Dois-je vous rappeler certaines données qui apportent un
démenti a certaines affirmations que l'on entend trop souvent en Chambre
et à l'extérieur? Considérons par exemple le taux de
contrôle québécois francophone sur le secteur
manufacturier. Pour l'ensemble du secteur, vous le savez, il est de moins de
15%. Pour les aliments et boissons, il est de moins de 20%. Dans le textile, il
n'atteint pas 5%. Dans le vêtement, il n'atteint pas 15%. Pour les
pâtes et papiers, il est de moins de 10%. Dans les produits
métalliques, il est de moins de 15%. Dans la machinerie, il est
également de moins de 20%. Dans le matériel de transport, il
n'atteint pas 10%. Dans les appareils électriques, nous avons de la
peine à nous rendre à 5%. Quant au pétrole et à
certains autres domai- nes, le ministre ie sait comme moi, le taux de
contrôle atteint Q%. Les deux seuls secteurs où nous ayons plus de
50% des titres sont le bois et le cuir.
Dans le domaine du commerce de détail, pour l'ensemble, le
contrôle québécois francophone est de moins de 40%, et je
songe en particulier à un exemple qui est totalement inacceptable: les
Québécois francophones exercent moins de 20% du contrôle
des produits alimentaires au détail.
Je pourrais continuer de la sorte, secteur par secteur, à faire
l'inventaire de cette faiblesse affligeante qu'il faudrait redresser
rapidement, non plus par des cataplasmes sur des jambes de bois, mais avec un
programme, de redressement global, un nouveau modèle de
développement.
Dans l'industrie primaire, moins de 5% de la valeur ajoutée de
l'industrie minière est sous le contrôle des
Québécois francophones.
Cela évoque naturellement le grand débat sur l'origine des
capitaux qui financent l'économie québécoise et
l'économie canadienne. Selon le rapport Gray, la source de financement
est à 22% de provenance étrangère et à 78% de
nature canadienne. Selon le rapport Tetley, 73% du financement externe des
filiales de compagnies étrangères provenait en 1969 de sources
canadiennes et ceci s'ajoute au fait que la majeure partie du financement total
provenait de sources internes aux entreprises, lesquelles avaient
été probablement réalisées à la suite
d'opérations canadiennes, c'est-à-dire profit non réparti,
épuisement et amortissement.
Toujours selon le rapport Tetley, les filiales américaines
prennent dans leur pays d'origine une très faible partie du nouveau
capital requis par les investissements, soit 1,6% des investissements miniers
totaux, 19% des investissements pétroliers et 11% des investissements
manufacturiers.
Devant cette situation, il y a tant de choses que nous pourrions faire
si nous voulions utiliser les instruments qui sont déjà à
notre disposition, comme, le mouvement coopératif. N'est-il pas
aberrant, par exemple, de constater que, sur un budget qui va atteindre, cette
année, une dizaine de milliards, le Québec en consacre une part
infime au développement des coopératives?
En somme, c'est peut-être au niveau de la gestion que le bilan du
gouvernement Bourassa aura été le plus désastreux. Ce
résultat n'est d'ailleurs pas étonnant. Il est la conclusion
logique de cinq années de manque d'initiative, de laisser-faire et
surtout, à notre avis, la conséquence directe d'une absence
totale d'imagination en matière de développement
économique. Lorsqu'on en est rendu à parler de l'apport des
investissements étrangers comme étant l'essentiel d'une politique
de développement économique au lieu d'un complément
à un projet sérieux de relance économique, c'est qu'on n'a
pas vraiment de politique. La porte est tantôt grande ouverte,
tantôt moitié ouverte, tantôt moitié fermée en
matière d'investissement étranger. A quand remontent les derniers
grands énoncés de politique minière sur l'amiante? A quand
remontent les grands énoncés pour ce qui est des
produits pétroliers? A quand remontent les grands
énoncés de politique à l'égard des petites et
moyennes entreprises, à l'égard de la transformation des
richesses naturelles, des institutions financières, du tourisme, de la
planification? Poser ces questions, c'est y répondre n'est-ce pas?
Comment peut-on s'étonner alors d'un taux de chômage de 10%
en 1975, quand on sait que, depuis 1970, le gouvernement n'a fait aucun effort
pour doter le Québec d'une politique sérieuse de
main-d'oeuvre?
C'est cette léthargie économique qui rend de plus en plus
urgente la nécessité de proposer aux Québécois un
projet de développement économique nouveau, intégré
et surtout adapté à la mentalité des
Québécois, un projet qui s'appuiera forcément sur cette
double prémisse fondamentale en matière économique:
premièrement, un modèle économique ne s'importe pas et,
deuxièmement, on ne peut compter sur l'apport étranger comme
fondement d'une croissance économique soutenue. Le cadre, l'initiative,
doivent venir avant tout des Québécois. C'est sur ces bases que
s'est élabore le projet économique que l'on retrouve dans le
programme du parti que je représente dans cette Assemblée, projet
qui veut remettre de l'ordre dans les priorités, qui s'intéresse,
bien sûr, aux intérêts étrangers, mais uniquement
comme complément de l'épargne québécoise, projet
qui s'appuie également sur la réalité historique du
Québec, sur cette réalité qui fait que l'entreprise
privée doit être complétée par un appui substantiel
de l'Etat au développement du secteur coopératif et des
institutions d'Etat. C'est une façon d'aborder le problème qui
nous paraît de plus en plus nécessaire et qui est fondée
sur ies succès passés des Québécois et en
particulier des Québécois francophones.
Quand on sait que, parmi les cinquante plus grandes entreprises du
Québec, seulement cinq sont contrôlées par des
Québécois francophones, et que deux sont des coopératives,
c'est-à-dire la Coopérative Fédérée et celle
de Granby, que deux sont des entreprises d'Etat, je me réfère
à SIDBEC et à Marine Industrie, et qu'une cinquième enfin
est privée je songe à Bombardier on ne peut miser
essentiellement sur un modèle traditionnel pour assurer notre
développement.
Parler d'un modèle québécois qui non seulement
convienne aux Québécois, mais surtout dans lequel on puisse
espérer réussir, c'est donc parler de solutions qui peuvent
apporter cette addition originale à l'entreprise privée. Nous
sommes devant la nécessité urgente de doter le Québec d'un
véritable projet économique, projet qui mise avant tout sur nos
actifs les plus sûrs, j'entends une main-d'oeuvre compétente, les
ressources financières et techniques du secteur privé, du secteur
coopératif, ainsi que sur le secteur privé. En somme, une
politique économique dont les bases, les moyens et les objectifs sont,
avant tout, québécois, tout comme dans le cas des Canadiens qui
ont conçu un projet pour l'industrie ontarienne de l'automobile,
l'industrie ontarienne de la pétrochimie et l'industrie ontarienne de
l'équipement nucléaire.
Tout comme les Suédois qui doivent leur succès à un
modèle mixte, associant au secteur privé une forte
présence des coopératives et institutions d'Etat. Tout comme dans
le cas de la France, on se demande bien ce que serait son économie sans
une forte présence du secteur public dans l'industrie automobile, dans
les pétroles et dans l'aviation.
M. le Président, on a l'impression qu'au cours des
dernières années, on a beaucoup plus cherché à
refaire l'image du ministère de l'Industrie et du Commerce qu'à
changer la nature profonde des interventions de ce ministère. La
politique économique, à vrai dire, reste à faire.
Evidemment, ce n'est pas une caractéristique qui s'applique simplement
à ce ministère, elle s'applique à l'ensemble du
gouvernement. C'est sans doute au fond sa philosophie du développement
qui est en cause.
Il y a eu certains changements, je le reconnais. On a défini
certaines priorités, par exemple, la politique en matière de
parcs industriels; il y a eu la création de la SDI, quoiqu'en ce qui
concerne ce dernier point, il s'agit beaucoup plus d'un raffinement et d'une
extension de l'ancienne loi de l'aide au développement régional
et de la défunte société de crédit industriel, que
d'un instrument d'intervention nouveau et inédit. Dans l'ensemble,
l'effet et l'incitation demeurent globalement similaires.
Pour le reste, nous devons bien nous rendre compte que les
énoncés de nouvelles politiques visaient trop souvent la
création d'images et d'impressions plutôt que d'orientations
nouvelles et décisives en matière de politique économique.
Trop souvent, les suites ont été décevantes, sans compter
l'impression souvent donnée par le ministre de revirement dans ses
politiques et de contradiction qu'ont laissées les nombreuses
déclarations du ministère, notamment en matière
d'investissement étranger.
Je vous rappelle, par exemple, un certain nombre de politiques qui n'ont
pas connu de suite ou qui ont fait l'objet de variations presque
saisonnières. Nous attendons toujours la politique d'achat; ce sont des
promesses, on s'en souviendra, qui sont restées sans suite. Quant
à la politique globale de développement économique, bien
sûr, il y a eu des études, mais quelles suites concrètes
ont-elles connues? De 1970 à 1974, la priorité était aux
investissements étrangers. En 1975/76, on nous parle plutôt de
porte ouverte aux investissements étrangers et de priorité
donnée aux autochtones. En 1975/76, l'accent est mis sur le
développement de l'éducation économique, mais nous
attendons toujours des programmes précis. Il ne se fait guère
d'éducation économique concrète. En 1975, vous vous en
souviendrez, on voulait mettre l'accent sur le secteur du commerce, mais quel
programme d'action concrète a-t-on mis au point et mis en oeuvre? Le
budget sur ce point est stagnant. En 1975/76, on nous a parlé
d'intégrer les multinationales.
Je lisais encore ces jours-ci, je relisais les propos de mars 1976, les
propos tout récents du nouveau sous-ministre adjoint du ministère
de
l'Industrie et du Commerce, M. Pierre Shooner, dans lesquels il disait
l'intention du ministère d'user de persuasion, d'incitation volontaire,
pour tenter d'amener les multinationales à se conduire correctement au
Québec.
M. le Président, l'expérience des autres pays
démontre comme celle du Québec la nécessité, non
seulement d'avoir des slogans directeurs, mais d'avoir une véritable
politique de développement industriel, de tenir compte du fait que les
multinationales, si elles ne sont pas encadrées par un code
d'investissement précis, continueront à agir la plupart du temps
exactement comme par le passé.
Je voudrais maintenant, après avoir montré à quel
point nous étions devant de simples slogans au cours des années
passées, tenter de décrire ce que pourraient être
concrètement les instruments d'une politique de développement,
d'une véritable politique de développement. Nous avons mis de
l'avant et le ministre, hier soir encore, affectait de s'en moquer
un certain nombre d'éléments de cette politique, et je
voudrais les rappeler brièvement car je crois que, sans ces gestes
concrets, la structure industrielle du Québec demeurera ce qu'elle a
toujours été dans le passé, malgré de légers
progrès dans certains secteurs. Nous avons mis de l'avant la
création d'une société de réorganisation
industrielle chargée de favoriser systématiquement la
modernisation des anciens secteurs industriels, de créer de nouveaux
secteurs et de promouvoir l'expansion de la formule coopérative, entre
autres.
Nous avons mis de l'avant la création d'un secteur témoin
dans le domaine des produits pétroliers, lequel permettrait à
SOQUIP d'agir au niveau du raffinage et de la distribution des produits
pétroliers. Nous attendons toujours que le gouvernement, par
décret ministériel, autorise SOQUIP à mettre en oeuvre le
mandat B qui est décrit dans la loi constitutive qui lui aurait permis
de pénétrer dans les secteurs bien plus rentables que
celui de l'exploration du raffinage et de la distribution des produits
pétroliers.
Nous avons proposé également la prise en main par les
Québécois de l'industrie de l'amiante, c'est-à-dire la
création d'un office de mise en marché du minerai pour commencer,
sinon, même, l'achat de l'une des entreprises, comme on l'a d'ailleurs
recommandé au gouvernement. Nous avons préconisé
l'adoption de mesures fiscales obligeant les compagnies qui exploitent nos
richesses naturelles à en faire progressivement la transformation au
Québec. Et nous avons proposé de doubler le fardeau fiscal des
propriétaires non québécois dont les gisements ne sont pas
mis en exploitation.
M. le Président, j'ajoute encore quelques points pour bien
marquer la différence qui existe entre ce que nous a proposé le
ministère au cours des dernières années et les conclusions
auxquelles nous en sommes venus, quant à la nécessité d'un
nouveau modèle économique.
Nous croyons qu'il est indispensable de créer une
société de développement des industries cul- turelles qui
jouerait, auprès des industries culturelles, le même rôle
que la Société de développement industriel auprès
du monde des affaires, société qui aurait également pour
but d'implanter, au niveau international, nos diverses industries culturelles
et de concurrencer efficacement certains pays dans les domaines où,
faute de véritables efforts de marketing, le Québec n'a jamais
pris la place qui lui revient.
J'ajoute encore deux mots que j'ai évoqués
déjà, à une ou deux reprises, dans cet exposé
préliminaire. Nous pensons qu'on doit assujettir les entreprises
multinationales à un code d'investissements et imposer l'obligation
à ces entreprises de réinvestir au Québec, au moins la
moitié des bénéfices qui y ont été
faits.
Nous pensons, de plus que les compagnies d'assurance et de fiducie
doivent réinvestir au Québec l'épargne que les
Québécois leur confient. Enfin, il est nécessaire de
mettre sur pied un office du plan chargé de constituer, avec la
participation des principaux agents économiques, un plan global de
développement et la création de sociétés
régionales de développement chargées de collaborer
à la préparation et à la mise en oeuvre du plan sur une
base régionale.
M. le Président, je ne voudrais pas alourdir indûment cet
exposé. Nous pensons que nous avons là des linéaments, les
premiers éléments d'un programme réaliste et conforme
surtout à la réalité québécoise. D'ailleurs,
quand on considère les récents projets industriels majeurs, on
s'aperçoit que ce qui est marquant, c'est l'intervention directe de
l'Etat. J'avais l'occasion de le rappeler, hier soir, à l'occasion de
l'étude du projet.de loi autorisant le nouveau capital de la SGF. Si
nous avons eu des projets industriels majeurs, récemment, à
l'exception peut-être de l'ITT, ce sont SIDBEC à Port-Cartier et
le projet de la SGF-Donohue à Saint-Félicien.
M. le Président, le ministre nous disait tout à l'heure
les efforts considérables qu'il a entrepris pour ce qui est de Tricofil.
Je voudrais lui rappeler que ses efforts ont abouti à la suite de
pressions considérables. Je pense qu'il n'osera pas soutenir que cela
lui est venu naturellement et spontanément. Il a fallu tout un mouvement
dans l'opinion publique, il a fallu que les communautés religieuses
investissent dans ce projet presque autant que le gouvernement pour qu'il
aboutisse. Je dois lui rappeler qu'à notre avis, son erreur principale
dans ce dossier a été son attitude négative dès le
départ. S'il s'était abstenu au moins de démolir le projet
dans l'opinion publique, je crois que les solutions auraient été
beaucoup plus faciles à trouver. Bien sûr, devant la levée
de boucliers, devant la réaction de l'opinion publique, il a dû
battre en retraite et il a dû, en fin de compte, se rallier à ceux
qui voulaient sauver l'entreprise.
Mais, pour ma part, je tiens à lui dire que nous n'avons pas
été insensibles à son attitude préliminaire. Elle
démontrait un préjugé défavorable à la
coopération. J'ose croire que son changement d'attitude,
récemment, à l'égard de Tricofil et la participation
hésitante que le gouvernement a fini
par y apporter marquent une évolution de votre attitude à
l'endroit de l'ensemble du secteur coopératif.
M. le Président, il est temps que j'en vienne à mes
conclusions. Il est vraiment temps que le Québec se remette en marche.
Les résultats des cinq dernières années, je l'ai
démontré, sont vraiment catastrophiques sur le plan du
développement économique. Il est vraiment urgent de harnacher
toutes les forces de la nation, d'abord en lui proposant un projet collectif,
capable de multiplier ses énergies, mais aussi, en privilégiant
les instruments dont nous avons le contrôle comme, par exemple, les
coopératives, le capital privé québécois, le
capital d'Etat, par rapport aux instruments dont la maîtrise nous
échappe.
Pour nous, les richesses naturelles et le territoire font partie du
patrimoine collectif. Leur exploitation doit servir avant tout la
collectivité. Nous croyons que les critères de rentabilité
économique doivent être subordonnés aux critères de
rentabilité sociale. Nous avons comme objectif de démocratiser le
fonctionnement de l'économie en favorisant les formes collectives
d'organisation et en assurant la participation des travailleurs aux
décisions de l'entreprise; c'est là un développement qui
doit venir le plus tôt possible.
Si j'ai dit tout cela, c'est que j'ai confiance dans le peuple du
Québec. Nous le croyons capable de prendre en main la gouverne de ses
affaires et la maîtrise de son destin. Nous sommes même
assurés que la prise en charge par les Québécois de leur
vie économique leur apportera non seulement un milieu de travail plus en
accord avec leurs aspirations, mais une prospérité plus grande
que celle à laquelle ils peuvent s'attendre dans le système
actuel. Nous croyons, en effet, les Québécois capables
d'affronter victorieusement les défis multiples qu'un rythme
d'évolution sans précédent lance aussi bien aux individus
qu'aux collectivités.
J'en ai terminé, M. le Président, je vous remercie.
Le Président (M. Brisson): Le ministre.
Réplique du ministre
M. Saint-Pierre: M. le Président, les rumeurs
récentes de la décision du député, notre bon
collègue, le député de Maisonneuve, de ne pas se
représenter, me portaient à croire qu'il y avait une bataille
entre la gauche et la droite au sein de l'Opposition officielle, mais le texte
de ce matin me confirme que, finalement, c'est toujours la vocation
littéraire qui domine dans ce parti. Nous avons eu finalement le
même texte que l'an dernier, à toutes fins pratiques. J'aimerais
refaire la comparaison. Il y a quelques chiffres nouveaux qui ont
été ajoutés, mais pour l'essentiel de la trame de
l'argumentation du député de Sauvé, il faut tout au moins
lui donner une bonne note pour la cohérence. Il me semble que le chef de
l'Opposition officielle, sans nécessairement faire preuve de
narcissisme, se complaît quand même a jouer constamment sur un
sentiment défaitiste, un sen- timent de piger dans les statistiques ce
qu'il peut y avoir de plus noir dans une situation donnée. D'ailleurs,
cela fait je ne sais pas combien d'années que je suis en politique et,
à chaque automne, le chef politique du Parti québécois, M.
Le-vesque, annonce toujours des taux de chômage de 15% l'hiver. J'ai
devant moi les taux de chômage bruts au Québec depuis les six
dernières années, ils n'ont jamais atteint 10%, contrairement
à ce qu'a affirmé le chef de l'Opposition. Tantôt, j'aurai
l'occasion d'y revenir. Les chiffres les plus élevés qu'on a pu
avoir, c'est 9,7%. Il y a des hivers où on affirmait 15% et, au maximum,
c'est allé à 8%, 7, 4% et des choses semblables. Il y a toujours
une façon de jouer...
M. Morin: Des chiffres désaisonnalisés ou des
chiffres réels?
M. Saint-Pierre: Pardon?
M. Morin: Des taux désaisonnalisés...
M. Saint-Pierre: Ce sont les taux bruts. Je vais vous en donner
une copie, sûrement, vous pourrez les regarder. Je vous défie de
trouver une seule année, un seul mois où c'est allé
au-dessus de 10%. Votre chef affirme 15% â tous les hivers.
M. Morin: Ce n'est pas triomphal.
M. Saint-Pierre: Non, mais je vous dis que votre chef nous parle
de 15% et on n'atteint jamais 10%. C'est une espèce d'attitude
défaitiste. Je ne voudrais pas prétendre un instant que la
situation est parfaite. D'ailleurs, si on relève l'ensemble de mes
conférences de presse au mois de décembre, chaque année,
je me suis fait un devoir de tenter de donner les deux côtés de la
médaille; des côtés positifs, il y en a. Je défie le
chef de l'Opposition de les contester.
M. Morin: En grattant.
M. Saint-Pierre: Chaque année, j'ai également
mentionné les aspects qui pouvaient être négatifs. Je
reviens sur certains des points qui ont été mentionnés,
qui m'apparaissent... Pour faire une réplique plus
détaillée d'un discours que je n'attendais pas ce matin, on me
permettra de consulter en détail, puisque je n'avais pas de texte, et,
avant la fin des crédits, de tenter d'apporter des corrections. Les
corrections les plus évidentes qui m'ont frappé ce matin sont les
suivantes. Vous avez mentionné dans votre texte que, pour illustrer la
détérioration de la situation économique en 1975, le
chômage avait atteint au Québec 10%. J'ai ici le chiffre officiel
pour 1975; 8,1% pour le chômage de l'année 1975. Vous avez
donné 10%, j'attends le journal... Pardon?
M. Morin: Est-ce le taux réel?
M. Saint-Pierre: Vous contestez cela encore? 8,1%; M.
Bédard... Il n'y a pas d'erreur.
M. Morin: Le taux réel? Est-ce le taux moyen ou le taux
réel?
M. Saint-Pierre: C'est le taux réel de l'année de
chômage 1975, 8,1%, Québec, indicateur économique. Je peux
déposer le document et demander d'en faire tirer des photocopies.
M. le Président, il y a eu d'autres choses qui ont
été mentionnées et qui m'apparaissent des sophismes
incroyables. Le chef de l'Opposition, en voulant contester ies chiffres que M.
Bourassa a mentionnés en ce qui touche le revenu personnel par
habitant... Je répète ce qui est bien connu de tous, je vais vous
les redonner. Lorsqu'on parle de revenu personnel par habitant, on parle, bien
sûr, du revenu personnel divisé par le nombre d'habitants. Alors,
pour la période de 1971 à 1975, ce fut une augmentation annuelle
moyenne de 14% au Québec et de 13% au Canada. Ce sont les chiffres
officiels. Je peux les déposer encore; l'indicateur économique
Québec, préparé par la direction générale de
la recherche et de la planification au ministère de l'Industrie et du
Commerce, indique donc nettement que, pour la période 1971/75, le revenu
personnel par habitant a été substantiellement plus
élevé au Québec qu'au Canada...
M. Morin: Oui, mais 1971 n'est pas inclus.
M. Saint-Pierre: Pardon?
M. Morin: 1971 n'est pas inclus.
M. Saint-Pierre: 1971 est I année de départ...
M. Morin: Et de référence, c'est cela.
M. Saint-Pierre: ... et da référence. On partirait
de 1970, ça ferait, je pense, au niveau du revenu personnel... Je vais
faire le relevé. M. Bédard. Voulez-vous nous calculer, pour le
besoin du chef de l'Opposition officielle... Vous voulez avoir quoi,
exactement, l'année 1970? L'année 1971 n'est pas incluse. C'est
l'année de départ.
Vous voulez avoir l'année de départ comme quoi, en 1970?
L'année de base, c'est 1970 ou 1971?
M. Morin: Prenez 1970 comme année de base.
M. Saint-Pierre: C'est intéressant, je vais revenir un peu
plus...
M. Morin: Parce que ça change le résultat.
M. Saint-Pierre: Oui bien, écoutez! En janvier 1970, j'ai
abandonné la vie privée pour dire qu'on avait besoin d'un
changement de gouvernement. Je ne suis pas prêt à prendre
responsabilité pour ce qui est arrivé durant les quatre premiers
mois de 1970.
M. Morin: Mais nous ne vous tenons responsables qu'à
compter de l'élection.
M. Saint-Pierre: Mais enfin, c'est mineur. Je suis bien
prêt à prendre 1970. Ce que je vous dis, c'est quand on prend les
chiffres de 1971 à 1975, qui sont les chiffres que nous prenons
généralement pour une période de quatre ou cinq ans. on a
là une tendance qui m'apparaît utilisable.
Si vous voulez avoir 1970 comme année de base... M.
Bédard, pouvez-vous calculer, pour les fins de la commission, ce
qu'aurait donné le revenu personnel par habitant pour 1970...
M. Morin: Donnez-nous le revenu personnel global aussi.
M. Saint-Pierre: Le revenu personnel par habitant... Non, c'est
le point que vous avez soulevé. Je veux voir le sophisme que vous avez
donné. De 1970 à 1975, au lieu de 1971 à 1975.
Mais là où votre sophisme est terrible, c'est
qu'après avoir dit que la croissance de la population au Québec
était moindre qu'ailleurs, vous dites: On devrait prendre les chiffres
de revenu personnel pour le Québec, revenu total personnel, et diviser
cela non pas par le nombre d'habitants actuels, mais par le nombre d'habitants
si on avait eu la même croissance que les autres provinces. C'est
évident, sur le plan de la population, que. si le Québec avait
amené, même dans les années 1972, 1973, 1974... Même
s'il y a eu un renversement sur le plan démographique au niveau de
l'immigration, alors qu'en 1968/69, on avait une perte de gens qui quittaient
le Québec je pourrais donner des chiffres, c'est une des
tendances qu'on a changées que depuis 1972, il y a. au contraire,
des mouvements démographiques favorables, positifs au Québec.
Mais si ces mouvements avaient eu la même ampleur qu'en Ontario en termes
d'immigrants, si le taux de natalité du Québec avait
été le même que celui du Mexique ou de l'Ontario, il est
bien évident que ces personnes auraient, par leur activité
économique, contribué à augmenter le revenu personnel.
En d'autres termes, lorsqu'on joue sans vous donner une
leçon de calcul numéral avec le numérateur et le
dénominateur, il faut faire attention, parce que, quand on ajoute
quelque chose en bas ou qu'on soustrait, on change complètement la
valeur de ce qu'on tente de prouver.
M. Morin: C'est un indicateur biaisé.
M. Cadieux: Au point de vue de la natalité, qu'est-ce que
l'Opposition a fait là-dedans?
M. Saint-Pierre: On va reprendre la discussion, M. le
Président. Le revenu personnel par habitant, je défie le chef de
l'Opposition quant à ça, c'est le revenu personnel total d'une
population divisé par le nombre total d'habitants. On ne peut pas
prendre les habitants théoriques, si on avait eu le même taux de
croissance, parce que là. il faudrait également changer le
numérateur et dire quel aurait été l'accroissement du
revenu personnel au Québec, si ces personnes étaient
effective-
ment venues au Québec, et c'est évident que ces personnes
ne se seraient pas tourné les pouces. Elles auraient
généré une activité économique. D'ailleurs,
je vais vous la donner en détail. Les composantes du revenu personnel,
vous les savez. En parlant des salaires, des traitements, des revenus
complémentaires, les soldes et allocations des militaires, les revenus
nets des agriculteurs, les intérêts et dividendes, revenus de
placements, les transferts courants du gouvernement, les revenus personnels
disponibles. Enfin, il y a toute une série de composantes qui seraient
à additionner. C'est pour ça que cela m'apparaît des
sophismes dignes de M. Michaud, mais indignes du chef de l'Opposition
officielle en Chambre.
D'ailleurs, M. le Président je vais revenir sans
m'empresser là-dedans il y a un des documents que M. Bourassa n'a
jamais déposé. Je vais le déposer en Chambre. Le chef de
l'Opposition, en parlant des difficultés de l'économie du
Québec, aurait pu le mentionner. Je dépose, M. le
Président, la page 17, de l'étude économique de l'OCDE,
décembre 1972: La situation économique au Canada.
Pour le bénéfice des membres de cette commission, je vais
lire une partie du paragraphe de la page 17...
M. Morin: Pourrions-nous en avoir un exemplaire?
M. Saint-Pierre: ...parce que c'est en plein coeur du sujet que
le chef de l'Opposition a suggéré.
Le Président (M. Brisson): En avez-vous des copies?
M. Saint-Pierre: On va en faire venir des copies. On va les
disbribuer.
M. Cadieux: On n'est pas avare.
M. Saint-Pierre: Et je cite l'étude économique de
l'OCDE. Je suis certain que le chef de l'Opposition accorde une grande
crédibilité à ces études d'un organisme aussi
prestigieux que l'OCDE.
Je cite: La province de Québec semblant être plutôt
avantagée du point de vue de la situation géographique et des
ressources naturelles, il est plus difficle d'expliquer son retard
économique sans faire intervenir des causes historiques et divers autres
facteurs qui ne sont pas d'ordre économique. Parmi ces derniers, on
pourrait mentionner la nette préférence, traditionnellement
accordée dans le système d'enseignement québécois,
à la culturelle générale par opposition à la
formation technique et à la préparation aux affaires.
Il se peut aussi qu'à une époque plus récente...
cela a été écrit en décembre 1972...
M. Morin: Cela va être notre fautel
M. Saint-Pierre: Un instant. Je cite les experts.
M. Morin: Inspirés par le gouvernement canadien.
M. Cadieux: Ecoutez donc un peu. On vous a écouté
tantôt.
Le Président (M. Brisson): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Saint-Pierre: II se peut aussi qu'à une époque
plus récente, le mouvement séparatiste y ait freiné
l'installation des nouvelles entreprises et les investissements productifs.
M. le Président, il est bien certain que...
M. Morin: Est-ce la seule explication que vous avez à nous
donner?
M. Saint-Pierre: C'est complémentaire à ce que vous
n'avez pas voulu donner vous-même et qui m'apparaît mériter
une certaine considération. L'expertise des gens de l'OCDE en
matière économique, je pense que...
M. Morin: Oui, inspirés par le gouvernement
fédéral.
M. Saint-Pierre: Absolument pas. Ce sont des gens
extérieurs au Canada qui viennent faire l'analyse de la situation au
Canada. Si vous voulez mettre en cause ce qui se passe au Canada, la
validité des études de l'OCDE...
M. Morin: Je me demande si l'OCDE est au courant de la
façon dont les obligations du Québec, par exemple, se vendent
fort bien, même échelonnées sur 20 ans.
M. Saint-Pierre: Je comprends bien...
M. Morin: Elle ne savait peut-être pas cela avant de faire
une telle affirmation.
M. Saint-Pierre: Voyant le témoignage du banquier de la
plus importante banque au monde, je comprendrais pourquoi la confiance des
investisseurs au Québec se maintient malgré toutes les
entreprises de démolition auxquelles on peut assister à gauche et
à droite.
M. Morin: Vous voyez bien que c'est contradictoire.
M. Saint-Pierre: Ceci dit, j'aimerais compléter. En
décembre dernier, les services de mon ministère je pense
qu'on ne conteste pas la validité des chiffres donnés
donnaient justement, sur l'ensemble des indicateurs économiques... Et je
pense aux pages 5 et 6, le chef de l'Opposition en a sûrement une copie,
on voit l'ensemble des années de 1971 à 1975.
A la page 6, ce sont les indicateurs économiques pour le Canada.
Il me semble que là, on a une bonne comparaison et, parmi les chiffres
mentionnés par le chef de l'Opposition, il y a cer-
taines contradictions avec ceux que je peux avoir ici; mais je vois
qu'au niveau du produit provincial brut, on va être obligé de
déclarer un match nul parce que sur la période de quatre ans, le
produit national brut au prix du marché: 13,2% et 13,2% dans les deux
cas.
M. Morin: Vous n'avez pas l'année 1970.
M. Saint-Pierre: Un instant. Je vous donne les chiffres qui sont
ici. Si vous voulez prendre l'année 1970, on va la prendre... Nous
disons que nous n'étions pas là en janvier 1970.
M. Morin: Prenons l'année 1970 comme point de
référence. Vous allez voir qu'il y a une différence.
M. Saint-Pierre: Je continue. Je vois donc qu'au niveau du revenu
personnel par habitant, au niveau des salaires, traitements et revenus
complémentaires, au niveau des immobilisations totales, au niveau du
secteur de la fabrication, au niveau de la consommation des ménages, au
niveau même de l'indice des prix à la consommation, les
performances des indicateurs économiques québécois sur une
période de quatre ans sont supérieurs à ceux de la moyenne
canadienne.
J'admets, à l'avance, avec le chef de l'Opposition, que deux
indicateurs ou tout au moins d'autres m'apparaissent marginaux, comme la valeur
des expéditions et il y en avait un autre qui est un peu marginal. Il
n'y a pas beaucoup de différence, mais il y a deux indicateurs qui
mériteraient de notre part une attention particulière, c'est la
croissance de la population. Là, il faudrait trois heures pour expliquer
les phénomènes de dénatalité plus prononcés
au Québec qu'ailleurs, expliquer sûrement que les situations
conflictuelles que nous vivons depuis quelque temps doivent sûrement
rendre très difficile la tâche d'attirer un pourcentage
équitable de l'immigration canadienne, et un autre facteur que le chef
de l'Opposition a souligné et qui mérite une attention
particulière, est la faiblesse de la croissance de l'emploi au
Québec par rapport au Canada.
Je ne veux pas me consoler en comparant le Québec à 2,9%
par année, qui dépasse de beaucoup les performances d'autres pays
industriels, mais il est vrai que comparées au Canada, nos performances
sont inférieures.
Tout ceci dit: M. le Président, c'est évident
que le Québec n'est pas la terre promise, le paradis perdu, qu'on peut
se tourner les pouces et que tout va nous tomber dans les mains. Nous avons
d'ailleurs contre nous des facteurs réels, qui peuvent jouer contre
nous. C'est bien certain que lorsqu'on évoque toutes les situations
très difficiles, les conflits de travail que nous avons eus dans
l'industrie de la construction, on comprendra qu'il n'est pas surprenant qu'en
1975 et même peut-être en 1976, dans le secteur de la fabrication
en particulier là où les investissements peuvent se faire
à d'autres endroits que le Québec, on ait des difficultés
réelles de croissance. C'est bien sûr que certaines des
entreprises... J'ai devant moi le député de Beauharnois, vous
n'avez qu'à parler aux gens de Goodyear, cela nous prendra beaucoup de
force de persuasion pour les convaincre de revenir mettre un sou noir au
Québec, parce qu'ils y ont eu des problèmes. J'en ai
déjà parlé moi-même avec nos syndicats de la
construction; je leur ai dis que c'était véritablement du
kidnapping de la vie économique des régions du Québec.
D'ailleurs, même le président de Sidbec, M. Jean-Paul Gignac,
à un certain moment, a dû évoquer la possibilité de
faire des investissements au Brésil tellement la situation était
rendue difficile ici. La jonction entre le monde de l'éducation et le
monde du travail reste à faire au Québec et je pense que,
même avec les progrès substantiels qui ont pu être
accomplis, on a encore beaucoup à faire sur ce plan-là. Je pense
également que les conflits que nous avons dans le secteur public ne nous
aident sûrement pas dans notre travail pour tenter de stimuler la
croissance économique du Québec. Je vais donner un cas
d'espèce parmi d'autres. Vendredi dernier, j'avais le président
d'une entreprise qui voulait investir quelque chose comme $40 millions au
Québec; il devait venir me voir à 11 heures, à place d
Youville, pour tenter de stimuler tout le travail que des fonctionnaires
avaient fait vis-à-vis d'une entreprise extrêmement
intéressante, qui n'était pas une entreprise européenne,
qui nous aurait permis de diversifier et d'avoir un apport substantiel. Je n'ai
pas besoin de vous dire la scène qu'il y avait à place
d'Youville, à 11 heures, devant nos bureaux vendredi dernier et comment,
durant le repas, j'ai eu passablement de difficulté à convaincre
ce type que les situations dans ce cas, c'était le conflit des
professionnels étaient quelque chose de très marginal et
que, finalement, il n'y aurait pas de problème. Les deux hsures de la
discussion se sont passées sur les relations de travail et sur le fait
que sa firme hésitait beaucoup, face à des situations très
difficiles qu'il a pu voir avec d'autres, des grèves qui
s'éternisaient, des conflits qui semblaient très politiques
j'emploie ses propres mots à tenter de faire des
investissements. C'était $40 millions, 3000 emplois. Malheureusement, ie
syndicat des 3000 travailleurs n'est pas formé encore parce que s'il
était formé, je pense qu'il mettrait au pas bien d'autres gens du
monde syndical qui nous rendent la tâche très difficile pour
stimuler le Québec.
M. Morin: Bref, tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des
mondes.
M. Saint-Pierre: Non, M. le Président. Je vais un peu
terminer par cela, parce que...
M. Cadieux: Quand ceia va mal, vous les appuyez.
M. Morin: Allons donc!
M. Cadieux: Mais oui. Prenez l'exemple de Goodyear à
Valleyfield.
M. Saint-Pierre: M. ie Président, ce qui est le plus
surprenant, c'est que le chef de l'Opposition a bien étalé le
fait qu'on avait des difficultés très réelles et que
c'était très noir. Je l'écoutais et j'avais presque envie
de quitter le Québec pour me trouver un autre paradis, mais je vais
changer d'idée. Je voyais que le chef de l'Opposition aime les sondages
Gallup. Je lui en donne un dernier. Le 18 février 1976...
M. Morin: Je ne les ai pas évoqués ceux-là,
mais, si vous y tenez, on peut...
M. Saint-Pierre: On va les évoquer parce qu'ils
réapparaissent très intéressants face au travail de
destruction qui peut se faire dans bien des régions au Québec. On
posait la question suivante: En général, diriez-vous que votre
niveau de vie, c'est-à-dire les choses que vous achetez et que
même vous faites, est à la hausse, à la baisse ou s'il
reste le même? Ce qui est surprenant, M. le Président, c'est que
parmi ceux qui disaient que !e niveau de vie était à la hausse,
dans la région de l'Atlantique, ce sont des chiffres que le chef de
l'Opposition pourrait ajouter à ses statistiques, 51% des gens disaient
que leur niveau de vie était à la hausse, en Ontario, 56% des
gens disaient qu'il était à la hausse, dans les provinces des
prairies, 55% des gens disaient qu'il était à la hausse, en
Colombie-Britannique le 18 février 1976 on venait de vivre le
régime Barrett 45% des gens disaient que leur niveau de vie
était à la hausse, au Québec, M. le chef de l'Opposition,
70% des gens disaient que leur niveau de vie était à la hausse.
Alors que, sur le plan national, 58% des Canadiens, si on inclut le
Québec, disaient que leur niveau de vie était à la hausse,
au Québec, 70% des gens disaient que leur niveau de vie était
à la hausse. Ce aui est frappant, c'est qu'il y en avait 12% au
Québec qui disaient que le niveau de vie était à ia
baisse. Je ne sais pas si ce sont toujours les 12% ou les 16% qu'on retrouve
dans certains autres sondages qui montrent beaucoup de tenacité à
votre option politique, mais je vois ici qu'il y en a 12% qui
prétendaient qu'il était à la baisse.
M. le Président, je ne voudrais pas donner à ces propos
une note partisane, mais je pense qu'il serait éminemment injuste
d'accepter ce portrait très noir que nous a fait le chef de l'Opposition
officielle, accepter que les programmes du MIC ne sont que des slogans creux,
qu'il n'y a pas, derrière nos lignes de force, derrière les
programmes qui ont été énoncés au cours des
dernières années, des actions très concrètes.
D'ailleurs, en passant programme par programme et éléments de
programme, on verra qu'en matière d'éducation économique,
de prospection des entreprises, d'outils pour les autochtones, que ce soit la
SDI, SODEQ, les commissaires industriels, les ententes-cadres conclues avec le
gouvernement fédéral et j'en passe, il y a là quand
même une foule d'actions qui ont été prises pour tenter
tout au moins de maintenir la position concurrentielle que le Québec
peut avoir dans le Canada et de nous permettre d'atteindre les objectifs qui
ont été énoncés.
J'ai pris en note les sept ou huit points que le chef de l'Opposition
nous a mentionnés, qu'il nous avait d'ailleurs mentionnés. Je
dois avouer que ça ressemble beaucoup à de la structurite que la
société de réorganisation industrielle qui va moderniser
systématiquement l'enteprise en forçant les regroupements... J'ai
lu le programme de votre parti, ça se ressemble. Je dois vous avouer que
je ne n'y ai pas tellement confiance. Nos propres expériences en
matière de fusion des entreprises nous montrent que ce n'est pas un
terrain tellement facile et que vous risquez d'avoir beaucoup de pierres
d'achoppement.
Pour les autres éléments qui ont été
mentionnés, est-ce que les Québécois vont être plus
maîtres de leur économie si demain matin au lieu d'avoir des
stations-service Shell, on a des stations-service SOQUIP un peu partout dans le
Québec et qu'on se retrouve avec un conflit de travail dans lequel les
balayeurs de stations-service ou les hommes d'entretien vont vouloir avoir le
même salaire que ceux des hôpitaux, qu'on aura augmenté de
50 000 personnes le nombre de travailleurs du front commun ou du secteur public
et parapublic? Je ne le crois pas, je ne pense pas...
M. Morin: C'est ça, l'origine de votre politique
d'attentisme devant le développement du secteur public?
M. Saint-Pierre: Non, c'est qu'il n'y a aucun
intérêt, M. le Président. C'est comme exproprier. Lorsqu'on
a un pouvoir de réglementation qui peut être à la limite
presque absolu, il n'y a aucun intérêt à prendre l'argent
des contribuables, parce que nous les créditistes ne sont pas ici
sommes très loin d'eux, nous n'imprimons pas l'argent. C'est la
même chose que nationaliser Bell Canada, c'est nationaliser des poteaux
de téléphone, vous le savez, nationaliser le secteur
témoin, qu'est-ce que ça va être? C'est multiplier dans le
secteur parapublic, un secteur qui peut être amplement
réglementé au niveau de la distribution.
Ce serait la même chose avec l'achat d'une mine d'amiante. Si on
achète toutes les mines d'amiante du Québec, le lendemain matin,
les travailleurs n'ont plus d'emplois, n'ont plus de production; il me semble
que les ressources que nous pouvons avoir dans ce secteur, mieux vaut les
orienter dans des secteurs comme la SDI, comme SOQUIP, comme SOQUEM, qui
peuvent augmenter l'activité industrielle.
M. Morin: Ce sont les experts qui ont recommandé l'achat
d'Asbestos et de Golden Eagle.
M. Saint-Pierre: Ecoutez, les experts, vous les choisissez vite
lorsqu'ils sont conformes à vos propres préjugés.
Lorsqu'il y a un fonctionnaire au troisième niveau au ministère
des Richesses naturelles qui écrit un mémo de trois pages, que
j'ai vu et qui recommande la nationalisation de ça, je re-
grette mais je ne suis pas prêt à prendre cet avis. Il y a
d'autres experts, pour votre information, qui ne sont pas d'accord avec ces
points de vue et qui, à l'intérieur de la structure
gouvernementale, sont dans les niveaux hiérarchiques beaucoup plus
élevés.
M. le Président, tous les points mentionnés, les sept
points mentionnés...
M. Morin: ... Hydro-Québec pendant que vous y
êtes.
M. Saint-Pierre: ... par le chef de l'Opposition officielle,
même si on les appliquait demain matin dans le but de forcer le
réinvestissement des profits, l'adoption de nouvelles mesures fiscales,
l'office du plan, les sociétés régionales de... j'ai bien
l'impression que l'an prochain, on pourrait se retrouver ici et finalement, le
verdict n'aurait pas tellement changé. J'ai plus confiance aux mesures
très concrètes que nous avons tenté de prendre et qui me
semblent, dans certains secteurs, avoir donné des résultats.
M. Morin: M. le Président...
Le Président (M. (Brisson): Le député de
Sauvé.
M. Morin: ... il est bien visible que dans le fondement de cette
discussion se trouve une divergence de philosophie politique et
économique. Donc, je pense qu'il ne servirait pas à grand-chose
d'éterniser un débat qui serait une sorte de dialogue de
sourds.
J'attirerais cependant l'attention sur le fait que quand nous nous
réunirons l'année prochaine, probablement que le verdict que
j'aurai à porter sur l'économie québécoise,
à ce moment-là, sera plus dur que celui que j'ai eu à
porter cette année. Le ministre s'est bien gardé, dans ses
derniers commentaires, d'évoquer les prévisions pour
l'année 1976.
M. Saint-Pierre: Quelle va être la croissance du PNB
réelle? Voulez-vous me la donner? La croissance du PNB réelle,
d'après vous, cette année en 1976?
M. Morin: Donnez-nous vos chiffres et nous allons les ausculter
et je vous dirai...
M. Saint-Pierre: Je vais me risquer à 5%, par rapport
à l'an dernier, une croissance qui était près de
zéro vous l'avez tellement répété et
je vous dis que 5% comme croissance réelle, comparez-la à celle
des 20 dernières années, ce n'est pas si pire que cela, 5% de
croissance réelle, vous ne trouvez pas cela acceptable?
M. Morin: C'est ce que vous prédisez pour... M.
Saint-Pierre: Je voyais la presse et tout le monde s'attendait à
5,4%. Nous-mêmes, en décembre... M. Bédard, quels sont vos
chiffres?
M. Morin: Vous aviez prévu 3% en décembre, si ma
mémoire est bonne.
M. Saint-Pierre: La création d'emplois est plus forte
qu'on l'avait prévu en décembre. En décembre, on avait
prévu 3% ou 4%. Je me suis risqué à 5% ou plus, à
la lecture de ce qu'avaient donné une vingtaine d'analystes financiers
de la presse, il y a trois ou quatre jours.
M. Morin: Et cela, en dépit de la période
postolympique et des difficultés qui vont survenir avec la fin des
travaux, en particulier dans les immeubles à bureaux, les hôtels,
les Jeux olympiques?
Tant mieux si le ministre peut nous assurer qu'en dépit de cette
situation, il prévoit une augmentation. Je puis lui dire que,
l'année prochaine, je ne me ferai pas faute d'examiner cela avec lui,
point par point.
Mais est-ce que ce ne serait pas utile qu'on tente de se mettre d'accord
sur les statistiques? Le ministre faisait allusion aux données
statistiques...
M. Saint-Pierre: Une période de quatre ou cinq ans,
préparée par nos services, qui ne sont pas partisans,
m'apparaît une période suffisante pour dégager des
tendances. Vous insistez sur 1970. Je vous demande encore une fois pourquoi
vous utilisez 1970.
M. Morin: Comme indicateur, comme période de
référence, comme année de référence.
M. Saint-Pierre: Alors, votre dogme, c'est quoi? Est-ce que c'est
cinq ans? Six ans? C'est quoi?
M. Morin: Non, il s'agit de juger votre gouvernement. Vous
enlevez une année parce qu'elle ne fait pas votre affaire.
M. Saint-Pierre: Non, M. le Président. Je vous dis que,
pour le gouvernement qui est élu le 12 mai, il faut bien admettre
qu'avant qu'on reprenne la confiance des investisseurs privés, face
à la détérioration qui était survenue de 1966
à 1968 et je ne suis pas obligé de vous donner les
chiffres, on peut voir que la part diminuait constamment donnez-nous au
moins quatre ou cinq mois pour rétablir cette confiance dans le secteur
privé.
M. Morin: Nous vous faisons grâce de six mois. Nous prenons
l'année 1970 comme simple année de référence. On
n'inclut pas la croissance de 1970 dans les chiffres. On vous fait grâce
de six mois. Seulement, vous devez prendre l'année 1971.
Quand on ajoute l'année 1971 et qu'on ajoute 1970 à titre
d'année de référence, les données sont bien
différentes. Voulez-vous qu'on fasse
l'exercice point par point? Je suis prêt à ce que vos
fonctionnaires sortent leurs calculatrices et on peut peut-être le
calculer. Vous allez voir que les chiffres sont différents.
Je comprends très bien le premier ministre d'utiliser 1971 comme
année de référence et de ne pas inclure la croissance de
1971. Cela fait son affaire, parce que les chiffres ont l'air plus
élevés, se comparent plus favorablement avec les chiffres
canadiens. Mais si vous voulez, on peut faire l'exercice, en vérifiant
chaque chiffre.
M. Saint-Pierre: On peut le faire, on va avoir les chiffres que
vous m'avez demandés dès cet après-midi et on
comparera.
M. Morin: Voulez-vous qu'on le fasse maintenant?
M. Saint-Pierre: Non, on va perdre du temps. Vous et moi avons
autre chose à discuter que de calculer des chiffres.
M. Morin: Non, c'est parce que c'est important et je voudrais
bien qu'on le règle une fois pour toutes, pour que M. Bourassa ne nous
sorte pas constamment, en Chambre, des chiffres qui sont biaisés, qui
sont inexacts.
M. Saint-Pierre: Non, ils ne sont pas biaisés, les quatre
dernières années...
M. Cadieux: Ils ne sont pas biaisés. C'est parce qu'on
commence par 1971. On ne biaise rien. C'est basé sur l'année 1971
au lieu de 1970, il n'y a pas de biaisage là-dedans.
M. Morin: M. le député ne comprend certainement pas
que, quand on se sert de 1971 comme point de référence, on
n'inclut pas les chiffres de 1971. Je pense qu'il faudrait qu'il le
comprenne.
M. Cadieux: Je le comprends très bien et c'est sa
volonté de...
M. Morin: Est-ce que vous étiez au gouvernement en 1971?
Oui ou non? Vous étiez au gouvernement. Je vous fais grâce des six
premiers mois de 1970, cela aggraverait encore vos chiffres.
M. Cadieux: Les six autres mois, il a fallu rétablir la
confiance.
M. Morin: M. le Président, je serais prêt à
faire l'exercice, quitte à ce que vos adjoints vérifient mes
calculs.
M. Saint-Pierre: Sûrement que cela va être
nécessaire, voyant les faussetés que vous avez dites ce matin.
10% en 1975. Ce n'est pas cela que vous avez dit, 10% de chômage? Si je
peux avoir le journal des Débats, je serai bien heureux.
M. Morin: En chiffres réels, je pense que le ministre
aurait peut-être des surprises.
M. Saint-Pierre: Qu'est-ce que vous voulez dire, en chiffres
réels?
M. Morin: En particulier, lorsqu'il parlait tout à l'heure
du chômage d'hiver.
M. Saint-Pierre: Mais quel a été le taux du
chômage?
M. Morin: Du chômage d'hiver... M. Saint-Pierre:
Oui.
M. Morin: Cela a dépassé légèrement
10% dans certains cas.
M. Saint-Pierre: Donnez-les-moi.
M. Morin: Je vais vous les sortir, les chiffres, si vous le
désirez.
M. Saint-Pierre: Donnez-les-moi. Je les ai ici pour les trois ou
quatre dernières années où, d'après vous, cela a
été moins bien. Donnez-les. Je vais vous les donner.
M. Morin: Octobre, novembre, décembre 1975, en chiffres
réels.
M. Saint-Pierre: Réels, bruts, ce qu'on appelle bruts.
Réels, ce n'est pas un bon terme.
M. Morin: Non, non. Les chiffres réels.
M. Saint-Pierre: Quappelle-t-il les chiffres réels?
M. Morin: Non désaisonnalisés.
M. Saint-Pierre: Ah! ce qu'on appelle les chiffres bruts.
M. Morin: De toute façon, M. le Président, j'ai
envoyé chercher les chiffres. Nous les avons dans un dossier
là-haut.
M. Saint-Pierre: Je les ai. Les taux de chômage, M. le
Président, je peux les déposer. Vous me dites, encore une fois,
octobre, novembre, décembre.
M. Morin: Octobre, novembre, décembre 1975.
M. Saint-Pierre: Pour le Québec, octobre 1975, 7,1%. C'est
un chiffre brut.
M. Morin: Des chiffres désaisonnalisés ou
réels?
M. Saint-Pierre: C'est brut. Les chiffres
désaisonnalisés, je peux vous les donner, 8,4%.
M. Morin: En termes réels, maintenant?
M. Saint-Pierre: Non. M. Bédard, voulez-vous
expliquer qu'il y a bruts et qu'il y a désaisonnali-sés,
réels. M. Bédard va vous le dire.
M. Morin: II y a aussi réels. Enfin, je les ai
envoyé chercher. On pourra peut-être comparer.
M. Saint-Pierre: Vous avez trois chiffres
dé-saisonnalisés, bruts et réels. C'est quoi,
réels?
M. Morin: Je les ai envoyé chercher, nous allons les
analyser point par point.
M. Saint-Pierre: En ce qui concerne la comparaison des taux de
chômage, à l'heure actuelle, il faut faire attention à la
nouvelle définition qui est utilisée par Statistique Canada.
M. Morin: Cela avantage d'à peu près 1%; cela
diminue les taux d'à peu près 1%, d'après la mise en garde
qu'on nous fait.
M. Saint-Pierre: Non, cela n'avantage pas, c'est plus conforme
à la réalité. M. Bédard, est-ce que, d'après
vous, c'est...
Je pense qu'on a probablement amélioré la
définition du chômage, en termes du marché du travail comme
tel. On utilise maintenant la population de quinze ans et plus, plutôt
que la population de quatorze ans et plus. On a une définition beaucoup
plus stricte de ce qu'est une personne qui a un emploi et ce qu'est une
personne qui est en chômage et qui est active sur le marché du
travail.
On a pris la population de 1971, alors qu'avant, c'était celle de
1961.
En plus de cela évidemment...
C'est très important. ... en termes de structure de population,
on a utilisé les dernières données du recensement de 1971,
plutôt que celles de 1961.
M. Morin: J'ai envoyé chercher les taux réels. Si
le ministre veut attendre un instant, nous allons pouvoir comparer,
année par année. Mais voudrait-il qu'en attendant...
M. Saint-Pierre: Un instant. Je veux continuer cela, parce que
j'ai toujours pensé que vous appeliez des taux réels ce qu'on
appelle les taux bruts, c'est-à-dire quel est, à un moment
donné, le pourcentage de chômeurs. Les taux
désaisonnalisés, ce sont ceux qui compensent, compte tenu de
l'été, de l'hiver, enfin, des cycles saisonniers que nous pouvons
avoir. Je vous les donne de nouveau. Je prends les pires. C'est évident,
parce que c'est cela que vous utilisez vous-même.
Je remarque, dans vos discours, que l'été, vous utilisez
les taux désaisonnalisés.
M. Morin: Non, nous utilisons toujours ce que nous appelons les
taux réels. Dans un instant, je vais être en mesure de vous en
parler plus longuement.
M. Saint-Pierre: Les taux bruts M. le Président, je
vais prendre les pires dans les mois d'octobre, de novembre et de
décembre, les chiffres les plus élevés, ce sont les taux
désaisonnalisés. Cela nous donne, en octobre 1975, 8,4% pour le
Québec, 8,6% pour le mois de novembre et 8,5% pour le mois de
décembre.
D'ailleurs, j'ai la feuille devant moi. Depuis 1972, je n'ai aucun
chiffre qui ne se rapproche même... Dans les taux
désaisonnalisés, qui sont les taux finalement les plus
importants, en termes de signification, il n'y en a aucun qui atteint 9%.
M. Morin: M. le Président, en attendant que j'aie les
chiffres sous la main, est-ce qu'on pourrait essayer de concilier nos chiffres,
pour ce qui est des indicateurs économiques, en incluant l'année
1970, comme point de référence?
M. Saint-Pierre: J'ai dit que cet après-midi nous aurons
fait faire le calcul. Je ne sais pas ce que cela donnera s'il faut calculer
chacun des chiffres. Les spécialistes vont nous faire cela. Cela me fera
plaisir d'en discuter avec vous et de regarder vos chiffres. D'ailleurs, c'est
le problème. Vous avez tous mes chiffres, parce que je publie tout ce
que j'ai, mais, vous, vous ne me donnez pas ce que vous avez. C'était la
même chose, hier soir.
M. Morin: Je suis prêt à vous les donner. M.
Saint-Pierre: Entre parenthèses...
M. Morin: Je suis prêt même à faire faire une
copie de ces deux feuilles...
M. Saint-Pierre: Très bien.
M. Morin: ... pour que vous puissiez vérifier.
M. Saint-Pierre: Faites-en donc faire une copie.
M. Morin: Ce serait peut-être utile.
M. Saint-Pierre: En passant, est-ce qu'on pourrait avoir
également la copie du rapport que vous avez évoqué, dont
vous étiez en possession, hier soir, au sujet des Industries Valcartier.
Il y a une tradition parlementaire, quand on évoque des documents...
M. Morin: Ce n'était pas un document. C'est surtout une
lettre qui a été d'ailleurs publiée dans les journaux. Je
pourrais vous en remettre une copie, si vous le désirez.
M. Saint-Pierre: Vous n'avez pas le rapport de...
M. Morin: C'est une lettre d'un organisme syndical qui
s'inquiétait justement de cette transaction. Elle a été
publiée; elle a été rendue publique.
M. Saint-Pierre: C'est parce qu'hier, vous avez
mentionné les conclusions d'un rapport préparé pour
la Banque canadienne nationale.
M. Morin: Ce rapport, non, je ne l'ai pas. M. Saint-Pierre:
Vous ne l'avez pas.
M. Morin: J'y ai fait allusion. Il y a été fait
allusion dans la presse et dans cette lettre à laquelle je me
réfère. Peut-être pouvons-nous faire reproduire les deux
sur une même feuille.
M. Saint-Pierre: Vos chiffres réels s'en viennent.
M. Cadieux: On voudrait savoir ce que vous voulez dire par
chiffres réels. Le ministre vous l'a demandé deux ou trois fois
tantôt. Qu'est-ce que cela veut dire, chiffres réels, plutôt
que chiffres bruts?
M. Saint-Pierre: Les chiffres réels...
M. Cadieux: ...ils prétendent qu'il y avait trois
chiffres...
M. Saint-Pierre: 10%, c'est dans quoi?
M. Morin: Oui, je vais vous donner les statistiques. Ce sont des
statistiques fédérales...
M. Saint-Pierre: Est-ce qu'on peut les... Pour la province de
Québec?
M. Morin: Pour le Québec, en chiffres réels. Je ne
sais pas si cela correspond à votre définition des chiffres
bruts, mais pour 1975...
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: ...en janvier...
M. Saint-Pierre: Janvier...
M. Morin: ...le chômage atteignait...
M. Saint-Pierre: Janvier 1975.
M. Morin: Janvier 1975, il atteignait 10,3%. En février,
10,9%; en mars, 10,8%; en avril, 10,4% et en mai, 8,7%. Ensuite, cela oscille
entre 7% et 9%. La moyenne de l'année étant de 8,9%. Je vois que
nous sommes d'accord au moins sur la moyenne de l'année.
M. Saint-Pierre: Non, il y a quelque chose, on n'est pas
d'accord. On va vous dire l'erreur, c'est que les chiffres que vous avez, c'est
à un moment où Statistique Canada refaisait sa méthode de
calculer le chômage. Alors, les chiffres que je vous ai donnés en
1975, et les 8,1% que je vous ai donnés, c'est suivant la
définition j'allais utiliser les termes de M. Bédard
améliorer le chômage.
M. Morin: Oui, mais cela a pour effet de dimi- nuer en
général les taux d'à peu près 1%, ce que vous
appelez le réajustement.
M. Saint-Pierre: Oui, mais une partie qui est très
importante, c'est évident que, si on utilise comme population cible les
données de 1961, alors que la population de 15 à 21 ans
était, en termes de pourcentage, plus importante qu'elle ne l'est
aujourd'hui, on sait que c'est là qu'on a beaucoup de chômage.
Cela nous donne donc des taux de chômage qui sont artificiellement
élevés. M. Bédard a mentionné d'autres
éléments qui ont pu changer sur le...
M. Morin: Pourriez-vous me dire quand la nouvelle méthode
est entrée en vigueur?
M. Saint-Pierre: La nouvelle méthode est entrée en
vigueur le 1er janvier...
M. Morin: 1976.
M. Saint-Pierre: Oui, mais justement, un instant...
M. Morin: Alors, vous avez rétroactivement appliqué
la méthode à 1975, ce qui évidemment faisait votre
affaire.
M. Saint-Pierre: Non, c'est parce que c'était beaucoup
plus cohérent. Sans cela, on avait... Ecoutez, c'est comme... M. le chef
de l'Opposition officielle, c'est comme une entreprise qui change sa
méthode comptable constamment. Elle est obligée de
réajuster les chiffres des années antérieures pour avoir
une cohérence dans les années. C'est le certificat que les
vérificateurs sont obligés de donner, que la méthode
utilisée cette année est la même que l'an dernier. Comme il
y avait changement de méthode, les chiffres ont été
modifiés pour 1975, pour tenir compte de cela.
M. Morin: Oui, écoutez, je pense que nous allons entrer
dans une impasse, si nous nous référons à des corrections
statistiques a posteriori, des corrections statistiques artificielles dans une
large mesure. Je soutiens que le taux réel tel qu'il était
calculé, à ce moment, en 1975, était tel que je viens de
le mentionner. Que vous ayez fait des corrections par la suite, des ajustements
par la suite, je le veux bien, mais, à l'époque où ces
taux ont été calculés, ils étaient bien tels que je
les ai mentionnés. Je pense que vous en convenez.
M. Saint-Pierre: C'est Statistique Canada qui a fait les
corrections tout simplement pour avoir cohérence dans sa méthode
de calcul.
M. Cadieux: Une des corrections, ce serait qu'au lieu de calculer
un jeune à 14 ans, qui serait sur le marché du travail, on a
commencé à calculer les jeunes à 15 ans. Je pense que
c'est très normal aussi.
M. Morin: De toute façon, le ministre admettra
que, quelle que soit la méthode de calcul pour un certain nombre
de mois en 1975, nous avons eu le record des taux de chômage depuis des
décennies.
M. Saint-Pierre: Oui, mais est-ce que le chef de l'Opposition
admet avec moi que le nombre de chômeurs en Ontario, pour la
première fois depuis toujours, a excédé le nombre de
chômeurs au Québec? Il y a sûrement le
phénomène...
M. Morin: Ils ont une population évidemment plus
considérable.
M. Saint-Pierre: Ils ont toujours eu une population
considérable, mais là, cette année, ils ont plus de
chômeurs, en chiffres réels, si je prends les chiffres
désaisonnalisés de... Les derniers que nous avons, bon! En
Ontario, 255 000 chômeurs actuellement, en avril 1976...
M. Morin: Cela représente quel pourcentage?
M. Saint-Pierre: 255 000, ce qui représente, en chiffres
désaisonnalisés, 6.5%, et qu'au Québec, nous en avons 224
000. Ce que je veux vous dire... C'est la première fois, depuis
toujours, à ma connaissance, M. Bédard, je ne sais pas, j'ai
regardé les statistiques pour les dix dernières années,
c'est la première fois qu'en Ontario, on a un nombre de chômeurs
plus élevé qu'au Québec, sauf exception pour le mois de
janvier 1972.
M. Morin: M. le Président, est-ce que le ministre voudrait
que nous comparions maintenant... Je lui ai fait distribuer les tableaux
d'indicateurs économiques comprenant l'année 1970 comme
année de référence. Est-ce qu'il veut que nous
procédions maintenant ou s'il veut attendre la séance de
l'après-midi?
M. Saint-Pierre: Je préférerais faire analyser tous
ces tableaux avant. Vous venez de me présenter ça. Cela fait
trois secondes que je les ai.
M. Morin: Oui. Je le veux bien. Je n'ai pas d'objection, au
contraire, à vous donner tout le temps voulu pour les
considérer.
M. Saint-Pierre: Mais vous avez pris cela de Statistique Canada,
les données?
M. Morin: Oui, c'est tiré de Statistique Canada, et
même de façon plus précise, je m'excuse, c'est tiré
de votre propre conférence de presse, mais en y ajoutant, comme vous
pouvez le voir, la colonne 1970, à titre d'année de
référence. Bien! Nous pourrons en reparler cet après-midi.
Nous pourrions peut-être, M. le Président, aborder d'autres
questions.
Je vais procéder un peu comme les années passées,
si vous le voulez bien. Avant d'aborder le premier programme, je vais
étudier, avec le ministre, un certain nombre de problèmes, selon
notre coutume, et, par la suite, nous pourrons adopter, assez rapidement, les
divers programmes.
Le Président (M. Brisson): Est-ce que le ministre est
d'accord?
M. Saint-Pierre: Je ne suis pas d'accord, mais c'est une
bonne...
M. Morin: C'est toujours ce que nous avons fait dans le
passé.
M. Saint-Pierre: Vous n'avez pas fait cela avec moi
l'année passée. Non, cela m'apparait plus logique. Je vous donne
un document très complet sur tous les programmes.
M. Morin: Oui. Je rassure le ministre. Nous allons passer
l'étude des crédits programme par programme. Je tiens à le
rassurer. Mais, dans mon dossier général, j'ai quelques questions
dont j'aimerais l'entretenir maintenant. D'ailleurs, ça va revenir
exactement au même.
Le Président (M. Brisson): Est-ce que ces questions
touchent à vos différents dossiers? Parce que si on discute
maintenant et qu'il faut y revenir après, il faudrait tout de
même...
M. Morin: Non, nous n'allons pas y revenir, M. le
Président. Cela n'a jamais été le cas, d'ailleurs, dans
l'étude des crédits que nous avons faite dans les autres
ministères ou dans celui-ci.
M. Cadieux: Vous allez peut-être obliger le ministre
à faire venir des fonctionnaires qui étaient prévus pour
cet après-midi, pour demain ou...
M. Morin: Le ministre est très capable de se
défendre comme un grand garçon.
M. Cadieux: On n'en doute pas. M. Saint-Pierre:
Allez-y!
Le Président (M. Brisson): L'honorable chef de
l'Opposition a la parole.
M. Saint-Pierre: Vous n'êtes pas à court de sujets
toujours?
M. Morin: Un instant, M. le Président! Je n'ai pas 36
fonctionnaires derrière moi pour me passer le bon dossier au bon
moment.
M. Cadieux: Un, deux, trois, quatre, cinq...
M. Saint-Pierre: Heureusement que les re-cherchistes ont la
sécurité d'emploi.
M. Cadieux: Est-ce que les grands silences apparaissent au
journal des Débats, les longs silences?
Investissements étrangers
M. Morin: M. le Président, j'aimerais aborder la question
de la politique des investissements étrangers. Elle touche
forcément l'ensemble du développement économique.
Je rappellerai au ministre qu'après plusieurs années
d'études, le rapport Tetley a été complété
et a fait l'objet d'un certain nombre de fuites. Le ministre pourrait-il me
dire si les conclusions du rapport Tetley qui n'ont pas été
publiées seront rendues publiques à un moment ou à un
autre?
Le ministre se souviendra que nous avons eu droit à seulement une
partie du rapport en question, les considérations
générales, mais que les conclusions n'ont pas été
rendues publiques. On n'a pas daigné les imprimer.
Le ministre n'estime-t-il pas que cela serait important que nous ayons
ces conclusions sous la main, que nous puissions en prendre connaissance? Et
d'abord, lui-même en a-t-il pris connaissance? L'a-t-on saisi de cet
aspect du rapport Tetley?
J'imagine qu'il devait être extrêmement
intéressé à avoir les conclusions concrètes de
cette étude et y aura-t-il des suites? Cela sera-t-il suivi d'un projet
de loi?
M. Saint-Pierre: II y avait dans le rapport Tetley qui a
été rendu public une analyse intéressante de tout ce qui
touche les investissements étrangers. Il est vrai que, dans des versions
préliminaires qui ont été modifiées,
remodifiées, changées, il y avait également des
recommandations très particulières, très
détaillées, pourrait-on dire, qui étaient loin de
faire...
Certaines d'entre elles étaient acceptables au gouvernement, mais
d'autres étaient nettement inacceptables et, compte tenu que, lorsque
ces rapports sont publiés, on leur donne toujours un certain
caractère officiel, les gens n'hésitent pas à les prendre
comme des textes de loi et compte tenu que le Conseil des ministres devait
être saisi d'une prise de position en ce qui touche les investissements
étrangers, nous avons cru bon, au lieu d'épurer les
recommandations pour prendre celles qui étaient conformes aux politiques
du gouvernement, de publier le document de recherche sans y apporter le moindre
changement, mais de publier presque au même moment à la fois le
mémoire du Conseil des ministres, ce qui est assez rare, et
également les politiques précises retenues par le
gouvernement.
Je pense que c'est très précis en termes de
critères d'évaluation, ce qui nous permet, vis-à-vis de la
législation fédérale sur laquelle nous avons un droit de
consultation, de nous guider dans nos recommandations qui sont
formulées.
Il n'est pas dans notre intention, actuellement, d'avoir une loi
particulière vis-à-vis des investissements étrangers. En
fait, comme je le mentionnais au chef de l'Opposition officielle, si, au cours
des dernières années les universitaires ont aimé se
pencher sur le problème des investissements étrangers au Canada,
je pense qu'au cours des prochaines années, on va se pencher sur le
problème des investissements canadiens à l'étranger.
M. Morin: Effectivement, cela pourrait être un
problème.
M. Saint-Pierre: C'est déjà le début de bien
des choses.
M. Morin: Nous n'en disconvenons pas.
M. Saint-Pierre: Dans nombre de secteurs, les conditions de
salaire sont plus élevées au Canada qu'aux Etats-Unis en
particulier. C'est surtout vis-à-vis des Etats-Unis que nous avons le
plus de difficultés. Les taux d'inflation sont plus bas. Les croissances
de salaire sont plus basses et la productivité est de beaucoup plus
élevée. Alors, ces trois facteurs mis ensemble peuvent rendre
difficiles les investissements étrangers au Québec comme au
Canda.
M. Morin: Nous ne disconvenons pas que cela soit un
problème qu'il faudra affronter. Effectivement. D'ailleurs, parmi les
solutions que je mentionnais tout à l'heure, certaines étaient
dirigées justement sur ces problèmes que le ministre vient
d'évoquer.
Mais, à la suite de son discours de Francfort, par exemple, le
ministre peut-il nous dire si nous serons bientôt en présence
d'une loi sur la question des investissements étranger? Je sais qu'il en
a été question. Où en est ce projet?
M. Saint-Pierre: II n'a jamais été question de loi
au gouvernement. On considère que cela n'est pas nécessaire une
fois que la politique du gouvernement vis-à-vis des investissements
étrangers est définie et je pense qu'elle l'a été
très clairement.
Tant pour les acquisitions que les étrangers pourraient faire au
Canada, que vis-à-vis des nouvelles implantations, je pense que nous
avons amplement, par plus d'un mécanisme, les pouvoirs d'intervenir
avant les prises de décision. D'ailleurs, j'ai déjà
mentionné que, même sans aucun projet de loi, je connais peu
d'entreprises qui sont intéressées à s'implanter au
Québec si le gouvernement du Québec n'est pas d'accord avec
l'implantation. A la suite, d'ailleurs, des discours de Francfort et de New
York, j'ai ici pas moins de seize critères d'évaluation que nos
fonctionnaires utilisent lorsqu'on examine en détail l'acquisition ou la
création d'entreprises contrôlées par des étrangers.
Ces critères vont de phénomènes d'intégration
à l'économie québécoise, l'intégration
économique, c'est-à-dire le degré d'autonomie des
opérations de la compagnie québécoise, l'accroissement des
approvisionnements en biens et services produits au Québec, la
transformation des ressources, l'élargissement de la nature des
opérations de l'entreprise au Québec, le réinvestissement
accru des profits au Québec, des intégrations socio-culturelles,
comme la participation accrue des Québécois francophones, soit
comme actionnaires, soit comme directeurs, comme administrateurs, comme cadres,
la francisation des entreprises et le français comme langue de travail,
des critères également de performance économique,
accroissement de la productivité, du rendement industriel et commercial,
création d'emplois, nouveaux ininvestissements, accroissement des
exportations et ou diminution des importations, création de nouveaux
produits, c'est-à-dire innovation, dépenses en recherche et
développement et augmentation de la variété des pro-
duits; treizièmement, amélioration de la technologie;
quatrozièmement, perfectionnement du personnel et du personnel-cadre;
quinzièmement, incidence sur la concurrence interne et
seizièmement, situation actuelle de l'entreprise
québécoise, gestion, finance et marchés.
Il me semble qu'avec des critères aussi précis, un projet
de loi...
M. Morin: C'est vous qui les qualifiez de précis. Vous
devez admettre que ce sont des critères très
généraux. Prenons, par exemple... Je devrais peut-être
demander au ministre si ces critères sont tirés du discours de
Francfort ou de celui de New York.
M. Saint-Pierre: C'est essentiellement le même.
M. Morin: Est-ce qu'il existe une sorte de petite codification de
ces critères pour fins ministérielles et qui pourraient nous
être communiquée?
M. Saint-Pierre: Oui, je vais rendre public ce document qui est
simplement un sommaire de ce qui a déjà été dit
à Francfort, d'ailleurs.
M. Morin: Bien. Même si c'est un sommaire, cela nous
intéresse.
M. Saint-Pierre: Certainement.
M. Morin: Prenons, par exemple, l'approvisionnement au
Québec, par les compagnies multinationales. C'est un très beau
critère, mais, en fait, elles ne le font pas ou si peu. Elles
s'approvisionnent, vous le savez...
M. Saint-Pierre: Vous pensez à quelle compagnie en
particulier? Pouvez-vous m'en donner une? La plus grande au monde, General
Motors.
M. Morin: Je parle de façon globale. Vous le savez comme
moi...
M. Saint-Pierre: Vous me reprochez d'avoir des critères
qui sont trop généraux, mais vos accusations sont très
globales.
M. Morin: Ce n'est pas une accusation. Entendons-nous bien.
J'essaie de...
M. Saint-Pierre: C'est un constat qui n'est pas
qualifié.
M. Morin: Voilà. Si vous voulez, c'est un constat
et...
M. Saint-Pierre: Prenons un cas précis. Est-ce que vous
prétendez je vais prendre une compagnie, General Motors...
Voulez-vous en prendre une autre? Je ne le sais pas. Est-ce que General Motors
vous va?
M. Morin: Ecoutez, si vous voulez prendre General Motors, on va
pouvoir l'analyser secteur par secteur. D'où viennent les tôles,
par exemple, de General Motors?
M. Saint-Pierre: Quel est votre constat vis-à-vis
de...
M. Morin: Je vous pose la question. Vous avez les chiffres plus
que moi, les chiffres précis. D'où viennent les tôles de
General Motors?
M. Saint-Pierre: II faudrait le demander à General
Motors.
M. Morin: Ah, bien oui! Là je vous demande...
M. Saint-Pierre: Oui, mais vous portez une accusation, vous
faites un constat, moi. je vous demande de le préciser.
M. Morin: Je vous dis que les tôles de General Motors, par
exemple, puisque vous avez voulu choisir cette entreprise, ne viennent pas du
Québec, elles ne viennent pas de SIDBEC. Vous êtes bien
obligé de l'admettre.
M. Saint-Pierre: Mais SIDBEC n'en fait pas. C'est évident
que je suis obligé de I admettre. SIDBEC ne fait pas de tôle pour
les automobiles, comme SIDBEC ne fait pas.
M. Morin: Et vous croyez que SIDBEC ne serait pas en mesure de le
faire?
M. Saint-Pierre: Non.
M. Morin: Eh bien, voyons! Vous croyez qu'il n'y aurait pas moyen
d'obtenir de SIDBEC des tôles pour les automobiles si vous aviez une
politique d'achat ici au Québec? Vous n'avez pas de politique d'achat,
alors forcément...
M. Saint-Pierre: Un instant. Vous changez de sujet à
toutes les secondes. Un instant. SIDBEC n'est nullement
intéressée aux marchés des tôles pour le
marché des automobiles, de la même façon que SIDBEC n'est
pas intéressée à des profilés de certaines
dimensions qui sont presque... Il y a une seule compagnie canadienne... STELCO
n'est pas intéressée. C'est presque Algoma qui a
entièrement le marché des profilés, des "wide flanges",
les poutres d'une certaine dimension. Mais, si vous voulez les chiffres, je les
ai déjà vus d'une façon confidentielle, je peux les
obtenir de façon à les rendre publics, pour voir l'augmentation
très substantielle des achats d'une compagnie comme General Motors
vis-à-vis du marché québécois, la valeur
ajoutée en termes de...
M. Morin: Ce sont vos propres rapports qui, d'année en
année, disent que les compagnies étrangères ne
s'approvisionnent pas suffisamment auprès des PME
québécoises. Ce n'est pas moi qui le dit. ce sont vos propres
documents qui le disent. Là, vous me demandez un exemple particulier, je
vous en donne un et là, évidemment, il ne fait pas votre
affaire.
M. Saint-Pierre: Non, il fait mon affaire parfaitement. Si on
prend l'exemple de General Motors je n'ai pas le fonctionnaire ici, vous
vous promenez un peu dans mon ministère, je fais venir le type
qui s'est associée avec le ministère, avec expo-profits qui a eu
lieu à Saint-Laurent, on a tenté, je pense que tous les efforts
ont été faits, tant pour l'entreprise que pour le
ministère, de montrer à nos PME québécoises le
marché que pouvait représenter General Motors. Un peu à
regret, je ne le cache pas, face à une possibilité très
considérable, je pense qu'il y a à peine 60 entreprises qui sont
allées aussi loin que de demander les devis sur les achats et les
approvisionnements. Nous avions pensé que face à la plus grande
entreprise au monde, il y aurait eu plus que 60 entreprises.
On poursuit notre travail pour tenter d'identifier à des
fabricants des PME qu'il y a là un marché qu'ils devraient
examiner en profondeur même s'ils ne font pas de travail actuellement. Je
voyais dans la Presse hier... j'ai parlé aux gens de l'Ecole
polytechnique sur le marché de l'énergie nucléaire. C'est
la même chose là-bas. Je l'ai justement le projet d'expo-profits,
que cela a donné.
Un instant, je vais vous donner... En dépit de la grève
des postes, 442 manufacturiers et hommes d'affaires ont visité la
chaîne de montage de l'usine et ont examiné 12 000 pièces
exposées, non seulement pour les autobus, mais il y avait des
pièces pour les autres.
Non seulement ces manufacturiers ont-ils pu envisager des contrats de
sous-traitants, mais ils ont acquis par leurs discussions et observations, une
foule de connaissances relatives aux techniques et aux méthodes de
fabrication. 286 compagnies ont manifesté leur intérêt
réel et 200 d'entre elles ont soumis des propositions concrètes
pour la fabrication d'un grand nombre de pièces.
Depuis la date de l'exposition, 35 manufacturiers ont manifesté
le désir de visiter General Motors et de rencontrer les acheteurs. Nous
ferons suite à leur demande au début de 1976. On pourrait
demander aux fonctionnaires le nombre exact je sais qu'il y a eu
certains... j'ai déjà vu des chiffres d'entreprises du
Québec qui sont maintenant des pourvoyeurs de General Motors; je ne les
ai pas ici, mais je pourrai les obtenir.
M. Morin: Je ne conteste pas une politique d'information comme
celle-là, qui consiste à essayer d'aboucher la grande
société avec les petites et moyennes entreprises
québécoises, c'est certainement dans la ligne de ce que nous
souhaiterions. Mais à vrai dire, quand on considère la situation
d'ensemble, il faut que vous admettiez, parce que ce sont vos propres rapports
qui le disent, que les grandes entreprises s'approvisionnent encore beaucoup
trop à l'étranger et non pas au Québec. Que vous fassiez
des efforts, c'est tant mieux. Mais je crois qu'il faudrait avoir une politique
beaucoup plus ferme, beaucoup plus suivie dans ce domaine si vous voulez
vraiment obtenir des résultats.
Je ne veux pas revenir sur l'exemple des tôles, mais le jour
où vous aurez une politique d'achat systématique, je suis
sûr que SIDBEC serait intéressée à faire ces
tôles, à diversifier ces tôles, parce que l'autre jour, j'ai
entendu M. Gignac lui-même nous le dire.
J'aimerais peut-être passer à un autre aspect de cette
même situation et demander au ministre ce qu'il pense de l'application de
la deuxième partie du projet de loi fédéral sur le
tamisage des investissements étrangers. Est-ce que l'attitude du
ministère a changé depuis l'an dernier alors que nous en avions
parlé? Je rappelle au ministre que cette deuxième partie n'est
pas encore appliquée à cause des objections, notamment du
Québec.
M. Saint-Pierre: Je m'excuse, vous êtes mal informé,
la deuxième partie de la loi est en vigueur depuis nombre de mois et
nous avons eu quelques cas. Nos réactions...
M. Morin: Quelle représentation avez-vous faite? Oui,
c'est ça, son application a été retardée, elle est
entrée en vigueur, d'accord. Est-ce que vous pourriez me dire quels ont
été vos rapports avec l'organisme fédéral
compétent au sujet de l'application de cette loi?
M. Saint-Pierre: Les rapports ont été très
bons. Le point qui est majeur dans cela, c'est que l'opinion du gouvernement du
Québec semble avoir une voix déterminante dans l'option que prend
le gouvernement fédéral.
M. Déry, qui est à ma gauche, qui est responsable du
bureau d'examen des investissements étrangers au Québec,
m'indique que, dans 98% des cas, la recommandation du gouvernement du
Québec est suivie par le gouvernement fédéral.
Sur la deuxième partie de la loi, nos réserves sont les
mêmes que celles que nous avions déjà formulées,
c'est-à-dire que le mécanisme prévu risque simplement de
créer une surenchère entre les provinces, au niveau des
principes; que deuxièmement, le mécanisme risque d'éviter
que des cas fort intéressants ne viendront même pas au Canada,
à cause du mécanisme mis en place. Je parle toujours de nouvelles
implantations.
Depuis que la loi est en vigueur, nous avons eu seulement deux cas
où le cabinet fédéral a donné une réponse,
c'est-à-dire du 15 octobre 1975 au 31 mars 1976, deux entreprises,
Internote Financial Holding, à Granby, et les Placements Orion
Ltée, à Montréal, où le gouvernement
fédéral a donné une réponse affirmative.
Mais l'autre côté de la médaille, c'est qu'il y a
des investissements intéressants, que nous aurions peut-être pu
avoir au Québec, qui ne sont pas venus à cause de la
législation fédérale. C'est la seule et unique raison pour
laquelle nous nous opposons à cette législation, dans un pays
où nous avons un taux de chômage comme nous avons
actuellement.
M. Morin: Mais vous savez bien, quand même, que cette
législation avait pour but, notamment, d'empêcher les "take over"
et que,si vous pensez que, dans l'immédiat, vous pouvez régler
certains cas de sous-emploi, à long terme, vous vous re-
trouverez avec des problèmes peut-être plus graves.
M. Saint-Pierre: Mais la législation, la deuxième
partie de la loi c'est le sens de votre question ne visait pas
les prises de contrôle, ce que vous appelez les "take over". La
deuxième partie de la loi...
M. Morin: Ce sont les nouveaux?
M. Saint-Pierre: Ce sont les nouveaux investissements. Sur les
prises de contrôle, nous n'avons pas exprimé des opinions
divergentes; s'il y a quelque chose, nous avons été une province
qui a été la plus difficile, qui a le plus tenté
d'empêcher les prises de contrôle.
M. Morin: Dans votre discours de Francfort, auquel je reviens
brièvement, vous disiez ceci et j'aimerais que vous l'explicitiez
peut-être davantage. Cela avait piqué ma curiosité. "Dans
le cadre de notre politique de porte ouverte aux investissements
étrangers, il existe trois secteurs dans lesquels nous avons, soit
à Ottawa, soit à Québec, quelques restrictions. Il s'agit
des ressources naturelles, du secteur des biens culturels, et de celui des
institutions financières et monétaires. "Pour l'exploitation des
ressources naturelles, nous demanderons aux entreprises
étrangères intéressées de s'associer à des
intérêts québécois. Nous demanderons aussi à
ces entreprises de procéder sur place à une transformation de la
richesse, pour atteindre, petit à petit, la production de produit fini.
Nous serons raisonnables sur la cadence de ces transformations accrue, mais
fermes sur l'objectif".
Pourriez-vous nous préciser votre pensée, en particulier
pour ce qui est de l'association à des intérêts
québécois et nous donner, peut-être, des débuts de
réalisation qui montreraient que ce n'était pas là
simplement des paroles, mais que c'étaient des objectifs concrets?
M. Saint-Pierre: Si on prend le secteur des Richesses naturelles,
dans une certaine mesure, bien sûr, cela touche le ministère que
dirige M. Cournoyer. Mais nous sommes également impliqués,
puisque la plupart de ces projets ne sont pas uniquement des projets, soit
miniers ou soit pétroliers, mais des projets de complexes
intégrés.
Il me semble que le texte que vous venez de citer est très clair.
C'est la ligne de conduite, dans chacun des nouveaux projets, qui est
soulevée, lorsqu'il y a des investissements étrangers, nous
demandons, nous insistons et je pourrais nommer plusieurs projets
qu'il y ait, d'une part, un partenaire québécois qui soit choisi.
Lorsqu'on n'est pas capable d'identifier, dans le secteur privé
et je l'ai mentionné hier c'est là que la
Société générale de financement peut jouer un
rôle de partenaire du groupe étranger. D'autre part, nous
demandons une transformation poussée de la richesse.
Le projet d'aluminerie dont vous allez sûre- ment parler
tantôt est un bon exemple où, dès le départ, ce sont
deux des critères qui sont posés, qui sont compris de tous ceux
qui s'assoient autour de la table avec nous. C'est-à-dire qu'il y aura
une présence québécoise dans l'équité de la
structure du complexe lui-même...
M. Morin: De l'aluminium de première fusion ou de la
transformation?
M. Saint-Pierre: Des deux.
M. Morin: C'est un de vos propres fonctionnaires qui avait
quelque peu ri de l'idée de transformation des produits d'aluminium, ici
au Québec, l'année dernière, en soulignant que la plupart
des pays veulent transformer l'aluminium chez eux.
M. Saint-Pierre: Qui est-ce qui... Il n'y a jamais personne de
chez nous qui a dit cela.
M. Morin: Je vous retrouverai le document.
M. Saint-Pierre: C'est un de vos gens qui a ri de cela, mais, une
fois que l'usine va être réalisée, rira bien qui rira le
dernier.
M. Morin: C'était le mémoire du ministère,
la comparution d'un représentant du ministère devant le
comité sur l'environnement. Oui, je m'en souviens très bien.
M. Saint-Pierre: Qui a ri de... Qu'est-ce que vous...
M. Morin: De l'idée de transformer...
M. Saint-Pierre: C'est M. Marceau, qui est au dossier, qui a
comparu...
M. Morin: Je vous apporterai les citations peut-être cet
après-midi, mais je l'ai distinctement à l'esprit. Je vous en ai
même parlé en Chambre, une fois ou deux.
M. Saint-Pierre: Non, ce n'est pas de cela dont vous m'avez
parlé en Chambre. J'ai bonne mémoire. Il n'y a personne du
ministère qui a ri de notre objectif de transformer, d'aller à
une étape plus longue que l'usine d'électrolyse. Des usines
d'électrolyse, au Québec, sans bouger le petit doigt comme cela,
on en aurait eu une à Valley-field. On l'a refusée, sans
même faire de cadeau, sans donner une "cenne" noire. On l'a
refusée; on n'est pas intéressé.
Notre objectif, on va l'avoir, il va y avoir transformation. Je prends
cela comme cas d'espèce, mais il y en a beaucoup d'autres. Prenons le
projet en pétrochimie d'Inventa, transformation poussée,
participation de Québécois. Prenons le projet de Didier qui a
été annoncé; d'ailleurs, qui est en voie de
réalisation.
M. Morin: Quelle participation? Pourriez-vous, dans chaque cas,
me donner la participation qué-
bécoise, en pourcentage, par exemple, du capital-actions?
M. Saint-Pierre: Si vous voulez, je vais faire la recherche.
C'est le genre de question que dans les programmes, nous pouvons avoir des
réponses. Dans le cas de Didier, la FDI est propriétaire
à... Il y a un intérêt Québécois. M. Layton
et la SDI qui est propriétaire, je pense, à 50%, et le groupe
Didier est propriétaire à 50%. Il y a toute une foule de
projets.
En d'autres termes, dès qu'on a un projet dans les richesses
naturelles, souvent dans des projets industriels, cette participation des
Québécois et une transformation poussée de la richesse
naturelle, ce sont des lignes de force de notre action. Les gens de la SDI,
lorsque nous étudierons le programme de la SDI, pourront vous dire leur
propre attitude vis-à-vis des dossiers qu'ils ont dans le moment.
M. Morin: Oui, d'accord. Est-ce que je pourrais demander au
ministre, dans la foulée de son discours de Francfort et de ce
critère d'association à des intérêts
québécois, s'il pourrait me donner la liste des projets qui,
depuis le début de l'année, concrétisent cet objectif?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Aussi bien pour la transformation de la richesse sur
place. J'aimerais que, si c'était possible...
M. Saint-Pierre: II y en a plusieurs. Je pense à celui de
Forex, en Abitibi qui est un exemple concret.
M. Morin: Oui. Est-ce qu'il y aurait moyen aussi de mettre deux
colonnes, par exemple la participation québécoise, en pourcentage
du capital-actions et une autre colonne, la participation des
Québécois francophones? Est-ce possible d'indiquer cela? Je pense
que ce serait aussi très révélateur.
M. Saint-Pierre: Simplement la définition... On peut le
faire, mais c'est très arbitraire de commencer, dans le cas d'une
compagnie, à définir ce qu'est une compagnie
québécoise francophone.
M. Morin: Non, une participation québécoise
francophone, cela peut être identifié. Puisque c'est vous qui
investissez, par exemple, je vais probablement en conclure que c'est une
participation francophone. Vous n'allez pas contredire cela.
M. Saint-Pierre: Mais, souvent, ce sont des
sociétés. On va le faire.
M. Morin: II y a moyen de le faire? M. Saint-Pierre:
Oui.
M. Morin: Cela m'intéresserait de le savoir, parce que ce
sont de belles paroles, mais, quand vient le moment de les concrétiser,
j'aimerais voir ce que cela donne.
M. Saint-Pierre: On va répondre sur deux points, avec deux
réserves. Premièrement, le chef de l'Opposition va comprendre que
le discours datant d'à peine six mois, avec toute la foulée de
projets, pour prendre vos termes, que nous avons à l'étude
actuellement, ce serait de mauvaise guerre vis-à-vis de l'Ontario de
commencer à en dévoiler la nature. Je suis obligé
simplement de mentionner des projets qui ont été annoncés.
Ces projets, contrairement à ce que, peut-être, on peut penser
chez vous, cela ne se réalise pas avec la manne du ciel et en trois
semaines. C'est souvent...
M. Morin: C'est concédé que cela prend un certain
temps, avant de mettre une politique en oeuvre.
M. Saint-Pierre: II y a un nombre restreint de projets qui ont pu
être annoncés, entre novembre 1975 et mai 1976.
M. Morin: Oui, mais, dans ce nombre restreint de projets, je
serais curieux d'avoir les chiffres pour voir si vraiment votre
énoncé de Francfort correspondait à des choses
concrètes, à des mesures concrètes.
M. le Président, avant d'aborder un autre sujet, je regarde
l'heure. Est-ce que le ministre voudrait...
M. Saint-Pierre: Moi, j'aime autant aller jusqu'à 1 heure,
vu que je ne suis pas certain de ce qui va survenir, cet après-midi,
avec la fête des parlementaires.
M. Morin: Je crois que nous siégeons. M. Saint-Pierre:
On siège. M. Morin: Nous siégeons.
M. Saint-Pierre: Je n'aurais pas objection à siéger
jusqu'à 13 heures, vu que, cet après-midi, je ne suis pas trop
certain de ce qu'il va survenir avec la fête des parlementaires.
M. Morin: Je crois que nous siégeons.
M. Saint-Pierre: On siège? Je n'aurais pas d'objection
à siéger jusqu'à 13 heures. J'aimerais même autant
cela.
Education économique
M. Morin: Bien. Me tournant maintenant vers un dossier qui
relève du programme 1 et qui est celui de l'éducation
économique, je constate qu'aucun programme ou élément des
crédits du ministère ne concerne comme tel l'éducation
économique. C'est pourquoi je choisis d'en discuter dans le cadre du
premier programme. Deux études ont été faites,
semble-t-il, une auprès des enseignants et des commissions scolaires et
une au-
tre auprès des étudiants du secondaire IV et du secondaire
V. C'est le document qui a été rendu public il y a quelque temps,
intitulé "Connaissances économiques des étudiants du
secondaire IV et V, etc." Dans les deux cas, on constate que les connaissances
et l'intérêt pour la chose économique sont très
faibles. J'aimerais demander au ministre quelle suite concrète il entend
donner à ces études. Est-ce que, par exemple, on a l'intention,
dès l'an prochain, d'obtenir la modification de la grille des cours aux
niveaux secondaire et collégial pour inclure un enseignement
obligatoire?
M. Saint-Pierre: Je cite, à partir de documents que vous
avez déjà vous-même: En 1975/76, au niveau de
l'éducation économique, nous visions surtout à miser sur
la sensibilisation, l'information et la formation du public. Alors, les deux
études que vous avez mentionnées ont été un peu
évoquées dans ce cadre, c'est-à-dire frapper l'imagination
des Québécois sur le peu de connaissances en matière
économique que pouvaient avoir différents groupes dans la
société, tant au niveau scolaire qu'au niveau adulte. Nous avons
également en 1975/76, et le chef de l'Opposition est sûrement au
courant, puisque cela avait été mentionné publiquement, la
création d'un CRIPPE, un centre régional voué à
l'animation en matière d'éducation économique. Alors, un
premier CRIPPE a été formé dans la région de
Sherbrooke. Notre idée était qu'après cette
première expérience pilote et suivant les leçons qu'on
pourrait en retirer, on pourrait étendre à d'autres
régions de la province ces structures locales qui seraient responsables
de l'animation en matière d'éducation économique et qui
permettraient de rejoindre tous les multiplicateurs dans le secteur de
l'éducation économique. Celui de Sherbrooke a
bénéficié, bien sûr, d'une assistance
financière importante au cours de l'année dernière. Nous
poursuivons l'expérience.
M. Morin: Le nom exact, je m'excuse? M. Saint-Pierre:
C'est CRIPPE... M. Morin: C'est le comité...
M. Saint-Pierre: C'est le centre régional d'information et
ce... C'est le problème de se promener. M. Bruneau, je ne pensais pas ce
matin qu'on était pour avoir besoin de lui; il est directement
responsable, il pourrait nous renseigner là-dedans. Je pourrais donner
la définition, CRIPPE. Cela a été mentionné dans
les journaux, vous l'avez vu.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: Le service de l'éducation a lancé,
d'ailleurs, en septembre dernier, un bulletin qui s'appelle L'Economique,
tiré à plus de 6000 exemplaires. D'ailleurs, nous avons dû
doubler ce tirage, vu la demande très forte. Il y a eu des brochures,
des documents audio-visuels présentant les principaux
éléments de notre programme qui ont été
distribués et utilisés largement pour répondre aux
questions de la population. Un répertoire des sources d'information
économique au Québec a été publié; un
dépliant, Le Québec; Quelques chiffres; et une brochure,
Nécessité de l'éducation économique, ont permis de
répondre à certains besoins spécifiques de nos
clientèles. Les CRIPPE rejoignent, j'aime à le signaler, tous les
multiplicateurs dans une région donnée, enfin chambres de
commerce, professeurs d'universités, mais également structures
syndicales, le monde coopératif, enfin tous les groupes
intéressés. Nous avons également commencé l'an
dernier la réalisation et la conception de documents qui seront
diffusés pour certains à partir de la fin de mai dans
quelques jours entre autres une série de dix brochures sur les
concepts économiques fondamentaux, deux autres répertoires
touchant l'Amérique du Nord et l'Europe, un livre de poche
intitulé "l'Education économique pour tous", une bande
dessinée économique, une brochure de prestige sur les
réalités économiques du Québec, et une étude
sur le commerce extérieur du Québec.
De plus, le service a contribué par le biais de l'agence ECOBEC,
Conseil d'expansion économique, à la préparation d'une
série de brochures sur les institutions économiques
québécoises, SIDBEC-Hydro.
En matière de formation, le service d'éducation
économique a misé sur la préparation de sessions de
formation économique destinées à d'éventuels
formateurs. Cette activité a été développée
en collaboration avec le Centre de formation et de consultation.
Nous avons aidé financièrement la
Téléuniversité, de l'Université du Québec,
à produire et diffuser un cours d'initiation à la vie
économique et favorisé la signature d'une entente entre le CRIPPE
de Sherbrooke et le CEREP français pour l'utilisation de jeux
économiques à des fins de formation.
Nous avons également eu des discussions intenses avec, à
la fois, le Conseil supérieur de l'éducation, mais plus
spécifiquement, le ministère de l'Education sur le
problème que vous avez soulevé, c'est-à-dire un cours
obligatoire au niveau de l'école secondaire. Je pense que l'Education a
un esprit assez ouvert. On sent certaines réticences sur le contenu et
les objectifs de ce cours, mais nous tentons de poursuivre. Ce n'est pas notre
responsabilité, le contenu des cours. C'est foncièrement la
responsabilité du ministère de l'Education, mais il nous
apparaît que les lacunes qui ont été décelées
au niveau de la formation économique des Québécois sont,
à long terme, un handicap sérieux qu'il nous faut surmonter pour
déboucher sur une croissance économique.
M. Morin: Si les divers CRIPPE qui existeront
éventuellement tombent dans une terre non fertile, s'ils sèment
dans une terre qui n'est pas prête à recueillir la semence,
ça ne donnera pas grand-chose. C'est pour ça que la
dernière étude sur les connaissances économiques des
étudiants du secondaire me paraît particulièrement
révélatrice, et
il me semble que c'est à ce niveau qu'il faudra faire une
intervention décisive.
Vous me dites que le ministère de l'Education est saisi du
problème. Il semble, d'après ce que vous me dites, que leur
réaction est favorable, mais hésitante, de sorte qu'il n'y a pas
eu de progrès réel de ce côté.
M. Saint-Pierre: D'ailleurs il faut se rappeler que c'est un
dossier qui a quelques années déjà.
M. Morin: C'est pour ça que ça m'intrigue. Je sais
qu'on en parlait même avant que vous fassiez faire ces études, et
je m'étonne que le ministère de l'Education...
M. Saint-Pierre: Je crois savoir que, personnellement, ou au nom
de votre Parti, vous trouvez qu'un cours obligatoire, visant à initier
les jeunes à la vie économique serait peut-être
nécessaire au niveau secondaire.
M. Morin: Je crois que ce serait utile au niveau secondaire, tout
comme nous avions, l'année dernière, fait adopter par
l'Assemblée, une résolution qui avait pour objectif de
réinstituer l'enseignement obligatoire de l'histoire. Malheureusement,
j'apprends au ministre je ne lui apprends peut-être pas que
cette résolution est restée, pour ainsi dire, lettre morte, parce
que le ministère n'y a pas donné suite, de sorte que, cette
année, il y a peut-être une ou deux régionales qui ont
donné suite, qui ont réinstallé l'enseignement obligatoire
de l'histoire. Mais dans l'ensemble, ça tourne à vide. C'est pour
ça qu'il faut s'y prendre longtemps d'avance pour obtenir un
résultat comme celui-là. Parce que j'avoue que cela peut
être une entreprise périlleuse. Je ne confierais pas ça aux
chambres de commerce, par exemple. Cela pourrait servir à des fins
autres que celles qu'on peut imaginer dans une perspective
pédagogique.
J'aimerais savoir si vous comptez...
M. Cadieux: Pour l'information du chef de l'Opposition,
concernant l'enseignement de l'histoire ça ne concerne
peut-être pas les crédits tels quels mais j'ai su que le
ministre de l'Education, dans un discours qu'il prononçait hier ou
dimanche, à Sherbrooke, je crois, parlait justement de ce
problème de l'enseignement de la langue, de l'histoire et même de
la religion.
M. Morin: Oui, mais il n'annonçait pas... M. Cadieux:
C'est récent.
M. Morin: ... de bien grands débouchés à ce
que je sache.
M. Cadieux: II disait que c'était une nouvelle
tendance...
M. Saint-Pierre: II faut se rappeler qu'au niveau de je le
dis sans malice l'éducation économique, on a
déjà eu un échec auprès du comité catholique
du Conseil supérieur de l'éducation qui a, quand même,
selon la loi, certains pouvoirs et qui avait rejeté, lorsque
j'étais ministre de l'Education, un projet de programme en
éducation économique.
M. Morin: Cela ne veut pas dire qu'il faille abandonner.
M. Saint-Pierre: Non. Mais je vous mentionne... Il y a un peu
d'histoire.
M. Morin: Je voudrais savoir si vous appuyez vraiment pour
obtenir cette transformation. Cela fait-il l'objet de démarches
répétées, suivies?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Avez-vous espoir d'aboutir dans un délai
raisonnable? Cela va-t-il venir dans dix ou quinze ans?
M. Saint-Pierre: Non. Avant cela.
M. Morin: Vous croyez?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Mais dans combien d'années...
M. Saint-Pierre: II ne faut pas sous-estimer...
M. Morin: ... à votre avis, peut-on s'attendre à
obtenir cela?
M. Saint-Pierre: Je ne le sais pas. Je pense qu'on va
poursuivre... On veut bien respecter la juridiction du ministère de
l'Education dans ce secteur. On pense qu'il n'y a pas de résistance
majeure, tant du ministre lui-même que de ses adjoints immédiats.
On est conscient des difficultés d'implanter cela. Cela prend des
personnes ressources bien préparées, non seulement au niveau du
contenu du programme, mais même lorsqu'on s'est entendu sur le contenu,
il ne faut pas sous-estimer le fait que les maîtres capables de former
les jeunes dans ce secteur précis, il n'y en a pas tellement.
Il y a beaucoup de bonne volonté, mais il y a un certain manque
de préparation.
Alors, là encore, peut-être faudrait-il prévoir un
an ou deux ans pour former ces maîtres avant de pouvoir déboucher
concrètement à l'intérieur de l'école.
Et je pense que le chef de l'Opposition et je le lui ferai
parvenir, s'il ne l'a pas reçu en voyant certaines des
réponses que les jeunes ont pu donner à un questionnaire,
c'est...
J'aurais aimé qu'on ajoute les réponses aux questions.
C'est effarant.
M. Morin: J'ai cru en voir quelques-unes. Ce n'est
peut-être pas dans ce document que je les ai vues, mais on l'a
effectivement rendu public, il me semble...
M. Saint-Pierre: II y a 30% des jeunes qui disaient que.
Télé-Métropole était un monopole d'Etat.
M. Morin: Ce document, j'imagine, a été
communiqué au ministère de l'Education. Il en est saisi. A vrai
dire, cela aurait plutôt été au ministère de
l'Education à faire faire une telle étude, mais on dirait qu'il
n'est pas du tout sensibilisé à ces problèmes.
Pour nous résumer, vous avez donc espoir d'aboutir,
prochainement...
M. Saint-Pierre: A quoi?
M. Morin: ... à des cours obligatoires ou à des
cours facultatifs?
M. Saint-Pierre: Au départ, à des cours optionnels,
parce que, finalement... Au départ, c'est un cours optionnel, mais
beaucoup mieux structuré que celui qui existe dans le moment. Il touche
à peine 10% de la population au niveau secondaire, mais peut-être,
éventuellement, pourrions-nous avoir un cours obligatoire, surtout si
l'ensemble des partis politiques s'entend que voilà là une
carence qu'il nous faut, comme Québécois, surmonter, sinon...
Et cela me frappe... Est-ce que c'est peut-être là une des
raisons pour lesquelles, vis-à-vis des universitaires, on a si peu
d'entrepreneurs au niveau de l'entrepreneurship, au niveau de ceux qui sont
mieux formés? Est-ce que ceci peut résulter du fait que
l'école évite le contact avec la réalité
économique de telle sorte que, lorsqu'on termine l'université, on
a peut-être dix ans de rattrapage à faire vis-à-vis de
cela.
M. Morin: Naturellement, c'est lié à un contexte
psychologique plus vaste. Si le ministre se promène dans tout le
Québec et parle aux jeunes, il va se rendre compte qu'ils ont une image
du développement économique québécois qui n'est pas
des plus rutilante. Souvent les jeunes nous disent: A quoi bon travailler si je
n'ai pas le sentiment de travailler pour ma collectivité, de travailler
pour moi-même? De sorte que c'est lié à l'image qu'ils se
font du développement du Québec. S'ils persistent à avoir
une image qui est essentiellement du développement du Québec par
d'autres et pour d'autres, cela ne les intéresse pas. Et comme on les
comprend.
M. Saint-Pierre: Je ne veux pas être malin, mais si vous
fouillez l'étude un peu, vous allez vous rendre compte que les jeunes,
toujours d'après l'étude, ont une meilleure image de l'entreprise
qu'ils en ont et des syndicats et du gouvernement. Cela ne vous surprend
pas?
M. Morin: Ce n'est pas de nature à me surprendre non
plus.
M. Saint-Pierre: II y a un écart favorable à
l'entreprise.
M. Morin: Mais je vous signale que j'ai rencontré beaucoup
d'étudiants qui nous tenaient ce langage-là, qui auraient
été prêts à participer à la vie
économique à condition qu'ils aient le senti- ment de travailler
pour leur collectivité. Peut-être qu'en travaillant
là-dessus aussi un peu, cela favoriserait le climat.
M. Saint-Pierre: Alors, j'ai votre définition pour CRIPPE:
centre régional d'initiatives pour le progrès
économique.
M. Morin: Bien. J'espère que cela se répandra comme
la grippe à l'occasion. J'aimerais demander au ministre quel est le
budget actuel du ministère de l'Industrie et du Commerce au titre de
l'éducation économique. Pourriez-vous nous indiquer combien ont
coûté ces deux études, par exemple?
M. Saint-Pierre: Vous l'avez dans le document. Service
d'éducation économique, $614 000 c'est au programme 1,
élément 2, soutien technique du ministère.
L'éducation économique a $614 000. On voit que les traitements
ont $93 000; communications, essentiellement de la publicité, $162 000;
les services, $151 000. Quant aux études, je n'ai pas le prix
détaillé. Ce n'était pas tellement, $40 000, il me semble,
pour les deux études. On va l'obtenir de M. Bruneau qui malheureusement
n'est pas ici. Programme 1, élément 2. C'est à peu
près... Soutien technique du ministère, c'est quelques pages
après. Vous avez le détail.
M. Morin: Ces deux études entrent dans quelle
catégorie?
M. Saint-Pierre: Dans services 04. C'est à
l'intérieur des $151 000. Il faut dire que $151 000 ce n'est pas le
coût des deux études. Je sais que...
M. Morin: J'ai vu $100 000 dans une coupure de journal quelque
part, est-ce possible?
M. Saint-Pierre: $100 000, il me semble que c'est moins que cela.
On va obtenir les chiffres.
M. Morin: Ce sont les chiffres pour 1976.
M. Saint-Pierre: C'est cela. Ce sont les chiffres pour...
M. Morin: Pour l'année en cours.
M. Saint-Pierre: Non. Pour l'année prochaine 1976/77, le
budget.
M. Morin: Oui. C'est cela. Pour l'année en cours.
M. Saint-Pierre: L'ancien budget était de $700 000.
M. Morin: Vous voulez dire l'ancien budget du service de
l'éducation économique.
M. Saint-Pierre: Le service d'éducation économique
pour l'année qui s'est terminée le 31 mars.
M. Morin: C'est à même ce montant qu'avaient
été payées les deux études en question. Y a-t-il
d'autres études semblables à celles-là, j'entends des
études recherchant de l'information sur l'enseignement de
l'économie?
M. Saint-Pierre: Je pense que les professeurs... Quand j'ai
parlé des sept brochures sur les grands concepts économiques, ce
sont des professeurs d'université qui ont fait le travail; je n'ai pas
les noms. On pourrait les obtenir; ce sont des professeurs d'université
qui ont fait du travail sur ça, je sais qu'il y en a un à Laval;
le professeur Masson a eu des mandats pour préparer les plaquettes sur
les grands concepts économiques.
M. Morin: Est-ce qu'elles sont prêtes, ces plaquettes?
M. Saint-Pierre: Non, ce sont celles que j'ai mentionnées
et qui vont être prêtes dans quelques semaines.
M. Morin: Est-ce que le ministre me ferait l'amabilité de
me les communiquer quand elles sortiront?
M. Saint-Pierre: Sûrement, elles seront distribuées
à tous les parlementaires.
M. Morin: Très bien, je crois que ce serait du plus haut
intérêt, puisque ce serait quelque chose de concret et on pourrait
enfin juger de l'effet des dépenses du ministère dans ce
domaine.
M. Saint-Pierre: Voulez-vous qu'on vous envoie les bandes
dessinées? Je les ai eues.
M. Morin: Volontiers.
M. Saint-Pierre: C'est amusant, sur le même principe...
M. Morin: Je signale au ministre qu'il y a quelques
années, j'ai participé à un exercice de ce genre dans
l'audio-visuel. Nous avions demandé non, je n'étais pas en
Chambre à ce moment le cinéaste Fernand Dansereau avait
fait, pour le Mouvement national des Québécois, trois films de
vingt minutes sur la vie économique. Je crois que, dans le genre,
c'était probablement le premier effort qui s'était fait au
Québec et il m'a paru, à cette époque, très
réussi. Je recommande au ministre de demander à ses
fonctionnaires de voir ces films à un moment ou à un autre;
ça leur donnerait une idée de ce qui peut être fait pour
intéresser notamment les jeunes à la vie économique, et
dans une perspective aussi d'objectifs sociaux. Autrement dit, plaçant
l'économie dans un contexte plus global pour faire comprendre à
ceux qui voient le film que l'économie n'est pas une chose en soi, mais
que ça doit être au service de la population.
Quant à l'orientation du programme, est-ce que c'est de
développer un intérêt général pour les
questions économiques, ce qu'on pourrait ap- peler la culture
économique, ou s'il s'agit de former des spécialistes en
administration, en comptabilité? Avez-vous pu définir, dans vos
contacts avec le ministère de l'Education ou au sein de votre propre
service, les objectifs fondamentaux de ce que vous appelez l'éducation
économique?
M. Saint-Pierre: Ce n'est sûrement pas le deuxième
que vous avez mentionné. Ce n'est pas de former des comptables et des
administrateurs. C'est de développer, d'une part, une motivation face
à des clientèles très différentes vis-à-vis
de la question économique comme telle; deuxièmement, favoriser
une démarche personnelle visant à acquérir une
connaissance des rouages de l'économie, une connaissance des concepts
économiques, tant sur le plan macro-économique que
micro-économique et là, il y a toute une gamme qui est possible
pour une population adulte peu scolarisée, par rapport à ce qui
est possible vis-à-vis des jeunes qui, là, peuvent tenter d'aller
plus loin.
Finalement, c'est pour permettre une meilleure connaissance à
l'ensemble de la population vis-à-vis de l'ensemble de
l'économie, dans les fonctions que nous avons comme consommateurs, comme
travailleurs à l'intérieur d'une entreprise, comme population. On
part du principe...
M. Morin: Donc, il s'agit d'une entreprise de
vulgarisation...
M. Saint-Pierre: C'est cela. Elle ne vise pas à former des
spécialistes...
M. Morin: ... de la vie économique. M. Saint-Pierre:
C'est cela.
M. Morin: D'après ce que le sous-ministre adjoint, M.
Shooner, avait déclaré récemment, l'éducation
économique visait à accroître la présence des
Québécois dans l'industrie et le commerce. J'imagine que c'est un
objectif qui suivrait l'autre?
M. Saint-Pierre: C'est cela.
M. Morin: Dans le mesure où on augmente la culture
économique, ou le degré de connaissances économiques, on
peut sans doute espérer accroître la présence dans
l'industrie et le commerce.
Mais je me demande si on peut vraiment penser atteindre un tel objectif
lorsqu'on sait que les diplômés ayant une formation
économique générale se dirigent très peu vers
l'industrie et le commerce, que les diplômés de l'Ecole des hautes
études commerciales ont très peu accès à la grande
entreprise j'entends la grande entreprise anglophone je pense
à ce qui a été dit par M. Laurin, récemment, sur la
difficulté d'entrer dans l'entreprise anglophone.
Est-ce que le ministre s'est penché sur ces autres aspects de la
question? C'est une chose que de mieux former votre population sur le plan
éco-
nomique, mais si cela ne débouche pas sur une présence,
sur un accès, sur une ouverture plus large de l'industrie et du commerce
aux diplômés qui, éventuellement, se feront plus nombreux
dans le domaine économique, on tourne en rond.
M. Saint-Pierre: Je pense que plusieurs des programmes mis de
l'avant visent justement à faire un meilleur trait d'union entre la
population et le monde économique et sa prise de décision.
En fait, au même colloque auquel vous faites allusion, auquel M.
Laurin participait, je pense que M. Sauvé a indiqué
l'évolution positive, bien qu'il reste encore beaucoup de progrès
à accomplir au niveau de la présence...
M. Morin: M. Maurice...
M. Saint-Pierre: M. Maurice Sauvé. ... sur la
présence des cadre francophones dans la grande entreprise. Un dirigeant
d'une compagnie de conseillers en administration a fait état des
changements très subits, entre 1968 et aujourd'hui, sur les demandes et
les placements de cadres francophones dans la très grande entreprise
à tous les niveaux. J'y ai fait allusion moi-même au Canadian
Club, au niveau des conseils d'administration, puisque j'estime que les
conseils d'administration sont quand même un rouage qui peut indiquer une
espèce d'imperméabilité entre l'entreprise et le monde
dans lequel elle vit.
Au niveau de la SDI, c'est un des facteurs qui est retenu, la
présence des Québécois francophones dans les cadres de
l'entreprise pour l'obtention des subventions de la Société de
développement industriel. Voilà donc un ensemble de mesures, les
discussions privées que nous avons. Je pense qu'elles donnent des
résultats. Mais, c'est un peu un jeu à deux sens. Oui, je pense
qu'il y a des progrès.
Vous prenez l'ensemble du secteur des pâtes et papiers. Vous
reculez il y a cinq ans. Je pense qu'il y avait à peine un ou deux
gérants d'usines, parmi environ quarante qui existent au Québec,
qui étaient des Québécois francophones. Aujourd'hui, ce
serait presque l'inverse, un ou deux seraient des anglophones et la plupart
seraient des Québécois francophones. Je pense qu'il faut quand
même admettre...
Mais, bien sûr, c'est une voie à deux sens.
C'est-à-dire que les Québécois eux-mêmes doivent
être prêts à exercer un rôle là-dedans. Dans ce
cadre, la vie économique...
M. Morin: Au niveau des HEC... M. Saint-Pierre:
Pardon?
M. Morin: On ne peut pas dire que les diplômés de
l'Ecole des hautes études commerciales étaient de ceux qui
refusaient d'aller dans ces entreprises.
M. Saint-Pierre: Non. Je reconnais qu'il y a des facteurs qui
peuvent expliquer pourquoi les diplômés, qui sont multiples, ne
vont pas dans la grande entreprise. M. Laurin, que je connais, va
également vous dire que, pour toutes sortes de raisons traditionnelles,
historiques, manque de connaissances et autres, il y a une tendance pour les
diplômés des HEC à ne pas aller vers la grande entreprise.
Il y a une tendance à aller dans les bureaux de comptables
agréés, dans la vérification, strictement. Il y a une
tendance à rester à I université, d'aller dans la fonction
publique.
M. Morin: Le problème, évidemment, c est que...
M. Saint-Pierre: Je m'excuse, M. le Président. Je pense
encore à d'autres initiatives que le ministère a justement faites
pour faire ce joint. Nous avons un programme qui a commencé, l'an
dernier, avec un certain succès pour les étudiants
d'été. Nous prenons les étudiants en administration des
entreprises francophones et nous les plaçons avec un programme qui a eu
beaucoup de succès dans un encadrement avec des entreprises pour
justement briser un peu un cercle vicieux entre l'un et l'autre.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: Nous le faisons pour les petites et les moyennes
entreprises. C'est un aspect, mais...
M. Morin: J'allais justement parler au ministre de ce cercle
vicieux, parce que l'esprit qu'on appelle "d'entrepreneurship", cela ne
s'acquiert pas dans un cours d'économie politique, quoique cela puisse
ntaurellement aider certains individus qui, peut-être, ne s'y seraient
pas intéressés, à faire preuve de cet esprit. En
général, "l'entrepreneur-ship", cela s'apprend sur le tas, cela
s'apprend dans l'entreprise. Or, je constate et M. Laurin l'a dit bien
clairement que les Québécois sont encore largement
rejetés dans la grande entreprise. J'ai l'impression qu'il va y avoir
une action beaucoup plus directe, beaucoup plus dynamique, du ministère
à entreprendre, si on veut penser briser ce cercle vicieux. J'ai
l'impression que, jusqu'ici, il ne s'est pas fait grand chose.
M. Saint-Pierre: Je pense que vous avez une mauvaise impression
de la réalité. Dans les faits, dans toutes les entreprises
aujourd'hui, il me semble, qui opèrent au Québec, de toute
nature, la petite, la moyenne et la grande, on se plaint d'une pénurie
de personnes compétentes, de langue française, en gestion, en
marketing, en production. Il y a peut-être une période
d'ajustement entre les deux. Non, je pense que...
M. Morin: J'ai entendu cela du Conseil du patronat, qui
représente fort bien la très grande entreprise
québécoise. Mais, quand on parle aux éducateurs, notamment
aux gens des Hautes études commerciales, on a un tout autre tableau. Il
y a des diplômés, mais ils ne trouvent pas à s'employer.
C'est une réalité que le ministre ne peut pas nier.
M. Saint-Pierre: C'est parce que ces diplômés, dans
le cours de leur carrière, ne sont pas orientés vers des secteurs
propres. Je pense qu'au contraire, on pourrait vous donner la
démonstration aujourd'hui et j'ai déjà eu des
discussions avec M. Laurin qui reconnaissait le fait du cas de je ne
sais pas combien de personnes de langue française qui ont entre 38 et 45
ans, qui sont recherchées, qui ont un bagage, une formation
académique, également l'expérience professionnelle, dans
nombre de secteurs, non seulement vis-à-vis de la vie de l'entreprise
sur le plan technique, sur le plan du marketing, sur le plan du prix de
revient, sur la planification d'entreprises et divers autres domaines. C'est
évident qu'un diplômé des HEC qui a passé 17 ans de
sa vie à faire de la vérification dans les commissions scolaires
a peut-être un mauvais bagage professionnel pour, à 40 ans,
devenir vice-président d'une compagnie de pâtes et papiers. Je
pense qu'il y a beaucoup d'efforts qui sont faits pour accélérer
ce phénomène d'osmose entre la population francophone qui est
préparée à ces postes et la vie économique
elle-même.
M. Morin: Je ne veux pas aller plus loin, l'heure est
passée.
Le Président (M. Brisson): II est 13 heures...
M. Morin: Evidemment, cela met en cause toute la question de la
francisation de l'entreprise aussi.
Le Président (M. Brisson): Nous sommes disposés
à siéger probablement cet après-midi.
M. Saint-Pierre: A 16 heures, cet après-midi, après
la période des questions.
Le Président (M. Brisson): A 16 heures, oui. De toute
façon, on ajourne sine die jusqu'à nouvel ordre de la
Chambre.
(Suspension de la séance à 13 h 4)
Reprise de la séance à 16 h 17
M. Brisson (président de la commission permanente de
l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche):
A l'ordre, messieurs!
Avez-vous d'autres questions?
M. Morin: M. le Président, avant que nous n'allions plus
loin, j'aurais un document dont j'aimerais demander le dépôt au
ministre. Il s'agit de la liste des entreprises aidées par la SDI au
cours de l'année 1975/76. Le ministre sait que dans le passé,
nous avons obtenu cette liste. Elle faisait même partie du document qu'il
nous remettait. Cette année, elle ne s'y trouve pas pour des raisons que
j'ignore. Si on pouvait nous la communiquer, j'en serais très
heureux.
Est-ce que ça pourrait être fait au cours de la
séance présente?
M. Saint-Pierre: Pas aujourd'hui, mais on pourrait l'avoir pour
demain matin à 10 heures, parce que la SDI, c'est un petit peu en dehors
du ministère. Mais demain matin à 10 heures on l'aura.
M. Morin: Bien!
M. le Président, me tournant vers le programme 1...
M. Saint-Pierre: On prend l'étude...
M. Morin: Oui, nous pouvons procéder, à moins que
vous n'ayez des renseignements supplémentaires à nous donner.
Vous n'aviez pas de document...
M. Saint-Pierre: J'en aurai dans à peu près une
demi-heure.
M. Morin: Une demi-heure.
M. Saint-Pierre: Je veux vous convaincre, à fond; alors,
ça me prend les chiffres additionnels...
M. Morin: Bon!
M. Saint-Pierre: On est en train de les préparer.
Gestion interne et soutien
M. Morin: Abordons, en conséquence, le programme no 1:
Gestion interne et soutien. J'aimerais demander, à ce sujet, comment
s'explique la hausse de plus de 20% des crédits à
l'élément 1, qui porte sur la direction et le soutien
administratif du ministère, lesquels crédits passent de $1 018
000 à$1 227 200.
M. Saint-Pierre: Essentiellement un des grands points, M. le
Président, tel qu'on le voit dans le cahier, c'est surtout le budget
additionnel fourni par un CT pour le bureau d'investissements étrangers.
C'est le groupe que dirige M. Déry qui
reçoit, dans le cadre du processus de consultation de la loi
fédérale, toutes les demandes de prise en charge d'entreprises de
nouveaux investissements. C'est un groupe qui n'existait pas il y a deux ans et
auquel on doit ajouter des postes. Mais l'augmentation de base est beaucoup
moindre. Maintenant, on voit d'autres détails ici, dans les $208 000,
$20 000, $25 000, $11 000. Régularisation de trois postes, d'autres
points semblables. Augmentation de salaires et indexation.
M. Morin: Cela représente quel montant, ce groupe qui
n'existait pas la dernière fois?
M. Saint-Pierre: Cela représente $125 000 soit $105 000
plus $20 000
II y a un autre point également si on veut les prendre
plus en détail vous avez l'augmentation de trois postes, dont un
accordé par le Conseil du trésor pour le Conseil
général de l'industrie; en termes de postes, c'est le transfert
de M. De Cos-ter, qui était le sous-ministre en titre et qui est
maintenant au Conseil général de l'industrie alors qu'auparavant,
M. Ouimet était contractuel. Un peu plus loin dans le dossier, cela va
enlever un contractuel et cela ajoute un poste qui était
l'équivalent d'un sous-ministre en titre quand même.
M. Morin: Toujours au programme 1, pour la gestion interne et le
soutien, j'aimerais demander s'il y a eu des changements au cabinet du
ministre, parmi les membres de son cabinet.
J'ai une liste sous les yeux qui date de l'année dernière
et j'aimerais savoir s'il existe...
M. Saint-Pierre: Si vous voulez me la montrer, peut-être
que je pourrais vous dire quels changements il y a eu.
Ce sont surtout les secrétaires particuliers: M.
Lacoursière est encore à notre service Mlle Gatien est ici, elle
est également à notre service; M. François Roberge est
toujours à notre service; M. François Labrousse, qui était
au cabinet du ministre, est maintenant au cabinet du sous-ministre. C'est un
changement.
M. Jacques Zigby est toujours chef de cabinet au cabinet du ministre et
M. Scowen est en congé sans solde, dans le moment. Il a
été prêté à l'agence fédérale
de la lutte à l'inflation, comme administrateur.
M. Morin: Donc, il n'y a pas, à proprement parler...
M. Saint-Pierre: II n'y a pas d'addition.
M. Morin: ... d'addition à la liste du personnel
affecté au cabinet du ministre.
M. Saint-Pierre: II n'y a pas d'addition. Il y a une soustraction
de deux. M. Scowen est en congé sans solde et M. Labrousse est au
cabinet du sous-ministre.
M. Morin: Au niveau des sous-ministres, il y a eu je crois
certains changements.
M. Saint-Pierre: Oui. Au niveau des sous-ministres je les ai
mentionnés ce matin. D'ailleurs, on les voit très en
détail un peu plus loin dans le cahier. Je ne sais pas si vous voulez
les prendre. On les a nom par nom.
M. Morin: Oui. A l'annexe 2 c)?
M. Saint-Pierre: On l'a sous le chapitre de la direction du
personnel. Je ne sais pas si vous l'avez retrouvé. C'est à
l'élément 2, un peu plus loin. Vous avez tous les mouvements, les
concours et toutes les mutations qui ont pu avoir lieu. Annexe 2 c).
M. Morin: Oui. C'est ce que nous avons. Annexe 2 c).
M. Saint-Pierre: On voit les changements. Donc, M. Dinsmore est
passé du rang de sous-ministre adjoint à celui de sous-ministre.
Par recrutement, M. Pierre Shooner est devenu sous-ministre adjoint. Comme je
l'ai mentionné, il faudrait ajouter, par mutation, M. Patrick Hyndman,
qui viendra de...
M. Morin: De Dusseldorf.
M. Saint-Pierre: Le Dusseldort, pour l'année qui
s'envient. Le document est complet jusqu'au 31 mars. La mutation de M. Hyndman
est pour l'année prochaine.
M. Morin: M. Hyndman se verra-t-il confier des fonctions
précises au ministère?
M. Saint-Pierre: Oui, bien sûr. La nature exacte de ses
fonctions n'a pas encore été délimitée. Il y a des
discussions préliminaires, mais, au départ, la
responsabilité de la direction générale de l'industrie a
été assumée directement par M. Dinsmore depuis que le
poste n'a pas été comblé, depuis le départ de M.
Labonté pour la SDI.
M. Morin: M. Shooner venait, si je ne m'abuse, des chambres de
commerce.
M. Saint-Pierre: II était directeur général
de la Chambre de commerce de Montréal.
M. Morin: Est-ce que vous pourriez nous donner une idée de
sa formation antérieure?
M. Saint-Pierre: Les hautes études commerciales, une
expérience à la ville de Montréal, au bureau
économique de la ville de Montréal, pendant trois ou quatre ans.
Après cela, la chambre de commerce pour un bon nombre d'années
et, finalement, responsable de la revue Commerce, responsable également
du secrétariat et directeur général de la Chambre de
commerce de la cité de Montréal.
M. Morin: Oui, je l'ai connu dans ces fonctions. Quelle fonction
précise a-t-il comme sous-ministre adjoint?
M. Saint-Pierre: II s'occupe particulièrement de tout ce
qui touche les services aux entreprises. Alors, si on prend l'organigramme du
ministère, tout ce qui touche le service aux entreprises est
actuellement sous la direction de M. Shooner. On le voit d'ailleurs sur
l'organigramme qui vous a été donné au départ. Les
noms sont inscrits et les liens hiérarchiques. M. Shooner a
également la responsabilité de la direction des
communications.
M. Morin: M. Scowen vous a donc quittés.
M. Saint-Pierre: C'est un congé sans solde. Il n'a pas
quitté.
M. Morin: Un congé sans solde.
M. Saint-Pierre: II sera de retour au début de
décembre.
M. Morin: Est-ce qu'il était là de façon
permanente ou seulement pour mener à bien un projet?
M. Saint-Pierre: Non, il était là en
permanence.
M. Morin: Je crois que vous lui aviez confié
l'étude de la politique à l'endroit des entreprises
multinationales.
M. Saint-Pierre: C'est un des dossiers qu'il a
regardés.
M. Morin: Et il reviendra à quel moment? M.
Saint-Pierre: Vers la mi-décembre.
M. Morin: Oui, j'ai encore quelques questions, M. le
Président, mais il faut nous donner le temps de regarder le tableau et
de constater quels ont été les changements intervenus.
M. Saint-Pierre: Dans les départs, il y a peut-être
des précisions à apporter qui auraient pu être mises
là. M. Jean-Marc Blondeau, qui était autrefois au bureau du
sous-ministre, est maintenant secrétaire du Centre de recherches
industrielles du Québec
C'est indiqué comme départ, mais c'est à
l'intérieur de la fonction publique.
M. Morin: Vers le CRIQ.
M. Saint-Pierre: Vers le CRIQ. M. Louis Asselin est
décédé. Si vous tournez l'autre page, je vais vous donner
M. Bernard Roy qui était directeur des services techniques à la
section des pêcheries, il est maintenant aux Affaires
intergouvernementales dans le plan d'aménagement de l'Outaouais, un
certain mandat. M. Ronald Carré est à l'OPDQ. M. Gérald
Alain est maintenant au ministère de la Fonction publique. M. Lucien
Saulnier est au bureau du premier ministre.
M. Morin: Est-ce que vous savez exactement en quelle
capacité il est au bureau du premier ministre?
M. Saint-Pierre: Conseiller en matières urbaines,
révision de certains dossiers, mais je pense qu'il faudrait plutôt
le demander au premier ministre lui-même.
M. Morin: Oui, nous aurons l'occasion de le faire.
M. Saint-Pierre: Parmi les personnes recrutées, je note M.
Claude Soucy, directeur de la Direction des études régionales.
Est-ce qu'il est présent? Il n'est pas présent, non. Son
directeur général, M. Denis Bédard est ici, mais M. Soucy
dépend de M. Bédard.
M. Morin: Quels étaient ses antécédents?
M. Saint-Pierre: M. Soucy était à l'OPDQ au moment
où il a été recruté; il a fait des études
régionales, il a été auparavant professeur à
l'Université du Québec à Rimouski. Il a un doctorat en
géographie industrielle de l'Université de Bordeaux.
M. Morin: Quand à M. Louis Jobidon, chef du Service du
génie civil?
M. Saint-Pierre: II était autrefois au Centre de recherche
industrielle pendant quatre ou cinq ans.
M. Morin: Déjà dans la fonction publique.
M. Saint-Pierre: II a déjà été dans
la fonction publique, c'est par voie de concours, il y avait un concours
à l'intérieur de la fonction publique et c'est lui qui avait
été choisi.
M. Morin: Je vois. Et M. José Suys ou doit-on le prononcer
à la manière hollandaise? C'est un nom hollandais? En ce cas, ce
serait Suys?
M. Saint-Pierre: Belge.
M. Morin: C'est Suys. Est-ce qu'il est présent?
M. Saint-Pierre: Non, il n'est pas ici.
M. Morin: Quels sont ses antécédents?
M. Saint-Pierre: II a fait des expériences
considérables dans l'industrie et, dernièrement, dans une
entreprise de fabrication de maisons mobiles, il était directeur
général de Bellevue.
C'est par voie de concours?
Oui.
Il a été recruté par voie de concours pour ce
poste.
M. Morin: De quelle usine était-il?
M. Saint-Pierre: Des maisons Bellevue, à Thetford
Mines.
M. Morin: Quant à M. Paul Laurent, directeur adjoint des
communications, c'est un nom qui m'est familier, mais quels sont ses
antécédents?
M. Saint-Pierre: II était à l'Hydro-Québec.
Il était avec vous dans le... Comment appeliez-vous cela, en 1966-1967?
Les Etats généraux du Canada français; c'est là, je
pense, que vous l'avez connu.
M. Morin: C'est probablement cela, effectivement. Vous avez un
excellent recrutement, à ce que je vois.
M. Saint-Pierre: Très bien. Souhaitons qu'ils se poursuive
dans les prochaines années.
M. Morin: M. le Président, pour le programme 1, ce sont
les questions que j'avais. Je suis prêt à l'adopter.
Le Président (M. Brisson): Elément 1,
adopté. Elément 2, adopté. Donc, le programme 1 est
adopté. Programme 2, recherche économique. Crédits
à voter, $1 201 300.
Recherche économique
M. Saint-Pierre: Dans le document qu'on a remis, dans la
recherche économique, c'est essentiellement l'ensemble des études
qui sont faites constamment au ministère. Sur le plan des études
économiques, on a donné la grande division qu'on y retrouve. Il y
a certaines études globales, les études sur les comptes
économiques du Québec, les projections économiques
à moyen terme, la structure manufacturière du Québec et
l'évolution de la structure industrielle régionale.
Il y a eu certaines études qui sont données en B, sur le
plan, c'est-à-dire les études sectorielles sur le textile et le
vêtement, sur la transformation des richesses minières, sur le
matériel de transport, sur le commerce de gros et de détail, sur
l'équipement de loisir et de-sport.
Il y a également des études régionales,
particulièrement en matière de politique portuaire, sur la Loi
des fonds industriels et sur la géographie du commerce au Québec.
Il y a eu, troisièmement, des études en relations
économiques internationales; c'est essentiellement l'ensemble des
négociations multilatérales du GATT, dans lequel nous avons un
intérêt soutenu, et des études sur le commerce
international et le développement économique du
Québec.
Quatrièmement, des études en matière de politique
industrielle, les ententes auxiliaires sur le secteur manufacturier avec le
gouvernement fédéral, les investissements étrangers, les
petites et moyennes entreprises par rapport aux programmes existants et un
certain bilan de l'action de la SDI depuis son existence.
Cinquièmement, des études reliées à
l'analyse et à la prévision économique; alors, conjoncture
industrielle, situation économique, bilan annuel de décembre,
économie québécoise 1976 et perspectives 1977.
Certaines de ces études peuvent être termi- nées,
d'autres sont en cours de réalisation. D'ailleurs, dans le texte qui les
accompagne, nous avons donné un peu en détail où se trouve
l'évolution de certaines de ces études.
C'est la politique du ministère de tenter, lorsque les
autorités du ministère sont satisfaites de la qualité des
travaux qui sont faits, de publier le plus rapidement possible, pour que soit
disponible à l'ensemble de la population le résultat de ces
études.
Négociations du GATT
M. Morin: M. le Président, puisqu'il s agit de recherche
économique, j'imagine qu'il s'est fait un effort de recherche
particulier au sujet des négociations du GATT. D'ailleurs, le ministre
vient d'y faire une courte allusion. Aussi, j'aimerais l'entretenir de
questions relatives aux tarifs douaniers. Vous savez que le Québec ne
participe pas directement aux négociations. Le ministre des Affaires
intergouvernementales me répétait ces jours-ci qu'un observateur
québécois avait été présent à
Genève, au cours des négociations. Il ne faisait pas partie de
l'équipe de négociation du Canada, il était là
comme simple observateur. Apparemment, il est maintenant rentré au
Québec. D'autre part, dans votre description du programme 2, vous nous
parlez des négociations commerciales multilatérales du GATT.
Selon ce que nous apprend le cahier, un premier document établissant les
objectifs généraux avait été complété
au début de l'année.
Par la suite, l'énoncé des positions
québécoises a été accepté par le Conseil des
ministres, en septembre 1975. Enfin, les objectifs généraux ainsi
que les objectifs sectoriels portant sur une vingtaine de catégories de
produits ont ensuite été transmis au gouvernement
fédéral.
Plus tard, vous avez ajouté encore une quinzaine de dossiers
sectoriels qui ont porté également sur certaines mesures non
tarifaires, des mesures comme les normes, les politiques d'achat, les
subventions, etc.
J'aimerais que le ministre nous décrive le travail du
ministère de l'Industrie et du Commerce en 1975/76 de façon un
peu plus précise, en préparation des négociations du GATT.
Est-ce qu'on peut avoir une idée des catégories de produits dont
il s'agit, des dossiers sectoriels qui ont été analysés et
préparés?
M. Saint-Pierre: Je vais demander à M. Bé-dard de
résumer brièvement ce qui se fait sur le plan des études
à ce sujet.
En ce qui concerne les négociations du GATT, les secteurs
étudiées jusqu'ici, qui ont été terminés et
dont les recommandations ont été transmises au gouvernement
fédéral portaient sur les produits suivants: les produits
agricoles alimentaires, les produits de la pêche, les produits chimiques
et organiques, les produits pétrochimiques, les engrais, les produits du
caoutchouc, les produits du bois, les pâtes et papiers, les produits de
fonte, fer et acier, les produits du cuivre, les produits d'aluminium, les
machines électriques industrielles, le matériel de transport, les
instruments et les appa-
reils spécialisés, les meubles et le mobilier
médico-chirurgical.
Les secteurs qui sont à l'étude et qu'on est en train de
compléter portent sur les chaussures, les textiles, vêtements,
amiante, zinc, équipements électroniques,
télécommunications, machinerie et ouvrages en métaux, en
plus des barrières non tarifaires, comme les normes des politiques
d'achat, les droits compensateurs. Nous avons également fait des
recommandations concernant une liste assez longue de produits tropicaux qui
sont négociés de façon spéciale à
Genève pour les pays en voie de développement, de façon
à voir s'il y a un abaissement plus considérable des tarifs
pouvant avoir un impact au Québec.
M. Morin: Est-ce que ces travaux sont tous confidentiels ou si
certains ont circulé ou ont été rendus publics?
M. Saint-Pierre: Aucun des travaux n'a été rendu
public. Ils se situent dans un processus de négociation avec le
gouvernement fédéral. Dans cette perspective, ce sont des
positions gouvernementales qui, au cours des négociations, peuvent
évoluer.
M. Morin: Je me rends compte que c'est délicat, parce
qu'en cours de négociation, il peut y avoir des changements d'attitude,
il y a un processus d'échange, bien sûr. Je m'excuse, j'ai un mot
à faire parvenir à mon bureau. Je me demandais simplement si ce
serait de l'ordre du possible de choisir l'un quelconque des domaines que vous
avez mentionnés, un domaine qui vous paraîtrait exemplaire, pour
porter à notre connaissance le type de travail que vous faites dans ces
dossiers. Je me rends compte que c'est une demande peu conventionnelle, mais
j'aurais aimé pouvoir voir le genre de travail que vous faites, le genre
de documents que vous rédigez pour faire valoir les positions
québécoises dans un secteur donné, n'importe lequel.
J'adresse ma question au ministre, parce que ce n'est évidemment pas
à M. Bédard qu'il appartient de prendre une décision comme
celle-là. Est-ce qu'il y en aurait une qui vous paraîtrait
peut-être moins litigieuse ou se prêtant mieux à un
débat que d'autres et qui nous donnerait une idée du genre de
travail que vous faites?
C'est peut-être un penchant personnel qui me fait poser cette
question en particulier. C'est parce que cette question du GATT
m'intéresse particulièrement.
M. Saint-Pierre: Dans votre cas, c'est pour savoir le travail
qu'on fait ou... Vous ne voulez pas la rendre publique, si on vous la donne.
C'est sous le sceau confidentiel.
M. Morin: Ce n'est pas pour la rendre publique. C'est pour me
donner une idée du travail que vous effectuez pour faire valoir les
intérêts du Québec auprès du gouvernement
fédéral.
M. Saint-Pierre: Peut-être que je peux expliquer la
méthodologie de travail, tout d'abord.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: Nous avons choisi les produits ou les secteurs
industriels. C'est parfois les secteurs les plus importants. On descendait, de
façon très détaillée, au niveau de la nomenclature
des tarifs.
M. Morin: Des priorités, j'imagine.
M. Saint-Pierre: C'est ça. Certains tarifs pour lesquels
il se fait très peu de production au Québec, pour lesquels on
considère qu'il y a peu de potentiel, évidemment, ne donnaient
pas lieu à une étude très poussée.
Par contre, pour une question comme le matériel de transport,
c'est vital pour un secteur industriel qui est en développement au
Québec. Alors, en ce qui concerne les secteurs comme le matériel
de transport, on analysait l'évolution de l'industrie depuis une dizaine
d'années. Nous regardions spécialement sa performance sur le
marché domestique, sur le marché canadien pour voir si la part du
marché canadien, approvisionné à partir de la production
québécoise, avait augmenté ou diminué. Nous
examinions ensuite le marché extérieur pour voir si l'industrie
avait été capable de concurrencer ou de pénétrer
sur les marchés étrangers. Compte tenu de leur performance et du
potentiel que l'on qualifiait pour l'industrie, on pouvait, à ce
moment-là, déjà proposer certaines recommandations sur,
soit continuer une protection tarifaire pour l'industrie basée sur
l'argument, à ce moment-là, qu'elle était progressive,
mais pas encore assez forte pour faire face à une concurrence plus
poussée tout de suite sur les marchés internationaux, ou, si elle
était capable de faire face immédiatement à un abaissement
de tarifs, on pouvait souligner qu'il n'y aurait pas objection à ce
qu'il y ait un abaissement tarifaire en ce qui concerne ce secteur
industriel.
Mais, sur le marché extérieur, nous examinions en
particulier trois marchés: Les tarifs communautaires du Marché
commun, les Etats-Unis et le Japon, et là, nous faisions des demandes
précises sur des abaissements possibles de tarifs sur certains de ces
marchés.
M. Morin: Des abaissements de tarifs au Japon, aux Etats-Unis ou
dans la Communauté économique.
M. Saint-Pierre: C'est ça.
M. Morin: Oui.
Est-ce que vous analysiez également les importations de
l'étranger faites au Québec? Est-ce que cela entre
également en ligne de compte?
M. Saint-Pierre: Effectivement. Nous prenions en
considération également les importations sur le marché
canadien.
M.Morin: Donc, la concurrence ici même.
M. Saint-Pierre: C'est ça.
On a un tableau de synthèse qui résume un
peu les positions prises jusqu'ici dans chacun des secteurs. Il y a
toujours trois volets, c'est-à-dire la position à l'égard
des réductions tarifaires canadiennes, puisqu'on est dans le contexte
des réductions tarifaires, la position à l'égard des
réductions tarifaires à l'étranger, pour permettre
à nos entreprises de pénétrer, et les barrières non
tarifaires et certaines remarques particulières entre la position de
certains pays ou de certaines zones qui semblent représenter plus
d'intérêt pour nous que d'autres zones.
M. Morin: Les ententes de restriction volontaire et tout
ça aussi, j'imagine que cela est entré en ligne de compte? Dans
le textile, par exemple, c'est fort important...
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: ... les restrictions volontaires.
M. Saint-Pierre: Dans le cas particulier du textile, nous ne
prévoyons pas que les négociations du GATT puissent changer
l'accord international qui existe déjà sur le textile.
Alors, notre étude a surtout porté sur l'évolution
de l'industrie dans un contexte international et une analyse beaucoup plus
poussée de la politique fédérale du textile.
M. Morin: Nous pourrons peut-être parler du textile un peu
plus tard. Je garde ce secteur pour une étude peut-être un peu
plus approfondie.
Donc, vous avez fait des recommandations dans ce document que vous avez
fait parvenir aux autorités fédérales, des recommandations
quant à l'abaissement des barrières tarifaires à
l'étranger et j'imagine aussi au relèvement des barrières
tarifaires ici pour protéger, dans certains cas, certaines
industries.
M. Saint-Pierre: Plutôt le maintien que le
relèvement.
M. Morin: Plutôt le maintien parce que, effectivement, le
mouvement général est à la baisse, bien sûr. Est-ce
que dans certains cas précis, vous avez fait des recommandations pour
qu'on tente de les relever, parce que dans une négociation, cela arrive
aussi qu'on relève les barrières tarifaires pour certains
produits, à tout le moins?
M. Saint-Pierre: Cela n'a pas été le cas.
M. Morin: Jusqu'ici, cela n'a pas été le cas...
M. Saint-Pierre: ... en ce qui concerne le relèvement des
barrières tarifaires.
M. Morin: Donc, vous n'avez pas demandé ce genre de
mesures. Je répète ma demande de tout à l'heure. Est-ce
que c'est possible que nous ayons sous les yeux, supposons, vos recommandations
sur un produit, n'importe lequel, le plus anodin? Cela me donnerait,
personnellement, une idée de la façon dont vous fonctionnez. Je
suis tout à fait disposé à tenir ce document dans mon
dossier et à ne pas le rendre public, mais cela me donnerait une
idée de la façon dont vous fonctionnez.
M. Saint-Pierre: On comprend le caractère un peu
délicat de tous ces documents en ce sens que c'est... Peut-être
que je pourrais transmettre sous le sceau de la confidentialité les 27
premières pages de notre étude qui donnent l'ensemble de nos
objectifs sectoriels pour les produits agricoles et alimentaires, de même
que certains des principes du départ en ce qui touche les aspects de la
négociation du GATT. Je pense qu'il est clair que c'est cela. Cela
voudrait dire les 27 premières pages de ce document, en remettre une
copie aux autres membres de la commission.
M. Morin: Je suis prêt à le traiter sous le sceau de
la confidentialité. Je crois que cela nous informerait beaucoup mieux
sur la façon dont vous procédez.
M. Saint-Pierre: Je peux également rendre publique la
position du gouvernement du Québec et les discussions avec le
gouvernement du Canada concernant les négociations commerciales
multilatérales. C'est un document ratifié par le Conseil des
ministres il y a déjà plusieurs mois. En avez-vous des
copies?
On va en faire faire des copies pour les autres membres de la
commission.
M. Morin: J'aurais presque envie de vous demander si nous ne
pourrions pas prendre connaissance de ces documents pour y revenir
peut-être demain matin, le cas échéant, si nous avions des
questions à poser.
M. Saint-Pierre: Pas de problème.
Le Président (M. Brisson): Par élément.
M. Morin: Non. Je n'ai pas terminé, de toute façon,
le programme 2.
Le Président (M. Brisson): D'accord.
M. Morin: Le temps passe, malheureusement. Pourrais-je vous
demander de m'indiquer les secteurs que vous privilégiez?
J'ai cru, tout à l'heure, comprendre, à l'exposé de
M. Bédard, que le matériel de transport était quelque
chose de très important. Je le comprends, étant donné
qu'on est en train de bâtir quelque chose dans ce domaine-là ici
au Québec. Est-ce qu'il y a d'autres secteurs que vous
privilégiez dans vos négociations avec les autorités
fédérales, tant pour le tarif à l'importation que pour
l'ouverture du marché des USA, par exemple.
M. Saint-Pierre: Je m'excuse, j'étais distrait. Est-ce
qu'il y a ...
M. Morin: Non, je veux bien répéter. Je vous
demandais quels sont les secteurs privilégiés qui font l'objet
d'une négociation entre vous et le pouvoir fédéral, tant
en ce qui concerne les tarifs que l'ouverture du marché des USA?
M. Saint-Pierre: L'ensemble des secteurs qui ont
été mentionnés feront l'objet de discussions avec le
gouvernement fédéral, chaque secteur en particulier, mais si on
peut mentionner les secteurs les plus importants, il y a évidemment les
produits chimiques et pétrochimiques, l'aluminium, les pâtes et
papiers; il y a là un groupe de produits extrêmement importants;
le papier peint, où il y a des barrières tarifaires; tous les
types de papier. En ce qui concerne les métaux, je pense qu'on peut
faire mention ici de l'approche complémentaire de la négociation
au GATT qui s'appelle l'approche sectorielle et, en ce qui concerne ces
négociations spéciales, sectorielles, c'est une approche
proposée par le gouvernement canadien et l'objectif est de voir s'il est
possible de réduire d'une façon plus poussée les tarifs
à partir d'une matière brute jusqu'au produit fini. Evidemment,
cette technique pourrait avoir pour effet d'accroître la transformation
des richesses naturelles ou de toute autre matière non
transformée dans le pays où elle est extraite. Nous examinons la
possibilité d'appliquer une méthode semblable pour des produits
québécois et nous l'avons fait tout particulièrement pour
l'aluminium.
M. Morin: Est-ce que vous vous inspirez, ce faisant, de certaines
techniques qui ont été proposées par des pays de la
CNUCED, par exemple, par certains pays en voie de développement qui
peuvent favoriser justement la transformation chez eux de leurs matières
premières. C'est une idée que j'ai déjà vue quelque
part. D'où lavez-vous tirée?
M. Saint-Pierre: L'approche sectorielle a été
proposée à Genève par le gouvernement
fédéral, par le gouvernement canadien plus
particulièrement. Oui, mais il y a d'autres pays qui ont...
Oui, c'est une approche qui est un peu une stratégie
complémentaire à une stratégie qui porte sur les groupes
de pays qui parfois essaient de monopoliser la production ou le marché
d'une matière première comme on peut le faire pour le fer, ou un
groupe de pays pourrait essayer d'établir les règles du jeu
concernant tout le marché du fer à partir des produits de
matière brute jusqu'à des produits semi-transformés.
Alors, l'approche sectorielle se situe à l'intérieur du GATT et
peut être une approche complémentaire à d'autres
stratégies qu'on pourrait avoir en termes d'échanges
économiques internationaux concernant des produits de matière
première.
M. Morin: Sur ces aspects, je vais prendre connaissance du
dossier et on pourra peut-être y revenir.
Est-ce que, dans l'avenir, le Québec compte être
représenté directement aux tables de négociation du GATT
ou comme membre d'une délégation canadienne?
M. Saint-Pierre: C'est difficile de parler pour l'avenir, M. le
Président, je pense que le point important à souligner, c'est que
les négociations du GATT avaient été, jusqu'ici, l'apanage
exclusif du gouvernement central.
Je pense que la participation du gouvernement du Québec et
l'influence que peut exercer le gouvernement du Québec auprès de
la position canadienne sont quand même énormément plus
importantes que ce que nous avions eu dans le passé. Maintenant,
à l'avenir on doit reconnaître les difficultés pour toutes
les fédérations d'avoir des représentants des Etats
membres au sein d'une délégation à Genève.
Evidemment, si le Québec obtient un partenaire à part
égale, toutes les provinces canadiennes vont vouloir également
avoir leur partenaire et cela fait alors une structure de
délégation. Personnellement, nous trouvons que cette
année, en tout cas, on va pouvoir, après l'expérience
juger de la participation que nous avons pu avoir et elle m'apparaît loin
d'être négligeable.
M. Morin: Est-ce que vous avez déjà obtenu la
réponse des autorités fédérales à vos
propositions?
M. Saint-Pierre: Je pense que les méthodes de
négociation ou le processus de décision concernant la
négociation du GATT est tel qu'il n'est probablement pas
nécessaire d'avoir un observateur permanent à Genève comme
tel. Le mandat de négociation des négociateurs
fédéraux canadiens à Genève est
décidé à Ottawa et toutes les décisions sont prises
à Ottawa. Alors, de toute façon, les discussions...
M. Morin: On va avoir des problèmes.
M. Saint-Pierre: ... techniques qu'on peut avoir concernant les
secteurs industriels, il faut absolument les avoir à Ottawa de ce point
de vue.
Pour bien se comprendre, on établit la distinction que c'est
à Ottawa que les décisions se prennent et non
nécessairement à Genève. Le fait d'être
présent à Genève n'apporte rien à
l'élément canadien. Il est plus important... Au niveau des
sous-ministres, il y a un groupe qui a été constitué, un
groupe de fonctionnaires; il y a des études qui sont faites. Les
rencontres ont lieu trimestriellement et je pense qu'il y a là des
mécanismes qui nous permettent d'influer sur la position canadienne, de
connaître à l'avance quels sont les éléments
qu'on...
M. Morin: Cela, j'imagine que vous pouvez peser sur les positions
initiales du gouvernement fédéral avant qu'il n'aille participer
à un round. Mais une fois qu'il est à Genève ou ailleurs,
à négocier l'abaissement de tel ou tel tarif, il se peut qu'il
entre dans un processus de quiproquo, de "given thing " comme on dit
quelquefois.
M. Saint-Pierre: Oui, mais ce n'est pas une partie de poker,
ça. C'est toujours en retournant...
M. Morin: Je m'en doute bien.
M. Saint-Pierre: ... à Ottawa pour avoir des directives.
C'est quand même du Canada que se prennent les directives et les gens
à Genève ne font que réagir à des positions...
M. Morin: Allez-vous être consultés à chaque
étape de la négociation de Genève?
M. Saint-Pierre: On l'a été suffisamment jusqu'ici
pour penser qu'on va continuer d'être consulté. Même
à cela, il faut bien dire qu'il n'y a rien qui nous garantit, bien
sûr, que les positions canadiennes, même s'il y a parfaite
unanimité entre le Canada et le Québec, vont être
acceptées par tous les autres pays.
M. Morin: Sûrement, c'est à cela que je faisais
allusion justement dans ce processus d'échange. A un moment, le
gouvernement fédéral peut être appelé à
vouloir sacrifier un secteur, par exemple, pour obtenir autre chose dans un
autre secteur. Je me demandais, par exemple c'est peut-être au
ministre de l'Agriculture que je devrais le demander, mais je prends un exemple
Est-ce que le gouvernement central ne serait pas tenté de
sacrifier les producteurs laitiers qui, comme par hasard, sont surtout
concentrés au Québec, en tout cas pour ce qui est des
dérivés du lait industriel? Comme il l'a toujours fait,
d'ailleurs, je vous le signale, pour l'industrie textile qui, elle aussi, est
concentrée au Québec, pour mieux défendre certains
intérêts de l'Ouest ou de l'Ontario.
M. Saint-Pierre: C'est-à-dire que l'agriculture, c'est
bien connu, est un élément un peu particulier dans les
négociations internationales et non seulement les Etats-Unis, mais la
communauté européenne ont un peu tendance à traiter
ça d'une façon séparée de l'ensemble des autres
secteurs.
M. Morin: Mais, est-ce que cela entre ou cela n'entre pas en
ligne de compte lorsque vous allez négocier ces questions à
Ottawa. J'imagine que votre collègue du ministère de
l'Agriculture doit certainement pour ce qui est du lait industriel
avoir des recommandations à vous faire.
M. Saint-Pierre: Vous les avez dans les vingt-sept
premières pages.
M. Morin: Bon, je vais en prendre connaissance avec le plus grand
intérêt. Dans ce processus où le gouvernement
fédéral peut être appelé, par hypothèse,
à sacrifier une industrie pour favoriser le développement d'une
autre on ne peut pas nier que, dans le passé, le Québec a
souvent eu à souffrir, de façon dramatique, de certaines
politiques fédérales; je pense au domaine du textile, par
exemple, dont on s'entretiendra tout à l'heure un peu plus à fond
est-ce que vous allez avoir l'occasion, avant qu'Ottawa ne
décide, à rencontre des intérêts du Québec,
de peser vraiment de tout votre poids sur cette négociation? Ce que je
crains, c'est que vous fassiez de très bonnes recherches. Je ne doute
pas que vous ayez tous les gens compétents autour de vour pour le faire.
Je sais que nous avons des gens compétents au Québec.
Mais entre connaître les chiffres, bien comprendre ses
intérêts et les faire valoir et les faire prévaloir, c'est
une autre affaire. Je dois dire que l'expérience, jusqu'ici, dans le
domaine fédéral au Canada, n'a pas été des plus
encourageantes pour le Québec. Vous me dites que, dans l'avenir, c'est
appelé à changer, que désormais le Québec s'en
occupe, s'en mêle, rédige des documents, fait valoir ses
intérêts auprès d'Ottawa, mais est-ce que le ministre a le
sentiment que le vieux système est changé foncièrement? Le
vieux système de la décision unilatérale, par Ottawa, qui
était appelé, évidemment, à arbitrer, entre les
diverses régions et à sacrifier, au besoin telle industrie au
Québec, pour favoriser l'expansion de telle autre, ou favoriser
l'exportation du blé de l'Est, par exemple?
M. Saint-Pierre: C'est une comptabilité assez difficile
à faire en détail. Je voyais mon collègue, le ministre de
l'Industrie de l'Ontario, s'offusquer, hier, à l'Assemblée
législative de Toronto, sur la décision du gouvernement
fédéral d'accorder la priorité, sur le plan du transport
des passagers, à la zone Québec-Montréal, à
l'encontre de la zone Windsor-Toronto.
Les arbitrages sont constants, mais une chose est certaine, lorsqu'on ne
s'occupait pas du dossier, qu'on ne le suivait pas de près, je pense
qu'on laissait à d'autres le soin de défendre nos
intérêts. Dans le moment, on s'occupe du dossier, on suit nos
intérêts, on les pilote. Pour ce qui est des résultats, il
faudrait attendre qu'on se revoit, dans quatre ou cinq ans, pour voir ce que
cela a donné de plus que la dernière fois. Chose certaine,
à moins de penser que les négociations commerciales, c'est un jeu
de billes d'enfant, on ne peut pas toujours gagner. Quelquefois on gagne,
quelquefois, on perd. Il s'agit que, globalement, on puisse dire finalement
qu'on a pu influencer le cours des choses et que nous ne sommes pas si perdants
que cela.
M. Morin: Oui, évidemment, c'est une question de
degré. Ce n'est pas le gouvernement du Québec qui prendra les
décisions en dernière analyse. Vous éclairerez le
gouvernement fédéral, sûrement?
M. Saint-Pierre: Mais le point que je veux faire voir, ce n'est
même pas le gouvernement du Canada qui, en dernière analyse, prend
les dernières décisions.
M. Morin: D'accord, mais, tout de même, il sait très
bien ce qu'il peut se permettre de sacrifier, parce qu'il sait très bien
qu'il peut gagner sur autre chose. C'est lui qui décide, c'est lui qui
pèse, en dernière analyse. C'est un avantage considérable
pour...
M. Saint-Pierre: Si on a l'impression qu'il a trahi une partie du
pays pour l'autre, on n'hésitera pas à le condamner. Si,
autrement, on a l'impression que, dans les choix difficiles, on a eu une part
équitable du gâteau, on exprimera notre satisfaction.
M. Morin: Ce que je crains, c'est que vous ne disiez pas
suffisamment fort ce qui doit être dit, pour protéger suffisamment
les intérêts du Québec. Je pense, par exemple, même
si cela n'intéresse pas directement votre ministère, aux
agriculteurs québécois qui, d'après ce qu'on nous
apprenait à la fin de l'année 1975, sont ceux qui risquent de
perdre le plus au Canada, par suite de la mise en place des nouveaux accords du
GATT sur la limitation du commerce mondial des produits agricoles, à
cause de leur grande dépendance par rapport à l'industrie
laitière.
Je me permets de faire état de ce qu'on rapportait, dans les
journaux, le 18 décembre 1975: "La position du ministère de
l'Industrie et du Commerce canadien à Genève est logique en soi,
si l'on considère que l'essentiel des exportations canadiennes de
produits agricoles est constitué de céréales, tout comme
c'est le cas aux Etats-Unis."
Plus loin, on disait: "II paraît logique que le Canada doive
renoncer, en bonne partie, à sa politique protectionniste sur les
produits laitiers, en échange de la promesse du rétablissement
d'un commerce plus libre des céréales.
Cela évoque pour moi une situation que le ministre connaît
sûrement très bien, qui a toujours prévalu dans ce pays et
qui fait que, dans le secteurs des céréales comme d'ailleurs dans
le secteur de l'industrie lourde, le pouvoir fédéral a toujours
eu tendance à faire prévaloir les intérêts de
l'Ouest et des céréales. Dans le cas présent, il semble
que la manière dont cela se dessine, ce soit aux dépens des
produits laitiers.
De même, dans le cas de la grande industrie lourde, cela a
toujours été l'Ontario qui a été
privilégié par ces négociations. Je pense que cela, on ne
peut pas le nier. C'est l'histoire économique du pays.
Renverser des tendances comme cela, je souhaite au ministre bien du
plaisir. J'ai hâte comme lui de voir le résultat de ces
tractations avec Ottawa. Je ne suis pas aussi optimiste que lui, cependant.
Dans le cas plus spécifique de l'agriculteur
québécois, est-ce que je n'ai pas lu les documents que
vous m'avez donnés tout à l'heure, peut-être pourrons-nous
y revenir vous pouvez m'assurer que vous avez fait des pressions
très fortes pour que l'industrie laitière du Québec ne
soit pas la victime de l'exportation des grains de l'Ouest? Vous savez que cela
compte pour 75% des recettes agricoles des cultivateurs du Québec.
M. Saint-Pierre: Oui, et que l'agriculteur
québécois est celui au monde qui reçoit le plus pour sa
production de lait industriel et de lait nature. M. Pigeon au congrès de
Rome...
Je pense, M. le Président, dans ce cas, avec mon collègue
de l'Agriculture, que c'est une question qui n'est pas sans parallèle
avec ce qu'on retrouve dans le secteur manufacturier. C'est une question de
productivité. Je pense qu'il est possible de maintenir des protections
normales pour le marché intérieur, mais je pense qu'il faut
plutôt miser dans le cadre général d'une réduction
des barrières tarifaires sur l'ouverture que pourraient avoir nos
propres agriculteurs, particulièrement sur le marché
américain, pour leur propre production, considérant le fait que
différents programmes de modernisation de l'agriculture pourraient
permettre à ceux-ci, sur le plan de la productivité, de faire
face à cette concurrence.
M. Morin: Le lait industriel, concurrence les producteurs
américains, sur leur propre terrain?
M. Saint-Pierre: Si les barrières tarifaires ne s'y
opposent pas. Je parle du lait industriel et du lait nature
également.
M. Morin: Oui, c'est cela.
M. Saint-Pierre: Dans le document d'ailleurs que vous avez lu,
cela peut en désappointer quelques-uns, mais il me semble qu'en
matière de commerce international, au tout départ, il faut faire
un choix. Il faut faire un choix permettant après, une certaine
période de temps, de s'assurer qu'on aura identifié des secteurs
et que, dans ces secteurs, nos entreprises seront capables de percer dans les
marchés étrangers; ou bien, faire le choix qu'aucune de nos
entreprises ne serait capable de faire cela dans aucun des secteurs. Ce serait
trancher sur un marché intérieur qui, dans le cas du Canada, est
de 21 millions. Il y a un prix à payer pour cela.
Le choix qu'on a fait, c'est le premier choix. Vous le verrez en blanc
et en noir dans le document du Conseil des ministres. Tout en se
ménageant des phases de transition, c'est faire le choix qu'il est plus
important d'ouvrir nos marchés pour nos industriels que de
protéger notre marché à des fins exclusives.
Pour citer M. Parizeau, prendre l'autre choix, ce serait demander au
gouvernement et aux consommateurs d'offrir à notre agriculture et
à nos industriels des béquilles permanentes.
M. Morin: Oui, mais là, il s'agit d'un secteur
particulièrement névralgique, parce que vous le savez
cela représente, étant donné...
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: ... qu'on a spécialisé le Québec
dans la production du lait nature ou industriel, autre politique
fédérale, soit dit en passant, parce que la vocation agricole du
Québec, ce n'était pas nécessairement de se concentrer
dans le lait.
M. Saint-Pierre: C'était quoi?
M. Morin: Cela aurait pu être une diversification et cela
peut encore l'être, j'espère.
M. Saint-Pierre: Mais ce n'était pas un choix terriblement
mauvais de se spécialiser dans le lait. C'était responsable. Il
aurait pu y avoir des choix beaucoup plus mauvais, compte tenu des
facteurs...
M. Morin: A la condition...
M. Saint-Pierre: ... climatiques.
M. Morin: Oui. Tout d'abord, c'est un choix de guerre qui a
été dicté par des contraintes particulières.
Deuxièmement, une fois qu'on a cantonné le Québec dans le
lait...
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: ... si on le laisse tomber pour les grains de l'Ouest,
je crois que ce serait passablement catastrophique pour l'agriculture
québécoise. Je voudrais attirer l'attention du ministre sur le
fait qu'il n'y a pas à protéger les intérêts de la
classe agricole, seulement dans le fait qu'on doit la rendre prospère.
Il n'y a pas que cela.
Il y a l'intérêt fondamental de maintenir une agriculture
ici, au Québec, parce qu'on peut se mettre dans la logique suivante: II
faut sacrifier quelque chose. C'est une question de degré, mais si on va
jusqu'au bout de cette logique, on pourrait être amené à
l'idée qu'il faut sacrifier l'agriculture québécoise dans
son entier pour privilégier tel secteur industriel. Je sais que c'est
absurde, mais je mène la logique jusqu'à l'absurde. Le
résultat de cela, c'est qu'il n'y aurait plus ici au Québec
d'agriculture digne de ce nom. Cela aurait des conséquences beaucoup
plus graves que le simple fait de ne plus exporter des produits agricoles. Cela
aurait des conséquences internes pour le Québec. Cela aurait des
conséquences sociales pour le Québec. C'est dans cet esprit que
je posais mes questions au ministre. J'espère qu'il est
sensibilisé à ces aspects.
M. Saint-Pierre: Depuis longtemps.
M. Morin: Je regrette d'avoir à attendre quatre ou cinq
ans pour voir le résultat des démarches du ministre auprès
du GATT, parce que peut-être l'un ou l'autre de nous ne sera plus
là à ce moment. Vous voyez que je me place sur un plan non
partisan. Je ne sais pas lequel de nous deux ne sera pas là.
M. Côté: On parle de La Haye pour vous.
M. Morin: C'est une rumeur dont je ne connais pas la source. Je
serais fort honoré, mais il n'en est pas question.
M. Saint-Pierre: Vous allez défendre nos
intérêts, si vous allez là.
M. Morin: Oui. Je ne sais pas qui peut lancer ces rumeurs. C'est
comme celle qui portait sur la nomination...
M. Saint-Pierre: De M. Burns.
M. Morin: ... de M. Burns au Tribunal du travail. Je
soupçonne que tout cela vient du bureau du premier ministre.
M. Saint-Pierre: Vous vous trompez. J'en ai parlé à
M. Burns et il m'a expliqué.
M. Morin: Oui?
M. Saint-Pierre: Cela vient d'une conversation qu'il a eue avec
un journaliste qui est parti sur une tangente.
M. Morin: C'est plus récent, mais, l'année
dernière...
M. Saint-Pierre: L'année dernière...
M. Morin: Les rumeurs de l'année dernière, je
pense, on a cru les retracer au bureau du premier ministre. C'était une
de ces blagues dont il est coutumier.
M. Saint-Pierre: Personne n'a succombé à la
tentation?
Importation de produits textiles
M. Morin: Non, il n'en était pas question Nous tournant
maintenant vers la question des textiles, est-ce que je pourrais vous demander
de nous mettre au point des derniers développements? Je sais qu'il y a
eu votre lettre récente. Pourriez-vous faire le point sur les exigences
du Québec en matière d'importation de produits textiles?
M. Saint-Pierre: M. le Président, il y a un
problème récent qui touche les filaments de polyester. La lettre,
je pense, parle par elle-même. M. Jamieson a pris quelques
décisions récemment qui sont quand même un virage assez
prononcé par rapport aux traditions auxquelles nous avait
habitués le gouvernement fédéral. Il y a eu certaines
restrictions qui ont été imposées. Fondamentalement, nos
efforts ont porté depuis un an, d'une part, à convaincre le
gouvernement fédéral qu'il y avait un problème; je pense
que, tout au moins au niveau politique, cette chose est acquise, et,
deuxièmement, a tenter de moderniser l'appareil de contrôle
canadien qui, à mon sens, par rapport à ce qu'on retrouve dans
d'autres pays, dont notamment les Etats-Unis, ne se compare pas, en ce sens
qu'au Canada, même avec beaucoup de bonne volonté entre ce qui a
été prévu dans la loi, entre le conseil consultatif des
textiles, entre le cabinet fédéral et tout cela, entre les
preuves qui doivent être faites, par le temps que le gouvernement
fédéral peut négocier avec des pays des accords
acceptables, le mal est fait et demeure permanent. Alors, je n'ai pas eu de
réponse à ma lettre. Nous allons reprendre la discussion avec M.
Jamieson sous peu.
M. Morin: J'imagine que vous avez pris connaissance, je suis
sûr que vous avez pris connaissance de l'étude qui a
été rendue publique...
M. Saint-Pierre: Par l'Institut canadien des textiles?
M. Morin: ... en novembre dernier, dans laquelle on disait
ceci... Non, c'est une étude onta-rienne. "An Ontario study indicates
that the Federal Government has not taken full advantage of international
agreements to prevent the erosion of the Canadian textile and clothing
industry's share of the domestic market". Cela dit également: "Ottawa's
policy of attempting to restrain disruption of the Canadian market by invoking
provisions of the GATT has not halted a continuing decline in the Canadian
share of the market". De sorte que le pourcentage avait baissé de 44% en
deux ans, alors qu'il était de 70% en 1949 et de 53% en 1970.
C'est assez dramatique comme chute. Je vous signale un passage qui me
paraissait particulièrement pointu. "Means for avoiding these
disruptions are available under GATT", the study said, "but have not been fully
utilized by the federal government to the detriment of the textile and apparel
industry."
Quelle est l'attitude que vous avez prise là-dessus? Est-ce que
vous étiez d'accord avec cette étude ontarienne?
M. Saint-Pierre: Oui. Elle donnait suite à des rencontres
que nous avions eues au niveau des ministres de l'Industrie et du Commerce du
Canada et des différentes provinces.
On fait état de l'article 4, je pense, de l'accord qui permet,
lorsque l'industrie du textile d'une nation donnée est gravement
menacée, d'invoquer c'est 4 ou 3 ...
M. Morin: N'importe quelle industrie qui est gravement
menacée.
M. Saint-Pierre: Non, le textile. Il y a un accord particulier
sur le textile...
M. Morin: Ah! Je comprends ce que vous...
M. Saint-Pierre: ... et, à l'intérieur de cet
accord, il y a deux articles. Il y en a un, celui qui est utilisé
généralement pour conclure les accords bilatéraux, et il y
en a un autre qui permet de prendre une action unilatérale.
On avait supporté la position de l'Ontario dans ce dossier. Il y
a seulement un élément que j'aimerais expliquer. Encore une fois,
je souligne que des décisions récentes de M. Jamieson
représentent un virage par rapport à ce que nous avions eu avant
d'Ottawa, et ça nous inspire peut-être plus confiance. Un des
points qu'il ne faut pas oublier, c'est que, dans la majorité de ces
cas, cependant, pour l'industrie du textile, les pays qui ont pu causer des
perturbations ne sont pas les pays d'Asie ou les pays comme le Japon ou Hong
Kong.
M. Morin: Ce sont les Etats-Unis.
M. Saint-Pierre: Ce sont les Etats-Unis, la France, l'Autrice. Ce
sont des pays industrialisés. Je ne fais pas une affirmation. Je pose
une question. Se peut-il qu'Ottawa soit un peu hésitant puisque ces
mêmes pays ont en général des façons... pourraient
en général avoir des façons unilatérales, enfin, de
répliquer à des mesures prises par Ottawa dans d'autres
secteurs?
M. Morin: Parce que ça devient assez dramatique. Le
ministre le sait. Je n'ai pas à lui apprendre ce qui se passe dans le
textile.
Je voyais un commentaire dans la Gazette par un analyste que vous
connaissez, qui est M. Alan Gray, et qui s'étonnait un peu de voir que
c'était l'Ontario qui prenait avec acharnement la défense du
textile, alors que Québec était certainement plus
intéressé encore que l'Ontario, aussi bien en termes absolus
qu'en termes relatifs, comme le soulignait ce commentateur.
Il nous apprenait, dans cet article, dans ce commentaire du 28 novembre
1975, qui était intitulé: "Quebec not upstaged by textile
report", il nous disait que le Québec avait déjà tous les
renseignements contenus dans le rapport, mais, néanmoins, on constate
que c'est l'Ontario qui a fait les premiers pas. Mais...
M. Saint-Pierre: Je m'excuse. Je pourrais relever dans le
dossier, avant cette rencontre, avant ce mémoire de l'Ontario... Il
faut...
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: ... se rendre compte également, sans
faire de politique partisane, que le gouvernement de l'Ontario, pour parler au
gouvernement fédéral, est souvent obligé de parler par la
voix des media, ce qu'on n'a pas à faire, nous, ici. Mais avant cette
rencontre, si ma mémoire est précise, j'avais eu une rencontre
d'une journée avec M. Gillespie, antérieure à celle-ci.
Elle avait eu une certaine publicité. Je ne sais pas si M. Gray
l'avait...
M. Morin: Non, il n'en fait pas état. Je me souviens
effectivement de cette rencontre dont vous avez peut-être parlé en
Chambre à l'occasion, oui.
Mais la conclusion de M. Gray était la suivante: If this
situation continues, there will be lost employment, greater dependence on
foreign marketing decisions and the basic industry may disappear.
Je crois qu'effectivement, on va atteindre bientôt le point de
non-retour dans le domaine du textile. J'aimerais vous demander... Le temps
avance. Peut-être reviendrai-je demain matin sur la question du textile,
parce que j'avais beaucoup de questions.
M. Saint-Pierre: ... d'autres questions...
M. Morin: Mais je peux peut-être poser les suivantes ce
soir: Est-ce que le Québec est prêt à
défendre des positions concrètes comme celles de
l'Ontario, ou encore celles du comité sénatorial de la Commission
canadienne du textile, comme, par exemple, les suivantes: Garanties à
l'effet que l'industrie autochtone pourrait voir sa part du marché
passer de 45% à 65% ou à 70%.
Cela a déjà été d'ailleurs un chiffre que
nous avons connu dans le passé, vers la fin des années soixante,
si ma mémoire est bonne, ou encore l'élargissement du nombre de
produits nommés au contingentement, c'est-à-dire 15% au Canada
par rapport à 70% aux Etats-Unis, des surtaxes au dumping il
paraît qu'il s'en fait aussi et enfin, ce qu'on appelle le
préenregistrement. C'est peut-être la mesure la plus anodine.
M. Saint-Pierre: La plus importante, cependant parce que c'est
cela...
M. Morin: Pour savoir ce qui se passe.
M. Saint-Pierre: Pour savoir ce qui se passe.
M. Morin: D'accord.
M. Saint-Pierre: Et c'est ce qu'il y a de plus important pour
nous.
M. Morin: Mais cela ne vous sert pas à grand-chose pour
obtenir un résultat concret.
M. Saint-Pierre: Oui, mais là aussi, il y a un cercle
vicieux. Si on ne sait pas ce qui se passe, il est assez difficile de
suggérer ou de mettre de l'avant des mesures qui pourraient corriger la
situation quand on ignore la situation.
La plupart des points que vous avez soulevés... D'ailleurs, dans
le mémoire de l'Ontario, il n'y a rien de... Reprenez ma lettre à
M. Jamieson. Il me semble qu'elle avait été déposée
en Chambre. Il y a quand même des points très précis que
nous lui recommandons en ce qui touche les filaments de polyester. Dans les
autres discussions, il y a eu également des points très
précis, mais fondamentalement, je pense qu'il y a deux points
importants, soit une volonté du gouvernement fédéral de
sauver l'industrie du textile canadienne et de peut-être cesser de
considérer qu'elle n'a fait aucun effort pour se moderniser. Je pense
qu'il y a peut-être là des préjugés qu'il nous faut
surmonter. Deuxièmement, un meilleur mécanisme pour faire la
surveillance des importations dans le secteur des textiles avant même
qu'elles ne pénètrent au Canada. C'est la grande
différence avec les Etats-Unis. Vous voulez, demain matin, envoyer du
polyester du Canada aux Etats-Unis à $0.65 la livre. Ils ne vous
refuseront pas. Ils vont simplement empêcher que la marchandise entre aux
Etats-Unis et elle sera arrêtée dans le petit port de Rouses
Point, de Montréal. On vous fera remplir une formule de 22 pages. On va
dire qu'on envoie cela pour faire l'analyse et finalement, au bout d'un mois,
quand vous n'avez pas obtenu toutes les réponses, vous vous
découragez et vous gardez votre marchandise. Il n'y a personne qui peut
se permettre de garder cela dans les bureaux de douane, alors qu'au Canada,
elle entre à Montréal et elle est rendue chez Eaton, Simpsons,
Morgan, Dupuis et elle est vendue à des consommateurs; huit mois
après. Statistique Canada nous informe que les prix ont
dégringolé dans le polyester de $1.37 à $0.65.
M. Morin: Les Américains savent se défendre.
M. Saint-Pierre: C'est cela. Alors, ce point, d'une façon
très énergique, les fonctionnaires le poursuivent auprès
des fonctionnaires d'Ottawa. Nous tentons de modifier cela.
M. Morin: J'ai encore des questions sur le textile, mais j'ai
l'impression qu'elles vont peut-être trouver réponses dans les
deux documents que le ministre a bien voulu me remettre.
Je proposerais, avec l'accord du ministre...
M. Saint-Pierre: Un point que j'aimerais ajouter sur le cas des
textiles que M. Dinsmore...
M. Morin: Oui, je vous en prie.
M. Saint-Pierre: II y a également la création
récente d'un comité par M. Jamieson pour étudier les
mesures requises à court terme pour neutraliser les effets très
dommageables des fluctuations importantes dans les importations, tant en
quantité qu'en prix, tout le long de la chaîne de transformation.
Et cela est un autre aspect très important qu'il ne faudrait pas
négliger, c'est-à-dire que souvent, en tentant de protéger
la fibre au Canada, on peut rendre la vie impossible à l'industrie du
textile et en voulant protéger le textile, le tissu, on peut rendre la
vie impossible à ceux qui sont dans le vêtement. Vous comprenez le
point.
Ceux qui sont dans le vêtement... Si on empêche
l'importation de textile, les intéressés se retrouvent dans
I'impossibilité de faire la concurrence pour vendre leurs produits
à l'étranger sur les marchés habituels et on remonte la
chaîne. Donc, il faut avoir une nouvelle façon d'aborder la
question qui tienne compte de ces trois-là. Et souvent, lorsque
l'industrie de la fibre nous demande des mesures pour les protéger,
l'industrie du textile a une attitude contraire en disant: Faites attention. Si
vous les protégez trop...
M. Morin: ... le vêtement...
M. Saint-Pierre: Bien non. Il y a les tissus et après
cela, le vêtement. Il y a la fibre, le tissu et le vêtement, ces
trois secteurs ont des...
Alors, ce comité a trois sous-ministres du gouvernement
fédéral; trois représentants de chacune des provinces,
Québec, Ontario et Manitoba et six représentants de l'industrie.
Les fibres, les textiles et les vêtements sont représentés.
Les réunions sont déjà commencées. Il y a un
échéancier prévoyant la remise d'un rapport à M.
Jamieson à la fin de juin.
M. Morin: Serez-vous saisi de ce rapport, finalement, puisque
vous aurez un représentant à ce
comité? Donc, automatiquement, vous serez tenu au courant.
M. Saint-Pierre: Nous avons un membre.
M. Morin: J'imagine que vous aurez un représentant
à ce comité, donc automatiquement vous serez tenu au courant.
Est-ce que ce rapport sera rendu public à l'époque?
M. Saint-Pierre: Cela va être effectivement l'initiative du
fédéral pour sortir des conclusions.
M. Morin: Le ministre le déposera peut-être s'il est
rendu public de façon à ce que nous l'ayons à notre
disposition?
M. Saint-Pierre: Parfait.
M. Morin: M. le Président, de toute façon, je sais
que nous devions ajourner dans quelques minutes à cause de la
réception qui a lieu tout à l'heure, dans une demi-heure, est-ce
que nous pourrions ajourner pour que je puisse, de toute façon, prendre
connaissance des documents, ce soir ou cette nuit.
M. Saint-Pierre: Ce n'est pas à six heures la
réception?
M. Morin: Je ne sais pas quelles instructions vous avez
reçues, mais à six heures il y a une réception et je pense
que l'idée était de pouvoir aller déposer nos papiers
à nos bureaux et nous préparer pour cette réception qui a
lieu à six heures. J'en fais la proposition. Cela me donnerait
l'occasion de lire ces documents et de revenir là-dessus demain
matin.
Le Président (M. Brisson): Est-ce que les membres sont
d'accord pour qu'on ajourne à demain matin, dix heures?
M. Cadieux: Tantôt, le leader a parlé de deux
commissions à 10 h 30. Les Revenus et notre commission. Est-ce que c'est
10 heures ou 10 h 30?
Le Président (M. Brisson): La nôtre est à 10
heures.
M. Cadieux: Parce qu'eux, c'est 10 h 30. C'est ce que j'ai
compris.
M. Morin: M. le Président, je voudrais faire remarquer, en
terminant, que de toute façon j'aurais pu souligner, cinq minutes
après le début de la séance, que nous n'avions
déjà plus quorum.
Le Président (M. Brisson): Ne soyez pas
méchant.
M. Morin: Est-ce que je pourrais vous demander de faire en sorte
que demain nous ayons quorum? Ce matin, c'était la même chose.
Nous n'avions pas commencé depuis cinq minutes qu'il manquait
déjà deux membres pour avoir le quorum. Je ne l'ai pas
souligné parce que je ne veux pas entraver la marche de l'étude
des crédits du ministère de l'Industrie et du Commerce, mais
j'estime que ce n'est pas normal que cela se déroule de cette
façon-là.
Je félicite les deux députés qui nous tiennent
compagnie, mais ils sont conscients eux aussi qu'il y a plusieurs
collègues qui manquent autour de la table.
M. Saint-Pierre: Vous aviez demandé des détails
sur...
M. Morin: Je devrais le souligner, ce sont les
députés de Matane et de Beauharnois qui sont présents.
M. Saint-Pierre: Et de Chambly.
M. Morin: Où est-il? Oui, cela va de soi. Le ministre.
M. Saint-Pierre: Vous avez demandé ce matin des
détails sur les études qui avaient été faites et je
vous donne copie des deux CT.
M. Morin: Oui, merci. Alors, j'examinerai cela également
d'ici demain matin.
Le Président (M. Brisson): La commission ajourne ses
travaux à demain matin, dix heures.
(Fin de la séance à 17 h 23)