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Commission permanente de l'industrie
et du commerce, du tourisme,
de la chasse et de la pêche
Etude du projet de loi no 6
Séance du lundi 28 juin 1976
(Vingt heures vingt-cinq minutes)
M. Gratton (président de la commission permanente de
l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche):
A l'ordre, messieurs!
La commission de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse
et de la pêche est réunie ce soir pour étudier article par
article le projet de loi no 6, Loi concernant les sociétés de
développement de l'entreprise québécoise et modifiant la
Loi sur les impôts. Elle a également reçu pour mandat
d'entendre les personnes intéressées par ce projet de loi.
Avant de céder la parole au ministre de l'Industrie et du
Commerce, j'aimerais aviser la commission que les membres sont les suivants: M.
Bellemare (Johnson), M. Bonnier (Taschereau), M. Côté (Matane), M.
Déom (Laporte), M. Harvey (Dubuc), M. Lachance (Mille-Iles), M. Lacroix
(Iles-de-la-Madeleine), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Lessard
(Saguenay), M. Bérard (Saint-Maurice), M. Marchand (Laurier), M. Morin
(Sauvé), M. Saint-Pierre (Chambly) et M. Samson (Rouyn-Noranda).
Dès maintenant, je pense qu'il y aurait lieu que la commission
désigne un de ses membres pour agir comme rapporteur. Pourrais-je
suggérer M. Lapointe (Laurentides-Labelle)? Agréé? Qu'il
en soit ainsi.
Je cède immédiatement la parole au ministre de l'Industrie
et du Commerce.
Remarques préliminaires
M. Saint-Pierre: M. le Président, après le
débat en deuxième lecture, nous avions convenu qu'avant
l'étude article par article du projet de loi il y avait peut-être
intérêt à entendre certains groupes qui pouvaient
être intéressés de près ou de loin au
développement des SODEQ. Nous l'avons fait dans l'esprit de ne pas
retarder indéfiniment la législation, donc en tentant tous nos
efforts pour qu'avant l'ajournement de l'été le projet de loi
devant la Chambre soit adopté et permette un démarrage rapide de
l'expérience des SODEQ au Québec.
C'est dans cet esprit qu'à la suite des voeux exprimés en
deuxième lecture nous avons invité trois groupes à venir
à la commission parlementaire afin de répondre aux questions des
parlementaires sur le projet de loi devant nous, tant sur l'objectif même
du projet de loi que sur certaines modalités qui pourraient
mériter une plus grande réflexion des parlementaires, pour
améliorer le projet de loi.
Ces trois groupes sont le Mouvement des caisses populaires Desjardins de
Lévis, les Caisses d'entraide économique, et peut-être
devrais-je dire, en premier lieu, la Chambre de Commerce de la province de
Québec, puisqu'on sait que c'est celle-ci qui, par un comité
d'étude qui a travaillé pendant plusieurs mois, sinon quelques
années, a formulé au gouvernement l'ensemble des recommandations
c'est peut-être un exemple de la démocratie en action
qui donne aujourd'hui un projet de loi très concret devant nous
et qui, demain, pourra déboucher sur des structures bien en place dans
certaines des régions du Québec.
Je sais qu'il y a également dans l'assistance M. Gilles
Arès, du Conseil de la coopération; même si M. Arès
n'était pas invité formellement, il est le bienvenu parmi nous.
Il aura peut-être quelques mots à ajouter par après.
Avant que nous invitions les gens à parler, je tiens à
rappeler une fois de plus deux éléments: premièrement, les
SODEQ ne peuvent être la panacée à tous les
problèmes économiques de toutes les régions du
Québec. C'est un véhicule que nous considérons
complémentaire de ceux qui existent déjà. D'ailleurs, si
on relit les recherches qui avaient été faites au temps de la
révolution tranquille, c'est un des véhicules qui n'avaient
jamais vu le jour, une sorte de société régionale,
à caractère privé cette fois-ci, c'est le choix
qu'on a fait mais qui nous permettait de résoudre le
problème de l'entreprise manufacturière, la petite et la moyenne
entreprise.
C'est bien sûr qu'il y a dans des régions des
problèmes autres que la petite entreprise manufacturière, mais je
tiens à préciser qu'il me paraît impossible d'avoir dans un
projet de loi une panacée à tous les problèmes du secteur
de la distribution, du secteur primaire, de disparité régionale,
de tout ce qu'on pourrait vouloir.
Le deuxième point que je tiens à rappeler, tenant compte
de l'identité de deux des intervenants ce soir, est que le gouvernement
avait retenu le principe que, s'il fallait modifier les lois des
coopératives, celles-ci devraient l'être, en toute logique, dans
des revues presque annuelles de ces lois constitutives, de sorte que lorsqu'on
aborde un élargissement du cadre des lois des coopératives, la
question des SODEQ soit un de plusieurs éléments qui peuvent
être considérés.
C'est pour cela que, même si au tout départ on avait, dans
le projet de loi, certaines dispositions précises pour les
coopératives, il a été convenu, avec le ministère
des Institutions financières, qu'il serait préférable de
regrouper des élargissements de pouvoirs dans les coopératives ou
les caisses d'entraide économique, dans les lois constitutives de ces
groupes.
Un troisième point que je me permettrais peut-être
également d'ajouter, c'est que nous avons eu des suggestions très
concrètes qui font l'objet d'étude à différents
comités ministériels dans le moment au sujet du
développement du secteur coopératif. Je parle en particulier de
la Société de développement du secteur coopératif
en fait, peu importe le nom qu'on lui retient encore une fois, il
ne faudrait pas voir dans le fait qu'il n'y a aucune mention de mandat aux
SODEQ de développer le secteur coopératif que le
gouvernement a abandonné cette option. Ce sont plutôt des
voies parallèles qui ont d'ailleurs été mentionnées
dans le discours du trône et dans le discours du budget je
m'excuse, du discours du début de la session et qui pourraient se
retrouver dans des projets de lois particuliers, à l'automne. Ce sont
des dossiers qui sont en cheminement.
Une fois ces remarques préliminaires terminées, M. le
Président, c'est avec plaisir que, du côté du parti
ministériel, nous pourrions entendre les points de vue de ces trois
organismes directement intéressés par les SODEQ et qui,
sûrement, seront largement responsables d'insuffler, dans les
régions, le dynamisme requis pour faire vivre ce que, somme toute, nous
n'aurons fait nous-mêmes comme législateurs, c'est-à-dire
de donner des structures, de donner des avantages fiscaux, mais,
fondamentalement, on sait que les structures, en soi, cela n'atteint pas grands
objectifs. Cela prend des hommes pour les faire vivre et sur cela, je pense que
les trois organismes qui sont devant nous vont être des piliers dans
plusieurs des régions pour faire vivre ces nouvelles structures
privées que sont les SODEQ.
Le Président (M. Gratton): L'honorable chef de
l'Opposition officielle.
M. Morin: M. le Président, je me réjouis
également de voir devant nous, ce soir, des organismes qui
s'intéressent de près au développement économique
du Québec et, en particulier, au développement régional
que ce projet de loi, à ce qu'on nous dit, aurait pour objet de
favoriser.
Il faut bien comprendre dans quel esprit nous avons voulu que vous
comparaissiez devant cette commission, messieurs, car nous avons beaucoup
insisté pour que vous puissiez venir vous faire entendre.
Nous avons, lors du débat de seconde lecture, débat
portant sur le principe du projet de loi, évoqué un certain
nombre de difficultés ou de motifs d'hésitation devant le projet
de loi.
Le premier motif que nous avons d'hésiter, du côté
de l'Opposition officielle, c'est l'absence de place qu'on fait aux mouvements
coopératifs dans ce projet de loi. Du point de vue de la
coopération, ce projet ne nous dit, en effet, rien qui vaille. Les SODEQ
seront des entreprises privées, financées indirectement par le
moyen d'exemption fiscale, par les deniers publics, bien sûr, mais ce
n'en seront pas moins des entreprises privées.
Il nous paraît inadmissible que cette loi crée de la sorte
une sorte de discrimination à rencontre de l'entreprise
coopérative. Je sais bien que, depuis des années, on promet une
société de développement coopératif. Encore tout
récemment, on a pu constater qu'on annonçait la chose pour la
nième fois. C'était le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières qui rappelait, il y a
quinze jours à peine, que le gouvernement pourrait participer
éventuellement à la mise sur pied d'une future
société de développement coopératif.
Mais, cela n'est pas fait pour nous rassurer, car nous avons vu trop de
ce genre de promesses remises aux calendes canadiennes, qui ne sont
guère plus rapprochées que les calendes grecques. Devant ce
projet bien concret des SODEQ, nous ne pouvons faire autrement que de nous
interroger sur la place des coopératives dans tout cela.
Il nous paraît, en tout cas, inadmissible de faire financer les
SODEQ par l'ensemble de la collectivité et, dans la même
foulée, d'exclure les entreprises collectives et communautaires.
Nous avons également d'autres motifs d'hésitation
et je parle par euphémisme quand je parle d'hésitation
nous ne pouvons certainement pas, en principe, être contre un objectif
aussi louable, à première vue, que de rendre disponible du
capital pour les petites et moyennes entreprises. On ne peut pas être
contre la vertu; nous connaissons tous les difficultés que les petites
et moyennes entreprises éprouvent à se trouver des moyens de
financement.
Nous connaissons tous la sous-capitalisation des PME et cela a toujours
été un problème majeur et chronique du secteur
manufacturier. Mais si l'objectif est en soi très louable, voire
nécessaire, nous ne sommes pas sûrs que les moyens proposés
soient les bons. A certains égards, ils nous paraissent même
discriminatoires.
Dans sa présentation de deuxième lecture, le ministre a
rappelé que ce projet était fondé sur une incitation
fiscale qu'il a qualifiée de très forte. En effet, elle n'est pas
négligeable, puisqu'il s'agit d'une déduction directe de
l'impôt payable par le contribuable dans la proportion de 25% des sommes
investies dans l'achat d'actions d'une SODEQ.
Ce qui nous paraît inquiétant là-dedans, ce qui nous
rend fort hésitant, c'est qu'on accorde une telle exemption sans que
l'actuel texte législatif nous apporte les garanties qu'on serait en
droit d'exiger pour que ce traitement de faveur serve effectivement à
atteindre l'objectif visé. Ce que nous craignons, c'est que ces
entreprises privées ne soient le refuge d'un certain nombre de personnes
disposant, bien sûr, de capital qu'elles sont prêtes à
investir dans des risques pas trop risqués, si je puis m'exprimer ainsi,
et que les SODEQ ne soient, en fin de compte, si nous n'y prenons garde, des
moyens d'évasion fiscale légalisés. Je veux dire que ces
petites sociétés privées attireraient fort probablement
des investisseurs, mais non pas tant dans un esprit de capital de risque
expression d'ailleurs qui n'est nulle part décrite, qui n'est nulle part
définie dans le projet de loi mais des gens qui sont en quête de
placements sûrs dans les boulangeries, vous voyez, ce genre d'entreprise
qui n'a certainement pas besoin d'aide par rapport du moins à certaines
autres entreprises du secteur manufacturier qui, elles, sont fortement
sous-capitalisées.
Ce que nous craignons, c'est de voir ce projet de loi servir
essentiellement à de petits groupes d'intérêt qui cherchent
des moyens élégants et légaux de diminuer leur
impôt. Je n'y vais pas par quatre chemins, parce que j'estime que nous
avons devant nous, ce soir, des gens qui sont ca-
pables de discuter de ces choses et de nous éclairer
là-dessus comme parlementaires.
Nous n'avons pas la prétention de tout savoir, mais nous pouvons
exprimer des craintes et vous pouvez soit les infirmer, soit les confirmer,
soit nous apporter de l'eau au moulin, de l'eau à notre
réflexion, avant que nous ne passions à l'adoption
définitive de ce projet de loi. Ce sont les raisons pour lesquelles, M.
le Président, je suis très heureux de voir ces organismes devant
nous et j'attends avec impatience ce qu'ils ont à nous dire.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, l'ordre de ceux qui
s'adresseront à la commission sera le suivant: d'abord, la Chambre de
commerce de la province de Québec, ensuite le Mouvement Desjardins suivi
du Conseil d'entraide économique et possiblement du Conseil de la
coopération.
J'inviterais tous ceux qui s'adresseront à la commission de bien
vouloir s'identifier pour la bonne compréhension au journal des
Débats. J'inviterais immédiatement les représentants de la
Chambre de commerce de la province de Québec à nous livrer un
court résumé de leur mémoire, s'il y en a un, et à
se livrer aux questions de la commission.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Hawey (Ghislain): M. le Président, messieurs, je vais
parler au nom du groupe, parce que je présidais le comité qui a
étudié... Mon nom est Ghislain Hawey et je présidais le
comité qui a étudié, qui a fait ses recommandations au
gouvernement. J'ai ici différents spécialistes dans
différents domaines qui sont avec nous ce soir et qui pourront, au cours
de la discussion, vous donner les explications appropriées, suivant les
questions qui seront posées. Je nomme, si vous le permettez, M. le
Président, M. Jean-Paul Létourneau, qui est vice-président
exécutif de la chambre; M. Paul Gourdeau, qui est président du
conseil de Logis-tec Corporation; M. Robert Chevrier, qui est directeur
général de la Caisse d'entraide économique; M. Raymond
Major, qui est président de Major et Martin; M. Gérald Sutton, de
la Société canadienne de développement des entreprises
Ltée; M. Jean Richard, qui est vice-président de Greenshields
Inc., et M. André Michaud, qui est associé de Fortier, Hawey et
Cie.
Ces gens sont disponibles, si vous avez des questions
particulières. Nous n'avons pas, M. le Président, de
mémoire parce que nous avons été mis au courant de la
réunion mercredi dernier seulement.
De fait, nous avions fait la recommandation originelle, de sorte que
nous sommes ici pour apporter des éclaircissements comme M. le chef de
l'Opposition l'a mentionné tout à l'heure.
Un point sur lequel peut-être je voudrais attirer l'attention, et
que M. Morin, je crois, a couvert tout à l'heure, c'est la question des
évasions fiscales. C'est une chose, si cela peut rassurer, qui a
été énormément discutée au sein du
comité. Vous aviez les mêmes équipes.
Vous aviez des équipes de "fiscalités" qui ont
été consultées à ce moment. Egalement, cela a
été discuté avec des représentants et des
fonctionnaires du ministère des Finances à au moins deux
reprises. C'est un des sujets qui ont été le plus couverts,
effectivement, parce que tout le monde était conscient que cela pouvait
causer des problèmes. Maintenant, c'est toujours difficile dans le
domaine fiscal de dire qu'on couvre tout et d'être sûr qu'on couvre
tout, mais il y a toujours possibilité d'amender au fur et à
mesure. Mais, on pense que, pour le moment, les principaux points ont
été regardés. Je ne veux pas dire qu'il ne peut pas y
avoir des abus à un moment donné et qu'il n'y a pas quelqu'un qui
peut trouver une façon de s'évader, mais on pense que les
principaux points ont été couverts et, en particulier, certains
des spécialistes qui sont ici vont peut-être répondre d'une
façon particulière aux détails pertinents que vous
aimeriez avoir. C'est tout. Est-ce qu'il y en a qui voudraient ajouter quelque
chose?
Le Président (M. Gratton): M. Létourneau.
M. Létourneau: Mon nom est Jean-Paul Létourneau. En
référence aux propos de M. le chef de l'Opposition, M. Morin, il
y a eu une étude faite récemment par un associé d'une
firme qui s'appelle Thome Riddell & Cie, M. Birk, qui a examiné
justement l'importance de l'avantage fiscal offert à ceux qui
investiraient dans les SODEQ. Cette étude démontre que cet
avantage est passablement moins important que ce qu'il a l'air à
l'origine. Il nous fait plaisir de déposer devant la commission une
copie de cette étude qui a été rendue publique lors d'une
réunion de l'Association canadienne d'études fiscales à
Montréal le 14 mai dernier. Ceci est un document qui pourra sans doute
intéresser, particulièrement, M. Morin. Merci, M. le
Président.
M. Saint-Pierre: M. le Président...
Le Président (M. Gratton): Le ministre.
M. Létourneau: Excusez-moi, si vous me permettez,
incidemment, concernant ces avantages fiscaux, nous avons examiné ce que
propose le projet de loi. Il nous semble qu'ils auraient mérite à
être augmentée si on veut que la formule ait l'attirance voulue
pour que les SODEQ deviennent un succès.
M. Saint-Pierre: Pouvez-vous être plus précis sur
cela, M. Létourneau? Dans l'étude que vous mentionnez, dont j'ai
pris connaissance il y a déjà quelque temps, il faut dire que
plus l'avantage fiscal est élargi, finalement de la même
façon plus le gain sur capital va être considérable, donc
plus le contribuable est frappé par la taxation fédérale,
de telle sorte que cela donne un peu l'impression que c'est un cercle vicieux.
Si vous augmentez de 25% à 50%, bien sûr, le gain sur capital, au
lieu d'être $25 sur $100, va être de $50. Le contribuable est
frappé par cela, on en a un peu l'impression. Je sais que le
mémoire a fait l'objet en fin de se-
maine... Il y a même ce soir des gens du ministère du
Revenu. Comment contourner ceci pour lui donner sa pleine incitation fiscale de
25%? Vous-même, quand vous dites que c'est plus, qu'est-ce que c'est? En
voulant dire que deux suçons, c'est mieux qu'un ou quoi?
M. Létourneau: Justement, oui.
M. Saint-Pierre: Deux vitamines, c'est...
M. Létourneau: C'est qu'il ne faut pas oublier que ce
projet qui est examiné ici est en concurrence dans une certaine mesure
avec des projets similaires, de même nature, qui sont
présentés dans d'autres Législatures provinciales,
notamment en Ontario. A priori je dis bien a priori, parce que c'est
assez difficile à évaluer il semble que l'avantage fiscal
offert en Ontario soit plus incitatif que celui que l'on retrouve dans le
projet de loi du Québec.
M. Saint-Pierre: Vous avez...
M. Létourneau: Mais, encore une fois, il y a beaucoup de
facteurs psychologiques qui influencent l'investisseur dans ce genre
d'institutions, et il est bien difficile, à ce moment-ci, d'en mesurer
exactement l'impact.
M. Saint-Pierre: Vous avez fait des études et des analyses
pour appuyer ce que vous avancez?
M. Morin: Oui, parce que le ministre a dit le contraire en
deuxième lecture.
M. Saint-Pierre: Entre le projet de l'Ontario et celui du
Québec, c'est...
M. Létourneau: J'ai bien dit que c'était un examen
a priori, que nous n'avons pas d'étude approfondie pour appuyer cela.
Tout dépendra de oe que fera le gouvernement fédéral pour
appuyer les efforts du gouvernement de l'Ontario, qui a besoin du concours du
gouvernement fédéral à cause d'une façon
particulière de percevoir ses impôts, et il faut qu'il y ait une
collaboration de la part du gouvernement fédéral pour mettre en
oeuvre la proposition ontarienne.
M. Saint-Pierre: Non, la proposition ontarienne est
déposée.
M. Létourneau: Oui.
M. Saint-Pierre: Elle ne demande aucun accord avec le
gouvernement fédéral, puisque, dans le moment, elle s'attaque
uniquement à l'impôt sur la compagnie, et, dans le cas de
l'Ontario, l'individu ne jouit d'aucune incitation fiscale. C'est la SODEQ qui
a un rabais du montant total de l'impôt sur les corporations payable en
Ontario, mais comme ce montant est à peine 12% des
bénéfices, à sa face même, ça
m'apparaît moins intéressant que ce qu'on a au Québec. La
seule raison pour laquelle l'Ontario n'a pas pu prendre le chemin du
Québec ça rejoint peut-être ce que vous
vouliez dire c'est que l'Ontario, ne percevant pas son propre
impôt personnel sur le revenu, ne pouvait pas prendre la voie de
l'impôt personnel, et la seule possibilité pour elle était
de prendre l'impôt sur les corporations, mais qui est limité
à 12%, ce qui m'apparaît assez marginal comme incitation. Enfin,
si vous aviez des points pour soulever ça?
M. Harvey (Ghislain): M. le Président, on ne veut pas
faire un point majeur de cet argument. On ne veut pas non plus faire de
comparaisons, parce que les comparaisons sont toujours boiteuses et, dans la
loi que l'Ontario se propose d'introduire, il y a énormément
d'autres clauses qui font que les avantages peuvent être très
différents de ce qu'on croit à l'origine. On vient seulement de
l'avoir et de la regarder. Ce qu'on veut, c'est tout simplement faire ressortir
qu'on arrive avec un projet nouveau et qu'on pense qu'il y a peut-être
une chance d'aider la petite et la moyenne entreprise. S'il y avait
possibilité remarquez que cela a déjà
été discuté avec les fonctionnaires
intéressés peut-être, en regardant l'impact fiscal,
d'augmenter l'avantage, il y aurait peut-être lieu encore de... Cela
donnerait peut-être plus de chance de succès au projet.
M. Saint-Pierre: J'ai trois questions peut-être aux gens de
la Chambre de commerce. Je vais les mentionner toutes les trois, M. le
Président. On pourra peut-être y répondre.
J'aimerais avoir leurs commentaires premièrement sur le montant
de $1 million qui est demandé comme capital souscrit? Est-ce qu'ils
trouvent que c'est un objectif trop onéreux, qui leur convient ou quoi?
Deuxièmement, leur vue sur le nombre de SODEQ à court terme. Je
sais que ce n'est pas textuellement dans le projet de loi, mais j'ai
déjà mentionné la nécessité non pas de
contrôler, mais de ne pas ouvrir les vannes des SODEQ avant d'avoir la
confirmation que le projet est viable et que tout va bien. Si on ouvre
ça la première année avec 75 SODEQ, les
mésaventures d'une ou de deux risquent d'affecter la
crédibilité des autres. Alors simplement, quel est leur point de
vue sur le nombre de SODEQ que nous devrions lancer au départ dans
l'hypothèse que le projet de loi est retenu? Troisièmement, quel
est leur point de vue sur les restrictions qui sont apportées au sujet
du secteur manufacturier, c'est-à-dire le pourcentage de 65% restreint
au capital de risque, au capital non garanti du secteur manufacturier, par
rapport à un projet de loi qui serait, somme toute, très
différent, mais qui s'étendrait il n'y aurait aucune de
ces restrictions au secteur manufacturier à la petite et à
la moyenne entreprise, quu'elle soit d'un caractère commercial ou d'un
caractère manufacturier lui-même?
M. Gourdeau (Paul): Paul Gourdeau.
Je pense bien qu'en tant que groupe, nous sommes tous d'accord pour que
le nombre soit quand même, au début, assez restreint, parce que
c'est une expérience. Comme vous le disiez tout à l'heure, il y a
eu plusieurs organismes qui ont été
créés depuis quelques années, et c'est au cours des
années qu'on s'aperçoit si ces organismes deviennent
réellement des instruments de relèvement économique ici,
au Québec.
Si le nombre, dès le début, sans avoir
expérimenté la chose, était trop élevé, et
qu'on permettait la création de SODEQ un peu à gauche et à
droite, j'ai l'impression que cela pourrait avoir une conséquence
négative. Il faut prendre énormément de précautions
à ce point de vue.
M. Saint-Pierre: Qu'est-ce qui vous semble un nombre...?
M. Gourdeau: On a parlé d'une dizaine de SODEQ qui
pourraient être créées au cours de la prochaine
année ou au cours des deux prohaines années. Personnellement, je
crois que c'est un nombre suffisant pour le moment.
Quant au million, comme minimum requis, j'ai quand même
l'impression que, si on élevait ce million à deux millions ou
à deux millions et demi, cela diminuerait encore le nombre de SODEQ
parce que cela ne serait pas tellement facile quand même, malgré
les avantages fiscaux, d'aller chercher ces quelques millions parce que c'est
quelque chose de nouveau, c'est une expérience nouvelle et on sait
qu'ici, au Québec, on n'a peut-être pas cette mentalité du
capital de risque.
C'est une éducation qui se fait graduellement et ce million,
à notre point de vue... On est satisfait du montant qui est mis
là comme minimum et, si cela était augmenté davantage,
cela pourrait donner lieu à un effet négatif, pour le moment, du
moins.
M. Sutton (Gérald): M. le Président, je suis M.
Sutton et je suis le président de la Société canadienne de
développement des entreprises Ltée. Je suis l'ex-président
de l'Association de Venture Capital Companies of Canada et nous avons soumis,
récemment, un mémoire à la Commission Bryce à
Ottawa, sur la situation de Venture Capital Companies of Canada. Après
cette rencontre, nous avons eu une bonne occasion de discuter avec le
sous-ministre des Finances du fédéral, M. Shoyoma, et son
député. Je pense qu'il y a un très grand désir de
faire quelque chose pour Venture Capital Companies of Canada parce que, l'an
dernier, les seize membres de l'Association de Venture Capital Companies of
Canada et quatre des seize membres ont terminé leurs activités,
pour quelques raisons, et ce sont quatre des plus importants membres de
l'association.
La situation de la Venture Companies of Canada n'est pas bonne et
l'importance de cette dernière est illustrée par
l'expérience des Etats-Unis et une étude faite par la National
Association of venture Capital Companies of United States a
démontré que 70 compagnies ont reçu $200 millions de
venture Capital Companies of Canada en 1970-1972 et ces 70 compagnies on
payé en taxe fédérale $140 millions ou $150 millions.
En d'autres mots, la "seed money" de Venture Capital companies of
Canada, de $200 millions, a construit 70 compagnies publiques qui ont
payé $150 millions en taxe sur cinq ans.
Ces compagnies emploient six mille employés et leurs ventes
totalisent $1.6 milliard. C'est une situation qui a été
créée par Venture Capital Companies of Canada et c'est
l'importance de cette mesure de SODEQ parce qu'il faut qu'on construise pour
l'avenir des nouvelles compagnies.
Pour cela, il est important de créer des institutions pour
investir les fonds et les "management supports" nécessaires pour les
compagnies.
M. Létourneau: Si vous me le permettez, M. le ministre,
Jean-Paul Létourneau. Une autre observation concernant enfin ce
que nous avons entendu dire ce que pourrait être la
définition d'une petite entreprise au sujet des actifs du montant
maximum des actifs, on a cru comprendre qu'il pourrait être question d'un
montant de l'ordre de $7 500 000.
M. Saint-Pierre: D'actif et non pas d'avoir des actionnaires.
M. Létourneau: Pardon. M. Saint-Pierre:
D'actif.
M. Létourneau: D'actif, c'est cela. $7 500 000
d'actif.
M. Saint-Pierre: 200 employés.
M. Létourneau: Et 200 employés. Ces chiffres nous
sont apparus un peu bas dans le contexte inflationniste que nous vivons. On a
pensé qu'ils pourraient peut-être être un peu
augmentés.
M. Saint-Pierre: Vous avez des suggestions?
M. Létourneau: On n'a pas réussi à faire un
consensus sur les montants exacts. Certaines personnes allaient jusqu'à
$15 millions. D'autres allaient jusqu'à 500 employés. Cela
dépend beaucoup de la nature des opérations de l'entreprise et
cela dépend de ce dont on parle quand on parle d'entreprise. On comprend
que cela pourrait peut-être être difficile de fixer, de
manière bien juste et équitable, pour des entreprises de
différentes natures, les montants maximums qu'il faut considérer
pour entendre que ces entreprises sont de petites ou moyennes entreprises.
Cependant, si on faisait peut-être la moyenne des chiffres qu'on a
entendus, on se situerait probablement autour de 300 employés et au
moins $10 millions d'actif.
Le Président (M. Gratton): L'honorable chef de
l'Opposition, suivi de l'honorable député de Taschereau.
M. Morin: Est-ce que je peux vous demander une ou deux
précisions? Je veux être bien sûr que j'ai compris votre
intervention, M. Létourneau. Dois-je comprendre qu'une petite entreprise
doit
avoir au moins 300 employés? Je vous ai sûrement mal
compris.
M. Létourneau: Non. C'est le montant maximum. C'est le
chiffre maximum, c'est le nombre maximum d'employés.
M. Morin: Bon.
M. Létourneau: M. le Président, nous aimerions
peut-être, à ce moment-ci, terminer notre intervention et, si vous
nous le permettez, nous permettre de revenir à la fin, compte tenu des
autres interventions qui pourront être faites devant cette
commission.
M. Morin: Oui. M. le Président, j'aurais une question
à poser à quiconque voudrait y répondre parmi ces
messieurs. Le ministre a beaucoup parlé de la notion de capital de
risque dans son discours introductif de deuxième lecture. Or, cette
expression ne trouve nulle part sa définition dans la loi. A votre avis
je pose la question aussi bien à ces messieurs de la Chambre de
commerce qu'à M. Sutton qui nous a parlé tout à l'heure du
"venture capital" qu'est-ce que c'est, dans votre esprit, du capital de
risque?
M. Sutton: Une définition?
M. Morin: Une définition ou une description par des
exemples concrets, si vous ne pouvez pas en trouver une définition
abstraite.
M. Sutton: C'est très difficile, parce que le "venture
capital", cela comprend un "spectrum" pour lancer une compagnie qui finance au
départ et, à l'autre extrême, une compagnie qui est
peut-être publique, mais qui obtient difficilement les capitaux
nécessaires. Généralement, le "venture capital" vient
difficilement des sources conventionnelles. Ce n'est pas une bonne
définition, mais...
M. Morin: C'est la difficulté d'obtenir des fonds des
sources conventionnelles, c'est-à-dire des banques, par exemple.
M. Sutton: II y a une banque, la Banque Toronto-Dominion, qui a
un groupe qui s'appelle TD Capital, c'est pour le "venture capital". Mais les
autres banques, non.
M. Morin: Si je comprends bien, les SODEQ auraient pour objet
d'investir du capital de risque dans des entreprises qui ont de la
difficulté à obtenir du financement traditionnel, soit parce
qu'elles sont sur le départ de leurs opérations, soit qu'elles
soient dans une phase d'expansion et qu'elles n'arrivent pas à trouver
le capital nécessaire pour prendre leur expansion. C'est donc par
définition, si je comprends bien, un capital qui serait investi dans des
entreprises qui, disons, ont de la difficulté à trouver du
capital et non pas des entreprises comme, je pense, par exemple, certaines
entreprises classiques qui sont toujours très... qui ont un bon
rendement sur le capital, l'exemple des boulangeries me vient à
l'esprit, et qui ont rarement de la difficulté à trouver le
financement nécessaire. Autrement dit, il y a des entreprises
manufacturières qui seraient exclues, si tant est que l'objet de ces
SODEQ est de fournir du capital de risque. Si le ministre veut préciser
sa pensée, je serais très heureux qu'il le fasse.
M. Saint-Pierre: C'est bien sûr qu'on ne parle pas dans la
loi de capital de risque, non seulement parce que la définition est
difficile, mais parce que ce n'est pas ça l'objet. L'objet, dans ma
réponse, je vais m'inscrire en faux contre ce que vous avez dit au
départ... Vous allez me permettre de commencer par cela et ensuite, je
pense que ça va aider. Vous disiez qu'il n'y a pas de parti pris en
faveur des coopératives au départ ou des choses comme ça.
Je pense que, si on regarde l'article 33...
M. Morin: Je n'ai pas parlé de parti pris.
M. Saint-Pierre: Vous dites qu'il n'y a rien sur les
coopératives. Comprenons bien la loi...
M. Morin: C'est ça.
M. Saint-Pierre: ... c'est un parti pris en faveur des individus
résidents du Québec sans aucune exception, donc vis-à-vis
des contribuables qui tous bénéficient d'un avantage fiscal. Cet
avantage fiscal a une contrainte; elle doit être dirigée vers le
secteur manufacturier, qui peut en bénéficier en termes de
placement, et c'est là qu'on va vouloir la définition de ce
qu'est un placement autorisé et on verra qu'on n'aura pas besoin de la
définition de capital de risque. Le placement autorisé doit se
retrouver dans l'équité, dans le capital-actions, mais dans le
concept de l'entreprise manufacturière, tel que défini dans
l'article 33, on voit qu'on est très large en ce sens que ça peut
être un propriétaire c'est l'alinéa b) si
elle peut être possédée par une société
civile ou commerciale; à d), ça peut être une compagnie,
à condition que la majorité des actions soient détenues
par des personnes résidant au Québec; à e), si elle est
une association coopérative ou un syndicat coopératif, la
majorité des membres doivent résider au Québec. On voit
donc que l'investissement se fait dans différents types de
sociétés, dont la notion principale est que la majorité du
capital-actions et la majorité des membres, dans le cas des
coopératives, soient des résidents du Québec.
Maintenant, aux articles 34 et 35, on tente de définir comment se
précise cet investissement, c'est-à-dire qu'on exclut du
financement à court terme que font d'autres institutions
prêteuses, on exclut du financement hypothécaire et on parle de
financement de risque, c'est-à-dire de financement
d'équité, c'est-à-dire, grosso modo, de prêts non
garantis. Je pense que le but de la loi n'est pas strictement, j'ai bien
compris l'intervention de M. Sutton, mais généralement, surtout
du côté anglophone, on appelle "venture capital" quand même
souvent des entreprises qui ont une forte
connotation de nouvelle technologie dont les chances de croissance sont
à l'occasion très fortes mais où les risques sont
également très grands... Je me rappelle d'études que j'ai
déjà lues. Ceux qui se spécialisent dans le "venture
capital" admettent que, sur cinq entreprises dans lesquelles ils vont investir,
il y en a une qui va être un succès très grand et il y en a
quatre ou cinq qui vont avoir... J'ai déjà vu l'analyse des
prêts ou des critères d'admissibilité des entreprises
privées canadiennes, présumément la vôtre
également, sur les prêts qui étaient acceptables. Il y
avait cette connotation en général qu'on recherchait, de
très forte technologie, de possibilité très grande d'un
développement, d'une croissance, d'un profit très grand, mais
également de très grands risques. Ceci faisait qu'on acceptait de
souscrire dans une compagnie qui s'appellerait un jour IBM ou Xérox,
qu'on acceptait également de souscrire dans quatre compagnies dont deux
ans après, personne n'entendrait parler, parce qu'elles auraient fait
faillite et que, sur le plan de la mise en marché, ce ne serait rien de
certain.
Je reviens encore une fois pour dire que c'est dans l'article 34 qu'on
voit très précisément, les limitations à
l'investissement possible. La notion, c'est que c'est non pas un prêt,
mais un placement qui n'est pas garanti par les nantissements habituels qu'on
a, soit les prêts hypothécaires ou des choses semblables.
Cela peut prendre la forme de l'équité de l'entreprise, du
capital-actions, des actions communes, des actions privilégiées
non garanties; ça pourrait prendre également la forme, je pense,
si on y regarde ça avec nos conseillers juridiques, de prêts non
garantis ou enfin d'un minimum de cinq ans, des choses semblables. Mais il y a
cette notion de non-garantie à laquelle on accole le risque d'un
placement de risque ou un placement spéculatif, appelons ça comme
on veut.
M. Chevrier (Robert): Si vous me le permettez, M. le
Président, Robert Chevrier. J'aimerais aussi renchérir sur les
remarques de M. Sutton et de l'honorable Saint-Pierre. La définition que
la Chambre de commerce a tenté de donner aux SODEQ... Dans son esprit,
c'est d'en faire, à long terme, un partenaire d'un industriel
quelconque, en ce sens que la SODEQ vise à devenir, dans le secteur
industriel, un deuxième actionnaire, un deuxième partenaire pour
l'individu qui désire accélérer sa croissance mais qui
n'en a pas eu le temps ou dont l'entreprise est trop jeune pour engendrer
suffisamment de profits et exploiter son potentiel de marché.
Je m'explique. La SODEQ n'a pas pour but de remplacer d'autres
institutions financières prêteuses existantes. Elle a pour
but et je pense que c'est dans l'esprit de la loi et c'était dans
l'esprit de la Chambre de commerce de donner, au niveau des petites et
moyennes entreprises, un deuxième partenaire, sur un pied
d'équilibre et de parité avec le propriétaire d'une
entreprise existante ou d'une entreprise à ses débuts.
Lorsqu'on parle de "venture", en français, on trouve
peut-être souvent ce nom strictement asso- cié aux entreprises
nouvelles, alors que le "venture" peut aussi s'appliquer dans des entreprises
existantes qui, à un moment donné, ont besoin d'un
deuxième apport de capital pour reprendre un deuxième
souffle.
On prend peut-être un exemple classique. C'est le
phénomène des subventions du ministère de l'Expansion
économique régionale qui a visé à donner aux
propriétaires d'entreprises des moyens de continuer à se
développer, sans pour autant s'associer à l'entreprise, sans pour
autant participer à sa gestion. Merci.
M. Morin: M. le Président, dans le communiqué de
presse qui a été rendu public à la fin du mois de mars
1976 par le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministre
lui-même, au moment où il a annoncé le dépôt
du projet de loi, nous disait que le pourcentage du capital de risque investi
pour une SODEQ, dans les petites et moyennes entreprises, se fera de la
manière suivante:
A la fin de son premier exercice financier: 20%; à la fin de son
deuxième exercice: 35%; et ainsi de suite; à la fin des exercices
subséquents: 65%. Cette notion de capital de risque est absolument
cruciale. C'est l'esprit du projet de loi dont on parlait il y a un instant que
de trouver, que de mettre à la disposition des PME du capital de
risque.
Ecoutant tout à l'heure le ministre commenter l'article 33 et
l'article 34, j'avais déjà l'impression que c'était un peu
moins risqué que ce qui apparaissait dans le communiqué de presse
initial. C'est pour cela que j'insiste sur cette notion de capital de risque.
Je comprends que c'est une notion difficile à définir. Mais
justement parce qu'elle est difficile à définir et qu'on ne
trouve pas, dans la loi, de quoi nous éclairer sur sa portée, je
me demande bien ce que cela va être, dans quel genre d'entreprise est-ce
qu'on va investir, ou à quel genre d'entreprise est-ce qu'on va faire
des prêts.
J'aimerais bien savoir du ministre ce qu'il entend par là,
exactement.
M. Saint-Pierre: Comprenons-nous bien, M. le Président.
Vous avez évoqué tantôt la question des boulangeries. Je ne
sais pas si, dans votre esprit, il serait préférable, ou si le
projet de loi serait bonifié si on pouvait exclure au départ une
série d'entreprises qui vous semblent sans risque. Je ne sais pas si
vous avez investi beaucoup vous-même dans les boulangeries; vous en
parlez comme s'il y avait un très bon rendement dans les
boulangeries.
Ceci dit, M. le Président, il faut bien se rappeler que ce projet
de loi ne vise pas à changer la structure industrielle du Québec.
Il y a d'autres lois qui visent à changer la structure industrielle et
on ne peut pas donner à toutes les lois tous les objectifs qu'on
poursuit. Dans ceci, on reconnaît un problème d'ordre
régional, d'ordre de croissance des petites et moyennes entreprises
manufacturières. Il y a un parti pris qui est fait en fonction de
l'équité dans les petites et moyennes entreprises
manufacturières.
Personnellement, cela ne m'empêcherait pas
de dormir si les administrateurs de l'entreprise décident, dans
leur région, que c'est mieux d'investir dans une boulangerie.
M. Morin: II faut dire que le rendement n'est jamais bien
élevé, pas plus que dans les imprimeries, mais ce n'est pas ce
qu'on appelle du capital de risque.
M. Saint-Pierre: Je répète encore une fois que ce
qu'on appelle le capital de risque, c'est la différence entre un
prêt hypothécaire et un prêt garanti ou simplement les
montants d'argent que le chef de l'Opposition et moi-même avons pu
investir à la caisse populaire et qui sont garantis par la Loi de
l'assurance-dépôts. Cela n'est pas du capital de risque. Les
obligations du Québec, ce n'est pas du capital de risque. Mais, quand
moi-même et vous-même, strictement, si on investit de l'argent dans
le capital-actions de n'importe quelle compagnie qui est cotée à
la Bourse, de grandes compagnies, cela est exclus du projet de loi; là
on n'est pas certain de ce qui va nous arriver.
M. Burns: Tout capital-actions est du capital de risque dans
votre esprit, parce que d'après la définition que vous m'en
donnez...
M. Saint-Pierre: Je n'ai pas parlé de capital de risque,
c'est vous qui en parlez.
M. Morin: Bien.
M. Saint-Pierre: On parle de...
M. Morin: Ce n'est pas garanti.
M. Côté: Du moment que vous investissez dans le
gros, c'est du capital de risque.
M. Saint-Pierre: Cela, c'est un capital de risque.
M. Morin: Ah oui! Cela c'est du capital de risque.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, le
député de Taschereau patiente depuis fort longtemps.
M. Lacroix: S'il n'y voit pas non plus, cela va devenir du
capital de risque.
M. Morin: Vous voulez dire Laduboro ou quoi? M, Lacroix:
N'importe quoi.
M. Bonnier: M. le Président, il est indéniable
qu'un des objectifs c'est non seulement de développer l'industrie
secondaire au Québec, mais c'est aussi de faciliter la participation
d'un plus grand nombre d'épargnants au développement même
de l'industrie du Québec. De ce point de vue, est-ce que vous trouvez
que le projet de loi est suffisamment attrayant pour les petits
épargnants qui pourraient devenir des investisseurs, étant
donné qu'au Québec on n'a pas la réputation d'être
des investisseurs? On a plutôt tendance à acheter les obligations
que des actions.
En second lieu, j'aimerais savoir, des Caisses d'entraide
économique, dans quel sens elles pensent contribuer peut-être non
seulement au niveau des investissements, mais au niveau de la
récupération des épargnes. Est-ce qu'elles ont des plans
précis dans ce domaine?
Le Président (M. Gratton): Je permettrais aux gens de la
Chambre de commerce de répondre à la première partie de la
question. Quant à la deuxième, on pourra peut-être attendre
la présentation du Conseil...
M. Bonnier: Je croyais, M. le Président, que les Caisses
d'entraide faisaient partie du groupe.
Le Président (M. Gratton): Non, elles viendront plus
tard.
M. Hawey: II y a un membre du comité qui est un directeur
d'une Caisse d'entraide économique. C'est peut-être cela...
M. Bonnier: Ahl
M. Hawey: C'est M. Robert Chevrier qui... M. Bonnier:
Excusez-moi.
M. Hawey: ... fait partie de la délégation de la
Chambre de commerce de la province de Québec, mais dont la fonction est
d'être directeur-général de la Caisse d'entraide
économique de Sherbrooke. C'est peut-être la confusion.
M. Saint-Pierre: Peut-être aux premières questions
soulevées par le député de Taschereau...
M. Hawey: M. le Président, pour répondre à
la question du député de Taschereau concernant la
possibilité de savoir si c'est suffisant, ce que vous vouliez savoir, je
pense, pour attirer ou pour inciter l'investisseur à investir dans ce
genre de capital, c'était justement le but du comité qui a
été créé à la suite du comité qui
avait étudié la stratégie du développement
industriel dans le Québec. On avait constaté la carence de
capitaux pour la petite et la moyenne entreprise. Ces points que vous
mentionnez ont été discutés tels quels et avec les
mêmes arguments que vous apportez à l'effet qu'on sait que nos
gens sont habitués plutôt à investir dans des organismes
traditionnels beaucoup plus sécuritaires et c'est pourquoi on
mentionnait tout à l'heure qu'on voulait des incitations fiscales et
également que, peut-être, s'il y avait possibilité de les
augmenter encore, il y en aurait peut-être davantage.
Mais le but, ce qui avait été discuté au
comité qui a fait les recommandations, c'était justement
d'essayer de canaliser des épargnes qui ne bougent pas dans le moment et
de les diriger vers des situations peut-être plus difficiles que les
institutions financières traditionnelles financent de nos
jours, que les banques vont financer. Vous avez des cas de petites et
moyennes entreprises qui se développent très bien, mais qui,
à un moment donné ou à un autre, dans une période
de croissance, vont avoir une certaine assistance des organismes financiers et
traditionnels, mais à qui il manque un certain capital. Il faudrait que
des actionnaires, par exemple, fassent des mises de fonds
supplémentaires.
A ce moment, c'est là des fois que vous voyez des entreprises qui
ne peuvent pas passer à travers les problèmes auxquels elles font
face. C'est là que la SODEQ peut intervenir. Avec une incitation fiscale
suffisante, c'est un moyen en tout cas d'essayer de canaliser davantage
certaines épargnes, non seulement des individus, mais de certaines
institutions qui, avec un bon avantage fiscal, pourraient peut-être se
diriger dans ce sens où définitivement le risque sera plus
grand.
Le Président (M. Gratton): Est-ce que la commission a
encore des questions à l'intention de...
M. Morin: J'ai une question. Je n'ai pas obtenu satisfaction
encore sur cette question de capital de risque de la part du ministre.
Il nous a dit en somme: Le capital de risque, c'est un investissement
qui n'est pas garanti. Il n'y a aucune charge ou hypothèque qui puisse
être exigée par la SODEQ. Les prêts, j'imagine, sont
également non garantis de façon hypothécaire. Cela me
paraît être une définition très large du capital de
risque, ça veut dire que tout capital-actions, c'est du capital de
risque. Si ce n'est pas ce que le ministre a voulu dire, j'aimerais qu'il nous
dise la différence qui existe entre du capital-actions et du capital de
risque...
M. Saint-Pierre: M. le Président, ce n'est pas moi qui ai
parlé du capital de risque dans le texte de loi. On a pu évoquer
le terme de placement spéculatif ou capital de risque dans un
communiqué de presse, mais dans la loi, c'est ce qui compte, c'est ce
dont on discute ce soir. Ce que je vous dis, c'est le sens de la loi, elle
oblige la partie du portefeuille qui doit être considérée
comme placement admissible à ce que ce soit un placement au niveau du
capital-actions ou de prêts non garantis auprès d'une entreprise
manufacturière, tel que défini par règlement.
M. Morin: C'est ça que vous appelez du capital de
risque.
M. Saint-Pierre: Je ne définis pas capital de risque, je
dis que c'est ça qui est permis par la loi et qui
bénéficie d'un avantage fiscal, appelez ça comme vous
voulez, si vous voulez appeler ça...
M. Morin: Non, c'est parce que...
M. Saint-Pierre: Moi, ce que je vous dis, c'est du
capital-actions.
M. Morin: Etant donné que vous aviez an- noncé
ça à grand renfort de publicité en insistant sur cette
notion de capital de risque investi par les SODEQ.
M. Saint-Pierre: Ecoutez, s'il fallait, dans les
communiqués de presse, reproduire les textes de loi, le grand public ne
s'y connaîtrait pas. Généralement, on définit comme
capital de risque ou "venture capital", généralement, en gros, ce
capital spéculatif, ce capital non garanti; on fait une distinction
entre le capital-actions des entreprises qui, même dans une très
grande entreprise comme Dupont ou CIL, Bombardier on est bien
placé pour en parler qui peut un jour valoir $22, trois semaines
ou trois ans après, ça peut valoir $2 et la semaine prochaine,
$0.65 par opposition à une obligation de la province de Québec
qui a une valeur au pair qui est titrée, qui peut avoir une fluctuation
lorsqu'on veut l'échanger avant terme et qui, en général,
va osciller toujours alentour de son plein montant de l'obligation.
M. Morin: M. le ministre, je reviens, puisque vous me dites que
le communiqué a moins d'importance, à votre discours de
deuxième lecture et j'en tire deux phrases qui me paraissent fort
importantes, à moins qu'il ne faille pas accorder de l'importance au
discours de deuxième lecture: Ces sociétés se
spécialiseront dans l'offre de capital de risque aux petites et moyennes
entreprises du secteur manufacturier. Plus loin: II est un domaine du
financement de l'entreprise québécoise qui souffre de lacunes
sérieuses, c'est celui du capital de risque ou, si on veut, le capital
de l'équité de l'entreprise ou l'équité même
de l'entreprise.
Donc, ce que vous appelez du capital de risque, si j'ai bien compris,
c'est du capital-actions.
M. Saint-Pierre: Si ça vous rend heureux, je vais accepter
ça. Le texte de loi n'utilise jamais l'expression "capital de
risque".
M. Morin: Oui, mais je veux que ce soit clair. Dans votre esprit,
du capital-actions c'est du capital de risque.
M. Saint-Pierre: Etablissez des nuances, mais dans mon esprit, le
texte de loi vise le capital-actions et le prêt non garanti.
M. Morin: C'est ce que je pensais aussi.
Le Président (M. Gratton): Le député de
Saint-Maurice.
M. Morin: ... plus du capital de risque.
M. Bérard: M. le Président, je crois que c'est M.
Boivin, tantôt, qui mentionnait qu'au tout début, on devrait
implanter un maximum d'une dizaine de SODEQ dans la province de Québec
pour les deux prochaines années. Il me vient une question à
l'esprit. Est-ce que votre organisme a fait une étude pour
déterminer s'il y aurait des régions qui seraient plus
susceptibles de rentabiliser une telle formule que d'autres? Est-ce que vous
avez
étudié l'opportunité que des SODEQ soient
implantés dans telle et telle région plutôt que dans
d'autres?
M. Hawey: Non, M. le Président, ce sujet, d'une
façon particulière n'a pas été regardé comme
tel. On s'est dit: Ce sera probablement une façon de stimuler
l'économie sur une base régionale, parce qu'on sait que les
institutions financières traditionnelles sont plutôt à
Montréal et à Québec particulièrement. On s'est dit
que ça pourrait peut-être inciter en réunissant, soit des
caisses populaires, un peu plus tard des caisses d'entraide économique,
des groupements de ce genre et que ça donnerait une chance de stimuler
dans différentes régions.
Je ne vous dis pas qu'au cours de la conversation, d'une façon
informelle, on n'a pas mentionné certaines régions plutôt
que d'autres; mais, dans l'ensemble, on a laissé ce soin à ceux
du gouvernement qui étaient au courant des situations un peu partout de
décider à ce sujet.
M. Bérard: Vous n'avez pas d'opinion...
M. Hawey: On n'en a pas d'une façon particulière.
Je pense que les régions auxquelles vous pouvez penser, qui nous
frappent le plus, on est d'accord là-dessus. Il peut y avoir des cas
particuliers.
M. Bédard: Est-ce que le ministre aurait quelques
commentaires sur cette question?
M. Saint-Pierre: Je pense encore qu'on va écouter les gens
des deux autres groupes. Je ne voudrais pas préjuger, mais je pense
encore qu'au début il y aurait un risque d'avoir un trop grand nombre de
SODEQ, puisque les malheurs, ou encore, les infortunes qui pourraient survenir
à une ou deux d'entre elles, s'il y en avait 20, 25, 30, 40,
risqueraient d'affecter grandement les chances de percer des autres.
On a parlé d'une dizaine au départ; cela ne correspond pas
nécessairement aux régions administratives, mais je pense qu'on
peut facilement s'entendre, si on se limite à un nombre de dix, par les
endroits où cela serait le plus logique, tant au niveau de la
capacité d'aller chercher des fonds qu'au niveau de la capacité
de placer ces mêmes fonds, au niveau de l'ensemble de la province de
Québec.
Si, au bout de deux ou trois ans, l'expérience s'avère
très heureuse, que finalement, les souscripteurs sont emballés,
le mariage avec le secteur manufacturier va très bien et qu'il y a des
demandes pour en ouvrir d'autres, je pense qu'à ce moment-là on
pourra ouvrir les vannes et accepter que, peut-être dans les
premières dix années, il y en ait une qui aille mal.
Au départ, il faut mettre toutes les chances de son
côté, parce que je suis certain que les gens des
coopératives vont le savoir s'il y a une caisse d'entraide
économique demain matin qui a une difficulté, dans un sens,
surtout dans les premières années, cela affectera un peu la
crédibilité des autres. C'est la même chose pour un soldat
qui sort d'une taverne avec son uniforme. S'il est en boisson, c'est toute
l'armée qui passe pour ivrogne. Il y a un peu ce danger dans le cas des
SODEQ, d'autant plus que la loi les oblige à avoir le même
nom.
Mais dès que le départ est lancé, que la
crédibilité est assurée, je pense bien que là,
comme ailleurs, il faut accepter qu'à l'occasion il y ait des choses qui
tournent un peu moins bien.
M. Morin: M. le Président, avant que nous passions
à un autre organisme, j'ai encore peut-être une ou deux questions
à poser à ces messieurs de la Chambre de commerce, dans l'espoir,
d'ailleurs, que par la suite, on puisse leur poser d'autres questions, s'il
nous en vient à l'esprit.
Maintenant que nous connaissons la définition que donne le
ministre du capital de risque, c'est-à-dire que c'est du
capital-actions, est-ce que c'est ce que vous entendez par cela, quand vous
parlez de capital de risque, particulièrement comme objectif, pour les
SODEQ? Ou est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu d'être un
petit peu plus restrictif que cela et de donner, à la notion de capital
de risque, un sens un peu plus strict que n'importe quel capital-actions dans
je ne sais pas trop, la première usine d'embouteillage de produits
gazeux, ou la première imprimerie, ou la première boulangerie qui
se présente? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de faire servir ce
capital, soit-disant de risque, à de véritables risques?
M. Hawey: M. le Président, simplement pour répondre
à la question de M. Morin, ce qu'on entend par capital de risque, dans
le domaine des affaires, habituellement, où l'investissement de risques,
pour être plus précis, c'est habituellement d'abord ce qui est
dans l'équité des actionnaires et, ensuite, en remontant, si vous
avez un bilan devant vous et que vous l'imaginez, ce sont tous les prêts
qui ne sont pas garantis et ceux, par la suite, qui sont garantis, mais par
ordre d'importance des garanties. En somme, en soi, c'est le risque.
Pour clarifier, le risque peut varier, suivant le genre d'entreprise
dans laquelle vous avez investi. Je pense que c'est surtout sur cela que vous
voulez attirer l'attention. C'est tout à fait normal.
Par contre, si vous voulez essayer de préciser ce qu'on veut
entendre par capital de risque, vous allez enlever la flexibilité
à la loi, à ce moment-là. Autant on va ajouter d'articles
pour essayer de le définir, autant on n'en sortira pas. Il faut laisser
de la flexibilité aux gens qui ont le choix d'investir ou de ne pas
investir, de décider dans quel genre d'entreprise ils vont investir.
Les critères de la loi sont là. Les entreprises qui vont
bien dans l'ensemble et dont le risque est moins grand, en comparaison avec
d'autres, ont habituellement leurs sources de financement traditionnelles. La
SODEQ ne prêtera pas ou n'investira pas, à moins de rendement que
d'autres. Elle peut faire des prêts sans garantie, elle peut faire des
prêts sans intérêt, elle peut investir dans le
capital, mais, à ce moment-là, il y a des critères
qui doivent être respectés.
Mais si on entre dans la définition ou qu'on voudrait essayer
je ne sais pas comment on pourrait le faire en pratique, étant
dans le domaine des affaires on enlèverait beaucoup de
flexibilité
Je pense qu'il faut laisser la loi se roder et les expériences se
vivre.
M. Létourneau: M. le Président, je pense qu'il
serait extrêmement laborieux et peut-être même futile
d'essayer de trouver une définition exacte de capital de risque, parce
qu'il ne semble pas exister de définition exacte de ce que cela veut
dire. En plus de cette définition, selon la nature des entreprises, de
ces variantes qui existent selon la nature des entreprises que vient de
mentionner M. Hawey, il y a les variantes qui existent selon les personnes qui
parlent.
Quand un banquier va parler de capital de risque, c'est à peu
près n'importe quel investissement dans de l'équité. Un
cadre ou un dirigeant d'une compagnie d'assurance a une définition qui
lui est imposée par la loi de ce qu'est pour lui un capital de risque et
qui est très particulière. Quand on parle à quelqu'un
comme M. Sutton qui est ici, qui est spécialisé dans ce qu'on
appelle le "venture capital", je ne connais pas la traduction française
exacte pour cette expression, on parle, à ce moment, comme vous l'avez
dit vous-même, M. le chef de l'Opposition, de quelque chose de beaucoup
plus risqué, parce que cela dépend des attitudes, des habitudes
d'investissements et des disciplines qu'ont les gens dans les
différentes institutions. C'est une expression qu'on emploie
généralement, "capital de risque", mais il faut bien se garder
d'essayer d'en donner une définition précise, parce que c'est une
définition qui varie beaucoup selon qui l'emploie.
Il fut un temps où les actions qu'on appelait, sur le
marché de la Bourse, les "blue chips", ne constituaient pas pour
beaucoup de gens un capital de risque, c'était à peu près
aussi sécuritaire qu'une obligation. Avec ce qui s'est produit
récemment dans le marché des actions, dans des marchés
boursiers, il semble bien que beaucoup d'actions, beaucoup d'investissements
d'équité qui étaient autrefois catégorisés
comme des "blue chips" sont devenus des choses beaucoup plus
risquées.
Doit-on appeler cela capital de risque, encore une fois, cela
dépend de qui en parle. C'est pourquoi nous n'avons pas fait de
définition et nous ne demandons pas non plus au gouvernement d'en faire
une à travers ce projet de loi, parce que ce serait peut-être
artificiel à ce moment-ci. Il ne semble pas que même le monde des
affaires se soit prononcé sur une définition précise de ce
qu'est le capital de risque. En plus de cela, cela varie dans le temps, selon
les conditions des marchés boursiers et les possibilités
d'accéder à des capitaux.
M. Saint-Pierre: M. le Président, j'ai un point
également très important. Ce qu'on étudie ce soir, c'est
une loi, ce ne sont pas des textes qui ont pu être annoncés. Dans
la loi, aux articles 34 et 35, il me semble que c'est très clair,
l'intention du gouvernement sur la nature des placements permissibles.
Nulle part dans la loi on ne retrouve les mots capital de risque. Je ne
sais pas pourquoi on commence, sans cela on pourrait vouloir...
M. Morin: Je me demande pourquoi vous en avez parlé en
deuxième lecture et pourquoi vous en avez fait...
M. Saint-Pierre: J'ai tenté de vulgariser la notion de
placements non garantis, de placements non bien protégés.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: J'ai appelé cela capital de risque, parce
que les gens parlent de cela, capital spéculatif. Je vois le terme dans
le mémoire des caisses d'entraide économique. Appelez cela du
capital-actions, cela fait bien. Strictement, on pourrait vous contester, parce
qu'à l'article 34b on parle bien de prêts et non pas de
capital-actions. Cela peut être des prêts non
protégés, non garantis par hypothèque ou des nantissements
commerciaux, par un nantissement commercial quelconque.
M. Morin: Oui, mais c'est un peu ce que je craignais qui est
confirmé. C'est qu'en réalité, il ne s'agit pas vraiment
de capital de risque au sens de "venture capital", au sens habituel du mot, il
s'agit de capital de risque très sécuritaire. J'imagine que, dans
la pratique, cela...
M. Bonnier: Pas nécessairement.
M. Morin: Laissez-moi terminer. Si on donne des exemptions
fiscales, c'est cela qui est en cause, n'est-ce pas, ce n'est pas simplement
pour favoriser l'investissement dans les choses traditionnelles, dans les
entreprises qui ne manquent pas de sources de capital. Si on accorde une
exemption fiscale de l'ordre de 25%, c'est sans doute parce qu'on veut attirer
les investissements dans des choses un peu moins traditionnelles, des
investissements un peu risqués quand même, ou alors on fait des
cadeaux.
M. Saint-Pierre: Non...
M. Morin: Si c'est pour investir dans l'embouteillage ou dans les
industries qui n'ont aucune difficulté à se financer,
plutôt que dans l'électronique, la machinerie industrielle ou les
plastiques, par exemple, ce n'est plus du "venture capital", ce n'est plus du
capital de risque. A ce moment, je dis que ces exemptions sont des cadeaux.
M. Bonnier: M. le Président, le chef de l'Opposition
mêle deux choses: L'exemption fiscale est pour ceux qui vont souscrire
des actions à la SODEQ.
M. Morin: ...
M. Bonnier: Ce n'est pas à la SODEQ qu'il souscrit
à une entreprise. Vous auriez tout à fait raison de dire qu'on va
choisir ce qu'il y a de plus aventurier si, par exemple, on disait: On va
donner une exemption fiscale à la SODEQ, parce que dans tel type
d'entreprise, on a besoin d'un capital très risqué. Ce n'est pas
cela. Comme on l'a fait préciser tout à l'heure, l'exemption
fiscale, c'est pour que les épargnants ordinaires, personnels ou
institutionnels soient intéressés à investir dans la
SODEQ. La SODEQ va prendre ces risques. Je pense que le chef de
l'Opposition...
M. Morin: Ou elle ne les prendra pas.
M. Bonnier: ... ne fait pas de distinction parfois entre le
capital de risque et les capitaux risqués. Ce n'est pas pareil. Le
degré de risque que j'ai pour que la valeur présente nette de mon
investissement soit positive, et à quel degré elle est positive,
c'est une question. Mais, ce que dans un bilan, comme on a dit tout à
l'heure, on appelle, au niveau des investissements, capital de risque, c'est
une autre question.
M. Morin: Est-ce que vous faites une différence entre le
capital de risque risqué et le capital de risque non risqué?
M. Bonnier: C'est sûr. Il y en a de plus ou moins
risqués, comme on le disait tout à l'heure.
M. Morin: C'est bien ce que je craignais aussi, parce que le
danger, c'est qu'on accorde des exemptions fiscales importantes pour des
individus qui vont investir dans les SODEQ qui, peut-être, seront des
investisseurs tout à fait traditionnels, qui ne contribueront
très peu finalement à dépanner la petite et la moyenne
entreprise qui, elles, sont innovatrices et ont besoin véritablement
qu'on prenne un risque pour les mettre en route.
M. Bonnier: Vous allez élargir, par le fait même,
l'assiette de vos investisseurs. C'est qu'actuellement au Québec, vous
le savez fort bien, les gens n'ont pas tendance à investir.
M. Morin: Qu'on cesse de parler de capital de risque, parce que
là, on joue sur les mots. C'est cela à quoi j'en ai. C'est de
tout repos. On va donner une bonne déduction fiscale, une bonne
exemption fiscale. Parlons net, parlons franchement et tout le monde se
comprendra. Mais, parler de capital de risque quand cela n'en est pas, cela, je
ne marche pas.
M. Saint-Pierre: Vous ne marchez pas avec les entreprises
traditionnelles qui sont la grande majorité de nos entreprises qui
appartiennent à des résidents du Québec.
M. Morin: Je veux qu'on appelle un chat, un chat, et un rat, un
rat.
M. Saint-Pierre: Là, c'est un chat. Là, je vous dis
que l'incitation fiscale est donnée à tous les résidents
québécois sans aucune distinction, mais que par le biais d'une
SODEQ, ceux-ci sont obligés d'investir une part de leur portefeuille
dans les entreprises manufacturières qu'elles jugeront. Toutes les
entreprises manufacturières telles que définies à
l'article 36, dont la majorité des actionnaires sont des
résidents, la majorité des sociétaires sont des
résidents du Québec, sont admissibles. Nous, on fait confiance
aux gens entre les deux qui vont être des Québécois
résidents de faire leur placement là où ils jugeront bon.
S'ils veulent le faire dans une boulangerie, je n'ai rien contre les
boulangeries. Je n'ai rien contre les embouteilleurs dans certaines
régions. Au lieu d'importer cela de Montréal, peut-être
qu'il y a des régions qui vont décider de se doter d'entreprises
qu'elles n'ont pas dans le moment, et qui vont créer des emplois. Je ne
comprends pas pourquoi le chef de l'Opposition qui, pourtant, crie partout sur
les tribunes sa foi à la petite et à la moyenne entreprise
voudrait qu'on la limite à des secteurs où, indirectement, on va
exclure les autochtones. Quand on parle des plastiques et de la
pétrochimie et mettez-en des choses, je suis capable de vous en
donner c'est évident que là, on va se retrouver souvent
à 50% des étrangers qui vont être des partenaires, parce
que ce sont eux qui vont avoir soit la technologie ou autre chose. Cela, je le
répète, ce n'est pas pour changer la structure industrielle.
C'est l'article 2a de la SDI qui, elle, a changé à la structure
industrielle. C'est pour aider les besoins de financement et de conseil qu'a la
petite entreprise manufacturière au Québec. Il veut stimuler
l'épargne au niveau des Québécois.
M. Morin: Appelez un chat, un chat. Ne parlez pas de capital de
risque. Parlez de capital-actions, d'investissements dans le capital-actions.
Tout le monde va se comprendre. Il n'y aura plus de querelle. On saura
exactement ce que vous visez dans ce projet de loi. Ne venez pas nous parler de
capital de risque, alors que dans la plupart des cas, on peut prévoir
que cela va être ce que nous connaissons depuis toujours, des
investissements tout à fait sécuritaires, mais avec une exemption
de taxes au bout.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, je pense que cet
échange fort intéressant pourrait tout aussi bien avoir lieu une
fois que nos invités nous auront quittés...
M. Morin: J'aime mieux qu'ils soient là.
Le Président (M. Gratton): ... ou tout au moins, auront eu
la chance de s'exprimer. Est-ce qu'il y a des questions à l'intention de
la Chambre de commerce?
M. Lapointe: Oui, j'aurais une question.
Le Président (M. Gratton): Le député de
Laurentides-Labelle.
M. Lapointe: Dans certaines régions du Québec,
l'économie régionale est basée sur l'industrie
touristique, par exemple. Est-ce que la Chambre de commerce est favorable
à ce qu'une partie des capitaux soit investie dans l'industrie
touristique? Si on veut que ces organismes collent à la
réalité régionale et soient vraiment un instrument de
développement économique régional, est-ce que vous
favorisez une diversification des investissements dans divers domaines?
M. Létourneau: Jean-Paul Létourneau. M. le
Président, à l'origine, nous avions inclus l'industrie
touristique dans notre proposition. Mais, cependant, il y avait peut-être
des priorités à établir. Dans l'examen préalable
que nous avions fait des besoins pour développer l'économie du
Québec, on s'est aperçu qu'il y avait priorité absolue
à développer le secteur secondaire. Il semble bien qu'ayant
mentionné le secteur secondaire comme étant prioritaire, le
gouvernement a retenu cette section particulièrement pour
débuter. Si on veut ajouter l'industrie touristique, nous n'avons pas
d'objection. C'était une proposition que nous avions faite. Qu'on ne
l'inclue pas au début... Enfin, il y a peut-être aussi des
considérations concernant la nature des risques à prendre et la
nature des entreprises impliquées.
Il y a une dimension dans les SODEQ qu'il ne faut pas oublier, qu'on n'a
pas mentionnée jusqu'ici. C'est qu'en plus de fournir des capitaux, nous
espérons que les SODEQ seront des institutions qui seront des
partenaires des entreprises où elles investiront, c'est-à-dire
qu'elles apporteront de l'expertise, de la connaissance technique, qui pourra
aider le petit ou le moyen entrepreneur à développer son
entreprise, en plus des capitaux. Les régions qui
bénéficieront les premières ou le mieux de ces
institutions sont avant tout celles où on retrouvera des personnes
suffisamment dynamiques et suffisamment intéressées par la
formule pour la faire fonctionner. C'est bien important. C'est peut-être
plus important même que les avantages fiscaux qu'on offre, parce qu'il se
pourrait que peu de gens soient intéressés par l'avantage fiscal,
s'il n'y a pas vraiment de bons promoteurs de l'idée avec des bons
projets à supporter. Avant tout, c'est la qualité des hommes qui
va faire cela. Pour ce qui est de l'industrie touristique, si on veut
l'inclure, nous n'avons pas d'objection. Seulement, nous comprenons qu'il
pourrait y avoir des raisons, au départ, pour se limiter strictement
à l'industrie secondaire, parce que c'est celle-là que nous avons
jugé prioritaire d'aider.
M. Lapointe: Elle peut être prioritaire globalement, pour
l'ensemble du Québec, mais si on tient compte de chacune des
régions du Québec, l'industrie touristique peut être
prioritaire dans une région, et l'industrie secondaire prioritaire dans
une autre région. Moi, comme représentant d'un comté
touristique, je crois que ce serait un instrument essentiel pour le
développement touristique d'une région.
M. Saint-Pierre: M. le Président, on pourrait
peut-être, pour le bénéfice du député de
Laurentides-Labelle, mentionner deux points. Le premier, c'est qu'il faut se
rappeler qu'une partie seulement des fonds doit être investie dans le
secteur manufacturier, ce qui laisse quand même on a parlé
de 65% dans le secteur manufacturier 35% des fonds ramassés sur
lesquels il n'y a, à toutes fins pratiques, aucun contrôle,
c'est-à-dire que ça peut être du prêt
hypothécaire, ça peut être des obligations du Canada ou du
Québec, mais ça pourrait également être un placement
dans le secteur touristique. C'est un premier point.
Le deuxième point, c'est que les études qui ont
été faites jusqu'ici au ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche, ne semblent pas indiquer, noir sur blanc, que le
problème premier de l'industrie touristique dans toutes les
régions soit nécessairement un problème de capital-actions
pour ceux qui oeuvrent dans ce secteur-là. Il n'est pas certain que le
problème ne soit pas davantage dans le secteur des infrastructures, dans
le secteur de l'attrait touristique à l'extérieur des
régions comme Montréal et Québec, dans la publicité
accrue qui viendrait en aide à des régions données.
Il n'est pas évident que cela soit nécessairement un
problème de capital dans l'entreprise, que cela soit l'entreprise
hôtelière, l'entreprise touristique... Cela rejoint
peut-être ce qu'on mentionnait pour la Société de
développement coopératif. Il n'est pas impossible qu'un jour le
gouvernement juge à propos d'avoir un crédit touristique en bonne
et due forme.
On pourrait dire d'ailleurs la même chose des industries du bien
culturel. Je ne voudrais qu'on tente de donner à ce projet de loi une
vocation qu'il n'a pas. Essentiellement, il tente de répondre à
une carence de capital au niveau de la petite et moyenne entreprise
manufacturière, jugée prioritaire dans le moment dans lequel on
oblige la SODEQ à investir 65% par règlement. C'est l'intention
actuellement, 65% des fonds.
Le Président (M. Gratton): Les membres de la commission
ont-ils d'autres questions à poser aux représentants de la
Chambre de commerce du Québec.
Je remercie d'abord la délégation de la Chambre de
commerce et je note le souhait formulé par M. Létourneau de
pouvoir intervenir à nouveau à la suite des propos qui seront
tenus par nos prochains invités, à la condition, bien entendu,
que la commission y consente en temps et lieu.
J'invite donc le Mouvement Desjardins à nous faire sa
présentation et à bien vouloir s'identifier, s'il vous
plaît.
M. Morin: Est-ce que ces messieurs pourraient s'approcher du
centre pour que nous les voyions clairement?
Fédération des caisses
populaires
M. Morin (André): Je suis André Morin, de la
Fédération des caisses populaires. Je suis accom-
pagné par Mlle Rita Bédard, avocat de notre
fédération. Avec votre permission, j'aimerais que M. Gilles
Arès, directeur du CCQ, puisse répondre avec nous à vos
questions puisque le Mouvement Desjardins fait partie du CCQ.
M. Arès (Gilles): M. le Président, M. le ministre,
M. le chef de l'Opposition, messieurs les membres de la commission
parlementaire, je voudrais tout d'abord remercier M. Saint-Pierre pour avoir
invité le Mouvement coopératif à exposer son point de vue
par rapport au projet de loi no 6.
Le Mouvement coopératif n'a pas d'objection formelle à ce
projet de loi, à la condition, comme vous le disiez, M. Saint-Pierre,
qu'il s'inscrive dans un programme global d'aide à la petite et moyenne
entreprise.
Nous croyons, en effet, que toute une série de mesures devraient
être formulées par votre ministère le
ministère de l'Industrie et du Commerce pour faire en sorte que
nos petites et moyennes entreprises puissent se développer sur des
marchés qui sont contrôlés par les très grandes
entreprises, que le Québec, finalement, conserve la
propriété de ses entreprises, de ses petites et moyennes
entreprises, et que les politiques tarifaires du gouvernement central ne
détruisent pas totalement les efforts de votre ministère, du
gouvernement du Québec, pour favoriser l'en-trepreneurship au
Québec.
D'autre part, comme vous le savez, ce projet de loi ne répond pas
aux besoins de nos entreprises coopératives qui, pour la plupart,
oeuvrent dans le secteur tertiaire ou primaire et nous souhaitons ardemment,
comme vous le savez aussi, M. le ministre, messieurs les membres de la
commission parlementaire, que l'Etat du Québec, conjointement avec le
mouvement coopératif, crée une société de
développement coopératif qui réponde effectivement aux
besoins non seulement de nos entreprises coopératives mais aussi aux
aspirations d'une très grande partie de la population du Québec
qui croit essentielle l'idée de se donner des entreprises
démocratiques cherchant à répondre à des besoins
réels.
D'autre part, M. le ministre et messieurs les membres de la commission
parlementaire, nous avons noté qu'à l'article 33, on a
oublié les sociétés coopératives agricoles comme
étant susceptibles d'obtenir des capitaux de la part des SODEQ, car vous
savez que ces coopératives agricoles sont régies non par la Loi
des associations coopératives ou du syndicat coopératif, mais par
la Loi des sociétés coopératives agricoles et nous
souhaiterions les voir introduire au niveau de l'article 33.
D'autre part, comme je vous le mentionnais, je me répète
ici un peu, les entreprises coopératives oeuvrent essentiellement ou
surtout dans le secteur tertiaire et le mouvement coopératif croit
essentielle l'idée de mettre sur pied le plus rapidement possible une
société de développement coopératif. D'autre part,
lorsqu'on définit ici, à l'article 33, paragraphe e)
l'association coopérative ou un syndicat coopératif ou la
majorité des membres doivent résider au Québec, cela nous
laisse un peu perplexes parce qu'effectivement une coopérative
régie selon les lois du Québec regroupe des membres qui
résident effectivement sur le territoire québécois. Nous
souhaiterions, messieurs, que l'article 33, paragraphe e) puisse se lire ainsi:
Si elle est une association coopérative ou un syndicat coopératif
régi selon les lois constituantes du Québec, ou selon les lois du
Québec.
Je crois, messieurs les membres de la commission parlementaire, que ce
que je viens de vous dire exprime l'essentiel de l'opinion du mouvement
coopératif, eu égard à ce projet de loi.
M. Saint-Pierre: Dans des régions limitrophes, M.
Arès, je pense à Rouyn-Noranda, je réalise que ce sont des
cas d'exception, je ne sais pas pourquoi les légistes ont pris cela, si
on voulait simplement mettre le mouvement coopératif sur le même
pied, c'est-à-dire comme dans les corporations, la notion qui
prévalait, en plus d'une limitation sur l'actif et le nombre
d'employés était que la majorité des actionnaires
étaient résidents du Québec. C'est la notion qui domine,
on tentait de retrouver pas plus, mais pas moins, au sein des
coopératives. Je vous repose la question. Est-ce qu'il serait possible
que, dans les régions limitrophes Rouyn-Noranda, enfin près des
frontières, on ait une coopérative régie par les lois du
Québec en bonne et due forme et que, graduellement, dans le temps, la
majorité des membres devienne des non-résidents du Québec?
C'est simplement...
M. Arès: Théoriquement...
M. Saint-Pierre: Sur le fond, vous ne voyez pas de
problème, c'est juste...
M. Arès: Théoriquement, mais ce que je voudrais
exprimer ici, M. le ministre, c'est que le mouvement coopératif tient
mordicus à l'idée que nos coopératives sont des
coopératives qui appartiennent aux Québécois, sont des
entreprises qui appartiennent aux Québécois, donc à des
résidents du Québec. Je pourrais peut-être laisser la
parole...
M. Saint-Pierre: Mais, sur le fond de l'article, le but de
l'article, qu'est-ce que vous n'aimez pas du fait qu'on dise? Je crois
comprendre qu'on ajouterait: Les sociétés coopératives
agricoles qui sont régies par d'autres lois.
M. Arès: Oui.
M. Saint-Pierre: Mais là, la majorité des membres
doit résider au Québec. Si on dit: La totalité des membres
doit résider au Québec, on vous impose à vous ce qu'on
n'impose pas aux sociétés et c'est dans cet esprit qu'on vous
imposait la même contrainte qu'on donnait aux sociétés du
secteur privé corporatif.
M. Arès: Si vous me le permettez, je vais laisser à
Mlle Bédard le soin de répondre à cette question.
M. Saint-Pierre: Oui.
Mlle Bédard (Rita): Je vous remercie. Comme vous le
mentionnez, dans les régions limitrophes, il se pourrait que certains
membres n'aient qu'une place d'affaires dans le territoire
québécois et résident à l'extérieur. Mais
nous croyons que cela demeure quand même des cas d'exception. En outre,
souvent les règlements du syndicat coopératif ou des caisses
populaires mentionnent que, si les membres cessent d'avoir domicile,
résidence, ou place d'affaires dans le territoire choisi, à
savoir le district électoral, par exemple, ils demeurent des membres
auxiliaires qui, en général, n'ont aucune fonction, ne sont
éligibles à aucune des charges d'administration et n'ont pas le
droit de vote. Cela pourrait arriver, c'est sûr, mais on croit que ce
seraient des cas d'exception, ce qui fait qu'en mentionnant que si
c'étaient des associations ou syndicats régis par les lois du
Québec, cela couvrirait la situation générale.
M. Saint-Pierre: Mais quelle est votre crainte? Est-ce que vous
ne dites pas que finalement toutes les coopératives vont, dans une
très large mesure, aller beaucoup plus loin que l'article 33e,
c'est-à-dire la presque totalité de leurs membres doit être
des résidents du Québec.
Mlle Bédard: C'est cela. C'est quasi...
M. Saint-Pierre: Si la loi vous impose simplement que la
majorité des membres soit des résidents du Québec, sur le
fond, qu'est-ce que vous craignez, qu'une coopérative de
l'Ontario...
M. Arès: Non, c'est parce qu'on tient mordicus, M. le
ministre, à ce que les membres des coopératives
québécoises soient des résidents du Québec.
On ne voudrait pas qu'un article de cette loi contrevienne à la
Loi des associations coopératives plus particulièrement qui
déterminent en fait le lieu de résidence du membre d'une
coopérative comme étant un district électoral de la
province de Québec, je crois.
Mlle Bédard: II y a un autre point peut-être, si on
compare par exemple avec les autres paragraphes précédents
où on dit qu'une société civile ou commerciale et une
compagnie dont les actions et les intérêts doivent être
détenus par une majorité qui réside au Québec. On
semble associer la même idée à une coopérative alors
que la situation réelle c'est que la majorité, sinon
l'unanimité, réside au Québec. On décrit d'une
autre façon une situation de fait tout en l'assimilant à une
société commerciale ou à une compagnie. Au niveau de la
propriété d'une compagnie, il faut le préciser, je le
conçois, mais, au niveau de la notion de membre, de
propriété et de participation d'une coopérative, c'est la
situation de fait. En disant régie par les lois du Québec, on
croit qu'on décrit la situation.
M. Bonnier: Quel article?
Mlle Bédard: Article 33e.
M. Saint-Pierre: En fait, dans le texte que nous avons dans le
moment, si on prend 33d, l'article qui touche les compagnies, dans notre
esprit, on exclut peut-être 25% des petites entreprises qui pourraient
autrement être qualifiées mais à cause de l'article 33d, ne
seraient pas qualifiées parce que la majorité des actions
appartiendrait à des actionnaires de l'extérieur du
Québec. Je vais prendre un mauvais exemple, je pensais à
Prévost Car je pense que ce n'est pas une petite entreprise de
Saint-Anselme-de Dorchester, ç'a l'air bien de chez nous, mais on sait
que la majorité des actionnaires est de l'extérieur du
Québec, donc ça exclut... alors que, dans les
coopératives, finalement, à cause de la réalité
telle qu'elle est, on n'exclut personne, puisqu'on sait que la totalité,
ce sont tous les membres du Québec.
Je n'ai pas d'objection de principe, j'essayais de voir...
M. Bonnier: M. le Président, je pense que le ministre a
peut-être raison de vouloir le laisser, je vais vous donner un exemple,
celui de la fameuse coopérative de télévision a Hull; il y
a les caisses populaires de l'Ontario qui possèdent un bon nombre
d'actions, peut-être pas du capital-actions, je ne sais pas de quelle
façon c'est financé...
M. Arès: Ce sont des prêts que les caisses
populaires de l'Ontario ont faits à cette coopérative.
M. Bonnier: Elles ne sont pas membres, elles n'ont pas de capital
social?
M. Arès: Elles ont un peu de capital social,
peut-être une part, mais elles ne peuvent pas être majoritaires,
elles ne peuvent pas prendre de contrôle. La majorité des membres
de la coopérative se situe dans la région de Hull. Il me semble
que cela court-circuiterait toute l'idée que l'on se fait d'une
coopérative de dire qu'elle est possédée par deux
coopératives québécoises en disant que la majorité
des membres serait résidents de l'Ontario. Ce serait pour moi un
non-sens.
M. Saint-Pierre: Je n'ai pas d'objection. Le député
de Taschereau est mon expert en coopératives...
M. Bonnier: A prime abord, je suis peut-être pas mal
d'accord avec votre point de vue et, après ça, une fois que je me
suis référé à cet exemple de la
télévision a Hull, je commence à hésiter et je me
demande si ce ne serait pas plus avantageux de le laisser; je suis d'accord
avec vous qu'un syndicat coopératif ou qu'une caisse populaire dont la
majorité des membres serait à l'extérieur du
Québec, ça ferait un peu drôle. Mais quoi qu'il en soit,
est-ce qu'il y a un inconvénient à laisser cet article si jamais,
par accident, ce serait...
M. Arès: C'est plus une question de principe pour
nous.
M. Bonnier: De principe.
M. Arès: Ce n'est pas qu'il y ait d'inconvénients
majeurs, on n'en ferait pas une maladie, mais on tient beaucoup au
caractère autochtone de nos coopératives. On tient beaucoup
à ça. On ne se bat pas pour les Ontariens ici au Québec
dans nos coopératives, on se bat pour bâtir des entreprises qui
appartiennent à la collectivité québécoise. On ne
se bat pas pour bâtir des entreprises qui appartiennent à la
collectivité ontarienne ou albertaine. C'est ce qu'on veut dire. Je ne
sais pas si l'idée vous convient, M. Bonnier.
M. Bonnier: Sur le principe, je suis tout à fait
d'accord.
M. Morin: ... coopératif a connu un certain
déclin.
M. le Président, si le député de Taschereau en a
terminé, j'aurais quelques questions.
M. Saint-Pierre: Vous riez par rapport au déclin que vous
avez eu dans votre enthousiasme pour le Jour.
M. Morin: En ce qui me concerne, j'aurais des opinions tout
à fait spéciales à vous donner là-dessus, mais ce
n'est pas ce dont nous traitons.
Le Président (M. Gratton): A un autre moment.
M. Morin: C'est ce que je pensais aussi, M. le Président.
Récemment, nous trouvions dans les journaux l'opinion de M. Rouleau,
président du Mouvement des caisses populaires Desjardins, sur les
SODEQ.
Il disait ceci, du moins, le journaliste de la Presse rapporte ses
propos de la manière suivante: "M. Rouleau comprend difficilement que ce
nouveau genre d'entreprises, qui a pour objectif d'investir du capital de
risque au niveau manufacturier et qui profitera d'allégements fiscaux,
soit constitué selon la Loi des compagnies et qu'il soit interdit de
créer une coopérative pour remplir la même fonction".
J'imagine que vous reprenez ces propos à votre compte? J'aimerais
que vous nous disiez comment les SODEQ pourraient être utiles au
mouvement coopératif, si la loi était faite autrement; comment,
par exemple, de petites unités coopératives pourraient se
réunir pour former une SODEQ, ou comment on peut envisager que les SODEQ
puissent être utiles, directement, autant au mouvement coopératif
qu'à l'entreprise privée. J'aimerais que vous nous
décriviez les modalités d'une loi sur les SODEQ qui serait
améliorée dans ce sens.
M. Arès: Je ne crois pas qu'on puisse associer la Loi des
SODEQ à un développement de nos entreprises coopératives,
à cause des différences dans le fonctionnement, des
différences dans la structure juridique des entreprises
coopératives. C'est pourquoi il nous apparaît beaucoup plus juste
de créer par une loi une société de développement
coopératif, qui répondrait effectivement aux besoins de nos
entreprises coopératives, mais comprendrait aussi les besoins
particuliers, la nature particulière de nos entreprises
coopératives.
L'automne dernier, Mme Bacon créait un comité
interministériel pour étudier le rapport Pa-renteau et un rapport
du Conseil de la coopération du Québec sur l'opportunité
de créer une telle société de développement
coopératif. Nous en sommes à un rapport d'étapes qui
essaie d'obtenir le concensus entre l'Etat et le mouvement coopératif.
Cela nous apparaît acquis. On croit, on espère que prochainement,
le gouvernement du Québec élaborera une législation
spécifique pour les entreprises coopératives, pour
répondre aux besoins du mouvement coopératif
québécois.
M. Morin pourrait peut-être ajouter quelque chose.
M. Morin (André): Sur le sujet, j'aimerais peut-être
signaler trois idées autour de l'attitude du Mouvement des caisses
populaires Desjardins, face à la loi des SODEQ. D'abord, disons que
cette loi est encore à étudier, par les caisses populaires et par
les unions régionales. Nous n'avons pas encore voté et nous
n'avons pas encore entrepris un processus de consultation sur cette loi.
Il est encore trop tôt pour vous dire si le mouvement
coopératif, le Mouvement des caisses populaires Desjardins, voudra s'en
servir ou non. Nous sommes intéressés par le sujet et nous
faisons confiance, assuréement, au ministère de l'Industrie et du
Commerce, pour détecter les besoins et pour établir cette
loi.
Le deuxième point que j'aimerais signaler, c'est que les
priorités du Mouvement des caisses populaires Desjardins sont
actuellement dans le développement de la Société
d'investissement Desjardins permise, en 1971, par le chapitre 80 de la
législation.
Comme vous le savez, la Société d'investissement
Desjardins a précisément pour objet de créer et
d'administrer un fonds d'investissement et de placement, aux fins
d'établir et de développer des entreprises industrielles et
commerciales, à caractère coopératif ou non, et ainsi
favoriser les progrès économiques du Québec.
La Société d'investissement Desjardins est rendue avec un
actif de quelque $37 millions aux dernières nouvelles et c'est sans
contredit une priorité pour le mouvement Desjardins, de
développer d'abord cette Société d'investissement
Desjardins.
Comme troisième point, je pense que notre seconde
priorité, après la Société d'investissement
Desjardins, va être de nous préoccuper de la société
de développement coopératif, que nous attendons toujours, avec le
chef de l'Opposition, pour l'automne, on l'espère, M. le ministre.
Dès que cette société de développement
coopératif sera sur pied, nous voudrions faire un effort pour
développer le mouvement coopératif d'abord, à l'aide de
cette société.
Est-ce que nous serons intéressés aussi à nous
servir de la loi des SODEQ pour mettre sur pied une SODEQ-Desjardins ou quelque
chose comme cela? Cela demeure encore un sujet à étudier. Je ne
peux pas vous donner une réponse affirmative au nom du mouvement, ce
soir.
M. Morin: Vous n'avez étudié en aucune façon
les manières dont cette SODEQ pourrait vous être utile, sauf, si
j'ai bien compris, en ce qui concerne les sociétés de
coopération agricole.
M. Arès: Oui. Sur le plan de la coopération
agricole, parce que certaines de nos coopératives agricoles oeuvrent
dans le secteur manufacturier, il y aurait des possibilités de
créer des SODEQ. Là, cela pourrait devenir intéressant
pour les coopératives agricoles d'utiliser cette loi.
M. Saint-Pierre: Dans le comté de Dorchester, elle a
été constituée sous l'empire...
M. Arès: De la Loi des sociétés
coopératives agricoles.
M. Saint-Pierre: C'est dans la volaille; elle pourrait avoir du
capital-actions additionnel.
M. Arès: C'est cela.
M. Morin: Ou encore les abattoirs, par exemple.
M. Arès: Pardon?
M. Morin: J'essaie de donner d'autres exemples où cela
pourrait être utile dans le secteur agro-alimentaire.
M. Arès: Au niveau des pêcheurs unis, par exemple,
je crois que...
M. Morin: Oui. Les usines de traitement de poisson.
M. Arès: C'est cela, il y a des choses à faire
là-dedans avec la loi sur les SODEQ.
M. Morin: Les abattoirs. M. Arès: Les abattoirs. M.
Morin: Les fromageries. M. Arès: Sûroment.
M. Morin: Le traitement des fruits et légumes, la
conservation.
M. Arès: Les conserveries, oui. M. Morin: Les
conserveries.
M. Arès: Ce sont des choses possibles.
M. Saint-Pierre: Tout cela est possible avec le paragraphe e), si
on retient votre amendement.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: Je ne sais pas pourquoi il y avait eu cet oubli
des sociétés coopératives agricoles dans le texte.
M. Morin: Les scieries.
M. Arès: Oui, sûrement les scieries, malgré
que nos chantiers coopératifs soient mal en point actuellement. Le
gouvernement du Québec est venu à la rescousse de notre seule
fédération qui oeuvre dans ce secteur en créant une
compagnie. On aurait espéré autre chose que la création
d'une compagnie pour sauver une coopérative, mais, malheureusement, on a
insisté pour créer cette compagnie. C'est comme si on voulait, en
sauvant une compagnie, former une coopérative. Je crois que certaines
parmi vous n'apprécieraient pas le geste.
M. Morin: C'est plus logique, cependant.
M. Bonnier: Vous nous dites que la compagnie va se
rétrocéder graduellement à la coopérative.
M. Arès: Oui, bien sûr, mais c'est quand même
un...
M. Bonnier: C'est seulement une reprise de gestion.
M. Arès: ...mode de gestion, un mode d'opération
qui pose certains problèmes aux coopéra-teurs du Nord-Ouest
québécois. Il est certain que, si on en arrive à
définir une politique globale pour les coopératives
forestières, la loi des SODEQ pourrait être utilisée par
les coopératives forestières, en fait, par toutes les
coopératives qui oeuvrent dans le secteur manufacturier. Mais il faut
bien préciser que la loi des SODEQ ne pourrait aider ces
coopératives ou les associations coopératives que sous la forme
de prêts, parce que vous savez que, dans nos sociétés
coopératives, nous ne retrouvons pas de capital-actions. Comme la
plupart de nos coopératives sont très petites, sont de taille
moyenne, leur problème réside dans le fait qu'elles aussi n'ont
pas une structure de capital très équilibrée.
Il y a une nécessité de retrouver du capital de risque. La
structure juridique de la coopérative ne permettrait pas à une
SODEQ d'investir sous forme de capital-actions. Elle pourrait peut-être
investir sous forme de prêts. Mais, lorsqu'on investit sous forme de
prêts, c'est qu'habituellement il y a quand même certaines
garanties.
M. Saint-Pierre: Vous avez la distinction à l'article
34b.
M. Arès: Oui.
M. Saint-Pierre: La SODEQ pourrait prêter à la
coopérative, sous la forme d'un prêt non garanti qui, sous le
terme d'équité par rapport à dette à long terme ou
peu importe le ratio financier qu'on utilise, améliorerait quand
même la position du capital social, plus les prêts non garantis de
la coopérative.
M. Morin: Mais M. Arès nous dit que la principale
difficulté des petites coopératives est une structure de capital
déséquilibrée. Ce n'est pas toujours le problème de
trouver de l'argent, c'est la structure de capital qui est le problème.
On ne voit pas très bien comment les SODEQ seraient
intéressées à investir sous forme de capital-actions,
elles ne peuvent pas le faire dans ce cas.
M. Saint-Pierre: Je ne sais pas si vous m'écoutiez.
L'article 34b prévoyait justement que, dans ces cas, ce seraient des
prêts non garantis qui apportent le soulagement, lorsqu'il y a une
sous-capitalisation.
M. Morin: Etant donné que ce sont des problèmes de
structure de capital...
M. Saint-Pierre: Ce n'est pas du capital-actions, c'est une
sous-capitalisation qui peut être comblée par du capital social
additionnel, mais cela prend des membres dans une coopérative, ou par
des prêts non garantis, qui n'affectent pas les possibilités de
prêts garantis ou de prêts hypothécaires de la
coopérative.
M. Arès: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, mais
le problème qui se pose, c'est que l'investisseur qui va investir dans
une SODEQ s'attend, habituellement, à une rémunération sur
son capital, surtout si c'est dans du capital de risque. Habituellement, soit
qu'on perde sa chemiseje ne voudrais pas définir le capital de
risque ici mais ou on perd sa chemise, ou on gagne beaucoup d'argent.
Dans les coopératives, on perd habituellement sa chemise et on ne fait
pas beaucoup d'argent, parce que, si on en fait, c'est redistribué aux
membres, ce qui fait qu'on ne pourrait rémunérer ni le capital
investi, ni les prêts, pour répondre aux attentes des
investisseurs dans une SODEQ.
C'est ce qui empêche effectivement les SODEQ de répondre
aux besoins d'une association coopérative. Là où les SODEQ
peuvent venir en aide aux coopératives, c'est lorsque des
coopératives très fortes, par exemple, comme dans le secteur
agricole, se regroupent pour former une SODEQ et investir elles-mêmes
dans une entreprise, par exemple la création d'une conserverie. Il y
aurait peut-être là des avantages fiscaux qui pourraient
intéresser les entreprises coopératives très solides,
très prospères. Ce ne serait pas l'investisseur, ce ne serait pas
le citoyen du Québec; ce seraient plusieurs entreprises
coopératives qui pourraient peut-être former une SODEQ. Ce ne
serait pas le citoyen québécois qui, à ce moment,
viendrait investir pour créer ou mettre sur pied une entreprise au
Québec.
M. Morin: Vous rejoignez les propos de M. Rouleau. C'était
exactement l'une de ses principales critiques. Il disait: Pourquoi ne
permettrait-on pas à des sociétés coopératives
d'utiliser ce mécanisme des SODEQ à leurs propres fins? C'est une
question que j'ai posée au ministre l'autre jour.
M. Saint-Pierre: Je regrette, mais c'est dans la loi. Je
m'excuse; en fait, il y a des limitations.
M. Morin: Vous parlez toujours des prêts. M.
Saint-Pierre: Des prêts non garantis.
M. Bonnier: Peut-être que, dans certaines stuctures de
capital, on retrouve des actions privilégiées. La
Coopérative fédérée a des actions
privilégiées. Il peut en exister dans d'autres syndicats
coopératifs qui font de la transformation.
M. Arès: Quand on investit sous forme de capital-actions
privilégié dans une entreprise coopérative, c'est toujours
à un rendement limité. Si j'investis dans une SODEQ qui se veut
être une entreprise de risque, qui veut favoriser le
développement, l'entreprise de pointe, comme l'électronique, ici,
au Québec, je vais m'attendre, bien sûr, peut-être à
perdre de l'argent, mais je vais surtout m'attendre à gagner beaucoup
d'argent. Je vais espérer. Dans le fond, par cette loi, on veut
développer l'esprit d'entreprise chez nos Québécois,
l'esprit d'investisseur.
Les coopérateurs ne spéculent pas. On ne peut
spéculer dans une coopérative. On essaie de répondre
à des besoins réels d'une population donnée ou d'une
collectivité donnée. S'il y a des trop-perçus dans
l'entreprise, ils sont gardés au sein de l'entreprise pour favoriser
l'autodéveloppement de cette entreprise, son autofinancement, ou encore
redistribués aux membres. Je ne voudrais pas vous faire un cours sur la
coopération, M. Bonnier, vous en savez plus que moi
là-dedans.
M. Bonnier: C'est intéressant.
M. Morin: Un rappel ne nuirait pas.
M. Bonnier: Le chef de l'Opposition commence à être
inquiet.
M. Arès: C'est toujours bon quand quelqu'un
s'inquiète de nous.
C'est le problème pour les coopératives, pour le
coopérateur. Je crois bien que, si on veut favoriser le
développement d'entreprises coopératives, il faut le voir d'une
tout autre façon. Je n'en ai pas contre le fait de favoriser
"l'entrepreneurship", le développement de nos petites entreprises. J ai
toujours cru qu'on pourrait faire des choses merveilleuses au Québec
avec la petite et la moyenne en-
treprise. Il y a beaucoup d'hommes au Québec qui ont des
idées. Cela a été prouvé. Regardez ce que
Bombardier a fait. Si on a un gouvernement qui est là pour
épauler le développement de ces petites et moyennes entreprises,
mais dans un programme global, on peut faire des choses merveilleuses. Pour les
coopératives, la question se pose autrement. C'est différent. La
loi sur les SODEQ ne répond pas effectivement aux besoins de nos
entreprises coopératives. Elle ne répond pas aux attentes, aux
aspirations d'une large partie de la population. C'est ce que je veux dire.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, comme nous avons
encore à entendre les représentants de la
Fédération des caisses d'entraide économique du
Québec, pourrait-on conclure?
M. Morin: Oui. J'aimerais que madame et ces messieurs restent
tout de même, pour le cas où nous aurions plus tard d'autres
questions à leur poser à la lumière de ce qui va
être dit.
Le Président (M. Gratton): Madame, messieurs, la
commission vous remercie de votre présence. J'invite
immédiatement la Fédération des caisses d'entraide
économique du Québec à nous faire sa
présentation.
Fédération des caisses d'entraide
économique du Québec
M. Fortin (Louis-Gaétan): Merci beaucoup, M. le
Président. Mon nom est Louis-Gaétan Fortin. Je représente
la Fédération des caisses d'entraide économique et je suis
accompagné par M. Eric Forest, qui est à ma droite; il est
directeur général adjoint de la fédération.
Egalement, nous avons avec nous M. Lasnier du Groupement
québécois d'entreprises, qui est un petit peu derrière,
à gauche.
Je voudrais, en tout premier lieu, remercier M. le ministre, ainsi que
tous ceux qui ont favorisé une consultation comme celle de ce soir.
L'occasion m'est fournie également d'exprimer notre reconnaissance pour
tous ceux qui ont participé à l'élaboration du projet et
qui, en cours de route, ont eu la courtoisie de nous consulter sur ses
différents aspects et qui, je l'espère, ont tenu compte des
recommandations que nous avions à formuler sur ce projet.
Etant donné que le temps passe et que nous avons quelques pages
à lire, si vous me le permettez, je vais entrer immédiatement
dans le vif du sujet. Je répondrai aux questions ou M. Forest ou
M. Lasnier répondront aux questions que vous voudrez bien nous
poser une fois l'exposé fait.
M. Morin: J'inviterais notre invité à lire son
mémoire, parce que, comme il vient de nous être remis, nous
n'avons pas pu en prendre connaissance. Il serait utile que vous preniez le
temps qu'il faut pour que nous sachions exactement ce que vous avez à
nous dire.
M. Fortin: Merci, M. Morin.
Le titre est clair en lui-même: Commentaires de la
Fédération des caisses d'entraide économique au sujet du
projet de loi no 6, qui prévoit la création de
sociétés régionales de développement de
l'entreprise québécoise.
L'introduction. L'entraide économique se réjouit de la
décision qu'a prise le gouvernement du Québec de préparer
un projet de loi prévoyant la création de sociétés
de développement de l'entreprise québécoise. Un tel projet
répond à un besoin que nous avons identifié depuis
longtemps, celui de l'organisation sur base institutionnelle de la
participation du milieu régional, sous forme de capitaux
spéculatifs, au financement des entreprises. Ce besoin, du reste, nous
avons déjà voulu le satisfaire dans la mesure de nos moyens en
invitant le législateur à amender en conséquence la loi
qui nous régit.
Aujourd'hui, grâce aux SODEQ, le capital spéculatif
deviendra rapidement le complément indispensable de l'organisation d'un
développement économique régional dont les trois volets
sont: 1) la promotion; 2) le financement à long terme et 3) la gestion
et l'investissement.
Toutefois, si nous sommes d'accord sur les grandes lignes, nous avons
des réserves quant à la formulation de certains articles. Au
cours de ce bref exposé, nous verrons pourquoi et comment, à
partir de notre conception du développement économique
régional, de notre vocation et d'un modèle dont nous suivons
l'évolution depuis près de quatre ans, nous
préférerions que des modifications soient faites avant que la loi
et ses règlements n'aient été adoptés.
D'abord et avant tout, favoriser et encourager dans chacune des
régions du Québec l'existence d'une structure
complémentaire de développement économique.
Une expérience de seize ans dans le financement des entreprises
québécoises nous a prouvé que le progrès continu
d'une région économique, au sens que nous donnons à ce
mot, repose sur le travail et la coopération des éléments
suivants. Premièrement, un conseil économique ou commission de
développement industriel qui assure la recherche, l'étude et la
promotion des projets. Deuxièmement, des institutions de financement
à long terme, caisse d'entraide économique, banque
fédérale de développement, SDI et autres,
éveillées aux besoins régionaux et aptes à
intervenir efficacement et rapidement selon la demande.
Troisièmement, une société assez bien
structurée pour assurer la participation minoritaire à
l'investissement sous forme de capital spéculatif et pour conseiller les
entreprises. Je dis tout de suite que, par le mot "région", l'entraide
économique désigne un territoire, habituellement un comté
provincial ou un district électoral où il existe une
interrelation évidente sur le plan des affaires et des institutions, par
exemple le secteur de Granby, le secteur de Rimouski, celui de Matane, d'Amos,
d'Alma, de Roverval, de Sainte-Foy, de Saint-Georges-de-Beauce, de Sherbrooke
et de bien d'autres.
L'entraide économique a identifié à
l'extérieur de l'enceinte urbaine de Montréal et de Québec
80
territoires qui correspondent à sa définition du mot
"région". Bien implantée dans 52 de ces territoires, elle compte
pénétrer les autres d'ici cinq ans. D'autre part, grâce
à l'effort financier du ministère de l'Industrie et du Commerce,
grâce également à une meilleure perception du rôle
des collectivités dans l'organisation du développement
économique, il existe déjà au Québec plus de 50
conseils économiques, ou commissariats industriels municipaux, au niveau
d'une ou de plusieurs municipalités d'un même secteur. De fait,
une grande majorité des comtés où il y a des caisses
d'entraide économique sont pourvus des outils de promotion et de
prêts à long terme essentiels à un travail en profondeur. A
ces structures, il manque encore ce que le gouvernement du Québec
appelle des SODEQ. On aura vite compris que ces instruments sont
complémentaires les uns des autres, même s'ils fonctionnent en
toute autonomie d'analyse et de décision afin d'objectiver les projets
et aussi de développer par la création et la participation de
groupes autonomes un leadership et un entrepreneurship régionalement et
localement responsable du progrès économique.
Complémentaires dans les objectifs, mais également
complémentaires dans les moyens. C'est la raison pour laquelle nous
avions préalablement imaginé un troisième palier
d'intervention doté de pouvoirs dans des champs d'activités
similaires au secteur de recherche et de financement à long terme.
Une structure flexible. Chacune des régions du Québec a sa
personnalité économique. Si l'industrie est la dominante ici,
ailleurs le commerce et les institutions l'emportent, et vice versa, selon des
variantes révélées par les profils communautaires, les
hasards économiques et tant d'autres facteurs. Il faut donc, mais
absolument que les sources de financement soient assez flexibles pour
correspondre à ces réalités. N'est-ce pas la logique
même? Autrement, pourquoi parler de régionalisation? Aussi bien
annoncer aux gens qu'une fois encore quelqu'un quelque part a pensé et
décidé pour eux et qu'en dehors du modèle il n'y a de
place pour personne. Cette conception du développement régional a
guidé notre réflexion au moment de regarder du côté
du capital spéculatif. Nous n'avions rien d'autre en tête, chaque
fois que nous avons demandé pour chacune de nos caisses le droit de
s'intéresser au capital spéculatif par le truchement d'un nouveau
type de société régionale. Intervention, néanmoins,
graduée et prudente, sachant bien que, là comme dans le
financement à long terme des projets régionaux, nous avions non
seulement à faire oeuvre d'argent, mais en même temps oeuvre
d'éducation. Car, faut-il le reconnaître, l'expérience du
capital de risque institutionnel régional est plutôt mince, comme
elle l'est du reste dans tout le Québec. Cela explique pourquoi,
fidèles à une tradition basée sur la conduite
d'expérience à l'échelle, nous avons suivi de très
près et encouragé depuis quatre ans l'évolution d'une
société formée de 150 actionnaires et créée
en vertu de la première partie de la Loi des compagnies.
SOGELAC, comme on l'appelle familièrement, fait fructifier un
capital d'environ $200 000, souscrit par les hommes d'affaires du secteur
d'Alma. Elle a connu des succès intéressants. Elle correspond
à l'idée que nous nous faisons d'une SODEQ. Ci-joint, vous avez
le prospectus de cette société.
Nos recommandations. Après avoir défini notre conception
d'une société régionale de développement en termes
de structure, d'objectifs et de moyens, comparé notre point de vue avec
le projet préparé par le gouvernement du Québec et
exposé nos arguments à toutes les instances de consultation
autorisées, nous en sommes venus à la conclusion que des
changements importants devront être apportés au dossier qu'on nous
a présenté si l'on veut que l'entraide économique y
souscrive. Ces changements portent sur les points suivants:
Premièrement, étalement de la souscription et du paiement du
million de dollars: deuxièmement, diversification des investissements;
troisièmement, composition du portefeuille en nombre et valeurs des
investissements; quatrièmement, délai à la progression des
investissements; cinquièmement, nombre et distribution des SODEQ;
sixièmement, éligibilité des administrateurs à la
participation des SODEQ.
Le premier point, étalement de la souscription et du paiement du
million. Que la souscription et le paiement du million de dollars qui est le
minimum imposé à toute société ou tout groupe qui
veut se prévaloir des avantages d'une SODEQ puisse être
étalé sur une période de cinq ans. De cette façon,
les SODEQ seront vraiment à la portée de toutes les
régions sans discrimination à l'égard des moins riches. Le
crédit d'impôt ne serait applicable, cela va de soi, que sur la
partie de capital payé. On pourrait exiger que dès la
première année, à l'émission du permis au moment
où la SODEQ commence ses opérations, le tiers du million soit
souscrit et payé.
Diversification des investissements Que le portefeuille d'une
SODEQ corresponde à la vocation économique de chaque
région du Québec au sens où l'entraide économique
définit le mot "région", étant donné que nous
aimerions que chacune de nos caisses ait l'avantage de souscrire dans la SODEQ
de son milieu. Pour cela et aussi pour des fins de sécurité dans
la diversité, nous suggérons qu'une SODEQ répartisse ses
investissements de la façon suivante: L'industrie manufacturière,
plus ou moins, 30%; le commerce, la distribution et le tourisme, plus ou moins,
30%; autres exemples, tel l'immeuble, plus ou moins 15%, et, enfin, pour des
valeurs, obligations, dépôts à terme dont le revenu
assurera, avec les honoraires de la gestion, le paiement de l'administration
estimée à $50 000 annuellement, plus ou moins, 25%.
Composition du portefeuille en nombre et valeur des investissements
Qu'une SODEQ ne puisse investir dans chaque projet plus de 10% de son
propre capital-actions émis et payé et pas plus de 30% du
capital-actions émis et payé de l'entreprise, de sorte que la
SODEQ ait obligatoirement
un portefeuille d'au moins dix placements. Ajoutons ici que, dans
l'éventualité de projets plus importants, les SODEQ pourront
toujours imiter nos caisses et supporter à deux, à trois ou
à quatre l'investissement requis. D'autant plus que nous
n'écartons pas la participation de l'entraide économique à
d'autres paliers de SODEQ dont l'envergure provinciale permettrait des
interventions différentes et financièrement plus
élevées que celles d'une SODEQ régionale.
Délais à la progression des investissements Nous
pensons qu'une période trop courte obligeant une SODEQ à investir
une forte proportion de son capital dans l'industrie manufacturière
comporte de graves dangers dont la course aux projets. Une période plus
longue, quinze ans, par exemple il y a un "quinze ans" qui est de trop.
Je m'excuse. C'est cinq ans cinq ans, par exemple, donnerait le temps
aux administrateurs de se mieux connaître, de roder le personnel et
d'étudier avec sagesse et sécurité les projets qui
répondent le mieux aux objectifs de développement
économique du milieu.
Nombre et distribution des SODEQ Nous estimons, en outre, que le
gouvernement du Québec ou, du moins, le ministère de l'Industrie
et du Commerce ne devrait pas limiter le nombre de SODEQ à être
créées, non plus que limiter l'expérience à ses
zones économiques administratives. Si les Québécois, si
les régionaux sont capables d'administrer sagement et avec profit les
millions de dollars qui se trouvent dans nos caisses, pourquoi seraient-ils
moins aptes à développer des habiletés dans un autre
domaine de la finance?
Nous sommes d'avis qu'il faut faire confiance aux gens sur ce point
précis de la fondation et du nombre, quitte à ce que la
Commission des valeurs mobilières exerce, dans chaque cas,
l'autorité dont elle dispose concernant la qualité des
requérants.
Eligibilité des administrateurs à la participation des
SODEQ II faut éviter, enfin, que les administrateurs d'une SODEQ
soient exclus des bénéfices de la société. Tant
mieux si tel administrateur, industriel, entrepreneur, hôtelier ou
commerçant, après avoir donné le meilleur de
lui-même pour doter sa région d'une institution de capital
spéculatif, trouve dans la SODEQ un partenaire dans la
réalisation d'un projet rentable. Autrement, il y a risque que les
conseils d'administrations se voient privés de certains des meilleurs
éléments du milieu, et cela serait particulièrement vrai
dans des régions moins populeuses, moins développées,
où le potentiel d'administrateurs expérimentés est plus
restreint.
Conclusion Tel est l'essentiel de nos recommandations. Nous
espérons qu'elles seront prises en considération et que
très bientôt nous soyons en mesure de demander au gouvernement de
cette province l'autorisation d'investir 2% à 3% de notre actif dans les
sociétés de développement de l'entreprise
québécoise. Puisque dans 30 mois l'actif des Caisses d'entraide
économique atteindra $1 milliard, cela voudrait dire qu'avant longtemps,
par le truchement de nos caisses, dans les régions qu'elles desservent
respectivement, nous mettrons à la disposition des entreprises de toute
espèce, sous forme de capitaux spéculatifs, une somme de $20
millions à $30 millions. Ajoutées à d'autres
participations, ces sommes seront multipliées bientôt par cinq et
par dix. Cela vaut la peine qu'on s'y arrête. Dans la proportion du
capital qui est consacré à l'investissement industriel, nous
voudrions que soit incluse la construction de bâtisses
spéculatives polyvalentes.
J'ai ajouté à ce document, mais je ne vous en ferai pas
lecture, premièrement le prospectus de la Société de
gestion Lac-Saint-Jean dont je vous décrivais l'existence dans le
courant de ce mémoire; deuxièmement, les commentaires du
Groupement québécois d'entreprises; troisièment,
l'état des Caisses d'entraide économique du Québec le plus
récent que j'aie jusqu'à maintenant et, enfin, le rôle et
l'impact d'une caisse d'entraide dans un milieu donné, ainsi que dans
une région déterminée qui est celle du
Saguenay-Lac-Saint-Jean.
Voilà pour l'essentiel de nos recommandations.
Je vous remercie de nous avoir écoutés.
Le Président (M. Gratton): Merci, M. Fortin.
M. Saint-Pierre: Mais, dans la diversification des
investissements, ne trouvez-vous pas que, fondamentalement, on risque
peut-être d'aller "moins dans le risque", pour employer l'expression du
chef de l'Opposition?
Lorsqu'on est dans le commerce, dans la distribution et autres je
ne nie pas qu'il n'y ait pas des besoins là prioritairement, avec
12 000 entreprises manufacturières au Québec, avec celles que
vous avez dans votre région, n'y a-t-il pas suffisamment de projets ou
d'entreprises qui auraient besoin de votre aide? Strictement dans le secteur
manufacturier, ne reconnaissez-vous pas que c'est dans ce secteur que les
besoins sont les plus aigus et que les effets d'entraînement sur d'autres
secteurs sont les plus grands?
M. Fortin: Je suis d'accord avec vous sur cet
énoncé de principe, et j'ai eu l'occasion d'en parler au
début de cette réunion avec quelqu'un du groupe de la Chambre de
commerce.
Incidemment, je félicite M. Létourneau d'avoir
donné une définition que je partage concernant ce fameux capital
de risque ou capital spéculatif. Je crois qu'il a apporté des
nuances extrêmement sérieuses et valables.
Mais ce que nous visons d'abord à créer est l'institution
financière comme telle. On peut bien le voir dans ses effets, mais je
pense qu'il faut le voir dans sa structure d'abord comme existant avant
d'être capable de faire des opérations financières
valables.
Alors, il se pourrait bien que pour un certain temps, au tout
début, nous cherchions à sécuriser au maximum
l'investissement de SODEQ, premièrement, pour éviter des risques
financiers toujours embêtants et pour lui permettre graduellement de
développer des habiletés qui lui permettront de juger
adéquatement des projets et, enfin, de faire des interventions de plus
en plus rentables, répondant aux objectifs du ministère de
l'Industrie et du Commerce.
Je dois vous dire que, dans notre esprit, il n'est pas question de ce
capital de risque au sens de risquer. Les SODEQ, à notre avis, n'ont pas
été créés pour faire du capital risqué.
M. Saint-Pierre: M. Fortin, prenons un cas d'espèce, si
dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, par magie, demain, on a un capital souscrit et
payé d'un million. C'est une SODEQ dans laquelle les caisses d'entraide
économique ou les membres et ses dirigeants ont une part importante et
d'autres mouvements dans la région sont inclus là-dedans. Ne
croyez-vous pas que dans votre région, avec $1 million et disons
que même si je partage votre hypothèse d'un étalement plus
long, la même chose sur le rythme des investissements il est
normal de s'attendre à ce que 65% de ce million, $650 000, soient
très facilement placés en termes de prêt non garanti ou
capital-actions dans des entreprises manufacturières du
Saguenay-Lac-Saint-Jean? De bonnes entreprises rentables, très certaines
qui ne développent pas pleinement leur croissance actuellement parce
qu'elles sont sous-capitalisées.
M. Fortin: Mon expérience dans ce domaine, à titre
d'administrateur d'une société qui fait du capital de risque, m'a
permis de changer mon point de vue initial.
Je croyais que les entreprises voyaient d'un bon oeil le "venture
capital" intervenant dans le capital spéculatif chez eux, y apportant
une contribution financière. Eh bien, j'ai dû réaliser que
c'est tout le contraire. Les entreprises qui vont bien et qui veulent du
développement, en général, préfèrent rester
toutes seules et s'organiser sans qu'il n'y ait une participation
étrangère, la plupart du temps. D'une part, parce qu'elles
génèrent des capitaux qui leur permettent de voir à leurs
besoins et, d'autre part, parce qu'elles veulent difficilement on a
encore un peu cet esprit chez nous, au Québec accepter un
contrôle de l'extérieur.
Alors, cela est assez curieux, mais c'est ce qui se produit dans les
faits. C'est pour cela que nous disons qu'avant d'imposer des normes qui vont
finir, sans doute, par s'appliquer il faut que la société fasse
ses preuves, d'abord, qu'elle démontre qu'elle est un partenaire
sérieux ce qui n'est pas fait tant que la société
n'existe pas qu'elle prouve qu'elle peut administrer sans
ingérence indue, que ses administrateurs connaissent bien le rôle
de partnership dans l'entreprise.
Alors, elle a elle-même à imposer son rythme, à
développer sa réputation et à se révéler
dans le milieu comme un partenaire sérieux avant d'être
reçue chez les entreprises qui même ont des besoins de capitaux et
qui peuvent les trouver ailleurs.
Une formule à laquelle on a pensé aussi est d'approcher
une entreprise en lui disant: Dans dix ans, on va signer un contrat avec toi ou
dans cinq ans, obligatoirement, parce que la société de gestion
ou la SODEQ n'est pas là pour devenir un trust.
En somme, c'est une entreprise d'argent que nous voulons faire, une
entreprise financière, leur garantir que dans quelques années,
par exemple, l'entreprise où on investit de l'argent pourra racheter
à la valeur établie à l'époque nos actions, mais en
garantissant à l'individu qu'il aura la possibilité de se
débarrasser de la société qui, avec le même argent,
pourra rendre d'autres services au fur et à mesure à
l'entreprise.
M. Saint-Pierre: Quand vous me recommandez de ne pas investir
dans chaque projet plus de 10% de son capital-actions émis et
payé, pas plus de 30% du capital-actions émis et payé de
l'entreprise, ce sont des limitations, ce sont des contraintes plus
sévères encore que celles auxquelles nous avions songé
jusqu'ici.
Est-ce que ce n'est pas une contradiction entre cela et les paragraphes
avant et après, où vous nous dites: II faut faire confiance aux
gens, il faut leur donner une certaine flexibilité. En d'autres termes,
je me dis: Si les gens d'une SODEQ croient que les paramètres que vous
nous donnez ici doivent être imposés, il faut bien voir que la loi
ne les empêche pas par règlement, de retenir, pour leur propre
régie interne, les mêmes chiffres que vous suggérez. La
question que je me pose c'est: Est-ce que c'est bon de donner tellement de
contraintes que finalement une SODEQ pourrait avoir un excellent projet mais
n'être pas capable de... Elle voudrait investir seule, elle connaît
bien le projet, mais elle ne le peut pas, parce qu'on l'a obligée
à ne pas y mettre plus de 10% de son capital souscrit. Je me dis: Est-ce
qu'on ne devrait pas donner le minimum de contrainte et laisser chaque SODEQ
par des régies internes, décider elle-même quels vont
être les risques ou comment, pour employer votre mot, on va assurer la
sécurité dans la diversité. Il n'y a rien qui
empêchera une SODEQ de s'imposer cela, mais je me dis: Est-ce que c'est
une bonne chose de l'avoir dans la loi?
M. Fortin: La contrainte, en fait, de la répartition du
capital est une contrainte tout à fait normale qu'on retrouve dans
l'ensemble des sociétés de "venture capital" à
caractère public. Il est évident que, dès que vous
permettez à une société de distribuer son capital en
tranches plus petites, vous l'exposez à un risque
déterminé qui peut s'avérer une mauvaise aventure, de
mettre en danger la société elle-même et plus vous assurez
la répartition du capital... En tout cas, les effets
d'entraînement d'un mauvais risque sont habituellement moins grands si
votre capital est un peu plus diversifié.
En cela, nous avons voulu aussi suivre la règle que nous nous
imposons nous-mêmes à l'intérieur des caisses d'entraide
économique et qui oblige, par exemple, à une répartition
du capital selon des secteurs et selon des proportions pour garantir la
sécurité des épargnes qui nous sont confiées.
Ceci étant dit d'une part, quant à la possibilité
que les SODEQ, à l'intérieur, puissent adopter une
réglementation qui soit plus restrictive encore que la loi, ce que la
loi ne défend pas en soi, nous y verrions peut-être l'objection
suivante, à notre niveau en tout cas et là je parle pour
nous nous ne voulons pas créer des SODEQ qui soient la
propriété des caisses d'entraide économique. Nous voulons
tout simplement être des participants minoritaires à des
sociétés de développement d'entreprises
québécoises autonomes. Evidemment, étant minoritaires,
nous allons voter comme des minoritaires à l'intérieur de la
société. Que nous fassions notre investissement sous condition,
qu'à un moment donné, par règlement, on ne puisse pas
dépasser telle limite, c'est possible, mais il est
démontré, en fait, et c'est la loi qui le dit, que les
règlements internes d'une société peuvent être
changés par l'assemblée annuelle des actionnaires, n'importe
quand, à la majorité en nombre et en valeur.
M. Saint-Pierre: Là, je comprendrais qu'il est
peut-être de votre intérêt, si vous-mêmes vous
êtes arrêtés à ces critères de dire qu'on doit
espérer que tous les autres vont imposer les mêmes
critères, mais je me dis: Face au bien commun, est-ce que c'est normal
d'imposer à d'autres les critères que les caisses d'entraide
économique désirent retrouver dans les SODEQ? Comme je vous dis:
Quand vous allez placer votre argent, si vous êtes capables de convaincre
les gens de votre point de vue, vous avez raison. Mais voici l'autre
côté de la médaille à mon sens. Il faut se rappeler,
et peut-être que M. Sutton pourrait nous éclairer dans cela, qu'un
des problèmes pour ceux qui font de ces placements, c'est que souvent
ils vont avoir un montant minimum assez important. On ne fera jamais un
placement de moins de $200 000, parce que, lorsqu'on fait des placements de $50
000, cela devient extrêmement coûteux de faire l'analyse du
placement, de surveiller le portefeuille par après, d'avoir les
contrôles, de vérifier. Généralement, je crois
comprendre qu'on aime avoir une espèce de seuil minimum et de dire: Si
c'est moins de $200 000, cela devient très onéreux de suivre
cela, de faire l'analyse des projets. Si vous dites, dans vos
règlements: C'est $200 000 qu'on va faire au minimum, vous savez que
vous ne pouvez pas avoir 50 cas qui vous sont donnés dans la semaine.
Les gens savent que s'ils ont seulement un projet pour faire un agrandissement
de 10 000 pieds carrés, vous n'êtes pas intéressés
à participer.
M. Fortin: Sur ce point précis, M. le ministre, nous avons
eu l'occasion d'examiner, avec une société qui s'appelle SOFINOVA
Canada, qui nous avait approchés à un certain moment pour un
projet commun, des possibilités d'une société à
caractère provincial. Là, on a jugé que sur le plan
provincial, il est évident que, à cause des moyens de
contrôle, à cause des coûts élevés aussi de
surveillance, d'analyse des projets et plus les projets sont importants
habituellement, plus les coûts d'analyse sont importants, il fallait
restreindre le nombre des projets. Mais quand on arrive dans un milieu
régional où les entreprises sont habituellement connues et
facilement contrôlables parce qu'elles sont dans un territoire
géographique déterminé, il est moins coûteux de
faire l'analyse, il est aussi plus facile de surveiller la gestion de
l'entreprise.
M. Saint-Pierre: Mais je rappelle que la réglementation
actuelle permettrait de faire cela.
M. Fortin: Oui. Mais remarquez...
M. Saint-Pierre: Vous ne voulez pas qu'on la donne à tout
le monde parce que...
M. Fortin: Notre point de vue est celui d'une institution
financière qui veut investir de l'argent là-dedans.
M. Saint-Pierre: D'accord, oui.
Cela ne signifie pas que le gouvernement a tort lorsqu'il l'indique
comme il l'a fait, mais je suis obligé de refléter l'attitude
d'une institution financière qui a certaines sommes d'argent, des
épargnes du public et on veut les investir dans des conditions
prédéterminées.
M. Saint-Pierre: En parlant d'épargne du public, est-ce
que vous ne trouvez pas dangereux d'accepter intégralement les
suggestions que vous formulez au sujet des conflits d'intérêt?
Dans des régions données, est-ce que les gens n'ont pas, surtout
si ça va bien, une certaine confiance dans cette société
privée, je vais presque prendre le vocabulaire du chef de l'Opposition
officielle, société privée qui est à l'abri des
regards inquisiteurs du monde, qui veut savoir ce qui se passe et, finalement,
au bout de trois ou quatre ans, on se retrouve dans un petit groupe qui
contrôle la SODEQ et commence à faire des placements dans ses
propres compagnies, des fois, des choses un peu douteuses avec des conditions
un peu douteuses.
Je comprends votre préoccupation que, dans des régions, il
n'y a pas une pléthore d'administrateurs, pour servir dans les SODEQ. On
peut prévoir le cas où, si ça touche une entreprise,
quelqu'un soit obligé de démissionner pour un laps de temps, tant
que le prêt dure. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un certain
danger?
M. Fortin: Oui, il y a un danger, mais nous avons
été créé justement pour favoriser ces conflits
d'intérêt si j'ose dire, et à l'expérience faite de
l'entraide économique et de ses investissements, il est bien sûr
que les meilleurs placements sont toujours faits chez nos administrateurs qui,
habituellement, sont les hommes d'affaires les plus dynamiques du milieu, alors
on voudrait que ça se reflète également dans les SODEQ. On
n'a pas peur que ces conflits d'intérêt fassent autre chose que de
créer des entreprises pour le milieu. C'est sûr que, si on le voit
sur un plan strictement
juridique, on peut s'attendre à ce que les gens en profitent pour
leur intérêt et finalement bâtissent des entreprises
à même l'épargne des autres.
On peut voir ça de cette façon. On peut dire aussi que le
président d'une société comme celle-là, qui
développe une entreprise, crée de l'emploi et, finalement, son
argent sert à développer son milieu sous forme de capital
actions, sous forme de prêts, de l'autre côté... Or
finalement, la communauté en bénéficie. On peut
développer deux types de raisonnement et avoir raison avec l'un comme
avec l'autre.
Sur le plan provincial, il est possible que le ministère ait un
point de vue plus légal, plus juridique qui m'échappe mais que je
comprends quand même et que, dans nos régions, on a un point de
vue un peu plus régionaliste et un peu plus coopératif au sens
près, les unes des autres, j'allais dire paternaliste mais c'est un mot
que j'hésite à employer dans les circonstances.
M. Saint-Pierre: Cela ne nous a pas causé de
problème. Si je comprends, dans une caisse d'économie...
M. Fortin: Au contraire, cela a favorisé notre
développement. Je ne sais pas si M. Forest pourrait dire un mot
là-dessus, il est expert de la coopération chez nous.
M. Forest: Disons que, dans le cas des caisses d'entraide
économique, notre loi spécifique demande que, chaque fois qu'un
membre, qui est administrateur d'une caisse, fait un prêt dans une
caisse, on est obligé de le dévoiler au ministère. Alors,
le ministère est là pour juger s'il y a des cas d'abus.
Jusqu'à maintenant, on n'a eu aucun "come back". Lorsque l'occasion se
présente, qu'il y a un type qui se dévoue pour la cause commune,
qu'un besoin se présente, je pense qu'il doit avoir droit autant que les
autres, pour autant que ce ne sont pas des abus.
M. Saint-Pierre: M. le Président, est-ce qu'on pourrait
demander aux gens de la chambre de commerce, sur ce point spécifique,
quelle est votre réaction sur les dispositions que nous avons sur les
conflits d'intérêt? A savoir que SODEQ peut faire un
placement...
M. Létourneau: Jean-Paul Létourneau. Il semble, M.
le Président, que ce à quoi se réfèrent les caisses
d'entraide économique, comme institutions, c'est basé d'abord sur
une dimension régionale très restreinte et le fonctionnement
qu'on propose là est assez différent de ce que nous avions
envisagé. Dans ce sens, c'est une institution qui serait beaucoup plus
restreinte au point de vue géographique et au point de vue de son
envergure financière parce qu'il y a des suggestions qui sont faites
quant à la capitalisation au montant et, dans ce sens, je pense que nous
aimerions examiner de plus près la proposition pour savoir quelle
pourrait être notre réaction à ça. Parce que nous
n'avions pas conçu, dans notre esprit, les SODEQ à une si petite
échelle. On les voyait à une échelle un peu plus large,
ça ne veut pas dire que la proposition qui est là ne soit pas
valable.
Quand on regarde le fonctionnement d'une entreprise à ce
niveau-là, il est sûr que le nombre des administrateurs possibles
est très limité, le nombre des investissements aussi est plus
limité. Demeure la question possible du conflit d'intérêts
et là-dessus, étant donné qu'on a vu le projet, qu'on
vient juste de le voir, j'aimerais que nous puissions en discuter d'abord avec
les gens qui l'ont proposé avant de vous faire une recommandation. Je
n'en ai pas personnellement. Peut-être que M. Hawey aurait une suggestion
à faire. Moi, je n'en ai pas.
M. Hawey: Cela regarde l'article 37, d'après ce que je
peux voir, les articles 37 et 38. Ce sont des choses qui ont été
discutées à notre comité, la question des conflits
d'intérêts. C'était tout simplement pour éviter des
répétitions de choses qui ont pu se produire, quelquefois, dans
les organismes qui ont une envergure un peu moindre que ce qu'on connaît
dans le domaine financier.
Tous ces points-là avaient été soulevés,
justement parce qu'on y voyait des dangers pour ceux qui investissaient dans ce
genre de société et on voulait prévenir le plus possible,
de façon à ce que l'expérience ou les expériences
ne soient pas malheureuses. On voulait que ce soit inclus, que ce soit
très bien couvert. Cela n'empêche pas les gens concernés...
Cela peut créer des problèmes dans les petites régions, et
c'est normal d'aller dans un autre SODEQ où ils pourraient avoir leur
prêt la même chose, ou leur investissement.
M. Saint-Pierre: Une dernière question, M. Fortin. Si je
comprends bien, en lisant entre les lignes, dans votre esprit, si vous aviez
à conseiller le gouvernement, vous trouvez que dans les premières
années, on pourrait établir 52 SODEQ à peu près et
une pour le même territoire, enfin, un nombre beaucoup plus grand que ce
qu'on a pu envisager jusqu'à maintenant.
M. Fortin: M. le ministre, j'ai bien la conviction qu'on n'en
créera pas 50, ni la première, ni la deuxième, ni la
troisième année. Même chez nous, il y aura des limites qui
seront imposées aux caisses, à savoir qu'on ne peut intervenir
sur le plan du capital de risque, à moins d'avoir un minimum suffisant
d'actif. Il y aura des limites qui seront imposées.
D'autre part, il y aura une période d'information et de recherche
qui va se faire dans tout le Québec à ce sujet. Je ne doute pas
que la première année, il n'y en ait pas plus que 10 ou 15 qui se
décident à investir de l'argent. Une société
commence le matin où on met la main dans sa poche et qu'on fait comme on
a déjà fait; le trésorier passe chez vous et dit: C'est ce
matin que tu me donnes ton petit chèque de $3000, $4000 ou $5000.
A ce moment-là, le gars commence à réfléchir
et dit: Tu reviendras demain. Ce n'est pas demain,
c'est ce matin que tu fais le chèque. C'est là que vous
prenez des membres et que vous décidez de créer une
société. Sur cette base-là, sur la base de la
souscription, je pense bien, M. le ministre, que vous allez rejoindre
indirectement ce que vous proposez un peu directement dans votre loi et que
cela va s'implanter d'une façon graduelle. C'est le voeu de tous et
chacun.
Mais ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas imposer de limites,
afin que des groupes, dans des régions particulières, qui ont
peut-être plus de dynamisme et plus de besoins que d'autres, puissent en
créer deux ou trois, par exemple.
Je ne citerai pas la région chez nous, mais je pourrais citer la
région de Sherbrooke, où il peut y avoir, par exemple, deux
SODEQ. Je pourrais citer la région de Québec, où il peut y
en avoir trois ou quatre. La région de Montréal, c'est la
même chose.
M. Saint-Pierre: Je connais bien votre région pour y avoir
vécu, tant à l'Education qu'à l'Industrie et Commerce.
Qu'est-ce qu'on fait, comme gouvernement, si, le lendemain de la
création des SODEQ, j'ai 13 groupes différents qui veulent avoir
une SODEQ dans le Saguenay-Lac Saint-Jean? Est-ce qu'on n'a pas une
responsabilité collective, pour assu rer le succès de la formule
SO DEQ dans le Saguenay-Lac Saint-Jean, d'avoir le courage de dire non à
des groupes qui nous apparaissent, avec les critères les plus objectifs
possible, comme étant trop farfelus ou non responsables?
M. Fortin: Ma taquinerie est toute prête, M. le ministre.
Vous ferez comme à l'Education, vous créerez quatre campus ou
quatre SODEQ et vous serez assuré du succès.
M. Morin: M. le Président, je voudrais revenir sur la
première proposition de changement qui nous est faite dans le
mémoire de la Fédération des caisses d'entraide
économique. Cette suggestion a trait à l'étalement de la
souscription et du paiement du million de dollars.
On nous fait la suggestion suivante; que la souscription et le paiement
du million de dollars, qui est le minimum imposé à toute
société, tout groupe qui veut se prévaloir des avantages
d'une SODEQ, puissent être étalés sur une période de
cinq ans.
J'imagine que lorsque vous avez fait cette suggestion, vous songiez au
fait que, dans certaines régions, il peut être plus difficile de
trouver un million de dollars, alors que dans d'autres régions, la chose
peut être relativement facile.
Ce n'est pas jeter du discrédit sur la Gaspésie, mais bien
plutôt refléter sa condition économique, que de penser
qu'il pourrait être plus difficile peut-être de trouver $1 million
en Gaspésie qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple. Je pense que le
député de Matane ne le prendra pas mal. C'est une
réalité économique. C'est à cela, j'imagine, que
vous pensez quand vous nous faites cette suggestion de commencer par le tiers
du mil- lion souscrit et payé, plutôt que le $1 million. Vous
ai-je bien compris?
M. Fortin: C'est tout à fait exact. C'est ce à quoi
nous pensons. Nous nous y référons exactement. L'indice de
richesse n'est pas le même selon les régions, et il peut
être beaucoup plus difficile dans certaines régions qui ont sans
doute, justement à cause de ce fait, plus besoin que d'autres d'une
société de ce genre. On ne voudrait pas qu'on empêche leur
création en fixant un minimum qui n'est quand même pas excessif.
Il ne faut pas penser que nous croyons que le $1 million est excessif.
Fonctionner avec $1 million en termes de capitaux spéculatifs, c'est
bien. C'est mieux de fonctionner avec $2 millions et encore mieux avec $3
millions. Plus cela va, plus c'est facile d'assurer la progression de projets
importants. Mais pour autant...
M. Morin: II faut commencer quelque part.
M. Fortin: ... il faudrait qu'on puisse permettre à des
régions qui sont moins riches, qui sont moins habituées à
cela, qui sont moins éduquées aussi au problème des
capitaux spéculatifs, au problème de l'argent, d'avoir un minimum
qui, quand même, d'après notre expérience, peut permettre
le fonctionnement normal et la rentabilité de la société.
On pourrait dire $300 000; on pourrait dire $400 000; on pourrait dire $250
000. Nous laissons au gouvernement le soin de choisir, mais, en tout cas, je
pense qu'un montant de $300 000 à $350 000 permet à une
société de démarrer pourvu qu'une année suivante
elle puisse trouver peut-être un autre $100 000 ou un autre $200 000, ce
qui apporterait à $500 000, graduellement, pour atteindre l'objectif
fixé par le gouvernement qui est excellent.
M. Morin: M. le Président, je voudrais dire qu'en ce qui
nous concerne, nous appuierions cette suggestion. Comme cela doit se
régler en principe maintenant, puisque le projet qui sortira de cette
commission s'en ira à la Chambre pour la troisième lecture et que
ce sera définitif, nous serons pris avec le projet de loi tel que nous
l'aurons adopté, c'est maintenant qu'il faut étudier ces
suggestions, ces recommandations. Je demanderais au ministre s'il est
disposé à modifier son projet dans le sens indiqué par la
fédération, sur ce premier point.
M. Saint-Pierre: Qui est l'étalement de... M. Morin:
L'étalement de la souscription.
Le Président (M. Gratton): Si vous me permettez une
question de procédure, je pense qu'on pourrait attendre le moment de
l'étude de l'article en question pour trancher ces questions
spécifiques.
M. Morin: Mais, M. le Président, quand viendra le moment
d'étudier l'article, on pourra peut-être
faire un amendement ou ne pas en faire. Mais je demande au ministre
quelle est son attitude générale devant cette suggestion de la
fédération. Pour l'instant, nous ne sommes pas encore au moment
de faire des amendements précis.
Le Président (M. Gratton): Non, mais nous devons y passer
très prochainement.
M. Morin: Eh bien! on y passera...
Le Président (M. Gratton): Je n'y ai pas d'objection,
à condition que le ministre désire répondre.
M. Saint-Pierre: ... très bref, M. le Président. Je
suis un peu sympathique en principe, aux demandes de la
fédération pour l'article 1 et l'article 4. Je suis moins
sympathique à l'article 2, à l'article 6. Finalement, je crois
comprendre qu'il n'y a pas grand-chose qui nous sépare, entre l'article
3 et l'article 5. On va atteindre directement ou indirectement ce qu'on veut
tous les deux. Aux articles 1 et 4, j'aurai des amendements, en cours de route
qui, je pense, rejoignent dans une bonne mesure ce qui a été
suggéré ici. J'ai d'autres amendements. D'ailleurs, ayant entendu
les trois groupes, peut-être qu'il serait bon de prendre article par
article, puisque...
M. Morin: Bien. Si vous voulez, d'abord avant de quitter la
fédération...
M. Saint-Pierre: D'ailleurs, je peux peut-être vous les
donner.
M. Morin: ... j'aimerais quand même que nous examinions
d'un peu plus près certaines de leurs suggestions, parce que,
moi-même, sur une ou deux, je suis un peu hésitant. J'ai les
mêmes hésitations que le ministre sur la suggestion no 6 portant
sur l'éligibilité des administrateurs à la participation
des SODEQ. Etant donné qu'il s'agit de fonds qui vont tout de même
être ramassés dans le public, avec une exemption d'impôt, je
suis un peu hésitant devant ce sixième point. Mais il y en a
d'autres où je suis beaucoup plus en sympathie.
Puisque vous me dites que vous êtes favorable au premier point, je
n'insisterai pas davantage. Nous verrons tout à l'heure la façon
dont vous traduiriez cela dans le projet de loi.
Au numéro 3, portant sur la composition du portefeuille en nombre
et valeur des investissements, est-ce qu'on ne pourrait pas faire une
distinction entre deux suggestions qui se trouvent dans votre premier
paragraphe? J'aimerais les distinguer, parce qu'elles ne me paraissent pas
avoir les mêmes conséquences. Si vous dites qu'une SODEQ ne
devrait pas pouvoir investir dans chaque projet plus de 10% de son propre
capital-actions, je serais tenté de vous appuyer, parce que cela veut
dire qu'il va y avoir un minimum de diversification. Quand vous nous dites que
pas plus de 30% du capital-actions sont payés de l'entreprise,
là, je me pose la question suivante: Est-ce que vous n'imposez pas une
contrainte indue? Est-ce que, par exemple, vous n'excluez pas qu'une SODEQ
prenne le contrôle ou ait le contrôle d'une entreprise? Ce qui
pourrait, dans certains cas qui peuvent me venir à l'esprit, être
bénéfique, pourrait en tout cas, certainement, aider à
démarrer une entreprise. Je pense à un cas comme Cabano. J'essaie
de juger quelle aurait été l'attitude d'une SODEQ appelée
à financer Cabano avec ses contraintes que vous imposeriez au
troisième point. J'aimerais que vous élaboriez un peu pour que je
sache dans quelle mesure je dois faire pression sur le ministre pour qu'il
adopte les contraintes dont vous nous parlez dans ce troisième
paragraphe.
M. Fortin: Quand vous parlez, M. Morin, de la possibilité
d'accéder à la propriété d'une entreprise...
M. Morin: Entre autres.
M. Fortin: Nous y songeons, mais nous pourrions y songer en cas
de mal administration ou, disons, de mauvaises affaires. A un moment
donné, une entreprise, pour une raison ou pour une autre, parce qu'elle
n'a pas de capital suffisant, parce que ses administrateurs n'ont pas fait
preuve des qualités nécessaires se trouve en mauvaise situation.
De deux choses l'une: ou on la laisse aller, ou bien on s'y intéresse.
On s'y intéresse comment? En investissant une somme d'argent
additionnelle ou encore en prenant la gestion de l'entreprise. A ce moment,
dans la société que j'administre, nous avons prévu un
dispositif en vertu duquel les membres, au cours d'une assemblée
générale spéciale, en nombre et en valeur, décident
je devrais parler des actionnaires, parce que ce sont des actionnaires
dans les circonstances les actionnaires réunis et
représentant, en nombre et en valeur, la majorité d'entre eux
peuvent décider d'aller un peu plus loin que les règles normales
de la société et, à ce moment, d'intervenir dans un cas en
particulier, chaque cas devant faire l'objet d'une assemblée
générale spéciale pour éviter que ce soit le fait
de deux ou trois ou quatre personnes qui, pour une raison ou pour une
exaltation quelconque, se lancent dans une entreprise. Ceci a été
mis sur la table au cours d'une discussion avec les gens du ministère,
mais je crois que là-dessus, il y a eu une recherche intéressante
qui a été faite et que nous sommes prêts à
considérer et à examiner attentivement. Je ne sais pas si cela
répond un peu à votre question.
Pour les 30%, je vous dirai que nous considérons que la SODEQ ne
doit pas être toute chose dans un groupe industriel ou dans un groupe
commercial ou dans un groupe touristique. Nous pensons qu'une fois la
réputation de la SODEQ bien établie, en raison de la
capacité de gestion et des services de gestion qu'elle offre à
l'entreprise, l'entreprise en question va pouvoir trouver beaucoup plus
facilement une participation d'un autre groupe du seul fait que la SODEQ y va
pour un montant de 30% et qu'elle apporte la qualité et la
sécurité de sa gestion à l'intérieur du
groupe. Alors, nous croyons que la SODEQ à cet égard aura un
facteur d'entraînement et sera une valeur incitative par la
qualité propre de ses investissements lorsqu'elle interviendra dans un
cas, que ce soit au démarrage d'une entreprise ou que ce soit au moment
de la réorganisation ou du développement d'une entreprise, de
quelque nature qu'elle soit.
Il se peut que 30% puissent être portés à 35% ou
puissent être diminués à 25%. Nous avons fixé une
norme de 30%, comme d'autres groupes de "venture" fixent les normes à
40%, comme d'autres les fixent aussi à 25%. Disons que ce pourcentage,
dans notre esprit, nous en avons parlé avec les officiers du
ministère, je ne l'ai pas changé dans le mémoire, parce
que c'était le document original sur lequel nous avons discuté.
Nous tenions à ce que les mêmes arguments soient
reflétés ici pour éviter des confusions. C'est une chose
qui a été examinée autour de tables de discussion
préliminaire et sur laquelle nous avons de la flexibilité.
M. Morin: Est-ce que la Chambre de commerce a un point de vue sur
ce point en particulier?
M. Saint-Pierre: Le point qu'on soulève n'est pas dans la
loi. Je tiens seulement à vous préciser cela.
M. Morin: Oui, je sais bien. Il s'agit de savoir si on peut
améliorer la loi ou pas.
M. Hawey: Si je peux me permettre, il a été
discuté au cours de nos délibérations pour suggérer
que cette société... Normalement, ce n'était pas le but
primordial d'une SODEQ de prendre le contrôle. On voulait qu'elle
détienne un certain pourcentage, qui n'a pas été
mentionné comme tel, mais à l'origine, je pense qu'on parlait de
40% ou quelque chose de ce genre. Mais on s'est dit, et ça rejoint
peut-être certains des arguments qui ont été
mentionnés, qu'il pourrait y avoir des raisons pour lesquelles une SODEQ
devrait, à un moment donné, pour protéger ses
investissements, prendre le contrôle de l'entreprise en question. A ce
moment-là, il y avait des suggestions qui étaient faites à
ce sujet où la SODEQ pouvait, durant une certaine période, pour
des raisons d'urgence, pour des raisons importantes, garder temporairement le
contrôle d'une entreprise et le remettre subséquemment.
M. Morin: On ne peut pas dire que le projet de loi n'en parle
pas, puisque l'article 46, qui traite des règlements, on nous dit
justement que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra "déterminer ou
modifier les catégories d'investissements", etc., et, un peu plus loin,
"ou modifier le nombre maximum d'employés et la valeur maximum des
actifs d'une petite ou moyenne entreprise dans laquelle une
société peut investir ses fonds". La valeur maximum, ça
peut-être aussi bien en chiffres absolus qu'en pourcentage,
j'imagine.
M. Saint-Pierre: La valeur maximum, c'est l'actif de $7,5
millions dont on parlait tantôt, qu'on nous permettrait de changer. Mais
vous aviez raison. C'est à l'article 46 qu'on aurait le pouvoir de
réglementation pour modifier ça, pour retenir ce qu'ils ont
suggéré ou retenir ce que la Chambre de commerce a
suggéré. Ce que je veux dire, c'est que ces chiffres, ces
pourcentages, on ne les retrouve pas dans la loi dans le moment. Cela ne fait
pas partie de la loi. Il fut un temps où on l'avait dans les premiers
projets de loi. On a décidé, compte tenu peut-être de la
nécessité d'une certaine flexibilité, de donner ça
dans les pouvoirs de réglementation.
M. Morin: Oui. Est-ce que la fédération insiste
pour que ce soit précisé dans la loi?
M. Fortin: Vous savez, une loi qui est bien faite, on s'en sert
tout le temps, mais je pense que les règlements sont là pour
préciser ce que la loi ne dit pas explicitement. Là-dessus, je
présume que nous serons en mesure de les examiner attentivement
après que vous les aurez vus. Je crois qu'ils seront
déposés chez vous avant longtemps.
M. Morin: Les règlements?
M. Fortin: Oui.
M. Morin: Nous l'espérons, mais quand?
M. Saint-Pierre: Après la loi.
M. Morin: Oui, mais quand encore?
Le Président (M. Gratton): Pas ce soir.
M. Saint-Pierre: Le plus tôt possible.
M. Fortin: Pourrais-je poser une question au ministre?
M. le ministre, que pensez-vous de la suggestion que nous faisons,
à savoir que dans la proportion du capital qui est destinée
à l'industrie, vous puissiez considérer les bâtisses
industrielles spéculatives polyvalentes?
M. Saint-Pierre: Je sais que ça ferait l'affaire de la
Caisse d'entraide économique d'Alma, mais réellement, pour moi,
ce n'est quand même pas une définition de l'entreprise
manufacturière.
M. Fortin: De cinq ou six autres caisses aussi, parce que nous en
avons fait bien ailleurs.
M. Saint-Pierre: Remarquez bien qu'on peut jouer dans ça,
parce que, finalement, vous pourriez avoir des... Il s'agit seulement de savoir
quelle est la définition de l'activité manufacturière. Si
vous avez une bâtisse industrielle qui abrite une usine qui fait des
pièces dans l'électronique, je ne
vois pas pourquoi indirectement la SODEQ ne pourrait pas participer ou
détenir ça comme actif. Cependant, si la même bâtisse
sert d'entrepôt à Steinberg pour ses livraisons de fin de semaine,
quant à moi, ce n'est pas de l'entreprise manufacturière. Vous
savez, c'est pour ça que la bâtisse est un peu... C'est pour
ça que c'est différent. Le chemin qu'on prend, c'est
l'activité manufacturière, et la bâtisse ne nous dit pas
quelle est la nature de l'activité à l'intérieur.
M. Fortin: Pourriez-vous garder, dans les activités
intérieures, la proportion que vous indiquez dans le capital industriel
et le capital qui sert à d'autres fins? Ce que je veux dire par
là, c'est que si la bâtisse servait, à 40% ou 50%, pour des
fins industrielles et pour une autre proportion à d'autres fins, est-ce
que ce pourrait être... En tout cas, pourriez-vous examiner le cas?
M. Saint-Pierre: Oui, on va essayer d'être le plus souple
possible, mais vous comprenez un peu notre désir de cohérence
là-dedans.
M. Fortin: Merci.
Le Président (M. Gratton): Est-ce que la commission a
d'autres questions à l'intention de la fédération?
M. Morin: Non. Je voudrais dire à la
fédération que nous sommes d'accord sur le quatrième point
et que nous avons tendance à la suivre aussi sur le cinquième,
peut-être pas sur le sixième. C'est une autre affaire. Mais le
cinquième point porte sur le nombre et la distribution des SODEQ. Cela
nous paraît le bon sens pour des raisons qu'on a déjà
évoquées, d'ailleurs, au sujet du premier point. Je ne sais pas
si le ministre a quelque chose à dire sur le cinquième point.
J'aimerais bien connaître son opinion explicite sur cette question du
nombre et de la distribution des SODEQ.
M. Saint-Pierre: Je pense qu'on se rejoint sur cela.
Tantôt, dans la discussion, je pense qu'on voyait que nous
n'étions pas...
M. Fortin disait que, finalement, même amasser $1 million, ce
n'est pas facile et, compte tenu des contraintes, il n'y en aura pas 50 du jour
au lendemain. Il y en aura peut-être dix.
Evidemment, s'il y en a dix, on ne sera pas obligé d'utiliser ce
pouvoir de réglementation qu'on s'est donné. La seule chose que
j'ai dite ce n'est pas pour me rendre populaire c'est que si,
dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a 19 demandes ou si,
dans l'Estrie, il y a 14 demandes, si on a moindrement le sens des
responsabilités, il faut se doter d'un pouvoir de réglementation
qui permette de choisir selon les critères les plus objectifs, parce que
si on autorise les 14, cela va être la faillite des 14, ou cela sera un
succès très mitigé des 14.
Cela me surprend que le chef de l'Opposition ne me rejoigne pas
là-dessus. Tout défenseur de l'entreprise privée que je
sois, je trouve que c'est dans le secteur où une concurrence
déloyale entre les initiatives au départ ne sert pas le bien
commun que l'Etat est justifié de limiter la concurrence et limiter le
nombre d'initiatives du secteur privé. Cela ne vous sonne pas bien dans
les oreilles?
M. Morin: Je pense à l'autre objectif qu'il faut viser,
qui est de donner à toutes les zones leur chance de profiter d'une loi
qui serait bien faite. Remarquez que, dans sa rédaction actuelle, je ne
suis pas d'accord sur plusieurs points de la loi. Une loi qui serait mieux
faite pourrait être très utile et je serais favorable, à ce
moment, à ce que, dans toutes les zones économiques, on puisse
trouver la possibilité de créer des SODEQ.
M. Saint-Pierre: Cela a toujours été
expliqué. Si vous avez suivi mes discours autant que ma
définition du capital de risque, vous avez vu que ce n'est pas mon
intention de permettre dix SODEQ dans la région de Montréal parce
que c'est là qu'il y a le plus d'entreprises, là qu'il y a le
plus d'épargne et là qu'il y a le plus d'institutions
financières.
Je pense qu'au départ, il doit y avoir un souci
d'équilibre régional. Cela sera sûrement un des
critères objectifs qu'on peut retenir qu'avant qu'il n'y ait 14 SODEQ
à Montréal, il y en aura sûrement une dans toutes les
régions administratives du Québec.
M. Morin: Serait-il possible de revenir un instant aux gens de la
coopération, avec votre permission, M. le Président?
L'une des choses qui me chicote dans le projet est qu'on prévoit
des allégements fiscaux pour les contribuables qui investiront dans les
SODEQ et que ces sociétés, comme on l'a laissé entendre,
ne seront probablement pas très intéressées à
investir dans les entreprises coopératives.
Je me demandais si l'un des risques du projet de loi, du point de vue de
la coopération, n'est pas que cette loi, en définitive,
n'inciterait guère les Québécois à favoriser le
développement coopératif et mettrait l'accent sur l'entreprise
privée.
C'est ce que je crains le plus. Je sais que vous allez me
répondre que vous attendez qu'une future société de
développement coopératif soit créée, mais vous
allez peut-être attendre la semaine des trois jeudis avant que cela
n'aboutisse et je me demande... Cela peut venir plus vite que ça?
M. Saint-Pierre: Beaucoup. Avant même la semaine des deux
jeudis.
M. Morin: Oui, mais cela fait longtemps qu'on en parle. Le
ministre le sait. Cela doit faire quelques années maintenant et...
M. Saint-Pierre: Non. Je m'excuse. Un instant. On a eu le rapport
Parenteau et, sans divulguer des secrets d'Etat, je dois dire que ses
propositions M. Arès est au courant font l'objet
d'études très concrètes au niveau du gouvernement dans le
moment.
M. Morin: La question que je poserais est celle-ci: Si vous
êtes prêt à attendre la société de
développement coopératif, je n'ai pas d'objection, mais n'y
aurait-il pas des façons spécifiques d'adapter les SODEQ aux
besoins de la coopération en dehors du secteur spécifique que
vous avez mentionné de l'agro-alimentaire?
Vous pensez que cela n'est pas adapté à votre...?
M. Arès: C'est incompatible. Je pense que j'ai
expliqué, tantôt, les modalités de fonctionnement d'une
entreprise coopérative qui est loin et je dirais à 100
milles du caractère d'une entreprise qui poursuit des fins
spéculatives. Ce sont des choses tout à fait incompatibles.
Une coopérative, ce n'est pas une entreprise spéculative.
On ne spécule pas. On essaie de répondre à des besoins
réels d'une population donnée ou de citoyens et si, à la
fin d'une année financière, on a bien administré
l'entreprise, s'il y a des trop-perçus à l'intérieur d'une
entreprise, on les redistribue aux membres. Il n'est donc pas question,
à l'intérieur d'une coopérative, de rechercher à
maximiser un profit. Il peut être question de chercher à se
développer, mais il n'est pas question de chercher à maximiser le
profit. L'investisseur, dans une SODEQ, va chercher à maximiser son
revenu ou chercher à rentabiliser son investissement. Cela, il ne peut
le faire que si les actions investies dans la SODEQ grimpent. Cela veut dire
que la SODEQ est obligée d'investir dans des entreprises qui peuvent
connaître une croissance très rapide, ce qui n'est pas le cas
d'une entreprise coopérative qui croît habituellement...
M. Saint-Pierre: Vous prenez, M. Arès, la
Coopérative de Dorchester, qui a eu quand même une croissance
très forte. Je prends cela comme exemple. Elle a fait des acquisitions
à gauche et à droite et a vu son chiffre d'affaires doubler dans
l'espace de deux ans. Est-ce qu'une telle coopérative, dans le moment,
n'a pas, auprès des institutions bancaires, quand même des
prêts à terme considérables? Est-ce qu'elle n'a pas
dû emprunter pour réaliser cela et est-ce qu'une SODEQ ne pourrait
pas prêter à une coopérative comme telle?
M. Arès: C'est ce que je mentionnais. Si certaines
coopératives bien prospères, bien établies, qui ont
maintenant acquis une très bonne administration, une saine gestion se
regroupent et forment une SODEQ, profitent des avantages fiscaux qui sont
introduits dans la loi, je pense qu'on peut faire des choses
intéressantes avec cette loi des SODEQ, même dans les
coopératives, même pour les coopératives. La
Coopérative de Dorchester pourrait procéder avec une SODEQ
à l'acquisition d'autres entreprises, à la création
d'autres entreprises dans des secteurs connexes. On pourrait penser à
faciliter des intégrations verticales ou horizontales pour des
coopératives qui sont dans un secteur donné, mais je pense au
citoyen québécois qui voudrait investir dans une
coopérative, un club de consommation. Ce n'est pas possible, il ne peut
pas s'attendre à recevoir des miracles, ces gens fonctionnent à
frais directs. Alors, ils sont obligés de verser $2 ou $5 par semaine
pour compenser les frais d'administration et de gestion du petit club de
consommation. On ne peut pas s'attendre à un rendement sur du capital
là-dedans. Si on s'en va dans des coopératives de service, les
coopératives funéraires, on peut attendre des revenus assez
longtemps aussi là-dedans. Si on s'en va dans l'habitation, on va aussi
avoir des difficultés à obtenir une plus-value sur
l'investissement qu'on va faire, etc.
M. Saint-Pierre: Le point qui mérite également
d'être retenu, c'est souvent celui qu'on oppose à tort entre le
ministère de l'Industrie et du Commerce et le secteur coopératif.
Il faut se rappeler que, comme vous le disiez si bien, la coopérative
naît souvent d'un besoin exprimé dans une communauté
donnée et l'évolution des coopératives a fait que la
très grande majorité d'entre elles se sont dirigées dans
le secteur tertiaire, le secteur des services, l'habitation, les frais
funéraires, également d'une façon importante dans le
secteur financier, les services bancaires et autres, paraban-caires, les
assurances, et des choses semblables, et également dans le secteur
primaire qui était près de l'économie régionale
dans une région donnée. Finalement, c'est l'exception qui est
allée dans le secteur secondaire, le secteur manufacturier, principal
champ d'action du ministère de l'Industrie et du Commerce. Ce qui fait
que, souvent, on ne se rencontre pas parce que nous sommes dans le secteur
manufacturier principalement et, exceptionnellement, on est dans le secteur
tertiaire, et vous, vous êtes un peu l'inverse, vous êtes surtout
dans le secteur tertiaire et, exceptionnellement, dans le secteur
manufacturier.
Où je voyais, cependant, les coopératives,
particulièrement à cause des dispositions de la loi qui, quand
même, permettent de les rejoindre dans les placements, c'était le
fait que les coopératives ou les caisses d'entraide économique
rejoignent quand même un niveau très important de
Québécois et que là, la coopérative, par un service
un peu parallèle, aurait pu contrôler une SODEQ et offrir un
dégrèvement fiscal à ses propres membres. C'est un peu la
même chose que les plans récents en matière d'habitation ou
en matière de retraite.
Qu'est-ce que la Banque Canadienne Nationale, la Banque Royale ou la
Banque de Nouvelle-Ecosse ont à faire dans l'habitation? Absolument
rien, sauf qu'elles ont vu là une autre façon d'offrir un autre
service à des clients et de maintenir le lien entre ces clients et
elles-mêmes? Il me semble que, par là, les SODEQ auraient pu, dans
bien des régions, avec les caisses d'entraide économique, un peu
en parallèle, offrir le dégrèvement fiscal comme service
à la clientèle mais avoir une influence salutaire dans
l'orientation, dans les choix qui sont faits par les SODEQ
elles-mêmes.
M. Arès: Là-dessus, M. le ministre, on se rejoint
parfaitement. Je l'ai dit tantôt, si des coopératives se
regroupent procèdent à la création d'une SODEQ, profitent
des avantages fiscaux de la loi, il y a des moyens qui vont permettre à
ces coopératives d'investir peut-être davantage dans
l'économie du Québec.
M. Bonnier: II y aurait la possibilité, je ne sais pas si
les caisses populaires l'ont étudiée, ou les caisses d'entraide
économique, comme le soulignait le ministre, du moins, c'est ce que j'ai
cru percevoir, que des certificats soient offerts par les comptoirs des caisses
populaires ou des autres organismes coopératifs d'épargne et de
crédit, et que ces organismes soient très bien identifiés,
qu'on précise qu'il y a une SODEQ qui va sortir de là et que
cette SODEQ serait reliée à tel secteur de caisses
d'épargne et de crédit qui pourront l'utiliser de la façon
qu'elles le veulent. Par exemple, ça pourrait être utilisé
pour faire des prêts à des entreprises de type purement
coopératif par exemple, ce qui permettrait au membership même de
s'associer au développement du secteur coopératif et d'une
façon très dynamique.
Est-ce que ça vous répugne, M. Morin? Cela me surprendrait
beaucoup que ça vous répugne.
M. Morin (André): Disons que ça ne me
répugne pas personnellement, mais ce que j'ai dit tantôt, c'est
qu'on n'est pas encore plongé là-dedans, on n'est pas encore
sensibilisé de ce côté et j'ai hâte que votre loi
soit couchée pour qu'on puisse se sensibiliser à la chose. Je
pense qu'il y a beaucoup de possibilités du côté du
prêt; du côté de l'investissement même, c'est un autre
monde. M. Arès l'a très bien signalé; on est dans deux
philosophies très différentes, la SODEQ ne veut pas régler
le problème, et on compte toujours sur la société de
développement coopératif.
M. Morin: Bien. M. le Président, je voudrais seulement
revenir sur une suggestion concrète qui nous a été faite
tout à l'heure au sujet de l'inclusion des entreprises régies par
la Loi des sociétés coopératives agricoles, à
l'article 33. J'avais cru comprendre que la réaction du ministre
était favorable. Avais-je raison de le penser?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Est-ce que vous comptez présenter un amendement
en ce sens de manière à les inclure?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Cela étant clair et précis, je veux bien
que nous abordions le projet de loi, mais, M. le Président, nous avons
déjà abusé de nos invités. Je ne sais pas à
quelle heure vous comptiez ajourner les débats, peut-être qu'il
serait bon de consacrer une autre séance à l'étude du
projet de loi. Je serais disponible pour la chose.
M. Saint-Pierre: Le leader du gouvernement est un homme
acharné qui veut bâtir pour le Québec et qui me demande de
passer article par article le projet de loi no 6 ce soir.
M. Morin: Je ne sais pas si c'est possible, M. le
Président, si c'est réaliste.
M. Bonnier: II bâtit pour le Québec...
Le Président (M. Gratton): On pourra toujours commencer et
voir...
M. Saint-Pierre: On peut commencer et voir...
M. Morin: Jusqu'à quelle heure comptiez-vous
procéder?
Le Président (M. Gratton): Personnellement, je n'ai pas
d'heure. Au moment où la commission décidera d'ajourner ses
travaux, je devrai...
M. Saint-Pierre: Commençons, on va voir le progrès
et, à minuit, on se donnera une minute de réflexion.
Le Président (M. Gratton): Ceci termine la phase des
auditions de nos travaux. Je désire vous remercier, madame et messieurs,
au nom de la commission, de votre excellente collaboration. Je vous invite, si
vous le désirez, à demeurer ici, mais je dois vous avertir tout
de suite qu'une fois l'étude article par article entamée, il sera
impossible à la commission d'entendre quelque représentation que
ce soit. J'invite donc nos invités, s'ils ont des remarques finales
à nous faire, à les faire immédiatement.
M. Arès: Nous voulons également vous remercier, M.
le Président, de votre accueil, de votre invitation.
M. Létourneau: M. le Président, si vous me
permettez, je désire également remercier la commission de nous
avoir reçus et vous dire qu'en conclusion et globalement, nous sommes
généralement d'accord avec le projet de loi tel que
déposé et les projets de règlements qu'il nous a
été donné de pouvoir consulter.
Il y aurait peut-être lieu d'augmenter un peu les normes quant
à la définition de ce qu'on appelle une petite et moyenne
entreprise. Dans notre projet de mémoire, nous allons jusqu'à $15
millions et 500 employés. Peut-être y aurait-il lieu de relever
les normes en ce domaine, compte tenu de la période inflationnaire dans
laquelle nous sommes.
En dehors de cela, il y aura peut-être d'autres amendements qui
pourront être apportés à l'expérience. Pour le
moment, il s'agit d'expérimenter la formule. Merci beaucoup de nous
avoir reçus.
Le Président (M. Gratton): Merci. M. Forest?
M. Forest: A notre tour, de la fédération nous
désirons vous remercier, M. le ministre, de même que la commission
parlementaire, d'avoir bien
voulu nous recevoir. Je désirerais excuser notre
président, M. Gagnon, qui aurait bien aimé assister, parce que
c'est un projet qui lui tient beaucoup à coeur, mais cela a
été impossible pour lui d'être ici ce soir, étant
donné que la période où nous avons été
avertis était très courte. Mais nous sommes tellement
intéressés au projet que nous avons demandé à notre
directeur, M. Fortin, de tout laisser de côté et de
préparer le mémoire qu'on vous a présenté ce soir.
Je vous remercie beaucoup.
Etude du projet de loi no 6
Interprétation
Le Président (M. Gratton): M. Gagnon aura, quand
même, la consolation de se coucher beaucoup plus tôt que les
membres de la commission.
Madame, messieurs, merci.
Article 1?
M. Morin: Un instant, M. le Président, nous allons prendre
le temps de les relire, si vous voulez. Je n'ai pas d'observation
particulière à l'article 1.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 2?
M. Morin: A l'article 2, il est bien clair que, si, par exemple,
des coopératives voulaient former une SODEQ, dans la mesure où
elles se conformeraient à la Loi des compagnies, elles pourraient le
faire. Mon impression est-elle exacte?
M. Saint-Pierre: Cela me semble exact. Oui.
M. Morin: Bien que cela pourrait naturellement répugner
à des coopératives de former une société, une
compagnie...
M. Saint-Pierre: Mais elles l'ont fait dans le SDI.
M. Morin: Je sais qu'elles l'ont déjà fait, oui,
mais c'est quelque peu contraire à leur philosophie. C'est pour cela que
la société de développement coopératif sera la
bienvenue lorsqu'elle viendra.
Le Président (M. Gratton): Article 2, adopté?
M. Morin: Un instant, M. le Président. Je n'ai pas
d'objection à l'article 2.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 3?
Constitution en corporation
M. Morin: A l'article 3, le ministre peut délivrer avec
l'accord du ministre des lettres patentes à cinq personnes au moins qui
demandent la constitution d'une société. Je trouve ce chiffre
trop restreint. Je crains qu'il n'engendre ces petits groupes fermés
auxquels j'ai eu l'occasion de faire allusion déjà.
Il y a là, M. le Président, à notre avis, un danger
selon lequel un petit groupe d'investisseurs, qui sont à la recherche
d'un traitement fiscal privilégié, pourraient former l'une de ces
SODEQ, sans pour autant devoir investir dans les secteurs
privilégiés par le ministre, dans les secteurs où il y
aurait un besoin du capital de risque, comme il le dit.
On pourrait peut-être nous répondre que l'article 13
apporte une réponse à ce problème, mais on nous dit,
à cet article, que "les lettres patentes ou lettres patentes
supplémentaires ne peuvent contenir aucune disposition limitant le
nombre des actionnaires".
Cet article peut être contourné de plusieurs façons,
en utilisant des moyens détournés, mais non moins efficaces, par
exemple l'absence de sollicitation auprès des souscripteurs
éventuels.
J'aimerais suggérer que ce chiffre de cinq personnes soit
remplacé. Je trouve que c'est un chiffre beaucoup trop bas et qui ouvre
la place à des abus. Je me demande si le ministre accepterait de le
porter, par exemple, à quinze.
M. Bonnier: II y a des entreprises qui ont peut-être une
dizaine d'administrateurs.
M. Morin: Dix, c'est déjà mieux que cinq. M.
Saint-Pierre: Je vais accepter dix. M. Morin: Vous accepteriez
dix.
M. Saint-Pierre: J'ai la même philosophie dans cela.
Evidemment, si, dans une région, il y a dix personnes pour une SODEQ et
qu'un autre groupe, à côté, en a 250, si j'ai à
juger, si j'ai des responsabilités, mes préférences vont
aller, les autres facteurs étant égaux, vers ceux qui en ont 250
parce qu'ils représentent un appui régional beaucoup plus
substantiel.
Cependant, je trouve qu'il faut être prudent, ne pas mettre
tellement de contraintes aux SODEQ que ce soit à peu près
impossible de naviguer avec toutes les contraintes qu'on aurait
imposées. Dix m'apparaît facile à atteindre. Si vous
m'aviez donné cent, j'aurais dit non; même quinze, c'est
peut-être élevé.
Si on s'entend sur dix, je suis prêt à accepter
l'amendement.
Le Président (M. Gratton): L'amendement est à
l'effet de remplacer, dans la quatrième ligne, le mot "cinq" par le mot
"dix". Cet amendement est-il adopté?
M. Saint-Pierre: Adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. L'article tel
qu'amendé est-il adopté?
M. Saint-Pierre: Adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 4?
M. Morin: II n'y a pas d'observation particulière.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 5?
M. Morin: Pas d'objection.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 6?
M. Saint-Pierre: M. le Président, j'ai un amendement
à proposer à l'article 6. Compte tenu de toutes les
représentations que nous avons eues sur les difficultés dans
certaines régions de recueillir $1 million, je proposerais le texte
suivant que j'ai fait distribuer. "Le ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières doit s'assurer, avant
d'émettre les lettres patentes, que les signataires du mémoire
des conventions se sont engagés à souscrire un montant de $1
million au capital-actions de la société et que, sous
réserve de ce qui suit, ils ont effectivement versé $350 000 en
fiducie pour le compte de la corporation projetée, le solde devant
être payé sur appel au cours des cinq années qui suivent la
date d'émission des lettres patentes."
Cela nous donne, il me semble, beaucoup de flexibilité. Il n'y a
même pas un montant minimal après les $350 000.
Le Président (M. Gratton): Cet amendement est-il
adopté?
M. Morin: Un instant! M. le Président, que nous puissions
le lire. On nous a distribué ces amendements seulement au début
de la séance, tout à l'heure. Je voudrais avoir le temps de le
lire comme il faut.
M. le Président, qu'est-ce qui se passe si le solde n'est pas
payé à l'appel?
M. Saint-Pierre: II va falloir...
M. Morin: Est-ce qu'il y aura dissolution de la SODEQ?
M. Saint-Pierre: II y a des dispositions, plus loin, qui
prévoient ce qui arrive lorsque la SODEQ ne rencontre pas ses
engagements. Ces dispositions s'appliqueraient.
M. Morin: Ce seraient les dispositions
générales.
M. Saint-Pierre: C'est cela.
M. Morin: Naturellement, comme on le disait tout à
l'heure...
M. Saint-Pierre: L'article 28.
M. Morin: ... l'exemption fiscale ne porterait que sur les
montants qui ont été respectivement versés en fiducie.
M. Saint-Pierre: C'est cela.
M. Morin: Nous sommes prêts à adopter cet article,
tel qu'amendé.
M. Saint-Pierre: L'article 6 est adopté, M. le
Président.
Le Président (M. Gratton): Un instant! Pour les fins du
greffier, il faudrait quand même que j'aie le texte exact. Il s'agit de
rejeter l'article 6 dans le texte original et de le remplacer par le
texte...
M. Saint-Pierre: Qui a été lu.
Le Président (M. Gratton): Oui et qui est annexé.
L'amendement est adopté. Article 7?
M. Morin: Un instant, M. le Président. Ce ne sera pas
long.
Le Président (M. Gratton): Adopté?
M. Morin: Nous n'avons pas d'objection.
Le Président (M. Gratton): Article 8?
M. Morin: De même.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 9?
M. Morin: Un instant, voulez-vous? Est-ce que le ministre
pourrait nous expliquer la portée du premier alinéa? Quel est le
problème auquel on pense répondre par cette règle?
M. Saint-Pierre: En d'autres termes, sans l'article 9, il y
aurait eu danger que dans une région, des gens se mettent à
ramasser de l'argent, à percevoir des fonds dans l'espérance
d'avoir un certificat d'enregistrement. Avec l'article 9, on dit: Sauf
l'autorisation du ministre, cela donne l'équivalent d'une espèce
de permis temporaire qui nous permet de contrôler qui perçoit des
fonds pour quoi. Vous comprenez? Autrement, si on n'avait pas eu cela...
prenons, par exemple, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on aurait pu
avoir 14 groupes qui ramassent de l'argent pour une SODEQ, chacun
espérant ramasser ses $350 000 et là, créer une certaine
confusion dans la population. Par l'article 9, il y a une espèce de
permis temporaire qui est donné au ministre ou enfin un certain
contrôle sur le nombre de personnes qui sont autorisées. C'est
avant l'émission des lettres patentes. Après l'émission
des lettres patentes, évidemment, toutes les sociétés
constituées peuvent augmenter leur capital et là, ramasser des
fonds.
M. Morin: Vous distinguez les lettres patentes du certificat
d'enregistrement. Tant qu'elle n'a pas obtenu son certificat
d'enregistrement... c'est le ministre, si ma mémoire est bonne, qui,
d'après l'article 7, délivre le certificat d'enregistrement.
M. Bonnier: Les institutions financières, selon l'article
3.
M. Morin: C'est juste, c'est cela.
M. Saint-Pierre: Je m'excuse, il y a une distinction, parce que
le certificat d'enregistrement se retrouve aux sections 24 et 25. Là,
c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce qui délivre un
certificat d'enregistrement. Les lettres patentes sont versées par
après lorsque les autres conditions prévues au règlement
ont été remplies. Ce sont deux étapes, ni plus ni moins,
pour éviter une confusion dans la première étape. En
d'autres termes, ce que cela dit également, c'est que dès qu'un
groupe a obtenu le certificat du ministre de l'Industrie et du Commerce, il a
la conviction morale que s'il obtient ses $350 000, il aura automatiquement ses
lettres patentes du ministère des Institutions financières. On ne
voulait pas laisser un nuage d'incertitude et dire: On va ramasser de l'argent,
on va consacrer des efforts à faire cela. Là, on n'est pas
certain si on ne sera pas en concurrence avec les 14 autres groupes qui vont
tenter d'obtenir la même chose que nous.
M. Morin: Si plusieurs groupes se constituent, effectivement,
pour tenter de former une SODEQ, j'imagine, selon les régions, qu'un
certain bouillonnement peut se faire. Vous pouvez très bien,
peut-être pas en avoir 14, mais en avoir 3, 4 ou 5.
M. Saint-Pierre: Cela nous permet, dans un premier temps, de
tenter, si c'est possible, de faire la fusion de ces groupes qui souvent, ne
sont pas en opposition l'un de l'autre. Ils s'ignorent seulement. On pourrait
avoir dans l'Estrie, deux groupes, l'un à Granby et l'autre à
Sherbrooke. Peut-être qu'il y a intérêt pour nous au
début de tenter de faire des fusions de ces groupes et les mettre
ensemble. Des fois, ils s'ignorent, parce que ce sont des personnes
différentes qui organisent la chose. Maintenant...
M. Morin: L'exemple de Granby et de Sherbrooke est bien choisi,
mais...
M. Saint-Pierre: Je ne sais pas moi. Jonquière et
Chicoutimi, alors, peut-être que...
M. Marchand: Saint-Jean et Iberville.
M. Saint-Pierre: On peut tenter de faire un rapprochement, mais
si ce n'est pas possible, on peut examiner le sérieux des deux groupes.
Si les deux groupes sont très sérieux, ce sont des cas où
on pourrait quand même donner les deux permis, et, là astreindre
les deux groupes aux $350 000. Si les deux groupes ne sont pas sérieux,
on pourrait refuser les deux, et si un groupe est sérieux et si l'autre
ne l'est pas, on pourrait l'accorder à celui qui l'est.
M. Morin (Jacques-Yvan): Oui. Quels sont les critères? Il
y a un certain arbitraire, quand vous allez choisir entre des groupes, quels
sont les critère que vous allez retenir? Est-ce que la
réglementation va définir ces critères...
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: ... qui vont vous permettre de choisir...
M. Saint-Pierre: C'est ça.
M. Morin: ... entre les uns et les autres?
M. Saint-Pierre: C'est ça. On retrouve cela à
l'article 46.
M. Morin: Oui, je sais que l'article 46...
M. Saint-Pierre: La réglementation va tenter...
M. Morin: ... définit les critères qui vont
être contenus dans le règlement. Mais ils vont porter
là-dessus en particulier...
M. Saint-Pierre: C'est ça.
M. Morin: ... pour guider le ministre dans les choix qu'il va
faire entre une SODEQ ou un projet de SODEQ ou un autre.
M. Saint-Pierre: II va toujours y avoir un jugement humain, mais
je pense que... Adopté, M. le Président?
Le Président (M. Gratton): Adopté?
M. Morin: Nous n'avons pas d'objection à l'article 9, M.
le Président.
M. Saint-Pierre: Article 9, adopté.
Le Président (M. Gratton): Article 9, adopté.
Article 10?
M. Morin: Un instant, voulez-vous?
M. Saint-Pierre: Ce sont des infractions mineures qui...
M. Morin: Accepté, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 11?
M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait nous donner une
idée de ce que ça pourrait donner, puisque... J'avais
l'impression que le mot "SODEQ" allait être le seul terme officiel, la
seule expression officielle utilisée, mais je vois qu'on peut y
adjoindre d'autres expressions. Voulez-vous dire par là que ça
pourrait être la SODEQ de Jonquière, par exemple?
M. Saint-Pierre: C'est ça. SODEQ Estrie, un peu comme les
Caisses d'entraide économique, pour différencier un groupe de
l'autre, mais, par contre, nulle corporation ne pourrait utiliser le mot
"SODEQ" ou Société de développement de l'entreprise
québécoise.
M. Morin: Oui, ça, ça va de soi.
M. Saint-Pierre: Article 11?
Le Président (M. Gratton): Adopté?
M. Morin: Oui, va pour 11.
M. Saint-Pierre: A l'article 12, M. le Président, j'ai un
petit amendement. A la première ligne du paragraphe 12, remplacer le mot
"seuls", par le mot "principaux". En fait, si c'est "seuls objets
l'investissement de capitaux dans les petites et moyennes entreprises du
secteur manufacturier", on pourrait penser, particulièrement dans la
partie du porte-feuille qui n'est pas les 65%, que ça pourrait
empêcher des investissements ou des prêts dans d'autres secteurs
que le secteur manufacturier. On doit avoir pour principaux objets
l'investissement et la gestion. C'est le seul amendement. Le mot "seuls" est
remplacé par le mot "principaux".
Le Président (M. Gratton): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Bonnier: Est-ce que je pourrais poser une question au
ministre?
M. Morin: Un instant, M. le Président.
M. Bonnier: M. le ministre, est-ce que ceci comprendrait,
spécifiquement, d'une façon très claire, les entreprises
coopératives de transformation? Est-ce que ce serait plus précis
si on disait: La Société doit avoir pour principaux objets
l'investissement de capitaux dans les petites et moyennes entreprises ou les
coopératives du secteur de transformation?
M. Saint-Pierre: Je ne suis pas juriste, mais est-ce que le mot
"entreprises" n'englobe pas à la fois la société, la
coopérative, la...
M. Bonnier: Oui, une coopérative est une entreprise.
M. Saint-Pierre: Je pense que c'était dans ce sens qu'on
mettait le mot "entreprises". Ou si vous voulez, on pourrait peut-être
continuer, M. le Président, et revenir à l'article 1 et
définir "entreprises".
M. Morin: Ah!
M. Saint-Pierre: Je n'ai pas mon dictionnaire Robert, mais on
pourrait dire...
M. Bonnier: Bien oui...
M. Saint-Pierre: Entreprises...
M. Bonnier: On ne l'a pas défini ici.
M. Saint-Pierre: On ne l'a pas défini, mais on aurait pu
définir le mot pour être plus explicite, comme étant...
Mais là, il ne faudrait pas se trom- per... On avait la
définition d""entreprises" dans les règlements. Voulez-vous que
je vous la donne?
M. Bonnier: S'il vous plaît, oui.
M. Saint-Pierre: Ce n'est pas accepté, les
règlements. Je les vois pour la première fois. Ceux-là,
pour la première fois, mais pas les autres. "Une unité
économique et juridique dans laquelle sont groupés et
coordonnés les facteurs de production qui concourent à la
transformation d'une matière quelconque, que cela soit une
matière première ou une matière qui a déjà
subi une ou plusieurs transformations pour en obtenir un produit. "
M. Bonnier: C'est la coopérative qui... Mais voyez-vous la
nécessité de le mettre quand même dans le projet de loi?
Non.
M. Saint-Pierre: Peut-être que non. Je pense que tout est
très clair. Alors, l'article 12 est adopté, M. le
Président.
M. Morin: Un instant.
M. Saint-Pierre: Non? Oui. Je m'excuse.
M. Morin: Le premier alinéa ne pose pas de
difficultés particulières.
Le Président (M. Gratton): Ce qui veut dire que
l'amendement proposé par le ministre pour remplacer le mot "seul" par le
mot "principaux" est adopté.
M. Morin: Je n'ai pas d'objection. Le Président (M.
Gratton): Adopté.
M. Morin: Maintenant, le second alinéa nous dit que les
critères servant à identifier les entreprises faisant partie de
la catégorie des petites et moyennes entreprises du secteur
manufacturier sont déterminés par règlement.
On ne peut vraiment pas juger de la valeur du projet de loi sans
connaître ces règlements. Le ministre disait tout à l'heure
qu'il allait les déposer aussitôt que possible après
l'adoption du projet de loi, mais il avouera que c'est bien essentiel pour
savoir exactement de quelles petites et moyennes entreprises il s'agit.
M. Saint-Pierre: Je dois dire ici, cependant, que l'article 12
n'est pas le fruit de la discussion que nous avons eue tantôt sur la
grandeur, les dimensions de l'entreprise. C'est beaucoup plus sur la
définition, à savoir quelle est l'entreprise dans le secteur
manufacturier. On a toujours le problème... J'en ai un que je me
rappelle d'espèce. Qu'arrive-t-il à une entreprise comme
Lumicolor ou Direct Film? Il y a un secteur de distribution, mais il y a un
autre secteur où on a fait des investissements de machinerie. On est
capable de faire la preuve qu'on entre de la matière première, du
papier, des acides et qu'on en sort un produit fini. Ce sont des
caractères marginaux.
Par règlement, on fait intervenir les classifications du bureau
de la statistique pour établir carrément si telle entreprise est
du secteur manufacturier ou non. C'est dans les articles subséquents
qu'on touchera peut-être le point que vous aviez à l'esprit:
quelle est la taille, les dimensions de l'entreprise pour être capable de
satisfaire la notion de petites et moyennes entreprises.
M. Morin: Le ministre va-t-il écarter certains types
d'entreprises manufacturières?
M. Saint-Pierre: Non. Ce n'est pas notre intention. Notre
intention est que la loi vise l'ensemble du secteur manufacturier et n'a pas
pour mission de changer la structure industrielle, de délimiter des
entreprises qui sont meilleures que d'autres, des secteurs traditionnels par
rapport à des secteurs de pointe. C'est l'ensemble du secteur
manufacturier où, après diagnostic, on pointe du doigt un
problème de sous-capitalisation qui touche aussi bien des entreprises du
textile dans la Beauce qu'il peut toucher des entreprises du cuivre ou de la
chaussure dans la région de Québec qui ont aussi besoin de
capital.
M. Morin: Mais, si c'est aussi général et vague que
cela, ça rejoint certaines des craintes que j'exprimais plus tôt
ce soir.
M. Saint-Pierre: C'est très spécifique. Cela
rejoint l'entreprise québécoise.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: Je ne vois pas pourquoi on va commencer à
enlever les entreprises québécoises...
M. Morin: Si toutes les PME sont incluses, quelle que soit
l'industrie, et, de surcroît, sans que soit établi un minimum
investi dans des entreprises à risque plus élevé, on
pourrait avoir un réseau de SODEQ qui investirait exclusivement dans des
entreprises très rassurantes, disposant, naturellement,
déjà de tout le capital nécessaire sans qu'il ne soit
nécessaire d'accorder cette prime que vous accordez à ceux qui
investissent dans les SODEQ, c'est-à-dire une exemption
d'impôt.
M. Saint-Pierre: Je regrette. Le projet de loi tel que
conçu est l'ensemble du secteur manufacturier.
M. Morin: Mais le ministre admet qu'il pourrait se ramasser avec
des SODEQ investissant exclusivement dans des secteurs traditionnels où
il n'y a pas de capital de risque.
M. Saint-Pierre: Je suis plus ou moins d'accord. Les
boulangeries, ceux qui sont dans le domaine du cuir, tout ça, ce sont
des secteurs où souvent la rentabilité est moindre et où
les besoins de capitalisation pour rester réellement à la page
sont peut-être plus grands que dans une entreprise moderne.
Quelle est la grande tragédie de bien de nos secteurs
traditionnels, même les pâtes et papiers prenons cela comme
cas d'espèce le meuble et le textile? Ce sont des gens qui, au
fil des années se sont satisfaits, compte tenu de l'industrie qui
était à faible capitalisation et beaucoup de main-d'oeuvre, de ne
pas investir dans... Prenez Tricofil, si vous voulez en parler, l'entreprise
Gro-ver, si ce n'était pas un des problèmes, au fil des
années, de ne pas avoir investi, comme les Japonais le faisaient, dans
l'industrie du textile. Conséquemment, on se retrouve avec des machines
qui sont désuètes par rapport à celles des pays en voie de
développement qui ont généralement ou qui peuvent avoir,
dans ces secteurs, des industries plus modernes.
Je maintiens que le projet de loi ne vise pas à transformer la
structure industrielle du Québec. Il vise à aider la
capitalisation du secteur manufacturier et peut-être que je rejoins des
préoccupations exprimées par les caisses d'entraide
économique. Dans bien des régions, si on impose des limitations
dans le sens que vous proposez, cela n'aidera pas du tout la région.
J'ai visité la Beauce, il y a des affaires très dynamiques, mais
c'est dans la fonderie et dans des choses semblables. Si vous leur imposez le
plastique et la pétrochimie et je ne sais quoi, la Beauce va
être...
M. Bonnier: Non seulement, M. le Président, non seulement
on n'aiderait pas les régions, mais je pense que, si on se
réfère à la situation du Québec et des
épargnants québécois, je pense qu'ils ont besoin de
s'apprivoiser dans bon nombre de cas. C'est ce qu'ils vont faire à
travers leur SODEQ et, tranquillement, ils vont peut-être s'apercevoir
qu'ils peuvent faire des pas beaucoup plus grands. Je pense que les SODEQ ne
sont pas les seuls investisseurs dans le développement économique
du Québec. Il va continuer à y avoir d'autres types
d'entreprises, d'autres types d'épargnants également qui vont
investir dans le développement industriel du Québec. Je pense que
vouloir enfermer les SODEQ dans des types d'entreprises spécifiques
risquerait peut-être de vouer à l'échec un bon nombre de
SODEQ et on n'en verrait pas beaucoup surgir de terre.
M. Morin: Un des points qui me chicote est le suivant. Dans le
cas de l'aide apportée par la SDI aux entreprises, il peut se faire que
la SDI puisse favoriser, par exemple, l'implantation de tel type d'usine dans
telle région plutôt que dans telle autre. N'est-ce pas? C'est
même l'une des idées fondamentales de la SDI. Elle peut, à
condition qu'elle soit bien gérée, favoriser les régions
par rapport à Montréal; elle peut favoriser des fusions, etc.
Tandis qu'avec ce projet de loi, il n'y a plus de contrôle gouvernemental
sur qui investit, où...
M. Saint-Pierre: II y a confiance dans les régions, de se
doter elles-mêmes d'un instrument nouveau.
M. Morin: Oui, mais ce n'est pas complété par un
plan régional ou par des objectifs régionaux.
Une Voix: II faut avoir confiance dans les
Québécois.
M. Morin: Ce n'est pas la question. Il faut, pour que ce soit de
bons administrateurs, qu'il y ait un plan d'ensemble, qu'ils sachent où
ils vont et que ce qu'ils tentent de faire dans une région ne soit pas
contrecarré par ce qu'une autre SODEQ fait dans une autre région.
N'est-ce pas? Ce danger a dû vous effleurer aussi par moment. C'est cela
qui me laisse un arrière-goût hésitant.
M. Saint-Pierre: C'est évident. Je comprends votre
arrière-goût. Il est cohérent avec d'autres positions que
vous avez prises, en ce sens que si j'avais adhéré à votre
parti, peut-être que je prônerais une société
comment l'appelez-vous encorede récupération industrielle.
Comment l'appelez-vous dans votre programme?
M. Morin: Pas de récupération. De
restructuration.
M. Saint-Pierre: La société de restructuration
où l'Etat s'en vient des régions et ramasse tout le monde et les
met ensemble et les groupe. Ce n'est pas ce que nous faisons dans le moment.
Ici, ce qu'on donne, c'est aux Québécois eux-mêmes de se
doter d'instruments qui sont en plein dans leur région pour pouvoir
investir dans les entreprises de leur région. Mais tout le temps, ce
sont des Québécois qui sont actionnaires, des
Québécois qui sont administrateurs, des entreprises
québécoises qui sont aidées. C'est le parti qu'on prend.
On dit: L'Etat n'a pas d'intervention pour autant qu'il s'assure que les normes
d'honnêteté, de bonne gestion soient respectées et qu'il
obtient des rapports sur...
M. Morin: Avez-vous prévu que les SODEQ puissent se
rencontrer et se concerter. Je pense, par exemple, aux caisses d'entraide,
elles ont une fédération. Je suis sûr qu'elles se
concertent et concertent leurs objectifs, elles essaient de ne pas se marcher
sur les pieds d'une région à l'autre, sûrement, j'imagine
que vous faites ça. On voit arriver un pullulement de SODEQ,
peut-être qui vont se nuire les unes les autres, se marcher sur les
pieds. Qu'est-ce que vous avez prévu pour tenter de pallier une
difficulté comme celle-là?
M. Saint-Pierre: II n'y a rien dans la loi de prévu pour
ça, mais je pense que logiquement on peut s'attendre, que celles-ci vont
se regrouper comme tous les groupes au Québec, qui partagent le
même objectif, se rencontrent à l'occasion.
Le Président (M. Gratton): L'article 12 tel
qu'amendé est-il adopté?
M. Morin: Un instant, M. le Président, je ne suis pas
entièrement rassuré et je trouve qu'on ne doit pas se
précipiter dans l'adoption de ce projet de loi, même si le leader
du gouvernement pousse, ça ne veut pas dire qu'il faut se bousculer et
aller plus vite que ne requiert la sagesse. Est-ce que ça ne serait pas
bon de prévoir dans la loi le regroupement ou une
fédération des SODEQ, de favoriser le regroupement de ces
sociétés?
M. Saint-Pierre: Je ne pense pas, M. le Président. Ce sont
encore des contraintes. Evidemment, dans une région donnée, on va
leur donner des instruments et on dit: Vous êtes obligés de parler
à des gens ailleurs. On les laisse libres de parler, on pense que la
très grande majorité d'entre elles vont se retrouver, ce n'est
pas une structure étatique qu'on établit, c'est un
véhicule qu'on donne à une région.
M. Morin: Ce qui me chicote, c'est que, lorsqu'elles vont
investir dans des entreprises existantes, elles prennent de l'expansion, etc,
le risque est réduit au minimum, c'est probablement du capital de
risque, mais... d'ailleurs, j'ai l'impression que c'est dans ça qu'elles
vont se ramasser pour la plupart.
Mais lorsque, dans une région dynamique, on veut créer de
nouvelles entreprises, etc, je crains que plusieurs régions n'entrent en
conflit parce qu'elles veulent attirer dans leur région, par exemple,
des industries nouvelles dans la machinerie industrielle,
l'électronique, les plastiques, ces secteurs que je mentionnais plus
tôt. Je crains que le ministère ne soit appelé à
jouer un rôle d'arbitre entre les diverses SODEQ. Comment peut-il exercer
ce rôle? Est-ce que vous avez prévu un mécanisme?
M. Saint-Pierre: Pour diriger les investissements? Souvent, quant
à l'investissement, on va tenter de favoriser une région
donnée parce qu'il y a un problème très sérieux de
chômage, ou un problème dans la structure industrielle. Je pense
que la SODEQ serait un véhicule intéressant puisque souvent, on a
quelqu'un de l'étranger, on voudrait avoir une participation
québécoise importante et dans le moment, on va convaincre
quelqu'un d'aller dans la Mauricie, mais on n'est pas capable de trouver un
partenaire de la Mauricie à cause de la spécialisation de
l'étranger; s'il est dans la machinerie industrielle, on se retrouve
tout à coup avec un partenaire qui habite Laval. Après l'avoir
présenté à ce type et une fois que le mariage est
consommé, souvent le partenaire québécois tente de
convaincre l'étranger qu'il ne faut pas aller dans la Mauricie, c'est
à Montréal qu'il faut aller parce que là, on va brasser
plus d'affaires, le marché est plus important et la main-d'oeuvre est
plus abondante, tout ce qu'on veut.
M. Morin: C'est le résultat inévitable du
laisser-faire, l'absence de planification.
M. Saint-Pierre: Bien non, entendons-nous, je pense qu'avec les
SODEQ, dans la Mauricie, on aurait un partenaire qui est un peu enraciné
dans une région donnée, je pense que cela aiderait beaucoup. Il y
a bien d'autres exemples auxquels on peut penser et qui seraient très
utiles. Prenez
une entreprise comme FORANO, si elle pouvait se qualifier dans les SODEQ
en termes de taille, si elle n'était pas trop grande, je pense qu'elle
serait trop grande, mais prenons ça comme espèce. Il y a trois ou
quatre ans, elle aurait pu se qualifier, mais je pense que, dans le moment,
aujourd'hui, si on voulait vendre FORANO à des gens de la région,
c'est assez difficile, ça demande un capital de plusieurs millions, ce
n'est pas facile de monter ça. Mais, voyant les performances de
l'entreprise, qu'elle a bien son rythme de croisière, la SGF pourrait
facilement vendre 50% de FORANO à des gens de la région qui
seraient regroupés dans une SODEQ et là, encore une fois...
Je pense que c'est surtout dans ces types d'entreprises bien
rodées que je vois SODEQ beaucoup plus... Même s'il y a quelque
chose, je mets les SODEQ en garde contre les aventuriers qu'on a vus dans bien
des projets communautaires, Cabano est un bon exemple au départ,
où il y a toujours quelqu'un qui est prêt, pour une commission
donnée, à vendre quelque chose.
M. Morin: II y a un aventurier dans le cas de Cabano?
M. Saint-Pierre: II y a des aventuriers dans le cas de Cabano.
Demandez ça aux gens de Cabano eux-mêmes, ils sont à
même de vous le dire.
M. Morin: Sûrement pas ceux qui ont mené le
projet.
M. Saint-Pierre: Non, mais ceux qui étaient les tout
premiers conseillers du groupe au départ.
M. Bonnier: C'est un Belge, je pense.
M. Saint-Pierre: Le président est Belge comme M. ...
M. Morin: Ah oui!
M. Bonnier: Mais, M. le Président, je pense que le chef de
l'Opposition oublie peut-être tous les services que le ministre de
l'Industrie et du Commerce est habilité à rendre, tant au niveau
du marketing qu'au niveau de la production et qu'au niveau même de la
recherche.
A l'article 28, il reste que le ministre peut toujours révoquer
un certificat, si la SODEQ ne répond pas à ses objectifs. A ce
moment-là, le ministre a quand même un bon bâton dans les
mains.
M. Saint-Pierre: L'article 28?
M. Morin: Oui, c'est bien tard, à ce moment-là.
M. Bonnier: C'est-à-dire qu'il laisse la liberté
aux gens de s'exprimer et de trouver les initiatives nécessaires, en se
servant des services qui sont déjà offerts par le
ministère de l'Industrie et du Commerce, quitte, par après, si
elles ne sont pas capables de fonctionner pour que ce soit conforme aux
objectifs poursuivis, à révoquer le certificat.
M. Morin: Mais là, le ministre a dit quelque chose que je
trouve intéressant. C'est la première fois qu'il le dit aussi
clairement, quand il dit que ces SODEQ vont être, somme toute,
appelées à investir dans des entreprises bien établies.
C'est ce que je disais tout à l'heure, ce n'est pas du capital de
risque.
M. Saint-Pierre: Entendons-nous. Ce sont des
Québécois. Quels étaient les objectifs? C'était de
freiner des dépenses de consommation inutiles. Le chef de l'Opposition
va être d'accord que les Québécois, peut-être sur
cela, pourraient avoir un taux d'épargne beaucoup plus
élevé que ce que nous avons actuellement.
On ne peut pas freiner cela et dire aux gens: Investissez dans je ne
sais pas quoi. Alors, on les fait investir dans des choses qui sont près
d'eux. Ce que je dis, c'est que si la SODEQ peut simplement devenir un
véhicule, comme l'ont été les caisses d'entraide
économique sur d'autres volets, où les gens vont freiner des
dépenses de consommation, vont épargner davantage et vont
investir dans des sociétés de chez nous qui vont bien, que ce
soient des sociétés traditionnelles ou autres, elles vont en
prendre dans les deux, j'en suis certain. Est-ce que ce n'est pas un bon moyen
d'être plus maître de notre économie? Tant que tout le monde
va avoir des objectifs de vie qui sont plus orientés vers la
consommation que vers l'épargne, ce ne sont pas les autres qui vont nous
donner les entreprises.
Prenons Forano. Cela va bien. Mais pourquoi les gens de Plessisville
n'investiraient-ils pas dans Forano et ne retireraient-ils pas des dividendes?
Cela ne serait-il pas le meilleur véhicule d'éducation
économique? Même pour les syndiqués, cela ne serait-il pas
une façon de voir ce que c'est qu'une entreprise? Aujourd'hui, souvent,
le monde de l'entreprise apparaît comme un vrai mystère à
trop de Québécois.
M. Morin: Si je comprends bien, les SODEQ, ce n'est pas tellement
pour le capital de risque, c'est pour amener les gens à entrer dans le
système?
M. Saint-Pierre: C'est vous qui dites cela. Le capital de risque,
c'est vous...
M. Morin: J'écoute le ministre et c'est un peu ce qu'il
nous dit. En fait, si le ministre veut bien convenir qu'il ne s'agit pas de
capital de risque et éviter d'utiliser des expressions comme
celle-là dans l'avenir, je veux bien en convenir.
M. Saint-Pierre: Je prends l'étude qu'on nous a remise,
simplement pour dire que je ne suis pas le seul à utiliser cela.
J'admets que, pour vulgariser, quelquefois, il faut se comprendre. Je voyais,
en première page de l'étude qui nous a été remise
ce soir, la définition de M...
M. Morin: De quelle étude?
M. Saint-Pierre: De M. Birk, ce dont la Cham-
bre de commerce nous parlait ce soir, qui avait été
présentée à l'Association canadienne d'études
fiscales, le 14 mai 1976, à Montréal, et je cite textuellement la
première page: "La SODEQ est une corporation du secteur privé
ayant pour but de fournir du capital de risque et de corriger les faiblesses
dans la gestion des PME". Il continue à "C'est
l'interprétation...
M. Morin: II s'est fié à vos discours, mais pas au
projet de loi, si je comprends bien.
M. Saint-Pierre: II avait le projet de loi, mais je ne sais pas
s'il avait mes discours.
M. Morin: En tout cas. Je n'ai pas l'intention de traîner
cet argument ad vitam aeternam, à la condition que le ministre appelle
les choses par leur nom et cesse de nous parler de capital de risque.
En fait, ces SODEQ vont probablement tendre à être
très conservatrices dans leurs investissements. Je pense que le ministre
va être d'accord avec moi. Il semblait même il y a un instant le
souhaiter.
M. Saint-Pierre: Non, une influence libérale, chez
certaines relations.
Le Président (M. Gratton): L'article 12 est-il
adopté?
M. Morin: Pour l'article 12, M. le Président, ça
va.
Le Président (M. Gratton): Adopté tel
qu'amendé. Article 13.
M. Morin: Ça va.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 14.
M. Morin: Un instant, voulez-vous? Sur l'article 13, ça
va, mais j'aurais pu faire les mêmes remarques qu'à l'article
3.
M. Saint-Pierre: Adopté?
M. Morin: Oui, l'article 13 est adopté.
M. Saint-Pierre: Article 14?
M. Morin: Article 14.
M. Saint-Pierre: L'article 14, c'est simplement pour que, si le
siège social de l'entreprise est établi à
Jonquière, par exemple, des gens de Montréal ne puissent pas
prendre le contrôle de cette entreprise et la déplacer à
Montréal.
M. Morin: Ne pourriez-vous pas prévoir dans la
réglementation des dispositions qui empêcheraient ce genre de
situation de se produire? Là, vous intervenez...
M. Saint-Pierre: On les met dans la loi.
M. Morin:... après coup, si je comprends bien. M.
Saint-Pierre: Non. M. Morin: Non?
M. Saint-Pierre: "Aucun règlement de la
société changeant son nom n'entre en vigueur s'il n'a
reçu...
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: ... l'approbation du ministre ". C'est une
limitation qu'on met à la charte même de la SODEQ. Si le
siège social est à Jonquière et qu'on veut le
déplacer à Chicoutimi, il semble que la bataille ne commencera
pas là. On va dire oui. Si quelqu'un de Montréal avait pris le
contrôle de celle du Saguenay et voulait la déplacer de
Jonquière à Montréal-Nord, on pourrait dire non, parce
que, finalement, c'est un instrument qu'on avait donné à la
région du Saguenay.
M. Morin: Sans aller jusque-là, sans aller jusqu'au
transfert d'un siège social d'une région dans une autre, la
possibilité reste que des gens de l'extérieur puissent prendre le
contrôle d'une SODEQ dans une région.
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: N'estimez-vous pas qu'il devrait y avoir des moyens
d'empêcher cela, puisque, si j'ai bien compris, l'un des objectifs des
SODEQ, c'est d'identifier la société au milieu, d'amener le
milieu à participer au développement de sa propre
économie?
M. Saint-Pierre: Mais, par le biais du siège social de
l'entreprise qui est dans une région donnée, on pense que les
gens de la région vont être portés à plus
s'identifier à la SODEQ du Saguenay qu'à la SODEQ de l'Estrie. On
a déjà, à l'époque, analysé la
possibilité de diviser la province par des frontières très
rigides et d'empêcher la souscription de capital à
l'extérieur de ces frontières, de même que l'investissement
à l'extérieur de ces frontières. Mais, à l'analyse
et après discussion avec bien des groupes, il semblait que ce
n'était pas une approche qui était valable, en ce sens que
souvent un type du Saguenay peut être envoyé temporairement
à Montréal et préférer continuer de souscrire
à la SODEQ du Saguenay. Il ne fallait pas l'empêcher parce qu'il
était résident à l'extérieur du territoire.
De même, il peut arriver que des SODEQ, dans des régions
données, comme les banques, se retrouvent soit dans des positions de
surplus ou de déficit par rapport aux projets d'investissement qui leur
sont soumis. Il se pourrait qu'une SODEQ donnée ait plus de capital que
de projets dans lesquels elle peut investir et que, dans la région
voisine, ce soit l'inverse. On a une certaine flexibilité, mais on pense
que, fondamentalement, à cause de ses origines, la SODEQ du Saguenay va
être largement dominée par des actionnaires du Sague-
nay, par des administrateurs du Saguenay, à toutes fins
pratiques.
M. Bonnier: M. le Président, est-ce qu'une SODEQ, par
définition, ne peut pas investir partout dans la province?
M. Saint-Pierre: Oui, elle peut investir.
M. Bonnier: A ce moment-là, n'y aurait-il pas avantage,
pour des gens de Montréal, à contrôler celle du
Lac-Saint-Jean, puisque, de Montréal, ils peuvent investir facilement au
Lac-Saint-Jean, s'ils veulent.
M. Morin: Je ne sais pas si j'aime l'idée qu'une SODEQ
puisse investir dans les entreprises situées aux antipodes du
Québec, qui ont peu à voir avec le développement de leur
région.
M. Saint-Pierre: Oui, mais, encore une fois, il peut être
possible qu'au Saguenay on ramasse $2 millions et qu'on puisse placer seulement
$1,5 million et que, pour les autres $500 000, on ait un excellent projet
auquel on veut s'associer sur la Côte-Nord ou à Chibougamau ou
à Val-d'Or. Je pense que l'exemple des caisses d'entraide
économique est révélateur. Il y a des projets où
vous mettez trois ou quatre caisses ensemble; donc, il y a des caisses à
l'extérieur du projet qui viennent en aider d'autres.
M. Morin: Est-ce fréquent? Vous êtes
restés.
Le Président (M. Gratton): Je m'excuse. Je n'ai pas
d'objection à ce qu'on suspende pour poser des questions.
M. Saint-Pierre: Cela arrive à l'époque.
M. Morin: C'est un point sur lequel j'aimerais être
éclairé.
Le Président (M. Gratton): Je m'excuse, M. Martin. Ce
n'est pas pour être plus formaliste qu'il ne le faut, mais mes
instructions sont très claires. Une fois l'étude abordée
article par article, il n'est pas question de poser des questions à des
témoins autres que les membres de la commission.
M. Morin: J'aurais aimé entendre M. Martin sur ce
point.
Le Président (M. Gratton): Moi de même, mais le
règlement ne me permet pas de l'entendre.
M. Morin: Ce qu'on peut craindre, c'est que le ministre y a
fait allusion tout à l'heure le marché montréalais
est toujours plus attrayant que les autres marchés, surtout en
régime de laisser-faire économique.
Je vois d'ici les SODEQ ramassant l'épargne dans les
régions et en investissant une partie qui, peut-être, pour
certaines d'entre elles, est substantielle, à Montréal.
M. Saint-Pierre: Ce sont les gens mêmes de la région
qui auront décidé cela. Ce n'est pas le laisser-faire
économique, c'est la liberté d'entreprise, c'est la
liberté des gens de prendre des décisions.
M. Morin: C'est cela, le laisser-faire économique, c'est
quand...
M. Saint-Pierre: Non, c'est faire confiance aux gens.
M. Morin: Si, au lieu d'aider le développement de la
petite et moyenne entreprise dans les régions, tout cela aboutit
à renforcer encore Montréal, vous pensez si cela aurait
été un beau résultat.
M. Saint-Pierre: Les gens des SODEQ, dans chacune des
régions du Québec, auront à faire leur mea culpa. Ils
auront eu un véhicule pour leur région et ils auront
décidé de développer l'autre. C'est la même chose
si...
M. Morin: Mais, vous ne pouvez pas prévoir qu'ils
investissent un minimum en pourcentage, par exemple, dans leur propre
région?
M. Saint-Pierre: Je fais confiance aux gens des
régions.
M. Morin: Je trouve que c'est une confiance qui, surtout si elle
n'est pas encadrée par une planification économique, peut
rapidement amener des résultats absolument aberrants. Toutefois, je n'ai
pas d'objection à ce que nous procédions avec l'article 14,
Le Président (M. Gratton): Article 14, adopté.
M. Morin: Maintenant, diable! Il est déjà minuit.
J'avoue qu'il nous reste au moins du travail pour une séance.
M. Saint-Pierre: On me demande de continuer.
M. Morin: Tenez. L'heure fatidique. Je veux bien, mais je ne sais
pas à quelle heure on va terminer. Je ne sais pas quel genre de travail
cela va représenter.
Capital-actions
M. Saint-Pierre: On va faire un bout de chemin. Article 15.
M. Morin: L'article 15. Cela va pour l'article 15.
Le Président (M. Gratton): Adopté.
M. Saint-Pierre: Article 16.
M. Morin: Moi, je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Gratton): Article 16?
M. Morin: Oui, accepté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 17.
M. Morin: Le ministre pourrait-il nous expliquer cette
disposition?
M. Saint-Pierre: C'est comme dans la Loi des compagnies, pour
fixer le capital-actions. Comme les actions sont à valeur au pair, on
doit avoir une bonne définition de la structure du capital-actions.
M. Morin: Je ne vois pas à quoi se réfère le
prix total maximum pour lequel les actions peuvent être émises.
C'est cela que j'aimerais me faire expliquer.
M. Saint-Pierre: II y a un conseiller juridique ici, je pense
qu'il va vous expliquer cela.
Yvon Houle, avocat au MIC. C'est qu'habituellement, dans la Loi des
compagnies, lorsqu'on a des actions sans valeur nominale, par les lettres
patentes, on n'a pas à fixer une valeur à nos actions. Etant
donné la teneur du projet, on veut quand même obliger certaines
SODEQ à inclure, dans leurs lettres patentes, pour que cela soit plus
restrictif, la valeur comme telle, soit $10, $100, selon la région. On
pourra fixer ce prix de deux façons: par règlement, par
région, ou encore le ministre pourra décider de l'inclure
immédiatement dans les lettres patentes pour être sûr et au
cas où ces actions prendraient plus de valeur. A ce moment, si elles
veulent procéder à une nouvelle émission, il faudra
procéder à une réduction ou à un "split". Ce sera
la façon de procéder.
M. Morin: Bien, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Article 17, adopté.
Article 18.
M. Morin: Un instant.
Oui, c'est la conséquence de ce qui précède.
Le Président (M. Gratton): Adopté? M. Morin:
Pas d'objection.
Le Président (M. Gratton): A l'article 19, je pense que le
ministre a un amendement.
M. Saint-Pierre: A l'article 19, dans le texte soumis, M. le
Président, la première partie de l'article est déjà
amplement couverte par l'article 46d) du projet de loi. Le texte amendé
se lirait comme suit: Article 19 amendé: "Le lieutenant-gouverneur en
conseil peut, par règlement, déterminer le prix total maximum de
chaque émission d'actions d'une société." Enfin, c'est le
capital action autorisé.
Le Président (M. Gratton): Est-ce que...
M. Morin: Combien de... Je m'excuse, M. le Président. Vous
alliez dire quelque chose?
Le Président (M. Gratton): Oui, j'allais simplement
demander si l'amendement, tel que proposé, était
adopté.
M. Morin: Je voulais demander au ministre combien de
sociétés sont prévues d'ici un an.
M. Saint-Pierre: S'il y a une demande, à peu près
une dizaine.
M. Morin: A peu près une dizaine. Y a-t-il des
régions qui seront privilégiées au départ?
M. Saint-Pierre: Tout dépend. Compte tenu du fait qu'il y
a 60% de l'activité manufacturière, de la valeur ajoutée
qui se trouve dans la grande région de Montréal, j'en voyais
trois sur dix, 30% des SODEQ... Je m'excuse, quatre dans la région de
Montréal.
M. Morin: Sur dix?
M. Saint-Pierre: Quatre sur dix... Enfin, je ne voudrais pas me
fixer... Trois sur dix, je m'excuse, dans la région de Montréal.
Après ça, on peut penser à la Mauricie, à l'Estrie,
au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui vont sûrement être capables de
faire une SODEQ, et à la région de Québec. Donc, trois
plus quatre, nous en avons sept. Il en reste trois autres. Est-ce que ce sera
en Gaspésie, sur la Côte-Nord, dans la région de
l'Outaouais, dans l'Abitibi? Cela va dépendre un peu, mais il y en aura
à peu près une dizaine. Il me semble qu'après, cela va
nous prendre quelques années de recul pour être bien capables d'en
surveiller le fonctionnement.
M. Morin: M. le Président, pourriez-vous relire l'article
tel qu'amendé?
M. Saint-Pierre: C'est le texte que je vous ai remis. Je le
relis, M. le Président. "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par
règlement, déterminer le prix total maximum de chaque
émission d'actions d'une société."
M. Morin: Pas d'objection.
Le Président (M. Gratton): Le texte original de l'article
19 est rejeté et remplacé par le texte déposé.
Article 20.
M. Morin: Un instant.
Certificats d'actions
M. Saint-Pierre: II fallait prévoir une disposition dont
on espère ne pas avoir à se servir, mais par laquelle les
actionnaires prenons un cas extrême vont
bénéficier d'un crédit d'impôt de 25%, pour un
montant total de $250 000, et la société ne fait aucun placement,
enfin, tourne en rond ou fait faillite, n'importe quoi... Il y a une
disposition permettant de rembourser, parce que l'objectif pour lequel la
société s'était engagée à travailler n'a pas
été atteint.
M. Morin: Vous avez mentionné le cas de faillite.
Effectivement...
M. Saint-Pierre: Faillite, je ne sais pas... J'imagine que la Loi
de l'impôt s'appliquerait. Les réclamations du ministre du Revenu
s'appliquent comme dans d'autres cas de faillite. C'est peut-être...
M. Morin: Est-ce qu'il s'agirait d'une créance
privilégiée en cas de faillite?
M. Saint-Pierre: Je ne le pense pas. En cas de faillite, est-ce
que le ministre du Revenu a une créance privilégiée? Vous
dites que oui. Je suis ingénieur, alors, je répète que
oui.
M. Morin: Ce serait le ministre du Revenu... M. Saint-Pierre:
C'est ça.
M. Morin: ...qui disposerait de cette créance
privilégiée. Est-ce que vous pourriez me dire sur quelle
disposition de loi vous vous fondez pour me donner cette réponse? Parce
que nous avons eu un ou deux cas de faillite, M. le Président.je tiens
à le signaler qu'on a étudiés justement, lors de
l'étude des crédits du ministère du Revenu, où il
n'y avait pas de créance privilégiée.
M. Saint-Pierre: Si je me souviens bien des dispositions de la
Loi sur la faillite, il y a un article je ne pourrais pas le mentionner
expressément qui dit clairement que toutes les créances du
gouvernement fédéral sont privilégiées, et il y en
a un autre qui prévoit expressément que les créances du
gouvernement provincial sont privilégiées. C'est exprès
dans la loi.
M. Morin: Et, d'après vous, cet article 20 crée une
créance de cet ordre?
M. Saint-Pierre: On ne mentionne pas qu'il s'agit d'un cas de
faillite nécessairement.
M. Morin: Non. C'est le ministre qui a mentionné la
possibilité de faillite.
M. Saint-Pierre: Cela peut être des individus...
M. Morin: Cela a allumé une lumière tout de suite
dans mon esprit parce que je me souviens des difficultés que le ministre
du Revenu a pu avoir dans des cas de faillite.
M. Saint-Pierre: ... qui, à un certain moment, ne
fonctionnent plus.
M. Morin: Je pose la question au ministre. Cela couvre-t-il la
faillite, effectivement ou cela ne devrait-il pas être
précisé?
M. Saint-Pierre: II me semble qu'ailleurs, j'ai
déjà vu des dispositions pour les faillites, plus tard.
M. Morin: Parce qu'il s'agit d'exemptions fiscales.
M. Saint-Pierre: Oui. Dans la Loi de l'impôt, apparemment,
on prévoit cela.
M. Morin: Ici...
M. Saint-Pierre: Bien ici, je pense que...
M. Morin: ... le cas de faillite...
M. Bonnier: M. le Président, à l'article 30d),
deuxième paragraphe, on dit ceci: "Outre les dispositions de la Loi de
la liquidation des compagnies, toute société ayant
décidé de procéder à sa liquidation" je ne
sais pas si on peut associer cela à la faillite "doit en donner
avis au ministre et lui faire parvenir copie certifiée de la
résolution adoptée à cette fin par l'assemblée
générale de ses actionnaires".
M. Morin: La liquidation et la faillite, ce n'est pas du tout la
même chose.
M. Bonnier: Cela peut être à la suite d'une
faillite.
Le Président (M. Gratton): La commission voudrait-elle
suspendre l'article 20 pendant qu'on fait les recherches et y revenir?
M. Saint-Pierre: On peut suspendre l'article 20.
M. Morin: Oui, j'aimerais mieux.
Le Président (M. Gratton): L'article 20 est suspendu.
Article 21. Adopté?
M. Morin: Je n'ai pas d'objection. Le Président (M.
Gratton): Adopté. Article 22. Conseil d'administration
M. Morin: Un instant. J'aurais ici les mêmes observations
que je faisais à l'article 3. Est-ce que cinq membres, ce n'est pas
indûment limitatif?
M. Saint-Pierre: Par pour le conseil d'administration. Souvent,
dans un tel groupe, on ne peut pas se retrouver. En fait, la loi
n'empêcherait pas... On dit: Au moins cinq membres. Cela
m'apparaît...
M. Morin: Au moins...
M. Saint-Pierre: Encore une fois, ce sont les actionnaires qui
ont le contrôle et si les actionnaires, dans une région
donnée, trouvent qu'ils sont menés par une petite clique, ils
peuvent toujours décider d'élargir le conseil d'administration.
Il me semble que cinq membres m'apparaît normal.
M. Morin: Evidemment, en changeant l'article
3, en mettant le chiffre 10 à la place du chiffre 5, je pense
qu'on a déjà amélioré un peu la situation, mais il
reste le risque que ces SODEQ tombent entre les mains de quelques individus qui
trouvent le moyen de restreindre le nombre de membres.
C'est un des points sur lequel j'ai insisté déjà
à plusieurs reprises et cet article-ci n'est pas fait pour me rassurer
entièrement.
M. Saint-Pierre: Article 22. Adopté?
M. Morin: Je n'ai pas d'objection, mais...
Le Président (M. Gratton): Article 22. Adopté.
M. Morin: ... je ne peux pas dire que je l'approuve.
M. Saint-Pierre: Article 23.
Le Président (M. Gratton): Article 23. Adopté?
M. Morin: Un instant pour l'article 23. Je n'ai pas
d'objection.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 24.
Enregistrement
M. Saint-Pierre: C'est ce dont nous avons discuté
tantôt. Cette espèce d'enregistrement préalable.
Le Président (M. Gratton): Adopté?
M. Morin: Un instant. Quand on parle de ces opérations, on
veut dire aussi bien la perception du capital que, j'imagine, les
investissements cela va de soi mais vous visez surtout ici la
perception.
M. Saint-Pierre: On vise surtout la perception parce qu'en fait,
quant aux opérations, cela prend l'émission de lettres
patentes.
M. Morin: Mais, je veux être bien sûr que je
comprenne. Rien n'empêche qu'avant l'autorisation, il ne se fasse une
certaine organisation et qu'on aille chercher, au moins en principe une
certaine participation. Ce n'est pas cela que vous voulez exclure.
M. Saint-Pierre: Cela dépend. Ce qu'on veut exclure, c'est
quelqu'un qui prétend représenter une SODEQ auprès d'un
investisseur. Il y a une nuance entre quelqu'un qui tente d'organiser ou de
participer avec d'autres... Excusez-moi.
M. Morin: Cela ne vous va pas de travailler tard.
M. Saint-Pierre: Au contraire, c'est l'été qui ne
me va pas. On vise surtout la perception.
Le Président (M. Gratton): Article 24?
M. Morin: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Article 25?
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 26?
M. Morin: Est-ce qu'il va y avoir, à côté de
ce registre, un certain service au ministère de l'Industrie et du
Commerce, destiné à répondre aux besoins des SODEQ et
éventuellement aussi à les surveiller?
M. Saint-Pierre: Cela va être un service relié
à la direction de l'aide aux petites et moyennes entreprises comme les
SODEQ s'adressent aux petites et moyennes entreprises, nous avons, sous la
direction générale des PME, un service particulier.
M. Morin: Je connais ce service, on en a déjà
discuté d'ailleurs, mais quelle va être la nature de ce service?
Est-ce que...
M. Saint-Pierre: Je pense qu'au départ, cela pourra
être simplement un certain nombre de fonctionnaires qui vont être
affectés particulièrement à suivre le dossier des SODEQ et
les aider dans les phases de développement.
M. Morin: Et exercer un certain pouvoir de surveillance?
M. Saint-Pierre: Suivant les rapports qui seront demandés.
On voit plus loin le nombre de rapports qu'on peut demander, l'évolution
des dossiers.
M. Morin: Combien y aura-t-il de fonctionnaires dans ce
service?
M. Saint-Pierre: Cela n'a pas été
déterminé, mais on peut penser, au début, à deux ou
trois et, suivant l'importance que prendront les SODEQ, il y aura plus de
gens.
Le Président (M. Gratton): Article 26, adopté?
M. Morin: Un instant, M. le Président. Oui,
adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 27?
M. Saint-Pierre: Adopté?
M. Morin: Un instant. J'imagine que ce certificat sera
donné sur recommandation du service dont nous parlions il y a un
instant. Adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 28?
M. Morin: A l'article 28c, à quel genre d'obligation
songe-t-on?
M. Saint-Pierre: L'obligation d'investir tel
pourcentage de son capital dans l'entreprise manufacturière.
L'obligation d'avoir atteint $1 million après cinq ans, qu'on a fait
voter à l'article, je ne sais pas, au début. L'obligation de
fournir les rapports annuels demandés avec les détails
pertinents.
M. Morin: Je veux bien comprendre ce qui va se passer. Supposons
qu'une telle société a fait un certain nombre
d'investissements...
M. Saint-Pierre: On les a vues dans les articles 29, 30 et
suivants.
M. Morin: Oui... et que certains sont heureux, d'autres,
peut-être une majorité, sont moins heureux, et que cette
société, peu à peu, tombe entre des mains
d'administrateurs moins compétents et ne remplit plus ses obligations,
ne se conforme plus aux lois et aux règlements qui lui sont applicables.
Si vous révoquez le certificat, qu'arrive-t-il des investissements de
cette société, qu'ils soient bons ou mauvais?
M. Saint-Pierre: C'est comme la liquidation de tout autre actif
qu'on peut rencontrer dans le secteur commercial. Les actionnaires du
départ, c'est comme ceux qui sont propriétaires d'une entreprise
qui décide de faire sa liquidation, reçoivent une quote-part de
leur mise de fonds du départ.
M. Morin: C'est une liquidation que ça provoque. Est-ce
qu'il y a des dispositions qui portent sur la liquidation? Pas dans ce projet
de loi là?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Oui. Ah si, à l'article que mentionnait tout
à l'heure le député de Taschereau, l'article 30,
deuxième alinéa.
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: C'est bien, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 29.
M. Saint-Pierre: Adopté?
M. Morin: Oui, c'est la conséquence de l'article 28.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 30.
M. Morin: Un instant, Pourriez-vous m'expliquer le cas de
révocation, de nullité de plein droit du certificat
d'enregistrement dans le cas énuméré à
l'alinéa d) lorsqu'elle a obtenu des lettres patentes
supplémentaires en vertu de l'article 43. Est-ce qu'il y aurait
là un nouveau certificat d'enregistrement qui serait émis?
M. Saint-Pierre: C'est ça. C'est une société
qui déciderait de se transformer pour ne plus être SODEQ mais
simplement régie par la première partie de la Loi des compagnies.
Elle en fait la demande, en vertu de l'article 43, passe la phase de transition
où elle liquide son passé de SODEQ, et compte tenu c'est
le cas que vous avez évoqué tantôt de ses actifs
importants, continue d'être régie par la première partie de
la Loi des compagnies.
M. Morin: Est-ce que vous pourriez m'expliquer dans quelles
circonstances une SODEQ pourrait être intéressée à
changer son statut de la sorte? Je pense au cas de l'article 43; même si
nous n'y sommes pas encore, M. le Président, l'article 30 s'y
réfère.
M. Saint-Pierre: II y a bien des possibilités, mais
prenons un cas où une SODEQ a un placement dans le capital-actions d'une
entreprise très importante. Prenons un cas comme FORANO et disons que
les gens qui sont actionnaires de la SODEQ trouvent qu'il est plus avantageux
pour eux de ne pas être limités par les dispositions de la SODEQ
qui l'empêchent de prendre le contrôle de l'entreprise et qu'elle
décide de se transformer de société de placement en une
société opérationnelle, c'est-à-dire une
société qui gère l'entreprise FORANO et qui la
contrôle à 80% ou quelque chose comme ça. Le groupe
d'actionnaires pourrait décider de garder quelques placements, les 35%
qu'ils n'ont pas contrôlés et dont ils peuvent disposer à
court terme, et concentrer ces placements dans une entreprise comme FORANO en
n'étant pas restreints par les limitations que nous lui imposons. Elle
demande des lettres supplémentaires qui lui permettent de faire un bris
avec le passé et de continuer. Ce sont des cas exceptionnels, mais il
faut les prévoir, évidemment.
M. Morin: Bien, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Article 30, adopté.
Article 31.
M. Morin: Cela va de soi.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 32.
M. Morin: Aussi.
Investissements
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 33, il y
a un amendement du ministre.
M. Saint-Pierre: L'amendement, M. le Président, je
l'explique. Tel que l'article est décrit actuellement, on pourrait
penser qu'une SODEQ ne pourrait pas investir dans une petite ou moyenne
entreprise qui n'est pas dans le secteur manufacturier, même pour la
proportion de son portefeuille qui excède les 65% dont on a
parlé. Le texte que je suggère serait le premier alinéa de
l'article 33 qui se lirait ainsi...
M. Morin: Est-ce que vous l'avez par écrit?
M. Saint-Pierre: Oui, je vous l'ai distribué tantôt.
Il est toujours dans ça.
M. Morin: Un instant, voulez-vous, je vais le retrouver d'abord,
ça va simplifier.
M. Saint-Pierre: Une petite ou moyenne entreprise dans laquelle
la société est tenue d'investir une partie de ses fonds doit
répondre aux critères suivants au moment où est
effectué l'investissement.
C'est la première partie de la phrase qui est changée. On
voit la notion d'une partie de ses fonds, laissant entendre que l'autre partie
de ses fonds, qui n'est pas sujette à une réglementation,
pourrait, elle, être investie dans une entreprise qui n'est pas
manufacturière ou, strictement parlant, dans des obligations du
Québec et autres choses semblables.
A l'article e), M. le Président, j'aurais également
l'amendement qui n'est pas dans...
M. Morin: Celui que nous attendions.
M. Saint-Pierre: C'est cela. Si elle est une association
coopérative, un syndicat coopératif ou une société
coopérative agricole constitués selon les lois du
Québec.
M. Morin: Nous acceptons l'amendement, M. le
Président.
Le Président (M. Gratton): On commence par rejeter le
texte original de l'article 33 et on le remplace par le nouveau texte, tel que
déposé. Au paragraphe e), on élimine le mot "ou", dans la
première ligne, et après le mot "coopératif", on ajoute
les mots suivants "ou une société coopérative
agricole"...
M. Saint-Pierre: Virgule, "constituée selon les lois du
Québec".
Le Président (M. Gratton): Ces amendements sont tous
adoptés? L'article 33 est adopté tel qu'amendé.
M. Morin: Un instant, M. le Président. Nous avons
adopté l'amendement, je suis d'accord. Mais j'aurais peut-être
quelques questions aux alinéas b), c) et d). On nous dit que la
société ne peut investir dans une PME que si celle-ci
répond aux critères suivants au moment où est
effectué l'investissement: b)si elle est possédée par un
propriétaire unique, ce dernier doit résider au Québec; c)
si elle est possédée par une société civile ou
commerciale, les sociétaires détenant la plus grande partie des
intérêts dans l'entreprise doivent résider au
Québec; d) si elle est une compagnie, les actions de cette
dernière comportant des droits de vote doivent être
détenues en majorité par des personnes résidant au
Québec.
Je me demande pourquoi. Est-ce qu'on se trouve à empêcher
les SODEQ de racheter le contrôle de PME appartenant à des
étrangers? Est-ce que ce projet de loi ne pourrait pas, dans certains
cas, servir au rapatriement de certaines entreprises évoluant dans
certains secteurs intéressants?
M. Bonnier: M. le Président, est-ce qu'on n'a pas dit
précédemment que, par règlement, l'esprit serait que les
SODEQ ne peuvent pas prendre le contrôle de? C'est ce que je
comprends.
La question du chef de l'Opposition serait compréhensible. Cela
faisait partie de nos discussions, je ne le sais pas...
M. Saint-Pierre: C'est cela.
M. Bonnier: II y avait un principe de base.
M. Morin: Ce sont les caisses d'établissement qui
suggéraient l'inclusion d'un principe de ce genre.
M. Bonnier: Oui, la Chambre de commerce également. Mais il
me semble que...
M. Morin: Ce n'est pas...
M. Bonnier: Peut-être que le ministre peut
répondre.
M. Saint-Pierre: Avec la Chambre de commerce également.
Dans toutes les discussions jusqu'à maintenant, on en a parlé,
mais on n'a pas voulu le mettre dans la loi, parce que peut-être qu'il
était préférable de donner une certaine flexibilité
dans cela.
Je vois le point que vous soulevez. Prenons un exemple très
concret. Supposons que pour Prévost Car, une SODEQ et la SDI puissent
récupérer les quelque 85% qui appartiennent à des
Américains.
Ce que je crois comprendre, c'est qu'à supposer que
Prévost Car réponde à la définition ici, parce
qu'elle n'est pas une société appartenant à des
"majoritairement", il faudrait passer par un intermédiaire, dans la
vente.
C'est quand même exceptionnel et je pense que
l'intermédiaire est facile a trouver.
M. Morin: Ou encore le cas de Corbeil vendu à Blue Bird,
dans ce cas-là?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: C'est un cas également fort
intéressant.
M. Saint-Pierre: C'est très facile de contourner cela.
M. Bonnier: II faudrait que ce soit acheté par une autre
entreprise, comme la SDI.
M. Saint-Pierre: Le problème, c'est que dès
qu'on tente d'inclure des sociétés qui n'appartiennent pas
à des résidents du Québec, il y a le danger qu'on
acquière des entreprises qui appartiennent à des résidents
de l'extérieur du Québec et, à ce moment-là, la
notion peut être difficile à déterminer, si leur principale
place d'affaires est au Québec ou pas au Québec.
Si on tente d'avoir une formule qui nous permette de toucher "Blue Bird"
ou l'autre, on risque d'avoir une formule qui va permettre à la SODEQ de
Rouyn-Noranda d'investir à Sudbury, à gauche et à droite,
sous prétexte qu'elle tente d'en faire l'acquisition.
Je pense que le texte actuel est peut-être
préférable. L'objection que vous soulevez est valable, mais je
pense qu'il y a bien des façons de la contourner facilement.
M. Morin: Comment, par exemple?
M. Saint-Pierre: Je pense à la SDI, à l'autre
partenaire qui va sûrement intervenir dans le dossier. C'est facile
à acquérir.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: Les dangers m'apparaissent plus grands qu'en
ouvrant la porte pour inclure des sociétés qui appartiennent
à des non-résidents québécois, on retrouve
finalement avec des investissements qui sont faits à l'extérieur
du Québec.
M. Morin: Si vous précisiez de quoi il s'agit, je pense
que je comprends l'intention du ministre, c'est sans doute d'empêcher
qu'on achète des entreprises situées à l'extérieur
du Québec, mais s'il s'agit d'une entreprise qui est située au
Québec, qui exerce principalement ses activités de production au
Québec, il se peut qu'elle soit la propriété d'un
étranger et je ne vois vraiment pas pourquoi vous empêcheriez la
SODEQ de l'acquérir directement, alors que vous nous dites que ce serait
possible, par des procédés contournés. J'avoue que je
trouve ces dispositions très réalistes.
M. Saint-Pierre: On ajouterait un autre alinéa je
parle pour parler qui dirait que si elle est possédée par
une propriétaire, une société civile ou une compagnie dont
la majorité des actions sont détenues par des personnes
résidant hors du Québec, le placement est autorisé
uniquement s'il fait partie d'une tentative de récupérer
l'entreprise. A-t-on un texte? Avez-vous un texte à nous
suggérer?
M. Morin: J'aurais tout simplement laissé tomber les
paragraphes b), c) et d).
M. Saint-Pierre: Bien non, par exemple. Les paragraphes b), c) et
d) visent 95% de nos cas. Il faut seulement prévoir le cas exceptionnel
de l'entreprise qui...
M. Bonnier: A part cela, ce sont deux opéra- tions
différentes. Dans un cas, c'est l'investissement, dans un autre cas,
c'est une prise de contrôle, un placement.
M. Saint-Pierre: Peut-être que je peux faire une
suggestion?
M. Morin: Oui, vous pourriez peut-être la faire
rédiger plus avant par vos conseillers juridiques.
M. Saint-Pierre: Très bien.
M. Morin: Mais l'idée que je voudrais développer
est qu'on pourrait ajouter une exception qui serait la suivante: "Sauf pour le
cas où il s'agirait d'une prise de contrôle d'une entreprise qui
est propriété ou qui est possédée par des
propriétaires non québécois ou ne résidant pas au
Québec, lorsque la chose est avantageuse pour le Québec" et on
pourrait prévoir aussi une disposition qui soumettrait le tout à
l'approbation du ministre.
M. Saint-Pierre: Vous affectez ma liberté d'entreprise.
Non, il me semble qu'il n'y a pas nécessité de soumettre le tout
au ministre. Chaque fois qu'une entreprise appartient à des
étrangers et que la SODEQ se fait le partenaire d'un autre pour en
récupérer le contrôle au Québec, il me semble que,
dans la loi, on peut dire que c'est avantageux. Il s'agirait d'avoir une
disposition stipulant que si elle est possédée majoritairement
par des gens résidant hors du Québec, la transaction implique le
rapatriement du contrôle de l'entreprise à des résidents
québécois.
M. Morin: Oui.
M. Saint-Pierre: Alors on garde ce point en suspens et on tente
d'avoir un texte qu'on soumettrait demain.
Le Président (M. Gratton): Article 33, suspendu. Article
34.
M. Morin: Un instant, M. le Président, le paragraphe b),
j'aimerais qu'on nous l'explique à nouveau; je sais qu'on l'a
déjà évoqué, mais je voudrais comprendre la
portée de cette disposition.
M. Saint-Pierre: Eh bien, on pourrait avoir une entreprise qui
n'est pas constituée en corporation, soit une coopérative, soit
une société, soit un individu unique, et dans laquelle la
souscription capital-actions est impossible, alors qu'on dit: Elle ne peut
alors se faire sous forme de prêts.
M. Morin: Le paragraphe a) est un peu intrigant aussi.
M. Saint-Pierre: Dans quel sens?
M. Morin: Bien, vous n'autorisez pas la SODEQ à obtenir
une créance garantie par hypothèque, vous l'autorisez à
requérir la cession en sa faveur des sommes assurées en vertu de
police
d'assurance. Est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi l'un est
permis puis l'autre interdit?
M. Saint-Pierre: Alors, le prêt que la loi interdit, c'est
de nantir les biens de la compagnie, de la PME au bénéfice de
SODEQ. Par ailleurs, il sera possible que dans certains cas, les entreprises,
la PME, les propriétaires pourront, histoire de donner un minimum de
garantie sur leur vie, s'il y a une police d'assurance-vie qui est prise, alors
elle pourra prévoir que la SODEQ sera bénéficiaire. Cela
se fait couramment cela, comme les gens de la Davie Ship qui ont obtenu des
prêts. Maintenant tout prêteur habituellement exige une police
d'assurance-vie, c'est ce que la SODEQ pourra obtenir sur un prêt. Ce
sont des pratiques assez courantes.
M. Morin: Oui, c'est vrai que c'est une pratique assez
courante.
M. Saint-Pierre: Alors article 34 adopté?
M. Morin: Oui. Je n'ai pas d'objection, mais je ne peux pas dire
que je concours.
M. Saint-Pierre: Je m'excuse, M. le Président, pour
clarifier 34b, on pourrait faire un amendement, on pourrait ajouter,
après le mot "prêt", à la fin, les mots "non garanti".
C'est implicite, mais seulement pour qu'il n'y ait pas de...
M. Morin: Oui, je crois que cela irait dans le sens des
observations que je faisais plus tôt ce soir; je serais tout à
fait d'accord.
Le Président (M. Gratton): Alors cet amendement voulant
ajouter après le mot "prêt" les mots "non garanti", est
adopté? L'article 34 est-il adopté tel qu'amendé?
M. Morin: Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 35.
M. Saint-Pierre: M. le Président, on avait, à la
quatrième ligne de la fin, les mêmes mots, ajouter "non garanti"
après le mot "prêt".
M. Morin: J'aurais quelques questions, M. le Président. On
nous dit que l'actif de la société doit être
constitué d'investissements à des fins manufacturières
dans la petite ou moyenne entreprise dans des proportions
déterminées par règlement; mais, quelles sont ces
proportions?
M. Saint-Pierre: On parlait de 65% après... M. Morin:
Oui.
M. Saint-Pierre: ... un certain nombre d'années. Cela
c'est par règlement.
M. Morin: Dans le communiqué, vous avez émis un
certain nombre...
M. Saint-Pierre: C'était cela, 65%.
M. Morin: 65% après cinq ans, je crois.
M. Saint-Pierre: C'est cela.
M. Morin: Est-ce que vous vous en tenez pour l'instant à
ce que vous aviez dit dans le communiqué?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Donc le communiqué était également
sérieux lorsqu'il parlait de capital de risque.
M. Saint-Pierre: Si vous voulez.
M. Morin: Un instant, M. le Président, ce n'est pas
terminé. Pourquoi, toujours à l'article 35, on nous dit que ces
investissements doivent être effectués sous forme d'acquisition
d'actions par voie de souscription ou sous forme de prêts non garantis
d'une durée minimum de cinq années, etc. Pourquoi limiter la
durée des prêts à cinq ans?
M. Saint-Pierre: On ne la limite pas, on impose.
M. Morin: Vous imposez un minimum?
M. Saint-Pierre: Oui, la raison, c'est que, d'après les
représentations qui ont été faites au ministère,
les entreprises n'ont pas de difficulté à obtenir du prêt
à court terme. En fait, le principal problème c'est
d'obtenir...
M. Morin: Du prêt à moyen et à long
terme.
M. Saint-Pierre: ... du prêt à moyen et à
long terme.
M. Morin: Oui, je comprends.
M. Saint-Pierre: Oui, l'acquisition d'action c'est pour une
augmentation du capital-actions. Exactement.
M. Morin: Est-ce que vous prévoyez des règlements
pour établir des normes quant à la proportion capital-actions par
rapport aux prêts?
M. Saint-Pierre: Aux prêts non garantis, parce que pour
nous c'est assimilé au même type de placement du capital
privilégié, capital-actions et capital privilégié,
le prêt non garanti, c'est le même type de risque. Ce seraient des
raisons de raison raisonnée, de raison raisonnante si on essayait de
dire lequel doit être...
M. Morin: Est-ce qu'on ne devrait pas ajouter la
possibilité, pour les SODEQ, d'acheter des parts sociales de
coopératives? Parce que de la façon dont c'est
rédigé là, les actions par voie de souscription ou sous
forme de prêts non garantis, cela
ne permet pas, tel que je le lis en tout cas, au SODEQ d'investir dans
une coopérative, sous forme de parts sociales.
M. Saint-Pierre: Je n'ai pas d'objection...
M. Bonnier: Oui, mais quel serait l'avantage à ce
moment-là?
M. Saint-Pierre: Pour permettre, en fait, c'est peut-être
normal...
M. Bonnier: Parce que oui, mais les besoins d'expansion d'une
coopérative, au niveau financier, prennent beaucoup plus la forme d'un
prêt de la part d'une entreprise.
M. Morin: Elles ont besoin de capital social aussi, vous le savez
bien.
M. Saint-Pierre: C'est ce qu'on nous a dit tantôt; en fait,
ce seraient des prêts ou des actions privilégiées.
M. Morin: Oui, cela m'étonne beaucoup que le
député de Taschereau s'oppose à cela.
M. Bonnier: Je pense que ce serait contre, il faudrait d'abord un
amendement aux lois des associations coopératives, parce que seuls
doivent souscrire du capital social les membres qui ont un intérêt
dans la coopérative, un intérêt dans ce que fait la
coopérative, ce que produit la coopérative. Un agriculteur a un
intérêt, un membre de caisse populaire qui fait des transactions
d'épargne et de crédit a un intérêt. Je pense que
là il faudrait faire attention. Moi je ne vois pas que ce soit la
meilleure contribution financière. La meilleure contribution
financière est sans doute sous forme de prêt; mais, sous forme de
part sociale, là ils deviennent des copropriétaires. Quel serait
l'avantage, pour une SODEQ, de devenir copropriétaire d'une
coopérative agricole par exemple?
M. Morin: Oui, mais de toute façon c'est toujours la
coopérative qui va décider si elle émet des parts sociales
ou pas; donc c'est elles qui va prendre la décision. Supposons qu'elle
ait
M. Bonnier: Oui, mais à l'intérieur de sa loi
cependant?
M. Morin: Oui.
M. Bonnier: N'importe qui n'a pas le droit de devenir membre
d'une coopérative comme vous le savez.
M. Morin: Oui.
M. Bonnier: C'est pour cela que je vous demande s'il ne faudrait
pas un amendement à la loi des associations coopératives à
ce moment-là ou des sociétés coopératives agricoles
pour le moins.
M. Morin: Bien, moi j'estime que cela vaut la peine qu'on se
penche sur la question, M. le Président.
M. Bonnier: Vous pouvez peut-être suggérer de la
laisser.
M. Morin: J'aimerais qu'on étudie cette
possibilité-là. Moi je ne l'exclurais pas a priori en tout cas.
Cela répondrait certainement en partie aux critiques que nous faisions
sur l'intérêt de ce projet de loi par rapport aux
coopératives.
M. Bonnier: Moi je ne vois pas a priori quel serait...
M. Saint-Pierre: C'est pour la galerie.
M. Bonnier: Je pense qu'on mélange les choses, M. le
Président.
M. Saint-Pierre: En fait, on se l'est fait dire tantôt
je prends toujours mon exemple de la Coopérative de Dorchester
la SODEQ pourrait faire un prêt non garanti à la
coopérative au niveau du capital privilégié ou quelque
chose comme cela. M. Arès me disait tantôt que c'est par le...
M. Bonnier: Elle n'a pas d'affaire à devenir membre, les
membres sont les producteurs de poulet.
M. Saint-Pierre: C'est par un prêt non garanti, c'est pour
cela que je suis d'accord avec toute la formulation de la première
partie quant à une structure corporative, lorsqu'on parle d'acquisition
d'actions par voie de souscription. Mais lorsqu'on parle sous forme de
prêt non garanti et qu'on a à l'esprit, en particulier, l'article
33e et j'imagine qu'on va en avoir une dans 37 quelque chose... Non, il n'y en
a pas. A l'article 33e, on voit bien qu'elle peut faire un placement dans une
coopérative. La forme du placement est une des deux formes
mentionnées. Comme la première est impossible à cause de
la structure des coopératives, donc c'est la deuxième, le
prêt non garanti. Je suis d'accord avec vous, pour la galerie, cela
ferait plus évident l'aide qu'on veut apporter à la
coopérative. Mais, je suis un peu d'accord avec...
M. Morin: Voulez-vous le...
M. Saint-Pierre: ... le député de Taschereau en
disant: On mêle les cartes un peu et cela ne donne rien de dire des
choses qui...
M. Bonnier: C'est parce qu'une coopérative c'est plus
limitatif qu'une corporation en général.
M. Morin: Oui, bien sûr.
M. Bonnier: Ce sont des membres qui ont un intérêt
spécifique dans les objets que poursuit cette coopérative.
M. Morin: C'est la règle générale.
M. Bonnier: Oui. Bien, c'est la règle particulière
aussi.
M. Morin: Oui, d'accord, mais est-ce que cela exclut a priori que
les SODEQ puissent acheter une part sociale ou des parts sociales?
M. Saint-Pierre: On dit que ce n'est pas possible...
M. Morin: C'est peut-être un moyen de financement...
M. Saint-Pierre: ... actuellement. Je ne suis pas sûr.
M. Bonnier: Pas dans une société agricole. Je ne
peux pas voir, dans une coopérative de transformation comme Tricofil; ce
n'est pas tout à fait une coopérative mais cela s'y rapproche. Y
aurait-il intérêt à ce moment-là... Mais, ils
peuvent acheter des actions. Cela c'est correct. Une SODEQ pourrait acheter des
actions de Tricofil, mais ce n'est pas une véritable
coopérative.
M. Saint-Pierre: La Coopérative de Granby.
M. Bonnier: Seuls les producteurs laitiers sont membres de la
Coopérative de Granby.
M. Morin: Tricofil, ce n'est pas strictement parlant une
coopérative.
M. Bonnier: Non, c'est mitigé. M. Saint-Pierre:
C'est ce que... M. Morin: C'est rudement mitigé.
M. Bonnier: C'est une entreprise à capital-actions, mais
possédée par ses membres.
M. Morin: Autogérée, ce n'est pas la même
chose. N'y aurait-il pas moyen de faire étudier cela, puisqu'on a
suspendu un ou deux articles déjà?
M. Saint-Pierre: C'est bien. Article 35, suspendu. Article
36.
M. Morin: Faites-le étudier aussi.
Le Président (M. Gratton): Avant de suspendre 35 on a
quand même adopté d'ajouter à la huitième ligne,
après le mot "prêts", les mots "nons garantis". Cela est
adopté.
M. Morin: II n'y a pas de difficulté pour cela,
l'amendement a été adopté, mais c'est faire étudier
l'autre possibilité...
Une Voix: Article.
M. Morin: ... l'article 36. Un instant.
M. Saint-Pierre: Cela dit simplement qu'en dehors des 65% tout
est permis.
M. Morin: Bon. Article 36. Y compris des placements dans des
fonds de pension, des obligations étrangères, par exemple!
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Même les obligations
étrangères?
M. Saint-Pierre: Nous sommes les défenseurs de la
liberté de choix des Québécois. Nous avons confiance aux
régions. Les gens vont savoir quoi faire.
M. Morin: Oui. Grands principes pour permettre la fuite de
capitaux, à ce que je vois.
M. Saint-Pierre: Mais voyons, vous n'avez pas confiance aux
Québécois?
M. Morin: Dans une société un peu plus
planifiée, il n'y aurait pas de difficulté mais, dans la pagaille
actuelle, c'est une autre affaires. De toute façon, je ne partage pas...
Je n'aime pas la rédaction de cet article 36, parce que je trouve que
cela va un peu loin. N'y aurait-il pas moyen de faire spécifier que ce
soient des placements à l'intérieur du Québec?
M. Saint-Pierre: Non.
M. Morin: Vous tenez à ce qu'ils puissent faire des
placements à l'étranger.
M. Saint-Pierre: Je n'y tiens pas, mais je leur donne la
liberté. Parce qu'il y a toujours des cas d'exception qui vont
survenir.
M. Morin: Que signifie exactement à l'exclusion,
cependant, de toute mise de fonds dans une autre société? Vous
voulez dire une autre SODEQ?
M. Saint-Pierre: Une autre SODEQ. Société
étant définie comme cela.
M. Morin: Bon. Telle que définie au début.
M. Saint-Pierre: Article 36, adopté? Article 37?
M. Morin: Non, M. le Président, en ce qui me concerne, je
ne suis pas d'accord avec l'article 36.
Le Président (M. Gratton): Adopté sur division
alors?
M. Morin: Adopté sur division. Est-ce que le ministre ne
pourrait pas quand même prendre en considération l'idée de
limiter les placements à l'intérieur du Québec? Est-ce que
ce serait nuire tellement à la sacro-sainte liberté à
laquelle il faisait allusion que de limiter ça à...
M. Bonnier: Qu'est-ce que vous feriez des obligations du
Canada?
M. Morin: Ah! ça, à la rigueur, ça va
encore, mais...
M. Saint-Pierre: II y a tellement d'autres cas possibles. Je suis
certain que dans 98% des cas, c'est ce qui va se passer. Mais vous pourriez
avoir, dans une région donnée, une SODEQ qui s'associe avec une
société dans un projet particulier et qui, à la suite de
bonnes relations avec cette société, décide d'investir une
partie de son montant dans la grande société qui est une
société multinationale ou plus grande. Elle ne pourrait pas le
faire. Je ne sais pas, mais si une SODEQ décidait d'avoir une voix au
chapitre de l'Asbestos Corporation, là, avec votre projet, on
l'empêcherait puisque la société a des activités
à l'extérieur du Québec.
Il me semble qu'il peut y avoir des cas où, exceptionnellement,
c'est préférable, dans l'intérêt du Québec,
d'être associé; dès qu'on le met dans une loi, il y aura
des opinions juridiques disant aux gens: Non, vous ne pouvez pas faire
ça.
Je fais confiance aux gens pour que finalement, ce que vous et moi
recherchons va être accompli.
M. Morin: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Article 36 adopté sur
division. Article 37?
M. Morin: C'est l'article auquel se référait la
Fédération des caisses d'entraide tout à l'heure
lorsqu'elle voulait faire modifier cette limitation. Je pense que, tant dans le
cas du ministre que dans le mien, nous n'étions guère favorables
à la suggestion de la fédération, sur ce point, en tout
cas.
M. Saint-Pierre: A l'article 38, M. le Président, qui est
un peu avec l'article 37 simplement pour mieux le comprendre, j'aurais un
amendement à la cinquième ligne de l'alinéa a), remplacer
"10" par "20". C'est surtout è l'extérieur de la région de
Montréal.
M. Morin: 20?
M. Saint-Pierre: 20%. Au lieu de "plus de 10%, ce sera "plus de
20%".
M. Morin: De personnes ou un groupe?
M. Saint-Pierre: La même chose au paragraphe b), à
l'avant-dernière ligne, où "10" serait remplacé par
"20".
C'est que dans certaines régions données, il y a bien des
gens qui peuvent avoir 15%, 16%, 17% d'une société, et il faut
peut-être élargir notre définition de conflit
d'intérêts.
M. Morin: Je ne sais pas si je suis d'accord, M. le
Président, avec ce changement.
M. Saint-Pierre: Pensez-y...
M. Morin: II me semble que 10% était plus sage.
M. Saint-Pierre: Ce sont les petites régions où on
se retrouve avec des gens qui ont un petit peu d'argent ici et là. 20%
est mon amendement, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): L'article 37 est adopté.
A l'article 38, le ministre propose qu'à la cinquième ligne de
l'alinéa a) et à la sixième ligne de l'alinéa b),
que le mot "10" soit remplacé par le mot "20". L'amendement est-il
adopté?
M. Morin: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Gratton): Sur division. L'article 38
est-il adopté tel qu'amendé, sur division.
M. Morin: Sur division.
Le Président (M. Gratton): Sur division. Article 39.
M. Morin: Un instant. Oui, c'est la sanction. C'est la
conséquence. D'accord.
Rapports
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 40?
M. Morin: Oui, ça va. Pas d'objection.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 41?
M. Morin: Oui, ça va de soi.
Lettres patentes supplémentaires
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 42?
Une Voix: Adopté?
M. Morin: Un instant. Oui, adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 43?
M. Morin: Sur division.
Le Président (M. Gratton): Article 43. Adopté sur
division. Article 44.
M. Morin: Nous en avons déjà parlé. Je ne
vais pas refaire le débat. Cela va pour l'article 44, M. le
Président.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 45.
M. Morin: Adopté.
Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 46.
Règlements
M. Morin: A l'article 46, ne serait-il pas bon de prévoir
un amendement qui déterminerait le pour-
centage maximum du portefeuille pouvant être investi dans une
même entreprise et le pourcentage maximum du capital-actions d'une
entreprise qui peut être détenu par une SODEQ?
M. Saint-Pierre: On croyait le fixer par règlement. On l'a
déjà par règlement. Je peux bien indiquer l'intention du
gouvernement. Au départ, on peut en discuter ici. Alors, ce qu'on
prévoyait...
M. Morin: Etes-vous sûr que c'est prévu dans
l'énumération des points?
M. Saint-Pierre: Oui.
M. Morin: Et ils peuvent faire l'objet d'un règlement?
M. Saint-Pierre: Oui. Article 46 b, au début. M. Morin:
Ce n'est pas très clair.
M. Saint-Pierre: "...les normes quantitatives et qualitatives
applicables à chaque catégorie d'investissement..."
M. Morin: Je crois que cela devrait quand même être
plus clair. Si vraiment, vous voulez inclure le pourcentage maximum du
portefeuille pouvant être investi dans une même entreprise ou
encore le pourcentage maximum de capital-actions d'une entreprise qui peut
être détenu par une SODEQ, je crois que cela devrait être
dit plus clairement que cela.
Le paragraphe b) nous parle des normes quantitatives et qualitatives
applicables à chaque catégorie. Nous ne parlons pas d'une
catégorie. Nous parlons de pourcentage maximum. Le paragraphe e) n'en
parle pas non plus, à ce que je sache. Dans le cas du paragraphe e), il
s'agit du pourcentage maximum d'actions qu'une personne peut détenir
dans une SODEQ. Ce n'est pas du tout la même chose. Ce dont nous
parlons...
M. Saint-Pierre: Je maintiens que, d'après mes conseillers
juridiques, c'est à l'article 46b que nous avions un pouvoir de
réglementation pour déterminer les normes quantitatives et
qualitatives applicables à chaque catégorie d'investissement.
M. Morin: Cela ne me paraît pas clair et j'ai l'impression
que peut-être vous auriez intérêt à clarifier cela.
Si vous êtes d'accord sur le principe, cela devrait être dit plus
clairement.
M. Saint-Pierre: Vous avez une suggestion?
M. Morin: Déterminer le pourcentage maximum du
portefeuille pouvant être investi dans une même entreprise, ainsi
que le pourcentage maximum du capital-actions d'une entreprise pouvant
être détenu par une société.
M. Saint-Pierre: Alors...
M. Morin: Voulez-vous le prendre en considération?
M. Saint-Pierre: C'est accepté. M. Morin:
Accepté?
M. Saint-Pierre: Logiquement, on pourrait le mettre au paragraphe
d) parce que c'est un peu important. Je ne voudrais pas réléguer
cela à la fin...
M. Morin: Non.
M. Saint-Pierre: ... et déplacer tous les autres b), c),
d), e), f), g) qui deviendraient c), d), e), f), g), h).
M. Morin: Bien.
Le Président (M. Gratton): Après le paragraphe b),
ajouter...
M. Morin: ...ajouter...
Le Président (M. Gratton): ...le texte suivant...
M. Morin: Je vais le relire: Déterminer le pourcentage
maximum du portefeuille pouvant être investi dans une même
entreprise ainsi que le pourcentage maximum du capital-actions d'une entreprise
pouvant être détenu par une société.
M. Saint-Pierre: Accepté.
M. Morin: Merci. M. le Président, je crois que cela
améliore sensiblement cet article.
Le Président (M. Gratton): L'amendement est adopté.
L'article 46 est adopté, tel qu'amendé?
M. Morin: C'est adopté, tel qu'amendé. Le
Président (M. Gratton): Article 47? M. Morin: Article 47,
oui, bien sûr. Le Président (M. Gratton): Adopté.
Article 48? M. Morin: Oui, cela va également. Le
Président (M. Gratton): Adopté. Dispositions finales
M. Saint-Pierre: M. le Président, je demanderais
l'ajournement de la commission, puisque les articles 49 et suivants font
actuellement l'objet d'une étude au ministère du Revenu ce soir
et qu'on m'avait averti qu'on ne pouvait me fournir les informations
demandées avant demain matin. Comme ce sont des dispositions fiscales et
que je ne voudrais pas qu'on se trompe, c'est très technique, il se peut
qu'il n'y ait aucune modification, mais, au cas où il y en aurait, il
m'apparaît nécessaire de demander l'ajournement de la commission
sine die, en espérant que l'effort que nous aurons fait jusqu'à 1
heure du matin pourra contribuer à mettre tout le monde en congé
avant la fin de la semaine.
Le Président (M. Gratton): Messieurs, sur ce, je
rappellerai au rapporteur que les articles 20, 33, 35, 49, 50 et 51 sont encore
suspendus. J'inviterai l'honorable député de Laurentides-Labelle,
rapporteur de la commission, à agir avec toute
célérité pour pouvoir présenter son rapport
dès demain à l'Assemblée nationale.
M. Lapointe: Bien entendu.
Le Président (M. Gratton): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 1 h 2)