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Version finale

30th Legislature, 4th Session
(March 16, 1976 au October 18, 1976)

Monday, June 28, 1976 - Vol. 17 N° 113

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 6 — Loi concernant les sociétés de développement de l'entreprise québécoise et modifiant la Loi sur les impôts


Journal des débats

 

Commission permanente de l'industrie

et du commerce, du tourisme,

de la chasse et de la pêche

Etude du projet de loi no 6

Séance du lundi 28 juin 1976

(Vingt heures vingt-cinq minutes)

M. Gratton (président de la commission permanente de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche): A l'ordre, messieurs!

La commission de l'industrie et du commerce, du tourisme, de la chasse et de la pêche est réunie ce soir pour étudier article par article le projet de loi no 6, Loi concernant les sociétés de développement de l'entreprise québécoise et modifiant la Loi sur les impôts. Elle a également reçu pour mandat d'entendre les personnes intéressées par ce projet de loi.

Avant de céder la parole au ministre de l'Industrie et du Commerce, j'aimerais aviser la commission que les membres sont les suivants: M. Bellemare (Johnson), M. Bonnier (Taschereau), M. Côté (Matane), M. Déom (Laporte), M. Harvey (Dubuc), M. Lachance (Mille-Iles), M. Lacroix (Iles-de-la-Madeleine), M. Lapointe (Laurentides-Labelle), M. Lessard (Saguenay), M. Bérard (Saint-Maurice), M. Marchand (Laurier), M. Morin (Sauvé), M. Saint-Pierre (Chambly) et M. Samson (Rouyn-Noranda).

Dès maintenant, je pense qu'il y aurait lieu que la commission désigne un de ses membres pour agir comme rapporteur. Pourrais-je suggérer M. Lapointe (Laurentides-Labelle)? Agréé? Qu'il en soit ainsi.

Je cède immédiatement la parole au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Remarques préliminaires

M. Saint-Pierre: M. le Président, après le débat en deuxième lecture, nous avions convenu qu'avant l'étude article par article du projet de loi il y avait peut-être intérêt à entendre certains groupes qui pouvaient être intéressés de près ou de loin au développement des SODEQ. Nous l'avons fait dans l'esprit de ne pas retarder indéfiniment la législation, donc en tentant tous nos efforts pour qu'avant l'ajournement de l'été le projet de loi devant la Chambre soit adopté et permette un démarrage rapide de l'expérience des SODEQ au Québec.

C'est dans cet esprit qu'à la suite des voeux exprimés en deuxième lecture nous avons invité trois groupes à venir à la commission parlementaire afin de répondre aux questions des parlementaires sur le projet de loi devant nous, tant sur l'objectif même du projet de loi que sur certaines modalités qui pourraient mériter une plus grande réflexion des parlementaires, pour améliorer le projet de loi.

Ces trois groupes sont le Mouvement des caisses populaires Desjardins de Lévis, les Caisses d'entraide économique, et peut-être devrais-je dire, en premier lieu, la Chambre de Commerce de la province de Québec, puisqu'on sait que c'est celle-ci qui, par un comité d'étude qui a travaillé pendant plusieurs mois, sinon quelques années, a formulé au gouvernement l'ensemble des recommandations — c'est peut-être un exemple de la démocratie en action — qui donne aujourd'hui un projet de loi très concret devant nous et qui, demain, pourra déboucher sur des structures bien en place dans certaines des régions du Québec.

Je sais qu'il y a également dans l'assistance M. Gilles Arès, du Conseil de la coopération; même si M. Arès n'était pas invité formellement, il est le bienvenu parmi nous. Il aura peut-être quelques mots à ajouter par après.

Avant que nous invitions les gens à parler, je tiens à rappeler une fois de plus deux éléments: premièrement, les SODEQ ne peuvent être la panacée à tous les problèmes économiques de toutes les régions du Québec. C'est un véhicule que nous considérons complémentaire de ceux qui existent déjà. D'ailleurs, si on relit les recherches qui avaient été faites au temps de la révolution tranquille, c'est un des véhicules qui n'avaient jamais vu le jour, une sorte de société régionale, à caractère privé — cette fois-ci, c'est le choix qu'on a fait — mais qui nous permettait de résoudre le problème de l'entreprise manufacturière, la petite et la moyenne entreprise.

C'est bien sûr qu'il y a dans des régions des problèmes autres que la petite entreprise manufacturière, mais je tiens à préciser qu'il me paraît impossible d'avoir dans un projet de loi une panacée à tous les problèmes du secteur de la distribution, du secteur primaire, de disparité régionale, de tout ce qu'on pourrait vouloir.

Le deuxième point que je tiens à rappeler, tenant compte de l'identité de deux des intervenants ce soir, est que le gouvernement avait retenu le principe que, s'il fallait modifier les lois des coopératives, celles-ci devraient l'être, en toute logique, dans des revues presque annuelles de ces lois constitutives, de sorte que lorsqu'on aborde un élargissement du cadre des lois des coopératives, la question des SODEQ soit un de plusieurs éléments qui peuvent être considérés.

C'est pour cela que, même si au tout départ on avait, dans le projet de loi, certaines dispositions précises pour les coopératives, il a été convenu, avec le ministère des Institutions financières, qu'il serait préférable de regrouper des élargissements de pouvoirs dans les coopératives ou les caisses d'entraide économique, dans les lois constitutives de ces groupes.

Un troisième point que je me permettrais peut-être également d'ajouter, c'est que nous avons eu des suggestions très concrètes qui font l'objet d'étude à différents comités ministériels dans le moment au sujet du développement du secteur coopératif. Je parle en particulier de la Société de développement du secteur coopératif — en fait, peu importe le nom qu'on lui retient — encore une fois, il ne faudrait pas voir dans le fait qu'il n'y a aucune mention de mandat aux SODEQ de développer le secteur coopératif que le

gouvernement a abandonné cette option. Ce sont plutôt des voies parallèles qui ont d'ailleurs été mentionnées dans le discours du trône et dans le discours du budget — je m'excuse, du discours du début de la session — et qui pourraient se retrouver dans des projets de lois particuliers, à l'automne. Ce sont des dossiers qui sont en cheminement.

Une fois ces remarques préliminaires terminées, M. le Président, c'est avec plaisir que, du côté du parti ministériel, nous pourrions entendre les points de vue de ces trois organismes directement intéressés par les SODEQ et qui, sûrement, seront largement responsables d'insuffler, dans les régions, le dynamisme requis pour faire vivre ce que, somme toute, nous n'aurons fait nous-mêmes comme législateurs, c'est-à-dire de donner des structures, de donner des avantages fiscaux, mais, fondamentalement, on sait que les structures, en soi, cela n'atteint pas grands objectifs. Cela prend des hommes pour les faire vivre et sur cela, je pense que les trois organismes qui sont devant nous vont être des piliers dans plusieurs des régions pour faire vivre ces nouvelles structures privées que sont les SODEQ.

Le Président (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition officielle.

M. Morin: M. le Président, je me réjouis également de voir devant nous, ce soir, des organismes qui s'intéressent de près au développement économique du Québec et, en particulier, au développement régional que ce projet de loi, à ce qu'on nous dit, aurait pour objet de favoriser.

Il faut bien comprendre dans quel esprit nous avons voulu que vous comparaissiez devant cette commission, messieurs, car nous avons beaucoup insisté pour que vous puissiez venir vous faire entendre.

Nous avons, lors du débat de seconde lecture, débat portant sur le principe du projet de loi, évoqué un certain nombre de difficultés ou de motifs d'hésitation devant le projet de loi.

Le premier motif que nous avons d'hésiter, du côté de l'Opposition officielle, c'est l'absence de place qu'on fait aux mouvements coopératifs dans ce projet de loi. Du point de vue de la coopération, ce projet ne nous dit, en effet, rien qui vaille. Les SODEQ seront des entreprises privées, financées indirectement par le moyen d'exemption fiscale, par les deniers publics, bien sûr, mais ce n'en seront pas moins des entreprises privées.

Il nous paraît inadmissible que cette loi crée de la sorte une sorte de discrimination à rencontre de l'entreprise coopérative. Je sais bien que, depuis des années, on promet une société de développement coopératif. Encore tout récemment, on a pu constater qu'on annonçait la chose pour la nième fois. C'était le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières qui rappelait, il y a quinze jours à peine, que le gouvernement pourrait participer éventuellement à la mise sur pied d'une future société de développement coopératif.

Mais, cela n'est pas fait pour nous rassurer, car nous avons vu trop de ce genre de promesses remises aux calendes canadiennes, qui ne sont guère plus rapprochées que les calendes grecques. Devant ce projet bien concret des SODEQ, nous ne pouvons faire autrement que de nous interroger sur la place des coopératives dans tout cela.

Il nous paraît, en tout cas, inadmissible de faire financer les SODEQ par l'ensemble de la collectivité et, dans la même foulée, d'exclure les entreprises collectives et communautaires.

Nous avons également d'autres motifs d'hésitation — et je parle par euphémisme quand je parle d'hésitation — nous ne pouvons certainement pas, en principe, être contre un objectif aussi louable, à première vue, que de rendre disponible du capital pour les petites et moyennes entreprises. On ne peut pas être contre la vertu; nous connaissons tous les difficultés que les petites et moyennes entreprises éprouvent à se trouver des moyens de financement.

Nous connaissons tous la sous-capitalisation des PME et cela a toujours été un problème majeur et chronique du secteur manufacturier. Mais si l'objectif est en soi très louable, voire nécessaire, nous ne sommes pas sûrs que les moyens proposés soient les bons. A certains égards, ils nous paraissent même discriminatoires.

Dans sa présentation de deuxième lecture, le ministre a rappelé que ce projet était fondé sur une incitation fiscale qu'il a qualifiée de très forte. En effet, elle n'est pas négligeable, puisqu'il s'agit d'une déduction directe de l'impôt payable par le contribuable dans la proportion de 25% des sommes investies dans l'achat d'actions d'une SODEQ.

Ce qui nous paraît inquiétant là-dedans, ce qui nous rend fort hésitant, c'est qu'on accorde une telle exemption sans que l'actuel texte législatif nous apporte les garanties qu'on serait en droit d'exiger pour que ce traitement de faveur serve effectivement à atteindre l'objectif visé. Ce que nous craignons, c'est que ces entreprises privées ne soient le refuge d'un certain nombre de personnes disposant, bien sûr, de capital qu'elles sont prêtes à investir dans des risques pas trop risqués, si je puis m'exprimer ainsi, et que les SODEQ ne soient, en fin de compte, si nous n'y prenons garde, des moyens d'évasion fiscale légalisés. Je veux dire que ces petites sociétés privées attireraient fort probablement des investisseurs, mais non pas tant dans un esprit de capital de risque — expression d'ailleurs qui n'est nulle part décrite, qui n'est nulle part définie dans le projet de loi mais des gens qui sont en quête de placements sûrs dans les boulangeries, vous voyez, ce genre d'entreprise qui n'a certainement pas besoin d'aide par rapport du moins à certaines autres entreprises du secteur manufacturier qui, elles, sont fortement sous-capitalisées.

Ce que nous craignons, c'est de voir ce projet de loi servir essentiellement à de petits groupes d'intérêt qui cherchent des moyens élégants et légaux de diminuer leur impôt. Je n'y vais pas par quatre chemins, parce que j'estime que nous avons devant nous, ce soir, des gens qui sont ca-

pables de discuter de ces choses et de nous éclairer là-dessus comme parlementaires.

Nous n'avons pas la prétention de tout savoir, mais nous pouvons exprimer des craintes et vous pouvez soit les infirmer, soit les confirmer, soit nous apporter de l'eau au moulin, de l'eau à notre réflexion, avant que nous ne passions à l'adoption définitive de ce projet de loi. Ce sont les raisons pour lesquelles, M. le Président, je suis très heureux de voir ces organismes devant nous et j'attends avec impatience ce qu'ils ont à nous dire.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, l'ordre de ceux qui s'adresseront à la commission sera le suivant: d'abord, la Chambre de commerce de la province de Québec, ensuite le Mouvement Desjardins suivi du Conseil d'entraide économique et possiblement du Conseil de la coopération.

J'inviterais tous ceux qui s'adresseront à la commission de bien vouloir s'identifier pour la bonne compréhension au journal des Débats. J'inviterais immédiatement les représentants de la Chambre de commerce de la province de Québec à nous livrer un court résumé de leur mémoire, s'il y en a un, et à se livrer aux questions de la commission.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Hawey (Ghislain): M. le Président, messieurs, je vais parler au nom du groupe, parce que je présidais le comité qui a étudié... Mon nom est Ghislain Hawey et je présidais le comité qui a étudié, qui a fait ses recommandations au gouvernement. J'ai ici différents spécialistes dans différents domaines qui sont avec nous ce soir et qui pourront, au cours de la discussion, vous donner les explications appropriées, suivant les questions qui seront posées. Je nomme, si vous le permettez, M. le Président, M. Jean-Paul Létourneau, qui est vice-président exécutif de la chambre; M. Paul Gourdeau, qui est président du conseil de Logis-tec Corporation; M. Robert Chevrier, qui est directeur général de la Caisse d'entraide économique; M. Raymond Major, qui est président de Major et Martin; M. Gérald Sutton, de la Société canadienne de développement des entreprises Ltée; M. Jean Richard, qui est vice-président de Greenshields Inc., et M. André Michaud, qui est associé de Fortier, Hawey et Cie.

Ces gens sont disponibles, si vous avez des questions particulières. Nous n'avons pas, M. le Président, de mémoire parce que nous avons été mis au courant de la réunion mercredi dernier seulement.

De fait, nous avions fait la recommandation originelle, de sorte que nous sommes ici pour apporter des éclaircissements comme M. le chef de l'Opposition l'a mentionné tout à l'heure.

Un point sur lequel peut-être je voudrais attirer l'attention, et que M. Morin, je crois, a couvert tout à l'heure, c'est la question des évasions fiscales. C'est une chose, si cela peut rassurer, qui a été énormément discutée au sein du comité. Vous aviez les mêmes équipes.

Vous aviez des équipes de "fiscalités" qui ont été consultées à ce moment. Egalement, cela a été discuté avec des représentants et des fonctionnaires du ministère des Finances à au moins deux reprises. C'est un des sujets qui ont été le plus couverts, effectivement, parce que tout le monde était conscient que cela pouvait causer des problèmes. Maintenant, c'est toujours difficile dans le domaine fiscal de dire qu'on couvre tout et d'être sûr qu'on couvre tout, mais il y a toujours possibilité d'amender au fur et à mesure. Mais, on pense que, pour le moment, les principaux points ont été regardés. Je ne veux pas dire qu'il ne peut pas y avoir des abus à un moment donné et qu'il n'y a pas quelqu'un qui peut trouver une façon de s'évader, mais on pense que les principaux points ont été couverts et, en particulier, certains des spécialistes qui sont ici vont peut-être répondre d'une façon particulière aux détails pertinents que vous aimeriez avoir. C'est tout. Est-ce qu'il y en a qui voudraient ajouter quelque chose?

Le Président (M. Gratton): M. Létourneau.

M. Létourneau: Mon nom est Jean-Paul Létourneau. En référence aux propos de M. le chef de l'Opposition, M. Morin, il y a eu une étude faite récemment par un associé d'une firme qui s'appelle Thome Riddell & Cie, M. Birk, qui a examiné justement l'importance de l'avantage fiscal offert à ceux qui investiraient dans les SODEQ. Cette étude démontre que cet avantage est passablement moins important que ce qu'il a l'air à l'origine. Il nous fait plaisir de déposer devant la commission une copie de cette étude qui a été rendue publique lors d'une réunion de l'Association canadienne d'études fiscales à Montréal le 14 mai dernier. Ceci est un document qui pourra sans doute intéresser, particulièrement, M. Morin. Merci, M. le Président.

M. Saint-Pierre: M. le Président...

Le Président (M. Gratton): Le ministre.

M. Létourneau: Excusez-moi, si vous me permettez, incidemment, concernant ces avantages fiscaux, nous avons examiné ce que propose le projet de loi. Il nous semble qu'ils auraient mérite à être augmentée si on veut que la formule ait l'attirance voulue pour que les SODEQ deviennent un succès.

M. Saint-Pierre: Pouvez-vous être plus précis sur cela, M. Létourneau? Dans l'étude que vous mentionnez, dont j'ai pris connaissance il y a déjà quelque temps, il faut dire que plus l'avantage fiscal est élargi, finalement de la même façon plus le gain sur capital va être considérable, donc plus le contribuable est frappé par la taxation fédérale, de telle sorte que cela donne un peu l'impression que c'est un cercle vicieux. Si vous augmentez de 25% à 50%, bien sûr, le gain sur capital, au lieu d'être $25 sur $100, va être de $50. Le contribuable est frappé par cela, on en a un peu l'impression. Je sais que le mémoire a fait l'objet en fin de se-

maine... Il y a même ce soir des gens du ministère du Revenu. Comment contourner ceci pour lui donner sa pleine incitation fiscale de 25%? Vous-même, quand vous dites que c'est plus, qu'est-ce que c'est? En voulant dire que deux suçons, c'est mieux qu'un ou quoi?

M. Létourneau: Justement, oui.

M. Saint-Pierre: Deux vitamines, c'est...

M. Létourneau: C'est qu'il ne faut pas oublier que ce projet qui est examiné ici est en concurrence dans une certaine mesure avec des projets similaires, de même nature, qui sont présentés dans d'autres Législatures provinciales, notamment en Ontario. A priori — je dis bien a priori, parce que c'est assez difficile à évaluer — il semble que l'avantage fiscal offert en Ontario soit plus incitatif que celui que l'on retrouve dans le projet de loi du Québec.

M. Saint-Pierre: Vous avez...

M. Létourneau: Mais, encore une fois, il y a beaucoup de facteurs psychologiques qui influencent l'investisseur dans ce genre d'institutions, et il est bien difficile, à ce moment-ci, d'en mesurer exactement l'impact.

M. Saint-Pierre: Vous avez fait des études et des analyses pour appuyer ce que vous avancez?

M. Morin: Oui, parce que le ministre a dit le contraire en deuxième lecture.

M. Saint-Pierre: Entre le projet de l'Ontario et celui du Québec, c'est...

M. Létourneau: J'ai bien dit que c'était un examen a priori, que nous n'avons pas d'étude approfondie pour appuyer cela. Tout dépendra de oe que fera le gouvernement fédéral pour appuyer les efforts du gouvernement de l'Ontario, qui a besoin du concours du gouvernement fédéral à cause d'une façon particulière de percevoir ses impôts, et il faut qu'il y ait une collaboration de la part du gouvernement fédéral pour mettre en oeuvre la proposition ontarienne.

M. Saint-Pierre: Non, la proposition ontarienne est déposée.

M. Létourneau: Oui.

M. Saint-Pierre: Elle ne demande aucun accord avec le gouvernement fédéral, puisque, dans le moment, elle s'attaque uniquement à l'impôt sur la compagnie, et, dans le cas de l'Ontario, l'individu ne jouit d'aucune incitation fiscale. C'est la SODEQ qui a un rabais du montant total de l'impôt sur les corporations payable en Ontario, mais comme ce montant est à peine 12% des bénéfices, à sa face même, ça m'apparaît moins intéressant que ce qu'on a au Québec. La seule raison pour laquelle l'Ontario n'a pas pu prendre le chemin du

Québec — ça rejoint peut-être ce que vous vouliez dire — c'est que l'Ontario, ne percevant pas son propre impôt personnel sur le revenu, ne pouvait pas prendre la voie de l'impôt personnel, et la seule possibilité pour elle était de prendre l'impôt sur les corporations, mais qui est limité à 12%, ce qui m'apparaît assez marginal comme incitation. Enfin, si vous aviez des points pour soulever ça?

M. Harvey (Ghislain): M. le Président, on ne veut pas faire un point majeur de cet argument. On ne veut pas non plus faire de comparaisons, parce que les comparaisons sont toujours boiteuses et, dans la loi que l'Ontario se propose d'introduire, il y a énormément d'autres clauses qui font que les avantages peuvent être très différents de ce qu'on croit à l'origine. On vient seulement de l'avoir et de la regarder. Ce qu'on veut, c'est tout simplement faire ressortir qu'on arrive avec un projet nouveau et qu'on pense qu'il y a peut-être une chance d'aider la petite et la moyenne entreprise. S'il y avait possibilité — remarquez que cela a déjà été discuté avec les fonctionnaires intéressés — peut-être, en regardant l'impact fiscal, d'augmenter l'avantage, il y aurait peut-être lieu encore de... Cela donnerait peut-être plus de chance de succès au projet.

M. Saint-Pierre: J'ai trois questions peut-être aux gens de la Chambre de commerce. Je vais les mentionner toutes les trois, M. le Président. On pourra peut-être y répondre.

J'aimerais avoir leurs commentaires premièrement sur le montant de $1 million qui est demandé comme capital souscrit? Est-ce qu'ils trouvent que c'est un objectif trop onéreux, qui leur convient ou quoi? Deuxièmement, leur vue sur le nombre de SODEQ à court terme. Je sais que ce n'est pas textuellement dans le projet de loi, mais j'ai déjà mentionné la nécessité non pas de contrôler, mais de ne pas ouvrir les vannes des SODEQ avant d'avoir la confirmation que le projet est viable et que tout va bien. Si on ouvre ça la première année avec 75 SODEQ, les mésaventures d'une ou de deux risquent d'affecter la crédibilité des autres. Alors simplement, quel est leur point de vue sur le nombre de SODEQ que nous devrions lancer au départ dans l'hypothèse que le projet de loi est retenu? Troisièmement, quel est leur point de vue sur les restrictions qui sont apportées au sujet du secteur manufacturier, c'est-à-dire le pourcentage de 65% restreint au capital de risque, au capital non garanti du secteur manufacturier, par rapport à un projet de loi qui serait, somme toute, très différent, mais qui s'étendrait — il n'y aurait aucune de ces restrictions au secteur manufacturier — à la petite et à la moyenne entreprise, quu'elle soit d'un caractère commercial ou d'un caractère manufacturier lui-même?

M. Gourdeau (Paul): Paul Gourdeau.

Je pense bien qu'en tant que groupe, nous sommes tous d'accord pour que le nombre soit quand même, au début, assez restreint, parce que c'est une expérience. Comme vous le disiez tout à l'heure, il y a eu plusieurs organismes qui ont été

créés depuis quelques années, et c'est au cours des années qu'on s'aperçoit si ces organismes deviennent réellement des instruments de relèvement économique ici, au Québec.

Si le nombre, dès le début, sans avoir expérimenté la chose, était trop élevé, et qu'on permettait la création de SODEQ un peu à gauche et à droite, j'ai l'impression que cela pourrait avoir une conséquence négative. Il faut prendre énormément de précautions à ce point de vue.

M. Saint-Pierre: Qu'est-ce qui vous semble un nombre...?

M. Gourdeau: On a parlé d'une dizaine de SODEQ qui pourraient être créées au cours de la prochaine année ou au cours des deux prohaines années. Personnellement, je crois que c'est un nombre suffisant pour le moment.

Quant au million, comme minimum requis, j'ai quand même l'impression que, si on élevait ce million à deux millions ou à deux millions et demi, cela diminuerait encore le nombre de SODEQ parce que cela ne serait pas tellement facile quand même, malgré les avantages fiscaux, d'aller chercher ces quelques millions parce que c'est quelque chose de nouveau, c'est une expérience nouvelle et on sait qu'ici, au Québec, on n'a peut-être pas cette mentalité du capital de risque.

C'est une éducation qui se fait graduellement et ce million, à notre point de vue... On est satisfait du montant qui est mis là comme minimum et, si cela était augmenté davantage, cela pourrait donner lieu à un effet négatif, pour le moment, du moins.

M. Sutton (Gérald): M. le Président, je suis M. Sutton et je suis le président de la Société canadienne de développement des entreprises Ltée. Je suis l'ex-président de l'Association de Venture Capital Companies of Canada et nous avons soumis, récemment, un mémoire à la Commission Bryce à Ottawa, sur la situation de Venture Capital Companies of Canada. Après cette rencontre, nous avons eu une bonne occasion de discuter avec le sous-ministre des Finances du fédéral, M. Shoyoma, et son député. Je pense qu'il y a un très grand désir de faire quelque chose pour Venture Capital Companies of Canada parce que, l'an dernier, les seize membres de l'Association de Venture Capital Companies of Canada et quatre des seize membres ont terminé leurs activités, pour quelques raisons, et ce sont quatre des plus importants membres de l'association.

La situation de la Venture Companies of Canada n'est pas bonne et l'importance de cette dernière est illustrée par l'expérience des Etats-Unis et une étude faite par la National Association of venture Capital Companies of United States a démontré que 70 compagnies ont reçu $200 millions de venture Capital Companies of Canada en 1970-1972 et ces 70 compagnies on payé en taxe fédérale $140 millions ou $150 millions.

En d'autres mots, la "seed money" de Venture Capital companies of Canada, de $200 millions, a construit 70 compagnies publiques qui ont payé $150 millions en taxe sur cinq ans.

Ces compagnies emploient six mille employés et leurs ventes totalisent $1.6 milliard. C'est une situation qui a été créée par Venture Capital Companies of Canada et c'est l'importance de cette mesure de SODEQ parce qu'il faut qu'on construise pour l'avenir des nouvelles compagnies.

Pour cela, il est important de créer des institutions pour investir les fonds et les "management supports" nécessaires pour les compagnies.

M. Létourneau: Si vous me le permettez, M. le ministre, Jean-Paul Létourneau. Une autre observation concernant — enfin ce que nous avons entendu dire — ce que pourrait être la définition d'une petite entreprise au sujet des actifs du montant maximum des actifs, on a cru comprendre qu'il pourrait être question d'un montant de l'ordre de $7 500 000.

M. Saint-Pierre: D'actif et non pas d'avoir des actionnaires.

M. Létourneau: Pardon. M. Saint-Pierre: D'actif.

M. Létourneau: D'actif, c'est cela. $7 500 000 d'actif.

M. Saint-Pierre: 200 employés.

M. Létourneau: Et 200 employés. Ces chiffres nous sont apparus un peu bas dans le contexte inflationniste que nous vivons. On a pensé qu'ils pourraient peut-être être un peu augmentés.

M. Saint-Pierre: Vous avez des suggestions?

M. Létourneau: On n'a pas réussi à faire un consensus sur les montants exacts. Certaines personnes allaient jusqu'à $15 millions. D'autres allaient jusqu'à 500 employés. Cela dépend beaucoup de la nature des opérations de l'entreprise et cela dépend de ce dont on parle quand on parle d'entreprise. On comprend que cela pourrait peut-être être difficile de fixer, de manière bien juste et équitable, pour des entreprises de différentes natures, les montants maximums qu'il faut considérer pour entendre que ces entreprises sont de petites ou moyennes entreprises. Cependant, si on faisait peut-être la moyenne des chiffres qu'on a entendus, on se situerait probablement autour de 300 employés et au moins $10 millions d'actif.

Le Président (M. Gratton): L'honorable chef de l'Opposition, suivi de l'honorable député de Taschereau.

M. Morin: Est-ce que je peux vous demander une ou deux précisions? Je veux être bien sûr que j'ai compris votre intervention, M. Létourneau. Dois-je comprendre qu'une petite entreprise doit

avoir au moins 300 employés? Je vous ai sûrement mal compris.

M. Létourneau: Non. C'est le montant maximum. C'est le chiffre maximum, c'est le nombre maximum d'employés.

M. Morin: Bon.

M. Létourneau: M. le Président, nous aimerions peut-être, à ce moment-ci, terminer notre intervention et, si vous nous le permettez, nous permettre de revenir à la fin, compte tenu des autres interventions qui pourront être faites devant cette commission.

M. Morin: Oui. M. le Président, j'aurais une question à poser à quiconque voudrait y répondre parmi ces messieurs. Le ministre a beaucoup parlé de la notion de capital de risque dans son discours introductif de deuxième lecture. Or, cette expression ne trouve nulle part sa définition dans la loi. A votre avis — je pose la question aussi bien à ces messieurs de la Chambre de commerce qu'à M. Sutton qui nous a parlé tout à l'heure du "venture capital" — qu'est-ce que c'est, dans votre esprit, du capital de risque?

M. Sutton: Une définition?

M. Morin: Une définition ou une description par des exemples concrets, si vous ne pouvez pas en trouver une définition abstraite.

M. Sutton: C'est très difficile, parce que le "venture capital", cela comprend un "spectrum" pour lancer une compagnie qui finance au départ et, à l'autre extrême, une compagnie qui est peut-être publique, mais qui obtient difficilement les capitaux nécessaires. Généralement, le "venture capital" vient difficilement des sources conventionnelles. Ce n'est pas une bonne définition, mais...

M. Morin: C'est la difficulté d'obtenir des fonds des sources conventionnelles, c'est-à-dire des banques, par exemple.

M. Sutton: II y a une banque, la Banque Toronto-Dominion, qui a un groupe qui s'appelle TD Capital, c'est pour le "venture capital". Mais les autres banques, non.

M. Morin: Si je comprends bien, les SODEQ auraient pour objet d'investir du capital de risque dans des entreprises qui ont de la difficulté à obtenir du financement traditionnel, soit parce qu'elles sont sur le départ de leurs opérations, soit qu'elles soient dans une phase d'expansion et qu'elles n'arrivent pas à trouver le capital nécessaire pour prendre leur expansion. C'est donc par définition, si je comprends bien, un capital qui serait investi dans des entreprises qui, disons, ont de la difficulté à trouver du capital et non pas des entreprises comme, je pense, par exemple, certaines entreprises classiques qui sont toujours très... qui ont un bon rendement sur le capital, l'exemple des boulangeries me vient à l'esprit, et qui ont rarement de la difficulté à trouver le financement nécessaire. Autrement dit, il y a des entreprises manufacturières qui seraient exclues, si tant est que l'objet de ces SODEQ est de fournir du capital de risque. Si le ministre veut préciser sa pensée, je serais très heureux qu'il le fasse.

M. Saint-Pierre: C'est bien sûr qu'on ne parle pas dans la loi de capital de risque, non seulement parce que la définition est difficile, mais parce que ce n'est pas ça l'objet. L'objet, dans ma réponse, je vais m'inscrire en faux contre ce que vous avez dit au départ... Vous allez me permettre de commencer par cela et ensuite, je pense que ça va aider. Vous disiez qu'il n'y a pas de parti pris en faveur des coopératives au départ ou des choses comme ça. Je pense que, si on regarde l'article 33...

M. Morin: Je n'ai pas parlé de parti pris.

M. Saint-Pierre: Vous dites qu'il n'y a rien sur les coopératives. Comprenons bien la loi...

M. Morin: C'est ça.

M. Saint-Pierre: ... c'est un parti pris en faveur des individus résidents du Québec sans aucune exception, donc vis-à-vis des contribuables qui tous bénéficient d'un avantage fiscal. Cet avantage fiscal a une contrainte; elle doit être dirigée vers le secteur manufacturier, qui peut en bénéficier en termes de placement, et c'est là qu'on va vouloir la définition de ce qu'est un placement autorisé et on verra qu'on n'aura pas besoin de la définition de capital de risque. Le placement autorisé doit se retrouver dans l'équité, dans le capital-actions, mais dans le concept de l'entreprise manufacturière, tel que défini dans l'article 33, on voit qu'on est très large en ce sens que ça peut être un propriétaire — c'est l'alinéa b) — si elle peut être possédée par une société civile ou commerciale; à d), ça peut être une compagnie, à condition que la majorité des actions soient détenues par des personnes résidant au Québec; à e), si elle est une association coopérative ou un syndicat coopératif, la majorité des membres doivent résider au Québec. On voit donc que l'investissement se fait dans différents types de sociétés, dont la notion principale est que la majorité du capital-actions et la majorité des membres, dans le cas des coopératives, soient des résidents du Québec.

Maintenant, aux articles 34 et 35, on tente de définir comment se précise cet investissement, c'est-à-dire qu'on exclut du financement à court terme que font d'autres institutions prêteuses, on exclut du financement hypothécaire et on parle de financement de risque, c'est-à-dire de financement d'équité, c'est-à-dire, grosso modo, de prêts non garantis. Je pense que le but de la loi n'est pas strictement, j'ai bien compris l'intervention de M. Sutton, mais généralement, surtout du côté anglophone, on appelle "venture capital" quand même souvent des entreprises qui ont une forte

connotation de nouvelle technologie dont les chances de croissance sont à l'occasion très fortes mais où les risques sont également très grands... Je me rappelle d'études que j'ai déjà lues. Ceux qui se spécialisent dans le "venture capital" admettent que, sur cinq entreprises dans lesquelles ils vont investir, il y en a une qui va être un succès très grand et il y en a quatre ou cinq qui vont avoir... J'ai déjà vu l'analyse des prêts ou des critères d'admissibilité des entreprises privées canadiennes, présumément la vôtre également, sur les prêts qui étaient acceptables. Il y avait cette connotation en général qu'on recherchait, de très forte technologie, de possibilité très grande d'un développement, d'une croissance, d'un profit très grand, mais également de très grands risques. Ceci faisait qu'on acceptait de souscrire dans une compagnie qui s'appellerait un jour IBM ou Xérox, qu'on acceptait également de souscrire dans quatre compagnies dont deux ans après, personne n'entendrait parler, parce qu'elles auraient fait faillite et que, sur le plan de la mise en marché, ce ne serait rien de certain.

Je reviens encore une fois pour dire que c'est dans l'article 34 qu'on voit très précisément, les limitations à l'investissement possible. La notion, c'est que c'est non pas un prêt, mais un placement qui n'est pas garanti par les nantissements habituels qu'on a, soit les prêts hypothécaires ou des choses semblables.

Cela peut prendre la forme de l'équité de l'entreprise, du capital-actions, des actions communes, des actions privilégiées non garanties; ça pourrait prendre également la forme, je pense, si on y regarde ça avec nos conseillers juridiques, de prêts non garantis ou enfin d'un minimum de cinq ans, des choses semblables. Mais il y a cette notion de non-garantie à laquelle on accole le risque d'un placement de risque ou un placement spéculatif, appelons ça comme on veut.

M. Chevrier (Robert): Si vous me le permettez, M. le Président, Robert Chevrier. J'aimerais aussi renchérir sur les remarques de M. Sutton et de l'honorable Saint-Pierre. La définition que la Chambre de commerce a tenté de donner aux SODEQ... Dans son esprit, c'est d'en faire, à long terme, un partenaire d'un industriel quelconque, en ce sens que la SODEQ vise à devenir, dans le secteur industriel, un deuxième actionnaire, un deuxième partenaire pour l'individu qui désire accélérer sa croissance mais qui n'en a pas eu le temps ou dont l'entreprise est trop jeune pour engendrer suffisamment de profits et exploiter son potentiel de marché.

Je m'explique. La SODEQ n'a pas pour but de remplacer d'autres institutions financières prêteuses existantes. Elle a pour but— et je pense que c'est dans l'esprit de la loi et c'était dans l'esprit de la Chambre de commerce — de donner, au niveau des petites et moyennes entreprises, un deuxième partenaire, sur un pied d'équilibre et de parité avec le propriétaire d'une entreprise existante ou d'une entreprise à ses débuts.

Lorsqu'on parle de "venture", en français, on trouve peut-être souvent ce nom strictement asso- cié aux entreprises nouvelles, alors que le "venture" peut aussi s'appliquer dans des entreprises existantes qui, à un moment donné, ont besoin d'un deuxième apport de capital pour reprendre un deuxième souffle.

On prend peut-être un exemple classique. C'est le phénomène des subventions du ministère de l'Expansion économique régionale qui a visé à donner aux propriétaires d'entreprises des moyens de continuer à se développer, sans pour autant s'associer à l'entreprise, sans pour autant participer à sa gestion. Merci.

M. Morin: M. le Président, dans le communiqué de presse qui a été rendu public à la fin du mois de mars 1976 par le ministère de l'Industrie et du Commerce, le ministre lui-même, au moment où il a annoncé le dépôt du projet de loi, nous disait que le pourcentage du capital de risque investi pour une SODEQ, dans les petites et moyennes entreprises, se fera de la manière suivante:

A la fin de son premier exercice financier: 20%; à la fin de son deuxième exercice: 35%; et ainsi de suite; à la fin des exercices subséquents: 65%. Cette notion de capital de risque est absolument cruciale. C'est l'esprit du projet de loi dont on parlait il y a un instant que de trouver, que de mettre à la disposition des PME du capital de risque.

Ecoutant tout à l'heure le ministre commenter l'article 33 et l'article 34, j'avais déjà l'impression que c'était un peu moins risqué que ce qui apparaissait dans le communiqué de presse initial. C'est pour cela que j'insiste sur cette notion de capital de risque. Je comprends que c'est une notion difficile à définir. Mais justement parce qu'elle est difficile à définir et qu'on ne trouve pas, dans la loi, de quoi nous éclairer sur sa portée, je me demande bien ce que cela va être, dans quel genre d'entreprise est-ce qu'on va investir, ou à quel genre d'entreprise est-ce qu'on va faire des prêts.

J'aimerais bien savoir du ministre ce qu'il entend par là, exactement.

M. Saint-Pierre: Comprenons-nous bien, M. le Président. Vous avez évoqué tantôt la question des boulangeries. Je ne sais pas si, dans votre esprit, il serait préférable, ou si le projet de loi serait bonifié si on pouvait exclure au départ une série d'entreprises qui vous semblent sans risque. Je ne sais pas si vous avez investi beaucoup vous-même dans les boulangeries; vous en parlez comme s'il y avait un très bon rendement dans les boulangeries.

Ceci dit, M. le Président, il faut bien se rappeler que ce projet de loi ne vise pas à changer la structure industrielle du Québec. Il y a d'autres lois qui visent à changer la structure industrielle et on ne peut pas donner à toutes les lois tous les objectifs qu'on poursuit. Dans ceci, on reconnaît un problème d'ordre régional, d'ordre de croissance des petites et moyennes entreprises manufacturières. Il y a un parti pris qui est fait en fonction de l'équité dans les petites et moyennes entreprises manufacturières.

Personnellement, cela ne m'empêcherait pas

de dormir si les administrateurs de l'entreprise décident, dans leur région, que c'est mieux d'investir dans une boulangerie.

M. Morin: II faut dire que le rendement n'est jamais bien élevé, pas plus que dans les imprimeries, mais ce n'est pas ce qu'on appelle du capital de risque.

M. Saint-Pierre: Je répète encore une fois que ce qu'on appelle le capital de risque, c'est la différence entre un prêt hypothécaire et un prêt garanti ou simplement les montants d'argent que le chef de l'Opposition et moi-même avons pu investir à la caisse populaire et qui sont garantis par la Loi de l'assurance-dépôts. Cela n'est pas du capital de risque. Les obligations du Québec, ce n'est pas du capital de risque. Mais, quand moi-même et vous-même, strictement, si on investit de l'argent dans le capital-actions de n'importe quelle compagnie qui est cotée à la Bourse, de grandes compagnies, cela est exclus du projet de loi; là on n'est pas certain de ce qui va nous arriver.

M. Burns: Tout capital-actions est du capital de risque dans votre esprit, parce que d'après la définition que vous m'en donnez...

M. Saint-Pierre: Je n'ai pas parlé de capital de risque, c'est vous qui en parlez.

M. Morin: Bien.

M. Saint-Pierre: On parle de...

M. Morin: Ce n'est pas garanti.

M. Côté: Du moment que vous investissez dans le gros, c'est du capital de risque.

M. Saint-Pierre: Cela, c'est un capital de risque.

M. Morin: Ah oui! Cela c'est du capital de risque.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, le député de Taschereau patiente depuis fort longtemps.

M. Lacroix: S'il n'y voit pas non plus, cela va devenir du capital de risque.

M. Morin: Vous voulez dire Laduboro ou quoi? M, Lacroix: N'importe quoi.

M. Bonnier: M. le Président, il est indéniable qu'un des objectifs c'est non seulement de développer l'industrie secondaire au Québec, mais c'est aussi de faciliter la participation d'un plus grand nombre d'épargnants au développement même de l'industrie du Québec. De ce point de vue, est-ce que vous trouvez que le projet de loi est suffisamment attrayant pour les petits épargnants qui pourraient devenir des investisseurs, étant donné qu'au Québec on n'a pas la réputation d'être des investisseurs? On a plutôt tendance à acheter les obligations que des actions.

En second lieu, j'aimerais savoir, des Caisses d'entraide économique, dans quel sens elles pensent contribuer peut-être non seulement au niveau des investissements, mais au niveau de la récupération des épargnes. Est-ce qu'elles ont des plans précis dans ce domaine?

Le Président (M. Gratton): Je permettrais aux gens de la Chambre de commerce de répondre à la première partie de la question. Quant à la deuxième, on pourra peut-être attendre la présentation du Conseil...

M. Bonnier: Je croyais, M. le Président, que les Caisses d'entraide faisaient partie du groupe.

Le Président (M. Gratton): Non, elles viendront plus tard.

M. Hawey: II y a un membre du comité qui est un directeur d'une Caisse d'entraide économique. C'est peut-être cela...

M. Bonnier: Ahl

M. Hawey: C'est M. Robert Chevrier qui... M. Bonnier: Excusez-moi.

M. Hawey: ... fait partie de la délégation de la Chambre de commerce de la province de Québec, mais dont la fonction est d'être directeur-général de la Caisse d'entraide économique de Sherbrooke. C'est peut-être la confusion.

M. Saint-Pierre: Peut-être aux premières questions soulevées par le député de Taschereau...

M. Hawey: M. le Président, pour répondre à la question du député de Taschereau concernant la possibilité de savoir si c'est suffisant, ce que vous vouliez savoir, je pense, pour attirer ou pour inciter l'investisseur à investir dans ce genre de capital, c'était justement le but du comité qui a été créé à la suite du comité qui avait étudié la stratégie du développement industriel dans le Québec. On avait constaté la carence de capitaux pour la petite et la moyenne entreprise. Ces points que vous mentionnez ont été discutés tels quels et avec les mêmes arguments que vous apportez à l'effet qu'on sait que nos gens sont habitués plutôt à investir dans des organismes traditionnels beaucoup plus sécuritaires et c'est pourquoi on mentionnait tout à l'heure qu'on voulait des incitations fiscales et également que, peut-être, s'il y avait possibilité de les augmenter encore, il y en aurait peut-être davantage.

Mais le but, ce qui avait été discuté au comité qui a fait les recommandations, c'était justement d'essayer de canaliser des épargnes qui ne bougent pas dans le moment et de les diriger vers des situations peut-être plus difficiles que les institutions financières traditionnelles financent de nos

jours, que les banques vont financer. Vous avez des cas de petites et moyennes entreprises qui se développent très bien, mais qui, à un moment donné ou à un autre, dans une période de croissance, vont avoir une certaine assistance des organismes financiers et traditionnels, mais à qui il manque un certain capital. Il faudrait que des actionnaires, par exemple, fassent des mises de fonds supplémentaires.

A ce moment, c'est là des fois que vous voyez des entreprises qui ne peuvent pas passer à travers les problèmes auxquels elles font face. C'est là que la SODEQ peut intervenir. Avec une incitation fiscale suffisante, c'est un moyen en tout cas d'essayer de canaliser davantage certaines épargnes, non seulement des individus, mais de certaines institutions qui, avec un bon avantage fiscal, pourraient peut-être se diriger dans ce sens où définitivement le risque sera plus grand.

Le Président (M. Gratton): Est-ce que la commission a encore des questions à l'intention de...

M. Morin: J'ai une question. Je n'ai pas obtenu satisfaction encore sur cette question de capital de risque de la part du ministre.

Il nous a dit en somme: Le capital de risque, c'est un investissement qui n'est pas garanti. Il n'y a aucune charge ou hypothèque qui puisse être exigée par la SODEQ. Les prêts, j'imagine, sont également non garantis de façon hypothécaire. Cela me paraît être une définition très large du capital de risque, ça veut dire que tout capital-actions, c'est du capital de risque. Si ce n'est pas ce que le ministre a voulu dire, j'aimerais qu'il nous dise la différence qui existe entre du capital-actions et du capital de risque...

M. Saint-Pierre: M. le Président, ce n'est pas moi qui ai parlé du capital de risque dans le texte de loi. On a pu évoquer le terme de placement spéculatif ou capital de risque dans un communiqué de presse, mais dans la loi, c'est ce qui compte, c'est ce dont on discute ce soir. Ce que je vous dis, c'est le sens de la loi, elle oblige la partie du portefeuille qui doit être considérée comme placement admissible à ce que ce soit un placement au niveau du capital-actions ou de prêts non garantis auprès d'une entreprise manufacturière, tel que défini par règlement.

M. Morin: C'est ça que vous appelez du capital de risque.

M. Saint-Pierre: Je ne définis pas capital de risque, je dis que c'est ça qui est permis par la loi et qui bénéficie d'un avantage fiscal, appelez ça comme vous voulez, si vous voulez appeler ça...

M. Morin: Non, c'est parce que...

M. Saint-Pierre: Moi, ce que je vous dis, c'est du capital-actions.

M. Morin: Etant donné que vous aviez an- noncé ça à grand renfort de publicité en insistant sur cette notion de capital de risque investi par les SODEQ.

M. Saint-Pierre: Ecoutez, s'il fallait, dans les communiqués de presse, reproduire les textes de loi, le grand public ne s'y connaîtrait pas. Généralement, on définit comme capital de risque ou "venture capital", généralement, en gros, ce capital spéculatif, ce capital non garanti; on fait une distinction entre le capital-actions des entreprises qui, même dans une très grande entreprise comme Dupont ou CIL, Bombardier — on est bien placé pour en parler — qui peut un jour valoir $22, trois semaines ou trois ans après, ça peut valoir $2 et la semaine prochaine, $0.65 par opposition à une obligation de la province de Québec qui a une valeur au pair qui est titrée, qui peut avoir une fluctuation lorsqu'on veut l'échanger avant terme et qui, en général, va osciller toujours alentour de son plein montant de l'obligation.

M. Morin: M. le ministre, je reviens, puisque vous me dites que le communiqué a moins d'importance, à votre discours de deuxième lecture et j'en tire deux phrases qui me paraissent fort importantes, à moins qu'il ne faille pas accorder de l'importance au discours de deuxième lecture: Ces sociétés se spécialiseront dans l'offre de capital de risque aux petites et moyennes entreprises du secteur manufacturier. Plus loin: II est un domaine du financement de l'entreprise québécoise qui souffre de lacunes sérieuses, c'est celui du capital de risque ou, si on veut, le capital de l'équité de l'entreprise ou l'équité même de l'entreprise.

Donc, ce que vous appelez du capital de risque, si j'ai bien compris, c'est du capital-actions.

M. Saint-Pierre: Si ça vous rend heureux, je vais accepter ça. Le texte de loi n'utilise jamais l'expression "capital de risque".

M. Morin: Oui, mais je veux que ce soit clair. Dans votre esprit, du capital-actions c'est du capital de risque.

M. Saint-Pierre: Etablissez des nuances, mais dans mon esprit, le texte de loi vise le capital-actions et le prêt non garanti.

M. Morin: C'est ce que je pensais aussi.

Le Président (M. Gratton): Le député de Saint-Maurice.

M. Morin: ... plus du capital de risque.

M. Bérard: M. le Président, je crois que c'est M. Boivin, tantôt, qui mentionnait qu'au tout début, on devrait implanter un maximum d'une dizaine de SODEQ dans la province de Québec pour les deux prochaines années. Il me vient une question à l'esprit. Est-ce que votre organisme a fait une étude pour déterminer s'il y aurait des régions qui seraient plus susceptibles de rentabiliser une telle formule que d'autres? Est-ce que vous avez

étudié l'opportunité que des SODEQ soient implantés dans telle et telle région plutôt que dans d'autres?

M. Hawey: Non, M. le Président, ce sujet, d'une façon particulière n'a pas été regardé comme tel. On s'est dit: Ce sera probablement une façon de stimuler l'économie sur une base régionale, parce qu'on sait que les institutions financières traditionnelles sont plutôt à Montréal et à Québec particulièrement. On s'est dit que ça pourrait peut-être inciter en réunissant, soit des caisses populaires, un peu plus tard des caisses d'entraide économique, des groupements de ce genre et que ça donnerait une chance de stimuler dans différentes régions.

Je ne vous dis pas qu'au cours de la conversation, d'une façon informelle, on n'a pas mentionné certaines régions plutôt que d'autres; mais, dans l'ensemble, on a laissé ce soin à ceux du gouvernement qui étaient au courant des situations un peu partout de décider à ce sujet.

M. Bérard: Vous n'avez pas d'opinion...

M. Hawey: On n'en a pas d'une façon particulière. Je pense que les régions auxquelles vous pouvez penser, qui nous frappent le plus, on est d'accord là-dessus. Il peut y avoir des cas particuliers.

M. Bédard: Est-ce que le ministre aurait quelques commentaires sur cette question?

M. Saint-Pierre: Je pense encore qu'on va écouter les gens des deux autres groupes. Je ne voudrais pas préjuger, mais je pense encore qu'au début il y aurait un risque d'avoir un trop grand nombre de SODEQ, puisque les malheurs, ou encore, les infortunes qui pourraient survenir à une ou deux d'entre elles, s'il y en avait 20, 25, 30, 40, risqueraient d'affecter grandement les chances de percer des autres.

On a parlé d'une dizaine au départ; cela ne correspond pas nécessairement aux régions administratives, mais je pense qu'on peut facilement s'entendre, si on se limite à un nombre de dix, par les endroits où cela serait le plus logique, tant au niveau de la capacité d'aller chercher des fonds qu'au niveau de la capacité de placer ces mêmes fonds, au niveau de l'ensemble de la province de Québec.

Si, au bout de deux ou trois ans, l'expérience s'avère très heureuse, que finalement, les souscripteurs sont emballés, le mariage avec le secteur manufacturier va très bien et qu'il y a des demandes pour en ouvrir d'autres, je pense qu'à ce moment-là on pourra ouvrir les vannes et accepter que, peut-être dans les premières dix années, il y en ait une qui aille mal.

Au départ, il faut mettre toutes les chances de son côté, parce que— je suis certain que les gens des coopératives vont le savoir— s'il y a une caisse d'entraide économique demain matin qui a une difficulté, dans un sens, surtout dans les premières années, cela affectera un peu la crédibilité des autres. C'est la même chose pour un soldat qui sort d'une taverne avec son uniforme. S'il est en boisson, c'est toute l'armée qui passe pour ivrogne. Il y a un peu ce danger dans le cas des SODEQ, d'autant plus que la loi les oblige à avoir le même nom.

Mais dès que le départ est lancé, que la crédibilité est assurée, je pense bien que là, comme ailleurs, il faut accepter qu'à l'occasion il y ait des choses qui tournent un peu moins bien.

M. Morin: M. le Président, avant que nous passions à un autre organisme, j'ai encore peut-être une ou deux questions à poser à ces messieurs de la Chambre de commerce, dans l'espoir, d'ailleurs, que par la suite, on puisse leur poser d'autres questions, s'il nous en vient à l'esprit.

Maintenant que nous connaissons la définition que donne le ministre du capital de risque, c'est-à-dire que c'est du capital-actions, est-ce que c'est ce que vous entendez par cela, quand vous parlez de capital de risque, particulièrement comme objectif, pour les SODEQ? Ou est-ce que vous ne pensez pas qu'il y aurait lieu d'être un petit peu plus restrictif que cela et de donner, à la notion de capital de risque, un sens un peu plus strict que n'importe quel capital-actions dans je ne sais pas trop, la première usine d'embouteillage de produits gazeux, ou la première imprimerie, ou la première boulangerie qui se présente? Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de faire servir ce capital, soit-disant de risque, à de véritables risques?

M. Hawey: M. le Président, simplement pour répondre à la question de M. Morin, ce qu'on entend par capital de risque, dans le domaine des affaires, habituellement, où l'investissement de risques, pour être plus précis, c'est habituellement d'abord ce qui est dans l'équité des actionnaires et, ensuite, en remontant, si vous avez un bilan devant vous et que vous l'imaginez, ce sont tous les prêts qui ne sont pas garantis et ceux, par la suite, qui sont garantis, mais par ordre d'importance des garanties. En somme, en soi, c'est le risque.

Pour clarifier, le risque peut varier, suivant le genre d'entreprise dans laquelle vous avez investi. Je pense que c'est surtout sur cela que vous voulez attirer l'attention. C'est tout à fait normal.

Par contre, si vous voulez essayer de préciser ce qu'on veut entendre par capital de risque, vous allez enlever la flexibilité à la loi, à ce moment-là. Autant on va ajouter d'articles pour essayer de le définir, autant on n'en sortira pas. Il faut laisser de la flexibilité aux gens qui ont le choix d'investir ou de ne pas investir, de décider dans quel genre d'entreprise ils vont investir.

Les critères de la loi sont là. Les entreprises qui vont bien dans l'ensemble et dont le risque est moins grand, en comparaison avec d'autres, ont habituellement leurs sources de financement traditionnelles. La SODEQ ne prêtera pas ou n'investira pas, à moins de rendement que d'autres. Elle peut faire des prêts sans garantie, elle peut faire des prêts sans intérêt, elle peut investir dans le

capital, mais, à ce moment-là, il y a des critères qui doivent être respectés.

Mais si on entre dans la définition ou qu'on voudrait essayer — je ne sais pas comment on pourrait le faire en pratique, étant dans le domaine des affaires — on enlèverait beaucoup de flexibilité

Je pense qu'il faut laisser la loi se roder et les expériences se vivre.

M. Létourneau: M. le Président, je pense qu'il serait extrêmement laborieux et peut-être même futile d'essayer de trouver une définition exacte de capital de risque, parce qu'il ne semble pas exister de définition exacte de ce que cela veut dire. En plus de cette définition, selon la nature des entreprises, de ces variantes qui existent selon la nature des entreprises que vient de mentionner M. Hawey, il y a les variantes qui existent selon les personnes qui parlent.

Quand un banquier va parler de capital de risque, c'est à peu près n'importe quel investissement dans de l'équité. Un cadre ou un dirigeant d'une compagnie d'assurance a une définition qui lui est imposée par la loi de ce qu'est pour lui un capital de risque et qui est très particulière. Quand on parle à quelqu'un comme M. Sutton qui est ici, qui est spécialisé dans ce qu'on appelle le "venture capital", je ne connais pas la traduction française exacte pour cette expression, on parle, à ce moment, comme vous l'avez dit vous-même, M. le chef de l'Opposition, de quelque chose de beaucoup plus risqué, parce que cela dépend des attitudes, des habitudes d'investissements et des disciplines qu'ont les gens dans les différentes institutions. C'est une expression qu'on emploie généralement, "capital de risque", mais il faut bien se garder d'essayer d'en donner une définition précise, parce que c'est une définition qui varie beaucoup selon qui l'emploie.

Il fut un temps où les actions qu'on appelait, sur le marché de la Bourse, les "blue chips", ne constituaient pas pour beaucoup de gens un capital de risque, c'était à peu près aussi sécuritaire qu'une obligation. Avec ce qui s'est produit récemment dans le marché des actions, dans des marchés boursiers, il semble bien que beaucoup d'actions, beaucoup d'investissements d'équité qui étaient autrefois catégorisés comme des "blue chips" sont devenus des choses beaucoup plus risquées.

Doit-on appeler cela capital de risque, encore une fois, cela dépend de qui en parle. C'est pourquoi nous n'avons pas fait de définition et nous ne demandons pas non plus au gouvernement d'en faire une à travers ce projet de loi, parce que ce serait peut-être artificiel à ce moment-ci. Il ne semble pas que même le monde des affaires se soit prononcé sur une définition précise de ce qu'est le capital de risque. En plus de cela, cela varie dans le temps, selon les conditions des marchés boursiers et les possibilités d'accéder à des capitaux.

M. Saint-Pierre: M. le Président, j'ai un point également très important. Ce qu'on étudie ce soir, c'est une loi, ce ne sont pas des textes qui ont pu être annoncés. Dans la loi, aux articles 34 et 35, il me semble que c'est très clair, l'intention du gouvernement sur la nature des placements permissibles.

Nulle part dans la loi on ne retrouve les mots capital de risque. Je ne sais pas pourquoi on commence, sans cela on pourrait vouloir...

M. Morin: Je me demande pourquoi vous en avez parlé en deuxième lecture et pourquoi vous en avez fait...

M. Saint-Pierre: J'ai tenté de vulgariser la notion de placements non garantis, de placements non bien protégés.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: J'ai appelé cela capital de risque, parce que les gens parlent de cela, capital spéculatif. Je vois le terme dans le mémoire des caisses d'entraide économique. Appelez cela du capital-actions, cela fait bien. Strictement, on pourrait vous contester, parce qu'à l'article 34b on parle bien de prêts et non pas de capital-actions. Cela peut être des prêts non protégés, non garantis par hypothèque ou des nantissements commerciaux, par un nantissement commercial quelconque.

M. Morin: Oui, mais c'est un peu ce que je craignais qui est confirmé. C'est qu'en réalité, il ne s'agit pas vraiment de capital de risque au sens de "venture capital", au sens habituel du mot, il s'agit de capital de risque très sécuritaire. J'imagine que, dans la pratique, cela...

M. Bonnier: Pas nécessairement.

M. Morin: Laissez-moi terminer. Si on donne des exemptions fiscales, c'est cela qui est en cause, n'est-ce pas, ce n'est pas simplement pour favoriser l'investissement dans les choses traditionnelles, dans les entreprises qui ne manquent pas de sources de capital. Si on accorde une exemption fiscale de l'ordre de 25%, c'est sans doute parce qu'on veut attirer les investissements dans des choses un peu moins traditionnelles, des investissements un peu risqués quand même, ou alors on fait des cadeaux.

M. Saint-Pierre: Non...

M. Morin: Si c'est pour investir dans l'embouteillage ou dans les industries qui n'ont aucune difficulté à se financer, plutôt que dans l'électronique, la machinerie industrielle ou les plastiques, par exemple, ce n'est plus du "venture capital", ce n'est plus du capital de risque. A ce moment, je dis que ces exemptions sont des cadeaux.

M. Bonnier: M. le Président, le chef de l'Opposition mêle deux choses: L'exemption fiscale est pour ceux qui vont souscrire des actions à la SODEQ.

M. Morin: ...

M. Bonnier: Ce n'est pas à la SODEQ qu'il souscrit à une entreprise. Vous auriez tout à fait raison de dire qu'on va choisir ce qu'il y a de plus aventurier si, par exemple, on disait: On va donner une exemption fiscale à la SODEQ, parce que dans tel type d'entreprise, on a besoin d'un capital très risqué. Ce n'est pas cela. Comme on l'a fait préciser tout à l'heure, l'exemption fiscale, c'est pour que les épargnants ordinaires, personnels ou institutionnels soient intéressés à investir dans la SODEQ. La SODEQ va prendre ces risques. Je pense que le chef de l'Opposition...

M. Morin: Ou elle ne les prendra pas.

M. Bonnier: ... ne fait pas de distinction parfois entre le capital de risque et les capitaux risqués. Ce n'est pas pareil. Le degré de risque que j'ai pour que la valeur présente nette de mon investissement soit positive, et à quel degré elle est positive, c'est une question. Mais, ce que dans un bilan, comme on a dit tout à l'heure, on appelle, au niveau des investissements, capital de risque, c'est une autre question.

M. Morin: Est-ce que vous faites une différence entre le capital de risque risqué et le capital de risque non risqué?

M. Bonnier: C'est sûr. Il y en a de plus ou moins risqués, comme on le disait tout à l'heure.

M. Morin: C'est bien ce que je craignais aussi, parce que le danger, c'est qu'on accorde des exemptions fiscales importantes pour des individus qui vont investir dans les SODEQ qui, peut-être, seront des investisseurs tout à fait traditionnels, qui ne contribueront très peu finalement à dépanner la petite et la moyenne entreprise qui, elles, sont innovatrices et ont besoin véritablement qu'on prenne un risque pour les mettre en route.

M. Bonnier: Vous allez élargir, par le fait même, l'assiette de vos investisseurs. C'est qu'actuellement au Québec, vous le savez fort bien, les gens n'ont pas tendance à investir.

M. Morin: Qu'on cesse de parler de capital de risque, parce que là, on joue sur les mots. C'est cela à quoi j'en ai. C'est de tout repos. On va donner une bonne déduction fiscale, une bonne exemption fiscale. Parlons net, parlons franchement et tout le monde se comprendra. Mais, parler de capital de risque quand cela n'en est pas, cela, je ne marche pas.

M. Saint-Pierre: Vous ne marchez pas avec les entreprises traditionnelles qui sont la grande majorité de nos entreprises qui appartiennent à des résidents du Québec.

M. Morin: Je veux qu'on appelle un chat, un chat, et un rat, un rat.

M. Saint-Pierre: Là, c'est un chat. Là, je vous dis que l'incitation fiscale est donnée à tous les résidents québécois sans aucune distinction, mais que par le biais d'une SODEQ, ceux-ci sont obligés d'investir une part de leur portefeuille dans les entreprises manufacturières qu'elles jugeront. Toutes les entreprises manufacturières telles que définies à l'article 36, dont la majorité des actionnaires sont des résidents, la majorité des sociétaires sont des résidents du Québec, sont admissibles. Nous, on fait confiance aux gens entre les deux qui vont être des Québécois résidents de faire leur placement là où ils jugeront bon. S'ils veulent le faire dans une boulangerie, je n'ai rien contre les boulangeries. Je n'ai rien contre les embouteilleurs dans certaines régions. Au lieu d'importer cela de Montréal, peut-être qu'il y a des régions qui vont décider de se doter d'entreprises qu'elles n'ont pas dans le moment, et qui vont créer des emplois. Je ne comprends pas pourquoi le chef de l'Opposition qui, pourtant, crie partout sur les tribunes sa foi à la petite et à la moyenne entreprise voudrait qu'on la limite à des secteurs où, indirectement, on va exclure les autochtones. Quand on parle des plastiques et de la pétrochimie — et mettez-en des choses, je suis capable de vous en donner— c'est évident que là, on va se retrouver souvent à 50% des étrangers qui vont être des partenaires, parce que ce sont eux qui vont avoir soit la technologie ou autre chose. Cela, je le répète, ce n'est pas pour changer la structure industrielle. C'est l'article 2a de la SDI qui, elle, a changé à la structure industrielle. C'est pour aider les besoins de financement et de conseil qu'a la petite entreprise manufacturière au Québec. Il veut stimuler l'épargne au niveau des Québécois.

M. Morin: Appelez un chat, un chat. Ne parlez pas de capital de risque. Parlez de capital-actions, d'investissements dans le capital-actions. Tout le monde va se comprendre. Il n'y aura plus de querelle. On saura exactement ce que vous visez dans ce projet de loi. Ne venez pas nous parler de capital de risque, alors que dans la plupart des cas, on peut prévoir que cela va être ce que nous connaissons depuis toujours, des investissements tout à fait sécuritaires, mais avec une exemption de taxes au bout.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, je pense que cet échange fort intéressant pourrait tout aussi bien avoir lieu une fois que nos invités nous auront quittés...

M. Morin: J'aime mieux qu'ils soient là.

Le Président (M. Gratton): ... ou tout au moins, auront eu la chance de s'exprimer. Est-ce qu'il y a des questions à l'intention de la Chambre de commerce?

M. Lapointe: Oui, j'aurais une question.

Le Président (M. Gratton): Le député de Laurentides-Labelle.

M. Lapointe: Dans certaines régions du Québec, l'économie régionale est basée sur l'industrie touristique, par exemple. Est-ce que la Chambre de commerce est favorable à ce qu'une partie des capitaux soit investie dans l'industrie touristique? Si on veut que ces organismes collent à la réalité régionale et soient vraiment un instrument de développement économique régional, est-ce que vous favorisez une diversification des investissements dans divers domaines?

M. Létourneau: Jean-Paul Létourneau. M. le Président, à l'origine, nous avions inclus l'industrie touristique dans notre proposition. Mais, cependant, il y avait peut-être des priorités à établir. Dans l'examen préalable que nous avions fait des besoins pour développer l'économie du Québec, on s'est aperçu qu'il y avait priorité absolue à développer le secteur secondaire. Il semble bien qu'ayant mentionné le secteur secondaire comme étant prioritaire, le gouvernement a retenu cette section particulièrement pour débuter. Si on veut ajouter l'industrie touristique, nous n'avons pas d'objection. C'était une proposition que nous avions faite. Qu'on ne l'inclue pas au début... Enfin, il y a peut-être aussi des considérations concernant la nature des risques à prendre et la nature des entreprises impliquées.

Il y a une dimension dans les SODEQ qu'il ne faut pas oublier, qu'on n'a pas mentionnée jusqu'ici. C'est qu'en plus de fournir des capitaux, nous espérons que les SODEQ seront des institutions qui seront des partenaires des entreprises où elles investiront, c'est-à-dire qu'elles apporteront de l'expertise, de la connaissance technique, qui pourra aider le petit ou le moyen entrepreneur à développer son entreprise, en plus des capitaux. Les régions qui bénéficieront les premières ou le mieux de ces institutions sont avant tout celles où on retrouvera des personnes suffisamment dynamiques et suffisamment intéressées par la formule pour la faire fonctionner. C'est bien important. C'est peut-être plus important même que les avantages fiscaux qu'on offre, parce qu'il se pourrait que peu de gens soient intéressés par l'avantage fiscal, s'il n'y a pas vraiment de bons promoteurs de l'idée avec des bons projets à supporter. Avant tout, c'est la qualité des hommes qui va faire cela. Pour ce qui est de l'industrie touristique, si on veut l'inclure, nous n'avons pas d'objection. Seulement, nous comprenons qu'il pourrait y avoir des raisons, au départ, pour se limiter strictement à l'industrie secondaire, parce que c'est celle-là que nous avons jugé prioritaire d'aider.

M. Lapointe: Elle peut être prioritaire globalement, pour l'ensemble du Québec, mais si on tient compte de chacune des régions du Québec, l'industrie touristique peut être prioritaire dans une région, et l'industrie secondaire prioritaire dans une autre région. Moi, comme représentant d'un comté touristique, je crois que ce serait un instrument essentiel pour le développement touristique d'une région.

M. Saint-Pierre: M. le Président, on pourrait peut-être, pour le bénéfice du député de Laurentides-Labelle, mentionner deux points. Le premier, c'est qu'il faut se rappeler qu'une partie seulement des fonds doit être investie dans le secteur manufacturier, ce qui laisse quand même — on a parlé de 65% dans le secteur manufacturier — 35% des fonds ramassés sur lesquels il n'y a, à toutes fins pratiques, aucun contrôle, c'est-à-dire que ça peut être du prêt hypothécaire, ça peut être des obligations du Canada ou du Québec, mais ça pourrait également être un placement dans le secteur touristique. C'est un premier point.

Le deuxième point, c'est que les études qui ont été faites jusqu'ici au ministère du Tourisme, de la Chasse et de la Pêche, ne semblent pas indiquer, noir sur blanc, que le problème premier de l'industrie touristique dans toutes les régions soit nécessairement un problème de capital-actions pour ceux qui oeuvrent dans ce secteur-là. Il n'est pas certain que le problème ne soit pas davantage dans le secteur des infrastructures, dans le secteur de l'attrait touristique à l'extérieur des régions comme Montréal et Québec, dans la publicité accrue qui viendrait en aide à des régions données.

Il n'est pas évident que cela soit nécessairement un problème de capital dans l'entreprise, que cela soit l'entreprise hôtelière, l'entreprise touristique... Cela rejoint peut-être ce qu'on mentionnait pour la Société de développement coopératif. Il n'est pas impossible qu'un jour le gouvernement juge à propos d'avoir un crédit touristique en bonne et due forme.

On pourrait dire d'ailleurs la même chose des industries du bien culturel. Je ne voudrais qu'on tente de donner à ce projet de loi une vocation qu'il n'a pas. Essentiellement, il tente de répondre à une carence de capital au niveau de la petite et moyenne entreprise manufacturière, jugée prioritaire dans le moment dans lequel on oblige la SODEQ à investir 65% par règlement. C'est l'intention actuellement, 65% des fonds.

Le Président (M. Gratton): Les membres de la commission ont-ils d'autres questions à poser aux représentants de la Chambre de commerce du Québec.

Je remercie d'abord la délégation de la Chambre de commerce et je note le souhait formulé par M. Létourneau de pouvoir intervenir à nouveau à la suite des propos qui seront tenus par nos prochains invités, à la condition, bien entendu, que la commission y consente en temps et lieu.

J'invite donc le Mouvement Desjardins à nous faire sa présentation et à bien vouloir s'identifier, s'il vous plaît.

M. Morin: Est-ce que ces messieurs pourraient s'approcher du centre pour que nous les voyions clairement?

Fédération des caisses populaires

M. Morin (André): Je suis André Morin, de la Fédération des caisses populaires. Je suis accom-

pagné par Mlle Rita Bédard, avocat de notre fédération. Avec votre permission, j'aimerais que M. Gilles Arès, directeur du CCQ, puisse répondre avec nous à vos questions puisque le Mouvement Desjardins fait partie du CCQ.

M. Arès (Gilles): M. le Président, M. le ministre, M. le chef de l'Opposition, messieurs les membres de la commission parlementaire, je voudrais tout d'abord remercier M. Saint-Pierre pour avoir invité le Mouvement coopératif à exposer son point de vue par rapport au projet de loi no 6.

Le Mouvement coopératif n'a pas d'objection formelle à ce projet de loi, à la condition, comme vous le disiez, M. Saint-Pierre, qu'il s'inscrive dans un programme global d'aide à la petite et moyenne entreprise.

Nous croyons, en effet, que toute une série de mesures devraient être formulées par votre ministère— le ministère de l'Industrie et du Commerce— pour faire en sorte que nos petites et moyennes entreprises puissent se développer sur des marchés qui sont contrôlés par les très grandes entreprises, que le Québec, finalement, conserve la propriété de ses entreprises, de ses petites et moyennes entreprises, et que les politiques tarifaires du gouvernement central ne détruisent pas totalement les efforts de votre ministère, du gouvernement du Québec, pour favoriser l'en-trepreneurship au Québec.

D'autre part, comme vous le savez, ce projet de loi ne répond pas aux besoins de nos entreprises coopératives qui, pour la plupart, oeuvrent dans le secteur tertiaire ou primaire et nous souhaitons ardemment, comme vous le savez aussi, M. le ministre, messieurs les membres de la commission parlementaire, que l'Etat du Québec, conjointement avec le mouvement coopératif, crée une société de développement coopératif qui réponde effectivement aux besoins non seulement de nos entreprises coopératives mais aussi aux aspirations d'une très grande partie de la population du Québec qui croit essentielle l'idée de se donner des entreprises démocratiques cherchant à répondre à des besoins réels.

D'autre part, M. le ministre et messieurs les membres de la commission parlementaire, nous avons noté qu'à l'article 33, on a oublié les sociétés coopératives agricoles comme étant susceptibles d'obtenir des capitaux de la part des SODEQ, car vous savez que ces coopératives agricoles sont régies non par la Loi des associations coopératives ou du syndicat coopératif, mais par la Loi des sociétés coopératives agricoles et nous souhaiterions les voir introduire au niveau de l'article 33.

D'autre part, comme je vous le mentionnais, je me répète ici un peu, les entreprises coopératives oeuvrent essentiellement ou surtout dans le secteur tertiaire et le mouvement coopératif croit essentielle l'idée de mettre sur pied le plus rapidement possible une société de développement coopératif. D'autre part, lorsqu'on définit ici, à l'article 33, paragraphe e) l'association coopérative ou un syndicat coopératif ou la majorité des membres doivent résider au Québec, cela nous laisse un peu perplexes parce qu'effectivement une coopérative régie selon les lois du Québec regroupe des membres qui résident effectivement sur le territoire québécois. Nous souhaiterions, messieurs, que l'article 33, paragraphe e) puisse se lire ainsi: Si elle est une association coopérative ou un syndicat coopératif régi selon les lois constituantes du Québec, ou selon les lois du Québec.

Je crois, messieurs les membres de la commission parlementaire, que ce que je viens de vous dire exprime l'essentiel de l'opinion du mouvement coopératif, eu égard à ce projet de loi.

M. Saint-Pierre: Dans des régions limitrophes, M. Arès, je pense à Rouyn-Noranda, je réalise que ce sont des cas d'exception, je ne sais pas pourquoi les légistes ont pris cela, si on voulait simplement mettre le mouvement coopératif sur le même pied, c'est-à-dire comme dans les corporations, la notion qui prévalait, en plus d'une limitation sur l'actif et le nombre d'employés était que la majorité des actionnaires étaient résidents du Québec. C'est la notion qui domine, on tentait de retrouver pas plus, mais pas moins, au sein des coopératives. Je vous repose la question. Est-ce qu'il serait possible que, dans les régions limitrophes Rouyn-Noranda, enfin près des frontières, on ait une coopérative régie par les lois du Québec en bonne et due forme et que, graduellement, dans le temps, la majorité des membres devienne des non-résidents du Québec? C'est simplement...

M. Arès: Théoriquement...

M. Saint-Pierre: Sur le fond, vous ne voyez pas de problème, c'est juste...

M. Arès: Théoriquement, mais ce que je voudrais exprimer ici, M. le ministre, c'est que le mouvement coopératif tient mordicus à l'idée que nos coopératives sont des coopératives qui appartiennent aux Québécois, sont des entreprises qui appartiennent aux Québécois, donc à des résidents du Québec. Je pourrais peut-être laisser la parole...

M. Saint-Pierre: Mais, sur le fond de l'article, le but de l'article, qu'est-ce que vous n'aimez pas du fait qu'on dise? Je crois comprendre qu'on ajouterait: Les sociétés coopératives agricoles qui sont régies par d'autres lois.

M. Arès: Oui.

M. Saint-Pierre: Mais là, la majorité des membres doit résider au Québec. Si on dit: La totalité des membres doit résider au Québec, on vous impose à vous ce qu'on n'impose pas aux sociétés et c'est dans cet esprit qu'on vous imposait la même contrainte qu'on donnait aux sociétés du secteur privé corporatif.

M. Arès: Si vous me le permettez, je vais laisser à Mlle Bédard le soin de répondre à cette question.

M. Saint-Pierre: Oui.

Mlle Bédard (Rita): Je vous remercie. Comme vous le mentionnez, dans les régions limitrophes, il se pourrait que certains membres n'aient qu'une place d'affaires dans le territoire québécois et résident à l'extérieur. Mais nous croyons que cela demeure quand même des cas d'exception. En outre, souvent les règlements du syndicat coopératif ou des caisses populaires mentionnent que, si les membres cessent d'avoir domicile, résidence, ou place d'affaires dans le territoire choisi, à savoir le district électoral, par exemple, ils demeurent des membres auxiliaires qui, en général, n'ont aucune fonction, ne sont éligibles à aucune des charges d'administration et n'ont pas le droit de vote. Cela pourrait arriver, c'est sûr, mais on croit que ce seraient des cas d'exception, ce qui fait qu'en mentionnant que si c'étaient des associations ou syndicats régis par les lois du Québec, cela couvrirait la situation générale.

M. Saint-Pierre: Mais quelle est votre crainte? Est-ce que vous ne dites pas que finalement toutes les coopératives vont, dans une très large mesure, aller beaucoup plus loin que l'article 33e, c'est-à-dire la presque totalité de leurs membres doit être des résidents du Québec.

Mlle Bédard: C'est cela. C'est quasi...

M. Saint-Pierre: Si la loi vous impose simplement que la majorité des membres soit des résidents du Québec, sur le fond, qu'est-ce que vous craignez, qu'une coopérative de l'Ontario...

M. Arès: Non, c'est parce qu'on tient mordicus, M. le ministre, à ce que les membres des coopératives québécoises soient des résidents du Québec.

On ne voudrait pas qu'un article de cette loi contrevienne à la Loi des associations coopératives plus particulièrement qui déterminent en fait le lieu de résidence du membre d'une coopérative comme étant un district électoral de la province de Québec, je crois.

Mlle Bédard: II y a un autre point peut-être, si on compare par exemple avec les autres paragraphes précédents où on dit qu'une société civile ou commerciale et une compagnie dont les actions et les intérêts doivent être détenus par une majorité qui réside au Québec. On semble associer la même idée à une coopérative alors que la situation réelle c'est que la majorité, sinon l'unanimité, réside au Québec. On décrit d'une autre façon une situation de fait tout en l'assimilant à une société commerciale ou à une compagnie. Au niveau de la propriété d'une compagnie, il faut le préciser, je le conçois, mais, au niveau de la notion de membre, de propriété et de participation d'une coopérative, c'est la situation de fait. En disant régie par les lois du Québec, on croit qu'on décrit la situation.

M. Bonnier: Quel article?

Mlle Bédard: Article 33e.

M. Saint-Pierre: En fait, dans le texte que nous avons dans le moment, si on prend 33d, l'article qui touche les compagnies, dans notre esprit, on exclut peut-être 25% des petites entreprises qui pourraient autrement être qualifiées mais à cause de l'article 33d, ne seraient pas qualifiées parce que la majorité des actions appartiendrait à des actionnaires de l'extérieur du Québec. Je vais prendre un mauvais exemple, je pensais à Prévost Car je pense que ce n'est pas une petite entreprise de Saint-Anselme-de Dorchester, ç'a l'air bien de chez nous, mais on sait que la majorité des actionnaires est de l'extérieur du Québec, donc ça exclut... alors que, dans les coopératives, finalement, à cause de la réalité telle qu'elle est, on n'exclut personne, puisqu'on sait que la totalité, ce sont tous les membres du Québec.

Je n'ai pas d'objection de principe, j'essayais de voir...

M. Bonnier: M. le Président, je pense que le ministre a peut-être raison de vouloir le laisser, je vais vous donner un exemple, celui de la fameuse coopérative de télévision a Hull; il y a les caisses populaires de l'Ontario qui possèdent un bon nombre d'actions, peut-être pas du capital-actions, je ne sais pas de quelle façon c'est financé...

M. Arès: Ce sont des prêts que les caisses populaires de l'Ontario ont faits à cette coopérative.

M. Bonnier: Elles ne sont pas membres, elles n'ont pas de capital social?

M. Arès: Elles ont un peu de capital social, peut-être une part, mais elles ne peuvent pas être majoritaires, elles ne peuvent pas prendre de contrôle. La majorité des membres de la coopérative se situe dans la région de Hull. Il me semble que cela court-circuiterait toute l'idée que l'on se fait d'une coopérative de dire qu'elle est possédée par deux coopératives québécoises en disant que la majorité des membres serait résidents de l'Ontario. Ce serait pour moi un non-sens.

M. Saint-Pierre: Je n'ai pas d'objection. Le député de Taschereau est mon expert en coopératives...

M. Bonnier: A prime abord, je suis peut-être pas mal d'accord avec votre point de vue et, après ça, une fois que je me suis référé à cet exemple de la télévision a Hull, je commence à hésiter et je me demande si ce ne serait pas plus avantageux de le laisser; je suis d'accord avec vous qu'un syndicat coopératif ou qu'une caisse populaire dont la majorité des membres serait à l'extérieur du Québec, ça ferait un peu drôle. Mais quoi qu'il en soit, est-ce qu'il y a un inconvénient à laisser cet article si jamais, par accident, ce serait...

M. Arès: C'est plus une question de principe pour nous.

M. Bonnier: De principe.

M. Arès: Ce n'est pas qu'il y ait d'inconvénients majeurs, on n'en ferait pas une maladie, mais on tient beaucoup au caractère autochtone de nos coopératives. On tient beaucoup à ça. On ne se bat pas pour les Ontariens ici au Québec dans nos coopératives, on se bat pour bâtir des entreprises qui appartiennent à la collectivité québécoise. On ne se bat pas pour bâtir des entreprises qui appartiennent à la collectivité ontarienne ou albertaine. C'est ce qu'on veut dire. Je ne sais pas si l'idée vous convient, M. Bonnier.

M. Bonnier: Sur le principe, je suis tout à fait d'accord.

M. Morin: ... coopératif a connu un certain déclin.

M. le Président, si le député de Taschereau en a terminé, j'aurais quelques questions.

M. Saint-Pierre: Vous riez par rapport au déclin que vous avez eu dans votre enthousiasme pour le Jour.

M. Morin: En ce qui me concerne, j'aurais des opinions tout à fait spéciales à vous donner là-dessus, mais ce n'est pas ce dont nous traitons.

Le Président (M. Gratton): A un autre moment.

M. Morin: C'est ce que je pensais aussi, M. le Président. Récemment, nous trouvions dans les journaux l'opinion de M. Rouleau, président du Mouvement des caisses populaires Desjardins, sur les SODEQ.

Il disait ceci, du moins, le journaliste de la Presse rapporte ses propos de la manière suivante: "M. Rouleau comprend difficilement que ce nouveau genre d'entreprises, qui a pour objectif d'investir du capital de risque au niveau manufacturier et qui profitera d'allégements fiscaux, soit constitué selon la Loi des compagnies et qu'il soit interdit de créer une coopérative pour remplir la même fonction".

J'imagine que vous reprenez ces propos à votre compte? J'aimerais que vous nous disiez comment les SODEQ pourraient être utiles au mouvement coopératif, si la loi était faite autrement; comment, par exemple, de petites unités coopératives pourraient se réunir pour former une SODEQ, ou comment on peut envisager que les SODEQ puissent être utiles, directement, autant au mouvement coopératif qu'à l'entreprise privée. J'aimerais que vous nous décriviez les modalités d'une loi sur les SODEQ qui serait améliorée dans ce sens.

M. Arès: Je ne crois pas qu'on puisse associer la Loi des SODEQ à un développement de nos entreprises coopératives, à cause des différences dans le fonctionnement, des différences dans la structure juridique des entreprises coopératives. C'est pourquoi il nous apparaît beaucoup plus juste de créer par une loi une société de développement coopératif, qui répondrait effectivement aux besoins de nos entreprises coopératives, mais comprendrait aussi les besoins particuliers, la nature particulière de nos entreprises coopératives.

L'automne dernier, Mme Bacon créait un comité interministériel pour étudier le rapport Pa-renteau et un rapport du Conseil de la coopération du Québec sur l'opportunité de créer une telle société de développement coopératif. Nous en sommes à un rapport d'étapes qui essaie d'obtenir le concensus entre l'Etat et le mouvement coopératif. Cela nous apparaît acquis. On croit, on espère que prochainement, le gouvernement du Québec élaborera une législation spécifique pour les entreprises coopératives, pour répondre aux besoins du mouvement coopératif québécois.

M. Morin pourrait peut-être ajouter quelque chose.

M. Morin (André): Sur le sujet, j'aimerais peut-être signaler trois idées autour de l'attitude du Mouvement des caisses populaires Desjardins, face à la loi des SODEQ. D'abord, disons que cette loi est encore à étudier, par les caisses populaires et par les unions régionales. Nous n'avons pas encore voté et nous n'avons pas encore entrepris un processus de consultation sur cette loi.

Il est encore trop tôt pour vous dire si le mouvement coopératif, le Mouvement des caisses populaires Desjardins, voudra s'en servir ou non. Nous sommes intéressés par le sujet et nous faisons confiance, assuréement, au ministère de l'Industrie et du Commerce, pour détecter les besoins et pour établir cette loi.

Le deuxième point que j'aimerais signaler, c'est que les priorités du Mouvement des caisses populaires Desjardins sont actuellement dans le développement de la Société d'investissement Desjardins permise, en 1971, par le chapitre 80 de la législation.

Comme vous le savez, la Société d'investissement Desjardins a précisément pour objet de créer et d'administrer un fonds d'investissement et de placement, aux fins d'établir et de développer des entreprises industrielles et commerciales, à caractère coopératif ou non, et ainsi favoriser les progrès économiques du Québec.

La Société d'investissement Desjardins est rendue avec un actif de quelque $37 millions aux dernières nouvelles et c'est sans contredit une priorité pour le mouvement Desjardins, de développer d'abord cette Société d'investissement Desjardins.

Comme troisième point, je pense que notre seconde priorité, après la Société d'investissement Desjardins, va être de nous préoccuper de la société de développement coopératif, que nous attendons toujours, avec le chef de l'Opposition, pour l'automne, on l'espère, M. le ministre.

Dès que cette société de développement coopératif sera sur pied, nous voudrions faire un effort pour développer le mouvement coopératif d'abord, à l'aide de cette société.

Est-ce que nous serons intéressés aussi à nous servir de la loi des SODEQ pour mettre sur pied une SODEQ-Desjardins ou quelque chose comme cela? Cela demeure encore un sujet à étudier. Je ne peux pas vous donner une réponse affirmative au nom du mouvement, ce soir.

M. Morin: Vous n'avez étudié en aucune façon les manières dont cette SODEQ pourrait vous être utile, sauf, si j'ai bien compris, en ce qui concerne les sociétés de coopération agricole.

M. Arès: Oui. Sur le plan de la coopération agricole, parce que certaines de nos coopératives agricoles oeuvrent dans le secteur manufacturier, il y aurait des possibilités de créer des SODEQ. Là, cela pourrait devenir intéressant pour les coopératives agricoles d'utiliser cette loi.

M. Saint-Pierre: Dans le comté de Dorchester, elle a été constituée sous l'empire...

M. Arès: De la Loi des sociétés coopératives agricoles.

M. Saint-Pierre: C'est dans la volaille; elle pourrait avoir du capital-actions additionnel.

M. Arès: C'est cela.

M. Morin: Ou encore les abattoirs, par exemple.

M. Arès: Pardon?

M. Morin: J'essaie de donner d'autres exemples où cela pourrait être utile dans le secteur agro-alimentaire.

M. Arès: Au niveau des pêcheurs unis, par exemple, je crois que...

M. Morin: Oui. Les usines de traitement de poisson.

M. Arès: C'est cela, il y a des choses à faire là-dedans avec la loi sur les SODEQ.

M. Morin: Les abattoirs. M. Arès: Les abattoirs. M. Morin: Les fromageries. M. Arès: Sûroment.

M. Morin: Le traitement des fruits et légumes, la conservation.

M. Arès: Les conserveries, oui. M. Morin: Les conserveries.

M. Arès: Ce sont des choses possibles.

M. Saint-Pierre: Tout cela est possible avec le paragraphe e), si on retient votre amendement.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Je ne sais pas pourquoi il y avait eu cet oubli des sociétés coopératives agricoles dans le texte.

M. Morin: Les scieries.

M. Arès: Oui, sûrement les scieries, malgré que nos chantiers coopératifs soient mal en point actuellement. Le gouvernement du Québec est venu à la rescousse de notre seule fédération qui oeuvre dans ce secteur en créant une compagnie. On aurait espéré autre chose que la création d'une compagnie pour sauver une coopérative, mais, malheureusement, on a insisté pour créer cette compagnie. C'est comme si on voulait, en sauvant une compagnie, former une coopérative. Je crois que certaines parmi vous n'apprécieraient pas le geste.

M. Morin: C'est plus logique, cependant.

M. Bonnier: Vous nous dites que la compagnie va se rétrocéder graduellement à la coopérative.

M. Arès: Oui, bien sûr, mais c'est quand même un...

M. Bonnier: C'est seulement une reprise de gestion.

M. Arès: ...mode de gestion, un mode d'opération qui pose certains problèmes aux coopéra-teurs du Nord-Ouest québécois. Il est certain que, si on en arrive à définir une politique globale pour les coopératives forestières, la loi des SODEQ pourrait être utilisée par les coopératives forestières, en fait, par toutes les coopératives qui oeuvrent dans le secteur manufacturier. Mais il faut bien préciser que la loi des SODEQ ne pourrait aider ces coopératives ou les associations coopératives que sous la forme de prêts, parce que vous savez que, dans nos sociétés coopératives, nous ne retrouvons pas de capital-actions. Comme la plupart de nos coopératives sont très petites, sont de taille moyenne, leur problème réside dans le fait qu'elles aussi n'ont pas une structure de capital très équilibrée.

Il y a une nécessité de retrouver du capital de risque. La structure juridique de la coopérative ne permettrait pas à une SODEQ d'investir sous forme de capital-actions. Elle pourrait peut-être investir sous forme de prêts. Mais, lorsqu'on investit sous forme de prêts, c'est qu'habituellement il y a quand même certaines garanties.

M. Saint-Pierre: Vous avez la distinction à l'article 34b.

M. Arès: Oui.

M. Saint-Pierre: La SODEQ pourrait prêter à la coopérative, sous la forme d'un prêt non garanti qui, sous le terme d'équité par rapport à dette à long terme ou peu importe le ratio financier qu'on utilise, améliorerait quand même la position du capital social, plus les prêts non garantis de la coopérative.

M. Morin: Mais M. Arès nous dit que la principale difficulté des petites coopératives est une structure de capital déséquilibrée. Ce n'est pas toujours le problème de trouver de l'argent, c'est la structure de capital qui est le problème. On ne voit pas très bien comment les SODEQ seraient intéressées à investir sous forme de capital-actions, elles ne peuvent pas le faire dans ce cas.

M. Saint-Pierre: Je ne sais pas si vous m'écoutiez. L'article 34b prévoyait justement que, dans ces cas, ce seraient des prêts non garantis qui apportent le soulagement, lorsqu'il y a une sous-capitalisation.

M. Morin: Etant donné que ce sont des problèmes de structure de capital...

M. Saint-Pierre: Ce n'est pas du capital-actions, c'est une sous-capitalisation qui peut être comblée par du capital social additionnel, mais cela prend des membres dans une coopérative, ou par des prêts non garantis, qui n'affectent pas les possibilités de prêts garantis ou de prêts hypothécaires de la coopérative.

M. Arès: Je suis d'accord avec vous, M. le ministre, mais le problème qui se pose, c'est que l'investisseur qui va investir dans une SODEQ s'attend, habituellement, à une rémunération sur son capital, surtout si c'est dans du capital de risque. Habituellement, soit qu'on perde sa chemise—je ne voudrais pas définir le capital de risque ici— mais ou on perd sa chemise, ou on gagne beaucoup d'argent. Dans les coopératives, on perd habituellement sa chemise et on ne fait pas beaucoup d'argent, parce que, si on en fait, c'est redistribué aux membres, ce qui fait qu'on ne pourrait rémunérer ni le capital investi, ni les prêts, pour répondre aux attentes des investisseurs dans une SODEQ.

C'est ce qui empêche effectivement les SODEQ de répondre aux besoins d'une association coopérative. Là où les SODEQ peuvent venir en aide aux coopératives, c'est lorsque des coopératives très fortes, par exemple, comme dans le secteur agricole, se regroupent pour former une SODEQ et investir elles-mêmes dans une entreprise, par exemple la création d'une conserverie. Il y aurait peut-être là des avantages fiscaux qui pourraient intéresser les entreprises coopératives très solides, très prospères. Ce ne serait pas l'investisseur, ce ne serait pas le citoyen du Québec; ce seraient plusieurs entreprises coopératives qui pourraient peut-être former une SODEQ. Ce ne serait pas le citoyen québécois qui, à ce moment, viendrait investir pour créer ou mettre sur pied une entreprise au Québec.

M. Morin: Vous rejoignez les propos de M. Rouleau. C'était exactement l'une de ses principales critiques. Il disait: Pourquoi ne permettrait-on pas à des sociétés coopératives d'utiliser ce mécanisme des SODEQ à leurs propres fins? C'est une question que j'ai posée au ministre l'autre jour.

M. Saint-Pierre: Je regrette, mais c'est dans la loi. Je m'excuse; en fait, il y a des limitations.

M. Morin: Vous parlez toujours des prêts. M. Saint-Pierre: Des prêts non garantis.

M. Bonnier: Peut-être que, dans certaines stuctures de capital, on retrouve des actions privilégiées. La Coopérative fédérée a des actions privilégiées. Il peut en exister dans d'autres syndicats coopératifs qui font de la transformation.

M. Arès: Quand on investit sous forme de capital-actions privilégié dans une entreprise coopérative, c'est toujours à un rendement limité. Si j'investis dans une SODEQ qui se veut être une entreprise de risque, qui veut favoriser le développement, l'entreprise de pointe, comme l'électronique, ici, au Québec, je vais m'attendre, bien sûr, peut-être à perdre de l'argent, mais je vais surtout m'attendre à gagner beaucoup d'argent. Je vais espérer. Dans le fond, par cette loi, on veut développer l'esprit d'entreprise chez nos Québécois, l'esprit d'investisseur.

Les coopérateurs ne spéculent pas. On ne peut spéculer dans une coopérative. On essaie de répondre à des besoins réels d'une population donnée ou d'une collectivité donnée. S'il y a des trop-perçus dans l'entreprise, ils sont gardés au sein de l'entreprise pour favoriser l'autodéveloppement de cette entreprise, son autofinancement, ou encore redistribués aux membres. Je ne voudrais pas vous faire un cours sur la coopération, M. Bonnier, vous en savez plus que moi là-dedans.

M. Bonnier: C'est intéressant.

M. Morin: Un rappel ne nuirait pas.

M. Bonnier: Le chef de l'Opposition commence à être inquiet.

M. Arès: C'est toujours bon quand quelqu'un s'inquiète de nous.

C'est le problème pour les coopératives, pour le coopérateur. Je crois bien que, si on veut favoriser le développement d'entreprises coopératives, il faut le voir d'une tout autre façon. Je n'en ai pas contre le fait de favoriser "l'entrepreneurship", le développement de nos petites entreprises. J ai toujours cru qu'on pourrait faire des choses merveilleuses au Québec avec la petite et la moyenne en-

treprise. Il y a beaucoup d'hommes au Québec qui ont des idées. Cela a été prouvé. Regardez ce que Bombardier a fait. Si on a un gouvernement qui est là pour épauler le développement de ces petites et moyennes entreprises, mais dans un programme global, on peut faire des choses merveilleuses. Pour les coopératives, la question se pose autrement. C'est différent. La loi sur les SODEQ ne répond pas effectivement aux besoins de nos entreprises coopératives. Elle ne répond pas aux attentes, aux aspirations d'une large partie de la population. C'est ce que je veux dire.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, comme nous avons encore à entendre les représentants de la Fédération des caisses d'entraide économique du Québec, pourrait-on conclure?

M. Morin: Oui. J'aimerais que madame et ces messieurs restent tout de même, pour le cas où nous aurions plus tard d'autres questions à leur poser à la lumière de ce qui va être dit.

Le Président (M. Gratton): Madame, messieurs, la commission vous remercie de votre présence. J'invite immédiatement la Fédération des caisses d'entraide économique du Québec à nous faire sa présentation.

Fédération des caisses d'entraide économique du Québec

M. Fortin (Louis-Gaétan): Merci beaucoup, M. le Président. Mon nom est Louis-Gaétan Fortin. Je représente la Fédération des caisses d'entraide économique et je suis accompagné par M. Eric Forest, qui est à ma droite; il est directeur général adjoint de la fédération. Egalement, nous avons avec nous M. Lasnier du Groupement québécois d'entreprises, qui est un petit peu derrière, à gauche.

Je voudrais, en tout premier lieu, remercier M. le ministre, ainsi que tous ceux qui ont favorisé une consultation comme celle de ce soir. L'occasion m'est fournie également d'exprimer notre reconnaissance pour tous ceux qui ont participé à l'élaboration du projet et qui, en cours de route, ont eu la courtoisie de nous consulter sur ses différents aspects et qui, je l'espère, ont tenu compte des recommandations que nous avions à formuler sur ce projet.

Etant donné que le temps passe et que nous avons quelques pages à lire, si vous me le permettez, je vais entrer immédiatement dans le vif du sujet. Je répondrai aux questions — ou M. Forest ou M. Lasnier répondront aux questions — que vous voudrez bien nous poser une fois l'exposé fait.

M. Morin: J'inviterais notre invité à lire son mémoire, parce que, comme il vient de nous être remis, nous n'avons pas pu en prendre connaissance. Il serait utile que vous preniez le temps qu'il faut pour que nous sachions exactement ce que vous avez à nous dire.

M. Fortin: Merci, M. Morin.

Le titre est clair en lui-même: Commentaires de la Fédération des caisses d'entraide économique au sujet du projet de loi no 6, qui prévoit la création de sociétés régionales de développement de l'entreprise québécoise.

L'introduction. L'entraide économique se réjouit de la décision qu'a prise le gouvernement du Québec de préparer un projet de loi prévoyant la création de sociétés de développement de l'entreprise québécoise. Un tel projet répond à un besoin que nous avons identifié depuis longtemps, celui de l'organisation sur base institutionnelle de la participation du milieu régional, sous forme de capitaux spéculatifs, au financement des entreprises. Ce besoin, du reste, nous avons déjà voulu le satisfaire dans la mesure de nos moyens en invitant le législateur à amender en conséquence la loi qui nous régit.

Aujourd'hui, grâce aux SODEQ, le capital spéculatif deviendra rapidement le complément indispensable de l'organisation d'un développement économique régional dont les trois volets sont: 1) la promotion; 2) le financement à long terme et 3) la gestion et l'investissement.

Toutefois, si nous sommes d'accord sur les grandes lignes, nous avons des réserves quant à la formulation de certains articles. Au cours de ce bref exposé, nous verrons pourquoi et comment, à partir de notre conception du développement économique régional, de notre vocation et d'un modèle dont nous suivons l'évolution depuis près de quatre ans, nous préférerions que des modifications soient faites avant que la loi et ses règlements n'aient été adoptés.

D'abord et avant tout, favoriser et encourager dans chacune des régions du Québec l'existence d'une structure complémentaire de développement économique.

Une expérience de seize ans dans le financement des entreprises québécoises nous a prouvé que le progrès continu d'une région économique, au sens que nous donnons à ce mot, repose sur le travail et la coopération des éléments suivants. Premièrement, un conseil économique ou commission de développement industriel qui assure la recherche, l'étude et la promotion des projets. Deuxièmement, des institutions de financement à long terme, caisse d'entraide économique, banque fédérale de développement, SDI et autres, éveillées aux besoins régionaux et aptes à intervenir efficacement et rapidement selon la demande.

Troisièmement, une société assez bien structurée pour assurer la participation minoritaire à l'investissement sous forme de capital spéculatif et pour conseiller les entreprises. Je dis tout de suite que, par le mot "région", l'entraide économique désigne un territoire, habituellement un comté provincial ou un district électoral où il existe une interrelation évidente sur le plan des affaires et des institutions, par exemple le secteur de Granby, le secteur de Rimouski, celui de Matane, d'Amos, d'Alma, de Roverval, de Sainte-Foy, de Saint-Georges-de-Beauce, de Sherbrooke et de bien d'autres.

L'entraide économique a identifié à l'extérieur de l'enceinte urbaine de Montréal et de Québec 80

territoires qui correspondent à sa définition du mot "région". Bien implantée dans 52 de ces territoires, elle compte pénétrer les autres d'ici cinq ans. D'autre part, grâce à l'effort financier du ministère de l'Industrie et du Commerce, grâce également à une meilleure perception du rôle des collectivités dans l'organisation du développement économique, il existe déjà au Québec plus de 50 conseils économiques, ou commissariats industriels municipaux, au niveau d'une ou de plusieurs municipalités d'un même secteur. De fait, une grande majorité des comtés où il y a des caisses d'entraide économique sont pourvus des outils de promotion et de prêts à long terme essentiels à un travail en profondeur. A ces structures, il manque encore ce que le gouvernement du Québec appelle des SODEQ. On aura vite compris que ces instruments sont complémentaires les uns des autres, même s'ils fonctionnent en toute autonomie d'analyse et de décision afin d'objectiver les projets et aussi de développer par la création et la participation de groupes autonomes un leadership et un entrepreneurship régionalement et localement responsable du progrès économique. Complémentaires dans les objectifs, mais également complémentaires dans les moyens. C'est la raison pour laquelle nous avions préalablement imaginé un troisième palier d'intervention doté de pouvoirs dans des champs d'activités similaires au secteur de recherche et de financement à long terme.

Une structure flexible. Chacune des régions du Québec a sa personnalité économique. Si l'industrie est la dominante ici, ailleurs le commerce et les institutions l'emportent, et vice versa, selon des variantes révélées par les profils communautaires, les hasards économiques et tant d'autres facteurs. Il faut donc, mais absolument que les sources de financement soient assez flexibles pour correspondre à ces réalités. N'est-ce pas la logique même? Autrement, pourquoi parler de régionalisation? Aussi bien annoncer aux gens qu'une fois encore quelqu'un quelque part a pensé et décidé pour eux et qu'en dehors du modèle il n'y a de place pour personne. Cette conception du développement régional a guidé notre réflexion au moment de regarder du côté du capital spéculatif. Nous n'avions rien d'autre en tête, chaque fois que nous avons demandé pour chacune de nos caisses le droit de s'intéresser au capital spéculatif par le truchement d'un nouveau type de société régionale. Intervention, néanmoins, graduée et prudente, sachant bien que, là comme dans le financement à long terme des projets régionaux, nous avions non seulement à faire oeuvre d'argent, mais en même temps oeuvre d'éducation. Car, faut-il le reconnaître, l'expérience du capital de risque institutionnel régional est plutôt mince, comme elle l'est du reste dans tout le Québec. Cela explique pourquoi, fidèles à une tradition basée sur la conduite d'expérience à l'échelle, nous avons suivi de très près et encouragé depuis quatre ans l'évolution d'une société formée de 150 actionnaires et créée en vertu de la première partie de la Loi des compagnies.

SOGELAC, comme on l'appelle familièrement, fait fructifier un capital d'environ $200 000, souscrit par les hommes d'affaires du secteur d'Alma. Elle a connu des succès intéressants. Elle correspond à l'idée que nous nous faisons d'une SODEQ. Ci-joint, vous avez le prospectus de cette société.

Nos recommandations. Après avoir défini notre conception d'une société régionale de développement en termes de structure, d'objectifs et de moyens, comparé notre point de vue avec le projet préparé par le gouvernement du Québec et exposé nos arguments à toutes les instances de consultation autorisées, nous en sommes venus à la conclusion que des changements importants devront être apportés au dossier qu'on nous a présenté si l'on veut que l'entraide économique y souscrive. Ces changements portent sur les points suivants: Premièrement, étalement de la souscription et du paiement du million de dollars: deuxièmement, diversification des investissements; troisièmement, composition du portefeuille en nombre et valeurs des investissements; quatrièmement, délai à la progression des investissements; cinquièmement, nombre et distribution des SODEQ; sixièmement, éligibilité des administrateurs à la participation des SODEQ.

Le premier point, étalement de la souscription et du paiement du million. Que la souscription et le paiement du million de dollars qui est le minimum imposé à toute société ou tout groupe qui veut se prévaloir des avantages d'une SODEQ puisse être étalé sur une période de cinq ans. De cette façon, les SODEQ seront vraiment à la portée de toutes les régions sans discrimination à l'égard des moins riches. Le crédit d'impôt ne serait applicable, cela va de soi, que sur la partie de capital payé. On pourrait exiger que dès la première année, à l'émission du permis au moment où la SODEQ commence ses opérations, le tiers du million soit souscrit et payé.

Diversification des investissements — Que le portefeuille d'une SODEQ corresponde à la vocation économique de chaque région du Québec au sens où l'entraide économique définit le mot "région", étant donné que nous aimerions que chacune de nos caisses ait l'avantage de souscrire dans la SODEQ de son milieu. Pour cela et aussi pour des fins de sécurité dans la diversité, nous suggérons qu'une SODEQ répartisse ses investissements de la façon suivante: L'industrie manufacturière, plus ou moins, 30%; le commerce, la distribution et le tourisme, plus ou moins, 30%; autres exemples, tel l'immeuble, plus ou moins 15%, et, enfin, pour des valeurs, obligations, dépôts à terme dont le revenu assurera, avec les honoraires de la gestion, le paiement de l'administration estimée à $50 000 annuellement, plus ou moins, 25%.

Composition du portefeuille en nombre et valeur des investissements — Qu'une SODEQ ne puisse investir dans chaque projet plus de 10% de son propre capital-actions émis et payé et pas plus de 30% du capital-actions émis et payé de l'entreprise, de sorte que la SODEQ ait obligatoirement

un portefeuille d'au moins dix placements. Ajoutons ici que, dans l'éventualité de projets plus importants, les SODEQ pourront toujours imiter nos caisses et supporter à deux, à trois ou à quatre l'investissement requis. D'autant plus que nous n'écartons pas la participation de l'entraide économique à d'autres paliers de SODEQ dont l'envergure provinciale permettrait des interventions différentes et financièrement plus élevées que celles d'une SODEQ régionale.

Délais à la progression des investissements— Nous pensons qu'une période trop courte obligeant une SODEQ à investir une forte proportion de son capital dans l'industrie manufacturière comporte de graves dangers dont la course aux projets. Une période plus longue, quinze ans, par exemple — il y a un "quinze ans" qui est de trop. Je m'excuse. C'est cinq ans — cinq ans, par exemple, donnerait le temps aux administrateurs de se mieux connaître, de roder le personnel et d'étudier avec sagesse et sécurité les projets qui répondent le mieux aux objectifs de développement économique du milieu.

Nombre et distribution des SODEQ — Nous estimons, en outre, que le gouvernement du Québec ou, du moins, le ministère de l'Industrie et du Commerce ne devrait pas limiter le nombre de SODEQ à être créées, non plus que limiter l'expérience à ses zones économiques administratives. Si les Québécois, si les régionaux sont capables d'administrer sagement et avec profit les millions de dollars qui se trouvent dans nos caisses, pourquoi seraient-ils moins aptes à développer des habiletés dans un autre domaine de la finance?

Nous sommes d'avis qu'il faut faire confiance aux gens sur ce point précis de la fondation et du nombre, quitte à ce que la Commission des valeurs mobilières exerce, dans chaque cas, l'autorité dont elle dispose concernant la qualité des requérants.

Eligibilité des administrateurs à la participation des SODEQ — II faut éviter, enfin, que les administrateurs d'une SODEQ soient exclus des bénéfices de la société. Tant mieux si tel administrateur, industriel, entrepreneur, hôtelier ou commerçant, après avoir donné le meilleur de lui-même pour doter sa région d'une institution de capital spéculatif, trouve dans la SODEQ un partenaire dans la réalisation d'un projet rentable. Autrement, il y a risque que les conseils d'administrations se voient privés de certains des meilleurs éléments du milieu, et cela serait particulièrement vrai dans des régions moins populeuses, moins développées, où le potentiel d'administrateurs expérimentés est plus restreint.

Conclusion — Tel est l'essentiel de nos recommandations. Nous espérons qu'elles seront prises en considération et que très bientôt nous soyons en mesure de demander au gouvernement de cette province l'autorisation d'investir 2% à 3% de notre actif dans les sociétés de développement de l'entreprise québécoise. Puisque dans 30 mois l'actif des Caisses d'entraide économique atteindra $1 milliard, cela voudrait dire qu'avant longtemps, par le truchement de nos caisses, dans les régions qu'elles desservent respectivement, nous mettrons à la disposition des entreprises de toute espèce, sous forme de capitaux spéculatifs, une somme de $20 millions à $30 millions. Ajoutées à d'autres participations, ces sommes seront multipliées bientôt par cinq et par dix. Cela vaut la peine qu'on s'y arrête. Dans la proportion du capital qui est consacré à l'investissement industriel, nous voudrions que soit incluse la construction de bâtisses spéculatives polyvalentes.

J'ai ajouté à ce document, mais je ne vous en ferai pas lecture, premièrement le prospectus de la Société de gestion Lac-Saint-Jean dont je vous décrivais l'existence dans le courant de ce mémoire; deuxièmement, les commentaires du Groupement québécois d'entreprises; troisièment, l'état des Caisses d'entraide économique du Québec le plus récent que j'aie jusqu'à maintenant et, enfin, le rôle et l'impact d'une caisse d'entraide dans un milieu donné, ainsi que dans une région déterminée qui est celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Voilà pour l'essentiel de nos recommandations.

Je vous remercie de nous avoir écoutés.

Le Président (M. Gratton): Merci, M. Fortin.

M. Saint-Pierre: Mais, dans la diversification des investissements, ne trouvez-vous pas que, fondamentalement, on risque peut-être d'aller "moins dans le risque", pour employer l'expression du chef de l'Opposition?

Lorsqu'on est dans le commerce, dans la distribution et autres — je ne nie pas qu'il n'y ait pas des besoins là — prioritairement, avec 12 000 entreprises manufacturières au Québec, avec celles que vous avez dans votre région, n'y a-t-il pas suffisamment de projets ou d'entreprises qui auraient besoin de votre aide? Strictement dans le secteur manufacturier, ne reconnaissez-vous pas que c'est dans ce secteur que les besoins sont les plus aigus et que les effets d'entraînement sur d'autres secteurs sont les plus grands?

M. Fortin: Je suis d'accord avec vous sur cet énoncé de principe, et j'ai eu l'occasion d'en parler au début de cette réunion avec quelqu'un du groupe de la Chambre de commerce.

Incidemment, je félicite M. Létourneau d'avoir donné une définition que je partage concernant ce fameux capital de risque ou capital spéculatif. Je crois qu'il a apporté des nuances extrêmement sérieuses et valables.

Mais ce que nous visons d'abord à créer est l'institution financière comme telle. On peut bien le voir dans ses effets, mais je pense qu'il faut le voir dans sa structure d'abord comme existant avant d'être capable de faire des opérations financières valables.

Alors, il se pourrait bien que pour un certain temps, au tout début, nous cherchions à sécuriser au maximum l'investissement de SODEQ, premièrement, pour éviter des risques financiers toujours embêtants et pour lui permettre graduellement de

développer des habiletés qui lui permettront de juger adéquatement des projets et, enfin, de faire des interventions de plus en plus rentables, répondant aux objectifs du ministère de l'Industrie et du Commerce.

Je dois vous dire que, dans notre esprit, il n'est pas question de ce capital de risque au sens de risquer. Les SODEQ, à notre avis, n'ont pas été créés pour faire du capital risqué.

M. Saint-Pierre: M. Fortin, prenons un cas d'espèce, si dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean, par magie, demain, on a un capital souscrit et payé d'un million. C'est une SODEQ dans laquelle les caisses d'entraide économique ou les membres et ses dirigeants ont une part importante et d'autres mouvements dans la région sont inclus là-dedans. Ne croyez-vous pas que dans votre région, avec $1 million — et disons que même si je partage votre hypothèse d'un étalement plus long, la même chose sur le rythme des investissements — il est normal de s'attendre à ce que 65% de ce million, $650 000, soient très facilement placés en termes de prêt non garanti ou capital-actions dans des entreprises manufacturières du Saguenay-Lac-Saint-Jean? De bonnes entreprises rentables, très certaines qui ne développent pas pleinement leur croissance actuellement parce qu'elles sont sous-capitalisées.

M. Fortin: Mon expérience dans ce domaine, à titre d'administrateur d'une société qui fait du capital de risque, m'a permis de changer mon point de vue initial.

Je croyais que les entreprises voyaient d'un bon oeil le "venture capital" intervenant dans le capital spéculatif chez eux, y apportant une contribution financière. Eh bien, j'ai dû réaliser que c'est tout le contraire. Les entreprises qui vont bien et qui veulent du développement, en général, préfèrent rester toutes seules et s'organiser sans qu'il n'y ait une participation étrangère, la plupart du temps. D'une part, parce qu'elles génèrent des capitaux qui leur permettent de voir à leurs besoins et, d'autre part, parce qu'elles veulent difficilement— on a encore un peu cet esprit chez nous, au Québec— accepter un contrôle de l'extérieur.

Alors, cela est assez curieux, mais c'est ce qui se produit dans les faits. C'est pour cela que nous disons qu'avant d'imposer des normes qui vont finir, sans doute, par s'appliquer il faut que la société fasse ses preuves, d'abord, qu'elle démontre qu'elle est un partenaire sérieux — ce qui n'est pas fait tant que la société n'existe pas — qu'elle prouve qu'elle peut administrer sans ingérence indue, que ses administrateurs connaissent bien le rôle de partnership dans l'entreprise.

Alors, elle a elle-même à imposer son rythme, à développer sa réputation et à se révéler dans le milieu comme un partenaire sérieux avant d'être reçue chez les entreprises qui même ont des besoins de capitaux et qui peuvent les trouver ailleurs.

Une formule à laquelle on a pensé aussi est d'approcher une entreprise en lui disant: Dans dix ans, on va signer un contrat avec toi ou dans cinq ans, obligatoirement, parce que la société de gestion ou la SODEQ n'est pas là pour devenir un trust.

En somme, c'est une entreprise d'argent que nous voulons faire, une entreprise financière, leur garantir que dans quelques années, par exemple, l'entreprise où on investit de l'argent pourra racheter à la valeur établie à l'époque nos actions, mais en garantissant à l'individu qu'il aura la possibilité de se débarrasser de la société qui, avec le même argent, pourra rendre d'autres services au fur et à mesure à l'entreprise.

M. Saint-Pierre: Quand vous me recommandez de ne pas investir dans chaque projet plus de 10% de son capital-actions émis et payé, pas plus de 30% du capital-actions émis et payé de l'entreprise, ce sont des limitations, ce sont des contraintes plus sévères encore que celles auxquelles nous avions songé jusqu'ici.

Est-ce que ce n'est pas une contradiction entre cela et les paragraphes avant et après, où vous nous dites: II faut faire confiance aux gens, il faut leur donner une certaine flexibilité. En d'autres termes, je me dis: Si les gens d'une SODEQ croient que les paramètres que vous nous donnez ici doivent être imposés, il faut bien voir que la loi ne les empêche pas par règlement, de retenir, pour leur propre régie interne, les mêmes chiffres que vous suggérez. La question que je me pose c'est: Est-ce que c'est bon de donner tellement de contraintes que finalement une SODEQ pourrait avoir un excellent projet mais n'être pas capable de... Elle voudrait investir seule, elle connaît bien le projet, mais elle ne le peut pas, parce qu'on l'a obligée à ne pas y mettre plus de 10% de son capital souscrit. Je me dis: Est-ce qu'on ne devrait pas donner le minimum de contrainte et laisser chaque SODEQ par des régies internes, décider elle-même quels vont être les risques ou comment, pour employer votre mot, on va assurer la sécurité dans la diversité. Il n'y a rien qui empêchera une SODEQ de s'imposer cela, mais je me dis: Est-ce que c'est une bonne chose de l'avoir dans la loi?

M. Fortin: La contrainte, en fait, de la répartition du capital est une contrainte tout à fait normale qu'on retrouve dans l'ensemble des sociétés de "venture capital" à caractère public. Il est évident que, dès que vous permettez à une société de distribuer son capital en tranches plus petites, vous l'exposez à un risque déterminé qui peut s'avérer une mauvaise aventure, de mettre en danger la société elle-même et plus vous assurez la répartition du capital... En tout cas, les effets d'entraînement d'un mauvais risque sont habituellement moins grands si votre capital est un peu plus diversifié.

En cela, nous avons voulu aussi suivre la règle que nous nous imposons nous-mêmes à l'intérieur des caisses d'entraide économique et qui oblige, par exemple, à une répartition du capital selon des secteurs et selon des proportions pour garantir la sécurité des épargnes qui nous sont confiées.

Ceci étant dit d'une part, quant à la possibilité que les SODEQ, à l'intérieur, puissent adopter une réglementation qui soit plus restrictive encore que la loi, ce que la loi ne défend pas en soi, nous y verrions peut-être l'objection suivante, à notre niveau en tout cas — et là je parle pour nous — nous ne voulons pas créer des SODEQ qui soient la propriété des caisses d'entraide économique. Nous voulons tout simplement être des participants minoritaires à des sociétés de développement d'entreprises québécoises autonomes. Evidemment, étant minoritaires, nous allons voter comme des minoritaires à l'intérieur de la société. Que nous fassions notre investissement sous condition, qu'à un moment donné, par règlement, on ne puisse pas dépasser telle limite, c'est possible, mais il est démontré, en fait, et c'est la loi qui le dit, que les règlements internes d'une société peuvent être changés par l'assemblée annuelle des actionnaires, n'importe quand, à la majorité en nombre et en valeur.

M. Saint-Pierre: Là, je comprendrais qu'il est peut-être de votre intérêt, si vous-mêmes vous êtes arrêtés à ces critères de dire qu'on doit espérer que tous les autres vont imposer les mêmes critères, mais je me dis: Face au bien commun, est-ce que c'est normal d'imposer à d'autres les critères que les caisses d'entraide économique désirent retrouver dans les SODEQ? Comme je vous dis: Quand vous allez placer votre argent, si vous êtes capables de convaincre les gens de votre point de vue, vous avez raison. Mais voici l'autre côté de la médaille à mon sens. Il faut se rappeler, et peut-être que M. Sutton pourrait nous éclairer dans cela, qu'un des problèmes pour ceux qui font de ces placements, c'est que souvent ils vont avoir un montant minimum assez important. On ne fera jamais un placement de moins de $200 000, parce que, lorsqu'on fait des placements de $50 000, cela devient extrêmement coûteux de faire l'analyse du placement, de surveiller le portefeuille par après, d'avoir les contrôles, de vérifier. Généralement, je crois comprendre qu'on aime avoir une espèce de seuil minimum et de dire: Si c'est moins de $200 000, cela devient très onéreux de suivre cela, de faire l'analyse des projets. Si vous dites, dans vos règlements: C'est $200 000 qu'on va faire au minimum, vous savez que vous ne pouvez pas avoir 50 cas qui vous sont donnés dans la semaine. Les gens savent que s'ils ont seulement un projet pour faire un agrandissement de 10 000 pieds carrés, vous n'êtes pas intéressés à participer.

M. Fortin: Sur ce point précis, M. le ministre, nous avons eu l'occasion d'examiner, avec une société qui s'appelle SOFINOVA Canada, qui nous avait approchés à un certain moment pour un projet commun, des possibilités d'une société à caractère provincial. Là, on a jugé que sur le plan provincial, il est évident que, à cause des moyens de contrôle, à cause des coûts élevés aussi de surveillance, d'analyse des projets et plus les projets sont importants habituellement, plus les coûts d'analyse sont importants, il fallait restreindre le nombre des projets. Mais quand on arrive dans un milieu régional où les entreprises sont habituellement connues et facilement contrôlables parce qu'elles sont dans un territoire géographique déterminé, il est moins coûteux de faire l'analyse, il est aussi plus facile de surveiller la gestion de l'entreprise.

M. Saint-Pierre: Mais je rappelle que la réglementation actuelle permettrait de faire cela.

M. Fortin: Oui. Mais remarquez...

M. Saint-Pierre: Vous ne voulez pas qu'on la donne à tout le monde parce que...

M. Fortin: Notre point de vue est celui d'une institution financière qui veut investir de l'argent là-dedans.

M. Saint-Pierre: D'accord, oui.

Cela ne signifie pas que le gouvernement a tort lorsqu'il l'indique comme il l'a fait, mais je suis obligé de refléter l'attitude d'une institution financière qui a certaines sommes d'argent, des épargnes du public et on veut les investir dans des conditions prédéterminées.

M. Saint-Pierre: En parlant d'épargne du public, est-ce que vous ne trouvez pas dangereux d'accepter intégralement les suggestions que vous formulez au sujet des conflits d'intérêt? Dans des régions données, est-ce que les gens n'ont pas, surtout si ça va bien, une certaine confiance dans cette société privée, je vais presque prendre le vocabulaire du chef de l'Opposition officielle, société privée qui est à l'abri des regards inquisiteurs du monde, qui veut savoir ce qui se passe et, finalement, au bout de trois ou quatre ans, on se retrouve dans un petit groupe qui contrôle la SODEQ et commence à faire des placements dans ses propres compagnies, des fois, des choses un peu douteuses avec des conditions un peu douteuses.

Je comprends votre préoccupation que, dans des régions, il n'y a pas une pléthore d'administrateurs, pour servir dans les SODEQ. On peut prévoir le cas où, si ça touche une entreprise, quelqu'un soit obligé de démissionner pour un laps de temps, tant que le prêt dure. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'il y a un certain danger?

M. Fortin: Oui, il y a un danger, mais nous avons été créé justement pour favoriser ces conflits d'intérêt si j'ose dire, et à l'expérience faite de l'entraide économique et de ses investissements, il est bien sûr que les meilleurs placements sont toujours faits chez nos administrateurs qui, habituellement, sont les hommes d'affaires les plus dynamiques du milieu, alors on voudrait que ça se reflète également dans les SODEQ. On n'a pas peur que ces conflits d'intérêt fassent autre chose que de créer des entreprises pour le milieu. C'est sûr que, si on le voit sur un plan strictement

juridique, on peut s'attendre à ce que les gens en profitent pour leur intérêt et finalement bâtissent des entreprises à même l'épargne des autres.

On peut voir ça de cette façon. On peut dire aussi que le président d'une société comme celle-là, qui développe une entreprise, crée de l'emploi et, finalement, son argent sert à développer son milieu sous forme de capital actions, sous forme de prêts, de l'autre côté... Or finalement, la communauté en bénéficie. On peut développer deux types de raisonnement et avoir raison avec l'un comme avec l'autre.

Sur le plan provincial, il est possible que le ministère ait un point de vue plus légal, plus juridique qui m'échappe mais que je comprends quand même et que, dans nos régions, on a un point de vue un peu plus régionaliste et un peu plus coopératif au sens près, les unes des autres, j'allais dire paternaliste mais c'est un mot que j'hésite à employer dans les circonstances.

M. Saint-Pierre: Cela ne nous a pas causé de problème. Si je comprends, dans une caisse d'économie...

M. Fortin: Au contraire, cela a favorisé notre développement. Je ne sais pas si M. Forest pourrait dire un mot là-dessus, il est expert de la coopération chez nous.

M. Forest: Disons que, dans le cas des caisses d'entraide économique, notre loi spécifique demande que, chaque fois qu'un membre, qui est administrateur d'une caisse, fait un prêt dans une caisse, on est obligé de le dévoiler au ministère. Alors, le ministère est là pour juger s'il y a des cas d'abus. Jusqu'à maintenant, on n'a eu aucun "come back". Lorsque l'occasion se présente, qu'il y a un type qui se dévoue pour la cause commune, qu'un besoin se présente, je pense qu'il doit avoir droit autant que les autres, pour autant que ce ne sont pas des abus.

M. Saint-Pierre: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander aux gens de la chambre de commerce, sur ce point spécifique, quelle est votre réaction sur les dispositions que nous avons sur les conflits d'intérêt? A savoir que SODEQ peut faire un placement...

M. Létourneau: Jean-Paul Létourneau. Il semble, M. le Président, que ce à quoi se réfèrent les caisses d'entraide économique, comme institutions, c'est basé d'abord sur une dimension régionale très restreinte et le fonctionnement qu'on propose là est assez différent de ce que nous avions envisagé. Dans ce sens, c'est une institution qui serait beaucoup plus restreinte au point de vue géographique et au point de vue de son envergure financière parce qu'il y a des suggestions qui sont faites quant à la capitalisation au montant et, dans ce sens, je pense que nous aimerions examiner de plus près la proposition pour savoir quelle pourrait être notre réaction à ça. Parce que nous n'avions pas conçu, dans notre esprit, les SODEQ à une si petite échelle. On les voyait à une échelle un peu plus large, ça ne veut pas dire que la proposition qui est là ne soit pas valable.

Quand on regarde le fonctionnement d'une entreprise à ce niveau-là, il est sûr que le nombre des administrateurs possibles est très limité, le nombre des investissements aussi est plus limité. Demeure la question possible du conflit d'intérêts et là-dessus, étant donné qu'on a vu le projet, qu'on vient juste de le voir, j'aimerais que nous puissions en discuter d'abord avec les gens qui l'ont proposé avant de vous faire une recommandation. Je n'en ai pas personnellement. Peut-être que M. Hawey aurait une suggestion à faire. Moi, je n'en ai pas.

M. Hawey: Cela regarde l'article 37, d'après ce que je peux voir, les articles 37 et 38. Ce sont des choses qui ont été discutées à notre comité, la question des conflits d'intérêts. C'était tout simplement pour éviter des répétitions de choses qui ont pu se produire, quelquefois, dans les organismes qui ont une envergure un peu moindre que ce qu'on connaît dans le domaine financier.

Tous ces points-là avaient été soulevés, justement parce qu'on y voyait des dangers pour ceux qui investissaient dans ce genre de société et on voulait prévenir le plus possible, de façon à ce que l'expérience ou les expériences ne soient pas malheureuses. On voulait que ce soit inclus, que ce soit très bien couvert. Cela n'empêche pas les gens concernés... Cela peut créer des problèmes dans les petites régions, et c'est normal d'aller dans un autre SODEQ où ils pourraient avoir leur prêt la même chose, ou leur investissement.

M. Saint-Pierre: Une dernière question, M. Fortin. Si je comprends bien, en lisant entre les lignes, dans votre esprit, si vous aviez à conseiller le gouvernement, vous trouvez que dans les premières années, on pourrait établir 52 SODEQ à peu près et une pour le même territoire, enfin, un nombre beaucoup plus grand que ce qu'on a pu envisager jusqu'à maintenant.

M. Fortin: M. le ministre, j'ai bien la conviction qu'on n'en créera pas 50, ni la première, ni la deuxième, ni la troisième année. Même chez nous, il y aura des limites qui seront imposées aux caisses, à savoir qu'on ne peut intervenir sur le plan du capital de risque, à moins d'avoir un minimum suffisant d'actif. Il y aura des limites qui seront imposées.

D'autre part, il y aura une période d'information et de recherche qui va se faire dans tout le Québec à ce sujet. Je ne doute pas que la première année, il n'y en ait pas plus que 10 ou 15 qui se décident à investir de l'argent. Une société commence le matin où on met la main dans sa poche et qu'on fait comme on a déjà fait; le trésorier passe chez vous et dit: C'est ce matin que tu me donnes ton petit chèque de $3000, $4000 ou $5000.

A ce moment-là, le gars commence à réfléchir et dit: Tu reviendras demain. Ce n'est pas demain,

c'est ce matin que tu fais le chèque. C'est là que vous prenez des membres et que vous décidez de créer une société. Sur cette base-là, sur la base de la souscription, je pense bien, M. le ministre, que vous allez rejoindre indirectement ce que vous proposez un peu directement dans votre loi et que cela va s'implanter d'une façon graduelle. C'est le voeu de tous et chacun.

Mais ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas imposer de limites, afin que des groupes, dans des régions particulières, qui ont peut-être plus de dynamisme et plus de besoins que d'autres, puissent en créer deux ou trois, par exemple.

Je ne citerai pas la région chez nous, mais je pourrais citer la région de Sherbrooke, où il peut y avoir, par exemple, deux SODEQ. Je pourrais citer la région de Québec, où il peut y en avoir trois ou quatre. La région de Montréal, c'est la même chose.

M. Saint-Pierre: Je connais bien votre région pour y avoir vécu, tant à l'Education qu'à l'Industrie et Commerce. Qu'est-ce qu'on fait, comme gouvernement, si, le lendemain de la création des SODEQ, j'ai 13 groupes différents qui veulent avoir une SODEQ dans le Saguenay-Lac Saint-Jean? Est-ce qu'on n'a pas une responsabilité collective, pour assu rer le succès de la formule SO DEQ dans le Saguenay-Lac Saint-Jean, d'avoir le courage de dire non à des groupes qui nous apparaissent, avec les critères les plus objectifs possible, comme étant trop farfelus ou non responsables?

M. Fortin: Ma taquinerie est toute prête, M. le ministre. Vous ferez comme à l'Education, vous créerez quatre campus ou quatre SODEQ et vous serez assuré du succès.

M. Morin: M. le Président, je voudrais revenir sur la première proposition de changement qui nous est faite dans le mémoire de la Fédération des caisses d'entraide économique. Cette suggestion a trait à l'étalement de la souscription et du paiement du million de dollars.

On nous fait la suggestion suivante; que la souscription et le paiement du million de dollars, qui est le minimum imposé à toute société, tout groupe qui veut se prévaloir des avantages d'une SODEQ, puissent être étalés sur une période de cinq ans.

J'imagine que lorsque vous avez fait cette suggestion, vous songiez au fait que, dans certaines régions, il peut être plus difficile de trouver un million de dollars, alors que dans d'autres régions, la chose peut être relativement facile.

Ce n'est pas jeter du discrédit sur la Gaspésie, mais bien plutôt refléter sa condition économique, que de penser qu'il pourrait être plus difficile peut-être de trouver $1 million en Gaspésie qu'au Saguenay-Lac-Saint-Jean, par exemple. Je pense que le député de Matane ne le prendra pas mal. C'est une réalité économique. C'est à cela, j'imagine, que vous pensez quand vous nous faites cette suggestion de commencer par le tiers du mil- lion souscrit et payé, plutôt que le $1 million. Vous ai-je bien compris?

M. Fortin: C'est tout à fait exact. C'est ce à quoi nous pensons. Nous nous y référons exactement. L'indice de richesse n'est pas le même selon les régions, et il peut être beaucoup plus difficile dans certaines régions qui ont sans doute, justement à cause de ce fait, plus besoin que d'autres d'une société de ce genre. On ne voudrait pas qu'on empêche leur création en fixant un minimum qui n'est quand même pas excessif. Il ne faut pas penser que nous croyons que le $1 million est excessif. Fonctionner avec $1 million en termes de capitaux spéculatifs, c'est bien. C'est mieux de fonctionner avec $2 millions et encore mieux avec $3 millions. Plus cela va, plus c'est facile d'assurer la progression de projets importants. Mais pour autant...

M. Morin: II faut commencer quelque part.

M. Fortin: ... il faudrait qu'on puisse permettre à des régions qui sont moins riches, qui sont moins habituées à cela, qui sont moins éduquées aussi au problème des capitaux spéculatifs, au problème de l'argent, d'avoir un minimum qui, quand même, d'après notre expérience, peut permettre le fonctionnement normal et la rentabilité de la société. On pourrait dire $300 000; on pourrait dire $400 000; on pourrait dire $250 000. Nous laissons au gouvernement le soin de choisir, mais, en tout cas, je pense qu'un montant de $300 000 à $350 000 permet à une société de démarrer pourvu qu'une année suivante elle puisse trouver peut-être un autre $100 000 ou un autre $200 000, ce qui apporterait à $500 000, graduellement, pour atteindre l'objectif fixé par le gouvernement qui est excellent.

M. Morin: M. le Président, je voudrais dire qu'en ce qui nous concerne, nous appuierions cette suggestion. Comme cela doit se régler en principe maintenant, puisque le projet qui sortira de cette commission s'en ira à la Chambre pour la troisième lecture et que ce sera définitif, nous serons pris avec le projet de loi tel que nous l'aurons adopté, c'est maintenant qu'il faut étudier ces suggestions, ces recommandations. Je demanderais au ministre s'il est disposé à modifier son projet dans le sens indiqué par la fédération, sur ce premier point.

M. Saint-Pierre: Qui est l'étalement de... M. Morin: L'étalement de la souscription.

Le Président (M. Gratton): Si vous me permettez une question de procédure, je pense qu'on pourrait attendre le moment de l'étude de l'article en question pour trancher ces questions spécifiques.

M. Morin: Mais, M. le Président, quand viendra le moment d'étudier l'article, on pourra peut-être

faire un amendement ou ne pas en faire. Mais je demande au ministre quelle est son attitude générale devant cette suggestion de la fédération. Pour l'instant, nous ne sommes pas encore au moment de faire des amendements précis.

Le Président (M. Gratton): Non, mais nous devons y passer très prochainement.

M. Morin: Eh bien! on y passera...

Le Président (M. Gratton): Je n'y ai pas d'objection, à condition que le ministre désire répondre.

M. Saint-Pierre: ... très bref, M. le Président. Je suis un peu sympathique en principe, aux demandes de la fédération pour l'article 1 et l'article 4. Je suis moins sympathique à l'article 2, à l'article 6. Finalement, je crois comprendre qu'il n'y a pas grand-chose qui nous sépare, entre l'article 3 et l'article 5. On va atteindre directement ou indirectement ce qu'on veut tous les deux. Aux articles 1 et 4, j'aurai des amendements, en cours de route qui, je pense, rejoignent dans une bonne mesure ce qui a été suggéré ici. J'ai d'autres amendements. D'ailleurs, ayant entendu les trois groupes, peut-être qu'il serait bon de prendre article par article, puisque...

M. Morin: Bien. Si vous voulez, d'abord avant de quitter la fédération...

M. Saint-Pierre: D'ailleurs, je peux peut-être vous les donner.

M. Morin: ... j'aimerais quand même que nous examinions d'un peu plus près certaines de leurs suggestions, parce que, moi-même, sur une ou deux, je suis un peu hésitant. J'ai les mêmes hésitations que le ministre sur la suggestion no 6 portant sur l'éligibilité des administrateurs à la participation des SODEQ. Etant donné qu'il s'agit de fonds qui vont tout de même être ramassés dans le public, avec une exemption d'impôt, je suis un peu hésitant devant ce sixième point. Mais il y en a d'autres où je suis beaucoup plus en sympathie.

Puisque vous me dites que vous êtes favorable au premier point, je n'insisterai pas davantage. Nous verrons tout à l'heure la façon dont vous traduiriez cela dans le projet de loi.

Au numéro 3, portant sur la composition du portefeuille en nombre et valeur des investissements, est-ce qu'on ne pourrait pas faire une distinction entre deux suggestions qui se trouvent dans votre premier paragraphe? J'aimerais les distinguer, parce qu'elles ne me paraissent pas avoir les mêmes conséquences. Si vous dites qu'une SODEQ ne devrait pas pouvoir investir dans chaque projet plus de 10% de son propre capital-actions, je serais tenté de vous appuyer, parce que cela veut dire qu'il va y avoir un minimum de diversification. Quand vous nous dites que pas plus de 30% du capital-actions sont payés de l'entreprise, là, je me pose la question suivante: Est-ce que vous n'imposez pas une contrainte indue? Est-ce que, par exemple, vous n'excluez pas qu'une SODEQ prenne le contrôle ou ait le contrôle d'une entreprise? Ce qui pourrait, dans certains cas qui peuvent me venir à l'esprit, être bénéfique, pourrait en tout cas, certainement, aider à démarrer une entreprise. Je pense à un cas comme Cabano. J'essaie de juger quelle aurait été l'attitude d'une SODEQ appelée à financer Cabano avec ses contraintes que vous imposeriez au troisième point. J'aimerais que vous élaboriez un peu pour que je sache dans quelle mesure je dois faire pression sur le ministre pour qu'il adopte les contraintes dont vous nous parlez dans ce troisième paragraphe.

M. Fortin: Quand vous parlez, M. Morin, de la possibilité d'accéder à la propriété d'une entreprise...

M. Morin: Entre autres.

M. Fortin: Nous y songeons, mais nous pourrions y songer en cas de mal administration ou, disons, de mauvaises affaires. A un moment donné, une entreprise, pour une raison ou pour une autre, parce qu'elle n'a pas de capital suffisant, parce que ses administrateurs n'ont pas fait preuve des qualités nécessaires se trouve en mauvaise situation. De deux choses l'une: ou on la laisse aller, ou bien on s'y intéresse. On s'y intéresse comment? En investissant une somme d'argent additionnelle ou encore en prenant la gestion de l'entreprise. A ce moment, dans la société que j'administre, nous avons prévu un dispositif en vertu duquel les membres, au cours d'une assemblée générale spéciale, en nombre et en valeur, décident — je devrais parler des actionnaires, parce que ce sont des actionnaires dans les circonstances — les actionnaires réunis et représentant, en nombre et en valeur, la majorité d'entre eux peuvent décider d'aller un peu plus loin que les règles normales de la société et, à ce moment, d'intervenir dans un cas en particulier, chaque cas devant faire l'objet d'une assemblée générale spéciale pour éviter que ce soit le fait de deux ou trois ou quatre personnes qui, pour une raison ou pour une exaltation quelconque, se lancent dans une entreprise. Ceci a été mis sur la table au cours d'une discussion avec les gens du ministère, mais je crois que là-dessus, il y a eu une recherche intéressante qui a été faite et que nous sommes prêts à considérer et à examiner attentivement. Je ne sais pas si cela répond un peu à votre question.

Pour les 30%, je vous dirai que nous considérons que la SODEQ ne doit pas être toute chose dans un groupe industriel ou dans un groupe commercial ou dans un groupe touristique. Nous pensons qu'une fois la réputation de la SODEQ bien établie, en raison de la capacité de gestion et des services de gestion qu'elle offre à l'entreprise, l'entreprise en question va pouvoir trouver beaucoup plus facilement une participation d'un autre groupe du seul fait que la SODEQ y va pour un montant de 30% et qu'elle apporte la qualité et la

sécurité de sa gestion à l'intérieur du groupe. Alors, nous croyons que la SODEQ à cet égard aura un facteur d'entraînement et sera une valeur incitative par la qualité propre de ses investissements lorsqu'elle interviendra dans un cas, que ce soit au démarrage d'une entreprise ou que ce soit au moment de la réorganisation ou du développement d'une entreprise, de quelque nature qu'elle soit.

Il se peut que 30% puissent être portés à 35% ou puissent être diminués à 25%. Nous avons fixé une norme de 30%, comme d'autres groupes de "venture" fixent les normes à 40%, comme d'autres les fixent aussi à 25%. Disons que ce pourcentage, dans notre esprit, nous en avons parlé avec les officiers du ministère, je ne l'ai pas changé dans le mémoire, parce que c'était le document original sur lequel nous avons discuté. Nous tenions à ce que les mêmes arguments soient reflétés ici pour éviter des confusions. C'est une chose qui a été examinée autour de tables de discussion préliminaire et sur laquelle nous avons de la flexibilité.

M. Morin: Est-ce que la Chambre de commerce a un point de vue sur ce point en particulier?

M. Saint-Pierre: Le point qu'on soulève n'est pas dans la loi. Je tiens seulement à vous préciser cela.

M. Morin: Oui, je sais bien. Il s'agit de savoir si on peut améliorer la loi ou pas.

M. Hawey: Si je peux me permettre, il a été discuté au cours de nos délibérations pour suggérer que cette société... Normalement, ce n'était pas le but primordial d'une SODEQ de prendre le contrôle. On voulait qu'elle détienne un certain pourcentage, qui n'a pas été mentionné comme tel, mais à l'origine, je pense qu'on parlait de 40% ou quelque chose de ce genre. Mais on s'est dit, et ça rejoint peut-être certains des arguments qui ont été mentionnés, qu'il pourrait y avoir des raisons pour lesquelles une SODEQ devrait, à un moment donné, pour protéger ses investissements, prendre le contrôle de l'entreprise en question. A ce moment-là, il y avait des suggestions qui étaient faites à ce sujet où la SODEQ pouvait, durant une certaine période, pour des raisons d'urgence, pour des raisons importantes, garder temporairement le contrôle d'une entreprise et le remettre subséquemment.

M. Morin: On ne peut pas dire que le projet de loi n'en parle pas, puisque l'article 46, qui traite des règlements, on nous dit justement que le lieutenant-gouverneur en conseil pourra "déterminer ou modifier les catégories d'investissements", etc., et, un peu plus loin, "ou modifier le nombre maximum d'employés et la valeur maximum des actifs d'une petite ou moyenne entreprise dans laquelle une société peut investir ses fonds". La valeur maximum, ça peut-être aussi bien en chiffres absolus qu'en pourcentage, j'imagine.

M. Saint-Pierre: La valeur maximum, c'est l'actif de $7,5 millions dont on parlait tantôt, qu'on nous permettrait de changer. Mais vous aviez raison. C'est à l'article 46 qu'on aurait le pouvoir de réglementation pour modifier ça, pour retenir ce qu'ils ont suggéré ou retenir ce que la Chambre de commerce a suggéré. Ce que je veux dire, c'est que ces chiffres, ces pourcentages, on ne les retrouve pas dans la loi dans le moment. Cela ne fait pas partie de la loi. Il fut un temps où on l'avait dans les premiers projets de loi. On a décidé, compte tenu peut-être de la nécessité d'une certaine flexibilité, de donner ça dans les pouvoirs de réglementation.

M. Morin: Oui. Est-ce que la fédération insiste pour que ce soit précisé dans la loi?

M. Fortin: Vous savez, une loi qui est bien faite, on s'en sert tout le temps, mais je pense que les règlements sont là pour préciser ce que la loi ne dit pas explicitement. Là-dessus, je présume que nous serons en mesure de les examiner attentivement après que vous les aurez vus. Je crois qu'ils seront déposés chez vous avant longtemps.

M. Morin: Les règlements?

M. Fortin: Oui.

M. Morin: Nous l'espérons, mais quand?

M. Saint-Pierre: Après la loi.

M. Morin: Oui, mais quand encore?

Le Président (M. Gratton): Pas ce soir.

M. Saint-Pierre: Le plus tôt possible.

M. Fortin: Pourrais-je poser une question au ministre?

M. le ministre, que pensez-vous de la suggestion que nous faisons, à savoir que dans la proportion du capital qui est destinée à l'industrie, vous puissiez considérer les bâtisses industrielles spéculatives polyvalentes?

M. Saint-Pierre: Je sais que ça ferait l'affaire de la Caisse d'entraide économique d'Alma, mais réellement, pour moi, ce n'est quand même pas une définition de l'entreprise manufacturière.

M. Fortin: De cinq ou six autres caisses aussi, parce que nous en avons fait bien ailleurs.

M. Saint-Pierre: Remarquez bien qu'on peut jouer dans ça, parce que, finalement, vous pourriez avoir des... Il s'agit seulement de savoir quelle est la définition de l'activité manufacturière. Si vous avez une bâtisse industrielle qui abrite une usine qui fait des pièces dans l'électronique, je ne

vois pas pourquoi indirectement la SODEQ ne pourrait pas participer ou détenir ça comme actif. Cependant, si la même bâtisse sert d'entrepôt à Steinberg pour ses livraisons de fin de semaine, quant à moi, ce n'est pas de l'entreprise manufacturière. Vous savez, c'est pour ça que la bâtisse est un peu... C'est pour ça que c'est différent. Le chemin qu'on prend, c'est l'activité manufacturière, et la bâtisse ne nous dit pas quelle est la nature de l'activité à l'intérieur.

M. Fortin: Pourriez-vous garder, dans les activités intérieures, la proportion que vous indiquez dans le capital industriel et le capital qui sert à d'autres fins? Ce que je veux dire par là, c'est que si la bâtisse servait, à 40% ou 50%, pour des fins industrielles et pour une autre proportion à d'autres fins, est-ce que ce pourrait être... En tout cas, pourriez-vous examiner le cas?

M. Saint-Pierre: Oui, on va essayer d'être le plus souple possible, mais vous comprenez un peu notre désir de cohérence là-dedans.

M. Fortin: Merci.

Le Président (M. Gratton): Est-ce que la commission a d'autres questions à l'intention de la fédération?

M. Morin: Non. Je voudrais dire à la fédération que nous sommes d'accord sur le quatrième point et que nous avons tendance à la suivre aussi sur le cinquième, peut-être pas sur le sixième. C'est une autre affaire. Mais le cinquième point porte sur le nombre et la distribution des SODEQ. Cela nous paraît le bon sens pour des raisons qu'on a déjà évoquées, d'ailleurs, au sujet du premier point. Je ne sais pas si le ministre a quelque chose à dire sur le cinquième point. J'aimerais bien connaître son opinion explicite sur cette question du nombre et de la distribution des SODEQ.

M. Saint-Pierre: Je pense qu'on se rejoint sur cela. Tantôt, dans la discussion, je pense qu'on voyait que nous n'étions pas...

M. Fortin disait que, finalement, même amasser $1 million, ce n'est pas facile et, compte tenu des contraintes, il n'y en aura pas 50 du jour au lendemain. Il y en aura peut-être dix.

Evidemment, s'il y en a dix, on ne sera pas obligé d'utiliser ce pouvoir de réglementation qu'on s'est donné. La seule chose que j'ai dite — ce n'est pas pour me rendre populaire — c'est que si, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a 19 demandes ou si, dans l'Estrie, il y a 14 demandes, si on a moindrement le sens des responsabilités, il faut se doter d'un pouvoir de réglementation qui permette de choisir selon les critères les plus objectifs, parce que si on autorise les 14, cela va être la faillite des 14, ou cela sera un succès très mitigé des 14.

Cela me surprend que le chef de l'Opposition ne me rejoigne pas là-dessus. Tout défenseur de l'entreprise privée que je sois, je trouve que c'est dans le secteur où une concurrence déloyale entre les initiatives au départ ne sert pas le bien commun que l'Etat est justifié de limiter la concurrence et limiter le nombre d'initiatives du secteur privé. Cela ne vous sonne pas bien dans les oreilles?

M. Morin: Je pense à l'autre objectif qu'il faut viser, qui est de donner à toutes les zones leur chance de profiter d'une loi qui serait bien faite. Remarquez que, dans sa rédaction actuelle, je ne suis pas d'accord sur plusieurs points de la loi. Une loi qui serait mieux faite pourrait être très utile et je serais favorable, à ce moment, à ce que, dans toutes les zones économiques, on puisse trouver la possibilité de créer des SODEQ.

M. Saint-Pierre: Cela a toujours été expliqué. Si vous avez suivi mes discours autant que ma définition du capital de risque, vous avez vu que ce n'est pas mon intention de permettre dix SODEQ dans la région de Montréal parce que c'est là qu'il y a le plus d'entreprises, là qu'il y a le plus d'épargne et là qu'il y a le plus d'institutions financières.

Je pense qu'au départ, il doit y avoir un souci d'équilibre régional. Cela sera sûrement un des critères objectifs qu'on peut retenir qu'avant qu'il n'y ait 14 SODEQ à Montréal, il y en aura sûrement une dans toutes les régions administratives du Québec.

M. Morin: Serait-il possible de revenir un instant aux gens de la coopération, avec votre permission, M. le Président?

L'une des choses qui me chicote dans le projet est qu'on prévoit des allégements fiscaux pour les contribuables qui investiront dans les SODEQ et que ces sociétés, comme on l'a laissé entendre, ne seront probablement pas très intéressées à investir dans les entreprises coopératives.

Je me demandais si l'un des risques du projet de loi, du point de vue de la coopération, n'est pas que cette loi, en définitive, n'inciterait guère les Québécois à favoriser le développement coopératif et mettrait l'accent sur l'entreprise privée.

C'est ce que je crains le plus. Je sais que vous allez me répondre que vous attendez qu'une future société de développement coopératif soit créée, mais vous allez peut-être attendre la semaine des trois jeudis avant que cela n'aboutisse et je me demande... Cela peut venir plus vite que ça?

M. Saint-Pierre: Beaucoup. Avant même la semaine des deux jeudis.

M. Morin: Oui, mais cela fait longtemps qu'on en parle. Le ministre le sait. Cela doit faire quelques années maintenant et...

M. Saint-Pierre: Non. Je m'excuse. Un instant. On a eu le rapport Parenteau et, sans divulguer des secrets d'Etat, je dois dire que ses propositions — M. Arès est au courant — font l'objet d'études très concrètes au niveau du gouvernement dans le moment.

M. Morin: La question que je poserais est celle-ci: Si vous êtes prêt à attendre la société de développement coopératif, je n'ai pas d'objection, mais n'y aurait-il pas des façons spécifiques d'adapter les SODEQ aux besoins de la coopération en dehors du secteur spécifique que vous avez mentionné de l'agro-alimentaire?

Vous pensez que cela n'est pas adapté à votre...?

M. Arès: C'est incompatible. Je pense que j'ai expliqué, tantôt, les modalités de fonctionnement d'une entreprise coopérative qui est loin — et je dirais à 100 milles — du caractère d'une entreprise qui poursuit des fins spéculatives. Ce sont des choses tout à fait incompatibles.

Une coopérative, ce n'est pas une entreprise spéculative. On ne spécule pas. On essaie de répondre à des besoins réels d'une population donnée ou de citoyens et si, à la fin d'une année financière, on a bien administré l'entreprise, s'il y a des trop-perçus à l'intérieur d'une entreprise, on les redistribue aux membres. Il n'est donc pas question, à l'intérieur d'une coopérative, de rechercher à maximiser un profit. Il peut être question de chercher à se développer, mais il n'est pas question de chercher à maximiser le profit. L'investisseur, dans une SODEQ, va chercher à maximiser son revenu ou chercher à rentabiliser son investissement. Cela, il ne peut le faire que si les actions investies dans la SODEQ grimpent. Cela veut dire que la SODEQ est obligée d'investir dans des entreprises qui peuvent connaître une croissance très rapide, ce qui n'est pas le cas d'une entreprise coopérative qui croît habituellement...

M. Saint-Pierre: Vous prenez, M. Arès, la Coopérative de Dorchester, qui a eu quand même une croissance très forte. Je prends cela comme exemple. Elle a fait des acquisitions à gauche et à droite et a vu son chiffre d'affaires doubler dans l'espace de deux ans. Est-ce qu'une telle coopérative, dans le moment, n'a pas, auprès des institutions bancaires, quand même des prêts à terme considérables? Est-ce qu'elle n'a pas dû emprunter pour réaliser cela et est-ce qu'une SODEQ ne pourrait pas prêter à une coopérative comme telle?

M. Arès: C'est ce que je mentionnais. Si certaines coopératives bien prospères, bien établies, qui ont maintenant acquis une très bonne administration, une saine gestion se regroupent et forment une SODEQ, profitent des avantages fiscaux qui sont introduits dans la loi, je pense qu'on peut faire des choses intéressantes avec cette loi des SODEQ, même dans les coopératives, même pour les coopératives. La Coopérative de Dorchester pourrait procéder avec une SODEQ à l'acquisition d'autres entreprises, à la création d'autres entreprises dans des secteurs connexes. On pourrait penser à faciliter des intégrations verticales ou horizontales pour des coopératives qui sont dans un secteur donné, mais je pense au citoyen québécois qui voudrait investir dans une coopérative, un club de consommation. Ce n'est pas possible, il ne peut pas s'attendre à recevoir des miracles, ces gens fonctionnent à frais directs. Alors, ils sont obligés de verser $2 ou $5 par semaine pour compenser les frais d'administration et de gestion du petit club de consommation. On ne peut pas s'attendre à un rendement sur du capital là-dedans. Si on s'en va dans des coopératives de service, les coopératives funéraires, on peut attendre des revenus assez longtemps aussi là-dedans. Si on s'en va dans l'habitation, on va aussi avoir des difficultés à obtenir une plus-value sur l'investissement qu'on va faire, etc.

M. Saint-Pierre: Le point qui mérite également d'être retenu, c'est souvent celui qu'on oppose à tort entre le ministère de l'Industrie et du Commerce et le secteur coopératif. Il faut se rappeler que, comme vous le disiez si bien, la coopérative naît souvent d'un besoin exprimé dans une communauté donnée et l'évolution des coopératives a fait que la très grande majorité d'entre elles se sont dirigées dans le secteur tertiaire, le secteur des services, l'habitation, les frais funéraires, également d'une façon importante dans le secteur financier, les services bancaires et autres, paraban-caires, les assurances, et des choses semblables, et également dans le secteur primaire qui était près de l'économie régionale dans une région donnée. Finalement, c'est l'exception qui est allée dans le secteur secondaire, le secteur manufacturier, principal champ d'action du ministère de l'Industrie et du Commerce. Ce qui fait que, souvent, on ne se rencontre pas parce que nous sommes dans le secteur manufacturier principalement et, exceptionnellement, on est dans le secteur tertiaire, et vous, vous êtes un peu l'inverse, vous êtes surtout dans le secteur tertiaire et, exceptionnellement, dans le secteur manufacturier.

Où je voyais, cependant, les coopératives, particulièrement à cause des dispositions de la loi qui, quand même, permettent de les rejoindre dans les placements, c'était le fait que les coopératives ou les caisses d'entraide économique rejoignent quand même un niveau très important de Québécois et que là, la coopérative, par un service un peu parallèle, aurait pu contrôler une SODEQ et offrir un dégrèvement fiscal à ses propres membres. C'est un peu la même chose que les plans récents en matière d'habitation ou en matière de retraite.

Qu'est-ce que la Banque Canadienne Nationale, la Banque Royale ou la Banque de Nouvelle-Ecosse ont à faire dans l'habitation? Absolument rien, sauf qu'elles ont vu là une autre façon d'offrir un autre service à des clients et de maintenir le lien entre ces clients et elles-mêmes? Il me semble que, par là, les SODEQ auraient pu, dans bien des régions, avec les caisses d'entraide économique, un peu en parallèle, offrir le dégrèvement fiscal comme service à la clientèle mais avoir une influence salutaire dans l'orientation, dans les choix qui sont faits par les SODEQ elles-mêmes.

M. Arès: Là-dessus, M. le ministre, on se rejoint parfaitement. Je l'ai dit tantôt, si des coopératives se regroupent procèdent à la création d'une SODEQ, profitent des avantages fiscaux de la loi, il y a des moyens qui vont permettre à ces coopératives d'investir peut-être davantage dans l'économie du Québec.

M. Bonnier: II y aurait la possibilité, je ne sais pas si les caisses populaires l'ont étudiée, ou les caisses d'entraide économique, comme le soulignait le ministre, du moins, c'est ce que j'ai cru percevoir, que des certificats soient offerts par les comptoirs des caisses populaires ou des autres organismes coopératifs d'épargne et de crédit, et que ces organismes soient très bien identifiés, qu'on précise qu'il y a une SODEQ qui va sortir de là et que cette SODEQ serait reliée à tel secteur de caisses d'épargne et de crédit qui pourront l'utiliser de la façon qu'elles le veulent. Par exemple, ça pourrait être utilisé pour faire des prêts à des entreprises de type purement coopératif par exemple, ce qui permettrait au membership même de s'associer au développement du secteur coopératif et d'une façon très dynamique.

Est-ce que ça vous répugne, M. Morin? Cela me surprendrait beaucoup que ça vous répugne.

M. Morin (André): Disons que ça ne me répugne pas personnellement, mais ce que j'ai dit tantôt, c'est qu'on n'est pas encore plongé là-dedans, on n'est pas encore sensibilisé de ce côté et j'ai hâte que votre loi soit couchée pour qu'on puisse se sensibiliser à la chose. Je pense qu'il y a beaucoup de possibilités du côté du prêt; du côté de l'investissement même, c'est un autre monde. M. Arès l'a très bien signalé; on est dans deux philosophies très différentes, la SODEQ ne veut pas régler le problème, et on compte toujours sur la société de développement coopératif.

M. Morin: Bien. M. le Président, je voudrais seulement revenir sur une suggestion concrète qui nous a été faite tout à l'heure au sujet de l'inclusion des entreprises régies par la Loi des sociétés coopératives agricoles, à l'article 33. J'avais cru comprendre que la réaction du ministre était favorable. Avais-je raison de le penser?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Est-ce que vous comptez présenter un amendement en ce sens de manière à les inclure?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Cela étant clair et précis, je veux bien que nous abordions le projet de loi, mais, M. le Président, nous avons déjà abusé de nos invités. Je ne sais pas à quelle heure vous comptiez ajourner les débats, peut-être qu'il serait bon de consacrer une autre séance à l'étude du projet de loi. Je serais disponible pour la chose.

M. Saint-Pierre: Le leader du gouvernement est un homme acharné qui veut bâtir pour le Québec et qui me demande de passer article par article le projet de loi no 6 ce soir.

M. Morin: Je ne sais pas si c'est possible, M. le Président, si c'est réaliste.

M. Bonnier: II bâtit pour le Québec...

Le Président (M. Gratton): On pourra toujours commencer et voir...

M. Saint-Pierre: On peut commencer et voir...

M. Morin: Jusqu'à quelle heure comptiez-vous procéder?

Le Président (M. Gratton): Personnellement, je n'ai pas d'heure. Au moment où la commission décidera d'ajourner ses travaux, je devrai...

M. Saint-Pierre: Commençons, on va voir le progrès et, à minuit, on se donnera une minute de réflexion.

Le Président (M. Gratton): Ceci termine la phase des auditions de nos travaux. Je désire vous remercier, madame et messieurs, au nom de la commission, de votre excellente collaboration. Je vous invite, si vous le désirez, à demeurer ici, mais je dois vous avertir tout de suite qu'une fois l'étude article par article entamée, il sera impossible à la commission d'entendre quelque représentation que ce soit. J'invite donc nos invités, s'ils ont des remarques finales à nous faire, à les faire immédiatement.

M. Arès: Nous voulons également vous remercier, M. le Président, de votre accueil, de votre invitation.

M. Létourneau: M. le Président, si vous me permettez, je désire également remercier la commission de nous avoir reçus et vous dire qu'en conclusion et globalement, nous sommes généralement d'accord avec le projet de loi tel que déposé et les projets de règlements qu'il nous a été donné de pouvoir consulter.

Il y aurait peut-être lieu d'augmenter un peu les normes quant à la définition de ce qu'on appelle une petite et moyenne entreprise. Dans notre projet de mémoire, nous allons jusqu'à $15 millions et 500 employés. Peut-être y aurait-il lieu de relever les normes en ce domaine, compte tenu de la période inflationnaire dans laquelle nous sommes.

En dehors de cela, il y aura peut-être d'autres amendements qui pourront être apportés à l'expérience. Pour le moment, il s'agit d'expérimenter la formule. Merci beaucoup de nous avoir reçus.

Le Président (M. Gratton): Merci. M. Forest?

M. Forest: A notre tour, de la fédération nous désirons vous remercier, M. le ministre, de même que la commission parlementaire, d'avoir bien

voulu nous recevoir. Je désirerais excuser notre président, M. Gagnon, qui aurait bien aimé assister, parce que c'est un projet qui lui tient beaucoup à coeur, mais cela a été impossible pour lui d'être ici ce soir, étant donné que la période où nous avons été avertis était très courte. Mais nous sommes tellement intéressés au projet que nous avons demandé à notre directeur, M. Fortin, de tout laisser de côté et de préparer le mémoire qu'on vous a présenté ce soir. Je vous remercie beaucoup.

Etude du projet de loi no 6 Interprétation

Le Président (M. Gratton): M. Gagnon aura, quand même, la consolation de se coucher beaucoup plus tôt que les membres de la commission.

Madame, messieurs, merci.

Article 1?

M. Morin: Un instant, M. le Président, nous allons prendre le temps de les relire, si vous voulez. Je n'ai pas d'observation particulière à l'article 1.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 2?

M. Morin: A l'article 2, il est bien clair que, si, par exemple, des coopératives voulaient former une SODEQ, dans la mesure où elles se conformeraient à la Loi des compagnies, elles pourraient le faire. Mon impression est-elle exacte?

M. Saint-Pierre: Cela me semble exact. Oui.

M. Morin: Bien que cela pourrait naturellement répugner à des coopératives de former une société, une compagnie...

M. Saint-Pierre: Mais elles l'ont fait dans le SDI.

M. Morin: Je sais qu'elles l'ont déjà fait, oui, mais c'est quelque peu contraire à leur philosophie. C'est pour cela que la société de développement coopératif sera la bienvenue lorsqu'elle viendra.

Le Président (M. Gratton): Article 2, adopté?

M. Morin: Un instant, M. le Président. Je n'ai pas d'objection à l'article 2.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 3?

Constitution en corporation

M. Morin: A l'article 3, le ministre peut délivrer avec l'accord du ministre des lettres patentes à cinq personnes au moins qui demandent la constitution d'une société. Je trouve ce chiffre trop restreint. Je crains qu'il n'engendre ces petits groupes fermés auxquels j'ai eu l'occasion de faire allusion déjà.

Il y a là, M. le Président, à notre avis, un danger selon lequel un petit groupe d'investisseurs, qui sont à la recherche d'un traitement fiscal privilégié, pourraient former l'une de ces SODEQ, sans pour autant devoir investir dans les secteurs privilégiés par le ministre, dans les secteurs où il y aurait un besoin du capital de risque, comme il le dit.

On pourrait peut-être nous répondre que l'article 13 apporte une réponse à ce problème, mais on nous dit, à cet article, que "les lettres patentes ou lettres patentes supplémentaires ne peuvent contenir aucune disposition limitant le nombre des actionnaires".

Cet article peut être contourné de plusieurs façons, en utilisant des moyens détournés, mais non moins efficaces, par exemple l'absence de sollicitation auprès des souscripteurs éventuels.

J'aimerais suggérer que ce chiffre de cinq personnes soit remplacé. Je trouve que c'est un chiffre beaucoup trop bas et qui ouvre la place à des abus. Je me demande si le ministre accepterait de le porter, par exemple, à quinze.

M. Bonnier: II y a des entreprises qui ont peut-être une dizaine d'administrateurs.

M. Morin: Dix, c'est déjà mieux que cinq. M. Saint-Pierre: Je vais accepter dix. M. Morin: Vous accepteriez dix.

M. Saint-Pierre: J'ai la même philosophie dans cela. Evidemment, si, dans une région, il y a dix personnes pour une SODEQ et qu'un autre groupe, à côté, en a 250, si j'ai à juger, si j'ai des responsabilités, mes préférences vont aller, les autres facteurs étant égaux, vers ceux qui en ont 250 parce qu'ils représentent un appui régional beaucoup plus substantiel.

Cependant, je trouve qu'il faut être prudent, ne pas mettre tellement de contraintes aux SODEQ que ce soit à peu près impossible de naviguer avec toutes les contraintes qu'on aurait imposées. Dix m'apparaît facile à atteindre. Si vous m'aviez donné cent, j'aurais dit non; même quinze, c'est peut-être élevé.

Si on s'entend sur dix, je suis prêt à accepter l'amendement.

Le Président (M. Gratton): L'amendement est à l'effet de remplacer, dans la quatrième ligne, le mot "cinq" par le mot "dix". Cet amendement est-il adopté?

M. Saint-Pierre: Adopté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. L'article tel qu'amendé est-il adopté?

M. Saint-Pierre: Adopté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 4?

M. Morin: II n'y a pas d'observation particulière.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 5?

M. Morin: Pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 6?

M. Saint-Pierre: M. le Président, j'ai un amendement à proposer à l'article 6. Compte tenu de toutes les représentations que nous avons eues sur les difficultés dans certaines régions de recueillir $1 million, je proposerais le texte suivant que j'ai fait distribuer. "Le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières doit s'assurer, avant d'émettre les lettres patentes, que les signataires du mémoire des conventions se sont engagés à souscrire un montant de $1 million au capital-actions de la société et que, sous réserve de ce qui suit, ils ont effectivement versé $350 000 en fiducie pour le compte de la corporation projetée, le solde devant être payé sur appel au cours des cinq années qui suivent la date d'émission des lettres patentes."

Cela nous donne, il me semble, beaucoup de flexibilité. Il n'y a même pas un montant minimal après les $350 000.

Le Président (M. Gratton): Cet amendement est-il adopté?

M. Morin: Un instant! M. le Président, que nous puissions le lire. On nous a distribué ces amendements seulement au début de la séance, tout à l'heure. Je voudrais avoir le temps de le lire comme il faut.

M. le Président, qu'est-ce qui se passe si le solde n'est pas payé à l'appel?

M. Saint-Pierre: II va falloir...

M. Morin: Est-ce qu'il y aura dissolution de la SODEQ?

M. Saint-Pierre: II y a des dispositions, plus loin, qui prévoient ce qui arrive lorsque la SODEQ ne rencontre pas ses engagements. Ces dispositions s'appliqueraient.

M. Morin: Ce seraient les dispositions générales.

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: Naturellement, comme on le disait tout à l'heure...

M. Saint-Pierre: L'article 28.

M. Morin: ... l'exemption fiscale ne porterait que sur les montants qui ont été respectivement versés en fiducie.

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: Nous sommes prêts à adopter cet article, tel qu'amendé.

M. Saint-Pierre: L'article 6 est adopté, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Un instant! Pour les fins du greffier, il faudrait quand même que j'aie le texte exact. Il s'agit de rejeter l'article 6 dans le texte original et de le remplacer par le texte...

M. Saint-Pierre: Qui a été lu.

Le Président (M. Gratton): Oui et qui est annexé. L'amendement est adopté. Article 7?

M. Morin: Un instant, M. le Président. Ce ne sera pas long.

Le Président (M. Gratton): Adopté?

M. Morin: Nous n'avons pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): Article 8?

M. Morin: De même.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 9?

M. Morin: Un instant, voulez-vous? Est-ce que le ministre pourrait nous expliquer la portée du premier alinéa? Quel est le problème auquel on pense répondre par cette règle?

M. Saint-Pierre: En d'autres termes, sans l'article 9, il y aurait eu danger que dans une région, des gens se mettent à ramasser de l'argent, à percevoir des fonds dans l'espérance d'avoir un certificat d'enregistrement. Avec l'article 9, on dit: Sauf l'autorisation du ministre, cela donne l'équivalent d'une espèce de permis temporaire qui nous permet de contrôler qui perçoit des fonds pour quoi. Vous comprenez? Autrement, si on n'avait pas eu cela... prenons, par exemple, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, on aurait pu avoir 14 groupes qui ramassent de l'argent pour une SODEQ, chacun espérant ramasser ses $350 000 et là, créer une certaine confusion dans la population. Par l'article 9, il y a une espèce de permis temporaire qui est donné au ministre ou enfin un certain contrôle sur le nombre de personnes qui sont autorisées. C'est avant l'émission des lettres patentes. Après l'émission des lettres patentes, évidemment, toutes les sociétés constituées peuvent augmenter leur capital et là, ramasser des fonds.

M. Morin: Vous distinguez les lettres patentes du certificat d'enregistrement. Tant qu'elle n'a pas obtenu son certificat d'enregistrement... c'est le ministre, si ma mémoire est bonne, qui, d'après l'article 7, délivre le certificat d'enregistrement.

M. Bonnier: Les institutions financières, selon l'article 3.

M. Morin: C'est juste, c'est cela.

M. Saint-Pierre: Je m'excuse, il y a une distinction, parce que le certificat d'enregistrement se retrouve aux sections 24 et 25. Là, c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce qui délivre un certificat d'enregistrement. Les lettres patentes sont versées par après lorsque les autres conditions prévues au règlement ont été remplies. Ce sont deux étapes, ni plus ni moins, pour éviter une confusion dans la première étape. En d'autres termes, ce que cela dit également, c'est que dès qu'un groupe a obtenu le certificat du ministre de l'Industrie et du Commerce, il a la conviction morale que s'il obtient ses $350 000, il aura automatiquement ses lettres patentes du ministère des Institutions financières. On ne voulait pas laisser un nuage d'incertitude et dire: On va ramasser de l'argent, on va consacrer des efforts à faire cela. Là, on n'est pas certain si on ne sera pas en concurrence avec les 14 autres groupes qui vont tenter d'obtenir la même chose que nous.

M. Morin: Si plusieurs groupes se constituent, effectivement, pour tenter de former une SODEQ, j'imagine, selon les régions, qu'un certain bouillonnement peut se faire. Vous pouvez très bien, peut-être pas en avoir 14, mais en avoir 3, 4 ou 5.

M. Saint-Pierre: Cela nous permet, dans un premier temps, de tenter, si c'est possible, de faire la fusion de ces groupes qui souvent, ne sont pas en opposition l'un de l'autre. Ils s'ignorent seulement. On pourrait avoir dans l'Estrie, deux groupes, l'un à Granby et l'autre à Sherbrooke. Peut-être qu'il y a intérêt pour nous au début de tenter de faire des fusions de ces groupes et les mettre ensemble. Des fois, ils s'ignorent, parce que ce sont des personnes différentes qui organisent la chose. Maintenant...

M. Morin: L'exemple de Granby et de Sherbrooke est bien choisi, mais...

M. Saint-Pierre: Je ne sais pas moi. Jonquière et Chicoutimi, alors, peut-être que...

M. Marchand: Saint-Jean et Iberville.

M. Saint-Pierre: On peut tenter de faire un rapprochement, mais si ce n'est pas possible, on peut examiner le sérieux des deux groupes. Si les deux groupes sont très sérieux, ce sont des cas où on pourrait quand même donner les deux permis, et, là astreindre les deux groupes aux $350 000. Si les deux groupes ne sont pas sérieux, on pourrait refuser les deux, et si un groupe est sérieux et si l'autre ne l'est pas, on pourrait l'accorder à celui qui l'est.

M. Morin (Jacques-Yvan): Oui. Quels sont les critères? Il y a un certain arbitraire, quand vous allez choisir entre des groupes, quels sont les critère que vous allez retenir? Est-ce que la réglementation va définir ces critères...

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: ... qui vont vous permettre de choisir...

M. Saint-Pierre: C'est ça.

M. Morin: ... entre les uns et les autres?

M. Saint-Pierre: C'est ça. On retrouve cela à l'article 46.

M. Morin: Oui, je sais que l'article 46...

M. Saint-Pierre: La réglementation va tenter...

M. Morin: ... définit les critères qui vont être contenus dans le règlement. Mais ils vont porter là-dessus en particulier...

M. Saint-Pierre: C'est ça.

M. Morin: ... pour guider le ministre dans les choix qu'il va faire entre une SODEQ ou un projet de SODEQ ou un autre.

M. Saint-Pierre: II va toujours y avoir un jugement humain, mais je pense que... Adopté, M. le Président?

Le Président (M. Gratton): Adopté?

M. Morin: Nous n'avons pas d'objection à l'article 9, M. le Président.

M. Saint-Pierre: Article 9, adopté.

Le Président (M. Gratton): Article 9, adopté. Article 10?

M. Morin: Un instant, voulez-vous?

M. Saint-Pierre: Ce sont des infractions mineures qui...

M. Morin: Accepté, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 11?

M. Morin: Est-ce que le ministre pourrait nous donner une idée de ce que ça pourrait donner, puisque... J'avais l'impression que le mot "SODEQ" allait être le seul terme officiel, la seule expression officielle utilisée, mais je vois qu'on peut y adjoindre d'autres expressions. Voulez-vous dire par là que ça pourrait être la SODEQ de Jonquière, par exemple?

M. Saint-Pierre: C'est ça. SODEQ Estrie, un peu comme les Caisses d'entraide économique, pour différencier un groupe de l'autre, mais, par contre, nulle corporation ne pourrait utiliser le mot "SODEQ" ou Société de développement de l'entreprise québécoise.

M. Morin: Oui, ça, ça va de soi.

M. Saint-Pierre: Article 11?

Le Président (M. Gratton): Adopté?

M. Morin: Oui, va pour 11.

M. Saint-Pierre: A l'article 12, M. le Président, j'ai un petit amendement. A la première ligne du paragraphe 12, remplacer le mot "seuls", par le mot "principaux". En fait, si c'est "seuls objets l'investissement de capitaux dans les petites et moyennes entreprises du secteur manufacturier", on pourrait penser, particulièrement dans la partie du porte-feuille qui n'est pas les 65%, que ça pourrait empêcher des investissements ou des prêts dans d'autres secteurs que le secteur manufacturier. On doit avoir pour principaux objets l'investissement et la gestion. C'est le seul amendement. Le mot "seuls" est remplacé par le mot "principaux".

Le Président (M. Gratton): Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Bonnier: Est-ce que je pourrais poser une question au ministre?

M. Morin: Un instant, M. le Président.

M. Bonnier: M. le ministre, est-ce que ceci comprendrait, spécifiquement, d'une façon très claire, les entreprises coopératives de transformation? Est-ce que ce serait plus précis si on disait: La Société doit avoir pour principaux objets l'investissement de capitaux dans les petites et moyennes entreprises ou les coopératives du secteur de transformation?

M. Saint-Pierre: Je ne suis pas juriste, mais est-ce que le mot "entreprises" n'englobe pas à la fois la société, la coopérative, la...

M. Bonnier: Oui, une coopérative est une entreprise.

M. Saint-Pierre: Je pense que c'était dans ce sens qu'on mettait le mot "entreprises". Ou si vous voulez, on pourrait peut-être continuer, M. le Président, et revenir à l'article 1 et définir "entreprises".

M. Morin: Ah!

M. Saint-Pierre: Je n'ai pas mon dictionnaire Robert, mais on pourrait dire...

M. Bonnier: Bien oui...

M. Saint-Pierre: Entreprises...

M. Bonnier: On ne l'a pas défini ici.

M. Saint-Pierre: On ne l'a pas défini, mais on aurait pu définir le mot pour être plus explicite, comme étant... Mais là, il ne faudrait pas se trom- per... On avait la définition d""entreprises" dans les règlements. Voulez-vous que je vous la donne?

M. Bonnier: S'il vous plaît, oui.

M. Saint-Pierre: Ce n'est pas accepté, les règlements. Je les vois pour la première fois. Ceux-là, pour la première fois, mais pas les autres. "Une unité économique et juridique dans laquelle sont groupés et coordonnés les facteurs de production qui concourent à la transformation d'une matière quelconque, que cela soit une matière première ou une matière qui a déjà subi une ou plusieurs transformations pour en obtenir un produit. "

M. Bonnier: C'est la coopérative qui... Mais voyez-vous la nécessité de le mettre quand même dans le projet de loi? Non.

M. Saint-Pierre: Peut-être que non. Je pense que tout est très clair. Alors, l'article 12 est adopté, M. le Président.

M. Morin: Un instant.

M. Saint-Pierre: Non? Oui. Je m'excuse.

M. Morin: Le premier alinéa ne pose pas de difficultés particulières.

Le Président (M. Gratton): Ce qui veut dire que l'amendement proposé par le ministre pour remplacer le mot "seul" par le mot "principaux" est adopté.

M. Morin: Je n'ai pas d'objection. Le Président (M. Gratton): Adopté.

M. Morin: Maintenant, le second alinéa nous dit que les critères servant à identifier les entreprises faisant partie de la catégorie des petites et moyennes entreprises du secteur manufacturier sont déterminés par règlement.

On ne peut vraiment pas juger de la valeur du projet de loi sans connaître ces règlements. Le ministre disait tout à l'heure qu'il allait les déposer aussitôt que possible après l'adoption du projet de loi, mais il avouera que c'est bien essentiel pour savoir exactement de quelles petites et moyennes entreprises il s'agit.

M. Saint-Pierre: Je dois dire ici, cependant, que l'article 12 n'est pas le fruit de la discussion que nous avons eue tantôt sur la grandeur, les dimensions de l'entreprise. C'est beaucoup plus sur la définition, à savoir quelle est l'entreprise dans le secteur manufacturier. On a toujours le problème... J'en ai un que je me rappelle d'espèce. Qu'arrive-t-il à une entreprise comme Lumicolor ou Direct Film? Il y a un secteur de distribution, mais il y a un autre secteur où on a fait des investissements de machinerie. On est capable de faire la preuve qu'on entre de la matière première, du papier, des acides et qu'on en sort un produit fini. Ce sont des caractères marginaux.

Par règlement, on fait intervenir les classifications du bureau de la statistique pour établir carrément si telle entreprise est du secteur manufacturier ou non. C'est dans les articles subséquents qu'on touchera peut-être le point que vous aviez à l'esprit: quelle est la taille, les dimensions de l'entreprise pour être capable de satisfaire la notion de petites et moyennes entreprises.

M. Morin: Le ministre va-t-il écarter certains types d'entreprises manufacturières?

M. Saint-Pierre: Non. Ce n'est pas notre intention. Notre intention est que la loi vise l'ensemble du secteur manufacturier et n'a pas pour mission de changer la structure industrielle, de délimiter des entreprises qui sont meilleures que d'autres, des secteurs traditionnels par rapport à des secteurs de pointe. C'est l'ensemble du secteur manufacturier où, après diagnostic, on pointe du doigt un problème de sous-capitalisation qui touche aussi bien des entreprises du textile dans la Beauce qu'il peut toucher des entreprises du cuivre ou de la chaussure dans la région de Québec qui ont aussi besoin de capital.

M. Morin: Mais, si c'est aussi général et vague que cela, ça rejoint certaines des craintes que j'exprimais plus tôt ce soir.

M. Saint-Pierre: C'est très spécifique. Cela rejoint l'entreprise québécoise.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Je ne vois pas pourquoi on va commencer à enlever les entreprises québécoises...

M. Morin: Si toutes les PME sont incluses, quelle que soit l'industrie, et, de surcroît, sans que soit établi un minimum investi dans des entreprises à risque plus élevé, on pourrait avoir un réseau de SODEQ qui investirait exclusivement dans des entreprises très rassurantes, disposant, naturellement, déjà de tout le capital nécessaire sans qu'il ne soit nécessaire d'accorder cette prime que vous accordez à ceux qui investissent dans les SODEQ, c'est-à-dire une exemption d'impôt.

M. Saint-Pierre: Je regrette. Le projet de loi tel que conçu est l'ensemble du secteur manufacturier.

M. Morin: Mais le ministre admet qu'il pourrait se ramasser avec des SODEQ investissant exclusivement dans des secteurs traditionnels où il n'y a pas de capital de risque.

M. Saint-Pierre: Je suis plus ou moins d'accord. Les boulangeries, ceux qui sont dans le domaine du cuir, tout ça, ce sont des secteurs où souvent la rentabilité est moindre et où les besoins de capitalisation pour rester réellement à la page sont peut-être plus grands que dans une entreprise moderne.

Quelle est la grande tragédie de bien de nos secteurs traditionnels, même les pâtes et papiers — prenons cela comme cas d'espèce — le meuble et le textile? Ce sont des gens qui, au fil des années se sont satisfaits, compte tenu de l'industrie qui était à faible capitalisation et beaucoup de main-d'oeuvre, de ne pas investir dans... Prenez Tricofil, si vous voulez en parler, l'entreprise Gro-ver, si ce n'était pas un des problèmes, au fil des années, de ne pas avoir investi, comme les Japonais le faisaient, dans l'industrie du textile. Conséquemment, on se retrouve avec des machines qui sont désuètes par rapport à celles des pays en voie de développement qui ont généralement ou qui peuvent avoir, dans ces secteurs, des industries plus modernes.

Je maintiens que le projet de loi ne vise pas à transformer la structure industrielle du Québec. Il vise à aider la capitalisation du secteur manufacturier et peut-être que je rejoins des préoccupations exprimées par les caisses d'entraide économique. Dans bien des régions, si on impose des limitations dans le sens que vous proposez, cela n'aidera pas du tout la région. J'ai visité la Beauce, il y a des affaires très dynamiques, mais c'est dans la fonderie et dans des choses semblables. Si vous leur imposez le plastique et la pétrochimie et je ne sais quoi, la Beauce va être...

M. Bonnier: Non seulement, M. le Président, non seulement on n'aiderait pas les régions, mais je pense que, si on se réfère à la situation du Québec et des épargnants québécois, je pense qu'ils ont besoin de s'apprivoiser dans bon nombre de cas. C'est ce qu'ils vont faire à travers leur SODEQ et, tranquillement, ils vont peut-être s'apercevoir qu'ils peuvent faire des pas beaucoup plus grands. Je pense que les SODEQ ne sont pas les seuls investisseurs dans le développement économique du Québec. Il va continuer à y avoir d'autres types d'entreprises, d'autres types d'épargnants également qui vont investir dans le développement industriel du Québec. Je pense que vouloir enfermer les SODEQ dans des types d'entreprises spécifiques risquerait peut-être de vouer à l'échec un bon nombre de SODEQ et on n'en verrait pas beaucoup surgir de terre.

M. Morin: Un des points qui me chicote est le suivant. Dans le cas de l'aide apportée par la SDI aux entreprises, il peut se faire que la SDI puisse favoriser, par exemple, l'implantation de tel type d'usine dans telle région plutôt que dans telle autre. N'est-ce pas? C'est même l'une des idées fondamentales de la SDI. Elle peut, à condition qu'elle soit bien gérée, favoriser les régions par rapport à Montréal; elle peut favoriser des fusions, etc. Tandis qu'avec ce projet de loi, il n'y a plus de contrôle gouvernemental sur qui investit, où...

M. Saint-Pierre: II y a confiance dans les régions, de se doter elles-mêmes d'un instrument nouveau.

M. Morin: Oui, mais ce n'est pas complété par un plan régional ou par des objectifs régionaux.

Une Voix: II faut avoir confiance dans les Québécois.

M. Morin: Ce n'est pas la question. Il faut, pour que ce soit de bons administrateurs, qu'il y ait un plan d'ensemble, qu'ils sachent où ils vont et que ce qu'ils tentent de faire dans une région ne soit pas contrecarré par ce qu'une autre SODEQ fait dans une autre région. N'est-ce pas? Ce danger a dû vous effleurer aussi par moment. C'est cela qui me laisse un arrière-goût hésitant.

M. Saint-Pierre: C'est évident. Je comprends votre arrière-goût. Il est cohérent avec d'autres positions que vous avez prises, en ce sens que si j'avais adhéré à votre parti, peut-être que je prônerais une société — comment l'appelez-vous encore—de récupération industrielle. Comment l'appelez-vous dans votre programme?

M. Morin: Pas de récupération. De restructuration.

M. Saint-Pierre: La société de restructuration où l'Etat s'en vient des régions et ramasse tout le monde et les met ensemble et les groupe. Ce n'est pas ce que nous faisons dans le moment. Ici, ce qu'on donne, c'est aux Québécois eux-mêmes de se doter d'instruments qui sont en plein dans leur région pour pouvoir investir dans les entreprises de leur région. Mais tout le temps, ce sont des Québécois qui sont actionnaires, des Québécois qui sont administrateurs, des entreprises québécoises qui sont aidées. C'est le parti qu'on prend. On dit: L'Etat n'a pas d'intervention pour autant qu'il s'assure que les normes d'honnêteté, de bonne gestion soient respectées et qu'il obtient des rapports sur...

M. Morin: Avez-vous prévu que les SODEQ puissent se rencontrer et se concerter. Je pense, par exemple, aux caisses d'entraide, elles ont une fédération. Je suis sûr qu'elles se concertent et concertent leurs objectifs, elles essaient de ne pas se marcher sur les pieds d'une région à l'autre, sûrement, j'imagine que vous faites ça. On voit arriver un pullulement de SODEQ, peut-être qui vont se nuire les unes les autres, se marcher sur les pieds. Qu'est-ce que vous avez prévu pour tenter de pallier une difficulté comme celle-là?

M. Saint-Pierre: II n'y a rien dans la loi de prévu pour ça, mais je pense que logiquement on peut s'attendre, que celles-ci vont se regrouper comme tous les groupes au Québec, qui partagent le même objectif, se rencontrent à l'occasion.

Le Président (M. Gratton): L'article 12 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Morin: Un instant, M. le Président, je ne suis pas entièrement rassuré et je trouve qu'on ne doit pas se précipiter dans l'adoption de ce projet de loi, même si le leader du gouvernement pousse, ça ne veut pas dire qu'il faut se bousculer et aller plus vite que ne requiert la sagesse. Est-ce que ça ne serait pas bon de prévoir dans la loi le regroupement ou une fédération des SODEQ, de favoriser le regroupement de ces sociétés?

M. Saint-Pierre: Je ne pense pas, M. le Président. Ce sont encore des contraintes. Evidemment, dans une région donnée, on va leur donner des instruments et on dit: Vous êtes obligés de parler à des gens ailleurs. On les laisse libres de parler, on pense que la très grande majorité d'entre elles vont se retrouver, ce n'est pas une structure étatique qu'on établit, c'est un véhicule qu'on donne à une région.

M. Morin: Ce qui me chicote, c'est que, lorsqu'elles vont investir dans des entreprises existantes, elles prennent de l'expansion, etc, le risque est réduit au minimum, c'est probablement du capital de risque, mais... d'ailleurs, j'ai l'impression que c'est dans ça qu'elles vont se ramasser pour la plupart.

Mais lorsque, dans une région dynamique, on veut créer de nouvelles entreprises, etc, je crains que plusieurs régions n'entrent en conflit parce qu'elles veulent attirer dans leur région, par exemple, des industries nouvelles dans la machinerie industrielle, l'électronique, les plastiques, ces secteurs que je mentionnais plus tôt. Je crains que le ministère ne soit appelé à jouer un rôle d'arbitre entre les diverses SODEQ. Comment peut-il exercer ce rôle? Est-ce que vous avez prévu un mécanisme?

M. Saint-Pierre: Pour diriger les investissements? Souvent, quant à l'investissement, on va tenter de favoriser une région donnée parce qu'il y a un problème très sérieux de chômage, ou un problème dans la structure industrielle. Je pense que la SODEQ serait un véhicule intéressant puisque souvent, on a quelqu'un de l'étranger, on voudrait avoir une participation québécoise importante et dans le moment, on va convaincre quelqu'un d'aller dans la Mauricie, mais on n'est pas capable de trouver un partenaire de la Mauricie à cause de la spécialisation de l'étranger; s'il est dans la machinerie industrielle, on se retrouve tout à coup avec un partenaire qui habite Laval. Après l'avoir présenté à ce type et une fois que le mariage est consommé, souvent le partenaire québécois tente de convaincre l'étranger qu'il ne faut pas aller dans la Mauricie, c'est à Montréal qu'il faut aller parce que là, on va brasser plus d'affaires, le marché est plus important et la main-d'oeuvre est plus abondante, tout ce qu'on veut.

M. Morin: C'est le résultat inévitable du laisser-faire, l'absence de planification.

M. Saint-Pierre: Bien non, entendons-nous, je pense qu'avec les SODEQ, dans la Mauricie, on aurait un partenaire qui est un peu enraciné dans une région donnée, je pense que cela aiderait beaucoup. Il y a bien d'autres exemples auxquels on peut penser et qui seraient très utiles. Prenez

une entreprise comme FORANO, si elle pouvait se qualifier dans les SODEQ en termes de taille, si elle n'était pas trop grande, je pense qu'elle serait trop grande, mais prenons ça comme espèce. Il y a trois ou quatre ans, elle aurait pu se qualifier, mais je pense que, dans le moment, aujourd'hui, si on voulait vendre FORANO à des gens de la région, c'est assez difficile, ça demande un capital de plusieurs millions, ce n'est pas facile de monter ça. Mais, voyant les performances de l'entreprise, qu'elle a bien son rythme de croisière, la SGF pourrait facilement vendre 50% de FORANO à des gens de la région qui seraient regroupés dans une SODEQ et là, encore une fois...

Je pense que c'est surtout dans ces types d'entreprises bien rodées que je vois SODEQ beaucoup plus... Même s'il y a quelque chose, je mets les SODEQ en garde contre les aventuriers qu'on a vus dans bien des projets communautaires, Cabano est un bon exemple au départ, où il y a toujours quelqu'un qui est prêt, pour une commission donnée, à vendre quelque chose.

M. Morin: II y a un aventurier dans le cas de Cabano?

M. Saint-Pierre: II y a des aventuriers dans le cas de Cabano. Demandez ça aux gens de Cabano eux-mêmes, ils sont à même de vous le dire.

M. Morin: Sûrement pas ceux qui ont mené le projet.

M. Saint-Pierre: Non, mais ceux qui étaient les tout premiers conseillers du groupe au départ.

M. Bonnier: C'est un Belge, je pense.

M. Saint-Pierre: Le président est Belge comme M. ...

M. Morin: Ah oui!

M. Bonnier: Mais, M. le Président, je pense que le chef de l'Opposition oublie peut-être tous les services que le ministre de l'Industrie et du Commerce est habilité à rendre, tant au niveau du marketing qu'au niveau de la production et qu'au niveau même de la recherche.

A l'article 28, il reste que le ministre peut toujours révoquer un certificat, si la SODEQ ne répond pas à ses objectifs. A ce moment-là, le ministre a quand même un bon bâton dans les mains.

M. Saint-Pierre: L'article 28?

M. Morin: Oui, c'est bien tard, à ce moment-là.

M. Bonnier: C'est-à-dire qu'il laisse la liberté aux gens de s'exprimer et de trouver les initiatives nécessaires, en se servant des services qui sont déjà offerts par le ministère de l'Industrie et du Commerce, quitte, par après, si elles ne sont pas capables de fonctionner pour que ce soit conforme aux objectifs poursuivis, à révoquer le certificat.

M. Morin: Mais là, le ministre a dit quelque chose que je trouve intéressant. C'est la première fois qu'il le dit aussi clairement, quand il dit que ces SODEQ vont être, somme toute, appelées à investir dans des entreprises bien établies. C'est ce que je disais tout à l'heure, ce n'est pas du capital de risque.

M. Saint-Pierre: Entendons-nous. Ce sont des Québécois. Quels étaient les objectifs? C'était de freiner des dépenses de consommation inutiles. Le chef de l'Opposition va être d'accord que les Québécois, peut-être sur cela, pourraient avoir un taux d'épargne beaucoup plus élevé que ce que nous avons actuellement.

On ne peut pas freiner cela et dire aux gens: Investissez dans je ne sais pas quoi. Alors, on les fait investir dans des choses qui sont près d'eux. Ce que je dis, c'est que si la SODEQ peut simplement devenir un véhicule, comme l'ont été les caisses d'entraide économique sur d'autres volets, où les gens vont freiner des dépenses de consommation, vont épargner davantage et vont investir dans des sociétés de chez nous qui vont bien, que ce soient des sociétés traditionnelles ou autres, elles vont en prendre dans les deux, j'en suis certain. Est-ce que ce n'est pas un bon moyen d'être plus maître de notre économie? Tant que tout le monde va avoir des objectifs de vie qui sont plus orientés vers la consommation que vers l'épargne, ce ne sont pas les autres qui vont nous donner les entreprises.

Prenons Forano. Cela va bien. Mais pourquoi les gens de Plessisville n'investiraient-ils pas dans Forano et ne retireraient-ils pas des dividendes? Cela ne serait-il pas le meilleur véhicule d'éducation économique? Même pour les syndiqués, cela ne serait-il pas une façon de voir ce que c'est qu'une entreprise? Aujourd'hui, souvent, le monde de l'entreprise apparaît comme un vrai mystère à trop de Québécois.

M. Morin: Si je comprends bien, les SODEQ, ce n'est pas tellement pour le capital de risque, c'est pour amener les gens à entrer dans le système?

M. Saint-Pierre: C'est vous qui dites cela. Le capital de risque, c'est vous...

M. Morin: J'écoute le ministre et c'est un peu ce qu'il nous dit. En fait, si le ministre veut bien convenir qu'il ne s'agit pas de capital de risque et éviter d'utiliser des expressions comme celle-là dans l'avenir, je veux bien en convenir.

M. Saint-Pierre: Je prends l'étude qu'on nous a remise, simplement pour dire que je ne suis pas le seul à utiliser cela. J'admets que, pour vulgariser, quelquefois, il faut se comprendre. Je voyais, en première page de l'étude qui nous a été remise ce soir, la définition de M...

M. Morin: De quelle étude?

M. Saint-Pierre: De M. Birk, ce dont la Cham-

bre de commerce nous parlait ce soir, qui avait été présentée à l'Association canadienne d'études fiscales, le 14 mai 1976, à Montréal, et je cite textuellement la première page: "La SODEQ est une corporation du secteur privé ayant pour but de fournir du capital de risque et de corriger les faiblesses dans la gestion des PME". Il continue à "C'est l'interprétation...

M. Morin: II s'est fié à vos discours, mais pas au projet de loi, si je comprends bien.

M. Saint-Pierre: II avait le projet de loi, mais je ne sais pas s'il avait mes discours.

M. Morin: En tout cas. Je n'ai pas l'intention de traîner cet argument ad vitam aeternam, à la condition que le ministre appelle les choses par leur nom et cesse de nous parler de capital de risque.

En fait, ces SODEQ vont probablement tendre à être très conservatrices dans leurs investissements. Je pense que le ministre va être d'accord avec moi. Il semblait même il y a un instant le souhaiter.

M. Saint-Pierre: Non, une influence libérale, chez certaines relations.

Le Président (M. Gratton): L'article 12 est-il adopté?

M. Morin: Pour l'article 12, M. le Président, ça va.

Le Président (M. Gratton): Adopté tel qu'amendé. Article 13.

M. Morin: Ça va.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 14.

M. Morin: Un instant, voulez-vous? Sur l'article 13, ça va, mais j'aurais pu faire les mêmes remarques qu'à l'article 3.

M. Saint-Pierre: Adopté?

M. Morin: Oui, l'article 13 est adopté.

M. Saint-Pierre: Article 14?

M. Morin: Article 14.

M. Saint-Pierre: L'article 14, c'est simplement pour que, si le siège social de l'entreprise est établi à Jonquière, par exemple, des gens de Montréal ne puissent pas prendre le contrôle de cette entreprise et la déplacer à Montréal.

M. Morin: Ne pourriez-vous pas prévoir dans la réglementation des dispositions qui empêcheraient ce genre de situation de se produire? Là, vous intervenez...

M. Saint-Pierre: On les met dans la loi.

M. Morin:... après coup, si je comprends bien. M. Saint-Pierre: Non. M. Morin: Non?

M. Saint-Pierre: "Aucun règlement de la société changeant son nom n'entre en vigueur s'il n'a reçu...

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: ... l'approbation du ministre ". C'est une limitation qu'on met à la charte même de la SODEQ. Si le siège social est à Jonquière et qu'on veut le déplacer à Chicoutimi, il semble que la bataille ne commencera pas là. On va dire oui. Si quelqu'un de Montréal avait pris le contrôle de celle du Saguenay et voulait la déplacer de Jonquière à Montréal-Nord, on pourrait dire non, parce que, finalement, c'est un instrument qu'on avait donné à la région du Saguenay.

M. Morin: Sans aller jusque-là, sans aller jusqu'au transfert d'un siège social d'une région dans une autre, la possibilité reste que des gens de l'extérieur puissent prendre le contrôle d'une SODEQ dans une région.

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: N'estimez-vous pas qu'il devrait y avoir des moyens d'empêcher cela, puisque, si j'ai bien compris, l'un des objectifs des SODEQ, c'est d'identifier la société au milieu, d'amener le milieu à participer au développement de sa propre économie?

M. Saint-Pierre: Mais, par le biais du siège social de l'entreprise qui est dans une région donnée, on pense que les gens de la région vont être portés à plus s'identifier à la SODEQ du Saguenay qu'à la SODEQ de l'Estrie. On a déjà, à l'époque, analysé la possibilité de diviser la province par des frontières très rigides et d'empêcher la souscription de capital à l'extérieur de ces frontières, de même que l'investissement à l'extérieur de ces frontières. Mais, à l'analyse et après discussion avec bien des groupes, il semblait que ce n'était pas une approche qui était valable, en ce sens que souvent un type du Saguenay peut être envoyé temporairement à Montréal et préférer continuer de souscrire à la SODEQ du Saguenay. Il ne fallait pas l'empêcher parce qu'il était résident à l'extérieur du territoire.

De même, il peut arriver que des SODEQ, dans des régions données, comme les banques, se retrouvent soit dans des positions de surplus ou de déficit par rapport aux projets d'investissement qui leur sont soumis. Il se pourrait qu'une SODEQ donnée ait plus de capital que de projets dans lesquels elle peut investir et que, dans la région voisine, ce soit l'inverse. On a une certaine flexibilité, mais on pense que, fondamentalement, à cause de ses origines, la SODEQ du Saguenay va être largement dominée par des actionnaires du Sague-

nay, par des administrateurs du Saguenay, à toutes fins pratiques.

M. Bonnier: M. le Président, est-ce qu'une SODEQ, par définition, ne peut pas investir partout dans la province?

M. Saint-Pierre: Oui, elle peut investir.

M. Bonnier: A ce moment-là, n'y aurait-il pas avantage, pour des gens de Montréal, à contrôler celle du Lac-Saint-Jean, puisque, de Montréal, ils peuvent investir facilement au Lac-Saint-Jean, s'ils veulent.

M. Morin: Je ne sais pas si j'aime l'idée qu'une SODEQ puisse investir dans les entreprises situées aux antipodes du Québec, qui ont peu à voir avec le développement de leur région.

M. Saint-Pierre: Oui, mais, encore une fois, il peut être possible qu'au Saguenay on ramasse $2 millions et qu'on puisse placer seulement $1,5 million et que, pour les autres $500 000, on ait un excellent projet auquel on veut s'associer sur la Côte-Nord ou à Chibougamau ou à Val-d'Or. Je pense que l'exemple des caisses d'entraide économique est révélateur. Il y a des projets où vous mettez trois ou quatre caisses ensemble; donc, il y a des caisses à l'extérieur du projet qui viennent en aider d'autres.

M. Morin: Est-ce fréquent? Vous êtes restés.

Le Président (M. Gratton): Je m'excuse. Je n'ai pas d'objection à ce qu'on suspende pour poser des questions.

M. Saint-Pierre: Cela arrive à l'époque.

M. Morin: C'est un point sur lequel j'aimerais être éclairé.

Le Président (M. Gratton): Je m'excuse, M. Martin. Ce n'est pas pour être plus formaliste qu'il ne le faut, mais mes instructions sont très claires. Une fois l'étude abordée article par article, il n'est pas question de poser des questions à des témoins autres que les membres de la commission.

M. Morin: J'aurais aimé entendre M. Martin sur ce point.

Le Président (M. Gratton): Moi de même, mais le règlement ne me permet pas de l'entendre.

M. Morin: Ce qu'on peut craindre, c'est que— le ministre y a fait allusion tout à l'heure— le marché montréalais est toujours plus attrayant que les autres marchés, surtout en régime de laisser-faire économique.

Je vois d'ici les SODEQ ramassant l'épargne dans les régions et en investissant une partie qui, peut-être, pour certaines d'entre elles, est substantielle, à Montréal.

M. Saint-Pierre: Ce sont les gens mêmes de la région qui auront décidé cela. Ce n'est pas le laisser-faire économique, c'est la liberté d'entreprise, c'est la liberté des gens de prendre des décisions.

M. Morin: C'est cela, le laisser-faire économique, c'est quand...

M. Saint-Pierre: Non, c'est faire confiance aux gens.

M. Morin: Si, au lieu d'aider le développement de la petite et moyenne entreprise dans les régions, tout cela aboutit à renforcer encore Montréal, vous pensez si cela aurait été un beau résultat.

M. Saint-Pierre: Les gens des SODEQ, dans chacune des régions du Québec, auront à faire leur mea culpa. Ils auront eu un véhicule pour leur région et ils auront décidé de développer l'autre. C'est la même chose si...

M. Morin: Mais, vous ne pouvez pas prévoir qu'ils investissent un minimum en pourcentage, par exemple, dans leur propre région?

M. Saint-Pierre: Je fais confiance aux gens des régions.

M. Morin: Je trouve que c'est une confiance qui, surtout si elle n'est pas encadrée par une planification économique, peut rapidement amener des résultats absolument aberrants. Toutefois, je n'ai pas d'objection à ce que nous procédions avec l'article 14,

Le Président (M. Gratton): Article 14, adopté.

M. Morin: Maintenant, diable! Il est déjà minuit. J'avoue qu'il nous reste au moins du travail pour une séance.

M. Saint-Pierre: On me demande de continuer.

M. Morin: Tenez. L'heure fatidique. Je veux bien, mais je ne sais pas à quelle heure on va terminer. Je ne sais pas quel genre de travail cela va représenter.

Capital-actions

M. Saint-Pierre: On va faire un bout de chemin. Article 15.

M. Morin: L'article 15. Cela va pour l'article 15.

Le Président (M. Gratton): Adopté.

M. Saint-Pierre: Article 16.

M. Morin: Moi, je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): Article 16?

M. Morin: Oui, accepté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 17.

M. Morin: Le ministre pourrait-il nous expliquer cette disposition?

M. Saint-Pierre: C'est comme dans la Loi des compagnies, pour fixer le capital-actions. Comme les actions sont à valeur au pair, on doit avoir une bonne définition de la structure du capital-actions.

M. Morin: Je ne vois pas à quoi se réfère le prix total maximum pour lequel les actions peuvent être émises. C'est cela que j'aimerais me faire expliquer.

M. Saint-Pierre: II y a un conseiller juridique ici, je pense qu'il va vous expliquer cela.

Yvon Houle, avocat au MIC. C'est qu'habituellement, dans la Loi des compagnies, lorsqu'on a des actions sans valeur nominale, par les lettres patentes, on n'a pas à fixer une valeur à nos actions. Etant donné la teneur du projet, on veut quand même obliger certaines SODEQ à inclure, dans leurs lettres patentes, pour que cela soit plus restrictif, la valeur comme telle, soit $10, $100, selon la région. On pourra fixer ce prix de deux façons: par règlement, par région, ou encore le ministre pourra décider de l'inclure immédiatement dans les lettres patentes pour être sûr et au cas où ces actions prendraient plus de valeur. A ce moment, si elles veulent procéder à une nouvelle émission, il faudra procéder à une réduction ou à un "split". Ce sera la façon de procéder.

M. Morin: Bien, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Article 17, adopté. Article 18.

M. Morin: Un instant.

Oui, c'est la conséquence de ce qui précède.

Le Président (M. Gratton): Adopté? M. Morin: Pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): A l'article 19, je pense que le ministre a un amendement.

M. Saint-Pierre: A l'article 19, dans le texte soumis, M. le Président, la première partie de l'article est déjà amplement couverte par l'article 46d) du projet de loi. Le texte amendé se lirait comme suit: Article 19 amendé: "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer le prix total maximum de chaque émission d'actions d'une société." Enfin, c'est le capital action autorisé.

Le Président (M. Gratton): Est-ce que...

M. Morin: Combien de... Je m'excuse, M. le Président. Vous alliez dire quelque chose?

Le Président (M. Gratton): Oui, j'allais simplement demander si l'amendement, tel que proposé, était adopté.

M. Morin: Je voulais demander au ministre combien de sociétés sont prévues d'ici un an.

M. Saint-Pierre: S'il y a une demande, à peu près une dizaine.

M. Morin: A peu près une dizaine. Y a-t-il des régions qui seront privilégiées au départ?

M. Saint-Pierre: Tout dépend. Compte tenu du fait qu'il y a 60% de l'activité manufacturière, de la valeur ajoutée qui se trouve dans la grande région de Montréal, j'en voyais trois sur dix, 30% des SODEQ... Je m'excuse, quatre dans la région de Montréal.

M. Morin: Sur dix?

M. Saint-Pierre: Quatre sur dix... Enfin, je ne voudrais pas me fixer... Trois sur dix, je m'excuse, dans la région de Montréal. Après ça, on peut penser à la Mauricie, à l'Estrie, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui vont sûrement être capables de faire une SODEQ, et à la région de Québec. Donc, trois plus quatre, nous en avons sept. Il en reste trois autres. Est-ce que ce sera en Gaspésie, sur la Côte-Nord, dans la région de l'Outaouais, dans l'Abitibi? Cela va dépendre un peu, mais il y en aura à peu près une dizaine. Il me semble qu'après, cela va nous prendre quelques années de recul pour être bien capables d'en surveiller le fonctionnement.

M. Morin: M. le Président, pourriez-vous relire l'article tel qu'amendé?

M. Saint-Pierre: C'est le texte que je vous ai remis. Je le relis, M. le Président. "Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, déterminer le prix total maximum de chaque émission d'actions d'une société."

M. Morin: Pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): Le texte original de l'article 19 est rejeté et remplacé par le texte déposé. Article 20.

M. Morin: Un instant.

Certificats d'actions

M. Saint-Pierre: II fallait prévoir une disposition dont on espère ne pas avoir à se servir, mais par laquelle les actionnaires — prenons un cas extrême — vont bénéficier d'un crédit d'impôt de 25%, pour un montant total de $250 000, et la société ne fait aucun placement, enfin, tourne en rond ou fait faillite, n'importe quoi... Il y a une disposition permettant de rembourser, parce que l'objectif pour lequel la société s'était engagée à travailler n'a pas été atteint.

M. Morin: Vous avez mentionné le cas de faillite. Effectivement...

M. Saint-Pierre: Faillite, je ne sais pas... J'imagine que la Loi de l'impôt s'appliquerait. Les réclamations du ministre du Revenu s'appliquent comme dans d'autres cas de faillite. C'est peut-être...

M. Morin: Est-ce qu'il s'agirait d'une créance privilégiée en cas de faillite?

M. Saint-Pierre: Je ne le pense pas. En cas de faillite, est-ce que le ministre du Revenu a une créance privilégiée? Vous dites que oui. Je suis ingénieur, alors, je répète que oui.

M. Morin: Ce serait le ministre du Revenu... M. Saint-Pierre: C'est ça.

M. Morin: ...qui disposerait de cette créance privilégiée. Est-ce que vous pourriez me dire sur quelle disposition de loi vous vous fondez pour me donner cette réponse? Parce que nous avons eu un ou deux cas de faillite, M. le Président.je tiens à le signaler qu'on a étudiés justement, lors de l'étude des crédits du ministère du Revenu, où il n'y avait pas de créance privilégiée.

M. Saint-Pierre: Si je me souviens bien des dispositions de la Loi sur la faillite, il y a un article — je ne pourrais pas le mentionner expressément — qui dit clairement que toutes les créances du gouvernement fédéral sont privilégiées, et il y en a un autre qui prévoit expressément que les créances du gouvernement provincial sont privilégiées. C'est exprès dans la loi.

M. Morin: Et, d'après vous, cet article 20 crée une créance de cet ordre?

M. Saint-Pierre: On ne mentionne pas qu'il s'agit d'un cas de faillite nécessairement.

M. Morin: Non. C'est le ministre qui a mentionné la possibilité de faillite.

M. Saint-Pierre: Cela peut être des individus...

M. Morin: Cela a allumé une lumière tout de suite dans mon esprit parce que je me souviens des difficultés que le ministre du Revenu a pu avoir dans des cas de faillite.

M. Saint-Pierre: ... qui, à un certain moment, ne fonctionnent plus.

M. Morin: Je pose la question au ministre. Cela couvre-t-il la faillite, effectivement ou cela ne devrait-il pas être précisé?

M. Saint-Pierre: II me semble qu'ailleurs, j'ai déjà vu des dispositions pour les faillites, plus tard.

M. Morin: Parce qu'il s'agit d'exemptions fiscales.

M. Saint-Pierre: Oui. Dans la Loi de l'impôt, apparemment, on prévoit cela.

M. Morin: Ici...

M. Saint-Pierre: Bien ici, je pense que...

M. Morin: ... le cas de faillite...

M. Bonnier: M. le Président, à l'article 30d), deuxième paragraphe, on dit ceci: "Outre les dispositions de la Loi de la liquidation des compagnies, toute société ayant décidé de procéder à sa liquidation" — je ne sais pas si on peut associer cela à la faillite — "doit en donner avis au ministre et lui faire parvenir copie certifiée de la résolution adoptée à cette fin par l'assemblée générale de ses actionnaires".

M. Morin: La liquidation et la faillite, ce n'est pas du tout la même chose.

M. Bonnier: Cela peut être à la suite d'une faillite.

Le Président (M. Gratton): La commission voudrait-elle suspendre l'article 20 pendant qu'on fait les recherches et y revenir?

M. Saint-Pierre: On peut suspendre l'article 20.

M. Morin: Oui, j'aimerais mieux.

Le Président (M. Gratton): L'article 20 est suspendu. Article 21. Adopté?

M. Morin: Je n'ai pas d'objection. Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 22. Conseil d'administration

M. Morin: Un instant. J'aurais ici les mêmes observations que je faisais à l'article 3. Est-ce que cinq membres, ce n'est pas indûment limitatif?

M. Saint-Pierre: Par pour le conseil d'administration. Souvent, dans un tel groupe, on ne peut pas se retrouver. En fait, la loi n'empêcherait pas... On dit: Au moins cinq membres. Cela m'apparaît...

M. Morin: Au moins...

M. Saint-Pierre: Encore une fois, ce sont les actionnaires qui ont le contrôle et si les actionnaires, dans une région donnée, trouvent qu'ils sont menés par une petite clique, ils peuvent toujours décider d'élargir le conseil d'administration. Il me semble que cinq membres m'apparaît normal.

M. Morin: Evidemment, en changeant l'article

3, en mettant le chiffre 10 à la place du chiffre 5, je pense qu'on a déjà amélioré un peu la situation, mais il reste le risque que ces SODEQ tombent entre les mains de quelques individus qui trouvent le moyen de restreindre le nombre de membres.

C'est un des points sur lequel j'ai insisté déjà à plusieurs reprises et cet article-ci n'est pas fait pour me rassurer entièrement.

M. Saint-Pierre: Article 22. Adopté?

M. Morin: Je n'ai pas d'objection, mais...

Le Président (M. Gratton): Article 22. Adopté.

M. Morin: ... je ne peux pas dire que je l'approuve.

M. Saint-Pierre: Article 23.

Le Président (M. Gratton): Article 23. Adopté?

M. Morin: Un instant pour l'article 23. Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 24. Enregistrement

M. Saint-Pierre: C'est ce dont nous avons discuté tantôt. Cette espèce d'enregistrement préalable.

Le Président (M. Gratton): Adopté?

M. Morin: Un instant. Quand on parle de ces opérations, on veut dire aussi bien la perception du capital que, j'imagine, les investissements — cela va de soi — mais vous visez surtout ici la perception.

M. Saint-Pierre: On vise surtout la perception parce qu'en fait, quant aux opérations, cela prend l'émission de lettres patentes.

M. Morin: Mais, je veux être bien sûr que je comprenne. Rien n'empêche qu'avant l'autorisation, il ne se fasse une certaine organisation et qu'on aille chercher, au moins en principe une certaine participation. Ce n'est pas cela que vous voulez exclure.

M. Saint-Pierre: Cela dépend. Ce qu'on veut exclure, c'est quelqu'un qui prétend représenter une SODEQ auprès d'un investisseur. Il y a une nuance entre quelqu'un qui tente d'organiser ou de participer avec d'autres... Excusez-moi.

M. Morin: Cela ne vous va pas de travailler tard.

M. Saint-Pierre: Au contraire, c'est l'été qui ne me va pas. On vise surtout la perception.

Le Président (M. Gratton): Article 24?

M. Morin: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Article 25?

M. Morin: Adopté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 26?

M. Morin: Est-ce qu'il va y avoir, à côté de ce registre, un certain service au ministère de l'Industrie et du Commerce, destiné à répondre aux besoins des SODEQ et éventuellement aussi à les surveiller?

M. Saint-Pierre: Cela va être un service relié à la direction de l'aide aux petites et moyennes entreprises comme les SODEQ s'adressent aux petites et moyennes entreprises, nous avons, sous la direction générale des PME, un service particulier.

M. Morin: Je connais ce service, on en a déjà discuté d'ailleurs, mais quelle va être la nature de ce service? Est-ce que...

M. Saint-Pierre: Je pense qu'au départ, cela pourra être simplement un certain nombre de fonctionnaires qui vont être affectés particulièrement à suivre le dossier des SODEQ et les aider dans les phases de développement.

M. Morin: Et exercer un certain pouvoir de surveillance?

M. Saint-Pierre: Suivant les rapports qui seront demandés. On voit plus loin le nombre de rapports qu'on peut demander, l'évolution des dossiers.

M. Morin: Combien y aura-t-il de fonctionnaires dans ce service?

M. Saint-Pierre: Cela n'a pas été déterminé, mais on peut penser, au début, à deux ou trois et, suivant l'importance que prendront les SODEQ, il y aura plus de gens.

Le Président (M. Gratton): Article 26, adopté?

M. Morin: Un instant, M. le Président. Oui, adopté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 27? M. Saint-Pierre: Adopté?

M. Morin: Un instant. J'imagine que ce certificat sera donné sur recommandation du service dont nous parlions il y a un instant. Adopté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 28?

M. Morin: A l'article 28c, à quel genre d'obligation songe-t-on?

M. Saint-Pierre: L'obligation d'investir tel

pourcentage de son capital dans l'entreprise manufacturière. L'obligation d'avoir atteint $1 million après cinq ans, qu'on a fait voter à l'article, je ne sais pas, au début. L'obligation de fournir les rapports annuels demandés avec les détails pertinents.

M. Morin: Je veux bien comprendre ce qui va se passer. Supposons qu'une telle société a fait un certain nombre d'investissements...

M. Saint-Pierre: On les a vues dans les articles 29, 30 et suivants.

M. Morin: Oui... et que certains sont heureux, d'autres, peut-être une majorité, sont moins heureux, et que cette société, peu à peu, tombe entre des mains d'administrateurs moins compétents et ne remplit plus ses obligations, ne se conforme plus aux lois et aux règlements qui lui sont applicables. Si vous révoquez le certificat, qu'arrive-t-il des investissements de cette société, qu'ils soient bons ou mauvais?

M. Saint-Pierre: C'est comme la liquidation de tout autre actif qu'on peut rencontrer dans le secteur commercial. Les actionnaires du départ, c'est comme ceux qui sont propriétaires d'une entreprise qui décide de faire sa liquidation, reçoivent une quote-part de leur mise de fonds du départ.

M. Morin: C'est une liquidation que ça provoque. Est-ce qu'il y a des dispositions qui portent sur la liquidation? Pas dans ce projet de loi là?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Oui. Ah si, à l'article que mentionnait tout à l'heure le député de Taschereau, l'article 30, deuxième alinéa.

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: C'est bien, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 29.

M. Saint-Pierre: Adopté?

M. Morin: Oui, c'est la conséquence de l'article 28.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 30.

M. Morin: Un instant, Pourriez-vous m'expliquer le cas de révocation, de nullité de plein droit du certificat d'enregistrement dans le cas énuméré à l'alinéa d) lorsqu'elle a obtenu des lettres patentes supplémentaires en vertu de l'article 43. Est-ce qu'il y aurait là un nouveau certificat d'enregistrement qui serait émis?

M. Saint-Pierre: C'est ça. C'est une société qui déciderait de se transformer pour ne plus être SODEQ mais simplement régie par la première partie de la Loi des compagnies. Elle en fait la demande, en vertu de l'article 43, passe la phase de transition où elle liquide son passé de SODEQ, et compte tenu — c'est le cas que vous avez évoqué tantôt — de ses actifs importants, continue d'être régie par la première partie de la Loi des compagnies.

M. Morin: Est-ce que vous pourriez m'expliquer dans quelles circonstances une SODEQ pourrait être intéressée à changer son statut de la sorte? Je pense au cas de l'article 43; même si nous n'y sommes pas encore, M. le Président, l'article 30 s'y réfère.

M. Saint-Pierre: II y a bien des possibilités, mais prenons un cas où une SODEQ a un placement dans le capital-actions d'une entreprise très importante. Prenons un cas comme FORANO et disons que les gens qui sont actionnaires de la SODEQ trouvent qu'il est plus avantageux pour eux de ne pas être limités par les dispositions de la SODEQ qui l'empêchent de prendre le contrôle de l'entreprise et qu'elle décide de se transformer de société de placement en une société opérationnelle, c'est-à-dire une société qui gère l'entreprise FORANO et qui la contrôle à 80% ou quelque chose comme ça. Le groupe d'actionnaires pourrait décider de garder quelques placements, les 35% qu'ils n'ont pas contrôlés et dont ils peuvent disposer à court terme, et concentrer ces placements dans une entreprise comme FORANO en n'étant pas restreints par les limitations que nous lui imposons. Elle demande des lettres supplémentaires qui lui permettent de faire un bris avec le passé et de continuer. Ce sont des cas exceptionnels, mais il faut les prévoir, évidemment.

M. Morin: Bien, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Article 30, adopté. Article 31.

M. Morin: Cela va de soi.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 32.

M. Morin: Aussi.

Investissements

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 33, il y a un amendement du ministre.

M. Saint-Pierre: L'amendement, M. le Président, je l'explique. Tel que l'article est décrit actuellement, on pourrait penser qu'une SODEQ ne pourrait pas investir dans une petite ou moyenne entreprise qui n'est pas dans le secteur manufacturier, même pour la proportion de son portefeuille qui excède les 65% dont on a parlé. Le texte que je suggère serait le premier alinéa de l'article 33 qui se lirait ainsi...

M. Morin: Est-ce que vous l'avez par écrit?

M. Saint-Pierre: Oui, je vous l'ai distribué tantôt. Il est toujours dans ça.

M. Morin: Un instant, voulez-vous, je vais le retrouver d'abord, ça va simplifier.

M. Saint-Pierre: Une petite ou moyenne entreprise dans laquelle la société est tenue d'investir une partie de ses fonds doit répondre aux critères suivants au moment où est effectué l'investissement.

C'est la première partie de la phrase qui est changée. On voit la notion d'une partie de ses fonds, laissant entendre que l'autre partie de ses fonds, qui n'est pas sujette à une réglementation, pourrait, elle, être investie dans une entreprise qui n'est pas manufacturière ou, strictement parlant, dans des obligations du Québec et autres choses semblables.

A l'article e), M. le Président, j'aurais également l'amendement qui n'est pas dans...

M. Morin: Celui que nous attendions.

M. Saint-Pierre: C'est cela. Si elle est une association coopérative, un syndicat coopératif ou une société coopérative agricole constitués selon les lois du Québec.

M. Morin: Nous acceptons l'amendement, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): On commence par rejeter le texte original de l'article 33 et on le remplace par le nouveau texte, tel que déposé. Au paragraphe e), on élimine le mot "ou", dans la première ligne, et après le mot "coopératif", on ajoute les mots suivants "ou une société coopérative agricole"...

M. Saint-Pierre: Virgule, "constituée selon les lois du Québec".

Le Président (M. Gratton): Ces amendements sont tous adoptés? L'article 33 est adopté tel qu'amendé.

M. Morin: Un instant, M. le Président. Nous avons adopté l'amendement, je suis d'accord. Mais j'aurais peut-être quelques questions aux alinéas b), c) et d). On nous dit que la société ne peut investir dans une PME que si celle-ci répond aux critères suivants au moment où est effectué l'investissement: b)si elle est possédée par un propriétaire unique, ce dernier doit résider au Québec; c) si elle est possédée par une société civile ou commerciale, les sociétaires détenant la plus grande partie des intérêts dans l'entreprise doivent résider au Québec; d) si elle est une compagnie, les actions de cette dernière comportant des droits de vote doivent être détenues en majorité par des personnes résidant au Québec.

Je me demande pourquoi. Est-ce qu'on se trouve à empêcher les SODEQ de racheter le contrôle de PME appartenant à des étrangers? Est-ce que ce projet de loi ne pourrait pas, dans certains cas, servir au rapatriement de certaines entreprises évoluant dans certains secteurs intéressants?

M. Bonnier: M. le Président, est-ce qu'on n'a pas dit précédemment que, par règlement, l'esprit serait que les SODEQ ne peuvent pas prendre le contrôle de? C'est ce que je comprends.

La question du chef de l'Opposition serait compréhensible. Cela faisait partie de nos discussions, je ne le sais pas...

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Bonnier: II y avait un principe de base.

M. Morin: Ce sont les caisses d'établissement qui suggéraient l'inclusion d'un principe de ce genre.

M. Bonnier: Oui, la Chambre de commerce également. Mais il me semble que...

M. Morin: Ce n'est pas...

M. Bonnier: Peut-être que le ministre peut répondre.

M. Saint-Pierre: Avec la Chambre de commerce également. Dans toutes les discussions jusqu'à maintenant, on en a parlé, mais on n'a pas voulu le mettre dans la loi, parce que peut-être qu'il était préférable de donner une certaine flexibilité dans cela.

Je vois le point que vous soulevez. Prenons un exemple très concret. Supposons que pour Prévost Car, une SODEQ et la SDI puissent récupérer les quelque 85% qui appartiennent à des Américains.

Ce que je crois comprendre, c'est qu'à supposer que Prévost Car réponde à la définition ici, parce qu'elle n'est pas une société appartenant à des "majoritairement", il faudrait passer par un intermédiaire, dans la vente.

C'est quand même exceptionnel et je pense que l'intermédiaire est facile a trouver.

M. Morin: Ou encore le cas de Corbeil vendu à Blue Bird, dans ce cas-là?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: C'est un cas également fort intéressant.

M. Saint-Pierre: C'est très facile de contourner cela.

M. Bonnier: II faudrait que ce soit acheté par une autre entreprise, comme la SDI.

M. Saint-Pierre: Le problème, c'est que dès

qu'on tente d'inclure des sociétés qui n'appartiennent pas à des résidents du Québec, il y a le danger qu'on acquière des entreprises qui appartiennent à des résidents de l'extérieur du Québec et, à ce moment-là, la notion peut être difficile à déterminer, si leur principale place d'affaires est au Québec ou pas au Québec.

Si on tente d'avoir une formule qui nous permette de toucher "Blue Bird" ou l'autre, on risque d'avoir une formule qui va permettre à la SODEQ de Rouyn-Noranda d'investir à Sudbury, à gauche et à droite, sous prétexte qu'elle tente d'en faire l'acquisition.

Je pense que le texte actuel est peut-être préférable. L'objection que vous soulevez est valable, mais je pense qu'il y a bien des façons de la contourner facilement.

M. Morin: Comment, par exemple?

M. Saint-Pierre: Je pense à la SDI, à l'autre partenaire qui va sûrement intervenir dans le dossier. C'est facile à acquérir.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Les dangers m'apparaissent plus grands qu'en ouvrant la porte pour inclure des sociétés qui appartiennent à des non-résidents québécois, on retrouve finalement avec des investissements qui sont faits à l'extérieur du Québec.

M. Morin: Si vous précisiez de quoi il s'agit, je pense que je comprends l'intention du ministre, c'est sans doute d'empêcher qu'on achète des entreprises situées à l'extérieur du Québec, mais s'il s'agit d'une entreprise qui est située au Québec, qui exerce principalement ses activités de production au Québec, il se peut qu'elle soit la propriété d'un étranger et je ne vois vraiment pas pourquoi vous empêcheriez la SODEQ de l'acquérir directement, alors que vous nous dites que ce serait possible, par des procédés contournés. J'avoue que je trouve ces dispositions très réalistes.

M. Saint-Pierre: On ajouterait un autre alinéa — je parle pour parler — qui dirait que si elle est possédée par une propriétaire, une société civile ou une compagnie dont la majorité des actions sont détenues par des personnes résidant hors du Québec, le placement est autorisé uniquement s'il fait partie d'une tentative de récupérer l'entreprise. A-t-on un texte? Avez-vous un texte à nous suggérer?

M. Morin: J'aurais tout simplement laissé tomber les paragraphes b), c) et d).

M. Saint-Pierre: Bien non, par exemple. Les paragraphes b), c) et d) visent 95% de nos cas. Il faut seulement prévoir le cas exceptionnel de l'entreprise qui...

M. Bonnier: A part cela, ce sont deux opéra- tions différentes. Dans un cas, c'est l'investissement, dans un autre cas, c'est une prise de contrôle, un placement.

M. Saint-Pierre: Peut-être que je peux faire une suggestion?

M. Morin: Oui, vous pourriez peut-être la faire rédiger plus avant par vos conseillers juridiques.

M. Saint-Pierre: Très bien.

M. Morin: Mais l'idée que je voudrais développer est qu'on pourrait ajouter une exception qui serait la suivante: "Sauf pour le cas où il s'agirait d'une prise de contrôle d'une entreprise qui est propriété ou qui est possédée par des propriétaires non québécois ou ne résidant pas au Québec, lorsque la chose est avantageuse pour le Québec" et on pourrait prévoir aussi une disposition qui soumettrait le tout à l'approbation du ministre.

M. Saint-Pierre: Vous affectez ma liberté d'entreprise. Non, il me semble qu'il n'y a pas nécessité de soumettre le tout au ministre. Chaque fois qu'une entreprise appartient à des étrangers et que la SODEQ se fait le partenaire d'un autre pour en récupérer le contrôle au Québec, il me semble que, dans la loi, on peut dire que c'est avantageux. Il s'agirait d'avoir une disposition stipulant que si elle est possédée majoritairement par des gens résidant hors du Québec, la transaction implique le rapatriement du contrôle de l'entreprise à des résidents québécois.

M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: Alors on garde ce point en suspens et on tente d'avoir un texte qu'on soumettrait demain.

Le Président (M. Gratton): Article 33, suspendu. Article 34.

M. Morin: Un instant, M. le Président, le paragraphe b), j'aimerais qu'on nous l'explique à nouveau; je sais qu'on l'a déjà évoqué, mais je voudrais comprendre la portée de cette disposition.

M. Saint-Pierre: Eh bien, on pourrait avoir une entreprise qui n'est pas constituée en corporation, soit une coopérative, soit une société, soit un individu unique, et dans laquelle la souscription capital-actions est impossible, alors qu'on dit: Elle ne peut alors se faire sous forme de prêts.

M. Morin: Le paragraphe a) est un peu intrigant aussi.

M. Saint-Pierre: Dans quel sens?

M. Morin: Bien, vous n'autorisez pas la SODEQ à obtenir une créance garantie par hypothèque, vous l'autorisez à requérir la cession en sa faveur des sommes assurées en vertu de police

d'assurance. Est-ce que vous pourriez m'expliquer pourquoi l'un est permis puis l'autre interdit?

M. Saint-Pierre: Alors, le prêt que la loi interdit, c'est de nantir les biens de la compagnie, de la PME au bénéfice de SODEQ. Par ailleurs, il sera possible que dans certains cas, les entreprises, la PME, les propriétaires pourront, histoire de donner un minimum de garantie sur leur vie, s'il y a une police d'assurance-vie qui est prise, alors elle pourra prévoir que la SODEQ sera bénéficiaire. Cela se fait couramment cela, comme les gens de la Davie Ship qui ont obtenu des prêts. Maintenant tout prêteur habituellement exige une police d'assurance-vie, c'est ce que la SODEQ pourra obtenir sur un prêt. Ce sont des pratiques assez courantes.

M. Morin: Oui, c'est vrai que c'est une pratique assez courante.

M. Saint-Pierre: Alors article 34 adopté?

M. Morin: Oui. Je n'ai pas d'objection, mais je ne peux pas dire que je concours.

M. Saint-Pierre: Je m'excuse, M. le Président, pour clarifier 34b, on pourrait faire un amendement, on pourrait ajouter, après le mot "prêt", à la fin, les mots "non garanti". C'est implicite, mais seulement pour qu'il n'y ait pas de...

M. Morin: Oui, je crois que cela irait dans le sens des observations que je faisais plus tôt ce soir; je serais tout à fait d'accord.

Le Président (M. Gratton): Alors cet amendement voulant ajouter après le mot "prêt" les mots "non garanti", est adopté? L'article 34 est-il adopté tel qu'amendé?

M. Morin: Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 35.

M. Saint-Pierre: M. le Président, on avait, à la quatrième ligne de la fin, les mêmes mots, ajouter "non garanti" après le mot "prêt".

M. Morin: J'aurais quelques questions, M. le Président. On nous dit que l'actif de la société doit être constitué d'investissements à des fins manufacturières dans la petite ou moyenne entreprise dans des proportions déterminées par règlement; mais, quelles sont ces proportions?

M. Saint-Pierre: On parlait de 65% après... M. Morin: Oui.

M. Saint-Pierre: ... un certain nombre d'années. Cela c'est par règlement.

M. Morin: Dans le communiqué, vous avez émis un certain nombre...

M. Saint-Pierre: C'était cela, 65%.

M. Morin: 65% après cinq ans, je crois.

M. Saint-Pierre: C'est cela.

M. Morin: Est-ce que vous vous en tenez pour l'instant à ce que vous aviez dit dans le communiqué?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Donc le communiqué était également sérieux lorsqu'il parlait de capital de risque.

M. Saint-Pierre: Si vous voulez.

M. Morin: Un instant, M. le Président, ce n'est pas terminé. Pourquoi, toujours à l'article 35, on nous dit que ces investissements doivent être effectués sous forme d'acquisition d'actions par voie de souscription ou sous forme de prêts non garantis d'une durée minimum de cinq années, etc. Pourquoi limiter la durée des prêts à cinq ans?

M. Saint-Pierre: On ne la limite pas, on impose.

M. Morin: Vous imposez un minimum?

M. Saint-Pierre: Oui, la raison, c'est que, d'après les représentations qui ont été faites au ministère, les entreprises n'ont pas de difficulté à obtenir du prêt à court terme. En fait, le principal problème c'est d'obtenir...

M. Morin: Du prêt à moyen et à long terme.

M. Saint-Pierre: ... du prêt à moyen et à long terme.

M. Morin: Oui, je comprends.

M. Saint-Pierre: Oui, l'acquisition d'action c'est pour une augmentation du capital-actions. Exactement.

M. Morin: Est-ce que vous prévoyez des règlements pour établir des normes quant à la proportion capital-actions par rapport aux prêts?

M. Saint-Pierre: Aux prêts non garantis, parce que pour nous c'est assimilé au même type de placement du capital privilégié, capital-actions et capital privilégié, le prêt non garanti, c'est le même type de risque. Ce seraient des raisons de raison raisonnée, de raison raisonnante si on essayait de dire lequel doit être...

M. Morin: Est-ce qu'on ne devrait pas ajouter la possibilité, pour les SODEQ, d'acheter des parts sociales de coopératives? Parce que de la façon dont c'est rédigé là, les actions par voie de souscription ou sous forme de prêts non garantis, cela

ne permet pas, tel que je le lis en tout cas, au SODEQ d'investir dans une coopérative, sous forme de parts sociales.

M. Saint-Pierre: Je n'ai pas d'objection...

M. Bonnier: Oui, mais quel serait l'avantage à ce moment-là?

M. Saint-Pierre: Pour permettre, en fait, c'est peut-être normal...

M. Bonnier: Parce que oui, mais les besoins d'expansion d'une coopérative, au niveau financier, prennent beaucoup plus la forme d'un prêt de la part d'une entreprise.

M. Morin: Elles ont besoin de capital social aussi, vous le savez bien.

M. Saint-Pierre: C'est ce qu'on nous a dit tantôt; en fait, ce seraient des prêts ou des actions privilégiées.

M. Morin: Oui, cela m'étonne beaucoup que le député de Taschereau s'oppose à cela.

M. Bonnier: Je pense que ce serait contre, il faudrait d'abord un amendement aux lois des associations coopératives, parce que seuls doivent souscrire du capital social les membres qui ont un intérêt dans la coopérative, un intérêt dans ce que fait la coopérative, ce que produit la coopérative. Un agriculteur a un intérêt, un membre de caisse populaire qui fait des transactions d'épargne et de crédit a un intérêt. Je pense que là il faudrait faire attention. Moi je ne vois pas que ce soit la meilleure contribution financière. La meilleure contribution financière est sans doute sous forme de prêt; mais, sous forme de part sociale, là ils deviennent des copropriétaires. Quel serait l'avantage, pour une SODEQ, de devenir copropriétaire d'une coopérative agricole par exemple?

M. Morin: Oui, mais de toute façon c'est toujours la coopérative qui va décider si elle émet des parts sociales ou pas; donc c'est elles qui va prendre la décision. Supposons qu'elle ait

M. Bonnier: Oui, mais à l'intérieur de sa loi cependant?

M. Morin: Oui.

M. Bonnier: N'importe qui n'a pas le droit de devenir membre d'une coopérative comme vous le savez.

M. Morin: Oui.

M. Bonnier: C'est pour cela que je vous demande s'il ne faudrait pas un amendement à la loi des associations coopératives à ce moment-là ou des sociétés coopératives agricoles pour le moins.

M. Morin: Bien, moi j'estime que cela vaut la peine qu'on se penche sur la question, M. le Président.

M. Bonnier: Vous pouvez peut-être suggérer de la laisser.

M. Morin: J'aimerais qu'on étudie cette possibilité-là. Moi je ne l'exclurais pas a priori en tout cas. Cela répondrait certainement en partie aux critiques que nous faisions sur l'intérêt de ce projet de loi par rapport aux coopératives.

M. Bonnier: Moi je ne vois pas a priori quel serait...

M. Saint-Pierre: C'est pour la galerie.

M. Bonnier: Je pense qu'on mélange les choses, M. le Président.

M. Saint-Pierre: En fait, on se l'est fait dire tantôt — je prends toujours mon exemple de la Coopérative de Dorchester — la SODEQ pourrait faire un prêt non garanti à la coopérative au niveau du capital privilégié ou quelque chose comme cela. M. Arès me disait tantôt que c'est par le...

M. Bonnier: Elle n'a pas d'affaire à devenir membre, les membres sont les producteurs de poulet.

M. Saint-Pierre: C'est par un prêt non garanti, c'est pour cela que je suis d'accord avec toute la formulation de la première partie quant à une structure corporative, lorsqu'on parle d'acquisition d'actions par voie de souscription. Mais lorsqu'on parle sous forme de prêt non garanti et qu'on a à l'esprit, en particulier, l'article 33e et j'imagine qu'on va en avoir une dans 37 quelque chose... Non, il n'y en a pas. A l'article 33e, on voit bien qu'elle peut faire un placement dans une coopérative. La forme du placement est une des deux formes mentionnées. Comme la première est impossible à cause de la structure des coopératives, donc c'est la deuxième, le prêt non garanti. Je suis d'accord avec vous, pour la galerie, cela ferait plus évident l'aide qu'on veut apporter à la coopérative. Mais, je suis un peu d'accord avec...

M. Morin: Voulez-vous le...

M. Saint-Pierre: ... le député de Taschereau en disant: On mêle les cartes un peu et cela ne donne rien de dire des choses qui...

M. Bonnier: C'est parce qu'une coopérative c'est plus limitatif qu'une corporation en général.

M. Morin: Oui, bien sûr.

M. Bonnier: Ce sont des membres qui ont un intérêt spécifique dans les objets que poursuit cette coopérative.

M. Morin: C'est la règle générale.

M. Bonnier: Oui. Bien, c'est la règle particulière aussi.

M. Morin: Oui, d'accord, mais est-ce que cela exclut a priori que les SODEQ puissent acheter une part sociale ou des parts sociales?

M. Saint-Pierre: On dit que ce n'est pas possible...

M. Morin: C'est peut-être un moyen de financement...

M. Saint-Pierre: ... actuellement. Je ne suis pas sûr.

M. Bonnier: Pas dans une société agricole. Je ne peux pas voir, dans une coopérative de transformation comme Tricofil; ce n'est pas tout à fait une coopérative mais cela s'y rapproche. Y aurait-il intérêt à ce moment-là... Mais, ils peuvent acheter des actions. Cela c'est correct. Une SODEQ pourrait acheter des actions de Tricofil, mais ce n'est pas une véritable coopérative.

M. Saint-Pierre: La Coopérative de Granby.

M. Bonnier: Seuls les producteurs laitiers sont membres de la Coopérative de Granby.

M. Morin: Tricofil, ce n'est pas strictement parlant une coopérative.

M. Bonnier: Non, c'est mitigé. M. Saint-Pierre: C'est ce que... M. Morin: C'est rudement mitigé.

M. Bonnier: C'est une entreprise à capital-actions, mais possédée par ses membres.

M. Morin: Autogérée, ce n'est pas la même chose. N'y aurait-il pas moyen de faire étudier cela, puisqu'on a suspendu un ou deux articles déjà?

M. Saint-Pierre: C'est bien. Article 35, suspendu. Article 36.

M. Morin: Faites-le étudier aussi.

Le Président (M. Gratton): Avant de suspendre 35 on a quand même adopté d'ajouter à la huitième ligne, après le mot "prêts", les mots "nons garantis". Cela est adopté.

M. Morin: II n'y a pas de difficulté pour cela, l'amendement a été adopté, mais c'est faire étudier l'autre possibilité...

Une Voix: Article.

M. Morin: ... l'article 36. Un instant.

M. Saint-Pierre: Cela dit simplement qu'en dehors des 65% tout est permis.

M. Morin: Bon. Article 36. Y compris des placements dans des fonds de pension, des obligations étrangères, par exemple!

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Même les obligations étrangères?

M. Saint-Pierre: Nous sommes les défenseurs de la liberté de choix des Québécois. Nous avons confiance aux régions. Les gens vont savoir quoi faire.

M. Morin: Oui. Grands principes pour permettre la fuite de capitaux, à ce que je vois.

M. Saint-Pierre: Mais voyons, vous n'avez pas confiance aux Québécois?

M. Morin: Dans une société un peu plus planifiée, il n'y aurait pas de difficulté mais, dans la pagaille actuelle, c'est une autre affaires. De toute façon, je ne partage pas... Je n'aime pas la rédaction de cet article 36, parce que je trouve que cela va un peu loin. N'y aurait-il pas moyen de faire spécifier que ce soient des placements à l'intérieur du Québec?

M. Saint-Pierre: Non.

M. Morin: Vous tenez à ce qu'ils puissent faire des placements à l'étranger.

M. Saint-Pierre: Je n'y tiens pas, mais je leur donne la liberté. Parce qu'il y a toujours des cas d'exception qui vont survenir.

M. Morin: Que signifie exactement à l'exclusion, cependant, de toute mise de fonds dans une autre société? Vous voulez dire une autre SODEQ?

M. Saint-Pierre: Une autre SODEQ. Société étant définie comme cela.

M. Morin: Bon. Telle que définie au début.

M. Saint-Pierre: Article 36, adopté? Article 37?

M. Morin: Non, M. le Président, en ce qui me concerne, je ne suis pas d'accord avec l'article 36.

Le Président (M. Gratton): Adopté sur division alors?

M. Morin: Adopté sur division. Est-ce que le ministre ne pourrait pas quand même prendre en considération l'idée de limiter les placements à l'intérieur du Québec? Est-ce que ce serait nuire tellement à la sacro-sainte liberté à laquelle il faisait allusion que de limiter ça à...

M. Bonnier: Qu'est-ce que vous feriez des obligations du Canada?

M. Morin: Ah! ça, à la rigueur, ça va encore, mais...

M. Saint-Pierre: II y a tellement d'autres cas possibles. Je suis certain que dans 98% des cas, c'est ce qui va se passer. Mais vous pourriez avoir, dans une région donnée, une SODEQ qui s'associe avec une société dans un projet particulier et qui, à la suite de bonnes relations avec cette société, décide d'investir une partie de son montant dans la grande société qui est une société multinationale ou plus grande. Elle ne pourrait pas le faire. Je ne sais pas, mais si une SODEQ décidait d'avoir une voix au chapitre de l'Asbestos Corporation, là, avec votre projet, on l'empêcherait puisque la société a des activités à l'extérieur du Québec.

Il me semble qu'il peut y avoir des cas où, exceptionnellement, c'est préférable, dans l'intérêt du Québec, d'être associé; dès qu'on le met dans une loi, il y aura des opinions juridiques disant aux gens: Non, vous ne pouvez pas faire ça.

Je fais confiance aux gens pour que finalement, ce que vous et moi recherchons va être accompli.

M. Morin: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Article 36 adopté sur division. Article 37?

M. Morin: C'est l'article auquel se référait la Fédération des caisses d'entraide tout à l'heure lorsqu'elle voulait faire modifier cette limitation. Je pense que, tant dans le cas du ministre que dans le mien, nous n'étions guère favorables à la suggestion de la fédération, sur ce point, en tout cas.

M. Saint-Pierre: A l'article 38, M. le Président, qui est un peu avec l'article 37 simplement pour mieux le comprendre, j'aurais un amendement à la cinquième ligne de l'alinéa a), remplacer "10" par "20". C'est surtout è l'extérieur de la région de Montréal.

M. Morin: 20?

M. Saint-Pierre: 20%. Au lieu de "plus de 10%, ce sera "plus de 20%".

M. Morin: De personnes ou un groupe?

M. Saint-Pierre: La même chose au paragraphe b), à l'avant-dernière ligne, où "10" serait remplacé par "20".

C'est que dans certaines régions données, il y a bien des gens qui peuvent avoir 15%, 16%, 17% d'une société, et il faut peut-être élargir notre définition de conflit d'intérêts.

M. Morin: Je ne sais pas si je suis d'accord, M. le Président, avec ce changement.

M. Saint-Pierre: Pensez-y...

M. Morin: II me semble que 10% était plus sage.

M. Saint-Pierre: Ce sont les petites régions où on se retrouve avec des gens qui ont un petit peu d'argent ici et là. 20% est mon amendement, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): L'article 37 est adopté. A l'article 38, le ministre propose qu'à la cinquième ligne de l'alinéa a) et à la sixième ligne de l'alinéa b), que le mot "10" soit remplacé par le mot "20". L'amendement est-il adopté?

M. Morin: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Sur division. L'article 38 est-il adopté tel qu'amendé, sur division.

M. Morin: Sur division.

Le Président (M. Gratton): Sur division. Article 39.

M. Morin: Un instant. Oui, c'est la sanction. C'est la conséquence. D'accord.

Rapports

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 40?

M. Morin: Oui, ça va. Pas d'objection.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 41?

M. Morin: Oui, ça va de soi.

Lettres patentes supplémentaires

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 42?

Une Voix: Adopté?

M. Morin: Un instant. Oui, adopté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 43?

M. Morin: Sur division.

Le Président (M. Gratton): Article 43. Adopté sur division. Article 44.

M. Morin: Nous en avons déjà parlé. Je ne vais pas refaire le débat. Cela va pour l'article 44, M. le Président.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 45.

M. Morin: Adopté.

Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 46.

Règlements

M. Morin: A l'article 46, ne serait-il pas bon de prévoir un amendement qui déterminerait le pour-

centage maximum du portefeuille pouvant être investi dans une même entreprise et le pourcentage maximum du capital-actions d'une entreprise qui peut être détenu par une SODEQ?

M. Saint-Pierre: On croyait le fixer par règlement. On l'a déjà par règlement. Je peux bien indiquer l'intention du gouvernement. Au départ, on peut en discuter ici. Alors, ce qu'on prévoyait...

M. Morin: Etes-vous sûr que c'est prévu dans l'énumération des points?

M. Saint-Pierre: Oui.

M. Morin: Et ils peuvent faire l'objet d'un règlement?

M. Saint-Pierre: Oui. Article 46 b, au début. M. Morin: Ce n'est pas très clair.

M. Saint-Pierre: "...les normes quantitatives et qualitatives applicables à chaque catégorie d'investissement..."

M. Morin: Je crois que cela devrait quand même être plus clair. Si vraiment, vous voulez inclure le pourcentage maximum du portefeuille pouvant être investi dans une même entreprise ou encore le pourcentage maximum de capital-actions d'une entreprise qui peut être détenu par une SODEQ, je crois que cela devrait être dit plus clairement que cela.

Le paragraphe b) nous parle des normes quantitatives et qualitatives applicables à chaque catégorie. Nous ne parlons pas d'une catégorie. Nous parlons de pourcentage maximum. Le paragraphe e) n'en parle pas non plus, à ce que je sache. Dans le cas du paragraphe e), il s'agit du pourcentage maximum d'actions qu'une personne peut détenir dans une SODEQ. Ce n'est pas du tout la même chose. Ce dont nous parlons...

M. Saint-Pierre: Je maintiens que, d'après mes conseillers juridiques, c'est à l'article 46b que nous avions un pouvoir de réglementation pour déterminer les normes quantitatives et qualitatives applicables à chaque catégorie d'investissement.

M. Morin: Cela ne me paraît pas clair et j'ai l'impression que peut-être vous auriez intérêt à clarifier cela. Si vous êtes d'accord sur le principe, cela devrait être dit plus clairement.

M. Saint-Pierre: Vous avez une suggestion?

M. Morin: Déterminer le pourcentage maximum du portefeuille pouvant être investi dans une même entreprise, ainsi que le pourcentage maximum du capital-actions d'une entreprise pouvant être détenu par une société.

M. Saint-Pierre: Alors...

M. Morin: Voulez-vous le prendre en considération?

M. Saint-Pierre: C'est accepté. M. Morin: Accepté?

M. Saint-Pierre: Logiquement, on pourrait le mettre au paragraphe d) parce que c'est un peu important. Je ne voudrais pas réléguer cela à la fin...

M. Morin: Non.

M. Saint-Pierre: ... et déplacer tous les autres b), c), d), e), f), g) qui deviendraient c), d), e), f), g), h).

M. Morin: Bien.

Le Président (M. Gratton): Après le paragraphe b), ajouter...

M. Morin: ...ajouter...

Le Président (M. Gratton): ...le texte suivant...

M. Morin: Je vais le relire: Déterminer le pourcentage maximum du portefeuille pouvant être investi dans une même entreprise ainsi que le pourcentage maximum du capital-actions d'une entreprise pouvant être détenu par une société.

M. Saint-Pierre: Accepté.

M. Morin: Merci. M. le Président, je crois que cela améliore sensiblement cet article.

Le Président (M. Gratton): L'amendement est adopté. L'article 46 est adopté, tel qu'amendé?

M. Morin: C'est adopté, tel qu'amendé. Le Président (M. Gratton): Article 47? M. Morin: Article 47, oui, bien sûr. Le Président (M. Gratton): Adopté. Article 48? M. Morin: Oui, cela va également. Le Président (M. Gratton): Adopté. Dispositions finales

M. Saint-Pierre: M. le Président, je demanderais l'ajournement de la commission, puisque les articles 49 et suivants font actuellement l'objet d'une étude au ministère du Revenu ce soir et qu'on m'avait averti qu'on ne pouvait me fournir les informations demandées avant demain matin. Comme ce sont des dispositions fiscales et que je ne voudrais pas qu'on se trompe, c'est très technique, il se peut qu'il n'y ait aucune modification, mais, au cas où il y en aurait, il m'apparaît nécessaire de demander l'ajournement de la commission sine die, en espérant que l'effort que nous aurons fait jusqu'à 1 heure du matin pourra contribuer à mettre tout le monde en congé avant la fin de la semaine.

Le Président (M. Gratton): Messieurs, sur ce, je rappellerai au rapporteur que les articles 20, 33, 35, 49, 50 et 51 sont encore suspendus. J'inviterai l'honorable député de Laurentides-Labelle, rapporteur de la commission, à agir avec toute célérité pour pouvoir présenter son rapport dès demain à l'Assemblée nationale.

M. Lapointe: Bien entendu.

Le Président (M. Gratton): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 1 h 2)

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