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Commission permanente des institutions
financières, compagnies et coopératives
Projets de loi nos 23 et 24
Séance du mercredi 27 février 1974
(Dix heures sept minutes)
M. PILOTE (président de la commission permanente des institutions
financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs!
Avant que ne commence la séance, je voudrais vous mentionner les
changements suivants à l'intérieur des membres de la commission.
M. Ghislain Harvey, de Dubuc, remplace M. André Harvey, de Charlesbourg;
M. Gilles Houde, de Fabre, remplace M. Lalonde, de Marguerite-Bourgeoys. Il y a
également des changements qui seront effectués. Je n'ai pas la
liste des membres de la commission. Je les signalerai, si vous me le permettez,
entre deux mémoires.
Nous avons entendu, il y a quinze jours, chacun des partis et je pense
que, ce matin, on peut procéder immédiatement à l'audition
des mémoires qui sont présentés ici. Nous entendrons au
courant de la journée...
M. TETLEY: Pardon. Pourriez-vous nommer un rapporteur, peut-être,
M. le Président?
LE PRESIDENT (M. Pilote): On n'en a pas besoin pour la
présentation des mémoires.
M. TETLEY: Même pour la commission, pour faire rapport à la
Chambre.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Non. On n'en a pas besoin.
UNE VOIX: Oui.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui? D'accord, on va en nommer un. M. Ghislain
Harvey, député de Dubuc, est rapporteur pour cette
commission.
Nous entendrons le premier rapport, celui de la Fédération
des caisses populaires Desjardins, de la Fédération de
Montréal des caisses Desjardins et de la Fédération des
caisses d'économie du Québec. Le deuxième, celui de la
Fédération des caisses d'établissement du Québec.
Le troisième rapport, est celui de la Fédération des
caisses d'entraide économique du Québec. J'inviterais M. Charles
Cimon, ainsi que ceux qui l'accompagnent, représentant la
Fédération des caisses populaires de Québec, de
Montréal et la Fédération des caisses d'économie du
Québec à présenter leur mémoire.
M. Cimon, si vous voulez nommer ceux qui vous accompagnent.
Fédérations des caisses populaires et
des caisses d'économie
M. CIMON: M. le Président, c'est pour moi un très grand
honneur de représenter les trois fédérations que vous
venez de mentionner, dans un mémoire conjoint. Je voudrais vous
présenter à ma gauche, M. Yvon Daneau, de la
Fédération de Québec des caisses populaires Desjardins; M.
Paul-Emile Charron, secrétaire général et adjoint au
président de la fédération; M. René Croteau,
directeur général de la Fédération de Québec
des caisses populaires Desjardins également et, derrière, M. Yves
Tétreault, directeur général de la
Fédération de Montréal des caisses populaires Desjardins;
M. Soupras, directeur général de la Fédération des
caisses d'économie du Québec, et M. Cloutier, président de
la Fédération des caisses d'économie de Québec.
M. le Président, le 5 avril 1973, les trois
fédérations que je représente remettaient au
ministère des Institutions financières, compagnies et
coopératives un mémoire faisant état de leur point de vue,
à l'effet que les caisses d'entraide économique devaient faire
l'objet d'une législation complètement autonome de celle des
Caisses d'épargne et de crédit.
Il me paraît important de souligner ici qu'aucune des
fédérations que je représente ne s'oppose aux objectifs
régionaux de développement économique, tant industriel que
commercial, poursuivis par les caisses d'entraide économique.
Toutefois, mes clients croient que les caisses d'entraide
économique devraient être régies par une loi
spécifique qui préciserait leur nature, définirait leur
mode de fonctionnement, établirait les normes auxquelles devrait
être soumise leur méthode de sollicitation des épargnes,
leur constitution de réserve et les garanties qu'elles devraient offrir.
Il faut les fédérations que je représente le
soumettent éviter toute confusion dans l'esprit du public en
évitant de lui faire croire que les caisses d'entraide économique
présentent intégralement les mêmes caractéristiques
que les caisses d'épargne et de crédit.
Tout dernièrement, suite à des représentations
faites par mes clients, le ministère des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives concluait que le projet
de loi 23 constituait une simple annexe à la loi-cadre des caisses
d'épargne et de crédit. Il nous parait inconcevable que cette
annexe soit adoptée avant que les amendements à la loi-cadre, que
mes clientes ont manifesté l'intention de présenter au
ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives, aient été définitivement
établis. Nous voulons éviter par là une loi qui pourrait
comporter des contradictions et des ambiguïtés
préjudiciables à tous les intéressés.
Si le ministère des Institutions financières, Compagnies
et Coopératives persistait dans son attitude de faire en sorte que le
projet de loi 23
demeure une simple annexe à la Loi des caisses d'épargne
et de crédit, les fédérations que je représente
vous demandent instamment de recommander l'ajournement de l'adoption de ce
projet jusqu'à ce qu'elles aient l'occasion de se mettre d'accord avec
le ministère sur les amendements qui doivent être apportés
à la Loi des caisses d'épargne et de crédit, amendements
que nous avons l'intention de vous soumettre dans les prochains mois.
Nous aimerions enfin vous faire part de notre inquiétude en face
du projet de loi 24, Loi ' modifiant la loi de l'assurance-dépôts
du Québec, et plus spécialement à l'article 3 de ce
projet. La simple lecture du texte de cet article nous oblige à conclure
qu'advenant l'adoption de cet amendement, chacune des caisses d'épargne
et de crédit peut devenir l'objet de décisions arbitraires, sans
égard à la fédération à laquelle elle est
affiliée. Il faudrait prévoir un mécanisme qui obligerait
la régie à obtenir le consentement préalable de la
fédération concernée avant d'adopter toute mesure suivant
les dispositions de cet article.
Le tout respectueusement soumis, le 12 février 1974.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
M. TETLEY: Me Cimon, messieurs des trois fédérations, je
vous remercie, au nom du gouvernement, de votre présence et de votre
mémoire que je trouve très important. Je vous remercie de m'avoir
envoyé une copie, il y a longtemps. Si vous me permettez, je vais
répondre avec un document que j'ai préparé d'avance, parce
que je trouve que vos objections, qui sont peut-être plutôt des
inquiétudes comme vous venez de le dire, Me Cimon sont
très importantes. Je veux montrer que le gouvernement est très
conscient de votre mémoire et de l'importance de vos observations.
La première objection était la suivante: que les caisses
d'entraide économique devraient être assujetties à une
législation spécifique ne faisant aucune référence
à la Loi des caisses d'épargne et de crédit, de
manière à empêcher dans l'esprit des épargnants
toute confusion entre les caisses d'entraide économique, les caisses
populaires et les caisses d'économie. Tenir compte de cette objection
implique qu'une loi organique spécifique soit adoptée pour les
caisses d'entraide économique et que les caisses d'entraide
économique cessent d'être des caisses d'épargne et de
crédit. Le ministère a étudié toutes les
hypothèses possibles, mais a dû et je donne trois raisons:
1) à cause des droits acquis; 2) à cause des répercussions
fiscales d'un changement de statut, et 3) à cause du danger de la
désaffection des épargnants en l'occurrence, opter pour la
solution proposée dans les projets de loi à l'étude.
Ces projets de loi ne constituent cependant qu'une première
étape. Il est possible, à moyen terme, que le législateur
doive préciser ou modifier la loi organique s'appliquant aux caisses
d'entraide économique.
Deuxième objection: Le projet de loi actuel préjuge des
décisions de la Législature sur les demandes éventuelles
de modifications à la Loi des caisses d'épargne et de
crédit à être présentées par les trois
fédérations.
Le projet de loi sur les caisses d'entraide économique
précise les modalités particulières des opérations
des caisses d'entraide économique et n'affecte aucunement la Loi des
caisses d'épargne et de crédit, qui demeure la loi organique de
la très grande majorité des caisses d'épargne et de
crédit qui a la presque totalité des actifs du mouvement
coopératif du crédit. Il s'ensuit que toute modification à
la Loi des caisses d'épargne et de crédit doit être
effectuée à la lumière des besoins de l'ensemble du
secteur. Par voie de conséquence, si des modifications à la Loi
des caisses d'épargne et de crédit affectent
supplétivement la Loi des caisses d'entraide économique, il y
aura alors lieu de déterminer quelles modifications devraient être
apportées à cette dernière loi.
Je tiens à déclarer que la loi accessoire des caisses
d'entraide économique ne constitue pas un précédent quant
aux modifications à la loi générale s'appliquant aux
caisses d'épargne et de crédit. J'attends, évidemment,
depuis quelque temps et toujours vos recommandations relativement aux
amendements à la Loi des caisses d'épargne et de
crédit.
La troisième objection, ou observation ou souci, est tout aussi
importante: L'article 3 de la Loi modifiant la loi de la Régie de
l'assuran-ce-dépôts donne ouverture à l'arbitraire de la
Régie de l'assurance-dépôts. C'est votre opinion. Il
permettrait même à la régie de réglementer les
activités des caisses particulières.
Les trois fédérations demandent qu'un mécanisme
légal soit établi afin que le consentement préalable de
chaque fédération intéressée soit obtenu en vue de
l'application des pouvoirs de réglementation prévus à
l'article 3.
Je suis prêt à considérer des modifications à
l'article 3 pour que les règles ou normes établies en vertu de
cet article ne puissent s'appliquer qu'à un groupe de caisses
affiliées à une même fédération. Dans le
système législatif de la province, il est malheureusement
impossible de conférer à un organisme extérieur un droit
de veto sur les pouvoirs de législation directs ou
délégués du gouvernement. En effet, c'est le Parlement qui
est suprême.
D'ailleurs, l'expérience passée révèle qu'il
est impérieux de donner à la régie des pouvoirs de
réglementer la liquidité des caisses selon la nature et les
échéances de leur passif, de même que les pouvoirs
d'établir certaines limites aux prêts individuels ou à
l'ensemble des prêts consentis par la caisse. Ceci devient d'autant
plus nécessaire à cause de l'évolution du secteur
et, notamment, de l'augmentation des actifs des caisses individuelles.
De plus, la responsabilité financière assumée par
la régie justifie, à elle seule, l'établissement de ces
règles. En d'autres mots, perhaps I can say it in English. In other
words, we find your recommendations important, constructive and adjustments can
be made in the law, either now or in the future.
Je vous remercie pour votre mémoire, mais j'attends les remarques
de mes collègues, ici, de l'Opposition et aussi parce que j'en
vois plusieurs des membres des caisses d'entraide économique, des
caisses d'économie, des caisses d'établissement et même des
caisses populaires. J'attends aussi leurs observations.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Je remercie également la
Fédération des caisses populaires Desjardins, les trois
fédérations, de leur mémoire. Nous avons
déjà fait connaître notre position sur un point
particulier, à savoir l'opposition catégorique que nous avons
à l'article 3 du projet de loi no 24, parce que nous croyons que ceci
équivaudrait, en fait, sous des dehors anodins, à la mainmise du
gouvernement sur l'ensemble des caisses populaires et des caisses
d'économie.
Nous réitérons notre conviction que cet article va
complètement à l'encontre de l'autonomie des caisses
d'épargne et de crédit. Nous espérons que le gouvernement
retranchera cet article qui, d'ailleurs, n'est pas nécessaire à
la reconnaissance des caisses d'entraide économique.
Si le gouvernement devait persister dans son idée de garder cet
amendement, auquel nous nous opposons, je crois si on se
réfère à votre mémoire que ce qui est
proposé est le minimum de garantie, à savoir qu'il faudrait
prévoir un mécanisme qui obligerait la régie à
obtenir le consentement préalable de la fédération qui
serait concernée, avant d'adopter toute mesure, suivant les dispositions
de cet article.
Dans votre mémoire, vous faites état également de
la différence que vous voyez entre les caisses d'entraide
économique et les caisses d'épargne et de crédit. Vous
parlez à un moment donné de la nécessité
d'éviter toute confusion dans l'esprit du public en évitant de
lui faire croire que les caisses d'entraide économique présentent
intégralement les mêmes caractéristiques que les caisses
d'épargne et de crédit.
Sur ce point on aura l'occasion de revenir, mais j'aimerais bien, si les
caisses d'entraide économique ont présenté un
mémoire comme elles doivent le faire, que, peut-être par
l'intermédiaire de leur président ou de leur représentant,
elles puissent faire connaître à la commis- sion leurs vues sur
cet aspect du mémoire, quitte à revenir par après.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Beauce.
M. ROY: M. le Président, je veux remercier à mon tour les
dirigeants des trois fédérations pour la présentation de
leur mémoire, et je veux en profiter également pour saluer les
nombreux représentants du monde de la coopération qui sont ici ce
matin à l'occasion de cette audience pour étudier le projet de
loi des caisses d'entraide économique et étudier également
les modifications à la Loi de l'assurance-dépôts.
J'ai une observation à l'endroit du ministre. Tout à
l'heure, il a parlé de l'article 3, et j'aurai quelques questions
à poser par la suite. Lorsque le ministre disait qu'il fallait garder au
Parlement le pouvoir au niveau de la législation comme autorité
suprême en ce qui peut regarder le protection du public, concernant
naturellement la Loi de l'assurance-dépôts, c'est justement ce que
je voudrais souligner au ministre que le Parlement ne garde pas son pouvoir
suprême. En vertu de l'article 3 article sur lequel nous nous
opposons formellement et catégoriquement le Parlement
délègue ses pouvoirs en autorisant le lieutenant-gouverneur en
conseil à établir une réglementation.
On sait très bien que la réglementation établie par
le lieutenant-gouverneur en conseil n'est pas soumise à la Chambre. Or,
les députés, les membres de la Chambre n'ont pas un mot à
dire, sinon poser des questions lorsque l'occasion se présente et
lorsqu'ils sont informés; mais ils ne sont pas consultés comme
tels.
C'est justement le point sur lequel...
M. TETLEY: Pardon, vous me permettrez de noter que j'ai promis de vous
consulter.
M. ROY: Oui, vous avez promis de nous consulter, mais c'est un
engagement personnel de l'honorable ministre actuel qui, d'ailleurs, nous
consulte. Mais je n'ai pas de garantie, moi, que le ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives sera éternel.
M. TETLEY: Peut-être. Vous allez adopter une autre loi.
M. ROY: Oui, ça fera l'objet d'une autre loi. Mais je
pense...
M. LESSARD: ... les plus mauvais administrateurs.
M. TETLEY: Ajoutez un autre paragraphe dans la loi pour dire que je suis
nommé à vie.
M. ROY: Je m'y opposerais, M. le Président.
M. LESSARD: Là, vous deviendriez un mauvais ministre.
M. ROY: Ce sur quoi je veux tout simplement attirer l'attention du
ministre non seulement son attention mais également celle des
membres de tout le secteur de la coopération qui sont ici c'est
que, si on accorde trop de pouvoirs de réglementation, on risque de se
retrouver dans des situations assez pénibles. On sait qu'il y a une
tendance manifeste actuellement à l'effet que le Parlement
délègue de plus en plus de pouvoirs au Conseil exécutif.
Moi, je considère que c'est extrêmement mauvais; ça peut
être extrêmement dangereux à moyen et à long terme.
C'est pourquoi la législation devrait être la plus complète
possible pour tâcher de limiter et de définir très
clairement les limites dans lesquelles on pourra procéder par voie de
réglementation. Parce que la réglementation a la même force
et entrafne les mêmes obligations que la loi.
Alors, concernant l'article 3, je dis et je répète que
nous nous opposons catégoriquement à donner au
lieutenant-gouverneur en conseil la suprématie législative
réglementaire à ce niveau.
Il y a des questions maintenant que j'aurais à poser aux
représentants des trois fédérations. On a souligné
dans le mémoire conjoint qui vient d'être lu par Me Cimon...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce que l'honorable député de
Beauce-Sud me permettrait, avant de procéder aux questions aux
organismes? Le député de Saint-Jean m'a demandé la parole,
quitte ensuite... L'honorable député de Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Non.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Non?
M. VEILLEUX: Je voudrais poser des questions au représentant de
la Fédération des caisses. Alors, si le député de
Beauce-Sud a des questions, je passerai après lui. Je suis respectueux,
M. le Président, des oppositions soit officielles ou officieuses, mais
nous, considérez que nous sommes l'opposition circonstancielle.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: Je veux rassurer le député de Saint-Jean et lui
dire que je ne suis pas affilié à ce genre de position. Alors, M.
le Président...
M. VEILLEUX: M. le Président...
M. TETLEY: Les cinq membres de l'Opposition officielle,
circonstancielle, d'autres fois ont perdu leurs élections. Cinq sur
cinq.
M. VEILLEUX: M. le Président, j'ai simplement dit que même
si nous sommes assis de ce côté-ci de la table et je ne
voudrais quand même pas qu'il y ait confusion dans l'esprit des gens,
qu'ils pensent que nous sommes de l'Opposition nous sommes bien des
députés du parti au pouvoir.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: La question que je voulais poser à Me Cimon, c'est qu'on
parle de la nécessité de recommander, en somme, qu'il y ait une
législation complètement autonome de celle des caisses
d'épargne et de crédit. Et dans le premier paragraphe de la page
2 de votre mémoire, vous dites: "II faut, les fédérations
que je représente le soumettent, éviter toute confusion dans
l'esprit du public en évitant de lui faire croire que les caisses
d'entraide économique présentent intégralement..." Le mot
"intégralement".
Alors, disons que ça se rattache un peu à l'esprit de
votre mémoire. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails,
nous donner des faits, par exemple, ou être plus explicite, de
façon que tous les membres de la commission comprennent très bien
le sens et la portée de cette argumentation.
M. CIMON: M. le Président, M. le député de
Beauce-Sud, j'aimerais vous donner, peut-être en forme
stéréotypée, quatre caractéristiques qui nous
paraissent, à toute première vue, les caractéristiques
fondamentales qui font cette différence au niveau pratique entre les
caisses d'épargne et de crédit et les caisses d'entraide
économique.
Toutefois, avant de vous les fournir, M. le Président, j'aimerais
souligner que ce n'était pas l'intention des fédérations
que je représente de s'étendre longuement sur ce point de vue
pour la raison suivante: Des représentations avaient déjà
été faites au niveau du ministère des Institutions
financières, où nous avons manifesté, dans un
mémoire élaboré, ces caractéristiques en date du 5
avril 1973, si ma mémoire est bonne, et ce n'était pas
l'intention de mes clients d'élaborer d'une façon très
ample là-dessus aujourd'hui, mais je suis quand même prêt
à répondre aux questions du député de
Beauce-Sud.
Disons qu'en forme stéréotypée il s'agit, pat
exemple, de la vente à commission qui est une caractéristique
propre des caisses d'entraide économique. Le deuxième point,
c'est l'exigence de frais d'administration. Troisième point, les
épargnes sont recueillies principalement ou totalement au niveau du
capital social. Quatrième point, les placements qui sont
effectués se font dans le commerce et l'industrie. A notre avis
et je pense que c'est de notoriété connue ces
investissements «ont de nature beaucoup plus risquée
évidemment.
Alors, en fait, disons qu'en forme stéréotypée, ce
sont les quatre caractéristiques qui, au niveau du fonctionnement,
différencient les caisses d'entraide économique des caisses
d'épargne et de crédit...
M. ROY: En guise de deuxième question, en quoi voyez-vous...
M. CIMON: ... à savoir qu'elles sont recueillies au niveau du
capital social principalement.
M. ROY: En guise de deuxième question, pourquoi voyez-vous dans
ces quatre caractéristiques un obstacle en quelque sorte?
Vous apportez une nuance à l'effet que le mouvement des caisses
populaires Desjardins ainsi que les caisses d'économie veulent,
autrement dit, être complètement séparés de ce genre
d'activités, de ce genre d'opérations. En quoi, croyez-vous, cela
peut-il léser le mouvement ou les fédérations que vous
représentez? En somme, il y a quand même un autre principe
coopératif, si je comprends bien, il y a quand même des
possibilités, pour un groupe de personnes, de s'unir en vue d'objectifs
déterminés pour se donner des services communs. Les services
peuvent être individuels, ils peuvent être des services de
promotion ou de développement économique du milieu qui, par voie
de conséquence indirecte, si vous voulez, peuvent contribuer au
développement de la communauté et de ses membres.
Si la Fédération des caisses d'entraide économique,
étant donné la nature particulière de leurs
opérations, travaille de cette façon parce qu'elle n'a pas le
choix des moyens il faut qu'elle prenne ces moyens-là
j'aimerais savoir en quoi cela peut entrer en contradiction ou si
ça peut léser l'esprit que vous semblez vouloir défendre
concernant, par exemple, tout ce qui touche le mouvement des caisses populaires
et des caisses d'économie.
M. CIMON: Le problème, nous l'avons souligné dans notre
mémoire et ceci répond, disons, tout au moins essentiellement
à votre question, M. le député. Nous demandions que les
caisses d'entraide économique aient une loi-cadre qui soit parfaitement
adaptée à leurs opérations et à leurs objectifs
propres, auxquels on n'a aucune objection parce que c'est une question de
développement économique régional. Notre mémoire
est positif là-dessus, en ce sens qu'on ne s'oppose pas à un
développement économique. A toutes fins pratiques, le
ministère semblait être d'accord avec nous, ce qui nous a pris un
peu par surprise lorsqu'on a vu la première lecture du projet de loi,
lorsqu'on a constaté qu'il s'agissait d'une loi annexe.
Le fait est que cela nous a pris par surprise. On n'a pas d'objection.
On se dit: Le ministère, c'est quand même lui qui
légifère, qui offre la législation à
l'Assemblée nationale. Mais étant pris par surprise par ce fait
nouveau, on lui demande, si c'est une annexe de quelque 23 ou 24 articles par
rapport aux 124 articles de la loi-cadre, tout au moins d'attendre que les
amendements que les trois fédérations que je représente
ont l'intention de présenter au gouvernement, au niveau de la loi-cadre,
soient présentés afin d'établir un équilibre entre
les deux lois, à toutes fins pratiques, vu qu'il s'agit d'une annexe
à la Loi des caisses d'épargne et de crédit.
En fait, c'est la raison de notre mémoire. On ne veut pas aller
plus loin. On dit: Nous sommes pris par surprise parce qu'on s'attendait
à ce qu'il y ait véritablement une loi-cadre, c'est ce qu'on nous
avait laissé entendre. On vient dire au ministère, par
l'intermédiaire de la commission ce matin, qu'on lui demande tout au
moins d'attendre les amendements essentiels pour éviter toute
ambiguïté et éviter tout préjudice dans
l'intérêt du public en général, dans
l'intérêt des caisses d'entraide économique et dans
l'intérêt de l'ensemble des caisses d'épargne et de
crédit.
M. ROY: Nous sommes tous au courant que les caisses d'entraide
économique demandent, depuis fort longtemps, des amendements, des
addititons ou demandent une législation un peu particulière,
parce que la Loi des caisses d'épargne et de crédit
n'était pas la loi idéale. La loi ne leur convenait pas
totalement. Je pense que c'est reconnu et admis de tout le monde. Maintenant,
le fait d'adopter les articles du projet de loi no 23, qui constituent en
quelque sorte une addition à la Loi des caisses d'épargne et de
crédit, est-ce que cela peut empêcher vos
fédérations, les groupements que vous représentez de
demander des amendements, comme vous le stipulez dans votre mémoire,
à la Loi des caisses d'épargne et de crédit? Est-ce que
cela peut être en contradiction: Vous parlez d'ambiguïté; la
question d'ambiguïté, cela peut être bien discutable. Moi,
j'aimerais savoir si ça peut en quelque sorte vous empêcher de
présenter les amendements à la loi que vous avez l'intention de
demander. Je me réfère au bas de la page 2 de votre
mémoire: "Si le ministère des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives persistait dans son attitude de faire en
sorte que le projet de loi 23 demeure une simple annexe à la Loi des
caisses d'épargne et de crédit, les fédérations que
je représente vous demandent instamment de recommander l'ajournement de
l'adoption de ce projet de loi jusqu'à ce qu'elles aient
l'opportunité de se mettre d'accord avec le ministère des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives sur les
amandements qui doivent être apportés à 4a Loi des caisses
d'épargne et de crédit, amendements que nous avons l'intention de
vous soumettre dans les prochains mois." Il faut quand même examiner,
à ce moment, toutes les difficultés, tous les embêtements
que cela pourra créer à l'autre fédération, la
Fédération des caisses d'épargne et de crédit.
J'aimerais savoir si le fait d'adopter cette loi, la loi qui nous est soumise
actuellement, peut vous empêcher, dans quelques mois, de présenter
vos amendements.
M. CIMON: On ne peut pas prétendre que cela peut nous
empêcher de présenter nos
amendements. Mais une fois que cette loi est adoptée, qui est une
annexe à laquelle on se réfère constamment pour ce qui est
de la loi-cadre des caisses d'épargne et de crédit, si les
amendements essentiels présentés par les caisses d'épargne
et de crédit vont à l'encontre des principes exposés en
première lecture dans le projet de loi des caisses d'entraide
économique, on va faire un travail qui sera presque inutile, parce qu'il
va falloir toujours que le législateur se réfère, dans nos
demandes d'amendements, à la Loi des caisses d'entraide
économique pour dire: Est-ce que cela entre dans le cadre des caisses
d'entraide économique? Est-ce que cela va contredire certains pouvoirs
qu'on leur a accordés, ou certaines restrictions qui sont
imposées? Nous croyons que le danger, c'est qu'on puisse, à un
moment donné, nous refuser des amendements qui nous paraissent, à
nous, au niveau de l'ensemble des caisses d'épargne et de crédit,
extrêmement importants, sous le prétexte que cela peut
nécessiter un autre amendement immédiat à la Loi des
caisses d'entraide économique. Alors on dit: Plutôt que de
demander un amendement à la Loi des caisses d'entraide
économique, attendez quelques semaines ou quelques mois, et on va
s'empresser de vous présenter les amendements essentiels au niveau de la
loi-cadre.
M. ROY: Oui, mais vous ne pensez pas qu'il y a encore possibilité
de convoquer la commission parlementaire, comme elle est convoquée ce
matin, et de présenter votre mémoire, présenter vos
doléances. S'il est nécessaire d'amender la loi qui nous est
actuellement présentée, pour tâcher de donner satisfaction
à tout le monde, je pense qu'il y a lieu de voir quels sont les
correctifs ou les modifications qui pourraient être apportés. Je
ne sache pas, en ce qui me concerne en tant que membre de la commission
parlementaire, que le fait d'accorder des privilèges à un puisse
léser les droits des autres. C'est justement dans cet esprit que je pose
ces questions ce matin, de façon à être bien
éclairé sur les conséquences que le fait d'adopter la loi
23 les conséquences et les préjudices pourrait
causer aux caisses populaires et aux caisses d'économie.
C'est pour cette raison que je voudrais avoir de bonnes
précisions là-dessus de façon à être bien au
fait pour pouvoir faire au ministre les recommandations qui s'imposent par la
suite.
M. CIMON: M. le député de Beauce, si vous me permettez un
autre commentaire, en fait, c'est la préoccupation principale des trois
fédérations que je représente, à compter du moment
où on a l'assurance que nous ne serons pas lésés dans nos
possibilités d'amender et même en profondeur la Loi
des caisses d'épargne et de crédit. En fait, c'est la
préoccupation des trois fédérations et c'est la raison
pour laquelle on vous disait: Si cela faisait plusieurs années que les
caisses d'entraide économique existent, on ne verrait pas tellement
d'objections...
M. TETLEY: M. Cimon, pour arrêter cette discussion, vous avez
cette assurance, et vous l'aviez depuis longtemps. Je note votre droit de venir
le demander encore publiquement, mais vous avez cette assurance.
M. VEILLEUX: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jean.
M. ROY: S'il y avait changement quant à cette assurance, vous
pourrez toujours en informer l'Opposition.
M. VEILLEUX: J'ai l'impression, M. le Président, que tant que
nous serons là comme gouvernement, il n'y a aucun danger. Il y aurait
peut-être danger si cela était un gouvernement
séparatiste.
M. BEDARD (Chicoutimi): Merci de nous placer là, pas plus loin
que vous ne le dites. Vous nous voyez déjà au gouvernement, merci
!
M. VEILLEUX: Je regrette, d'abord, aujourd'hui l'absence de M. Rouleau,
de la Fédération des caisses, qui était ici à la
dernière réunion et qui était pressé de
répondre à des questions que je posais à la Ligue des
caisses. Je remarque qu'il n'est pas ici aujourd'hui. J'aurais aimé
qu'il y soit pour qu'il puisse nous donner les réponses à nos
questions.
Compte tenu des discussions que nous avions eues à cette
séance de la commission parlementaire et en regardant aujourd'hui votre
mémoire, je suis réellement déçu, parce qu'à
cette réunion, la Fédération des caisses semblait
intéressée à discuter du contenu des projets de loi 23 et
24. Je remarque que, dans votre mémoire d'aujourd'hui, vous ne discutez
aucunement des suggestions d'amendements, sauf pour dire que cela devrait
être mis sur le coin de la table ou sur les tablettes pour oubli tant et
aussi longtemps qu'on n'a pas terminé nos discussions avec le
ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
En lisant les deux pages et demie de votre mémoire, je peux vous
dire que je ne suis réellement pas convaincu, à l'heure où
je vous parle, de l'opportunité de laisser cela sur le coin de la table
en attendant que vos discussions soient terminées.
Je relève ceci comme raison fondamentale que vous soulevez pour
laisser cela sur la tablette: "Nous voulons éviter par là une loi
qui pourrait comporter des contradictions et des ambiguïtés
préjudiciables à tous les intéressés".
J'ai l'occasion de rencontrer fréquemment des électeurs du
comté de Saint-Jean. Il y a une caisse d'entraide économique
à Saint-Jean et il y a de nombreuses caisses populaires qui jouent un
rôle extrêmement important à Saint-Jean, de part et d'autre.
Je n'ai jamais vu quelqu'un de la population, en général,
confondre, parce que c'est la confusion qui pourrait exister dans
l'esprit des gens qui pousse les fédérations à
demander qu'on oublie cela pour le moment. Je n'ai jamais décelé
dans la population une confusion entre une caisse populaire et une caisse
d'entraide économique.
Est-ce qu'il y aurait d'autres raisons qui pourraient être plus
fondamentales? Est-ce que vous pourriez expliciter davantage les
contradictions, les "ambiguïtés préjudiciables à tous
les intéressés"? Peut-être réussiriez-vous à
me convaincre, mais, à l'heure actuelle, je ne suis réellement
pas convaincu.
M. CIMON: Si vous me le permettez. M. le Président, M. le
député, je voudrais laisser la parole à M. Yvon Daneau qui
est plus en mesure que moi de répondre à ce commentaire.
M. DANEAU: J'ai le sentiment que M. le député vient
justement de nous dire qu'il y a des différences fondamentales. Il vient
d'affirmer que, dans la tête des gens, il n'y a aucune ambiguité
possible entre les deux sortes d'institutions. Cela nous convainc qu'elles sont
à ce point différentes, qu'elles nécessiteraient, je
pense, des lois différentes.
M. VEILLEUX: Vous me faites penser un peu à quelqu'un qui veut
comprendre ce qu'il veut bien comprendre.
Ce que j'ai dit et je vais le redire c'est que, dans
l'esprit de la population, une caisse populaire, c'est une caisse populaire et
une caisse d'entraide économique, c'est une caisse d'entraide
économique et, pour elle, ce n'est pas la même chose.
M. DANEAU: Pour nous aussi. C'est également ce qu'on dit ce
matin.
M. VEILLEUX: Alors si, dans l'esprit de la population, ce n'est pas la
même chose, pourquoi retarder des amendements à une loi qui est
attendue par les caisses d'entraide économique, pour une raison bien
simple? C'est attendu par les caisses d'entraide économique pour mieux
protéger les gens qui font partie des caisses d'entraide
économique.
M. DANEAU: A ceci, nous souscrivons. Tout ce que nous disons, nous
vous confirmez notre point de vue c'est que les gens
considèrent, dans leur esprit, dans leur vision des choses, qu'il y a
des différences, que c'est différent. En conséquence,
pourquoi donner une même loi à des choses qui recouvrent des
réalités différentes?
Quant à nous, il nous semble qu'il y a deux
réalités distinctes. La première a trait aux
opérations. Je pense que Me Cimon en a parlé tantôt. Au
niveau des épargnes vendues, par exemple, je pense qu'il y a des
distinctions; au niveau du droit d'entrée élevé aussi. Si
nous parlons de ceci, c'est que je présume que le ministère des
Institutions financières pourrait plus longuement en parler que nous,
puisqu'il a fait une étude exhaustive de la Fédération des
caisses d'entraide économique. Nous n'avons pas eu, d'ailleurs, le
rapport. Ensuite, les institutions qui recueillent le capital social au lieu de
l'épargne. Je pense qu'on ne traite pas de la même façon,
nécessairement, le capital social et l'épargne. Alors ça,
c'est sur le plan des opérations.
Au niveau du risque, je pense que la nature des placements est
totalement différente. Ceci, Me Cimon l'a dit, notre mémoire le
dit, nous voudrions être très clairement compris. Nous n'avons
rien contre les caisses d'entraide économique. Nous souscrivons à
leur préoccupation de favoriser le développement
économique régional, mais nous disons que, dans leurs
opérations et dans leur nature, il y a des différences qui font
que ce n'est pas la même chose que nous et que, si on leur donne la
même loi que nous, on va se retrouver tantôt dans des
ambiguïtés.
Je ne prends, comme exemple, que la nature des placements des caisses
d'entraide économique et je vous pose la question, messieurs: Est-ce que
vous estimez que d'acheter des obligations des commissions scolaires, que
d'acheter des obligations des municipalités représente le
même caractère de risque que d'investir dans l'industrie? Financer
le gouvernement, est-ce que cela représente le même
caractère de risque que de placer dans l'industrie? Si vous nous dites
oui, ce serait important pour nous de le savoir. C'est qu'au terme de nos
placements on voudra s'interroger, à un moment donné.
M. VEILLEUX: Ecoutez, je ne suis pas un spécialiste des caisses
d'entraide économique et des caisses populaires. Je ne me fais pas
d'illusions là-dessus. Mais le principe de base des deux vous me
direz si je fais erreur n'est-ce pas l'épargne et le
crédit? Lorsque le ministre arrive avec le projet de loi no 23, ce sont
des amendements à moins que j'aie mal compris à la
Loi des caisses d'épargne et de crédit. Donc, le principe de base
l'épargne et le crédit est identique, sauf que les
modalités sont différentes. D'ailleurs, vous l'avez
mentionné, vente à commission, etc., ce qu'une caisse populaire
ne fait pas. Les placements des caisses d'entraide économique sont
différents des placements des caisses populaires. Cela, je l'admets.
Mais est-ce que le principe de base n'est pas l'épargne et le
crédit? C'est ce que je ne comprends pas. Dans votre esprit, est-ce que
le gouvernement doit faire des lois pour chacune des choses qui peuvent
exister, sous prétexte que les modalités d'application d'un
principe de base sont différentes d'un organisme à l'autre?
M. DANEAU: C'est une excellente question.
M. VEILLEUX: Est-ce que c'est ça, dans votre esprit, qui devrait
exister?
M. DANEAU: Quant à nous, je pense que le législateur
reconnaît lui-même les différences de risque. On a
mentionné tantôt, dans le projet de loi no 24, l'article 3.
Comment se fait-il qu'on introduise soudainement un tel pouvoir au niveau de la
Régie de l'assurance-dépôts et qu'autrefois on ne semblait
pas en avoir besoin? Est-ce que c'est pour couvrir des risques qui sont
différents ou non différents? C'est une première
question.
Une deuxième remarque, pour me permettre de répondre plus
précisément à votre question. Je voudrais bien être
clair parce qu'en fait, pour nous, ce matin, il ne s'agit pas et je
pense que c'est le cas des trois fédérations de donner
l'image que nous sommes opposés aux objectifs poursuivis par les caisses
d'entraide économique. Je pense que les caisses d'entraide
économique veulent faire la mobilisation régionale des
épargnes locales d'un grand nombre d'épargnants pour financer,
sur le plan régional, un petit nombre d'emprunteurs. Je ne voudrais pas
tomber dans la théorie mais, quant à cette relation qui existe
entre celui qui est le propriétaire de l'épargne et celui qui va
être l'usager de l'épargne, j'ai le sentiment qu'il y a une
distinction fondamentale entre les deux.
Il s'agit de recueillir, à commission, dans la population, des
épargnes populaires auprès du plus grand nombre possible de
personnes pour les affecter en pratique au niveau de l'industrie à un
petit nombre d'emprunteurs. Et là, j'ai le sentiment quand même
qu'il y a des distinctions fondamentales qu'il faudrait établir à
partir de ce moment sur le plan des opérations et sur le plan de la
nature du risque, comme je le disais précédemment.
M. VEILLEUX: Est-ce que, dans votre esprit, vous verriez que le
ministère des Institutions financières procède un peu
comme, aux affaires sociales, on a procédé pour le code des
professions, c'est-à-dire qu'il y a une loi générale qui
s'applique à toutes les professions avec des modalités
d'application dans des lois différentes pour chacune des
professions?
Est-ce qu'à un niveau comme celui-là des institutions
financières d'épargne et de crédit, en d'autres mots,
c'est le genre de suggestion que vous faites au ministère des
Institutions financières, ou si je me trompe?
M. DANEAU: Là, vous êtes beaucoup plus familier que moi
avec le code des professions, avez-vous dit? Je ne pourrais pas vous
répondre par analogie parce que je ne vois pas les implications, pas
parce que je ne veux pas vous répondre, parce que je ne suis pas
suffisamment familier avec ça.
Si vous nous disiez qu'une loi-cadre et des annexes sont
spécifiques à chacune des fédérations en fonction
de leurs opérations, mais qu'advenant le cas où des modifications
sont apportées dans l'une des lois, ça n'affecte pas
l'opération des autres, peut-être qu'alors ce serait une
façon d'envisager une solution possi- ble, mais je ne vous
réponds pas comme tel parce que je ne suis pas suffisamment familier
avec la loi à laquelle vous vous référez.
M. VEILLEUX: Le code des professions, on en a quand même
discuté pendant deux ans ou deux ans et demi.
M. DANEAU: Pour vous.
M. VEILLEUX: J'admets que vous n'avez pas suivi les débats au
jour le jour, et je vous comprends parce qu'à certains moments ça
devenait fastidieux, sauf qu'il y a une loi-cadre qui s'appelle la Loi des
professions, et après ça il y a une loi pour chacune des
professions concernées ou qui ont une reconnaissance légale dans
la province de Québec.
Je ne vois pas que le gouvernement éventuellement puisse en
arriver à une formule semblable à celle-là dans
l'épargne et le crédit, sauf que et je pense qu'il y a
quand même une urgence essentielle et qu'il faut souligner dans le projet
de loi 23 les caisses d'entraide économique fonctionnent
présentement sous l'empire de la Loi des caisses d'épargne et de
crédit. Il fallait bien qu'elles partent sur quelque chose au
début. Sous prétexte qu'il n'y a pas une loi spéciale pour
les caisses d'entraide, on ne pouvait quand même pas, en tant que
gouvernement, les empêcher de fonctionner.
Vous l'admettez avec moi, le public qui place ses épargnes dans
les caisses d'entraide économique avait besoin d'une protection. Et si
on regarde les amendements au projet de loi 23, ce sont des protections
supplémentaires que le gouvernement place dans la loi existante, Loi de
l'épargne et du crédit, pour protéger la population, parce
que c'est quand même un phénomène relativement nouveau, les
caisses d'entraide économique.
On pourrait peut-être faire la suggestion au ministre de dire
ça à ses gens du ministère et j'embarquerais dans
une suggestion comme ça de leur dire: Envisagez donc la
possibilité d'une loi-cadre pour l'épargne et le crédit
avec des lois spéciales, soit pour les caisses populaires parce que
ça existe, soit pour les caisses d'entraide économique parce que
ça existe. Et si dans deux ans il y a une autre formule d'épargne
et de crédit qui existe, il y aura une troisième loi
spéciale subordonnée à la loi-cadre pour un
troisième organisme.
Et je verrais très mal le ministre accepter la suggestion que
vous proposez à moins que le ministre me convainque qu'il faut le
faire dans votre mémoire, pour la simple raison que les caisses
d'entraide économique existent, qu'on doit donner la meilleure
protection à ceux qui investissent leurs épargnes dans les
caisses d'entraide économique. Si on retarde de six mois ou un an des
amendements à cette loi générale, on ne donne pas la
protection voulue à ceux qui investissent leurs épargnes dans les
caisses d'entraide économique.
Je pense que c'est dans cet esprit qu'il faut
voir, de la part du ministre, le projet de loi 23. Il n'apporte pas
ça pour emmerder les caisses populaires et tout le monde. C'est pour
protéger ceux qui... Parce que, il faut vous le dire aussi, il y en a
plusieurs qui placent leurs épargnes dans les caisses populaires, et ces
mêmes individus les placent aussi dans les caisses d'entraide
économique. Et si on regarde autour de la table, en tout cas mon
collègue de Rimouski et moi, c'est notre cas.
Peut-être pas de grosses épargnes parce qu'on n'a pas les
revenus nécessaires mais, quand même, on en a un peu dans les
deux, vous savez. C'est dans cet esprit que les fédérations
devraient voir les amendements à la Loi des caisses d'épargne et
de crédit qu'apporte le ministre. Je connais trop bien le ministre pour
qu'il puisse vouloir faire ça par déplaisir.
M. DANEAU: Je pense que les trois fédérations de caisses
d'épargne et de crédit qui sont ici représentées ce
matin, ont souscrit entièrement dans le passé à la
préoccupation que vous exprimez d'une plus grande protection de
l'utilisateur des caisses d'épargne et de crédit. Je ne voudrais
pas faire de l'histoire, mais nous avons, à maintes reprises,
signifié au ministère des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives, notre préoccupation à
l'égard de certaines institutions qui n'ont pas trait,
nécessairement, aux caisses d'entraide économique.
Vous remarquerez qu'en vertu de la loi actuelle des caisses
d'épargne et de crédit et je ne dis pas que c'est bien ou
mal une fédération peut s'incorporer sans que les autres
fédérations en soient informées, ou des gens et des
groupes peuvent utiliser la Loi des caisses d'épargne et de
crédit sans que les fédérations existantes soient
consultées. C'est alors la préoccupation du ministère et
du gouvernement.
Nous avons, quant à nous, dans certains cas, fait connaître
au gouvernement notre appréhension de voir des groupes utiliser la Loi
des caisses d'épargne et de crédit. Vous comprendrez certes que,
pour nous, cette loi est notre loi constituante et je pense que, graduellement,
à travers le temps, nos institutions ont acquis une certaine
crédibilité auprès de la population. On sait et je
pense bien ne pas faire d'impair ici on se rappelle très bien que
tout dernièrement les journaux faisaient allusion à des
institutions qui ramassaient de l'épargne auprès de la population
en vue de constituer des bourses universitaires et que certaines d'entre elles
ont déjà été incorporées en vertu de la Loi
des caisses d'épargne et de crédit. Si vous nous demandez si nous
étions très heureux de ça, je vous dirai que non. Et, dans
certains cas, si nous n'avons pas toujours fait le tapage public que nous
aurions dû faire, c'était justement dans le but de protéger
le petit épargnant. Parce que, n'oubliez pas que dans le domaine de
l'épargne et du crédit, dès le moment où vous
faites une manoeuvre publique, vous venez de créer tout un impact dans
la population et vous venez de créer la panique. Et, à ce
moment-là, vous faites mal au petit épargnant.
J'ai le sentiment qu'une bonne partie de nos relations avec nos
sociétaires reposent précisément sur la confiance. La
nature de nos relations s'est toujours voulue discrète justement pour
respecter les sociétaires qui avaient de l'épargne et qui avaient
investi. En ceci, je pense qu'il faudrait enfin au moins corriger cette
impression que vous pourriez peut-être avoir que nous ne sommes pas
préoccupés par la crédibilité de nos institutions
et surtout par la protection du public.
Quant à la suggestion que vous faites, je pense que c'est une
chose qui peut être discutée et négociable. Je ne vois pas
toutes les implications que ça peut avoir ce matin; on n'est pas devant
un nouveau projet, on est devant le projet qui est devant nous ce matin et
c'est contre celui-là qu'on en a jusqu'à un certain point.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de...
M. VEILLEUX: Une dernière intervention, M. le Président.
Je suis parfaitement d'accord sur ce que vous mentionnez, quand vous donnez
l'exemple des fonds pour les bourses. Parfois il y a des caisses... Je sais,
j'en ai créé une à l'époque où
j'étais président d'une association d'enseignants, pour
créer un fonds de grève; au cas où on ferait la
grève, on va épargner de l'argent chaque mois et on va avoir plus
de $15 par semaine si on fait la grève... Je suis d'accord avec vous
que, pour les caisses populaires, c'est peut-être déplaisant.
Compte tenu des remarques que vous faites, vous pouvez avoir la
certitude que personnellement, dans les réunions du caucus du Parti
libéral, on rappellera au ministre qu'il ne serait peut-être pas
mauvais d'arriver avec une loi-cadre, avec des lois spéciales genre
ce que je mentionnais tout à l'heure code des professions
pour différentes professions, compte tenu des remarques que vous faites.
Mais je termine en vous disant qu'il faut quand même que les trois
fédérations soient conscientes de l'urgence d'apporter ces
changements, compte tenu du fait que les caisses d'entraide économique
existent, en attendant, parce que quand on discute dans le sens que vous
voulez, c'est quand même une transformation en profondeur qui peut
s'échelonner sur plusieurs mois et même peut-être plusieurs
années. On ne peut quand même pas permettre, pendant cette
discussion, que des épargnants risquent des épargnes sans la
protection voulue.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Rimouski.
M. TETLEY: Sur un point d'ordre. LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui.
M. TETLEY: Je veux tout simplement noter que je n'ai pas incité
le député de Saint-Jean ou de Rimouski ou de Taschereau, qui que
ce soit à faire des commentaires. Je n'ai même pas discuté
le projet de loi avec ces gens.
M. BEDARD (Chicoutimi): Est-ce que vous vous défendez?
M. TETLEY: Non, non depuis deux, trois mois, le point...
M. BUNRS: La scission commence à paraître!
M. TETLEY: Le point...
M. BEDARD (Chicoutimi): Je croyais que les ministres parlaient avec
leurs députés!
M. TETLEY: Les deux lois ont été présentées
au caucus, ce qui est mon habitude, et je voudrais tout simplement dire que
tout le monde est libre de s'exprimer comme il le veut.
M. VEILLEUX: D'ailleurs, nos collègues du parti
séparatiste, il faut bien qu'ils se mettent dans la tête qu'avant
que le ministre discute avec eux il discute avec nous. Cela, le ministre l'a
toujours fait, puis il continue à le faire. Alors, soyez
assurés...
M. BEDARD (Chicoutimi): Cela ne veut pas dire que ça
améliore les lois, cependant.
M. VEILLEUX: ... qu'on les améliore, à ce
moment-là.
M. LESSARD: Cela ne parait pas, parce que vous semblez très peu
informé.
UNE VOIX: Vous avez un député qui est très bien
réveillé.
M. BEDARD (Chicoutimi): J'ai très bien noté votre
expression tout à l'heure que vous étiez d'accord sur ce que vous
disiez, en laissant supposer: A moins que le ministre ne vous dise de le dire
autrement.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! Le député de
Rimouski.
M. SAINT-HILAIRE: A ce que je sache, c'est à moi que vous avez
donné la parole et non au député de Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): L'Opposition n'abuse pas ce matin.
M. SAINT-HILAIRE: Vous me permettrez, messieurs des
fédérations, d'être un peu déçu du
mémoire que nous avons entre les mains. Pour vous rassurer et pour
rassurer tout le monde, je n'étais pas au caucus lorsque le ministre
Tetley en a parlé, c'est-à-dire que je vais m'exprimer
extrêmement librement, indépendamment des idées,
peut-être, de mon ministre. Vous me permettrez d'être
extrêmement déçu du mémoire que vous me
présentez ici ce matin, parce que, premièrement, il y a
déjà une couple d'années et même plus qu'une couple
d'années que les caisses d'entraide économique existent; vous
saviez qu'elles existaient et vous saviez de quelle façon elles
fonctionnaient. De plus, si je ne fais pas erreur, le projet de loi a
été présenté au mois de décembre pour
être approuvé par la Chambre uniquement en première lecture
et revenir en commission parlementaire.
Vous nous arrivez avec un mémoire aujourd'hui où vous
demandez d'attendre quelques mois pour vous permettre de soumettre vos
remarques à notre bonne attention. Je pense que, depuis le mois de
décembre, depuis la présentation du projet de loi, vous avez eu
amplement le temps de préparer votre défense. Vous avez eu
amplement le temps de préparer le mémoire et les corrections
à apporter à cette loi et je me demande ce matin pourquoi vous
nous arrivez avec un mémoire si peu consistant et pourquoi vous nous
demandez, encore là, de retarder cette loi, alors qu'une multitude de
gens dans la province de Québec, avec un capital probablement, à
l'heure actuelle, souscrit d'au-dessus ou de près de $50 millions,
attendent après cette loi.
Je vous écoutais parler tout à l'heure, suite justement au
paragraphe dont plusieurs ont fait mention donnant les caractéristiques
des caisses d'épargne et de crédit et celles des caisses
d'entraide économique. Il existe certainement des différences et
je pense que le point sur lequel vous vous attardez le plus, c'est
peut-être le point le plus important qui puisse exister, c'est la
question du risque du placement que font les caisses d'entraide
économique, d'après vous, comparativement au risque de placement
de vos caisses populaires, etc.
Je pense que vous êtes parfaitement au courant qu'à ce
point de vue là, au point de vue du crédit, les deux organismes
procèdent un peu de la même façon, en ce sens qu'il existe
des bureaux de crédit, des commissions de crédit pour
enquêter avant de faire les prêts, que ce soit à l'industrie
ou au commerce. Ces gens qui conseillent et vos caisses populaires et les
caisses d'entraide économique sont des gens du milieu, toujours du
milieu. En effet, si vous prenez une ville, choisissons ma ville à moi,
de l'envergure de Rimouski, vos caisses populaires ont des bureaux de direction
formés par les gens de Rimouski, ont des gens au bureau de crédit
formés par des gens de Rimouski, la même chose que les caisses
d'entraide économique.
Alors, il ne faudrait pas penser, à ce moment-là,
qu'uniquement les caisses populaires ont des têtes assez fortes pour
aller choisir des personnes intelligentes et des personnes superintelligentes
pour pouvoir approuver ou choisir
uniquement ceux qui vont faire attention aux risques de l'entreprise. Je
pense que l'autre organisme, aussi conscient du rôle qu'il a à
jouer, peut, lui aussi, choisir des gens sérieux qui peuvent administrer
sérieusement les crédits dont il dispose. A cet effet, je pense
que et ça, peut-être que vos caisses ou vos
fédérations pourront le vérifier, étant
donné vos relations peut-être un peu étroites avec la
Société de fiducie, qui certaines fois prête de l'argent
sur des propriétés vos caisses populaires, elles aussi, se
lancent dans le risque assez fort, par le truchement des prêts
temporaires et, quelquefois même, sans aucune garantie. J'inviterais
peut-être le ministre des Institutions financières à faire
des enquêtes sérieuses sur l'administration de certaines caisses
populaires.
Personnellement je pourrai peut-être en souffler un mot au
ministre j'ai en tête une de vos institutions financières
qui a alloué un prêt de $300,000, prêt temporaire, alors que
le prêt, aujourd'hui, est rendu à $800,000 sans aucune garantie
quelle qu'elle soit. Quant aux garanties, on essaie, à l'heure actuelle,
de "patcher" les erreurs qui ont pu être commises. A ce moment-là,
M. le ministre, cela me fera grand plaisir de vous le dire. C'est pour prouver
que si, à un moment donné, il n'y a pas de loi par laquelle le
gouvernement peut intervenir directement, que ce soit avec vos caisses ou que
ce soit avec les caisses d'entraide économique, je pense qu'on se dirige
assurément vers autant de mauvais risques chez vous que chez nous, que
dans les caisses d'entraide économique.
Je dis "chez-nous", je le dis volontairement. J'ai été,
tout à l'heure, et vous pourrez vérifier...
M. BURNS: J'aimerais qu'on note cette admission du
député.
M. SAINT-HILAIRE: Non, non.
M. LESSARD : II est directement impliqué dans le projet de
loi.
M. SAINT-HILAIRE: Je me corrige. Je dis "chez nous"; je parlerais de la
caisse populaire et je pourrais dire chez nous aussi. Je fais justement la
distinction à l'effet que je parle uniquement du capital de risques dont
vous avez parlé tout à l'heure. Je pense que la façon
d'agir des caisses populaires dans l'attribution des prêts est à
peu près la même que les caisses d'entraide économique,
à ce stade-ci de la discussion.
Je ne verrais pas pourquoi, à ce moment-là, le
gouvernement laisserait aller les caisses d'entraide économique sans
donner des garanties quelconques à tous les gens qui ont investi
là-dedans de la même façon que les gens qui investissent
chez vous doivent avoir des garanties. Je pense qu'il y aurait peut-être
eu lieu que vos oppositions à la Loi des caisses d'épargne et de
crédit nous aient été soumises bien avant parce que je
considère que les caisses d'entraide économique, à l'heure
actuelle, remplissent peut-être un objectif que vos caisses ne
remplissent pas. Elles ont leur place dans notre société et,
étant donné qu'elles ont leur place dans notre
société, je crois qu'elles se doivent d'être régies
par une loi qui sera contrôlée par les administrateurs du peuple.
Je pense que cela fait assez longtemps que ça dure, je ne verrais pas
pourquoi nous, du gouvernement, laisserions de côté cette loi pour
satisfaire vos fédérations et attendre encore indûment.
Même si on vous donnait plusieurs mois, vous avez
déjà eu deux ans pour y penser, vous avez déjà eu
deux mois et demi depuis la présentation du bill pour y penser et vous
n'avez pas encore eu le temps d'y penser. Je me demande à quel moment
vous allez y penser si vous n'avez pas eu le temps d'y penser encore.
M. DANEAU: M. le Président, je pense qu'on recommence à
déplacer un peu le débat.
UNE VOIX: Assurément.
M. DANEAU: On est d'accord, totalement d'accord sur le fait que les
épargnants obtiennent des garanties et nous ne mettons pas cela en doute
en aucune façon. Nous avons dit dans notre mémoire que nous
étions d'accord sur les préoccupations des caisses d'entraide
économique pour contribuer au développement économique
régional. Nous avons dit que nous souscrivions à cette
préoccupation. Le fond du débat, M. le Président, c'est de
savoir si ces caisses d'entraide doivent être sous la même loi que
nous; voilà le fond du débat.
Quant au député, maintenant, je pense qu'il devra
probablement se rappeler que le 5 avril nous avons fait parvenir un
mémoire au ministre à la suite d'une rencontre que nous avions
eue avec lui. Chacun des députés a reçu une copie de notre
mémoire. Ce problème, nous le discutons avec le ministère
des Institutions financières, Compagnies et Coopératives depuis
au moins un an. Quant à l'exemple que nous sert le député
de risques qui, dans l'une ou l'autre de nos institutions, auraient pu
être assumés, si on veut discuter ce matin de cas d'espèce,
je pense qu'on n'en sortira pas, et avec l'une ou l'autre des institutions.
Nous sommes dans un marché financier, il y a des gens qui sont en cause,
il y a des compétences qui sont en cause. Il y a sûrement, chez
nous, des préoccupations comme il y en a partout ailleurs. Je
présume que la nature de nos gens n'est pas différente de celle
des députés et, en conséquence, bien sûr nous avons
sûrement des problèmes de ce côté-là.
Cette préoccupation qu'il a, lui, d'obtenir une meilleure
garantie et une meilleure efficacité de nos entreprises nous rejoint
fondamentalement; c'est ce que nous cherchons à faire depuis des
années au niveau de notre fédération et au niveau des
trois fédérations qui sont ici présen-
tes. Il reste des problèmes, M. le Président, c'est
indéniable mais ce n'est pas à partir d'un cas d'espèce
qu'on va être capable de discuter fondamentalement ce pourquoi nous
sommes ici ce matin.
M. SAINT-HILAIRE: Mais, à ce moment-là, je me
demande...
LE PRESIDENT (M. Pilote): J'inviterais les membres de la commission
à s'en tenir à la pertinence du débat et éviter de
faire des thèses autour de ce débat.
Qu'ils posent plutôt des questions pour obtenir des
réponses des personnes intéressées qui sont ici pour
répondre aux questions.
UNE VOIX: C'est le bâillon.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Laviolette m'a
demandé la parole. Ensuite le député de Saint-Jean.
M. SAINT-HILAIRE: Cela ne répond toujours pas à ma
question, même si j'ai été peut-être un peu long,
cela ne répond pas à ma question. Pourquoi les caisses populaires
ou les fédérations concernées n'ont-elles pas eu le temps
depuis la présentation du projet de loi de présenter les
amendements à la loi dont elles parlent dans leur mémoire?
M. CIMON: M. le Président, me permettez-vous de répondre
à cette question?
LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui.
M. CIMON: Comme je le mentionnais, tout à l'heure, et comme M.
Daneau l'a mentionné, nous avons été en contact avec le
ministère à plusieurs reprises et depuis plus d'un an, concernant
le problème des caisses d'entraide économique. Ce que je
mentionnais tout à l'heure, c'est que, lors de l'adoption, lors de la
présentation de la première lecture de la Loi des caisses
d'entraide économique, nous avons été surpris de ce qu'il
s'agissait d'une simple loi annexe. Evidemment, la nature de notre
mémoire, ce matin, est de demander à la commission parlementaire
de recommander la suspension de la Loi des caisses d'entraide économique
pour nous permettre de présenter des amendements. Evidemment, des
amendements à une loi-cadre de 125 articles, c'est certainement plus
difficile à faire, au niveau de trois fédérations
concernées, que la présentation d'une loi de 24 articles comme
celle de la Loi des caisses d'entraide économique. Et à ma
connaissance, ça fait déjà plusieurs mois que le
ministère étudie ces 24 articles à présenter
à la Législature. Alors, je pense que lorsqu'il s'agit de
modifier sérieusement 125 articles d'une loi-cadre, on doit prendre
toutes les précautions voulues et même si ça prend quelques
semaines de plus, je pense que ça vaut la peine, lorsque c'est dans
l'intérêt public, de réfléchir sur chacun des
amendements demandés.
M. SAINT-HILAIRE: Dire qu'il faut amender 125 articles, c'est charroyer
un peu. Ils n'ont pas tous besoin d'être amendés.
LE PRESIDENT (M. Pilote): La parole est au député... Je
considère la réponse de M. Cimon... Il a très bien
répondu à la question. M. le député de
Laviolette.
M. CARPENTIER: Quelles sont les raisons qui vous motivent à ne
pas accepter les réalisations des caisses d'entraide
économique?
UNE VOIX: Hors d'ordre.
M. CARPENTIER: Comment hors d'ordre?
LE PRESIDENT (M. Pilote): II y a une question qui a été
posée par le député de Laviolette.
M. CARPENTIER: Est-ce que je pourrais avoir une réponse du
représentant des caisses populaires, s'il vous plaît? Je crois que
ce n'est pas au député à répondre. Je pose une
question à ce monsieur.
M. ROY: Si c'est hors d'ordre, qu'il ne réponde pas.
M. DANEAU: C'est-à-dire que je pense, M. le député,
que là il y a ambiguïté sur le thème. C'est qu'en
fait nous n'avons absolument rien contre les objectifs poursuivis par les
caisses d'entraide économique et par les réalisations qu'elles
tentent d'implanter dans les régions économiques où elles
travaillent. Nous n'avons aucune objection, nous n'avons aucun problème
sur ce plan.
M. CARPENTIER: Est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont les
politiques qui incitent les grandes différences entre les caisses
populaires et les caisses d'entraide économique? Quelles sont ces
grandes politiques et ces différences qui ne vous situent pas au
même niveau?
M. DANEAU: Nous en avons mentionné quatre, je pense,
précédemment. Deux d'abord au niveau des opérations d'une
part et au niveau de la nature du risque, d'autre part. Au niveau des
opérations, nous pensons qu'il y a des différences assez
substantielles dans la façon de percevoir l'épargne. Et en ceci,
on ne les chicane pas, mais on dit que c'est différent.
Deuxièmement, je pense qu'elles traitent généralement avec
du capital social plutôt qu'avec de l'épargne. Troisième
élément, c'est qu'il y a un droit d'entrée
élevé qui, peut-être, conditionne une partie du taux
d'intérêt qu'elles remettent à leurs membres. Enfin, au
niveau de la nature, je pense que nous avons mentionné
que la nature des risques était assez différente. En ceci,
on dit: Nous assumons nous aussi des risques, mais, en général,
nous nous sommes donné des institutions spécialisées pour
assumer ces risques, parce que nous estimions que le fonctionnement d'une
caisse incorporée en vertu de la Loi des caisses d'épargne et de
crédit ne devait pas représenter au niveau des risques la
même nature de risques que celle que représente l'investissement
dans l'industrie et dans le commerce. C'est la raison pour laquelle nous nous
sommes donné des institutions spécialisées pour
répondre à cela.
Lorsqu'on nous dit maintenant qu'on veut, par la
fédération des caisses d'entraide économique, les
introduire dans la même loi, on se dit: Je pense qu'il y a quand
même des différences assez fondamentales. Je crois que ceci
devrait être respecté au niveau du fonctionnement et au niveau de
la nature des risques.
M. CARPENTIER: Depuis quelle année êtes-vous en
activité dans la province de Québec?
M. DANEAU: Pardon?
M. CARPENTIER: Depuis quelle année êtes-vous en
activité dans la province de Québec?
M. CIMON: Les caisses populaires, sous l'égide de la
Fédération de Québec des caisses populaires Desjardins,
sont en activité depuis 1906, si ma mémoire est bonne... 1900, le
début du siècle... Alphonse Desjardins.
M. CARPENTIER: Quels étaient vos concurrents à ce
moment?
M. CIMON: Les institutions financières en général,
les banques.
M. CARPENTIER: Est-ce que les caisses d'entraide économique
existaient à ce moment?
M. CIMON: Non, sûrement pas.
M. CARPENTIER: Pour quelle raison refusez-vous la venue des caisses
d'entraide économique dans le système actuellement?
M. CIMON: Nous désirons répéter une fois de plus
que dans notre mémoire écrit "les paroles s'envolent mais
les écrits demeurent" il y a un paragraphe où il est
parfaitement clair que nous n'avons aucune objection à ce que les
caisses d'entraide économique se développent, prennent de
l'expansion, aillent recueillir du capital-social pour investir
régionalement. Cela a été le point principal du
mémoire que nous avons voulu porter à l'attention de la
commission parlementaire. Nous n'avons aucune objection. Au contraire.
M. CARPENTIER: Vous semblez attacher beaucoup d'importance au mode de
récupération de souscripteurs de la part des caisses d'entraide
économique, à la façon dont elles procèdent, les 4
p.c. qu'elles donnent. Quel est votre point de vue là-dessus? Qu'est-ce
qui identifie votre mode de souscription comparativement à celui des
caisses d'entraide économique?
M. CIMON: Le ministère des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives a fait des recherches énormes
là-dessus pour voir, d'abord, ces différences. La première
qui semble apparente est celle que des personnes
rémunérées vont chercher, dans le public, des
investissements de personnes, leur versant un intérêt
élevé, en vertu desquels ces personnes s'engagent à payer,
à plus ou moins longue échéance, le capital-social
qu'elles s'engagent par contrat à souscrire. Et au niveau des caisses
d'épargne et de crédit, il n'y a pas de personne
rémunérée sur la route pour aller chercher, suivant des
versements, du capital-social.
M. CARPENTIER: Est-ce que vous payez le même taux
d'intérêt par la suite? Evidemment, les caisses d'entraide
économique peuvent payer un certain montant je ne sais pas
exactement les taux 1 1/2 p.c. ou 2 p.c. pour un agent qui fait de la
sollicitation et les autres 2 p.c. sont pour les frais d'administration. Mais,
par contre, elles paient un intérêt plus élevé aux
souscripteurs. Payez-vous le même intérêt comparativement
aux caisses d'entraide économique?
M. CIMON: Je pense qu'on sort du problème qui a été
présenté. On ne veut pas discuter, en somme, de tous les
détails. Ce qu'on veut mentionner à la commission
parlementaire...
M. CARPENTIER: Mais est-ce que cela n'est pas un détail
très important auquel vous attachez beaucoup d'importance?
M. CIMON: Nous avons énuméré ces détails au
niveau de cette différenciation entre les caisses d'épargne et de
crédit et les caisses d'entraide économique dans le seul but de
mentionner à la commission parlementaire qu'on aurait
préféré qu'il y ait, à cause de ces distinctions
fondamentales au niveau des opérations, une loi qui encadre bien les
objectifs sociaux et économiques des caisses d'entraide
économique.
M. CARPENTIER: Vous avez également mentionné tantôt
que vous aviez acquis une certaine crédibilité auprès de
la population depuis 1900 ou 1906 avec toutes les formules que vous avez mises
à la disposition des gens. Est-ce que vous ne croyez pas que les caisses
d'entraide économique sont capables de se procurer la même
crédibilité avec les mêmes possibilités, surtout
avec la loi qu'on propose présentement?
M. CIMON: Nous n'avons pas discuté au niveau de la
crédibilité. Tout ce que nous avons mentionné est que le
législateur, avec une loi, comme il l'a mentionné tout à
l'heure, comme certains députés l'ont mentionné, justement
veut adopter cette loi rapidement pour protéger le public, en fait.
Alors il n'est pas question de crédibilité. On ne veut pas
juger de la crédibilité mais on dit que lorsqu'un organisme a des
opérations différentes de celles des caisses populaires qui
existent depuis de nombreuses années, on ne veut pas, quand même,
qu'il y ait une identification totale au niveau des opérations et de
leur politique.
M. CARPENTIER: Est-ce que vous n'aimeriez pas voir le public aussi bien
protégé du côté des caisses d'entraide
économique que du côté des caisses populaires?
M. CIMON: Incontestablement. On n'a absolument aucune objection
là-dessus. Ce serait impensable qu'on ait des objections
là-dessus, M. le député.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Taschereau.
M. BONNIER: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je suis l'ordre.
M. BONNIER: Merci, M. le Président. Vous êtes un homme
juste.
Il est évident, M. le Président, si on se reporte aux
questions qui sont posées ainsi qu'aux mémoires qui sont
présentés, qu'au-delà de la question qui nous
intéresse primordiale-ment, soit des modifications au bill 8, en rapport
avec les caisses d'entraide économique, c'est tout le débat, dans
le fond, du secteur coopératif, de ce qu'est une coopérative. Je
pense que c'est cela qu'il y a lieu de bien se rappeler, dans nos
discussions.
Je pense bien qu'au niveau des opérations strictement
financières, on pourrait opter pour cette formule-ci ou pour cette
formule-là, mais je crois déceler, dans le mémoire
présenté par les trois fédérations, certaines
objections de principe. C'est peut-être là-dessus qu'il y aurait
lieu de poser des questions. Moi, j'en ai, en tout cas, à poser.
Mais partons du fait établi par le ministre des Institutions
financières à l'effet qu'il n'est pas contre le fait qu'il y ait
de la cohérence dans les lois coopératives, tout au contraire. Si
on se reporte aux débats de 1963, dans le temps, on a voulu une refonte
de l'ensemble des lois coopératives parce qu'elles étaient
dispersées dans une foule de syndicats coopératifs, et faire une
seule loi. On a eu, en fait, dans le domaine de l'épargne et du
crédit, le bill 8.
Maintenant, il arrive qu'en cours de route, évidemment, on a
besoin d'ajustements. Il s'agit là d'un ajustement. Or, le ministre a
très bien expliqué moi, en tout cas, cela me satisfait, je
dois le dire publiquement que dans l'ordre pratique des choses, il est
opportun, il est peut-être avantageux, à ce moment-ci, d'avoir une
loi pour les caisses d'entraide économique mais qu'il n'est pas
contre... Personnellement, je ne suis pas contre, au contraire. Je suis pour le
fait qu'on n'introduise pas de l'incohérence dans les lois
coopératives et que la loi 8, si elle doit être un peu
détournée par cette loi spéciale qu'on apporte, les
modifications ou les suggestions de modifications qui soient apportées
par les autres fédérations rétablissent une
cohérence.
Dans cet esprit, M. le Président, je voudrais demander à
M. Cimon ou à quelqu'un d'autre si, par hypothèse, les caisses
d'entraide économique modifiaient leur mode de recrutement... Je pense
qu'ils ont beaucoup de difficulté, parce que leurs vendeurs sont soumis
à la loi qui régit la commission des valeurs mobilières.
Il y a un détail, en particulier. C'est que des vendeurs
itinérants comme ceux-là ne sont pas censés faire de
sollicitation à domicile, ce qui doit drôlement compliquer leur
existence, parce qu'ils sont très soumis à la loi, je suppose.
Si, dans l'esprit coopératif, il n'est pas contre le fait que des gens
puissent faire de l'éducation coopérative, que des gens soient
employés pour recruter du monde cela existe dans les mouvements
coopératifs. Il y a eu des propagantistes, appelez-les recruteurs
si, par hypothèse, les caisses d'entraide économique acceptaient
qu'au lieu que ce soient des vendeurs itinérants, ce soient des gens
à salaire et qu'ils s'appellent recruteurs, est-ce qu'à ce
moment-là, les autres fédérations auraient un peu moins
d'objections à considérer les caisses d'entraide
économique comme un organisme coopératif régulier?
Deuxièmement, si, au lieu de limiter en grande partie leurs
prêts à des entreprises commerciales ou industrielles je ne
dis pas de ne pas le faire elles élargissaient leur champ de
prêts de façon à correspondre davantage à certains
besoins de l'ensemble de leurs membres, est-ce qu'également, à ce
moment-là, les autres fédérations ne seraient pas
prêtes à concéder que les caisses d'entraide appartiennent
de plain-pied à la loi 8 qui régit les caisses d'épargne
et de crédit.
M. CIMON: En d'autres termes, si je comprends bien le
député de Taschereau, il demande: Si les caisses d'entraide
économique arrivent à faire les mêmes opérations que
les caisses d'épargne et de crédit actuelles, les caisses
populaires, est-ce qu'on a des objections à ce qu'elles restent dans la
loi? Je pense que la réponse est affirmative. Evidemment, on n'a aucune
espèce d'objection à ce qu'elles demeurent dans la loi, si leurs
opérations sont les mêmes que les nôtres.
C'est incontestable, mais en fait la nature ou l'objet de notre
mémoire, c'est que l'état actuel
des choses est à l'effet que, pour atteindre leurs objectifs
je ne veux pas présumer de leurs objectifs d'investissement
économique, il semblerait qu'elles aient trouvé une formule qui
semble adéquate. C'est la raison pour laquelle notre mémoire a
pour objet de dire qu'on aurait de beaucoup préféré que
les caisses d'entraide économique aient, si vous me le permettez, une
paire de culottes dans laquelle elles puissent circuler d'une façon
allègre, au lieu d'être dans une loi-cadre où il y a
ambiguïté. C'est uniquement, en quelques mots, l'objet de notre
mémoire.
M. BONNIER: Juste une autre question relativement au bill 24. Je
comprends bien par le mémoire que les trois fédérations
seraient satisfaites et seraient d'accord si un amendement était
apporté à l'article 3, qui pourrait se lire comme ceci:
Déterminer les règles et normes non pas relativement à
chacune des caisses, mais faire des recommandations aux
fédérations plutôt qu'aux caisses concernées.
M. CIMON: Je crois qu'en fait l'objet du mémoire vis-à-vis
du projet de loi 24 ne vise pas seulement à consulter. Je crois que cet
amendement est extrêmement important il a été
soulevé à plusieurs reprises, même dans les journaux
au niveau des conséquences possibles du fait qu'en dehors du
législateur on ait un pouvoir aussi fort non seulement au niveau d'une
catégorie de caisses, mais au niveau d'une caisse en particulier,
laissé à l'interprétation d'une réglementation qui
ne soit pas sous le contrôle du législateur, à toutes fins
pratiques, au niveau de la ventilation des actifs et du passif.
En d'autres termes, ce qui est un peu surprenant dans cet article 3 du
projet de loi 24, c'est que le législateur ne se fait même pas
confiance en lui-même, parce qu'il accorde dans la Loi des caisses
d'épargne et de crédit un pouvoir de placement donné aux
caisses et il n'a pas confiance au pouvoir qu'il accorde par la Loi des caisses
d'épargne et de crédit, en établissant une autre loi
où il permet à des personnes autres que le législateur de
décider, d'une façon qui pourrait être arbitraire, des
placements d'une caisse d'épargne et de crédit en particulier, et
non d'un groupe de caisses.
C'est pourquoi on demande, tout au moins, au ministère, à
cause de la gravité des pouvoirs qu'il semble mettre dans ce projet,
qu'il y ait consentement des fédérations concernées. C'est
l'objet de notre mémoire bien écrit, qu'il y ait consentement des
fédérations concernées.
Je crois que la crédibilité des fédérations
des caisses populaires est suffisamment forte au niveau du contrôle de
ces caisses, sauf exception l'exception confirme toujours la
règle pour que les fonctionnaires qui auront à appliquer
le règlement puissent consulter et obtenir une ventilation qui soit
adéquate à l'ensemble des caisses affiliées à des
fédérations.
M. TETLEY: J'ai déjà noté que je suis prêt
à considérer un amendement au projet de loi au paragraphe r) dans
ce sens, c'est-à-dire que nous allons appliquer les articles
plutôt aux fédérations qu'à une caisse. Mais,
à la fin, je vais peut-être lire un mémoire que j'ai
reçu ce matin, à ma demande, au sujet de toutes les
fédérations et toutes les ligues où il y avait des lacunes
et des faillites, pour montrer la responsabilité que le gouvernement
accepte avec l'assurance-dépôts. C'est l'étatisation de
l'assurance, si ça peut faire plaisir à certaines gens.
M. BEDARD (Chicoutimi): Et déplaire à d'autres.
M. TETLEY: Et, avec cette étatisation, il y a une jolie
responsabilité pour le ministre, parce qu'il assure des sommes
énormes.
Avant de me lancer dans une telle aventure, il me faut des pouvoirs
importants parce que c'est l'assurance obligatoire, n'oubliez pas. Vous avez le
droit de la demander et l'Etat ne peut pas refuser, sauf pour des raisons
valables. En conséquence, j'ai une jolie responsabilité, non pas
simplement auprès de vous, mais des cinq ou six autres caisses et
fédérations.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, à écouter les
interventions du député de Taschereau, j'ai toujours l'impression
qu'il s'est trompé de parti depuis le 29 octobre 1973. Le
député de Taschereau, je pense, a très bien situé
le débat qui est au niveau du principe coopératif. Je ne pense
pas que ce soit au niveau de l'épargne qu'on doive identifier les
différentes institutions financières puisque les banques sont des
institutions d'épargne, les fonds mutuels sont des institutions
d'épargne, comme les caisses populaires, mais ce n'est pas du tout le
même principe.
Je pense que c'est au niveau du principe coopératif que nous
avons à situer le débat aujourd'hui, et ma question s'adresse
à M. Daneau, malgré certaines modalités, qu'il a
soulignées tout à l'heure, différentes entre les caisses
d'entraide économique et les caisses populaires. Est-ce que vous avez
quand même remarqué, dans le fonctionnement des caisses d'entraide
économique, des différences au niveau du principe
coopératif même? Est-ce qu'il y a des différences entre les
caisses populaires, au niveau de ce principe, et les caisses d'entraide
économique? C'est à ce niveau je crois qu'il s'agit
d'identifier un certain nombre, que ce soient les caisses
d'établissement, les caisses d'entraide économique ou les caisses
populaires. Est-ce que vous avez des différences ou des objections?
D'accord, il a donné des différences de fonctionnement
dans les modalités. Mais, au niveau du principe même, parce que
c'est au
niveau du principe qu'on discute ce matin, est-ce que, par exemple, les
caisses d'entraide économique, comme les caisses populaires, doivent
avoir un statut coopératif ou de coopération, ou est-ce que vous
avez certaines objections?
M. DANEAU: M. le Président, je dois dire au départ qu'au
niveau des trois fédérations ici représentées, on
n'a aucun statut de papauté pour dire ce qui est coopératif et ce
qui ne l'est pas. Nous n'avons que l'expérience, en
général, de 60 ou 70 ans d'opérations et, pour nous, une
coopérative authentique réalise l'identification du
propriétaire, de l'usager et du bénéficiaire de
l'entreprise. En d'autres mots, les usagers de la coopérative en sont
à la fois les propriétaires et les bénéficiaires.
Il y a toujours communauté d'intérêts entre des membres qui
ont une communauté de besoins.
Sur ce plan, évidemment, une des questions qu'on pourrait
peut-être se poser est celle-ci: Sur les membres épargnants dans
les caisses d'entraide économique, combien y en a-t-il qui sont en
même temps emprunteurs?
M. LESSARD: Qui sont en même temps... excusez.
M. DANEAU: Est-ce que, dans le fond, on ne retrouve pas la
situation...
M. LESSARD: Ah! d'accord.
M. DANEAU: ... où le membre épargnant est traité
comme un investisseur capitaliste? Il n'y a pas de sens péjoratif
à mes termes, c'est pour faire la distinction entre la
coopérative, le capitalisme et on pourrait parler d'entreprises d'Etat,
si vous préférez, tantôt.
Dans une caisse populaire, généralement, le
propriétaire est forcément, ou tout au moins
théoriquement, celui qui apporte l'épargne et celui qui a la
possibilité d'emprunter. Dans une caisse d'entraide économique,
telle qu'on nous l'a définie jusqu'à ce jour et ça,
il n'y a pas de jugement de valeur dans ça, toujours c'est qu'un
groupe d'épargnants apporte de l'épargne qui sera, semble-t-il,
utilisée par un petit groupe d'emprunteurs pour favoriser le
développement économique régional. Est-ce qu'il y a
homogénéité d'intérêts? Est-ce qu'il y a
identité d'intérêts?
En ceci, quant à nous, il y a une différence fondamentale
entre la coopérative, telle qu'on l'a vécue chez nous depuis 70
ans, et le mode qu'on nous propose présentement.
Et à partir de ce moment-là, pour nous, il y a donc des
différences d'opération. La nature des risques n'est pas la
même dans une caisse populaire que dans une caisse d'entraide
économique. Lorsqu'on le dit, dans notre tête, on ne
préjuge pas du bien-fondé de la caisse d'entraide
économique. Je m'excuse si je reviens sur cela souvent, mais il ne
s'agit pas d'avoir un débat qui déblatérerait sur ces
institutions-là, pas le moins du monde. Mais on se dit, à partir
de ce moment-là, lorsque le législateur veut recouvrir deux
entités d'opérations différentes dans une même loi,
on a le sentiment que dans six mois, même si le ministre nous donne
beaucoup de garanties, on arrive avec notre "pattern" et qu'il va entrer en
conflit avec le leur. C'est dans ces termes-là qu'on dit, à un
moment donné: Est-ce que, pour le bien de toutes les parties en cause,
il ne serait pas préférable d'avoir des distinctions
fondamentales dans les lois? Nous n'avons rien contre les caisses d'entraide
économique, mais nous protégeons nos propres
intérêts. Je pense que personne ne peut nous blâmer sur ce
plan-là.
M. VEILLEUX: M. le Président, si vous le permettez, la question
du député de Saguenay m'amène à poser au
représentant des fédérations un peu le même genre de
question que je posais il y a quinze jours à la Ligue des caisses, et M.
Rouleau aurait voulu répondre à ce moment-là. Probablement
que M. Daneau va pouvoir répondre. Pour avoir droit à un
prêt, à une caisse populaire, est-ce que la personne qui va
demander un prêt doit être membre depuis un certain temps de la
caisse populaire concernée, ou si n'importe qui peut se présenter
à une caisse populaire et dire: Moi, j'aimerais avoir un prêt
personnel. Le gérant dit: Achète une part sociale à $5 et
on va étudier ton affaire. Ou si la personne doit avoir sa part depuis
un certain temps. Règle générale, je ne dis pas...
M. CHARRON (Paul-Emile): Non. Règle générale, il
n'y a aucun problème. Dans la loi, la seule restriction est sur le droit
de vote où il est prévu 90 jours; et dans les règlements
de nos caisses populaires, aucune période de restriction n'est
prévue. Vous faites votre demande, si vous n'êtes pas
sociétaire, évidemment il faut que vous deveniez membre. Vous
prenez votre part sociale, vous devenez membre, vous faites votre demande
d'emprunt, elle est soumise à la commission de crédit qui en
décide et vous avez votre prêt. Il n'y a aucune restriction.
M. VEILLEUX: II faut qu'il soit membre de la caisse où il va
emprunter parce que la caisse où il va emprunter a un caractère
d'autonomie vis-à-vis des autres caisses.
M. CHARRON (Paul-Emile): C'est cela. Un sociétaire a la
qualité de déposant et il a la qualité d'emprunteur, en
fait ou virtuellement, au moins. Il faut bien regarder la réalité
des choses. Les principes sont les principes. Les principes ne sont pas
traduits dans les lois. Cela se lit. C'est une espèce d'architecture en
arrière, mais une loi, c'est pour des opérations.
M. VEILLEUX: Je vous pose la question... M. CHARRON (Paul-Emile): Vous
pouvez
avoir, dans une coopérative d'épargne et de crédit,
une institution d'épargne qui nourrit une coopérative de
crédit. Les coopératives de crédit existaient en Europe
avant la fondation de la première caisse populaire en 1900. Qu'est-ce
qu'a fait Desjardins? Il a marié, dans la même institution
coopérative, l'épargne et le crédit, c'est-à-dire
que le gars qui devient membre, devient membre déposant et virtuellement
membre emprunteur, s'il a besoin d'argent. Les institutions coopératives
de crédit avant Desjardins, c'étaient des institutions où
seuls ceux qui devenaient membres empruntaient, et l'institution empruntait des
banques ou des autres institutions.
M. VEILLEUX: D'accord.
M. CHARRON (Paul-Emile): On a pu introduire, à l'intérieur
de notre patente, ce qu'on a, en somme, dans les caisses d'entraide
économique, une institution d'épargne qui sollicite des
épargnes pour nourrir une coopérative de crédit. Cela,
c'est substantiellement vrai. Il faut regarder la réalité telle
qu'elle est. Qu'est-ce que c'est une caisse populaire d'épargne,
qu'est-ce que c'est une coopérative d'épargne et de
crédit? C'est une association de personnes qui mettent en commun leurs
épargnes pour s'en-traider au moyen de prêts. Donc, le gars qui
entre dans la coopérative, c'est pour déposer et aussi pour
emprunter quand il en aura besoin. Heureusement que tout le monde n'en a pas
besoin en même temps parce que cela ne marcherait pas. Heureusement qu'il
y en a qui sont plus riches que les autres. C'est cela qu'on appelle la
coopération. Ceux qui ont plus d'argent le mettent à la
disposition de ceux qui n'en ont pas, qui n'en ont pas assez ou qui en ont
besoin. C'est cela la coopérative d'épargne et de crédit.
Vous pouvez avoir, si vous regardez cela de l'extérieur, une institution
où l'on sollicite des épargnes, des gars qui deviennent
déposants mais qui ne sont pas emprunteurs, et d'autres qui sont
emprunteurs mais qui ne sont pas déposants. C'est là que cela
commence à changer la substance de la réalité
coopérative. Cela ne se traduit pas dans la loi, cela ne se voit pas
dans la loi.
M. VEILLEUX: Ecoutez, c'est exactement pour cela que j'ai posé
des questions à la Ligue des caisses.
M. CHARRON (Paul-Emile): Je parle fort parce que je veux être bien
entendu; ce n'est pas parce que je suis fâché.
M. VEILLEUX: Non, non. Comme je le disais à M. Rouleau, il y a
quinze jours, je pose les questions à la Ligue des caisses et je vais
vous les poser quand vous viendrez déposer.
M. CHARRON (Paul-Emile): Certainement. M. VEILLEUX: Cet
après-midi, j'espère être présent quand les autres
vont venir parce que j'ai l'intention de leur poser les mêmes questions.
Je leur demande de prendre note des questions parce que, si je ne suis pas ici,
j'aimerais qu'ils donnent la réponse; je vais relire le journal des
Débats.
M. CHARRON (Paul-Emile): Est-ce que je peux compléter?
M. VEILLEUX: Disons que cela me satisfait en gros. Dans les prêts
que vous faites à celui qui a une part sociale d'accord?
j'aimerais que vous me donniez, peut-être pas complètement,
un éventail du genre de prêts que celui qui a une part sociale
peut avoir. Je m'explique pour être bien compris. Quel pourcentage,
environ, des épargnes vont pour un prêt strictement personnel?
Quelqu'un qui veut s'acheter une automobile ou quelque chose comme cela. Quel
pourcentage du prêt va pour la première hypothèque sur une
maison d'un type qui a une épargne?
Pourriez-vous me donner, si c'était possible, un genre
d'éventail pour qu'on puisse bien voir les distinctions qui existent
entre la Ligue des caisses, la Fédération des caisses populaires
et les caisses d'entraide économique? J'espère que l'UPA va
venir; on va lui poser les mêmes questions pour en arriver à ce
que vous demandez, des lois autonomes pour chacun des groupes.
M. CIMON: M. le Président, comme on savait que cette
question-là viendrait, parce que M. le député nous en
avait avertis la dernière fois, je pense bien qu'on a un de nos
collègues qui peut lui répondre adéquatement. Je
demanderais à M. André Morin de répondre à cette
question-là.
M. MORIN (André): Vous avez toutes les réponses à
vos questions dans la brochure...
LE PRESIDENT (M. Pilote): Voulez-vous parler dans le micro, s'il vous
plaît?
M. MORIN (André): ... Statistiques financières 1971,
publiée par le Bureau de la statistique de Québec, division des
finances. Cela touche les caisses d'épargne et de crédit et vous
avez une ventilation pour chacune des fédérations. Vous avez des
chiffres là-dessus. Votre question était typiquement sur le
prêt à l'automobile. Je prends la Fédération des
caisses populaires de Québec, parce que...
M. VEILLEUX: D'accord.
M. MORIN (André): ... s'il fallait faire un sommaire des trois,
ce serait plus compliqué. 17.8 p.c. des prêts des caisses
populaires étaient pour l'automobile, tandis qu'il y en avait 1.4 p.c.
par la Fédération des caisses d'entraide économique; 25.8
p.c. des prêts de la Fédération des caisses populaires
allaient au budget fami-
lial. Du côté de l'entraide économique, on voit 12.3
p.c. des prêts totaux effectués durant l'année. Education
et épargne, pour acheter des certificats d'épargne, par exemple,
3.4 p.c. du côté des caisses populaires; il n'y en a pas du
côté des caisses d'entraide économique. Réparation
et modernisation de maisons, de logements ou d'autres immeubles, 8.4 p.c. chez
nous; 14.3 p.c. chez les caisses d'épargne et d'entraide
économique. Acquisition de biens immobiliers, 31.1 p.c. chez nous; 56.8
p.c. chez vous, si vous voulez, oui.
M. VEILLEUX: Pourquoi chez nous? Je vous ai dit que j'étais
membre et de la caisse populaire et de la caisse d'entraide.
M. MORIN (André): En tout cas, vous avez une ventilation ici.
M. VEILLEUX: Ne prenez pas de chance.
M. SAINT-HILAIRE: C'est chez nous aux deux places.
M. MORIN (André): Bon. Un autre chiffre qui peut vous
intéresser, si vous regardez les prêts hypothécaires
consentis aux commerçants et aux industriels dans la même
publication, page 27, vous avez une ventilation: 6.4 p.c. des prêts des
caisses populaires affiliées à la fédération du
Québec ont été consentis à des commerçants
et industriels. Du côté des caisses d'entraide économique,
c'est 57.5 p.c. de leurs prêts effectués. Si vous regardez les
petits prêts en comparaison avec les gros prêts et que vous allez
du côté des prêts sur reconnaissance de dette, par exemple,
les caisses populaires ont effectué 5.3 p.c. de leurs prêts dans
des prêts d'un montant de $5,000 ou plus, 5.3 p.c. seulement, tandis que
les caisses d'entraide économique en ont 40 p.c. à cet
article-là, du côté des reconnaissances de dettes.
Du côté hypothécaire, le montant est aussi frappant.
Les caisses d'entraide économique ont fait 55 p.c. de leurs prêts
dans des montants de $25,000 et plus, tandis que les caisses populaires n'en
ont fait que 6.3 p.c.
M. VEILLEUX: Disons que cela me donne la réponse.
M. MORIN (André): Je pense que cela vous donne une idée,
un éventail des deux organismes qui ont des buts
différents...
M. VEILLEUX: C'est cela.
M. MORIN (André): ... une activité différente.
M. VEILLEUX: Oui, d'accord. Maintenant, j'avais posé, il y a
quinze jours, à la Ligue des caisses, deux autres questions que je vais
vous poser.
Est-ce qu'une caisse populaire parce que cela arrive dans les
caisses d'entraide économique et je voudrais savoir si la même
chose peut se produire chez les caisses populaires de la paroisse
Saint-Alphonse peut prêter des fonds à une caisse de la paroisse
voisine, compte tenu, par exemple, qu'à un certain moment surtout une
caisse qui commence n'a peut-être pas toutes les épargnes voulues
pour pouvoir répondre aux besoins des gens ou si c'est la
fédération qui prête à ces caisses?
M. MORIN (André): Ce sont les unions régionales, c'est le
rôle propre des unions régionales précisément
d'aider les caisses naissantes et d'aider les caisses populaires qui ont des
besoins de liquidités.
M. VEILLEUX: D'accord. Là, j'ai dit que je reposerais les
mêmes questions pour qu'on ait un tableau. Maintenant, ce serait, sur le
taux d'intérêt, ma dernière question qui avait
été la première, il y a quinze jours, à la Ligue
des caisses. Quel est, en général, le taux
d'intérêt? Quelle différence peut-il y avoir entre votre
taux d'intérêt et celui des compagnies de finance qu'on rencontre,
les mauvaises compagnies de finance, paraît-il?
UNE VOIX: C'est en dehors du sujet.
M. VEILLEUX: On n'est pas en dehors du sujet, M. le Président; ce
sont des questions qu'on a jugées pertinentes il y a quinze jours. J'ai
dit que je les reposerais à chacun des groupes qui viendraient ici pour
justement avoir une idée des différences qui peuvent exister et
peut-être finalement réussir à répondre à la
demande de la Fédération des caisses qui aimerait avoir une loi
à elle et une loi pour les autres.
M. BEDARD (Chicoutimi): Les compagnies de finance n'ont pas d'affaire
là-dedans; on le sait que c'est très différent de tous les
autres.
M. VEILLEUX: Le député de Chicoutimi n'était
pas...
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, j'étais ici; j'étais le
porte-parole officiel.
M. VEILLEUX: II était ici, mais il devrait relire le journal des
Débats.
M. BEDARD (Chicoutimi): Puis j'offrirais aux députés
libéraux de leur passer notre plaquette sur le coopératisme;
peut-être qu'ils poseraient moins de questions.
M. MORIN (André): Voulez-vous que je réponde à la
question, M. le Président?
LE PRESIDENT (M. Pilote): Oui, allez. M. VEILLEUX: J'ai posé la
question.
M. MORIN (André): Alors, au sujet des taux
d'intérêt, je peux vous donner les taux d'intérêt en
vigueur dans les caisses populaires au 31 décembre 1973. Le taux
d'intérêt qui s'appliquait sur les prêts sur reconnaissance
de dette était, selon une moyenne pondérée, de 11.8 p.c.
Il y a différents taux dans différentes caisses, mais en tenant
compte des montants prêtés, on arrive avec une moyenne
pondérée de 11.8 p.c. Cette moyenne pondérée inclut
une assurance-vie-prêt dans 75 p.c. des cas. Du côté du
prêt hypothécaire, le taux était de 10 p.c, moyenne
pondérée, avec, là aussi, une assurance-vie-prêt
dans 75 p.c. des cas. Du côté de l'épargne, si la chose
vous préoccupe, l'épargne avec opération rapportait un
taux moyen d'intérêt de 3.3 p.c, l'épargne stable de 6.5
p.c. et le capital social rapportait un taux de 7.3 p.c Tenant compte des
liquidités et des caractéristiques de ces formes
d'épargnes, les taux sont différents.
M. VEILLEUX: D'accord, merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: J'aimerais savoir si vous avez fait cette ventilation avec non
seulement la Fédération des caisses d'entraide économique,
mais si vous l'avez faite également en rapport avec les autres caisses
d'épargne, les autres secteurs de caisses d'épargne et de
crédit. Exemple: les caisses d'économie, les caisses
d'établissement. Est-ce que vous avez fait cette étude
jusqu'à ce niveau?
M. MORIN (André): Oui, c'est-à-dire que la ventilation est
faite; je répète qu'il ne s'agit pas d'une ventilation qui a
été faite par nous, mais simplement d'un travail effectué
par le Bureau de la statistique du Québec, division des finances.
M. ROY: Moi, je pense, M. le Président à ce
niveau-ci, ça fait plus d'une heure que nous faisons un débat
philosophique qu'il faut regarder à un palier plus
élevé que le débat philosophique dans lequel nous nous
sommes engagés, ce matin. Si nous regardons à un niveau plus
élevé, on constate que les quatre secteurs, les quatre groupes,
caisses d'économie et de crédit, sont des institutions qui se
complètent, qui sont complémentaires. Je pense que c'est dans cet
esprit qu'on devrait plutôt les examiner en regard de la loi. Alors, il y
a une loi de base qu'on appelle le bill 8, la Loi des caisses d'épargne
et de crédit, et il y a des annexes, à un moment donné,
comme il y a eu un amendement, à un certain moment, qui a
été apporté pour permettre aux caisses
d'établissement de jouer leur rôle. Les gens qui font partie d'une
caisse populaire en font partie pour des services bien déterminés
et, lorsqu'ils font partie d'une caisse d'entraide économique, ils le
font pour d'autres objectifs. Je pense qu'il n'y a pas de contradiction
là-dedans; c'est simplement une complémentarité. Je pense
qu'on est peut-être chanceux au Québec d'avoir cette
diversité au niveau de nos caisses d'épargne et de
crédit.
M. le Président, en ce qui me concerne, je serais prêt
à écouter d'autres mémoires et je veux remercier les gens
du mouvement Desjardins et les autres.
M. MORIN (André): Me permettez-vous un commentaire sur
l'intervention du député de Beauce-Sud?
Cela touche aussi quelques interventions; tantôt, je vous
écoutais, puis j'avais des chiffres en main et cela me
préoccupait. Vous dites qu'on ne reconnaît pas les caisses
d'épargne et d'entraide économique. Je pense que c'est une
réalité. Il n'est pas question de les reconnaître ou de ne
pas les reconnaître. La réalité est là et,
d'ailleurs, au mois de septembre 1973, il y avait $120 millions d'actifs dans
ce groupement de caisses d'épargne et de crédit. Ce qui nous
préoccupe et ce qu'on reconnaît aussi, c'est qu'il n'y avait pas
uniquement ça comme caisses d'épargne et de crédit dans la
province de Québec; il y avait quelque chose comme $4.1 milliards dans
d'autres institutions qui ne fonctionnent pas de la même façon.
Les caisses d'épargne et d'entraide économique ont une importance
relative; à l'intérieur de tout ce monde des caisses
d'épargne et de crédit au Québec, c'est quelque chose
comme 3 p.c. des actifs totaux. Il faudrait quand même en être
conscients. Le grand enjeu du débat, je ne pense pas qu'il s'agisse de
prendre un détail ou un autre, mais qu'est-ce que c'est une caisse
d'entraide économique? Il ne faut sûrement pas que le public
ressorte avec l'idée qu'une caisse d'entraide économique, c'est
une caisse populaire mieux administrée que les autres, qui donne 10 p.c
de rendement. Ne nous racontons pas de blagues. Au plan économique,
quand il y a un rendement supérieur, habituellement, il y a un peu plus
de risques.
Je ne dis pas que c'est mauvais. Il nous faut courir des risques et il
nous faut développer notre pays. Mais on parle d'améliorer des
lois, on parle de préciser des institutions, il faudrait peut-être
en profiter pour donner au public exactement l'image de ce qu'est chaque
institution. Vous arrivez avec un projet de loi 23 qui précise un peu ce
qu'est une caisse d'entraide économique, mais cela n'est pas complet.
Vous les référez... Sur des plans, c'est encore une caisse
d'épargne et de crédit. Alors, c'est la même chose tout en
n'étant pas la même chose. On est pris dans cette oscillation.
Vous voulez mesurer les risques. Vous dites dans votre projet de loi 24: "La
Régie de l'assurance-dêpôts pourra préciser les
normes de liquidité..." D'accord, il y a une question de risques et il
faut préciser quelque chose. Mais n'oubliez pas qu'il y a quand
même 97 p.c des caisses d'épargne et de crédit qui
fonctionnent déjà, qui fonction-
nent depuis longtemps, qui ont une expérience là-dessus et
qui auront quelque chose à dire la journée où vous voudrez
préciser ces normes.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Cimon et ceux qui
l'accompagnent de nous avoir présenté leur mémoire.
M. PAGE: Un dernier commentaire, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Portneuf.
M. PAGE: Je parlerai en toute objectivité, étant membre
des deux mouvements. Je considère que ce matin, avec tout le respect que
j'ai pour mes collègues, on est peut-être allé un peu hors
du sujet. On a peut-être été à 60 p.c. hors d'ordre.
Je crois qu'on est à discuter du principe du système
coopératif et on doit, à l'intérieur de ce débat,
déterminer si les caisses d'entraide économique peuvent entrer
sous l'égide de la Loi des caisses d'épargne et de crédit.
Je ne crois pas que nous soyons ici pour discuter de taux
d'intérêt et de pourcentage de frais consentis pour les
automobiles, les prêts hypothécaires, etc.
M. LESSARD: Un autre député qui s'est trompé...
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre! M. VEILLEUX: Cela arrive
très...
M. PAGE : On peut parler en toute objectivité. Ce que je trouve
dommageable, c'est que le débat aurait dû porter sur le
mémoire présenté le 5 avril 1973, parce que c'est à
ce moment que vous déterminiez ce en quoi les caisses d'entraide
économique ne possédaient pas les critères pour être
sous l'égide de la Loi des caisses d'épargne et de crédit.
Pendant toute la matinée, le débat a porté sur le
mémoire présenté ce matin, qui se contente de faire
état sommairement du mémoire du 5 avril. J'aurais une question
à poser à M. Cimon. Est-ce que le mémoire
présenté le 5 avril au ministère des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives est le seul qui faisait
état des distinctions entre le mouvement coopératif, vos
fédérations et les caisses d'entraide économique? Est-ce
que c'est le seul? Est-ce qu'il y en a eu d'autres antérieurement ou
postérieurement?
M. CIMON: Malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre
d'une façon précise à la question du député.
Je demanderais à M. Charron de le faire. Il pourrait répondre
plus adéquatement. A ma connaissance, il y avait le document du 5 avril
présenté et distribué à chacun des
députés de l'Assemblée nationale...
M. PAGE: Dans le même ordre d'idées, cela a
été distribué aux députés de l'époque
et je vais vous dire bien humblement que, malheureusement, je n'ai eu ni le
privilège ni le plaisir d'analyser vos commentaires parce que je ne l'ai
pas reçu.
M. DANEAU: M. le Président, on peut peut-être dire ceci.
Lorsque nous nous sommes présentés le 5 avril devant le
ministère, notre mémoire comprenait deux parties: la
première, que les députés ont reçue, et la
deuxième qui se voulait une interrogation sur les opérations des
caisses d'entraide économique. Nous n'avons pas cru utile de rendre
cette partie publique parce qu'elle aurait pu prêter à confusion
dans l'esprit du public et, peut-être à tort, jeter le
discrédit sur les caisses d'entraide économique. Nous
interrogions le ministère. Nous ne formulions pas des affirmations. Je
pense que ceci aurait pu être de nature à nuire à cette
institution et nous ne l'avons pas fait.
M. PAGE: Une question additionnelle, M. le Président. Connaissant
le haut souci d'objectivité de vos fédérations,
connaissant la haute conscience professionnelle que vous avez, est-ce que cela
serait trop vous demander de déposer les deux parties du
mémoire?
M. DANEAU: Je pense qu'à ce moment-ci nous avons toujours la
même attitude que nous avions à l'époque. Je pense que ceci
ne serait pas nécessairement d'intérêt public.
C'étaient des questions que nous posions au ministère. Nous
escomptions que le ministère, qui avait fait une étude sur le
dossier des caisses d'entraide économique, pourrait non pas
nécessairement nous répondre à nous, mais pourrait,
à partir des questions qu'on lui formulait, apporter des
précisions au besoin. Je ne crois pas qu'il soit utile, quant à
nous, de rendre publique cette partie du mémoire.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Cimon ainsi que ceux qui
l'accompagnent de la façon dont ils ont présenté leur
mémoire. Soyez assurés que les membres de la commission vont en
prendre bonne note.
M. TETLEY: Au nom du gouvernement, je vous remercie
sincèrement.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Avant de passer à l'autre
mémoire, j'aimerais souligner que le député Lessard
(Saguenay), remplace le député Léger (Lafontaine), le
député Veilleux (Saint-Jean), remplace le député
Marchand (Laurier) et le député Pagé (Portneuf), remplace
le député Mme Bacon (Bourassa).
J'inviterais, à présent, M. Yves Gonthier, ainsi que ceux
qui l'accompagnent, de la Fédération des caisses
d'établissement du Québec, à présenter le
mémoire et à bien vouloir identifier ceux qui l'accompagnent.
Fédération des caisses
d'établissement du Québec
M. GONTHIER: M. le Président, il me fait plaisir de vous
soumettre la position adoptée par la Fédération des
caisses d'établissement du Québec vis-à-vis du projet de
loi no 24. D'abord, je tiens à vous présenter les personnes qui
m'accompagnent. A ma droite, le président de la Fédération
des caisses d'établissement du Québec, M. Paul-Emile Doré,
et à ma gauche le directeur général de la
Fédération des caisses d'établissement du Québec,
M. André Fecteau.
Si vous le permettez, M. le Président, j'aimerais, avant
d'aborder le corps du sujet, dessiner en quelques mots ce que sont les caisses
d'établissement du Québec, à peine une minute, si vous le
permettez.
Les caisses d'établissement sont de jeunes coopératives
puisque la première caisse a été fondée en 1950 par
M. Paul Villeneuve, qui, par la suite, se fit l'ardent promoteur du
mouvement.
Depuis cette date, onze autres caisses ont été reconnues
par le ministère.
Les caisses d'établissement se distinguent des autres
coopératives par trois caractéristiques particulières:
1.Ce sont des institutions à caractère régional, le
territoire de chaque caisse correspondant aux régions économiques
déterminées par le ministère de l'Industrie et du
Commerce. 2.Les caisses d'établissement mettent l'accent, dans leurs
opérations, sur la souscription de plans d'épargne dont la
durée s'étend jusqu'à 35 ans, selon le désir et le
besoin de chaque membre souscripteur. 3.Les réservoirs de capitaux des
caisses, alimentés par les épargnants de chaque région,
servent à consentir des prêts hypothécaires favorisant
prioritairement l'établissement des membres. Au 31 décembre 1973,
85 p.c. des prêts en vigueur avaient été consentis sur
hypothèque de premier rang.
L'actif des caisses d'établissement atteindra $44 millions au 31
mars 1974. Si l'on se base sur le taux annuel de progression que l'on
connaît depuis 1970, l'actif global dépassera $125 millions d'ici
quelques années.
Le nombre des membres était de 44,000 au 31 décembre
dernier. Quant à la valeur des plans d'épargne souscrits, elle
s'élevait à $75 millions à la même date. Avec la
fondation de trois nouvelles caisses d'établissement dans un avenir
rapproché, il est réaliste d'affirmer qu'en 1980 les plans
d'épargne en vigueur dépasseront $150 millions.
Ces opérations ont obligé les caisses
d'établissement à structurer des services qui se conforment
à leurs caractéristiques principales, soit le prêt
hypothécaire et la dimension régionale. C'est pourquoi l'on
retrouve au sein de chacune des caisses différents services: le
service de courtage immobilier le service d'évaluation
foncière le service de gestion de propriétés
le service d'aménagement.
La plupart de ces services impliquent qu'une reconnaissance officielle a
été accordée par différents ministères,
notamment; le ministère provincial de l'Agriculture le
ministère des Affaires municipales le ministère provincial
du Revenu le ministère fédéral du Revenu le
ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives. le ministère fédéral de
l'Agriculture le ministère de l'Education.
A l'origine, les caisses d'établissement faisaient affaires
surtout dans le milieu rural. Le déplacement d'une partie de la
population rurale vers les centres urbains a exigé des caisses
d'établissement qu'elles continuent à assurer leurs services
à leurs membres qui étaient devenus des urbains. Malgré ce
facteur de migration, la majorité des membres des caisses
d'établissement résident encore dans le milieu rural.
En 1954, trois caisses d'établissement ont fondé la
Fédération des caisses d'établissement du Québec.
C'est pourquoi, au nom de toutes les caisses d'établissement, la
fédération vous soumet ses commentaires sur le projet de loi no
24 intitulé Loi modifiant la loi de l'assurance-dépôts du
Québec.
Comme coopératives existant sous le couvert de la Loi des caisses
d'épargne et de crédit, les caisses d'établissement se
distinguent des autres institutions financières par les principes de
fonctionnement qui en sont à la base.
Le plus important de ces principes se manifeste dans les structures qui
sont établies et, en vertu de celles-ci, chaque personne qui est membre
de la caisse détient le même droit de vote. Le pouvoir de
participation aux décisions n'est pas dévolu en fonction du
nombre de parts sociales détenues par chacun ou en fonction de
l'importance des dépôts qui sont faits.
Cette égalité de droit est d'ailleurs reconnue aux
articles 4 b) et 36 de la Loi des caisses d'épargne et de
crédit.
L'application de ce principe de démocratie prend toute sa
signification dans le fait que l'administration de la coopérative est
dévolue à des représentants élus par les membres en
assemblée générale, lesquels sont responsables des actes
posés à titre d'administrateurs devant ceux qui les ont
élus.
Comme corollaire du principe de la démocratie, le remplacement de
la notion de profit par celle de service est l'autre principe qui
caractérise le plus les institutions coopératives dont font
partie les caisses d'établissement. Tel qu'il a été
mentionné au début de ce mémoire, la création et la
progression des caisses d'établissement se fondent sur le désir
de fournir des services aux membres et ce, dans le but unique de les aider.
L'application de ces principes, dans la disposition de services
correspondant à des besoins réels des gens et en tenant compte
des particularités régionales, a permis aux Caisses
d'établissement de maintenir depuis quelques années un taux de
croissance élevé et de fournir au fur et à mesure de leur
évolution des services plus diversifiés.
Ces principes d'organisation et d'opération ne semblent pas avoir
été considérés lors de la rédaction du
projet de loi 24 qui amende la Loi de l'assurance-dépôt du
Québec. C'est pourquoi nous désirons manifester notre opposition
à ces amendements et ce, pour les raisons suivantes.
Une des conditions essentielles à remplir pour devenir membre
d'une caisse d'établissement, c'est la souscription de parts sociales.
Cette souscription constitue la responsabilité financière,
individuelle et sociale du membre dans l'institution. L'article 1 a) du projet
de loi no 24, en proposant que les sommes versées par les membres sur
leurs parts sociales soient réputées être des
dépôts d'argent qui seront assurés par la Régie de
l'assurance-dépôt, n'est-il pas contraire aux notions
fondamentales dont l'application assure le dynamisme de coopératives
comme les Caisses d'établissement et d'autres?
Celles-ci naissent d'une association de personnes qui désirent
contribuer ensemble à la création d'une entreprise visant
à favoriser l'accès de leurs membres à des services pour
favoriser leur établissement. Mais qui dit association, dit engagement
de personnes. Et qui dit entreprise, dit participation financière. Ce
sont là des éléments essentiels en coopération. La
souscription du capital social est la concrétisation de ce désir
d'association dans la participation du membre à la naissance et à
l'expansion d'une entreprise. Assurer le remboursement de la somme et des
intérêts, selon une échéance
déterminée au moment de l'encaissement par l'institution fait du
capital social un simple dépôt à terme fixe ou variable ou
à demande.
Nous croyons qu'enlever toute responsabilité sociale à la
part souscrite par l'individu qui devient membre d'une coopérative,
c'est altérer l'esprit et la plilosophie de base d'un mouvement qui doit
être dynamique et aussi démocratique. Dans l'alternative d'une
garantie totale des parts sociales, quelle initiative pourraient prendre les
membres devant un Etat trop envahisseur qui voudrait imposer ses vues
même si celles-ci devaient aller à l'encontre des
intérêts bien compris du mouvement? L'amendement proposé
par l'article 1 a) est donc inadmissible.
Pour ce qui est de la protection du droit de contrôle de la
Commission des valeurs mobilières sur les activités des Caisses
d'établissement dans la souscription des parts sociales, laquelle
protection est prévue à l'article 1 b) du projet de loi 24, la
question a déjà été tranchée par la
commission elle-même. Celle-ci a déclaré que les parts
sociales des Caisses d'établissement remplissaient toutes les conditions
exigées par l'arrêté en conseil 731 du 25 février
1971, lequel mentionne les transactions qui doivent être soustraites
à l'enregistrement requis à l'article 16 de la Loi des valeurs
mobilières.
Cette décision de la commission a été transmise au
ministère des Institutions financières par lettre du commissaire
Paul Chouinard le 15 juin 1973.
Enfin, nous croyons que le pouvoir accordé à la
Régie de l'assurance-dépôts, par l'article 3 r) du projet
de loi 24, de réglementer sur la composition et la ventilation de
l'actif et du passif des caisses d'épargne et de crédit et sur la
liquidité de leur actif est discrétionnaire et court-circuite le
rôle de la Fédération des caisses d'établissement
dans ses fonctions de contrôle et de surveillance. Le fait de permettre
à un agent extérieur d'intervenir directement dans les affaires
de celles-ci pourrait nuire à leur bon fonctionnement. Les
représentants élus sont issus du milieu où agissent les
caisses et ils sont sûrement en mesure de mieux apprécier les
besoins des membres qu'une personne qui est étrangère au
mouvement et qui, le plus souvent, ignore les particularités
régionales des problèmes.
M. TETLEY: En théorie, oui, mais pas nécessairement en
pratique. Des fois, on est trop près de soi-même pour se
connaître. Comme Socrate a dit: C'est très difficile de se
connaître.
M. GONTHIER : Cette intervention n'est pas garantie par une seule
personne au sein des conseils d'administration, il y a plusieurs personnes. Si
vous permettez...
M. TETLEY : D'accord.
M. GONTHIER: ... je vais continuer.
Dans les caisses d'établissement, l'administration locale est un
besoin essentiel et le pouvoir accordé à la régie par
l'article 3 r) du projet de loi 24 tend à rendre illusoires les
responsabilités attribuées par la Loi des caisses
d'épargne et de crédit aux administrateurs, de quelque niveau
qu'ils soient.
En vertu de la Loi des caisses d'épargne et de crédit,
plusieurs contrôles sont déjà existants. Les articles 92 et
92 j) prévoient que le ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives peut, de son propre chef, ordonner une
inspection des opérations d'une caisse s'il croit qu'il y a eu mauvaise
administration et que la sécurité des économies des
membres est mise en danger. Egalement, chaque année, les
opérations des caisses doivent être inspectées par la
Fédération des caisses d'établissement, qui, sur
réception du rapport d'inspection, a les pouvoirs de convoquer une
assemblée générale spéciale de la caisse
concernée ou de demander au ministre de faire enquête. Enfin, une
des principales responsabilités des conseils d'admi-
nistration des caisses d'établissement et de la
fédération est d'orienter le mouvement et, par conséquent,
de réglementer sur la composition et la ventilation de l'actif et du
passif des caisses et sur la liquidité de leur actif,
conformément aux besoins des membres qui s'expriment en assemblée
générale. Le contrôle des opérations
effectuées par les caisses d'établissement est donc assuré
par le mouvement.
Si, en plus des arguments précédents, on tient compte du
fait que l'article 40 de la Loi de l'assurance-dépôts du
Québec permet à la régie de procéder, aux
conditions qu'elle détermine, à l'examen des affaires de toute
institution inscrite et que 85 p.c. des prêts consentis par la caisse
d'établissement le sont sur première hypothèque, nous
croyons que les amendements contenus au projet de loi 24 n'ont aucune raison
d'être. En plus d'affecter la philosophie coopérative à la
base du mouvement, ce projet de loi alourdit le processus de contrôle
gouvernemental déjà existant et amène à la longue
un désintéressement des membres.
La Fédération des caisses d'établissement du
Québec recommande donc le retrait du projet de loi 24.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: M. le Président, je remercie la
Fédération des caisses d'établissement du Québec
pour son mémoire, son intérêt et sa présence.
La fédération avait deux objections à la loi. Tout
d'abord, au principe de l'assurance des parts sociales, et certaines objections
à l'article 3 r). J'ai déjà commenté l'article 3 r)
et je ne vais pas soulever de nouveau le débat.
Permettez-moi, M. le Président, de donner mon opinion qui
est, je crois, l'opinion du ministère et du gouvernement qui est
très près de votre mouvement, qui est très près de
la Fédération des caisses d'établissement du
Québec.
Vous vous opposez au principe de l'assurance des parts sociales. Mais,
au cours des dernières années certaines de vos caisses ont
présenté des problèmes sérieux. L'expérience
a démontré, dans ces cas particuliers, que le capital social des
caisses d'établissement participait plus de la nature de
l'épargne que d'un capital de risques. Certaines de ces caisses se sont
vues dans l'obligation de rembourser à sa pleine valeur le capital
social alors qu'il était déjà entamé.
Contrairement aux autres fédérations, les caisses
d'établissement historiquement ont assimilé leur capital social
au capital social des associations coopératives. En ceci elles
constituaient une exemption. Je crois que les faits ont d'ailleurs
démenti cette conception de capital social de caisses d'épargne
et de crédit.
Je crois sincèrement, que peut-être vos caisses et votre
fédération je suis prêt à discuter cela avec
vous ont besoin de l'assurance-dépôts comme tout le monde.
N'oubliez pas que c'est la seule province qui ait sa Régie de
l'assurance-dépôts. En Ontario, il n'y a pas d'assurance dans vos
institutions coopératives ni dans vos caisses. Je suis prêt
à discuter avec vous vos problèmes, dans mon bureau ou
publiquement, n'importe où, mais je suis surpris et je suis surtout
intéressé par votre mémoire. Je crois qu'il est vrai que
le ministère, depuis trois, quatre ans ou cinq ans, a aidé
énormément votre fédération.
Encore une fois, je vous remercie de votre mémoire, que je trouve
très intéressant et important.
M. GONTHIER: Si vous le permettez, M. le Président, je laisserai
répondre le président de la fédération.
M. DORE: Je pense qu'il y a deux questions fondamentales. Cela se
résume à deux choses. Je pense que M. le ministre vient de le
dire. Il y a d'abord l'affaire de l'assurance du capital social et il y a aussi
l'article 3 r). Pour revenir à ce que vient de dire M. le ministre
concernant les problèmes sérieux des caisses
d'établissement, je voudrais tout de même soulever deux points qui
sont extrêmement importants. Il y a une question d'âge. Je pense
que si certaines institutions ou d'autres institutions avaient
été suivies aussi assidûment il y a 45 ou 50 ans, on aurait
peut-être trouvé des problèmes analogues. L'âge entre
en ligne de compte dans cette question-là et il y a aussi la
comptabilisation de certains actifs. Je pense qu'on peut dire que, dans
l'ensemble, le mouvement ne rencontrait pas de problèmes sérieux.
Je ne le crois pas. De toute façon, au moment où je vous parle,
à la fin de la dernière année d'opérations
je ne voudrais pas qu'on laisse planer que les caisses d'établissement
sont en faillite il y avait environ $40 millions d'actif, il y avait
environ $400,000 de profits ou d'excédent ou de trop perçu ou de
surplus. C'est vraiment quelque chose qui...
M. TETLEY: Vous parlez dans l'ensemble de toute...
M. DORE: Je parle du mouvement des caisses d'établissement. Qu'il
y ait eu une caisse qui ait eu un accident de parcours, on s'est efforcé
de régler le problème en collaboration avec d'autres
ministères, mais je pense que notre fédération ne fait pas
exception à ce moment-ci. A ce sujet-là il y a d'autres
fédérations qui ont eu une assistance identique du
ministère concernant des accidents de parcours. Je pense qu'on a eu
l'excellente collaboration du ministère. Je pense surtout que le
mouvement des caisses d'établissement a fait un effort très
considérable et même au-delà de ses propres moyens pour
régler ses problèmes.
Ceci étant dit, je voudrais tout de même
ramener le débat à sa véritable dimension. La
dimension du débat, à mon point de vue, pour autant que le
capital social est concerné, c'est qu'on change la nature du capital
social et qu'on change la philosophie de la société
coopérative ou de l'entreprise coopérative. L'Etat en devient un
partenaire. Je n'ai pas d'objection. D'une certaine façon, on devient
des entreprises à caractère mixte et je me demande si, à
ce moment-ci, ce n'est pas toute la question du capital social qui est
posée dans tout le mouvement coopératif. Je pense que c'est une
question fondamentale. C'est vraiment la question fondamentale.
On me dira que c'est une compagnie d'assurance qui c'est la
Régie de l'assurance-dépôts protège. Je pense
qu'on ne peut pas comparer la Régie de l'assurance-dépôts
à une simple compagnie d'assurance privée, on ne peut pas se
retirer de la Régie de l'assurance-dépôts demain matin, je
pense, sans perdre un certain permis d'opération, alors qu'on pourrait
très bien se retirer d'une compagnie d'assurance privée.
Je pense que la question est vraiment fondamentale. L'Etat, en
garantissant le capital social, prend une part du risque dans l'entreprise, il
n'y a aucun doute là-dessus, mais si, demain matin, je transpose cette
attitude de l'Etat au niveau d'une coopérative de consommation, au
niveau d'une coopérative agricole, au niveau d'une coopérative
d'habitation, au niveau de tout autre genre de coopératives qui seront
fondées dans l'avenir, je pense que là, on vient de poser tout de
même un problème. Pourquoi d'autres personnes ou d'autres secteurs
coopératifs ne manifesteraient-ils pas les mêmes désirs que
les caisses d'épargne et de crédit? Je pense qu'on pose une
question fondamentale, en autant que le capital est concerné. On en fait
une coopérative mixte dans laquelle il y a les membres et il y a l'Etat
qui couvrent le capital social, le capital qui sert à mettre
l'entreprise sur pied et à assurer son administration par ceux qui y ont
investi.
Pour nous autres, c'est une question fondamentale. Je voudrais aussi
soulever, étant donné que vous m'avez piqué un peu au vif
au début, le fait que pour $44 millions d'actif il y a $4 millions de
capital social dans les caisses d'établissement; donc, cela fait moins
de $100 par membre. Il ne faut pas non plus exagérer les craintes. Vous
savez, quelqu'un qui a souscrit $100 ou qui a $100 en capital social d'une
entreprise, son risque n'est tout de même pas tellement
considérable. Disons que pour l'ensemble du mouvement... Je pense que
c'est ce qui lui donne son droit de propriété, c'est tout de
même une propriété privée, la coopérative,
une propriété privée collective. Je pense qu'on en change
un peu la nature et peut-être pas mal si on reçoit cette
protection de l'Etat au niveau du capital social.
M. TETLEY: Est-ce que chaque caisse garan- tit ses collègues, ses
caisses consoeurs ou confrères? En effet, non. Tout simplement par la
fédération.
M. DORE: Oui, mais...
M. TETLEY: Mais un déficit énorme dans une caisse n'est
pas garanti par les autres caisses, tout simplement par la
fédération, en vertu de ses moyens, n'est-ce pas?
M. DORE: Je réponds oui à votre question mais, en
même temps, je mets une nuance. C'est qu'il y a une responsabilité
morale aussi considérable que la responsabilité
légale.
M. TETLEY: Si c'est moral...
M. DORE: Je pense que l'histoire, depuis les dernières
années, vous l'a prouvé, M. le ministre.
M. TETLEY: J'aimerais que cette responsabilité morale soit
écrite dans un contrat, je serais plus convaincu. Moi, je suis
plutôt avocat que prêtre ou ministre du culte.
M. ROY: Elle devient légale, à ce moment-là, si
elle est écrite dans un contrat.
M. TETLEY: Oui.
M. BEDARD (Chicoutimi): La garantie morale ne s'inscrit pas dans un
contrat.
M. DORE: Je pense qu'au niveau de la fédération, depuis
deux ans, cela aurait été écrit que ça n'aurait pas
été plus obligatoire. Je le pense bien. Dans les faits, il est
prouvé que la Fédération des caisses
d'établissement a aidé, d'une façon substantielle et
particulière, une caisse qui était en difficulté. Je pense
que même si elle n'avait pas la responsabilité légale,
comme vous le dites, elle a tout de même assumé l'entière
responsabilité de la sortir de sa situation.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Pour poursuivre dans la veine du ministre, est-ce que vous
croyez, si on assure les parts sociales, que vous allez avoir moins de
participants ou si vous allez en avoir plus?
M. DORE: Disons que c'est une question de principe. Quand on arrive dans
ces questions-là, est-ce qu'on va assister à un
désintéressement des membres? On change la nature, de toute
façon. Si on va voir quelqu'un et qu'on lui dise: Tu souscris dans la
coopérative, tu ne prends aucun risque, le ministre garantit le
remboursement de ton capital social, je pense qu'on vient de changer, à
ce moment-là, la nature de l'entreprise.
M. VEILLEUX: II s'est produit une chose dernièrement, vous avez
eu des petits épargnants qui ont perdu énormément
d'argent. Je pense que ceux qui sont sous d'autres formes de coopérative
le savent aussi. Venez dans le comté de Saint-Jean; quelqu'un qui
ménage $1,000 toute sa vie et les dépose comme part sociale, s'il
se ramasse avec rien ou $5 dans les $1,000 d'investissement, il vient se
lamenter après ça.
Si quelqu'un investit, que ce soit en parts sociales ou en
épargne, c'est pour retirer un certain revenu; il faut qu'il ait au
moins des garanties. Cela peut très bien fonctionner, n'importe quelle
caisse peut très bien fonctionner pendant 25 ans, pendant 30 ans, mais
des erreurs qui ne sont pas sous le contrôle des gens qui administrent
une caisse peuvent arriver des fois, des malchances. Un tremblement de terre,
ça arrive des fois, cela peut arriver dans une caisse. Si ça
empêchait la venue de capitaux ou de parts sociales dans une
fédération ou dans une caisse, je dirais: On n'a peut-être
pas avantage à assurer ça, mais est-ce que, d'après vous
cela va diminuer ou augmenter?
M. DORE: Le problème ne se pose pas comme ça du tout. Pour
répondre à votre première observation, je pense que dans
les caisses d'établissement toutes les personnes qui ont souscrit,
jusqu'à maintenant, n'ont pas perdu un cent. Alors, je ne sais pas
à quoi vous faites allusion, mais je pense que cela je dois l'affirmer.
C'est la vérité, je ne crois vraiment pas qu'ils en perdent non
plus. Evidemment, si c'était...
M. VEILLEUX: Je ne dis pas qu'il s'en est perdu, mais il y a bien des
gens...
M. DORE : Si vous faites allusion à une autre
société qu'on ne connaît pas bien, c'est possible.
M. VEILLEUX: ... ce ne sont pas des coopératives du tout, mais
cela peut arriver dans le secteur coopératif, une malchance comme
ça. Ecoutez on n'est pas...
M. DORE : Ce que je veux soulever, le point véritable, c'est:
Quand on fonde une société coopérative ou une
coopérative d'épargne et de crédit, appelons-la comme on
voudra, est-ce qu'on est en voie, petit à petit, de changer la nature du
mouvement coopératif ou la nature de la coopérative au
Québec, ou si on essaie de régler un problème de
façon opportuniste? Dans le fond, le problème est qu'on arrivera
peut-être à changer la nature de la coopérative d'ici dix
ans, parce qu'on aura essayé de régler un problème qui se
pose actuellement. Alors je pense que la question peut se poser comme
ça: Est-ce qu'on ne serait pas mieux de s'asseoir et de discuter toute
la question du capital social avant de prendre...
M. VEILLEUX: Je respecte votre opinion, remarquez bien.
M. SAINT-HILAIRE: De quelle façon est faite votre perception?
Est-ce par pourcentage aux types qui perçoivent l'argent? Le type qui va
faire la perception c'est encore par pourcentage?
M. DORE: Vous voulez savoir de quelle façon on recueille nos
capitaux? On rend notre service à domicile, on y tient et on va y tenir
longtemps
M. SAINT-HILAIRE: Mais non, je veux dire à pourcentage.
M. DORE: Oui, c'est évident. On ne parle pas du capital social
parce que, nous, on ne vend pas de capital social, on vend uniquement du plan
d'épargne.
M. SAINT-HILAIRE: Je le sais. Je pourrais dire nous, parce que mon
épouse fait partie de votre société. Etant donné
que la famille est représentée dans les trois
sociétés, je suis plus à l'aise pour parler.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député...
M. SAINT-HILAIRE: Effectivement, vous a-vez aussi un pourcentage
accordé aux représentants qui vendent...
M. DORE: Le représentant est à commission.
M. VEILLEUX: Pour moi, le député de Rimouski a un meilleur
revenu que moi.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: J'ai terminé.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Pardon, de Saguenay.
M. DORE: M. le Président, est-ce que je pourrais rectifier? Je ne
sais pas, je ne voudrais pas laisser l'impression que le capital social dans
les caisses d'établissement se vend à commission. Le
représentant des caisses d'établissement ne reçoit aucune
commission pour vendre du capital social. Ce n'est pas du capital social qu'on
vend, c'est un plan d'épargne.
M. SAINT-HILAERE: A partir de ce moment quel est votre pourcentage
exigé du capital souscrit par rapport au capital social? Vous avez
seulement besoin d'une part puis il peut souscrire au capital...
M. DORE: Non, autant que possible, la masse de capital social
représente 10 p.c. de l'actif.
M. SAINT-HILAIRE: A 10 p.c. de l'actif, cela veut dire...
M. DORE: Environ.
M. SAINT-HILAIRE: ... qu'une personne qui souscrit $10,000 doit avoir
ipso facto à peu près $1,000 de parts sociales.
M. DORE: Ce n'est pas comme ça que ça marche. La personne
devient membre, elle peut devenir membre avec $5 et elle peut souscrire
jusqu'au maximum de $2,000. Le capital social est limité. C'est $400
dans certaines caisses d'établissement, alors cela veut dire que la
personne peut souscrire de $5 à $2,000. Ensuite souscrire à un
plan d'épargne qui est payable à tant par mois.
M. VEILLEUX: Il faut acheter au moins une part pour acheter un plan
d'épargne.
M. DORE: En plus de cela, on reçoit des dépôts
à terme.
M. SAINT-HILAIRE: Ce qui vous fatigue dans le projet de loi, c'est le
fait que, si une personne a seulement $100 de capital ou représente $10
du capital, il faut une surveillance. La garantie de capital-actions ipso facto
surveille le reste du capital souscrit.
M. DORE: C'est sûr qu'il est là pour garantir le
capital.
M. SAINT-HILAIRE: Alors le reste du capital souscrit, un moment
donné, par un mauvais placement ou par un mauvais financement d'une
caisse en particulier peut mettre cette caisse en danger. Puis si la caisse est
en danger pour un montant assez appréciable moralement la
fédération n'intervient pas les épargnants sont,
à partir de ce moment, pénalisés. Ils perdent, si la
fédération ne paye pas.
Supposons que vous avez une caisse qui est en mauvaise posture...
M. DORE: Oui.
M. SAINT-HILAIRE: ... pour une raison ou une autre et que la
fédération dit: Moralement, j'ai bien pensé aider, mais je
ne peux pas aider. Cela veut dire que ses épargnants perdent. Mais par
le truchement de la loi, je pense que si le gouvernement fait une surveillance
étroite et si la régie fait une surveillance étroite du
capital souscrit par la garantie qu'il lui donne, il va surveiller la balance
des placements. C'est ce que vous ne voulez pas.
M. DORE: Je pense que le mémoire fait mention de tout un tas de
surveillances qui existent présentement. Il y a des caisses
d'établissement qui reçoivent quatre équipes de
vérificateurs dans une année et il y en a probablement d'autres
qui en reçoivent autant. A ce moment, on entre dans un système de
dédoublement où cela devient très onéreux de...
M. SAINT-HILAIRE: Je suis parfaitement d'accord, mais vous avez toujours
le principe que ce sont des gens choisis, des gens dont ce n'est pas leur vie
de faire cette surveillance, comme les bureaux de crédit. Ce sont des
gens qui font cela un peu bénévolement pour tout le monde, autant
de la caisse d'entraide économique que vous autres et ces gens arrivent
et siègent et ils ont un autre travail et ils n'ont pas le temps de
suivre exactement l'évolution. Alors, cette surveillance est faite par
des cadres supérieurs. On en a eu des exemples dans le passé. On
peut prendre l'exemple de la Caisse de dépôt et placement du
Québec où des fonctionnaires ont fait des chèques assez
appréciables et qui les ont emportés. Cela peut arriver autant
chez vous que cela peut arriver ailleurs. A partir de ce moment, je pense qu'il
est intéressant que le gouvernement, pour les gens qui ont un actif chez
vous, donne une certaine garantie à vos gens.
M. DORE: II faut distinguer entre le capital social et le
dépôt à terme et le plan d'épargne. Je pense qu'il
faut vraiment faire une distinction. Dans un cas, on a le capital de base qui
est souscrit par des individus qui veulent avoir une institution qui leur
appartient.
M. SAINT-HILAIRE: C'est clair dans mon esprit.
M. DORE: C'est correct?
M. SAINT-HILAIRE: C'est très clair.
M. DORE: Et il y a l'autre partie qui donne à l'individu le droit
d'avoir des services avec le capital qu'il a souscrit. Ce qu'on ne veut pas,
c'est que l'Etat devienne un partenaire. Point. C'est tout simplement ce qu'on
ne veut pas.
M. SAINT-HILAIRE: Dans l'Etat, il n'y a pas directement un
partenaire.
M. DORE: Bien...
M. SAINT-HILAIRE: Poussons l'affaire un peu plus loin. Si j'étais
dans un autre secteur, peut-être que, dans un an ou deux, je me
retournerais de bord et dirais: Voici, messieurs, vous avez garanti le capital
social des coopératives d'épargne et de crédit, pour
quelle raison ne garantiriez-vous pas le capital social des coopératives
de consommation? Pour quelle raison ne garantiriez-vous pas le capital social
des coopératives agricoles? Pour quelle raison ne
garantiriez-vous pas le capital social des cooperatives d'habitation et
de toutes les coopératives de télévision, etc., qui sont
à venir? Personnellement, je n'y ai peut-être pas d'objection mais
si c'est cela qu'on veut faire, qu'on le dise tout de suite et à ce
moment, nous prendrons des positions en tenant compte de cela.
M. TETLEY: Ce ne sont pas les épargnes. M. DORE: Ce n'est pas le
même but du tout.
M. SAINT-HILAIRE: Lorsque vous prenez une coopérative
d'habitation et une coopérative d'épargne, cela n'est pas du tout
la même chose.
M. DORE: Ce sont deux coopératives?
M. SAINT-HILAIRE: Non. Mais vous avez une manipulation d'argent à
un endroit qui est extrêmement fantastique.
M. DORE: C'est peut-être vrai ce que vous dites, mais ce que
j'économise, c'est peut-être seulement 5 p.c. de mon salaire et ce
que je consomme, c'est peut-être 95 p.c. Alors, cela aurait
peut-être une conséquence encore beaucoup plus considérable
dans un autre secteur que celui de l'épargne et du crédit.
M. SAINT-HILAIRE: Peu importe. Le gouvernement devient partenaire
uniquement à ce moment dans la surveillance des 10 p.c. de la part de
capital parce que vous admettez que c'est à peu près à 10
p.c. de votre capital en montant. Le gouvernement n'a juridiction, en
réalité, que sur le capital souscrit mais en ayant cette
juridiction, il a un oeil sur le reste parce qu'il voit vos bilans, il voit
tout. C'est un peu comme les banques. Tous les mois, les banques sont
obligées de fournir un bilan à la caisse centrale au
gouvernement fédéral et si, à un certain moment,
quelque chose ne va pas, le gouvernement va intervenir immédiatement. Je
pense que c'est une bonne chose pour les épargnants autant que pour les
banques.
M. DORE: Ce qu'il serait bon de noter, c'est que le reste est
assuré, M. le député de Rimouski. Il y a uniquement le
capital social qui n'est pas assuré et pour les raisons qu'on vient de
donner, on pense qu'il ne doit pas être assuré, parce que cela
assure la responsabilité et la propriété à ceux qui
ont bien voulu faire naître une entreprise et lui donner de l'expansion.
C'est ce que nous ne voulons pas.
M. SAINT-HILAIRE: Pour exprimer l'expression que j'avais tantôt,
pour nous, étant donné que ma femme fait partie de la caisse, on
aimerait mieux les voir assurés, soyez-en sûrs.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, je pense que la
Fédération des caisses d'établissement du Québec
soulève une hypothèse, en tout cas, qui me parait assez
intéressante et un point de vue qui est assez différent des
autres points de vue, parce que, pour ma part, je ne l'avais pas vu du tout
comme cela. Je me dis, en tout cas, comme participant à des
coopératives, que le fait que les parts sociales soient assurées
par le gouvernement qui, je l'espère, ne deviendra pas trop envahisseur,
assure, je pense bien...
M. SAINT-HILAIRE: Ce n'est pas le PQ qui est au pouvoir !
M. LESSARD: M. le Président, si le député de
Rimouski avait lu notre plaquette, justement, sur le coopératisme...
M. SAINT-HILAIRE: Que Dieu nous préserve de ce malheur!
M. LESSARD: Et je pense que le député de Taschereau l'a
lue, parce qu'il intervient très souvent sur le développement du
coopératisme et il comprendrait, justement, dans quel sens le Parti
québécois appuie le mouvement.
M. BEDARD (Chicoutimi): Cela dépend par qui...
M.LESSARD: Mais je ne suis pas encore convaincu, cependant, que le fait
d'assurer le capital social va faire perdre du dynamisme à l'organisme,
au contraire. Je comprends que cela donne un droit de propriété
qui est quand même relatif, dans le sens qu'on ne peut pas accepter la
multiplication, sans aucun contrôle, de différentes
coopératives. Il faut que le gouvernement ait un certain contrôle
sur les coopératives, non pas un contrôle absolu. Mais pour ma
part, je ne suis pas convaincu. Même si, là, vous m'avez
apporté un volet nouveau, dans la discussion de ce matin, je ne suis pas
complètement convaincu que cela n'assurera pas un meilleur
développement des coopératives, au Québec, justement par
l'assurance du capital social.
Je comprends votre crainte, cependant. Vous avez peur que cela devienne
une association du gouvernement, c'est-à-dire que cela devienne une
société mixte, c'est-à-dire propriété des
membres et propriété du gouvernement, par le fait qu'il y ait une
surveillance. Je ne pense pas que le fait que le gouvernement surveille, par
exemple, par suite du fait qu'il assure le capital social, que cela lui donne
un droit de propriété sur l'entreprise.
M. DORE: M. le député, je pense que, depuis quelques
années, on a vraiment collaboré avec le ministère des
Institutions financières. On n'a aucune peur de la surveillance. Je
pense qu'on reconnaît que l'épargne des gens a besoin d'être
protégée. Il n'y a aucun doute là-dessus. La prise de
position là-dessus, on l'accepte à 200 p.c. Mais quand on touche
au capital social,
on touche au droit de propriété. Cela, c'est une autre
paire de manches. Est-ce qu'on va aller assurer le capital-actions d'une
compagnie?
UNE VOIX: ...propriété.
M. DORE: Je pose la question: Est-ce qu'on va aller assurer le
capital-actions d'une compagnie...
M. LESSARD: M. le Président... M. DORE: ... en cas de perte?
M.LESSARD: M. le Président, je soumets que c'est là une
hypothèse qui me paraît assez juste, mais est-ce que vous avez un
maximum que chaque membre doit souscrire, par exemple, au niveau du capital
social, dans les caisses d'établissement?
M. DORE: Pardon?
M.LESSARD: Est-ce que vous avez un maximum? Vous parlez de $44 millions
de souscrits par rapport à $4 millions de capital social. Est-ce que
vous avez un montant maximum?
M. DORE: Je pense que le minimum qu'une personne doit souscrire, c'est
$5, selon la Loi des caisses d'épargne et de crédit. Le maximum,
dans les caisses d'établissement, pas dans toutes les caisses mais dans
certaines caisses, va jusqu'à $2,000. Alors disons que la moyenne, c'est
$4 millions. Cela vous donne moins de $100.
Mais encore une fois, je tiens à vous dire que la question du
capital social, dans les caisses d'établissement, est à
l'étude. Ce n'est pas impossible que des changements soient
apportés, en tenant compte, véritablement, que le capital social
a un rôle bien particulier à jouer dans l'entreprise.
Je voudrais aussi faire remarquer qu'assurer le capital social des
caisses d'établissement n'ajoute rien à la surveillance et au
contrôle que peut et que doit avoir la Régie de
l'assurance-dépôts, par exemple, ou le ministère des
Institutions financières. Cela n'ajoute absolument rien.
M. LESSARD: Mais ne pensez-vous pas que cela protège quand
même les membres? Parce que, comme on le disait tout à l'heure, il
peut arriver des accidents de parcours. Vous avez parlé d'accidents de
parcours. Il peut arriver des accidents de parcours et par
l'assurance-dépôts, les membres se trouvent au moins
assurés de leur mise de fonds initiale.
M. DORE: Dans l'optique des caisses d'établissement,
c'est-à-dire moyenne de moins de $100, il faut se poser tout de
même des questions. Est-ce qu'on va sacrifier cela? On a deux options,
à ce moment-là: cette importance pécuniaire, d'une part,
et deuxièmement, le droit de s'autodiriger et de conserver
entièrement la propriété de ses affaires. C'est ce qu'il
faut soupeser, dans le fond.
Mais si on veut régler un problème actuel qui ne nous
concerne pas, nous on est concerné par des conséquences
d'autres institutions ou encore si on veut changer la façon de
procéder des coopératives au Québec, là c'est une
autre question. Je pense qu'à ce moment il faut vraiment soulever tout
le débat et dire à l'ensemble des coopératives au
Québec: Le gouvernement est intéressé à ce que le
secteur de la consommation se développe, parce qu'on sait que c'est un
des secteurs les plus importants; on est intéressé à ce
qu'il se mette sur le marché, qu'il se mette au monde et on va garantir
le capital social parce que c'est extrêmement important, la
consommation.
On peut bien poser le problème de cette façon.
LE PRESIDENT (M. Pilote): A l'ordre, messieurs! L'honorable...
M. VEILLEUX: Pour faire suite au député de Saguenay, la
réponse que M. Doré avait donnée, je trouve ça
curieux. Il dit que la part sociale est la propriété du gars,
qu'on ne s'immisce pas dans la propriété. Moi, j'ai un plan
d'épargne, je vais à une caisse populaire et je dépose
$100, c'est à moi ça. A ce moment, est-ce que ça veut dire
que la caisse de dépôt... Pas la caisse de
dépôt...
M. DORE: La caisse d'établissement. Il y en a qui
mélangent ça, la caisse de dépôt et la caisse
d'établissement.
M. VEILLEUX: La Régie de l'assurance-dépôts, parce
que c'est ma propriété, ça n'a pas d'affaire
là-dedans, parce que si la Régie de
l'assurance-dépôts assure mes $100 ou $150, elle vient dans ma
propriété exactement comme la part sociale. Je ne comprends pas
votre affaire, moi.
M. DORE: C'est très facile à comprendre. D'abord, le gars
est propriétaire de sa part sociale, mais sa part sociale lui donne un
droit de propriété dans la coopérative. D'accord? Il n'y a
pas de problème jusque là?
M. VEILLEUX: Non, continuez.
M. DORE: Après ça, toutes les autres opérations
d'épargne de la caisse d'établissement sont assurées par
la Régie de l'assurance-dépôts.
M. VEILLEUX: Vous me dites...
M. DORE: A part ça, du point de vue du contrôle et de la
surveillance, ça n'ajoute absolument rien.
M. VEILLEUX: Dans votre mémoire, vous
dites qu'il ne faudrait pas assurer la part sociale parce que ça
va enlever l'envie du gars qui achetait la part sociale de participer
activement à la caisse d'établissement, ça va mener au
désintéressement des membres. Vous ne croyez pas que le gars va
dire: Là, ma part sociale est bien assurée, par contre je vais
regarder pour que le reste, je puisse en retirer le maximum. Il va continuer
à assister aux assemblées.
D'après vous, si demain matin la Régie de
l'assurance-dépôts du Québec assurait les parts sociales,
quel serait le pourcentage en moins de fréquentation à vos
assemblées? Est-ce qu'il y en aurait?
M. DORE: Je pense vraiment qu'on ne peut pas poser le problème
comme ça.
M. VEILLEUX: Quel est, à l'heure actuelle, le pourcentage de
présence approximativement?
M. DORE: C'est assez bon. Dans les caisses d'établissement, le
pourcentage de présence est assez bon. Si on assurait faisons un
parallèle le capital-actions d'une entreprise à
caractère capitaliste, si l'Etat se donnait la peine d'organiser quelque
chose et d'assurer à cause des fluctuations, etc., vous n'avez pas
l'impression que ça pourrait changer un peu la nature de cette
entreprise?
M. VEILLEUX: M. Doré, le gars qui participe à
l'intérieur d'une coopérative il y en a des gens qui ont
de l'argent qui participent à l'intérieur de ça, je suis
d'accord, mais quand même, d'abord, les coopératives de M.
Desjardins étaient beaucoup plus pour les petits, les ouvriers qui
n'avaient pas l'occasion de pouvoir sortir...
M. DORE: C'est encore ça chez nous à part ça.
M. VEILLEUX: Le gars qui va acheter pour $100 de parts sociales d'une
caisse d'établissement ou d'une caisse populaire, etc., pour lui, perdre
$100 c'est peut-être pire que pour le gars qui investit $500,000 dans un
commerce.
M. DORE: C'est parce que vous avez l'optique de la perte ou de la
fermeture. L'entreprise coopérative n'est pas née pour fermer;
elle est née pour vivre.
M. VEILLEUX: Oui, mais elle peut fermer accidentellement..
M. DORE: Alors, c'est une hypothèse. Ecoutez, je pense qu'il faut
se sortir cela de la tête, à un moment donné.
M. VEILLEUX: Cela peut arriver. M. DORE: Oui, ça peut
arriver.
M. SAINT-HILAIRE : Est-ce que vos souscripteurs ont le droit de retirer
leurs parts à n'importe quel moment?
M. DORE: Oui, oui.
M. SAINT-HILAIRE: Sans aucune restriction?
M. DORE: Ils sont libres de sortir.
M. SAINT-HILAIRE: A ce moment-là, je ne comprends pas votre
argument. Le fait d'assurer votre capital souscrit, c'est-à-dire le
capital en parts, vous permettrait d'augmenter les parts, ce qui veut dire que
ça augmentait votre liquidité à partir de ce
moment-là.
M. DORE: Ouais.
M. SAINT-HILAIRE: Ce serait une bonne raison. En effet si, demain matin,
alors que votre argent est investi sur le marché, 25 p.c. de vos
souscripteurs se virent de bord et disent : On veut ravoir notre argent,
là, vous êtes obligés d'embarquer dans des emprunts; vous
n'avez pas assez de capital-actions pour le garantir. Il n'y a rien qui nous
garantit ici que, demain matin, vous n'augmenterez pas votre taux pour
permettre du capital souscrit plus haut. En un mot, cela vous permettrait
d'arriver et de dire: Si un gars veut prendre $100, $1,000 de parts, il sera
assuré et vous pourrez augmenter votre fonds de roulement qui,
assurément, est de beaucoup supérieur parce qu'à partir de
ce moment-là le gars va être intéressé à son
capital et à surveiller le reste de son argent.
M. DORE: C'est un problème qui ne se pose pas parce qu'on a la
liquidité et on a tout ce qu'il faut.
M. SAINT-HILAIRE: Vous l'avez parce que les gens ne demandent pas le
retour de leur argent.
M. DORE: Ouais, mais...
M. SAINT-HILAIRE: Parce que votre argent, je présuppose que si
vous voulez faire de l'argent avec, vous le remplacez.
M. VEILLEUX: J'espère..
LE PRESIDENT (M. Pilote): Mes amis, avant de donner la parole au
député de Beauce-Sud, comme il est une heure moins vingt, est-ce
qu'on ne suspendrait pas jusqu'à deux heures trente cet
après-midi?
M. ROY: Oui.
M. TETLEY: Vous préférez cela?
M. ROY: On en pourra pas finir pour une heure, de toute
façon.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à une
heure trente?
M.GAGNON: M. le Président, nous n'aurions aucune objection
à siéger sans suspension parce que nos membres viennent de
partout au Québec et ça pourrait les libérer trop tard.
Nous n'en aurons pas pour longtemps dans la présentation de notre
mémoire.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Est-ce qu'on pourrait continuer jusqu'à
une heure trente? D'accord?
UNE VOIX: D'accord.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, avant de poser des questions à M.
Doré, je pense qu'il serait peut-être bon de faire le point
à cette étape de nos discussions. Nous avons deux projets de loi
devant nous. Le projet de loi no 23 est la Loi des caisses d'entraide
économique. Nous savons que l'argent qui est souscrit dans les caisses
d'entraide économique est uniquement du capital social.
M. TETLEY: Presque.
M. ROY: Presque, et c'est la raison pour laquelle vous apportez des
modifications à la Loi de l'assurance-dépôts pour pouvoir
couvrir les sommes déposées dans les caisses d'entraide
économique. De ce fait, après avoir entendu M. Doré, on
remet en cause le principe même du droit de propriété du
capital social d'un participant à une institution
coopérative.
Il est évident que, quand les gens se donnent une
coopérative, on forme une association ou une entreprise, il y a des
risques. Si on veut assurer les risques, il y a des contrôles
gouvernementaux qui deviennent inévitables. Il y a danger,
peut-être pas dans l'immédiat, mais personne n'ignore qu'à
moyen et à long terme, il y a des dangers que ces contrôles
s'étendent et si j'ai bien compris M. Doré, qu'on aille
même jusqu'à réglementer ou régir, ou
s'ingérer dans la propriété du capital social d'un
individu qui l'a souscrit pour faire partie d'une coopérative, d'une
association coopérative ou d'une caisse d'épargne et de
crédit.
Or, si la Loi de l'assurance-dépôts n'est pas
amendée dans le sens de la loi, cela veut dire que les caisses
d'entraide économique ne peuvent pas assurer les capitaux qui leur sont
confiés. M. Doré, est-ce que c'est ça?
M. DORE: Oui, justement, c'est ce qu'on pense.
A ce moment-là on se trouve à nous toucher en essayant de
régler le problème d'une autre institution. Je pense que c'est
probablement cela qui est en dessous. Est-ce que l'autre institution
concernée ne pourrait pas changer la dénomination de ces
épargnes? Je ne sais pas, mais le problème se pose. Je suis bien
convaincu que l'on porte atteinte, présentement et probablement pour
l'avenir, à la philosophie coopérative et, ensuite, à
certains principes coopératifs. Si on veut en faire des
sociétés mixtes, encore une fois, qu'on le dise, on va s'asseoir
et on va étudier la question. Je suis bien convaincu par contre que cela
ne se limitera pas aux caisses d'épargne et le crédit, mais je ne
pense pas que les coopérateurs au Québec soient prêts
à ce genre de participation. Je ne le crois pas.
M. ROY: Alors, vous estimez qu'il est essentiel, primordial; pour
sauvegarder le principe coopératif, le droit de propriété,
le droit de participation dans une entreprise coopérative, de garder un
élément risque.
M. DORE: Si on veut appeler cela ainsi.
M. ROY: Parce que le capital social ou le capital-actions d'une
entreprise est toujours la partie, le coussin, parce qu'advenant la liquidation
d'une caisse d'épargne et de crédit quelle qu'elle soit, il est
évident qu'on commencerait par rembourser les épargnes avant de
rembourser le capital social. Alors, le capital social, c'est quand même
le coussin qui permet à une coopérative, avant que la Loi de
l'assurance-dépôts existe, de garantir davantage par
l'équité qu'une caisse d'épargne peut avoir en main, les
épargnes qui lui sont confiées. Etant donné la situation
dans laquelle le ministère des Institutions financières et le
gouvernement se trouvent, face aux demandes des caisses d'entraide
économique je vous demande ici une opinion est-ce que vous
estimez que le capital social pourrait être assuré, sauf un
montant minimal qui pourrait constituer un élément de risque?
Est-ce que cela vous apparaîtrait comme une solution qui pourrait
permettre de donner les garanties sur lesquelles vous avez exigé...
M. DORE: Si nous ne sommes pas touchés de quelque façon
par la loi 24, nous n'avons pas objection. Bien sûr, quant au capital
social, nous y attachons de l'importance ; il représente 10 p.c. de
notre actif; c'est ce qui assure le droit de propriété aux
membres et on veut qu'il soit protégé intégralement.
M. ROY: Des gens ont déposé dans les caisses populaires,
ou dans certaines caisses populaires on pourra me reprendre si ce n'est
pas exact jusqu'à $3,000 même $4,000 de capital social. Je
sais que $2,000 existe, en tout cas. Il y a des gens qui peuvent déposer
dans certaines autres caisses jusqu'à concurrence de $2,000 de capital
social. $10,000 de capital social dans les caisses populaires, je sais qu'il y
a eu des règlements... Je suis membre des caisses populaires mais je
n'ai pas le temps de suivre toutes les activités.
M. CHARRON: II y a des caisses de $20 millions, $25 millions, $30
millions, alors le capital social monte. Il ne faut pas oublier que le capital
social, c'est un titre de propriété pour garantir
l'épargne qui, elle, est une créance par rapport à celui
qui la met là, dans une institution financière.
M. ROY: Pour garantir l'autonomie maximale des caisses d'épargne
et de crédit, pour garantir les droits des sociétaires, quel
serait, selon vous, le montant minimal? Il pourrait y avoir un montant
déductible. Nous avons quand même des montants déductibles
dans l'assurance, cela existe dans différents domaines. C'est une
question que je pose. Cela peut paraître curieux, mais ce serait
peut-être une question qu'on pourrait examiner sous cet angle-là.
S'il y a jusqu'à $10,000 de capital social de souscrit par des
sociétaires dans des institutions coopératives des caisses
d'épargne et de crédit, il y a quand même des personnes qui
n'ont que $5. C'est normal que la personne qui a souscrit seulement $5 ait un
risque de $5 seulement, comparativement à l'autre qui aura souscrit
$10,000 et aura un risque de $10,000. Est-ce qu'il n'y aurait pas
possibilité d'établir une ligne de démarcation pour, d'un
côté, protéger le plus grand nombre de sociétaires
et protéger les capitaux des sociétaires et, d'un autre
côté, protéger le caractère coopératif et le
caractère de propriété des parts sociales?
M. DORE: Ecoutez, c'est difficile de répondre à une
question comme celle-là. Je pense vraiment que le bill 24 a un objectif
précis. On y est impliqué par accident, peut-être. Je ne
sais pas si, à ce moment-là, on ne devrait pas trouver une autre
dénomination ou un autre nom à l'épargne qu'on fait
souscrire dans les caisses d'entraide plutôt que de nous demander,
à nous autres, de... Je pense qu'à ce moment-là on
attaque, on nous touche par voie de conséquence et je trouve que ce
n'est pas tout à fait correct. Je n'oserais pas me prononcer sur une
question comme celle-là.
Je répète qu'on a 10 p.c. de notre actif en capital
social. Ce n'est pas une règle inchangea-ble et cela peut être
diminué ou augmenté.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Taschereau.
M. BONNIER: M. le Président, j'aurais une seule question. Vous
avez essayé, M. Doré, de nous démontrer que le fait
d'assurer du capital social en change l'essence ou la nature. On comprend que
le capital social, dans une coopérative, c'est un droit de
propriété, mais le fait qu'il soit assuré, jusqu'à
quel point cela en change-t-il la nature, moi, vous ne m'avez pas convaincu. Je
dois vous soumettre cela.
Deuxièmement, je dois dire qu'il y a quand même une
différence fondamentale entre une coopérative d'épargne et
de crédit qui, à toutes fins pratiques, ramasse de
l'épargne et est responsable de cette épargne-là, qui est
assez importante, par rapport à une coopérative de consommation;
votre capital social ne garantit pas la même chose.
Troisièmement, je crois que votre capital social, quand vous le
faites souscrire, vous ne le mettez pas de côté au cas où
le souscripteur ou le membre en aurait besoin demain; il fait partie de votre
actif et vous jouez avec jusqu'à un certain point. A partir de ce
moment-là je pense que cela ne change pas, premièrement, la
nature du capital social, le fait de l'assurer, et, deuxièmement, je
pense que l'Etat, qui est responsable du bien commun, doit faire attention pour
que ce capital-là aussi soit bien garanti.
M. DORE: Ecoutez, il n'est pas assuré par n'importe qui, il est
assuré par la Régie de l'assurance-dépôts; qui est
un organisme gouvernemental. A partir de ce moment-là, il est
assuré par l'Etat; cela veut dire qu'il y a vraiment une participation
de l'Etat. On ne peut pas nier cela; en fait, il y a quelque chose qui
s'établit entre la caisse...
M. BONNIER: C'est là qu'on diffère. Je ne vois pas...
M. DORE: Ecoutez, si le membre souscrit et qu'il n'y a plus aucun risque
dans une coopérative, je pense vraiment que son droit de
propriété est altéré, est diminué à
ce moment-là, il n'y a aucun doute là-dessus. Les directives qui
peuvent venir, je ne dis pas que c'est cela dans le contexte actuel...
M. BONNIER: Son risque est altéré mais non pas son droit.
Son risque est altéré, peut-être, il est moins fort mais il
a toujours son droit de propriété.
M. DORE: Oui, mais même s'il est toujours propriétaire de
sa part sociale et s'il demeure propriétaire de l'entreprise dans
laquelle il a souscrit du capital social, il ne demeure pas moins qu'il y a
quelqu'un, qu'une autre personne morale est intervenue pour faire fonctionner
son entreprise. Je pense qu'à ce moment-là, si c'était une
entreprise...
M. BONNIER: Je m'excuse, c'est là l'erreur. Vous bifurquez
justement quand vous introduisez ce mode-là, cette perception, elle
entre dans le fonctionnement. Cela ne rentre pas du tout dans le
fonctionnement, c'est seulement dans des cas exceptionnels, où le
capital social, qui est un droit de propriété, serait en mauvaise
posture, pour garantir justement à vos membres mais simplement dans ce
cas-là... Comme vous, l'avez très bien dit, cela n'empêche
aucune coopérative d'avoir des normes de rentabilité et de
gestion pécuniaire qui soient efficaces.
Je pense bien que cela est la première condition.
Et à mon avis l'assurance-dépôts n'intervient que
dans des cas très exceptionnels, devrait en tout cas, mais ils ne sont
pas participants â la propriété pour autant, pas du
tout.
M. DORE: De toute façon on assure ou on n'assure pas.
M. BONNIER: Oui, mais...
M. DORE: Si on assure le capital social, évidemment, il faudrait
peut-être là refaire un historique et cela n'a quasiment pas de
bon sens, mais disons qu'on retourne aux sources un peu. On commence par aller
solliciter les gens pour entrer dans la première coopérative
qu'on a mise sur pied au Québec, peut-être les caisses populaires,
on va solliciter les gens et on leur dit: Vous entrez dans la caisse populaire,
vous n'avez aucun risque, l'Etat est en arrière de nous, etc., ça
fonctionne. Moi je me demande si on rencontrerait le même
intérêt, le même dynamisme, le même engagement. Est-ce
que le gars se sentirait autant chez lui, etc.? Avec tout ce que cela
entraîne de directives, de diktats, etc. et tout ce qui peut se produire
par la suite. Je pense qu'on peut, dans des programmes généraux,
des grands plans, aller jusqu'à donner, à mon point de vue, des
directives assez précises, des indications en tout cas, des incitations
assez précises qu'on ne puisse pas faire quasiment autre chose que
d'embarquer. On ne peut pas nier, en tout cas, moi, c'est mon opinion
personnelle, je respecte l'opinion des autres, qu'on altère vraiment le
droit de propriété du membre à ce moment-là.
M. ROY: M. le Président, quand vous parlez du droit de
propriété, M. Doré, qui est altéré, c'est
dans le sens du droit d'en disposer, parce qu'un droit de
propriété comporte également le droit d'en disposer. S'il
y a des restrictions au niveau du gouvernement ou une réglementation qui
deviendrait, avec le temps, un peu trop paternaliste, si vous voulez, le membre
perd la liberté de pouvoir disposer de son capital social comme bon lui
semble, pour donner à sa coopérative ou à sa caisse
d'épargne et de crédit l'orientation ou des services nouveaux qui
peuvent quand même comporter certains éléments de risque.
Est-ce que j'ai bien compris? C'est dans le sens du droit d'en disposer que
vous dites que le droit de propriété se trouve
altéré?
M. DORE: Je pense que quand on assure, on contrôle. On
établit des règlements, des directives, on peut faire n'importe
quoi. On contrôle, si on prend un risque. C'est le bon sens, c'est la
logique qui veut cela, ou on n'assure pas. Mais quand on assure, on
établit des conditions et on contrôle.
M. ROY: Autrement dit, la liberté des membres en assemblée
générale de décider de l'orientation...
M. DORE: Cela peut se rendre jusque-là de façon
subtile.
M. ROY: Pardon?
M. DORE: Subtilement, ça peut se rendre jusque-là, il n'y
a aucun doute là-dessus.
M. ROY: Subtilement, ça peut se rendre jusque-là.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Portneuf
et le député de Saguenay ensuite.
M. PAGE: M. Doré vous avez parlé, au début, de
contrôle et de pouvoir moral. Ma question est la suivante: Quel est le
contrôle effectif que la fédération peut exercer sur les
caisses mêmes, jusqu'où peut aller ce contrôle et comment
est-il exercé? Est-il tellement difficile et serré que vous
puissiez prétendre vous soustraire de l'application...
M. DORE: Je pense que la Loi des caisses d'épargne et de
crédit donne des pouvoirs très considérables à la
Fédération des caisses d'établissement comme à
d'autres fédérations de caisses d'épargne et de
crédit. Je pense qu'on peut partir de là. La
fédération peut même convoquer une assemblée
générale des membres d'une caisse. Alors, je pense qu'on peut
aller jusque-là, donc on peut aller assez loin. Quant à nous, la
Fédération des caisses d'établissement, on n'a
peut-être pas des milliards et des millions à mettre dans une
situation difficile, mais on a peut-être, par contre, la souplesse du
jeune âge. Et cela est très important aussi. On a peut-être
connu certaines difficultés, mais dans l'espace de quelques mois
je peux dire quelques mois, parce que la période a été
relativement courte on a redressé une situation qui paraissait,
à bien du monde, quelque chose d'épouvantable.
Elle était peut-être terrible, mais on l'a redressée
quand même. Cela me prouve ceci: que les pouvoirs moraux qu'on peut avoir
dans des situations difficiles sont très considérables au niveau
de la fédération. Souventefois, on n'a pas besoin de millions
pour régler des problèmes de ce genre. On a tout simplement
besoin d'un peu plus d'unité, d'un peu plus d'efforts et d'un peu plus
de solidarité et les problèmes se règlent. On l'a
prouvé véritablement depuis une couple d'années dans le
milieu des caisses d'établissement.
M. PAGE: On peut donc dire que les pouvoirs moraux et que la souplesse
du jeune âge sont tels que, pour l'intérêt de vos clients,
on pourrait soustraire complètement votre fédération au
projet de loi 24.
M. DORE: C'est ce que nous demandons.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saguenay.
M EESSARD: M. Doré, est-ce que le fait que 90 p.c. de vos
montants ou plus particulièrement des dépôts soient
assurés par la Loi de l'assurance-dépôts a diminué
la croissance des caisses d'établissement? Deuxième point, est-ce
que la Loi de l'assurance-dépôts a apporté auprès
des caisses d'établissement des contrôles très rigides du
gouvernement jusqu'à limiter l'activité des caisses,
jusqu'à leur nuire, en fait jusqu'à causer des tracasseries
administratives?
M. DORE: Nous souscrivons entièrement aux objectifs
généraux du ministère des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives et, ensuite, de la Régie de
l'assurance-dépôts. Je pense que c'est absolument
nécessaire au Québec. Là-dessus, on ne discutera pas. Pour
ce qui est des tracasseries administratives, nous en avons connu, mais je pense
que d'autres fédérations de caisses d'épargne et de
crédit en ont connu aussi il a fallu apporter des changements de
comptabilité. Il y à eu des choses comme cela. Cela nous a
peut-être créé des petits problèmes, mais c'est
temporaire et je pense que c'est pour le mieux-être des institutions.
Mais, quand on entre dans le capital social, je pense qu'on va pas mal
plus loin. On va beaucoup plus loin et, à ce moment, cela n'ajoute
rien.
M. LESSARD: Est-ce que le fait, par exemple, que, par la Régie de
l'assurance-dépôts, le gouvernement ait assuré les
dépôts, a permis une croissance des caisses?
M. DORE : Depuis trois ans, l'actif s'est multiplié par trois.
Qu'est-ce qui a favorisé la croissance? Est-ce que c'est nous, les gens
des caisses d'établissement, ou est-ce cela? Il peut y avoir les deux.
Est-ce que cela peut être une coïncidence? C'est possible. De toute
façon, cela ne peut sûrement pas nuire. Il n'y a aucun doute
là-dessus. Il y a vraiment des entreprises, des caisses qui ne parlent
pas du tout de cette question, et leur solvabilité est excellente.
Personne ne pose de questions. Mais c'est évident que si, sur 1,500
caisses d'épargne et de crédit il y en a une qui est
assurée et qui est chancelante, cela peut, pour elle, être une
chose importante.
M. LESSARD: Tout à l'heure, vous affirmiez au
député de Beauce-Sud que ces contrôles pouvaient aller
jusqu'au niveau de l'assemblée générale des membres. Vous
y croyez vraiment?
M DORE: On ne parle pas de cela actuellement. Disons que tout le monde
est de bonne foi, mais qu'est-ce que cela sera dans quelques années?
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Gonthier, M. Doré, ainsi
que tous ceux qui l'accompagnent de leur mémoire et soyez assurés
que nous allons le prendre en considération.
M. TETLEY: Au nom du gouvernement ainsi qu'en celui de mes
collègues j'en suis certain des deux côtés de
la table, je vous remercie, messieurs, de votre présence, de votre
mémoire et de vos observations importantes.
M. LESSARD: M. le Président, je voudrais dire au nom de
l'Opposition, quand même, que le mémoire de la
Fédération des caisses d'établissement du Québec
apporte, au niveau de cette commission parlementaire, une autre facette d'un
problème qui me paraît assez important. Je les remercie d'avoir
apporté cette facette, qui nous permettra, de notre côté,
de nous interroger sur les différents points qu'on a
soulevés.
Cependant, j'avoue qu'on ne m'a pas encore vraiment convaincu que
c'était un danger réel pour les caisses.
M. SAINT-HILAIRE: ... une réponse, oui ou non. Est-ce qu'on peut
avoir la certitude de votre part, à l'heure actuelle, supposons, que
vous ne pourriez pas, à un moment donné, exiger que le capital
souscrit soit supérieur à celui que vous exigez maintenant? Il
n'y a rien qui vous empêche, à un moment donné, d'exiger
que le capital souscrit soit supérieur à celui exigé
aujourd'hui, dans deux ans, dans trois ans, dû à une demande ou
à un besoin.
M. DORE: Si vous parlez de la masse, oui, parce que le mouvement est en
expansion.
M. SAINT-HILAIRE: II n'y a pas que la masse, mais individuellement.
M. DORE: Si vous parlez de l'individu, cela peut être moindre.
M. SAINT-HILAIRE: Mais cela peut être oui aussi.
M. ROY: A mon tour, je veux ajouter mes remerciements à ceux de
mes collègues pour féliciter la Fédération des
caisses d'établissement pour avoir préparé ce
mémoire et de nous avoir fait connaître leur point de vue à
ce sujet.
Quant à leurs remarques et à leurs demandes, nous allons
certainement les noter pour que, lorsqu'il y aura discussion, en
deuxième lecture, et lorsque les projets de loi seront soumis devant la
Chambre et devant la commission plénière...
M. GONTHIER: Sur l'intervention du député de Rimouski, je
tiendrais juste à préciser que la nature même des caisses
d'établissement n'est pas, disons, de faire souscrire du capital social
pour retourner aux menbres un profit d'intérêt. La majorité
des opérations, pour ne pas dire la quasi-totalité des
opérations des caisses d'établissement, est de faire souscrire
aux gens des plans d'épargne méthodiques, autrement dit, pour
permettre aux gens de faire de l'épargne et, par la suite, leur
prêter de nouveau l'argent sous forme d'hypothèques.
C'est pour cela, je crois bien, que le danger que vous avez
soulevé, de pouvoir autoriser la souscription d'un capital social
supérieur à 10 p.c. ou d'une façon illimité... Ce
problème ne peut pas se poser dans le cas des caisses
d'établissement parce que ce n'est pas de leur nature.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je vous remercie, messieurs. J'inviterais M.
Jacques Gagnon, de la Fédération des caisses d'entraide
économique, à bien vouloir nous présenter son
mémoire.
Caisse d'entraide économique
M. GAGNON: M. le Président, je suis accompagné par M. Eric
Forest, directeur adjoint de notre fédération, Me Paul
Bélanger, directeur du développement et des relations
extérieurs et dans l'assistance, vous y verrez également de
nombreux représentants de nos caisses affiliées.
M. le Président, nous avons étudié attentivement le
projet de loi no 23 concernant les caisses d'entraide économique
déposé à l'Assemblée nationale le 20
décembre 1973. Nous tenons à féliciter le ministère
des Institutions financières, Compagnies et Coopératives pour ce
projet de loi de nature à assurer une très grande
sécurité à nos caisses affiliées, un progrès
rapide du mouvement et à aider les caisses d'entraide économique
à jouer un véritable rôle d'instrument coopératif de
développement régional.
Nous voulons également féliciter le ministre des
Institutions financières, Compagnies et Coopératives pour avoir
fait de ce projet un amendement à la Loi des caisses d'épargne et
de crédit.
Il est évident que les caisses d'entraide économique ne
désirent pas une loi spéciale, tel que l'entend le mémoire
des trois fédérations, et que nous appuyons dans ce domaine la
position prise par le ministère. Nos caisses sont de véritables
caisses d'épargne et de crédit, tant par leur nature que par leur
mode de fonctionnement.
Les caisses d'entraide économique ont été
fondées afin de recueillir l'épargne des membres et consentir des
prêts à ces mêmes membres. Ce sont là les
activités essentielles et uniques de nos caisses affiliées.
Depuis 13 ans, les caisses d'entraide économique se sont
conformées tout d'abord à la Loi des syndicats coopératifs
puis, à partir de 1964, à la Loi des caisses d'épargne et
de crédit. Toutes les structures de nos caisses d'entraide
économique ont été mises en place à
l'intérieur de la Loi des caisses d'épargne et de crédit.
Toutes ces structures sont parfaitement adoptées et fonctionnent bien
à l'intérieur de cette loi.
Les quelques amendements proposes par le projet de loi 23 ne modifient
aucunement le mode de fonctionnement ou la nature même d'une caisse
d'épargne et de crédit. Ces amendements sont mineurs et ne
touchent que des modalités d'opération. Il est évident que
les fédérations des caisses d'épargne et de crédit
ne sont pas identiques, mais que chacune a ses caractéristiques propres,
ses raisons d'exister et son rôle à jouer dans la
société québécoise.
Cependant, toutes doivent avoir les caractéristiques essentielles
d'une caisse d'épargne et de crédit. Les caisses d'entraide
économique instituées sous l'empire de cette loi ont des
caractéristiques communes à toutes les fédérations
ici présentes.
La Loi des compagnies, par exemple, regroupe une multitude de compagnies
qui sont toutes des compagnies, même si elles ont chacune des rôles
différents; toutes sont soumises à un même cadre juridique
et personne ne s'en plaint. Il n'est pas impossible que d'autres
fédérations demandent certains amendements particuliers, propres
à un certain rôle plus particulier aux milieux où elles
oeuvrent.
Ceci n'empêche pas qu'une loi commune régisse toutes les
caisses d'épargne et de crédit. Si d'autres
fédérations désirent des modifications qui leur sont
propres, il appartiendra au ministère des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives de présenter une
loi comme ils le font présentement.
Le mode de recrutement des caisses d'entraide économique ne
modifie pas non plus le caractère fondamental des caisses
d'épargne et de crédit. Les caisses d'entraide économique
ont choisi de recruter leurs nouveaux membres par l'intermédiaire de
personnes rémunérées. D'autres institutions avaient choisi
de le faire par une publicité intensive dans les journaux, à la
radio, à la télévision et par toutes sortes de media
d'information.
Il est à noter que les recruteurs des caisses d'entraide
économique sont régis par la Commission des valeurs
mobilières du Québec.
S'il fallait inclure des normes supplémentaires dans la Loi des
caisses d'épargne et de crédit, ou dans des amendements
spéciaux aux caisses d'entraide économique, il faudrait
également inclure des normes relativement à la publicité
et à la sollicitation par la voie des media d'information dont se
servent d'autres caisses d'épargne et de crédit.
Nous voulons assurer les distingués membres de cette commission
parlementaire que les caisses d'entraide économique ont l'intention de
continuer à être de véritables caisses d'épargne et
de crédit et oeuvrer au sein des diverses régions en observance
de cette loi qui les encadre bien. Nous croyons qu'il est possible que
plusieurs institutions, avec des rôles différents à jouer,
réunissent quand même des caractère essentiels qui sont
similaires et nous croyons que toutes les caisses d'épargne et de
crédit, actuellement identifiées comme telles dans toute la
province, ont des rôles complémentaires à jouer tout en
ayant ces caractéris-
tiques essentielles, identiques aux caisses d'épargne et de
crédit. Merci.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: M. le Président, évidemment je suis d'accord
sur le mémoire dans lequel vous envoyez des fleurs et des bouquets
à notre ministère. Pour le reste, je prends bonne note et je
laisse la discussion ouverte à mes collègues.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saint-Jean.
M. VEILLEUX: Je comprends pourquoi la Fédération des
caisses populaires est venue ce matin. Je remarque deux positions
complètement différentes l'une de l'autre; je serais porté
à demander aux caisses d'entraide économique de négocier
avec les caisses populaires pour savoir exactement ce qu'on aurait à
faire au ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives.
Ce matin, j'ai posé une question à la
Fédération des caisses populaires et je vous pose exactement la
même question: Comment ver-riez-vous une loi-cadre qui régirait
l'épargne et le crédit, à laquelle s'attacheraient des
lois spéciales pour chacun des organismes qui décideraient
oeuvrer dans l'épargne.et le crédit dans le genre de ce qu'on
retrouve un peu dans le code des professions, les différentes
professions?
M. GAGNON: J'ai l'impression que c'est ce qu'on fait actuellement. Ce
n'est pas la première fois que le ministère présente des
lois pour amender la Loi des caisses d'épargne et de crédit, des
lois particulières. Par exemple, les caisses d'établissement ont
déjà eu leur loi, la Loi des caisses d'établissement, et
sont actuellement des caisses d'épargne et de crédit quand
même.
Aujourd'hui, c'est la seconde fois; le ministère propose la Loi
des caisses d'entraide économique qui demeure affiliée à
la loi-cadre dont vous parlez. Peut-être qu'avant longtemps, ce seront
les caisses populaires qui viendront vous voir ou les caisses d'économie
qui, chacune ont leurs besoins propres.
M. VEILLEUX: Si j'ai bien compris ce matin la position de la
Fédération des caisses populaires c'est qu'on retrouve dans une
même loi des articles ou des parties d'articles qui touchent l'ensemble
de l'épargne et du crédit, et on retrouve des articles, à
l'intérieur de la même loi, ou des parties d'articles qui peuvent
s'appliquer uniquement à un organisme dans l'épargne et le
crédit.
Vous voyez ça exactement dans la même loi, au complet,
parce que le projet de loi 23, si je comprends bien, ce sont des annexes qu'on
inclut à l'intérieur d'une loi qui s'appelle la Loi
d'épargne et de crédit.
M.GAGNON: Le projet de loi 23 précise certains points.
M. VEILLEUX: Qui s'appliquent aux caisses d'entraide
économique.
M. GAGNON: Qui s'appliquent aux caisses d'entraide économique en
particulier, mais ce n'est pas dans l'essentiel; c'est dans les
modalités.
J'écoutais tantôt le procureur des trois
fédérations qui donnait quatre raisons pour lesquelles nous
n'étions pas semblables. Ce n'étaient pas des raisons
essentielles dans le principe de la coopération. Il disait: Vente
à commission. Vendre à commission dans le domaine de la
télévision, c'est de la vente quand même. Les caisses
d'établissement vendent à commission également. J'ai bien
l'impression que c'est un mouvement coopératif qui joue également
un grand rôle dans le milieu. La deuxième raison, c'est:
L'existence des frais d'administration. J'ai bien l'impression que nous ne les
avons pas inventés. Allez prendre $2,000 de parts dans les caisses
populaires et vous allez aussi payer des frais. Ils appellent cela des frais
d'entrée, mais ce sont des frais d'acquisition quand même. Nous ne
l'avons pas inventé, sauf qu'à la place d'avoir mis 2, on a mis 4
1/2. Nous sommes plus généreux un peu.
M. VEILLEUX: C'est de la publicité gratuite.
M. BEDARD (Chicoutimi): II y aurait peut-être lieu de...
M.GAGNON: Troisièmement, on parle de capital social ou on parle
d'épargne. Dans une coopérative, les économies que le
membre place, que ce soit du capital social, que ce soit du dépôt
à terme, que ce soit de l'épargne, ce sont toujours des
économies. La Régie de l'assurance-dépôts, à
l'article 25a), dit: Elle assure les économies que le membre
dépose dans une caisse d'épargne et de crédit dans le but
de les faire fructifier c'est vrai que, chez nous, elles fructifient pas
mal et de consentir des prêts. Alors, c'est exactement cela. Nous
ne sommes pas différents. Placement, commerce et industrie, je leur ai
déjà dit: II ne faut pas s'en faire avec le placement du commerce
ou de l'industrie. C'est évident que l'on en fait, mais on fait le
prêt personnel et on vise à ce que 20 p.c. de nos membres soient
emprunteurs. Dans certaines coopératives, on l'a actuellement. Alors,
ils ne prêtent pas plus à leurs membres que nous, nous pouvons
prêter à nos membres.
M. VEILLEUX: Pour avoir droit à un prêt chez vous...
M. GAGNON: II faut être membre.
M. VEILLEUX: Est-ce que cela prend un certain temps ou si on dit: Si on
veut examiner votre dossier, il faut que vous soyez membre?
M.GAGNON: Oui. Il faut être membre. Lorsque vous êtes
membre, on vous prête le plus vite possible parce qu'on a de l'argent en
masse.
M. VEILLEUX: S'il y a une corporation, un organisme avec une charte, en
vertu de la Loi des compagnies, qui va demander un prêt chez vous, par
exemple une industrie qui est membre de la caisse d'entraide, est-ce
l'industrie ou chaque actionnaire de l'industrie qui...
M.GAGNON: Généralement, c'est l'industrie et les
actionnaires qui sont membres.
M. VEILLEUX: Tout le monde.
M.GAGNON: Evidemment, un prêt industriel prend beaucoup plus de
temps qu'un prêt personnel. Un prêt industriel, il faut
l'étudier. Chez nous, c'est même prévu dans la loi, il
passe par deux comités, un comité de crédit et le conseil
d'administration.
M. VEILLEUX: Dans une caisse populaire, pour être membre, avoir
une part sociale, c'est-$5 si je ne me trompe pas. Chez vous, c'est
combien?
M. GAGNON: Nous n'avons pas de membre à $5. Nous avons des
membres qui vont déposer... Le minimum est $10 par mois, mais lorsqu'un
membre a $5 payés dans son compte, il est emprunteur. Chez nous, nous
travaillons suivant l'épargne méthodique et obligatoire autant
que possible. Nous faisons souscrire nos membres sur une période de cinq
ans.
M. VEILLEUX: Dans les caisses d'entraide, est-ce que la part sociale de
la personne est proportionnelle à la demande de prêt qu'elle fait
ou si...
M. GAGNON: Non. Chez nous, nous prêtons à un membre ce
qu'il peut nous garantir.
Comme on dit par fois, il y a deux choses qu'il peut nous garantir.
M. VEILLEUX: Je vais vous donner un exemple. J'ai des noms dans la
tête mais j'aime autant ne pas les donner. Il y a un groupe d'individus
qui décide de construire quelque chose, que ce soit une industrie ou un
commerce. Ils se rendent à une caisse d'entraide. A ce moment-là,
l'investissement que vous leur demandez pour la part sociale je repose
la question comme il faut est-ce qu'il est identique, quel que soit le
montant emprunté, ou si cela peut varier selon le montant de la somme
à emprunter?
M. GAGNON: Non, la part sociale de la somme est la même.
M. VEILLEUX: Vous êtes sûr de cela?
M. GAGNON: Bien oui, je suis certain de cela.
M. VEILLEUX: Dans toutes les caisses?
M. GAGNON: Dans toutes les caisses. Cela ne veut pas dire que le montant
que quelqu'un a dans la caisse ne peut être plus gros. Dans le cas d'une
corporation, il peut être plus élevé mais pour avoir droit
à un emprunt, il faut être membre chez nous, que ce soit un petit
emprunteur ou un gros. Ce qui peut varier, ce sont les garanties que l'individu
a à nous offrir pour emprunter.
M. VEILLEUX: Pour l'acceptation du prêt ou le refus, c'est
sûr.
M. GAGNON : Pour l'acceptation, oui.
M. VEILLEUX: J'ai dit ce matin qu'on se ferait, nous, l'Opposition
circonstancielle, c'est pour cela qu'on pose des questions.
M. SAINT-HILAIRE: Vous n'allez pas parler contre moi, toujours.
M. VEILLEUX: Par exemple, moi, advenant le cas où je serais
membre de la caisse d'entraide économique de Saint-Jean, si je voulais
obtenir un prêt dans une autre caisse d'entraide, est-ce que je devrais
être membre de l'autre caisse d'entraide ou si le fait d'être
membre chez moi est suffisant?
M.GAGNON: Généralement, il faut que le membre la
loi le dit également fasse un emprunt à sa caisse. Nos
caisses sont limitées, chez nous, par un district électoral,
à peu près.
M. VEILLEUX: Est-ce qu'une caisse a le droit de prêter à
une autre?
M.GAGNON: On l'avait; parfois, on se payait la traite un peu mais dans
la nouvelle loi, on n'aura plus ce droit.
M. VEILLEUX: Vous n'en aurez plus le droit?
M. GAGNON: Non. Vous savez, à force de prêcher la
coopération, on s'aidait l'une l'autre.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, j'ai remarqué que M. Gagnon parle
de la loi no 23 mais qu'il n'a aucunement fait allusion "au projet de loi no
24. Je serais tenté, à ce moment-ci, de lui poser une seule
question sur le projet de loi no 24, une
question qui va comporter deux volets parce qu'il y a quand même
deux principes dans ce projet de loi. Premièrement, êtes-vous en
faveur de l'assurance-dépôts sur tout le capital social des
caisses? Deuxièmement, êtes-vous d'accord sur l'article 3 r)?
M. GAGNON: Pour la première question, évidemment, nous
sommes en faveur de l'assurance-dépôts pour les parts sociales.
D'ailleurs, aux Etats-Unis, on a également
l'assurance-dépôts pour les parts sociales. Pour le
deuxième point, nous ne sommes pas d'accord sur l'article 3 r). Sur
cela, nous sommes avec les autres fédérations; on pense que ce
qui a été consenti actuellement, et qui a été
suggéré, c'est avec le consentement des fédérations
concernées. Le ministre nous a donné l'assurance qu'il allait
apporter des modifications à l'article 3r) également, je pense.
N'est-ce pas?
M. TETLEY: Oui. Mes modifications.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Saguenay.
M. ROY: Je n'ai pas fini, M. le Président, j'avais une question
à poser concernant le bill 23; je vais revenir sur le projet de loi no
24 maintenant.
M. SAINT-HILAIRE: Vous avez bien dit une question.
M. ROY: Une question sur le projet de loi 23, mais les autres sur le
projet de loi 24.
Sur le projet de loi 24, vous n'avez souligné aucun article et je
peux présumer que vous êtes entièrement d'accord sur toutes
les dispositions et tous les articles qu'il y a à l'intérieur du
projet de loi.
M. GAGNON: J'ai dit sur l'article 3, là. M. ROY: De la loi
23?
M. GAGNON: Sur l'article 3. Pour la loi 23, nous sommes d'accord sur
tous les articles.
M. ROY: Même sur l'article 11 qui dit ceci: "Une caisse ne peut
payer un intérêt sur les parts sociales qu'à même les
trop-perçus annuels ou le compte de surplus visé à
l'article 14".
M. GAGNON: Ah! surtout sur celui-là, oui. M. ROY: Surtout sur
celui-là? M. GAGNON: Surtout.
M. ROY: Maintenant, ma question est la suivante: Comment, à ce
moment-là, pouvez-vous, au moment de la souscription de vos contrats, au
moment de la vente de vos contrats, garantir des intérêts?
M. GAGNON: On ne garantit jamais les intérêts sur les parts
sociales. Dans une caisse d'entraide économique, on dit que, dans le
passé, on a toujours payé 10 p.c, puis, dans le futur, on paiera
simplement 10 p.c, plus ou moins. On a confiance de payer plus. C'est
évident qu'on ne restera pas à 10 p.c., mais on ne le garantit
pas, puis on n'en parle pas.
M. ROY: Autrement dit, il n'y a aucune garantie, aucune certitude
donnée à ce moment?
M. GAGNON: Non, non. Sur tous nos prospectus, c'est clairement
établi que le 10 p.c. n'est pas garanti. On peut payer moins, puis on
peut payer plus. J'ai bien confiance qu'on va payer plus.
M. ROY: Quelle proportion de tout l'actif de votre mouvement avez-vous
en capital social et en dépôts?
M. GAGNON: Nous sommes pratiquement à 95 p.c. en capital social.
D'abord, on n'avait pas l'assurance-dépôts, c'était
déjà une bonne raison pour ne pas en prendre, puis, lorsque les
règlements de la régie sont sortis je pense que c'est en
1970 ils n'assuraient pas les parts sociales. Il y a beaucoup de
fédérations qui se sont transformées, qui ont pris leurs
parts sociales et en ont fait des dépôts. Nous, on a refusé
de se transformer, pour la bonne raison qu'on ne pouvait pas faire des
prêts à long terme avec du capital à court terme. Comme on
se spécialise surtout dans le prêt à long terme, où
les sommes les plus considérables sont des prêts de cinq ans
à dix ans et de quinze ans, ça nous prenait un capital qui n'est
pas à demande, alors que le dépôt est à demande,
à sept jours. Pour les parts sociales, l'article 31 dit: Les sommes
versées sur leurs parts sociales par les membres démissionnaires
sont remises au fur et à mesure des entrées de fonds
disponibles.
M. ROY: Maintenant, à ce niveau, étant donné que
vous avez du capital social, je comprends le sens et les raisons profondes pour
lesquelles vous vous limitez au capital social, mais n'y a-t-il pas danger
qu'un ou dix sociétaires des caisses d'entraide économique se
présentent au bureau parce que j'imagine qu'un sociétaire,
ça ne causera pas de problèmes un bon matin et qu'ils
disent: Voici, nous voulons retirer nos parts sociales. Qu'est-ce qui se
produit, à ce moment-là?
M.GAGNON: Lorsqu'ils viennent, on les paie. On les paie toujours
comptant. Sauf que c'est prévu, même dans la loi 23, que nos parts
sociales assurées sont quand même assujetties à l'article
31 de la Loi des caisses d'épargne et de crédit.
M. ROY: A ce moment, elles sont à demande, en quelque sorte.
M. GAGNON: Elles ne sont pas plus à demande.
M. ROY: Cela veut dire que vous pouvez, si vous le voulez, ne pas les
payer.
M. GAGNON: M. Jobin répondrait mieux à la question. Je
pense que c'est prévu dans la loi qu'elles demeurent assujetties
à l'article 31. On peut, si on veut, ne pas les payer.
M. ROY: Bon. A partir de ce moment, vous êtes couverts par
l'assurance-dépôts...
M. GAGNON: Oui.
M. ROY: ... et vous refusez de payer certaines personnes, de rembourser
le capital social et ces gens décident d'écrire au gouvernement
et à la Régie de l'assurance-dépôts, je dis que
c'est une des possibilités. L'assurance-dépôts existe quand
même pour quelque chose. Supposons qu'un bon matin il y a dix
sociétaires d'une de vos caisses d'épargne et de crédit
qui vont retirer leur capital social qui totalise disons un chiffre
parfaitement arbitraire $20,000 et que, pour des raisons de
disponibilité, vous ne les avez pas en main et que les gens s'adressent
à l'assurance-dépôts du Québec...
M. GAGNON: Pour vous répondre, il faudrait peut-être que je
consulte la loi deux minutes. Je n'ai pas eu le temps de l'apprendre par coeur.
Je pense que M. Jobin pourrait confirmer mieux...
M. ROY : Oui. M. Jobin est venu me montrer des articles de loi que je
connais, mais je veux quand même savoir...
M. GAGNON: De quel article de la loi s'agit-il?
M. TETLEY: Dans la loi 24, c'est l'article 2.
M. GAGNON: "Pour les fins du présent article, un
dépôt d'argent constitué par les sommes versées sur
ses parts sociales par un membre d'une caisse d'épargne et de
crédit vient à échéance lorsque cette caisse est
tenue à le rembourser conformément aux articles 31 et 32 de la
Loi..." Il est vrai que si quelqu'un arrive pour retirer son argent, on peut le
retenir. Cela va être pareil pour tout le monde. C'est écrit. On
ne peut plus prêter après. Il faut rembourser au fur et à
mesure que...
M. ROY: Est-ce que vos contrats de souscription de capital social
comportent quand même un terme?
M. GAGNON: Oui. C'est très bien expliqué dans chacun des
contrats, sur chaque formule d'adhésion qu'on fait signer aux
membres.
M. ROY: ... qui comporte un terme de cinq ans, de dix ans,
généralement, ou...
M. GAGNON: On n'a pas de terme. Au fur et à mesure des
entrées d'argent, tel que décrit dans la loi.
M.ROY: ... pas en parts sociales, mais le contrat. Supposons qu'ils
s'engagent à souscrire pendant un certain nombre d'années. Ils
s'engagent quand même à souscrire $10 pendant un certain nombre
d'années.
M. GAGNON: Oui.
M. SAINT-HILAIRE: Cela dépend.
M. GAGNON: Mais ils peuvent arrêter n'importe quand de souscrire.
Quelqu'un peut s'engager de souscrire pour cinq ans, mais il peut arrêter
après 24 mois.
M. ROY: Oui. J'ai vu cela...
M. GAGNON: II s'accorde le plaisir d'avoir perdu...
M. ROY: ... on peut l'obliger, mais le contrat original, le contrat
nominal...
M. GAGNON: Oui.
M. ROY: ... lorsque la personne signe ce contrat...
M. GAGNON: Oui.
M. ROY: ... pour combien d'années s'engage-t-elle
généralement?
M. GAGNON: C'est cinq ans, mais cela peut être moins. Cela peut
être au comptant.
M. ROY: C'est déterminé selon le bon vouloir de la
personne. Cela peut être dix ans.
M. GAGNON: Le bon vouloir de la personne.
M. ROY: Cela peut être dix ans.
M. GAGNON: Non. Cela pourrait l'être, mais on ne veut pas.
M. ROY: Ah bon!
M. GAGNON: Cinq ans, maximum.
M. ROY: C'est un bon vouloir de la personne. Maintenant, étant
donné que cela ressemble à un contrat d'épargne à
terme, j'aimerais savoir pourquoi vous insistez pour que ce soit du capital
social plutôt que de l'épargne à terme.
M. GAGNON: On n'avait pas le dépôt. Deuxièmement on
voulait avoir un capital qui ne peut pas s'effriter du jour au lendemain. On ne
voulait pas faire du prêt à long terme avec des emprunts à
court terme. C'est pour cela qu'on tient à l'article 31 de la loi.
M. ROY: Sur ce point, je vais prendre en parallèle les caisses
d'établissement. Les caisses d'établissement ont des certificats
d'épargne à termes elles l'ont mentionné tout
à l'heure dans leur mémoire pouvant aller jusqu'à 35
ans. Alors ce n'est pas de l'épargne à demande, à ce
moment-là. C'est de l'épargne à termes qui est exigible
à partir...
M. GAGNON: Oui mais avec les caisses d'établissement, si le
sociétaire veut être payé, elles sont tenues de le
payer.
M. ROY: La même chose.
M. GAGNON: Non. Pour les caisses d'établissement, si j'ai bien
compris, c'est du dépôt à termes. C'est du
dépôt ou c'est de l'épargne tout court. Elles sont
obligés de le rembourser. Chez nous, ce sont des parts sociales. Nous ne
sommes pas obligés de les rembourser.
M. ROY: Oui mais si vous n'êtes pas obligés de les
rembourser je voudrais que vous m'éclairiez, ce matin
l'assurance-dépôts va faire quoi là-dedans? Parce qu'il y
a, en somme, deux lois sur lesquelles nous devrons nous prononcer, à
l'Assemblée nationale. Alors si vous décidez, un bon matin, de ne
pas les rembourser, que peut faire l'assurance-dépôts?
M. GAGNON: L'échéance de remboursement n'est pas la
même. Que peut faire l'assurance-dépôts, à ce
moment-là? Evidemment qu'on va marcher suivant l'article 31, sauf que le
membre aura la garantie qu'il ne perdra pas son argent et ses
intérêts mais on remboursera toujours selon l'article 31 de la Loi
des caisses d'épargne et de crédit, au fur et à mesure des
entrées de fonds.
C'est certain, tous ceux qui arrivent chez nous pour retirer leur
capital, qu'on le leur remet comptant. On parle d'un cas extrême, par
exemple, d'une panique. Nous, on ne peut avoir de panique, les caisses
d'entraide économique. On ne peut pas en avoir parce qu'il faut
rembourser nos parts sociales au fur et à mesure des entrées de
fonds.
M. VEILLEUX: Vous êtes différents des...
UNE VOIX: Tu charries un petit peu, toi aussi!
M. GAGNON: Je me suis peut-être mal expliqué. Ils ne
peuvent pas nous vider du jour au lendemain parce que ce sont des parts
sociales. On peut avoir une panique. On a le moyen de les faire refroidir.
LE PRESIDENT (M Pilote): L'honorable député...
M. ROY: Je n'ai pas fini, M. le Président. Je n'ai pas
abusé de mon droit de parole ce matin, je pense. J'aurais une autre
question à poser. Est-ce que vos recruteurs, ceux qui font la cueillette
de vos fonds, sont soumis à l'article 16 de la Loi des valeurs
mobilières ou s'ils en sont exemptés?
M. GAGNON: Je ne connais pas l'article 16.
M. ROY: Est-ce qu'ils doivent détenir un permis de la Commission
des valeurs mobilières?
M. GAGNON: Oui, ils détiennent un permis de la Commission des
valeurs mobilières.
M. LESSARD: Comme les agents d'assurances.
M. ROY: Ils sont obligés de détenir un permis.
M. GAGNON: Les agents d'assurances n'en détiennent pas.
M. ROY: II n'y a pas de difficulté de ce côté.
Qu'est-ce que ça pourrait représenter pour les caisses d'entraide
économique de modifier un peu, pas leurs opérations, mais leurs
structures de fonctionnement, de changer par exemple le. nom de capital social
pour appeler ça un dépôt à terme ou à moyen
terme ou à long terme.
M. GAGNON: On n'a pas d'objection à ça.
M, ROY: Cela ne peut pas causer de difficulté?
M. GAGNON: Non.
M. ROY: Parce que, si je me réfère à ce que M.
Doré disait tout à l'heure, il y a quand même tout un
principe coopératif qui est remis en cause à partir de ce moment,
en vertu du fait que tout le capital social des caisses d'épargne et de
crédit serait couvert par l'assurance-dépôts, et lorsqu'il
y a assurance pour le gouvernement, il est obligé d'établir une
réglementation parce qu'il n'a pas le droit de dilapider les fonds
publics et je dis bien de dilapider les fonds publics s'il
était obligé à un moment donné de débourser
$1 million, $1.5 million ou $2 millions, il est obligé de prendre les
précaution nécessaires pour ne pas avoir à
débourser ces sommes.
Parce que présentement, je pense que le fonds de
l'assurance-dépôts n'est pas tellement élevé,
advenant le cas d'un risque. Il y aurait certainement des problèmes de
ce côté. Qui dit assurance, dit réglementation, qui dit
réglementation dit contrôle. Si on va pour contrôler les
caisses d'épargne et de crédit jusqu'à la sous-
cription du premier $5 de capital social afin de satisfaire les
exigences et les besoins de votre fédération, et pour donner les
garanties nécessaires à vos souscripteurs, vos
sociétaires, vos membres, qui sont tous des Québécois...
D'ailleurs il y en a plusieurs autour de la table, et je me sens même un
peu en minorité.
M. SAINT-HILAIRE: ... faisait partir. M. ROY: On ne m'a pas
sollicité encore.
M. SAINT-HILAIRE: Les trois, allez le solliciter, il va embarquer.
M. ROY: Pour éviter l'obligation au gouvernement d'assurer tout
le capital-social des caisses, est-ce que vous seriez prêt à une
concession en ce sens, de transformer un peu dans vos livres la nature de vos
opérations?
M. GAGNON: Je n'ai pas vu le danger dans le sens que M. Doré l'a
vu ici, tantôt. Les institutions existantes actuellement sont
déjà à 90 p.c. garanties par le gouvernement. Si le
gouvernement, si la régie voulaient s'ingérer réellement
dans l'administration des caisses d'épargne et de crédit, ils ont
ce qu'il faut, ils en garantissent 90 p.c.
M. ROY: Mais il y a quand même les 10 p.c, qui sont un bon coussin
qui protègent, en quelque sorte, la Régie de
l'assurance-dépôts avant ses déboursés. Mais s'ils
assurent la totalité, c'est un peu comme dans le cas des caisses
d'entraide économique. Si vous faites un prêt à 100 p.c. le
risque n'est pas le même, même sur la même
propriété, que si vous faites un prêt à 90 p.c
M. GAGNON: On a d'autres protections aussi. On a un fonds de
stabilisation qui en a autant que le fonds de la Régie de
l'assurance-dépôts.
M. ROY: En somme, l'assurance-dépôts, pour la
Fédération des caisses d'entraide économique, n'est pas
une priorité absolue?
M. GAGNON: Ce n'était pas une priorité absolue,
l'assurance-dépôts. Cela va aller mieux, cela va aller beaucoup
mieux si nos parts sociales sont assurées. Nous n'avons pas de
priorités absolues.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Saguenay a
demandé la parole depuis un bon bout de temps.
M. LESSARD: Simplement une petite question, M. Gagnon. En vertu des
règlements de la caisse d'entraide économique, est-ce que les
membres qui sont à la commission de crédit ont le droit de se
prêter, à eux?
M. GAGNON : Ils n'ont le droit ni d'emprunter, ni de garantir. La
commission de crédit et la commission de surveillance.
M. LESSARD: Exactement comme dans le cas de la caisse populaire?
M. GAGNON: Oui, c'est dans la loi.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Roberval a
demandé la parole depuis un bout de temps.
M. LAMONTAGNE: M. Gagnon, j'aurais aimé pour ma part
connaître l'historique des caisses d'entraide économique, je pense
pour le bénéfice des députés d'autres
régions. Personnellement, je le connais mais je pense qu'il y a de
petites questions. L'actif actuel des caisses d'entraide économique?
M. GAGNON : Nous avons un actif actuellement de $140 millions.
M. LAMONTAGNE: Le nombre de caisses? M.GAGNON: Quarante caisses.
M. LAMONTAGNE: II y a une question également qui a
été soulevée par plusieurs députés à
la suite d'une déclaration que vous avez faite dans le cadre d'un
développement économique régional. Compte tenu du fait que
l'essence même des caisses d'épargne et de crédit est de
prêter aux membres, comment pouvez-vous concilier cela avec une
décision que vous pourriez avoir de participer à des projets
régionaux?
M. GAGNON: II ne faut pas oublier que nous sommes d'abord des
régionaux. On pense que les régionaux devront de plus en plus
songer à financer leur infrastructure...
M. LAMONTAGNE: Mais, est-ce que vos règlements ou ceux qui
pourraient être édictés par le ministère pourraient
prévoir, par exemple, que la Fédération des caisses
d'entraide économique participe à la construction d'une
route?
M. GAGNON: On pense qu'on pourrait participer par la
fédération et, deuxièmement, on a le droit, dans nos
caisses, d'acheter des obligations garanties par le gouvernement.
M. LAMONTAGNE: A l'heure actuelle, est-ce que vos règlements vous
permettent d'envisager...?
M. GAGNON: Oui, actuellement, ils nous le permettent.
M. LAMONTAGNE: Avec le consentement...
M. GAGNON: C'est la loi qui nous le permet également, la Loi des
caisses d'épargne et de crédit. Vous faites allusion à une
déclaration que j'ai déjà faite. On aimerait que les gens
comprennent que, par le truchement des caisses d'épargne et de
crédit, ils pourraient également financer leurs propres
structures régionales.
C'est autant pour les caisses populaires je ne parle pas en leur
nom que pour les caisses d'économie ou pour n'importe quel
mouvement.
M. LAMONTAGNE: Mais est-ce que vous envisagez très
sérieusement des projets de cette nature, que ce soit une route ou autre
chose? Compte tenu de votre déclaration, c'est marqué: Les
activités essentielles et uniques de nos caisses sont l'épargne
de nos membres et consentir des prêts à ces mêmes
membres.
M. GAGNON : Oui. Nous serions prêts quand même. Dans notre
portefeuille nous avons 12 p.c. de liquidité actuellement. Nous pensons
que nos membres et nos besoins régionaux sont deux choses aussi qui se
ressemblent pas mal. Nous nous sommes unis à la coopérative,
c'est évident qu'on se prête entre membres, mais le
développement, cela regarde la collectivité également. Je
ne pense pas qu'on pèche contre la coopérative en
préconisant le développement régional sous toutes ses
formes. On n'a pas commencé à faire du développement
régional.
M. LAMONTAGNE: Quelle est votre progression actuellement?
M. GAGNON: Nous progressons environ de $1 million par semaine. Cette
année, nous nous attendons à prêter environ $75
millions.
M. LAMONTAGNE: Est-ce que vous touchez actuellement à peu
près à toutes les régions du Québec?
M. GAGNON: Non. Nous aurions encore de la place au Québec pour
environ 30 régions, 30 caisses.
M. LAMONTAGNE: Tantôt vous avez dit que vous essayez d'identifier
une caisse à un district électoral. Est-ce que vous voulez...
M. GAGNON: Oui. Certains districts par rapport à leur distance
des pôles. Dans le comté de Roberval, nous avons deux caisses,
mais il arrive que dans certains comtés, par rapport à leur
organisation, une caisse va couvrir deux comtés, mais on essaie de
couvrir des intérêts communs assez rapprochés.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Chicoutimi.
M BEDARD (Chicoutimi): Qu'elle est votre idée de fonctionner par
district électoral?
M. GAGNON: Dans le fond, c'est peut-être parce qu'on ne partage
pas exactement le Québec en dix régions administratives. Nous
pensons qu'il faut arriver à la participation de la base si on veut
véritablement un développement régional. C'est pour cela,
pour répondre au député de Chicoutimi, que les
régions, chez nous c'est divisé en sept parce qu'on veut que les
gens de Dolbeau s'occupent de leurs problèmes économiques,
Roberval, Alma, Chibougamau, Chicoutimi. C'est avec ce concept qu'on arrive
à peu près à une division électorale. Nous ne
sommes pas contre l'idée que des régions s'unissent pour assurer
un meilleur développement. Nous prenons le capital où nous le
trouvons.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Chicoutimi.
M. BEDARD (Chicoutimi): Concernant vos exigences en fonction des frais
d'administration, des droits d'entrée qui sont quand même assez
élevés, est-ce qu'à l'heure actuelle, la politique de
votre caisse est de les exiger dans un tout?
Est-ce que vous avez l'idée d'échelonner, peut-être,
ces frais d'entrée sur la période d'investissement ou du plan
d'épargne, si on peut employer l'expression?
M. GAGNON: II y a deux points. Premièrement, 4 1/2 p.c. de frais
d'entrée, de frais d'acquisition, c'est loin d'être cher.
M. BEDARD (Chicoutimi): Non, disons que c'est par comparaison.
M. GAGNON: Je pense que c'est 50 p.c...
M. BEDARD (Chicoutimi): On parle toujours par comparaison.
M. GAGNON: Oui, ils sont bon marché. Deuxièmement, on n'a
pas l'intention de les mettre sur une période de cinq ans parce que nous
en avons besoin pour notre administration. Lorsqu'une caisse est jeune, on en a
encore plus besoin pour s'administrer parce que si on veut avoir de bons
hommes, il faut avoir des revenus pour les payer. C'est pour cela, c'est
à cause de nos frais d'administration, cela nous aide à engager
un personnel compétent, à mieux nous organiser au départ,
également.
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, mais par rapport à la protection des
membres de vos caisses, il peut y en avoir plus qu'on pense qui entrent avec
une bonne volonté de placement durant un certain temps et qui peuvent
avoir des accidents de parcours. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'ils sont
pénalisés, à ce moment-là?
M. GAGNON: Pour nos frais, vous savez, nos
membres sont entrés dans leur montant dans les 24 premiers mois.
Ce qu'on voulait surtout éviter c'est que quelqu'un entre dans la
coopérative et en sorte le lendemain. Au début, on n'avait pas de
frais, mais...
M. BEDARD (Chicoutimi): Oui, je comprends que cela peut être une
motivation à y demeurer.
M. GAGNON: Mais ça entrait et ça sortait et on ne
construisait rien. Tandis qu'en chargeant 4 1/2 p.c. lorsque le membre se
retire, il y pense deux fois avant de se retirer parce que s'il veut y rentrer
il va payer encore 4 1/2 p.c.
M. LESSARD: C'est pire que cela dans les fonds mutuels et dans certaines
compagnies d'assurance.
M. GAGNON: Le fonds mutuel, c'était 8 1/2 p.c. et l'argent ne
rapportait pas 10 p.c.
M. LESSARD: C'est 8 1/2 p.c. pour autant que c'est un versement global.
Si c'est mensuellement, c'est beaucoup plus fort que cela.
M. GAGNON: Vous allez me poser des questions tantôt: Pourquoi 9
p.c, 10 p.c? C'est parce que c'est plus dur à faire comprendre aux gens
qu'investir chez nous, c'est difficile. C'est pour cela que notre taux
d'intérêt est symbolique, 10 p.c. Autrement, les gens vont aller
acheter des obligations. On n'est pas contre, excepté qu'on veut bien,
nous autres, avoir notre part.
M. BEDARD (Chicoutimi): Le 5 avril 1973, vous avez dû prendre
connaissance d'un mémoire qui avait été
présenté par les trois fédérations; elles y
expliquaient, en fait, jusqu'à quel point elles pouvaient être
différentes de vous, des caisses d'entraide économique,
jusqu'à un point tel qu'on pouvait se demander jusqu'à quel point
c'était du coopératisme, les caisses d'entraide
économique.
Je comprends que vous avez touché peut-être quelques-uns
des points, les quatre points tout à l'heure qui ont été
apportés par M. Bonneau, je crois, est-ce qu'il y a autre chose
que...
M. GAGNON: A la suite du mémoire du 5 avril, nous avons
écrit un mémoire que nous avons adressé également
au ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives, puis nous avons rencontré les trois
fédérations. Je pense que de leur part, il y avait de
l'ignorance. Elles ne savaient pas ce que c'était une caisse d'entraide
économique. Donc, on la leur a offert. M. Daneau était là
également, mais il a eu peur de venir on lui a dit: M. Daneau, venez
chez nous étudier une caisse. Amenez deux gars des caisses populaires;
si on n'est pas des coopératives, on va débarquer de la
coopération, si on en est, on va rester.
M. BEDARD (Chicoutimi): Ils ne sont pas venus?
M. GAGNON: Ils ne sont pas venus.
M. BEDARD (Chicoutimi): Si on prend votre raisonnement qu'en 1971, ils
étaient plus ou moins au courant de ce qu'étaient les caisses
d'entraide économique, il reste qu'on peut présumer qu'en 1974,
ils ont eu le temps de se renseigner?
M. GAGNON: Oui.
M. BEDARD (Chicoutimi): Et qu'ils arrivent quand même, selon leur
mémoire, un peu à la même conclusion?
M. GAGNON: Je pense que c'est pas mal corrigé, parce que, dans le
mémoire présenté actuellement, il n'est question nulle
part que nous ne sommes pas des coopératives. Donc les caisses
populaires ne discutent pas ce point. Tantôt, je ne disais cela que pour
envoyer une invitation à M. Daneau.
M. BEDARD (Chicoutimi): Vous croyez qu'ils vous reconnaissent un statut
de coopérative, selon votre perception.
M. GAGNON: M. Daneau a dit tantôt qu'il ne se prononçait
plus sur cette question.
M. BEDARD (Chicoutimi): Chacun son opinion là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Rimouski.
M. SAINT-HILAIRE: M. Daneau a dit qu'il n'avait pas de droit de
papauté, j'ai aimé le mot, un bout de temps j'ai cru...
M. BEDARD (Chicoutimi): II a peut-être le droit
d'aînesse.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Le député de Rimouski.
M. SAINT-HILAIRE: Le capital souscrit, est-ce qu'à l'heure
actuelle, vous avez de...
M.GAGNON: Nous avons huit caisses qui ont
l'assurance-dépôts.
M. SAINT-HILAIRE: Nous avons l'idée du pourcentage que cela
représente à travers vos caisses.
M. GAGNON: Cela ne peut pas représenter grand-chose.
M. SAINT-HILAIRE: Lorsque vous vous regroupez pour faire un prêt,
est-ce que le prêt est fait par la fédération et que
chacune des caisses souscrit à la fédération ou si chacune
des caisses
est complètement autonome quand même dans le prêt que
vous faites?
M.GAGNON: Nos caisses sont autonomes dans leur prêt.
M. SAINT-HILAIRE: Comment faites-vous pour diviser les garanties
à travers les caisses?
M. GAGNON: Sauf les gros prêts, peut-être, mais on n'en a
pas encore fait tellement. Il y a des fois où deux ou trois caisses se
sont unies pour faire un prêt.
M. SAINT-HILAIRE: Je pense qu'il y a un projet, entre autres, ou vous
avez demandé la contribution de quatre ou cinq caisses.
M. GAGNON : Ce sont les caisses qui se sont unies.
M. SAINT-HILAIRE: C'est la fédération qui prend les
garanties, à ce moment-là?
M. GAGNON: Ce sera une caisse, en particulier.
M. SAINT-HILAIRE: Vous ne trouvez pas qu'il y a une complication
énorme au sujet des garanties, surtout dans les prêts à
long terme?
M. GAGNON: Oui, cela va changer. M. SAINT-HILAIRE: De quelle
façon?
M. GAGNON: Cela va se faire par la fédération et les
obligations vont être revendues aux caisses. Cela va être
mieux.
M. SAINT-HILAIRE: Parce que je pense qu'il y avait un danger
énorme dans la façon dont vous procédiez. Il y a
peut-être aussi un autre danger dans la façon dont vous
procédez.
Il manque peut-être un peu de classification de prêts.
J'admets que vous êtes là pour aider le régional mais,
à un certain moment, est-ce que vous avez les experts pour vous lancer
dans toutes sortes de prêts, autant maritimes qu'industriels?
M. GAGNON: La loi prévoit que nous allons avoir une commission de
crédit, à la fédération, qui va être
formée de spécialistes.
M. SAINT-HILAIRE: Lorsqu'on se lance dans les prêts maritimes, par
exemple, ça crée des complications énormes et les
garanties deviennent extrêmement fragmentaires.
M. GAGNON: Mais on consulte des experts à ce
moment-là.
M. SAINT-HILAIRE: Vous savez de quoi je veux parler?
M. GAGNON: Oui. Nous avons consulté des experts, mais je pense
que le meilleur expert en droit maritime sera M. Tetley; alors, nous allons lui
demander une consultation.
M. SAINT-HILAIRE: Je pense qu'à ce moment-là les risques
deviennent extrêmement énormes et les garanties du gouvernement
deviennent restreintes à ce point.
M. GAGNON: On a parlé de risque aussi tantôt.
M. SAINT-HILAIRE: II y aurait peut-être des limitations qui
devraient exister quant au genre de prêts. Les caisses d'entraide
économique devraient être exclues des prêts maritimes.
M. GAGNON: Qui va prêter si on ne prête pas?
M. SAINT-HILAIRE: II y a des spécialistes pour ça. Disons
que c'est une opinion personnelle.
M. TETLEY: Vous n'avez pas de prêts maritimes?
M. GAGNON: II y en a un qui s'en vient, mais on a un expert au
ministère qu'on va consulter.
M. TETLEY: Blague à part, vous n'en avez pas, M. Gagnon?
M. GAGNON : II y en a un qui s'en vient, M. le ministre.
M. SAINT-HILAIRE: De l'ordre d'au-dessus d'un million.
M. GAGNON: $1,400,000.
M. SAINT-HILAIRE: Alors je pense que c'est extrêmement important
que le gouvernement soit parfaitement au courant de cette situation. Si on
garantit les parts souscrites, c'est extrêmement important à ce
point de vue.
M. GAGNON: Une des conditions...
M. SAINT-HILAIRE: Comme je l'ai dit tantôt, je continue à
dire nous. Autant j'étais dans la caisse populaire, autant je
suis...
M. GAGNON: C'est un bon coopérateur.
M. SAINT-HILAIRE: ... garantir mes intérêts dans les deux.
Je pense qu'en tant que gouvernement on devrait... Je ne sais pas ce qu'en
pense la caisse, c'est une opinion que je veux de vous. Si, à un moment
donné, l'éventail s'élargit à un tel point qu'on
peut se lancer uniquement dans le prêt des avions commerciaux, disons un
jet...
M. GAGNON: II y a une clause qui dit que le
prêt ou l'argent déboursé devra être
complètement vérifié et accepté par un expert en
droit maritime. C'est dans les dispositions du prêt.
M. SAINT-HILAIRE: Cela arrive souvent, lors de procès en cours,
qu'on a des experts qui vont témoigner et les deux experts ne seront pas
du même avis sur la même cause.
M. GAGNON: Cela arrive dans tout.
M. SAINT-HILAIRE: Cela arrive partout. Dépendant du choix de
l'expert, ça peut influencer énormément la décision
pour un prêt semblable.
M. GAGNON: C'est un prêt qui aura passé par cinq caisses,
c'est-à-dire qu'au-dessus de 50 personnes auront passé
dessus.
M. SAINT-HILAIRE: Est-ce que vous avez des objections à ce qu'il
y ait des limitations de la part du ministère?
M. GAGNON: C'est évident, oui. C'est évident.
M. SAINT-HILAIRE: Ce n'est pas pire un prêt maritime qu'un autre
prêt. C'est l'hypothèque maritime, excepté que...
UNE VOIX: Cela dépend des opinions.
M. TETLEY: Je crois que les remarques du député de
Rimouski sont assez importantes. Un risque peut être aussi fort qu'un
autre, sauf qu'il faut que vous soyez experts dans le risque en question.
M. GAGNON: M. le ministre, c'est une des conditions du prêt,
savoir qu'il soit accepté par des experts. C'est une des conditions du
prêt.
M. SAINT-HILAIRE: L'idée où je veux en venir, c'est que
lorsqu'on sort du prêt conventionnel de l'industrie, de bâtisses,
de prêts personnels, de maisons, toutes ces choses, ça va. Vous
avez toujours, dans des régions données, des experts, des
évaluateurs qui peuvent aller. Mais lorsqu'on tombe dans le domaine
maritime, c'est un domaine extrêmement compliqué, où les
experts sont de plus en plus rares. Je pense que suivant des mises de fonds
originelles je devrais dire originales, mais je dirai originelles parce
qu'il y a le péché originel c'est extrêmement
important.
Nous ici du gouvernement, avons à penser que nous avons à
garantir, parce que je pense que 90 p.c. du capital souscrit dans les caisses
d'entraide économique est un capital que nous allons garantir.
D'après la loi, on devrait au moins limiter la somme des prêts ou,
lorsqu'il y a regroupement de caisses, je ne sais pas si on ne devrait pas
mettre un article, dans la loi, indiquant que le gouvernement, par le truche-
ment du ministère des Institutions financières, aurait son mot
à dire dans le prêt, pour voir à ce que, lorsqu'il y a un
regroupement, c'est justement dû au fait qu'il y a un prêt
énorme qui entre en ligne de compte.
M. GAGNON: Est-ce que vous désirez qu'on donne notre actif au
gouvernement?
M. SAINT-HILAIRE: Non, mais sans donner votre actif, je pense que... En
tout cas, je pense que vous avez mon idée là-dessus.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de Taschereau
m'a demandé la parole.
M. BONNIER: M. Gagnon, je me rends bien compte que le temps avance et
que tout le monde est un peu épuisé, mais il y a quand même
une question fondamentale à laquelle, à mon avis, on
répond d'une façon trop brève.
Un des premiers principes, dans la coopération, c'est la
liberté d'entrée et de sortie des membres, comme vous le savez
très bien. La liberté de sortie, on l'a, d'une façon
générale, assez souvent, quoique c'est très important. Et
dans les réponses que vous avez données, j'ai compris que la
liberté de sortie n'existe pas toujours parce que l'individu qui veut
ravoir son capital social est parfois obligé d'attendre assez longtemps,
hypothétiquement, en tout cas.
Mais c'est la liberté d'entrée aussi qui me
préoccupe drôlement avec le système de vendeurs, et le fait
de comptabiliser, deuxièmement, dans votre système de vendeurs,
les frais d'acquisition, c'est-à-dire les commissions qui sont
versées aux vendeurs chaque année. Or, j'ai cru percevoir, en
discutant avec quelques personnes, que ce qui arrive, parfois, c'est qu'il peut
y avoir des vendeurs à pression. On finit l'année, et c'est
important que je finisse avec un bon revenu et c'est important que ma caisse
aussi ait un bon revenu.
Je pense que, de ce point de vue, il serait préférable,
pour faire suite à la question du député de Chicoutimi,
que vos frais d'acquisition, dans les cas où cette acquisition se fait
à terme, soient comptabilisés tout le long du terme, de
façon qu'il n'y ait pas une pression indue, soit de la part de
l'organisme de la caisse ou du vendeur lui-même pour faire souscrire
avant la fin de l'année sociale.
Mais il y a quelque chose qui me préoccupe davantage. Je me
demande si vous auriez objection, en principe, à ce que vos vendeurs,
vos représentants ou vos recruteurs, au lieu d'être payés
à commission, soient des gens à salaire. Vous insistez beaucoup
sur le fait que vous êtes un organisme coopératif et, à
partir de ce moment, vous dites que ces recruteurs font de l'éducation.
Moi, je pense que les gens qui font de l'éducation dans le secteur
coopératif, d'une façon traditionnelle, sont
rémunérés à salaire.
Est-ce que ça n'aurait pas une chance, à ce moment, de
rendre à votre organisme son image un peu plus coopérative?
M.GAGNON: Sur le premier point, c'est possible que nos -recruteurs de
temps à autre fassent de la pression, sauf que c'est prévu dans
nos règlements, et même dans la loi, que tout membre a 30 jours de
dédit. Donc, un membre peut se retirer dans les 30 jours après sa
souscription et ça ne lui coûte aucuns frais.
M. BONNIER: Mais ça n'enlève pas la pression.
M. GAGNON: Cela aide la pression un peu, excepté que le membre a
30 jours pour réfléchir après.
M. BONNIER: Cela n'enlève pas, à mon avis, le sens d'une
pression possible. C'est ça. Cela ressemble aux ventes à
tempérament.
M. LESSARD: Ils ont cinq jours dans les ventes à
tempérament.
M. BONNIER: Je sais, eux autres, ils ont trente jours.
M. GAGNON: Bien oui. Alors, on veut être certain...
M. BONNIER: C'est le même genre de vente.
M.GAGNON: ... qu'un membre qui entre chez nous est convaincu. On se
méfie d'une certaine façon de l'ouvrage de nos recruteurs.
Deuxièmement, à salaire, les vendeurs n'auraient pas la
même motivation également.
Chez nous, recruteurs, vous savez, c'est pratiquement quinze heures par
jour.
M. BONNIER: Je ne vois pas pourquoi ils ne travailleraient pas quinze
heures par jour, même s'ils sont à salaire.
M. GAGNON: Il faut les mener dur un peu.
M. BONNIER: Vous, vous travaillez au moins quinze heures par jour.
M. GAGNON: Ouais j'ai un bon salaire, moi.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Deux dernières interventions. Si vous
permettez messieurs, il est deux heures moins quart.
M. BONNIER: II y a une autre question, M. le Président, si vous
me permettez. Je l'ai posée à la fédération, je
voudrais aussi...: Au sujet de l'éventail des services, est-ce que c'est
possible, dans votre philosophie d'approche, de gestion, d'avoir un
éventail de services qui soit mieux distribué,
c'est-à-dire qui corresponde à l'ensem- ble des besoins de vos
membres et non pas surtout à un secteur, disons commercial ou
industriel?
M. GAGNON: Oui, c'est possible.
LE PRESIDENT (M. Pilote): L'honorable député de
Laviolette.
M CARPENTIER: M. le Président, merci. M. Gagnon, c'est un peu
dans le même genre d'idée, mais il semble y avoir une question qui
préoccupe d'une façon assez marquée les caisses
populaires, à savoir le mode de recrutement, à savoir le
pourcentage que vous payez. Est-ce que vous entrevoyez peut-être ou
est-ce que vous seriez capable d'expliquer plus longuement, pour le
bénéfice de la commission, quelle est la différence que
vous entrevoyez et pour quelle raison vous avez accepté ce mode de
recrutement comparativement aux caisses populaires, à savoir les
commissions que vous payez? Prévoyez-vous un changement
éventuel?
M. GAGNON : On ne prévoit pas de changement sur nos parts
sociales. On prévoit des changements sur les dépôts
à terme où c'est évident qu'on n'aura pas de commission.
Maintenant, pourquoi est-ce qu'on a pris le mode de rémunération
par commission et par recruteur? C'est qu'on a voulu se servir des mêmes
moyens que beaucoup d'institutions étrangères prenaient pour
venir vider nos poches, par exemple si on remonte à 1960 où nous
étions bourrés de fonds mutuels, partout. On n'a jamais eu
l'intention de faire concurrence aux caisses populaires ou à un autre
mouvement coopératif. On travaille toujours pour l'augmentation du
chiffre d'affaires régional et, dans celle-ci, chaque partie y trouve
son intérêt.
Alors, c'était surtout pour faire concurrence aux gens de
l'extérieur qui venaient chercher nos capitaux, chez nous, et qui s'en
allaient bien souvent à la bourse de New York ou en dehors du
Québec. C'est pour ça qu'on a dit: On va aller convaincre les
gens.
M. CARPENTIER: Comment se fait-il que les membres des organismes et des
caisses populaires ne semblent pas comprendre cela et quel est leur mode de
souscription? Quelle est la différence entre vos deux organismes?
Pour-riez-vous en dire davantage pour le bénéfice de la
commission?
M. GAGNON: Bien, nos recruteurs, dans le fond, sont un peu
agaçants pour tout le monde parce qu'ils font de la sollicitation
à domicile. Je ne peux pas dire que les caisses populaires ne
comprennent pas cela; elles le comprennent et elles, elles prennent la
télévision, d'autres moyens d'information; elles ont moins besoin
de sollicitation que nous, elles ont un actif de $4 milliards.
M. CARPENTIER: C'est payé par qui, de quelle façon, cette
sollicitation-là?
M. GAGNON: Chez nous?
M. CARPENTIER: A la caisse populaire?
M. GAGNON: Je ne sais pas.
M. CARPENTIER: S'ils paient des abonnements à la
télévision ou dans les journaux, ou un mode de souscription,
quelqu'un doit payer cela. Vous, vous le payez d'une telle façon et les
caisses populaires... J'aimerais vous l'entendre dire.
M. GAGNON: Franchement, je ne le sais pas.
M. CARPENTIER: Vous ne pouvez pas déceler de quelle façon
ils peuvent faire cela?
M. GAGNON : On disait tantôt que les caisses populaires existent
depuis 1900. Evidemment, elles n'ont pas eu le problème que nous avons
eu au point de vue de la souscription des capitaux dans nos caisses.
M. CARPENTIER: Est-ce que cela pourrait se traduire par un paiement de
moindre intérêt échelonné?
M. GAGNON: Chez nous?
M. CARPENTIER: Non. Aux caisses populaires.
M. GAGNON: Je ne sais pas.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Une dernière intervention avant que
nous ajournions. L'honorable député de Roberval. On pourra
ajourner ensuite.
M. LAMONTAGNE: Je voudrais revenir sur le rôle des caisses
d'entraide économique pour le développement régional
à la suite de la question du député de Rimouski.
Tantôt j'ai parlé de construction de routes, on pourrait parler de
bateaux, on pourrait parler d'avions, d'aéroports ou de tout autre
projet susceptible d'améliorer un climat économique
régional. Là, on s'aperçoit que votre actif monte d'une
façon assez extraordinaire, vous disiez tout à l'heure $1 million
par semaine. Vous allez avoir des capitaux à votre disposition, d'ici
une couple d'années, qui dépassent les cadres d'une industrie,
d'un commerce ou d'une maison. Est-ce que vous avez, de concert avec le
ministère des Institutions financières, une espèce de
réglementation sur ces sortes de prêts-là en même
temps que les normes? Tantôt on va dire: Si c'est un bateau, cela va
prendre un spécialiste en navigation, si c'est un avion, un
spécialiste aérien, de routes, etc. Il me semble qu'il serait
salutaire, vu l'actif grandissant à un rythme vraiment colossal, qu'il y
ait une politique globale vis-à-vis de cela. On a vu récemment au
Québec, du côté des caisses populaires, à l'occasion
de l'achat du Soleil, que cette situation n'était pas tout à fait
envisagée et que les membres des caisses, normalement, devraient
être consultés. Est-ce que vous avez une formule pouvant
prévoir que, s'il se présentait quelque chose dans une
région donnée, un bateau, par exemple, à Rimouski, qui
peut jouer un rôle important dans un développement
régional, les caisses aient ce mécanisme-là à
portée de la main?
M. GAGNON: C'est une de nos grandes préoccupations et je pense
que la loi va nous permettre d'avoir le mécanisme dont vous parlez.
En ayant, à la fédération, des équipes
d'experts qui vont s'adjoindre d'autres experts, parce que les caisses vont
être limitées à 3 p.c. de leur actif pour chacun des
prêts. Avec la nouvelle loi, nous allons avoir des spécialistes
qui vont compléter l'étude.
M. LAMONTAGNE: Autrement dit, M. Gagnon on sait que le
député de Rimouski a parlé de question de bateau
les caisses d'entraide, vous envisagez tout ce secteur d'activité
économique quelle que soit la région au Québec?
M. GAGNON: Oui, on envisage tout cela. Je ne vois pas pourquoi on
mettrait des restrictions. J'ai aimé que M. Saint-Hilaire parle de
bateau. Ce n'est pas pire, prendre de l'expérience dans un bateau.
M. LAMONTAGNE: II y a plusieurs compagnies déjà qui
prêtent sur les avions.
M. GAGNON: Après cela, on en a plusieurs qui prêtent sur
les avions. On en a plusieurs...
M. SAINT-HILAIRE: Je voudrais bien que mon intervention soit bien
interprétée. Mon intervention est à l'effet que le
gouvernement, au stade de la discussion, aujourd'hui, a à intervenir
pour garantir des souscriptions. En un mot, dans le plan actuel, je pense que
le gouvernement garantit $150 millions ou à peu près, s'il y a
$150 millions d'actif, de capital souscrit. Je pense bien qu'à partir de
ces garanties, il faut définitivement qu'il y ait un contrôle
quasi parfait. Comme c'est une institution qui est très jeune, je pense
que, définitivement, elle n'a pas tous les experts, comme je vous le
disais tout à l'heure, pour oeuvrer dans différents secteurs.
C'est là où je me demande quel mécanisme doit être
mis en jeu pour, justement, qu'au moins le gouvernement contrôle les
garanties qu'il va avoir. C'est bien beau de dire que demain matin, je
prête $1,500,000, mais le $1,500,000 peut être sur des droits
maritimes etc., etc. Si on prend un bateau et si on met $1 million de
réparations dessus et qu'à la fin, à cause de l'inflation,
etc., lorsque le million est dépensé, cela prend $250,000 ou
$300,000 additionnels pour remettre le bateau en état, le prêt
part de $1,400,000 et va monter à $1,600,000 ou à $1,700,000,
cela ne veut pas dire qu'à ce moment les études de
rentabilité sont bonnes.
C'est le point qui m'inquiète à partir de ce moment.
M. GAGNON: C'est un travail qu'on peut faire à partir de la
fédération sans que ce soit contrôlé par le
gouvernement.
M. SAINT-HILAIRE : Remarquez bien que je le dis bien sincèrement,
parce qu'au moment où un regroupement a été demandé
par les caisses, j'étais un de ceux qui s'inquiétaient. Je me
suis opposé à certains regroupements dans la question des
bateaux. Je continue ma ligne de pensée là-dedans.
M. BEDARD (Chicoutimi): Une dernière question. Concernant
l'article 3 du projet de loi 24, vous nous avez dit également que vous
étiez contre, étant en ceci solidaire avec les autres organismes
qui ont présenté des mémoires. Est-ce que, selon vous,
selon votre appréciation, l'insertion de cet article, de cet amendement
est due à votre nouvelle entrée dans le monde de l'épargne
et du crédit...
M. GAGNON: Moi, j'ai cru que c'était...
M. BEDARD (Chicoutimi): ... tenant compte du fait que vous opérez
en termes de prêts, à savoir industriels et commercials, qui
présentent plus de risques.
M. TETLEY: C'est une question hypothétique. H ne le sait pas;
c'est moi qui dois répondre.
M. GAGNON: J'ai cru que c'était cela, mais pour les autres...
M. BEDARD (Chicoutimi): Si vous me le permettez, cela peut être
hypothétique, ça peut ne pas l'être aussi; tout
dépend de la réponse de M. Gagnon.
M. TETLEY: La réponse, c'est que...
M. BEDARD (Chicoutimi): Je sais que, quelle que soit sa réponse,
M. le ministre aura l'occasion de la corriger si elle n'est pas correcte.
M. GAGNON: Personnellement, lorsque j'ai vu l'article 3, j'ai cru qu'il
mettait cela pour les autres fédérations, excepté que
j'étais prêt à l'accepter quand même. Je voudrais
dire un dernier mot. Ne pensez pas que les caisses d'entraide économique
prêtent, si vous voulez, avec risque. Même si on fait du prêt
commercial et industriel on ne risque pas les épargnes des gens. La
preuve, c'est qu'on a fait faire des études par l'Université du
Québec, à Montréal et nos pertes sont à 1/10 de 1
p.c. Alors, trouvez des institutions qui ont aussi peu de pertes que les
caisses d'entraide économique. On a voulu prouver que c'était
possible, pour les Québécois, pour les Canadiens français,
d'y aller dans ce domaine, sans risque. On ne pense pas que
l'assurance-dépôts va avoir à débourser des montants
parce qu'elle assure les caisses d'épargne et de crédit.
LE PRESIDENT (M. Pilote): Je remercie M. Gagnon, représentant des
caisses d'entraide, ainsi que tous ceux qui l'accompagnent. Je demande au
rapporteur de la commission, le député de Dubuc, de faire rapport
des délibérations en Chambre. Je peux assurer les trois
représentants de la Fédération des caisses populaires, des
caisses d'entraide et des caisses d'établissement rural que nous allons
prendre bonne note de leurs recommandations. Je vous remercie.
M. TETLEY: Une seconde, je voudrais tout simplement noter la
présence, avec plaisir, d'un ancien collègue,
député de Portneuf de 1966 à 1970, Marcel Plamondon, et
encore je vous remercie tous d'être venus.
LE PRESIDENT (M. Pilote): La commission est ajournée sine
die.
(Fin de la séance à 14 h 1 )