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Commission permanente des institutions
financières,
compagnies et coopératives
Etude du rapport Gauvin
Séance du mardi 15 octobre 1974
(Dix heures vingt-quatre minutes)
M. CORNELLIER (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs! La commission reprend ce matin ses travaux pour l'étude du
rapport du comité d'étude sur l'assurance-automobile,
communément appelé le rapport Gauvin. Aujourd'hui, la commission
entendra des mémoires de trois organismes dans l'ordre suivant:
premièrement, l'Association des policiers provinciaux du Québec,
deuxièmement, le Bureau d'assurance du Canada et, troisièmement
les Prévoyants du Canada.
Dans la liste des membres réguliers de la commission, il y a un
changement ce matin, M. Pagé, député de Portneuf, remplace
M. Beaure-gard, député de Gouin. J'inviterais maintenant le
représentant de l'Association des policiers provinciaux du Québec
à donner lecture de son mémoire. J'inviterais le porte-parole
officiel à se présenter et à nous présenter ses
collaborateurs immédiats. Vous pouvez procéder.
Association des policiers provinciaux du
Québec
M. MAGNAN: M. le Président, MM. les membres élus du
peuple, particulièrement M. le ministre Tetley et Me Choquette, notre
ministre de la Justice, l'Association des policiers provinciaux est
représentée par moi-même, Guy Ma-gnan, président,
ainsi que par M. Gilles Dubé, vice-président, à ma gauche,
M. Tom Lambert, secrétaire et, à ma droite, M. Luc Richard,
secrétaire-trésorier.
Nous sommes ici pour vous présenter un mémoire succinct,
il va sans dire, sur le rapport Gauvin du comité d'étude sur
l'assurance-automobile et dans lequel, il y a un chapitre très
particulier où on parle de la sécurité routière et
également de la police en général. Comme nous sommes un
organisme dûment reconnu par tous les hautes autorités
gouvernementales, nous sommes ici à ce titre. Nous espérons que
le mémoire que nous vous lirons et les réponses que nous vous
donnerons, suite aux questions que vous aurez à nous poser, seront comme
nous l'espérons, une discussion constructive qui ne fera
qu'améliorer le service que nous nous devons de donner à la
population du Québec. Je commencerai donc la lecture de notre
mémoire et, s'il y a des questions, nous sommes tous disposés
à y répondre au meilleur de nous-même.
Introduction. Nous remercions grandement les autorités
gouvernementales par l'entremise de son ministre, M. William Tetley d'avoir eu
l'heureuse initiative de former une commission parlementaire afin que les
personnes intéressées ou les organismes touchés
directement ou indirectement par le rapport Gauvin sur l'assurance-automobile
puissent se faire entendre et exprimer des opinions contraires ou
différentes de ce qui a pu être élaboré dans ce
document.
En premier lieu, nous tenons à féliciter les personnes
membres du comité d'étude qui ont effectué un travail
positif et ont eu la force de caractère d'émettre une
série de suggestions qui," tout en étant positives, ne sont pas
sans attaquer certains organismes, gouvernementaux dans leur efficacité,
et jusqu'à un certain point, dans le bien-fondé de leur
existence.
Par contre, l'Association des policiers provinciaux du Québec
n'entend pas faire des représentations sur tout le contenu de ce
document, mais exprimera des opinions différentes et parfois contraires
à ce qui est contenu dans le chapitre II de la première partie
qui parle de la sécurité routière et des causes
d'accidents.
Considérations générales. Nous lisons au chapitre
II qui s'intitule "La sécurité routière" que les causes
des accidents sont nombreuses et ne peuvent être uniques et que pour en
déterminer les conséquences, seule une enquête scientifique
peut être établie. De plus, que le Québec en plus de
posséder un dossier d'accidents routiers peu enviable ne fait aucun
effort sérieux pour en rechercher les causes.
Dans un schéma qui fait partie du même rapport, nous
constatons que le degré de surveillance, la signalisation et
l'état des routes ne sont pas les facteurs importants à ce
chapitre, car dans 6 p.c. des accidents, ces facteurs ont joué un
rôle positif et que seulement dans 14 p.c. des accidents, ils auraient pu
être un des facteurs énumérés ci-haut.
Lorsqu'on parle de sécurité routière, on dit que
c'est l'art de prévenir les accidents et minimiser les
conséquences de ceux qui se produisent, et ce, au coût le plus bas
possible pour la société.
Mais ceci n'a pas encore été fait, si ce n'est le rapport
Gauvin qui en fait état, mais d'une façon sommaire. Un travail de
cette envergure demande des spécialistes dans le domaine ainsi qu'une
somme d'argent tellement importante qu'on n'a pas jugé bon encore,
à ce jour, d'en entreprendre une étude sérieuse et
positive.
L'on discute également des juridictions des gouvernements
fédéral et provincial dans le domaine de la
sécurité routière. Un fait à remarquer est que le
code criminel et le code de la route du Québec n'ont pas le même
esprit lorsqu'il s'agit de punition ou de sanction attribuables à un
manquement à une loi concernant les usagers de la route.
Il est évident que les deux paliers de juridiction
fédérale et provinciale doivent à tout prix coordonner
leurs efforts, réunir leurs spécialis-
tes, consulter les organismes qui sont de près ou de loin
rattachés à la question de sécurité
routière, afin que les lois imposées par les législateurs
soient révisées et uniformisées pour une meilleure
compréhension et application.
Au niveau de la province de Québec, il y a une foule d'organismes
chargés de faire des lois, de formuler des opinions, d'établir
des restrictions sans qu'il y ait coordination entre ces différents
ministères.
Qu'il nous suffise de les énumérer: le ministère
des Transports avec ses lois et ses pouvoirs, le Bureau des véhicules
automobiles, la Commission des transports du Québec, l'Office des
autoroutes, le ministère de la Justice, le Tribunal des transports, la
Loi des cités et villes, le code municipal, le code de la route, la Loi
de la voirie et la Loi des rues publiques. L'on a permis à tout le monde
de faire des lois et on lance aux policiers le devoir de les appliquer sans
leur permettre de se servir de leur jugement.
Si on considère que tous ces organismes et, par voie de
conséquence, toutes les personnes travaillant pour ces organismes, ont
un but commun qui est la sécurité routière, on se demande,
nous, l'Association des policiers provinciaux du Québec, si ce n'est pas
là où est le problème no 1 de l'inefficacité des
lois appliquées par les policiers et, par conséquent, de
l'inefficacité policière criée sur tous les toits par
n'importe qui.
Il est grand temps que le gouvernement du Québec fusionne,
intègre, coordonne ce fouillis indescriptible de lois, qui est la
conséquence directe de l'inaction des organismes policiers ou
parapoliciers dans le travail concret de l'application de ces lois.
La police et son organisation. Inutile de vous dire, membres de la
présente commission, que le premier paragraphe du sous-paragraphe C
contenu à la page 88 dudit rapport est réfuté en son
entier, car jamais nous n'avons constaté que les corps policiers
laissent délibérément les automobilistes enfreindre la
loi. C'est une assertion gratuite, sans fondement, vile et vide de sens qui a
été exprimée dans le mémoire présenté
par le Bureau d'assurance du Canada, en janvier 1972.
Il est malheureux que le comité n'ait pas eu à
étudier dans toute sa profondeur la signification d'un tel
énoncé, car les policiers, individuellement ou collectivement,
auraient certainement pu exprimer, eux aussi, des opinions sur les
procédures de cours de justice qui entendent les causes. Si des
policiers omettent de donner des billets d'infraction, la raison réelle
est peut-être celle qu'il y a pénurie de juges compétents
dans ce domaine.
Lorsqu'on parle de surveillance routière et que l'on exprime avec
des statistiques à l'appui que plus il y a de billets d'infractions de
distribués, moins d'accidents il y a dans la province, il est
évident que l'on attribue au travail policier la notion punitive ou de
matra- quage. L'on affirme que si les infractions rapportées
étaient plus nombreuses, la logique démontrerait que les
accidents seraient moins nombreux. Un tableau portant le no 3 tente à
démontrer que la province de Québec est la plus basse dans les
billets d'infraction émis pour les années 1969, 1970 et 1971 et
que, par conséquent, les accidents y sont plus nombreux. L'on attribue
à l'insuffisance de la surveillance routière cet état de
choses, ce qui revient à dire que l'on accuse directement le policier
parce qu'il y a des accidents sans recommander ou étudier les causes de
cet effet, ce qui est, à notre sens, de l'illogisme.
Il est évident que le ministère de la Justice peut
être accusé de tous les péchés du monde comme le
policier, qui lui, répond directement au ministère de la Justice
et est le bouc émissaire de toute la calamité routière. On
reproche à la Sûreté du Québec de s'occuper des
infractions qui sont les causes directes des accidents, alors qu'on reproche
aux policiers municipaux de rédiger des infractions payantes même
si elles ne sont pas causes d'accidents. On blâme la Sûreté
du Québec de ne pas être également un corps policier
provincial spécialisé sur la surveillance routière. On
affirme que les policiers municipaux se fichent éperdument de la
surveillance routière et que par contre, s'ils le font, ce sont de
véritables traquenards tendus aux automobilistes.
Il faut donc, si l'on prend le contenu de ces opinions, que le policier
soit pratiquement présent partout, sur toutes les routes de la province,
en nombre suffisant, qu'il rédige des rapports d'infraction à
toute personne manquant à la loi, qu'il fasse tout son possible pour
être vu par tous, mais en même temps être assez invisible et
capable de prendre en flagrant délit tout délinquant, sans que
pour cela l'automobiliste ait à rouspéter sur la façon
dont le policier a effectué son travail.
La population du Québec est consciente que sur les routes du
Québec il y a plus de liberté et que les abus semblent être
la conséquence d'un défoulement social par une agressivité
démontrée dans la conduite automobile.
De conséquence, il est véridique de constater, comme le
décrit le rapport Gauvin, que la vétusté du code de la
route est à l'origine de cet état de choses et implique une
refonte complète établie par des personnes compétentes, en
considération du contexte social dans lequel nous vivons au
Québec. Aussi devrait-il y avoir revalorisation de l'esprit de cette loi
dans nos tribunaux.
L'APPQ est amplement d'accord lorsque dans ce rapport du comité
sur les assurances-automobiles il est fait mention de l'état actuel
selon lequel les policiers municipaux et les officiers du ministère des
Transports et Communications ont des prérogatives qui ne sont pas
permises aux membres de la Sûreté du Québec.
D'ailleurs, l'APPQ a présenté un mémoire au
ministre de la Justice, suite au livre blanc sur la police et la
sécurité du citoyen, dans lequel mémoire nous avons fait
état du manque de coordination entre les forces policières, de la
multiplicité des corps policiers ou soit disant parapoliciers, de
l'insécurité que subissent les membres de corps policiers
municipaux qui ne possèdent pas les moyens de se défendre contre
les attaques répétées qu'ils subissent de la part de
politiciens locaux qui désirent conserver leur police municipale au
service de certains individus en autorité.
L'équipement des corps policiers est désuet et ne
correspond en aucune façon aux besoins actuels du travail policier.
Prenons, par exemple, la surveillance aérienne, laquelle a
prouvé qu'un seul appareil accomplissait le même travail que douze
autos-patrouille. Les autorités, sur ce point, ont toujours
considéré le coût prohibitif de ces appareils et ne
semblent pas croire que la modernisation de l'équipement est un facteur
important dans l'efficacité du travail policier.
Il est nécessaire pour nous d'ajouter que les autorités
des différents corps policiers laissent les patrouilleurs à leur
initiative quant à l'application des différentes lois
routières. Cependant, pour ceux qui connaissent un tant soit peu le
travail policiers, ils devront admettre, tout comme nous, que même si une
loi demeure toujours obligatoire dans son application, souvent cette même
loi n'est pas respectée parce qu'elle est désuète et
pratiquement inapplicable aux yeux du public.
Nous vous joignons, à ce présent chapitre, le
mémoire que nous avons présenté à Me Cho-quette sur
l'organisation de la police, la régionalisation des corps policiers et
sur la prolifération des corps policiers.
Nous croyons que les recommandations et suggestions qui y sont contenues
répondraient d'une façon positive à ce que le rapport
Gauvin soulève, en ce qui concerne l'efficacité des corps
policiers sur les routes du Québec et que le tout résoudrait une
foule de problèmes qui n'ont pas été solutionnés,
vu que toutes les suggestions présentées sont tombées dans
l'oreille de sourds.
Chaque association policière est à même de
participer à une refonte des lois et à une réorganisation
interne des corps policiers, afin que cesse la multiplicité des
organismes policiers et parapoliciers et que la fausse économie que l'on
semble vouloir élaborer soit désavouée devant le public
qui est toujours celui qui paie la note finale.
Nous faisons des recommandations qui se trouvent à la page 14 et
qui pourraient se lire comme suit:
Recommandation no 1: A la page 99 du rapport du comité
d'étude sur l'assurance-automobile, la recommandation 17 doit être
revisée dans son entier et devrait se lire comme suit: Que la
sécurité routière et une surveillance constante et
vigilante des routes de la province soit reconnue par les corps policiers qui
sont dûment qualifiés pour répondre aux besoins de la
population".
Recommandation no 2. Que les corps policiers actuels soient
équipés et aient tous les pouvoirs nécessaires pour
l'exercice de leurs fonctions.
Recommandation no 3. Que le 1 p.c. des primes d'assurance-automobile
vendues dans la province qui est contenu dans la recommandation 18, soit
versé dans un programme d'éducation et de sensibilisation du
public, vis-à-vis de la sécurité routière.
Recommandation no 4. Que les écoles de conduite et les programmes
d'enseignement dans ces écoles soient contrôlés par l'Etat
et comprennent des cours théoriques sur la sécurité du
conducteur d'un véhicule automobile.
Recommandation no 5. Qu'une révision complète soit faite
par le Bureau des véhicules automobiles afin que les permis de
conducteur et chauffeur soient octroyés périodiquement.
Recommandation no 6. Que le système de points de
démérite soit conçu de façon à encourager le
conducteur à observer la loi, et que cette formule devienne une de
mérite qui doit refléter dans le taux des primes d'assurance
à payer.
Recommandation no 7. Que les corps policiers des autoroutes et des
transports et communications soient sous l'autorité directe de la
Sûreté du Québec et que soit reconnu dans notre province un
corps policier qualifié pour la surveillance routière en
général.
Conclusion. L'Association des policiers provinciaux du Québec
croit nécessaire que les remarques qui ont été
décrites dans les pages précédentes soient prises en
très sérieuse considération par les autorités
gouvernementales et autres.
De la confusion dans la juridiction des différents paliers
gouvernementaux, de la confusion de l'autorité exercée par une
série de corps policiers, de la confusion de la ligne d'autorité
attachée à chaque organisme gouvernemental naît une
incompréhension du public vis-à-vis de la sécurité
routière et engendre un désintéressement qui ne peut
qu'avoir pour effet direct des coûts élevés des primes
d'assurance, qui elles sont sujettes aux conséquences ci-haut
mentionnées.
L'Association des policiers provinciaux du Québec.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je vous remercie bien, M. Magnan.
J'inviterais maintenant le ministre de la Justice à faire ses
commentaires.
M. CHOQUETTE: M. le Président, je voudrais, tout d'abord,
remercier l'Association des policiers provinciaux du Québec de
s'être présentée devant la commission pour nous faire
part de son point de vue sur les recommandations du rapport du
comité d'étude sur l'assurance-automobile, au chapitre de la
sécurité routière.
Je crois qu'on peut dire, malgré que l'Association des policiers
provinciaux du Québec exprime certaines réserves quant aux
conclusions contenues dans le rapport Gauvin, quant aux recommandations du
rapport Gauvin, que, néanmoins, l'Association des policiers provinciaux
du Québec est pleinement d'accord sur cette idée centrale qui
doit faire l'unanimité qui veut que la route, les accidents de la route
et la sécurité routière sont des matières qui
doivent nous intéresser et nous préoccuper au plus haut point. La
meilleure loi, le meilleur règlement de circulation, une application
plus suivie et plus intense des dispositions législatives par les corps
de police ainsi que par d'autres organismes qui peuvent avoir des
responsabilités dans ce domaine s'imposent de façon à
réduire, dans la mesure du possible, le nombre d'accidents sur nos
routes avec toutes les conséquences humaines et sociales que ces
accidents comportent.
Alors, je crois bien que, malgré que l'Association des policiers
provinciaux du Québec se défende de certaines allégations
ou même de certaines accusations de laxisme à l'égard des
policiers et des corps policiers, malgré tout, l'Association des
policiers provinciaux du Québec est fondamentalement d'accord pour dire
qu'une police de la route plus efficace est nécessaire si l'on veut
réduire le nombre d'accidents routiers.
M. MAGNAN: Entièrement d'accord, M. le ministre.
M. CHOQUETTE: Tout est dans la façon de le faire. Là, il
peut y avoir des divergences, il peut y avoir des points de vue
légèrement différents qui sont exprimés par le
groupe qui est ici aujourd'hui et les recommandations du rapport Gauvin.
Je crois que l'on conviendra que la sécurité
routière, cela n'est pas non plus exclusivement une matière de
police. Il faut constater que la police ne peut pas, à elle seule,
discipliner une population de six millions d'habitants pour la faire se
conformer à certaines normes légales ou réglementaires. La
police doit prendre la société dans laquelle elle vit avec la
part de fautes et la part d'erreurs qui se commettent assez traditionnellement.
Je pense qu'il faut admettre qu'au Québec, au point de vue de la
sécurité routière, notre population ne s'avère pas
particulièrement disciplinée comparativement à d'autres
populations. Je pense qu'on aurait tort de rejeter entièrement sur les
corps policiers et sur les policiers tout le fardeau de la
responsabilité de cet état de choses.
Je pense que la situation s'est améliorée dans les
dernières années au point de vue de l'action de la police. Je
crois que celle-ci est en nette progression. Je crois que les statistiques
révèlent que la Sûreté du Québec est de plus
en plus agissante sur les routes du Québec et contrôle les
infractions de façon plus stricte et plus sévère qu'elle
ne le faisait autrefois. Donc, c'est quand même un progrès qu'il
faut marquer, même si la situation, dans son ensemble, ne mérite
pas qu'on se tape dans le dos en se déclarant satisfait de la situation
actuelle.
Parmi les mesures qui s'en viennent et qui pourraient peut-être
améliorer les choses, il y a celle d'un règlement uniforme de la
circulation applicable à toutes les municipalités et qui pourra,
soit être adopté sous forme d'un règlement, ou soit sous
forme de loi. C'est une matière sur laquelle le ministère des
Transports et le ministère de la Justice se penchent actuellement. Nous
avons l'intention de préconiser l'adoption d'un tel règlement qui
uniformisera les conditions de la circulation et qui fera qu'on ne se trouvera
pas, dans les différentes municipalités, devant des
inégalités dans les textes, au moins. Peut-être y aura-t-il
toujours des inégalités dans l'application, compte tenu de la
différence entre l'importance des différents corps de police, de
la façon d'appliquer les lois, mais, au moins, nous aurons un
départ, dans ce sens que nous aurons une réglementation ou une
législation uniforme en matière de circulation. Nous aurons
également des formules uniformes pour les contraventions au code de la
route ainsi que pour les contraventions au futur règlement municipal
uniformisé dans tout le territoire québécois.
Ce n'est certainement pas une réponse à tous les
problèmes de la circulation. Il y a, sans aucun doute, d'autres aspects
qui méritent qu'on s'en préoccupe. Je dirais que la question des
effectifs de la Sûreté est une question primordiale.
Moi-même, je me suis plaint à de nombreuses occasions, en
circulant sur les routes du Québec, d'avoir vu, en beaucoup de
circonstances, des automobilistes, faire des vitesses assez vertigineuses et
pendant des parcours de centaines de milles et de n'avoir observé aucune
automobile ou aucun policier provincial, pour au moins, indiquer par leur
présence la nécessité du respect de la loi, sinon, aussi,
agir à l'égard des contrevenants, ce qui est certainement
nécessaire.
Mais la Sûreté du Québec a des effectifs de 4,000
hommes environ et elle a des tâches très considérables, en
plus de surveiller la circulation sur nos routes, ce qui fait que nous n'avons
peut-être pas tous les effectifs voulus pour contrôler
adéquatement la circulation partout. On aurait bien tort de rejeter sur
la Sûreté du Québec, sur le policier individuellement, une
responsabilité qui, je pense, se situe à un autre niveau,
c'est-à-dire l'allocation des ressources dans le domaine de la police.
Combien la société est-elle prête à consacrer de
budget au domaine de la police, en particulier au domaine de la surveillance
des routes? C'est une question à laquelle on peut répondre,
chacun d'entre nous, comme député, au moment où on
vote le budget de la province. C'est une question sur laquelle il faut
s'interroger comme contribuable: Quelle part de notre revenu sommes-nous
prêts à donner à l'impôt pour qu'on accroisse les
effectifs policiers?
Sans vouloir faire dévier le débat sur une matière
qui fait actuellement l'objet d'une controverse entre le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral parce qu'ici ne
serait peut-être pas la place il faut bien, je pense, souligner le
fait que si le gouvernement fédéral donnait justice au
Québec en nous remettant l'équivalent de ce qu'il donne en
subsides déguisés dans les autres provinces, que ceci
accroîtrait nos budgets disponibles pour des fins policières et
nous permettrait possiblement d'intensifier la surveillance des routes avec les
conséquences qui devraient normalement en dériver,
c'est-à-dire, une meilleure observance des lois et une réduction
du nombre d'accidents.
Je souligne cet aspect pour dire qu'au ministère de la Justice,
nous prenons les budgets que nous avons, dans l'état actuel des choses
et notre recrutement est limité par ces budgets-là. La même
chose s'applique dans les corps de police municipaux ou au niveau de la
Communauté urbaine de Montréal.
On sait, à ce propos-là, jusqu'à quel point les
budgets croissants de la Communauté urbaine de Montréal sont
tellement considérables qu'il y a tout lieu de croire que les
contribuables de l'île de Montréal devront faire face à des
augmentations de taxe foncière assez importantes en raison des besoins
actuels.
Je dis donc ceci: Quand on regarde le montant total consacré
à la police, soit au niveau provincial ou au niveau municipal au
Québec, on arrive à un chiffre d'environ $300 millions. Si on
compare ce chiffre avec le montant total des dépenses publiques au
niveau provincial et au niveau municipal, on se rendra compte que la part qui
est faite à la police est infime. Le budget du Québec seul est de
$5 milliards ou $6 milliards, ajoutez à cela les budgets municipaux,
combien de milliards de plus?
M. LEGER: $1 milliard de plus.
M. CHOQUETTE: Mettons $1 milliard de plus. Vous avez tout de suite un
montant de dépenses publiques de $7 milliards de dollars et vous n'avez
que $300 millions qui sont consacrés à la police.
Alors qu'on ne s'imagine pas que la police, dans ces
conditions-là, puisse faire des miracles et que le ministère de
la Justice puisse aussi intensifier la surveillance des routes et ainsi arriver
à des meilleurs résultats. Je sais bien que nous avons eu
d'autres priorités historiques qui ont accaparé les budgets
publics; l'éducation en est un, les affaires sociales là,
il y avait des besoins extrêmement criants qui demandaient l'attention
des autorités au point de vue des dépenses mais je crois
que le temps est venu de faire l'apport normal à la police. Moi, je dis
que si le gouvernement fédéral, en fait, voulait poser les gestes
qui s'imposent à l'heure actuelle et qui me paraissent
réclamés à grands cris, autant au niveau du gouvernement
du Québec qu'au niveau de la Communauté urbaine de
Montréal comme d'autres municipalités, nous pourrions à ce
moment-là, sans faire assumer un fardeau fiscal additionnel aux
citoyens, quand même accroître nos effectifs et la surveillance
policière en général, comme la surveillance
routière.
Vous avez également, dans vos commentaires, M. Magnan,
mentionné l'intérêt qu'il y aurait pour le gouvernement de
ne pas permettre une prolifération des corps chargés de la
surveillance des routes.
Je suis de votre avis qu'en principe la surveillance des routes doit
être une matière qui appartienne prioritairement à la
Sûreté du Québec. La Sûreté du Québec
est largement une police de la route et je crois qu'elle doit continuer
à exercer cette fonction.
D'autre part, il ne faut quand même pas prendre une attitude
ultraradicale dans ce domaine. D'autres groupes spécialisés
peuvent avoir une fonction à jouer dans le domaine, je ne dis pas
routier proprement dit parce que je ne crois même pas qu'au
ministère des Transports les inspecteurs qui s'y trouvent fassent
à proprement parler de la police de la route, je crois qu'ils font de la
police quant à la pesanteur des camions, ils font la police pour la
commission des transports, dans le sens qu'ils vérifient les permis et
tout cela mais je ne crois pas qu'aux Transports, on en soit rendu au
point de supplanter le rôle traditionnel de la Sûreté du
Québec en matière de surveillance des routes
québécoises.
M. MAGNAN: Si vous me permettez, M. le ministre, sur cette question, il
est entendu que, dans la loi, le ministère des Transports a son corps
policier ou de surveillance routière qui se rattache directement au
transport public, comme les autobus, les camions, les taxis, etc.
Cependant, dans cette même loi, on dit également "ou tout
autre travail connexe", ce qui fait qu'actuellement nous avons des preuves
selon lesquelles les policiers des Transports n'appliquent pas seulement les
lois qui se rattachent au transport public. Il y a eu des infractions
données à des personnes dans le public de simples citoyens qui
pouvaient avoir un phare brûlé à leur voiture ou qui ont
commis une autre infraction au code de la route.
M. CHOQUETTE: Evidemment, je ne crois pas que nous devons nous situer
dans une philosophie de bâtir des empires, que ce soit au niveau de la
Sûreté du Québec ou que ce soit au niveau du
ministère des Transports. Moi, je conçois très bien que le
ministère des Trans-
ports ait besoin d'inspecteurs ou d'officiers particulièrement
chargés de certains aspects qui intéressent ce ministère
dans le transport public, par exemple, et je ne crois pas que le
ministère des Transports doive se lancer dans l'organisation d'un corps
parallèle qui viendrait faire une police de la route en plus de celle de
la Sûreté du Québec. Je crois qu'il faudra probablement
démarquer d'une façon plus claire les responsabilités
respectives des inspecteurs des Transports par rapport aux
responsabilités de la Sûreté du Québec.
Je ne sais pas si ma réponse est assez claire sur cela. Je vous
suis sur le plan des principes, mais je vous dis que, d'un autre
côté, il faudra quand même admettre qu'il y a certains
domaines de l'activité sociale qui méritent qu'il y ait des
groupes qui soient formés pour vérifier certains aspects
très spécialisés. Par exemple, j'ai mentionné le
poids des véhicules. Cela peut être d'autres aspects qui
intéressent le transport public en général. Je ne crois
pas, comme vous, qu'on devrait créer un "highway patrol" qui viendrait
doubler les fonctions de la Sûreté du Québec.
Vous avez mentionné aussi, M. Magnan, le fait qu'il y aurait tout
intérêt pour le gouvernement de donner suite à certaines
politiques en matière de régionalisation de corps de police
municipaux. C'est d'ailleurs la politique énoncée dans le livre
blanc. La police et la sécurité des citoyens.
Mais je vous dirai ceci: Comme ministre de la Justice, je n'entrevois
aucune possibilité de procéder à l'intégration de
corps de police municipaux pour les intégrer au sein d'une police
régionale, à moins que le gouvernement ait une politique
financière pour appuyer une telle intégration de corps de police
municipaux sur une base régionale, quoique l'expérience
vécue à Montréal soit suffisamment claire pour inciter le
gouvernement à la prudence dans ce domaine. Nos idées, je crois
bien, étaient valables. Au départ, il fallait intégrer la
police de l'île de Montréal. Je ne le regrette pas, il fallait le
faire. C'était écrit, en somme. C'était un
développement tout à fait normal: 25 ou 27 corps de police sur un
territoire aussi restreint que celui de l'île de Montréal ne
devaient pas coexister avec tous les problèmes de frontière que
cela soulève. Je crois qu'en fait la population montréalaise,
elle, retirera les bénéfices de l'intégration à
plus ou moins long terme par une meilleure organisation de la police sur
l'île.
Force nous est de reconnaître que cette intégration
entraîne des coûts additionnels dans la période initiale du
processus d'intégration, avec des conséquences fiscales assez
dramatiques sur les citoyens. Je ne suis pas prêt à
procéder à une autre expérience similaire, dans aucune
région du Québec, tant que la régionalisation des corps de
police ou la politique de régionalisation des corps de police ne sera
pas doublée d'une politique de subventions à l'égard des
corps de police régionaux intégrés.
Ceci, je pense, est tout à fait légitime quand on prend en
considération le point de vue du contribuable foncier qui est
obligé de payer des taxes municipales, qui est obligé de payer
certaines taxes à des communautés urbaines et qui est
obligé de payer des taxes scolaires avec toutes les autres
dépenses qui s'accroissent au niveau de la propriété.
Alors, je vous dis donc que nous ne renonçons d'aucune
façon à la politique d'intégration sur le plan
régional des corps de police municipaux. Même dans le livre blanc
la police est la sécurité des citoyens jamais, nous
n'avons dit que ce sont des mesures qu'il va falloir mettre en vigueur dans une
période de deux, trois ou quatre ans. En fait, c'était
plutôt une esquisse d'une politique à long terme de dix ans,
quinze ans et même peut-être vingt ans, parce que toutes les
régions du Québec ne requièrent pas l'intégration
sur une base régionale, les problèmes de la criminalité
pour certaines régions étant assez simples et ne devant pas faire
encourir des dépenses additionnelles. Par contre, il faut bien admettre
qu'il y a des régions où on pourrait, à l'heure actuelle,
dire que l'intégration serait une bonne chose. Je pourrais citer des
régions où la criminalité est assez forte et où on
pourrait, en principe, dire: II faudrait procéder à une
intégration des corps de police sur une base régionale. Mais je
ne voudrais pas le faire à l'heure actuelle parce que je crains trop les
conséquences financières d'un tel geste et, tant que je n'aurai
pas une politique de subventions qui soit établie par le Parlement et
qui permette de verser des subventions aux organismes qui contrôleront
ces corps de police régionaux intégrés, tels que Conseil
de sécurité, communauté urbaine, je crois qu'il serait
vraiment présomptueux, compte tenu de l'expérience
montréalaise, d'y procéder.
M. Magnan, ce sont les points de vue que je voulais vous exprimer.
Evidemment, il y aurait beaucoup à dire sur les propositions que vous
nous avez faites. Vous pouvez être sûr que nous allons les analyser
de très près.
Je ne peux pas vous donner de réponse précise ce matin, au
moment où nous nous rencontrons et où je prends connaissance de
votre mémoire pour la première fois. Vous pouvez être
assuré que nous allons prendre en considération, très
sérieusement, vos énoncés, vos recommandations, les
recommandations qui sont contenues dans votre mémoire.
M. MAGNAN: Merci, M. le ministre. Maintenant, si vous me permettez, M.
le Président, l'Association des policiers provinciaux est bien d'accord
avec votre demande au fédéral. Ce n'est qu'une question de
justice Ce n'est pas une question de dire qu'on veut plus ou que la province de
Québec voudrait plus que les autres provinces. Si le ministre de la
Justice fédéral étudie de très près votre
demande, il ne fera qu'accepter éventuellement. C'est une question,
probablement, comme on disait tantôt, à long
terme, mais qui sera rétroactive. Cependant, pour la question de
la formation des corps policiers régionaux, nous la voyons de bonne
part, parce que cette formation de police régionale ou communauté
urbaine servirait à uniformiser l'action policière et uniformiser
aussi, ce que le travail policier peut représenter au niveau du public,
parce que c'est le public qui attaque habituellement le policier. Lorsqu'il
arrive un problème, c'est la police qui n'a pas fait son travail.
Lorsqu'il y a un problème, c'est la police qui est là qui
crée le problème. Ce qui fait qu'à ce moment, on est un
peu le bouc émissaire des problèmes qui se multiplient.
Mais la régionalisation pourrait peut-être enlever la
pression individuelle sur les corps policiers municipaux composés de
cinq, six policiers, qui eux, sont peut-être soumis, au point de vue de
l'emploi, à la pression interne, politique ou locale. Parce qu'on sait
que les corps de police municipaux de cinq, six membres sont passablement
sujets à la pression politique locale. A ce moment, le policier ne peut
vraiment pas agir positivement, en laissant de côté, justement, la
question de pression politique et aussi, agir comme un vrai policier doit agir,
c'est-à-dire, oublier ses problèmes personnels.
M. CHOQUETTE: M. Magnan, là, je vous trouve un peu moins solide
que tout à l'heure pour deux raisons: premièrement, vous semblez
dire que les gens mettent trop de responsabilités du côté
de la police. Moi, je crois au contraire, que la police au Québec
je ne dis pas qu'elle est universellement bien vue mais je crois, en
fait, que le public québécois apprécie ses corps de police
à l'heure actuelle.
Or, vous n'avez pas de bonne raison d'avoir un complexe
d'infériorité. Je ne pense pas que le public s'en prenne
systématiquement à la police. Je sais qu'on a eu des incidents,
des problèmes à certaines époques, mais ce n'est pas un
état de chose permanent, et la situation actuelle est plutôt,
enfin, avantageuse au point de vue des policiers.
M. MAGNAN: Lorsque vous voyez une recommandation dans un rapport comme
le rapport sur le comité d'assurance, dans lequel on dit que les
policiers laissent délibérément les infractions se
commettre, vous ne serez pas sans admettre que les 13,000 policiers que nous
sommes au Québec ne pourraient pas tous se lever debout et dire,
à un certain moment: Prouvez-le! Parce que nous, quand on accuse
quelqu'un, on tente de le prouver, autant que possible.
M. CHOQUETTE: Cela, vous pouvez être sûr que je ne souscris
pas à cette affirmation. D'ailleurs, je ne vois pas sur quoi on pourrait
la fonder. Enfin, cela m'a l'air d'être le genre d'affirmation qui est
plutôt de portée générale et qui, par
conséquent, est faible à ce point de vue.
Maintenant, vous avez parlé aussi des raisons pour une politique
d'intégration régionale des corps de police municipaux. Il y a
toute une série de raisons, je pense bien. Parmi ces raisons, il y a
peut-être celles que vous avez mentionnées, malgré que je
ne suis pas prêt à dire que c'est une situation
généralisée que les policiers ne peuvent pas agir à
cause d'interventions indues au niveau des conseils municipaux.
Je ne suis pas prêt à admettre que les maires et les
conseillers municipaux interviennent systématiquement au Québec,
dans le travail de la police. Je sais qu'il y a des incidents de ce genre. Il y
a peut-être aussi des municipalités où c'est plus grave
qu'à d'autres endroits, mais je ne pense pas qu'on puisse affirmer d'une
façon aussi catégorique que la police soit empêchée
d'accomplir ses fonctions à cause d'attitudes systématiques des
maires et des conseils municipaux dans tout le territoire.
M. MAGNAN: Je ne dirais pas systématique. Cependant, lorsqu'on
fait un rapport d'infraction à un citoyen et que ce rapport est
porté à la filière numéro 13, qu'on appelle la
poubelle, lorsque le policier s'en est fait passer cinq ou six, il manque un
peu de motivation pour en faire d'autres.
C'est à ce moment qu'il peut y avoir une ingérence
politique à l'intérieur du travail policier, parce que, si on
reconnaît que ce sont nos juges qui doivent juger, je pense qu'on devrait
leur laisser leur travail.
M. CHOQUETTE: De toute façon, cela ne se passe pas comme cela
à la Sûreté du Québec.
M. MAGNAN: Non, monsieur.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je voudrais féliciter
l'Association des policiers provinciaux du Québec de s'être
préoccupée de soulever certains points bien précis,
à savoir des préoccupations de ceux qui veulent corriger la
situation de la sécurité routière. Avant de vous poser
quelques questions sur votre mémoire, puisque le ministre de la Justice
a ouvert le débat dans cette direction, je voudrais en profiter pour lui
demander si, dans sa bataille avec le ministre fédéral de la
Justice pour obtenir un retour...
M. HARVEY (Charlesbourg): Question de règlement, M. le
Président.
M. LEGER: ... des sommes qui sont dues au Québec...
M. HARVEY (Charlesbourg): Le ministre était hors d'ordre à
ce moment!
M. LEGER: ... est-ce que le ministre de la Justice pourrait nous dire
s'il recevait les $300 millions ou plus qui sont dus, selon un dossier qui
semble très bien préparé, il pourrait attribuer ces sommes
d'abord au Conseil de sécurité de la Communauté urbaine?
Cela résoudrait pas mal de problèmes à Montréal et
cela empêchera l'augmentation de taxes. D'un autre côté, sur
la sécurité routière, que ferait-il avec ces sommes dans
l'immédiat?
M. CHOQUETTE: Vous me demandez de distribuer les fonds avant de les
avoir reçus. Je trouve que vous me précédez pas mal.
M. LEGER: C'est pour savoir jusqu'à quel point vous vous
préoccupez de ces problèmes.
M. CHOQUETTE: Je suis très préoccupé de ces
problèmes, mais je ne suis pas en mesure de prendre d'engagement ce
matin. On comprend que les problèmes de la Communauté urbaine de
Montréal impliquent non seulement la police, mais aussi le transport
ainsi que d'autres activités. Je crois que le ministre des Finances, le
premier ministre et le ministre des Affaires municipales auraient tous, enfin,
des points de vue très valables à exprimer pour déterminer
dans quelle mesure il nous serait possible de venir en aide aux citoyens de
Montréal par le truchement de la Communauté urbaine.
Alors, je ne peux pas vous donner de réponse. Mais il y a une
chose qu'on peut quand même noter. C'est que la police de la
Communauté urbaine de Montréal ne joue pas seulement un
rôle de police municipale. Elle surveille quand même le territoire
le plus densément peuplé du Québec où il y a
probablement le plus d'activités criminelles qui intéressent non
seulement la vie municipale, mais qui intéressent la vie du
Québec, dans son ensemble.
Par conséquent, une politique de subvention à
l'égard de la police de la Communauté urbaine de Montréal
serait tout à fait défendable sur le plan des principes, parce
que le gouvernement dirait: II faut venir en aide aux citoyens de l'île
de Montréal pour la fonction que joue leur corps de police et qui a des
répercussions sur le maintien de l'ordre public en
général, dans tout le Québec, et ceci comprend des
activités dans le domaine de la subversion, du crime organisé, de
toutes sortes de systèmes de criminalité économiques qui
intéressent non seulement les citoyens de Montréal comme citoyens
d'une ville, mais qui les intéressent comme citoyens du Québec.
Il est sûr et certain que c'est un problème qui me
préoccupe beaucoup et qui préoccupe beaucoup le gouvernement.
M. LEGER: Je ne voudrais pas engendrer un grand débat
là-dessus. Je suis d'accord sur sa bataille. Je voudrais seulement lui
faire remarquer, à titre de boutade, qu'à l'arrivée au
pouvoir des libéraux en 1970, le premier ministre Bourassa avait bien
dit que les futures négociations seraient efficaces et qu'ils auraient
des dossiers bien préparés et c'est un exemple d'un dossier bien
préparé, bien étoffé.
Ce n'est pas là-dessus, je pense, que les décisions vont
se prendre; c'est beaucoup plus derrière des problèmes politiques
entre le fédéral et le provincial que vous allez pouvoir gagner,
par un dossier bien préparé pour lequel je dois féliciter
le ministre.
M. CHOQUETTE: II y a quand même des dossiers que nous avons
réglés avec avantage pour le Québec, avec les
autorités fédérales actuelles. Je ne crois pas qu'il
faille être pessimiste dans l'état actuel des choses. Ces
questions ne se résolvent pas instantanément et, personnellement,
j'ai confiance d'arriver à un résultat favorable.
M. LEGER: En tout cas, on vous le souhaite. M. CHOQUETTE: Merci.
M. LEGER: M. le Président, je voudrais demander à M.
Magnan, concernant les recommandations, à la page 11 de votre rapport...
Vous parlez de la surveillance autre que les autos-patrouilles, et tout
spécialement, la surveillance aérienne,
hélicoptères, etc. Vous dites: La surveillance aérienne a
prouvé qu'un seul appareil accomplissait le même travail que douze
autos-patrouilles. Pour affirmer cela, est-ce que vous vous êtes
basés sur des enquêtes particulières précises qui
ont évalué que c'était plus efficace par
hélicoptère, pour arriver à dire que cela équivaut
à douze patrouilles? Est-ce que vous avez fait une enquête?
M. MAGNAN: C'est-à-dire qu'il y a de la surveillance
routière aérienne qui se fait dans les autres Etats et il y a des
rapports. Je n'ai pas apporté de copies de ces rapports ici, mais c'est
prouvé qu'un avion ou un hélicoptère, du haut des airs, a
une surveillance, au point de vue générique, que douze
autos-patrouilles pourraient avoir en circulant sur les routes. Par le fait
même, lorsqu'il arrive un problème majeur, il peut apporter le
secours nécessaire beaucoup plus rapidement que de faire appeler une
auto-police par un simple citoyen qui court un téléphone, parce
qu'on n'en a pas au bord de la 20, comme on n'en a pas sur le bord d'autres
routes provinciales.
M. MARCHAND: M. le Président, sur le même sujet, est-ce que
je pourrais demander combien de jours...
M. LEGER: Certainement, M. le député.
M. MARCHAND: ... par année un hélicoptère peut
travailler comparativement à une auto-patrouille?
M. MAGNAN: C'est bien difficile. A mon
sens, un hélicoptère peut travailler 24 heures par jour,
pour autant que les pilotes...
M. MARCHAND: Combien de jours par année, à cause de la
température? Eh hiver, est-ce qu'il peut fonctionner quand
même?
M. MAGNAN: Certainement. M. MARCHAND: Merci.
M. LEGER: Est-ce que vous avez eu une réponse, du
ministère de la Justice, à cette demande pour avoir un peu plus
d'équipement, entre autres dans le domaine des
hélicoptères?
M. MAGNAN: II y a eu, l'an dernier, l'achat de trois
hélicoptères à la Sûreté du Québec, ou
deux, je ne sais trop. Je pense que c'est trois, et on est appelé
à en avoir d'autres, pour autant que le budget va le permettre,
semble-t-il.
M. LEGER: Dans votre deuxième recommandation, à la page
14, vous dites: "Que les corps policiers actuels soient équipés
et aient tous les pouvoirs nécessaires pour l'exercice de leurs
fonctions". Pouvez-vous définir quels sont les pouvoirs
supplémentaires dont vous avez réellement besoin pour bien
fonctionner?
M. MAGNAN: Au point de vue municipal, la Sûreté du
Québec n'a pas les pouvoirs d'appliquer les lois municipales. C'est
réservé aux policiers municipaux. Lorsque la Sûreté
du Québec peut appliquer les lois municipales, c'est lorsqu'il y a un
état d'urgence décrété par le ministre de la
Justice ou le lieutenant-gouverneur. La Sûreté du Québec
peut alors appliquer les lois. A part cela, la Sûreté du
Québec n'est pas apte à appliquer les lois municipales. Cela
devient un problème.
M. LEGER: Est-ce que c'est seulement cela ou si c'est seulement
l'uniformisation qui serait la solution?
M. MAGNAN: C'est un des exemples, parce que le ministère des
Transports a aussi ses pouvoirs par sa police.
M. LEGER: Concernant la recommandation 14: Uniformiser dans la province
les règlements concernant la circulation dans les cités et
villes, je pense que le rapport Gauvin propose cela. Qu'est-ce que vous pensez
des endroits des municipalités que l'on appelle aujourd'hui et
les citoyens du Québec le vivent assez souvent des "speed-traps"?
J'ai essayé de trouver une expression française à cela,
mais cela caractérise bien l'endroit où les citoyens arrivent
dans une municipalité. Les règlements sont différents et
le citoyen se sent, non pas surveillé par des policiers qui veulent la
sécurité routière, mais qui sont plutôt
poussés par une meilleure rentabilité des revenus des
municipalités.
En d'autres termes, je voulais vous donner mon opinion et vous me
donnerez la vôtre sur ça, j'ai l'impression que les
municipalités, qui ont des corps de police bien à eux et qui ont
des règlements municipaux, poursuivent la plupart du temps en vertu des
règlements municipaux plutôt qu'en vertu du code de la route. Si
c'est en vertu du code de la route, les revenus vont au gouvernement
provincial, tandis que si la poursuite a lieu en vertu des règlements
municipaux, les revenus vont à la municipalité. Ce qui
crée, chez les municipalités, un certain appétit et une
certaine pression pour que les policiers soient en mesure de rapporter
suffisamment de revenus. A ce moment-là, le citoyen, qui passe dans
cette municipalité, n'est pas arrêté en fonction de la
sécurité routière mais beaucoup plus en fonction des
revenus supplémentaires pour la municipalité. Est-ce que vous ne
jugez pas que ça devrait être appliqué selon le code de la
route de façon à ce que ce soit fait en fonction de la
sécurité routière et non pas d'un appétit de revenu
municipal pour être remis, par la suite, au policier en disant : Vous
apportez suffisamment de revenu, on peut vous donner un meilleur
équipement.
M. MAGNAN: Evidemment, votre opinion est la nôtre, c'est que
l'application du code de la route devrait être provinciale et les
municipalités ne devraient pas chercher un revenu pour que leur police
soit rentable. Parce que la police n'est pas une question de
rentabilité, de revenus et dépenses, c'est une question de
service et de dépenses. Est-ce que le service qu'on donne répond
aux dépenses que le peuple fait ou que les élus du peuple ont
à défrayer pour donner le service à la population locale
ou provinciale? Lorsqu'on applique nécessairement le code de la route,
en prenant en considération les revenus que peuvent rapporter les
infractions, on arrive à des questions, comme on disait tout à
l'heure, dans notre rapport, ce sont des traquenards. On place habituellement
le policier à un bon endroit pour que tout le monde qui passe se fasse
prendre pour une infraction quelconque, mais payante. C'est-à-dire en
vertu d'un règlement municipal, lorsque le revenu revient au conseil de
ville. A ce moment-là, on a comme réaction que les taxes
municipales peuvent être tout simplement abaissées ou ne pas
être augmentées. Je ne crois pas que ce soit une bonne philosophie
de l'application du code de la route, parce que la sécurité
routière est une question de sécurité pour le public et
non celle de tenter de prendre ou de "poigner" le public.
M. LEGER: Je voudrais demander au ministre de la Justice ce qu'il pense
de cette existence de traquenards comme les appelle M. Magnan? Dans cette
uniformisation des règlements de la route, que ce soit pour les
municipalités ou les policiers, qui poursuivent en fonction du code de
la route, de façon qu'il
n'y ait pas ce genre de conflit d'intérêts qui crée
la situation où le citoyen se sent beaucoup plus comme un type qui
arrive avec $20 de plus pour la municipalité, on l'arrête
on a vu ça dans les Etats des Etats-Unis, on arrête les
automobilistes par dizaines, sur le bord de la route et quand ils sont
arrêtés, on les amène ensemble devant le juge et on dit:
Payez immédiatement ou vous allez passer la fin de semaine ici
est-ce que le ministre a l'intention de faire une correction en ce sens pour
enlever cet appétit municipal, quitte à le remplacer par une
autre forme de financement mais que ce soit plutôt par un objectif de
sécurité routière plutôt que par l'appât de
revenu?
M. CHOQUETTE: II faut faire certaines distinctions dans ce domaine. Une
première que je fais, et que le gouvernement a déjà faite
par un amendement qu'il a apporté au code de la route: il a interdit aux
municipalités l'usage des appareils de radar, de photographie parce que
c'était une manière abusive d'appliquer les règlements
municipaux ou le code de la route. Qu'est-ce qui se produisait? On installait
un appareil à un carrefour quelconque et on prenait toutes les voitures
qui passaient sans qu'il n'y ait aucun processus d'arrestation de
l'automobiliste. L'automobiliste pouvait recevoir un avis plusieurs semaines ou
plusieurs mois après, ne pas se rappeler du tout de l'incident dont il
s'agissait et être appelé à se' défendre et à
dire qu'il n'avait pas conduit à 45 milles à l'heure à une
intersection où la limite de vitesse était de 30 milles à
l'heure. C'était nier à l'automobiliste ou au citoyen sont droit
à une défense pleine et entière. Je crois que ce principe
est bien établi dans notre droit, que lorsqu'on accuse quelqu'un de la
commission d'un crime ou d'une infraction, il faut lui donner l'occasion de se
défendre d'une façon complète.
Si vous accusez quelqu'un d'avoir commis une infraction, mettons le 31
juillet, d'être passé à tel endroit à telle vitesse;
maintenant que nous sommes au 15 octobre, comment voulez-vous qu'il puisse
faire une défense à une telle accusation? Il ne pourra pas, il ne
se souviendra pas s'il est passé à cette intersection, il ne se
souviendra pas des témoins qui ont pu être avec lui à ce
moment-là et, par conséquent, c'était un peu lui nier le
droit à une défense pleine et entière. C'est la raison
pour laquelle nous avons défendu ce genre de constatation d'infraction
automatique, en quelque sorte, de façon à éviter le genre
de traquenard auquel vous faites allusion.
Par contre, ceci ne veut pas dire qu'il faille que les forces de police
municipale ou provinciale appliquent la loi mollement. Une certaine
sévérité dans ce domaine-là s'impose. Je pense
qu'il est bien, dans les pages éditoriales du journal Le Jour, de dire
qu'on devrait appliquer la loi au nom d'objectifs sociaux, vous savez... je
veux dire au nom de la sécurité routière et tout cela.
C'est peut-être assez noble de la part de certaines personnes qui
pourraient vouloir écrire au nom de ces principes-là, en disant
que la loi, au fond, devrait s'appliquer d'une façon assez douce, assez
aimable et que cela ferait plaisir à tout le monde; mais
malheureusement, la loi n'est pas faite de cette façon-là. La loi
a toujours une certaine dureté et cette dureté fait partie du
système, elle fait partie de l'application efficace de la loi. C'est la
raison pour laquelle je ne reprocherais pas à des policiers de la
Sûreté du Québec ou à ceux des municipalités
d'exercer un contrôle sévère sur la circulation.
Je crois, mon cher collègue, qu'il faut faire attention de ne pas
verser dans une espèce de philosophie pseudo-humaniste qui nie à
la loi son efficacité réelle. L'efficacité vient du fait
que l'automobiliste qui est arrêté est obligé de payer $20,
$40 ou $50 et, s'il sait qu'il est obligé de payer ainsi, c'est
censé le ramener à la raison de façon à circuler
à l'intérieur des normes fixées par la loi.
M. LEGER: M. le Président, le ministre a compris une partie de
mon intervention. Si on se reporte à la page 11 du mémoire de
l'Association des policiers provinciaux on y dit, dans le premier paragraphe,
vers la fin: ... "l'insécurité que subissent les membres des
corps policiers municipaux qui ne possèdent pas les moyens de se
défendre contre les attaques répétées qu'ils
subissent de la part des politiciens locaux qui désirent conserver leur
police municipale au service de certains individus en autorité".
Je suis d'accord avec le ministre concernant l'utilisation abusive du
radar qui ne permet pas au citoyen de pouvoir avoir une défense
complète et entière du fait qu'il n'a pas été
arrêté au moment précis où il a commis son
infraction et qu'il soit en mesure, après cela, de s'attendre à
recevoir un avis et se rappeller soit qu'il avait été fautif ou
non. Le radar ne permettait pas cela, puisque cela se passait tellement plus
tard. Mais ce n'est pas là-dessus, c'est sur ['"incentive" ou
l'appétit de certaines municipalités.
Si, à l'opposé de ce qui se passe actuellement, les
municipalités ou les policiers municipaux poursuivaient je ne
sais pas si c'est eux qui poursuivent comme tels ou, du moins,
l'organisme qui poursuit devant une infraction du code de la route à
l'intérieur d'une municipalité, si c'était fait en
fonction ou selon le code de la route, les revenus de cette amende iraient
à la province. Si c'est fait en fonction des règlement
municipaux, les revenus sont remis à la municipalité.
Alors, il y a quand même un certain conflit
d'intérêts possible, en ce sens qu'on peut dire aux policiers:
Ecoutez, vous n'avez pas rempli votre quota à ce jour, vous n'êtes
pas bons surveillants, vous n'avez pas rapporté assez à la
municipalité. Le rôle du policier est beaucoup plus de voir
à la sécurité à l'intérieur de la
municipalité plutôt que d'apporter un certain nombre de
billets, parce que cela rapporte à la municipalité.
Si cela rapportait à la province pourvu qu'il y ait une ristourne
pour les municipalités, le policier ne serait pas devant un certain
conflit d'intérêts. C'est dans ce sens-là que je voulais
poser ma question.
M. CHOQUETTE: Les municipalités, dans l'état actuel des
choses, doivent faire remise d'une part des amendes perçues. Au moment
où je réponds à votre question, je ne suis pas en mesure
de vous dire les proportions exactes des remises qui doivent être faites
par les municipalités lorsqu'il s'agit de l'application du code de la
route ou lorsqu'il s'agit de l'application de règlements municipaux.
Mais une chose est certaine, c'est qu'il y a de nombreux
règlements municipaux qui recoupent le code de la route, qui incorporent
au règlement municipal certaines dispositions qui existent
déjà dans le code de la route.
Dans certaines municipalités, au lieu de porter une accusation
qu'on pourrait porter en vertu du code de la route, de certaines dispositions
précises du code de la route, on la porte en vertu du règlement
municipal, d'une disposition qui est au même effet que le code de la
route et ceci, de façon à retirer plus de bénéfices
au point de vue du produit des amendes. C'est une situation qu'il va falloir
changer. Je suis parfaitement de cet avis. Je crois que le règlement
uniforme de la circulation va permettre de dire que, pour ce qui est du
règlement de la circulation, il ne reproduira pas intégralement
les dispositions du code de la route, de telle sorte qu'il faudra porter des
accusations soit en vertu du code de la route, soit en vertu du
règlement municipal. Donc, vous avez, en partie, raison de souligner ce
problème.
Il y a un deuxième aspect, c'est: Jusqu'à quel point les
municipalités font-elles remise au gouvernement de la part qui revient
au gouvernement dans tout cela? C'est une question à laquelle on
pourrait répondre si on envoyait des vérificateurs dans toutes
les municipalités pour savoir quel est le montant qu'elles
perçoivent et quelle est la part qu'elles envoient au gouvernement, soit
la part qui doit revenir au gouvernement suivant les dispositions actuelles.
Donc je ne suis pas en mesure de vous dire que nous obtenons
intégralement remise de la part des municipalités.
Par contre, je dois ajouter ceci: Dans les cas où on nous a
signalé que des corps de police municipaux abusaient et installaient des
traquenards ou des trappes pour prendre les automobilistes d'une façon
systématique, d'une façon vous savez, qui était
tellement évidente que c'était pour produire du revenu ces
cas ont été référés à la Commission
de police qui a fait enquête sur les activités de ces corps de
police, de façon à éviter qu'on poursuive ce genre de
politique au niveau municipal, et avec certains résultats assez heureux,
parce que j'ai reçu assez peu de plaintes récemment d'une action
vraiment critiquable de la part des corps de police dans le genre de celle que
vous avez soulevée.
M. LEGER: Etant donné qu'il y a beaucoup de subtilité dans
votre affirmation, est-ce qu'on pourrait conclure que vous êtes
complètement d'accord ou que vous êtes partiellement en
désaccord sur la recommandation 14 du rapport Gauvin qui dit: "Que
soient uniformisés dans la province les règlements concernant la
circulation dans les cités, villes et municipalités, et que les
amendes perçues pour les infractions à ces règlements
soient la propriété de la province, à charge pour cette
dernière d'en faire la redistribution, s'il y a lieu, parmi les
corporations municipales?
M. CHOQUETTE: Je suis pleinement d'accord sur la première partie
de la recommandation, mais je ne suis pas prêt à dire que je suis
d'accord sur la deuxième partie de la recommandation. Je crois qu'il y
aurait un système de répartition de l'amende à être
effectuée entre le gouvernement et les municipalités en
question.
D'ailleurs, dans le livre blanc, qui est en préparation, sur
l'administration de la justice, nous allons proposer une formule de
répartition qui nous paraît juste entre les municipalités
et le gouvernement.
M. LEGER: M. le Président, ie veux revenir à M. Magnan et
son équipe. A la page 15, vous recommandez que 1 p.c. des primes
d'assurance-automobile vendues dans la province, qui est contenu dans la
recommandation 18, soit versé dans un programme d'éducation et de
sensibilisation du public. Est-ce que cela veut dire que vous êtes contre
la recommandation qui veut que cette somme représentant 1 p.c. soit
remise à un organisme? Dans un programme, j'ai l'impression que cela
devrait être dirigé, que cela fonctionne par un organisme qui en a
la direction. Pour quelle raison ne voudriez-vous pas que ce soit versé
à un organisme plutôt qu'à un programme? Est-ce que,
nécessairement, il n'y a pas un organisme qui doit faire appliquer le
programme?
M. MAGNAN: De la façon que c'est exprimé, on croit que ce
n'est pas le fait de donner 1 p.c. à un organisme qui se chargerait
d'éduquer le public ou de le sensibiliser à certaines questions
routières; c'est que le 1 p.c, on le voit versé à une
organisation qui serait chargée de la surveillance routière. Or,
on le voit comme étant une autre force de police à créer
ou une autre sorte de force parapolicière qui pourrait, encore une fois,
se promener sur les routes de la province et dire : Nous autres, on est de tel
corps de police et on s'occupe d'appliquer telle loi.
A ce moment, le public voit la Sûreté du Québec, le
ministère des Transports, cette
nouvelle police. Il s'en va sur les autoroutes, il rencontre une autre
sorte de police et il dit: Dans quelle sorte de province suis-je? Est-ce qu'il
y a un corps de police, cinq ou dix?
A un certain moment, on croit que ce serait préférable
d'éduquer, de sensibiliser, d'intéresser le public à la
sécurité routière et non pas à former d'autres
organismes qui coûteraient encore beaucoup plus cher, parce que cela ne
réglerait pas le problème à multiplier les polices.
Mercredi dernier, on est venu à la commission parlementaire, et
on a entendu dire que les Québécois, lorsqu'ils sortent de
l'Ontario, ils "pèsent sur le gaz", et, lorsqu'ils s'en vont en Ontario,
ils "lâchent le gaz". De deux choses l'une, ce sont des peureux ou la loi
de l'Ontario est appliquée jusqu'au bout. On sait que, quand on va en
Ontario, et qu'on se fait arrêter, on paie et il n'y a pas de discussion
possible, on paie ou on reste là. Ici, au Québec, il semblerait
qu'on peut se promener un peu plus vite sans trop payer et s'en retourner chez
soi bien tranquillement. Pour le policier, c'est pas mal frustrant, une
situation semblable. C'est dans ce sens que nous disons que nous devrions
éduquer notre public, peut-être que, d'autre part, cela aiderait
aux autres provinces, soit à ceux qui viennent des autres provinces,
à suivre les lois au même titre que les Québécois
les suivent quand ils vont dans d'autres provinces.
M. LEGER: Je pense que c'est fondamental dans le fonctionnement de la
police au Québec. Est-ce que vous avez étudié
l'expérience britannique qui a des corps policiers différents,
comme Scotland Yard, qui s'occupe d'enquêtes criminelles, les Bobbies qui
s'occupent de la sécurité à l'intérieur des
municipalités et autres, et les Traffic Warrant qui s'occupent, eux,
uniquement de la circulation et de la sécurité routière?
Est-ce qu'au Québec, vous pensez que cela devrait être un
organisme spécialisé, relevant de la Sûreté
provinciale ou du ministère de la Justice, je ne sais pas, qui devrait
s'occuper, en étant bien entraîné, de la circulation et que
les gens qui s'occupent des enquêtes criminelles soient un autre groupe,
ou si vous pensez que les deux fonctions peuvent relever du même corps de
police?
M. MAGNAN: Les deux fonctions doivent relever du même corps de
police parce qu'il doit y avoir une unité d'action et il doit y avoir un
échange d'informations. Le patrouilleur, ce n'est pas seulement une
auto-patrouille qui se promène avec deux gars à bord, et que,
s'il y en a un qui va vite, on l'arrête, et s'il ne va pas vite, on ne
l'arrête pas. C'est aussi la surveillance en général quant
aux actes criminels. Lorsqu'on a des policiers qui collaborent, on peut avoir
une meilleure efficacité policière, autant sur la route que sur
les actes criminels. L'expérience acquise à la
Sûreté du Québec depuis les années soixante le
prouve; car, avant les années soixante, la Sûreté du
Québec était divisée par des spécialistes qui ne se
regardaient pas, qui ne s'entendaient pas et qui ne se parlaient pas. Alors, on
avait des polices de la route, et quand il y avait un acte criminel, on disait:
Faites venir le détective. Le détective était
peut-être en congé cette journée-là. Alors, on
n'avait pas de détective. Tandis qu'aujourd'hui, la police porte
action.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose, M. Magnan,
à votre réponse? En Angleterre, il n'y a pas de séparation
entre la police judiciaire et les autres activités de la police.
Scotland Yard, en fait, n'est qu'une partie de la police métropolitaine
de Londres, où il y a des spécialistes en enquêtes
criminelles qui sont dépêchés peut-être un peu
partout en Angleterre, suivant les besoins. Scotland Yard n'est pas une
unité complètement distincte des corps de police régionaux
qui existent en Angleterre. Tandis que le modèle au point de vue de la
police, dans les pays européens, est assez différent dans la
plupart des endroits. Là, il y a une gendarmerie qui s'occupe de la
police de la route, qui s'occupe du maintien de l'ordre public, d'interventions
d'urgence de toute nature. Il y a une police distincte qui s'appelle la police
judiciaire qui, le plus souvent, est sous l'autorité des juges
d'instruction et qui fait des enquêtes sur des crimes
spécifiques.
M. LEGER: M. le Président, à la recommandation no 4, je
pense que je suis complètement d'accord avec vous que les écoles
qui donnent des programmes d'enseignement et d'entraînement de conduite
doivent être suivies et contrôlées par le gouvernement. Je
pense que c'est une façon d'assurer la qualité de la future
conduite des gens qui apprennent à conduire et que cela soit fait d'une
façon sécuritaire et seul un Etat peut le faire. Je pense que
c'est une bonne recommandation.
Si on arrive à la recommandation suivante, vous voudriez qu'une
révision complète soit faite par le bureau des véhicules
automobiles, afin que les permis des conducteurs et chauffeurs soient
octroyés périodiquement. A chaque renouvellement de permis, vous
pensez ou... Quels sont les examens qui devraient être faits et à
quelle fréquence voyez-vous cela? Est-ce que cela ne serait pas
onéreux?
M. MAGNAN: C'est-à-dire que cela pourrait être
onéreux à un certain moment, mais si on veut baisser le taux de
mortalité ou si on veut donner un meilleur service, il y a
peut-être lieu de mettre quelques dollars ailleurs pour s'assurer que les
conducteurs d'automobile aient toutes les qualités nécessaires
pour conduire une automobile. Trop de fois, en tant que policiers, on rencontre
ou on intercepte des personnes qui ont des handicaps physiques, soit
l'âge, et qui ont leur permis de conduire depuis des années. A ce
moment-là, il n'y avait peut-être même pas d'examen de
conduite et on a appris à conduire. Aujourd'hui, on lui remet
son permis de conduire, même s'il a 85 ans, il est à
moitié aveugle, ou ses réflexes ne sont pas aiguisés.
Je peux vous dire qu'il y a des exemples. Cependant, nous, on croit que
le fait de remettre le permis de conduire afin que ce permis soit
octroyé périodiquement, qu'il y ait des examens. On ne veut pas
dire qu'à toutes les fois qu'un type va renouveler son permis de
conduire, il faut qu'il ait un examen complet. On pourrait peut-être
penser à dix ans ou à en venir à cinq ans. Ce sera
certainement une bonne affaire, parce que c'est une question de santé
physique et parfois aussi psychologique.
M. LEGER: Vous voyez cela peut-être à tous les dix ans ou
cinq ans, de façon à être capable de vérifier si la
personne le mérite, qu'il n'y a pas eu une dégradation...
M. MAGNAN: C'est exactement...
M. LEGER: ... de ses facultés, qu'elles soient visuelles ou
physiques.
M. MAGNAN: C'est exactement notre position.
M. LEGER: Maintenant, une dernière question: A la page 16, vous
parlez du système de démérite auquel on devrait greffer un
système de mérite. Je vois que c'est une bonne
préoccupation de la police de ne pas toujours être un organisme
punitif, mais qui a aussi des préoccupations de motivation et non pas
uniquement une pénalité. Comment la voyez-vous, pour que ce ne
soit pas seulement un voeu, mais qu'elle devienne une de mérite, quand
vous dites qu'elle doit refléter dans le taux des primes d'assurance
à payer? Est-ce que vous voulez dire par là qu'il y a
actuellement quelqu'un qui est pris en défaut, qui va perdre deux, trois
ou quatre points de démérite? Mais pour qu'il y ait une
réduction des assurances, est-ce que vous voyez par là qu'il y
aurait des points de donnés au départ je ne sais pas
et que si, au bout d'une année ou de deux années, il n'y a
aucun accident, il serait susceptible d'avoir une ristourne des assurances.
Comment voyez-vous que cela fonctionnerait?
M. MAGNAN: Exactement. Ce serait dans le sens que vous avez
exprimé, le dernier, où, lorsqu'un type conduit une automobile
depuis X années, qu'il ait une réduction de prime, parce qu'il
n'a pas eu d'accident. Ce serait une façon de lui donner un sentiment de
responsabilité, d'abord à lui-même; et deuxièmement,
ceci tombe dans son portefeuille. On touche toujours le monde par la piastre. A
ce moment, les polices d'assurance ou les compagnies d'assurance auraient un
avantage marqué à promouvoir la sécurité
routière et à encourager le public, en général,
à porter attention aux règlements et aussi à éviter
des accidents, parce que on le sait pertinemment parfois il y a
certains individus qui pourraient peut-être avoir intérêt
à faire des petits accidents qui couvrent un accrochage
précédent. A ce moment, si on accorde un système de
mérite attaché au système de démérite, il y
aurait lieu, pour les compagnies d'assurance, à ce titre, d'encourager
les automobilistes à avoir le système de mérite.
M. LEGER: Je pense que votre idée est très bonne et
valable. J'ai hâte de voir ce que les compagnies d'assurance vont nous
dire cet après-midi. J'ai bien l'impression qu'actuellement, du moins,
les primes d'assurance sont basées sur des gens qui n'ont pas d'accident
et c'est seulement quand ils en ont qu'ils voient leurs assurances augmenter.
Alors, s'ils n'en ont pas et qu'ils doivent avoir une ristourne de prime
d'assurance, cela voudrait dire que le taux actuariel des compagnies
d'assurance devrait être modifié, puisque, à ce moment,
dans les revenus possibles qu'elles ont, elles s'attendent d'avoir des revenus
provenant de gens qui n'ont pas d'accident. Si elles s'aperçoivent
qu'elles doivent donner une ristourne, il va falloir qu'elles revoient leurs
barèmes, je pense.
M. MAGNAN : Evidemment, il va falloir qu 'il y ait un rajustement de
taux actuariels, parce que. si les compagnies d'assurance ont comme base un
pourcentage donné de types qui n'auront pas d'accident et qu'elles
reçoivent automatiquement une prime qu'elles n'auront pas à
rembourser, à ce moment, si la prime baisse par les années qui
s'accumulent et que les types n'ont pas d'accident, les revenus vont être
moindres. Il faudrait qu'elles se reprennent sur ceux qui ont eu des
accidents.
M. LEGER: Je vous remercie de votre mémoire et
spécialement, pour cette proposition. Nous allons voir, cet
après-midi, leur réaction là-dessus, mais je pense que
c'est quelque chose qui va de l'avant.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, je vous remercie. Je veux en profiter
également, à mon tour, pour remercier l'Association des policiers
provinciaux du Québec pour la qualité de son mémoire et
pour la franchise et l'objectivité dont elle a fait preuve.
Je tiens également à souligner le fait qu'elle a fait sept
recommandations dans son mémoire, qui méritent d'être
étudiées, et je pense que ces recommandations méritent que
les membres de la commission y portent une attention toute
particulière.
J'aimerais attirer l'attention du ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives qui est responsable des
travaux de cette commission ici, qu'il y a eu quand même une chose que je
dois regretter ce matin, non pas
comme un accident, mais comme un incident.
Immédiatement après que les policiers provinciaux eurent
fait connaître leurs observations, le ministre de la Justice s'est
empressé de faire connaître le point de vue de son
ministère et des décisions qu'il entendait prendre, etc., ou
encore les positions qu'il n'entendait pas modifier. J'estime que les buts des
travaux de la commission parlementaire sont d'interroger les
représentants des organismes qui se présentent devant nous de
façon qu'on ne les place pas dans des situations pénibles,
difficiles et qu'ils ne se sentent pas gênés par le ministre
responsable. Il y a d'autres ministres qui viendront à l'occasion des
travaux de la commission et j'estime qu'il est de la plus haute importance
qu'on attache la priorité aux représentants des organismes qui se
présentent devant nous de façon à laisser toute la
latitude possible à tous les membres de la commission parlementaire
d'interroger nos invités et s'il y a lieu et je pense que cela
serait tout à fait normal qu'on le fasse lorsqu'un organisme aura
terminé et que les questions seront terminées, qu'on demande au
ministre, suite aux recommandations qui ont été faites...
Je prendrai un exemple, M. le ministre. Si, par exemple, à la
suite d'une recommandation ou d'une question qui a été
soulignée, ce matin, par l'Association des policiers provinciaux du
Québec, le ministre a fait part d'une décision du
ministère de la Justice, il est assez difficile pour un
député, de quelque côté que ce soit, de la
commission, de revenir sur cette question et d'interroger davantage les
représentants de l'organisme.
Je le dis sans malice, mais je pense qu'il est important que nous
tirions le maximum de renseignements pour l'étude de ces travaux en
commission.
M. TETLEY: Permettez-moi tout simplement une mise au point. Tout
d'abord, je n'ai pas trouvé de témoin gêné, en
commençant pas M. Gauvin, etc., jusqu'à M. Magnan.
De plus, j'ai trouvé certaines remarques ou les remarques des
ministres, même pour moi, très intéressantes. Lorsqu'un
gouvernement peut discuter ouvertement, je crois que vous avez vraiment la
démocratie. Pour ma part, j'ai bien aimé la présentation
du ministre de la Justice, ce matin, et celle du ministre des Transports,
l'autre jour; parfois, les choses passent au public et ne passent pas au
conseil des ministres. Pour moi, c'est intéressant aussi et vous
participez aux décisions. Voici la démocratie !
M. ROY: On ne participe pas aux décisions, justement. Nous
aimerions peut-être y participer davantage. Je veux quand même
apporter une nuance.
M. TETLEY: Gagnez vos élections!
M. ROY: Au niveau des décisions, au niveau des recommandations,
on sait que la commission parlementaire n'a pas de pouvoir de décision.
Son rôle est de faire des recommandations. J'ai remarqué, par
exemple, contrairement à notre collègue, le ministre de la
Justice ce matin, que le ministre des Transports a attendu à la fin.
M. TETLEY: Parfait.
M. ROY: II est évident que dans le rapport Gauvin, les
premières recommandations qui ont été faites, le premier
travail qui a été fait par la commission a été
d'étudier le dossier de la sécurité routière.
A ce niveau, évidemment, parmi les sept recommandations que vous
avez faites, j'aimerais revenir à la recommandation numéro 5, sur
laquelle mon collègue vient de vous interroger. "Qu'une révision
complète soit faite par le Bureau des véhicules automobiles afin
que les permis des conducteurs et chauffeurs soient octroyés
périodiquement."
On se rappellera, qu'il y a quelques années, l'émission
des permis se faisait annuellement et qu'il était possible de renouveler
nos permis dans les bureaux d'assurance régionaux des différentes
régions de la province.
Aujourd'hui, les permis de conduire se renouvellent par période
de deux ans.
Je ne parle pas de revenir à des bureaux régionaux parce
qu'il est quand même important qu'il y ait un meilleur contrôle
d'exercé au niveau de l'émission des permis de conduire. Mais, en
supposant qu'on garde le bureau central comme point d'émission des
permis, du contrôle des permis, est-ce que vous estimez qu'il est
préférable de revenir à la formule annuelle de
façon à pouvoir s'assurer d'un meilleur examen annuel,
plutôt que de continuer la formule de deux ans telle que pratiquée
actuellement?
M. MAGNAN: Non, au contraire, je crois que la formule de deux ans est
excellente, même cela pourrait aller à trois ans ou quatre ans,
selon la question administrative que cela pourrait soulever.
Actuellement, on octroie des permis automatiquement par la poste. Le
premier, on l'a eu avec un examen à 20 ans et, si on a 60 ans
aujourd'hui, on va recevoir le même permis, soit 40 ans après, et
on n'aura pas posé d'autres questions. Si on n'a pas eu d'accident, s'il
n'y a absolument rien qui est survenu... Je peux même être un
handicapé et recevoir mon permis de conduire, pour autant que je fais
les déclarations écrites en conséquence. Il faut s'en
remettre à l'honnêteté de chaque individu.
Ce que nous proposons, c'est une question obligatoire, aviser les
détenteurs de permis de conduire depuis 10 ans, et les inviter à
revenir devant un examinateur au bureau des véhicules-automobiles pour
vérifier de nouveau la situation physique, pour savoir s'ils sont encore
aptes à répondre aux besoins d'un conducteur
d'automobile. A la question d'un an ou deux ans, cela nous importe
peu.
M. ROY: Le problème ne serait pas là, selon vous.
J'aimerais vous poser quelques questions sur quelques recommandations qui ont
été faites dans le rapport Gauvin pour connaître votre
opinion. Je vais les prendre à tour de rôle et non pas par ordre
d'importance. Je vais prendre la recommandation no 7 qui dit: "Que soit
implantée au Québec une "loi de bon Samaritain" protégeant
les personnes qui portent secours aux victimes d'accidents d'automobile."
J'aimerais avoir l'opinion des policiers provinciaux à ce sujet et avoir
votre opinion également sur ce que devrait comprendre une loi de bon
Samaritain. Selon vous.
M. MAGNAN: La loi du bon Samaritain, pour nous, se présente comme
étant une question positive parce que, trop de fois, on a eu
l'expérience, dans des accidents, que le citoyen ou l'automobiliste qui
arrive à la suite d'un accident ne touche à personne parce qu'il
peut y avoir des procédures contre lui par la suite. Il est
prouvé que, de fait, il y en a qui en ont eu parce qu'ils ont
bougé quelqu'un qui était accidenté. La loi du bon
Samaritain pourrait être une chose positive actuellement, dans le
contexte social, mais devrait comprendre aussi des points bien
spécifiques voulant que celui qui portera action ne soit pas poursuivi
en justice parce qu'il aura commis un acte de bon Samaritain. Il faudra le
protéger, celui-là aussi, si par hasard, il pouvait y avoir des
poursuites civiles ou autres. Qu'il bénéficie alors d'un service
public qui lui demande de servir un automobiliste blessé ou
accidenté.
M. ROY: Est-ce qu'à la lumière de votre expérience,
le fait que cette loi n'existait pas et, à cause du danger de poursuite,
il y aurait des vies et des souffrances qui auraient pu être
épargnées si cette loi avait existé dans la
province...
M. MAGNAN: C'est un point sur lequel il est assez délicat de
répondre. Il faudrait que je sois médecin et que j'aie vu chaque
victime, mais il reste que l'expérience nous a prouvé que
plusieurs personnes laissent les automobilistes accidentés sur le bord
de la route sans les toucher. On dit: Ne touchez pas parce que vous allez avoir
des problèmes. On attend la police. La police, elle, fait son possible.
Si le bon Samaritain était là, peut-être que cela
éviterait des blessures plus graves; les vies, là, c'est un autre
problème.
M. ROY: La question no 8: "Que soit instaurée dans la province
une politique d'inspection sélective obligatoire des
véhicules-automobiles, politique qui tienne compte des coûts
impliqués par rapport aux bénéfices escomptés", II
y a quand même, actuellement, une inspection qui peut se faire
sommairement.
M. MAGNAN: Sommairement.
M. ROY: Quelle serait votre position là-dessus et de quelle
façon, selon vous, cette politique devrait-elle être
organisée?
M. MAGNAN : Dans ce cas, on verrait certainement les policiers du
ministère des Transports faire un excellent travail sur la question de
la vérification des "minounes" qui se promènent sur les routes de
la province. Parce qu'on peut avoir une auto de 1940 et avoir les mêmes
possibilités de se promener qu'avec une auto de 1975. Cependant,
l'état de l'automobile est beaucoup moins sûr. Il devrait y avoir
des inspections automobiles obligatoires dans la province de Québec et
ceci devrait être une politique générale dans la province,
par le ministère des Transports.
M. ROY: Si cela ne se fait pas davantage actuellement, est-ce que c'est
à cause d'un manque d'effectifs, un manque d'équipement au niveau
de la Sûreté du Québec?
M. MAGNAN: La Sûreté du Québec fait des inspections
de routine. Elle n'est pas équipée pour faire une inspection
complète d'un véhicule automobile. Lorsqu'on dit complète,
on parle d'alignement, on parle de l'état du véhicule.
On fait une inspection sommaire, les freins, des phares, enfin tout le
système qui peut être constaté de visu, sans pour cela
avoir des machines à notre disposition. C'est pour ça qu'on
verrait des centres d'inspection dans la province pour vérifier
l'état général d'un véhicule.
M. ROY: Selon vous, ça s'impose de toute urgence?
M. MAGNAN: De toute urgence.
M. ROY: Relativement à la recommandation no 10 concernant le port
obligatoire de la ceinture de sécurité dans les véhicules,
est-ce que vous estimez que cette mesure devrait être obligatoire?
M. MAGNAN: Non, parce que je ne vois pas pourquoi on mettrait en vigueur
une loi qu'on ne serait pas capable d'appliquer. Il est très difficile
pour un policier de constater si un automobiliste n'a pas sa ceinture de
sécurité, il faudrait pratiquement qu'il y ait un feu rouge
allumé sur le toit lorsqu'il ne l'a pas, ou qu'il soit éteint
lorsqu'il l'a. Encore là, on aurait des problèmes à savoir
si la lampe est brûlée ou non. Je crois que c'est une question
d'éducation, tel que le ministère des Transports est en train de
faire, soit sensibiliser le public à se servir de sa ceinture de
sécurité. Si l'automobiliste ne s'en sert pas, s'il a des
problèmes par la suite, ce sera son problème personnel. On ne
peut vraiment pas forcer quelqu'un à ne pas se
tuer. On peut le conseiller de ne pas le faire, mais s'il croit que ce
n'est pas nécessaire, je ne pense pas qu'une loi vienne corriger le
problème.
M. ROY: En somme, vous estimez que ce ne serait pas une bonne chose
d'avoir une loi obligatoire dans ce sens?
M. MAGNAN: Non, parce qu'il y aurait aussi la question de poursuite
civile, tous les moyens pourraient être bons. Prenons comme exemple un
type qui prendrait son véhicule pour aller chercher un paquet de
cigarettes et il ne met pas sa ceinture de sécurité; il se fait
heurter par un type qui a les facultés affaiblies en haut de 0.08 et il
y aurait encore le problème, suite à une procédure civile
intentée, parce qu'il n'aurait pas sa ceinture de
sécurité. Dans le fond, on sait pertinemment que ce n'est pas
celui qui n'a pas sa ceinture qui serait en tort, alors que l'autre pourrait
être poursuivi pour beaucoup et bénéficierait de la
clémence du tribunal.
M. ROY: Est-ce que, selon vous, la ceinture de sécurité,
constitue une sécurité absolue en cas d'accident dans les
véhicules automobiles?
M. MAGNAN: Ce n'est pas absolu, c'est relatif.
M. ROY: C'est relatif.
M. MAGNAN: Parce qu'on a déjà vu des morts
attachés.
M. ROY: Je vais vous poser une question d'opinion personnelle, mais
j'estime qu'il n'y a personne qui est mieux placé que les gens de la
Sûreté du Québec pour y répondre. Est-ce
arrivé parfois qu'à cause de la ceinture de
sécurité, il y aurait eu des morts, si les passagers n'avaient
pas été attachés? Je fais allusion à une collision
dans laquelle il y a un incendie immédiat?
M. MAGNAN: Je n'ai pas d'exemple personnel montrant que le fait d'avoir
été attaché a provoqué la mort parce que le
conducteur n'a pu se détacher.
M. ROY: Vous n'avez aucun...
M. MAGNAN: On n'a pas d'exemple.
M. ROY: ... exemple. La recommandation no 17, "Que soit reconnue comme
une priorité en matière de sécurité
routière, une surveillance constante et vigilante des routes de la
province par un corps policier qualifié". On en a discuté tout
à l'heure, le ministre de la Justice en a parlé, vous avez
émis des opinions là-dessus. Quels seraient les effectifs
nécessaires, selon vous, au niveau de la Sûreté du
Québec, pour être en mesure je ne parle pas de donner une
sécurité absolue, c'est une chose impensable de donner un
maximum de sécurité qui serait souhaitable dans la province
actuellement? Quels seraient les effectifs nécessaires à la
Sûreté du Québec par voie de comparaison par rapport
à la population de l'Ontario? J'aimerais avoir des chiffres. On a
parlé tout à l'heure de l'Ontario, quel est le nombre de
policiers provinciaux, on a parlé de la question de juridiction
fédérale, les subventions avec le fédéral, j'aurais
des observations à faire là-dessus, mais ce n'est pas
là-dessus...
M. CHOQUETTE: Vous savez que M. Réal Caouette m'appuie.
M. ROY: Je n'ai pas posé la question et je n'ai pas dit le
contraire.
M. CHOQUETTE: Mais moi, je tiens à vous le dire. Réal
Caouette est plus coopératif que le député de Beauce.
M. ROY: Un instant, je vous appuie là-dessus, M. le ministre. Je
vous appuie là-dessus. D'ailleurs, j'estime je pense que c'est
bien important que ce soit dit que le Québec ait tous les
pouvoirs nécessaires pour assumer ses responsabilités et qu'il y
ait un partage équitable en toute justice entre les deniers qui sont
consacrés à cette fin. Le ministre a dû recevoir des
mémoires et des lettres qui m'ont été envoyés par
les conseils municipaux et les conseils de mon comté indiquant que j'ai
appuyé fortement la position du ministre à ce sujet de
façon qu'il ait un bon dossier pour aller à Ottawa et de
façon à se faire entendre.
M. CHOQUETTE: Je l'apprécie. Je l'apprécie.
M. ROY: Je pense que le ministre devrait corriger les propos qu'il vient
de tenir lorsqu'il disait que je n'étais pas un bon collaborateur.
M. CHOQUETTE: Vous êtes un pas mal bon collaborateur, quand vous
voulez.
M. ROY: Je remercie le ministre de la Justice. Pour en revenir à
la question et c'est une dernière question que je pose
Quels seraient les effectifs nécessaires pour avoir à peu
près l'équivalent, au niveau de la sécurité
routière, de façon que vous puissiez faire un travail je
n'aime pas beaucoup la comparaison que je vais faire, mais je pense que, dans
les circonstances, elle s'impose en comparaison avec l'Ontario, comme
tel?
M. MAGNAN: Si on prend l'exemple de l'Ontario, ils sont environ 4,000
policiers provinciaux eux aussi. Cependant, ils ont d'autres organismes, qui
s'apparentent avec le ministère des Transports, où ils sont
environ 2,000. Nous, au Québec... Au ministère des Transports, il
y a
125 inspecteurs, je crois, sur les routes et nous, nous sommes environ
4,000, ou un peu plus.
Si on doublait la patrouille à la Sûreté du
Québec, il faudrait pratiquement penser à 1,000 membres de plus,
au départ. Il y a 172 unités qui travaillent dans la
Sûreté du Québec sans compter qu'il y a 1,300
véhicules. C'est toujours relatif, une réponse à une
question semblable, parce que tout dépend aussi du service qu'on veut.
Il y a des régions de la province, notamment en Gaspésie,
où mettre deux véhicules automobiles dans un rayon de 60 milles
serait peut-être trop. Qu'il y en ait un au départ, c'est
déjà suffisant, parce que le nombre d'incidents ou d'accidents
n'est pas élevé.
Si on prend le boulevard Métropolitain, alors qu'il y a six
automobiles en patrouille, on peut se poser des questions. Si on veut
améliorer le service, il faudra peut-être en mettre douze, tout
dépend un peu du but que l'on poursuit. Les 1,000 peuvent devenir 1,500,
remarquez bien. Mais plus nous serons, meilleur sera le service.
M. ROY: Maintenant, comment expliquez-vous le fait, si vous avez
à peu près les mêmes effectifs que l'Ontario je fais
abstraction, par exemple, des effectifs qui sont mis à leur disposition
par le ministère des Transports je reviens au tableau 3 de la
page 89 du rapport Gauvin, que le Québec se situe au plus bas niveau, ou
presque c'est Terre-Neuve qui est au plus bas, mais c'est assez
difficile de faire des comparaisons entre Québec et Terre-Neuve, puisque
le contexte n'est pas le même du tout comment expliquez-vous le
fait que c'est le Québec qui est le plus bas au niveau des infractions
routières?
M. MAGNAN: C'est un ensemble de faits. Il y a une question sociale
d'abord, parce qu'au Québec, ce sont des Québécois, ce ne
sont pas des types qui demeurent dans d'autres provinces. Comme on le disait
tantôt, il y a peut-être un défoulement social qui se fait
lorsqu'on arrive sur les routes du Québec. On se défoule, on
appuie sur l'accélérateur.
Maintenant, des policiers, on n'en trouve pas à tous les coins de
rue pour les arrêter. Il ne peut pas y en avoir à tous les coins
de rue ou à tous les milles. Si on dit que les statistiques
démontrent qu'il y a plus d'accidents, on peut dire aussi que les
statistiques démontrent qu'il y a eu plus de rapports d'infraction.
Mais lorsqu'on regarde l'Ontario, on prend toutes les fins de semaine
les statistiques. Le Québec n'est jamais bon premier dans les accidents
de la route, c'est toujours l'Ontario, du moins dans ces années-ci. Or,
on peut dire qu'on a gagné du chemin, même si nous sommes proches
de la tête. C'est un avantage, il faut descendre au lieu de monter; c'est
contraire à ce qu'on doit faire normalement. Normalement, on cherche la
tête, mais là, il faut chercher le plus bas possible.
Maintenant, nous étions peut-être dans les pires
auparavant, dans les années 1969, 1970, 1971, tel que nous le
décrit le rapport, mais si on refaisait les statistiques 1972, 1973 et
1974, on pourrait peut-être dire que le rapport n'est plus à
jour.
M. ROY: C'est vrai, on doit quand même admettre qu'il s'agit d'un
rapport qui a été publié et qui donne les chiffres de
1969, 1970 et 1971. Alors, vous pouvez nous certifier ce matin qu'il y a eu une
forte amélioration de ce côté-là.
M. MAGNAN: Evidemment...
M. ROY: Lorsque je dis amélioration, c'est une
amélioration au niveau de la surveillance.
M. MAGNAN: Amélioration au niveau de la surveillance,
amélioration au niveau de l'effectif, parce qu'on était 3,000
policiers en 1969.
M. CHOQUETTE: Puis-je m'interposer dans cette discussion, M. le
député, avec votre permission?
M. ROY: Oui.
M. CHOQUETTE: Ajoutez peut-être un élément à
vos connaissances. Je regarde ce tableau-là et je le trouve
extrêmement dangereux au point de vue de l'interprétation. Voici
ce qu'on voit. Tableau 3: Taux d'infractions à la circulation
prévues au code criminel par 100,000 habitants âgés de 16
ans et plus, 1969, 1970, 1971.
Or, c'est simplement des infractions prévues au code criminel.
Quelles sont-elles les infractions prévues au code criminel dans le
domaine de la route? C'est conduite en état d'ivresse, conduite
dangereuse, si je me rappelle, M. Magnan...
M. MAGNAN: Conduite...
M. CHOQUETTE: Facultés affaiblies.
M. MAGNAN: Facultés affaiblies, conduite dangereuse ou
délits de fuite...
M. CHOQUETTE: Délits de fuite.
M. MAGNAN: Cela ressemble passablement à cela, cela revient
à cela.
M. CHOQUETTE: Or, M. le député, savez-vous qu'un certain
nombre de ces infractions contenues au code criminel sont d'ailleurs contenues
au code de la route et qu'il arrive très fréquemment que la
police, au lieu de porter des accusations en vertu du code criminel, porte la
même accusation en vertu du code de la route, par exemple: délit
de fuite, facultés affaiblies, conduite en état d'ivresse.
Vous n'avez pas toute l'image ici des accusations portées par la
police pour un certain nombre d'infractions au code de la route,
c'est-à-dire des infractions en matière routière, en vertu
du code criminel.
Moi, je dis que ce tableau est extrêmement suspect au point de vue
des conclusions qu'on peut en dégager. C'est pour cela que je n'y ai pas
tellement donné d'importance quand j'ai interrogé M. Magnan au
début. Moi, je voudrais vérifier pour savoir quelle est l'image
totale par rapport aux accusations portées en vertu du code de la route
qui devraient s'ajouter à celles qui sont prévues à ce
tableau. Il n'est pas convaincant pour moi, du moins à prime abord.
M. ROY: Est-ce que le ministre veut dire, à ce moment, que le
rapport Gauvin aurait dû faire un tableau plus complet pour nous donner
une image complète?
M. CHOQUETTE: C'est évident, parce qu'on parle seulement des
infractions en vertu du code criminel, mais je connais beaucoup de policiers
qui, pour ne pas, en fait, entacher le dossier d'une personne qui est
accusée, ne porteront pas d'accusation en vertu du code criminel, mais
vont porter la même accusation en vertu du code de la route et la
personne qui est condamnée ou qui plaide coupable aura une condamnation
pour le même montant d'argent ou pour un terme de prison, si le juge
l'impose, mais elle n'aura pas de dossier judiciaire. Tandis que si
l'accusation est portée en vertu du code criminel, il y a un dossier
judiciaire qui s'ensuit et il y a beaucoup de gens qui commettent des
infractions au code criminel en matière routière qui ne sont pas
des criminels comme tels et qui ne méritent pas qu'ils soient
affublés d'un dossier judiciaire pour une période de cinq ans,
jusqu'à ce qu'il s'efface par l'effet de la Loi des casiers
judiciaires.
Moi, je dis de ne pas prendre plus au sérieux qu'il ne le faut ce
tableau. Je pense qu'il faudrait vérifier les chiffres et aligner ce qui
s'est fait au point de vue du code de la route et on pourrait peut-être
avoir une image totale.
M. ROY: Je pense que la distinction que le ministre vient de nous
apporter s'imposait, mais je pense quand même, puisque ce serait
important pour les membres de la commission et pour tout le monde, qu'il y
aurait peut-être lieu, si c'est possible et je m'adresse au
ministre à ce moment qu'on nous fournisse des statistiques
à ce sujet.
M. CHOQUETTE: Je vais faire tout mon possible pour obtenir les
statistiques dans le domaine des infractions constatées en vertu du code
de la route ou du code criminel pour qu'on ait une image totale de la situation
pour les deux dernières années.
M. ROY: Cela va être encore relatif, parce que le ministre ne peut
pas nous fournir les chiffres des autres provinces.
M. CHOQUETTE: Non, je ne pourrai probablement pas avoir les chiffres des
autres provinces, quoique...
M. ROY: Cela va être assez difficile de faire des comparaisons
quand même.
M. CHOQUETTE: Oui, cela peut être assez difficile de faire des
comparaisons. Mais, en fait, je vais essayer d'avoir des documents un peu plus
complets que ce qu'on fournit ici, comme tableau 3, dans le rapport.
M. ROY: En guise de conclusion, M. Magnan, j'aurais une question
peut-être d'appréciation ou d'opinion personnelle à vous
demander. Avec une meilleure sécurité routière, selon les
objectifs ou les buts que vous poursuivez et les effectifs que vous voulez
avoir, le système que vous aimeriez implanter, est-ce que vous avez fait
une étude sommaire ou un genre de projection, si vous voulez, sur les
réductions éventuelles du nombre d'accidents dans la province de
Québec, compte tenu de ce qui pourrait et de ce qui devrait être
corrigé, sans avoir le système parfait, mais, autrement dit, en
appliquant certaines mesures qu'on estime importantes et urgentes?
M. MAGNAN: On n'a fait aucune étude dans ce sens. D'ailleurs,
cela relève beaucoup plus du ministère de la Justice,
étant donné les moyens qu'il peut disposer éventuellement,
parce que c'est toujours une question monétaire, l'engagement des hommes
en regard des véhicules automobiles et de l'équipement
général.
On sait pertinement que s'il y avait plus de vérification ou plus
de présence policière sur les routes du Québec, il y
aurait certainement lieu de croire pour nous que le public pourrait profiter de
la situation dans le sens qu'il pourrait peut-être suivre les lois un peu
plus.
Je ne dis que c'est au nombre de véhicules de police que le
public va automatiquement observer les lois.
M. ROY: En somme, il y aurait possibilité de réduire le
nombre d'accidents et, de ce fait, en réduisant le nombre d'accidents,
évidemment, une diminution du coût de l'assurance-automobile au
Québec.
M. MAGNAN: C'est possible.
M. ROY: Je vous remercie, M. Magnan.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Portneuf.
M. PAGE: Seulement une brève question, M. le Président.
Vous avez parlé, M. Magnan, beaucoup d'équipement, de
présence policière
sur nos routes. Est-ce que vous avez fait l'étude, à
savoir combien vous avez de véhicules de la police pour la patrouille de
la surveillance comme telle, par mille de route, ou par nombre de
véhicules québécois, comparativement à d'autres
provinces?
M. MAGNAN: Non, on n'a pas ces études. D'ailleurs, la
Sûreté du Québec non plus, je ne crois pas qu'elle ait fait
d'études semblables. Si elle en a fait, je ne le sais pas. On n'a aucune
statistique qui peut démontrer combien on a de véhicules en
service, prenant en considération le nombre de milles à
patrouiller ou le nombre de membres en service, prenant en considération
la population à servir. Maintenant, il n'y a pas de proportion
là-dessus encore d'établie.
M. PAGE: Est-ce que cela pourrait physiquement être donné,
est-ce que cela pourrait être fait?
M. MAGNAN: Cela pourrait se faire en prenant les statistiques de la
Sûreté du Québec.
M. PAGE: M. le ministre ne pourrait pas nous les fournir non plus?
M. CHOQUETTE: Les statistiques? ... J'étais distrait.
M. PAGE: Je vous comprends. Il reste le député de Beauce,
vous pensiez au gouvernement fédéral.
M. CHOQUETTE: Les statistiques.
M. PAGE: Le nombre de véhicules de la Sûreté du
Québec par mille de route au Québec ou par nombre de conducteurs
québécois.
M. TETLEY: En comparaison avec les autres...
M. CHOQUETTE: Oui, je peux essayer d'avoir les chiffres.
M. MAGNAN: II y a environ 2.5 millions de véhicules au
Québec.
M. PAGE: De véhicules automobiles au Québec.
M. MAGNAN: II y a 44,000 milles de route. Alors c'est fait.
M. PAGE: Vous avez parlé tout à l'heure, vous n'êtes
pas le seul à en parler, d'une constatation, à savoir que lorsque
les gens arrivent soit dans le Maine ou en Ontario, ils ont un comportement
bien différent de leur comportement sur les routes
québécoises, ici. Vous en avez parlé, mais en tant que
policier, qui êtes continuellement avec le conducteur, c'est vous qui
avez à le rencontrer, comment expliquez-vous ce fait? Est-ce parce qu'on
n'est pas soucieux du règlement, ou si on n'est pas soucieux de la loi?
Est-ce que les policiers ont la bonne renommée d'être trop
gentilshommes, ou quoi?
M. MAGNAN: II y a peut-être aussi, comme je le disais
tantôt, la question que lorsqu'on est au Québec, les causes de la
route passent assez facilement en cour. Les rôles sont chargés,
les juges ont beaucoup de travail. Alors, la question route, accusé de
70 milles à l'heure, 80 milles à l'heure, d'accord, amende
minimum, et cela passe. Peut-être que le sérieux de l'application
du code de la route serait à réévaluer; tandis que si on
va dans d'autres provinces, on sait que si on se fait arrêter, on y
passe.
M. PAGE: Vous avez glissé un mot aussi dans votre mémoire,
si je ne me trompe pas, au sujet de la pénurie des juges, est-ce que ce
serait encore à l'heure...
M. MAGNAN: Pardon?
M. PAGE: Vous avez mentionné la pénurie des juges,
où le juge n'était pas...
M. MAGNAN: Oui, c'est cela. Cela va en relation directe avec la question
de l'application du code de la route.
M. PAGE: Est-ce que vous préconiseriez un tribunal
spécifique et particulier, ou qu'on laisse cela aux Sessions de la
paix?
M. MAGNAN: Pour ce qui nous concerne, on aimerait bien avoir des juges
disponibles qui s'occuperaient des questions de la route d'une façon
permanente.
M. PAGE: C'est bien de le soumettre au ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: ... il n'a pas dix ans de pratique.
M. PAGE: Pas encore.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Trois-Rivières.
M. BACON: M. Magnan a répondu déjà à ma
question. C'était justement sur la précision de son
mémoire à la page 2, soit la revalorisation du code de la route
dans les tribunaux. C'est ce que vous vouliez mentionner, j'imagine?
M. MAGNAN: C'est exactement cela. M. BACON: Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Bellechasse.
M. MERCIER: M. le Président, j'aimerais tout d'abord
peut-être apporter des précisions, suite aux commentaires de M.
Magnan, lorsqu'il a fait état tout à l'heure de l'émission
des permis de conduire et du rappel des détenteurs de permis. Je pense
qu'il y aurait lieu de préciser que maintenant toute personne
âgée de 70 ans et plus est rappelée automatiquement pour un
nouvel examen, un examen de contrôle, ainsi que tous les chauffeurs
affectés au transport public, autobus d'écoliers, chauffeurs de
taxi et d'autres. Egalement, les personnes qui possèdent, au Bureau des
véhicules automobiles, un dossier médical sont appelées
pour un nouvel examen. J'endosse cependant son commentaire, soit
peut-être d'amplifier cette action d'examen périodique; mais il
est bon que la population sache tout de même qu'il y a des
catégories de chauffeurs qui sont rappelés périodiquement
pour des examens de contrôle. Je voudrais également mentionner,
suite aux statistiques qui sont rapportées, particulièrement au
cours des années antérieures, au niveau des dix provinces
canadiennes. Si on fait une comparaison avec l'Ontario, jusqu'à il y a
deux ans, si ma mémoire est fidèle, l'Ontario rapportait au
bureau fédéral de la statistique tous les accidents aec dommages
matériels de plus de $200, alors que le Québec rapportait les
accidents de $100. et plus.
Cela pouvait faire également une distinction appréciable
sur le nombre d'accidents qu'on avait à déplorer au
Québec, comparativement à l'Ontario. Je ne veux pas
atténuer par là les tragédies routières du
Québec, loin de là. Sauf que je pense que cela fait tout de
même un pourcentage appréciable, comparativement aux statistiques
de l'Ontario sur le nombre d'accidents survenus dans notre province,
comparativement à ceux survenus dans la province de l'Ontario. Je pense
que maintenant, les rapports sont corrigés et que le Québec
rapporte maintenant uniquement les accidents de $200 et plus au bureau
fédéral de la statistique. Cela peut faire toute une
différence sur le nombre de tragédies ou d'accidents routiers au
Québec.
M. le Président, j'aimerais revenir sur une question qui a
été discutée avec M. Magnan par mes collègues, mais
à laquelle nous avons fait allusion aussi la semaine dernière,
concernant la patrouille routière. Je suis d'avis, comme l'a
exprimé M. Magnan, qu'il y aurait place pour des effectifs additionnels
au niveau de la Sûreté pour accentuer la patrouille
routière.
La question est à savoir si, dans le cadre actuel des
opérations policières de la Sûreté du Québec,
il y aurait possibilité d'améliorer immédiatement la
patrouille routière à l'intérieur même,
actuellement, des effectifs de la Sûreté. On m'a rapporté
dans le passé que depuis les modifications de structures à la
Sûreté du Québec, suite, je pense, au rapport Ducharme, le
policier est appelé à faire, évidemment, toutes sortes de
choses, du judiciaire et de la patrouille routière, un peu de tout. Cela
a pour effet également que dans un poste de la Sûreté du
Québec, dans une région donnée, si vous avez un effectif
de 24 policiers qui travaillent sur trois équipes, donc cela veut dire
huit policiers par équipe, et qu'il arrive, à un certain moment,
que deux ou trois policiers soient retenus en cour pour aller témoigner,
qu'un tombe malade et que l'autre soit retenu au poste pour l'administration,
cela a pour effet de créer la situation que, pendant X heures ou X
jours, il peut y avoir la proportion d'un policier, un policier et demi qui va
faire de la patrouille routière dans un secteur. Ce n'est pas
évidemment la faute des policiers. Ce n'est pas la faute, non plus, des
dirigeants, mais c'est une situation de fait qui occasionne justement ce que
l'on déplore tous ce matin, l'absence de patrouilles routières au
Québec.
On a entendu le ministre de la Justice dire tout à l'heure qu'il
ne voyait pas le bien-fondé ou la nécessité d'un "Highway
Patrol" indépendant de la Sûreté. Vous avez apporté
le commentaire que pour une plus grande efficacité policière,
vous verriez d'un bon oeil, évidemment, un corps policier ou une action
policière unifiée, incluant la patrouille routière. Mais
est-ce que vous êtes d'avis que s'il y avait sans revenir avant
les années soixante, à une police provinciale, à une
police de la route comme telle possibilité de créer une
unité affectée, disons, particulièrement à la
patrouille routière, en ayant des provisions, des coordonnées qui
pourraient permettre une relation peut-être plus étroite avec les
autres factions du corps policier, pour une plus grande efficacité
opérationnelle. Cette unité se spécialiserait dans une
surveillance routière au sein même des effectifs de la
Sûreté, pour non seulement assurer la présence de
patrouilleurs routiers sur les routes du Québec, mais aussi, à
titre de service pour tout le tourisme étranger, que ce soit
également pour les indications ou pour les premiers soins à
accorder aux blessés lorsqu'un accident survient.
M. MAGNAN: La question pourrait évidemment être
réétudiée au point de vue de la régie interne ou de
l'application du travail policier au niveau de la Sûreté du
Québec. Cependant, j'admets, comme vous, que la question de subpoena,
d'exécution de mandat d'arrestation, le fait d'aller à la cour
durant de longues journées et souvent c'est remis au lendemain... Ce
sont toutes des questions qui viennent sur le tapis au point de vue de la
régie interne. De fait, le policier, lorsqu'il est à cet endroit,
n'est pas à l'autre endroit. Mais cependant, de là à
former, à l'intérieur de la Sûreté du Québec,
un genre de division qui dirait: Ce sont des polices de la route, ce sont des
enquêteurs ou des détectives, nous, on est très restreint
sur cette question.
On aimerait mieux que le policier de la Sûreté du
Québec coopère lorsqu'un poste, un détachement
donné, que cela soit la Sûreté du Québec, avec les
policiers de la route, mais au
point de vue interne, réviser certaines questions comme, par
exemple, lorsqu'il y a des subpoenas à faire livrer, qu'un le fasse et
non pas qu'on dégarnisse la route pour le faire. Lorsqu'un type est
appelé à aller à la cour, qu'on le remplace, mais qu'on
mette les priorités sur la patrouille. Si parfois le patrouilleur est
appelé à la cour, on délaisse un peu la route.
M. MERCIER: C'est une situation de fait, actuellement?
M. MAGNAN: Actuellement.
M. MERCIER: Certaines zones sont complètement dépourvues
de patrouilleur routier.
M. MAGNAN: Oui. Mais ce n'est pas la question. Ce n'est pas la faute du
ministère de la Justice.
M. MERCIER: Non, d'accord.
M. MAGNAN: C'est une question de régie interne, d'application
d'un règlement interne. A ce moment, c'est une nouvelle philosophie
qu'il faudrait que la Sûreté du Québec emploie,
c'est-à-dire: Sur la route, cela prend X patrouilleurs au minimum et il
faut s'assurer qu'ils y soient. Si les patrouilleurs attitrés sont
appelés, il faudrait les remplacer par d'autres, ce qu'on ne fait pas
actuellement vu le manque d'effectifs.
M. MERCIER: A combien estimez-vous la nécessité
d'augmenter les effectifs pour assurer, justement, une patrouille
routière efficace?
M. MAGNAN: Lorsqu'on considère qu'il se fait aux environs de $6
millions à $7 millions de temps supplémentaire par année
aux membres de la Sûreté du Québec, il faut croire qu'il en
manque.
M.MERCIER: Quel est le nombre d'heures de travail du policier?
M. MAGNAN: 2,080 heures par année.
M. MERCIER: Hebdomadairement?
M. MAGNAN: 40 heures.
M. MERCIER: 40 heures.
M. MAGNAN: Cinq jours de huit heures.
M.MERCIER: Est-ce qu'il a été question que le policier
puisse être exempté d'aller en cour pour des causes de la
route?
M. MAGNAN: Actuellement, il y a une grosse amélioration sur ce
point. Les policiers ne sont plus appelés à aller
témoigner sur les causes de la route, pour un feu rouge
brûlé, etc.
M. CHOQUETTE: Oui. Actuellement, s'il y a une infraction au code de la
route qui est reprochée, le rapport du policier fait preuve, à
moins que l'avocat de la défense insiste pour la comparution du
policier. Alors, ceci nous a permis de réduire considérablement
le nombre de présences de la police en cour et donc, laisser plus de
temps disponible pour faire le travail de la police. C'est un amendement qui a
été apporté au code de la route il y a environ deux ans et
demi.
M. MAGNAN: Cela a amélioré énormément le
travail du policier à ce point de vue parce que des infractions au code
de la route, il y en a.
M. MERCIER: J'aurais une dernière question relativement au
système de points de démérite. J'aimerais demander
à M. Magnan si, par l'entremise de ses membres, il a constaté,
depuis l'avènement du système de points de démérite
dans toute la province, depuis sa mise en application, une amélioration
du comportement du conducteur québécois sur les routes du
Québec.
M. MAGNAN: Malheureusement, cela n'a pas été une
amélioration. Lorsqu'un individu a un bon véhicule, il court le
risque de déguerpir au lieu d'avoir quatre points à perdre. C'est
arrivé. A ce moment, il faut qu'il y ait une interception, une
identification possible, positive et cela devient un problème.
Cependant, peut-être que d'autres ont réagi autrement, mais
ce que nous constatons, c'est qu'il y a des individus qui vont se servir de la
vitesse pour éviter les quatre points.
M. MERCIER: Est-ce que vous avez déjà
considéré la possibilité de recommander,
éventuellement.. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Est-ce
que vous seriez enclins à imiter certains Etats américains qui
obligent l'automobiliste qui commet une infraction au règlement de la
circulation à payer immédiatement, sur le champ, les amendes
prescrites par la loi?
M. MAGNAN: Au Québec, on aimerait avoir la même application
que lorsqu'on va dans d'autres provinces et qu'on se fait appliquer ce
règlement.
M. MERCIER: Je vous remercie M. Magnan.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
M. TETLEY: J'ai bien aimé votre intervention lorsque vous avez
parlé de nouvelle philosophie pour les conducteurs. Tout le monde croit
que c'est un droit de conduire sur nos routes. C'est plutôt un
privilège. Ce n'est pas un droit de conduire à toutes les
vitesses sur nos routes.
J'ai une lettre ici que j'ai reçue très récemment,
datée du 7 octobre, de quelqu'un de l'est de Montréal qui me dit
qu'il a perdu son permis à cause de trois infractions. Il se croit
lésé. Il croit qu'il a perdu ses droits. A mon avis, il n'avait
aucun droit. C'est un privilège de conduire sur nos routes.
Je vais lire cette lettre pour le dossier. "M. Tetley, je suis
représentant des ventes pour la compagnie X depuis deux ans. Je
ne donne pas le nom de la compagnie A la suite de trois infractions au
code de la route (vitesse indue), j'ai été avisé que mon
permis de conduire était suspendu depuis le 20 septembre 1974 jusqu'au
20 décembre 1974. Cette suspension résulte de la perte de douze
points de démérite. Avec la perte du privilège de conduire
ma voiture, je ne peux plus continuer à gagner ma vie. Après
avoir discuté avec mon patron de cette situation, il m'a accordé
trois semaines pour rétablir ma situation, sinon il serait dans
l'obligation de demander ma démission. Etant un homme travaillant, qui
ne veut pas si je peux lire l'original vivre aux crochets de la
société ou de l'assurance-chômage à cause de cette
situation, n'y aurait-il pas possibilité de m'aider afin que je puisse
continuer à travailler? Je vous remercie à l'avance et
j'espère que ma situation pourra se rétablir à temps".
Ma question est la suivante: Qu'est-ce que je devrais faire si j'avais
le pouvoir de régler ce cas?
M. MAGNAN: Premièrement, je suis convaincu d'une chose, s'il
s'est fait prendre trois fois, il a manqué au règlement plus de
trois fois. Il est encore chanceux de ne pas avoir perdu 24 points ou 36
points, parce qu'il aurait pu le perdre avant, son permis de conduire.
M. CHOQUETTE: C'est votre subconscient de policier qui parle.
M. MAGNAN: C'est regrettable. D'ailleurs, c'est une question qui revient
sur la table tous les jours, je crois bien, pour vous, d'avoir des demandes
semblables. C'est comme quelqu'un qui a un accident, il ne veut jamais l'avoir,
mais lorsqu'on va chercher ses plaques et son permis de conduire, nous, les
policiers, nous avons la même demande: Etes-vous capables de m'arran-ger
cela? C'est bien dommage, les douze points sont perdus, l'accident a eu lieu,
vous n'aviez pas d'assurance, la loi est là, on l'applique. Ce serait
bon d'être bon envers tout le monde, mais il faudrait jeter de
côté toutes les lois et juger au mérite. Vu qu'on n'a pas
tous le même jugement, je pense que tout le monde aurait raison.
M. TETLEY: Merci. Je vous remercie, au nom de tous les
députés, de votre présence.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable...
M. TETLEY: Au nom du ministre des Transports.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): ... du ministère des
Transports.
M. BERTHIAUME: Etant donné que le ministère des Transports
est mis en cause assez fréquemment dans cette partie du rapport Gauvin,
et j'imagine aussi par les intervenants, j'aimerais apporter quelques brefs
commentaires. Après l'analyse du rapport Gauvin, quant à ses
constatations au sujet des lacunes au Québec en sécurité
routière et après avoir lu ces 18 recommandations, il y a lieu de
se demander ce que nous, aux Transports, nous devons faire dans
l'immédiat. La partie traitant de la sécurité
routière, quoiqu'elle ait des conséquences sur le coût de
l'assurance-automobile, n'est en rien reliée au régime
d'assurance-automobile comme tel que le gouvernement pourrait choisir
d'instaurer. Le triste diagnostic posé au domaine de la
sécurité routière exige que nous agissions rapidement. En
conséquence, le ministère des Transports a commencé
à faire un inventaire des différents règlements qui
pourraient être adoptés pour essayer de pallier cette situation.
Nous sommes actuellement à essayer d'en établir le
coût-bénéfice.
J'aimerais, pour l'information des députés qui ont
posé des questions sur le sujet, au moins vous donner la liste des
choses que nous sommes à considérer. Des règlements
pourraient être formulés ou reformulés sur les sujets
suivants: la bicyclette, la minimoto et la motocyclette. Comme vous le savez,
on a déjà fait quelque chose dans ce domaine et je pense bien
que, là-dessus, le Québec est à l'avant-garde. Mais nous
sommes quand même prêts à reconsidérer et à
reformuler la loi que nous avons adoptée dans ce domaine.
Egalement, les écoles de conduite, les pièces de
remplacement, les garagistes... je reviens à une des questions,
lorsqu'on a parlé d'inspection périodique des voitures, sur le
plan de l'administration d'un tel programme, il faut reconnaître les
énormes difficultés administratives. Parce qu'il faut avoir un
très grand nombre de centres d'inspection dans la province pour ne pas
demander à l'automobiliste d'être obligé de faire 50, 60,
ou même dans certains coins de la province, 150 milles pour faire
inspecter sa voiture, annuellement ou tous les deux ans. Pour cette raison,
nous sommes à considérer la certification des garages, garages du
coin. Vous pouvez imaginer assez facilement la difficulté qu'on peut
avoir à faire cette certification parce qu'on tombe dans le domaine du
travail et ça demanderait un rapport du ministère du Travail pour
certifier non seulement les garages, mais les garagistes et les
mécaniciens. On peut se poser la question à savoir jusqu'à
quel point il y a un nombre suffisant de mécaniciens compétents
et bien répartis sur le territoire pour
vraiment mettre en application un système comme
celui-là.
Je ne dis pas ces choses pour éviter la question, mais pour en
illustrer la difficulté sur le plan de l'administration. Parce qu'on a
beau adopter une loi, comme je l'ai déjà dit à une autre
occasion, il faut pouvoir appliquer cette loi. On peut résoudre un
problème politique au niveau de l'opinion publique en disant qu'on a
voté une loi, mais si cette loi n'a pas les effets
désirés, on n'a pas réglé le problème. Quant
aux commerçants d'automobiles également, j'ai parlé de la
conformité mécanique des véhicules, modification au
système de points de démérite afin de le rendre plus
efficace, réglementation des ambulances, ceinture de
sécurité, contrôle des distributeurs des pièces
d'automobile...
Je dois dire que cette liste n'est pas exhaustive, il y en a d'autres,
mais les domaines que je viens de nommer sont ceux où on peut agir d'une
façon immédiate.
Un autre commentaire concernant le rapport Gauvin, soit une des choses
frappantes dans ce rapport, aux yeux du ministère des Transports, c'est
cette constatation que 89 p.c. et plus des accidents sont
considérés, selon les membres de la commission Gauvin, comme
étant dûs au chauffeur lui-même. Je ne dis pas ces choses
parce qu'il faut négliger l'automobile ou les réparations ou
l'inspection, mais cette constatation de la commission Gauvin est
vérifiée par la constatation d'autres recherches qui ont
été faites dans le domaine, notamment en Grande-Bretagne et en
Australie, je crois, ou encore dans différents pays d'Europe. On est
porté à croire que le problème en Amérique est
semblable à celui des pays d'Europe. Nous croyons qu'à moyen
terme et à long terme, ce qui importe le plus, c'est d'intensifier
l'éducation de l'automobiliste lui-même. Mon opinion personnelle,
c'est qu'il faudrait le faire en bas âge, soit à l'âge de 5
ans, 6 ans, 7 ans ou 8 ans où on développe vraiment la
mentalité de l'éventuel chauffeur d'automobile. On a parlé
beaucoup du tempérament latin au Québec comme étant la
cause de notre façon de conduire, de nos mauvaises habitudes; c'est une
excuse qui est peut-être convenable et qui est peut-être même
vraie, je ne le sais pas. Par contre, si on veut agir d'une façon des
plus efficaces et non pas d'une façon strictement politique, je pense
qu'il faut considérer une action assez dynamique dans le domaine de
l'éducation. Je verrais ça au niveau de la maternelle et de
l'école primaire.
On a parlé également de la ceinture de
sécurité. Le député de Beauce-Sud s'est
demandé quel pourcentage des cas d'accidents pouvaient être
aggravés par le port de la ceinture de sécurité. Or, les
statistiques que nous avons là-dessus nous démontrent que c'est
moins de 0.5 p.c. Ce sont des cas vraiment exceptionnels. De toute
façon, cette grande question de la ceinture de sécurité a
été discutée récemment et je sais que le
député de Charlevoix, mon collègue, en a parlé ici
la semaine dernière. Encore une fois, nous considérons qu'il est
quand même essentiel, peu importe quelle législation on pourrait
présenter éventuellement, pour le succès d'une telle
opération M. Magnan a souligné la difficulté
d'application qu'il y ait un appui populaire. Il faut que les gens
soient sensibilisés à la question, il faut que les gens y
croient, à la ceinture de sécurité. C'est pour cette
raison que nous avons amorcé ce programme d'information, dont on
connaît la teneur.
Enfin, je tiens à mentionner qu'en ce qui concerne un nouvel
examen périodique des chauffeurs, nous sommes à considérer
cette chose-là aussi et, encore là, il y a des questions
administratives qu'il faut régler. Nous sommes quand même à
étudier cette question et nous espérons bien que, dans tout le
programme que nous avons de revalorisation de cette fonction de la
sécurité routière, avant longtemps, nous pourrons dire
quelque chose d'officiel là-dessus.
C'est à peu près ce que je voulais dire, M. le
Président, à cause des questions qui ont été
soulevées.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je remercie M. Magnan et ses
collaborateurs de l'Association des policiers provinciaux du Québec et
j'inviterais maintenant le représentant du Bureau d'assurance du
Canada.
M. TETLEY: M. le Président, je voudrais noter, au sujet de la
demande que j'ai reçue concernant le permis d'un jeune homme dans l'est
de Montréal, que je n'ai pas appuyé sa demande. Tout simplement
pour le journal des Débats. J'en ai reçu de l'ouest, même
de mon comté.
M. BERTHIAUME: Je peux assurer le député de Lafontaine que
nous en recevons un très grand nombre au ministère des Transports
également et je suis assuré que le ministre de la Justice en
reçoit également. Il doit en avoir des dizaines par semaine, des
lettres semblables. La meilleure réponse que nous pouvons donner, je
crois, à une lettre comme celle-là, c'est de demander à
l'individu pourquoi il n'a pas pensé à la prudence, lorsqu'il
était rendu à huit points. Pourquoi s'est-il rendu à
douze? Surtout si son permis de conduire est important pour son travail. Il
aurait dû normalement redoubler de prudence rendu à quatre ou
à huit points. Il y a une certaine irresponsabilité, du moins en
apparence, dans ce genre de demande.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, nous allons entendre le
mémoire du Bureau d'assurance du Canada; à la suite de la
présentation du mémoire, nous nous arrêterons pour le lunch
et nous aurons, par la suite, la partie du dialogue ou des questions qui
peuvent être posées aux représentants du Bureau d'assurance
du Canada. M. Moreau, je vous cède la parole.
Bureau d'assurance du Canada
M. MOREAU: M. le Président, honorables membres de cette
commission parlementaire, je m'appelle Charles Moreau, je suis directeur du
Bureau d'assurance du Canada pour le Québec et j'ai également
l'honneur de présider le comité consultatif qui dirige nos
activités au Québec.
Les membres de ce comité consultatif sont des dirigeants de
compagnies d'assurance qui souscrivent une part importante de
l'assurance-automobile au Québec. A ce sujet, j'aimerais tout de suite
corriger, si vous le permettez, une erreur qui s'est glissée dans notre
mémoire. En effet, nous avons omis de mentionner le nom de deux membres
de ce comité. Il s'agit de M. Sébastien Allard, qui est
vice-président senior du Groupe d'assurance Royal, et de M. Conrad
Leblanc, qui est directeur général du groupe La Laurentienne de
Québec.
Je prie donc ces deux collaborateurs de m'excuser de cette erreur et
j'en profite pour les remercier de leur précieuse collaboration aux
activités du BAC.
J'ai maintenant le plaisir de vous présenter ceux qui, avec moi,
auront l'occasion de vous donner, au nom du bureau, les renseignements que vous
jugerez à propos de nous demander au cours de cette audition.
A mon extrême gauche, M. Merlin Donald, qui, jusqu'à tout
récemment, était président du conseil de Robert Hampson
& Son Limited de Montréal; M. Camille Lang, président de la
compagnie d'assurance La Prévoyance; M. Doug Nicholson, de la compagnie
Travelers du Canada. A mon extrême droite, M. Sébastien Allard,
vice-président senior du groupe Royal, et M. Guy Saint-Germain,
vice-président et directeur général du groupe
Commerce.
Le Bureau d'assurance du Canada, aussi connu sous le nom de BAC, est un
organisme qui groupe la presque totalité des assureurs qui exercent en
matière d'assurance IARD, c'est-à-dire incendie, accident et
risques divers.
Puisque nous allons parler d'assurance-automobile, il serait sans doute
à propos de souligner ici la double fonction que le BAC exerce dans ce
domaine. En effet, le BAC est d'abord un organisme privé ayant pour but
d'agir au nom de ses membres dans le domaine juridique ainsi que dans ceux de
la recherche, des relations publiques et de la statistique.
En matière de statistiques d'assurance-automobile, le BAC, en
vertu d'un mandat qui lui est confié par l'Association des surintendants
provinciaux des assurances, a aussi pour fonction de corriger les
résultats de tous les assureurs qui exercent au Canada et de produire,
une fois l'an, un volumineux rapport qui est mieux connu sous le nom de livre
vert. C'est précisément ce rapport, préparé
conformément aux directives des surintendants provinciaux et sous leur
surveillance, qui permet, d'une part, aux assureurs d'établir leur tarif
et, d'autre part, aux surintendants des provinces d'en vérifier le
bien-fondé.
Le BAC, étant généralement reconnu comme le
porte-parole des assureurs IARD, il est normal que nous ayons apporté
aux activités du comité d'étude sur l'assurance-automobile
non seulement une attention particulière, mais aussi une collaboration
étroite et soutenue. En fait, nous avons d'abord présenté
au comité Gauvin un mémoire touchant l'ensemble du
problème des accidents d'automobiles et de l'assurance-automobile.
Nous avons, par la suite, et durant tout le terme du mandat du
comité, collaboré avec celui-ci en lui fournissant les
renseignements et les données dont nous disposions et qui nous
paraissaient devoir lui être utiles. Nous avons également
procédé à certains travaux de recherche qui nous ont
été demandés par le comité et qui semblaient le
préoccuper d'une façon particulière.
Nous n'avons pas hésité non plus à lui transmettre
les données techniques provenant d'une étude considérable
que nous avons faite au sujet de l'assurance, sans égard à la
responsabilité, pour finalement lui présenter notre projet d'un
nouveau régime d'assurance-automobile que nous appelons assurance-auto
BAC lequel, à notre avis, représente le moyen le plus efficace
pour servir les automobilistes québécois.
Nous sommes heureux d'avoir pu accorder au comité Gauvin cette
étroite collaboration que son président a d'ailleurs reconnue
à maintes reprises.
M. le Président, nous avons été fort
impressionnés par l'ampleur et la qualité des travaux du
comité Gauvin. De toute évidence, les recommandations qui en ont
résulté dénotent un courage et une sagesse que l'on a
rarement observés dans les groupes d'étude qui se sont
attaqués au problème complexe des accidents d'automobiles,
ailleurs dans le monde.
A notre avis, ce rapport ne manquera pas d'influencer fortement la
recherche qui se fait présentement dans les autres provinces
canadiennes, aux Etats-Unis et ailleurs. Nous sommes particulièrement
heureux du fait que cet excellent travail a été accompli au
Québec et si, dans notre mémoire et au cours des discussions qui
vont suivre, il nous arrivait de différer d'opinion avec le
comité Gauvin sur certains points particuliers, cela ne diminuerait en
rien l'opinion généralement très favorable que nous avons
sur ce rapport.
M. le Président, nous avons formulé nos observations sur
le rapport Gauvin dans un mémoire relativement court, en nous limitant
à dessein aux grands principes qui ont guidé le comité
ainsi qu'aux recommandations qu'il contient, tout cela dans le but
d'éviter une lecture trop longue aux membres de votre commission. Dans
les circonstances, nous apprécions particulièrement l'occasion
qui nous est donnée aujourd'hui de résumer l'esprit qui motive
notre mémoire, d'élaborer quelque peu certains points pour
ensuite répondre, si vous le jugez à propos, aux questions qu'il
vous plaira de nous poser.
Vous nous permettrez, j'espère, ou vous me permettrez,
j'espère, de faire appel dans chaque cas aux spécialistes qui
m'accompagnent et qui sont tous qualifiés pour éclairer la
commission.
La partie de notre mémoire, qui traite de la
sécurité routière, exige peu d'explications, puisque nous
partageons généralement l'avis du comité Gauvin dans ce
domaine. Nous nous sommes donc contentés d'exprimer notre accord sur les
recommandations, tout en soulignant les quelques cas où nous avons
dû nuancer notre approbation.
M. le Président, mardi dernier, lorsque nos amis les courtiers
ont discuté la recommandation du comité Gauvin au sujet de
l'émission des polices et du règlement des sinistres, ils ont
fait un parallèle entre le comportement de l'assureur et celui de la
femme qui conçoit dans la joie et qui enfante dans la douleur. Il faut
bien l'admettre que la comparaison est assez près de la
vérité. Dans les circonstances, nous comprenons mal l'opposition
plus que violente de nos amis à cette recommandation. Nous avions
plutôt cru qu'elle était de nature à leur plaire
puisqu'elle leur réserve un rôle particulièrement glorieux
au moment de la conception, tout en les dispensant de participer aux douleurs
de la gestation et de l'accouchement.
Quant à nous, nous n'hésitons pas à souscrire
d'emblée aux recommandations touchant à la sécurité
routière, puisqu'en définitive elles auront, à notre point
de vue, pour effet de limiter les naissances. Très sérieusement,
nous avons été fort impressionnés par l'importance que le
comité Gauvin a attachée au domaine de la sécurité
routière, comme d'ailleurs par le souci de votre commission, qu'elle
apporte à discuter les modalités d'application de cette
sécurité routière. Nous formulons le voeu que
l'intérêt si évident que vous portez, se transmettra en
temps et lieu à tous les paliers du gouvernement, afin que la loi, qui
en résultera, apporte une solution vraiment efficace aux
problèmes des accidents d'automobiles au Québec.
Le BAC ne se reconnaît aucune autorité particulière
en matière de sécurité routière. En fait, nous
savons que certains membres de cette commission sont beaucoup mieux
qualifiés que nous dans ce domaine. Nous pensons en particulier au
député de Bellechasse, dont la compétence dans le domaine
est bien connue. Nous ne pouvons donc pour le moment que réaffirmer ce
que nous avons dit dans notre mémoire de janvier 1972, soit qu'un effort
sincère du gouvernement, en collaboration avec les assureurs, pourrait
porter des fruits très rapidement. Nous souhaitons que les discussions
que nos gouvernants auront prochainement au sujet du régime d'assurance,
ne relégueront pas au second rang cet aspect si important du
problème qu'est la sécurité routière. Dans la
deuxième partie de notre mémoire, qui est complétée
par l'annexe B, nous avons essayé d'exprimer le plus clairement possible
les motifs qui nous ont guidés dans la préparation du
régime d'assurance Auto BAC, que nous recommandons d'adopter.
Nous y avons résumé la raison d'être du
régime que nous proposons, et nous y avons expliqué le
raisonnement qui nous a conduits à favoriser ce nouveau concept
d'indemnisation plutôt que le régime actuel basé sur la
responsabilité.
Il est assez significatif que les recherches faites de part et d'autre,
par le comité Gauvin et par le BAC, aient conduit à des
résultats aussi rapprochés. Nous nous permettons d'y voir une
justification fort évidente de la conclusion à laquelle le
comité Gauvin est arrivé, c'est-à-dire que le
système actuel est désuet et qu'il doit être modifié
en fonction des conditions particulières de notre époque.
Je me contenterai donc de souligner non pas les variantes qui peuvent
exister au niveau des modalités d'application des deux systèmes,
mais plutôt les différences fondamentales qui sont à la
base même du régime proposé.
Le comité Gauvin recommande la suppression totale du droit de
recours et son remplacement, d'une part, par le droit à une
indemnisation d'unité, et d'autre part, par la disponibilité
d'une assurance familiale que chacun devrait souscrire volontairement à
titre supplémentaire.
A notre connaissance, un seul Etat, la Nouvelle-Zélande, a
complètement aboli le droit de recours, pour le remplacer par des
indemnités préétablies. Partout ailleurs, on a
résolu le problème de base en disposant efficacement de la masse
des sinistres, dont la valeur n'excède pas un certain niveau, et on a
laissé aux tribunaux le soin de déterminer une juste compensation
dans les cas d'exceptions.
Les Québécois jouissent présentement de
dispositions juridiques particulières qui contribuent à faire de
notre système de compensation celui qui est sans doute le plus
libéral en Amérique du Nord. Je pense, en particulier, à
la responsabilité à l'égard des passagers et à la
présomption de faute en faveur des piétons.
Nous ne croyons pas qu'il soit sage d'imposer aux
Québécois un changement aussi radical que l'abandon total du
droit de recours tel que recommandé par le comité Gauvin. Dans le
même ordre d'idées, nous comprenons difficilement que dans un
régime comme celui que préconise le comité Gauvin,
où le droit de recours est censé être entièrement
supprimé, l'on conserve ce droit en matière de dommages
matériels dans les circonstances aussi particulières que les
dommages causés volontairement et les dommages causés aux
véhicules par les garagistes.
Les recommandations du comité Gauvin, à l'effet de laisser
l'individu lui-même compenser la suppression totale de son droit de
recours par une assurance familiale ou individuelle, ne nous apparaissent pas
réalistes, du moins à certains points de vue. Nous pensons, par
exemple, aux
visiteurs qui subiraient, dans notre province, un préjudice grave
à l'occasion d'un accident causé par la négligence d'un
automobiliste et qui, dans son propre pays, n'aurait eu aucune raison de se
munir d'une assurance excédentaire. On pourrait, à la rigueur,
admettre que l'automobiliste, père de famille, soit assez
prévoyant pour maintenir, à l'intention des siens, une assurance
excédentaire applicable en cas de mort ou de blessures graves.
Mais dans la société évoluée dans laquelle
nous vivons, où l'unité familiale est si souvent brisée,
qu'arrivera-t-il aux piétons qui n'ont pas d'automobile, aux vieillards,
aux personnes seules, séparées, divorcées ou simplement
éloignées de la famille?
Est-il raisonnable de les obliger à acheter une assurance
personnelle supplémentaire pour le cas où un automobiliste
négligent les blesserait gravement?
Au cours des recherches faites par notre comité spécial,
celui-ci en était arrivé d'abord à une conclusion
semblable à celle du comité Gauvin. Ce n'est qu'après
avoir mûrement réfléchi aux implications d'un changement
aussi radical que nous avons opté pour une solution plus
modérée.
Nous avons proposé un système que nous situons,
présomptueusement peut-être, au juste milieu entre le
système actuel basé entièrement sur la
responsabilité et l'assurance sans égard à la
responsabilité. Le régime que nous proposons permettra, à
notre avis, de disposer rapidement, de façon efficace et
économique, d'environ 85 p.c. des sinistres, au moyen
d'indemnités payables, sans égard à la faute.
Quant aux autres sinistres, comportant un préjudice si grave
qu'il ne puisse entièrement être compensé au moyen de
barèmes déterminés, nous offrons d'abord à la
victime les indemnités prévues par notre régime de base
afin de compenser de façon partielle, mais substantielle, les
préjudices subis, tout en lui laissant la liberté de s'adresser
aux tribunaux pour obtenir de l'automobiliste négligent des
indemnités plus importantes.
Au chapitre de l'assurance contre les dommages aux véhicules, les
régimes préconisés et par le comité d'étude
et par le BAC sont sensiblement les mêmes, comme le démontre le
parallèle qui fait le sujet de l'annexe C.
Il est donc évident qu'une étude qui serait faite
conjointement par les spécialistes du gouvernement et par les assureurs
pourrait rapidement conduire à un compromis idéal pour le
consommateur.
Nous différons d'opinion avec ceux qui préconisent
l'indemnisation, sans égard à la faute, dans le cas des dommages
matériels, sans l'appliquer en même temps aux dommages
corporels.
Quant à l'assurance obligatoire des dommages au véhicule
de l'assuré, préconisée par le comité Gauvin, nous
ne croyons pas raisonnable que le BAC y souscrive, vu l'intérêt
évident des assureurs dans ce domaine. Nous ne voyons, cependant, aucune
objection si le gouvernement juge à propos de l'imposer.
La troisième partie de notre mémoire touche
l'administration du système d'assurance que notre gouvernement doit
choisir.
Nous avons essayé à cette occasion d'apprécier les
recommandations du comité Gauvin et de vous en exprimer
honnêtement notre opinion.
Actuellement, la souscription des assurances-automobiles s'effectue
selon trois modalités qui visent toutes à satisfaire les besoins
des automobilistes. Certains assureurs invitent le public à traiter
directement avec eux. D'autres ont des agents qui les représentent
exclusivement et à qui ils versent des commissions.
Mais la grande majorité ne traite qu'avec des courtiers qui
représentent les assurés, même si leur commission est
payée par les assureurs. Il nous semble que, dans un système
basé sur la concurrence, le choix qui est ainsi offert est d'une
importance capitale en ce qu'il permet à chacun d'exercer l'option qui
lui convient. D'ailleurs, l'expérience est là pour
démontrer que la situation actuelle répond bien aux besoins du
consommateur. Nous ne voyons donc pas d'avantage à la modifier.
Nous ne doutons pas, M. le Président, que les restrictions
qu'imposent aux activités des courtiers et des assureurs les
recommandations 55, qui touche le règlement des sinistres, et 56, qui
touche le financement des primes soient motivées par un désir de
réduire les coûts que doit supporter l'automobiliste. Il reste
qu'il importerait d'en déterminer le montant par rapport à la
nature des services rendus et en fonction des exigences du public. Serait-il
raisonnable que la rémunération du courtier soit fonction des
forces du marché, c'est-à-dire de la concurrence entre les
assureurs? Y aurait-il avantage à ce que cette
rémunération soit déterminée par le gouvernement
lui-même, par décret, comme la chose se pratique en France, par
exemple? Le courtier devrait-il plutôt être
rémunéré directement, au moyen d'honoraires
déterminés par sa corporation professionnelle? Autant de
questions, M. le Président, qui préoccupent actuellement les
parties intéressées et pour lesquelles il n'existe aucune
réponse claire jusqu'ici. Les assureurs ne s'opposent pas à
distribuer leur produit sur base de prime pure, le courtier étant
rémunéré par l'assuré, mais il faut bien
reconnaître que toute cette question est et sera toujours la
prérogative, comme d'ailleurs la responsabilité, du
législateur.
Certaines des recommandations du comité Gauvin comportent des
éléments tout à fait nouveaux et radicalement
différents de la pratique courante. Pour les apprécier à
leur juste valeur et dans le but d'éviter des erreurs et des injustices,
il faudra, à notre avis, procéder à des travaux de
recherche considérables pour lesquels le BAC offre au gouvernement sa
pleine et entière collaboration.
L'industrie privée des assurances a traversé, au cours des
années, des difficultés de toutes sortes. Mais elle est toujours
demeurée un facteur de progrès économique important dans
notre société, grâce à son dynamisme et à la
sagesse des gouvernements. Nous ne doutons pas qu'elle puisse continuer
à jouer son rôle au Québec et cela dans les meilleurs
conditions possibles pour toutes les parties intéressées.
Voilà, M. le Président, les quelques remarques que j'avais
à vous faire dans le but de résumer l'esprit de notre
mémoire, nous sommes maintenant, mes collègues et moi, à
votre disposition au moment où ça vous conviendra.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Merci bien, M. Moreau. Comme je l'ai
mentionné avant votre présentation, nous reporterons à cet
après-midi, après le lunch...
M. ROY: M. le Président, j'aurais une question, en cette
circonstance, est-ce qu'il y aurait possibilité d'avoir une photocopie
des notes que vient de vous lire M. Moreau? Parce que j'ai regardé pour
suivre dans le mémoire et j'ai constaté que c'étaient des
notes séparées que vous aviez. Etant donné que nous
n'aurons pas la transcription du journal des Débats à temps, je
pense que ce serait dans l'intérêt de chacun des membres de la
commission de pouvoir avoir une copie de ces notes avant la reprise de cet
après-midi et aussi, vous avez fait référence, à
quelques endroits, à l'annexe C de votre mémoire. Nous n'avons
pas l'annexe C, j'ai les annexes A et B mais en ce qui me concerne, je dois
dire que je n'ai pas l'annexe C. Peut-être que les autres membres de la
commission l'ont eue. En tout cas si c'est seulement moi qui ne l'ai pas eue,
je retire mes propos et je m'adresserai à la commission.
M. MOREAU: L'annexe C fait partie du mémoire, c'est la
dernière partie du mémoire qui commence par une en-tête du
Bureau d'assurance du Canada.
M. ROY: D'accord.
UNE VOIX: Après la page 22.
M. MOREAU: C'est le parallèle entre les deux régimes
d'assurance.
M. ROY: D'accord, c'est parce que je pensais que vous aviez une autre
annexe qui s'ajoutait séparément à la suite des deux
autres, sur les annexes A et B.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Moreau, croyez-vous pouvoir soumettre
une photocopie des textes que vous avez lus ou si c'est le résumé
de votre mémoire?
M. MOREAU: Je le ferai avec plaisir, M. le Président. Je dois
vous dire toutefois que j'ai dû à la toute dernière minute
y faire beaucoup de modifications selon les circonstances. Peut-être que
pendant l'heure du lunch, il y aurait moyen de faire réécrire ces
quelques notes au propre et en remettre immédiatement des photocopies
aux membres de la commission, comme M. le député le veut.
Je pense qu'il y a moyen d'y arriver.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Je pense que vous obtiendrez la
collaboration du personnel du secrétariat de la commission, si
nécessaire.
M. MOREAU: Vous êtes bien aimable, merci, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission suspend ses travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
Reprise de la séance à 15 h 13
M. CORNELLIER (président de la commission permanente des
institutions financières compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs!
La commission des Institutions financières, compagnies et
coopératives reprend ses travaux cet après-midi à la suite
de la présentation du mémoire du Bureau d'assurance du Canada.
Nous en étions à la période des questions que nous
pourrions aussi appeler le dialogue entre nos visiteurs et les membres de la
commission.
Je cède maintenant la parole au ministre des Institutions
financières, M. Tetley.
M. TETLEY: M. le Président, messieurs du Bureau d'assurance du
Canada, je vous souhaite la bienvenue à Québec et au
Québec. Je vous remercie de vos documents très importants. Votre
présentation est très importante, parce qu'en effet vous venez de
présenter un choix sur le plan administratif et sur le plan d'un
régime d'indemnisation.
Vous avez plusieurs mémoires ici. Votre mémoire, à
la page 6, premier paragraphe, mentionne qu'en rendant obligatoires les
vérifications des véhicules à moteur,
l'Ile-du-Prince-Edouard et le Nouveau-Brunswick ont réduit le nombre des
accidents de 12 p.c. et 8.7 p.c. respectivement, dès la deuxième
année et la Nouvelle-Ecosse, de 19 p.c, au cours des trois
dernières années.
Que représentent effectivement ces pourcentages? Est-ce la
réduction à l'intérieur d'une seule année par
rapport à une année de base considérée, ou le total
de réductions des deux ou trois dernières années par
rapport à une année donnée? Ces chiffres sont assez
remarquables.
M. MOREAU: Dans le cas de l'Ile-du-Prince-Edouard et du
Nouveau-Brunswick... c'est 12 p.c. pour l'Ile-du-Prince-Edouard et 8.7 p.c.
pour le Nouveau-Brunswick, pour deux années. C'est une réduction
à l'intérieur d'une période de deux ans. Dans le cas de la
Nouvelle-Ecosse, on parle d'une période de trois années,
où la réduction globale, pour les trois ans est de 19.05 p.c.
M. TETLEY: Deuxième question. De quelle façon sont
effectuées ces vérifications obligatoires, par l'Etat, par un
échantillonnage ou par les véhicules plus usagés
seulement?
M. MOREAU: La méthode diffère selon les provinces. Nous
savons, par exemple, qu'en Colombie-Britannique, c'est le gouvernement qui
administre les centres d'examen des véhicules et qu'on fait l'examen
deux fois par année, mais la lacune, c'est que cela se fait dans le
district de Vancouver seulement et non pas dans les parties
éloignées de la province.
On a parlé tout à l'heure de la Nouvelle-
Ecosse, de l'Ile-du-Prince-Edouard et du Nouveau-Brunswick. On nous dit
que, dans ces trois provinces, ce sont des garagistes indépendants qui
sont sous contrat avec l'Etat et qui sont mandatés pour faire ce travail
d'examen des véhicules. Ce ne sont pas des établissements
opérés par l'Etat ou par le Bureau des véhicules
automobiles même.
M. TETLEY: A la page 12, paragraphe c), vous mentionnez que vous pouvez
déjà conclure que les coûts de l'assurance AutoBAC
cela est votre système AutoBAC jointe à
l'assurance-responsabilité civile RC complémentaire que vous
préconisez, seront sensiblement inférieurs à ceux du
régime du comité Gauvin, aux assurances individuelles
complémentaires qui y sont prévues. Ma question est la suivante:
Quand l'analyse des coûts sera-t-elle terminée, parce que vous
avez fait une constatation, mais vous n'avez pas encore, si je comprends bien,
les chiffres?
M. MOREAU: Nous n'avons pas les chiffres définitifs pour
plusieurs raisons. D'abord, au moment où nous avons fait l'enquête
concernant le système sans égard à la
responsabilité, le comité Gauvin était en plein travail,
en pleine gestation, si je peux me permettre le terme.
Alors nous n'avons pas voulu y arriver avec des chiffres qui auraient
peut-être contredit ce qui se faisait. Maintenant, vous allez
peut-être dire que c'est une raison futile. Je pense que la meilleure
raison, c'est tout simplement que nous n'avons aucune idée dans le
moment de la date ou de l'époque à laquelle le gouvernement du
Québec serait intéressé à mettre en vigueur un
système semblable. Or, on sait que de six mois en six mois, à
cause de l'inflation, l'augmentation des coûts change tellement qu'il
serait absolument imprudent, même si nous pouvions le faire cet
après-midi, de vous donner un coût, puisque le système ne
sera peut-être pas en vigueur avant six mois, un an, un an et demi ou
deux ans peut-être.
Ce que nous aimerions, c'est que le gouvernement du Québec nous
dise: Nous aimerions avoir le coût de votre système en tenant pour
acquis qu'il entrerait en vigueur, pour fins de discussion, à telle
date. Maintenant, nous aimerions également que vous nous donniez votre
appréciation des bénéfices que contient notre
système, et surtout des limites d'assurance. Nous avons, par exemple,
projeté une limite de $20,000 dans le cas des frais médicaux et
des frais de réhabilitation, de rééducation. II est
impossible que le gouvernement décide que $15,000 seraient suffisants ou
plutôt que cela devrait prendre $25,000 ou $30,000. Alors tout cela
change évidemment le coût. Si on nous donnait, M. le ministre, une
idée à peu près de l'ordre de grandeur du système
qui pourrait intéresser le Québec en principe, nous pourrions
assez rapidement, maintenant vous fournir des coûts précis.
M. TETLEY: Depuis longtemps, cela fait presque deux ans, j'ai
reçu des lettres que je peux sortir, où on m'a promis des
coûts et ce n'est pas encore final, et des conférences de presse
à Toronto, etc. Il faut un bon jour que vous décidiez d'une date,
aujourd'hui ou la date du rapport Gauvin, et que vous avisiez le gouvernement
et la population des coûts selon votre système, ou suivant les
alternatives proposées, si vous avez des alternatives à proposer
au gouvernement, parce que c'est très difficile, pour moi, du moins, de
considérer votre système sans les chiffres. Vous avez même
promis des chiffres pour Gauvin et pour moi depuis longtemps, depuis plusieurs
années. En tout cas, je vous suggère de nous les présenter
sans délai, en prenant une date, parce que tout le monde est
affecté par l'inflation. Il y a certaines alternatives, mais donnez les
coûts correspondant au régime que vous trouvez le meilleur, et
présentez-les.
M. MOREAU: Je pense que votre demande est tout à fait à
propos, M. le ministre. Nous allons prendre les dispositions pour vous donner
le coût exact du système tel que nous le proposons dans les
limites que nous proposons...
M. TETLEY: Oui.
M. MOREAU: ... et dans un avenir très rapproché; ce qui
veut dire à peine quelques semaines.
M. TETLEY: Question supplémentaire à ma question
précédente. Lorsque vous mentionnez que vous pouvez
déjà conclure que les coûts du régime que vous
proposez et que ces coûts seront inférieurs à ceux du
comité Gauvin. A quel ordre de grandeur de différence de
coûts doit-on s'attendre?
M. MOREAU: J'hésite beaucoup à vous donner un pourcentage,
mais il est évident que le coût d'AutoBAC devrait être
inférieur au coût du système Gauvin, parce que la
comparaison qu'on fait des deux régimes démontre que le
régime Gauvin, en fait, est plus généreux que le
régime AutoBAC, sous plusieurs aspects. Alors, il faut
nécessairement qu'AutoBAC coûte moins cher. Mais de combien? Cela
pourrait être de 10 p.c, de 15 p.c, de 20 p.c. M. le ministre, mais je
n'ose pas vous donner de pourcentages qui pourraient vous décevoir d'une
façon ou d'une autre.
M. TETLEY: Parfait!
M. MOREAU: Logiquement, il faut qu'il soit à meilleur
marché.
M. TETLEY: Merci!
A la page 13 de votre mémoire, paragraphe a): Dans ce paragraphe,
on mentionne que la limitation des indemnités hebdomadaires d'in-
capacité recommandée par le comité Gauvin est basée
sur des revenus bruts maximaux de $200 contre $250 pour l'assurance
AutoBAC.
Il était également mentionné, un peu plus loin dans
ce même paragraphe, que les montants plus élevés de
l'assurance AutoBAC ont pour objet d'éviter une trop forte pression sur
la tarification de l'assurance complémentaire.
Que voulez-vous dire par "trop forte pression sur la tarification"?
M. MOREAU: Ce que nous voulons dire, M. le ministre, c'est que,
dès que vous diminuez le montant de l'indemnité hebdomadaire,
nécessairement les indemnités qui devront être
payées en vertu de la responsabilité civile résiduelle
devront être plus élevées.
Dès que l'on diminue les indemnités de base, ce qui reste
sur le système de la responsabilité doit nécessairement
être plus élevé. C'est ce que nous voulons dire. Cela
augmenterait le coût. Dès qu'on diminue le système de base,
le coût diminue, mais en contrepartie, le coût de la
responsabilité résiduelle augmente.
En somme, le coût qu'on enlève d'un côté,
retombe sur l'autre. C'est que nous avons voulu dire.
M. TETLEY: Et pourquoi limitez-vous la période des paiements des
rentes à trois ans? Pourquoi avez-vous choisi trois ans?
M. MOREAU: A cause d'une question de coût, parce qu'il y a une
différence énorme dans le coût entre une rente de trois ans
et une rente à vie. C'est la seule raison. Pour limiter le coût
à un montant raisonnable.
M. TETLEY: Merci pour la réponse. A la page 13 encore, au
paragraphe c). Dans ce paragraphe, vous mentionnez qu'il est possible que
l'application inconditionnelle d'un délai de carence de sept jours pour
la perte de revenus préconisée par le comité Gauvin
empêche l'exagération des dommages, mais qu'à votre avis,
cette restriction est arbitraire. L'assurance AutoBAC n'applique ce
délai qu'aux incapacités de sept jours ou moins. Voici ma
question: Ne croyez-vous pas que cela est plus susceptible d'inciter les gens
à faire en sorte que leur période d'incapacité
excède ce délai de carence de sept jours?
M. MOREAU: Ce que nous avons voulu dire est ceci: Si une personne est
incapable pour une période de six jours, par exemple, elle n'a
qu'à augmenter son incapacité d'une journée pour pouvoir,
en vertu du système de M. Gauvin, percevoir l'indemnité.
M. TETLEY: Oui, mais...
M. MOREAU: C'est ce qui peut la porter à exagérer
volontairement son incapacité dans les...
M. TETLEY: A la page 22, dernier paragraphe, il est stipulé que,
et je cite: "II est donc primordial que le surintendant soit chargé
d'examiner de très près les méthodes des assureurs sans
qu'il y ait imposition d'un contrôle de la tarification qui risquerait de
déformer celle-ci et de restreindre le marché".
Ma question est la suivante: Comment, d'après vous, le
contrôle de la tarification peut-il déformer celle-ci et
restreindre le marché?
M. MORE AU: Ce que nous avons voulu dire, c'est qu'il serait mauvais que
les taux soient effectivement imposés par le surintendant. Nous ne
voyons pas d'objection à ce qu'il y ait soumission des barèmes de
taux au surintendant pour fins d'approbation après usage ou avant, mais
je ne sais pas si on s'est exprimé clairement ce à
quoi on s'oppose, c'est justement que les taux soient préparés
par le surintendant et imposés aux assureurs. Il pourrait alors y avoir
exagération, cela devient de plus en plus difficile pour les assureurs
de faire corriger ce qu'on considère comme des choses inexactes et cela
restreint le marché si les assureurs jugent que le taux n'est pas
suffisant pour accepter les risques qu'on leur présente.
M. TETLEY: Votre système AutoBAC n'est pas en vigueur dans une
autre province du Canada.
M. MOREAU: Pas encore, M. le ministre.
M. TETLEY: Je vous félicite de votre travail. Vous avez pris
combien de temps pour la préparation de votre système?
M. MOREAU: Le comité spécial, qui a fait ce travail, a
été formé en décembre 1972, ce qui veut dire que
cela a pris un peu moins de deux ans.
M. TETLEY: Et vous avez engagé des experts d'ici et là,
même des Etats-Unis, si je comprends bien?
M. MOREAU: Nous avons engagé une firme d'actuaires, Woodward and
Fondiller, pour faire le travail actuariel, avec nos propres actuaires
évidemment.
M. TETLEY: Est-ce que tous les membres ont accepté le
système?
M. MOREAU: Tous les membres du BAC, qui sont membres actuellement du
BAC, sont d'accord sur le système. La totalité des membres a
contribué, par sa coopération dans l'étude, le sondage que
nous avons fait, à établir le système. Nous avons fait un
sondage qui a duré près de six mois, 37 des plus grosses
compagnies y ont contribué.
Nous avons examiné 22,000 accidents, ce qui a
nécessité la préparation d'au-delà de 90,000
formulaires. Ce sont les données qui ont été
enregistrées sur ces formulaires, à l'examen de ces 22,000
dossiers, qui ont été remises à nos actuaires et qui ont
formé la base de notre système AutoBAC. C'est là que nous
avons vu quelles étaient les indemnités qui étaient
nécessaires dans chaque plan des accidents au Québec, de
façon à en arriver à un système moyen qui compense
pour une bonne partie des accidents. C'est pour ça que je disais plus
tôt que notre système AutoBAC n'est pas un système, sans
égard à la responsabilité, complet. Mais les
bénéfices des indemnités qu'on y donne tiennent compte
d'au moins 85 p.c. des accidents. C'est ce qui nous fait dire que ça
règle au moins 85 p.c. des problèmes, quitte, aux cas
d'exception, de 10 p.c. à 15 p.c, à laisser cela à
l'appréciation des tribunaux.
M. TETLEY: Quels sont les 15 p.c, les cas d'exception? Donnez des
exemples.
M. MOREAU: Ce sont les cas de mort d'abord, de préjudice
esthétique grave et les cas d'incapacité totale se prolongeant
au-delà de six mois. En général, ce sont les trois cas.
Théoriquement, ce sont tous les cas où le préjudice
matériel ou la perte économique, dans le cas des frais
médicaux et de rééducation, excède $20,000, ou les
cas où la perte mensuelle excède $250 par semaine. Cela
représente vraiment au-delà de 85 p.c. des cas.
M. TETLEY: Si je comprends bien, pour 85 p.c. des cas, il y aura un
système d'assurance sans égard à la responsabilité
et, pour les autres 15 p.c. les gens auront le droit de prendre action en
cour.
M. MOREAU: C'est exact, 85 p.c. des cas recevront l'indemnité
sans discussion, rapidement, selon la formule "no fault" qu'on appelle, tandis
que les autres où il y a incapacité grave, où il y a mort
ou préjudice esthétique grave, ces gens profitent
également du système de base AutoBAC, ce qui leur permet quand
même de percevoir $20,000 en bénéfices de toutes sortes, ce
qui leur permet d'obtenir un remboursement de leur indemnité
hebdomadaire pendant trois ans et, par le fait même, ils peuvent
poursuivre pour l'excédent de ces sommes. C'est l'avantage du
système.
Actuellement, vu que le système total de responsabilité,
dès qu'une personne croit avoir droit à des indemnités
élevées, dès qu'elle pense à s'adresser aux
tribunaux, elle va être obligée de refuser toute indemnité,
sauf peut-être la petite section b qui existe présentement dans le
contrat automobile.
Tandis qu'avec le nôtre, les personnes pourront accepter les
$20,000, tout ce qui est compris dans les $20,000 et également
l'indem-
nité hebdomadaire jusqu'à $250 pendant trois ans, ce qui
leur donne amplement le temps de préparer leurs causes et de
décider vraiment si elles ont raison de demander plus.
M. TETLEY: Encore deux questions. Puis-je vous demander combien
si vous êtes capable de répondre votre étude, depuis
1972, vous a coûté? L'estimation... sans doute que quelqu'un a
payé, ce n'est pas moi qui ai payé.
M. MOREAU: C'est le Bureau d'assurance du Canada. Ce sont les membres du
Bureau d'assurance du Canada qui ont payé. Je crois que cela peut se
chiffrer par $300,000, $400,000 ou $450,000. En y incluant tous les frais
pendant une période de deux ans, y compris les honoraires des...
M. TETLEY: La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est
qu'on m'avait dit la semaine dernière que votre étude avait
coûté beaucoup plus que cela, c'est pour cela que je voulais
savoir.
M. MOREAU: Plus que cela?
M. TETLEY: Oui. Mais ce n'est pas vous qui m'avez dit cela.
M. MOREAU: H est possible que je fasse erreur, M. le ministre, me
permettez-vous de consulter notre actuaire, qui est certainement au
courant?
M. TETLEY: Ou votre comptable.
M. MOREAU: II est possible, M. le ministre que les coûts
s'élèvent jusqu'à $500,000 lorsque tous les frais auront
vraiment été payés.
M. TETLEY: Y compris les frais intérieurs, les frais
peut-être d'une compagnie ou une autre qui a fait des études
à ses frais, qui ne sont pas inclus? Est-ce que ce sont...
M. MOREAU: Oui, c'est cela, je crois que ce sont tous les frais. Nous
avons essayé d'imputer à l'enquête, sans égard
à la responsabilité, tous les frais que nous avons encourus, nous
au BAC, également des compagnies.
M. TETLEY: My last question, Mr Moreau, I am going to ask it in English,
because there are some ladies here, not from my riding but from Côte
Saint-Luc, but whom I met in the hall, who said that they were as interested in
automobile insurance as anybody. I would like to know this: You compared your
plan with the Gauvin plan. You compared the insurance companies plan called
AutoBAC with the Gauvin commission plan. I would like to know, as compared with
the actual cost today of insurance, would your plan cost less to the public, to
the ladies present, and to all of us, less that the premiums that we presently
pay?
M. MOREAU: I can assure you that it would definitely reduce the cost of
the present system, but it is not possible to say how much, Mr Tetley. But it
will definitely be lower than what the cost of the present system is, at the
present time.
M. TETLEY: Je vous remercie, M. Moreau.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je voudrais d'abord féliciter
l'organisme qui a présenté le mémoire très
étoffé, avec beaucoup de statistiques et de détails. Vous
touchez à plusieurs sujets. Maintenant, je dois dire, au départ,
que c'est sûr que dans le système qu'il va falloir établir
au Québec, il faut tenir compte d'une certaine
réalité.
C'est-à-dire que dans les différents organismes qui sont
touchés dans le rapport Gauvin, c'est sûr que des changements
amènent toujours des refus ou des changements de systèmes ou de
certains privilèges que le système actuel amenait et que les
organismes qui sont touchés viennent ici normalement. Il est absolument
sain de venir défendre leurs intérêts.
Je pense que nous devons avoir une certaine ouverture d'esprit pour
être capables de comprendre que dans le système proposé il
faut tenir compte de ces intérêts et que ces intérêts
doivent aussi tenir compte de l'intérêt général.
C'est la raison pour laquelle, aujourd'hui, les questions que je pourrais vous
poser sont beaucoup plus pour nous éclairer sur votre réaction
devant le rapport Gauvin et aussi pourquoi vous êtes arrivés
à des conclusions peut-être contraires sur certains aspects.
La première question, je vais plutôt la poser au ministre
des Institutions financières avant d'aborder précisément
le sujet avec nos invités. Ce matin le ministre d'Etat aux Transports
nous disait qu'il était pas mal difficile d'avoir un service
d'inspection des véhicules et une des raisons majeures, c'était
la question de la difficulté d'avoir suffisamment de mécaniciens
compétents en quantité voulue pour un système
général situé géographiquement dans toutes les
régions du Québec pour que ce soit réellement efficace.
Est-ce que, pour le ministre des Institutions financières qui a
déjà parlé d'une réforme souhaitable concernant la
vente des automobiles usagées et vous avez même dit que
vous vouliez arriver avec une solution là-dedans les
difficultés mises de l'avant par le ministre d'Etat aux Transports
peuvent vouloir dire que, jusqu'à maintenant, vous êtes dans
l'impossibilité de présenter, dans le bill 45, la Loi de la
protection du consommateur, des réformes que vous souhaitiez? Est-ce que
c'est
encore possible? Avez-vous trouvé des solutions pour corriger
cette difficulté dont le ministre d'Etat aux Transports parlait ce
matin?
M. TETLEY: J'espère, dans la réforme du bill 45, la Loi de
la protection du consommateur, introduit un concept nouveau, un certificat de
garantie de vente par le vendeur d'une automobile usagée garantissant au
moins en partie le véhicule. Quant à l'inspection, je regrette,
cela ne relève pas de mon ministère, mais une chose que
j'apprécie du rapport Gau-vin, c'est la conclusion de la recommandation
18, à la fin de la première partie, qui veut qu'on mette tout
sous le même toit. Le gouvernement doit agir sur l'ensemble. C'est une
conclusion que j'ai acceptée depuis longtemps.
Lorsque j'ai été nommé ministre, le 1er octobre
1970, du ministère des Institutions financières, parce que
j'étais ministre du Revenu avant, je voyais qu'il y avait un
problème et, à ce moment, c'est un secret de polichinelle que je
voulais convaincre la population, l'industrie, les députés et les
ministres, les compagnies, tout le monde, même l'Opposition, de son
importance. J'ai eu immédiatement un comité privé qui a
fait un rapport que j'ai déposé le 29 janvier. Depuis ce temps,
les ministres, la population, même l'Opposition sont de plus en plus
convaincus de l'importance de l'assurance-automobile qui préoccupe la
population plus que Medicare, qui est elle-même très
importante.
Je vous donne un exemple: Au premier projet du système de points
de démérite, il fallait tuer deux personnes avant de perdre son
permis, c'est vrai.
Deux condamnations à la cour pour "manslaughter" avant d'avoir
assez de points de démérite. C'était
présenté par...
M. LEGER: II fallait que ça devienne une habitude.
M. TETLEY: Oui, c'est cela. Ce matin, nous avons vu au moins trois cas
de vitesse. Gauvin a stipulé clairement que ce n'est pas assez
sévère. Voici une évolution. Votre question, je l'accepte
dans ce contexte. Il y a une grande évolution. Ce qui était
impossible il y a six mois ou trois ans, est peut-être possible
aujourd'hui ou sera possible d'ici six mois. Un des moyens de forcer ces
possibilités, c'est par la présente commission parlementaire ici.
C'est pourquoi je reçois avec plaisir toute critique possible contre moi
ou n'importe qui ou toute suggestion qui est même plus positive. En
réponse à votre question, je crois que tout est possible, mais le
gros problème, évidemment, c'est le budget. Je peux être un
héros si ce n'est pas mon ministère qui est impliqué,
parce que trouver l'argent au Conseil du trésor est parfois difficile,
parce que la population ne veut pas d'augmentation de taxes. Elle se croit trop
taxée, ce qui est très vrai parfois. Je crois que tout est
possible. En tout cas, avec l'esprit ouvert, nous allons trouver des solutions
à nos problèmes. J'ai été surpris par vos chiffres,
c'est pourquoi je vous ai posé les questions au sujet du
Nouveau-Brunswick et de l'Ile-du-Prince Edouard. Suivant les chiffres que j'ai
vus, une des grandes causes, c'est la vitesse; une autre, c'est l'ivresse; une
autre, les gens qui ne portent pas de ceinture de sécurité.
M. LEGER: M. le ministre, je dois quand même dire que vous n'avez
répondu que très partiellement à ma question. Très
partiellement. Je pense que vous n'êtes rendu qu'au premier chapitre ou
à l'avant-propos de ma question. Vous avez parlé, il y a quelques
années, de l'importance d'avoir une inspection ou un certificat
d'inspection pour les automobiles usagées avant qu'un vendeur les
mettent sur la route. Alors, je vous demande: Devant le problème que
vient de soulever le ministre d'Etat aux Transports ce matin,
c'est-à-dire la difficulté d'avoir des garages et des
mécaniciens suffisamment compétents pour avoir le droit de faire
ce travail d'inspection pour le gouvernement, est-ce que c'était une
blague ou si vous étiez réellement sérieux? Si vous
étiez réellement sérieux, qu'est-ce que le gouvernement va
faire pour se sortir de la difficulté, devant l'affirmation que vous
avez faite? Est-ce que vous allez prendre contact avec le ministère de
l'Education et le ministère du Travail pour qu'ils voient à avoir
de meilleurs mécaniciens, plus de mécaniciens qualifiés,
à donner plus de cours de façon qu'on en qualifie davantage?
Comment allez-vous résoudre l'obstacle que vient de poser le ministre
des Transports et votre affirmation suivant laquelle il faut que les gens qui
achètent des automobiles usagées soient
protégés?
M. TETLEY: Je me demande si j'ai déjà fait cette
déclaration. J'ai dit qu'il faut des certificats pour la vente de toute
automobile. Comment agir? Par les interventions ici et par la bonne foi.
N'oubliez pas qu'en Nouvelle-Ecosse parce que j'ai fait une
enquête sur place je crois que le coût exigé par les
garages, est $3 pour une inspection. Est-ce une vraie inspection? Nous avons
fait enquête ici. Les garagistes ont exigé $80. Lorsque
j'étais là, en Nouvelle-Ecosse, en janvier, je crois, le ministre
m'a dit qu'il y avait pression pour que la somme payée au garage soit de
$8, lui parlait de $6; il voulait régler pour $7.
Mais dans ces conditions, ce n'est pas difficile de faire une
vérification, et apparemment, cela a été efficace. Mais
c'était en Nouvelle-Ecosse! M. Moreau, peut-être avez-vous des
chiffres que je n'ai pas.
M. MOREAU: Je n'ai pas de chiffres précis, M. le ministre, sauf
que, d'après les renseignements que nous possédons, le
système en
Nouvelle-Ecosse est ce qu'on appelle "self-supporting". Il paie ses
propres frais.
M. TETLEY: Ah oui!
M. MORE AU: Chaque automobiliste paie et le système ne
coûte absolument rien à la province. Ce sont les renseignements
qu'on nous donne.
Pardon?
UNE VOIX: ... combien?
M. MOREAU: Je ne pourrais pas vous dire combien. Je n'ai pas les taux
qu'on demande en Nouvelle-Ecosse. On insiste pour dire qu'il est
"self-supporting".
M. TETLEY: Oui, mais il a dit que $3 ou $6 ne sont pas suffisants. Mais
le garagiste doit signer le certificat, s'il accepte d'être garagiste
autorisé et, de plus, c'est son devoir de trouver des
déficiences, des défauts dans l'automobile. Et à ce
moment, il peut estimer les réparations.
M. BACON: Y pensez-vous, M. le ministre, à $3, c'est à
peine s'il va vérifier l'huile...
M. TETLEY: En tout cas, la Nouvelle-Ecosse était très
satisfaite. C'est pourquoi j'ai posé la question aujourd'hui parce que
vous parlez de 19 p.c. dans votre mémoire. J'ai été
grandement surpris d'une baisse de 19 p.c. dans le nombre d'accidents. Moi, je
suis surpris, mais agréablement surpris.
M. MOREAU: Ce sont les chiffres qui nous ont été
communiqués par le Conseil canadien de la sécurité qui a
vérifié lui-même, sur place, au gouvernement. Comme je vous
ai dit, c'est la période de trois années combinées dans le
cas de la Nouvelle-Ecosse.
M. LEGER: Bien, M. le Président, en continuant, je veux
maintenant retourner au Bureau d'assurance du Canada. Les questions que je vais
poser ne sont pas nécessairement par ordre d'importance, mais
plutôt par ordre où elles viennent dans votre mémoire.
A la page 8, vous affirmez, dans les généralités,
au troisième paragraphe, que l'établissement d'un organisme
chargé de toute la sécurité routière, mais vous ne
voyez pas pourquoi le budget de cet organisme devrait être fonction du
montant des primes d'assurance-automobile.
Moi, j'ai l'impression je fais peut-être erreur de ce
côté que le fonds de cet organisme était
plutôt basé sur un équivalent, et n'a pas été
basé uniquement sur les primes comme telles et n'était pas fourni
à même les primes. Ce n'était pas une taxe. Peut-être
que M. Rankin pourra rectifier quand il reviendra, mais j'ai l'impression que
c'est beaucoup plus pris à même le fonds consolidé du
Québec auquel tous les Québécois seraient à
même de fournir et non pas uniquement les usagers d'automobiles, et cette
somme équivaut à 1 p.c. des primes. Je pense que, dans la
recommandation 18, c'est bien dit: "Que soit créé un organisme
chargé de toute la sécurité routière et disposant
de fonds annuels équivalents à 1 p.c. des primes
d'assurance-automobile", et non pas 1 p.c. des primes automobiles qui va aller
dans ce fonds. Cela provient tout simplement, je pense, du fonds
consolidé du gouvernement du Québec, donc en provenance de tous
les citoyens, tous les payeurs de taxes, qui équivaut à 1 p.c.
des primes.
Est-ce que c'est de cette façon que vous l'aviez
conçu?
M. MOREAU: C'est exact, M. le Président. C'est de cette
façon que nous l'avons compris, et c'est justement ce que nous
nions.
Nous ne prétendons pas qu'il s'agit d'une taxe. Gauvin a
été très clair dans sa recommandation 18. Mais il
mentionne 20 p.c. des primes d'assurance-automobile comme étant un ordre
de grandeur du budget de cet organisme-là. Nous, nous disons: C'est
peut-être une façon de le faire, mais on ne veut pas rapprocher le
budget de cet organisme nécessairement au montant des primes
d'assurance-automobile.
Cela peut par coincidence arriver ainsi, mais il nous semble qu'il n'y a
pas de relation directe entre les deux, que cela doive venir du fonds
consolidé de la province, comme vous venez de le dire, et que cela doive
être en fonction des problèmes de sécurité
routière qui existent au Québec, mais pas nécessairement
en fonction de l'importance des primes d'assurance-automobile; parce que si
cela l'était, cela serait assez curieux que si les primes d'assurance
diminuent, on devrait diminuer le budget de la sécurité
routière. Je pense que cela serait un mauvais principe.
M. LEGER: Est-ce que vous avez évalué que 1 p.c.
était trop ou pas assez?
M. MOREAU: Nous n'avons porté aucun jugement dans ce sens.
M. LEGER: Mais, est-ce que...
M. MOREAU: Nous ne sommes pas en mesure de dire si 1 p.c, qui voudrait
dire, en somme, $4 millions, si on considère que $400 millions
représentent les primes... Nous ne sommes pas qualifiés,
présentement, pour dire si $4 millions sont suffisants ou trop.
M. ROY: J'aurais une autre question, si le député me le
permet, pour compléter. Cela nous éviterait de revenir tout
à l'heure. En ce qui concerne la question du 1 p.c. ou d'un fonds
spécial qui pourrait être créé, est-ce que vous avez
étudié la possibilité que cela soit rattaché
à ce que coûte le permis de conduire ou
à ce que pourrait coûter, éventuellement, le permis
de conduire qui toucherait tous les conducteurs de véhicules automobile?
Est-ce que vous avez examiné cette possibilité?
M. MOREAU: D'une façon générale, oui. Mais,
même là, on ne croit pas que cela devrait être
rattaché au permis de conduire. Nous pensons que la
sécurité routière est un problème qui
intéresse l'ensemble des citoyens, non seulement les automobilistes,
mais les piétons qui n'ont pas de voiture, les enfants, enfin, c'est
l'ensemble... comme l'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation et nous
ne voyons pas non pas qu'on s'y oppose fortement la
nécessité de faire une relation directe, soit avec le nombre de
voitures, soit avec le montant des totaux des primes d'assurance-automobile,
soit avec le nombre de permis de conduire, par exemple. A notre avis, il n'y a
pas de relation entre ces choses.
M. ROY: Mais plutôt que de le prendre comme le suggère la
commission Gauvin, soit 1 p.c. sur la masse des primes payées je
parle d'un moindre mal ou d'une formule qui pourrait être plus
équitable ne trouvez-vous pas que cela serait plus
équitable de le prendre au niveau du permis de conduire plutôt que
de le prendre sur la masse des primes d'assurance payées? Parce
qu'à ce moment, on réduit quand même le nombre. Il y a bien
des conducteurs qui ont des permis de conduire et qui ne sont pas
propriétaires de véhicule et qui ne paient pas d'assurance comme
telle.
M. MOREAU: C'est bien possible. C'est possible que cette base soit plus
juste; c'est fort discutable, mais c'est possible.
M. LEGER: Je voudrais toucher un des points centraux de votre
argumentation qui touche la suppression du droit de recours. Je pense que c'est
une des bases sur lesquelles vous n'êtes pas d'accord sur le rapport
Gauvin.
Je vais tout simplement vous donner ma façon de concevoir et
d'approuver le rapport Gauvin et j'aimerais que vous nous disiez pourquoi vous
n'êtes pas d'accord là-dessus.
Entre autres, le rapport Gauvin exprime le fait qu'une personne doit
être responsable de ses actes, c'est une chose normale et saine. D'un
autre côté, le droit d'indemnisation des personnes à qui un
tort a été causé ne doit pas reposer uniquement sur la
personne qui a posé le geste, parce qu'il y a des facteurs qui sont en
dehors de son contrôle, même si le chauffeur est la plupart du
temps responsable, soit indirectement ou directement. Il y a le fait social, la
quantité d'automobiles, la circulation, la fatigue, un ensemble de
causes qui font que c'est un fait social que les accidents, qu'on le veuille ou
non, d'ailleurs, le mot le dit "accident", c'est parce que cela n'est pas
arrivé ou voulu, à moins de cas spéciaux... D'ailleurs, le
rapport Gauvin fait une distinction entre un accident qui est causé, qui
n'est pas un accident, mais qui est voulu... Je pense que le droit de recours
peut être complètement enlevé du fait que... Les arguments
que vous apportez ne me convainquent pas en disant que les gens sont
habitués au droit de recours, qu'ils veulent le conserver.
Je pense que ce que les gens veulent avoir est beaucoup plus l'occasion
de se faire indemniser et d'être assurés qu'ils ne subiront pas
des préjudices que le droit de recours. Actuellement, le moyen est le
droit de recours, mais une assurance sans responsabilité personnelle
amènerait une indemnisation et, du fait même, permettrait au
citoyen d'être protégé.
Quand on compare les recours aux tribunaux comparativement à un
système complet de non-responsabilité, on s'aperçoit que
les désavantages du droit de recours sont pas mal plus forts. Je vous en
cite. Le fait, d'abord, que c'est long quand on va devant la cour. Cela peut
prendre du temps. Deuxièmement, c'est insatisfaisant. La preuve, vous
l'avez à la page 197; les gens vont plus souvent devant les tribunaux
quand les sommes sont plus élevées. On le voit dans le tableau 4
de la page 197. Poursuite avec jugement: la perte moyenne est de $13,000
comparativement aux autres, qui sont: victime seule, $788; victime avec avocat,
$3,400; poursuite sans jugement, $8,800 et poursuite avec jugement, $13,800.
Là on voit que le pourcentage du rapport de compensation est très
bas, 39 p.c. Autrement dit, le citoyen recourt aux tribunaux mais, en plus des
inconvénients d'attendre longtemps, il y a le jugement aléatoire,
il s'en va à la loterie. Il n'est pas certain d'avoir le montant
précis dont il a besoin. La preuve, c'est qu'on n'a qu'à 39 p.c.
des réponses-compensations. On reçoit beaucoup moins qu'on a
demandé. Je me dis qu'avec un système préétabli
avec des barèmes définis le citoyen est sûr de son montant.
Même si cela peut être un peu arbitraire, cela peut se corriger
d'une année à l'autre avec l'expérience. Même si
c'est un peu arbitraire, il y a l'avantage que c'est efficace, c'est simple,
c'est rapide, c'est certain. Même si ce n'est pas complètement la
somme dont il a besoin, il est sûr de ce montant et il ne subit pas la
crainte de dire: J'espère qu'on va passer bientôt, j'espère
qu'ils vont m'accorder ce que j'ai demandé. Cela oblige les avocats
à demander deux fois plus pour avoir moins. Cela crée tout un
système qui fait que le citoyen est réellement mal placé
devant la cour parce qu'il n'est pas certain d'avoir le montant auquel il a
droit, alors que l'autre système est sûr, c'est inscrit, c'est tel
barème. Il a subi tel préjudice, il sait que selon les
barèmes préétablis il va voir tel montant.
Vous me direz votre point de vue là-dessus, mais je ne vois pas
pourquoi, dans le cas d'un père de famille qui a un accident, qui peut
blesser ou même tuer quelqu'un, ses enfants, ses dépendants, sa
femme et autres en subiraient les préjudices par la suite. L'acte qu'il
a fait, à moins qu'il soit fait d'une façon consciente et
voulue c'est pris dans le rapport Gauvin pourquoi la
famille devrait-elle en subir les conséquences? Je pense que le
système "no fault" au complet, autant le régime de base que le
régime supplémentaire, permettrait l'assurance que le citoyen va
être dédommagé d'une façon rapide, efficace, simple
et assurée tandis que selon l'autre système on le voit par
les chiffres c'est 39 p.c. des sommes réclamées qu'il
reçoit, avec toutes les pertes.
Comment pouvez-vous arriver avec une conclusion différente du
rapport Gauvin là-dessus?
M. MOREAU: Notre raisonnement est celui-ci. Nous vivons
présentement sous un système basé sur la
responsabilité complète. Le rapport Gauvin préconise un
système sans égard à la responsabilité totale. Il
nous parait que c'est un changement trop brusque à effectuer. Ce que
nous proposons c'est un système qui va régler 85 p.c. des
problèmes sur une base sans égard à la
responsabilité, c'est-à-dire des barèmes
préétablis, rapidement, efficacement, sans discussion.
Je vous ferai remarquer que dans le tableau no 4 on parle de pertes
moyennes de $3,400, $8,800, $13,827. Toutes les pertes qui apparaissent dans ce
tableau seraient compensées par notre système sans égard
à la responsabilité. Ce ne sont que les cas où les frais
médicaux et les frais de rééducation excèdent
$20,000 qui pourraient aller devant les tribunaux ou les cas où il y a
mort ou préjudice esthétique grave ou incapacité qui se
prolonge au-delà de six mois. En somme, ce sont les cas d'exception.
Mais, sur le principe de l'indemnisation sans égard à la
responsabilité, nous sommes tout à fait d'accord. D'ailleurs,
c'est la base même de notre système.
Seulement, on dit ceci: Dans le cas d'un accident de $1,000, $2,000,
$5,000, $10,000 ou $12,000, les gens sont très heureux d'obtenir des
indemnités sans discussion, mais, quand il s'agit de mort, quand il
s'agit d'une perte très grave comme préjudice ou d'une
incapacité complète pendant plus de six mois, nous pensons qu'il
peut y avoir des désappointements du fait d'avoir perdu ce droit du jour
au lendemain. C'est peut-être, en somme, inconsciemment, une
période d'adaptation qu'il nous faudrait. Rien ne nous dit que, dans 20
ans, un système total ne serait pas applicable au Québec. Mais
partir d'une extrémité pour aller à l'autre dans une seule
étape, il nous semble que c'est trop fort.
M. LEGER: Autrement dit, vous acceptez d'être brusqué
à 85 p.c. et de vous adapter à 15 p.c.
M. MOREAU: C'est à peu près ça.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Saint-Germain.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je pense que c'est un point très
important que vous soulevez, M. Léger. La question est très
complexe; on a mis du temps à l'étudier, le comité Gauvin
aussi. Je participais un peu et, si mes collègues ont quelque chose
à ajouter, je les prie de bien vouloir aller de l'avant.
Premièrement, dans ce que vous avez dit, vous mentionnez que les
délais sont longs. C'est vrai que les délais sont longs. Ils ne
sont pas nécessairement longs à cause du système de
responsabilité basé sur la faute. Il y a eu des défauts
dans l'administration des tribunaux que certains juges, apparemment, se font
fort de réformer très rapidement. Tellement qu'il y a des avocats
qui représentent des victimes qui commencent à s'alarmer parce
que, dans le domaine des blessures corporelles, les délais de
règlement d'un sinistre, contrairement à ce qu'on peut croire, ne
vont pas à l'encontre de l'intérêt de la victime, mais
jouent, la plupart du temps, dans l'intérêt de la victime. Vous
savez que ça prend du temps avant de se développer, avant que les
spécialistes aient le temps de l'examiner. Du point de vue pratique, en
général, un avocat qui fait bien sou boulot ne se presse pas pour
régler un sinistre. Quand ils se pressent, c'est parce qu'il y a lieu de
croire que c'est un cas qui peut empirer, jusqu'à la mort et ils vont
essayer d'obtenir le gros lot immédiatement. C'est un côté
pratique de l'histoire. Il y a un fait aussi c'est un des arguments
majeurs qu'on peut invoquer contre le régime AutoBAC que le
comité Gauvin souligne suite à son examen des sinistres auquel
les assureurs ont collaboré et que nous n'avons pas pu vérifier.
On aurait aimé, suite au travail considérable que nous avons
fait, avoir les données de façon à vérifier les
conclusions du comité Gauvin. On a beaucoup de respect pour ses membres,
mais ils peuvent se tromper comme d'autres experts. On n'a pas eu l'occasion de
réviser ces données. Il y a certaines choses qui nous frappent
dans ce tableau, qu'on peut soulever. Quand on parle de sous-compensation dans
les blessures corporelles importantes, on a examiné dans les dossiers
quelle était la compensation accordée par les tribunaux. Nous
disons que, si les tribunaux accordent des montants de compensation
inadéquats, ce n'est pas la faute au système en soi.
Peut-être que les juges et ceux qui aiment faire des réformes,
encore une fois, pourraient s'attarder sur ce problème de façon
à uniformiser un peu les barèmes qu'eux-mêmes respectent
pour arriver à indemniser les victimes.
Je vais vous donner un exemple de cela. C'est un fait bien connu que,
dans une compagnie comme la nôtre, on réussit à
régler les réclamations de blessures corporelles quand elles sont
entre les mains des avocats et dans les cas où elles vont devant les
tribunaux. Les montants que les tribunaux acceptent en indemnité
équivalent à 25 p.c. des montants qui sont réclamés
à l'origine par les victimes. Il y a
tout un processus de soufflage, etc. On dit: Si c'est insatisfaisant, et
si Gauvin a raison, même après qu'on a soulevé des doutes
sur la valeur de ces données, procédons, si on le désire,
à changer les façons d'arriver à établir ces
compensations plutôt que de rêver d'un système qui va tout
régler.
J'en arrive à cela. Ce n'est pas parce que le rapport Gauvin dit
que tout le monde sera indemnisé tout le temps qu'on peut imaginer qu'en
pratique, cela fonctionnera.
Ce que M. Gauvin dit, c'est qu'on va avoir un "no fault" de base, pour
une couverture de base. Il reconnaît lui-même que cela ne saurait
répondre aux besoins de tout le monde. Il procède ensuite pour
dire que les unités familiales, le propriétaire d'un
véhicule pourra ajouter des couvertures additionnelles à sa
police de base.
Nous, on dit que cela ne peut pas marcher. Si on pense que tout le monde
va être indemnisé de cette façon-là, ce n'est pas
vrai, parce que dans notre société, on ne peut pas rattacher
d'une façon constante les victimes d'accidents d'automobiles au
propriétaire d'un véhicule avec un revenu donné.
Pour m'expliquer, on a souligné dans la présentation, je
pense, que des touristes qui viennent ici, au Québec, ne seraient pas
couverts par cela. Vous allez dire: II y a quelques touristes, on pourrait
prévoir un petit plan pour eux. D'accord. Mais dans notre
société également. Vous avez des amis qui partent
ensemble, vous avez peut-être, à un moment donné, huit ou
neuf couples qui vont quelque part en fin de semaine, faire du "ski-doo"
quelque part, ils se promènent dans deux automobiles. Ils sont de
conditions différentes parce qu'ils ont des revenus différents et
ils vont voyager dans les véhicules les uns des autres. Il y en a
peut-être là-dedans, il y en a certainement, qui n'ont pas de
véhicule.
Alors, vous avez un bonhomme qui va gagner $13,000 ou $14,000 par
année qui va se retrouver dans un véhicule conduit par un
individu qui gagne $8,000, qui n'a pas daigné se prendre une protection
additionnelle, et ce bonhomme-là ne sera pas indemnisé. Tout ce
qu'il recevra, c'est la couverture de base.
Ce qu'on dit, c'est que c'est impossible d'imaginer que tous les
citoyens vont pouvoir s'acheter une couverture additionnelle, vont être
conscients de cela et vont s'en acheter une qui va les protéger. On est
d'accord avec une couverture de base; mais le moyen de procurer une protection
à tous ceux qui vont se situer au-dessus de la couverture de base, les
15 p.c. en question, le moyen le plus facile de le rejoindre directement, c'est
en ayant une assurance-responsabilité obligatoire résiduelle
établie selon le détenteur du véhicule, le
propriétaire du véhicule.
C'est la raison pratique de notre opposition fondamentale à cela.
Il me fera plaisir d'expliquer, s'il y a quelque chose que vous ne comprenez
pas; ce n'est peut-être pas clair.
M. LEGER: Justement, sur ce point-là, vous avez amené deux
idées. La première, c'est le fait que les tribunaux,
c'était long. Ce n'est pas nécessairement à cause de la
faute. Cela veut dire que souvent les délais sont à l'avantage de
la personne, pour qu'elle puisse évaluer réellement ses dommages.
Mais cela peut se faire la même chose avec un barème,
réévaluer le barème où elle peut se situer,
étant donné les dommages qu'elle a eus.
L'autre façon, c'est que si on cherche et je pense que
c'est l'objectif de votre côté comme du nôtre
à faire disparaître l'arbitraire, l'aléatoire, il faut un
système nécessairement objectif. Le système le plus
objectif n'est pas celui qui essaie de prouver qui est fautif, mais celui qui
prévoit la valeur, l'étendue du dommage. C'est cela qui est
important.
Devant le juge, il ne s'agit pas de prouver qui est le plus en faute,
mais surtout prouver la quantité de dommages que la personne a eus.
Vis-à-vis des tribunaux, il n'y a pas que les délais qui sont
mauvais. Les tribunaux, souvent, apprécient les dommages d'une
façon très aléatoire et il y a des injustices relatives
qui sont faites.
Moi, j'aimerais aller plus loin en disant que si on veut régler
chaque cas d'une façon individuelle, ce sont les tribunaux. Mais si on
veut être objectif et penser à l'ensemble de tout un pays, il faut
nécessairement entrer dans le domaine des normes. Les normes, nous
n'avons pas besoin des tribunaux pour cela. Si les normes sont là et si
l'assurance prévoit une protection qui équivaut à tel
degré d'indemnisation devant tel degré d'accident qu'il a pu y
avoir, ce sont les normes qui peuvent le faire. C'est la raison pour laquelle
je suis encore à la même conclusion que tantôt, c'est que si
on veut réellement être objectif devant l'ensemble des citoyens et
éviter chaque cas particulier parce que chaque cas particulier,
à ce moment-là, va amener de l'aléatoire devant le juge
je pense que ce sont les normes qui doivent faire cela et on n'a pas
besoin de droit de recours à ce moment.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): J'ai voulu dire deux choses. C'est que vous avez
beau avoir les plus belles normes possible, dans le système qui est
proposé par M. Gauvin, dans tous les cas où il n'y a pas de
relation entre les membres d'une unité familiale et le
propriétaire d'un véhicule, vos normes ne s'appliqueront pas,
c'est aussi simple que cela. Voilà pour les normes. Pour ce qui est des
aléas des tribunaux et tout cela, c'est évident qu'il y a des
aléas dans les tribunaux, mais ils ne viennent pas nécessairement
du fait que les tribunaux errent tellement dans leur définition des
quanta. Il y a des centaines de gens au Québec qui sont occupés
à négocier des réclamations pour blessures corporelles.
Dans la plupart des cas, quand le dossier est ouvert et qu'on a suffisamment
d'information, ces gars sont parfaitement au courant de la jurisprudence. Ils
vont mettre un montant en réserve pour
le cas, qui, généralement, même s'il se passe deux,
trois ou quatre ans, est pas mal près, à 10 p.c. près, du
montant qui va finalement être accordé par les tribunaux. Mais ce
qui complique le portrait, comme je le disais tantôt, c'est que les
expectatives des tierces parties sont soufflées.
Quand on vous dit que les montants finalement accordés par les
tribunaux, statistiquement, équivalent à 25 p.c. des montants qui
sont demandés à l'origine, il faut bien croire que
forcément vous avez raison, qu'il y a beaucoup de gens qui, au cours
d'un, deux ou trois ans doivent faire un long voyage pour se ramener au niveau
du réel.
M. LEGER: Cela n'empêche quand même pas le fait qu'une
personne qui s'assure pour une assurance de base, ce qui équivaut, je
pense, à 85 p.c. des cas, peut s'assurer d'une façon
supplémentaire pour avoir, comme compensation-indemnité, ce qui
équivaut à son cas particulier. Je parle d'un pianiste. On a
donné l'exemple, la semaine dernière, d'un pianiste qui se fait
arracher un doigt dans un accident. C'est sûr qu'il y a un barème
pour un doigt sur une base normale. Il va avoir un montant X dans l'assurance
de base du fait que pour une personne qui perd un doigt, cela coûte tant.
Mais pour lui, le pianiste, ses doigts valent plus parce qu'il gagne sa vie
avec ses doigts. Il peut s'assurer avec un régime supplémentaire
qui équivaudra à ce qu'il juge être la valeur normale qu'il
devrait recevoir en indemnité s'il était accidenté. Cela
ne l'oblige pas à aller devant les tribunaux. Il peut facilement avoir
une assurance supplémentaire. Il réclame à son assurance
exactement la somme qui est prévue dans son contrat.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): L'exemple du pianiste est un cas extrême.
Pour prendre un exemple qui est peut-être plus près de la
réalité, disons qu'on prend un étudiant en génie.
Le bonhomme a 24 ou 25 ans, c'est un bon candidat, son affaire va numéro
1, il n'a pas d'auto et il ne reste pas chez ses parents. M. Gauvin dit : S'il
se promène dans la voiture d'un bonhomme qui est un de ses amis qui
gagne $8,000, $9,000 ou $10,000 par année, parce qu'il va se promener
avec un gars qui a cela, qui a seulement la couverture de base, lui, mon
étudiant en génie, n'aura pas le droit d'avoir plus que cela,
à moins qu'il ait pensé que, comme étudiant en
génie, il était susceptible de se promener en automobile un jour
ou l'autre et aura désiré s'acheter une couverture
excédentaire. Ce qu'on dit, c'est que cela ne marchera pas en pratique.
Vous ne pouvez pas demander à la totalité des citoyens du
Québec de penser à leur affaire dans le domaine des accidents et
de s'acheter des petites couvertures selon leurs besoins personnels. On dit, si
on veut couvrir cette possibilité, que le moyen le plus sûr et le
plus économique est de construire une couverture excédentaire
à un régime de base qui est du genre de celui de M. Gauvin pour
tous ces cas et de le construire sur le propriétaire du
véhicule-automobile. M. Gauvin l'a reconnu, parce qu'il n'a pas
tenté de rattacher l'assurance-automobile au détenteur d'un
permis. Il a reconnu que le plus sûr moyen est de la rattacher au
propriétaire d'un véhicule.
C'est dans ce but qu'on dit cela. Cela n'empêche pas qu'il reste
toujours un trou là-dedans, parce que l'auteur qui serait responsable de
dommages qu'il causerait, de dommages importants, n'obtiendrait rien pour eux
en excédant du régime de base.
Je pense bien que les assureurs n'auraient aucune objection à
vendre une couverture additionnelle pour les cas où une personne serait
l'auteur de ses propres dommages et qui en voudrait en excédent de la
couverture de base d'AutoBAC.
M. MARCHAND: M. le Président, avec la permission du
député de Lafontaine...
M. LEGER: Certainement.
M. MARCHAND: ... je voudrais poser une question additionnelle
là-dessus, parce que vous parlez de baisser les taux, cela va
épargner de l'argent aux consommateurs, et vous parlez continuellement
de couvertures additionnelles. Est-ce que cette couverture additionnelle ne
reviendra pas au même taux qu'auparavant et avec les mêmes frais
d'avocats parce qu'il faudra aller en cour pour le même problème,
parce que celui qui ne sera pas protégé, ne sera pas payé
selon les dommages qu'il aura subis et s'il n'a pas de couverture
additionnelle... Vous avez parlé de l'étudiant en génie,
qui, par exemple, a eu un accident grave, ne peut pas exercer sa profession, et
demain matin, il a exactement ce que vous donnez. S'il n'a pas pris le surplus,
il est fini pour le reste de ses jours. Cela va donner quoi, votre affaire? Je
me pose la question. Devant vos explications, vous allumez des lumières,
et je me pose des questions graves, parce que je pense qu'au lieu d'avancer on
recule.
M. GIASSON: ... le fonds de consolidation devrait demeurer en vigueur
afin de pallier pour celui qui est responsable d'un accident et qui n'aurait
pas cette couverture excédentaire.
M. SAINT-GERMAIN: Si mes collègues veulent bien m'aider, il y a
peut-être quelque chose que j'explique mal, je ne sais pas. Je laisserais
de côté la question du fonds d'indemnisation, mais...
M. MARCHAND: Dans vos livres, c'est assez clair. Je trouve que le
consommateur est encore pas mal organisé.
M. SAINT-GERMAIN: Je ne pense pas. Je pense que c'est le régime
AutoBAC qui est une amélioration très grande par rapport à
ce qui existe...
M. MARCHAND: En plus de cela, on n'aura pas notre agent en qui on a
confiance, et sur qui on se fie et qui nous défend. Parfois, les grosses
compagnies d'assurance, pour sauver l'avocat, oublient de nous défendre,
puis elles paient plutôt que de payer les droits d'avocats. Celui qui est
coupable est payé et celui qui est responsable est mieux que celui qui
n'est pas responsable.
M. MOREAU: Si vous me permettez, il n'y a pas de relation entre le
service de... et le système d'indemnisation.
M. MARCHAND: II n'est pas question de relation, il est question de
défendre le public dans la loi actuellement.
M. MOREAU: Je vous comprends votre question de tout à l'heure.
Vous vous dites: On donne plus d'indemnité, on paie plus de gens, et
cela va coûter moins cher. Il y a quelque chose qui ne marche pas
là-dedans. L'explication est assez simple: C'est que dans 85 p.c. des
cas, vous éliminez l'expert en sinistres. Dans 85 p.c. des cas, vous
éliminez l'enquête. Dans 85 p.c. des cas, vous éliminez
l'avocat. Le voici, votre gain qui va nous permettre, d'une part, d'indemniser
les gens plus rapidement, plus généreusement, et plus de
gens...
M. MARCHAND: A quel taux?
M. MOREAU: Ce sont les actuaires qui font les calculs. Vous avez
seulement des actuaires et précisément cela va coûter moins
cher. Je ne peux pas justifier...
M. MARCHAND: Cela va coûter moins cher en général,
mais celui qui sera vraiment pénalisé, ce ne sera pas toujours le
coupable. Il faut penser à cela aussi.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): M. le Président, si vous me permettez,
c'est un point très important que M. Léger a soulevé.
C'est important à comprendre. Cela n'a rien à voir avec le
système actuel de mise en marché. On est à s'adresser une
question, à savoir si le consommateur, si le Québécois
sera bien indemnisé en vertu du nouveau régime
suggéré par Gauvin ou du régime suggéré par
le Bureau d'assurance du Canada.
M. MARCHAND: Le plan Gauvin procure effectivement un très bon
niveau de compensation, mais il repose sur l'obligation, la
nécessité qu'auraient tous les Québécois, qu'ils
soient propriétaires d'une automobile ou pas, de repenser leur propre
programme d'assurance vis- à-vis des accidents qui sont susceptibles
d'arriver en cas d'accidents d'automobile. Ce qu'on dit sur cela, c'est que
c'est difficile d'imaginer que tout le monde, propriétaire ou non d'une
voiture au Québec, va faire cette opération-là. Pour
éviter que les gens reçoivent moins dans les cas pénibles
que dans le système actuel, on suggère de garder et d'introduire
un "no fault" pour 85 p.c. des cas, qui devrait apporter tout autant, sinon
plus qu'actuellement, et, pour l'excédent, de conserver
l'assurance-responsabilité obligatoire pour les 15 p.c. des cas qui ne
seraient pas couverts par la couverture de base, alors que Gauvin, lui, dit
que, dans les cas des 15 p.c. en question je ne sais pas, dans son cas,
si c'est 15 p.c. ou 20 p.c. ou 25 p.c. ou 5 p.c. ou 10 p.c. dans ces
cas, on va faire une obligation au Québécois de penser à
son affaire et de s'acheter la couverture qu'il veut.
M. BONNIER: Est-ce que le député de Lafontaine... Je
voudrais seulement demander une précision.
M. LEGER: Allez-y, allez-y.
M. BONNIER: Qu'est-ce que vous voule. dire par obligatoire, à ce
moment? Ce serait aussi obligatoire que la base.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Actuellement, on a un système de
responsabilité civile obligatoire. Non, ce n'est pas tout à fait
obligatoire. C'est en vertu de la Loi d'indemnisation, de solvabilité.
Il y a des suggestions qui sont faites, je pense, quant à l'assurance
obligatoire. Mais si on a un système de responsabilité civile
obligatoire, cela couvrira tous ces cas.
M. LEGER: M. le Président, je vais reprendre, pour ne pas faire
de préjudice au député de Beauce-Sud.
M. MOREAU: ... et l'assurance de responsabilité civile
résiduelle. Les deux vont de pair.
M. ROY: Le député de Beauce-Sud n'est pas susceptible.
M. MOREAU: Tandis que, sous le régime Gauvin, l'assurance de base
est partie obligatoirement, mais chacun doit décider, chez lui, s'il
doit s'acheter une assurance personnelle ou familiale au cas où...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: Pour ne pas, quand même, enlever le droit de parole au
député de Beauce-Sud, qui a des questions certainement
pertinentes à poser, je voulais simplement vous demander: Etant
donné que tantôt, M. Moreau, vous avez dit au ministre que,
basé sur la page 12 de votre rapport, paragraphe c): "Même si nous
n'avons pas encore terminé notre analyse des
coûts respectifs des deux systèmes, nous pouvons
déjà en conclure que ceux de l'assurance AutoBAC jointe à
l'assurance-responsabilité civile complémentaire que nous
préconisons seront sensiblement inférieurs à ceux du
régime du comité..."
Est-ce que vous pourriez nous dire quel est l'ordre de grandeur du
coût de l'assurance-responsabilité civile? Mettons l'exemple d'une
prime de $400 qui inclurait le coût de l'assurance de base et la
responsabilité civile? Quel serait l'ordre de grandeur du coût de
la responsabilité civile dans votre projet?
M. MOREAU: C'est sûrement minime, M. Léger, mais je ne sais
pas si nos actuaires peuvent nous répondre présentement
là-dessus. Mais vous dites... Si je comprends bien, vous avez pris
l'exemple d'une prime de $40...
M. LEGER: C'est $400.
M. MOREAU: ... $400. Je n'ai pas l'impression que l'assurance de
responsabilité résiduelle coûtera plus que 5 p.c. de cela,
peut-être entre 5 p.c. et 10 p.c. C'est un...
M. LEGER: Cela voudrait dire: $380-$20. Quelque chose comme cela?
M. MOREAU: Probablement à peu près cela. C'est minime,
justement parce que la responsabilité résiduelle va
prévoir les cas d'exception seulement, au lieu de prévoir tous
les cas comme aujourd'hui. Ce sont seulement les cas qui excèdent
$20,000, qui excèdent $250 par semaine. C'est minime comme protection.
C'est pour cela qu'on ne se gêne pas pour suggérer qu'elle soit
obligatoire. Il n'y a pas d'exception, que tout le monde soit
protégé.
M. LEGER: Maintenant...
LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Saint-Germain.
M. LEGER: Je n'ai pas terminé, M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député me mentionne qu'il
n'a pas terminé sa question.
M. LEGER: Excusez-moi. Vous vouliez rajouter, sur la même
question?
M. SAINT-GERMAIN: Oui, c'est cela. M. LEGER: Allez-y.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): On ne peut pas vous répondre exactement
sur cela. C'est qu'il y a une myriade de plans auxquels on peut penser, mais on
a toutes les statistiques. Si on nous demandait, à un certain moment...
Vous avez raison. Vous mettez le doigt sur des questions de principe pour une
bonne part et une question d'organisation du système de compensation.
Mais comme cela implique des principes, une fois que cela sera nettoyé,
nous, on peut faire le coût de différents systèmes.
Actuellement, nous demander cela, on ne peut pas vous dire: On a toutes les
statistiques. On peut vous dire combien il y en a qui dépassent $35,000
par exemple. Mais jugez de la difficulté pour nous de faire le
coût de différents systèmes auxquels on a pu penser et
auxquels Gauvin fait allusion, etc.
M. LEGER: Je vais maintenant toucher à l'aspect de la
facilité.
Selon le rapport Gauvin, aux recommandations 42 et 46, il est dit que le
surintendant des assurances ait le pouvoir de fixer un tarif maximum pour
certains risques et répartir sur l'ensemble des assureurs la somme des
différences entre le taux maximum et les primes exigées par les
assureurs en sus du maximum.
Autrement dit, vous semblez dire dans votre rapport qu'il ne faut pas
enlever l'aspect de la "Facilité" parce que cela vous permet
d'accrof-tre la concurrence. Le rapport Gauvin dit que, si on enlève ce
système de "Facilité" qu'on appelle pour ceux qui ne sont pas
assurables ou très peu assurables, il va aller voir la compagnie qui a
le taux le plus bas et la prime devra normalement être chargée
à cette personne et on va lui demander le taux le plus bas quand
même et cela sera l'ensemble des compagnies qui vont avoir à
assumer la différence et donc, c'est égal pour toutes les
compagnies.
Est-ce que vous êtes réellement contre cette recommandation
parce qu'à la page 17, vous semblez dire que vous n'êtes pas
d'accord là-dessus, sur l'abolition de la "Facilité"?
M. MOREAU: Nous ne sommes pas contre, mais je dois vous dire qu'il y a
un doute dans notre esprit quant à la signification exacte ou la
portée exacte de la recommandation 42. Le rapport Gauvin dit que soit
aboli le mécanisme du "Facilité". Mais rendu à la
recommandation 42, il semble revenir avec un mécanisme qui lui ressemble
drôlement, mais qui n'est pas le même.
Nous disons qu'au lieu d'empêcher la concurrence, la
"Facilité" favorise la concurrence. Cela permet à tous les
assureurs d'accepter les mauvais risques, qu'on appelle des risques
défavorables dans l'industrie, à un taux raisonnable et de le
refiler par voie de réassurance de la "Facilité" à
l'ensemble des assureurs. C'est ce qui est le but de la "Facilité". La
"Facilité" avait été mise sur pied il y a plusieurs
années dans le but de procurer un marché complet. A ce moment, il
y avait des problèmes de marché. Avec la "Facilité", tout
le monde se trouve de l'assurance. Il n'y a pas de problème de
marché au Québec dans le moment. Il n'y a jamais
personne qui a de la difficulté à se trouver de
l'assurance et, s'il y en a, cela ne dure pas longtemps.
Je peux vous dire qu'au Bureau d'assurance du Canada, on a un bureau
d'information où, comme le disait M. Edmonston il y a quelques jours, on
répond à 5,000 ou à 6,000 demandes de renseignements par
année et quelques plaintes, mais nous n'avons à peu près
jamais de plaintes de marché et, dès que nous en recevons une,
quand quelqu'un nous dit: Je ne peux pas m'assurer, je n'ai pas trouvé
de couverture, en quelques heures, nous lui trouvons une protection, sans aucun
problème particulier.
Alors, la "Facilité" a été faite pour cela. Si on
ne l'appelle pas "Facilité", il faudra lui trouver un autre nom, mais il
faut un dispositif quelconque de façon à ne pas imposer à
un assureur ce qu'il y a de plus mauvais comme risque parce qu'il y en a des
mauvais risques, vous savez.
Quand les assureurs ont mis sur pied la "Facilité", on a dit aux
différents gouvernements provinciaux: Très bien. Nous prenons
cela. Cela va devenir notre problème de procurer un marché aux
automobilistes, mais de votre côté, soyez justes et donnez-nous un
bureau de révision des permis de façon que nous, les assureurs
qui sommes en situation pour voir les mauvais risques, pour constater
les conducteurs qui ne devraient pas être sur la route puissions
soumettre ces cas à ce bureau, bureau qui serait formé de
personnes indépendantes et qui aurait le pouvoir d'éliminer ces
gens de la route. Cela ne s'est jamais matérialisé.
Nous, les assureurs, avons rempli notre part du marché, mais les
gouvernements provinciaux n'ont pas rempli leur part du marché en nous
procurant, justement, ce bureau de révision, avec le résultat que
les assureurs sont forcés d'assurer des risques que je qualifierais
d'épouvantables, des gens dont le permis devrait être
annulé depuis longtemps, des gens qui sont une menace sur la route, mais
pour des raisons quelconques... Je ne blâme pas nécessairement le
Bureau des véhicules automobiles; il y a des cours de justice aussi qui
sont très généreuses et qui sont très douces dans
les condamnations.
Alors, la "Facilité" est nécessaire ou un organisme
semblable.
M. LEGER: Dans le rapport Gauvin, quand même, on a affirmé
que les compagnies utilisaient trop la "Facilité" pour les risques et je
ne sais pas vous me corrigerez mais j'ai l'impression que si les
compagnies vont obtenir des primes des personnes qui sont des mauvais risques
et, pour les avoir, elles doivent avoir le tarif le plus bas, elles n'auront
pas à subir le coût qui sera réparti sur toutes les
compagnies, de la différence qu'elles devraient exiger et le taux
qu'elles exigent.
Est-ce que ce n'est pas une occasion, pour les compagnies, de vouloir
avoir les taux les plus bas pour avoir le plus de primes possible et la
différence de primes qui manquent, ce sont toutes les compagnies qui
vont l'assumer. Je pense que cela amène une meilleure concurrence. Cela
va inciter les compagnies à vouloir avoir les primes les plus basses
pour être celles qui vont être choisies puisqu'elles n'auront pas
à subir les conséquences du mauvais risque, puisque c'est
divisé entre toutes les compagnies.
Deuxièmement, est-ce qu'actuellement les taux des compagnies
d'assurance ne sont pas basés en incluant aussi, je ne dirais pas tous
les mauvais risques, mais le danger de mauvais risques possibles? Ce qui fait
qu'on est obligé de mettre des taux plus élevés, parce
qu'on dit: II faut tenir compte des mauvais risques aussi, tandis que dans le
cas présenté par le rapport Gauvin, cela permet seulement de ne
pas se préoccuper de ces mauvais risques puisqu'ils vont être
divisés parmi tous les autres. Et ceux qui auront la prime, donc
un revenu supplémentaire permettant d'avoir beaucoup plus de fonds de
roulement pour faire des investissements, etc., seront ceux qui auront
les tarifs les plus bas. Est-ce que ce n'est pas une occasion d'amener une
meilleure concurrence pour que chacun ait les tarifs les plus bas?
M. MOREAU: Je vous avoue, M. Léger, M. le Président, qu'il
y a un élément qui me manque dans la suggestion de M. Gauvin. Je
ne dis pas que sa suggestion n'est pas bonne ou fait défaut, mais je ne
la comprends pas à 100 p.c. Il y a quelque chose qui nous manque dans
cela. Peut-être que votre raisonnement, comme vous le faites, est exact,
mais personnellement je ne peux pas comprendre qu'il y ait là une
solution telle qu'il le suggère. Je ne sais pas si mes confrères,
si mes collègues peuvent expliquer le raisonnement de M. Gauvin, mais
moi je ne comprends pas, je ne vois pas que ce soit une solution. Il y a des
éléments qui nous manquent, ils ne nous ont pas été
expliqués.
M. LEGER: D'après ce que je peux voir, il n'y a personne qui
semble vouloir vous aider. Ils semblent avoir la même
compréhension ou la même incompréhension. M. Rankin ou M.
Gauvin pourrait expliquer cela.
M. TETLEY: Même M. Rankin, de très bon gré, consent
à venir, si vous êtes d'accord, peut-être ce soir ou
à la fin, afin de donner quelques explications. N'oubliez pas toutefois
que le comité Gauvin reviendra d'ici quelques semaines.
M. LEGER: Je suis d'accord que les représentants du rapport
Gauvin ou M. Rankin puissent répondre. Je suis d'accord
là-dessus.
A la page 376, au quatrième paragraphe, parce qu'il croit en ces
avantages, le comité Gauvin fait la recommandation suivante: "Si toutes
les réformes proposées et décrites ci-haut sont
appliquées, l'administration du nouveau régime peut être
confiée à l'entreprise privée". C'est, selon le rapport
Gauvin, le "last chance call".
Est-ce que, d'après vous, quant aux recommandations de 39
à 60, ou spécialement la recommandation 59, savoir "Que les
mesures suivantes soient adoptées afin de réaliser les
économies escomptées" vous êtes en mesure de nous dire,
aujourd'hui, si elles sont réalisables par des compagnies d'assurance
dans l'entreprise privée?
M. MOREAU: Ce que je peux répondre ici, c'est qu'il faut faire
certaines réserves. Parce que M. Gauvin, dans ses recommandations, nous
arrive avec des éléments complètement nouveaux, des choses
qui n'ont jamais été expérimentées; mais
malgré tout cela, malgré les réserves normales qu'il
faudrait faire, je n'hésite pas à dire que l'entreprise
privée peut fonctionner dans ces conditions tout aussi bien ou
peut-être mieux qu'une entreprise gouvernementale.
M. LEGER: Alors, vous seriez capables de réaliser toutes les
recommandations, du moins à l'article 59, de a) à f ).
M. MORE AU: Je le crois. M. LEGER: D'accord.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je pense qu'il est important d'introduire une
distinction. Vous savez que là-dedans il y a beaucoup de choses qui ne
peuvent pas être réalisées sans que le législateur
décide d'organiser notre champ d'activité commercial d'une
façon autre que ce qui est organisé actuellement. Peut-être
que le législateur, dans sa sagesse, décidera qu'il y a beaucoup
de ces recommandations qui sont réalisables, mais ne sont
peut-être pas désirables. Selon ce que le législateur
décidera quant au degré de désirabilité de ces
suggestions, il nous fera plaisir, comme on l'a toujours fait par le
passé, d'appliquer le système en question.
M. LEGER: Autrement dit, ce sera un choix politique du gouvernement de
choisir ce qu'il calcule devant être immédiatement
réalisé, mais que vous, vous êtes prêts à
accepter. Vous calculez être capables de les réaliser si le
législateur décide que toutes ces recommandations doivent
être mises en pratique.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Comme citoyen du Québec, on aimerait
penser que dans une question aussi importante que celle-là, la politique
soit exclue.
M. LEGER: Quand je parle de choix politique, je veux dire une
décision politique.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Qu'on se penche plutôt sur les moyens de
donner aux Québécois le meilleur système possible au
meilleur coût possible.
M. LEGER: Cela, c'est une décision politique. Le rapport Gauvin,
deux paragraphes plus haut, dit: "L'écart des coûts
d'administration entre un monopole étatique et une entreprise
privée réformée est de l'ordre de 3 p.c". Est-ce que vos
études, jusqu'à maintenant, les chiffres que vous avez, vous
permettent de corroborer la déclaration du rapport Gauvin à ce
chapitre?
M. MOREAU: Nous n'avons pas fait les calculs sur la même base que
M. Gauvin. Comme question de fait, il y a des points de vue inconnus pour les
faits donnés dans le rapport de M. Gauvin. Mais à notre avis,
l'écart, entre l'entreprise privée et l'entreprise d'état,
n'est même pas de 3 p.c. Nous ne sommes pas convaincus que les chiffres
que M. Gauvin nous a donnés, concernant les frais de fonctionnement des
systèmes étatiques, sont exacts. Ce n'est pas une critique que je
fais mais il y a plusieurs façons de voir ces choses, il y a plusieurs
points de vue où on peut se placer. A notre avis, à tout prendre,
il n'est pas exagéré de dire qu'un système d'entreprise
privée ne devrait pas coûter plus cher qu'un système
étatique. Il ne devrait même pas y avoir une différence de
3 p.c.
M. LEGER: Vous n'avez pas de chiffres, vous affirmez seulement que c'est
moins de 3 p.c.
M. MOREAU: Non, parce que nous n'avons pas eu tellement de chance, nous
connaissons nos frais d'administration, mais les entreprises privées
n'ont jamais été gâtées par les systèmes
étatiques au point de vue de renseignements. On n'a jamais pu obtenir de
la Saskatchewan les frais véritables, tous les renseignements de base
qu'on aurait aimé avoir pour apprécier ce système, on n'a
jamais donné ça. On n'obtient même pas de statistiques sur
les accidents en Saskatchewan. Vous pouvez, par le livre vert qui
représente tous les résultats de tous les assureurs, juger de
chacune des classes, dans tout le Canada, dans chaque territoire, sauf la
Saskatchewan, car elle ne souscrit pas à ce genre de renseignements. Il
n'y a pas moyen de savoir de la Saskatchewan si une classe subventionne l'autre
ou si un territoire subventionne l'autre. Ces chiffres ne sont pas
publiés. Cela revient à dire ce que je disais, on n'a pas
été gâté par les renseignements et on ne nous aide
pas beaucoup à établir des chiffres dans ce sens. On ne
demanderait pas mieux que de le faire, M. le Président.
M. LEGER: Est-ce que vous pourriez me dire si les profits de la plupart
des compagnies d'assurance qui sont bien établies, solides... Est-ce que
la proportion des profits proviennent davantage de ces 3 p.c. ou 2 p.c. sur les
primes par rapport aux dépenses d'administration que les profits venant
des investissements des som-
mes que les compagnies ont comme roulement pendant l'année
présente? Est-ce que les sommes de profit sont plus fortes venant des
profits sur les primes que sur les profits venant d'investissements?
M. MOREAU: Je pense que M. Saint-Germain serait plus qualifié que
moi pour répondre à cette question.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je ne suis pas mieux qualifié mais je
vais essayer de répondre. C'est une réalité avec laquelle
je vis peut-être plus étroitement que M. Moreau. Le rapport
Gauvin, à ce chapitre, à notre sens, apporte une grande
contribution au débat. Parce que tant et aussi longtemps qu'on attaque
le niveau élevé des primes d'assurance-automobile en
soupçonnant les compagnies d'assurance et en l'affirmant, de faire des
profits absolument abracadabrants, ça nous préoccupe comme
assureur. Mais après le rapport Gauvin, avec le degré
d'objectivité et le degré de compétence professionnelle
qui est mis dans le chapitre 6, à la partie 3, il serait impossible de
prétendre que les compagnies d'assurance font des profits exorbitants.
En fait, je me contenterai que tout ce qui est là est de la plus haute
compétence professionnelle. Tous les éléments pour
apprécier la seule notion, qui prévaut dans notre domaine comme
dans tous les autres et qui est le rendement sur le capital investi, est bien
mise à nu avec toutes ses composantes. En fin d'analyse, on retrouve que
le profit des assureurs d'automobiles est évalué à 15.7
p.c. avant impôt, en général on parle d'un taux
d'imposition de 40 p.c. à 50 p.c.
Et c'est moins que les fabricants de véhicules automobiles qui
ont 21.8 p.c. Vous pouvez peut-être imaginer, si vous aimez
spéculer, qu'étant donné que les assureurs d'automobiles
sont des grands acheteurs de pièces d'automobiles et de nouveaux
véhicules, dans le niveau des primes d'assurance-automobile se
reflète une partie des profits des fabricants de véhicules
automobiles.
A 15.7 p.c. avant impôt, Gauvin dit bien que c'est raisonnable et
quand on tient compte, en plus de cela, des éléments de risque
qu'on peut analyser très facilement, c'est effectivement ce qu'il y a de
plus raisonnable.
Alors pour répondre plus spécifiquement à votre
question, il est un fait qu'une partie du profit qui provient du profit de
souscription, s'il y a un excédent entre la prime et le montant de
réclamation et les frais d'administration qu'on débourse, il y a
aussi une partie de notre profit qui provient de notre revenu d'investissement
des montants dont on a la jouissance pendant un certain temps.
Les deux combinés, vous les rapportez au capital investi et vous
trouvez le rendement de 15.7 p.c. avant impôt, qui est moins que les
banques et moins que d'autres secteurs d'activités financières ou
commerciales.
M. LEGER: Mais la plus grosse partie, c'est quoi? Ce sont les
investissements ou les primes?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): D'une façon générale, par
les temps qui courent, le revenu de placement est supérieur aux profits
de souscription.
M. LEGER: Maintenant, est-ce que vous êtes d'accord
étant donné que M. Moreau a parlé tantôt que les
entreprises étatiques sont avares de renseignements sur les coûts
de fonctionnement avec la recommandation de l'APA qui demandait
justement un débat public sur les tarifs et disait: Le Québec
devrait instituer des audiences publiques sur les tarifs avant d'accorder des
augmentations aux compagnies et, de là, devrait permettre à un
maximum de citoyens de se faire entendre et un avocat devrait être commis
d'office pour représenter la cause des consommateurs? Est-ce que vous
êtes d'accord aussi, avant d'avoir une augmentation de tarifs, de passer
par un débat public, comme vous semblez demander que ce soit la
même chose pour l'entreprise d'Etat?
M. MOREAU: C'est une chose à laquelle on ne pourrait pas
s'opposer, si le gouvernement le décidait, mais nous, nous disons que ce
n'est absolument pas nécessaire. Dans les conditions actuelles,
même la loi ne prévoit pas de contrôle par le surintendant.
Le surintendant n'a pas d'autorité, en principe, sur les taux. Or, en
fait, ce qui arrive, c'est que chaque année, les assureurs vont
soumettre leur barème de tarification, du moins quand ils ont
l'intention de les changer. Et le surintendant a l'occasion, à ce
moment-là, de les apprécier. Alors, cela pourrait être fait
d'une façon un peu mieux prévue, un peu plus catégorique
que cela. Mais qu'il y ait des audiences publiques pour apprécier les
taux d'assurance-automobile, cela représente certains dangers et,
à notre avis, cela ne comporte pas d'avantages réels.
M. LEGER: Je dis cela parce qu'étant donné que nous sommes
dans la recommandation de M. Gauvin qui dit, comme je l'appelais tantôt
le "last chance call", c'est quand même, avant d'arriver à des
conclusions de l'assurance étatique, une occasion de vérifier
réellement si c'est normal des augmentations qui peuvent survenir sans
que tous les citoyens le sachent étant donné que cela va
être une obligation pour les citoyens de s'assurer maintenant, qu'ils
sachent qu'ils s'assurent au meilleur taux.
M. MOREAU: Dans les recommandations Gauvin, vous avez remarqué
que M. Gauvin fait des recommandations précises quant à
l'autorité du surintendant et son contrôle sur la tarification.
C'est beaucoup plus serré que ce qui se produit dans le moment. Les
assureurs n'ont aucune objection à cela, aucune objection du
tout. Si le gouvernement juge à propos que c'est la façon
de le faire, les assureurs vont coopérer. Ils sont habitués
à des contrôles, les assureurs. C'est l'industrie la plus
contrôlée par les gouvernements. D'une part, elle est
contrôlée du côté de l'impôt et, d'autre part,
elle est contrôlée du côté de la solvabilité.
Deux points de vue absolument différents.
M. LEGER: Ce matin, l'Association des policiers provinciaux a
amené une suggestion qui proposait qu'il y ait aussi des points de
mérite, en plus des points de démérite et que ces points
de mérite amèneraient des réductions des taux d'assurance
pour ceux qui sont de bons assurés, ceux qui ne vous causent pas trop de
problèmes. Est-ce que les compagnies d'assurance ont déjà
étudié cette éventualité et est-ce que cela
dérangerait tout votre barème actuel de tarification?
M. MOREAU: Non, actuellement, il y a le système de points de
démérite dans chacune des provinces. Celui du Québec,
à notre avis, est à peu près le plus avancé de
toutes les provinces. Nous nous apprêtons prochainement à
recommander un système uniforme dans toutes les provinces du Canada, de
façon qu'une personne qui voyage de l'une à l'autre des provinces
n'ait pas de problème à ce point de vue-là.
Le système dont on parlait ce matin qui donnerait des points de
mérite peut être une façon de voir les choses. Nous ne nous
sommes pas rendus à ce détail. Mais, ce qui est certain, c'est
qu'avec la venue de l'assurance sans égard à la
responsabilité, toute la base de la tarification va
nécessairement changer, peut-être pas brusquement du jour au
lendemain, mais au cours d'une période de deux, trois, quatre ou cinq
ans; parce que, à ce moment, on ne peut plus tenir compte de la
responsabilité du conducteur dans les accidents ou, du moins, beaucoup
moins. Il est fort possible qu'une des bases de tarification soit le
système de démérite ou le système de mérite
selon le cas. Il est fort possible que cela devienne un des
éléments de la tarification pour déterminer si le risque
vaut plus qu'un autre.
M. LEGER: D'accord, je vous remercie. Je vais laisser la parole à
mon confrère qui doit avoir des choses à vous demander.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud, qui
attend patiemment son tour depuis longtemps.
M. ROY: Merci, M. le Président. Il y a des questions qui ont
été posées. Evidemment, nous n'aurons pas besoin de
revenir sur le même sujet.
Je veux remercier M. Moreau qui a bien voulu se rendre à la
demande que j'avais faite, à midi, de nous remettre une copie des notes
qu'il avait lues devant la commission parlementaire en attendant que nous
puissions prendre connaissance de la transcription du journal des
Débats.
M. Saint-Germain a énoncé un principe tout à
l'heure sur lequel nous sommes entièrement d'accord, soit que l'objectif
visé est d'offrir le meilleur service possible au meilleur marché
possible. Comme nous sommes à étudier les buts de la commission,
qui sont éventuellement de trouver des moyens afin de permettre une
réduction de primes s'il y a lieu, tout en offrant le maximum de
services, autrement dit un service d'assurance de la meilleure qualité
possible. J'aimerais toucher un point qui n'a pas été
abordé aujourd'hui, à savoir les revenus des compagnies
d'assurance.
Nous en avons discuté avec M. Gauvin lorsqu'il a comparu devant
la commission parlementaire. Evidemment, il n'y avait pas eu d'étude
faite dans le rapport Gauvin à ce sujet. J'aimerais, si c'est possible,
qu'on me donne certains chiffres, à savoir, quelle est la proportion des
revenus qui sont perçus par l'ensemble des compagnies d'assurance en ce
qui a trait aux revenus de placements, d'une part, par rapport aux revenus de
primes. Je pense que ce sont les deux seuls secteurs de revenus que
perçoivent l'ensemble des compagnies d'assurance. Si les revenus de
placements sont supérieurs, il est évident qu'au niveau de la
perception des primes, au niveau du changement des tarifs des primes, il peut y
avoir une influence directe. Comme on ne semble pas en avoir tellement
parlé, j'aimerais avoir des précisions à ce sujet,
j'aimerais avoir le maximum d'information.
M. MOREAU: J'ai l'impression que le comité Gauvin a
examiné très attentivement ce point de vue, soit les profits
d'investissement vis-à-vis des profits techniques, mais il n'en a pas
donné de tableau avec des cycles. C'est probablement, comme il l'a dit
lui-même plusieurs fois, dans les documents qu'il a remis au
ministère. Il est évident que les profits d'investissements
à long terme rapportent un peu plus que les profits techniques, mais la
grosse différence, c'est que les profits techniques sont très
cycliques, en ce sens qu'ils montent et descendent continuellement. Il y a des
cycles très favorables et des cycles très
défavorables.
Quant aux profits de placements, ils ne sont pas influencés par
les mêmes éléments. Ils sont beaucoup plus stables.
M. ROY: Quelle est la proportion des revenus de placements dans leur
ensemble par rapport au niveau de perception de primes pour les compagnies
d'assurance?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Pour ce qui est de la réponse,
malheureusement, nous ne l'avons pas pour le Québec, mais le Bureau
d'assurance du Canada conduit une étude,
chaque année, précisément sur ces questions. Il me
semble, à moins que ma mémoire ne soit pas bonne, que le
surintendant des assurances en reçoit également une copie dans
toutes les provinces.
Pour l'année 1973, le dernier chiffre que j'ai évidemment,
dans l'automobile, la perte de souscriptions au Canada équivalait
à 5.3 p.c. des primes nettes.
M. ROY: Qu'est-ce que vous entendez par la perte de souscriptions?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): On a déboursé plus de
réclamations qu'on a perçu de primes.
M. ROY: Dans la proportion de 5.3 p.c, dans l'ensemble du Canada.
M. SAINT-GERMAIN: De 5.3 p.c. dans l'ensemble du Canada pour
l'année 1973, alors que le revenu de placements, pour sa part, se
situait à 4.7 p.c. de la prime nette laissant un déficit de .6
p.c.
M. ROY: Ce sont les chiffres les plus complets que vous pouvez nous
donner. Maintenant, je remarque une chose, M. le Président, et j'en fais
part à la commission. Ce n'est pas la première fois que le Bureau
d'assurance du Canada nous fait connaître des chiffres semblables selon
lesquels ils sont toujours en déficit. J'aimerais qu'on m'explique
comment il se fait que les compagnies d'assurance réussissent à
tenir le coup, si elles sont toujours en déficit. Je pense que la
question mérite d'être posée parce que cela fait longtemps
qu'on entend dire ces choses. Je suis un peu surpris, parce que j'ai
l'impression d'être devant un phénomène un peu
extraordinaire.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Vous avez parfaitement raison. Je pense que tous
les membres ici sont particulièrement heureux que vous souleviez la
question, parce qu'on n'a pas l'intention de passer pour autre que ce qu'on
est. On n'est quand même pas des samaritains à ce point. On est en
affaires et il faut faire un profit. C'est comme dans toutes les autres
activités commerciales ou financières, il y a des années
de profit et il y a des années de perte. Actuellement, dans les
compagnies de trust, par exemple, je ne pense pas qu'il y ait grand monde qui
soit très heureux de la tournure des événements, que ce
soit la Société de fiducie du Québec ou les autres. Dans
l'assurance-automobile, l'année dernière n'a pas
été tellement profitable. Cette année non plus, cela ne va
pas très bien. On est frappé nous aussi par l'inflation. Si vous
regardez sur une période de dix ans, on atteint à un niveau de
profitabilité que M. Gauvin a bien souligné comme étant
raisonnable à 15.7 p.c. avant impôt, sur la période de 1965
à 1970 qu'il a retenue. Contrairement à ce qu'on pourrait penser,
le marché de l'assurance, le nombre de compagnies n'est pas rigide. Il y
a effectivement des compagnies qui plient bagages, en plus grand nombre que
vous pensez. Il y en a qui s'en vont, il y en a qui viennent, etc. Cela ne
paraît pas toujours, mais c'est un fait. Je n'ai pas les chiffres exacts,
mais on pourrait sortir cela. Il y en a plusieurs dizaines qui viennent et qui
vont comme cela, parce qu'elles ne trouvent pas leur profit.
M. ROY: Justement, je voulais revenir sur ce point, parce que tout
à l'heure, j'avais bien compris qu'on parlait d'un profit moyen, de 15.7
p.c. avant impôt. C'est cela qu'on nous a dit tout à l'heure. A la
suite des chiffres que je vous ai demandés, on arrive avec un
déficit de .6 p.c.
M. MOREAU: D'accord.
M. ROY: Vous parlez sur une période de dix ans, d'accord. Est-ce
que cela veut dire...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je peux vous dire que j'ai les chiffres ici,
pour 1972.
M. GIASSON: Quand vous parlez d'un profit de 15.7 p.c, est-ce que c'est
pour l'ensemble de toutes les activités d'assurance
générale ou vous vous limitez à l'automobile?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Quand M. Gauvin parle d'un rendement sur le
capital investi de 15.9 p.c. avant impôt, il parle pour la période
1965 à 1970 pour l'ensemble des compagnies oeuvrant, je pense, au
Québec.
M. GIASSON: Exclusivement l'automobile ou les autres ventes, en
général?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Taux de rendement, c'est exclusivement dans ce
cas pour l'assurance-automobile.
M. GIASSON: Cela va.
M. MOREAU: La base n'est pas la même. Quand on parle de 4 p.c. ou
5.3 p.c, c'est 5.3 p.c. sur les ventes. Tandis que les 15.7 p.c. sont un profit
sur les investissements des actionnaires des compagnies d'assurance. Ce n'est
pas du tout la même vente.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Oui, je m'excuse. J'ai répondu à
votre question, parce que vous nous orientiez sur la base des primes. Vous
vouliez savoir par rapport aux primes. Ce que M. Moreau dit, c'est ce que
Gauvin dit.
M. ROY: Ce profit de 15.7 p.c. n'est pas un profit sur le chiffre
d'affaires global. C'est un rendement au niveau du capital-actions.
M. MOREAU: Investi par les actionnaires... M. ROY: Investi par les
actionnaires.
M. MOREAU: ... de la compagnie d'assurances.
M. ROY: C'est complètement différent.
M. MOREAU: S'il investi $1, cela lui a rapporté $0.157 sur son
investissement.
M. ROY: Et non sur le chiffre d'affaires.
M. MOREAU: Et non sur le chiffre d'affaires.
M. ROY: C'est complètement différent.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Peut-être pour vous fournir une
pièce additionnelle au casse-tête, dans le rapport Gauvin, on
exprime bien qu'une des notions importantes pour apprécier le taux de
rendement, c'est le rapport qui existe entre le capital et le volume d'affaires
qui est souscrit par une compagnie, en vertu des lois fédérales
actuelles qui sont plus rigides, plus exigeantes que les lois provinciales. Les
lois provinciales tentent d'arriver à cela, semble-t-il. On tient pour
acquis qu'avec $1 de capital, on peut souscrire $2 de prime
d'assurance-automobile. Cela peut être un ratio qui est différent
d'une façon générale "the rule of the thumb", comme on
dit, c'est deux pour un.
M. ROY: C'est deux pour un. Ce qui veut dire que les 15.9 p.c, au niveau
du rendement du capital, pourraient se situer au niveau d'environ 8 p.c, entre
7 p.c. et 8 p.c, au niveau du volume d'affaires, du montant total souscrit, si
on prend cette base de calcul.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): C'est une façon...
M. ROY: Je pose la question, parce que je veux être sûr
d'avoir bien compris.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): C'est une façon de voir les choses.
D'ailleurs, M. Gauvin, à un certain moment, là-dedans... Je n'ai
pas lu cela, parce que cela critiquait les assureurs, mais je peux le lire
maintenant, si cela vous intéresse. On dit, en conclusion, à la
page 242, que nous constatons, cependant, de la part de l'industrie de
l'assurance, un manque de dynamisme qui joue au détriment de
l'intérêt des assurés.
Ce à quoi il fait allusion là-dedans, c'est qu'il dit
qu'il n'y a pas suffisamment de recherches qui ont été faites
pour savoir si les normes de solvabilité qui sont imposées par le
fédéral sont adéquates ou non. Si elles sont trop rigides,
il est évident qu'avec un capital donné, un assureur ne pourra
pas souscrire autant d'affaires que si les règles sont plus
libérales. Mais les assureurs, ce qui est important pour eux, c'est de
savoir qu'ils peuvent, à tout moment donné, honorer leurs
obligations. Si vous prenez les temps qu'on vit actuellement, avec la chute des
cours boursiers et la chute des cours des obligations, même des
compagnies qui sont très solides financièrement, qui
écrivaient moins qu'en proportion de deux pour un, ne sont pas loin
d'être coincées. Or, cela ne règle pas le problème
du public quand les cours boursiers ou les cours des obligations tombent parce
qu'il y a des mouvements dans les politiques monétaires, dans les taux
d'intérêt. C'est important que l'assuré ou la tierce partie
qui détient une créance sur la compagnie d'assurance, elle,
puisse se dire: Peu importe ce qui arrive, moi, je serai remboursée
quand le jugement sera rendu ou quand je devrai exiger ma réclamation de
la compagnie.
M. ROY: A cause de la solvabilité de ladite compagnie.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Oui. On rejette, nous, les accusations de manque
de dynamisme de M. Gauvin.
M. ROY: Au niveau de la ventilation des revenus, est-ce qu'il y a eu
accroissement de la rentabilité du capital par rapport au montant global
des primes perçues depuis quelques années? On sait que, depuis au
moins deux ou trois ans surtout, il y a eu un taux d'accroissement
extraordinaire dans les revenus de placements pour les institutions
financières, à cause de la hausse des taux
d'intérêt. Est-ce qu'à ce niveau, vous êtes en mesure
de nous donner quelques indications?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Pour vous répondre de façon bien
précise, il faut faire entrer une autre notion. Celle-là, c'est
celle du gain réalisé ou de la perte réalisée sur
les investissements. Or, dans la même proportion que les taux
d'intérêt ont augmenté, vous savez que cela entraîne
une perte sur le capital. Selon que vous allez tenir compte des pertes de
capital réalisées ou non réalisées, vous pouvez
arriver à des taux de rendement différents. La réponse
à votre question, cependant, c'est que, si vous isolez ce
phénomène, il est évident qu'avec des taux
d'intérêt plus élevés, le montant d'argent qui va
échoir aux compagnies d'assurance va être aussi plus grand. C'est
probablement la raison fondamentale pour laquelle le marché, du point de
vue de l'assureur, est si concurrentiel au niveau des taux. Peut-être
que, s'il y avait moins de revenus de placements, il y aurait un peu plus de
profits de souscription.
Alors, les assureurs, globalement, ne voient peut-être pas
d'avantages économiques à avoir un gros profit de fonctionnement,
puisqu'ils ont des revenus de placement qui, pour le moment, contrebalancent.
Je peux vous dire que la partie est serrée en diable au niveau des
coûts sur le marché.
M. ROY: Quand les compagnies d'assurance
font des calculs actuariels pour les primes d'assurance, est-ce qu'on
tient compte uniquement des primes perçues, établir les tarifs en
fonction du montant global des primes perçues, ou si on tient compte
également d'autres revenus que la compagnie d'assurance peut avoir?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): On tient compte des autres revenus aussi. La
preuve qu'on en tient compte, c'est qu'on n'a pas des rendements sur le capital
investi supérieurs à cela. Le rendement sur le capital investi,
tel que défini là, c'est le meilleur barème sur lequel on
peut se baser pour apprécier cela. Après cela, on peut compliquer
le tableau. Mais Gauvin, d'une façon indépendante, sans que les
assureurs aient un mot à dire là-dedans, avec ses propres
"consultants", est arrivé à cela, pour une période de cinq
ans, et puis, on l'a examiné. On a nos propres chiffres. On peut vous
dire que cela corrobore ce que, nous, on sait de notre réalité
à nous.
M. ROY: Au niveau des dépenses, est-ce que vous avez une certaine
ventilation, par exemple, de l'évolution des coûts par chacun des
secteurs? Par exemple, au niveau du remboursement des indemnités sur les
pertes de salaires ou les infirmités, les coûts de
réparations, les coûts de l'hospitalisation? Parce qu'on sait que
les compagnies d'assurance doivent rembourser le régime
d'assurance-hospitalisation lorsque les gens sont hospitalisés à
la suite d'un accident. Est-ce que c'est exact? Vous devez rembourser au
complet?
M. MOREAU: Absolument!
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Oui, je ne sais pas si...
M. ROY: C'est d'après les renseignements que j'avais, mais
j'aimerais quand même les faire confirmer, parce que nous avons des gens
d'autorité ici.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Oui, on peut vous dire que les assureurs
remboursent effectivement toutes les réclamations de la régie des
soins médicaux et des soins hospitaliers pour toutes les dépenses
qu'elles encourent pour les victimes d'accidents d'automobile. Je dis toutes
avec une qualification, cependant, parce que, dans les cas les plus importants,
elles n'ont pas adopté comme politique d'aller rechercher
entièrement le montant qui leur est dû à même les
indemnités qui sont versées aux victimes.
Je vais vous donner un cas récent. Par exemple, une
indemnité globale, qui va chercher $100,000, avec une limite d'assurance
de $100,000 je parle d'une petite fille de trois ans qui a une
incapacité à vie les deux régies avaient un compte
qui dépassait $40,000. Dans ce cas, elles ont comme politique de ne pas
aller rechercher les $40,000 chez l'auteur responsa- ble du dommage parce que,
dans la plupart des cas, il n'y a pas grand monde qui est capable de payer ces
montants. A l'exception de ces montants qui demeurent des exceptions,
j'imagine, tous les frais sont remboursés aux deux régies.
M. ROY: Est-ce qu'il y a une négociation entre les compagnies
d'assurance-automobile et le gouvernement à ce niveau pour les frais
d'hospitalisation comme pour les frais médicaux?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Cela fait plusieurs années que nous
demandons, effectivement, que la méthode de perception... On ne
reconnaît pas que c'est notre droit de nous opposer à payer ces
sommes d'argent, encore qu'on trouve cela fort en diable, parce que tous les
automobilistes, à notre sens, contribuent à ces deux
régies et il nous semble inacceptable que les automobilistes
assurés fassent les frais de ces réclamations. C'est une autre
paire de manches. C'est le législateur qui doit intervenir pour changer
les règles du jeu s'il le désire.
M. ROY: Ce que je veux savoir surtout et je vais poser une question plus
précise... On sait que, lorsqu'une personne est hospitalisée,
elle doit signer un document au moment de quitter l'hôpital sur lequel on
inscrit 12, 18, 15, 20, 25 jours d'hospitalisation à $89.73, pour
prendre un chiffre très arbitraire. Il y a une facture qui est
envoyée à la Régie de l'assurance-hospitalisa-tion. Est-ce
que ces montants, qui sont effectivement exigés ou qui figurent sur les
documents qu'on fait signer par les personnes hospitalisées, doivent
être payés intégralement par les compagnies d'assurance?
Parce que vous savez que les taux varient d'un hôpital à un autre.
A ce moment, est-ce que vous avez négocié le taux global ou
est-ce que vous tenez compte de l'hospitalisation et de l'endroit où la
personne a été hospitalisée?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je vais vous répondre en deux temps. Vous
dites, premièrement, que votre montant de $89.73 est arbitraire. Il est
largement en deça de la réalité, parce qu'à
l'Hôtel-Dieu à Montréal, le per diem est de $112 et
je les nomme par ordre $141, $102, $119, $122; le Montreal Children:
$184 pour une augmentation de 204 p.c. à partir de 1968. Tous ces
montants sont remboursés, à moins que je ne me trompe et
il y a des bonshommes de sinistres derrière moi, ils peuvent me corriger
sur une base de coût selon l'hôpital qui traite la
victime.
M. ROY: Selon vous, est-ce que c'est le secteur qui a connu la plus
forte augmentation depuis 1968 au niveau des dépenses que doivent
encourir les compagnies d'assurance?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Oui. C'est le secteur. Celui-là avec le
niveau d'indemnités qui
sont retenues par les tribunaux et sur lesquelles on ne peut pas porter
de jugement parce que les tribunaux peuvent l'apprécier. Egalement aussi
sur le coût de la main-d'oeuvre dans les garages où vous avez,
entre autres, pour les derniers 20 mois, une augmentation moyenne au
Québec de 28.9 p.c, avec un maximum de 40 p.c. dans les derniers 20 mois
au Lac-Saint-Jean et, après cela, les gens du Lac-Saint-Jean viennent se
plaindre que leurs primes augmentent.
M. ROY: Je m'excuse.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Le taux horaire des garagistes concessionnaires,
au Québec, en moyenne, dans les derniers 20 mois, a augmenté de
28.8 p.c. ou de 28.9 p.c. et cela représente une moyenne. Il y en a qui
sont moins que cela et il y en a qui sont plus. Au Lac-Saint-Jean, c'est 40
p.c.
M. ROY: A la suite de ce que vous venez de dire, cela m'amènerait
à vous poser une question particulière à ce niveau et,
à ce moment, je me réfère à l'annexe A du
mémoire que vous avez présenté en janvier 1972,
mémoire qui comprend quelque 160 pages. A la page 99, vous dites, au
paragraphe 5, que le système de la Saskatchewan a l'avantage d'avoir
simplifié le nombre de catégories de conducteurs utilisées
pour fins de tarification. Cette simplification s'est faite au détriment
des meilleures classes de conducteurs de sorte que, dans l'ensemble, les
conducteurs d'âge mûr ou ayant un dossier d'accident intact
subventionnent indiscutablement les jeunes conducteurs qui, on le sait, causent
plus que leur part des accidents d'automobile.
Et vous ajoutez ceci: "La même situation se retrouve dans la
question des territoires de tarification où il est évident que
les territoires ruraux subventionnent les automobilistes des districts
urbains". Est-ce que votre remarque ici s'adresse uniquement à la
Saskatchewan ou si cette remarque s'adresse également au territoire du
Québec?
M. MOREAU: Non. Cela s'applique exclusivement en Saskatchewan. Dans les
provinces où l'industrie privée administre l'assurance, les taux
sont en fonction de chaque territoire et de l'expérience de chaque
territoire. C'est pour cela que justement, à la page 99 dont vous
parlez, nous critiquons cette pratique de l'assurance d'Etat de la Saskatchewan
en vertu de laquelle il y a subvention des bons territoires, là
où il y a moins d'accidents, envers les territoires où il y en a
plus, où elle coûte plus cher. Mais dans les autres provinces
comme le Québec, l'Ontario, ou l'industrie privée administre le
système, chaque territoire porte sa propre expérience par
lui-même et il y a de nouvelles classes et de nouveaux territoires
dès que l'expérience semble se situer dans un niveau particulier
dans un territoire, pour autant qu'au point de vue actuariel il y ait un nombre
suffisant de véhicules d'assurés dans ce territoire pour que ce
soit constant. C'est tout à fait le contraire de ce qui se passe en
Saskatchewan. Nous ne disons rien. Cela a l'avantage de simplifier le
système. C'est bien évident que si on disait que les primes
à Montréal sont les mêmes qu'à Gaspé ou
à Hull, c'est beaucoup plus simple au point de vue de l'administration
des compagnies, mais il y a une injustice pour les conducteurs des territoires
où l'expérience est meilleure.
M. ROY: En somme, au Québec, chaque territoire est
administré séparément au niveau des primes à payer.
Il n'y a pas un territoire qui en subventionne un autre.
M. MOREAU: Sauf si on fait exception du niveau supérieur, des
très grosses réclamations, les réclamations dont le
montant dépasse le montant de responsabilité minimum de la
province, c'est-à-dire $35,000. Quand une réclamation
excède $35,000 M. Boudreau qui est un expert va me corriger si
j'ai tort disons une réclamation de $60,000, le montant de
$25,000 qui excède n'est pas imputé au territoire, mais
plutôt à l'ensemble de la province. C'est la seule exception. Mais
cela, il n'y en a pas beaucoup. Il y en a très peu.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Si vous me permettez, M. le Président,
pour donner une idée de l'écart, ce que nous disons, c'est qu'au
Québec, par exemple, un cultivateur peut obtenir une réduction de
l'ordre de 40 p.c. à 45 p.c. sur le taux courant. Si vous avez un
habitant de Saint-Georges-de-Beauce, il va payer 45 p.c. de plus qu'un
cultivateur qui est dans le rang de Honfleur, quelque part dans ce coin et cet
écart que vous avez ici, vous ne le retrouverez pas en Saskatchewan. Les
cultivateurs là-bas ne sont pas traités de cette
façon.
M. ROY: Autrement dit, ils paient des taux uniformes à toutes les
catégories d'assurés.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Ils versent des subsides aux résidants
des centres urbains parce que c'est trop compliqué à
administrer.
M. ROY: Puisque nous parlons de la Saskatchewan, j'aurais une
dernière question à poser sur ce sujet. J'aurai d'autres
questions, M. le Président, par exemple, à la page 99 dans le
paragraphe 4, en parlant du système de la Saskatchewan où il est
dit que le système en vigueur n'en est pas un sans égard à
la responsabilité, alors qu'on parle beaucoup actuellement au
Québec du système sans responsabilité, j'aimerais avoir
plus de précisions à ce sujet.
M. MOREAU: Excusez-moi. Vous référez à la page
99?
M. ROY: Page 99, paragraphe 4, dans le haut de la page. "Les
prétentions voulant que le système de la Saskatchewan soit
foncièrement un programme d'indemnité sans égard à
la responsabilité sont injustifiées puisqu'en définitive
la proportion de ces indemnités est minime en Saskatchewan, si on la
compare à ce qui se paie dans les autres provinces du Canada".
M. MOREAU: Ce que nous voulons dire, c'est que le système de la
Saskatchewan, lorsqu'il a été mis sur pied en 1946, était
foncièrement basé sur des indemnités sans égard
à la faute, mais elles étaient
prédéterminées. Or, comme quelqu'un l'a mentionné
il y a quelques jours je pense que c'est M. Gauvin lui-même
les indemnités prévues par le système de la Saskatchewan
n'ont pas changé pendant quelque 20 ans. Ce n'est qu'en 1970, quand le
Manitoba a décidé de mettre sur pied son propre système
qu'on s'est réveillé en Saskatchewan en disant: Nos
indemnités ne tiennent plus debout, c'est même ridicule comme
niveau d'indemnité. Alors, on les a haussées à ce
moment-là.
M. ROY: M. le Président, on a dit tout à l'heure que le
système qui voulait qu'un avocat, un procureur n'étant pas
pressé de régler une cause avantageait la victime. J'aimerais
bien avoir plus de détails là-dessus parce que les arguments
qu'on a donnés tout à l'heure ne nous ont pas convaincus. Surtout
que j'ai ici un dossier, choisi parmi tant d'autres, je vais le citer à
titre d'exemple, M. le Président, si on me le permet; c'est le cas d'une
personne qui a été victime d'un accident le 26 septembre 1970,
qu'on remarque bien la date. Sa requête a été accueillie le
22 septembre 1972. Le jugement a été rendu le 3 mai 1974 et j'ai
justement ici un extrait paru dans un journal, "Blessée dans un
accident, une dame touchera une compensation de $41,451." C'est le jugement qui
a été rendu le 3 mai 1974 suite à l'accident du 26
septembre 1970, soit près de quatre ans après; les personnes qui
ont été jugées responsables de l'accident étaient
éventuellement assurées et la compagnie d'assurance avec les
procureurs, a recommandé que la cause aille en appel. Ce qui veut dire
que nous sommes à la fin de 1974 et qu'il est probable, si on se fie sur
la jurisprudence traditionnelle qui nous permet de nous guider concernant la
lenteur des procédures judiciaires...
M. TETLEY: Je ne suis plus avocat en l'occurrence.
M. ROY: Je n'accuse pas le ministre.
M. TETLEY: Vous m'accusez, vous me regardez.
M. ROY: Je me demande un peu pourquoi le ministre se sent obligé
de se mettre sur la défensive immédiatement, alors qu'en aucune
façon, je ne veux le tenir responsable.
Mais je vous souligner ce fait parce qu'il est plus que probable
qu'à la fin de 1975, ce ne sera pas encore réglé. Cela
veut dire, de la part d'une personne victime d'un accident d'automobile, une
attente d'au moins cinq ans sans avoir perçu un seul sou. Je me demande,
à partir de ce moment, s'il n'y a pas quelque chose qui devrait
être fait. Je m'explique mal les raisonnements que M. Saint-Germain a
donnés tout à l'heure selon lesquels ça pouvait avantager
la victime.
J'ai un autre dossier. Le cas inverse s'est produit, à cause d'un
vice de procédure, à l'occasion de la préparation de tous
les documents relatifs à un procès. Je ne suis pas avocat, je ne
peux pas donner tous les termes qui s'imposent, mais la cause a
été rejetée et la personne a été
obligée de se reprendre. En 1970, deux personnes, dans un cas comme dans
l'autre, sont complètement invalides, elles n'ont rien reçu. Je
me demande si au niveau des revenus de placements des compagnies, les
compagnies n'auraient pas intérêt j'aimerais qu'on me
l'explique à ce que ce genre de choses se perpétuent, par
le fait que l'argent étant placé rapporte des sommes aux
compagnies d'assurance, alors que les personnes qui ont été
victimes d'accident d'automobile ne peuvent pas, lorsqu'il s'agit de montants
importants, percevoir un seul sou avant des années et des années.
Il y en a qui ont eu le temps de mourir. Si les personnes mouraient dix fois,
il y en a qui seraient mortes dix fois et enterrées dix fois.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Si vous me permettez, M. le
Président...
M. MOREAU: Ce que j'allais dire, c'est que théoriquement vous
avez raison. Cela devrait rapporter des bénéfices aux assureurs
de placer les réserves au lieu de les payer. En fait, c'est ce qui
arrive. Mais, c'est un argument que beaucoup de gens emploient parce qu'on ne
connaît pas la portée de tout ce qui se passe en assurance. Il est
exact que les réserves qu'on ne paie pas rapportent des
intérêts courants de 5 p.c, 6 p.c, 7 p.c. ou 8 p.c. Mais depuis au
moins 20 ans, depuis qu'on connaît le phénomène de
l'inflation, on sait qu'une réclamation pour laquelle une compagnie a
une réserve de $5,000 aujourd'hui, après 12 mois, si elle n'est
pas réglée, à ce moment-là, elle se règle
et, plus souvent qu'autrement, elle va se régler pour $7,500, $8,000 ou
$9,000 à cause du phénomène de l'inflation. Les
compagnies, depuis une vingtaine d'années en tout cas, n'ont jamais eu
avantage à retarder le paiement des réclamations pour en tirer
des intérêts sur les placements. Est-ce que vous êtes
d'accord, M. Saint-Germain?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Non seule-
ment ça, mais dans tous les cas de jugements, le juge intervient
pour allouer un montant d'intérêt à la victime, non
seulement l'intérêt légal, mais en vertu d'une
législation je ne sais pas quel gouvernement a introduit
ça, peut-être M. Tetley lui-même les tribunaux ont
maintenant la liberté d'allouer jusqu'à 8 p.c.
d'intérêt, ce qui représente plus, soit dit en passant si
ma mémoire est fidèle, que le taux d'intérêt que le
gouvernement daigne bien verser à ses contribuables sur ces
remboursements d'impôt.
M. TETLEY: Ce n'est pas vrai, c'est le même taux. Le Québec
donne 8 p.c. et demande 8 p.c.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Bravo!
M. TETLEY: Merci. C'est notre gouvernement qui a...
M. ROY: ... parfaitement raison, cela ne fait pas tellement
longtemps.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Pour continuer la réponse, c'est 8 p.c.
qui sont remboursés, les assureurs n'ont pas d'intérêt de
ce côté-là. Maintenant, ce sont des délais qui,
à notre sens, peuvent être jugés inacceptables et je pense
que oui, personnellement. On me dit qu'actuellement, à la cour
Supérieure, les délais sont maintenant d'un an et demi entre le
moment de la requête et l'audition.
Alors si le juge prend deux, trois mois, un an ou deux ans avant de
rendre son jugement, ce n'est pas la faute des assureurs. Les juges qui aiment
faire des réformes pourraient peut-être, encore une fois,
s'intéresser à ce morceau-là.
C'est inacceptable, mais, même si c'est inacceptable, cela joue
rarement au détriment de la victime. Pour les raisons d'inflation que M.
Moreau vous donne, pour les raisons d'intérêt et aussi pour les
raisons de possibilité d'aggravation du cas, en cours de route, mais
c'est aux tribunaux de juger si c'est inacceptable ou pas, de nommer
suffisamment d'avocats comme juges pour accélérer les
procédures. Je suis certain qu'il y en a plusieurs qui voudraient
l'être. Si le "no fault" est introduit, ils n'en auront plus besoin.
C'est un cercle vicieux.
M. ROY: Mais lorsque vous dites que cela joue rarement ou pratiquement
jamais à l'encontre de l'intérêt des victimes, j'ai
cité deux cas, j'aurais pu en citer plusieurs. Je n'en ai pas vu un seul
qui se soit trouvé réellement avantagé pendant la
période d'attente. Ils sont obligés d'avoir recours au
régime de bien-être social tout le monde sait que c'est un
régime de pauvreté garanti, permanent, je n'ai rien à
ajouter là-dessus et c'est la dépossession complète
et quasi totale en attendant de pouvoir bénéficier des
primes...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Ce que j'allais ajouter, c'est que...
M. ROY: ... de pouvoir bénéficier de la compensation
à laquelle ces personnes-là ont droit.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Ce que j'allais ajouter, M. le Président,
c'est qu'il y a un grand nombre de membres du Bureau d'assurance du Canada qui,
dans des cas comme ceux-là, font des paiements anticipés.
D'ailleurs, reconnaissant cela et les paiements anticipés dans les cas
où la responsabilité n'est pas claire, cela ne règle pas
le problème. C'est une des raisons pour lesquelles le Bureau d'assurance
du Canada désirerait avoir un "no fault" partiel.
M. MOREAU: Voilà. Justement, pour la personne qui a eu son
jugement de $41,000, qui a attendu en mai 1974, en vertu de notre
système AutoBAC, elle aurait eu jusqu'à $20,000 dès 1970,
pour les frais médicaux, les frais de rééducation et tous
les autres frais, et elle aurait retiré jusqu'à $250 par semaine
pendant trois ans.
Alors, vous voyez l'avantage de cela. Si l'addition de tous ces
bénéfices qu'elle aurait eus en vertu d'Auto BAC ne montent pas
au niveau de ce qu'elle croit être sa véritable perte, elle aurait
encore le privilège de porter la cause devant les tribunaux, mais pour
l'excédent. Mais, dans l'intervalle, elle avait des indemnités
convenables.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Nous pouvons ajouter aussi que les assureurs,
reconnaissant aussi cela, ont introduit sur le marché, il y a deux ou
trois ans, une couverture d'assurance individuelle qui faisait exactement cela
également. Malgré que nous ayons demandé que cette
couverture soit obligatoire si ma mémoire est bonne, elle est
obligatoire en Ontario...
M. MOREAU: Elle l'est, oui.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Au Québec, elle n'est jamais devenue
obligatoire.
M. ROY: II y aurait peut-être des questions qu'on pourrait poser
à notre gouvernement. Vous parlez de votre système AutoBAC. C'est
un système que vous venez tout juste de proposer, suite à la
publication du rapport Gauvin.
M. MOREAU: Excusez-moi, ce système-là a été
proposé et communiqué au comité Gauvin il y a plus d'un an
et demi.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Au mois d'avril 1970.
M. MOREAU: Peut-être pas les chiffres, mais le système a
été proposé dans tous ses détails, ce
document-là, ici...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Au mois d'avril 1970, et le coût
était de $9.00.
M. TETLEY: Au cours de quel mois avez-vous soumis tous les
détails?
M. MOREAU: Un an, un an et demi. De toute façon, très
longtemps avant la publication du rapport Gauvin.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Avril 1970.
M. TETLEY: J'ai tellement de lettres de vous, tellement de promesses. Je
ne veux pas tellement défendre Gauvin ou le vanter, mais nous attendions
depuis longtemps les chiffres. Présenter un plan sans chiffres, c'est
une autre paire de manches.
M. MOREAU: Je comprends facilement votre impatience, M. le ministre,
mais je peux vous dire à ce sujet-là qu'en plus des raisons que
je vous ai données plus tôt, nous avons éprouvé
certains désappointements de la part de nos actuaires qui ont fait le
travail pour nous.
M. TETLEY: Pour une fois, on ne blâme pas les avocats.
M. MOREAU: Et nous aurions espéré avoir les
résultats beaucoup plus tôt.
M. ROY: M. le Président, le ministre dit que nous sommes en face
d'un plan, mais vous n'avez aucun chiffre jusqu'ici qui peut nous permettre de
nous donner une quasi-certitude par rapport au système actuel. L'autre
jour, on m'a répondu qu'une certitude, c'était 100 p.c. des
probabilités, je ne voudrais pas avoir la même réponse. On
n'a pas le coût du rapport Gauvin, non plus.
Le rapport Gauvin fait une proposition d'assurance, mais, quand
même, on n'a pas de coût là-dessus, on n'a pas de chiffre
non plus. On nous a donné quelques probabilités. On est en face
de deux options devant nous où nous voulons assurer aux assurés
du Québec, à tous les Québécois la meilleure
protection possible au meilleur prix possible, et nous sommes en face de deux
systèmes qui nous sont proposés, un par le rapport Gauvin qui
préconise, à toutes fins pratiques, ce régime
étatique et nous avons les Assureurs du Canada qui nous proposent le
régime AutoBAC. Nous n'avons pas de prix, nous n'avons pas les
coûts par rapport au système actuel. C'est assez difficile pour
nous d'être en mesure de se faire une opinion la plus objective
possible.
Je verrais très mal le conseil d'administration d'une entreprise
sérieuse qui serait en face d'une décision alors que les
personnes-ressources auraient l'obligation de leur faire des rapports et leur
fournir des rapports les plus complets possible et n'auraient pas en main des
données aussi importantes, avant de prendre une décision. C'est
le cas dans lequel se trouve la commission parlementaire à ce
moment-ci.
M. MOREAU: Je comprends votre inquiétude. Tout ce que je peux
affirmer pour le moment, c'est que le système AutoBAC va certainement
coûter moins cher que le système actuel. De combien? C'est cela
qu'on ne peut pas vous dire, c'est inutile...
UNE VOIX: Je pense que...
M. MOREAU: Deuxièmement, il va coûter moins cher que le
système Gauvin, c'est sûr et certain.
M. ROY: Une minute, je m'excuse, je ne voudrais pas...
M. MARCHAND: C'est sur la même chose.
M. ROY: Moi aussi.
M. MARCHAND: En supplémentaire.
M. ROY: Je voulais savoir sur quoi on se basait pour nous dire que cela
allait coûter moins cher?
M. MOREAU: ... les résultats initiaux de nos actuaires, justement
sur le coût du système AutoBAC.
M. ROY: Vous en avez eu des coûts.
M. BACON: Vous en avez des coûts, vous venez de dire que vous n'en
avez pas.
M. MOREAU: Nous en avons, mais ils sont partiels, ils sont incomplets,
mais ils sont suffisamment indicatifs pour nous montrer que le coût va
être moindre. D'ailleurs, c'est la logique. Qu'est-ce que vous voulez? On
économise sur les frais de fonctionnement, on économise sur les
frais de règlement des sinistres, sur les frais d'avocats, il faut
nécessairement que cela paraisse quelque part.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Si vous me permettez, M. le Président, je
pense qu'on pourrait aller...
M. MARCHAND: Sur la même question, moi, je commence à
être passablement inquiet, parce que vous allez retirer 15 p.c. de profit
sur une police d'assurance-automobile quand, auparavant, c'était 36 p.c.
Est-ce que ce sont à peu près les chiffres? C'était quoi
auparavant?
M. MOREAU: II y a confusion dans les chiffres. Les 15 p.c. de profits
sont sur l'investissement d'un actionnaire dans une compagnie d'assurance.
M. MARCHAND: Oui.
M. MOREAU: Autrement dit, si un actionnaire est propriétaire
d'une compagnie et que son capital investi représente tant, dans les
conditions actuelles, il retire un profit d'investissement de 15 p.c.,
cela lui rapporte 15 p.c. sur ce qu'il a investi, cela n'a rien à voir
avec le coût d'une police d'assurance.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Si vous me permettez, M. le...
M. MARCHAND: Vous baissez les coûts et vous allez donner le
même service qu'auparavant et davantage?
M. MOREAU: Oui. Justement, l'explication est dans...
M. MARCHAND: Moi, je ne comprends pas...
M. MOREAU: ... la simplicité du système
M. MARCHAND: ... comment vous pouvez faire cela. Vous avez fait
des...
M. MOREAU: Prenez l'exemple d'un accident où deux voitures se
frappent. Immédiatement les deux assurés rapportent la chose
à leur propre assureur et chacun nomme un expert en sinistres qui va
aller faire...
M. MARCHAND: ... vous le payez.
M. MOREAU: ... qui lui va aller constater les circonstances de
l'accident.
M. MARCHAND: Les deux experts sont payés?
M. MOREAU: Oui.
M. MARCHAND: D'accord, au lieu d'un agent d'assurance, c'est un
expert!
M. MOREAU: On va également nommer un expert pour les dommages au
véhicule. L'enquête va se continuer pour déterminer lequel
des deux est responsable. Parfois cela n'est pas long, parfois cela prend des
années pour y arriver. En vertu du système AutoBAC, dans tout
sinistre qui n'accepte pas le plan de base, c'est-à-dire $20,000 et $250
de perte par semaine, vous n'avez absolument aucun déboursé.
Chaque assuré va voir son assureur et lui dit: J'ai eu un accident
à telle date. Il n'est plus question de savoir dans quelle circonstance,
s'il allait vite ou s'il n'allait pas vite ou si l'autre est en tort, il est
tout simplement question de lui dire: Vous avez droit à tel et tel
bénéfice.
M. MARCHAND: Vous venez de dire, justement auparavant: On va voir lequel
est coupable.
M. MOREAU: Imaginez ce qu'on sauve... Oui.
M. MARCHAND: Vous venez de dire juste avant... Là vous venez de
dire que vous ne vous occupez pas si tel ou tel est coupable ou pas
coupable.
M. GIASSON: Quand il parle de coupable, c'est dans le système
actuel, quand...
M. MARCHAND: Non, pardon. Monsieur vient de dire qu'on va
déterminer lequel est coupable. Après cela il dit qu'on ne
s'occupe pas de savoir si tel ou tel est coupable ou non. Je ne comprends
pas.
M. MOREAU: En vertu du système actuel, on doit déterminer
qui est coupable pour décider lequel des deux assureurs va payer. En
vertu du "no fault", c'est-à-dire de notre système AutoBAC, cela
n'entre plus en ligne de compte dans les cas ordinaires, les 85 p.c. Chaque
assuré va voir son assureur. Il n'est plus question de savoir s'il
allait trop vite, s'il a passé un "stop", ou s'il a passé un feu
rouge. Tout ce qu'il fait, c'est que son assureur lui dit: Voici ce à
quoi tu as droit, tant par semaine, tant pour les... Alors vous
économisez tous les frais d'enquête qu'on a dans le moment.
M. MARCHAND: Les "stop" on ne s'occupe plus de cela, parce qu'on est
sûr d'être payé.
M. GIASSON: Couverture de base.
M. MOREAU: Votre réaction n'est pas mal vraiment, parce que ce
n'est pas la première réaction qu'on a. Quand on commence
à étudier le système sans égard à la
responsabilité, on se dit: Si ce système est mis en marche, les
gens vont se foutre tout simplement des lois de la circulation. En fait, cela
n'arrive pas. Les gens ne sont pas aussi bêtes que cela. Ce n'est pas
arrivé aux Etats-Unis, où on a fait des systèmes "no
fault". Cela ne s'est pas matérialisé.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Messieurs, si vous me permettez, la parole
était au député de Beauce-Sud. On ne voudrait pas le
priver de son droit de parole pour lequel il a attendu si longtemps.
Cependant...
M. BACON: Voyez-vous comment nous allons attendre pour la
nôtre?
LE PRESIDENT (M. Cornellier): ... M. Saint-Germain voulait
compléter une réponse à une question du
député de Beauce-Sud.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je vais compléter, si vous me permettez.
Evidemment, les assureurs ont beaucoup de réticences à
révéler les coûts, parce que, dans l'analyse statistique
que nous avons faite des sinistres, il y a eu des choses qui nous ont surpris
énormément pour le Québec. On est en mesure de vous dire
à ce
moment que le régime AutoBAC peut être livré,
d'après nous, pourvu que vous acceptiez un point d'interrogation pour
une diminution moyenne. Cela veut dire qu'il y a des gens qui en auront plus,
et d'autres qui en auront moins, par rapport au niveau actuel de primes. Si
l'inflation continuait, si le coût des taux horaires dans les garages,
les hôpitaux de l'Etat continue à augmenter, forcément,
cela ne sera pas cela. Par rapport au niveau du taux d'assurance-automobile, au
moment où on se parle, le régime AutoBAC implique une diminution
de l'ordre de 10 p.c. Cela peut sembler fort, M. le député
Marchand, je pense. Les sources d'économie proviennent en grande partie
du fait que, dans le régime AutoBAC, les pertes, les indemnités
versées pour souffrances et douleurs, c'est un genre d'activités
et de couvertures qu'il est très difficile de contrôler. Vous avez
tous les gens qui se promènent avec des collets, etc. Les
médecins ne peuvent pas arriver à...
Alors, cela est éliminé dans le régime d'Auto-BAC
pour la couverture de base. Mais on conserve le droit de recours
intégral en cas de préjudice esthétique grave ou quatre
mois d'incapacité grave pour souffrance et douleur vous me
corrigerez si je ne suis pas précis. Donc, une réduction de 10
p.c. Il y a 25 p.c. de la réduction qui proviennent des couvertures
actuelles sur les blessures corporelles, suite à l'élimination
des pertes pour souffrance et douleur. 4 p.c. proviendraient des frais de
règlement pour les sinistres, les cas de dommages matériels, par
l'introduction du "no fault" dans les couvertures de dommages matériels.
Alors, c'est 10 p.c. On est à peu près certain qu'on peut livrer
le produit à ce prix. Malheureusement, comme on a fait allusion
tantôt, on a eu des pépins nous aussi. Nos actuaires on a
pris ce qu'il y avait de mieux au monde n'ont pas pu livrer dans les
délais prévus. On sait qu'à la commission Gauvin cela
s'est reproduit très souvent aussi, c'est pour cela qu'ils ont pris tant
de temps. On a juste pris un peu plus de temps, nous autres.
M. TETLEY: Mais votre rapport date, vous m'avez dit, de 1970, et ce
n'est pas terminé encore. Au moins, Gauvin a terminé son rapport.
Sans trop vous critiquer, Gauvin n'est pas ici pour se défendre et pour
dire...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): On connaît leur efficacité, M. le
Président.
M. TETLEY: C'est cela. L'efficacité des deux groupes
peut-être.
M. GIASSON: Vous avez commencé à disséquer les 10
p.c. Il y a 25 p.c. qui proviendraient d'aucun paiement vis-à-vis de
l'incapacité totale ou partielle ou douleurs subies; 4 p.c. de ces 10
p.c. concernent les frais de règlement. Voulez-vous continuer à
disséquer, s'il vous plaît?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): II faudrait que je fasse venir mes actuaires, si
vous voulez, parce qu'on entre dans quelque chose de très technique. Si
je vous disais, par exemple, que 25 p.c, ce n'est pas ce que vous avez en
tête, mais c'est 25 p.c. de la prime pure actuelle qui va pour les
blessures corporelles.
M. GIASSON: C'est 25 p.c. de la prime pure.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... du montant total, si vous voulez, des
indemnités pour blessures corporelles, actuellement. On commence
à compliquer le tableau. Je me demande si cela aiderait beaucoup si on
allait de ce côté.
M. ROY: M. le Président, je ne veux pas abuser non plus de mon
temps de parole, mais j'aimerais quand même toucher quelques
recommandations qu'il y a dans le rapport Gauvin. Ma question fait suite un peu
à celle que mon collègue de Lafontaine avait posée tout
à l'heure, relativement à la recommandation no 58 qui
paraît en page 381. "Que si toutes les réformes proposées
ci-dessus sont appliquées et que les mesures décrites dans le
paragraphe suivant sont mises en vigueur, l'administration du régime
soit confiée à l'entreprise privée".
J'ai vu tout à l'heure que M. Moreau avait répondu par
l'affirmative que l'entreprise privée pourrait accepter toutes les
recommandations qui sont faites dans le rapport, de façon à
pouvoir donner satisfaction ou donner suite et accepter les recommandations
globales de la commission Gauvin. Est-ce que c'est exact?
M. MOREAU: C'est exact.
M. ROY: Est-ce que cela veut dire, à ce moment, que vous acceptez
la recommandation no 53 voulant que le rôle du courtier soit
changé en celui de conseiller et que vous acceptez également la
recommandation no 50, voulant que la mise en marché de
l'assurance-automobile soit conçue de façon telle que
l'assuré vienne en relation directe avec l'assureur?
M. MOREAU: Nous ne sommes pas d'accord avec le comité Gauvin
à l'effet que ce soit la chose à faire, que ces recommandations
soient dans les meilleurs intérêts du consommateur.
Ce que nous disons, c'est que si le gouvernement, dans sa sagesse,
décide que c'est ce qui va se passer, si c'est le rôle qu'on va
donner au courtier, les assureurs se conformeront aux décisions du
gouvernement. Mais nous ne sommes pas d'accord pour dire que c'est ce qu'il y a
de mieux pour le consommateur dans le moment. Nous ne nions pas qu'il puisse y
avoir là un avantage, mais il nous manque des éléments,
des études. Je pense qu'on a rejeté le rôle du courtier un
peu vite, enfin, à mon point de vue.
Mais peut-être que M. Gauvin a des renseignements qui ne
paraissent pas dans le rapport. Mais quant à nous, nous sommes
prêts à nous conformer à la décision du gouvernement
et à fonctionner de la façon qu'il recommande, mais, pour le
moment, nous ne sommes pas convaincus que c'est vraiment ce qu'il faut. Nous ne
sommes pas convaincus que c'est dans l'intérêt du consommateur.
Nous ne sommes pas convaincus qu'il n'y a pas des injustices, et pour le
consommateur et pour les courtiers.
M. ROY: Maintenant, une opinion concernant la recommandation 56, voulant
que le financement des primes d'assurance ne puisse plus être
effectué par les courtiers ou les assureurs.
Avec l'expérience que vous avez, quels sont vos commentaires, ou
encore quelle est votre opinion suite à cette recommandation?
M. MOREAU: Quant aux courtiers, je vous avoue que nous n'avons pas la
compétence pour dire si le courtier réalise un profit avec le
financement ou si c'est une charge pour lui. Je pense que les courtiers
pourraient répondre mieux que nous à ce sujet.
Quant aux assureurs, la plupart des assureurs ont, à un moment
quelconque, établi leur propre plan de financement pour en faire
bénéficier leurs assurés. D'une façon
générale, je ne dois pas me tromper en disant que ces plans de
financement ne sont pas très populaires. Est-ce que c'est exact,
monsieur...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je pourrais peut-être ajouter quelques
données pour vous permettre de juger, parce qu'il y a des choses qui ont
été dites ici concernant le financement des primes où on a
agité, à mon sens, des épouvantails à corneilles.
Donnons des faits dans l'ordre: Premièrement, en Colombie-Britannique,
où il y a un monopole d'Etat, pour la première année, la
régie d'Etat a conclu un plan de financement de primes avec la Banque
royale du Canada pour ceux qui ne pourraient pas payer leurs primes comptant.
Le taux exigé par la Banque royale était de 18 p.c. Les
renseignements que nous avons sont que 76,000 citoyens de la
Colombie-Britannique sur 1,300,000 se sont prévalus du plan de la Banque
royale. Il paraît que la Banque Royale perd sa chemise, et on va
procéder, de concert avec ICBIC, qui est le sigle pour la corporation
là-bas, à reviser le plan de financement de primes. Au
Québec...
M. ROY: Vous dites que la Banque royale perd sa chemise. Qu'est-ce que
vous voulez dire?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Si elle a financé 76,000 personnes qui
sont incapables de payer, je lui souhaite bonne chance, parce que dans ce
champ-là... Les courtiers vont vous dire ce que c'est que de faire de la
perception, je pense bien. Cela ne veut pas dire que ce sont eux qui devraient
continuer à le faire. Le marché, actuellement, fait que c'est une
fonction qui est dévolue aux courtiers. On peut se poser des
questions.
Dans les faits qu'on doit prendre en considération, on a dit,
d'une façon quelconque, que parce que les courtiers d'assurance
faisaient le financement de primes, il n'y avait de coût pour
personne.
Cela n'est pas tout à fait exact. On a fait une enquête
auprès de nos membres et la plupart des courtiers d'assurance doivent
remettre à leur compagnie les sommes qu'ils perçoivent des
assurés sur la base de 60 jours. Ils ont 60 jours après la date
d'entrée en vigueur, normalement.
En pratique, cela produit des délais de l'ordre de 70 à 80
jours. Cela procure une masse d'argent qui peut être mise au service des
détenteurs de police, des assurés pour joindre les deux bouts
pendant une certaine période. Mais cela a pour effet de priver les
compagnies d'assurance d'un revenu de placement dont on pourrait tenir compte
par la suite pour abaisser la prime, même si c'est un tantinet, compte
tenu des chiffres que nous avons vus tantôt. De toute façon, les
compagnies d'assurance, plusieurs de nos membres, ont des programmes de
financement de primes. Il y en a, par exemple, qui ont cela à un
coût, pour une prime de $150, de 14.3 p.c. sur le marché,
actuellement, qui est moins que les 18 p.c. qui sont prévus en
Colombie-Britannique.
Cependant, il y a des assureurs qui ont dû retirer leur plan de
financement de primes parce qu'il n'y avait pas suffisamment de gens qui le
désiraient. Il y en a d'autres qui, avec des taux de 14.3 p.c. ou en
moyenne, aux alentours de 14.3 p.c, n'ont pas tellement de succès. Il y
en a d'autres qui sont sur le marché, dont les organismes
indépendants qui ne sont pas des compagnies d'assurance, avec des taux,
pour $150 de prime, de 25 p.c. et qui, eux, apparemment, font des affaires
considérables.
On peut se poser des questions. Pourquoi est-ce ainsi? Mais ce qu'on
veut dire par cela, c'est que si, comme M. Gauvin semble recommander, à
un certain moment, je pense, l'assurance obligatoire, dans ce contexte, pour
avoir de l'assurance obligatoire, la prime au comptant est probablement
nécessaire. Si cela devait être ainsi, les compagnies d'assurance
ne s'y opposeraient aucunement. Mais, s'il devait en résulter un revenu
d'intérêts, il n'y a pas de doute que la compétition ferait
qu'on en donnerait crédit aux assurés.
Alors, ce qu'on voulait dire, c'est qu'actuellement, dans le
système, il y a des coûts qui sont impliqués dans le
financement des primes, mais qui ne paraissent pas, qui sont dissimulés
dans le système. C'est important de les avoir à l'esprit parce
que, si la régie d'Etat en Colombie-Britannique exige 18 p.c, il est
évident
qu'ici on peut faire mieux, pour des raisons concurrentielles;
c'est la raison pour laquelle on a 14 p.c, plusieurs de nos membres il y
a un coût d'attaché à cela. Est-ce que ça
répond?
M. MARCHAND: Est-ce que vous croyez à la prime au comptant?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Si on laisse le marché tel qu'il est
actuellement, cela a l'avantage de répondre aux exigences des
consommateurs. Encore une fois, si le législateur veut intervenir et est
mécontent de la façon dont les choses se passent...
M. MARCHAND: N'est-ce pas rêver en couleur que de croire à
la prime au comptant?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): C'est mentionné dans le rapport Gauvin.
Si vous pensez que M. Gauvin rêve en couleur !
M. MARCHAND: Qui aura le comptant? C'est beau de penser qu'on va
l'avoir, mais qui l'aura, le comptant? Il faut penser qu'on a affaire aux
consommateurs en général. Venez vivre dans le comté de
Laurier; vous allez voir...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): C'est cela, mais le consommateur...
M. MARCHAND: ... que vous ne l'aurez peut-être pas dans 80 p.c.
des cas. Il faut donner une chance à ces gens aussi.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Ce qu'on a jugé...
M. MARCHAND: II ne faut pas croire à cela. Il ne faut pas
rêver en couleur. Nous ne sommes pas ici pour cela. Une prime au
comptant, voyons donc !
M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... nécessaire, c'est de porter à
votre attention qu'à partir du moment où un assuré n'a pas
le montant d'argent pour financer sa prime, qu'il l'emprunte en dehors du
circuit actuel ou qu'il le trouve à l'intérieur du circuit
actuel, il y a quelqu'un qui paie pour. Dans le système actuel, ce sont
les gens...
M. MARCHAND: 1 1/2 p.c.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... qui paient leur assurance au comptant qui
financent les gens qui n'ont pas d'argent pour payer comptant. C'est à
vous de vous pencher sur l'à-propos de maintenir cela.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, dernier point. Vous avez semblé
accorder beaucoup d'impor- tance à la sécurité
routière. Est-ce qu'à titre de représentant des assureurs
vous attachez une grande importance à la vérification obligatoire
des véhicules en vue de réduire le nombre des accidents dans la
province de Québec?
M. MOREAU: Oui, beaucoup.
M. ROY: Est-ce que vous souhaitez qu'une loi soit adoptée le plus
rapidement possible dans ce sens?
M. MOREAU: Sans aucune hésitation. Ce sont les renseignements,
d'ailleurs, que j'ai donnés au ministre tout à l'heure. Nous
sommes en faveur d'une inspection obligatoire périodique. Evidemment, il
faut être pratique. Il ne faut pas s'imaginer que, du jour au lendemain,
on va vérifier les 3 millions de véhicules qui circulent au
Québec. Mais, par une loi appropriée, nous pourrions en venir
à faire des vérifications périodiques.
Nous demandons, au moins pour commencer, qu'on vérifie les
véhicules qui passent d'un propriétaire à un autre, au
moment d'une vente commerciale ou d'une vente privée. Cela serait
déjà un bon commencement, mais il n'y a pas de doute que la
défectuosité mécanique est une cause importante des
accidents. Nous ne disons pas que c'est la plus importante.
L'élément humain est beaucoup plus important que cela, mais c'est
quand même un facteur.
M. ROY: Au niveau de la législation, il y aurait quelque chose
à faire, selon vous, quant à la sécurité
routière. En ce qui a trait à l'administration en
général des primes d'assurance, est-ce qu'il y aurait des lois
que le gouvernement pourrait apporter qui vous permettraient de diminuer
sensiblement, de façon substantielle les primes d'assurance? On a
discuté tout à l'heure de la question de "no fault", je comprends
que ce sont des points qui ont été discutés; mais en plus
de cela, est-ce qu'il y a d'autres points, selon vous, sur le plan
législatif, sur lesquels le gouvernement aurait quelque chose à
faire davantage et qui vous permettraient de réduire vos frais
d'administration dans les compagnies d'assurance?
M. MOREAU: II y a probablement plusieurs facteurs, mais je vous avoue,
malheureusement que je ne suis pas préparé à vous les
énumérer. Il y a beaucoup de facteurs sur lesquels on pourrait
économiser. Relativement à une loi, M. Saint-Germain mentionnait
tout à l'heure que nous avons demandé depuis plusieurs
années qu'on rende obligatoire cette petite partie de la police
automobile actuelle, qu'on appelle l'assurance individuelle qui, en fait, donne
des bénéfices sans égard à la
responsabilité, mais de façon mitigée. Cette loi aurait pu
simplifier le problème, elle aurait pu aider et le consommateur et les
assureurs. Il y en a probablement beaucoup. Je n'y pense pas en ce moment, je
ne
sais pas si M. Saint-Germain a des commentaires à faire
là-dessus.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Si M. le Président me le permet, vous
avez touché, dans la première partie de votre question les
mesures de sécurité routière. Quelqu'un d'entre vous a
soulevé la question la semaine dernière à savoir si le
Québec jouissait de la même fréquence d'accidents qu'en
Ontario, ce qui ne nous semblerait pas, à nous, un but trop difficile
à atteindre, les conditions sont à peu près semblables. On
parle uniquement de fréquence et on ne parle pas de coût moyen des
sinistres, parce que vous savez que le coût moyen d'un sinistre au
Québec est supérieur à celui de l'Ontario.
M. ROY: De combien?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): De mémoire... on va me le dire tout
à l'heure. Je parle donc uniquement de fréquence. Si on ramenait
la fréquence au Québec à la fréquence ontarienne,
vous auriez une réduction du taux d'assurance-responsabilité en
blessures corporelles et dommages matériels actuels de 19 p.c. et vous
auriez une réduction du taux d'assurance collision de 29 p.c.
immédiatement. Cela répond à la première partie de
votre question. La deuxième partie, c'est plus difficile d'y
répondre.
Je vais vous donner un exemple selon lequel elle est assez difficile
aussi. On nous cite souvent l'exemple de la Saskatchewan et du Manitoba. L'un
d'entre vous a soulevé la question savoir que de temps à autre on
trace un parallèle entre l'Ontario et le Québec, et, de temps
à autre on trace un parallèle entre le Manitoba et le
Québec. On a affaire à des situations largement
différentes. On a affaire à des façons de procéder
aussi différentes. Si vous lisez attentivement le rapport Gauvin, dans
certains secteurs, on prend bien soin de dire que les situations sont
différentes.
Je vais vous donner un exemple de cela dans les coûts
d'administration. On pourrait penser, par exemple, que l'introduction de ce
qu'on appelle des centres d'évaluation et de règlement des
sinistres c'est bien à la mode, va régler tous les
problèmes avec cela. Nous sommes allés enquêter sur place
en Colombie-Britannique, à Régina et à Winnipeg pour voir
ce que cela donne. On dit là-bas qu'ils fonctionnent à 17 p.c.
Entre autres choses, 17 p.c, cela nécessite la création de
centres d'évaluation et de règlement.
En Colombie-Britannique, on est en train d'investir, selon nos
informations, environ $30 millions dans des bâtisses qui on serait
prêt à le croire seront peut-être
désuètes dans dix ou quinze ans quand on tient compte de
l'expansion des villes, du rôle de l'automobile, de l'utilisation dans
notre société, etc.; $30 millions consacrés à
ça alors qu'il y a peut-être des dépenses prioritaires.
Ces systèmes ne fonctionnent que dans l'hypothèse
où tout le monde accepte, tous les réclamants, autant la tierce
partie que l'assuré, de se rendre au Centre de règlement des
sinistres. Il ne s'agit pas d'envoyer sa secrétaire, si on est
député ou si on est président d'entreprise ou d'autre
chose, il faut que le chauffeur du véhicule, au moment de l'accident, se
présente lui-même au Drive-in Claim Center. Cela n'apparaft nulle
part. Cela ferme à cinq heures. Là, à Régina, ils
viennent de penser qu'ils pourraient peut-être prolonger les heures,
après 26 ou 30 ans; ils vont étirer ça, le samedi matin,
ils vont donner deux petites heures. C'est au point où, à
Winnipeg, quand on pose la question: Comment les gens font-ils pour accepter
l'obligation de se rendre là? Ils nous disent: Si ça ne marche
pas, on amende la loi. Grand frère devient présent. Grand
frère régit ces histoires. Grand frère va dire: Si vous ne
voulez pas y aller, on va vous enlever votre permis. C'est ce qu'ils font. Il
faut qu'ils y aillent, il faut qu'ils demandent à leur patron de
s'absenter, derrière le moulin, il faut qu'ils s'absentent du tribunal
ou autre chose pour aller se présenter là. Cela n'apparaît
pas, c'est un coup indirect, nous le prétendons. L'analogie qu'on
pourrait tracer, on pourrait dire: Les réparateurs de
télévision sont des gars qui coûtent cher l'heure, on va
les mettre en état optimum d'efficacité, on va les installer dans
un "drive-in" et dorénavant, les gars, vous viendrez porter vos
télévisions au lieu d'envoyer les réparateurs chez vous.
C'est un peu ce qui se passe.
Quand on dit 17 p.c. d'administration au Manitoba, on a des doutes
à cause de ça, entre autres. Dans notre système actuel,
c'est vrai qu'il coûte plus cher à administrer, c'est vrai qu'on
envoie des agents de réclamation et des estimateurs sur les lieux. C'est
étonnant de voir avec quelle flexibilité cela se fait, en dedans
de deux jours ou de trois jours dans la région de Montréal,
ça me surprend toujours. Un estimateur va dire: Je sais que le gars
travaille à Canadair, je lui ai demandé où il place son
auto, il le sait: dixième rangée, à gauche, auto bleue,
avec un devant massacré. Sans que le gars s'absente du travail,
l'évaluation se fait. Le processus est en marche. Ce qu'on dit, c'est
que l'entreprise privée, ne nous demandez pas de consacrer $100 millions
demain matin au Québec pour créer des Drive-in Claim Centers, je
pense qu'on n'en a pas. On va étudier des possibilités
d'améliorer ça mais on est capable de garder la
flexibilité. C'est ça qu'on peut faire.
M. ROY: Je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Trois-Rivières. Sans vouloir brimer les membres de la commission qui ont
demandé le droit de parole, je signalais l'heure avancée...
M. BACON: Nous ferons notre possible.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): ... afin d'abréger les questions et
les résumer le plus possible.
M. TETLEY: N'oubliez pas qu'afin de donner plus de chance aux
députés ministériels, j'ai posé des questions
pendant 12 minutes, malgré que j'aie une foule de questions ici. Les
deux députés de l'Opposition, qui représentent une
certaine partie de la population mais pas la majorité, ont pris 2 heures
et 30 minutes. Peut-être demain faudra-t-il établir des
règles plus précises, M. le Président. Aussi, il faut
décider de la procédure à suivre demain. Procédez,
mon collègue de Trois-Rivières.
M. LEGER: Un autre bâillon.
M. TETLEY: Je ne veux pas imposer un bâillon aux
députés ministériels et là, si vous voulez parler
de bâillon, cela fait quatre ans que l'Opposition a
systématiquement posé un bâillon et vous pouvez le
constater.
M. ROY: Je m'excuse, M. le ministre, question de règlement.
M. BACON: II ne reste pas assez de temps pour dire, M. le
Président, à l'ordre! Vous m'avez donné la parole.
M. TETLEY: Cet après-midi, c'est un bel exemple.
M. ROY: M. le Président, question de règlement. Je ne veux
pas du tout. Jusqu'ici, les travaux de la commission parlementaire des
institutions financières, compagnies et coopératives se sont
déroulés dans l'ordre. Les questions que nous avons posées
sont celles que nous avions jugées pertinentes et qui devaient
être posées. Si on veut limiter notre temps, qu'on nous le dise,
M. le Président. J'ai été très patient, je n'ai
jamais, en ce qui me concerne, empêché un seul de mes
collègues, du côté ministériel, de poser des
questions et il n'est pas dans mon intention non plus de faire des
interventions pour les empêcher de poser des questions. Qu'on prenne le
temps nécessaire à cette question de l'assurance-automobile, qui
est une question très importante, nécessaire, de façon
à examiner toutes les questions; si le ministre s'aperçoit
à un moment donné qu'une question que nous posons est
impertinente, n'est pas à propos, que le ministre invoque le
règlement et qu'il nous le dise immédiatement.
M. LEGER: M. le Président, sur cette question de
règlement...
M. TETLEY: On a invoqué le règlement tout
l'après-midi.
M. LEGER: Si vous ne voulez pas laisser le ministre donner une fausse
impression, je pense que, dans le régime dans lequel nous vivons, que
nous soyons dans l'Opposition à six, à huit, à 25 ou
à 30, nous avons chacun un rôle à jouer et dans les
commissions parlementaires, les députés de l'Opposition doivent
faire valoir les points de vue de l'Opposition; le ministre lui-même,
quand c'est lui qui défend un dossier ou qu'il a convoqué cette
commission, peut faire valoir le point de vue du gouvernement; par la suite les
députés, ce sont des points de vue, non pas du gouvernement, mais
des points de vue personnels, individuels sur des questions qu'ils ont à
défendre.
Ce n'est pas nécessairement le même temps qu'un
député peut avoir pour des questions personnelles selon que c'est
la position du gouvernement et la position de l'Opposition. Je pense qu'il y a
une nuance à mettre et je pense que jusqu'à présent, j'ai
même permis à mon ami, le député de Laurier, de
m'interrompre pour embarquer dans son projet, même chose pour le
député de Montmagny-l'Islet, etc. Je ne pense pas que ce soit une
façon d'alléger les débats et je pense que la
déclaration du ministre va seulement mettre un peu d'huile sur le feu.
Cela aurait été préférable qu'il ne la mette pas de
l'avant et que les députés posent leurs questions, je pense.
M. BACON: M. le Président.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de
Trois-Rivières.
M. BACON: Un peu plus et j'avais seulement à proposer
l'ajournement. M. Moreau, à l'article 59 du rapport Gauvin, page 381, on
dit que pour une période transitoire, on limite à ce
moment-là un taux maximum de frais d'exploitation du régime
à 20 p.c. Compte tenu qu'on a parlé d'une échelle de
profits de 15 p.c, est-ce que vous trouvez que la différence entre les
deux est suffisante pour avoir une mise en marché adéquate et
desservir un peu dans toutes les régions de façon
adéquate, la population, les consommateurs?
M. MOREAU: Je m'excuse, je pense qu'on mêle encore les chiffres.
Quand on parle de 15 p.c. de profits, on parle de profits des investissements
des actionnaires de la compagnie d'assurance. Tandis qu'ici on parle de 20 p.c.
du montant de la prime par les assurances. Ce sont deux ordres de chiffres qui
ne se comparent pas.
M. BACON: A toutes fins utiles, compte tenu de ces 20 p.c., est-ce que
vous considérez que vous avez assez de marge pour votre mise en
marché et servir à tous les besoins de la province.
M. MOREAU: Si on accepte nos recommandations dans le système
AutoBAC, si on prend tous les moyens pour nous éviter des frais, si
on
suit ce qu'on demande dans AutoBAC par exemple, soit que
l'assurance-hospitalisation n'ait pas de recours contre les assureurs et par le
fait même contre les assurés, si on suit toutes ces
recommandations-là, nous pensons que nous pouvons fonctionner dans les
limites de ces chiffres-là.
M. TETLEY: Un autre.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Taschereau.
M. BONNIER: M. le Président, je voudrais avoir une clarification
de la part de M. Saint-Germain. Dans votre système AutoBAC, il y a 85
p.c., comme je vous dis, des cas qui seraient automatiquement
réglés et, pour les autres 15 p.c, il faudrait que les gens
aillent devant les tribunaux. Par ailleurs, dans l'argumentation de M.
Saint-Germain, il me semble que j'ai compris que vous recommandiez plutôt
une espèce d'assurance obligatoire pour ces 15 p.c. Est-ce que c'est
exact?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Ce qu'on voulait dire, c'est que l'assurance de
responsabilité civile demeurerait et s'appliquerait en excédent
de l'assurance de base qui est AutoBAC, la couverture obligatoire? Elle serait
obligatoire et elle permettrait l'accès aux tribunaux? Cela ne veut pas
dire que tous les cas seraient plaidés, pas plus que dans le
système actuel.
M. BONNIER: II y aurait seulement une possibilité dans certains
cas.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Oui, enfin nos chiffres démontrent que
c'est moins que 1 p.c. qui vont devant les tribunaux.
M. BONNIER: D'accord. Supposons qu'il y ait un système au
Québec qui n'utilise pas les courtiers comme à l'heure actuelle,
sinon comme conseillers en relation avec les recommandations de la Commission
Gauvin, est-ce que cela causerait des problèmes aux compagnies
canadiennes qui font affaires dans les différentes provinces ou si elles
pourraient s'ajuster facilement?
M. MOREAU: Je ne crois pas que l'influence d'un système semblable
soit différente, que ce soit une compagnie canadienne, britannique ou
provinciale.
M. BONNIER: Cela ne causerait pas de problème?
M. MOREAU: Non, je pense que le principe peut s'appliquer à
n'importe quelle compagnie.
M. BONNIER: Est-ce que les compagnies qui sont membres chez vous
seraient d'accord dans cette hypothèse d'ouvrir des bureaux
régionaux, sinon parfois locaux? Est-ce que vous avez pensé au
coût de fonctionnement?
M. MOREAU: II est évident que cela suppose une organisation assez
compliquée et peut-être une liste de fond. Je doute que tous les
assureurs soient capables de le faire, mais M. Gauvin, dans sa recommandation,
ne dit pas que tous les assureurs devront faire des affaires dans tous les
districts et écrire toutes les catégories de risques. Ce que M.
Gauvin dit, c'est que les assureurs publieront leur manuel de taux, ils
publieront les livres dans lesquels ils donnent leurs normes d'acceptation et
ils diront: Nous, nous faisons affaires dans cinq districts, nous acceptons, en
général, douze catégories de risques et voici nos
barèmes de primes pour ces catégories.
A compter de ce moment, M. Gauvin dit: Tous les risques qui iront dans
ces normes doivent être acceptés lorsque celles-ci sont soumises
soit par le public, soit par un courtier.
Je reviens à dire ceci, sur votre question, je ne pense pas que
toutes les compagnies aient des bureaux dans tous les districts du
Québec.
M. BONNIER: C'est parce que je voyais une faiblesse dans le rapport
Gauvin à ce sujet. Je trouvais qu'il n'allait pas assez loin dans ses
recommandations. Je trouve qu'il faudrait imposer aux compagnies, celles qui
veulent faire affaires au Québec, d'avoir des bureaux
décentralisés. Autrement, il y a des gens qui vont être mal
servis.
UNE VOIX: Notre conseiller est là.
M. BONNIER: Si le conseiller est là, d'accord.
M. MOREAU: II ne faut pas oublier qu'en vertu de ce système, le
conseiller, le courtier, aura à sa disposition tous les renseignements
de tous les assureurs, non pas seulement son groupe d'assureurs d'aujourd'hui,
mais de tous les assureurs avec tous leurs barèmes de taux. Il sera
parfaitement au courant du marché. Remarquez, je ne suis pas en train de
vendre ce système. Je vous explique la façon dont je
conçois la suggestion de M. Gauvin.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): M. le Président, si vous me permettez,
nous avons bien dit que les recommandations du rapport Gauvin sont
réalisables. On peut penser à quantité d'autres qui
seraient réalisables aussi. Voici la question que nous posons: Est-ce
que c'est désirable? Le rôle du courtier dans le système
actuel a reçu l'appui de la population. Même dans une régie
d'Etat comme en Colombie-Britannique, pendant la première année
d'activités, les courtiers d'assurances ont transigé 94 p.c. de
toutes les polices d'assurance-auto-
mobile. Le public avait le choix entre aller au Bureau des
véhicules automobiles ou transiger par les courtiers. Il a choisi
à 94 p.c. les courtiers.
M. TETLEY: Ou le "direct writing". Par exemple, chez vous, est-ce que je
peux acheter directement de votre compagnie?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Non.
M. TETLEY: Mais c'est cela, que préconise le rapport Gauvin. Il y
a une distinction. Le rapport Gauvin insisterait pour que votre compagnie soit
obligée à me vendre directement, n'est-ce pas?
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Oui, mais les assurés qui veulent faire
affaires avec un assureur aujourd'hui peuvent aller voir un assureur
directement. Il y en a sur le marché. Il n'est pas dit que si, pour
répondre à M. Bonnier, un assureur qui travaille actuellement
pour le système de courtiers était obligé de
décentraliser ses opérations, d'ouvrir des bureaux dans des
sous-régions, etc., ce serait moins coûteux. La population a un
service par le courtier aujourd'hui. Elle semble le désirer. A quel
niveau de rémunération, c'est peut-être un autre
aspect.
M. TETLEY: Oui, parce que votre mémoire, quelque part, stipule
que vous favorisez le système de courtiers, d'agents captifs et le
"direct writing" à tout le monde, le droit de tout citoyen d'aller
à n'importe quelle compagnie et d'acheter directement, s'il veut, sans
le bénéfice du courtier. Mais cela, c'est une grande
différence avec le système actuel.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Mais il n'y a rien qui empêche une
compagnie, actuellement, qui fonctionne par le système de courtiers, de
faire de l'assurance directe si elle le désire. Et si, dans le
système actuel, une compagnie ne le fait pas, c'est parce qu'elle pense
qu'elle ne rendra pas service à ses assurés.
M. TETLEY: Ou peut-être qu'elle pense qu'elle n'aurait pas de
"business" des courtiers, parce que, moi, M. Saint-Germain, je vous suis
très sympathique à vous et à votre compagnie. Vous
connaissez ce qui est arrivé l'an dernier lorsque certaines compagnies
ont coupé, auprès des jeunes, leurs primes et les commissions
aussi. Il y avait un boycottage de ces compagnies. Vous connaissez...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): II y a des difficultés en cours de route
dans n'importe quelle aventure d'une société commerciale, de
même que dans l'histoire des partis politiques, cela va de soi.
M. TETLEY: Ah oui! On a des problèmes chez nous, mais nous en
aurons toujours, et tout parti politique en aura. Je suis aussi sympathique que
possible, mais n'oubliez pas que le système Gauvin est tout à
fait différent, et vous serez obligé de me vendre directement de
l'assurance. Suivant votre rapport, à la page 19, on m'a avisé
que vous avez accepté ce système. En tout cas, je demande pardon
au député de...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Le point que nous faisons valoir, je pense, M.
le Président, c'est que les forces du marché, laissées
à elles-mêmes aujourd'hui, semblent avoir favorisé
très nettement le courtier d'assurance, parce qu'il y a 86 p.c.
je pense que les courtiers d'assurance ont mentionné le chiffre de 86
p.c. des affaires qui sont souscrites par les courtiers d'assurance,
avec la possibilité pour les Québécois, d'aller ailleurs
s'ils le désirent. Peut-être que dans dix ans, quinze ans, vingt
ans, ce sera différent. Les forces du marché sont toujours
actives, mais pour le moment, c'est cela.
M. TETLEY: Les courtiers sont même forts à
l'Assemblée nationale.
M. BONNIER: Simplement une dernière question, M. le
Président, on a beaucoup parlé de placements. J'aimerais savoir
si vous avez le renseignement, si les compagnies qui font partie de votre
groupe ont tendance à investir au Québec, à peu
près dans la même proportion qu'elles récupèrent des
primes du Québec même.
M. MOREAU: C'est une question extrêmement intéressante,
parce que M. Gauvin a touché à ce point quand il a parlé
des cotisations.
Il vous a dit qu'il ne faudrait pas s'imaginer qu'une entreprise
étatique va faire un gros changement dans les investissements de la
province. Ils vont prendre des investissements qui sont au Québec et ils
vont les placer au Québec. Ce n'est pas plus compliqué que
cela.
Les assureurs ont coopéré il y a trois ans, en
décembre 1970, je pense, avec le ministère des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives pour
révéler toute la nature de leurs placements. C'était une
enquête assez poussée et nous avons donné tous ces
renseignements au ministère des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives. Le ministère n'a pas jugé
à propos de les publier encore mais je pense que cela a
révélé que les assureurs placent, de façon
générale, autant qu'ils reçoivent au Québec et
quelquefois, plus. Je pense qu'il n'est pas exagéré de dire
cela.
M. GIASSON: M. Moreau, dans le même ordre d'idées, se
peut-il que le plus important souscripteur d'assurance-automobile au
Québec n'investisse pas un seul cent dans la province?
M. MOREAU: N'investisse pas...?
M. GIASSON: ... aucun argent dans le Québec.
M. MOREAU: Oh! Je ne pense pas que cela soit possible.
M. LEGER: Est-ce que vous avez des chiffres sur les investissements qui
sont faits au Québec, la proportion? Vous avez affirmé quelque
chose, mais avez-vous des chiffres pour justifier cela?
M. MOREAU: Nous avons des chiffres qui proviennent justement du
ministère. Ce dernier a eu l'amabilité, à ma demande, de
me communiquer le résultat de cette enquête que nous avions faite
ensemble en décembre 1970. Je les ai à mon bureau. Je ne les ai
pas ici. Je n'en dispose pas...
M. LEGER: Parce que le ministre semblait sursauter comme moi à
votre affirmation. Alors, s'il vous a fourni les chiffres, je ne sais pas si
vous deux avez les mêmes conclusions.
M. MOREAU: Si j'ai fait erreur, on peut toujours me corriger.
M. GIASSON: ... le plus fort souscripteur de primes au Québec?
Avez-vous l'impression que Lloyd's of London, qui tout de même souscrit
passablement de primes dans l'automobile et dans les autres assurances
générales investit passablement au Québec?
M. MOREAU: J'imagine qu'ils doivent investir en fonction de leur volume
d'affaires. La Loi des assurances fédérale qui les régit
les oblige à avoir un fonds d'investissement canadien proportionnel
à leurs engagements. Alors, je ne pense pas qu'ils fassent exception
à la règle dans ce domaine. Je ne crois pas.
M. GIASSON: Cela serait à vérifier. M. MOREAU:
Peut-être.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Bellechasse.
M. TETLEY: Pardon! C'est une question du député de
Lafontaine, en Chambre, à laquelle je vais répondre
aussitôt que j'aurai tous les chiffres. C'est une question difficile,
mais peut-être avez-vous d'autres chiffres. 1970, ce n'est pas de
l'actualité.
M. MOREAU: II n'y a pas eu d'autre enquête depuis ce temps. Votre
ministère est au courant que c'est un travail très
compliqué à faire parce qu'il s'agissait d'établir, dans
l'investissement d'une compagnie, si une action du
Canadien Pacifique était une action placée au
Québec, à 10 p.c, à 20 p.c, à 30 p.c, à 40
p.c, à 80 p.c.
Il a fallu établir tout un barème pour en arriver à
quelque chose de passable. C'est une enquête qui a été
assez longue. Il n'y en a pas eu d'autres de faites depuis ce temps-là,
M. le ministre, à ma connaissance.
M. ROY: Sur le même sujet, est-ce que le ministre pourrait nous
dire s'il a l'intention, éventuellement, d'obliger les compagnies
d'assurance-automobile à publier des bilans séparés pour
les affaires qu'elles font au Québec? Actuellement, je pense, que les
compagnies nationales publient un bilan global de leurs opérations.
M. TETLEY: Oui. Au sujet des investissements, l'article 269 du bill 7,
déjà déposé, impose l'obligation d'investir au
Québec une certaine part de vos réserves, de votre chiffre
d'affaires. Au sujet d'un rapport sur leurs affaires, profits et pertes,
paiements aux avocats, etc., cela est évidemment difficile surtout parce
que ce sont les compagnies qui font le travail, travail qui est énorme.
Vous avez votre livre vert qui n'est pas par province. Mais, évidemment,
j'aimerais un tel système. Qu'est-ce que vous en pensez, M. Moreau?
M. MOREAU: M. Roy parle d'un bilan par province. Je ne sais pas si vous
voulez vraiment dire un bilan, mais les compagnies font des rapports par
territoire, par province sur les revenus qu'elles en tirent, les sinistres
qu'elles paient et les frais qu'elles encourent. Elles font au surintendant des
rapports sur une base provinciale.
M. ROY: Lorsque j'ai parlé d'un bilan, évidemment, je
faisais surtout référence à l'ensemble des
opérations qui peuvent se faire dans un territoire donné, en
incluant la partie investissement. Parce que l'investissement comme tel, on ne
le retrouve pas dans l'état des revenus et des dépenses. On le
retrouve dans le bilan. C'est pour cela que j'avais employé le terme
bilan.
M. GIASSON: Toujours au chapitre des investissements...
M. TETLEY: Par bilan.
M. GIASSON: ... on a entendu quelqu'un devant cette commission faire une
déclaration globale. Parmi les turpitudes qu'il reconnaissait dans le
système de commercialisation de l'assu-rance-automobile, il
déclarait formellement que, dans le système actuel, les
placements des compagnies qui transigent de l'assurance-automobile, ne se
faisaient pas au Québec, mais que, s'il s'agissait d'une
société étatique, tout cet argent serait
placé au Québec. J'aimerais savoir, si vous avez des
données là-dessus, parmi toutes les compagnies qui transigent de
l'assurance-automobile dans notre province, quel est le pourcentage de
placement disponible dans ces compagnies qui est fait au Québec par
rapport à ce qui est fait à l'extérieur du
Québec.
M. MOREAU: Cela revient un peu à vous parler de l'enquête
que j'ai mentionnée tout à l'heure, qui a été faite
en 1970. Le résultat, grosso modo, c'est que les assureurs placent au
Québec, autant, sinon un peu plus, que le montant des primes qu'ils
perçoivent. Il y a tout avantage à le faire. Une compagnie qui
place...
M. GIASSON: Autant, sinon un peu plus, que les primes perçues
pour l'assurance-automobile, $450 millions?
M. MOREAU: Oui, certainement. M. GIASSON: Vous affirmez ça?
M. MOREAU: Oui, certainement. Les assureurs n'ont aucun avantage
à vendre de l'assurance au Québec, retirer des primes et aller
investir ailleurs. Le Québec est un endroit fort intéressant pour
investir. On n'a pas besoin de tordre le bras à un assureur pour le
faire investir au Québec. Cela se fait tout naturellement.
M. GIASSON: J'ai des réserves.
M. MOREAU: Je ne dis pas que tous les assureurs ont le même
pourcentage, mais, pour l'industrie en général, c'est
sûrement conforme au montant des revenus qui existent dans la province.
Il peut y avoir des assureurs qui font plus, d'autres moins, mais, en
général, l'industrie investit tout autant, sinon plus, qu'elle
reçoit de primes dans la province. Je n'ai aucun doute là-dessus.
Vous avez l'air d'en douter?
M. GIASSON: J'ai des doutes. Même si votre affirmation est
formelle.
M. MERCIER: C'est malheureux que...
M. NICHOLSON: Les investissements des compagnies, en
réalité, sont régis par le rendement qu'elles peuvent
recevoir. C'est un fait que les taux d'intérêt dans la province de
Québec sont toujours les meilleurs, c'est un autre aspect qui force un
peu les compagnies à placer ici plutôt qu'ailleurs.
M. MOREAU: C'est un mouvement naturel de placer au Québec. Il n'y
a pas de raison sérieuse pour qu'elles ne le fassent pas.
M. GIASSON: Si vous me permettez, je vais poser une question qui va
avoir un cachet très personnel. Nous avons ici un directeur
général d'une compagnie québécoise,
essentiellement. Est-ce qu'il peut nous déclarer qu'il fait 100 p.c. de
ses placements dans la province de Québec? M. Saint-Germain.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Je me suis bien promis de ne pas parler à
titre de représentant de la compagnie en question parce que je n'ai pas
le...
M. GIASSON: Je vous pose la question comme directeur
général du groupe Commerce.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... mandat de mon conseil d'administration
d'apparaître ici, mais, comme membre de la délégation du
BAC, le groupe Commerce est un membre de ça, je peux vous dire que 100
p.c. de nos opérations financières sont faites sur le
marché de Montréal. Cela intéresse certainement M. le
ministre. Nos conseillers financiers sont à Montréal. Nos
courtiers sont à Montréal. De là à vous dire que
100 p.c. de nos actifs sont placés sur des valeurs
québécoises, la réponse est non. Le seul critère
que, comme directeur général, mon conseil d'administration
accepterait... Je pense que le député Bacon a mis le doigt sur
ça quand il a parlé, en référence, la semaine
dernière, de la Caisse de dépôt. Il a parlé de
l'équilibre des marchés financiers. On commence à toucher
une grosse question.
La compagnie que je représente, sa capacité d'assumer ses
obligations sur le marché vis-à-vis de ses clients, de même
que sa capacité d'assurer une expansion, pour les raisons que je vous ai
expliquées, on a besoin de capitaux. Il faut réinvestir
constamment. On ne peut pas se permettre de se contenter de moins que le
rendement maximum sur nos investissements.
Si on avait voulu, par exemple, encourager à 100 p.c. la SGF, le
groupe Commerce ne serait plus en affaires aujourd'hui. Si on avait
placé entièrement dans la SGF, si on avait placé
entièrement nos portefeuilles...
M. BONNIER: ... pas entièrement, non.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... dans des valeurs obligataires du
Québec, si vous connaissez vos chiffres, vous savez qu'elles rapportent
plus en intérêt mais qu'elles se sont également
dévaluées davantage que bien d'autres. Mon test de
solvabilité dépend de la valeur de mes actifs à tout
moment donné.
Alors, il est évident que, dans l'ensemble, il y a un pourcentage
de nos affaires qui vont être placées dans des valeurs
québécoises, mais le critère qu'on retient, jusqu'à
ce que le législateur décide que cela ne doit plus se passer
comme cela pour les compagnies d'assurance, les banques, même les
portefeuilles individuels des invididus si on est rendu là
et les fonds de pension des individus... Je pense que si, comme directeur
général, j'étais appelé à expliquer à
tous ceux qui détiennent pour $50 mil-
lions de créance sur le groupe Commerce que c'est dommage, je ne
peux pas les rembourser, les $50 millions, parce que j'ai placé cela
dans des valeurs dont le cours s'est effrité, je serais mal placé
et vous me le reprocheriez, à juste titre.
Pour vous compliquer un peu plus le tableau, dans les moments qu'on
traverse actuellement, où les marchés financiers sont très
difficiles, une compagnie comme la mienne va tenter d'avoir le maximum de ses
actifs en liquidité. Je veux dire que 55 p.c. de nos portefeuilles sont
placés sur des titres à court terme.
Parce qu'une compagnie d'assurance-automobile, d'assurance
générale, ce n'est pas une compagnie d'assurance-vie. Ce n'est
pas un véhicule d'épargne. C'est un véhicule de
redistribution de l'argent qu'on prend d'une main et qu'on remet aux
assurés de l'autre, ou aux tierces parties.
Alors, on a 55 p.c. qui sont en liquidité. On place cela
où? Sur des billets à 90 jours pour une bonne part, etc., mais
encore une fois on ne peut pas placer X millions au Trust général
du Canada ou à la BCN, parce que c'est dangereux. Toutes choses
égales, par ailleurs, à même rendement, on va effectuer une
certaine diversification. Si vous allez dans ce sens-là, comment
allez-vous faire pour vous assurer que les $15 millions que j'ai placés
comme cela, à court terme, vous allez les suivre et vous allez demander
à la Banque Royale ou à la BCN si elles ont placé cela,
à leur tour, au Québec? Je pense qu'elles doivent respecter les
mêmes critères que nous, qui en est un de rentabilité
maximum des actifs.
En fait, je dirais que si les titres du Québec reflètent
une situation fondamentalement saine, ils vont être très bons sur
le marché; ils vont être courus et les assureurs vont se faire un
plaisir de les acheter.
S'ils sont fondamentalement mauvais ou relativement moins bons que les
autres, il y a une tendance nettement dans notre système, en vertu du
critère que je vous donne bien ouvertement, à placer d'une autre
façon. Si vous voulez interférer avec cela, c'est une autre paire
de manches, comme M. Bacon le disait.
M. BONNIER: Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Bellechasse.
M. MERCIER: M. le Président, j'aurais aimé, si le temps
nous l'avait permis, qu'on revienne sur ce langage un peu technique auquel a
fait allusion tout à l'heure M. Moreau concernant les déficits
techniques, les déficits réels des compagnies d'assurance suite
aux questions soulevées par le député de Beauce-Sud; mais
je m'en tiendrai à un point sur lequel j'aurais aimé avoir les
commentaires du Bureau des assureurs du Canada relativement à cette
absence d'un "incentive" par rapport aux propriétaires d'un
véhicule dans la tarification du coût d'une police
d'assurance-automobile.
Je crois comprendre, évidemment, que le plan AutoBAC pourrait
contribuer à réduire sensiblement le coût d'une police
d'assurance-automobile. Mais si l'on tient compte justement d'un commentaire,
dans certains milieux, dans le passé, alors qu'on déplorait que
les bons payaient pour les méchants, à la suite d'une question du
député de Beauce-Sud tout à l'heure, vous avez
répondu cela confirmait évidemment la règle
que dans le passé les primes d'assurance étaient établies
par rapport à l'expérience d'une région donnée
relativement aux accidents qui survenaient dans telle région ou aux
coûts des dommages réclamés. Je pense que si l'on
considère que la sécurité routière, c'est la
responsabilité de chaque individu et que, dans 80 p.c. des cas, la faute
est imputable au facteur humain, ne croyez-vous pas qu'il serait juste ou qu'il
y aurait lieu de penser à une formule qui inciterait l'automobiliste
à un meilleur comportement ou à un meilleur respect des
règlements de la circulation lorsqu'il est au volant de son
véhicule? Même si, par cette formule que vous proposez, l'on peut
escompter une réduction du coût de la prime
d'assurance-automobile, personnellement, je déplore cette absence d'un
"incentive" à l'automobiliste d'améliorer son comportement au
volant, de respecter davantage les règlements de la circulation. Par
cette formule comme dans l'autre, la prime d'assurance de base serait la
même pour tout le monde, et, je pense que l'on sera tous d'accord pour
dire que l'argent, c'est le nerf de la guerre et peut inciter aussi, dans bon
nombre de cas les automobilistes à être un peu plus respectueux
des lois si l'on savait qu'à l'autre bout il y a une possibilité
de réduction des primes d'assurance dans leur cas. Ce qui m'amène
à parler d'un dossier du chauffeur, du détenteur d'un permis de
conduire, d'un dossier cumulatif par rapport à son expérience et
à sa bonne conduite au volant.
Je sais que dans le passé, le Bureau des assureurs du Canada a
contribué à mettre de l'avant certaines initiatives, relativement
à l'encouragement pour l'enseignement de la conduite automobile ou la
diffusion des cours de conduite-automobile pour les élèves des
"high schools" ou de niveau secondaire, en accordant une prime, une
réduction, un pourcentage de réduction sur le coût des
primes d'assurance. C'est la même chose aussi dans le cas de certaines
compagnies qui ont accordé une réduction de primes
d'assurance-automobile pour les automobilistes qui avaient suivi des cours de
conduite préventive dans certaines provinces canadiennes.
Personnellement, je suis d'avis qu'il faudrait penser à une
formule qui permettrait de conserver cette réduction possible de prime
pour le chauffeur ou le détenteur d'un permis de
conduire qui aurait, évidemment, un dossier intact au fil des
années, et qui pourrait déboucher sur une réduction de sa
prime, indépendamment de son expérience comme automobiliste.
Qu'est-ce que vous en pensez?
M. MOREAU: Je pense que votre suggestion est très
intéressante parce que c'est, effectivement, une lacune dans le
système actuel. Non pas que le système actuel ne reconnaisse pas
les qualités des bons conducteurs. Il le fait. Nous avons ce qu'on
appelle le "merit system" qui accorde à un assuré, après
un an sans accident, je crois que c'est 15 p.c, deux ans, 25 p.c, trois ans, 40
p.c. et cinq ans, 45 p.c. ou 50 p.c. de réduction. Cela se fait dans le
moment. Malheureusement, à cause de la façon dont le "marketing"
est fait et c'est notre faute à nous, les assureurs la
façon dont la prime est indiquée sur le document, sur la police,
l'assuré ne s'en rend pas compte. On peut peut-être dire "mea
culpa", nous les assureurs, de ne pas avoir fait suffisamment d'efforts dans le
passé pour informer le consommateur ou l'assuré du coût de
sa prime et des rabais dont il bénéficie comme bon conducteur.
J'espère et je note votre suggestion, vous avez tout à fait
raison de la faire à ce moment, j'espère qu'à l'occasion
de la mise en place d'un nouveau système parce que
j'espère qu'il va arriver le nouveau système on va tenir
compte de cela dans la tarification. Il va falloir établir de nouveaux
barèmes, de nouvelles bases de tarification. Comme j'ai dit tout
à l'heure, peut-être qu'une des bases, ce sera le système
de points de démérite ou de mérite. Alors, il peut y avoir
beaucoup d'autres facteurs qui incitent, comme vous le disiez, le conducteur
à être plus prudent. Je pense que ce peut être pour nous une
très bonne occasion de faire quelque chose qui va faire que le
consommateur se rende compte, beaucoup plus, que ses actes paraissent dans sa
prime. Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de Portneuf.
M. PAGE: Je serai bref, seulement quelques questions. D'une part, vous
parlez dans le plan que vous proposez, l'AutoBAC, d'un plan de base où
il y aurait une indemnité, un genre d'indemnité minimale, pouvant
aller jusqu'à $250 par semaine, et jusqu'à $20,000. La question
est la suivante: Sur quoi allez-vous vous fonder pour allouer ledit montant et
quels seront les recours à ce moment, si l'assuré n'est pas
satisfait de la prestation versée?
M. MOREAU: Vous parlez toujours d'indemnité hebdomadaire.
M. PAGE: Oui.
M. MOREAU: Alors, il s'agit de se rendre compte si la personne
blessée gagnait effective- ment un salaire au moment de l'accident. Si
oui, quel est-il? Et à ce moment, il a droit au remboursement de ce
salaire, son salaire brut, moins 20 p.c. pour l'impôt, à moins
qu'il nous démontre que ses impôts se chiffraient par moins de 20
p.c; c'est l'indemnité qu'il va recevoir, jusqu'à un maximum de
$250.
M. PAGE: Oui, mais en ce qui concerne le montant de $20,000, qu'est-ce
qui vous guidera pour que tel dommage, c'est tel montant?
M. MOREAU: Dans les $20,000, vous avez d'abord les frais
médicaux...
M. PAGE: Est-ce que l'assureur a les moyens de les contester?
M. MOREAU: ... et de rééducation. Là, il faut s'en
remettre à la profession médicale pour déterminer si oui
ou non il y a lieu de payer; enfin, les services médicaux ou de
rééducation, ce qu'on appelle la réadaptation, indiquent
si c'est nécessaire. Ce n'est plus l'assureur qui est juge alors, mais
c'est la profession médicale.
M. PAGE: Ce serait quand même une décision qu'on pourrait
peut-être qualifier d'unilatérale, étant donné que
l'assuré n'aura pas d'autre recours que d'accepter la décision du
médecin.
M. MOREAU: Oh non! Pardon! C'est unilatéral au début.
Notre plan prévoit un dispositif d'appel dans le cas où
l'assuré jugerait que l'indemnité qu'on lui a payée n'est
pas conforme à ses besoins, c'est-à-dire n'est pas conforme au
barème établi. S'il interprète le barème de
façon différente de l'assureur, il y aura un tribunal d'appel,
comme d'ailleurs dans le plan Gauvin, M. Gauvin recommande la même
chose.
M. PAGE: S'il y a un mécanisme d'appel, cela répond
à ma question.
La deuxième est la suivante. Vous avez parlé du rôle
du courtier qui, selon le rapport, deviendrait un conseiller. Pour ce qui vous
concerne, est-ce que vous préférez ou jugez-vous valable que le
courtier demeure l'intermédiaire entre la compagnie ou que son
rôle se limite à être un conseiller?
M. MOREAU: Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes
satisfaits de ce qui se passe dans le moment. Nous avons des preuves... Il est
évident pour nous que le courtier remplit un rôle
nécessaire aujourd'hui. On revient toujours à cet argument. Ce
n'est pas pour rien que 86 p.c. de la population s'adresse à lui. Il y a
une raison pour cela. Nous, nous sommes satisfaits de cela. M. Gauvin semble
penser qu'il y a des raisons de croire le contraire. Nous n'en discutons pas.
Tout ce que nous disons, c'est que cela prendrait des études vraiment
plus poussées sur la valeur du service donné par le courtier.
M. PAGE: Etant donné...
M. MOREAU: II faudrait être prudent.
M. PAGE: ... que vous êtes satisfait de ce qui prévaut
actuellement, qu'est-ce qui vous incite à proposer, dans votre
programme, que le courtier soit rémunéré directement par
l'assuré? Est-ce que c'est un motif...
M. MOREAU: Je m'excuse. Nous ne le proposons pas. Nous disons simplement
que si l'Etat, dans sa sagesse, décidait que c'est la façon dont
les choses doivent se passer, nous sommes prêts à nous y
conformer, mais nous ne le proposons pas.
M. PAGE: Mais vous accepteriez que...
M. MOREAU: Nous accepterions, évidemment, de procéder sur
cette base si l'Etat jugeait que c'est la façon appropriée.
M. PAGE: D'accord. Vous avez fait un mea culpa au niveau de la
tarification, etc. Vous avez dit: Avec le nouveau programme, ce sera le temps
d'instaurer de nouveaux barèmes avec le système de mérite
ou de démérite, selon le cas. Ne pensez-vous pas que cela serait
peut-être le meilleur moyen pour que nos compagnies d'assurance aient un
rôle social accru à partir du nouveau programme qui pourrait
être éventuellement instauré? Ici, je fais allusion
à des cours de sécurité routière, à une
publicité sur les différents programmes offerts, etc., comme
certaines petites compagnies d'assurance le font actuellement.
M. MOREAU: Probablement que les assureurs devraient profiter de
l'occasion pour s'intégrer un peu plus socialement qu'ils ne le font
aujourd'hui, ou du moins pour le montrer un peu plus qu'ils ne le montrent
aujourd'hui. Vous savez, les assureurs sont intégrés à la
société du Québec dans une mesure beaucoup plus forte
qu'on ne le pense. Mais nous avons le défaut de ne pas toujours dire les
bons coups que nous faisons. Le député de Bellechasse disait tout
à l'heure que les assureurs paient, par exemple, des sommes assez fortes
pour l'éducation des conducteurs. A ce sujet, le Bureau d'assurance du
Canada est le plus gros souscripteur du Conseil canadien de la
sécurité routière, y compris de tous les gouvernements,
c'est le Bureau d'assurance du Canada qui est le plus gros souscripteur et, en
plus d'une souscription fixe importante, nous payons le coût
d'entraîn nement des moniteurs de cours dans tout le Canada.
M. PAGE: Les assurés ne le savent pas, bien souvent,
malheureusement.
M. MOREAU: Les assurés ne le savent pas.
Et, comme je le disais tout à l'heure, nous devons dire notre mea
culpa parce que nous devrions être un peu plus "verbal", comme on dit en
anglais.
M. PAGE: Vous êtes comme les politiciens. On parle seulement de
vos mauvais coups!
M. MOREAU: On est tellement occupé à servir nos
assurés qu'on...
M. PAGE: Une dernière question maintenant. Dans le souci que vous
avez de rechercher un service égal au consommateur
québécois avec un coût moindre la question sera bien
directe est-ce qu'il a fallu la commission Gauvin pour faire en sorte
que vous pensiez à un nouveau programme? Pourquoi cela n'aurait-il pas
pu se produire avant?
M. MOREAU: Non. Je suis bien prêt à admettre que
l'existence de la commission Gauvin nous a donné une certaine injection.
C'est tout à fait humain, mais nos travaux sur l'assurance sans
égard à la responsabilité datent de beaucoup plus loin que
cela. Les premières études et les premières discussions
remontent, je pense, à 1940. Alors, ce n'est pas nécessairement
la commission Gauvin qui nous a mis en marche là-dessus.
M. PAGE: C'est bien louable, mais disons...
M. MOREAU: Comme je vous dis, l'industrie n'a jamais été
gâtée dans le passé par les réactions des
gouvernements et je ne critique pas le gouvernement du Québec, tous les
autres.
Je vous ai dit tout à l'heure que, dans la police actuelle au
Québec, il y a la section B qu'on appelle l'assurance individuelle. Ce
sont des bénéfices sans égard à la
responsabilité, mais très limités. Il a fallu treize ans
pour convaincre les gouvernements de nous laisser vendre cela sur une police
d'assurance-automobile.
M. PAGE: Si je comprends bien, c'est ce qui fait que dans le cas d'un
accident d'automobile, en ce qui concerne les frais aux passagers, au
conducteur, c'est chacune des compagnies d'assurance qui les paie. Est-ce que
c'est un "agreement" comme cela?
M. MOREAU: Je n'ai pas saisi votre question.
M. PAGE: La section B de votre contrat, exactement, est-ce que ce sont
les provisions pour prévoir la responsabilité des passagers et du
conducteur?
M. MOREAU: Cela prévoit les blessures subies et par les passagers
dans le véhicule et par les piétons. Il y a un montant pour la
mort qui est très limité. Il y a également une
indemnité
hebdomadaire, mais en somme ce sont des montants très bas.
M. PAGE: Une dernière question tandis qu'on touche au contrat. Si
le Québec était dans un système de "common law"
plutôt que de venir du droit français, pensez-vous que cela
pourrait influencer sur le coût de la prime, parce que ce sont quand
même des contrats différents qui existent à ce
moment-là?
M. MOREAU: Vous dites si le régime...
M. PAGE: Si on avait un régime de droit, si nos assurances sur la
responsabilité comme telle étaient fondées sur le
régime de la "common law" plutôt que fondées sur le droit
civil, pensez-vous que cela pourrait influencer dans le coût de la prime,
parce que la responsabilité est quand même plus
limitée?
M. MOREAU: Si nous vivions sous un régime de "common law" comme
dans les autres provinces, évidemment, cela influencerait. C'est une
chose qui est extrêmement intéressante à dire. La
responsabilité de l'assureur, de l'automobiliste d'abord et de
l'assureur au Québec est beaucoup plus étendue que dans les
autres provinces. C'est une des raisons de l'excédent de primes au
Québec.
M. PAGE: Je comprends que vous n'avez pas eu beaucoup de chiffres
aujourd'hui, mais est-ce que vous avez fait des études qui
démontrent quelle pourrait être éventuellement la
différence entre les deux?
M. MOREAU: Peut-être pas pour vous donner satisfaction, mais je
sais que nous avons fait une étude particulière au Québec
il y a plusieurs années M. Rankin se souviendra peut-être
de cela où la responsabilité envers les passagers, la
négligence ordinaire, coûtait au Québec, à un moment
donné, 22 p.c. de plus sur la partie des dommages corporels de la prime,
pas des dommages matériels, évidemment. Je me souviens de ce
chiffre. C'est une étude que nous avions faite à la commission
d'enquête en Colombie-Britannique en 1966. C'était une partie, il
y en a d'autres évidemment.
M. PAGE: D'accord. Pour terminer, je vous remercie beaucoup.
Tantôt, lorsque j'ai posé la question à savoir s'il a fallu
le rapport Gauvin pour vous inciter à faire votre étude, je vous
félicite. Cela date de 1940. Cependant, je considère que, si cela
fait tant de temps, c'est quand même curieux que vous n'ayez pas plus de
chiffres que cela là-dessus. C'est un dernier commentaire. Merci.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député d'Iberville.
M. TREMBLAY: M. le Président, deux questions assez rapides.
Est-ce que vous avez, M. Moreau, des statistiques récentes sur le
pourcentage des accidents causant des morts, des dommages matériels, le
pourcentage combiné, pour des conducteurs en état
d'ébriété avancée ou pas?
M. MOREAU: II n'y a pas de statistiques valables à ce sujet,
malheureusement, parce qu'il est trop difficile d'établir la situation
du conducteur au moment d'un accident. Nous savons, c'est, tous les ans, le
rapport du pathologiste de la province de Québec qui nous le dit, dans
les cas d'accidents mortels, plus de 50 p.c, entre 50 p.c. et 53 p.c. des
conducteurs tués au volant de leur voiture, avaient plus de 0.08 p.c.
d'alcool dans le sang. On peut le vérifier à ce moment-là
parce qu'il y a une autopsie faite. Mais dans le cas des blessés, dans
le cas de celui qui meurt deux semaines après, dans le cas de la
multitude de chauffeurs blessés et de passagers blessés à
cause de l'alcool consommé par le conducteur, c'est très
aléatoire. Il n'y a pas moyen de le savoir.
M. TREMBLAY: N'y aurait-il pas lieu de saisir cette occasion qui vous
est fournie par l'émission du rapport Gauvin on fait un peu un
petit examen de conscience au niveau des compagnies qui assurent de
préciser un peu plus dans vos livres et dans vos esprits, ce
fléau qui ravage nos routes et qui est la cause des surprimes
épouvantables que nous, la majorité des conducteurs, avons
à payer pour ceux qui négligent de se tenir solides au volant
à cause de la boisson?
M. TETLEY: Peut-être en donnant le bon exemple et en ne buvant pas
au lunch?
M. TREMBLAY: D'accord, M. le ministre, mais je pense qu'on plane souvent
et plus souvent qu'à notre tour.
M. BACON: C'est cela qui avance la cause.
M. TREMBLAY: Peu importent les commerciaux de télévision
de la "50" et de la grande joie de vivre de nos brasseurs
québécois et canadiens, rien n'empêche que ça tue
beaucoup de monde.
M. MOREAU: Nous sommes tout à fait d'accord avec vous, M. le
député. En fait, nous avons consacré à notre
mémoire de janvier 1972 un chapitre particulier qui s'appelle
"L'alcool", où on donne à peu près tous les renseignements
qui sont connus dans ce domaine et où on incite le gouvernement à
prendre les mesures nécessaires pour éliminer de la route, les
conducteurs en état d'ivresse. Cela pourrait se faire assez facilement,
on le fait dans d'autres provinces.
M. TREMBLAY: Maintenant, au sujet des
surprimes que vous exigez de clients qui ont un dossier d'accidents
antérieurs causés par leur état
d'ébriété, il doit arriver que vous ayez des clients qui
souscrivent des assurances chez vous et qui paient des surprimes passablement
élevées pour couvrir ce risque additionnel qu'ils
représentent, à savoir qu'ils prennent un coup plus souvent
qu'à leur tour...
M. MOREAU: Des cas où il y a surprimes dans la prime d'assurance,
ce sont les cas où il y a eu suspension de permis, soit par le directeur
du bureau des véhicules automobiles, soit par un juge, mais il faut
qu'il y ait suspension officielle du permis.
A ce moment-là, il y a des surprimes, des pourcentages de
surprimes de prévus dans les barèmes de "Facilité" dont on
parlait tout à l'heure.
M. TREMBLAY: Les enquêtes que vous commandez sur les individus
à l'occasion de souscriptions d'assurance, qu'on appelle "Retail
Credit", ne couvrent pas seulement la solvabilité des gens, elles
comprennent également leur comportement moral. Ecoutez, je ne veux pas
paraître ici comme un prédicateur de retraite, mais c'est un
aspect tellement important dans notre société, aujourd'hui. Je
remarque que trop de monde s'en soucie peu, sauf, évidemment ceux qui
ont à payer les pots cassés, qui sont surtout les familles.
M. MOREAU: Ce que nous regrettons, c'est de constater que le
législateur lui, ne s'en préoccupe pas beaucoup dans l'octroi des
permis. L'enquête dont vous parlez, cela existe encore, dans les
compagnies, j'imagine. Mais jamais une compagnie va dire: Parce que
l'enquête révèle que ce gars-là boit, nous allons
lui réclamer une surprime, cela ne se fait pas ainsi. Le seul cas
où il y a vraiment surprime à cause de la boisson, c'est quand il
y a eu suspension du permis, quand il y a eu décision par une
autorité autre que l'assureur, soit le juge, soit le directeur du bureau
des véhicules automobiles. Nous ne prenons jamais sur nous, les
assureurs, de décider que M. Untel boit trop. Je pense que ce serait une
liberté qui pourrait conduire assez loin.
M. TREMBLAY: Mais un mauvais risque, je pense bien que vous allez le
refuser?
M. MOREAU: Non, l'industrie a convenu je l'ai dit tout à
l'heure d'assurer tous les risques à qui le gouvernement aura
accordé des permis de conduire. Des ivrognes, on pourrait vous en
donner, nous en avons donné une liste à la commission Gauvin,
savoir des cas extraordinaires qui, d'après nous, n'auraient jamais
dû avoir de permis de conduire ou, du moins, à qui on aurait
dû les enlever. Nous avons donné une liste de ces cas-là au
comité Gauvin et il a fait enquête, j'imagine,
là-dessus...
M. TREMBLAY: ... "lobbying" auprès du ministère des
Institutions financières, ce serait peut-être bon d'inclure ce
point-là. J'ai l'impression que vous allez avoir à faire du
"lobbying" constamment maintenant auprès du gouvernement, pour
être capable d'influencer le législateur, parce que finalement,
les influences que nous...
M. BACON: C'est l'argument du ministre.
M. MOREAU: Je n'aime peut-être pas le mot "lobbying", mais si vous
nous dites qu'on devrait peut-être...
M. BACON: C'est l'ancien député
fédéral...
M. MOREAU: ... être plus communicatif envers le
ministère...
M. TREMBLAY: Envers la population, envers le ministère, c'est
cela.
M. MOREAU: ... à tous ces facteurs, je suis d'accord avec
vous.
M. TREMBLAY: II faudrait restructurer votre service de "public
relation," de "lobbying" justement, de gens qui sont capables de venir parler
à nos ministres.
M. TETLEY: Ils sont très capables, ils sont très
compétents.
M. TREMBLAY: Non pas toujours avec des réserves et toujours avec
la machine à additionner dans les poches. Il faut être objectif,
aussi.
M. TETLEY: En tout cas, ils ne m'ont jamais invité à un
vin d'honneur, à un cocktail.
M. ROY: Le cocktail du ministre lui fait défaut.
M. TETLEY: Je trouve que leur exemple est un bon exemple.
M. TREMBLAY: C'est sur le plan humain surtout.
M. ROY: A ce moment, c'est peut-être le "lobbying" du ministre qui
fait défaut.
M. TETLEY: Non, je crois que le "lobbying" doit être direct, des
appels par téléphone ou visites. Je reçois tout
groupement, non pas simplement le Bureau d'assurance du Canada.
M. TREMBLAY: II y aurait peut-être lieu aussi, dans le cas de nos
gens qui conduisent en état d'ébriété, d'influencer
le ministère de la Justice, le ministère des Transports. Ce sont
des permis.
M. MOREAU: Nous essayons surtout maintenant d'influencer le public
lui-même dans nos campagnes de publicité de façon que le
public s'émeuve justement de cette situation des ivrognes au volant et
qu'il demande à nos gouvernants de sévir. C'est la façon
dont nous essayons de régler le problème dans le moment.
M. TREMBLAY: Je n'ai que faire des railleries de mes
collègues.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député de
Montmagny-l'Islet.
M. GIASSON: M. Moreau, à la page 370 du rapport Gauvin, on dit en
résumé que le coût du régime actuel
s'établirait à 36.6 p.c. Partant de là, on croit que des
réductions dans l'administration du régime pourraient s'appliquer
dans une proportion de 5.1 p.c. par l'application du système "No-Hold",
7.5 p.c. par la réduction de commissions payées aux courtiers,
3.5 p.c. au niveau de la souscription des risques et 5.5 p.c. d'administration
générale. Vous avez certainement analysé assez à
fond les chiffres qui sont produits. Est-ce que vous croyez que la commission
Gauvin a été très objective dans la réduction des
coûts d'administration, surtout vis-à-vis des pourcentages
appliqués sur chaque chapitre?
M. MOREAU: Nous n'avons pas fait l'étude que le comité
Gauvin a faite évidemment, parce qu'il s'est dirigé dans ce sens
d'une façon directe, mais ces chiffres nous paraissent tout à
fait réalistes et à l'intérieur de la
vérité. Il n'y a aucune hésitation.
M. TREMBLAY: Si on appliquait le régime proposé, on
arriverait à ces chiffres.
M. MOREAU: Oui, à ces chiffres...
M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... c'est que le rapport Gauvin est un tout qui
est très logique. Toutes les parties s'agencent. Si vous enlevez une
partie, vous commencez à être obligé d'apporter des
conclusions différentes. C'est pour cela qu'on disait que tout cela est
réaliste. Est-ce que c'est désirable? C'est une autre paire de
manches. Je vous donne juste un exemple. C'est évident que, si on met
l'obligation pour l'assuré de payer sa prime au comptant, on
enlève toutes les activités de perception des courtiers
d'assurance. On simplifie beaucoup la comptabilité et des compagnies et
des courtiers d'assurance, jusqu'à un certain point. On facilite
l'assurance obligatoire si on rend obligatoire le fait pour un courtier de
souscrire toutes les polices qui lui sont présentées, etc. C'est
un tout absolument logique. Alors, c'est pour cela que c'est difficile pour
nous. Si le marché est laissé à lui-même dans le
contexte actuel, il a trouvé le "pattern" qui lui convenait. Si on
intervient de l'extérieur, ce qu'on dit, c'est qu'il faudrait être
bien certain qu'on le fait en toute connaissance de cause, après
étude, afin de couper quelque chose qui est superflu plutôt que de
couper quelque chose que le public s'attend à recevoir et à
acheter comme service.
M. GIASSON: M. Moreau, suite à une remarque qui avait
été formulée, une boutade plutôt, formulée
par la Fédération des courtiers, à savoir qu'en
assurance-automobile, la conception se faisait dans la joie et l'enfantement
dans la douleur, vous avez cru que l'application du rapport Gauvin
éliminait la douleur. Je ne sais pas si vous avez réalisé
la véritable dimension, pour autant que le courtier est concerné.
C'est que, somme toute, ce n'est pas le courtier qui enfantait dans la douleur.
Il agissait, dans beaucoup de dossiers, comme sage-femme. Mon expérience
personnelle m'a appris que, sur certains dossiers, il fallait même faire
des césariennes pour en arriver à un règlement convenable
pour l'assuré.
M. MARCHAND: II ne sentait pas la douleur qu'était...
M. GIASSON: Toujours dans le contexte du nouveau rôle qu'on veut
assigner au courtier d'assurance, vous n'avez pas l'impression que les taux de
rémunération qui seraient appliqués, selon les
recommandations, vont amener nécessairement une concentration de bureaux
de courtiers, de manière que celui qui accepte de continuer à
transiger des automobiles devra le faire dans un contexte un peu
différent, c'est-à-dire avec des volumes d'activité plus
grands que ce qu'il a connu dans le passé?
M. MOREAU: II est bien possible que ce soit le cas, mais je
décline toute compétence pour donner une opinion dans ce domaine.
Je pense que l'Association des courtiers et la Fédération des
courtiers sont sûrement plus qualifiées que je peux l'être
ou que nous pouvons l'être en général, nous, les assureurs,
pour en arriver à une conclusion là-dessus. Vraiment, je ne peux
pas exprimer d'opinion sur ce facteur.
M. GIASSON: Mais le public qui est habitué d'obtenir tel ou tel
service de son courtier, si vous le placez dans le contexte nouveau, où
on élimine pas mal des opérations, où on voudrait les
éliminer du moins, des opérations qui étaient siennes,
vous n'êtes pas d'avis que le public habitué à recevoir ses
services va continuer de les demander à son conseiller?
M. MOREAU: C'est fort possible. C'est pour cela que j'ai insisté
à plusieurs reprises pour dire que si nous sommes disposés
à accepter le système préconisé par M. Gauvin, nous
n'admettons pas, dans le moment, que ce soit le meilleur système pour le
consommateur. Nous n'en sommes pas convaincus, parce que nous
avons la conviction que le courtier joue un rôle important dans le
moment.
Alors, nous ne sommes pas convaincus qu'il y ait lieu de le
reléguer, comme cela, au rang de conseiller au moment de la conception,
comme vous avez dit. Il est possible que M. Gauvin ait raison. Il a
peut-être fait des études plus poussées que nous
là-dessus, mais je pense qu'il serait normal que les renseignements
là-dessus viennent des courtiers eux-mêmes, qui sont beaucoup plus
qualifiés que nous pour apprécier la valeur de leurs services.
Nous sommes satisfaits des services des courtiers. Nous sommes satisfaits du
système actuel, qui marche des trois façons, mais qui marche
à 86 p.c. par les courtiers. Si M. Gauvin a une prétention
à l'effet contraire, je pense qu'il serait normal que ce soient les
courtiers, soit par leur fédération, soit par leur association,
qui démontrent, par des preuves à l'appui ils vont
peut-être le faire, les courtiers la valeur de leurs services, et
démontrent que M. Gauvin n'a peut-être pas raison de les
éloigner, que le consommateur a besoin d'eux beaucoup plus que M. Gauvin
le prétend.
M. GIASSON: Mais dans les autres provinces où on a
étatisé l'assurance-automobile, avez-vous décelé un
changement dans le rôle traditionnel du courtier?
M. MOREAU: D'après les renseignements que nous avons, le public a
continué de favoriser les courtiers. Le revenu des courtiers a
diminué, si je comprends bien, mais il semble que la tendance est
restée la même, c'était d'obtenir son assurance-automobile
par les courtiers.
M. GIASSON: Avez-vous examiné le mode de
rémunération là-bas, les pourcentages de commissions ou
d'autres modes nouveaux qui ont pu être instaurés?
M. MOREAU: Non, monsieur, non. Nous n'avons pas fait cela.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: Merci, M. le Président. J'avais plusieurs questions,
surtout parce que vous avez présenté une autre proposition, votre
propre proposition, que je trouve très importante et très
intéressante. Vous n'avez pas répondu au rapport Gauvin, en
effet. Vous avez répondu par un autre rapport.
Mais je vais laisser ces questions peut-être pour l'avenir,
surtout parce que nous n'avons pas vos chiffres. Il est difficile de parler des
courtiers, par exemple combien allez-vous payer aux courtiers? C'est une
question à laquelle il ne semble pas facile de répondre. Il est
intéressant de parler du rapport Gauvin qui a suggéré de
couper les frais administratifs de 36 p.c. à 20 p.c. Quelle est votre
solution en chiffres, etc?
L'importance de votre mémoire et de votre documentation est
prouvée par le nombre de questions. Tout le monde veut vous poser des
questions et j'apprécie surtout la franchise de vos réponses, les
vôtres, M. Saint-Germain, et celles d'autres personnes de votre
groupement. Nous attendons vos chiffres avec un vif intérêt. Au
nom du gouvernement et des députés ministériels, ainsi
qu'au nom de l'Opposition, je vous remercie d'être venus.
M. MOREAU: Merci, M. le ministre. Merci, M. le Président.
M. TETLEY: M. le Président, il y a aussi M. Marcellin Tremblay
qui a la patience d'un saint; malgré qu'il soit président d'une
importante compagnie d'assurance, les Prévoyants du Canada, il est
encore ici. Je viens de parler brièvement avec M. Tremblay qui veut bien
coopérer. Il accepte de venir demain ou un autre jour. Je
préfère qu'on garde le bon vin pour la fin, peut-être. Pas
demain, en tout cas, parce que nous avons tellement de personnes à
entendre et, que je crois que ses observations sont importantes pour la
commission.
M. Tremblay, si cela vous convient, pourriez-vous revenir lorsque le
secrétaire vous fixera une date. Nous allons vous mettre "on top of the
list, number one", certain, la prochaine fois, c'est garanti.
Merci, M. Tremblay.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): En effet, le programme de demain a
prévu trois organismes: Le Conseil du patronat du Québec, la
Fédération des avocats du Québec et le Fonds
d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles.
M. TETLEY: Un instant. Je note aussi que M. Rankin est encore ici. Il
est membre de la commission Gauvin. Il voulait faire une mise au point, mais
peut-être aurons-nous le temps demain. Il brûle d'une fièvre
de répondre à certaines remarques et j'aimerais qu'il ait ce
droit.
M. ROY: J'aurai peut-être demain, à la suite de nos
délibérations, d'autres remarques à formuler qui pourront
s'étudier en même temps.
M. TETLEY: C'est cela, parfait.
LE PRESIDENT (M. Cornellier): Espérons que demain nous aurons le
temps d'entendre ces trois organismes que j'ai mentionnés
tantôt.
Alors, M. Moreau, ainsi que vos collaborateurs, je vous remercie bien
sincèrement et la commission ajourne ses travaux à demain matin,
10 heures.
M. LEGER: Vous aurez le plaisir d'avoir le député de
Saguenay à la place du député de Lafontaine, demain.
(Fin de la séance à 18 h 47)