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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Wednesday, October 16, 1974 - Vol. 15 N° 160

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du rapport Gauvin


Journal des débats

 

Commission permanente des institutions financières,

compagnies et coopératives

Etude du rapport Gauvin

Séance du mercredi 16 octobre 1974

(Dix heures dix minutes)

M. BRISSON (président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs! Nous avons quorum et nous nous réunissons afin d'étudier le rapport du comité d'étude sur l'assurance-automobile, communément appelé le rapport Gauvin. En premier lieu, j'appellerais M. Charles Perreault, du Conseil du patronat du Québec; si vous voulez bien venir faire votre exposé, M. Perreault.

Conseil du patronat du Québec

M. PERREAULT (Charles): M. le Président, nous vous remercions de nous avoir accueilli ici ce matin, afin de vous présenter un bref mémoire sur le sujet que vous étudiez, le rapport Gauvin sur l'assurance-automobile. Notre mémoire est relativement court, et avec votre permission, M. le Président, j'aimerais demander au directeur général du Conseil du patronat, M. Ghislain Dufour qui est avec moi, d'en faire la lecture, après quoi, nous serons prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser sur le contenu du mémoire.

M. DUFOUR (Ghislain): M. le Président, MM. les députés, comme vous le savez, le Conseil du patronat est une confédération patronale qui groupe 126 associations, dont le Bureau d'assurance du Canada que vous avez entendu hier après-midi et dont le mandat est de faire valoir les points de vue généraux du patronat sur toute question qui est susceptible de le concerner de près ou de loin. C'est donc à ce titre qu'après nous être penchés sur le rapport du comité d'étude sur l'assurance-automobile nous vous explicitons nos commentaires sur cette question.

Au départ, les conclusions du rapport Gauvin. Le comité Gauvin a longuement analysé et critiqué le régime actuel d'assurance-automobile au Québec. Après en avoir diagnostiqué les principales faiblesses, il a proposé une série de réformes aboutissant, à toutes fins pratiques, à un nouveau régime d'assurance-automobile. Le choix de ce nouveau régime a été fixé, compte tenu de son efficacité espérée, de sa simplicité et de sa flexibilité. Le comité Gauvin estime en effet que le régime qu'il propose assurerait une protection plus adéquate, une compensation plus équitable des pertes pour les victimes, le tout à un coût raisonnable et plus avantageux que dans le régime actuel.

Après avoir défini un nouveau régime d'assurance-automobile, le comité s'est demandé à qui en serait confiée l'administration. Les possibilités retenues sont au nombre de deux: réformer le régime de libre entreprise actuel ou établir un monopole d'Etat. Quelle que soit la formule retenue, le nouveau régime devra, selon les objectifs du comité, permettre une réduction des coûts excessifs d'une administration indûment complexe, favoriser la concurrence jugée trop faible et exercer une influence sur les coûts de réparation des véhicules.

A cette fin, dans l'hypothèse d'une réforme du régime de libre entreprise, le comité suggère certains changements, plus particulièrement au niveau du plan statistique et au niveau de la mise en marché. Le comité formule au total 60 recommandations — et c'est ce qui est important pour nous — qui, si elles ne sont pas entièrement appliquées, devraient à son avis occasionner un transfert de l'industrie de l'assurance-automobile à une régie d'Etat.

Dans l'hypothèse d'un monopole étatique, toutes les réformes suggérées par le comité pourraient en effet, au dire du comité, être facilement appliquées. Ce dernier estime de plus que cette solution permettrait de réduire les coûts administratifs et même de les abaisser à un niveau inférieur à ceux d'une administration concurrentielle. Le comité estime à environ 3 p.c. du dollar prime l'économie imputable à l'option du monopole étatique.

Quelques réactions au rapport Gauvin.

Plusieurs organismes se sont déjà penchés sur les conclusions du rapport du comité d'étude sur l'assurance-automobile. Certains, tel le Barreau, se sont élevés plus particulièrement contre certaines recommandations telles:

L'abolition totale de la notion de faute;

L'abolition totale du recours de la victime devant les tribunaux de droit commun;

L'indemnisation, selon un barème établi, de toutes les victimes par l'assureur de l'automobile impliquée.

Le BAC, tout en acceptant certaines analyses et recommandations du comité, propose un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité, différent de celui préconisé par le comité. Un droit de recours limité est en effet maintenu et une distribution différente des bénéfices de l'assurance est envisagée.

Dans ces conditions, tout en s'abstenant de prendre position sur les changements techniques qui sont proposés, problèmes que le Barreau et le BAC sont plus à même d'apprécier, le Conseil du patronat, quant à lui, estime que les compagnies d'assurance privées sont parfaitement capables d'opérer les changements souhaités qui permettront à l'industrie d'offrir un service plus adéquat à la population.

Par la même occasion, le Conseil du patronat s'oppose au transfert envisagé de cette industrie à une régie étatique et estime que les 60 conditions posées à la survie d'un régime d'assurance-automobile privé sont à bien des égards excessives.

L'analyse du C.P.Q.

L'analyse des recommandations du comité et les contrepropositions formulées par les compagnies d'assurance montrent en effet que ces dernières sont à même de satisfaire amplement aux principales priorités énoncées par le comité.

A— L'indemnisation sans égard à la responsabilité tel que proposé par le BAC nous semble plus satisfaisante que la formule du comité dans la mesure où un certain droit de recours est maintenu.

B— En ce qui regarde l'accessibilité à l'assu-rance-automobile, les changements proposés par le comité modifieraient peu de chose dans la mesure où, depuis des années, l'industrie accepte, par convention tacite, les risques offerts.

C— Les recommandations du comité visaient également une réduction des frais d'administration. Le plan qu'offrent les compagnies d'assurance, au dire de ces dernières, est une formule moins dispendieuse que celle du comité.

Il est dès lors difficile d'imaginer, les principales contraintes étant satisfaites, que l'on doive confier l'industrie de l'assurance-automobile à une régie d'Etat pour réaliser une économie au niveau des frais administratifs ou dans le but de satisfaire aux soixante recommandations du comité Gauvin. C'est ici que l'on situe l'entreprise privée vers la régie gouvernementale. a) Une régie étatique ne coûtera pas moins cher qu'un régime d'entreprise privée.

Espérer que les coûts administratifs, sous un régime étatique, seraient moindres que sous un régime de concurrence, nous semble être en contradiction avec l'expérience passée. Même si cela était possible à court terme, ainsi que l'indique le rapport du comité, à long terme, "... l'absence de concurrence pourrait avoir pour effet d'engendrer des coûts inutiles à cause d'une certaine lourdeur administrative...".

S'il est vrai que cette affirmation est difficilement prouvable, il est également vrai qu'il est difficile de démontrer que les régies gouvernementales existantes fonctionnent de manière optimale. Ces régies qui assurent aujourd'hui un service avec 1,000 employés, par exemple, ne pourraient-elles pas le faire avec 500? Dans un régime de concurrence, une telle question trouverait une réponse. Dans un régime de monopole étatique, nous sommes seulement condamnés à voir les effectifs croître. Or, ces effectifs, dont les taux de croissance sont incontrôlables, peuvent également compter, nous le savons, sur des salaires, des bénéfices marginaux, etc., souvent de beaucoup supérieurs aux conditions qui prévalent dans le secteur privé.

Il serait donc pour le moins irrationnel de confier l'industrie de l'assurance-automobile à une régie gouvernementale dans l'espoir de voir cette dernière mieux l'administrer que le secteur privé ou en compresser davantage les coûts. b) Une régie étatique risque de nuire à la réalisation de certaines réformes suggérées par le comité et présente un certain nombre d'in- convénients graves pour l'ensemble de l'économie.

Il est en effet pour le moins contradictoire de la part du comité de reprocher à l'industrie son supposé manque de concurrence et d'offrir, comme remède à cette situation, un monopole d'Etat. Le capitalisme d'Etat ne s'est pas en effet révélé, jusqu'ici, plus équitable et plus efficace que le capitalisme privé et le monopole étatique comporte les mêmes dangers que le monopole privé pour le consommateur. Si l'une des réformes souhaitables est donc le rétablissement de la concurrence, il serait seulement logique d'écarter toute forme de monopole.

La mainmise gouvernementale sur un nouveau secteur de l'activité économique représente, par ailleurs, un certain nombre de dangers non négligeables.

Ainsi qu'indiqué plus haut, tout en justifiant son action par le supposé manque de concurrence dans le secteur privé, le gouvernement, en établissant des régies, se trouve à créer des monopoles étatiques. Poussée à l'extrême, la situation pourrait en devenir une où les principales activités économiques — il s'agit de l'électricité, l'assurance aujourd'hui, le transport demain — seraient regroupées en monopoles sectoriels étatiques.

Les résultats de la concurrence, qui sont à long terme l'innovation, l'efficacité, les taux équitables, céderaient la place aux lourdeurs administratives, aux décisions politiques, aux lenteurs gouvernementales et à l'arbitrage du fonctionnarisme.

Dans une économie aussi largement dominée par le secteur gouvernemental, on peut se demander qui devrait assumer les déficits toujours possibles des différentes régies, dont celle de l'assurance-automobile. Compte tenu du coût croissant de la vie, une réévaluation des tarifs s'impose à intervalles réguliers. Qu'adviendrait-il dans une situation où la Régie de l'assurance-maladie, Hydro-Québec, les régimes de retraite gouvernementaux, les transports publics, l'assurance-automobile devraient tous accroître leurs prix afin d'équilibrer leur budget. Il est fort à craindre que les pressions seraient telles que l'imputation des coûts liés à ces services ne deviennent, à long terme, l'objet de marchandage et que le fonds consolidé de la province, donc, l'impôt, serve à financer des consommations devenues peut-être non souhaitables dans le temps. Là où les forces économiques seraient en effet capables d'établir un équilibre entre la production disponible et les besoins de la population, les régies étatiques risquent de n'être que des canaux de mauvaise allocation de nos ressources.

Cette emprise accrue du secteur gouvernemental représente en outre un problème financier non négligeable. Les primes collectées par les compagnies d'assurance-automobile constituent une source de financement accessible au secteur privé. Le transfert de cette industrie au secteur public impliquerait l'appropriation de

l'épargne correspondante. Après l'assurance-maladie, les régimes de retraite des secteurs publics et parapublics, le régime des rentes du Québec, on vise l'assurance-automobile. Compte tenu des difficultés et des besoins de financement du secteur privé dans les années à venir, cette décision apparaît malheureuse. Elle privera en effet l'entreprise d'un financement nécessaire à la réalisation des investissements productifs, seuls capables de créer des emplois et de ralentir l'inflation.

Autres recommandations du rapport Gauvin :

Certaines recommandations du comité sont excessives et ne pourraient, de toute évidence, être mises en application par le secteur privé qu'à des coûts très élevés. Ce qui devrait être, d'après le comité toujours, une cause d'étatisation.

L'une d'entre elles, à titre d'exemple, concerne l'indexation des prestations versées aux victimes. On imagine mal cependant, comment un tel objectif, — irréalisable par l'industrie, à des coûts acceptables, — pourrait être compatible avec l'affirmation du comité selon laquelle même en régime étatique, l'assurance-automobile devrait s'autofinancer. Il n'est pas possible, en effet, de déterminer aujourd'hui le coût des primes qui devront assurer le paiement de prestations étalées sur une très longue période et dont l'ampleur sera appelée à varier. Pour réaliser un tel objectif, une régie d'Etat devra soit recourir au budget gouvernemental, soit faire supporter aux futurs assurés le coût des accidents survenus ou encourus dans le passé. Est-ce vraiment ce que l'on veut?

Les recommandations du comité concernant les primes, les coûts d'exploitation et les profits durant la période transitoire sont elles aussi, excessives. Ces réglementations équivalent à une intervention directe du gouvernement dans le fonctionnement même de l'industrie. Cette attitude discriminatoire ne se justifie pas plus dans cette activité économique que dans l'alimentation, par exemple. Elle est en outre pour le moins illogique dans la mesure où seule la possibilité de profits anormaux est envisagée. Qu'adviendra-t-il en cas de pertes anormales?

Alors en conclusion, M. le Président, le Conseil du patronat est confiant que l'entreprise privée peut elle-même opérer les réformes majeures suggérées par le comité. Le CPQ s'oppose donc à ce qu'une régie étatique soit chargée d'administrer l'industrie de l'assurance-automobile au Québec, et ce, même si certaines des 60 recommandations ne sont pas retenues.

Une régie étatique en effet ne saurait être la garantie d'une administration efficace et représenterait à plusieurs égards un danger réel autant pour le consommateur que pour le payeur de taxes ou pour l'économie générale, comme nous avons tenté de le démontrer.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: Merci, M. le Président.

MM. Dufour et Perreault, j'apprécie votre présence, et je vous remercie de votre mémoire intéressant.

J'ai quelques questions. Je note que votre mémoire ressemble à ceux que vous avez présentés à presque toutes les commissions, ce qui prouve votre constance et c'est aussi une preuve de la force de vos arguments. Vous avez toujours peur de l'intervention du gouvernement. Vous donnez de bonnes suggestions au gouvernement.

Puis-je noter quand même qu'il y a toujours un dilemme et c'était le même dilemme que la Chambre de commerce avait lors de sa présentation. La chambre notait un problème que l'industrie ne fonctionnait pas. Vous ne voulez pas, d'autre part, trop d'interventions du gouvernement et c'est le dilemme que nous avons aussi ici. Tout le monde insiste pour que le gouvernement agisse, mais tout le monde insiste pour que le gouvernement n'agisse pas trop, et puis-je dire que souvent vous blâmez le gouvernement et je ne crois pas que ce dernier soit responsable de l'assurance-automobile? C'est la faute de l'industrie privée, peut-être aujourd'hui.

A la page 4 de votre mémoire, premier paragraphe, il est mentionné et je cite: "Les premiers résultats des analyses des coûts indiquent d'ailleurs déjà que l'assurance AutoBAC sera moins dispendieuse que la formule préconisée par le comité".

Selon cette indication, quel sera l'ordre de grandeur ou du pourcentage des coûts du régime AutoBAC par rapport à celui du comité Gauvin et par rapport au système actuel

M. DUFOUR (Ghislain): Comme vous l'avez noté, M. le ministre, nous n'avons pas voulu, dans le mémoire, nous prononcer sur les aspects techniques du problème comme tel. Je ne sais pas si c'est vous qui avez posé la même question hier au Bureau d'assurance du Canada.

M. TETLEY: C'est moi qui l'ai posée hier, mais c'était très peu satisfaisant comme réponse...

M. DUFOUR (Ghislain): Je pense qu'on serait...

M. TETLEY: ... hier et aujourd'hui.

M. DUFOUR (Ghislain): ... dans le même ordre de réponse. En fait, la proposition que fait le BAC pour autant que l'AutoBAC est concerné, est une hypothèse de travail. Ils ont comparé, comme vous le savez, les propositions du rapport Gauvin en relation avec leurs propres suggestions. Comme vous le savez très bien, c'est purement en termes de pourcentage, par exemple, que le rapport Gauvin a fait ses estimations. Cela devient très difficile, d'un autre côté, en proposant à l'AutoBAC d'établir des coûts comme tels à l'intérieur du dollar.

M. TETLEY: Même en pourcentage?

M. DUFOUR (Ghislain): Oui. Vous avez eu hier la réponse du BAC où, à toutes fins pratiques, ce sont des données qui sont en train d'être révisées pour être reproduites plus tard.

M. TETLEY: J'espère que plus tard ne sera pas trop tard.

M. DUFOUR (Ghislain): Peut-être au moment du dépôt du projet de loi.

M. TETLEY: Mais, c'est exactement cela. Ils ont promis le rapport depuis deux ou trois ans. Je n'ai pas de position prise. Je veux arriver à la meilleure solution, mais il faut les moyens, il faut les outils.

M. DUFOUR (Ghislain): Oui, mais, M. le ministre, je pense que le Bureau d'assurance du Canada fait ressortir aussi un point qui est quand même assez majeur dans cette question. Pour établir certains coûts, il a besoin d'une certaine collaboration gouvernementale et...

M. TETLEY: II a parlé des autres provinces, mais, dans notre province, nous avons donné toute la collaboration possible. Il parlait de la Saskatchewan, du Manitoba, mais ce n'est pas le problème.

M. DUFOUR (Ghislain): Mais vous vous rappelez qu'on vous a demandé de rendre plus difficile l'émission de certains permis de conduire parce que, de toute façon, le coût de l'assu-rance-automobile est un peu relié à ces émissions de permis.

M. TETLEY: Pas pour ses statistiques.

M. DUFOUR (Ghislain): Non, mais dans l'évaluation que l'on fait d'un coût éventuel d'assurance-automobile, dans l'indemnisation éventuelle, la question du permis de conduire intervient dès le départ.

M. TETLEY: C'est certain, mais dans le secteur ou le chapitre dans le rapport Gauvin, le rapport de l'administration et le régime d'assurance, ses actuaires n'ont jamais demandé cela. Qu'ils tiennent compte des conditions actuelles, évidemment, ni Gauvin ni personne ne peut évaluer le résultat d'un système de démérite plus rigide ou plus strict ou qui comporte l'obligation de porter une ceinture de sécurité, mais, en tout cas, je crois que vous devez laisser à l'AutoBAC la chance de se défendre et je crois que l'AutoBAC peut se défendre, mais j'espère qu'il va nous présenter ses chiffres le plus tôt possible. Il m'a invité à deux reprises à des réunions pour me présenter ces chiffres à Toronto mais je ne les ai pas encore reçus.

A la page 5, paragraphe 4, et à quelques autres endroits, page 3, premier paragraphe et page 4, deuxième paragraphe, vous faites allusion à l'observance obligatoire des 60 recommandations du comité Gauvin, sinon l'étatisation.

Gauvin est venu stipuler que c'étaient tout simplement les recommandations 37 à 59 inclusivement, pour toutes les recommandations. Moi-même, j'avais l'impression que c'étaient les 60, mais il est venu depuis expliquer que c'étaient tout simplement les 37.

M. DUFOUR (Ghislain): Très heureux de l'entendre, M. le ministre, mais c'est bien sûr que, compte tenu des règlements des commissions parlementaires, nous avons dû préparer notre mémoire bien avant le dépôt du rapport. La recommandation no 58 de M. Gauvin est bien dans le texte.

M. TETLEY: Oui, d'accord. Mais en considérant ceci, que c'est tout simplement les recommandations 37 à 59, est-ce que vos remarques, mentionnées dans ces paragraphes ou ailleurs dans votre mémoire, devraient être modifiées en vertu des remarques de M. Gauvin ou est-ce que vous gardez encore votre opinion?

M. DUFOUR (Ghislain): Je pense que tout le mémoire est un plaidoyer pour l'administration de l'assurance-automobile par le secteur privé. C'est très évident. C'est bien sûr qu'au départ les 60 recommandations de M. Gauvin étaient inacceptables. Il pourrait dire à ce moment-ci: Non, ce sont les 35 qu'il faut remplir; il faudrait encore savoir quelles sont ces 35. Je ne sais pas si, devant la commission parlementaire, il les a identifiées comme telles. Finalement, comme vous pouvez le constater, tout l'objectif est de réduire le coût du programme de 3 p.c. Ce que l'on dit, c'est que, compte tenu des contraintes que présenterait une régie gouvernementale, on a tenté de faire le parallèle avec certaines autres régies, cela nous apparaît un objectif qui ne correspondrait pas à la théorie de fond qu'exprimait M. Gauvin lorsqu'il disait: Si on ne remplit pas toutes ces conditions, il faudrait étatiser le régime.

M. TETLEY: Parfait.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?

M. TETLEY: Oui, s'il vous plait, M. le Président. A la page 8, deuxième paragraphe, vous faites allusion à l'arbitraire du fonctionnarisme. Cela veut dire quoi? Parce qu'il peut y avoir l'arbitraire de l'industrie privée aussi. Je suis très sympathique à votre idée, parce que je connais très bien ça. Je suis, en effet, fonctionnaire et je prends des décisions très arbitraires, après, j'espère, consultation, mais l'industrie prend des décisions très arbitraires. En dernier lieu, qui devrait être arbitre, si ce ne sont pas les fonctionnaires ou l'industrie privée?

M. PERREAULT (Charles): M. le ministre, si vous me permettez de répondre. Je sais toute l'attention et tout l'amour que vous portez à la défense du consommateur et je connais les mécanismes que vous avez mis en place, par le truchement de l'Office de protection du consommateur, pour suppléer à la concurrence qui existe déjà sur le marché entre différentes entreprises oeuvrant dans un secteur, par exemple, afin d'assurer que le consommateur soit traité de la façon la plus équitable possible. C'est-à-dire que l'arbitraire qui existe dans l'entreprise privée est déjà tempéré par la concurrence qu'on retrouve d'une entreprise à l'autre et il est de plus tempéré par une certaine intervention de l'Etat dont vous êtes vous-mêmes largement responsables par le truchement de cette activité.

L'arbitraire du fonctionnarisme... avoir su que vous me poseriez la question, je vous aurais relu ces pages extraordinaires du rapport de 1972 du Protecteur du citoyen, M. Marceau, ou il présente un plaidoyer en faveur du citoyen face à l'appareil gouvernemental et face à la dépersonnalisation de cette machine. Ce sont des pages qu'on devrait faire apprendre par coeur à bien du monde.

Or face à cet arbitraire tout particulier, M. le ministre, le citoyen est beaucoup plus démuni que face à l'arbitraire du secteur privé auquel vous faites allusion. C'est-à-dire que face à l'arbitraire d'une compagnie d'assurance, par exemple, il y a les autres compagnies d'assurance, il y a les autres agents. Il y a la possibilité de changer, de dire: J'ai fini avec celle-ci, je m'en vais là.

Et il y a de plus des mécanismes comme le vôtre qui permettent à celui qui se croit lésé dans le fonctionnement, d'en avoir recours. Mais face à l'arbitraire du fonctionnarisme, les instruments sont extraordinairement peu nombreux. Le fonctionnarisme se veut un instrument centralisateur qui croît sans cesse et à l'endroit duquel, il me semble, le citoyen est bien plus souvent démuni que face à une compagnie d'assurance.

M. TETLEY: Parfait. A la page 9, deuxième paragraphe, vous mentionnez que certaines recommandations du comité sont excessives et ne pourraient de toute évidence être mises en application par le secteur privé qu'à des coûts très élevés. De quelles recommandations parlez-vous? Est-ce que vous parlez notamment de l'indexation des prestations?

M. DUFOUR (Ghislain): De l'indexation, le cas de l'indexation et de prestations.

M. TETLEY: Vous n'avez pas évidemment les chiffres en main, mais je crois que c'est un commentaire valable, cela mérite quand même de soulever la question parce que...

M. DUFOUR (Ghislain): Nous n'avons pas de statistiques précises sur ce point-là, mais je pense qu'on pourrait référer les membres de la commission à ce qui s'est passé à la Commission des accidents du travail, lorsqu'on a décidé d'indexer les prestations pour des cas remontant aussi loin que 15-20 ans en arrière et ceci est effectif depuis à peu près deux ans à la Commission des accidents du travail.

Les pourcentages d'augmentation de primes chez les employeurs — et on le sait parce que c'est nous qui les payons — ont énormément augmenté, simplement pour tenir compte de ces indexations du passé.

On nous avait indiqué à ce moment-là, à la Commission des accidents du travail, que de faire des projections pour l'avenir compte tenu de l'inflation actuelle, les chiffres faisaient peur, parce qu'avec la hausse continuelle qu'on connaît, c'étaient des primes à envisager qui seraient très fortes.

M. TETLEY: Je vous remercie, MM. Dufour et Perrault.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: D'abord, je dois dire que je n'avais pas lu votre mémoire et déjà, j'en connaissais les conclusions. C'est-à-dire que cela ne me surprend pas du tout...

M. TETLEY: Peut-être qu'ils connaissent vos remarques aussi.

M. LESSARD: Oui. Parce que ce n'est pas la première fois que le Conseil du patronat se présente devant une commission parlementaire pour faire continuellement le procès des entreprises publiques et l'apologie de l'entreprise privée. Je me rappelle, par exemple, à une commission parlementaire, alors que nous avions à étudier l'administration des terres et forêts, que vous étiez venus appuyer des compagnies forestières sur le fait que le gouvernement devait leur donner des subventions pour pouvoir survivre.

Mais, quand il s'agit d'appliquer des mesures sociales, quand il s'agit de faire des réformes qui touchent la population, vous êtes toujours, continuellement, contre l'intervention de l'Etat et, par contre, quand il s'agit de subventionner l'entreprise privée et de demander à l'Etat de subventionner, vous avez toujours été pour cela. C'est pourquoi, M. le Président, les remarques qui ont été faites ne me surprennent pas aucunement. Cependant, par exemple, j'aurais demandé, quand même, au Conseil du patronat d'appuyer ses remarques sur des choses un peu plus concrètes. J'aurais demandé au Conseil du patronat, qui se présente ce matin devant une commission que je considère sérieuse — et ce mouvement aussi le Conseil du patronat devrait aussi être un mouvement sérieux... Je considère

que vous avez très peu touché à l'essentiel du rapport Gauvin.

J'aurais aimé, par exemple, et vous le dites au début... Vous partez du principe, de l'hypothèse philosophique que l'entreprise privée, c'est parfait partout, alors que l'entreprise d'Etat, c'est un problème. Il y a certainement des choses à l'intérieur du rapport Gauvin que vous auriez eu intérêt à développer ou à préciser ou à critiquer. Vous laissez, par exemple, le soin aux avocats de discuter de la disparition de la notion de faute. J'aurais aimé que vous nous indiquiez votre position concernant cet élément essentiel, quoique, dans une partie de votre mémoire, vous semblez recommander le maintien du droit de recours.

J'aurais aimé aussi que vous nous parliez du système de concurrence actuel à l'intérieur du secteur de l'assurance. J'aurais aimé aussi, par exemple, que vous nous parliez de la façon de corriger l'augmentation constante des coûts dans ce système et que vous nous parliez de ce que vous proposeriez pour diminuer les lenteurs administratives. Vous parlez des lenteurs administratives de l'Etat ou de la lourdeur de l'Etat, mais j'aimerais, par exemple, ou j'aurais aimé que le Conseil du patronat, au lieu de nous faire exclusivement une apologie du système privé, nous parle aussi de la façon dont il entendait corriger ou des propositions qu'il voulait faire concernant les lenteurs administratives du système actuel.

Cependant,, par exemple, je comprends qu'en particulier, dans le système de l'assurance-automobile, cela vous prend un certain courage pour venir parler justement des résultats, semble-t-il, positifs des compagnies privées dans l'assurance-automobile.

Ces remarques étant faites, je voudrais quand même vous poser un certain nombre de questions sur vos affirmations. En fait, il y a 126 associations qui sont membres de votre organisme, dont le Bureau d'assurance du Canada. A chaque fois que vous présentez un mémoire, comme celui que vous avez présenté ce matin, est-ce que vous acceptez, comme quelque chose de vrai, en partant de préétabli, le mémoire ou les mémoires qui sont présentés par l'un de vos organismes qui est membre de votre association, parce que — et je vous pose cette question — vous dites, à la page 4, concernant le système AutoBAC... D'abord je trouve curieux justement que les compagnies d'assurance nous proposent un système moins dispendieux au moment où le rapport Gauvin a été présenté. Cela fait longtemps, à mon sens, que l'entreprise privée aurait dû se poser des questions sur l'augmentation constante des coûts. Mais on dit: Les premiers résultats des analyses des coûts indiquent d'ailleurs, déjà, que l'assurance AutoBAC serait moins dispendieuse que la formule préconisée par le comité.

A la page 5, vous confirmez cette affirmation, puisque vous dites encore, vous réaffirmez encore: Le plan AutoBAC, les compagnies d'assurance offrent, au dire de ces dernières, une formule encore moins dispendieuse que celle du comité tout en remplissant les principales exigences.

Est-ce que, en fait, vous venez strictement ce matin nous dire: Vous avez reçu hier un mémoire du Bureau des assurances du Canada. Nous vous disons que ce mémoire est vrai et que les données de ce mémoire sont vraies. Est-ce que c'est cela que vous venez nous dire ce matin? Ou est-ce que vous vous êtes réinterrogés comme organisme, à mon sens, autonome quand même du Bureau d'assurance du Canada, organisme à l'intérieur duquel il y a aussi d'autres sociétés qui doivent acheter de l'assureur? Est-ce que vous vous êtes posé quand même des questions pour savoir s'il n'y aurait pas un meilleur système que le système actuel, s'il n'y aurait pas des corrections à apporter au système actuel, plutôt que de nous faire une philosophie très théorique et très abstraite sur les avantages de l'entreprise privée?

M. DUFOUR (Chislain): M. Lessard, je pense que vous qualifiez cette philosophie de très abstraite. Vous connaissez peut-être très bien les...

M. LESSARD: On en reparlera tantôt.

M. DUFOUR (Ghislain): ... régies gouvernementales. Vous me semblez à ce moment moins bien connaître l'entreprise privée. Quand vous soulevez le problème de la consultation, on pourrait peut-être vous inviter à voir comment cela se passe à l'intérieur d'une structure véritablement démocratique dans la prise de décisions. Une question comme celle qu'on soulève ce matin a fait l'objet d'une consultation des membres du Conseil du patronat, donc a été vue par des groupes autres que l'assurance — c'est votre question — et a été vue par des acheteurs d'assurance, parce qu'il ne faut quand même pas oublier que, quand vous définissez le consommateur, vous avez toujours tendance à le définir comme étant le consommateur du coin de la rue. Mais l'entreprise aussi est un drôle de consommateur d'assurance. Cela nous intéresse au plus haut point, vous pouvez m'en croire.

Alors, tout le processus de consultation, je pense qu'on peut l'étaler sur la table en tout temps. Je voudrais tout simplement parler de la lenteur des délais, et M. Perreault complétera sur certaines de vos interrogations. Vous dites en fait : Vous ne nous suggérez absolument rien pour améliorer l'émission des chèques, les règlements et tout. Je vais vous ramener encore dans le domaine gouvernemental et vous retourner la question: Est-ce que vous êtes satisfaits des délais qui sont donnés par la Commission des accidents du travail, qui est une régie gouvernementale, et qui indemnise les travailleurs qui sont accidentés? Alors, vous savez que, depuis quatre ou cinq mois, on a confié quand même, non pas à une agence gouvernementale, mais à

une entreprise du secteur privé, Mineau, Allard et Associés, le soin de voir comment on peut améliorer les délais dans l'émission de ces chèques. Or, comme on est allé chercher l'expérience du secteur privé pour le cas de la Commission des accidents du travail, on peut en conclure que, dans le cas précis qui nous concerne ici, l'entreprise privée, de fait actuellement, serait de beaucoup supérieure à ce qui même existe au niveau gouvernemental et au niveau des secteurs.

M. LESSARD: Je réponds immédiatement à votre question. Je dis non concernant la Commission des accidents de travail.

M. DUFOUR (Ghislain): Vous dites non à quoi?

M. LESSARD: Je dis non. Par exemple, ce que je dis ce matin, c'est que je n'ai pas l'intention de dire qu'actuellement toutes les régies gouvernementales sont satisfaisantes pour la population. Je pense en particulier à la Commission des accidents de travail, et s'il fallait créer un autre système comme la Commission des accidents de travail, en créant cette régie, je me poserais des questions. Cependant, il y a des corrections à faire. Justement, cela appartient au gouvernement et, pour le faire, il y a des mesures qui ont été proposées par l'Opposition. Des mesures doivent être prises. Cependant voici la question essentielle, à partir de la consultation sur laquelle je voulais que vous me répondiez. Est-ce que, ce matin, lorsque vous êtes venus témoigner, vous avez accepté de plein gré toutes les données du Bureau d'assurance du Canada? Est-ce que vous les avez acceptées comme monnaie courante, comme étant quelque chose de sûr, puisque vous parlez toujours au dire de ces compagnies? Ce que je me dit, c'est que le Conseil du patronat devrait avoir une position claire lorsqu'il s'agit de se présenter devant une commission parlementaire et non pas se rapporter continuellement aux sociétés qui sont membres de cet organisme?

M. PERREAULT (Charles): Si vous me permettez, comme disait mon confrère Dufour, vous vous méprenez étrangement sur le fonctionnement d'une confédération comme la nôtre.

Lorsque nous acceptons de véhiculer vers une commission parlementaire, un point de vue patronal, qui intéresse de façon toute spéciale un secteur en particulier, nous ne le faisons jamais sans avoir au préalable consulté tout le "membership". Il nous est arrivé maintes fois que des questions soulevées par des associations membres soient refusées catégoriquement et que cela meure là. La raison pour ceci est très simple: Nous représentons un éventail d'intérêts extrêmement large. L'industrie manufacturière primaire, le secteur des services, tout ce que vous voudrez, se retrouve à l'intérieur du Conseil du patronat. Donc, il peut arriver et il arrive souvent que l'intérêt des membres diffère au point où un concensus raisonnable est impossible à établir. Dans ce cas-ci, il a été accepté, comme le disait M. Dufour, par les membres du conseil, que soit portée vers votre commission la position que nous vous avons exprimée, et que les principes de base qui sont établis dans ce mémoire soient nôtres. C'est aussi simple que cela. Est-ce que c'est un geste aveugle? Non! C'est un geste de la part des membres qui en prennent connaissance, mais cela explique aussi pourquoi nous ne pouvons pas prendre position sur les technicités de tant de questions qui nous arrivent et que nous laissons forcément à ceux de nos membres qui sont immédiatement impliqués le soin de le faire. Cela fait partie du fonctionnement d'un organisme dont l'éventail est extrêmement large. Ce n'est pas une faiblesse. C'est tout simplement une façon de profiter de l'expertise qui se trouve à l'intérieur.

Maintenant, on parlait de lenteur gouvernementale et de lenteur de processus. Je vous rappellerai que les lenteurs qui sont manifestées, qui étaient manifestées dans le paiement des prestations par la Commission des accidents du travail et qui sont en voie de se corriger, le sont largement à la suite des pressions qui sont venues du Conseil du patronat auprès de la commission, pressions qui ont pris des années avant de se concrétiser par la fameuse étude qui a elle-même entraîné les réformes que vous savez. Les procès-verbaux, les lettres témoignent facilement de notre intérêt que cela se fasse, et du fait qu'il y a eu une résistance énorme à la commission avant que ceci soit accepté, et que le progrès que nous connaissons aujourd'hui se fasse. Si vous voulez un autre exemple de lenteur administrative, demandez à n'importe quel fonctionnaire combien cela prend de temps avant qu'il reçoive son premier chèque quand il commence à travailler, et comparez cela avec la plus grosse entreprise que vous trouverez à l'extérieur. Demandez quelle comparaison cela peut avoir. Je vous assure qu'il n'y a pas une entreprise, même énorme, que je sache, même General Motors, où on ne touche pas son chèque la semaine suivante. Essayez de retrouver cela dans la machine de l'Etat.

M. LESSARD: D'Hydro-Québec?

M. PERREAULT (Charles): Je vous ai parlé des fonctionnaires.

M. LESSARD: Ah!

Je reviens encore sur cela, c'est que ce que vous venez nous dire ce matin, M. Perreault et M. Dufour, c'est essentiellement que l'entreprise privée dans ce secteur serait plus efficace que l'entreprise publique. Vous venez nous l'affirmer. Je ne dis pas que c'est faux. Je ne dis pas

que c'est vrai. Mais pour le faire, c'est que vous ne semblez pas vous être interrogés sur le système actuel des assurances, de l'assurance-automobile, sur la manière dont cela a fonctionné. Vous vous êtes fiés essentiellement, pour le faire, sur les données qui vous ont été fournies par le Bureau d'assurance du Canada, puisque, à la page 5 — c'est sur cela que je voudrais que vous me répondiez — vous affirmez catégoriquement: "Le plan AutoBAC des compagnies d'assurance offre, au dire de ces dernières" Vous ne dites pas: Au dire du Conseil du patronat ou selon l'étude du Conseil du patronat. Vous dites: Au dire de ces dernières, "une formule encore moins dispendieuse que celle du comité, tout en remplissant les principales exigences". Autrement dit, pour vous, ce qui a été affirmé par le Bureau d'assurance du Canada, c'est une vérité absolue. Vous ne vous êtes pas interrogés sur cela?

M.DUFOUR (Ghislain): M.Lessard, vous saviez très bien que vous auriez l'occasion d'interroger le Bureau d'assurance du Canada, chose que vous avez faite hier. Vous savez les réponses qui vous ont été données. Effectivement, ce que vous faites à ce moment, c'est de revenir sur la question du ministre tantôt, et vous savez ce qu'on vous a répondu là-dessus.

C'est de façon beaucoup plus globale que le problème a été envisagé. Je ne sais pas si, personnellement, vous avez regardé la comparaison entre le rapport Gauvin et le plan AutoBAC. Est-ce que vous l'avez fait vous-même?

M. LESSARD: Hum! Nous attendons, d'ailleurs, des explications des compagnies à ce sujet.

M. DUFOUR (Ghislain): C'est-à-dire que vous attendez toujours, mais effectivement...

M. LESSARD: Nous attendons...

M. CHOQUETTE: Le journal des Débats devrait indiquer que le député de Saguenay était bouche bée.

M. LESSARD: Bouche bée? Le député de Saguenay n'était pas présent hier à la commission parlementaire.

M. DUFOUR (Ghislain): Je m'excuse, M. Lessard, mais j'ai vu...

M. LESSARD: Une minute. Hier, le ministre a posé certaines questions sur le système AutoBAC et les compagnies n'ont pas été capables de déposer les données nécessaires, comme le ministre l'a affirmé tout à l'heure.

M. DUFOUR (Ghislain): Peut-être le ministre avait-il des questions très techniques auxquelles je ne saurais quoi répondre. Mais sur une question aussi générale que la vôtre, alors que vous avez en annexe du mémoire du Bureau d'assurance du Canada une comparaison très bien faite entre l'assurance AutoBAC et le rapport Gauvin, je pense que vous avez généralement la réponse au problème que vous nous posez. En termes de spécialiste, est-ce que le fait de consacrer que c'est $20,000 avec une possibilité de recours de l'ordre de..., à ce moment, il faudrait retransposer le problème à des spécialistes.

M. LESSARD: Les montants de base sont moins élevés, par exemple, dans le système AutoBAC.

M. DUFOUR (Ghislain): Cela dépend des cas si vous vous référez au dossier.

M. LESSARD: Mais vous avez quand même...

M. BACON: M. le Président, le député de Saguenay me permettrait-il une question supplémentaire à ce sujet? Considérant le paragraphe c) de la page 5, ce sont justement les difficultés que nous avons eues hier avec le BAC, celles d'avoir des coûts, d'avoir une idée d'où venait leur affirmation parce qu'eux aussi l'ont affirmé sans donner de chiffres.

M. LESSARD: C'est cela.

M. BACON: Et même, sur les tableaux comparatifs que vous donniez tantôt, il y a des chiffres sur la couverture et de telles choses... Remarquez que je n'ai pas les mêmes aspirations vis-à-vis de la société d'Etat que celles du député de Saguenay, mais il reste quand même qu'on doit déplorer...

M. LESSARD: C'est une affirmation gratuite.

M. BACON: ... qu'hier, le BAC n'ait pas pu nous donner de chiffres. Ils nous ont dit qu'ils faisaient des recherches depuis des années et nous n'en sommes quand même pas arrivés... Parce que si vous appuyez aujourd'hui ce que le BAC a dit hier, vous appuyez encore une affirmation qui...

M. LESSARD: ... n'est pas prouvée.

M. BACON: On prétend que cela sera moins cher. On dit: Faites-nous confiance, cela sera moins cher. C'est ce que le BAC nous a dit hier.

M. LESSARD: C'est cela.

M. BACON: Et vous appuyez ce qu'ils ont dit hier, mais ils ne nous ont rien dit finalement.

M. DUFOUR (Ghislain): C'est-à-dire qu'on se situe au niveau des hypothèses. Si vous regardez, comme moi je l'ai regardée, l'annexe C, cela nous apparaît évident, sans avoir néces-

sairement la statistique au bout, que cela sera moindre. Et c'est au niveau des hypothèses, quand même, qu'on se situe. Le coût total du régime...

M. BACON: Je prétends que le BAC sait combien cela va coûter et qu'il sait tout. Il a les chiffres. Il ne veut pas le dire. Ce sont des gars sérieux. Ils ont cela en main. Je trouve cela drôle qu'ils ne l'aient pas dit.

M. DUFOUR (Ghislain): C'est une hypothèse qui est valable, mais, sur le coût global du régime, je regarde ici, par exemple, dans le Soleil, un article de Gilles Boyer... Il dit qu'en Colombie-Britannique, un an après l'étatisation, le besoin se fait sentir, selon le journal The Province, d'une subvention de $125 millions pour sauver du désastre un régime qui devait s'autofinancer. C'est le coût global du régime...

M. BACON: Laissons tomber la Saskatchewan et la Colombie-Britannique quelques minutes.

M. DUFOUR (Ghislain): Bon, d'accord.

M. BACON: On fait allusion au Québec. Ce que je trouve malheureux, c'est... Et malheureusement, le temps ne nous a peut-être pas permis de poser les questions qu'on voulait poser là-dessus — et je ne veux pas prendre le temps du député de Saguenay ce matin — mais j'espérais que quelqu'un vienne nous dire à un certain moment, noir sur blanc: Voilà ce qu'on veut vous présenter, voilà combien cela coûte et voilà comment on va opérer. Je pense que le BAC sait comment cela va fonctionner. Je ne peux pas comprendre que des gars sérieux qui représentent des compagnies ne peuvent pas arriver... C'est décevant de voir l'envergure de ce groupe qui nous arrive en nous disant: On n'a pas tout à fait les chiffres, mais on prétend que cela coûtera moins cher. Je pense que cela ne fait même pas sérieux. Je regrette ce matin, malgré toute la sympathie que j'ai pour votre organisme — contrairement au député de Saguenay — que vous appuyiez une affirmation qui, en fait, ne dit rien.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: Justement, pour terminer sur l'intervention du député, je regrette que le Conseil du patronat accepte aveuglément ce qui a été dit par un de ses organismes alors que l'organisme n'a pas été capable de justifier ses affirmations en répondant aux questions qui lui ont été posées par les membres de la commission.

Deux dernières questions. A la page 8, vous affirmez: "Dans une économie aussi largement dominée par le secteur gouvernemental, on peut se demander qui devrait assumer les déficits toujours possibles des différentes régies dont celle de l'assurance-automobile. Compte tenu du coût croissant de la vie, une réévaluation des tarifs s'impose à intervalles réguliers. Qu'adviendrait-il dans une situation où la régie de l'assurance-maladie, Hydro-Québec, les caisses de retraite gouvernementales, les transports publics, le téléphone, l'assurance-automobile, etc., devaient tous accroître leurs prix afin d'équilibrer leur budget?

Lorsque vous parlez — en tout cas c'est l'impression que j'ai — de l'entreprise gouvernementale, vous semblez partir, a priori, du fait que cette entreprise ne doit pas augmenter ses taux. Pourtant, l'entreprise privée doit aussi s'ajuster au coût croissant de la vie. La question que je vous pose: Qui assure actuellement, soit les déficits prévisibles ou les profits des compagnies d'assurance — profits normaux, selon le cas — quand, depuis trois, quatre ou cinq ans les compagnies ont dû considérablement augmenter leurs primes? Qui a payé en fin de compte? Est-ce que ce n'est pas le citoyen? Est-ce que ce n'est pas l'assuré?

Ce que vous traduisez à la page 8 concernant les coûts croissants de l'entreprise d'Etat, que ce soit Hydro-Québec ou ailleurs, est-ce que cela n'existe pas aussi dans l'entreprise privée? Est-ce que le citoyen ne doit pas lui aussi payer les coûts croissants de la vie?

M. PERREAULT (Charles): M. Lessard, je crois que notre réponse est assez simple. Vous savez l'importance que nous attachons, au Conseil du patronat, nous l'avons répété dans les mémoires que nous avons adressés au gouvernement, à la transparence de la gestion des fonds publics.

M. LESSARD: Nous sommes d'accord avec vous.

M. PERREAULT (Charles): Nous sentons qu'il y a toujours tendance à régler certains de ces problèmes par certaines formules obscures. Par exemple, nous avons reproché au gouvernement de se servir des surplus des régies afin de financer les dépenses qui émargeaient proprement au fonds consolidé. Il se peut également que...

M. LESSARD: Vous devriez le dire plus souvent cela. Cela appuierait ce que l'Opposition dit quelquefois. Allez-y !

M. PERREAULT (Charles): Nous avons la contrepartie de la même chose, c'est le peu de souci que l'on semble apporter, par exemple, à une augmentation de taux d'Hydro-Québec comparée à une augmentation de taux de Bell Canada. Les mécanismes qui sont prévus, les audiences, tout ce qui concerne cette augmentation de taux semble se faire beaucoup plus facilement dans un cas que dans l'autre. Mais il existe aussi la possibilité — et c'est à celle-ci que nous faisons allusion en page 8 — qu'une pres-

sion soit faite, une pression politique, afin d'empêcher — parce qu'on veut par différents moyens camoufler le coût réel d'un service — que le coût réel soit répercuté à l'endroit des usagers et que des déficits, par toutes sortes de façons que vous savez, soient répercutés sur l'ensemble des contribuables et émargent cette fois-ci au fonds consolidé de la province. Alors voilà notre préoccupation exprimée.

Non pas que les taux ne doivent pas augmenter, cela serait illogique de penser que les taux ne doivent pas augmenter dans une période d'inflation; mais lorsqu'ils augmentent, ils doivent être portés par ceux qui jouissent de ces services et il y aurait une tentation très forte, à ce moment-là, de vouloir faire le contraire de l'autre procédure et de camoufler une augmentation de coût en la faisant porter par le fonds général.

M. LESSARD: M. Perreault, il y a deux choses sur lesquelles je voudrais dire que je suis d'accord avec vous, c'est d'abord la transparence des fonds publics et, deuxièmement, un meilleur contrôle des régies gouvernementales. Je pense qu'en particulier, nous l'avons fait à plusieurs reprises, mais surtout lorsque HydroQuébec est venue demander une augmentation des prix du coût de l'électricité, je pense que nous avons exigé que Hydro-Québec puisse prouver que l'augmentation de ces coûts était nécessaire. Nous n'avons pas été satisfaits et vous avez complètement raison lorsque vous dites qu'actuellement, en particulier HydroQuébec peut augmenter ses coûts simplement par une demande qu'elle fait au cabinet, au lieutenant-gouverneur en conseil. Cela ne nous satisfait pas non plus.

Dernière question. A la page 9, vous affirmez: "Les primes perçues par les compagnies d'assurance-automobile constituent une source de financement accessible au secteur privé". D'après ce que j'ai pu lire des discussions qui ont eu lieu hier avec les membres de cette commission parlementaire et le Bureau d'assurance du Canada, il ne serait pas exactement vrai que l'assurance-automobile constitue un canal d'épargne pour l'entreprise privée, parce que ce sont des contrats à court terme. Est-ce que, étant donné cette affirmation qui semble avoir été faite par le Bureau d'assurance-automobile, vous maintenez ce que vous affirmez à la page 9, parce qu'il y a d'autres sources d'assurance. Même si c'était une entreprise d'Etat, prenez la Caisse de dépôt, qui est un organisme d'épargne considérable qui sert actuellement par l'entreprise privée, ma question est: Est-ce que vous continuez d'affirmer que c'est un canal d'épargne important pour l'entreprise privée?

M. PERREAULT (Charles): C'est entendu, M. Lessard, que ce n'est pas un canal de la même nature que celui d'un fonds de pension par exemple ou celui d'assurance-vie où l'argent est prêté pour une période beaucoup plus longue. Cela constitue des réserves quand même, ça constitue un puits, ça constitue une source de financement qui est disponible à l'investissement, bien qu'il soit exact que ce ne soient pas des placements à long terme. Quant au fonctionnement de la Caisse de dépôt, il faut constamment se rappeler qu'encore une fois la concurrence est saine et qu'en dépit du fait que la Caisse de dépôt soit un organisme gouvernemental qui est très bien administré, c'est un organisme qui exige pour sa bonne administration d'être constamment mis en concurrence avec d'autres organismes de placement. C'est d'ailleurs une façon par laquelle on a pu voir depuis quelques années combien la caisse administre bien ses fonds. Donc, la concurrence devra continuer à se faire et les besoins en capitaux dont nous faisons état en page 9 sont absolument réels et dépasseront vraisemblablement dans les années à venir tout ce qu'on a vu dans le passé.

M. LESSARD: Pour terminer, M. le Président, je reprendrai un peu une phrase du Conseil du patronat où on dit: "Un régime étatique ne saurait en effet être la garantie d'une administration efficace et représenterait à plusieurs égards un danger réel autant pour le consommateur que pour le payeur de taxes ou pour l'économie générale, comme nous avons tenté de le démontrer". M. le Président, je dis que je n'ai pas été convaincu de la thèse du Conseil du patronat. Quant à moi, tant qu'il n'y aura pas de thèse plus développée que ça, dont les preuves sont plus concrètes que ça, je pense que le rapport Gauvin a démontré bien plus que le Conseil du patronat qu'il était peut-être possible pour un régime étatique d'améliorer le système sans en être complètement convaincu encore. J'aimerais que les promoteurs du régime privé soient un peu plus forts dans leur argumentation que vous l'avez été ce matin. Merci.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, j'aurais bien des questions à poser au Conseil du patronat comme aux autres organismes et je me demande sérieusement si toutes les questions que je devrais poser pourraient apporter quelque chose de vraiment nouveau à ce niveau de nos délibérations. Parce que je constate qu'une observation que j'avais faite au début s'avère exacte, nous sommes engagés à l'heure actuelle beaucoup plus dans un débat philosophique...

M. TETLEY: C'est vrai.

M. ROY: ... que vers une solution réelle et objective en fonction de celui que l'on est en train d'oublier, l'assuré et le citoyen du Québec. J'ai dit au début de nos travaux que le critère fondamental qui devait nous guider au cours de ces délibérations était de venir à trouver des formules qui pourraient garantir aux assurés et

aux contribuables du Québec le meilleur service possible au meilleur coût.

Ceci implique l'obligation pour le gouvernement de prendre ses responsabilités, comme pour l'entreprise privée de prendre les siennes également. Je pense que si on travaille en fonction de cela, on va mettre le débat philosophique de côté et on va regarder quelle est la meilleure formule que nous pouvons trouver et que nous pouvons suggérer au gouvernement qui aura tantôt à prendre des responsabilités et à légiférer dans ce secteur-là.

M. le Président, au train où vont les choses, nous nous dirigeons vers un cul-de-sac. Je suis obligé de le dire, je suis obligé de faire des remarques dans ce sens-là. A la fin de nos travaux, la commission parlementaire aura à faire des recommandations comme telles, recommandations qui pourront être soumises à l'Assemblée nationale ou au gouvernement en place.

Quelles sont les recommandations que nous pourrons faire? Le rapport Gauvin, qui a fait une étude sérieuse — je dois le dire — sur la question de l'assurance-automobile ne nous a pas donné les chiffres que nous aurions dû avoir et dont nous aurions eu besoin. Nous avons eu hier le BAC qui est venu devant nous. J'ai beaucoup de respect pour les membres de la commission Gauvin comme pour tous ceux qui sont venus devant nous et, encore-là, nous n'avons pas eu les chiffres.

Si nous étions le conseil d'administration d'une grande entreprise et que nous avions à prendre une décision sans les chiffres, quelle sorte de décision objective serions-nous en mesure de prendre? Je pense que ces questions là méritent d'être retenues et je pense qu'il faudra repenser l'orientation des travaux de la commission. Ce n'est pas un reproche que je fais au Conseil du patronat, ce n'est pas cela du tout, mais je pense qu'on manque de données et d'éléments de base.

Même si je ne fais pas de reproches au Conseil du patronat comme tel, je dois dire que son mémoire me déçoit. Je dois le dire en toute franchise, son mémoire me déçoit, parce qu'il est uniquement basé sur des questions de principe.

L'entreprise privée — et on connaît ma position là-dessus — lorsqu'elle devient un trust et un cartel qui exploite le consommateur, je dis qu'il est du rôle, de la responsabilité et du devoir du gouvernement d'intervenir. Lorsque le gouvernement songe à intervenir et créer un monopole étatique, on ne règle pas le problème, on ne fait que changer le mal de place et la population est davantage perdante, parce qu'à ce moment-là elle perd son arbitre. Lorsque l'entreprise privée constitue en quelque sorte des cartels et des monopoles, l'Etat est là et a un rôle d'arbitre à jouer. Mais lorsque l'Etat se substitue aux cartels que peut exercer l'entreprise privée, la population n'a plus aucun recours sinon que de faire des parades dans la rue, ce qui est en train de devenir une mode, une tradition chez nous.

M. le Président, je vais me limiter à deux ou trois questions. Je veux remercier quand même le Conseil du patronat de s'être donné la peine de venir devant la commission parlementaire, mais, si c'est possible ce matin j'aimerais, avoir un peu plus de détails, de façon à éclairer davantage les membres de la commission parlementaire sur cette question fort importante qu'est l'assurance-automobile.

A la page 4 de votre mémoire, vous nous dites — le ministre en a parlé tout à l'heure, mais j'aimerais y revenir pour aller plus loin un peu — "Le premier résultat des analyses des coûts indique d'ailleurs déjà que l'assurance AutoBAC serait moins dispendieuse que la formule préconisée par le comité". Est-ce que le Conseil du patronat a pu établir en quelque sorte ces premiers résultats d'analyse ou si vous vous êtes basés, pour faire cette déclaration dans votre mémoire, sur les commentaires ou les propos qui ont été tenus par le BAC?

M. DUFOUR (Ghislain): Je pense, M. Roy, qu'il n'y a rien à ajouter à ce qu'on a déjà répondu au ministre et à M. Lessard. C'est une consultation qui a été faite à l'intérieur avec la présence du BAC qui, à ce moment-là, a discuté avec nous des coûts qu'il envisageait dans son système proposé comparativement à la formule envisagée par le rapport Gauvin. Ce sont des chiffres qui ont été déposés de façon interne sur le plan de la discussion, qui ont satisfait les gens et la réponse finale, vous avez raison, appartient au BAC.

M. ROY: En somme, ce que vous nous avez dit ici, c'est à la suite d'observations et non pas à la suite d'études sommaires, à partir de certains chiffres, de certaines données. Ce qui aurait été étonnant — et je reviens là-dessus et je le dis encore à l'intention du ministre — ce qui aurait été extrêmement intéressant pour nous, cela aurait été de savoir, avec $100 de prime d'assurance, ce qu'on peut avoir dans la formule proposée par le rapport Gauvin, ou encore ce qu'on peut avoir dans la formule proposée par le BAC. Jusqu'à présent M. le Président, c'est bien dommage, mais en ce qui me concerne, peut-être ai-je mal compris, mais je ne suis pas plus avancé après quatre jours de travaux de la commission parlementaire que je ne l'étais au début. Je ne sais pas si c'est la même chose pour mes collègues.

M. BACON: Vous avez raison.

M. ROY: Mes collègues sont d'accord là-dessus. On est limité, jusqu'ici, à faire un débat philosophique; le citoyen, lui, est oublié, comme d'habitude.

Par la même occasion, je reviens à une

question no 2, à ma question no 2, dans la même page, le paragraphe suivant: "Par la même occasion, le CPQ s'oppose au transfert envisagé de cette industrie à une régie étatique et estime que les soixante conditions posées à la survie d'un régime d'assurance-automobile privé sont à bien des égards excessives".

J'aimerais que vous donniez, pour ma propre gouverne, ainsi que pour celle de mes collègues, quelques exemples sur ces recommandations qui vous semblent excessives. Est-ce que vous pourriez nous donner deux, trois ou quatre exemples pratiques, parmi ceux qui ont attiré davantage votre attention?

M. DUFOUR (Ghislain): Trois exemples. On a mentionné tantôt l'indexation des prestations et on a dit que si l'entreprise privée actuellement devait réaliser cette recommandation du rapport Gauvin, cela serait possible, mais à des coûts très élevés.

Un deuxième est sûrement la disparition de la notion de faute. On mentionnait tantôt qu'on ne l'avait pas soulevée comme telle dans notre mémoire, mais prenant une position d'appui au mémoire du BAC qui ne fait pas disparaître totalement la notion de faute, conserve certaines possibilités de recours. Il nous apparaît que le rapport Gauvin, en faisant disparaître toute notion de faute, est excessif. La population au Québec n'est pas prête à embarquer dans un système comme celui-là.

Le rapport Gauvin dit, par exemple, on n'est pas prêt, au niveau des dommages matériels, mais on pourrait être prêt au niveau des dommages physiques ou corporels. Pour nous, cette orientation nous apparaît excessive.

Une autre orientation aussi, c'est cette disparition, par exemple, des courtiers qui jouent actuellement, quant à nous, un rôle quand même très valable entre l'acheteur d'assurance et une compagnie d'assurance. Si on veut encore faire une comparaison avec un régime étatique dans ce domaine, probablement que s'il y avait des intermédiaires entre l'accidenté du travail, par exemple, et cette immense boîte qu'est la Commission des accidents du travail, il deviendrait peut-être davantage possible de faire certains règlements.

Ce sont trois exemples, entre autres, qui me font dire que c'était excessif au moment de la rédaction. Peut-être que les 37 que conserve maintenant M. Gauvin ne sont plus de celles qui sont excessives.

M. ROY: Vous avez parlé, deux ou trois fois, des lenteurs excessives à la Commission des accidents du travail, ce sur quoi je suis entièrement d'accord. Vous devez vous souvenir que le Conseil du patronat a fait certaines pressions pour tâcher de lui demander certaines réformes, mais vous vous rappellerez sans doute qu'il y a eu une motion qui a été discutée à l'Assemblée nationale à ce sujet, soit que la Commission des accidents du travail vienne devant la commis- sion parlementaire. Mais là n'est pas l'objet de mes propos. Est-ce que vous estimez que la lenteur, question d'opinion personnelle, que nous connaissons à la Commission des accidents du travail peut justifier la lenteur des règlements de réclamations que nous retrouvons présentement dans l'industrie de l'assurance-automobile?

M. DUFOUR (Ghislain): Non.

M. ROY: Vice versa, les lenteurs qu'on connaît à l'entreprise privée ne justifient pas plus la lenteur de la Commission des accidents du travail. C'est dire que vous estimez que, de ce côté, il y a quelque chose d'urgent à faire.

M. DUFOUR (Ghislain): Oui, mais dont l'entreprise privée n'est pas la seule responsable, remarquez bien. Quand vous allez en cour pour un règlement d'accident d'automobile, il reste quand même qu'alors, c'est une fonction du pouvoir judiciaire qui est en cause, qui n'a rien à voir avec l'entreprise privée, si le rôle est surchargé et que finalement on est obligé d'entendre une cause six mois ou un an plus tard. Il ne faut quand même pas faire porter tous les problèmes à l'entreprise privée quant au règlement des réclamations.

M. ROY: Je vous remercie de nous le dire, parce que c'est important que ces choses se disent, c'est vrai, mais, seulement, ce n'était pas dans votre mémoire. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé une question là-dessus. Je suis bien d'accord qu'à un moment donné, il faut répartir les responsabilités là où elles doivent être et ne pas accuser toujours les mêmes de tous les péchés d'Israël.

J'aurais une troisième et dernière question. A la page 7 de votre mémoire: "Une régie étatique risque de nuire à la réalisation de certaines réformes suggérées par le comité et présente un certain nombre d'inconvénients graves pour l'ensemble de l'économie". En somme, il s'agit d'une grande position de principe générale.

Qu'est-ce qui, selon vous, dans le régime étatique proposé, risquerait de nuire ou de compromettre la réalisation de certaines réformes suggérées par le comité Gauvin? Pouvez-vous me donner aussi des exemples là-dessus?

M. DUFOUR (Ghislain): Evidemment, c'est un grand titre. Le b) annonce l'explication que l'on fait, en deux pages, après. On mentionne justement un certain nombre d'inconvénients. On vient d'en mentionner un, par exemple, canaliser l'épargne vers une régie d'Etat, alors qu'on a besoin de ce type d'épargne à l'intérieur du secteur privé. Si, dorénavant, on veut prendre toute l'épargne du secteur privé ou de la consommation pour fins de régie d'Etat, c'est bien sûr qu'au niveau de l'ensemble de l'écono-

mie, où on a besoin d'argent pour fins d'investissements, c'est, quand même au départ, un inconvénient qui est assez grave, et risque de nuire à la réalisation de certaines réformes suggérées. On part de l'hypothèse qu'il ne faudrait quand même pas que ce régime — parce qu'on est toujours dans l'hypothèse où le rapport Gauvin dit 3 p.c. dans le dollar en termes de réduction — que, pour réaliser cela, compte tenu de ce qui nous apparaît devoir être des coûts additionnels sur le plan administratif, parce que c'est administré par une régie d'Etat, cela nous conduise peut-être au fait qu'on devra laisser de côté certaines réformes pour en arriver à prouver que c'était possible de réaliser la même chose à l'intérieur d'une régie d'Etat.

M. ROY: Parmi ces certaines réformes, laquelle, selon vous... Quelle serait-elle selon vous?

M. DUFOUR (Ghislain): Par exemple, une réforme qui est envisagée, si c'est un service gouvernemental, c'est la disparition du courtier. Actuellement, et je pense que le rapport Gauvin lui-même dit que 86 p.c. des gens font affaires directement par l'intermédiaire d'un courtier qu'ils connaissent bien, avec qui ils transigent, avec qui ils peuvent expliquer leur problème, un peu comme s'ils étaient à confesse. Chose qu'ils ne pourront certainement pas faire avec un fonctionnaire. C'est le genre de problèmes qu'en pages 7, 8, 9, on tente d'exprimer.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Vous n'avez pas d'autres questions? Je veux remercier M. Perreault et M. ...

M. TETLEY: Une mise au point, permettez-moi. Tout le monde a parlé de chiffres. Gauvin a présenté des chiffres dans son livre et aussi dans la documentation déposée aux archives. Aussi, il y avait un rapport qui a été distribué, sans doute — je vais obtenir d'autres exemplaires — qui explique ces chiffres. Certainement, l'AutoBAC l'a reçu, CAB et BAC ont reçu ces chiffres. J'aurai d'autres exemplaires pour vous. C'est une explication des tableaux, surtout à la page 335. Les chiffres sont disponibles. En vous posant ces questions au sujet des chiffres, j'aurais pu poser la même question à toute autre personne qui est venue ici depuis le commencement et les deux autres aujourd'hui vont venir avec des constatations valables, peut-être, mais sans chiffre. Le seul organisme qui a à l'heure actuelle témoigné avec chiffres à l'appui a été la Commission Gauvin; mais il n'a pas répondu exactement à nos questions comme on le voulait. H va revenir et peut-être qu'il va répondre avec plus de bonheur à nos questions. Je voulais tout simplement faire cette mise au point.

M. ROY: J'aimerais que le ministre nous dise par qui ces chiffres ont été fournis.

M. TETLEY: Lorsque Gauvin a préparé son rapport, il n'a pas commencé, apparemment, avec la conclusion et a ajouté les chiffres. Ils ont travaillé avec les chiffres et ils ont décidé le système qu'ils voulaient, le système suivant. Pour expliquer leurs chiffres, il y a huit, dix, ou douze caisses de documents aux archives, mais une explication plus sommaire se trouve ici. Vous en aurez des copies, mais c'est préparé en anglais et en français depuis trois ou quatre mois.

M. ROY: Comment se fait-il que le ministre n'ait pas jugé bon de nous en remettre au moins un sommaire de façon que nous puissions...

M. TETLEY: Je crois que cela a été envoyé à tout le monde. Cela a été distribué à tout le monde. Je reçois une pile de documents tous les jours; parfois, je les lance directement dans la poubelle; peut-être que vous l'avez. Peut-être qu'on s'est trompé et qu'on ne vous a pas envoyé de copies. Des copies...

M. ROY: Bien voici...

M. LESSARD: ... dans le rapport — je ne sais pas où exactement — qui dit que ce document est disponible au ministère des Institutions Financières.

M. TETLEY: ... ont été distribuées, mais je vois que certains ne les ont pas vues. En tout cas, vous aurez des copies d'ici quelques minutes.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Trois-Rivières.

M. ROY: D'ici quelques? M. TETLEY: Minutes.

M. ROY: J'avais cru comprendre d'ici quelques mois.

M. TETLEY: Ah!

M. ROY: Je m'excuse, M. le Président. Je déplore réellement, même si c'est indiqué dans le rapport, M. le Président, qu'on ne nous ait pas fait parvenir une copie au moins au niveau de chacune...

M. TETLEY: Je suis...

M. ROY: ... au niveau des membres de chacune des commissions, parce que mon collègue, ici, qui est intéressé, comme député, et qui connaît la question d'une façon particulière, qui fait partie de l'équipe gouvernementale, ne l'a pas eue lui non plus.

M. TETLEY: Mais...

M. ROY (Beauce-Sud): Je ne suis pas le seul.

M. TETLEY: Non.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Trois-Rivières.

M. TETLEY: Je vous demande pardon si vous ne l'avez pas reçue. Je vais vous envoyer cela. C'est une autre brique à étudier.

M. BACON: Pardon?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que vous avez quelque chose à dire, des questions à poser?

M. BACON: Je m'excuse. Dans la dernière partie de l'intervention de mon collègue de l'une des deux Beauces, pourriez-vous reprendre un peu, préciser sur le rôle du courtier? Vous dites que vous l'avez mentionné dans les pages de votre mémoire, aux recommandations 53 et 54, le rôle des courtiers. Voulez-vous me préciser où, dans votre mémoire, vous avez...

M. DUFOUR (Ghislain): Non, l'exemple précis des courtiers n'est pas dans le mémoire.

M. BACON: Bon!

M. le Président, naturellement, il y a un tour de table, il y a beaucoup de questions sur lesquelles on aurait aimé élaborer, mais qui ont déjà été discutées.

Pour terminer, j'aurais seulement un commentaire à faire sur ce que M. Perreault disait tantôt. Vous savez, je tiens à vous dire que, trois semaines après avoir été élu, un député n'a pas besoin d'attendre le rapport de l'ombudsman pour dire comment le citoyen est démuni devant l'appareil gouvernemental.

Mon collègue de Saguenay parlait tantôt des régies d'Etat. Je pense bien, dans certains cas, qu'il y a un excellent fonctionnarisme qui fait un bon travail, mais il y a sûrement quelque chose qui fonctionne mal en quelque part. Je ne sais pas si le député de Saguenay a eu des expériences avec la Régie de l'assurance-maladie, la Régie de l'assurance-hospitalisation, qui sont bien organisées, qui offrent une excellente couverture pour les citoyens, mais seulement, du moment que le citoyen fait affaires dans une chose comme cela, il n'y a plus moyen de se retrouver. Vous avez sûrement eu de vos gens, de vos électeurs qui vont vous voir, ou vous écrivez aux régies; même nous, cela prend du temps pour avoir des réponses et nous retrouver.

J'ai même eu, la semaine dernière, un cas à la Commission des accidents du travail où, après avoir payé le gars à deux ou trois reprises, la quatrième fois, le gars a téléphoné et on lui a dit qu'on avait perdu son dossier.

Il se passe des choses... Je ne dis pas que l'entreprise privée a toutes les vertus, mais on peut se questionner fortement dans l'entreprise d'Etat. D'autant plus que l'entreprise privée, étant donné qu'elle est dans une concurrence, dans un marché beaucoup plus libre, est obligée, à un certain moment, d'arriver à quelque chose. L'exemple était excellent sur l'affaire du chèque de paie. C'est inimaginable, quand on engage un gars... J'ai des étudiants qui ont travaillé tout l'été dans mon comté pour un ministère et qui n'ont pas encore eu de paie. On peut se poser de graves questions, sans donner toute la vertu à l'entreprise. Je pense que, bien avant l'ombudsman, on a pu le constater, à un certain moment, d'autant plus qu'il y a différentes catégories de citoyens. J'ai des analphabètes dans mon comté, quand ils sont pris avec une chose du gouvernement, des questions d'impôt, de n'importe quelle chose qui arrive, comment voulez-vous qu'ils s'adressent, au gouvernement? Pourquoi est-ce qu'on a tant de gens qui viennent à nos bureaux? C'est justement à cause de cela. Si tout le monde faisait son ouvrage et s'il y avait un fonctionnement qui se faisait rapidement, on aurait beaucoup plus de temps à donner aux lois qu'à recevoir nos électeurs dans nos bureaux.

M. LESSARD: Ou bien on va faire disparaître les députés.

M. BACON: Non. Modifier son rôle.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que le député de Trois-Rivières a terminé ses questions?

M. BACON: Oui.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Montmagny.

M. GIASSON: Pour la première question que je voulais poser, je pense que le ministre a été habile. Il a répondu juste avant que j'intervienne.

On a fait allusion tout à l'heure au fait que le BAC n'a pas fourni de chiffres précis concernant le coût des couvertures qu'on suggérait à l'annexe E. C'est-à-dire que je pense que le BAC a fait un très bon travail par son annexe E. Il y a proposé des systèmes de couverture ou des modes de couverture en plaçant tout cela en parallèle avec ce que Gauvin disait. On sait un peu où on va par la proposition du BAC en matière de couverture. On n'a pas les chiffres.

J'ai fait des hypothèses. Je me suis demandé si on ne jouait pas à cache-cache. J'étais conscient que M. Gauvin, tout en déposant son rapport, avait déposé une série de renseignements auprès du ministre et que ces renseignements ne nous étaient pas donnés.

Par contre, je me suis dit que, peut-être, BAC, qui a sa petite idée en matière de tarification à appliquer à une couverture de base, selon les modalités proposées, a également des chiffres. Mais là, c'est le chat qui attend la souris. Est-ce que BAC attend que nous ayons plus de précisions venant du rapport Gauvin, en matière de coût, afin d'être capable de faire les ajustements nécessaires?

M. TETLEY: M. Gauvin a présenté une thèse. Je ne le défends pas. Je ne présente pas sa

thèse, mais M. Gauvin a présenté une thèse avec les chiffres en main, au moins, et...

M. GIASSON: Le rapport Gauvin qu'on a en main, c'est cela.

M. TETLEY: Le rapport Gauvin est sommaire.

M. GIASSON: On n'a pas autre chose que cela en main?

M. TETLEY: Non. Mais vous pouvez visiter la Bibliothèque nationale. Et un mois et demi après le dépôt du rapport, l'autre document est sorti. Je sais que le rapport Gauvin est une synthèse du rapport et peut-être que M. Rankin répondra, à la fin de nos discussions, aujourd'hui, à ces remarques. Mais il faut dire que M. Gauvin a présenté des chiffres et a présenté des coûts jusqu'à 3 p.c. Il a même couru le risque de parler de pourcentage, 3 p.c, 5 p.c.

M. BACON: II a parlé en pourcentage. Le BAC parle en pourcentage aussi.

M. PAGE: Là-dessus, est-ce qu'il y avait des chiffres?

M. TETLEY: Le BAC n'a même pas parlé de pourcentage. C'est moins cher.

M. PAGE: Non, mais si on a tous les chiffres dans le rapport Gauvin, qu'est-ce qu'on pourrait avoir, avec le système Gauvin, pour $100 d'assurance, comparativement à ce qui existe actuellement dans le système privé?

M. ROY: C'est ce que j'ai demandé tout à l'heure.

M. PAGE: Qu'est-ce qu'on pourrait avoir avec $100?

M. BACON: Je suis d'accord sur cela. Il y a des exercices qui auraient pu être faits tant par M. Gauvin que par BAC ou par les gens qui se présentent devant cette commission. Il y a des exercices qui auraient pu être faits pour nous dire... Voilà, dans tel système, ce que cela donne avec telle couverture. Voilà ce que cela donne dans tel autre système. Mais cela, qu'il manque de service, que l'entreprise d'Etat fonctionne lentement, on sait tout cela. On n'a pas besoin de le savoir. Ce qu'on a besoin de savoir, c'est qu'on nous dise: Pour tel montant ou dans telle circonstance, voilà ce qui se passe dans tel ou tel exercice. J'ai le même sentiment que mon collègue de Beauce-Sud. Après quatre jours d'audition, je ne pense pas que nous soyons beaucoup plus avancés et on est supposé venir ici pour nous instruire ! Même les gens de la commission n'ont pas été trop parlants là-dessus.

J'ai fait une intervention là-dessus tantôt. Je ne blâme le BAC. Comme le disait tantôt le député de Montmagny-L'Islet, le BAC n'est pas tombé dans la trappe. Le rapport Gauvin n'a pas parlé de piastres et de cents, eux non plus, et on ne peut pas le leur reprocher. Je déplore le fait qu'il n'ait pas donné de chiffres, mais je ne le blâme pas et on ne fera pas un cas national avec cela. Il reste quand même qu'il a suivi la trace de M. Gauvin. En fait, comme stratégie de leur part, c'était excellent, sauf qu'on est encore devant rien. Et le malheur... Je pense bien que, dans toute la commission, chaque mémoire était très important, mais je pense que le dossier BAC était une pièce importante et on n'est pas plus avancé qu'on l'était.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous sommes, à l'heure actuelle, en train d'étudier le mémoire du Conseil du patronat du Québec et je pense qu'on s'est éloigné...

M. BACON: M. le Président, on peut quand même se parler entre nous. Voyons donc! On est rendu qu'on ne peut plus parler nulle part.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Non, mais je vous demande...

M. BACON: Je pense bien qu'il y a moyen qu'on se parle à une commission parlementaire.

UNE VOIX: On retrouve l'ancien député de Trois-Rivières!

LE PRESIDENT (M. Brisson): ... de toute façon, et la parole est au député de Montmagny-L'Islet.

M. TETLEY: II est important de parler avec franchise.

M. GIASSON: On a fait également une affirmation globale voulant que, dans le système des compagnies privées, il n'existait pas de concurrence. Je n'accepte pas cela. Lisez le rapport Gauvin et, dans les commentaires qu'on a entendus des groupes qui sont venus devant la commission depuis le début, cela a été affirmé. Je n'accepte pas cela, en fonction de quinze ans d'expérience. J'administre un bureau d'assurance générale en milieu rural et je pense avoir un bureau qui a un volume... compte tenu du milieu, assez intéressant dans le monde de l'automobile.

M. LESSARD: Conflit d'intérêts!

M. GIASSON: Non. Il n'y a rien à cacher. C'est ouvert, cette affaire. J'ai découvert, en quinze ans d'activité, que la concurrence existait. Il en existe peut-être moins au niveau des compagnies qui sont membres de groupes organisés, mais, à côté de cela, il y a les "direct writers" qui ont une tarification qui est presque toujours différente de celle des autres compagnies qui font partie de groupes.

J'ai vécu plusieurs expériences de clients qui, à un moment donné, pour économiser $8, $10, $15 de primes sont allés voir des compagnies qui écrivent au comptoir, mais j'ai constaté aussi que très souvent les mêmes clients sont venus à mon bureau me demander de l'assuran-ce-automobile et, bien honnêtement, je leur demandais carrément: Pourquoi revenez-vous? Je vais vous réclamer plus cher dans les compagnies où je place mes risques que ce que vous avez payé chez les "direct writers".

M. BACON: Le service.

M. GIASSON: Là j'ai découvert — le député de Trois-Rivières vous parle en toute franchise — que c'était une question de service. Le gars était prêt à payer un peu plus cher pour faire affaires avec un bureau dans son milieu, pour être libéré des appels téléphoniques, lorsqu'il avait une réclamation et ne pas se faire dire: Si vous montez à Québec, venez nous voir. Parce qu'on lui amenait un agent de réclamation sur place, il acceptait de payer plus cher, même si la compétition du "direct writer" jouait en sa faveur en matière de tarification.

Cela nous prouve que le public aura à choisir peut-être, parce que je n'ai pas encore toutes les données sur le coût futur de l'assurance-automobile, même si elle est faite par les entreprises privées, face à la compagnie d'Etat, il s'agira de savoir si le public est prêt à payer quelques dollars de plus pour le service qu'il attend sur son dossier automobile, ou s'il est prêt à renoncer au service et payer quelques dollars de moins pour aller vers un mode de fonctionnement qui va être différent de celui qu'il a connu.

J'ai également tenté d'autres expériences. J'ai remarqué que dans mon milieu il y avait des gens qui achetaient leur assurance-automobile dans le catalogue Simpson. J'avais constaté qu'il s'agissait de risques qui étaient admissibles exactement de la même classe, mais avec couverture égale il y avait de petites différences. J'ai poussé l'expérience plus loin. J'ai invité de mes clients à écrire à Simpson, à se faire coter et j'ai constaté qu'au niveau des compagnies qui écrivent directement au public, elles n'ont pas des méthodes de tarification qui sont celles que l'on retrouve chez des compagnies privées; c'est-à-dire, à des risques identiques, des assurés à peu près du même âge, qui prennent les mêmes couvertures, qui représentent le même risque au point de vue de l'expérience des accidents, il y avait des décalages de $2, de $4. Pourquoi cela? Je ne l'ai jamais compris. C'était une expérience que je menais personnellement.

Moi, je dis que la concurrence existe. Elle existe non seulement au niveau de la tarification qu'on peut retrouver chez les différents assureurs qui vendent au Québec, on la retrouve surtout au niveau du service qu'on peut donner à une clientèle ou que la clientèle attend dans le monde de l'assurance-automobile. Il restera au Québécois, quel que soit le mode de fonctionnement d'un système automobile, à choisir ce qu'il attend d'abord et ce qu'il est prêt à payer pour le service qu'on va lui donner.

Cela rejoint un peu l'opinion du député de Beauce-Sud qui se pose toujours la question. Il faut tenter de donner au Québécois le meilleur service au meilleur coût possible. Si l'entreprise d'Etat est capable de donner un service égal à un coût moindre, logiquement, je pense qu'on devrait pencher vers cette hypothèse, cette possibilité. Si, à la suite de nos travaux, on n'a pas pu établir que c'était le meilleur système à établir, compte tenu de ce que les Québécois attendent de services du côté des assurances automobiles, on aura d'autres choix à prendre.

M. BACON: Oui, mais est-ce qu'on va avoir les chiffres.

M. GIASSON: On va voir. Semble-t-il, les chiffres vont venir. Le ministre dépose l'information que M. Gauvin a fournie. Je présume que du côté du monde des assureurs, on va avoir peut-être plus d'information à l'avenir en matière de tarifs qu'il faudra appliquer pour les couvertures proposées.

M. LESSARD: M. le Président, en l'absence du ministre, j'aurais pu probablement lui poser cette question, mais comme le député de Montmagny a dit qu'il était un courtier d'assurance, qu'il avait de l'expérience, j'aimerais lui poser la question suivante. Quand il discute du service, est-ce qu'il y a nécessairement, à partir du rapport Gauvin — peut-être qu'il n'a pas accepté complètement les recommandations du rapport Gauvin — contradiction entre le service qui est actuellement donné par des courtiers d'assurance et une entreprise gouvernementale? Est-ce qu'il y aurait contradiction? Est-ce qu'une entreprise gouvernementale devrait nécessairement faire disparaître complètement le service à la clientèle au niveau des régions par l'intermédiaire des courtiers? Je ne discute pas du rapport Gauvin comme tel.

M. GIASSON: Je crois qu'en ville il serait plus facile pour une compagnie étatique de donner un service à sa clientèle dans des délais plus rapides et à un coût moindre.

Pour desservir une clientèle de milieu rural, assurément, l'assuré devra assumer des coûts dans l'administration de son dossier automobile qu'il n'a pas à assumer lorsqu'il fait affaires avec un courtier. Je sais ce que c'est qu'administrer un dossier d'assurance-automobile, je sais ce que la clientèle nous demande là-dessus. Même si on appliquait le concept de rémunération tel que proposé par Gauvin, en milieu rural, c'est bien dommage, mes amis, j'ai la conviction profonde qu'on va être obligé de donner encore du service tel qu'on le donnait traditionnellement. On va assumer des appels téléphoniques à

l'extérieur, que l'assuré va nous demander et on ne pourra pas lui refuser ça. On va faire de la correspondance sur son dossier. Quand le gars va vouloir des couvertures additionnelles, il va vouloir inclure un de ses fils comme conducteur, c'est encore nous qui allons dicter une lettre à la secrétaire pour envoyer ça à l'assureur, l'assuré va toujours nous le demander, il ne le fera pas lui-même. Je vous parle du milieu rural parce que c'est un milieu différent. Je vais citer le cas des "direct writers" tout à l'heure, c'est beaucoup plus facile de faire l'écriture au comptoir dans une ville, dans un grand centre que ça peut l'être en campagne.

M. BACON: Quant à ça, ils ne marchent pas dans les grands centres. Je ne parle pas de Montréal. Je veux dire dans des villes moindres.

M. GIASSON: C'est beaucoup plus facile, quand ton agent de réclamation ou ton bureau est situé dans la ville où tu habites. Tu n'as pas d'appel interurbain à assumer...

M. BACON: Comme les bureaux.

M. BONNIER: M. le Président, c'est fort intéressant, mais il ne faudrait pas oublier le Conseil du patronat qui est là.

M. GIASSON: Je m'excuse auprès des gens.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que le député de Montmagny-L'Islet a d'autres questions à poser?

M. BACON: C'était le député de Saguenay qui posait des questions.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Iberville.

M. TREMBLAY: M. le Président, je reconnais la représentation d'aujourd'hui du Conseil du patronat comme valable; elle est peut-être discutable sous certains aspects, mais, en définitive, nous sommes tous discutables au départ sur ce qu'on peut avancer sur un sujet ou un autre. Ma conviction personnelle dans le moment se situe au niveau de l'appui que je crois raisonnable que le Conseil du patronat accorde à une alternative valable qui nous a été présentée hier par le Bureau d'assurance du Canada. Je crois bien qu'au bout de la ligne, nous pourrons constater que les tractations se feront finalement entre ceux qui sont capables d'instaurer un nouveau régime d'assurance, soit le gouvernement et les assureurs. C'est ma conviction qu'à la lumière des discussions que nous pourrons avoir à la commission parlementaire, il y aura certainement un moyen terme accepté et sûrement pas une régie complète d'Etat pour superviser le fonctionnement de l'assurance-automobile au Québec. Une allégation m'a frappé hier et ça vient en relation avec le mémoire du Conseil du patronat, c'est l'information que nous avons eue du Bureau d'assurance du Canada que, sur une période de cinq ans, les statistiques de 1965 à 1970, la moyenne en pourcentage de rendement de capital investi dans les compagnies d'assurance-automobile était de 15 p.c. Je crois que c'est un indice de santé même si les fluctuations sont nombreuses, parce que l'on voit, d'une année à l'autre, les compagnies d'assurance-automobile augmenter leurs taux, les diminuer et le reste, mais selon la moyenne de rendement sur une période de cinq ans de 15 p.c. d'un capital investi, on voit bien que c'est rentable et raisonnable comme placement. Au départ, c'est tout de suite un point, à mon avis, qui demeure important dans le rouage de l'économie du Québec.

A la page 2, au quatrième paragraphe, le rapport souligne que "les possibilités retenues par le comité Gauvin, — comme on le sait tous — sont au nombre de deux, soit de réformer le régime de libre entreprise actuel, soit d'établir un monopole d'Etat". Le Conseil du patronat s'inscrit d'emblée, je l'imagine, dans la possibilité de réformer le régime de libre entreprise actuel et je répète que c'est ma profonde conviction que c'est ce qui se produira éventuellement. En ce qui concerne la guerre des tarifs, la stratégie, est-ce qu'il y en a réellement de la part du comité Gauvin et du BAC voulant qu'ils ne puissent dévoiler les taux de tarification sur le plan d'assurance suggéré?

Je ne discute pas cette éventualité, mais je crois qu'il serait prématuré pour le BAC de s'avancer à nous donner des taux précis, ainsi que le rapport Gauvin, probablement.

Je suis d'accord avec l'exonération partielle de la notion des responsabilités, parce que les informations que nous avons nous disent que 90 p.c. des réclamations d'accidents d'automobiles sont les réclamations situées au niveau minime ou moyenne, si vous voulez. Ce ne sont pas les grosses réclamations.

Alors, en exonérant la notion de faute sur la base plus ou moins suggérée par le BAC, je crois que nous pourrions rendre le service que les citoyens du Québec demandent, soit d'être indemnisés illico sur 90 p.c. des dommages ou des pertes subies au niveau de la santé, etc.

Maintenant, quant aux services que les courtiers accordent à leur clientèle, je pense bien que le Conseil du patronat s'inscrit d'emblée également là-dessus et je les en félicite, parce qu'en définitive le courtier d'assurance, sur le plan humain, à l'égard de l'automobiliste moyen — parce que le citoyen moyen, c'est le gars qui fait 95 p.c. de la population du Québec — est le confident et l'homme en qui on peut placer notre confiance. S'adresser, dans mon esprit à moi, à un consortium de grosses compagnies d'assurance nationales avec du "direct writing" ou de la communication au niveau des réclamations, cela peut-être aussi compliqué

finalement que de s'adresser à un appareil gouvernemental.

J'imagine que le courtier est très bien placé comme intermédiaire pour accorder tout le service dont le profane, finalement, l'automobiliste a besoin. M. le Président, c'étaient mes remarques.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Ce sont des remarques, ce ne sont pas des questions. J'inviterais les députés et les membres de la commission à poser directement des questions et, dans leur préambule, d'être assez courts, parce que je voudrais que, d'ici dix minutes, on en ait terminé avec ces messieurs.

M. TREMBLAY: Je n'avais pas de question, M. le Président. Ce n'était même pas un préambule, c'étaient des remarques.

M. BACON: De quel droit?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous sommes ici pour poser des questions à ceux qui se présentent devant nous si nous n'avons pas compris, c'est le but de la commission... A l'ordre, s'il vous plaît! ... et après, nous discuterons.

Je demanderais au député de Trois-Rivières de discuter en temps et lieu.

M. LESSARD: Délibération de la morale. UNE VOIX: ... son de cloche.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Taschereau.

M. BONNIER: Simplement trois petites questions, M. le Président. La première est une question supplémentaire au député de Saguenay, relativement au placement. Est-ce que, M. Perreault ou M. Dufour, vous seriez d'accord, étant donné l'importance quand même relative des efforts des compagnies d'assurance générale, qui font de l'assurance-automobile, que ces placements soient mieux réglementés de la part de l'Etat quant à leur utilisation, tenant compte, évidemment, de la diversification d'un portefeuille, ce qui est bien normal et de sa solidité, de sa rentabilité, etc.

Mais étant donné que, comme vous le soulignez très justement dans votre rapport, c'est une source d'épargne quant même importante, est-ce que vous seriez d'accord à ce qu'il y ait un peu plus de réglementation de la part de l'Etat dans ces investissements?

M. PERREAULT (Charles): Vous touchez là une question qui est extrêmement complexe. Il existe déjà, comme vous le dites bien, une réglementation très sévère quant à la qualité des investissements pour protéger ce qui est, effectivement, le bien des assurés, afin d'être sûr que s'il se produit des sinistres, les assurés soient couverts. Cette législation, nous la connaissons, elle détermine dans quelle sorte de placement l'assureur a le droit d'aller.

Peut-être qu'à ce moment-là, vous visez l'obligation pour l'assureur d'investir un tel pourcentage de son capital dans le Québec ou même de répartir, à l'intérieur du Québec, dans les régions, en fonction de ce qu'il a perçu, je crois qu'à ce moment on touche une question souvent mentionnée, très controversée, où on se trouve en conflit avec deux grands principes, le principe, par exemple, de retourner vers une région ou vers une province les sommes qui sont confiées à quelqu'un sous forme de prime, etc, l'autre principe, celui de faire fructifier au maximum les sommes ainsi perçues face à la responsabilité qu'on a envers les assurés. Il n'y a pas de noir et de blanc là-dedans. D'ailleurs, c'est une question qui peut évoluer selon la philosophie politique des gouvernements.

Personnellement, je considère que la responsabilité de l'assureur à l'endroit des assurés, celle d'assurer la qualité et le rendement des placements, est la plus importante. Donc, personnellement, je ne suis pas favorable à une loi restreignant les investissements en fonction de telle ou telle région ou de telle ou telle province, parce que je crois que ceci représente une entrave au mouvement des capitaux qui n'est bénéfique à personne.

M. BONNIER: Voici ma deuxième question. Seriez-vous d'accord sur l'assurance obligatoire pour tout le monde, tel que recommandé dans le rapport Gauvin?

M. PERREAULT (Charles): Ce n'est pas un point sur lequel on s'est penché.

M. BONNIER: Vous ne pensez pas que ce serait essentiel?

M. PERREAULT (Charles): Je crois que certains ont examiné cette question en profondeur, c'est une formule qui a été essayée ailleurs. On peut mesurer les effets d'une telle loi et on peut voir jusqu'où la formule est valable. C'est une formule qui semble très attirante à prime abord, mais je crois que l'examen des résultats est beaucoup moins convaincant.

M. BONNIER: Cela aurait comme résultat, évidemment, de mieux diversifier les risques et, à ce moment, de répartir plus équitablement les... Ma dernière question est relative aux courtiers. Dans l'hypothèse où le système de courtiers est maintenu, est-ce que vous croyez que le niveau actuel de bénéfice que les courtiers perçoivent est raisonnable ou s'il pourrait être diminué?

M. PERREAULT (Charles): Je n'ai pas touché, comme je l'ai mentionné tantôt, à cette question des courtiers, mais je pense, M. Bon-

nier, que c'est très difficile de répondre à cette question. C'est une question d'offre et demande. Est-ce que les avocats sont trop bien payés? Est-ce que les médecins sont trop bien payés?

M. BONNIER: C'est bon d'avoir des réflexes, parce que l'homme de la rue nous dit que le courtier reçoit peut-être un peu trop pour le travail qu'il fait dans le domaine de l'automobile. Il y a peut-être d'autres domaines plus compliqués. C'est seulement un réflexe que je veux savoir.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Portneuf.

M. PAGE: M. le Président, j'aurais une question.

LE PRESIDENT (M. Brisson): La dernière.

M. PAGE: Dans votre mémoire, messieurs, vous vous référez presque essentiellement au programme proposé hier, quoique, là-dessus, moi, je regrette que vous n'ayez peut-être pas fait une étude plus approfondie du rapport comme tel. Cependant, vous avez souligné à quelques reprises, à des questions qui vous étaient posées, qu'il n'était pas dans votre intention et qu'il n'entrait pas dans vos compétences d'étudier de façon bien spécifique et particulière tout l'impact de l'assurance au point de vue des technicités et tout cela. Cependant, si on se réfère au principe comme tel, dans le rapport, il y a un grand principe qui est lancé, et j'aurais bien aimé que vous l'abordiez, c'est que l'accident d'automobile est considéré comme une responsabilité sociable. Vous ne craignez pas qu'en partant de l'acceptation d'un tel principe, cela puisse déboucher éventuellement sur d'autres acquis comme cela, à savoir que d'autres formes de notre société, telle qu'elle existe actuellement, pourraient être considérées comme une responsabilité sociale aussi? Si on part, par exemple, de ce principe, on pourrait peut-être dire éventuellement, je ne sais pas, que l'assurance est une responsabilité sociale; on l'a fait dans le secteur de la santé. On pourrait dire: La consommation plus poussée, les chaînes de magasins pour la consommation et pour les aliments, c'est une responsabilité sociale, mettons la patte là-dessus.

M. DUFOUR (Ghislain): A un moment donné, dans le mémoire, on dit: Aujourd'hui, c'est l'assurance-automobile, demain, ce sera l'alimentation, après-demain, ce seront les transports, tout devient possible à ce moment.

Je reviendrais à votre première partie quand vous dites, en fait, que le sens de votre mémoire — en tout cas c'est l'interprétation que je donne à votre intervention — est axé sur le proposition faite hier par le Bureau d'assurance du Canada en fonction de l'AutoBAC. C'est peut-être une impression que l'on donne parce que, comme députés, vous êtes extrêmement sensibilisés à ce problème. Pour nous, cela devient quand même assez marginal. C'est une question qui est posée par le rapport Gauvin et, au départ, comme devant être une des conditions selon lesquelles si elle n'est pas réalisée, on transférera le taux à la régie d'Etat. Alors, on a posé le problème c'est-à-dire qu'on s'y est référé. Une des raisons qui nous faisait appuyer cette proposition du Bureau d'assurances du Canada, c'est que c'était quand même indépendamment de la technicité une proposition tout à fait concrète vis-à-vis de ce que suggère le rapport Gauvin, et qui était non seulement concrète au plan pratique à l'intérieur de chacun des cas possibles au niveau de l'assurance-automobile, mais qui quand même cristalise les positions au niveau de la notion de faute. Dans le programme AutoBAC, on dit dans certains cas qu'on est d'accord sur l'abolition de la notion de faute, et dans d'autres, on garde le droit de recours et de tout.

Fondamentalement, c'est sur cette proposition globale que nous donnons un accord, et non pas nécessairement sur le contenu comme tel de chacune des propositions qui sont faites à l'intérieur d'AutoBAC comme tel.

M. PAGE: Comme cela, on peut donc en conclure que le Conseil du patronat craint ce nouveau principe qui est émis dans le rapport, que ce nouveau principe de responsabilité sociale pourra ouvrir la porte à des modifications dans beaucoup d'autres secteurs de l'activité économique et sociale.

M. DUFOUR (Ghislain): Assurément, pour reprendre ce que je disais tantôt, on a mentionné: Demain, ce sera l'alimentation, après-demain le transport, et quoi?

M. PAGE: Merci, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions financières.

M. TETLEY: Messieurs, merci de votre présence et de votre mémoire. La discussion a été, je crois, fructueuse. J'apprécie que ce soient les députés ministériels qui posent des questions autant que les députés de l'Opposition, et parfois fassent presque des déclarations ministérielles. Merci, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Merci, messieurs. Maintenant, j'inviterais la Fédération des avocats du Québec, M. François Chapados.

Fédération des avocats du Québec

M. CHAPADOS (François): M. le Président, il est midi et je sais que la faim est mauvaise

conseillère. Est-ce que la commission a l'intention de siéger?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Jusqu'à 1 heure.

M. CHAPADOS: Jusqu'à 1 heure.

M. TETLEY: Etes-vous capable, M. Chapa-dos, de faire votre présentation dans l'espace d'une demi-heure?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Ils ont un résumé de trois pages.

M. TETLEY: Ah bon! J'ai une question peut-être indiscrète aussi, Me Chapados. Je vois qu'il y a d'autres avocats dans la salle qui ne siègent pas avec vous, même un avocat éminent, Me Philippe Casgrain. Je me demande s'il fait partie de votre équipe, parce que je note que c'est le seul qui vient de tomber d'un cheval, je me demande la raison de sa présence. Est-ce qu'il veut protéger les avocats ou étendre l'assurance-automobile aux chevaux, quoi?

M. CHAPADOS: M. le Président, je pense que je vais dire une chose qui est tout à l'honneur de Me Casgrain. C'est pour la circonstance un amicus curiae. Nous allons le prendre comme avocat-conseil si jamais il y a des questions trop embêtantes. Alors...

M. TETLEY: Est-ce qu'il aura le droit de vous envoyer un compte dans ces conditions?

M. CHAPADOS: Vous savez, par les temps qui courent, les avocats sont portés à oublier leurs honoraires.

M. TETLEY: Ah, tant mieux!

M. CHAPADOS: M. le Président, j'aimerais, par votre intermédiaire, remercier les membres de cette honorable commission de permettre à la Fédération des avocats du Québec de faire ses représentations. Vous me permettrez également de vous présenter les membres de l'exécutif qui sont ici. A mon extrême droite, M. André Simard; à ma droite immédiate, Me Jacques Meunier, de Granby; à mon extrême gauche, Me Benoît Matte; et enfin, au centre gauche, Me Pierre Rousseau, vice-président.

Tout d'abord, M. le Président, une petite mise au point. Les membres de la commission ont sans doute remarqué que le mémoire de la fédération était une présentation globale, c'est-à-dire que l'on situait dans le contexte de l'ensemble des problèmes de la profession la présentation du présent mémoire. Cependant, il n'est pas dans notre intention de prendre cette commission pour la commission parlementaire permanente de la justice. Alors, à moins de questions expresses à cet effet, nous entendons nous limiter évidemment à la discussion du rapport Gauvin.

Deuxièmement, M. le Président, j'aimerais également remercier l'honorable ministre des Institutions financières d'avoir remis ce matin, à la disposition des membres de la commission, le rapport violet — je ne sais pas quel nom on va lui donner, qui est ici — qui était un document public, mais qui ne circulait pas beaucoup.

UNE VOIX: II circulait en privé.

M. CHAPADOS: Un document public qui circulait en privé. Je pense que ceci va aider, M. le Président, les membres de la commission à comprendre certaines des recommandations ou des interventions que nous entendons faire. Je pense que le dépôt de ce rapport, surtout de l'avoir dans une reliure et dans un format aussi pratique, et de l'avoir remis ce matin aux membres de la commission, c'est tout en votre honneur.

M. le Président, je pense que l'approche de la fédération est essentiellement pragmatique. L'honorable député de Beauce-Sud a parlé tout à l'heure de débat philosophique, et somme toute, face à la hausse croissante du coût de l'assurance-automobile, la Fédération des avocats du Québec suggère implicitement de procéder par étapes. Qu'est-ce à dire? Elle recommande, premièrement, l'instauration et l'application d'une véritable politique de sécurité routière. Si vous vous référez au livre vert de l'assurance, publié en 1973, il appert — et il y a des mémoires qui ont été déposés à cet effet devant la commission — que ceci entraînerait une réduction pratique de l'ordre de 18.2 p.c.

Deuxième suggestion pratico-pratique, abolir la subrogation, ce qui a pour effet — comme le mentionne le rapport Gauvin — entre autres pour les organismes d'Etat, d'abaisser le taux de prime de l'ordre de 3 p.c.

Troisièmement: La fédération recommande également aux législateurs d'adopter une loi rendant l'assurance obligatoire au Québec. L'on sait très bien que le fonds d'indemnisation coûte, à tous les automobilistes, de 4.5 p.c. à 5 p.c. de sa prime, et je pense qu'une telle mesure aurait pour effet pratique de baisser appréciablement le taux de prime actuellement en cours.

Enfin, autre mesure pratique, la fédération recommande, après étude des recommandations du rapport Gauvin, que soit réparti de façon plus équitable le poids financier qui doit être supporté par les assurés, et par règle d'équitabilité, nous recommandons que le poids financier de l'assurance soit réparti entre les propriétaires et les conducteurs. Evidemment, en termes absolus, le coût demeure le même, mais en termes relatifs, quant à l'assuré qui a à payer une police d'assurance, le coût serait de beaucoup moindre.

Quant à nos commentaires généraux, ils sont les suivants: Tout d'abord, je ne veux pas faire de philosophie, mais au niveau sociologique, le rapport Gauvin — le député de Beauce-Sud l'a

souligné tout à l'heure et plusieurs membres de la commission l'ont souligné — débouche, en fait, sur des monopoles. Je ne m'étendrai pas sur ce point. Je veux tout simplement dire que nous vivons à une époque de grands ensembles, et qu'à cette époque de grands ensembles, il faut se rappeler que le citoyen, dans bien des cas, est seul. Qu'il soit seul devant un cartel, devant un trust, devant un monopole ou devant une régie d'Etat, le résultat est le même. A ce sujet, nous le disons d'ailleurs dans notre mémoire, à la page 6, à 2.1.4: "La FAQ ne peut souscrire d'emblée à un tel type de structure lié à l'exclusion de tout intermédiaire. A ses yeux, toute réforme qui s'accompagne de bannissement systématique de toute instance organique constituée risque de déboucher sur des maux pires que ceux que l'on prétendait vouloir régler". Et à 2.1.5: "Selon la fédération, n'est humaine que de nom toute société qui — par les structures qu'elle se donne — consacre l'immense solitude des citoyens qui la composent".

Voici pour le niveau sociologique. On y reviendra.

Le niveau économique. Il faudrait, je pense, que les parties jouent cartes sur table. J'ai assisté depuis quelques jours à la série de mémoires qui ont été présentés ici et on a parlé tout à l'heure de pourcentage — je ne veux pas viser spécifiquement le Bureau d'assurance du Canada — mais pour les gens qui étaient dans l'assistance, on avait vaguement l'impression d'assister à un immense ballet que j'appellerai la valse des pourcentages et aucune des parties ne semblait trop intéressée à se risquer au niveau des chiffres.

Au niveau du rapport Gauvin, je demanderais au gouvernement, en fait, de jouer cartes sur tables, parce qu'à tort ou à raison, le rapport Gauvin ne le dit pas, mais les recommandations visant le "direct writing" vont avoir un effet économique certain vis-à-vis de certaines compagnies par rapport à d'autres. Il faudrait qu'en la matière — et c'est une recommandation que fait la fédération — le pouvoir étatique, l'Etat joue cartes sur table. Le rapport Gauvin est silencieux sur le pourquoi de l'établissement du "direct writing". On parle d'économie, évidemment, d'échelle au niveau des pourcentages à payer aux courtiers, mais je pense qu'il faut aller un peu plus loin et considérer qu'il y a une réalité économique qui se cache derrière tout cela.

Autre commentaire général. Au niveau de la tarification, à la page 11 de son mémoire, 2.3.4, la fédération dit ceci: "Niveau tarification , l'intérêt public exige que l'Etat se donne les moyens d'agir en la matière auprès des compagnies visées, tâche qui exige plus de courage politique que la simple exclusion de professionnels de moindre importance économique, mais qui cependant sont utiles à la population".

Evidemment, je ne veux accuser personne. 2.3.4, réfère, en fait, à tous les gouvernements antérieurs qui se sont succédé et si l'Etat, dans le passé, a pu faire preuve d'une certaine carence quant au contrôle qui aurait dû s'exercer, je ne veux aucunement en accuser le présent gouvernement, mais il reste un fait qui est le suivant: C'est que l'on devra songer sérieusement à des mécanismes pouvant permettre, si le régime d'entreprise privée est maintenu, à ces entreprises, d'une part, de subsister et, d'autre part, également à un régime qui devrait permettre aux assurés de payer, somme toute, des polices dont le coût ne serait pas, à certains égards, à un moment ou à un autre, prohibitif.

M. TETLEY: Me Chapados, seulement une intervention. 2.3.4, à la page 11 de votre mémoire... Vous parlez de l'exclusion de professionnels, avocats, courtiers. Je sais que vous représentez ici les avocats du Québec. Mais vous parlez quand même des courtiers. M. Gauvin ne veut pas exclure — et je cite M. Gauvin — les courtiers, mais il veut ouvrir certaines compagnies à "direct writing". Aujourd'hui, certaines compagnies excluent le "direct writing". C'est tout simplement une mise au point que je voulais faire parce que ce n'est pas la première fois que quelqu'un soulève la question.

M. CHAPADOS: Quant à la présence des courtiers en la matière, c'est un réflexe inconditionné.

M. TETLEY: Parfois, je me demande pour qui... Vous allez envoyer un compte aujourd'hui aux courtiers.

M. CHAPADOS: Mais je pense qu'il fallait le mentionner parce que c'est la tendance du rapport Gauvin que d'exclure tous les intermédiaires et surtout ceux qui font affaires avec la petite population, qui font affaires avec les gens qui habitent dans les petits centres, dans les petites villes ou dans les quartiers de grandes villes comme Québec, les quartiers populaires, ou Montréal, les quartiers populaires.

Alors, systématiquement, je soumets et la Fédération des avocats soumet que le rapport Gauvin, dans cette optique, écarte systématiquement ces gens. Fussent-ils utiles à la société? C'est une autre chose. On y reviendra tout à l'heure. Mais, comme tendance philosophique, c'est ce que, à tort ou à raison, je pense qu'il y aura des discordances, mais la Fédération des avocats y réfléchit.

Niveau étatisation, même chose. La recommandation de la fédération est très simple. Là comme ailleurs, elle demande à l'Etat de jouer franc jeu d'autant plus qu'il est dans une situation privilégiée en la matière, étant donné les pouvoirs qu'il a, je pense, étant donné que je m'adresse à un gouvernement qui est extrêmement démocratique, étant donné l'importance de la question et aussi, somme toute, en dernière analyse, parce que la population va

avoir à payer la chose. Si jamais — ce qui est quand même une option défendable — l'Etat devait décider d'envahir ce champ, la fédération suggère, comme cela s'est fait dans certains Etats américains, qu'il y ait référendum portant conjointement et sur ce sujet et sur l'abolition de la notion de responsabilité. Ceci dit, nous allons passer à la deuxième partie, M. le Président, de l'exposé, c'est-à-dire la notion de faute et tout ce qui s'en suit.

Si l'on se réfère à la page 312 — cela ne vaut pas la peine d'ouvrir le rapport, je vais le mentionner — le rapport Gauvin se réfère à deux notions. En fait, c'est la dichotomie constante que l'on retrouve dans le rapport: D'une part, le droit à l'indemnisation découlant de la responsabilité et, d'autre part — c'est l'équation que l'on fait, équation inégale d'après le rapport, mais, quand même, la contrepartie, c'est le droit à l'indemnisation. Donc, c'est la dichotomie, d'une part, l'indemnisation découlant de la notion de responsabilité et, d'autre part, le droit pur et simple à l'indemnisation.

Sur ce point, M. le Président, le mémoire que la fédération a soumis est explicite dans ses grandes lignes. Je n'ai pas l'intention de le lire. J'aimerais attirer l'attention des membres de la commission sur 3.1.1. page 11, où nous affirmons que le principe de la responsabilité est la base de toute société démocratique. Nous continuons et nous évoquons le passage du rapport Gauvin où l'on dit que la notion de responsabilité est une notion désuète, etc. Nous trouvons que c'est un raisonnement qui est fallacieux et nous pourrions dire la même chose de bien des représentations qui vous ont été faites. A un moment donné, nous parlons, dans notre mémoire, de la volte-face qui a été faite en janvier 1974 par le Bureau d'assurance du Canada sur le plan de la responsabilité et on a rejeté, en fait, la notion de faute sous prétexte de la complexité de certains accidents, etc., difficulté de preuve. Je pense, M. le Président, que c'est un raisonnement qui est fallacieux. Autant dire, parce que nous vivons dans une société qui est plus agitée que d'habitude, où il y a plus de revendications sociales, que nous devons également, dans ce domaine comme ailleurs, abolir la notion de faute. Vous comprendrez que si jamais il y a une manifestation devant le Parlement où il y a des actes de violence et qu'il y a 3,000 personnes, la preuve est quand même assez difficile à faire. Mais partant de circonstances ou de faits comme ceux-ci, on essaie d'instaurer somme toute un régime où nous pensons sérieusement, à un moment ou l'autre, que le citoyen responsable sera appelé à payer et à supporter de façon systématique l'incurie de certains.

Là-dessus, j'aimerais également attirer votre attention sur le fait que le rapport Gauvin, page 325, précise que la population ne serait pas disposée à accueillir présentement une réforme obligatoire de responsabilité sans faute. Nous disons: II y a une raison à cela. Nous le soulignons dans le mémoire. L'inconscient collectif, le bon sens populaire, attache peut-être plus d'importance à cette notion, à la notion préventive qui s'attache à la notion de responsabilité. Nous passons après au droit de recours.

Quant au droit de recours, M. le Président, nous sommes en complet désaccord sur le rapport de la commission à ce chapitre. Disons que j'attendrai les questions de la commission. Il est très simple d'affirmer. Vous savez, de nos jours, dans une société moderne, on ne peut plus se référer à la notion floue du bon père de famille, de l'homme prudent et diligent, etc. On fait table rase. En contre-partie, ce que l'on offre, j'en parlerai tout à l'heure. On va offrir une justice de barèmes, une justice de critères, une justice qui sera arbitraire, que ce soit un régime d'Etat ou un régime d'entreprise privée, peu importe, je vous le démontrerai tout à l'heure. Somme toute, tout ça, comme le dit le rapport, en considérant le fait, à la page 207, qu'à peu près 1 p.c. des causes se rendent à audition de jugement, je pense que, si on rétablit les choses dans leur véritable proportion, à un moment donné, on s'aperçoit qu'on est parti de cas très particuliers de généralisation, de mise au rancart de notion floue pour aboutir à une mise au rancart de la notion de responsabilité.

Quant à la lenteur judiciaire, tout le monde évolue, par les temps qui courent, M. le Président, et je pense que les membres de cette honorable commission sont, aussi bien que moi, au courant des efforts inouïs qui ont été tentés dans le domaine judiciaire et sont également au courant des résultats qui ont été obtenus.

Enfin, un autre argument qui a été soulevé par le rapport Gauvin, la non-indemnisation des victimes. A la page 196, le rapport Gauvin dit que "en termes de dommages matériels, les gens sont relativement bien compensés et que, à l'item de dommages corporels, la sous-indemnisation n'est que de 3.84 p.c. Somme toute, si on regarde la situation dans son ensemble, il n'y a pas lieu de crier à une situation apocalyptique, je pense qu'il y a lieu de s'attaquer à la réalité, de prendre des moyens que nous avons suggérés tout à l'heure, pratiques, de couper le prix des primes et je pense qu'on arrivera à des résultats qui seront extrêmement valables.

A la page 15, la fédération parle également du maintien du droit de recours et elle insiste sur ce point qui doit porter tant sur la responsabilité que l'évaluation des quanta et, à 3.2.2, nous disons ceci "Outre les motifs déjà évoqués à 3.1.5 du présent mémoire, il ressort que la population entend continuer à se prévaloir de ses droits devant les tribunaux de droit commun à l'encontre de la justice administrative que propose le rapport Gauvin". Je reviendrai sur ce point tout à l'heure, sur ce que nous entendons par justice administrative. Quant aux implications du droit de recours, j'ai mentionné tout à l'heure que nous n'étions pas devant la

commission parlementaire permanente de la justice. Enfin, à la page 19, nous parlons de la description du rôle de l'avocat. A compter du moment où la notion de responsabilité doit être maintenue, nous disons que le maintien du droit de recours, sans droit de représentation, c'est de la foutaise. En fait, c'est établir des recours qui n'ont de recours que le nom. Parce que l'exercice en est, à toutes fins pratiques, illusoire. Ceci pour bien faire comprendre ce que c'est qu'un avocat. Dans le mémoire, nous allons très loin; à 4.2.2, nous disons ceci: "Dans toute société moderne, le simple citoyen aux prises avec l'appareil administratif ou judiciaire n'a souvent que la voix de son avocat pour se faire entendre". Je sais qu'il y en a qui vont trouver ça drôle. Quand même, nous le pensons profondément. Je pense qu'il s'agit d'être avocat pour le réaliser. En d'autres mots, l'avocat est en quelque sorte le syndicat ou l'appareil que se donne le citoyen pour faire valoir ses droits.

Lorsque l'exécutif s'est réuni pour discuter le mémoire, nous avons longuement discuté à savoir si nous allions laisser le vocable "syndicat", et nous avons décidé de le maintenir, parce que nous vivons dans une société où tout le monde parle contre les syndicats, mais où tout le monde — qu'il s'agisse des médecins, des avocats, les hauts fonctionnaires, nous sommes ici groupés en association professionnelle — est regroupé en association pour défendre ses intérêts.

Alors tout le monde — je m'excuse de l'expression "gueule contre les syndicats" — mais à peu près tout le monde en a un. Celui qui n'en a pas, c'est précisément le citoyen qui lui, est seul devant l'appareil administratif ou l'appareil judiciaire. Cela est très important à retenir.

Et dans l'autre partie du mémoire...

M. TETLEY: Est-ce que vous voudriez dire que votre syndicat s'occupe de la population?

M. CHAPADOS: Absolument pas. Nous faisons un parallèle et nous disons que pour le citoyen, face à l'appareil administratif sur lequel je vais faire quelques commentaires tout à l'heure, pour le citoyen face à l'appareil judiciaire, l'avocat, c'est l'appareil qu'il se donne. C'est le syndicat qu'il se donne pour faire valoir ses droits. Je pense que l'image vaut d'être retenue.

A l'autre chapitre, M. le Président, nous parlons de l'utilité pratique de l'avocat dans le domaine de l'assurance-automobile. Le raisonnement est pas pire, quand même, parce qu'à l'article 4.3.2, M. Gauvin, à la page 199 de son mémoire, dit que la menace de poursuite légale qui pèse sur l'assureur constitue indibutablement la principale raison de surcompensation. Je vais y revenir tout à l'heure. Surcompensation dans le régime actuel. Je vais démontrer en quoi le régime proposé à certains égards propose des dédommagements qui ne sont pas tout à fait réalistes, compte tenu de l'évolution des dernières années. 4.3.3, toujours, par référence au rapport Gauvin, page 199, le rôle de l'avocat est primordial. Enfin, à l'article 4.3.4, en se référant à la page 198, nous citons M. Gauvin en disant: "L'indemnisation des victimes qui procèdent seules est nettement plus inadéquate que celle des victimes qui ont recours aux services d'un avocat".

Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a une autre loi qui est chargée, pour les citoyens défavorisés, d'assurer qu'un citoyen puisse avoir recours à un avocat. Je ne m'étendrai pas davantage ici. Non plus à l'autre chapitre: Entraves à l'exercice de la profession d'avocat en matière de responsabilité automobile. Cela peut référer à une autre législation dont votre commission n'est pas chargée de l'étude.

En fait, c'est la première partie que je viens de couvrir, quand j'ai référé tout à l'heure à la dichotomie, la notion de responsabilité, le droit découlant de la notion de responsabilité, versus le droit d'indemnisation.

Le droit d'indemnisation, c'est un beau droit, cela se dit bien. Cela peut être aussi, dans certains cas, l'ivresse. Je vais donner des exemples. Lorsqu'on parle, M. le Président, de l'incapacité totale temporaire, il faut savoir ce que cela va donner, le régime proposé.

Premièrement, le rapport introduit un délai de carence qui représente, en termes — si nous commentons tout à l'heure le rapport — de 10 p.c. d'après M. Gauvin, de la portion de la prime qui va en incapacité totale temporaire. Selon d'autres actuaires, cela représente plus.

Deuxièmement, la période d'invalidité. Cela aussi, c'est beau, le rapport. Vous allez avoir droit — je n'entre pas dans les détails — à une telle portion de votre salaire durant tant de temps, etc., et cela va bien aller, jusqu'à concurrence... c'est beau. Mais il faut savoir comment cela va fonctionner. Que ce soit une régie d'Etat ou que ce soit une compagnie.

Je vous ai apporté le résumé — c'est une commission gouvernementale qui n'est pas du gouvernement du Québec donc, cela ne compromet personne — où justement, M. le Président, pour établir des incapacités totales temporaires, on réfère à des livres de téléphone. C'est un petit résumé. Voyons un peu ce que cela va dire, par exemple.

Il s'agit d'un volume qui sert au paiement des prestations à la Commission d'assurance-chômage.

Dans le cas de maladie, la dame ou le monsieur, peu importe, l'avocat qui se présente à la compagnie qui dit: "Moi, monsieur, j'ai eu une fracture du crâne" que ce soit la régie, que ce soit un fonctionnaire ou que ce soit une compagnie, c'est un employé qui va ouvrir son livre. Fracture du crâne, voici un diagnostic de

fracture du crâne: "Doit être exclusivement restreinte à la boite crânienne". On ajoute: "La partie qui renferme le cerveau. La fracture de la mâchoire ou des os faciaux ne doit pas être incluse dans ce diagnostic; ces fractures sont décrites ailleurs sur les cartes appropriées." Donc, pas d'enfoncement frontal, ce n'est pas la place, la fracture du crâne, c'est en arrière. "La règle: de deux à quatre semaines". Là, on donne des notes explicatives après. Cela aussi est intéressant. Si jamais cela vous arrive, vous allez voir ce qui peut vous arriver. Moi, je suis l'employé de la compagnie, j'espère que la compagnie ne m'en voudra pas si je suis encore l'employé de la régie... et je continue, parce qu'il y a une note au bas. Qu'est-ce qu'ils disent? "Les gens ne meurent pas d'une fracture du crâne sans complication. On ne doit pas anticiper une période d'incapacité très longue ou très grave. Dans ce cas, à moins que la fracture ne soit communitive avec enfoncement ou compliquée; les fractures du crâne extrêmement graves peuvent parfois entraîner très peu d'altérations cérébrales". Là, on ajoute une perle. "Par ailleurs, il n'est pas rare qu'une autopsie révèle que le cerveau a pratiquement été anéanti sans qu'il y ait eu fracture du crâne".

Le dernier commentaire quant à cela: "Si, dans un cas de simple fracture du crâne, sans mention de lésion cérébrale ou d'hémorragie intracrânienne..." — hémorragie, il y en a de bonnes là-dedans — "... le médecin prévoit beaucoup plus que quatre semaines, on doit immédiatement lui demander quelles sont les complications qui justifient une période d'incapacité aussi prolongée". Donc, c'est de deux à quatre et si cela dépasse cela, un bon rapport médical, parce que, sans cela, vous n'aurez pas une "toll".

Quand on parle de justice à un moment donné qui va être d'ordre administratif, que ce soit une régie que ce soit une compagnie, ce seront des gens ordinaires, sans connaissance médicale, qui vont ouvrir leur bouquin et qui vont voir ce qui en est. Je vous donne un autre exemple. Je termine là-dessus, parce que je pourrais vous en parler longuement, il y en a des vertes et des pas mûres. Il y en a un autre. Je vois un peu, à en comprendre madame de tout à l'heure qui se présente...

M. TETLEY: De quel gouvernement avez-vous dit que cela venait?

M. CHAPADOS: Cela n'est pas le gouvernement, c'est la Commission de l'assurance-chômage.

M. TETLEY: Du Québec?

M. CHAPADOS: Non, de la Commission de l'assurance-chômage.

M. TETLEY: Pardon!

M. CHAPADOS: Je n'ai voulu mettre personne mal à l'aise avec cela. On ne parle pas de ce qui se passe ici, on parle de ce qui se passe ailleurs.

M. ROY: Pouvez-vous nous assurer...

M. CHAPADOS: Cela ne met pas en cause le présent gouvernement.

M. ROY: ... que ce ne sont pas des avocats qui ont rédigé cela?

M. CHAPADOS: Non, si c'étaient des avocats, il y aurait moins de termes médicaux. Je suis sûr que... Je ne sais pas qui.

M. BACON: ... des avocats qui...

M. CHAPADOS: Je ne dirai pas que ce sont des fonctionnaires, je vais me faire des ennemis.

M. BACON: II y a bien des avocats qui font affaires avec des médecins.

M. CHAPADOS: II y a une autre chose, M. le Président. C'est le dernier exemple que je cite ici. Cet après-midi, j'en citerai d'autres. Il y a un autre exemple. Le bonhomme qui est impliqué dans un accident, cela arrive très souvent qu'il ait une hémorragie cérébrale. La dame se présente avec sa lettre. Le monsieur a eu une hémorragie sous-arachnoidienne. Il explique ce qu'est une hémorragie sous-arachnoidienne. Le monsieur va probablement lui dire: "Madame, vous êtes chanceuse". Elle a probablement répondu: "Vous n'avez pas vu mon mari, il est encore inconscient". C'est à cause de ce qui est écrit ici. "Environ un tiers de toutes les personnes hospitalisées pour une hémorragie sous-arachnoidienne, soit naturelle, soit par traumatisme, meurent au cours de la première attaque". La dame va peut-être répondre: "Vous savez, mon mari, il est dur de santé". Je suis sûr que le monsieur qui va appliquer la réglementation va ajouter ceci: "Parmi les survivants, le corps meurt d'hémorragie sous-arachnoidienne récurante moins d'un an après la première attaque". Madame, bon courage, on va vous aider.

Maintenant, ce qu'on veut vous donner, c'est de dix à douze semaines d'incapacité totale temporaire. Là, attention, il y a une note en bas. Comme toutes les victimes d'une hémorragie sous-arachnoidienne doivent être alitées et au repos complet durant quatre à six semaines, après que l'on croit le saignement enrayé, on peut compter que très peu de périodes d'invalidité, dues à une telle hémorragie, dureront au moins de huit à dix semaines. Cependant, compte tenu du risque élevé de morts et du taux élevé de récurrence, nous devons considérer qu'une période d'invalidité de trois mois n'est pas excessive. C'est cela, c'est de dix à douze semaines. Qu'il s'agisse, cela est écrit

dans... Est-ce que cela s'applique à un enfant de huit ans, à un jeune homme plein de vigueur, à une jeune fille pleine d'espoir? Je ne le sais pas. Est-ce que cela s'applique à un vieillard? On ne le sait pas non plus. Alors, la justice administrative, la justice de barème, de critères préétablis va s'appliquer. Monsieur va se faire dire: Vous, monsieur, vous avez dix à douze semaines, même si vous avez 25 p.c. des chances de mourir au bout d'un an.

Quant à la mutilation, M. le Président, on va se référer à une source qui est simple, on va se référer au rapport Gauvin. A la page 323, où il dit à un moment donné: Les personnes qui jugeront ces indemnités insuffisantes pourront combler leurs besoins en recourant à une assurance additionnelle offerte par les régimes supplémentaires. On pourra tout à l'heure à la période des questions, évidemment, dire ce qu'on pense des sommes qui sont prévues pour souffrances, douleurs, pertes de jouissance de la vie, compte tenu des jugements récents et compte tenu de l'évolution de la société dans laquelle on vit.

Il s'infère de ce paragraphe qu'on va donner quelque chose de juste, c'est bien sûr. C'est juste, il ne faut pas aller plus loin. C'est juste si c'est juste, comme dit mon confrère de gauche. D'ailleurs sur ce plan, le rapport Gauvin ne fait pas une recommandation qui est de nature à alarmer l'industrie de l'assurance. Il dit, toujours à la page 323: L'existence de cette table, l'indemnité ne pourra en aucun cas excéder $10,000. Cela ne règle aucun cas de $10,000. L'existence de cette table n'est pas nouvelle. Elle existe déjà dans plusieurs régimes privés, dans certains régimes publics. L'innovation dans la suggestion du comité porte sur le montant de base du calcul. Le calcul est tellement bon que je vais me permettre de citer un extrait de mémoire qui est devant vous, celui de Allstate, à la page 3. Là aussi, on a vu que c'était "pas pire", le rapport au niveau de la mutilation. On dit ceci: "Nous sommes d'accord avec le comité Gauvin quant aux abus possibles dans le cadre du régime de la faute. Ces abus proviennent principalement du versement, en plus des pertes économiques, d'indemnités élevées pour souffrances et douleurs non nécessaires pour les blessures bénignes. Blessures bénignes, vous allez voir tout à l'heure ce que sont des blessures graves. Ces indemnités pour souffrances...

M. TETLEY: Je me demande si ce serait juste pour Allstate, qui n'est pas ici de...

M. CHAPADOS: C'est devant la commission...

M. TETLEY: Peut-être. Je ne veux pas imposer le bâillon, mais je soulève le point. Vous êtes avocat, je suis avocat, nous sommas tous démocrates. Allstate n'est pas ici. Allstate n'est pas représentée. Mais quand même, continuez, sous réserve, comme dit le juge...

M. CHAPADOS: M. le Président, j'aimerais...

M. TETLEY: Je n'ai pas cette ambition, mais sous réserve.

M. CHAPADOS: M. le Président, je connais la haute conscience du ministre des Institutions financières. Il m'en reste un peu en tant qu'avocat, moi aussi. Je n'aurais pas cité cela si ce n'était pas un document public qui est devant une commission. Je pense qu'à ce moment la compagnie en cause va pouvoir très bien venir rectifier mes erreurs. Ce qu'il est important d'obtenir...

M. TETLEY: Ce n'est pas de défendre Allstate ou votre association ou AutoBAC, ou n'importe qui, c'est de trouver des solutions, la meilleure solution. Parfois, lorsqu'on enfreint certaines règles, cela cause un problème. Continuez.

M. CHAPADOS: Non, mais c'est parce que cela éclaire sur justement ce que recommande le rapport à ce niveau. Je ne sais pas où j'étais rendu... Ah oui! pour les blessures bénignes. On va parler des blessures graves. Ces indemnités pour souffrances et douleurs sont en quelque sorte des réclamations ennuyeuses.

Pour éviter la possibilité de poursuites longues et onéreuses, la compagnie d'assurance verse des indemnités plus élevées que le réclamant ne le mérite. A toutes fins pratiques, je me réfère au rapport Gauvin là-dessus; sur ce plan, la recommandation qui est inscrite va régler le problème.

Nous suggérons à la commission parlementaire que la solution pour éviter des versements élevés d'indemnités non nécessaires dans le cas de blessures bénignes — on va arriver aux autres tout à l'heure — serait d'amender la loi sur les droits de recours et de poursuite, afin que nulle indemnité pour souffrances et douleurs ne soit faite à moins qu'il soit clairement défini que le seuil des souffrances et douleurs est dépassé. Quel est ce seuil des douleurs? Bonne question. Je continue. Ce seuil serait toujours dépassé dans le cas de certaines blessures, clairement définies, subies par une personne, comme par exemple: la défiguration, la mutilation ou la mort, pour un montant précisé de frais médicaux encourus pour la personne blessée, par exemple: $500.

Alors, je n'en dis pas plus long. Je referme cela, mais quand même, je souligne qu'à ce niveau, les recommandations du rapport, encore une fois, c'est une justice de critères, de barème, entre parenthèses, un petit peu à la bonne franquette.

Il y a également un autre point, M. le Président, où la population va être littéralement

désavantagée, et c'est lorsque, dans le rapport —il faut que je trouve le rapport — à la page 323 — il y a des pères de famille ici — on parle d'indemnités pour décès d'un enfant. De 0 à 12, c'est $500. Si vous avez des enfants entre zéro et douze ans, $500. Je vous mentionne au passage un jugement récent de la cour d'Appel en 1970, Ouimet vs Langevin, pour une jeune fille de cinq ans, a accordé près de $9,000, soit $8,246 au père et à la mère, contre $500 que demande le rapport Gauvin.

Evidemment, je comprends le rapport Gauvin. Quand on fait l'étude des indemnités, on commence en 1946. On se réfère à une cause qui date de 1946, cause de la cour d'Appel. Cela veut dire que la cause a débuté sous le régime Godbout. Il faut quand même se placer un peu. En 1946... Oui, c'était Duplessis, mais comme c'était Duplessis, mais comme c'était en cour d'Appel en 1946, cela a dû débuter sous le régime Godbout en cour Supérieure.

M. TETLEY: C'était peut-être dans le temps de Taschereau, lorsqu'on...

M. CHAPADOS: On ne remontera pas jusqu'à Sir Lomer Gouin.

Treize ans, $600; quatorze ans, $700; quinze ans, $800. Il y a d'autres causes, M. le Président. Uxor vs Boisclerc, pour une jeune fille de trois ans et demi (1973, cour d'Appel) le père et la mère ont eu un total de $6,000, contre $500 proposé par le rapport Gauvin.

Dans une autre cause, Barbeau vs Fortin, pour un garçon de 17 ans, (1971, cour Supérieure, no 447) ce que propose le rapport, 17 ans, $1,000. Encore là, il y a eu une indemnité de versée au père et à la mère de près de $16,000. Pour un jeune homme de 17 ans, le père et la mère ont reçu près de $16,000. Le rapport Gauvin suggère $1,000.

Alors, il va peut-être y avoir un petit peu de justice pour tout le monde, mais il n'y en aura pas beaucoup, entre autres, à ces niveaux.

La conclusion, M. le Président? J'essaie de relever le défi que m'a lancé tout à l'heure M. le ministre: Etre le plus court possible.

La conclusion...

M. TETLEY: Vous n'avez pas réussi, mais c'est bien quand même. Ce n'est pas notre intention d'imposer le bâillon ici.

M. CHAPADOS: M. le Président, disons qu'à l'article "conclusion", je vais me référer au rapport qui a été distribué ce matin par le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. Ce rapport particulier —parce qu'on parlera du rapport général et du rapport particulier, cela se complète — soulève un paquet de points d'interrogation.

A la page 1: "L'élimination de la notion de la faute et du recours envers le tiers implique des changements fondamentaux dans l'indemnisa- tion des pertes de victimes. Ces modifications affectent les critères d'admissibilité à l'indemnisation puisque le nouveau régime relie cette dernière à la perte économique des victimes. Il nous est toutefois impossible d'identifier l'impact de chacun des changements sur le coût, quoique cette recherche ait pu susciter beaucoup d'intérêt". Première inconnue.

A la page 9, on reprend ce qu'on dit dans le rapport à propos de ce qui est proposé aux souffrances, douleurs, pertes et jouissance de la vie. On invite les gens, qui trouveront les dédommagements insuffisants, d'avoir recours à une assurance additionnelle. En d'autres mots, les gens qui ont les moyens l'auront et ceux qui n'ont pas les moyens ne l'auront pas. Autre inconnue.

A la page 14 du rapport particulier, paragraphe 2: "La présente évaluation ne vise pas à déterminer les taux qui devront être utilisés. Mesurer précisément l'impact des changements mentionnés sur le coût ne sera possible qu'à la lumière de l'expérience de quelques années". Donc, attendons pour voir. On continue: "Toute estimation préalable exige de nombreuses hypothèses, une bonne part de jugement et est assujettie à une marge d'erreur". Est-ce qu'on peut vraiment se lancer... C'est une autre inconnue et M. Gauvin ajoute: "Par contre, ce manque de certitude ne doit pas empêcher l'adoption des réformes qui s'imposent". Là-dessus, nous ne sommes pas d'accord avec lui. Et nous allons continuer. Il y a encore quelques extraits qui valent la peine d'être cités.

A la page 20. Une autre inconnue du régime. Le dernier paragraphe: "II faut signaler que durant la période couverte par l'enquête, le régime d'assurance-maladie du Québec n'avait pas encore été établi". Cela aussi est une inconnue parce que si on se réfère à la page 16 du document, il arrive ceci: Les frais médicaux et l'assurance-hospitalisation représentent 29.1 p.c. du coût qui est versé au niveau des blessures corporelles. 29.1 p.c. Sur ces 29.1 p.c, il y a une répartition qui doit se faire: 10.1 p.c. des frais médicaux, mais je me demande si cela a été établi pour la période couverte... Je me demande sur quels chiffres s'est basé M. Gauvin, parce qu'il n'y avait pas de régime d'assurance-maladie. Il n'y avait que des régimes privés. On a dû nécessairement se référer ailleurs, à des provinces, à des expériences qui ont été faites ailleurs, en d'autres circonstances de temps et de lieu.

Alors, il n'est pas sûr que le pourcentage qui apparaît là soit exact. Cela pourra peut-être coûter beaucoup plus cher et beaucoup moins cher. C'est une autre inconnue aussi.

A la page 28, deuxième partie du paragraphe 2, au niveau de l'incapacité totale temporaire, on dit ceci: "En effet, sous le régime actuel, il est peu probable que ceux-ci puissent être indemnisés pour leur incapacité temporaire". D'accord, je concède ce point. "Par conséquent, il est normal que le taux de non-déclaration de la perte soit très élevé".

Alors, ce que prévoit le rapport, c'est qu'il doit y avoir un taux de déclaration de perte, de non-déclaration très élevée, surtout quand cette perte n'est pas associée à une perte d'un autre type tel que l'hospitalisation. En somme, il est fort possible que soit sous-évaluée la proportion des victimes ayant subi une incapacité temporaire parmi les groupes autres que les travailleurs. C'est très important, parce que si vous vous référez toujours à la page 16 de ce même document, traduit pour l'année 1969, aux réformes proposées en termes de pourcentage du taux actuel, l'incapacité temporaire est de 26.4 p.c, et cela aussi, c'est une grosse inconnue. On admet qu'il y a probablement un paquet de personnes où il y a un taux de non-déclaration très élevé. Alors, qu'est-ce que cela va coûter? Cela aussi, c'est une autre inconnue.

A la page 34, on souligne encore le délai de carence, on y dit que le délai de carence entraînerait une diminution de 10 p.c. des indemnités versées pour incapacité totale temporaire. Donc, 10 p.c. de 29 p.c, mais encore là, je ne suis pas actuaire, j'en ai parlé, les avis divergent. Apparemment, cela pourrait être plus élevé. Enfin, page 37, M. le Président, c'est une autre inconnue assez considérable quant à nous, les deux derniers paragraphes sont les suivants: Notre échantillon comporte neuf cas d'incapacité permanente, neuf cas dont le pourcentage d'invalidité est de 100 p.c, deux victimes où il est de 50 p.c. à 99 p.c, et 46 victimes pour qui il varie de 10 p.c. à 49 p.c. Selon nos hypothèses, ces 57 victimes équivalent à 18.5 cas d'invalidité permanente totale du point de vue de l'évaluation. Voici ce qu'on ajoute et c'est ce qui est important: Compte tenu du petit nombre de victimes concernées et de l'importance des sommes qui leur sont versées, les résultats obtenus pour invalidité permanente prêtent une forte marge d'erreurs. Encore là, qu'est-ce que cela va coûter? Je vous réfère à la page 16 où l'invalidité permanente que recommande le rapport Gauvin, appliquée à 1969, représenterait 25.8 p.c. du régime actuel. Alors, cela fait pas mal de marge d'erreurs, cela fait pas mal d'inconnues, et je me demande sérieusement si on doit se lancer à l'aveuglette dans une aventure aussi considérable alors que le gouvernement a le choix. Il a le choix de procéder par étapes. Il a le choix de procéder — et je conclus là-dessus — par les mesures pratiques que nous avons citées tout à l'heure, qui pourraient assurer des réductions de coûts. Quand on parle de sécurité routière, je ne veux pas faire le procès du gouvernement et la fédération ne veut pas faire le procès du gouvernement, c'est toute la société québécoise qui est en cause. Quand on vient des Etats-Unis, quand on vient de l'Ontario et qu'on traverse, on arrive chez nous, et on voit qu'on arrive chez nous, cela accélère de tout bord et de tout côtés, et probablement chez ceux qui sont à la table ici. Je veux dire que c'est une question qui met en cause, d'une part, le gouvernement, mais aussi l'autodiscipline de l'ensemble des Québécois.

En rapport avec la sécurité routière, l'ancien président de l'Association des courtiers, dans une allocution qu'il avait prononcée, se référant à l'année 1969, dit ceci:

Fréquence des sinistres: Québec, 12 par 100 véhicules, Ontario, 8.7 par 100 véhicules. Effectifs policiers: Québec, 10,228, soit 31.1 p.c. du Canada; Ontario, 11,643, soit 32.3 p.c. du Canada. Policiers par 1,000 personnes: au Québec, 1.7, en Ontario, 1.6; policiers par 1,000 véhicules: Québec, 7.1, Ontario, 4.8. Vous voulez savoir ce que ça donne? Infractions au code de la route, par cent véhicules: Québec 59, Ontario 80. Contraventions pour délits sérieux: Québec, 26,000, Ontario, 67,500.

M. le Président, ceci étant dit, je pense qu'il y aura quelques questions qui seront posées cet après-midi, du moins je m'en attends. Disons que, somme toute, ce que recommande la fédération, c'est que le gouvernement procède par étapes, maintienne la notion de responsabilité, rejette la proposition du rapport Gauvin à l'effet d'écarter les intermédiaires, les avocats, etc. Bref, c'est une mise au rancart qui va desservir la population et impose l'assurance obligatoire. Somme toute, si on procède de cette façon, par étapes, je pense que le citoyen, au bout — comme l'a démontré le rapport Gauvin — pourra se prévaloir et bénéficier des services d'un représentant parce qu'on est en train, que ce soit la régie de l'Etat, que ce soient les compagnies — tout à l'heure, le député de Beauce le mentionnait — un trust ou une régie d'Etat, c'est du pareil au même. C'est le citoyen qui est seul devant une grosse patente où il ne se retrouve plus. Il y a une justice de normes et, au lieu de ça, nous recommandons que le gouvernement, suite à la parution du rapport Gauvin, applique une politique réaliste pour couper réellement les coûts, applique une politique humaine pour ne pas consacrer l'immense solitude des citoyens de notre société et reconnaisse la nécessité sociale de l'avocat et la nécessité sociale de tous les autres intermédiaires, et fasse les coupures là où elles s'imposent vraiment. J'ai donné des exemples tout à l'heure. Ceci étant dit, j'ai terminé. Je pense que le ministre va avoir une foule de questions et j'invite les membres de la commission à poser des questions cet après-midi — parce qu'il est une heure moins cinq — à l'ensemble des membres de l'exécutif. Je vous remercie, messieurs, de votre bienveillante attention.

M. TETLEY: Merci, cher confrère. Me Cha-pados, j'ai certainement des questions. J'ai une mise au point à faire. A la page 332 du rapport Gauvin, dans la section où on parle du coût du régime proposé, il y a une déclaration. Tous les détails du processus de calcul ainsi que le modèle mentionné à la page précédente, sont reproduits dans un document publié et distinct du présent rapport; "foot note", un renvoi:

documents disponibles auprès du ministère des Insitutions financières, Compagnies et Coopératives, pour noter tout simplement que des centaines de personnes ont lu ça et ont demandé la documentation. Cette documentation est ici et je note que vous l'avez lue avec intérêt. Je vais poser mes questions cet après-midi, surtout sur le fait que vous n'avez pas parlé des autres régimes de "no fault" ailleurs, que nous avons déjà une police d'assurance couvrant trois chapitres, le A, le B et le C, et le B est déjà "no fault". De plus, l'AutoBAC a recommandé l'élargissement du B, le B touche les frais médicaux, la mort, la mutilation, blessures, à la famille et la non-assurance des tiers, etc., des choses dont vous avez parlé et dont je vais vous parler. Je vous donne avis de mes questions parce que je crois que mon rôle est celui d'avocat du diable et je vais poser des questions de cet ordre cet après-midi.

M. CHAPADOS: M. le Président, je veux d'ailleurs féliciter le ministre à propos du document. Je l'ai remercié bien sincèrement de l'avoir mis à la disposition des membres de la commission. En fait, somme toute, je ne voudrais pas faire une comparaison qui choquerait les honorables députés qui sont ici, mais disons que les membres de l'exécutif de la fédération se trouvaient officiellement dans la même position qu'eux.

M.TETLEY: Ah!

M. CHAPADOS: Bien qu'officiellement, c'est pourquoi j'ai ajouté que le document, nous avons réussi à l'obtenir, mais...

M. TETLEY: Vous n'avez pas lu tous les mots du rapport Gauvin, peut-être?

M. CHAPADOS: Pardon?

M. TETLEY: Vous n'avez pas tout lu le rapport Gauvin?

M. CHAPADOS: Oui, j'ai lu le rapport Gauvin, mais je parle de l'annexe, M. le Président.

M. TETLEY: Oui, mais l'annexe était mentionnée dans le rapport Gauvin, pour les intéressés. Regardez à la page 338.

M. CHAPADOS: Oui, je le sais, M. le Président, mais disons que cela s'est accompagné d'une série de démarches qui ont été assez longues et on a réussi à l'obtenir. En fait, somme toute, je ne veux pas en faire une question plus importante qu'elle ne l'est, mais c'est qu'en fait, ce matin, on vient de la recevoir en commission parlementaire aussi. C'était public, mais cela circulait sous le manteau un peu.

M. TETLEY: Pas du tout. Ce fut envoyé gratuitement à des centaines de personnes...

M. CHAPADOS: Alors la poste est lente, je ne l'ai pas reçu.

M. TETLEY: ... qui étaient intéressées.

LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission suspend ses travaux à trois heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

Reprise de la séance à 15 h 6

M. BRISSON (président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs! Nous allons commencer la séance.

Me Chapados, s'il vous plaît!

M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser au ministre.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Si vous voulez, on va ramener l'ordre dans la salle et après vous commencerez à poser vos questions.

La parole est au député de Beauce-Sud.

M. ROY: Ma question s'adresse au ministre. Je remarque que le mémoire de la Fédération des avocats porte le numéro 20. J'ai examiné la liste et les avis de convocation des séances de la commission et je note qu'il n'y a que dix organismes qui ont été convoqués jusqu'ici, du moins qui nous ont fait parvenir des avis. C'est donc dire qu'il y aurait au moins dix autres organismes susceptibles d'être convoqués, des organismes qui ont fait parvenir des mémoires. Or, première question: J'aimerais savoir du ministre si ces organismes seront convoqués prochainement: Deuxième question: Quand le ministre compte-t-il nous faire parvenir une copie de ces mémoires? Troisième question: Est-ce qu'on pourrait nous donner la liste des autres organismes qui doivent venir devant la commission parlementaire?

Je pense que ce serait important qu'on le sache à ce moment-ci. Si je pose la question au début de nos travaux, c'est que, s'ils ont des documents à nous faire parvenir, on puisse les avoir avant la clôture de ce soir, parce que c'est la dernière séance de cette semaine.

M. TETLEY: Je crois que les questions du député de Beauce-Sud sont pertinentes. D'abord, nous allons siéger la semaine prochaine de jour, mardi et mercredi, et je crois que le secrétaire a donné avis. Deuxième question, je crois qu'il y a dix à quinze autres groupements qui veulent venir. C'est clair qu'il est impossible de passer tous ces mémoires la semaine prochaine. J'attends certains autres mémoires et certains groupements ne sont pas prêts à venir. Par exemple, l'ACEF vient de me téléphoner, elle veut déposer un mémoire. La CSN et le Barreau veulent passer les derniers. Apparemment, ils ne sont pas prêts pour la semaine prochaine. Donc, il faut que nous nous voyions tous ensemble, le leader parlementaire et les leaders des autres partis, afin de fixer des dates qui conviennent.

Pour ma part, je veux que tous ces mémoires passent aussi vite que possible, mais pas plus vite qu'on peut les digérer, parce qu'il y a de la matière, dans tout mémoire.

Troisième question, je crois que j'ai répondu.

Pardon, la troisième question était: Avez-vous une liste des mémoires, etc. et pouvez-vous les distribuer? Je crois que c'est votre devoir de les lire et votre responsabilité. Certainement, le secrétaire doit donner aux membres des commissions les mémoires que vous avez. Peut-être que vous pouvez les livrer au bureau ou peut-être les donner ce soir, avant que les députés partent, et aussi la liste. Je sais que la liste n'est pas complète, par exemple, Lloyds of London, de Londres, Angleterre, a un mémoire aussi qu'on n'a pas reçu. Je crois que nous avons reçu, par exemple, le mémoire de M. Chapados très récemment, hier ou avant-hier.

M. CHAPADOS: Non, avant cela, M. le ministre.

M. TETLEY: Avant?

M. CHAPADOS: C'est récemment, mais ce n'est pas aussi frais que cela.

M. TETLEY: Non, je ne vous blâme pas. Mais il y a certains mémoires qu'on n'a pas reçus encore.

M. ROY: Est-ce que le ministre a l'intention de déterminer une date limite pour permettre aux organismes de faire connaître, avant ladite date, leur intention de présenter un mémoire et de venir devant la commission parlementaire pour se faire entendre? Je remarque que, si on se réfère à nos habitudes, lors de nos travaux en commission, il y a toujours une date qui est fixée. Le public et les organismes en sont avisés par la voie des journaux. On sait un peu où on va. Jusqu'à maintenant — et c'est un autre point de la question — combien d'organismes vont revenir devant la commission parlementaire? Quels sont ces organismes? Quelle est la stratégie qui va être employée de façon à faire siéger un organisme en premier lieu plutôt qu'un autre? Ce sont toutes des questions que nous avons le droit de nous poser à ce moment. C'est pourquoi j'aimerais que le ministre prenne note de toutes ces questions et qu'avant l'ajournement de ce soir, nous puissions savoir où nous allons de ce côté.

Je pense que c'est aussi important pour tous les organismes qui, jusqu'à maintenant sont venus devant la commission parlementaire. Il y a quand même un risque, je pense, que si la commission parlementaire siège et qu'il n'y a pas de date limite de fixée, cela veut dire qu'il peut y avoir d'autres organismes qui attendent à la dernière minute pour débâtir ou démolir le mémoire des autres. A ce moment, certains organismes peuvent être préjudiciés. Je ne fais allusion à aucun organisme en particulier, en ce moment.

M. TETLEY: Avez-vous une date limite à suggérer, parce qu'il y a une date limite légale

qui est passée? C'était en août? C'est passé. C'était en août, mais je ne voulais pas dire au Barreau, à Me Chapados, à Lloyds, à l'ACEF et à la CSN: Bon, just too bad! Donc...

M. ROY (Beauce-Sud): Le ministre me demande si j'ai une date à fixer. Ce n'est pas à moi à fixer la date. Je n'ai pas l'intention de fixer une date non plus. Je vous demandais — et c'est votre responsabilité — si vous en aviez fixé une et si vous n'en aviez pas fixé, ce sera quand?

M. TETLEY: Je n'ai pas fixé de date. La date a été publiée dans la Gazette officielle. Lorsque j'ai soulevé la question en Chambre, en réponse à vos questions, les gens sont très humains, la publicité qui a entouré notre commission a suscité d'autres interventions. Peut-être qu'on peut dire que si on n'a pas reçu d'avis d'intention de venir le 22 ou le 23 octobre, la commission n'est pas prête à accepter d'autres mémoires? C'est une suggestion.

Le député de Saguenay a même mentionné un regroupement de son comté, je crois, qui voulait venir. Ce n'est pas vous?

M. LESSARD: Non, c'est probablement mon collègue...

M. TETLEY: C'est peut-être votre collègue, le député de Lafontaine, hier, ou peut-être le député de Beauce-Sud. En tout cas, il y a un autre groupement qui voulait venir apparemment. On peut peut-être stipuler maintenant que si une personne n'a pas avisé par écrit le secrétaire des commissions, le ou avant le 23 octobre, de son intention de venir, nous considérons donc qu'elle ne peut pas venir.

M. ROY (Beauce-Sud): Ce serait quand même une décision qui m'apparaît, en premier lieu, raisonnable, compte tenu du fait qu'il y a eu suffisamment de publicité autour du rapport Gauvin et de nos travaux parlementaires, pour permettre aux organismes qui le désirent de venir devant la commission, parce qu'il y aura des suites. La commission devra également se réunir et faire des recommandations.

Il ne faut pas oublier que les travaux de l'Assemblée nationale doivent reprendre le 29 octobre et il se peut que l'Opposition croie nécessaire de rappeler au ministre et au gouvernement l'obligation d'agir dans les meilleurs délais.

Or, s'il n'y a pas eu de délai de fixé et s'il y a encore des séances à venir, il est évident qu'on peut prolonger indéfiniment, pendant des périodes indues, les travaux de la commission, et de ce fait, retarder des décisions gouvernementales, voire même des décisions législatives qui s'imposeraient.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, c'est réglé?

M. MERCIER: Je m'excuse. J'étais en arrière de la salle et j'ai compris à moitié les interventions du député de Beauce-Sud et les commentaires du ministre. Dois-je comprendre que la commission va accepter le dépôt d'autres mémoires...

M. TETLEY: Jusqu'au 23 octobre. M. MERCIER: ... jusqu'au 23 octobre?

LE PRESIDENT (M. Brisson): A la condition qu'ils nous en aient avisés par écrit.

M. MERCIER: ... la possibilité d'accepter et voir s'il est encore temps ou trop tard pour le dépôt.

M. TETLEY: Est-ce vous qui m'avez parlé? Pardon! Mais il y a un autre organisme de votre comté...?

M. MERCIER: Pas de mon comté, mais d'une région de la province qui m'a appelé à ce sujet.

M. TETLEY: Jusqu'au 23 octobre. Je crois que c'est assez... Parce que la question est importante.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives pour des questions sur le mémoire de la Fédération des avocats du Québec.

M. TETLEY: Me Chapados, à la page 7 et à la page 8 de votre mémoire, les paragraphes 2.24. et 2.25., vous affirmez que l'application intégrale d'une politique de sécurité routière aurait pour effet de se traduire par une baisse possible des taux de prime de l'ordre de 15 p.c. à 20 p.c. Sur quoi vous basez-vous pour faire une telle affirmation?

M. CHAPADOS: C'est une affirmation qui est tirée du...

M. TETLEY: Je suis content de l'affirmation, mais...

M. CHAPADOS: Oui.

M. TETLEY: ... j'aimerais...

M. CHAPADOS: Je vais vous dire d'où elle provient. Elle provient de l'étude des données du livre vert qui a été publié en 1973.

M. TETLEY: Oui. Le livre vert est une brique.

M. CHAPADOS: C'est une brique. Alors, j'indique la provenance et il y a un organisme qui comparaîtra devant la commission et qui établira ce point.

M. TETLEY: Les actuaires, je présume?

M. CHAPADOS: II y aura des actuaires là-dedans, mais...

M. TETLEY: II y aura deux groupes d'actuaires qui vont venir. Parfait. Merci. A la page 12 de votre mémoire, au paragraphe 3.1.4, d'après vous, le bon sens populaire attache, à la notion de responsabilité, un caractère préventif.

Par contre, vous affirmez, à la page 10, paragraphe 2.3.3, que l'assurance obligatoire: "en appelle nécessairement au sens des responsabilités de tout propriétaire de véhicule automobile". Croyez-vous vraiment, Me Chapados, que l'assurance étant obligatoire, l'abandon de la responsabilité avec faute est de nature à faire augmenter les accidents?

M. CHAPADOS: Absolument pas, M. le Président. Je pense qu'en ce qui a trait à 3.1.4 et 3.1.5, le rapport Gauvin le souligne à plusieurs reprises dans son mémoire, la population ne serait pas prête, d'une part, à ce moment-ci, à faire un tel saut dans l'inconnu, comme je le mentionnais en fin de présentation de mémoire ce matin. D'autre part, il n'en reste pas moins que, si la grande majorité des gens qui forment une société assument leurs responsabilités, il y a toujours ce petit pourcentage qui ne le fait pas. Nous soumettons en toute déférence — et sans viser le présent gouvernement nécessairement, mais si nécessaire, comme les autres gouvernements qui ont précédé — qu'au niveau de l'assurance obligatoire, il y a une intervention législative qui aurait dû se faire depuis longtemps et qui ne s'est pas faite.

Exemple, lorsqu'on a voté la Loi du fonds d'indemnisation, le législateur a préféré, dans sa sagesse, stipuler que, lorsqu'une personne est impliquée dans un accident, elle doit alors être assurée. Il eût été beaucoup plus simple, à mon sens, de dire: L'assurance est obligatoire, au lieu d'attendre qu'une personne soit impliquée dans un accident. Il y a quand même un pourcentage assez élevé de véhicules qui circulent sans être assurés et le rapport Gauvin révèle que 14.9 p.c. des véhicules impliqués dans des accidents n'étaient pas assurés. Nous soumettons que, pour cette petite partie de la population, le législateur doit assumer ses responsabilités, même si, somme toute, ce n'est pas nécessairement électoralement rentable. Il n'y a aucun gouvernement qui ne l'a fait jusqu'à maintenant.

Je dis que, puisque le rapport Gauvin se fonde sur la protection de l'intérêt public, c'est la société québécoise, par l'intermédiaire de vous, messieurs, qui doit établir qu'en matière d'assurance, elle doit être obligatoire. Cette suggestion, nous l'avons faite dans notre mémoire et nous l'avons assortie d'un commentaire. C'est qu'il y aurait également lieu de relever le montant d'indemnisation obligatoire de $35,000 à un minimum de $50,000.

M. TETLEY: II y a, M. Chapados, un droit d'appel proposé par le comité Gauvin. Lorsque le citoyen n'est pas content de la décision de sa compagnie d'assurance, il peut aller en appel.

Ne croyez-vous pas que l'existence de ce droit d'appel est de nature à sauvegarder les privilèges des victimes et empêcher qu'on se dirige vers ce que vous appeliez "l'exclusion systématique de tout intermédiaire"? Page 5 de votre mémoire, paragraphe 2.1.2.

M. CHAPADOS: Votre question a deux volets. Nous soumettons que le citoyen, quel que soit le régime en place, qui a un droit de recours quelconque à exercer, si ce droit n'est pas assisté de modalités bien précises quant au droit d'être représenté, c'est un droit de recours qui n'a de recours que le nom. A toutes fins pratiques, le citoyen se retrouve seul devant un appareil gigantesque, qu'il s'agisse d'une compagnie ou de l'Etat, peu importe. C'est du pareil au même. A ce moment-là, il doit être représenté et c'est là que l'avocat trouve sa nécessité et sa fonction sociale.

Ceci étant dit, M. le Président, je passe au second volet de la question de l'honorable ministre pour préciser ceci. Ce que propose le rapport Gauvin, on parle de recours et on en parle de façon générique. Je référais les membres de cette commission à d'autres commissions administratives où existent de semblables droits de recours. Ce qui n'empêche pas la fédération de penser que ce qui, selon elle, offre le plus de garantie à la population, ce sont des recours quant à la responsabilité et quant au quantum des dommages devant les tribunaux de droit commun. Il n'y a qu'à se référer à la jurisprudence depuis 1968/69 pour réaliser jusqu'à quel point les tribunaux de droit commun ont tenu compte du phénomène inflationniste et de l'évolution de notre société, d'une part.

D'autre part, je disais tout à l'heure que les tribunaux administratifs d'appel de révision existent et ils existent partout. Ils existent, ici je me réfère à la Commission des accidents du travail. Que voulez-vous, ce sont des tribunaux qui siègent en vertu de critères administratifs et qui, nous le soumettons en toute déférence n'ont pas en fait la latitude requise pour assumer vraiment leurs responsabilités. Avec le résultat que, dernièrement, il y a eu une commission formée et on est à repenser l'ensemble de la question des indemnisations. C'est le même problème, les tribunaux administratifs sont obligatoirement enfermés dans un ensemble de critères, d'organigrammes, de législation déléguée, etc.

J'ai cité des exemples ce matin, je pense, pratico-pratiques, au niveau de l'incapacité totale temporaire, et avec le résultat qu'à un moment donné, ils n'assument pas leur rôle comme ils devraient.

Et si on fait une comparaison avec les tribunaux de droit commun, nous soumettons, en toute déférence, que les tribunaux de droit commun, eux, à cause de l'autonomie qu'ils ont et également à cause de la généralité des critères

auxquels ils se réfèrent en appliquant la loi, sont dans une meilleure posture pour faire en sorte que les indemnisations à être versées à la population suivent vraiment l'évolution de notre temps.

M. TETLEY: Ce n'est pas mon intention d'ouvrir un débat. Je veux vous donner l'occasion de répondre à cette question. Vous n'avez pas parlé, dans votre mémoire, ni dans votre présentation, du régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité dans d'autres juridictions. Avez-vous des commentaires du succès — publiés dans les journaux ou autrement — de ces régimes?

M. CHAPADOS: Le commentaire que nous avons à formuler est le commentaire suivant. La situation actuelle veut qu'au niveau législatif, nous vivions actuellement sous le régime de la responsabilité. En contrepartie, nous vivons également dans un pays libre et démocratique et qui permet la liberté de contracter. Ce qui fait qu'au moment où je vous parle, il y a une cohabitation pratique entre, d'une part, la notion de responsabilité et, d'autre part, cette liberté contractuelle. Je me réfère nommément au chapitre B de l'assurance.

Nous ne voyons pas pourquoi, partant de là, les mêmes principes n'existeraient pas en termes d'avenir. D'une part, le maintien de la notion de responsabilité et, d'autre part, étant donné la liberté des gens de contracter, qu'on contracte quant au chapitre B comme on le fait actuellement.

Je ne vois aucune antinomie entre ces deux points de vue. Au contraire, ils se complètent actuellement dans la réalité. Pourquoi ne se compléteraient-ils pas quant à l'avenir? C'est une question que je pose et je pense que tout le monde doit se la poser, parce que, dans le rapport, on soumet souvent certaines choses, soit, d'une part, telle affaire et cela exclut expressément telle autre hypothèse.

Actuellement, quant à la question que vous m'avez posée, je dis qu'il y a cohabitation des deux, en vertu de la liberté de contracter, etc. Je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas continuer quant à l'avenir. Cela ne s'oppose aucunement au maintien de la notion de responsabilité.

A ce moment-là, ce qui est important quant à la notion de responsabilité, c'est que ce matin, j'ai donné des exemples pratiques, entre autres, en parlant des enfants. On aurait pu parler également des épouses, des $1,500 et des $2,500 que mentionne le rapport et comparer cela à des jugements récents de cours, mais ce qu'il importe de retenir, c'est que la décision que vous allez prendre va avoir un impact sur l'évolution de l'ensemble de la société, avec le résultat que si, au niveau de l'assurance-automobile on en arrive à dire que dans le cas d'un conjoint, c'est $1,500 ou $2,500. Pour l'épouse qui, elle, mourrait d'autres causes, par exemple — je ne veux pas parler contre les médecins, je les représente — qui mourrait sur une table d'opération, le mari pourrait recevoir $25,000 ou plus. Si elle décède dans un accident d'auto, à ce moment, comme je l'ai mentionné ce matin, l'indemnisation administrative et la justice de barème va s'appliquer et on va dire: C'est tel montant, c'est $2,500. On ne peut pas ignorer que la décision que vous allez prendre va avoir un impact sur l'ensemble des domaines et remettre en cause la notion de responsabilité dans l'ensemble de la société dans laquelle nous vivons.

M. TETLEY: C'est ce que vous avez dans l'Etat du Massachusetts. Environ trente Etats ont accepté une certaine indemnisation sans égard à la responsabilité. L'effet nocif dont vous parlez, est-ce que c'est une actualité dans ces juridictions, que la société est tellement affectée au Massachusetts, parce qu'elle n'a pas de système de responsabilité, par exemple?

M. CHAPADOS: Oui, mais, M. le Président, c'est justement qu'on se réfère à des pays étrangers et à des Etats américains. On prend les recettes là-bas et on les applique dans notre contexte qui est tout à fait différent, alors que dans ces Etats les règles de responsabilité ne sont pas les mêmes. On a même parlé, à un moment donné, de faillites de compagnies d'assurance et tout ce que vous voulez. Au phénomène qui a obligé le législateur à intervenir là, on prend ce qui a été décidé là-bas et on les transpose ici arbitrairement. Evidemment, la position du passager — pour ne citer qu'un exemple — dans un véhicule au Québec, n'est pas la position du passager dans un véhicule dans un Etat américain, surtout si celui-ci doit prouver erreur ou faute lourde de la part du conducteur.

Je pense que ce sont là des considérations qui doivent être retenues, selon lesquelles l'on ne peut pas prendre des recettes sans danger, prendre des recettes qui ont eu cours à l'étranger et les appliquer ici de but en blanc sans tenir compte de tout un contexte.

M. TETLEY: Une police d'assurance-automobile, à l'heure actuelle, a trois chapitres. Vous venez du chapitre B. Peut-être que pour le journal des Débats, je dois mentionner que le chapitre A concerne les dommages de la section civile, les dommages matériels, corporels et la mort concernant les tierces personnes, "third party". Le chapitre B, dont vous parlez, concerne les frais médicaux, la mort, les mutilations à l'assuré et à sa famille et la non-assurance des tiers. C'est déjà, en effet, "no fault", dans les polices statutaires.

Le chapitre C, c'est la collision, c'est-à-dire les dommages de votre automobile. L'AutoBAC veut étendre le B en effet. Je crois que c'est une constatation véridique, c'est-à-dire qu'il y aurait plus de "no fault" qu'aujourd'hui. Les remar-

ques que vous avez faites ce matin donnent l'impression que vous critiquez le système AutoBAC presque autant que le système Gauvin, pas autant, parce que le rapport Gauvin étend le système de "no fault "à tout dommage. Quelle est votre opinion au sujet de la proposition AutoBAC? L'avez-vous étudiée à fond?

M. CHAPADOS: M. le Président, j'ai été ici quinze minutes hier, lorsque le Bureau d'assurance du Canada présentait son mémoire. Que voulez-vous, on n'a pas contacté la Fédération des avocats du Québec pour avoir son avis sur la question. Alors nous, pour autant que notre position est concernée, nous en revenons à ce que je vous ai dit tout à l'heure. Quant à l'AutoBAC, je pense que, pour avoir une idée d'ensemble de ce que vaudrait ce système, prima facie, cela semble un très beau système, mais au niveau du coût, je me pose énormément de questions. Je reviens à ce que j'ai dit ce matin. On a assisté ici, lors de la présentation de certains mémoires, à une valse de pourcentages et le commun des mortels, dont je suis, s'y perdait un peu. Je dois dire que la grande question que je me pose quant à l'AutoBAC, c'est précisément jusqu'à quel point c'est réalisable. Je pense que les membres de cette honorable commission ont posé la question et, sous réserve de me faire corriger, je pense qu'il n'y a pas eu de réponse précise quant au coût qu'impliqueraient les options qui étaient proposées. Nous n'avons pas accès non plus aux statistiques du BAC, autre réalité.

M. TETLEY: C'est tout, M. le Président, sauf que j'ai la liste ici des organismes. Je vais donner des copies aux autres députés, pour mardi. J'ai la liste pour mercredi, le 23 octobre. C'est la Chambre de commerce; L'Association des avocats de province, est-ce encore vous, M. Chapados?

M. CHAPADOS: Pardon?

M. TETLEY: L'Association des avocats de province.

M. CHAPADOS: Je ne pense pas, M. le Président.

M. TETLEY: Ce n'est pas vous.

M. CHAPADOS: Peut-être est-ce Me Cas-grain, qui était ici ce matin, qui d'ailleurs est mon amicus curiae. Il pourrait vous répondre, s'il est dans la salle.

M. TETLEY: II peut peut-être vous donner un "watching bait" pour la semaine prochaine.

M. CHOQUETTE: Je ne suis pas sûr qu'il soutiendrait toutes vos idées.

M. CHAPADOS: M. le Président, je répon- drais à l'honorable ministre de la Justice que cela ne veut pas nécessairement dire que j'ai tort.

M. TETLEY: Les Prévoyants du Canada, c'est Marcellin Tremblay. M. le secrétaire, M. Tremblay passe le premier, je crois, parce qu'il a passé une journée ici à attendre. Avez-vous la liste pour le 22? Vous me l'avez donnée pour le 23. Pour le 22, c'est l'Association des courtiers d'assurance de la province de Québec; la Société d'assurance des caisses populaires et la famille de M. Michael Tansey.

Bon, merci!

M. ROY: Ce n'est pas la liste au complet, M. le ministre.

M. TETLEY: Cela est pour mardi et mercredi. Il y a une autre liste ici. Je peux la lire. Voulez-vous que je la lise?

M. ROY: Vous allez nous en faire parvenir une copie?

M. TETLEY: Oui.

M. ROY: Je pense que ce serait peut-être important d'informer tout le monde en même temps.

M. TETLEY: Voici d'autres organismes: Mr. W.F. Foster, Allstate, dont M. Chapados a déjà reçu le mémoire; l'Association provinciale des marchands d'automobiles du Québec; la CSN; le Barreau du Québec; Lloyds Non-Marine Underwriters; le Club automobile du Québec; la Fédération des ACEF du Québec; l'Association nationale des camionneurs, et peut-être d'autres du comté de Bellechasse. Cela est pour après le 23...

M. MERCIER: Pas nécessairement du comté de Bellechasse, M. le Président. Si vous en voulez, on va vous en apporter.

M. PERREAULT: II va y avoir d'autres dépôts de mémoires d'ici au 23.

M. TETLEY: C'est possible.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. le Président, le rapport de la Fédération des avocats du Québec — cela va venir, M. le Président, les questions — a été soumis ce matin en deux volets. D'abord, des propositions pratiques, je pense, qui sont très réalistes. Me Chapados a précisé quatre points sur lesquels l'Etat devrait intervenir ou aurait dû intervenir d'abord, à savoir, premièrement, la question de sécurité routière. Je pense que, justement de ce côté, et je suis complètement d'accord avec la Fédération des avocats du

Québec, le gouvernement du Québec n'a pas encore fait sa part. Il devait y avoir une commission parlementaire qui, d'ailleurs, avait été convoquée — mais au cours de laquelle nous n'avons pas reçu les documents nécessaires — qui a été écourtée et qui avait pour objectif de siéger et de discuter des mesures qu'on devait appliquer pour avoir une meilleure sécurité routière. Malheureusement, cette commission n'a pas siégé encore et nous attendons quelque chose de positif.

Vous suggérez aussi la possibilité d'abolir la subrogation. N'étant pas avocat et l'ayant lu dans le rapport Gauvin, je pense que c'est là un élément positif. Mais ce qui m'apparaît être assez important, c'est le fait que l'assurance-au-tomobile aurait dû être obligatoire depuis le début. Encore actuellement, 15 p.c. des gens ne sont pas assurés et, bien souvent, se sont les gens qui se promènent avec les automobiles les plus vieilles et dont les risques d'accident sont les plus élevés. Encore là, je pense qu'il y a quelque chose à faire, mais cela ne réglera pas, comme vous l'avez affirmé, tous les problèmes d'assurance-automobile.

En effet, c'est que le problème que la commission a à étudier actuellement est la question de l'augmentation constante des coûts d'assurance. Je pense que c'est sous la pression populaire que la commission Gauvin a été constituée. Les coûts d'assurance montaient pour certains, de façon exorbitante et il fallait absolument trouver des moyens en vue de diminuer ces coûts. Nous nous demandons quels sont les moyens? Il reste que, parmi les services que la profession d'avocat donne à la population, il y a justement cet intermédiaire entre les compagnies d'assurance et l'assuré. Comme vous l'avez dit, je pense que, dans les cas que j'ai pu constater, les avocats n'ont pas fait un si mauvais travail. Cependant, la question, je pense, qui revient constamment, c'est: A quels coûts?

Est-ce que ces coûts ne sont pas prohibitifs ou encore, étant donné qu'on veut diminuer le coût des assurances, il faut trouver quels éléments sont les moins essentiels justement à l'intérieur de tout ce système et qui nous permettraient de diminuer ou de réduire les coûts?

Je pense que c'est ce que nous avons à étudier. Est-ce que ce sont les intermédiaires, à savoir les courtiers — les services sont donnés autour de 12.5 p.c, je pense — ou est-ce que ce sont les avocats? Nous nous posons cette question et nous essayons de trouver une réponse.

En ce qui concerne le fait que le rapport Gauvin établirait une dichotomie, que cela soit entre l'entreprise d'Etat ou l'entreprise privée, vous avez soulevé ce matin, je pense, des points concernant la Commission d'assurance-chômage qui nous préoccupe passablement.

J'ai moi-même bien souvent dû, comme député, envoyer des cas à la Commission des accidents du travail, des cas justement d'accidents d'automobiles, à des avocats, parce que justement le citoyen était complètement perdu dans ce système et on s'interroge sur ce point.

Mais vous semblez attacher une importance considérable au principe de la responsabilité ou à la question de la faute. En effet, à la page 11 de votre mémoire, vous affirmez: "Le concept de la responsabilité des uns vis-à-vis des autres est l'un des principaux fondements de toute société civilisée. Sur le plan politique, la même notion de responsabilité est l'un des principes de base de tout régime démocratique".

De plus, d'après ce que j'ai pu voir, de ce qui est apparu, en tout cas, du mémoire du Barreau, c'est qu'on semble laisser entendre qu'en faisant disparaître le principe de la responsabilité dans l'assurance-automobile, cela mettait en danger tous nos principes démocratiques. D'ailleurs, vous l'affirmez un peu plus loin lorsque vous dites: S'il y a une manifestation devant le parlement, est-ce qu'on ne devrait pas faire disparaître aussi le principe de la faute et le principe de la responsabilité?

La question suivante que je vous pose à ce sujet — n'étant pas avocat et heureusement — est celle-ci: N'y a-t-il pas une distinction entre ce qu'on appelle la responsabilité civile, qu'on ferait disparaître par les recommandations de la commission Gauvin, et la responsabilité criminelle comme telle? Est-ce que le fait de faire disparaître la responsabilité civile met véritablement et sérieusement en cause tous les principes démocratiques?

M. CHAPADOS: Pour répondre à la question du député de Saguenay, je pense que cela met en cause l'organisation d'une société. Qu'est-ce qui se passe actuellement?

Il se passe actuellement, parce qu'aucune loi n'a été adoptée obligeant les gens à s'assurer, que 14.9 p.c. des gens qui sont impliqués dans des accidents d'automobiles ne sont pas assurés.

Il se passe que l'ensemble de la société, quand même, doit tenir compte de ce facteur et doit indemniser les victimes en cause, ce qui veut dire qu'on impose à l'ensemble des gens qui s'assurent une surprime de 4.26 p.c. à 5 5. p.c.

Je pars de cet exemple et je dis que, d'une part, il y a certaines gens, dans la société dans laquelle nous vivons, qui manifestent — c'est une minorité — une attitude irresponsable. Nous requérons, à ce moment, l'intervention du législateur pour les obliger à s'assurer. Ceci est extrêmement important. Je pense qu'à compter du moment où on s'aperçoit que la conduite des uns a un effet sur les responsabilités des autres, on doit en arriver à la conclusion suivante: Plus des gens assument un poids financier X, plus il se répartit de façon équitable entre tous, ce qui veut dire que si, demain matin, le nombre de véhicules non assurés impliqués dans des accidents tombait de

14.9 p.c. à 5.2 p.c, il se trouverait que cette différence serait assumée, premièrement, par les gens en cause, qui doivent assumer leur quote-part et, deuxièmement, il se trouverait aussi, par voie de conséquence, que l'ensemble des assurés du Québec se trouverait soulagé d'autant.

Dès qu'on saisit cette interrelation qui existe, on arrive toujours à la même chose, c'est une notion de responsabilité personnelle. C'est le comportement d'un individu dans une société donnée qui décide oui ou non d'assumer ses responsabilités. Je pense que si on généralise... La réticence de la population... Nous parlons de l'inconscient collectif, à un moment donné, dans notre mémoire, à la page 13. La population sent confusément qu'actuellement, d'une part, au moment où on se parle, parce qu'il y a absence de législation, parce qu'il y a un pourcentage X de non assurés impliqués dans des accidents, elle doit assumer une quote-part supplémentaire. Elle dit, face à cela: Non. Imposez donc une assurance obligatoire, répar-tissez de façon différente l'ensemble du fardeau sur un plus grand nombre de têtes. C'est dans cette veine que nous avons fait une suggestion tout à l'heure et recommandons au gouvernement, dans cette optique, d'étudier les possibilités qu'il y aurait, parce que le rapport Gauvin ne nous satisfait pas à ce point de vue, de répartir le fardeau financier entre un plus grand nombre de têtes, entre propriétaires et conducteurs. Cela aussi, en termes relatifs pour chaque citoyen québécois, traduirait par une baisse. Quant à la sécurité routière, je suis d'accord avec vous à 100 p.c. et je suis le premier à espérer que, si l'honorable ministre de la Justice reçoit les sommes qu'il réclame d'Ottawa pour sa police, immédiatement il va penser à en consacrer un certain montant à la sécurité routière. Là aussi, cela se traduirait par une différence considérable.

M. LESSARD: M. Chapados, ou bien j'ai posé la question à côté de la réponse, ou bien vous m'avez répondu à côté de la question. Je ne suis pas satisfait. Dans le rapport Gauvin, l'assurance de base est obligatoire. Là, ne revenons pas sur le passé. Je pense que je suis complètement d'accord avec vous. Le fait qu'on n'ait pas imposé l'assurance obligatoire a créé chez un certain nombre de gens une imposition supérieure par rapport à la normale. Mais lorsque vous discutez du principe de responsabilité, principe auquel vous semblez tenir beaucoup dans votre mémoire, et lorsque le Barreau fait la même chose, vous semblez nous dire que, si on fait disparaître la responsabilité civile, cela met en cause tous les principes démocratiques. Je me dis une chose, n'étant pas avocat, il y a deux responsabilités. Il y a la responsabilité civile, d'après ce que j'ai vu dans les accidents, et la responsabilité criminelle. Si quelqu'un fait un accident et qu'il n'a pas pris de boisson, qu'il n'est pas en état d'ébriété, etc., il va avoir la responsabilité civile et vous pouvez revenir contre lui. Mais en plus, justement, de cette responsabilité, si quelqu'un est accusé de négligence criminelle étant en état d'ébriété en conduisant son automobile, il y a une responsabilité criminelle. Ce que je vous demande: Est-ce que le fait de faire disparaître la responsabilité civile comme telle, enlèverait à ces gens tout sens de responsabilité morale, ou apporterait une situation où on aurait plus d'accidents, une situation où les gens seraient moins responsables? Je parle toujours de la responsabilité civile. Vous vous attachez beaucoup à ce principe et je pense que ce n'est pas tant, à mon sens, la responsabilité civile qui amène les gens à faire attention, ou à circuler de façon normale sur la route que la possibilité de responsabilité criminelle qui vient par la suite.

La question est: Est-ce que ce principe de responsabilité civile est si important pour les gens qui conduisent de telle façon que, si on le fait disparaître, ça met en eause tous les principes démocratiques et que cela nous amène à faire disparaître la responsabilité, par exemple, de manifestations publiques devant le parlement ou autre chose? Est-ce que cela nous conduit jusque-là?

M. CHAPADOS: M. le Président, nous sommes tous des humains. A cet égard, la Fédération des avocats du Québec considère que la notion de faute a un caractère préventif, à tort ou à raison, nous pensons que c'est à raison. Lorsqu'un individu risque de se faire pénaliser par une surprime, nous considérons qu'il se produit un phénomène d'autodiscipline ou d'autocensure qui est plus considérable que si on abolit toute responsabilité civile. Si on abolit toute responsabilité civile, à ce moment-là, les gens — on ne peut pas parler pour l'ensemble de la population — vont penser, c'est normal, que ça, c'est le gouvernement qui paie. Nous considérons alors que ça pourrait déboucher sur une forme d'abus considérable. Sans compter que, d'après des chiffres qu'on me transmet à l'instant, il y a 2 p.c, puisqu'on parle d'assurance-automobile, que l'on retrouve devant des juridictions criminelles. Par contre, pour le citoyen qui doit, dans le régime actuel, assumer ses responsabilités, nous considérons que le maintien de la notion de responsabilité l'oblige à s'autodiscipliner à cause des surprimes, bref, à cause de l'ensemble du système. Malheureusement, si on abolit de but en blanc cette notion de responsabilité, on va déboucher sur une société qui va être plus ou moins responsable en ce sens que les citoyens vont être portés à penser, encore une fois à tort ou à raison, que c'est le gouvernement qui paie.

M. LESSARD: Maintenant...

M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Saguenay me permettrait...

M. LESSARD: Certainement. D'ailleurs, je suis très heureux que le ministre intervienne, étant donné que, ce matin, il a dit que j'étais resté bouche bée, étant donné...

LE PRESIDENT (M. Brisson): La parole est à l'honorable ministre.

M. CHOQUETTE: Non, c'était simplement pour donner un éclaircissement en réponse à votre question. Le degré de responsabilité qui est requis pour qu'il y ait un crime est un degré de faute beaucoup plus élevé que dans le cas de la responsabilité civile. Dans le cas de la responsabilité criminelle, il faut qu'il y ait une mens rea, une intention criminelle, qui n'est pas toujours volontaire et qui doit indiquer une telle inconduite que c'est une attitude en vertu de laquelle la personne montre qu'elle n'a aucune considération pour la personne ou les biens d'autrui. Tandis que, dans le cas de la responsabilité civile, c'est la moindre faute de jugement ou réglementaire qui peut entraîner la responsabilité civile. C'est à deux niveaux assez différents que ces degrés de responsabilité sont appréciés. On peut très bien avoir quelqu'un qui est acquitté de conduite dangereuse ou de conduite criminelle au criminel mais qui pourrait être tenu responsable civilement.

M. LESSARD: Merci, M. le ministre, j'ai très bien compris vos explications.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions.

M. LESSARD: Certainement.

M. CHAPADOS: Je vais le prendre comme amicus curiae.

M. LESSARD: Première remarque que j'ai faite, on nous laisse dans tout ce système d'assurance-automobile un certain nombre de choix, comme parlementaires, à faire en vue de diminuer le coût de l'assurance. A la fois dans l'opinion publique comme peut-être au niveau de la commission, il semble que le coût du service du professionnel, de l'avocat dans ce secteur augmenterait ou serait un élément important dans l'augmentation des primes. Est-ce que vous pourriez me donner des commentaires à ce sujet.

M. CHAPADOS: Tout d'abord, ce qui est assez symptomatique, il faut se rappeler une chose, c'est que, d'après le rapport Gauvin, 1 p.c. des causes sont soumises à jugement de cour. Je sais que les membres de cette honorable commission ne généralisent pas, mais à entendre parler certaines gens en d'autres circonstances de temps ou de lieu, on a l'impression que les causes se rendent à jugement dans 50 p.c. des cas.

Donc, il y a 1 p.c. des causes qui se rendent à jugement d'après le rapport Gauvin. Par rapport à l'ensemble du système, c'est extrêmement marginal. Deuxièmement, nous considérons qu'on ne peut pas partir d'une pareille exception pour généraliser et escompter sauver des sommes épouvantables. Parce que, quoi qu'on pense et quoi qu'on dise, les avocats gagnent honorablement leur vie et pratiquent tous pour pour vivre.

Les dernières statistiques — ce qui devrait inquiéter le ministre de la Justice — du ministère fédéral du Revenu pour cette année indiquent que l'avocat québécois a un revenu de beaucoup inférieur à son collègue de l'Ontario. Somme toute, je pense que la société doit être prête à payer au coût.

Il est évident qu'on peut éviter tous les intermédiaires. On peut écarter l'avocat, le citoyen va être seul devant une justice administrative. Il y aura un dédommagement de $500 pour un enfant de 0 à 12 ans. C'est un fait brutal. On peut avoir beaucoup plus, mais, évidemment, le travail de l'avocat — nous le disons d'ailleurs dans notre mémoire — c'est celui d'un professionnel qui a le droit d'être rémunéré comme toute personne, y compris députés et ministres, et il se peut très bien qu'une société décide d'écarter tous ces intermédiaires et de s'en référer uniquement à une indemnisation arbitraire, "tarifiée" et réglementée comme je l'ai expliqué ce matin.

Si on veut que le système soit plus humain et que le citoyen reçoive vraiment des indemnisations qui soient plus considérables à une foule de chapitres, à ce moment-là, c'est une option que la société doit faire. Dans ce contexte, nous soumettons que le citoyen qui est pris seul, devant l'appareil immense d'une compagnie, d'une régie d'Etat, peu importe, son droit sera effectif pour autant qu'il sera valablement représenté, comme nous l'avons expliqué.

Deuxièmement, également pour autant que ce soient des notions de responsabilité ou des notions d'indemnisation, les quanta seront déterminés non pas par des commissions administratives, mais par des tribunaux de droit commun qui offrent dans le contexte actuel des meilleures garanties d'objectivité et d'évolution.

M. LESSARD: Concernant justement ces quanta — surtout avant de discuter des quanta — concernant l'indemnisation des victimes d'assurance-automobile, le rapport Gauvin parle de normes arbitraires, parle de difficultés d'établir l'indemnisation. Ce serait l'un des éléments qui amèneraient la recommandation de fixer, de façon définitive, les normes. La question que je vous pose, est-ce que cette différence d'indemnisation entre des individus particuliers, c'est une situation qui est considérée par le Barreau ou par la Fédération des avocats du Québec comme étant une situation normale ou est-ce qu'il devrait y avoir, si on gardait le système tel qu'il existait, des normes beaucoup plus précises?

M. CHAPADOS: Non. Justement, encore là, la société a deux voies qui s'offrent à elle. Il y a la voie de ce que le rapport Gauvin appelle la notion floue de l'homme prudent et du bon père de famille, etc., et la détermination des quanta en fonction de l'ensemble de la société dans laquelle nous vivons; c'est une voie.

Ou, d'autre part — et je l'ai explicité ce matin — la détermination en fait une justice en vertu de critères prédéterminés. Je pense, à plusieurs chapitres, avoir démontré, en fait, que, ce qu'offre le rapport Gauvin, c'est une justice où il va y avoir un peu de justice pour tout le monde, mais, sur certains points bien précis, cela ne vaudra pas cher. Les gens riaient de cela ce matin — et il y avait de quoi rire — quand j'ai sorti le volume de la Commission de l'assurance-chômage qui est quand même un volume récent. On vient de décider de couvrir les cas de la maladie et, lorsque je me suis mis à lire des extraits de ce volume, c'était drôle, parce qu'il faut quand même penser à l'application qui en sera faite.

Quand le rapport Gauvin parle de tel pourcentage du salaire durant tant de temps jusqu'à concurrence de tant, tout est beau, mais des critères seront élaborés. Ces gens vont être impliqués, qu'il s'agisse de compagnies, d'un fonctionnaire ou d'un employé d'une compagnie, peu importe, par des gens qui vont ouvrir leurs livres, qui vont dire ce que j'ai lu ce matin: Une fracture du crâne, ce n'est pas grave. On donne des détails. Le cerveau est même entièrement détruit sans qu'il y ait nécessairement fracture du crâne, monsieur. L'incapacité prévue: deux semaines. On se dirige vers cela.

M. LESSARD: Dans le rapport Gauvin, c'est quand même assez précis, à la page 319: "Après un délai de carence ou période d'attente d'une semaine, la victime reçoit une prestation égale à son revenu net d'impôt fédéral et provincial.

M. CHAPADOS: Oui.

M. LESSARD: C'est assez précis, moins les montants qu'elle touche en vertu du régime de rentes du Québec ou de la Loi des Accidents du travail.

M. CHAPADOS : Oui, pour quelle période? M. LESSARD: Tant que l'incapacité...

M. CHAPADOS: L'incapacité totale temporaire. J'en reviens à ce que j'ai dit, ce matin. Lorsque j'ai lu cela, pour une fracture simple du crâne, de deux à quatre semaines. On dit que les gens ne meurent pas de cela et de ne pas s'en faire. On ne doit pas anticiper une période d'incapacité très longue ou très grave. On explique, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le cerveau peut être détruit sans fracture, ne vous en faites pas.

Autre chose — et je débouche sur un autre sujet— à la fin on ajoute: Si, dans un cas de fracture du crâne, cela dépasse les délais requis, il faut que le médecin justifie sa position. On va revenir à quoi? On va revenir au délai.

M. LESSARD: Est-ce que les critères, qui sont utilisés par les juges dans la fixation des indemnités, ne sont pas aussi subjectifs? Lorsque vous vous présentez comme avocat et que vous tentez, justement, sur des éléments fortuits de prouver la faute d'un accident, est-ce que les critères, qui sont utilisés par les juges et auquel se réfère le rapport Gauvin, ce ne sont pas des critères qui sont fort subjectifs? Pour déterminer $50,000 ou $60,000 à un père de famille, par exemple, est-ce que ce sont des critères fort subjectifs et est-ce que c'est une situation normale que ces critères soient tellement subjectifs ou encore assez arbitraires?

M. CHAPADOS: M. le Président, malheureusement, à compter du moment où il y a un système judiciaire qui existe et qu'il y a un juge qui siège, qui est un humain, évidemment, il parle des critères objectifs définis dans la loi et de la preuve et il les applique. C'est un homme. Il ne les applique pas de façon désincarnée, mais il y a une certaine part de subjectivité. Mais en réponse à la question du député, je dirais que, compte tenu, en fait, de la jurisprudence récente, quant à moi...

M. LESSARD: C'est cela que j'ai dit.

M. CHAPADOS: ... je n'ai aucun doute quant au choix que je vais faire entre ces critères présumément subjectifs et les critères froids, arbitraires et insuffisants que propose le rapport Gauvin dans certains cas.

M. LESSARD: Vous parlez du fait que le rapport Gauvin ne permettrait pas de recours et aussi de la nécessité d'avoir un intermédiaire qui va être entre la compagnie et le citoyen. Pourtant, à la page 344 du rapport, à la proposition 36, je lis ceci: "Que toute victime, qui se croira lésée par la décision de son assureur, quant à son droit d'être indemnisée ou quant au montant de son indemnisation, puisse en appeler devant le tribunal compétent". Cette résolution ou cette recommandation, à mon sens, s'applique à la fois à l'intérieur du quantum et à la fois sur l'assurance supplémentaire.

Est-ce que la proposition 36 du rapport Gauvin ne permet pas ce droit de recours que vous demandez?

M. CHAPADOS: Oui. On parle de droits de recours, je l'ai mentionné tout à l'heure, de façon générique, devant les tribunaux compétents. Nous disons que cela existe, en fait, ces commissions de révision, dans plusieurs com-

missions. Somme toute, ces commissions sont liées quand même à un paquet de critères qui ont été préétablis, elles n'ont pas la latitude et l'autorité voulues pour déborder ces cadres et, somme toute, ce qui se fait, c'est qu'il se passe un peu ce qui s'est passé à la Commission des accidents du travail. C'est qu'au bout d'un certain temps, il faut refondre complètement le système. Pourquoi? Il faut le refondre, justement, pour l'adapter. Ce que nous suggérons, quant à nous, c'est que cette évolution se fasse au jour le jour, et au fil des semaines et des mois, devant des tribunaux de droit commun, parce que nous considérons que cette partie du rapport Gauvin réfère à un tribunal compétent. De quel type de tribunal s'agira-t-il? On se pose une série de points d'interrogation. Quant à nous, nous ne sommes pas intéressés, nous l'avons déjà dit, à une indemnisation quasiment d'ordinateur. Nous ne sommes pas non plus intéressés si nous nous référons, si nous nous retrouvons ou si le citoyen se retrouve devant une commission administrative qui est prisonnière d'une foule de règles.

M. LESSARD: Maintenant, une dernière question, M. Chapados.

M. MATTE (Benoît): Excusez-moi, je voudrais ajouter quelque chose à votre dernière question. En vertu du rapport Gauvin, c'est une justice où, par exemple, pour ce qui est de l'incapacité partielle permanente, on décide d'indemniser selon le pourcentage d'incapacité. Si un violoniste — c'est le juge Lajoie, en cour d'Appel, qui a donné cet exemple récemment — se fait couper le petit doigt, selon le rapport Gauvin, l'incapacité sera de 1 p.c. ou 2 p.c. Alors, on prendra le revenu du violoniste, on le divisera, on calculera une rente et on multipliera par 1 p.c. ou 2 p.c. On aura là l'incapacité. Ce violoniste pourra recevoir environ $200 par année, alors qu'il ne pourra plus exercer son métier. Voilà où nous mène une justice administrative, une justice de critères. Les critères que vous appeliez subjectifs, des tribunaux, ne sont pas subjectifs. Ils sont objectifs parce qu'ils se basent sur le cas bien précis. Ils sont beaucoup plus objectifs que les critères subjectifs des fonctionnaires. Ils vont dire: Le gars gagne sa vie avec cela, le gars ne peut pas faire autre chose parce qu'il n'est pas préparé à autre chose. Ensuite, le gars est placé dans telle situation familiale. Il a tel âge. Alors, les critères réellement objectifs sont ceux qui sont décidés, sont ceux sur lesquels se basent les tribunaux. Ils seront beaucoup plus objectifs que ceux sur lesquels se baseront les fonctionnaires car les fonctionnaires prévoiront cela. Dans leur esprit, 1 p.c., c'est 1 p.c. du revenu. Et voilà, on a la rente. Ce que je dis pour le violoniste, cela peut s'appliquer pour l'électricien qui pert, à moitié, un bras; il aura 8 p.c. d'incapacité à peu près. Si on lui donne 8 p.c. de son revenu, il ne pourra plus pratiquer son métier d'électricien et on va lui donner une rente équivalant à 8 p.c. de son salaire. S'il gagne $8,000 par année, il aura droit à environ $500 ou $600 par année, alors que les tribunaux lui donneront peut-être $5,000 par année.

M. LESSARD: Autrement dit, dans son jugement, le juge tient compte de chacune des personnes, de leur métier et d'autres critères. Maintenant, une question qui rejoint la vôtre. Actuellement, étant donné que le minimum de base requis pour l'assurance, pour autant qu'une personne est responsable, ou qu'une personne a un accident, c'est de $35,000. Si le violoniste dont vous parlez se fait frapper par un individu qui est assuré à un maximum de $35,000, dans ces circonstances, qu'est-ce qui arrive? Si l'individu n'est pas responsable financièrement, même s'il est condamné à payer $100,000 ou $120,000, le violoniste ne reçoit quand même que $35,000.

Tandis que, dans la possibilité qu'offre le rapport Gauvin, le violoniste qui estime que son revenu, en cas d'accident ou autre, doit être de tel montant, aura la possibilité, en vertu du régime supplémentaire d'assurance, de s'assurer en conséquence. Dans le système actuel, bien souvent, il se fie sur le fait que l'individu qui a une automobile, le propriétaire d'une automobile a une assurance pour pourvoir à ses besoins, ne s'assure pas en conséquence et donc, ne peut recevoir que $35,000.

M. MATTE: Dans le système actuel, nous pouvons prendre des assurances et presque tous en ont des assurances-salaire qui garantissent notre indemnité au cas où nous serions incapables de travailler ou ces choses-là. Déjà, il peut facilement y avoir une forme d'assurance qui peut couvrir ces cas. Maintenant, il faut se souvenir que, dans notre mémoire, nous soumettons que le montant de $35,000 devrait augmenter immédiatement à $50,000. Alors, à $50,000 quand même, ce qui serait la couverture minimale d'assurance, cela permet, si cet argent est placé, d'avoir un revenu, au taux actuel d'intérêt, qui ressemble beaucoup à $5,000 ou $6,000 par année.

M. LESSARD: Dernière question. Je termine sur cela.

M. MEUNIER (Jacques): Je voudrais quand même mentionner une chose en passant, faire uniquement une remarque. On parle de la question de coût. Je pense que l'Etat c'est ce qui le concerne le plus, c'est son plus grand souci. Comme M. Roy le mentionnait ce matin, vous voulez donner un service au contribuable au coût le plus modique possible.

Si on regarde le rapport Gauvin et que l'on pense soi-même, comme avocat, au client qui est devant nous lorsqu'il a subi des blessures et qu'il est temps de faire une réclamation, lui-même, généralement, s'attend à avoir des mon-

tants excédant même de beaucoup les sommes qui lui seront accordées par les tribunaux. Or, l'impression qu'on pourrait avoir — là-dessus, je parle tout simplement, c'est une impression, je ne veux prêter de mauvaise foi à personne — à la lecture du rapport Gauvin, après avoir lu le rapport Gauvin, ce serait qu'on aurait tenté d'établir un coût général de système en premier lieu, et par la suite, pour pouvoir justement maintenir ce coût d'opération du système, on aurait établi des indemnités. Or, il se révèle que les indemnités sont certainement dix à quinze fois inférieures, dans la majeure partie des cas, à ce qui existe présentement devant les tribunaux, et, comme je le disais tantôt, déjà inférieures à ce que les gens s'attendent d'avoir.

Alors, si j'étais justement l'Etat, sur les questions de coût, je serais beaucoup plus préoccupé par le coût éventuel d'un système comme cela, d'un système où les indemnités devront être décuplées ou peut-être même plus en fait, à brève échéance, sous la pression de l'opinion publique, car les gens n'accepteront pas de recevoir $2,500 parce que leur femme, qui restait à la maison, qui ne travaillait pas à l'extérieur, a été tuée, alors qu'avant ils obtenaient $25,000 devant le tribunal. Les gens n'accepteront pas cela. La pression de l'opinion publique, vous allez devoir y faire face. Qu'est-ce qui va arriver à ce moment? C'est que le coût d'exploitation du système va nécessairement augmenter, ce qui fera que le nouveau système qui aura été instauré va coûter beaucoup plus cher que ce qui aura été prévu.

Je pense qu'à ce moment, si j'étais l'Etat, cela me préoccuperait beaucoup plus que le simple fait de considérer que la présence d'intermédiaires que sont les avocats, que nous prétendons nécessaires entre l'individu et l'assureur ou le corps politique qui l'assure, le coût de cet intermédiaire, je crois, est bien minime dans l'exploitation du système.

M. LESSARD: Mais est-ce que le fait, par exemple, de baser les indemnités pour le décès d'un enfant, d'un célibataire ou d'un conjoint qui n'est pas soutien de famille, indemnités que je trouve d'ailleurs assez ridicules pour ma part —nous aurons l'occasion d'en discuter avec M. Gauvin — si on augmentait ces indemnités en se basant sur une jurisprudence, est-ce que cela donnerait satisfaction à la Fédération du barreau du Québec?

M. CHAPADOS: La Fédération du Barreau?

M. LESSARD: La Fédération des avocats du Québec.

M. CHAPADOS: M. le Président, pour répondre à la question du député de Saguenay, en fait, il pose une question dont la réponse est à peu près impossible, en ce sens qu'autant de cas —évidemment, par l'application des règles légales en tenant compte de la preuve, etc. — sont des cas d'espèce. On n'arrivera jamais, en fait, dans le système proposé, à avoir l'équivalent.

Vous venez de parler d'une femme. Dans une cause récente de la cour d'Appel qui date de 1973, CA-77 Gauthier vs Bergeron, un mari et des enfants obtiennent un total de $50,756. Si vous comparez cela à ce que propose le rapport Gauvin, la comparaison ne se tient même pas. Vous pourrez toujours me répondre: Ah oui! mais il y aura des assurances supplémentaires. On va s'occuper de cela. Les assurances supplémentaires... D ne faut pas oublier une chose. C'est qu'à compter du moment où vous établissez un plan déterminé, vous l'établissez comme devant être appliqué à l'ensemble de la population, ce qui veut dire qu'à ce moment, les gens fortunés pourront toujours, par divers moyens, se "surassurer", mais il reste que quant à la détermination des indemnisations fondamentales qui sont couvertes par le rapport, là, il y aura un gel et à ce moment, il y aura, comme on le disait ce matin, justice de barème, et de critère, soit un peu pour tout le monde.

M. LESSARD: J'ai moi-même ici un cas, Pierre Lalonde défendeur vs Ulysse Miller, Guy Boulianne, demandeurs où, par exemple, un mari a obtenu $35,000 plus $10,000 par enfant, trois enfants; mais là il y avait une faute de la part justement du propriétaire, mais si on renverse le cas et que cela soit l'individu qui a commis la faute qui simplement voit sa femme — c'est-à-dire la femme de l'individu qui disparaît, l'individu qui a commis une faute — cet individu, dans le système actuel — c'est une faute de jugement bien souvent que tout le monde peut commettre, etc. — perd son épouse et ne se voit donner aucune indemnité.

M. CHAPADOS: Oui, mais encore là, pour répondre à la question du député de Saguenay, je dirais deux choses: Dans notre mémoire, nous soulignons ceci. Premièrement, le rapport Gauvin admet lui-même qu'en matière de dédommagement matériel, la situation est bonne et, au niveau des blessures corporelles, il y aurait sous-indemnisation pour 3.8 p.c.

Alors, je pense, en réponse à votre question, qu'il faut situer cela dans un contexte et, somme toute, si on le situe dans son contexte, que voulez-vous que j'y fasse? Le pourcentage de sous-indemnisés est très bas, d'une part. D'autre part...

M. LESSARD: Cela ne tient pas compte... C'est dans des cas où justement il y a eu poursuite et où il y a eu faute. On tient exclusivement compte des jugements et on ne tient pas compte du fait, par exemple, que celui qui a commis la faute et qui a perdu son épouse n'a reçu aucune indemnité.

M. MEUNIER: Tantôt, vous parliez de la distinction entre la responsabilité civile et la

responsabilité criminelle. L'Etat a prévu l'indemnisation des victimes d'actes criminels, mais est-ce qu'on devrait aller jusqu'à dire que le criminel lui-même, c'est-à-dire le bandit qui entre dans la banque et qui est descendu, la personne a une responsabilité?

M. LESSARD: Oui, d'accord, mais ce n'est pas nécessairement un criminel qui frappe un enfant. Une erreur de jugement, cela arrive...

M. MEUNIER: D'accord.

M. LESSARD: ... à tout le monde. Il n'est pas nécessairement en état d'ébriété.

M. MEUNIER: II y a une notion de faute. C'est cela.

M. LESSARD: Bien, faute basée sur des éléments fortuits.

M. CHOQUETTE: Non. Ce ne sont pas seulement des éléments fortuits.

M. LESSARD: Non.

M. CHOQUETTE: Pour qu'il y ait responsabilité civile, il faut que le défendeur établisse, soit par la preuve directe, soit par l'application de la présomption de faute, parce qu'il y a une présomption qui pèse sur l'automobiliste à l'égard des piétons, la commission d'une faute. On peut donner l'exemple suivant: L'automobiliste qui circule, même à dix milles à l'heure ou à quinze milles à l'heure, mais à l'heure de la sortie des écoles alors qu'il y a des voitures de stationnées, tout le monde sait qu'il doit porter une attention particulière pour éviter de heurter les enfants et qu'il doit prévoir, même, que des enfants peuvent passer entre les automobiles stationnées et qu'il peut les voir à la dernière minute.

Il pourrait même être condamné pour cette simple inattention, même d'avoir fait une vitesse excessive compte tenu des circonstances. Vous avez l'air de dire que la faute est une chose qui peut arriver à tout le monde. C'est vrai que des fautes d'inattention peuvent arriver à tout le monde, des fautes de jugement peuvent arriver à tout le monde, mais justement, le système de la responsabilité civile est basé sur le fait qu'il faut éviter, dans une certaine mesure, de commettre ces erreurs.

M. LESSARD: D'accord, mais je me disais: Dans le système actuel, celui qui commet une faute à cause d'une erreur de jugement, qui provoque un accident et qui tue dans l'autre automobile un certain nombre de personnes, disons la femme de l'époux. En vertu du jugement que j'ai, la personne qui a commis la faute est obligée de payer la somme de $151,000, dont $35,000 à l'époux pour la perte de sa femme, $10,000 par enfant, trois enfants, $65,000, plus d'autres frais. Mais si cet individu qui a commis la faute avait aussi dans son automobile son épouse qu'il a perdue par suite de cet accident, lui ne reçoit aucune indemnité dans ces circonstances. J'ai terminé.

M. ROUSSEAU (Pierre): M. le Président, en réponse au député de Saguenay, il y a deux aspects à cette affaire. Tout d'abord, si on maintient le principe de la faute, je pense que c'est un principe philosophique accepté dans notre démocratie parce que toute personne, dans son for intérieur, en faisant un acte, sait ou ne sait pas, dès l'âge de raison, si elle fait bien ou elle fait mal. C'est de là que vient le principe de la faute. Si, d'une part, on supprime la faute dans le cas d'accident d'automobile, pourquoi alors ne pas la supprimer dans tous les autres domaines, que ce soit dans le domaine des professionnels, avocats, notaires ou courtiers d'assurance, médecins, etc., où on va dire: Ce n'est pas grave, il n'y a plus de notion de faute appliquée, parce que ce champ de vouloir abolir la faute, cela peut commencer dans le cas d'accidents d'automobiles et cela peut débloquer dans d'autres domaines que je viens de mentionner. Il n'y a pas de fin. Si le gouvernement ou si certains organismes sont pour l'abolition complète de la faute, c'est la pagaille dans notre société actuelle telle qu'elle est composée. Disons que c'est un volet de l'affaire. Vous dites, M. le Président, que la personne qui est responsable de l'accident d'automobile, qui a perdu son épouse et ses enfants... C'est un cas bien pathétique et qui peut arriver, mais c'est également un cas hypothétique. Je me demande si on doit payer quelqu'un pour une erreur qu'il a commise. Que ce soit, comme le disait M. le ministre de la Justice, une erreur de distraction ou d'inattention et ce qu'on appelle dans notre langage juridique, en droit civil, la plus petite faute engage sa responsabilité en vertu de l'article 1053 du code civil. A ce moment, je crois qu'il y a deux choses: ou bien la personne qui est vraiment fautive et qui a fait une ruine de sa famille dans cet accident d'auto peut avoir, comme cela existe, un élargissement du chapitre B dont a parlé ce matin l'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, ou il pourrait y avoir une assurance pour la perte de son épouse et de ses enfants. Ce serait, d'une part, un engagement contractuel. D'autre part, comme je l'ai mentionné, je ne vois pas pourquoi on paierait quelqu'un pour une bêtise ou une "connerie" qu'il a faite.

M. LESSARD: Simplement pour terminer, je n'ai plus de question, de toute façon bien souvent la société paie quand même parce qu'il y a bien des personnes qui se ramassent par la suite sur l'assistance sociale ou autre système dans ces circonstances. De toute façon, M. le Président, je remercie la Fédération des avocats du Québec et j'ai terminé.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: Je vous remercie, M. le Président. Dans son mémoire, la Fédération des avocats du Québec a fait des recommandations qui, je pense, peuvent se regrouper dans quatre grandes recommandations générales, qui se traduiraient par une baisse de prime, 25 p.c. à 30 p.c. dans l'ensemble. La première de celles-ci, c'est l'instauration d'une véritable politique de sécurité routière et on a indiqué qu'il pourrait y avoir — toujours au conditionnel 15 p.c. à 20 p.c. de diminution de prime, deuxièmement, l'assurance obligatoire, 4 p.c. à 5 p.c, l'abolition de la subrogation, 3 p.c.

Est-ce que la répartition du fardeau de la prime entre propriétaire et conducteur... Il n'y a pas de pourcentage là-dedans, mais on pourrait y revenir. En ce qui a trait à l'instauration d'une véritable politique de sécurité routière, j'aurais deux questions à vous poser et qui ont trait aux recommandations faites dans le rapport Gauvin aux pages 97 et 98. Entre autres, il y a la recommandation no 7 qui dit: "Que soit implantée au Québec une loi du bon Samaritain protégeant les personnes qui portent secours aux victimes d'accidents d'automobile." J'aimerais avoir votre opinion là-dessus, sur cette recommandation du rapport Gauvin voulant qu'une loi de bon samaritain qui pourra porter secours aux victimes d'accidents d'automobile et, de ce fait, pouvant bien améliorer et corriger le système actuel. Je ne le discute pas au niveau de la baisse de prime. J'aimerais avoir votre opinion, compte tenu de l'expérience que vous avez, des nombreux dossiers que vous avez dans vos bureaux respectifs. J'aimerais bien avoir votre opinion là-dessus. Je pense que ce serait important qu'on le sache parce que nous allons probablement être appelés à nous prononcer là-dessus à l'Assemblée nationale à un moment donné.

M. CHAPADOS: M. le Président, je pense que la loi de bon Samaritain, quant à moi, est une mesure souhaitable. Quant à savoir quel impact exactement elle pourrait avoir dans la réalité concrète, je ne peux pas prédire quels en seraient les résultats concrets. Le ministre veut m'interrompre...

M. CHOQUETTE: Je ne veux pas vous interrompre, je veux ajouter quelque chose.

M. CHAPADOS: Cela me fait plaisir.

M. CHOQUETTE: Etant donné que le député de Beauce a soulevé le problème du bon Samaritain, dans l'état actuel du droit québécois, j'ai l'impression qu'une personne qui porterait secours à une personne accidentée... Prenons le cas d'un médecin qui s'en irait dans sa voiture et qui verrait une personne blessée. Il viendrait, en somme, à son chevet pour la soigner. Ou une autre personne qui viendrait aider cette personne et qui commettrait une faute à l'égard de la personne blessée dans le traitement administré ou les mesures prises, elle ne pourrait pas être tenue responsable, excepté pour sa grossière négligence, de la même manière qu'un mandatiare ou un negotiorum gestor. Disons qu'elle a soulevé la personne du pavé. Parce qu'elle pense que la victime a froid, elle la soulève du pavé pour la mettre dans son automobile. Disons que, médicalement, c'est une erreur. Je ne crois pas que, dans notre droit, notre code civil — on n'a pas besoin de bon Samaritain pour nous dire ça — dans notre droit actuel, la personne ne pourrait pas être condamnée pour sa faute, à moins qu'elle ait commis une grossière négligence, c'est-à-dire une chose qui est absolument insensée, une chose qui démontre une action... Supposons que le bon Samaritain soit en état d'ivresse, là, peut-être qu'il pourrait être condamné. Cela prendrait à peu près ce degré de négligence pour que la personne soit condamnée. Je ne sais pas, M. Chapados, si ce que je dis là... Remarquez que je suis un peu rouillé dans mes notions de droit, je ne sais pas si ça recoupe ce que vous savez de l'affaire. Parce que le mandataire, en droit québécois, n'est pas responsable vis-à-vis de son mandat pour sa plus petite faute. Il est seulement responsable pour ses fautes lourdes. Je crois que le bon Samaritain peut être assimilé au negotiorum gestor, c'est-à-dire que c'est un mandat tacite et il sera seulement responsable de sa négligence grossière ou de sa faute lourde.

M. CHAPADOS: II y a une chose que j'aimerais ajouter pour compléter l'exposé qui vient d'être fait, c'est que, quant au médecin, ça ne changera rien. Parce qu'il y a une loi qui a été votée l'an passé et qui oblige le médecin — l'article 37 de la Loi de la santé publique — non pas à prodiguer des soins à une personne dont la vie est en danger, mais à voir à ce qu'une personne dont la vie est en danger ait des soins. Cela a été réglé en décembre 1972. Une loi qui a été votée par M. Castonguay. Il est clair que, si tous les citoyens sur la scène d'un accident, surtout la nuit, assumaient leurs responsabilités et voyaient au transfert de certaines personnes, certaines vies humaines seraient épargnées. Je ne m'attends pas, pour ma part, même si je souhaite cette loi, même si je souhaite qu'elle ait un effet pédagogique... Il n'en reste pas moins que le citoyen va continuer à circuler sur la transcanadienne, à 11 h 15 du soir, il y a une auto à 400 pieds en avant de lui qui vient de faire une embardée, il est seul, il aura toujours le choix de continuer tout droit ou de s'arrêter.

Il ne faudrait pas attendre de résultats magiques de cela, mais quand même je dis que ne serait-ce sur le plan pédagogique et si les citoyens réalisaient qu'ils ont un devoir vis-à-vis

d'une personne, un de leurs concitoyens qui est en danger, ce serait un pas d'accompli. Mais de là à traduire cela l'année suivante en termes de baisse du taux de prime...

M. ROY: J'ai bien fait abstraction que ce n'était pas en fonction de la baisse du taux de prime que je vous posais la question, c'était compte tenu de l'expérience que vous aviez, et compte tenu des dossiers.

M. CHAPADOS: Je m'excuse, je n'avais pas retenu, monsieur...

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?

M. ROY: Oui, j'ai d'autres questions. M. le Président, j'aimerais parler un peu du système de points de démérite, compte tenu des dossiers et de l'expérience que vous avez. La recommandation no 15 dit: Que le système de démérite soit repensé et conçu en fonction d'une véritable politique de prévention des accidents de sécurité routière dans la province de Québec.

Etant donné qu'il n'a pas été question de ce système de points de démérite et qu'il a également été conçu, ce système, en fonction du système préventif et que vous y avez attaché une importance relative dont, je pense, qu'on peut vous rendre cet hommage, du fait que vous vous êtes intéressés à l'aspect préventif des accidents dans le domaine de la sécurité routière, et j'aimerais savoir quelles recommandations vous avez à faire concernant ce système de points de démérite et comment, selon vous, à la lumière de votre expérience, il devrait être conçu ou amélioré.

M. ROUSSEAU: Permettez, M. le député Roy. En ce qui concerne notre district judiciaire, je ne peux pas parler pour tous les autres districts judiciaires de la province, on voit le plus souvent des cas de points de démérite dans les cas de facultés affaiblies ou de test d'ivressomètre.

Il arrive malheureusement bien souvent qu'on voie défiler devant les tribunaux des individus qui récidivent en se faisant prendre en état d'ébriété au volant d'un véhicule automobile. Quelquefois, cela peut aller à une, deux, trois ou quatre condamnations.

Il est évident que l'individu en question va perdre des points de démérite chaque fois qu'il paraît devant le tribunal, pas par le tribunal nécessairement, mais par l'Etat qui, par son directeur du bureau des véhicules automobiles, va envoyer un avis à l'individu pour lui dire: Monsieur, vous êtes rendu à huit points de démérite, surveillez-vous, parce que cela achève. Finalement, on lui demande son permis de conduire.

Pour répondre à votre question, ce que nous suggérons dans le cas de sécurité routière, ce serait à la fois ce qui a été mentionné ce matin et cet après-midi, ajouter une question d'éducation de la population du Québec sur ce que comporte la sécurité routière.

Quant à moi, on devrait enseigner aux jeunes dans les écoles ou donner des cours de recyclage aux adultes sur la sécurité routière. Je vais donner un petit parallèle bien court. Pour devenir pilote d'avion, non pas commercial, je parle d'un avion privé, il faut subir des tests, des examens périodiques médicaux, etc.

Je crois que, dans le contexte d'aujourd'hui, il est aussi dangereux, sinon plus, de conduire un véhicule automobile qu'un avion. Je pense qu'outre l'éducation qu'on devrait donner à la population, on devrait aussi lui faire subir des tests, des examens médicaux, physiques, d'aptitudes, etc. Je ne sais pas si cela répond un peu à votre question.

M. ROY: J'avais posé la question sur le système de points de démérite actuel. Je voudrais avoir votre opinion et savoir si vous trouvez que le système de points de démérite actuel, tel qu'il existe, est satisfaisant ou si vous croyez qu'il doit être amélioré et si oui, comment.

M. MATTE: Je trouve que le système de points de démérite est valable au niveau des principes, mais il a été mal appliqué. De cette mauvaise application et aussi, pour vitesse excessive, par exemple, tout individu perd automatiquement quatre points, qu'il entre dans un village à 38 milles à l'heure ou qu'il entre à 90 milles, il a quatre points de démérite.

Le plupart des individus font des excès de vitesse, peut-être, mais à des vitesses raisonnablement basses, en ce sens qu'on se fait arrêter à 40, 42, 43 milles à l'heure. Celui qui arrive à 80 milles à l'heure dans un village va avoir quatre points de démérite et celui qui arrive à 40 milles à l'heure va avoir aussi quatre points de démérite.

Pour les gens qui font beaucoup de millage, les camionneurs, les chauffeurs de taxi, les livreurs, au bout d'un an, un an et demi, tout le monde à peu près a déjà perdu ses huit points.

Un feu rouge, c'est quatre points; un excès de vitesse, c'est quatre points; un arrêt interdit qu'on passe, c'est trois points; un dépassement interdit sur une double ligne blanche, parfois dans une ville ou un village où on voit bien, c'est quatre points. Il y a beaucoup de gens qui sont en danger de perdre leur permis et, de ces gens, il y en a beaucoup qui le perdent. Par la suite, parce qu'ils l'ont perdu — et ils ne sont pas nécessairement de mauvais conducteurs — ils passent outre à l'ordre du Bureau des véhicules automobiles de ne pas conduire leur véhicule automobile. Ils travaillent avec leur véhicule, ils en ont besoin pour gagner leur vie. Ils se disent; Pour moi, c'est plus important de gagner ma vie que d'obéir à l'ordre qui m'est donné de Québec. Quand on veut en appeler au tribunal de la sécurité routière, on se retrouve encore

avec des délais énormes d'un mois ou d'un mois et demi pour un gars qui perd son permis pour trois mois. Le gars dit: Moi, je ne vais pas devant le tribunal de la sécurité routière, parce que cela prend trop de temps.

Ceux qui sont réellement les mauvais conducteurs, ceux qui se font arrêter à des vitesses folles, ceux qui se font arrêter, parce qu'ils ont conduit en état de boisson ou commis des infractions semblables, par exemple, pour un cas de boisson où on garde le contrôle d'un véhicule automobile, on perd quatre points, la même chose qu'un excès de vitesse. Pour la conduite d'un véhicule automobile, on perd six points, lorsqu'on est en état d'ébriété. On se fait arrêter alors qu'on a 100 milligrammes d'alcool dans le sang, on perd six points; on se fait arrêter alors qu'on a 300 milligrammes d'alcool dans le sang, on perd aussi six points. Celui qui est à 100 milligrammes, c'est celui qui a pris trois ou quatre bières. Celui qui en a pris 300 milligrammes, c'est celui qui a bu une caisse de 24. Le dernier est beaucoup plus dangereux.

A cause de ces abus et du manque de souplesse administrative de ce régime, les gens n'y ont pas confiance et les gens n'apprécient pas ce régime. Mais s'il était bien appliqué, c'est un régime qui pourrait apporter de bons résultats, parce que les mauvais conducteurs seraient ceux qui seraient passibles de sanctions et, à ce moment, les policiers pourraient faire appliquer plus rigoureusement le système et voir à faire en sorte que les gens qui n'ont pas le droit de conduire ne conduisent pas.

A l'heure actuelle, moi, je suis certain que, dans mon district, il y a peut-être 300 personnes qui conduisent alors qu'elles ont perdu leur droit de conduire, en vertu du système de points de démérite — et j'en connais plusieurs — et les policiers ne font rien à ce propos, parce qu'ils se disent: C'est un bon gars, il gagne sa vie avec son auto et ce n'est pas un mauvais conducteur. Ceux qui sont les mauvais conducteurs aussi...

M. CHOQUETTE: Dans quel district demeurez-vous?

M. MATTE: Le district de Saint-Hyacinthe.

M. CHOQUETTE: Ce que vous dites m'étonne beaucoup.

M. ROY: Je vous remercie beaucoup pour avoir répondu à ma question. Puisque le ministre des Transports est ici, je me permettrais d'ajouter ceci: II y aurait peut-être lieu, à ce moment, qu'on révise et qu'on donne certaines instructions aux officiers de la Sûreté du Québec qui vont installer des systèmes de radar dans des endroits où les routes sont droites, dans des secteurs où il n'y a aucune obligation de chaque côté. On en profite, on dirait que c'est, en quelque sorte, un concours pour prendre le plus de gens possible dans un minimum de temps.

Il y a des gens qui ont perdu des points pour avoir dépassé un camion-remorque, un camion qui circulait à cinquante milles à l'heure sur une grande route droite, sur laquelle il y avait une simple ligne blanche, non continue, une ligne blanche normale, régulière, quand on sait que, pour dépasser un camion-remorque, il faut quand même accélérer un peu le véhicule. Ils ont perdu quatre points alors que, un mille plus loin, il y a un endroit stratégique, une zone de trente milles à l'heure, où les gens traversent à 60 et 70 milles à l'heure. Je veux le dire, parce que je pense que, jusqu'ici, j'ai eu plusieurs plaintes à mon bureau, un peu partout, et je pense que de ce côté, on devrait faire preuve d'un peu plus de jugement. Si ce sont les permis de conduire qu'on veut faire perdre, qu'on le dise; si c'est l'amélioration de la sécurité routière, je pense qu'on devrait appliquer le système de façon plus rationnelle.

M. MAILLOUX: M. le Président, je n'ai pas d'observation à faire, puisque la Sûreté du Québec ne dépend pas du ministre des Transports...

M. ROY: Non pas la Sûreté du Québec, mais la loi, le système de démérite, par exemple, relève du ministère des Transports. Est-ce qu'il y aurait un conflit de juridiction? J'espère que non.

M. MAILLOUX: J'ai entendu les remarques qui sont faites à la barre comme celles qui viennent du député de Beauce-Sud.

M. LESSARD: Est-ce que le ministre a l'intention de reconvoquer justement la commission parlementaire des transports pour étudier le problème de la sécurité routière? On pourra en discuter.

M. MAILLOUX: II me semble avoir affirmé quelque chose de semblable à la commission parlementaire qui a siégé sur les mesures de sécurité routière. Après tous les mémoires qui seront soumis, je pense que, dans le cours de l'hiver qui vient, il sera possible que, à la lumière de toutes ces suggestions de même qu'à la lumière de toutes les études faites par les fonctionnaires des ministères de la Justice et des Transports et du Bureau des véhicules automobiles, qu'il soit possible d'arriver à des correctifs et à des suggestions qui seront valables.

M. ROY: Je voudrais revenir au mémoire de la Fédération des avocats. Dans votre quatrième recommandation, vous avez suggéré la répartition du fardeau de la prime entre propriétaire et conducteur. Pourriez-vous me dire comment

vous pouvez prévoir l'application et la mise en pratique d'un tel système de répartition entre le propriétaire du véhicule et le conducteur?

Je vais vous donner deux exemples en passant. Une personne conduit un véhicule-taxi pour une autre personne. Vous pouvez avoir quelqu'un qui conduit un petit camion de livraison. Vous pouvez avoir une personne préposée, dans une grosse entreprise de transport général, à la conduite de petits camions-remorques, quand on sait ce que cela coûte pour assurer chacune des unités. Je ne sais pas, est-ce que vous avez émis un principe? J'aimerais que vous me donniez plus de détails là-dessus.

M. CHAPADOS: II y a différentes formules, M. le Président. En fait, la question du député de Beauce-Sud est très bonne. Il y a plusieurs formules. Nous n'avons pas une batterie d'actuaires au service de la fédération. C'est un organisme très modeste, vous comprendrez, M. le Président. Quand même, il y a plusieurs formules qui s'offrent. Exemple: Qu'est-ce qui...

M. CHOQUETTE: C'est un organisme qui aurait pu prendre plus d'expansion qu'il n'a pris, n'eût été que le Barreau ait pris de l'expansion lui aussi de son côté.

M. CHAPADOS: M. le Président, le ministre de la Justice me pose un piège à ours, comme je lui ai déjà dit, je ne marcherai pas dedans. Bien au contraire. Je le félicite quand même de se préoccuper de la santé et du dynamisme de la fédération. S'il convoquait la commission parlementaire de la justice — et je l'invite à le faire — ce qui est un phénomène assez rare, il s'en rendrait compte.

Pour répondre à la question du député de Beauce-Sud, il se pourrait fort bien que le gouvernement décide, suite à des études actuarielles d'imposer un montant, je vais tout simplement parler de montant minimal, de $1 par chaque permis de conducteur qui est émis, d'imposer ni plus ni moins une taxe de $1, qui pourrait financer le fonds d'indemnisation, parce qu'indépendamment des réformes à être apportées, il reste que le fonds d'indemnisation même dans le cadre du rapport Gauvin devrait quand même régler certains cas particuliers. Il se trouverait que, à même cette taxe payée par tous et chacun des conducteurs, l'Etat pourrait très bien financer le fonds d'indemnisation, ce qui allégerait d'autant la part financière que doivent assumer les propriétaires. C'est un exemple que je donne.

M. ROY: Oui, je comprends. Mais la taxe de $1, je la voie mal, en quelque sorte, comme un partage du fardeau de la prime entre le propriétaire et le conducteur. Le système de $1, il en a été question justement qu'il y ait un montant de $1 qui soit ajouté au permis de conduire de façon à créer un fonds d'éducation. C'est cela, je pense, la suggestion que vous faites à l'heure actuelle. Mais ma question n'était pas là-dessus.

M. CHAPADOS: M. le Président, je référais à la situation actuelle qui veut que de 4.26 p.c. à 5 p.c. des cotisations, du taux de primes payées par l'ensemble des assurés au Québec, serve à financer le fonds d'indemnisation, à compter du moment où le gouvernement se sert d'un autre moyen, et le fait par le biais, lors de l'émission du permis de conduire.

A ce moment, il se trouve ni plus ni moins, à alléger l'assuré de ces 4.26 p.c. ou 5 p.c. qu'il assume. C'est dans ce sens que je parlais de répartition plus équitable, en fait, du fardeau financier qu'implique l'assurance-automobile. A toutes fins pratiques, il y a un partage plus équitable. Il y a différentes façons d'y arriver. Je pense que le gouvernement devrait étudier cette question sérieusement. Cela existe dans certains pays, dans certains Etats américains, en Nouvelle-Zélande, je crois.

M. ROY: J'aimerais revenir, M. le Président, sur les questions qui ont été discutées tout à l'heure, les mesures destinées à accélérer le processus d'indemnisation. C'est un sujet dont il est beaucoup question jusqu'à ce jour. Il y a aussi la question de la faute qui a été discutée. Dans toutes les discussions qu'il y a eu, concernant l'abolition de la faute, il semble y avoir deux tendances radicales, si je puis dire ainsi, qui semblent se manifester au cours de nos délibérations. On parle, d'un côté, de la quasi-abolition totale de la faute et de l'autre côté, on semble vouloir maintenir, en quelque sorte, le statu quo actuel, le maintien total de la faute.

Hier, le Bureau d'assurance du Canada a proposé, devant la commission parlementaire, un système d'assurance AutoBAC qui recommande l'abolition partielle de la faute et qui maintient, dans d'autres mesures, la notion de responsabilité. Mais pour éliminer les tracasseries administratives, les petits procès... Je pense qu'il y en a quand même un certain nombre. J'ai déjà assisté à certains procès. Il n'y a personne d'entre nous qui n'a pas assisté, à un certain moment, à des procès, qui ont lieu devant les tribunaux, qui durent une heure, une heure et demie pour discuter qui va payer les $350 de réparations d'automobile de M. Untel, quand on sait ce que cela coûte, tout cela.

J'aimerais avoir votre opinion concernant la proposition faite par le Bureau d'assurance du Canada hier, concernant l'abolition partielle de la faute qui, selon mon opinion, constituerait une grosse amélioration au système actuel.

M. CHAPADOS: Disons, M. le Président, pour répondre à la question du député de Beauce-Sud, qu'actuellement, quand on parle du système de la faute et uniquement de celui-ci, c'est exact, mais c'est incomplet. Je vous ai mentionné tout à l'heure que les deux notions cohabitent actuellement. C'est-à-dire, la

règle de la faute qui cohabite avec une liberté contractuelle qui permet certains aménagements. C'est ce que recommande la fédération. Je pense qu'actuellement, en fait, il y a toute une série de mécanismes et de recours qui existent et qui permettent de régler, dans un bref laps de temps, l'ensemble de ces petites choses. Si je me faisais le porte-parole du ministre de la Justice, je dirais: II y a la loi des petites créances qui permet quand même à une personne d'aller réclamer un montant jusqu'à concurrence de X dollars. Je pense que ceci, justement, c'est une réalité. C'est une loi qui existe. On s'en est déjà parlé...

M. CHOQUETTE: Je suis content de voir que vous l'invoquez à votre appui, M. Chapa-dos.

M. CHAP ADOS: Non, faites attention, M. le Président. J'aimerais préciser à l'honorable ministre que je me suis fait son porte-parole. Je ne me suis pas appuyé sur la loi.

Quand même, vous avez là un type de recours qui permettrait de régler ces petites tracasseries dont vous faites état. Il y a également aussi, pour des cas plus graves... Il y aurait d'autres formules. Il faudrait faire preuve d'imagination. Dans plusieurs Etats américains, il y a une façon de procéder qui est différente d'ici. Je ne vois pas pourquoi, par exemple, lorsque dans les cas d'invalidité très grave où, par exemple, les experts des deux parties s'entendent sur un minimum d'incapacité de 15 p.c... Maintenant, le médecin du poursuivant dit: Cela peut monter d'ici un an ou deux jusqu'à concurrence de 30 p.c. Il va falloir faire attention. Mais le minimum, c'est 15 p.c. et on s'entend. Je ne vois pas pourquoi le code, le législateur en général et le ministre de la Justice en particulier ne verraient pas à faire adopter des mesures législatives pour permettre que soit tranchée instanter la question de la responsabilité, pour que le tribunal puisse statuer sur l'indemnisation partielle en cause, quitte à revenir un an ou deux plus tard, au niveau des réajustements si l'incapacité passe de 15 p.c. à 42 p.c. Il faut faire preuve d'imagination.

M. ROY: Je m'excuse. J'ai voulu faire une distinction très nette entre les blessures corporelles et les indemnités au point de vue des dommages matériels au véhicule lui-même. Je me suis limité dans ma question aux dommages matériels parce qu'il m'apparaît complètement dépassé qu'aujourd'hui on en soit réduit en quelque sorte à ce que deux personnes qui sont assurées pour leurs dommages, même les dommages à autrui, et qui, dans certains cas, sont assurées par le même courtier, mais dont la police n'a peut-être pas été orientée vers la même compagnie, soient obligées d'avoir recours à une espèce de procès, à attendre des mois, voire des années pour avoir un règlement alors qu'il n'est pas question d'évaluation de blessures corporelles dans le cas type que je vous démontre. Il n'y en a pas.

Croyez-vous à ce moment que l'abolition de la faute — je vais parler d'un secteur particulier, le véhicule automobile lui-même — constituerait une amélioration dans le système d'assurance-automobile et constituerait par le fait même une diminution des frais administratifs qui aurait, évidemment, un impact sur les tarifs, les taux à payer par les propriétaires, par les conducteurs?

M. CHAPADOS: Nous avons soumis tout à l'heure que ceci était permis dans le cadre de la loi actuelle, entre autres au niveau du chapitre B. De là à l'instaurer au niveau légal, que voulez-vous? Entre l'évolution et la voie législative, quand c'est possible, c'est préférable de passer par la voie contractuelle. A ce moment, je dis que, dans ce cas, ce que je craindrais, c'est qu'à un certain moment, l'on abolisse la notion de faute au niveau matériel, législativement, ce qui est le cas du Massachusetts, si mes références sont bonnes, pour éventuellement, dans quelques années, envahir le domaine, de l'indemnisation pour blessures corporelles.

M. GIASSON: Qu'est-ce que vous avez de pratique à proposer de mieux que les recommandations d'AutoBAC? C'est-à-dire avoir un régime de base sans droit de recours où vous n'avez pas de principe de responsabilité, couverture excédentaire obligatoire? Nécessairement, à ce moment, vous allez inclure la responsabilité s'appliquant aux blessures corporelles comme aux dommages matériels et je pense que c'est nécessaire.

Supposons un camion-citerne chargé de produits pétroliers ou d'explosifs dont le conducteur perd la maîtrise et entre dans un pâté de maisons. Cela peut causer des dommages matériels de l'ordre de $100,000. Je prétends que la couverture de base n'avait pas les limites de couverture suffisante pour payer toute la note d'un tel dégât matériel, mais ce qui est proposé par AutoBAC m'apparaft fondamentalement complet, à peut-être quelques nuances près.

Si, dans votre conception d'un nouveau régime d'assurance-automobile, vous avez quelque chose qui vous apparaît supérieur, soit en examinant ce qui peut exister dans les Etats américains, soit en examinant ce qui existe ailleurs dans le monde, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, de façon assez précise, comme modèle de couverture possible qui serait supérieure à ce qu'AutoBAC a proposé.

Deuxièmement, une remarque en passant. M. Moreau a fait une remarque hier. Je ne sais pas si elle a été bien saisie. Il a exprimé une carence qui existe présentement, même dans notre police automobile actuelle, soit celle qui se référait au chapitre B. Et je pense que, comme législateurs, nous avons des torts à prendre là-dedans.

Nous aurions pu, depuis quelques années déjà, en modifiant le chapitre B, en augmentant les couvertures, en le rendant obligatoire sur toutes les polices, apporter un palliatif au but qu'on poursuit en mettant une couverture de base obligatoire. Si le surintendant des assurances de la province de Québec avait voulu augmenter les montants d'indemnités prévus au chapitre b ), le rendre obligatoire sur toutes les polices où vous avez au chapitre a) la section de responsabilité civile, déjà, on avait un correctif à la situation qui prévaut présentement.

J'appuie totalement les remarques de M. Moreau à ce niveau. Maintenant, si vous avez des formules qui vous apparaissent plus complètes, plus souples, mieux adaptées, et qui ne commandent pas des coûts additionnels par rapport à ce qu'AutoBAC nous a proposé, j'aimerais connaître votre avis là-dessus.

M. CHAP ADOS: En ce qui a trait à AutoBAC, je n'ai pas assisté durant toute la journée d'hier à la présentation du mémoire. J'aurais aimé le faire, mais j'étais retenu ailleurs, ici, à une autre commission parlementaire.

Maintenant, ce que j'ai retenu du bref passage que j'ai fait ici, c'est qu'en fait Auto-BAC, c'est un très beau plan, mais c'est un peu comme le Concorde. On ne savait pas trop combien cela allait coûter. Est-ce que je fais erreur dans mon appréciation? Est-ce qu'AutoBAC a été très précis quant aux coûts que cela impliquait? Le Bureau d'assurance du Canada, je n'y étais pas, j'ai feuilleté le mémoire, le résumé, je n'ai aucune précision à fournir quant à cela. Sous réserve de cette remarque quant au coût du régime qui est proposé, il est clair que, d'une façon ou d'une autre, j'ai mentionné tout à l'heure qu'au niveau du chapitre B, ce que vous proposez existe. Il est clair que l'on peut donner un coup de pouce à l'évolution des contrats par voie législative. Pour des raisons pratiques, ce que retient dans tout ça la fédération, c'est ce qu'elle craint également, c'est qu'à un moment donné, le parcours soit franchi entre les dommages matériels et les dommages corporels parce qu'autant les dommages matériels sont assez facilement identifiables et pourraient faire l'objet d'un plan d'assurance comme celui que vous proposez ou comme propose AutoBAC, d'accord, mais autant l'introduction au niveau législatif d'une mesure de responsabilité sans faute risquerait de déborder sur les dommages corporels. C'est ce que nous craignons.

M. GIASSON: AutoBAC ne nie plus le principe total et absolu de la responsabilité. Il accorde une couverture de base sans appliquer le principe de la responsabilité où chaque assureur paie des dommages et les blessures corporelles à l'intérieur du véhicule qu'il assure, mais il maintient la notion de responsabilité pour les couvertures excédentaires que les Québécois vont continuer de désirer en dépit d'une bonne couverture au plan de base.

M. CHAPADOS: C'est juste. Là, est-ce que le principal va l'emporter sur l'accessoire? C'est cela, la grande question. Est-ce que par voie législative on pourrait en arriver... Par exemple, on adopte AutoBAC, une supposition, que va représenter, en fait, dans la réalité de tous les jours, cette couverture excédentaire dont vous parlez?

M. GIASSON: Elle va permettre de répondre à des besoins qui, nécessairement, vont s'exprimer en cours de route à la suite des réclamations d'accidents d'automobile. Présumons que le plan de base pour une personne accorde, pour incapacité totale ou une perte de capacité très forte, une indemnité maximale de $30,000. On va l'appliquer à votre cas, vous êtes un brillant avocat, un brillant procureur, je présume que vous faites des honoraires en proportion de la valeur que vous représentez à l'intérieur de votre profession. Dans un accident d'automobile...

M. CHAPADOS: On n'est pas riche, M. le Président.

M. GIASSON: ... je vous frappe, fracture du crâne. Vous n'avez pas de rétablissement complet, vous gardez une incapacité sérieuse qui fait que Chapados, ce n'est plus le même gars qu'il a été. Vous aviez un bon revenu. Je présume que vous avez des charges de famille, cinq enfants peut-être. Vous étiez une garantie de revenu annuel de X pour votre famille, votre épouse et vos enfants. D'un coup sec, un matin, cela vient de finir. En présumant que vous aviez une expectative de vie assez longue, un gars en bonne santé, normalement, la loi des moyennes, je pense que le plan excédentaire, établi toujours sur le principe de la responsabilité, va résoudre le problème de votre famille. Autrement, on ne sera pas capable de le résoudre. Vous ne croyez pas?

M. CHAPADOS: Que voulez-vous que j'y fasse, M. le Président, puisqu'on parle d'Au-toBAC, cela va rester dans le cadre de critères préétablis que j'ai mentionnés ce matin. La question que l'on doit se poser est: Jusqu'à quel point la population, compte tenu du dédommagement reçu, ne laissera pas tomber son droit de recours pour un présumé excédent?

M. ROY: En somme, si je comprends bien...

M. GIASSON: Si les conseillers demeurent aussi disponibles et d'aussi bons conseillers qu'ils l'étaient à l'époque des courtiers, en présumant que ce seront des conseillers à l'avenir, je pense bien qu'ils vont conduire leurs clients, comme on le fait traditionnellement au Québec.

M. CHAPADOS: M. le Président, il y en a d'autres...

M. GIASSON: Je comprends que, pour la Fédération des avocats, il y a un autre élément dans le problème qu'on discute là, comme il y a un élément d'inquiétude au niveau des courtiers face aux recommandations Gauvin.

Voyons au-delà des intérêts de ces professions, dans une recherche véritablement poussée, pour modifier le système de l'assurance en y allant pour les meilleures formules, même si ça fait mal à certains groupes à l'intérieur du système traditionnel.

M. ROUSSEAU: M. le Président, permettez que je réponde à M. Giasson. Je vais faire un parallèle très bref entre le système proposé de BAC et le système qui existe actuellement, qui s'appelle la Commission des accidents de travail. Pour ma part, j'ai demandé à d'autres confrères leur avis là-dessus, il y a une quantité de gens qui ne savent même pas qu'ils peuvent réclamer pour l'excédent. Cette Commission des accidents de travail, si ma mémoire est bonne, a été établie en 1933, il y a au-delà de 40 ans, et après 40 ans, le populo, les gens du peuple, dans la plupart des cas, ne savent pas qu'après avoir été indemnisés par la Commission des accidents du travail, à peu près aux deux tiers du salaire, toutes proportions gardées, peuvent revenir contre un tiers responsable pour l'excédent de leur salaire ainsi que pour l'incapacité et les souffrances dues à leur inconvénient. C'est bien malheureux.

M. GIASSON: S'il y avait eu un bon courtier derrière ses réclamants, je pense...

M. ROUSSEAU: Probablement.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauce.

M. ROY: M. le Président, si j'ai bien compris ce que M. Chapados a dit tout à l'heure, c'est que la Fédération des avocats, en pratique, pour résumer la pensée qui a été dite, j'aimerais qu'on me corrige si je fais erreur, est complètement opposée à l'abolition de la faute, ne fût-ce que partiellement, même au niveau des dommages mineurs au niveau des automobiles.

M. CHAPADOS: On veut me faire dire certaines choses. Tout à l'heure, je me suis référé au rapport Gauvin, où on dit que les dommages matériels sont relativement bien compensés et, partant de là, j'ai dit qu'actuellement, la situation légale, le contexte légal, permettait la cohabitation des deux régimes. Quant à la recommandation de la Fédération, la position officielle de la Fédération, c'est celle-là.

M. ROY: Vous favorisez la cohabitation des deux régimes, mais sans modifier quoi que ce soit au niveau de la législation, au niveau du droit de ce qui se fait, selon la pratique établie, les coutumes établies, les lois actuelles.

M. CHAPADOS: M. le Président, je ne veux pas faire de tragédie, surtout qu'on a assez de problèmes dans la société dans laquelle on vit, quand il n'y en a pas, il ne faut pas en chercher. Le rapport Gauvin a dit en toutes lettres qu'en matière de dommages matériels, les dommages sont relativement bien compensés. Partant de là, je ne vois absolument pas la nécessité de légiférer dans le sens d'une abolition de la faute quant aux dommages matériels. Absolument pas, bien au contraire. La position officielle de la fédération, c'est de dire qu'il y a maintien de la notion de faute et, deuxièmement, il y a la liberté contractuelle et l'option que vous explorez actuellement existe déjà. Laissons la situation évoluer, elle évolue bien. Pour autant que les dommages matériels sont concernés, au moment où on se parle, c'est bien compensé.

M. ROY: En somme, c'est le statu quo que vous préconisez dans ce secteur, selon les formules établies. Si j'ai bien compris, mettons cela comme ça.

M. CHAPADOS: C'est un statu quo, quant aux dommages matériels, qui fonctionne bien. On ne voit pas la nécessité de le changer.

M. ROY: C'est le statu quo également en ce qui a trait aux dommages corporels.

M. CHAPADOS: Non, parce que, quant aux dommages corporels, si on tombe tête première dans le rapport Gauvin et dans les recommandations, on se retrouve à certains chapitres avec une indemnisation qui est ridicule. C'est une justice d'ordinateur et si c'est ce que veut la population, alors on va y aller.

M. ROY: Dans vos recommandations à vous, si j'ai bien compris, en ce qui a trait aux recommandations de la commission Gauvin, vous n'acceptez pas ce qui est proposé. Ce que je veux dire par là, je m'excuse, je n'ai peut-être pas été assez clair dans ma question, au niveau de la fédération des avocats, les recommandations du rapport Gauvin, vous les mettez de côté, vous trouvez qu'il serait normal et avantageux pour tout le monde de maintenir le système actuel, tel qu'il est à ce niveau?

M. CHAPADOS: La situation actuelle. M. ROY: Au point de vue corporel.

M. CHAPADOS: Attention. Actuellement, nous avons fait une série de recommandations, et vous l'avez souligné, qui auraient pour effet de baisser considérablement le taux de prime.

M. ROY: Cela regarde la sécurité routière, vos recommandations.

M. CHAPADOS: Quand même, ça débouche sur une coupure du taux de prime.

M. ROY: Ce n'est pas sur la recommandation routière que je vous ai posé des questions tout à l'heure, c'est sur la sécurité routière.

M. CHAPADOS : Et au niveau des blessures corporelles, nous avons dit ce matin, et nous avons donné des exemples patents, que quant à nous, nous ne sommes absolument pas prêts à donner suite à ces recommandations-là, parce qu'à certains chapitres, il y a des indemnisations qui sont proposées et qui ne sont pas tout à fait réalistes. Comme on le disait, cela va être un petit peu de justice pour tout le monde, mais de là à dire que c'est préférable au régime actuel, nous n'hésitons pas à répondre non.

Sans compter que — autre aspect que nous avons souligné et c'est le plan technique — nous avons ce matin, en nous référant au mémoire qui vient d'être déposé au rapport violet, souligné une série de points où il y a une chose qui saute aux yeux. Sur plusieurs points importants, entre autres au niveau des quanta se référant à l'invalidité permanente, au chapitre des sommes qui devront être consacrées à l'incapacité totale temporaire, bref, le rapport Gauvin, le rapport particulier soulève toute une série de questions. Nous soumettons que ce serait vraiment une aventure financière que de se lancer tête baissée, compte tenu de l'état actuel du dossier.

Si on prend les tables qui apparaissent à ce rapport-là et qu'on commence à les analyser une par une et qu'on voit le nombre d'inconnues, jepense qu'on doit se poser certaines questions et qu'on ne peut pas de but en blanc donner suite à cela, parce qu'on ne sait vraiment pas où on va aboutir avec cela.

Somme toute, à la toute fin, c'est l'ensemble de la population qui va payer pour cela, c'est au niveau technique.

M. ROY: Je ne veux pas reprendre la discussion qu'il y a eu à ce niveau-là, j'aimerais tout simplement, pour terminer, toucher un peu l'aspect concernant les procédures en vue d'accélérer le processus d'indemnisation. Quelles sont les recommandations, actuellement, que la Fédération des avocats peut faire à la commission parlementaire, de façon à réduire les délais qui ont causé énormément de préjudices dans le passé, qui en causent encore et pour lesquels nous recevons de très nombreuses plaintes et pour lesquels la population du Québec se plaint? Quelles sont les mesures pratiques, concrètes, les mesures d'urgence qui, selon vous, pourraient être adoptées dans les meilleurs délais en vue d'améliorer ce côté-là, cet aspect-là du problème?

M. CHAPADOS: II y aurait différentes mesures. Au niveau juridique, nous avons fait une suggestion tout à l'heure. Nous avons recommandé que des amendements soient apportés, dans le cas de blessures très graves, dont l'incapacité peut évoluer, permettant par exem- ple au tribunal de statuer sur la responsabilité et pour permettre à ce moment-là, un dédommagement, surtout lorsque les experts des deux parties, entre autres au niveau médical, s'entendent sur une incapacité minimale, quitte à revenir deux ou trois ans après devant la cour si chez le bonhomme, suite à un traumatisme crânien, on a décelé des signes épileptogènes sur l'électroencéphalogramme, pour qu'on puisse revenir et dire: Voici, l'incapacité minimale de l'époque, qui était à 3 p.c., sera maintenant à 11 p.c, c'est l'avis des experts. Ce serait une formule.

Il y aurait également une autre formule. Au niveau de la cour Supérieure, par exemple, il y aurait également plus de juges à nommer et, encore là, au niveau de la cour Supérieure, il y a quand même des réformes qui se sont faites dernièrement. Les délais ne sont plus ce qu'ils étaient. Il faut encore retenir qu'il y a une autre dimension là-dedans. Actuellement, à cause de la structure juridique qui existe, l'avocat qui veut agir consciencieusement vis-à-vis de son client est obligé d'attendre dans certains cas que l'expert médical se prononce. Ceci soulève des problèmes de deux ordres. La maladie peut évoluer sur une période de trois ans, il faut attendre. On avait tout prévu, sauf le droit du bonhomme d'être malade et d'évoluer à sa guise. C'est une contrainte qui est là.

Il y a également les expertises des médecins qui font encourir des délais aussi. Mais, dans un cas comme dans l'autre, on les a. Je vous l'ai prouvé tout à l'heure, lorsqu'on parle d'incapacité totale temporaire. On dit: Ce sera tant de semaines, à moins que le médecin ne justifie telle chose.

On se retrouve encore devant la même réalité, c'est que cela va prendre, à un moment donné, des expertises médicales. Compte tenu de tout cela, je pense qu'il y aurait peut-être lieu, à propos des délais, de regarder la réalité telle qu'elle est. Il y aurait lieu de réaliser aussi que, entre autres, au niveau de la cour Supérieure, les délais ont été coupés depuis dernièrement et, également, d'adopter des mesures législatives pour permettre au régime de fonctionner avec plus de souplesse, de permettre, par exemple, si la responsabilité est claire et s'il y a une incapacité de X minimale, partielle ou permanente, aux juges de statuer, de faire verser un certain montant quitte à ce que les parties reviennent pour un rajustement ultérieur. Ce sont autant de mesures qui permettraient, je pense, de déboucher sur une situation qui est meilleure que celle qui existe actuellement. Pour cela, ce n'est pas nécessaire de renverser ou de bouleverser l'ensemble du système, mais ce serait drôlement pratique et drôlement utile pour la personne qui, elle, est lésée et attend son dédommagement.

M. ROY: Si je vous ai posé ces questions, c'est que vous avez dit, tout à l'heure, en guise de réponse, qu'il était possible que les experts

médicaux s'entendent pour déterminer un degré d'incapacité. Il y a une chose. C'est un aspect du problème auquel les accidentés victimes de blessures corporelles ou de lésions corporelles sont obligés de faire face. Mais, une fois que c'est établi, il faut attendre la décision pour voir qui est responsable avant que ces gens puissent retirer un seul sou. J'ai ici un exemple, et je l'ai souligné hier, je pense que ce dossier se retrouve à plusieurs exemplaires, dans le Québec, puisque, dans chacun des comtés, il y a plusieurs exemples du cas d'une personne qui a été victime d'un accident d'automobile. Je le répète, M. le Président, on m'excusera si j'y reviens, mais je pense que c'est quand même important que ces points se discutent et qu'on en discute justement avec la Fédération des avocats.

Cette personne a été victime d'un accident le 26 septembre 1970, sa requête a été accueillie le 22 septembre 1972, et le jugement a été rendu le 3 mai 1974. On accorde à cette personne complètement invalide une compensation de $41,451. Une fois qu'on a défini que telles et telles personnes ont été condamnée? à payer à telle personne la somme de $41,451, les personnes qui ont été condamnées à payer et qui ont été tenues responsables de l'accident ont décidé d'interjeter appel et de revenir devant les tribunaux. On sait — et j'aimerais qu'on me corrige — qu'il y a à peu près au moins 50 p.c. de toutes les réclamations où des montants importants sont impliqués en guise de compensation d'accident qui vont en appel et il faut attendre deux ans encore, parfois même trois ans avant que ces victimes puissent toucher un montant d'argent. En attendant, qu'est-ce qui arrive? S'il s'agit d'un père de famille qui a six enfants et qu'il était le seul pour gagner îa vie de la famille, parce que la mère devait quand même s'occuper de ses enfants, c'est l'indigence totale, c'est le bien-être social.

Jusqu'ici, on doit dire que la province, le fardeau des contribuables, le fonds consolidé du revenu, par l'entremise du bien-être social, en quelque sorte, vient en aide aux victimes d'accidents d'automobile à cause justement des mécanismes, des lenteurs de décision. On oblige les gens à payer des taxes en plus d'avoir payé des primes d'assurance.

A ce niveau, il y a quand même un point. Vous avez cité la Commission des accidents du travail et je l'ai citée moi-même, et lorsque je l'ai citée, ce n'était pas à son avantage, mais il y a quand même un point, sur lequel la Commission des accidents du travail agit. Il y a la question de l'incapacité totale temporaire pendant une période donnée, jusqu'à ce que la personne soit rétablie à sort maximum. La commission verse compensation une fois que cet aspect de la question est réglé quitte à revenir deux ans ou trois ans après pour réexaminer le patient afin de déterminer son degré d'incapacité qui fait l'objet d'une autre forme de compensation alors que, dans l'assu- rance automobile, pour les victimes d'accidents d'automobile, on attend que ce soit un tout et que tout soit complet et réglé partout avec les délais que cela implique.

J'aimerais qu'on me dise, M. le Président, que la Fédération des avocats me dise, que Me Chapados nous réponde s'il y a des avantages, d'abord, à maintenir un système de la sorte, et quels sont les avantages qu'il peut y avoir, et s'il n'y a pas d'avantages, quelles sont les suggestions qu'on peut proposer à la commission parlementaire.

M. CHAPADOS: Ah bon! A ce niveau, j'aimerais souligner ceci: D'une part, au niveau de la détermination des quanta, nous avons soumis des exemples à l'appui que la référence aux tribunaux est une garantie, en fait, d'évolution appréciable, surtout si on se réfère aux jugements depuis 1969. D'autre part, quel est le prix à payer pour cet avantage en termes de délai? Evidemment, vous me posez une question à propos d'un dossier que j'ignore totalement. Je ne sais pas du tout. Vous m'avez donné trois dates, 1970, 1972, 1974, j'ignore totalement quand les expertises médicales finales ont pu entrer, j'ignore tout de ce dossier. Reste une chose, certains des moyens qui ont été suggérés tout à l'heure auraient quand même permis dans ce cas, s'il y avait entente entre les experts au niveau d'une incapacité minimale, de procéder avec plus de célérité. J'admets qu'il a pu y avoir dans le passé, et encore au moment où je vous parle, certains avocats qui peuvent être des causes de retard. Il y a beaucoup de parties qui sont en cause. Il y a également, je l'ai mentionné tout à l'heure, l'appareil judiciaire qui avait fait des réformes en la matière d'une part; d'autre part, il y a l'appareil administratif aussi. On me permettra de citer un exemple. Un gouvernement antérieur, lorsque le Tribunal du travail a été créé à Montréal, a décidé, une semaine, de nommer cinq juges. Le seul problème, c'est que les cinq juges sont demeurés un mois ou un mois et demi sans secrétaire. Ceci pour vous dire que j'avais appelé un de ces juges pour demander un jugement. Il m'avait dit: Ecoutez, Me Chapados, voulez-vous que je vous rende mon jugement à la "longue main"? Il faut comprendre que l'appareil judiciaire, c'est complexe. Cela met en cause, à un moment ou l'autre, l'appareil de l'Etat. Je pense évidemment qu'on peut apporter des améliorations notables et très sensibles au niveau des délais, entre autres, par la suggestion que nous avons faite il y a quelques instants.

Qu'il y ait encore des délais, il va toujours avoir certains délais, mais je pense que le prix en vaut la peine. Somme toute, lorsque vous dites que la société est là-dedans et, par le bien-être social, se trouve à faire vivre cette famille, je dis: Oui, c'est vrai. Si l'automobile est un risque social qui engage la responsabilité de la société dans son ensemble, il est temps

que l'Etat — et tout le inonde aussi — à même nos taxes, finance le cas de ce pauvre père de famille, qui va peut-être attendre deux, trois ou quatre ans, mais qui va avoir l'indemnité qu'il mérite.

M. ROY: Je ne blâme pas le bien-être social de lui être venu en aide, parce que s'il n'avait pas eu le bien-être social, cela aurait été épouvantable, cela aurait été tout simplement épouvantable. Ce que je dis, c'est que nous sommes en face d'un fait que tout le monde admet. La personne a été victime d'un accident d'automobile, elle souffre d'une incapacité totale, et il n'y a pas un seul médecin qui le nie. Alors, il ne s'agit pas d'un problème, de déterminer si la personne est incapable ou non, le problème ne se pose pas à ce niveau. Elle l'est, elle a été victime d'un accident d'automobile. Mais elle ne peut rien obtenir à cause de toutes les autres questions, les aspects juridiques, les complications des complications qui surviennent et de tous les délais qui entraînent la parution des causes devant les tribunaux. Il y a encore le fait que le matin où la cause doit passer, il manque deux témoins importants et la cause est reportée à deux mois. Je pense que je n'apprends rien, je ne scandalise personne en disant cela. On se trouve dans des situations, devant le fait qu'il y a des familles... Je n'ai pas seulement un dossier comme celui-là, j'en ai plusieurs. C'est dire que c'est un problème social au Québec sur lequel il va falloir se pencher et trouver un moyen d'indemniser en attendant, ne fût-ce que partiellement, les victimes qui sont responsables de ces choses, quitte à répartir le fardeau de la responsabilité un peu plus tard, mais il faut qu'au moins ces gens puissent avoir quelque chose. J'ai ici le dossier d'une autre personne qui, à l'âge de 27 ans, conduisait une ambulance et qui s'est portée au secours d'une personne qui venait d'avoir un accident de motoneige et non de la route. J'identifie en quelque sorte la personne, vous me ferez grâce du nom et de la localité. C'était un automobiliste en état d'ébriété, c'est publié dans le rapport. Il a heurté l'ambulance, a fracturé la colonne vertébrale de la personne. La personne a été deux jours dans le coma, trois jours décomptée. Depuis elle est dans un fauteuil roulant, et souffre de paraplégie aiguë.

Elle a été devant le tribunal et la cause a été rejetée dos à dos pour la bonne raison qu'il y avait quelque chose dans la procédure ou... Je ne suis pas avocat pour interpréter toutes ces choses, mais le type a été en appel. Cela s'est passé en 1971. On est en 1974, 1975 bientôt, et le type n'a pas encore reçu un seul sou. C'est là que je dis, moi, qu'il y a un problème qui oblige...

M. CHOQUETTE: La seule raison pour laquelle cette personne aurait pu avoir son action rejetée, c'est qu'elle aurait pris une action après les délais fixés par la prescription.

M. GIASSON: II n'y a pas de...

M. CHOQUETTE: II n'y a plus d'exception à la forme maintenant. Les vices de forme ont tous été abolis dans le code de procédure. Il n'y a plus un juge... Dans tous les cas, je ne connais pas de vice de forme qui puisse mettre fin à une action comme autrefois, sauf si l'action est prise après la prescription, qui est d'une année, dans le cas de blessures corporelles. J'aimerais cela, si le député pouvait, peut-être pas tout de suite, mais enfin, à un autre moment, me donner plus de détails.

M. ROY: D'accord! Mais je n'ai pas pris un cas type, un cas exceptionnel. J'ai pris un cas parmi d'autres identiques, d'autres semblables que j'avais à mon bureau pour attirer l'attention de la commission et des organismes qui viennent devant nous afin de démontrer qu'il y a des correctifs à apporter dans ce secteur.

Je m'excuse d'avoir peut-être abusé un peu de votre temps, mais je pense que c'est quand même important qu'on se penche sur ces choses et qu'on en vienne à trouver des améliorations parce que la population a des droits. C'est la responsabilité des différents organismes mis en cause — le Barreau comme les autres — de travailler afin d'améliorer ce qui peut et doit être corrigé de façon à éviter des injustices de ce genre. C'est inacceptable en 1974 qu'on soit en face de situations semblables. C'est pour cela que je demandais à Me Chapados tout à l'heure si, au niveau de toutes ces procédures qui causent des délais, on peut réellement en venir à quelque chose de positif et de constructif aujourd'hui.

M. CHAPADOS: Je pense, M. le Président, que l'intervention du député de Beauce-Sud est très bonne. Je réfère les membres de cette commission à certaines des suggestions que nous avons faites, à savoir que ces suggestions devraient être étudiées attentivement. Même si, encore une fois, ces cas, si on les considère dans l'ensemble du régime, sont des cas marginaux en ce sens — on l'a déjà dit ce matin — qu'il y avait 1 p.c. qui se rendait à jugement et qu'en appel, c'était 0.25 p.c, etc. Mais je pense que ceci n'est pas une raison pour faire en sorte que les améliorations requises ne soient pas apportées.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Portneuf.

M. PAGE: Merci, M. le Président. Me Chapados, une brève question. Vous avez fait allusion tout à l'heure au fait que même en instaurant l'assurance obligatoire, on devrait conserver le fonds d'indemnisation pour différents motifs. Vous ne croyez pas qu'il serait peut-être préférable de faire dépendre le fonds d'indemnisation essentiellement du gouvernement du Québec plutôt que des assurés comme tels pour

étendre le parapluie de ceux qui ont à payer, pour que ce ne soient pas encore ceux qui sont assurés qui soient obligés de payer pour ceux qui ne le sont pas.

M. CHAPADOS: Nous avons fait tout à l'heure une suggestion, justement, suite à une question qui avait été posée à propos de l'assurance des conducteurs. Il importe de retenir que, même dans le régime proposé — il y aura toujours un fonds d'indemnisation pour quelques cas — c'est la société dans son ensemble. Quand on dit que c'est un risque social, c'est vrai. Quelle que soit la formule retenue de financement, l'Etat pourrait décider, comme le dit le rapport Gauvin, de financer à même les taxes. C'est une option. A même l'impôt sur le revenu. C'est une option.

M. PAGE: Comme le permis de conduire, comme vous le souligniez tantôt.

M. CHAPADOS: En fait, il y a toute une série d'options.

M. PAGE: Une autre question maintenant. Vous avez longuement fait état, dans votre mémoire, de la nécessité pour le consommateur du Québec d'être représenté par un avocat. Par contre, dans les cas, par exemple, où l'assuré voudra obtenir un montant plus important — on a prévu des mécanismes d'appel tant dans le rapport Gauvin que dans le système AutoBAC — vous ne croyez pas que la maturité sociale au Québec et l'information auprès de la population en général sont telles que le contribuable québécois peut quand même se défendre relativement facilement dans ces mécanismes? Le meilleur exemple est celui des petites créances. Même si ce système fonctionne seulement depuis quelque temps, il semble donner de bons résultats.

M. CHAPADOS: Je crois en la maturité sociale des Québécois. Je crois en l'évolution, mais, troisièmement, il y a quand même une certaine distinction à faire. Il est quand même étrange de constater jusqu'à quel point, pour certaines catégories de personnes qui peuvent se défendre et se faire représenter, toute une série de problèmes juridiques prennent une importance particulière. Prenez des professionnels, prenez des médecins, preniez des nommes d'affaires, des entrepreneurs. Bon. Devant telle circonstance particulière, ils réclameront à cor et à cri des services d'un avocat, ne serait-ce qu'au niveau de la détermination de la pension alimentaire qu'ils auront à payer à leur femme. C'est une chose.

Quand on arrive de l'autre côté de la clôture, souvent on entend des gens dire: Les gens ont de la maturité. Oui, d'accord, les gens ont de la maturité, mais comment cela se fait-il que c'est toujours la même catégorie de gens qui, à toutes fins pratiques, n'a pas les moyens de se faire représenter ou comment se fait-il que c'est toujours la même catégorie de gens qu'on réfère devant des commissions administratives alors que, pour d'autres catégories de gens, à ce moment, c'est différent et c'est drôle.

J'ai mentionné un exemple très précis tout à l'heure. Même au niveau de la pension alimentaire, cela revêt une importance énorme pour une personne qui est dans une situation X, qui exigera de se faire représenter, et, par ces remarques, je ne mets pas en cause le ministre de la Justice. Je le ferais devant la commission parlementaire de la justice. Mais on parle actuellement de "divorce kit". C'est un nouveau "bag", le "divorce kit", le divorce automatique et ceci est bien beau, mais encore là, à quoi arrive-t-on? Ce sera le divorce automatique pour les petites gens et les gens, qui auront d'autres intérêts à défendre, vont quand même trouver le moyen et, à ce moment, vont se croire obligés de se faire représenter pour obtenir le respect de leur droit. Au niveau de la participation sociale, on va dire: Non, il faut s'adapter et cela n'est plus important. Pas besoin d'avocat là-dedans, par besoin d'avocat dans telle autre chose. Mais c'est toujours la même catégorie de gens qui sont débrouillards si on considère l'ensemble du tableau.

M. PAGE: Vous basant sur l'expérience avec le tribunal des petites créances, est-ce qu'on peut dire que c'est concluant, favorable pour le consommateur ou si, encore une fois, on requiert les services des avocats ou on aimerait avoir les services des avocats, etc.?

M. CHAPADOS: Vous me posez une question. Je vais vous répondre. Je pense que cela a toujours été la position de la fédération, même si le ministre de la Justice trouve cela drôle, je pense que l'expérience au niveau des petites créances a été concluante.

Deuxièmement, il faut retenir que cela se passe devant un juge. Mais, troisièmement, ce qui nous a toujours séparés, le ministre de la Justice et nous, c'est un petit bout de chemin, un petit rien du tout. Nous demandions que soit reconnu dans la loi le droit, pour la personne qui le désire, de se faire représenter par un avocat. C'est uniquement cette petite parcelle de terrain.

M. PAGE: Est-ce que le besoin existe vraiment?

M. CHAPADOS: Quel besoin?

M. PAGE: Le besoin d'être représenté. Est-ce qu'on vous fait beaucoup de demandes?

M. CHAPADOS: Je peux vous dire une chose. Il en arrive de temps à autre, mais, somme toute là-dedans, on n'a rien imposé à personne. On demandait au législateur de l'époque tout simplement de permettre à la personne

qui le désire — c'est une question de principe — de pouvoir se faire représenter si tel était son désir.

M. PAGE: Dans le même ordre d'idées toujours, vous représentez plusieurs avocats au Québec.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Là, on est loin du mémoire.

M. PAGE: Oui, mais on a parlé aussi des tribunaux administratifs dans le mémoire. C'est cela. Est-ce qu'on demande des avocats parfois pour se faire représenter devant la Commission d'appel de l'aide sociale, la Commission d'assurance-chômage, ces différentes choses?

M. ROY: Est-ce que vous voudriez parler un peu plus fort, si vous voulez?

M. PAGE: Je demande à Me Chapados, à la lueur de l'expérience que la fédération a, compte tenu du fait qu'elle représente beaucoup d'avocats au Québec, est-ce que le consommateur québécois demande aux avocats d'être représentés devant les différents tribunaux administratifs qui existent présentement au Québec, que cela soit la Commission d'appel de l'aide sociale, la Commission d'assurance-chômage, etc.?

M. ROY: Quel rapport cela a?

M. PAGE: Parce qu'on a parlé tantôt dans le mémoire, aujourd'hui, on a affirmé et allégué que l'assurance pourrait devenir purement administrative. C'est pour faire une comparaison.

Je regrette si vous ne comprenez pas, remarquez que c'est d'un autre ordre d'idées.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce qu'il y a une réponse?

M. CHAPADOS: Certainement, M. le Président, la réponse va être très simple.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Une réponse rapide.

M. CHAPADOS: D'une part, je pense qu'on vit dans une société où de plus en plus certains tribunaux administratifs prennent de l'importance. D'autre part, le problème que vous soulevez quant aux tribunaux administratifs réfèrent à la Loi de l'aide juridique et j'avais dit ce matin que je ne la débattrais pas devant cette commission. J'invite discrètement le ministre à convoquer sa commission. Nous aurions une foule de suggestions constructives à lui faire. Au passage, cela s'imposerait.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: M. le Président, à la page 15 de votre mémoire, je relève une affirmation que je vais vous lire: Enfin, s'agit-il des victimes non indemnisées dans le régime actuel, que la fédération réfère les membres de cette honorable commission au rapport produit, rapport où l'on indique que, dans le cas des dommages matériels "les pertes sont relativement bien compensées" (cf. rapport Gauvin, page 196) alors que dans le cas des dommages corporels, la proportion des sous-indemnisés n'est que de l'ordre de 3.84 p.c. (cf. rapport Gauvin page 194).

Je regarde à la page 194 du rapport Gauvin et je ne vois aucune affirmation à l'effet que dans le cas des dommages corporels, la proportion des sous-indemnisés n'est que de l'ordre de 3.84 p.c. et je me demande où les auteurs du mémoire ont trouvé cette affirmation. Si je ne la vois pas à la page 194, peut-être cette affirmation se trouve-t-elle à une autre page du rapport Gauvin.

M. CHAPADOS: Justement, M. le Président, je viens de constater qu'il y a une erreur de référence. Je sais que dans le rapport on fait état d'une proportion de sous-indemnisés de 3.84 p.c. Vous me posez la question et la référence est mauvaise. Je me rappelle l'avoir vue. Comme au niveau de l'indemnisation pour les dommages matériels où on mentionne — je l'ai même vue tout à l'heure en feuilletant le rapport — que c'est relativement bien compensé.

M. CHOQUETTE: J'admets qu'on retrouve cela dans les pages 194, 195, 196. Même quand on regarde le tableau no 1 à la page 194, on constate ce sur quoi la commission Gauvin pouvait s'appuyer pour dire que dans le cas des dommages matériels, il semblait que les créanciers aient été relativement bien indemnisés. On voit aussi, si on se réfère au tableau no 1, ce sur quoi elle pouvait se fonder pour dire que les victimes de blessures corporelles semblaient relativement mal indemnisées.

Mais, M. Chapados, je ne relève pas cette erreur technique, en fait, dans votre mémoire pour vous en tenir grief. Je ne tiens pas non plus à ce que vous trouviez la référence, malgré que, si vous devez la trouver, j'aimerais le savoir. Mais ce n'est pas mon propos principal en soulevant cette question. Quant à moi, j'ai assez peu confiance au tableau no 1 à la page 194. Je ne comprends pas comment et par quel processus la commission Gauvin a pu établir que, pour les causes de $10,000 et plus, les créanciers avaient été mal indemnisés et indemnisés seulement jusqu'à concurrence de 40 p.c. de leurs dommages. Je ne saisis pas, en fait, le processus par lequel la commission peut arriver à ce chiffre.

Ce qui rend le chiffre suspect à mes yeux, c'est comment expliquer que pour toutes les autres classes de causes de $1 jusqu'à $10,000 et moins, on ait des chiffres de relativement bonne indemnisation, 1.27 p.c, 1.32 p.c,

1.34 p.c., 1.57 p.c, 1.19 p.c. et 0.83 p.c. Comment peut-on, au moment où l'on accède à la classe des causes de $10,000 et plus, tout de suite se trouver devant un chiffre de 0.40 p.c. qui indiquerait en fait que les créanciers de ces dommages n'ont reçu que 40 p.c. du montant de l'indemnité des dommages réellement subis. Est-ce que la commission Gauvin a pris en considération l'élément de la responsabilité à l'occasion de ces calculs? On peut se poser cette question. Cela n'est pas dit dans le texte.

Si on a tenu compte de l'élément de la responsabilité, comment se fait-il que cet élément de la responsabilité n'ait pas répercuté dans les causes de, $1 jusqu'à $10,000 et dans les causes de $10,000 et plus? Par conséquent, strictement en fonction de la façon dont le tableau est construit et de ses résultats en général, il semble bien qu'on n'ait pas tenu compte de l'élément de la responsabilité. Si on n'a pas tenu compte de l'élément de la responsabilité, je pose la question suivante: Par quel phénomène et à cause de quoi précisément, devant des causes de $10,000 et plus, pourrait-on conclure que ces créanciers n'ont reçu que 40 p.c. de leurs créances? Moi, je pense que c'est un résultat tellement absurde pour quelqu'un qui sait calculer des dommages pour des blessures corporelles que je ne peux pas ajouter foi aux résultats qui se trouvent ici, et je fais une demande formelle, c'est que des membres du comité Gauvin soient invités à venir nous expliquer comment ils ont pu arriver à des résultats semblables.

Tous ceux qui savent calculer les dommages devant les tribunaux civils savent à peu près les méthodes qu'on emploie. On prend le pourcentage de l'incapacité partielle permanente, on prend le salaire hebdomadaire ou annuel, on le multiplie, on enlève un pourcentage pour tenir compte des aléas de la vie; en fait, on fait certains calculs que les bureaux d'avocats, qu'ils soient en demande ou en défense, savent faire, que les compagnies d'assurance savent faire. Je ne vois pas comment on pourrait hypothétiquement arriver à un résultat et dire: En fonction des normes québécoises de détermination des dommages devant les tribunaux, les créanciers reçoivent seulement 40 p.c. de leurs créances.

Si, d'autre part, on est allé examiner, dans les compagnies d'assurance, comment elles avaient fixé leurs réserves pour ces risques, je dis que, dans les compagnies d'assurance, on sait aussi bien faire ces calculs et que la plupart des gérants de réclamation des compagnies d'assurance sont capables de vous dire, à peu près, combien vaut une cause. Je comprends qu'il peut y avoir des cas où il y a des variations, il peut y avoir des désaccords sur des pourcentages d'incapacité. Quoique la plupart des experts reconnus devant les tribunaux, en général, s'entendent sur les pourcentages d'incapacité à 1 p.c, 2 p.c. ou 3 p.c. près. Je ne vois pas comment on peut en arriver à une telle conclusion et je mets en doute les résultats de ce tableau. D'autant plus que je vois qu'on a consulté les victimes. Est-ce qu'on a pris le montant de leurs actions par rapport au montant du règlement qu'elles ont accepté? C'est alors assez absurde de se baser sur un critère comme celui-là. N'importe qui sait que, quand un avocat prend une action pour une victime d'un accident d'automobile, il va toujours poursuivre pour à peu près deux ou trois fois sinon plus que le montant réel des dommages, en se disant : Cela me donnera assez de marge si les dommages s'accroissent pendant le délai requis pour le règlement et aussi pour les fins de la négociation avec la défense. Pour moi, ce n'est pas du tout probant, ce tableau, et je crois que ça mériterait d'être scruté de plus près. Je n'admets pas, de prime abord, que tout le monde se trompe: les compagnies d'assurance, les avocats, tous ceux qui connaissent cela et même les victimes. Les victimes, quand on leur explique les grands principes du règlement de leurs dommages, comprennent assez vite ce à quoi elles ont le droit, à peu près. Quand l'avocat leur dit: Ecoutez, en fonction de la jurisprudence établie, 25 p.c. d'incapacité peut valoir $40,000 et voici les critères. La victime peut discuter avec l'avocat et elle se rend compte si ça répond à peu près aux normes, aux standards qui sont répandus.

M. le Président, j'aimerais qu'on demande au ministre des Institutions financières d'inviter les membres du comité Gauvin ou des personnes qui ont travaillé pour le comité Gauvin et qui ont dressé ce tableau à venir nous dire sa signification exacte et à venir nous expliquer ce sur quoi on se fonde pour en arriver à des conclusions pareilles. Conclusions qui sont graves parce que ce qui se dégage de ça, c'est que les gens sont frustrés de 60 p.c. de leurs dommages réellement subis lorsqu'ils ont des causes de plus de $10,000 et de 17 p.c. pour les causes qui sont entre $1,000 et $10,000.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'accord.

M. PERREAULT: La différence sur le montant accordé par la cour et le montant offert par l'assureur?

LE PRESIDENT (M. Brisson): On va faire venir les témoins et on va leur demander.

M. CHOQUETTE: Cela ne pourrait pas être ça.

M. PERREAULT: Si la cour fixe un montant beaucoup plus élevé que le montant offert par l'assureur...

M. CHOQUETTE: Tableau I: ...tiennent compte de la compensation versée par l'autre assurance dans les cas de... Je ne sais pas si cela peut être une explication, franchement...

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre du Conseil exécutif.

M. LALONDE: M. le Président, à la demande du ministre des Institutions financières qui a dû s'absenter et qui s'en excuse, j'aimerais tout d'abord, pour donner suite à l'intervention du ministre de la Justice, m'engager à transmettre son souhait, son désir au ministre des Institutions financières et ensuite remercier les représentants de la Fédération des avocats.

Si je peux faire suite à un échange qui a eu lieu entre Me Chapados et le ministre de la Justice tantôt, j'aimerais ajouter qu'à titre de ministre responsable de l'application du code des professions, je suis fort aise de la vitalité de la Fédération des avocats. Je constate que votre intervention s'est située au-delà des intérêts de vos membres, mais ce que je voudrais souligner, c'est que l'existence même d'associations de membres de corporations professionnelles est conforme aux principes fondamentaux de la réforme des professions au Québec, telle qu'opérée par le code des professions.

Je ne veux pas appuyer spécifiquement la Fédération des avocats à l'encontre de tout autre groupe d'avocats qui pourrait être destiné à défendre les intérêts de ses membres, mais ce que je veux souligner, c'est que l'existence même des corporations professionnelles est en fonction de la protection du public vis-à-vis des actes professionnels, des intérêts des membres devant être défendus par d'autres moyens.

C'est ce que je croyais utile de souligner maintenant.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je vous remercie infiniment, messieurs, maintenant j'appellerais...

M. CHAPADOS: M. le Président, vous me permettrez juste deux mots, par votre intermédiaire, je tiens à vous remercier tous de votre bienveillante attention et je vous remercie en particulier d'avoir permis, au niveau de la période des questions, la participation de l'ensemble de l'exécutif. Je vous remercie, messieurs.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Très bien. J'appelle M. P.J. Gauthier, directeur général du Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile. M. Gauthier, si vous voulez faire un résumé de votre mémoire.

Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile

M. LEBLANC (Conrad): M. le Président, mon nom est Conrad Leblanc, je suis un des administrateurs du Fonds d'indemnisation. Avec moi, il y a Pierre Gauthier, qui est le directeur général du fonds, Guy Saint-Germain, qui est un des administrateurs et Roger Brisson, qui est vice-président.

Si vous me permettez, notre mémoire n'a que quatre pages et je le lirai immédiatement.

Le Fonds d'indemnisation est une corporation publique sans but lucratif créé par le législateur en 1961 dans le cadre de la Loi d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles.

De 1961 au 30 juin 1974, le fonds a payé des indemnités aux victimes d'accidents d'automobile pour un montant total de $52,473,961.

Il est administré par neuf administrateurs. Ceux-ci ont été nommés, au début, par le gouvernement, et remplacés, par la suite, par les membres du conseil d'administration. Ces administrateurs ne touchent aucune rémunération pour leurs services. Bien que la loi créant le fonds assigne certaines responsabilités au ministère des Transports et au surintendant des assurances, ni l'un ni l'autre ne s'est jamais occupé des affaires du fonds.

Les administrateurs du fonds ont, depuis 1968, soumis des mémoires aux autorités gouvernementales de façon à attirer leur attention sur les amendements requis à la loi initiale tant pour améliorer l'efficacité du fonds comme mécanisme de compensation, que pour assurer une plus grande équité dans la répartition de ce fardeau économique. Nous désirons souligner que le rapport Gauvin reconnaît explicitement l'inaction du gouvernement dans ce domaine malgré les démarches répétées du Fonds d'indemnisation.

Le négligence du gouvernement à apporter les correctifs requis, l'augmentation du nombre de véhicules non assurés et l'iniquité croissante du mode de financement du fonds amenèrent le fonds, le 28 juin 1973, à aviser le ministère des Transports et le surintendant des assurances de l'intention du fonds de cesser ses activités le 31 décembre 1973. Le fonds, dans un esprit de totale coopération, décida de continuer ses activités malgré cet avis de cessation de ses opérations. Toutefois, le fonds regrette d'avoir constaté, une fois de plus, qu'aucun correctif n'a été apporté par le gouvernement depuis la fin de décembre dernier, malgré la promesse de réexaminer, dans les plus courts délais, le fonctionnement et le financement du Fonds d'indemnisation.

Le rapport Gauvin souligne que les différentes possibilités de réforme envisagées par le comité entraîneraient nécessairement des changements majeurs quant au rôle du fonds. Le Fonds d'indemnisation partage cette opinion, mais désire réitérer qu'il serait néanmoins nécessaire de réviser immédiatement certaines modalités de fonctionnement du fonds.

Le rapport Gauvin soulgine également le caractère inéquitable du mode actuel de financement du fonds. Les administrateurs du fonds le reconnaissent volontiers et rappellent leur désir plusieurs fois exprimé d'y remédier. Ils désirent cependant rappeler que ce développement n'avait été ni prévu ni désiré lors de la création du fonds. L'opinion courante, en 1960, à l'époque de la création du fonds, était

qu'un Fonds d'indemnisation ne saurait entraf-ner des déboursés considérables s'il allait de pair avec une loi incitant les automobilistes à s'assurer. L'augmentation rapide de l'assurance-automobile et, comme conséquence inévitable, l'existence d'un fort pourcentage de non assurés, devaient renverser très tôt les prévisions initiales.

Le rapport Gauvin pose enfin le problème de la liquidation du Fonds d'indemnisation. Il souligne que le fonds fonctionne sur une base de comptabilité de caisse et n'a pas, jusqu'à aujourd'hui, porté de réserves pour les indemnités qui devront être versées en raison de sinistres déjà survenus, mais non rapportés à la connaissance du fonds. En fait, une étude actuarielle récente établit à $12.5 millions le montant additionnel qui devrait être ainsi porté en réserve. Le rapport Gauvin affirme ensuite que cette façon de procéder découle de la volonté fort louable, par ailleurs, de ne pas surcharger davantage les assurés.

Le Fonds d'indemnisation refuse catégoriquement cette explication. En effet, l'absence totale de données rendait impossible, à l'origine, le calcul des montants ainsi impliqués.

Ce fait est le seul responsable de la retenue de ce mode de financement et de son acceptation implicite depuis 1961 par les autorités gouvernementales responsables, le ministre des Transports et le surintendant des assurances. L'article 59 de la Loi de l'indemnisation dit à ce sujet: "Si les administrateurs négligent d'imposer ou de percevoir des cotisations suffisantes, le surintendant des assurances peut, à la demande du ministre des Transports, exercer, à cet égard, leurs droits et pouvoirs".

Les administrateurs désirent ici rappeler que le surintendant des assurances n'a jamais, en aucun temps, manifesté une réticence quelconque à l'égard du mode de financement du fonds et en concluent qu'il a toujours reconnu la valeur de la méthode définie en 1961.

De toute façon, les administrateurs réitèrent, à ce sujet également, leur désir de repenser cette façon de procéder si tel était le désir du ministre des Transports.

Les administrateurs désirent enfin rappeler que, quel que soit le système de compensation finalement retenu, il sera toujours nécessaire de maintenir l'existence du fonds d'indemnisation. Son usage en pourrait être restreint, mais il sera néanmoins nécessaire. Ils désirent offrir à nouveau, publiquement, leur entière collaboration pour repenser ce mécanisme indispensable.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre d'Etat au Conseil exécutif.

M. LALONDE: M. Leblanc, au nom du ministre des Institutions financières, je désire souhaiter la bienvenue à vous-même et aux représentants du Fonds d'indemnisation. J'aurais une première question, une seule question maintenant. C'est celle-ci: Le rapport

Gauvin, comme votre mémoire d'ailleurs, affirme qu'il serait nécessaire de maintenir l'existence d'un fonds d'indemnisation, quel que soit le régime adopté. De plus, le rapport Gauvin, à la page 300, je crois, recommande que le contrôle et la gérance d'un tel fonds soient effectués par le gouvernement. Est-ce que vous êtes d'accord sur cette recommandation?

M. LEBLANC: En principe, M. le ministre, nous sommes d'accord. Cependant, il faut rappeler ici ce que dit aussi le rapport. C'est que la cessation de l'administration du fonds par l'industrie de l'assurance pose le problème d'une réserve importante de l'ordre de $12.5 millions qui n'a pas été perçue par les assureurs. Nous croyons que le fait que le fonds ait été jusqu'à présent alimenté par les montants d'argent des assurés, c'est-à-dire des citoyens responsables, de leurs actes, en faveur de ceux qui ne le sont pas, en principe, ou qui sont insolvables, a créé une injustice qui pourrait peut-être être réparée en permettant que ces montants de $12.5 millions, qui représentent la réserve pour les sinistres inconnus, ne soient pas portés par eux ou par les générations futures, comme le dit M. Gauvin.

M. LALONDE: D'après vous, ce devrait être financé ou payé par qui, les $12 millions d'après votre recommandation?

M. LEBLANC: Nous croyons que la suggestion avancée par le rapport Gauvin est valable, c'est-à-dire que cela pourrait être porté par l'ensemble des conducteurs automobilistes. A ce moment, il y a encore une partie d'injustice en faisant payer de nouveau ceux qui ont déjà contribué pour des personnes insolvables. Mais c'est bien sûr que le nombre de personnes actuellement, à peu près 15 p.c, qui ne sont pas assurées ou porteurs d'assurances, ont bénéficié d'un traitement de faveur, en ce sens que, dans le cas d'accidents autres que ceux de la route, le citoyen, par ses taxes, paie les frais d'hospitalisation ou, en fait, tous les frais qui découlent de ces genres d'accidents. Alors que, dans le cas de l'automobile, on a fait l'exception que nous trouvons peut-être injuste, à cause de la subrogation des différents ministères ou des différents corps publics qui sont porteurs de leurs propres assurances.

M. LALONDE: Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.

M. LESSARD: M. Leblanc, il semble que ce soit surtout un cri d'alarme, concernant l'avenir du fonds, que vous nous lancez cet après-midi. Soyez assuré que nous en prenons bonne note, mais j'aurais deux questions, c'est-à-dire quelques questions. D'abord, étant donné l'expé-

rience que vous avez eue depuis la fondation du fonds, est-ce que vous favoriseriez, actuellement, l'assurance obligatoire pour tous?

M. LEBLANC: D'abord, je dois vous rappeler que le cri d'alarme que vous avez entendu, nous le répétons depuis 1968.

M. LESSARD: C'est la première fois, malheureusement, que...

M. LEBLANC: A votre connaissance, je suis d'accord...

M. LESSARD: ... vous le faites à une commission parlementaire.

M. LEBLANC: D'accord! Mais je voulais le répéter pour la tribune.

A votre question, oui, c'est bien évident que, comme administrateurs du fonds, nous sommes ici comme tels, représentant la victime ou l'assuré, dans le cas de celui qui alimente et nous favorisons toute mesure qui aurait tendance à diminuer le fardeau sur ceux qui sont responsables et qui portent actuellement des assurances.

M. LESSARD: En date du 28 juin 1973, vous aviez avisé le ministre des Transports et le surintendant des assurances de l'intention du fonds de cesser ses activités le 31 décembre 1973. Cependant, vous avez continué vos activités et vous constatez, semble-t-il, qu'aucun correctif n'a été apporté encore, soit par le ministre des Transports ou le surintendant des assurances, etc. Est-ce que, dans les circonstances, vous pensez être capables de survivre ou de continuer vos opérations pendant un temps X jusqu'à ce qu'une réforme soit instaurée?

M. LEBLANC: Ce qui nous a amené tout particulièrement à rencontrer le ministre Tetley en décembre dernier pour lui signifier... Enfin, notre intention lui ayant déjà été signifiée depuis juin, c'était l'injustice de plus en plus apparente du mode de financement. D'autre part, nous nous étions aussi référés aux mémoires antérieurs qui avaient pour but la préoccupation de compenser plus rapidement les victimes, parce que vous savez que le fonds doit attendre les jugements. Devant peut-être l'élément de surprise que cela entraînait pour le ministère, qui n'avait pas en main les mécanismes, nous avons voulu, à ce moment, offrir une coopération dans le sens indiqué.

Je crois que le fonds n'est pas en état de crise, autre que l'injustice se prolonge et, à notre sens, elle a duré très longtemps.

M. LESSARD: A la page 1 de votre mémoire — dernière question — vous dites que depuis 1968, vous avez soumis des mémoires aux autorités gouvernementales de façon à attirer leur attention sur les amendements requis à la loi initiale, tant pour améliorer l'efficacité du fonds comme mécanisme de compensation que pour assurer une plus grande équité dans la répartition de ce fardeau économique.

Suite à cette affirmation, est-ce que vous pourriez élaborer un peu, soit nous dire quels sont les principaux amendements que vous avez demandés au gouvernement pour donner une meilleure compensation ou pour assurer une plus grande équité? De l'équité, vous en parlez un peu au cours de votre mémoire.

M. LEBLANC: M. le député, j'ai ici les mémoires en question...

M. LESSARD: J'aimerais donc...

M. LEBLANC: Je les ai résumés ici, mais ils contiennent malgré tout cinq pages manuscrites. J'ai voulu retenir les éléments essentiels. C'était d'abord en ce qui a trait aux modes de règlement des sinistres et au délai des frais entraînés par le jugement qui est nécessaire de par la loi, le fonds ne peut pas payer ou accueillir une réclamation avant que celle-ci ne lui soit produite.

La Commission d'examen des permis de conduire, nous croyons que cela a une portée directe. L'automobiliste domicilié en dehors du Québec bénéficie d'une protection à même le fonds qu'il n'a pas chez lui. Comme en Ontario, le risque du passager n'est pas assumé sauf en cas de grossière négligence, de faute lourde.

Il y a des ambiguïtés selon nous, selon l'intérêt qui est versé par le fonds sur le montant de $35,000, qui est la limite, ou sur le montant du jugement.

Il y a des exclusions, par exemple, certaines entités dont le gouvernement, les sociétés de la couronne, les paragouvernementales, les sociétés importantes qui portent elles-mêmes leur registre d'assurance et qui exercent une subrogation, un recours contre le fonds et qui sont une charge — croyons-nous — injuste vis-à-vis des personnes qui alimentent le fonds parce que cette loi, croyons-nous, a été conçue pour favoriser les personnes qui sont victimes d'accidents de la route causés par des insolvables, des chauffards.

Donc, l'assureur n'a pas accès au fonds comme tel et on croit que celui qui agit comme tel, même si ce n'est pas une société d'assurance, ne devrait pas y avoir accès, par exemple Hydro-Québec, Bell Canada. Nous croyons que ce sont de telles choses qui entraînent des frais additionnels importants au fonds, donc aux assurés toujours.

Il y aurait des délais de prescription dans les demandes d'indemnisation en cas de délit de fuite. II n'y a pas de délais. Enfin, on avait des problèmes administratifs aussi. Les faillites, les responsables... Vous savez qu'une personne qui a un jugement...

M. LESSARD: Je voulais vous poser cette question.

M. LEBLANC: ... se déclare en faillite pour éviter que sa dette soit retenue contre lui; il obtient par ce fait un permis de conduire à nouveau son automobile. Nous croyons cela injuste ou, enfin, il devrait y avoir un mécanisme plus pratique.

M. LESSARD: Est-ce que cela se produit souvent?

M. LEBLANC: Nous croyons que cela se produit très souvent. Et nos préoccupations... Encore là, peut-être y a-t-il répétition entre le mémoire de 1968 et celui de 1970...

M. LESSARD: Etant donné que vous faites référence dans votre mémoire à d'autres mémoires qui ont été soumis aux autorités gouvernementales et qui nous apparaissent assez importants étant donné l'avenir du fonds, est-ce qu'il serait possible de faire parvenir ce résumé de cinq pages aux membres de la commission parlementaire?

M. LEBLANC: C'est très pertinent. On pourrait même vous envoyer nos mémoires si vous le voulez.

M. LESSARD: Mais certainement. Je pense que cela serait très important, étant donné la discussion que nous avons sur le rapport Gauvin et qui a une incidence sur le fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles. Merci beaucoup.

M. LEBLANC: Je suis bien d'accord.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Si j'ai bien compris, vous venez de dire que vous avez dû accepter des subrogations dans le cas d'Hydro-Québec et de Bell Canada. J'aimerais que vous nous disiez en vertu de quel critère vous avez été obligé d'accepter ces choses.

M. LEBLANC: Les seules personnes qui n'ont pas le droit de réclamer, à la suite d'un accident causé par un chauffard ou un insolvable, contre le fonds d'indemnisation sont surtout les assureurs. On n'exclut pas les sociétés comme telles et, à ce titre, Bell Canada ou Hydro-Québec ou le gouvernement du Québec a accès au fonds tout comme un individu le ferait.

M. ROY: Est-ce qu'il y a seulement Bell Canada et Hydro-Québec qui y ont eu accès?

M. LEBLANC: Non. En fait, toutes les entreprises.

M. ROY: Toutes les grosses corporations. M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... les poteaux de Bell Canada, les câbles téléphoniques, les poteaux d'Hydro-Québec, les cabines téléphoniques de Bell Canada et un autre élément qu'il faudrait ajouter à cela est le suivant: Dans la définition même d'un véhicule automobile, on a demandé depuis 1968 que cela soit révisé. Comme administrateur, on a assisté au paiement, par le fonds d'indemnisation, des réclamations qui proviennent d'accidents de moto-neige, ce qu'on a commencé par nier, à défendre devant les tribunaux jusqu'en cour Suprême. Après cela, ce sont les véhicules récréatifs et, maintenant, c'est rendu aux coupeurs de gazon, les moulins à gazon qui sont mus par roue, les tracteurs, parce qu'ils disent que c'est un véhicule automobile. On est en train de se demander, en restant assis là, s'il fallait qu'il y ait un malaxeur à gâteaux qui soit monté sur roue, combien on paierait les mains des ménagères!

C'est ce qu'on appelle de l'injustice, de mettre cela sur la tête des assurés.

M. ROY: Je dois dire que, pour nous, c'est une révélation aujourd'hui. Nous n'étions pas au courant de toutes ces choses. J'aimerais peut-être revenir sur des questions préliminaires. Est-ce que vous publiez des états financiers chaque année?

M. LEBLANC: Oui, nous avons des états financiers et des assemblées annuelles conformément à la loi.

M. ROY: Est-ce que vous remettez une copie de ces états financiers au gouvernement? Je ne parle pas du gouvernement, autant le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives, en fonction de la loi générale, mais des états financiers au gouvernement, au ministère des Transports ou à un ministère concerné.

M. LEBLANC: Non.

M. ROY: Le gouvernement ne vous a jamais demandé des états financiers?

M. LEBLANC: A ma connaissance, non.

M. ROY: Est-ce que le surintendant des assurances n'en a pas exigé?

M. LEBLANC: On me dit qu'il n'en a jamais exigé.

M. GIASSON: Par la loi qui vous a créé ou la réglementation, il n'y avait pas cette obligation?

M. LEBLANC: Non. La loi crée quand même une entité autonome, c'est un corps indépendant, c'est-à-dire le fonds a dit que neuf administrateurs en feraient la gestion. Le gouvernement a retenu des pouvoirs au niveau de son ministre.

M. ROY: Je me pose une série de questions ici parce qu'il y a quand même des gens qui, jusqu'à maintenant, sont obligés de souscrire et de rembourser le fonds d'indemnisation et il n'y a aucun mécanisme prévu, aucune espèce de surveillance gouvernementale à aucun niveau. Il n'y a aucun moyen. On nous dit que les grosses compagnies, c'est là que cela commence à m'inquiéter un peu, et je pense que M. Saint-Germain avait raison de parler de mélangeurs à gâteaux tantôt, s'ils étaient sur roues. Il y aurait peut-être d'autres exemples qu'on pourrait donner. Nous sommes en train de nous demander, à l'heure actuelle, à quoi a servi, en quelque sorte, le fonds d'indemnisation puisque le rapport Gauvin parle de l'injustice que ce fonds peut créer à l'endroit des assurés. Alors, M. le Président, il est six heures, pour ma part, je pense que nous avons devant nous un sujet qui mériterait une attention particulière, quitte à y revenir à une autre séance, mais je ne trouve pas normal du tout qu'à la suite des demandes répétées depuis 1968, que le gouvernement n'ait pas donné suite, aucun écho aux demandes répétées du Fonds d'indemnisation qui a quand même été un organisme institué en vue de venir en aide aux victimes d'accidents d'automobile. Je pense que si on se réfère à l'objectif fondamental et à la raison d'être même du Fonds d'indemnisation, c'était pour venir en aide aux victimes d'accidents d'automobile qui avaient affaire à des personnes qui n'étaient pas assurées.

M. LESSARD: Des personnes qui n'avaient pas le minimum des $35,000.

M. ROY: Des personnes qui n'étaient pas responsables. Je dois vous dire que je me sens un peu perdu, M. le Président.

M. LESSARD: M. le Président, j'aurais une question qui nous permettrait, avant la fin, de m'éclairer. Quel est le pourcentage des revenus qui sont perçus, par le fonds d'indemnisation, des assurés eux-mêmes? Ce sont des compagnies qui financent directement le fonds, mais à même un montant des assurés, soit l'équivalent de 4 1/2 p.c. et 5 p.c.

M. LEBLANC: .26 p.c. depuis trois ans, les trois dernières années. C'est allé jusqu'à 7 p.c.

M. LESSARD: Autrement dit, ce sont les assurés comme tels qui financent entièrement le fonds à 100 p.c...

M. LEBLANC: C'est exact.

M. LESSARD: ... par l'intermédiaire des polices d'assurance qu'ils achètent.

M. LEBLANC: C'est cela.

M. SAINT-GERMAIN (Guy): A la page 259 du rapport Gauvin, on dit bien que 2 p.c...

M. LESSARD: Plus fort, s'il vous plaît.

M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... à 7.1 p.c... On doit faire remarquer aussi que le gouvernement a perçu d'une façon consistante 2 p.c. de taxe sur toutes les contributions qui ont été versées au fonds d'indemnisation.

M. GIASSON: C'est dire que votre capacité de recouvrement vis-à-vis de ces insolvables ne dépasse pas les chiffres que vous nous donnez. Somme toute, il y a des personnes pour qui le fonds a payé, parce qu'elles n'étaient pas assurées et insolvables. Mais il y en a parmi ces personnes qui remboursent des petits montants graduellement; c'est ça qui ne dépasse pas 2 p.c. pour une année?

M. LEBLANC: Non, pas du tout. La récupération des personnes...

M. GIASSON: Le recouvrement, oui.

M. LEBLANC". ... responsables est assez minime.

M. GIASSON: Mais en pourcentage?

M. LEBLANC: Le coût net, après déduction de ces recouvrements, est de 4.26 de la prime de la section A, responsabilité civile. Le coût net du fonds est de 4.26 de la clause de responsabilité civile.

M. ROY: J'aimerais revenir sur une question. On a parlé des assemblées; est-ce qu'on peut me donner des explications sur le fait que le surintendant des assurances n'a pas joué un rôle là-dedans, n'a pas assisté aux réunions? J'ai cru comprendre que vous avez dit que le surintendant des assurances n'a jamais assisté aux réunions, ne s'est pas préoccupé, n'a même pas exigé qu'un rapport lui soit envoyé. Est-ce que vous pouvez me donner des explications à ce sujet? Cela nous semble, pour être logique, invraisemblable.

M. LEBLANC: Je vous suggère de le lui demander, je ne peux pas répondre pour lui.

M. ROY: Vous n'avez pas eu de communication avec lui, il ne vous a jamais donné de raison?

M. LEBLANC: Personnellement, je n'ai jamais eu à discuter avec lui de cette chose.

M. LESSARD: Vous n'aviez jamais d'opposition après?

M. LEBLANC: Nous n'avons jamais eu d'avis formel.

M. LESSARD: M. le Président, je ne sais pas si, à une autre séance de la commission parlementaire, on en a parlé mais est-ce que c'est le

ministre des Transports qui est responsable du fonds d'indemnisation devant l'Assemblée nationale?

M. MAILLOUX: Comme à la prochaine séance, je serai absent du pays, revenons au fonds d'indemnisation. Je souhaite que mon collègue M. Tetley soit ici, parce que c'est éventuellement lui qui aura l'administration du fonds. Je n'ai jamais trop compris pourquoi cela avait été dévolu au ministère des Transports en 1961, la responsabilité de surveiller le fonds d'indemnisation.

Vous aurez également la possibilité de convoquer le surintendant des assurances du Québec. Mon collègue donnera les réponses aux questions que nous lui poserons.

M. LEBLANC: M. le Président, si c'est votre désir et celui des membres de cette commission, nous serions heureux de revenir.

M. ROY: Je pense qu'il serait sage qu'on procède ainsi. Je me permettrais de faire une demande. Si c'est possible, si ça ne va pas à l'encontre de la loi — je ne voudrais pas abuser de mes privilèges — je pense qu'il serait d'intérêt public, dans l'intérêt même des personnes qui ont la responsabilité d'administrer le fonds d'indemnisation, qu'on nous donne des chiffres à ce sujet. Nous n'avons aucun chiffre; s'il y avait la possibilité, d'ici la prochaine séance...

M. LEBLANC: Des chiffres sur le coût du fonds...

M. ROY: Le coût du fonds, les sommes reçues...

M. LEBLANC: Le rapport Gauvin les contient jusqu'à 1971, tout au moins.

M. ROY: J'ai bien vu les chiffres qui sont dans le rapport, mais vous n'avez pas d'états financiers en main.

M. LEBLANC: Nous avons des états financiers, c'est sûr.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous allons quand même continuer la période des questions sur votre mémoire et, concernant ce point, vous reviendrez la semaine prochaine.

M. LEBLANC: Est-ce que vous nous convoquez pour mardi prochain, à dix heures?

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je vais consulter le secrétaire et je vais vous le dire. L'honorable député de Montmagny avait quelques questions également.

M. GIASSON: C'est hypothétique. En présumant que le gouvernement du Québec fasse siennes à peu près toutes les recommandations du système AutoBAC: couverture de base, couverture excédentaire, avec principe de responsabilité, vous n'avez pas l'impression que le rôle du fonds serait extrêmement limité ou, autrement dit, que les possibilités de réclamations au fonds d'indemnisation seraient réduites peut-être de 99 p.c? Il resterait peut-être les cas de personnes qui se font frapper sur la rue, avec une délit de. fuite, un "hit and run" quand on ne retrouve pas le chauffard. Pour les personnes qui subiraient des blessures, même si elles étaient très graves, dans un cas de "hit and run", il y aurait la couverture du plan de base et cela s'arrêterait là.

M. LEBLANC: Ou les accidents à l'allure louche.

M. GIASSON: Oui, avec une espèce de volontariat ou une combinaison d'accidents...

M. LEBLANC: Oui, ce serait sûrement organisé, M. Giasson.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de Bellechasse.

M. MERCIER: On a lu dans le rapport tout à l'heure, M. Leblanc, que vous parlez d'une réserve de $12.5 millions. Est-ce pour faire face strictement aux éventualités de réclamations qui viendraient au fonds, suite à des accidents du passé...

M. LEBLANC: Oui.

M. MERCIER: ... ou si cela anticipe une réserve à long terme?

M. LEBLANC: Non. Ce sont des accidents survenus qui n'ont pas encore été révélés au fonds, on n'a pas reçu copie du jugement, mais nous savons que ces dépenses sont encourues. Des études actuarielles ont été faites récemment, surtout lorsque nous avons rencontré le ministre. Lorsque nous désirions terminer le fonds, nous avons fait ces calculs pour situer le problème que cela posait. Alors, ce sont des accidents survenus, non révélés au fonds, et qui ont été estimés à $12.5 millions comme coût possible, probable.

M. MERCIER: De mémoire, est-ce que vous pourriez me dire quel est le taux de croissance des réclamations au fonds d'une année à l'autre, au cours des dernières années?

M. LEBLANC: On me dit de 10 p.c. à 15 p.c. de croissance.

M. MERCIER: De 10 p.c. à 15 p.c.

M. LEBLANC: Oui. Comme exemple, je crois qu'il est indiqué dans le rapport que le fonds a coûté, dans les dix premières années, de 1961 à 1971, $37,600,000, mais on souligne

bien qu'en 1972, c'était $10,900,000. Il y a une croissance définitive.

M. MERCIER: Une autre question, M. le Président. Suite aux commentaires d'un des membres du comité des administrateurs du fonds, relativement aux réclamations touchant la motoneige et suite à des jugements de cours, est-ce que, effectivement, plusieurs demandes ont été formulées au fonds pour des réclamations, suite à des accidents de motoneige?

M. LEBLANC: Depuis que la jurisprudence a été établie, comme M. Saint-Germain l'a souligné au début, nous avons rejeté ces cas, parce que le code de la route n'avait pas encore été précisé. La motoneige, on l'a décrite comme un véhicule automobile et, par la suite, la jurisprudence a confirmé que c'en était un. On a demandé au fonds d'indemniser. Par la suite, c'est bien sûr que, comme on a accès au fonds par le truchement des jugements, la jurisprudence a été vite connue et cela comporte un point assez important de dépense pour nous.

M. MERCIER: Pour compléter l'interrogation ou, du moins, le souhait exprimé par M. Saint-Germain tout à l'heure, lorsqu'il voulait qu'on définisse avec peut-être plus de précision un véhicule à moteur, quelles seraient vos suggestions, suite à votre expérience, relativement au fonds d'indemnisation, de ce qui serait admissible par le fonds?

M. LEBLANC: Pour ma part, je peux dire mon point de vue et j'aimerais que d'autres participent aussi. Je crois que l'intention du législateur, c'était de compenser les victimes d'accidents de la route. Actuellement, nous compensons aussi les victimes d'accidents causés en dehors des voies publiques, motoski, certaines voitures de récréation et même les voitures à gazon. Déjà, cela a une portée assez grande que de prendre soin de ces types d'accidents. Il y a tous les genres d'accidents récréatifs qui ne sont pas compensés. Si vous êtes en trafne sauvage, si vous vous fracturez la colonne vertébrale, à ce moment vous n'avez pas d'indemnité. Il s'agissait de le connaître. C'est pour cela qu'on n'a pas voulu payer pour les accidents de motoneige au départ. On voulait connaître l'intention du législateur. Il l'a dit et cela a entraîné cette dépense.

M. GIASSON: Vous payez dans le cas d'accidents de motoneige en dehors des routes?

M. LEBLANC: En dehors des routes...

M. GIASSON: Cela veut dire que le cultivateur qui a une machine automotrice sur sa ferme et qui écrase quelqu'un sur sa ferme, la machinerie n'étant pas assurée, lui n'étant pas solvable, vous auriez payé ça au même titre que la motoneige en dehors des routes.

M. LEBLANC: Dans l'optique actuelle, nous comprenons que tout véhicule automobile tel que décrit par le code tomberait sous l'effet de la loi.

M. MERCIER: ... un accident survenu sur un terrain de golf?

UNE VOIX: Cela va venir.

M. LEBLANC: Cela va venir, oui.

M. MERCIER: Est-ce que le cas des millimètres vous a été soumis?

M. LEBLANC: Non. C'est un événement trop récent pour le temps que cela prend de venir à nous.

UNE VOIX: Les mobylettes.

M. LESSARD: Mais cela peut arriver étant donné la publicité qu'on est en train de donner. Une dernière question.

Je constate dans votre mémoire que — je m'excuse, le président m'a donné la parole — les administrateurs du fonds ne touchent aucune rémunération pour leurs services.

M. LEBLANC: Je m'excuse.

M. LESSARD: Vous affirmez que les administrateurs du fonds d'indemnisation, soit au nombre de neuf, ne touchent aucune rémunération pour leurs services.

M. LEBLANC: Oui.

M. LESSARD: Est-ce que ces administrateurs doivent se rencontrer très souvent?

M. LEBLANC: Nous le faisons à peu près tous les deux mois.

M. LESSARD: Ce n'est pas souvent qu'on a cela dans une régie.

M. LEBLANC: Enfin, selon les besoins, vous savez, dans cette période où on fait les mémoires, dans les périodes de fins d'année. L'assemblée, c'est sûr, peut être mensuelle, mais habituellement c'est cela.

M. LESSARD: Mes félicitations.

M. LEBLANC: Merci. M. le Président, si vous pensez que nous pourrions prolonger un peu et que cela donne satisfaction aux membres, nous sommes prêts à revenir, mais si vous jugez que ce n'est pas le cas...

LE PRESIDENT (M. Brisson): Voyez-vous, concernant le mémoire, nous allons finir les quelques questions. Cela disposera du mémoire.

Vous pourrez revenir à une date indéterminée, parce que...

M. LEBLANC: Vous nous le direz si vous le jugez opportun.

LE PRESIDENT (M. Brisson): On m'a informé que l'ordre du jour de mardi et de mercredi est surchargé. Donc, on vous convoquera à nouveau concernant les indemnisations et les rapports financiers. Le député de L'Assomption.

M. PERREAULT: J'aurais une question à vous poser. Vous avez mentionné 4.26 p.c. nets de cotisations sur la prime-responsabilité, mais brut, en tenant compte des recouvrements que vous faites, cela vous donne combien?

M. LEBLANC: II semblerait — nos états l'indiquent, bien sûr — que nous recouvrons environ 10 p.c. des déboursés faits.

M. PERREAULT: Merci.

M. ROY: La question que j'avais à poser: Est-ce que vous avez un personnel nombreux au fonds?

M. LEBLANC: Nous avons 31 personnes qui travaillent au fonds.

M. ROY: 31 personnes permanentes.

M. LEBLANC: Oui, M. Gauthier les dirige.

M. ROY: Vous avez un bureau à Québec et un bureau à Montréal?

M. LEBLANC: A Montréal.

M. ROY: Maintenant, une question, c'est pour ma gouverne personnelle, parce qu'il y a souvent des gens qui reçoivent des comptes du fonds d'indemnisation suite aux décisions qui sont prises. Egalement des représentations m'ont été faites par des personnes qui ont été victimes d'un accident. Lorsque le degré de responsabilité est établi, qu'on envoie un compte et que le fonds décide de faire payer, à la suite d'un jugement qui est rendu par la cour, $10,000 à une personne donnée et la personne envoie un montant régulier chaque mois. La personne à qui la cour a accordé un montant de $10,000, le fonds le lui fait-il parvenir dans un délai court ou si le fonds est obligé d'attendre un certain temps avant de faire parvenir l'argent à la victime?

M. GAUTHIER (Pierre): Au moment où la victime a obtenu son jugement, elle doit soumettre au fonds d'indemnisation un affidavit et, à la réception de cet affidavit soumis, le fonds a sept jours pour faire le paiement. C'est à peu près dans ces délais.

M. ROY: Faire le paiement complet? M. GAUTHIER: Complet.

M. ROY: Cela veut dire que, lorsque le paiement n'a pas été fait, c'est à cause d'une question technique qui n'a pas été réglée. Je vous remercie pour ce point, mais je dis quand même ceci, à la suite du député de Saguenay: Pour vous être occupé de cela bénévolement pendant si longtemps et surtout avoir été complètement ignoré par le gouvernement, je pense que vous avez fait preuve d'une patience qui mérite d'être soulignée.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre de la Justice.

M. CHOQUETTE: Je voulais simplement avoir un renseignement.

Quand des réclamations arrivent au fonds, vous établissez des réserves, n'est-ce pas, en fonction du montant probable que vous allez être appelés à payer, soit par voie de règlement, soit par voie de jugement. Evidemment, je comprends que vos limites sont $35,000 et que, s'il y a plusieurs réclamants, ils doivent tous se situer à l'intérieur des $35,000. Ce qui m'intéresse pour le moment, ce n'est pas la limite supérieure de votre responsabilité. Pourriez-vous nous dire, enfin, suivant votre expérience en général, quel est le montant qui est effectivement payé par le fonds, soit par règlement ou soit par jugement par rapport au montant que vous avez établi en général comme réserve? Est-ce que les montants se rapprochent de très près? Dites-moi donc le pourcentage, à peu près, d'erreur possible entre vos estimations et le montant sur lequel vous réglez?

M. LEBLANC: M. le ministre, je voudrais vous expliquer que, d'abord, il y a les jugements qui nous sont révélés durant l'année. A ce moment, nous ne faisons pas d'improvisation. Nous sommes fixés sur le montant.

M. CHOQUETTE: Bien.

M. LEBLANC: Deuxièmement, il y a les cas qui nous sont révélés par les victimes ou par leurs avocats et, à ce moment, nous faisons une réserve.

M. CHOQUETTE: Bien.

M. LEBLANC: Dans ce cas, le gain est d'environ 5 p.c.

M. CHOQUETTE: Votre gain.

M. LEBLANC: Oui. C'est-à-dire que la réserve est surévaluée par rapport aux déboursés éventuels.

M. CHOQUETTE: En somme, vous nous

dites que votre expérience, c'est par rapport aux cas qui sont portés à votre attention avant qu'un jugement soit rendu. Vos réserves sont au-delà de 5 p.c. par rapport au montant que vous allez être appelés à payer.

M. LEBLANC: Oui.

M. CHOQUETTE: Est-ce cela?

M. LEBLANC: Oui.

M. CHOQUETTE: Par conséquent, vous êtes capables de calculer avec assez de précision le montant que vous allez être appelés à payer.

M. LEBLANC: M. le ministre, il y a un autre élément que je voudrais ajouter et je vais le faire, si vous le voulez. C'est qu'il y a tous les autres sinistres que nous ne connaissons pas, qui sont arrivés et qui n'ont pas été rapportés au fonds. Et c'est là qu'il y a $12,500,000. C'est une estimation actuarielle.

M. CHOQUETTE: Ah oui! Je comprends.

M. LEBLANC: Maintenant, en rétrospective, nous pouvons, douze ans plus tard, regarder ce qui s'est passé autrefois et faire une extrapolation qui nous amène à ce montant, mais c'est de l'inconnu quand même. Nous ne savons pas. Ce n'est pas comme dans le cas d'une entreprise privée, où ses assurés sont tenus de rapporter les accidents.

M. CHOQUETTE: Non. Vous savez, ce n'est pas tellement le montant que vous n'avez pas pu prévoir à cause de votre position particulière comme fonds d'indemnisation qui m'intéresse, parce que je comprends très bien que vous fonctionnez dans un système encore plus aléatoire qu'une compagnie d'assurance.

Vous ne pouvez pas prévoir, vous, que sur tant de polices d'assurance vous allez avoir tant de pertes, etc. Ce n'est donc pas le résultat final de vos opérations qui m'intéresse. C'est la méthode d'estimation des pertes pour savoir si votre gérant de réclamation peut, d'une certaine façon, quand on attire son attention sur un cas, dire: Ce cas nous coûtera à peu près tant et voici quelle est la marge d'erreurs possible. Vous m'avez dit que ce sont 5 p.c. en plus.

M. LEBLANC: Peut-être que M. Gauthier pourrait ajouter des détails puisqu'il agit comme directeur du fonds.

M. GAUTHIER: Lorsque nous recevons une réclamation, l'état de l'accident est déjà fixé, en réalité. Il y a à peu près 95 p.c. des réclamations qui nous parviennent où la responsabilité est claire; le débiteur éventuel, le défendeur est responsable. Tout ce qu'il y a à établir, c'est le quantum. On établit le quantum en coopération avec l'avocat de la victime. On s'entend sur le montant. Si on reçoit une réclamation où l'action signifiée au défendeur est de $25,000, presque automatiquement on va couper cela de moitié; mettons $12,500, originalement. On ouvre notre dossier avec ces $12,500. On procède à notre enquête, 30 jours, 40 jours. Ensuite, on est fixé parce que le dossier est déjà avancé. Il y a déjà des expertises médicales de faites. A ce moment, on peut établir assez près le montant auquel la victime a droit en réalité. On négocie avec l'avocat. A ce moment, on sait combien on va payer. On dit à l'avocat: Quand le jugement sera rendu, venez nous voir. On va vous payer. Mais, à ce moment, la réserve est assez exacte.

M. CHOQUETTE: Le jugement des cours, en général, se rapproche de vos réserves, j'imagine?

M. LEBLANC: Les avocats se servent de notre lettre, de notre entente comme preuve parce qu'on voit les jugements sortir...

Les juges disent: Vu la Loi d'indemnisation, vu la preuve faite, voici...

M. CHOQUETTE: J'aimerais voir un jugement dans ce sens-là, parce que, n'oubliez pas qu'à ce moment-là le défendeur pour lequel vous allez payer, ce n'est pas un aveu qui vient de lui, le quantum des dommages. Vous comprenez?

M. GAUTHIER: Absolument pas.

M. CHOQUETTE: Alors, je ne vois pas comment le fonds d'indemnisation pourrait s'interposer à ce moment-là et lier le défendeur.

M. GAUTHIER: Non. On ne lie nullement le défendeur. Ce n'est pas à nous. On établit, on fait une offre de règlement, ce qui nous semble être raisonnable, qui est accepté par l'avocat du demandeur. Cela ne veut pas dire qu'on agit pour le défendeur. On n'agit pas pour le défendeur. Maintenant, lui a toujours la chance de se défendre ou de revenir. Nous en avons des cas comme cela où même après avoir payé, il y a des rétractions de jugement qui arrivent. Cela n'arrive pas souvent.

M. GIASSON: Chez les compagnies d'assurance, à un moment donné la compagnie fait l'étude de son dossier et fait une offre. Si le réclamant ou son concurrent juge cela insuffisant, il peut se prévaloir d'un recours devant le tribunal, mais généralement, quand les compagnies arrivent devant les tribunaux, elles font une dernière offre et, d'après l'expérience que j'ai acquise en cours de route, elles ne se trompent pas souvent.

M. CHOQUETTE: C'est cela que j'essaie de dégager. Je reviens encore un peu à la charge. Je suis un peu scandalisé de cette histoire de 40 p.c. de la valeur des réclamations qui seraient payées en général, soit par règlement ou

jugement. J'ai eu quelques explications. On m'a dit que dans la façon de calculer on avait tout de suite pris en considération les 40 p.c. dont on tient compte dans nos calculs pour tenir compte des aléas de la vie. Vous savez ce que je veux dire. Cela explique tout de suite... Cela ramène les affaires à 60 p.c. Ce tableau devient un peu artificiel au point de vue des conclusions qu'on en dégage, à mon sens.

M. GIASSON: Venez à mon bureau d'assurance et on va examiner les sommations qui entrent et les paiements effectivement payés. C'est une bonne moyenne.

M. CHOQUETTE: Ce n'est pas l'esprit du tableau no 1. L'esprit du tableau no 1 ce n'est pas: II y a eu une action de $25,000 de prise et il y a eu un règlement pour $5,000, parce que tout le monde sait que les actions en dommages sont exagérées. Donc, on ne peut pas prendre ce chiffre en considération et le tableau no 1 n'essaie pas de le prendre en considération. Ce que le tableau no 1 dit, d'après ce qu'on m'explique, c'est que si on prend leur système de calcul de la valeur économique qui exclut les souffrances et douleurs, indemnité pour souffrances et douleurs, indemnité pour perte de jouissance des choses de la vie, si on prend en considération l'âge de la victime, le montant de son salaire à ce moment-là, en fait elle recevrait moins que le montant qui lui est accordé en vertu du système actuel de 60 p.c, ce qui fait que ce serait à 40 p.c, et j'ai énormément de difficulté à croire cela. Enormément de difficultés.

LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Saint-Germain.

M. SAINT-GERMAIN (Guy): Le ministre de la Justice a répondu. Je voulais porter à son attention que nous aussi, nous avons jeté des doutes hier sur ce tableau. Je pense qu'une des raisons est celle qui vient d'être mentionnée. Il a raison en disant que des gérants de réclamation, avec leur expérience, arrivent à 5 p.c. ou 10 p.c. près, même quelques années avant que le jugement soit rendu, à établir le montant de réserve. Par contre, cette statistique nous semble indiquer que les méthodes retenues par les tribunaux — compte tenu des aléas de la vie et, à notre sens, il faut en tenir compte — arrivent à payer des indemnités qui sont peut-être en deçà de la perte économique calculée selon la technique retenue par le comité Gauvin et non pas peut-être en... Je suis certain qu'ils vont se faire un plaisir de vous expliciter davantage ce tableau.

M. CHOQUETTE: Je crois que vous avez bien exprimé les choses, monsieur. C'est la différence qui existe entre les deux approches au problème. Maintenant, il s'agira de savoir, quand on entendra les gens du comité Gauvin, quelle est leur technique et jusqu'à quel point donne-t-elle plus satisfaction au réclamant. Cela aussi m'intéresse.

M. SAINT-GERMAIN (Guy): C'est d'ailleurs pour ça qu'on disait hier que si, de ce côté — on n'a pas besoin de chambarder tout le système de la faute pour ça, dans les cas les plus importants — il y a quelque chose qui fait défaut dans les méthodes d'évaluation des sinistres importants, au niveau des tribunaux, c'est certain que la magistrature pourrait réviser ses barèmes d'évaluation des sinistres importants.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Transports.

M. MAILLOUX: M. le Président, tantôt — je pense que c'était une question du député de Saguenay — on a semblé un peu estomaqué que le fonds d'indemnisation ne fasse pas rapport, pas plus au ministre des Transports qu'au surintendant des assurances, de manière annuelle, tel que le font différentes corporations. Je voulais, étant donné que c'est une loi dont je n'ai pris connaissance que très récemment, demander un renseignement à un de mes fonctionnaires qui est ici. En fait, la loi qui a été constituée en 1961 ne donne pas la permission au ministre des Transports de demander un rapport annuel au fonds, pas plus qu'elle ne vous oblige à faire un rapport au surintendant des assurances. Le seul article avec lequel je serais confronté est l'article 59: "Si les administrateurs négligent d'imposer ou de percevoir des cotisations suffisantes, le surintendant des assurances peut, à la demande du ministre des Transports, exercer à cet égard leurs droits et pouvoirs."

Il y a également le droit qu'a le ministre des Transports de demander à la Législature des modifications telles celles que vous avez suggérées et pour lesquelles nous nous sommes rencontrés.

Je voulais quand même préciser que s'il n'y a pas de rapport qui est fait au titulaire, c'est que la loi n'en fait mention d'aucune façon.

M. ROY: II faudrait modifier la loi.

M. MAILLOUX: Disons que dans les modifications à la loi, il faudrait répéter immédiatement qu'au ministère des Transports, depuis les derniers mois, nous nous sommes rencontrés quand mon collègue M. Tetley a demandé que le fonds continue ses activités pour une période donnée, pour autant que nous donnions quand même notre acceptation pour certains comptes que vous aviez avec le ministère des Affaires sociales. C'est qu'à ce moment-là le rapport Gauvin allait être déposé et qu'il était possible, étant donné que le gouvernement aurait pu

changer d'option, suite au rapport Gauvin, que ce soit englobé dans toute la décision gouvernementale.

M. ROY: M. le Président, on a parlé tout à l'heure d'une nouvelle cotisation qui a été calculée, si on me permet.

M. MAILLOUX: Non, la seule chose que je voudrais ajouter est la suivante. Comme profane, quand je regarde le Fonds d'indemnisation, il y a des suggestions qui sont faites. Je pense que celle qui est la plus valable serait la mesure où il y aurait la meilleure équité possible. Ce serait que s'il y a 10 p.c. ou 15 p.c. des gens qui sont des non-assurés, ce ne soit pas tant sur l'ensemble des permis de conduire, non pas — tel que le mentionne le rapport Gauvin — sur l'immatriculation, non pas tant sur les permis de conduire. Ce serait probablement, tel que le veut le Fonds d'indemnisation de l'Ontario, un montant qui se situerait entre $20 et $40 pour ceux qui ne sont pas assurés, pour faire porter à ceux qui sont les risques éventuels le fardeau du fonds à créer ou à maintenir en place.

LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?

M. ROY: J'avais une question à poser. On nous a dit tout à l'heure qu'une cotisation qui est perçue par le fonds d'indemnisation est considérée comme une nouvelle cotisation, une nouvelle prime d'assurance et que, de ce fait, les primes d'assurance sont imposées par le ministère du Revenu. Il y a 2 p.c. à payer. Cela veut dire que le fonds d'indemnisation est obligé de payer les 2 p.c. au ministère du Revenu, c'est cela? Est-ce que vous vous êtes opposés, est-ce que vous avez fait parvenir des objections, une opposition au ministère du Revenu à ce sujet-là? Est-ce qu'il y a eu des démarches de faites?

M. LEBLANC: Non, la loi prévoit qu'une taxe de 2 p.c. est prélevée sur les primes versées par les assurés d'une part...

M. LESSARD: ... là.

M. LEBLANC: Oui, mais d'autre part, je voulais soulever, à la suite de la remarque faite par le ministre Mailloux, que le système de l'Ontario peut être d'une certaine façon valable, mais il donne souvent l'impression aux personnes qui versent un montant de $25 ou $30 qu'elles sont assurées. C'est une fausse impression, remarquez bien.

M. MAILLOUX: ... que ces gens fassent comme les autres et s'assurent également.

M. LEBLANC: Aussi, oui.

LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre d'Etat au Conseil exécutif.

M. LALONDE: M. le Président, au nom du ministre des Institutions financières Compagnies et Coopératives, je désire remercier les représentants du fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile pour leur représentation à la commission. Suite au désir exprimé par les députés de l'Opposition, au nom de M. Tetley, j'accepte avec plaisir — je sais qu'il va accepter avec plaisir — de participer au débat sur cette question lors d'une prochaine réunion de la commission, sujet à la présence possible, selon le désir des membres de la commission, des représentants du fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile dans un avenir qui devra être déterminé. Je vous remercie.

M. LEBLANC: A mon tour je tiens à remercier M. le président et les membres de cette commission pour l'attention qu'ils nous ont portée. Nous réalisons les difficultés que cause le fonds. Nous sommes heureux, quand même, que notre message ait été entendu et peut-être des mesures seront-elles prises éventuellement.

LE PRESIDENT (M. Brisson): Je vous remercie infiniment. La commission ajourne ses travaux à mardi, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 32)

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