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Commission permanente des institutions
financières,
compagnies et coopératives
Etude du rapport Gauvin
Séance du mercredi 16 octobre 1974
(Dix heures dix minutes)
M. BRISSON (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs! Nous avons quorum et nous nous réunissons afin
d'étudier le rapport du comité d'étude sur
l'assurance-automobile, communément appelé le rapport Gauvin. En
premier lieu, j'appellerais M. Charles Perreault, du Conseil du patronat du
Québec; si vous voulez bien venir faire votre exposé, M.
Perreault.
Conseil du patronat du Québec
M. PERREAULT (Charles): M. le Président, nous vous remercions de
nous avoir accueilli ici ce matin, afin de vous présenter un bref
mémoire sur le sujet que vous étudiez, le rapport Gauvin sur
l'assurance-automobile. Notre mémoire est relativement court, et avec
votre permission, M. le Président, j'aimerais demander au directeur
général du Conseil du patronat, M. Ghislain Dufour qui est avec
moi, d'en faire la lecture, après quoi, nous serons prêt à
répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser sur le contenu
du mémoire.
M. DUFOUR (Ghislain): M. le Président, MM. les
députés, comme vous le savez, le Conseil du patronat est une
confédération patronale qui groupe 126 associations, dont le
Bureau d'assurance du Canada que vous avez entendu hier après-midi et
dont le mandat est de faire valoir les points de vue généraux du
patronat sur toute question qui est susceptible de le concerner de près
ou de loin. C'est donc à ce titre qu'après nous être
penchés sur le rapport du comité d'étude sur
l'assurance-automobile nous vous explicitons nos commentaires sur cette
question.
Au départ, les conclusions du rapport Gauvin. Le comité
Gauvin a longuement analysé et critiqué le régime actuel
d'assurance-automobile au Québec. Après en avoir
diagnostiqué les principales faiblesses, il a proposé une
série de réformes aboutissant, à toutes fins pratiques,
à un nouveau régime d'assurance-automobile. Le choix de ce
nouveau régime a été fixé, compte tenu de son
efficacité espérée, de sa simplicité et de sa
flexibilité. Le comité Gauvin estime en effet que le
régime qu'il propose assurerait une protection plus adéquate, une
compensation plus équitable des pertes pour les victimes, le tout
à un coût raisonnable et plus avantageux que dans le régime
actuel.
Après avoir défini un nouveau régime
d'assurance-automobile, le comité s'est demandé à qui en
serait confiée l'administration. Les possibilités retenues sont
au nombre de deux: réformer le régime de libre entreprise actuel
ou établir un monopole d'Etat. Quelle que soit la formule retenue, le
nouveau régime devra, selon les objectifs du comité, permettre
une réduction des coûts excessifs d'une administration
indûment complexe, favoriser la concurrence jugée trop faible et
exercer une influence sur les coûts de réparation des
véhicules.
A cette fin, dans l'hypothèse d'une réforme du
régime de libre entreprise, le comité suggère certains
changements, plus particulièrement au niveau du plan statistique et au
niveau de la mise en marché. Le comité formule au total 60
recommandations et c'est ce qui est important pour nous qui, si
elles ne sont pas entièrement appliquées, devraient à son
avis occasionner un transfert de l'industrie de l'assurance-automobile à
une régie d'Etat.
Dans l'hypothèse d'un monopole étatique, toutes les
réformes suggérées par le comité pourraient en
effet, au dire du comité, être facilement appliquées. Ce
dernier estime de plus que cette solution permettrait de réduire les
coûts administratifs et même de les abaisser à un niveau
inférieur à ceux d'une administration concurrentielle. Le
comité estime à environ 3 p.c. du dollar prime l'économie
imputable à l'option du monopole étatique.
Quelques réactions au rapport Gauvin.
Plusieurs organismes se sont déjà penchés sur les
conclusions du rapport du comité d'étude sur
l'assurance-automobile. Certains, tel le Barreau, se sont élevés
plus particulièrement contre certaines recommandations telles:
L'abolition totale de la notion de faute;
L'abolition totale du recours de la victime devant les tribunaux de
droit commun;
L'indemnisation, selon un barème établi, de toutes les
victimes par l'assureur de l'automobile impliquée.
Le BAC, tout en acceptant certaines analyses et recommandations du
comité, propose un régime d'indemnisation sans égard
à la responsabilité, différent de celui
préconisé par le comité. Un droit de recours limité
est en effet maintenu et une distribution différente des
bénéfices de l'assurance est envisagée.
Dans ces conditions, tout en s'abstenant de prendre position sur les
changements techniques qui sont proposés, problèmes que le
Barreau et le BAC sont plus à même d'apprécier, le Conseil
du patronat, quant à lui, estime que les compagnies d'assurance
privées sont parfaitement capables d'opérer les changements
souhaités qui permettront à l'industrie d'offrir un service plus
adéquat à la population.
Par la même occasion, le Conseil du patronat s'oppose au transfert
envisagé de cette industrie à une régie étatique et
estime que les 60 conditions posées à la survie d'un
régime d'assurance-automobile privé sont à bien des
égards excessives.
L'analyse du C.P.Q.
L'analyse des recommandations du comité et les contrepropositions
formulées par les compagnies d'assurance montrent en effet que ces
dernières sont à même de satisfaire amplement aux
principales priorités énoncées par le comité.
A L'indemnisation sans égard à la
responsabilité tel que proposé par le BAC nous semble plus
satisfaisante que la formule du comité dans la mesure où un
certain droit de recours est maintenu.
B En ce qui regarde l'accessibilité à
l'assu-rance-automobile, les changements proposés par le comité
modifieraient peu de chose dans la mesure où, depuis des années,
l'industrie accepte, par convention tacite, les risques offerts.
C Les recommandations du comité visaient également
une réduction des frais d'administration. Le plan qu'offrent les
compagnies d'assurance, au dire de ces dernières, est une formule moins
dispendieuse que celle du comité.
Il est dès lors difficile d'imaginer, les principales contraintes
étant satisfaites, que l'on doive confier l'industrie de
l'assurance-automobile à une régie d'Etat pour réaliser
une économie au niveau des frais administratifs ou dans le but de
satisfaire aux soixante recommandations du comité Gauvin. C'est ici que
l'on situe l'entreprise privée vers la régie gouvernementale. a)
Une régie étatique ne coûtera pas moins cher qu'un
régime d'entreprise privée.
Espérer que les coûts administratifs, sous un régime
étatique, seraient moindres que sous un régime de concurrence,
nous semble être en contradiction avec l'expérience passée.
Même si cela était possible à court terme, ainsi que
l'indique le rapport du comité, à long terme, "... l'absence de
concurrence pourrait avoir pour effet d'engendrer des coûts inutiles
à cause d'une certaine lourdeur administrative...".
S'il est vrai que cette affirmation est difficilement prouvable, il est
également vrai qu'il est difficile de démontrer que les
régies gouvernementales existantes fonctionnent de manière
optimale. Ces régies qui assurent aujourd'hui un service avec 1,000
employés, par exemple, ne pourraient-elles pas le faire avec 500? Dans
un régime de concurrence, une telle question trouverait une
réponse. Dans un régime de monopole étatique, nous sommes
seulement condamnés à voir les effectifs croître. Or, ces
effectifs, dont les taux de croissance sont incontrôlables, peuvent
également compter, nous le savons, sur des salaires, des
bénéfices marginaux, etc., souvent de beaucoup supérieurs
aux conditions qui prévalent dans le secteur privé.
Il serait donc pour le moins irrationnel de confier l'industrie de
l'assurance-automobile à une régie gouvernementale dans l'espoir
de voir cette dernière mieux l'administrer que le secteur privé
ou en compresser davantage les coûts. b) Une régie étatique
risque de nuire à la réalisation de certaines réformes
suggérées par le comité et présente un certain
nombre d'in- convénients graves pour l'ensemble de
l'économie.
Il est en effet pour le moins contradictoire de la part du comité
de reprocher à l'industrie son supposé manque de concurrence et
d'offrir, comme remède à cette situation, un monopole d'Etat. Le
capitalisme d'Etat ne s'est pas en effet révélé,
jusqu'ici, plus équitable et plus efficace que le capitalisme
privé et le monopole étatique comporte les mêmes dangers
que le monopole privé pour le consommateur. Si l'une des réformes
souhaitables est donc le rétablissement de la concurrence, il serait
seulement logique d'écarter toute forme de monopole.
La mainmise gouvernementale sur un nouveau secteur de l'activité
économique représente, par ailleurs, un certain nombre de dangers
non négligeables.
Ainsi qu'indiqué plus haut, tout en justifiant son action par le
supposé manque de concurrence dans le secteur privé, le
gouvernement, en établissant des régies, se trouve à
créer des monopoles étatiques. Poussée à
l'extrême, la situation pourrait en devenir une où les principales
activités économiques il s'agit de
l'électricité, l'assurance aujourd'hui, le transport demain
seraient regroupées en monopoles sectoriels étatiques.
Les résultats de la concurrence, qui sont à long terme
l'innovation, l'efficacité, les taux équitables,
céderaient la place aux lourdeurs administratives, aux décisions
politiques, aux lenteurs gouvernementales et à l'arbitrage du
fonctionnarisme.
Dans une économie aussi largement dominée par le secteur
gouvernemental, on peut se demander qui devrait assumer les déficits
toujours possibles des différentes régies, dont celle de
l'assurance-automobile. Compte tenu du coût croissant de la vie, une
réévaluation des tarifs s'impose à intervalles
réguliers. Qu'adviendrait-il dans une situation où la
Régie de l'assurance-maladie, Hydro-Québec, les régimes de
retraite gouvernementaux, les transports publics, l'assurance-automobile
devraient tous accroître leurs prix afin d'équilibrer leur budget.
Il est fort à craindre que les pressions seraient telles que
l'imputation des coûts liés à ces services ne deviennent,
à long terme, l'objet de marchandage et que le fonds consolidé de
la province, donc, l'impôt, serve à financer des consommations
devenues peut-être non souhaitables dans le temps. Là où
les forces économiques seraient en effet capables d'établir un
équilibre entre la production disponible et les besoins de la
population, les régies étatiques risquent de n'être que des
canaux de mauvaise allocation de nos ressources.
Cette emprise accrue du secteur gouvernemental représente en
outre un problème financier non négligeable. Les primes
collectées par les compagnies d'assurance-automobile constituent une
source de financement accessible au secteur privé. Le transfert de cette
industrie au secteur public impliquerait l'appropriation de
l'épargne correspondante. Après l'assurance-maladie, les
régimes de retraite des secteurs publics et parapublics, le
régime des rentes du Québec, on vise l'assurance-automobile.
Compte tenu des difficultés et des besoins de financement du secteur
privé dans les années à venir, cette décision
apparaît malheureuse. Elle privera en effet l'entreprise d'un financement
nécessaire à la réalisation des investissements
productifs, seuls capables de créer des emplois et de ralentir
l'inflation.
Autres recommandations du rapport Gauvin :
Certaines recommandations du comité sont excessives et ne
pourraient, de toute évidence, être mises en application par le
secteur privé qu'à des coûts très
élevés. Ce qui devrait être, d'après le
comité toujours, une cause d'étatisation.
L'une d'entre elles, à titre d'exemple, concerne l'indexation des
prestations versées aux victimes. On imagine mal cependant, comment un
tel objectif, irréalisable par l'industrie, à des
coûts acceptables, pourrait être compatible avec
l'affirmation du comité selon laquelle même en régime
étatique, l'assurance-automobile devrait s'autofinancer. Il n'est pas
possible, en effet, de déterminer aujourd'hui le coût des primes
qui devront assurer le paiement de prestations étalées sur une
très longue période et dont l'ampleur sera appelée
à varier. Pour réaliser un tel objectif, une régie d'Etat
devra soit recourir au budget gouvernemental, soit faire supporter aux futurs
assurés le coût des accidents survenus ou encourus dans le
passé. Est-ce vraiment ce que l'on veut?
Les recommandations du comité concernant les primes, les
coûts d'exploitation et les profits durant la période transitoire
sont elles aussi, excessives. Ces réglementations équivalent
à une intervention directe du gouvernement dans le fonctionnement
même de l'industrie. Cette attitude discriminatoire ne se justifie pas
plus dans cette activité économique que dans l'alimentation, par
exemple. Elle est en outre pour le moins illogique dans la mesure où
seule la possibilité de profits anormaux est envisagée.
Qu'adviendra-t-il en cas de pertes anormales?
Alors en conclusion, M. le Président, le Conseil du patronat est
confiant que l'entreprise privée peut elle-même opérer les
réformes majeures suggérées par le comité. Le CPQ
s'oppose donc à ce qu'une régie étatique soit
chargée d'administrer l'industrie de l'assurance-automobile au
Québec, et ce, même si certaines des 60 recommandations ne sont
pas retenues.
Une régie étatique en effet ne saurait être la
garantie d'une administration efficace et représenterait à
plusieurs égards un danger réel autant pour le consommateur que
pour le payeur de taxes ou pour l'économie générale, comme
nous avons tenté de le démontrer.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: Merci, M. le Président.
MM. Dufour et Perreault, j'apprécie votre présence, et je
vous remercie de votre mémoire intéressant.
J'ai quelques questions. Je note que votre mémoire ressemble
à ceux que vous avez présentés à presque toutes les
commissions, ce qui prouve votre constance et c'est aussi une preuve de la
force de vos arguments. Vous avez toujours peur de l'intervention du
gouvernement. Vous donnez de bonnes suggestions au gouvernement.
Puis-je noter quand même qu'il y a toujours un dilemme et
c'était le même dilemme que la Chambre de commerce avait lors de
sa présentation. La chambre notait un problème que l'industrie ne
fonctionnait pas. Vous ne voulez pas, d'autre part, trop d'interventions du
gouvernement et c'est le dilemme que nous avons aussi ici. Tout le monde
insiste pour que le gouvernement agisse, mais tout le monde insiste pour que le
gouvernement n'agisse pas trop, et puis-je dire que souvent vous blâmez
le gouvernement et je ne crois pas que ce dernier soit responsable de
l'assurance-automobile? C'est la faute de l'industrie privée,
peut-être aujourd'hui.
A la page 4 de votre mémoire, premier paragraphe, il est
mentionné et je cite: "Les premiers résultats des analyses des
coûts indiquent d'ailleurs déjà que l'assurance AutoBAC
sera moins dispendieuse que la formule préconisée par le
comité".
Selon cette indication, quel sera l'ordre de grandeur ou du pourcentage
des coûts du régime AutoBAC par rapport à celui du
comité Gauvin et par rapport au système actuel
M. DUFOUR (Ghislain): Comme vous l'avez noté, M. le ministre,
nous n'avons pas voulu, dans le mémoire, nous prononcer sur les aspects
techniques du problème comme tel. Je ne sais pas si c'est vous qui avez
posé la même question hier au Bureau d'assurance du Canada.
M. TETLEY: C'est moi qui l'ai posée hier, mais c'était
très peu satisfaisant comme réponse...
M. DUFOUR (Ghislain): Je pense qu'on serait...
M. TETLEY: ... hier et aujourd'hui.
M. DUFOUR (Ghislain): ... dans le même ordre de réponse. En
fait, la proposition que fait le BAC pour autant que l'AutoBAC est
concerné, est une hypothèse de travail. Ils ont comparé,
comme vous le savez, les propositions du rapport Gauvin en relation avec leurs
propres suggestions. Comme vous le savez très bien, c'est purement en
termes de pourcentage, par exemple, que le rapport Gauvin a fait ses
estimations. Cela devient très difficile, d'un autre côté,
en proposant à l'AutoBAC d'établir des coûts comme tels
à l'intérieur du dollar.
M. TETLEY: Même en pourcentage?
M. DUFOUR (Ghislain): Oui. Vous avez eu hier la réponse du BAC
où, à toutes fins pratiques, ce sont des données qui sont
en train d'être révisées pour être reproduites plus
tard.
M. TETLEY: J'espère que plus tard ne sera pas trop tard.
M. DUFOUR (Ghislain): Peut-être au moment du dépôt du
projet de loi.
M. TETLEY: Mais, c'est exactement cela. Ils ont promis le rapport depuis
deux ou trois ans. Je n'ai pas de position prise. Je veux arriver à la
meilleure solution, mais il faut les moyens, il faut les outils.
M. DUFOUR (Ghislain): Oui, mais, M. le ministre, je pense que le Bureau
d'assurance du Canada fait ressortir aussi un point qui est quand même
assez majeur dans cette question. Pour établir certains coûts, il
a besoin d'une certaine collaboration gouvernementale et...
M. TETLEY: II a parlé des autres provinces, mais, dans notre
province, nous avons donné toute la collaboration possible. Il parlait
de la Saskatchewan, du Manitoba, mais ce n'est pas le problème.
M. DUFOUR (Ghislain): Mais vous vous rappelez qu'on vous a
demandé de rendre plus difficile l'émission de certains permis de
conduire parce que, de toute façon, le coût de
l'assu-rance-automobile est un peu relié à ces émissions
de permis.
M. TETLEY: Pas pour ses statistiques.
M. DUFOUR (Ghislain): Non, mais dans l'évaluation que l'on fait
d'un coût éventuel d'assurance-automobile, dans l'indemnisation
éventuelle, la question du permis de conduire intervient dès le
départ.
M. TETLEY: C'est certain, mais dans le secteur ou le chapitre dans le
rapport Gauvin, le rapport de l'administration et le régime d'assurance,
ses actuaires n'ont jamais demandé cela. Qu'ils tiennent compte des
conditions actuelles, évidemment, ni Gauvin ni personne ne peut
évaluer le résultat d'un système de démérite
plus rigide ou plus strict ou qui comporte l'obligation de porter une ceinture
de sécurité, mais, en tout cas, je crois que vous devez laisser
à l'AutoBAC la chance de se défendre et je crois que l'AutoBAC
peut se défendre, mais j'espère qu'il va nous présenter
ses chiffres le plus tôt possible. Il m'a invité à deux
reprises à des réunions pour me présenter ces chiffres
à Toronto mais je ne les ai pas encore reçus.
A la page 5, paragraphe 4, et à quelques autres endroits, page 3,
premier paragraphe et page 4, deuxième paragraphe, vous faites allusion
à l'observance obligatoire des 60 recommandations du comité
Gauvin, sinon l'étatisation.
Gauvin est venu stipuler que c'étaient tout simplement les
recommandations 37 à 59 inclusivement, pour toutes les recommandations.
Moi-même, j'avais l'impression que c'étaient les 60, mais il est
venu depuis expliquer que c'étaient tout simplement les 37.
M. DUFOUR (Ghislain): Très heureux de l'entendre, M. le ministre,
mais c'est bien sûr que, compte tenu des règlements des
commissions parlementaires, nous avons dû préparer notre
mémoire bien avant le dépôt du rapport. La recommandation
no 58 de M. Gauvin est bien dans le texte.
M. TETLEY: Oui, d'accord. Mais en considérant ceci, que c'est
tout simplement les recommandations 37 à 59, est-ce que vos remarques,
mentionnées dans ces paragraphes ou ailleurs dans votre mémoire,
devraient être modifiées en vertu des remarques de M. Gauvin ou
est-ce que vous gardez encore votre opinion?
M. DUFOUR (Ghislain): Je pense que tout le mémoire est un
plaidoyer pour l'administration de l'assurance-automobile par le secteur
privé. C'est très évident. C'est bien sûr qu'au
départ les 60 recommandations de M. Gauvin étaient inacceptables.
Il pourrait dire à ce moment-ci: Non, ce sont les 35 qu'il faut remplir;
il faudrait encore savoir quelles sont ces 35. Je ne sais pas si, devant la
commission parlementaire, il les a identifiées comme telles. Finalement,
comme vous pouvez le constater, tout l'objectif est de réduire le
coût du programme de 3 p.c. Ce que l'on dit, c'est que, compte tenu des
contraintes que présenterait une régie gouvernementale, on a
tenté de faire le parallèle avec certaines autres régies,
cela nous apparaît un objectif qui ne correspondrait pas à la
théorie de fond qu'exprimait M. Gauvin lorsqu'il disait: Si on ne
remplit pas toutes ces conditions, il faudrait étatiser le
régime.
M. TETLEY: Parfait.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?
M. TETLEY: Oui, s'il vous plait, M. le Président. A la page 8,
deuxième paragraphe, vous faites allusion à l'arbitraire du
fonctionnarisme. Cela veut dire quoi? Parce qu'il peut y avoir l'arbitraire de
l'industrie privée aussi. Je suis très sympathique à votre
idée, parce que je connais très bien ça. Je suis, en
effet, fonctionnaire et je prends des décisions très arbitraires,
après, j'espère, consultation, mais l'industrie prend des
décisions très arbitraires. En dernier lieu, qui devrait
être arbitre, si ce ne sont pas les fonctionnaires ou l'industrie
privée?
M. PERREAULT (Charles): M. le ministre, si vous me permettez de
répondre. Je sais toute l'attention et tout l'amour que vous portez
à la défense du consommateur et je connais les mécanismes
que vous avez mis en place, par le truchement de l'Office de protection du
consommateur, pour suppléer à la concurrence qui existe
déjà sur le marché entre différentes entreprises
oeuvrant dans un secteur, par exemple, afin d'assurer que le consommateur soit
traité de la façon la plus équitable possible.
C'est-à-dire que l'arbitraire qui existe dans l'entreprise privée
est déjà tempéré par la concurrence qu'on retrouve
d'une entreprise à l'autre et il est de plus tempéré par
une certaine intervention de l'Etat dont vous êtes vous-mêmes
largement responsables par le truchement de cette activité.
L'arbitraire du fonctionnarisme... avoir su que vous me poseriez la
question, je vous aurais relu ces pages extraordinaires du rapport de 1972 du
Protecteur du citoyen, M. Marceau, ou il présente un plaidoyer en faveur
du citoyen face à l'appareil gouvernemental et face à la
dépersonnalisation de cette machine. Ce sont des pages qu'on devrait
faire apprendre par coeur à bien du monde.
Or face à cet arbitraire tout particulier, M. le ministre, le
citoyen est beaucoup plus démuni que face à l'arbitraire du
secteur privé auquel vous faites allusion. C'est-à-dire que face
à l'arbitraire d'une compagnie d'assurance, par exemple, il y a les
autres compagnies d'assurance, il y a les autres agents. Il y a la
possibilité de changer, de dire: J'ai fini avec celle-ci, je m'en vais
là.
Et il y a de plus des mécanismes comme le vôtre qui
permettent à celui qui se croit lésé dans le
fonctionnement, d'en avoir recours. Mais face à l'arbitraire du
fonctionnarisme, les instruments sont extraordinairement peu nombreux. Le
fonctionnarisme se veut un instrument centralisateur qui croît sans cesse
et à l'endroit duquel, il me semble, le citoyen est bien plus souvent
démuni que face à une compagnie d'assurance.
M. TETLEY: Parfait. A la page 9, deuxième paragraphe, vous
mentionnez que certaines recommandations du comité sont excessives et ne
pourraient de toute évidence être mises en application par le
secteur privé qu'à des coûts très
élevés. De quelles recommandations parlez-vous? Est-ce que vous
parlez notamment de l'indexation des prestations?
M. DUFOUR (Ghislain): De l'indexation, le cas de l'indexation et de
prestations.
M. TETLEY: Vous n'avez pas évidemment les chiffres en main, mais
je crois que c'est un commentaire valable, cela mérite quand même
de soulever la question parce que...
M. DUFOUR (Ghislain): Nous n'avons pas de statistiques précises
sur ce point-là, mais je pense qu'on pourrait référer les
membres de la commission à ce qui s'est passé à la
Commission des accidents du travail, lorsqu'on a décidé d'indexer
les prestations pour des cas remontant aussi loin que 15-20 ans en
arrière et ceci est effectif depuis à peu près deux ans
à la Commission des accidents du travail.
Les pourcentages d'augmentation de primes chez les employeurs et
on le sait parce que c'est nous qui les payons ont
énormément augmenté, simplement pour tenir compte de ces
indexations du passé.
On nous avait indiqué à ce moment-là, à la
Commission des accidents du travail, que de faire des projections pour l'avenir
compte tenu de l'inflation actuelle, les chiffres faisaient peur, parce qu'avec
la hausse continuelle qu'on connaît, c'étaient des primes à
envisager qui seraient très fortes.
M. TETLEY: Je vous remercie, MM. Dufour et Perrault.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: D'abord, je dois dire que je n'avais pas lu votre
mémoire et déjà, j'en connaissais les conclusions.
C'est-à-dire que cela ne me surprend pas du tout...
M. TETLEY: Peut-être qu'ils connaissent vos remarques aussi.
M. LESSARD: Oui. Parce que ce n'est pas la première fois que le
Conseil du patronat se présente devant une commission parlementaire pour
faire continuellement le procès des entreprises publiques et l'apologie
de l'entreprise privée. Je me rappelle, par exemple, à une
commission parlementaire, alors que nous avions à étudier
l'administration des terres et forêts, que vous étiez venus
appuyer des compagnies forestières sur le fait que le gouvernement
devait leur donner des subventions pour pouvoir survivre.
Mais, quand il s'agit d'appliquer des mesures sociales, quand il s'agit
de faire des réformes qui touchent la population, vous êtes
toujours, continuellement, contre l'intervention de l'Etat et, par contre,
quand il s'agit de subventionner l'entreprise privée et de demander
à l'Etat de subventionner, vous avez toujours été pour
cela. C'est pourquoi, M. le Président, les remarques qui ont
été faites ne me surprennent pas aucunement. Cependant, par
exemple, j'aurais demandé, quand même, au Conseil du patronat
d'appuyer ses remarques sur des choses un peu plus concrètes. J'aurais
demandé au Conseil du patronat, qui se présente ce matin devant
une commission que je considère sérieuse et ce mouvement
aussi le Conseil du patronat devrait aussi être un mouvement
sérieux... Je considère
que vous avez très peu touché à l'essentiel du
rapport Gauvin.
J'aurais aimé, par exemple, et vous le dites au début...
Vous partez du principe, de l'hypothèse philosophique que l'entreprise
privée, c'est parfait partout, alors que l'entreprise d'Etat, c'est un
problème. Il y a certainement des choses à l'intérieur du
rapport Gauvin que vous auriez eu intérêt à
développer ou à préciser ou à critiquer. Vous
laissez, par exemple, le soin aux avocats de discuter de la disparition de la
notion de faute. J'aurais aimé que vous nous indiquiez votre position
concernant cet élément essentiel, quoique, dans une partie de
votre mémoire, vous semblez recommander le maintien du droit de
recours.
J'aurais aimé aussi que vous nous parliez du système de
concurrence actuel à l'intérieur du secteur de l'assurance.
J'aurais aimé aussi, par exemple, que vous nous parliez de la
façon de corriger l'augmentation constante des coûts dans ce
système et que vous nous parliez de ce que vous proposeriez pour
diminuer les lenteurs administratives. Vous parlez des lenteurs administratives
de l'Etat ou de la lourdeur de l'Etat, mais j'aimerais, par exemple, ou
j'aurais aimé que le Conseil du patronat, au lieu de nous faire
exclusivement une apologie du système privé, nous parle aussi de
la façon dont il entendait corriger ou des propositions qu'il voulait
faire concernant les lenteurs administratives du système actuel.
Cependant,, par exemple, je comprends qu'en particulier, dans le
système de l'assurance-automobile, cela vous prend un certain courage
pour venir parler justement des résultats, semble-t-il, positifs des
compagnies privées dans l'assurance-automobile.
Ces remarques étant faites, je voudrais quand même vous
poser un certain nombre de questions sur vos affirmations. En fait, il y a 126
associations qui sont membres de votre organisme, dont le Bureau d'assurance du
Canada. A chaque fois que vous présentez un mémoire, comme celui
que vous avez présenté ce matin, est-ce que vous acceptez, comme
quelque chose de vrai, en partant de préétabli, le mémoire
ou les mémoires qui sont présentés par l'un de vos
organismes qui est membre de votre association, parce que et je vous
pose cette question vous dites, à la page 4, concernant le
système AutoBAC... D'abord je trouve curieux justement que les
compagnies d'assurance nous proposent un système moins dispendieux au
moment où le rapport Gauvin a été présenté.
Cela fait longtemps, à mon sens, que l'entreprise privée aurait
dû se poser des questions sur l'augmentation constante des coûts.
Mais on dit: Les premiers résultats des analyses des coûts
indiquent d'ailleurs, déjà, que l'assurance AutoBAC serait moins
dispendieuse que la formule préconisée par le comité.
A la page 5, vous confirmez cette affirmation, puisque vous dites
encore, vous réaffirmez encore: Le plan AutoBAC, les compagnies
d'assurance offrent, au dire de ces dernières, une formule encore moins
dispendieuse que celle du comité tout en remplissant les principales
exigences.
Est-ce que, en fait, vous venez strictement ce matin nous dire: Vous
avez reçu hier un mémoire du Bureau des assurances du Canada.
Nous vous disons que ce mémoire est vrai et que les données de ce
mémoire sont vraies. Est-ce que c'est cela que vous venez nous dire ce
matin? Ou est-ce que vous vous êtes réinterrogés comme
organisme, à mon sens, autonome quand même du Bureau d'assurance
du Canada, organisme à l'intérieur duquel il y a aussi d'autres
sociétés qui doivent acheter de l'assureur? Est-ce que vous vous
êtes posé quand même des questions pour savoir s'il n'y
aurait pas un meilleur système que le système actuel, s'il n'y
aurait pas des corrections à apporter au système actuel,
plutôt que de nous faire une philosophie très théorique et
très abstraite sur les avantages de l'entreprise privée?
M. DUFOUR (Chislain): M. Lessard, je pense que vous qualifiez cette
philosophie de très abstraite. Vous connaissez peut-être
très bien les...
M. LESSARD: On en reparlera tantôt.
M. DUFOUR (Ghislain): ... régies gouvernementales. Vous me
semblez à ce moment moins bien connaître l'entreprise
privée. Quand vous soulevez le problème de la consultation, on
pourrait peut-être vous inviter à voir comment cela se passe
à l'intérieur d'une structure véritablement
démocratique dans la prise de décisions. Une question comme celle
qu'on soulève ce matin a fait l'objet d'une consultation des membres du
Conseil du patronat, donc a été vue par des groupes autres que
l'assurance c'est votre question et a été vue par
des acheteurs d'assurance, parce qu'il ne faut quand même pas oublier
que, quand vous définissez le consommateur, vous avez toujours tendance
à le définir comme étant le consommateur du coin de la
rue. Mais l'entreprise aussi est un drôle de consommateur d'assurance.
Cela nous intéresse au plus haut point, vous pouvez m'en croire.
Alors, tout le processus de consultation, je pense qu'on peut
l'étaler sur la table en tout temps. Je voudrais tout simplement parler
de la lenteur des délais, et M. Perreault complétera sur
certaines de vos interrogations. Vous dites en fait : Vous ne nous
suggérez absolument rien pour améliorer l'émission des
chèques, les règlements et tout. Je vais vous ramener encore dans
le domaine gouvernemental et vous retourner la question: Est-ce que vous
êtes satisfaits des délais qui sont donnés par la
Commission des accidents du travail, qui est une régie gouvernementale,
et qui indemnise les travailleurs qui sont accidentés? Alors, vous savez
que, depuis quatre ou cinq mois, on a confié quand même, non pas
à une agence gouvernementale, mais à
une entreprise du secteur privé, Mineau, Allard et
Associés, le soin de voir comment on peut améliorer les
délais dans l'émission de ces chèques. Or, comme on est
allé chercher l'expérience du secteur privé pour le cas de
la Commission des accidents du travail, on peut en conclure que, dans le cas
précis qui nous concerne ici, l'entreprise privée, de fait
actuellement, serait de beaucoup supérieure à ce qui même
existe au niveau gouvernemental et au niveau des secteurs.
M. LESSARD: Je réponds immédiatement à votre
question. Je dis non concernant la Commission des accidents de travail.
M. DUFOUR (Ghislain): Vous dites non à quoi?
M. LESSARD: Je dis non. Par exemple, ce que je dis ce matin, c'est que
je n'ai pas l'intention de dire qu'actuellement toutes les régies
gouvernementales sont satisfaisantes pour la population. Je pense en
particulier à la Commission des accidents de travail, et s'il fallait
créer un autre système comme la Commission des accidents de
travail, en créant cette régie, je me poserais des questions.
Cependant, il y a des corrections à faire. Justement, cela appartient au
gouvernement et, pour le faire, il y a des mesures qui ont été
proposées par l'Opposition. Des mesures doivent être prises.
Cependant voici la question essentielle, à partir de la consultation sur
laquelle je voulais que vous me répondiez. Est-ce que, ce matin, lorsque
vous êtes venus témoigner, vous avez accepté de plein
gré toutes les données du Bureau d'assurance du Canada? Est-ce
que vous les avez acceptées comme monnaie courante, comme étant
quelque chose de sûr, puisque vous parlez toujours au dire de ces
compagnies? Ce que je me dit, c'est que le Conseil du patronat devrait avoir
une position claire lorsqu'il s'agit de se présenter devant une
commission parlementaire et non pas se rapporter continuellement aux
sociétés qui sont membres de cet organisme?
M. PERREAULT (Charles): Si vous me permettez, comme disait mon
confrère Dufour, vous vous méprenez étrangement sur le
fonctionnement d'une confédération comme la nôtre.
Lorsque nous acceptons de véhiculer vers une commission
parlementaire, un point de vue patronal, qui intéresse de façon
toute spéciale un secteur en particulier, nous ne le faisons jamais sans
avoir au préalable consulté tout le "membership". Il nous est
arrivé maintes fois que des questions soulevées par des
associations membres soient refusées catégoriquement et que cela
meure là. La raison pour ceci est très simple: Nous
représentons un éventail d'intérêts
extrêmement large. L'industrie manufacturière primaire, le secteur
des services, tout ce que vous voudrez, se retrouve à l'intérieur
du Conseil du patronat. Donc, il peut arriver et il arrive souvent que
l'intérêt des membres diffère au point où un
concensus raisonnable est impossible à établir. Dans ce cas-ci,
il a été accepté, comme le disait M. Dufour, par les
membres du conseil, que soit portée vers votre commission la position
que nous vous avons exprimée, et que les principes de base qui sont
établis dans ce mémoire soient nôtres. C'est aussi simple
que cela. Est-ce que c'est un geste aveugle? Non! C'est un geste de la part des
membres qui en prennent connaissance, mais cela explique aussi pourquoi nous ne
pouvons pas prendre position sur les technicités de tant de questions
qui nous arrivent et que nous laissons forcément à ceux de nos
membres qui sont immédiatement impliqués le soin de le faire.
Cela fait partie du fonctionnement d'un organisme dont l'éventail est
extrêmement large. Ce n'est pas une faiblesse. C'est tout simplement une
façon de profiter de l'expertise qui se trouve à
l'intérieur.
Maintenant, on parlait de lenteur gouvernementale et de lenteur de
processus. Je vous rappellerai que les lenteurs qui sont manifestées,
qui étaient manifestées dans le paiement des prestations par la
Commission des accidents du travail et qui sont en voie de se corriger, le sont
largement à la suite des pressions qui sont venues du Conseil du
patronat auprès de la commission, pressions qui ont pris des
années avant de se concrétiser par la fameuse étude qui a
elle-même entraîné les réformes que vous savez. Les
procès-verbaux, les lettres témoignent facilement de notre
intérêt que cela se fasse, et du fait qu'il y a eu une
résistance énorme à la commission avant que ceci soit
accepté, et que le progrès que nous connaissons aujourd'hui se
fasse. Si vous voulez un autre exemple de lenteur administrative, demandez
à n'importe quel fonctionnaire combien cela prend de temps avant qu'il
reçoive son premier chèque quand il commence à travailler,
et comparez cela avec la plus grosse entreprise que vous trouverez à
l'extérieur. Demandez quelle comparaison cela peut avoir. Je vous assure
qu'il n'y a pas une entreprise, même énorme, que je sache,
même General Motors, où on ne touche pas son chèque la
semaine suivante. Essayez de retrouver cela dans la machine de l'Etat.
M. LESSARD: D'Hydro-Québec?
M. PERREAULT (Charles): Je vous ai parlé des fonctionnaires.
M. LESSARD: Ah!
Je reviens encore sur cela, c'est que ce que vous venez nous dire ce
matin, M. Perreault et M. Dufour, c'est essentiellement que l'entreprise
privée dans ce secteur serait plus efficace que l'entreprise publique.
Vous venez nous l'affirmer. Je ne dis pas que c'est faux. Je ne dis pas
que c'est vrai. Mais pour le faire, c'est que vous ne semblez pas vous
être interrogés sur le système actuel des assurances, de
l'assurance-automobile, sur la manière dont cela a fonctionné.
Vous vous êtes fiés essentiellement, pour le faire, sur les
données qui vous ont été fournies par le Bureau
d'assurance du Canada, puisque, à la page 5 c'est sur cela que je
voudrais que vous me répondiez vous affirmez
catégoriquement: "Le plan AutoBAC des compagnies d'assurance offre, au
dire de ces dernières" Vous ne dites pas: Au dire du Conseil du patronat
ou selon l'étude du Conseil du patronat. Vous dites: Au dire de ces
dernières, "une formule encore moins dispendieuse que celle du
comité, tout en remplissant les principales exigences". Autrement dit,
pour vous, ce qui a été affirmé par le Bureau d'assurance
du Canada, c'est une vérité absolue. Vous ne vous êtes pas
interrogés sur cela?
M.DUFOUR (Ghislain): M.Lessard, vous saviez très bien que vous
auriez l'occasion d'interroger le Bureau d'assurance du Canada, chose que vous
avez faite hier. Vous savez les réponses qui vous ont été
données. Effectivement, ce que vous faites à ce moment, c'est de
revenir sur la question du ministre tantôt, et vous savez ce qu'on vous a
répondu là-dessus.
C'est de façon beaucoup plus globale que le problème a
été envisagé. Je ne sais pas si, personnellement, vous
avez regardé la comparaison entre le rapport Gauvin et le plan AutoBAC.
Est-ce que vous l'avez fait vous-même?
M. LESSARD: Hum! Nous attendons, d'ailleurs, des explications des
compagnies à ce sujet.
M. DUFOUR (Ghislain): C'est-à-dire que vous attendez toujours,
mais effectivement...
M. LESSARD: Nous attendons...
M. CHOQUETTE: Le journal des Débats devrait indiquer que le
député de Saguenay était bouche bée.
M. LESSARD: Bouche bée? Le député de Saguenay
n'était pas présent hier à la commission
parlementaire.
M. DUFOUR (Ghislain): Je m'excuse, M. Lessard, mais j'ai vu...
M. LESSARD: Une minute. Hier, le ministre a posé certaines
questions sur le système AutoBAC et les compagnies n'ont pas
été capables de déposer les données
nécessaires, comme le ministre l'a affirmé tout à
l'heure.
M. DUFOUR (Ghislain): Peut-être le ministre avait-il des questions
très techniques auxquelles je ne saurais quoi répondre. Mais sur
une question aussi générale que la vôtre, alors que vous
avez en annexe du mémoire du Bureau d'assurance du Canada une
comparaison très bien faite entre l'assurance AutoBAC et le rapport
Gauvin, je pense que vous avez généralement la réponse au
problème que vous nous posez. En termes de spécialiste, est-ce
que le fait de consacrer que c'est $20,000 avec une possibilité de
recours de l'ordre de..., à ce moment, il faudrait retransposer le
problème à des spécialistes.
M. LESSARD: Les montants de base sont moins élevés, par
exemple, dans le système AutoBAC.
M. DUFOUR (Ghislain): Cela dépend des cas si vous vous
référez au dossier.
M. LESSARD: Mais vous avez quand même...
M. BACON: M. le Président, le député de Saguenay me
permettrait-il une question supplémentaire à ce sujet?
Considérant le paragraphe c) de la page 5, ce sont justement les
difficultés que nous avons eues hier avec le BAC, celles d'avoir des
coûts, d'avoir une idée d'où venait leur affirmation parce
qu'eux aussi l'ont affirmé sans donner de chiffres.
M. LESSARD: C'est cela.
M. BACON: Et même, sur les tableaux comparatifs que vous donniez
tantôt, il y a des chiffres sur la couverture et de telles choses...
Remarquez que je n'ai pas les mêmes aspirations vis-à-vis de la
société d'Etat que celles du député de Saguenay,
mais il reste quand même qu'on doit déplorer...
M. LESSARD: C'est une affirmation gratuite.
M. BACON: ... qu'hier, le BAC n'ait pas pu nous donner de chiffres. Ils
nous ont dit qu'ils faisaient des recherches depuis des années et nous
n'en sommes quand même pas arrivés... Parce que si vous appuyez
aujourd'hui ce que le BAC a dit hier, vous appuyez encore une affirmation
qui...
M. LESSARD: ... n'est pas prouvée.
M. BACON: On prétend que cela sera moins cher. On dit:
Faites-nous confiance, cela sera moins cher. C'est ce que le BAC nous a dit
hier.
M. LESSARD: C'est cela.
M. BACON: Et vous appuyez ce qu'ils ont dit hier, mais ils ne nous ont
rien dit finalement.
M. DUFOUR (Ghislain): C'est-à-dire qu'on se situe au niveau des
hypothèses. Si vous regardez, comme moi je l'ai regardée,
l'annexe C, cela nous apparaît évident, sans avoir
néces-
sairement la statistique au bout, que cela sera moindre. Et c'est au
niveau des hypothèses, quand même, qu'on se situe. Le coût
total du régime...
M. BACON: Je prétends que le BAC sait combien cela va
coûter et qu'il sait tout. Il a les chiffres. Il ne veut pas le dire. Ce
sont des gars sérieux. Ils ont cela en main. Je trouve cela drôle
qu'ils ne l'aient pas dit.
M. DUFOUR (Ghislain): C'est une hypothèse qui est valable, mais,
sur le coût global du régime, je regarde ici, par exemple, dans le
Soleil, un article de Gilles Boyer... Il dit qu'en Colombie-Britannique, un an
après l'étatisation, le besoin se fait sentir, selon le journal
The Province, d'une subvention de $125 millions pour sauver du désastre
un régime qui devait s'autofinancer. C'est le coût global du
régime...
M. BACON: Laissons tomber la Saskatchewan et la Colombie-Britannique
quelques minutes.
M. DUFOUR (Ghislain): Bon, d'accord.
M. BACON: On fait allusion au Québec. Ce que je trouve
malheureux, c'est... Et malheureusement, le temps ne nous a peut-être pas
permis de poser les questions qu'on voulait poser là-dessus et je
ne veux pas prendre le temps du député de Saguenay ce matin
mais j'espérais que quelqu'un vienne nous dire à un
certain moment, noir sur blanc: Voilà ce qu'on veut vous
présenter, voilà combien cela coûte et voilà comment
on va opérer. Je pense que le BAC sait comment cela va fonctionner. Je
ne peux pas comprendre que des gars sérieux qui représentent des
compagnies ne peuvent pas arriver... C'est décevant de voir l'envergure
de ce groupe qui nous arrive en nous disant: On n'a pas tout à fait les
chiffres, mais on prétend que cela coûtera moins cher. Je pense
que cela ne fait même pas sérieux. Je regrette ce matin,
malgré toute la sympathie que j'ai pour votre organisme
contrairement au député de Saguenay que vous appuyiez une
affirmation qui, en fait, ne dit rien.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: Justement, pour terminer sur l'intervention du
député, je regrette que le Conseil du patronat accepte
aveuglément ce qui a été dit par un de ses organismes
alors que l'organisme n'a pas été capable de justifier ses
affirmations en répondant aux questions qui lui ont été
posées par les membres de la commission.
Deux dernières questions. A la page 8, vous affirmez: "Dans une
économie aussi largement dominée par le secteur gouvernemental,
on peut se demander qui devrait assumer les déficits toujours possibles
des différentes régies dont celle de l'assurance-automobile.
Compte tenu du coût croissant de la vie, une réévaluation
des tarifs s'impose à intervalles réguliers. Qu'adviendrait-il
dans une situation où la régie de l'assurance-maladie,
Hydro-Québec, les caisses de retraite gouvernementales, les transports
publics, le téléphone, l'assurance-automobile, etc., devaient
tous accroître leurs prix afin d'équilibrer leur budget?
Lorsque vous parlez en tout cas c'est l'impression que j'ai
de l'entreprise gouvernementale, vous semblez partir, a priori, du fait
que cette entreprise ne doit pas augmenter ses taux. Pourtant, l'entreprise
privée doit aussi s'ajuster au coût croissant de la vie. La
question que je vous pose: Qui assure actuellement, soit les déficits
prévisibles ou les profits des compagnies d'assurance profits
normaux, selon le cas quand, depuis trois, quatre ou cinq ans les
compagnies ont dû considérablement augmenter leurs primes? Qui a
payé en fin de compte? Est-ce que ce n'est pas le citoyen? Est-ce que ce
n'est pas l'assuré?
Ce que vous traduisez à la page 8 concernant les coûts
croissants de l'entreprise d'Etat, que ce soit Hydro-Québec ou ailleurs,
est-ce que cela n'existe pas aussi dans l'entreprise privée? Est-ce que
le citoyen ne doit pas lui aussi payer les coûts croissants de la
vie?
M. PERREAULT (Charles): M. Lessard, je crois que notre réponse
est assez simple. Vous savez l'importance que nous attachons, au Conseil du
patronat, nous l'avons répété dans les mémoires que
nous avons adressés au gouvernement, à la transparence de la
gestion des fonds publics.
M. LESSARD: Nous sommes d'accord avec vous.
M. PERREAULT (Charles): Nous sentons qu'il y a toujours tendance
à régler certains de ces problèmes par certaines formules
obscures. Par exemple, nous avons reproché au gouvernement de se servir
des surplus des régies afin de financer les dépenses qui
émargeaient proprement au fonds consolidé. Il se peut
également que...
M. LESSARD: Vous devriez le dire plus souvent cela. Cela appuierait ce
que l'Opposition dit quelquefois. Allez-y !
M. PERREAULT (Charles): Nous avons la contrepartie de la même
chose, c'est le peu de souci que l'on semble apporter, par exemple, à
une augmentation de taux d'Hydro-Québec comparée à une
augmentation de taux de Bell Canada. Les mécanismes qui sont
prévus, les audiences, tout ce qui concerne cette augmentation de taux
semble se faire beaucoup plus facilement dans un cas que dans l'autre. Mais il
existe aussi la possibilité et c'est à celle-ci que nous
faisons allusion en page 8 qu'une pres-
sion soit faite, une pression politique, afin d'empêcher
parce qu'on veut par différents moyens camoufler le coût
réel d'un service que le coût réel soit
répercuté à l'endroit des usagers et que des
déficits, par toutes sortes de façons que vous savez, soient
répercutés sur l'ensemble des contribuables et émargent
cette fois-ci au fonds consolidé de la province. Alors voilà
notre préoccupation exprimée.
Non pas que les taux ne doivent pas augmenter, cela serait illogique de
penser que les taux ne doivent pas augmenter dans une période
d'inflation; mais lorsqu'ils augmentent, ils doivent être portés
par ceux qui jouissent de ces services et il y aurait une tentation très
forte, à ce moment-là, de vouloir faire le contraire de l'autre
procédure et de camoufler une augmentation de coût en la faisant
porter par le fonds général.
M. LESSARD: M. Perreault, il y a deux choses sur lesquelles je voudrais
dire que je suis d'accord avec vous, c'est d'abord la transparence des fonds
publics et, deuxièmement, un meilleur contrôle des régies
gouvernementales. Je pense qu'en particulier, nous l'avons fait à
plusieurs reprises, mais surtout lorsque HydroQuébec est venue demander
une augmentation des prix du coût de l'électricité, je
pense que nous avons exigé que Hydro-Québec puisse prouver que
l'augmentation de ces coûts était nécessaire. Nous n'avons
pas été satisfaits et vous avez complètement raison
lorsque vous dites qu'actuellement, en particulier HydroQuébec peut
augmenter ses coûts simplement par une demande qu'elle fait au cabinet,
au lieutenant-gouverneur en conseil. Cela ne nous satisfait pas non plus.
Dernière question. A la page 9, vous affirmez: "Les primes
perçues par les compagnies d'assurance-automobile constituent une source
de financement accessible au secteur privé". D'après ce que j'ai
pu lire des discussions qui ont eu lieu hier avec les membres de cette
commission parlementaire et le Bureau d'assurance du Canada, il ne serait pas
exactement vrai que l'assurance-automobile constitue un canal d'épargne
pour l'entreprise privée, parce que ce sont des contrats à court
terme. Est-ce que, étant donné cette affirmation qui semble avoir
été faite par le Bureau d'assurance-automobile, vous maintenez ce
que vous affirmez à la page 9, parce qu'il y a d'autres sources
d'assurance. Même si c'était une entreprise d'Etat, prenez la
Caisse de dépôt, qui est un organisme d'épargne
considérable qui sert actuellement par l'entreprise privée, ma
question est: Est-ce que vous continuez d'affirmer que c'est un canal
d'épargne important pour l'entreprise privée?
M. PERREAULT (Charles): C'est entendu, M. Lessard, que ce n'est pas un
canal de la même nature que celui d'un fonds de pension par exemple ou
celui d'assurance-vie où l'argent est prêté pour une
période beaucoup plus longue. Cela constitue des réserves quand
même, ça constitue un puits, ça constitue une source de
financement qui est disponible à l'investissement, bien qu'il soit exact
que ce ne soient pas des placements à long terme. Quant au
fonctionnement de la Caisse de dépôt, il faut constamment se
rappeler qu'encore une fois la concurrence est saine et qu'en dépit du
fait que la Caisse de dépôt soit un organisme gouvernemental qui
est très bien administré, c'est un organisme qui exige pour sa
bonne administration d'être constamment mis en concurrence avec d'autres
organismes de placement. C'est d'ailleurs une façon par laquelle on a pu
voir depuis quelques années combien la caisse administre bien ses fonds.
Donc, la concurrence devra continuer à se faire et les besoins en
capitaux dont nous faisons état en page 9 sont absolument réels
et dépasseront vraisemblablement dans les années à venir
tout ce qu'on a vu dans le passé.
M. LESSARD: Pour terminer, M. le Président, je reprendrai un peu
une phrase du Conseil du patronat où on dit: "Un régime
étatique ne saurait en effet être la garantie d'une administration
efficace et représenterait à plusieurs égards un danger
réel autant pour le consommateur que pour le payeur de taxes ou pour
l'économie générale, comme nous avons tenté de le
démontrer". M. le Président, je dis que je n'ai pas
été convaincu de la thèse du Conseil du patronat. Quant
à moi, tant qu'il n'y aura pas de thèse plus
développée que ça, dont les preuves sont plus
concrètes que ça, je pense que le rapport Gauvin a
démontré bien plus que le Conseil du patronat qu'il était
peut-être possible pour un régime étatique
d'améliorer le système sans en être complètement
convaincu encore. J'aimerais que les promoteurs du régime privé
soient un peu plus forts dans leur argumentation que vous l'avez
été ce matin. Merci.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: M. le Président, j'aurais bien des questions à
poser au Conseil du patronat comme aux autres organismes et je me demande
sérieusement si toutes les questions que je devrais poser pourraient
apporter quelque chose de vraiment nouveau à ce niveau de nos
délibérations. Parce que je constate qu'une observation que
j'avais faite au début s'avère exacte, nous sommes engagés
à l'heure actuelle beaucoup plus dans un débat
philosophique...
M. TETLEY: C'est vrai.
M. ROY: ... que vers une solution réelle et objective en fonction
de celui que l'on est en train d'oublier, l'assuré et le citoyen du
Québec. J'ai dit au début de nos travaux que le critère
fondamental qui devait nous guider au cours de ces délibérations
était de venir à trouver des formules qui pourraient garantir aux
assurés et
aux contribuables du Québec le meilleur service possible au
meilleur coût.
Ceci implique l'obligation pour le gouvernement de prendre ses
responsabilités, comme pour l'entreprise privée de prendre les
siennes également. Je pense que si on travaille en fonction de cela, on
va mettre le débat philosophique de côté et on va regarder
quelle est la meilleure formule que nous pouvons trouver et que nous pouvons
suggérer au gouvernement qui aura tantôt à prendre des
responsabilités et à légiférer dans ce
secteur-là.
M. le Président, au train où vont les choses, nous nous
dirigeons vers un cul-de-sac. Je suis obligé de le dire, je suis
obligé de faire des remarques dans ce sens-là. A la fin de nos
travaux, la commission parlementaire aura à faire des recommandations
comme telles, recommandations qui pourront être soumises à
l'Assemblée nationale ou au gouvernement en place.
Quelles sont les recommandations que nous pourrons faire? Le rapport
Gauvin, qui a fait une étude sérieuse je dois le dire
sur la question de l'assurance-automobile ne nous a pas donné les
chiffres que nous aurions dû avoir et dont nous aurions eu besoin. Nous
avons eu hier le BAC qui est venu devant nous. J'ai beaucoup de respect pour
les membres de la commission Gauvin comme pour tous ceux qui sont venus devant
nous et, encore-là, nous n'avons pas eu les chiffres.
Si nous étions le conseil d'administration d'une grande
entreprise et que nous avions à prendre une décision sans les
chiffres, quelle sorte de décision objective serions-nous en mesure de
prendre? Je pense que ces questions là méritent d'être
retenues et je pense qu'il faudra repenser l'orientation des travaux de la
commission. Ce n'est pas un reproche que je fais au Conseil du patronat, ce
n'est pas cela du tout, mais je pense qu'on manque de données et
d'éléments de base.
Même si je ne fais pas de reproches au Conseil du patronat comme
tel, je dois dire que son mémoire me déçoit. Je dois le
dire en toute franchise, son mémoire me déçoit, parce
qu'il est uniquement basé sur des questions de principe.
L'entreprise privée et on connaît ma position
là-dessus lorsqu'elle devient un trust et un cartel qui exploite
le consommateur, je dis qu'il est du rôle, de la responsabilité et
du devoir du gouvernement d'intervenir. Lorsque le gouvernement songe à
intervenir et créer un monopole étatique, on ne règle pas
le problème, on ne fait que changer le mal de place et la population est
davantage perdante, parce qu'à ce moment-là elle perd son
arbitre. Lorsque l'entreprise privée constitue en quelque sorte des
cartels et des monopoles, l'Etat est là et a un rôle d'arbitre
à jouer. Mais lorsque l'Etat se substitue aux cartels que peut exercer
l'entreprise privée, la population n'a plus aucun recours sinon que de
faire des parades dans la rue, ce qui est en train de devenir une mode, une
tradition chez nous.
M. le Président, je vais me limiter à deux ou trois
questions. Je veux remercier quand même le Conseil du patronat de
s'être donné la peine de venir devant la commission parlementaire,
mais, si c'est possible ce matin j'aimerais, avoir un peu plus de
détails, de façon à éclairer davantage les membres
de la commission parlementaire sur cette question fort importante qu'est
l'assurance-automobile.
A la page 4 de votre mémoire, vous nous dites le ministre
en a parlé tout à l'heure, mais j'aimerais y revenir pour aller
plus loin un peu "Le premier résultat des analyses des
coûts indique d'ailleurs déjà que l'assurance AutoBAC
serait moins dispendieuse que la formule préconisée par le
comité". Est-ce que le Conseil du patronat a pu établir en
quelque sorte ces premiers résultats d'analyse ou si vous vous
êtes basés, pour faire cette déclaration dans votre
mémoire, sur les commentaires ou les propos qui ont été
tenus par le BAC?
M. DUFOUR (Ghislain): Je pense, M. Roy, qu'il n'y a rien à
ajouter à ce qu'on a déjà répondu au ministre et
à M. Lessard. C'est une consultation qui a été faite
à l'intérieur avec la présence du BAC qui, à ce
moment-là, a discuté avec nous des coûts qu'il envisageait
dans son système proposé comparativement à la formule
envisagée par le rapport Gauvin. Ce sont des chiffres qui ont
été déposés de façon interne sur le plan de
la discussion, qui ont satisfait les gens et la réponse finale, vous
avez raison, appartient au BAC.
M. ROY: En somme, ce que vous nous avez dit ici, c'est à la suite
d'observations et non pas à la suite d'études sommaires, à
partir de certains chiffres, de certaines données. Ce qui aurait
été étonnant et je reviens là-dessus et je
le dis encore à l'intention du ministre ce qui aurait
été extrêmement intéressant pour nous, cela aurait
été de savoir, avec $100 de prime d'assurance, ce qu'on peut
avoir dans la formule proposée par le rapport Gauvin, ou encore ce qu'on
peut avoir dans la formule proposée par le BAC. Jusqu'à
présent M. le Président, c'est bien dommage, mais en ce qui me
concerne, peut-être ai-je mal compris, mais je ne suis pas plus
avancé après quatre jours de travaux de la commission
parlementaire que je ne l'étais au début. Je ne sais pas si c'est
la même chose pour mes collègues.
M. BACON: Vous avez raison.
M. ROY: Mes collègues sont d'accord là-dessus. On est
limité, jusqu'ici, à faire un débat philosophique; le
citoyen, lui, est oublié, comme d'habitude.
Par la même occasion, je reviens à une
question no 2, à ma question no 2, dans la même page, le
paragraphe suivant: "Par la même occasion, le CPQ s'oppose au transfert
envisagé de cette industrie à une régie étatique et
estime que les soixante conditions posées à la survie d'un
régime d'assurance-automobile privé sont à bien des
égards excessives".
J'aimerais que vous donniez, pour ma propre gouverne, ainsi que pour
celle de mes collègues, quelques exemples sur ces recommandations qui
vous semblent excessives. Est-ce que vous pourriez nous donner deux, trois ou
quatre exemples pratiques, parmi ceux qui ont attiré davantage votre
attention?
M. DUFOUR (Ghislain): Trois exemples. On a mentionné tantôt
l'indexation des prestations et on a dit que si l'entreprise privée
actuellement devait réaliser cette recommandation du rapport Gauvin,
cela serait possible, mais à des coûts très
élevés.
Un deuxième est sûrement la disparition de la notion de
faute. On mentionnait tantôt qu'on ne l'avait pas soulevée comme
telle dans notre mémoire, mais prenant une position d'appui au
mémoire du BAC qui ne fait pas disparaître totalement la notion de
faute, conserve certaines possibilités de recours. Il nous
apparaît que le rapport Gauvin, en faisant disparaître toute notion
de faute, est excessif. La population au Québec n'est pas prête
à embarquer dans un système comme celui-là.
Le rapport Gauvin dit, par exemple, on n'est pas prêt, au niveau
des dommages matériels, mais on pourrait être prêt au niveau
des dommages physiques ou corporels. Pour nous, cette orientation nous
apparaît excessive.
Une autre orientation aussi, c'est cette disparition, par exemple, des
courtiers qui jouent actuellement, quant à nous, un rôle quand
même très valable entre l'acheteur d'assurance et une compagnie
d'assurance. Si on veut encore faire une comparaison avec un régime
étatique dans ce domaine, probablement que s'il y avait des
intermédiaires entre l'accidenté du travail, par exemple, et
cette immense boîte qu'est la Commission des accidents du travail, il
deviendrait peut-être davantage possible de faire certains
règlements.
Ce sont trois exemples, entre autres, qui me font dire que
c'était excessif au moment de la rédaction. Peut-être que
les 37 que conserve maintenant M. Gauvin ne sont plus de celles qui sont
excessives.
M. ROY: Vous avez parlé, deux ou trois fois, des lenteurs
excessives à la Commission des accidents du travail, ce sur quoi je suis
entièrement d'accord. Vous devez vous souvenir que le Conseil du
patronat a fait certaines pressions pour tâcher de lui demander certaines
réformes, mais vous vous rappellerez sans doute qu'il y a eu une motion
qui a été discutée à l'Assemblée nationale
à ce sujet, soit que la Commission des accidents du travail vienne
devant la commis- sion parlementaire. Mais là n'est pas l'objet de mes
propos. Est-ce que vous estimez que la lenteur, question d'opinion personnelle,
que nous connaissons à la Commission des accidents du travail peut
justifier la lenteur des règlements de réclamations que nous
retrouvons présentement dans l'industrie de l'assurance-automobile?
M. DUFOUR (Ghislain): Non.
M. ROY: Vice versa, les lenteurs qu'on connaît à
l'entreprise privée ne justifient pas plus la lenteur de la Commission
des accidents du travail. C'est dire que vous estimez que, de ce
côté, il y a quelque chose d'urgent à faire.
M. DUFOUR (Ghislain): Oui, mais dont l'entreprise privée n'est
pas la seule responsable, remarquez bien. Quand vous allez en cour pour un
règlement d'accident d'automobile, il reste quand même qu'alors,
c'est une fonction du pouvoir judiciaire qui est en cause, qui n'a rien
à voir avec l'entreprise privée, si le rôle est
surchargé et que finalement on est obligé d'entendre une cause
six mois ou un an plus tard. Il ne faut quand même pas faire porter tous
les problèmes à l'entreprise privée quant au
règlement des réclamations.
M. ROY: Je vous remercie de nous le dire, parce que c'est important que
ces choses se disent, c'est vrai, mais, seulement, ce n'était pas dans
votre mémoire. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé une
question là-dessus. Je suis bien d'accord qu'à un moment
donné, il faut répartir les responsabilités là
où elles doivent être et ne pas accuser toujours les mêmes
de tous les péchés d'Israël.
J'aurais une troisième et dernière question. A la page 7
de votre mémoire: "Une régie étatique risque de nuire
à la réalisation de certaines réformes
suggérées par le comité et présente un certain
nombre d'inconvénients graves pour l'ensemble de l'économie". En
somme, il s'agit d'une grande position de principe générale.
Qu'est-ce qui, selon vous, dans le régime étatique
proposé, risquerait de nuire ou de compromettre la réalisation de
certaines réformes suggérées par le comité Gauvin?
Pouvez-vous me donner aussi des exemples là-dessus?
M. DUFOUR (Ghislain): Evidemment, c'est un grand titre. Le b) annonce
l'explication que l'on fait, en deux pages, après. On mentionne
justement un certain nombre d'inconvénients. On vient d'en mentionner
un, par exemple, canaliser l'épargne vers une régie d'Etat, alors
qu'on a besoin de ce type d'épargne à l'intérieur du
secteur privé. Si, dorénavant, on veut prendre toute
l'épargne du secteur privé ou de la consommation pour fins de
régie d'Etat, c'est bien sûr qu'au niveau de l'ensemble de
l'écono-
mie, où on a besoin d'argent pour fins d'investissements, c'est,
quand même au départ, un inconvénient qui est assez grave,
et risque de nuire à la réalisation de certaines réformes
suggérées. On part de l'hypothèse qu'il ne faudrait quand
même pas que ce régime parce qu'on est toujours dans
l'hypothèse où le rapport Gauvin dit 3 p.c. dans le dollar en
termes de réduction que, pour réaliser cela, compte tenu
de ce qui nous apparaît devoir être des coûts additionnels
sur le plan administratif, parce que c'est administré par une
régie d'Etat, cela nous conduise peut-être au fait qu'on devra
laisser de côté certaines réformes pour en arriver à
prouver que c'était possible de réaliser la même chose
à l'intérieur d'une régie d'Etat.
M. ROY: Parmi ces certaines réformes, laquelle, selon vous...
Quelle serait-elle selon vous?
M. DUFOUR (Ghislain): Par exemple, une réforme qui est
envisagée, si c'est un service gouvernemental, c'est la disparition du
courtier. Actuellement, et je pense que le rapport Gauvin lui-même dit
que 86 p.c. des gens font affaires directement par l'intermédiaire d'un
courtier qu'ils connaissent bien, avec qui ils transigent, avec qui ils peuvent
expliquer leur problème, un peu comme s'ils étaient à
confesse. Chose qu'ils ne pourront certainement pas faire avec un
fonctionnaire. C'est le genre de problèmes qu'en pages 7, 8, 9, on tente
d'exprimer.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Vous n'avez pas d'autres questions? Je veux
remercier M. Perreault et M. ...
M. TETLEY: Une mise au point, permettez-moi. Tout le monde a
parlé de chiffres. Gauvin a présenté des chiffres dans son
livre et aussi dans la documentation déposée aux archives. Aussi,
il y avait un rapport qui a été distribué, sans doute
je vais obtenir d'autres exemplaires qui explique ces chiffres.
Certainement, l'AutoBAC l'a reçu, CAB et BAC ont reçu ces
chiffres. J'aurai d'autres exemplaires pour vous. C'est une explication des
tableaux, surtout à la page 335. Les chiffres sont disponibles. En vous
posant ces questions au sujet des chiffres, j'aurais pu poser la même
question à toute autre personne qui est venue ici depuis le commencement
et les deux autres aujourd'hui vont venir avec des constatations valables,
peut-être, mais sans chiffre. Le seul organisme qui a à l'heure
actuelle témoigné avec chiffres à l'appui a
été la Commission Gauvin; mais il n'a pas répondu
exactement à nos questions comme on le voulait. H va revenir et
peut-être qu'il va répondre avec plus de bonheur à nos
questions. Je voulais tout simplement faire cette mise au point.
M. ROY: J'aimerais que le ministre nous dise par qui ces chiffres ont
été fournis.
M. TETLEY: Lorsque Gauvin a préparé son rapport, il n'a
pas commencé, apparemment, avec la conclusion et a ajouté les
chiffres. Ils ont travaillé avec les chiffres et ils ont
décidé le système qu'ils voulaient, le système
suivant. Pour expliquer leurs chiffres, il y a huit, dix, ou douze caisses de
documents aux archives, mais une explication plus sommaire se trouve ici. Vous
en aurez des copies, mais c'est préparé en anglais et en
français depuis trois ou quatre mois.
M. ROY: Comment se fait-il que le ministre n'ait pas jugé bon de
nous en remettre au moins un sommaire de façon que nous puissions...
M. TETLEY: Je crois que cela a été envoyé à
tout le monde. Cela a été distribué à tout le
monde. Je reçois une pile de documents tous les jours; parfois, je les
lance directement dans la poubelle; peut-être que vous l'avez.
Peut-être qu'on s'est trompé et qu'on ne vous a pas envoyé
de copies. Des copies...
M. ROY: Bien voici...
M. LESSARD: ... dans le rapport je ne sais pas où
exactement qui dit que ce document est disponible au ministère
des Institutions Financières.
M. TETLEY: ... ont été distribuées, mais je vois
que certains ne les ont pas vues. En tout cas, vous aurez des copies d'ici
quelques minutes.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de
Trois-Rivières.
M. ROY: D'ici quelques? M. TETLEY: Minutes.
M. ROY: J'avais cru comprendre d'ici quelques mois.
M. TETLEY: Ah!
M. ROY: Je m'excuse, M. le Président. Je déplore
réellement, même si c'est indiqué dans le rapport, M. le
Président, qu'on ne nous ait pas fait parvenir une copie au moins au
niveau de chacune...
M. TETLEY: Je suis...
M. ROY: ... au niveau des membres de chacune des commissions, parce que
mon collègue, ici, qui est intéressé, comme
député, et qui connaît la question d'une façon
particulière, qui fait partie de l'équipe gouvernementale, ne l'a
pas eue lui non plus.
M. TETLEY: Mais...
M. ROY (Beauce-Sud): Je ne suis pas le seul.
M. TETLEY: Non.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de
Trois-Rivières.
M. TETLEY: Je vous demande pardon si vous ne l'avez pas reçue. Je
vais vous envoyer cela. C'est une autre brique à étudier.
M. BACON: Pardon?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que vous avez quelque chose à
dire, des questions à poser?
M. BACON: Je m'excuse. Dans la dernière partie de l'intervention
de mon collègue de l'une des deux Beauces, pourriez-vous reprendre un
peu, préciser sur le rôle du courtier? Vous dites que vous l'avez
mentionné dans les pages de votre mémoire, aux recommandations 53
et 54, le rôle des courtiers. Voulez-vous me préciser où,
dans votre mémoire, vous avez...
M. DUFOUR (Ghislain): Non, l'exemple précis des courtiers n'est
pas dans le mémoire.
M. BACON: Bon!
M. le Président, naturellement, il y a un tour de table, il y a
beaucoup de questions sur lesquelles on aurait aimé élaborer,
mais qui ont déjà été discutées.
Pour terminer, j'aurais seulement un commentaire à faire sur ce
que M. Perreault disait tantôt. Vous savez, je tiens à vous dire
que, trois semaines après avoir été élu, un
député n'a pas besoin d'attendre le rapport de l'ombudsman pour
dire comment le citoyen est démuni devant l'appareil gouvernemental.
Mon collègue de Saguenay parlait tantôt des régies
d'Etat. Je pense bien, dans certains cas, qu'il y a un excellent
fonctionnarisme qui fait un bon travail, mais il y a sûrement quelque
chose qui fonctionne mal en quelque part. Je ne sais pas si le
député de Saguenay a eu des expériences avec la
Régie de l'assurance-maladie, la Régie de
l'assurance-hospitalisation, qui sont bien organisées, qui offrent une
excellente couverture pour les citoyens, mais seulement, du moment que le
citoyen fait affaires dans une chose comme cela, il n'y a plus moyen de se
retrouver. Vous avez sûrement eu de vos gens, de vos électeurs qui
vont vous voir, ou vous écrivez aux régies; même nous, cela
prend du temps pour avoir des réponses et nous retrouver.
J'ai même eu, la semaine dernière, un cas à la
Commission des accidents du travail où, après avoir payé
le gars à deux ou trois reprises, la quatrième fois, le gars a
téléphoné et on lui a dit qu'on avait perdu son
dossier.
Il se passe des choses... Je ne dis pas que l'entreprise privée a
toutes les vertus, mais on peut se questionner fortement dans l'entreprise
d'Etat. D'autant plus que l'entreprise privée, étant donné
qu'elle est dans une concurrence, dans un marché beaucoup plus libre,
est obligée, à un certain moment, d'arriver à quelque
chose. L'exemple était excellent sur l'affaire du chèque de paie.
C'est inimaginable, quand on engage un gars... J'ai des étudiants qui
ont travaillé tout l'été dans mon comté pour un
ministère et qui n'ont pas encore eu de paie. On peut se poser de graves
questions, sans donner toute la vertu à l'entreprise. Je pense que, bien
avant l'ombudsman, on a pu le constater, à un certain moment, d'autant
plus qu'il y a différentes catégories de citoyens. J'ai des
analphabètes dans mon comté, quand ils sont pris avec une chose
du gouvernement, des questions d'impôt, de n'importe quelle chose qui
arrive, comment voulez-vous qu'ils s'adressent, au gouvernement? Pourquoi
est-ce qu'on a tant de gens qui viennent à nos bureaux? C'est justement
à cause de cela. Si tout le monde faisait son ouvrage et s'il y avait un
fonctionnement qui se faisait rapidement, on aurait beaucoup plus de temps
à donner aux lois qu'à recevoir nos électeurs dans nos
bureaux.
M. LESSARD: Ou bien on va faire disparaître les
députés.
M. BACON: Non. Modifier son rôle.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que le député de
Trois-Rivières a terminé ses questions?
M. BACON: Oui.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Montmagny.
M. GIASSON: Pour la première question que je voulais poser, je
pense que le ministre a été habile. Il a répondu juste
avant que j'intervienne.
On a fait allusion tout à l'heure au fait que le BAC n'a pas
fourni de chiffres précis concernant le coût des couvertures qu'on
suggérait à l'annexe E. C'est-à-dire que je pense que le
BAC a fait un très bon travail par son annexe E. Il y a proposé
des systèmes de couverture ou des modes de couverture en plaçant
tout cela en parallèle avec ce que Gauvin disait. On sait un peu
où on va par la proposition du BAC en matière de couverture. On
n'a pas les chiffres.
J'ai fait des hypothèses. Je me suis demandé si on ne
jouait pas à cache-cache. J'étais conscient que M. Gauvin, tout
en déposant son rapport, avait déposé une série de
renseignements auprès du ministre et que ces renseignements ne nous
étaient pas donnés.
Par contre, je me suis dit que, peut-être, BAC, qui a sa petite
idée en matière de tarification à appliquer à une
couverture de base, selon les modalités proposées, a
également des chiffres. Mais là, c'est le chat qui attend la
souris. Est-ce que BAC attend que nous ayons plus de précisions venant
du rapport Gauvin, en matière de coût, afin d'être capable
de faire les ajustements nécessaires?
M. TETLEY: M. Gauvin a présenté une thèse. Je ne le
défends pas. Je ne présente pas sa
thèse, mais M. Gauvin a présenté une thèse
avec les chiffres en main, au moins, et...
M. GIASSON: Le rapport Gauvin qu'on a en main, c'est cela.
M. TETLEY: Le rapport Gauvin est sommaire.
M. GIASSON: On n'a pas autre chose que cela en main?
M. TETLEY: Non. Mais vous pouvez visiter la Bibliothèque
nationale. Et un mois et demi après le dépôt du rapport,
l'autre document est sorti. Je sais que le rapport Gauvin est une
synthèse du rapport et peut-être que M. Rankin répondra,
à la fin de nos discussions, aujourd'hui, à ces remarques. Mais
il faut dire que M. Gauvin a présenté des chiffres et a
présenté des coûts jusqu'à 3 p.c. Il a même
couru le risque de parler de pourcentage, 3 p.c, 5 p.c.
M. BACON: II a parlé en pourcentage. Le BAC parle en pourcentage
aussi.
M. PAGE: Là-dessus, est-ce qu'il y avait des chiffres?
M. TETLEY: Le BAC n'a même pas parlé de pourcentage. C'est
moins cher.
M. PAGE: Non, mais si on a tous les chiffres dans le rapport Gauvin,
qu'est-ce qu'on pourrait avoir, avec le système Gauvin, pour $100
d'assurance, comparativement à ce qui existe actuellement dans le
système privé?
M. ROY: C'est ce que j'ai demandé tout à l'heure.
M. PAGE: Qu'est-ce qu'on pourrait avoir avec $100?
M. BACON: Je suis d'accord sur cela. Il y a des exercices qui auraient
pu être faits tant par M. Gauvin que par BAC ou par les gens qui se
présentent devant cette commission. Il y a des exercices qui auraient pu
être faits pour nous dire... Voilà, dans tel système, ce
que cela donne avec telle couverture. Voilà ce que cela donne dans tel
autre système. Mais cela, qu'il manque de service, que l'entreprise
d'Etat fonctionne lentement, on sait tout cela. On n'a pas besoin de le savoir.
Ce qu'on a besoin de savoir, c'est qu'on nous dise: Pour tel montant ou dans
telle circonstance, voilà ce qui se passe dans tel ou tel exercice. J'ai
le même sentiment que mon collègue de Beauce-Sud. Après
quatre jours d'audition, je ne pense pas que nous soyons beaucoup plus
avancés et on est supposé venir ici pour nous instruire !
Même les gens de la commission n'ont pas été trop parlants
là-dessus.
J'ai fait une intervention là-dessus tantôt. Je ne
blâme le BAC. Comme le disait tantôt le député de
Montmagny-L'Islet, le BAC n'est pas tombé dans la trappe. Le rapport
Gauvin n'a pas parlé de piastres et de cents, eux non plus, et on ne
peut pas le leur reprocher. Je déplore le fait qu'il n'ait pas
donné de chiffres, mais je ne le blâme pas et on ne fera pas un
cas national avec cela. Il reste quand même qu'il a suivi la trace de M.
Gauvin. En fait, comme stratégie de leur part, c'était excellent,
sauf qu'on est encore devant rien. Et le malheur... Je pense bien que, dans
toute la commission, chaque mémoire était très important,
mais je pense que le dossier BAC était une pièce importante et on
n'est pas plus avancé qu'on l'était.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous sommes, à l'heure actuelle, en
train d'étudier le mémoire du Conseil du patronat du
Québec et je pense qu'on s'est éloigné...
M. BACON: M. le Président, on peut quand même se parler
entre nous. Voyons donc! On est rendu qu'on ne peut plus parler nulle part.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Non, mais je vous demande...
M. BACON: Je pense bien qu'il y a moyen qu'on se parle à une
commission parlementaire.
UNE VOIX: On retrouve l'ancien député de
Trois-Rivières!
LE PRESIDENT (M. Brisson): ... de toute façon, et la parole est
au député de Montmagny-L'Islet.
M. TETLEY: II est important de parler avec franchise.
M. GIASSON: On a fait également une affirmation globale voulant
que, dans le système des compagnies privées, il n'existait pas de
concurrence. Je n'accepte pas cela. Lisez le rapport Gauvin et, dans les
commentaires qu'on a entendus des groupes qui sont venus devant la commission
depuis le début, cela a été affirmé. Je n'accepte
pas cela, en fonction de quinze ans d'expérience. J'administre un bureau
d'assurance générale en milieu rural et je pense avoir un bureau
qui a un volume... compte tenu du milieu, assez intéressant dans le
monde de l'automobile.
M. LESSARD: Conflit d'intérêts!
M. GIASSON: Non. Il n'y a rien à cacher. C'est ouvert, cette
affaire. J'ai découvert, en quinze ans d'activité, que la
concurrence existait. Il en existe peut-être moins au niveau des
compagnies qui sont membres de groupes organisés, mais, à
côté de cela, il y a les "direct writers" qui ont une tarification
qui est presque toujours différente de celle des autres compagnies qui
font partie de groupes.
J'ai vécu plusieurs expériences de clients qui, à
un moment donné, pour économiser $8, $10, $15 de primes sont
allés voir des compagnies qui écrivent au comptoir, mais j'ai
constaté aussi que très souvent les mêmes clients sont
venus à mon bureau me demander de l'assuran-ce-automobile et, bien
honnêtement, je leur demandais carrément: Pourquoi revenez-vous?
Je vais vous réclamer plus cher dans les compagnies où je place
mes risques que ce que vous avez payé chez les "direct writers".
M. BACON: Le service.
M. GIASSON: Là j'ai découvert le
député de Trois-Rivières vous parle en toute franchise
que c'était une question de service. Le gars était
prêt à payer un peu plus cher pour faire affaires avec un bureau
dans son milieu, pour être libéré des appels
téléphoniques, lorsqu'il avait une réclamation et ne pas
se faire dire: Si vous montez à Québec, venez nous voir. Parce
qu'on lui amenait un agent de réclamation sur place, il acceptait de
payer plus cher, même si la compétition du "direct writer" jouait
en sa faveur en matière de tarification.
Cela nous prouve que le public aura à choisir peut-être,
parce que je n'ai pas encore toutes les données sur le coût futur
de l'assurance-automobile, même si elle est faite par les entreprises
privées, face à la compagnie d'Etat, il s'agira de savoir si le
public est prêt à payer quelques dollars de plus pour le service
qu'il attend sur son dossier automobile, ou s'il est prêt à
renoncer au service et payer quelques dollars de moins pour aller vers un mode
de fonctionnement qui va être différent de celui qu'il a
connu.
J'ai également tenté d'autres expériences. J'ai
remarqué que dans mon milieu il y avait des gens qui achetaient leur
assurance-automobile dans le catalogue Simpson. J'avais constaté qu'il
s'agissait de risques qui étaient admissibles exactement de la
même classe, mais avec couverture égale il y avait de petites
différences. J'ai poussé l'expérience plus loin. J'ai
invité de mes clients à écrire à Simpson, à
se faire coter et j'ai constaté qu'au niveau des compagnies qui
écrivent directement au public, elles n'ont pas des méthodes de
tarification qui sont celles que l'on retrouve chez des compagnies
privées; c'est-à-dire, à des risques identiques, des
assurés à peu près du même âge, qui prennent
les mêmes couvertures, qui représentent le même risque au
point de vue de l'expérience des accidents, il y avait des
décalages de $2, de $4. Pourquoi cela? Je ne l'ai jamais compris.
C'était une expérience que je menais personnellement.
Moi, je dis que la concurrence existe. Elle existe non seulement au
niveau de la tarification qu'on peut retrouver chez les différents
assureurs qui vendent au Québec, on la retrouve surtout au niveau du
service qu'on peut donner à une clientèle ou que la
clientèle attend dans le monde de l'assurance-automobile. Il restera au
Québécois, quel que soit le mode de fonctionnement d'un
système automobile, à choisir ce qu'il attend d'abord et ce qu'il
est prêt à payer pour le service qu'on va lui donner.
Cela rejoint un peu l'opinion du député de Beauce-Sud qui
se pose toujours la question. Il faut tenter de donner au
Québécois le meilleur service au meilleur coût possible. Si
l'entreprise d'Etat est capable de donner un service égal à un
coût moindre, logiquement, je pense qu'on devrait pencher vers cette
hypothèse, cette possibilité. Si, à la suite de nos
travaux, on n'a pas pu établir que c'était le meilleur
système à établir, compte tenu de ce que les
Québécois attendent de services du côté des
assurances automobiles, on aura d'autres choix à prendre.
M. BACON: Oui, mais est-ce qu'on va avoir les chiffres.
M. GIASSON: On va voir. Semble-t-il, les chiffres vont venir. Le
ministre dépose l'information que M. Gauvin a fournie. Je présume
que du côté du monde des assureurs, on va avoir peut-être
plus d'information à l'avenir en matière de tarifs qu'il faudra
appliquer pour les couvertures proposées.
M. LESSARD: M. le Président, en l'absence du ministre, j'aurais
pu probablement lui poser cette question, mais comme le député de
Montmagny a dit qu'il était un courtier d'assurance, qu'il avait de
l'expérience, j'aimerais lui poser la question suivante. Quand il
discute du service, est-ce qu'il y a nécessairement, à partir du
rapport Gauvin peut-être qu'il n'a pas accepté
complètement les recommandations du rapport Gauvin contradiction
entre le service qui est actuellement donné par des courtiers
d'assurance et une entreprise gouvernementale? Est-ce qu'il y aurait
contradiction? Est-ce qu'une entreprise gouvernementale devrait
nécessairement faire disparaître complètement le service
à la clientèle au niveau des régions par
l'intermédiaire des courtiers? Je ne discute pas du rapport Gauvin comme
tel.
M. GIASSON: Je crois qu'en ville il serait plus facile pour une
compagnie étatique de donner un service à sa clientèle
dans des délais plus rapides et à un coût moindre.
Pour desservir une clientèle de milieu rural, assurément,
l'assuré devra assumer des coûts dans l'administration de son
dossier automobile qu'il n'a pas à assumer lorsqu'il fait affaires avec
un courtier. Je sais ce que c'est qu'administrer un dossier
d'assurance-automobile, je sais ce que la clientèle nous demande
là-dessus. Même si on appliquait le concept de
rémunération tel que proposé par Gauvin, en milieu rural,
c'est bien dommage, mes amis, j'ai la conviction profonde qu'on va être
obligé de donner encore du service tel qu'on le donnait
traditionnellement. On va assumer des appels téléphoniques
à
l'extérieur, que l'assuré va nous demander et on ne pourra
pas lui refuser ça. On va faire de la correspondance sur son dossier.
Quand le gars va vouloir des couvertures additionnelles, il va vouloir inclure
un de ses fils comme conducteur, c'est encore nous qui allons dicter une lettre
à la secrétaire pour envoyer ça à l'assureur,
l'assuré va toujours nous le demander, il ne le fera pas lui-même.
Je vous parle du milieu rural parce que c'est un milieu différent. Je
vais citer le cas des "direct writers" tout à l'heure, c'est beaucoup
plus facile de faire l'écriture au comptoir dans une ville, dans un
grand centre que ça peut l'être en campagne.
M. BACON: Quant à ça, ils ne marchent pas dans les grands
centres. Je ne parle pas de Montréal. Je veux dire dans des villes
moindres.
M. GIASSON: C'est beaucoup plus facile, quand ton agent de
réclamation ou ton bureau est situé dans la ville où tu
habites. Tu n'as pas d'appel interurbain à assumer...
M. BACON: Comme les bureaux.
M. BONNIER: M. le Président, c'est fort intéressant, mais
il ne faudrait pas oublier le Conseil du patronat qui est là.
M. GIASSON: Je m'excuse auprès des gens.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce que le député de
Montmagny-L'Islet a d'autres questions à poser?
M. BACON: C'était le député de Saguenay qui posait
des questions.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député d'Iberville.
M. TREMBLAY: M. le Président, je reconnais la
représentation d'aujourd'hui du Conseil du patronat comme valable; elle
est peut-être discutable sous certains aspects, mais, en
définitive, nous sommes tous discutables au départ sur ce qu'on
peut avancer sur un sujet ou un autre. Ma conviction personnelle dans le moment
se situe au niveau de l'appui que je crois raisonnable que le Conseil du
patronat accorde à une alternative valable qui nous a été
présentée hier par le Bureau d'assurance du Canada. Je crois bien
qu'au bout de la ligne, nous pourrons constater que les tractations se feront
finalement entre ceux qui sont capables d'instaurer un nouveau régime
d'assurance, soit le gouvernement et les assureurs. C'est ma conviction
qu'à la lumière des discussions que nous pourrons avoir à
la commission parlementaire, il y aura certainement un moyen terme
accepté et sûrement pas une régie complète d'Etat
pour superviser le fonctionnement de l'assurance-automobile au Québec.
Une allégation m'a frappé hier et ça vient en relation
avec le mémoire du Conseil du patronat, c'est l'information que nous
avons eue du Bureau d'assurance du Canada que, sur une période de cinq
ans, les statistiques de 1965 à 1970, la moyenne en pourcentage de
rendement de capital investi dans les compagnies d'assurance-automobile
était de 15 p.c. Je crois que c'est un indice de santé même
si les fluctuations sont nombreuses, parce que l'on voit, d'une année
à l'autre, les compagnies d'assurance-automobile augmenter leurs taux,
les diminuer et le reste, mais selon la moyenne de rendement sur une
période de cinq ans de 15 p.c. d'un capital investi, on voit bien que
c'est rentable et raisonnable comme placement. Au départ, c'est tout de
suite un point, à mon avis, qui demeure important dans le rouage de
l'économie du Québec.
A la page 2, au quatrième paragraphe, le rapport souligne que
"les possibilités retenues par le comité Gauvin, comme on
le sait tous sont au nombre de deux, soit de réformer le
régime de libre entreprise actuel, soit d'établir un monopole
d'Etat". Le Conseil du patronat s'inscrit d'emblée, je l'imagine, dans
la possibilité de réformer le régime de libre entreprise
actuel et je répète que c'est ma profonde conviction que c'est ce
qui se produira éventuellement. En ce qui concerne la guerre des tarifs,
la stratégie, est-ce qu'il y en a réellement de la part du
comité Gauvin et du BAC voulant qu'ils ne puissent dévoiler les
taux de tarification sur le plan d'assurance suggéré?
Je ne discute pas cette éventualité, mais je crois qu'il
serait prématuré pour le BAC de s'avancer à nous donner
des taux précis, ainsi que le rapport Gauvin, probablement.
Je suis d'accord avec l'exonération partielle de la notion des
responsabilités, parce que les informations que nous avons nous disent
que 90 p.c. des réclamations d'accidents d'automobiles sont les
réclamations situées au niveau minime ou moyenne, si vous voulez.
Ce ne sont pas les grosses réclamations.
Alors, en exonérant la notion de faute sur la base plus ou moins
suggérée par le BAC, je crois que nous pourrions rendre le
service que les citoyens du Québec demandent, soit d'être
indemnisés illico sur 90 p.c. des dommages ou des pertes subies au
niveau de la santé, etc.
Maintenant, quant aux services que les courtiers accordent à leur
clientèle, je pense bien que le Conseil du patronat s'inscrit
d'emblée également là-dessus et je les en félicite,
parce qu'en définitive le courtier d'assurance, sur le plan humain,
à l'égard de l'automobiliste moyen parce que le citoyen
moyen, c'est le gars qui fait 95 p.c. de la population du Québec
est le confident et l'homme en qui on peut placer notre confiance. S'adresser,
dans mon esprit à moi, à un consortium de grosses compagnies
d'assurance nationales avec du "direct writing" ou de la communication au
niveau des réclamations, cela peut-être aussi compliqué
finalement que de s'adresser à un appareil gouvernemental.
J'imagine que le courtier est très bien placé comme
intermédiaire pour accorder tout le service dont le profane, finalement,
l'automobiliste a besoin. M. le Président, c'étaient mes
remarques.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Ce sont des remarques, ce ne sont pas des
questions. J'inviterais les députés et les membres de la
commission à poser directement des questions et, dans leur
préambule, d'être assez courts, parce que je voudrais que, d'ici
dix minutes, on en ait terminé avec ces messieurs.
M. TREMBLAY: Je n'avais pas de question, M. le Président. Ce
n'était même pas un préambule, c'étaient des
remarques.
M. BACON: De quel droit?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous sommes ici pour poser des questions
à ceux qui se présentent devant nous si nous n'avons pas compris,
c'est le but de la commission... A l'ordre, s'il vous plaît! ... et
après, nous discuterons.
Je demanderais au député de Trois-Rivières de
discuter en temps et lieu.
M. LESSARD: Délibération de la morale. UNE VOIX: ... son
de cloche.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Taschereau.
M. BONNIER: Simplement trois petites questions, M. le Président.
La première est une question supplémentaire au
député de Saguenay, relativement au placement. Est-ce que, M.
Perreault ou M. Dufour, vous seriez d'accord, étant donné
l'importance quand même relative des efforts des compagnies d'assurance
générale, qui font de l'assurance-automobile, que ces placements
soient mieux réglementés de la part de l'Etat quant à leur
utilisation, tenant compte, évidemment, de la diversification d'un
portefeuille, ce qui est bien normal et de sa solidité, de sa
rentabilité, etc.
Mais étant donné que, comme vous le soulignez très
justement dans votre rapport, c'est une source d'épargne quant
même importante, est-ce que vous seriez d'accord à ce qu'il y ait
un peu plus de réglementation de la part de l'Etat dans ces
investissements?
M. PERREAULT (Charles): Vous touchez là une question qui est
extrêmement complexe. Il existe déjà, comme vous le dites
bien, une réglementation très sévère quant à
la qualité des investissements pour protéger ce qui est,
effectivement, le bien des assurés, afin d'être sûr que s'il
se produit des sinistres, les assurés soient couverts. Cette
législation, nous la connaissons, elle détermine dans quelle
sorte de placement l'assureur a le droit d'aller.
Peut-être qu'à ce moment-là, vous visez l'obligation
pour l'assureur d'investir un tel pourcentage de son capital dans le
Québec ou même de répartir, à l'intérieur du
Québec, dans les régions, en fonction de ce qu'il a perçu,
je crois qu'à ce moment on touche une question souvent
mentionnée, très controversée, où on se trouve en
conflit avec deux grands principes, le principe, par exemple, de retourner vers
une région ou vers une province les sommes qui sont confiées
à quelqu'un sous forme de prime, etc, l'autre principe, celui de faire
fructifier au maximum les sommes ainsi perçues face à la
responsabilité qu'on a envers les assurés. Il n'y a pas de noir
et de blanc là-dedans. D'ailleurs, c'est une question qui peut
évoluer selon la philosophie politique des gouvernements.
Personnellement, je considère que la responsabilité de
l'assureur à l'endroit des assurés, celle d'assurer la
qualité et le rendement des placements, est la plus importante. Donc,
personnellement, je ne suis pas favorable à une loi restreignant les
investissements en fonction de telle ou telle région ou de telle ou
telle province, parce que je crois que ceci représente une entrave au
mouvement des capitaux qui n'est bénéfique à personne.
M. BONNIER: Voici ma deuxième question. Seriez-vous d'accord sur
l'assurance obligatoire pour tout le monde, tel que recommandé dans le
rapport Gauvin?
M. PERREAULT (Charles): Ce n'est pas un point sur lequel on s'est
penché.
M. BONNIER: Vous ne pensez pas que ce serait essentiel?
M. PERREAULT (Charles): Je crois que certains ont examiné cette
question en profondeur, c'est une formule qui a été
essayée ailleurs. On peut mesurer les effets d'une telle loi et on peut
voir jusqu'où la formule est valable. C'est une formule qui semble
très attirante à prime abord, mais je crois que l'examen des
résultats est beaucoup moins convaincant.
M. BONNIER: Cela aurait comme résultat, évidemment, de
mieux diversifier les risques et, à ce moment, de répartir plus
équitablement les... Ma dernière question est relative aux
courtiers. Dans l'hypothèse où le système de courtiers est
maintenu, est-ce que vous croyez que le niveau actuel de bénéfice
que les courtiers perçoivent est raisonnable ou s'il pourrait être
diminué?
M. PERREAULT (Charles): Je n'ai pas touché, comme je l'ai
mentionné tantôt, à cette question des courtiers, mais je
pense, M. Bon-
nier, que c'est très difficile de répondre à cette
question. C'est une question d'offre et demande. Est-ce que les avocats sont
trop bien payés? Est-ce que les médecins sont trop bien
payés?
M. BONNIER: C'est bon d'avoir des réflexes, parce que l'homme de
la rue nous dit que le courtier reçoit peut-être un peu trop pour
le travail qu'il fait dans le domaine de l'automobile. Il y a peut-être
d'autres domaines plus compliqués. C'est seulement un réflexe que
je veux savoir.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Portneuf.
M. PAGE: M. le Président, j'aurais une question.
LE PRESIDENT (M. Brisson): La dernière.
M. PAGE: Dans votre mémoire, messieurs, vous vous
référez presque essentiellement au programme proposé hier,
quoique, là-dessus, moi, je regrette que vous n'ayez peut-être pas
fait une étude plus approfondie du rapport comme tel. Cependant, vous
avez souligné à quelques reprises, à des questions qui
vous étaient posées, qu'il n'était pas dans votre
intention et qu'il n'entrait pas dans vos compétences d'étudier
de façon bien spécifique et particulière tout l'impact de
l'assurance au point de vue des technicités et tout cela. Cependant, si
on se réfère au principe comme tel, dans le rapport, il y a un
grand principe qui est lancé, et j'aurais bien aimé que vous
l'abordiez, c'est que l'accident d'automobile est considéré comme
une responsabilité sociable. Vous ne craignez pas qu'en partant de
l'acceptation d'un tel principe, cela puisse déboucher
éventuellement sur d'autres acquis comme cela, à savoir que
d'autres formes de notre société, telle qu'elle existe
actuellement, pourraient être considérées comme une
responsabilité sociale aussi? Si on part, par exemple, de ce principe,
on pourrait peut-être dire éventuellement, je ne sais pas, que
l'assurance est une responsabilité sociale; on l'a fait dans le secteur
de la santé. On pourrait dire: La consommation plus poussée, les
chaînes de magasins pour la consommation et pour les aliments, c'est une
responsabilité sociale, mettons la patte là-dessus.
M. DUFOUR (Ghislain): A un moment donné, dans le mémoire,
on dit: Aujourd'hui, c'est l'assurance-automobile, demain, ce sera
l'alimentation, après-demain, ce seront les transports, tout devient
possible à ce moment.
Je reviendrais à votre première partie quand vous dites,
en fait, que le sens de votre mémoire en tout cas c'est
l'interprétation que je donne à votre intervention est
axé sur le proposition faite hier par le Bureau d'assurance du Canada en
fonction de l'AutoBAC. C'est peut-être une impression que l'on donne
parce que, comme députés, vous êtes extrêmement
sensibilisés à ce problème. Pour nous, cela devient quand
même assez marginal. C'est une question qui est posée par le
rapport Gauvin et, au départ, comme devant être une des conditions
selon lesquelles si elle n'est pas réalisée, on
transférera le taux à la régie d'Etat. Alors, on a
posé le problème c'est-à-dire qu'on s'y est
référé. Une des raisons qui nous faisait appuyer cette
proposition du Bureau d'assurances du Canada, c'est que c'était quand
même indépendamment de la technicité une proposition tout
à fait concrète vis-à-vis de ce que suggère le
rapport Gauvin, et qui était non seulement concrète au plan
pratique à l'intérieur de chacun des cas possibles au niveau de
l'assurance-automobile, mais qui quand même cristalise les positions au
niveau de la notion de faute. Dans le programme AutoBAC, on dit dans certains
cas qu'on est d'accord sur l'abolition de la notion de faute, et dans d'autres,
on garde le droit de recours et de tout.
Fondamentalement, c'est sur cette proposition globale que nous donnons
un accord, et non pas nécessairement sur le contenu comme tel de chacune
des propositions qui sont faites à l'intérieur d'AutoBAC comme
tel.
M. PAGE: Comme cela, on peut donc en conclure que le Conseil du patronat
craint ce nouveau principe qui est émis dans le rapport, que ce nouveau
principe de responsabilité sociale pourra ouvrir la porte à des
modifications dans beaucoup d'autres secteurs de l'activité
économique et sociale.
M. DUFOUR (Ghislain): Assurément, pour reprendre ce que je disais
tantôt, on a mentionné: Demain, ce sera l'alimentation,
après-demain le transport, et quoi?
M. PAGE: Merci, messieurs.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions
financières.
M. TETLEY: Messieurs, merci de votre présence et de votre
mémoire. La discussion a été, je crois, fructueuse.
J'apprécie que ce soient les députés ministériels
qui posent des questions autant que les députés de l'Opposition,
et parfois fassent presque des déclarations ministérielles.
Merci, messieurs.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Merci, messieurs. Maintenant, j'inviterais la
Fédération des avocats du Québec, M. François
Chapados.
Fédération des avocats du
Québec
M. CHAPADOS (François): M. le Président, il est midi et je
sais que la faim est mauvaise
conseillère. Est-ce que la commission a l'intention de
siéger?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Jusqu'à 1 heure.
M. CHAPADOS: Jusqu'à 1 heure.
M. TETLEY: Etes-vous capable, M. Chapa-dos, de faire votre
présentation dans l'espace d'une demi-heure?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Ils ont un résumé de trois
pages.
M. TETLEY: Ah bon! J'ai une question peut-être indiscrète
aussi, Me Chapados. Je vois qu'il y a d'autres avocats dans la salle qui ne
siègent pas avec vous, même un avocat éminent, Me Philippe
Casgrain. Je me demande s'il fait partie de votre équipe, parce que je
note que c'est le seul qui vient de tomber d'un cheval, je me demande la raison
de sa présence. Est-ce qu'il veut protéger les avocats ou
étendre l'assurance-automobile aux chevaux, quoi?
M. CHAPADOS: M. le Président, je pense que je vais dire une chose
qui est tout à l'honneur de Me Casgrain. C'est pour la circonstance un
amicus curiae. Nous allons le prendre comme avocat-conseil si jamais il y a des
questions trop embêtantes. Alors...
M. TETLEY: Est-ce qu'il aura le droit de vous envoyer un compte dans ces
conditions?
M. CHAPADOS: Vous savez, par les temps qui courent, les avocats sont
portés à oublier leurs honoraires.
M. TETLEY: Ah, tant mieux!
M. CHAPADOS: M. le Président, j'aimerais, par votre
intermédiaire, remercier les membres de cette honorable commission de
permettre à la Fédération des avocats du Québec de
faire ses représentations. Vous me permettrez également de vous
présenter les membres de l'exécutif qui sont ici. A mon
extrême droite, M. André Simard; à ma droite
immédiate, Me Jacques Meunier, de Granby; à mon extrême
gauche, Me Benoît Matte; et enfin, au centre gauche, Me Pierre Rousseau,
vice-président.
Tout d'abord, M. le Président, une petite mise au point. Les
membres de la commission ont sans doute remarqué que le mémoire
de la fédération était une présentation globale,
c'est-à-dire que l'on situait dans le contexte de l'ensemble des
problèmes de la profession la présentation du présent
mémoire. Cependant, il n'est pas dans notre intention de prendre cette
commission pour la commission parlementaire permanente de la justice. Alors,
à moins de questions expresses à cet effet, nous entendons nous
limiter évidemment à la discussion du rapport Gauvin.
Deuxièmement, M. le Président, j'aimerais également
remercier l'honorable ministre des Institutions financières d'avoir
remis ce matin, à la disposition des membres de la commission, le
rapport violet je ne sais pas quel nom on va lui donner, qui est ici
qui était un document public, mais qui ne circulait pas
beaucoup.
UNE VOIX: II circulait en privé.
M. CHAPADOS: Un document public qui circulait en privé. Je pense
que ceci va aider, M. le Président, les membres de la commission
à comprendre certaines des recommandations ou des interventions que nous
entendons faire. Je pense que le dépôt de ce rapport, surtout de
l'avoir dans une reliure et dans un format aussi pratique, et de l'avoir remis
ce matin aux membres de la commission, c'est tout en votre honneur.
M. le Président, je pense que l'approche de la
fédération est essentiellement pragmatique. L'honorable
député de Beauce-Sud a parlé tout à l'heure de
débat philosophique, et somme toute, face à la hausse croissante
du coût de l'assurance-automobile, la Fédération des
avocats du Québec suggère implicitement de procéder par
étapes. Qu'est-ce à dire? Elle recommande, premièrement,
l'instauration et l'application d'une véritable politique de
sécurité routière. Si vous vous référez au
livre vert de l'assurance, publié en 1973, il appert et il y a
des mémoires qui ont été déposés à
cet effet devant la commission que ceci entraînerait une
réduction pratique de l'ordre de 18.2 p.c.
Deuxième suggestion pratico-pratique, abolir la subrogation, ce
qui a pour effet comme le mentionne le rapport Gauvin entre
autres pour les organismes d'Etat, d'abaisser le taux de prime de l'ordre de 3
p.c.
Troisièmement: La fédération recommande
également aux législateurs d'adopter une loi rendant l'assurance
obligatoire au Québec. L'on sait très bien que le fonds
d'indemnisation coûte, à tous les automobilistes, de 4.5 p.c.
à 5 p.c. de sa prime, et je pense qu'une telle mesure aurait pour effet
pratique de baisser appréciablement le taux de prime actuellement en
cours.
Enfin, autre mesure pratique, la fédération recommande,
après étude des recommandations du rapport Gauvin, que soit
réparti de façon plus équitable le poids financier qui
doit être supporté par les assurés, et par règle
d'équitabilité, nous recommandons que le poids financier de
l'assurance soit réparti entre les propriétaires et les
conducteurs. Evidemment, en termes absolus, le coût demeure le
même, mais en termes relatifs, quant à l'assuré qui a
à payer une police d'assurance, le coût serait de beaucoup
moindre.
Quant à nos commentaires généraux, ils sont les
suivants: Tout d'abord, je ne veux pas faire de philosophie, mais au niveau
sociologique, le rapport Gauvin le député de Beauce-Sud
l'a
souligné tout à l'heure et plusieurs membres de la
commission l'ont souligné débouche, en fait, sur des
monopoles. Je ne m'étendrai pas sur ce point. Je veux tout simplement
dire que nous vivons à une époque de grands ensembles, et
qu'à cette époque de grands ensembles, il faut se rappeler que le
citoyen, dans bien des cas, est seul. Qu'il soit seul devant un cartel, devant
un trust, devant un monopole ou devant une régie d'Etat, le
résultat est le même. A ce sujet, nous le disons d'ailleurs dans
notre mémoire, à la page 6, à 2.1.4: "La FAQ ne peut
souscrire d'emblée à un tel type de structure lié à
l'exclusion de tout intermédiaire. A ses yeux, toute réforme qui
s'accompagne de bannissement systématique de toute instance organique
constituée risque de déboucher sur des maux pires que ceux que
l'on prétendait vouloir régler". Et à 2.1.5: "Selon la
fédération, n'est humaine que de nom toute société
qui par les structures qu'elle se donne consacre l'immense
solitude des citoyens qui la composent".
Voici pour le niveau sociologique. On y reviendra.
Le niveau économique. Il faudrait, je pense, que les parties
jouent cartes sur table. J'ai assisté depuis quelques jours à la
série de mémoires qui ont été
présentés ici et on a parlé tout à l'heure de
pourcentage je ne veux pas viser spécifiquement le Bureau
d'assurance du Canada mais pour les gens qui étaient dans
l'assistance, on avait vaguement l'impression d'assister à un immense
ballet que j'appellerai la valse des pourcentages et aucune des parties ne
semblait trop intéressée à se risquer au niveau des
chiffres.
Au niveau du rapport Gauvin, je demanderais au gouvernement, en fait, de
jouer cartes sur tables, parce qu'à tort ou à raison, le rapport
Gauvin ne le dit pas, mais les recommandations visant le "direct writing" vont
avoir un effet économique certain vis-à-vis de certaines
compagnies par rapport à d'autres. Il faudrait qu'en la matière
et c'est une recommandation que fait la fédération
le pouvoir étatique, l'Etat joue cartes sur table. Le rapport Gauvin est
silencieux sur le pourquoi de l'établissement du "direct writing". On
parle d'économie, évidemment, d'échelle au niveau des
pourcentages à payer aux courtiers, mais je pense qu'il faut aller un
peu plus loin et considérer qu'il y a une réalité
économique qui se cache derrière tout cela.
Autre commentaire général. Au niveau de la tarification,
à la page 11 de son mémoire, 2.3.4, la fédération
dit ceci: "Niveau tarification , l'intérêt public exige que l'Etat
se donne les moyens d'agir en la matière auprès des compagnies
visées, tâche qui exige plus de courage politique que la simple
exclusion de professionnels de moindre importance économique, mais qui
cependant sont utiles à la population".
Evidemment, je ne veux accuser personne. 2.3.4, réfère, en
fait, à tous les gouvernements antérieurs qui se sont
succédé et si l'Etat, dans le passé, a pu faire preuve
d'une certaine carence quant au contrôle qui aurait dû s'exercer,
je ne veux aucunement en accuser le présent gouvernement, mais il reste
un fait qui est le suivant: C'est que l'on devra songer sérieusement
à des mécanismes pouvant permettre, si le régime
d'entreprise privée est maintenu, à ces entreprises, d'une part,
de subsister et, d'autre part, également à un régime qui
devrait permettre aux assurés de payer, somme toute, des polices dont le
coût ne serait pas, à certains égards, à un moment
ou à un autre, prohibitif.
M. TETLEY: Me Chapados, seulement une intervention. 2.3.4, à la
page 11 de votre mémoire... Vous parlez de l'exclusion de
professionnels, avocats, courtiers. Je sais que vous représentez ici les
avocats du Québec. Mais vous parlez quand même des courtiers. M.
Gauvin ne veut pas exclure et je cite M. Gauvin les courtiers,
mais il veut ouvrir certaines compagnies à "direct writing".
Aujourd'hui, certaines compagnies excluent le "direct writing". C'est tout
simplement une mise au point que je voulais faire parce que ce n'est pas la
première fois que quelqu'un soulève la question.
M. CHAPADOS: Quant à la présence des courtiers en la
matière, c'est un réflexe inconditionné.
M. TETLEY: Parfois, je me demande pour qui... Vous allez envoyer un
compte aujourd'hui aux courtiers.
M. CHAPADOS: Mais je pense qu'il fallait le mentionner parce que c'est
la tendance du rapport Gauvin que d'exclure tous les intermédiaires et
surtout ceux qui font affaires avec la petite population, qui font affaires
avec les gens qui habitent dans les petits centres, dans les petites villes ou
dans les quartiers de grandes villes comme Québec, les quartiers
populaires, ou Montréal, les quartiers populaires.
Alors, systématiquement, je soumets et la
Fédération des avocats soumet que le rapport Gauvin, dans cette
optique, écarte systématiquement ces gens. Fussent-ils utiles
à la société? C'est une autre chose. On y reviendra tout
à l'heure. Mais, comme tendance philosophique, c'est ce que, à
tort ou à raison, je pense qu'il y aura des discordances, mais la
Fédération des avocats y réfléchit.
Niveau étatisation, même chose. La recommandation de la
fédération est très simple. Là comme ailleurs, elle
demande à l'Etat de jouer franc jeu d'autant plus qu'il est dans une
situation privilégiée en la matière, étant
donné les pouvoirs qu'il a, je pense, étant donné que je
m'adresse à un gouvernement qui est extrêmement
démocratique, étant donné l'importance de la question et
aussi, somme toute, en dernière analyse, parce que la population va
avoir à payer la chose. Si jamais ce qui est quand
même une option défendable l'Etat devait décider
d'envahir ce champ, la fédération suggère, comme cela
s'est fait dans certains Etats américains, qu'il y ait
référendum portant conjointement et sur ce sujet et sur
l'abolition de la notion de responsabilité. Ceci dit, nous allons passer
à la deuxième partie, M. le Président, de l'exposé,
c'est-à-dire la notion de faute et tout ce qui s'en suit.
Si l'on se réfère à la page 312 cela ne vaut
pas la peine d'ouvrir le rapport, je vais le mentionner le rapport
Gauvin se réfère à deux notions. En fait, c'est la
dichotomie constante que l'on retrouve dans le rapport: D'une part, le droit
à l'indemnisation découlant de la responsabilité et,
d'autre part c'est l'équation que l'on fait, équation
inégale d'après le rapport, mais, quand même, la
contrepartie, c'est le droit à l'indemnisation. Donc, c'est la
dichotomie, d'une part, l'indemnisation découlant de la notion de
responsabilité et, d'autre part, le droit pur et simple à
l'indemnisation.
Sur ce point, M. le Président, le mémoire que la
fédération a soumis est explicite dans ses grandes lignes. Je
n'ai pas l'intention de le lire. J'aimerais attirer l'attention des membres de
la commission sur 3.1.1. page 11, où nous affirmons que le principe de
la responsabilité est la base de toute société
démocratique. Nous continuons et nous évoquons le passage du
rapport Gauvin où l'on dit que la notion de responsabilité est
une notion désuète, etc. Nous trouvons que c'est un raisonnement
qui est fallacieux et nous pourrions dire la même chose de bien des
représentations qui vous ont été faites. A un moment
donné, nous parlons, dans notre mémoire, de la volte-face qui a
été faite en janvier 1974 par le Bureau d'assurance du Canada sur
le plan de la responsabilité et on a rejeté, en fait, la notion
de faute sous prétexte de la complexité de certains accidents,
etc., difficulté de preuve. Je pense, M. le Président, que c'est
un raisonnement qui est fallacieux. Autant dire, parce que nous vivons dans une
société qui est plus agitée que d'habitude, où il y
a plus de revendications sociales, que nous devons également, dans ce
domaine comme ailleurs, abolir la notion de faute. Vous comprendrez que si
jamais il y a une manifestation devant le Parlement où il y a des actes
de violence et qu'il y a 3,000 personnes, la preuve est quand même assez
difficile à faire. Mais partant de circonstances ou de faits comme
ceux-ci, on essaie d'instaurer somme toute un régime où nous
pensons sérieusement, à un moment ou l'autre, que le citoyen
responsable sera appelé à payer et à supporter de
façon systématique l'incurie de certains.
Là-dessus, j'aimerais également attirer votre attention
sur le fait que le rapport Gauvin, page 325, précise que la population
ne serait pas disposée à accueillir présentement une
réforme obligatoire de responsabilité sans faute. Nous disons: II
y a une raison à cela. Nous le soulignons dans le mémoire.
L'inconscient collectif, le bon sens populaire, attache peut-être plus
d'importance à cette notion, à la notion préventive qui
s'attache à la notion de responsabilité. Nous passons
après au droit de recours.
Quant au droit de recours, M. le Président, nous sommes en
complet désaccord sur le rapport de la commission à ce chapitre.
Disons que j'attendrai les questions de la commission. Il est très
simple d'affirmer. Vous savez, de nos jours, dans une société
moderne, on ne peut plus se référer à la notion floue du
bon père de famille, de l'homme prudent et diligent, etc. On fait table
rase. En contre-partie, ce que l'on offre, j'en parlerai tout à l'heure.
On va offrir une justice de barèmes, une justice de critères, une
justice qui sera arbitraire, que ce soit un régime d'Etat ou un
régime d'entreprise privée, peu importe, je vous le
démontrerai tout à l'heure. Somme toute, tout ça, comme le
dit le rapport, en considérant le fait, à la page 207,
qu'à peu près 1 p.c. des causes se rendent à audition de
jugement, je pense que, si on rétablit les choses dans leur
véritable proportion, à un moment donné, on
s'aperçoit qu'on est parti de cas très particuliers de
généralisation, de mise au rancart de notion floue pour aboutir
à une mise au rancart de la notion de responsabilité.
Quant à la lenteur judiciaire, tout le monde évolue, par
les temps qui courent, M. le Président, et je pense que les membres de
cette honorable commission sont, aussi bien que moi, au courant des efforts
inouïs qui ont été tentés dans le domaine judiciaire
et sont également au courant des résultats qui ont
été obtenus.
Enfin, un autre argument qui a été soulevé par le
rapport Gauvin, la non-indemnisation des victimes. A la page 196, le rapport
Gauvin dit que "en termes de dommages matériels, les gens sont
relativement bien compensés et que, à l'item de dommages
corporels, la sous-indemnisation n'est que de 3.84 p.c. Somme toute, si on
regarde la situation dans son ensemble, il n'y a pas lieu de crier à une
situation apocalyptique, je pense qu'il y a lieu de s'attaquer à la
réalité, de prendre des moyens que nous avons
suggérés tout à l'heure, pratiques, de couper le prix des
primes et je pense qu'on arrivera à des résultats qui seront
extrêmement valables.
A la page 15, la fédération parle également du
maintien du droit de recours et elle insiste sur ce point qui doit porter tant
sur la responsabilité que l'évaluation des quanta et, à
3.2.2, nous disons ceci "Outre les motifs déjà
évoqués à 3.1.5 du présent mémoire, il
ressort que la population entend continuer à se prévaloir de ses
droits devant les tribunaux de droit commun à l'encontre de la justice
administrative que propose le rapport Gauvin". Je reviendrai sur ce point tout
à l'heure, sur ce que nous entendons par justice administrative. Quant
aux implications du droit de recours, j'ai mentionné tout à
l'heure que nous n'étions pas devant la
commission parlementaire permanente de la justice. Enfin, à la
page 19, nous parlons de la description du rôle de l'avocat. A compter du
moment où la notion de responsabilité doit être maintenue,
nous disons que le maintien du droit de recours, sans droit de
représentation, c'est de la foutaise. En fait, c'est établir des
recours qui n'ont de recours que le nom. Parce que l'exercice en est, à
toutes fins pratiques, illusoire. Ceci pour bien faire comprendre ce que c'est
qu'un avocat. Dans le mémoire, nous allons très loin; à
4.2.2, nous disons ceci: "Dans toute société moderne, le simple
citoyen aux prises avec l'appareil administratif ou judiciaire n'a souvent que
la voix de son avocat pour se faire entendre". Je sais qu'il y en a qui vont
trouver ça drôle. Quand même, nous le pensons
profondément. Je pense qu'il s'agit d'être avocat pour le
réaliser. En d'autres mots, l'avocat est en quelque sorte le syndicat ou
l'appareil que se donne le citoyen pour faire valoir ses droits.
Lorsque l'exécutif s'est réuni pour discuter le
mémoire, nous avons longuement discuté à savoir si nous
allions laisser le vocable "syndicat", et nous avons décidé de le
maintenir, parce que nous vivons dans une société où tout
le monde parle contre les syndicats, mais où tout le monde qu'il
s'agisse des médecins, des avocats, les hauts fonctionnaires, nous
sommes ici groupés en association professionnelle est
regroupé en association pour défendre ses
intérêts.
Alors tout le monde je m'excuse de l'expression "gueule contre
les syndicats" mais à peu près tout le monde en a un.
Celui qui n'en a pas, c'est précisément le citoyen qui lui, est
seul devant l'appareil administratif ou l'appareil judiciaire. Cela est
très important à retenir.
Et dans l'autre partie du mémoire...
M. TETLEY: Est-ce que vous voudriez dire que votre syndicat s'occupe de
la population?
M. CHAPADOS: Absolument pas. Nous faisons un parallèle et nous
disons que pour le citoyen, face à l'appareil administratif sur lequel
je vais faire quelques commentaires tout à l'heure, pour le citoyen face
à l'appareil judiciaire, l'avocat, c'est l'appareil qu'il se donne.
C'est le syndicat qu'il se donne pour faire valoir ses droits. Je pense que
l'image vaut d'être retenue.
A l'autre chapitre, M. le Président, nous parlons de
l'utilité pratique de l'avocat dans le domaine de
l'assurance-automobile. Le raisonnement est pas pire, quand même, parce
qu'à l'article 4.3.2, M. Gauvin, à la page 199 de son
mémoire, dit que la menace de poursuite légale qui pèse
sur l'assureur constitue indibutablement la principale raison de
surcompensation. Je vais y revenir tout à l'heure. Surcompensation dans
le régime actuel. Je vais démontrer en quoi le régime
proposé à certains égards propose des
dédommagements qui ne sont pas tout à fait réalistes,
compte tenu de l'évolution des dernières années. 4.3.3,
toujours, par référence au rapport Gauvin, page 199, le
rôle de l'avocat est primordial. Enfin, à l'article 4.3.4, en se
référant à la page 198, nous citons M. Gauvin en disant:
"L'indemnisation des victimes qui procèdent seules est nettement plus
inadéquate que celle des victimes qui ont recours aux services d'un
avocat".
Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a une autre loi qui est
chargée, pour les citoyens défavorisés, d'assurer qu'un
citoyen puisse avoir recours à un avocat. Je ne m'étendrai pas
davantage ici. Non plus à l'autre chapitre: Entraves à l'exercice
de la profession d'avocat en matière de responsabilité
automobile. Cela peut référer à une autre
législation dont votre commission n'est pas chargée de
l'étude.
En fait, c'est la première partie que je viens de couvrir, quand
j'ai référé tout à l'heure à la dichotomie,
la notion de responsabilité, le droit découlant de la notion de
responsabilité, versus le droit d'indemnisation.
Le droit d'indemnisation, c'est un beau droit, cela se dit bien. Cela
peut être aussi, dans certains cas, l'ivresse. Je vais donner des
exemples. Lorsqu'on parle, M. le Président, de l'incapacité
totale temporaire, il faut savoir ce que cela va donner, le régime
proposé.
Premièrement, le rapport introduit un délai de carence qui
représente, en termes si nous commentons tout à l'heure le
rapport de 10 p.c. d'après M. Gauvin, de la portion de la prime
qui va en incapacité totale temporaire. Selon d'autres actuaires, cela
représente plus.
Deuxièmement, la période d'invalidité. Cela aussi,
c'est beau, le rapport. Vous allez avoir droit je n'entre pas dans les
détails à une telle portion de votre salaire durant tant
de temps, etc., et cela va bien aller, jusqu'à concurrence... c'est
beau. Mais il faut savoir comment cela va fonctionner. Que ce soit une
régie d'Etat ou que ce soit une compagnie.
Je vous ai apporté le résumé c'est une
commission gouvernementale qui n'est pas du gouvernement du Québec donc,
cela ne compromet personne où justement, M. le Président,
pour établir des incapacités totales temporaires, on
réfère à des livres de téléphone. C'est un
petit résumé. Voyons un peu ce que cela va dire, par exemple.
Il s'agit d'un volume qui sert au paiement des prestations à la
Commission d'assurance-chômage.
Dans le cas de maladie, la dame ou le monsieur, peu importe, l'avocat
qui se présente à la compagnie qui dit: "Moi, monsieur, j'ai eu
une fracture du crâne" que ce soit la régie, que ce soit un
fonctionnaire ou que ce soit une compagnie, c'est un employé qui va
ouvrir son livre. Fracture du crâne, voici un diagnostic de
fracture du crâne: "Doit être exclusivement restreinte
à la boite crânienne". On ajoute: "La partie qui renferme le
cerveau. La fracture de la mâchoire ou des os faciaux ne doit pas
être incluse dans ce diagnostic; ces fractures sont décrites
ailleurs sur les cartes appropriées." Donc, pas d'enfoncement frontal,
ce n'est pas la place, la fracture du crâne, c'est en arrière. "La
règle: de deux à quatre semaines". Là, on donne des notes
explicatives après. Cela aussi est intéressant. Si jamais cela
vous arrive, vous allez voir ce qui peut vous arriver. Moi, je suis
l'employé de la compagnie, j'espère que la compagnie ne m'en
voudra pas si je suis encore l'employé de la régie... et je
continue, parce qu'il y a une note au bas. Qu'est-ce qu'ils disent? "Les gens
ne meurent pas d'une fracture du crâne sans complication. On ne doit pas
anticiper une période d'incapacité très longue ou
très grave. Dans ce cas, à moins que la fracture ne soit
communitive avec enfoncement ou compliquée; les fractures du crâne
extrêmement graves peuvent parfois entraîner très peu
d'altérations cérébrales". Là, on ajoute une perle.
"Par ailleurs, il n'est pas rare qu'une autopsie révèle que le
cerveau a pratiquement été anéanti sans qu'il y ait eu
fracture du crâne".
Le dernier commentaire quant à cela: "Si, dans un cas de simple
fracture du crâne, sans mention de lésion cérébrale
ou d'hémorragie intracrânienne..." hémorragie, il y
en a de bonnes là-dedans "... le médecin prévoit
beaucoup plus que quatre semaines, on doit immédiatement lui demander
quelles sont les complications qui justifient une période
d'incapacité aussi prolongée". Donc, c'est de deux à
quatre et si cela dépasse cela, un bon rapport médical, parce
que, sans cela, vous n'aurez pas une "toll".
Quand on parle de justice à un moment donné qui va
être d'ordre administratif, que ce soit une régie que ce soit une
compagnie, ce seront des gens ordinaires, sans connaissance médicale,
qui vont ouvrir leur bouquin et qui vont voir ce qui en est. Je vous donne un
autre exemple. Je termine là-dessus, parce que je pourrais vous en
parler longuement, il y en a des vertes et des pas mûres. Il y en a un
autre. Je vois un peu, à en comprendre madame de tout à l'heure
qui se présente...
M. TETLEY: De quel gouvernement avez-vous dit que cela venait?
M. CHAPADOS: Cela n'est pas le gouvernement, c'est la Commission de
l'assurance-chômage.
M. TETLEY: Du Québec?
M. CHAPADOS: Non, de la Commission de l'assurance-chômage.
M. TETLEY: Pardon!
M. CHAPADOS: Je n'ai voulu mettre personne mal à l'aise avec
cela. On ne parle pas de ce qui se passe ici, on parle de ce qui se passe
ailleurs.
M. ROY: Pouvez-vous nous assurer...
M. CHAPADOS: Cela ne met pas en cause le présent
gouvernement.
M. ROY: ... que ce ne sont pas des avocats qui ont rédigé
cela?
M. CHAPADOS: Non, si c'étaient des avocats, il y aurait moins de
termes médicaux. Je suis sûr que... Je ne sais pas qui.
M. BACON: ... des avocats qui...
M. CHAPADOS: Je ne dirai pas que ce sont des fonctionnaires, je vais me
faire des ennemis.
M. BACON: II y a bien des avocats qui font affaires avec des
médecins.
M. CHAPADOS: II y a une autre chose, M. le Président. C'est le
dernier exemple que je cite ici. Cet après-midi, j'en citerai d'autres.
Il y a un autre exemple. Le bonhomme qui est impliqué dans un accident,
cela arrive très souvent qu'il ait une hémorragie
cérébrale. La dame se présente avec sa lettre. Le monsieur
a eu une hémorragie sous-arachnoidienne. Il explique ce qu'est une
hémorragie sous-arachnoidienne. Le monsieur va probablement lui dire:
"Madame, vous êtes chanceuse". Elle a probablement répondu: "Vous
n'avez pas vu mon mari, il est encore inconscient". C'est à cause de ce
qui est écrit ici. "Environ un tiers de toutes les personnes
hospitalisées pour une hémorragie sous-arachnoidienne, soit
naturelle, soit par traumatisme, meurent au cours de la première
attaque". La dame va peut-être répondre: "Vous savez, mon mari, il
est dur de santé". Je suis sûr que le monsieur qui va appliquer la
réglementation va ajouter ceci: "Parmi les survivants, le corps meurt
d'hémorragie sous-arachnoidienne récurante moins d'un an
après la première attaque". Madame, bon courage, on va vous
aider.
Maintenant, ce qu'on veut vous donner, c'est de dix à douze
semaines d'incapacité totale temporaire. Là, attention, il y a
une note en bas. Comme toutes les victimes d'une hémorragie
sous-arachnoidienne doivent être alitées et au repos complet
durant quatre à six semaines, après que l'on croit le saignement
enrayé, on peut compter que très peu de périodes
d'invalidité, dues à une telle hémorragie, dureront au
moins de huit à dix semaines. Cependant, compte tenu du risque
élevé de morts et du taux élevé de
récurrence, nous devons considérer qu'une période
d'invalidité de trois mois n'est pas excessive. C'est cela, c'est de dix
à douze semaines. Qu'il s'agisse, cela est écrit
dans... Est-ce que cela s'applique à un enfant de huit ans,
à un jeune homme plein de vigueur, à une jeune fille pleine
d'espoir? Je ne le sais pas. Est-ce que cela s'applique à un vieillard?
On ne le sait pas non plus. Alors, la justice administrative, la justice de
barème, de critères préétablis va s'appliquer.
Monsieur va se faire dire: Vous, monsieur, vous avez dix à douze
semaines, même si vous avez 25 p.c. des chances de mourir au bout d'un
an.
Quant à la mutilation, M. le Président, on va se
référer à une source qui est simple, on va se
référer au rapport Gauvin. A la page 323, où il dit
à un moment donné: Les personnes qui jugeront ces
indemnités insuffisantes pourront combler leurs besoins en recourant
à une assurance additionnelle offerte par les régimes
supplémentaires. On pourra tout à l'heure à la
période des questions, évidemment, dire ce qu'on pense des sommes
qui sont prévues pour souffrances, douleurs, pertes de jouissance de la
vie, compte tenu des jugements récents et compte tenu de
l'évolution de la société dans laquelle on vit.
Il s'infère de ce paragraphe qu'on va donner quelque chose de
juste, c'est bien sûr. C'est juste, il ne faut pas aller plus loin. C'est
juste si c'est juste, comme dit mon confrère de gauche. D'ailleurs sur
ce plan, le rapport Gauvin ne fait pas une recommandation qui est de nature
à alarmer l'industrie de l'assurance. Il dit, toujours à la page
323: L'existence de cette table, l'indemnité ne pourra en aucun cas
excéder $10,000. Cela ne règle aucun cas de $10,000. L'existence
de cette table n'est pas nouvelle. Elle existe déjà dans
plusieurs régimes privés, dans certains régimes publics.
L'innovation dans la suggestion du comité porte sur le montant de base
du calcul. Le calcul est tellement bon que je vais me permettre de citer un
extrait de mémoire qui est devant vous, celui de Allstate, à la
page 3. Là aussi, on a vu que c'était "pas pire", le rapport au
niveau de la mutilation. On dit ceci: "Nous sommes d'accord avec le
comité Gauvin quant aux abus possibles dans le cadre du régime de
la faute. Ces abus proviennent principalement du versement, en plus des pertes
économiques, d'indemnités élevées pour souffrances
et douleurs non nécessaires pour les blessures bénignes.
Blessures bénignes, vous allez voir tout à l'heure ce que sont
des blessures graves. Ces indemnités pour souffrances...
M. TETLEY: Je me demande si ce serait juste pour Allstate, qui n'est pas
ici de...
M. CHAPADOS: C'est devant la commission...
M. TETLEY: Peut-être. Je ne veux pas imposer le bâillon,
mais je soulève le point. Vous êtes avocat, je suis avocat, nous
sommas tous démocrates. Allstate n'est pas ici. Allstate n'est pas
représentée. Mais quand même, continuez, sous
réserve, comme dit le juge...
M. CHAPADOS: M. le Président, j'aimerais...
M. TETLEY: Je n'ai pas cette ambition, mais sous réserve.
M. CHAPADOS: M. le Président, je connais la haute conscience du
ministre des Institutions financières. Il m'en reste un peu en tant
qu'avocat, moi aussi. Je n'aurais pas cité cela si ce n'était pas
un document public qui est devant une commission. Je pense qu'à ce
moment la compagnie en cause va pouvoir très bien venir rectifier mes
erreurs. Ce qu'il est important d'obtenir...
M. TETLEY: Ce n'est pas de défendre Allstate ou votre association
ou AutoBAC, ou n'importe qui, c'est de trouver des solutions, la meilleure
solution. Parfois, lorsqu'on enfreint certaines règles, cela cause un
problème. Continuez.
M. CHAPADOS: Non, mais c'est parce que cela éclaire sur justement
ce que recommande le rapport à ce niveau. Je ne sais pas où
j'étais rendu... Ah oui! pour les blessures bénignes. On va
parler des blessures graves. Ces indemnités pour souffrances et douleurs
sont en quelque sorte des réclamations ennuyeuses.
Pour éviter la possibilité de poursuites longues et
onéreuses, la compagnie d'assurance verse des indemnités plus
élevées que le réclamant ne le mérite. A toutes
fins pratiques, je me réfère au rapport Gauvin là-dessus;
sur ce plan, la recommandation qui est inscrite va régler le
problème.
Nous suggérons à la commission parlementaire que la
solution pour éviter des versements élevés
d'indemnités non nécessaires dans le cas de blessures
bénignes on va arriver aux autres tout à l'heure
serait d'amender la loi sur les droits de recours et de poursuite, afin que
nulle indemnité pour souffrances et douleurs ne soit faite à
moins qu'il soit clairement défini que le seuil des souffrances et
douleurs est dépassé. Quel est ce seuil des douleurs? Bonne
question. Je continue. Ce seuil serait toujours dépassé dans le
cas de certaines blessures, clairement définies, subies par une
personne, comme par exemple: la défiguration, la mutilation ou la mort,
pour un montant précisé de frais médicaux encourus pour la
personne blessée, par exemple: $500.
Alors, je n'en dis pas plus long. Je referme cela, mais quand
même, je souligne qu'à ce niveau, les recommandations du rapport,
encore une fois, c'est une justice de critères, de barème, entre
parenthèses, un petit peu à la bonne franquette.
Il y a également un autre point, M. le Président,
où la population va être littéralement
désavantagée, et c'est lorsque, dans le rapport il
faut que je trouve le rapport à la page 323 il y a des
pères de famille ici on parle d'indemnités pour
décès d'un enfant. De 0 à 12, c'est $500. Si vous avez des
enfants entre zéro et douze ans, $500. Je vous mentionne au passage un
jugement récent de la cour d'Appel en 1970, Ouimet vs Langevin, pour une
jeune fille de cinq ans, a accordé près de $9,000, soit $8,246 au
père et à la mère, contre $500 que demande le rapport
Gauvin.
Evidemment, je comprends le rapport Gauvin. Quand on fait l'étude
des indemnités, on commence en 1946. On se réfère à
une cause qui date de 1946, cause de la cour d'Appel. Cela veut dire que la
cause a débuté sous le régime Godbout. Il faut quand
même se placer un peu. En 1946... Oui, c'était Duplessis, mais
comme c'était Duplessis, mais comme c'était en cour d'Appel en
1946, cela a dû débuter sous le régime Godbout en cour
Supérieure.
M. TETLEY: C'était peut-être dans le temps de Taschereau,
lorsqu'on...
M. CHAPADOS: On ne remontera pas jusqu'à Sir Lomer Gouin.
Treize ans, $600; quatorze ans, $700; quinze ans, $800. Il y a d'autres
causes, M. le Président. Uxor vs Boisclerc, pour une jeune fille de
trois ans et demi (1973, cour d'Appel) le père et la mère ont eu
un total de $6,000, contre $500 proposé par le rapport Gauvin.
Dans une autre cause, Barbeau vs Fortin, pour un garçon de 17
ans, (1971, cour Supérieure, no 447) ce que propose le rapport, 17 ans,
$1,000. Encore là, il y a eu une indemnité de versée au
père et à la mère de près de $16,000. Pour un jeune
homme de 17 ans, le père et la mère ont reçu près
de $16,000. Le rapport Gauvin suggère $1,000.
Alors, il va peut-être y avoir un petit peu de justice pour tout
le monde, mais il n'y en aura pas beaucoup, entre autres, à ces
niveaux.
La conclusion, M. le Président? J'essaie de relever le
défi que m'a lancé tout à l'heure M. le ministre: Etre le
plus court possible.
La conclusion...
M. TETLEY: Vous n'avez pas réussi, mais c'est bien quand
même. Ce n'est pas notre intention d'imposer le bâillon ici.
M. CHAPADOS: M. le Président, disons qu'à l'article
"conclusion", je vais me référer au rapport qui a
été distribué ce matin par le ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives. Ce rapport particulier
parce qu'on parlera du rapport général et du rapport
particulier, cela se complète soulève un paquet de points
d'interrogation.
A la page 1: "L'élimination de la notion de la faute et du
recours envers le tiers implique des changements fondamentaux dans l'indemnisa-
tion des pertes de victimes. Ces modifications affectent les critères
d'admissibilité à l'indemnisation puisque le nouveau
régime relie cette dernière à la perte économique
des victimes. Il nous est toutefois impossible d'identifier l'impact de chacun
des changements sur le coût, quoique cette recherche ait pu susciter
beaucoup d'intérêt". Première inconnue.
A la page 9, on reprend ce qu'on dit dans le rapport à propos de
ce qui est proposé aux souffrances, douleurs, pertes et jouissance de la
vie. On invite les gens, qui trouveront les dédommagements insuffisants,
d'avoir recours à une assurance additionnelle. En d'autres mots, les
gens qui ont les moyens l'auront et ceux qui n'ont pas les moyens ne l'auront
pas. Autre inconnue.
A la page 14 du rapport particulier, paragraphe 2: "La présente
évaluation ne vise pas à déterminer les taux qui devront
être utilisés. Mesurer précisément l'impact des
changements mentionnés sur le coût ne sera possible qu'à la
lumière de l'expérience de quelques années". Donc,
attendons pour voir. On continue: "Toute estimation préalable exige de
nombreuses hypothèses, une bonne part de jugement et est assujettie
à une marge d'erreur". Est-ce qu'on peut vraiment se lancer... C'est une
autre inconnue et M. Gauvin ajoute: "Par contre, ce manque de certitude ne doit
pas empêcher l'adoption des réformes qui s'imposent".
Là-dessus, nous ne sommes pas d'accord avec lui. Et nous allons
continuer. Il y a encore quelques extraits qui valent la peine d'être
cités.
A la page 20. Une autre inconnue du régime. Le dernier
paragraphe: "II faut signaler que durant la période couverte par
l'enquête, le régime d'assurance-maladie du Québec n'avait
pas encore été établi". Cela aussi est une inconnue parce
que si on se réfère à la page 16 du document, il arrive
ceci: Les frais médicaux et l'assurance-hospitalisation
représentent 29.1 p.c. du coût qui est versé au niveau des
blessures corporelles. 29.1 p.c. Sur ces 29.1 p.c, il y a une
répartition qui doit se faire: 10.1 p.c. des frais médicaux, mais
je me demande si cela a été établi pour la période
couverte... Je me demande sur quels chiffres s'est basé M. Gauvin, parce
qu'il n'y avait pas de régime d'assurance-maladie. Il n'y avait que des
régimes privés. On a dû nécessairement se
référer ailleurs, à des provinces, à des
expériences qui ont été faites ailleurs, en d'autres
circonstances de temps et de lieu.
Alors, il n'est pas sûr que le pourcentage qui apparaît
là soit exact. Cela pourra peut-être coûter beaucoup plus
cher et beaucoup moins cher. C'est une autre inconnue aussi.
A la page 28, deuxième partie du paragraphe 2, au niveau de
l'incapacité totale temporaire, on dit ceci: "En effet, sous le
régime actuel, il est peu probable que ceux-ci puissent être
indemnisés pour leur incapacité temporaire". D'accord, je
concède ce point. "Par conséquent, il est normal que le taux de
non-déclaration de la perte soit très élevé".
Alors, ce que prévoit le rapport, c'est qu'il doit y avoir un
taux de déclaration de perte, de non-déclaration très
élevée, surtout quand cette perte n'est pas associée
à une perte d'un autre type tel que l'hospitalisation. En somme, il est
fort possible que soit sous-évaluée la proportion des victimes
ayant subi une incapacité temporaire parmi les groupes autres que les
travailleurs. C'est très important, parce que si vous vous
référez toujours à la page 16 de ce même document,
traduit pour l'année 1969, aux réformes proposées en
termes de pourcentage du taux actuel, l'incapacité temporaire est de
26.4 p.c, et cela aussi, c'est une grosse inconnue. On admet qu'il y a
probablement un paquet de personnes où il y a un taux de
non-déclaration très élevé. Alors, qu'est-ce que
cela va coûter? Cela aussi, c'est une autre inconnue.
A la page 34, on souligne encore le délai de carence, on y dit
que le délai de carence entraînerait une diminution de 10 p.c. des
indemnités versées pour incapacité totale temporaire.
Donc, 10 p.c. de 29 p.c, mais encore là, je ne suis pas actuaire, j'en
ai parlé, les avis divergent. Apparemment, cela pourrait être plus
élevé. Enfin, page 37, M. le Président, c'est une autre
inconnue assez considérable quant à nous, les deux derniers
paragraphes sont les suivants: Notre échantillon comporte neuf cas
d'incapacité permanente, neuf cas dont le pourcentage
d'invalidité est de 100 p.c, deux victimes où il est de 50 p.c.
à 99 p.c, et 46 victimes pour qui il varie de 10 p.c. à 49 p.c.
Selon nos hypothèses, ces 57 victimes équivalent à 18.5
cas d'invalidité permanente totale du point de vue de
l'évaluation. Voici ce qu'on ajoute et c'est ce qui est important:
Compte tenu du petit nombre de victimes concernées et de l'importance
des sommes qui leur sont versées, les résultats obtenus pour
invalidité permanente prêtent une forte marge d'erreurs. Encore
là, qu'est-ce que cela va coûter? Je vous réfère
à la page 16 où l'invalidité permanente que recommande le
rapport Gauvin, appliquée à 1969, représenterait 25.8 p.c.
du régime actuel. Alors, cela fait pas mal de marge d'erreurs, cela fait
pas mal d'inconnues, et je me demande sérieusement si on doit se lancer
à l'aveuglette dans une aventure aussi considérable alors que le
gouvernement a le choix. Il a le choix de procéder par étapes. Il
a le choix de procéder et je conclus là-dessus par
les mesures pratiques que nous avons citées tout à l'heure, qui
pourraient assurer des réductions de coûts. Quand on parle de
sécurité routière, je ne veux pas faire le procès
du gouvernement et la fédération ne veut pas faire le
procès du gouvernement, c'est toute la société
québécoise qui est en cause. Quand on vient des Etats-Unis, quand
on vient de l'Ontario et qu'on traverse, on arrive chez nous, et on voit qu'on
arrive chez nous, cela accélère de tout bord et de tout
côtés, et probablement chez ceux qui sont à la table ici.
Je veux dire que c'est une question qui met en cause, d'une part, le
gouvernement, mais aussi l'autodiscipline de l'ensemble des
Québécois.
En rapport avec la sécurité routière, l'ancien
président de l'Association des courtiers, dans une allocution qu'il
avait prononcée, se référant à l'année 1969,
dit ceci:
Fréquence des sinistres: Québec, 12 par 100
véhicules, Ontario, 8.7 par 100 véhicules. Effectifs policiers:
Québec, 10,228, soit 31.1 p.c. du Canada; Ontario, 11,643, soit 32.3
p.c. du Canada. Policiers par 1,000 personnes: au Québec, 1.7, en
Ontario, 1.6; policiers par 1,000 véhicules: Québec, 7.1,
Ontario, 4.8. Vous voulez savoir ce que ça donne? Infractions au code de
la route, par cent véhicules: Québec 59, Ontario 80.
Contraventions pour délits sérieux: Québec, 26,000,
Ontario, 67,500.
M. le Président, ceci étant dit, je pense qu'il y aura
quelques questions qui seront posées cet après-midi, du moins je
m'en attends. Disons que, somme toute, ce que recommande la
fédération, c'est que le gouvernement procède par
étapes, maintienne la notion de responsabilité, rejette la
proposition du rapport Gauvin à l'effet d'écarter les
intermédiaires, les avocats, etc. Bref, c'est une mise au rancart qui va
desservir la population et impose l'assurance obligatoire. Somme toute, si on
procède de cette façon, par étapes, je pense que le
citoyen, au bout comme l'a démontré le rapport Gauvin
pourra se prévaloir et bénéficier des services d'un
représentant parce qu'on est en train, que ce soit la régie de
l'Etat, que ce soient les compagnies tout à l'heure, le
député de Beauce le mentionnait un trust ou une
régie d'Etat, c'est du pareil au même. C'est le citoyen qui est
seul devant une grosse patente où il ne se retrouve plus. Il y a une
justice de normes et, au lieu de ça, nous recommandons que le
gouvernement, suite à la parution du rapport Gauvin, applique une
politique réaliste pour couper réellement les coûts,
applique une politique humaine pour ne pas consacrer l'immense solitude des
citoyens de notre société et reconnaisse la
nécessité sociale de l'avocat et la nécessité
sociale de tous les autres intermédiaires, et fasse les coupures
là où elles s'imposent vraiment. J'ai donné des exemples
tout à l'heure. Ceci étant dit, j'ai terminé. Je pense que
le ministre va avoir une foule de questions et j'invite les membres de la
commission à poser des questions cet après-midi parce
qu'il est une heure moins cinq à l'ensemble des membres de
l'exécutif. Je vous remercie, messieurs, de votre bienveillante
attention.
M. TETLEY: Merci, cher confrère. Me Cha-pados, j'ai certainement
des questions. J'ai une mise au point à faire. A la page 332 du rapport
Gauvin, dans la section où on parle du coût du régime
proposé, il y a une déclaration. Tous les détails du
processus de calcul ainsi que le modèle mentionné à la
page précédente, sont reproduits dans un document publié
et distinct du présent rapport; "foot note", un renvoi:
documents disponibles auprès du ministère des Insitutions
financières, Compagnies et Coopératives, pour noter tout
simplement que des centaines de personnes ont lu ça et ont
demandé la documentation. Cette documentation est ici et je note que
vous l'avez lue avec intérêt. Je vais poser mes questions cet
après-midi, surtout sur le fait que vous n'avez pas parlé des
autres régimes de "no fault" ailleurs, que nous avons déjà
une police d'assurance couvrant trois chapitres, le A, le B et le C, et le B
est déjà "no fault". De plus, l'AutoBAC a recommandé
l'élargissement du B, le B touche les frais médicaux, la mort, la
mutilation, blessures, à la famille et la non-assurance des tiers, etc.,
des choses dont vous avez parlé et dont je vais vous parler. Je vous
donne avis de mes questions parce que je crois que mon rôle est celui
d'avocat du diable et je vais poser des questions de cet ordre cet
après-midi.
M. CHAPADOS: M. le Président, je veux d'ailleurs féliciter
le ministre à propos du document. Je l'ai remercié bien
sincèrement de l'avoir mis à la disposition des membres de la
commission. En fait, somme toute, je ne voudrais pas faire une comparaison qui
choquerait les honorables députés qui sont ici, mais disons que
les membres de l'exécutif de la fédération se trouvaient
officiellement dans la même position qu'eux.
M.TETLEY: Ah!
M. CHAPADOS: Bien qu'officiellement, c'est pourquoi j'ai ajouté
que le document, nous avons réussi à l'obtenir, mais...
M. TETLEY: Vous n'avez pas lu tous les mots du rapport Gauvin,
peut-être?
M. CHAPADOS: Pardon?
M. TETLEY: Vous n'avez pas tout lu le rapport Gauvin?
M. CHAPADOS: Oui, j'ai lu le rapport Gauvin, mais je parle de l'annexe,
M. le Président.
M. TETLEY: Oui, mais l'annexe était mentionnée dans le
rapport Gauvin, pour les intéressés. Regardez à la page
338.
M. CHAPADOS: Oui, je le sais, M. le Président, mais disons que
cela s'est accompagné d'une série de démarches qui ont
été assez longues et on a réussi à l'obtenir. En
fait, somme toute, je ne veux pas en faire une question plus importante qu'elle
ne l'est, mais c'est qu'en fait, ce matin, on vient de la recevoir en
commission parlementaire aussi. C'était public, mais cela circulait sous
le manteau un peu.
M. TETLEY: Pas du tout. Ce fut envoyé gratuitement à des
centaines de personnes...
M. CHAPADOS: Alors la poste est lente, je ne l'ai pas reçu.
M. TETLEY: ... qui étaient intéressées.
LE PRESIDENT (M. Brisson): La commission suspend ses travaux à
trois heures cet après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 55)
Reprise de la séance à 15 h 6
M. BRISSON (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs! Nous allons commencer la séance.
Me Chapados, s'il vous plaît!
M. ROY: M. le Président, j'aurais une question à poser au
ministre.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Si vous voulez, on va ramener l'ordre dans la
salle et après vous commencerez à poser vos questions.
La parole est au député de Beauce-Sud.
M. ROY: Ma question s'adresse au ministre. Je remarque que le
mémoire de la Fédération des avocats porte le
numéro 20. J'ai examiné la liste et les avis de convocation des
séances de la commission et je note qu'il n'y a que dix organismes qui
ont été convoqués jusqu'ici, du moins qui nous ont fait
parvenir des avis. C'est donc dire qu'il y aurait au moins dix autres
organismes susceptibles d'être convoqués, des organismes qui ont
fait parvenir des mémoires. Or, première question: J'aimerais
savoir du ministre si ces organismes seront convoqués prochainement:
Deuxième question: Quand le ministre compte-t-il nous faire parvenir une
copie de ces mémoires? Troisième question: Est-ce qu'on pourrait
nous donner la liste des autres organismes qui doivent venir devant la
commission parlementaire?
Je pense que ce serait important qu'on le sache à ce moment-ci.
Si je pose la question au début de nos travaux, c'est que, s'ils ont des
documents à nous faire parvenir, on puisse les avoir avant la
clôture de ce soir, parce que c'est la dernière séance de
cette semaine.
M. TETLEY: Je crois que les questions du député de
Beauce-Sud sont pertinentes. D'abord, nous allons siéger la semaine
prochaine de jour, mardi et mercredi, et je crois que le secrétaire a
donné avis. Deuxième question, je crois qu'il y a dix à
quinze autres groupements qui veulent venir. C'est clair qu'il est impossible
de passer tous ces mémoires la semaine prochaine. J'attends certains
autres mémoires et certains groupements ne sont pas prêts à
venir. Par exemple, l'ACEF vient de me téléphoner, elle veut
déposer un mémoire. La CSN et le Barreau veulent passer les
derniers. Apparemment, ils ne sont pas prêts pour la semaine prochaine.
Donc, il faut que nous nous voyions tous ensemble, le leader parlementaire et
les leaders des autres partis, afin de fixer des dates qui conviennent.
Pour ma part, je veux que tous ces mémoires passent aussi vite
que possible, mais pas plus vite qu'on peut les digérer, parce qu'il y a
de la matière, dans tout mémoire.
Troisième question, je crois que j'ai répondu.
Pardon, la troisième question était: Avez-vous une liste
des mémoires, etc. et pouvez-vous les distribuer? Je crois que c'est
votre devoir de les lire et votre responsabilité. Certainement, le
secrétaire doit donner aux membres des commissions les mémoires
que vous avez. Peut-être que vous pouvez les livrer au bureau ou
peut-être les donner ce soir, avant que les députés
partent, et aussi la liste. Je sais que la liste n'est pas complète, par
exemple, Lloyds of London, de Londres, Angleterre, a un mémoire aussi
qu'on n'a pas reçu. Je crois que nous avons reçu, par exemple, le
mémoire de M. Chapados très récemment, hier ou
avant-hier.
M. CHAPADOS: Non, avant cela, M. le ministre.
M. TETLEY: Avant?
M. CHAPADOS: C'est récemment, mais ce n'est pas aussi frais que
cela.
M. TETLEY: Non, je ne vous blâme pas. Mais il y a certains
mémoires qu'on n'a pas reçus encore.
M. ROY: Est-ce que le ministre a l'intention de déterminer une
date limite pour permettre aux organismes de faire connaître, avant
ladite date, leur intention de présenter un mémoire et de venir
devant la commission parlementaire pour se faire entendre? Je remarque que, si
on se réfère à nos habitudes, lors de nos travaux en
commission, il y a toujours une date qui est fixée. Le public et les
organismes en sont avisés par la voie des journaux. On sait un peu
où on va. Jusqu'à maintenant et c'est un autre point de la
question combien d'organismes vont revenir devant la commission
parlementaire? Quels sont ces organismes? Quelle est la stratégie qui va
être employée de façon à faire siéger un
organisme en premier lieu plutôt qu'un autre? Ce sont toutes des
questions que nous avons le droit de nous poser à ce moment. C'est
pourquoi j'aimerais que le ministre prenne note de toutes ces questions et
qu'avant l'ajournement de ce soir, nous puissions savoir où nous allons
de ce côté.
Je pense que c'est aussi important pour tous les organismes qui,
jusqu'à maintenant sont venus devant la commission parlementaire. Il y a
quand même un risque, je pense, que si la commission parlementaire
siège et qu'il n'y a pas de date limite de fixée, cela veut dire
qu'il peut y avoir d'autres organismes qui attendent à la
dernière minute pour débâtir ou démolir le
mémoire des autres. A ce moment, certains organismes peuvent être
préjudiciés. Je ne fais allusion à aucun organisme en
particulier, en ce moment.
M. TETLEY: Avez-vous une date limite à suggérer, parce
qu'il y a une date limite légale
qui est passée? C'était en août? C'est passé.
C'était en août, mais je ne voulais pas dire au Barreau, à
Me Chapados, à Lloyds, à l'ACEF et à la CSN: Bon, just too
bad! Donc...
M. ROY (Beauce-Sud): Le ministre me demande si j'ai une date à
fixer. Ce n'est pas à moi à fixer la date. Je n'ai pas
l'intention de fixer une date non plus. Je vous demandais et c'est votre
responsabilité si vous en aviez fixé une et si vous n'en
aviez pas fixé, ce sera quand?
M. TETLEY: Je n'ai pas fixé de date. La date a été
publiée dans la Gazette officielle. Lorsque j'ai soulevé la
question en Chambre, en réponse à vos questions, les gens sont
très humains, la publicité qui a entouré notre commission
a suscité d'autres interventions. Peut-être qu'on peut dire que si
on n'a pas reçu d'avis d'intention de venir le 22 ou le 23 octobre, la
commission n'est pas prête à accepter d'autres mémoires?
C'est une suggestion.
Le député de Saguenay a même mentionné un
regroupement de son comté, je crois, qui voulait venir. Ce n'est pas
vous?
M. LESSARD: Non, c'est probablement mon collègue...
M. TETLEY: C'est peut-être votre collègue, le
député de Lafontaine, hier, ou peut-être le
député de Beauce-Sud. En tout cas, il y a un autre groupement qui
voulait venir apparemment. On peut peut-être stipuler maintenant que si
une personne n'a pas avisé par écrit le secrétaire des
commissions, le ou avant le 23 octobre, de son intention de venir, nous
considérons donc qu'elle ne peut pas venir.
M. ROY (Beauce-Sud): Ce serait quand même une décision qui
m'apparaît, en premier lieu, raisonnable, compte tenu du fait qu'il y a
eu suffisamment de publicité autour du rapport Gauvin et de nos travaux
parlementaires, pour permettre aux organismes qui le désirent de venir
devant la commission, parce qu'il y aura des suites. La commission devra
également se réunir et faire des recommandations.
Il ne faut pas oublier que les travaux de l'Assemblée nationale
doivent reprendre le 29 octobre et il se peut que l'Opposition croie
nécessaire de rappeler au ministre et au gouvernement l'obligation
d'agir dans les meilleurs délais.
Or, s'il n'y a pas eu de délai de fixé et s'il y a encore
des séances à venir, il est évident qu'on peut prolonger
indéfiniment, pendant des périodes indues, les travaux de la
commission, et de ce fait, retarder des décisions gouvernementales,
voire même des décisions législatives qui
s'imposeraient.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Alors, c'est réglé?
M. MERCIER: Je m'excuse. J'étais en arrière de la salle et
j'ai compris à moitié les interventions du député
de Beauce-Sud et les commentaires du ministre. Dois-je comprendre que la
commission va accepter le dépôt d'autres mémoires...
M. TETLEY: Jusqu'au 23 octobre. M. MERCIER: ... jusqu'au 23 octobre?
LE PRESIDENT (M. Brisson): A la condition qu'ils nous en aient
avisés par écrit.
M. MERCIER: ... la possibilité d'accepter et voir s'il est encore
temps ou trop tard pour le dépôt.
M. TETLEY: Est-ce vous qui m'avez parlé? Pardon! Mais il y a un
autre organisme de votre comté...?
M. MERCIER: Pas de mon comté, mais d'une région de la
province qui m'a appelé à ce sujet.
M. TETLEY: Jusqu'au 23 octobre. Je crois que c'est assez... Parce que la
question est importante.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives pour des questions sur le
mémoire de la Fédération des avocats du Québec.
M. TETLEY: Me Chapados, à la page 7 et à la page 8 de
votre mémoire, les paragraphes 2.24. et 2.25., vous affirmez que
l'application intégrale d'une politique de sécurité
routière aurait pour effet de se traduire par une baisse possible des
taux de prime de l'ordre de 15 p.c. à 20 p.c. Sur quoi vous basez-vous
pour faire une telle affirmation?
M. CHAPADOS: C'est une affirmation qui est tirée du...
M. TETLEY: Je suis content de l'affirmation, mais...
M. CHAPADOS: Oui.
M. TETLEY: ... j'aimerais...
M. CHAPADOS: Je vais vous dire d'où elle provient. Elle provient
de l'étude des données du livre vert qui a été
publié en 1973.
M. TETLEY: Oui. Le livre vert est une brique.
M. CHAPADOS: C'est une brique. Alors, j'indique la provenance et il y a
un organisme qui comparaîtra devant la commission et qui établira
ce point.
M. TETLEY: Les actuaires, je présume?
M. CHAPADOS: II y aura des actuaires là-dedans, mais...
M. TETLEY: II y aura deux groupes d'actuaires qui vont venir. Parfait.
Merci. A la page 12 de votre mémoire, au paragraphe 3.1.4,
d'après vous, le bon sens populaire attache, à la notion de
responsabilité, un caractère préventif.
Par contre, vous affirmez, à la page 10, paragraphe 2.3.3, que
l'assurance obligatoire: "en appelle nécessairement au sens des
responsabilités de tout propriétaire de véhicule
automobile". Croyez-vous vraiment, Me Chapados, que l'assurance étant
obligatoire, l'abandon de la responsabilité avec faute est de nature
à faire augmenter les accidents?
M. CHAPADOS: Absolument pas, M. le Président. Je pense qu'en ce
qui a trait à 3.1.4 et 3.1.5, le rapport Gauvin le souligne à
plusieurs reprises dans son mémoire, la population ne serait pas
prête, d'une part, à ce moment-ci, à faire un tel saut dans
l'inconnu, comme je le mentionnais en fin de présentation de
mémoire ce matin. D'autre part, il n'en reste pas moins que, si la
grande majorité des gens qui forment une société assument
leurs responsabilités, il y a toujours ce petit pourcentage qui ne le
fait pas. Nous soumettons en toute déférence et sans viser
le présent gouvernement nécessairement, mais si
nécessaire, comme les autres gouvernements qui ont
précédé qu'au niveau de l'assurance obligatoire, il
y a une intervention législative qui aurait dû se faire depuis
longtemps et qui ne s'est pas faite.
Exemple, lorsqu'on a voté la Loi du fonds d'indemnisation, le
législateur a préféré, dans sa sagesse, stipuler
que, lorsqu'une personne est impliquée dans un accident, elle doit alors
être assurée. Il eût été beaucoup plus simple,
à mon sens, de dire: L'assurance est obligatoire, au lieu d'attendre
qu'une personne soit impliquée dans un accident. Il y a quand même
un pourcentage assez élevé de véhicules qui circulent sans
être assurés et le rapport Gauvin révèle que 14.9
p.c. des véhicules impliqués dans des accidents n'étaient
pas assurés. Nous soumettons que, pour cette petite partie de la
population, le législateur doit assumer ses responsabilités,
même si, somme toute, ce n'est pas nécessairement
électoralement rentable. Il n'y a aucun gouvernement qui ne l'a fait
jusqu'à maintenant.
Je dis que, puisque le rapport Gauvin se fonde sur la protection de
l'intérêt public, c'est la société
québécoise, par l'intermédiaire de vous, messieurs, qui
doit établir qu'en matière d'assurance, elle doit être
obligatoire. Cette suggestion, nous l'avons faite dans notre mémoire et
nous l'avons assortie d'un commentaire. C'est qu'il y aurait également
lieu de relever le montant d'indemnisation obligatoire de $35,000 à un
minimum de $50,000.
M. TETLEY: II y a, M. Chapados, un droit d'appel proposé par le
comité Gauvin. Lorsque le citoyen n'est pas content de la
décision de sa compagnie d'assurance, il peut aller en appel.
Ne croyez-vous pas que l'existence de ce droit d'appel est de nature
à sauvegarder les privilèges des victimes et empêcher qu'on
se dirige vers ce que vous appeliez "l'exclusion systématique de tout
intermédiaire"? Page 5 de votre mémoire, paragraphe 2.1.2.
M. CHAPADOS: Votre question a deux volets. Nous soumettons que le
citoyen, quel que soit le régime en place, qui a un droit de recours
quelconque à exercer, si ce droit n'est pas assisté de
modalités bien précises quant au droit d'être
représenté, c'est un droit de recours qui n'a de recours que le
nom. A toutes fins pratiques, le citoyen se retrouve seul devant un appareil
gigantesque, qu'il s'agisse d'une compagnie ou de l'Etat, peu importe. C'est du
pareil au même. A ce moment-là, il doit être
représenté et c'est là que l'avocat trouve sa
nécessité et sa fonction sociale.
Ceci étant dit, M. le Président, je passe au second volet
de la question de l'honorable ministre pour préciser ceci. Ce que
propose le rapport Gauvin, on parle de recours et on en parle de façon
générique. Je référais les membres de cette
commission à d'autres commissions administratives où existent de
semblables droits de recours. Ce qui n'empêche pas la
fédération de penser que ce qui, selon elle, offre le plus de
garantie à la population, ce sont des recours quant à la
responsabilité et quant au quantum des dommages devant les tribunaux de
droit commun. Il n'y a qu'à se référer à la
jurisprudence depuis 1968/69 pour réaliser jusqu'à quel point les
tribunaux de droit commun ont tenu compte du phénomène
inflationniste et de l'évolution de notre société, d'une
part.
D'autre part, je disais tout à l'heure que les tribunaux
administratifs d'appel de révision existent et ils existent partout. Ils
existent, ici je me réfère à la Commission des accidents
du travail. Que voulez-vous, ce sont des tribunaux qui siègent en vertu
de critères administratifs et qui, nous le soumettons en toute
déférence n'ont pas en fait la latitude requise pour assumer
vraiment leurs responsabilités. Avec le résultat que,
dernièrement, il y a eu une commission formée et on est à
repenser l'ensemble de la question des indemnisations. C'est le même
problème, les tribunaux administratifs sont obligatoirement
enfermés dans un ensemble de critères, d'organigrammes, de
législation déléguée, etc.
J'ai cité des exemples ce matin, je pense, pratico-pratiques, au
niveau de l'incapacité totale temporaire, et avec le résultat
qu'à un moment donné, ils n'assument pas leur rôle comme
ils devraient.
Et si on fait une comparaison avec les tribunaux de droit commun, nous
soumettons, en toute déférence, que les tribunaux de droit
commun, eux, à cause de l'autonomie qu'ils ont et également
à cause de la généralité des critères
auxquels ils se réfèrent en appliquant la loi, sont dans
une meilleure posture pour faire en sorte que les indemnisations à
être versées à la population suivent vraiment
l'évolution de notre temps.
M. TETLEY: Ce n'est pas mon intention d'ouvrir un débat. Je veux
vous donner l'occasion de répondre à cette question. Vous n'avez
pas parlé, dans votre mémoire, ni dans votre présentation,
du régime d'indemnisation sans égard à la
responsabilité dans d'autres juridictions. Avez-vous des commentaires du
succès publiés dans les journaux ou autrement de
ces régimes?
M. CHAPADOS: Le commentaire que nous avons à formuler est le
commentaire suivant. La situation actuelle veut qu'au niveau législatif,
nous vivions actuellement sous le régime de la responsabilité. En
contrepartie, nous vivons également dans un pays libre et
démocratique et qui permet la liberté de contracter. Ce qui fait
qu'au moment où je vous parle, il y a une cohabitation pratique entre,
d'une part, la notion de responsabilité et, d'autre part, cette
liberté contractuelle. Je me réfère nommément au
chapitre B de l'assurance.
Nous ne voyons pas pourquoi, partant de là, les mêmes
principes n'existeraient pas en termes d'avenir. D'une part, le maintien de la
notion de responsabilité et, d'autre part, étant donné la
liberté des gens de contracter, qu'on contracte quant au chapitre B
comme on le fait actuellement.
Je ne vois aucune antinomie entre ces deux points de vue. Au contraire,
ils se complètent actuellement dans la réalité. Pourquoi
ne se compléteraient-ils pas quant à l'avenir? C'est une question
que je pose et je pense que tout le monde doit se la poser, parce que, dans le
rapport, on soumet souvent certaines choses, soit, d'une part, telle affaire et
cela exclut expressément telle autre hypothèse.
Actuellement, quant à la question que vous m'avez posée,
je dis qu'il y a cohabitation des deux, en vertu de la liberté de
contracter, etc. Je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas continuer quant
à l'avenir. Cela ne s'oppose aucunement au maintien de la notion de
responsabilité.
A ce moment-là, ce qui est important quant à la notion de
responsabilité, c'est que ce matin, j'ai donné des exemples
pratiques, entre autres, en parlant des enfants. On aurait pu parler
également des épouses, des $1,500 et des $2,500 que mentionne le
rapport et comparer cela à des jugements récents de cours, mais
ce qu'il importe de retenir, c'est que la décision que vous allez
prendre va avoir un impact sur l'évolution de l'ensemble de la
société, avec le résultat que si, au niveau de
l'assurance-automobile on en arrive à dire que dans le cas d'un
conjoint, c'est $1,500 ou $2,500. Pour l'épouse qui, elle, mourrait
d'autres causes, par exemple je ne veux pas parler contre les
médecins, je les représente qui mourrait sur une table
d'opération, le mari pourrait recevoir $25,000 ou plus. Si elle
décède dans un accident d'auto, à ce moment, comme je l'ai
mentionné ce matin, l'indemnisation administrative et la justice de
barème va s'appliquer et on va dire: C'est tel montant, c'est $2,500. On
ne peut pas ignorer que la décision que vous allez prendre va avoir un
impact sur l'ensemble des domaines et remettre en cause la notion de
responsabilité dans l'ensemble de la société dans laquelle
nous vivons.
M. TETLEY: C'est ce que vous avez dans l'Etat du Massachusetts. Environ
trente Etats ont accepté une certaine indemnisation sans égard
à la responsabilité. L'effet nocif dont vous parlez, est-ce que
c'est une actualité dans ces juridictions, que la société
est tellement affectée au Massachusetts, parce qu'elle n'a pas de
système de responsabilité, par exemple?
M. CHAPADOS: Oui, mais, M. le Président, c'est justement qu'on se
réfère à des pays étrangers et à des Etats
américains. On prend les recettes là-bas et on les applique dans
notre contexte qui est tout à fait différent, alors que dans ces
Etats les règles de responsabilité ne sont pas les mêmes.
On a même parlé, à un moment donné, de faillites de
compagnies d'assurance et tout ce que vous voulez. Au phénomène
qui a obligé le législateur à intervenir là, on
prend ce qui a été décidé là-bas et on les
transpose ici arbitrairement. Evidemment, la position du passager pour
ne citer qu'un exemple dans un véhicule au Québec, n'est
pas la position du passager dans un véhicule dans un Etat
américain, surtout si celui-ci doit prouver erreur ou faute lourde de la
part du conducteur.
Je pense que ce sont là des considérations qui doivent
être retenues, selon lesquelles l'on ne peut pas prendre des recettes
sans danger, prendre des recettes qui ont eu cours à l'étranger
et les appliquer ici de but en blanc sans tenir compte de tout un contexte.
M. TETLEY: Une police d'assurance-automobile, à l'heure actuelle,
a trois chapitres. Vous venez du chapitre B. Peut-être que pour le
journal des Débats, je dois mentionner que le chapitre A concerne les
dommages de la section civile, les dommages matériels, corporels et la
mort concernant les tierces personnes, "third party". Le chapitre B, dont vous
parlez, concerne les frais médicaux, la mort, les mutilations à
l'assuré et à sa famille et la non-assurance des tiers. C'est
déjà, en effet, "no fault", dans les polices statutaires.
Le chapitre C, c'est la collision, c'est-à-dire les dommages de
votre automobile. L'AutoBAC veut étendre le B en effet. Je crois que
c'est une constatation véridique, c'est-à-dire qu'il y aurait
plus de "no fault" qu'aujourd'hui. Les remar-
ques que vous avez faites ce matin donnent l'impression que vous
critiquez le système AutoBAC presque autant que le système
Gauvin, pas autant, parce que le rapport Gauvin étend le système
de "no fault "à tout dommage. Quelle est votre opinion au sujet de la
proposition AutoBAC? L'avez-vous étudiée à fond?
M. CHAPADOS: M. le Président, j'ai été ici quinze
minutes hier, lorsque le Bureau d'assurance du Canada présentait son
mémoire. Que voulez-vous, on n'a pas contacté la
Fédération des avocats du Québec pour avoir son avis sur
la question. Alors nous, pour autant que notre position est concernée,
nous en revenons à ce que je vous ai dit tout à l'heure. Quant
à l'AutoBAC, je pense que, pour avoir une idée d'ensemble de ce
que vaudrait ce système, prima facie, cela semble un très beau
système, mais au niveau du coût, je me pose
énormément de questions. Je reviens à ce que j'ai dit ce
matin. On a assisté ici, lors de la présentation de certains
mémoires, à une valse de pourcentages et le commun des mortels,
dont je suis, s'y perdait un peu. Je dois dire que la grande question que je me
pose quant à l'AutoBAC, c'est précisément jusqu'à
quel point c'est réalisable. Je pense que les membres de cette honorable
commission ont posé la question et, sous réserve de me faire
corriger, je pense qu'il n'y a pas eu de réponse précise quant au
coût qu'impliqueraient les options qui étaient proposées.
Nous n'avons pas accès non plus aux statistiques du BAC, autre
réalité.
M. TETLEY: C'est tout, M. le Président, sauf que j'ai la liste
ici des organismes. Je vais donner des copies aux autres députés,
pour mardi. J'ai la liste pour mercredi, le 23 octobre. C'est la Chambre de
commerce; L'Association des avocats de province, est-ce encore vous, M.
Chapados?
M. CHAPADOS: Pardon?
M. TETLEY: L'Association des avocats de province.
M. CHAPADOS: Je ne pense pas, M. le Président.
M. TETLEY: Ce n'est pas vous.
M. CHAPADOS: Peut-être est-ce Me Cas-grain, qui était ici
ce matin, qui d'ailleurs est mon amicus curiae. Il pourrait vous
répondre, s'il est dans la salle.
M. TETLEY: II peut peut-être vous donner un "watching bait" pour
la semaine prochaine.
M. CHOQUETTE: Je ne suis pas sûr qu'il soutiendrait toutes vos
idées.
M. CHAPADOS: M. le Président, je répon- drais à
l'honorable ministre de la Justice que cela ne veut pas nécessairement
dire que j'ai tort.
M. TETLEY: Les Prévoyants du Canada, c'est Marcellin Tremblay. M.
le secrétaire, M. Tremblay passe le premier, je crois, parce qu'il a
passé une journée ici à attendre. Avez-vous la liste pour
le 22? Vous me l'avez donnée pour le 23. Pour le 22, c'est l'Association
des courtiers d'assurance de la province de Québec; la
Société d'assurance des caisses populaires et la famille de M.
Michael Tansey.
Bon, merci!
M. ROY: Ce n'est pas la liste au complet, M. le ministre.
M. TETLEY: Cela est pour mardi et mercredi. Il y a une autre liste ici.
Je peux la lire. Voulez-vous que je la lise?
M. ROY: Vous allez nous en faire parvenir une copie?
M. TETLEY: Oui.
M. ROY: Je pense que ce serait peut-être important d'informer tout
le monde en même temps.
M. TETLEY: Voici d'autres organismes: Mr. W.F. Foster, Allstate, dont M.
Chapados a déjà reçu le mémoire; l'Association
provinciale des marchands d'automobiles du Québec; la CSN; le Barreau du
Québec; Lloyds Non-Marine Underwriters; le Club automobile du
Québec; la Fédération des ACEF du Québec;
l'Association nationale des camionneurs, et peut-être d'autres du
comté de Bellechasse. Cela est pour après le 23...
M. MERCIER: Pas nécessairement du comté de Bellechasse, M.
le Président. Si vous en voulez, on va vous en apporter.
M. PERREAULT: II va y avoir d'autres dépôts de
mémoires d'ici au 23.
M. TETLEY: C'est possible.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. le Président, le rapport de la
Fédération des avocats du Québec cela va venir, M.
le Président, les questions a été soumis ce matin
en deux volets. D'abord, des propositions pratiques, je pense, qui sont
très réalistes. Me Chapados a précisé quatre points
sur lesquels l'Etat devrait intervenir ou aurait dû intervenir d'abord,
à savoir, premièrement, la question de sécurité
routière. Je pense que, justement de ce côté, et je suis
complètement d'accord avec la Fédération des avocats
du
Québec, le gouvernement du Québec n'a pas encore fait sa
part. Il devait y avoir une commission parlementaire qui, d'ailleurs, avait
été convoquée mais au cours de laquelle nous
n'avons pas reçu les documents nécessaires qui a
été écourtée et qui avait pour objectif de
siéger et de discuter des mesures qu'on devait appliquer pour avoir une
meilleure sécurité routière. Malheureusement, cette
commission n'a pas siégé encore et nous attendons quelque chose
de positif.
Vous suggérez aussi la possibilité d'abolir la
subrogation. N'étant pas avocat et l'ayant lu dans le rapport Gauvin, je
pense que c'est là un élément positif. Mais ce qui
m'apparaît être assez important, c'est le fait que
l'assurance-au-tomobile aurait dû être obligatoire depuis le
début. Encore actuellement, 15 p.c. des gens ne sont pas assurés
et, bien souvent, se sont les gens qui se promènent avec les automobiles
les plus vieilles et dont les risques d'accident sont les plus
élevés. Encore là, je pense qu'il y a quelque chose
à faire, mais cela ne réglera pas, comme vous l'avez
affirmé, tous les problèmes d'assurance-automobile.
En effet, c'est que le problème que la commission a à
étudier actuellement est la question de l'augmentation constante des
coûts d'assurance. Je pense que c'est sous la pression populaire que la
commission Gauvin a été constituée. Les coûts
d'assurance montaient pour certains, de façon exorbitante et il fallait
absolument trouver des moyens en vue de diminuer ces coûts. Nous nous
demandons quels sont les moyens? Il reste que, parmi les services que la
profession d'avocat donne à la population, il y a justement cet
intermédiaire entre les compagnies d'assurance et l'assuré. Comme
vous l'avez dit, je pense que, dans les cas que j'ai pu constater, les avocats
n'ont pas fait un si mauvais travail. Cependant, la question, je pense, qui
revient constamment, c'est: A quels coûts?
Est-ce que ces coûts ne sont pas prohibitifs ou encore,
étant donné qu'on veut diminuer le coût des assurances, il
faut trouver quels éléments sont les moins essentiels justement
à l'intérieur de tout ce système et qui nous permettraient
de diminuer ou de réduire les coûts?
Je pense que c'est ce que nous avons à étudier. Est-ce que
ce sont les intermédiaires, à savoir les courtiers les
services sont donnés autour de 12.5 p.c, je pense ou est-ce que
ce sont les avocats? Nous nous posons cette question et nous essayons de
trouver une réponse.
En ce qui concerne le fait que le rapport Gauvin établirait une
dichotomie, que cela soit entre l'entreprise d'Etat ou l'entreprise
privée, vous avez soulevé ce matin, je pense, des points
concernant la Commission d'assurance-chômage qui nous préoccupe
passablement.
J'ai moi-même bien souvent dû, comme député,
envoyer des cas à la Commission des accidents du travail, des cas
justement d'accidents d'automobiles, à des avocats, parce que justement
le citoyen était complètement perdu dans ce système et on
s'interroge sur ce point.
Mais vous semblez attacher une importance considérable au
principe de la responsabilité ou à la question de la faute. En
effet, à la page 11 de votre mémoire, vous affirmez: "Le concept
de la responsabilité des uns vis-à-vis des autres est l'un des
principaux fondements de toute société civilisée. Sur le
plan politique, la même notion de responsabilité est l'un des
principes de base de tout régime démocratique".
De plus, d'après ce que j'ai pu voir, de ce qui est apparu, en
tout cas, du mémoire du Barreau, c'est qu'on semble laisser entendre
qu'en faisant disparaître le principe de la responsabilité dans
l'assurance-automobile, cela mettait en danger tous nos principes
démocratiques. D'ailleurs, vous l'affirmez un peu plus loin lorsque vous
dites: S'il y a une manifestation devant le parlement, est-ce qu'on ne devrait
pas faire disparaître aussi le principe de la faute et le principe de la
responsabilité?
La question suivante que je vous pose à ce sujet
n'étant pas avocat et heureusement est celle-ci: N'y a-t-il pas
une distinction entre ce qu'on appelle la responsabilité civile, qu'on
ferait disparaître par les recommandations de la commission Gauvin, et la
responsabilité criminelle comme telle? Est-ce que le fait de faire
disparaître la responsabilité civile met véritablement et
sérieusement en cause tous les principes démocratiques?
M. CHAPADOS: Pour répondre à la question du
député de Saguenay, je pense que cela met en cause l'organisation
d'une société. Qu'est-ce qui se passe actuellement?
Il se passe actuellement, parce qu'aucune loi n'a été
adoptée obligeant les gens à s'assurer, que 14.9 p.c. des gens
qui sont impliqués dans des accidents d'automobiles ne sont pas
assurés.
Il se passe que l'ensemble de la société, quand
même, doit tenir compte de ce facteur et doit indemniser les victimes en
cause, ce qui veut dire qu'on impose à l'ensemble des gens qui
s'assurent une surprime de 4.26 p.c. à 5 5. p.c.
Je pars de cet exemple et je dis que, d'une part, il y a certaines gens,
dans la société dans laquelle nous vivons, qui manifestent
c'est une minorité une attitude irresponsable. Nous
requérons, à ce moment, l'intervention du législateur pour
les obliger à s'assurer. Ceci est extrêmement important. Je pense
qu'à compter du moment où on s'aperçoit que la conduite
des uns a un effet sur les responsabilités des autres, on doit en
arriver à la conclusion suivante: Plus des gens assument un poids
financier X, plus il se répartit de façon équitable entre
tous, ce qui veut dire que si, demain matin, le nombre de véhicules non
assurés impliqués dans des accidents tombait de
14.9 p.c. à 5.2 p.c, il se trouverait que cette différence
serait assumée, premièrement, par les gens en cause, qui doivent
assumer leur quote-part et, deuxièmement, il se trouverait aussi, par
voie de conséquence, que l'ensemble des assurés du Québec
se trouverait soulagé d'autant.
Dès qu'on saisit cette interrelation qui existe, on arrive
toujours à la même chose, c'est une notion de
responsabilité personnelle. C'est le comportement d'un individu dans une
société donnée qui décide oui ou non d'assumer ses
responsabilités. Je pense que si on généralise... La
réticence de la population... Nous parlons de l'inconscient collectif,
à un moment donné, dans notre mémoire, à la page
13. La population sent confusément qu'actuellement, d'une part, au
moment où on se parle, parce qu'il y a absence de législation,
parce qu'il y a un pourcentage X de non assurés impliqués dans
des accidents, elle doit assumer une quote-part supplémentaire. Elle
dit, face à cela: Non. Imposez donc une assurance obligatoire,
répar-tissez de façon différente l'ensemble du fardeau sur
un plus grand nombre de têtes. C'est dans cette veine que nous avons fait
une suggestion tout à l'heure et recommandons au gouvernement, dans
cette optique, d'étudier les possibilités qu'il y aurait, parce
que le rapport Gauvin ne nous satisfait pas à ce point de vue, de
répartir le fardeau financier entre un plus grand nombre de têtes,
entre propriétaires et conducteurs. Cela aussi, en termes relatifs pour
chaque citoyen québécois, traduirait par une baisse. Quant
à la sécurité routière, je suis d'accord avec vous
à 100 p.c. et je suis le premier à espérer que, si
l'honorable ministre de la Justice reçoit les sommes qu'il
réclame d'Ottawa pour sa police, immédiatement il va penser
à en consacrer un certain montant à la sécurité
routière. Là aussi, cela se traduirait par une différence
considérable.
M. LESSARD: M. Chapados, ou bien j'ai posé la question à
côté de la réponse, ou bien vous m'avez répondu
à côté de la question. Je ne suis pas satisfait. Dans le
rapport Gauvin, l'assurance de base est obligatoire. Là, ne revenons pas
sur le passé. Je pense que je suis complètement d'accord avec
vous. Le fait qu'on n'ait pas imposé l'assurance obligatoire a
créé chez un certain nombre de gens une imposition
supérieure par rapport à la normale. Mais lorsque vous discutez
du principe de responsabilité, principe auquel vous semblez tenir
beaucoup dans votre mémoire, et lorsque le Barreau fait la même
chose, vous semblez nous dire que, si on fait disparaître la
responsabilité civile, cela met en cause tous les principes
démocratiques. Je me dis une chose, n'étant pas avocat, il y a
deux responsabilités. Il y a la responsabilité civile,
d'après ce que j'ai vu dans les accidents, et la responsabilité
criminelle. Si quelqu'un fait un accident et qu'il n'a pas pris de boisson,
qu'il n'est pas en état d'ébriété, etc., il va
avoir la responsabilité civile et vous pouvez revenir contre lui. Mais
en plus, justement, de cette responsabilité, si quelqu'un est
accusé de négligence criminelle étant en état
d'ébriété en conduisant son automobile, il y a une
responsabilité criminelle. Ce que je vous demande: Est-ce que le fait de
faire disparaître la responsabilité civile comme telle,
enlèverait à ces gens tout sens de responsabilité morale,
ou apporterait une situation où on aurait plus d'accidents, une
situation où les gens seraient moins responsables? Je parle toujours de
la responsabilité civile. Vous vous attachez beaucoup à ce
principe et je pense que ce n'est pas tant, à mon sens, la
responsabilité civile qui amène les gens à faire
attention, ou à circuler de façon normale sur la route que la
possibilité de responsabilité criminelle qui vient par la
suite.
La question est: Est-ce que ce principe de responsabilité civile
est si important pour les gens qui conduisent de telle façon que, si on
le fait disparaître, ça met en eause tous les principes
démocratiques et que cela nous amène à faire
disparaître la responsabilité, par exemple, de manifestations
publiques devant le parlement ou autre chose? Est-ce que cela nous conduit
jusque-là?
M. CHAPADOS: M. le Président, nous sommes tous des humains. A cet
égard, la Fédération des avocats du Québec
considère que la notion de faute a un caractère préventif,
à tort ou à raison, nous pensons que c'est à raison.
Lorsqu'un individu risque de se faire pénaliser par une surprime, nous
considérons qu'il se produit un phénomène d'autodiscipline
ou d'autocensure qui est plus considérable que si on abolit toute
responsabilité civile. Si on abolit toute responsabilité civile,
à ce moment-là, les gens on ne peut pas parler pour
l'ensemble de la population vont penser, c'est normal, que ça,
c'est le gouvernement qui paie. Nous considérons alors que ça
pourrait déboucher sur une forme d'abus considérable. Sans
compter que, d'après des chiffres qu'on me transmet à l'instant,
il y a 2 p.c, puisqu'on parle d'assurance-automobile, que l'on retrouve devant
des juridictions criminelles. Par contre, pour le citoyen qui doit, dans le
régime actuel, assumer ses responsabilités, nous
considérons que le maintien de la notion de responsabilité
l'oblige à s'autodiscipliner à cause des surprimes, bref,
à cause de l'ensemble du système. Malheureusement, si on abolit
de but en blanc cette notion de responsabilité, on va déboucher
sur une société qui va être plus ou moins responsable en ce
sens que les citoyens vont être portés à penser, encore une
fois à tort ou à raison, que c'est le gouvernement qui paie.
M. LESSARD: Maintenant...
M. CHOQUETTE: Est-ce que le député de Saguenay me
permettrait...
M. LESSARD: Certainement. D'ailleurs, je suis très heureux que le
ministre intervienne, étant donné que, ce matin, il a dit que
j'étais resté bouche bée, étant donné...
LE PRESIDENT (M. Brisson): La parole est à l'honorable
ministre.
M. CHOQUETTE: Non, c'était simplement pour donner un
éclaircissement en réponse à votre question. Le
degré de responsabilité qui est requis pour qu'il y ait un crime
est un degré de faute beaucoup plus élevé que dans le cas
de la responsabilité civile. Dans le cas de la responsabilité
criminelle, il faut qu'il y ait une mens rea, une intention criminelle, qui
n'est pas toujours volontaire et qui doit indiquer une telle inconduite que
c'est une attitude en vertu de laquelle la personne montre qu'elle n'a aucune
considération pour la personne ou les biens d'autrui. Tandis que, dans
le cas de la responsabilité civile, c'est la moindre faute de jugement
ou réglementaire qui peut entraîner la responsabilité
civile. C'est à deux niveaux assez différents que ces
degrés de responsabilité sont appréciés. On peut
très bien avoir quelqu'un qui est acquitté de conduite dangereuse
ou de conduite criminelle au criminel mais qui pourrait être tenu
responsable civilement.
M. LESSARD: Merci, M. le ministre, j'ai très bien compris vos
explications.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions.
M. LESSARD: Certainement.
M. CHAPADOS: Je vais le prendre comme amicus curiae.
M. LESSARD: Première remarque que j'ai faite, on nous laisse dans
tout ce système d'assurance-automobile un certain nombre de choix, comme
parlementaires, à faire en vue de diminuer le coût de l'assurance.
A la fois dans l'opinion publique comme peut-être au niveau de la
commission, il semble que le coût du service du professionnel, de
l'avocat dans ce secteur augmenterait ou serait un élément
important dans l'augmentation des primes. Est-ce que vous pourriez me donner
des commentaires à ce sujet.
M. CHAPADOS: Tout d'abord, ce qui est assez symptomatique, il faut se
rappeler une chose, c'est que, d'après le rapport Gauvin, 1 p.c. des
causes sont soumises à jugement de cour. Je sais que les membres de
cette honorable commission ne généralisent pas, mais à
entendre parler certaines gens en d'autres circonstances de temps ou de lieu,
on a l'impression que les causes se rendent à jugement dans 50 p.c. des
cas.
Donc, il y a 1 p.c. des causes qui se rendent à jugement
d'après le rapport Gauvin. Par rapport à l'ensemble du
système, c'est extrêmement marginal. Deuxièmement, nous
considérons qu'on ne peut pas partir d'une pareille exception pour
généraliser et escompter sauver des sommes épouvantables.
Parce que, quoi qu'on pense et quoi qu'on dise, les avocats gagnent
honorablement leur vie et pratiquent tous pour pour vivre.
Les dernières statistiques ce qui devrait inquiéter
le ministre de la Justice du ministère fédéral du
Revenu pour cette année indiquent que l'avocat québécois a
un revenu de beaucoup inférieur à son collègue de
l'Ontario. Somme toute, je pense que la société doit être
prête à payer au coût.
Il est évident qu'on peut éviter tous les
intermédiaires. On peut écarter l'avocat, le citoyen va
être seul devant une justice administrative. Il y aura un
dédommagement de $500 pour un enfant de 0 à 12 ans. C'est un fait
brutal. On peut avoir beaucoup plus, mais, évidemment, le travail de
l'avocat nous le disons d'ailleurs dans notre mémoire
c'est celui d'un professionnel qui a le droit d'être
rémunéré comme toute personne, y compris
députés et ministres, et il se peut très bien qu'une
société décide d'écarter tous ces
intermédiaires et de s'en référer uniquement à une
indemnisation arbitraire, "tarifiée" et réglementée comme
je l'ai expliqué ce matin.
Si on veut que le système soit plus humain et que le citoyen
reçoive vraiment des indemnisations qui soient plus considérables
à une foule de chapitres, à ce moment-là, c'est une option
que la société doit faire. Dans ce contexte, nous soumettons que
le citoyen qui est pris seul, devant l'appareil immense d'une compagnie, d'une
régie d'Etat, peu importe, son droit sera effectif pour autant qu'il
sera valablement représenté, comme nous l'avons
expliqué.
Deuxièmement, également pour autant que ce soient des
notions de responsabilité ou des notions d'indemnisation, les quanta
seront déterminés non pas par des commissions administratives,
mais par des tribunaux de droit commun qui offrent dans le contexte actuel des
meilleures garanties d'objectivité et d'évolution.
M. LESSARD: Concernant justement ces quanta surtout avant de
discuter des quanta concernant l'indemnisation des victimes
d'assurance-automobile, le rapport Gauvin parle de normes arbitraires, parle de
difficultés d'établir l'indemnisation. Ce serait l'un des
éléments qui amèneraient la recommandation de fixer, de
façon définitive, les normes. La question que je vous pose,
est-ce que cette différence d'indemnisation entre des individus
particuliers, c'est une situation qui est considérée par le
Barreau ou par la Fédération des avocats du Québec comme
étant une situation normale ou est-ce qu'il devrait y avoir, si on
gardait le système tel qu'il existait, des normes beaucoup plus
précises?
M. CHAPADOS: Non. Justement, encore là, la société
a deux voies qui s'offrent à elle. Il y a la voie de ce que le rapport
Gauvin appelle la notion floue de l'homme prudent et du bon père de
famille, etc., et la détermination des quanta en fonction de l'ensemble
de la société dans laquelle nous vivons; c'est une voie.
Ou, d'autre part et je l'ai explicité ce matin la
détermination en fait une justice en vertu de critères
prédéterminés. Je pense, à plusieurs chapitres,
avoir démontré, en fait, que, ce qu'offre le rapport Gauvin,
c'est une justice où il va y avoir un peu de justice pour tout le monde,
mais, sur certains points bien précis, cela ne vaudra pas cher. Les gens
riaient de cela ce matin et il y avait de quoi rire quand j'ai
sorti le volume de la Commission de l'assurance-chômage qui est quand
même un volume récent. On vient de décider de couvrir les
cas de la maladie et, lorsque je me suis mis à lire des extraits de ce
volume, c'était drôle, parce qu'il faut quand même penser
à l'application qui en sera faite.
Quand le rapport Gauvin parle de tel pourcentage du salaire durant tant
de temps jusqu'à concurrence de tant, tout est beau, mais des
critères seront élaborés. Ces gens vont être
impliqués, qu'il s'agisse de compagnies, d'un fonctionnaire ou d'un
employé d'une compagnie, peu importe, par des gens qui vont ouvrir leurs
livres, qui vont dire ce que j'ai lu ce matin: Une fracture du crâne, ce
n'est pas grave. On donne des détails. Le cerveau est même
entièrement détruit sans qu'il y ait nécessairement
fracture du crâne, monsieur. L'incapacité prévue: deux
semaines. On se dirige vers cela.
M. LESSARD: Dans le rapport Gauvin, c'est quand même assez
précis, à la page 319: "Après un délai de carence
ou période d'attente d'une semaine, la victime reçoit une
prestation égale à son revenu net d'impôt
fédéral et provincial.
M. CHAPADOS: Oui.
M. LESSARD: C'est assez précis, moins les montants qu'elle touche
en vertu du régime de rentes du Québec ou de la Loi des Accidents
du travail.
M. CHAPADOS : Oui, pour quelle période? M. LESSARD: Tant que
l'incapacité...
M. CHAPADOS: L'incapacité totale temporaire. J'en reviens
à ce que j'ai dit, ce matin. Lorsque j'ai lu cela, pour une fracture
simple du crâne, de deux à quatre semaines. On dit que les gens ne
meurent pas de cela et de ne pas s'en faire. On ne doit pas anticiper une
période d'incapacité très longue ou très grave. On
explique, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, le cerveau peut
être détruit sans fracture, ne vous en faites pas.
Autre chose et je débouche sur un autre sujet
à la fin on ajoute: Si, dans un cas de fracture du crâne, cela
dépasse les délais requis, il faut que le médecin justifie
sa position. On va revenir à quoi? On va revenir au délai.
M. LESSARD: Est-ce que les critères, qui sont utilisés par
les juges dans la fixation des indemnités, ne sont pas aussi subjectifs?
Lorsque vous vous présentez comme avocat et que vous tentez, justement,
sur des éléments fortuits de prouver la faute d'un accident,
est-ce que les critères, qui sont utilisés par les juges et
auquel se réfère le rapport Gauvin, ce ne sont pas des
critères qui sont fort subjectifs? Pour déterminer $50,000 ou
$60,000 à un père de famille, par exemple, est-ce que ce sont des
critères fort subjectifs et est-ce que c'est une situation normale que
ces critères soient tellement subjectifs ou encore assez
arbitraires?
M. CHAPADOS: M. le Président, malheureusement, à compter
du moment où il y a un système judiciaire qui existe et qu'il y a
un juge qui siège, qui est un humain, évidemment, il parle des
critères objectifs définis dans la loi et de la preuve et il les
applique. C'est un homme. Il ne les applique pas de façon
désincarnée, mais il y a une certaine part de
subjectivité. Mais en réponse à la question du
député, je dirais que, compte tenu, en fait, de la jurisprudence
récente, quant à moi...
M. LESSARD: C'est cela que j'ai dit.
M. CHAPADOS: ... je n'ai aucun doute quant au choix que je vais faire
entre ces critères présumément subjectifs et les
critères froids, arbitraires et insuffisants que propose le rapport
Gauvin dans certains cas.
M. LESSARD: Vous parlez du fait que le rapport Gauvin ne permettrait pas
de recours et aussi de la nécessité d'avoir un
intermédiaire qui va être entre la compagnie et le citoyen.
Pourtant, à la page 344 du rapport, à la proposition 36, je lis
ceci: "Que toute victime, qui se croira lésée par la
décision de son assureur, quant à son droit d'être
indemnisée ou quant au montant de son indemnisation, puisse en appeler
devant le tribunal compétent". Cette résolution ou cette
recommandation, à mon sens, s'applique à la fois à
l'intérieur du quantum et à la fois sur l'assurance
supplémentaire.
Est-ce que la proposition 36 du rapport Gauvin ne permet pas ce droit de
recours que vous demandez?
M. CHAPADOS: Oui. On parle de droits de recours, je l'ai
mentionné tout à l'heure, de façon
générique, devant les tribunaux compétents. Nous disons
que cela existe, en fait, ces commissions de révision, dans plusieurs
com-
missions. Somme toute, ces commissions sont liées quand
même à un paquet de critères qui ont été
préétablis, elles n'ont pas la latitude et l'autorité
voulues pour déborder ces cadres et, somme toute, ce qui se fait, c'est
qu'il se passe un peu ce qui s'est passé à la Commission des
accidents du travail. C'est qu'au bout d'un certain temps, il faut refondre
complètement le système. Pourquoi? Il faut le refondre,
justement, pour l'adapter. Ce que nous suggérons, quant à nous,
c'est que cette évolution se fasse au jour le jour, et au fil des
semaines et des mois, devant des tribunaux de droit commun, parce que nous
considérons que cette partie du rapport Gauvin réfère
à un tribunal compétent. De quel type de tribunal s'agira-t-il?
On se pose une série de points d'interrogation. Quant à nous,
nous ne sommes pas intéressés, nous l'avons déjà
dit, à une indemnisation quasiment d'ordinateur. Nous ne sommes pas non
plus intéressés si nous nous référons, si nous nous
retrouvons ou si le citoyen se retrouve devant une commission administrative
qui est prisonnière d'une foule de règles.
M. LESSARD: Maintenant, une dernière question, M. Chapados.
M. MATTE (Benoît): Excusez-moi, je voudrais ajouter quelque chose
à votre dernière question. En vertu du rapport Gauvin, c'est une
justice où, par exemple, pour ce qui est de l'incapacité
partielle permanente, on décide d'indemniser selon le pourcentage
d'incapacité. Si un violoniste c'est le juge Lajoie, en cour
d'Appel, qui a donné cet exemple récemment se fait couper
le petit doigt, selon le rapport Gauvin, l'incapacité sera de 1 p.c. ou
2 p.c. Alors, on prendra le revenu du violoniste, on le divisera, on calculera
une rente et on multipliera par 1 p.c. ou 2 p.c. On aura là
l'incapacité. Ce violoniste pourra recevoir environ $200 par
année, alors qu'il ne pourra plus exercer son métier.
Voilà où nous mène une justice administrative, une justice
de critères. Les critères que vous appeliez subjectifs, des
tribunaux, ne sont pas subjectifs. Ils sont objectifs parce qu'ils se basent
sur le cas bien précis. Ils sont beaucoup plus objectifs que les
critères subjectifs des fonctionnaires. Ils vont dire: Le gars gagne sa
vie avec cela, le gars ne peut pas faire autre chose parce qu'il n'est pas
préparé à autre chose. Ensuite, le gars est placé
dans telle situation familiale. Il a tel âge. Alors, les critères
réellement objectifs sont ceux qui sont décidés, sont ceux
sur lesquels se basent les tribunaux. Ils seront beaucoup plus objectifs que
ceux sur lesquels se baseront les fonctionnaires car les fonctionnaires
prévoiront cela. Dans leur esprit, 1 p.c., c'est 1 p.c. du revenu. Et
voilà, on a la rente. Ce que je dis pour le violoniste, cela peut
s'appliquer pour l'électricien qui pert, à moitié, un
bras; il aura 8 p.c. d'incapacité à peu près. Si on lui
donne 8 p.c. de son revenu, il ne pourra plus pratiquer son métier
d'électricien et on va lui donner une rente équivalant à 8
p.c. de son salaire. S'il gagne $8,000 par année, il aura droit à
environ $500 ou $600 par année, alors que les tribunaux lui donneront
peut-être $5,000 par année.
M. LESSARD: Autrement dit, dans son jugement, le juge tient compte de
chacune des personnes, de leur métier et d'autres critères.
Maintenant, une question qui rejoint la vôtre. Actuellement, étant
donné que le minimum de base requis pour l'assurance, pour autant qu'une
personne est responsable, ou qu'une personne a un accident, c'est de $35,000.
Si le violoniste dont vous parlez se fait frapper par un individu qui est
assuré à un maximum de $35,000, dans ces circonstances, qu'est-ce
qui arrive? Si l'individu n'est pas responsable financièrement,
même s'il est condamné à payer $100,000 ou $120,000, le
violoniste ne reçoit quand même que $35,000.
Tandis que, dans la possibilité qu'offre le rapport Gauvin, le
violoniste qui estime que son revenu, en cas d'accident ou autre, doit
être de tel montant, aura la possibilité, en vertu du
régime supplémentaire d'assurance, de s'assurer en
conséquence. Dans le système actuel, bien souvent, il se fie sur
le fait que l'individu qui a une automobile, le propriétaire d'une
automobile a une assurance pour pourvoir à ses besoins, ne s'assure pas
en conséquence et donc, ne peut recevoir que $35,000.
M. MATTE: Dans le système actuel, nous pouvons prendre des
assurances et presque tous en ont des assurances-salaire qui garantissent notre
indemnité au cas où nous serions incapables de travailler ou ces
choses-là. Déjà, il peut facilement y avoir une forme
d'assurance qui peut couvrir ces cas. Maintenant, il faut se souvenir que, dans
notre mémoire, nous soumettons que le montant de $35,000 devrait
augmenter immédiatement à $50,000. Alors, à $50,000 quand
même, ce qui serait la couverture minimale d'assurance, cela permet, si
cet argent est placé, d'avoir un revenu, au taux actuel
d'intérêt, qui ressemble beaucoup à $5,000 ou $6,000 par
année.
M. LESSARD: Dernière question. Je termine sur cela.
M. MEUNIER (Jacques): Je voudrais quand même mentionner une chose
en passant, faire uniquement une remarque. On parle de la question de
coût. Je pense que l'Etat c'est ce qui le concerne le plus, c'est son
plus grand souci. Comme M. Roy le mentionnait ce matin, vous voulez donner un
service au contribuable au coût le plus modique possible.
Si on regarde le rapport Gauvin et que l'on pense soi-même, comme
avocat, au client qui est devant nous lorsqu'il a subi des blessures et qu'il
est temps de faire une réclamation, lui-même,
généralement, s'attend à avoir des mon-
tants excédant même de beaucoup les sommes qui lui seront
accordées par les tribunaux. Or, l'impression qu'on pourrait avoir
là-dessus, je parle tout simplement, c'est une impression, je ne
veux prêter de mauvaise foi à personne à la lecture
du rapport Gauvin, après avoir lu le rapport Gauvin, ce serait qu'on
aurait tenté d'établir un coût général de
système en premier lieu, et par la suite, pour pouvoir justement
maintenir ce coût d'opération du système, on aurait
établi des indemnités. Or, il se révèle que les
indemnités sont certainement dix à quinze fois
inférieures, dans la majeure partie des cas, à ce qui existe
présentement devant les tribunaux, et, comme je le disais tantôt,
déjà inférieures à ce que les gens s'attendent
d'avoir.
Alors, si j'étais justement l'Etat, sur les questions de
coût, je serais beaucoup plus préoccupé par le coût
éventuel d'un système comme cela, d'un système où
les indemnités devront être décuplées ou
peut-être même plus en fait, à brève
échéance, sous la pression de l'opinion publique, car les gens
n'accepteront pas de recevoir $2,500 parce que leur femme, qui restait à
la maison, qui ne travaillait pas à l'extérieur, a
été tuée, alors qu'avant ils obtenaient $25,000 devant le
tribunal. Les gens n'accepteront pas cela. La pression de l'opinion publique,
vous allez devoir y faire face. Qu'est-ce qui va arriver à ce moment?
C'est que le coût d'exploitation du système va
nécessairement augmenter, ce qui fera que le nouveau système qui
aura été instauré va coûter beaucoup plus cher que
ce qui aura été prévu.
Je pense qu'à ce moment, si j'étais l'Etat, cela me
préoccuperait beaucoup plus que le simple fait de considérer que
la présence d'intermédiaires que sont les avocats, que nous
prétendons nécessaires entre l'individu et l'assureur ou le corps
politique qui l'assure, le coût de cet intermédiaire, je crois,
est bien minime dans l'exploitation du système.
M. LESSARD: Mais est-ce que le fait, par exemple, de baser les
indemnités pour le décès d'un enfant, d'un
célibataire ou d'un conjoint qui n'est pas soutien de famille,
indemnités que je trouve d'ailleurs assez ridicules pour ma part
nous aurons l'occasion d'en discuter avec M. Gauvin si on
augmentait ces indemnités en se basant sur une jurisprudence, est-ce que
cela donnerait satisfaction à la Fédération du barreau du
Québec?
M. CHAPADOS: La Fédération du Barreau?
M. LESSARD: La Fédération des avocats du
Québec.
M. CHAPADOS: M. le Président, pour répondre à la
question du député de Saguenay, en fait, il pose une question
dont la réponse est à peu près impossible, en ce sens
qu'autant de cas évidemment, par l'application des règles
légales en tenant compte de la preuve, etc. sont des cas
d'espèce. On n'arrivera jamais, en fait, dans le système
proposé, à avoir l'équivalent.
Vous venez de parler d'une femme. Dans une cause récente de la
cour d'Appel qui date de 1973, CA-77 Gauthier vs Bergeron, un mari et des
enfants obtiennent un total de $50,756. Si vous comparez cela à ce que
propose le rapport Gauvin, la comparaison ne se tient même pas. Vous
pourrez toujours me répondre: Ah oui! mais il y aura des assurances
supplémentaires. On va s'occuper de cela. Les assurances
supplémentaires... D ne faut pas oublier une chose. C'est qu'à
compter du moment où vous établissez un plan
déterminé, vous l'établissez comme devant être
appliqué à l'ensemble de la population, ce qui veut dire
qu'à ce moment, les gens fortunés pourront toujours, par divers
moyens, se "surassurer", mais il reste que quant à la
détermination des indemnisations fondamentales qui sont couvertes par le
rapport, là, il y aura un gel et à ce moment, il y aura, comme on
le disait ce matin, justice de barème, et de critère, soit un peu
pour tout le monde.
M. LESSARD: J'ai moi-même ici un cas, Pierre Lalonde
défendeur vs Ulysse Miller, Guy Boulianne, demandeurs où, par
exemple, un mari a obtenu $35,000 plus $10,000 par enfant, trois enfants; mais
là il y avait une faute de la part justement du propriétaire,
mais si on renverse le cas et que cela soit l'individu qui a commis la faute
qui simplement voit sa femme c'est-à-dire la femme de l'individu
qui disparaît, l'individu qui a commis une faute cet individu,
dans le système actuel c'est une faute de jugement bien souvent
que tout le monde peut commettre, etc. perd son épouse et ne se
voit donner aucune indemnité.
M. CHAPADOS: Oui, mais encore là, pour répondre à
la question du député de Saguenay, je dirais deux choses: Dans
notre mémoire, nous soulignons ceci. Premièrement, le rapport
Gauvin admet lui-même qu'en matière de dédommagement
matériel, la situation est bonne et, au niveau des blessures
corporelles, il y aurait sous-indemnisation pour 3.8 p.c.
Alors, je pense, en réponse à votre question, qu'il faut
situer cela dans un contexte et, somme toute, si on le situe dans son contexte,
que voulez-vous que j'y fasse? Le pourcentage de sous-indemnisés est
très bas, d'une part. D'autre part...
M. LESSARD: Cela ne tient pas compte... C'est dans des cas où
justement il y a eu poursuite et où il y a eu faute. On tient
exclusivement compte des jugements et on ne tient pas compte du fait, par
exemple, que celui qui a commis la faute et qui a perdu son épouse n'a
reçu aucune indemnité.
M. MEUNIER: Tantôt, vous parliez de la distinction entre la
responsabilité civile et la
responsabilité criminelle. L'Etat a prévu l'indemnisation
des victimes d'actes criminels, mais est-ce qu'on devrait aller jusqu'à
dire que le criminel lui-même, c'est-à-dire le bandit qui entre
dans la banque et qui est descendu, la personne a une
responsabilité?
M. LESSARD: Oui, d'accord, mais ce n'est pas nécessairement un
criminel qui frappe un enfant. Une erreur de jugement, cela arrive...
M. MEUNIER: D'accord.
M. LESSARD: ... à tout le monde. Il n'est pas
nécessairement en état d'ébriété.
M. MEUNIER: II y a une notion de faute. C'est cela.
M. LESSARD: Bien, faute basée sur des éléments
fortuits.
M. CHOQUETTE: Non. Ce ne sont pas seulement des éléments
fortuits.
M. LESSARD: Non.
M. CHOQUETTE: Pour qu'il y ait responsabilité civile, il faut que
le défendeur établisse, soit par la preuve directe, soit par
l'application de la présomption de faute, parce qu'il y a une
présomption qui pèse sur l'automobiliste à l'égard
des piétons, la commission d'une faute. On peut donner l'exemple
suivant: L'automobiliste qui circule, même à dix milles à
l'heure ou à quinze milles à l'heure, mais à l'heure de la
sortie des écoles alors qu'il y a des voitures de stationnées,
tout le monde sait qu'il doit porter une attention particulière pour
éviter de heurter les enfants et qu'il doit prévoir, même,
que des enfants peuvent passer entre les automobiles stationnées et
qu'il peut les voir à la dernière minute.
Il pourrait même être condamné pour cette simple
inattention, même d'avoir fait une vitesse excessive compte tenu des
circonstances. Vous avez l'air de dire que la faute est une chose qui peut
arriver à tout le monde. C'est vrai que des fautes d'inattention peuvent
arriver à tout le monde, des fautes de jugement peuvent arriver à
tout le monde, mais justement, le système de la responsabilité
civile est basé sur le fait qu'il faut éviter, dans une certaine
mesure, de commettre ces erreurs.
M. LESSARD: D'accord, mais je me disais: Dans le système actuel,
celui qui commet une faute à cause d'une erreur de jugement, qui
provoque un accident et qui tue dans l'autre automobile un certain nombre de
personnes, disons la femme de l'époux. En vertu du jugement que j'ai, la
personne qui a commis la faute est obligée de payer la somme de
$151,000, dont $35,000 à l'époux pour la perte de sa femme,
$10,000 par enfant, trois enfants, $65,000, plus d'autres frais. Mais si cet
individu qui a commis la faute avait aussi dans son automobile son
épouse qu'il a perdue par suite de cet accident, lui ne reçoit
aucune indemnité dans ces circonstances. J'ai terminé.
M. ROUSSEAU (Pierre): M. le Président, en réponse au
député de Saguenay, il y a deux aspects à cette affaire.
Tout d'abord, si on maintient le principe de la faute, je pense que c'est un
principe philosophique accepté dans notre démocratie parce que
toute personne, dans son for intérieur, en faisant un acte, sait ou ne
sait pas, dès l'âge de raison, si elle fait bien ou elle fait mal.
C'est de là que vient le principe de la faute. Si, d'une part, on
supprime la faute dans le cas d'accident d'automobile, pourquoi alors ne pas la
supprimer dans tous les autres domaines, que ce soit dans le domaine des
professionnels, avocats, notaires ou courtiers d'assurance, médecins,
etc., où on va dire: Ce n'est pas grave, il n'y a plus de notion de
faute appliquée, parce que ce champ de vouloir abolir la faute, cela
peut commencer dans le cas d'accidents d'automobiles et cela peut
débloquer dans d'autres domaines que je viens de mentionner. Il n'y a
pas de fin. Si le gouvernement ou si certains organismes sont pour l'abolition
complète de la faute, c'est la pagaille dans notre société
actuelle telle qu'elle est composée. Disons que c'est un volet de
l'affaire. Vous dites, M. le Président, que la personne qui est
responsable de l'accident d'automobile, qui a perdu son épouse et ses
enfants... C'est un cas bien pathétique et qui peut arriver, mais c'est
également un cas hypothétique. Je me demande si on doit payer
quelqu'un pour une erreur qu'il a commise. Que ce soit, comme le disait M. le
ministre de la Justice, une erreur de distraction ou d'inattention et ce qu'on
appelle dans notre langage juridique, en droit civil, la plus petite faute
engage sa responsabilité en vertu de l'article 1053 du code civil. A ce
moment, je crois qu'il y a deux choses: ou bien la personne qui est vraiment
fautive et qui a fait une ruine de sa famille dans cet accident d'auto peut
avoir, comme cela existe, un élargissement du chapitre B dont a
parlé ce matin l'honorable ministre des Institutions financières,
Compagnies et Coopératives, ou il pourrait y avoir une assurance pour la
perte de son épouse et de ses enfants. Ce serait, d'une part, un
engagement contractuel. D'autre part, comme je l'ai mentionné, je ne
vois pas pourquoi on paierait quelqu'un pour une bêtise ou une "connerie"
qu'il a faite.
M. LESSARD: Simplement pour terminer, je n'ai plus de question, de toute
façon bien souvent la société paie quand même parce
qu'il y a bien des personnes qui se ramassent par la suite sur l'assistance
sociale ou autre système dans ces circonstances. De toute façon,
M. le Président, je remercie la Fédération des avocats du
Québec et j'ai terminé.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Beauce-Sud.
M. ROY: Je vous remercie, M. le Président. Dans son
mémoire, la Fédération des avocats du Québec a fait
des recommandations qui, je pense, peuvent se regrouper dans quatre grandes
recommandations générales, qui se traduiraient par une baisse de
prime, 25 p.c. à 30 p.c. dans l'ensemble. La première de
celles-ci, c'est l'instauration d'une véritable politique de
sécurité routière et on a indiqué qu'il pourrait y
avoir toujours au conditionnel 15 p.c. à 20 p.c. de diminution de
prime, deuxièmement, l'assurance obligatoire, 4 p.c. à 5 p.c,
l'abolition de la subrogation, 3 p.c.
Est-ce que la répartition du fardeau de la prime entre
propriétaire et conducteur... Il n'y a pas de pourcentage
là-dedans, mais on pourrait y revenir. En ce qui a trait à
l'instauration d'une véritable politique de sécurité
routière, j'aurais deux questions à vous poser et qui ont trait
aux recommandations faites dans le rapport Gauvin aux pages 97 et 98. Entre
autres, il y a la recommandation no 7 qui dit: "Que soit implantée au
Québec une loi du bon Samaritain protégeant les personnes qui
portent secours aux victimes d'accidents d'automobile." J'aimerais avoir votre
opinion là-dessus, sur cette recommandation du rapport Gauvin voulant
qu'une loi de bon samaritain qui pourra porter secours aux victimes d'accidents
d'automobile et, de ce fait, pouvant bien améliorer et corriger le
système actuel. Je ne le discute pas au niveau de la baisse de prime.
J'aimerais avoir votre opinion, compte tenu de l'expérience que vous
avez, des nombreux dossiers que vous avez dans vos bureaux respectifs.
J'aimerais bien avoir votre opinion là-dessus. Je pense que ce serait
important qu'on le sache parce que nous allons probablement être
appelés à nous prononcer là-dessus à
l'Assemblée nationale à un moment donné.
M. CHAPADOS: M. le Président, je pense que la loi de bon
Samaritain, quant à moi, est une mesure souhaitable. Quant à
savoir quel impact exactement elle pourrait avoir dans la réalité
concrète, je ne peux pas prédire quels en seraient les
résultats concrets. Le ministre veut m'interrompre...
M. CHOQUETTE: Je ne veux pas vous interrompre, je veux ajouter quelque
chose.
M. CHAPADOS: Cela me fait plaisir.
M. CHOQUETTE: Etant donné que le député de Beauce a
soulevé le problème du bon Samaritain, dans l'état actuel
du droit québécois, j'ai l'impression qu'une personne qui
porterait secours à une personne accidentée... Prenons le cas
d'un médecin qui s'en irait dans sa voiture et qui verrait une personne
blessée. Il viendrait, en somme, à son chevet pour la soigner. Ou
une autre personne qui viendrait aider cette personne et qui commettrait une
faute à l'égard de la personne blessée dans le traitement
administré ou les mesures prises, elle ne pourrait pas être tenue
responsable, excepté pour sa grossière négligence, de la
même manière qu'un mandatiare ou un negotiorum gestor. Disons
qu'elle a soulevé la personne du pavé. Parce qu'elle pense que la
victime a froid, elle la soulève du pavé pour la mettre dans son
automobile. Disons que, médicalement, c'est une erreur. Je ne crois pas
que, dans notre droit, notre code civil on n'a pas besoin de bon
Samaritain pour nous dire ça dans notre droit actuel, la personne
ne pourrait pas être condamnée pour sa faute, à moins
qu'elle ait commis une grossière négligence, c'est-à-dire
une chose qui est absolument insensée, une chose qui démontre une
action... Supposons que le bon Samaritain soit en état d'ivresse,
là, peut-être qu'il pourrait être condamné. Cela
prendrait à peu près ce degré de négligence pour
que la personne soit condamnée. Je ne sais pas, M. Chapados, si ce que
je dis là... Remarquez que je suis un peu rouillé dans mes
notions de droit, je ne sais pas si ça recoupe ce que vous savez de
l'affaire. Parce que le mandataire, en droit québécois, n'est pas
responsable vis-à-vis de son mandat pour sa plus petite faute. Il est
seulement responsable pour ses fautes lourdes. Je crois que le bon Samaritain
peut être assimilé au negotiorum gestor, c'est-à-dire que
c'est un mandat tacite et il sera seulement responsable de sa négligence
grossière ou de sa faute lourde.
M. CHAPADOS: II y a une chose que j'aimerais ajouter pour
compléter l'exposé qui vient d'être fait, c'est que, quant
au médecin, ça ne changera rien. Parce qu'il y a une loi qui a
été votée l'an passé et qui oblige le
médecin l'article 37 de la Loi de la santé publique
non pas à prodiguer des soins à une personne dont la vie est en
danger, mais à voir à ce qu'une personne dont la vie est en
danger ait des soins. Cela a été réglé en
décembre 1972. Une loi qui a été votée par M.
Castonguay. Il est clair que, si tous les citoyens sur la scène d'un
accident, surtout la nuit, assumaient leurs responsabilités et voyaient
au transfert de certaines personnes, certaines vies humaines seraient
épargnées. Je ne m'attends pas, pour ma part, même si je
souhaite cette loi, même si je souhaite qu'elle ait un effet
pédagogique... Il n'en reste pas moins que le citoyen va continuer
à circuler sur la transcanadienne, à 11 h 15 du soir, il y a une
auto à 400 pieds en avant de lui qui vient de faire une embardée,
il est seul, il aura toujours le choix de continuer tout droit ou de
s'arrêter.
Il ne faudrait pas attendre de résultats magiques de cela, mais
quand même je dis que ne serait-ce sur le plan pédagogique et si
les citoyens réalisaient qu'ils ont un devoir vis-à-vis
d'une personne, un de leurs concitoyens qui est en danger, ce serait un
pas d'accompli. Mais de là à traduire cela l'année
suivante en termes de baisse du taux de prime...
M. ROY: J'ai bien fait abstraction que ce n'était pas en fonction
de la baisse du taux de prime que je vous posais la question, c'était
compte tenu de l'expérience que vous aviez, et compte tenu des
dossiers.
M. CHAPADOS: Je m'excuse, je n'avais pas retenu, monsieur...
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?
M. ROY: Oui, j'ai d'autres questions. M. le Président, j'aimerais
parler un peu du système de points de démérite, compte
tenu des dossiers et de l'expérience que vous avez. La recommandation no
15 dit: Que le système de démérite soit repensé et
conçu en fonction d'une véritable politique de prévention
des accidents de sécurité routière dans la province de
Québec.
Etant donné qu'il n'a pas été question de ce
système de points de démérite et qu'il a également
été conçu, ce système, en fonction du
système préventif et que vous y avez attaché une
importance relative dont, je pense, qu'on peut vous rendre cet hommage, du fait
que vous vous êtes intéressés à l'aspect
préventif des accidents dans le domaine de la sécurité
routière, et j'aimerais savoir quelles recommandations vous avez
à faire concernant ce système de points de démérite
et comment, selon vous, à la lumière de votre expérience,
il devrait être conçu ou amélioré.
M. ROUSSEAU: Permettez, M. le député Roy. En ce qui
concerne notre district judiciaire, je ne peux pas parler pour tous les autres
districts judiciaires de la province, on voit le plus souvent des cas de points
de démérite dans les cas de facultés affaiblies ou de test
d'ivressomètre.
Il arrive malheureusement bien souvent qu'on voie défiler devant
les tribunaux des individus qui récidivent en se faisant prendre en
état d'ébriété au volant d'un véhicule
automobile. Quelquefois, cela peut aller à une, deux, trois ou quatre
condamnations.
Il est évident que l'individu en question va perdre des points de
démérite chaque fois qu'il paraît devant le tribunal, pas
par le tribunal nécessairement, mais par l'Etat qui, par son directeur
du bureau des véhicules automobiles, va envoyer un avis à
l'individu pour lui dire: Monsieur, vous êtes rendu à huit points
de démérite, surveillez-vous, parce que cela achève.
Finalement, on lui demande son permis de conduire.
Pour répondre à votre question, ce que nous
suggérons dans le cas de sécurité routière, ce
serait à la fois ce qui a été mentionné ce matin et
cet après-midi, ajouter une question d'éducation de la population
du Québec sur ce que comporte la sécurité
routière.
Quant à moi, on devrait enseigner aux jeunes dans les
écoles ou donner des cours de recyclage aux adultes sur la
sécurité routière. Je vais donner un petit
parallèle bien court. Pour devenir pilote d'avion, non pas commercial,
je parle d'un avion privé, il faut subir des tests, des examens
périodiques médicaux, etc.
Je crois que, dans le contexte d'aujourd'hui, il est aussi dangereux,
sinon plus, de conduire un véhicule automobile qu'un avion. Je pense
qu'outre l'éducation qu'on devrait donner à la population, on
devrait aussi lui faire subir des tests, des examens médicaux,
physiques, d'aptitudes, etc. Je ne sais pas si cela répond un peu
à votre question.
M. ROY: J'avais posé la question sur le système de points
de démérite actuel. Je voudrais avoir votre opinion et savoir si
vous trouvez que le système de points de démérite actuel,
tel qu'il existe, est satisfaisant ou si vous croyez qu'il doit être
amélioré et si oui, comment.
M. MATTE: Je trouve que le système de points de
démérite est valable au niveau des principes, mais il a
été mal appliqué. De cette mauvaise application et aussi,
pour vitesse excessive, par exemple, tout individu perd automatiquement quatre
points, qu'il entre dans un village à 38 milles à l'heure ou
qu'il entre à 90 milles, il a quatre points de
démérite.
Le plupart des individus font des excès de vitesse,
peut-être, mais à des vitesses raisonnablement basses, en ce sens
qu'on se fait arrêter à 40, 42, 43 milles à l'heure. Celui
qui arrive à 80 milles à l'heure dans un village va avoir quatre
points de démérite et celui qui arrive à 40 milles
à l'heure va avoir aussi quatre points de démérite.
Pour les gens qui font beaucoup de millage, les camionneurs, les
chauffeurs de taxi, les livreurs, au bout d'un an, un an et demi, tout le monde
à peu près a déjà perdu ses huit points.
Un feu rouge, c'est quatre points; un excès de vitesse, c'est
quatre points; un arrêt interdit qu'on passe, c'est trois points; un
dépassement interdit sur une double ligne blanche, parfois dans une
ville ou un village où on voit bien, c'est quatre points. Il y a
beaucoup de gens qui sont en danger de perdre leur permis et, de ces gens, il y
en a beaucoup qui le perdent. Par la suite, parce qu'ils l'ont perdu et
ils ne sont pas nécessairement de mauvais conducteurs ils passent
outre à l'ordre du Bureau des véhicules automobiles de ne pas
conduire leur véhicule automobile. Ils travaillent avec leur
véhicule, ils en ont besoin pour gagner leur vie. Ils se disent; Pour
moi, c'est plus important de gagner ma vie que d'obéir à l'ordre
qui m'est donné de Québec. Quand on veut en appeler au tribunal
de la sécurité routière, on se retrouve encore
avec des délais énormes d'un mois ou d'un mois et demi
pour un gars qui perd son permis pour trois mois. Le gars dit: Moi, je ne vais
pas devant le tribunal de la sécurité routière, parce que
cela prend trop de temps.
Ceux qui sont réellement les mauvais conducteurs, ceux qui se
font arrêter à des vitesses folles, ceux qui se font
arrêter, parce qu'ils ont conduit en état de boisson ou commis des
infractions semblables, par exemple, pour un cas de boisson où on garde
le contrôle d'un véhicule automobile, on perd quatre points, la
même chose qu'un excès de vitesse. Pour la conduite d'un
véhicule automobile, on perd six points, lorsqu'on est en état
d'ébriété. On se fait arrêter alors qu'on a 100
milligrammes d'alcool dans le sang, on perd six points; on se fait
arrêter alors qu'on a 300 milligrammes d'alcool dans le sang, on perd
aussi six points. Celui qui est à 100 milligrammes, c'est celui qui a
pris trois ou quatre bières. Celui qui en a pris 300 milligrammes, c'est
celui qui a bu une caisse de 24. Le dernier est beaucoup plus dangereux.
A cause de ces abus et du manque de souplesse administrative de ce
régime, les gens n'y ont pas confiance et les gens n'apprécient
pas ce régime. Mais s'il était bien appliqué, c'est un
régime qui pourrait apporter de bons résultats, parce que les
mauvais conducteurs seraient ceux qui seraient passibles de sanctions et,
à ce moment, les policiers pourraient faire appliquer plus
rigoureusement le système et voir à faire en sorte que les gens
qui n'ont pas le droit de conduire ne conduisent pas.
A l'heure actuelle, moi, je suis certain que, dans mon district, il y a
peut-être 300 personnes qui conduisent alors qu'elles ont perdu leur
droit de conduire, en vertu du système de points de
démérite et j'en connais plusieurs et les policiers
ne font rien à ce propos, parce qu'ils se disent: C'est un bon gars, il
gagne sa vie avec son auto et ce n'est pas un mauvais conducteur. Ceux qui sont
les mauvais conducteurs aussi...
M. CHOQUETTE: Dans quel district demeurez-vous?
M. MATTE: Le district de Saint-Hyacinthe.
M. CHOQUETTE: Ce que vous dites m'étonne beaucoup.
M. ROY: Je vous remercie beaucoup pour avoir répondu à ma
question. Puisque le ministre des Transports est ici, je me permettrais
d'ajouter ceci: II y aurait peut-être lieu, à ce moment, qu'on
révise et qu'on donne certaines instructions aux officiers de la
Sûreté du Québec qui vont installer des systèmes de
radar dans des endroits où les routes sont droites, dans des secteurs
où il n'y a aucune obligation de chaque côté. On en
profite, on dirait que c'est, en quelque sorte, un concours pour prendre le
plus de gens possible dans un minimum de temps.
Il y a des gens qui ont perdu des points pour avoir
dépassé un camion-remorque, un camion qui circulait à
cinquante milles à l'heure sur une grande route droite, sur laquelle il
y avait une simple ligne blanche, non continue, une ligne blanche normale,
régulière, quand on sait que, pour dépasser un
camion-remorque, il faut quand même accélérer un peu le
véhicule. Ils ont perdu quatre points alors que, un mille plus loin, il
y a un endroit stratégique, une zone de trente milles à l'heure,
où les gens traversent à 60 et 70 milles à l'heure. Je
veux le dire, parce que je pense que, jusqu'ici, j'ai eu plusieurs plaintes
à mon bureau, un peu partout, et je pense que de ce côté,
on devrait faire preuve d'un peu plus de jugement. Si ce sont les permis de
conduire qu'on veut faire perdre, qu'on le dise; si c'est l'amélioration
de la sécurité routière, je pense qu'on devrait appliquer
le système de façon plus rationnelle.
M. MAILLOUX: M. le Président, je n'ai pas d'observation à
faire, puisque la Sûreté du Québec ne dépend pas du
ministre des Transports...
M. ROY: Non pas la Sûreté du Québec, mais la loi, le
système de démérite, par exemple, relève du
ministère des Transports. Est-ce qu'il y aurait un conflit de
juridiction? J'espère que non.
M. MAILLOUX: J'ai entendu les remarques qui sont faites à la
barre comme celles qui viennent du député de Beauce-Sud.
M. LESSARD: Est-ce que le ministre a l'intention de reconvoquer
justement la commission parlementaire des transports pour étudier le
problème de la sécurité routière? On pourra en
discuter.
M. MAILLOUX: II me semble avoir affirmé quelque chose de
semblable à la commission parlementaire qui a siégé sur
les mesures de sécurité routière. Après tous les
mémoires qui seront soumis, je pense que, dans le cours de l'hiver qui
vient, il sera possible que, à la lumière de toutes ces
suggestions de même qu'à la lumière de toutes les
études faites par les fonctionnaires des ministères de la Justice
et des Transports et du Bureau des véhicules automobiles, qu'il soit
possible d'arriver à des correctifs et à des suggestions qui
seront valables.
M. ROY: Je voudrais revenir au mémoire de la
Fédération des avocats. Dans votre quatrième
recommandation, vous avez suggéré la répartition du
fardeau de la prime entre propriétaire et conducteur. Pourriez-vous me
dire comment
vous pouvez prévoir l'application et la mise en pratique d'un tel
système de répartition entre le propriétaire du
véhicule et le conducteur?
Je vais vous donner deux exemples en passant. Une personne conduit un
véhicule-taxi pour une autre personne. Vous pouvez avoir quelqu'un qui
conduit un petit camion de livraison. Vous pouvez avoir une personne
préposée, dans une grosse entreprise de transport
général, à la conduite de petits camions-remorques, quand
on sait ce que cela coûte pour assurer chacune des unités. Je ne
sais pas, est-ce que vous avez émis un principe? J'aimerais que vous me
donniez plus de détails là-dessus.
M. CHAPADOS: II y a différentes formules, M. le Président.
En fait, la question du député de Beauce-Sud est très
bonne. Il y a plusieurs formules. Nous n'avons pas une batterie d'actuaires au
service de la fédération. C'est un organisme très modeste,
vous comprendrez, M. le Président. Quand même, il y a plusieurs
formules qui s'offrent. Exemple: Qu'est-ce qui...
M. CHOQUETTE: C'est un organisme qui aurait pu prendre plus d'expansion
qu'il n'a pris, n'eût été que le Barreau ait pris de
l'expansion lui aussi de son côté.
M. CHAPADOS: M. le Président, le ministre de la Justice me pose
un piège à ours, comme je lui ai déjà dit, je ne
marcherai pas dedans. Bien au contraire. Je le félicite quand même
de se préoccuper de la santé et du dynamisme de la
fédération. S'il convoquait la commission parlementaire de la
justice et je l'invite à le faire ce qui est un
phénomène assez rare, il s'en rendrait compte.
Pour répondre à la question du député de
Beauce-Sud, il se pourrait fort bien que le gouvernement décide, suite
à des études actuarielles d'imposer un montant, je vais tout
simplement parler de montant minimal, de $1 par chaque permis de conducteur qui
est émis, d'imposer ni plus ni moins une taxe de $1, qui pourrait
financer le fonds d'indemnisation, parce qu'indépendamment des
réformes à être apportées, il reste que le fonds
d'indemnisation même dans le cadre du rapport Gauvin devrait quand
même régler certains cas particuliers. Il se trouverait que,
à même cette taxe payée par tous et chacun des conducteurs,
l'Etat pourrait très bien financer le fonds d'indemnisation, ce qui
allégerait d'autant la part financière que doivent assumer les
propriétaires. C'est un exemple que je donne.
M. ROY: Oui, je comprends. Mais la taxe de $1, je la voie mal, en
quelque sorte, comme un partage du fardeau de la prime entre le
propriétaire et le conducteur. Le système de $1, il en a
été question justement qu'il y ait un montant de $1 qui soit
ajouté au permis de conduire de façon à créer un
fonds d'éducation. C'est cela, je pense, la suggestion que vous faites
à l'heure actuelle. Mais ma question n'était pas
là-dessus.
M. CHAPADOS: M. le Président, je référais à
la situation actuelle qui veut que de 4.26 p.c. à 5 p.c. des
cotisations, du taux de primes payées par l'ensemble des assurés
au Québec, serve à financer le fonds d'indemnisation, à
compter du moment où le gouvernement se sert d'un autre moyen, et le
fait par le biais, lors de l'émission du permis de conduire.
A ce moment, il se trouve ni plus ni moins, à alléger
l'assuré de ces 4.26 p.c. ou 5 p.c. qu'il assume. C'est dans ce sens que
je parlais de répartition plus équitable, en fait, du fardeau
financier qu'implique l'assurance-automobile. A toutes fins pratiques, il y a
un partage plus équitable. Il y a différentes façons d'y
arriver. Je pense que le gouvernement devrait étudier cette question
sérieusement. Cela existe dans certains pays, dans certains Etats
américains, en Nouvelle-Zélande, je crois.
M. ROY: J'aimerais revenir, M. le Président, sur les questions
qui ont été discutées tout à l'heure, les mesures
destinées à accélérer le processus d'indemnisation.
C'est un sujet dont il est beaucoup question jusqu'à ce jour. Il y a
aussi la question de la faute qui a été discutée. Dans
toutes les discussions qu'il y a eu, concernant l'abolition de la faute, il
semble y avoir deux tendances radicales, si je puis dire ainsi, qui semblent se
manifester au cours de nos délibérations. On parle, d'un
côté, de la quasi-abolition totale de la faute et de l'autre
côté, on semble vouloir maintenir, en quelque sorte, le statu quo
actuel, le maintien total de la faute.
Hier, le Bureau d'assurance du Canada a proposé, devant la
commission parlementaire, un système d'assurance AutoBAC qui recommande
l'abolition partielle de la faute et qui maintient, dans d'autres mesures, la
notion de responsabilité. Mais pour éliminer les tracasseries
administratives, les petits procès... Je pense qu'il y en a quand
même un certain nombre. J'ai déjà assisté à
certains procès. Il n'y a personne d'entre nous qui n'a pas
assisté, à un certain moment, à des procès, qui ont
lieu devant les tribunaux, qui durent une heure, une heure et demie pour
discuter qui va payer les $350 de réparations d'automobile de M. Untel,
quand on sait ce que cela coûte, tout cela.
J'aimerais avoir votre opinion concernant la proposition faite par le
Bureau d'assurance du Canada hier, concernant l'abolition partielle de la faute
qui, selon mon opinion, constituerait une grosse amélioration au
système actuel.
M. CHAPADOS: Disons, M. le Président, pour répondre
à la question du député de Beauce-Sud, qu'actuellement,
quand on parle du système de la faute et uniquement de celui-ci, c'est
exact, mais c'est incomplet. Je vous ai mentionné tout à l'heure
que les deux notions cohabitent actuellement. C'est-à-dire, la
règle de la faute qui cohabite avec une liberté
contractuelle qui permet certains aménagements. C'est ce que recommande
la fédération. Je pense qu'actuellement, en fait, il y a toute
une série de mécanismes et de recours qui existent et qui
permettent de régler, dans un bref laps de temps, l'ensemble de ces
petites choses. Si je me faisais le porte-parole du ministre de la Justice, je
dirais: II y a la loi des petites créances qui permet quand même
à une personne d'aller réclamer un montant jusqu'à
concurrence de X dollars. Je pense que ceci, justement, c'est une
réalité. C'est une loi qui existe. On s'en est déjà
parlé...
M. CHOQUETTE: Je suis content de voir que vous l'invoquez à votre
appui, M. Chapa-dos.
M. CHAP ADOS: Non, faites attention, M. le Président. J'aimerais
préciser à l'honorable ministre que je me suis fait son
porte-parole. Je ne me suis pas appuyé sur la loi.
Quand même, vous avez là un type de recours qui permettrait
de régler ces petites tracasseries dont vous faites état. Il y a
également aussi, pour des cas plus graves... Il y aurait d'autres
formules. Il faudrait faire preuve d'imagination. Dans plusieurs Etats
américains, il y a une façon de procéder qui est
différente d'ici. Je ne vois pas pourquoi, par exemple, lorsque dans les
cas d'invalidité très grave où, par exemple, les experts
des deux parties s'entendent sur un minimum d'incapacité de 15 p.c...
Maintenant, le médecin du poursuivant dit: Cela peut monter d'ici un an
ou deux jusqu'à concurrence de 30 p.c. Il va falloir faire attention.
Mais le minimum, c'est 15 p.c. et on s'entend. Je ne vois pas pourquoi le code,
le législateur en général et le ministre de la Justice en
particulier ne verraient pas à faire adopter des mesures
législatives pour permettre que soit tranchée instanter la
question de la responsabilité, pour que le tribunal puisse statuer sur
l'indemnisation partielle en cause, quitte à revenir un an ou deux plus
tard, au niveau des réajustements si l'incapacité passe de 15
p.c. à 42 p.c. Il faut faire preuve d'imagination.
M. ROY: Je m'excuse. J'ai voulu faire une distinction très nette
entre les blessures corporelles et les indemnités au point de vue des
dommages matériels au véhicule lui-même. Je me suis
limité dans ma question aux dommages matériels parce qu'il
m'apparaît complètement dépassé qu'aujourd'hui on en
soit réduit en quelque sorte à ce que deux personnes qui sont
assurées pour leurs dommages, même les dommages à autrui,
et qui, dans certains cas, sont assurées par le même courtier,
mais dont la police n'a peut-être pas été orientée
vers la même compagnie, soient obligées d'avoir recours à
une espèce de procès, à attendre des mois, voire des
années pour avoir un règlement alors qu'il n'est pas question
d'évaluation de blessures corporelles dans le cas type que je vous
démontre. Il n'y en a pas.
Croyez-vous à ce moment que l'abolition de la faute je
vais parler d'un secteur particulier, le véhicule automobile
lui-même constituerait une amélioration dans le
système d'assurance-automobile et constituerait par le fait même
une diminution des frais administratifs qui aurait, évidemment, un
impact sur les tarifs, les taux à payer par les propriétaires,
par les conducteurs?
M. CHAPADOS: Nous avons soumis tout à l'heure que ceci
était permis dans le cadre de la loi actuelle, entre autres au niveau du
chapitre B. De là à l'instaurer au niveau légal, que
voulez-vous? Entre l'évolution et la voie législative, quand
c'est possible, c'est préférable de passer par la voie
contractuelle. A ce moment, je dis que, dans ce cas, ce que je craindrais,
c'est qu'à un certain moment, l'on abolisse la notion de faute au niveau
matériel, législativement, ce qui est le cas du Massachusetts, si
mes références sont bonnes, pour éventuellement, dans
quelques années, envahir le domaine, de l'indemnisation pour blessures
corporelles.
M. GIASSON: Qu'est-ce que vous avez de pratique à proposer de
mieux que les recommandations d'AutoBAC? C'est-à-dire avoir un
régime de base sans droit de recours où vous n'avez pas de
principe de responsabilité, couverture excédentaire obligatoire?
Nécessairement, à ce moment, vous allez inclure la
responsabilité s'appliquant aux blessures corporelles comme aux dommages
matériels et je pense que c'est nécessaire.
Supposons un camion-citerne chargé de produits pétroliers
ou d'explosifs dont le conducteur perd la maîtrise et entre dans un
pâté de maisons. Cela peut causer des dommages matériels de
l'ordre de $100,000. Je prétends que la couverture de base n'avait pas
les limites de couverture suffisante pour payer toute la note d'un tel
dégât matériel, mais ce qui est proposé par AutoBAC
m'apparaft fondamentalement complet, à peut-être quelques nuances
près.
Si, dans votre conception d'un nouveau régime
d'assurance-automobile, vous avez quelque chose qui vous apparaît
supérieur, soit en examinant ce qui peut exister dans les Etats
américains, soit en examinant ce qui existe ailleurs dans le monde,
j'aimerais avoir votre opinion là-dessus, de façon assez
précise, comme modèle de couverture possible qui serait
supérieure à ce qu'AutoBAC a proposé.
Deuxièmement, une remarque en passant. M. Moreau a fait une
remarque hier. Je ne sais pas si elle a été bien saisie. Il a
exprimé une carence qui existe présentement, même dans
notre police automobile actuelle, soit celle qui se référait au
chapitre B. Et je pense que, comme législateurs, nous avons des torts
à prendre là-dedans.
Nous aurions pu, depuis quelques années déjà, en
modifiant le chapitre B, en augmentant les couvertures, en le rendant
obligatoire sur toutes les polices, apporter un palliatif au but qu'on poursuit
en mettant une couverture de base obligatoire. Si le surintendant des
assurances de la province de Québec avait voulu augmenter les montants
d'indemnités prévus au chapitre b ), le rendre obligatoire sur
toutes les polices où vous avez au chapitre a) la section de
responsabilité civile, déjà, on avait un correctif
à la situation qui prévaut présentement.
J'appuie totalement les remarques de M. Moreau à ce niveau.
Maintenant, si vous avez des formules qui vous apparaissent plus
complètes, plus souples, mieux adaptées, et qui ne commandent pas
des coûts additionnels par rapport à ce qu'AutoBAC nous a
proposé, j'aimerais connaître votre avis là-dessus.
M. CHAP ADOS: En ce qui a trait à AutoBAC, je n'ai pas
assisté durant toute la journée d'hier à la
présentation du mémoire. J'aurais aimé le faire, mais
j'étais retenu ailleurs, ici, à une autre commission
parlementaire.
Maintenant, ce que j'ai retenu du bref passage que j'ai fait ici, c'est
qu'en fait Auto-BAC, c'est un très beau plan, mais c'est un peu comme le
Concorde. On ne savait pas trop combien cela allait coûter. Est-ce que je
fais erreur dans mon appréciation? Est-ce qu'AutoBAC a été
très précis quant aux coûts que cela impliquait? Le Bureau
d'assurance du Canada, je n'y étais pas, j'ai feuilleté le
mémoire, le résumé, je n'ai aucune précision
à fournir quant à cela. Sous réserve de cette remarque
quant au coût du régime qui est proposé, il est clair que,
d'une façon ou d'une autre, j'ai mentionné tout à l'heure
qu'au niveau du chapitre B, ce que vous proposez existe. Il est clair que l'on
peut donner un coup de pouce à l'évolution des contrats par voie
législative. Pour des raisons pratiques, ce que retient dans tout
ça la fédération, c'est ce qu'elle craint
également, c'est qu'à un moment donné, le parcours soit
franchi entre les dommages matériels et les dommages corporels parce
qu'autant les dommages matériels sont assez facilement identifiables et
pourraient faire l'objet d'un plan d'assurance comme celui que vous proposez ou
comme propose AutoBAC, d'accord, mais autant l'introduction au niveau
législatif d'une mesure de responsabilité sans faute risquerait
de déborder sur les dommages corporels. C'est ce que nous craignons.
M. GIASSON: AutoBAC ne nie plus le principe total et absolu de la
responsabilité. Il accorde une couverture de base sans appliquer le
principe de la responsabilité où chaque assureur paie des
dommages et les blessures corporelles à l'intérieur du
véhicule qu'il assure, mais il maintient la notion de
responsabilité pour les couvertures excédentaires que les
Québécois vont continuer de désirer en dépit d'une
bonne couverture au plan de base.
M. CHAPADOS: C'est juste. Là, est-ce que le principal va
l'emporter sur l'accessoire? C'est cela, la grande question. Est-ce que par
voie législative on pourrait en arriver... Par exemple, on adopte
AutoBAC, une supposition, que va représenter, en fait, dans la
réalité de tous les jours, cette couverture excédentaire
dont vous parlez?
M. GIASSON: Elle va permettre de répondre à des besoins
qui, nécessairement, vont s'exprimer en cours de route à la suite
des réclamations d'accidents d'automobile. Présumons que le plan
de base pour une personne accorde, pour incapacité totale ou une perte
de capacité très forte, une indemnité maximale de $30,000.
On va l'appliquer à votre cas, vous êtes un brillant avocat, un
brillant procureur, je présume que vous faites des honoraires en
proportion de la valeur que vous représentez à l'intérieur
de votre profession. Dans un accident d'automobile...
M. CHAPADOS: On n'est pas riche, M. le Président.
M. GIASSON: ... je vous frappe, fracture du crâne. Vous n'avez pas
de rétablissement complet, vous gardez une incapacité
sérieuse qui fait que Chapados, ce n'est plus le même gars qu'il a
été. Vous aviez un bon revenu. Je présume que vous avez
des charges de famille, cinq enfants peut-être. Vous étiez une
garantie de revenu annuel de X pour votre famille, votre épouse et vos
enfants. D'un coup sec, un matin, cela vient de finir. En présumant que
vous aviez une expectative de vie assez longue, un gars en bonne santé,
normalement, la loi des moyennes, je pense que le plan excédentaire,
établi toujours sur le principe de la responsabilité, va
résoudre le problème de votre famille. Autrement, on ne sera pas
capable de le résoudre. Vous ne croyez pas?
M. CHAPADOS: Que voulez-vous que j'y fasse, M. le Président,
puisqu'on parle d'Au-toBAC, cela va rester dans le cadre de critères
préétablis que j'ai mentionnés ce matin. La question que
l'on doit se poser est: Jusqu'à quel point la population, compte tenu du
dédommagement reçu, ne laissera pas tomber son droit de recours
pour un présumé excédent?
M. ROY: En somme, si je comprends bien...
M. GIASSON: Si les conseillers demeurent aussi disponibles et d'aussi
bons conseillers qu'ils l'étaient à l'époque des
courtiers, en présumant que ce seront des conseillers à l'avenir,
je pense bien qu'ils vont conduire leurs clients, comme on le fait
traditionnellement au Québec.
M. CHAPADOS: M. le Président, il y en a d'autres...
M. GIASSON: Je comprends que, pour la Fédération des
avocats, il y a un autre élément dans le problème qu'on
discute là, comme il y a un élément d'inquiétude au
niveau des courtiers face aux recommandations Gauvin.
Voyons au-delà des intérêts de ces professions, dans
une recherche véritablement poussée, pour modifier le
système de l'assurance en y allant pour les meilleures formules,
même si ça fait mal à certains groupes à
l'intérieur du système traditionnel.
M. ROUSSEAU: M. le Président, permettez que je réponde
à M. Giasson. Je vais faire un parallèle très bref entre
le système proposé de BAC et le système qui existe
actuellement, qui s'appelle la Commission des accidents de travail. Pour ma
part, j'ai demandé à d'autres confrères leur avis
là-dessus, il y a une quantité de gens qui ne savent même
pas qu'ils peuvent réclamer pour l'excédent. Cette Commission des
accidents de travail, si ma mémoire est bonne, a été
établie en 1933, il y a au-delà de 40 ans, et après 40
ans, le populo, les gens du peuple, dans la plupart des cas, ne savent pas
qu'après avoir été indemnisés par la Commission des
accidents du travail, à peu près aux deux tiers du salaire,
toutes proportions gardées, peuvent revenir contre un tiers responsable
pour l'excédent de leur salaire ainsi que pour l'incapacité et
les souffrances dues à leur inconvénient. C'est bien
malheureux.
M. GIASSON: S'il y avait eu un bon courtier derrière ses
réclamants, je pense...
M. ROUSSEAU: Probablement.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauce.
M. ROY: M. le Président, si j'ai bien compris ce que M. Chapados
a dit tout à l'heure, c'est que la Fédération des avocats,
en pratique, pour résumer la pensée qui a été dite,
j'aimerais qu'on me corrige si je fais erreur, est complètement
opposée à l'abolition de la faute, ne fût-ce que
partiellement, même au niveau des dommages mineurs au niveau des
automobiles.
M. CHAPADOS: On veut me faire dire certaines choses. Tout à
l'heure, je me suis référé au rapport Gauvin, où on
dit que les dommages matériels sont relativement bien compensés
et, partant de là, j'ai dit qu'actuellement, la situation légale,
le contexte légal, permettait la cohabitation des deux régimes.
Quant à la recommandation de la Fédération, la position
officielle de la Fédération, c'est celle-là.
M. ROY: Vous favorisez la cohabitation des deux régimes, mais
sans modifier quoi que ce soit au niveau de la législation, au niveau du
droit de ce qui se fait, selon la pratique établie, les coutumes
établies, les lois actuelles.
M. CHAPADOS: M. le Président, je ne veux pas faire de
tragédie, surtout qu'on a assez de problèmes dans la
société dans laquelle on vit, quand il n'y en a pas, il ne faut
pas en chercher. Le rapport Gauvin a dit en toutes lettres qu'en matière
de dommages matériels, les dommages sont relativement bien
compensés. Partant de là, je ne vois absolument pas la
nécessité de légiférer dans le sens d'une abolition
de la faute quant aux dommages matériels. Absolument pas, bien au
contraire. La position officielle de la fédération, c'est de dire
qu'il y a maintien de la notion de faute et, deuxièmement, il y a la
liberté contractuelle et l'option que vous explorez actuellement existe
déjà. Laissons la situation évoluer, elle évolue
bien. Pour autant que les dommages matériels sont concernés, au
moment où on se parle, c'est bien compensé.
M. ROY: En somme, c'est le statu quo que vous préconisez dans ce
secteur, selon les formules établies. Si j'ai bien compris, mettons cela
comme ça.
M. CHAPADOS: C'est un statu quo, quant aux dommages matériels,
qui fonctionne bien. On ne voit pas la nécessité de le
changer.
M. ROY: C'est le statu quo également en ce qui a trait aux
dommages corporels.
M. CHAPADOS: Non, parce que, quant aux dommages corporels, si on tombe
tête première dans le rapport Gauvin et dans les recommandations,
on se retrouve à certains chapitres avec une indemnisation qui est
ridicule. C'est une justice d'ordinateur et si c'est ce que veut la population,
alors on va y aller.
M. ROY: Dans vos recommandations à vous, si j'ai bien compris, en
ce qui a trait aux recommandations de la commission Gauvin, vous n'acceptez pas
ce qui est proposé. Ce que je veux dire par là, je m'excuse, je
n'ai peut-être pas été assez clair dans ma question, au
niveau de la fédération des avocats, les recommandations du
rapport Gauvin, vous les mettez de côté, vous trouvez qu'il serait
normal et avantageux pour tout le monde de maintenir le système actuel,
tel qu'il est à ce niveau?
M. CHAPADOS: La situation actuelle. M. ROY: Au point de vue
corporel.
M. CHAPADOS: Attention. Actuellement, nous avons fait une série
de recommandations, et vous l'avez souligné, qui auraient pour effet de
baisser considérablement le taux de prime.
M. ROY: Cela regarde la sécurité routière, vos
recommandations.
M. CHAPADOS: Quand même, ça débouche sur une coupure
du taux de prime.
M. ROY: Ce n'est pas sur la recommandation routière que je vous
ai posé des questions tout à l'heure, c'est sur la
sécurité routière.
M. CHAPADOS : Et au niveau des blessures corporelles, nous avons dit ce
matin, et nous avons donné des exemples patents, que quant à
nous, nous ne sommes absolument pas prêts à donner suite à
ces recommandations-là, parce qu'à certains chapitres, il y a des
indemnisations qui sont proposées et qui ne sont pas tout à fait
réalistes. Comme on le disait, cela va être un petit peu de
justice pour tout le monde, mais de là à dire que c'est
préférable au régime actuel, nous n'hésitons pas
à répondre non.
Sans compter que autre aspect que nous avons souligné et
c'est le plan technique nous avons ce matin, en nous
référant au mémoire qui vient d'être
déposé au rapport violet, souligné une série de
points où il y a une chose qui saute aux yeux. Sur plusieurs points
importants, entre autres au niveau des quanta se référant
à l'invalidité permanente, au chapitre des sommes qui devront
être consacrées à l'incapacité totale temporaire,
bref, le rapport Gauvin, le rapport particulier soulève toute une
série de questions. Nous soumettons que ce serait vraiment une aventure
financière que de se lancer tête baissée, compte tenu de
l'état actuel du dossier.
Si on prend les tables qui apparaissent à ce rapport-là et
qu'on commence à les analyser une par une et qu'on voit le nombre
d'inconnues, jepense qu'on doit se poser certaines questions et qu'on ne peut
pas de but en blanc donner suite à cela, parce qu'on ne sait vraiment
pas où on va aboutir avec cela.
Somme toute, à la toute fin, c'est l'ensemble de la population
qui va payer pour cela, c'est au niveau technique.
M. ROY: Je ne veux pas reprendre la discussion qu'il y a eu à ce
niveau-là, j'aimerais tout simplement, pour terminer, toucher un peu
l'aspect concernant les procédures en vue d'accélérer le
processus d'indemnisation. Quelles sont les recommandations, actuellement, que
la Fédération des avocats peut faire à la commission
parlementaire, de façon à réduire les délais qui
ont causé énormément de préjudices dans le
passé, qui en causent encore et pour lesquels nous recevons de
très nombreuses plaintes et pour lesquels la population du Québec
se plaint? Quelles sont les mesures pratiques, concrètes, les mesures
d'urgence qui, selon vous, pourraient être adoptées dans les
meilleurs délais en vue d'améliorer ce
côté-là, cet aspect-là du problème?
M. CHAPADOS: II y aurait différentes mesures. Au niveau
juridique, nous avons fait une suggestion tout à l'heure. Nous avons
recommandé que des amendements soient apportés, dans le cas de
blessures très graves, dont l'incapacité peut évoluer,
permettant par exem- ple au tribunal de statuer sur la responsabilité et
pour permettre à ce moment-là, un dédommagement, surtout
lorsque les experts des deux parties, entre autres au niveau médical,
s'entendent sur une incapacité minimale, quitte à revenir deux ou
trois ans après devant la cour si chez le bonhomme, suite à un
traumatisme crânien, on a décelé des signes
épileptogènes sur l'électroencéphalogramme, pour
qu'on puisse revenir et dire: Voici, l'incapacité minimale de
l'époque, qui était à 3 p.c., sera maintenant à 11
p.c, c'est l'avis des experts. Ce serait une formule.
Il y aurait également une autre formule. Au niveau de la cour
Supérieure, par exemple, il y aurait également plus de juges
à nommer et, encore là, au niveau de la cour Supérieure,
il y a quand même des réformes qui se sont faites
dernièrement. Les délais ne sont plus ce qu'ils étaient.
Il faut encore retenir qu'il y a une autre dimension là-dedans.
Actuellement, à cause de la structure juridique qui existe, l'avocat qui
veut agir consciencieusement vis-à-vis de son client est obligé
d'attendre dans certains cas que l'expert médical se prononce. Ceci
soulève des problèmes de deux ordres. La maladie peut
évoluer sur une période de trois ans, il faut attendre. On avait
tout prévu, sauf le droit du bonhomme d'être malade et
d'évoluer à sa guise. C'est une contrainte qui est là.
Il y a également les expertises des médecins qui font
encourir des délais aussi. Mais, dans un cas comme dans l'autre, on les
a. Je vous l'ai prouvé tout à l'heure, lorsqu'on parle
d'incapacité totale temporaire. On dit: Ce sera tant de semaines,
à moins que le médecin ne justifie telle chose.
On se retrouve encore devant la même réalité, c'est
que cela va prendre, à un moment donné, des expertises
médicales. Compte tenu de tout cela, je pense qu'il y aurait
peut-être lieu, à propos des délais, de regarder la
réalité telle qu'elle est. Il y aurait lieu de réaliser
aussi que, entre autres, au niveau de la cour Supérieure, les
délais ont été coupés depuis dernièrement
et, également, d'adopter des mesures législatives pour permettre
au régime de fonctionner avec plus de souplesse, de permettre, par
exemple, si la responsabilité est claire et s'il y a une
incapacité de X minimale, partielle ou permanente, aux juges de statuer,
de faire verser un certain montant quitte à ce que les parties
reviennent pour un rajustement ultérieur. Ce sont autant de mesures qui
permettraient, je pense, de déboucher sur une situation qui est
meilleure que celle qui existe actuellement. Pour cela, ce n'est pas
nécessaire de renverser ou de bouleverser l'ensemble du système,
mais ce serait drôlement pratique et drôlement utile pour la
personne qui, elle, est lésée et attend son
dédommagement.
M. ROY: Si je vous ai posé ces questions, c'est que vous avez
dit, tout à l'heure, en guise de réponse, qu'il était
possible que les experts
médicaux s'entendent pour déterminer un degré
d'incapacité. Il y a une chose. C'est un aspect du problème
auquel les accidentés victimes de blessures corporelles ou de
lésions corporelles sont obligés de faire face. Mais, une fois
que c'est établi, il faut attendre la décision pour voir qui est
responsable avant que ces gens puissent retirer un seul sou. J'ai ici un
exemple, et je l'ai souligné hier, je pense que ce dossier se retrouve
à plusieurs exemplaires, dans le Québec, puisque, dans chacun des
comtés, il y a plusieurs exemples du cas d'une personne qui a
été victime d'un accident d'automobile. Je le
répète, M. le Président, on m'excusera si j'y reviens,
mais je pense que c'est quand même important que ces points se discutent
et qu'on en discute justement avec la Fédération des avocats.
Cette personne a été victime d'un accident le 26 septembre
1970, sa requête a été accueillie le 22 septembre 1972, et
le jugement a été rendu le 3 mai 1974. On accorde à cette
personne complètement invalide une compensation de $41,451. Une fois
qu'on a défini que telles et telles personnes ont été
condamnée? à payer à telle personne la somme de $41,451,
les personnes qui ont été condamnées à payer et qui
ont été tenues responsables de l'accident ont
décidé d'interjeter appel et de revenir devant les tribunaux. On
sait et j'aimerais qu'on me corrige qu'il y a à peu
près au moins 50 p.c. de toutes les réclamations où des
montants importants sont impliqués en guise de compensation d'accident
qui vont en appel et il faut attendre deux ans encore, parfois même trois
ans avant que ces victimes puissent toucher un montant d'argent. En attendant,
qu'est-ce qui arrive? S'il s'agit d'un père de famille qui a six enfants
et qu'il était le seul pour gagner îa vie de la famille, parce que
la mère devait quand même s'occuper de ses enfants, c'est
l'indigence totale, c'est le bien-être social.
Jusqu'ici, on doit dire que la province, le fardeau des contribuables,
le fonds consolidé du revenu, par l'entremise du bien-être social,
en quelque sorte, vient en aide aux victimes d'accidents d'automobile à
cause justement des mécanismes, des lenteurs de décision. On
oblige les gens à payer des taxes en plus d'avoir payé des primes
d'assurance.
A ce niveau, il y a quand même un point. Vous avez cité la
Commission des accidents du travail et je l'ai citée moi-même, et
lorsque je l'ai citée, ce n'était pas à son avantage, mais
il y a quand même un point, sur lequel la Commission des accidents du
travail agit. Il y a la question de l'incapacité totale temporaire
pendant une période donnée, jusqu'à ce que la personne
soit rétablie à sort maximum. La commission verse compensation
une fois que cet aspect de la question est réglé quitte à
revenir deux ans ou trois ans après pour réexaminer le patient
afin de déterminer son degré d'incapacité qui fait l'objet
d'une autre forme de compensation alors que, dans l'assu- rance automobile,
pour les victimes d'accidents d'automobile, on attend que ce soit un tout et
que tout soit complet et réglé partout avec les délais que
cela implique.
J'aimerais qu'on me dise, M. le Président, que la
Fédération des avocats me dise, que Me Chapados nous
réponde s'il y a des avantages, d'abord, à maintenir un
système de la sorte, et quels sont les avantages qu'il peut y avoir, et
s'il n'y a pas d'avantages, quelles sont les suggestions qu'on peut proposer
à la commission parlementaire.
M. CHAPADOS: Ah bon! A ce niveau, j'aimerais souligner ceci: D'une part,
au niveau de la détermination des quanta, nous avons soumis des exemples
à l'appui que la référence aux tribunaux est une garantie,
en fait, d'évolution appréciable, surtout si on se
réfère aux jugements depuis 1969. D'autre part, quel est le prix
à payer pour cet avantage en termes de délai? Evidemment, vous me
posez une question à propos d'un dossier que j'ignore totalement. Je ne
sais pas du tout. Vous m'avez donné trois dates, 1970, 1972, 1974,
j'ignore totalement quand les expertises médicales finales ont pu
entrer, j'ignore tout de ce dossier. Reste une chose, certains des moyens qui
ont été suggérés tout à l'heure auraient
quand même permis dans ce cas, s'il y avait entente entre les experts au
niveau d'une incapacité minimale, de procéder avec plus de
célérité. J'admets qu'il a pu y avoir dans le
passé, et encore au moment où je vous parle, certains avocats qui
peuvent être des causes de retard. Il y a beaucoup de parties qui sont en
cause. Il y a également, je l'ai mentionné tout à l'heure,
l'appareil judiciaire qui avait fait des réformes en la matière
d'une part; d'autre part, il y a l'appareil administratif aussi. On me
permettra de citer un exemple. Un gouvernement antérieur, lorsque le
Tribunal du travail a été créé à
Montréal, a décidé, une semaine, de nommer cinq juges. Le
seul problème, c'est que les cinq juges sont demeurés un mois ou
un mois et demi sans secrétaire. Ceci pour vous dire que j'avais
appelé un de ces juges pour demander un jugement. Il m'avait dit:
Ecoutez, Me Chapados, voulez-vous que je vous rende mon jugement à la
"longue main"? Il faut comprendre que l'appareil judiciaire, c'est complexe.
Cela met en cause, à un moment ou l'autre, l'appareil de l'Etat. Je
pense évidemment qu'on peut apporter des améliorations notables
et très sensibles au niveau des délais, entre autres, par la
suggestion que nous avons faite il y a quelques instants.
Qu'il y ait encore des délais, il va toujours avoir certains
délais, mais je pense que le prix en vaut la peine. Somme toute, lorsque
vous dites que la société est là-dedans et, par le
bien-être social, se trouve à faire vivre cette famille, je dis:
Oui, c'est vrai. Si l'automobile est un risque social qui engage la
responsabilité de la société dans son ensemble, il est
temps
que l'Etat et tout le inonde aussi à même nos
taxes, finance le cas de ce pauvre père de famille, qui va
peut-être attendre deux, trois ou quatre ans, mais qui va avoir
l'indemnité qu'il mérite.
M. ROY: Je ne blâme pas le bien-être social de lui
être venu en aide, parce que s'il n'avait pas eu le bien-être
social, cela aurait été épouvantable, cela aurait
été tout simplement épouvantable. Ce que je dis, c'est que
nous sommes en face d'un fait que tout le monde admet. La personne a
été victime d'un accident d'automobile, elle souffre d'une
incapacité totale, et il n'y a pas un seul médecin qui le nie.
Alors, il ne s'agit pas d'un problème, de déterminer si la
personne est incapable ou non, le problème ne se pose pas à ce
niveau. Elle l'est, elle a été victime d'un accident
d'automobile. Mais elle ne peut rien obtenir à cause de toutes les
autres questions, les aspects juridiques, les complications des complications
qui surviennent et de tous les délais qui entraînent la parution
des causes devant les tribunaux. Il y a encore le fait que le matin où
la cause doit passer, il manque deux témoins importants et la cause est
reportée à deux mois. Je pense que je n'apprends rien, je ne
scandalise personne en disant cela. On se trouve dans des situations, devant le
fait qu'il y a des familles... Je n'ai pas seulement un dossier comme
celui-là, j'en ai plusieurs. C'est dire que c'est un problème
social au Québec sur lequel il va falloir se pencher et trouver un moyen
d'indemniser en attendant, ne fût-ce que partiellement, les victimes qui
sont responsables de ces choses, quitte à répartir le fardeau de
la responsabilité un peu plus tard, mais il faut qu'au moins ces gens
puissent avoir quelque chose. J'ai ici le dossier d'une autre personne qui,
à l'âge de 27 ans, conduisait une ambulance et qui s'est
portée au secours d'une personne qui venait d'avoir un accident de
motoneige et non de la route. J'identifie en quelque sorte la personne, vous me
ferez grâce du nom et de la localité. C'était un
automobiliste en état d'ébriété, c'est
publié dans le rapport. Il a heurté l'ambulance, a
fracturé la colonne vertébrale de la personne. La personne a
été deux jours dans le coma, trois jours décomptée.
Depuis elle est dans un fauteuil roulant, et souffre de paraplégie
aiguë.
Elle a été devant le tribunal et la cause a
été rejetée dos à dos pour la bonne raison qu'il y
avait quelque chose dans la procédure ou... Je ne suis pas avocat pour
interpréter toutes ces choses, mais le type a été en
appel. Cela s'est passé en 1971. On est en 1974, 1975 bientôt, et
le type n'a pas encore reçu un seul sou. C'est là que je dis,
moi, qu'il y a un problème qui oblige...
M. CHOQUETTE: La seule raison pour laquelle cette personne aurait pu
avoir son action rejetée, c'est qu'elle aurait pris une action
après les délais fixés par la prescription.
M. GIASSON: II n'y a pas de...
M. CHOQUETTE: II n'y a plus d'exception à la forme maintenant.
Les vices de forme ont tous été abolis dans le code de
procédure. Il n'y a plus un juge... Dans tous les cas, je ne connais pas
de vice de forme qui puisse mettre fin à une action comme autrefois,
sauf si l'action est prise après la prescription, qui est d'une
année, dans le cas de blessures corporelles. J'aimerais cela, si le
député pouvait, peut-être pas tout de suite, mais enfin,
à un autre moment, me donner plus de détails.
M. ROY: D'accord! Mais je n'ai pas pris un cas type, un cas
exceptionnel. J'ai pris un cas parmi d'autres identiques, d'autres semblables
que j'avais à mon bureau pour attirer l'attention de la commission et
des organismes qui viennent devant nous afin de démontrer qu'il y a des
correctifs à apporter dans ce secteur.
Je m'excuse d'avoir peut-être abusé un peu de votre temps,
mais je pense que c'est quand même important qu'on se penche sur ces
choses et qu'on en vienne à trouver des améliorations parce que
la population a des droits. C'est la responsabilité des
différents organismes mis en cause le Barreau comme les autres
de travailler afin d'améliorer ce qui peut et doit être
corrigé de façon à éviter des injustices de ce
genre. C'est inacceptable en 1974 qu'on soit en face de situations semblables.
C'est pour cela que je demandais à Me Chapados tout à l'heure si,
au niveau de toutes ces procédures qui causent des délais, on
peut réellement en venir à quelque chose de positif et de
constructif aujourd'hui.
M. CHAPADOS: Je pense, M. le Président, que l'intervention du
député de Beauce-Sud est très bonne. Je
réfère les membres de cette commission à certaines des
suggestions que nous avons faites, à savoir que ces suggestions
devraient être étudiées attentivement. Même si,
encore une fois, ces cas, si on les considère dans l'ensemble du
régime, sont des cas marginaux en ce sens on l'a
déjà dit ce matin qu'il y avait 1 p.c. qui se rendait
à jugement et qu'en appel, c'était 0.25 p.c, etc. Mais je pense
que ceci n'est pas une raison pour faire en sorte que les améliorations
requises ne soient pas apportées.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Portneuf.
M. PAGE: Merci, M. le Président. Me Chapados, une brève
question. Vous avez fait allusion tout à l'heure au fait que même
en instaurant l'assurance obligatoire, on devrait conserver le fonds
d'indemnisation pour différents motifs. Vous ne croyez pas qu'il serait
peut-être préférable de faire dépendre le fonds
d'indemnisation essentiellement du gouvernement du Québec plutôt
que des assurés comme tels pour
étendre le parapluie de ceux qui ont à payer, pour que ce
ne soient pas encore ceux qui sont assurés qui soient obligés de
payer pour ceux qui ne le sont pas.
M. CHAPADOS: Nous avons fait tout à l'heure une suggestion,
justement, suite à une question qui avait été posée
à propos de l'assurance des conducteurs. Il importe de retenir que,
même dans le régime proposé il y aura toujours un
fonds d'indemnisation pour quelques cas c'est la société
dans son ensemble. Quand on dit que c'est un risque social, c'est vrai. Quelle
que soit la formule retenue de financement, l'Etat pourrait décider,
comme le dit le rapport Gauvin, de financer à même les taxes.
C'est une option. A même l'impôt sur le revenu. C'est une
option.
M. PAGE: Comme le permis de conduire, comme vous le souligniez
tantôt.
M. CHAPADOS: En fait, il y a toute une série d'options.
M. PAGE: Une autre question maintenant. Vous avez longuement fait
état, dans votre mémoire, de la nécessité pour le
consommateur du Québec d'être représenté par un
avocat. Par contre, dans les cas, par exemple, où l'assuré voudra
obtenir un montant plus important on a prévu des
mécanismes d'appel tant dans le rapport Gauvin que dans le
système AutoBAC vous ne croyez pas que la maturité sociale
au Québec et l'information auprès de la population en
général sont telles que le contribuable québécois
peut quand même se défendre relativement facilement dans ces
mécanismes? Le meilleur exemple est celui des petites créances.
Même si ce système fonctionne seulement depuis quelque temps, il
semble donner de bons résultats.
M. CHAPADOS: Je crois en la maturité sociale des
Québécois. Je crois en l'évolution, mais,
troisièmement, il y a quand même une certaine distinction à
faire. Il est quand même étrange de constater jusqu'à quel
point, pour certaines catégories de personnes qui peuvent se
défendre et se faire représenter, toute une série de
problèmes juridiques prennent une importance particulière. Prenez
des professionnels, prenez des médecins, preniez des nommes d'affaires,
des entrepreneurs. Bon. Devant telle circonstance particulière, ils
réclameront à cor et à cri des services d'un avocat, ne
serait-ce qu'au niveau de la détermination de la pension alimentaire
qu'ils auront à payer à leur femme. C'est une chose.
Quand on arrive de l'autre côté de la clôture,
souvent on entend des gens dire: Les gens ont de la maturité. Oui,
d'accord, les gens ont de la maturité, mais comment cela se fait-il que
c'est toujours la même catégorie de gens qui, à toutes fins
pratiques, n'a pas les moyens de se faire représenter ou comment se
fait-il que c'est toujours la même catégorie de gens qu'on
réfère devant des commissions administratives alors que, pour
d'autres catégories de gens, à ce moment, c'est différent
et c'est drôle.
J'ai mentionné un exemple très précis tout à
l'heure. Même au niveau de la pension alimentaire, cela revêt une
importance énorme pour une personne qui est dans une situation X, qui
exigera de se faire représenter, et, par ces remarques, je ne mets pas
en cause le ministre de la Justice. Je le ferais devant la commission
parlementaire de la justice. Mais on parle actuellement de "divorce kit". C'est
un nouveau "bag", le "divorce kit", le divorce automatique et ceci est bien
beau, mais encore là, à quoi arrive-t-on? Ce sera le divorce
automatique pour les petites gens et les gens, qui auront d'autres
intérêts à défendre, vont quand même trouver
le moyen et, à ce moment, vont se croire obligés de se faire
représenter pour obtenir le respect de leur droit. Au niveau de la
participation sociale, on va dire: Non, il faut s'adapter et cela n'est plus
important. Pas besoin d'avocat là-dedans, par besoin d'avocat dans telle
autre chose. Mais c'est toujours la même catégorie de gens qui
sont débrouillards si on considère l'ensemble du tableau.
M. PAGE: Vous basant sur l'expérience avec le tribunal des
petites créances, est-ce qu'on peut dire que c'est concluant, favorable
pour le consommateur ou si, encore une fois, on requiert les services des
avocats ou on aimerait avoir les services des avocats, etc.?
M. CHAPADOS: Vous me posez une question. Je vais vous répondre.
Je pense que cela a toujours été la position de la
fédération, même si le ministre de la Justice trouve cela
drôle, je pense que l'expérience au niveau des petites
créances a été concluante.
Deuxièmement, il faut retenir que cela se passe devant un juge.
Mais, troisièmement, ce qui nous a toujours séparés, le
ministre de la Justice et nous, c'est un petit bout de chemin, un petit rien du
tout. Nous demandions que soit reconnu dans la loi le droit, pour la personne
qui le désire, de se faire représenter par un avocat. C'est
uniquement cette petite parcelle de terrain.
M. PAGE: Est-ce que le besoin existe vraiment?
M. CHAPADOS: Quel besoin?
M. PAGE: Le besoin d'être représenté. Est-ce qu'on
vous fait beaucoup de demandes?
M. CHAPADOS: Je peux vous dire une chose. Il en arrive de temps à
autre, mais, somme toute là-dedans, on n'a rien imposé à
personne. On demandait au législateur de l'époque tout simplement
de permettre à la personne
qui le désire c'est une question de principe de
pouvoir se faire représenter si tel était son désir.
M. PAGE: Dans le même ordre d'idées toujours, vous
représentez plusieurs avocats au Québec.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Là, on est loin du mémoire.
M. PAGE: Oui, mais on a parlé aussi des tribunaux administratifs
dans le mémoire. C'est cela. Est-ce qu'on demande des avocats parfois
pour se faire représenter devant la Commission d'appel de l'aide
sociale, la Commission d'assurance-chômage, ces différentes
choses?
M. ROY: Est-ce que vous voudriez parler un peu plus fort, si vous
voulez?
M. PAGE: Je demande à Me Chapados, à la lueur de
l'expérience que la fédération a, compte tenu du fait
qu'elle représente beaucoup d'avocats au Québec, est-ce que le
consommateur québécois demande aux avocats d'être
représentés devant les différents tribunaux administratifs
qui existent présentement au Québec, que cela soit la Commission
d'appel de l'aide sociale, la Commission d'assurance-chômage, etc.?
M. ROY: Quel rapport cela a?
M. PAGE: Parce qu'on a parlé tantôt dans le mémoire,
aujourd'hui, on a affirmé et allégué que l'assurance
pourrait devenir purement administrative. C'est pour faire une comparaison.
Je regrette si vous ne comprenez pas, remarquez que c'est d'un autre
ordre d'idées.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Est-ce qu'il y a une réponse?
M. CHAPADOS: Certainement, M. le Président, la réponse va
être très simple.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Une réponse rapide.
M. CHAPADOS: D'une part, je pense qu'on vit dans une
société où de plus en plus certains tribunaux
administratifs prennent de l'importance. D'autre part, le problème que
vous soulevez quant aux tribunaux administratifs réfèrent
à la Loi de l'aide juridique et j'avais dit ce matin que je ne la
débattrais pas devant cette commission. J'invite discrètement le
ministre à convoquer sa commission. Nous aurions une foule de
suggestions constructives à lui faire. Au passage, cela
s'imposerait.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: M. le Président, à la page 15 de votre
mémoire, je relève une affirmation que je vais vous lire: Enfin,
s'agit-il des victimes non indemnisées dans le régime actuel, que
la fédération réfère les membres de cette honorable
commission au rapport produit, rapport où l'on indique que, dans le cas
des dommages matériels "les pertes sont relativement bien
compensées" (cf. rapport Gauvin, page 196) alors que dans le cas des
dommages corporels, la proportion des sous-indemnisés n'est que de
l'ordre de 3.84 p.c. (cf. rapport Gauvin page 194).
Je regarde à la page 194 du rapport Gauvin et je ne vois aucune
affirmation à l'effet que dans le cas des dommages corporels, la
proportion des sous-indemnisés n'est que de l'ordre de 3.84 p.c. et je
me demande où les auteurs du mémoire ont trouvé cette
affirmation. Si je ne la vois pas à la page 194, peut-être cette
affirmation se trouve-t-elle à une autre page du rapport Gauvin.
M. CHAPADOS: Justement, M. le Président, je viens de constater
qu'il y a une erreur de référence. Je sais que dans le rapport on
fait état d'une proportion de sous-indemnisés de 3.84 p.c. Vous
me posez la question et la référence est mauvaise. Je me rappelle
l'avoir vue. Comme au niveau de l'indemnisation pour les dommages
matériels où on mentionne je l'ai même vue tout
à l'heure en feuilletant le rapport que c'est relativement bien
compensé.
M. CHOQUETTE: J'admets qu'on retrouve cela dans les pages 194, 195, 196.
Même quand on regarde le tableau no 1 à la page 194, on constate
ce sur quoi la commission Gauvin pouvait s'appuyer pour dire que dans le cas
des dommages matériels, il semblait que les créanciers aient
été relativement bien indemnisés. On voit aussi, si on se
réfère au tableau no 1, ce sur quoi elle pouvait se fonder pour
dire que les victimes de blessures corporelles semblaient relativement mal
indemnisées.
Mais, M. Chapados, je ne relève pas cette erreur technique, en
fait, dans votre mémoire pour vous en tenir grief. Je ne tiens pas non
plus à ce que vous trouviez la référence, malgré
que, si vous devez la trouver, j'aimerais le savoir. Mais ce n'est pas mon
propos principal en soulevant cette question. Quant à moi, j'ai assez
peu confiance au tableau no 1 à la page 194. Je ne comprends pas comment
et par quel processus la commission Gauvin a pu établir que, pour les
causes de $10,000 et plus, les créanciers avaient été mal
indemnisés et indemnisés seulement jusqu'à concurrence de
40 p.c. de leurs dommages. Je ne saisis pas, en fait, le processus par lequel
la commission peut arriver à ce chiffre.
Ce qui rend le chiffre suspect à mes yeux, c'est comment
expliquer que pour toutes les autres classes de causes de $1 jusqu'à
$10,000 et moins, on ait des chiffres de relativement bonne indemnisation, 1.27
p.c, 1.32 p.c,
1.34 p.c., 1.57 p.c, 1.19 p.c. et 0.83 p.c. Comment peut-on, au moment
où l'on accède à la classe des causes de $10,000 et plus,
tout de suite se trouver devant un chiffre de 0.40 p.c. qui indiquerait en fait
que les créanciers de ces dommages n'ont reçu que 40 p.c. du
montant de l'indemnité des dommages réellement subis. Est-ce que
la commission Gauvin a pris en considération l'élément de
la responsabilité à l'occasion de ces calculs? On peut se poser
cette question. Cela n'est pas dit dans le texte.
Si on a tenu compte de l'élément de la
responsabilité, comment se fait-il que cet élément de la
responsabilité n'ait pas répercuté dans les causes de, $1
jusqu'à $10,000 et dans les causes de $10,000 et plus? Par
conséquent, strictement en fonction de la façon dont le tableau
est construit et de ses résultats en général, il semble
bien qu'on n'ait pas tenu compte de l'élément de la
responsabilité. Si on n'a pas tenu compte de l'élément de
la responsabilité, je pose la question suivante: Par quel
phénomène et à cause de quoi précisément,
devant des causes de $10,000 et plus, pourrait-on conclure que ces
créanciers n'ont reçu que 40 p.c. de leurs créances? Moi,
je pense que c'est un résultat tellement absurde pour quelqu'un qui sait
calculer des dommages pour des blessures corporelles que je ne peux pas ajouter
foi aux résultats qui se trouvent ici, et je fais une demande formelle,
c'est que des membres du comité Gauvin soient invités à
venir nous expliquer comment ils ont pu arriver à des résultats
semblables.
Tous ceux qui savent calculer les dommages devant les tribunaux civils
savent à peu près les méthodes qu'on emploie. On prend le
pourcentage de l'incapacité partielle permanente, on prend le salaire
hebdomadaire ou annuel, on le multiplie, on enlève un pourcentage pour
tenir compte des aléas de la vie; en fait, on fait certains calculs que
les bureaux d'avocats, qu'ils soient en demande ou en défense, savent
faire, que les compagnies d'assurance savent faire. Je ne vois pas comment on
pourrait hypothétiquement arriver à un résultat et dire:
En fonction des normes québécoises de détermination des
dommages devant les tribunaux, les créanciers reçoivent seulement
40 p.c. de leurs créances.
Si, d'autre part, on est allé examiner, dans les compagnies
d'assurance, comment elles avaient fixé leurs réserves pour ces
risques, je dis que, dans les compagnies d'assurance, on sait aussi bien faire
ces calculs et que la plupart des gérants de réclamation des
compagnies d'assurance sont capables de vous dire, à peu près,
combien vaut une cause. Je comprends qu'il peut y avoir des cas où il y
a des variations, il peut y avoir des désaccords sur des pourcentages
d'incapacité. Quoique la plupart des experts reconnus devant les
tribunaux, en général, s'entendent sur les pourcentages
d'incapacité à 1 p.c, 2 p.c. ou 3 p.c. près. Je ne vois
pas comment on peut en arriver à une telle conclusion et je mets en
doute les résultats de ce tableau. D'autant plus que je vois qu'on a
consulté les victimes. Est-ce qu'on a pris le montant de leurs actions
par rapport au montant du règlement qu'elles ont accepté? C'est
alors assez absurde de se baser sur un critère comme celui-là.
N'importe qui sait que, quand un avocat prend une action pour une victime d'un
accident d'automobile, il va toujours poursuivre pour à peu près
deux ou trois fois sinon plus que le montant réel des dommages, en se
disant : Cela me donnera assez de marge si les dommages s'accroissent pendant
le délai requis pour le règlement et aussi pour les fins de la
négociation avec la défense. Pour moi, ce n'est pas du tout
probant, ce tableau, et je crois que ça mériterait d'être
scruté de plus près. Je n'admets pas, de prime abord, que tout le
monde se trompe: les compagnies d'assurance, les avocats, tous ceux qui
connaissent cela et même les victimes. Les victimes, quand on leur
explique les grands principes du règlement de leurs dommages,
comprennent assez vite ce à quoi elles ont le droit, à peu
près. Quand l'avocat leur dit: Ecoutez, en fonction de la jurisprudence
établie, 25 p.c. d'incapacité peut valoir $40,000 et voici les
critères. La victime peut discuter avec l'avocat et elle se rend compte
si ça répond à peu près aux normes, aux standards
qui sont répandus.
M. le Président, j'aimerais qu'on demande au ministre des
Institutions financières d'inviter les membres du comité Gauvin
ou des personnes qui ont travaillé pour le comité Gauvin et qui
ont dressé ce tableau à venir nous dire sa signification exacte
et à venir nous expliquer ce sur quoi on se fonde pour en arriver
à des conclusions pareilles. Conclusions qui sont graves parce que ce
qui se dégage de ça, c'est que les gens sont frustrés de
60 p.c. de leurs dommages réellement subis lorsqu'ils ont des causes de
plus de $10,000 et de 17 p.c. pour les causes qui sont entre $1,000 et
$10,000.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'accord.
M. PERREAULT: La différence sur le montant accordé par la
cour et le montant offert par l'assureur?
LE PRESIDENT (M. Brisson): On va faire venir les témoins et on va
leur demander.
M. CHOQUETTE: Cela ne pourrait pas être ça.
M. PERREAULT: Si la cour fixe un montant beaucoup plus
élevé que le montant offert par l'assureur...
M. CHOQUETTE: Tableau I: ...tiennent compte de la compensation
versée par l'autre assurance dans les cas de... Je ne sais pas si cela
peut être une explication, franchement...
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre du Conseil
exécutif.
M. LALONDE: M. le Président, à la demande du ministre des
Institutions financières qui a dû s'absenter et qui s'en excuse,
j'aimerais tout d'abord, pour donner suite à l'intervention du ministre
de la Justice, m'engager à transmettre son souhait, son désir au
ministre des Institutions financières et ensuite remercier les
représentants de la Fédération des avocats.
Si je peux faire suite à un échange qui a eu lieu entre Me
Chapados et le ministre de la Justice tantôt, j'aimerais ajouter
qu'à titre de ministre responsable de l'application du code des
professions, je suis fort aise de la vitalité de la
Fédération des avocats. Je constate que votre intervention s'est
située au-delà des intérêts de vos membres, mais ce
que je voudrais souligner, c'est que l'existence même d'associations de
membres de corporations professionnelles est conforme aux principes
fondamentaux de la réforme des professions au Québec, telle
qu'opérée par le code des professions.
Je ne veux pas appuyer spécifiquement la Fédération
des avocats à l'encontre de tout autre groupe d'avocats qui pourrait
être destiné à défendre les intérêts de
ses membres, mais ce que je veux souligner, c'est que l'existence même
des corporations professionnelles est en fonction de la protection du public
vis-à-vis des actes professionnels, des intérêts des
membres devant être défendus par d'autres moyens.
C'est ce que je croyais utile de souligner maintenant.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je vous remercie infiniment, messieurs,
maintenant j'appellerais...
M. CHAPADOS: M. le Président, vous me permettrez juste deux mots,
par votre intermédiaire, je tiens à vous remercier tous de votre
bienveillante attention et je vous remercie en particulier d'avoir permis, au
niveau de la période des questions, la participation de l'ensemble de
l'exécutif. Je vous remercie, messieurs.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Très bien. J'appelle M. P.J. Gauthier,
directeur général du Fonds d'indemnisation des victimes
d'accidents d'automobile. M. Gauthier, si vous voulez faire un
résumé de votre mémoire.
Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents
d'automobile
M. LEBLANC (Conrad): M. le Président, mon nom est Conrad Leblanc,
je suis un des administrateurs du Fonds d'indemnisation. Avec moi, il y a
Pierre Gauthier, qui est le directeur général du fonds, Guy
Saint-Germain, qui est un des administrateurs et Roger Brisson, qui est
vice-président.
Si vous me permettez, notre mémoire n'a que quatre pages et je le
lirai immédiatement.
Le Fonds d'indemnisation est une corporation publique sans but lucratif
créé par le législateur en 1961 dans le cadre de la Loi
d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles.
De 1961 au 30 juin 1974, le fonds a payé des indemnités
aux victimes d'accidents d'automobile pour un montant total de $52,473,961.
Il est administré par neuf administrateurs. Ceux-ci ont
été nommés, au début, par le gouvernement, et
remplacés, par la suite, par les membres du conseil d'administration.
Ces administrateurs ne touchent aucune rémunération pour leurs
services. Bien que la loi créant le fonds assigne certaines
responsabilités au ministère des Transports et au surintendant
des assurances, ni l'un ni l'autre ne s'est jamais occupé des affaires
du fonds.
Les administrateurs du fonds ont, depuis 1968, soumis des
mémoires aux autorités gouvernementales de façon à
attirer leur attention sur les amendements requis à la loi initiale tant
pour améliorer l'efficacité du fonds comme mécanisme de
compensation, que pour assurer une plus grande équité dans la
répartition de ce fardeau économique. Nous désirons
souligner que le rapport Gauvin reconnaît explicitement l'inaction du
gouvernement dans ce domaine malgré les démarches
répétées du Fonds d'indemnisation.
Le négligence du gouvernement à apporter les correctifs
requis, l'augmentation du nombre de véhicules non assurés et
l'iniquité croissante du mode de financement du fonds amenèrent
le fonds, le 28 juin 1973, à aviser le ministère des Transports
et le surintendant des assurances de l'intention du fonds de cesser ses
activités le 31 décembre 1973. Le fonds, dans un esprit de totale
coopération, décida de continuer ses activités
malgré cet avis de cessation de ses opérations. Toutefois, le
fonds regrette d'avoir constaté, une fois de plus, qu'aucun correctif
n'a été apporté par le gouvernement depuis la fin de
décembre dernier, malgré la promesse de réexaminer, dans
les plus courts délais, le fonctionnement et le financement du Fonds
d'indemnisation.
Le rapport Gauvin souligne que les différentes
possibilités de réforme envisagées par le comité
entraîneraient nécessairement des changements majeurs quant au
rôle du fonds. Le Fonds d'indemnisation partage cette opinion, mais
désire réitérer qu'il serait néanmoins
nécessaire de réviser immédiatement certaines
modalités de fonctionnement du fonds.
Le rapport Gauvin soulgine également le caractère
inéquitable du mode actuel de financement du fonds. Les administrateurs
du fonds le reconnaissent volontiers et rappellent leur désir plusieurs
fois exprimé d'y remédier. Ils désirent cependant rappeler
que ce développement n'avait été ni prévu ni
désiré lors de la création du fonds. L'opinion courante,
en 1960, à l'époque de la création du fonds,
était
qu'un Fonds d'indemnisation ne saurait entraf-ner des
déboursés considérables s'il allait de pair avec une loi
incitant les automobilistes à s'assurer. L'augmentation rapide de
l'assurance-automobile et, comme conséquence inévitable,
l'existence d'un fort pourcentage de non assurés, devaient renverser
très tôt les prévisions initiales.
Le rapport Gauvin pose enfin le problème de la liquidation du
Fonds d'indemnisation. Il souligne que le fonds fonctionne sur une base de
comptabilité de caisse et n'a pas, jusqu'à aujourd'hui,
porté de réserves pour les indemnités qui devront
être versées en raison de sinistres déjà survenus,
mais non rapportés à la connaissance du fonds. En fait, une
étude actuarielle récente établit à $12.5 millions
le montant additionnel qui devrait être ainsi porté en
réserve. Le rapport Gauvin affirme ensuite que cette façon de
procéder découle de la volonté fort louable, par ailleurs,
de ne pas surcharger davantage les assurés.
Le Fonds d'indemnisation refuse catégoriquement cette
explication. En effet, l'absence totale de données rendait impossible,
à l'origine, le calcul des montants ainsi impliqués.
Ce fait est le seul responsable de la retenue de ce mode de financement
et de son acceptation implicite depuis 1961 par les autorités
gouvernementales responsables, le ministre des Transports et le surintendant
des assurances. L'article 59 de la Loi de l'indemnisation dit à ce
sujet: "Si les administrateurs négligent d'imposer ou de percevoir des
cotisations suffisantes, le surintendant des assurances peut, à la
demande du ministre des Transports, exercer, à cet égard, leurs
droits et pouvoirs".
Les administrateurs désirent ici rappeler que le surintendant des
assurances n'a jamais, en aucun temps, manifesté une réticence
quelconque à l'égard du mode de financement du fonds et en
concluent qu'il a toujours reconnu la valeur de la méthode
définie en 1961.
De toute façon, les administrateurs réitèrent,
à ce sujet également, leur désir de repenser cette
façon de procéder si tel était le désir du ministre
des Transports.
Les administrateurs désirent enfin rappeler que, quel que soit le
système de compensation finalement retenu, il sera toujours
nécessaire de maintenir l'existence du fonds d'indemnisation. Son usage
en pourrait être restreint, mais il sera néanmoins
nécessaire. Ils désirent offrir à nouveau, publiquement,
leur entière collaboration pour repenser ce mécanisme
indispensable.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre d'Etat au Conseil
exécutif.
M. LALONDE: M. Leblanc, au nom du ministre des Institutions
financières, je désire souhaiter la bienvenue à
vous-même et aux représentants du Fonds d'indemnisation. J'aurais
une première question, une seule question maintenant. C'est celle-ci: Le
rapport
Gauvin, comme votre mémoire d'ailleurs, affirme qu'il serait
nécessaire de maintenir l'existence d'un fonds d'indemnisation, quel que
soit le régime adopté. De plus, le rapport Gauvin, à la
page 300, je crois, recommande que le contrôle et la gérance d'un
tel fonds soient effectués par le gouvernement. Est-ce que vous
êtes d'accord sur cette recommandation?
M. LEBLANC: En principe, M. le ministre, nous sommes d'accord.
Cependant, il faut rappeler ici ce que dit aussi le rapport. C'est que la
cessation de l'administration du fonds par l'industrie de l'assurance pose le
problème d'une réserve importante de l'ordre de $12.5 millions
qui n'a pas été perçue par les assureurs. Nous croyons que
le fait que le fonds ait été jusqu'à présent
alimenté par les montants d'argent des assurés,
c'est-à-dire des citoyens responsables, de leurs actes, en faveur de
ceux qui ne le sont pas, en principe, ou qui sont insolvables, a
créé une injustice qui pourrait peut-être être
réparée en permettant que ces montants de $12.5 millions, qui
représentent la réserve pour les sinistres inconnus, ne soient
pas portés par eux ou par les générations futures, comme
le dit M. Gauvin.
M. LALONDE: D'après vous, ce devrait être financé ou
payé par qui, les $12 millions d'après votre recommandation?
M. LEBLANC: Nous croyons que la suggestion avancée par le rapport
Gauvin est valable, c'est-à-dire que cela pourrait être
porté par l'ensemble des conducteurs automobilistes. A ce moment, il y a
encore une partie d'injustice en faisant payer de nouveau ceux qui ont
déjà contribué pour des personnes insolvables. Mais c'est
bien sûr que le nombre de personnes actuellement, à peu
près 15 p.c, qui ne sont pas assurées ou porteurs d'assurances,
ont bénéficié d'un traitement de faveur, en ce sens que,
dans le cas d'accidents autres que ceux de la route, le citoyen, par ses taxes,
paie les frais d'hospitalisation ou, en fait, tous les frais qui
découlent de ces genres d'accidents. Alors que, dans le cas de
l'automobile, on a fait l'exception que nous trouvons peut-être injuste,
à cause de la subrogation des différents ministères ou des
différents corps publics qui sont porteurs de leurs propres
assurances.
M. LALONDE: Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres questions.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Saguenay.
M. LESSARD: M. Leblanc, il semble que ce soit surtout un cri d'alarme,
concernant l'avenir du fonds, que vous nous lancez cet après-midi. Soyez
assuré que nous en prenons bonne note, mais j'aurais deux questions,
c'est-à-dire quelques questions. D'abord, étant donné
l'expé-
rience que vous avez eue depuis la fondation du fonds, est-ce que vous
favoriseriez, actuellement, l'assurance obligatoire pour tous?
M. LEBLANC: D'abord, je dois vous rappeler que le cri d'alarme que vous
avez entendu, nous le répétons depuis 1968.
M. LESSARD: C'est la première fois, malheureusement, que...
M. LEBLANC: A votre connaissance, je suis d'accord...
M. LESSARD: ... vous le faites à une commission
parlementaire.
M. LEBLANC: D'accord! Mais je voulais le répéter pour la
tribune.
A votre question, oui, c'est bien évident que, comme
administrateurs du fonds, nous sommes ici comme tels, représentant la
victime ou l'assuré, dans le cas de celui qui alimente et nous
favorisons toute mesure qui aurait tendance à diminuer le fardeau sur
ceux qui sont responsables et qui portent actuellement des assurances.
M. LESSARD: En date du 28 juin 1973, vous aviez avisé le ministre
des Transports et le surintendant des assurances de l'intention du fonds de
cesser ses activités le 31 décembre 1973. Cependant, vous avez
continué vos activités et vous constatez, semble-t-il, qu'aucun
correctif n'a été apporté encore, soit par le ministre des
Transports ou le surintendant des assurances, etc. Est-ce que, dans les
circonstances, vous pensez être capables de survivre ou de continuer vos
opérations pendant un temps X jusqu'à ce qu'une réforme
soit instaurée?
M. LEBLANC: Ce qui nous a amené tout particulièrement
à rencontrer le ministre Tetley en décembre dernier pour lui
signifier... Enfin, notre intention lui ayant déjà
été signifiée depuis juin, c'était l'injustice de
plus en plus apparente du mode de financement. D'autre part, nous nous
étions aussi référés aux mémoires
antérieurs qui avaient pour but la préoccupation de compenser
plus rapidement les victimes, parce que vous savez que le fonds doit attendre
les jugements. Devant peut-être l'élément de surprise que
cela entraînait pour le ministère, qui n'avait pas en main les
mécanismes, nous avons voulu, à ce moment, offrir une
coopération dans le sens indiqué.
Je crois que le fonds n'est pas en état de crise, autre que
l'injustice se prolonge et, à notre sens, elle a duré très
longtemps.
M. LESSARD: A la page 1 de votre mémoire dernière
question vous dites que depuis 1968, vous avez soumis des
mémoires aux autorités gouvernementales de façon à
attirer leur attention sur les amendements requis à la loi initiale,
tant pour améliorer l'efficacité du fonds comme mécanisme
de compensation que pour assurer une plus grande équité dans la
répartition de ce fardeau économique.
Suite à cette affirmation, est-ce que vous pourriez
élaborer un peu, soit nous dire quels sont les principaux amendements
que vous avez demandés au gouvernement pour donner une meilleure
compensation ou pour assurer une plus grande équité? De
l'équité, vous en parlez un peu au cours de votre
mémoire.
M. LEBLANC: M. le député, j'ai ici les mémoires en
question...
M. LESSARD: J'aimerais donc...
M. LEBLANC: Je les ai résumés ici, mais ils contiennent
malgré tout cinq pages manuscrites. J'ai voulu retenir les
éléments essentiels. C'était d'abord en ce qui a trait aux
modes de règlement des sinistres et au délai des frais
entraînés par le jugement qui est nécessaire de par la loi,
le fonds ne peut pas payer ou accueillir une réclamation avant que
celle-ci ne lui soit produite.
La Commission d'examen des permis de conduire, nous croyons que cela a
une portée directe. L'automobiliste domicilié en dehors du
Québec bénéficie d'une protection à même le
fonds qu'il n'a pas chez lui. Comme en Ontario, le risque du passager n'est pas
assumé sauf en cas de grossière négligence, de faute
lourde.
Il y a des ambiguïtés selon nous, selon
l'intérêt qui est versé par le fonds sur le montant de
$35,000, qui est la limite, ou sur le montant du jugement.
Il y a des exclusions, par exemple, certaines entités dont le
gouvernement, les sociétés de la couronne, les
paragouvernementales, les sociétés importantes qui portent
elles-mêmes leur registre d'assurance et qui exercent une subrogation, un
recours contre le fonds et qui sont une charge croyons-nous
injuste vis-à-vis des personnes qui alimentent le fonds parce que cette
loi, croyons-nous, a été conçue pour favoriser les
personnes qui sont victimes d'accidents de la route causés par des
insolvables, des chauffards.
Donc, l'assureur n'a pas accès au fonds comme tel et on croit que
celui qui agit comme tel, même si ce n'est pas une société
d'assurance, ne devrait pas y avoir accès, par exemple
Hydro-Québec, Bell Canada. Nous croyons que ce sont de telles choses qui
entraînent des frais additionnels importants au fonds, donc aux
assurés toujours.
Il y aurait des délais de prescription dans les demandes
d'indemnisation en cas de délit de fuite. II n'y a pas de délais.
Enfin, on avait des problèmes administratifs aussi. Les faillites, les
responsables... Vous savez qu'une personne qui a un jugement...
M. LESSARD: Je voulais vous poser cette question.
M. LEBLANC: ... se déclare en faillite pour éviter que sa
dette soit retenue contre lui; il obtient par ce fait un permis de conduire
à nouveau son automobile. Nous croyons cela injuste ou, enfin, il
devrait y avoir un mécanisme plus pratique.
M. LESSARD: Est-ce que cela se produit souvent?
M. LEBLANC: Nous croyons que cela se produit très souvent. Et nos
préoccupations... Encore là, peut-être y a-t-il
répétition entre le mémoire de 1968 et celui de
1970...
M. LESSARD: Etant donné que vous faites référence
dans votre mémoire à d'autres mémoires qui ont
été soumis aux autorités gouvernementales et qui nous
apparaissent assez importants étant donné l'avenir du fonds,
est-ce qu'il serait possible de faire parvenir ce résumé de cinq
pages aux membres de la commission parlementaire?
M. LEBLANC: C'est très pertinent. On pourrait même vous
envoyer nos mémoires si vous le voulez.
M. LESSARD: Mais certainement. Je pense que cela serait très
important, étant donné la discussion que nous avons sur le
rapport Gauvin et qui a une incidence sur le fonds d'indemnisation des victimes
d'accidents d'automobiles. Merci beaucoup.
M. LEBLANC: Je suis bien d'accord.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le député de Beauce-Sud.
M. ROY: Si j'ai bien compris, vous venez de dire que vous avez dû
accepter des subrogations dans le cas d'Hydro-Québec et de Bell Canada.
J'aimerais que vous nous disiez en vertu de quel critère vous avez
été obligé d'accepter ces choses.
M. LEBLANC: Les seules personnes qui n'ont pas le droit de
réclamer, à la suite d'un accident causé par un chauffard
ou un insolvable, contre le fonds d'indemnisation sont surtout les assureurs.
On n'exclut pas les sociétés comme telles et, à ce titre,
Bell Canada ou Hydro-Québec ou le gouvernement du Québec a
accès au fonds tout comme un individu le ferait.
M. ROY: Est-ce qu'il y a seulement Bell Canada et Hydro-Québec
qui y ont eu accès?
M. LEBLANC: Non. En fait, toutes les entreprises.
M. ROY: Toutes les grosses corporations. M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... les
poteaux de Bell Canada, les câbles téléphoniques, les
poteaux d'Hydro-Québec, les cabines téléphoniques de Bell
Canada et un autre élément qu'il faudrait ajouter à cela
est le suivant: Dans la définition même d'un véhicule
automobile, on a demandé depuis 1968 que cela soit révisé.
Comme administrateur, on a assisté au paiement, par le fonds
d'indemnisation, des réclamations qui proviennent d'accidents de
moto-neige, ce qu'on a commencé par nier, à défendre
devant les tribunaux jusqu'en cour Suprême. Après cela, ce sont
les véhicules récréatifs et, maintenant, c'est rendu aux
coupeurs de gazon, les moulins à gazon qui sont mus par roue, les
tracteurs, parce qu'ils disent que c'est un véhicule automobile. On est
en train de se demander, en restant assis là, s'il fallait qu'il y ait
un malaxeur à gâteaux qui soit monté sur roue, combien on
paierait les mains des ménagères!
C'est ce qu'on appelle de l'injustice, de mettre cela sur la tête
des assurés.
M. ROY: Je dois dire que, pour nous, c'est une révélation
aujourd'hui. Nous n'étions pas au courant de toutes ces choses.
J'aimerais peut-être revenir sur des questions préliminaires.
Est-ce que vous publiez des états financiers chaque année?
M. LEBLANC: Oui, nous avons des états financiers et des
assemblées annuelles conformément à la loi.
M. ROY: Est-ce que vous remettez une copie de ces états
financiers au gouvernement? Je ne parle pas du gouvernement, autant le
ministère des Institutions financières, Compagnies et
Coopératives, en fonction de la loi générale, mais des
états financiers au gouvernement, au ministère des Transports ou
à un ministère concerné.
M. LEBLANC: Non.
M. ROY: Le gouvernement ne vous a jamais demandé des états
financiers?
M. LEBLANC: A ma connaissance, non.
M. ROY: Est-ce que le surintendant des assurances n'en a pas
exigé?
M. LEBLANC: On me dit qu'il n'en a jamais exigé.
M. GIASSON: Par la loi qui vous a créé ou la
réglementation, il n'y avait pas cette obligation?
M. LEBLANC: Non. La loi crée quand même une entité
autonome, c'est un corps indépendant, c'est-à-dire le fonds a dit
que neuf administrateurs en feraient la gestion. Le gouvernement a retenu des
pouvoirs au niveau de son ministre.
M. ROY: Je me pose une série de questions ici parce qu'il y a
quand même des gens qui, jusqu'à maintenant, sont obligés
de souscrire et de rembourser le fonds d'indemnisation et il n'y a aucun
mécanisme prévu, aucune espèce de surveillance
gouvernementale à aucun niveau. Il n'y a aucun moyen. On nous dit que
les grosses compagnies, c'est là que cela commence à
m'inquiéter un peu, et je pense que M. Saint-Germain avait raison de
parler de mélangeurs à gâteaux tantôt, s'ils
étaient sur roues. Il y aurait peut-être d'autres exemples qu'on
pourrait donner. Nous sommes en train de nous demander, à l'heure
actuelle, à quoi a servi, en quelque sorte, le fonds d'indemnisation
puisque le rapport Gauvin parle de l'injustice que ce fonds peut créer
à l'endroit des assurés. Alors, M. le Président, il est
six heures, pour ma part, je pense que nous avons devant nous un sujet qui
mériterait une attention particulière, quitte à y revenir
à une autre séance, mais je ne trouve pas normal du tout
qu'à la suite des demandes répétées depuis 1968,
que le gouvernement n'ait pas donné suite, aucun écho aux
demandes répétées du Fonds d'indemnisation qui a quand
même été un organisme institué en vue de venir en
aide aux victimes d'accidents d'automobile. Je pense que si on se
réfère à l'objectif fondamental et à la raison
d'être même du Fonds d'indemnisation, c'était pour venir en
aide aux victimes d'accidents d'automobile qui avaient affaire à des
personnes qui n'étaient pas assurées.
M. LESSARD: Des personnes qui n'avaient pas le minimum des $35,000.
M. ROY: Des personnes qui n'étaient pas responsables. Je dois
vous dire que je me sens un peu perdu, M. le Président.
M. LESSARD: M. le Président, j'aurais une question qui nous
permettrait, avant la fin, de m'éclairer. Quel est le pourcentage des
revenus qui sont perçus, par le fonds d'indemnisation, des
assurés eux-mêmes? Ce sont des compagnies qui financent
directement le fonds, mais à même un montant des assurés,
soit l'équivalent de 4 1/2 p.c. et 5 p.c.
M. LEBLANC: .26 p.c. depuis trois ans, les trois dernières
années. C'est allé jusqu'à 7 p.c.
M. LESSARD: Autrement dit, ce sont les assurés comme tels qui
financent entièrement le fonds à 100 p.c...
M. LEBLANC: C'est exact.
M. LESSARD: ... par l'intermédiaire des polices d'assurance
qu'ils achètent.
M. LEBLANC: C'est cela.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): A la page 259 du rapport Gauvin, on dit bien que
2 p.c...
M. LESSARD: Plus fort, s'il vous plaît.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): ... à 7.1 p.c... On doit faire remarquer
aussi que le gouvernement a perçu d'une façon consistante 2 p.c.
de taxe sur toutes les contributions qui ont été versées
au fonds d'indemnisation.
M. GIASSON: C'est dire que votre capacité de recouvrement
vis-à-vis de ces insolvables ne dépasse pas les chiffres que vous
nous donnez. Somme toute, il y a des personnes pour qui le fonds a payé,
parce qu'elles n'étaient pas assurées et insolvables. Mais il y
en a parmi ces personnes qui remboursent des petits montants graduellement;
c'est ça qui ne dépasse pas 2 p.c. pour une année?
M. LEBLANC: Non, pas du tout. La récupération des
personnes...
M. GIASSON: Le recouvrement, oui.
M. LEBLANC". ... responsables est assez minime.
M. GIASSON: Mais en pourcentage?
M. LEBLANC: Le coût net, après déduction de ces
recouvrements, est de 4.26 de la prime de la section A, responsabilité
civile. Le coût net du fonds est de 4.26 de la clause de
responsabilité civile.
M. ROY: J'aimerais revenir sur une question. On a parlé des
assemblées; est-ce qu'on peut me donner des explications sur le fait que
le surintendant des assurances n'a pas joué un rôle
là-dedans, n'a pas assisté aux réunions? J'ai cru
comprendre que vous avez dit que le surintendant des assurances n'a jamais
assisté aux réunions, ne s'est pas préoccupé, n'a
même pas exigé qu'un rapport lui soit envoyé. Est-ce que
vous pouvez me donner des explications à ce sujet? Cela nous semble,
pour être logique, invraisemblable.
M. LEBLANC: Je vous suggère de le lui demander, je ne peux pas
répondre pour lui.
M. ROY: Vous n'avez pas eu de communication avec lui, il ne vous a
jamais donné de raison?
M. LEBLANC: Personnellement, je n'ai jamais eu à discuter avec
lui de cette chose.
M. LESSARD: Vous n'aviez jamais d'opposition après?
M. LEBLANC: Nous n'avons jamais eu d'avis formel.
M. LESSARD: M. le Président, je ne sais pas si, à une
autre séance de la commission parlementaire, on en a parlé mais
est-ce que c'est le
ministre des Transports qui est responsable du fonds d'indemnisation
devant l'Assemblée nationale?
M. MAILLOUX: Comme à la prochaine séance, je serai absent
du pays, revenons au fonds d'indemnisation. Je souhaite que mon collègue
M. Tetley soit ici, parce que c'est éventuellement lui qui aura
l'administration du fonds. Je n'ai jamais trop compris pourquoi cela avait
été dévolu au ministère des Transports en 1961, la
responsabilité de surveiller le fonds d'indemnisation.
Vous aurez également la possibilité de convoquer le
surintendant des assurances du Québec. Mon collègue donnera les
réponses aux questions que nous lui poserons.
M. LEBLANC: M. le Président, si c'est votre désir et celui
des membres de cette commission, nous serions heureux de revenir.
M. ROY: Je pense qu'il serait sage qu'on procède ainsi. Je me
permettrais de faire une demande. Si c'est possible, si ça ne va pas
à l'encontre de la loi je ne voudrais pas abuser de mes
privilèges je pense qu'il serait d'intérêt public,
dans l'intérêt même des personnes qui ont la
responsabilité d'administrer le fonds d'indemnisation, qu'on nous donne
des chiffres à ce sujet. Nous n'avons aucun chiffre; s'il y avait la
possibilité, d'ici la prochaine séance...
M. LEBLANC: Des chiffres sur le coût du fonds...
M. ROY: Le coût du fonds, les sommes reçues...
M. LEBLANC: Le rapport Gauvin les contient jusqu'à 1971, tout au
moins.
M. ROY: J'ai bien vu les chiffres qui sont dans le rapport, mais vous
n'avez pas d'états financiers en main.
M. LEBLANC: Nous avons des états financiers, c'est sûr.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Nous allons quand même continuer la
période des questions sur votre mémoire et, concernant ce point,
vous reviendrez la semaine prochaine.
M. LEBLANC: Est-ce que vous nous convoquez pour mardi prochain, à
dix heures?
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je vais consulter le secrétaire et je
vais vous le dire. L'honorable député de Montmagny avait quelques
questions également.
M. GIASSON: C'est hypothétique. En présumant que le
gouvernement du Québec fasse siennes à peu près toutes les
recommandations du système AutoBAC: couverture de base, couverture
excédentaire, avec principe de responsabilité, vous n'avez pas
l'impression que le rôle du fonds serait extrêmement limité
ou, autrement dit, que les possibilités de réclamations au fonds
d'indemnisation seraient réduites peut-être de 99 p.c? Il
resterait peut-être les cas de personnes qui se font frapper sur la rue,
avec une délit de. fuite, un "hit and run" quand on ne retrouve pas le
chauffard. Pour les personnes qui subiraient des blessures, même si elles
étaient très graves, dans un cas de "hit and run", il y aurait la
couverture du plan de base et cela s'arrêterait là.
M. LEBLANC: Ou les accidents à l'allure louche.
M. GIASSON: Oui, avec une espèce de volontariat ou une
combinaison d'accidents...
M. LEBLANC: Oui, ce serait sûrement organisé, M.
Giasson.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable député de
Bellechasse.
M. MERCIER: On a lu dans le rapport tout à l'heure, M. Leblanc,
que vous parlez d'une réserve de $12.5 millions. Est-ce pour faire face
strictement aux éventualités de réclamations qui
viendraient au fonds, suite à des accidents du passé...
M. LEBLANC: Oui.
M. MERCIER: ... ou si cela anticipe une réserve à long
terme?
M. LEBLANC: Non. Ce sont des accidents survenus qui n'ont pas encore
été révélés au fonds, on n'a pas reçu
copie du jugement, mais nous savons que ces dépenses sont encourues. Des
études actuarielles ont été faites récemment,
surtout lorsque nous avons rencontré le ministre. Lorsque nous
désirions terminer le fonds, nous avons fait ces calculs pour situer le
problème que cela posait. Alors, ce sont des accidents survenus, non
révélés au fonds, et qui ont été
estimés à $12.5 millions comme coût possible, probable.
M. MERCIER: De mémoire, est-ce que vous pourriez me dire quel est
le taux de croissance des réclamations au fonds d'une année
à l'autre, au cours des dernières années?
M. LEBLANC: On me dit de 10 p.c. à 15 p.c. de croissance.
M. MERCIER: De 10 p.c. à 15 p.c.
M. LEBLANC: Oui. Comme exemple, je crois qu'il est indiqué dans
le rapport que le fonds a coûté, dans les dix premières
années, de 1961 à 1971, $37,600,000, mais on souligne
bien qu'en 1972, c'était $10,900,000. Il y a une croissance
définitive.
M. MERCIER: Une autre question, M. le Président. Suite aux
commentaires d'un des membres du comité des administrateurs du fonds,
relativement aux réclamations touchant la motoneige et suite à
des jugements de cours, est-ce que, effectivement, plusieurs demandes ont
été formulées au fonds pour des réclamations, suite
à des accidents de motoneige?
M. LEBLANC: Depuis que la jurisprudence a été
établie, comme M. Saint-Germain l'a souligné au début,
nous avons rejeté ces cas, parce que le code de la route n'avait pas
encore été précisé. La motoneige, on l'a
décrite comme un véhicule automobile et, par la suite, la
jurisprudence a confirmé que c'en était un. On a demandé
au fonds d'indemniser. Par la suite, c'est bien sûr que, comme on a
accès au fonds par le truchement des jugements, la jurisprudence a
été vite connue et cela comporte un point assez important de
dépense pour nous.
M. MERCIER: Pour compléter l'interrogation ou, du moins, le
souhait exprimé par M. Saint-Germain tout à l'heure, lorsqu'il
voulait qu'on définisse avec peut-être plus de précision un
véhicule à moteur, quelles seraient vos suggestions, suite
à votre expérience, relativement au fonds d'indemnisation, de ce
qui serait admissible par le fonds?
M. LEBLANC: Pour ma part, je peux dire mon point de vue et j'aimerais
que d'autres participent aussi. Je crois que l'intention du législateur,
c'était de compenser les victimes d'accidents de la route. Actuellement,
nous compensons aussi les victimes d'accidents causés en dehors des
voies publiques, motoski, certaines voitures de récréation et
même les voitures à gazon. Déjà, cela a une
portée assez grande que de prendre soin de ces types d'accidents. Il y a
tous les genres d'accidents récréatifs qui ne sont pas
compensés. Si vous êtes en trafne sauvage, si vous vous fracturez
la colonne vertébrale, à ce moment vous n'avez pas
d'indemnité. Il s'agissait de le connaître. C'est pour cela qu'on
n'a pas voulu payer pour les accidents de motoneige au départ. On
voulait connaître l'intention du législateur. Il l'a dit et cela a
entraîné cette dépense.
M. GIASSON: Vous payez dans le cas d'accidents de motoneige en dehors
des routes?
M. LEBLANC: En dehors des routes...
M. GIASSON: Cela veut dire que le cultivateur qui a une machine
automotrice sur sa ferme et qui écrase quelqu'un sur sa ferme, la
machinerie n'étant pas assurée, lui n'étant pas solvable,
vous auriez payé ça au même titre que la motoneige en
dehors des routes.
M. LEBLANC: Dans l'optique actuelle, nous comprenons que tout
véhicule automobile tel que décrit par le code tomberait sous
l'effet de la loi.
M. MERCIER: ... un accident survenu sur un terrain de golf?
UNE VOIX: Cela va venir.
M. LEBLANC: Cela va venir, oui.
M. MERCIER: Est-ce que le cas des millimètres vous a
été soumis?
M. LEBLANC: Non. C'est un événement trop récent
pour le temps que cela prend de venir à nous.
UNE VOIX: Les mobylettes.
M. LESSARD: Mais cela peut arriver étant donné la
publicité qu'on est en train de donner. Une dernière
question.
Je constate dans votre mémoire que je m'excuse, le
président m'a donné la parole les administrateurs du fonds
ne touchent aucune rémunération pour leurs services.
M. LEBLANC: Je m'excuse.
M. LESSARD: Vous affirmez que les administrateurs du fonds
d'indemnisation, soit au nombre de neuf, ne touchent aucune
rémunération pour leurs services.
M. LEBLANC: Oui.
M. LESSARD: Est-ce que ces administrateurs doivent se rencontrer
très souvent?
M. LEBLANC: Nous le faisons à peu près tous les deux
mois.
M. LESSARD: Ce n'est pas souvent qu'on a cela dans une régie.
M. LEBLANC: Enfin, selon les besoins, vous savez, dans cette
période où on fait les mémoires, dans les périodes
de fins d'année. L'assemblée, c'est sûr, peut être
mensuelle, mais habituellement c'est cela.
M. LESSARD: Mes félicitations.
M. LEBLANC: Merci. M. le Président, si vous pensez que nous
pourrions prolonger un peu et que cela donne satisfaction aux membres, nous
sommes prêts à revenir, mais si vous jugez que ce n'est pas le
cas...
LE PRESIDENT (M. Brisson): Voyez-vous, concernant le mémoire,
nous allons finir les quelques questions. Cela disposera du mémoire.
Vous pourrez revenir à une date indéterminée, parce
que...
M. LEBLANC: Vous nous le direz si vous le jugez opportun.
LE PRESIDENT (M. Brisson): On m'a informé que l'ordre du jour de
mardi et de mercredi est surchargé. Donc, on vous convoquera à
nouveau concernant les indemnisations et les rapports financiers. Le
député de L'Assomption.
M. PERREAULT: J'aurais une question à vous poser. Vous avez
mentionné 4.26 p.c. nets de cotisations sur la
prime-responsabilité, mais brut, en tenant compte des recouvrements que
vous faites, cela vous donne combien?
M. LEBLANC: II semblerait nos états l'indiquent, bien
sûr que nous recouvrons environ 10 p.c. des
déboursés faits.
M. PERREAULT: Merci.
M. ROY: La question que j'avais à poser: Est-ce que vous avez un
personnel nombreux au fonds?
M. LEBLANC: Nous avons 31 personnes qui travaillent au fonds.
M. ROY: 31 personnes permanentes.
M. LEBLANC: Oui, M. Gauthier les dirige.
M. ROY: Vous avez un bureau à Québec et un bureau à
Montréal?
M. LEBLANC: A Montréal.
M. ROY: Maintenant, une question, c'est pour ma gouverne personnelle,
parce qu'il y a souvent des gens qui reçoivent des comptes du fonds
d'indemnisation suite aux décisions qui sont prises. Egalement des
représentations m'ont été faites par des personnes qui ont
été victimes d'un accident. Lorsque le degré de
responsabilité est établi, qu'on envoie un compte et que le fonds
décide de faire payer, à la suite d'un jugement qui est rendu par
la cour, $10,000 à une personne donnée et la personne envoie un
montant régulier chaque mois. La personne à qui la cour a
accordé un montant de $10,000, le fonds le lui fait-il parvenir dans un
délai court ou si le fonds est obligé d'attendre un certain temps
avant de faire parvenir l'argent à la victime?
M. GAUTHIER (Pierre): Au moment où la victime a obtenu son
jugement, elle doit soumettre au fonds d'indemnisation un affidavit et,
à la réception de cet affidavit soumis, le fonds a sept jours
pour faire le paiement. C'est à peu près dans ces
délais.
M. ROY: Faire le paiement complet? M. GAUTHIER: Complet.
M. ROY: Cela veut dire que, lorsque le paiement n'a pas
été fait, c'est à cause d'une question technique qui n'a
pas été réglée. Je vous remercie pour ce point,
mais je dis quand même ceci, à la suite du député de
Saguenay: Pour vous être occupé de cela bénévolement
pendant si longtemps et surtout avoir été complètement
ignoré par le gouvernement, je pense que vous avez fait preuve d'une
patience qui mérite d'être soulignée.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre de la Justice.
M. CHOQUETTE: Je voulais simplement avoir un renseignement.
Quand des réclamations arrivent au fonds, vous établissez
des réserves, n'est-ce pas, en fonction du montant probable que vous
allez être appelés à payer, soit par voie de
règlement, soit par voie de jugement. Evidemment, je comprends que vos
limites sont $35,000 et que, s'il y a plusieurs réclamants, ils doivent
tous se situer à l'intérieur des $35,000. Ce qui
m'intéresse pour le moment, ce n'est pas la limite supérieure de
votre responsabilité. Pourriez-vous nous dire, enfin, suivant votre
expérience en général, quel est le montant qui est
effectivement payé par le fonds, soit par règlement ou soit par
jugement par rapport au montant que vous avez établi en
général comme réserve? Est-ce que les montants se
rapprochent de très près? Dites-moi donc le pourcentage, à
peu près, d'erreur possible entre vos estimations et le montant sur
lequel vous réglez?
M. LEBLANC: M. le ministre, je voudrais vous expliquer que, d'abord, il
y a les jugements qui nous sont révélés durant
l'année. A ce moment, nous ne faisons pas d'improvisation. Nous sommes
fixés sur le montant.
M. CHOQUETTE: Bien.
M. LEBLANC: Deuxièmement, il y a les cas qui nous sont
révélés par les victimes ou par leurs avocats et, à
ce moment, nous faisons une réserve.
M. CHOQUETTE: Bien.
M. LEBLANC: Dans ce cas, le gain est d'environ 5 p.c.
M. CHOQUETTE: Votre gain.
M. LEBLANC: Oui. C'est-à-dire que la réserve est
surévaluée par rapport aux déboursés
éventuels.
M. CHOQUETTE: En somme, vous nous
dites que votre expérience, c'est par rapport aux cas qui sont
portés à votre attention avant qu'un jugement soit rendu. Vos
réserves sont au-delà de 5 p.c. par rapport au montant que vous
allez être appelés à payer.
M. LEBLANC: Oui.
M. CHOQUETTE: Est-ce cela?
M. LEBLANC: Oui.
M. CHOQUETTE: Par conséquent, vous êtes capables de
calculer avec assez de précision le montant que vous allez être
appelés à payer.
M. LEBLANC: M. le ministre, il y a un autre élément que je
voudrais ajouter et je vais le faire, si vous le voulez. C'est qu'il y a tous
les autres sinistres que nous ne connaissons pas, qui sont arrivés et
qui n'ont pas été rapportés au fonds. Et c'est là
qu'il y a $12,500,000. C'est une estimation actuarielle.
M. CHOQUETTE: Ah oui! Je comprends.
M. LEBLANC: Maintenant, en rétrospective, nous pouvons, douze ans
plus tard, regarder ce qui s'est passé autrefois et faire une
extrapolation qui nous amène à ce montant, mais c'est de
l'inconnu quand même. Nous ne savons pas. Ce n'est pas comme dans le cas
d'une entreprise privée, où ses assurés sont tenus de
rapporter les accidents.
M. CHOQUETTE: Non. Vous savez, ce n'est pas tellement le montant que
vous n'avez pas pu prévoir à cause de votre position
particulière comme fonds d'indemnisation qui m'intéresse, parce
que je comprends très bien que vous fonctionnez dans un système
encore plus aléatoire qu'une compagnie d'assurance.
Vous ne pouvez pas prévoir, vous, que sur tant de polices
d'assurance vous allez avoir tant de pertes, etc. Ce n'est donc pas le
résultat final de vos opérations qui m'intéresse. C'est la
méthode d'estimation des pertes pour savoir si votre gérant de
réclamation peut, d'une certaine façon, quand on attire son
attention sur un cas, dire: Ce cas nous coûtera à peu près
tant et voici quelle est la marge d'erreurs possible. Vous m'avez dit que ce
sont 5 p.c. en plus.
M. LEBLANC: Peut-être que M. Gauthier pourrait ajouter des
détails puisqu'il agit comme directeur du fonds.
M. GAUTHIER: Lorsque nous recevons une réclamation, l'état
de l'accident est déjà fixé, en réalité. Il
y a à peu près 95 p.c. des réclamations qui nous
parviennent où la responsabilité est claire; le débiteur
éventuel, le défendeur est responsable. Tout ce qu'il y a
à établir, c'est le quantum. On établit le quantum en
coopération avec l'avocat de la victime. On s'entend sur le montant. Si
on reçoit une réclamation où l'action signifiée au
défendeur est de $25,000, presque automatiquement on va couper cela de
moitié; mettons $12,500, originalement. On ouvre notre dossier avec ces
$12,500. On procède à notre enquête, 30 jours, 40 jours.
Ensuite, on est fixé parce que le dossier est déjà
avancé. Il y a déjà des expertises médicales de
faites. A ce moment, on peut établir assez près le montant auquel
la victime a droit en réalité. On négocie avec l'avocat. A
ce moment, on sait combien on va payer. On dit à l'avocat: Quand le
jugement sera rendu, venez nous voir. On va vous payer. Mais, à ce
moment, la réserve est assez exacte.
M. CHOQUETTE: Le jugement des cours, en général, se
rapproche de vos réserves, j'imagine?
M. LEBLANC: Les avocats se servent de notre lettre, de notre entente
comme preuve parce qu'on voit les jugements sortir...
Les juges disent: Vu la Loi d'indemnisation, vu la preuve faite,
voici...
M. CHOQUETTE: J'aimerais voir un jugement dans ce sens-là, parce
que, n'oubliez pas qu'à ce moment-là le défendeur pour
lequel vous allez payer, ce n'est pas un aveu qui vient de lui, le quantum des
dommages. Vous comprenez?
M. GAUTHIER: Absolument pas.
M. CHOQUETTE: Alors, je ne vois pas comment le fonds d'indemnisation
pourrait s'interposer à ce moment-là et lier le
défendeur.
M. GAUTHIER: Non. On ne lie nullement le défendeur. Ce n'est pas
à nous. On établit, on fait une offre de règlement, ce qui
nous semble être raisonnable, qui est accepté par l'avocat du
demandeur. Cela ne veut pas dire qu'on agit pour le défendeur. On n'agit
pas pour le défendeur. Maintenant, lui a toujours la chance de se
défendre ou de revenir. Nous en avons des cas comme cela où
même après avoir payé, il y a des rétractions de
jugement qui arrivent. Cela n'arrive pas souvent.
M. GIASSON: Chez les compagnies d'assurance, à un moment
donné la compagnie fait l'étude de son dossier et fait une offre.
Si le réclamant ou son concurrent juge cela insuffisant, il peut se
prévaloir d'un recours devant le tribunal, mais
généralement, quand les compagnies arrivent devant les tribunaux,
elles font une dernière offre et, d'après l'expérience que
j'ai acquise en cours de route, elles ne se trompent pas souvent.
M. CHOQUETTE: C'est cela que j'essaie de dégager. Je reviens
encore un peu à la charge. Je suis un peu scandalisé de cette
histoire de 40 p.c. de la valeur des réclamations qui seraient
payées en général, soit par règlement ou
jugement. J'ai eu quelques explications. On m'a dit que dans la
façon de calculer on avait tout de suite pris en considération
les 40 p.c. dont on tient compte dans nos calculs pour tenir compte des
aléas de la vie. Vous savez ce que je veux dire. Cela explique tout de
suite... Cela ramène les affaires à 60 p.c. Ce tableau devient un
peu artificiel au point de vue des conclusions qu'on en dégage, à
mon sens.
M. GIASSON: Venez à mon bureau d'assurance et on va examiner les
sommations qui entrent et les paiements effectivement payés. C'est une
bonne moyenne.
M. CHOQUETTE: Ce n'est pas l'esprit du tableau no 1. L'esprit du tableau
no 1 ce n'est pas: II y a eu une action de $25,000 de prise et il y a eu un
règlement pour $5,000, parce que tout le monde sait que les actions en
dommages sont exagérées. Donc, on ne peut pas prendre ce chiffre
en considération et le tableau no 1 n'essaie pas de le prendre en
considération. Ce que le tableau no 1 dit, d'après ce qu'on
m'explique, c'est que si on prend leur système de calcul de la valeur
économique qui exclut les souffrances et douleurs, indemnité pour
souffrances et douleurs, indemnité pour perte de jouissance des choses
de la vie, si on prend en considération l'âge de la victime, le
montant de son salaire à ce moment-là, en fait elle recevrait
moins que le montant qui lui est accordé en vertu du système
actuel de 60 p.c, ce qui fait que ce serait à 40 p.c, et j'ai
énormément de difficulté à croire cela.
Enormément de difficultés.
LE PRESIDENT (M. Brisson): M. Saint-Germain.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): Le ministre de la Justice a répondu. Je
voulais porter à son attention que nous aussi, nous avons jeté
des doutes hier sur ce tableau. Je pense qu'une des raisons est celle qui vient
d'être mentionnée. Il a raison en disant que des gérants de
réclamation, avec leur expérience, arrivent à 5 p.c. ou 10
p.c. près, même quelques années avant que le jugement soit
rendu, à établir le montant de réserve. Par contre, cette
statistique nous semble indiquer que les méthodes retenues par les
tribunaux compte tenu des aléas de la vie et, à notre
sens, il faut en tenir compte arrivent à payer des
indemnités qui sont peut-être en deçà de la perte
économique calculée selon la technique retenue par le
comité Gauvin et non pas peut-être en... Je suis certain qu'ils
vont se faire un plaisir de vous expliciter davantage ce tableau.
M. CHOQUETTE: Je crois que vous avez bien exprimé les choses,
monsieur. C'est la différence qui existe entre les deux approches au
problème. Maintenant, il s'agira de savoir, quand on entendra les gens
du comité Gauvin, quelle est leur technique et jusqu'à quel point
donne-t-elle plus satisfaction au réclamant. Cela aussi
m'intéresse.
M. SAINT-GERMAIN (Guy): C'est d'ailleurs pour ça qu'on disait
hier que si, de ce côté on n'a pas besoin de chambarder
tout le système de la faute pour ça, dans les cas les plus
importants il y a quelque chose qui fait défaut dans les
méthodes d'évaluation des sinistres importants, au niveau des
tribunaux, c'est certain que la magistrature pourrait réviser ses
barèmes d'évaluation des sinistres importants.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Le ministre des Transports.
M. MAILLOUX: M. le Président, tantôt je pense que
c'était une question du député de Saguenay on a
semblé un peu estomaqué que le fonds d'indemnisation ne fasse pas
rapport, pas plus au ministre des Transports qu'au surintendant des assurances,
de manière annuelle, tel que le font différentes corporations. Je
voulais, étant donné que c'est une loi dont je n'ai pris
connaissance que très récemment, demander un renseignement
à un de mes fonctionnaires qui est ici. En fait, la loi qui a
été constituée en 1961 ne donne pas la permission au
ministre des Transports de demander un rapport annuel au fonds, pas plus
qu'elle ne vous oblige à faire un rapport au surintendant des
assurances. Le seul article avec lequel je serais confronté est
l'article 59: "Si les administrateurs négligent d'imposer ou de
percevoir des cotisations suffisantes, le surintendant des assurances peut,
à la demande du ministre des Transports, exercer à cet
égard leurs droits et pouvoirs."
Il y a également le droit qu'a le ministre des Transports de
demander à la Législature des modifications telles celles que
vous avez suggérées et pour lesquelles nous nous sommes
rencontrés.
Je voulais quand même préciser que s'il n'y a pas de
rapport qui est fait au titulaire, c'est que la loi n'en fait mention d'aucune
façon.
M. ROY: II faudrait modifier la loi.
M. MAILLOUX: Disons que dans les modifications à la loi, il
faudrait répéter immédiatement qu'au ministère des
Transports, depuis les derniers mois, nous nous sommes rencontrés quand
mon collègue M. Tetley a demandé que le fonds continue ses
activités pour une période donnée, pour autant que nous
donnions quand même notre acceptation pour certains comptes que vous
aviez avec le ministère des Affaires sociales. C'est qu'à ce
moment-là le rapport Gauvin allait être déposé et
qu'il était possible, étant donné que le gouvernement
aurait pu
changer d'option, suite au rapport Gauvin, que ce soit englobé
dans toute la décision gouvernementale.
M. ROY: M. le Président, on a parlé tout à l'heure
d'une nouvelle cotisation qui a été calculée, si on me
permet.
M. MAILLOUX: Non, la seule chose que je voudrais ajouter est la
suivante. Comme profane, quand je regarde le Fonds d'indemnisation, il y a des
suggestions qui sont faites. Je pense que celle qui est la plus valable serait
la mesure où il y aurait la meilleure équité possible. Ce
serait que s'il y a 10 p.c. ou 15 p.c. des gens qui sont des
non-assurés, ce ne soit pas tant sur l'ensemble des permis de conduire,
non pas tel que le mentionne le rapport Gauvin sur
l'immatriculation, non pas tant sur les permis de conduire. Ce serait
probablement, tel que le veut le Fonds d'indemnisation de l'Ontario, un montant
qui se situerait entre $20 et $40 pour ceux qui ne sont pas assurés,
pour faire porter à ceux qui sont les risques éventuels le
fardeau du fonds à créer ou à maintenir en place.
LE PRESIDENT (M. Brisson): D'autres questions?
M. ROY: J'avais une question à poser. On nous a dit tout à
l'heure qu'une cotisation qui est perçue par le fonds d'indemnisation
est considérée comme une nouvelle cotisation, une nouvelle prime
d'assurance et que, de ce fait, les primes d'assurance sont imposées par
le ministère du Revenu. Il y a 2 p.c. à payer. Cela veut dire que
le fonds d'indemnisation est obligé de payer les 2 p.c. au
ministère du Revenu, c'est cela? Est-ce que vous vous êtes
opposés, est-ce que vous avez fait parvenir des objections, une
opposition au ministère du Revenu à ce sujet-là? Est-ce
qu'il y a eu des démarches de faites?
M. LEBLANC: Non, la loi prévoit qu'une taxe de 2 p.c. est
prélevée sur les primes versées par les assurés
d'une part...
M. LESSARD: ... là.
M. LEBLANC: Oui, mais d'autre part, je voulais soulever, à la
suite de la remarque faite par le ministre Mailloux, que le système de
l'Ontario peut être d'une certaine façon valable, mais il donne
souvent l'impression aux personnes qui versent un montant de $25 ou $30
qu'elles sont assurées. C'est une fausse impression, remarquez bien.
M. MAILLOUX: ... que ces gens fassent comme les autres et s'assurent
également.
M. LEBLANC: Aussi, oui.
LE PRESIDENT (M. Brisson): L'honorable ministre d'Etat au Conseil
exécutif.
M. LALONDE: M. le Président, au nom du ministre des Institutions
financières Compagnies et Coopératives, je désire
remercier les représentants du fonds d'indemnisation des victimes
d'accidents d'automobile pour leur représentation à la
commission. Suite au désir exprimé par les députés
de l'Opposition, au nom de M. Tetley, j'accepte avec plaisir je sais
qu'il va accepter avec plaisir de participer au débat sur cette
question lors d'une prochaine réunion de la commission, sujet à
la présence possible, selon le désir des membres de la
commission, des représentants du fonds d'indemnisation des victimes
d'accidents d'automobile dans un avenir qui devra être
déterminé. Je vous remercie.
M. LEBLANC: A mon tour je tiens à remercier M. le
président et les membres de cette commission pour l'attention qu'ils
nous ont portée. Nous réalisons les difficultés que cause
le fonds. Nous sommes heureux, quand même, que notre message ait
été entendu et peut-être des mesures seront-elles prises
éventuellement.
LE PRESIDENT (M. Brisson): Je vous remercie infiniment. La commission
ajourne ses travaux à mardi, dix heures.
(Fin de la séance à 18 h 32)