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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Tuesday, December 3, 1974 - Vol. 15 N° 185

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du rapport Gauvin


Journal des débats

 

Commission permanente des institutions financières,

compagnies et coopératives

Etude du rapport Gauvin

Séance du mardi 3 décembre 1974

(Dix heures trente-neuf minutes)

M. CORNELLIER (président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs !

La commission parlementaire des institutions financières, compagnies et coopératives est réunie ce matin pour entendre le mémoire ou les opinions du Barreau du Québec.

Dans la liste des membres de la commission ce matin, il y a un changement. M. Morin remplace M. Léger (Lafontaine).

M. TETLEY: Complétez, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. Carpen-tier (Laviolette) remplace M. Assad (Papineau).

M. MORIN: Légère correction, M. le Président, je ne remplace pas M. Léger, mais M. Burns.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Excusez-moi. Alors, M. Morin (Sauvé) remplace M. Burns (Maisonneuve). Le député de Beauce-Sud.

M. ROY: Ce que je voulais dire, c'est que j'ai dû, malheureusement, m'absenter des dernières séances de la commission parlementaire pour l'étude du rapport Gauvin. Je l'ai fait par obligation, M. le Président, parce qu'en même temps il y avait d'autres commissions parlementaires qui siégeaient, la commission parlementaire des comptes publics entre autres. C'est la raison pour laquelle j'ai dû m'absenter. Ceci ne veut pas dire — je tiens bien à ce que soit noté — que mon intérêt a diminué pour le rapport Gauvin ainsi que pour toute la question de l'assurance-automobile. Mon intérêt n'est pas diminué, bien au contraire.

M. TETLEY: M. le Président, nous avons tous regretté l'absence du député de Beauce-Sud et je peux le dire sincèrement, malgré que nous ayons apprécié le temps que son absence nous a donné à nous pour poser des questions aux témoins.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, messieurs du Barreau, si vous voulez vous exprimer selon la procédure normale.

Barreau du Québec

M. ROBERT (Michel): M. le Président, mon nom est Michel Robert et j'aimerais vous présenter la délégation qui m'accompagne ce matin. En commençant par mon extrême gauche, ce qui n'est nullement indicatif de mon opinion politique, le directeur général du Barreau, Me Jacques Tisseur; notre actuaire-conseil, M. Gilles Blondeau; le président de la régionale du Québec de l'Association du Barreau canadien, Me Michael Cain; le vice-président du Barreau du Québec, Me Henri Grondin.

A mon extrême droite, Me Philippe Casgrain, qui est membre de notre comité d'étude sur l'assurance-automobile, Me Jean Crépeau qui est également membre du comité, Me Pierre-A. Michaud, qui est membre du comité, et Me Vincent O'Donnell, immédiatement à ma droite, qui est président du comité d'étude sur l'assurance-automobile.

D'autre part, M. le Président, j'aimerais, avant de commencer le texte de ma présentation, vous signaler que vendredi, nous avons fait livrer à la commission 25 exemplaires de notre étude actuarielle. J'espère que vous les avez reçus et je présume qu'une copie est disponible pour chacun des membres de la commission.

En plus, vous avez évidemment notre mémoire que nous avons déposé il y a déjà quelques mois. Vous avez aussi ce matin le texte de ma présentation ainsi qu'un certain nombre d'annexes qui accompagnent ce texte et qui, on l'espère, vous fourniront des renseignements additionnels dans l'étude de ce problème difficile qu'est l'assurance-automobile et un régime de responsabilité.

Je ne sais pas si vous avez tous ces documents, mais, normalement, ils devraient avoir été envoyés à la commission.

M. le Président, j'aimerais faire un exposé succinct des principales questions que soulèvent à la fois le rapport Gauvin et notre mémoire. Evidemment, cet exposé succinct n'a pas pour but de remplacer le texte de notre mémoire qui contient plusieurs recommandations élaborées qu'on trouve aux pages 23 et suivantes et nous sommes prêts à répondre à toutes vos questions concernant ces recommandations. Le régime actuel de responsabilité, qui existe quand même depuis un bon nombre d'années, prévoit que le principe fondamental inscrit à l'article 1053 veut que chacun doit répondre de ses actes. Ce principe vient sanctionner la première règle, si je peux dire, de comportement social des personnes qui composent notre population et la sanction de ce principe et l'obligation pour l'individu qui cause un tort à autrui de réparer le préjudice ainsi causé.

L'article 1053 ne prévoit pas comment on doit réparer ce préjudice, sauf qu'on doit le réparer de façon intégrale. La jurisprudence a décidé que ceci devait se faire par l'attribution d'une somme d'argent unique évaluée par le tribunal de droit commun et non pas par des versements périodiques, comme on le propose actuellement dans le rapport Gauvin.

La principale caractéristique de cette réparation, c'est qu'elle est complète et intégrale. On doit replacer la victime dans l'état où elle était

avant l'accident. Cette réparation n'est pas partielle ou limitée, comme dans la plupart des régimes d'assurance sans égard à la responsabilité, qui ont été proposés.

Le montant de la compensation est, soit convenu entre les parties ou, au cas de désaccord, arbitré par les tribunaux de droit commun. Le régime actuel comporte des lacunes évidentes que nous aimerions regrouper sous trois chapitres.

D'abord, certaines des personnes qui sont actuellement victimes d'accidents d'automobile ne sont pas indemnisées par notre régime. Deuxièmement, la lenteur des règlements des sinistres et, troisièmement, l'aspect des coûts.

Premièrement, en liant l'indemnisation au principe de la responsabilité personnelle, il est bien évident que les victimes qui se blessent par leur propre faute, par exemple, ne reçoivent aucune indemnisation du régime d'assurance actuellement, selon le système en vigueur. Cependant, il faut faire ici deux remarques. D'abord, c'est que le nombre de victimes qui ne sont pas indemnisées dans notre régime est beaucoup moins élevé que dans les autres provinces du Canada ou aux Etats-Unis, à cause d'un état différent du droit positif. Entre autres, nous n'avons pas ici la théorie du passager bénévole. On n'a pas non plus l'exclusion de tout recours, s'il y a participation de la victime à la faute, et d'autres différences sur lesquelles nous pourrons discuter si cela intéresse les membres de la commission.

Deuxième remarque, c'est que les victimes qui ne reçoivent pas d'indemnisation du régime d'assurance-automobile en reçoivent cependant de d'autres sources. Je pense que c'est bien indiqué dans le rapport Gauvin. Notamment, nous avons au Québec un régime d'assurance-hospitalisation qui prévoit une indemnisation, quelle que soit la cause de l'hospitalisation.

Nous avons également un régime d'assurance-maladie qui prévoit le paiement total de tous les frais médicaux. Nous avons également une Régie des rentes du Québec qui prévoit des formes de paiement pour les personnes qui sont invalides. Nous avons la Commission des accidents du travail qui prévoit une certaine indemnisation, lorsqu'il s'agit d'un accident qui résulte du travail. Par exemple, un chauffeur de camion qui a un accident sur la route, lorsqu'il est au travail, recevra une indemnisation de la part de la Commission des accidents du travail.

Nous avons également un régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels, qui est administré d'ailleurs par la Commission des accidents du travail et qui prévoit certaines compensations au cas de préjudices.

Enfin, nous avons la Commission d'assurance-chômage, qui prévoit une certaine forme d'indemnisation également, lorsque les personnes sont malades. Finalement, il y a le régime général de l'aide sociale qui vient, évidemment, combler une partie de ces lacunes. Il est faux de dire que, de façon absolue, les victimes ne reçoivent aucune indemnisation. Il est vrai de dire que les victimes ne reçoivent pas d'indemnisation du régime d'assurance-automobile. Elles reçoivent une indemnisation d'autres régimes qui n'est probablement pas, évidemment, de même niveau que celle qui est proposée par le rapport Gauvin.

Le deuxième aspect ou la deuxième critique du régime actuel est la lenteur du règlement des sinistres. Dans le rapport Gauvin, on attribue la lenteur du règlement des sinistres au fait qu'on doive déterminer la faute avant de payer une indemnité. Selon notre expérience, cette affirmation ne nous semble pas correcte. En fait, la difficulté de déterminer la faute n'apparaît que dans un nombre extrêmement restreint de causes. D'ailleurs, c'est le rapport Gauvin lui-même, à la page 207, qui affirme que 1 p.c. seulement des réclamations se rendent à procès. Et dans ce 1 p.c, il y en a sûrement un bon nombre où la responsabilité n'est pas contestée, en d'autres mots, où seul le quantum fait l'objet d'un arbitrage judiciaire.

En fait, selon nous, la raison première du délai provient non pas de la difficulté de déterminer la faute, mais plutôt de la difficulté de déterminer le quantum des dommages. Etant donné que les dommages font l'objet d'une seule compensation par un montant unique et définitif, il faut souvent attendre en pratique la guérison de la victime pour savoir exactement quelle est l'étendue des dommages. C'est à cause de cela, je pense, que le règlement des sinistres prend un certain temps, surtout en matière de blessures corporelles.

Evidemment, on a parlé beaucoup des délais qui existent devant les tribunaux pour l'audition des causes. C'est exact qu'il y a un certain nombre de délais. Je dois dire cependant que la situation s'est de beaucoup améliorée depuis l'étude qu'en a faite le rapport Gauvin. Actuellement, je pense que, dans la plupart des districts judiciaires au Québec, on doit compter entre huit mois et douze mois pour l'audition d'une cause. Vous allez me dire que c'est beaucoup trop long pour attendre d'indemniser justement la victime.

M. TETLEY: ... la permission depuis l'inscription.

M. ROBERT: Non, depuis... M. TETLEY: Depuis l'accident?

M. ROBERT: Non, pas depuis l'accident, depuis l'émission du bref. Vous savez que le système est changé actuellement. Le rôle d'audition est fabriqué à partir de la date d'émission du bref. Evidemment, si on ajoute le délai de l'accident, depuis l'accident, c'est bien sûr qu'il s'écoule toujours un deux ou trois mois entre le moment de l'accident et le moment de l'émission du bref. Il peut s'écouler davantage que deux ou trois mois. Maintenant, je pense que...

M. TETLEY: Je me demande si la procédure a tellement changé depuis cinq ans, depuis que j'ai laissé cela.

M. ROBERT: Pardon? Si...

M. TETLEY: Si la procédure a tellement changé depuis cinq ans, je ne parle pas du code de procédure, mais de la vitesse, et de la rapidité des...

M. ROBERT: Je pense qu'elle a changé, M. le ministre.

M. TETLEY: Oui, j'espère.

M. ROBERT: Je présume que vous vous référez à l'époque où vous pratiquiez le droit.

M. TETLEY: Oui.

M. ROBERT: Je pense, M. le ministre, qu'elle a changé.

M. TETLEY: Ce n'est pas une époque, ce n'est pas... C'est le même siècle au moins.

M. ROBERT: Quel que soit le délai, en d'autres mots, que le délai soit de huit mois, de douze mois ou de quinze mois, je pense que la situation demeure la même, en ce sens qu'on ne peut pas attendre, ne serait-ce que quatre ou cinq mois, avant d'indemniser la victime, puisque, dans plusieurs cas, la victime a besoin d'une indemnisation pour assurer sa subsistance. C'est pour cela qu'on a suggéré, et vous le verrez plus loin, qu'il y ait un régime d'assurance individuel qui prévoie une indemnisation immédiatement après l'accident, avec ou sans un délai de carence d'environ une semaine comme d'ailleurs le suggère le rapport Gauvin. En d'autres mots, la solution réside dans une indemnisation individuelle immédiate après l'accident qui vient en déduction de ce qu'on pourra réclamer plus tard devant les tribunaux. On peut aussi envisager toute une série de mesures pour accélérer, si je peux dire, l'audition des procès, entre autres une mesure qui a été suggérée et qui fait d'ailleurs l'objet d'une étude par le comité tripartite de la justice, c'est de scinder le procès en deux parties, le scinder en ce sens que la responsabilité est d'abord déterminée et le quantum des dommages sera déterminé plus tard lorsque la chose sera possible.

Ce système est en vigueur dans certains Etats américains et semble donner des résultats satisfaisants. La scission du procès en deux parties pose certains problèmes de procédure au niveau de l'appel, mais qui, par ailleurs, à mon point de vue, ne sont pas insolubles et qui peuvent facilement être assortis d'une solution avantageuse pour les deux parties. Dans certains Etats américains entre autres, immédiatement après l'accident, on détermine ou on fait une enquête de nature policière, si je puis dire, en présence d'un magistrat enquêteur, où les témoins sont immédiatement entendus; à ce moment, leur témoignage est enregistré et, évidemment, sert plus tard à déterminer la responsabilité. Le quantum, lui, n'est déterminé qu'au moment où il est possible de le faire après les examens médicaux et après la détermination de l'étendue du préjudice.

Les coûts élevés. Au Québec — et le rapport Gauvin le constate — l'assurance coûte plus cher qu'ailleurs et ce coût croissant, je pense bien, n'est pas le fruit de quelque mystérieux arrangement entre les divers agents. Il résulte principalement, à notre point de vue, du nombre et de la gravité des accidents au Québec. A ceci, à notre point de vue, il faut aussi ajouter le phénomène de l'inflation. Le prix moyen des voitures a augmenté, cette année, de $600 par voiture. Imaginez d'ici les répercussions sur le coût des réparations.

J'aimerais, ici, citer notamment les remarques faites par le directeur de la Sûreté du Québec lors de l'ouverture de la semaine de la sécurité routière, hier, où on a dit qu'au Québec, l'année dernière, il s'est tué, sur nos routes, 2,200 personnes, et il s'est blessé, sur nos routes, 50,000 personnes. Je vous souligne que 50,000 personnes, cela représente 1 p.c. de toute la population du Québec.

Or, il semble qu'on détienne à peu près tous les championnats...

M. TETLEY: Combien?

M. ROBERT: C'est 50,000 personnes. C'est ce que M. Beaudoin a dit.

Il semble qu'on détienne au Québec tous les championnats en matière d'accidents de la route. A notre point de vue, il faut s'attaquer aux causes du mal qui sont, parmi d'autres, mais qui sont principalement la vitesse sur nos routes et la consommation d'alcool au volant.

On peut également réduire les coûts en améliorant l'efficacité du système actuel par diverses mesures que nous proposons d'ailleurs dans notre rapport. On peut rendre l'assurance obligatoire, de façon à répartir le risque sur l'ensemble des propriétaires d'automobiles. Ceci, selon nos études actuarielles, représente une diminution de coûts de l'ordre de 1.6 p.c.

On peut également abolir les recours subro-gatoires des organismes gouvernementaux comme la Régie de l'assurance-maladie, le service de l'assurance-hospitalisation, ce que nous avons, d'ailleurs, proposé dans notre mémoire et ce qui représente une économie de 1.9 p.c. selon notre étude.

Enfin, on peut réduire le coût du règlement des sinistres en abolissant les recours subroga-toires entre assureurs pour les dommages collisions en vertu du chapitre c) que nous avons proposé et pour l'assurance individuelle, en vertu du chapitre b). Ceci représente, à notre point de vue, une économie de 0.5 p.c. du coût actuel.

Toutes ces mesures réunies — les trois der-

nières mentionnées à la page 4 — représentent une économie totale de 4 p.c.

Le régime du Barreau. Nous avons 23 recommandations dans notre mémoire qui portent sur divers aspects. Je n'ai pas l'intention de reprendre en détail chacune des recommandations. Nous sommes, évidemment, disposés à répondre à toutes vos questions sur chacune des recommandations.

Cependant, permettez-moi d'insister sur trois aspects: La sécurité routière, le régime mixte et finalement, l'assurance-collision qui sont, je pense, les trois principales recommandations de notre mémoire.

La sécurité routière. D'abord, comme je l'ai dit, il faut s'attaquer aux causes du mal. Nous avons suggéré, dans notre mémoire, l'imposition d'une limite générale de vitesse de 55 milles à l'heure sur l'ensemble des routes du Québec.

Cette imposition a eu des effets absolument intéressants et bénéfiques aux Etats-Unis. Je vous réfère là-dessus à l'annexe qui est un article publié dans le Montreal Star du 8 juillet 1974 — c'est l'annexe A qui accompagne le texte de notre présentation — où vous verrez qu'aux Etats-Unis, l'imposition d'une limite générale de vitesse de 55 milles à l'heure, qui avait été imposée à l'origine pour des raisons de conservation de l'énergie et non pour des raisons de sécurité routière, a réduit les accidents dans une proportion d'environ 30 p.c.

Non seulement l'imposition d'une limite générale de vitesse a l'effet de réduire le nombre d'accidents, mais elle a également l'effet de réduire la gravité des accidents. Il a été démontré qu'à 55 milles à l'heure, par exemple, on a quatre fois moins de chances de se faire tuer qu'à 75 milles à l'heure, si on est impliqué dans un accident.

Alors, cette mesure aux Etats-Unis a eu des effets absolument intéressants et aujourd'hui, on songe, par un bill qui est actuellement devant le Sénat, à rendre cette mesure permanente et obligatoire pour l'ensemble des Etats américains. Nous croyons que cette mesure au Québec aurait des effets importants sur le nombre et la gravité des accidents.

Deuxième aspect, quant à la sécurité routière, qui nous apparaît fondamental, c'est la question de la consommation d'alcool au volant. Le système de points de démérite que nous avons est beaucoup moins sévère, quant à ceux qui consomment de l'alcool au volant, que plusieurs systèmes de démérite qui existent dans le monde. Nous avons été heureux d'apprendre par M. Mailloux, le ministre des Transports, qu'on s'apprête au mois de mars 1974 à le rendre plus sévère. Nous ajoutons cependant que c'est un pas, évidemment, dans la bonne direction, mais que ce n'est, si je puis dire, que la moitié du chemin qui a été parcouru. Je vous réfère là-dessus à notre annexe b) qui comporte, entre autres, le mémoire du Barreau au comité d'étude sur l'assurance-automobile, concernant l'émission des permis de conduire. Par exemple, si vous allez à la page 12 de ce mémoire, vous verrez que, pour une condamnation pour facultés affaiblies au volant, nous avions recommandé la perte du total des points, soit quinze points. Le système qui est actuellement en vigueur au Québec prévoit un total de douze points. Or, le ministre Mailloux a annoncé que le nombre de points de démérite serait porté de six à neuf, mais nous avons suggéré et nous maintenons que, dans le cas d'une condamnation pour facultés affaiblies, le nombre total des points devrait être perdu, soit douze points et en conséquence le permis de conduire devrait être retiré comme cela existe dans plusieurs provinces et dans plusieurs Etats américains.

Or, nous croyons que le gouvernement a posé un geste dans la bonne voie, mais qu'on doit continuer dans cette voie et rendre encore plus sévère le système de points de démérite.

Troisième remarque, quelles que soient les règles qu'on puisse adopter ou quelle que soit la sévérité des règles de sécurité routière qu'on puisse adopter, encore faut-il les faire observer. Parce qu'au Québec, je pense que c'est une constatation que tout le monde peut faire sans faire une grande étude, on ne fait pas observer suffisamment les règles de la sécurité routière. Je ne voudrais pas ici expliquer les causes de cette situation, mais il faudra sûrement rendre l'observance de ces règles beaucoup plus stricte si on veut obtenir des résultats sur le plan de la sécurité routière.

Deuxième aspect, le régime mixte. Ce que le Barreau propose fondamentalement, c'est un régime mixte qui comporte à la fois un recours devant les tribunaux pour les victimes innocentes, pour obtenir une indemnisation intégrale de leurs préjudices et, d'autre part, une assurance individuelle sans égard à la faute qui donne à tout le monde, quelle que soit leur situation, une indemnisation de base.

Pourquoi maintenir le recours fondé sur la responsabilité en sus de l'indemnisation de base qui est accordée par l'assurance individuelle? D'abord, parce que c'est le seul système, ou le seul régime qui permette aux victimes innocentes d'obtenir une réparation pécuniaire intégrale de leurs préjudices. Tous les autres régimes comportent toujours des plafonds, y compris celui proposé par le rapport Gauvin.

M. TETLEY: Cela permet aussi aux victimes non innocentes de contester jusqu'à la mort aussi.

M. ROBERT: Pardon?

M. TETLEY: Cela permet aux victimes non innocentes de contester leur faute ou leur responsabilité. Vous dites toujours: Cela permet aux victimes innocentes; vous voulez dire: Cela permet aux victimes. Parce que ça permet aussi aux victimes non innocentes aussi...

M. ROBERT: Oui, d'accord. Mais normale-

ment, si la victime a commis une faute, ou si elle est la victime de sa propre faute, si je peux dire, normalement le tribunal va décider qu'elle n'a pas droit à une indemnité en vertu des règles actuelles.

M. TETLEY: Nous avons déjà un système sans faute payé par la compagnie d'assurances.

M. ROBERT: C'est bien évident. Nous proposons d'augmenter considérablement les bénéfices de l'assurance individuelle sans égard à la responsabilité de façon à garantir à tous une indemnisation minimum, quelle que soit leur conduite ou quelle que soit la faute qu'ils auraient pu commettre dans la conduite de leur véhicule automobile.

Deuxièmement, parce que le principe de la responsabilité personnelle est le fondement même de notre système juridique et qu'il nous apparaît inopportun de l'éliminer complètement dans un secteur aussi important de l'activité humaine.

Troisièmement, parce que l'abolition totale du principe de la responsabilité risque d'engendrer un comportement irresponsable de la part des conducteurs.

Mais alors, pourquoi prévoir une indemnisation sans égard à la responsabilité pour une partie des dommages? Premièrement, parce qu'on peut verser une indemnisation à toutes les victimes, même celles qui ne sont pas indemnisées par le régime actuel. En d'autres mots, les 30 p.c. des victimes qui ne sont pas indemnisées par le régime actuel en vertu du régime d'assurance pourraient recevoir les bénéfices du chapitre B qui deviendraient évidemment obligatoires dans notre proposition. Deuxièmement, parce qu'on peut verser l'indemnité immédiatement, après ou sans un délai de carence de sept jours, sans attendre la détermination de la responsabilité et sans attendre la détermination du quantum. Nous avons, dans notre régime, suggéré un délai de carence de sept jours comme d'ailleurs le suggère le rapport Gauvin.

Je vous signale que, dans d'autres provinces, le délai de carence n'existe pas. Si le gouvernement veut l'éliminer, nous n'avons pas d'objection de principe; cependant, l'élimination du délai de carence entraîne automatiquement une augmentation de coût qui est de l'ordre, selon nos estimations actuarielles, d'à peu près 0.5 p.c. de la prime.

Pour atteindre cet objectif d'indemnisation, il faut que le chapitre B qui est actuellement inscrit dans la police d'assurance devienne obligatoire. Actuellement, il est facultatif. Il faut qu'il devienne obligatoire comme d'ailleurs le chapitre A qui prévoit la responsabilité envers les tiers. Nous suggérons l'amélioration des bénéfices du chapitre B de façon substantielle. Par exemple, nous suggérons que les frais médicaux et de réhabilitation soient tous remboursés jusqu'à un maximum de $20,000. Evidemment, lorsqu'il s'agit d'un accident qui est survenu au Québec et lorsque l'hospitalisation a lieu au Québec, cette clause n'a pas d'effet puisque l'assurance-santé et l'assurance-hospitalisation prévoient déjà le paiement de ces montants. Mais lorsqu'il s'agit d'un accident survenu à l'extérieur du Québec et que la personne est soignée dans l'Etat de New York ou dans d'autres Etats, il se peut fort bien que la personne ait à encourir des frais médicaux et d'hospitalisation qui sont assez élevés. Alors, il est important, à notre point de vue, de prévoir une telle couverture.

De plus, on suggère un remplacement de 80 p.c. du salaire jusqu'à un maximum de $100 par semaine pour une durée maximale de 208 semaines, c'est-à-dire une période de quatre ans. Ici, j'aimerais souligner que ce délai de quatre ans est suffisant pour permettre à une personne de s'adresser aux tribunaux pour faire déterminer la responsabilité, faire déterminer le montant du quantum. Je ne pense pas que quatre années soient un trop court délai pour permettre une telle chose.

Troisième aspect, on prévoit également une indemnité de $50 par semaine pour une ménagère, pendant une période maximale de 52 semaines; une indemnité de mutilation, de démembrement de l'ordre de $5,000; une indemnité de décès de $10,000 pour le chef de famille et, pour les autres membres de la famille, le montant indiqué à la table actuelle du chapitre B.

Ces bénéfices sont payés immédiatement, sans égard à la responsabilité, aux occupants de l'automobile, aux piétons frappés par l'automobile et ils suivent les membres de la famille de l'assuré. Vous pourrez vous référer à l'annexe c) de notre présentation qui contient la description de la couverture.

Comme le chapitre B est obligatoire pour les deux parties, toutes les personnes sont couvertes. Parce que, si les occupants de l'automobile et les piétons sont couverts et que l'assurance est obligatoire pour l'ensemble des automobilistes, toutes les personnes qui peuvent être impliquées dans un accident sont couvertes, je pense, par un tel régime.

Quant à l'assurance-collision, le rapport Gauvin suggère un certain nombre d'options. Nous avons préféré recommander que la couverture collision demeure facultative. Pourquoi? Nous invoquons principalement cinq raisons.

Premièrement, le rapport Gauvin a constaté que 43 p.c. des assurés ne prennent pas cette couverture d'assurance-collision.

Deuxièmement, l'absence d'indemnisation dans le cas d'une assurance-collision n'a pas de conséquences dramatiques sur la vie de la famille, à mon point de vue.

Troisièmement, en rendant la couverture obligatoire, on augmenterait les coûts pour des propriétaires qui n'ont peut-être pas les moyens de s'offrir cette protection. L'assurance-collision coûte cher, parce que — comme le détermine le rapport Gauvin — 65 p.c. des réclamations

proviennent des dommages matériels, par opposition aux blessures corporelles.

Quatrièmement, cette couverture est inutile pour une voiture de peu de valeur.

Et cinquièmement, certains organismes publics ou même certains organismes privés préfèrent assumer eux-mêmes le risque et faire de l'auto-assurance plutôt que d'assurer leurs risques auprès d'une compagnie.

Cependant, nous recommandons l'abolition des recours subrogatoires entre assureurs. Ceci réduira considérablement le nombre des petites réclamations devant les tribunaux. L'annexe B, je pense, illustre le fonctionnement du recours subrogatoire.

Au fond — et les compagnies d'assurance sont d'accord sur ce principe — quand les compagnies d'assurance se poursuivent entre elles pour des dommages-collisions, elles ne font qu'échanger quatre vingt-cinq cents pour un dollar.

Les critiques adressées au régime Gauvin.

Ces critiques ne sont pas nécessairement exhaustives, mais nous avons tenté de les centrer sur les modalités d'indemnisation.

D'abord, la perte économique nette. Le régime d'indemnisation qui est suggéré par le rapport Gauvin repose essentiellement sur la perte économique nette. Cette perte est basée sur le salaire que la victime gagnait dans les douze mois précédant l'accident. Ce régime a le mérite de la simplicité. Par contre, il est injuste pour un grand nombre de personnes parce qu'il ne tient pas compte de beaucoup de facteurs que les tribunaux prennent en considération actuellement.

Ainsi, il est inadéquat pour: 1- Les personnes qui ne gagnent pas de salaire, comme les enfants, les femmes mariées qui ne travaillent pas en dehors du foyer, les chômeurs et les étudiants. 2-Les personnes qui commencent une carrière ou une entreprise et dont le salaire ne reflète pas le revenu éventuel. 3 - Les personnes dont le revenu net excède $160 par semaine. Celles-ci représentaient, au moment de l'étude faite par le rapport Gauvin, 15 p.c. de la population, en 1970. Aujourd'hui, ce pourcentage est plus élevé, sans vouloir l'affirmer de façon catégorique, nous croyons que ce pourcentage est maintenant de l'ordre d'environ 25 p.c.

Mutilation et démembrement. Le régime Gauvin propose au maximum de $10,000 en plus de la perte économique nette, pour une indemnité de mutilation et de démembrement. Cette indemnité de mutilation et de démembrement ne tient pas compte de l'atteinte à l'intégrité physique qui n'entraîne pas nécessairement une perte économique et qui n'est pas une mutilation ou un démembrement. Je vous réfère particulièrement à l'annexe E de notre présentation à ce sujet.

Dans l'annexe E, les faits sont les suivants: une fillette de cinq ans est blessée dans un accident. Elle subit une fracture du crâne et elle est hospitalisée pendant une période de trois semaines. Les médecins lui accordent une incapacité partielle permanente de l'ordre de 10 p.c. pour épilepsie, mais il n'y a pas, comme tel, de démembrement ou de mutilation. Il n'y a qu'une atteinte à l'intégrité physique, qui se manifeste par des troubles neurologiques. Or, selon le rapport Gauvin, cette personne recevrait probablement — cela n'est pas sûr, cela dépend comment on interprète la page 319 du rapport Gauvin — $50 par semaine, pendant trois semaines, moins le délai de carence, ce qui veut dire deux semaines à $50, ce qui fait $100. Le montant du préjudice a été évalué dans ce cas à $15,000 répartis de la façon suivante: $11,000 au titre de l'incapacité partielle permanente; $3,500 au titre des douleurs et des souffrances et $500 de déboursés. Cette personne aurait devant les tribunaux environ $15,000. Dans le rapport Gauvin, selon notre interprétation du rapport — et là-dessus, évidemment, on peut se tromper — elle aurait droit, au maximum, à $100, parce que ce n'est pas, tel quel, une mutilation ou un démembrement qui donne droit à une partie de l'indemnité de $10,000 prévue par le régime Gauvin.

Troisième aspect : l'indemnisation forfaitaire. L'indemnisation sans égard à la responsabilité existe au Québec depuis 1931, dans un autre secteur d'activités, soit celui des accidents du travail. Ce régime prévoit actuellement le paiement d'une rente égale à 75 p.c. du salaire, jusqu'à un maximum de $9,000. Gauvin propose une rente très semblable, soit 80 p.c. du salaire, jusqu'à un maximum de $10,400, soit $200 brut par semaine.

Or, le régime de la CAT, qui est administré par la Commission des accidents du travail sans recours devant les tribunaux, sauf au cas de responsabilité d'un tiers, sans l'intervention d'avocat, ne semble pas donner satisfaction aux accidentés du travail. En Ontario, on parle même de remettre ou de réintroduire dans le droit commun le recours devant les tribunaux pour les dommages excédentaires.

Je vous réfère, à ce sujet, à un article du Financial Post qui forme notre annexe F. Le régime manque donc de souplesse et il est source de frustration pour les travailleurs. On ne peut pas présumer que l'assuré seul fait le poids face à son assureur, qui règle des milliers de réclamations. L'assuré doit être représenté par un spécialiste, dans les cas difficiles, et ce spécialiste nous apparaît être l'avocat.

La preuve que l'indemnisation accordée par la CAT est partielle se trouve dans la loi elle-même. En effet, lorsqu'il y a faute d'un tiers, la victime peut s'adresser à un tribunal de droit commun pour obtenir la différence entre l'indemnité forfaitaire accordée par la Commission des accidents du travail et le montant des dommages réels. L'annexe G de notre présentation illustre ce phénomène où on indique justement le montant des dommages qui a été

accordé en sus de l'indemnité accordée par la Commission des accidents du travail au cas de recours devant les tribunaux. Finalement, l'annexe G comprend des coupures de journaux, dont le titre n'est pas nécessairement indicatif, illustre la frustration des travailleurs devant l'administration de la Commission des accidents du travail.

Le régime AutoBAC. Je sais que le Bureau des assurances du Canada a comparu devant vous et a suggéré un régime AutoBAC qui maintient partiellement le droit de réclamer devant les tribunaux l'excédent des pertes économiques en sus de l'indemnisation sans égard à la responsabilité. Cependant, il faut noter que quant aux pertes non économiques, le régime limite le recours devant les tribunaux aux cas de décès et de défiguration sérieuse et permanente, ainsi qu'à des cas d'incapacité totale de plus de six mois. Selon l'aveu même du Bureau des assurances du Canada, ce recours devant les tribunaux sera éliminé dans une proportion d'au moins 85 p.c. et probablement selon un autre représentant du Bureau des assurances du Canada, dans une proportion de 95 p.c.

Ces restrictions d'AutoBAC réduisent en fait les bénéfices payés aux victimes, dans une proportion, non pas de 25 p.c. comme on le lit dans le texte de notre présentation, mais dans une proportion de 40 p.c. pour les provinces de l'Alberta, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ontario, selon une étude préparée par Woodward et Fouddiller. Au Québec, la réduction des bénéfices serait probablement de l'ordre de 25 p.c. dans le cas du régime AutoBAC. Malgré ce fait, le coût du régime AutoBAC n'est pas connu, ou du moins n'est pas accessible au public, y compris, je pense, aux membres de la commission parlementaire. Une seule chose est certaine dans le cas du régime AutoBAC, c'est que les bénéfices qui sont actuellement reçus par les victimes seront diminués.

Comparaison avec les autres provinces canadiennes. Aucune autre province canadienne n'a adopté un régime abolissant complètement le recours devant les tribunaux.

M. TETLEY: Si je comprends bien, vous appuyez AutoBAC en général?

M. ROBERT: Non, pas du tout. Aucune autre province canadienne n'a adopté un régime abolissant complètement le recours devant les tribunaux, aucun Etat américain non plus d'ailleurs. Nous avons là-dessus une étude qui est assez complète. Seule la Nouvelle-Zélande a un régime comparable au régime Gauvin sous ce rapport, en d'autres mots, quant à l'abolition du recours devant les tribunaux. Nous voulons vous signaler que dans une publication récente de la compagnie suisse de réassurance, on annonce que le régime de la Nouvelle-Zélande est entré en vigueur le 1er avril 1974 et que trois mois après son entrée en vigueur, soit le 1er juillet 1974, on a augmenté les primes de 25 p.c, parce que le régime, évidemment, menaçait d'être largement déficitaire. On avait refusé aux compagnies privées une augmentation...

M. TETLEY: Est-ce que c'était à cause de l'inflation ou à cause de l'ingérence de l'Etat, etc.?

M. ROBERT: Je ne pourrais pas préciser les causes M. le ministre. La seule mention que j'ai dans cette publication de la compagnie suisse de réassurance, c'est que le montant des primes a été augmenté de 25 p.c. après trois mois d'opération, le 1er juillet.

Maintenant, on avait refusé aux compagnies privées une augmentation de 8.3 p.c. qui était réclamée par elles avant l'adoption du régime étatique, en précisant que ce montant était beaucoup trop élevé pour les consommateurs.

Je pense que l'expérience du régime de la Colombie-Britannique va un peu dans le même sens quant à l'augmentation rapide des coûts.

M. TETLEY: Le meilleur système est peut-être celui du Québec où les compagnies ont tellement peur de l'étatisation, etc., que, lorsque je téléphone ou envoie une lettre, l'effet est énorme; il n'y a pas d'augmentation, presque aucune augmentation depuis trois ans. C'est peut-être le meilleur système de ne rien faire, mais...

M. ROY: ... pour faire du "shopping", il met en pratique la recommandation qu'il a faite.

M. TETLEY: Non, je suis l'exemple de M. le bâtonnier. J'ai un bâton et... Mais peut-être que c'est le système...

M. ROBERT: Le régime mixte proposé par le Barreau offre des bénéfices, sans égard à la responsabilité, qui sont supérieurs à ceux de l'Ontario. Si vous regardez dans l'annexe, ou enfin le plan ou le grand feuillet qui est en annexe du rapport Gauvin, où on fait la liste des bénéfices des différentes provinces et d'un certain nombre d'états américains, vous pourrez voir qu'en Ontario l'indemnité de salaire hebdomadaire payée est de $70 par semaine, alors qu'au Québec le Barreau propose un régime qui donnera une indemnité de base de $100. Ensuite, l'indemnité de décès, en Ontario, est de $5,000, alors que celle que propose le Barreau dans son régime pour le chef de famille est le double, soit de $10,000.

Cependant, il faut noter qu'en Ontario les $70 par semaine sont payables tant et aussi longtemps que dure l'incapacité, alors que, dans le régime du Barreau, ce délai est de 208 semaines, soit quatre ans, mais notre estimation Actuarielle nous dit que $100 par semaine pendant quatre ans, cela vaut plus cher que $70 par semaine, payables la vie durant, parce que l'incidence sur l'invalidité à long terme est évidemment très basse.

Les régimes qui sont en vigueur dans les provinces dites socialistes, comme la Saskatchewan et le Manitoba, offrent, en général, des bénéfices sans égard à la responsabilité qui sont bien inférieurs à ceux que propose le Barreau dans son régime. Vous pourrez vous référer, là-dessus, à l'annexe du rapport Gauvin, et si vous avez des questions spécifiques, évidemment, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.

Nous vous invitons également à prendre connaissance des remarques de la régionale du Québec du Barreau canadien, qui sont produites en annexe I à notre texte de présentation, et avec votre permission, M. le ministre, après la fin de mon exposé, je demanderai à Me Michael Cain de dire quelques mots là-dessus.

M. TETLEY: Je crois que le président a expliqué que tout le monde a droit à 20 minutes, et je crois que les membres apprécient beaucoup votre intervention. Mais il faut peut-être nous laisser le temps... Je vois le chef de l'Opposition...

M. ROBERT: Je pense, M. le ministre, qu'il me reste...

M. TETLEY: II a tellement de questions comme membre du Barreau — d'une différente époque aussi, lui — à vous poser,

M. ROBERT: II me reste une page, M. le ministre. Je pense que je pourrais terminer rapidement...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Certainement.

M. ROBERT: ... si vous me le permettez.

Le coût: La question du coût, je pense, est assez complexe, mais il ne faut pas espérer de miracle sur le plan des coûts. D'abord, le régime Gauvin lui-même suggère que son plan coûtera 15 p.c. de moins, ou 16 p.c, selon notre estimation à nous, de moins que le régime actuel.

Pardon?

M. TREMBLAY: Du coût en dollars?

M. ROBERT: C'est 16 p.c. Oui, exactement.

Mais cette réduction tient compte de l'élimination totale des courtiers qui représente un coût de 8.4 p.c, ce qui nous apparaît impraticable. En fait, l'élimination totale des courtiers, si elle devait se faire, n'est qu'un transfert de coûts sur la tête des assurés et non pas une véritable économie. De plus, la notion de faute, comme telle, ou l'élimination de la notion de faute, selon le rapport Gauvin, à la page 370, ne représente qu'une économie de 5.1 p.c. au titre du coût du règlement des sinistres.

Enfin, ce qu'on oublie souvent de dire, c'est que le régime excédentaire facultatif proposé par le rapport Gauvin coûtera de l'argent. Notre actuaire l'a estimé à 31.8 p.c., en moyenne, de la prime actuelle, le barème de base étant un bénéfice supplémentaire de l'ordre de $125 par semaine supplémentaire ou excédant le maximum prévu par le régime Gauvin.

Enfin, M. le Président, nous croyons que ce régime mixte que nous proposons permet, à la fois, de maintenir le recours devant les tribunaux pour réclamer la totalité des dommages et permet également d'assurer à tous et chacun une indemnisation minimale qui est de nature à combler, si je peux dire, les lacunes du régime actuel.

Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Merci bien, Me Robert. Le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. TETLEY: M. le Président, nous avons tous apprécié les mémoires du Barreau du Québec et la présence de tout le monde ici ce matin. Je note que votre équipe est entièrement formée d'hommes malgré que, suivant la liste ici, Mlle Micheline Audet-Filion devait présenter le mémoire, mais j'espère que ce n'est pas â cause d'une...

M. ROBERT: J'ai oublié de la présenter. Je m'en excuse.

M. TETLEY: C'est cela parce que je ne veux pas que votre Barreau soit attaqué sur un autre plan...

M. ROBERT: 6 p.c...

M. TETLEY: ... surtout parce qu'elle est si charmante et qu'elle a si bien présenté des mémoires à cette commission sur d'autres sujets, y compris le bill 26.

Messieurs, de combien d'avocats se compose le Barreau du Québec?

M. ROBERT: L'ensemble du Barreau du Québec se compose de 4,850 avocats.

M. TETLEY: Combien sont membres du Barreau junior, le Jeune Barreau?

M. ROBERT: II n'y a pas de Jeune Barreau provincial. Il y a le Jeune Barreau de Québec, de la ville de Québec, qui regroupe tous les avocats de Québec qui ont moins de douze ans de pratique. C'est une appartenance obligatoire dans le cas du Jeune Barreau de Québec. Dans le cas du Jeune Barreau de Montréal, c'est une appartenance volontaire et je crois que, dans le cas du Jeune Barreau de Montréal, il doit y avoir, environ, entre 700 et 800 membres. Il n'y a pas de Jeune Barreau dans d'autres sections du Barreau que Montréal et Québec.

M. TETLEY: Parce que nous avons tous noté que quelques membres du Jeune Barreau avaient proclamé l'assurance sans égard à la

responsabilité, très récemment. Mais ma réponse à cette déclaration est que le Jeune Barreau vienne ici et qu'il défende sa position, s'il veut la défendre.

Vous parlez de délais à Montréal dans l'audition des causes. Vous avez même dit huit mois, je crois?

M. ROBERT: De huit à douze mois.

M. TETLEY: On m'a informé que, pour le rôle des causes des accidents d'automobiles, c'est 24 mois à l'heure actuelle et, pour le rôle ordinaire, les choses autres que les accidents d'automobiles, c'est 38 mois. Est-ce qu'il y a erreur possible dans mes chiffres ou dans vos chiffres?

M. ROBERT: Selon les renseignements que nous avons, le délai d'audition d'une cause, actuellement, à Montréal, est d'environ 12 mois et non pas de 38 mois ou de 24 mois.

Evidemment, ce délai de douze mois est récent, en ce sens qu'il est vrai de dire, par exemple, qu'en 1972, le délai d'audition était, probablement, de la longueur que vous mentionnez.

M. TETLEY: En tout cas, je vais...

M. ROBERT: Je vous réfère là-dessus — si vous voulez avoir des renseignements précis — à notre mémoire que nous avons déposé devant le comité Gauvin, non pas le mémoire devant cette commission, mais le mémoire que nous avons déposé devant le comité Gauvin, à la page 22. Nous avions, à l'époque, écrit à chacun des protonotaires de chacun des districts judiciaires du Québec pour demander le délai d'audition et vous avez cette liste à la page 22.

Entre autres, c'est l'annexe D, pour Montréal, par exemple, à l'époque, c'était seize mois, et je mentionne, au hasard, Arthabaska, où c'est sept mois, Hull, huit mois...

M. TETLEY: M. le bâtonnier, permettez-moi de vérifier les chiffres...

M. ROBERT: D'accord.

M. TETLEY: ... d'aujourd'hui ou les faits d'aujourd'hui dans les deux cours, la cour Provinciale et la cour Supérieure.

M. ROBERT: Maintenant, on parle évidemment, M. le ministre, de délais devant la cour Supérieure.

M. TETLEY: Oui.

M. ROBERT: Si on parle de délais devant la cour Provinciale, c'est beaucoup plus court, comme je pense bien...

M. TETLEY: Oui. En tout cas, je vais vérifier et, à la prochaine séance, j'aurai les chiffres pour les membres.

M. ROBERT: D'accord. Le délai à la cour Provinciale, pour l'information des membres de la commission, est d'environ trois à quatre mois.

M. TETLEY: Parfait.

Vous avez parlé, à la page 10, quatrième paragraphe, du fait qu'il faut avoir représenté des parties impliquées dans un litige d'accident d'automobiles pour savoir à quel point ces parties, même assurées, veulent, au-delà de toute considération pécuniaire, qu'un tribunal décide de la responsabilité et les exonère, le cas échéant. Moi, je ne le crois pas. J'ai souvent plaidé et c'était difficile d'amener les défendeurs ou les demandeurs à la cour... Ils voulaient toujours régler. A moins que tout ait changé, je crois que cela n'est pas vrai, c'est pourquoi les gens ont de l'assurance. C'est pourquoi ils veulent être payés tout de suite. Lorsqu'ils sont payés par leur assureur — et vous prônez l'assurance obligatoire — ils n'ont aucun intérêt à aller à la cour, soit comme témoin, soit comme défendeur, soit comme demandeur. C'est mon opinion. Vous avez présenté votre opinion, moi, je crois que ce n'est pas vrai.

Il faut noter que le système de responsabilité sans égard à la faute, dont vous avez accepté en partie le chapitre b), est déjà en place, comme vous dites, et que cela marche. Donc, vous n'êtes pas complètement contre le "no fault". De plus, le système de démérite, prévoira, j'espère — le nouveau système qui sera adopté, même après le 15 mars, comme le ministre des Travaux publics et Transports vient d'en parler — des pénalités pour des accidents, non pas simplement pour la faute civile plutôt que pour la faute criminelle.

Vous savez que notre système de démérite est basé sur la faute pénale ou criminelle. M. Gauvin et d'autres personnes ont suggéré que la faute soit impliquée, se trouve dans le système de démérite. De plus, la faute peut se trouver dans l'augmentation des primes automatiques, soit par l'Etat, s'il y a étatisation, soit par les compagnies, s'il y a le système que nous avons à l'heure actuelle.

Vous prônez ou vous adoptez les recommandations au sujet de la sécurité routière. Une des recommandations du rapport Gauvin, c'est le port obligatoire d'une ceinture de sécurité. Je veux être certain que le Barreau du Québec veut que le gouvernement du Québec adopte une loi obligeant tout chauffeur et — je présume — tout passager à porter la ceinture de sécurité. Je le prône. Je dis que je l'appuie aussi.

M. ROBERT: Je pense, M. le ministre, que l'appui du Barreau au chapitre de la sécurité routière du rapport Gauvin est total, y compris le port de la ceinture obligatoire.

M. TETLEY: Parce que vous croyez presque que c'est un droit humain de visiter son avocat et tout cela, je me le demande, mais on conteste le droit de porter une ceinture ou l'obligation de porter une ceinture de sécurité en certains milieux.

M. ROBERT: Oui.

M. TETLEY: Dans d'autres provinces.

M. ROBERT: C'est-à-dire que dans certaines provinces, on sanctionne le défaut de porter cette ceinture par l'attribution d'une part de responsabilité. Par exemple, en Alberta, on commence à donner des partages de responsabilités pour le défaut de porter la ceinture. On peut évidemment arriver à la même fin par d'autres moyens. C'est-à-dire qu'on peut sanctionner ce défaut par une peine, une obligation pénale, si je peux dire, mais là il y a une difficulté d'application. Ce sont deux moyens d'arriver à cette fin.

M. TETLEY: Vous parlez de la sécurité routière et votre appui est total mais pour l'emploi de l'ivressomètre, parfois, il est trop tard. Une ou deux des victimes d'un accident sont à terre, sont mortes ou ne sont pas dans des conditions pour être examinées à l'ivressomètre. Apparemment, en Angleterre, on a noté que le seul moyen de forcer ou d'employer l'ivressomètre, c'est par un "road block" quelque part et d'arrêter tout citoyen et de l'examiner. Après qu'on eut adopté une loi concernant l'ivressomètre en Angleterre, pendant trois ou quatre mois, il y eut une baisse remarquable d'accidents d'automobiles. Mais aussitôt que la population a vu qu'il n'y avait pas d'examen, pas de résultat, tout le monde conduisait quand même en état d'ivresse, pas tout le monde, mais les gens... je regrette de le dire, même en Angleterre, je n'ai pas les chiffres pour la France, mais en Angleterre, apparemment, la baisse a duré peut-être deux ou trois mois et on a vu, c'était clair, que le seul moyen était d'imposer, par une autre loi, le droit, pour le service de sécurité, de vérifier l'état de tout chauffeur. Ma question est la suivante, M. le bâtonnier, est-ce que le Barreau est prêt à accepter une telle exigence ou une telle loi?

M. ROBERT: Je pense que ceci ne faisait pas l'objet d'une recommandation précise du comité Gauvin, et je devrai dire, pour donner mon opinion personnelle, qu'on pourra sûrement étudier cette suggestion qui est par ailleurs fort intéressante ou donner notre avis formel là-dessus. La seule question que je me pose, c'est un problème d'application. Si cela était possible et fait, je pense qu'il faudrait que ce soit fait de façon intelligente et de façon, par exemple, à ne pas, entre autres, bloquer la circulation complètement, comme cela se fait dans certains Etats américains où on vérifie l'état des voitures et l'état des conducteurs, systématiquement, sur certaines routes, sauf que, dans certains cas, quand on l'applique mal, cela a pour effet de provoquer un embouteillage monstre qui dure pendant trois ou quatre heures. Ensuite, j'imagine qu'on doit le faire avec un certain discernement de la part des policiers qui l'appliquent. Ce serait, à ce moment-ci, mes seules remarques mais c'est une suggestion intéressante que nous pouvons étudier et nous pouvons certainement vous donner notre avis formel là-dessus dans quelques jours ou quelques semaines.

M. TETLEY: Vous savez peut-être que, dans la moitié des accidents au Québec où il y a décès, il y a un des chauffeurs en état d'ivresse, suivant nos chiffres.

M. ROBERT: Je pense que, dans la moitié des accidents survenus au Québec, il y a un phénomène d'alcool. Je ne pense pas qu'on puisse dire qu'un des deux chauffeurs est en état d'ivresse mais il y a un aspect d'alcool, et c'est pour ça qu'on dit qu'on s'attaque aux deux causes principales du grand nombre d'accidents et de la gravité des accidents, la vitesse et l'alcool, et que souvent, les deux facteurs coexistent. Parce que la personne qui est en état d'ivresse a tendance à rouler plus vite.

M. TETLEY: A la page 21, vous mentionnez que "le comité Gauvin ne semble pas avoir tenu compte de l'augmentation des réclamations qui ne manquerait pas de se produire. Une étude a suggéré qu'elle pourrait être de l'ordre de 20 p.c. dans le cas des blessures corporelles". A quelle étude faites-vous allusion?

M. ROBERT: A l'étude de Woodward and Fouddiller fait pour le compte du Bureau d'assurance du Canada, M. le ministre. J'imagine que le ministère dispose de cette étude de Woodward and Fouddiller. Il y a une autre étude aussi, qui est celle du Dr Calvin Brainard, je ne sais pas si le ministère l'a, mais nous l'avons. Je ne sais pas si le Dr Brainard parle spécifiquement de cet aspect-là, mais nous pouvons vérifier et vous le dire.

M. TETLEY: Merci. J'ai une foule de questions, mais je vois que j'ai presque dépassé mon temps, soit mes vingt minutes; je laisse donc la parole au chef de l'Opposition.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Sauvé.

M. MORIN: M. le Président, le mémoire fort intéressant qui vient de nous être soumis, est fondé sur l'idée qui veut que tous les dommages soient indemnisés. Il est fondé sur le principe de ce qu'on pourrait appeler la réparation intégrale des dommages, lequel principe, si j'ai bien compris votre exposé, M. le bâtonnier, ne saurait être appliqué que dans le contexte d'un

régime de responsabilité et devant les tribunaux de droit commun.

Or, les recherches qui ont été entreprises pour la préparation du rapport Gauvin révèlent qu'il y a surcompensation des pertes de moyenne et de faible importances. A la suite d'une enquête qui a été faite pour le compte de la commission, on nous révèle, par exemple, que dans la catégorie des pertes de $1 à $50, la perte moyenne étant de $20, la compensation moyenne est de $26, le rapport compensation-perte s'établissant alors à 1,27. De même dans les pertes qui vont de $51 à $200, le rapport compensation-perte est de 1,32. Sautons quelques échelons. Pour la catégorie de perte allant de $401 à $1,000, le rapport est de 1,57, c'est-à-dire que les dommages sont compensés à 157 p.c.

Le rapport nous révèle également que les pertes plus considérables sont fortement sous-compensées. Le tableau se trouve, pour votre gouverne, à la page 194 du rapport Gauvin. Pour les dommages de $3,001 à $10,000, pour un nombre de cas s'élevant à 135, la perte moyenne était de $5,698 et la compensation moyenne a été de $4,741, soit 0,83 pour le rapport compensation-perte, c'est-à-dire 83 p.c.

Lorsqu'on se penche ensuite sur les pertes beaucoup plus considérables, celles qui, si je vous ai bien compris, vous intéressent le plus, puisque nous parlons de réparation intégrale, lorsqu'on arrive donc dans les dommages excédant $10,000, le rapport Gauvin nous révèle que pour 65 cas, la perte moyenne s'établissait à environ $37,000, la compensation moyenne a été de $14,951. Nous aboutissons à un rapport compensation-perte de 40 p.c.

Ceci me semble démontrer que, dans le système actuel, dont vous dites qu'il doit être conservé, on n'aboutit point à la réparation pleine et entière des dommages subis par les victimes. Le rapport Gauvin nous révèle même que, globalement, près de 40 p.c. de la perte subie par les victimes ne sont pas compensés par le régime d'assurance-automobile. C'est un autre point sur lequel nous pourrons peut-être revenir plus tard.

Ma question pour l'instant est celle-ci. Si vraiment vous voulez en venir à la réparation intégrale du dommage, comment pensez-vous qu'on puisse appliquer ce principe dans le système actuel de responsabilité fondé sur la faute, qui suppose des recours devant les tribunaux de droit commun? Il semble bien que le régime que vous voulez maintenir n'assure pas la compensation que vous souhaitez.

M. ROBERT: M. le chef de l'Opposition, si vous le permettez, je vais demander à Me Vincent O'Donnell qui m'accompagne, et qui s'est penché particulièrement sur cette question, de répondre à votre interrogation.

M. MORIN: Fort bien.

M. O'DONNELL (Vincent): Je pose d'abord deux questions. Quelle est la définition de perte, dans le rapport Gauvin? Parce qu'on fait une relation entre compensation et perte. Ce qui peut être perte intégrale pour M. Gauvin ne l'est peut-être pas pour un juge, ni pour la victime.

Deuxièmement, dans vos 40 p.c. — pour prendre le dernier exemple et l'exemple extrême — si j'ai bien compris le rapport, on a dans cela le facteur de responsabilité de façon que dans vos 40 p.c. il y a des victimes innocentes qui ont reçu 100 p.c. d'indemnité, il y a des victimes complètement coupables qui n'ont rien reçu. Si j'ai raison, dans ces deux interprétations, je ne vois pas d'objection, dans ce tableau, au programme que nous proposons. Ce que nous suggérons, c'est que les victimes coupables, si je peux les décrire ainsi, auraient le régime de base que nous recommandons, et à ce moment, fort probablement, elles ne s'adresseront plus aux tribunaux. Elles se contenteraient des indemnités directes de leurs assureurs. Cela laisserait quand même le droit aux victimes innoncentes d'obtenir une compensation complète.

Le troisième facteur c'est que, quand vous êtes montés dans les réclamations de $10,000 et plus, vous avez là des causes qui ont été fortement contestées tandis que dans les plus petites, vous avez sans doute —enfin si vous regardez le 1.57 — des gens qui ont fait des réclamations, où peut-être on a décidé que c'était plus intéressant de les payer, de les régler. Maintenant, encore, je crois qu'un régime mixte peut éliminer un tel problème, parce qu'ils auraient des indemnités de base et ils n'auraient pas à faire une réclamation dans des cas douteux.

M. MORIN: II y a le facteur responsabitité.

M. ROBERT: D'ailleurs, M. le chef de l'Opposition, j'aimerais ajouter ceci. Si vous regardez à la page 195 du rapport on dit: "II faut signaler ici que, depuis la période de l'enquête, le régime a été quelque peu amélioré par l'addition au chapitre B du contrat d'assurance-automobile de rentes d'invalidité d'un maximum de $35 par semaine"...

Il semble bien que l'introduction du chapitre B, qui est postérieure...

M. TETLEY: II a été amélioré par le système "no fault".

M. ROBERT: C'est exact. A ce moment, si on augmente les bénéfices à $100 sous le chapitre B, j'ai l'impression que cela va corriger le tableau no 1. Encore là, il faudrait savoir exactement comment le tableau 1 a été fait.

M. MORIN: D'après le rapport Gauvin, si vous jetez un coup d'oeil sur la page précédente, il semble que le tableau dont j'ai fait état soit fondé sur le calcul de la perte économique, qu'on fasse entrer en ligne de compte des dépenses vestimentaires, les frais de déplace-

ment, de transport, les frais funéraires, les frais d'hospitalisation, les honoraires de médecins, les prix des médicaments, des prothèses, les frais d'ambulance, les honoraires de traitements de réadaptation, ainsi que les pertes de revenus qui peuvent découler d'incapacité temporaire, d'invalidité permanente ou de décès. Autrement dit, ce tableau est fondé sur ce qu'on pourrait appeler la perte réelle de la victime.

M. ROBERT: Non, la perte économique.

M. MORIN: Oui, pardon. La perte économique de la victime. Comment distinguez-vous, dans le détail, ce tableau de la définition qui est donnée de la perte économique, de la façon dont vous qualifiez la perte?

M. ROBERT: Le rapport Gauvin axe son mode d'indemnisation sur la perte économique, qui est, selon le rapport Gauvin, la perte de salaire fondée sur les douze derniers mois précédant l'accident. Or, les tribunaux, actuellement, ne se fondent pas sur ce seul critère. On tient compte d'un ensemble de facteurs en plus de ce critère. On tient compte, par exemple, de l'expectative de vie. On tient compte de la possibilité d'augmentation des gains. On tient compte de l'état de santé antérieur de la victime. On tient compte de la possibilité d'avancement du citoyen dans la vie.

On tient aussi compte d'un ensemble de facteurs dont le rapport Gauvin ne tient pas compte. Prenez le cas d'un étudiant qui a un emploi temporaire comme garçon de table. Le rapport Gauvin tiendra compte de son revenu comme garçon de table. Un juge tiendra compte de la possibilité de gain de l'étudiant qui entrera éventuellement dans le marché du travail et qui pourra s'assurer un revenu. En d'autres mots, ce qu'on dit, c'est que la perte réelle n'est pas nécessairement seulement la perte économique. Cela peut être beaucoup d'autres choses. On peut tenir compte, par exemple, de l'état de santé de la victime antérieur à l'accident. La perte économique peut aboutir à une surcompensation si, par exemple, l'état de santé antérieur était très peu élevé, si je peux dire, très dégradé. A ce moment, en tenant compte seulement du salaire antérieur, on peut surcompenser la victime. On peut surtout la sous-com-penser.

M. LEGER: Est-ce que ce n'est pas quasiment régulier que, dans les causes devant les juges, une habitude se crée d'enlever environ 40 p.c. de façon systématique pour les aléas de la vie, alors que c'est une attitude négative? Il pourrait aussi y avoir des attitudes positives, comme le fait qu'une personne peut avoir une promotion, une personne aussi, dans la perte de sa vie, va peut-être manquer une augmentation de revenus par le fait que la productivité est meilleure, que le bien-être des citoyens va de mieux en mieux et qu'en coupant sur les aléas de la vie, de façon toujours et continuellement négative, on prive les gens d'une somme qu'ils pourraient recueillir.

M. ROBERT: Sur les aléas de la vie, je pense qu'on a dit beaucoup de choses. Actuellement, la position de la jurisprudence est que la cour d'Appel permet aux juges de première instance de réduire la réclamation de zéro à 40 p.c, selon la situation, pour tenir compte des aléas de la vie. Il n'est pas exact de dire que tous les juges, systématiquement, enlèvent 40 p.c. Il y a même plusieurs juges qui n'enlèvent rien actuellement. Disons que la jurisprudence a évolué là-dessus. Par contre, ce qu'on fait principalement comme reproche à la doctrine des aléas de la vie, c'est qu'elle va toujours dans le même sens, c'est-à-dire qu'on pourrait aussi normalement dire: II y a des aléas de la vie qui sont avantageux pour la victime; donc, on devrait augmenter l'indemnité. C'est vrai sur le plan de la raison, si je peux dire. Par contre, c'est moins vrai sur le plan des faits parce que, dans la détermination du montant de l'indemnité, le juge tient souvent compte de la possibilité d'augmentation de gains, de la possibilité de promotion. Alors, il y a un gonflement du montant de l'indemnité qui est ensuite réduit de l'ordre de 40 p.c. Si on veut corriger ce facteur, je pense bien que c'est très facile, sur le plan législatif, de le faire. N'oubliez pas qu'en ce faisant, vous augmentez le coût des primes. C'est toujours une question de coût finalement. Il y a toujours quelqu'un qui paie au bout de la ligne.

M. LEGER: Maintenant, dans le rapport Gauvin, aux pages 294 et 197, on mentionne que, quand il y a poursuite avec jugement, il y a seulement $0.39 dans le dollar qui est la compensation de pertes et réclamations. Est-ce que vous êtes au courant que, dans les 2,500 cas qui ont servi de base, les sommes réclamées étaient les pertes réelles et non pas les sommes réclamées, comme parfois certains avocats peuvent le faire, en doublant la somme, espérant, si on coupe, avoir à peu près le montant? Est-ce que vous êtes au courant que les 2,500 cas sont des cas qui ont été vérifiés pour la perte réelle, c'est-à-dire demander à une personne: Vous avez été malade combien de temps? Vous avez perdu combien de jours de travail? Ces sommes vous ont coûté combien pour l'automobile? L'ensemble de cela a donné la moyenne qui faisait que la perte n'est pas, comme on l'a déjà affirmé ici à cette commission parlementaire, que les $0.39 dans le dollar étaient tout simplement le fait que, quand on va devant les juges, on peut réclamer plus pour espérer avoir moins.

M. MICHAUD: Est-ce que je pourrais dire un mot là-dessus?

M. ROBERT: Oui, je vais demander à Me Pierre Michaud de répondre à cette question. Maintenant, pour être bien sûr que je com-

prends parfaitement, vous vous référez à quel tableau exactement?

M. LEGER: Le tableau de la page 197. M. ROBERT: 197?

M. LEGER: Soit que la victime réclame seule ou avec l'avocat, poursuite sans jugement ou poursuite avec jugement.

M. ROBERT: Le rapport compensation-perte selon que la victime est représentée par un avocat ou non et selon que la victime se rend ou non à jugement.

M. LEGER: C'est cela.

M. MICHAUD: Là-dessus, M. le député de Lafontaine, si vous me permettez, j'aimerais, pour commenter votre question, vous référer à la page 198 du même rapport aux deux dernières lignes du premier paragraphe où le comité Gauvin dit très bien que son échantillonnage au sujet de l'indemnisation accordée par les tribunaux n'est pas valable.

Il dit, et je cite textuellement: "Sous réserve toutefois que le nombre de victimes concernées ne permet pas de porter un jugement réellement valable dans ce cas." Par conséquent, c'est le comité Gauvin lui-même qui reconnaît que cette partie, à tout le moins, du tableau semble plus ou moins valable.

M. LEGER: Non, l'explication que nous avons eue là-dessus, c'est qu'il y a 26 p.c. de personnes qui n'ont rien reçu et qui ne sont pas inclues dans les statistiques. Cela ne veut pas dire que cela enlève de la crédibilité aux statistiques de la page 197. Cela veut dire qu'à la page 190, ce sont ceux qui ont eu des réclamations précises et qui ont reçu quelque chose. Donc, il ne faut pas inclure là-dedans les pertes complètes, c'est-à-dire les personnes qui n'ont rien reçu en regard de leurs réclamations. C'est cela qui n'est pas inclus dans ces chiffres.

M. ROBERT: Mais, dans les derniers chiffres?

M. LEGER: Hum! Hum!

M. ROBERT: Mais comment expliquer les mots: "Enfin, il semblerait que les victimes dont les poursuites judiciaires aboutissent à un jugement de la cour soient sensiblement moins bien indemnisées que celles des deux catégories précédentes". Là, il se réfère...

M. LEGER: C'està la page 198?

M. ROBERT: Page 198. Il se réfère à la poursuite avec jugement.

M. LEGER: Voulez-vous me dire à...

M. ROBERT: "Sous réserve toutefois que le nombre de victimes concernées ne permet pas de porter un jugement réellement valable dans ce cas".

Ce que j'ai compris, c'est que le nombre de cas de poursuite avec jugement était tellement minime que cela perdait sa signification sur le plan des statistiques. C'est ce que j'ai compris. Maintenant, évidemment, cela serait assez difficile pour moi d'expliquer le rapport Gauvin. Je pense qu'on est mieux de demander aux auteurs du rapport

Mais ce que j'ai compris. D'ailleurs, cela a du sens, parce que si vous regardez le nombre de cas — 1,650 — et qu'on sait par ailleurs, dans une autre partie du rapport Gauvin, que seulement 1 p.c. des réclamations se rendent à jugement, cela veut dire qu'il y a seulement 165 cas qui ont fait l'objet de poursuites avec jugement, et il semble que cela perd sa signification sur le plan des statistiques. C'est ce que j'ai compris.

M. LEGER: J'aurais seulement une dernière question. Je donnerai la parole à...

M. ROBERT: C'est 16 cas, je m'excuse, et non pas 176 cas.

M. LEGER: Une dernière question, simplement pour expliquer votre rôle ici, je pense. Est-ce que, par le code des professions, vous avez, quand même comme principal rôle la défense de l'intérêt public?

Je vais vous poser une question un peu spéciale. Quel est votre principale raison d'être? Est-ce que c'est pour cette raison que vous avez trouvé dans le dossier actuel un intérêt public tel que vous avez dû lever une sorte de souscription auprès de tous vos membres pour défendre ce dossier? Est-ce que c'est la première fois que vous le faites?

M. ROBERT: Est-ce que c'est la première fois qu'on lève une souscription...

M. LEGER: ... que vous demandez une souscription volontaire auprès de vos membres pour défendre le dossier de l'assurance-automobile? Est-ce que vous l'avez fait dans d'autres circonstances, ou est-ce que c'est simplement parce que, cette fois-ci, il y avait un danger pour l'intérêt public beaucoup plus que l'intérêt des avocats que vous avez à défendre et qui sont bien défendus par l'Association des avocats?

M. ROBERT: J'aimerais répondre peut-être d'une façon élaborée à cette question, qui est en apparence anodine, mais qui, je pense, porte beaucoup de contenu.

L'article 23 du code des professions dit que la corporation professionnelle doit, au premier chef, défendre ou représenter l'intérêt public, et c'est l'opinion que nous partageons. C'est la raison pour laquelle notre mémoire s'attache à

la valeur relative des régimes que nous proposons. D'autre part, le régime que nous proposons va sûrement enlever un bon nombre de causes aux avocats qui sont actuellement en pratique privée. Je pense que cela est assez clair et tous le reconnaissent. En d'autres mots, ce n'est pas en mémoire qui a pour effet, si je puis dire, de satisfaire les revenus des avocats, comme on pourrait le penser.

D'autre part, quant à la cotisation volontaire au régime ou au fonds de cotisation volontaire que nous avons créé, nous l'avons crée pour beaucoup d'autres objets que la question de l'assurance-responsabilité automobile. Les revenus du Barreau sont actuellement entièrement employés par des fonctions qui nous sont dévolues par la loi. Permettez-moi de vous citer quelques chiffres: Nous dépensons $200,000 par année pour l'administration de la discipline, et je ne pense pas que ce soit dans l'intérêt des avocats. C'est plutôt, justement, pour protéger le public. Nous assumons un déficit d'environ $200,000 pour la formation professionnelle des jeunes avocats, déficit qui, nous l'espérons, sera assumé par le gouvernement l'an prochain, parce que nous ne croyons pas que ce soit le rôle de la corporation professionnelle que de former les étudiants en droit. Nous croyons que c'est un rôle qui appartient à l'Etat.

M. TETLEY: Vous l'avez demandé, ce rôle.

M. ROBERT: Nous l'avons accepté, parce que les universités ne voulaient plus le faire en 1967.

M. TETLEY: En tout cas!

M. ROBERT: ... et maintenant, nous avons accepté de le retourner à l'université si les universités veulent bien le prendre, ce qui va se faire en 1976/77, possiblement. Mais sur le plan du financement, nous croyons que l'Etat doit nous aider à financer cette formation professionnelle, du moins temporairement.

Nous n'avions plus de sommes disponibles pour nous occuper de la conclusion d'une négociation que nous avons entreprise il y a deux ans, sur l'aide juridique, qui a été terminée, hier, par un accord signé à Montréal avec le ministre de la Justice.

Nous n'avions pas d'argent, non plus, pour étudier ce rapport, parce que vous comprendrez que les actuaires, à l'instar des avocats, ne travaillent pas pour rien et, lorsque nous devons les engager pour leur faire faire des études, nous devons les payer. Alors, cette somme que nous avons recueillie a servi, entre autres, à défrayer les services de professionnels. En plus de cela, évidemment, nous avons engagé des personnes qui ont travaillé à temps plein à la rédaction du rapport.

Le fonds de cotisation volontaire servira, également, à un programme d'information pour le public, pour lui dire qu'il peut accéder aux services des 2,000 avocats de pratique privée qui ont accepté de donner des services aux bénéficiaires de l'aide juridique. Et ce fonds de cotisation servira également à lancer un autre programme d'information publique pour présenter une image de l'avocat qui soit peut-être un peu plus intéressante que celle qu'on nous fait dans certains milieux. Nous avons constaté que l'avocat était mal connu.

M. MORIN: M. le Président, j'aurais encore, à l'intérieur des limites de temps qui nous sont imparties, deux courtes questions.

Si ma mémoire est bonne, M. le bâtonnier, en 1969, le Barreau a procédé à une grande enquête sur la pratique du droit. Quel est le pourcentage de la pratique des avocats qui, d'après cette enquête, est constituée par des affaires, des cas portant sur la responsabilité automobile?

M. ROBERT: L'enquête dont vous parlez date plutôt, je pense, de 1968, si mes renseignements sont exacts. Vous vous référez, sans doute, à l'enquête sur les avocats du Québec, étude socio-économique faite par les Cadres professionnels Inc., dont les membres sont ici.

Cette enquête révélait à l'époque que 28 p.c. des honoraires des avocats provenaient de l'as-surance-automobile. Maintenant, cette enquête est probablement dépassée sur le plan des chiffres et très probablement que ce montant est très diminué, eu égard au développement de toute une série d'autres secteurs du droit, dont le droit social, etc.

M. MORIN: Oseriez-vous risquer un pourcentage aujourd'hui, approximativement?

M. ROBERT: J'ai l'impression que c'est à peu près 15 p.c. actuellement.

M.MORIN: 15 p.c?

M. ROBERT: Oui. Le gouvernement, enfin, peut-être pas vous, mais la partie ministérielle de cette commission dispose d'une étude qui est probablement ignorée par le ministère des Institutions financières, Compagnies et Coopératives. Cette étude se trouve au ministère de l'Education. Elle a été faite par le Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal et porte sur l'adéquation des programmes des facultés de droit aux fonctions de travail de leurs diplômés. Et dans cette étude, on fait le portrait, si je peux dire, des avocats.

Je vous réfère plus particulièrement à une section qui décrit, par exemple, le revenu annuel, avant impôt, des avocats au Québec, la distribution de l'échantillonnage selon l'origine ethnique, selon le sexe, selon l'endroit de travail, etc. Je suggère aux membres du parti ministériel de lire cette étude parce que je pense qu'elle est extrêmement intéressante sur la situation socio-économique des avocats. Cette étude est beaucoup plus récente que l'autre dont on a parlé.

M. TETLEY: Vous voulez dire que les avocats sont pauvres?

M. ROBERT: Je pourrais vous dire, par exemple, que deux tiers des avocats gagnent moins de $25,000 et un tiers gagne plus de $25,000. Je pourrais vous dire que les avocats qui gagnent moins de $10,000 sont au nombre de 18.9 p.c. dans la profession; que ceux qui gagnent de $10,000 à $15,000 représentent 17 p.c.; que ceux qui gagnent de $15,000 à $20,000 représentent 14.5 p.c. et que ceux qui gagnent de $20,000 à $25,000 représentent 11 p.c.

Si vous faites le total de tous ces chiffres, vous allez vous apercevoir que 66 p.c. gagnent de $9,500 à $25,000. Les autres 33 p.c. gagnent en haut de $25,000 et il n'y a que 8.6 p.c. des avocats qui gagnent plus de $45,000 par année.

Les avocats dont les premiers échelons sont probablement moins bien rémunérés que la plupart des policiers provinciaux et que les policiers de la Communauté urbaine de Montréal, dont le salaire de base est de $14,000.

Je n'ai rien contre les policiers, mais on demande aux policiers une scolarité de neuf ans plus une formation de six mois à l'Institut de police de Nicolet alors qu'on demande à un avocat une scolarité de presque 20 ans avec une formation universitaire qui s'étend sur une période de quatre ans et demi.

M. TREMBLAY: Est-ce que ces chiffres ont été compilés à même les rapports d'impôt sur le revenu?

M. ROBERT: Oui. Et aussi après des entrevues.

M. TREMBLAY: On peut faire la part des choses.

M. ROBERT: Vous savez, la part des choses n'est pas grande à faire parce que vous avez presque 55 p.c. des avocats qui sont salariés; à ce moment-là, leur marge de manoeuvre est plutôt limitée et les autres, dans la plupart des cas, sont payés par chèques de sorte que ce n'est que pour une catégorie, je pense, assez réduite, d'avocats qu'on peut présumer qu'il y a une différence entre le revenu déclaré et le revenu réel.

M. TREMBLAY: Vous dites comme moi, on fait la part des choses.

M. ROBERT: Oui, mais je ne pense pas que cela affecterait beaucoup l'ensemble de l'échantillonnage. Demandez au gouvernement combien on rémunère les avocats et les conseillers juridiques, combien on rémunère les procureurs de la couronne, combien on rémunère les avocats à l'emploi de la Commission des services juridiques.

M. MORIN: Une dernière question, M. le Président. D'après vous, M. le bâtonnier, quel pourcentage des rôles des cours des petites créances est occupé par des causes, des affaires qui découlent d'accidents d'automobile?

M. ROBERT: Je n'ai pas de statistiques sur cet aspect très particulier. Je peux essayer d'en obtenir si vous voulez et vous répondre par écrit dans les quelques semaines qui vont suivre. Evidemment, les avocats n'étant pas présents devant les cours de la division des petites créances, il est difficile pour nous de faire même une évaluation grossière, si je peux dire, parce que je n'ai pas de statistiques. J'imagine qu'il doit y avoir un bon nombre de causes qui proviennent des accidents d'automobiles, mais je ne pourrais pas vous dire quel en est le pourcentage.

M. MORIN: Si vous voulez le faire savoir par écrit à la commission, je pense que cela ne serait pas sans intérêt pour vous aussi de prendre connaissance de ces chiffres. C'est tout en ce qui me concerne.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): L'honorable député de Beauce-Sud.

M. ROY: M. le Président, M. le bâtonnier, dans votre mémoire, aux pages deux et trois, vous avez fait une suggestion en disant ceci — et là je vais référer au deuxième paragraphe de la page 3, qui est à peu près la conclusion de ce point de vue — : "De plus, on peut envisager toute une série de mesures pour accélérer l'audition des procès. On a suggéré entre autres de scinder le procès en deux parties, décider de la responsabilité immédiatement après l'accident et du quantum des dommages plus tard après la guérison. Cette suggestion fait actuellement l'objet d'une étude par le comité tripartite de la justice". Si on se réfère au rapport Gauvin, à la page 207, même si on se plaît à répéter partout dans tous les milieux qu'il y a seulement 1 p.c. de l'ensemble des sinistres qui vont devant les tribunaux, le rapport Gauvin dit clairement que l'enquête a fait apparaître qu'à l'été 1972 une proportion importante des causes introduites en cour Supérieure en 1969 n'étaient pas réglées, donc trois ans; 30 p.c. des dossiers examinés étaient encore en effet ouverts. On dit plus loin que ces chiffres représentaient 19 p.c. des causes qui n'étaient même pas inscrites et 10 p.c. qui n'en étaient qu'à l'étape de l'inscription. On sait que c'est un domaine qui a peut-être causé le plus de préjudices à l'endroit des victimes d'accidents d'automobile, qu'on doit attendre que l'année soit écoulée dans le cas des blessures corporelles avant d'intenter des poursuites et avant que cela se passe devant les tribunaux, ce qui a pour effet de priver les personnes victimes d'accidents d'automobile, pendant deux, trois, quatre ans et même nous avons vu des cas de cinq ans, des personnes victimes qui n'avaient pas reçu un

seul cent. Or, je vois que vous dites que vous avez suggéré entre autres...

Est-ce qu'il y a longtemps que le Barreau du Québec a fait cette suggestion de scinder, c'est-à-dire décider de la responsabilité immédiatement après l'accident, c'est une chose, et du montant des dommages par la suite, ce qui est une autre chose?

M. ROBERT: M. le député, j'aimerais vous répondre trois choses. Premièrement, je crois que cela doit faire un certain nombre de mois que le comité tripartite est saisi de cette question. Peut-être que M. le juge Desjardins, que je vois ici, pourrait préciser le nombre de mois. Je ne voudrais pas risquer le nombre de mois parce que je n'étais pas présent au comité tripartite, mais je dirais que cela fait au moins un an qu'on examine cette question.

M. TETLEY: Plus d'un an. M. ROBERT: Plus d'un an.

M. ROY: Cela veut dire que vous avez fait cette suggestion depuis que le comité Gauvin s'est penché sur la question de l'assurance-auto mobile.

M. ROBERT: Non. Je crois que cette suggestion a été faite avant le comité Gauvin. C'est une idée qui remonte assez loin, si je puis dire.

M. ROY: J'aimerais être bien éclairé, n'étant pas, comme le chef de l'Opposition, un membre du Barreau. Quels sont les obstacles qui empêchent la mise en place de ce mécanisme qui m'apparaft très positif et très important, qui permettrait aux victimes d'accidents d'automobile d'avoir des acomptes en attendant que le montant soit déterminé?

M. ROBERT: Je pense que vous avez parfaitement saisi tout l'intérêt de cette scission du procès. C'est qu'elle permet justement à l'assureur de verser des acomptes après que la responsabilité est déterminée, immédiatement après l'accident, de sorte que la victime reçoit des indemnités, même si on n'est pas en mesure d'évaluer exactement le quantum du dommage. J'ajouterai aussi que dans le régime que nous proposons, l'amélioration du chapitre B va quand même donner à cette victime $100 par semaine en attendant que son procès soit entendu. Alors, elle ne sera pas laissée sans aucune indemnisation. L'obstacel principal provient du droit d'appel. Si on décide de la responsabilité immédiatement après l'accident et qu'on détermine le quantum plus tard, est-ce qu'on va accorder un droit d'appel aux parties sur la partie responsabilité. Si oui, à ce moment-là, ça risque de retarder la détermination ou enfin ça risque de retarder le paiement des avances.

L'autre suggestion, c'est qu'on élimine complètement le droit d'appel à ce niveau. Mais à ce moment-là, si on conserve le droit d'appel à la fin, la compagnie d'assurance aura versé des montants à la victime et, en appel, si on décide que la compagnie d'assurance n'était pas responsable, alors la compagnie sera dans l'obligation de demander à la victime de rembourser les montants qui ont été versés, ce qui, à mon point de vue, est assez illusoire dans la plupart des cas. Disons que les discussions ont porté principalement sur cette question d'appel. Personnellement, je crois que ce n'est pas absolument insoluble et qu'il y a moyen de s'entendre et de trouver une façon de résoudre cette question. Encore là, je ne voudrais pas poser en expert, je pense que M. le juge Desjardins est beaucoup plus au courant de toutes ces questions que moi, c'est possible et cela m'apparail extrêmement intéressant comme possibilité.

M. ROY: Parce que vous admettrez avec moi que, si le montant de la réclamation vient influencer la décision devant le tribunal, concernant ce qui a trait à la responsabilité, on peut se poser bien des questions.

M. ROBERT: Oui.

M. ROY: C'est la raison pour laquelle je dis que, dans ce domaine, il y a quelque chose à faire et cela aurait dû être fait depuis fort longtemps. Parce qu'il y a eu beaucoup trop, jusqu'à maintenant, de personnes qui en ont été victimes et qui en sont encore victimes à l'heure actuelle. J'ai cité devant la commission parlementaire, il n'y a pas tellement longtemps, deux cas de personnes, toutes les deux victimes d'accident d'automobile et complètement invalides à la suite d'accidents et qui après quatre ans, n'ont pas encore reçu un seul cent. Une personne a été complètement dépossédée, elle a tout perdu, son commerce, son entreprise, même sa femme, ses enfants, complètement dépouillée, quand on dit, pire que Job ou à peu près; alors que, dans l'autre cas, la personne a gagné son procès, on a déterminé la responsabilité à la partie adverse et la compagnie d'assurance ou encore l'assuré et la compagnie d'assurance, les deux ensemble, ont décidé d'aller en appel après que le jugement eut été favorable à la victime. En guise de conclusion, pas encore de cents.

Ce sont des situations qui font qu'à ce jour je pense que c'est important que tout le monde se penche sur le problème. La réponse que vous venez de me donner veut dire que cette façon de scinder le procès en deux parties, compte tenu des difficultés que vous venez de mentionner, semble difficile.

M. ROBERT: Peut-être pas difficile. Il faut, je pense, s'entendre sur les règles du jeu. Je pense que c'est possible. Quand vous dites que certaines victimes sont actuellement sans aucune espèce d'indemnité pendant une longue période, je pense que c'est exact. Justement, notre proposition fondamentale, c'est de rendre

le chapitre B obligatoire et, deuxièmement, d'en augmenter les bénéfices de façon substantielle pour que toutes les victimes, quelles qu'elles soient, reçoivent une indemnisation de base d'au moins $100 par semaine, ou d'à peu près $100 par semaine, à compter d'un délai de carence de sept jours.

Les personnes que vous mentionnez, par exemple, auraient reçu $100 par semaine à compter du septième jour, pendant toute la période où elles attendent la détermination de la responsabilité. Ces paiements sont faits sans égard à la responsabilité. En d'autres mots, ils sont faits à tout le monde, même les victimes fautives, même le conjoint et les enfants du conducteur fautif qui sont actuellement exclus par la police d'assurance. Toutes les personnes reçoivent cette indemnisation de base. C'est fondamentalement le régime qui est en vigueur en Saskatchewan, au Manitoba, dans tous les Etats ou dans presque tous les Etats américains, les 23 Etats américains où on a adopté un régime mixte de "no fault" et de responsabilité personnelle. C'est le système que nous suggérons.

Mais c'est fort différent du système proposé par M. Gauvin. J'espère que vous en êtes bien conscients, parce que, dans le système proposé par M. Gauvin, on abolit complètement le recours devant les tribunaux et on ne verse que les indemnités qui sont prévues par un tarif préétabli.

En d'autres mots, on applique à l'automobile le système qu'on connaît actuellement devant la Commission des accidents du travail. Je ne sais pas si, en tant que députés, vos électeurs sont satisfaits des mécanismes de la Commission des accidents du travail, mais j'ai l'impression que non parfois, en lisant les journaux.

M. ROY: Le président de la commission ne me permettrait pas à ce moment-ci de faire connaître mes commentaires sur la Commission des accidents de travail.

M. ROBERT: Je ne connais pas lesrègles parlementaires.

M. ROY: Mais si le Président me le permettait...

M. BONNIER: Non, non, non!

M. ROY: Le Président, ne me le permet pas. Vous n'êtes pas président à ce que je sache. Est-ce que vous avez posé votre candidature?

M. BONNIER: Je suis membre de la commission.

M. ROY: Vous n'avez pas remplacé la présidence.

M. BONNIER: Non.

M. ROY: Disons que, pour le régime, vous avez raison, nous ne sommes pas satisfaits. Alors, à la page 4, vous recommandez de rendre obligatoire l'assurance, de façon à répartir le risque sur l'ensemble des propriétaires d'automobiles.

Est-ce que vous avez des études? Est-ce que, selon vous — d'autres nous ont donné certains pourcentages — vous avez des chiffres concernant le pourcentage des propriétaires d'automobiles qui ne sont pas assurés, qui n'ont pas d'assurance du tout?

M. ROBERT: Je pense que 82 p.c. des automobiles au Québec sont assurées. Est-ce que c'est exact? On me dit que c'est 14.7 p.c. des personnes qui ne sont pas assurées. Si on fait la différence, cela va faire 85.3 p.c. Si on instaure l'assurance obligatoire, il ne faut pas s'imaginer qu'on monte immédiatement ou automatiquement à 100 p.c. Je pense que toutes les études ont démontré qu'on peut toujours frauder le système, c'est-à-dire qu'on peut toujours imaginer des façons de passer à côté.

M. ROY: Peut-être.

M. ROBERT: Mais, il y a des façons de rendre la chose plus sévère. Par exemple, on peut exiger l'émission de la police avec l'émission du permis de conduire.

A ce moment-là, je pense qu'on pourrait augmenter la couverture peut-être, jusqu'à 95 p.c. Il restera toujours 5 p.c. de personnes non assurées dont on tient compte ou dont on couvre les maladresses par l'intermédiaire du fonds d'indemnisation qui existe, actuellement, dans notre régime et qui aurait un rôle plus diminué dans l'éventualité d'une réforme du régime actuel.

M. ROY: Dans votre mémoire, il y a une proposition indiquant de ne pas rendre obligatoire l'assurance pour le véhicule lui-même.

M. ROBERT: Oui. Au chapitre C.

M. ROY: Au chapitre C. Ne croyez-vous pas, étant donné qu'il n'y a que 43 p.c. des assurés qui ne prennent pas cette couverture, que ce serait imposer un fardeau supplémentaire à ceux qui veulent s'assurer, qui veulent se protéger par l'assurance-automobile?

Par exemple, si on prend le fait qu'on laisse la porte ouverte et qu'un certain nombre de personnes... surtout quand on voit un pourcentage aussi considérable que celui-là, il est évident que la répartition du risque repose sur un nombre beaucoup plus petit de souscripteurs, autrement dit d'assurés comme tels. Ne croyez-vous pas qu'en laissant cette porte ouverte, selon vous, qu'il y aurait un préjudice assez sérieux à l'endroit des autres?

M. ROBERT: Oui, jusqu'à un certain point. Vu sous cet angle, oui. Par contre, c'est une question de coût. Il faut réaliser qu'en assuran-

ce-automobile les dommages matériels coûtent extrêmement cher. Je pense que le rapport Gauvin l'établit de façon précise. Nous disons: Si on rend le chapitre C obligatoire, on augmente automatiquement la prime d'assurance d'un coût important. Puis, sur le plan des priorités, il serait peut-être préférable de mettre l'argent sur les blessures corporelles où, à mon point de vue, les conséquences d'un accident ont un effet beaucoup plus dramatique sur la famille elle-même et sur les possibilités de gains, alors qu'au fond, sur le plan des automobiles, je comprends qu'on convertit de belles automobiles en ferraille, mais cela n'a pas, je pense, de conséquence à long terme. Cela peut priver quelqu'un de sa voiture pendant un certain temps, mais cela n'a pas de conséquence à long terme.

J'ai l'impression qu'il est préférable, à ce moment-ci, de placer notre argent dans les blessures corporelles, de façon à garantir une meilleure indemnisation à ces victimes et délaisser, jusqu'à un certain point, l'aspect des dommages matériels en n'imposant pas l'assurance obligatoire. On peut le faire, c'est une question de coût. On recommande, nous, de ne pas le faire. Si le gouvernement veut le faire, il peut le faire, mais il sera obligé de prévoir une augmentation assez importante de la prime. Je pense que c'est 65 p.c. des réclamations en coût qui proviennent des dommages matériels par rapport à 35 p.c. pour les blessures corporelles. C'est 90 p.c. en nombre qui proviennent des dommages matériels par rapport à 10 p.c. en nombre pour les blessures corporelles. Vous voyez tout de suite l'incidence très forte des dommages matériels sur le coût d'un régime d'assurance.

M. ROY: A la page 10 de votre mémoire vous avez ajouté le paragraphe 5 sur le régime AutoBAC. Vous terminez en disant: J'ajouterais que les reproches que nous avons adressés au régime d'indemnisation Gauvin s'appliquent en grande partie au régime AutoBAC. Est-ce que, selon vous, si vous aviez un choix à faire demain matin — je vais vous poser une question peut-être un peu embêtante, mais je pense qu'il est important pour nous, les membres de la commission, que nous sachions votre point de vue là-dessus — ou une recommandation, entre le rapport Gauvin tel que suggéré et le régime AutoBAC des compagnies d'assurances, quel serait celui que vous favoriseriez?

M. ROBERT: Je serais tenté de répondre qu'on ne prendrait ni l'un ni l'autre, on suggérait plutôt notre régime. Disons ceci: Je pense que le régime AutoBAC est peut-être plus conforme à certains principes que nous défendons dans notre régime. Par contre, la principale critique qu'on peut adresser au régime AutoBAC, c'est qu'au fond, on réduit les primes en réduisant les bénéfices. Il devient facile d'imaginer un système où on coupe les bénéfices pour les accidentés et où on dit que cela va coûter moins cher. Le rapport de

Woodward and Fouddiller l'établit de façon certaine. On dit: Au fond, les indemnités seront coupées d'à peu près 25 p.c. au Québec. Evidemment, cela va coûter 25 p.c. moins cher. Disons que le rapport AutoBAC maintient quand même le principe ou la possibilité — quoique cette possibilité soit très limitée en pratique — de recourir aux tribunaux pour obtenir une indemnisation intégrale du préjudice, alors que le rapport Gauvin abolit cette possibilité de façon complète, sauf le droit d'appel, évidemment, pour savoir si l'assureur a bien appliqué le barème ou non. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. ROY: Cela répond à ma question. Disons que vous m'avez donné votre opinion.

M. GIASSON: Vous venez d'affirmer que l'application du système AutoBAC réduirait considérablement la possibilité pour le sinistré d'obtenir véritablement l'indemnité à laquelle il aurait vraiment droit par le système de faute. Je ne partage pas votre point de vue. Voulez-vous préciser cela, s'il vous plaît?

M. ROBERT: Voici. Je crois que le BAC lui-même dit que, si son régime Variplan était accepté, 85 p.c. des réclamations devant les tribunaux seraient abolies; en d'autres mots, on ne pourrait plus recourir aux tribunaux pour obtenir une indemnisation intégrale du préjudice dans 85 p.c. des cas. Or, un représentant...

M. GIASSON: En vertu de quoi?

M. ROBERT: Parce que, si vous regardez dans le régime AutoBAC, on ne permet la compensation des pertes non économiques que dans le cas de défiguration substantielle et dans le cas d'incapacité partielle permanente de durée prolongée. Or la durée prolongée est définie dans le régime AutoBAC comme étant six mois. En d'autres mots, il faut être six mois incapable totalement pour avoir le droit de réclamer des pertes non économiques devant les tribunaux. Or, il est rare qu'un accidenté de la route soit dans l'incapacité totale temporaire de vaquer à des occupations pendant six mois. Ce nombre de personnes est minime, eu égard à l'ensemble des accidentés. C'est pour cela que le régime AutoBAC réduit les bénéfices de façon importante. D'ailleurs, on dit 85 p.c., mais un représentant du Bureau des assurances du Canada, au congrès de l'Association du Barreau canadien au mois d'août, a précisé que c'était dans 95 p.c. des cas que les recours devant les tribunaux étaient abolis en vertu du programme BAC.

Et il a ajouté un mot, en anglais: "Pain and suffering, I could not care less", En d'autres mots, je ne me préoccupe plus de compenser les douleurs et souffrances. Nous, on continue de penser qu'on doit accorder des indemnités pour les douleurs et souffrances, lorsque ces douleurs et souffrances existent et lorsqu'elles sont vérifiables et prouvables devant la cour.

M. ROY: Je n'ai pas d'autre question, M. le Président. Je veux remercier le bâtonnier.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député d'Iberville.

M. TREMBLAY: Merci, M. le Président. Je remarque que ce mémoire est le fruit de recherches intensives et est un travail courageux de la part des membres du Barreau, même s'ils sont, ce matin, très modestes. J'imagine qu'ils ont fait appel aux services d'actuaires et de conseillers, parce que, blague à part, ce mémoire en est un dont la substance porte à réfléchir beaucoup. Mais je vous avoue, M. le Président, pour un profane — dans le sens que je ne suis pas avocat — poser des questions à un avocat, c'est un phénomène assez bizarre. A toutes fins utiles, j'essaierai de m'en acquitter de la meilleure façon possible, et je demanderais à M. le bâtonnier...

M. TETLEY: Si vous vous imaginez avoir des réponses, vous allez voir.

M. TREMBLAY: Je vais commencer par poser mes questions, M. le ministre, si vous voulez.

M. le bâtonnier, avez-vous, dans les statistiques du Barreau du Québec, de la somme totale des honoraires perçus par les membres qui ont travaillé sur des causes d'accidents d'automobiles?

M. ROBERT: Non, je n'ai pas de statistiques en chiffres absolus. Je n'ai que les statistiques sur une base de pourcentage, comme je l'ai mentionné tout à l'heure...

M. TREMBLAY: De 28 p.c?

M. ROBERT: ... de 28 p.c. en 1968, ce qui ne veut pas dire, nécessairement, 28 p.c. maintenant.

M.TREMBLAY: Bon!

M. ROBERT: Je n'ai pas de chiffres absolus, non. Par régions, je n'ai pas de statistiques comme telles, sauf que je peux vous dire, enfin, grossièrement, que ce pourcentage est probablement beaucoup plus élevé dans les régions en dehors de Montréal et Québec. C'est bien évident, parce que le droit des affaires, si je puis dire, qui est l'autre source principale de revenus des avocats, est surtout concentrée dans les régions très urbanisées comme Montréal et Québec.

Alors, il est probablement sûr qu'en dehors de Montréal et de Québec, le pourcentage des revenus dérivant de la responsabilité automobile est plus élevé que le chiffre moyen pour la province. C'est sûr. Je connais des bureaux, entre autres, dans la province qui disent que cela peut représenter jusqu'à 50 p.c. ou 60 p.c. de leurs revenus.

Je pense que c'est l'Association des avocats de province qui a comparu devant vous ici qui vous a dit que cela représentait de 50 p.c. à 60 p.c. des revenus des membres de l'Association des avocats de province qui sont regroupés en dehors de Montréal et de Québec. Ils sont au nombre d'à peu près 900 personnes. C'est probablement exact.

M. TREMBLAY: M. le bâtonnier, selon votre étude quelle est l'incidence du facteur des honoraires d'avocat dans le calcul de la prime?

M. ROBERT: Si vous regardez à la page 370 du rapport Gauvin, vous verrez qu'on peut, en éliminant la notion de faute, réduire le coût du règlement des sinistres de l'ordre de 5.1 p.c. du coût de la prime. Or, ces 5.1 p.c. ne comprennent pas seulement des honoraires d'avocats. Ils comprennent également des honoraires d'agents de réclamation, des honoraires résultant du règlement des sinistres.

A moins que je ne me trompe, le rapport Gauvin n'a pas fait la ventilation de ces 5.1 p.c. Je ne sais pas exactement la part qui est payée aux avocats. Si je voulais risquer un chiffre, je dirais que la moitié de cette somme est payée aux avocats, mais ce n'est qu'un risque calculé. Je ne sais pas exactement.

M. ROY: Est-ce que mon collègue me permettrait une question additionnelle sur le même sujet? Est-ce que ce pourcentage de 5.1 p.c. comprend également les honoraires que les avocats retirent au moment du règlement du sinistre? Par exemple, si on alloue à une personne $15,000, on sait qu'il y a un pourcentage qui est retenu ou qui est versé aux avocats en guise d'honoraires. Il ne s'agit pas de l'administration du régime d'assurance. Il ne s'agit pas des coûts de frais légaux. Il s'agit, pour la compagnie d'assurance, d'un déboursé pour un sinistre, qui se partage entre le bénéficiaire, c'est-à-dire l'assuré — la victime — et l'avocat. Est-ce que dans ces 5.1 p.c, ces montants sont inclus?

M. ROBERT: Je vais essayer de répondre à votre question de la façon la plus complète, selon ma compréhension du rapport. Encore là, j'interprète le rapport Gauvin.

Selon moi, ces 5.1 p.c. comprennent les frais judiciaires payés par la compagnie d'assurance aux avocats de la partie adverse, c'est-à-dire aux avocats de la victime. Ce pourcentage comprend aussi les montants d'honoraires extrajudiciaires qui sont payés par la compagnie d'assurance à l'avocat de la victime. Il comprend aussi les honoraires judiciaires et extrajudiciaires payés à leurs avocats, mais il ne comprend pas les honoraires qui pourraient être exigés par l'avocat, à la victime elle-même et qui s'estiment selon un pourcentage de l'indemnité.

Je pense que cela ne comprend pas cela. M. Rankin fait dire que oui. Je pense que les auteurs du rapport sont d'accord avec moi.

Est-ce que cela répond à votre question? Peut-être que cela n'est pas clair.

M. ROY: Cela répond à ma question que cela ne comprend pas... j'avais un peu la même impression, pour avoir examiné le rapport Gauvin, que cela ne comprenait pas... Maintenant, est-ce que cette partie des honoraires que les avocats reçoivent lors du règlement des sinistres, est plus importante en termes absolus, en termes de masse pécuniaire que la partie qui est incluse dans l'administration, dans l'éventail que vous venez de faire? Est-ce que l'autre partie est plus importante? C'est là que je résume ma question. Est-ce que c'est plus important que la première?

M. MICHAUD: Si je peux répondre à cela, M. le député de Beauce-Sud, je vous référerais à la page 217 du rapport Gauvin où l'on estime à 1.7 p.c, le coût pour les victimes, afin d'obtenir leur indemnité.

M. ROBERT: Cela serait moins élevé, M. le député, que la portion de la moitié de 5.1 p.c. qui est à peu près 2.6 p.c, pour la bonne raison que ce montant n'est versé que par les victimes aux avocats du demandeur et non pas aux avocats du défendeur. Si vous faites le total des 5.1 p.c, comptez 2.6 p.c. versés aux avocats, plus 1.7 p.c. versé par les victimes elles-mêmes aux avocats, ce qui veut dire environ 4.3 p.c. que les avocats retirent du régime. Si c'est cela qu'était votre question.

M. ROY: Oui, c'était ma question pour en venir à une évaluation globale...

M. ROBERT: C'est cela.

M. ROY: ... des honoraires, autrement dit de ce que cela peut représenter en fait de coûts, ce que les avocats retirent. Parce qu'il y a tout le principe, dans l'étude qui est présentement en cause, le principe du "no fault", si on le garde ou si on le met de côté. Il est entendu que, si le principe de "no fault" est retenu, il va y avoir besoin de conseillers juridiques dans l'élaboration des règlements, un point c'est tout. Il n'y aura pas de frais d'avocats qui vont intervenir dans le règlement des sinistres.

M. ROBERT: D'accord, mais il faut regarder aussi quelle sorte de service on perd. En d'autres mots, il faut se demander si 4.3 p.c. c'est un bon investissement. Vous aurez à le décider évidemment, comme représentants de la population, mais il faut se poser un certain nombre de questions. D'abord, si on dit: D'accord, on élimine les avocats dans le régime. On élimine les modalités de rémunération des avocats dans le régime et à ce moment-là les gens iront consulter leurs avocats et ils paieront leurs services. Ce n'est pas une diminution globale de 4.3 p.c, c'est comme les courtiers, il y a une partie de cela qui est transférée sur la tête des assurés eux-mêmes.

Si on abolit les courtiers qui viennent chercher 8.4 p.c. de la prime, selon le rapport Gauvin, si on les abolit complètement, les gens vont quand même consulter leur courtier et vont payer directement, évidemment, ce ne sera pas dans le coût du régime. Les gens vont le débourser quand même. Si vous faites la même chose pour les avocats, vous allez peut-être épargner 4.3 p.c. en apparence, mais les assurés eux-mêmes qui voudront aller consulter leur avocat pour savoir s'ils ont reçu le bon règlement de leur assureur vont payer les honoraires. A ce moment-là, il y a une partie de ce coût qui va être transférée sur leur tête, qui ne sera plus assumée par le régime mais qui va quand même être payée par le consommateur. Deuxièmement, je vous suggère de regarder le tableau qui se trouve à la page 197 du rapport Gauvin où on dit que les victimes qui sont représentées par un avocat obtiennent généralement des indemnités beaucoup plus considérables que celles qui ne sont pas représentées par un avocat. Est-ce que ce phénomène ne justifie pas un investissement de 4.3 p.c. dans le régime aux fins d'obtenir des bénéfices supplémentaires? C'est la question que je vous pose et c'est la question que, probablement vous aurez à vous poser comme représentant de la population.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Le député d'Iberville peut reprendre la parole.

M. ROBERT: Je m'excuse.

M. TREMBLAY: Merci, M. le Président, les petites questions toutes courtes du député de Beauce-Sud se sont allongées, elles sont en caoutchouc. M. le bâtonnier, je vais terminer avec une courte question également. Lors de l'audition des avocats de province, dont le porte-parole était Me André Biron, j'avais posé une question qui ressemble un peu à celle du député de Beauce-Sud pour savoir quelle était la formule précise de la rémunération d'un avocat qui a un dossier judiciaire dans une cause d'accident d'automobile. J'ai un accident d'automobile, je vais vous consulter, vous m'obtenez un règlement de $1,000 par exemple. Vous me chargez combien?

M. ROBERT: Là-dessus, je pense...

M. TREMBLAY: En restant sur cet exemple parce que je vais me comprendre. Pour vous, c'est facile de comprendre ça.

M. ROBERT: Je peux vous charger un pourcentage qui va se situer ordinairement entre 10 p.c. et 15 p.c, entre $100 et $150.

M. TREMBLAY: M. le ministre, laissez-moi faire. En plus, est-ce que vous allez réclamer de l'assureur un autre pourcentage?

M. ROBERT: II est possible que, dans un cas de $1,000, l'assureur paie les frais judiciaires.

M. TREMBLAY: En vertu de quelle sorte de...

M. ROBERT: En vertu du principe que la partie défaillante assume les frais judiciaires.

M. TREMBLAY: Est-ce que l'assureur ne paiera pas non plus des honoraires dans certaines circonstances? Est-ce que ce n'est pas une pratique assez courante?

M. ROBERT: Oui, l'assureur peut payer un certain montant qui remplace justement les frais judiciaires parce que la poursuite ne se rend pas à procès. Maintenant, je profite de l'occasion, à moins que M. le ministre veuille le faire, pour annoncer quand même...

M. TREMBLAY: Cela va être amendé.

M. ROBERT: ... un événement important à ce sujet-là. Il peut peut-être répondre en grande partie à votre question et aux interrogations que vous aviez formulées à M. Biron à l'époque. Hier, M. le ministre de la Justice qui est ici présent et moi-même, avons signé une entente portant sur la rémunération des services des avocats de pratique privée, dans le cadre de la Loi de l'aide juridique. Cette entente porte également sur l'adoption de nouveaux tarifs judiciaires pour l'ensemble des causes de la province et qui seront en vigueur le 1er février.

Cette entente porte également sur une modification extrêmement importante à notre code de déontologie, qui obligera l'avocat à dévoiler dans tous les cas, à son client, les sommes d'honoraires qu'il aurait pu recevoir de la partie adverse.

Actuellement, notre règlement prévoit que l'obligation existe lorsque le client le demande. Or, nous avons constaté — et le ministre de la Justice l'a souligné à plusieurs reprises — que certains clients ne savent pas ou ne connaissent pas ce phénomène-là. Si on laisse cela à la demande du client, dans bien des cas, le client ne le demande pas.

Le comité administratif s'est engagé à proposer au conseil général du 31 janvier une modification à notre code de déontologie qui prévoit que l'avocat doit dévoiler, dans tous les cas, la somme d'argent qu'il reçoit de la compagnie d'assurance adverse et qu'il doit créditer cette somme sur les honoraires qu'il a convenu de charger à son client, avant de prendre la cause.

M. TREMBLAY: C'est dans l'optique du coût de la prime surtout. Les assureurs auront probablement moins d'argent à débourser dans des causes ordinaires?

M. ROBERT: C'est-à-dire que je pense que la majorité des avocats n'ont pas abusé de ce système-là, mais...

M. TREMBLAY: Je parle des compagnies d'assurance.

M. ROBERT: ... il est peut-être vrai que certains avocats ont abusé du système et ont reçu, des compagnies d'assurance, des montants que j'appellerais inavouables ou non dévoilables à leurs clients. Etant donné qu'ils sont maintenant dans l'obligation de les dévoiler à leurs clients, je pense que cela va à la fois restreindre ces avocats d'en accepter et peut-être aussi, les compagnies d'assurance d'en offrir.

M. TREMBLAY: Je crois que les compagnies d'assurance le font à leur corps défendant, jusqu'à un certain point?

M. ROBERT: Oui, mais parfois, cela sert leurs intérêts aussi.

M. CHOQUETTE: Je ne suis pas d'accord avec mon honorable collègue, malgré que je pense que la plupart des compagnies d'assurance font des affaires d'une façon honorable et qu'il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, d'acheter un règlement en payant des montants excessifs à l'avocat, des montants qu'on pourrait qualifier de judiciaires — je pense qu'il faut mettre le mot "judiciaire" entre guillemets à ce moment-là — en offrant, en somme, un montant d'honoraires qui dépasse vraiment l'importance de la cause.

Mais on peut dire qu'il est coutumier, pour les compagnies d'assurance en général, d'offrir à l'avocat de la partie demanderesse 10 p.c. du montant de l'indemnité. Par exemple, vous avez une victime dont on évalue les dommages à $10,000, il est dans les usages, je pense, ici, que la compagnie d'assurance dise à l'avocat: $1,000 pour vos honoraires judiciaires. De là, l'avocat charge à son client généralement 15 p.c., ce qui fait, en fait, que le revenu de l'avocat sur une cause de $10,000 est d'environ 20 p.c. à 25 p.c. Ceci ne me paraît pas grossièrement excessif, compte tenu de l'expérience vécue, surtout quand on compare avec les Etats-Unis, où les avocats font des ententes qu'on appelle quota litis, où, généralement, c'est au moins 33 p.c. du montant perçu. Il est vrai qu'aux Etats-Unis il n'y a pas de système d'honoraires judiciaires, c'est-à-dire que la partie qui perd la cause ou qui règle la cause n'est pas obligée de payer à l'avocat du demandeur, c'est-à-dire celui qui a gain de cause, un montant désigné comme frais judiciaires.

Il est arrivé cependant, dans certains cas, que des ajusteurs d'assurance ou des compagnies d'assurance offrent vraiment des montants excessifs, sous couvert d'honoraires judiciaires. Par exemple, disons qu'un avocat serait prêt à régler une cause pour $5,000 et qu'on lui offrirait $2,000 d'honoraires judiciaires, il n'y a pas de doute qu'il serait dans une situation où, au fond, il serait en train de se faire acheter. Je pense que là les deux parties seraient coupables, celle qui offre et celle qui reçoit.

Le but du règlement dont le bâtonnier vient de faire état est justement d'éliminer ce genre de pratique, parce que, dans tous les cas, le client saura exactement ce que va recevoir son avocat de la partie adverse. Par conséquent, il pourra juger du revenu que son avocat retire. Je crois que ceci sera sain, non seulement dans les cas particuliers, mais également pour l'ensemble de la profession légale, parce qu'il n'y aura plus d'ambiguïté sur les montants que retirent les avocats dans certaines causes.

M. TREMBLAY: Cela se faisait sous le boisseau!

M. CHOQUETTE: C'était dans les coutumes. On ne peut pas dire que c'était répréhensible, à condition que cela se fasse dans des normes...

M. TREMBLAY: Sous le boisseau, je n'ai pas dit que c'était reprehensible.

M. CHOQUETTE: Non. Non. Je veux dire qu'il y avait certaines normes.

M. TREMBLAY: Cela se faisait dans le silence feutré. Ecoutez, M. le ministre, j'en ai été témoin à maintes reprises, j'ai des amis qui sont avocats et qui sont très riches !

M. CHOQUETTE: Oui, mais je vais vous dire quelque chose. Beaucoup d'avocats, pour éviter, justement, ce climat...

M. TREMBLAY: Je vous félicite, si vous intervenez, avec l'entente que vous avez signée hier...

M. CHOQUETTE: Oui.

M. TREMBLAY: J'espère que... D'ailleurs, la majorité des avocats sont des bons avocats.

M. ROBERT: Merci.

M. CHOQUETTE: Je tenais à vous dire ceci...

M. TREMBLAY: Les avocates aussi. M. ROBERT: Merci, M. le député.

M. CHOQUETTE: Si vous me permettez d'ajouter un fait qui pourra peut-être vous aider à donner de la substance à vos éloges à l'égard de la profession légale... est-ce que vous me permettez?

M. TREMBLAY: Fausse modestie?

M. CHOQUETTE: Non, ce n'est pas de la fausse modestie, mais me permettez-vous?

M. TREMBLAY: On en a eu le spectacle de l'authentique, ce matin.

M. CHOQUETTE: Non, mais si le député me permet, je lui dirai que beaucoup d'avocats, pour justement éviter toute ambiguïté avec leurs clients, dévoilaient le montant qu'ils recevaient de la partie adverse, même s'ils n'en étaient pas tenus.

M. ROBERT: La plupart. L'effet du règlement est double aussi, parce que le règlement dit qu'on doit créditer le montant qu'on a reçu de la partie adverse. Toute cette rémunération est faite en vertu d'entente, c'est-à-dire qu'au préalable, on doit conclure avec le client une entente basée sur un pourcentage. Si on ne conclut pas d'entente, on est payé selon le travail fait, au quantum, ce qu'on appelle au quantum meruit, plutôt qu'au quota litis, je m'excuse de parler anglais dans cette auguste assemblée. Si on est payé à pourcentage, si, par exemple, je conclus une entente de 15 p.c. avec mon client... Disons dans l'exemple que vous donniez $1,000, je conviens avec lui de lui réclamer 15 p.c, si je reçois 10 p.c. de la compagnie d'assurance, je n'aurai droit de lui réclamer que 5 p.c. En d'autres mots, je devrai lui créditer la somme que j'ai reçue de la partie adverse, dans le pourcentage que j'aurai convenu de lui charger. Pardon?

M. TREMBLAY: Les ententes que vous avez...

M. ROBERT: C'est exact.

M. CHOQUETTE: Ce qui va se passer probablement, en réalité — d'un autre côté, il faut quand même être réaliste — c'est que le règlement que le Barreau a accepté d'adopter à la faveur de cette négociation générale sur les tarifs, tant de l'aide juridique que des tarifs judiciaires, va encourager la signature d'ententes entre client et avocat avant que les causes ne soient entreprises et d'ententes écrites où on formulera exactement les conditions de la rémunération de l'avocat. Par conséquent, le client saura exactement ce à quoi il s'engage au point de vue de la rémunération. Alors, on pourra dire: Cela va être 20 p.c, cela va être 25 p.c, cela va être 15 p.c. Le client le saura.

M. TREMBLAY: Je suis bien satisfait, surtout, M. le ministre, du fait que vos paroles seront consignées au journal des Débats. C'est merveilleux!

Une dernière question et je m'estompe. M. le bâtonnier, croyez-vous réaliste la vitesse suggérée de 55 milles à l'heure sur — comme vous le dites dans votre mémoire — les routes du Québec en général? N'auriez-vous pas dû faire une démarcation entre les autoroutes et les routes?

M. ROBERT: La démarcation que je ferais serait une vitesse plus basse sur certaines routes, mais pas une vitesse plus haute sur les autoroutes. Aux Etats-Unis...

M. TREMBLAY: Les routes régionales, par exemple...

M. ROBERT: Les routes régionales, je pense qu'il y a certaines routes...

M. TREMBLAY: ... à 55, 60?

M. ROBERT: II y a certaines routes sur lesquelles on ne doit pas circuler à plus de 50 milles à l'heure, si on veut avoir mon opinion. Maintenant, je ne pense pas qu'on devrait dire que, sur les autoroutes, on doit circuler plus vite. Aux Etats-Unis, on a appliqué cette limite et on a des routes drôlement meilleures que les nôtres. Je m'excuse pour le ministre des Travaux publics.

M. TREMBLAY: Mais 60 milles à l'heure, sur une autoroute comme la Transcanadienne, par exemple...

M. ROBERT: Oui.

M. TREMBLAY: ... 70/60, c'est raisonnable, je trouve.

M. ROBERT: C'est peut-être raisonnable...

M. TREMBLAY: D'ailleurs, les gens filent à 85, 90, de toute façon.

M. ROBERT: Oui, c'est peut-être raisonnable, mais cela cause beaucoup d'accidents. Si vous...

M. TREMBLAY: Pas à 70 milles à l'heure.

M. ROBERT: Si vous regardez les statistiques qu'on vous a mentionnées, à 75 milles à l'heure, on a quatre fois plus de risques de se tuer dans un accident qu'à 55 milles à l'heure. Ensuite, à 75 milles à l'heure, le temps de réaction est beaucoup... Enfin, vous voyagez beaucoup plus longtemps. Vous savez que le temps normal de réaction — j'ai des experts ici — est trois cinquièmes de seconde pour appliquer les freins.

M.TREMBLAY: Oui, mais, M. le bâtonnier, il y a toujours le facteur, comme vous l'avez précisé dans votre mémoire, de l'alcool, par exemple.

M. ROBERT: Oui.

M. TREMBLAY: II faut l'inclure dans votre argumentation.

M. ROBERT: Oui.

M.TREMBLAY: Le gars qui va à 75 milles à l'heure et qui a .1 p.c. ou .09 p.c...

M. ROBERT: Oui.

M. TREMBLAY:... il est plus vulnérable que le type qui est en bonne condition physique, qui s'en va à 75 avec une bonne auto...

M. ROBERT: C'est bien sûr!

M. TREMBLAY: ... une auto comme l'auto du ministre, par exemple.

M. ROBERT: Mais devant un obstacle imprévu, à cause de votre réaction de temps au freinage... Vous regarderez les distances de freinage à 75 milles à l'heure et à 55 milles à l'heure et vous allez constater des différences énormes.

M.TREMBLAY: Non, je suis d'accord avec vous là-dessus. Je voulais simplement vous demander si vous ne trouviez pas un peu original de suggérer 55 milles à l'heure pour les routes de la province en général.

M. ROBERT: Bien...

M. TREMBLAY: A toutes fins utiles, il y a des autoroutes; il y a la Transcanadienne...

M. ROBERT: Oui.

M. TREMBLAY: II y a la 20, la 40...

M. ROBERT: La distinction que je ferais, ce serait plus bas pour certaines routes. Aux Etats-Unis...

M. TREMBLAY: Dans les routes régionales de mon comté, Iberville, dans Rouville, Missis-quoi, Farnham, etc., je suis convaincu que 45, 50, c'est suffisant.

M. ROBERT: C'est suffisant. Moi aussi, je suis convaincu...

M. TREMBLAY: Mais descendre à Québec, de Saint-Césaire, pour venir assister à la commission parlementaire ce matin, il n'y avait aucun moyen de faire 75.

M. ROBERT: C'est possible, mais...

M. TREMBLAY: On...

M. ROBERT: ...cela dépend de...

M. TREMBLAY: C'est dangereux à 40 milles à l'heure.

M. ROBERT: ... quelle sorte de réalisme on veut pratiquer et quelle sorte de société on veut avoir. Aux Etats-Unis, on a constaté, entre autres, que d'imposer une limite de vitesse de 55 milles à l'heure avait pour effet de réduire le nombre des accidents.

Mais cela avait aussi pour effet de détendre les gens beaucoup plus et beaucoup de person-

nes aux Etats-Unis ont dit: On circule de façon beaucoup plus détendue et au fond, c'est vrai que cela prend un peu plus de temps, mais est-ce que cela prend tellement plus de temps? Trois heures pour venir à Québec plutôt que deux heures et quart ou deux heures et demie. Est-ce que vraiment vous gagnez... Vous avez, au fond, à choisir entre votre vie et votre temps. Je suggère que vous choisissiez votre vie.

M, TREMBLAY: Je vous remercie.

M. ROBERT: M. le Président, j'avais annoncé que M. Michael Cain, président de la Régionale du Barreau aimerait dire quelques mots. Je ne sais pas si on peut l'inviter ou...

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Mais auparavant, le député de Taschereau m'avait demandé la parole. Alors, je ne voudrais pas le priver de son droit de parole. Peut-être peut-il poser quelques questions, et après, on pourra permettre à Me Cain de...

M. BONNIER: Est-ce que nous avons encore du temps, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Oui.

M. BONNIER: J'aurais deux questions. La première concerne le recours subrogatoire. Ce n'est pas la première fois qu'on suggère une pratique différente, mais je pense qu'il faut être conscient que si le ministère des Affaires sociales payait ou ne demandait pas à nouveau aux compagnies d'assurance de lui rembourser les dépenses qu'il fait pour certains individus qui ont un accident, dans le fond, il faudrait réviser toutes les données actuarielles et on verrait nécessairement augmenter l'assurance-maladie... c'est-à-dire que le gouvernement serait obligé de payer cela. Il me semble que c'est une saine pratique administrative et qu'il est tout à fait logique de considérer que chacun des régimes d'assurance est responsable des dommages qui sont causés à l'intérieur de ces régimes. Autrement, cela risque d'être un méli-mélo. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps...

M. ROBERT: C'est votre question? Vous affirmez que c'est une saine pratique administrative que de réclamer aux secteurs intéressés les dommages découlant de ces secteurs. Mais la question qu'on doit se poser est la suivante: Est-ce vraiment logique de procéder ainsi? Voici pourquoi.

Vous avez un régime d'assurance-maladie et un régime d'assurance-hospitalisation. Prenons, par exemple, le régime d'assurance-maladie qui est financé par l'ensemble des citoyens. En d'autres mots, il est financé par la population en général. Il a une assise très large de financement, il est financé par tous ceux qui gagnent un salaire, par l'imposition d'une taxe, si je peux dire, applicable au salaire, sur la masse salariale.

Alors, la personne qui s'assure et qui cause un accident, elle aussi paie sur son salaire ce pourcentage. Elle finance donc le régime d'assurance-maladie.

Lorsqu'elle conduit son véhicule automobile et qu'elle cause un accident, on la poursuit et son assureur paie les frais d'assurance-santé découlant de cet accident. Est-ce qu'on ne peut pas dire qu'à ce moment, alors que le régime est financé globalement par l'ensemble de la population, on fait financer cette partie des frais une deuxième fois par les propriétaires d'automobile? A ce moment, je me dis: Est-ce qu'il n'est pas plus logique, si on a un régime universel, de le faire financer ou de continuer à le faire financer par l'ensemble de la population plutôt que de l'affecter à un secteur donné?

Prenez un autre exemple...

M. BONNIER: Cela dépend de la base de calcul.

M. ROBERT: Oui. Prenez la Régie des rentes. La Régie des rentes paie des sommes d'argent en vertu d'un programme. Si on disait, par exemple: Lorsqu'une personne est tuée volontairement par un autre individu, en d'autres mots qu'elle est la victime d'un acte criminel, est-ce qu'il ne serait pas normal pour la Régie des rentes d'aller récupérer de l'auteur du crime le montant qu'elle va être appelée à verser en vertu d'un régime universel de retraite? Ma réponse serait la même que celle que je viens de vous donner. Je dis: II est plus logique de faire financer l'ensemble du régime par la population globalement plutôt que de l'affecter à un secteur particulier où, à mon point de vue, on impose un fardeau plus lourd aux propriétaires d'automobile qu'à la population en général. Maintenant, j'avoue que c'est discutable, je vous fais simplement l'observation que cela semble être une recommandation unanime de tous les organismes qui ont comparu devant vous. Evidemment, comme vous le dites, ce n'est pas une économie réelle, ce n'est qu'un transfert de coûts sur des régimes sociaux qui sont administrés par les Affaires sociales. Cela revient un peu à ma position de départ, en assurance, il n'y a pas de miracle. Vous recevez $100, vous retournez $X.

M. BONNIER: Ma dernière question, M. le Président, une toute petite question, c'est pratiquement l'objet de notre rencontre aujourd'hui. Dans une phrase, vous dites que le rapport Gauvin résout un peu trop rapidement la question de la responsabilité. Certains membres de la commission Gauvin sont venus nous faire des grandes théories sur la responsabilité dans la société actuelle et tout cela. Je peux vous dire, en bref, que je ne suis pas nécessairement d'accord sur ces théories de base selon lesquelles, à cause de l'urbanisation ou de l'évolution rapide de notre société, les gens doivent être moins responsables. Cependant, même si je n'accepte pas nécessairement cette théorie

d'une façon générale, je pense que lorsqu'on l'applique dans le domaine des accidents d'automobiles — vous avez dit, par exemple, tout à l'heure à une réponse que le moment de seconde, trois cinquièmes de seconde de réflexe nécessaire pour appliquer les freins dans certaines circonstances font qu'en fait...

Il y aurait peut-être lieu de réfléchir au fait que dans le domaine des accidents d'automobile, c'est sûr qu'un bon nombre d'individus sont plus ou moins responsables de ce qui arrive. Je pense que c'est dans cet esprit que la commission Gauvin a suggéré qu'on allie la responsabilité ou le dédommagement des victimes un peu comme une assurance-accident que je prendrais, personnellement. Là-dessus, je pense qu'il y a quand même un bien-fondé et j'aimerais beaucoup que vous vous expliquiez un peu — c'est vrai qu'il ne reste pas grand temps — car c'est vraiment le fondement même de notre rencontre ce matin.

M. ROBERT: Je pense que vous soulevez là une des questions peut-être les plus difficiles et les plus controversées en doctrine et en jurisprudence juridique.

M. BONNIER: M. le Président, j'ai de la misère à entendre, je m'excuse.

M. ROBERT: C'est une des questions les plus difficiles sur le plan de la pure philosophie juridique. Je me permettrais de faire brièvement un certain nombre de commentaires. D'abord, quand on dit dans le rapport Gauvin que la détermination de la faute est difficile et arbitraire, c'est vrai dans certains cas mais on pense que c'est vrai seulement dans un nombre infime de cas. Je prends à témoin tous ceux qui ont une certaine expérience dans ce secteur. Dans la plupart des cas d'accidents d'automobile, il est facile d'identifier la faute.

M. BONNIER: Est-ce qu'il y a une faute réelle? C'est ça la question.

M. ROBERT: II faut distinguer faute pénale et faute civile. Dans la faute pénale, dans la responsabilité pénale, il y a nécessairement une intention de nuire. Or, en responsabilité civile — c'est là probablement une conquête de la civilisation juridique — à partir de la fin du Moyen Age et le début de notre ère moderne, on a commencé à distinguer entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile, justement. Autrefois, les deux étaient fusionnées dans une seule responsabilité. On a commencé à distinguer, en ce sens que, dans la responsabilité civile, il n'y a pas nécessairement l'intention de nuire. En d'autres mots, la personne qui brûle un feu rouge commet une négligence; elle n'a pas nécessairement l'intention de massacrer tout le monde à l'intersection, mais c'est cette négligence qu'on sanctionne par l'obligation civile de réparer et c'est un principe général qui ne s'applique pas seulement dans l'automobile.

Evidemment, cela peut conduire à des situations où, parfois, le degré de faute est mince, si je peux dire. Mais, dans la plupart des cas, je pense que cela sanctionne véritablement une négligence facile à identifier. C'est ce qui explique à mon point de vue, les chiffres que l'on retrouve dans le rapport Gauvin au sujet du fait que seulement 1 p.c. des causes se rendent à procès.

D'autre part, ce principe de la responsabilité personnelle qui est inscrit à l'article 1053 sanctionne cette obligation de prudence. En d'autres mots, les individus, dans la société, doivent avoir un comportement social tel qu'ils doivent éviter de faire du tort à autrui. Cela s'applique à l'avocat qui fait mal son mandat; cela s'applique au chirurgien qui opère mal; cela s'applique au député qui, en dehors de la Chambre, profère des propos libelleux; cela s'applique au journaliste qui est malhonnête dans la rédaction. Evidemment, cela n'arrive jamais...

M. CHOQUETTE: Cela risque de lui coûter cher.

M. ROBERT: En d'autres mots, c'est le principe fondamental — cela s'applique en matière d'exécution de contrôle — de tout notre droit. On dit: Si on l'élimine complètement, et j'insiste sur ces mots-là, dans un secteur aussi important que l'activité automobile, à ce moment-là, on bat en brèche un principe qui m'apparaît important, qui m'apparaît être une valeur de la civilisation.

Evidemment, on peut citer toutes sortes d'études. Des études disent que la faute a un effet préventif, d'autres disent que la faute n'a pas d'effet préventif. Or, le rapport Gauvin cite des études qui disent que cela n'a pas d'effet préventif. Nous, nous avons un certain nombre d'études qui disent que cela a un effet préventif. Nous nous plaçons simplement sur le plan du bon sens en disant: Si on dit dans une loi que vous n'êtes pas responsables des actes que vous posez, est-ce que cela ne risque pas d'engendrer un comportement social qui soit, jusqu'à un certain point, irresponsable? C'est la question qu'on se pose.

Avant de s'aventurer dans un secteur comme celui-là, on considère que le gouvernement devrait réfléchir à tous les aspects de la question. On l'a fait en matière d'accidents de travail et plusieurs personnes de ce secteur disent que l'absence de recours devant les tribunaux contre l'employeur, pour sanctionner ces négligences sur le plan de la main-d'oeuvre et sur le plan de l'équipement, a fait que la sécurité dans les usines laisse énormément à désirer. Je ne suis pas le seul à dire cela. Je pense que certains syndicats l'ont dit avant moi. On attribue peut-être cela en partie à ce régime qui a été instauré en 1931 sur le plan des accidents du travail.

J'ai déjà eu l'occasion de parler avec le ministre de la Justice là-dessus et je pense que le

ministre faisait écho à certaines remarques d'autres procureurs généraux des provinces qui disaient que, suite à l'instauration d'un régime partiel de "no fault" dans certaines provinces, on avait observé une augmentation importante du nombre des accidents, surtout chez les jeunes chauffeurs, entre 18 et 25 ans.

Cela ne nous entre pas dans la tête que, si on dit dans une loi : Vous n'êtes pas responsable de vos actes, cela n'aura pas d'effet sur le comportement social.

M. LEGER: Permettez-moi une question bien précise là-dessus, un exemple concret, peut-être extrême, mais qui illustre quand même le changement de philosophie qui est d'abord d'indemniser les victimes plutôt que de trouver le coupable de la faute. Prenez l'exemple d'une personne qui pourrait, par erreur humaine, être responsable de l'accident dans lequel elle-même perd la vie. Qui va indemniser la veuve et les enfants de cette personne qui est tenue responsable? Dans une philosophie d'indemnisation des victimes, même la famille, les enfants et l'épouse de celui qui est responsable légalement — pour une erreur humaine — ne sont pas indemnisés de cette façon. Ne pensez-vous pas que la philosophie d'indemniser les victimes prime sur la recherche d'un coupable, dans le système actuel?

M. ROBERT: Cette victime, qui est la victime de sa propre faute, l'artisan de son propre malheur, comme dit la jurisprudence, n'est-ce pas l'ensemble de la société qui devrait la supporter, par des régimes sociaux appropriés? Je pense que nous avons ici des régimes sociaux très développés. Je voyais que Mme Simonne Veil avait loué le système de sécurité sociale du Québec, et on présume que Mme Veil s'y connaît dans ce secteur. N'est-ce pas par ce truchement qu'on doit indemniser ces victimes, plutôt que par un régime d'assurance? Je pense qu'il faut distinguer nettement entre un régime d'assurance fondé sur la responsabilité et un régime de sécurité sociale qui est global, universel et qui comporte des caractéristiques probablement différentes d'un régime proposé par le rapport Gauvin?

M. LEGER: Dans la philosophie du rapport Gauvin il s'agissait d'indemniser ceux qui ne sont pas assez indemnisés plutôt que d'indemniser ceux qui peuvent eux-mêmes budgétiser de petites anomalies provenant d'accidents. Est-ce que ce n'est pas justement une pensée sociale que, dans un règlement d'accident, on voie à indemniser les victimes d'abord plutôt que de trouver le coupable.

Je prends un exemple, à la page 7 de votre mémoire...

M. BONNIER: Je m'excuse... C'est une extension plus...

M. LEGER: Je reviendrai tantôt, allez-y!

M. BONNIER: Non, je n'ai pas d'autres questions à poser.

M. LEGER: A ce moment-là, M. le Président, je vais simplement terminer là-dessus. Vous mentionnez que 43 p.c. des assurés ne prennent pas cette couverture et vous semblez dire...

M. ROBERT: C'est la collision, ça.

M. LEGER: Oui, la collision. Je parle toujours de la philosophie d'indemniser toutes les personnes, d'avoir une assurance-indemnité plutôt qu'une assurance-responsabilité. Actuellement, 43 p.c. des personnes s'assurent pour dommages à autrui. Donc, elles calculent que ce n'est pas nécessaire qu'elles s'assurent pour elles-mêmes. Donc, 43 p.c. des assurés ne prennent pas la couverture de la collision.

M. ROBERT: C'est seulement pour leurs dommages matériels.

M. LEGER: C'est cela. Alors, le rapport Gauvin parle de l'inverse dans l'option A, c'est-à-dire les gens s'assurent pour leurs dommages; donc, les 43 p.c. de personnes qui ne s'assureraient pas ne seraient pas obligées de s'assurer si elles ne le désirent pas, dans l'option A. C'est seulement pour ceux qui veulent s'assurer pour leurs dommages à la valeur, qu'ils jugent importants. Cela ne coûte pas plus cher, cela coûtera le même prix selon le rapport Gauvin.

M. ROBERT: Oui, c'est-à-dire que je pense que l'option A du rapport Gauvin se rapproche énormément de notre suggestion quant aux dommages-collisions. C'est assez exact, sauf que... D'ailleurs, si on regarde bien, le rapport Gauvin ne propose pas un régime d'indemnisation sans égard à la faute en matière de dommages matériels. Il ne le propose qu'en matière de blessures corporelles. Si vous dites que l'option A du rapport Gauvin ressemble beaucoup, si elle n'est identique, à notre régime proposé, d'accord. Mais nous préférons l'option A à l'option B et à l'option C qui sont inscrites au rapport Gauvin.

M. LEGER: De toute façon, l'option A est transitoire. Tôt ou tard, ce sera l'option C dans leur projection.

M. ROBERT: J'imagine que cela dépend aussi de l'opinion du gouvernement jusqu'à un certain point.

M. LEGER: Ah bon!

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Alors, M. le bâtonnier, vous aviez mentionné que M. Cain aurait un commentaire à faire. Maintenant, je remarque que l'heure est bien avancée, il faudrait que ce soit très bref.

M. CAIN: Je vous assure que mes commentaires seront très brefs. Je ferai tout mon possible pour ne pas récapituler ce qui a été dit ici ce matin. Je voudrais tout simplement, cependant, souligner ceci d'une façon particulière: Notre loi québécoise sur la négligence, sur la faute, n'a pas évolué pendant les années uniquement pour compenser les victimes. Cette loi, comme toutes les lois d'ailleurs, a évolué pour réglementer la façon d'agir, le comportement des gens. Cette loi cherche à réduire le nombre d'accidents en plaçant une responsabilité financière sur les gens qui ont causé un accident, négligemment. Mais même sous l'aspect de la pure compensation, elle doit quand même, à notre sens, être préférée. Elle doit être conservée. Cela, pour la raison suivante: Cette loi et cette loi seule calcule la perte sur une base individuelle. Ceux qui subissent une perte spéciale, particulière, doivent, à notre sens, recevoir quelque chose de plus, si cette perte, si ce dommage est causé par la négligence d'une autre personne.

Si quelqu'un souffre, je vous soumets qu'il doit être compensé. Si une personne voit sa vie abrégée, je soutiens qu'elle doit être compensée. S'il y a perte de jouissance de la vie, que ce soit de ne plus pouvoir aller à la chasse et à la pêche, ne plus jouer aux quilles, de ne pas avoir de relations sexuelles, je soutiens que la victime doit être compensée.

Je sais que vous êtes d'accord sur cela, à savoir que la compensation pour de tels préjudices est une des pierres angulaires de toute société civilisée, de toute société évoluée. Il faut, à notre sens — c'est la raison de la présence des deux Barreaux devant vous ce matin — préserver les variations individuelles de nos gens. Les hommes ne sont pas identiques; les hommes ne sont pas pareils. Notre loi fait cela en soulignant d'une façon particulière l'individualité spéciale de chaque réclamant. Personne, à notre sens, ne peut être en faveur d'une compensation égale pour des blessures ou un préjudice similaire. Il faut que la compensation dépende de la perte subie, non pas des blessures subies. C'est pour cette raison que le Barreau du Québec, la branche québécoise du Barreau canadien est devant vous aujourd'hui.

En somme, nous nous opposons à une redistribution des bénéfices en enlevant à ceux qui les méritent pour les diriger, ces mêmes bénéfices, à ceux qui ne les méritent pas. Nous ne voulons pas que la compensation de l'accidenté soit rognée sous le couvert d'une baisse relative et probablement illusoire de primes ou sous le couvert de supposés avantages à uniformiser, à plafonner les compensations.

Nous préconisons l'existence pacifique des deux systèmes. Tirons avantage des fonctions valables des deux systèmes. Un compromis n'a sûrement rien de honteux.

En somme, il n'est pas nécessaire, à notre sens, de jeter le bébé avec l'eau du bain, surtout quand la victime se trouvera moins avantagée.

Nous nous opposons à ce cri: l'uniformité à tout prix. Nous croyons devoir la rejeter et c'est pour ce motif que la Régionale du Québec, la branche québécoise du Barreau canadien croit sincèrement que les recommandations du Barreau du Québec auraient comme résultat d'assurer et de placer notre population parmi les gens les plus à l'abri des préjudices financiers découlant d'un accident de la route. Le tout très respectueusement soumis.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): Merci bien, Me Cain. Le ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. TETLEY: Merci, messieurs. Vous avez parlé de tous les systèmes civilisés au monde qui concernaient le système de perte, de souffrance, de perte de vie, etc... Mais il y a certaines provinces du Canada qui l'ont laissé de côté, apparemment. Je viens de vérifier le tableau présenté par le comité Gauvin.

M. CAIN: Je m'excuse, M. le ministre. Aucune province canadienne, ni aucun Etat américain, jusqu'à ce jour, n'ont enlevé le droit à un réclamant, s'il le désire, de s'adresser aux tribunaux de son Etat ou de sa province.

M. TETLEY: En dehors du régime, mais c'est presque entièrement enlevé dans le régime. Si vous prônez cela, c'est peut-être parce que les avocats veulent travailler dans ce sens, veulent que les citoyens soient indemnisés pour perte, pour souffrance, etc. Tant mieux.

Je vous remercie, M. Cain, de votre présence et de votre mémoire.

M. CAIN: Merci, M. le ministre.

M. O'DONNELL: M. le Président, si vous me permettez de répondre. Je peux affirmer, avec certitude, qu'aucune province au Canada et qu'aucun Etat américain n'ont aboli le droit de recours devant les tribunaux pour des blessures graves. C'est une question de degré et j'irai plus loin en disant qu'avec le programme que le Barreau propose, nous aurons les bénéfices les plus avantageux au Canada et probablement plus que tous les Etats américains aussi.

La plupart des bénéfices aux Etats-Unis sont de l'ordre de $2,000, $3,000 $5,000 et les bénéfices que nous proposons sont d'une valeur bien supérieure. Mais j'affirme que nulle part en Amérique du Nord on n'a aboli le droit d'accès aux tribunaux pour les victimes d'accidents d'automobiles.

M. TETLEY: Mais pas dans le régime. En tout cas, nous allons aussi étudier les chiffres que nous venons de recevoir de vos actuaires. Evidemment, c'est impossible aujourd'hui de répondre ou de discuter de vos chiffres. J'ai reçu le document simplement hier soir et j'ai mis le document dans les mains de nos actuai-

res. Evidemment, ils vont me donner une opinion. Mais je crois que le comité Gauvin étudie aussi vos chiffres. Merci, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): M. le bâtonnier, je vous remercie ainsi que vos confrères et la commission ajourne ses travaux à jeudi, 10 heures.

M. ROY: Est-ce qu'on peut savoir, à ce moment-ci, qui viendra présenter un mémoire devant la commission?

M. TETLEY: C'est la CSN et la Ligue de sécurité.

M. ROY: Est-ce que ce sont les deux derniers mémoires?

M. TETLEY: Oui, à l'exception de MM. Gauvin, Rankin, Belleau et Bouchard, qui reviennent à la demande de notre commission parlementaire, à la demande générale, je crois, les 12 et 17 décembre.

M. ROY: Est-ce que le ministre peut nous dire à ce moment-ci s'il est prévu de tenir une séance pour permettre aux membres de la commission de faire part de leurs recommandations à la commission? Parce qu'il y a la partie de l'interrogatoire des personnes qui sont invitées, mais il y a également l'importance, après avoir étudié aussi longtemps, après le temps que nous y avons mis, de prévoir la tenue d'une période particulière pour permettre aux membres de la commission, aux différentes formations politiques de demander des informations au gouvernement ou de faire part de leurs recommandations.

M. TETLEY: Je trouve une telle session assez importante et la suggestion du député de Beauce-Sud très intelligente.

M. LEGER: M. le Président, pour la journée du 12, les membres du comité Gauvin vont probablement nous donner leur perception, leur réaction devant les différents mémoires.

Est-ce qu'il y aura autre chose qu'uniquement les ententes le 12? Vous avez dit le 17, nous pourrons avoir le temps de digérer ce qu'il va nous dire et en discuter. Est-ce que nous serons spectateurs ou si nous aurons l'occasion de poser des questions et de commencer immédiatement, au moins un début de questions sur les réponses que les représentants du rapport Gauvin pourront nous donner?

M. TETLEY: Je préfère le système voulant qu'un membre de la commission ait le droit de poser des questions au fur et à mesure. C'est pourquoi j'ai demandé au comité Gauvin de nous faire parvenir son mémoire ou ses répliques le plus tôt possible. Si nécessaire, je préfère siéger le 14 au lieu du 12 afin d'avoir deux jours pour lire et relire le mémoire.

M. LEGER: Est-ce que le 14 est un samedi?

M. TETLEY: Pardon, c'est un samedi. Disons, en tout cas, les journées suivantes, soit le mardi suivant. Je préfère, si possible, avoir son mémoire entre les mains, quelques jours avant la présentation, exactement pour cette raison.

M. LEGER: Si nous siégeons le 12, est-ce que les membres du comité peuvent nous présenter leur mémoire le 10?

M. TETLEY: Peut-être aurai-je la réponse jeudi prochain.

M. LEGER: Parfait.

LE PRESIDENT (M. Cornellier): La commission ajourne ses travaux à jeudi, 10 heures.

(Fin de la séance à 13 h 18)

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