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Commission permanente des institutions
financières,
compagnies et coopératives
Etude du rapport Gauvin
Séance du jeudi 5 décembre 1974
(Dix heures treize minutes)
M. LAFRANCE (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs!
Ce matin, lors de la reprise des auditions sur le rapport du
comité d'étude sur l'assurance-automobile, nous avons le plaisir
d'accueillir la Ligue de sécurité de la province de
Québec. Messieurs de la Ligue de sécurité, pour le
bénéfice des membres de la commission, auriez-vous l'obligeance
de vous identifier, s'il vous plaît?
M. LEGER: M. le Président, avant de commencer, pour qu'il n'y ait
pas de précédent, d'un commun accord avec le ministre, même
s'il n'y a pas quorum pour commencer, nous considérons qu'il y a quorum
pour entendre les mémoires et pour les interventions. Cependant, s'il y
avait des difficultés de fonctionnement, il ne faudrait pas que
l'absence de quorum nous lie à des décisions malheureuses. Pour
entendre les mémoires et pour poser des questions, je suis d'accord pour
dire qu'il y a quorum.
M. ROY: M. le Président, si on note qu'il n'y a pas quorum,
j'aimerais quand même noter aussi qu'il y a deux membres de l'Opposition
qui sont ici.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Vous n'auriez pas objection à ce
qu'on nomme tous les membres présents de la commission?
M. ROY: Non, aucunement.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Pour le bon fonctionnement des travaux de la
commission, avant de vous présenter, messieurs, étant
donné qu'il y a deux mémoires à entendre ce matin, on vous
demanderait de vous limiter, si c'était possible, à vingt minutes
dans votre exposé; par la suite, il pourrait y avoir une période
des questions d'environ 40 minutes pour chacun des deux groupements qui seront
entendus. Messieurs.
M. MONDOUX (Yves): Merci, M. le Président. Vous entendez
bien?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui.
Ligue de sécurité de la province de
Québec
M. MONDOUX: Mon nom est Yves Mon- doux. Je suis le directeur
général de la Ligue de sécurité de la province de
Québec. Je vous présente au préalable les excuses de notre
président, M. Henri Bélanger, qui, à cause de
circonstances tout à fait incontrôlables, n'a pu m'accompagner ce
matin. J'ai quand même le plaisir d'avoir avec moi le professeur Lloyd
Thompson, de l'université McGill, qui est directeur d'un projet de
recherche sur les accidents de la route et qui a déjà
effectué plusieurs études. Je fais mention de certaines de ces
études.
Sans plus de préambule, messieurs les membres de la commission,
je passe au mémoire de la ligue. La Ligue de sécurité de
la province de Québec est un organisme de service public à but
non lucratif et sans attache politique, entièrement voué à
la prévention des accidents de la route, au foyer et dans les loisirs.
De par la charte qui lui a été accordée à l'automne
de 1923, elle a pour mission de sensibiliser la population aux nombreux dangers
de la vie quotidienne et à l'action préventive qui s'impose. Elle
accomplit cette tâche par le moyen de l'information, de la formation et
de l'éducation populaires, faisant appel, pour la réalisation et
l'implantation de ses programmes, à l'assistance de tous les organismes
publics, professionnels, gouvernementaux et autres qui s'intéressent au
problème des accidents. La ligue poursuit son oeuvre grâce
à l'assistance financière de plus de 425 entreprises
commerciales, une modeste subvention de gouvernement et la vente de
services.
Ces derniers d'ailleurs lui valent présentement 67 p.c. de la
totalité de son budget annuel.
Les programmes de la ligue s'adressent à la population
entière, depuis les plus jeunes jusqu'aux plus vieux, empruntant des
formules particulières selon les groupements visés,
c'est-à-dire les écoliers, l'élémentaire et le
secondaire, la cellule familiale, le public automobiliste, motocycliste,
cycliste et piétons, les chauffeurs professionnels et les adeptes de
divers sports.
La ligue est dotée d'un centre de documentation sur la
prévention et d'une cinémathèque. Plus de 225 compagnies
de transport souscrivent à son programme de sécurité pour
flottes motorisées et quelque 500 écoles
élémentaires sont abonnées à ses programmes de
prévention routière. Famille avertie, la première revue
française au Canada qui traite de la prévention des accidents de
tout genre, véhicules automobiles, chutes, noyades, incendies, asphyxie,
empoisonnements, armes à feu et autres, est destinée à la
cellule familiale et compte déjà plus de 20,000 abonnés.
Le premier numéro a été lancé le 8 octobre dernier.
Le grand intérêt soulevé dans le milieu industriel indique
qu'un tirage de 50,000 exemplaires sera probable en 1975. D'ailleurs nous avons
fait tenir un exemplaire de cette revue à tous les députés
de l'Assemblée.
Sur le plan de la conduite préventive, la ligue a inscrit, en 18
mois d'activité, plus de
2,000 candidats tirés du grand public. Elle poursuit son oeuvre
de recrutement avec l'assistance bénévole de deux postes
radiophoniques à haute écoute dans la province.
Bref, la ligue dessert les besoins de centaines de groupements de toutes
sortes répartis à travers la province. Elle participe à de
nombreux programmes d'information publique de même qu'au travail de
nombreux comités de prévention relevant d'autres organismes
publics et privés, et, ce faisant, rallie à la cause de la
prévention les activités coordonnées de nombreuses
collectivités qui, autrement, risqueraient de faire double emploi.
La ligue est reconnaissante à la commission parlementaire pour
l'occasion qui lui est offerte d'apporter certaines précisions sur les
recommandations explicitées dans le rapport du comité Gauvin, sur
l'assurance automobile, avec l'espoir que ces précisions
éclaireront davantage les membres de la commission, le moment venu de
décider du plan d'action à suivre.
Permettez-nous au préalable de féliciter les membres du
comité Gauvin pour la grande conscience dont ils ont fait preuve en
réalisant l'immense tâche que représente l'étude en
question. De par ses attributions et compétences, la ligue est
limitée à la première partie du rapport,
c'est-à-dire la sécurité routière.
Compte tenu de l'objectif principal de l'étude du comité
Gauvin à savoir l'indemnisation la plus complète possible des
victimes d'accidents d'automobile selon un système efficace et peu
coûteux et l'excellente tentative dudit comité à expliquer
les raisons qui font que le Québec possède une des pires fiches
d'accidents routiers, non seulement parmi les provinces canadiennes, mais parmi
les pays du monde, la ligue déplore le fait qu'il n'y ait eu aucune
tentative pour établir une relation entre le coût des accidents et
le coût des primes d'assurance. Cette omission met en doute, au tout
départ, le fait qu'une diminution des accidents peut amener une
diminution du coût des primes d'assurance.
Après de nombreuses constatations sur le problème des
accidents, et malgré d'excellentes recommandations, recommandations 1
à 18 inclusivement, auxquelles la ligue souscrit moyennant certaines
modifications qu'elle estime indispensables à l'établissement
d'une véritable politique de sécurité routière, le
comité sème à nouveau le doute sur l'efficacité de
telles mesures à répondre aux objectifs de l'étude, en
déclarant à la page 348 du rapport, ce qui suit: "II est
indéniable qu'une diminution dans la fréquence et la
gravité des accidents réduit le coût des pertes. Cependant,
les études du comité font ressortir qu'une telle
réduction, sauf pour quelques mesures ici, on ne dit pas
lesquelles ne saurait apporter qu'à long terme les
résultats escomptés et, dans certains cas, au prix de
déboursés considérables".
C'est le retour à la question des fonds que le comité juge
indispensables tout au long de l'étude. Si les mesures
recommandées sont indispensables, il ne faudrait pas faire avorter un
programme aussi largement acclamé en semant le doute quant au coût
de l'implantation.
La ligue croit non seulement que les mesures préconisées
sont indispensables mais que leur implantation est urgente.
Enfin, toutes les compagnies d'assurance automobile s'accordent à
dire que la haute fréquence des accidents au Québec constitue
l'un des éléments importants de la hausse des primes. Nous citons
à l'appui la déclaration de M. Charles Moreau, directeur du
Bureau d'assurance du Canada, dans le mémoire qu'il a
présenté à la commission : "Nous devons compter avec les
accidents comme éléments d'importance, avant que les primes
d'assurance ne soient réduites au Québec".
Nous avons le sentiment que le comité a, très subtilement,
relégué à l'arrière-plan l'importance de diminuer
les accidents, affichant ainsi le même manque de volonté ferme qui
a caractérisé les actions de l'Etat en matière de
sécurité routière et qu'il signale dans ses conclusions en
page 91. Nous citons: "Les organismes qui font des suggestions d'amendements
ont l'impression que leurs recommandations tombent dans l'oreille d'un sourd.
On ne saurait nier que plusieurs efforts aient été faits pour
corriger la situation. Mais on n'y sent pas, sauf de la part de quelques
individus vraiment intéressés au problème, une
volonté ferme de le résoudre en priorité". Plus loin:
"Pour avoir fait défaut d'affronter le problème dans son
ensemble, on doit constamment avoir recours à des palliatifs. C'est une
lacune plus importante qu'il n'y peut paraître parce qu'une action mal
coordonnée ou des règlements mal appliqués ont bien des
chances de perdre une partie de l'efficacité qu'on en attendait et de
miner la confiance de la population dans leur utilité".
Alors, pourquoi tant d'accidents au Québec?
Le comité constate, dans le rapport, que plusieurs pays, en
dépit des conditions particulières qui les affectent, ont
réussi, avec des mesures appropriées, à réduire le
taux des accidents.
La tendance à la baisse n'est pas le résultat du hasard.
Elle est le résultat de mesures correctives qui découlent des
trois grandes disciplines de la prévention: éducation,
ingénierie et législation, c'est-à-dire les lois et leur
application. Ces mesures permettent d'exercer une influence positive sur les
facteurs principaux des accidents, c'est-à-dire le conducteur, la route
et le véhicule, et de mettre sur pied les mécanismes de
contrôle qui s'imposent.
Les résultats obtenus dans les autres pays et/ou les autres
provinces sont proportionnels à la qualité des mesures et au
sérieux que les autorités leur accordent. Ceci suppose une
foule
de prérequis dont des compétences nécessaires, des
moyens de recherche adéquats, des banques de données
statistiques, des programmes de formation, d'éducation et d'information
populaire, des équipes et des centres d'inspection mécanique des
véhicules et d'analyse, des lois et des normes réalistes et
praticables et surtout des autorités véritablement convaincues du
bien-fondé et de l'extrême urgende de telles mesures.
Tout ceci a été signalé dans le rapport. Nous
savons aussi que tous les énoncés et les recommandations portant
sur la sécurité routière ont été
acclamés par tous comme un grand pas vers la solution du problème
ou "risque social" engendré par l'automobile.
Puisque nous en sommes à l'heure des vérités et des
prises de conscience, nous nous devons de reconnaître qu'un manque de
conviction marqué de la part de l'Etat est à la base du
problème des accidents routiers au Québec et que le laisser-faire
qui caractérise nos lois routières a engendré
effectivement l'indiscipline des conducteurs québécois.
Nous signalons à nouveau que le public n'attachera aux mesures de
sécurité routière préconisées que
l'intérêt et le sérieux que l'Etat lui-même leur
attachera.
Ce manque de conviction est aussi cause de la pénurie d'effectifs
humains et autres signalée par différents ministères
concernés, effectifs qui sont indispensables à une application
sérieuse des contrôles prévus par la loi. A cause de ces
lacunes, d'excellentes mesures correctives et dissuasives ont été
réduites à des demi-mesures. Les résultats qu'on
attendait, évidemment, ne se sont pas concrétisés.
Cet état de choses a amené une forte portion de la
population à conclure qu'il s'agissait beaucoup plus de faire bonne
figure que d'apporter une solution au problème.
Parmi les mesures qui ont été réduites à des
demi-mesures, nous citons:
A. La conduite préventive, que l'on désignera sous
le sigle CCP.
Ce programme d'éducation populaire de huit heures a fait ses
preuves à travers le continent nord-américain comme moyen
efficace de recycler les conducteurs et le plus apte à modifier les
mauvaises attitudes au volant.
Nous citons à l'appui l'étude Menzies effectuée
pour le Manitoba Safety Council. L'étude porte sur le comportement de
2,155 conducteurs manitobains durant la période de novembre 1967
à novembre 1970 inclusivement. Je fais une correction, ici. C'est une
période de 37 mois plutôt que 20 mois, tel que cité ici.
Les dossiers d'accidents et d'infractions aux règles de la circulation
des sujets ont été relevés pour la période en
question. En avril 1969, le groupe prenait un cours de conduite
préventive.
En comparant les fiches routières des sujets pour les 17 mois qui
ont précédé la tenue des CCP et celles des 20 mois qui ont
suivi, on a relevé une diminution de 32.6 p.c. du nombre des accidents
et de 22.4 p.c. du nombre des infractions au code de la route. Plusieurs autres
études américaines, d'ailleurs, ont obtenu les mêmes
résultats.
Le programme des CCP a fait ses débuts au Québec en 1969,
sous l'égide du gouvernement. Malgré les efforts louables du
Service de la sécurité routière, une pénurie de
personnel et de fonds a fait que le programme est devenu une demi-mesure.
Pourtant, à l'extérieur du Québec, on a su l'utiliser
à profit, tant pour les conducteurs sans fiche d'accident que pour les
récidivistes.
Plus d'un million de conducteurs canadiens ont suivi le cours, dont
environ 50,000 au Québec. La plupart des grandes entreprises nationales
y inscrivent leurs employés. Dans les forces armées canadiennes,
les CCP sont même un prérequis pour l'obtention du permis de
conduire particulier à cette agence. Cinq compagnies d'assurance au
pays, dont une seule au Québec, offrent des réductions de primes
aux gradués des CCP, allant de $5 annuellement jusqu'à $26. Dans
l'Etat du Texas, 90 p.c. des compagnies d'assurance offrent des rabais de 10
p.c. aux gradués des CCP. Dans plusieurs provinces, les magistrats
imposent les CCP plutôt que des amendes pour infraction au code de la
route. On les utilise même avec le système de
démérite.
Nous passons à ce système: Le système de
démérite est en vigueur dans une forte partie des provinces
canadiennes et dans plusieurs Etats américains où il produit,
généralement, les résultats espérés,
particulièrement en Ontario.
Comme l'a signalé le comité, le système a
été adopté et mis en vigueur au Québec sans qu'il y
ait eu de communications suffisantes entre les différents services
gouvernementaux impliqués dans l'application du système, en
commençant par l'obligation de l'appliquer partout, les
pénalités qui s'y rattachent et les conflits possibles avec
certaines dispositions du code.
Le système de démérite est l'outil par excellence
pour exercer sur le conducteur le contrôle adéquat que mentionne
le comité, je cite le rapport Gauvin à la page 71, article III,
le conducteur.
La Ligue formule à ce sujet les recommandations suivantes: Elle
appuie fortement la recommandation 15 du comité et propose, pour que le
système de démérite soit repensé et conçu en
fonction d'une véritable politique de prévention des accidents et
de sécurité routière, les amendements suivants: 1- La
réévaluation des pénalités, en termes de points, en
fonction de la gravité des infractions commises. Nous avons appris,
dimanche, que ceci était déjà fait. 2- l'adoption des CCP
à titre de mesure corrective équitable. Et nous proposons les
mesures suivantes: a) lorsque le récidiviste cumule 8, 9 ou 10 points,
il devra s'inscrire à un cours de conduite préventive
dispensé par des moniteurs attitrés par le gouvernement, sous
l'égide d'organismes reconnus; b)lorsque le récidiviste cumule 12
points, on
lui accordera le choix entre un nouveau recyclage, cette fois pratique
aussi bien que théorique, ou la suspension immédiate de son
permis de conduire. Un nouveau recyclage, effectué à ses propres
frais, aura pour effet de convaincre le conducteur du sérieux du
gouvernement vis-à-vis son comportement au volant, tout en lui accordant
l'occasion de modifier ses attitudes. Ce deuxième recyclage lui vaudra
une diminution de deux points.
La suspension du permis sera automatique la deuxième fois que le
récidiviste cumulera 12 points.
La ligue recommande qu'il n'en soit pas autrement dans le cas d'une
personne devant conduire un véhicule à moteur dans l'exercice de
son travail.
L'indtroduction du permis restreint au travail, pratique devenue
courante, enlève au système toute son efficacité et le
réduit au rang des mesures inefficaces. Le conducteur coupable
d'infractions répétées, à qui on suspend le permis
de conduire lorsqu'il cumule 12 points, la deuxième fois, ne
mérite aucunement qu'on lui permette de continuer d'être un danger
public sur les routes sous prétexte qu'il doit conduire pour gagner sa
vie.
Si le droit à gagner sa vie implique aussi le droit de porter
atteinte à la santé et au bien-être des autres, il y a
illogisme et discrimination à l'égard de maintes autres personnes
qui, dans d'autres domaines de travail mais dans des circonstances similaires,
se voient révoquer leur emploi.
De plus, le facteur "exposition/risque" est beaucoup plus
élevé pour celui qui doit conduire dans l'exercice de son travail
que pour l'automobiliste moyen.
La formation des conducteurs: Même si les véhicules
à moteur sont relativement faciles à conduire, il n'en reste pas
moins qu'à cause des volumes et des vitesses permises, une formation
à la technique de la conduite est indispensable au conducteur pour
assurer sa sécurité et celle des autres usagers de la route.
Commençons par la conduite automobile: L'enseignement de la
conduite automobile se fait à deux niveaux: en milieu scolaire, dans les
écoles dites secondaires; en milieu dit commercial, dans les
écoles de conduite professionnelles. Dans les écoles secondaires,
l'enseignement de la conduite automobile est facultatif, sauf pour les
écoles de métiers. Alors qu'en Ontario on est arrivé
à offrir les cours dans plus de 95 p.c. des écoles, et ce
grâce à une assistance particulière du gouvernement, au
Québec, les cours sont disponibles dans moins de 20 p.c. des
écoles.
M. HARVEY (Charlesbourg): Je m'excuse, M. le Président. Je
voudrais, pour le bénéfice du journal des Débats,
mentionner au directeur général qu'il a, par inadvertance sans
doute, sauté la page 12. Je pense que pour la logique du lecteur
silencieux à la maison ou intéressé au journal des
Débats, il aurait peut-être fallu, après le dernier
paragraphe de la page 11: "De plus, le facteur "exposition/risque"... ensuite
aller à: "Nous croyons bon de citer..." puisque là, nous en
arrivons à votre recommandation principale à cet
égard.
M. MONDOUX: Effectivement, j'ai cru bon de sauter...
M. HARVEY (Charlesbourg): Voyez comme on vous écoute
religieusement.
M. MONDOUX: ... à cause du facteur temps.
M. HARVEY (Charlesbourg): Ah! bien, écoutez...
M. MONDOUX: Si vous estimez que je dois le lire, je vais le lire avec
plaisir.
M. HARVEY (Charlesbourg): Je crois que, pour le journal des
Débats, c'est important puisqu'il y a des références quand
même assez savantes relativement à des études
effectuées en Californie, aux Etats-Unis, et l'extrapolation...
M. LEGER: Je n'ai pas d'objection, mais puisqu'on jugeait que ce
n'était pas pertinent et qu'on pouvait raccourcir...
M. HARVEY (Charlesbourg): Non, non! On voit que c'est par inadvertance
que la page a été sautée et par honnêteté
intellectuelle, je l'ai mentionné à notre invité.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Maintenant, monsieur...
M. HARVEY (Charlesbourg): Je préférerais qu'on aille
à la page 12, si vous voulez. Je le préférerais. Je pense
que...
LE PRESIDENT (M. Lafrance): C'est que j'ai demandé au
début de la séance d'essayer autant que possible de...
M. HARVEY (Charlesbourg): Oui, cela va bien. On est rendu à la
page 12 et il y a le tiers du temps de passé. Cela va bien, cela va
très bien.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, on a 20 minutes pour l'exposé et
40 minutes de questions.
M. HARVEY (Charlesbourg): Oui, mais il ne faut quand même
pas...
M. LEGER: Nous avons deux mémoires. Est-ce que le
député est au courant qu'il y a deux mémoires
aujourd'hui?
M. HARVEY (Charlesbourg): Est-ce que le député est au
courant que je suis au courant qu'il y a deux mémoires aujourd'hui?
M. LEGER: Je n'ai pas d'objection, mais...
M. HARVEY (Charlesbourg): Non, écoutez là...
M. LEGER: ... nous avons le mémoire... LE PRESIDENT (M.
Lafrance): A l'ordre!
M. LEGER: Est-ce que je peux avoir la parole, M. le
Président?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Un instant, je voudrais faire la mise au
point, et on va essayer de s'entendre. Cela ne sert à rien de se
chicaner, de discuter...
M. LEGER: Non, non...
LE PRESIDENT (M. Lafrance): ... sur cette question, savoir est-ce que le
député sait ou ne sait pas...
M. LEGER: M. le Président, une question de règlement. Je
voudrais une directive de votre part.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, je voudrais dire...
M. LEGER: Est-ce que je peux vous la demander avant?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord, allez-y donc!
M. LEGER: Je sais qu'il y a deux mémoires, M. le
Président, et que c'est très intéressant ce que notre
invité est en train de nous dire, mais il voulait justement le
résumer. Combien de temps reste-t-il théoriquement? Puisqu'il
faut quand même lui laisser le temps de donner l'ensemble.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Sur la présentation?
M. LEGER: Oui.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Effectivement, il resterait de trois
à quatre minutes. Alors si vous pouviez résumer.
M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, sur la même
question, j'ai hâte de voir la réaction du même
député tout à l'heure. Il vous demande de dire à M.
Mondoux, représentant de la Ligue de sécurité du
Québec, d'aller plus vite. Or on sait que cet après-midi ou ce
matin la CSN déposera son rapport et lira ses 138 pages; j'ai hâte
de voir s'il va demander aussi d'aller plus vite. J'ai bien hâte de voir
ça de toute façon. Comme je suis prudent, je ne m'avance pas
là-dessus.
M. LEGER: M. le Président, moi aussi je vais être prudent.
Je veux simplement dire que nous avons deux mémoires qui sont importants
tous les deux; je n'ai pas évalué qui est le plus important, ils
sont tous importants. Je pense qu'il faut se diviser la période que nous
avons en temps à peu près égal, pour les deux
mémoires. C'est tout ce que j'essaie d'obtenir pour que les deux aient
justice.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le principe, d'ailleurs, de la commission,
c'est d'accorder le même temps pour tous ceux qui ont des mémoires
à présenter. Si les membres de la commission veulent laisser M.
Mondoux faire son exposé pendant 60 minutes, je n'ai aucune
espèce d'objection, mais on sera obligé de se limiter à la
période des questions par la suite. Que le député de
Charlesbourg soit d'accord, ça ne veut pas dire que tous les membres de
la commission sont d'accord là-dessus. On va limiter d'autres
intervenants qui auraient des questions à poser. On m'a informé
tout à l'heure qu'il y en avait d'autres qui avaient de quoi à
dire, alors je demanderais à M. Mondoux de continuer
d'accélérer un petit peu pour rendre justice à tout le
monde, s'il vous plaît.
M. MONDOUX: Vous m'accordez quand même la période de dix
minutes qui vient de s'écouler pour les discussions?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord, allez-y.
M. LEGER: D'accord.
M. MONDOUX: Est-ce que vous voulez que je reprenne la page 12 ou
quoi?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): On vous laisse juge.
M. MONDOUX: L'exemple que nous voulions apporter à l'appui
était le fait qu'une étude aux Etats-Unis, effectuée en
Californie, démontre la relation entre le nombre des infractions et le
nombre des accidents. Nous citons: "Conviction and accident frequencies tend to
rise together regardless of the type of conviction being considered. The more
traffic convictions of any type of a group of drivers have on their records,
the more accidents they are also likely to have on record".
Une autre étude, qui provient de l'Etat du Maryland et qui est
intitulée: "Prior Violation Records of 1,447 Maryland Drivers Involved
in Fatal Accidents" dit ceci : 1) Parmi les 1,447 sujets à
l'étude, 34 p.c. des conducteurs, soit 241, avaient perdu leur permis de
conduire durant leur carrière de conducteurs et 2) Dans 5 p.c. des cas
d'accidents mortels à l'étude, les conducteurs avaient perdu, par
révocation, leur permis de conduire. Alors ça se rattache
directement à cette formule de points du système de
démérite.
Et nous poursuivons maintenant par l'enseignement de la conduite
automobile. L'enseignement est dispensé dans les écoles
secondaires et aussi dans les écoles professionnelles.
Nous venons de citer qu'alors qu'en Ontario les cours sont
dispensés dans 95 p.c. des écoles secondaires, au Québec,
ils sont disponibles, je dois dire, dans moins de 20 p.c. des
écoles.
Pour ce qui est des écoles de conduite professionnelles, c'est au
Québec qu'on retrouve aussi la législation la plus
sévère concernant les qualifications des instructeurs et
moniteurs. On n'en est pas, pour autant, encore arrivé à
établir un programme uniforme d'enseignement, sauf pour les minimums
d'heures de pratique et de théorie. Les résultats que l'on
connaît, à savoir que la situation laisse encore à
désirer dans certaines écoles, sont dus à une
pénurie de personnel qualifié pour exercer les contrôles
prévus par la loi. Nous signalons qu'à exception près les
cours de conduite automobile offerts en milieu scolaire sont dispensés
par les écoles de conduite professionnelles.
La motocyclette. Dans ce domaine, le gouvernement vient tout
récemment de terminer un programme de formation de moniteurs. Ces
derniers sont suffisamment nombreux, maintenant, pour répondre à
toute demande de cours. Il ne reste plus qu'à attirer des organismes
diffuseurs, geste qui presse, car le Québec compte le parc de
motocyclettes le plus nombreux au Canada. Le facteur pénurie de
personnel pose, dans ce domaine, le même problème qu'ailleurs.
La motoneige. Dans ce domaine, le Québec, encore une fois,
possède la législation la plus sévère et la plus
complète, et ce en dépit des quelques illogismes relevés
par le comité. Ce qui importe, c'est que le cours
préconisé soit maintenant disponible. Cependant, le
problème d'accessibilité n'a pas encore été
résolu faute, nous dit-on, de personnel qualifié.
Le cycle à moteur. Pour le moment, rien de concret tant sur le
plan des exigences de la conduite que de l'immatriculation des véhicules
eux-mêmes. Il s'agit d'un phénomène assez récent qui
risque cependant de poser des problèmes très sérieux en
termes d'accidents de la route, à moins qu'une action positive ne soit
amorcée immédiatement.
La bicyclette. La bicyclette fait, depuis quelques années,
l'objet de la faveur du public adulte aussi bien que des jeunes. Elle pose,
présentement, un problème aussi sérieux que celui de
l'automobile. Le parc des bicyclettes est beaucoup plus nombreux que celui de
l'automobile; il y a plus de trois millions de bicyclettes au Québec. La
plupart circulent sur les voies publiques. La moyenne d'âge des
conducteurs est de 12 ans. L'indiscipline des cyclistes sur les voies publiques
est connue de tous, mais totalement ignorée par la
société. Cette fois, il y va de l'attitude irresponsable des
parents qui invitent les enfants à jouer dans la rue, pis encore, dans
la circulation routière.
Pour le public, la bicyclette reste toujours un jouet. Les complications
légales sont trop nombreuses et la jurisprudence a peu de
précédents pour la guider en de telles circonstances. En
pratique, l'utilisation de la bicyclette sur les voies publiques semble
être libre de toute contrainte réglementaire. Cependant, le code
est formel quant au comportement du cycliste. Néanmoins, on permet aux
jeunes cyclistes de faire fi des lois de la circulation jusqu'à ce
qu'ils atteignent l'âge de conduire un véhicule automobile, alors
que s'opérera le grand miracle. Parce qu'ils seront au volant d'un
véhicule automobile, les jeunes devront soudainement devenir respectueux
des lois de la circulation. Les attitudes, nous dit-on, ne se changent pas
facilement. Comment expliquer l'attitude de la société?
Il existe un excellent cours de formation à la conduite de la
bicyclette connu sous le nom de Cours du parfait cycliste. Ce cours a fait ses
preuves à travers le Canada. La ligue recommande fortement que les
autorités entreprennent les démarches nécessaires pour que
soit reconnu ce cours et qu'il soit offert dans les écoles
élémentaires à titre de sujet facultatif. Le moment le
plus propice, il nous semble, serait les deux dernières semaines de
l'année scolaire, alors que les programmes d'étude sont
terminés et que les sujets d'ordre pratique sont recherchés. La
ligue ne peut concevoir d'enseignement plus valable pour les jeunes à la
veille des vacances d'été.
Nos recommandations à ce sujet sont les suivantes: Pour
répondre aux exigences d'une véritable politique de
prévention routière, la ligue juge indispensables toutes les
recommandations du comité et soumet les suivantes à titre de
complément essentiel.
Premièrement, qu'un cours de conduite automobile suivi dans une
école attitrée par le gouvernement soit établi comme
prérequis pour l'obtention du premier permis de conduire de tout nouveau
conducteur.
Deuxièmement, que l'enseignement de la conduite automobile soit
disponible dans toutes les écoles dites secondaires, tout en demeurant
un sujet facultatif.
Troisièmement, que les cours de conduite préventive, dans
la formule pédagogique qu'on leur connaît présentement,
soient reconnus comme moyen par excellence de recyclage pour tous les
conducteurs de véhicules automobiles et que le gouvernement encourage
ces derniers à s'y inscrire après au moins une année
d'expérience au volant.
Quatrièmement, que les CCP soient intégrés au
système de démérite, à titre de moyen efficace pour
réhabiliter les conducteurs contrevenants, en exigeant que s'inscrivent
obligatoirement à un cours CCP et le terminent avec succès tous
les conducteurs qui auront cumulé 8, 9 ou 10 points de
démérite, d'une part, et, d'autre part, toux ceux qui auront
cumulé 12 points et plus.
Cinquièmement, que soit requis de suivre obligatoirement un cours
reconnu de conduite
préventive tout conducteur d'un véhicule impliqué
dans un accident de la route avec dommage à la propriété
de $200 et plus, ou avec blessures corporelles, y compris perte de vie ledit
conducteur ayant l'obligation de terminer le cours dans un délai de six
mois suivant l'accident, compte tenu de son état de santé et de
la disponibilité des cours.
Sixièmement, que la suspension du permis de conduire soit
automatique et irrévocable dans le cas de tout conducteur cumulant 12
points de démérite ou plus, pour la deuxième fois au cours
de la période de durée de son dossier, compte tenu du fait que
les points cumulés sont effacés à tous les deux ans.
Septièmement, que les lois de la circulation concernant le
comportement du cycliste sur les voies publiques soient révisées
en fonction des exigences de la circulation moderne, de façon qu'elles
soient praticables et qu'une application sévère soit
exigée : que soit reconnu le cours du parfait cycliste, en vue de
l'offrir dans les écoles élémentaires à titre de
sujet facultatif.
Le port des ceintures de sécurité: La ligue appuie
pleinement la recommandation 10 du comité sur le port obligatoire des
ceintures de sécurité dans les véhicules ainsi
équipés, sauf pour la portion portant sur l'indemnisation des
victimes d'accidents.
Le but de la recommandation est de diminuer la gravité des
blessures subies par les occupants d'un véhicule automobile durant
l'accident. Nous sommes tous conscients de la résistance du public
à porter les ceintures en voiture, et ce parce qu'on estime qu'il y a
peu de danger à ne pas les porter ou encore que les ceintures ne sont
véritablement pas efficaces. Ce sont là des notions
erronées. La preuve du contraire est fermement établie. Tout
automobiliste s'estime bon juge de ce qui vaut ou ne vaut pas pour assurer sa
sécurité en voiture, alors que dans les avions, où peu de
gens s'estiment connaisseurs, tous les passagers utilisent la ceinture de
sécurité sans pouvoir s'objecter. Question d'éducation
populaire.
La ligue estime qu'en coupant de moitié l'indemnisation de la
victime qui sans raison valable n'a pas bouclé sa ceinture de
sécurité, les législateurs feraient preuve de
sérieux, ce qui, de pair avec un argument aussi convaincant, assurerait
d'emblée un respect plus répandu de la loi et une
probabilité plus élevée des résultats
espérés.
Recommandation: Ainsi, à la recommandation 10 du rapport, la
ligue ajoute qu'on substitue à la dernière phrase qui fait suite
aux mots "pour défaut d'obtempérer" ce qui suit: "que soit
diminuée de moitié l'indemnisation d'une victime d'accident qui,
sans raison valable, a omis de boucler la ceinture de
sécurité."
Il faut éviter de faire d'une telle loi une autre mesure
inefficace.
L'inspection mécanique des véhicules automobiles: Le
système présent d'inspection fonc- tionne tant bien que mal et ne
donne pas les résultats espérés pour les mêmes
raisons que nous avons déjà énumérées:
pénurie de personnel qualifié et de fonds adéquats, et le
"laissez-faire".
Recommandation: La ligue recommande l'adoption d'un système
d'inspection mécanique de tous les véhicules automobiles de plus
d'un an, obligatoire annuellement.
Environ 10 p.c. à 11 p.c. des accidents de la route sont
imputables à des défectuosités mécaniques. De plus,
le problème des tacots, qui s'avère de plus en plus aigu, serait
réglé.
La formule la moins dispendieuse et la plus pratique serait d'attitrer
des garagistes mécaniciens ou des garagistes ayant à leur emploi
des mécaniciens qualifiés, à travers la province, et
d'exercer une surveillance sévère. En ceci, la recommandation de
la ligue rejoint celle de l'Association pour la protection des
automobilistes.
La surveillance routière. Le comité a noté, et la
ligue concorde avec lui, que la surveillance routière comporte certaines
lacunes qu'on pourrait facilement corriger. Dans d'autres provinces, notamment
en Ontario, on applique les lois avec beaucoup plus de
sévérité qu'au Québec. Ce fait est
généralement reconnu de la plupart des automobilistes
québécois, dont l'insouciance des règles de la circulation
tend à disparaître dès qu'ils franchissent la
frontière.
La ligue estime qu'avec des effectifs humains et budgétaires
convenables et la bonne volonté des corps policiers le problème
peut être surmonté sans difficulté majeure.
Recommandation: Elle appuie la recommandation 17 du comité avec
la précision que des escouades de la circulation soient formées
à l'intérieur des corps existants plutôt que des corps
policiers indépendants.
La formule des escouades permettrait aux membres d'un même corps
de police de compter sur la diligence de leurs confrères qui, tout en
étant affectés à d'autres services, pourraient alerter
l'escouade de la circulation lorsque témoins de manoeuvres dangereuses
de la part des automobilistes, ou encore de la présence sur les routes
de véhicules dont l'état physique semble douteux.
La signalisation routière: La ligue appuie la recommandation 5
avec les précisions suivantes concernant les panneaux de signalisation
routière, à savoir que le système soit
amélioré de façon à utiliser, autant que puisse se
faire, des symboles, compte tenu du besoin qui s'impose d'uniformiser la
signalisation au pays et des tendances à se rapprocher du système
international.
Pour ce qui est des besoins d'une signalisation sécuritaire aux
abords des chantiers, la ligue suggère de rajouter les mots suivants:
"particulièrement en ce qui a trait aux précautions à
prendre lorsque les équipes des entrepreneurs routiers laissent du
matériel sur
place, qu'ils font des excavations temporaires ou laissent des piquets
qui constituent des dangers pour les automobilistes". En venant, ce matin, nous
avons constaté cette situation sur la route.
Les services ambulanciers. Etant donné le fait qu'une forte
proportion des victimes d'accidents meurent à cause de soins
inadéquats immédiatement après l'accident ou à
cause de la lenteur qu'on met à hospitaliser les victimes la
Fondation de recherche sur les blessures de la route estime à 30 p.c.
les cas de mortalité dans de telles circonstances la ligue appuie
pleinement la recommandation 6 et suggère aux autorités de tenir
compte de l'étude présentement effectuée par la
fondation.
Les routes. La ligue souscrit à la recommandation 4, à
savoir que soient uniformisées et contrôlées les normes de
construction et d'entretien des routes de la province, compte tenu de la
nécessité d'apporter des améliorations au chapitre de la
suppression des causes de danger en bordure des routes et d'aménager de
meilleurs systèmes de garde-fous.
Les piétons. L'implication des piétons dans les accidents
de la route n'a été signalée que très
brièvement dans le rapport. Les piétons constituent une forte
proportion du total des victimes mortelles de la circulation, soit 21.37 p.c.
(Statistiques d'accidents, Québec 1972), dont 35 p.c. des victimes ont
moins de 15 ans et 26.22 p.c. ont 65 ans et plus.
Le problème des piétons est généralement
négligé partout. Tout programme d'information visant à
améliorer le sort du piéton en circulation devra s'adresser
à priori aux moins de 15 ans et aux plus de 65 ans.
Comme plus de la moitié des accidents impliquant des
piétons surviennent après la tombée du jour, il y aura
lieu de tenir compte des moyens de rendre les piétons plus visibles le
soir.
Recommandation. La ligue propose que des recherches plus poussées
soient amorcées sur la question et qu'une campagne d'information soit
lancée conjointement par les services gouvernementaux provinciaux et
locaux chargés de la sécurité routière et tous les
organismes de prévention avec l'aide des milieux scolaires et des
organismes de services publics.
L'information et l'éducation populaire. La prévention
routière se situe à plusieurs niveaux.
C'est un travail multidisciplinaire qui exige une coordination de tous
les éléments nécessaires à l'élaboration et
à l'application de tous les programmes, lois et mesures de
sécurité jugées indispensables au maintien de la
santé publique sur les routes. Ceci comprend la recherche, l'analyse, la
compilation de données statistiques, l'établissement des
priorités d'action, la conception, l'information, la formation et
l'éducation.
La recherche est prioritaire. On ne saurait entreprendre un programme
d'action à moins qu'il ne se fonde sur des faits. Dans ce domaine, les
données statistiques sont de la plus haute importance. De plus, les
données doivent se conformer à des critères uniformes qui
permettent d'établir des comparaisons valables avec, tout au moins, les
autres provinces.
Qu'il s'agisse d'une nouvelle législation, d'un programme ou
d'une nouvelle mesure de sécurité, le public doit en être
informé. Si on veut éviter que le public automobiliste et
piéton ne reste le "témoin passif d'un système dont la
logique ne lui est pas toujours évidente", il faut l'informer à
chaque instant de toute initiative ou nouveau fait apte à influencer son
comportement en circulation routière.
S'il s'agit de nouvelles lois, de cours de formation, il faut l'en
informer aussi. Comme le degré de mémorisation de l'être
humain est relativement faible il baisse à 23 p.c. après
trois semaines un rappel s'impose constamment. Dans la
prévention, ce rappel revêt le même degré
d'importance que la formation et les mesures législatives, correctives
ou autres. Ce rappel, qui ne constitue pas en soi une formation
professionnelle, devient une forme d'éducation populaire qui doit
s'exercer sans relâche. Pour ce faire, une collaboration étroite
s'impose entre tous les services gouvernementaux et les organismes
privés et publics qui oeuvrent dans le domaine. Le public est plus
accessible aux organismes privés qu'aux organismes gouvernementaux.
Comme les accidents se produisent un à un, ils ne peuvent
être évités qu'un à un, d'où le besoin
d'exercer un rappel constant des règles et mesures de prévention
auprès de chaque individu.
La tâche est énorme. Nous profitons de l'occasion pour
réitérer aux autorités de l'Etat le désir de la
ligue de collaborer avec lui en tout ce qui a trait à la
prévention routière.
Ainsi, nous recommandons que les autorités chargées de la
compilation des données statistiques collaborent avec Statistique Canada
à l'établissement d'un système de données
statistiques routières valables à l'échelle du pays.
Conseil de sécurité routière. La ligue souscrit
à la recommandation 18 de la commission relativement à la
"création d'un organisme chargé de toute la
sécurité routière et disposant de fonds annuels
équivalant à 1 p.c. des primes d'assurance-automobile vendues
dans la province".
La ligue appuie entièrement les objectifs visés à
savoir "un organisme qui serait à la fois laboratoire, centre d'essai,
banque de données, bureau de recherche et agent critique de tout ce qui
se fait ou ne se fait pas au Québec, en matière de
sécurité routière, un organisme qui puisse faire une
évaluation globale, comparative et constante des règles de
sécurité routière".
Toutefois, comme la commission s'est abstenue de traiter des structures
administratives dudit conseil de sécurité et de sa nature
véritable au sein de l'administration gouvernementale, la ligue
désire soulever les points suivants: 1. Le conseil sera-t-il un
organisme purement
gouvernemental dans lequel tous les participants seront des
fonctionnaires publics? Ou sera-t-il un organisme paragouvernemental? Cette
dernière formule permettrait une représentation et une
participation active des organismes et groupements privés et publics.
Selon la commission, "il s'agit d'un domaine qui requiert pour son bon
fonctionnement la participation active non seulement des administrateurs mais
aussi des administrés". 2. Qu'il s'agisse d'un organisme gouvernemental
ou paragouvernemental, comment interpréter la déclaration
suivante qui, de prime abord, semble indiquer un désir d'utiliser les
services et les compétences déjà à l'oeuvre, mais
qui, après une analyse des possibilités d'application, accuse une
possibilité d'effets contraires, à savoir et nous citons
ici la déclaration de la commission "car sa création
du conseil n'implique pas que disparaissent tous les services
impliqués dans cette oeuvre, à condition que soit
évité le double emploi".
Faut-il entendre par cette condition que sera jugé de faire
double emploi tout organisme ou groupement oeuvrant dans un domaine particulier
que le nouveau conseil déciderait de faire sien, et que devra
disparaître cet organisme même s'il possède une expertise en
la matière et y oeuvre depuis plusieurs années? 3. Enfin, comme
le conseil aurait droit de regard ou d'investigation sur une foule
d'activités réparties dans plusieurs ministères, dont
Transport, Justice, Education, Travail et Affaires sociales, quoique le
comité ne l'explicite pas, le conseil ne devrait-il pas relever de la
plus haute autorité gouvernementale?
Si la ligue signale ces possibilités, c'est qu'elle
déplorerait la création d'un autre empire gouvernemental
dénué de tout rapport avec le public.
Recommandations: premièrement, que les autorités
chargées de mettre sur pied le conseil de sécurité
s'inspirent du texte qui s'intitule "Recommandations pour la mise sur pied d'un
service administratif de coordination consacré à la
réduction réelle du nombre d'accidents de la circulation et des
frais connexes dans la province de Québec", dont le texte a
été rédigé par le professeur A. Lloyd Thompson, qui
est à mes côtés, du département du Génie
mécanique et directeur du Programme de sécurité
routière McGill, université McGill, et par les membres du groupe
MACIP. Le texte a été préparé pour l'Association
des courtiers d'assurance de la province de Québec et paraît
intégralement dans le mémoire de l'association
présenté en août 1974.
Deuxièmement, que le conseil de sécurité
prévu par le comité soit à caractère
paragouvernemental afin de lui assurer l'entière jouissance et
assistance des compétences multidiscipli-naires du secteur non
gouvernemental.
La ligue réitère sa conviction que les primes d'assurance
ne diminueront qu'en fonction de réductions appréciables dans le
nombre des accidents de la route.
Enfin, l'indemnisation des victimes d'accidents. Pour ce qui est du
concept selon lequel l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles se
ferait sans égard à la responsabilité, la ligue note que
celui-ci ce concept est en vigueur dans 23 Etats
américains représentant plus de 53 p.c. de la population
américaine et qu'il semble répondre aux besoins du
consommateur.
Conclusion. De 1960 à 1972, les accidents de la route ont fait,
au Québec, 19,422 morts et 987,985 blessés. A ce jour, ces
chiffres sont passés à plus de 23,500 morts et 1,150,000
blessés. Nous avons appris à nous accommoder fort bien des
statistiques routières. De la même manière, les Romains, un
peuple fort civilisé, s'accommodaient fort bien des spectacles sanglants
des martyrs chrétiens et des combats de gladiateurs. Entre les deux, il
n'y a qu'une différence: nos spectacles sanglants n'ont pas lieu en un
seul endroit. Pour ce qui est de la régularité avec laquelle ils
se produisent, il n'y a aucune différence.
Faute d'une amélioration sensible et à court terme, d'ici
dix ans, le Québec devra compter sur ses routes 30,000 morts et plus
d'un million de blessés et quelque deux millions d'accidents. Selon le
National Highway Traffic Safety Association, le coût à la
société d'une mortalité routière est de $240,000 et
celui d'une blessure de $7,000. Toutefois, en prenant les estimations plus
conservatrices de l'American Automobile Association, à savoir $140,000
pour une mortalité et $2,750 pour une blessure, les pertes
économiques que le Québec devra essuyer se chiffreront par $6,950
millions. Ici, il y a une correction à apporter; nous faisons la
division entre le coût des mortalités et des blessures, soit
$4,200 millions pour les mortalités et $2,750 millions pour les
blessures. Nous avions oublié les trois derniers zéros.
Le comité recommande des déboursés de l'ordre de
$4.5 millions annuellement pour contrecarrer ces pertes. Les
bénéfices à soutirer d'une action préventive
sérieuse et bien coordonnée sont énormes et ils percent.
On ne saurait les ignorer plus longtemps.
Merci, messieurs, le tout vous est humblement soumis par la Ligue de
sécurité de la province de Québec.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, l'honorable ministre des Transports.
Le ministre d'Etat aux Transports.
M. BERTHlAUME: Seulement un commentaire, étant donné que
le ministre des Transports est ici et qu'il veut, lui aussi, faire des
commentaires. Tout d'abord, je veux féliciter la Ligue de
sécurité de la province. Sans porter un jugement négatif
sur les autres mémoires, en ce qui concerne la sécurité
routière, c'est sûrement le document le plus complet qui nous ait
été soumis depuis le début des audiences, au moins celles
où j'étais présent. Je tenais à en
féliciter
d'une façon toute particulière M. Mondoux et la ligue.
C'est tout ce que je voulais dire.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Transports.
M. MAILLOUX: M. le Président, je voudrais d'abord m'excuser
d'avoir été en retard à la réunion. On m'avait
indiqué que ça commençait à dix heures trente;
j'étais à l'OPDQ, ce qui ne m'a malheureusement pas permis de
prendre connaissance des premières pages du rapport.
Je ne voudrais pas me prononcer globalement sur l'ensemble des
recommandations qui sont faites, sauf que, tel que vient de l'affirmer mon
collègue, je pense que c'est un des rapports les plus sérieux qui
aient été déposés en regard de la
sécurité routière. J'avais fait un commentaire semblable
à l'endroit de la Fédération des commissions scolaires
parce que ça rejoignait également certaines préoccupations
de nos fonctionnaires depuis les dix-huit derniers mois. Je constate cependant,
à la lecture du mémoire qui nous est soumis, qu'il y a
quantité de recommandations qui rejoignent, en fait, des politiques que
nous allons tenter de mettre en place au ministère de la Justice et au
ministère des Transports.
Nous croyons à ce moment-ci être capables d'obtenir des
fonds supplémentaires pour bien indiquer la volonté du
gouvernement actuel de mettre fin au carnage sur les routes du
Québec.
Il y a cependant quelques observations que je voudrais faire
relativement à certaines suggestions. La première est celle qui
regarde la ceinture de sécurité. Nonobstant les réserves
que j'avais déjà apportées dans le passé, le
ministre des Transports et la plupart de mes collègues ont
été convaincus par les chiffres des résultats obtenus dans
des pays où une telle mesure de sécurité a
été mise en place. Les résultats sont tels qu'il y a des
bénéfices accrus pour l'ensemble de ceux qui ont à voyager
sur les routes de ces pays ou Etats. Cependant, avant de l'imposer à
tous nos commettants de la province de Québec, je voudrais que, dans la
campagne de sensibilisation que nous allons accentuer dans le Québec,
nous puissions non pas la rendre obligatoire dans l'immédiat par une
mesure législative ou coercitive, mais convaincre nos citoyens qu'ils
trouveraient des avantages accrus que d'autres ont obtenus dans une mesure
aussi peu dispendieuse. Je veux croire que d'ici peut-être douze mois,
nous pourrions penser l'imposer si ça devenait nécessaire et si
notre campagne n'avait pas atteint tous les buts que nous en
espérons.
Mais je voudrais de nouveau affirmer qu'en aucune façon le
gouvernement ne met de côté cette recommandation parce qu'elle a
été une des conclusions assez directes du rapport Gau-vin. Je
pense que l'ensemble des mémoires qui nous ont été
présentés l'a indiqué également.
Quant à l'inspection mécanique des véhicules, il y
a un problème très particulier qui se pose, qui n'est pas
seulement un problème budgétaire. Je constate que l'ensemble des
mémoires a recommandé au gouvernement l'inspection des
véhicules, des tacots, des véhicules accidentés sur les
routes, l'inspection des autobus scolaires. Si une telle possibilité
était à notre portée, je me demande quand même ce
que cela donnerait, parce que quand on regarde l'ensemble des véhicules
accidentés, je n'ai pas l'assurance que ce ne sont pas des
véhicules qui sont normalement en condition qui ont des accidents. On
constate que pour un véhicule en parfaite condition, c'est son
utilisation qui fait que dans les heures ou les jours suivants, il y a un abus
flagrant. Aucune inspection n'aurait pu éliminer de tels accidents.
La crainte, dans mon esprit, est la suivante: c'est que nous cherchons
actuellement désespérément une formule qui nous donnerait
des garanties de succès. C'est bien beau de dire qu'on va trouver les
garages qui seraient en mesure d'effectuer de telles inspections
mécaniques sérieuses, mais quand sans vouloir jeter de
discrédit sur qui que ce soit on considère les garages et
les véhicules impliqués qui sont souvent vendus par ces
mêmes garages ou qui sont réparés par ces mêmes
garages, on constate que la collusion est vite arrivée. J'ai à la
mémoire des inspections mécaniques faites récemment;
malheureusement, on a constaté que le travail qui avait
été fait était si peu sérieux que je me demande ce
que cela donnerait si on disposait de centaines de milliers de dollars pour une
telle perspective.
Je préférerais de toute façon que la Fonction
publique se prononce d'abord sur des salaires plus alléchants qu'on
pourrait offrir à ceux qui devraient faire l'inspection
mécanique, parce que ceux que nous offrons actuellement sont
complètement insignifiants si l'on regarde la qualité du travail
qu'on veut faire effectuer. Il faudra d'abord que la Fonction publique se
prononce sur les salaires à verser. Parce que, actuellement, c'est un
refus systématique de faire un recrutement qui soit le moindrement
valable.
Par contre, je crois c'est la demande que nous avons faite
à notre collègue du ministère de la Justice que si
un membre des corps policiers du Québec, quels qu'ils soient, qui sont
partout sur le territoire, constate qu'un véhicule ne semble pas en
état de ne pas circuler sur les routes de manière convenable et
qu'il le retire immédiatement pour une inspection, cela vaudrait
beaucoup mieux que l'ensemble des inspecteurs que nous pourrions faire circuler
sur les routes.
Si un autobus scolaire doit être inspecté une fois ou deux
par année, ça ne me donne en aucune façon la garantie que
cet autobus va être en condition pour circuler, tandis que les officiers
de la Sûreté et des corps policiers et toute autre personne qui
est sensibilisée par ces problèmes peuvent signaler le cas
très facilement et faire retirer des routes de tels
véhicules.
Je pense que ce serait le temps qu'en dehors des corps de police les
gens prennent leurs
responsabilités. Il est inconcevable dans mon esprit que des
parents ou des enfants qui ont un âge assez avancé ne signalent
pas à l'attention du ministère qu'ils voyagent dans un
véhicule qui ne serait pas en condition. Quand un père vient me
dire que dans la ville de Québec l'enfant lui a dit que le
véhicule, pour freiner au coin d'une rue, doit approcher de la margelle
du trottoir, je pense que les parents devraient signaler ces cas à notre
attention, parce que, quel que soit le nombre d'inspecteurs qu'on peut mettre
sur les routes, on ne rejoindra pas 3,500,000 véhicules facilement.
Vous avez parlé des cours de conduite, de la conduite
préventive, du rappel des conducteurs qui ont des accidents; l'ensemble
de ces mesures font l'objet d'attentions particulières de nos officiers
actuellement et nous serons en mesure de nous prononcer dans un délai
assez raisonnable, je pense. La Fédération des commissions
scolaires du Québec avait accentué la possibilité que des
cours de conduite soient donnés dans les écoles, aux
différents niveaux. On avait demandé que ces cours deviennent
facultatifs et que des crédits soient accordés. Je pense qu'avec
le ministère de l'Education il nous sera possible, d'ici la prochaine
année scolaire, d'en arriver à une entente qui sera valable. Si
certaines générations sont peut-être perdues quant à
la sensibilisation qu'on désire apporter, je veux croire que, dans les
années qui vont suivre, les enfants qui sortiront des collèges
seront eux-mêmes prêts à accepter leurs
responsabilités. Peut-être que, durant ce temps, ils convaincront
leurs parents des lacunes du système actuel.
Je ne voudrais pas élaborer davantage, M. Mondoux. Je voudrais
vous dire que nous considérerons le rapport que vous venez de soumettre
avec la plus grande attention qu'il sera possible d'y apporter. J'espère
que les crédits que j'ai demandés à la revue de programmes
seront accordés et, si j'en juge par les premières
réponses que j'ai eues, je pense que ce sera valable. Le nouveau
système de points de démérite que nous venons de mettre en
place, rejoint une partie de vos préoccupations. J'ai remarqué,
dans les commentaires que vous faisiez, qu'il était dit que le
système précédent avait été passablement
massacré. En fait, quantité de gens qui se présentent
devant un tribunal et obtiennent des condamnations mineures peuvent circuler
sous le prétexte de gagner leur vie et demeurer un danger constant sur
les routes.
Je veux croire que le public a bien compris que pour toute condamnation,
dans le nouveau système de points de démérite, qui serait
moindre que trois mois, le conducteur se verrait pénalisé
immédiatement d'une perte de neuf points et serait sujet à rappel
devant le Bureau des véhicules automobiles, dans le nouveau
système de points de démérite. Je pense que ça
rejoint en partie la faille que nous trouvions dans le système
précédent. Dans les premières mesures annoncées,
nous avons tenté de rejoin- dre l'ivresse au volant; je pense que je
n'ai pas à convaincre la Ligue de sécurité que le facteur
primordial d'accidents sur les routes vient d'abord de ce
phénomène.
Nous avons d'abord voulu nous y attacher. Nous savons que ce n'est
peut-être pas populaire politiquement, mais nous voulons accepter toute
notre responsabilité. Aussi sévère soit-elle, je pense que
ce sera une mesure qui réduira peut-être les accidents sur les
routes du Québec.
On a parlé de réduction de certaines limites de vitesse
sur les routes du Québec. Nous cherchons actuellement par contre
à revoir de quelle façon ça pourrait être mis en
place. Nous annoncerons peut-être dans les heures qui vont suivre que,
sur une artère principale aux abords de Montréal où il
circule une densité de trafic extraordinaire, il y aura une
réduction très substantielle d'annoncée pour tâcher
d'éviter les trop nombreuses tragédies qui se produisent. Je veux
vous assurer que, dans les mois qui vont suivre, nous allons faire le
nécessaire pour tâcher de mettre en place tout ce qui sera
possible physiquement ou financièrement parlant.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Lafontaine.
M. LEGER: Je remercie le ministre pour sa déclaration
ministérielle, nous sommes toujours heureux de l'entendre, il a toujours
de bonnes choses à nous dire. Je ne suis pas contre, remarquez bien.
J'avais seulement deux points à souligner à nos
invités. Le premier, c'est une affirmation de la page trois où
vous dites que l'objectif principal de l'étude Gauvin est justement de
pouvoir obtenir une indemnisation la plus complète possible des victimes
d'accidents d'automobiles selon un système efficace et peu
coûteux. Donc, c'est le principe de base du rapport Gauvin. Les
différents moyens pour y arriver, il y a la partie qui vous touche plus
particulièrement, celle de la sécurité routière.
C'est pour ça que je suis agréablement surpris, d'une part, de
voir que c'est la commission parlementaire des institutions financières
qui a bien reçu les invités et non pas la commission des
transports, malgré que ce soient les représentants du
ministère des Transports qui aient apporté, jusqu'à
présent, le plus de correctifs et qui se soient soumis à des
révisions de leur politique à la suite de cette commission.
Malheureusement, étant donné que le principe de base est
celui de l'indemnité la plus complète des victimes, nous avons
hâte, nous de l'Opposition, de connaître le représentant des
Institutions financières. Le ministre nous dira, lui, ce qu'il a
l'intention de faire, quels sont ses objectifs, vers quoi il se dirige, puisque
c'est la commission des institutions financières et non pas celle des
transports. Je suis heureux de voir que les représentants du
ministère des Transports se sont fait un devoir d'assister le plus
souvent possible et d'apporter des mesures. Quand le ministre des
Institutions financières nous disait qu'autour de la mi-décembre
il aurait des informations nouvelles, de la manière dont il nous
parlait, on avait l'impression que c'étaient surtout des choses
concernant la sécurité routière et qui touchaient surtout
le ministère des Transports. Nous avons hâte de connaître
les positions du ministre des Institutions financières sur le rapport
Gauvin touchant le principe de base qui est celui de l'indemnisation des
victimes. C'est le premier point que je voulais mettre de l'avant.
Le deuxième, c'est à la page 4 où vous affirmez:
"II est indéniable qu'une diminution de la fréquence et de la
gravité des accidents réduit le coût des pertes. Cependant,
les études du comité font ressortir qu'une telle
réduction, sauf pour quelques mesures là, vous
répétez ce qui est dit dans le rapport Gauvin ne saurait
apporter qu'à long terme les résultats escomptés, dans
certains cas, au prix de déboursés considérables".
Je voudrais simplement faire une affirmation et vous demander si vous
seriez d'accord avec cela, étant donné que ça va
coûter quand même beaucoup d'argent pour améliorer la
sécurité routière au Québec. Je parle de la
qualité des routes, ça va coûter de l'argent, ça; je
parle d'augmenter la surveillance, la quantité d'officiers qui vont
surveiller le transport, et la voirie; je pense à la formation des
automobilistes, sujet sur lequel vous vous êtes penchés dans votre
rapport; je pense aussi au centre d'évaluation de l'état des
automobiles. Ce sont des mesures qui vont coûter assez cher. Si on dit
que le principe de base, dans le rapport Gauvin, est celui de l'indemnisation
des victimes, si on peut épargner des sommes énormes sur le
coût social de l'assurance, entre autres, sur les primes, ça
pourrait être mis, au point de vue social, ces sommes-là
pour la sécurité routière.
Autrement dit, les moyens pour améliorer la
sécurité routière, on pourrait les obtenir en
améliorations du coût de l'assurance. Je prends, par exemple, ce
que le rapport Gauvin nous dit, les endroits où on peut améliorer
le coût. Je ne parle pas du principe; je pense qu'il est important que
tout le monde note que le principe de base est la philosophie que l'accident
d'automobile est un fait social. L'autre aspect, qui est celui de la
réduction du coût, si les recommandations du rapport Gauvin
étaient acceptées, on pourrait épargner environ, sur le
système "no fault", sans responsabilité, 18 p.c. de la prime,
presque 20 p.c. Il y aurait 7 p.c. épargnés sur la mise en
marché, il y aurait 3 p.c. sur l'administration des compagnies dans la
sélection des risques, il y aurait 3 p.c. dans le domaine des agents de
réclamation (ajusteurs) et 5 p.c. dans les différents coûts
des avocats, des procédures judiciaires, etc. Il y a même 2 p.c.
provenant non pas des primes mais des assurés qui doivent payer, en plus
de leur prime, 2 p.c. de frais d'avocats et de poursuites qui ne sont pas
inclus dans leur prime. Les 5 p.c. proviennent justement des coûts que
les compagnies doivent utiliser pour payer les avocats dans les poursuites
d'une compagnie contre une autre; il y a là 2 p.c.
C'est donc dire qu'il y a 18 p.c. à 20 p.c. qui pourraient
être épargnés sur l'acceptation du principe de la
non-responsabilité.
Ces 20 p.c. sur $425 millions de prime, cela équivaut à
quelque $80 millions de moins que les citoyens auront à payer.
Moi, je pense, M. le Président, que les citoyens seraient
d'autant plus capables d'accepter le coût d'une amélioration de la
sécurité routière, sur les points dont je parlais
tantôt, qualité des routes, etc., si dans leurs goussets ils ont
épargné sur la prime d'assurance. Est-ce que vous seriez d'accord
sur ce principe que cet argent pourrait être remis plutôt pour la
sécurité routière, si on l'épargne en changeant le
système actuel en un système de "no fault"?
M. MONDOUX: D'accord. C'est encore la question: Lequel est venu le
premier, le poulet ou l'oeuf? Parce qu'il est évident que des
économies peuvent être effectuées selon les
modalités préconisées par le comité et ce que vous
venez -d'énoncer, je crois que cela va de soi, c'est assez
évident. Il est aussi évident que le public serait beaucoup plus
apte à accepter une surcharge quelconque, peu importe dans quel domaine
particulier, pour de la sécurité routière. Seulement, en
plus des économies effectuées dans les domaines
mentionnés, en acceptant tout simplement le concept de
non-responsabilité, si l'on pouvait diminuer le coût des primes de
30 p.c. à 35 p.c. de plus parce qu'on peut diminuer le nombre des
accidents, à ce moment, nous en arriverions à des primes
d'assurance qui coûteraient moins de 50 p.c. de ce qu'elles coûtent
présentement, ou bien est-ce que la société
québécoise n'est prête à accepter que 30 p.c? Et
puis, on ne fait pas état du tout, encore une fois, de ce qu'il en
coûte de vies humaines, de blessures, de souffrances, de douleurs
physiques. C'est toujours une question d'argent.
M. LEGER: D'accord.
M. MONDOUX: On veut économiser sur les primes d'assurance, c'est
tout ce qui importe. Il y a beaucoup plus que cela, puisqu'en sauvant des vies,
en sauvant nos effectifs humains, on diminuera ces primes de 30 p.c. de plus.
Je crois que c'est la première considération qu'on devrait faire.
Il est évident que la question de la non-responsabilité peut
apporter des économies et qu'elle en apportera. Qu'on l'adopte,
puisqu'on en a fait la preuve. Mais il ne faut pas, pour autant, laisser la
sécurité routière attendre, pour avoir les fonds
suffisants, qu'on ait effectué effectivement des économies sur
les primes.
M. LEGER: Non, les deux doivent aller de front, je suis d'accord avec
vous.
M. MONDOUX: Absolument.
M. LEGER: Maintenant, vous dites, un peu plus loin une
vérité simple, trop simple pour être uniquement
perçue de cette façon. Vous dites à la page 11: "Si le
droit à gagner sa vie implique aussi le droit de porter atteinte
à la santé et au bien-être des autres..." Quelqu'un peut
hériter de points de démérite parce qu'il a mal conduit.
Vous suggérez entre autres qu'il y ait votre plan CCP qui sont des
écoles de conduite, avec des diplômes qui permettent de
réduire les primes; je pense que c'est une suggestion valable. Il faut
quand même admettre qu'un bon chauffeur, qui a suivi des cours de
conduite et qui est au courant des règlements, de la loi, des
implications de chaque geste qu'il pose, doit non seulement surveiller son
propre comportement en automobile, mais doit même prévoir que les
autres automobilistes peuvent enfreindre la loi. Un exemple bien frappant: Lui
sait qu'il a le droit de passage et que l'autre automobile, qui pourrait venir
sur la route qui le croise, doit faire un arrêt. Il doit même
prévoir que l'autre ne le fera pas, cet arrêt. Pas parce que
l'autre ne veut pas ou qu'il est un mauvais conducteur, mais il peut avoir une
distraction, il peut avoir un éternuement, il peut avoir un
problème dans son automobile et ne fera pas son arrêt. Autrement
dit, le fait que les gens soient des bons conducteurs peut diminuer
énormément le nombre d'accidents, mais la quantité
d'automobiles, le rythme trépidant dans lequel on vit fait que,
même si tout le monde suit des cours de conduite, et que tous sont
prudents, ce qui est absolument impossible à prévoir, il y aura
quand même beaucoup d'accidents. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il y
en aura peut-être un peu moins. Il reste que l'accident d'automobile est
un fait social sur lequel on doit se pencher et qu'on doit accepter comme tel.
Il faut prévoir plutôt l'indemnisation des victimes, tout en ne
mettant pas de côté la sécurité routière qui
est une chose très importante. Je pense que les deux vont de pair, mais
on ne peut pas dire que c'est "la" solution.
C'est une des solutions importantes à retenir pour corriger la
situation au niveau des accidents d'automobiles.
M. MONDOUX: Monsieur, la description que vous faites d'un bon conducteur
me porte à croire que vous n'avez pas suivi le cours de conduite
préventive. Est-ce vrai?
M. LEGER: Pour quelle raison demandez-vous ça?
M. MONDOUX: Parce que... Vous pouvez répondre à ma
question?
M. TETLEY: II conduit très mal au Parlement, en tout cas!
M. MONDOUX: Avez-vous suivi un cours de conduite préventive?
M. LEGER: Vous me demandez si j'ai suivi un cours de...
M. MONDOUX: Oui.
M. LEGER: Bien, au début, oui! Mais pas dernièrement.
M. MONDOUX: Non, non! un cours de conduite préventive, tel qu'il
est conçu présentement.
M. LEGER: J'aimerais mieux que vous me disiez ce qu'il y a dans le cours
que je n'aurais pas su en posant mes questions, où j'aurais
échoué...
M. MONDOUX: Eh bien, voilà. C'est que votre description d'un bon
conducteur semble porter uniquement sur ce que doit faire tout conducteur au
volant pour se protéger lui-même, pour ne pas enfreindre les lois
de la circulation, alors que la conduite préventive, qui n'est pas
nécessairement l'enseignement de la conduite automobile que l'on
retrouve dans les écoles professionnelles et qui est un enseignement qui
porte sur la technique de la voiture, est un enseignement qui porte sur l'art
de prévoir les mauvais agissements des autres.
M. LEGER: Est-ce que ce n'est pas de ça que je viens de vous
parler? Est-ce que ce n'est pas de ça que je parlais justement?
M. MONDOUX: Oui.
M. LEGER: Un bon conducteur doit prévoir ce que les autres vont
faire. C'est ce que je disais tantôt.
M. MONDOUX: Non, tantôt, vous avez dit: On ne peut pas
prévoir. Justement...
M. LEGER: Non. J'ai dit qu'il faut même qu'il prévoie que
les personnes n'agiront pas selon la loi.
M. MONDOUX: Exactement. C'est ce que la conduite préventive
enseigne. C'est la raison pour laquelle nous la préconisons comme le
moyen le plus apte à former de bons conducteurs.
Etre bon conducteur signifie non seulement ne pas commettre d'erreur
soi-même, mais éviter d'être impliqué dans des
accidents en dépit des erreurs des autres. Il faut apprendre à
reconnaître ces erreurs chez les autres et c'est, malheureusement, ce que
ne connaît pas l'automobiliste québécois. Il insiste sur le
droit de passage, mais ne prévoit pas du tout les erreurs des autres, et
c'est pour ça qu'on a des accidents.
D'ailleurs, la formule est prouvée. Elle a été
prouvée dans plusieurs études. J'ai même mentionné
l'étude du Manitoba: diminution de 32 p.c. des accidents, diminution de
28 p.c. des
infractions. C'est dans ce sens que nous préconisons
l'enseignement de la conduite préventive, mais non comme formation de
base, parce que la formation de base porte essentiellement sur la technique du
volant, alors que le nouveau candidat à la conduite automobile est
beaucoup plus préoccupé par la technique même. Même
si l'on doit lui enseigner les éléments de la conduite
préventive, eh bien, il est trop préoccupé par la
technique. C'est pour ça qu'on recommande, après au moins un an
d'expérience au volant, cet enseignement qui servira de recyclage et qui
permettra à l'automobiliste qui a réussi, après une
année d'expérience, à devenir un avec l'automobile qu'il
conduit, de prendre le temps de regarder autour de lui-même pour
prévoir toutes les circonstances qui peuvent mener à
l'accident.
C'est essentiellement ce en quoi consistent les cours de conduite
préventive. J'ai parlé aussi du manque de sérieux...
M. LEGER: Je ne voudrais pas aller trop loin parce qu'on a peu de temps.
Et, alors...
M. MONDOUX: Je trouve cela très important.
M. LEGER: Oui, je suis d'accord.
M. MONDOUX: Le manque de sérieux qu'on a signalé
ici...
M. LEGER: Je voudrais vous poser une question et vous pourrez me
répondre en même temps. Est-ce que vous donnez un certificat
à celui qui suit le cours de conduite de prévention des
accidents?
M. MONDOUX: Oui.
M. LEGER: II y a un certificat.
M. MONDOUX: II y a un certificat...
M. LEGER: Alors...
M. MONDOUX: ... qui l'accompagne.
M. LEGER: ...j'aimerais savoir si tous les députés
présents ici, qui ont ri tantôt, incluant le ministre, ont chacun
leur certificat de bonne conduite.
M. MERCIER: Oui, monsieur.
M. LEGER: Vous l'avez? Vous pouvez nous le montrer ce matin?
M. MERCIER: Peut-être pas tout de suite. M. LEGER: Ah bon! Ah
bon!
M. MONDOUX: C'est une question que j'allais poser moi-même, au
risque de ne pas être populaire.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Mon-doux, je regrette, mais le temps
qu'on avait alloué à la Ligue de sécurité est
déjà dépassé. Tous les députés n'ont
pu encore intervenir. On va donc laisser, si vous voulez, ces questions pour
revenir à des choses plus sérieuses, et j'imagine que le
député de Beauce-Sud doit avoir quelque chose de sérieux
à dire.
L'honorable député de Beauce-Sud.
UNE VOIX: C'est ce qu'il y a de plus sérieux.
M. MERCIER: M. le Président, c'est sérieux ça.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, je comprends que c'est sérieux,
mais on ne peut pas discuter de toutes les choses sérieuses dans
l'espace d'une heure.
M. ROY: M. le Président, les deux points sur lesquels je veux
surtout insister, on me fera grâce... Je voulais féliciter ceux
qui sont devant nous, les représentants de la Ligue de
sécurité du Québec pour l'excellence de leur
mémoire et pour l'importance qu'ils ont donnée à la
sécurité routière.
Je comprends que c'est un domaine qui les regarde
particulièrement. J'ai écouté le ministre tout à
l'heure et j'ai été un peu déçu par les propos du
ministre, l'attitude du ministre. Je m'explique, M. le Président.
M. TETLEY: Un instant. Quel ministre? Je n'ai pas parlé...
M. ROY: Le ministre des Transports. Il nous dit sans animosité
que tous les mémoires qui ont été présentés
devant la commission parlementaire et la commission Gauvin ont attaché
énormément d'importance à la sécurité
routière. Chaque fois que ces choses ont été
discutées devant la commission, j'ai remarqué que le ministre
tente surtout de rassurer ceux qui viennent devant nous sur les efforts que
fait le ministère.
Je suis bien d'accord sur cela. Le point n'est pas là. J'aimerais
qu'on profite de toutes les circonstances, qu'on profite du fait qu'il y a des
gens devant nous qui ont fait des études particulières de ce
côté, non pas pour que notre attitude vise à les rassurer
mais pour les interroger de façon à en savoir davantage.
M. le Président, je le dis et je le porte à l'attention du
ministre, je trouve absolument désastreux, à ce jour, ce qui se
fait au niveau de la sécurité routière. Le rapport, aux
pages 7 et 8, le dit clairement. Le gouvernement n'a pas de budget et les fonds
sont trop limités. Je cite: "Le programme des CCP a fait ses
débuts au Québec en 1969, sous l'égide du gouvernement.
Malgré les efforts louables du Service de la sécurité
routière, une pénurie de personnel et de fonds a fait que le
programme est devenu une demi-mesure".
M. le Président, depuis que la commission Gauvin siège et
depuis qu'on parle de la sécurité routière, nous aurions
été en droit de nous attendre, au Québec, à des
mesures plus radicales que celles que nous avons.
Je vais citer deux faits, à l'attention du ministre, que j'ai
vécus, depuis quatre jours seulement. J'ai fait la première
expérience, dimanche soir, en revenant de Montréal, sur la
Transcanadienne. Pour respecter les règlements et les affiches qu'il y a
le long de la route, on ne doit pas dépasser 70 milles à l'heure.
Sur une distance de 50 milles, j'ai circulé entre 65 et 70 milles
à l'heure. Je peux vous dire, M. le ministre, que c'est très
dangereux de circuler sur la Transcanadienne à cette vitesse. On se fait
doubler, le dimanche, par les camions-remorques.
Je n'ai vu aucun véhicule de la Sûreté du
Québec. J'ai dû, pour ma sécurité personnelle,
accélérer et maintenir une vitesse de 80 à 85 milles
à l'heure, le soir, pour me protéger, sur la route
transcanadienne.
M. HARVEY (Charlesbourg): Vous êtes loin du mémoire.
M. ROY: M. le Président, non.
M. HARVEY (Charlesbourg): ... avec le ministre des Transports.
M. ROY: Le député de Chauveau pourra faire les
interventions qu'il voudra. Je n'ai pas à le consulter. Je voudrais
revenir là-dessus parce qu'on traite de la sécurité
routière.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui mais on s'était entendu, tout
à l'heure, à savoir que vers 11 h 25, 11 h 30 on devait terminer
cette audition, afin de permettre à l'autre groupement qui attend
patiemment de s'exprimer, lui aussi. Il va falloir lui accorder le même
temps. Alors je demanderais au député de Beauce-Sud de
peut-être faire cela un petit peu plus court. Il pourra quand même
exprimer son idée. Allez-y donc un petit peu plus rapidement.
M. ROY: On a laissé le ministre parler, tout à l'heure.
Personne ne l'a interrompu. Et il n'a pas posé une seule question. Il a
fait des commentaires.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Je suis d'accord, mais je dis de le faire
d'une façon concise parce qu'il est déjà 11 h 25.
Ecoutez...
M. ROY: Je suis bien d'accord qu'on respecte les règles du jeu
mais qu'on les applique de la même façon pour tout le monde,
à la commission parlementaire.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): C'est ce qu'on veut faire.
M. ROY: On a traité de la question de la sécurité
routière ce matin. On parle de la sécurité routière
ici. Le mémoire traite de la sécurité routière et
je ne parle pas d'autre chose présentement que de la
sécurité routière. C'est de cela que je parle, de la
sécurité routière.
M. HARVEY (Charlesbourg): ... et arrêtez de faire de la petite
politique !
M. ROY: M. le Président, voulez-vous rappeler le
député de Chauveau à l'ordre?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Vous avez quelque chose à dire,
dites-le donc. On attend.
M. ROY: J'étais en train de le dire.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Tout le monde attend cela patiemment.
M. ROY: J'étais en train de dire au ministre que je trouve, en ce
qui me concerne, qu'au niveau de la sécurité routière,
actuellement, c'est un désastre. Il va falloir qu'on fasse quelque chose
de ce côté.
Le mémoire que nous avons devant nous nous le dit clairement et
si nous payons plus cher au Québec nos primes d'assurance, c'est que
nous avons le record des accidents dans la province de Québec. C'est la
raison fondamentale. Nous avons énormément de plaintes, à
nos bureaux. Les gens se plaignent, un peu partout. Il suffit de circuler un
peu dans la province de Québec pour s'en rendre compte.
Je voudrais vous poser une question concernant la ceinture de
sécurité. Vous dites que la ceinture de sécurité
devrait être obligatoire. Lorsque vous dites obligatoire, est-ce que
c'est obligatoire partout ou seulement sur les grandes artères? Je pense
qu'il y a une distinction très nette à faire à ce
moment-ci et j'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet.
M. MONDOUX: Partout. D'abord, il est reconnu qu'environ 70 p.c. à
75 p.c. des accidents sérieux se produisent dans un rayon de 25 milles
de l'endroit où habite la victime, ce qui veut dire que le plus grand
nombre d'accidents n'arrivent pas sur les grandes artères. Les
résultats sont plus sérieux sur les grandes artères,
à cause des vitesses plus élevées, mais ils sont aussi
sérieux, par le volume, à l'endroit où on habite, dans les
courtes randonnées. C'est un fait qui a été établi,
il y a déjà plusieurs années.
On a besoin, dit-on de la ceinture de sécurité une fois,
c'est-à-dire quand on est impliqué dans un accident. C'est
là qu'on en a besoin, ce n'est évidemment pas quand on n'est pas
impliqué dans un accident. Mais cette fois-là, quand
arrivera-t-elle? Personne ne peut le dire. Même si on prétend
pouvoir réduire le nombre des accidents de 60 p.c. à 70 p.c, il
reste quand même qu'il y a un pourcentage des accidents qui reste
inévitable.
M. ROY: II y a des organismes qui sont
venus devant la commission parlementaire et qui ont mis en doute le fait
que le port obligatoire de la ceinture de sécurité pourrait
réduire de façon aussi marquée...
M. TETLEY: Permettez-moi, Lesquels?
M. ROY: Je ne me souviens pas des noms mais je me souviens qu'il y en a
eu, au début. C'est à la suite de questions que j'ai
posées moi-même, j'ai demandé des précisions
à ce sujet. On pourrait toujours relever...
M. TETLEY: Oui, l'Association des constables, mais je crois qu'ils
étaient complètement dans les patates.
M. ROY: Et il y en a un autre.
M. TETLEY: Ils n'avaient aucun chiffre.
M. ROY: Je ne commente pas les recommandations de ces gens, je dis tout
simplement que, devant la commission, il y en a qui nous ont parlé de
ces choses. On nous a même dit ...
M. MONDOUX: La preuve du contraire est volumineuse. Vous avez
l'expérience de l'Australie, une expérience tout à fait
pratique sur le port obligatoire de la ceinture. On sait que peu importent les
lois, on n'en a jamais le respect à 100 p.c. Même si, dans le
moment, on déplore que la ceinture de sécurité ne soit
portée que par environ 20 p.c. des conducteurs, il reste quand
même que, je dirais, au moins 50 p.c. des automobilistes sont respectueux
des lois et que, du jour au lendemain, avec l'adoption d'une telle loi, on
augmenterait de 25 p.c. le nombre de personnes qui portent des ceintures donc
on en sécuriserait davantage uniquement par la loi.
Deuxièmement, dans le système de démérite,
alors que nous avons préconisé la révocation du permis de
conduire... excusez-moi, la recommandation que nous avons faite au sujet des
ceintures, c'est dans le système d'indemnisation. Alors que la
commission Gauvin dit que ça ne doit pas porter atteinte à
l'indemnisation de la victime, si elle n'a pas bouclé la ceinture sans
raison valable, nous disons qu'encore une fois c'est enlever
l'efficacité à la loi. Si on adopte une loi, il faudra la faire
respecter. On sait qu'elle est très difficile à faire respecter.
Tous les policiers aiment mieux ne pas en parler justement parce qu'ils
estiment que c'est un travail fou. Il y a quand même deux facteurs qui
entrent en ligne de compte, c'est celui que vous aurez une augmentation
appréciable, du jour au lendemain, du nombre de personnes qui porteront
la ceinture. Donc, un plus grand nombre de personnes sécurisées.
Deuxièmement, vous aurez l'indemnisation si cela se produit. Le seul
fait que le public automobiliste saura que, s'il est impliqué dans un
accident et qu'il n'a pas bouclé sa ceinture, il risque de perdre la
moitié de l'indemnisation prévue par l'Etat, là vous avez
un argument que tout le monde comprend: c'est un signe de piastre.
M. ROY: Je suis bien d'accord. Maintenant, dans les statistiques que
vous avez, dans les recherches que vous avez faites, avez-vous des statistiques
qui pourraient nous démontrer, par exemple, à quelle vitesse la
ceinture de sécurité commence réellement à jouer
son rôle? J'imagine facilement que lorsqu'une automobile circule de 20
à 25 ou 30 milles à l'heure, la ceinture de
sécurité est beaucoup moins importante que lorsque les
véhicules circulent à 60 ou 70 milles à l'heure.
M. MONDOUX: Je vais vous passer le professeur Thompson qui a fait des
études sur le sujet.
M. ROY: D'accord, cela nous intéresserait, je pense, d'avoir des
précisions.
M. THOMPSON (Lloyd): Tout dépend de la situation. Par exemple, si
le chauffeur porte la ceinture de sécurité et si quelque chose
frappe l'automobile du côté gauche, la ceinture de
sécurité ne fait rien. A grande vitesse, cela dépend de la
sorte d'automobile. Dans les petites voitures, il n'y a pas assez d'espace pour
absorber le choc, et tout dépend de ce que l'on frappe. Lorsqu'une
grosse automobile en frappe une petite ou encore lorsqu'un camion frappe une
automobile, il y a beaucoup de risque que la ceinture de sécurité
n'ait pas d'effet.
A de grandes vitesses aussi, pour les grosses automobiles, on peut avoir
des blessures avec les meilleures ceintures de sécurité qui ont
été fabriquées. Il y avait des ceintures de
sécurité il y a 20 ans, mais, malheureusement, les manufacturiers
d'automobiles ne les acceptaient pas. C'est une chose qu'on a pris beaucoup de
temps à discuter complètement. Mais je veux dire à tous
ici que c'est la meilleure chose pour réduire la gravité des
blessures et les autres choses. Je peux vous donner plus de chiffres, plus de
détails, si vous voulez.
M. ROY: Si vous avez des documents à ce sujet, des statistiques,
des chiffres, et si vous pouviez nous en faire parvenir, je pense que cela nous
serait très utile.
M. THOMPSON: Oui, c'est bien. M. ROY: Merci.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Transports avait
une réplique.
M. MAILLOUX: M. le Président, je voulais tout simplement faire
une courte observation. C'est que, tantôt, le député de
Beauce-Sud a mentionné qu'il y avait une négligence
complète de la part de la Sûreté du Québec sur la
Transcanadienne. Je pense qu'on pourrait quand même affirmer que la
Transcanadienne
est l'endroit de la province où il se produit le moins
d'accidents au Québec. Ce serait quand même faire injure aux
forces de la Sûreté de dire que ce corps de police n'a pas fait
l'impossible pour éviter les accidents. Cela rejoint beaucoup plus que
les corps de police, la sécurité routière. Le
député de Beauce-Sud a dit tantôt que j'avais simplement
cherché à rassurer les gens qui sont venus devant la commission
quant aux intentions gouvernementales. Je pourrais peut-être lui dire que
j'ai été quelques fois absent de la commission, mais, en tout
temps, il y a eu des représentants du Bureau des véhicules
automobiles présents; je pense que M. Desjardins a été
présent de la même façon en continuité; le ministre
d'Etat l'a été à quelques reprises.
Les conducteurs du Québec verront peut-être par
pièces détachées quelle est l'importance qu'a
accordée le ministère des Transports aux mesures de
sécurité routière qui seront mises en place prochainement.
J'espère qu'à ce moment-là les honorables collègues
qui prétendent que le ministère des Transports ne fera pas son
devoir n'insisteront pas, les premiers, pour que l'on mette fin à ce
qu'on sera appelé à respecter dans l'avenir.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Charlesbourg.
M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, j'ai beaucoup de
respect pour le décret que vous avez voulu apporter. Je pense que je
vais me résumer à un court commentaire, puisqu'à l'instar
de mes collègues qui m'ont précédé je pense que le
mémoire qui est présenté à cette commission par la
Ligue de sécurité routière est de la plus haute valeur. Je
pense qu'étant aussi bien étoffé il est quand même
demeuré dans le cadre de la sécurité routière, ce
que d'autres organismes ont parfois oublié. Cette étude en
profondeur du rapport Gauvin et cette pensée de la Ligue de
sécurité routière m'amènent, d'une part, à
réfléchir sur un fait. Lorsque la Ligue de sécurité
routière parle d'une réduction de la prime pour des victimes
d'accidents ne portant pas la ceinture de sécurité en
particulier, je pense que déjà, là, cela impose une
autodiscipline à l'individu. Je pense que c'est une largesse de vue que
vous avez là-dessus, tout en insistant, cependant, sur le fait que le
ministère doit avoir une loi qui non seulement ait des dents, mais aussi
qui soit sévère quant au respect ou à l'application de
cette loi.
Ma question serait la suivante, M. le Président: Au moment
où vous expliquez les différents contextes d'indemnisation,
à la page 29 de votre rapport, vous faites état que, dans 23
Etats américains, ce qui représente environ 53 p.c. de la
population du pays, aux Etats-Unis, il va sans dire, ces gens-là sont
actuellement dans le contexte d'indemnisation des victimes d'accidents
d'automobiles sans égard à la faute. Mais vous évitez,
peut-être à tort ou à raison peut-être que
vous avez une raison à nous donner - de vous prononcer là-dessus.
Etes-vous pour ou contre l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles
sans égard à la faute?
M. MONDOUX: Ce domaine ne relève pas réellement de notre
compétence. Cela ne nous empêche pas, quand même, d'avoir
des avis.
Puisque vous nous demandez notre avis, nous ne pouvons que nous rendre
à l'évidence que nous avons mentionnée à titre
d'exemple...
M. HARVEY (Charlesbourg): Alors, vous êtes en faveur.
M. MONDOUX: ... soit au fait que ça semble répondre aux
besoins aux Etats-Unis. Alors, je ne conçois pas que l'on soit si
différent ici d'ailleurs.
M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, je laisse à mon
collègue de Bellechasse le soin de continuer; c'est un
spécialiste en matière de sécurité
routière.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Bellechasse.
M. MERCIER: Je pense, M. le Président, que mon collègue de
Charlesbourg est trop généreux en mentionnant à l'endroit
du député de Bellechasse qu'il est un spécialiste.
M. HARVEY (Charlesbourg): On va vous consulter.
M. MERCIER: A tout événement, je voudrais faire miens les
commentaires énoncés précédemment à
l'endroit de la Ligue de sécurité et la féliciter à
mon tour du magnifique mémoire qu'elle nous présente aujourd'hui
qui est une synthèse assez complète et un inventaire du
problème de la prévention des accidents au Québec,
touchant particulièrement l'aspect de l'éducation des
automobilistes.
Je sais pertinemment que, dans le passé, la ligue a
collaboré étroitement avec le ministère des Transports et
je voudrais féliciter son directeur général, M. Mondoux,
ainsi que le professeur Thompson qui aussi a collaboré
étroitement dans le passé à l'étude de la
prévention routière. Je le remercie surtout des lumières
et des suggestions intelligentes qu'il nous apporte ce matin relativement
à certaines données ayant trait au chapitre 1 du rapport
Gauvin.
Je voudrais limiter mes commentaires à deux aspects particuliers;
le premier a trait à votre recommandation touchant la patrouille
routière. Est-ce que vous pourriez nous expliciter davantage les raisons
pour lesquelles vous dites à l'intérieur des corps existants,
alors que, dans certains Etats américains, nous avons des patrouilles
routières autonomes? Est-ce que vous pourriez nous faire des
commentaires addition-
nels sur les raisons pour lesquelles vous recommandez une escouade ou
une patrouille routière à l'intérieur des cadres
existants, si on a à l'esprit une plus grande efficacité de la
surveillance des routes? Le deuxième point que j'aimerais porter
à votre attention serait d'avoir vos commentaires sur la relation qui
peut exister entre le facteur vitesse et le facteur accident.
Lorsqu'on pense, comme le ministre des Transports l'a mentionné
tantôt, à réduire les limites de vitesse sur certaines
routes du Québec, est-ce que nous pourrions connaître votre point
de vue sur la relation entre le facteur vitesse et le facteur accident?
M. MONDOUX: Premièrement, sur la question des escouades, nous
avons tenté d'être pratiques dans nos recommandations quand
même, puisque le mémoire n'a pas été
préparé sans consultation avec plusieurs autres organismes, dont
les représentants des agences policières. C'est là que
nous avons pris connaissance d'un problème qui se pose à ce
niveau-là, à savoir que certains avaient interprété
les recommandations du rapport Gauvin comme portant sur la création
d'une escouade indépendante, telle que celle que vous mentionnez aux
Etats-Unis, et que ça poserait d'énormes problèmes.
Alors, disons que nous avons opté pour la formule présente
qui éliminerait, évidemment, ces problèmes, puisque nous
en sommes à l'heure de l'action, je l'espère bien, et non
à l'heure des discussions. Cela fait des années qu'on en parle.
Alors, pour pouvoir mettre sur pied un service adéquat, eh bien, nous
avons formulé la suggestion que vous connaissez, à laquelle nous
avons ajouté les avantages qui pourraient survenir. Ici, nous rejoignons
la pensée du ministre des Transports, M. Mailloux, en ce sens que les
policiers affectés à l'escouade de la circulation pourraient
quand même compter sur la diligence et l'assistance de leurs
confrères qui ne sont pas affectés, eux, à la circulation,
mais qui pourraient quand même relever les véhicules
défectueux ou, enfin, rapporter directement à l'escouade tout ce
dont ils seraient témoins et qui, à leur avis, serait
dangereux.
A ce moment-là, on peut impliquer, je crois, un service beaucoup
plus nombreux, beaucoup plus efficace aussi. En effet, le ministre a
mentionné tantôt que, malgré le nombre d'inspecteurs qu'on
peut avoir, on n'est jamais certain de pouvoir tout voir. C'est dans ce
sens-là que la recommandation a été faite, pour être
plus efficace, plus pratique et applicable aussi dans l'immédiat.
Pour ce qui est du facteur de la vitesse à l'égard du
facteur de l'accident, aux Etats-Unis, on a constaté une diminution
assez considérable du nombre des accidents, quoique la National Security
Council n'ait pas attribué cette diminution sensible entièrement
au fait que la vitesse avait été réduite. Au contraire, la
National Security Council a attribué pas plus de 11 p.c. de la
diminution à une réduction de la vitesse. Les autres
réductions ont été attribuées à plusieurs
autres facteurs que je n'énumérerai pas ici. Quand il y a
vitesse, évidemment, s'il y a collision, les effets sont beaucoup plus
néfastes, il va de soi. Peu importe les dispositifs protecteurs,
à ce moment-là il faudrait un char d'assaut et même encore
on n'a pas la certitude de pouvoir s'en tirer. Seulement, il faut toujours
viser à la protection maximale.
Quand on parle de la vitesse, si on parle de collision, les
résultats sont toujours plus néfastes. La ceinture,
décidément, sans aucun doute, apporte des avantages nombreux
à haute vitesse aussi bien qu'à faible vitesse, quoique la
protection est plus sûre, si vous voulez, à vitesse
inférieure. Maintenant, quant au nombre des accidents impliqués,
quand on circule à grande vitesse sur les routes, on doit prendre des
décisions. Je crois que les chiffres reconnus sont de l'ordre de douze
décisions importantes ou vitales à la sécurité
à la minute. Je peux me tromper un peu. Quand je dis douze, c'est
peut-être neuf mais, de toute façon, on doit prendre un grand
nombre de décisions très vite. Pourquoi? Parce qu'on circule
à grande vitesse et que la situation change continuellement, d'une
façon très accélérée. Il devient de plus en
plus difficile d'exercer la prudence qu'on se doit d'exercer à haute
vitesse. C'est un facteur, effectivement, qui influe directement sur la
possibilité d'accidents. Maintenant, il reste quand même qu'il y a
plus d'accidents...
M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.
Je m'excuse auprès de nos invités mais il y a un autre
organisme venu nous présenter un mémoire très important et
il est un des rares organismes qui viennent défendre surtout le
consommateur, le payeur d'assurance, le payeur de prime. Je voudrais demander
au président une directive, si c'est possible de demander à nos
invités de conclure rapidement. Vous pourriez appliquer
immédiatement votre décision de tantôt.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): C'est cela.
M. LEGER: Nous devions terminer à onze heures et demie pour
permettre à la CSN de s'exprimer dans le temps voulu.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si M. Mon-doux veut conclure. Je m'excuse.
Avez-vous terminé, M. Mondoux?
M. MONDOUX: Pardon?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Avez-vous terminé?
M. MONDOUX: Oui, effectivement, nous avons terminé. Nous voulons
tout simplement signaler à nouveau un point, c'est-à-dire le
manque d'intérêt qui, dans le passé, a amené la
situation que nous connaissons présentement. A moins que le
gouvernement ne fasse preuve de plus d'intérêt et, effectivement,
accorde les crédits nécessaires pour remédier à
cette pénurie de personnel, d'effectifs humains et autres, il n'y aura
pas amélioration dans le domaine des accidents. Même si on
réussit à diminuer les primes, purement au niveau de
l'administration des primes d'assurance, ce ne sera pas encore suffisant et le
Québec paiera encore plus cher que n'importe où ailleurs pour son
assurance.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): On remercie, au nom des membres de la
commission...
M. MERCIER: J'aimerais remercier, moi, le directeur
général de la ligue.
LE PRESIDENT (M: Lafrance): Je m'excuse, mais nous avons
déjà une demi-heure de retard. Je m'excuse.
M. MERCIER: C'étaient simplement des...
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Au nom des membres de la commission, je
remercie la Ligue de sécurité, spécialement MM. Mondoux et
Thompson. Je demanderais à la CSN de prendre place afin qu'on
écoute son mémoire.
M. MONDOUX: Merci, messieurs.
Confédération des syndicats nationaux
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, nous avons présentement les
représentants de la Confédération des syndicats nationaux.
Je ne voudrais pas brimer les syndicats nationaux mais je demanderais leur
collaboration. On a établi une procédure tout à l'heure
qui n'a malheureusement pas été suivie. Nous allons vous accorder
tout de même du temps supplémentaire, si vous en avez besoin, mais
on vous demanderait, si c'était possible, de vous limiter, dans votre
exposé, à vingt minutes, pour quarante minutes de période
de questions, quitte à vous donner une extension par la suite,
étant donné que nous avons été assez larges pour
l'autre groupement.
Alors, M. Pepin, si vous voulez nous présenter vos deux
collaborateurs, s'il vous plait.
M. PEPIN: Je vous remercie, M. le Président, et MM. les
députés. A côté de moi, à ma gauche, c'est le
vice-président Victor Dahl; au niveau de la CSN, il est responsable
particulièrement du service d'action politique, du secrétariat
d'action politique. A ma droite, André L'Heureux, qui est le directeur
du secrétariat d'action politique chez nous, à la CSN, et c'est
lui qui a surtout travaillé, depuis des années, à
préparer un dossier sur l'assurance automobile. Je vous dirai
d'ailleurs, au point de départ, que si vous êtes réunis
ici, en partie uniquement, c'est peut-être à cause du travail
qu'il a publié, en 1970, sur ce sujet. Des fois cela prend du temps
à rétroagir, je crois que je dois rendre au moins ce
témoignage à André.
Maintenant, M. le Président, j'aimerais que l'on discute, puisque
vous avez commencé à aborder ce débat, la façon
pour nous de présenter ce mémoire. Il y a 138 pages, vous le
savez. Il est long. Certains pourraient même dire que c'est un autre
rapport Gauvin; c'est possible. Mais quant à nous, nous avons
travaillé dur, trimé considérablement pour en arriver
à vous présenter un mémoire. J'ai toujours cru que les
commissions parlementaires qui nous invitent à comparaître devant
elles, quand elles le font, c'est pour essayer de connaître la position
des organismes ou des individus qu'elle reçoit. Aussi, si nous n'avions
pas suffisamment de temps pour présenter ce que nous avons à
dire, je pense que cela ne sert pas à grand-chose de demander aux
organismes de préparer les travaux les meilleurs possibles, à
leur idée, suivant leurs moyens, et d'arriver à la commission
pour se faire dire: Maintenant le temps ne nous permet pas de vous entendre au
complet.
M. TETLEY: M. Pepin, permettez-moi, pas simplement parce que vous
êtes un de mes électeurs, apparemment, mais...
M. PEPIN: Je ne sais pas dans quel comté je suis maintenant. Je
suis dans un autre.
M. TETLEY: Je crois que vous êtes monté à
Westmount.
M. PEPIN: A Westmount. Ce n'est plus vous, c'est un autre.
M. TETLEY: Vous n'avez pas changé d'adresse, mais ils ont
changé le comté.
Cela n'affecte pas notre amitié, j'espère, ni mon
élection. Le gouvernement n'a pas objection à vous entendre cet
après-midi ou même la semaine prochaine. Je dois dire que, pour de
bonnes raisons peut-être, l'Opposition voulait comprimer un peu les
auditions, mais ce n'était pas mon idée et je voulais vous donner
toute une journée. Donc, c'est une petite défense. D'autre part,
je note le problème, l'Opposition veut avancer.
M. BURNS: Attention, un instant, M. le Président, je pense qu'il
est important de dire exactement ce qui s'est passé, si on veut...
M. TETLEY: Vous n'étiez pas ici.
M. BURNS: ... si on veut nous imputer à nous une espèce de
clôture aux personnes intéressées. Nous avons
demandé de comprimer les dates des auditions des parties
intéressées, parce que le programme que vous nous aviez
fixé, au tout début, était de un par semaine, un
témoin par semaine. Dans certains cas, on croyait qu'on pouvait
facilement en grouper deux dans une même journée.
M. TETLEY: Un par jour, pas un par semaine.
M. BURNS: Un par jour, deux fois par semaines, pardon. Je m'excuse, vous
avez parfaitement raison. Ce qu'on a dit, nous autres, c'est qu'avec le
programme que vous nous aviez fait, on risquait de ne pas savoir quel type de
loi le gouvernement s'apprêtait à nous présenter avant je
ne sais pas trop quelle année.
M. TETLEY: Donc vous avez demandé la CSN avec un autre
aujourd'hui...
M. BURNS: On n'a pas demandé la CSN avec un autre, on a dit,
entre autres, justement dans le cas de la CSN, que c'était possible
qu'ils aient besoin de toute une journée, eux, mais que dans bien
d'autres cas, on pouvait en grouper deux et même trois dans la même
journée.
M. ROY: M. le Président, si on me permet, le ministre vient de
dire que l'Opposition voulait comprimer un peu le gouvernement. Je voudrais
dire au ministre...
M. TETLEY: Ce n'était pas le cas du député de
Beauce-Sud, il était absent.
M. ROY: M. le Président, j'ai été la plupart du
temps présent aux séances de la commission parlementaire, sauf
à quatre, parce qu'il y a eu des séances de la commission des
comptes publics en même temps. Je l'ai dit lorsque je suis venu. A part
ça, je me suis toujours intéressé aux séances de la
commission parlementaire concernant le rapport Gauvin, que j'ai toujours
suivies. A aucun moment, je tiens bien le dire à l'attention du
ministre, avons-nous demandé ni ai-je demandé, en ce qui me
concerne, de comprimer les travaux et de faire en sorte que les organismes ne
puissent se faire entendre. Je m'étonne, ce matin,...
M. TETLEY: Cela est vrai.
M. ROY: ...de voir qu'il y a d'autres organismes qui ont
été convoqués aujourd'hui alors que, depuis trois
semaines, nous en prenons seulement un par jour. Or, la CSN a un mémoire
très volumineux et j'estime, pour ma part, que nous n'aurons
certainement pas le temps je donne raison à M. Pépin, ici
de poser toutes les questions pertinentes suite au mémoire qui
nous est présenté, compte tenu du travail que la CSN a fait de ce
côté.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Si vous me permettez
maintenant...
M. ROY: En ce qui me concerne, ce n'est pas que j'aimerais qu'on termine
aujourd'hui. Ce n'est pas ça du tout, mais je pense qu'on devrait faire
en sorte que cet après-midi, après la période des
questions, on continue la séance de la commission parlementaire afin
qu'on puisse interroger les représentants de la CSN et qu'on prenne tout
le temps voulu, de façon bien objective, pour étudier ce
mémoire et poser toutes les questions pertinentes à ces gens.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Je crois disons en ajout
que cela est l'opinion de tout le monde, en commençant par le
président de la CSN. Je pense que celle-ci a un mémoire qui
couvre deux secteurs particuliers, notamment au chapitre de
l'assurance-automobile. Le mémoire en lui-même, qui a
nécessité plusieurs heures, mérite que les élus et
les membres de cette commission prennent tout le temps voulu pour
l'étudier, pour également poser toutes les questions qui sont
susceptibles de leur venir à l'esprit.
Je pense qu'à cet égard, le ministre lui-même est
entièrement d'accord sur le fait que la présidence accorde tout
le temps voulu à cette fin. Nous allons donc, si vous le voulez bien,
commencer tout de suite et, après la séance de ce matin, qui
continuera jusqu'à une heure, nous ajournerons à mardi
prochain.
M. PEPIN: Si vous permettez, vous ajournerez à mardi?
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): A mardi, toujours avec la CSN
qui pourra...
M. PEPIN: Est-ce que ce sera le matin, à ce moment-là?
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Ce serait mardi matin, à
dix heures trente, selon l'ordre de la Chambre.
M. PEPIN: Alors, il n'y aurait pas, cet après-midi, une...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Malheureusement, puisqu'on ne
peut nous-mêmes décider, au nom du leader du gouvernement, des
travaux de la Chambre puisqu'il a peut-être prévu autre chose.
Mais si le président peut se prêter à cette réunion
de mardi, il est bien évident qu'il est d'abord et avant tout
l'intéressé. Est-ce que cela pourrait convenir? Cela vous
convient?
M. BURNS: M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Bon, alors...
M. BURNS: M. le Président,...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): ... cela convient au
président...
M. BURNS: ...même si cela lui convient, il n'est plus mon patron,
j'ai le droit d'avoir une opinion différente. Blague à part,
c'est que je
pense simplement au côté pratique de l'affaire. Pendant que
la CSN expose son mémoire, c'est-à-dire d'ici à une heure,
est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de s'informer auprès du leader du
gouvernement, comme on l'a fait d'ailleurs déjà dans d'autres
cas, à savoir si on ne pourrait pas continuer cet après-midi?
Cela éviterait à la CSN de venir deux fois.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): On peut prendre les
informations...
M. BURNS: Justement, c'est...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): ...et on pourra vous communiquer
la réponse d'ici une heure. Antérieurement à ça, on
débute. Nous prenons les informations. Très bien.
M. PEPIN: Je vous remercie. Quant à nous, nous
préférerions que cela continue cet après-midi...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Ah bon!
M. PEPIN: ...pour des raisons très pratiques.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): D'accord.
M. PEPIN: Et, si ce n'est pas possible, mardi prochain, on sera ici
à dix heures. Avec votre permission, je vais maintenant demander
à mon camarade, André L'Heureux, de vous présenter le
mémoire. Je crois que cela mérite, en tout cas, d'être lu
en très bonne partie pour qu'on parle des mêmes choses quand on
aura à répondre aux questions.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Vous pouvez compter sur la
présidence pour ne pas vous imposer le bâillon.
M. PEPIN: Merci beaucoup.
M. LEGER: On en prend bonne note.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): J'espère.
M. L'HEUREUX (André): Oui, je pense que compte tenu du fait que
la commission a entendu surtout des intéressés qui seraient
affectés par les recommandations du comité Gauvin et celles aussi
qu'on préconise, si cela ne vous ennuie pas, nous on le trouve
important... Vous savez que dans le mouvement, il y en a plusieurs qui se
demandent pourquoi on vient parfois au parlement. C'est parce qu'on a
l'impression qu'on n'est pas entendu. Je sais que cela peut être
laborieux aussi de vous imposer une lecture. Mais compte tenu du fait que, je
pense, vous recevez beaucoup de paperasse, que vous avez tellement de choses
à analyser, et étant donné le peu de temps qu'on a ici
avec vous, on aurait peut-être, si cela ne vous ennuie pas...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Tout est dans la
manière.
M. TETLEY: D'accord.
M. L'HEUREUX: Pas le contenu?
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Aussi.
M. L'HEUREUX: Alors, je commence par le début, mais il
faut...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Vous permettrez peut-être
au ministre d'Etat aux Transports de vous poser une question.
M. BERTHIAUME: Est-ce que vous allez aborder la question de la
sécurité routière? C'est parce que j'ai d'autres
engagements et, si la réponse est non, je me permettrais de quitter.
M. L'HEUREUX: Nous n'aborderons pas la question de la
sécurité routière comme telle, car, comme d'ailleurs M.
Gauvin l'a fait au moment du dépôt du rapport, même s'il
s'agissait de son mandat et qu'il y a une partie assez importante sur la
sécurité routière, nous distinguons nettement. Nous sommes
d'accord sur tout ce qui a été dit ce matin, mais nous
distinguons nettement entre la sécurité routière et
l'assurance-automobile.
M. BERTHIAUME: D'accord, merci.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Nous vous écoutons.
M. L'HEUREUX: L'appui doctrinaire et les liens étroits de tous
les gouvernements du Québec en faveur de l'entreprise privée, du
monopole des compagnies d'assurance... Première page.
M. BONNIER: La première, première.
M. LEGER: On débute par le commencement.
M. L'HEUREUX: Donc, de tous les parasites qui s'approprient une partie
de nos primes d'assurance-automobile ont coûté en trop, en pur
gaspillage, depuis 1946, date de la fondation de la Saskatchewan Government
Insurance Office, $1.3 milliard; depuis 1970, $600 millions de nos primes
gaspillées sous le gouvernement actuel et, si on tient compte du fait
qu'une réforme prendrait au moins un an et qu'on va payer,
l'année prochaine, sûrement au moins un demi-milliard de dollars
ce sera beaucoup plus en 1974, on constate, à partir de ces
mêmes chiffres, que l'absence de réforme nous
coûte sûrement $2.6 millions par semaine en pur gaspillage
de nos primes.
Je suppose qu'il va falloir le démontrer.
Au départ, dans l'introduction, je pense qu'on résume
aussi un peu notre point de vue. Pour nous, c'est une question de coût,
de prix, de services, d'intérêt national pour les
Québécois.
Près de 2 millions de Québécois ont versé
cette année au moins $450 millions de primes d'assurance-automobile,
d'après la commission Gauvin. On en a versé $4.36 milliards
depuis 1946, plus de $2 milliards depuis 1970.
La conception, l'organisation et l'administration d'un régime
d'assurance-automobile sont des instruments à la disposition des
automobilistes afin d'assumer les conséquences inévitables de la
présence de millions d'automobiles sur nos routes.
De notre point de vue, de celui de millions d'automobilistes, la
question fondamentale qui se pose est la suivante: Quels sont les moyens, les
méthodes et les structures requises qui nous permettront, du point de
vue des primes versées, de nous garantir le meilleur service, la
couverture la plus complète, rapide, au plus bas prix possible?
Lorsqu'on envisage une dépense de cette ampleur, il importe de
comparer les avantages des divers instruments qui sont à notre
portée. Or, quels sont les avantages respectifs du système actuel
par rapport à celui que préconise la CSN depuis 1970? Il s'agit,
dans les deux cas, de régimes réels qui existent depuis au moins
28 ans.
Nous nous référons aux plans A et B afin de permettre
à chacun de les comparer le plus froidement et objectivement possible,
ne serait-ce que durant quelques minutes durant lesquelles on imaginerait que
nous sommes devant deux soumissions parce que, lorsqu'on choisit une
police d'assurance, habituellement, surtout de cette importance, on demande des
soumissions afin de savoir à qui nous confierons nos primes
d'assurance-automobile en 1974/75.
Première question, je pense, qu'un assuré se pose: Quel
pourcentage et quel montant de la prime sont requis pour administrer le
régime que je veux avoir?
Dans le plan A, je constate je tire cela de la commission Gauvin
que les administrateurs du plan A demandent 41 p.c. des primes
souscrites, soit $172 millions, pour administrer leur plan.
Les administrateurs du plan B demandent 17 p.c. des primes que nous leur
versons pour administrer le régime, c'est-à-dire $76
millions.
Deuxièmement, quel pourcentage des primes payées par les
automobilistes sera distribué en indemnités aux victimes
d'accidents? Question fondamentale aussi.
Les organisateurs du plan A retournent environ 59 p.c. de nos primes en
indemnités, c'est-à-dire $266 millions. Ceux du plan B nous
proposent de nous retourner 85 p.c. de nos primes, c'est-à-dire $382
millions.
Qu'advient-il des revenus provenant des intérêts
réalisés sur le placement des primes? Tout le monde sait qu'en
assurance il faut des réserves.
Ces centaines de millions ne se dépensent pas
immédiatement. Les organisateurs du plan A s'approprient les
intérêts sur le placement de nos primes à titre de
profit.
Ceux du plan B ajoutent les intérêts sur les placements des
primes aux revenus provenant des primes, de telle sorte qu'aux $450 millions
payés par les automobilistes s'ajoutent environ 8 p.c. de celles-ci,
avec les taux d'intérêt en vigueur présentement, soit $36
millions, ce qui transforme le total des revenus disponibles pour le
régime à $486 millions. Ces revenus permettent évidemment
de réduire les primes et d'améliorer la couverture. On peut
présumer que, les premières années, ce taux serait
inférieur à 8 p.c. mais pourrait sûrement atteindre 4 p.c.
Ce qui est le cas du Manitoba, d'ailleurs. C'est sûr que, les
premières années, on n'aurait pas les mêmes réserves
dans un plan comme celui-là. 4o. Quel est le profit qui est retenu
directement à même les primes versées? Les organisateurs du
plan A s'approprient, en plus des intérêts sur les placements, au
moins 2.5 p.c. des primes versées qu'on appelle
bénéfices techniques dans le jargon par les
assurés, soit $11,250,000. Ce chiffre vient de la commission Gauvin.
Ceux du plan B ne sont pas administrés sur la base de profits. En dehors
des salaires versés aux employés, tout surplus ils
prévoient des surplus est réinvesti dans
l'amélioration des services et la réduction des primes. Les
surplus servent également à financer des projets relatifs au
régime, à construire, par exemple, des immeubles qui demeurent la
propriété de l'ensemble des assurés, de la
collectivité. 5o. Sur quelle base obtient-on une indemnité? Les
organisateurs du plan A cherchent d'abord à déterminer la part de
responsabilité des conducteurs à l'aide d'avocats et souvent des
cours de justice avant de verser les indemnités.
Ceux du plan B compensent les victimes d'accidents et les dommages
matériels sans égard à la faute, ce qui élimine
largement, en pratique, le recours aux avocats et aux cours de justice et
assure à un plus grand nombre de victimes d'être
compensées.
Cependant, dans les cas de blessures et de responsabilité
publique, la victime conserve, au-delà des indemnités auxquelles
elle a droit et qui lui sont versées immédiatement, un droit de
recours en justice. 5o. Quels sont les délais requis pour compenser les
victimes d'accidents? Dans le plan A, dans les cas de blessures graves soumis
aux cours de justice, les indemnités pourront être versées
de 450 jours à 750 jours après la date de l'accident. Cela vient
du rapport Gauvin.
Plan B, les indemnités de base prévues par le
régime en cas de blessures sont versées à
l'intérieur d'un délai ne dépassant pas
généralement de 42 à 60 jours. Cela vient de la commission
Wooton.
Plan A, dans le cas de dommages matériels à la suite d'une
collision, l'automobiliste pourra attendre de deux mois à dix-huit mois,
la majorité des cas étant réglés en trois mois.
Dans le plan B, dans le cas de collision, le jour même de
l'accident les dommages sont estimés à un centre de
réclamation. De 15 à 60 minutes sont requises. J'ai passé
plusieurs jours dans les trois provinces de l'Ouest où cela existe pour
le constater. L'automobiliste n'a alors qu'à se rendre chez le garagiste
de son choix et son véhicule est réparé. Il
débourse seulement le montant de la franchise, quoiqu'il est aussi
récupérable si la responsabilité est partagée ou
n'est pas totale. 7o. Quelle est la politique des assureurs quant aux
franchises ou déductibles en assurance-collision? Plan A, 42 p.c. des
conducteurs n'ont pas de couverture à cet égard, risquant ainsi
une perte totale ou partielle de leur véhicule. 62 p.c. de ceux qui sont
couverts ont une franchise de $250, les autres $100; moins de 1 p.c. ont un
déductible de $50. Pour citer en fait les aspects, si on prend une Ford
ou une Chevrolet 1973, conducteur principal âgé de plus de 25 ans,
soit de 25 à 29 ans, pour usage d'affaires, l'assureur peut exiger $307
pour $200,000 au niveau de la responsabilité civile, plus $196 pour les
$100 en cas de collision, ce qui fait une prime totale de $593. En passant,
selon le cas du conducteur, s'il s'agit d'un nouveau conducteur, cela pourrait
totaliser j'ai des chiffres ici de la CUA, la Canadian Underwriters
Association, $990. S'il a le malheur de vivre en Abitibi, au
Saguenay-Lac-Saint-Jean ou sur la Côte-Nord, ça pourrait
être $1,219, de 25 à 29 ans; on ne parle pas des jeunes
irresponsables de moins de 25 ans.
Dans le cas du plan B, 100 p.c. des automobilistes
bénéficient d'un déductible de $200 en cas de collision ou
de renversement. Il est de $250 en Colombie-Britannique. 59 p.c. ont une
franchise de $100; 12 p.c. un déductible de $50. Ce déductible
peut être réduit de $100 à $50. Ainsi, dans une province
où existe le plan B, l'assurance de base pour une Ford 1973 est de $115;
pour $37 de plus, soit $152 au total par année, il peut augmenter la
couverture au chapitre de la responsabilité civile de $35,000 à
$200,000 et réduire la franchise de $200 à $100. Pour la
réduire de $100 à $50, il ne paie que $13 de plus.
Ici, par rapport à ce qu'on dit au plan A, ce qui est important
ce ne sont pas les chiffres parce qu'on sait fort bien qu'on ne pourra pas
bénéficier des mêmes taux ici que dans ces provinces, ce
qu'on fait remarquer c'est l'écart qui existe dans les divers choix pour
améliorer sa couverture. 8o. Qu'advient-il des conducteurs et
automobilistes âgés de 16 à 25 ans? Dans le cas du plan A,
à cause du taux d'accidents très élevé des
conducteurs de 16 à 25 ans on pourrait même dire 29 ans
parce qu'en pratique c'est très élevé jusqu'à cet
âge ces derniers doivent payer beaucoup plus cher que les autres
catégories de conducteurs. Les administrateurs du plan A estiment qu'il
serait injuste d'obliger les autres catégories de conducteurs à
subventionner ceux qui sont âgés de 16 à 25 ans à
cause de leur taux élevé d'accidents. C'est pourquoi ils exigent
deux, trois, quatre fois ou plus de ces conducteurs que des autres
catégories. Ce qui peut signifier au Québec des primes allant
jusqu'à $1,200 et plus quand je dis "et plus", j'aurais pu dire
davantage. Ici, j'ai les taux pour les 16 et 17 ans; à Montréal,
pour une Ford Bel-Air de l'année on va prendre le plus bas
possible, qui se compare aussi au régime obligatoire de la Saskatchewan
ce serait $578 au niveau de $35,000, $593 pour les $250 de
déductible, plus $32 pour les risques multiples, et $9 pour les frais
médicaux et autres, ce qui fait un total assez important. Si un jeune
voulait se donner $200,000, je prends les taux d'Abitibi, de la
Côte-Nord, par exemple ce serait $858 pour un jeune de 16 à
18 ans; pour $100 de déductible, $1,365.00. Ce qui fait qu'on est rendu
dans les $2,000 et c'est donc prohibitif.
Dans le cas du plan B, les administrateurs du plan B disent: C'est vrai,
les conducteurs âgés de 16 à 25 ans, de sexe mâle
surtout, subissent globalement plus d'accidents que les autres conducteurs.
Cependant, on ne peut pénaliser arbitrairement chacun des conducteurs
à cause de cette réalité. Chacune des personnes, chacun
des conducteurs doit avoir l'occasion, individuellement, d'assumer ses
responsabilités et de démontrer qu'il peut être un
conducteur responsable quel que soit son âge, son sexe, son
expérience. Il pourra cependant débourser, dans les cas que l'on
compare, un supplément quant à la prime du conducteur: $7 s'il a
plus de 25 ans et $22 s'il a moins de 25 ans. Effectivement, pour le Manitoba,
cela a été augmenté cette année, c'est $10 pour le
plus de 25 ans et $25 pour le masculin de moins de 25 ans, et $10 pour les
femmes. Mais au niveau de l'assurance de base pour le véhicule, tous les
conducteurs paient sensiblement la même prime. 9o. Qui administre nos
primes? Les primes peuvent être versées à l'un ou l'autre
des 164 groupes privés qui n'ont de comptes à rendre à
personne sauf les actionnaires. En pratique, 23 p.c. des primes vont à
des groupes dont la charte est québécoise; 77 p.c. à des
groupes canadiens et étrangers, 39 p.c. et 38 p.c. La direction de
l'administration est minoritaire-ment québécoise-, 118
sièges sociaux contrôlent 41 p.c. de nos primes et sont à
l'extérieur du Québec. Le contrôle de l'administration est
privé. Les organisateurs répondent à des actionnaires qui
recherchent le profit maximum. Les groupes s'entendent pour fixer des taux
à peu près semblables. Les différences de prix sont en
général minimes.
Dans le cas du plan B, 100 p.c. des primes
sont versées à une administration représentant
exclusivement les citoyens de la province. Une direction à 100 p.c.
québécoise. Un seul siège social québécois.
Le contrôle de l'administration est public. Les organisateurs
administrent en fonction des services, des besoins des assurés et des
politiques de l'Etat du Québec. l0o. Le père de famille, dont un
ou plusieurs enfants âgés de 16 ans pourraient conduire
occasionnellement le véhicule, a-t-il à débourser beaucoup
plus que sa prime habituelle? Dans le cas du plan A, il pourra payer $300 de
plus que sa prime pour son garçon de 18 ans qui conduit
occasionnellement.
Je regrette de dire que c'est mon cas. C'est le cas de mon fils. J'ai
demandé en tout cas à deux courtiers puis j'ai
vérifié ailleurs, c'est bien ça. Je lui ai dit ce qu'il
aurait à payer et que lorsqu'il aurait l'argent pour payer il pourrait
conduire l'auto. Peut-être qu'il y en a d'autres qui font ça
aussi.
Dans le cas du plan B, il n'y a aucun supplément au niveau du
régime de base si le ou les fils de moins de 25 ans conduisent
occasionnellement. Il peut y avoir un léger supplément quant
à l'assurance facultative, mais minime, qui permet en même temps
d'utiliser son véhicule pour affaires (supplément de $17 dans une
province).
Un automobiliste peut-il être refusé par un assureur? Dans
le cas du plan A, oui; dans le cas du plan B, non. Où sont investies nos
primes et réserves? Dans le cas du plan A, au-delà de certaines
règles générales, les investissements de nos primes se
font là où les administrateurs le jugent à propos. Dans le
cas du plan B, en coopération avec les organismes de planification de la
province, l'économie et les institutions de la province sont
privilégiées, notamment les municipalités, les commissions
scolaires, les hôpitaux.
Il y a diverses caractéristiques particulières, je pense,
au plan B: L'administration négocie les taux horaires des garagistes.
Elle récupère les véhicules démolis et revend,
à profit, aux automobilistes les pièces
récupérées. Elle négocie les commissions des
courtiers. Elle maintient un centre de recherche en collaboration avec les
universités, un fichier central relié par ordinateur avec tous
les centres de réclamation (ce qui réduit la paperasse et les
délais) et permet de maximiser les économies administratives,
émission des chèques, etc. Elle s'organise de manière que
le renouvellement des polices corresponde à celui des plaques
d'immatriculation, ce qui permet de s'assurer que le maximum des
véhicules sont effectivement assurés et réduit les frais
d'acquisition des polices. Elle élimine des milliers de classification
actuelles et simplifie la tarification. L'universalité et
l'administration unique permettent de répartir les risques sur
l'ensemble des automobilistes, autre source d'épargner. Elle paie les
mêmes taxes municipales et scolaires, de vente, sur les primes, sauf la
taxe fédérale sur les profits des sociétés.
Enfin, rappelons que les économies d'échel- le, la
répartition des risques sur l'ensemble des assurés, la
récupération des intérêts sur les placements,
l'élimination de la notion de profit, la réduction des frais de
mise en marché par un monopole public ne peuvent être
réalisées par une multiplicité d'entreprises.
Peut-on faire autrement que de choisir le plan B? Le plan B n'est pas
une hypothèse, une alternative théorique, un "peut-être"
conditionné par toutes sortes de préalables plus ou moins
réalisables d'ici X années. C'est une formule
expérimentée, réussie depuis 1946 en Saskatchewan, en 1971
au Manitoba, le 1er mars 1974 en Colombie-Britannique. La réforme a
été aménagée en moins d'un an dans ces deux
provinces, pendant qu'au Québec nous étudions.
Le plan A, c'est évidemment celui des compagnies d'assurance du
Québec. Celles-ci et tous ceux qui se sentent menacés à
cause du gaspillage scandaleux de nos primes sous le régime actuel y
vont de leurs projets de réforme.
Le comité Gauvin trace un portrait qui condamne le régime
actuel et les compagnies d'assurance, lesquelles ont eu tout le temps requis
pour se réformer, si elles en avaient été capables.
Inefficacité, lenteur et dédales bureaucratiques; coûts
administratifs exhorbitants; arbitraire et secret; mauvais services, prix
excessifs, concurrence fictive, comportement dans les faits d'un monopole;
absence pour l'assuré d'une véritable liberté de choix;
exploitation éhontée des jeunes et nouveaux conducteurs;
délais de compensation inacceptables et mépris des
accidentés; pertes de temps des cours de justice; appropriation de notre
épargne collective, du pouvoir et des profits qui en découlent;
absence d'imagination, le projet AutoBAC en est un exemple...
M. TETLEY: De qui?
M. L'HEUREUX: Des compagnies d'assurance.
M. TETLEY: Ce n'est pas inclus dans votre liste.
M. L'HEUREUX: Parce qu'aller choisir Au-toBAC quand, en 1971, une
société gouvernementale a été créée
qui s'appelle AutoPAC au Manitoba, c'est assez peu original. Cela voudra dire
quand on discutera si jamais on avait un débat que vous
seriez avec nous pour une société gouvernementale et qu'on serait
devant le BAC, où on discuterait. Vous parleriez peut-être
d'AutoBAC, puis les autres parleraient d'AutoPAC. Ce serait un peu
mêlant, confus pour les gens.
De toute façon...
M. TETLEY: Nous n'avons pas reçu les chiffres, non plus,
d'AutoBAC.
M. L'HEUREUX: Ils sont avares de chiffres.
Ils ont toujours été avares de chiffres. On les prend en
passant. On a ici, s'il y en a qui sont intéressés, la brochure
sur les taux du régime de base de la Saskatchewan. Cela est
distribué à tous les citoyens, et là vous avez au complet
tous les taux, tandis que si vous essayez d'obtenir...
M. HARVEY (Charlesbourg): Est-ce un régime mixte? Je m'excuse,
j'irai dans le débat plus loin.
M. L'HEUREUX: Essayez d'obtenir un manuel de taux des compagnies
d'assurance au Québec, vous voyez sur chacune des pages...
J'en ai fait faire des photocopies quand même, j'ai mis la main
sur une copie. On l'a fait souvent, mais "droits réservés,
propriété de l'Association canadienne des assureurs". C'est
très difficile. Même les compagnies avec lesquelles on fait
affaires ne voulaient pas nous les passer, tandis que là-bas, tous les
renseignements sont publics. Je pense que la commission Gauvin, d'ailleurs, par
M. Rankin, l'a mentionné le premier jour du dépôt de son
rapport. Cela est assez important, je pense, parce que jusqu'ici elles ne vous
ont pas fourni de chiffres à vous, le gouvernement, qui en demandez
depuis si longtemps. Vous les avez même condamnées publiquement
pour ne pas l'avoir fait.
De toute façon, continuons. La bienveillante sollicitude de tous
nos gouvernements à l'endroit des compagnies d'assurance nous a
coûté beaucoup trop cher. Elles ne méritent plus, depuis
longtemps, notre confiance pour permettre qu'on leur confie, par des projets
théoriques, une autre chance de se moquer de nous durant trois ou cinq
autres années.
Nous distinguerons, dans ce débat, ceux qui font passer la
doctrine de l'entreprise privée avant l'intérêt individuel
et collectif des Québécois et des assurés.
Le comité Gauvin a confirmé l'exactitude de
l'élément central de la campagne de la CSN depuis 1970. En
1969/70, avec des moyens de fortune, sans les pouvoirs et les ressources d'un
comité gouvernemental d'enquête, la CSN a publié un premier
dossier de plusieurs centaines de pages sur l'assurance-automobile.
C'était la première critique du mythe de l'efficacité des
compagnies d'assurance. Ce dossier remettait en cause l'ensemble du
régime d'assurance-automobile imposé aux automobilistes du
Québec avec l'appui des gouvernements du Québec et du monopole
des compagnies d'assurance.
La réaction du monopole a été violente. Les
compagnies d'assurance et ceux qui en profitent n'avaient jamais, jusqu'alors,
été démasqués au Québec. Une
contre-offensive de propagande, visant à discréditer le dossier
de la CSN, s'est poursuivie jusqu'à récemment.
Nous répétions, depuis 1970, que l'un des critères
fondamentaux de l'efficacité d'une entreprise d'assurance était,
d'une part, le pourcentage des primes versées par les assurés qui
retournent aux victimes d'accident sous forme de compensation et, d'autre part,
le pourcentage des primes souscrites par les assurés requises pour
administrer le régime.
Dans notre première étude publiée sous forme de
brochure en 1970, nous posions, au départ, la question suivante, la
même qu'on vient de poser et qui est une question fondamentale: "Quel est
le pourcentage de la prime payée par l'automobiliste qui est
consacré aux frais administratifs de la régie de
l'assurance-automobile de la Saskatchewan par rapport à celui des
compagnies d'assurance privées du Québec? Les compagnies,
écrivions-nous, coûtent plus de 100 p.c. plus cher à
administrer que la société gouvernementale de la Saskatchewan. La
différence est tout simplement renversante. Il ne s'agit pas de 10 p.c.
ou 20 p.c. mais de 100 p.c. et plus, c'est-à-dire que les compagnies
d'assurance-automobile privées nous coûtent au moins 100 p.c. de
plus qu'aux automobilistes de la Saskatchewan. Or, ce plus représente au
Québec des dizaines de millions de dollars par année, soit de $50
à 60 millions par année".
Nous affirmions alors que les frais d'administration de la
société gouvernementale d'assurance de la Saskatchewan en
pourcentage des primes souscrites, quant au régime obligatoire de base
administré exclusivement par elle, représentait un pourcentage
moyen, de 1946 à 1968, de 16.39 p.c. (Dossier CSN, page 28)
Le 21 mars 1973, dans notre mémoire au comité Gauvin, nous
disions ce qui suit: "De 1946 à 1971, la Société
gouvernementale de la Saskatchewan a remis, en moyenne, en compensation aux
assurés, 83.64 p.c. des primes qu'ils avaient versées,
c'est-à-dire que les frais administratifs de la Société
gouvernementale sont de loin, quant au régime de base, plus bas que ceux
exigés par les compagnies d'assurance. Les dépenses
administratives, par rapport aux primes perçues, représentaient
en effet 17.54 p.c. pour la période allant de 1946 à 1971".
(Mémoire de la CSN au comité Gauvin, le 21 mars 1973, page
11)
En 1970, il nous était évidemment impossible de mesurer
exactement les frais administratifs réels des compagnies d'assurance
au-delà des pourcentages publiés par le surintendant des
assurances, qui ne fait que publier les statistiques qui lui sont fournies par
les compagnies d'assurance sans être, de son propre aveu, en mesure de
contrôler celles-ci.
En 1967, ces dépenses étaient officiellement de 35.5 p.c.
Ce sont les chiffres que nous avions à ce moment-là. A partir des
diverses commissions d'enquête, notamment celle de la
Colombie-Britannique (Wooton en 1968) nous estimions que le pourcentage des
frais administratifs réel des compagnies d'assurance se situait à
au moins 41 p.c. Et nous demandions: "Quel est le véritable taux au
Québec? Seule une enquête pourrait le démontrer". Nous
n'avions pas le pouvoir d'analyser la comptabilité des compagnies,
surtout que celles-ci sont avares de tout renseignement significatif sur les
modalités réelles de leur administration.
Quatre ans après le lancement du dossier de la CSN, après
trois années et $700,000 de recherches, un comité d'étude
gouvernemental confirme les chiffres publiés par la CSN en 1970. Le
comité Gauvin a retenu les services de consultants en administration qui
sont allés vérifier la comptabilité des
sociétés gouvernementales de la Saskatchewan et du Manitoba. La
CSN avait établi la moyenne des frais d'administration de la
société gouvernementale de la Saskatchewan, dans son
mémoire, à 17.54 p.c.
Le comité Gauvin dans son rapport, page 220, certifie que
l'étude de ses experts démontre que le pourcentage des frais
administratifs est de 17.9 p.c. Il y a moins de 1/4 de 1 p.c. de
différence.
Après vérification, le comité Gauvin est convaincu
que les résultats obtenus donnent un aperçu valable et
authentique de la situation.
Le comité a analysé les dépenses du nouveau
régime gouvernemental créé au Manitoba en 1971.
Nous le remercions d'avoir approfondi son analyse, car les compagnies
d'assurance prétendaient, jusqu'ici, qu'à cause des
méthodes comptables de la Saskatchewan, qui fait aussi de l'assurance
générale et qui incorpore les revenus de l'assurance facultative
à ses affaires générales, les compagnies d'assurance
prétendaient que nos chiffres, notre pourcentage n'étaient pas
applicables. Or, le comité Gauvin se trouve à avoir
corrigé cette impression et démontre que, effectivement, il
s'agit bien de 17 p.c.
Le comité Gauvin en arrive donc à la conclusion que les
coûts d'exploitation de la nouvelle société gouvernementale
d'assurances du Manitoba représentent 17.1 p.c. par rapport à
36.6 p.c. pour les compagnies d'assurance au Québec, plus les profits et
les frais assumés par les assurés pour obtenir une compensation
soit 2.5 et 1.7, plus les intérêts sur les placements, dont le
montant n'est pas précisé par le comité Gauvin.
Quel est le pourcentage réel des frais administratifs des
compagnies d'assurances?
Le comité Gauvin a établi clairement que les frais
d'administration des sociétés d'assurances gouvernementales se
situent à environ 17 p.c. des primes écrites.
Cela, nous l'avions indiqué dès 1970. Nous n'avions rien
inventé. Les rapports officiels, publics sont là depuis 1946.
Cela est important à souligner, parce que c'est ça
peut-être qui est choquant quand on se met à analyser des choses
comme celles-là, quand on dit que les gouvernements n'ont rien fait,
qu'il ne fallait pas une enquête de trois ans sur la situation,
après le rapport Wooton. C'est un gouvernement créditiste qui a
fait ça, le rapport Wooton. C'est cela la brique Wooton. On voit plus
loin dans notre mémoire d'ailleurs que, quand on étudie l'analyse
du rapport Gauvin sur ce qu'on appelle le dossier accablant pour les compagnies
d'assurance ici, quant aux services, aux délais et tout, cela
correspond. On a publié de larges extraits.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Je m'excuse, je suis en train de
me demander si je ne devrais pas vous rappeler à l'ordre, parce
qu'à la période des questions on aura amplement de temps. Si vous
extrapolez votre mémoire, qui est déjà assez volumineux,
on n'en sortira pas. On va passer l'hiver ici et on va se faire encore
blâmer de retarder la loi en matière d'assurance. On y va avec le
mémoire et, ensuite, vous aurez tout le temps voulu pour pouvoir
extrapoler.
M. L'HEUREUX: On en était: Dès 1968, une autre commission
royale d'enquête l'avait confirmé. Et il suffisait à
quiconque de demander, pour les obtenir, tous les rapports financiers, toutes
les questions possibles à la direction du Saskatchewan Government
Insurance Office. Le SGIO, comme AUTOPAC et, depuis le 1er mars 1974, la
Insurance Corporation of British Columbia font preuve d'une ouverture, d'une
disponibilité, d'une volonté de répondre à toutes
les questions, de fournir tous les documents. Ce qui tranche avec le
comportement fermé, secret, hostile, arbitraire des compagnies
d'assurance. Ceux qui ont cherché à obtenir des renseignements
précis sur leur fonctionnement comprendront.
Pourquoi a-t-il fallu attendre plus de 4 ans après la publication
du premier dossier de la CSN sur l'assurance automobile pour obtenir la
confirmation que les frais d'administration de la société
gouvernementale de la Saskatchewan étaient de 17 p.c? Et même
aujourd'hui, 5 mois après la publication du rapport, nous nous
retrouvons devant un gouvernement qui n'a pas de recommandation, de plan
d'action à formuler, malgré l'évidence du dossier.
Et les compagies d'assurance au Québec?
On se souviendra qu'en 1970 nous avions dénoncé les
rapports publiés par le surintendant des assurances du Québec et,
surtout, ceux du Bureau des assurances du Canada, l'un des instruments de la
domination du monopole des compagnies d'assurance au Canada. En effet, ces
rapports publient des statistiques qui prétendent démontrer le
pourcentage des frais administratifs et des compensations versées aux
victimes. C'est la commission royale de la Colombie-Britannique qui avait
découvert que ces chiffres publiés annuellement par les
surintendants d'assurances étaient faux; c'est-à-dire que les
assureurs dissimulaient, dans les chiffres présentés, comme
étant des compensations versées aux victimes d'accidents, des
frais administratifs.
Le comité Gauvin confirme notre analyse et déclare
à propos des rapports que les compagnies d'assurances doivent, selon la
loi, remettre au surintendant des assurances:
Ces rapports ne peuvent permettre une analyse aussi complète que
possible des coûts de l'assurance automobile au Québec sur la
base
des renseignements consignés. Une telle situation est certes
déplorable puisqu'elle porte à confusion.
La principale source d'information concernant les coûts du
régime actuel provient du Bureau des assurances du Canada qui regroupe
les compagnies; 77 p.c. des primes d'assurance-automobile au Québec en
1970.
En 1969, 1970, 1971, 1972, les frais administratifs
représentaient selon ces rapports respectivement 27.6 p.c, 26.8 p.c,
27.6 p.c. et 26.4 p.c. de la prime. Ces pourcentages excluent cependant la
majeure partie des frais imputables au règlement des sinistres. Il faut
donc recourir à une autre source. (Comité Gauvin, page 216).
Le comité a donc entrepris une étude auprès des
compagnies qui font partie du Bureau des assurances du Canada. Le
résultat est significatif. Il ne s'agit pas des pourcentages
publiés "officiellement" dans les rapports gouvernementaux, de 27 p.c.
ou de 26 p.c, mais au minimum de 40.8 p.c.
Les compagnies ont donc systématiquement camouflé, dans
leurs rapports officiels au surintendant, 8 p.c. des frais administratifs
requis pour le règlement d'accidents dans le montant qui aurait dû
représenter la compensation aux assurés.
Autre omission les profits soit le pourcentage 2.5 p.c.
des primes retenues par les compagnies "pour les bénéfices". A ce
sujet, il est étonnant que le comité Gauvin s'en soit tenu au
pourcentage officiellement réclamé par les compagnies.
Le comité Gauvin, par ailleurs, tient compte des frais encourus
directement par les victimes pour l'obtention de leurs indemnités,
pourcentage qu'il situe à 1.7 p.c. des primes. C'est une des
réalités que doit subir l'assuré aux mains des compagnies
d'assurance pour bénéficier de son assurance (drôle
d'assurance! ). Cependant, puisque le comité en parle et malgré
sa mise en garde, quant à la valeur de son échantillonnage, il
nous semble que ce pourcentage soit faible si on le compare à
l'échantillonnage de la commission Wooton. Nous aurions souhaité
qu'il analyse davantage la part des indemnités que s'approprient, par
exemple, les avocats.
Il y a également les intérêts sur les placements des
primes. 5- Le comité Gauvin choisit de ne pas tenir compte des revenus
de placements. "L'ensemble des déboursés, dit-il, pour la
répartition des indemnités du régime actuel
représente donc 40.8 p.c. du montant de la prime. Cette estimation ne
tient pas compte des revenus de placements que les compagnies d'assurances
retirent sur les avoirs détenus pour les assurés puisque ces
revenus ne correspondent pas véritablement à des
déboursés à même le dollar-prime que versent les
assurés".
Ici, le comité Gauvin adopte la position des compagnies
d'assurance, ce que la commission Wooton a refusé de faire. Nous ne
pouvons accepter que le comité Gauvin ne tienne pas compte des revenus
provenant des revenus sur les placements effectués par les compagnies
d'assurance avec nos primes.
Car, dans ce même chapitre 4, le comité compare les
régimes administrés par les sociétés
gouvernementales et les compagnies d'assurances du Québec.
Or, en choisissant d'exclure les intérêts sur les
placements, il omet un facteur essentiel à la comparaison entre les deux
régimes puisque les intérêts sur les placements sont
intégrés aux revenus provenant des primes par les
sociétés gouvernementales d'assurances.
Pourquoi le comité Gauvin a-t-il choisi d'exclure cet aspect de
la comparaison?
Il ne donne qu'une seule raison en quelques lignes à la page 217.
La voici: "Ces revenus (sur les placements) ne correspondent pas
véritablement à des déboursés à même
le dollar-prime que versent les assurés".
C'est là un jeu de mots qui ne correspond nullement à la
réalité. (l)La note (1): Les sociétés
gouvernementales d'assurances qu'il a analysées n'affirment-elles pas
dans leurs rapports j'en ai une copie ici que sans les
intérêts en placements, les primes auraient été plus
élevées? Exemple: 1973 Annual Report The Manitoba Insurance
Corporation, page 7: "Les intérêts sur les placements ont
totalisé $1.6 million. Ces revenus ont été
incorporés à ceux provenant des primes afin de réduire les
primes payées par les automobilistes et d'améliorer les
couvertures".
Alors, c'est là un jeu de mots qui ne correspond nullement
à la réalité. Car si, dans les rapports sur
l'assurance-automobile et avant de déterminer le niveau des primes que
devront acquitter les automobilistes, on ajoute aux primes écrites les
intérêts sur les placements, il est évident qu'à la
fois le niveau des primes et de la couverture sont directement
concernés.
Le comité Gauvin aurait dû informer les
Québécois dans son rapport de cet aspect du mode de
fonctionnement des trois sociétés gouvernementales
d'assurances.
Lorsque la Saskatchewan présente le bilan de l'administration du
régime de base au niveau des revenus, elle indique deux sources
principales: lo Les primes nettes écrites. 2o L'intérêt
réalisé sur les placements.
Or, l'analyse du tableau suivant démontre que cette
manière de procéder est importante et exerce une influence
directe sur les primes que doivent verser les assurés.
En passant, ce tableau est publié annuellement dans les brochures
de la Saskatchewan.
Ainsi, de 1946 à 1973, les primes écrites au niveau du
régime obligatoire totalisaient $287 millions auxquels s'ajoutent $17
millions de revenus des placements, c'est-à-dire que ces
intérêts sur les placements représentent près de 6
p.c. des revenus provenant des primes écrites. Et surtout à cause
de la hausse des intérêts depuis quelques années, on
constate que les intérêts sur les placements représentent,
de
1970 à 1973, plus de 8 p.c. des primes écrites.
D'ailleurs, nous avons pu, au cours d'une tournée qui nous a
permis de rencontrer, en avril 1974, les principaux administrateurs des trois
sociétés gouvernementales de l'Ouest, nous rendre compte que
depuis un an surtout les revenus provenant des placements sont, comme tous le
savent, de plus en plus importants.
Personnellement, ce n'est pas dans le mémoire, mais je trouve
qu'il serait opportun que cette commission-ci, vu l'importance du sujet et tout
ce qui s'est dit sur le système gouvernemental, si elle ne se fie pas
à un mémoire de la CSN ou à ce que d'autres ont pu en
dire, prenne une semaine et aille voir là-bas comment cela se passe.
Enfin, selon ce même tableau...
LE PRESIDENT (M.Harvey, Charlesbourg): On retient la suggestion.
M. PEPIN: Ce n'est pas pour retarder.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Eh oui! Voilà.
M. L'HEUREUX: Mais ce serait important. Nous sommes prêts à
collaborer à l'organisation. Nous connaissons très bien tous les
gens.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Vous avez les budgets aussi?
M. L'HEUREUX: Peut-être que...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): AutoBAC nous commanditera
peut-être! Allez-y !
M. L'HEUREUX: Cela dépend de votre augmentation prochaine!
LE PRESIDENT (M. Harvey Charlesbourg): Trêve de plaisanteries!
M. L'HEUREUX: Enfin, selon ce même tableau, on constate que le
pourcentage des coûts d'exploitation est évidemment modifié
selon que l'on tient compte ou non des revenus provenant des placements.
La commission Gauvin et les deux firmes qu'elle a engagées pour
scruter la comptabilité des sociétés gouvernementales de
la Saskatchewan et du Manitoba ont-elles tenu compte de ces revenus pour en
arriver à un pourcentage de frais administratifs d'environ 17 p.c. par
rapport aux primes écrites?
Ainsi que le démontre le tableau cité, le pourcentage de
la prime consacré à la compensation aux victimes d'accidents est
nettement augmenté par l'apport des intérêts sur les
placements, lesquels contribuent directement, d'autre part, à
réduire les dépenses administratives, donc, évidemment,
les primes versées par les automobilistes.
Si la société gouvernementale d'assurance de la
Saskatchewan a pu consacrer durant 28 ans une moyenne de 85.29 p.c. des primes
versées par les assurés sous forme de compensation aux victimes
d'accidents, c'est évidemment parce que cette société
gouvernementale tient compte non seulement des primes, mais des
intérêts sur les placements.
Et c'est justement l'une des caractéristiques de ces entreprises
qui utilisent tous les revenus en fonction des besoins collectifs et
individuels, plutôt que de chercher à maximiser les profits en
faveur d'un groupe de parasites-actionnaires qui détiennent
légalement le privilège de s'enrichir aux dépens des
automobilistes et des assurés.
Nous avons, au Québec, versé plus de $4.36 milliards en
primes aux compagnies d'assurance-automobile depuis 1946. A 6 p.c, comme cela a
été le cas en Saskatchewan, il s'agit donc de plus de $260
millions qui auraient contribué soit à réduire les primes
et/ou à améliorer la compensation. Puisque, depuis cinq ans, le
pourcentage provenant des placements dépasse 8 p.c. du revenu provenant
des primes, il s'agirait de $160 millions depuis 1970 et cette année,
à partir de l'estimation du rapport Gauvin, de $36 millions.
Comment les compagnies d'assurance et la commission Gauvin peuvent-elles
analyser l'assurance-automobile comme si ce facteur n'avait pas d'importance
sur la couverture, la compensation et le niveau des primes? Revenons au tableau
cité. Si la Saskatchewan n'avait pas incorporé à ses
revenus les intérêts sur les placements, elle n'aurait
disposé, pour s'administrer, que de 14.75 p.c. des primes
écrites.
Or, nous savons qu'environ 17 p.c. des primes sont requis par cette
société gouvernementales pour s'administrer. Si la
société gouvernementale avait décidé de ne pas
tenir compte des intérêts sur les placements, elle aurait eu
à augmenter les primes de près de 4 p.c.
Il est donc évident que, contrairement à ce qu'affirme le
rapport Gauvin, les revenus provenant des intérêts sur les
placements sont un facteur important dans l'analyse des coûts et dans
toute comparaison entre les compagnies d'assurance capitalistes et une
société publique au service de la collectivité,
particulièrement si l'on compare l'administration de la Saskatchewan ou
du Manitoba aux compagnies d'assurance du Québec.
La commission Gauvin n'aurait pas dû se contenter, dans ses
hypothèses de répartition des coûts, d'utiliser le taux
officiellement réclamé par les compagnies d'assurance, soit 2.5
p.c. des primes. Surtout qu'elle reconnaît que le taux réel a
été, en 1970, de 4.2 p.c. des primes. Il aurait été
nécessaire que la commission estime et utilise le taux de profit
réel.
Si la commission Gauvin a confirmé que les frais d'administration
des compagnies d'assurance au Québec sont au moins de 40.8 p.c, tandis
que ceux des sociétés gouvernementales de la Saskatchewan et du
Manitoba sont de 17.9 p.c. et de 17.1 p.c, elle n'a pas chiffré ce
gaspillage de nos primes par les compagnies d'assurance.
On en arrive aux chiffres de la page frontispice.
Combien nous coûte, en pure perte, le gaspillage de nos primes
sous le régime actuel de l'entreprise privée depuis 1946, depuis
1970 et en 1974/75 pour chaque semaine de retard?
La société gouvernementale de la Saskatchewan existe
depuis 1946. Elle a réussi à administrer son régime
d'assurance-automobile avec (selon ses rapports, 16.52 p.c. de ses revenus)
17.9 p.c. des primes écrites, selon le rapport Gauvin. Le Manitoba,
selon le même rapport, s'administre avec 17.1 p.c. des primes. Les
compagnies d'assurance du Québec exigent, selon le rapport Gauvin, 40.8
p.c. de nos primes pour s'administrer, sans compter les intérêts
sur les placements et les années où le profit des compagnies
réalisé à même les primes dépasse 2.5 p.c,
comme en 1970.
Les compagnies d'assurance du Québec exigent donc, sous le
régime actuel, 23.7 p.c. de plus, à même les primes que
nous versons, que la société gouvernementale du Manitoba et 22.9
p.c. de plus que celle de la Saskatchewan.
Dans sa conclusion, la commission utilise 41 p.c. dans le cas des
compagnies d'assurance du Québec et 17 p.c. dans le cas des
sociétés gouvernementales.
Il s'agit donc d'un minimum de 24 p.c. que les automobilistes versent en
trop à même les primes payées annuellement. Cela signifie:
de 1946 à 1974, plus de $1 milliard payé en trop, puisque
les automobilistes québécois ont versé plus de $4.3
milliards en primes aux compagnies. C'est ce que nous avons, à cause du
maintien des compagnies d'assurance et du régime actuel, payé en
pure perte pour engraisser tous les parasites qui vivent grassement aux
dépens des primes des automobilistes.
Si on ajoute les intérêts sur les placements, cela ferait
$1,300,000,000.
Il est important de noter ici qu'il ne s'agit pas de taux d'accidents,
quels que soient nos championnats de ce point de vue-là; il s'agit
purement de frais d'administration.
Depuis 1970, $460 millions. Depuis le lancement de la campagne de la CSN
pour l'élimination des compagnies d'assurance-automobile,
c'est-à-dire depuis 1970, les automobilistes du Québec ont remis
près de $2 milliards sous forme de primes aux compagnies d'assurance. Si
nous ajoutons les intérêts sur les placements, il s'agit d'un
gaspillage, depuis cinq ans, de plus de $600 millions.
En 1974, plus de $140 millions de trop en tenant compte des
intérêts sur les placements. En 1975, il s'agira peut-être
de $160 millions.
Chaque semaine de retard coûte plus de $2,600,000 aux
automobilistes québécois en pur gaspillage de leurs primes parce
que nos gouvernements veulent protéger à tout prix l'entreprise
privée.
L'urgence d'une réforme totale est donc impérieuse,
dictée par la réalité. Mais la lenteur du comité
d'étude qui a mis trois ans à réaliser ce qui devait durer
un an et l'absence de recommandation de la part du gouvernement cinq mois
après la remise de l'étude démontrent, du moins
jusqu'à maintenant, l'influence du "lobby" de l'assurance, malgré
le dossier accablant contre les compagnies d'assurance.
D'ailleurs, comme nous l'avons déclaré dans notre
mémoire au comité Gauvin annexe 1, nous en avons des
copies, s'il y en a qui en veulent le ministre responsable, M. William
Tetley, a fait preuve à plusieurs reprises de préjugés
favorables au monopole des compagnies d'assurance en émettant des
déclarations démontrant qu'il s'alimentait à même la
propagande des compagnies d'assurance qu'il reprenait à son compte.
Notamment celle du 22 décembre 1971.
Quand on sait que le ministre devra être l'un des principaux
conseillers du gouvernement à la suite du rapport Gauvin et que l'une de
ses déclarations a été émise pendant les travaux du
comité, avant même que celui-ci ne fasse rapport, il n'est pas
surprenant que nous nous retrouvions aujourd'hui sans recommandation
gouvernementale.
Le 26 juillet 1972, dans le Globe and Mail, M. Tetley aurait
déclaré "qu'il n'est pas convaincu que la province pourrait
administrer l'assurance-automobile avec plus d'efficacité que les
compagnies d'assurance". Mais le comité Gauvin croit qu'une
société gouvernementale pourrait s'administrer avec 17 p.c. de
nos primes.
En résumé, l'essentiel est...
M. TETLEY: Gauvin aussi a dit que l'Etat peut le faire, avec une
épargne du même ordre. En tout cas, vous allez me donner une
période de réplique égale à la vôtre,
c'est-à-dire à peu près quatre heures.
M. LEGER: Oui.
M. L'HEUREUX: On vous lit avec intérêt, on vous
écoutera aussi avec intérêt.
M. TETLEY: D'accord.
M. L'HEUREUX: Alors, l'essentiel...
M. TETLEY: Mais il y a une contradiction flagrante. Votre partie ou une
partie quelconque...
M. L'HEUREUX: Nous n'avons... M. LEGER: M. le Président...
M. TETLEY: Votre document insiste pour que je prenne position ici,
à la page 26, et, à la page 27, vous vous opposez à la
prise de position. Que voulez-vous?
M. L'HEUREUX: En bon parlementaire britannique que je pense que vous
êtes, quant à l'esprit, disons, vous devez savoir qu'il est
anormal qu'un ministre commente les conclusions possibles d'un comité
d'étude relevant de sa juridiction avant même que le comité
n'ait
émis son rapport. C'est cela qui nous avait un peu
provoqués.
M. TETLEY: Pas du tout. Vous demandez, ici à la page 26, que je
prenne position, que le gouvernement prenne position et vous protestez parce
que j'ai pris position.
M. BURNS: La période des questions est-elle commencée, M.
le Président?
M. TETLEY: Vous êtes dans les patates, mais je vais
répondre après.
M. BURNS: Bon!
M. L'HEUREUX: Je voudrais quand même corriger, M. le ministre. La
distinction est la suivante: c'est que pendant qu'un comité
gouvernemental sous votre juridiction étudiait l'assurance-automobile,
vous avez émis un point de vue personnel qui pouvait biaiser
sûrement, en tout cas qui était contraire à l'une des
conclusions possibles du comité, parce que dans le mandat du
comité, durant l'étude, c'est le reproche qu'on vous fait ici...
Je pense qu'il est légitime...
M. TETLEY: Vous avez parfaitement le droit...
M. L'HEUREUX: Dans l'autre cas, l'autre reproche également,
très rapidement donc, est que quelques mois à peine après
le début de l'étude, vous vous êtes prononcé pour
les compagnies d'assurance, au fond...
M. TETLEY: Je ne me suis pas prononcé, j'ai dit que je ne suis
pas convaincu que l'Etat est plus efficace que... J'ai déjà dit
que c'était moins efficace.
M. ROY: M. le Président, il est normal que nous...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Voulez-vous laisser M. L'Heureux
continuer, s'il vous plaît?
M. ROY: ... permettions aux gens de la CSN de s'exprimer. Si le ministre
a des commentaires à faire, il aura tout le temps après, on va
lui donner tout le temps voulu.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Alors, vous avez bien
entendu.
M. BURNS: Même s'il n'est pas habitué à se faire
critiquer par les gens qui viennent ici, depuis le début, je pense que
tout le monde lui a passé la main dans le dos, qu'il prenne cela
tranquillement.
M. TETLEY: S'il y a un ministre qui a accepté des critiques des
deux côtés, c'est moi. J'ai même accepté
certains...
M. BURNS: Vous n'en avez pas l'air, parce que vous interrompez M.
L'Heureux à tout bout de champ.
M. TETLEY: Je l'accepte de bon gré. Mais décidez si vous
voulez que je me prononce ou non avant la fin.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Alors, nous continuons.
M. TETLEY: Vous n'aimez pas que je ne me prononce pas dans votre sens,
c'est ce que vous voulez dire.
M. PEPIN (Marcel): On aimerait mieux dans notre sens.
M. TETLEY: D'accord.
M. PEPIN (Marcel): Autrement, on ne serait pas ici.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Bon, alors on continue. M.
l'Heureux.
M. L'HEUREUX: Alors, l'essentiel c'est de constater: 1 ) que près
de 24 p.c. des primes que nous versons servent à des frais
administratifs et à des profits qui ont été
supprimés par l'élimination au moins partielle du monopole des
compagnies d'assurance il y a déjà 28 ans en Saskatchewan et ce,
sans tenir compte de l'intérêt sur les placements; 2 ) que ce
gaspillage de nos primes provient de la complicité de gouvernements qui
ont généralement favorisé les privilèges de
l'entreprise privée au détriment des intérêts
collectifs et individuels des Québécois; 3 ) que les
intérêts sur les placements représentent de 6 p.c.
à, depuis quelques années, plus de 8 p.c. des primes souscrites
d'une société gouvernementale comme celle de la Saskatchewan; 4 )
que ces revenus sont empochés à titre de profits par les
compagnies d'assurance plutôt que de servir, comme en
Colombie-Britannique, à réduire les primes et à
améliorer la couverture.
Le refus du comité Gauvin de tenir compte des
intérêts sur les placements modifie sensiblement les
hypothèses qu'il émet pour justifier sa recommandation en faveur
du maintien des compagnies d'assurance. Nous reviendrons sur cette
question.
Cependant, il y a un aspect fondamental du rapport du comité
Gauvin: dès qu'il a constaté que l'entreprise privée
coûtait 24 p.c. de plus d'administration qu'une société
gouvernementale, il devait, s'il voulait maintenir les compagnies d'assurance,
imaginer des solutions qui réduiraient cet écart.
Il est prisonnier de ce fait indéniable: Les
sociétés gouvernementales de l'Ouest n'exigent pour les frais
d'administration que 17 p.c. des primes les compagnies d'assurance du
Québec en exigent au moins 41 p.c. sans compter les
intérêts sur les placements.
Le mythe de l'efficacité des compagnies d'assurance entretenu
à coups de millions de publicité à nos frais, de
contributions aux caisses électorales, de contrats, d'honoraires et
d'emplois parasitaires à tant de professionnels, le tout aux frais des
automobilistes, au rythme d'une subvention parfaitement inutile qui atteint
maintenant plus de $135 millions par année, ce mythe que nous
dénonçons à partir des faits, depuis cinq ans, vient de
sauter.
Il reste à savoir ce que fera le gouvernement pour sauver les
compagnies d'assurance, le dogme de l'entreprise privée, même si
la démonstration de sa coûteuse inefficacité est
établie depuis longtemps. Elle nous a coûté plus de $1,3
milliard en pure perte du point de vue des assurés depuis 1946. On
serait impatient à moins.
La rentabilité de l'assurance automobile. Le comité Gauvin
a, par une méthode particulière, analysé le taux de
rendement sur le capital de l'assurance-automobile au Québec. Il affirme
que le taux moyen de profit sur le capital investi aurait été de
15.7 p.c. de 1965 à 1971 et estime qu'il s'agit là d'un taux
raisonnable. Ces 15.7 p.c. proviennent de deux sources principales; une moyenne
de 4.8 p.c. des primes et 10.9 p.c. du placement de celles-ci.
En 1969, les experts de la commission royale Wooton avaient
estimé le taux de rendement des compagnies d'assurance feu et accident
à 34 p.c. Il estimait que l'allocation de 2.5 p.c. des primes en profits
produisait de 10 p.c. à 11 p.c. de taux de rendement pour les
actionnaires et que les intérêts sur les placements
représentaient un taux de profit de 23.8 p.c.
Quel que soit le taux de rendement réel, nous croyons que la
question importante à se poser est la suivante: Pourquoi les
Québécois seraient-ils obligés, comme c'est le cas
actuellement et comme le voudrait le comité Gauvin, de contribuer aux
profits d'actionnaires qui s'approprient légalement, grâce au
gouvernement, le contrôle de nos primes et une part importante des
profits qui en découlent? Ces intermédiaires sont-ils
nécessaires? Nous rendent-ils un service qui correspond à un
besoin réel?
Le comité Gauvin définit taux de rendement raisonnable
comme étant celui qui permet à une industrie d'attirer les
capitaux nécessaires à sa survie et à sa saine croissance.
Mais, puisqu'il est particulièrement question d'assurances, n'est-il pas
ridicule de parler des conditions qui permettent d'attirer les capitaux
nécessaires à sa survie et à sa saine croissance?
D'où vient une partie importante du capital sinon des poches des
travailleurs salariés par le truchement de leurs primes d'assurance et
leurs contributions aux caisses de retraite.
Pour quelle raison abandonnerions-nous l'administration de notre
épargne collective à quelques centaines de compagnies du
Québec, du Canada, de New York ou de Londres?
N'est-il pas insensé de remettre des milliards de dollars en
primes de toutes sortes à des compagnies contrôlées par des
actionnaires qui y ont investi, comparativement à nos contributions
collectives, des miettes?
Le capital d'une compagnie d'assurance est, en pratique, une fiction
astucieuse qui permet tout simplement à ceux qui contrôlent notre
économie de s'approprier l'épargne des travailleurs.
En 1972, dans le cas de l'assurance-automobile, nous avons remis 38 p.c.
($145 millions) de nos primes à des comapgnies canadiennes; 37 p.c.
($141 millions) à des compagnies étrangères; 23 p.c. ($87
millions) à des compagnies québécoises. 75 des 87
compagnies étrangères ont leur bureau principal à
l'extérieur du Québec; 43 des 59 compagnies canadiennes ont leur
bureau à l'extérieur du Québec (Rapport Gauvin en page
152).
En assurances générales seulement, les
Québécois ont remis entre les mains des compagnies, en une seule
année, en 1972, $700 millions de nos primes dont $379 millions pour
l'assurance-automobile.
Même s'il y a un investissement de la part de ceux qui
contrôlent ces compagnies, n'est-il pas insignifiant, parfaitement
inutile, par rapport à l'immense pouvoir et aux profits que nous leur
"confions" annuellement à même nos épargnes, par suite de
la décision de nos gouvernements?
Nous constatons donc : 1-que tout le capital réel et
nécessaire est fourni par les assurés. Nous n'avons pas besoin de
celui des actionnaires de compagnies; 2-qu'il est contre l'intérêt
public, celui des travailleurs, des assurés et de l'économie du
Québec, de confier la gestion de cet immense réservoir
d'épargne à des compagnies privées, qu'elles soient
québécoises, canadiennes ou étrangères, dont le
souci principal est la maximisation des profits et du pouvoir de la classe
dominante, de ses intérêts avant ceux du Québec; 3-que le
prélèvement de profits à même nos primes ou leur
placement à des fins autres que l'amélioration du service pour
lesquels nous versons ces primes constitue un gaspillage intolérable de
notre argent, un tribut inutile qui n'existe que par la volonté de
législateurs qui favorisent les intérêts d'une classe
minoritaire et d'un système économique contraire aux
intérêts de la majorité.
Le comité Gauvin n'a pas tenu compte de ce facteur, comme
d'ailleurs de celui des profits techniques officiels de 2.5 p.c. que
réclament les compagnies, profits qui peuvent aller jusqu'à 4.2
p.c, en 1970, des primes perçues, comme l'indique le comité, en
page 217, dans son estimation des coûts du régime qu'il
préconise.
Certes, une société gouvernementale aurait à
prévoir dans son budget des montants pour financer ces projets. Mais il
est évident que ceux-ci ne seraient pas maximisés et surtout que
ces sommes seraient utilisées non pas pour enrichir une poignée
d'actionnaires, mais pour améliorer l'organisation de la
société gouvernementale d'assurances et reviendraient donc sous
forme de services à l'ensemble des assurés et
d'actifs qui demeureraient la propriété de l'ensemble des
Québécois. Nous constatons que 23 p.c. à peine du volume
des primes sont confiés à des entreprises à charte
québécoise, et ce après des dizaines d'années. Nous
ne sommes pas d'accord pour remettre l'administration de nos épargnes
à des groupes privés, fussent-ils 100 p.c.
québécois.
Cependant, puisque nous retrouvons à l'intérieur du groupe
québécois de nombreux éléments nationalistes qui
préconisent le développement d'institutions financières
québécoises pour les raisons habituellement citées,
l'achat chez nous, il est évident, après 25 ans et plus
d'efforts, qu'ils ne contrôlent même pas le quart du volume de
l'assurance-automobile, qu'ils ne le contrôleront jamais; que, de ce
point de vue, si nous désirons assurer intégralement le
contrôle et l'administration de nos institutions financières par
des Québécois, la seule avenue est collective et publique !
A cet égard, durant notre visite de la Colombie-Britannique et
des rencontres avec d'ex-dirigeants de compagnies d'assurance et de
coopératives qui étaient jusqu'à récemment hostiles
en principe à l'étatisation, ils nous expliquaient, avec
fierté, comment les primes des citoyens de cette province servent et
sont administrées au profit et par des citoyens de cette province
plutôt que par des bureaux-chefs à Toronto, à New York ou
ailleurs.
Et cet ex-dirigeant de coopérative qui nous expliquait comment il
avait sans doute oublié les principes qu'il défendait à
l'origine pour défendre tout simplement l'existence de sa
coopérative, de son organisation, alors que les objectifs de l'Etat en
occupant ce secteur étaient justement ceux qui avaient amené les
fondateurs de la coopérative à la fonder dans le temps.
Ceux qui désirent que nos institutions financières soient
vraiment et intégralement contrôlées par et pour les
Québécois, logiquement, doivent appuyer notre thèse. 5)
Comment les sociétés gouvernementales ont-elles trouvé et
remboursé le capital requis pour leur fonctionnement? Prenons le cas le
plus récent, celui de la Insurance Corporation of British Columbia. Le
comité Gauvin a ignoré la Colombie-Britannique. A ce
sujet-là, pourquoi n'a-t-il pas profité de son étude pour
analyser la création de cette entreprise qui était un des
événements les plus importants en assurance, en Occident, en
1974? Sait-il quel fut le capital requis pour mettre sur pied l'entreprise
d'assurance-automobile la plus importante au pays et peut-être en
Occident? Pour permettre d'en démontrer l'importance, rappelons ces
faits: a) 1,400,000 véhicules; b) 1,500 employés engagés
en l'espace d'un an; c) 19 centres de réclamation; d) un siège
social occupant 100,000 pieds carrés; e) l'un des ordinateurs les plus
importants au Canada; f) prévoit des revenus de $207 millions au 28
février 1975; g) concurrence les compagnies dans les autres secteurs de
l'assurance générale: vol, feu, im- meubles publics et
industriels, etc. Elle deviendra, dès cette année, la principale
entreprise dans ce secteur; h) prévoit 350,000 réclamations
dès la première année. Dès son premier mois
d'existence, elle en a réglé 24,000.
Le tout a été organisé à compter de
l'adoption d'une loi, le 1er avril 1973, en moins d'un an, puisque, dès
février 1974, la société gouvernementale avait
déjà reçu $100 millions en primes et assumait
exclusivement la responsabilité pour l'assurance-automobile, le 1er mars
1974. Tout cela en onze mois. C'est là l'exemple de ce qui peut
être réalisé quand un gouvernement veut agir. Le
gouvernement de la Colombie-Britannique a prêté, durant ces onze
mois, $18 millions à son entreprise. Dès la première
journée où la Insurance Corporation of British Columbia a
commencé à assumer la responsabilité de
l'assurance-automobile, soit le 1er mars 1974, elle avait remboursé les
$18 millions au gouvernement, plus l'intérêt aux taux bancaires
qui prévalaient à ce moment-là.
En janvier et février 1974, la ICBC disposait déjà
de près de $100 millions en primes et ses placements à court
terme (30 et 120 jours) lui rapportaient $422,000 en intérêts sur
des placements à un taux moyen de 9 p.c. Citons le ministre Strackan,
président de la Société d'assurance de la
Colombie-Britannique: "Le plan d'assurance-automobile n'est pas basé sur
le profit; il s'agit d'un régime qui s'autofinance par les primes des
automobilistes. Le montant des primes est déterminé sans
prévision pour les profits et tous les revenus sont utilisés pour
rencontrer les réclamations, les frais administratifs et prévoir
des réserves prudentes. "Quelques que soient les primes que paieront les
automobilistes, la portion du dollar-prime qui leur reviendra sous forme de
compensation sera de beaucoup plus élevée que par le
passé". Source: premier rapport annuel de l'ICBC, 1974.
M. TETLEY: Permettez-moi? M. L'HEUREUX: Oui, oui.
M. TETLEY: Je viens d'être avisé que les chiffres les plus
récents indiquent une perte de $11 millions. Ce qu'il y a de plus
récent en Colombie-Britannique. Ma question est: Quels sont les
chiffres? Je veux, durant la période du déjeuner,
vérifier, si possible, les chiffres.
M. PEPIN: Si c'est possible, on le fera.
M. L'HEUREUX: Je pense que j'ai le rapport ici.
M. TETLEY: Le rapport annuel se terminant le 31 mars.
M. L'HEUREUX: Non, ce doit être le 28 février.
M. TETLEY: A peu près.
M. L'HEUREUX: L'ICBC, à ce moment-là, n'était pas
responsable de l'assurance-automobile. C'est pour la période initiale
d'organisation du projet. Evidemment, on n'est pas rendu encore à un an
de fonctionnement. Nous ne recevrons le premier rapport formel, quant au
fonctionnement de l'entreprise, que le 1er mars 1975 ou après le 1er
mars prochain.
M. TETLEY: Parfait.
M. L'HEUREUX: Je vous ferai parvenir un exemplaire du rapport.
M. TETLEY: J'ai le rapport, mais j'ai des chiffres plus récents
jusqu'à décembre ou novembre de cette année.
M. L'HEUREUX: Ah! bon!
M. TETLEY: Je vais parler de cela cet après-midi...
M. L'HEUREUX: D'accord.
Comment un gouvernement peut-il justifier ces privilèges qu'il
accorde aux compagnies et à leurs actionnaires? Nous n'avons aucunement
besoin de leur pseudo "capital requis pour la croissance de l'entreprise". Au
contraire, c'est nous qui leur fournissons des milliards, à chaque
année, par nos primes. Pourquoi nous obliger pour
l'éternité à leur verser un profit à même nos
primes? Pourquoi leur abandonner, leur "donner" des intérêts sur
les placements de nos primes? Pourquoi leur abandonner la gestion de notre
épargne collective, l'influence et le pouvoir qui découlent de
l'administration de ces milliards qui sont notre "capital", mais qui devient en
fait celui du capitalisme et lui permet de maintenir sa domination sur
l'économie, les gouvernements, et tout cela avec notre argent? Tout le
monde sait combien ces institutions financières, ces trusts puissants de
l'argent des travailleurs exercent une influence négative, constante et
rétrograde sur l'évolution de la sécurité sociale,
l'ensemble des lois et favorisent systématiquement les privilèges
dont bénéficie cette classe minoritaire.
Il est plus que temps que cesse cette comédie et que nos primes
servent à 100 p.c. aux assurés et aux Québécois.
C'est ce que trois provinces ont compris particulièrement la
Colombie-Britannique sans compter tous les avantages pour l'Etat
québécois et son avenir économique de contrôler
directement notre épargne collective et de l'utiliser exclusivement en
fonction des besoins et des intérêts des
Québécois.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Si vous n'avez pas d'objection
je pense qu'on pourrait peut-être considérer qu'il est une heure.
Cela nous permettrait de continuer avec une nouvelle philosophie et qui est
votre philosophie de pensée en ce qui concerne le principe de
l'élimination de la faute. Si vous le voulez, on va ajourner sine die
puisqu'il nous faudra, cet après-midi, un ordre de la Chambre qui
devrait être donné, normalement, nous permettant de siéger
vers seize heures trente.
Un malin, tout à l'heure, a suggéré que vous
continuiez à lire le mémoire et qu'on laisse filer les bobines,
mais je n'en ai pas tenu compte. Soyez sûrs que cet après-midi,
vous pourrez continuer.
M. TETLEY: C'est une très mauvaise langue.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): C'est une très mauvaise
suggestion, d'ailleurs, et je n'ai pas donné la source d'information,
qui est un très bon journaliste.
M. TETLEY: Je crois que c'est votre obligation de le
défendre...
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Non, mais...
Alors, nous revenons cet après-midi.
M. TETLEY: Je crois que c'était l'Opposition officielle de Sa
Majesté qui a fait cette mauvaise suggestion.
M. LEGER: M. le Président, ce n'est certainement pas vers la
gauche que vous écoutez parce que vous êtes plutôt sourd du
côté gauche.
Je voulais simplement dire, M. le Président, que nous sommes
d'accord pour réentendre la CSN cet après-midi, puisque c'est la
première fois que les chiffres du rapport Gauvin sont contestés
dans l'autre sens, c'est-à-dire dans le sens qu'ils étaient trop
conservateurs. On pourrait en parler cet après-midi. C'est très
intéressant de voir que c'est contesté dans l'autre sens. C'est
très intéressant.
LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): La commission ajourne ses
travaux sine die.
M. TETLEY: Merci. (Fin de la séance à 12 h 55)
Reprise de la séance à 16 h 41
M. LAFRANCE (président de la commission permanente des
institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre,
messieurs!
Nous recommençons l'étude si on peut appeler cela
une étude du mémoire présenté par la CSN.
Avant d'aller plus loin, on pourrait peut-être suggérer que votre
mémoire, qui est assez volumineux, soit publié, si les membres de
la commission sont d'accord, en annexe au journal des Débats, quitte
à M. L'Heureux ou aux représentants de la CSN d'en faire un
résumé pendant quelque temps; par la suite, on pourrait passer
à la période des questions, si vous n'aviez pas d'objection,
(voir annexe).
M. PEPIN (Marcel): Oui. Mais suite à une demande d'un
député membre de la commission, je demanderais quand même
à notre ami L'Heureux de lire la page 43, ainsi que les pages 9 et
suivantes. Cependant, nous sommes prêts à accepter votre
suggestion, M. le Président. Donc, cela sera donc intégralement
au journal des Débats...
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Exact.
M. PEPIN (Marcel): M. L'Heureux, après la lecture de la page 43,
fera un résumé d'une quinzaine de minutes du reste.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord.
M. PEPIN (Marcel): Après cela, si vous avez des questions
à nous poser, peut-être que vous en avez, peut-être que vous
n'en avez pas. Si vous en avez, en tout cas... Je ne sais pas si le ministre
Tetley en a; on ne sait jamais, avec lui, c'est imprévisible...
M. HARVEY (Charlesbourg): II est très curieux d'habitude.
M. PEPIN (Marcel): II est un peu imprévisible, alors...
M. TETLEY: Vous lisez trop les journaux, M. Pepin.
M. PEPIN (Marcel): Tout ce que j'ai à faire dans ma vie, c'est de
faire cela. Je ne suis pas ministre. De toute façon, je pense que nous
pourrons tenter de répondre à toutes vos interrogations. Si nous
n'avons pas terminé ce soir, nous sommes disposés à
revenir devant vous, soit ce soir, soit à un autre moment. Ce que nous
souhaitons, et je vous le dis, c'est que la position gouvernementale soit
connue le plus vite possible. Elle sera contre nous, contre notre thèse
ou pour notre thèse ou entre les deux, cela ne me fait absolument rien.
J'aimerais mieux que ce soit pour notre thèse, j'espère que vous
me comprendrez aussi là-dessus, mais que cela soit connu très
rapidement, parce que, quant à nous, il y a des dollars qui sont en
cause, mais il y a aussi des gens très intéressés à
cela.
Donc, M. le Président, nous acceptons votre suggestion et M.
L'Heureux verra à faire la lecture des paragraphes que je vous ai
mentionnés, à la demande expresse d'un des députés
de votre commission.
M. HARVEY (Charlesbourg): Est-ce un avocat?
M. PEPIN (Marcel): Non. Si j'ai bien compris, c'est qu'il aurait
aimé être avocat.
M. HARVEY (Charlesbourg): II n'est pas en droit de l'être.
D'accord.
M. PEPIN (Marcel ): Nous acceptons, M. le Président, pour ne pas
perdre de temps.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Merci. L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je veux simplement dire qu'à
cause de la qualité de la recherche qu'il y a dans ce document, il est
important qu'il soit inscrit intégralement au journal des Débats
d'une part, pour que tous ceux qui n'ont pas l'occasion d'avoir le document en
main puissent s'y référer, spécialement les conseillers du
ministre, qui auraient la possibilité de l'étudier à
fond.
Deuxièmement, je pense cependant que, en tout cas, de notre
côté, nous serions heureux que M. L'Heureux ou M. Pepin, ou autre
représentant, nous donne les recommandations les plus importantes du
mémoire, non seulement un résumé des pages, mais je veux
dire telle recommandation particulière pour telle ou telle raison. Cela
résumerait la pensée qui est incluse dans tout le texte.
M. PEPIN (Marcel): Nous allons aussi essayer de nous rendre à
votre désir, M. le député.
On peut demander immédiatement à André de
commencer. Après cela, j'espère qu'on pourra filer d'une
manière convenable.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord. M. PEPIN (Marcel): Merci.
M. L'HEUREUX: Je vais tenter de m'exécu-ter le plus rapidement
possible, sans tout de même trop escamoter de mots. On était
rendu, je pense, à la page 38. Il ne reste que 100 pages. Quant au
principe de la compensation des victimes sans égard à la faute,
je pense que le comité Gauvin a bien insisté là-dessus. On
ne répétera peut-être pas toute l'argumentation
là-dessus. Quant à nous, elle est essentielle. Elle a
été démontrée depuis assez longtemps. Ses avantages
sont évidents. Je sursaute, en passant, quand on voit, par exemple, les
avocats le Barreau qui parlent du sens de la responsabili-
té qui serait émoussé par l'établissement
d'un régime comme celui-là.
Je pense qu'il n'y a personne au Québec, même si notre taux
d'accidents est très élevé, qui fasse exprès pour
heurter les gens. Il n'y a personne qui fasse une telle chose. Il y a d'autres
raisonnements, d'ailleurs, que vous trouverez dans le mémoire à
ce sujet à savoir, par exemple, qu'il était relativement facile
d'obtenir à des taux relativement bas, au niveau de la
responsabilité civile, des couvertures assez adéquates. Ce n'est
pas cela qui va empêcher les gens, je pense, de... Le principe de la
compensation sans égard à la faute est essentiel.
Citons tout simplement, à la page 41, si vous avez le temps, vous
allez voir encore une fois, comment la commission Wootton, en 1968, cela fait
quand même six ans... si vous relisez et faites le parrallèle avec
ce qu'a découvert le comité Gauvin, vous verrez combien la
situation qui a été analysée en Colombie-Britannique
correspondait à celle du Québec. Je vais en mentionner seulement
deux ou trois: lo "Plus les blessures sont graves plus les délais de
compensation sont considérables". N'est-ce pas exactement ce qu'a
découvert le comité Gauvin? 2o "Plus la compensation est
importante plus les délais mis à la verser le sont".
On penserait lire le comité Gauvin quand on lit cela. Pourtant,
on parle de la situation qui prévalait en Colombie-Britannique il y a
six ans, et ainsi de suite. Plus le montant de la compensation est
considérable, plus les problèmes financiers sont
considérables. Les cas où il y a recours en justice prennent
beaucoup plus de temps. En Saskatchewan, grâce aux lois de la
société gouvernementale, les cas de décès sont
réglés entre six semaines et deux mois. Ce sont toutes des choses
qui ont été vérifiées. Poursuivons,
peut-être... On va arriver au Barreau. Sans être parfaites,
d'après ce qu'on voit, les sociétés gouvernementales... On
sait bien qu'au niveau de l'indemnisation, en passant, le comité Gauvin
a commencé... Enfin, cela va venir tantôt.
Le Barreau, les avocats et l'assurance-automobile. On m'a demandé
de lire cela intégralement. Je ne sais pas pour quelle raison, c'est un
député qui a demandé cela.
M. BONNIER: Quand vous dites le Barreau, est-ce que cela veut dire que
vous allez expliciter en même temps pourquoi vous appuyez le
système de responsabilité sans égard à la
faute?
M. L'HEUREUX: Non, c'est un commentaire plutôt
général...
M. BONNIER: M. le Président, quant à moi, je suis d'accord
pour que la CSN puisse peut-être aller plus vite, mais je ne voudrais
quand même pas, à cause de ce principe, qu'on échappe votre
raisonnement, parce que je trouve que c'est bon. Je ne dis pas que je le
partage intégralement, mais je trouve que c'est important qu'on suive
votre raisonnement. Ce matin, même si c'était lent, on a pu au
moins voir votre raisonnement. Je voudrais simplement qu'on n'échappe
pas des points.
M. PEPIN (Marcel): Si vous me permettez, là-dessus, il y aura
lecture de ce paragraphe 9. Peut-être que tout le raisonnement n'est pas
là-dedans. J'inviterai le député et les autres, si vous
voulez voir toute la démarche, après cela, c'est une question de
temps...
M. BONNIER: Dans les questions.
M. PEPIN (Marcel): ... à poser des questions et on va essayer de
vous expliquer notre thèse. C'est que je comprends fort bien, et cela
peut être malheureux, mais nous n'avons pas tout le temps voulu. Je
reconnais que ce matin, nous avons eu quand même une chance de lire une
bonne partie du mémoire, ce qui vous a permis de voir une certaine
démarche intellectuelle de notre part. Que nous ayons tort ou raison, au
moins, c'est ce que nous pensons. Nous ne voulons, nous non plus, escamoter
aucune des parties. Tout, pour nous autres, est important et tout se tient. Si
ce n'est pas assez complet, je vous inviterai à nous poser des questions
et on va essayer, dans la mesure de nos moyens, de vous répondre le
mieux possible.
M. BONNIER: Merci.
M. L'HEUREUX: Les sommes consacrées, en fait, à la
compensation, selon le système qui existe présentement au
Québec et comme celui qui existait en Colombie-Britannique, constituent,
comme le dit le comité Gauvin et la commission Wootton, en
réalité, un détournement c'est Wootton qui a dit
cela de sommes qui pourraient, si on adoptait un système
différent la compensation sans égard à la faute
être utilisées en faveur des victimes des accidents.
Or, le Barreau s'est ému des conséquences de l'adoption
d'une telle mesure qui aura sûrement des effets sur le volume d'affaires
de plusieurs avocats. Effectivement, j'ai vérifié au Manitoba,
particulièrement dans le cas des avocats qui font affaires avec les
compagnies d'assurance. C'est dans ce cas qu'il y a eu une réduction
apparemment importante du volume d'affaires. Cependant, dans le cas des
citoyens, des assurés qui faisaient affaires avec des avocats, ce
volume, apparemment, s'est assez maintenu et même la
société gouvernementale trouve que peut-être même
souvent peut-être parce que c'est nouveau, le régime
les citoyens ne se rendent pas compte qu'il n'est pas nécessaire de
faire appel aux services des avocats et le directeur du service juridique
d'AutoBAC me disait: Ce qui est important, c'est qu'une société
gouvernementale ait un service ce que les avocats n'aimeraient
peut-être pas beaucoup ici juridique adéquat. Il n'est pas
nécessaire, avec un système comme celui-là, d'avoir
recours à un avocat, à moins qu'il y ait vraiment
mésentente entre la société gouvernementale et
l'assuré.
L'introduction au Québec de la compensation sans égard
à la faute est essentielle. Si cette mesure provoque du chômage ou
une réduction des revenus des avocats, qui vivent à même
les primes des automobilistes, il faudrait que le ministre du Travail
prévoie, si nécessaire, un programme de recyclage à leur
intention. Nous ne leur souhaitons pas, par exemple, parce que ce n'est pas
gai.
C'est pourtant ce qu'on offre à des dizaines de milliers de
travailleurs du Québec qui sont congédiés, mis à
pied régulièrement dans tous les secteurs, en fait, chaque
année, depuis longtemps.
Cependant, on peut penser, je pense bien, que les avocats disposent, en
vertu de leur formation, de bien d'autres moyens de se débrouiller.
On ne saurait donc nous condamner, automobilistes, à les
entretenir indéfiniment, surtout qu'il est évident que leur
rôle, dans le régime actuel, est souvent inutile, coûteux
pour les automobilistes par leurs primes, injuste pour les victimes qui en
subissent les conséquences sous forme d'attente, d'angoisse et
d'indemnités réduites par des honoraires d'avocats et de frais
supplémentaires aux primes déjà versées et
distribuées «rationnellement, ainsi que le démontre le
comité Gauvin.
Les contribuables et les cours de justice y gagneraient à
être soulagés de nombreux procès relatifs à
l'assurance-automobile.
D'ailleurs, les avocats du Manitoba, de la Saskatchewan et de la
Colombie-Britannique vivent avec de tels régimes. Pourquoi pas ceux du
Québec?
Les automobilistes du Québec souhaitent que le maximum de leurs
primes leur reviennent sous forme de compensation. Nous voulons que celle-ci
soit entière et rapide.
Nous n'excluons pas totalement le recours en justice. Il faut conserver
des recours ultimes afin de prévenir les abus, les décisions
arbitraires, et parce que tous les cas possibles ne peuvent être
prévus.
D'ailleurs, il faut le répéter. Les sociétés
gouvernementales de l'Ouest ne l'ont éliminé entièrement,
et nous préconisons un régime semblable pour commencer au
Québec.
En pratique, cependant, en Saskatchewan, un pourcentage infime de
victimes fait appel aux cours de justice, soit moins de 1 p.c. Ici on donne des
statistiques très récentes qu'on a reçues dans les
semaines précédentes selon lesquelles, par exemple, sur 7,887
réclamations pour blessures corporelles en 1973, il n'y a eu,
effectivement, que 136 causes qui sont allées en procès. En tout
cas, vous les avez au bas de la page.
Je ne sais pas si je dois lire la description qu'en fait le... Bon,
d'accord, mon président me demande de résumer.
Analyse détaillée des recommandations du comité
Gauvin relatives à l'indemnisation des victimes d'accidents. Alors,
l'indemnisation de toutes les victimes quelle que soit la cause du dommage",
évidemment, nous sommes d'accord sur cela, Là, on a cité
largement parce que je pense que c'est un aspect important de la conception de
base du comité Gauvin à l'effet de compenser intégralement
et sans recours toutes les victimes d'accidents. Quant aux critères qui
sont mentionnés là, c'est là que nous sommes en
désaccord. Si on a bien compris le rapport du comité, c'est qu'il
établit des critères qui, quant à nous, seraient
discriminatoires. A l'heure actuelle, ce sont les gens les plus
fortunés, en général, ou qui avaient un revenu
antérieur plus élevé, qui ont les moyens, qui vont
chercher dans les cours de justice des sommes plus considérables. Or, si
on adoptait le régime, si j'ai bien compris, tel que
préconisé par le rapport Gauvin, au niveau du régime de
base, cela voudrait dire, par exemple, que la veuve d'un médecin avec
cinq enfants aurait la chance de recevoir probablement j'ai
évalué cela selon le rapport $180 par semaine, tandis que
la veuve d'un travailleur, avec cinq enfants, qui, à cause de ses
revenus antérieurs aurait droit au minimum prévu par les
barèmes, ne recevrait que $130. Cela voudrait dire que, collectivement,
l'ensemble des travailleurs contribuerait à maintenir des
inégalités et que cette recommandation du rapport Gauvin se
trouverait, en fait, à institutionnaliser j'ai peut-être
mal compris M. Rankin les inégalités qui existent dans le
système actuel.
Les recherches faites par le comité Gauvin sur la forme
d'indemnisation sont très intéressantes, mais notre point de vue
pour l'ensemble est le suivant:
Ces hypothèses méritent d'être
réalisées, méritent des recherches dans ce sens,
méritent d'être poursuivies. Mais nous ne pouvons accepter qu'on
se lance dans un régime qui n'a pas été
expérimenté vraiment, qui est hypothétique à ce
stade-ci et notre point de vue est très conservateur à cet
égard. D'ailleurs le comité Gauvin nous a dit qu'il ne nous
trouvait pas révolutionnaire dans notre mémoire, quand on l'a
rencontré.
Nous disons: II y a une expérience réussie depuis 28 ans
en Saskatchewan et qui a été tentée aussi dans deux autres
provinces. Commençons par les meilleurs éléments de ces
réformes quitte, par la suite, à explorer davantage le type de
recherches et d'hypothèses très intéressantes que le
comité Gauvin a pu apporter. Ceci est pour l'indemnisation. Il y a une
caractéristique que l'on retrouve dans le comité Gauvin et dans
divers autres mémoires: on insiste sur l'indemnisation pour blessures et
cela, on sait que c'est fondamental, mais on néglige drôlement
l'importance de l'assurance-collision. Or, quant à nous, dans le
régime obligatoire, il doit y avoir également un régime
d'assurance-collision adéquat. Dans ce cas, vous le savez tous, le
comité Gauvin propose, au fond, pour les cinq prochaines années,
un régime transitoire et propose l'équivalent du
statu quo en fait quant à l'assurance-collision. Or, quand il
dit, à un certain moment: Comment peut-on assurer tout le patrimoine
d'un individu? Je répondrai ceci: Le patrimoine de la moyenne des
Québécois, ce n'est pas grand-chose. C'est une auto, cela peut
être une maison. Il peut en être le propriétaire, mais
souvent il est locataire. Il peut avoir un chalet. Il a des meubles, mais, pour
la moyenne des Québécois dont je parle, c'est à peu
près cela le patrimoine d'un Québécois. Or, toute chose
assurable et nécessairement assurable... Si j'achète une maison,
mon créancier va exiger que j'aie une assurance hypothécaire. Or,
une auto même si elle coûtait $500 ou $1,000 ou $2,000, cela
représente un investissement très considérable pour un
travailleur. A l'heure actuelle, en fait, cela n'est pas comptabilisé
dans les coûts de l'assurance-automobile. Il y a des pertes
sûrement très considérables si on les chiffrait, justement
à cause de la mauvaise protection qu'il y a à ce niveau. Il faut
prévoir, je pense, dans un régime, un système
d'assurance-collision adéquat et abordable.
En passant, souvent on dit que dans les régimes d'Etat, en
Saskatchewan, par exemple, vous ne pouvez avoir que $35,000 et un montant
déductible de $200 en vertu du régime obligatoire; au Manitoba,
c'est $50,000 et $200; en Colombie-Britannique, c'est $50,000 et $250, vous
achetez en fait une assurance supplémentaire. Mais ce dont il faut se
rendre compte, on va le voir, c'est que cela coûte très peu,
l'écart qu'il y a quand une personne a très peu de frais,
contrairement à ce qui se passe ici au Québec
présentement, elle a augmenté sa protection au niveau de la
responsabilité civile à $200,000 et réduit son montant
déductible à $100 ou $150, c'est vraiment abordable. Les
écarts sont... on verra cela plus loin quand on va arriver au
tableau.
Je pense que j'ai résumé l'essentiel de tout le
raisonnement sur la collision. Le comité Gauvin confirme le dossier
accablant des compagnies d'assurance. J'ai été très
surpris, en ouvrant le débat, de voir qu'il y a encore des compagnies
qui viennent affirmer, parler de la faillite des sociétés
gouvernementales et qui semblent oublier le dossier accablant, la fameuse
liberté de choix. J'ai été témoin de certaines
interventions dans ce sens ici, la liberté de choix de l'assuré.
Gauvin a démontré qu'il n'y a effectivement pas de liberté
de choix. Quand on va s'assurer, quelle liberté a-t-on vraiment?
L'aspect concurrentiel, la concurrence, le comité Gauvin, malgré
tout, croit encore à la concurrence, il lance un appel à la
concurrence mais démontre, comme Wooton l'avait démontré,
qu'effectivement, dans 80 p.c. des cas, la différence entre le taux des
primes est minime. Mais il n'y avait pas de concurrence. De même, en
passant, que le rôle du Bureau d'assurance du Canada, qui a
été dénoncé formellement Gauvin ne l'a pas
fait comme étant un des instruments du monopole des compagnies,
un des instruments de réglementation des taux d'assurance au pays et au
Québec sûrement. Je pense que le dossier accablant, ce sont des
extraits du rapport Gauvin, les délais, tout ça.
Il y a le contrôle des rapports de nos surintendants, par les
compagnies d'assurance. Il y a un arrêté ministériel qui a
été adopté, M. le ministre, en 1972, j'ai
vérifié auprès de fonctionnaires du ministère pour
savoir s'il y avait des fonctionnaires qui avaient été
embauchés pour donner suite à tout cela parce qu'il y a de
nouveaux pouvoirs, on l'avait demandé en 1970 et c'est excellent. Quand
j'ai commencé cette étude en 1970, la première personne
que je suis allée voir, ce fut le surintendant Camarai-re, je lui ai
demandé j'avais le livre vert disons que tel type
d'accident coûte en moyenne $736... Je lui disais: De quoi est
composé ce montant de $736?
Il m'a répondu tout simplement ceci: Mon cher monsieur, je ne le
sais pas. J'ai dit: Comment cela, vous ne le savez pas? Vous devez au moins
conseiller le ministre, vous devez aider le gouvernement, même si vous
avez le pouvoir de déterminer les taux. Il a dit: Ecoutez, nous sommes
organisés comme de la broche à foin ici.
Imaginez si Marcel Pepin, aux prochaines négociations du front
commun, arrivait avec les statistiques syndicales: Voici, M. Bourassa, MM. les
ministres, d'après nos statistiques, une telle hausse de salaires, pour
la fonction publique, serait justifiée. Le premier ministre dirait:
Merci bien, M. Pepin, les statistiques préparées par les
centrales syndicales sont sûrement très justes. Vous accorderiez,
sans discussion, l'autorisation des nouvelles hausses sur cette base. C'est
exactement ce qui se fait en assurances.
M. PEPIN (Marcel): S'ils peuvent le faire dans la fonction publique, moi
je suis prêt.
M. L'HEUREUX: Ils ne le feront pas. On continue à citer de larges
extraits du rapport Wootton et on montre toujours le parallèle. En
1965/66, en Colombie-Britannique, les taux d'assurance-automobile ont
augmenté d'environ 50 p.c. : tollé dans le public. Le
gouvernement créditiste d'alors, celui de M. Bennett, a institué
une commission d'enquête et a fait un rapport en 1968. Encore, je le
répète, c'est important de comparer, l'analyse qu'il en fait, la
critique qu'il en fait, les conclusions auxquelles il arrive sont les
mêmes.
Un autre aspect dont on ne parle pas souvent, j'en ai parlé un
petit peu ce matin: les taux de l'assurance-automobile. Evidemment, on n'ose
pas parler de cela, on se dit tout le temps: Cela ne se compare pas, les taux
de l'assurance-automobile. Les situations varient, on pourrait arriver avec des
taux de New York, de Chicago ou d'ailleurs, qui sont très
élevés.
Il est important de se rendre compte du montant des primes avant et
après la création des sociétés gouvernementales
d'assurance. Deuxièmement, il faudrait savoir aussi, par rapport
à des provinces où l'expérience pouvait
se comparer, comment ont évolué les prix dans des
provinces comme la Saskatchewan ou le Manitoba, puisque c'est une
expérience plus récente, et l'Alberta, où les compagnies
d'assurance sont en place.
La CSN n'a jamais prétendu que les taux en Saskatchewan ou
ailleurs pourraient être les mêmes au Québec, avec les
sociétés gouvernementales, si on adoptait la formule qu'on
préconise. On n'a jamais prétendu cela, on nous a fait dire
cela.
Dans le cas du Manitoba et de l'Alberta je suis à la page
71 on a pris sept ans. Evidemment, on a pris une assurance aussi qu'on
considère comme convenable, soit $200,000 et un montant
déductible de $50. Ce qu'il est important d'avoir, c'est une longue
période, parce qu'une assurance, il faut que tu échelonnes cela
sur plusieurs années.
Entre 1967 et 1971, regardez l'évolution des taux avec les
compagnies d'assurance, pour le cas d'un conducteur principal ou
propriétaire âgé de plus de 25 ans, un conducteur
occasionnel de sexe masculin âgé de moins de 25 ans et/ou le
conducteur principal ou le propriétaire âgé de moins de 25
ans, de sexe masculin et marié. On se rend compte, en 1967, par exemple,
que c'est $194 au Manitoba, $188 en Alberta, $158.80 au Manitoba, $158 en
Alberta et ainsi de suite. Taux comparable légèrement
supérieur au Manitoba.
Alors, arrive la création de la société
gouvernementale, en 1972. Les taux passent de $224 au Manitoba à $151,
tandis qu'en Alberta, dans une compagnie d'assurance, cela monte à $282.
C'est quand même remarquable. Cela ne veut pas dire que cela a
été pareil dans tous les cas, c'est sûr, mais c'est
significatif, je pense. Quelqu'un qui commencerait à analyser et
à comparer les taux à partir de 1972 avec ceux de l'Alberta,
dirait sûrement que l'expérience des accidents n'est pas la
même, car l'écart est tellement considérable. On a vu
et on le démontre dans plusieurs tableaux que
c'était effectivement non seulement comparable, mais que les taux
étaient légèrement supérieurs au Manitoba. Par la
suite, ils sont, comme vous le voyez, de 30 p.c. et de 35 p.c.
inférieurs.
L'année suivante, en 1973, ils sont de $148. Cela vaut pour les
autres catégories. On va poursuivre. Regardez, par exemple, le tableau
dans le haut de la page 76. J'ai tiré cela du "minor rate" du Manitoba.
Il faut savoir une chose. C'est un Québécois francophone de
Montréal qui a préparé le manuel de taux du Manitoba. J'ai
été surpris quand je me suis rendu là-bas. M. Dutton m'a
dit : Ecoutez, sachez qu'il y a des Québécois compétents.
Le directeur de l'équipe qui a mis notre système en vigueur, qui
a réduit vous savez qu'il y a des milliers de catégories
de taux en assurance cela en un petit nombre, est un
Québécois. Regardez la simplicité.
M. HARVEY (Dubuc): Quelle page?
M. L'HEUREUX: Page 76.
M. HARVEY (Dubuc): Mais l'autre? L'affirmation que vous faites est
incluse à la page 87...
M. L'HEUREUX: Là aussi.
M. HARVEY (Dubuc): ... c'est un Québécois qui a
instauré le régime là-bas.
M. L'HEUREUX: Ah Bon!
M. HARVEY (Dubuc): C'est pour vous dire qu'on l'avait lu.
M. L'HEUREUX: Oui. On constate la simplicité et aussi, au point
de vue des taux, si on analyse des taux, comment c'est facile, le coût
abordable de l'amélioration de la couverture. Au niveau de quelqu'un qui
s'en sert seulement pour la promenade, qui a un six cylindres, une Acadian ou
une Malibu, c'est $82 et, s'il veut l'augmenter, réduire son
déductible à $50, c'est $35, et pour augmenter la
responsabilité civile à $100,000, c'est $4 de plus. Je vous ai
donné tous les autres taux aussi, parce que cela peut intéresser
les gens de voir ce qu'il en est.
J'arrive aux taux de 1974/75. On a parlé du déficit du
Manitoba, en 1973. On en parle beaucoup. Il est important de savoir, à
partir de cela, quels sont les taux en vigueur en 1974/75, parce qu'on ne veut
pas parler de taux. Mais, pour le consommateur, c'est cela qui compte.
Un cultivateur avec une Impala 1972... Je n'ai pas couru le risque que
vous ne le croyez pas, parce que c'est la CSN qui l'a dit. J'ai fait
préparer par Autopac des spécimens qu'ils ont
complétés eux-mêmes et qu'ils m'ont envoyés.
Une Impala 1972 -c'est en 1974/75, après la hausse des taux
dénoncée par les compagnies d'assurance qui disaient qu'Autopac
était une faillite à cause de cela $200,000, au niveau de
la responsabilité civile, un montant déductible de $100, la
prime: $72. C'est avec le déficit de 1973 et avec la hausse de taux
dénoncée par les compagnies d'assurance laissant entendre qu'il y
avait une faillite au Manitoba.
Continuez la lecture. Vous allez voir une Ford F-100, un camion de
ferme, $300,000 de responsabilité civile, un montant déductible
de $50, la prime annuelle: $30.
Cela, je ne l'invente pas, vous avez le spécimen exactement, et
ainsi de suite. Pour les motocyclettes, c'est la même chose. Une Mercury
Marquis modèle 1974, $300,000, $50 déductibles, $185. Le tableau
de la page 86, je pense, démontre aussi l'évolution des taux, et
donc les conséquences pour plusieurs villes, pour l'ensemble du pays.
Les réductions en 1971, on voit cela, sont d'environ 30 p.c. partout.
L'écart entre les taux en vigueur au Manitoba, avec les
sociétés gouvernementales et celles où les compagnies
d'assurance sont en vigueur, a continué d'augmenter en 1973. C'est bien
évident, c'est cela. 30 p.c. en 1971 par rapport à
Calgary, 35 p.c. en 1973. C'est 28 p.c. à Toronto,
40 p.c. en 1973.
Vous avez le même type, en fait, de comparaisons aussi
démontrant les taux en Saskatchewan par rapport aux autres provinces.
Vous remarquerez une chose, en page 88, à la colonne du centre, de 1967
à 1971, à Winnipeg, au Manitoba, là où les taux, en
fait, n'étaient pas comparables à ceux de la
société gouvernementale de la Saskatchewan, c'était
beaucoup plus élevé au Manitoba. A partir de 1972, ils commencent
à être comparables à ceux de la société
gouvernementale de la Saskatchewan.
L'autre aspect aussi, l'inflation, les coûts et la hausse des
accidents, cela vaut dans toutes les provinces. Le taux du Québec est
plus élevé qu'ailleurs. En page 90, quand on regarde la
Saskatchewan, l'évolution des taux, on l'a prise sur une assez longue
période. Comme stabilité de taux, il n'y a d'exemple nulle part,
excepté là où on a une société
gouvernementale. On donne même les taux au cas où il y en aurait
qui viendraient nous parler de ce que sont les taux en 1974-75, vous les avez
exactement. L'assurance falcutative de la SGIO, je ne sais pas si vous voulez
qu'on en parle, on peut laisser faire, j'ai été pas mal long. On
va laisser faire les taux. Le président me demande de passer outre. Je
suis parfois discipliné.
Seulement un mot sur le cas des points de démérite. Le
système des points de démérite là-bas est
relié directement à la prime d'assurance, mais connu d'avance des
assurés. A l'heure actuelle, c'est bien difficile de savoir quand tu
tombes à zéro, un, deux, trois, quatre ou cinq. Tu le sais parce
que le gars t'explique: Ecoute, tu as eu un accident, tu tombes paf. C'est pas
mal arbitraire, je pense que c'est pas mal arbitraire dans le système
actuel. Là-bas, il y a un code de démérite. Chacun sait
que, s'il a trois points, il va payer le minimum, disons $3, en Saskatchewan.
S'il tombe à cinq points, cela va être $20 l'année
suivante. Cela s'accumule comme cela. Quand on parle du sens de la
responsabilité, peut-être que si c'était comme cela:
supposons que je sais que je suis rendu à dix points, "le cave", je suis
déjà rendu à $50, quand je vais renouveler ma police,
peut-être que cela va m'inciter. Je pense que la formule est excellente.
C'est le genre de formule qu'on devrait adopter ici. Ce qui est
intéressant aussi là-bas, au point de vue des droits des
personnes, c'est qu'une personne ainsi pénalisée, qui conteste la
pénalité, a un droit d'appel devant une commission. Elle envoie
un chèque, je pense que c'est un mandat poste de $10, et elle peut
contester. Tant que son appel n'a pas été ententu, elle
reçoit un reçu qui l'autorise à conduire,
évidemment, sans qu'elle ait à payer la pénalité.
Il me semble que c'est un système plus juste, plus humain, et, dans ce
sens, qui permet aux gens d'aller se défendre si, par hasard, la machine
administrative a été responsable d'une injustice.
L'administration du régime. Je pense que c'est assez important,
parce qu'on conteste. Le comité Gauvin a donné l'impression que,
si toutes ses recommandations sont suivies, le régime qu'il
préconise pourra s'administrer à 20 p.c. des primes. Alors, comme
le même comité, comme on l'avait dit aussi, avait indiqué
que le taux avec une société gouvernementale est de 17 p.c., tout
le monde s'est imaginé des choses, même dans les journaux, on a lu
des manchettes disant :
La différence entre un régime étatisé et
celui préconisé par le comité Gauvin avec les compagnies
d'assurances pourvu que toutes ses recommandations soient suivies
ne serait que de 3 p.c. Je pense que c'est une impression qui est restée
dans la tête de bien des gens. C'est absolument faux.
D'abord, dans les 20 p.c, il faut dire une chose, et le comité
Gauvin ne l'a pas cachée. Elle est interprétée comme cela.
Il y a bien des affaires qui ont été dites sur le comité
Gauvin. Je suppose que les intéressés doivent avoir hâte de
corriger certaines interprétations qui ont été faites,
tant par nous que par d'autres. Par exemple, on sait que les 2.5 p.c. de
bénéfices techniques, pris à même les primes,
s'ajoutent à ces 20 p.c, d'après le propre calcul du
comité Gauvin. C'est important, parce que là, on est rendu
à 22.5 p.c Ce qui veut dire que, comme retour aux assurés sous
forme de compensation, parce qu'il y a le coût d'administration, le
pourcentage des primes souscrites qui est consacré à
l'administration, je dis 22.5 p.c, cela signifie qu'on est rendu à 77.5
p.c de retour. Or, dans le tableau initial que je vous ai cité ce matin
sur le bilan de 1946 à 1971 de la Saskatchewan, on a bien vu que le
retour moyen pour cette période 27 ans au niveau du
régime de base, est d'environ 85 p.c. L'écart n'est plus de 3
p.c. Il est déjà rendu à 7 p.c, 7 1/2 p.c, 7 3/4 p.c. Il
est plus que cela.
Moi, je me pose des questions sur les hypothèses...
L'hypothèse par exemple de la mise en marché. Si on regarde cela,
la mise en marché, actuellement, coûterait apparemment,
d'après le comité Gauvin, avec les compagnies d'assurance, 13.8
p.c, je pense. C'est cela, 13 p.c ou 14 p.c. Or, il propose que ce coût
soit réduit à 6 p.c Mais dans la mise en marché... Il y a
les coûts des courtiers. Or, le même comité Gauvin constate
qu'environ 86 p.c. des affaires des polices d'assurance sont transigées
par le truchement des courtiers. Il prévoit aussi que ce sont les
courtiers qui vont continuer, après coup, à être les
principaux intermédiaires. Mais en même temps aussi, il nous dit,
dans les recommandations je n'ai pas les numéros que le
courtier ne devrait pas recevoir un seul sou, ni directement, ni indirectement
des compagnies c'est à la page 380 ce qui signifie que
d'abord, il va y avoir un coût pour l'assuré qui n'est pas
indiqué dans les 20 p.c. A ce moment, il faut réduire les 20 p.c.
Si 86 p.c. des courtiers continuent à transiger et qu'ils vont
être payés directement par l'assuré, au niveau de la mise
en marché, il va rester... et que 5 p.c sont prévus pour les
intermédiaires
par le comité Gauvin, cela laisse 1 p.c. pour la mise en
marché. Je ne vois vraiment pas... Dans un contexte où on
voudrait plus de concurrence, il faudrait donc plus de dépenses de mise
en marché pour que les 164 compagnies se fassent connaître de
l'ensemble des citoyens, si on veut de la véritable concurrence. Ce
n'est sûrement pas en réduisant... Moi, je trouve que cela ne
tient pas debout, tant qu'on n'aura pas d'explications là-dessus.
Il y a aussi le placement sur les primes, évidemment,
l'intérêt, cela représente des sommes assez
considérables. On a vu que c'était, en moyenne, environ 6 p.c. en
Saskatchewan depuis 28 ans. Or, le comité Gauvin n'a pas tenu compte de
cela. La marge n'est pas de 3 p.c; elle est peut-être, même si une
partie de ses recommandations a été mise en vigueur, de 10 p.c,
12 p.c, 14 p.c, 15 p.c.
M. BONNIER: On va pouvoir en discuter tout à l'heure.
M. L'HEUREUX: Si vous voulez.
M. PEPIN (Marcel): Le temps, c'est un gros facteur.
M. L'HEUREUX: C'est la même chose dans tous les autres domaines.
Par rapport à l'ensemble des recommandations, il faut que ce
système marche. Le comité Gauvin veut faire confiance aux
compagnies.
UNE VOIX: Evidemment.
M. L'HEUREUX: Pour que cela marche, il va falloir tout un service
c'est cela qu'il prévoit de recherche. C'est le surintendant des
assurances, je suppose, qui va faire cela. On va l'équiper d'un tas de
recherchistes et après que l'année sera écoulée
cela va prendre quelques mois, cette affaire il y a des
recherchistes qui vont commencer à analyser les coûts, pour savoir
si cela avait vraiment été 20 p.c Pourquoi cela a-t-il
été 22 p.c? Pourquoi cela a-t-il été 23 p.c, 24
p.c? Les engueulades vont commencer à quel niveau? Au niveau d'une
commission parlementaire? Cela ne tient pas debout, comme formule. Il n'a pas
indiqué non plus le coût, en passant, des services de recherche
assez extraordinaires qu'il va falloir, à partir de cela.
Revenons aux recommandations. Je veux seulement noter, si vous le
permettez, la similitude, encore une fois, entre la conclusion ultime
par son contenu, par sa nature du rapport de la commission Wootton en
1968, parce qu'on est en train de revivre au Québec ce que la
Colombie-Britannique a vécu de 1966 à 1974. Il y a eu une
commission d'enquête, parce que le public était mécontent,
il payait trop cher et cela n'avait pas de sens. Le gouvernement, qui
était farouchement pour l'entreprise privée on ne s'en
surprend pas, avec M. Bennett a entrepris des réformes. C'est un
ministre libéral qui le dit d'ailleurs, et on le cite: "Une commission
royale d'enquête a été créée en
Colombie-Britannique, il y a quelque temps, de 1966 à 1968, et de
nouvelles lois ont été adoptées le 1er janvier 1969, mais
malgré ceci, le gouvernement a cru nécessaire de créer un
comité parlementaire chargé d'analyser à nouveau le
problème de l'assurance-automobile". C'est ce qui s'est passé en
Colombie, de 1966 à 1970. Est-ce cela qu'on est en train de revivre au
Québec? C'est un libéral de la Saskatchewan, au moment où
Thatcher était au pouvoir, qui dit cela. J'ai l'impression que c'est
cela qu'on va revivre au Québec. Gauvin a dû lire Wooton. Il dit,
en page 125: "Si la discrimination dans la fixation des prix, l'absence de
proportion entre les prix et les coûts marginaux ou toute autre forme de
comportement annulant une concurrence efficace sont maintenus, ou si les
compagnies d'assurance imposent à nouveau aux citoyens de la
Colombie-Britannique un "marché contrôlé" de
l'assurance-automobile, quelles qu'en soient les causes, les commissaires
recommanderaient alors la création immédiate d'une
société gouvernementale d'assurance".
Une dernière chance: "Avant que le gouvernement ne s'occupe de
concurrencer les compagnies d'assurance-automobile, l'industrie a droit
à une forme d'avertissement ou d'avis de mécontentement".
"Cependant, écrivent les commissaires, si les compagnies d'assurance
démontrent le moindrement qu'elles ne sont pas intéressées
à participer aux nouveaux types de polices d'assurance-automobile
recommandées par la commission et aux conditions
préconisées par celle-ci ou d'autres conditions acceptables au
gouvernement, et plus tard, démontrent qu'elles ne sont pas
intéressées à se concurrencer, alors le gouvernement de la
Colombie-Britannique devrait assurer seul la vente de l'assurance-automobile
dans cette province".
C'était en 1968, en Colombie. Au Québec, en mai 1974, six
ans plus tard, notre comité conclut: "Si les réformes
décrites dans les sections I et II précédentes ne sont pas
intégralement mises en application et si les mesures de garanties ne
sont pas imposées, l'écart de coût entre l'entreprise
privée et le monopole d'Etat sera encore plus grand, donc inacceptable,
et que, dans ces conditions, il n'y a pas d'autre choix que
l'étatisation complète de l'assurance-automobile au
Québec, car il faut bien comprendre que la recommandation du
comité se présente dans ces termes: La réforme
intégrale de l'entreprise privée selon le schéma
établi ci-dessus, ou la création d'un monopole d'Etat. Si le plan
de réforme n'est pas intégralement adopté, le monopole
constitue la seule autre solution".
Je ne sais pas s'ils se sont parlé, mais ils se sont lus
sûrement.
Le gouvernement a fait confiance aux com-
pagnies d'assurance en Colombie. Bennett a fait confiance. Il y croyait
sérieusement et sincèrement, mais cela n'a pas marché.
Quelques années après, le gouvernement a été pris
à faire les mêmes démarches. Dans la période
inflationniste que nous vivons actuellement, je pense que l'affaire est encore
plus sérieuse.
Je passe aux conclusions: Les taxes. On dit souvent que les
sociétés gouvernementales ne paient pas de taxes, mais elles en
paient.
En page 135, si vous le permettez, voici le programme d'action
commandé par l'intérêt des automobilistes et de la
collectivité québécoise. 1-Le gouvernement forme, dans les
semaines qui suivent, un comité chargé d'élaborer un
projet de loi s'inspirant des meilleurs éléments des lois et
règlements du Manitoba, de la Saskatchewan et de la
Colombie-Britannique. Le projet de loi est déposé à
l'Assemblée nationale au plus tard le 1er décembre 1982...
2-Cette loi crée la société gouvernementale des assurances
du Québec, laquelle assume exclusivement, un an plus tard,
l'administration intégrale de l'assurance-automobile au Québec.
3-Un programme d'assurance-automobile obligatoire sera instauré, avec
options pour couvertures supplémentaires et facultatives. 4-Toute
victime d'accident et les dommages matériels seront compensés
sans égard à la responsabilité. 5-Le recours en justice
demeurera, quant au niveau de compensation dans le cas de la
responsabilité civile. La présence d'un avocat ne sera pas
requise au stade préliminaire. 6-Le régime et la compensation
seront, au départ, comparables à ceux prévus par les
sociétés gouvernementales de l'Ouest. 7-La Société
générale des assurances du Québec vendra également
de l'assurance-vie, retraite et les diverses formes d'assurances-accidents,
(feu, maritime, commerciales, etc.) 8-La Société
générale des assurances du Québec instituera un
régime d'assurance obligatoire comportant la couverture suivante:
Responsabilité civile $50,000. Collision: franchise, $200, plus
les avantages prévus par le régime de l'Ouest. Les options
facultatives habituelles. 9-Chacun des conducteurs (propriétaire ou non)
contribuera au régime d'assurance-automobile à raison de primes
minimes, mais dont le montant, au-delà d'un minimum, variera selon le
dossier de conduite de l'année antérieure et le code de
démérite.
Les pénalités à cet égard seront
sévères, mais ne vaudront que pour une année.
10-Cependant, un conducteur qui est pénalisé pourra comme
c'est le cas avec la société gouvernementale de la Saskatchewan,
par l'envoi d'une formule d'appel devant une commission indépendante,
à un coût minime, avec ou sans avocat contester la
décision. Tant que son appel ne sera pas entendu, le conducteur n'aura
pas à verser de supplément. 11-Les primes d'assurance-automobile
au niveau du régime de base seront généralement les
mêmes pour le propriétaire ou le conducteur principal, quel que
soit son âge ou son expérience. Le conducteur masculin
âgé de 18 ans, 20 ans, 22 ans ou de moins de 25 ans ne sera pas
pénalisé a priori, à cause de son âge ou de son sexe
ou parce qu'il s'agit d'un nouveau conducteur. 12-La société
générale des assurances du Québec créera une
succursale chargée de la récupération de tous les
véhicules démolis dont cette entreprise sera l'unique
acquéreur au Québec. Toutes les pièces utilisables seront
remises à neuf et vendues aux automobilistes et aux garagistes. En
passant, nous n'avons pas compté, mais cela rapporte des millions. 13-La
SGAQ créera également un centre de recherche sur les accidents,
leurs causes, la qualité, le coût des véhicules et des
pièces, sur la création de véhicules, le transport en
commun. Le centre de recherche publiera un magazine mensuel d'information sur
l'automobile et les autres formes d'assurance. Le centre de recherche
envisagera également les moyens de doter le Québec d'une
industrie manufacturière de moteurs et de véhicules de transport.
14-La SGAQ négociera le prix des pièces de rechange avec les
fabricants de véhicules. 15-La SGAQ aménagera des centres de
réclamation à travers la province, centres reliés à
un ordinateur central. 16-La SGAQ aménagera un réseau de garages
administrés localement sur une base coopérative. 17-La SGAQ
incorporera à ses revenus les primes et les intérêts sur
les placements. 18-La SGAQ paiera aux municipalités l'équivalent
des taxes qu'une société paierait normalement au gouvernement du
Québec, l'équivalent de la taxe des sociétés sur
les résultats de l'administration des assurances générales
(sauf dans le cas de l'assurance-automobile). 19-Les polices
d'assurance-automobile seront acquises durant la même période
chaque année au moment du renouvellement des plaques d'immatriculation
par le truchement, soit des bureaux du ministère des transports (qui
seront dédommagés pour le coût de ce service) les bureaux
de la SGAQ et les courtiers reconnus par celle-ci, lesquels pourront
émettre les plaques d'immatriculation. 20-Le conseil d'administration de
la SGAQ sera présidé par un membre du cabinet et composé
du gérant général, de représentants élus par
les employés de la SGAQ, de représentants du ministère du
Revenu, de la Caisse de dépôt, et du ministère de
l'Industrie et du Commerce (planification), des trois principales centrales
syndicales, de l'UPA, du Conseil de coopération du Québec, et de
divers mouvements de consommateurs, à déterminer. 21-Des conseils
régionaux consultatifs composés de consommateurs, des mouvements
populaires seront formés et recevront annuelle-
ment un rapport. Les conclusions et recommandations de ces conseils
régionaux seront publiés par la SGAQ.
M. PEPIN (Marcel): Merci, André. Nous sommes maintenant à
vous. Si vous avez quelques questions à poser, j'espère, sur les
points importants.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Institutions
financières, Compagnies et Coopératives.
M. TETLEY: Messieurs de la CSN, nous avons tous reçu depuis deux
semaines, depuis la tempête de neige pas la tempête de votre
syndicat votre mémoire, qui est très bien. Il est
formidable et très intéressant. Je l'ai étudié avec
mes conseillers. J'ai un tollé de questions. Mais j'en ai huit que j'ai
notées ici, que j'aimerais vous poser, dans le peu de temps qui me
reste.
Vous parlez d'économie d'échelle à la page 7 de
votre mémoire: Enfin, rappelons que les économies
d'échelle, etc.. J'ai été informé qu'une compagnie
d'assurance qui fait un chiffre d'affaires d'à peu près $30
millions est aussi efficace sinon plus efficace qu'une compagnie même
plus grande. Une économie d'échelle d'une seule compagnie d'Etat
de $400 millions, $500 millions ou même $600 millions ne serait
peut-être pas une économie. De plus, il y a certaines compagnies
qui sont ici déjà qui ont un chiffre d'affaires de plus de $400
millions comme Allstate, Lloyd's, etc. C'est une constatation. Est-ce qu'il y a
vraiment une économie d'échelle à un certain niveau?
Je pense, à la page 128 de votre mémoire... Je vous pose
une question: Avec un système d'Etat, le ministre et les
députés doivent accepter un système où l'Etat fixe
les primes pour les différentes classes de personnes. Pour les gens de
Chicoutimi, peut-être, le risque est plus élevé parce que
la route est pire, les gens conduisent plus vite et, en effet, il y a une
échelle, au Québec, déjà établie, une
échelle différente pour diverses régions
géographiques et pour différentes personnes.
Comment l'Etat peut-il imposer ces échelles? Au Manitoba et
ailleurs, c'est une plainte fondée ou non fondée, je me le
demande il y a une échelle aritificielle; au plan politique, les
jeunes ne payent pas assez et certaines gens de la campagne, les cultivateurs,
qui ont un pouvoir politique peut-être plus grand que celui des gens de
la ville, ne payent pas assez. Comment l'Etat peut-il préparer les
tarifs ou les échelles dans une telle situation? L'Etat doit,
évidemment, être très honnête... Parce que ça
n'existe pas, apparemment, dans les Etats où l'assurance-automobile est
étatisée.
M. PEPIN (Marcel): Est-ce que cela existe dans les autres Etats?
M. TETLEY: Ici, c'est une plainte suivant laquelle les jeunes payent
trop, mais ils payent suivant le risque calculé par les actuaires. C'est
un problème pour un gouvernement qui veut étatiser. Sur le plan
politique c'est tout simplement une constatation c'est
très difficile pour le gouvernement, et une compagnie privée n'a
pas ces pressions.
A la page 47, vous parlez... Je trouve votre mémoire très
important et très intéressant, c'est pourquoi je ne veux surtout
pas poser le bâillon, je veux une discussion jusqu'à la fin. A la
page 47, vous dites que le système proposé par Gauvin, qui veut
payer la perte économique, est discriminatoire et vous avez parlé
de la veuve d'un médecin qui a cinq enfants, la veuve d'un travailleur
qui a cinq enfants. La veuve du médecin reçoit plus suivant
Gauvin. Je trouve vos impressions fort intéressantes, mais il faut noter
que le médecin serait obligé, suivant Gauvin, de payer une prime
plus élevée. Je ne crois pas que votre mémoire ait
noté ce fait. Je sais que le gouvernement du Québec a un
problème difficle à résoudre: on veut soit un
système tel que celui que vous proposez, un système où
tout le monde reçoit la même chose, soit un système
où les gens sont payés suivant leurs pertes économiques et
où ils paient suivant leurs droits assurés. A la page 47, je
crois qu'il faut noter cette différence.
Vous parlez du système de faute, vous avez beaucoup
critiqué le système de faute, mais, à la fin, dans vos
suggestions, vos recommandations, vous gardez un système de recours aux
tribunaux, à un certain niveau. Je vous lis le numéro de vos
recommandations. Je n'ai pas compris. Quand y aura-t-il recours aux
tribunaux?
M. LEGER: Page 136.
M. TETLEY: Page 136, c'est la recommandation, merci. Je n'ai pas compris
quand vous voulez qu'un chauffeur ou qu'un citoyen ait droit à la
cour.
M. PEPIN (Marcel): Je pensais qu'il finissait ses questions avant qu'on
lui réponde.
M. TETLEY: Non. Les deux ou trois premiers sont plutôt des
observations, mais le quatrième, c'est une question.
M. L'HEUREUX: Vous voulez que je réponde tout de suite?
M. TETLEY: Oui. J'ai d'autres questions, mais cela, c'est vraiment ma
première question.
M. PEPIN (Marcel): Je vous remercie, M. le ministre, pour les questions
que vous posez. On va essayer de donner les meilleures réponses
possible, en tout cas, celles que nous pensons être les vraies. Je crois
que l'essence même de notre document, c'est de dire: D'un
côté, il y a 41 p.c. qui s'en vont aux compagnies, qui ne
reviennent pas aux assurés. Dans l'autre systè-
me, il y a 17 p.c. C'est notre trame de fond. Peut-être qu'on se
trompe, mais le rapport Gauvin, nous dit que là-dessus, il semble bien
qu'on ne se trompe pas.
Sur votre première question, la question des économies
d'échelles. Je sais bien qu'en termes économiques, il arrive
qu'il y a des disproportions. Plus on augmente, finalement, plus la
rentabilité diminue. Je ne me souviens pas comment les
économistes appellent cela, mais en tout cas...
M. LEGER: Un point mort.
M. PEPIN (Marcel): Je pense que c'est la courbe des rendements
décroissants. Cela arrive. Mais à la page 7, où vous
soulevez le problème, il me semble, d'après les
expériences, d'ailleurs, que l'économie d'échelle a
existé ailleurs. Même si vous pouviez me dire, à un certain
moment: Telle province ou tel plan étatisé dans une province
donnée a fait un déficit de $11 millions, $40 millions, peu
importe le prix, ce n'est pas tellement cela qui est important. Je pense qu'il
pourrait arriver aussi qu'une compagnie privée puisse, dans une
circonstance donnée ou pour une période donnée, faire un
déficit.
Nous, on pense que l'économie de l'échelle, dans ce
cas-là, dans son système étatisé, pourrait avoir un
grand rôle. Peut-être que l'on se trompe avec l'expérience
d'ailleurs, mais il me semble que l'on ne se trompe pas.
Votre deuxième point, à la page 128, comment l'Etat
pourrait-il imposer une échelle de tarifs, si j'ai bien compris votre
question? Il semble que, dans d'autres provinces, dont le Manitoba, c'est une
plainte qui est réelle et qui peut être perpétuelle. Je
pense qu'on n'échappera jamais à ce problème.
A l'heure actuelle, ce sont les entreprises privées qui imposent
leurs tarifs, justifiés ou non, ce n'est pas tellement le
problème que vous invoquez et que je souligne, mais à l'avenir,
si vous acceptez notre thèse, ce sera la société
générale d'assurance du Québec qui va l'imposer. Il y aura
un ministre qui sera là; ce sera fatalement une décision qui ne
sera pas uniquement politique, mais qui a aussi un caractère politique.
S'il y a un député dans un coin qui dit: Dans ma région,
on va payer plus cher et je vais me faire battre aux prochaines
élections, cela va jouer.
Je pense que vous êtes aux prises avec le même
problème, d'une manière indirecte à l'heure actuelle,
peut-être. Quand toutes les compagnies décident de majorer leurs
prix de 5 p.c., 10 p.c. ou 15 p.c., vous devez avoir des réactions de
vos électeurs. Vous pouvez peut-être vous retrancher en vous
disant: Ce n'est pas notre responsabilité, ce sont les compagnies qui
font cela.
Je pense que, dans ce système-là, cela vaut la peine quand
même de tenter, non pas l'expérience, puisqu'elle a
été faite ailleurs et en dépit des remarques et des
observations, que nous avons ailleurs, il y aurait certains griefs,
possiblement justifiés... Je ne pense pas que vous puissiez vous en
sortir, si on veut faire bénéficier le plus possible les
consommateurs, les usagers de leur prime d'assurance.
Je laisserai mon collègue André répondre sur les
deux autres problèmes, la question des indemnités hebdomadaires
et le recours aux tribunaux. Je pense qu'André, pourrait peut-être
les éclairer là-dessus, sur les deux autres questions.
M. L'HEUREUX: Sur la question de faute, quand il y a recours aux
tribunaux, le système est complètement différent de celui
qu'on a ici. Si j'ai un accident ici, j'appelle mon agent, je m'en vais
à un garage, je reçois une estimation. Tout à coup, je
peux avoir des appels d'avocats, je ne sais pas trop où je m'en vais; je
pense que tout le monde sait cela.
Là-bas, tout de suite, automatiquement, les deux parties ont
droit à une indemnisation. Si je comprends bien le système de
là-bas on avait invité des gens de là-bas
d'ailleurs ce qui arrive au niveau de la société
gouvernementale, c'est qu'elle m'offre une compensation.
Si on est en faute dans le système là-bas, on n'a pas
droit de recours à ce moment. C'est le principe d'indemnisation du "no
fault" là-bas. La personne en faute n'a pas droit à un recours
supplémentaire, mais la personne qui est victime, si elle n'est pas
satisfaite de la compensation offerte par la société
gouvernementale, il y a des rencontres qui peuvent être multiples. Ils
vont se rencontrer, ils vont tout faire pour éviter les
procédures, mais je trouve qu'il y a un équilibre
là-dedans. Je trouve le système formidable. La personne s'est
fait peut-être expliquer tous les précédents, tout cela est
ouvert et elle sait quelles sont ses chances réelles d'aller en chercher
davantage, avant de se rendre au procès. C'est sans doute la raison pour
laquelle vous avez à peine 1 p.c. des cas qui, finalement, finissent en
cour, ce qui élimine, à toutes fins pratiques, le recours aux
avocats comme tels.
En pratique, c'est ce qui arrive, parce que la société
tente d'en arriver à l'amiable à un règlement avec les
assurés. Par exemple, dans le cas comme on le disait ce matin
du montant déductible, il est récupérable
également à la cour des petites créances, si le bonhomme
n'est pas satisfait, en fait, de la conclusion de la société
quant à sa responsabilité ou sa non-responsabilité. Quand
on parle de responsabilité dans ce sens, ce n'est pas du tout dans le
sens où on en parle ici, ce n'est pas automatiquement un avocat qui
intervient tout de suite, une série d'avocats, en fait, qui
interviennent pour savoir qui a passé sur un feu rouge. On essaie
d'abord l'assuré avec les représentants de la
société de s'entendre pour savoir ce qui s'est
passé, à l'aide du rapport de la police, etc., et si on en arrive
à une conclusion, on élimine des frais inouïs au
départ. Je ne sais pas si cela répond à votre
question sur ce point de vue.
M. PEPIN (Marcel): Sur le même point, je voudrais suggérer
que nous examinions ce qui existe au niveau de la Loi des accidents du travail.
Je n'ai pas tous les faits devant moi, mais je pense que, dans le cas des
accidents du travail, mon employeur me compense, c'est-à-dire par le
truchement de la CAT, de la commission, mais je crois que s'il y a faute
lourde, à ce moment, j'ai encore un recours contre mon employeur. Je ne
voudrais pas m'aventurer trop longuement là-dessus, mais je pense que
c'est surtout dans ce sens que nous préconisons cette demande.
M. L'HEUREUX: Dans le cas des indemnisations prévues par le
comité Gauvin, j'aurais souhaité, en fait, que le tableau soit
complet. Il y a des extraits, il y a des exemples qu'on donne quant à
une personne. Cela peut être $50, dans certains cas, par semaine, etc. Il
y a des minimums, il y a des maximums, sauf que le tableau n'est pas là.
Or, avec ce que j'ai vu, en tout cas, dans le rapport Gauvin, j'en arrive
à la conclusion qu'il y a dans le mémoire... Si telle n'est pas
la situation, si tel n'est pas le tableau... Ce tableau doit exister
sûrement et je me demande d'ailleurs pourquoi le comité Gauvin ne
l'a pas publié. Cela aurait été bien clair pour tout le
monde, à ce moment.
D'autre part, je me demande aussi c'est seulement une question
à laquelle le comité Gauvin pourrait répondre
puisqu'il privilégie, et avec raison sûrement, l'indemnisation des
blessures et qu'il sacrifie, par ailleurs, l'assurance-collision. Je me demande
s'il n'a pas privilégié à un tel point les
indemnités pour blessures qu'il a sacrifié parce qu'il
considère que c'est assez secondaire, en termes globaux l'aspect
de l'assurance-collision Nous autres, on préférerait qu'il y ait
un équilibre, en fait, dans tout cela.
M. TETLEY: II faut tout simplement noter que la Colombie-Britannique a
eu une perte de $11 millions. Apparemment, son système, c'est
d'augmenter la taxe de l'essence, de hausser peut-être les primes des
jeunes conducteurs, et le fonds de la province va aussi payer une certaine
somme etc. Je crois que ce qui est intéressant, à la page 88,
c'est à Régina l'augmentation de 40 p.c, de 1967 à 1973.
L'augmentation à Calgary, pour les compagnies d'assurance, est de 40
p.c, la même augmentation. A la page 89, l'augmentation de la
société gouvernementale de Régina est de 70 p.c, et celle
de 1'Alberta est de 15 p.c. C'est assez intéressant, j'ai fait des
calculs. D'après la page 89 de votre mémoire, en 1967, la prime
à Régina était $98; en 1973, c'était $141, une
augmentation de 70 p.c. En Alberta, en 1967, c'était $141.50; en 1973,
c'était $163, ce qui est une augmentation de 15 p.c. Ceci simplement
pour dire qu'on peut jouer avec tous les chiffres, même vos chiffres.
M. PEPIN (Marcel): Très bien. Pourriez-vous me permettre, non pas
une boutade, mais de vous dire que nos assurés ne paient pas en
pourcentage? Ils paient en chiffres absolus. Alors quand ils paient $163
à un endroit s'ils paient $141 à l'autre, ils
préfèrent payer $141 à $163, même si cela augmentait
davantage en pourcentage, parce qu'ils ne paient pas en pourcentage.
M. TETLEY: Mais à Régina, il y a trois accidents pour 100
personnes par année. Je n'ai pas les chiffres de l'Alberta, mais je suis
certain que c'est beaucoup plus élevé, parce que, Régina,
et la Saskatchewan ont le pourcentage le moins élevé pour le
Canada apparemment, c'est beaucoup moins élevé qu'en Alberta, je
le sais. En tout cas, ceci est tout simplement pour noter, M. Pépin,
qu'on peut jouer avec tous les chiffres, mêmes vos chiffres.
M. L'HEUREUX: M. le ministre, je ne pense pas qu'on puisse jouer avec
tous les chiffres, c'est faux. Les compagnies font cela. Quand elles haussent,
c'est parce que les taux sont tellement t>as je ne veux pas dire que
vous faites cela quand on parle en termes de pourcentage, les compagnies
font cela chaque année, M. Tetley. Une hausse de 10 p.c. en
Saskatchewan, cela ne veut pas dire la même chose qu'une hausse de 10
p.c. au Québec, c'est sûr. Disons que je paie $360 par
année, cela veut dire $36, tandis que, là-bas, l'assurance de
base est tellement basse que 10 p.c. de $100, cela fait $10 d'augmentation.
C'est cela que le BAC fait chaque année avec les hausses qu'il y a
là-bas. Cette année, il y a eu une augmentation de 20 p.c.
d'assurance supplémentaire, cela a l'air gros. Il y a une
éditorialiste de la Presse, je ne vous le nommerai pas, l'année
dernière, qui écrivait: Cela veut dire que c'est une faillite,
l'entreprise gouvernementale là-bas. Sauf qu'il ne parlait pas de ce que
cela voulait dire comme augmentation réelle en termes de cents et de
dollars. C'est sûr que cela augmente là-bas aussi, les coûts
augmentent et le nombre d'automobiles augmente partout au pays. Il va continuer
d'augmenter. La densité de la circulation va continuer d'augmenter. On
est poigné avec ce problème, tant qu'il va y avoir du
pétrole, en tout cas, et qu'on va avoir des autos. Quant au pourcentage,
c'est sûr que, si vous raisonnez comme cela, on n'a pas raisonné
de même nous autres par rapport aux compagnies. On a montré
exactement les chiffres année par année, ce qui en
était.
Quand le taux du jeune de moins de 25 ans au Manitoba est passé,
en 1971, de $304 à $151, c'est solide comme... C'est de même pour
l'ensemble.
M. TETLEY: Je vois que j'ai pris vingt minutes, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de
Lafontaine.
M. LEGER: M. le Président, je voudrais, au départ, faire
quelques remarques en disant que, si les compagnies privées, qui ont
manifestement épuisé leur dernière chance, avant que le
rapport Gauvin soit présenté, les chantres de l'entreprise
privée, s'ils avaient à évaluer l'efficacité
déplorable du régime actuel, s'il était un régime
d'Etat plutôt qu'un régime public, diraient exactement que le
régime est une faillite et une faiblesse complètes. Je pense que
c'est la façon de le réaliser. Le régime privé
actuel démontre jusqu'à quel point on indemnisait mal les gens,
et on avait une mauvaise administration qui coûtait trop cher aux
citoyens. C'est pour cette raison que j'ai bien apprécié le
mémoire que vous avez présenté. Il y a des points, quand
même, sur lesquels j'aurais quelques petites questions.
Quand vous dites que la mise en place immédiate du système
non seulement de l'indemnisation des dommages corporels, mais aussi
matériels, je serais enclin à être de votre avis, puisque,
si on est prêt à le faire pour les dommages corporels, selon le
rapport Gauvin, pour les dommages matériels, pourquoi attendre un
délai de cinq ans, puisque les trois autres provinces l'ont fait en
dedans de la première année?
Alors, moi, je serais d'accord avec vous pour dire qu'il faut quand
même... L'implantation de cela peut se faire rapidement et non pas cette
période transitoire.
Un autre point que j'aime bien aussi, par exemple, c'est le fait de
faire une variation des primes non pas selon des catégories ou des
classes de gens, entre autres, comme les jeunes, qui n'ont pas l'occasion de
prouver leur sérieux au volant. Au départ, ils sont
pénalisés. Je pense que c'est injuste. Je prends pour exemple un
père qui est un bon conducteur, qui montre à conduire à
ses enfants. En partant, le jeune n'a même pas la chance de faire son
expérience. Il se voit tout de suite affublé dans une classe avec
une surprime. Je pense qu'il faudrait peut-être se baser sur les points
de démérite. Vous avez mentionné l'idée que chacun
ait l'occasion de prouver sa valeur comme conducteur et que ses primes soient
un peu collées à cette marque de vérification que sont les
points de démérite.
Maintenant, vous arrivez, à la page 106, à une
affirmation. Vous dites que l'expérience de 28 ans de la Saskatchewan et
de deux ans du Manitoba a prouvé que les sociétés
gouvernementales coûtaient, en administration, 17 p.c. comparativement
à 41 p.c. et qu'il s'agit d'une hypothèse bien vécue. Ne
changer que la partie que préconise le rapport Gauvin, c'est basé
sur une hypothèse théorique qui n'est pas vécue puisque le
comportement monopolistique qui a été dénoncé, a
démontré, notamment, que cela peut amener une meilleure
"monopolistique", je parle d'Etat solution qu'une "monopolistique"
privée. J'en reviens à la question du ministre tantôt, qui
disait justement que, lorsqu'on arrive à un certain seuil de grosseur
d'une compagnie d'assurance qui n'a pas d'économie d'échelle, je
pense qu'il faut plutôt dire qu'il y a beaucoup de désavantages
dans le monopole, qu'il soit privé ou public.
Mais, dans les deux cas, il y a quand même l'avantage suivant,
c'est qu'un monopole, qu'il soit d'Etat ou privé, il y a une
économie. Dans le monopole privé, par exemple, l'économie
va permettre de faire plus de profits, tandis que dans celui de l'Etat, cela va
permettre tout simplement de réduire les primes. Il y a une
économie dans les deux cas mais le profit va aller aux actionnaires dans
le cas d'une compagnie privée, tandis que dans celui de l'Etat, il
pourrait être remis aux citoyens. D'ailleurs, dans l'ensemble du
mémoire, j'étais passablement d'accord.
Je voudrais soulever deux points. Un de ces points, je pense que le
ministre en a parlé un peu tantôt, est le fait que les personnes
qui gagnent un revenu supérieur comparativement à une personne ou
un autre groupe de citoyens qui gagne un revenu inférieur, si
l'assurance permettait de rétablir une juste relation entre les hauts
salaires et les petits salaires, je serais plutôt porté à
dire que ce n'est pas un bon moyen, par l'assurance, d'atteindre cela
même si l'objectif est bon. L'assurance est justement pour permettre de
se protéger contre quelque chose qu'on gagne actuellement. Si, dans la
société actuelle, il y a des écarts trop grands et qu'il
faut les corriger entre les bien nantis et les gens qui sont moins
favorisés, je ne pense pas que ce soit par l'assurance qu'on doive
corriger cette chose.
J'aimerais que vous me disiez pour quelle raison vous pensez qu'une
personne, comme un médecin qui gagne un revenu passablement
supérieur à la moyenne, soit pénalisée parce
qu'elle a un accident, alors qu'elle ne le serait pas quand elle gagne sa vie
de tous les jours.
M. L'HEUREUX: Ce qu'on dit surtout, nous, c'est qu'au niveau du
régime de base obligatoire, universel, les avantages qui en
découlent doivent être universels également et égaux
pour tous selon qu'on ajoute prenons l'exemple de la Saskatchewan et des
autres provinces des compensations supplémentaires en cas de
besoin. On prévoit, par exemple, une rente hebdomadaire de $60 par
semaine. En Colombie-Britannique on a ajouté à ces $50, plus $10
pour au-delà du dépendant primaire, $10 par enfant. On
prévoit aussi, en cas de besoins particuliers de réhabilitation,
une autre somme de $4,000 durant les 104 premières semaines. C'est ce
type de formule que nous préconisons.
Qu'on le prévoie facultativement, je pense bien que M. Gauvin le
prévoit aussi, mais sauf que moi, j'ai compris que ce dont il parlait
dans son rapport en particulier quand il parlait des barèmes
c'était du régime de base obligatoire universel. Si on
parle d'assurance facultative, qu'on imagine, comme cela se fait
d'ailleurs,
que ceux qui veulent avoir davantage, qu'ils paient pour, d'accord. Mais
là je fais la distinction entre le régime de base obligatoire
universel et la nécessité de prévoir des indemnités
égales ou inégales en fonction des besoins.
M. PEPIN (Marcel): Je voudrais là-dessus, pour le
député de Lafontaine, rappeler une loi votée par la
Chambre, par l'Assemblée nationale relativement au régime de
retraite universel. Il y a une certaine différence suivant les revenus
entre ce que je peux retirer et ce qu'un autre peut retirer, mais il y a un
plafond. Mon revenu cotisable est limité à $7,000, pour les fins
de mon propos; si j'ai $15,000, je vais retirer de l'Etat, à même
mes contributions et celles de l'employeur, un montant maximum de $115 ou $120
par mois. Il peut arriver que je retire un peu moins si je suis en bas de ce
montant. Il est sans doute possible d'imaginer quelque chose de semblable dans
l'assurance-automobile. Il peut y avoir quelques différences, mais il y
aura sûrement un plafond à un moment et l'excédent, ce sera
le régime privé de retraite que certains ont dans les
entreprises. Je ne sais pas si cela répond à votre
préoccupation mais, par voie analogique, je pense qu'on peut l'appliquer
dans le cas de l'assurance-automobile.
M. LEGER: D'accord, mais la seule préoccupation que j'ai, dans
l'exemple que vous donnez, c'est quand même à la retraite
où les responsabilités sont moins grandes, à cet
âge, et le plafond à ce niveau est peut-être plus
compréhensible que dans la période où la personne est dans
la partie la plus importante de la création...
M. PEPIN (Marcel): Ce n'est pas uniquement à la retraite, c'est
peut-être le plus grand nombre de cas, mais si je deviens invalide avant
la retraite, j'ai exactement la même chose. Là, mon exemple
devient assez pertinent.
M. LEGER: II y a un autre point sur lequel je n'étais pas
tellement d'accord avec vous, je vous demande de me convaincre. Pour quelle
raison gardez-vous le droit de poursuite passé un certain niveau, pour
une certaine somme dépassé la base? Est-ce que c'est pour avoir
un régime à peu près équivalent à ce qu'il y
a dans l'Ouest ou si c'est par une philosophie qui découlerait de
l'ensemble de votre rapport?
Est-ce que l'objectif même du rapport Gau-vin n'était pas
justement de considérer que l'automobile était un mal social
nécessaire qui fait que la faute ne devrait pas être
considérée, mais uniquement le besoin d'indemniser toutes les
victimes et que chaque personne s'assure pour ses propres dommages selon ce
qu'elle craint de perdre? En gardant une partie supplémentaire,
contrairement à ce que Gauvin présentait, vous gardez la
possibilité de poursuite, alors que le rapport Gauvin dit que ce sont
les grosses réclamations qui sont les moins bien corrigées dans
le système actuel. On voit, d'après les chiffres dans le rapport
Gauvin, que ce sont les plus grosses sommes qui sont moins payées;
l'objectif premier était non pas de tenter d'indemniser toutes les
réclamations, mais que celles qu'un citoyen normal peut
budgétiser, c'était moins important de protéger
ceux-là que de protéger les sommes que le citoyen ne peut pas
budgétiser dans ses revenus habituels.
M. L'HEUREUX: La philosophie de base est la suivante, nous revenons
à ça depuis le début. Vous avez mentionné
tantôt 17 p.c; s'il n'existait pas aujourd'hui au Canada deux provinces
au moins on ne connaît pas l'expérience de la
troisième qui vient de commencer où l'assurance-automobile
pouvait s'administrer avec 17 p.c. des primes, on ne serait pas aujourd'hui
à en discuter. Ou bien si on était arrivé avec une
hypothèse voulant que ce serait possible, nous, de la CSN, on nous
aurait dit: Vous êtes ridicules. L'indemnisation préconisée
par le rapport Gauvin, quant à moi, c'est une hypothèse
intéressante pour l'avenir. C'est un facteur. Mais le comité
Gauvin n'a pas tenu compte de bien d'autres facteurs de coût dans
l'ensemble de l'affaire. On ne réglera pas ce problème comme dans
n'importe quoi, par un seul aspect.
Dans le public, le débat porte sur le "no fault" comme si
c'était la seule ou la principale source d'économie. C'est une
source fondamentale d'économie, d'augmentation des prestations, des
compensations importantes, mais il n'y a pas que cet aspect. Le comité
Gauvin, par exemple, en ignorant les intérêts sur les placements,
ignore aussi un montant appréciable qui pourrait aller en compensation.
Ce sont tous ces facteurs qu'il faut mettre ensemble et c'est la
réalité qui, aujourd'hui, il me semble, est fulgurante.
J'imagine qu'il n'y a pas un seul membre de la commission ici, quel que
soit le parti politique, qui conteste les chiffres du comité Gauvin
là-dessus. Cela coûte 17 p.c. avec ces sociétés
gouvernementales; cela coûte 41 p.c. à administrer avec...
C'est connu, c'est vérifié, c'est vécu et on voit
aussi le résultat dans l'ensemble. Au point de vue des résultats,
je parle de l'efficacité des services et tout; la compensation, il y a
sûrement progrès. On pourrait améliorer la situation
là-bas, elle n'est pas parfaite. Mais avec une telle différence,
devant des faits comme ceux-là, est-ce qu'on va commencer à
imaginer un autre système, nous autres? Est-ce qu'on va être plus
fin? 24 p.c. de $500 millions pour l'année prochaine c'est quoi?
M. LEGER: M. L'Heureux, si vous me permettez, vous êtes en train
de me répondre affirmativement à la prochaine question. Je
voulais vous faire dire que la différence entre un régime
étatique et un régime privé, ce n'étaient
pas uniquement les 3 p.c. de profit. Il y avait aussi les 4.5 p.c. ou
presque 5 p.c. provenant des revenus de placements. Ce qui fait que la
différence et c'est une question que je vais poser aux
responsables du rapport Gauvin la semaine prochaine en
réalité, c'est presque 8 p.c. entre un régime
étatique et un régime privé, en excluant la partie "no
fault". Le "no fault" économise encore 18 p.c.
La question que je vous posais était la suivante: Pour quelle
raison avez-vous gardé la possibilité de poursuite,
dépassé la période de base? Ce n'était pas dans la
partie étatisation. Je suis d'accord avec vous sur cela. C'est plus que
3 p.c. de différence, c'est presque 8 p.c, dans la partie profit. Vous
l'avez d'ailleurs dit dans votre rapport. Pourquoi garder la notion de faute,
dépassé un certain barème?
M. PEPIN (Marcel): Je pourrais vous dire que c'est mal plus votre
première réponse suggérée qui est la vraie. Nous
avons pris un régime qui existait déjà et nous le
proposons ici. Si on va au bout de notre raisonnement, je pense qu'il n'y aura
plus de possibilité de poursuite. Mais, dans l'état actuel des
choses, on s'est dit: On connaît quelque chose qui existe et qui
fonctionne assez bien, semble-t-iî...
M. LEGER: C'est transitoire.
M. PEPIN (Marcel): Oui. Ce n'est pas une question de philosophie...
M. LEGER: Et vous iriez, un peu plus tard, vers l'abandon de la faute
complètement?
M. PEPIN (Marcel): Je peux vous dire que, personnellement, j'irais bien
de ce côté-là. Nous avons proposé quelque chose par
rapport à ce qui existe ailleurs. C'est toujours plus facile pour un
Parlement, pour une Assemblée nationale, de dire: Je vais épouser
une réforme qui a été faite ailleurs, je vais la prendre
assez intégralement, plutôt que de dire: Je vais encore innover.
J'aimerais mieux que cela innove encore, mais nous avons des expériences
ailleurs. C'est plutôt pour ce motif-là que nous le proposons.
M. LEGER: En ce qui me concerne, étant donné qu'on a
dépassé un peu l'heure, je voudrais vous remercier. Vous avez un
rapport extrêmement volumineux, qui comprend beaucoup de statistiques et
qui fait le tour de la question. Je veux vous féliciter pour ce rapport,
en particulier, M. L'Heureux, qui travaille là-dessus depuis très
longtemps, qui a fait des visites et qui est capable de nous dire ce qui s'est
passé dans d'autres provinces, ce qui n'a pas toujours été
le cas de personnes qui sont venues nous rencontrer ici et qui affirmaient des
choses sans les avoir vécues. Je vous remercie.
En ce qui nous concerne, nous sommes très heureux de vous avoir
entendu. Peut-être que mes confrères ont autre chose à
ajouter.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Etant donné que nous dépassons
l'heure et qu'il y a encore quelques questions, on pourrait passer rapidement,
si vous le voulez, et terminer pour permettre aux membres de la CSN de disposer
immédiatement.
M. LEGER: Est-ce que je pourrais demander une directive? Est-ce qu'on
pourrait établir combien il y a de personnes et établir une heure
limite?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): J'ai l'impression...
M. TETLEY: ... pour le gouvernement. M. LEGER: Pour qu'on sache le
contenu.
M. TETLEY: C'est toujours comme cela, M. Pepin. L'Opposition veut
imposer le bâillon.
M. LEGER: Non, M. le Président, je suis d'accord.
M. TETLEY: ... question.
M. PEPIN (Marcel): S'ils étaient majoritaires, ce serait
épouvantable.
M. LEGER: II y a des députés qui demandent de prolonger,
on est d'accord, mais on ne sait pas pour combien de temps.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous voulez...
M. LEGER: Pourvu qu'on dise pour combien de temps.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous permettez, on va être assez
patient tout de même. On va permettre quelques questions et si on voit
que cela veut trop se prolonger, on essaiera de réduire.
M. TETLEY: On veut imposer le bâillon au gouvernement.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Taschereau avait
quelques questions à poser.
M. BONNIER: Je vais en couper, mais je voudrais...
M. PEPIN (Marcel): J'aimerais mieux que vous n'en coupiez pas. J'ai le
temps qu'il faut, parce que je pense que ce débat est fondamental.
M. BONNIER: Moi aussi. C'est pour revenir à la question
fondamentale, tel que M. Pepin l'expliquait d'ailleurs, ce matin, au
départ cette différence entre les coûts d'opération
d'une entreprise d'assurance-automobile étatisée et l'entreprise
privée, telle qu'elle existe à l'heure
actuelle. Est-ce que vous avez une ventilation de ces coûts
d'opération? Qu'est-ce qui y entre, de part et d'autre? Peut être
que ce n'est pas possible, peut-être que vous êtes partis tout
simplement de certains rapports financiers qui comptabilisaient simplement les
revenus et les dépenses d'une façon globale. Ce serait
peut-être intéressant, parce que je crains parfois qu'on ne parle
pas de la même chose, comme quand on parle de revenus, parfois, j'ai
l'impression qu'on parle de revenus bruts alors que d'autres parlent de revenus
nets, après impôt, après les réserves et tout cela.
Je voudrais bien savoir ce qui en est.
M. PEPIN (Marcel): Si vous permettez, M. le député,
André pourra vous donner la ventilation qu'il a. Je voudrais vous
rappeler que nous, au point de départ, avons fait des affirmations que
nous pensions vraies. En 1970 d'ailleurs André l'a lu ce matin
nous avions dit que c'était autour de 40 p.c. le coût
administratif comprenant les revenus, les profits, etc. Nous avions des
chiffres de la Saskatchewan où on pensait que c'était autour de
17 p.c. Le comité Gauvin y a engagé une série de firmes
d'experts. Il a fait des vérifications beaucoup plus poussées que
celles que nous avions entreprises. Il en arrive à quelque
dizième pour cent près, exactement au même
résultat...
M. BONNIER: Globalement.
M. PEPIN (Marcel): ... globalement. Pour lui, c'est 40.8 p.c; on avait
affirmé, je pense 41 p.c. Alors, on ne se chicanera pas
là-dessus. On avait dit: C'est 17.5 p.c. pour les compagnies d'Etat,
dans la Saskatchewan, le résultat d'après le comité Gauvin
est de 17.9 p.c. Non plus, là-dessus, on n'est pas pris de travers.
Maintenant, quant à la ventilation, André peut vous la donner.
Sur ce premier point, je pense que votre comité d'experts, Gauvin, en
arrive exactement aux mêmes conclusions que les nôtres.
M. L'HEUREUX: Je peux tout simplement vous référer au
rapport du comité Gauvin. On a publié intégralement des
extraits de ces principaux tableaux en page 107 dans notre mémoire, aux
pages 223, 228 et 371. Le comité Gauvin a très bien
établi, en fait, la ventilation des dépenses, par exemple, la
taxe sur la prime, la mise en marché, le règlement des sinistres,
le coût du règlement des sinistres, la sélection
d'émission des polices. C'est cela que vous voulez dire, je suppose? Le
profit sur les primes, des frais assumés par les victimes.
M. BONNIER: D'accord.
M. L'HEUREUX: Je pense que cela a été bien établi
par le comité.
M. BONNIER: Est-ce que cela veut dire que vous êtes tout à
fait d'accord sur les explica- tions telles que fournies par le rapport Gauvin
et, à ce moment, les économies à faire se trouveraient
à quel article en particulier? Est-ce que c'est au niveau du
règlement des sinistres? Est-ce que c'est au niveau de la mise en
marché, vous l'avez souligné tout à l'heure, ou au niveau
des revenus de placement dont on pourrait peut-être parler aussi,
évidemment?
M. L'HEUREUX: Les économies proviennent d'un ensemble de sources.
D'ailleurs, le comité Gauvin ou la firmes de conseillers en
administration qui sont allés là-bas, je pense que M. Rankin
aussi y est allé, ont analysé chacun des chapitres. Si vous
voulez, c'est une question importante, cela. La taxe sur la prime...
M. BONNIER: C'est votre point de vue à vous autres que je
voudrais savoir.
M. L'HEUREUX: Voilà notre point de vue. On n'a rien
inventé en 1970, quand on a publié ces chiffres. Quand je vous
dis qu'il y a des petites brochures tirées à des milliers
d'exemplaires, tous les citoyens de la Saskatchewan pouvaient les avoir. Le
bilan, en fait, de l'administration de la Saskatchewan est publié
annuellement dans des brochures distribuées à des milliers
d'exemplaires, comme les tableaux des primes. Cette information était
accessible et le comité Gauvin, lui, sachant que cela se disait, a
dépêché des spécialistes là-bas pour aller
étudier la question et il a confirmé, en fait, ce que, nous, on
avait affirmé, mais, nous, on n'a rien inventé. On l'a pris dans
les chiffres du gouvernement de cette province-là. Il le démontre
très bien. Il l'analyse même, élément par
élément. C'est cette analyse qu'on reprend, nous, d'ailleurs,
élément par élément, chacun des chapitres des
postes de dépenses. En fait, la taxe sur la prime, si vous voulez, est
de 2 p.c. partout, sauf en Saskatchewan où elle est de 3 p.c. La mise en
marché avec les compagnies d'assurance est de 13.8 p.c. actuellement.
Avec les réductions souhaitées par le comité Gauvin, cela
se réduit à 6 p.c. Avec la Saskatchewan, c'est 3.6 p.c. Avec le
Manitoba, c'est 5 p.c. Ce sont des chiffres vérifiés par les
conseillers d'administration.
Le règlement des sinistres...
M. BONNIER: Si vous voulez, puis-je...
M. L'HEUREUX: ... à l'heure actuelle, par les compagnies
d'assurance, est de 12.3 p.c...
M. BONNIER: ... vous poser une question... M. L'HEUREUX:
Excusez-moi.
M. BONNIER: ... vous interrompre? Je prends la mise en marché au
Manitoba. C'est une province que je connais particulièrement, parce que
j'y ai vécu trois ans. Vous savez comme moi qu'une bonne partie de la
popula-
tion est centrée à Winnipeg. Le reste est rural, les
routes conduisent à Winnipeg, dans le fond. C'est plus facile de
travailler à partir de Winnipeg, mais on est venu dire ici, à la
commission, que c'était difficile, même pour des entreprises
je ne me rappelle plus si c'est Allstate ou une autre qui avaient
tendance à faire de l'assurance en direct, qui, actuellement, depuis
quelque temps, semblent recourir à des courtiers. Dans une province
aussi grande que la nôtre, jusqu'à quel point on
économiserait,même dans la mise en marché? On pourrait
faire de la mise en marché directe, c'est bien sûr, soit une
entreprise d'Etat, soit un autre type d'entreprise, mais il faudrait quand
même décentraliser les bureaux d'administration et on sait
jusqu'à quel point on économiserait.
M. L'HEUREUX: Le comité Gauvin lui-même affirme, en tout
cas, qu'il estime que le taux d'administration, à 17 p.c, serait
réalisable ici. Il ne fait que l'affirmer.
M. BONNIER: Oui.
M. L'HEUREUX: Je pense qu'il n'y a pas de mystère
là-dedans. La Saskatchewan, par exemple, au point de vue de
l'acquisition des primes, a réduit énormément les
coûts communs. A chaque année, il faut renouveler nos plaques
d'immatriculation. Il faut que j'y aille, bon! Alors, c'est à ce moment
que, pour une grande partie des citoyens, le renouvellement se fait.
D'autres provinces, comme le Manitoba, ont donné la
possibilité aux courtiers d'émettre eux-mêmes la plaque
d'immatriculation, en partie. On a le choix d'aller à un endroit ou
à l'autre. En Colombie-Britannique, ce sont vraiment les courtiers, dans
l'ensemble, tous les courtiers, qui émettent la plaque
d'immatriculation. Ce sont des formules comme celles-là qui simplifient
des opérations administratives. On va chercher sa plaque
d'immatriculation et, en même temps, c'est une façon de s'assurer
que le maximum, le plus grand nombre possible d'automobilistes vont être
assurés. Je ne sais pas si cela répond à vos
questions.
M. BONNIER: Oui. M. le Président, je ne veux pas allonger le
débat inutilement, mais je me demande si vous vous êtes
penchés aussi sur la possibilité d'examiner où on pourrait
épargner vraiment et rendre évidemment service. Vous soumettez
des exemples. Il y a un point particulier qui m'a frappé. Par exemple,
la tarification doit être en relation avec les points de
démérite. Je trouve cela extrêmement intelligent. Cela a de
l'allure, parce que si, moi, je fais attention et que mon voisin ne fait pas
attention, ou l'inverse, c'est normal que je paie plus cher. Il y a des choses
comme cela. Ne peut-on pas épargner sur l'administration sans
nécessairement aller à l'étatisation?
Si je comprends bien la démarche, évidemment, au niveau du
rendement sur le capital investi, les lois veulent, à l'heure actuelle,
que si j'exploite une compagnie d'assurance, je sois obligé de garantir
de point de départ le paiement des réclamations par une certaine
capitalisation. Evidemment, une entreprise d'Etat n'est pas obligée de
faire la même chose. On tient pour acquis que la province serait capable
de payer. Mais, cela mis à part, y a-t-il d'autres économies
à faire, en resserrant comme il faut notre administration, en faisant en
sorte que notre mise en marché soit plus rationnelle? Si on n'a pas
besoin des courtiers, on n'en a pas besoin. Si on en a besoin, comme vous
dites, peut-être qu'on en aurait besoin pour d'autres sortes de services,
je ne le sais pas. C'est la même chose pour le système de
responsabilité sans égard à la faute. C'est
évident. Tout le monde reconnaît que ce serait beaucoup plus
efficace. Il y a des gens qui sont venus nous dire, évidemment, que les
gens vont être mal protégés, parce que cela prend toujours
quelqu'un pour les défendre. Cela resterait à discuter.
Deuxièmement, si on appliquait le système de
responsabilité sans égard à la faute, non pas, comme dit
le rapport Gauvin, simplement aux blessures corporelles, mais également
à la voiture elle-même, n'y aurait-il pas des moyens, comme cela,
qu'on devrait employer sans nécessairement recourir à
l'étatisation? C'est une question. Je ne vous dis pas que je suis pour
ou contre.
M. PEPIN (Marcel): Votre question me suggère quelque chose. Vous
semblez dire que dans un régime d'Etat il n'y aurait pas besoin d'avoir
les réserves prudentes ordinaires.
M. BONNIER: Oui, il y a des réserves nécessaires.
M. PEPIN (Marcel): Ah bon!
M. BONNIER: Mais pas nécessairement un capital de mise de fonds
au point de départ.
M. PEPIN (Marcel): Je pense qu'il y aura un capital de mise de
fonds.
M. BONNIER: Qui serait affecté à des réserves
immédiatement.
M. PEPIN (Marcel): Oui. C'est-à-dire qu'il y aura un capital sans
doute prêté par l'Etat, comme cela s'est passé dans le cas
de l'instauration de l'assurance-maladie. Vous vous souviendrez, quand
l'Assemblée nationale a créé cette régie, vous avez
immédiatement mis à sa disposition, je pense, $20 millions ou $25
millions, quitte à les récupérer après.
C'était une espèce de mise de fonds pour l'organisation de tout
le régime. Une fois que cela a été fait, vous avez
retiré l'argent de l'assurance-maladie. Je présume que ce serait
un peu semblable dans ce cas-ci, si vous décidiez d'avoir une assurance
d'Etat. Là, l'Assemblée décide d'avancer, par le
truchement du trésor provincial, tant de millions qu'il faut,
quitte à les récupérer une fois l'opération en
marche. Même une société d'Etat devra elle-même
s'autofinancer. S'il y a des déficits, elle devra prévoir des
augmentations de primes, les années subséquentes. S'il y a des
profits, elle pourra les redistribuer. Alors, je ne voudrais pas qu'on donne
l'impression qu'on s'en irait nous, avec notre thèse, dans une formule
étatique où l'ensemble de la population aurait à payer les
déficits pour une partie seulement de la population. Je voudrais que
cela soit bien clair entre nous.
Quels sont exactement les points sur lesquels il pourrait y avoir
économie d'argent? Je pense qu'André a essayé de vous
donner quelques points de repère, quelques indications, mais il me
semble, M. le député, que la proportion est trop évidente.
Peut-être que je fais de la' simplification et peut-être de la
très grande simplification, mais s'il est vrai, comme le rapport Gauvin
l'affirme, comme le rapport Wootton l'affirmait aussi, que d'un
côté on est capable d'administrer tout compris avec 17 p.c. et, de
l'autre, que cela prend 41 p.c, parce qu'il y a des profits, peu importent les
motifs, il me semble que ma conclusion saute aux yeux. Mais même si je ne
suis pas capable de vous dire : Tu peux sauver tant de points ici, tant de
points là, etc., quoique c'est intéressant que vous fassiez cette
démarche si vous voulez, mais pour moi, je crois que la conclusion est
trop évidente entre les deux rapports.
Si les chiffres que je mentionne n'étaient pas vrais, je serais
dans une autre situation, mais il semble que ces chiffres soient
corroborés par tout le monde.
M. BONNIER: C'est parce que...
M. L'HEUREUX: Votre question est bien importante. Je pense qu'il faut se
rendre compte d'une chose. Tantôt quelqu'un a mentionné que le "no
fault" pouvait signifier 18 p.c. je pense que c'est le
député de Lafontaine qui a dit cela mais ce n'est que de
5.3 p.c. Il faut bien se rendre compte de ça. D'après le
comité Gauvin, à l'heure actuelle, le règlement des
sinistres est de 12.3 p.c. et cela pourrait baisser à 7 p.c. Il est de
6.8 p.c. en Saskatchewan et de 7 p.c. au Manitoba. C'est seulement 5.3 p.c,
c'est pour ça que je dis que c'est un ensemble de facteurs qui
réduisent. Si on prend la réalité, 13.8 p.c. pour la mise
en marché avec les compagnies à l'heure actuelle, 3.6 p.c. en
Saskatchewan, 5 p.c. au Manitoba; sélection et émission des
polices: 5.2 p.c. à l'heure actuelle, 2.7 p.c. en Saskatchewan, 1.2 p.c.
au Manitoba; administration, sans les profits: 3.3 p.c. avec les compagnies
d'assurance, 1.8 p.c. en Saskatchewan avec le gouvernement et 1.9 p.c. au
Manitoba.
En plus de ça, on dit: Si on élimine les compagnies, vous
allez chercher encore 2.5 p.c. qui iraient normalement au profit des actionnai-
res, plus les intérêts de ces placements et plus le 1.7 p.c. qui
est requis par les assurés comme frais pour une partie de leurs
indemnités. Devant une réalité comme celle-là, on
se dit: Est-ce qu'on va chercher à faire mieux que cela, il n'est pas
possible... Otons-nous de la tête l'idée du capitalisme, regardons
seulement ces chiffres, qu'est-ce qu'on fait? Comme être humain, le gars
qui paye dirait: Je choisis quoi entre les deux, ce qui va me coûter cela
ou ce qui va me coûter cela ou bien peut-être cela? Je prendrais
"cela".
M. BONNIER: C'est tout à fait logique, normal, cependant, on sait
que lorsqu'on change d'une façon draconienne d'un système
à un autre, il y a toujours des coûts cachés, la mise en
opération, l'efficacité des personnes tout ça. Il y a des
personnes qui ont quand même de l'expérience là-dedans plus
que moi, peut-être pas plus que vous, mais plus que moi en tout cas, une
certaine expérience que ça vaut la peine d'utiliser. Je me dis:
Je prends par exemple toute la question des centres d'évaluation. Si on
avait recours à ça, on épargnerait probablement
passablement, j'ai l'impression, du moins d'après les études. Par
ailleurs, il y en a qui viennent nous dire: Ne faites jamais ça, parce
qu'on ne pourra pas y aller à toutes sortes d'heures. J'ai
vérifié auprès de compagnies qui ont des centres
d'évaluation qui ont dit: Mon cher monsieur, vous pouvez venir
après cinq heures, vous pouvez venir le samedi matin; si c'est vrai pour
eux, c'est peut-être vrai pour un autre système. Je veux dire : II
y a peut-être des choses qu'il va falloir mettre en place mais
jusqu'où est-ce que l'Etat devrait se rendre pour dire: Tout cela
suppose qu'on le prenne en main.
C'est cela, ma question. Je ne suis pas un capitaliste à
outrance...
M. PEPIN (Marcel): Moi non plus d'ailleurs. Mais je crois que c'est
vraiment le fond du débat. Quant à nous, après avoir
vécu toutes les expériences qui ont été
vécues, les descriptions qui sont faites dans le mémoire de la
présumée efficacité des compagnies privées, des
entreprises privées, je pense qu'il est assez bien
démontré, même dans le rapport Gauvin, même dans le
rapport Wootton, que cette efficacité peut être placée avec
un certain point d'interrogation.
Je ne vous dis pas que l'Etat va faire des miracles et des merveilles,
parce qu'il y en a qui ont vraiment peur de l'Etat, même des hommes du
gouvernement qui disent: On n'a pas la sagesse pour instaurer des affaires
comme cela. Je pense qu'ils ont peur d'eux-mêmes. Si on enlevait cette
crainte, cette barrière qu'on a, je crois qu'on pourrait faire des
affaires. J'ai l'impression que le régime d'assurance-maladie, à
l'heure actuelle, avec les faiblesses de la loi elle-même, donne des
résultats intéressants à la population.
M. BONNIER: C'est un autre domaine.
M. PEPIN (Marcel): Je ne peux pas comparer avec un domaine autre que
ceux qui existent. Vous n'avez pas encore créé de régime
d'assurance d'Etat ici, c'est pour cela que je n'ai pas de point de
comparaison. Mais il y en a ailleurs qui réussissent; prenez donc un
risque; allez-y donc!
M. BONNIER: Merci.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Au nom des membres de la commission, on
remercie les représentants de la CSN, M. le président, M.
L'Heureux ainsi que son adjoint, de nous avoir présenté leur
mémoire. Nous avons été assez larges si vous me
permettez de vous le rappeler; nous vous avions dit que nous serions
généreux et c'était nécessaire, parce que
c'était un rapport assez volumineux qui contenait de bonnes
recommandations.
Au nom des membres de la commission, je vous remercie, M. le
président, ainsi que vos adjoints.
M. PEPIN (Marcel): Est-ce que vous me permettriez de dire un mot avant
de terminer?
LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, M. le président.
M. PEPIN (Marcel): Moi aussi, je voudrais remercier le Président
et les membres de la commission de nous avoir accordé ce délai.
Nous étions, non pas anxieux parce que, dans le mot "anxieux", il
y a toujours un peu d'angoisse et ce n'est pas du tout le sens que je voudrais
donner à mes propos mais nous avions hâte de venir vous
expliquer un peu notre thèse.
Maintenant je sais que, pour une Assemblée nationale, un
Parlement, c'est parfois long et difficile de trouver son chemin, son terrain.
Dans ce cas-ci, il me semble, M. le Président, que, vraiment, nous avons
toutes les données pour passer à une action très
rapide.
Vous avez avec vous le ministre qui est en partie responsable de cela.
Il m'a rappelé, ce matin, que j'avais déjà
été un de ses électeurs. S'il voulait me remercier de
quelque chose, il pourrait se décider et proposer, soit ici à
cette commission, soit directement à l'Assemblée nationale, un
régime qui économiserait de l'argent aux Québécois
et qui permettrait un contrôle par l'Etat de cette donnée qui est
importante. Ce n'est pas la fin du monde.
Quant à notre thèse à nous, on n'arrêtera pas
à l'assurance-automobile, mais l'assurance-automobile, c'est un cancer
qui existe présentement. Toutes les données sont devant nous et
il me semble que c'est assez clair pour agir et rapidement. Si c'était
nécessaire, comme mon ami L'Heureux l'a suggéré ce matin,
pour vous en convaincre davantage, rendez-vous donc un groupe d'entre vous,
pendant les Fêtes, dans les provinces de l'Ouest où cela existe.
Je pense que le ministre n'aura pas objection à cela. Allez voir sur
place.
Au niveau des dépenses, je pense bien que vous ne me ferez pas,
à moi, des leçons de ce côté. Je pense qu'on a
parlé un peu de l'administration publique. Si c'était seulement
cela qui vous manquait, vous feriez rire un peu de vous en alléguant
cette affaire. Je crois que vous pourriez demander au Conseil du trésor
de vous allouer la somme nécessaire pour aller faire le tour. Mais si
vous sentez que vous n'en avez pas besoin, que vous êtes assez
éclairés et que vous êtes prêts à fonctionner
dans un système pour les Québécois, faites-le et
rapidement. En terminant, je vous remercie.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Pepin...
M. TETLEY: Permettez-moi de vous remercier au nom du gouvernement. C'est
vrai que l'Opposition voulait terminer les auditions il y a deux ou trois
semaines, mais je crois que l'Opposition est convaincue de la
nécessité de vous écouter et moi aussi. Au nom de tous, je
vous remercie.
M. LEGER: M. le Président, je regrette, mais l'affirmation du
ministre m'oblige à affirmer ceci. Nous savons que la CSN, comme bien
d'autres organismes, devant un projet gouvernemental, voudrait certainement
revenir. On voulait lui éviter, à elle comme à d'autres,
d'avoir à revenir deux fois alors qu'elle aurait pu venir devant un
projet du gouvernement, sur lequel elle aurait pu apporter soit son
approbation, soit les correctifs nécessaires. C'est dans ce but que je
voulais qu'on se prononce à cette commission sur un projet
gouvernemental et non pas uniquement sur un rapport.
LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. le Président, tenant compte de vos
dernières remarques, la commission des institutions financières,
compagnies et coopératives ajourne ses travaux jusqu'à jeudi
prochain, dix heures, afin d'entendre les membres du comité Gauvin.
(Fin de la séance à 18 h 25)
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