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Version finale

30th Legislature, 2nd Session
(March 14, 1974 au December 28, 1974)

Thursday, December 5, 1974 - Vol. 15 N° 189

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du rapport Gauvin


Journal des débats

 

Commission permanente des institutions financières,

compagnies et coopératives

Etude du rapport Gauvin

Séance du jeudi 5 décembre 1974

(Dix heures treize minutes)

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs!

Ce matin, lors de la reprise des auditions sur le rapport du comité d'étude sur l'assurance-automobile, nous avons le plaisir d'accueillir la Ligue de sécurité de la province de Québec. Messieurs de la Ligue de sécurité, pour le bénéfice des membres de la commission, auriez-vous l'obligeance de vous identifier, s'il vous plaît?

M. LEGER: M. le Président, avant de commencer, pour qu'il n'y ait pas de précédent, d'un commun accord avec le ministre, même s'il n'y a pas quorum pour commencer, nous considérons qu'il y a quorum pour entendre les mémoires et pour les interventions. Cependant, s'il y avait des difficultés de fonctionnement, il ne faudrait pas que l'absence de quorum nous lie à des décisions malheureuses. Pour entendre les mémoires et pour poser des questions, je suis d'accord pour dire qu'il y a quorum.

M. ROY: M. le Président, si on note qu'il n'y a pas quorum, j'aimerais quand même noter aussi qu'il y a deux membres de l'Opposition qui sont ici.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Vous n'auriez pas objection à ce qu'on nomme tous les membres présents de la commission?

M. ROY: Non, aucunement.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Pour le bon fonctionnement des travaux de la commission, avant de vous présenter, messieurs, étant donné qu'il y a deux mémoires à entendre ce matin, on vous demanderait de vous limiter, si c'était possible, à vingt minutes dans votre exposé; par la suite, il pourrait y avoir une période des questions d'environ 40 minutes pour chacun des deux groupements qui seront entendus. Messieurs.

M. MONDOUX (Yves): Merci, M. le Président. Vous entendez bien?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui.

Ligue de sécurité de la province de Québec

M. MONDOUX: Mon nom est Yves Mon- doux. Je suis le directeur général de la Ligue de sécurité de la province de Québec. Je vous présente au préalable les excuses de notre président, M. Henri Bélanger, qui, à cause de circonstances tout à fait incontrôlables, n'a pu m'accompagner ce matin. J'ai quand même le plaisir d'avoir avec moi le professeur Lloyd Thompson, de l'université McGill, qui est directeur d'un projet de recherche sur les accidents de la route et qui a déjà effectué plusieurs études. Je fais mention de certaines de ces études.

Sans plus de préambule, messieurs les membres de la commission, je passe au mémoire de la ligue. La Ligue de sécurité de la province de Québec est un organisme de service public à but non lucratif et sans attache politique, entièrement voué à la prévention des accidents de la route, au foyer et dans les loisirs. De par la charte qui lui a été accordée à l'automne de 1923, elle a pour mission de sensibiliser la population aux nombreux dangers de la vie quotidienne et à l'action préventive qui s'impose. Elle accomplit cette tâche par le moyen de l'information, de la formation et de l'éducation populaires, faisant appel, pour la réalisation et l'implantation de ses programmes, à l'assistance de tous les organismes publics, professionnels, gouvernementaux et autres qui s'intéressent au problème des accidents. La ligue poursuit son oeuvre grâce à l'assistance financière de plus de 425 entreprises commerciales, une modeste subvention de gouvernement et la vente de services.

Ces derniers d'ailleurs lui valent présentement 67 p.c. de la totalité de son budget annuel.

Les programmes de la ligue s'adressent à la population entière, depuis les plus jeunes jusqu'aux plus vieux, empruntant des formules particulières selon les groupements visés, c'est-à-dire les écoliers, l'élémentaire et le secondaire, la cellule familiale, le public automobiliste, motocycliste, cycliste et piétons, les chauffeurs professionnels et les adeptes de divers sports.

La ligue est dotée d'un centre de documentation sur la prévention et d'une cinémathèque. Plus de 225 compagnies de transport souscrivent à son programme de sécurité pour flottes motorisées et quelque 500 écoles élémentaires sont abonnées à ses programmes de prévention routière. Famille avertie, la première revue française au Canada qui traite de la prévention des accidents de tout genre, véhicules automobiles, chutes, noyades, incendies, asphyxie, empoisonnements, armes à feu et autres, est destinée à la cellule familiale et compte déjà plus de 20,000 abonnés. Le premier numéro a été lancé le 8 octobre dernier. Le grand intérêt soulevé dans le milieu industriel indique qu'un tirage de 50,000 exemplaires sera probable en 1975. D'ailleurs nous avons fait tenir un exemplaire de cette revue à tous les députés de l'Assemblée.

Sur le plan de la conduite préventive, la ligue a inscrit, en 18 mois d'activité, plus de

2,000 candidats tirés du grand public. Elle poursuit son oeuvre de recrutement avec l'assistance bénévole de deux postes radiophoniques à haute écoute dans la province.

Bref, la ligue dessert les besoins de centaines de groupements de toutes sortes répartis à travers la province. Elle participe à de nombreux programmes d'information publique de même qu'au travail de nombreux comités de prévention relevant d'autres organismes publics et privés, et, ce faisant, rallie à la cause de la prévention les activités coordonnées de nombreuses collectivités qui, autrement, risqueraient de faire double emploi.

La ligue est reconnaissante à la commission parlementaire pour l'occasion qui lui est offerte d'apporter certaines précisions sur les recommandations explicitées dans le rapport du comité Gauvin, sur l'assurance automobile, avec l'espoir que ces précisions éclaireront davantage les membres de la commission, le moment venu de décider du plan d'action à suivre.

Permettez-nous au préalable de féliciter les membres du comité Gauvin pour la grande conscience dont ils ont fait preuve en réalisant l'immense tâche que représente l'étude en question. De par ses attributions et compétences, la ligue est limitée à la première partie du rapport, c'est-à-dire la sécurité routière.

Compte tenu de l'objectif principal de l'étude du comité Gauvin à savoir l'indemnisation la plus complète possible des victimes d'accidents d'automobile selon un système efficace et peu coûteux et l'excellente tentative dudit comité à expliquer les raisons qui font que le Québec possède une des pires fiches d'accidents routiers, non seulement parmi les provinces canadiennes, mais parmi les pays du monde, la ligue déplore le fait qu'il n'y ait eu aucune tentative pour établir une relation entre le coût des accidents et le coût des primes d'assurance. Cette omission met en doute, au tout départ, le fait qu'une diminution des accidents peut amener une diminution du coût des primes d'assurance.

Après de nombreuses constatations sur le problème des accidents, et malgré d'excellentes recommandations, recommandations 1 à 18 inclusivement, auxquelles la ligue souscrit moyennant certaines modifications qu'elle estime indispensables à l'établissement d'une véritable politique de sécurité routière, le comité sème à nouveau le doute sur l'efficacité de telles mesures à répondre aux objectifs de l'étude, en déclarant à la page 348 du rapport, ce qui suit: "II est indéniable qu'une diminution dans la fréquence et la gravité des accidents réduit le coût des pertes. Cependant, les études du comité font ressortir qu'une telle réduction, sauf pour quelques mesures — ici, on ne dit pas lesquelles — ne saurait apporter qu'à long terme les résultats escomptés et, dans certains cas, au prix de déboursés considérables".

C'est le retour à la question des fonds que le comité juge indispensables tout au long de l'étude. Si les mesures recommandées sont indispensables, il ne faudrait pas faire avorter un programme aussi largement acclamé en semant le doute quant au coût de l'implantation.

La ligue croit non seulement que les mesures préconisées sont indispensables mais que leur implantation est urgente.

Enfin, toutes les compagnies d'assurance automobile s'accordent à dire que la haute fréquence des accidents au Québec constitue l'un des éléments importants de la hausse des primes. Nous citons à l'appui la déclaration de M. Charles Moreau, directeur du Bureau d'assurance du Canada, dans le mémoire qu'il a présenté à la commission : "Nous devons compter avec les accidents comme éléments d'importance, avant que les primes d'assurance ne soient réduites au Québec".

Nous avons le sentiment que le comité a, très subtilement, relégué à l'arrière-plan l'importance de diminuer les accidents, affichant ainsi le même manque de volonté ferme qui a caractérisé les actions de l'Etat en matière de sécurité routière et qu'il signale dans ses conclusions en page 91. Nous citons: "Les organismes qui font des suggestions d'amendements ont l'impression que leurs recommandations tombent dans l'oreille d'un sourd. On ne saurait nier que plusieurs efforts aient été faits pour corriger la situation. Mais on n'y sent pas, sauf de la part de quelques individus vraiment intéressés au problème, une volonté ferme de le résoudre en priorité". Plus loin: "Pour avoir fait défaut d'affronter le problème dans son ensemble, on doit constamment avoir recours à des palliatifs. C'est une lacune plus importante qu'il n'y peut paraître parce qu'une action mal coordonnée ou des règlements mal appliqués ont bien des chances de perdre une partie de l'efficacité qu'on en attendait et de miner la confiance de la population dans leur utilité".

Alors, pourquoi tant d'accidents au Québec?

Le comité constate, dans le rapport, que plusieurs pays, en dépit des conditions particulières qui les affectent, ont réussi, avec des mesures appropriées, à réduire le taux des accidents.

La tendance à la baisse n'est pas le résultat du hasard. Elle est le résultat de mesures correctives qui découlent des trois grandes disciplines de la prévention: éducation, ingénierie et législation, c'est-à-dire les lois et leur application. Ces mesures permettent d'exercer une influence positive sur les facteurs principaux des accidents, c'est-à-dire le conducteur, la route et le véhicule, et de mettre sur pied les mécanismes de contrôle qui s'imposent.

Les résultats obtenus dans les autres pays et/ou les autres provinces sont proportionnels à la qualité des mesures et au sérieux que les autorités leur accordent. Ceci suppose une foule

de prérequis dont des compétences nécessaires, des moyens de recherche adéquats, des banques de données statistiques, des programmes de formation, d'éducation et d'information populaire, des équipes et des centres d'inspection mécanique des véhicules et d'analyse, des lois et des normes réalistes et praticables et surtout des autorités véritablement convaincues du bien-fondé et de l'extrême urgende de telles mesures.

Tout ceci a été signalé dans le rapport. Nous savons aussi que tous les énoncés et les recommandations portant sur la sécurité routière ont été acclamés par tous comme un grand pas vers la solution du problème ou "risque social" engendré par l'automobile.

Puisque nous en sommes à l'heure des vérités et des prises de conscience, nous nous devons de reconnaître qu'un manque de conviction marqué de la part de l'Etat est à la base du problème des accidents routiers au Québec et que le laisser-faire qui caractérise nos lois routières a engendré effectivement l'indiscipline des conducteurs québécois.

Nous signalons à nouveau que le public n'attachera aux mesures de sécurité routière préconisées que l'intérêt et le sérieux que l'Etat lui-même leur attachera.

Ce manque de conviction est aussi cause de la pénurie d'effectifs humains et autres signalée par différents ministères concernés, effectifs qui sont indispensables à une application sérieuse des contrôles prévus par la loi. A cause de ces lacunes, d'excellentes mesures correctives et dissuasives ont été réduites à des demi-mesures. Les résultats qu'on attendait, évidemment, ne se sont pas concrétisés.

Cet état de choses a amené une forte portion de la population à conclure qu'il s'agissait beaucoup plus de faire bonne figure que d'apporter une solution au problème.

Parmi les mesures qui ont été réduites à des demi-mesures, nous citons:

A. — La conduite préventive, que l'on désignera sous le sigle CCP.

Ce programme d'éducation populaire de huit heures a fait ses preuves à travers le continent nord-américain comme moyen efficace de recycler les conducteurs et le plus apte à modifier les mauvaises attitudes au volant.

Nous citons à l'appui l'étude Menzies effectuée pour le Manitoba Safety Council. L'étude porte sur le comportement de 2,155 conducteurs manitobains durant la période de novembre 1967 à novembre 1970 inclusivement. Je fais une correction, ici. C'est une période de 37 mois plutôt que 20 mois, tel que cité ici. Les dossiers d'accidents et d'infractions aux règles de la circulation des sujets ont été relevés pour la période en question. En avril 1969, le groupe prenait un cours de conduite préventive.

En comparant les fiches routières des sujets pour les 17 mois qui ont précédé la tenue des CCP et celles des 20 mois qui ont suivi, on a relevé une diminution de 32.6 p.c. du nombre des accidents et de 22.4 p.c. du nombre des infractions au code de la route. Plusieurs autres études américaines, d'ailleurs, ont obtenu les mêmes résultats.

Le programme des CCP a fait ses débuts au Québec en 1969, sous l'égide du gouvernement. Malgré les efforts louables du Service de la sécurité routière, une pénurie de personnel et de fonds a fait que le programme est devenu une demi-mesure. Pourtant, à l'extérieur du Québec, on a su l'utiliser à profit, tant pour les conducteurs sans fiche d'accident que pour les récidivistes.

Plus d'un million de conducteurs canadiens ont suivi le cours, dont environ 50,000 au Québec. La plupart des grandes entreprises nationales y inscrivent leurs employés. Dans les forces armées canadiennes, les CCP sont même un prérequis pour l'obtention du permis de conduire particulier à cette agence. Cinq compagnies d'assurance au pays, dont une seule au Québec, offrent des réductions de primes aux gradués des CCP, allant de $5 annuellement jusqu'à $26. Dans l'Etat du Texas, 90 p.c. des compagnies d'assurance offrent des rabais de 10 p.c. aux gradués des CCP. Dans plusieurs provinces, les magistrats imposent les CCP plutôt que des amendes pour infraction au code de la route. On les utilise même avec le système de démérite.

Nous passons à ce système: Le système de démérite est en vigueur dans une forte partie des provinces canadiennes et dans plusieurs Etats américains où il produit, généralement, les résultats espérés, particulièrement en Ontario.

Comme l'a signalé le comité, le système a été adopté et mis en vigueur au Québec sans qu'il y ait eu de communications suffisantes entre les différents services gouvernementaux impliqués dans l'application du système, en commençant par l'obligation de l'appliquer partout, les pénalités qui s'y rattachent et les conflits possibles avec certaines dispositions du code.

Le système de démérite est l'outil par excellence pour exercer sur le conducteur le contrôle adéquat que mentionne le comité, je cite le rapport Gauvin à la page 71, article III, le conducteur.

La Ligue formule à ce sujet les recommandations suivantes: Elle appuie fortement la recommandation 15 du comité et propose, pour que le système de démérite soit repensé et conçu en fonction d'une véritable politique de prévention des accidents et de sécurité routière, les amendements suivants: 1- La réévaluation des pénalités, en termes de points, en fonction de la gravité des infractions commises. Nous avons appris, dimanche, que ceci était déjà fait. 2- l'adoption des CCP à titre de mesure corrective équitable. Et nous proposons les mesures suivantes: a) lorsque le récidiviste cumule 8, 9 ou 10 points, il devra s'inscrire à un cours de conduite préventive dispensé par des moniteurs attitrés par le gouvernement, sous l'égide d'organismes reconnus; b)lorsque le récidiviste cumule 12 points, on

lui accordera le choix entre un nouveau recyclage, cette fois pratique aussi bien que théorique, ou la suspension immédiate de son permis de conduire. Un nouveau recyclage, effectué à ses propres frais, aura pour effet de convaincre le conducteur du sérieux du gouvernement vis-à-vis son comportement au volant, tout en lui accordant l'occasion de modifier ses attitudes. Ce deuxième recyclage lui vaudra une diminution de deux points.

La suspension du permis sera automatique la deuxième fois que le récidiviste cumulera 12 points.

La ligue recommande qu'il n'en soit pas autrement dans le cas d'une personne devant conduire un véhicule à moteur dans l'exercice de son travail.

L'indtroduction du permis restreint au travail, pratique devenue courante, enlève au système toute son efficacité et le réduit au rang des mesures inefficaces. Le conducteur coupable d'infractions répétées, à qui on suspend le permis de conduire lorsqu'il cumule 12 points, la deuxième fois, ne mérite aucunement qu'on lui permette de continuer d'être un danger public sur les routes sous prétexte qu'il doit conduire pour gagner sa vie.

Si le droit à gagner sa vie implique aussi le droit de porter atteinte à la santé et au bien-être des autres, il y a illogisme et discrimination à l'égard de maintes autres personnes qui, dans d'autres domaines de travail mais dans des circonstances similaires, se voient révoquer leur emploi.

De plus, le facteur "exposition/risque" est beaucoup plus élevé pour celui qui doit conduire dans l'exercice de son travail que pour l'automobiliste moyen.

La formation des conducteurs: Même si les véhicules à moteur sont relativement faciles à conduire, il n'en reste pas moins qu'à cause des volumes et des vitesses permises, une formation à la technique de la conduite est indispensable au conducteur pour assurer sa sécurité et celle des autres usagers de la route.

Commençons par la conduite automobile: L'enseignement de la conduite automobile se fait à deux niveaux: en milieu scolaire, dans les écoles dites secondaires; en milieu dit commercial, dans les écoles de conduite professionnelles. Dans les écoles secondaires, l'enseignement de la conduite automobile est facultatif, sauf pour les écoles de métiers. Alors qu'en Ontario on est arrivé à offrir les cours dans plus de 95 p.c. des écoles, et ce grâce à une assistance particulière du gouvernement, au Québec, les cours sont disponibles dans moins de 20 p.c. des écoles.

M. HARVEY (Charlesbourg): Je m'excuse, M. le Président. Je voudrais, pour le bénéfice du journal des Débats, mentionner au directeur général qu'il a, par inadvertance sans doute, sauté la page 12. Je pense que pour la logique du lecteur silencieux à la maison ou intéressé au journal des Débats, il aurait peut-être fallu, après le dernier paragraphe de la page 11: "De plus, le facteur "exposition/risque"... ensuite aller à: "Nous croyons bon de citer..." puisque là, nous en arrivons à votre recommandation principale à cet égard.

M. MONDOUX: Effectivement, j'ai cru bon de sauter...

M. HARVEY (Charlesbourg): Voyez comme on vous écoute religieusement.

M. MONDOUX: ... à cause du facteur temps.

M. HARVEY (Charlesbourg): Ah! bien, écoutez...

M. MONDOUX: Si vous estimez que je dois le lire, je vais le lire avec plaisir.

M. HARVEY (Charlesbourg): Je crois que, pour le journal des Débats, c'est important puisqu'il y a des références quand même assez savantes relativement à des études effectuées en Californie, aux Etats-Unis, et l'extrapolation...

M. LEGER: Je n'ai pas d'objection, mais puisqu'on jugeait que ce n'était pas pertinent et qu'on pouvait raccourcir...

M. HARVEY (Charlesbourg): Non, non! On voit que c'est par inadvertance que la page a été sautée et par honnêteté intellectuelle, je l'ai mentionné à notre invité.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Maintenant, monsieur...

M. HARVEY (Charlesbourg): Je préférerais qu'on aille à la page 12, si vous voulez. Je le préférerais. Je pense que...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): C'est que j'ai demandé au début de la séance d'essayer autant que possible de...

M. HARVEY (Charlesbourg): Oui, cela va bien. On est rendu à la page 12 et il y a le tiers du temps de passé. Cela va bien, cela va très bien.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, on a 20 minutes pour l'exposé et 40 minutes de questions.

M. HARVEY (Charlesbourg): Oui, mais il ne faut quand même pas...

M. LEGER: Nous avons deux mémoires. Est-ce que le député est au courant qu'il y a deux mémoires aujourd'hui?

M. HARVEY (Charlesbourg): Est-ce que le député est au courant que je suis au courant qu'il y a deux mémoires aujourd'hui?

M. LEGER: Je n'ai pas d'objection, mais...

M. HARVEY (Charlesbourg): Non, écoutez là...

M. LEGER: ... nous avons le mémoire... LE PRESIDENT (M. Lafrance): A l'ordre!

M. LEGER: Est-ce que je peux avoir la parole, M. le Président?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Un instant, je voudrais faire la mise au point, et on va essayer de s'entendre. Cela ne sert à rien de se chicaner, de discuter...

M. LEGER: Non, non...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): ... sur cette question, savoir est-ce que le député sait ou ne sait pas...

M. LEGER: M. le Président, une question de règlement. Je voudrais une directive de votre part.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, je voudrais dire...

M. LEGER: Est-ce que je peux vous la demander avant?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord, allez-y donc!

M. LEGER: Je sais qu'il y a deux mémoires, M. le Président, et que c'est très intéressant ce que notre invité est en train de nous dire, mais il voulait justement le résumer. Combien de temps reste-t-il théoriquement? Puisqu'il faut quand même lui laisser le temps de donner l'ensemble.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Sur la présentation?

M. LEGER: Oui.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Effectivement, il resterait de trois à quatre minutes. Alors si vous pouviez résumer.

M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, sur la même question, j'ai hâte de voir la réaction du même député tout à l'heure. Il vous demande de dire à M. Mondoux, représentant de la Ligue de sécurité du Québec, d'aller plus vite. Or on sait que cet après-midi ou ce matin la CSN déposera son rapport et lira ses 138 pages; j'ai hâte de voir s'il va demander aussi d'aller plus vite. J'ai bien hâte de voir ça de toute façon. Comme je suis prudent, je ne m'avance pas là-dessus.

M. LEGER: M. le Président, moi aussi je vais être prudent. Je veux simplement dire que nous avons deux mémoires qui sont importants tous les deux; je n'ai pas évalué qui est le plus important, ils sont tous importants. Je pense qu'il faut se diviser la période que nous avons en temps à peu près égal, pour les deux mémoires. C'est tout ce que j'essaie d'obtenir pour que les deux aient justice.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le principe, d'ailleurs, de la commission, c'est d'accorder le même temps pour tous ceux qui ont des mémoires à présenter. Si les membres de la commission veulent laisser M. Mondoux faire son exposé pendant 60 minutes, je n'ai aucune espèce d'objection, mais on sera obligé de se limiter à la période des questions par la suite. Que le député de Charlesbourg soit d'accord, ça ne veut pas dire que tous les membres de la commission sont d'accord là-dessus. On va limiter d'autres intervenants qui auraient des questions à poser. On m'a informé tout à l'heure qu'il y en avait d'autres qui avaient de quoi à dire, alors je demanderais à M. Mondoux de continuer d'accélérer un petit peu pour rendre justice à tout le monde, s'il vous plaît.

M. MONDOUX: Vous m'accordez quand même la période de dix minutes qui vient de s'écouler pour les discussions?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord, allez-y.

M. LEGER: D'accord.

M. MONDOUX: Est-ce que vous voulez que je reprenne la page 12 ou quoi?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): On vous laisse juge.

M. MONDOUX: L'exemple que nous voulions apporter à l'appui était le fait qu'une étude aux Etats-Unis, effectuée en Californie, démontre la relation entre le nombre des infractions et le nombre des accidents. Nous citons: "Conviction and accident frequencies tend to rise together regardless of the type of conviction being considered. The more traffic convictions of any type of a group of drivers have on their records, the more accidents they are also likely to have on record".

Une autre étude, qui provient de l'Etat du Maryland et qui est intitulée: "Prior Violation Records of 1,447 Maryland Drivers Involved in Fatal Accidents" dit ceci : 1) Parmi les 1,447 sujets à l'étude, 34 p.c. des conducteurs, soit 241, avaient perdu leur permis de conduire durant leur carrière de conducteurs et 2) Dans 5 p.c. des cas d'accidents mortels à l'étude, les conducteurs avaient perdu, par révocation, leur permis de conduire. Alors ça se rattache directement à cette formule de points du système de démérite.

Et nous poursuivons maintenant par l'enseignement de la conduite automobile. L'enseignement est dispensé dans les écoles secondaires et aussi dans les écoles professionnelles.

Nous venons de citer qu'alors qu'en Ontario les cours sont dispensés dans 95 p.c. des écoles secondaires, au Québec, ils sont disponibles, je dois dire, dans moins de 20 p.c. des écoles.

Pour ce qui est des écoles de conduite professionnelles, c'est au Québec qu'on retrouve aussi la législation la plus sévère concernant les qualifications des instructeurs et moniteurs. On n'en est pas, pour autant, encore arrivé à établir un programme uniforme d'enseignement, sauf pour les minimums d'heures de pratique et de théorie. Les résultats que l'on connaît, à savoir que la situation laisse encore à désirer dans certaines écoles, sont dus à une pénurie de personnel qualifié pour exercer les contrôles prévus par la loi. Nous signalons qu'à exception près les cours de conduite automobile offerts en milieu scolaire sont dispensés par les écoles de conduite professionnelles.

La motocyclette. Dans ce domaine, le gouvernement vient tout récemment de terminer un programme de formation de moniteurs. Ces derniers sont suffisamment nombreux, maintenant, pour répondre à toute demande de cours. Il ne reste plus qu'à attirer des organismes diffuseurs, geste qui presse, car le Québec compte le parc de motocyclettes le plus nombreux au Canada. Le facteur pénurie de personnel pose, dans ce domaine, le même problème qu'ailleurs.

La motoneige. Dans ce domaine, le Québec, encore une fois, possède la législation la plus sévère et la plus complète, et ce en dépit des quelques illogismes relevés par le comité. Ce qui importe, c'est que le cours préconisé soit maintenant disponible. Cependant, le problème d'accessibilité n'a pas encore été résolu faute, nous dit-on, de personnel qualifié.

Le cycle à moteur. Pour le moment, rien de concret tant sur le plan des exigences de la conduite que de l'immatriculation des véhicules eux-mêmes. Il s'agit d'un phénomène assez récent qui risque cependant de poser des problèmes très sérieux en termes d'accidents de la route, à moins qu'une action positive ne soit amorcée immédiatement.

La bicyclette. La bicyclette fait, depuis quelques années, l'objet de la faveur du public adulte aussi bien que des jeunes. Elle pose, présentement, un problème aussi sérieux que celui de l'automobile. Le parc des bicyclettes est beaucoup plus nombreux que celui de l'automobile; il y a plus de trois millions de bicyclettes au Québec. La plupart circulent sur les voies publiques. La moyenne d'âge des conducteurs est de 12 ans. L'indiscipline des cyclistes sur les voies publiques est connue de tous, mais totalement ignorée par la société. Cette fois, il y va de l'attitude irresponsable des parents qui invitent les enfants à jouer dans la rue, pis encore, dans la circulation routière.

Pour le public, la bicyclette reste toujours un jouet. Les complications légales sont trop nombreuses et la jurisprudence a peu de précédents pour la guider en de telles circonstances. En pratique, l'utilisation de la bicyclette sur les voies publiques semble être libre de toute contrainte réglementaire. Cependant, le code est formel quant au comportement du cycliste. Néanmoins, on permet aux jeunes cyclistes de faire fi des lois de la circulation jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de conduire un véhicule automobile, alors que s'opérera le grand miracle. Parce qu'ils seront au volant d'un véhicule automobile, les jeunes devront soudainement devenir respectueux des lois de la circulation. Les attitudes, nous dit-on, ne se changent pas facilement. Comment expliquer l'attitude de la société?

Il existe un excellent cours de formation à la conduite de la bicyclette connu sous le nom de Cours du parfait cycliste. Ce cours a fait ses preuves à travers le Canada. La ligue recommande fortement que les autorités entreprennent les démarches nécessaires pour que soit reconnu ce cours et qu'il soit offert dans les écoles élémentaires à titre de sujet facultatif. Le moment le plus propice, il nous semble, serait les deux dernières semaines de l'année scolaire, alors que les programmes d'étude sont terminés et que les sujets d'ordre pratique sont recherchés. La ligue ne peut concevoir d'enseignement plus valable pour les jeunes à la veille des vacances d'été.

Nos recommandations à ce sujet sont les suivantes: Pour répondre aux exigences d'une véritable politique de prévention routière, la ligue juge indispensables toutes les recommandations du comité et soumet les suivantes à titre de complément essentiel.

Premièrement, qu'un cours de conduite automobile suivi dans une école attitrée par le gouvernement soit établi comme prérequis pour l'obtention du premier permis de conduire de tout nouveau conducteur.

Deuxièmement, que l'enseignement de la conduite automobile soit disponible dans toutes les écoles dites secondaires, tout en demeurant un sujet facultatif.

Troisièmement, que les cours de conduite préventive, dans la formule pédagogique qu'on leur connaît présentement, soient reconnus comme moyen par excellence de recyclage pour tous les conducteurs de véhicules automobiles et que le gouvernement encourage ces derniers à s'y inscrire après au moins une année d'expérience au volant.

Quatrièmement, que les CCP soient intégrés au système de démérite, à titre de moyen efficace pour réhabiliter les conducteurs contrevenants, en exigeant que s'inscrivent obligatoirement à un cours CCP et le terminent avec succès tous les conducteurs qui auront cumulé 8, 9 ou 10 points de démérite, d'une part, et, d'autre part, toux ceux qui auront cumulé 12 points et plus.

Cinquièmement, que soit requis de suivre obligatoirement un cours reconnu de conduite

préventive tout conducteur d'un véhicule impliqué dans un accident de la route avec dommage à la propriété de $200 et plus, ou avec blessures corporelles, y compris perte de vie ledit conducteur ayant l'obligation de terminer le cours dans un délai de six mois suivant l'accident, compte tenu de son état de santé et de la disponibilité des cours.

Sixièmement, que la suspension du permis de conduire soit automatique et irrévocable dans le cas de tout conducteur cumulant 12 points de démérite ou plus, pour la deuxième fois au cours de la période de durée de son dossier, compte tenu du fait que les points cumulés sont effacés à tous les deux ans.

Septièmement, que les lois de la circulation concernant le comportement du cycliste sur les voies publiques soient révisées en fonction des exigences de la circulation moderne, de façon qu'elles soient praticables et qu'une application sévère soit exigée : que soit reconnu le cours du parfait cycliste, en vue de l'offrir dans les écoles élémentaires à titre de sujet facultatif.

Le port des ceintures de sécurité: La ligue appuie pleinement la recommandation 10 du comité sur le port obligatoire des ceintures de sécurité dans les véhicules ainsi équipés, sauf pour la portion portant sur l'indemnisation des victimes d'accidents.

Le but de la recommandation est de diminuer la gravité des blessures subies par les occupants d'un véhicule automobile durant l'accident. Nous sommes tous conscients de la résistance du public à porter les ceintures en voiture, et ce parce qu'on estime qu'il y a peu de danger à ne pas les porter ou encore que les ceintures ne sont véritablement pas efficaces. Ce sont là des notions erronées. La preuve du contraire est fermement établie. Tout automobiliste s'estime bon juge de ce qui vaut ou ne vaut pas pour assurer sa sécurité en voiture, alors que dans les avions, où peu de gens s'estiment connaisseurs, tous les passagers utilisent la ceinture de sécurité sans pouvoir s'objecter. Question d'éducation populaire.

La ligue estime qu'en coupant de moitié l'indemnisation de la victime qui sans raison valable n'a pas bouclé sa ceinture de sécurité, les législateurs feraient preuve de sérieux, ce qui, de pair avec un argument aussi convaincant, assurerait d'emblée un respect plus répandu de la loi et une probabilité plus élevée des résultats espérés.

Recommandation: Ainsi, à la recommandation 10 du rapport, la ligue ajoute qu'on substitue à la dernière phrase qui fait suite aux mots "pour défaut d'obtempérer" ce qui suit: "que soit diminuée de moitié l'indemnisation d'une victime d'accident qui, sans raison valable, a omis de boucler la ceinture de sécurité."

Il faut éviter de faire d'une telle loi une autre mesure inefficace.

L'inspection mécanique des véhicules automobiles: Le système présent d'inspection fonc- tionne tant bien que mal et ne donne pas les résultats espérés pour les mêmes raisons que nous avons déjà énumérées: pénurie de personnel qualifié et de fonds adéquats, et le "laissez-faire".

Recommandation: La ligue recommande l'adoption d'un système d'inspection mécanique de tous les véhicules automobiles de plus d'un an, obligatoire annuellement.

Environ 10 p.c. à 11 p.c. des accidents de la route sont imputables à des défectuosités mécaniques. De plus, le problème des tacots, qui s'avère de plus en plus aigu, serait réglé.

La formule la moins dispendieuse et la plus pratique serait d'attitrer des garagistes mécaniciens ou des garagistes ayant à leur emploi des mécaniciens qualifiés, à travers la province, et d'exercer une surveillance sévère. En ceci, la recommandation de la ligue rejoint celle de l'Association pour la protection des automobilistes.

La surveillance routière. Le comité a noté, et la ligue concorde avec lui, que la surveillance routière comporte certaines lacunes qu'on pourrait facilement corriger. Dans d'autres provinces, notamment en Ontario, on applique les lois avec beaucoup plus de sévérité qu'au Québec. Ce fait est généralement reconnu de la plupart des automobilistes québécois, dont l'insouciance des règles de la circulation tend à disparaître dès qu'ils franchissent la frontière.

La ligue estime qu'avec des effectifs humains et budgétaires convenables et la bonne volonté des corps policiers le problème peut être surmonté sans difficulté majeure.

Recommandation: Elle appuie la recommandation 17 du comité avec la précision que des escouades de la circulation soient formées à l'intérieur des corps existants plutôt que des corps policiers indépendants.

La formule des escouades permettrait aux membres d'un même corps de police de compter sur la diligence de leurs confrères qui, tout en étant affectés à d'autres services, pourraient alerter l'escouade de la circulation lorsque témoins de manoeuvres dangereuses de la part des automobilistes, ou encore de la présence sur les routes de véhicules dont l'état physique semble douteux.

La signalisation routière: La ligue appuie la recommandation 5 avec les précisions suivantes concernant les panneaux de signalisation routière, à savoir que le système soit amélioré de façon à utiliser, autant que puisse se faire, des symboles, compte tenu du besoin qui s'impose d'uniformiser la signalisation au pays et des tendances à se rapprocher du système international.

Pour ce qui est des besoins d'une signalisation sécuritaire aux abords des chantiers, la ligue suggère de rajouter les mots suivants: "particulièrement en ce qui a trait aux précautions à prendre lorsque les équipes des entrepreneurs routiers laissent du matériel sur

place, qu'ils font des excavations temporaires ou laissent des piquets qui constituent des dangers pour les automobilistes". En venant, ce matin, nous avons constaté cette situation sur la route.

Les services ambulanciers. Etant donné le fait qu'une forte proportion des victimes d'accidents meurent à cause de soins inadéquats immédiatement après l'accident ou à cause de la lenteur qu'on met à hospitaliser les victimes — la Fondation de recherche sur les blessures de la route estime à 30 p.c. les cas de mortalité dans de telles circonstances — la ligue appuie pleinement la recommandation 6 et suggère aux autorités de tenir compte de l'étude présentement effectuée par la fondation.

Les routes. La ligue souscrit à la recommandation 4, à savoir que soient uniformisées et contrôlées les normes de construction et d'entretien des routes de la province, compte tenu de la nécessité d'apporter des améliorations au chapitre de la suppression des causes de danger en bordure des routes et d'aménager de meilleurs systèmes de garde-fous.

Les piétons. L'implication des piétons dans les accidents de la route n'a été signalée que très brièvement dans le rapport. Les piétons constituent une forte proportion du total des victimes mortelles de la circulation, soit 21.37 p.c. (Statistiques d'accidents, Québec 1972), dont 35 p.c. des victimes ont moins de 15 ans et 26.22 p.c. ont 65 ans et plus.

Le problème des piétons est généralement négligé partout. Tout programme d'information visant à améliorer le sort du piéton en circulation devra s'adresser à priori aux moins de 15 ans et aux plus de 65 ans.

Comme plus de la moitié des accidents impliquant des piétons surviennent après la tombée du jour, il y aura lieu de tenir compte des moyens de rendre les piétons plus visibles le soir.

Recommandation. La ligue propose que des recherches plus poussées soient amorcées sur la question et qu'une campagne d'information soit lancée conjointement par les services gouvernementaux provinciaux et locaux chargés de la sécurité routière et tous les organismes de prévention avec l'aide des milieux scolaires et des organismes de services publics.

L'information et l'éducation populaire. La prévention routière se situe à plusieurs niveaux.

C'est un travail multidisciplinaire qui exige une coordination de tous les éléments nécessaires à l'élaboration et à l'application de tous les programmes, lois et mesures de sécurité jugées indispensables au maintien de la santé publique sur les routes. Ceci comprend la recherche, l'analyse, la compilation de données statistiques, l'établissement des priorités d'action, la conception, l'information, la formation et l'éducation.

La recherche est prioritaire. On ne saurait entreprendre un programme d'action à moins qu'il ne se fonde sur des faits. Dans ce domaine, les données statistiques sont de la plus haute importance. De plus, les données doivent se conformer à des critères uniformes qui permettent d'établir des comparaisons valables avec, tout au moins, les autres provinces.

Qu'il s'agisse d'une nouvelle législation, d'un programme ou d'une nouvelle mesure de sécurité, le public doit en être informé. Si on veut éviter que le public automobiliste et piéton ne reste le "témoin passif d'un système dont la logique ne lui est pas toujours évidente", il faut l'informer à chaque instant de toute initiative ou nouveau fait apte à influencer son comportement en circulation routière.

S'il s'agit de nouvelles lois, de cours de formation, il faut l'en informer aussi. Comme le degré de mémorisation de l'être humain est relativement faible — il baisse à 23 p.c. après trois semaines — un rappel s'impose constamment. Dans la prévention, ce rappel revêt le même degré d'importance que la formation et les mesures législatives, correctives ou autres. Ce rappel, qui ne constitue pas en soi une formation professionnelle, devient une forme d'éducation populaire qui doit s'exercer sans relâche. Pour ce faire, une collaboration étroite s'impose entre tous les services gouvernementaux et les organismes privés et publics qui oeuvrent dans le domaine. Le public est plus accessible aux organismes privés qu'aux organismes gouvernementaux.

Comme les accidents se produisent un à un, ils ne peuvent être évités qu'un à un, d'où le besoin d'exercer un rappel constant des règles et mesures de prévention auprès de chaque individu.

La tâche est énorme. Nous profitons de l'occasion pour réitérer aux autorités de l'Etat le désir de la ligue de collaborer avec lui en tout ce qui a trait à la prévention routière.

Ainsi, nous recommandons que les autorités chargées de la compilation des données statistiques collaborent avec Statistique Canada à l'établissement d'un système de données statistiques routières valables à l'échelle du pays.

Conseil de sécurité routière. La ligue souscrit à la recommandation 18 de la commission relativement à la "création d'un organisme chargé de toute la sécurité routière et disposant de fonds annuels équivalant à 1 p.c. des primes d'assurance-automobile vendues dans la province".

La ligue appuie entièrement les objectifs visés à savoir "un organisme qui serait à la fois laboratoire, centre d'essai, banque de données, bureau de recherche et agent critique de tout ce qui se fait — ou ne se fait pas — au Québec, en matière de sécurité routière, un organisme qui puisse faire une évaluation globale, comparative et constante des règles de sécurité routière".

Toutefois, comme la commission s'est abstenue de traiter des structures administratives dudit conseil de sécurité et de sa nature véritable au sein de l'administration gouvernementale, la ligue désire soulever les points suivants: 1. Le conseil sera-t-il un organisme purement

gouvernemental dans lequel tous les participants seront des fonctionnaires publics? Ou sera-t-il un organisme paragouvernemental? Cette dernière formule permettrait une représentation et une participation active des organismes et groupements privés et publics. Selon la commission, "il s'agit d'un domaine qui requiert pour son bon fonctionnement la participation active non seulement des administrateurs mais aussi des administrés". 2. Qu'il s'agisse d'un organisme gouvernemental ou paragouvernemental, comment interpréter la déclaration suivante qui, de prime abord, semble indiquer un désir d'utiliser les services et les compétences déjà à l'oeuvre, mais qui, après une analyse des possibilités d'application, accuse une possibilité d'effets contraires, à savoir — et nous citons ici la déclaration de la commission — "car sa création — du conseil — n'implique pas que disparaissent tous les services impliqués dans cette oeuvre, à condition que soit évité le double emploi".

Faut-il entendre par cette condition que sera jugé de faire double emploi tout organisme ou groupement oeuvrant dans un domaine particulier que le nouveau conseil déciderait de faire sien, et que devra disparaître cet organisme même s'il possède une expertise en la matière et y oeuvre depuis plusieurs années? 3. Enfin, comme le conseil aurait droit de regard ou d'investigation sur une foule d'activités réparties dans plusieurs ministères, dont Transport, Justice, Education, Travail et Affaires sociales, quoique le comité ne l'explicite pas, le conseil ne devrait-il pas relever de la plus haute autorité gouvernementale?

Si la ligue signale ces possibilités, c'est qu'elle déplorerait la création d'un autre empire gouvernemental dénué de tout rapport avec le public.

Recommandations: premièrement, que les autorités chargées de mettre sur pied le conseil de sécurité s'inspirent du texte qui s'intitule "Recommandations pour la mise sur pied d'un service administratif de coordination consacré à la réduction réelle du nombre d'accidents de la circulation et des frais connexes dans la province de Québec", dont le texte a été rédigé par le professeur A. Lloyd Thompson, qui est à mes côtés, du département du Génie mécanique et directeur du Programme de sécurité routière McGill, université McGill, et par les membres du groupe MACIP. Le texte a été préparé pour l'Association des courtiers d'assurance de la province de Québec et paraît intégralement dans le mémoire de l'association présenté en août 1974.

Deuxièmement, que le conseil de sécurité prévu par le comité soit à caractère paragouvernemental afin de lui assurer l'entière jouissance et assistance des compétences multidiscipli-naires du secteur non gouvernemental.

La ligue réitère sa conviction que les primes d'assurance ne diminueront qu'en fonction de réductions appréciables dans le nombre des accidents de la route.

Enfin, l'indemnisation des victimes d'accidents. Pour ce qui est du concept selon lequel l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles se ferait sans égard à la responsabilité, la ligue note que celui-ci — ce concept — est en vigueur dans 23 Etats américains représentant plus de 53 p.c. de la population américaine et qu'il semble répondre aux besoins du consommateur.

Conclusion. De 1960 à 1972, les accidents de la route ont fait, au Québec, 19,422 morts et 987,985 blessés. A ce jour, ces chiffres sont passés à plus de 23,500 morts et 1,150,000 blessés. Nous avons appris à nous accommoder fort bien des statistiques routières. De la même manière, les Romains, un peuple fort civilisé, s'accommodaient fort bien des spectacles sanglants des martyrs chrétiens et des combats de gladiateurs. Entre les deux, il n'y a qu'une différence: nos spectacles sanglants n'ont pas lieu en un seul endroit. Pour ce qui est de la régularité avec laquelle ils se produisent, il n'y a aucune différence.

Faute d'une amélioration sensible et à court terme, d'ici dix ans, le Québec devra compter sur ses routes 30,000 morts et plus d'un million de blessés et quelque deux millions d'accidents. Selon le National Highway Traffic Safety Association, le coût à la société d'une mortalité routière est de $240,000 et celui d'une blessure de $7,000. Toutefois, en prenant les estimations plus conservatrices de l'American Automobile Association, à savoir $140,000 pour une mortalité et $2,750 pour une blessure, les pertes économiques que le Québec devra essuyer se chiffreront par $6,950 millions. Ici, il y a une correction à apporter; nous faisons la division entre le coût des mortalités et des blessures, soit $4,200 millions pour les mortalités et $2,750 millions pour les blessures. Nous avions oublié les trois derniers zéros.

Le comité recommande des déboursés de l'ordre de $4.5 millions annuellement pour contrecarrer ces pertes. Les bénéfices à soutirer d'une action préventive sérieuse et bien coordonnée sont énormes et ils percent. On ne saurait les ignorer plus longtemps.

Merci, messieurs, le tout vous est humblement soumis par la Ligue de sécurité de la province de Québec.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, l'honorable ministre des Transports. Le ministre d'Etat aux Transports.

M. BERTHlAUME: Seulement un commentaire, étant donné que le ministre des Transports est ici et qu'il veut, lui aussi, faire des commentaires. Tout d'abord, je veux féliciter la Ligue de sécurité de la province. Sans porter un jugement négatif sur les autres mémoires, en ce qui concerne la sécurité routière, c'est sûrement le document le plus complet qui nous ait été soumis depuis le début des audiences, au moins celles où j'étais présent. Je tenais à en féliciter

d'une façon toute particulière M. Mondoux et la ligue. C'est tout ce que je voulais dire.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Transports.

M. MAILLOUX: M. le Président, je voudrais d'abord m'excuser d'avoir été en retard à la réunion. On m'avait indiqué que ça commençait à dix heures trente; j'étais à l'OPDQ, ce qui ne m'a malheureusement pas permis de prendre connaissance des premières pages du rapport.

Je ne voudrais pas me prononcer globalement sur l'ensemble des recommandations qui sont faites, sauf que, tel que vient de l'affirmer mon collègue, je pense que c'est un des rapports les plus sérieux qui aient été déposés en regard de la sécurité routière. J'avais fait un commentaire semblable à l'endroit de la Fédération des commissions scolaires parce que ça rejoignait également certaines préoccupations de nos fonctionnaires depuis les dix-huit derniers mois. Je constate cependant, à la lecture du mémoire qui nous est soumis, qu'il y a quantité de recommandations qui rejoignent, en fait, des politiques que nous allons tenter de mettre en place au ministère de la Justice et au ministère des Transports.

Nous croyons à ce moment-ci être capables d'obtenir des fonds supplémentaires pour bien indiquer la volonté du gouvernement actuel de mettre fin au carnage sur les routes du Québec.

Il y a cependant quelques observations que je voudrais faire relativement à certaines suggestions. La première est celle qui regarde la ceinture de sécurité. Nonobstant les réserves que j'avais déjà apportées dans le passé, le ministre des Transports et la plupart de mes collègues ont été convaincus par les chiffres des résultats obtenus dans des pays où une telle mesure de sécurité a été mise en place. Les résultats sont tels qu'il y a des bénéfices accrus pour l'ensemble de ceux qui ont à voyager sur les routes de ces pays ou Etats. Cependant, avant de l'imposer à tous nos commettants de la province de Québec, je voudrais que, dans la campagne de sensibilisation que nous allons accentuer dans le Québec, nous puissions non pas la rendre obligatoire dans l'immédiat par une mesure législative ou coercitive, mais convaincre nos citoyens qu'ils trouveraient des avantages accrus que d'autres ont obtenus dans une mesure aussi peu dispendieuse. Je veux croire que d'ici peut-être douze mois, nous pourrions penser l'imposer si ça devenait nécessaire et si notre campagne n'avait pas atteint tous les buts que nous en espérons.

Mais je voudrais de nouveau affirmer qu'en aucune façon le gouvernement ne met de côté cette recommandation parce qu'elle a été une des conclusions assez directes du rapport Gau-vin. Je pense que l'ensemble des mémoires qui nous ont été présentés l'a indiqué également.

Quant à l'inspection mécanique des véhicules, il y a un problème très particulier qui se pose, qui n'est pas seulement un problème budgétaire. Je constate que l'ensemble des mémoires a recommandé au gouvernement l'inspection des véhicules, des tacots, des véhicules accidentés sur les routes, l'inspection des autobus scolaires. Si une telle possibilité était à notre portée, je me demande quand même ce que cela donnerait, parce que quand on regarde l'ensemble des véhicules accidentés, je n'ai pas l'assurance que ce ne sont pas des véhicules qui sont normalement en condition qui ont des accidents. On constate que pour un véhicule en parfaite condition, c'est son utilisation qui fait que dans les heures ou les jours suivants, il y a un abus flagrant. Aucune inspection n'aurait pu éliminer de tels accidents.

La crainte, dans mon esprit, est la suivante: c'est que nous cherchons actuellement désespérément une formule qui nous donnerait des garanties de succès. C'est bien beau de dire qu'on va trouver les garages qui seraient en mesure d'effectuer de telles inspections mécaniques sérieuses, mais quand — sans vouloir jeter de discrédit sur qui que ce soit — on considère les garages et les véhicules impliqués qui sont souvent vendus par ces mêmes garages ou qui sont réparés par ces mêmes garages, on constate que la collusion est vite arrivée. J'ai à la mémoire des inspections mécaniques faites récemment; malheureusement, on a constaté que le travail qui avait été fait était si peu sérieux que je me demande ce que cela donnerait si on disposait de centaines de milliers de dollars pour une telle perspective.

Je préférerais de toute façon que la Fonction publique se prononce d'abord sur des salaires plus alléchants qu'on pourrait offrir à ceux qui devraient faire l'inspection mécanique, parce que ceux que nous offrons actuellement sont complètement insignifiants si l'on regarde la qualité du travail qu'on veut faire effectuer. Il faudra d'abord que la Fonction publique se prononce sur les salaires à verser. Parce que, actuellement, c'est un refus systématique de faire un recrutement qui soit le moindrement valable.

Par contre, je crois — c'est la demande que nous avons faite à notre collègue du ministère de la Justice — que si un membre des corps policiers du Québec, quels qu'ils soient, qui sont partout sur le territoire, constate qu'un véhicule ne semble pas en état de ne pas circuler sur les routes de manière convenable et qu'il le retire immédiatement pour une inspection, cela vaudrait beaucoup mieux que l'ensemble des inspecteurs que nous pourrions faire circuler sur les routes.

Si un autobus scolaire doit être inspecté une fois ou deux par année, ça ne me donne en aucune façon la garantie que cet autobus va être en condition pour circuler, tandis que les officiers de la Sûreté et des corps policiers et toute autre personne qui est sensibilisée par ces problèmes peuvent signaler le cas très facilement et faire retirer des routes de tels véhicules.

Je pense que ce serait le temps qu'en dehors des corps de police les gens prennent leurs

responsabilités. Il est inconcevable dans mon esprit que des parents ou des enfants qui ont un âge assez avancé ne signalent pas à l'attention du ministère qu'ils voyagent dans un véhicule qui ne serait pas en condition. Quand un père vient me dire que dans la ville de Québec l'enfant lui a dit que le véhicule, pour freiner au coin d'une rue, doit approcher de la margelle du trottoir, je pense que les parents devraient signaler ces cas à notre attention, parce que, quel que soit le nombre d'inspecteurs qu'on peut mettre sur les routes, on ne rejoindra pas 3,500,000 véhicules facilement.

Vous avez parlé des cours de conduite, de la conduite préventive, du rappel des conducteurs qui ont des accidents; l'ensemble de ces mesures font l'objet d'attentions particulières de nos officiers actuellement et nous serons en mesure de nous prononcer dans un délai assez raisonnable, je pense. La Fédération des commissions scolaires du Québec avait accentué la possibilité que des cours de conduite soient donnés dans les écoles, aux différents niveaux. On avait demandé que ces cours deviennent facultatifs et que des crédits soient accordés. Je pense qu'avec le ministère de l'Education il nous sera possible, d'ici la prochaine année scolaire, d'en arriver à une entente qui sera valable. Si certaines générations sont peut-être perdues quant à la sensibilisation qu'on désire apporter, je veux croire que, dans les années qui vont suivre, les enfants qui sortiront des collèges seront eux-mêmes prêts à accepter leurs responsabilités. Peut-être que, durant ce temps, ils convaincront leurs parents des lacunes du système actuel.

Je ne voudrais pas élaborer davantage, M. Mondoux. Je voudrais vous dire que nous considérerons le rapport que vous venez de soumettre avec la plus grande attention qu'il sera possible d'y apporter. J'espère que les crédits que j'ai demandés à la revue de programmes seront accordés et, si j'en juge par les premières réponses que j'ai eues, je pense que ce sera valable. Le nouveau système de points de démérite que nous venons de mettre en place, rejoint une partie de vos préoccupations. J'ai remarqué, dans les commentaires que vous faisiez, qu'il était dit que le système précédent avait été passablement massacré. En fait, quantité de gens qui se présentent devant un tribunal et obtiennent des condamnations mineures peuvent circuler sous le prétexte de gagner leur vie et demeurer un danger constant sur les routes.

Je veux croire que le public a bien compris que pour toute condamnation, dans le nouveau système de points de démérite, qui serait moindre que trois mois, le conducteur se verrait pénalisé immédiatement d'une perte de neuf points et serait sujet à rappel devant le Bureau des véhicules automobiles, dans le nouveau système de points de démérite. Je pense que ça rejoint en partie la faille que nous trouvions dans le système précédent. Dans les premières mesures annoncées, nous avons tenté de rejoin- dre l'ivresse au volant; je pense que je n'ai pas à convaincre la Ligue de sécurité que le facteur primordial d'accidents sur les routes vient d'abord de ce phénomène.

Nous avons d'abord voulu nous y attacher. Nous savons que ce n'est peut-être pas populaire politiquement, mais nous voulons accepter toute notre responsabilité. Aussi sévère soit-elle, je pense que ce sera une mesure qui réduira peut-être les accidents sur les routes du Québec.

On a parlé de réduction de certaines limites de vitesse sur les routes du Québec. Nous cherchons actuellement par contre à revoir de quelle façon ça pourrait être mis en place. Nous annoncerons peut-être dans les heures qui vont suivre que, sur une artère principale aux abords de Montréal où il circule une densité de trafic extraordinaire, il y aura une réduction très substantielle d'annoncée pour tâcher d'éviter les trop nombreuses tragédies qui se produisent. Je veux vous assurer que, dans les mois qui vont suivre, nous allons faire le nécessaire pour tâcher de mettre en place tout ce qui sera possible physiquement ou financièrement parlant.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Lafontaine.

M. LEGER: Je remercie le ministre pour sa déclaration ministérielle, nous sommes toujours heureux de l'entendre, il a toujours de bonnes choses à nous dire. Je ne suis pas contre, remarquez bien.

J'avais seulement deux points à souligner à nos invités. Le premier, c'est une affirmation de la page trois où vous dites que l'objectif principal de l'étude Gauvin est justement de pouvoir obtenir une indemnisation la plus complète possible des victimes d'accidents d'automobiles selon un système efficace et peu coûteux. Donc, c'est le principe de base du rapport Gauvin. Les différents moyens pour y arriver, il y a la partie qui vous touche plus particulièrement, celle de la sécurité routière. C'est pour ça que je suis agréablement surpris, d'une part, de voir que c'est la commission parlementaire des institutions financières qui a bien reçu les invités et non pas la commission des transports, malgré que ce soient les représentants du ministère des Transports qui aient apporté, jusqu'à présent, le plus de correctifs et qui se soient soumis à des révisions de leur politique à la suite de cette commission.

Malheureusement, étant donné que le principe de base est celui de l'indemnité la plus complète des victimes, nous avons hâte, nous de l'Opposition, de connaître le représentant des Institutions financières. Le ministre nous dira, lui, ce qu'il a l'intention de faire, quels sont ses objectifs, vers quoi il se dirige, puisque c'est la commission des institutions financières et non pas celle des transports. Je suis heureux de voir que les représentants du ministère des Transports se sont fait un devoir d'assister le plus

souvent possible et d'apporter des mesures. Quand le ministre des Institutions financières nous disait qu'autour de la mi-décembre il aurait des informations nouvelles, de la manière dont il nous parlait, on avait l'impression que c'étaient surtout des choses concernant la sécurité routière et qui touchaient surtout le ministère des Transports. Nous avons hâte de connaître les positions du ministre des Institutions financières sur le rapport Gauvin touchant le principe de base qui est celui de l'indemnisation des victimes. C'est le premier point que je voulais mettre de l'avant.

Le deuxième, c'est à la page 4 où vous affirmez: "II est indéniable qu'une diminution de la fréquence et de la gravité des accidents réduit le coût des pertes. Cependant, les études du comité font ressortir qu'une telle réduction, sauf pour quelques mesures — là, vous répétez ce qui est dit dans le rapport Gauvin — ne saurait apporter qu'à long terme les résultats escomptés, dans certains cas, au prix de déboursés considérables".

Je voudrais simplement faire une affirmation et vous demander si vous seriez d'accord avec cela, étant donné que ça va coûter quand même beaucoup d'argent pour améliorer la sécurité routière au Québec. Je parle de la qualité des routes, ça va coûter de l'argent, ça; je parle d'augmenter la surveillance, la quantité d'officiers qui vont surveiller le transport, et la voirie; je pense à la formation des automobilistes, sujet sur lequel vous vous êtes penchés dans votre rapport; je pense aussi au centre d'évaluation de l'état des automobiles. Ce sont des mesures qui vont coûter assez cher. Si on dit que le principe de base, dans le rapport Gauvin, est celui de l'indemnisation des victimes, si on peut épargner des sommes énormes sur le coût social de l'assurance, entre autres, sur les primes, ça pourrait être mis, au point de vue social, — ces sommes-là — pour la sécurité routière.

Autrement dit, les moyens pour améliorer la sécurité routière, on pourrait les obtenir en améliorations du coût de l'assurance. Je prends, par exemple, ce que le rapport Gauvin nous dit, les endroits où on peut améliorer le coût. Je ne parle pas du principe; je pense qu'il est important que tout le monde note que le principe de base est la philosophie que l'accident d'automobile est un fait social. L'autre aspect, qui est celui de la réduction du coût, si les recommandations du rapport Gauvin étaient acceptées, on pourrait épargner environ, sur le système "no fault", sans responsabilité, 18 p.c. de la prime, presque 20 p.c. Il y aurait 7 p.c. épargnés sur la mise en marché, il y aurait 3 p.c. sur l'administration des compagnies dans la sélection des risques, il y aurait 3 p.c. dans le domaine des agents de réclamation (ajusteurs) et 5 p.c. dans les différents coûts des avocats, des procédures judiciaires, etc. Il y a même 2 p.c. provenant non pas des primes mais des assurés qui doivent payer, en plus de leur prime, 2 p.c. de frais d'avocats et de poursuites qui ne sont pas inclus dans leur prime. Les 5 p.c. proviennent justement des coûts que les compagnies doivent utiliser pour payer les avocats dans les poursuites d'une compagnie contre une autre; il y a là 2 p.c.

C'est donc dire qu'il y a 18 p.c. à 20 p.c. qui pourraient être épargnés sur l'acceptation du principe de la non-responsabilité.

Ces 20 p.c. sur $425 millions de prime, cela équivaut à quelque $80 millions de moins que les citoyens auront à payer.

Moi, je pense, M. le Président, que les citoyens seraient d'autant plus capables d'accepter le coût d'une amélioration de la sécurité routière, sur les points dont je parlais tantôt, qualité des routes, etc., si dans leurs goussets ils ont épargné sur la prime d'assurance. Est-ce que vous seriez d'accord sur ce principe que cet argent pourrait être remis plutôt pour la sécurité routière, si on l'épargne en changeant le système actuel en un système de "no fault"?

M. MONDOUX: D'accord. C'est encore la question: Lequel est venu le premier, le poulet ou l'oeuf? Parce qu'il est évident que des économies peuvent être effectuées selon les modalités préconisées par le comité et ce que vous venez -d'énoncer, je crois que cela va de soi, c'est assez évident. Il est aussi évident que le public serait beaucoup plus apte à accepter une surcharge quelconque, peu importe dans quel domaine particulier, pour de la sécurité routière. Seulement, en plus des économies effectuées dans les domaines mentionnés, en acceptant tout simplement le concept de non-responsabilité, si l'on pouvait diminuer le coût des primes de 30 p.c. à 35 p.c. de plus parce qu'on peut diminuer le nombre des accidents, à ce moment, nous en arriverions à des primes d'assurance qui coûteraient moins de 50 p.c. de ce qu'elles coûtent présentement, ou bien est-ce que la société québécoise n'est prête à accepter que 30 p.c? Et puis, on ne fait pas état du tout, encore une fois, de ce qu'il en coûte de vies humaines, de blessures, de souffrances, de douleurs physiques. C'est toujours une question d'argent.

M. LEGER: D'accord.

M. MONDOUX: On veut économiser sur les primes d'assurance, c'est tout ce qui importe. Il y a beaucoup plus que cela, puisqu'en sauvant des vies, en sauvant nos effectifs humains, on diminuera ces primes de 30 p.c. de plus. Je crois que c'est la première considération qu'on devrait faire. Il est évident que la question de la non-responsabilité peut apporter des économies et qu'elle en apportera. Qu'on l'adopte, puisqu'on en a fait la preuve. Mais il ne faut pas, pour autant, laisser la sécurité routière attendre, pour avoir les fonds suffisants, qu'on ait effectué effectivement des économies sur les primes.

M. LEGER: Non, les deux doivent aller de front, je suis d'accord avec vous.

M. MONDOUX: Absolument.

M. LEGER: Maintenant, vous dites, un peu plus loin une vérité simple, trop simple pour être uniquement perçue de cette façon. Vous dites à la page 11: "Si le droit à gagner sa vie implique aussi le droit de porter atteinte à la santé et au bien-être des autres..." Quelqu'un peut hériter de points de démérite parce qu'il a mal conduit. Vous suggérez entre autres qu'il y ait votre plan CCP qui sont des écoles de conduite, avec des diplômes qui permettent de réduire les primes; je pense que c'est une suggestion valable. Il faut quand même admettre qu'un bon chauffeur, qui a suivi des cours de conduite et qui est au courant des règlements, de la loi, des implications de chaque geste qu'il pose, doit non seulement surveiller son propre comportement en automobile, mais doit même prévoir que les autres automobilistes peuvent enfreindre la loi. Un exemple bien frappant: Lui sait qu'il a le droit de passage et que l'autre automobile, qui pourrait venir sur la route qui le croise, doit faire un arrêt. Il doit même prévoir que l'autre ne le fera pas, cet arrêt. Pas parce que l'autre ne veut pas ou qu'il est un mauvais conducteur, mais il peut avoir une distraction, il peut avoir un éternuement, il peut avoir un problème dans son automobile et ne fera pas son arrêt. Autrement dit, le fait que les gens soient des bons conducteurs peut diminuer énormément le nombre d'accidents, mais la quantité d'automobiles, le rythme trépidant dans lequel on vit fait que, même si tout le monde suit des cours de conduite, et que tous sont prudents, ce qui est absolument impossible à prévoir, il y aura quand même beaucoup d'accidents. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il y en aura peut-être un peu moins. Il reste que l'accident d'automobile est un fait social sur lequel on doit se pencher et qu'on doit accepter comme tel. Il faut prévoir plutôt l'indemnisation des victimes, tout en ne mettant pas de côté la sécurité routière qui est une chose très importante. Je pense que les deux vont de pair, mais on ne peut pas dire que c'est "la" solution.

C'est une des solutions importantes à retenir pour corriger la situation au niveau des accidents d'automobiles.

M. MONDOUX: Monsieur, la description que vous faites d'un bon conducteur me porte à croire que vous n'avez pas suivi le cours de conduite préventive. Est-ce vrai?

M. LEGER: Pour quelle raison demandez-vous ça?

M. MONDOUX: Parce que... Vous pouvez répondre à ma question?

M. TETLEY: II conduit très mal au Parlement, en tout cas!

M. MONDOUX: Avez-vous suivi un cours de conduite préventive?

M. LEGER: Vous me demandez si j'ai suivi un cours de...

M. MONDOUX: Oui.

M. LEGER: Bien, au début, oui! Mais pas dernièrement.

M. MONDOUX: Non, non! un cours de conduite préventive, tel qu'il est conçu présentement.

M. LEGER: J'aimerais mieux que vous me disiez ce qu'il y a dans le cours que je n'aurais pas su en posant mes questions, où j'aurais échoué...

M. MONDOUX: Eh bien, voilà. C'est que votre description d'un bon conducteur semble porter uniquement sur ce que doit faire tout conducteur au volant pour se protéger lui-même, pour ne pas enfreindre les lois de la circulation, alors que la conduite préventive, qui n'est pas nécessairement l'enseignement de la conduite automobile que l'on retrouve dans les écoles professionnelles et qui est un enseignement qui porte sur la technique de la voiture, est un enseignement qui porte sur l'art de prévoir les mauvais agissements des autres.

M. LEGER: Est-ce que ce n'est pas de ça que je viens de vous parler? Est-ce que ce n'est pas de ça que je parlais justement?

M. MONDOUX: Oui.

M. LEGER: Un bon conducteur doit prévoir ce que les autres vont faire. C'est ce que je disais tantôt.

M. MONDOUX: Non, tantôt, vous avez dit: On ne peut pas prévoir. Justement...

M. LEGER: Non. J'ai dit qu'il faut même qu'il prévoie que les personnes n'agiront pas selon la loi.

M. MONDOUX: Exactement. C'est ce que la conduite préventive enseigne. C'est la raison pour laquelle nous la préconisons comme le moyen le plus apte à former de bons conducteurs.

Etre bon conducteur signifie non seulement ne pas commettre d'erreur soi-même, mais éviter d'être impliqué dans des accidents en dépit des erreurs des autres. Il faut apprendre à reconnaître ces erreurs chez les autres et c'est, malheureusement, ce que ne connaît pas l'automobiliste québécois. Il insiste sur le droit de passage, mais ne prévoit pas du tout les erreurs des autres, et c'est pour ça qu'on a des accidents.

D'ailleurs, la formule est prouvée. Elle a été prouvée dans plusieurs études. J'ai même mentionné l'étude du Manitoba: diminution de 32 p.c. des accidents, diminution de 28 p.c. des

infractions. C'est dans ce sens que nous préconisons l'enseignement de la conduite préventive, mais non comme formation de base, parce que la formation de base porte essentiellement sur la technique du volant, alors que le nouveau candidat à la conduite automobile est beaucoup plus préoccupé par la technique même. Même si l'on doit lui enseigner les éléments de la conduite préventive, eh bien, il est trop préoccupé par la technique. C'est pour ça qu'on recommande, après au moins un an d'expérience au volant, cet enseignement qui servira de recyclage et qui permettra à l'automobiliste qui a réussi, après une année d'expérience, à devenir un avec l'automobile qu'il conduit, de prendre le temps de regarder autour de lui-même pour prévoir toutes les circonstances qui peuvent mener à l'accident.

C'est essentiellement ce en quoi consistent les cours de conduite préventive. J'ai parlé aussi du manque de sérieux...

M. LEGER: Je ne voudrais pas aller trop loin parce qu'on a peu de temps. Et, alors...

M. MONDOUX: Je trouve cela très important.

M. LEGER: Oui, je suis d'accord.

M. MONDOUX: Le manque de sérieux qu'on a signalé ici...

M. LEGER: Je voudrais vous poser une question et vous pourrez me répondre en même temps. Est-ce que vous donnez un certificat à celui qui suit le cours de conduite de prévention des accidents?

M. MONDOUX: Oui.

M. LEGER: II y a un certificat.

M. MONDOUX: II y a un certificat...

M. LEGER: Alors...

M. MONDOUX: ... qui l'accompagne.

M. LEGER: ...j'aimerais savoir si tous les députés présents ici, qui ont ri tantôt, incluant le ministre, ont chacun leur certificat de bonne conduite.

M. MERCIER: Oui, monsieur.

M. LEGER: Vous l'avez? Vous pouvez nous le montrer ce matin?

M. MERCIER: Peut-être pas tout de suite. M. LEGER: Ah bon! Ah bon!

M. MONDOUX: C'est une question que j'allais poser moi-même, au risque de ne pas être populaire.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Mon-doux, je regrette, mais le temps qu'on avait alloué à la Ligue de sécurité est déjà dépassé. Tous les députés n'ont pu encore intervenir. On va donc laisser, si vous voulez, ces questions pour revenir à des choses plus sérieuses, et j'imagine que le député de Beauce-Sud doit avoir quelque chose de sérieux à dire.

L'honorable député de Beauce-Sud.

UNE VOIX: C'est ce qu'il y a de plus sérieux.

M. MERCIER: M. le Président, c'est sérieux ça.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, je comprends que c'est sérieux, mais on ne peut pas discuter de toutes les choses sérieuses dans l'espace d'une heure.

M. ROY: M. le Président, les deux points sur lesquels je veux surtout insister, on me fera grâce... Je voulais féliciter ceux qui sont devant nous, les représentants de la Ligue de sécurité du Québec pour l'excellence de leur mémoire et pour l'importance qu'ils ont donnée à la sécurité routière.

Je comprends que c'est un domaine qui les regarde particulièrement. J'ai écouté le ministre tout à l'heure et j'ai été un peu déçu par les propos du ministre, l'attitude du ministre. Je m'explique, M. le Président.

M. TETLEY: Un instant. Quel ministre? Je n'ai pas parlé...

M. ROY: Le ministre des Transports. Il nous dit sans animosité que tous les mémoires qui ont été présentés devant la commission parlementaire et la commission Gauvin ont attaché énormément d'importance à la sécurité routière. Chaque fois que ces choses ont été discutées devant la commission, j'ai remarqué que le ministre tente surtout de rassurer ceux qui viennent devant nous sur les efforts que fait le ministère.

Je suis bien d'accord sur cela. Le point n'est pas là. J'aimerais qu'on profite de toutes les circonstances, qu'on profite du fait qu'il y a des gens devant nous qui ont fait des études particulières de ce côté, non pas pour que notre attitude vise à les rassurer mais pour les interroger de façon à en savoir davantage.

M. le Président, je le dis et je le porte à l'attention du ministre, je trouve absolument désastreux, à ce jour, ce qui se fait au niveau de la sécurité routière. Le rapport, aux pages 7 et 8, le dit clairement. Le gouvernement n'a pas de budget et les fonds sont trop limités. Je cite: "Le programme des CCP a fait ses débuts au Québec en 1969, sous l'égide du gouvernement. Malgré les efforts louables du Service de la sécurité routière, une pénurie de personnel et de fonds a fait que le programme est devenu une demi-mesure".

M. le Président, depuis que la commission Gauvin siège et depuis qu'on parle de la sécurité routière, nous aurions été en droit de nous attendre, au Québec, à des mesures plus radicales que celles que nous avons.

Je vais citer deux faits, à l'attention du ministre, que j'ai vécus, depuis quatre jours seulement. J'ai fait la première expérience, dimanche soir, en revenant de Montréal, sur la Transcanadienne. Pour respecter les règlements et les affiches qu'il y a le long de la route, on ne doit pas dépasser 70 milles à l'heure. Sur une distance de 50 milles, j'ai circulé entre 65 et 70 milles à l'heure. Je peux vous dire, M. le ministre, que c'est très dangereux de circuler sur la Transcanadienne à cette vitesse. On se fait doubler, le dimanche, par les camions-remorques.

Je n'ai vu aucun véhicule de la Sûreté du Québec. J'ai dû, pour ma sécurité personnelle, accélérer et maintenir une vitesse de 80 à 85 milles à l'heure, le soir, pour me protéger, sur la route transcanadienne.

M. HARVEY (Charlesbourg): Vous êtes loin du mémoire.

M. ROY: M. le Président, non.

M. HARVEY (Charlesbourg): ... avec le ministre des Transports.

M. ROY: Le député de Chauveau pourra faire les interventions qu'il voudra. Je n'ai pas à le consulter. Je voudrais revenir là-dessus parce qu'on traite de la sécurité routière.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui mais on s'était entendu, tout à l'heure, à savoir que vers 11 h 25, 11 h 30 on devait terminer cette audition, afin de permettre à l'autre groupement qui attend patiemment de s'exprimer, lui aussi. Il va falloir lui accorder le même temps. Alors je demanderais au député de Beauce-Sud de peut-être faire cela un petit peu plus court. Il pourra quand même exprimer son idée. Allez-y donc un petit peu plus rapidement.

M. ROY: On a laissé le ministre parler, tout à l'heure. Personne ne l'a interrompu. Et il n'a pas posé une seule question. Il a fait des commentaires.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Je suis d'accord, mais je dis de le faire d'une façon concise parce qu'il est déjà 11 h 25. Ecoutez...

M. ROY: Je suis bien d'accord qu'on respecte les règles du jeu mais qu'on les applique de la même façon pour tout le monde, à la commission parlementaire.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): C'est ce qu'on veut faire.

M. ROY: On a traité de la question de la sécurité routière ce matin. On parle de la sécurité routière ici. Le mémoire traite de la sécurité routière et je ne parle pas d'autre chose présentement que de la sécurité routière. C'est de cela que je parle, de la sécurité routière.

M. HARVEY (Charlesbourg): ... et arrêtez de faire de la petite politique !

M. ROY: M. le Président, voulez-vous rappeler le député de Chauveau à l'ordre?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Vous avez quelque chose à dire, dites-le donc. On attend.

M. ROY: J'étais en train de le dire.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Tout le monde attend cela patiemment.

M. ROY: J'étais en train de dire au ministre que je trouve, en ce qui me concerne, qu'au niveau de la sécurité routière, actuellement, c'est un désastre. Il va falloir qu'on fasse quelque chose de ce côté.

Le mémoire que nous avons devant nous nous le dit clairement et si nous payons plus cher au Québec nos primes d'assurance, c'est que nous avons le record des accidents dans la province de Québec. C'est la raison fondamentale. Nous avons énormément de plaintes, à nos bureaux. Les gens se plaignent, un peu partout. Il suffit de circuler un peu dans la province de Québec pour s'en rendre compte.

Je voudrais vous poser une question concernant la ceinture de sécurité. Vous dites que la ceinture de sécurité devrait être obligatoire. Lorsque vous dites obligatoire, est-ce que c'est obligatoire partout ou seulement sur les grandes artères? Je pense qu'il y a une distinction très nette à faire à ce moment-ci et j'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet.

M. MONDOUX: Partout. D'abord, il est reconnu qu'environ 70 p.c. à 75 p.c. des accidents sérieux se produisent dans un rayon de 25 milles de l'endroit où habite la victime, ce qui veut dire que le plus grand nombre d'accidents n'arrivent pas sur les grandes artères. Les résultats sont plus sérieux sur les grandes artères, à cause des vitesses plus élevées, mais ils sont aussi sérieux, par le volume, à l'endroit où on habite, dans les courtes randonnées. C'est un fait qui a été établi, il y a déjà plusieurs années.

On a besoin, dit-on de la ceinture de sécurité une fois, c'est-à-dire quand on est impliqué dans un accident. C'est là qu'on en a besoin, ce n'est évidemment pas quand on n'est pas impliqué dans un accident. Mais cette fois-là, quand arrivera-t-elle? Personne ne peut le dire. Même si on prétend pouvoir réduire le nombre des accidents de 60 p.c. à 70 p.c, il reste quand même qu'il y a un pourcentage des accidents qui reste inévitable.

M. ROY: II y a des organismes qui sont

venus devant la commission parlementaire et qui ont mis en doute le fait que le port obligatoire de la ceinture de sécurité pourrait réduire de façon aussi marquée...

M. TETLEY: Permettez-moi, Lesquels?

M. ROY: Je ne me souviens pas des noms mais je me souviens qu'il y en a eu, au début. C'est à la suite de questions que j'ai posées moi-même, j'ai demandé des précisions à ce sujet. On pourrait toujours relever...

M. TETLEY: Oui, l'Association des constables, mais je crois qu'ils étaient complètement dans les patates.

M. ROY: Et il y en a un autre.

M. TETLEY: Ils n'avaient aucun chiffre.

M. ROY: Je ne commente pas les recommandations de ces gens, je dis tout simplement que, devant la commission, il y en a qui nous ont parlé de ces choses. On nous a même dit ...

M. MONDOUX: La preuve du contraire est volumineuse. Vous avez l'expérience de l'Australie, une expérience tout à fait pratique sur le port obligatoire de la ceinture. On sait que peu importent les lois, on n'en a jamais le respect à 100 p.c. Même si, dans le moment, on déplore que la ceinture de sécurité ne soit portée que par environ 20 p.c. des conducteurs, il reste quand même que, je dirais, au moins 50 p.c. des automobilistes sont respectueux des lois et que, du jour au lendemain, avec l'adoption d'une telle loi, on augmenterait de 25 p.c. le nombre de personnes qui portent des ceintures donc on en sécuriserait davantage uniquement par la loi.

Deuxièmement, dans le système de démérite, alors que nous avons préconisé la révocation du permis de conduire... excusez-moi, la recommandation que nous avons faite au sujet des ceintures, c'est dans le système d'indemnisation. Alors que la commission Gauvin dit que ça ne doit pas porter atteinte à l'indemnisation de la victime, si elle n'a pas bouclé la ceinture sans raison valable, nous disons qu'encore une fois c'est enlever l'efficacité à la loi. Si on adopte une loi, il faudra la faire respecter. On sait qu'elle est très difficile à faire respecter. Tous les policiers aiment mieux ne pas en parler justement parce qu'ils estiment que c'est un travail fou. Il y a quand même deux facteurs qui entrent en ligne de compte, c'est celui que vous aurez une augmentation appréciable, du jour au lendemain, du nombre de personnes qui porteront la ceinture. Donc, un plus grand nombre de personnes sécurisées. Deuxièmement, vous aurez l'indemnisation si cela se produit. Le seul fait que le public automobiliste saura que, s'il est impliqué dans un accident et qu'il n'a pas bouclé sa ceinture, il risque de perdre la moitié de l'indemnisation prévue par l'Etat, là vous avez un argument que tout le monde comprend: c'est un signe de piastre.

M. ROY: Je suis bien d'accord. Maintenant, dans les statistiques que vous avez, dans les recherches que vous avez faites, avez-vous des statistiques qui pourraient nous démontrer, par exemple, à quelle vitesse la ceinture de sécurité commence réellement à jouer son rôle? J'imagine facilement que lorsqu'une automobile circule de 20 à 25 ou 30 milles à l'heure, la ceinture de sécurité est beaucoup moins importante que lorsque les véhicules circulent à 60 ou 70 milles à l'heure.

M. MONDOUX: Je vais vous passer le professeur Thompson qui a fait des études sur le sujet.

M. ROY: D'accord, cela nous intéresserait, je pense, d'avoir des précisions.

M. THOMPSON (Lloyd): Tout dépend de la situation. Par exemple, si le chauffeur porte la ceinture de sécurité et si quelque chose frappe l'automobile du côté gauche, la ceinture de sécurité ne fait rien. A grande vitesse, cela dépend de la sorte d'automobile. Dans les petites voitures, il n'y a pas assez d'espace pour absorber le choc, et tout dépend de ce que l'on frappe. Lorsqu'une grosse automobile en frappe une petite ou encore lorsqu'un camion frappe une automobile, il y a beaucoup de risque que la ceinture de sécurité n'ait pas d'effet.

A de grandes vitesses aussi, pour les grosses automobiles, on peut avoir des blessures avec les meilleures ceintures de sécurité qui ont été fabriquées. Il y avait des ceintures de sécurité il y a 20 ans, mais, malheureusement, les manufacturiers d'automobiles ne les acceptaient pas. C'est une chose qu'on a pris beaucoup de temps à discuter complètement. Mais je veux dire à tous ici que c'est la meilleure chose pour réduire la gravité des blessures et les autres choses. Je peux vous donner plus de chiffres, plus de détails, si vous voulez.

M. ROY: Si vous avez des documents à ce sujet, des statistiques, des chiffres, et si vous pouviez nous en faire parvenir, je pense que cela nous serait très utile.

M. THOMPSON: Oui, c'est bien. M. ROY: Merci.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Transports avait une réplique.

M. MAILLOUX: M. le Président, je voulais tout simplement faire une courte observation. C'est que, tantôt, le député de Beauce-Sud a mentionné qu'il y avait une négligence complète de la part de la Sûreté du Québec sur la Transcanadienne. Je pense qu'on pourrait quand même affirmer que la Transcanadienne

est l'endroit de la province où il se produit le moins d'accidents au Québec. Ce serait quand même faire injure aux forces de la Sûreté de dire que ce corps de police n'a pas fait l'impossible pour éviter les accidents. Cela rejoint beaucoup plus que les corps de police, la sécurité routière. Le député de Beauce-Sud a dit tantôt que j'avais simplement cherché à rassurer les gens qui sont venus devant la commission quant aux intentions gouvernementales. Je pourrais peut-être lui dire que j'ai été quelques fois absent de la commission, mais, en tout temps, il y a eu des représentants du Bureau des véhicules automobiles présents; je pense que M. Desjardins a été présent de la même façon en continuité; le ministre d'Etat l'a été à quelques reprises.

Les conducteurs du Québec verront peut-être par pièces détachées quelle est l'importance qu'a accordée le ministère des Transports aux mesures de sécurité routière qui seront mises en place prochainement. J'espère qu'à ce moment-là les honorables collègues qui prétendent que le ministère des Transports ne fera pas son devoir n'insisteront pas, les premiers, pour que l'on mette fin à ce qu'on sera appelé à respecter dans l'avenir.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Charlesbourg.

M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, j'ai beaucoup de respect pour le décret que vous avez voulu apporter. Je pense que je vais me résumer à un court commentaire, puisqu'à l'instar de mes collègues qui m'ont précédé je pense que le mémoire qui est présenté à cette commission par la Ligue de sécurité routière est de la plus haute valeur. Je pense qu'étant aussi bien étoffé il est quand même demeuré dans le cadre de la sécurité routière, ce que d'autres organismes ont parfois oublié. Cette étude en profondeur du rapport Gauvin et cette pensée de la Ligue de sécurité routière m'amènent, d'une part, à réfléchir sur un fait. Lorsque la Ligue de sécurité routière parle d'une réduction de la prime pour des victimes d'accidents ne portant pas la ceinture de sécurité en particulier, je pense que déjà, là, cela impose une autodiscipline à l'individu. Je pense que c'est une largesse de vue que vous avez là-dessus, tout en insistant, cependant, sur le fait que le ministère doit avoir une loi qui non seulement ait des dents, mais aussi qui soit sévère quant au respect ou à l'application de cette loi.

Ma question serait la suivante, M. le Président: Au moment où vous expliquez les différents contextes d'indemnisation, à la page 29 de votre rapport, vous faites état que, dans 23 Etats américains, ce qui représente environ 53 p.c. de la population du pays, aux Etats-Unis, il va sans dire, ces gens-là sont actuellement dans le contexte d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles sans égard à la faute. Mais vous évitez, peut-être à tort ou à raison — peut-être que vous avez une raison à nous donner - de vous prononcer là-dessus. Etes-vous pour ou contre l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles sans égard à la faute?

M. MONDOUX: Ce domaine ne relève pas réellement de notre compétence. Cela ne nous empêche pas, quand même, d'avoir des avis.

Puisque vous nous demandez notre avis, nous ne pouvons que nous rendre à l'évidence que nous avons mentionnée à titre d'exemple...

M. HARVEY (Charlesbourg): Alors, vous êtes en faveur.

M. MONDOUX: ... soit au fait que ça semble répondre aux besoins aux Etats-Unis. Alors, je ne conçois pas que l'on soit si différent ici d'ailleurs.

M. HARVEY (Charlesbourg): M. le Président, je laisse à mon collègue de Bellechasse le soin de continuer; c'est un spécialiste en matière de sécurité routière.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Bellechasse.

M. MERCIER: Je pense, M. le Président, que mon collègue de Charlesbourg est trop généreux en mentionnant à l'endroit du député de Bellechasse qu'il est un spécialiste.

M. HARVEY (Charlesbourg): On va vous consulter.

M. MERCIER: A tout événement, je voudrais faire miens les commentaires énoncés précédemment à l'endroit de la Ligue de sécurité et la féliciter à mon tour du magnifique mémoire qu'elle nous présente aujourd'hui qui est une synthèse assez complète et un inventaire du problème de la prévention des accidents au Québec, touchant particulièrement l'aspect de l'éducation des automobilistes.

Je sais pertinemment que, dans le passé, la ligue a collaboré étroitement avec le ministère des Transports et je voudrais féliciter son directeur général, M. Mondoux, ainsi que le professeur Thompson qui aussi a collaboré étroitement dans le passé à l'étude de la prévention routière. Je le remercie surtout des lumières et des suggestions intelligentes qu'il nous apporte ce matin relativement à certaines données ayant trait au chapitre 1 du rapport Gauvin.

Je voudrais limiter mes commentaires à deux aspects particuliers; le premier a trait à votre recommandation touchant la patrouille routière. Est-ce que vous pourriez nous expliciter davantage les raisons pour lesquelles vous dites à l'intérieur des corps existants, alors que, dans certains Etats américains, nous avons des patrouilles routières autonomes? Est-ce que vous pourriez nous faire des commentaires addition-

nels sur les raisons pour lesquelles vous recommandez une escouade ou une patrouille routière à l'intérieur des cadres existants, si on a à l'esprit une plus grande efficacité de la surveillance des routes? Le deuxième point que j'aimerais porter à votre attention serait d'avoir vos commentaires sur la relation qui peut exister entre le facteur vitesse et le facteur accident.

Lorsqu'on pense, comme le ministre des Transports l'a mentionné tantôt, à réduire les limites de vitesse sur certaines routes du Québec, est-ce que nous pourrions connaître votre point de vue sur la relation entre le facteur vitesse et le facteur accident?

M. MONDOUX: Premièrement, sur la question des escouades, nous avons tenté d'être pratiques dans nos recommandations quand même, puisque le mémoire n'a pas été préparé sans consultation avec plusieurs autres organismes, dont les représentants des agences policières. C'est là que nous avons pris connaissance d'un problème qui se pose à ce niveau-là, à savoir que certains avaient interprété les recommandations du rapport Gauvin comme portant sur la création d'une escouade indépendante, telle que celle que vous mentionnez aux Etats-Unis, et que ça poserait d'énormes problèmes.

Alors, disons que nous avons opté pour la formule présente qui éliminerait, évidemment, ces problèmes, puisque nous en sommes à l'heure de l'action, je l'espère bien, et non à l'heure des discussions. Cela fait des années qu'on en parle. Alors, pour pouvoir mettre sur pied un service adéquat, eh bien, nous avons formulé la suggestion que vous connaissez, à laquelle nous avons ajouté les avantages qui pourraient survenir. Ici, nous rejoignons la pensée du ministre des Transports, M. Mailloux, en ce sens que les policiers affectés à l'escouade de la circulation pourraient quand même compter sur la diligence et l'assistance de leurs confrères qui ne sont pas affectés, eux, à la circulation, mais qui pourraient quand même relever les véhicules défectueux ou, enfin, rapporter directement à l'escouade tout ce dont ils seraient témoins et qui, à leur avis, serait dangereux.

A ce moment-là, on peut impliquer, je crois, un service beaucoup plus nombreux, beaucoup plus efficace aussi. En effet, le ministre a mentionné tantôt que, malgré le nombre d'inspecteurs qu'on peut avoir, on n'est jamais certain de pouvoir tout voir. C'est dans ce sens-là que la recommandation a été faite, pour être plus efficace, plus pratique et applicable aussi dans l'immédiat.

Pour ce qui est du facteur de la vitesse à l'égard du facteur de l'accident, aux Etats-Unis, on a constaté une diminution assez considérable du nombre des accidents, quoique la National Security Council n'ait pas attribué cette diminution sensible entièrement au fait que la vitesse avait été réduite. Au contraire, la National Security Council a attribué pas plus de 11 p.c. de la diminution à une réduction de la vitesse. Les autres réductions ont été attribuées à plusieurs autres facteurs que je n'énumérerai pas ici. Quand il y a vitesse, évidemment, s'il y a collision, les effets sont beaucoup plus néfastes, il va de soi. Peu importe les dispositifs protecteurs, à ce moment-là il faudrait un char d'assaut et même encore on n'a pas la certitude de pouvoir s'en tirer. Seulement, il faut toujours viser à la protection maximale.

Quand on parle de la vitesse, si on parle de collision, les résultats sont toujours plus néfastes. La ceinture, décidément, sans aucun doute, apporte des avantages nombreux à haute vitesse aussi bien qu'à faible vitesse, quoique la protection est plus sûre, si vous voulez, à vitesse inférieure. Maintenant, quant au nombre des accidents impliqués, quand on circule à grande vitesse sur les routes, on doit prendre des décisions. Je crois que les chiffres reconnus sont de l'ordre de douze décisions importantes ou vitales à la sécurité à la minute. Je peux me tromper un peu. Quand je dis douze, c'est peut-être neuf mais, de toute façon, on doit prendre un grand nombre de décisions très vite. Pourquoi? Parce qu'on circule à grande vitesse et que la situation change continuellement, d'une façon très accélérée. Il devient de plus en plus difficile d'exercer la prudence qu'on se doit d'exercer à haute vitesse. C'est un facteur, effectivement, qui influe directement sur la possibilité d'accidents. Maintenant, il reste quand même qu'il y a plus d'accidents...

M. LEGER: M. le Président, j'invoque le règlement.

Je m'excuse auprès de nos invités mais il y a un autre organisme venu nous présenter un mémoire très important et il est un des rares organismes qui viennent défendre surtout le consommateur, le payeur d'assurance, le payeur de prime. Je voudrais demander au président une directive, si c'est possible de demander à nos invités de conclure rapidement. Vous pourriez appliquer immédiatement votre décision de tantôt.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): C'est cela.

M. LEGER: Nous devions terminer à onze heures et demie pour permettre à la CSN de s'exprimer dans le temps voulu.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si M. Mon-doux veut conclure. Je m'excuse. Avez-vous terminé, M. Mondoux?

M. MONDOUX: Pardon?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Avez-vous terminé?

M. MONDOUX: Oui, effectivement, nous avons terminé. Nous voulons tout simplement signaler à nouveau un point, c'est-à-dire le manque d'intérêt qui, dans le passé, a amené la

situation que nous connaissons présentement. A moins que le gouvernement ne fasse preuve de plus d'intérêt et, effectivement, accorde les crédits nécessaires pour remédier à cette pénurie de personnel, d'effectifs humains et autres, il n'y aura pas amélioration dans le domaine des accidents. Même si on réussit à diminuer les primes, purement au niveau de l'administration des primes d'assurance, ce ne sera pas encore suffisant et le Québec paiera encore plus cher que n'importe où ailleurs pour son assurance.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): On remercie, au nom des membres de la commission...

M. MERCIER: J'aimerais remercier, moi, le directeur général de la ligue.

LE PRESIDENT (M: Lafrance): Je m'excuse, mais nous avons déjà une demi-heure de retard. Je m'excuse.

M. MERCIER: C'étaient simplement des...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Au nom des membres de la commission, je remercie la Ligue de sécurité, spécialement MM. Mondoux et Thompson. Je demanderais à la CSN de prendre place afin qu'on écoute son mémoire.

M. MONDOUX: Merci, messieurs.

Confédération des syndicats nationaux

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Alors, nous avons présentement les représentants de la Confédération des syndicats nationaux. Je ne voudrais pas brimer les syndicats nationaux mais je demanderais leur collaboration. On a établi une procédure tout à l'heure qui n'a malheureusement pas été suivie. Nous allons vous accorder tout de même du temps supplémentaire, si vous en avez besoin, mais on vous demanderait, si c'était possible, de vous limiter, dans votre exposé, à vingt minutes, pour quarante minutes de période de questions, quitte à vous donner une extension par la suite, étant donné que nous avons été assez larges pour l'autre groupement.

Alors, M. Pepin, si vous voulez nous présenter vos deux collaborateurs, s'il vous plait.

M. PEPIN: Je vous remercie, M. le Président, et MM. les députés. A côté de moi, à ma gauche, c'est le vice-président Victor Dahl; au niveau de la CSN, il est responsable particulièrement du service d'action politique, du secrétariat d'action politique. A ma droite, André L'Heureux, qui est le directeur du secrétariat d'action politique chez nous, à la CSN, et c'est lui qui a surtout travaillé, depuis des années, à préparer un dossier sur l'assurance automobile. Je vous dirai d'ailleurs, au point de départ, que si vous êtes réunis ici, en partie uniquement, c'est peut-être à cause du travail qu'il a publié, en 1970, sur ce sujet. Des fois cela prend du temps à rétroagir, je crois que je dois rendre au moins ce témoignage à André.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais que l'on discute, puisque vous avez commencé à aborder ce débat, la façon pour nous de présenter ce mémoire. Il y a 138 pages, vous le savez. Il est long. Certains pourraient même dire que c'est un autre rapport Gauvin; c'est possible. Mais quant à nous, nous avons travaillé dur, trimé considérablement pour en arriver à vous présenter un mémoire. J'ai toujours cru que les commissions parlementaires qui nous invitent à comparaître devant elles, quand elles le font, c'est pour essayer de connaître la position des organismes ou des individus qu'elle reçoit. Aussi, si nous n'avions pas suffisamment de temps pour présenter ce que nous avons à dire, je pense que cela ne sert pas à grand-chose de demander aux organismes de préparer les travaux les meilleurs possibles, à leur idée, suivant leurs moyens, et d'arriver à la commission pour se faire dire: Maintenant le temps ne nous permet pas de vous entendre au complet.

M. TETLEY: M. Pepin, permettez-moi, pas simplement parce que vous êtes un de mes électeurs, apparemment, mais...

M. PEPIN: Je ne sais pas dans quel comté je suis maintenant. Je suis dans un autre.

M. TETLEY: Je crois que vous êtes monté à Westmount.

M. PEPIN: A Westmount. Ce n'est plus vous, c'est un autre.

M. TETLEY: Vous n'avez pas changé d'adresse, mais ils ont changé le comté.

Cela n'affecte pas notre amitié, j'espère, ni mon élection. Le gouvernement n'a pas objection à vous entendre cet après-midi ou même la semaine prochaine. Je dois dire que, pour de bonnes raisons peut-être, l'Opposition voulait comprimer un peu les auditions, mais ce n'était pas mon idée et je voulais vous donner toute une journée. Donc, c'est une petite défense. D'autre part, je note le problème, l'Opposition veut avancer.

M. BURNS: Attention, un instant, M. le Président, je pense qu'il est important de dire exactement ce qui s'est passé, si on veut...

M. TETLEY: Vous n'étiez pas ici.

M. BURNS: ... si on veut nous imputer à nous une espèce de clôture aux personnes intéressées. Nous avons demandé de comprimer les dates des auditions des parties intéressées, parce que le programme que vous nous aviez fixé, au tout début, était de un par semaine, un témoin par semaine. Dans certains cas, on croyait qu'on pouvait facilement en grouper deux dans une même journée.

M. TETLEY: Un par jour, pas un par semaine.

M. BURNS: Un par jour, deux fois par semaines, pardon. Je m'excuse, vous avez parfaitement raison. Ce qu'on a dit, nous autres, c'est qu'avec le programme que vous nous aviez fait, on risquait de ne pas savoir quel type de loi le gouvernement s'apprêtait à nous présenter avant je ne sais pas trop quelle année.

M. TETLEY: Donc vous avez demandé la CSN avec un autre aujourd'hui...

M. BURNS: On n'a pas demandé la CSN avec un autre, on a dit, entre autres, justement dans le cas de la CSN, que c'était possible qu'ils aient besoin de toute une journée, eux, mais que dans bien d'autres cas, on pouvait en grouper deux et même trois dans la même journée.

M. ROY: M. le Président, si on me permet, le ministre vient de dire que l'Opposition voulait comprimer un peu le gouvernement. Je voudrais dire au ministre...

M. TETLEY: Ce n'était pas le cas du député de Beauce-Sud, il était absent.

M. ROY: M. le Président, j'ai été la plupart du temps présent aux séances de la commission parlementaire, sauf à quatre, parce qu'il y a eu des séances de la commission des comptes publics en même temps. Je l'ai dit lorsque je suis venu. A part ça, je me suis toujours intéressé aux séances de la commission parlementaire concernant le rapport Gauvin, que j'ai toujours suivies. A aucun moment, je tiens bien le dire à l'attention du ministre, avons-nous demandé ni ai-je demandé, en ce qui me concerne, de comprimer les travaux et de faire en sorte que les organismes ne puissent se faire entendre. Je m'étonne, ce matin,...

M. TETLEY: Cela est vrai.

M. ROY: ...de voir qu'il y a d'autres organismes qui ont été convoqués aujourd'hui alors que, depuis trois semaines, nous en prenons seulement un par jour. Or, la CSN a un mémoire très volumineux et j'estime, pour ma part, que nous n'aurons certainement pas le temps — je donne raison à M. Pépin, ici — de poser toutes les questions pertinentes suite au mémoire qui nous est présenté, compte tenu du travail que la CSN a fait de ce côté.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Si vous me permettez maintenant...

M. ROY: En ce qui me concerne, ce n'est pas que j'aimerais qu'on termine aujourd'hui. Ce n'est pas ça du tout, mais je pense qu'on devrait faire en sorte que cet après-midi, après la période des questions, on continue la séance de la commission parlementaire afin qu'on puisse interroger les représentants de la CSN et qu'on prenne tout le temps voulu, de façon bien objective, pour étudier ce mémoire et poser toutes les questions pertinentes à ces gens.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Je crois — disons en ajout — que cela est l'opinion de tout le monde, en commençant par le président de la CSN. Je pense que celle-ci a un mémoire qui couvre deux secteurs particuliers, notamment au chapitre de l'assurance-automobile. Le mémoire en lui-même, qui a nécessité plusieurs heures, mérite que les élus et les membres de cette commission prennent tout le temps voulu pour l'étudier, pour également poser toutes les questions qui sont susceptibles de leur venir à l'esprit.

Je pense qu'à cet égard, le ministre lui-même est entièrement d'accord sur le fait que la présidence accorde tout le temps voulu à cette fin. Nous allons donc, si vous le voulez bien, commencer tout de suite et, après la séance de ce matin, qui continuera jusqu'à une heure, nous ajournerons à mardi prochain.

M. PEPIN: Si vous permettez, vous ajournerez à mardi?

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): A mardi, toujours avec la CSN qui pourra...

M. PEPIN: Est-ce que ce sera le matin, à ce moment-là?

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Ce serait mardi matin, à dix heures trente, selon l'ordre de la Chambre.

M. PEPIN: Alors, il n'y aurait pas, cet après-midi, une...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Malheureusement, puisqu'on ne peut nous-mêmes décider, au nom du leader du gouvernement, des travaux de la Chambre puisqu'il a peut-être prévu autre chose. Mais si le président peut se prêter à cette réunion de mardi, il est bien évident qu'il est d'abord et avant tout l'intéressé. Est-ce que cela pourrait convenir? Cela vous convient?

M. BURNS: M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Bon, alors...

M. BURNS: M. le Président,...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): ... cela convient au président...

M. BURNS: ...même si cela lui convient, il n'est plus mon patron, j'ai le droit d'avoir une opinion différente. Blague à part, c'est que je

pense simplement au côté pratique de l'affaire. Pendant que la CSN expose son mémoire, c'est-à-dire d'ici à une heure, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de s'informer auprès du leader du gouvernement, comme on l'a fait d'ailleurs déjà dans d'autres cas, à savoir si on ne pourrait pas continuer cet après-midi? Cela éviterait à la CSN de venir deux fois.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): On peut prendre les informations...

M. BURNS: Justement, c'est...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): ...et on pourra vous communiquer la réponse d'ici une heure. Antérieurement à ça, on débute. Nous prenons les informations. Très bien.

M. PEPIN: Je vous remercie. Quant à nous, nous préférerions que cela continue cet après-midi...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Ah bon!

M. PEPIN: ...pour des raisons très pratiques.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): D'accord.

M. PEPIN: Et, si ce n'est pas possible, mardi prochain, on sera ici à dix heures. Avec votre permission, je vais maintenant demander à mon camarade, André L'Heureux, de vous présenter le mémoire. Je crois que cela mérite, en tout cas, d'être lu en très bonne partie pour qu'on parle des mêmes choses quand on aura à répondre aux questions.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Vous pouvez compter sur la présidence pour ne pas vous imposer le bâillon.

M. PEPIN: Merci beaucoup.

M. LEGER: On en prend bonne note.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): J'espère.

M. L'HEUREUX (André): Oui, je pense que compte tenu du fait que la commission a entendu surtout des intéressés qui seraient affectés par les recommandations du comité Gauvin et celles aussi qu'on préconise, si cela ne vous ennuie pas, nous on le trouve important... Vous savez que dans le mouvement, il y en a plusieurs qui se demandent pourquoi on vient parfois au parlement. C'est parce qu'on a l'impression qu'on n'est pas entendu. Je sais que cela peut être laborieux aussi de vous imposer une lecture. Mais compte tenu du fait que, je pense, vous recevez beaucoup de paperasse, que vous avez tellement de choses à analyser, et étant donné le peu de temps qu'on a ici avec vous, on aurait peut-être, si cela ne vous ennuie pas...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Tout est dans la manière.

M. TETLEY: D'accord.

M. L'HEUREUX: Pas le contenu?

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Aussi.

M. L'HEUREUX: Alors, je commence par le début, mais il faut...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Vous permettrez peut-être au ministre d'Etat aux Transports de vous poser une question.

M. BERTHIAUME: Est-ce que vous allez aborder la question de la sécurité routière? C'est parce que j'ai d'autres engagements et, si la réponse est non, je me permettrais de quitter.

M. L'HEUREUX: Nous n'aborderons pas la question de la sécurité routière comme telle, car, comme d'ailleurs M. Gauvin l'a fait au moment du dépôt du rapport, même s'il s'agissait de son mandat et qu'il y a une partie assez importante sur la sécurité routière, nous distinguons nettement. Nous sommes d'accord sur tout ce qui a été dit ce matin, mais nous distinguons nettement entre la sécurité routière et l'assurance-automobile.

M. BERTHIAUME: D'accord, merci.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Nous vous écoutons.

M. L'HEUREUX: L'appui doctrinaire et les liens étroits de tous les gouvernements du Québec en faveur de l'entreprise privée, du monopole des compagnies d'assurance... Première page.

M. BONNIER: La première, première.

M. LEGER: On débute par le commencement.

M. L'HEUREUX: Donc, de tous les parasites qui s'approprient une partie de nos primes d'assurance-automobile ont coûté en trop, en pur gaspillage, depuis 1946, date de la fondation de la Saskatchewan Government Insurance Office, $1.3 milliard; depuis 1970, $600 millions de nos primes gaspillées sous le gouvernement actuel et, si on tient compte du fait qu'une réforme prendrait au moins un an et qu'on va payer, l'année prochaine, sûrement au moins un demi-milliard de dollars — ce sera beaucoup plus— en 1974, on constate, à partir de ces mêmes chiffres, que l'absence de réforme nous

coûte sûrement $2.6 millions par semaine en pur gaspillage de nos primes.

Je suppose qu'il va falloir le démontrer.

Au départ, dans l'introduction, je pense qu'on résume aussi un peu notre point de vue. Pour nous, c'est une question de coût, de prix, de services, d'intérêt national pour les Québécois.

Près de 2 millions de Québécois ont versé cette année au moins $450 millions de primes d'assurance-automobile, d'après la commission Gauvin. On en a versé $4.36 milliards depuis 1946, plus de $2 milliards depuis 1970.

La conception, l'organisation et l'administration d'un régime d'assurance-automobile sont des instruments à la disposition des automobilistes afin d'assumer les conséquences inévitables de la présence de millions d'automobiles sur nos routes.

De notre point de vue, de celui de millions d'automobilistes, la question fondamentale qui se pose est la suivante: Quels sont les moyens, les méthodes et les structures requises qui nous permettront, du point de vue des primes versées, de nous garantir le meilleur service, la couverture la plus complète, rapide, au plus bas prix possible?

Lorsqu'on envisage une dépense de cette ampleur, il importe de comparer les avantages des divers instruments qui sont à notre portée. Or, quels sont les avantages respectifs du système actuel par rapport à celui que préconise la CSN depuis 1970? Il s'agit, dans les deux cas, de régimes réels qui existent depuis au moins 28 ans.

Nous nous référons aux plans A et B afin de permettre à chacun de les comparer le plus froidement et objectivement possible, ne serait-ce que durant quelques minutes durant lesquelles on imaginerait que nous sommes devant deux soumissions — parce que, lorsqu'on choisit une police d'assurance, habituellement, surtout de cette importance, on demande des soumissions — afin de savoir à qui nous confierons nos primes d'assurance-automobile en 1974/75.

Première question, je pense, qu'un assuré se pose: Quel pourcentage et quel montant de la prime sont requis pour administrer le régime que je veux avoir?

Dans le plan A, je constate — je tire cela de la commission Gauvin — que les administrateurs du plan A demandent 41 p.c. des primes souscrites, soit $172 millions, pour administrer leur plan.

Les administrateurs du plan B demandent 17 p.c. des primes que nous leur versons pour administrer le régime, c'est-à-dire $76 millions.

Deuxièmement, quel pourcentage des primes payées par les automobilistes sera distribué en indemnités aux victimes d'accidents? Question fondamentale aussi.

Les organisateurs du plan A retournent environ 59 p.c. de nos primes en indemnités, c'est-à-dire $266 millions. Ceux du plan B nous proposent de nous retourner 85 p.c. de nos primes, c'est-à-dire $382 millions.

Qu'advient-il des revenus provenant des intérêts réalisés sur le placement des primes? Tout le monde sait qu'en assurance il faut des réserves.

Ces centaines de millions ne se dépensent pas immédiatement. Les organisateurs du plan A s'approprient les intérêts sur le placement de nos primes à titre de profit.

Ceux du plan B ajoutent les intérêts sur les placements des primes aux revenus provenant des primes, de telle sorte qu'aux $450 millions payés par les automobilistes s'ajoutent environ 8 p.c. de celles-ci, avec les taux d'intérêt en vigueur présentement, soit $36 millions, ce qui transforme le total des revenus disponibles pour le régime à $486 millions. Ces revenus permettent évidemment de réduire les primes et d'améliorer la couverture. On peut présumer que, les premières années, ce taux serait inférieur à 8 p.c. mais pourrait sûrement atteindre 4 p.c. Ce qui est le cas du Manitoba, d'ailleurs. C'est sûr que, les premières années, on n'aurait pas les mêmes réserves dans un plan comme celui-là. 4o. Quel est le profit qui est retenu directement à même les primes versées? Les organisateurs du plan A s'approprient, en plus des intérêts sur les placements, au moins 2.5 p.c. des primes versées — qu'on appelle bénéfices techniques dans le jargon — par les assurés, soit $11,250,000. Ce chiffre vient de la commission Gauvin. Ceux du plan B ne sont pas administrés sur la base de profits. En dehors des salaires versés aux employés, tout surplus — ils prévoient des surplus — est réinvesti dans l'amélioration des services et la réduction des primes. Les surplus servent également à financer des projets relatifs au régime, à construire, par exemple, des immeubles qui demeurent la propriété de l'ensemble des assurés, de la collectivité. 5o. Sur quelle base obtient-on une indemnité? Les organisateurs du plan A cherchent d'abord à déterminer la part de responsabilité des conducteurs à l'aide d'avocats et souvent des cours de justice avant de verser les indemnités.

Ceux du plan B compensent les victimes d'accidents et les dommages matériels sans égard à la faute, ce qui élimine largement, en pratique, le recours aux avocats et aux cours de justice et assure à un plus grand nombre de victimes d'être compensées.

Cependant, dans les cas de blessures et de responsabilité publique, la victime conserve, au-delà des indemnités auxquelles elle a droit et qui lui sont versées immédiatement, un droit de recours en justice. 5o. Quels sont les délais requis pour compenser les victimes d'accidents? Dans le plan A, dans les cas de blessures graves soumis aux cours de justice, les indemnités pourront être versées de 450 jours à 750 jours après la date de l'accident. Cela vient du rapport Gauvin.

Plan B, les indemnités de base prévues par le régime en cas de blessures sont versées à

l'intérieur d'un délai ne dépassant pas généralement de 42 à 60 jours. Cela vient de la commission Wooton.

Plan A, dans le cas de dommages matériels à la suite d'une collision, l'automobiliste pourra attendre de deux mois à dix-huit mois, la majorité des cas étant réglés en trois mois.

Dans le plan B, dans le cas de collision, le jour même de l'accident les dommages sont estimés à un centre de réclamation. De 15 à 60 minutes sont requises. J'ai passé plusieurs jours dans les trois provinces de l'Ouest où cela existe pour le constater. L'automobiliste n'a alors qu'à se rendre chez le garagiste de son choix et son véhicule est réparé. Il débourse seulement le montant de la franchise, quoiqu'il est aussi récupérable si la responsabilité est partagée ou n'est pas totale. 7o. Quelle est la politique des assureurs quant aux franchises ou déductibles en assurance-collision? Plan A, 42 p.c. des conducteurs n'ont pas de couverture à cet égard, risquant ainsi une perte totale ou partielle de leur véhicule. 62 p.c. de ceux qui sont couverts ont une franchise de $250, les autres $100; moins de 1 p.c. ont un déductible de $50. Pour citer en fait les aspects, si on prend une Ford ou une Chevrolet 1973, conducteur principal âgé de plus de 25 ans, soit de 25 à 29 ans, pour usage d'affaires, l'assureur peut exiger $307 pour $200,000 au niveau de la responsabilité civile, plus $196 pour les $100 en cas de collision, ce qui fait une prime totale de $593. En passant, selon le cas du conducteur, s'il s'agit d'un nouveau conducteur, cela pourrait totaliser — j'ai des chiffres ici de la CUA, la Canadian Underwriters Association, $990. S'il a le malheur de vivre en Abitibi, au Saguenay-Lac-Saint-Jean ou sur la Côte-Nord, ça pourrait être $1,219, de 25 à 29 ans; on ne parle pas des jeunes irresponsables de moins de 25 ans.

Dans le cas du plan B, 100 p.c. des automobilistes bénéficient d'un déductible de $200 en cas de collision ou de renversement. Il est de $250 en Colombie-Britannique. 59 p.c. ont une franchise de $100; 12 p.c. un déductible de $50. Ce déductible peut être réduit de $100 à $50. Ainsi, dans une province où existe le plan B, l'assurance de base pour une Ford 1973 est de $115; pour $37 de plus, soit $152 au total par année, il peut augmenter la couverture au chapitre de la responsabilité civile de $35,000 à $200,000 et réduire la franchise de $200 à $100. Pour la réduire de $100 à $50, il ne paie que $13 de plus.

Ici, par rapport à ce qu'on dit au plan A, ce qui est important ce ne sont pas les chiffres parce qu'on sait fort bien qu'on ne pourra pas bénéficier des mêmes taux ici que dans ces provinces, ce qu'on fait remarquer c'est l'écart qui existe dans les divers choix pour améliorer sa couverture. 8o. Qu'advient-il des conducteurs et automobilistes âgés de 16 à 25 ans? Dans le cas du plan A, à cause du taux d'accidents très élevé des conducteurs de 16 à 25 ans — on pourrait même dire 29 ans parce qu'en pratique c'est très élevé jusqu'à cet âge — ces derniers doivent payer beaucoup plus cher que les autres catégories de conducteurs. Les administrateurs du plan A estiment qu'il serait injuste d'obliger les autres catégories de conducteurs à subventionner ceux qui sont âgés de 16 à 25 ans à cause de leur taux élevé d'accidents. C'est pourquoi ils exigent deux, trois, quatre fois ou plus de ces conducteurs que des autres catégories. Ce qui peut signifier au Québec des primes allant jusqu'à $1,200 et plus — quand je dis "et plus", j'aurais pu dire davantage. Ici, j'ai les taux pour les 16 et 17 ans; à Montréal, pour une Ford Bel-Air de l'année — on va prendre le plus bas possible, qui se compare aussi au régime obligatoire de la Saskatchewan — ce serait $578 au niveau de $35,000, $593 pour les $250 de déductible, plus $32 pour les risques multiples, et $9 pour les frais médicaux et autres, ce qui fait un total assez important. Si un jeune voulait se donner $200,000, — je prends les taux d'Abitibi, de la Côte-Nord, par exemple — ce serait $858 pour un jeune de 16 à 18 ans; pour $100 de déductible, $1,365.00. Ce qui fait qu'on est rendu dans les $2,000 et c'est donc prohibitif.

Dans le cas du plan B, les administrateurs du plan B disent: C'est vrai, les conducteurs âgés de 16 à 25 ans, de sexe mâle surtout, subissent globalement plus d'accidents que les autres conducteurs. Cependant, on ne peut pénaliser arbitrairement chacun des conducteurs à cause de cette réalité. Chacune des personnes, chacun des conducteurs doit avoir l'occasion, individuellement, d'assumer ses responsabilités et de démontrer qu'il peut être un conducteur responsable quel que soit son âge, son sexe, son expérience. Il pourra cependant débourser, dans les cas que l'on compare, un supplément quant à la prime du conducteur: $7 s'il a plus de 25 ans et $22 s'il a moins de 25 ans. Effectivement, pour le Manitoba, cela a été augmenté cette année, c'est $10 pour le plus de 25 ans et $25 pour le masculin de moins de 25 ans, et $10 pour les femmes. Mais au niveau de l'assurance de base pour le véhicule, tous les conducteurs paient sensiblement la même prime. 9o. Qui administre nos primes? Les primes peuvent être versées à l'un ou l'autre des 164 groupes privés qui n'ont de comptes à rendre à personne sauf les actionnaires. En pratique, 23 p.c. des primes vont à des groupes dont la charte est québécoise; 77 p.c. à des groupes canadiens et étrangers, 39 p.c. et 38 p.c. La direction de l'administration est minoritaire-ment québécoise-, 118 sièges sociaux contrôlent 41 p.c. de nos primes et sont à l'extérieur du Québec. Le contrôle de l'administration est privé. Les organisateurs répondent à des actionnaires qui recherchent le profit maximum. Les groupes s'entendent pour fixer des taux à peu près semblables. Les différences de prix sont en général minimes.

Dans le cas du plan B, 100 p.c. des primes

sont versées à une administration représentant exclusivement les citoyens de la province. Une direction à 100 p.c. québécoise. Un seul siège social québécois. Le contrôle de l'administration est public. Les organisateurs administrent en fonction des services, des besoins des assurés et des politiques de l'Etat du Québec. l0o. Le père de famille, dont un ou plusieurs enfants âgés de 16 ans pourraient conduire occasionnellement le véhicule, a-t-il à débourser beaucoup plus que sa prime habituelle? Dans le cas du plan A, il pourra payer $300 de plus que sa prime pour son garçon de 18 ans qui conduit occasionnellement.

Je regrette de dire que c'est mon cas. C'est le cas de mon fils. J'ai demandé en tout cas à deux courtiers puis j'ai vérifié ailleurs, c'est bien ça. Je lui ai dit ce qu'il aurait à payer et que lorsqu'il aurait l'argent pour payer il pourrait conduire l'auto. Peut-être qu'il y en a d'autres qui font ça aussi.

Dans le cas du plan B, il n'y a aucun supplément au niveau du régime de base si le ou les fils de moins de 25 ans conduisent occasionnellement. Il peut y avoir un léger supplément quant à l'assurance facultative, mais minime, qui permet en même temps d'utiliser son véhicule pour affaires (supplément de $17 dans une province).

Un automobiliste peut-il être refusé par un assureur? Dans le cas du plan A, oui; dans le cas du plan B, non. Où sont investies nos primes et réserves? Dans le cas du plan A, au-delà de certaines règles générales, les investissements de nos primes se font là où les administrateurs le jugent à propos. Dans le cas du plan B, en coopération avec les organismes de planification de la province, l'économie et les institutions de la province sont privilégiées, notamment les municipalités, les commissions scolaires, les hôpitaux.

Il y a diverses caractéristiques particulières, je pense, au plan B: L'administration négocie les taux horaires des garagistes. Elle récupère les véhicules démolis et revend, à profit, aux automobilistes les pièces récupérées. Elle négocie les commissions des courtiers. Elle maintient un centre de recherche en collaboration avec les universités, un fichier central relié par ordinateur avec tous les centres de réclamation (ce qui réduit la paperasse et les délais) et permet de maximiser les économies administratives, émission des chèques, etc. Elle s'organise de manière que le renouvellement des polices corresponde à celui des plaques d'immatriculation, ce qui permet de s'assurer que le maximum des véhicules sont effectivement assurés et réduit les frais d'acquisition des polices. Elle élimine des milliers de classification actuelles et simplifie la tarification. L'universalité et l'administration unique permettent de répartir les risques sur l'ensemble des automobilistes, autre source d'épargner. Elle paie les mêmes taxes municipales et scolaires, de vente, sur les primes, sauf la taxe fédérale sur les profits des sociétés.

Enfin, rappelons que les économies d'échel- le, la répartition des risques sur l'ensemble des assurés, la récupération des intérêts sur les placements, l'élimination de la notion de profit, la réduction des frais de mise en marché par un monopole public ne peuvent être réalisées par une multiplicité d'entreprises.

Peut-on faire autrement que de choisir le plan B? Le plan B n'est pas une hypothèse, une alternative théorique, un "peut-être" conditionné par toutes sortes de préalables plus ou moins réalisables d'ici X années. C'est une formule expérimentée, réussie depuis 1946 en Saskatchewan, en 1971 au Manitoba, le 1er mars 1974 en Colombie-Britannique. La réforme a été aménagée en moins d'un an dans ces deux provinces, pendant qu'au Québec nous étudions.

Le plan A, c'est évidemment celui des compagnies d'assurance du Québec. Celles-ci et tous ceux qui se sentent menacés à cause du gaspillage scandaleux de nos primes sous le régime actuel y vont de leurs projets de réforme.

Le comité Gauvin trace un portrait qui condamne le régime actuel et les compagnies d'assurance, lesquelles ont eu tout le temps requis pour se réformer, si elles en avaient été capables. Inefficacité, lenteur et dédales bureaucratiques; coûts administratifs exhorbitants; arbitraire et secret; mauvais services, prix excessifs, concurrence fictive, comportement dans les faits d'un monopole; absence pour l'assuré d'une véritable liberté de choix; exploitation éhontée des jeunes et nouveaux conducteurs; délais de compensation inacceptables et mépris des accidentés; pertes de temps des cours de justice; appropriation de notre épargne collective, du pouvoir et des profits qui en découlent; absence d'imagination, le projet AutoBAC en est un exemple...

M. TETLEY: De qui?

M. L'HEUREUX: Des compagnies d'assurance.

M. TETLEY: Ce n'est pas inclus dans votre liste.

M. L'HEUREUX: Parce qu'aller choisir Au-toBAC quand, en 1971, une société gouvernementale a été créée qui s'appelle AutoPAC au Manitoba, c'est assez peu original. Cela voudra dire quand on discutera — si jamais on avait un débat — que vous seriez avec nous pour une société gouvernementale et qu'on serait devant le BAC, où on discuterait. Vous parleriez peut-être d'AutoBAC, puis les autres parleraient d'AutoPAC. Ce serait un peu mêlant, confus pour les gens.

De toute façon...

M. TETLEY: Nous n'avons pas reçu les chiffres, non plus, d'AutoBAC.

M. L'HEUREUX: Ils sont avares de chiffres.

Ils ont toujours été avares de chiffres. On les prend en passant. On a ici, s'il y en a qui sont intéressés, la brochure sur les taux du régime de base de la Saskatchewan. Cela est distribué à tous les citoyens, et là vous avez au complet tous les taux, tandis que si vous essayez d'obtenir...

M. HARVEY (Charlesbourg): Est-ce un régime mixte? Je m'excuse, j'irai dans le débat plus loin.

M. L'HEUREUX: Essayez d'obtenir un manuel de taux des compagnies d'assurance au Québec, vous voyez sur chacune des pages...

J'en ai fait faire des photocopies quand même, j'ai mis la main sur une copie. On l'a fait souvent, mais "droits réservés, propriété de l'Association canadienne des assureurs". C'est très difficile. Même les compagnies avec lesquelles on fait affaires ne voulaient pas nous les passer, tandis que là-bas, tous les renseignements sont publics. Je pense que la commission Gauvin, d'ailleurs, par M. Rankin, l'a mentionné le premier jour du dépôt de son rapport. Cela est assez important, je pense, parce que jusqu'ici elles ne vous ont pas fourni de chiffres à vous, le gouvernement, qui en demandez depuis si longtemps. Vous les avez même condamnées publiquement pour ne pas l'avoir fait.

De toute façon, continuons. La bienveillante sollicitude de tous nos gouvernements à l'endroit des compagnies d'assurance nous a coûté beaucoup trop cher. Elles ne méritent plus, depuis longtemps, notre confiance pour permettre qu'on leur confie, par des projets théoriques, une autre chance de se moquer de nous durant trois ou cinq autres années.

Nous distinguerons, dans ce débat, ceux qui font passer la doctrine de l'entreprise privée avant l'intérêt individuel et collectif des Québécois et des assurés.

Le comité Gauvin a confirmé l'exactitude de l'élément central de la campagne de la CSN depuis 1970. En 1969/70, avec des moyens de fortune, sans les pouvoirs et les ressources d'un comité gouvernemental d'enquête, la CSN a publié un premier dossier de plusieurs centaines de pages sur l'assurance-automobile. C'était la première critique du mythe de l'efficacité des compagnies d'assurance. Ce dossier remettait en cause l'ensemble du régime d'assurance-automobile imposé aux automobilistes du Québec avec l'appui des gouvernements du Québec et du monopole des compagnies d'assurance.

La réaction du monopole a été violente. Les compagnies d'assurance et ceux qui en profitent n'avaient jamais, jusqu'alors, été démasqués au Québec. Une contre-offensive de propagande, visant à discréditer le dossier de la CSN, s'est poursuivie jusqu'à récemment.

Nous répétions, depuis 1970, que l'un des critères fondamentaux de l'efficacité d'une entreprise d'assurance était, d'une part, le pourcentage des primes versées par les assurés qui retournent aux victimes d'accident sous forme de compensation et, d'autre part, le pourcentage des primes souscrites par les assurés requises pour administrer le régime.

Dans notre première étude publiée sous forme de brochure en 1970, nous posions, au départ, la question suivante, la même qu'on vient de poser et qui est une question fondamentale: "Quel est le pourcentage de la prime payée par l'automobiliste qui est consacré aux frais administratifs de la régie de l'assurance-automobile de la Saskatchewan par rapport à celui des compagnies d'assurance privées du Québec? Les compagnies, écrivions-nous, coûtent plus de 100 p.c. plus cher à administrer que la société gouvernementale de la Saskatchewan. La différence est tout simplement renversante. Il ne s'agit pas de 10 p.c. ou 20 p.c. mais de 100 p.c. et plus, c'est-à-dire que les compagnies d'assurance-automobile privées nous coûtent au moins 100 p.c. de plus qu'aux automobilistes de la Saskatchewan. Or, ce plus représente au Québec des dizaines de millions de dollars par année, soit de $50 à 60 millions par année".

Nous affirmions alors que les frais d'administration de la société gouvernementale d'assurance de la Saskatchewan en pourcentage des primes souscrites, quant au régime obligatoire de base administré exclusivement par elle, représentait un pourcentage moyen, de 1946 à 1968, de 16.39 p.c. (Dossier CSN, page 28)

Le 21 mars 1973, dans notre mémoire au comité Gauvin, nous disions ce qui suit: "De 1946 à 1971, la Société gouvernementale de la Saskatchewan a remis, en moyenne, en compensation aux assurés, 83.64 p.c. des primes qu'ils avaient versées, c'est-à-dire que les frais administratifs de la Société gouvernementale sont de loin, quant au régime de base, plus bas que ceux exigés par les compagnies d'assurance. Les dépenses administratives, par rapport aux primes perçues, représentaient en effet 17.54 p.c. pour la période allant de 1946 à 1971". (Mémoire de la CSN au comité Gauvin, le 21 mars 1973, page 11)

En 1970, il nous était évidemment impossible de mesurer exactement les frais administratifs réels des compagnies d'assurance au-delà des pourcentages publiés par le surintendant des assurances, qui ne fait que publier les statistiques qui lui sont fournies par les compagnies d'assurance sans être, de son propre aveu, en mesure de contrôler celles-ci.

En 1967, ces dépenses étaient officiellement de 35.5 p.c. Ce sont les chiffres que nous avions à ce moment-là. A partir des diverses commissions d'enquête, notamment celle de la Colombie-Britannique (Wooton en 1968) nous estimions que le pourcentage des frais administratifs réel des compagnies d'assurance se situait à au moins 41 p.c. Et nous demandions: "Quel est le véritable taux au Québec? Seule une enquête pourrait le démontrer". Nous n'avions pas le pouvoir d'analyser la comptabilité des compagnies, surtout que celles-ci sont avares de tout renseignement significatif sur les modalités réelles de leur administration.

Quatre ans après le lancement du dossier de la CSN, après trois années et $700,000 de recherches, un comité d'étude gouvernemental confirme les chiffres publiés par la CSN en 1970. Le comité Gauvin a retenu les services de consultants en administration qui sont allés vérifier la comptabilité des sociétés gouvernementales de la Saskatchewan et du Manitoba. La CSN avait établi la moyenne des frais d'administration de la société gouvernementale de la Saskatchewan, dans son mémoire, à 17.54 p.c.

Le comité Gauvin dans son rapport, page 220, certifie que l'étude de ses experts démontre que le pourcentage des frais administratifs est de 17.9 p.c. Il y a moins de 1/4 de 1 p.c. de différence.

Après vérification, le comité Gauvin est convaincu que les résultats obtenus donnent un aperçu valable et authentique de la situation.

Le comité a analysé les dépenses du nouveau régime gouvernemental créé au Manitoba en 1971.

Nous le remercions d'avoir approfondi son analyse, car les compagnies d'assurance prétendaient, jusqu'ici, qu'à cause des méthodes comptables de la Saskatchewan, qui fait aussi de l'assurance générale et qui incorpore les revenus de l'assurance facultative à ses affaires générales, les compagnies d'assurance prétendaient que nos chiffres, notre pourcentage n'étaient pas applicables. Or, le comité Gauvin se trouve à avoir corrigé cette impression et démontre que, effectivement, il s'agit bien de 17 p.c.

Le comité Gauvin en arrive donc à la conclusion que les coûts d'exploitation de la nouvelle société gouvernementale d'assurances du Manitoba représentent 17.1 p.c. par rapport à 36.6 p.c. pour les compagnies d'assurance au Québec, plus les profits et les frais assumés par les assurés pour obtenir une compensation soit 2.5 et 1.7, plus les intérêts sur les placements, dont le montant n'est pas précisé par le comité Gauvin.

Quel est le pourcentage réel des frais administratifs des compagnies d'assurances?

Le comité Gauvin a établi clairement que les frais d'administration des sociétés d'assurances gouvernementales se situent à environ 17 p.c. des primes écrites.

Cela, nous l'avions indiqué dès 1970. Nous n'avions rien inventé. Les rapports officiels, publics sont là depuis 1946.

Cela est important à souligner, parce que c'est ça peut-être qui est choquant quand on se met à analyser des choses comme celles-là, quand on dit que les gouvernements n'ont rien fait, qu'il ne fallait pas une enquête de trois ans sur la situation, après le rapport Wooton. C'est un gouvernement créditiste qui a fait ça, le rapport Wooton. C'est cela la brique Wooton. On voit plus loin dans notre mémoire d'ailleurs que, quand on étudie l'analyse du rapport Gauvin sur ce qu'on appelle le dossier accablant pour les compagnies d'assurance ici, quant aux services, aux délais et tout, cela correspond. On a publié de larges extraits.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Je m'excuse, je suis en train de me demander si je ne devrais pas vous rappeler à l'ordre, parce qu'à la période des questions on aura amplement de temps. Si vous extrapolez votre mémoire, qui est déjà assez volumineux, on n'en sortira pas. On va passer l'hiver ici et on va se faire encore blâmer de retarder la loi en matière d'assurance. On y va avec le mémoire et, ensuite, vous aurez tout le temps voulu pour pouvoir extrapoler.

M. L'HEUREUX: On en était: Dès 1968, une autre commission royale d'enquête l'avait confirmé. Et il suffisait à quiconque de demander, pour les obtenir, tous les rapports financiers, toutes les questions possibles à la direction du Saskatchewan Government Insurance Office. Le SGIO, comme AUTOPAC et, depuis le 1er mars 1974, la Insurance Corporation of British Columbia font preuve d'une ouverture, d'une disponibilité, d'une volonté de répondre à toutes les questions, de fournir tous les documents. Ce qui tranche avec le comportement fermé, secret, hostile, arbitraire des compagnies d'assurance. Ceux qui ont cherché à obtenir des renseignements précis sur leur fonctionnement comprendront.

Pourquoi a-t-il fallu attendre plus de 4 ans après la publication du premier dossier de la CSN sur l'assurance automobile pour obtenir la confirmation que les frais d'administration de la société gouvernementale de la Saskatchewan étaient de 17 p.c? Et même aujourd'hui, 5 mois après la publication du rapport, nous nous retrouvons devant un gouvernement qui n'a pas de recommandation, de plan d'action à formuler, malgré l'évidence du dossier.

Et les compagies d'assurance au Québec?

On se souviendra qu'en 1970 nous avions dénoncé les rapports publiés par le surintendant des assurances du Québec et, surtout, ceux du Bureau des assurances du Canada, l'un des instruments de la domination du monopole des compagnies d'assurance au Canada. En effet, ces rapports publient des statistiques qui prétendent démontrer le pourcentage des frais administratifs et des compensations versées aux victimes. C'est la commission royale de la Colombie-Britannique qui avait découvert que ces chiffres publiés annuellement par les surintendants d'assurances étaient faux; c'est-à-dire que les assureurs dissimulaient, dans les chiffres présentés, comme étant des compensations versées aux victimes d'accidents, des frais administratifs.

Le comité Gauvin confirme notre analyse et déclare à propos des rapports que les compagnies d'assurances doivent, selon la loi, remettre au surintendant des assurances:

Ces rapports ne peuvent permettre une analyse aussi complète que possible des coûts de l'assurance automobile au Québec sur la base

des renseignements consignés. Une telle situation est certes déplorable puisqu'elle porte à confusion.

La principale source d'information concernant les coûts du régime actuel provient du Bureau des assurances du Canada qui regroupe les compagnies; 77 p.c. des primes d'assurance-automobile au Québec en 1970.

En 1969, 1970, 1971, 1972, les frais administratifs représentaient selon ces rapports respectivement 27.6 p.c, 26.8 p.c, 27.6 p.c. et 26.4 p.c. de la prime. Ces pourcentages excluent cependant la majeure partie des frais imputables au règlement des sinistres. Il faut donc recourir à une autre source. (Comité Gauvin, page 216).

Le comité a donc entrepris une étude auprès des compagnies qui font partie du Bureau des assurances du Canada. Le résultat est significatif. Il ne s'agit pas des pourcentages publiés "officiellement" dans les rapports gouvernementaux, de 27 p.c. ou de 26 p.c, mais au minimum de 40.8 p.c.

Les compagnies ont donc systématiquement camouflé, dans leurs rapports officiels au surintendant, 8 p.c. des frais administratifs requis pour le règlement d'accidents dans le montant qui aurait dû représenter la compensation aux assurés.

Autre omission — les profits — soit le pourcentage 2.5 p.c. des primes retenues par les compagnies "pour les bénéfices". A ce sujet, il est étonnant que le comité Gauvin s'en soit tenu au pourcentage officiellement réclamé par les compagnies.

Le comité Gauvin, par ailleurs, tient compte des frais encourus directement par les victimes pour l'obtention de leurs indemnités, pourcentage qu'il situe à 1.7 p.c. des primes. C'est une des réalités que doit subir l'assuré aux mains des compagnies d'assurance pour bénéficier de son assurance (drôle d'assurance! ). Cependant, puisque le comité en parle et malgré sa mise en garde, quant à la valeur de son échantillonnage, il nous semble que ce pourcentage soit faible si on le compare à l'échantillonnage de la commission Wooton. Nous aurions souhaité qu'il analyse davantage la part des indemnités que s'approprient, par exemple, les avocats.

Il y a également les intérêts sur les placements des primes. 5- Le comité Gauvin choisit de ne pas tenir compte des revenus de placements. "L'ensemble des déboursés, dit-il, pour la répartition des indemnités du régime actuel représente donc 40.8 p.c. du montant de la prime. Cette estimation ne tient pas compte des revenus de placements que les compagnies d'assurances retirent sur les avoirs détenus pour les assurés puisque ces revenus ne correspondent pas véritablement à des déboursés à même le dollar-prime que versent les assurés".

Ici, le comité Gauvin adopte la position des compagnies d'assurance, ce que la commission Wooton a refusé de faire. Nous ne pouvons accepter que le comité Gauvin ne tienne pas compte des revenus provenant des revenus sur les placements effectués par les compagnies d'assurance avec nos primes.

Car, dans ce même chapitre 4, le comité compare les régimes administrés par les sociétés gouvernementales et les compagnies d'assurances du Québec.

Or, en choisissant d'exclure les intérêts sur les placements, il omet un facteur essentiel à la comparaison entre les deux régimes puisque les intérêts sur les placements sont intégrés aux revenus provenant des primes par les sociétés gouvernementales d'assurances.

Pourquoi le comité Gauvin a-t-il choisi d'exclure cet aspect de la comparaison?

Il ne donne qu'une seule raison en quelques lignes à la page 217. La voici: "Ces revenus (sur les placements) ne correspondent pas véritablement à des déboursés à même le dollar-prime que versent les assurés".

C'est là un jeu de mots qui ne correspond nullement à la réalité. (l)La note (1): Les sociétés gouvernementales d'assurances qu'il a analysées n'affirment-elles pas dans leurs rapports — j'en ai une copie ici — que sans les intérêts en placements, les primes auraient été plus élevées? Exemple: 1973 Annual Report The Manitoba Insurance Corporation, page 7: "Les intérêts sur les placements ont totalisé $1.6 million. Ces revenus ont été incorporés à ceux provenant des primes afin de réduire les primes payées par les automobilistes et d'améliorer les couvertures".

Alors, c'est là un jeu de mots qui ne correspond nullement à la réalité. Car si, dans les rapports sur l'assurance-automobile et avant de déterminer le niveau des primes que devront acquitter les automobilistes, on ajoute aux primes écrites les intérêts sur les placements, il est évident qu'à la fois le niveau des primes et de la couverture sont directement concernés.

Le comité Gauvin aurait dû informer les Québécois dans son rapport de cet aspect du mode de fonctionnement des trois sociétés gouvernementales d'assurances.

Lorsque la Saskatchewan présente le bilan de l'administration du régime de base au niveau des revenus, elle indique deux sources principales: lo Les primes nettes écrites. 2o L'intérêt réalisé sur les placements.

Or, l'analyse du tableau suivant démontre que cette manière de procéder est importante et exerce une influence directe sur les primes que doivent verser les assurés.

En passant, ce tableau est publié annuellement dans les brochures de la Saskatchewan.

Ainsi, de 1946 à 1973, les primes écrites au niveau du régime obligatoire totalisaient $287 millions auxquels s'ajoutent $17 millions de revenus des placements, c'est-à-dire que ces intérêts sur les placements représentent près de 6 p.c. des revenus provenant des primes écrites. Et surtout à cause de la hausse des intérêts depuis quelques années, on constate que les intérêts sur les placements représentent, de

1970 à 1973, plus de 8 p.c. des primes écrites.

D'ailleurs, nous avons pu, au cours d'une tournée qui nous a permis de rencontrer, en avril 1974, les principaux administrateurs des trois sociétés gouvernementales de l'Ouest, nous rendre compte que depuis un an surtout les revenus provenant des placements sont, comme tous le savent, de plus en plus importants.

Personnellement, ce n'est pas dans le mémoire, mais je trouve qu'il serait opportun que cette commission-ci, vu l'importance du sujet et tout ce qui s'est dit sur le système gouvernemental, si elle ne se fie pas à un mémoire de la CSN ou à ce que d'autres ont pu en dire, prenne une semaine et aille voir là-bas comment cela se passe.

Enfin, selon ce même tableau...

LE PRESIDENT (M.Harvey, Charlesbourg): On retient la suggestion.

M. PEPIN: Ce n'est pas pour retarder.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Eh oui! Voilà.

M. L'HEUREUX: Mais ce serait important. Nous sommes prêts à collaborer à l'organisation. Nous connaissons très bien tous les gens.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Vous avez les budgets aussi?

M. L'HEUREUX: Peut-être que...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): AutoBAC nous commanditera peut-être! Allez-y !

M. L'HEUREUX: Cela dépend de votre augmentation prochaine!

LE PRESIDENT (M. Harvey Charlesbourg): Trêve de plaisanteries!

M. L'HEUREUX: Enfin, selon ce même tableau, on constate que le pourcentage des coûts d'exploitation est évidemment modifié selon que l'on tient compte ou non des revenus provenant des placements.

La commission Gauvin et les deux firmes qu'elle a engagées pour scruter la comptabilité des sociétés gouvernementales de la Saskatchewan et du Manitoba ont-elles tenu compte de ces revenus pour en arriver à un pourcentage de frais administratifs d'environ 17 p.c. par rapport aux primes écrites?

Ainsi que le démontre le tableau cité, le pourcentage de la prime consacré à la compensation aux victimes d'accidents est nettement augmenté par l'apport des intérêts sur les placements, lesquels contribuent directement, d'autre part, à réduire les dépenses administratives, donc, évidemment, les primes versées par les automobilistes.

Si la société gouvernementale d'assurance de la Saskatchewan a pu consacrer durant 28 ans une moyenne de 85.29 p.c. des primes versées par les assurés sous forme de compensation aux victimes d'accidents, c'est évidemment parce que cette société gouvernementale tient compte non seulement des primes, mais des intérêts sur les placements.

Et c'est justement l'une des caractéristiques de ces entreprises qui utilisent tous les revenus en fonction des besoins collectifs et individuels, plutôt que de chercher à maximiser les profits en faveur d'un groupe de parasites-actionnaires qui détiennent légalement le privilège de s'enrichir aux dépens des automobilistes et des assurés.

Nous avons, au Québec, versé plus de $4.36 milliards en primes aux compagnies d'assurance-automobile depuis 1946. A 6 p.c, comme cela a été le cas en Saskatchewan, il s'agit donc de plus de $260 millions qui auraient contribué soit à réduire les primes et/ou à améliorer la compensation. Puisque, depuis cinq ans, le pourcentage provenant des placements dépasse 8 p.c. du revenu provenant des primes, il s'agirait de $160 millions depuis 1970 et cette année, à partir de l'estimation du rapport Gauvin, de $36 millions.

Comment les compagnies d'assurance et la commission Gauvin peuvent-elles analyser l'assurance-automobile comme si ce facteur n'avait pas d'importance sur la couverture, la compensation et le niveau des primes? Revenons au tableau cité. Si la Saskatchewan n'avait pas incorporé à ses revenus les intérêts sur les placements, elle n'aurait disposé, pour s'administrer, que de 14.75 p.c. des primes écrites.

Or, nous savons qu'environ 17 p.c. des primes sont requis par cette société gouvernementales pour s'administrer. Si la société gouvernementale avait décidé de ne pas tenir compte des intérêts sur les placements, elle aurait eu à augmenter les primes de près de 4 p.c.

Il est donc évident que, contrairement à ce qu'affirme le rapport Gauvin, les revenus provenant des intérêts sur les placements sont un facteur important dans l'analyse des coûts et dans toute comparaison entre les compagnies d'assurance capitalistes et une société publique au service de la collectivité, particulièrement si l'on compare l'administration de la Saskatchewan ou du Manitoba aux compagnies d'assurance du Québec.

La commission Gauvin n'aurait pas dû se contenter, dans ses hypothèses de répartition des coûts, d'utiliser le taux officiellement réclamé par les compagnies d'assurance, soit 2.5 p.c. des primes. Surtout qu'elle reconnaît que le taux réel a été, en 1970, de 4.2 p.c. des primes. Il aurait été nécessaire que la commission estime et utilise le taux de profit réel.

Si la commission Gauvin a confirmé que les frais d'administration des compagnies d'assurance au Québec sont au moins de 40.8 p.c, tandis que ceux des sociétés gouvernementales de la Saskatchewan et du Manitoba sont de 17.9 p.c. et de 17.1 p.c, elle n'a pas chiffré ce gaspillage de nos primes par les compagnies d'assurance.

On en arrive aux chiffres de la page frontispice.

Combien nous coûte, en pure perte, le gaspillage de nos primes sous le régime actuel de l'entreprise privée depuis 1946, depuis 1970 et en 1974/75 pour chaque semaine de retard?

La société gouvernementale de la Saskatchewan existe depuis 1946. Elle a réussi à administrer son régime d'assurance-automobile avec (selon ses rapports, 16.52 p.c. de ses revenus) 17.9 p.c. des primes écrites, selon le rapport Gauvin. Le Manitoba, selon le même rapport, s'administre avec 17.1 p.c. des primes. Les compagnies d'assurance du Québec exigent, selon le rapport Gauvin, 40.8 p.c. de nos primes pour s'administrer, sans compter les intérêts sur les placements et les années où le profit des compagnies réalisé à même les primes dépasse 2.5 p.c, comme en 1970.

Les compagnies d'assurance du Québec exigent donc, sous le régime actuel, 23.7 p.c. de plus, à même les primes que nous versons, que la société gouvernementale du Manitoba et 22.9 p.c. de plus que celle de la Saskatchewan.

Dans sa conclusion, la commission utilise 41 p.c. dans le cas des compagnies d'assurance du Québec et 17 p.c. dans le cas des sociétés gouvernementales.

Il s'agit donc d'un minimum de 24 p.c. que les automobilistes versent en trop à même les primes payées annuellement. Cela signifie: — de 1946 à 1974, plus de $1 milliard payé en trop, puisque les automobilistes québécois ont versé plus de $4.3 milliards en primes aux compagnies. C'est ce que nous avons, à cause du maintien des compagnies d'assurance et du régime actuel, payé en pure perte pour engraisser tous les parasites qui vivent grassement aux dépens des primes des automobilistes.

Si on ajoute les intérêts sur les placements, cela ferait $1,300,000,000.

Il est important de noter ici qu'il ne s'agit pas de taux d'accidents, quels que soient nos championnats de ce point de vue-là; il s'agit purement de frais d'administration.

Depuis 1970, $460 millions. Depuis le lancement de la campagne de la CSN pour l'élimination des compagnies d'assurance-automobile, c'est-à-dire depuis 1970, les automobilistes du Québec ont remis près de $2 milliards sous forme de primes aux compagnies d'assurance. Si nous ajoutons les intérêts sur les placements, il s'agit d'un gaspillage, depuis cinq ans, de plus de $600 millions.

En 1974, plus de $140 millions de trop en tenant compte des intérêts sur les placements. En 1975, il s'agira peut-être de $160 millions.

Chaque semaine de retard coûte plus de $2,600,000 aux automobilistes québécois en pur gaspillage de leurs primes parce que nos gouvernements veulent protéger à tout prix l'entreprise privée.

L'urgence d'une réforme totale est donc impérieuse, dictée par la réalité. Mais la lenteur du comité d'étude qui a mis trois ans à réaliser ce qui devait durer un an et l'absence de recommandation de la part du gouvernement cinq mois après la remise de l'étude démontrent, du moins jusqu'à maintenant, l'influence du "lobby" de l'assurance, malgré le dossier accablant contre les compagnies d'assurance.

D'ailleurs, comme nous l'avons déclaré dans notre mémoire au comité Gauvin — annexe 1, nous en avons des copies, s'il y en a qui en veulent — le ministre responsable, M. William Tetley, a fait preuve à plusieurs reprises de préjugés favorables au monopole des compagnies d'assurance en émettant des déclarations démontrant qu'il s'alimentait à même la propagande des compagnies d'assurance qu'il reprenait à son compte. Notamment celle du 22 décembre 1971.

Quand on sait que le ministre devra être l'un des principaux conseillers du gouvernement à la suite du rapport Gauvin et que l'une de ses déclarations a été émise pendant les travaux du comité, avant même que celui-ci ne fasse rapport, il n'est pas surprenant que nous nous retrouvions aujourd'hui sans recommandation gouvernementale.

Le 26 juillet 1972, dans le Globe and Mail, M. Tetley aurait déclaré "qu'il n'est pas convaincu que la province pourrait administrer l'assurance-automobile avec plus d'efficacité que les compagnies d'assurance". Mais le comité Gauvin croit qu'une société gouvernementale pourrait s'administrer avec 17 p.c. de nos primes.

En résumé, l'essentiel est...

M. TETLEY: Gauvin aussi a dit que l'Etat peut le faire, avec une épargne du même ordre. En tout cas, vous allez me donner une période de réplique égale à la vôtre, c'est-à-dire à peu près quatre heures.

M. LEGER: Oui.

M. L'HEUREUX: On vous lit avec intérêt, on vous écoutera aussi avec intérêt.

M. TETLEY: D'accord.

M. L'HEUREUX: Alors, l'essentiel...

M. TETLEY: Mais il y a une contradiction flagrante. Votre partie ou une partie quelconque...

M. L'HEUREUX: Nous n'avons... M. LEGER: M. le Président...

M. TETLEY: Votre document insiste pour que je prenne position ici, à la page 26, et, à la page 27, vous vous opposez à la prise de position. Que voulez-vous?

M. L'HEUREUX: En bon parlementaire britannique que je pense que vous êtes, quant à l'esprit, disons, vous devez savoir qu'il est anormal qu'un ministre commente les conclusions possibles d'un comité d'étude relevant de sa juridiction avant même que le comité n'ait

émis son rapport. C'est cela qui nous avait un peu provoqués.

M. TETLEY: Pas du tout. Vous demandez, ici à la page 26, que je prenne position, que le gouvernement prenne position et vous protestez parce que j'ai pris position.

M. BURNS: La période des questions est-elle commencée, M. le Président?

M. TETLEY: Vous êtes dans les patates, mais je vais répondre après.

M. BURNS: Bon!

M. L'HEUREUX: Je voudrais quand même corriger, M. le ministre. La distinction est la suivante: c'est que pendant qu'un comité gouvernemental sous votre juridiction étudiait l'assurance-automobile, vous avez émis un point de vue personnel qui pouvait biaiser sûrement, en tout cas qui était contraire à l'une des conclusions possibles du comité, parce que dans le mandat du comité, durant l'étude, c'est le reproche qu'on vous fait ici... Je pense qu'il est légitime...

M. TETLEY: Vous avez parfaitement le droit...

M. L'HEUREUX: Dans l'autre cas, l'autre reproche également, très rapidement donc, est que quelques mois à peine après le début de l'étude, vous vous êtes prononcé pour les compagnies d'assurance, au fond...

M. TETLEY: Je ne me suis pas prononcé, j'ai dit que je ne suis pas convaincu que l'Etat est plus efficace que... J'ai déjà dit que c'était moins efficace.

M. ROY: M. le Président, il est normal que nous...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Voulez-vous laisser M. L'Heureux continuer, s'il vous plaît?

M. ROY: ... permettions aux gens de la CSN de s'exprimer. Si le ministre a des commentaires à faire, il aura tout le temps après, on va lui donner tout le temps voulu.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Alors, vous avez bien entendu.

M. BURNS: Même s'il n'est pas habitué à se faire critiquer par les gens qui viennent ici, depuis le début, je pense que tout le monde lui a passé la main dans le dos, qu'il prenne cela tranquillement.

M. TETLEY: S'il y a un ministre qui a accepté des critiques des deux côtés, c'est moi. J'ai même accepté certains...

M. BURNS: Vous n'en avez pas l'air, parce que vous interrompez M. L'Heureux à tout bout de champ.

M. TETLEY: Je l'accepte de bon gré. Mais décidez si vous voulez que je me prononce ou non avant la fin.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Alors, nous continuons.

M. TETLEY: Vous n'aimez pas que je ne me prononce pas dans votre sens, c'est ce que vous voulez dire.

M. PEPIN (Marcel): On aimerait mieux dans notre sens.

M. TETLEY: D'accord.

M. PEPIN (Marcel): Autrement, on ne serait pas ici.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Bon, alors on continue. M. l'Heureux.

M. L'HEUREUX: Alors, l'essentiel c'est de constater: 1 ) que près de 24 p.c. des primes que nous versons servent à des frais administratifs et à des profits qui ont été supprimés par l'élimination au moins partielle du monopole des compagnies d'assurance il y a déjà 28 ans en Saskatchewan et ce, sans tenir compte de l'intérêt sur les placements; 2 ) que ce gaspillage de nos primes provient de la complicité de gouvernements qui ont généralement favorisé les privilèges de l'entreprise privée au détriment des intérêts collectifs et individuels des Québécois; 3 ) que les intérêts sur les placements représentent de 6 p.c. à, depuis quelques années, plus de 8 p.c. des primes souscrites d'une société gouvernementale comme celle de la Saskatchewan; 4 ) que ces revenus sont empochés à titre de profits par les compagnies d'assurance plutôt que de servir, comme en Colombie-Britannique, à réduire les primes et à améliorer la couverture.

Le refus du comité Gauvin de tenir compte des intérêts sur les placements modifie sensiblement les hypothèses qu'il émet pour justifier sa recommandation en faveur du maintien des compagnies d'assurance. Nous reviendrons sur cette question.

Cependant, il y a un aspect fondamental du rapport du comité Gauvin: dès qu'il a constaté que l'entreprise privée coûtait 24 p.c. de plus d'administration qu'une société gouvernementale, il devait, s'il voulait maintenir les compagnies d'assurance, imaginer des solutions qui réduiraient cet écart.

Il est prisonnier de ce fait indéniable: Les sociétés gouvernementales de l'Ouest n'exigent pour les frais d'administration que 17 p.c. des primes — les compagnies d'assurance du Québec en exigent au moins 41 p.c. — sans compter les intérêts sur les placements.

Le mythe de l'efficacité des compagnies d'assurance entretenu à coups de millions de publicité à nos frais, de contributions aux caisses électorales, de contrats, d'honoraires et d'emplois parasitaires à tant de professionnels, le tout aux frais des automobilistes, au rythme d'une subvention parfaitement inutile qui atteint maintenant plus de $135 millions par année, ce mythe que nous dénonçons à partir des faits, depuis cinq ans, vient de sauter.

Il reste à savoir ce que fera le gouvernement pour sauver les compagnies d'assurance, le dogme de l'entreprise privée, même si la démonstration de sa coûteuse inefficacité est établie depuis longtemps. Elle nous a coûté plus de $1,3 milliard en pure perte du point de vue des assurés depuis 1946. On serait impatient à moins.

La rentabilité de l'assurance automobile. Le comité Gauvin a, par une méthode particulière, analysé le taux de rendement sur le capital de l'assurance-automobile au Québec. Il affirme que le taux moyen de profit sur le capital investi aurait été de 15.7 p.c. de 1965 à 1971 et estime qu'il s'agit là d'un taux raisonnable. Ces 15.7 p.c. proviennent de deux sources principales; une moyenne de 4.8 p.c. des primes et 10.9 p.c. du placement de celles-ci.

En 1969, les experts de la commission royale Wooton avaient estimé le taux de rendement des compagnies d'assurance feu et accident à 34 p.c. Il estimait que l'allocation de 2.5 p.c. des primes en profits produisait de 10 p.c. à 11 p.c. de taux de rendement pour les actionnaires et que les intérêts sur les placements représentaient un taux de profit de 23.8 p.c.

Quel que soit le taux de rendement réel, nous croyons que la question importante à se poser est la suivante: Pourquoi les Québécois seraient-ils obligés, comme c'est le cas actuellement et comme le voudrait le comité Gauvin, de contribuer aux profits d'actionnaires qui s'approprient légalement, grâce au gouvernement, le contrôle de nos primes et une part importante des profits qui en découlent? Ces intermédiaires sont-ils nécessaires? Nous rendent-ils un service qui correspond à un besoin réel?

Le comité Gauvin définit taux de rendement raisonnable comme étant celui qui permet à une industrie d'attirer les capitaux nécessaires à sa survie et à sa saine croissance. Mais, puisqu'il est particulièrement question d'assurances, n'est-il pas ridicule de parler des conditions qui permettent d'attirer les capitaux nécessaires à sa survie et à sa saine croissance?

D'où vient une partie importante du capital sinon des poches des travailleurs salariés par le truchement de leurs primes d'assurance et leurs contributions aux caisses de retraite.

Pour quelle raison abandonnerions-nous l'administration de notre épargne collective à quelques centaines de compagnies du Québec, du Canada, de New York ou de Londres?

N'est-il pas insensé de remettre des milliards de dollars en primes de toutes sortes à des compagnies contrôlées par des actionnaires qui y ont investi, comparativement à nos contributions collectives, des miettes?

Le capital d'une compagnie d'assurance est, en pratique, une fiction astucieuse qui permet tout simplement à ceux qui contrôlent notre économie de s'approprier l'épargne des travailleurs.

En 1972, dans le cas de l'assurance-automobile, nous avons remis 38 p.c. ($145 millions) de nos primes à des comapgnies canadiennes; 37 p.c. ($141 millions) à des compagnies étrangères; 23 p.c. ($87 millions) à des compagnies québécoises. 75 des 87 compagnies étrangères ont leur bureau principal à l'extérieur du Québec; 43 des 59 compagnies canadiennes ont leur bureau à l'extérieur du Québec (Rapport Gauvin en page 152).

En assurances générales seulement, les Québécois ont remis entre les mains des compagnies, en une seule année, en 1972, $700 millions de nos primes dont $379 millions pour l'assurance-automobile.

Même s'il y a un investissement de la part de ceux qui contrôlent ces compagnies, n'est-il pas insignifiant, parfaitement inutile, par rapport à l'immense pouvoir et aux profits que nous leur "confions" annuellement à même nos épargnes, par suite de la décision de nos gouvernements?

Nous constatons donc : 1-que tout le capital réel et nécessaire est fourni par les assurés. Nous n'avons pas besoin de celui des actionnaires de compagnies; 2-qu'il est contre l'intérêt public, celui des travailleurs, des assurés et de l'économie du Québec, de confier la gestion de cet immense réservoir d'épargne à des compagnies privées, qu'elles soient québécoises, canadiennes ou étrangères, dont le souci principal est la maximisation des profits et du pouvoir de la classe dominante, de ses intérêts avant ceux du Québec; 3-que le prélèvement de profits à même nos primes ou leur placement à des fins autres que l'amélioration du service pour lesquels nous versons ces primes constitue un gaspillage intolérable de notre argent, un tribut inutile qui n'existe que par la volonté de législateurs qui favorisent les intérêts d'une classe minoritaire et d'un système économique contraire aux intérêts de la majorité.

Le comité Gauvin n'a pas tenu compte de ce facteur, comme d'ailleurs de celui des profits techniques officiels de 2.5 p.c. que réclament les compagnies, profits qui peuvent aller jusqu'à 4.2 p.c, en 1970, des primes perçues, comme l'indique le comité, en page 217, dans son estimation des coûts du régime qu'il préconise.

Certes, une société gouvernementale aurait à prévoir dans son budget des montants pour financer ces projets. Mais il est évident que ceux-ci ne seraient pas maximisés et surtout que ces sommes seraient utilisées non pas pour enrichir une poignée d'actionnaires, mais pour améliorer l'organisation de la société gouvernementale d'assurances et reviendraient donc sous forme de services à l'ensemble des assurés et

d'actifs qui demeureraient la propriété de l'ensemble des Québécois. Nous constatons que 23 p.c. à peine du volume des primes sont confiés à des entreprises à charte québécoise, et ce après des dizaines d'années. Nous ne sommes pas d'accord pour remettre l'administration de nos épargnes à des groupes privés, fussent-ils 100 p.c. québécois.

Cependant, puisque nous retrouvons à l'intérieur du groupe québécois de nombreux éléments nationalistes qui préconisent le développement d'institutions financières québécoises pour les raisons habituellement citées, l'achat chez nous, il est évident, après 25 ans et plus d'efforts, qu'ils ne contrôlent même pas le quart du volume de l'assurance-automobile, qu'ils ne le contrôleront jamais; que, de ce point de vue, si nous désirons assurer intégralement le contrôle et l'administration de nos institutions financières par des Québécois, la seule avenue est collective et publique !

A cet égard, durant notre visite de la Colombie-Britannique et des rencontres avec d'ex-dirigeants de compagnies d'assurance et de coopératives qui étaient jusqu'à récemment hostiles en principe à l'étatisation, ils nous expliquaient, avec fierté, comment les primes des citoyens de cette province servent et sont administrées au profit et par des citoyens de cette province plutôt que par des bureaux-chefs à Toronto, à New York ou ailleurs.

Et cet ex-dirigeant de coopérative qui nous expliquait comment il avait sans doute oublié les principes qu'il défendait à l'origine pour défendre tout simplement l'existence de sa coopérative, de son organisation, alors que les objectifs de l'Etat en occupant ce secteur étaient justement ceux qui avaient amené les fondateurs de la coopérative à la fonder dans le temps.

Ceux qui désirent que nos institutions financières soient vraiment et intégralement contrôlées par et pour les Québécois, logiquement, doivent appuyer notre thèse. 5) Comment les sociétés gouvernementales ont-elles trouvé et remboursé le capital requis pour leur fonctionnement? Prenons le cas le plus récent, celui de la Insurance Corporation of British Columbia. Le comité Gauvin a ignoré la Colombie-Britannique. A ce sujet-là, pourquoi n'a-t-il pas profité de son étude pour analyser la création de cette entreprise qui était un des événements les plus importants en assurance, en Occident, en 1974? Sait-il quel fut le capital requis pour mettre sur pied l'entreprise d'assurance-automobile la plus importante au pays et peut-être en Occident? Pour permettre d'en démontrer l'importance, rappelons ces faits: a) 1,400,000 véhicules; b) 1,500 employés engagés en l'espace d'un an; c) 19 centres de réclamation; d) un siège social occupant 100,000 pieds carrés; e) l'un des ordinateurs les plus importants au Canada; f) prévoit des revenus de $207 millions au 28 février 1975; g) concurrence les compagnies dans les autres secteurs de l'assurance générale: vol, feu, im- meubles publics et industriels, etc. Elle deviendra, dès cette année, la principale entreprise dans ce secteur; h) prévoit 350,000 réclamations dès la première année. Dès son premier mois d'existence, elle en a réglé 24,000.

Le tout a été organisé à compter de l'adoption d'une loi, le 1er avril 1973, en moins d'un an, puisque, dès février 1974, la société gouvernementale avait déjà reçu $100 millions en primes et assumait exclusivement la responsabilité pour l'assurance-automobile, le 1er mars 1974. Tout cela en onze mois. C'est là l'exemple de ce qui peut être réalisé quand un gouvernement veut agir. Le gouvernement de la Colombie-Britannique a prêté, durant ces onze mois, $18 millions à son entreprise. Dès la première journée où la Insurance Corporation of British Columbia a commencé à assumer la responsabilité de l'assurance-automobile, soit le 1er mars 1974, elle avait remboursé les $18 millions au gouvernement, plus l'intérêt aux taux bancaires qui prévalaient à ce moment-là.

En janvier et février 1974, la ICBC disposait déjà de près de $100 millions en primes et ses placements à court terme (30 et 120 jours) lui rapportaient $422,000 en intérêts sur des placements à un taux moyen de 9 p.c. Citons le ministre Strackan, président de la Société d'assurance de la Colombie-Britannique: "Le plan d'assurance-automobile n'est pas basé sur le profit; il s'agit d'un régime qui s'autofinance par les primes des automobilistes. Le montant des primes est déterminé sans prévision pour les profits et tous les revenus sont utilisés pour rencontrer les réclamations, les frais administratifs et prévoir des réserves prudentes. "Quelques que soient les primes que paieront les automobilistes, la portion du dollar-prime qui leur reviendra sous forme de compensation sera de beaucoup plus élevée que par le passé". Source: premier rapport annuel de l'ICBC, 1974.

M. TETLEY: Permettez-moi? M. L'HEUREUX: Oui, oui.

M. TETLEY: Je viens d'être avisé que les chiffres les plus récents indiquent une perte de $11 millions. Ce qu'il y a de plus récent en Colombie-Britannique. Ma question est: Quels sont les chiffres? Je veux, durant la période du déjeuner, vérifier, si possible, les chiffres.

M. PEPIN: Si c'est possible, on le fera.

M. L'HEUREUX: Je pense que j'ai le rapport ici.

M. TETLEY: Le rapport annuel se terminant le 31 mars.

M. L'HEUREUX: Non, ce doit être le 28 février.

M. TETLEY: A peu près.

M. L'HEUREUX: L'ICBC, à ce moment-là, n'était pas responsable de l'assurance-automobile. C'est pour la période initiale d'organisation du projet. Evidemment, on n'est pas rendu encore à un an de fonctionnement. Nous ne recevrons le premier rapport formel, quant au fonctionnement de l'entreprise, que le 1er mars 1975 ou après le 1er mars prochain.

M. TETLEY: Parfait.

M. L'HEUREUX: Je vous ferai parvenir un exemplaire du rapport.

M. TETLEY: J'ai le rapport, mais j'ai des chiffres plus récents jusqu'à décembre ou novembre de cette année.

M. L'HEUREUX: Ah! bon!

M. TETLEY: Je vais parler de cela cet après-midi...

M. L'HEUREUX: D'accord.

Comment un gouvernement peut-il justifier ces privilèges qu'il accorde aux compagnies et à leurs actionnaires? Nous n'avons aucunement besoin de leur pseudo "capital requis pour la croissance de l'entreprise". Au contraire, c'est nous qui leur fournissons des milliards, à chaque année, par nos primes. Pourquoi nous obliger pour l'éternité à leur verser un profit à même nos primes? Pourquoi leur abandonner, leur "donner" des intérêts sur les placements de nos primes? Pourquoi leur abandonner la gestion de notre épargne collective, l'influence et le pouvoir qui découlent de l'administration de ces milliards qui sont notre "capital", mais qui devient en fait celui du capitalisme et lui permet de maintenir sa domination sur l'économie, les gouvernements, et tout cela avec notre argent? Tout le monde sait combien ces institutions financières, ces trusts puissants de l'argent des travailleurs exercent une influence négative, constante et rétrograde sur l'évolution de la sécurité sociale, l'ensemble des lois et favorisent systématiquement les privilèges dont bénéficie cette classe minoritaire.

Il est plus que temps que cesse cette comédie et que nos primes servent à 100 p.c. aux assurés et aux Québécois. C'est ce que trois provinces ont compris — particulièrement la Colombie-Britannique — sans compter tous les avantages pour l'Etat québécois et son avenir économique de contrôler directement notre épargne collective et de l'utiliser exclusivement en fonction des besoins et des intérêts des Québécois.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Si vous n'avez pas d'objection je pense qu'on pourrait peut-être considérer qu'il est une heure. Cela nous permettrait de continuer avec une nouvelle philosophie et qui est votre philosophie de pensée en ce qui concerne le principe de l'élimination de la faute. Si vous le voulez, on va ajourner sine die puisqu'il nous faudra, cet après-midi, un ordre de la Chambre qui devrait être donné, normalement, nous permettant de siéger vers seize heures trente.

Un malin, tout à l'heure, a suggéré que vous continuiez à lire le mémoire et qu'on laisse filer les bobines, mais je n'en ai pas tenu compte. Soyez sûrs que cet après-midi, vous pourrez continuer.

M. TETLEY: C'est une très mauvaise langue.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): C'est une très mauvaise suggestion, d'ailleurs, et je n'ai pas donné la source d'information, qui est un très bon journaliste.

M. TETLEY: Je crois que c'est votre obligation de le défendre...

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): Non, mais...

Alors, nous revenons cet après-midi.

M. TETLEY: Je crois que c'était l'Opposition officielle de Sa Majesté qui a fait cette mauvaise suggestion.

M. LEGER: M. le Président, ce n'est certainement pas vers la gauche que vous écoutez parce que vous êtes plutôt sourd du côté gauche.

Je voulais simplement dire, M. le Président, que nous sommes d'accord pour réentendre la CSN cet après-midi, puisque c'est la première fois que les chiffres du rapport Gauvin sont contestés dans l'autre sens, c'est-à-dire dans le sens qu'ils étaient trop conservateurs. On pourrait en parler cet après-midi. C'est très intéressant de voir que c'est contesté dans l'autre sens. C'est très intéressant.

LE PRESIDENT (M. Harvey, Charlesbourg): La commission ajourne ses travaux sine die.

M. TETLEY: Merci. (Fin de la séance à 12 h 55)

Reprise de la séance à 16 h 41

M. LAFRANCE (président de la commission permanente des institutions financières, compagnies et coopératives): A l'ordre, messieurs!

Nous recommençons l'étude — si on peut appeler cela une étude — du mémoire présenté par la CSN. Avant d'aller plus loin, on pourrait peut-être suggérer que votre mémoire, qui est assez volumineux, soit publié, si les membres de la commission sont d'accord, en annexe au journal des Débats, quitte à M. L'Heureux ou aux représentants de la CSN d'en faire un résumé pendant quelque temps; par la suite, on pourrait passer à la période des questions, si vous n'aviez pas d'objection, (voir annexe).

M. PEPIN (Marcel): Oui. Mais suite à une demande d'un député membre de la commission, je demanderais quand même à notre ami L'Heureux de lire la page 43, ainsi que les pages 9 et suivantes. Cependant, nous sommes prêts à accepter votre suggestion, M. le Président. Donc, cela sera donc intégralement au journal des Débats...

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Exact.

M. PEPIN (Marcel): M. L'Heureux, après la lecture de la page 43, fera un résumé d'une quinzaine de minutes du reste.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord.

M. PEPIN (Marcel): Après cela, si vous avez des questions à nous poser, peut-être que vous en avez, peut-être que vous n'en avez pas. Si vous en avez, en tout cas... Je ne sais pas si le ministre Tetley en a; on ne sait jamais, avec lui, c'est imprévisible...

M. HARVEY (Charlesbourg): II est très curieux d'habitude.

M. PEPIN (Marcel): II est un peu imprévisible, alors...

M. TETLEY: Vous lisez trop les journaux, M. Pepin.

M. PEPIN (Marcel): Tout ce que j'ai à faire dans ma vie, c'est de faire cela. Je ne suis pas ministre. De toute façon, je pense que nous pourrons tenter de répondre à toutes vos interrogations. Si nous n'avons pas terminé ce soir, nous sommes disposés à revenir devant vous, soit ce soir, soit à un autre moment. Ce que nous souhaitons, et je vous le dis, c'est que la position gouvernementale soit connue le plus vite possible. Elle sera contre nous, contre notre thèse ou pour notre thèse ou entre les deux, cela ne me fait absolument rien. J'aimerais mieux que ce soit pour notre thèse, j'espère que vous me comprendrez aussi là-dessus, mais que cela soit connu très rapidement, parce que, quant à nous, il y a des dollars qui sont en cause, mais il y a aussi des gens très intéressés à cela.

Donc, M. le Président, nous acceptons votre suggestion et M. L'Heureux verra à faire la lecture des paragraphes que je vous ai mentionnés, à la demande expresse d'un des députés de votre commission.

M. HARVEY (Charlesbourg): Est-ce un avocat?

M. PEPIN (Marcel): Non. Si j'ai bien compris, c'est qu'il aurait aimé être avocat.

M. HARVEY (Charlesbourg): II n'est pas en droit de l'être. D'accord.

M. PEPIN (Marcel ): Nous acceptons, M. le Président, pour ne pas perdre de temps.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Merci. L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je veux simplement dire qu'à cause de la qualité de la recherche qu'il y a dans ce document, il est important qu'il soit inscrit intégralement au journal des Débats d'une part, pour que tous ceux qui n'ont pas l'occasion d'avoir le document en main puissent s'y référer, spécialement les conseillers du ministre, qui auraient la possibilité de l'étudier à fond.

Deuxièmement, je pense cependant que, en tout cas, de notre côté, nous serions heureux que M. L'Heureux ou M. Pepin, ou autre représentant, nous donne les recommandations les plus importantes du mémoire, non seulement un résumé des pages, mais je veux dire telle recommandation particulière pour telle ou telle raison. Cela résumerait la pensée qui est incluse dans tout le texte.

M. PEPIN (Marcel): Nous allons aussi essayer de nous rendre à votre désir, M. le député.

On peut demander immédiatement à André de commencer. Après cela, j'espère qu'on pourra filer d'une manière convenable.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): D'accord. M. PEPIN (Marcel): Merci.

M. L'HEUREUX: Je vais tenter de m'exécu-ter le plus rapidement possible, sans tout de même trop escamoter de mots. On était rendu, je pense, à la page 38. Il ne reste que 100 pages. Quant au principe de la compensation des victimes sans égard à la faute, je pense que le comité Gauvin a bien insisté là-dessus. On ne répétera peut-être pas toute l'argumentation là-dessus. Quant à nous, elle est essentielle. Elle a été démontrée depuis assez longtemps. Ses avantages sont évidents. Je sursaute, en passant, quand on voit, par exemple, les avocats — le Barreau — qui parlent du sens de la responsabili-

té qui serait émoussé par l'établissement d'un régime comme celui-là.

Je pense qu'il n'y a personne au Québec, même si notre taux d'accidents est très élevé, qui fasse exprès pour heurter les gens. Il n'y a personne qui fasse une telle chose. Il y a d'autres raisonnements, d'ailleurs, que vous trouverez dans le mémoire à ce sujet à savoir, par exemple, qu'il était relativement facile d'obtenir à des taux relativement bas, au niveau de la responsabilité civile, des couvertures assez adéquates. Ce n'est pas cela qui va empêcher les gens, je pense, de... Le principe de la compensation sans égard à la faute est essentiel.

Citons tout simplement, à la page 41, si vous avez le temps, vous allez voir encore une fois, comment la commission Wootton, en 1968, cela fait quand même six ans... si vous relisez et faites le parrallèle avec ce qu'a découvert le comité Gauvin, vous verrez combien la situation qui a été analysée en Colombie-Britannique correspondait à celle du Québec. Je vais en mentionner seulement deux ou trois: lo "Plus les blessures sont graves plus les délais de compensation sont considérables". N'est-ce pas exactement ce qu'a découvert le comité Gauvin? 2o "Plus la compensation est importante plus les délais mis à la verser le sont".

On penserait lire le comité Gauvin quand on lit cela. Pourtant, on parle de la situation qui prévalait en Colombie-Britannique il y a six ans, et ainsi de suite. Plus le montant de la compensation est considérable, plus les problèmes financiers sont considérables. Les cas où il y a recours en justice prennent beaucoup plus de temps. En Saskatchewan, grâce aux lois de la société gouvernementale, les cas de décès sont réglés entre six semaines et deux mois. Ce sont toutes des choses qui ont été vérifiées. Poursuivons, peut-être... On va arriver au Barreau. Sans être parfaites, d'après ce qu'on voit, les sociétés gouvernementales... On sait bien qu'au niveau de l'indemnisation, en passant, le comité Gauvin a commencé... Enfin, cela va venir tantôt.

Le Barreau, les avocats et l'assurance-automobile. On m'a demandé de lire cela intégralement. Je ne sais pas pour quelle raison, c'est un député qui a demandé cela.

M. BONNIER: Quand vous dites le Barreau, est-ce que cela veut dire que vous allez expliciter en même temps pourquoi vous appuyez le système de responsabilité sans égard à la faute?

M. L'HEUREUX: Non, c'est un commentaire plutôt général...

M. BONNIER: M. le Président, quant à moi, je suis d'accord pour que la CSN puisse peut-être aller plus vite, mais je ne voudrais quand même pas, à cause de ce principe, qu'on échappe votre raisonnement, parce que je trouve que c'est bon. Je ne dis pas que je le partage intégralement, mais je trouve que c'est important qu'on suive votre raisonnement. Ce matin, même si c'était lent, on a pu au moins voir votre raisonnement. Je voudrais simplement qu'on n'échappe pas des points.

M. PEPIN (Marcel): Si vous me permettez, là-dessus, il y aura lecture de ce paragraphe 9. Peut-être que tout le raisonnement n'est pas là-dedans. J'inviterai le député et les autres, si vous voulez voir toute la démarche, après cela, c'est une question de temps...

M. BONNIER: Dans les questions.

M. PEPIN (Marcel): ... à poser des questions et on va essayer de vous expliquer notre thèse. C'est que je comprends fort bien, et cela peut être malheureux, mais nous n'avons pas tout le temps voulu. Je reconnais que ce matin, nous avons eu quand même une chance de lire une bonne partie du mémoire, ce qui vous a permis de voir une certaine démarche intellectuelle de notre part. Que nous ayons tort ou raison, au moins, c'est ce que nous pensons. Nous ne voulons, nous non plus, escamoter aucune des parties. Tout, pour nous autres, est important et tout se tient. Si ce n'est pas assez complet, je vous inviterai à nous poser des questions et on va essayer, dans la mesure de nos moyens, de vous répondre le mieux possible.

M. BONNIER: Merci.

M. L'HEUREUX: Les sommes consacrées, en fait, à la compensation, selon le système qui existe présentement au Québec et comme celui qui existait en Colombie-Britannique, constituent, comme le dit le comité Gauvin et la commission Wootton, en réalité, un détournement — c'est Wootton qui a dit cela — de sommes qui pourraient, si on adoptait un système différent — la compensation sans égard à la faute — être utilisées en faveur des victimes des accidents.

Or, le Barreau s'est ému des conséquences de l'adoption d'une telle mesure qui aura sûrement des effets sur le volume d'affaires de plusieurs avocats. Effectivement, j'ai vérifié au Manitoba, particulièrement dans le cas des avocats qui font affaires avec les compagnies d'assurance. C'est dans ce cas qu'il y a eu une réduction apparemment importante du volume d'affaires. Cependant, dans le cas des citoyens, des assurés qui faisaient affaires avec des avocats, ce volume, apparemment, s'est assez maintenu et même la société gouvernementale trouve que peut-être même souvent — peut-être parce que c'est nouveau, le régime — les citoyens ne se rendent pas compte qu'il n'est pas nécessaire de faire appel aux services des avocats et le directeur du service juridique d'AutoBAC me disait: Ce qui est important, c'est qu'une société gouvernementale ait un service — ce que les avocats n'aimeraient peut-être pas beaucoup ici — juridique adéquat. Il n'est pas nécessaire, avec un système comme celui-là, d'avoir recours à un avocat, à moins qu'il y ait vraiment

mésentente entre la société gouvernementale et l'assuré.

L'introduction au Québec de la compensation sans égard à la faute est essentielle. Si cette mesure provoque du chômage ou une réduction des revenus des avocats, qui vivent à même les primes des automobilistes, il faudrait que le ministre du Travail prévoie, si nécessaire, un programme de recyclage à leur intention. Nous ne leur souhaitons pas, par exemple, parce que ce n'est pas gai.

C'est pourtant ce qu'on offre à des dizaines de milliers de travailleurs du Québec qui sont congédiés, mis à pied régulièrement dans tous les secteurs, en fait, chaque année, depuis longtemps.

Cependant, on peut penser, je pense bien, que les avocats disposent, en vertu de leur formation, de bien d'autres moyens de se débrouiller.

On ne saurait donc nous condamner, automobilistes, à les entretenir indéfiniment, surtout qu'il est évident que leur rôle, dans le régime actuel, est souvent inutile, coûteux pour les automobilistes par leurs primes, injuste pour les victimes qui en subissent les conséquences sous forme d'attente, d'angoisse et d'indemnités réduites par des honoraires d'avocats et de frais supplémentaires aux primes déjà versées et distribuées «rationnellement, ainsi que le démontre le comité Gauvin.

Les contribuables et les cours de justice y gagneraient à être soulagés de nombreux procès relatifs à l'assurance-automobile.

D'ailleurs, les avocats du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique vivent avec de tels régimes. Pourquoi pas ceux du Québec?

Les automobilistes du Québec souhaitent que le maximum de leurs primes leur reviennent sous forme de compensation. Nous voulons que celle-ci soit entière et rapide.

Nous n'excluons pas totalement le recours en justice. Il faut conserver des recours ultimes afin de prévenir les abus, les décisions arbitraires, et parce que tous les cas possibles ne peuvent être prévus.

D'ailleurs, il faut le répéter. Les sociétés gouvernementales de l'Ouest ne l'ont éliminé entièrement, et nous préconisons un régime semblable pour commencer au Québec.

En pratique, cependant, en Saskatchewan, un pourcentage infime de victimes fait appel aux cours de justice, soit moins de 1 p.c. Ici on donne des statistiques très récentes qu'on a reçues dans les semaines précédentes selon lesquelles, par exemple, sur 7,887 réclamations pour blessures corporelles en 1973, il n'y a eu, effectivement, que 136 causes qui sont allées en procès. En tout cas, vous les avez au bas de la page.

Je ne sais pas si je dois lire la description qu'en fait le... Bon, d'accord, mon président me demande de résumer.

Analyse détaillée des recommandations du comité Gauvin relatives à l'indemnisation des victimes d'accidents. Alors, l'indemnisation de toutes les victimes quelle que soit la cause du dommage", évidemment, nous sommes d'accord sur cela, Là, on a cité largement parce que je pense que c'est un aspect important de la conception de base du comité Gauvin à l'effet de compenser intégralement et sans recours toutes les victimes d'accidents. Quant aux critères qui sont mentionnés là, c'est là que nous sommes en désaccord. Si on a bien compris le rapport du comité, c'est qu'il établit des critères qui, quant à nous, seraient discriminatoires. A l'heure actuelle, ce sont les gens les plus fortunés, en général, ou qui avaient un revenu antérieur plus élevé, qui ont les moyens, qui vont chercher dans les cours de justice des sommes plus considérables. Or, si on adoptait le régime, si j'ai bien compris, tel que préconisé par le rapport Gauvin, au niveau du régime de base, cela voudrait dire, par exemple, que la veuve d'un médecin avec cinq enfants aurait la chance de recevoir probablement — j'ai évalué cela selon le rapport — $180 par semaine, tandis que la veuve d'un travailleur, avec cinq enfants, qui, à cause de ses revenus antérieurs aurait droit au minimum prévu par les barèmes, ne recevrait que $130. Cela voudrait dire que, collectivement, l'ensemble des travailleurs contribuerait à maintenir des inégalités et que cette recommandation du rapport Gauvin se trouverait, en fait, à institutionnaliser — j'ai peut-être mal compris M. Rankin — les inégalités qui existent dans le système actuel.

Les recherches faites par le comité Gauvin sur la forme d'indemnisation sont très intéressantes, mais notre point de vue pour l'ensemble est le suivant:

Ces hypothèses méritent d'être réalisées, méritent des recherches dans ce sens, méritent d'être poursuivies. Mais nous ne pouvons accepter qu'on se lance dans un régime qui n'a pas été expérimenté vraiment, qui est hypothétique à ce stade-ci et notre point de vue est très conservateur à cet égard. D'ailleurs le comité Gauvin nous a dit qu'il ne nous trouvait pas révolutionnaire dans notre mémoire, quand on l'a rencontré.

Nous disons: II y a une expérience réussie depuis 28 ans en Saskatchewan et qui a été tentée aussi dans deux autres provinces. Commençons par les meilleurs éléments de ces réformes quitte, par la suite, à explorer davantage le type de recherches et d'hypothèses très intéressantes que le comité Gauvin a pu apporter. Ceci est pour l'indemnisation. Il y a une caractéristique que l'on retrouve dans le comité Gauvin et dans divers autres mémoires: on insiste sur l'indemnisation pour blessures et cela, on sait que c'est fondamental, mais on néglige drôlement l'importance de l'assurance-collision. Or, quant à nous, dans le régime obligatoire, il doit y avoir également un régime d'assurance-collision adéquat. Dans ce cas, vous le savez tous, le comité Gauvin propose, au fond, pour les cinq prochaines années, un régime transitoire et propose l'équivalent du

statu quo en fait quant à l'assurance-collision. Or, quand il dit, à un certain moment: Comment peut-on assurer tout le patrimoine d'un individu? Je répondrai ceci: Le patrimoine de la moyenne des Québécois, ce n'est pas grand-chose. C'est une auto, cela peut être une maison. Il peut en être le propriétaire, mais souvent il est locataire. Il peut avoir un chalet. Il a des meubles, mais, pour la moyenne des Québécois dont je parle, c'est à peu près cela le patrimoine d'un Québécois. Or, toute chose assurable et nécessairement assurable... Si j'achète une maison, mon créancier va exiger que j'aie une assurance hypothécaire. Or, une auto même si elle coûtait $500 ou $1,000 ou $2,000, cela représente un investissement très considérable pour un travailleur. A l'heure actuelle, en fait, cela n'est pas comptabilisé dans les coûts de l'assurance-automobile. Il y a des pertes sûrement très considérables si on les chiffrait, justement à cause de la mauvaise protection qu'il y a à ce niveau. Il faut prévoir, je pense, dans un régime, un système d'assurance-collision adéquat et abordable.

En passant, souvent on dit que dans les régimes d'Etat, en Saskatchewan, par exemple, vous ne pouvez avoir que $35,000 et un montant déductible de $200 en vertu du régime obligatoire; au Manitoba, c'est $50,000 et $200; en Colombie-Britannique, c'est $50,000 et $250, vous achetez en fait une assurance supplémentaire. Mais ce dont il faut se rendre compte, on va le voir, c'est que cela coûte très peu, l'écart qu'il y a quand une personne a très peu de frais, contrairement à ce qui se passe ici au Québec présentement, elle a augmenté sa protection au niveau de la responsabilité civile à $200,000 et réduit son montant déductible à $100 ou $150, c'est vraiment abordable. Les écarts sont... on verra cela plus loin quand on va arriver au tableau.

Je pense que j'ai résumé l'essentiel de tout le raisonnement sur la collision. Le comité Gauvin confirme le dossier accablant des compagnies d'assurance. J'ai été très surpris, en ouvrant le débat, de voir qu'il y a encore des compagnies qui viennent affirmer, parler de la faillite des sociétés gouvernementales et qui semblent oublier le dossier accablant, la fameuse liberté de choix. J'ai été témoin de certaines interventions dans ce sens ici, la liberté de choix de l'assuré. Gauvin a démontré qu'il n'y a effectivement pas de liberté de choix. Quand on va s'assurer, quelle liberté a-t-on vraiment? L'aspect concurrentiel, la concurrence, le comité Gauvin, malgré tout, croit encore à la concurrence, il lance un appel à la concurrence mais démontre, comme Wooton l'avait démontré, qu'effectivement, dans 80 p.c. des cas, la différence entre le taux des primes est minime. Mais il n'y avait pas de concurrence. De même, en passant, que le rôle du Bureau d'assurance du Canada, qui a été dénoncé formellement — Gauvin ne l'a pas fait — comme étant un des instruments du monopole des compagnies, un des instruments de réglementation des taux d'assurance au pays et au Québec sûrement. Je pense que le dossier accablant, ce sont des extraits du rapport Gauvin, les délais, tout ça.

Il y a le contrôle des rapports de nos surintendants, par les compagnies d'assurance. Il y a un arrêté ministériel qui a été adopté, M. le ministre, en 1972, j'ai vérifié auprès de fonctionnaires du ministère pour savoir s'il y avait des fonctionnaires qui avaient été embauchés pour donner suite à tout cela parce qu'il y a de nouveaux pouvoirs, on l'avait demandé en 1970 et c'est excellent. Quand j'ai commencé cette étude en 1970, la première personne que je suis allée voir, ce fut le surintendant Camarai-re, je lui ai demandé — j'avais le livre vert — disons que tel type d'accident coûte en moyenne $736... Je lui disais: De quoi est composé ce montant de $736?

Il m'a répondu tout simplement ceci: Mon cher monsieur, je ne le sais pas. J'ai dit: Comment cela, vous ne le savez pas? Vous devez au moins conseiller le ministre, vous devez aider le gouvernement, même si vous avez le pouvoir de déterminer les taux. Il a dit: Ecoutez, nous sommes organisés comme de la broche à foin ici.

Imaginez si Marcel Pepin, aux prochaines négociations du front commun, arrivait avec les statistiques syndicales: Voici, M. Bourassa, MM. les ministres, d'après nos statistiques, une telle hausse de salaires, pour la fonction publique, serait justifiée. Le premier ministre dirait: Merci bien, M. Pepin, les statistiques préparées par les centrales syndicales sont sûrement très justes. Vous accorderiez, sans discussion, l'autorisation des nouvelles hausses sur cette base. C'est exactement ce qui se fait en assurances.

M. PEPIN (Marcel): S'ils peuvent le faire dans la fonction publique, moi je suis prêt.

M. L'HEUREUX: Ils ne le feront pas. On continue à citer de larges extraits du rapport Wootton et on montre toujours le parallèle. En 1965/66, en Colombie-Britannique, les taux d'assurance-automobile ont augmenté d'environ 50 p.c. : tollé dans le public. Le gouvernement créditiste d'alors, celui de M. Bennett, a institué une commission d'enquête et a fait un rapport en 1968. Encore, je le répète, c'est important de comparer, l'analyse qu'il en fait, la critique qu'il en fait, les conclusions auxquelles il arrive sont les mêmes.

Un autre aspect dont on ne parle pas souvent, j'en ai parlé un petit peu ce matin: les taux de l'assurance-automobile. Evidemment, on n'ose pas parler de cela, on se dit tout le temps: Cela ne se compare pas, les taux de l'assurance-automobile. Les situations varient, on pourrait arriver avec des taux de New York, de Chicago ou d'ailleurs, qui sont très élevés.

Il est important de se rendre compte du montant des primes avant et après la création des sociétés gouvernementales d'assurance. Deuxièmement, il faudrait savoir aussi, par rapport à des provinces où l'expérience pouvait

se comparer, comment ont évolué les prix dans des provinces comme la Saskatchewan ou le Manitoba, puisque c'est une expérience plus récente, et l'Alberta, où les compagnies d'assurance sont en place.

La CSN n'a jamais prétendu que les taux en Saskatchewan ou ailleurs pourraient être les mêmes au Québec, avec les sociétés gouvernementales, si on adoptait la formule qu'on préconise. On n'a jamais prétendu cela, on nous a fait dire cela.

Dans le cas du Manitoba et de l'Alberta — je suis à la page 71 — on a pris sept ans. Evidemment, on a pris une assurance aussi qu'on considère comme convenable, soit $200,000 et un montant déductible de $50. Ce qu'il est important d'avoir, c'est une longue période, parce qu'une assurance, il faut que tu échelonnes cela sur plusieurs années.

Entre 1967 et 1971, regardez l'évolution des taux avec les compagnies d'assurance, pour le cas d'un conducteur principal ou propriétaire âgé de plus de 25 ans, un conducteur occasionnel de sexe masculin âgé de moins de 25 ans et/ou le conducteur principal ou le propriétaire âgé de moins de 25 ans, de sexe masculin et marié. On se rend compte, en 1967, par exemple, que c'est $194 au Manitoba, $188 en Alberta, $158.80 au Manitoba, $158 en Alberta et ainsi de suite. Taux comparable légèrement supérieur au Manitoba.

Alors, arrive la création de la société gouvernementale, en 1972. Les taux passent de $224 au Manitoba à $151, tandis qu'en Alberta, dans une compagnie d'assurance, cela monte à $282. C'est quand même remarquable. Cela ne veut pas dire que cela a été pareil dans tous les cas, c'est sûr, mais c'est significatif, je pense. Quelqu'un qui commencerait à analyser et à comparer les taux à partir de 1972 avec ceux de l'Alberta, dirait sûrement que l'expérience des accidents n'est pas la même, car l'écart est tellement considérable. On a vu — et on le démontre dans plusieurs tableaux — que c'était effectivement non seulement comparable, mais que les taux étaient légèrement supérieurs au Manitoba. Par la suite, ils sont, comme vous le voyez, de 30 p.c. et de 35 p.c. inférieurs.

L'année suivante, en 1973, ils sont de $148. Cela vaut pour les autres catégories. On va poursuivre. Regardez, par exemple, le tableau dans le haut de la page 76. J'ai tiré cela du "minor rate" du Manitoba. Il faut savoir une chose. C'est un Québécois francophone de Montréal qui a préparé le manuel de taux du Manitoba. J'ai été surpris quand je me suis rendu là-bas. M. Dutton m'a dit : Ecoutez, sachez qu'il y a des Québécois compétents. Le directeur de l'équipe qui a mis notre système en vigueur, qui a réduit — vous savez qu'il y a des milliers de catégories de taux en assurance — cela en un petit nombre, est un Québécois. Regardez la simplicité.

M. HARVEY (Dubuc): Quelle page?

M. L'HEUREUX: Page 76.

M. HARVEY (Dubuc): Mais l'autre? L'affirmation que vous faites est incluse à la page 87...

M. L'HEUREUX: Là aussi.

M. HARVEY (Dubuc): ... c'est un Québécois qui a instauré le régime là-bas.

M. L'HEUREUX: Ah Bon!

M. HARVEY (Dubuc): C'est pour vous dire qu'on l'avait lu.

M. L'HEUREUX: Oui. On constate la simplicité et aussi, au point de vue des taux, si on analyse des taux, comment c'est facile, le coût abordable de l'amélioration de la couverture. Au niveau de quelqu'un qui s'en sert seulement pour la promenade, qui a un six cylindres, une Acadian ou une Malibu, c'est $82 et, s'il veut l'augmenter, réduire son déductible à $50, c'est $35, et pour augmenter la responsabilité civile à $100,000, c'est $4 de plus. Je vous ai donné tous les autres taux aussi, parce que cela peut intéresser les gens de voir ce qu'il en est.

J'arrive aux taux de 1974/75. On a parlé du déficit du Manitoba, en 1973. On en parle beaucoup. Il est important de savoir, à partir de cela, quels sont les taux en vigueur en 1974/75, parce qu'on ne veut pas parler de taux. Mais, pour le consommateur, c'est cela qui compte.

Un cultivateur avec une Impala 1972... Je n'ai pas couru le risque que vous ne le croyez pas, parce que c'est la CSN qui l'a dit. J'ai fait préparer par Autopac des spécimens qu'ils ont complétés eux-mêmes et qu'ils m'ont envoyés.

Une Impala 1972 -c'est en 1974/75, après la hausse des taux dénoncée par les compagnies d'assurance qui disaient qu'Autopac était une faillite à cause de cela — $200,000, au niveau de la responsabilité civile, un montant déductible de $100, la prime: $72. C'est avec le déficit de 1973 et avec la hausse de taux dénoncée par les compagnies d'assurance laissant entendre qu'il y avait une faillite au Manitoba.

Continuez la lecture. Vous allez voir une Ford F-100, un camion de ferme, $300,000 de responsabilité civile, un montant déductible de $50, la prime annuelle: $30.

Cela, je ne l'invente pas, vous avez le spécimen exactement, et ainsi de suite. Pour les motocyclettes, c'est la même chose. Une Mercury Marquis modèle 1974, $300,000, $50 déductibles, $185. Le tableau de la page 86, je pense, démontre aussi l'évolution des taux, et donc les conséquences pour plusieurs villes, pour l'ensemble du pays. Les réductions en 1971, on voit cela, sont d'environ 30 p.c. partout. L'écart entre les taux en vigueur au Manitoba, avec les sociétés gouvernementales et celles où les compagnies d'assurance sont en vigueur, a continué d'augmenter en 1973. C'est bien évident, c'est cela. — 30 p.c. en 1971 par rapport à Calgary, — 35 p.c. en 1973. C'est — 28 p.c. à Toronto, — 40 p.c. en 1973.

Vous avez le même type, en fait, de comparaisons aussi démontrant les taux en Saskatchewan par rapport aux autres provinces. Vous remarquerez une chose, en page 88, à la colonne du centre, de 1967 à 1971, à Winnipeg, au Manitoba, là où les taux, en fait, n'étaient pas comparables à ceux de la société gouvernementale de la Saskatchewan, c'était beaucoup plus élevé au Manitoba. A partir de 1972, ils commencent à être comparables à ceux de la société gouvernementale de la Saskatchewan.

L'autre aspect aussi, l'inflation, les coûts et la hausse des accidents, cela vaut dans toutes les provinces. Le taux du Québec est plus élevé qu'ailleurs. En page 90, quand on regarde la Saskatchewan, l'évolution des taux, on l'a prise sur une assez longue période. Comme stabilité de taux, il n'y a d'exemple nulle part, excepté là où on a une société gouvernementale. On donne même les taux au cas où il y en aurait qui viendraient nous parler de ce que sont les taux en 1974-75, vous les avez exactement. L'assurance falcutative de la SGIO, je ne sais pas si vous voulez qu'on en parle, on peut laisser faire, j'ai été pas mal long. On va laisser faire les taux. Le président me demande de passer outre. Je suis parfois discipliné.

Seulement un mot sur le cas des points de démérite. Le système des points de démérite là-bas est relié directement à la prime d'assurance, mais connu d'avance des assurés. A l'heure actuelle, c'est bien difficile de savoir quand tu tombes à zéro, un, deux, trois, quatre ou cinq. Tu le sais parce que le gars t'explique: Ecoute, tu as eu un accident, tu tombes paf. C'est pas mal arbitraire, je pense que c'est pas mal arbitraire dans le système actuel. Là-bas, il y a un code de démérite. Chacun sait que, s'il a trois points, il va payer le minimum, disons $3, en Saskatchewan. S'il tombe à cinq points, cela va être $20 l'année suivante. Cela s'accumule comme cela. Quand on parle du sens de la responsabilité, peut-être que si c'était comme cela: supposons que je sais que je suis rendu à dix points, "le cave", je suis déjà rendu à $50, quand je vais renouveler ma police, peut-être que cela va m'inciter. Je pense que la formule est excellente. C'est le genre de formule qu'on devrait adopter ici. Ce qui est intéressant aussi là-bas, au point de vue des droits des personnes, c'est qu'une personne ainsi pénalisée, qui conteste la pénalité, a un droit d'appel devant une commission. Elle envoie un chèque, je pense que c'est un mandat poste de $10, et elle peut contester. Tant que son appel n'a pas été ententu, elle reçoit un reçu qui l'autorise à conduire, évidemment, sans qu'elle ait à payer la pénalité. Il me semble que c'est un système plus juste, plus humain, et, dans ce sens, qui permet aux gens d'aller se défendre si, par hasard, la machine administrative a été responsable d'une injustice.

L'administration du régime. Je pense que c'est assez important, parce qu'on conteste. Le comité Gauvin a donné l'impression que, si toutes ses recommandations sont suivies, le régime qu'il préconise pourra s'administrer à 20 p.c. des primes. Alors, comme le même comité, comme on l'avait dit aussi, avait indiqué que le taux avec une société gouvernementale est de 17 p.c., tout le monde s'est imaginé des choses, même dans les journaux, on a lu des manchettes disant :

La différence entre un régime étatisé et celui préconisé par le comité Gauvin avec les compagnies d'assurances — pourvu que toutes ses recommandations soient suivies — ne serait que de 3 p.c. Je pense que c'est une impression qui est restée dans la tête de bien des gens. C'est absolument faux.

D'abord, dans les 20 p.c, il faut dire une chose, et le comité Gauvin ne l'a pas cachée. Elle est interprétée comme cela. Il y a bien des affaires qui ont été dites sur le comité Gauvin. Je suppose que les intéressés doivent avoir hâte de corriger certaines interprétations qui ont été faites, tant par nous que par d'autres. Par exemple, on sait que les 2.5 p.c. de bénéfices techniques, pris à même les primes, s'ajoutent à ces 20 p.c, d'après le propre calcul du comité Gauvin. C'est important, parce que là, on est rendu à 22.5 p.c Ce qui veut dire que, comme retour aux assurés sous forme de compensation, parce qu'il y a le coût d'administration, le pourcentage des primes souscrites qui est consacré à l'administration, je dis 22.5 p.c, cela signifie qu'on est rendu à 77.5 p.c de retour. Or, dans le tableau initial que je vous ai cité ce matin sur le bilan de 1946 à 1971 de la Saskatchewan, on a bien vu que le retour moyen pour cette période — 27 ans — au niveau du régime de base, est d'environ 85 p.c. L'écart n'est plus de 3 p.c. Il est déjà rendu à 7 p.c, 7 1/2 p.c, 7 3/4 p.c. Il est plus que cela.

Moi, je me pose des questions sur les hypothèses... L'hypothèse par exemple de la mise en marché. Si on regarde cela, la mise en marché, actuellement, coûterait apparemment, d'après le comité Gauvin, avec les compagnies d'assurance, 13.8 p.c, je pense. C'est cela, 13 p.c ou 14 p.c. Or, il propose que ce coût soit réduit à 6 p.c Mais dans la mise en marché... Il y a les coûts des courtiers. Or, le même comité Gauvin constate qu'environ 86 p.c. des affaires des polices d'assurance sont transigées par le truchement des courtiers. Il prévoit aussi que ce sont les courtiers qui vont continuer, après coup, à être les principaux intermédiaires. Mais en même temps aussi, il nous dit, dans les recommandations — je n'ai pas les numéros — que le courtier ne devrait pas recevoir un seul sou, ni directement, ni indirectement des compagnies — c'est à la page 380 — ce qui signifie que d'abord, il va y avoir un coût pour l'assuré qui n'est pas indiqué dans les 20 p.c. A ce moment, il faut réduire les 20 p.c. Si 86 p.c. des courtiers continuent à transiger et qu'ils vont être payés directement par l'assuré, au niveau de la mise en marché, il va rester... et que 5 p.c sont prévus pour les intermédiaires

par le comité Gauvin, cela laisse 1 p.c. pour la mise en marché. Je ne vois vraiment pas... Dans un contexte où on voudrait plus de concurrence, il faudrait donc plus de dépenses de mise en marché pour que les 164 compagnies se fassent connaître de l'ensemble des citoyens, si on veut de la véritable concurrence. Ce n'est sûrement pas en réduisant... Moi, je trouve que cela ne tient pas debout, tant qu'on n'aura pas d'explications là-dessus.

Il y a aussi le placement sur les primes, évidemment, l'intérêt, cela représente des sommes assez considérables. On a vu que c'était, en moyenne, environ 6 p.c. en Saskatchewan depuis 28 ans. Or, le comité Gauvin n'a pas tenu compte de cela. La marge n'est pas de 3 p.c; elle est peut-être, même si une partie de ses recommandations a été mise en vigueur, de 10 p.c, 12 p.c, 14 p.c, 15 p.c.

M. BONNIER: On va pouvoir en discuter tout à l'heure.

M. L'HEUREUX: Si vous voulez.

M. PEPIN (Marcel): Le temps, c'est un gros facteur.

M. L'HEUREUX: C'est la même chose dans tous les autres domaines. Par rapport à l'ensemble des recommandations, il faut que ce système marche. Le comité Gauvin veut faire confiance aux compagnies.

UNE VOIX: Evidemment.

M. L'HEUREUX: Pour que cela marche, il va falloir tout un service — c'est cela qu'il prévoit — de recherche. C'est le surintendant des assurances, je suppose, qui va faire cela. On va l'équiper d'un tas de recherchistes et après que l'année sera écoulée — cela va prendre quelques mois, cette affaire — il y a des recherchistes qui vont commencer à analyser les coûts, pour savoir si cela avait vraiment été 20 p.c Pourquoi cela a-t-il été 22 p.c? Pourquoi cela a-t-il été 23 p.c, 24 p.c? Les engueulades vont commencer à quel niveau? Au niveau d'une commission parlementaire? Cela ne tient pas debout, comme formule. Il n'a pas indiqué non plus le coût, en passant, des services de recherche assez extraordinaires qu'il va falloir, à partir de cela.

Revenons aux recommandations. Je veux seulement noter, si vous le permettez, la similitude, encore une fois, entre la conclusion ultime — par son contenu, par sa nature — du rapport de la commission Wootton en 1968, parce qu'on est en train de revivre au Québec ce que la Colombie-Britannique a vécu de 1966 à 1974. Il y a eu une commission d'enquête, parce que le public était mécontent, il payait trop cher et cela n'avait pas de sens. Le gouvernement, qui était farouchement pour l'entreprise privée — on ne s'en surprend pas, avec M. Bennett — a entrepris des réformes. C'est un ministre libéral qui le dit d'ailleurs, et on le cite: "Une commission royale d'enquête a été créée en Colombie-Britannique, il y a quelque temps, de 1966 à 1968, et de nouvelles lois ont été adoptées le 1er janvier 1969, mais malgré ceci, le gouvernement a cru nécessaire de créer un comité parlementaire chargé d'analyser à nouveau le problème de l'assurance-automobile". C'est ce qui s'est passé en Colombie, de 1966 à 1970. Est-ce cela qu'on est en train de revivre au Québec? C'est un libéral de la Saskatchewan, au moment où Thatcher était au pouvoir, qui dit cela. J'ai l'impression que c'est cela qu'on va revivre au Québec. Gauvin a dû lire Wooton. Il dit, en page 125: "Si la discrimination dans la fixation des prix, l'absence de proportion entre les prix et les coûts marginaux ou toute autre forme de comportement annulant une concurrence efficace sont maintenus, ou si les compagnies d'assurance imposent à nouveau aux citoyens de la Colombie-Britannique un "marché contrôlé" de l'assurance-automobile, quelles qu'en soient les causes, les commissaires recommanderaient alors la création immédiate d'une société gouvernementale d'assurance".

Une dernière chance: "Avant que le gouvernement ne s'occupe de concurrencer les compagnies d'assurance-automobile, l'industrie a droit à une forme d'avertissement ou d'avis de mécontentement". "Cependant, écrivent les commissaires, si les compagnies d'assurance démontrent le moindrement qu'elles ne sont pas intéressées à participer aux nouveaux types de polices d'assurance-automobile recommandées par la commission et aux conditions préconisées par celle-ci ou d'autres conditions acceptables au gouvernement, et plus tard, démontrent qu'elles ne sont pas intéressées à se concurrencer, alors le gouvernement de la Colombie-Britannique devrait assurer seul la vente de l'assurance-automobile dans cette province".

C'était en 1968, en Colombie. Au Québec, en mai 1974, six ans plus tard, notre comité conclut: "Si les réformes décrites dans les sections I et II précédentes ne sont pas intégralement mises en application et si les mesures de garanties ne sont pas imposées, l'écart de coût entre l'entreprise privée et le monopole d'Etat sera encore plus grand, donc inacceptable, et que, dans ces conditions, il n'y a pas d'autre choix que l'étatisation complète de l'assurance-automobile au Québec, car il faut bien comprendre que la recommandation du comité se présente dans ces termes: La réforme intégrale de l'entreprise privée selon le schéma établi ci-dessus, ou la création d'un monopole d'Etat. Si le plan de réforme n'est pas intégralement adopté, le monopole constitue la seule autre solution".

Je ne sais pas s'ils se sont parlé, mais ils se sont lus sûrement.

Le gouvernement a fait confiance aux com-

pagnies d'assurance en Colombie. Bennett a fait confiance. Il y croyait sérieusement et sincèrement, mais cela n'a pas marché. Quelques années après, le gouvernement a été pris à faire les mêmes démarches. Dans la période inflationniste que nous vivons actuellement, je pense que l'affaire est encore plus sérieuse.

Je passe aux conclusions: Les taxes. On dit souvent que les sociétés gouvernementales ne paient pas de taxes, mais elles en paient.

En page 135, si vous le permettez, voici le programme d'action commandé par l'intérêt des automobilistes et de la collectivité québécoise. 1-Le gouvernement forme, dans les semaines qui suivent, un comité chargé d'élaborer un projet de loi s'inspirant des meilleurs éléments des lois et règlements du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique. Le projet de loi est déposé à l'Assemblée nationale au plus tard le 1er décembre 1982... 2-Cette loi crée la société gouvernementale des assurances du Québec, laquelle assume exclusivement, un an plus tard, l'administration intégrale de l'assurance-automobile au Québec. 3-Un programme d'assurance-automobile obligatoire sera instauré, avec options pour couvertures supplémentaires et facultatives. 4-Toute victime d'accident et les dommages matériels seront compensés sans égard à la responsabilité. 5-Le recours en justice demeurera, quant au niveau de compensation dans le cas de la responsabilité civile. La présence d'un avocat ne sera pas requise au stade préliminaire. 6-Le régime et la compensation seront, au départ, comparables à ceux prévus par les sociétés gouvernementales de l'Ouest. 7-La Société générale des assurances du Québec vendra également de l'assurance-vie, retraite et les diverses formes d'assurances-accidents, (feu, maritime, commerciales, etc.) 8-La Société générale des assurances du Québec instituera un régime d'assurance obligatoire comportant la couverture suivante:

Responsabilité civile $50,000. Collision: franchise, $200, plus les avantages prévus par le régime de l'Ouest. Les options facultatives habituelles. 9-Chacun des conducteurs (propriétaire ou non) contribuera au régime d'assurance-automobile à raison de primes minimes, mais dont le montant, au-delà d'un minimum, variera selon le dossier de conduite de l'année antérieure et le code de démérite.

Les pénalités à cet égard seront sévères, mais ne vaudront que pour une année. 10-Cependant, un conducteur qui est pénalisé pourra — comme c'est le cas avec la société gouvernementale de la Saskatchewan, par l'envoi d'une formule d'appel devant une commission indépendante, à un coût minime, avec ou sans avocat — contester la décision. Tant que son appel ne sera pas entendu, le conducteur n'aura pas à verser de supplément. 11-Les primes d'assurance-automobile au niveau du régime de base seront généralement les mêmes pour le propriétaire ou le conducteur principal, quel que soit son âge ou son expérience. Le conducteur masculin âgé de 18 ans, 20 ans, 22 ans ou de moins de 25 ans ne sera pas pénalisé a priori, à cause de son âge ou de son sexe ou parce qu'il s'agit d'un nouveau conducteur. 12-La société générale des assurances du Québec créera une succursale chargée de la récupération de tous les véhicules démolis dont cette entreprise sera l'unique acquéreur au Québec. Toutes les pièces utilisables seront remises à neuf et vendues aux automobilistes et aux garagistes. En passant, nous n'avons pas compté, mais cela rapporte des millions. 13-La SGAQ créera également un centre de recherche sur les accidents, leurs causes, la qualité, le coût des véhicules et des pièces, sur la création de véhicules, le transport en commun. Le centre de recherche publiera un magazine mensuel d'information sur l'automobile et les autres formes d'assurance. Le centre de recherche envisagera également les moyens de doter le Québec d'une industrie manufacturière de moteurs et de véhicules de transport. 14-La SGAQ négociera le prix des pièces de rechange avec les fabricants de véhicules. 15-La SGAQ aménagera des centres de réclamation à travers la province, centres reliés à un ordinateur central. 16-La SGAQ aménagera un réseau de garages administrés localement sur une base coopérative. 17-La SGAQ incorporera à ses revenus les primes et les intérêts sur les placements. 18-La SGAQ paiera aux municipalités l'équivalent des taxes qu'une société paierait normalement au gouvernement du Québec, l'équivalent de la taxe des sociétés sur les résultats de l'administration des assurances générales (sauf dans le cas de l'assurance-automobile). 19-Les polices d'assurance-automobile seront acquises durant la même période chaque année au moment du renouvellement des plaques d'immatriculation par le truchement, soit des bureaux du ministère des transports (qui seront dédommagés pour le coût de ce service) les bureaux de la SGAQ et les courtiers reconnus par celle-ci, lesquels pourront émettre les plaques d'immatriculation. 20-Le conseil d'administration de la SGAQ sera présidé par un membre du cabinet et composé du gérant général, de représentants élus par les employés de la SGAQ, de représentants du ministère du Revenu, de la Caisse de dépôt, et du ministère de l'Industrie et du Commerce (planification), des trois principales centrales syndicales, de l'UPA, du Conseil de coopération du Québec, et de divers mouvements de consommateurs, à déterminer. 21-Des conseils régionaux consultatifs composés de consommateurs, des mouvements populaires seront formés et recevront annuelle-

ment un rapport. Les conclusions et recommandations de ces conseils régionaux seront publiés par la SGAQ.

M. PEPIN (Marcel): Merci, André. Nous sommes maintenant à vous. Si vous avez quelques questions à poser, j'espère, sur les points importants.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable ministre des Institutions financières, Compagnies et Coopératives.

M. TETLEY: Messieurs de la CSN, nous avons tous reçu depuis deux semaines, depuis la tempête de neige — pas la tempête de votre syndicat — votre mémoire, qui est très bien. Il est formidable et très intéressant. Je l'ai étudié avec mes conseillers. J'ai un tollé de questions. Mais j'en ai huit que j'ai notées ici, que j'aimerais vous poser, dans le peu de temps qui me reste.

Vous parlez d'économie d'échelle à la page 7 de votre mémoire: Enfin, rappelons que les économies d'échelle, etc.. J'ai été informé qu'une compagnie d'assurance qui fait un chiffre d'affaires d'à peu près $30 millions est aussi efficace sinon plus efficace qu'une compagnie même plus grande. Une économie d'échelle d'une seule compagnie d'Etat de $400 millions, $500 millions ou même $600 millions ne serait peut-être pas une économie. De plus, il y a certaines compagnies qui sont ici déjà qui ont un chiffre d'affaires de plus de $400 millions comme Allstate, Lloyd's, etc. C'est une constatation. Est-ce qu'il y a vraiment une économie d'échelle à un certain niveau?

Je pense, à la page 128 de votre mémoire... Je vous pose une question: Avec un système d'Etat, le ministre et les députés doivent accepter un système où l'Etat fixe les primes pour les différentes classes de personnes. Pour les gens de Chicoutimi, peut-être, le risque est plus élevé parce que la route est pire, les gens conduisent plus vite et, en effet, il y a une échelle, au Québec, déjà établie, une échelle différente pour diverses régions géographiques et pour différentes personnes.

Comment l'Etat peut-il imposer ces échelles? Au Manitoba et ailleurs, — c'est une plainte fondée ou non fondée, je me le demande — il y a une échelle aritificielle; au plan politique, les jeunes ne payent pas assez et certaines gens de la campagne, les cultivateurs, qui ont un pouvoir politique peut-être plus grand que celui des gens de la ville, ne payent pas assez. Comment l'Etat peut-il préparer les tarifs ou les échelles dans une telle situation? L'Etat doit, évidemment, être très honnête... Parce que ça n'existe pas, apparemment, dans les Etats où l'assurance-automobile est étatisée.

M. PEPIN (Marcel): Est-ce que cela existe dans les autres Etats?

M. TETLEY: Ici, c'est une plainte suivant laquelle les jeunes payent trop, mais ils payent suivant le risque calculé par les actuaires. C'est un problème pour un gouvernement qui veut étatiser. Sur le plan politique — c'est tout simplement une constatation — c'est très difficile pour le gouvernement, et une compagnie privée n'a pas ces pressions.

A la page 47, vous parlez... Je trouve votre mémoire très important et très intéressant, c'est pourquoi je ne veux surtout pas poser le bâillon, je veux une discussion jusqu'à la fin. A la page 47, vous dites que le système proposé par Gauvin, qui veut payer la perte économique, est discriminatoire et vous avez parlé de la veuve d'un médecin qui a cinq enfants, la veuve d'un travailleur qui a cinq enfants. La veuve du médecin reçoit plus suivant Gauvin. Je trouve vos impressions fort intéressantes, mais il faut noter que le médecin serait obligé, suivant Gauvin, de payer une prime plus élevée. Je ne crois pas que votre mémoire ait noté ce fait. Je sais que le gouvernement du Québec a un problème difficle à résoudre: on veut soit un système tel que celui que vous proposez, un système où tout le monde reçoit la même chose, soit un système où les gens sont payés suivant leurs pertes économiques et où ils paient suivant leurs droits assurés. A la page 47, je crois qu'il faut noter cette différence.

Vous parlez du système de faute, vous avez beaucoup critiqué le système de faute, mais, à la fin, dans vos suggestions, vos recommandations, vous gardez un système de recours aux tribunaux, à un certain niveau. Je vous lis le numéro de vos recommandations. Je n'ai pas compris. Quand y aura-t-il recours aux tribunaux?

M. LEGER: Page 136.

M. TETLEY: Page 136, c'est la recommandation, merci. Je n'ai pas compris quand vous voulez qu'un chauffeur ou qu'un citoyen ait droit à la cour.

M. PEPIN (Marcel): Je pensais qu'il finissait ses questions avant qu'on lui réponde.

M. TETLEY: Non. Les deux ou trois premiers sont plutôt des observations, mais le quatrième, c'est une question.

M. L'HEUREUX: Vous voulez que je réponde tout de suite?

M. TETLEY: Oui. J'ai d'autres questions, mais cela, c'est vraiment ma première question.

M. PEPIN (Marcel): Je vous remercie, M. le ministre, pour les questions que vous posez. On va essayer de donner les meilleures réponses possible, en tout cas, celles que nous pensons être les vraies. Je crois que l'essence même de notre document, c'est de dire: D'un côté, il y a 41 p.c. qui s'en vont aux compagnies, qui ne reviennent pas aux assurés. Dans l'autre systè-

me, il y a 17 p.c. C'est notre trame de fond. Peut-être qu'on se trompe, mais le rapport Gauvin, nous dit que là-dessus, il semble bien qu'on ne se trompe pas.

Sur votre première question, la question des économies d'échelles. Je sais bien qu'en termes économiques, il arrive qu'il y a des disproportions. Plus on augmente, finalement, plus la rentabilité diminue. Je ne me souviens pas comment les économistes appellent cela, mais en tout cas...

M. LEGER: Un point mort.

M. PEPIN (Marcel): Je pense que c'est la courbe des rendements décroissants. Cela arrive. Mais à la page 7, où vous soulevez le problème, il me semble, d'après les expériences, d'ailleurs, que l'économie d'échelle a existé ailleurs. Même si vous pouviez me dire, à un certain moment: Telle province ou tel plan étatisé dans une province donnée a fait un déficit de $11 millions, $40 millions, peu importe le prix, ce n'est pas tellement cela qui est important. Je pense qu'il pourrait arriver aussi qu'une compagnie privée puisse, dans une circonstance donnée ou pour une période donnée, faire un déficit.

Nous, on pense que l'économie de l'échelle, dans ce cas-là, dans son système étatisé, pourrait avoir un grand rôle. Peut-être que l'on se trompe avec l'expérience d'ailleurs, mais il me semble que l'on ne se trompe pas.

Votre deuxième point, à la page 128, comment l'Etat pourrait-il imposer une échelle de tarifs, si j'ai bien compris votre question? Il semble que, dans d'autres provinces, dont le Manitoba, c'est une plainte qui est réelle et qui peut être perpétuelle. Je pense qu'on n'échappera jamais à ce problème.

A l'heure actuelle, ce sont les entreprises privées qui imposent leurs tarifs, justifiés ou non, ce n'est pas tellement le problème que vous invoquez et que je souligne, mais à l'avenir, si vous acceptez notre thèse, ce sera la société générale d'assurance du Québec qui va l'imposer. Il y aura un ministre qui sera là; ce sera fatalement une décision qui ne sera pas uniquement politique, mais qui a aussi un caractère politique. S'il y a un député dans un coin qui dit: Dans ma région, on va payer plus cher et je vais me faire battre aux prochaines élections, cela va jouer.

Je pense que vous êtes aux prises avec le même problème, d'une manière indirecte à l'heure actuelle, peut-être. Quand toutes les compagnies décident de majorer leurs prix de 5 p.c., 10 p.c. ou 15 p.c., vous devez avoir des réactions de vos électeurs. Vous pouvez peut-être vous retrancher en vous disant: Ce n'est pas notre responsabilité, ce sont les compagnies qui font cela.

Je pense que, dans ce système-là, cela vaut la peine quand même de tenter, non pas l'expérience, puisqu'elle a été faite ailleurs et en dépit des remarques et des observations, que nous avons ailleurs, il y aurait certains griefs, possiblement justifiés... Je ne pense pas que vous puissiez vous en sortir, si on veut faire bénéficier le plus possible les consommateurs, les usagers de leur prime d'assurance.

Je laisserai mon collègue André répondre sur les deux autres problèmes, la question des indemnités hebdomadaires et le recours aux tribunaux. Je pense qu'André, pourrait peut-être les éclairer là-dessus, sur les deux autres questions.

M. L'HEUREUX: Sur la question de faute, quand il y a recours aux tribunaux, le système est complètement différent de celui qu'on a ici. Si j'ai un accident ici, j'appelle mon agent, je m'en vais à un garage, je reçois une estimation. Tout à coup, je peux avoir des appels d'avocats, je ne sais pas trop où je m'en vais; je pense que tout le monde sait cela.

Là-bas, tout de suite, automatiquement, les deux parties ont droit à une indemnisation. Si je comprends bien le système de là-bas — on avait invité des gens de là-bas d'ailleurs — ce qui arrive au niveau de la société gouvernementale, c'est qu'elle m'offre une compensation.

Si on est en faute dans le système là-bas, on n'a pas droit de recours à ce moment. C'est le principe d'indemnisation du "no fault" là-bas. La personne en faute n'a pas droit à un recours supplémentaire, mais la personne qui est victime, si elle n'est pas satisfaite de la compensation offerte par la société gouvernementale, il y a des rencontres qui peuvent être multiples. Ils vont se rencontrer, ils vont tout faire pour éviter les procédures, mais je trouve qu'il y a un équilibre là-dedans. Je trouve le système formidable. La personne s'est fait peut-être expliquer tous les précédents, tout cela est ouvert et elle sait quelles sont ses chances réelles d'aller en chercher davantage, avant de se rendre au procès. C'est sans doute la raison pour laquelle vous avez à peine 1 p.c. des cas qui, finalement, finissent en cour, ce qui élimine, à toutes fins pratiques, le recours aux avocats comme tels.

En pratique, c'est ce qui arrive, parce que la société tente d'en arriver à l'amiable à un règlement avec les assurés. Par exemple, dans le cas — comme on le disait ce matin — du montant déductible, il est récupérable également à la cour des petites créances, si le bonhomme n'est pas satisfait, en fait, de la conclusion de la société quant à sa responsabilité ou sa non-responsabilité. Quand on parle de responsabilité dans ce sens, ce n'est pas du tout dans le sens où on en parle ici, ce n'est pas automatiquement un avocat qui intervient tout de suite, une série d'avocats, en fait, qui interviennent pour savoir qui a passé sur un feu rouge. On essaie d'abord — l'assuré avec les représentants de la société — de s'entendre pour savoir ce qui s'est passé, à l'aide du rapport de la police, etc., et si on en arrive à une conclusion, on élimine des frais inouïs au

départ. Je ne sais pas si cela répond à votre question sur ce point de vue.

M. PEPIN (Marcel): Sur le même point, je voudrais suggérer que nous examinions ce qui existe au niveau de la Loi des accidents du travail. Je n'ai pas tous les faits devant moi, mais je pense que, dans le cas des accidents du travail, mon employeur me compense, c'est-à-dire par le truchement de la CAT, de la commission, mais je crois que s'il y a faute lourde, à ce moment, j'ai encore un recours contre mon employeur. Je ne voudrais pas m'aventurer trop longuement là-dessus, mais je pense que c'est surtout dans ce sens que nous préconisons cette demande.

M. L'HEUREUX: Dans le cas des indemnisations prévues par le comité Gauvin, j'aurais souhaité, en fait, que le tableau soit complet. Il y a des extraits, il y a des exemples qu'on donne quant à une personne. Cela peut être $50, dans certains cas, par semaine, etc. Il y a des minimums, il y a des maximums, sauf que le tableau n'est pas là. Or, avec ce que j'ai vu, en tout cas, dans le rapport Gauvin, j'en arrive à la conclusion qu'il y a dans le mémoire... Si telle n'est pas la situation, si tel n'est pas le tableau... Ce tableau doit exister sûrement et je me demande d'ailleurs pourquoi le comité Gauvin ne l'a pas publié. Cela aurait été bien clair pour tout le monde, à ce moment.

D'autre part, je me demande aussi — c'est seulement une question à laquelle le comité Gauvin pourrait répondre — puisqu'il privilégie, et avec raison sûrement, l'indemnisation des blessures et qu'il sacrifie, par ailleurs, l'assurance-collision. Je me demande s'il n'a pas privilégié à un tel point les indemnités pour blessures qu'il a sacrifié — parce qu'il considère que c'est assez secondaire, en termes globaux — l'aspect de l'assurance-collision Nous autres, on préférerait qu'il y ait un équilibre, en fait, dans tout cela.

M. TETLEY: II faut tout simplement noter que la Colombie-Britannique a eu une perte de $11 millions. Apparemment, son système, c'est d'augmenter la taxe de l'essence, de hausser peut-être les primes des jeunes conducteurs, et le fonds de la province va aussi payer une certaine somme etc. Je crois que ce qui est intéressant, à la page 88, c'est à Régina l'augmentation de 40 p.c, de 1967 à 1973. L'augmentation à Calgary, pour les compagnies d'assurance, est de 40 p.c, la même augmentation. A la page 89, l'augmentation de la société gouvernementale de Régina est de 70 p.c, et celle de 1'Alberta est de 15 p.c. C'est assez intéressant, j'ai fait des calculs. D'après la page 89 de votre mémoire, en 1967, la prime à Régina était $98; en 1973, c'était $141, une augmentation de 70 p.c. En Alberta, en 1967, c'était $141.50; en 1973, c'était $163, ce qui est une augmentation de 15 p.c. Ceci simplement pour dire qu'on peut jouer avec tous les chiffres, même vos chiffres.

M. PEPIN (Marcel): Très bien. Pourriez-vous me permettre, non pas une boutade, mais de vous dire que nos assurés ne paient pas en pourcentage? Ils paient en chiffres absolus. Alors quand ils paient $163 à un endroit s'ils paient $141 à l'autre, ils préfèrent payer $141 à $163, même si cela augmentait davantage en pourcentage, parce qu'ils ne paient pas en pourcentage.

M. TETLEY: Mais à Régina, il y a trois accidents pour 100 personnes par année. Je n'ai pas les chiffres de l'Alberta, mais je suis certain que c'est beaucoup plus élevé, parce que, Régina, et la Saskatchewan ont le pourcentage le moins élevé pour le Canada apparemment, c'est beaucoup moins élevé qu'en Alberta, je le sais. En tout cas, ceci est tout simplement pour noter, M. Pépin, qu'on peut jouer avec tous les chiffres, mêmes vos chiffres.

M. L'HEUREUX: M. le ministre, je ne pense pas qu'on puisse jouer avec tous les chiffres, c'est faux. Les compagnies font cela. Quand elles haussent, c'est parce que les taux sont tellement t>as — je ne veux pas dire que vous faites cela — quand on parle en termes de pourcentage, les compagnies font cela chaque année, M. Tetley. Une hausse de 10 p.c. en Saskatchewan, cela ne veut pas dire la même chose qu'une hausse de 10 p.c. au Québec, c'est sûr. Disons que je paie $360 par année, cela veut dire $36, tandis que, là-bas, l'assurance de base est tellement basse que 10 p.c. de $100, cela fait $10 d'augmentation. C'est cela que le BAC fait chaque année avec les hausses qu'il y a là-bas. Cette année, il y a eu une augmentation de 20 p.c. d'assurance supplémentaire, cela a l'air gros. Il y a une éditorialiste de la Presse, je ne vous le nommerai pas, l'année dernière, qui écrivait: Cela veut dire que c'est une faillite, l'entreprise gouvernementale là-bas. Sauf qu'il ne parlait pas de ce que cela voulait dire comme augmentation réelle en termes de cents et de dollars. C'est sûr que cela augmente là-bas aussi, les coûts augmentent et le nombre d'automobiles augmente partout au pays. Il va continuer d'augmenter. La densité de la circulation va continuer d'augmenter. On est poigné avec ce problème, tant qu'il va y avoir du pétrole, en tout cas, et qu'on va avoir des autos. Quant au pourcentage, c'est sûr que, si vous raisonnez comme cela, on n'a pas raisonné de même nous autres par rapport aux compagnies. On a montré exactement les chiffres année par année, ce qui en était.

Quand le taux du jeune de moins de 25 ans au Manitoba est passé, en 1971, de $304 à $151, c'est solide comme... C'est de même pour l'ensemble.

M. TETLEY: Je vois que j'ai pris vingt minutes, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): L'honorable député de Lafontaine.

M. LEGER: M. le Président, je voudrais, au départ, faire quelques remarques en disant que, si les compagnies privées, qui ont manifestement épuisé leur dernière chance, avant que le rapport Gauvin soit présenté, les chantres de l'entreprise privée, s'ils avaient à évaluer l'efficacité déplorable du régime actuel, s'il était un régime d'Etat plutôt qu'un régime public, diraient exactement que le régime est une faillite et une faiblesse complètes. Je pense que c'est la façon de le réaliser. Le régime privé actuel démontre jusqu'à quel point on indemnisait mal les gens, et on avait une mauvaise administration qui coûtait trop cher aux citoyens. C'est pour cette raison que j'ai bien apprécié le mémoire que vous avez présenté. Il y a des points, quand même, sur lesquels j'aurais quelques petites questions.

Quand vous dites que la mise en place immédiate du système non seulement de l'indemnisation des dommages corporels, mais aussi matériels, je serais enclin à être de votre avis, puisque, si on est prêt à le faire pour les dommages corporels, selon le rapport Gauvin, pour les dommages matériels, pourquoi attendre un délai de cinq ans, puisque les trois autres provinces l'ont fait en dedans de la première année?

Alors, moi, je serais d'accord avec vous pour dire qu'il faut quand même... L'implantation de cela peut se faire rapidement et non pas cette période transitoire.

Un autre point que j'aime bien aussi, par exemple, c'est le fait de faire une variation des primes non pas selon des catégories ou des classes de gens, entre autres, comme les jeunes, qui n'ont pas l'occasion de prouver leur sérieux au volant. Au départ, ils sont pénalisés. Je pense que c'est injuste. Je prends pour exemple un père qui est un bon conducteur, qui montre à conduire à ses enfants. En partant, le jeune n'a même pas la chance de faire son expérience. Il se voit tout de suite affublé dans une classe avec une surprime. Je pense qu'il faudrait peut-être se baser sur les points de démérite. Vous avez mentionné l'idée que chacun ait l'occasion de prouver sa valeur comme conducteur et que ses primes soient un peu collées à cette marque de vérification que sont les points de démérite.

Maintenant, vous arrivez, à la page 106, à une affirmation. Vous dites que l'expérience de 28 ans de la Saskatchewan et de deux ans du Manitoba a prouvé que les sociétés gouvernementales coûtaient, en administration, 17 p.c. comparativement à 41 p.c. et qu'il s'agit d'une hypothèse bien vécue. Ne changer que la partie que préconise le rapport Gauvin, c'est basé sur une hypothèse théorique qui n'est pas vécue puisque le comportement monopolistique qui a été dénoncé, a démontré, notamment, que cela peut amener une meilleure — "monopolistique", je parle d'Etat — solution qu'une "monopolistique" privée. J'en reviens à la question du ministre tantôt, qui disait justement que, lorsqu'on arrive à un certain seuil de grosseur d'une compagnie d'assurance qui n'a pas d'économie d'échelle, je pense qu'il faut plutôt dire qu'il y a beaucoup de désavantages dans le monopole, qu'il soit privé ou public.

Mais, dans les deux cas, il y a quand même l'avantage suivant, c'est qu'un monopole, qu'il soit d'Etat ou privé, il y a une économie. Dans le monopole privé, par exemple, l'économie va permettre de faire plus de profits, tandis que dans celui de l'Etat, cela va permettre tout simplement de réduire les primes. Il y a une économie dans les deux cas mais le profit va aller aux actionnaires dans le cas d'une compagnie privée, tandis que dans celui de l'Etat, il pourrait être remis aux citoyens. D'ailleurs, dans l'ensemble du mémoire, j'étais passablement d'accord.

Je voudrais soulever deux points. Un de ces points, je pense que le ministre en a parlé un peu tantôt, est le fait que les personnes qui gagnent un revenu supérieur comparativement à une personne ou un autre groupe de citoyens qui gagne un revenu inférieur, si l'assurance permettait de rétablir une juste relation entre les hauts salaires et les petits salaires, je serais plutôt porté à dire que ce n'est pas un bon moyen, par l'assurance, d'atteindre cela même si l'objectif est bon. L'assurance est justement pour permettre de se protéger contre quelque chose qu'on gagne actuellement. Si, dans la société actuelle, il y a des écarts trop grands et qu'il faut les corriger entre les bien nantis et les gens qui sont moins favorisés, je ne pense pas que ce soit par l'assurance qu'on doive corriger cette chose.

J'aimerais que vous me disiez pour quelle raison vous pensez qu'une personne, comme un médecin qui gagne un revenu passablement supérieur à la moyenne, soit pénalisée parce qu'elle a un accident, alors qu'elle ne le serait pas quand elle gagne sa vie de tous les jours.

M. L'HEUREUX: Ce qu'on dit surtout, nous, c'est qu'au niveau du régime de base obligatoire, universel, les avantages qui en découlent doivent être universels également et égaux pour tous selon qu'on ajoute — prenons l'exemple de la Saskatchewan et des autres provinces — des compensations supplémentaires en cas de besoin. On prévoit, par exemple, une rente hebdomadaire de $60 par semaine. En Colombie-Britannique on a ajouté à ces $50, plus $10 pour au-delà du dépendant primaire, $10 par enfant. On prévoit aussi, en cas de besoins particuliers de réhabilitation, une autre somme de $4,000 durant les 104 premières semaines. C'est ce type de formule que nous préconisons.

Qu'on le prévoie facultativement, je pense bien que M. Gauvin le prévoit aussi, mais sauf que moi, j'ai compris que ce dont il parlait dans son rapport — en particulier quand il parlait des barèmes — c'était du régime de base obligatoire universel. Si on parle d'assurance facultative, qu'on imagine, comme cela se fait d'ailleurs,

que ceux qui veulent avoir davantage, qu'ils paient pour, d'accord. Mais là je fais la distinction entre le régime de base obligatoire universel et la nécessité de prévoir des indemnités égales ou inégales en fonction des besoins.

M. PEPIN (Marcel): Je voudrais là-dessus, pour le député de Lafontaine, rappeler une loi votée par la Chambre, par l'Assemblée nationale relativement au régime de retraite universel. Il y a une certaine différence suivant les revenus entre ce que je peux retirer et ce qu'un autre peut retirer, mais il y a un plafond. Mon revenu cotisable est limité à $7,000, pour les fins de mon propos; si j'ai $15,000, je vais retirer de l'Etat, à même mes contributions et celles de l'employeur, un montant maximum de $115 ou $120 par mois. Il peut arriver que je retire un peu moins si je suis en bas de ce montant. Il est sans doute possible d'imaginer quelque chose de semblable dans l'assurance-automobile. Il peut y avoir quelques différences, mais il y aura sûrement un plafond à un moment et l'excédent, ce sera le régime privé de retraite que certains ont dans les entreprises. Je ne sais pas si cela répond à votre préoccupation mais, par voie analogique, je pense qu'on peut l'appliquer dans le cas de l'assurance-automobile.

M. LEGER: D'accord, mais la seule préoccupation que j'ai, dans l'exemple que vous donnez, c'est quand même à la retraite où les responsabilités sont moins grandes, à cet âge, et le plafond à ce niveau est peut-être plus compréhensible que dans la période où la personne est dans la partie la plus importante de la création...

M. PEPIN (Marcel): Ce n'est pas uniquement à la retraite, c'est peut-être le plus grand nombre de cas, mais si je deviens invalide avant la retraite, j'ai exactement la même chose. Là, mon exemple devient assez pertinent.

M. LEGER: II y a un autre point sur lequel je n'étais pas tellement d'accord avec vous, je vous demande de me convaincre. Pour quelle raison gardez-vous le droit de poursuite passé un certain niveau, pour une certaine somme dépassé la base? Est-ce que c'est pour avoir un régime à peu près équivalent à ce qu'il y a dans l'Ouest ou si c'est par une philosophie qui découlerait de l'ensemble de votre rapport?

Est-ce que l'objectif même du rapport Gau-vin n'était pas justement de considérer que l'automobile était un mal social nécessaire qui fait que la faute ne devrait pas être considérée, mais uniquement le besoin d'indemniser toutes les victimes et que chaque personne s'assure pour ses propres dommages selon ce qu'elle craint de perdre? En gardant une partie supplémentaire, contrairement à ce que Gauvin présentait, vous gardez la possibilité de poursuite, alors que le rapport Gauvin dit que ce sont les grosses réclamations qui sont les moins bien corrigées dans le système actuel. On voit, d'après les chiffres dans le rapport Gauvin, que ce sont les plus grosses sommes qui sont moins payées; l'objectif premier était non pas de tenter d'indemniser toutes les réclamations, mais que celles qu'un citoyen normal peut budgétiser, c'était moins important de protéger ceux-là que de protéger les sommes que le citoyen ne peut pas budgétiser dans ses revenus habituels.

M. L'HEUREUX: La philosophie de base est la suivante, nous revenons à ça depuis le début. Vous avez mentionné tantôt 17 p.c; s'il n'existait pas aujourd'hui au Canada deux provinces au moins — on ne connaît pas l'expérience de la troisième qui vient de commencer — où l'assurance-automobile pouvait s'administrer avec 17 p.c. des primes, on ne serait pas aujourd'hui à en discuter. Ou bien si on était arrivé avec une hypothèse voulant que ce serait possible, nous, de la CSN, on nous aurait dit: Vous êtes ridicules. L'indemnisation préconisée par le rapport Gauvin, quant à moi, c'est une hypothèse intéressante pour l'avenir. C'est un facteur. Mais le comité Gauvin n'a pas tenu compte de bien d'autres facteurs de coût dans l'ensemble de l'affaire. On ne réglera pas ce problème comme dans n'importe quoi, par un seul aspect.

Dans le public, le débat porte sur le "no fault" comme si c'était la seule ou la principale source d'économie. C'est une source fondamentale d'économie, d'augmentation des prestations, des compensations importantes, mais il n'y a pas que cet aspect. Le comité Gauvin, par exemple, en ignorant les intérêts sur les placements, ignore aussi un montant appréciable qui pourrait aller en compensation. Ce sont tous ces facteurs qu'il faut mettre ensemble et c'est la réalité qui, aujourd'hui, il me semble, est fulgurante.

J'imagine qu'il n'y a pas un seul membre de la commission ici, quel que soit le parti politique, qui conteste les chiffres du comité Gauvin là-dessus. Cela coûte 17 p.c. avec ces sociétés gouvernementales; cela coûte 41 p.c. à administrer avec...

C'est connu, c'est vérifié, c'est vécu et on voit aussi le résultat dans l'ensemble. Au point de vue des résultats, je parle de l'efficacité des services et tout; la compensation, il y a sûrement progrès. On pourrait améliorer la situation là-bas, elle n'est pas parfaite. Mais avec une telle différence, devant des faits comme ceux-là, est-ce qu'on va commencer à imaginer un autre système, nous autres? Est-ce qu'on va être plus fin? 24 p.c. de $500 millions pour l'année prochaine c'est quoi?

M. LEGER: M. L'Heureux, si vous me permettez, vous êtes en train de me répondre affirmativement à la prochaine question. Je voulais vous faire dire que la différence entre un régime étatique et un régime privé, ce n'étaient

pas uniquement les 3 p.c. de profit. Il y avait aussi les 4.5 p.c. ou presque 5 p.c. provenant des revenus de placements. Ce qui fait que la différence — et c'est une question que je vais poser aux responsables du rapport Gauvin la semaine prochaine — en réalité, c'est presque 8 p.c. entre un régime étatique et un régime privé, en excluant la partie "no fault". Le "no fault" économise encore 18 p.c.

La question que je vous posais était la suivante: Pour quelle raison avez-vous gardé la possibilité de poursuite, dépassé la période de base? Ce n'était pas dans la partie étatisation. Je suis d'accord avec vous sur cela. C'est plus que 3 p.c. de différence, c'est presque 8 p.c, dans la partie profit. Vous l'avez d'ailleurs dit dans votre rapport. Pourquoi garder la notion de faute, dépassé un certain barème?

M. PEPIN (Marcel): Je pourrais vous dire que c'est mal plus votre première réponse suggérée qui est la vraie. Nous avons pris un régime qui existait déjà et nous le proposons ici. Si on va au bout de notre raisonnement, je pense qu'il n'y aura plus de possibilité de poursuite. Mais, dans l'état actuel des choses, on s'est dit: On connaît quelque chose qui existe et qui fonctionne assez bien, semble-t-iî...

M. LEGER: C'est transitoire.

M. PEPIN (Marcel): Oui. Ce n'est pas une question de philosophie...

M. LEGER: Et vous iriez, un peu plus tard, vers l'abandon de la faute complètement?

M. PEPIN (Marcel): Je peux vous dire que, personnellement, j'irais bien de ce côté-là. Nous avons proposé quelque chose par rapport à ce qui existe ailleurs. C'est toujours plus facile pour un Parlement, pour une Assemblée nationale, de dire: Je vais épouser une réforme qui a été faite ailleurs, je vais la prendre assez intégralement, plutôt que de dire: Je vais encore innover. J'aimerais mieux que cela innove encore, mais nous avons des expériences ailleurs. C'est plutôt pour ce motif-là que nous le proposons.

M. LEGER: En ce qui me concerne, étant donné qu'on a dépassé un peu l'heure, je voudrais vous remercier. Vous avez un rapport extrêmement volumineux, qui comprend beaucoup de statistiques et qui fait le tour de la question. Je veux vous féliciter pour ce rapport, en particulier, M. L'Heureux, qui travaille là-dessus depuis très longtemps, qui a fait des visites et qui est capable de nous dire ce qui s'est passé dans d'autres provinces, ce qui n'a pas toujours été le cas de personnes qui sont venues nous rencontrer ici et qui affirmaient des choses sans les avoir vécues. Je vous remercie.

En ce qui nous concerne, nous sommes très heureux de vous avoir entendu. Peut-être que mes confrères ont autre chose à ajouter.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Etant donné que nous dépassons l'heure et qu'il y a encore quelques questions, on pourrait passer rapidement, si vous le voulez, et terminer pour permettre aux membres de la CSN de disposer immédiatement.

M. LEGER: Est-ce que je pourrais demander une directive? Est-ce qu'on pourrait établir combien il y a de personnes et établir une heure limite?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): J'ai l'impression...

M. TETLEY: ... pour le gouvernement. M. LEGER: Pour qu'on sache le contenu.

M. TETLEY: C'est toujours comme cela, M. Pepin. L'Opposition veut imposer le bâillon.

M. LEGER: Non, M. le Président, je suis d'accord.

M. TETLEY: ... question.

M. PEPIN (Marcel): S'ils étaient majoritaires, ce serait épouvantable.

M. LEGER: II y a des députés qui demandent de prolonger, on est d'accord, mais on ne sait pas pour combien de temps.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous voulez...

M. LEGER: Pourvu qu'on dise pour combien de temps.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Si vous permettez, on va être assez patient tout de même. On va permettre quelques questions et si on voit que cela veut trop se prolonger, on essaiera de réduire.

M. TETLEY: On veut imposer le bâillon au gouvernement.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Le député de Taschereau avait quelques questions à poser.

M. BONNIER: Je vais en couper, mais je voudrais...

M. PEPIN (Marcel): J'aimerais mieux que vous n'en coupiez pas. J'ai le temps qu'il faut, parce que je pense que ce débat est fondamental.

M. BONNIER: Moi aussi. C'est pour revenir à la question fondamentale, tel que M. Pepin l'expliquait d'ailleurs, ce matin, au départ cette différence entre les coûts d'opération d'une entreprise d'assurance-automobile étatisée et l'entreprise privée, telle qu'elle existe à l'heure

actuelle. Est-ce que vous avez une ventilation de ces coûts d'opération? Qu'est-ce qui y entre, de part et d'autre? Peut être que ce n'est pas possible, peut-être que vous êtes partis tout simplement de certains rapports financiers qui comptabilisaient simplement les revenus et les dépenses d'une façon globale. Ce serait peut-être intéressant, parce que je crains parfois qu'on ne parle pas de la même chose, comme quand on parle de revenus, parfois, j'ai l'impression qu'on parle de revenus bruts alors que d'autres parlent de revenus nets, après impôt, après les réserves et tout cela. Je voudrais bien savoir ce qui en est.

M. PEPIN (Marcel): Si vous permettez, M. le député, André pourra vous donner la ventilation qu'il a. Je voudrais vous rappeler que nous, au point de départ, avons fait des affirmations que nous pensions vraies. En 1970 — d'ailleurs André l'a lu ce matin — nous avions dit que c'était autour de 40 p.c. le coût administratif comprenant les revenus, les profits, etc. Nous avions des chiffres de la Saskatchewan où on pensait que c'était autour de 17 p.c. Le comité Gauvin y a engagé une série de firmes d'experts. Il a fait des vérifications beaucoup plus poussées que celles que nous avions entreprises. Il en arrive à quelque dizième pour cent près, exactement au même résultat...

M. BONNIER: Globalement.

M. PEPIN (Marcel): ... globalement. Pour lui, c'est 40.8 p.c; on avait affirmé, je pense 41 p.c. Alors, on ne se chicanera pas là-dessus. On avait dit: C'est 17.5 p.c. pour les compagnies d'Etat, dans la Saskatchewan, le résultat d'après le comité Gauvin est de 17.9 p.c. Non plus, là-dessus, on n'est pas pris de travers. Maintenant, quant à la ventilation, André peut vous la donner. Sur ce premier point, je pense que votre comité d'experts, Gauvin, en arrive exactement aux mêmes conclusions que les nôtres.

M. L'HEUREUX: Je peux tout simplement vous référer au rapport du comité Gauvin. On a publié intégralement des extraits de ces principaux tableaux en page 107 dans notre mémoire, aux pages 223, 228 et 371. Le comité Gauvin a très bien établi, en fait, la ventilation des dépenses, par exemple, la taxe sur la prime, la mise en marché, le règlement des sinistres, le coût du règlement des sinistres, la sélection d'émission des polices. C'est cela que vous voulez dire, je suppose? Le profit sur les primes, des frais assumés par les victimes.

M. BONNIER: D'accord.

M. L'HEUREUX: Je pense que cela a été bien établi par le comité.

M. BONNIER: Est-ce que cela veut dire que vous êtes tout à fait d'accord sur les explica- tions telles que fournies par le rapport Gauvin et, à ce moment, les économies à faire se trouveraient à quel article en particulier? Est-ce que c'est au niveau du règlement des sinistres? Est-ce que c'est au niveau de la mise en marché, vous l'avez souligné tout à l'heure, ou au niveau des revenus de placement dont on pourrait peut-être parler aussi, évidemment?

M. L'HEUREUX: Les économies proviennent d'un ensemble de sources. D'ailleurs, le comité Gauvin ou la firmes de conseillers en administration qui sont allés là-bas, je pense que M. Rankin aussi y est allé, ont analysé chacun des chapitres. Si vous voulez, c'est une question importante, cela. La taxe sur la prime...

M. BONNIER: C'est votre point de vue à vous autres que je voudrais savoir.

M. L'HEUREUX: Voilà notre point de vue. On n'a rien inventé en 1970, quand on a publié ces chiffres. Quand je vous dis qu'il y a des petites brochures tirées à des milliers d'exemplaires, tous les citoyens de la Saskatchewan pouvaient les avoir. Le bilan, en fait, de l'administration de la Saskatchewan est publié annuellement dans des brochures distribuées à des milliers d'exemplaires, comme les tableaux des primes. Cette information était accessible et le comité Gauvin, lui, sachant que cela se disait, a dépêché des spécialistes là-bas pour aller étudier la question et il a confirmé, en fait, ce que, nous, on avait affirmé, mais, nous, on n'a rien inventé. On l'a pris dans les chiffres du gouvernement de cette province-là. Il le démontre très bien. Il l'analyse même, élément par élément. C'est cette analyse qu'on reprend, nous, d'ailleurs, élément par élément, chacun des chapitres des postes de dépenses. En fait, la taxe sur la prime, si vous voulez, est de 2 p.c. partout, sauf en Saskatchewan où elle est de 3 p.c. La mise en marché avec les compagnies d'assurance est de 13.8 p.c. actuellement. Avec les réductions souhaitées par le comité Gauvin, cela se réduit à 6 p.c. Avec la Saskatchewan, c'est 3.6 p.c. Avec le Manitoba, c'est 5 p.c. Ce sont des chiffres vérifiés par les conseillers d'administration.

Le règlement des sinistres...

M. BONNIER: Si vous voulez, puis-je...

M. L'HEUREUX: ... à l'heure actuelle, par les compagnies d'assurance, est de 12.3 p.c...

M. BONNIER: ... vous poser une question... M. L'HEUREUX: Excusez-moi.

M. BONNIER: ... vous interrompre? Je prends la mise en marché au Manitoba. C'est une province que je connais particulièrement, parce que j'y ai vécu trois ans. Vous savez comme moi qu'une bonne partie de la popula-

tion est centrée à Winnipeg. Le reste est rural, les routes conduisent à Winnipeg, dans le fond. C'est plus facile de travailler à partir de Winnipeg, mais on est venu dire ici, à la commission, que c'était difficile, même pour des entreprises — je ne me rappelle plus si c'est Allstate ou une autre — qui avaient tendance à faire de l'assurance en direct, qui, actuellement, depuis quelque temps, semblent recourir à des courtiers. Dans une province aussi grande que la nôtre, jusqu'à quel point on économiserait,même dans la mise en marché? On pourrait faire de la mise en marché directe, c'est bien sûr, soit une entreprise d'Etat, soit un autre type d'entreprise, mais il faudrait quand même décentraliser les bureaux d'administration et on sait jusqu'à quel point on économiserait.

M. L'HEUREUX: Le comité Gauvin lui-même affirme, en tout cas, qu'il estime que le taux d'administration, à 17 p.c, serait réalisable ici. Il ne fait que l'affirmer.

M. BONNIER: Oui.

M. L'HEUREUX: Je pense qu'il n'y a pas de mystère là-dedans. La Saskatchewan, par exemple, au point de vue de l'acquisition des primes, a réduit énormément les coûts communs. A chaque année, il faut renouveler nos plaques d'immatriculation. Il faut que j'y aille, bon! Alors, c'est à ce moment que, pour une grande partie des citoyens, le renouvellement se fait.

D'autres provinces, comme le Manitoba, ont donné la possibilité aux courtiers d'émettre eux-mêmes la plaque d'immatriculation, en partie. On a le choix d'aller à un endroit ou à l'autre. En Colombie-Britannique, ce sont vraiment les courtiers, dans l'ensemble, tous les courtiers, qui émettent la plaque d'immatriculation. Ce sont des formules comme celles-là qui simplifient des opérations administratives. On va chercher sa plaque d'immatriculation et, en même temps, c'est une façon de s'assurer que le maximum, le plus grand nombre possible d'automobilistes vont être assurés. Je ne sais pas si cela répond à vos questions.

M. BONNIER: Oui. M. le Président, je ne veux pas allonger le débat inutilement, mais je me demande si vous vous êtes penchés aussi sur la possibilité d'examiner où on pourrait épargner vraiment et rendre évidemment service. Vous soumettez des exemples. Il y a un point particulier qui m'a frappé. Par exemple, la tarification doit être en relation avec les points de démérite. Je trouve cela extrêmement intelligent. Cela a de l'allure, parce que si, moi, je fais attention et que mon voisin ne fait pas attention, ou l'inverse, c'est normal que je paie plus cher. Il y a des choses comme cela. Ne peut-on pas épargner sur l'administration sans nécessairement aller à l'étatisation?

Si je comprends bien la démarche, évidemment, au niveau du rendement sur le capital investi, les lois veulent, à l'heure actuelle, que si j'exploite une compagnie d'assurance, je sois obligé de garantir de point de départ le paiement des réclamations par une certaine capitalisation. Evidemment, une entreprise d'Etat n'est pas obligée de faire la même chose. On tient pour acquis que la province serait capable de payer. Mais, cela mis à part, y a-t-il d'autres économies à faire, en resserrant comme il faut notre administration, en faisant en sorte que notre mise en marché soit plus rationnelle? Si on n'a pas besoin des courtiers, on n'en a pas besoin. Si on en a besoin, comme vous dites, peut-être qu'on en aurait besoin pour d'autres sortes de services, je ne le sais pas. C'est la même chose pour le système de responsabilité sans égard à la faute. C'est évident. Tout le monde reconnaît que ce serait beaucoup plus efficace. Il y a des gens qui sont venus nous dire, évidemment, que les gens vont être mal protégés, parce que cela prend toujours quelqu'un pour les défendre. Cela resterait à discuter.

Deuxièmement, si on appliquait le système de responsabilité sans égard à la faute, non pas, comme dit le rapport Gauvin, simplement aux blessures corporelles, mais également à la voiture elle-même, n'y aurait-il pas des moyens, comme cela, qu'on devrait employer sans nécessairement recourir à l'étatisation? C'est une question. Je ne vous dis pas que je suis pour ou contre.

M. PEPIN (Marcel): Votre question me suggère quelque chose. Vous semblez dire que dans un régime d'Etat il n'y aurait pas besoin d'avoir les réserves prudentes ordinaires.

M. BONNIER: Oui, il y a des réserves nécessaires.

M. PEPIN (Marcel): Ah bon!

M. BONNIER: Mais pas nécessairement un capital de mise de fonds au point de départ.

M. PEPIN (Marcel): Je pense qu'il y aura un capital de mise de fonds.

M. BONNIER: Qui serait affecté à des réserves immédiatement.

M. PEPIN (Marcel): Oui. C'est-à-dire qu'il y aura un capital sans doute prêté par l'Etat, comme cela s'est passé dans le cas de l'instauration de l'assurance-maladie. Vous vous souviendrez, quand l'Assemblée nationale a créé cette régie, vous avez immédiatement mis à sa disposition, je pense, $20 millions ou $25 millions, quitte à les récupérer après. C'était une espèce de mise de fonds pour l'organisation de tout le régime. Une fois que cela a été fait, vous avez retiré l'argent de l'assurance-maladie. Je présume que ce serait un peu semblable dans ce cas-ci, si vous décidiez d'avoir une assurance d'Etat. Là, l'Assemblée décide d'avancer, par le

truchement du trésor provincial, tant de millions qu'il faut, quitte à les récupérer une fois l'opération en marche. Même une société d'Etat devra elle-même s'autofinancer. S'il y a des déficits, elle devra prévoir des augmentations de primes, les années subséquentes. S'il y a des profits, elle pourra les redistribuer. Alors, je ne voudrais pas qu'on donne l'impression qu'on s'en irait nous, avec notre thèse, dans une formule étatique où l'ensemble de la population aurait à payer les déficits pour une partie seulement de la population. Je voudrais que cela soit bien clair entre nous.

Quels sont exactement les points sur lesquels il pourrait y avoir économie d'argent? Je pense qu'André a essayé de vous donner quelques points de repère, quelques indications, mais il me semble, M. le député, que la proportion est trop évidente. Peut-être que je fais de la' simplification et peut-être de la très grande simplification, mais s'il est vrai, comme le rapport Gauvin l'affirme, comme le rapport Wootton l'affirmait aussi, que d'un côté on est capable d'administrer tout compris avec 17 p.c. et, de l'autre, que cela prend 41 p.c, parce qu'il y a des profits, peu importent les motifs, il me semble que ma conclusion saute aux yeux. Mais même si je ne suis pas capable de vous dire : Tu peux sauver tant de points ici, tant de points là, etc., quoique c'est intéressant que vous fassiez cette démarche si vous voulez, mais pour moi, je crois que la conclusion est trop évidente entre les deux rapports.

Si les chiffres que je mentionne n'étaient pas vrais, je serais dans une autre situation, mais il semble que ces chiffres soient corroborés par tout le monde.

M. BONNIER: C'est parce que...

M. L'HEUREUX: Votre question est bien importante. Je pense qu'il faut se rendre compte d'une chose. Tantôt quelqu'un a mentionné que le "no fault" pouvait signifier 18 p.c. — je pense que c'est le député de Lafontaine qui a dit cela— mais ce n'est que de 5.3 p.c. Il faut bien se rendre compte de ça. D'après le comité Gauvin, à l'heure actuelle, le règlement des sinistres est de 12.3 p.c. et cela pourrait baisser à 7 p.c. Il est de 6.8 p.c. en Saskatchewan et de 7 p.c. au Manitoba. C'est seulement 5.3 p.c, c'est pour ça que je dis que c'est un ensemble de facteurs qui réduisent. Si on prend la réalité, 13.8 p.c. pour la mise en marché avec les compagnies à l'heure actuelle, 3.6 p.c. en Saskatchewan, 5 p.c. au Manitoba; sélection et émission des polices: 5.2 p.c. à l'heure actuelle, 2.7 p.c. en Saskatchewan, 1.2 p.c. au Manitoba; administration, sans les profits: 3.3 p.c. avec les compagnies d'assurance, 1.8 p.c. en Saskatchewan avec le gouvernement et 1.9 p.c. au Manitoba.

En plus de ça, on dit: Si on élimine les compagnies, vous allez chercher encore 2.5 p.c. qui iraient normalement au profit des actionnai- res, plus les intérêts de ces placements et plus le 1.7 p.c. qui est requis par les assurés comme frais pour une partie de leurs indemnités. Devant une réalité comme celle-là, on se dit: Est-ce qu'on va chercher à faire mieux que cela, il n'est pas possible... Otons-nous de la tête l'idée du capitalisme, regardons seulement ces chiffres, qu'est-ce qu'on fait? Comme être humain, le gars qui paye dirait: Je choisis quoi entre les deux, ce qui va me coûter cela ou ce qui va me coûter cela ou bien peut-être cela? Je prendrais "cela".

M. BONNIER: C'est tout à fait logique, normal, cependant, on sait que lorsqu'on change d'une façon draconienne d'un système à un autre, il y a toujours des coûts cachés, la mise en opération, l'efficacité des personnes tout ça. Il y a des personnes qui ont quand même de l'expérience là-dedans plus que moi, peut-être pas plus que vous, mais plus que moi en tout cas, une certaine expérience que ça vaut la peine d'utiliser. Je me dis: Je prends par exemple toute la question des centres d'évaluation. Si on avait recours à ça, on épargnerait probablement passablement, j'ai l'impression, du moins d'après les études. Par ailleurs, il y en a qui viennent nous dire: Ne faites jamais ça, parce qu'on ne pourra pas y aller à toutes sortes d'heures. J'ai vérifié auprès de compagnies qui ont des centres d'évaluation qui ont dit: Mon cher monsieur, vous pouvez venir après cinq heures, vous pouvez venir le samedi matin; si c'est vrai pour eux, c'est peut-être vrai pour un autre système. Je veux dire : II y a peut-être des choses qu'il va falloir mettre en place mais jusqu'où est-ce que l'Etat devrait se rendre pour dire: Tout cela suppose qu'on le prenne en main.

C'est cela, ma question. Je ne suis pas un capitaliste à outrance...

M. PEPIN (Marcel): Moi non plus d'ailleurs. Mais je crois que c'est vraiment le fond du débat. Quant à nous, après avoir vécu toutes les expériences qui ont été vécues, les descriptions qui sont faites dans le mémoire de la présumée efficacité des compagnies privées, des entreprises privées, je pense qu'il est assez bien démontré, même dans le rapport Gauvin, même dans le rapport Wootton, que cette efficacité peut être placée avec un certain point d'interrogation.

Je ne vous dis pas que l'Etat va faire des miracles et des merveilles, parce qu'il y en a qui ont vraiment peur de l'Etat, même des hommes du gouvernement qui disent: On n'a pas la sagesse pour instaurer des affaires comme cela. Je pense qu'ils ont peur d'eux-mêmes. Si on enlevait cette crainte, cette barrière qu'on a, je crois qu'on pourrait faire des affaires. J'ai l'impression que le régime d'assurance-maladie, à l'heure actuelle, avec les faiblesses de la loi elle-même, donne des résultats intéressants à la population.

M. BONNIER: C'est un autre domaine.

M. PEPIN (Marcel): Je ne peux pas comparer avec un domaine autre que ceux qui existent. Vous n'avez pas encore créé de régime d'assurance d'Etat ici, c'est pour cela que je n'ai pas de point de comparaison. Mais il y en a ailleurs qui réussissent; prenez donc un risque; allez-y donc!

M. BONNIER: Merci.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Au nom des membres de la commission, on remercie les représentants de la CSN, M. le président, M. L'Heureux ainsi que son adjoint, de nous avoir présenté leur mémoire. Nous avons été assez larges — si vous me permettez de vous le rappeler; nous vous avions dit que nous serions généreux — et c'était nécessaire, parce que c'était un rapport assez volumineux qui contenait de bonnes recommandations.

Au nom des membres de la commission, je vous remercie, M. le président, ainsi que vos adjoints.

M. PEPIN (Marcel): Est-ce que vous me permettriez de dire un mot avant de terminer?

LE PRESIDENT (M. Lafrance): Oui, M. le président.

M. PEPIN (Marcel): Moi aussi, je voudrais remercier le Président et les membres de la commission de nous avoir accordé ce délai. Nous étions, non pas anxieux — parce que, dans le mot "anxieux", il y a toujours un peu d'angoisse et ce n'est pas du tout le sens que je voudrais donner à mes propos — mais nous avions hâte de venir vous expliquer un peu notre thèse.

Maintenant je sais que, pour une Assemblée nationale, un Parlement, c'est parfois long et difficile de trouver son chemin, son terrain. Dans ce cas-ci, il me semble, M. le Président, que, vraiment, nous avons toutes les données pour passer à une action très rapide.

Vous avez avec vous le ministre qui est en partie responsable de cela. Il m'a rappelé, ce matin, que j'avais déjà été un de ses électeurs. S'il voulait me remercier de quelque chose, il pourrait se décider et proposer, soit ici à cette commission, soit directement à l'Assemblée nationale, un régime qui économiserait de l'argent aux Québécois et qui permettrait un contrôle par l'Etat de cette donnée qui est importante. Ce n'est pas la fin du monde.

Quant à notre thèse à nous, on n'arrêtera pas à l'assurance-automobile, mais l'assurance-automobile, c'est un cancer qui existe présentement. Toutes les données sont devant nous et il me semble que c'est assez clair pour agir et rapidement. Si c'était nécessaire, comme mon ami L'Heureux l'a suggéré ce matin, pour vous en convaincre davantage, rendez-vous donc un groupe d'entre vous, pendant les Fêtes, dans les provinces de l'Ouest où cela existe. Je pense que le ministre n'aura pas objection à cela. Allez voir sur place.

Au niveau des dépenses, je pense bien que vous ne me ferez pas, à moi, des leçons de ce côté. Je pense qu'on a parlé un peu de l'administration publique. Si c'était seulement cela qui vous manquait, vous feriez rire un peu de vous en alléguant cette affaire. Je crois que vous pourriez demander au Conseil du trésor de vous allouer la somme nécessaire pour aller faire le tour. Mais si vous sentez que vous n'en avez pas besoin, que vous êtes assez éclairés et que vous êtes prêts à fonctionner dans un système pour les Québécois, faites-le et rapidement. En terminant, je vous remercie.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. Pepin...

M. TETLEY: Permettez-moi de vous remercier au nom du gouvernement. C'est vrai que l'Opposition voulait terminer les auditions il y a deux ou trois semaines, mais je crois que l'Opposition est convaincue de la nécessité de vous écouter et moi aussi. Au nom de tous, je vous remercie.

M. LEGER: M. le Président, je regrette, mais l'affirmation du ministre m'oblige à affirmer ceci. Nous savons que la CSN, comme bien d'autres organismes, devant un projet gouvernemental, voudrait certainement revenir. On voulait lui éviter, à elle comme à d'autres, d'avoir à revenir deux fois alors qu'elle aurait pu venir devant un projet du gouvernement, sur lequel elle aurait pu apporter soit son approbation, soit les correctifs nécessaires. C'est dans ce but que je voulais qu'on se prononce à cette commission sur un projet gouvernemental et non pas uniquement sur un rapport.

LE PRESIDENT (M. Lafrance): M. le Président, tenant compte de vos dernières remarques, la commission des institutions financières, compagnies et coopératives ajourne ses travaux jusqu'à jeudi prochain, dix heures, afin d'entendre les membres du comité Gauvin.

(Fin de la séance à 18 h 25)

ANNEXE ET TABLEAU Référer à la version PDF page B-7900 À PAGE B-7968

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