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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Tuesday, October 13, 1981 - Vol. 25 N° 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires en regard des modifications à apporter à la Charte des droits et libertés de la personne


Journal des débats

Débats de la Commission permanente de la justice, Le mardi 13 octobre 1981

 

Les travaux parlementaires
32e législature, 2e session
(du 30 septembre 1981 au 2 octobre 1981)

Journal des débats

 

Commission permanente de la justice

Le mardi 13 octobre 1981 _ No 5

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Présentation de mémoires en regard

des modifications à apporter

à la Charte des droits

et libertés de la personne (3)

(Dix heures seize minutes)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de la justice reprend ses travaux pour tenir des auditions publiques en regard des modifications à apporter à la Charte des droits et libertés de la personne.

Les membres et intervenants de la commission pour cette séance sont: M. Beaumier (Nicolet), M. Bédard (Chicoutimi), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Brouillet (Chauveau), Mme Marois (La Peltrie), qui remplace M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe (Chapleau), M. Lafrenière (Ungava), M. Marx (D'Arcy McGee), Mme Bacon (Chomedey), qui remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Blank (Saint-Louis), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Dussault (Châteauguay), Mme Lachapelle (Dorion), M. Martel (Richelieu) et M. Pagé (Portneuf).

Barreau du Québec

J'inviterais ce matin le Barreau du

Québec, qui est représenté par... Cela ne correspond pas au nom que j'ai, sûrement, Me...

Mme Audette-Fillion (Micheline):

Micheline Audette-Fillion.

Le Président (M. Desbiens):

Micheline Audette-Fillion. Si vous voulez vous présenter, s'il vous plaît, et présenter ceux qui vous accompagnent.

M. Allard (Jules): Le bâtonnier Jules Allard...

Mme Audette-Fillion: Je pourrais les présenter, M. le Président.

Le Président (M. Desbiens): Oui.

Mme Audette-Fillion: M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs les membres de la commission permanente de la justice, mon nom est Micheline Audette-Fillion, directeur général du Barreau du Québec. C'est cependant comme directeur de la recherche qu'il me fait grand plaisir, à plus de six ans d'intervalle, de revenir présenter devant cette même commission parlementaire, bien que les personnes aient changé, le mémoire sur ce même sujet, la Charte des droits et libertés de la personne.

Je m'empresse donc de vous présenter la délégation du barreau et le comité du barreau sur les droits et libertés de la personne. À mon extrême gauche, M. le Président, et dans l'ordre, Me Claude Tellier, avocat de pratique privée de Montréal et vice-président du Barreau du Québec, Me Patrice Garant, avocat, professeur à l'Université Laval, directeur du laboratoire de recherche sur la justice administrative de la faculté de droit de l'Université Laval, Me Michel Décary, avocat de pratique privée à Montréal, Me André Tremblay, avocat à Montréal, professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal et président du comité du barreau, Me Jules Allard, avocat de pratique privée à Victoriaville et bâtonnier du Québec. Je m'excuse, Me Robert Lesage, avocat de pratique privée à Québec.

Les autres membres du comité du barreau qui ont travaillé au mémoire du barreau étaient Me François Aquin, Me Dida Berkou, Me Raymond Clair, Me Ginette Durand-Breault, Me Guy Lafrance, M. le bâtonnier Michel Robert et Me Suzanne Vadeboncoeur, secrétaire du comité et avocat au service de recherche du Barreau du Québec.

Vous aurez noté que, comme en 1975, nous avons pensé qu'il s'agit là d'une législation tellement prépondérante et tellement importante pour les Québécois que le vice-président du Barreau du Québec et le bâtonnier du Québec devaient accompagner notre délégation.

Nous avons tous vécu l'expérience de l'application de la charte depuis plus de six ans, depuis l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la commission, le 26 juin 1976. Forts de cette expérience, nous sommes maintenant en mesure de nous arrêter à un exercice d'évaluation et d'orientation bénéfique. Bien que le mandat de cette commission parlementaire n'ait pas été élaboré de façon précise, c'est du moins ainsi que nous l'avons perçu. Nous avons donc considéré, entre autres choses, les recommandations de la commission elle-même dans ses divers rapports annuels et ses articles transmis aux journaux considérant la

commission en quelque sorte comme un intervenant privilégié dans le domaine.

Au moment des travaux de notre comité, nous n'avions donc pas eu l'avantage de prendre connaissance du mémoire de la commission présenté devant vous, mercredi dernier. Nous nous attacherons donc aux points que nous considérons les plus importants dans cette entreprise de recul, d'évaluation et d'orientation, l'étendue et la sanction des droits, l'action positive, la discrimination, le statut, le rôle et le fonctionnement de la Commission des droits de la personne et, enfin, les droits judiciaires.

Je m'empresse donc de céder la parole au bâtonnier du Québec, Me Jules Allard.

M. Allard: M. le Président, M. le ministre, mesdames, messieurs, notre directeur général vous a dit combien ce sujet est important pour nous. Il est très très important. Il fait partie du serment de l'avocat, des droits et libertés. C'est pourquoi nous avons tenu à être présents et répondre à l'invitation qui nous a été faite.

Les quatre grands principes qui sous-tendent notre mémoire consistent d'abord au caractère de pérennité et de stabilité des valeurs fondamentales consignées dans la charte. Cela impose pour tout changement des procédures et peut-être des formalités extraordinaires. C'est tellement important que nous voulons que les élus du peuple, l'Assemblée nationale, soient les personnes, ou le groupement ou le corps autorisé à effectuer tout changement et pour cela on demande même une majorité des deux tiers.

Le deuxième principe qui est le corollaire du premier est l'exclusion d'une modification à la charte par voie de règlement, toujours en vertu du même principe. Le troisième considérant est que la démarche s'attache aux politiques sociales ne peut être incluse dans la Charte des droits et libertés de la personne. La charte contient des principes généraux et il ne faut peut-être pas déléguer de la réglementation ou de la législation à un autre niveau et l'inclure dans la charte. Le quatrième considérant porte sur l'universalité des droits fondamentaux inscrits à la charte. Même si la Commission des droits de la personne est l'organisme administratif privilégié pour l'application de la charte, nous pensons que tous les agents sociaux de l'État de même que les tribunaux doivent en assurer la sanction et le respect.

Nous regrettons de n'avoir pas eu plus de temps pour préparer notre mémoire. La situation se présentait de la façon suivante: II n'y avait pas de proposition de loi de déposée, par conséquent, il fallait se référer soit à des articles de journaux, ou aux rapports annuels de la commission et, de ce fait nous n'avons pu frapper le clou comme c'est le cas d'une législation. Cela a l'avantage, par ailleurs, de chercher ou d'être original dans un champ plus vaste peut-être d'une proposition globale.

L'autre aspect, c'est la question du temps. Nous aurions voulu approfondir des sujets dont il n'est même pas question dans l'environnement de la question comme la question suivante: Ne serait-il pas à propos d'inclure cette charte dans ce qui est déjà notre droit fondamental, le droit civil, le Code civil. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps de le faire. C'est avec ces contingences que je vous présente le président du comité qui exposera la première partie du mémoire, Me Tremblay.

M. Tremblay (André): Merci, M. le bâtonnier. M. le Président, j'exposerai le contenu du chapitre 1 de même que le contenu du chapitre 2. Mon confrère Robert Lesage, assis à ma gauche, fera la présentation du chapitre 3 intitulé: La discrimination dans les avantages sociaux et les régimes d'assurance de personnes. Le chapitre 4 sera présenté par Me Michel Décary. Enfin, le chapitre 5 sera aussi présenté par mon collègue Lesage.

Premier chapitre: Étendue et sanction des droits. La première considération porte sur l'âge. Le comité du barreau estime que les principales difficultés qui pourraient justifier l'âge comme motif de discrimination se situent surtout au niveau du travail ou de l'emploi. Il considère qu'il y a lieu de modifier notre législation du travail de façon à traduire sans ambiguïté et avec générosité nos obligations de justice envers, principalement, nos concitoyens âgés. Il pense que ce pourrait être une tentation facile d'éluder nos obligations de justice en décrétant l'âge comme motif de discrimination. Incidemment, nous signalons à l'attention de cette commission qu'aucune charte provinciale des droits au Canada ne contient l'âge comme motif général de discrimination. De façon générale, les chartes des autres provinces définissent l'âge protégé contre la discrimination entre 18 et 65 ans. Ces chartes précisent certains secteurs d'activité où des distinctions sont interdites en raison de l'âge: emploi, publicité dans l'emploi, appartenance à des syndicats ou à des professions.

Nous n'avons pas d'objection à ce qu'on procède ici comme on le fait dans les autres provinces, mais le type de clause antidiscriminatoire quant à l'âge qu'on repère dans les autres provinces suggère effectivement que les lois sectorielles du travail seraient un véhicule plus approprié pour résoudre les difficultés signalées par la Commission des droits de la personne. Nous avons trouvé, M. le Président, le cas d'une province qui s'est orientée vers la formulation d'une clause générale de

discrimination quant à l'âge. C'est la province du Manitoba, mais lorsqu'on regarde attentivement cette législation on s'aperçoit que cette province a dû créer un très grand nombre d'exceptions à la règle. Or, M. le Président, lorsqu'on parle de l'âge, on parle d'exceptions et la position du comité du barreau est qu'en matière de droits fondamentaux on doit éviter ce type de législation qui permette de vider la règle générale de son contenu. (10 h 30)

Le deuxième propos, M. le Président, concerne l'environnement sain, ce droit qui a été revendiqué par la Commission des droits de la personne. Pour le comité du barreau, il s'agit ici d'un idéal de vertu auquel nous ne sommes pas opposés. Le droit à l'environnement sain pose évidemment un problème de formulation et de mise en oeuvre que nous ne sommes pas en mesure, encore aujourd'hui, de résoudre. Il s'agit d'un objectif à long terme auquel se rattachent les actions du ministère de l'Environnement. Nous constatons que la Commission des droits de la personne veut devenir l'avocate de ce droit à l'environnement sain. Concrètement, cela voudra dire une obligation de départager les responsabilités du ministère de l'Environnement et de la Commission des droits de la personne. Il y aura chevauchement. Ce sont les problèmes pratiques et concrets que poseront ces droits nouveaux si, bien sûr, ils étaient concrétisés dans un texte de loi.

Un troisième propos concerne la sanction des droits. Notre mémoire insiste sur le principe que la mise en oeuvre de la charte doit être appuyée par toutes les autorités administratives, tous les tribunaux et tous les citoyens. Notre mémoire pose aussi le principe que les cours de justice constituent le forum par excellence pour assurer ultimement la sanction des violations des droits.

Maintenant, le chapitre concernant l'action positive. D'abord, nous voulons dire que nous ne sommes pas opposés, loin de là, à l'action positive. Le comité est préoccupé par la situation des groupes défavorisés victimes de discrimination systémique. Ce type de discrimination appelle des mesures de correction de la part de notre société et ces mesures de correction doivent être définies autant que possible en concertation avec ces groupes. Ces mesures ne doivent pas être une nouvelle forme d'injustice, celle-là envers les groupes qui ont été privilégiés jusqu'à maintenant.

Nous voulons mettre en garde le législateur contre certains aspects excessifs de ces programmes, contre l'opportunité de permettre qu'un organisme administratif puisse les concevoir, les imposer et les appliquer. Il faut considérer leurs coûts sociaux en particulier. Précisons notre pensée, M. le Président.

Nous pensons que ces programmes doivent tous, dans un premier temps, porter sur l'élimination des obstacles à la représentation des groupes défavorisés. Il faut éliminer les pratiques de discrimination et il faut neutraliser ces pratiques dans le secteur de la gestion des ressources humaines. De plus, nous recommandons fortement à l'Assemblée nationale de continuer à favoriser l'adoption de programmes destinés à améliorer les aptitudes des groupes défavorisés. Nous voulons rendre hommage ici à l'action législative de l'Assemblée nationale pour le magnifique travail accompli en faveur des handicapés. C'est de cette Assemblée nationale que devaient venir ces mesures de correction; vous l'avez fait très bien et nous vous encourageons à poursuivre cet effort de redressement. Aussi, il faudra encourager les employeurs à prendre des mesures visant à aider les membres des groupes moins favorisés à obtenir les emplois qui leur étaient historiquement accessibles.

Comme élément de solution, nous croyons qu'il faudrait reconsidérer le projet de loi no 24 de 1979 qui légalisait, en regard de la charte, les programmes de redressement social adoptés volontairement par les employeurs. C'est dommage que ce projet de loi n'ait pas été adopté. En même temps, nous voulons dire que ce projet de loi excluait la possibilité d'utilisation de ces programmes à des fins abusives.

Ainsi, il faut reconnaître que ces programmes peuvent comporter des aspects abusifs comme, par exemple, un nombre déterminé de postes de travail au profit du groupe défavorisé, détermination qui serait faite par un organisme administratif comme la Commission des droits de la personne. Un autre aspect excessif serait des échéanciers d'intégration qui seraient définis également par un organisme administratif. Nous pensons que si des mesures de redressement de cette nature doivent être édictées, elles doivent recevoir une large mesure de consensus social que seule l'Assemblée nationale peut obtenir.

C'est le point que nous voulons faire ressortir à la page 16 de notre mémoire, au deuxième paragraphe, alors que nous disons, à la quatrième ligne: "Si les mesures de redressement que nous favorisons s'avèrent insuffisantes pour assurer une représentation équitable des groupes défavorisés et s'il faut ainsi déroger au principe de l'égalité, seule l'action législative du législateur est concevable pour organiser les arbitrages requis", et j'ajoute pour obtenir cette large mesure de consensus social nécessaire au succès de ces programmes.

Je passe maintenant la parole à mon confrère, Me Lesaqe.

M. Lesage (Robert): La discrimination dans les avantages sociaux, M. le Président, de quoi s'agit-il? Il s'agit d'abord, si on se réfère au mémoire de la Commission des droits de la personne, d'avantages basés sur le principe de l'égalité de la rémunération. Accessoirement, on traite également des régimes étatiques de prestations et, enfin, de l'assurance de la personne. Ceci est couvert dans la Charte des droits et libertés de la personne par l'article 90, que la Commission des droits de la personne recommande d'abroger.

Présentement, dans la charte, il est permis, en matière de régimes d'avantages sociaux, d'assurance de personnes et autres régimes de retraite et de pension, de faire certaines distinctions qui sont basées soit sur le sexe, c'est-à-dire hommes et femmes, soit sur l'état civil, c'est-à-dire conjoints ou non-conjoints, conjoints légalement mariés et non légalement mariés, c'est-à-dire qu'on ignore ceux qui ne sont pas mariés. Il est possible théoriquement de faire des distinctions basées sur le handicap. Il est possible - si tant est que ce soit possible, mais paraît-il que c'est possible - de faire des distinctions basées sur l'orientation sexuelle en traitant de personnes du même sexe qui vivent ensemble de façon stable et prolongée.

La commission recommande qu'on abroge tout simplement cet article 90 et qu'on donne à la commission un pouvoir de réglementation pour régler ces cas de régimes d'avantages sociaux, régimes d'assurance et régimes éventuellement étatiques de prestations. Alors, on repose, en quelque sorte, la question fondamentale: Cette commission doit-elle avoir, justement, un pouvoir de réglementation pour définir ce qui constitue de la discrimination, ce qui constitue des valeurs fondamentales?

Le comité du barreau est d'avis que permettre à la commission de légiférer par voie de réglementation en ces matières, c'est diminuer son rôle en matière de droits fondamentaux, c'est maquiller des valeurs fondamentales avec des objectifs sociaux et politiques valables, mais qui ne sont pas des droits fondamentaux. Il ne doit pas y avoir de confusion entre des droits fondamentaux et des mesures sociales et économiques qui sont opportunes pour régler des problèmes dans l'intérêt public. La charte n'est pas un instrument complet de politiques sociales, loin de là, et ne peut l'être parce qu'il s'agit d'un document qui établit des valeurs de base acceptées par le consensus général de la population.

Nous avons constaté, d'une part, que même un comité de la commission, le comité Boutin, avait reconnu qu'il devait y avoir des exceptions basées sur des données actuarielles. L'ancien texte de la charte qui, à notre avis, était beaucoup plus clair, permettait des exceptions lorsque la discrimination est fondée sur des données actuarielles basées sur le sexe et l'état civil. Nous vous suggérons que ce texte était beaucoup plus à point et que c'est un minimum qu'on doit respecter. Nous vous suggérons, vu maintenant que le handicap a été ajouté à l'article 10 comme étant un facteur de discrimination interdit, qu'on modifie en quelque sorte l'article 90, qui était autrefois l'article 97, pour permettre en ces matières une distinction raisonnable laissée bien sûr à l'arbitrage du tribunal et fondée sur des données actuarielles basées sur le sexe, l'état civil et le handicap physique.

Quant aux autres matières, à savoir les régimes étatiques, je pense que l'État, qui sait s'occuper de ses affaires, est capable de légiférer adéquatement en matière de régimes étatiques d'avantages sociaux. La question de l'assurance de personnes en dehors du contexte de l'emploi est une question très vaste, très délicate et là-dessus, la commission ne nous a pas éclairés beaucoup; elle demande des pouvoirs de réglementation, et nous soumettons qu'il faut à tout le moins respecter les donnés actuarielles, parce que ces données sont des faits et ne sont pas des préjugés. Je pense que c'est respecter le principe de l'égalité de la rémunération que de se baser sur des faits: l'assurance-vie pour les femmes coûte moins cher que pour les hommes, à cause des tables de mortalité et ce ne sont pas des préjugés que de reconnaître ces faits. Me Décary.

M. Décary (Michel): En ce qui regarde le chapitre, IV qui porte sur le statut, le rôle et le fonctionnement de la commission, j'aimerais attirer l'attention des membres de cette commission sur les six points suivants.

Le premier se rapporte au statut de la commission. Aux pages 22 et 23, nous disons substantiellement qu'il y aurait lieu de reconnaître à la commission le statut juridique de corporation au sens du Code civil. La commission dispose déjà de certains des attributs d'une corporation, entre autres, elle peut poursuivre. Nous ne voyons aucune raison pour laquelle elle ne devrait pas être dotée de tous les attributs d'une corporation.

Le deuxième point affirme que ce statut corporatif ne doit rien changer au principe selon lequel il ne peut y avoir de recours même collectif sans le consentement du plaignant. J'attire l'attention des membres de cette commission à la page 24, 2e alinéa. "Selon le comité du barreau, on doit ici prendre en considération le droit à la vie privée des citoyens qui est lui-même un droit fondamental prévu à la charte; il leur appartient - aux citoyens - de décider d'autoriser la commission à poursuivre pour eux et cette décision relève de motifs personnels. De plus, on voit difficilement

comment la commission pourrait, proprio motu, saisir le tribunal d'un dossier concernant un tiers et faire une preuve complète et efficace sans la participation ou le concours de ce dernier, voire dans certains cas à son insu." (10 h 45)

Aux pages 26 et suivantes, nous traitons des troisième et quatrième points, qui se rapportent au rôle de la commission. Au premier alinéa, on dit à la page 26: "À l'heure actuelle, la pratique de la commission reflète sa partialité en faveur des plaignants. Au niveau des enquêtes, la commission devient l'avocate d'un plaignant. Cette philosophie de comportement ne découle pas nécessairement du texte de loi, mais celui-ci ne l'interdit pas, du moins expressément. Le comité du barreau estime néanmoins qu'il ne s'agit pas là d'une mauvaise orientation; pour lui, le rôle essentiel de la commission est de veiller, mais non de façon exclusive, à une bonne application de la charte, à assister, par voie d'enquête, les personnes qui se croient lésées, à aider les plaignants dans l'exercice de leur recours civil et à faire des recommandations aux autorités compétentes". 3e et 4e points, au bas de la page 26. Cela entraîne certaines limitations et certaines conséquences qui sont de deux ordres: d'abord, un rôle d'adjudication lui est nécessairement interdit, elle ne peut être à la fois enquêteur partial, promoteur et juge. Et à la page 27, 2e alinéa, 4e point, une deuxième limitation est relative aux obligations de discrétion et de confidentialité des travaux de la commission. Présentement, l'enquête se fait à huis clos, de même que tout le processus de médiation du différend et les recommandations. Il ne saurait en être autrement. Si la commission dérogeait à ces règles élémentaires, il faudrait judiciariser tout le processus et ainsi permettre le contre-interrogatoire du plaignant, etc., et le rendre public, ce qui n'est évidemment pas la position du barreau.

L'on ne peut ignorer le préjudice énorme que pourraient créer à des personnes les fuites afférentes à ces enquêtes administratives.

Quant au 5e point, à la page 29, 3e alinéa, après la citation, le comité du barreau croit que l'intimé, celui qui fait l'objet de l'enquête, ne doit pas rester dans l'ignorance de la plainte déposée. La commission n'est pas dégagée de l'obligation d'agir équitablement et, en conséquence, elle doit informer l'intimé, généralement, du motif de la plainte. 6e point, page 30, dernier alinéa, pour nous, les questions relatives au fonctionnement de la commission n'ont pas le même degré d'importance que la définition des droits fondamentaux. Cette définition nécessite, à notre point de vue, une démarche très formelle et solennelle de l'Assemblée nationale. Mais les règles de fonctionnement de la commission peuvent être précisées dans une loi ordinaire. Aussi, nous croyons qu'il y aurait lieu d'adopter deux lois distinctes pour couvrir les matières inscrites à la charte, une loi à caractère constitutionnel relative aux droits fondamentaux et une loi statutaire créant la commission et définissant son rôle et son fonctionnement. Cette démarche a d'ailleurs été suivie dans plusieurs de nos lois, ainsi que dans d'autres provinces. Je vous remercie.

M. Lesage: M. le Président, au chapitre des droits judiciaires, nous abordons la question du secret professionnel pour soulever une lacune qui apparaît, avec l'expérience, dans le fait que l'article 9 de la charte contient la seule disposition statutaire à l'égard du secret professionnel. Or, le secret dit professionnel de l'avocat, reconnu par nos tribunaux, d'après la tradition de common law , allait beaucoup plus loin que l'énoncé à l'article 9 de la charte, lequel énoncé la Cour d'appel interprète comme se limitant aux seules confidences du client. D'après l'article 9 de la charte, ce qui est secret, ce sont les confidences que le client fait au professionnel et ça comprend tous les professionnels, y compris l'avocat.

D'après la jurisprudence antérieure, et on s'inquiète sérieusement si cette jurisprudence, qui n'a pas été rappelée par nos tribunaux dans l'affaire Trempe contre Dow Chemical, tient toujours. C'est que toute communication faite en vue d'un litige est privilégiée, c'est-à-dire tenue pour confidentielle, afin que le système judiciaire puisse fonctionner de façon convenable. Si bien que lorsque quelqu'un fait préparer un document par un expert pour les fins d'un procès, ce document est confidentiel. Si un rapport est fait à un avocat par une partie ou même un témoin, c'est confidentiel, parce que c'est fait en vue d'un litige. Cela n'empêche pas le témoignage de cette personne, mais cela rend privilégiée la communication, le substratum, le médium de communication.

Alors, nous suggérons, afin de ne pas perdre ce droit du secret de la communication privilégiée, celle qui est faite en vue d'un litige, d'ajouter à l'article 34 de la charte, dans les dispositions qui traitent des droits judiciaires, une disposition qui consacre, en quelque sorte, la règle de common law que nos tribunaux du Québec ont appliquée jusqu'ici et qui dirait: "Toute communication destinée à faire valoir les droits d'une personne devant les tribunaux est confidentielle, sauf si une violation de la loi en résulte."

Cette réserve, à la fin, est pour éviter, bien sûr, qu'un avocat puisse alléguer cette confidentialité en se rendant coupable de

complicité avant le fait. Alors, s'il y a une obligation dans l'intérêt public ou, je devrais dire, d'ordre public, la règle ne permettra pas de couvrir l'avocat qui est tenu par l'ordre public de dévoiler une communication qui lui serait faite. Ainsi, on sauvegarderait la confidentialité des communications faites en vue d'un litige, ce qui permettrait aux citoyens de se confier en toute quiétude aux avocats et aux experts qui préparent sa cause.

Au sujet de la représentation par avocat, nous soulevons un problème. Ce n'est pas évidemment toute la question de la représentation par avocat qui peut être réglée par la charte. Encore une fois, la charte ne peut être que l'énoncé de valeurs fondamentales. Le problème que nous soulevons, c'est le problème des enquêteurs qui ont le droit d'assigner quelqu'un à témoigner ou à produire des documents et qui ont le droit de contraindre une personne à fournir des renseignements.

Présentement, la charte assure l'assistance ou la représentation par avocat devant un tribunal qui est défini par la charte comme étant une commission d'enquête et un organisme qui exerce des fonctions quasi judiciaires. En somme, on étend la notion de tribunal à la commission d'enquête et à l'organisme qui exerce des fonctions quasi judiciaires. Mais l'enquêteur, lui, qui n'est pas une commission d'enquête, est-ce qu'il peut se rendre chez quelqu'un, lui demander de produire ses documents, le questionner sur des faits qui sont survenus sans que cette personne puisse avoir le secours d'un avocat? Nous soutenons que même lorsque cet enquêteur a ou exerce, d'après la loi, des pouvoirs de commissaire en vertu de la Loi des commissions d'enquête, il n'est pas une commission d'enquête. Il y a des lois - vous venez d'en adopter une très récemment en matière de transport - par lesquelles on donne à des enquêteurs le droit de faire toute enquête pour s'assurer du respect de la loi, sous l'autorité du Tribunal des transports ou de la Commission des transports, mais on lui donne un droit qui est assuré non pas par la Loi des commissions d'enquête, mais qui est assuré par la Loi des transports elle-même, où on dit: sous peine de sanction, cette personne peut se présenter; toute personne qui tente de déjouer le système est coupable d'une infraction.

La personne qui est questionnée, en vue, bien sûr, de découvrir s'il y a des infractions, a-t-elle droit à l'assistance d'un avocat? Nous soutenons que la charte ne couvre pas ce cas-là, alors que la Déclaration canadienne des droits le couvre. Parce que la Déclaration canadienne des droits, dans son article 2d, assure l'assistance d'un avocat lorsque toute autorité cherche à interroger un citoyen. Nous demandons tout simplement que l'article 34 soit modifié pour qu'on ajoute, après les mots "devant tout tribunal", les mots "ainsi que devant toute autorité habilitée par la loi à contraindre cette personne à témoigner ou à produire quelque document ou renseignement".

Nous avons enfin traité de la question du huis clos devant les comités de discipline professionnels. Il y a une question qui revient périodiquement à la surface; tantôt c'est par des professionnels, tantôt c'est par d'autres organismes la Commission des droits de la personne l'a encore mentionné dans son rapport. Nous estimons que la règle du huis clos en matière disciplinaire doit être maintenue pour deux raisons, même plus que deux raisons, mais il y a deux groupes de raisons. Le premier groupe, c'est que dans ces enquêtes disciplinaires on est susceptible de dévoiler le secret professionnel et, pour la protection des clients et des personnes reliées à ces communications privilégiées, il est important que les enquêtes procèdent à huis clos.

L'autre groupe de raisons - c'est mal perçu, c'est mal compris du public en général - c'est que l'enquête disciplinaire est d'une nature tout à fait différente de l'enquête pénale ou de l'enquête civile. L'enquête disciplinaire, au point de vue procédure, est une enquête inquisitoriale; le comité de discipline est un comité inquisiteur. Il peut questionner et forcer le professionnel à rendre témoignage. Il peut questionner sur d'autre chose que l'accusation strictement libellée, ce n'est pas formaliste, et c'est en fonction évidemment du respect de l'intérêt public et de la déontologie professionnelle que ces enquêtes se font.

Alors, au point de vue procédure, l'intimé est assujetti à s'expliquer. Au point de vue de la preuve, les règles de preuve en matière disciplinaire sont très différentes de la matière pénale et sont très différentes même des enquêtes civiles parce que, en particulier, la présomption d'innocence ne joue pas, il faut que la personne s'explique et, en équipollent, si vous voulez, pour balancer cette obligation, on tient compte par contre de la bonne foi du professionnel qui s'explique.

Il y a plus que cela. En matière disciplinaire, la règle qu'on appelle dans notre jargon de la connaissance judiciaire, que tout doit être prouvé devant le tribunal pour que le tribunal en tienne compte, ne s'applique pas. En matière disciplinaire, il y a des gens de la profession qui sont là, qui savent comment la profession s'exerce et qui peuvent faire appel à leurs propres connaissances pour décider d'une situation sans qu'on ait besoin de leur prouver comment cela s'est passé. Alors, la règle de la connaissance judiciaire ne s'applique pas et, incidemment, les tribunaux de discipline sont financés par les professionnels eux-

mêmes et non pas par l'Etat. Alors, s'il fallait que l'on prouve de A à Z tous les éléments qui doivent être prouvés pour respecter la règle de la connaissance judiciaire, ce seraient des démarches que les professionnels n'auraient pas les moyens d'assumer.

En plus, s'il fallait que toutes les plaintes dans ce contexte soient publiques, vous voyez combien de réputations on pourrait saboter de façon très simple puisque les plaintes sont ouvertes à toute personne qui peut se plaindre et qui remplit un affidavit et le dépose auprès du syndic.

Enfin, si l'on devait avoir des procès publics, il serait difficile, comme pour les autres tribunaux - l'expérience des autres tribunaux le démontre aussi - de trouver les témoins nécessaires, sans rémunération, pour faire la preuve requise. Nous soumettons que lorsqu'on parle de faire des procès publics en matière disciplinaire, on oublie parfois que les mécanismes sont différents, que les professionnels n'ont pas la protection des gens qui sont accusés d'actes criminels. Il ne faut pas l'oublier, il faut tenir compte de cette situation, autrement on va tomber dans un système pénal que l'Etat sera obligé de payer et le professionnel aura droit à sa pleine défense lui aussi. (11 heures)

M. Tremblay (André): M. le Président, avec votre permission, un mot pour clore la présentation du comité du barreau. Ce mot de conclusion veut rejoindre une demande d'ordre matériel qui a été faite par la Commission des droits de la personne, demande à laquelle nous voudrions nous associer. Cette demande apparaît à la page 37 du mémoire du barreau, deuxième paragraphe. Vous me permettrez de le lire: "Conscient de l'importance d'une application plus efficace de la charte, le comité du barreau souhaite que la Commission des droits de la personne soit dotée de ressources humaines et financières importantes. Le mandat qui lui est confié est d'une rare complexité et elle doit donc disposer d'un personnel dont l'expérience et l'expertise sont tout à fait exceptionnelles."

Ceci étant dit, le comité du barreau accueillera avec plaisir les questions que le président, le ministre de la Justice et les membres du comité voudront bien lui poser.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: Je voudrais remercier les représentants du Barreau du Québec de la présentation de leur mémoire très étoffé et très substantiel, malgré les délais qui étaient peut-être un peu courts, mais qui, quand même, on est à même de le constater, ont permis à tous les organismes de vraiment y aller de représentations très importantes au niveau des travaux de cette commission. En ce qui a trait au barreau, il est clair que ce n'est pas seulement à partir des articles de journaux ou des mémoires déjà produits que vous y êtes allés de vos commentaires, comme vous le disiez, mais à partir, j'imagine, d'un vécu de la communauté juridique que vous représentez concernant l'application de la charte. Effectivement, vous dites au début, en guise d'introduction à votre mémoire, à la première page, qu'au cours des cinq dernières années, la communauté québécoise a dû ajuster et parfois modifier son comportement en regard des valeurs et des normes inscrites dans la charte.

La Commission des droits de la personne, dont vous reconnaissez l'essentiel du témoignage devant cette commission, a noté, entre autres, peut-être une certaine indifférence de la communauté juridique par rapport à la protection des droits et libertés. Vous dites, entre autres, dans votre mémoire, que la commission ne doit pas être le seul intervenant dans la défense des droits et libertés de la personne. Est-ce que cette affirmation ne comporte pas en soi une sorte de corollaire qui fait que la communauté juridique doit s'impliquer dans cette défense des droits et libertés de la personne? J'aimerais avoir vos commentaires sur ce qu'on peut percevoir comme étant une certaine forme d'indifférence de la communauté juridique par rapport à la charte et je voudrais savoir quelles sont les mesures que le barreau a l'intention de mettre de l'avant pour promouvoir en fait les notions qui sont véhiculées dans la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Tremblay (André): M. le Président, je pense qu'il serait injuste de parler de l'apathie du barreau ou de l'indifférence du barreau devant...

M. Bédard: J'ai employé ce terme...

M. Tremblay (André): Je ne vous attribue pas la paternité de l'expression, loin de là, mais je pense que ce serait injuste de parler en ces termes.

M. Bédard: ... attribuer la paternité de l'impression; allez-y.

M. Tremblay (André): La preuve que nous ne sommes pas apathiques, que nous ne sommes pas indifférents, c'est d'abord la création de ce comité permanent du barreau sur les droits et libertés de la personne. C'est le travail que nous avons fait durant la majeure partie de l'été pour vous présenter l'éclairage du barreau sur cette question. Le bâtonnier, tout à l'heure, vous a dit que, pour le barreau, c'était probablement la loi la plus importante du système juridique du

Québec. La délégation qui m'accompagne ce matin témoigne avec éloquence de l'importance exceptionnelle que nous attachons à cette Charte des droits et libertés de la personne. Nous avons à l'intérieur du barreau, comme membres, beaucoup de sensibilité, beaucoup d'affection pour la Charte des droits et libertés de la personne. On ne connaît, je pense, personne à l'intérieur du barreau qui méconnaisse cette charte. Ce qui peut donner l'impression d'indifférence, M. le ministre, c'est peut-être la difficulté pour la commission d'obtenir gain de cause devant certains tribunaux. C'est peut-être là le problème. Je pense que le problème n'est pas à l'intérieur du barreau parce que nous visons tous à un meilleur système de justice, et la charte est un instrument privilégié pour instaurer dans les relations humaines une justice plus harmonieuse.

M. Allard: Si vous me permettez, M. le ministre, j'aimerais ajouter que le barreau a, par sa formation permanente, donné des cours à ce sujet. Il a dû les répéter tant c'était important pour ses membres. Il y a un autre aspect qu'il ne faut pas oublier: ce sont toutes les représentations que le barreau a faites au niveau des commissions parlementaires. Parlons des commissions d'enquête, par exemple. Il y a l'autre aspect qui est moins spectaculaire, qui ne génère pas de statistiques, qui est l'aspect préventif. La commission est peut-être plus importante par ce qu'elle représente au point de vue préventif que par son action. Vous savez sans doute que les avocats qui sont consultés sur un aspect de la discrimination, comme le sexe ou autre, ou dans le domaine de l'emploi ont maintenant cet outil pour dire à l'employeur de ne pas aller plus loin, de guider sa conduite sur la norme qui est imprimée par la charte. Cet aspect est très important, d'autant plus que nos membres sont les plus actifs dans les différentes disciplines couvertes. Prenons nos membres au niveau de l'aide juridique, au niveau de la couronne ou des commissions d'enquête.

J'aimerais bien pouvoir effacer cette impression.

M. Tremblay (André): J'aimerais aussi ajouter, M. le ministre, l'observation suivante. Excluant la qualité du président ou les titres du président, je dois constater que nous avons eu, même en cours d'été, la possibilité de constituer un comité - très important, je pense - de personnalités importantes du barreau qui ont accepté généreusement d'y travailler. Il n'y a pas eu de difficulté pour le président, pour le bâtonnier ou pour le directeur du barreau d'obtenir la collaboration de mes collègues du comité qui sont des avocats de grande renommée et de grand prestige, qui ont répondu avec empressement à l'invitation parce qu'ils croyaient aux droits de l'homme, qu'ils croyaient à la charte des droits comme véhicule pour instaurer la justice au Québec.

M. Bédard: II n'y a rien de mieux que la provocation, d'une certaine façon, pour permettre d'avoir d'autres éclaircissements. Je ne voudrais pas que vous preniez mes propos comme étant une attaque contre le barreau comme tel, mais je pense que tous les membres de la commission s'interrogent, par exemple, sur la participation des avocats au niveau de l'aide juridique. Est-ce qu'elle pourrait être plus grande? Il n'y a pas seulement la commission qui est là pour la défense des droits et libertés; il y a également tous les avocats. Je pense que c'est un de leurs devoirs stricts. Il y a également des structures qui existent déjà, gouvernementalement parlant. Je pense, entre autres, à l'aide juridique qui est là pour représenter les citoyens quand même plus démunis. Est-ce que vous croyez que l'implication de l'aide juridique sur cet aspect pourrait être encore plus déterminante qu'elle ne l'est présentement?

M. Allard: Oui, l'aide juridique et la communauté juridique, étant donné que le citoyen a libre choix et peut faire appel à un avocat de pratique privée. L'aide juridique semble peut-être un bloc plus important, avec les moyens nécessaires pour faire valoir ce genre de droit, pour s'intituler protecteur de ce genre de droit pour le citoyen. Vous savez sans doute que la pratique du droit s'est transformée, que nous n'avons plus certains champs de pratique privilégiés, de sorte que nos avocats sont de plus en plus près de toute cette nouvelle législation sociale, réglementation, quoi que ce soit. Je pense à l'assurance-chômage, du point de vue fédéral, à l'attribution de l'aide sociale, où il y a des droits fondamentaux. Je pense que, là-dessus, dans quelques années à peine, nous verrons poindre toute une nouvelle génération d'avocats.

M. Bédard: En fait, l'impression à laquelle je faisais état au début de notre échange, c'est que - vous me corrigerez, si je fais erreur - je pense que les avocats n'invoquent pas très souvent la charte au niveau des représentations qu'ils ont à faire devant le tribunal. Je ne crois pas me tromper quand je dis cela. Peut-être allez-vous me dire que, sans se référer nommément à la charte, ils se réfèrent à tous les principes, à toutes les libertés individuelles que protège la charte, mais la référence très directe à la charte comme instrument non seulement de promotion, mais de protection des libertés et des droits individuels, il me semble - est-ce que c'est votre impression? - qu'on s'y réfère moins

qu'on serait porté à le penser, étant donné l'importance de cette législation.

M. Allard: C'est bien possible. Quant à moi, j'ai l'impression qu'on l'invoque beaucoup.

M. Bédard: Cela peut s'appliquer aux avocats et ça peut s'appliquer à d'autres intervenants.

M. Allard: Pour vous informer de façon plus spécifique, je demanderai au vice-président du barreau de vous répondre.

M. Tellier (Claude): Évidemment, c'est une question qui est difficile à quantifier parce que, disons, il y a peut-être 10% des jugements qui sont publiés, comme vous le savez. Sortir vraiment des statistiques là-dessus, c'est très difficile. Souvent, également, les questions seront soulevées, en cours de procès, sous forme d'objection à l'intérieur d'un contre-interrogatoire, par exemple, ou à l'intérieur d'une preuve qui consiste en la production de documents, etc. Ce qui veut dire que ce qu'on peut en voir, c'est vraiment la pointe de l'iceberg.

D'une façon encore plus fondamentale, comme l'a dit le bâtonnier, tout à l'heure, dans ses remarques - cela, il ne faut pas l'oublier - la charte doit d'abord avoir un consensus, exactement comme pour un Code civil. Vous savez que, la semaine dernière, il y avait un colloque international sur les pays de Code civil, et c'est la première chose qui ressortait de toutes ces communications: ça prend un consensus. C'est-à-dire qu'il faut que ce soit accepté dans la population comme tel et que les gens en soient conscients. C'est un peu le sens de nos interventions ce matin. La commission est nécessaire, mais si on pense que c'est seulement la commission qui va pouvoir faire vivre la charte, ça n'ira pas loin.

À ce moment-là, pour que les avocats, par exemple, invoquent la charte, il faut d'abord que, dans bien des cas, on soit consulté. Il y a des gens qui vont hésiter à consulter ou à soulever des points parce que ça soulève aussi certains aspects de leur vie personnelle, de leur vie privée, de leurs relations avec les employeurs, et avant de soulever les droits fondamentaux, ça soulève en même temps toute leur vie. C'est un peu, si vous voulez, la même hésitation qu'on peut retrouver à l'occasion de la commission de certains crimes sexuels où les gens hésitent à porter plainte.

Autre chose, également; la charte est une création fort récente. Avant que les questions soient soulevées, soient décidées en première instance et en appel et avant qu'une jurisprudence intéressante se développe et permette, si vous voulez, une meilleure connaissance des implications pratiques de la charte, ça prend quand même un certain temps. Je pense qu'on peut s'attendre, aujourd'hui, après cinq ans, à une meilleure connaissance et à voir la charte invoquée plus souvent parce qu'elle sera mieux connue judiciairement parlant. (11 h 15)

Le bâtonnier mentionnait également que, dans nos cours de formation permanente, nous en avons fait des sujets de cours privilégiés. Au comité qui est présentement à préparer un nouveau rapport là-dessus, parce que la législation a évolué tellement rapidement, nous avons l'intention de privilégier la connaissance de la charte d'une façon particulière parce que, justement, c'est une loi qui a priorité sur les autres. De la même façon que, si vous voulez, avec les orientations du droit nouveau qui se développent, nous avons l'intention de privilégier la notion des juridictions. Ce sont des notions fondamentales qui ne font que naître dans notre droit. Évidemment, malgré tout ce qu'on peut faire, on ne peut pas aller plus vite que la pénétration.

M. Tremblay (André): Si vous me permettez, M. le Président, pour enchaîner, la jurisprudence québécoise n'est pas encore très avancée. La charte, M. le vice-président vient de le dire, est très jeune. En pratique, les avocats plaident régulièrement une argumentation à partir de la charte mais nous observons qu'il y a une certaine réserve judiciaire à disposer de litiges à partir de l'argument fondé sur la charte. On observe une certaine réserve judiciaire de la part des tribunaux à disposer d'un litige à partir de l'argument d'inconstitutionnalité; on observe un peu cette même réserve à l'égard de l'argument fondé sur la charte. Il n'est pas impossible de supposer que les juges s'habitueront à être moins réservés devant la Charte des droits et libertés de la personne.

M. Bédard: Je vous remercie de vos éclaircissements.

Concernant la Commission des droits de la personne, vous proposez de donner à la commission le droit d'intenter des poursuites pénales. Je comprends que vous le faites en voulant éviter au Procureur général des conflits d'intérêts possibles mais, en donnant le droit de poursuite en matière pénale à la commission, est-ce qu'on ne risque pas des conflits d'intérêts plus grands au niveau de la commission à cause de son rôle de conciliateur entre autres, de son rôle d'enquêteur et de support juridique pour la victime?

M. Garant (Patrice): M. le ministre, je me demande à quoi il faut donner primauté. La commission a évidemment un rôle d'enquêteur et nous proposons aussi qu'elle

ait un rôle, comme tout policier, qui conduit à pouvoir porter une plainte. C'est juste l'extension de son pouvoir d'enquête, celui de porter plainte.

Par ailleurs, son deuxième rôle de conciliateur c'est dans une affaire de caractère civil. Évidemment c'est d'essayer de rapprocher les parties et de régler les problèmes à l'amiable; c'est un autre rôle. C'est sûr qu'à l'intérieur d'une commission il est difficile parfois de tout concilier, de travailler en vase clos parce qu'à ce moment-là je pense qu'il faudrait la diviser. Par ailleurs, lui exclure le droit, c'est saper un élément essentiel de son pouvoir fondamental qui est celui de faire enquête, d'aider les gens, donc d'aller devant le tribunal.

M. Bédard: Je m'excuse, une dernière question si vous me permettez. Selon vos recommandations, les programmes de redressement progressif ou leur modalité d'application constituant des atteintes aux droits fondamentaux devraient être soumis à l'approbation des deux tiers de l'Assemblée nationale?

M. Tremblay (André): Non. La règle des deux tiers serait applicable aux modifications à la charte. Nous aimerions bien que la Charte des droits et libertés de la personne, dans ses aspects droits fondamentaux, soit, si vous me permettez l'expression, M. le ministre, enchâssée et qu'une majorité des deux tiers soit nécessaire pour y déroger.

M. Bédard: Pas besoin qu'elle soit enchâssée pour se poser comme exigence qu'il y ait nécessité des deux tiers pour...

M. Tremblay (André): Présentement, une majorité des deux tiers est exigée pour la nomination des membres. Ce serait normal, nous semble-t-il, qu'une majorité des deux tiers de l'Assemblée nationale soit exigée pour la modification de la charte. Si, après ça, on parle d'enchâssement, ce sera le jargon qui le voudra ainsi, M. le ministre.

M. Bédard: En laissant le jargon de côté, je trouve la proposition quand même très positive, parce que effectivement l'Assemblée nationale exige la majorité des deux tiers quand il s'agit de nommer les membres. Je crois qu'un amendement à la charte, avec tout le respect que j'ai pour les personnes qui sont à la commission, est de toute première importance.

J'aimerais que vous expliquiez davantage, concernant les programmes de redressement, votre position sur la modification relative aux avantages sociaux, concernant, par exemple, l'intervention des tribunaux. C'est à la page 20 de votre mémoire, je l'avais souligné. C'est le deuxième paragraphe.

Une voix: Quelle page?

M. Bédard: Page 20 de votre mémoire.

M. Lesage: La question que vous nous posez, M. le ministre, c'est d'essayer de clarifier, en quelque sorte, la raison pour laquelle nous suggérons un autre texte à l'article 90. La commission suggère de l'abroger complètement, mais à condition de lui donner des pouvoirs de réglementation pour statuer, en quelque sorte, sur les régimes d'avantages sociaux. Au fédéral, c'est le gouverneur en conseil qui a ce pouvoir de statuer par règlement sur les régimes d'avantages sociaux. J'ai ici devant moi un texte très technique d'un règlement de 1980, il y a dix pages où on parle de régimes de prestations d'avantages sociaux, d'assurances-revenus en cas d'invalidité, de contributions de l'employeur et de l'employé, c'est une loi très technique et très sectorielle, en plus.

Nous disons: Écoutez, présentement, il y a une latitude, ce n'est pas discriminatoire, ce n'est pas une discrimination ou une distinction illégale ou illicite de faire des distinctions sur la base du sexe, de l'état civil, du handicap physique. La commission a ajouté l'orientation sexuelle et l'âge, parce qu'on voudrait introduire l'âge à l'article 10. Nous disons, écoutez, c'est beau d'être capable de ne pas faire de distinction, mais il y a une chose qui nous paraît le minimum, c'est de reconnaître des distinctions basées sur des données actuarielles, parce qu'on a affaire à des faits, on a affaire à des régimes de prestations qui sont construits sur des données économiques. Quand je parle du règlement de la commission fédérale, il y a quantité de distinctions basées sur des données actuarielles. J'en prends un ici: On exclut les dispositions qui établissent entre les employés une distinction fondée sur l'état civil, ou sur l'âge, le sexe, l'état civil, un handicap physique ou les quatre, suivant une base actuarielle, pour le calcul du taux des contributions de l'employeur, afin de prévoir, à la suite du décès d'un employé, le versement de prestations à son conjoint, à son enfant ou à une personne à charge survivante.

Si on disait: On fait abstraction de ça du jour au lendemain, je pense qu'on ne serait pas réaliste. Je pense, à ce moment-là, qu'on dépasse le cadre des valeurs fondamentales. C'est pourquoi la commission dit: Écoutez, ce n'est pas ça qu'on demande. On demande le pouvoir de régler ces problèmes. Nous disons que la commission ne devrait pas être appelée à régler ces problèmes, parce qu'on fait de la commission un organisme qui va se mêler d'affaires de

travail, qui va se mêler d'affaires d'assurances et qui va peut-être être plus préoccupé par ça que par la défense des valeurs fondamentales et des libertés.

Si on doit instituer des systèmes comme ça, qu'on les institue à part, mais pas dans la charte pour qu'on ait une confusion de tout ce qui est bien et bon pour la société. On ne peut pas avoir une charte qui contienne tout cela.

M. Bédard: Une dernière brève question. La commission, dans son mémoire, a ouvert sur la protection de droits collectifs, en tout cas, à caractère plus collectif, comme le droit à la santé, le droit à un environnement sain, le droit au travail, etc. La Charte des droits et libertés de la personne, selon votre opinion, doit-elle s'en tenir aux droits et libertés individuels ou encore est-ce qu'on doit ouvrir la porte à la protection de droits collectifs?

M. Tremblay (André): Écoutez! On peut parler plutôt de droits économiques et sociaux lorsqu'il s'agit de droit au travail, de droit à la santé, de droit à l'éducation. Je pense - je crois exprimer le point de vue du comité - qu'on s'oriente vers de mauvaises directions en insérant ce type de droit à connotation sociale et économique dans la charte. Parce que nous estimons que les politiques de travail, les politiques de santé, les politiques d'éducation relèvent exclusivement de l'Assemblée nationale. C'est à cette Assemblée de définir le contenu de ces droits.

Deuxièmement, on peut leurrer la population en lui donnant ce type de droit dont, au fond, le contenu est défini par vos politiques sectorielles. En définitive, on n'ajouterait probablement strictement rien à l'ordre juridique sauf peut-être plus de confusion.

M. Bédard: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais, à mon tour, remercier les membres du Barreau du Québec pour avoir présenté un mémoire.

Il me semble que les avocats jouent un rôle tout à fait spécial dans la protection des droits et libertés de la personne. On voit cela durant les périodes de crise, par exemple, quand les gouvernements empiètent sur les droits de la personne. C'est arrivé souvent dans notre histoire, dans les années trente, quarante, cinquante, et même durant les événements d'octobre. On a vu, à ces époques, l'importance d'avoir un barreau libre et des avocats qui étaient prêts à défendre les droits de la personne. Je suis plutôt quelqu'un qui a lu la jurisprudence; j'ai fait très peu de jurisprudence. Mais je sais qu'il y a beaucoup d'avocats qui ont fait de la jurisprudence dans le sens qu'ils ont plaidé de grandes causes qui ont fait avancer les libertés de la personne, des arrêts qu'on nous a enseignés à nos cours de droit.

En ce qui concerne la plaidoirie de la charte par les avocats, je pense qu'ils plaident peut-être peu la charte parce que les gens qui ont une plainte à formuler en vertu de la charte vont plutôt voir la commission qu'un avocat. Parce qu'il y a un service gratuit à la commission et aussi quand on a une plainte, il faut chercher la preuve. L'avocat ne peut pas chercher la preuve. Si on va voir un avocat, tout ce qu'il peut faire pour le plaignant, c'est d'aller lui-même à la commission et demander à la commission d'instituer une enquête. C'est pourquoi c'est moins plaidé devant les tribunaux, c'est surtout la commission qui porte ces plaintes devant les tribunaux.

Je suis heureux aujourd'hui de voir que le ministre est d'accord pour l'enchâssement de la charte. J'ai proposé cela la semaine dernière et il n'était pas heureux, quoiqu'il n'ait pas dit oui ni non, il n'a pas pris d'engagement...

M. Bédard: On a assez de difficultés avec celle qu'on veut nous enchâsser pour diminuer nos droits. Je ne suis quand même pas ici pour faire...

M. Marx: Est-ce que c'est un engagement, M. le ministre?

M. Bédard: Ce serait un long débat.

M. Marx: Est-ce un engagement que vous avez pris ce matin ou si c'est un souhait que vous avez formulé?

M. Bédard: Que ce soit par enchâssement ou autrement, il faut au moins un prérequis et que cela ne diminue pas les droits des Québécois, comme veut le faire le fédéral à l'heure actuelle.

M. Marx: Ce n'est pas le débat constitutionnel qu'on fait ici.

M. Bédard: J'ai l'impression que vous provoquez. On serait aussi bien de revenir aux considérations du mémoire. (11 h 30)

M. Marx: Non, parce que moi, j'ai proposé l'enchâssement de la charte québécoise dans les lois du Québec la semaine passée, et la seule réaction positive, favorable que j'ai eue, c'était dans les éditoriaux; ce matin, le ministre se joint aux éditorialistes. Ce n'est jamais trop tard.

M. Bédard: On va faire adopter une

bonne constitution du Québec.

M. Marx: J'imagine que vous avez fait un sondage durant la fin de semaine ou quelqu'un de votre parti. Ceci dit, j'aimerais tomber dans la plomberie, la plomberie de la charte, et ma première question porte sur l'âge. Vous avez souligné que l'âge est surtout un problème au niveau du travail, mais, la semaine passée, nous avons eu d'autres intervenants qui ont déclaré que la discrimination à cause de l'âge, bien sûr, cause des problèmes en matière de logement, d'admission à l'université et ainsi de suite.

Je note que dans la charte fédérale proposée, il y a l'âge qui est mis dans l'article 15 et, comme vous l'avez soulevé, cela donnera lieu à beaucoup d'exceptions. Supposons que, dans la loi fédérale, il y ait l'âge comme cause de non-discrimination, on peut se demander: Est-ce que la loi fédérale sur le tabac sera valide ou non parce que, dans cette loi fédérale, on empêche les jeunes en bas de 16 ans d'acheter des cigarettes ou des cigares? J'imagine que, même si on met l'âge dans la charte, les tribunaux vont classifier les lois en disant: C'est raisonnable que le gouvernement adopte une loi pour empêcher les jeunes d'acheter du tabac. Je pense que les tribunaux vont les interpréter dans ce sens.

Ma question est: Pouvez-vous en dire davantage sur cette question de l'âge dans la charte, parce qu'il semble qu'il y a de la discrimination à cause de l'âge dans d'autres domaines que le domaine du travail?

M. Tremblay (André): Effectivement, on peut repérer des cas de discrimination à cause de l'âge dans d'autres secteurs. L'expérience des autres législations indique que, pour contrer cette difficulté, on peut, nommément, par exemple dans une loi sur l'hôtellerie, une loi sur le logement ou même dans la charte - on n'a pas d'objection fondamentale à ce que ce soit dans la charte - on peut, comme on le fait dans d'autres provinces, prévoir que la discrimination dans le logement est interdite quant à l'âge. Nous n'avons pas d'objection fondamentale à cela; tout ce que nous disons, c'est qu'il ne faut pas qu'il y ait une clause générale, il ne faut pas faire comme le Manitoba, il ne faut pas faire non plus comme le projet de loi fédéral actuel; pour nous, c'est de la mauvaise législation, M. le ministre.

M. Bédard: J'ai bien noté.

M. Marx: Donc, on peut couvrir l'université, le logement, le travail; il ne reste pas beaucoup...

M. Tremblay (André): II reste encore beaucoup de secteurs. Je pense que, M. le député, cher collègue, pour employer l'expression, parce que je pense que vous êtes toujours un collègue, on peut mentionner beaucoup d'exceptions, et notre mémoire indique que les nombreuses exceptions que l'on devrait apporter... Le vice-président du barreau ajoute à nouveau ou voudrait ajouter qu'il ne faut pas faire ce type de législation; c'est de la mauvaise législation que d'avoir un principe général qui est miné par une variété d'exceptions. Ce n'est pas le genre de législation que le ministre de la Justice, j'en suis certain, favorise.

M. Marx: Disons que...

M. Bédard: C'est comme un droit à l'information avec un tas d'exceptions qui font oublier le principe.

M. Marx: Mais ce n'est pas nécessaire de mettre les exceptions dans la loi. Supposons que l'on veuille couvrir le logement, l'admission à l'université, l'hôtellerie, les restaurants, je pense que l'on veut couvrir vraiment tous les services offerts au public comme c'est prévu dans la charte, mais, de toute façon, je passe à une autre question. Oui.

M. Tremblay (André): Si vous voulez, on pourra vous donner l'étude que nous avons faite des autres chartes. On voit que, de façon générale, c'est assez limité dans les autres provinces. On peut prendre comme exemple - le premier qui me tombe sous les yeux - le code ontarien, l'Ontario Human Rights Code. L'article 4.1 protège de discrimination à cause de l'âge, dans le secteur de l'emploi; article 4.3, publicité dans l'emploi; article 4al, appartenance au syndicat; 4a2, appartenance aux professions. L'âge protégé en Ontario, c'est entre 40 ans et 65 ans.

M. Marx: Oui, mais ma question... M. Bédard: ...40 et 65 ans? M. Marx: ..40 ans...

M. Tremblay (André): Oui, l'âge protégé, M. le ministre.

M. Marx: On présume qu'on ne fera pas de discrimination contre les gens qui ont moins de 40 ans, sauf que s'ils n'ont que 22 ans, ils... Le problème, c'est que dans l'hôtellerie, à l'université, dans le logement, et ainsi de suite, partout où des services sont offerts au public, je pense que ce serait souhaitable qu'on ne fasse pas de discrimination à cause de l'âge. Donc, tout ce qui touche l'article 15 de la charte, tout ce qui touche l'article 12 de la charte, et ainsi de suite... On peut passer les articles l'un après l'autre, mais je ne sais pas si ça

vaut la peine de le faire à ce moment-ci, parce que selon les gens, apparemment, si on peut se fier aux témoignages qu'on a eus d'autres intervenants, il y a beaucoup de discrimination ou assez de discrimination dans beaucoup de domaines à cause de l'âge des Québécois et des Québécoises.

M. Tremblay (André): Le vice-président du barreau préférerait...

M. Garant: M. le Président, en ce qui concerne l'âge, nos lois contiennent de très nombreuses mentions d'âge. Songez à l'âge scolaire, à l'âge d'accès à la conduite d'un véhicule automobile, dans les règlements municipaux, à l'âge d'accès aux lieux d'amusement, etc., de sorte que, finalement, je pense qu'il faudrait faire cet inventaire législatif des mentions d'âge et proposer, dans des lois particulières, les modifications appropriées. J'aimerais souligner également que la jurisprudence des tribunaux est intervenue en vertu du principe bien connu en common law de non-discrimination pour protéger les citoyens, notamment en matière de règlements municipaux, contre des abus qu'auraient commis les pouvoirs municipaux en ce qui concerne, par exemple, l'âge d'accès aux lieux d'amusement public. Il y a une jurisprudence bien connue à Montréal, à ville Saint-Laurent, notamment.

En ce qui concerne les lois, le législateur contemporain, le législateur quotidien m'apparaît être le plus approprié, à cause de l'éventail considérable des situations humaines, sociales, économiques qui se présentent et je pense, en toute honnêteté, pour ceux qui sont d'opinion contraire, que l'âge comme tel, en soi, dans certains domaines, peut être un facteur de discrimination, mais il faut le combattre précisément là, dans le logement, par exemple, s'il y a lieu, en matière de travail, mais non pas de façon générale dans la charte.

M. Marx: Mais on peut le mettre comme principe dans la charte et les juges vont accepter les exceptions qu'on trouve dans d'autres lois. Ainsi, si on prévoit que l'âge scolaire est de 6 ans, les juges ne diront pas, parce qu'il n'y a pas de discrimination à cause de l'âge dans la charte, que même un enfant d'un an doit avoir le droit d'aller à l'école. Ce serait stupide et nos juges n'interpréteront jamais la charte de cette façon. C'est-à-dire que le principe est laissé aux tribunaux, le cas échéant, de préciser, comme dans tout autre droit...

M. Tellier: Avec votre permission, on parle de charte de droits fondamentaux, c'est-à-dire de droits stables, presque immuables. Or, quand on discute de la question de l'âge, on s'aperçoit qu'il y a un très grand nombre d'exceptions qui peuvent être tout à fait acceptables, même dans le logement. Je connais une maison pour personnes âgées où on a dit que le minimum était de 50 ans. Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas avoir de gens qui viennent bénéficier des avantages qui sont réservés aux personnes du troisième âge. C'est un exemple; c'est bon, c'est mauvais, on peut en discourir. On a parlé du cinéma, de la loi des alcools, par exemple. À ce moment-là, ça veut dire que si on aborde l'âge comme étant un facteur de droit fondamental, on est pris à y apporter tellement d'exceptions que ça n'a plus de sens.

Prenez la réglementation à laquelle faisait allusion Me Lesage tout à l'heure. Seulement en matière d'assurances et de bénéfices marginaux, on est obligé d'adopter une réglementation qui a dix pages pour prévoir toute une série d'exceptions, et c'est juste en matière de bénéfices sociaux. Ensuite, si on regarde toutes les autres activités, la conclusion qu'on doit tirer finalement, c'est que ce n'est pas un droit fondamental. C'est une question, si vous voulez, dont il faut tenir compte mais par des législations appropriées qui ne sont pas une charte ayant priorité. Ce sont des valeurs qui sont extrêmement variables, comme par exemple la question du cinéma, et ça varie énormément d'une culture à l'autre. C'est pour ça que finalement, on doit conclure en se demandant si c'est vraiment un droit fondamental qui doit être considéré comme tel dans une charte.

M. Marx: D'accord, passons à une autre question. Sur la question d'âge, c'est la première fois que des intervenants ont suggéré qu'on n'inclue pas l'âge dans la charte et c'est pourquoi je vous ai posé mes questions.

M. Tremblay (André): Si vous me permettez un dernière observation, il y a une loi qui prévoit l'âge. Pour être très honnêtes et complets dans notre présentation, nous voulons attirer l'attention de la commission parlementaire sur l'article 3 de la loi canadienne sur les droits de la personne. Cet article 3 comprend l'âge mais, cependant, il faut lire l'article 3 avec l'article 14, qui permet au gouverneur général en conseil et à la Commission des droits de la personne de faire des exceptions.

M. Bédard: La dérogation ou une série de dérogations qui enlèvent de la force au principe.

M. Tremblay (André): Ce n'est pas de la bonne législation.

M. Marx: Je m'excuse, parce que n'ai pas fait référence à ça, j'ai fait référence

au projet de charte, à l'article 15, égalité devant la loi, et on a prévu notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. Donc, dans la charte fédérale proposée, l'âge est inclus.

Passons à une autre question. Vous avez suggéré qu'en ce qui concerne les comités de discipline, ce soit toujours à huis clos, pour des raisons que vous avez données. Je comprends que la plainte est portée, on ne sait pas si le médecin ou l'avocat ou qui que ce soit est coupable, mais est-ce que vous voulez qu'il en soit de même pour les condamnations? Une fois que le professionnel est condamné, est-ce que vous serez d'accord que les noms et le reste soient publics?

M. Bédard: C'est public, normalement.

Mme Audette-Fillion: Je pourrais répondre à cette question, si vous le désirez. Effectivement, en cas de condamnation, toute suspension temporaire ou permanente est largement publicisée en ce sens que le directeur général transmet à tous les membres du barreau un avis de radiation; il le transmet également à tous les greffiers, protonotaires, juges, présidents de régie pour affichage dans les palais de justice et dans les bureaux d'enregistrement, etc. De plus, et je pense que nous sommes la seule corporation professionnelle à le faire, dans le cas d'une radiation d'un an ou plus, nous publions dans les journaux et circulaires de la localité où pratiquait l'avocat un avis au même effet.

M. Marx: Je comprends ça, mais voici vraiment ma question: Supposons qu'un professionnel est condamné par un tribunal de discipline pour "malpractice" de quelque sorte. Ce ne serait pas mauvais que ce soit porté à l'attention du public pour que les gens puissent savoir qui visiter et qui ne pas visiter. Est-ce que vous seriez d'accord avec une telle publicité ou est-ce qu'il y a des dangers ou des nuances à apporter?

Mme Audette-Fillion: Effectivement, l'avis de radiation donne les motifs de la plainte et de la radiation.

M. Marx: Pour les avocats, je reçois ça dans une enveloppe. C'est moi qui reçois cela si vos clients ne reçoivent pas cet avis, ils ne savent pas qu'un tel a été condamné pour trois mois pour telle et telle raisons. Donc, dans quatre ou six mois peut-être, un client peut le visiter sans avoir eu l'information que tel ou tel avocat a commis telle et telle infractions au code. (11 h 45)

M. Bédard: Je crois que madame a spécifié que lorsqu'il s'agit de radiation, non seulement les confrères de la profession sont informés, mais, également, tous les présidents d'organisme, tous les directeurs de greffe. Cela doit être encore l'habitude; c'est affiché dans tous les palais de justice. Vous nous avez indiqué qu'en plus il y avait une publication dans les journaux du district concerné par la pratique de l'avocat.

M. Marx: Quand je parle de la publicité pour le public, ça veut dire que ce soit rendu public dans les journaux, c'est-à-dire que les reporters prennent connaissance de ces faits et fassent des reportages. C'est ça, la question.

M. Tellier: En matière professionnelle, c'est très délicat. À l'heure actuelle, la règle, c'est que, quand il y a une suspension ou une radiation, c'est rendu public, et c'est ce qui se fait. Quand une condamnation justifie une telle sanction, ça veut dire que c'est là que la chose est importante. Dans bien d'autres cas, les professionnels peuvent être condamnés pour des manques d'éthique qui sont mineurs comme, par exemple, en vertu de notre code d'éthique, ne pas répondre à une demande d'information du syndic peut justifier une condamnation. Avoir mal tenu son compte en fidéicommis, c'est une infraction, ce n'est pas bien et on va sanctionner notre membre qui ne le fait pas. Mais, de là à crier dans toute la province qu'il s'est trompé une fois, c'est une autre affaire.

Je vais prendre un autre exemple, maintenant, dans le domaine de la médecine ou dans le domaine de la chirurgie dentaire. Un dentiste, à un moment donné - j'ai connu le cas - était d'avis d'extraire toutes les dents à un jeune enfant dont la pousse des dents permanentes s'en venait, et il y avait trois experts qui étaient pour, et quatre qui étaient contre. Finalement, il a été trouvé coupable d'avoir, une fois, arraché les quelques dents qui restaient dans une mauvaise bouche. Ce sont des questions fort discutables au point de vue de la science, au point de vue de la technologie, si tel acte aurait dû être posé, etc. À ce moment-là, vous pouvez ruiner la vie professionnelle d'un gars qui, au demeurant, est compétent, mais qui, dans un acte particulier, a, de l'avis de ses confrères, manqué de jugement.

Si vous ouvrez la porte à ça, vous allez faire en sorte que les comités de discipline ne voudront plus se mouiller et vont dire: La sanction est tellement forte, non seulement les 200 $ d'amende ou la suspension d'une semaine qu'on peut imposer, mais le fait que la sanction soit publiée, c'est condamner, bien souvent, ce bonhomme à fermer son cabinet de professionnel, et ils vont refuser de rendre les sanctions qu'ils devraient rendre. N'oubliez pas une chose, une poursuite en discipline, ce n'est ni du pénal,

ni du civil; c'est en fonction de notions bien différentes. Quand on poursuit, par exemple, des médecins pour avoir agi contrairement aux données de la science médicale, attention, vous pouvez faire de la chasse aux sorcières comme vous pouvez faire du bon boulot, mais c'est extrêmement délicat. On voit des médecins poursuivis pour ne pas avoir donné une antibiothérapie alors que, parfois, ça fait cinq ans qu'on dit: Vous ne devriez pas donner trop de médicaments. La norme est extrêmement fluide. En rendant ça public, vous allez ouvrir la chasse aux sorcières.

Quand ce sont des questions graves, il y a des suspensions, et là la publicité est faite. Bien souvent, c'est sur des questions de nuances, d'appréciation dans un cas particulier. À ce moment-là, vous allez arriver, par exemple, aux résultats négatifs qu'ont eus des poursuites en "malpractice" aux États-Unis. Les médecins préfèrent, par exemple, ne pas toucher à un patient accidenté parce que, en ne faisant rien, ils sont sûrs qu'ils ne s'exposent à rien et qu'ils ne seront pas poursuivis. Ou encore, vous voyez des Américains qui vont se faire soigner à l'extérieur parce que certaines manoeuvres sont trop risquées au point de vue actions en dommages et les médecins aiment mieux ne pas toucher aux patients, etc.

M. Marx: D'accord. Donc, vous êtes pour la publicité des condamnations en fonction des infractions sérieuses qui donnent lieu à la suspension.

Ma dernière question porte sur le rôle de la commission. Vous avez en quelque sorte critiqué la procédure et les pratiques de la commission. Pas tout à fait, mais vous avez suggéré que les procédures soient encadrées dans une loi. Maintenant, je ne sais pas si les procédures de la commission sont publiques. On ne connaît pas les procédures de la commission et vous avez suggéré que cette procédure soit encadrée dans une loi. C'est ça?

M. Tremblay (André): Me Décary.

M. Décary: On a fait, à la page 30, une distinction entre les droits fondamentaux qui, selon nous, devraient être inscrits dans une loi supérieure, qui pourrait être modifiée, par exemple, pour recevoir l'assentiment des deux tiers de la Chambre, et la création d'un organisme chargé prioritairement de la mise en oeuvre de la loi, de sa composition, de son fonctionnement, parce que la composition de cet organisme peut changer périodiquement, ses règles de procédure et de pratique administratives, l'orientation, ses règles d'enquête peuvent changer, etc. Donc, c'est une loi qui pourrait être amendée périodiquement par rapport aux droits fondamentaux qui, eux, devraient être inclus dans une loi différente, une loi supérieure, jusqu'à un certain point.

M. Marx: D'accord. Est-ce que le Barreau du Québec a étudié la procédure qui est suivie devant la commission? La semaine dernière, nous avons eu aussi des interventions en ce qui concerne la procédure devant la commission. Nous avons eu la suggestion d'un groupe de changer la procédure pour ce qu'on appelle, dans d'autres provinces, les "board of inquiries". J'aimerais avoir votre opinion sur cette question.

M. Décary: Dans ce cas, les fondements de notre proposition sont les suivants. La commission n'est pas un organisme d'adjudication, elle n'est pas un tribunal. C'est un organisme qui est là pour aider les citoyens. Dans le processus d'aide, substantiellement, c'est sa vocation, de promouvoir et d'aider; on lui donne des pouvoirs spéciaux, ceux de pouvoir contraindre des gens à déposer, à produire des documents, assister les citoyens dans l'enquête, recueillir la preuve, comme vous l'avez souligné.

Sur le fonctionnement maintenant, sur les règles qui doivent diriger il s'agit d'une procédure administrative qui doit répondre à certaines normes d'équité. Parmi ces normes, celle qui n'existe pas à l'heure actuelle, mais celle aussi dont nous recommandons l'adoption, c'est la suivante: que l'institution, la personne, l'employeur qui est visé par l'enquête sache d'abord, soit informé généralement du contenu de la plainte, non pas de l'identité du citoyen ou du plaignant, mais généralement de quoi il s'agit, pour éviter que l'enquête déborde carrément du cadre de la loi ou de la plainte.

Donc, en ce qui regarde le fonctionnement, nous sommes d'accord avec le fait que la commission puisse épouser, jusqu'à un certain point, la plainte. Lorsque le citoyen a raison - c'est constaté par la commission - nous n'avons pas d'objection à ce qu'elle épouse la plainte. Nous ne voulons pas que cette commission qui décide d'épouser la plainte soit celle qui aura à juger.

M. Marx: Sur la procédure, vous avez suggéré que la plainte soit précisée à la mise en cause. Avez-vous d'autres suggestions en ce qui concerne la procédure suivie par la commission? Cela va de soi que la forme rejoint le fond souvent et c'est difficile de distinguer la substance de la procédure.

M. Décary: II faut être bien prudent. Voici ce que nous avons souligné à la page

29. Nous avons repris tout simplement ici les paroles que prononçait Me Paul Lacoste dans une allocution prononcée à l'occasion d'un colloque sur la protection constitutionnelle des droits humains. C'est à la page 29. "La bonne foi devant se présumer a fortiori devant ce genre d'organisme, peuvent-ils se contenter de simples hypothèses pour conclure à l'existence d'une pratique discriminatoire, plutôt que fonder leur opinion sur une prépondérance de preuve de l'intention discriminatoire? L'administré faisant l'objet de l'enquête n'est-il pas en droit d'obtenir une décision fondée sur la preuve complète, plutôt que sur des résumés préparés par des employés de l'organisme? L'organisme ne devrait-il pas lui fournir une décision motivée comportant les conclusions de faits servant de base à la décision?" En l'adaptant, bien sûr, parce qu'il ne s'agit pas d'une décision; il s'agit d'une recommandation. Par ailleurs, cette recommandation, dans certaines circonstances peut avoir des conséquences très lourdes, affecter considérablement la réputation de l'institution objet de l'enquête. Plutôt que de prendre des décisions sur la foi d'un rapport sommaire, il faut avoir, dans la gouverne -ce n'est pas nécessaire d'être inscrit dans la loi - certaines exigences de rigueur, avoir examiné les faits connus pour en tirer une conclusion, cette inconnue, à savoir s'il y a eu discrimination. Mais il ne faut pas tirer cette intention de discrimination à partir d'un texte flou, ou qui manque de rigueur. Quant au comportement, c'est pourquoi nous avons attaché une importance à ce texte de M. Lacoste.

M. Marx: Maintenant, je pense que la commission essaie de faire de la conciliation et, si ça ne fonctionne pas, la commission peut faire des recommandations qui sont rédigées comme recommandations. Toute la preuve n'est pas versée à la mise en cause, ce sont seulement les recommandations qu'on envoie. Vous suggérez, si je comprends bien, un changement important à la procédure suivie jusqu'à maintenant.

M. Décary: Si on veut changer le comportement, peut-être qu'il y aurait...

M. Marx: Le comportement. M. Décary: D'accord.

M. Marx: La meilleure chose à faire pour changer rapidement le comportement, c'est de changer les règles.

M. Tremblay (André): Je ne pense pas qu'on puisse parler de règles, M. le Président. Ce que nous faisons comme description, aux pages 25 à 3D, provient de nos observations, de notre expérience. Notre description n'est pas fondée sur des règles de procédure administrative suivies par la commission. Ceux qui posent la question: Est-ce que c'est désirable - je pense que c'est la question du député de D'Arcy McGee - qu'il y ait une procédure administrative définie par la commission et transmise au public?

M. Marx: Vous n'avez pas de réponse?

M. Décary: Oui, pour l'ensemble, évidemment, ces règles administratives devraient faire partie d'une loi générale. On peut le faire en particulier pour cet organisme, mais peut-être, aussi, une loi générale pour l'ensemble des organismes qui, jusqu'à un certain point, font des enquêtes et, dans d'autres cas, vont jusqu'à adjuger et pour lesquelles il n'y a pas de code, il n'y a pas une loi générale, par exemple, ou certains grands principes.

M. Marx: On demande au ministre de faire quelque chose depuis des années, déjà.

M. Bédard: ... l'ensemble du droit administratif.

M. Marx: Avez-vous fait des études sur les "boards of inquiry" dans les autres provinces, par exemple, en Ontario? Avez-vous des commentaires sur ce genre de "decision making", si je puis le dire ainsi?

M. Garant: Vous connaissez la situation dans la loi fédérale de 1978. La commission exerce sa fonction d'enquêteur dans un premier temps, un peu comme c'est le cas au Québec, mais, en plus, la loi autorise la commission à mettre sur pied un tribunal d'adjudication. C'est un peu ce que semble demander la commission, que la commission puisse se transformer, se muter elle-même en tribunal d'adjudication, et la position du barreau est contre cette façon de voir parce qu'elle veut conserver à la commission un rôle d'enquêteur fonctionnant suivant une procédure simplement administrative, laissant l'application de la charte aux cours de justice traditionnelles et à l'ensemble des tribunaux administratifs d'adjudication bien connus dans notre système.

M. Marx: Seriez-vous d'accord que la commission puisse constituer un tribunal? Seriez-vous plus d'accord avec un tel système qu'avec le système actuel? C'est vraiment ma question.

M. Tellier: Là-dessus, je pourrais peut-être rappeler deux choses. D'abord, il y a deux sortes de procédures. Il y a des procédures judiciaires et il y a des procédures d'enquête. Dans une procédure judiciaire, le tribunal reçoit la preuve que

les parties lui apportent. Devant un tribunal, il y a un demandeur ou un plaignant, un intimé ou un défendeur, et la preuve appartient aux parties. Dans une commission d'enquête, quelqu'un qui exerce des pouvoirs d'enquête n'a pas de partie, et c'est la preuve du comité ou de celui qui exerce, si vous voulez, l'autorité. À ce moment-là, ce sont des jeux différents qui se jouent. (12 heures)

Nous, on s'est prononcé dans plusieurs rapports sur des commissions d'enquête, et on dit: Même s'il est vrai que les commissaires d'enquête ont des pouvoirs très étendus, qu'il n'y a pas de parties, etc., il devrait quand même y avoir un minimum de preuves pour que celui qui se fait assigner comme témoin sache un peu de quoi il s'agit, s'il est personnellement impliqué. Qu'il soit, à la rigueur, invité à clarifier certaines situations, de façon que des rapports de commissions d'enquête, y compris ceux de la Commission des droits de la personne, ne sortent pas après qu'une enquête en catimini a été faite à son sujet, qu'il n'ait pas l'occasion de dire: Tel fait, si vous me l'aviez demandé, j'aurais pu vous apporter des explications, etc. C'est la raison pour laquelle nous exigeons, entre autres, qu'il y ait un devoir de discrétion sur les recommandations. Si la commission conclut que des poursuites doivent être intentées, qu'elles le soient. Là, la personne visée, devant le tribunal compétent, aura le loisir de se défendre et, si elle est trouvée coupable, à ce moment-là, comme pour tout tribunal, ses décisions seront rendues publiques. Mais on ne réalise pas le dommage...

M. Marx: Je suis d'accord avec ça, mais ma...

M. Tellier: ... qui est fait aux réputations par ces enquêtes.

M. Marx: Juste une précision. Est-ce que vous trouvez la procédure actuelle satisfaisante, le système d'enquête, de conciliation et de recommandation ou si vous aimeriez avoir un système comme celui de la commission fédérale? Parce que nous avons eu cette suggestion d'autres intervenants et c'est pourquoi je pose cette question.

M. Décary: Ce n'est pas le système fédéral que nous recherchons, parce que la commission ne doit pas être un organisme d'adjudication.

M. Marx: La commission fédérale n'est pas un organisme adjudicatif, parce que la commission nomme un tribunal à l'extérieur.

M. Tellier: Le problème, c'est que la charte dit que toute personne a droit à un procès juste devant un tribunal indépendant et on dit: II n'y a pas une personne au monde capable d'un effort d'impartialité pour, dans un premier temps, commencer à faire enquête, se saisir d'une chose, prendre position en faveur d'un plaignant et, après ça, permettre l'émission d'une plainte, l'entendre et en décider. C'est beaucoup trop sur les épaules d'une même personne. La charte nous donne un droit et, en lui donnant des pouvoirs judiciaires, on va nier le droit aux gens à une défense pleine et entière, s'ils sont accusés de quelque chose.

M. Bédard: D'ailleurs, concernant les commissions d'enquête, c'est à la suite de recommandations dans que le sens de celles que vous avez faites ce matin que nous avons apporté des amendements - vous vous en souvenez - à la Loi sur les commissions d'enquête, par le biais de la loi 48, la Loi de police, alors qu'on a inséré le droit, pour l'individu qui peut être appelé comme témoin, non seulement d'être informé, mais d'avoir le droit au contre-interrogatoire, etc., d'être représenté par un avocat.

Ce que vous dites par rapport à la commission - je veux bien vous comprendre -c'est que vous êtes d'accord pour qu'on donne à la Commission des droits de la personne le pouvoir d'enquête, le pouvoir de conciliation, mais, à partir du moment où cette commission a le pouvoir d'enquête, elle ne peut en même temps, à la suite d'une enquête, porter une plainte et elle-même décider et rendre jugement sur cette plainte qu'elle a portée, parce que, au départ...

M. Marx: Ce n'est pas comme ça au fédéral, on nomme un tribunal.

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Non, je ne parle pas du fédéral, je parle de... Est-ce que c'est le sens de vos représentations?

M. Tellier: ... M. le ministre.

Le Président (M. Desbiens): Je constate qu'on a largement dépassé le temps. Je comprends évidemment qu'il serait intéressant et sans doute utile, avec certains groupes, de pouvoir discuter très longuement, mais il y a M. le député de Chapleau qui avait depuis longtemps déjà demandé le droit de parole. Si vous voulez, on pourrait peut-être accorder une question à M. le député de Chapleau et une question à...

M. Bédard: M. le Président, avec votre permission, et madame...

Le Président (M. Desbiens): Mme la députée de La Peltrie.

Mme Marois: Vous êtes bien gentil, je vous remercie. Moi, il y a quelque chose qui m'agace un petit peu dans votre mémoire. Évidemment, je vais m'arrêter particulièrement aux programmes d'accès à l'égalité ou d'action positive. Vous parlez de groupes discriminés, mais, en même temps, vous utilisez le langage de groupes défavorisés. Je comprends que c'est la conséquence, sauf que ce langage laisse sous-entendre parfois que la correction la meilleure serait peut-être des mesures de type social plutôt que des mesures du type de celles proposées par la commission. De toute façon, c'est un commentaire.

Vous admettez cependant, dans votre mémoire, que la discrimination systémique existe et que l'analyse que la Commission des droits de la personne en fait colle à une certaine réalité. Vous soulevez évidemment beaucoup d'objections aux programmes, au caractère obligatoire de leur implantation et au rôle de la commission dans l'implantation de ces programmes. Vous favorisez beaucoup plus des mesures incitatives et une recherche ou une consultation auprès des groupes concernés pour savoir si les programmes d'action positive leur conviennent.

J'avais compris que, dans les interventions de la commission, ça faisait partie de la démarche qu'elle proposait, à savoir qu'on ne peut pas parler de tels programmes sans consulter, sans motiver, sans insister, si on veut impliquer les personnes dans le processus. Non, on sait fort bien qu'on arrive à l'échec, si on veut.

Vous dites aussi que les mesures de redressement que vous proposez devraient être incitatives et qu'il faudrait s'en remettre à l'action législative du législateur pour organiser les arbitrages requis. Cela m'agace un peu. Dans le fond, qu'est-ce que vous voulez soulever par là? Est-ce que vous voulez dire que le législateur devrait se prononcer sur tous les programmes ou devrait les inclure dans des lois sectorielles?

L'aspect incitatif plutôt qu'obligatoire. Il y a beaucoup de groupes de femmes en particulier et aussi des groupes représentant des minorités ethniques qui ont fait ici une preuve, à savoir que toutes les formes de programmes de type incitatif s'étaient révélées inadéquates là où ils avaient été implantés, que ce soit aux États-Unis ou dans d'autres provinces, puisqu'on sait que d'autres provinces ont ces mêmes mesures, soit dans leur charte ou dans des programmes d'égalité en emploi.

M. Tremblay (André): Pour répondre à votre question, Mme la ministre, je crois que pour en arriver à la justice pour ces groupes défavorisés, il faut lutter sur plusieurs fronts en même temps. Le premier front que nous proposons, c'est le front de l'élimination des obstacles à l'égalité. Il s'agit de penser, par exemple, aux exigences pour les emplois et on peut, à partir de cela, éliminer bien des obstacles à une juste représentation pour les groupes qui ont fait l'objet, dans le passé, de discrimination systémique. J'ai dit au début, je parle de plusieurs fronts, Mme la ministre.

Mme Marois: Oui, je suis d'accord. Là- ' dessus, la charte en soi pose comme principe qu'il ne devrait pas y avoir d'éléments objectifs de discrimination puisque la charte est là justement avec un certain nombre de droits. L'analyse qu'on en fait, c'est qu'en soi cela devrait être quelque chose d'acquis, si on veut, même si on sait que dans les faits cela existe encore. Donc, cela devrait être un acquis. La charte est déjà là pour reconnaître ces choses.

M. Tremblay (André): La charte est là et devrait normalement, en termes objectifs, avoir réussi à les éliminer. Mais dans la réalité des choses, il y a encore, au niveau de l'emploi, des exigences qui sont systématiquement discriminatoires. Ce n'est pas de la discrimination intentionnelle au sens de la charte. C'est de la discrimination dans le système. C'est la raison pour laquelle il devient important de reconsidérer, de façon systématique, ces exigences dans l'emploi. Par exemple, comment se fait-il qu'il y a encore deux ans, la police de la Communauté urbaine de Montréal comptait si peu de femmes? Parce que les exigences d'emploi étaient déraisonnables. Elles n'étaient pas discriminatoires intentionnellement au sens de la charte, mais elles étaient inadmissibles au plan de la rationalité.

Mme Marois: C'est cela la discrimination systémique, comme vous me la décrivez très bien et, en plus, vous me donnez un exemple.

M. Tremblay (André): D'accord. Je pense qu'on est sur la même longueur d'onde. On peut continuer. Alors, il y a plusieurs fronts, je pense, vers lesquels on peut orienter nos mesures de correction, mais je dis: Commençons par l'essentiel et puis visons systématiquement des objectifs. À la fin, si on s'aperçoit qu'on n'est pas capable de les atteindre avec les différentes mesures, que je dirais classiques, de contre-discrimination, on va s'en remettre à l'action du législateur, dans un premier temps. Notre position est la suivante. Au fond, nous disons que ces mesures contre-discriminatoires, ces mesures qui vont jusqu'à implanter des échéanciers d'intégration, ces mesures qui fixent des "deadlines", qui fixent des contingents, en plus, doivent, dans un premier temps, recevoir une large mesure de consensus social; sinon ce sera l'échec et on aura véhiculé, auprès de ces groupes

défavorisés qui ont fait l'objet de discrimination, des rêves qu'on ne sera pas capable d'atteindre.

Mme Marois: D'accord. À ma question concernant l'aspect législatif, comment le voyez-vous? Vous ne répondez pas complètement ou bien j'ai mal entendu votre réponse.

M. Tremblay (André): Excusez! Par des lois sectorielles.

Mme Marois: Des lois sectorielles?

M. Tremblay (André): On s'en remet à votre action. On a confiance en votre action. Vous l'avez fait magnifiquement pour les handicapés et c'est de cette Assemblée nationale que devait venir cet arbitrage. Peut-être que, dans dix ou quinze ans, le consensus social sera plus développé et qu'on pourra s'en remettre à l'action d'un organe administratif, mais, pour l'instant, si on parle de contingents dans l'intégration, d'échéancier d'intégration des groupes défavorisés, je pense que le comité du barreau préférerait que soit fait par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Desbiens): M. le député de Chapleau, s'il vous plaît.

M. Kehoe: J'aurais plusieurs observations et questions...

Le Président (M. Desbiens): Je regrette, mais...

M. Kehoe: Je veux poser juste une question. À la fin de votre rapport, dans la conclusion, on dit que vous souhaitez que la commission soit dotée de ressources humaines et financières importantes, ainsi que d'expertises. Je voudrais savoir si, depuis les cinq ou six dernières années de la charte, votre comité du barreau a reçu des plaintes ou des demandes pour que des bureaux régionaux soient implantés à travers la province? Actuellement, la commission ne siège qu'à Québec et à Montréal. Je pense que cela n'existe pas dans d'autres régions de la province. Dans l'ensemble et jusqu'à maintenant, je veux juste savoir si vos souhaits sont fondés sur la demande qui vous a été adressée à plusieurs reprises par des membres du Barreau de la province.

M. Allard: C'est plus ce genre de rumeurs ou d'impressions que l'on a, effectivement, des gens intéressés, des gens en place. On dit qu'on ne peut pas répondre à toutes les exigences de la charte. On dit qu'on ne possède pas les moyens d'enquête suffisants justement pour éviter que des plaintes soient portées à tort ou autrement ou faire en sorte qu'une véritable plainte soit portée. La décentralisation est peut-être un des éléments de solution dans ce sens.

Le Président (M. Desbiens): Oui, allez-y, monsieur.

M. Tremblay (André): II y a un complément de réponse à cela. Nous avons observé, au sein de notre comité, qu'étant donné les faibles ressources mises à la disposition de la commission, celle-ci aurait tendance à favoriser, à cause des contingences financières, une application sélective de la charte. Une charte ne peut pas se prêter à une application sélective. Il me semble, et au comité également, que la commission se doit de rendre justice à tous ceux qui ont des motifs valables de se plaindre de discrimination.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en terminant.

M. Bédard: M. le Président, je pense que, comme tous les autres membres de la commission, nous aurions encore beaucoup d'autres questions à poser. Comme le temps s'écoule, je me limiterai simplement à remercier encore une fois les représentants du barreau pour leurs représentations et leur mémoire. Encore une fois, c'est très substantiel et très élaboré. Merci.

Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.

Je demanderais maintenant à la Centrale d'enseignement du Québec de s'approcher, s'il vous plaît! (12 h 15)

En attendant que commence l'audition du mémoire, j'aimerais avoir le consentement pour que le député de Lac-Saint-Jean, M. Brassard, remplace Mme Juneau comme membre. M. Brassard est déjà intervenant. D'accord?

Centrale de l'enseignement du Québec

Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Centrale de l'enseignement du Québec. M. Gaulin, si vous voulez nous présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

M. Gaulin (Robert): M. le Président, mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, la délégation de la Centrale de l'enseignement du Québec est ainsi composée aujourd'hui. De gauche à droite. M. Brent Tweddell, de l'Association des enseignants du Nouveau-Québec. C'est notre syndicat qui regroupe les enseignants dans les commissions scolaires du Nouveau-Québec, Commission scolaire crie et Commission scolaire régionale Kativik. Rosette Coté, du comité

de la condition des femmes de la CEQ. Alys Tremblay, première vice-présidente de la centrale. À ma droite, M. Jean-Marcel Lapierre, du service juridique de la centrale. Yvon Charbonneau, directeur des communications. Robert Gaulin, président.

Le Président (M. Desbiens): On pourrait peut-être, comme nous sommes déjà à 12 h 15, s'entendre. En tout cas, on verra s'il y a lieu. Il faudrait quand même terminer pour 13 heures, quitte à reprendre à 15 heures.

M. Gaulin: Comme premier préalable, j'aimerais vous indiquer qu'à l'annexe B de notre mémoire nous avons formulé le texte des propositions d'amendement que nous soumettons. Donc, c'est la dernière annexe à la fin du mémoire.

Je voudrais, en guise d'introduction, livrer une synthèse de ce mémoire très volumineux, très important, je crois, auquel la centrale a consacré beaucoup d'énergie dans sa préparation. J'aimerais, dans cette introduction, traiter de cinq aspects. D'abord, pourquoi la CEQ participe à ce débat. Dans une deuxième section, traiter des libertés fondamentales. Troisième point, nous allons parler de renforcer la lutte ou les moyens de lutte contre la discrimination, ce qui réfère aux chapitres 3 et 5 de notre mémoire. Quatrième section, nous allons parler des droits de l'enfant et du droit à l'éducation. Enfin, cinquième section, quelques questions clés déterminant le développement de nos droits humains; c'est le chapitre 6.

En vertu de ses statuts, la CEQ a pour but de promouvoir les intérêts professionnels, économiques et sociaux de ses adhérents ainsi que d'oeuvrer à l'amélioration des conditions de vie des travailleurs québécois au point de vue social, économique et culturel. Aussi, est-ce avec un soin tout particulier que nous avons entrepris de nous préparer à ce débat public sur nos droits et libertés, sur nos droits humains. À cet égard, peut-être aurait-il été intéressant que cette commission parlementaire, comme d'autres, puisse être télévisée pour permettre à la population de suivre un débat qui, à notre avis, est aussi important que le débat que nous avons eu il y a quelques semaines sur le droit de grève dans le secteur public.

Nous considérons, en effet, que cette révision en profondeur de la charte québécoise qui s'annonce nous fournit l'occasion, comme composante du mouvement syndical québécois, d'examiner autant l'accomplissement de notre propre mandat syndical que la situation des droits et libertés dans la société québécoise. Bien que le domaine et les moyens d'intervention de la CEQ soient sans doute assez largement connus du public et des parlementaires québécois, il nous apparaît important de dégager les éléments d'une convergence extrêmement frappante entre, d'une part, notre action syndicale concrète et, d'autre part, la défense et la promotion des droits et libertés au Québec. Rappelons, entre autres, notre engagement syndical sur le terrain des libertés fondamentales d'opinion, d'association, d'expression, d'information et du droit à l'égalité en ce qui regarde les rapports femmes-hommes, l'enfance, les milieux socio-économiques marginalisés, les autochtones, notre lutte constante pour le droit au travail à des conditions justes et favorables, notre intervention incessante en faveur du droit à une éducation intégrale et de qualité pour tous, en faveur aussi de la reconnaissance et du respect des droits de l'enfant, notre implication, enfin, dans le sens d'un développement plus global de nos droits politiques, économiques et sociaux tant au plan national qu'international.

L'examen des résolutions adoptées par nos instances et un bref retour sur nos interventions les plus constantes depuis une dizaine d'années mettent en lumière une réalité qui n'est pas nouvelle, mais qui est trop rarement mesurée dans toute son ampleur. Le gros et l'essentiel de notre mandat syndical s'inscrit dans le vaste champ de la défense et du développement des droits humains.

Le débat qui s'ouvre maintenant au Québec à ce propos, nous proposons qu'il aille dans le sens d'un renforcement et d'un élargissement de nos droits et libertés. Nous proposons qu'il serve de rempart contre les attaques que nous subissons sous plusieurs aspects qui affectent en cette période de crise non seulement nos conditions de travail et de vie, mais aussi certaines conditions d'exercice de nos droits sociaux, économiques et politiques.

Nous proposons enfin que cette révision soit l'occasion d'enregistrer de nouveaux consensus sociaux sur des questions qui ont pu dans le passé être jugées controversées et à l'occasion aussi de prendre la mesure de certaines attaques à nos droits ou formes de discrimination et de mettre de l'avant de nouvelles pistes de solution.

Déjà, nos conventions collectives se réfèrent explicitement à la charte québécoise comme source de droits et de protection pour nos membres. De plus, l'occupation professionnelle de la vaste majorité d'entre eux les plonge quotidiennement dans le processus éducatif, lequel comporte le volet de l'éducation aux droits humains.

Aussi, est-ce en nous appuyant sur des données concrètes tirées de notre expérience que nous aborderons successivement certains aspects de nos libertés fondamentales, puis divers volets de la lutte contre la discrimination.

Nous traiterons alors des droits de l'enfant et du droit à l'éducation et nous conclurons par l'évocation rapide de quelques

questions déterminantes dont dépend le développement ultérieur de nos droits tant collectifs qu'individuels. Ces données, nous avons tenu, par ailleurs, à les examiner à la lumière de la Charte universelle des droits de l'homme, qui concerne la déclaration, les pactes, à laquelle a souscrit le Québec et nous les avons traitées en tenant compte de l'éclairage remarquable fourni par un grand nombre de travaux de la Commission des droits de la personne du Québec.

Ces deux ordres de référence nous inspireront donc tout au long de notre démarche. Sur bon nombre de questions, nos préoccupations se traduisent en propositions d'amendements à la charte. Sur d'autres questions, nos interrogations ou nos propositions s'adressent plutôt à la Commission des droits de la personne ou encore au gouvernement et aux législateurs eux-mêmes.

À propos des libertés fondamentales -qui est le chapitre 2 - s'agissant du préambule et de la structure générale de la charte dont le caractère relativement avancé est souvent souligné, nous en souhaitons vivement le réaménagement de sorte que soit renforcé le caractère fondamental de cette charte et que soit explicité le rapport d'interdépendance existant entre le champ des droits civils et politiques et celui des droits sociaux et économiques.

Il faut remarquer, à ce propos, à quel point est sous-développée la charte québécoise au plan des droits politiques, sociaux et économiques pour peu qu'on la confronte tant aux documents internationaux, auxquels le Québec a souscrit, qu'aux acquis sociaux et aux lignes de force caractérisant la société québécoise de maintenant.

Nous mettons de l'avant plusieurs pistes selon lesquelles pourrait se développer la charte québécoise: liberté de pensée, droits des autochtones, droit à l'autodétermination et au libre développement économique, mais aussi droit à la vie, au travail, à la santé et à un environnement sain, droit aux loisirs et au repos, à la culture et au progrès scientifique, pleine reconnaissance de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Tous ces droits et toutes ces libertés ne font qu'exprimer la longue marche des êtres et des groupes humains vers leur plein épanouissement. Bien loin de n'être que de la littérature caractéristique des forums internationaux, chacun d'entre eux correspond à des luttes d'ici menées souvent d'arrache-pied. Tous sont interreliés et indissociables. C'est ce tout indivisible que l'Assemblée nationale a maintenant la responsabilité de réécrire à l'heure de notre temps et de nos acquis collectifs.

Il n'est pas d'aspects secondaires au chapitre de nos droits et libertés, pas plus qu'il n'y a d'opposition entre droits individuels et droits collectifs, entre libertés d'ici et libertés d'ailleurs, entre libertés formelles et droits économiques et sociaux. C'est d'interdépendance qu'il s'agit, et c'est ce que nous proposons comme perspective à inscrire dans le préambule et les premiers articles de la charte et comme schéma à reproduire dans les divers volets de la charte elle-même.

D'autre part, il est certains droits qui, bien que déjà inscrits dans la charte, sont souvent peu protégés, voire même attaqués assez largement. Qu'on pense aux contraintes concrètes qui pèsent sur le droit d'association des travailleurs, aux nombreuses infractions commises par les forces de police contre plusieurs droits mentionnés aux articles 3 à 8: surveillance des syndicats, infiltration, écoute illégale, etc. Qu'on se rappelle la violation flagrante du droit à l'information, pourtant prévu à l'article 44 de la charte, survenue lors de la dernière campagne électorale, alors que le gouvernement a fait interdire par le président des élections la diffusion publique, à nos frais, de questions et de renseignements sans doute jugés trop gênants pour le pouvoir en place. Nous demandons au gouvernement de répondre aux questions que nous lui avons posées sur la surveillance policière et nous lui rappelons, ainsi qu'au législateur, qu'il ne suffit pas de codifier des droits, il faut que les autorités elles-mêmes en assurent le respect le plus scrupuleux.

C'est donc l'affirmation la plus explicite du droit à la liberté non seulement d'information, mais de communication que nous proposons d'inscrire à la charte, avec ce que cela comporte en termes d'implications et d'application, tout comme c'est à une politique claire et ouverte d'accès à l'information gouvernementale que nous nous attendons, ainsi que nous l'avons répété, à la suite du rapport Paré.

Troisième section, élargir le combat et renforcer les moyens de lutte contre la discrimination; je me réfère aux chapitres 3 et 5. À travers le vaste champ de la lutte contre la discrimination au sens de l'article 10 de la charte québécoise, nous avons retenu quelques secteurs et groupes cibles nécessitant une intervention prioritaire et nous proposons quelques mesures pouvant renforcer et élargir les moyens de cette lutte. Les rapports annuels de la Commission des droits de la personne ont constamment mis en relief les situations de discrimination vécues par les femmes dans le secteur de l'emploi. Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir du travail d'analyse des conventions collectives entrepris par la commission qui contribuera, de fait, à mieux nous éclairer sur certaines facettes de ce type de discrimination.

La CEQ, composée en majorité de femmes, a, depuis plusieurs années, participé à la défense et à la promotion du droit réel

de toutes les femmes au travail social, en toute égalité. La preuve n'est maintenant plus à faire des difficultés et des obstacles spécifiques que doivent surmonter les femmes face au travail rémunéré, situation qui s'est traduite par une inégalité socio-économique d'importance: moins syndiquées, davantage chômeuses, moins payées lorsqu'elles ont un emploi, lequel est plus souvent à temps partiel ou de nature temporaire. Même dans l'enseignement, un secteur syndiqué à 100%, le salaire annuel moyen des femmes était, en 1980, de 2200 $ inférieur à celui des hommes. Les causes de telles situations sont quelquefois ponctuelles, le plus souvent, cependant, elles plongent dans l'histoire de nos institutions et renvoient à la structure du système lui-même.

Pour affronter ce type de problème global, il ne faut plus s'en remettre à des correctifs individuels. Pour redresser de telles situations, le Québec ne doit plus hésiter à s'engager sur la voie des programmes d'action positive, ce qui n'a plus rien d'inédit, maintenant, dans le contexte canadien et nord-américain. Même si les défenseurs professionnels du capital privé répugnent à cette perspective, à l'instar, d'ailleurs, de l'administration Reagan, et justement parce que la crise risque de frapper plus durement des catégories sociales déjà discriminées, la CEQ, de même que la Commission des droits de la personne ou de nombreux groupes sociaux, demande que la charte donne dorénavant le pouvoir à la commission de recommander et même d'imposer, dans certains cas, des programmes de redressement progressif. En plus de viser la condition des femmes, de tels programmes devraient aussi être conçus pour les autochtones, pour les personnes handicapées et pour des minorités raciales ou ethniques et ce, non seulement dans le secteur du travail, mais aussi dans les domaines du logement, de l'éducation et de l'accès aux services publics. (12 h 30)

La CEQ estime que c'est à la Commission des droits de la personne que doit revenir la responsabilité d'élaborer, en consultation avec les personnes concernées et leurs syndicats - parce qu'il y a des syndicats - et de superviser la mise en oeuvre de tels programmes avec l'appui d'un pouvoir réglementaire. Le processus et les changements engendrés par de tels programmes devraient faire l'objet d'une évaluation attentive, de sorte qu'un bilan soit possible après quelques années. D'autre part, il est bien entendu que de tels programmes doivent eux-mêmes s'accompagner de mesures politiques plus globales, au plan social et économique, prévoyant le rétablissement permanent, à la racine, de ces situations discriminatoires.

Au niveau du court terme, nous demandons que soit abrogé l'article 90 de la charte, qui permet encore la discrimination fondée sur le sexe, mais aussi sur l'âge, l'état civil, l'orientation sexuelle et le handicap.

En ce qui a trait aux régimes de rentes, de retraite et d'assurance, nous estimons que des considérations d'ordre social et collectif doivent prévaloir sur des arguments d'ordre actuariel sans rapport avec les réalités socio-économiques des catégories de personnes visées.

En rapport avec notre pratique du milieu de l'enseignement, nous voudrions attirer l'attention du législateur sur l'application ou l'extension concrète de certains motifs de discrimination illicite, selon l'article 10 de la charte. Ainsi, nous estimons que le droit à la non-discrimination, pour motif de religion, dans le secteur scolaire, n'est pas suffisamment assuré, ni pour les étudiants ou leurs parents, ni pour les personnes y oeuvrant. La Commission des droits de la personne a elle-même mis en lumière les atteintes concrètes à ce droit, pour ce qui est des usagers du système scolaire, et a démontré le biais discriminatoire de la porte de sortie que serait pour d'aucuns le droit d'être exemptés de l'enseignement de la religion. Plutôt que du droit à la dérogation, c'est du droit de base pour tous de choisir entre des cours de formation morale laïque et des cours de formation religieuse qu'il doit s'agir.

Pour ce qui est des personnels enseignants et professionnels, nous soulignons une fois de plus le caractère discriminatoire de l'article 20 de la charte qui permet la distinction, l'exclusion et la préférence dans l'emploi, en raison du caractère religieux d'une institution d'enseignement. Cet anachronisme doit être corrigé au plus tôt, si nous voulons que le système scolaire québécois rompe avec son passé clérical, pourtant désavoué par la commission Parent, il y a près de 20 ans.

La CEQ, qui s'est intéressée depuis longtemps à la fonction sociale de l'école, ne peut que se réjouir de la mention, à l'article 10, de la condition sociale comme motif illicite de discrimination. Encore faudrait-il que le ministère de l'Éducation et les employeurs scolaires en tirent les conséquences.

Nous avons ainsi vécu la situation, au printemps dernier, d'enseignants qui ont été pénalisés pour avoir refusé d'utiliser des tests au niveau préscolaire, tests dont la Commission des droits de la personne avait pourtant obtenu le retrait de la part du ministère de l'Éducation, tant ils étaient discriminatoires envers les enfants d'origine populaire.

Un de nos syndicats est donc contraint à la coûteuse procédure de l'arbitrage pour défendre certains de ses membres qui, à

l'instar de la Commission des droits de la personne, ont repoussé des instruments de mesure et d'évaluation conçus et recommandés par le ministère de l'Éducation.

Pourtant, cette action de notre part ne s'attaque qu'à la pointe d'un iceberg. Qu'en serait-il si nous avions les moyens de remettre en question l'ensemble des instruments d'évaluation ou encore d'examiner nombre de manuels ou d'outils pédagogiques préconisés par le ministère de l'Éducation?

L'article 10 interdit la discrimination en raison des convictions politiques, ce qui n'est pas négligeable, mais nous soulevons la situation d'enseignants ayant subi des représailles pour des actes s'inspirant tout simplement de leur sens professionnel et de leur liberté scolaire. On peut soulever le même problème en ce qui regarde certaines catégories de personnel de soutien et également du personnel professionnel.

Le temps n'est-il pas venu d'inscrire dans la charte ce que reconnaissent déjà des conventions collectives, c'est-à-dire la liberté d'opinion politique et l'exercice des libertés scolaires? Mais il ne suffit pas d'inscrire ou de préciser des droits dans une charte pour que ces droits soient respectés et se développent. Toutes ces proclamations sont largement futiles si l'on ne prend pas des moyens efficaces d'en assurer la mise en oeuvre véritable.

Tout d'abord, nous soutenons que le caractère fondamental même de la charte doit être mieux étayé; donc l'ensemble des droits qui y sont reconnus devrait prévaloir sur les lois ordinaires sans dérogation, que le pouvoir d'enquête de la commission doit être étendu à toute situation issue de l'un ou l'autre article de la charte, sans restriction; que devraient être mieux protégées les personnes qui, de bonne foi, agissent conformément aux dispositions de la charte.

Quant à la Commission des droits de la personne, nous recommandons que son statut juridique soit mieux défini, de façon qu'elle puisse s'acquitter de ces représentations devant les tribunaux. Nous sommes d'avis qu'elle doit pouvoir utiliser les dispositifs de la Loi sur le recours collectif en certaines occasions.

De façon plus générale, la CEQ demande que la commission soit détachée du ministère de la Justice et reçoive des moyens d'action à la mesure de ses mandats et des besoins des citoyens du Québec, y compris dans les régions hors de Montréal et de Québec.

Si le gouvernement a jugé bon d'affecter plus de 400 ressources à l'application de la loi 101, nous ne voyons vraiment pas pourquoi il plafonne les ressources de la commission à 60 depuis cinq ans. Notre travail de recherche, d'accueil et de représentation de la commission est immense. Il en va de même pour ce qui est de l'information et de l'éducation. À ces tâches doit maintenant s'ajouter le domaine de l'action positive. C'est donc dire l'urgence de la révision qui s'impose à ce niveau de l'exercice effectif de nos droits et qui dépasse de beaucoup la seule rédaction d'amendements à la charte.

La quatrième section concerne la défense des droits de l'enfant et du droit à l'éducation. Étant donné la sphère de travail où se retrouvent nos adhérents, nous avons jugé important de nous livrer à quelques considérations relatives aux droits de l'enfant et au droit à l'éducation dont traite la charte aux articles 39 et 40 notamment.

Les droits des enfants et des jeunes sont certes reconnus de façon globale dans la charte, mais leur exercice pose encore des problèmes importants en milieu scolaire et ailleurs. Ce sentiment d'exclusion sociale que ressentent les jeunes, selon certaines études, ne saurait trouver sa réponse que dans des mesures de protection et de sécurité. C'est davantage dans le sens du droit de l'enfant à l'épanouissement, à l'activité sociale, à la santé, aux loisirs qu'il faut travailler, dans une perspective d'égalité et non d'autorité.

Au plan scolaire, la CEQ a pris connaissance avec intérêt du guide d'interprétation de la charte récemment mis au point par la Commission des droits de la personne et a entrepris d'en mesurer les implications et les possibilités d'application.

Le droit d'organisation collective et d'opinion des étudiants, leur droit à une éducation intégrale, comprenant l'enseignement même de leurs droits, leur droit à des programmes, à des manuels, à des évaluations exempts de discrimination, leur droit à des conditions sociales et scolaires convenables, voilà quelques-uns des domaines où s'imposent d'importants examens de la situation et de substantielles interventions.

Nous souhaitons vivement que le travail initial de la Commission des droits de la personne puisse se poursuivre et que tous les intervenants en milieu scolaire en prennent la véritable mesure.

Il est un droit primordial que la charte doit reconnaître à toute personne jeune ou adulte. C'est le droit à une éducation intégrale et de qualité, droit que la charte actuelle désigne timidement de droit à l'instruction publique gratuite. Le moins que l'on puisse dire à ce chapitre, c'est que ce droit à l'éducation a cessé de se développer, de se consolider au Québec depuis quelques années. Il est même attaqué sous plusieurs angles. Faut-il tout d'abord rappeler que l'éducation n'a jamais été complètement gratuite - l'université, les frais afférents, les adultes - et qu'elle est en passe de le devenir de moins en moins sous le coup des restrictions budgétaires de l'actuel

gouvernement? Plus encore, c'est le droit à l'éducation collégiale et universitaire qui est mis en cause par les politiques de stagnation imposées à ces niveaux.

Mêmes conséquences générales pour ce qui est des conditions réservées au préscolaire, au secteur des adultes et à plusieurs aspects des niveaux primaire et secondaire.

Sous le couvert d'un faux débat entre l'économie ou l'éducation, dans le sillage de la crise, c'est au droit à l'égalité en éducation, au droit à une éducation intégrale et au progrès que le pouvoir s'attaque maintenant avec vigueur.

C'est pourquoi la CEQ attire l'attention avec autant d'insistance sur les contraintes, voire les reculs que diverses mesures gouvernementales font actuellement subir à ce droit à l'éducation, qui dépasse le droit à l'instruction dont nous réclamons une reconnaissance plus intégrale dans la charte et la mise en oeuvre plus effective dans la réalité de tous les jours.

C'est d'ailleurs à la promotion de ce droit que tend l'essentiel de notre mandat syndical, tant au plan des revendications qu'au plan pédagogique, professionnel et social, ainsi qu'en témoigne la proposition d'école que nous avons formulée au cours des cinq dernières années.

La section 5 porte sur quelques questions clefs déterminant le développement de nos droits humains. Dans notre mémoire, nous avons proposé plusieurs amendements à la charte actuelle que nous croyons de nature à préciser ou mieux protéger certains droits. De même avons-nous insisté sur l'importance d'ajouter à nos moyens de mise en oeuvre effective des droits portés à une charte, que nous voulons, par ailleurs, de portée plus fondamentale et d'un contenu plus englobant, notamment au plan social et économique.

Mais il est certaines questions clefs qui se posent à la collectivité québécoise, qui demandent des réponses éclairantes et progressistes sans lesquelles le périmètre de nos droits individuels et collectifs sera toujours fragile et menacé.

Par exemple, nous estimons le moment venu pour le législateur et le gouvernement québécois de régler de façon démocratique la question scolaire tant dans ses aspects linguistiques que confessionnels.

Il en va de même dans nos rapports avec les peuples autochtones, qui doivent sortir de leur enlisement actuel. De façon plus large encore, nous soutenons que nos droits individuels et nos droits collectifs ne peuvent que s'épanouir ensemble, ces derniers constituant les conditions de développement des premiers.

N'est-il pas étrange de constater, par exemple, que des droits aussi primordiaux et aussi universellement présents dans les documents internationaux auxquels le Québec a souscrit sont absents de la charte québécoise, tels le droit à l'autodétermination, le droit au libre développement économique, le droit à un ordre social et international juste et pacifique fondé sur la libre coopération internationale?

De façon très actuelle, n'est-ce pas du côté d'Ottawa que peut venir, à très court terme, une attaque très importante contre nos droits et libertés par le biais du projet de charte inséré dans la question du rapatriement de la constitution?

C'est à tort que l'accès à ces droits et que les conditions de leur exercice sont tenus à l'écart du débat sur nos droits humains par certaines forces dans notre société. Ces droits enveloppent, transcendent, conditionnent l'exercice concret d'à peu près toutes nos libertés formelles, dites fondamentales.

À quoi rime la liberté d'expression dans un pays dont le développement économique et politique est dirigé de l'extérieur ou sous le contrôle d'une minorité?

À quoi riment nos libertés d'association et de réunion pacifique, notre droit à la sauvegarde de la dignité, si ces droits et ces libertés doivent être le lot d'un nombre croissant de chômeurs, de démunis, de marginalisés, ici ou ailleurs dans le monde?

La crise que nous traversons n'affecte pas que le Québec, entendons-nous dire souvent, et avec raison, mais nous ajoutons que cette crise n'affecte pas que le budget du Québec, elle affecte aussi nombre de ses politiques économiques, sociales et culturelles.

Ce que nous demandons à l'occasion de cette révision en profondeur de la charte, c'est que cette charte non seulement résiste à cette poussée de crise, mais se consolide et se développe. Les années qu'on nous annonce pourraient bien montrer que nous aurons besoin plus que jamais encore d'un tel instrument.

En terminant, je voudrais souligner rapidement une dizaine de recommandations que vous trouverez dans cette annexe. D'abord, à l'article 1, nécessité, à notre avis, de définir et d'élargir la question des libertés fondamentales.

À l'article 10, ajouter le motif "âge" comme élément de discrimination.

À l'article 20, aborder clairement et franchement toute la question de la religion et des institutions publiques d'enseignement.

L'article 39 concerne le droit de l'enfant. L'amendement demande d'élargir l'article et de se référer "au droit au développement intégral, responsable et autonome."

À l'article 40, parler du droit à l'éducation plutôt que du droit à l'instruction.

À l'article 44, élargir le droit à l'accès aux communications.

À l'article 67, introduire toute la question de l'action positive.

À l'article 87, introduire des dispositions assurant une meilleure protection contre les représailles.

Enfin, nécessité d'abroger l'article 90.

En terminant, si on veut que cette démarche et que cette modification à la charte des droits québécois soient quelque chose d'effectif, nécessité d'accroître les moyens mis en oeuvre autour de la Commission des droits de la personne.

Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je tiens à remercier le président de la Centrale de l'enseignement du Québec, de même que tous ceux et celles qui l'accompagnent, pour la présentation de ce mémoire.

On nous en a fait un résumé, mais, comme l'a dit le président, le mémoire est encore plus élaboré. Nous avons été à même de le parcourir. (12 h 45)

Je voudrais peut-être, dans un premier temps, demander - puisqu'il s'agit du premier groupe syndical que nous rencontrons concernant les programmes de redressement ou l'accès à l'égalité, si vous pourriez nous indiquer comment vous concevez le rôle du syndicat concernant la mise en place de tels programmes. Vous êtes concernés au premier chef et vous nous l'avez indiqué en ce qui a trait à l'ensemble des membres que vous représentez. J'aimerais savoir, parce que vous avez sûrement fait une réflexion en profondeur sur ce que devrait être le rôle du syndicat à partir du moment où le législateur s'oriente vers des programmes d'accès à l'égalité.

Mme Marois: Est-ce que je peux compléter la question, M. le Président? Cela va aussi dans le sens de celle que soulève le ministre de la Justice. Vous ne semblez pas réclamer dans votre mémoire qu'obligation soit faite aux employeurs d'implanter des programmes d'action positive ou de redressement ou d'accès à l'égalité, on s'entendra un jour sur les termes. Ce que je comprends, c'est que les femmes membres de votre centrale devraient alors s'en remettre à leur syndicat - vous me direz si j'interprète mal ce qui est dans votre document - pour finalement en arriver à s'entendre ou imposer à l'employeur un type de programme. À ce moment, quelles seraient les garanties que les femmes auraient que les programmes seront imposés, si elles font peu partie des instances syndicales décisionnelles? C'est votre cas comme c'est le cas - ce n'est pas particulier chez vous - de l'ensemble des centrales. Les femmes sont peu présentes aux instances décisionnelles. On aurait peut-être besoin de redressement progressif là aussi. Cela élargit beaucoup la question, mais je pense que ce sont des choses qui nous préoccupent.

M. Gaulin: Je dois vous dire qu'au sein du bureau national de la CEQ, qui compte onze personnes, il y a six femmes.

Mme Marois: Cela commence.

M. Gaulin: C'est la première fois, cependant, qu'il y a une majorité de femmes. Nous sommes très heureux de cela. Espérons que cela va continuer et que ça va se réaliser aussi au Conseil des ministres.

Mme Marois: Là aussi ça commence.

M. Bédard: La population a son mot à dire de ce côté.

M. Gaulin: Comme ligne de fond sur cette question de l'action positive, d'abord, elle ne s'adresse pas seulement aux femmes. Cela concerne les femmes, les autochtones, les handicapés, je ne sais pas, une quatrième catégorie que nous avons nommée dans notre mémoire. Plutôt que de généraliser ou d'imposer à toute la société québécoise une formule d'action positive, imposer cela par législation et selon une réglementation, nous avons préféré nous en remettre à l'imposition. Il peut y avoir détermination et imposition de programmes d'action positive dans certains établissements par le biais de la Commission des droits de la personne. Nous pensons que la commission peut avoir le droit d'enquête, le droit d'intervenir pour suggérer certains programmes d'action dans des établissements donnés lorsqu'une situation le nécessite et que la commission pourrait avoir le droit d'imposer à tel employeur ou à telle institution un programme d'action positive.

Le syndicat doit être consulté obligatoirement lorsque la commission juge qu'il y a nécessité d'intervenir auprès d'une institution donnée. Nous pensons qu'il doit y avoir consultation obligatoire du syndicat, implication du syndicat dans la définition du programme, dans la discussion des questions entourant toute l'implantation d'un programme d'action positive, et il peut y avoir toutes sortes de situations dans un milieu donné. Nous croyons aussi que lorsqu'il y a des syndicats - moins de 30% des travailleurs sont syndiqués - il y a possibilité de négocier et de prévoir dans la convention collective des dispositions permettant de corriger telle ou telle situation. À cet égard, nous avons justement un représentant de notre syndicat du Nouveau-Québec. Dans

cette convention collective, il y a des dispositions qui ont été négociées avec l'employeur prévoyant certains éléments favorisant l'engagement et la préservation de l'emploi des autochtones, puisque nous sommes en milieu autochtone. Tout de même, il faut aussi préserver les droits des autres personnes, des salariés qui ne seraient pas des autochtones ou des femmes. Donc, le syndicat peut intervenir par le biais de la négociation pour clarifier, préciser et définir un certain nombre d'implications. Nous pensons que c'est préférable de procéder de cette manière, de manière que par le biais de la Commission des droits de la personne, on puisse vraiment s'attaquer aux situations prioritaires. Si on procède autrement par disposition générale ou réglementation, nous croyons...

Mme Marois: Vous procéderiez par cas prouvés de discrimination et à ce moment-là, des programmes deviendraient obligatoires. C'est cela?

M. Gaulin: Pas seulement des cas prouvés de discrimination, là où il y a lieu de croire qu'il y a un système ou une discrimination systémique et que les choses ne pourront pas changer à moins d'une intervention extérieure ou à moins qu'il y ait un programme assez systématique dans cette entreprise, dans ce milieu de travail. À ce moment-là, nous pensons que la commission peut agir à différents niveaux, peut inciter, peut suggérer, peut proposer et peut aller jusqu'à imposer des programmes.

M. Bédard: Autrement dit, vous nous dites que la consultation doit être faite avec le syndicat. Je pense que ce serait bien difficile qu'il en soit autrement. Également, vous dites que le syndicat doit être impliqué. Cela se conçoit très facilement, parce que lorsqu'on arrive à l'application, il faut que tous les éléments aient été évalués avec les organismes responsables au premier chef.

Vous n'iriez pas jusqu'à requérir, par exemple, l'accord explicite du syndicat. Lorsque vous parlez de l'implication du syndicat au niveau de la mise en place des programmes, de la confection même des programmes? Pourriez-vous expliciter davantage, s'il vous plaît?

M. Gaulin: D'abord, au niveau global, je crois que l'intervention des syndicats, des centrales va contribuer à sensibiliser l'opinion publique à cette nécessité ou à cette approche de systèmes qui sont discriminants de nature. Je crois qu'il y a beaucoup de sensibilisation à faire. La centrale a commencé à prendre position sur ces questions. Je crois que nous pouvons intervenir dans l'opinion publique québécoise pour changer la mentalité, pour sensibiliser aussi le milieu, sensibiliser également les travailleurs syndiqués ou non syndiqués à ces situations qui ne sont pas toujours connues. Là aussi, il y a un rôle important de la Commission des droits de la personne au niveau de la recherche, au niveau de l'information et au niveau de l'éducation globale.

Y a-t-il lieu d'avoir, chaque fois, l'accord du syndicat avant d'en arriver à définir un programme d'action positive dans un établissement? Nous n'avons pas arrêté notre position jusqu'à dire qu'il faudrait à ce moment-ci qu'il y ait accord du syndicat. Nous croyons tout de même que, par leur passé, les syndicats sont plutôt assez favorables à ce changement et réagissent assez vite face aux situations de discrimination. Dans un premier temps, si une intervention de la commission ou le fait qu'une situation est portée à l'attention de la commission permet à la commission d'enquêter, de détecter, de sensibiliser et d'informer les syndiqués et le syndicat sur la nature exacte des problèmes, je crois qu'il y aurait déjà des acquis importants à ce niveau. Le syndicat peut toujours, par le biais de la négociation, demander lui-même, imposer à l'employeur un programme ou certains éléments d'un programme d'action positive.

M. Bédard: Je me limiterai à deux autres questions, M. le Président, pour permettre à mes collègues d'y aller aussi de leurs questions. Vous proposez une nouvelle infraction à l'article 87 - dans votre mémoire global - de la charte relativement aux personnes qui tenteraient des représailles contre une personne ou un groupe qui favoriserait l'exercice des droits et libertés des jeunes en milieu scolaire.

Vous faites un cas spécifique des jeunes en milieu scolaire sûrement pour des motifs sur lesquels j'aimerais entendre des explications. Ne croyez-vous pas que c'est un droit qui est reconnu par l'article 10 lorsqu'on parle de l'exercice des droits et libertés de toute personne, non seulement les jeunes, les citoyens et citoyennes de tous âges. À partir du moment où on spécifierait une catégorie par rapport à une autre, ne croyez-vous pas que cela pourrait indiquer une préférence qui n'existe pas dans la charte puisqu'il s'agit de protéger les droits et libertés de toutes les personnes, quel que soit leur âge, leur sexe, etc.?

M. Gaulin: Ce que nous visons par cette modification à l'article 87 - s'il y a lieu de l'élargir et d'aller plus loin, je crois qu'il n'y aura certainement pas de problème de notre côté - c'est que nous pensons que dans la charte, actuellement, les gens qui interviennent pour protéger les droits des autres ne sont pas suffisamment protégés

face aux représailles. Bien sûr, nous avons, dans notre mémoire, soulevé et développé cette question des tests au préscolaire, ou toute cette question de l'enseignement donné dans le cadre de la liberté académique. Souvent, des représailles peuvent être exercées. Dans le cas qu'on a mentionné, le cas des tests à la commission scolaire Taillon, il y a effectivement des enseignants qui ont jugé ces tests discriminatoires, qui ont décidé d'eux-mêmes, malgré l'ordre formel de la commission, de ne pas passer les tests, et qui font l'objet de représailles, actuellement, de griefs et de procédures.

Il y a toute la question du guide, aussi, qui s'en vient. Un guide est en préparation pour les étudiants, les sensibilisant à la revendication de leurs droits en milieu scolaire. Là aussi, des enseignants et du personnel de l'éducation qui favoriseraient l'exercice des droits par les jeunes, ou qui interpréteraient ce guide en faveur des jeunes et qui encourageraient les jeunes à agir auprès des autorités ou à revendiquer leurs droits un peu fort dans les établissements scolaires pourraient être l'objet de représailles à la suite de conseils et d'actions.

M. Bédard: Je comprends très bien votre préoccupation, à savoir que toute personne qui use de représailles à l'endroit de quelqu'un qui veut faire respecter des droits et libertés se doit d'être sanctionnée pour de tels gestes. Maintenant, est-ce que l'essentiel de votre demande ne serait pas pour que la charte prévoie des sanctions plus importantes qu'elle n'en prévoit présentement? À partir du moment où la charte, d'une façon générale, défend la discrimination, les personnes qui, effectivement, vont à l'encontre de la charte sont susceptibles de poursuites. Est-ce que c'est l'intensité des peines prévues qui ne correspond pas à ce que vous voudriez voir?

M. Gaulin: Je vais demander à Yvon de compléter.

M. Charbonneau (Yvon): Brièvement, M. le ministre, quand on regarde la formulation actuelle, au paragraphe d) de l'article 87, il y a une possibilité d'infraction seulement à propos de quiconque tente d'exercer ou exerce des représailles contre une personne, un groupe de personnes, etc., qui ayant fait une demande d'enquête ou rendu témoignage. C'est très limité, finalement. Il faut être rendu à ce stade de la demande d'enquête. Quelqu'un qui intervient est passible d'infraction. Ce qu'on soulève, c'est un problème beaucoup plus large. Dans le cas des enfants de la commission scolaire de Taillon, aucun groupe n'a demandé une enquête, et aucun individu, non plus, n'a demandé une enquête en particulier. La porte ouverte par le paragraphe d) est beaucoup trop étroite, à notre avis, et trop limitative.

De plus, quand il est question d'un groupe, il est toujours assez difficile de cerner exactement le groupe, bien souvent. Là, ce sont les enfants de Taillon, mais ces tests s'adressaient à tous les enfants, en principe, de niveau préscolaire de la province de Québec. Où est-ce qu'on cerne la notion de groupe pour intervenir? Encore faudrait-il que ce groupe ait fait une demande d'enquête. On voit bien, ici, que c'est inapplicable dans un cas comme celui qu'onsoulève. On soutient, ici, que c'est assez fréquent que ça puisse se poser dans le domaine de travail où nous sommes. (13 heures)

Pour compléter, en prenant en considération le guide d'interprétation mis au point par la commission des droits en milieu scolaire, pour peu que ce guide soit pris en compte par les étudiants eux-mêmes, par leurs organisations - qu'ils sont invités ici, ni plus ni moins, à constituer - pour peu que ces organisations développent - ce qui serait bien normal - un ensemble de revendications et d'orientations, qu'ils les défendent devant les autorités scolaires, il y aura certainement des enseignants et des professionnels qui seront impliqués dans ces processus et, très souvent - c'est arrivé dans le passé, à certaines occasions - c'est bien plus facile pour l'autorité scolaire de sévir contre un enseignant que contre une collectivité d'étudiants. De toute manière, qu'elle sévisse contre l'un ou contre l'autre, on croit que ce serait à regarder et il faudrait protéger ceux qui prendront à coeur l'implantation de ce guide, qui découle de source claire de la charte elle-même, telle que rédigée actuellement. On pense que c'est un problème d'envergure et, comme ce guide nous a été présenté depuis seulement quelques mois - nous avons été associés, par voie de consultation, aux travaux de la commission qui ont conduit à ce guide - dès qu'il sera rendu tout à fait officiel, tout à fait connu, nous devrons certainement nous-mêmes procéder à un examen renouvelé de la situation, parce que ça comporte des implications.

Maintenant, pour le principe et pour l'existence de ce guide, nous nous sommes déjà prononcés de façon très ouverte et de façon très favorable.

M. Bédard: Je comprends très bien l'insistance et la préoccupation que vous avez concernant, d'une façon tout à fait particulière, les jeunes en milieu scolaire, mais je voudrais bien comprendre l'essentiel de votre remarque. Autrement dit, vous trouvez que la formulation qui existe présentement est peut-être trop restrictive, qu'il faudrait que ce soit clair que ça s'étende, quel que soit le stade des

procédures, devant la commission ou que ce ne soit même pas devant la commission. Je pense que vous l'accepteriez, s'il y avait un article qui soit plus général, parce que, si on spécifie seulement pour les jeunes en milieu scolaire, puisqu'on parle d'une charte, on peut se faire dire: Oui, mais qu'est-ce que vous faites des autres catégories; voulez-vous faire une distinction? Je comprends que c'est l'idée générale que ce soit plus clair et moins restrictif que ça ne peut paraître dans la formulation actuelle, c'est-à-dire qu'il soit impossible pour une personne d'exercer des représailles lorsque quelqu'un veut faire valoir ses droits et ses libertés. Je comprends. C'est votre secteur de préoccupations.

M. Gaulin: Je crois que notre formulation, même si on l'applique à des cas particuliers, était suffisamment large; on avait des cas pour illustrer notre demande, donc on a...

M. Bédard: Dernière question. Aux pages 78 et 79 de votre mémoire, toutes les recommandations que vous faites relativement au droit à l'éducation, je comprends qu'il y a des distinctions que l'on peut faire, mais, d'une façon globale, est-ce que ça ne relève pas plus de lois sectorielles que de relever du domaine de la Charte des droits et libertés de la personne? Je comprends que, dans la charte des droits et libertés de l'ONU, c'est très élaboré et c'est un peu dans ce sens que vous vous dirigez, mais, quand on fait la liste de tout ce que vous demandez aux pages 78 et 79, est-ce que ce n'est pas plutôt vers des lois sectorielles qu'il faut se diriger?

M. Gaulin: La position que vous avez aux pages 78 et 79, c'est la position de la CEQ sur l'éducation; nous croyons important de la rappeler à ce moment-ci puisque véritablement on parle maintenant d'éducation plutôt que d'instruction. Je crois qu'il faut reconnaître, dans la charte québécoise des droits, un véritable droit à l'éducation qu'on a souvent réduit ou on a souvent donné des interprétations très réduites de ce qu'est l'instruction. Là-dessus, si on veut que notre charte soit vraiment de son temps, il faut aller dans un élargissement qui va dans le sens des propositions et des revendications qui sont là. Bien sûr, le gouvernement, le législateur, quand il déposera ses modifications ou ses projets de modifications à la charte, jugera de la qualité de ces revendications. Nous parlons aussi - nous avons insisté là-dessus dans notre mémoire - de faire en sorte que la charte devienne effective, qu'on ne reconnaisse pas seulement des droits théoriques ou qu'on ait le plus beau papier ou le plus beau document à soumettre ou à débattre dans des conférences internationales. Il faut que cette charte soit effective, applicable ici.

En ce qui regarde l'éducation, il y a des changements à apporter dans les politiques, dans les lois du Québec. Nous croyons qu'à l'occasion du débat sur la Charte des droits et libertés de la personne, il y a lieu d'élargir un peu - et on pourrait élargir davantage que ce qu'on veut faire -nous pensons qu'il y a certainement lieu d'élargir. Nous parlons de gratuité. L'enseignement supérieur doit être gratuit et accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun. Nous avons certains éléments qui ne veulent pas laisser croire que tout le monde doit aller à l'université. Tout le monde le peut en tenant compte des capacités. L'enseignement gratuit universitaire, on va à rebours à ce moment-ci. Nous ne pensons pas que, demain matin, le gouvernement aura la possibilité de légiférer dans ce sens-là. Nous le voudrions bien, mais nous tenons compte de la conjoncture et des politiques actuelles. Il faudrait "revirer" pas mal de choses bout pour bout par rapport à ce que vous faites actuellement. Nous pensons qu'il y a là des pistes de réflexion pour vous, qu'il y a des revendications qui devront être satisfaites à plus ou moins long terme et qu'il y a lieu très carrément de parler d'éducation, de parler du droit à une éducation de qualité, de parler d'une éducation qui vise au plein épanouissement de la personne humaine, du sens de sa dignité. Nous pensons aussi à une éducation qui doit s'ouvrir sur le respect de la personne, sur le respect des libertés fondamentales. Il y a certainement lieu de préciser un peu plus dans ce sens-là. Il y a plusieurs chartes, pactes ou conventions internationales qui développent beaucoup et davantage les questions d'éducation. Nous croyons que c'est l'une des faiblesses marquées de notre charte, actuellement, que de parler seulement d'instruction gratuite pour les niveaux primaire et secondaire, et qu'on devrait faire un pas en avant.

M. Bédard: Je vous remercie.

Le Président (M. Desbiens): Nous allons reprendre nos travaux à 15 heures avec des questions supplémentaires au même groupe.

La commission élue permanente de la justice suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 08)

(Reprise de la séance à 15 h 09)

Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission de la justice recommence ses travaux. À la suspension des

travaux, la parole était au député de Chomedey.

Mme Bacon: M. le Président, en attendant le porte-parole officiel de notre commission, j'aurais quelques questions à poser aux représentants de la CEQ. Si je me base sur mon expérience passée et présente de certaines demandes de la CEQ ou des documents qu'elle nous a habitués à recevoir, il me semble en fait que souvent tous ses problèmes proviennent du système et on remarque souvent que c'est le système qui est blâmé. Est-ce que je comprends bien la philosophie même de la CEQ?

M. Gaulin: Je pense que vous ne la comprenez pas tout à fait.

Mme Bacon: J'aimerais avoir des éclaircissements, si je ne la comprends pas ou si je la comprends mal. On a souvent blâmé le système à la CEQ pour les problèmes auxquels on a à faire face.

M. Gaulin: Je crois que, sur cette question des droits et libertés, ce n'est pas nous qui avons parlé de discrimination systémique ou systématique. On veut se référer au système. Je crois que ce sont des données de fait qui sont relevées par tout le monde. D'autre part, sur l'ensemble de notre mémoire, sur la question des droits et libertés, on s'appuie ici, sur deux instruments qui, à notre avis, ne sont pas des propriétés de la CEQ, la charte universelle des droits et une série de pactes internationaux dans lesquels on n'a eu absolument rien à faire, et l'autre, c'est le travail même de la Commission des droits de la personne ici au Québec. On a toute une série d'éléments où on converge dans nos analyses avec cette question de la Commission des droits de la personne.

D'autre part, cela se réfère bien sûr au système et on s'en voudrait, si on ne pensait pas de cette manière. À notre avis, il y a des relations importantes à faire entre la question des droits et libertés dans une société et l'ensemble du fonctionnement de cette société. C'est un représentant de votre côté, ce matin, qui disait qu'en période de crise souvent les droits des minorités ou les droits des citoyens les moins avantagés dans la société sont davantage affectés, mais cela rejoint l'analyse de la CEQ et cela rejoint, je crois, les dispositions où on essaie de mettre de l'avant de l'action positive pour contrer des effets qui sont devenus des effets du système. Je crois que la conjoncture sociale, la conjoncture politique, les difficultés économiques aussi font en sorte qu'en ces périodes de crise, les libertés sont davantage susceptibles d'être attaquées et nécessitent, une vigilance accrue de la part des organisations progressistes ou des organisations démocratiques. Vous pourriez peut-être expliciter davantage, je ne sais pas si je réponds à votre question.

Mme Bacon: Oui. Je reviendrai peut-être...

M. Gaulin: À quoi vous référez d'une manière particulière ou s'il y a des exemples là-dessus mais je crois que, d'une manière globale, la CEQ analyse la société, critique la société et essaie de faire des liens avec l'ensemble des politiques ou des éléments de cette société.

Mme Bacon: Au niveau - parce qu'on parle au niveau des libertés et des droits -des libertés d'expression ou des libertés de gérance des enseignants, comment catégorisez-vous le Québec par rapport à d'autres pays? Vous avez fait cette analyse en parlant de libertés et de droits.

M. Gaulin: Oui. Nous avons souligné, dès le début, dans notre mémoire que cette charte québécoise était une charte que nous jugions positive. Il y avait des éléments très intéressants qui avaient été mis de l'avant dans la charte des droits québécoise. Quand on a comparé la charte québécoise avec le projet de charte fédérale quand est arrivée cette question du débat constitutionnel au Québec, on a jugé le projet de charte fédérale comme étant régressif par rapport à la situation des droits au Québec. Je crois qu'on se situe assez bien. Cependant, le Québec a signé toute une série de pactes ou est partie à des déclarations nationales et internationales et, dans ce cadre, nous pensons qu'il y a moyen de faire encore un pas en avant surtout dans le domaine des droits à l'éducation, parce que c'est un objet de préoccupation très important pour nous, et dans le domaine des droits collectifs. Nous pensons qu'il faut arrêter de regarder ça et de faire de grandes déclarations: Tous les individus sont égaux dans notre société. Tous les enfants sont égaux dans l'école. Sur papier c'est peut-être vrai mais, dans la réalité de la société, il faut accorder des conditions particulières à des enfants qui présentent plus de difficultés, créer autour certaines dispositions plus favorables dans un milieu donné, par exemple dans un milieu défavorisé, et ça, ç'a été reconnu par tout le monde. Il faut donc créer les conditions de l'égalité et l'égalité des individus repose souvent sur des droits collectifs. C'est la capacité qu'a une collectivité, qu'a un groupe donné à un moment donné de faire reconnaître ses droits.

Dans cet ordre, je crois qu'il y aurait nécessité, et ça va dans le sens de nos recommandations, d'ouvrir un peu pour continuer à progresser. Ce matin, il y a quelqu'un ici qui parlait de l'Ontario; nous,

on ne s'est pas référé du tout à l'Ontario. Cela nous intéresse peu de nous référer à l'Ontario, ce n'est pas en regardant en arrière que les choses avancent. Tenant compte des caractéristiques de la société québécoise, les débats qui se font à une commission parlementaire comme celle-ci sur les droits et libertés, c'est une occasion de faire un pas en avant.

Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup du droit de l'enfant à l'épanouissement, par exemple, si on se réfère au mémoire, le respect des libertés fondamentales. Quand estimez-vous qu'un enfant peut faire des choix? (15 h 15)

M. Gaulin: Je crois qu'il y a des choix qui se font progressivement. Il y a des enfants qui peuvent, à leur niveau, assumer un certain nombre de responsabilités dans l'école et ce n'est pas à un jour donné qu'on dit: La veille, tu n'avais pas de droit ou tu n'avais pas de capacité d'agir et le lendemain, tu acquiers cette capacité d'agir. Je crois que c'est une des fonctions, c'est un des rôles de l'éducation, un des arguments que nous invoquons quand nous parlons plutôt d'éducation que d'instruction, que de faire, tout au long du cheminement scolaire d'un jeune, cet éveil à la responsabilité. C'est pourquoi, quand nous mettons de l'avant qu'on devrait inscrire l'âge comme étant un facteur de discrimination, c'est à partir du principe qu'il faut reconnaître qu'il n'y a pas un âge donné où tu commences à être un citoyen et qu'un certain nombre de discriminations peuvent s'exercer de ce côté.

Que les jeunes puissent progressivement, dans l'école, former des associations, qu'un jeune puisse avoir le droit, à son niveau, à la liberté d'expression, bien sûr, le jeune de huit ans, de dix ans ou de quinze ans, n'assumera pas sa liberté d'expression de la même manière que celui de vingt ans qui est à l'université, mais il faut reconnaître ce droit d'un jeune à s'exprimer dans l'école. L'école du silence, ça devrait être quelque chose du passé.

Mme Bacon: Vous indiquez, à l'article 10: Le temps n'était pas venu d'inscrire dans la charte ce que reconnaissent déjà les conventions collectives, c'est-à-dire la liberté d'opinion politique et l'exercice des libertés académiques... est-ce que vous insérez aussi dans tout ça, dans votre philosophie ou votre façon de penser, le rôle des parents, le droit des parents? Est-ce que pour vous, les parents sont des observateurs, des guides, des preneurs de décision?

M. Gaulin: Avant de revenir aux parents, j'aimerais d'abord expliquer un peu la notion de conviction politique...

Mme Bacon: ... paragraphe de la page 6...

M. Gaulin: ... on dit que l'élément de conviction politique, c'est limité. La jurisprudence ou l'interprétation qui en a été donnée réfère souvent à l'appartenance ou à l'identification à un groupe politique, alors qu'un enseignant, un professionnel, d'autres citoyens aussi, dans l'exercice de leur profession, peuvent être appelés à enseigner une doctrine, enseigner un certain nombre de contenus sans les partager nécessairement, sans que ce soit leurs convictions personnelles. À travers un programme, il y a la nécessité d'éveiller les jeunes à un certain nombre de courants de pensée. Il faudrait que cette personne, pour se défendre, fasse la preuve que ce sont des convictions politiques, alors que c'est de la liberté académique, de la liberté professionnelle et c'est un acte professionnel tout simplement.

C'est pourquoi nous croyons qu'il faudrait sortir du cadre un peu étroit des convictions politiques pour parler de liberté académique et de liberté professionnelle.

Quant aux parents, nous avons aussi fait un développement sur le droit à la communication, pas seulement le droit à l'information, et dans ce cadre, je crois que les parents ont le droit de savoir exactement ce qui se passe dans les écoles. Ils ont le droit d'intervenir, à partir de structures qui sont à discuter; nous avons contesté le cadre actuel dans lequel les parents étaient appelés à agir à travers des mécanismes de consultation. Je crois qu'il y a des améliorations importantes à apporter de ce côté, mais nous avons toujours reconnu et nous reconnaissons le droit des parents à être informés, le droit d'intervenir dans l'école, selon des cadres à définir, le droit et l'obligation aussi de respecter certaines libertés liées à l'acte professionnel des personnes.

Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre d'État à la Condition féminine.

Mme Marois: J'ai relu tout à l'heure tout le texte qui concerne les programmes d'accès à l'égalité ou d'action positive. Je trouve votre analyse extrêmement intéressante. Cela m'étonne finalement de retrouver très peu de choses au niveau des recommandations. Je suis peut-être tannante de revenir là-dessus, mais cela m'agace. Ce matin, je n'ai pas eu l'impression d'avoir complètement réponse à mes questions. À partir d'une analyse quand même très fouillée, vous restez assez flous au niveau des recommandations, entre autres, sur les amendements. Vous dites: Oui, cela pourrait être obligatoire. On n'est pas sûrs, peut-être.

M. Gaulin: Oui, là-dessus, les ressources qui ont discuté davantage que moi de cette question pourront renchérir. On a analysé un peu le cadre qui était proposé par la Commission des droits de la personne. Cela nous est apparu comme étant un cadre fonctionnel et opérationnel, dans un premier temps, pour régler un certain nombre de problèmes qui se posent dans notre société. Je crois que, par le biais de la procédure qui est suggérée, il y a moyen de faire une expérimentation pendant quelques années et d'agir davantage, si besoin est. Quand on agit d'une manière générale ou par voie de législation qui s'appliquerait à tout le monde, souvent, on corrige d'abord là où les situations sont le moins problématiques. Les gens qui vont s'inscrire le plus rapidement dans un programme d'action positive, ce sont probablement les gens qui en ont le moins besoin. Avant d'atteindre véritablement les zones grises, les populations touchées, là où les problèmes sont les plus importants, cela prend souvent un certain nombre d'années. Nous pensons que la procédure suggérée permet d'aller peut-être plus directement dans les zones grises et là où vraiment il y a nécessité d'agir d'une manière importante. C'est le sens. Quand nous disons, à la page 94, que la CEQ demande, avec la commission, que la charte lui reconnaisse le mandat d'approuver ou de recommander, selon le cas, des programmes d'action positive, de faire des règlements concernant de tels programmes et d'en contrôler l'évolution et l'application, nous pensons que cela va assez loin.

Mme Marois: Vous êtes d'accord sur la position qu'émet la commission, finalement.

M. Gaulin: Oui. Nous pensons aussi que par le biais de l'action collective, par le biais des négociations, les syndicats peuvent aussi, sans attendre l'action de la Commission des droits de la personne, agir dans un certain nombre de situations qui nous paraîtraient comme devant être corrigées. Nous avons négocié, dans le cas du Nouveau-Québec auquel je me référais, un certain nombre de dispositions. Il y a d'autres conventions collectives aussi qui prévoient des éléments; donc, il y a des possibilités d'agir. Souvent, on se laisse impressionner par une législation d'envergure générale mais qui, dans les faits, n'est pas appliquée.

Nous avons analysé un petit peu l'expérience de la Loi sur les normes du travail. C'est beau. Quand on est venu en commission parlementaire, on a dit: II faut protéger toute une série de citoyens, de travailleurs qui, malheureusement, ne sont pas syndiqués, mais dans les faits, comment, dans une entreprise donnée, un salarié peut-il faire valoir ses droits? Donc, il fallait agir dans le cadre de la syndicalisation. En agissant dans le cadre de la syndicalisation, cela déborde peut-être des droits et libertés, mais pas tant que cela. Je crois qu'il y a un droit collectif, le droit de s'organiser. En mettant l'accent davantage sur ce droit d'organisation, sur ce droit de syndicalisation, sur le droit de se regrouper, on se donne les moyens de se protéger davantage et d'agir plus efficacement.

Mme Marois: J'ai terminé, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci. J'ai trouvé votre mémoire très intéressant, très fouillé. Je dirais que c'est même un mémoire assez original. En fait, vous avez articulé une philosophie des droits de la personne que nous entendons pour la première fois cette semaine et, bien sûr, la semaine passée. Je suis bien heureux que vous ayez posé des questions au ministre sur l'infiltration policière. Vous voyez, il n'a pas répondu à cette question et à la question sur...

M. Bédard: ... que je réponds à cette question.

M. Marx: Je cède mes trois minutes pour une réponse claire.

M. Bédard: J'avoue que ce n'est peut-être pas ce qu'on veut entendre, mais il n'y a pas d'infiltration policière; c'est aussi simple que cela, je l'ai dit.

M. Marx: Vous avez donné l'ordre qu'il n'y en ait pas.

M. Bédard: II n'y en a pas.

M. Marx: II n'y en a pas. Le premier ministre...

M. Bédard: L'infiltration de policiers à l'intérieur de groupes syndicaux, je n'accepte pas cela, comme je crois que tout mouvement démocratique a le droit d'avoir sa liberté d'agir et d'action. J'ai toujours été très clair de ce côté-là.

M. Marx: Un jour, quand vous n'étiez...

M. Gaulin: Je crois que le ministre dit qu'il n'y en a plus.

M. Marx: II a dit qu'il n'y en a jamais eu. Un jour qu'on n'était pas...

M. Bédard: Je réponds pour le temps pendant lequel j'en ai la responsabilité. Vous pourriez peut-être poser quelques questions à

certains collègues qui m'ont précédé et que vous connaissez beaucoup mieux que moi.

M. Marx: Pas de problème. Un jour où vous n'étiez pas en Chambre, je m'en souviens - je pense avoir raison de le dire -le premier ministre a dit qu'il y avait déjà eu de l'infiltration policière et que le ministre de la Justice donnerait la réponse à cette question, ce qu'il n'a jamais fait.

M. Bédard: Je l'ai donnée au moins à cinq ou six reprises. C'est au fédéral, vous vous trompez.

M. Marx: La publicité lors d'une élection, c'était l'autre question.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! II faudrait...

M. Bédard: Sur la...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le ministre! Juste un instant!

M. Bédard: Non, mais...

Le Président (M. Gagnon): Je demanderais qu'on ne parle pas tous en même temps, parce que ce sera difficile pour le journal des Débats.

M. Bédard: Ah! d'accord.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez posé une question à M. le ministre. M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: J'avais noté cet élément dans votre mémoire résumé, mais je crois que ce n'est pas un gouvernement qui donne... Là-dedans, il s'agit d'une commission indépendante. Permettez-moi de...

M. Marx: De réviser la loi, je pense.

M. Bédard: Vous permettez, deux secondes?

M. Marx: Oui.

M. Bédard: On nous dit que le gouvernement aurait fait interdire par le président de l'élection la diffusion publique de questions et de renseignements sans doute jugés trop gênants par le pouvoir en place lors de la dernière campagne électorale. C'est la commission elle-même qui, vous le savez, est indépendante et a pris des dispositions. Ce n'est pas à moi d'en juger ici. Ce n'est pas le gouvernement qui donne...

M. Marx: ... qui a proposé la loi telle quelle. Oui, mais...

M. Bédard: Soyons clairs. C'est une commission indépendante qui a agi en fonction d'une loi qui a été adoptée ici.

M. Marx: ... qui a été rédigée par le gouvernement.

Pour parler une autre fois de votre mémoire, vous demandez des modifications en profondeur de la charte. Par exemple, à la page 4 de votre présentation de ce matin, vous parlez de la liberté de pensée, du droit des autochtones, du droit à l'autodétermination et du droit au libre développement économique, mais aussi du droit à la vie, du droit au travail, du droit à la santé, du droit à un environnement sain, du droit au loisir et au repos, du droit à la culture et au progrès scientifique, du droit à la pleine reconnaissance de l'égalité entre les hommes et les femmes. Je le veux bien; je suis pour un environnement sain, pour le repos, etc., mais c'est la première fois qu'on nous dit que ce sont des droits fondamentaux. On peut allonger la liste des droits fondamentaux et tout mettre dedans. Ce serait une charte des droits fondamentaux qui serait une nouvelle charte jamais vue dans le monde. C'est aussi une possibilité.

Vous avez parlez du droit à l'éducation et vous avez proposé des amendements à la charte, des amendements assez détaillés. Tout le monde serait d'accord avec la plupart de ces droits. Je suis toujours en faveur de l'enseignement des adultes, des enfants, etc. Mais supposons qu'il y ait d'autres groupes qui viennent et disent: Nous sommes des handicapés; nous voulons que soient précisés dans la charte tous les droits des handicapés. Après cela, ce seraient les gais qui diraient: Nous voulons que tous les droits des gais soient précisés, etc. On pourrait se retrouver avec une charte assez volumineuse. Tout cela pour dire que j'ai l'impression, en lisant votre mémoire et en vous écoutant ce matin, que vous voyez une charte renouvelée comme une panacée à tous nos maux, c'est-à-dire qu'on va avoir la charte et la commission, et la commission va régler tous nos problèmes en fonction de la charte. J'aimerais vous suggérer qu'une charte traditionnelle n'a pas telle fonction. Je pense que ce sera toujours nécessaire que l'Assemblée nationale soit ici pour adopter des lois, qu'il y ait d'autres commissions, et ainsi de suite. (15 h 30)

S'il faut mettre les droits à l'éducation quelque part, peut-être faut-il les mettre dans la Loi sur l'instruction publique ou dans une autre loi, mais tout mettre dans une charte, je pense que cela va créer des problèmes.

M. Gaulin: Oui, je suis heureux que

vous ayez soulevé le problème posé par la Loi sur la consultation populaire. Je crois que c'est une loi qui aurait besoin d'être révisée à la suite des expériences que nous avons connues. À mon avis, une période électorale est une période très importante dans une société et on ne peut certainement pas établir par voie législative des consignes du silence là-dessus. Bien sûr, il y a des stratégies politiques, il y a des stratégies électorales, il y a des partis politiques qui agissent et qui définissent un terrain de jeu pour mener leur campagne électorale. C'est normal, cela va de soi.

Cependant, les groupes de gens qui ne sont pas dans cette arène, qui ne sont pas dans ce jeu ou qui pensent que la société doit être renseignée sur d'autre chose que les lignes ou les corridors définis par les partis politiques, je crois qu'il faut leur assurer la pleine liberté d'expression.

On a compris l'intention du législateur qui voulait contrôler un peu la publicité des grandes entreprises ou de ceux qui ont le moyen de publier toutes sortes de choses, mais je crois qu'il y a là des atteintes fondamentales au droit d'expression, au droit d'information et au droit de communication. Je crois qu'en période électorale il n'y a pas seulement les partis politiques qui ont le droit de s'exprimer. Nous avons voulu profiter de cette question de la charte pour attirer l'attention; là-dessus, le message est passé.

Quant au reste, le droit à l'autodétermination - je prends juste cet exemple, puis je passerai la parole à Yvon -est-ce que c'est un droit fondamental ou ce n'est pas un droit fondamental? À notre avis, c'est un droit fondamental, c'est un droit d'un groupe, mais c'est un droit fondamental d'une société, généralement reconnu de par le monde. Ici....

M. Bédard: Le premier article de la Charte des Nations Unies.

M. Marx: Que le Canada a signée et que le Québec a signée aussi.

M. Gaulin: Quelle largeur ou quelle...

M. Bédard: Je ne comprends pas que le Canada nous refuse...

M. Gaulin: ... dimension veut-on couvrir par une charte des droits et liberté? Nous disons, nous, que c'est une loi fondamentale qui doit primer sur toutes les autres.

Dans notre mémoire sur la question constitutionnelle, on disait que le Québec devrait se donner une constitution. Si on avait une constitution du Québec, peut-être qu'il y a des éléments qui seraient d'ordre constitutif. C'est possible que dans le cadre de cette constitution il y ait un certain nombre d'éléments, une charte des droits et des libertés, les caractéristiques ou la définition de certains cadres de l'organisation politique. Il pourrait y avoir une charte des droits collectifs; il pourrait y avoir toute une série d'instruments. Faute pas nécessairement d'avoir la volonté politique, mais en l'absence d'initiatives de cet ordre, je crois qu'il faut essayer à travers la charte qu'on veut se donner de préciser le plus possible le cadre général. Il ne s'agit pas de définir l'application de chacun des droits de chacune des catégories de citoyens, mais il faut définir un cadre suffisamment large pour qu'on couvre l'ensemble des droits fondamentaux. Là-dessus Yvon a peut-être quelques exemples.

M. Charbonneau (Yvon): L'intervention du député pourrait donner l'impression qu'il faut des textes absolument aussi longs qu'une convention collective d'enseignants pour venir à bout de décrire les droits en question.

En réalité, les instruments internationaux auxquels on se réfère sont d'envergure assez modeste. La Déclaration universelle des droits de l'homme, c'est 30 articles qui tiennent en quatre petites pages. Le pacte international relatif aux droits économiques et sociaux, c'est un texte d'une trentaine d'articles aussi, et notre charte québécoise compte quelque 90 articles. Donc, on ne parle pas de documents absolument très, très longs, mais qui précisent un certain nombre de droits, qui les énoncent clairement dès le départ. L'article 3 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 parle du droit à la vie, l'article 18 parle de la liberté de pensée, qui n'est pas mentionnée dans l'article...

M. Marx: Je ne sais pas si vous savez cela, mais la liberté de pensée est déjà incluse dans la charte...

M. Charbonneau (Yvon): Oui, on parle d'opinion, on parle d'expression, d'accord...

M. Marx: Cela revient au même, on peut donner tous les synonymes, si vous voulez, cela ne va pas changer grand-chose.

M. Charbonneau (Yvon): Je peux vous citer l'article 22 du même instrument international, qui parle du droit à la sécurité sociale, l'article 23, qui parle du droit au travail, l'article 24, qui parle du droit au repos et au loisir...

M. Marx: Oui, mais qu'est-ce que c'est, la différence entre cette charte et notre charte? Notre charte, si on a une charte ici qui a préséance sur toute autre loi, comporte des sanctions. Est-ce qu'un juge va imposer des sanctions au gouvernement parce qu'il ne fournit pas assez de travail aux Québécois?

C'est cela, la différence. Il peut y avoir une charte où il y a des principes d'ordre général, on va les suivre le mieux possible. Si on a une charte en fonction de laquelle les juges vont imposer des sanctions soit au gouvernement, soit à des individus, etc., cela fait une différence...

M. Charbonneau (Yvon): C'est déjà le cas, il y a plusieurs articles de la charte actuelle qui n'ouvrent pas la voie à des poursuites ou à des sanctions. Je crois qu'il ne faut pas confondre à la fois l'inscription d'un droit et le type de sanction qui peut s'ensuivre. Déjà, la charte fait des distinctions majeures de ce côté, on ne doit donc pas se servir, je crois, de l'argument des sanctions possibles ou inapplicables pour dire qu'on n'inscrira pas tel ou tel droit, parce qu'on ne peut pas le reconnaître devant les tribunaux, qu'on ne peut pas le faire appliquer immédiatement. Je crois que déjà, ces distinctions sont présentes dans la charte et on devrait, je crois, élaborer davantage la mention de certains droits qui sont déjà là. Dans le pacte international relatif aux droits sociaux et économiques, il y a le droit à l'éducation, à l'article 13.

Il y a une foule de droits de ce genre-là. Nous, nous pensons que nous ne sommes pas du tout à côté du sujet en insistant pour qu'à la faveur de la révision qui s'amorce, qui semble s'annoncer, de la charte québécoise, on puisse inscrire ce qui nous paraîtrait à l'heure d'aujourd'hui des droits qui font l'objet de consensus sociaux larges. Nous ne pensons pas être à côté du sujet en proposant, par exemple, l'inscription du droit au travail ou du droit à l'éducation. Nous apportons ici à notre conscience collective à tous certaines carences et nous pensons qu'il est de bon aloi d'essayer, à la faveur de cette révision, d'inscrire ces droits, quitte à discuter ensuite du genre de modalités d'application qu'on pourra imaginer à leur appui.

M. Marx: D'accord. Juste une autre question, peut-être que c'est une question très théorique. À la page 9 du texte de ce matin, vous avez dit: "Pour ce qui est des personnels enseignant et professionnel, nous soulignons une fois de plus le caractère discriminatoire de l'article 20 de la charte, qui permet la distinction, l'exclusion, la préférence dans l'emploi en raison du caractère religieux d'une institution d'enseignement; cet anachronisme doit être corrigé au plus tôt si nous voulons que le système scolaire québécois rompe avec son passé clérical pourtant désavoué par la commission Parent il y a près de 20 ans." Je ne conteste pas la véracité de ce paragraphe, si c'est vrai ou si c'est pas vrai, cela m'importe peu. C'est-à-dire que peut-être tout le monde est d'accord pour déconfessionnaliser les écoles, sauf celles pour lesquelles on a mis des garanties dans la constitution. Il ne faut pas oublier qu'en 1867, on a mis deux garanties dans la Constitution, deux droits fondamentaux, en ce qui concerne la langue et en ce qui concerne l'éducation confessionnelle et, depuis la Confédération et même avant, il y a certaines personnes qui ont bénéficié de ces droits dits fondamentaux; au moins cela a toujours été vu comme cela.

Maintenant, on veut annuler ces droits fondamentaux sans vraiment demander à ces personnes si elles veulent encore bénéficier de ces droits fondamentaux. C'est un jeu dangereux, parce que si on peut, d'un trait de plume rayer des droits fondamentaux aujourd'hui, un prochain gouvernement pourrait le faire dans quelques années.

M. Gaulin: C'est une question très intéressante et ça pose un problème d'acuité dans notre société quoiqu'il faut faire une distinction entre 1867 et 1981; les situations et les réalités ont passablement changé, sauf peut-être à la CECM à Montréal où ça a l'air que ça n'a pas changé tellement à ce niveau. Je crois qu'il faut faire une distinction entre le droit des individus à l'éducation, à l'enseignement religieux et le système scolaire ou l'organisation qu'on se donne à un moment donné pour faire fonctionner ou organiser des écoles. Nous, nous la faisons...

M. Marx: Les garanties ne sont pas ça, je m'excuse, M. Gaulin. Les garanties constitutionnelles qui ont été données aux catholiques et aux protestants au Québec sont des garanties de gérer leurs écoles et d'avoir des enseignants de leur foi religieuse; ce sont ça les garanties. Pour moi, c'est égal parce que je n'étais inclus dans aucune des deux confessions qui étaient protégées à l'époque. Sur le plan théorique, en ce qui concerne la protection des droits, il ne faut pas oublier que c'étaient des droits garantis de gérer, d'avoir des enseignants de leur foi et ainsi de suite, il y a toute une liste. Maintenant peut-on dire qu'ils sont désuets sauf pour telle et telle commission scolaire et, donc, qu'on peut les rayer? C'est ça ma question.

M. Gaulin: Dans un mémoire où on parle de charte des droits de la personne, ce qu'il est très important de reconnaître ce sont les droits des individus.

Là-dessus, le texte d'amendement qu'on propose à l'article 20 reconnaît le droit des individus à l'enseignement religieux. Nous pensons aussi que l'application actuelle du droit d'exemption tel que formulé n'est pas opérationnel et est plutôt discriminatoire. Nous pensons que, dans l'enseignement public, le fait d'utiliser le caractère confessionnel

d'un réseau ou d'une commission scolaire pour éliminer ou ne pas reconnaître le droit des jeunes à l'éducation et à l'instruction, c'est peut-être un peu abusif dans le contexte actuel. Cela obligerait à organiser d'autres réseaux d'éducation pour répondre aux besoins d'un certain nombre de catégories de citoyens. Là-dessus, ce qui est important c'est de reconnaître les droits des individus et de s'assurer que ces droits seront protégés, seront bien administrés dans un système qui a besoin d'être retouché.

Le Président (M. Gagnon): Je remercie les membres de la Centrale de l'enseignement du Québec de leur mémoire.

Chambre des notaires

J'appelle la Chambre des notaires du Québec. Je prierais Me Jean-Marc Audet de nous présenter ses invités.

M. Morency (Simon): Si vous me permettez, M. le Président, à titre de président de la Chambre des notaires, je vais procéder moi-même. (15 h 45)

M. le Président, Mme la ministre, M. le ministre, mesdames, messieurs, la Chambre des notaires du Québec est heureuse de pouvoir s'exprimer devant cette commission. Elle le fait dans un esprit de collaboration au processus législatif du Québec et tient à assurer Mme la ministre et M. le ministre de toute sa coopération.

En ma qualité de président de la Chambre des notaires, permettez-moi de vous présenter les membres de la délégation. À ma droite, le notaire Gisèle Archambault, de la direction de la recherche et de l'information à la Chambre des notaires; à ma gauche, le directeur des communications, le notaire Jean-Yves Crête. Me Jean-Marc Audet va vous présenter le mémoire de la chambre, mémoire préparé par le comité de législation.

Je m'appelle, pour les besoins de la cause, Simon Morency. Je cède la parole immédiatement à Me Jean-Marc Audet.

M. Audet (Jean-Marc): M. le Président de la commission, M. le ministre et Mme la ministre, notre mémoire est essentiellement technique, mais il a pour objet de dénoncer, d'une certaine manière, l'état de l'évolution de notre droit foncier au Québec. Comme notre mémoire est assez succinct, vous nous permettrez de le lire en entier, puisqu'il résume, pensons-nous, l'essentiel de notre démarche.

Reflet contemporain de l'état de l'évolution et de la maturité d'une société, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne reconnaît à l'individu le principe de l'égalité et le droit à la non- discrimination. L'inviolabilité et l'inaliénabilité des droits fondamentaux de la personne, le libre accès à la propriété, aux tribunaux, à l'information et à l'association, l'attribution d'une grande aire de liberté à l'activité personnelle et la propension à un meilleur équilibre social font de cette charte un levier juridique comportant des garanties élémentaires à l'exercice des droits individuels.

La charte est un document juridique fondamental. Elle représente, sous une nouvelle appellation, une somme de droits déjà embryonnairement reconnus par un autre document historique fondamental: le Code civil.

Dans son essence, le Code civil est la codification du droit privé, c'est-à-dire des règles de droit régissant les individus entre eux et les individus avec leurs biens ou leur propriété.

Charte des droits et libertés de la personne et Code civil sont deux documents écrits de juridiction québécoise et cristallisant des règles de droit, tantôt analogues, tantôt complémentaires, mais rarement contradictoires.

L'une des principales caractéristiques de la charte est d'accorder à un organisme administratif, des pouvoirs consultatifs et des pouvoirs d'enquête et même le droit de demander des injonctions et de réclamer des indemnités pour le compte de personnes lésées, victimes d'infractions aux droits que leur reconnaît la charte.

Cette particularité de la charte n'est pas, de l'avis de notre organisme, un obstacle tel qu'il empêcherait d'incorporer au Code civil du Québec, la substance des règles de droit formant la pierre angulaire de l'état du droit des personnes au Québec.

Il appert en effet que le gouvernement québécois a entrepris sérieusement la révision du Code civil du Bas-Canada. L'adoption, en décembre 1980, de la loi no 89, qui créait un nouveau code de la famille, est la réalisation d'une première étape. On doit donc s'attendre que d'autres documents législatifs dans le même sens soient déposés incessamment à l'Assemblée nationale du Québec.

S'il est vrai que le Code civil est, en quelque sorte, une forme de constitution, mais propre au droit privé, au droit des personnes, au droit des individus, au droit de propriété, il serait logique d'intégrer dans ce nouveau Code civil l'ensemble des règles édictées par la Charte des droits et libertés de la personne. Une loi sectorielle pourrait fort bien, par ailleurs, comprendre les dispositifs et les mécanismes propres au droit public, au droit pénal et à la Commission des droits de la personne.

Enfin, pour assurer la primauté des dispositions de la charte, le législateur a adopté et promulgué l'article 52 qui se lit

comme suit: "Les articles 9 à 38 prévalent sur toute disposition d'une loi postérieure qui leur serait contraire, à moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la charte."

On peut immédiatement noter que parmi ces articles 9 à 38 seuls les articles 10 à 19 font l'objet d'une infraction suivant l'article 87 de la charte, dont le début se lit comme suit: "Commet une infraction: a) quiconque contrevient aux articles 10 à 19." Or, les articles 1 à 8 de la charte ne font pas partie des articles en faveur desquels on accorde une primauté législative et font encore moins l'objet d'une sanction pénale.

Illustrant des grands principes juridiques de droit privé, les articles 1 à 8 répètent en substance, sinon d'une manière formelle, l'esprit du Code civil. C'est peut-être la raison pour laquelle la Législature québécoise avait adopté, en 1868, un article assurant au code une primauté législative. C'est l'article 10 des Statuts de 1868 qui disait que "nul acte ou nulle disposition de la Législature en aucune manière aura force à l'encontre de quelque article de l'un ou de l'autre desdits codes - civil et de procédure civile - à moins que tel article n'ait été spécialement désigné dans tel acte." Cet article est toujours en vigueur, malgré les refontes subséquentes des statuts du Québec, et malgré les abrogations de plusieurs articles de ce chapitre.

Autant on a voulu garantir la préséance et la priorité du Code civil, autant on a voulu accorder une primauté législative à la Charte des droits et libertés de la personne. C'est donc dire et constater l'intérêt manifeste et évident et continu que le législateur accorde aux documents juridiques fondamentaux qu'il adopte. C'est la raison pour laquelle notre organisme recommande, premièrement, que les articles fondamentaux de la Charte des droits et libertés de la personne soient incorporés au Code civil du Québec; deuxièmement, que les articles de cette charte relatifs au droit public, au droit pénal et à la Commission des droits de la personne soient intégrés à une loi sectorielle, en n'excluant pas la faculté de répéter dans cette loi sectorielle les articles incorporés au Code civil; troisièmement, que la primauté législative soit reconnue aux articles tant du Code civil du Québec que de la Charte des droits et libertés de la personne et portant sur les droits fondamentaux de la personne.

Notre organisme désire souligner au législateur québécois l'importance de deux articles de la charte qui lui paraissent comporter une faiblesse relative. Il s'agit des articles 6 et 13 rédigés d'une manière telle que, dans une certaine mesure, ils présentent certains traits sujets à critique. L'article 6 se lit comme suit: "Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi." L'article 13 se lit comme suit: "Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination. Une telle clause est réputée non écrite."

Abordons l'article 6 qui dit - répétons-le - que "toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens." Ce grand principe est très limité dans son exercice par l'exception suivante: "Sauf dans la mesure prévue par la loi." En d'autres termes et dans un résumé condensé le législateur dit à peu près ceci: Ce qui est accordé d'un côté est enlevé de l'autre, ce qui est accordé actuellement pourra être une exception demain, ce qui est permis peut devenir défendu. Le législateur est très prudent dans la formulation qu'il choisit et se garde bien de proclamer le libre accès et le libre exercice du droit de propriété en général et du droit foncier en particulier.

Suivant la théorie classique, le droit de propriété comprend à tout le moins trois éléments: la jouissance, l'utilisation et la disposition d'un bien. L'article 6 pourtant ne se réfère qu'à deux éléments: la jouissance et la disposition d'un bien. Les propos de notre organisme visent plutôt la propriété foncière, la propriété immobilière que l'on identifie par ses objets que sont généralement les terrains, les maisons, les grands immeubles, les espaces verts, les terres agricoles, les réserves écologiques, les biens culturels, les lacs et les cours d'eau, les forêts et, en général, tout ce qui s'attache au droit du sol.

Au cours des dernières années, le législateur québécois a été très prolifique dans le domaine immobilier et tout laisse croire qu'il le sera encore au cours des prochaines années. C'est la raison pour laquelle notre organisme profite de l'occasion qui lui est donnée pour exprimer publiquement certaines réflexions. D'abord, au sujet de la jouissance des biens. Dans un contexte économique de libre marché, il est évident que le profit à retirer d'un bien est un objectif reconnu. Dans une société de consommation, on désire accumuler des biens ou profiter d'un grand nombre de services.

La jouissance d'un bien immobilier consistera à retirer un rendement raisonnable de tout placement. Le loyer de l'argent placé est et représente la satisfaction ou l'insatisfaction de son bénéficiaire. Ainsi le loyer payé pour un logement est la contrepartie du risque du propriétaire et ce dans une bonne mesure; de même les intérêts perçus par suite d'un prêt hypothécaire sont des revenus usuels provenant d'une telle forme de placement.

Autant le locataire a le droit de jouir et d'occuper son logement d'une manière paisible, autant le propriétaire devrait avoir le droit de recevoir un loyer raisonnable, autant le créancier a le droit de percevoir

un intérêt normal.

Mais le législateur intervient dans le droit des contrats pour imposer des normes et des règles qui, bien sûr, bénéficient aux uns mais limitent les droits des autres, ce qui fait que l'article 6 fait plaisir ou ne fait pas plaisir, tout dépendant en quelle qualité on est visé, locataire, propriétaire, débiteur ou créancier.

En deuxième lieu, pour ce qui est de l'utilisation d'un bien, l'utilisation des biens ou la libre utilisation des biens surtout fonciers n'est pas une préoccupation du législateur en matière de cristallisation de droits fondamentaux.

L'usage d'un bien est un élément et une caractéristique du droit et de l'exercice du droit de propriété.

Depuis le début du siècle et sous l'influence du droit public anglais, on a favorisé l'adoption, entre autres, de règlements municipaux de zonage qui, au fil des ans, sont devenus de véritables codes comportant jusqu'au minime détail le droit d'utiliser un terrain ou un bâtiment, suivant des normes de salubrité, de sécurité, d'esthétique, de densité, de finalité ou d'intérêt public.

Le droit d'utiliser un bien est devenu de plus en plus limité. La réglementation en ce domaine est devenue une source de problèmes légaux, puisque, généralement, la valeur accordée à un bien foncier devenait fluctuante, même sans l'accord du propriétaire, et souvent même à la baisse.

Or, le Code civil a établi, aux articles 406 et 407, les règles fondamentales limitant, d'une part, l'absolutisme du droit de propriété et accordant, d'autre part, un droit à une indemnité en cas d'expropriation.

L'historique jurisprudentiel démontre combien est délicate et difficile d'application la théorie de l'expropriation pure et simple et la théorie de l'expropriation déguisée.

En effet, un propriétaire de bonne foi escompte bien, lors de l'acquisition du bien foncier, pouvoir l'utiliser comme il l'entend, toujours sujet au droit et à la réglementation existants lors de l'acquisition. Son réflexe est alors bien conditionné.

Or, en matière d'usage d'un bien foncier, il peut se produire deux choses, soit l'intervention d'une autorité déléguée comme une municipalité qui peut imposer ou modifier un règlement de zonage sans nécessité d'obtenir l'assentiment du propriétaire ou des propriétaires intéressés, ou encore soit en agissant par la promulgation d'une loi dont l'effet sera de limiter et de restreindre spontanément l'usage d'un bien foncier.

Il n'y a pas de plus bel exemple de loi restreignant l'usage d'un bien que la Loi sur la protection du territoire agricole, déposée le 9 novembre 1978 et adoptée le 22 décembre 1978.

Cette loi a une fonction: protéger les terres agricoles du Québec. En partant de ce principe, on limite tout terrain à un usage agricole et à une utilisation pour fins agricoles. Certes, cet usage peut être actif, en exploitant une terre, ou il peut être passif, en laissant une terre en friche, par exemple.

Il est important, dans le contexte de l'étude d'une loi portant sur les droits personnels fondamentaux, d'insister sur les quelques points suivants:

En premier lieu, la loi sur le zonage agricole a un effet rétroactif au 9 novembre 1978 d'abord pour celui qui est propriétaire d'un terrain vacant, ensuite pour les propriétaires de tout terrain situé dans l'une des 614 municipalités énumérées à l'annexe A de cette loi.

Cela veut dire que, du 9 novembre 1978 jusqu'au 22 décembre 1978, on ne savait trop comment utiliser son terrain, sinon pour des fins agricoles, parce qu'aucune loi n'était encore adoptée et que le projet de loi déposé pouvait être en tout temps modifié, sinon retiré du feuilleton de l'Assemblée nationale. On veut souligner par là l'effet rétroactif d'une loi qui concerne directement le droit de propriété et particulièrement le droit foncier de propriété. (16 heures)

En deuxième lieu, le propriétaire enregistré d'un terrain le 9 novembre 1978 peut se construire une seule maison dans une municipalité dans les cinq années suivant la date du décret de région agricole désignée, mais pourvu qu'il puisse obtenir un permis de construction. L'usage du terrain est limité dans le temps, le droit de construire est incessible et intransmissible, et le droit d'aliéner s'attache à toute la terre où est construit le terrain.

En troisième lieu, l'énumération des droits acquis est fort limitative. On ne reconnaît aucun droit acquis aux propriétaires qui avaient préparé des plans d'arpentage et de subdivision, tout comme on n'accorde aucune compensation pour la perte de plus-value de la terre agricole. Bien plus, même si des infrastructures ou des travaux municipaux ont été entrepris, on ne les qualifiera point de droits acquis à moins que des réseaux d'égout sanitaire et d'aqueduc n'aient été préalablement approuvés par un règlement municipal. On n'attribue aucun droit à un réseau privé ni aucun droit si un seul des deux réseaux a été approuvé ou n'est effectivement exploité par suite d'une réglementation municipale.

Ces quelques mentions relatives à la Loi sur la protection du territoire agricole ne sont qu'un exemple de lois où l'usage d'un bien foncier est sévèrement contrôlé. La charte ne réfère pas à la notion d'usage ou de libre usage d'un bien foncier. Serait-ce

pour éviter le droit à l'indemnité résultant de la naissance d'un préjudice matériel tel que le prévoit l'article 49 de la charte? Mais la charte reconnaît la libre disposition d'un bien, ce qui fait maintenant l'objet de nos commentaires.

La disposition libre d'un bien est un élément du droit de propriété. Disposer d'un bien, c'est pouvoir le vendre, le céder en garantie, l'aliéner à qui on veut. Or, certaines lois québécoises adoptées au cours des dernières années ont précisé sinon défini ce qu'on devait comprendre par aliénation et ont édicté des règles et des mécanismes particuliers relatifs et propre à l'aliénation d'un bien.

À titre d'exemple, on peut citer la loi sur la Régie du logement qui détermine ce qu'est un ensemble immobilier. Il s'agit de plusieurs immeubles situés à proximité les uns des autres, jouissant de caractères communs et comprenant plus de 12 logements. La règle est d'interdire tout démembrement actuel ou futur d'un ensemble immobilier sous peine de nullité absolue du contrat à moins d'obtenir une autorisation administrative au préalable. En plus de considérer ces immeubles comme un bloc et un tout, on énonce que ce bloc et ce tout ne pourra être aliéné qu'en faveur d'une seule personne. On n'a donc pas, en principe, le choix de disposer d'une partie de son bien, et même si on choisit de disposer de tout son bien on ne peut le faire qu'en faveur d'une seule personne. La notion de libre disposition subit un revers considérable.

On peut citer également la Loi sur la protection du territoire agricole qui fait ressortir d'autres éléments. D'abord, ici encore, on ne peut disposer de son bien en partie. On ne peut ni fractionner ni morceler, ni démembrer son terrain en territoire agricole. On ne peut en disposer qu'en bloc, qu'en un tout, qu'en un ensemble que l'on pourrait qualifier ici d'ensemble immobilier agricole, réserve et exception faites des droits acquis. Même si on désire disposer de son bien en totalité, on ne pourra le faire qu'à une seule personne et encore faut-il que généralement cette personne soit résidente ou présumée résidente québécoise. Le droit de disposer de son bien devient, comme on le constate, fort relatif. Ce droit est conditionnellement libre puisqu'il sera assujetti à une autorisation administrative.

On peut citer également la Loi sur l'acquisition de terres agricoles par des non-résidents, qui limite le droit, tant pour un individu que pour une compagnie, d'acquérir ou de devenir propriétaire d'une terre agricole de plus de 10 hectares si on ne détient pas la qualité de résident québécois.

Notre commentaire s'attache surtout à l'article 16 de cette loi qui exige qu'un non-résident obtienne une autorisation préalable et qu'après un séjour d'au moins 366 jours au cours des 24 mois qui suivent l'acquisition il obtienne une attestation de la commission qui confirme l'acquisition.

Il ressort que la condition fixée par la Commission de protection du territoire agricole du Québec est plutôt suspensive que résolutoire. On dit que le contrat d'aliénation ou de vente d'une terre agricole en faveur d'un non-résident sera valide si le non-résident devient résident dans les 2 ans de l'acquisition. Le problème est de savoir quelle sera la nature du type de propriété et qui sera propriétaire de la terre si le non-résident ne remplit la condition rattachée à son titre.

On regrette que le législateur n'ait pas cherché à protéger davantage le créancier hypothécaire qui, lui aussi, est libre de disposer et d'utiliser ses fonds de la manière dont il l'entend et recherche une certitude juridique à l'égard du titre de la propriété donnée en garantie.

On peut citer aussi la Loi sur les biens culturels qui est une loi également importante, mais que la sujétion au contrôle administratif rend difficile d'appréciation par certains propriétaires. On limite le libre commerce des biens en axant l'administration d'une loi à des contrôles lointains, lents et restrictifs.

La notion d'unité d'évaluation contenue dans la Loi sur la fiscalité municipale implique l'obligation d'intégrer à un même compte et sans distinction un groupe d'immeubles de même nature et formant un même ensemble indissociable. Or, cette politique oblige tout propriétaire à acquitter et à considérer d'une manière indivisible son compte de taxes. Il n'a pas la faculté et la facilité de diviser son compte de taxes référant au rôle d'évaluation sans exercer de pénibles et coûteuses démarches auprès du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec.

On peut citer aussi la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui imposera des contrôles au fur et à mesure que les municipalités régionales de comté seront formées. Les différentes zones qui seront décrétées dans un territoire déterminé auront un impact décisif sur l'évaluation des biens fonciers. L'application de règles uniformes d'urbanisme pourra modifier la nature des droits d'usage. Le droit privé et ses prérogatives seront donc soumis à une forme de changement mû par des objectifs sociaux et collectifs.

Ces commentaires très brefs, il est vrai, illustrent les tendances des lois sectorielles au Québec.

On y retrouve une certaine mise hors commerce des biens fonciers, des restrictions fondamentales au droit de jouir, d'utiliser et de disposer de ses biens fonciers, des contrôles administratifs étendus et rigides en

étant la sanction.

En fait, l'article 6 est un très grand principe que tous admettent volontiers ou voudraient admettre avec sincérité. Sans doute que les lois à caractère coercitif et administratif, sinon à caractère rétroactif, ont une grande valeur dans l'évolution de notre droit. Or, c'est cette illustration ou manifestation de notre nouveau droit dans un texte reflétant cet esprit, qui constitue l'apparence principale de l'article 6 de la charte.

Historiquement, le droit privé a reconnu pleine et absolue liberté à tout individu de gérer, utiliser et disposer de son bien de la manière la plus absolue et la moins restrictive possible. C'était l'époque du libre marché à l'état pur, du libre commerce des biens, du droit foncier familial, du droit immobilier local où entre voisins, on élaborait ses propres règles de protection, de délimitation de terrain et de vie privée.

Mais ce droit privé est maintenant révolu, on en convient, dans une certaine mesure et dans une certaine relativité. En effet, le sol est devenu une appropriation quasi publique: on a tracé des routes, ouvert des lignes de transmission de sources d'énergie, construit des aéroports, installé des réseaux d'égout et d'aqueduc, construit des édifices pour fins publiques, aménagé des espaces verts, des parcs nationaux. En bref, l'aménagement du sol et du territoire, de même que la planification, la rationalisation, l'utilisation et l'organisation sociale du sol sont devenues des priorités.

C'est pourquoi il s'est développé, comme dans bien des régions ailleurs, un droit foncier social où les contrôles administratifs réglementent dans l'intérêt public l'emploi et la disposition du sol, des immeubles et des habitations.

C'est cette règle de droit que l'article 6 de la charte devrait reconnaître et faire transparaître. Un texte contemporain, clair, lucide, non contradictoire, non ambigu, un texte qui dit que l'individu a des droits, mais que ces droits sont dans la mesure où la société n'en subit pas de préjudice. C'est pourquoi notre organisme formule une recommandation fort simple, dont l'effet et la nature sont d'identifier les orientations de notre droit foncier. À l'article 6 on dit que "toute personne a droit à la jouissance paisible, à l'utilisation raisonnable et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi. Toutefois, les biens fonciers en particulier sont assujettis aux servitudes sociales et administratives établies par les lois, les règlements, les arrêtés et les décrets.

Si on se réfère à ces lois, règlements, arrêtés et décrets, c'est que nous anticipons l'intégration de cet article au Code civil. On sait que, dans la charte, le terme de loi comprend les autres créatures de la loi, mais, au Code civil, il n'en n'est rien. Cette recommandation repose sur un état de fait réel, contemporain, moderne, qui réfléchit l'évolution du droit actuel et infléchit l'hermétisme du texte en vigueur.

Ainsi modifié, l'article 6 deviendra un principe plus clairement exprimé, dénonçant à toute personne que son droit de propriété d'un bien-fonds sera toujours assujetti à d'actuelles ou d'éventuelles contraintes d'ordres collectif, social ou administratif. La liberté relative de contracter et d'exercer son droit de propriété ainsi transcrite dans un texte juridique reflétera une réalité contemporaine. Une amélioration du texte de l'article 6 est ainsi justifiée pour ne pas perpétuer l'expression d'une règle de droit sans chair et sans substance.

Nous en venons maintenant à l'article 13. L'article 13 formule une règle qui, à certains égards, est ou pourrait être lourde de conséquences. En effet, les notaires sont familiers dans le domaine de la rédaction d'actes testamentaires et d'actes de donation, pour ne mentionner que ceux-là. Il s'agit d'actes juridiques de la nature de celui auquel réfère l'article 13. Or, les sources de discrimination dans ces actes existent surtout si on met en relief ces sources de non-discrimination avec le principe de la liberté illimitée de tester que l'on retrouve dans le Code civil du Bas-Canada. À titre d'exemple, on peut donner les deux cas concrets suivants.

Une personne lègue par testament tous ses biens en parts égales entre quatre de ses cinq enfants issus d'un même mariage; un enfant est donc implicitement déshérité. Si cette clause était jugée discriminatoire, elle serait réputée non écrite. La loi, donc les dispositions du Code civil, s'appliquerait dans son intégralité. Les nouvelles dispositions du Code civil relatives au droit de la famille considèrent comme enfant tous les enfants d'une personne quelle que soit leur origine. Si, par hypothèse, le testateur a eu un sixième enfant hors mariage, tous ses biens seraient dévolus aux six enfants et non aux quatre prévus par le testament.

Deuxième exemple. Une personne stipule dans son testament une condition à savoir qu'un enfant légataire sera privé et déchu de sa part léguée s'il est membre d'une communauté religieuse lors du décès du testateur. Pourrait-il qualifier ce legs de discriminatoire? Si oui, cette stipulation sera caduque et sans effet. En conséquence, l'enfant héritera de sa part même s'il est en communauté lors du décès du testateur.

En somme, l'article 13 représente, en matière testamentaire surtout, une source nouvelle d'interprétation. Nous soumettons qu'il y aurait lieu de préciser davantage la portée de cet article soit en l'intégrant au Code civil du Québec, comme on l'a dit plus haut, soit en le modifiant pour y enlever

tout doute quant à son interprétation. En d'autres termes, on voudrait que la liberté illimitée de tester soit reconnue dans la charte tout comme elle est actuellement reconnue au Code civil.

En matière de discrimination, on pourrait peut-être soulever un autre petit problème que l'on rencontre depuis le 2 avril dernier en matière du droit de la famille. Vous savez que le législateur a promulgué une loi qui, en particulier, protège la résidence familiale. Or, la résidence familiale, pour le commun des mortels, ça signifie protéger surtout l'intérêt des enfants. Mais le législateur a fait une distinction, il assure une protection de la résidence familiale en faveur de couples mariés et donc d'enfants issus d'un couple marié, mais n'accorde aucune protection de la résidence familiale aux concubins, aux personnes qui ne sont pas mariées et qui ont des enfants. De sorte que les enfants du deuxième groupe ne sont pas protégés comme les enfants du premier groupe le sont actuellement. Nous croyons que c'est là une forme de discrimination à l'égard de deux groupes d'enfants qui eux-mêmes ne sont pas responsables de leur état de fait et nous estimons qu'à cet égard il y aurait peut-être lieu de corriger la situation pour permettre une certaine protection de la résidence familiale à l'égard de tous les enfants, quel que soit l'état civil de leurs parents ou des parents qui en ont la garde.

L'article 23 de la charte reconnaît à toute personne le droit à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant. Cette règle, bien que précise, nous apparaît quelque peu incomplète. En effet, il n'existe pas au Québec, à proprement parler, de tribunaux administratifs. Par contre, il existe des nombreuses commissions administratives dont les pouvoirs quasi judiciaires sont reconnus. En général, toute personne peut s'adresser à une telle commission avec la certitude d'obtenir une audition publique, de pouvoir être représentée par un avocat ou, en certains cas, par un notaire et, à moins d'exception, de pouvoir en appeler de la décision rendue. Toutefois, il existe des cas dérogatoires à ces droits fondamentaux qui nous paraissent plus ou moins bien fondés. On peut, par exemple, citer à nouveau la Loi sur la protection du territoire agricole qui, notamment aux articles 18 et 60, limite le droit pour une personne d'obtenir une audition publique. (16 h 15)

L'article 18 confère un droit de révision d'une décision déjà rendue. Cette révision doit être adressée dans les 30 jours de la décision. C'est un droit dérogatoire, puisque les articles 44 et 64 édictent que les décisions de la Commission de protection du territoire agricole sont finales et sans appel.

Or, ce pouvoir de révision est exécutoire dans le cas où la commission juge recevable cette révision et après avoir donné à toute personne concernée l'occasion de faire des représentations. La loi ne dit pas qu'elle donne le pouvoir et confère l'obligation de tenir une audition publique. Il n'y a pas d'audition publique en général, mais seulement des représentations écrites.

Dans le même ordre d'idées, lorsqu'une zone agricole devient définitive, toute personne peut faire une demande d'autorisation pour aliéner, lotir, utiliser à des fins autres qu'agricoles, inclure ou exclure un lot se trouvant dans cette zone. La demande est dirigée vers la municipalité concernée qui peut entendre le demandeur. Ensuite, la recommandation est acheminée vers la commission qui doit donner au demandeur et à tout intéressé, l'occasion de lui soumettre des représentations écrites. Les représentations sont ici exclusivement écrites. Il n'y a pas d'audition publique. Or, cet article déroge foncièrement à la grande règle de droit administratif que l'on connaît sous le nom de règle audi alteram partem.

Notre organisme soutient qu'une dérogation aussi flagrante à une règle aussi sacrée et reconnue va à l'encontre de tout principe constitutionnel, de toute loi fondamentale, de toute norme de justice naturelle.

Devant un tel exemple, l'article 23 est soit inefficace, soit trop restrictif. C'est pourquoi il conviendrait d'accorder à toute personne le droit d'être entendue en toute instance devant une commission ou un tribunal administratif. Et notre recommandation est au même effet.

Conclusion. La Chambre des notaires du Québec est fort préoccupée par l'évolution, l'élaboration et l'interprétation des lois, des règlements et des décrets à caractère immobilier et foncier.

Sensibilisée aux multiples orientations de ce domaine du droit au cours des dernières années et persuadée que cette tendance est irréversible, surtout à une époque où la révision du Code civil du Bas-Canada devient urgente et apparemment bien entreprise toutefois, notre corporation professionnelle ne pouvait qu'intervenir à l'occasion de l'étude de la Charte des droits et libertés de la personne.

Notre but est d'assurer aux justiciables des droits bien établis que le législateur lui-même entend reconnaître et respecter. Les critiques et les commentaires qui en résultent commandent aux gestionnaires du droit une vision et une perception bien lucide de la réalité juridique quotidienne à laquelle sont confrontés les praticiens du droit, c'est-à-dire les avocats, les notaires et les magistrats.

Les grands principes de droit formulent les règles fondamentales de l'état du droit à

une époque déterminée. Nos recommandations visent essentiellement à consacrer ces règles, eu égard aux exigences, aux contraintes et aux contrôles d'ordre collectif, social et administratif.

Notre organisme est heureux d'avoir eu l'occasion de s'exprimer devant la commission parlementaire de la justice et assure le ministre de la Justice de sa constante coopération dans le processus d'évolution des lois au Québec.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Bédard: Je remercie les représentants de la Chambre des notaires de leurs représentations devant la commission. Je sais que vous auriez pu insister sur beaucoup d'autres sujets qui ont déjà été soulevés ici en commission, mais conformément aux préoccupations plus spéciales de l'ordre que vous représentez, comme vous le dites, vous avez préféré restreindre vos représentations à des éléments qui vous concernent d'une façon plus particulière.

Comme vous le dites, la Chambre des notaires est fort préoccupée par l'évolution, l'élaboration et l'interprétation des lois, des règlements et des décrets à caractère immobilier et foncier.

Pour ce qui est de l'évolution, j'aurais quelques questions à vous poser, sans abuser. D'abord, vous avez une première suggestion, c'est la première fois qu'on l'a, celle-là, qui est assez surprenante. Je comprends que vous aimez le Code civil, mais aller dans le sens de nous demander d'intégrer la Charte des droits et libertés de la personne au Code civil et de rendre l'ensemble des dispositions qui seraient concernées prioritaires par rapport à d'autres lois. C'est vraiment une suggestion pour le moins très spéciale. C'est la première qu'on a dans ce sens. Est-ce que vous pourriez nous dire si cela existe ailleurs, d'abord, et expliciter un peu plus cette suggestion qui est vraiment spéciale?

M. Audet: Dire si cela existe ailleurs, bien souvent le Code civil n'existe pas ailleurs.

M. Bédard: Pardon?

M. Audet: Bien souvent, ailleurs, le Code civil n'existe pas. Surtout, si on regarde ce qui se passe autour de nous, comme dans les provinces autres que le Québec, aux États-Unis et dans les pays anglo-saxons en général, il n'y a pas de Code civil, de code écrit proprement dit. Pour ce qui est des autres pays où il y a un Code civil, dans certains pays, on reconnaît des droits de base. Je ne pourrais pas vous citer un certain code en particulier, mais je pense que les codes les plus récents, comme le code éthiopien ou des codes semblables, édictent que des règles de base, des règles fondamentales qui reconnaissent la personnalité juridique des individus, qui reconnaissent la substance des droits fondamentaux de la personne. Il ne faut jamais oublier que le Code civil concerne en tout premier lieu le droit des personnes, des individus comme tels. Ces personnes ont des droits sacrés. On ne voit pas pourquoi les droits sacrés de la personne ne pourraient pas être reconnus également dans le Code civil.

M. Bédard: Ne devrait-on pas plutôt avoir la préoccupation, les droits fondamentaux étant énoncés dans une charte, que tout autre document, que ce soit le Code civil ou d'autres lois, ne contrevienne pas à cette charte? Non seulement n'arrive-t-on pas au même résultat, mais du fait qu'il y ait une charte des droits, est-ce que cela ne reflète pas justement le caractère plus sacré de certains droits fondamentaux qui se retrouvent dans une charte des droits, lesquels ne sont pas nécessairement traités dans d'autres lois, y compris le Code civil?

M. Audet: L'un n'exclut pas l'autre. Ce qu'on a voulu dire, c'est que dans la charte des droits il y a certains articles qui ne subissent pas de sanction comme telle, les articles très fondamentaux, si on peut faire une division entre ceux-ci et les autres articles à caractère davantage public. Nous disons ceci: Au moins, pour les articles très fondamentaux, il n'y aurait certainement pas incompatibilité de les intégrer au Code civil du Québec.

M. Bédard: Enfin! Concernant deux articles en particulier, les articles 13 et 6 de la charte, vous nous faites des représentations en soulignant leur faiblesse relative. J'aimerais bien savoir pour qui ces articles sont faibles, selon l'optique envisagée. Il reste quand même que vous nous parlez de liberté limitée de tester, de disposer de ses biens. Vous ne croyez pas que la liberté n'est pas le droit de faire n'importe quoi, c'est quand même limité par la liberté des autres aussi.

Dans ce sens, quand vous nous demandez un amendement à l'article 13, concernant le droit de tester et de faire des donations, vous nous demandez un changement de formulation pour enlever toute discrimination. Ne croyez-vous pas que, tel qu'il est libellé à l'heure actuelle, il remplit les fins qu'on doit essayer d'atteindre au niveau d'une charte des droits? Le principe qu'il n'y ait pas discrimination est contenu dans la charte des droits. S'il y a discrimination, ne croyez-vous pas que c'est aussi bien de laisser les tribunaux

déterminer, au niveau d'un testament ou d'une donation, si une disposition peut être discriminatoire?

M. Audet: Pour l'article 13, on s'est limité en particulier aux dispositions testamentaires. Le droit que l'on connaît reconnaît la libre faculté de disposer de ses biens par testament.

Or, l'article 13 se réfère à un acte juridique et, pour nous, un testament, c'est aussi un acte juridique. Nous craignons qu'il y ait une espèce de conflit entre, d'une part, le Code civil et la Charte des droits et libertés de la personne et, d'autre part, un conflit à l'égard de l'interprétation, à savoir lequel des deux va avoir primauté sur l'autre ou priorité sur l'autre.

Si on accorde la préséance au Code civil, c'est sûr qu'on conserve la liberté limitée de tester, mais, si on donne priorité à la charte sur le Code civil, j'imagine qu'on pourrait subir des problèmes assez sérieux pour à tout le moins les testaments déjà rédigés et pour les testaments futurs. Il nous apparaît qu'il y a, pour l'article 13, un certain doute quant à la portée et à l'interprétation de son libellé.

M. Bédard: Si je vous posais la question: Qui doit avoir la primauté, la charte ou le Code civil?, quelle serait votre réponse?

M. Audet: Personnellement, en matière testamentaire, je crois qu'on a toujours été habitué à la liberté illimitée de tester. Ce serait très difficile de ne pas créer de discrimination. Remarquez que tout dépend de ce qu'on entend par discrimination. On cite des exemples.

M. Bédard: Tout dépend de ce qu'on entend par liberté illimitée de tester.

M. Marx: Puis-je poser une question, M. le ministre, sur ce même article?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Sur ce même article, peut-être qu'on s'entend finalement sur le Code civil. L'article 13 dans la charte... Abstraction des priorités, dans une cause, le juge va donner priorité à la charte sur le Code civil, je l'imagine, sans cela l'article 13 ne vaut pas grand-chose.

De toute façon, prenons l'article 13 qui empêche quelqu'un de faire une stipulation comportant de la discrimination. On a déjà eu cela au Québec. Quelqu'un fait un legs à son fils si son fils se marie avec quelqu'un de telle ou telle religion. Ce serait illégal en vertu de l'article 13. Autrefois, quand cela arrivait devant les tribunaux, les juges étaient assez sages de dire: Cela va à l'encontre de l'ordre public. Mais ici, nous avons donné aux juges une indication assez claire de la préférence du législateur. Je trouve que dire que le droit de tester est un droit illimité, c'est vrai, mais il y a beaucoup de nuances à apporter à ce droit illimité. Je trouve que l'article 13 est parfait tel quel, parce qu'on ne veut pas que les gens fassent de la discrimination dans ces stipulations testamentaires ou autres.

M. Audet: Remarquez que les deux exemples que nous donnons sont des exemples qui ne sont pas ou qui ne pourraient pas être assimilés à des actes contraires à l'ordre public, le fait de donner des biens à des enfants, mais seulement à une partie des enfants et non pas à tous ses enfants. C'est dans ce sens qu'on aborde la discussion.

M. Marx: Cela ne va pas à l'encontre de l'article 13.

M. Audet: Tant mieux alors, mais on soulevait le doute, on a des doutes.

M. Marx: Cela, non.

M. Audet: C'est seulement pour dire qu'on peut entretenir une certaine forme de doute à l'égard de certaines clauses testamentaires qui ne sont pas contraires à l'ordre public, suivant l'interprétation jurisprudentielle, mais, dans certains cas, on se demande jusqu'où peut aller, dans un acte juridique comme un testament, l'étendue de la discrimination.

M. Bédard: Ne croyez-vous pas qu'il est préférable de garder le principe tel qu'il est énoncé dans la charte, dans le sens qu'il ne doit pas y avoir de discrimination au niveau des testaments et donations et laisser les tribunaux statuer s'il y a discrimination ou non-discrimination dans des cas particuliers?

M. Audet: Si on a la certitude que, dans un testament, il n'y a pas de discrimination au sens de la charte pour les exemples que nous vous avons donnés, on est pleinement d'accord de maintenir l'article comme il est.

M. Marx: On n'a jamais de certitude, il faut laisser quelque chose aux avocats.

M. Bédard: Je ne voudrais pas que ce soit conditionnel à l'opinion que nous pouvons émettre de part et d'autre à cette table, parce que c'est quand même aux tribunaux à décider. Je pense que vous savez cela. (16 h 30)

Lorsque vous parlez de faiblesse relative de l'article 6, par exemple, par rapport à ce que vous nous proposez concernant la libre disposition des biens à

partir de l'exemple des lois actuelles qui affectent le droit de propriété, comme on le sait, biens culturels, loi du zonage agricole, etc., est-ce que vous pourriez me préciser l'effet qu'aurait sur ces lois une formulation de l'article 6 tel que vous nous la proposez?

M. Audet: C'est tout simplement pour refléter dans un texte une réalité actuelle et contemporaine. On part du principe que nul n'est présumé ignorer une loi publique. Or, de la manière dont c'est rédigé, c'est tellement simple, sinon simpliste, que l'individu va dire: C'est certain, je peux faire ce que je veux, sauf dans la mesure prévue par la loi. C'est certain qu'on ne peut rien faire sinon ce qui est prévu par la loi et qu'on ne peut agir que dans la mesure prévue par la loi. Cela est à peu près une vérité de La Palice.

Mais pour les biens fonciers, compte tenu de l'évolution contemporaine, qu'elle soit européenne ou nord-américaine, nous estimons qu'il y aurait peut-être lieu de donner un peu plus de chair, un peu plus de substance à un article de la charte pour dire: Bien, écoutez, en matière de biens fonciers il faut toujours se souvenir d'une chose, c'est qu'il y aura toujours des servitudes ou des contraintes d'ordre administratif ou social qui peuvent exister actuellement et qui pourraient être imposées éventuellement, et on veut, par un tel libellé, dénoncer au public, dénoncer aux justiciables une situation qui peut arriver à quiconque, n'importe quand.

En d'autres termes, on veut dire ceci: Le bien immobilier ce n'est pas comme c'était il y a quelques décennies c'est une réalité nouvelle. Le bien immobilier doit servir à des fins sociales, à des fins collectives, et le tout doit être contrôlé par des formalités administratives. C'est tout simplement cette réalité que l'on voudrait voir incarnée dans un texte plus élaboré. C'est tout simplement rendre une réalité plus détaillée, plus contemporaine.

M. Bédard: Oui, je comprends. On peut peut-être vouloir mettre de la substance, mais je voudrais bien savoir quelle substance, si on s'entend bien sur quel genre de substance vous voulez faire ajouter à la charte. La formulation que vous nous donnez est la suivante: Toute personne a droit à la jouissance paisible, à l'utilisation raisonnable et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi, et les biens fonciers, en particulier, sont assujettis aux servitudes sociales et administratives établies par les lois, les règlements, les arrêts et les décrets...

Je voudrais simplement, pour le bénéfice des ceux qui lisent les Débats, que vous expliquiez un peu plus quelles sont les nuances que vous voulez apporter, la substance différente?

M. Audet: Dans l'esprit du justiciable, quelqu'un qui achète une maison ou quelqu'un qui achète un terrain pense pouvoir l'acheter librement, purement et simplement, rapidement, sans contrainte, sans contrôle. Je pense que c'était l'esprit dans lequel, disons, les générations antérieures étaient habituées d'agir. On allait chez le notaire, on faisait un contrat immédiatement, sur-le-champ, et puis on transférait la propriété d'une façon absolue sans contrainte, et sans rien d'autre.

Mais les temps ont changé. Aujourd'hui on ne peut plus agir avec autant de célérité, ni autant de facilité. On ne peut pas dire aux gens maintenant: Écoutez, vous achetez un bien immobilier, mais il y a des limites, il y a des contraintes maintenant qu'il faut respecter. Il faut obtenir l'autorisation de la Régie des alcools, il faut obtenir l'autorisation du ministre des Affaires culturelles, il faut obtenir l'autorisation de la Commission de protection du territoire agricole, il faut obtenir de multiples autorisations, des autorisations d'ordre municipal ou d'autres sortes.

On veut dire par là que le droit foncier est maintenant limité dans sa substance par des contraintes qui sortent de l'ordinaire, qui ressortent de la volonté des parties. En d'autres termes, je peux bien vouloir vendre un bien à mon voisin, nous sommes tous les deux d'accord, mais il y a une autorité supérieure qui dit: Écoutez, si vous voulez vendre à votre voisin, vous devez respecter certaines normes, certaines règles, certaines formalités, certaines autorisations. Cela devient de plus en plus répandu, de plus en plus exigé. C'est cette réalité que l'on voudrait bien voir transcrire dans un texte comme celui de la charte.

Le Président (Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Oui, j'aimerais vous remercier pour votre mémoire. On trouve toujours des choses intéressantes dans un mémoire de la Chambre des communes, des choses que d'autres intervenants... je m'excuse...

M. Bédard: C'est vraiment une erreur.

M. Marx: C'est cela vous avez soulevé des problèmes que d'autres intervenants n'ont pas soulevés.

Premièrement, en ce qui concerne le Code civil, vous avez remarqué que, dans le Code éthiopien, les droits fondamentaux se trouvent en préambule. C'est très intéressant, parce que je pense que les juristes en Ethiopie ont été formés au Québec et des Québécois ont joué un rôle dans l'adoption de ce Code civil.

Le Code civil enquête surtout sur des

droits privés et la charte protège les droits publics aussi. Donc, je vois mal que les droits fondamentaux se trouvent dans un code ou dans un autre. C'est pourquoi je suis d'accord que la charte chapeaute toutes les lois et tous les codes. Dans ce sens, je vois mal qu'on mette les droits fondamentaux dans le Code civil.

Vous avez parlé des biens immobiliers. Je pense que les biens immobiliers ont moins d'importance au Québec aujourd'hui qu'autrefois; je pense que les droits mobiliers, les valeurs mobilières ont plus d'importance aujourd'hui au Québec qu'autrefois et même peut-être plus d'importance que les biens immobiliers. Je pense que si on refait le Code civil, il faut le refaire dans le sens des droits mobiliers, qui sont mal servis par notre droit actuel.

J'ai juste une question, parce que j'ai déjà posé des questions. À la page 15 de votre mémoire, en ce qui concerne la Loi sur l'acquisition de terres agricoles, est-ce que vous n'êtes pas d'accord sur le fond ou sur la forme? Est-ce que vous êtes d'accord avec le fond de la loi, la substance de la loi, et que vous voyez qu'il faut en changer la procédure et ainsi de suite, ou voulez-vous qu'on ne protège pas nos terres agricoles? Vous savez que, dans toutes les juridictions, en Amérique du Nord, il y a une loi semblable, en Saskatchewan, dans les États américains et ainsi de suite. C'est tout à fait normal d'avoir une loi semblable où on exige, où on fait une distinction entre résident et non-résident et ainsi de suite. Est-ce que vous êtes en désaccord avec la substance de la loi ou avec la procédure et l'application de la loi?

M. Audet: Nous ne nous opposons pas à cette loi, bien au contraire. C'est qu'on a voulu la citer comme un exemple de loi qui porte sur le bien immobilier et qui limite justement le droit d'un résident de disposer. Si un résident québécois est propriétaire d'une terre, on sait maintenant qu'il ne peut pas l'aliéner en faveur d'un non-résident québécois. C'est là une forme, encore une autre forme de contrainte ou de limite à l'exercice du droit de propriété. Sur la substance, je pense que cela fait l'unanimité chez nous, il n'y a pas de problème, mais là où on a des réticences, c'est sur l'article 16, qui est très technique, et on a des hésitations ou des interprétations assez délicates à ce sujet. Mais, sur le fond, c'est sûr qu'on reconnaît très bien que c'est une loi qui est un corollaire à la Loi sur le zonage agricole, qui est là pour protéger les terres agricoles québécoises à long terme et qui est là pour assurer un développement agro-alimentaire suffisant pour le Québec.

M. Marx: Le fond de l'affaire, c'est de faire en sorte que ce soient des résidents qui soient propriétaires, qu'on n'ait pas des propriétaires non-résidents, pour que les terres ne soient pas travaillées, etc. Je trouve qu'il y a toutes sortes de limites au droit à la propriété, il y a le zonage municipal, c'est la meilleure limite, si vous voulez, le "spot zoning" le gars est cuit, comme on dit, parce qu'il ne peut pas construire plus de deux étages, etc. Il y a toutes sortes de limites.

Donc, c'est surtout l'article 6. Je pense, qu'il faut peut-être le réétudier, parce que cela limite la possibilité des gens de vendre leurs terrains.

M. Audet: Vous savez que l'énumération que nous faisons des lois n'est pas une critique des lois comme telles, c'est une constatation historique de l'évolution des lois. Nous sommes fortement conscients maintenant que le droit immobilier n'est plus le droit traditionnel du droit civil de 1866.

M. Bédard: Vous me dites que l'évolution s'en va dans ce sens et est irréversible d'une certaine façon.

M. Audet: C'est cette forme nouvelle de contraintes qui fait qu'en droit immobilier on ne peut pas dire maintenant qu'on a le libre exercice du droit de priorité. Ce n'est plus tout à fait vrai et on aimerait que ce soit transcrit dans un texte comme la Charte des droits et libertés de la personne pour dire qu'en matière de biens fonciers il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des contraintes parce que ça fait partie de la réalité contemporaine québécoise.

M. Bédard: Je vous remercie. M. Marx: Très bien, merci.

Le Président (M. Gagnon): Je remercie les membres de la Chambre des notaires du Québec de leur mémoire. M. Morency.

M. Morency: M. le Président, si vous me permettez, je remercie la commission de nous avoir entendus. Justement de par les commentaires qui ont été énoncés, c'est exactement dans cet esprit que nous le présentions.

Je ne voudrais pas reprendre le débat mais permettez-moi d'insister sur le fait que, si nous voulons incorporer au Code civil les principes mêmes de la charte, ça n'implique pas nécessairement une répétition des articles de base de la charte, mais, au contraire, c'est pour manifester notre intérêt, que nous voudrions les voir reproduits dans le Code civil, qui demeure la base de notre système juridique. La Chambre des notaires a toujours été un point d'appui. En ce qui concerne la liberté illimitée de tester...

M. Bédard: ... la charte a priorité, je veux bien vous comprendre.

M. Morency: Évidemment, d'ailleurs...

M. Bédard: Elle a primauté sur le Code civil.

M. Morency: ... notre demande n'est qu'une attestation de cette primauté. En ce qui concerne la liberté illimitée de tester, c'est que, comme notaires, nous préférons la prévention plutôt que les remèdes. Ne voulant pas par là limiter la juridiction des avocats, je pense qu'il n'en demeure pas moins que c'est bien servir le public que d'agir d'une manière préventive. Le tout respectueusement soumis.

M. Bédard: On vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.

J'appelle maintenant la Confédération des syndicats nationaux, la CSN, à s'approcher. M. Norbert Rodrigue, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent.

CSN

M. Rodrigue (Norbert): Merci, M. le Président. M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission parlementaire, j'aimerais vous présenter, en commençant, Lesley Lee, présidente du comité de la condition féminine à la CSN, et Monique Simard, au service de la condition féminine comme responsable.

Deuxièmement, je voudrais ajouter que nous avons un certain nombre d'errata que nous voulons vous remettre. Ce ne sont pas des questions de fond mais des questions de détail, que vous pourrez voir en termes de corrections au mémoire.

On va tenter avec votre permission - je sais qu'on est toujours limité, dans une certaine mesure, dans la présentation des mémoires - de s'autodiscipliner pour respecter le temps qui nous est accordé. En conséquence, je ne lirai pas le mémoire dans l'ensemble; il a environ 40 pages. On va tenter d'en faire un résumé, moi et Lesley Lee.

Comme vous le savez, la CSN attache beaucoup d'importance à la reconnaissance juridique des droits et libertés des personnes malgré l'écart que l'on constate entre ce que la charte proclame et la réalité. S'il est vrai que des droits sont constamment violés, le fait qu'ils soient reconnus par la charte permet plus facilement aux personnes qui le peuvent et qui le veulent de s'organiser et de faire les batailles nécessaires pour les faire respecter. Ainsi, la reconnaissance juridique de l'égalité entre les hommes et les femmes facilite-t-elle le redressement de situations discriminatoires bien qu'à l'évidence elle ne suffise pas à éliminer les inégalités à leur source. Cet écart que tous peuvent constater entre la charte des droits et son application met en lumière deux réalités sur lesquelles nous voulons insister en qualité d'organisation syndicale vouée à la défense des intérêts des travailleurs et des travailleuses. C'est que, d'une part, les droits et libertés s'imposent à la conscience politique d'une société après que des groupes se soient battus pour les conquérir. Ce fait incontestable nous rappelle, d'autre part, que les droits et libertés ne peuvent s'incarner uniquement dans les individus, puisque leur conquête, de même que leur défense est un fait collectif. (16 h 45)

En effet, comment une personne peut-elle être libre, si la collectivité à laquelle elle appartient ne l'est pas? À moins qu'elle le soit sur le dos des autres. Comment une personne peut-elle revendiquer exclusivement pour elle-même le droit à un environnement sain si elle travaille dans une usine polluée? Comment peut-on reconnaître le droit individuel au travail dans des conditions décentes, si, par exemple, on ne reconnaît pas le droit de grève pour le faire respecter.

Loin d'être en contradiction les uns par rapport aux autres, les droits individuels et collectifs sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Nous croyons essentiel, quant à nous, que la charte le reconnaisse, ce qui ne pourrait que faciliter leur harmonisation lorsque des conflits passagers surviennent entre les deux.

Dans cette perspective, nous mettons de l'insistance sur l'implantation des programmes d'accès à l'égalité pour les femmes, les autochtones et les handicapés. Car la discrimination persistante dont ces trois groupes sont l'objet a des causes sociales sur lesquelles, à notre avis, il faut agir collectivement. S'il est une situation qui démontre l'insuffisance des seuls droits individuels, c'est bien celle-là.

Nous proposons également d'ajouter des activités syndicales parmi les motifs de discrimination et de reconnaître le droit de grève en tout temps, puisque l'accès à la syndicalisation et la possibilité de faire la grève ont été et demeurent le principal moyen par lequel les travailleurs et les travailleuses peuvent faire respecter leurs droits.

Nous proposons aussi de reconnaître les droits collectifs des peuples autochtones sans lesquels ils ne sauraient accéder à l'égalité et développer leur culture, à commencer par leur droit à l'autodétermination.

L'importance que nous attachons à la reconnaissance des droits collectifs n'implique pas cependant que les droits individuels sont pour nous secondaires. Car pour les 65% de

non-syndiqués, les droits individuels reconnus dans la charte ou dans d'autres lois constituent une protection minimale que viennent parfois confirmer les jugements de la Commission des droits de la personne ou de la commission des normes minimales.

De plus, la reconnaissance légale des droits individuels sert de point d'appui aux luttes que les groupes organisés font pour les faire respecter ou encore pour les élargir. Voilà pourquoi nous demandons d'ajouter à la charte un certain nombre de droits individuels qui visent à mieux protéger les groupes qui sont l'objet d'une oppression spécifique, particulièrement les femmes, les personnes âgées, les immigrants non encore naturalisés; qui visent également à élargir le champ des droits économiques et sociaux, c'est-à-dire le droit au travail, à l'éducation, à la santé.

La CSN demande aussi de renforcer les droits politiques de façon à assurer une meilleure consultation avant l'adoption des lois et règlements. Elle formule enfin plusieurs recommandations que nous verrons un peu plus tard, destinées à humaniser l'administration de la justice.

À ce moment-ci, avec votre permission, je demanderais à Lesley Lee d'ajouter un certain nombre de commentaires sur les programmes d'accès à l'égalité.

Mme Lee (Lesley): II ne s'agit pas ici de faire la preuve que certains groupes, notamment les femmes, les handicapés, les autochtones, sont discriminés et surexploités sur le marché du travail. Cependant, les moyens pour éliminer les sources de discrimination sont peu nombreux et grandement limitatifs.

Il y a trois facteurs qui nous ont amenés à prendre position pour les programmes d'action positive ou accès à l'égalité. Premièrement, l'actuelle Charte des droits et libertés de la personne ne nous permet pas de combattre efficacement aucune forme de discrimination, parce que, d'une part, elle ne peut régler que des cas individuels et encore très peu nombreux, compte tenu des ressources limitées de la commission. D'autre part, la discrimination systémique échappe à son application. Le règlement de quelques cas de discrimination plus apparents ne peut, d'aucune façon, éliminer toute la discrimination subie par les femmes.

Deuxièmement, la période de crise que nous traversons actuellement a pour effet d'atteindre plus spécifiquement les groupes historiquement et systémiquement discriminés. Les femmes en constituent un, le plus important d'ailleurs.

Malgré l'introduction de lois, la charte entre autres, l'élaboration de revendications visant l'égalité et une prise de conscience de plus en plus grande des formes d'exploitation que vivent les femmes, la situation des femmes se détériore. Ainsi, l'écart des revenus entre femmes et hommes s'agrandit, la "ghettoïsation" s'accentue. Par exemple, les deux tiers des femmes sur le marché du travail n'occupent que 10 emplois différents, tandis que la même proportion d'hommes occupe quelque chose comme 300 emplois différents. Cette tendance à la "ghettoïsation" s'accentue de ce temps-ci. On remarque que les femmes perdent leur emploi ou que celui-ci est converti en poste à temps partiel. On associe cela à la crise actuelle.

Troisièmement, le processus de négociation de conventions collectives actuel pose certaines limites. Les rapports de force conjoncturels, la résistance patronale sont des facteurs qui déterminent le contenu d'une convention collective et les employeurs ont toujours eu tendance à négocier à rabais les clauses qui touchent spécifiquement les groupes minoritaires. À travers les luttes syndicales, nous avons fait un certain nombre de gains, par exemple, les garderies, les congés de maternité, une certaine égalité de salaire. Cela a amené les employeurs à engager de moins en moins de femmes. Les syndicats ont peu ou pas de droit de regard sur un certain nombre de facteurs: l'embauche, les mises à pied, l'organisation du travail, le mouvement de main-d'oeuvre. C'est là où la discrimination joue le plus souvent.

Ce sont les trois éléments qui nous amènent à approuver l'introduction de moyens spéciaux. Cependant, il nous apparaît important de définir ce que devront être ces moyens, tant au niveau de leur champ d'application que du contenu et de son application. Vous avez, à la page 5 du mémoire, la définition donnée par la Commission des droits de la personne aux programmes d'action positive, ce qu'on appelle l'accès à l'égalité. Je trouve important de souligner le contenu des programmes d'accès à l'égalité, les trois éléments essentiels. D'abord, des mesures d'égalité de chances, soit l'élimination des pratiques de discrimination explicites ou intentionnelles, par exemple, les postes réservés exclusivement aux hommes; la modification des pratiques de gestion du personnel qui défavorisent même involontairement un groupe de personnes, par exemple, certaines questions contenues dans les formulaires de demande d'emploi, certaines questions posées à l'occasion d'entrevues de sélection, des exigences abusives.

Deuxièmement, un programme d'accès à l'égalité doit contenir des mesures spéciales d'égalité dans les résultats, soit des dispositions visant à redresser la discrimination antérieure à l'égard d'un groupe défavorisé en accordant de manière

préférentielle certains avantages à ce groupe; par exemple, les programmes spéciaux de recrutement, les cours de formation de base ou de perfectionnement.

Troisièmement, des objectifs et un échéancier, c'est-à-dire les résultats escomptés d'un programme, exprimés en termes quantitatifs, qui tiennent compte de la situation de l'entreprise ou de l'institution et des contraintes affectant sa performance et qui doivent être réalisés dans un délai fixe. À la page 8, vous avez un résumé de nos recommandations. Il faut rappeler que ces programmes s'adressent aux femmes, mais aussi aux handicapés et aux autochtones.

Voici nos recommandations. D'abord, que les programmes d'accès à l'égalité soient obligatoires dans les entreprises où il y a preuve de discrimination, dans les entreprises qui contractent avec le gouvernement, dans les entreprises publiques et parapubliques.

Deuxièmement, que ces programmes soient sous la responsabilité de la Commission des droits de la personne qui aura comme tâche d'indiquer les entreprises visées, d'indiquer les résultats escomptés, de déterminer le bassin de main-d'oeuvre visé, de donner de l'aide technique aux travailleurs et travailleuses et d'ordonner aux employeurs la mise en application des programmes, à la suite d'une demande des syndicats ou des travailleurs, travailleuses là où il n'y a pas de syndicat.

Un point très important pour nous, c'est le point c), que ces programmes doivent être négociés par le syndicat et l'employeur et, là où il n'y a pas de syndicat, par un comité d'action positive composé de travailleurs et de travailleuses. Les syndicats ou les comités d'action positive auraient droit de veto sur le contenu et l'application des programmes et droit de recours à la Commission des droits de la personne. Nous considérons essentielle la participation des travailleurs et des travailleuses à l'élaboration, à l'application et à la coordination de tout programme qui les affecte.

Au point d), nous recommandons que ces programmes contiennent des mesures d'égalité, des mesures spéciales, des mesures supports ainsi que des objectifs et un échéancier tels que décrits dans le contenu de la page 6.

Nous tenons également à ce qu'il y ait des audiences publiques concernant la réglementation des programmes d'accès à l'égalité.

Nous avons à proposer aussi un certain nombre d'amendements à la charte qui auront pour résultat de combattre la discrimination, surtout la discrimination qui touche les femmes. Je vais seulement citer les recommandations et Norbert Rodrigue va les reprendre. Il y a un certain nombre d'articles dans la loi qui touchent exclusivement les femmes et, dans d'autres cas, qui touchent majoritairement les femmes.

La première recommandation, c'est d'inclure un article contre la discrimination dans les cas de grossesse. On pensait jusqu'à dernièrement que c'était associé et inclus dans la discrimination basée sur le sexe, mais dernièrement les jugements ont tranché dans l'autre sens. Cela mène aussi à des recommandations de changement de lois pour enlever la discrimination salariale subie par les femmes qui ont une grossesse.

Nous avons une recommandation, pour ce qui touche les femmes, sur le harcèlement sexuel subi par la majorité des femmes et, en grande partie, les femmes au travail.

Il y a une recommandation dans la section sur les salaires pour essayer d'éliminer l'évaluation au mérite qui est très discriminatoire face aux femmes.

Finalement, nous demandons l'abrogation de l'article 97 ou 90, selon... Norbert Rodrigue, président de la CSN, va parler plus longuement là-dessus.

M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, je vais essayer d'aller relativement rapidement, mais, comme c'est à vous à présider, je vais vous laisser faire.

M. Bédard: Soyez à votre aise.

M. Rodrigue (Norbert): Je suis toujours à mon aise, mais, quand on connaît les exigences des délibérations, on doit s'attendre à n'importe quoi.

Les motifs de discrimination énumérés à l'article 10, quant à nous, ne recouvrent pas toutes les situations discriminatoires auxquelles nous sommes régulièrement confrontés dans l'action syndicale.

Commençons d'abord par l'âge qui est un des motifs de discrimination les plus répandus sur le marché du travail. Pourtant, la charte ne le reconnaît pas. Même si les exemples ne manquent pas pour démontrer la discrimination dans l'emploi envers les jeunes, par exemple, et les moins jeunes, aussi faut-il ajouter l'âge comme motif de discrimination à l'article 10, quant à nous.

Il n'est pas non plus nécessaire de démontrer que les femmes enceintes ou qui projettent de le devenir sont systématiquement rejetées par les employeurs. Or, on peut interpréter la charte comme interdisant cette forme de discrimination, puisqu'il est interdit de discriminer les personnes selon leur sexe. Mais pour éviter l'interprétation contraire, qui a d'ailleurs été donnée par certains jugements de tribunaux, comme Lesley le disait, il faut ajouter nommément la grossesse comme motif de discrimination à

l'article 10.

Par ailleurs, nous profitons de l'occasion pour dire que, si la grossesse n'est pas un facteur de discrimination, il faudrait conséquemment amender la loi des normes minimales pour garantir à toutes les travailleuses sans exception le droit à un congé de maternité de vingt semaines, sans perte de salaire, et avoir droit de retour à son emploi.

Le ministre de la Justice va probablement trouver qu'on lui en demande beaucoup dans ce mémoire, mais on pense que le ministère de la Justice est capable de porter ce fardeau, parce que c'est un devoir fondamental sur le plan social.

Une autre discrimination largement répandue...

M. Bédard: Merci de votre confiance. (17 heures)

M. Rodrigue (Norbert): On va vous aider à le porter, je veux dire qu'on est prêt à pousser, on est prêt à pousser.

Une autre discrimination largement répandue est celle qui est fondée sur les activités syndicales. Il est vrai que le Code du travail interdit déjà les congédiements pour activités syndicales, mais pour que les militantes et les militants syndicaux puissent se défendre contre les multiples autres formes de discrimination dont ils sont l'objet, les listes noires, par exemple, le harcèlement, le refus de promotion, etc., il faut que les activités syndicales soient reconnues comme motif de discrimination dans la Charte des droits et libertés de la personne. Même si nous savons qu'il n'y a plus de policiers dans les syndicats, qui n'informent plus les employeurs, comme le ministre veut nous le dire à l'occasion, nous pensons qu'il y a encore des agents d'information qui fabriquent des listes noires. Cependant, je ne sais pas comment il faut les appeler. En conséquence, il est important d'ajouter cela.

Enfin, il arrive aussi que des personnes soient victimes de discrimination dans l'emploi ou dans le logement parce qu'elles ne sont pas encore naturalisées. Aussi, nous recommandons que la nationalité soit ajoutée comme motif de discrimination à l'article 10 de la charte.

Au chapitre de la responsabilité, il faudrait selon nous modifier l'article 13 de façon à permettre à la commission d'intervenir avant même qu'une clause discriminatoire apparaisse dans un acte juridique, telle une convention collective, par exemple, car une fois la convention signée, il semble que la responsabilité, selon notre expérience au moment où nous nous parlons, soit automatiquement partagée alors qu'en pratique une des parties pourrait s'être opposée à l'inclusion d'une telle clause.

De plus, on sait qu'une fois que la convention est signée, il est impossible d'en forcer la réouverture, et la responsabilité est partagée entre les parties, même si l'une d'entre elles a été forcée en quelque sorte, selon les circonstances, à apposer sa signature sur un document comportant une clause discriminatoire.

Aussi nous pensons, malgré les prétentions de M. Marx, de M. Bédard et des notaires tout à l'heure, qu'il faut préciser l'article 13, pas pour les mêmes fins qu'eux. Ce que l'on recommande c'est que l'article se lise comme suit: "Nul ne peut, dans un acte juridique, stipuler une clause comportant discrimination, ni proposer ou insister pour qu'une telle clause y apparaisse. Une telle clause est réputée sans effet. Quiconque propose, demande ou insiste pour qu'une clause discriminatoire soit stipulée dans un acte juridique est totalement responsable des dommages qui en résultent." Lorsque nous proposons ce changement, nous ne prétendons pas ne pas avoir de responsabilité ou ne pas avoir été responsable dans le passé d'un certain nombre de discriminations, c'est-à-dire que ce que nous disons - nous reviendrons là-dessus dans le débat - c'est qu'il faut tout de suite prévoir ces questions pour que les parties soient plus égales, c'est-à-dire sur le plancher des vaches, concrètement.

En ce qui concerne la discrimination à l'embauche, nous sommes évidemment d'accord sur l'article 16 qui interdit la discrimination dans l'embauche. Cependant, à la lumière de nos connaissances et de notre expérience, la discrimination ne s'exerce pas seulement sur la base des éléments énoncés à cet article, mais aussi dans l'organisation même du travail. Ceci a pour effet de maintenir des situations discriminatoires. Il est nécessaire de considérer l'organisation du travail comme pouvant être une source de discrimination au même titre que peuvent l'être des pratiques d'embauche et de mouvement de main-d'oeuvre.

Pour éviter qu'un employeur puisse contourner les dispositions de l'article 16, nous recommandons de lui ajouter la précision suivante: "Aucun employeur ne peut établir des procédés de fabrication, des modes et méthodes de travail ou des exigences non nécessaires qui ont pour conséquence de priver ou d'empêcher une personne ou un groupe d'avoir accès à ces tâches ou fonctions." On sait que dans la pratique cela existe et, par conséquent on voudrait que la charte soit précisée.

En ce qui concerne le harcèlement, Lesley l'a mentionné, nous proposons d'interdire formellement le harcèlement, particulièrement le harcèlement sexuel dont sont victimes la majorité des femmes, et que ceux qui pratiquent du harcèlement dans le monde du travail soient tenus responsables de leur geste.

En conséquence, nous recommandons que soit ajouté à l'article 11 les mots suivants: "Nul ne doit exercer quelque forme de harcèlement que ce soit, fondé sur un ou des motifs énoncés à l'article 10." Nous demandons aussi d'interdire à cet article de poser des questions discriminatoires, par exemple en ce qui a trait au sexe, à l'existence d'un casier judiciaire. Les réponse données à ces questions peuvent influencer, on l'a vu dans le passé, les employeurs dans leur décision d'embaucher ou de ne pas embaucher. De telles questions ne sont pas discriminatoires selon la charte, mais la décision qui s'ensuit, elle, peut l'être. Donc, nous recommandons qu'il soit formellement interdit de demander des renseignements susceptibles de donner lieu à de la discrimination à l'embauche.

Quant à la discrimination dans le salaire, les champs de comparaison pour l'égalité de la rémunération, tout en sachant qu'on ne peut pas par l'article 19 enrayer toutes les inégalités salariales qui sont basées sur les règles du système économique et du marché, il est cependant nécessaire d'élargir les champs de comparaison, afin de pouvoir sortir de leur isolement certains ghettos d'emploi. Ne pouvoir comparer que les établissements d'un même employeur nous restreint quant à la possibilité de véritablement déceler de la discrimination. Nous recommandons donc d'élargir le champ de comparaison à plus d'un employeur et à plus d'un établissement, même s'ils ne font pas des productions identiques.

Nous recommandons également que le fardeau de la preuve appartienne à l'employeur quant à la justification d'une inégalité salariale. On demande au gouvernement dans ce cas-là d'être aussi courageux que dans les négociations du secteur public, quand il veut comparer le secteur public à n'importe quoi, au moins, de nous donner la chance de le comparer sur le plan de la discrimination avec des établissements d'un même employeur, même s'ils n'ont pas la même production.

L'évaluation au mérite. Il n'y a pas quant à nous de forme d'évaluation plus subjective que l'évaluation au mérite et elle entraîne plus souvent qu'autrement l'arbitraire et les abus. De plus, elle permet de maintenir une image très stéréotypée de ce que doivent être le travailleur ou la travailleuse modèle, si on pense aux caissières des banques, aux secrétaires. De plus, cette notion est quant à nous contraire à l'esprit de la charte. Nous recommandons donc que les mots "évaluation au mérite" soient biffés de l'article 19 et que les autres lois ou règlements qui permettent cette forme d'évaluation soient amendés dans le même sens.

En ce qui concerne la quantité de production, on est contre cette distinction, parce qu'elle justifie le salaire au rendement, forme de rémunération que nous contestons depuis fort longtemps.

Quant aux autres exceptions, nous sommes d'accord avec celles énumérées à l'article 20 et qui permettent à des organisations d'exiger que les personnes qu'elles embauchent soient d'accord avec leurs orientations. Cependant, ces exceptions ne doivent pas s'appliquer quant à nous dans le secteur public de l'éducation qui, selon nous, doit être laïque. D'autre part, nous demandons d'ajouter nommément les organisations syndicales parmi celles qui sont énumérées à l'article 20, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté sur leur droit d'embaucher des personnes qui sont d'accord avec leurs orientations. On est convaincu que les partis politiques doivent comprendre cela.

L'article 90 de la charte permet d'exercer de la discrimination sur la base du sexe, de l'état civil, de l'orientation sexuelle ou d'un handicap, dans les régimes d'assurances et d'avantages sociaux. Là, on attaque un problème important. On l'a crié ailleurs, on le crie ici aujourd'hui et on va le crier demain ailleurs encore dans ce même édifice. On pense que, là-dedans, il faudrait un coup de barre. Ces régimes d'avantages sociaux sont trop souvent discriminatoires. Ils le sont plus ou moins grossièrement, selon les cas, bien sûr, en s'appuyant sur des données actuarielles qui ne sont pas immuables et qui sont étroitement liées à la conjoncture économique, politique et sociale.

Comme le dit si bien la coalition sur l'abrogation de l'article 90 dans son mémoire, a-t-on déjà pensé faire des distinctions actuarielles entre les pauvres et les riches, par exemple, entre les noirs et les blancs, alors qu'on sait que les premiers meurent plus jeunes que les seconds? L'article 90 est formellement discriminatoire et donc contraire à l'esprit de la charte. De plus, il est contraire aux articles qui traitent spécifiquement du travail. Nous sommes donc en accord avec le principe des recommandations faites par la Commission des droits de la personne qui visent à éliminer de la charte toute possibilité d'exercer de la discrimination fondée sur le sexe, l'état civil, l'orientation sexuelle ou un handicap dans les régimes d'assurances et d'avantages sociaux.

Le droit à l'intégrité de la personne. Nous sommes en accord avec la recommandation de la Commission des droits de la personne de ne pas limiter le droit à l'intégrité au niveau strictement physique, puisqu'il s'exerce trop souvent des torts d'ordre moral ou psychologique. Nous recommandons donc de biffer le mot "physique" dans l'article 1. Nous recommandons également d'ajouter au même article le droit à un environnement sain.

En ce qui concerne l'obligation de porter secours, on sait que plusieurs vont hésiter à porter secours à une personne en danger de crainte de se créer des difficultés par la suite. Aussi, nous recommandons d'ajouter à l'article 2 les mots "celui qui, de bonne foi, a porté secours à autrui ne peut être poursuivi en justice en raison des actes ainsi accomplis, sauf en cas de faute lourde".

En ce qui concerne les droits des autochtones, il n'y a actuellement rien dans la charte qui fait référence spécifiquement aux autochtones. On s'y réfère généralement par le biais des minorités ethniques. Il nous semble important de faire référence explicitement aux premiers occupants du territoire du Québec dans la Charte des droits et libertés de la personne, surtout si l'on considère la situation discriminatoire qui leur est faite. Plusieurs arguments peuvent justifier cette absence. Il y a la constitutionnalité, etc. Cependant, nous croyons qu'il est fondamental que, dans une charte qui définit les droits et libertés des occupants du Québec, mention soit faite de l'existence et des droits des autochtones. Aussi, nous recommandons que soit inclus dans la charte le principe de la reconnaissance des droits originaux des premiers occupants, les peuples autochtones. Sur les problèmes constitutionnels, on pourra s'en parler aussi si vous avez deux minutes tout à l'heure.

Le droit à un niveau de vie décent. L'article 45 prévoit le droit à un revenu décent mais comporte, selon nous, une restriction qu'il faut enlever. Nous recommandons de modifier cet article de la façon suivante: "Toute personne a droit, pour elle et ses dépendants, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales lui assurant un niveau de vie décent."

Le droit à la santé. Je vous attends là-dessus, vous me parlerez des services essentiels si vous voulez, mais je vous attends. Toute personne doit formellement et pratiquement avoir le droit à la santé, ce qui n'est pas prévu actuellement dans la charte. Nous recommandons donc d'ajouter un article dans la charte reconnaissant ce droit.

Le droit au travail. L'article 46 prévoit le droit à des conditions de travail justes et raisonnables, mais, là encore, il y a une restriction que nous demandons d'enlever. Nous proposons de biffer "conformément à la loi" puisque certaines lois peuvent permettre des conditions non raisonnables. Par exemple, on pense à la loi sur les normes minimales en ce qui concerne le travail au rendement. D'autre part, nous proposons de reconnaître formellement dans la charte le droit inaliénable de toute personne au travail tel qu'il est reconnu dans la déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que le libre choix de son travail. Nous recommandons donc que l'article 46 soit amendé pour se lire comme suit: "Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail et à des conditions de travail justes, raisonnables et équitables qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité." De plus, nous recommandons, pour s'assurer du respect de ce droit, d'ajouter l'article suivant: "Il incombe à l'employeur d'établir à la satisfaction des tribunaux ou autre instance compétente les motifs justes et raisonnables de toute décision en congédiement ou en suspension d'un salarié." Il faudrait amender les lois et règlements qui se rattachent à cette question.

En ce qui concerne le droit à l'éducation - brièvement parce que vous en avez sûrement entendu parler aujourd'hui -nous proposons de modifier l'article 40, d'une part, pour reconnaître le droit à l'éducation en ne le soumettant pas de façon restrictive aux lois existantes et en s'assurant du principe de la gratuité et de l'égalité d'accès à tous les niveaux.

Le droit de grève, je le résume en disant que, quant à nous, nous sommes convaincus que la société québécoise gagnerait à ce que les travailleurs et les travailleuses aient le droit de grève en tout temps. Cela pourrait régler beaucoup de situations conflictuelles et améliorer le climat social dans plusieurs circonstances. On sait que les contraintes et les limites actuelles du droit de grève, qui est un principe reconnu au Code du travail, ont pour effet de minimiser, voire de rendre inefficace la résistance des travailleurs et des travailleuses aux attaques du patronat sur les questions de discrimination et autres.

M. le ministre, le prochain point, ce sont les droits politiques et les droits judiciaires. Au chapitre des droits politiques et des droits judiciaires, pour résumer, nous faisons un certain nombre de recommandations qui visent à démocratiser et à humaniser réellement l'exercice de ces droits. Par exemple, il nous semble important d'insister pour voir dans la charte un article qui oblige à la consultation quant à l'élaboration de lois, règlements ou services. Nous croyons également qu'il faille inclure dans la charte le principe de l'accessibilité à la justice, prévu au chapitre des droits politiques et des droits judiciaires.

Nous faisons un certain nombre de recommandations qui visent essentiellement à reconnaître l'exercice démocratique des droits reconnus dans la charte. Par exemple, il nous semble important de prévoir un article dans la charte qui oblige les pouvoirs publics à consulter la population et les communautés directement concernées par rapport à l'élaboration de lois ou règlements. Nous croyons également qu'il est nécessaire d'inclure dans la charte le principe de l'accessibilité à la justice ainsi que la

reconnaissance et l'inclusion d'articles qui interdisent, par exemple, les châtiments corporels, les interrogatoires, etc. Entre parenthèses, vous allez me répondre probablement que, si on vous parle de la peine de mort, c'est de juridiction fédérale ou, si on vous parle du droit criminel, c'est de la juridiction fédérale, nous le savons; c'est qu'on pense que vous pouvez faire les messages l'autre côté.

D'autre part, au moment du référendum, nous avons proposé - on l'a cru d'intérêt pour la société québécoise - que le gouvernement dépose un projet de constitution québécoise qui aurait fait que les Québécois auraient pu entreprendre le débat sur leurs droits fondamentaux plutôt que d'être confrontés à quelqu'un - je ne me souviens pas qui, vous allez me le rappeler probablement - qui nous propose une charte sur les droits à l'intérieur d'un débat constitutionnel qu'on connaît un peu. Ce qu'on a dit c'est que le Québec devrait déposer un projet de constitution que le monde ordinaire, tout le monde, puisse discuter, un projet de constitution éventuel comme dans l'éventuel Québec autonome, indépendant pour faire en sorte qu'on puisse politiquement, sur des questions aussi fondamentales que les droits et libertés, avancer des propositions concrètes, appuyées par la plus large masse possible. (17 h 15)

Alors, sur les propositions qu'on fait en termes d'amendement quant à l'aspect judiciaire, on voudrait que vous reteniez ça, qu'on est conscient qu'il y a des problèmes de juridiction sur le plan de la constitution, mais nous pensons qu'au Québec, on a quand même la responsabilité de reconnaître les droits, de les avancer et de faire les débats constitutionnels qui s'imposent autour de cette question ou de ces questions.

En ce qui concerne le fonctionnement de la constitution, j'accélère, non pas la constitution, excusez-moi, c'est un petit lapsus, le fonctionnement de la commission...

M. Bédard: On s'en parle tellement de ce temps-ci.

M. Rodrigue (Norbert): ... le rôle de la commission étant de veiller à l'application de la Charte des droits et libertés de la personne, il est obligatoire de lui fournir les moyens et les pouvoirs nécessaires à cette fin, quant à nous. De plus, la Charte des droits et libertés de la personne étant une loi fondamentale et donc de caractère public et inviolable, il est obligatoire que la commission puisse intervenir dans toute situation qui contreviendrait aux dispositions de la charte. Déjà, l'article 73 prévoit que la commission peut faire enquête de sa propre initiative.

Il faut cependant renforcer sa capacité d'intervention et à cette fin, nous recommandons d'ajouter à l'article 67, les paragraphes suivants: "est cité en justice pour faire appliquer les dispositions de la présente charte et ses propres recommandations, recourir à l'injonction".

N'y voyez pas de contradiction avec nos positions de principe sur l'ensemble des injonctions. On est encore dans une situation où la loi n'est pas changée. Le cadre juridique n'est pas changé. Vous n'avez pas eu encore le temps, je suppose, de changer ça. Comme vous n'avez pas eu le temps de changer ça, on dit que la commission devrait avoir recours aux injonctions s'il y a des problèmes d'application. On espère pouvoir vous forcer à changer le reste le plus vite possible et on vous dira comment, tout à l'heure. Sur le plan des droits et libertés, on pense que ça devrait se faire, comme sur le plan du droit au travail ou des relations de travail.

Participer aussi à l'enquête et à l'audition, comme si elle y était partie - on pense qu'on devrait reconnaître ça à la commission - dans toute instance touchant l'application de la Charte des droits et libertés de la personne.

En ce qui concerne les demandes d'enquête, nous recommandons que l'article 69 se lise comme suit: "Toute personne qui a raison de croire qu'elle-même ou un autre groupe sont ou ont été victimes d'une atteinte à un droit reconnu par la présente charte puisse ou peut adresser par écrit une demande d'enquête à la commission.

Tout groupe de personnes ou tout organisme voué à la défense des droits et libertés de la personne ou au bien-être d'un groupe de personnes peut, de la même manière, faire une demande d'enquête.

En ce qui concerne le chapitre sur les dispositions finales, la Charte des droits et libertés de la personne reconnaît les droits fondamentaux dans plusieurs dispositions. Cependant, l'article 87 actuel considère que les seules infractions possibles sont les infractions aux articles 10 à 19. Nous croyons que si le législateur veut que cette reconnaissance des droits soit réelle, il est primordial que la violation de l'ensemble des droits énoncés dans la charte soit susceptible de sanctions ou d'interventions de la commission. Nous recommandons donc de modifier l'alinéa a) de l'article 87 de la façon suivante: "Commet une infraction quiconque contrevient à une des dispositions traitant de la reconnaissance d'un droit."

Afin de permettre également que la violation de tels droits soit sanctionnée, il faut permettre à la victime ou à l'organisme d'intenter des plaintes pénales. Il faut donc ajouter un article à cette fin. Nous recommandons la création - ça vient répondre à la question sur les injonctions, la situation actuelle étant ce qu'elle est, on

veut qu'elle soit changée - d'un tribunal des droits de la personne que le législateur doterait des pouvoirs nécessaires pour l'application des dispositions de la charte, un tribunal administratif. Il en existe des tribunaux administratifs dans d'autres provinces, en ce qui concerne les relations de travail ou d'autres questions. On ne voit pas pourquoi le Québec ne pourrait pas, malgré les objections constitutionnelles, à ce chapitre, constituer un tribunal administratif qui ferait que le citoyen québécois saurait d'abord que cette charte a une signification et une importance fondamentale, lorsqu'il lui serait possible et facile de faire sanctionner une violation d'un de ses droits fondamentaux. Ce tribunal pourrait plus facilement découvrir les diverses formes de discrimination et son expérience et expertise permettraient une meilleure application de la charte à notre avis. Certains problèmes d'ordre constitutionnel peuvent être des obstacles, je viens de le dire, on pense que ce ne sont pas des obstacles suffisants.

Nous pensons que c'est le moyen par lequel le législateur peut assurer la finalité même de la Charte des droits et libertés de la personne.

En conclusion, on doit chercher à réduire l'écart entre l'idéal démocratique proposé par la Charte des droits et libertés de la personne et son application concrète. Le premier article de la charte qui proclame le droit à l'intégrité physique, on le sait tous sans se compter d'histoires et sans se faire de discours, n'est-il pas massivement nié à tous ceux et celles qui travaillent dans des conditions dangereuses pour leur vie et leur santé? Les humiliations et les conditions dégradantes auxquelles des milliers de personnes doivent se soumettre pour gagner leur vie ne sont-elles pas une négation quotidienne de leur dignité? Il faut que la réalité soit bien éloignée du droit à des conditions de travail justes et raisonnables, affirmé à l'article 46, pour que des milliers d'hommes et de femmes acceptent de se priver de salaire pendant des mois quand la grève est le seul moyen d'obtenir des améliorations.

Que dire du droit à l'égalité quand les discriminations dans l'emploi ou le logement continuent à frapper de larges pans de la société! Certes, la Commission des droits de la personne doit être munie des pouvoirs et des moyens suffisants pour accomplir sa tâche de surveillance, d'information et d'éducation. C'est une première condition à réaliser. Les corrections que la commission peut apporter aux situations discriminatoires demeurent forcément limitées en nombre. Cela n'est pas négligeable car les jugements qu'elle rend ont un certain effet préventif et servent d'appui à d'autres personnes pour faire respecter leurs droits par leurs propres moyens. Aussi, le champ d'intervention de la commission doit-il être étendu à tous les droits reconnus par la charte, et non pas seulement aux discriminations interdites par les articles 10 à 19.

De plus, pour faciliter et accélérer la réparation des préjudices causés à des personnes par la violation de leurs droits, nous croyons que la création d'un tribunal spécifique s'impose. Enfin, on doit cesser de limiter l'application de la charte par des lois particulières, et celles qui comportent déjà de telles limitations directes ou indirectes doivent être amendées en conséquence. Par exemple, je l'ai mentionné, la Loi sur les normes du travail doit être amendée pour prévoir des congés de maternité accessibles à toutes les travailleuses sans perte de salaire, sans quoi il est illusoire de parler de l'égalité des femmes sur le marché du travail. Toutes ces mesures seraient bien insuffisantes si on ne donne pas aux personnes les moyens de s'organiser collectivement pour défendre et élargir leurs droits en facilitant l'accès à la syndicalisation qui a été et qui demeure, selon nous, le principal instrument de défense des intérêts des travailleurs et travailleuses.

Je termine en disant ceci. On pourra faire la plus belle charte qui n'existe nulle part ailleurs dans l'univers, mais si on n'a pas la volonté politique de poser les conditions concrètes pour que les droits qui y sont inscrits trouvent leur application, je dirais que cela risquerait non seulement de paraître illusoire, mais cela nous paraîtrait, quant à nous, être un peu populiste, c'est-à-dire dire à tout le monde: Nous sommes généreux, nous sommes courageux, nous avons inscrit dans une charte des droits et libertés, malgré le fait que, etc.; au cours des années dernières, il n'y en avait pas, il n'en existait pas, nous l'avons fait. Nous pensons avec respect et humilité qu'il faut que les moyens concrets soient donnés pour faire en sorte que dans la réalité quotidienne, malgré les déclarations de principe et les grands principes énoncés dans les chartes ou les lois, cela trouve effectivement une application. Par conséquent, une fois qu'on a énoncé les droits en question, faire en sorte, M. le ministre, en terminant, que les autres lois ne viennent pas annuler les droits inscrits dans la charte par d'autres dispositions contraires ou d'autres restrictions qui, finalement, font en sorte que les droits dans la pratique ne seraient pas retenus.

On s'excuse du temps pris. On vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Cela a été très bien. Merci, M. Rodrigue. M. le ministre.

M. Bédard: Tout d'abord, je crois que vous n'avez pas à vous excuser du temps que

vous avez pris. Nous sommes en mesure d'exprimer notre appréciation concernant l'ensemble de votre mémoire qui touche presque tous les articles de la charte des droits et libertés. Vos recommandations représentent un travail très élaboré, très sérieux. Je comprends qu'il nous faudra peut-être quelques heures avant de savoir si on est d'accord sur chacun des points que vous évoquez. Les représentations que vous avez faites sont de nature à faire réfléchir sérieusement tous les membres de cette commission parlementaire. Vous avez touché presque tous les points, mais comme vous le savez, plusieurs de ces points ont déjà été abordés par des groupes qui vous ont précédés. Vous ne nous en voudrez pas de ne pas poser de question...

M. Rodrigue (Norbert): Si vous manquez d'arguments, on est prêt à vous en donner.

M. Bédard: ... sur les régimes d'assurance, par exemple, concernant les avantages sociaux. J'ai eu l'occasion d'aborder ces sujets d'une façon très détaillée avec d'autres groupes. Vous allez dans le même sens, de façon générale, que certains des groupes qui se sont fait entendre devant la commission. C'est la même chose concernant l'âge, la grossesse.

Vous me faites part particulièrement d'une série de représentations qui devraient être faites aux autorités fédérales sur des sujets qui sont de juridiction fédérale, mais soyez convaincus que je crois que le message doit se rendre, parce que, lorsqu'on parle de droits et libertés, je ne crois pas qu'on doive se barrer les pieds dans des complications constitutionnelles qui font qu'en fin de compte, ce sont les citoyens qui ont à payer la note. Tout ceci n'empêche pas la lutte normale pour chacune des juridictions de voir à ce que les droits respectifs de chacune des juridictions soient respectés dans le système.

Pour ce qui est de votre proposition de projet de constitution, je pense qu'on aurait à en discuter assez longtemps, mais je me contenterai de référer cette suggestion au comité de stratégie qui pense être intéressé en conséquence, ceci étant dit sans malice.

M. Marx: Cela a déjà été proposé par quelqu'un de votre parti.

M. Bédard: Oui, même par des gens. M. Marx: Cela n'a pas été bien reçu.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: C'est très important pour un peuple d'avoir une constitution; personne n'en doute ici.

Je me limiterai à deux ou trois questions sur des propositions de modifications nouvelles et dans un domaine dans lequel vous êtes très familier. Je pense, entre autres, à la modification que vous voudriez voir apporter à l'article 16. Cela se retrouve à la page 13 de votre mémoire. Vous recommandez d'ajouter la précision suivante à l'article 16, à savoir qu'aucun employeur ne peut établir des procédés de fabrication, des modes ou méthodes de travail ou des exigences non nécessaires qui ont pour conséquence de priver ou d'empêcher une personne ou un groupe d'avoir accès à ces tâches ou fonctions. Accepteriez-vous de nous faire part de quelques exemples bien précis pour permettre aux membres de la commission de pouvoir évaluer à sa juste mesure l'essentiel de votre représentation?

M. Rodrigue (Norbert): Je comprends que vous vous faites des réserves, vous posez une question à la fois.

M. Bédard: Une à la fois.

M. Rodrigue (Norbert): Très bien.

M. Bédard: Pour ce qui est des droits inaliénables, on en parlera tout à l'heure.

M. Rodrigue (Norbert): D'accord. En ce qui concerne cette question, c'est-à-dire l'amendement que nous proposons à l'article 16, je voudrais seulement, avant de...

M. Bédard: Si vous permettez, quand vous nous demandez d'enlever les critères concernant l'évaluation au mérite et la quantité de production...

M. Rodrigue (Norbert): C'est cela. Sur cette question, dans les exemples précis, je pense aux handicapés, aux questions de force physique dans les emplois en ce qui concerne les programmes des employeurs en termes de changements technologiques ou autres. On peut vous donner un certain nombre d'exemples concrets qu'on vit effectivement sur le terrain pour vous donner une idée de ce que nous soutenons et, à cet effet, je vais demander à Monique Simard de vous citer quelques exemples sur cet aspect de la question que vous posez. (17 h 30)

Mme Simard (Monique): Par exemple, dans l'industrie manufacturière, il y a un certain nombre de bases à l'organisation du travail qui font en sorte qu'il y a un certain nombre d'emplois, beaucoup d'emplois, qui sont les portes d'entrée à l'usine, comme on peut dire cela communément, qui sont effectivement, dans la pratique, inaccessibles à des gens ou à des personnes qui ne sont pas, comme on dit dans le langage courant dans le monde du travail, 6 pieds, 200 livres,

et ne sont pas costauds et jeunes, qui ont pour effet de discriminer les femmes presque majoritairement, des handicapés, des personnes âgées, des hommes, par exemple, qui n'arrivent pas à répondre aux quotas de production exigés par les employeurs. On fait le lien avec, entre autres, la possibilité pour les employeurs d'établir le salaire au rendement. Finalement, plus on produit, plus le salaire est déterminé par ça.

Or, dans les faits, et cet article-là vise particulièrement l'industrie manufacturière, il y a beaucoup de catégories de travailleuses et de travailleurs qui n'ont pas accès pratiquement à ces emplois, même si, formellement et en principe, on leur en reconnaît le droit.

Donc, on pense qu'il ne s'agit pas juste d'interdire la discrimination au niveau de l'embauche, au niveau de la promotion, au niveau des périodes de probation, mais que l'organisation même du travail et de la production peut être discriminatoire dans les résultats. C'est pourquoi on propose l'ajout à ce paragraphe de cet article.

M. Rodrigue (Norbert): J'ajouterais, si vous me permettez, qu'on a vu des expériences où - je sais bien qu'on paraît méchant tout le temps, à la CSN, quand on critique le patronat, etc. - ...

M. Bédard: Vous ne me paraissez pas méchant. Je pense que vous avez fait des représentations très correctes, mais je voudrais...

M. Rodrigue (Norbert): Non, je veux donner un exemple...

M. Bédard: Oui.

M. Rodrigue (Norbert): On a vu des situations où, quand l'employeur a constaté qu'il était rentable d'organiser son entreprise de façon à permettre, par exemple, l'accès aux handicapés... On le sait, on organise des groupes de travailleurs qui sont pris avec des problèmes concrets, notamment des handicapés; on a fait des campagnes de syndicalisation parce que les handicapés voulaient s'organiser en syndicat, etc. C'est drôle, mais les employeurs ont adapté leur mécanique, leur production, ils ont automatisé leurs entreprises en fonction justement d'une rentabilité, mais tout en permettant l'utilisation de handicapés.

C'est pour cela qu'on dit que c'est possible, dans la mesure où on regarde effectivement et concrètement l'organisation du travail. On pense que c'est un défi pour la décennie, la question de l'organisation du travail, pas seulement en termes de discrimination, mais sur un ensemble de questions.

Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.

M. Bédard: Concernant les programmes de redressement, vous demandez que de tels programmes soient mis sur pied lorsqu'il y a preuve de discrimination. Pouvez-vous me dire, selon vous, qui doit déterminer s'il y a discrimination?

Mme Lee: Pour parler juste des groupes à qui est imposé un programme à cause de discrimination, ce seraient les tribunaux ou la commission. Même le syndicat peut faire appel à la commission pour dire: On trouve qu'il y a discrimination, voulez-vous trancher la question?

M. Rodrigue (Norbert): C'est pourquoi on demande effectivement la possibilité pour des groupes de faire une plainte à la commission, de manière que la commission puisse enquêter, constater et ensuite arriver avec les correctifs, que ce soit un programme obligatoire, par exemple, d'accès à l'égalité.

M. Bédard: Est-ce qu'il peut être concevable que de tels programmes soient arrêtés par l'Assemblée nationale après consultation avec la commission, après auditions également au niveau du public, pour que chaque partie concernée puisse donner son appréciation pour ensuite déboucher sur une acceptation au niveau soit d'une commission parlementaire ou de l'Assemblée nationale, de manière à discuter de ces programmes-là sous tous leurs aspects?

M. Rodrigue (Norbert): Voyez-vous, nous, on traite des fardeaux de tâche quotidiennement et on trouve que vous avez une tâche relativement importante comme législateurs, parlementaires, etc. On pense qu'il reviendrait aux parties de négocier les programmes. On pense qu'il n'y a pas de programme qui soit susceptible de tenir ou d'avoir une action positive si les parties ne sont pas impliquées.

Dans la perspective de l'obligation d'un programme de redressement, comme vous l'avez appelé, on pense que le syndicat et le patron doivent négocier le contenu. Dans cette perspective-là. Il nous semble qu'autrement, ce serait un peu illusoire de forcer deux parties qui sont appelées à vivre quotidiennement ensemble à s'inscrire dans un programme de redressement. Il se peut qu'il se pose des problèmes et que les parties ne s'entendent pas. C'est pourquoi d'ailleurs on dit par la suite, et là on n'a pas examiné toutes les conséquences, mais une des raisons pour lesquelles on propose qu'il y ait un tribunal spécifique sur ces questions, c'est, qu'il puisse éventuellement entendre les parties sur leurs représentations

quant au contenu du programme et rendre une décision et aider les parties. La commission peut jouer un rôle de médiation, et le reste. Nous autres, on pense que cela doit être négocié.

M. Bédard: Vous parlez justement de négociation entre l'employeur et le syndicat. Par contre, à la page 4 de votre mémoire, vous demandez, si j'ai bien lu, une sorte de droit de veto pour le syndicat. Est-ce que vous ne trouvez pas que cela peut être un peu contradictoire?

M. Rodrigue (Norbert): On va vous dire cela.

Mme Simard: D'une part, on insiste sur la notion que les programmes soient obligatoires, c'est-à-dire que la commission indique à telle et telle entreprise: Vous devez avoir un programme. C'est une chose. La commission doit nous indiquer, par exemple, que, dans telle région, la main-d'oeuvre féminine correspond à tant pour cent. Vous devez donc dans un temps donné embaucher par exemple tant de femmes. La façon, c'est-à-dire le contenu, la façon par laquelle ça va se faire et comment cela va se faire, c'est aux parties à le négocier, à tenter de le négocier tout au moins. Mais comme tout le monde sait qu'on ne s'entend pas nécessairement tout le temps, les syndicats et les patrons...

M. Rodrigue (Norbert): Souvent.

Mme Simard: Mais souvent, vous verrez qu'on prévoit non seulement le cas du syndicat, car s'il n'y a pas de syndicat, il faut se rappeler qu'il y a 65% des travailleurs et travailleuses au Québec qui ne sont pas syndiqués, c'est probablement chez ceux-là qu'il y a le plus de discrimination exercée vis-à-vis des groupes minoritaires. On dit qu'il doit y avoir un comité de travailleuses et de travailleurs nommé et composé par eux-mêmes, qui peut s'opposer aux façons dont l'employeur veut le faire et s'adresser à la commission pour faire appliquer réellement leurs propositions. C'est un lien comme on vient de vous le dire avec l'instauration d'un tribunal facilement accessible pour trancher ces problèmes. Je fais ici un petit aparté, un employeur peut être forcé d'avoir un programme et, par le fait même, peut faire un certain nombre de propositions pour implanter son programme, qui balance en l'air tous les acquis que les travailleuses et les travailleurs ont gagnés depuis dix ans ou quinze ans. Je fais juste référence, par exemple, à la notion d'ancienneté générale. Cela veut dire: Très bien, il n'y a plus d'ancienneté.

Il faut faire très attention à la façon...

M. Bédard: Ne pas niveler l'égalité par le bas.

Mme Simard: Vous avez une très bonne expression, ne pas niveler par le bas. C'est ça. C'est pourquoi on demande ce droit de regard, ce droit spécifique au sein du syndicat ou du comité de travailleuses et de travailleurs.

M. Bédard: Une dernière question pour permettre à mes collègues d'y aller aussi de leurs interrogations. À juste titre, M. Rodrigue, vous avez dit qu'on peut écrire ensemble la plus belle des chartes de l'univers avec tous les droits possibles et impossibles qui y sont contenus, avec toute une série de droits inaliénables tels que le droit à la santé, le droit au travail, le droit à l'éducation, le droit aux services de santé pour les citoyens, mais vous nous demandez également d'y inscrire le droit inaliénable qu'est le droit de grève. Ne pensez pas là que je veux vous poser une colle dans l'expression populaire, mais j'aimerais que vous explicitiez votre manière de voir la conciliation de tous ces droits inaliénables que tout le monde voudrait voir respectés avec le droit également que vous demandez, le droit de grève, qui a, nécessairement, on le sait, par la force des choses, des incidences sur les autres droits. Pourriez-vous peut-être expliciter davantage votre pensée?

M. Rodrigue (Norbert): Pour illustrer mon sujet par un petit exemple, on constate qu'on n'a pas de bloc pour prendre des notes alors qu'on est en période de restrictions budgétaires.

M. Bédard: Nous non plus.

M. Rodrigue (Norbert): Ce que je voudrais dire, c'est que nous pensons que ce n'est pas inconciliable, l'ensemble de ces droits, comme on pense que les droits collectifs et les droits individuels peuvent s'harmoniser quand, collectivement, on met les moyens en place pour ce faire. En conséquence, quand on parle, par exemple -je sais bien que vous ne voulez pas me poser une colle - du droit de grève et des services essentiels, vous savez très bien - et j'ai essayé de l'exprimer à une commission parlementaire antérieure - que nous avons, les syndicats, tout à gagner dans cette question et la question de l'ensemble des droits fondamentaux en prenant l'ensemble de nos responsabilités. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des accrochages au passage ou en cours de route, mais sur la question, par exemple, des services essentiels versus le droit à la santé pour une société, nous soutenons que nous sommes en mesure de prendre cette responsabilité et nous la revendiquons dans le cas où les parties ne

s'entendent pas au niveau local, les parties qui vivent avec la réalité de tous les jours.

En conséquence, nous pensons que sur les autres droits, l'éducation, la santé, les discriminations, etc., il ne suffit pas, effectivement, d'adopter une charte qui contient l'ensemble des droits, mais il faut se donner les moyens collectivement de la faire appliquer. C'est pourquoi nous disons qu'il faut plus de moyens à la commission, plus de moyens d'intervention d'une part et un moyen spécifique comme le tribunal administratif pour intervenir, faire sa propre expertise et, finalement, chercher à ce que la société québécoise puisse bénéficier, en quelque sorte, plus réellement d'une application concrète des droits qu'on lui reconnaît.

Dans ce sens, on partage des responsabilités sur le plan social, sur le plan de la société, mais ce que nous disons, c'est qu'on n'est pas d'égale force dans la société. Quand on traite des droits fondamentaux avec le patronat, je vous dirais que nous estimons ne rien avoir. On ne possède rien. On ne possède pas les usines. On ne possède pas la machinerie. On ne possède pas le capital. On ne possède pas la connaissance des investissements. On ne possède rien, sauf notre force de travail.

Dans les circonstances actuelles, nous pensons que les programmes doivent être négociés; qu'il y a une commission pour enquêter, constater la discrimination et, finalement, un tribunal qui peut agir pour appliquer les droits fondamentaux. Dans la conciliation des droits, nous sommes persuadés qu'il nous faut être optimistes, quoi. Une société doit être capable d'assumer cela. C'est pourquoi nous relevons dans notre mémoire aussi le droit des autochtones, parce que nous pensons qu'une société qui n'est pas capable d'assumer collectivement la reconnaissance d'un certain nombre de droits fondamentaux pour l'ensemble de ses occupants et pour ses premiers occupants, notamment, va avoir des problèmes à s'autodéterminer.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: On pourrait continuer la discussion. Je laisse la place à mon collègue.

M. Marx: C'est tellement riche, le mémoire, qu'on peut discuter de cela jusqu'à la semaine prochaine, mais, comme on en a d'autres qui vont venir, j'aimerais vous remercier pour votre exposé. Il y a des éléments tout à fait nouveaux, des éléments très intéressants qu'on trouve dans votre mémoire. Je vais en soulever deux. Premièrement, vous avez parlé de l'autodétermination des autochtones. Je ne suis pas sûr de ce que cela veut dire.

Voulez-vous dire que les autochtones au Québec peuvent décider de faire la souveraineté et d'établir leur propre État dans le Nord québécois? C'est cela?

M. Rodrigue (Norbert): Ce que nous voulons dire, d'abord, c'est que, quel que soit le gouvernement au pouvoir, qu'on se replace en 1970, en 1972 ou en 1981, on pense que les autochtones ont des droits, on pense que les gouvernements doivent reconnaître ces droits, que la société entière doit les reconnaître et on pense surtout que c'est à eux de dire au reste de la société quelles sont leurs conditions et quels sont les droits fondamentaux qu'ils considèrent qu'on doit leur reconnaître comme société. Par conséquent...

M. Marx: Je comprends cela, mais...

(17 h 45)

M. Rodrigue (Norbert): Si vous me le permettez. Par conséquent, on ne peut pas traiter de l'autodétermination des autochtones et se substituer à eux pour vous dire ici, aujourd'hui: Les autochtones, on devrait leur accorder les trois quarts du Québec, ou la totalité du Québec, et ils nous diront, ensuite, ce qu'on va faire comme société. Ce n'est pas ce qu'on soutient.

On soutient, cependant - si ma mémoire est bonne et si mes informations sont exactes - au moins, dans le processus de la reconnaissance des droits, dans le processus de la négociation de cette reconnaissance - puisqu'il faut parler ainsi dans notre société - que le gouvernement et la Charte des droits et libertés de la personne - une raison de plus - doivent reconnaître ces droits. Je pense à l'éducation, je pense à la santé, je pense à un certain nombre de choses où les autochtones sont bien capables de s'autodéterminer, et la question des territoires - on peut en parler longtemps, parce qu'il reste des coins à explorer - et le problème constitutionnel, et encore toutes les autres questions.

Dans ce sens, M. le député de D'Arcy McGee, je pense qu'en ce qui nous concerne, c'est la reconnaissance réelle, fondamentale, des droits, d'une part, et, ensuite, que les autochtones nous disent ce qu'ils considèrent, eux, qu'on doit reconnaître comme droits fondamentaux.

M. Marx: J'ai été bien naïf, je croyais avoir posé une question simple. Vous avez parlé de l'autodétermination des autochtones, j'ai compris cela dans le sens normal des mots, et j'ai compris que dans l'hypothèse où ils nous diraient: On aimerait faire la souveraineté-association dans le Nord québécois, on va faire un référendum, comme il se trouve, dans le Nord québécois, seulement des autochtones, ils gagneraient, le

oui gagnerait, et ils décideraient de créer un État dans le Nord québécois. Seriez-vous d'accord avec cela, oui ou non?

M. Rodrigue (Norbert): Votre question simple, vous saviez très bien ce qu'elle contenait.

M. Marx: Oui, mais votre affirmation est peut-être trop simple, aussi, dans votre mémoire.

M. Rodrigue (Norbert): Notre affirmation n'est pas simple du tout, on parle de la reconnaissance de l'autodétermination. Si le peuple québécois est capable de dire, à travers son gouvernement, à Ottawa ce qu'il désire, on pense que les autochtones sont capables de dire au gouvernement québécois, à travers leurs représentants, ce qu'ils désirent.

M. Marx: Les Dénés parlent d'une nation dénée, et ça peut aller jusqu'à la souveraineté. C'était ça, ma question.

M. Rodrigue (Norbert): On n'exclut pas ça. Si c'est ce que vous voulez savoir, on n'exclut pas ça.

M. Marx: D'accord. Voilà.

M. Rodrigue (Norbert): À moins que quelqu'un propose l'extermination des autochtones.

M. Marx: Prenez-en note, M. le ministre, on est en train de perdre la Baie-James.

En ce qui concerne la citoyenneté, je pense que vous avez soulevé un point très intéressant, qui n'est pas vraiment couvert par la charte. Il y a beaucoup de lois québécoises où on fait de la discrimination à cause de la citoyenneté des gens. Par exemple, pour être avocat, il faut être citoyen; pour être ingénieur, il faut être citoyen et ainsi de suite, il y a toute une foule de lois. La jurisprudence - pas celle de Québec, mais ça revient au même - de la Colombie britannique a statué qu'une telle discrimination est valide. Je pense que M. le ministre doit prendre note de cette recommandation de la CSN pour qu'on ajoute cela à l'article 10, mais d'une façon rétroactive, sinon, ça ne veut rien dire. La charte n'a pas préséance sur les lois adoptées avant son adoption.

M. Rodrigue (Norbert): Si vous me permettez un commentaire sur cette question, c'est vrai pour les professions libérales, mais c'est vrai aussi pour d'autres professions. Je pense aux infirmières, je pense à d'autres catégories de travailleurs et de travailleuses. J'ai travaillé pendant dix ans avec des médecins, des chirurgiens renommés dans leur pays comme étant de très grands spécialistes en neurochirurgie, par exemple, en radiologie ou autres, qui ont été obligés de reprendre un stage de trois ou quatre ans, à l'époque, je ne me souviens pas, de refaire tout le cheminement de la spécialisation avant de pouvoir exercer leur profession au Québec. Je ne propose pas de modalité, mais je dis que la référence à la nationalité est plus susceptible de corriger les effets de la discrimination que d'autres types de référence.

M. Marx: Même si la citoyenneté est de compétence fédérale, on peut l'inclure dans notre charte.

M. Bédard: C'est une invitation à l'inconstitutionnalité?

M. Marx: Non, non, pas du tout.

M. Bédard: On peut mettre bien des choses.

M. Marx: Non, ici on travaille dans la constitutionnalité, non pas comme au fédéral.

En ce qui concerne les programmes de redressement, il faut admettre que nous sommes tous coupables de la discrimination systématique à cause du sexe; les compagnies sont coupables, c'est évident, parce qu'elles ont eu du "cheap labor" pendant un bon bout de temps et peut-être encore; les syndiqués sont coupables aussi, parce que les hommes syndiqués en ont profité, ou au moins, ils ne se sont pas plaints de cette discrimination; les syndicats n'ont pas fait une lutte pour l'égalité entre hommes et femmes dans les années quarante, cinquante, soixante, et plus tard; je ne les blâme pas.

Une voix: Où est la logique?

M. Marx: Non, je ne les plains pas parce que nous sommes tous coupables de cette discrimination vis-à-vis des femmes. Maintenant les moeurs ont changé, ce n'est pas une mode, c'est plutôt un droit fondamental d'avoir l'égalité entre hommes et femmes.

Voici le problème, maintenant. Qui va payer pour la discrimination qu'on a pratiquée pendant des années et qui va en porter le fardeau? En ce qui concerne l'égalité envers les femmes au gouvernement, il n'y a aucun problème, parce que nous avons un gouvernement assez riche, nous avons un ministre des Finances qui peut faire des trucs magiques, il va trouver l'argent. Mais, dans le secteur privé, qu'est-ce qu'on y fait? Je reprends une de vos phrases: "Qu'est-ce qu'on fait dans la réalité quotidienne?"

L'autre jour, nous avons discuté, ici, à

cette commission, d'un cas hypothétique que je vais décrire une autre fois. Supposons qu'on a une usine et, dans cette usine, on a toujours classifié les femmes pour des postes A et les hommes pour des postes B, il va sans dire que les hommes gagnaient plus que les femmes, c'était traditionnel dans cette usine, quoique les hommes et les femmes faisaient le même travail, mais, à cause de la classification - vous connaissez bien ça -on a fait de la discrimination contre les femmes. Le syndicat dans cette usine ne s'y est jamais opposé, c'était la coutume depuis des années. Arrive 1982 - supposons que le ministre a fait adopter les amendements à la charte - on instaure dans cette usine un programme d'action positive. Qui va payer pour mettre en oeuvre ce programme d'action positive? Le patron possiblement va dire: Moi, j'ai une masse salariale de 1 000 000 $ cette année, je suis prêt à dépenser 1 000 000 $, soit pour des augmentations de salaire, soit pour le redressement des salaires des femmes, etc. Est-ce que j'exagère en parlant ainsi, ou si vous avez déjà fait face à de telles situations? Finalement, parmi les hommes, les femmes et le patron de l'usine, qui va porter le fardeau de ce programme?

M. Rodrigue (Norbert): On va se parler franchement. Premièrement, je pense que le principe du travail à valeur égale, salaire égal existe déjà. Deuxièmement, on l'a dit -je l'ai affirmé tout à l'heure - on n'a pas l'intention de se défiler par rapport au fait qu'on a pu, dans le passé, être responsables, soit par tolérance ou autrement, de certaines situations.

Troisièmement, celui qui a bénéficié de cette discrimination, c'est l'employeur, c'est celui qui produit. Parce que généralement, même le salaire des hommes, s'il était supérieur à celui des femmes pour des fonctions identiques, vous ne prétendrez pas, je suppose, qu'il était à sa pleine valeur celui-là aussi. En conséquence, on pense que c'est le patron qui doit absorber le coût.

Finalement, pour être plus clair j'exprime une opinion de la centrale et je vais ajouter ma note personnelle - quand on se retrouve comme travailleur organisé dans une situation où il nous faut négocier une convention collective et dans une situation où il nous faut même recourir à la grève pendant un mois, deux mois, trois mois, six mois et un an, vis-à-vis d'un employeur, pour faire en sorte d'atteindre un certain nombre d'objectifs, y compris parfois celui du travail égal salaire égal, je vous avoue que je trouve cela un peu fort quand on veut parler du partage de la responsabilité et des coûts. Cela nous est arrivé dans la réalité. Je ne porterai pas de jugement sur les jugements qui ont été rendus. Ce que je veux dire, c'est que je trouve qu'il y a là une inégalité certaine. Ceux qui sont obligés de s'imposer le sacrifice du rapport de forces, ce sont les travailleurs et les travailleuses.

En réponse à votre question, je dirais que ce sont les employeurs qui doivent absorber les coûts. D'ailleurs, c'est vrai aussi à d'autres chapitres. Je pense, par exemple, à la santé et à la sécurité dans les usines. Même si on n'est pas satisfait de la loi no 17, on a crié contre et on y trouve des défauts, il y a un coût, dans la loi no 17, qui est absorbé par l'employeur. On fait un peu le parallèle quant à nous et on dit que c'est à lui d'absorber les coûts. Si vous dites que M. Parizeau va trouver les finances, j'ai cru comprendre, dans vos arguments politiques, un argument réel cependant qui disait: Le gouvernement va absorber les coûts...

M. Marx: Non, jamais.

M. Rodrigue (Norbert): Non? Ah bon!

M. Marx: Le gouvernement va les absorber en ce qui concerne les programmes de redressement au gouvernement. Mais je n'ai pas entendu d'autres réponses de vous. Je comprends que votre position, c'est que c'est l'employeur qui va payer les coûts. Disons que cela arrive dans la réalité quotidienne. Pour vous citer un autre exemple, dans une année donnée, l'employeur a seulement 1 000 000 $ à distribuer. S'il doit distribuer cet argent pour les redressements et pour les augmentations normales, quelqu'un va avoir moins quelque part. Je pense que cela est évident. J'aimerais savoir comment vous allez faire face à ces problèmes.

M. Rodrigue (Norbert): Regardez!

M. Marx: Je ne suis pas contre le fait que cela soit absorbé par l'employeur, pas du tout.

M. Rodrigue (Norbert): Les millions de dollars réalisés par les employeurs à cause de discrimination ou les milliers de dollars réalisés à cause de discrimination, il ne faudrait quand même pas croire qu'ils ont été épargnés du côté des femmes pour être versés aux hommes. Ils ont été versés dans la caisse des profits.

M. Marx: C'était distribué aux actionnaires il y a 20 ans. Cela est fini maintenant.

M. Rodrigue (Norbert): Peut-être, en profits, etc. Dans ce sens-là, suivant l'exemple que vous me donnez, sur le plan pratique, si l'employeur a une masse de 1 000 000 $ à distribuer, on fait face à cela tous les jours, pas seulement pour les

cas de discrimination. Quand on négocie un contrat de travail et que l'employeur nous dit: Ma marge de manoeuvre, c'est celle-là, même si on négocie la convention la plus parfaite au plan de l'exclusion des discriminations, on va faire face à l'argument que vous me présentez. En ce qui concerne l'employeur, il va nous dire: J'ai une masse X à accorder au plan des salaires; comment la distribue-t-on? Dans cette perspective, les jugements qui seront rendus, les constats de discrimination ou encore les négociations sur les cas discriminatoires, je continue de croire sincèrement que ce devra être l'employeur qui devra les absorber.

M. Marx: Donc, vous êtes...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. C'est simplement...

M. Marx: Ce n'est pas une question. C'est seulement une observation. Si je comprends bien, vous êtes d'accord qu'on -comment puis-je le dire? - mette en oeuvre des programmes de redressement partout, le plus vite possible, etc.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, c'est cela. M. Marx: Vous êtes d'accord avec cela.

M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr. On pense que la démonstration n'a plus besoin d'annexes. On pourrait y coller quatre ou cinq annexes spécifiques de plus, mais on pense que la description de la situation réelle est suffisante pour motiver le fait qu'il doit y avoir des programmes de redressement partout. (18 heures)

M. Marx: Partout, tout de suite.

M. Rodrigue (Norbert): Il y a évidemment des secteurs dont on pourrait dire qu'ils sont prioritaires. Le vêtement, par exemple, à cause de la discrimination de toute sorte faite vis-à-vis des femmes. On n'établira pas de priorités ici, mais indépendamment...

M. Marx: Dans le vêtement on n'est pas concurrentiel maintenant. Si on applique le programme de redressement, on sera moins concurrentiel, on va avoir des problèmes de fermeture d'usines...

M. Rodrigue (Norbert): Vous savez, les arguments...

Le Président (M. Gagnon): Juste avant votre réponse...

M. Rodrigue (Norbert): ... de concurrence, on ne croit pas à ça, nous autres.

Le Président (M. Gagnon): ... M.

Rodrigue, je voudrais que les membres de la commission s'entendent à savoir si on continue - parce qu'à cette heure-ci je dois suspendre les travaux - pour entendre les autres mémoires ou si on...

M. Bédard: M. le Président, je voudrais proposer, si mes collègues sont d'accord, que nous continuions nos travaux jusqu'à épuisement des auditions.

Le Président (M. Gagnon): Si vous aviez ajouté...

M. Bédard: À moins que ça complique énormément les choses pour les groupes qui ont demandé à être entendus, parce que je pense que ça nous permettrait de terminer vers 20 heures l'audition de l'ensemble des groupes.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. Rodrigue, je vous ai peut-être coupé la parole, je vous la redonne immédiatement.

M. Rodrigue (Norbert): Finalement, je voulais juste signaler, par exemple, sans rappeler l'ensemble, qu'au niveau des avantages sociaux, on a insisté dans le mémoire, et je ne crois pas nécessaire de faire beaucoup plus, sur le déplafonnement de l'âge de la retraite. On va, demain matin ou demain après-midi, comparaître devant l'autre commission parlementaire sur la retraite, où on va affirmer que nous sommes d'accord sur le principe du déplafonnement, mais pas à n'importe quelles conditions. Avec des conditions, cependant.

Il faudrait donc tenir pour acquis que sur les avantages sociaux, indépendamment de l'âge, nous sommes contre les formes de discrimination qui sont dans les programmes.

Je ne vous ai pas parlé de la nationalisation des épargnes, je suppose que c'est une autre commission qui va entendre cela un peu plus tard, parce que les avantages sociaux, comme les fonds de retraite et les assurances, c'est une préoccupation pour nous.

M. Bédard: II y aura une autre commission pour l'âge, aussi...

M. Rodrigue (Norbert): Vous me le direz d'avance, je vais y être.

M. Bédard: Mais tout à l'heure, M. le Président, vous étiez en train...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, la...

M. Bédard: ... - non, c'est dans la même veine - de nous parler des secteurs prioritaires. Je comprends que l'idéal c'est

de voir des programmes partout - à partir du moment où c'est accepté - où il y a de la discrimination. Il ne faut quand même pas rêver en couleur, ça ne se fait pas du jour au lendemain, à partir du moment où on établit quand même des mécanismes dont on a déjà parlé... Si on parle de secteurs prioritaires, vous nous avez indiqué le vêtement. Je comprends que vous avez fait une réflexion là-dessus, est-ce que vous auriez d'autres éléments en termes de priorités, d'autres secteurs?

M. Rodrigue (Norbert): Je ne voudrais pas me mettre à faire une liste de priorités. Si je trouve que c'est important partout? On trouve ça...

M. Bédard: Oui, oui, je comprends.

M. Rodrigue (Norbert): ... sauf qu'on dit que dans certains secteurs, je pense au commerce, par exemple, les femmes dans les pêcheries en Gaspésie, sur le plan de l'embauche, sur le plan de l'organisation du travail, allez voir ce que ça donne. Elles n'accrochent pas pour rien leur contremaître au poteau de temps en temps pour lui dire: C'est assez. Il y a des manoeuvres extraordinaires là-dedans.

Dans le vêtement... Aussi... Monique me signale qu'il y a des secteurs où les femmes sont absentes d'une façon totale. Il faut, sur ce plan-là, voir comment on peut empêcher ou corriger la discrimination dès le départ, dès l'embauche, etc. Alors, il faut ouvrir des perspectives et notre contribution à cette commission parlementaire se fait dans cet esprit-là. Ouvrir des perspectives nouvelles pour faire en sorte de corriger la situation. Monique.

Le Président (M. Gagnon): Mme Simard.

Mme Simard: C'est-à-dire que tous les secteurs nous semblent prioritaires. Les problèmes sont différents. Dans certains secteurs, c'est l'absence totale de femmes, je prends la métallurgie, par exemple, le papier, la forêt... Dans d'autres secteurs, le secteur des services privés, par exemple, ce n'est pas nécessairement un problème à l'embauche, c'est un problème de "ghettoïsation" à l'intérieur de ces secteurs, des emplois dévalorisés où les salaires et les conditions sont très mauvais.

Donc, dans l'esprit où on dit: II y a des programmes et le contenu doit être déterminé par les travailleuses et les travailleurs, c'est qu'ils connaissent ces secteurs-là et voient véritablement les obstacles réels dans leur propre secteur, dans leur entreprise.

Donc, selon le secteur, il y aura des moyens différents et des problèmes différents.

Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre, juste avant de vous céder la parole, pour permettre peut-être à des gens qui attendent ici d'aller souper en attendant, je dois donner l'ordre des groupements que nous allons entendre.

Après la CSN, ce sera l'Université de Montréal, le Réseau d'action et d'information pour les femmes, le Regroupement des aveugles et l'Association de paralysie cérébrale du Québec. Je présume que les deux derniers, au moins, auraient sûrement le temps d'aller manger en attendant et auront le temps de revenir aussi. Est-ce qu'on s'est entendu?

M. Bédard: M. le Président, s'il arrive quelque chose d'inattendu, j'avais un engagement de programmé, j'ai demandé qu'on le retarde, je vais avoir ma réponse dans quelques minutes.

Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre d'État à la Condition féminine.

Mme Marois: On a parlé - mes questions vont reprendre un petit peu certains éléments que le député de D'Arcy McGee présentait - de masse salariale ou de masse d'argent devant revenir ou pas dans le cas où il y avait eu constat par exemple d'inégalité de salaire ou de fonction, d'emploi de même valeur ou l'équivalent. Imaginons qu'on se pose la question, à partir du moment où on fait le constat que cela n'existe pas. La charte ayant été appliquée jusque dans sa lettre et dans son esprit, cela n'existe pas. Il n'y a pas de distinction, donc, travail d'égale valeur, etc. Là, on tombe à une autre question que Mme Simard soulevait tout à l'heure, l'absence complète dans certains secteurs de femmes. Je pense surtout aux femmes ici, mais on pourrait parler aussi des autres groupes qui ont été mentionnés. Dans cette perspective, on va parler de nombre, de proportion de travailleuses sur un certain nombre de temps pouvant être intégrées. Vous y allez très clairement, à partir des objectifs, des échéanciers, etc.

À ce moment, la question qui me vient à l'esprit, il y en a de différents ordres, je vais toutes les aligner, on vous a passé du papier, vous allez pouvoir les prendre en note, est-ce qu'il n'y a pas un risque de conflit d'intérêts dans la mesure où les marchés du travail que veulent conquérir les femmes sont majoritairement occupés par des hommes et dans les cas qui vous concernent par vos propres syndiqués? Vous existez évidemment pour défendre les intérêts de vos syndiqués, c'est très normal, je pense qu'on ne vous le reproche pas, loin de là. Or, les programmes d'action positive ou d'accès à l'égalité, toujours dans le sens que je viens de souligner, représentent l'intérêt d'une

seule partie des membres que vous représentez. Ces programmes risquent souvent donc d'être perçus comme allant à l'encontre des intérêts de la majorité. Considérant tous les enjeux internes que vous vivez, et qu'on sait que vous vivez puisque vous les vivez aussi comme nous sur la place publique, qu'est-ce qui va garantir aux femmes que les syndicats vont défendre et peuvent défendre leurs intérêts dans l'élaboration et la mise en oeuvre de ces plans d'accès à l'égalité?

Il y a une autre chose, et je pense entre autres à un groupe qui est venu ici, qui s'appelle Action travail des femmes, et qui a démontré de façon très convaincante, je pense, que la discrimination dans l'embauche était extrêmement dramatique et donc que les programmes d'accès à l'égalité étaient essentiels à ce niveau. Or, comme syndicat, vous n'êtes pas présentes, si ce n'est par des règles souvent très secondaires, dans les conventions à l'embauche? Quel serait le rôle des syndicats à ce moment dans un plan d'action ou d'accès à l'égalité qui voudrait aborder la question de l'embauche. Je vais finir en me reportant à la page 8 de votre mémoire où vous reprenez en synthèse vos recommandations, et vous me dites si je me trompe ou pas, si je fais erreur ou pas. Vous dites:

Nous recommandons que ces programmes soient obligatoires, et vous définissez dans quel contexte, on y est venu tout à l'heure; qu'ils soient sous la responsabilité de la Commission des droits de la personne qui aura comme tâche, d'indiquer les entreprises, d'indiquer les résultats, les bassins de main-d'oeuvre, etc. Par la suite, vous parlez de programmes négociés par les syndicats et l'employeur et, là où il n'y a pas de syndicat, par un comité d'action positive nommé et composé par les travailleurs et les travailleuses. Vous ajoutez en plus un droit de veto. Est-ce que c'est contradictoire par rapport à ce que vous dites, d'une part, à savoir que cela devrait être la commission qui impose les programmes à la suite de l'évaluation d'une discrimination ou une discrimination systémique qui a été fondée et vous dites ensuite: Le droit de veto et la négociation à l'intérieur de ça. Est-ce que c'est contradictoire ou logique. Si c'est logique, vous allez m'expliquer pourquoi, parce que je ne comprends pas. Cela va? Le dernier élément qui viendrait toucher cela porte sur la notion de négociation. Est-ce que ce seraient des unités syndicales qui viendraient négocier? Comment cela se ferait-il? J'ai de la difficulté à saisir. Je comprends qu'on a besoin de réfléchir encore là-dessus. On en est tous là aussi. Les centrales auraient-elles des services-supports pour les groupes de syndiqués, hommes ou femmes, qui voudraient négocier de tels programmes d'accès à l'égalité à l'intérieur de leur entreprise? Cela en fait beaucoup, mais ce sont des choses qui me préoccupent beaucoup.

Mme Lee: Je vais commencer et, quand je serai fatiguée, les autres pourront continuer. Première question, qu'est-ce qui garantit aux femmes que les syndicats vont les défendre? Je pense que la meilleure garantie, c'est que notre position sur l'action positive a été discutée au conseil confédéral et adoptée. Les discussions ont eu lieu aussi dans les syndicats locaux. Cela a commencé au mois de juin et cela va continuer naturellement dans le mouvement, mais notre meilleure garantie, c'est de faire comprendre, comme on le fait pour tout ce qui touche la femme, aux syndiqués que les qains des femmes ne sont pas des pertes pour les hommes...

Mme Marois: Pour les hommes, oui.

Mme Lee: ... et que ce ne sont pas les hommes qui ont profité de la discrimination faite aux femmes dans le passé. Je pense que notre meilleure garantie, ce sont les débats qui se font dans nos syndicats et le fait qu'ils ont voté toutes les propositions qu'on vous présente ici aujourd'hui.

Deuxièmement, le rôle des syndicats à l'embauche. Comme vous le constatez, on n'a pas un rôle à l'embauche qui est un endroit idéal pour la discrimination, mais si l'employeur a un certain échéancier et un certain quota, si on veut, ou un certain objectif d'y arriver dans un certain nombre d'années, il va falloir qu'il s'arrange pour mettre sur pied un mécanisme quelconque pour atteindre cet objectif.

Mme Marois: Là, ce serait à la commission de s'assurer que cela se fait à l'embauche et le syndicat n'a pas à intervenir à ce moment-là. Est-ce que c'est ce que je dois comprendre?

Mme Lee: Oui.

M. Bédard: M. le Président, je remercie encore une fois...

Mme Lee: J'ai cinq questions. M. Bédard: Excusez-moi.

Mme Lee: Troisièmement, il y avait quelque chose sur le conflit... Vous voyez un conflit entre...

Mme Marois: Un conflit d'intérêts. Vous avez essayé de me l'expliquer un peu en disant: II y a une volonté qui s'est exprimée de la part des membres. Je suis d'accord. Moi aussi, parfois, j'ai des volontés, mais là, un jour, demain matin, cela arrive.

Je suis dans la situation et les représentations que je dois faire pour permettre des programmes d'accès à l'égalité vont finalement à l'encontre des gens qui sont là qui sont la majorité, par exemple, des syndiqués hommes dans des endroits où il n'y a aucune femme présente. Comment je fais pour que cette volonté se manifeste en gestes concrets? C'est cela, le problème et la notion de conflit d'intérêts à l'intérieur de cela.

Mme Lee: Pourrais-tu répondre, Monique?

Mme Simard: Une apparence de conflit d'intérêts. C'est très vrai que, par exemple, dans un premier coup d'oeil, cela peut y ressembler. Par exemple, 200 hommes disent: On a déjà de la misère à garder nos emplois et, si vous engagez 50 femmes, cela fait 50 hommes de moins. Ce n'est qu'une apparence parce que ce n'est pas vraiment cela. Je profite de l'occasion ici pour répéter qu'une centrale syndicale, cela ne vient pas nécessairement d'en haut. Il y a une position qui a été débattue, qui a été adoptée et le débat se fait dans les 1500 unités de base qui auront chacune à voir le problème spécifique. Améliorer et reconnaître les droits à l'égalité d'un groupe qui peut être minoritaire ne peut jamais aller à l'encontre de l'intérêt majoritaire de ce que représente un groupe de travailleuses et de travailleurs.

Par exemple, entre autres, sur l'organisation du travail, les améliorations au niveau de l'organisation du travail qu'on pourrait apporter dans un certain nombre d'entreprises vont permettre l'accès à certains emplois à des groupes qui ont été discriminés, mais vont aussi avoir pour effet d'améliorer les conditions de travail de l'ensemble des travailleuses et des travailleurs dans une usine. Par exemple, si on dit: Pour que des femmes, des plus âgés, des moins costauds puissent travailler sur telle machine, il faut mettre ce qu'on appelle un "chain block", on va l'installer et cela aura pour effet que les hommes qui travaillent là aussi n'auront plus à soulever, même s'ils l'acceptaient et même s'ils ont mal au dos. On a aussi, dans ce sens, une responsabilité quant à la façon dont on doit aborder le débat dans les syndicats locaux d'arriver à déterminer avec eux des contenus qui collent vraiment.

Mme Marois: ... leur intérêt à eux aussi.

Mme Simard: Je pense qu'il y a un intérêt collectif parce que, comme on dit dans notre mémoire, comment peut-on être libre si ceux qui nous entourent ne le sont pas?

Mme Marois: Droit de veto versus...

Mme Lee: La contradiction que vous voyez et que nous ne voyons pas, c'est que les programmes doivent être obligatoires, mais c'est une obligation d'arriver à une certaine égalité de résultat. Mais on peut arriver à ce résultat de différentes façons. C'est à l'intérieur de chaque unité de travail que les travailleurs et les travailleuses savent comment ça va se réaliser de la meilleure façon. Cela peut être par l'embauche, ça peut être par la mise à pied, ça peut être par un mouvement de personnel.

Mme Marois: Cela peut être à l'intérieur d'une réorganisation technique, comme le soulignait Mme Simard.

Mme Lee: Oui. On voit qu'il peut y avoir matière à négociation; ça peut être négocié de la même façon que n'importe quelle clause avec l'employeur qui peut être contenue dans une convention ou dans une annexe à la convention ou un autre document. On ne voit pas de contradiction entre l'obligation et la négociation.

Mme Marois: Ma dernière question, c'est: Allez-vous offrir des services techniques aux groupes de syndiqués, que ce soient des hommes, des femmes, des handicapés, des autochtones, pour permettre ces négociations et l'implantation de ces programmes?

M. Rodrigue (Norbert): D'abord, je voudrais dire qu'on pense que la commission elle-même doit jouer un certain rôle; on ne le définira pas, mais elle doit jouer un certain rôle dans un genre de support soit éducatif, prise de conscience, etc. Quant à nous, c'est clair qu'il faut mettre des services à la disposition de nos membres et d'autres groupes aussi. Je rappelle qu'à notre centrale - je parlerai au nom de celle-là -déjà, nous avons un service, limité, bien sûr, de la condition féminine. Ce service ne fait pas que donner des conseils techniques dans la préparation des mémoires, il fait de la formation, de la conscientisation, de la négociation, il conseille l'ensemble de nos conseillers syndicaux sur le contenu des conventions quant aux aspects discriminatoires qui peuvent y être contenus, etc. Nous allons continuer à apporter ce support et nous espérons pouvoir l'améliorer.

Mme Marois: Vous avez dit vous-même, par exemple, qu'il pourrait être plus important.

M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr. Mme Marois: Cela va.

M. Rodrigue (Norbert): Je reconnais qu'il pourrait être plus important, mais vous ne nous ferez pas avoir de complexe de culpabilité, d'autre part...

Mme Marois: Je veux que vous en ayez un peu, juste un peu, pour partager avec moi.

M. Rodrigue (Norbert): Oui, je comprends. Le partage, ça dépend comme il se fait. Dans cette circonstance, on ne peut pas demander à un groupe de travailleurs, aussi bien organisé soit-il, de prendre en charge l'ensemble des responsabilités d'une société quand on nous a construit, fabriqué, sur le plan de la conscience, de cette manière. C'est une question de développement de conscience, à notre point de vue, et dans ce cadre on veut jouer le rôle le plus grand qu'on puisse jouer et apporter, bien sûr, concrètement, des accords en termes de support.

M. Bédard: Le droit de veto, vous le maintenez lorsqu'il y a négociation entre le syndicat, par exemple, et l'employeur, qu'il y a clairement une discrimination qui a été constatée et qu'il n'y a pas possibilité d'entente après négociation faite de bonne foi. Est-ce que vous admettez la possibilité qu'un organisme, quel qu'il soit, puisse imposer une solution?

M. Rodrigue (Norbert): On dit que le rapport de forces étant ce qu'il est à l'intérieur d'une usine ou d'une institution, le droit de veto du syndicat... C'est parce que le syndicat n'a pas d'autre moyen de forcer une certaine application de ce qui serait entendu, négocié ou convenu par la commission, la détermination du cadre général, par exemple. Dans cette circonstance, des organismes-recours, soit la commission elle-même ou le tribunal administratif, s'il existait, demeurent des recours. Mais l'employeur ne pourrait pas agir unilatéralement, tout seul, et changer les situations à son gré.

M. Bédard: Reconnaîtriez-vous ce même droit de veto à l'employeur, s'il n'y a pas de...

M. Rodrigue (Norbert): Non, parce qu'on considère qu'il l'a déjà. Il possède tout, il l'a déjà.

Mme Simard: Actuellement, l'employeur peut mettre en place...

M. Bédard: Je vous pose la question pour que ce soit très clair, ça vous permet de réexprimer vos convictions, je pense. Je vous remercie de vos représentations devant les membres de cette commission.

M. Rodrigue (Norbert): Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci à la CSN, M. Rodrigue, Mmes Lee et Simard.

Université de Montréal

J'appelle maintenant l'Université de Montréal, représentée par MM. Paul Lacoste et Jacques Boucher.

M. Boucher (Jacques): M. le Président, je m'appelle Jacques Boucher, je suis secrétaire général de l'université. Le recteur, Paul Lacoste, devait être ici, mais est retenu à Montréal pour cause de maladie. Il vous prie de l'excuser. J'essaierai, du mieux que je peux, de présenter ce mémoire de la direction de l'université. C'est un mémoire de la direction et non pas de l'Université de Montréal. Il est important de le souligner.

Le temps qui nous a été laissé pour travailler sur cette question fort importante ne nous a pas permis de procéder aux consultations auxquelles nous procédons habituellement dans des cas semblables. Il y a cependant eu des consultations informelles, des discussions au niveau de l'assemblée universitaire, au niveau du comité du statut et au niveau du conseil de l'université, mais ce que je vous apporte aujourd'hui, c'est sujet à toutes les modifications, et il y en a eu plusieurs, qui ont été apportées au cours du processus. C'est donc la position de là direction qui n'engage par conséquent pas les autres parties des composantes de l'université.

Le mémoire de la direction porte sur l'âge obligatoire de la retraite. Après les grandes fresques que j'ai entendues, ici, depuis ce matin, notre point de vue vous paraîtra-t-il un peu beaucoup restreint; on s'en excuse. Il nous semblait que cette question était particulièrement importante, surtout à cause du contexte dans lequel on vit actuellement - j'entends le contexte de l'université - en ce qui a trait à l'âge de la retraite et, également - il y a une question de temps - on regrette énormément de ne pas avoir eu le temps de se prononcer sur l'ensemble de la charte. Cependant, nous avons cru pouvoir corriger cette lacune en annexant à notre rapport le texte d'une conférence qui a été prononcée par le recteur, à l'occasion du colloque sur la protection constitutionnelle des droits humains, le 6 mars dernier, et qui contient déjà un certain nombre d'opinions que j'ai déjà entendues, ici, au cours de la journée, notamment sur le fonctionnement, sur la procédure devant la commission.

Si j'avais à résumer - sans retenir trop longuement la commission - notre rapport...

M. Bédard: Sentez-vous très à l'aise, prenez le temps qui vous est imparti, vous

avez pu constater qu'on n'a pressé personne et on ne voudrait pas commencer avec vous.

M. Boucher (Jacques): Si je voulais le résumer, je dirais que nous demandons finalement un moratoire. Inscrire l'âge comme cause de discrimination - non pas seulement l'âge, mais particulièrement l'âge de la retraite - est une question - c'est ce que j'ai essayé de faire valoir à l'autre commission, cet après-midi et c'est ce que je vais essayer de faire valoir devant vous également - une mesure, dis-je, lourde de conséquences, et je pense qu'on n'en a pas mesuré toutes les conséquences.

C'est également une mesure qui, si jamais elle était approuvée, supposerait une modification substantielle, plus que substantielle, le mot n'est pas assez fort, de la philosophie, de l'environnement du monde du travail, dans une institution comme l'Université de Montréal. Mon objectif, ici, c'est d'apporter l'université comme un exemple d'un milieu qui aurait à vivre avec une mesure comme celle-là. Il y a des choses qui nous paraissent certaines, il y en a d'autres qui nous paraissent aléatoires, il y en a certaines sur lesquelles on n'a tout simplement pas de données. C'est la raison pour laquelle je vous dis: Le temps presse peut-être pour ceux qui sont à la retraite et qui ne voulaient pas la prendre, je sais, mais les conséquences sont énormes pour l'ensemble de la société et, particulièrement, pour une institution comme l'Université de Montréal ou les universités en général.

Évidemment, dire que l'âge ne devrait pas être une cause de discrimination, c'est prêcher pour la vertu. Personne va oser se lever pour dire qu'il est contre une chose comme celle-là, sauf que, quand on examine la chose d'un peu plus près, on se rend compte, par exemple, que l'Ontario - ils ne sont pas les seuls - qui a inclus dans sa charte l'âge comme cause de discrimination, a été obligé d'ajouter un nombre très considérable d'exceptions de toutes sortes, y compris cette question de l'âge de la retraite inscrit dans les fonds de retraite, après avoir dit très haut que l'âge est une cause de discrimination. Finalement, encore une fois, on l'affaiblit considérablement à travers toutes sortes de mesures et, notamment, dire que 65 ans ou peu importe l'âge, dans un fonds de retraite, est un âge obligatoire de mise à la retraite, cela n'est pas discriminatoire.

Je ne suis pas certain que, même si on était d'accord avec le principe de l'âge de la retraite obligatoire, il faille l'inscrire comme tel dans la Charte des droits et libertés de la personne. Encore une fois, l'âge du mariage, l'âge pour le permis de conduire, les projets - on va en parler tout à l'heure -pour favoriser les jeunes chercheurs, l'âge est une notion importante. C'est un fait dont il faut tenir compte. Il y a des choses qui sont abusives et on sait qu'on devrait ou qu'on pourrait faire quelque chose. Dire comme cela, de but en blanc, que l'âge ne doit pas être une cause de discrimination, je ne suis pas certain qu'on ait vraiment bien fait avancer le débat. Je me demande sérieusement s'il ne faudrait pas reculer.

Il est clair que la retraite a des conséquences graves pour les individus. Pour certains, c'est l'âge du début de la belle époque où, enfin, on n'a plus le travail sur les épaules et où on fait, pour une fois, ce qu'on veut. Pour d'autres, c'est effectivement le début d'une période difficile, de pénurie, de solitude, de diminution physique et surtout de sentiment d'être rejeté. Il ne s'agit pas de nier une chose pareille.

En voulant corriger les abus d'une retraite obligatoire, je me demande s'il ne faudrait pas se garder, en apportant des correctifs à ces maux, de créer, pour les autres secteurs de la société, pour les autres classes d'âge, pour les collègues de travail, pour les étudiants dans le cas des institutions d'enseignement, pour les personnes âgées elles-mêmes, plus de problèmes que ceux qu'on s'efforce de régler.

Vous savez sans doute que le Congrès américain, tout récemment, adoptait une loi qui repoussait l'âge de la retraite de 65 à 70 ans pour les institutions à caractère public, les institutions fédérales, mais qu'il excluait ou qu'il retardait l'application de cette loi pour les professeurs d'université. Il y a déjà une exception. Il y a déjà, chez nos collègues américains, la reconnaissance qu'il y a peut-être quelque chose d'un peu spécial dans cette catégorie de travailleurs qui fait qu'en tout cas, on les a exclus temporairement.

Mon propos ici n'est pas de demander un statut particulier pour les professeurs d'université, pas du tout. Je ne demande pas un moratoire pour l'université, encore moins pour l'Université de Montréal. Mais j'essaie de vous amener à réfléchir un peu, à partir de notre exemple, sur les conséquences qui pourraient s'ensuivre.

Dans le mémoire que vous avez sous la main, on parle des fonctions de l'université. On sait que les fonctions essentielles de l'université, ce sont l'enseignement et la recherche, c'est-à-dire la transmission des connaissances, mais aussi le renouvellement des connaissances, la critique des connaissances, la créativité, la publication. C'est cette espèce de brassage continuel qui fait que l'université peut jouer son rôle.

Évidemment, tout le monde, chacun des professeurs ne joue pas toutes ces fonctions au même titre. S'il y a un cycle dans la vie d'un chercheur d'une très grande productivité au début et si l'expérience compense pour un certain ralentissement dans certains cas de

la créativité, il y a des gens qui, effectivement, sont encore très créateurs, très créatifs et inventifs et critiques à 70 ans; il y en a qui, déjà, à 40 ans, ne le sont pas ou ont cessé de l'être. Je reconnais que la créativité n'est pas nécessairement liée avec l'âge. Il reste quand même que vous me demanderiez, dans votre secteur... Regardez l'ensemble - je viens de la faculté de droit -des professeurs et il y en a qui ont 50, 60 ou 65 ans et qui sont encore extrêmement créatifs. (18 heures)

C'est également vrai, par ailleurs, qu'il y a une pression qui s'exerce, à cause du système, sur les jeunes professeurs, à publier, à remettre des choses en cause, qui ne s'exerce plus sur les plus anciens. L'effet général? Je ne le connais pas. Je ne peux pas vous affirmer que les professeurs de 55 ou 60 ans sont moins créateurs ou créatifs que ceux de 30. Je peux avoir des préjugés, je peux émettre des hypothèses, des exemples, mon pif peut jouer. Je sais qu'à un moment donné les gens commencent à ralentir et qu'ils sont moins créateurs, c'est un fait. Mais où est-ce que cela se situe? Je ne le sais pas.

De dire, par ailleurs: On va supprimer l'âge de la retraite, je pense que cela peut avoir des conséquences sérieuses en termes de créativité, peut-être pas sur les individus pris individuellement, mais il faut que nous, comme institution, nous tenions compte d'une espèce d'équilibre entre les différentes fonctions. Si je me trouve dans un corps professoral qui vieillit, qui est rendu à 50 ou 55 ans comme moyenne d'âge, je commence à m'inquiéter.

Tous les administrateurs universitaires s'inquiètent de ce phénomène du vieillissement du corps professoral qui n'est pas dû à la question de l'âge de la retraite obligatoire ou pas obligatoire. C'est un fait, c'est un phénomène qu'on connaît déjà.

Mais la limite de 65 ans n'étant plus là pour l'âge de la retraite, ça ne fait qu'ajouter à un problème qui est déjà aigu, selon certains. D'autres disent: Mais non, il n'y a pas de problème, les gens sont aussi créateurs et productifs à la fin de leur carrière que... Mais on n'a pas de données là-dessus. On a commencé à faire des compilations, on a commencé à essayer de faire des corrélations, mais on n'a pas encore de données là-dessus.

Dans le cadre des restrictions budgétaires que le gouvernement impose aux universités actuellement, il faut reconnaître une chose: nous ne pouvons plus créer de nouveaux postes, c'est clair. Les rares nouveaux engagements que nous pourrons faire se feront vraisemblablement en grande partie à même les mises à la retraite à 65 ans, c'est ce que nous espérons.

Les départs normaux ne sont pas considérables. On m'a posé des questions sur la mobilité du corps professoral. Le corps professoral n'est pas très mobile et je pense qu'il l'est d'autant moins que l'âge augmente. De sorte que dans le cas des coupures, une de nos petites marges de manoeuvre, c'était précisément ces départs dus à la retraite, évidemment, vous allez me dire: Ce n'est pas aux vieux professeurs de porter le poids de ces coupures-là. Je le sais, mais il reste quand même que comme institution, ça nous pose un problème très sérieux.

Il faudra éventuellement, si la loi est adoptée, soit via la charte, soit via la loi no 15, garder des professeurs qui ont 65, 66 ou 67 ans, qui sont peut-être excellents, mais qui représentent pour nous des postes qu'on est obligé de fermer à des jeunes Ph.D. qui n'attendent qu'une chose, c'est d'entrer à l'université, et à qui il faudrait dire non parce que 10%, 15%, 20% ou 30% des professeurs qui auront atteint l'âge de la retraite auront décidé de continuer et de se prévaloir des dispositions soit de la charte, soit de la loi.

On ne sait pas combien de professeurs vont s'en prévaloir, c'est la grande inconnue, mais ça aussi c'est une question... Ce sont les raisons pour lesquelles on vous dit: Écoutez, ce n'est peut-être pas nécessaire de se presser tant que ça. Essayons de mesurer ça. Il y a sûrement des choses qui se sont faites ailleurs.

Une enquête a été faite à l'Université de Montréal en 1980 qui laissait entendre que les professeurs, dans l'ensemble, voudraient prendre leur retraite plus ou moins à 65 ans. Seulement, quand on regarde les détails du questionnaire, on se rend compte que s'il y en a plusieurs qui ont dit: Avant 65 ans ou à 65 ans... Avant 65 ans, sans diminution actuarielle... C'est facile de répondre oui dans ces conditions-là. Ce dont ne parle pas l'enquête en question, c'est des secteurs. Si tous les professeurs, disons, dans les mathématiques, par hypothèse, ont décidé qu'ils resteraient jusqu'à l'âge de 70 ans, quels que soient les motifs, soit parce qu'il y a moins d'étudiants, soit parce qu'on est plus productif en mathématiques jusqu'à l'âge de 70 ou 75 ans, dans le département de mathématiques, ça pourra causer des problèmes. On est en face d'un département qui peut-être se sera coupé de toute source de recrutement pendant plusieurs années.

En somme, à la question: Le report de l'âge de la retraite aura-t-il un effet significatif sur les problèmes posés par le vieillissement du corps professoral, qu'on constate déjà, vous avez des chiffres ici qui montrent que la proportion des professeurs de 50 ans et plus a doublé de 1976 à 1981, ça fait cinq ans, tandis que celle des moins de 40 ans a diminué plus ou moins de moitié de 1976 à 1981. Il y a un problème de vieillissement dans le corps professoral.

Dans une institution comme la nôtre, la mesure et la conséquence sur la productivité, sur le rôle de l'université, varient selon qu'on est pessimiste ou qu'on est optimiste. Il y en a qui disent: II n'y a pas de problème. Vous pouvez continuer à vieillir comme ça sans que cela n'affecte le rôle de l'université. D'autres vont dire: Écoutez, et c'est plutôt le son de cloche que moi j'ai entendu depuis déjà plusieurs années, les autorités universitaires s'inquiètent de ce vieillissement dans les milieux de chercheurs, dans les milieux où la créativité est importante.

L'autre aspect sur lequel notre mémoire insiste, c'est la question de la permanence. Un professeur est actuellement permanent jusqu'à l'âge de sa retraite, c'est-à-dire depuis son agrégation, qui se passe habituellement au bout de cinq ou six ans après son engagement, et jusqu'à l'âge de sa retraite. Est-ce que le professeur, dans l'éventualité où on reporterait l'âge de la retraite de 65 ans de façon indéfinie, va garder sa permanence avec tous ses privilèges? C'est relié à l'autre question que je mentionne et qui s'appelle la retraite dans la dignité. La retraite obligatoire à 65 ans, je sais, est injuste pour certains. Elle nous fait perdre d'excellents professeurs. Remarquez que notre façon à nous de les récupérer, c'est qu'il y a un règlement de l'université qui permet de les rengager d'année en année pour une période allant jusqu'à l'âge de 70 ans. Ensuite, beaucoup de professeurs qui ont pris leur retraite sont rengagés comme chargés de cours d'une façon ou d'une autre, ce qui leur permet finalement de rester actifs intellectuellement et de se réinsérer dans le circuit.

Il y a déjà des mesures qu'on prend. Mais la retraite à 65 ans obligatoire pour tout le monde a au moins un avantage, c'est qu'elle permet à celui qui s'en va de partir dignement. Je me permets d'insister sur cette question: je crains que, si on instaure une mesure de discrimination en vertu de l'âge et qu'on fasse sauter indéfiniment le plafond de 65 ans, on crée un problème pour les vieux ou les retraités encore plus grave. Je pense que c'est une illusion - je vais parler franchement - M. le Président, de faire croire à la population que le travailleur va être le seul maître de décider le moment où il va prendre sa retraite.

Ce n'est pas un geste qui peut se prendre absolument unilatéralement, comme on le laisse entendre. C'est un geste, dans certains cas, c'est déjà le cas aussi, qui est l'objet d'une négociation, de pressions plus ou moins fortes: Tu devrais peut-être t'en aller avant un certain temps, etc. Le système à 65 ans a au moins ceci: C'est que cela permet de partir, encore une fois, avec le tapis rouge, la montre en or, si ça se distribue encore, une grande tape dans le dos: Monsieur, vous avez fait un bon service. L'alternative, dans le système actuel, c'est: Monsieur, vous avez 65, 64, 63, 67, 68 ans, vous n'êtes plus bon. "Out". Je vous avoue -je ne suis pas encore là - comme un administrateur de l'université, que poser ce geste envers un professeur qui est dans la maison depuis 35 ans, cela ne se fait pas, on ne fait pas cela.

Moi, je vous avoue que je ne voudrais pas me le faire dire à 65 ans. Je préférerais me faire dire: Salut, et, effectivement, me faire rengager. Il y a un problème sérieux. Notre système, c'est ou la retraite obligatoire ou le renvoi pour cause. Évidemment, il y a des options et notre rapport en parle. Les options, on est encore dans les balbutiements de ce côté, les retraites progressives, toutes sortes d'accommodements qu'on peut faire. Mais je vous avoue que si vous nous disiez, du jour au lendemain, que, le 1er janvier 1982, il n'y a plus de clause d'âge de retraite, je ne sais pas comment on ferait pour aménager la situation. Ce n'est pas énorme, d'ici à 1985 ou 1986, il y aura à peu près une vingtaine de départs à l'âge de 65 ans. Mais, à partir de 1985 ou 1986, la masse des professeurs qu'on a engagés dans les années soixante, dont le député de D'Arcy McGee et moi-même, cela va commencer à tomber à raison de plusieurs dizaines par année et à ce moment, cela va poser des problèmes sérieux. Quel va être l'impact de tout cela, avec quelle sorte de système? On peut toujours dire: On va donner des postes administratifs à un vieux, deux vieux professeurs. Mais quand on a créé un adjoint au recteur et un deuxième adjoint au recteur, un adjoint au doyen et un deuxième adjoint au doyen, on atteint vite la limite, ceci dit avec humour, mais en même temps pour signaler un problème réel. C'est souvent ainsi que cela se passait. Le phénomène massif des mises à la retraite à partir de 1985 ou 1990 va nous causer des problèmes sérieux, c'est clair. Je l'isole dans mon plaidoyer pour vous dire qu'on n'est pas contre à tous crins. Je vous dis qu'on est inquiet. C'est le message de la direction de l'université. On voit, à première vue, beaucoup d'objections et cela nous inquiète encore une fois, mais on ne vient pas vous dire: Non, n'adoptez pas une loi comme celle-là, sauf qu'on vient vous dire: Au moins, prenons le temps d'examiner la situation comme il faut, n'ayant pas l'impression qu'on s'est donné le temps pour l'examiner.

Les professeurs d'université ne sont pas les seuls à poser des problèmes au moment de la retraite. Un secrétaire général, un directeur de service qui n'a pas de mandat, qu'en fait-on? S'incruste-t-il dans son poste? Est-il maître de rester là jusqu'à l'âge qui lui plaît? Je ne dis pas que, parce qu'il y a

cette objection, il faut balayer le projet, mais vous voyez que cela oblige une institution comme la nôtre - c'est le même problème pour le gouvernement - à repenser tout son système de dévaluation et de promotion. Vous nous diriez: On va faire cela le 1er janvier 1982, je vous dirais: Je ne sais pas où on va trouver les solutions.

Les budgets de fonctionnement et les avantages sociaux, il va falloir repenser tous ces trucs, le fonds de retraite, l'assurance-santé, l'assurance-salaire, etc., alors qu'on n'a pas ou peu d'expérience de ce côté, qu'on ne sait pas combien de professeurs vont s'en prévaloir, etc. Il est évident que seulement sous cet aspect, seulement comme devoir à faire, il y a une tâche énorme et considérable à laquelle on n'est pas prêt tout de suite. Cela me paraît clair.

Le mémoire insiste sur les tendances sociales actuelles. J'avais compris depuis plusieurs années - et personnellement, je m'en réjouissais - que la tendance sociale était d'avancer l'âge de la retraite, société des loisirs, adaptation plus grande. C'est plus facile de s'adapter à la retraite, de refaire une deuxième carrière à 50 ou 55 ans qu'à 65 ou 70 ans. Il y a des choses qu'on n'a pas pu faire quand on avait 40 ans et qu'à 50 ans on est encore capable de faire. À 65 ans, on commence à être un peu plus fatigué. J'avais compris naïvement que la tendance était à l'abaissement de l'âge de la retraite et je me demande tout simplement si ce projet n'est pas un peu à rebours par rapport à la tendance sociale. Je comprends que l'inflation n'est pas ce qu'elle était. Je comprends que les caisses de retraite ne sont plus ce qu'elles étaient non plus. Il y a des problèmes économiques graves autour de cela, je le sais. Mais, pour régler les problèmes des caisses de retraite ou de l'inflation, je me demande si on ne crée pas plus de problèmes qu'on veut en régler. D'ailleurs, sous cet aspect, l'université n'est pas seulement un employeur, mais elle forme des jeunes diplômés et ces jeunes diplômés entrent sur le marché du travail. Il est clair que cette fois-là, comme fournisseur du service qui s'appelle diplômés, voir une mesure comme celle-ci qui risque de rendre encore plus difficile le marché du travail, alors qu'il est déjà difficile, m'inquiète. Encore une fois, il est possible que nos projections pessimistes se révèlent tout à fait farfelues et qu'au contraire les mesures comme celles qu'on présente vont accélérer l'âge de la retraite. Je ne le sais pas, mais dans la mesure où cela pourrait - et ce n'est pas impossible - engager un certain nombre de personnes, qui auraient normalement dû prendre leur retraite à 65 ans, à la prendre à 67 ans ou à 70 ans, cette fois, comme fournisseur de diplômés, je vous dis que cela me gêne et cela me gêne considérablement, parce que j'ai une responsabilité à l'égard des jeunes que je forme qui auront encore plus de difficulté à se trouver du travail qu'auparavant. (18 h 45)

Une dernière remarque, M. le Président. Je me demande également si d'autres politiques gouvernementales ne viendraient pas en conflit avec cela. Vous allez me dire que cela ne pèse pas tellement lourd comme argument, mais, en tout cas, je l'apporte pour ce qu'il vaut. Le ministère de l'Éducation via les fonds FCAC, depuis au-delà de dix ans, investit des millions de dollars pour former des jeunes chercheurs qui vont devenir eux-mêmes de jeunes professeurs. Dans la mesure où le recrutement des jeunes professeurs pourrait se trouver diminué par une mesure comme celle-ci, je me demande si ça ne viendrait pas en contradiction avec d'autres choses coûteuses, louables et que fait le gouvernement.

En conclusion, M. le Président, en voilà assez, selon nous, pour nous convaincre que l'amendement à la charte des droits et la loi 15 sont prématurés. Il faut que le gouvernement, qui, à bien des égards, est dans une situation semblable à celle des universités, se donne et nous donne un temps de réflexion avant d'adopter un changement chargé d'autant d'incertitudes et aussi lourd de conséquences. Voilà pourquoi nous répétons qu'il est essentiel qu'on accorde un moratoire sur cette question de la charte.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Boucher.

M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je remercie M. Boucher de sa communication aux membres de la commission parlementaire. Tel qu'il nous l'a fait remarquer au début de son exposé, il a eu l'occasion, cet après-midi, de rencontrer les membres de la commission parlementaire qui ont à étudier le projet de loi spécifique concernant l'abolition de l'âge de la retraite. Je ne doute pas qu'on retrouvera sensiblement l'essentiel des inquiétudes dont vous avez informé les membres de la commission. Avec raison, vous parlez de modifications substantielles dans les habitudes sociales, peut-être même dans les mentalités.

Vous nous dites également qu'il y a effectivement des situations abusives qu'il faut corriger. Vous faites état de vos inquiétudes concernant l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire et vous nous parlez de situations abusives. Est-ce que vous pourriez informer les membres de la commission jusqu'où vous a poussés votre réflexion au niveau des moyens qui pourraient être mis de l'avant afin de corriger les situations dont vous parlez? En ce qui a trait à l'une des conséquences de cette mesure, je comprends

que, ici, on n'a pas d'expérience au niveau de la société québécoise, étant donné la disposition qui existait. On n'a pas l'expérience nécessaire pour savoir ce que ça donnerait si on mettait fin à cette situation, mais il y a quand même des mesures de cette nature qui ont été adoptées par d'autres pays, d'autres communautés.

On nous a dit qu'une des conséquences qu'on anticipe, c'est que beaucoup de personnes, rendues à 65 ans, continuent à travailler même si les capacités pouvaient être diminuées pour certaines, mais que cette situation n'est pas aussi inquiétante qu'elle peut paraître. On nous laisse entendre, par exemple, que, là où il y a des dispositions de cette nature qui ont été adoptées, ça n'a pas empêché les gens de prendre leur retraite à 65 ans et que ce n'est qu'un nombre infime de personnes qui ont cru bon de continuer à oeuvrer. Pourriez-vous nous donner un peu plus de détails?

M. Boucher (Jacques): C'est délicat, M. le Président. Je sais, on m'a dit que, dans les pays Scandinaves ou ailleurs, des expériences ont été faites dans ce sens. Effectivement, c'est 5%, 10% de ceux qui atteignent l'âge de la retraite, quel que soit l'âge, qui décident d'aller au-delà. Remarquez qu'il n'est pas impossible, par ailleurs, qu'avec la période d'inflation galopante qu'on connaît actuellement le chiffre de 5% à 10% soit plus élevé. Ce n'est pas impossible que la situation change.

On ne le sait pas, dans le milieu universitaire québécois, comment les intellectuels vont se comporter. Il y a un problème de quantité et il y a un problème de qualité. On a quand même eu quelques expériences dans les deux sens. On sait que, pour certains professeurs, surtout ceux qui ont des laboratoires - moi, comme professeur de droit, si je m'en retourne chez moi, j'ai encore une bibliothèque, j'ai encore tout ce qu'il faut pour travailler, il n'y a pas de problème énorme; évidemment, il me manquera le milieu, mais je pourrai toujours m'arranger pour m'intégrer à une équipe de recherche ou quelque chose du genre - avec des éprouvettes, etc., quand ils ne les ont plus, ils ne les ont plus, ils ne peuvent plus travailler.

L'université effectivement, depuis plusieurs années, à l'égard de ses professeurs qui prennent leur retraite, continue à leur donner accès à leur laboratoire, mais il est clair que l'âge de la retraite obligatoire a été un vrai drame, c'est évident. D'autant plus dramatique - je pense qu'il faut faire quelque chose de toute façon en face de ça - qu'ils n'étaient pas prêts à le faire, qu'ils ne se sont pas préparés, personne ne les a préparés et, à un moment donné, ils ont enfilé dans le moulin.

Par ailleurs, on a eu aussi d'autres cas dramatiques de gens qui ne voulaient pas prendre leur retraite, qui auraient pu la prendre dans la dignité et qui ont forcé l'université à leur dire: Monsieur, non. Ne m'en demandez pas plus, mais on a vécu des cas vraiment très pénibles.

M. Bédard: Je me limiterai à cette question, M. le Président, parce que bien d'autres questions ont été adressées à M. Boucher, lors de sa "comparution" devant la commission parlementaire concernant le projet de loi qui est déjà déposé devant les membres de l'Assemblée nationale; j'en prendrai connaissance et, pour ne pas faire répétition, je me limiterai aux questions que j'ai déjà posées.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Tout ce que je peux dire, c'est que presque tous les intervenants qui ont comparu devant la commission étaient d'accord pour qu'on inclue l'âge comme motif de non-discrimination dans l'article 10. Vous avez soulevé un problème tout à fait spécial en ce qui concerne l'université. Comme vous l'avez souligné, dans la législation fédérale américaine, on a fait exception pour les universités. Je pense que le ministre devrait le prendre en considération. Si je comprends bien votre demande, c'est une demande en ce qui concerne l'âge de la retraite pour des universitaires. Pour tout le monde?

M. Bédard: C'est ce que j'ai compris.

M. Boucher (Jacques): Non, je ne demande pas un régime d'exception pour les professeurs d'université.

M. Bédard: Non, d'ailleurs, on ne pourrait pas faire un régime d'exception.

M. Marx: Personnellement, je vois des gens qui travaillent dans des usines d'automobiles ou des agents de la paix. À 65 ans, ils vont prendre leur retraite bien vite, parce que même, il est rare qu'il y ait un agent de la paix qui atteigne l'âge de la retraite dans le même établissement, faisant le même travail, donc il veut que ce soit baissé et non pas augmenté. Mais le milieu universitaire est un milieu assez spécial et quelqu'un peut rester après 65 ans ou 70 ans. Dans d'autres domaines, je vois mal qu'il y ait beaucoup de monde qui décide de rester après 65 ans; même les gens réclament que l'âge de la retraite soit ramené à 60 ans ou à 55 ans, etc. Donc, même si vous ne réclamez pas un régime spécial, peut-être faut-il l'examiner dans ce sens.

M. Bédard: Ce sont deux ordres de préoccupation que vous et d'autres groupes nous avez énoncés. Premièrement, il y avait le facteur suivant, à savoir que si on inclut l'âge dans la Charte des droits et libertés de la personne, comme motif de discrimination, il faudrait y aller d'une série de dérogations ou d'exceptions qui, au bout du compte, peuvent avoir comme conséquence d'atténuer grandement ce qu'on voudrait faire au niveau des principes.

Il y a également certaines préoccupations au niveau des impacts financiers qui ont été évoquées devant les membres de cette commission.

M. Marx: Mais c'est curieux que, dans la charte fédérale proposée, il y ait l'âge comme motif de non-discrimination. C'est là, il n'y a aucune exception. Si je me souviens bien, ils ont entendu beaucoup de groupes et tout le monde était en faveur de cela. Au Québec, au Canada, il y a un mouvement et un sentiment d'inclure l'âge comme motif de non-discrimination et je pense que cela a commencé avec le rapport du Sénat sur l'âge de la retraite. C'est difficile, parce que, si tout le monde veut cela, c'est difficile pour les politiciens de dire non. Si tout le monde est d'accord pour qu'on inclue l'âge comme motif de non-discrimination, c'est difficile...

M. Bédard: II faut mesurer l'évolution qu'on peut constater du point de vue social par rapport à la question de l'âge. Il y a dix ou quinze ans, c'étaient plutôt des représentations qui se faisaient dans le sens de demander la retraite obligatoire après 65 ans pour des motifs très 'humains. Au moment où on se parle, c'est la tendance contraire. Enfin, je pense que ce sera le travail des membres de la commission d'essayer d'évaluer, à sa juste mesure, l'essentiel des représentations qui nous ont été faites.

M. Marx: Personne n'est venu devant la commission pour demander qu'on n'inclue pas l'âge de la retraite. Les gens sont venus pour dire de ne pas inclure l'âge pour toutes sortes d'autres raisons. Personne n'est venu pour nous dire...

M. Bédard: II y a des nuances qui ont été apportées.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, mais M. Boucher avait demandé la parole.

M. Boucher (Jacques): Je me sens un peu beaucoup mal à l'aise, M. le Président, aujourd'hui, de venir présenter une chose comme celle-là. Jamais dans ma vie je ne me suis senti aussi à contre-courant, à deux commissions de suite d'ailleurs. Ce n'est pas très rassurant.

Ce qui m'étonne dans tout cela, c'est qu'il y a une différence sensible entre les discours officiels. Le rapport du Sénat, le Bureau international du travail, toutes les ligues, toutes les commissions, etc., nous disent que le principe général, c'est pas d'âge, pas de retraite, liberté complète. Je choisis peut-être très mal mes amis ou mes interlocuteurs, mais tous ceux avec qui j'ai parlé de cette question depuis le moment où on en parle, depuis deux ou trois mois, peut-être depuis un an que je me préoccupe un peu plus de cette question, tous ceux à qui je parle, au niveau officieux, me disent tous, les uns après les autres: Cela n'a pas d'allure; j'ai tel problème, j'ai tant d'ouvriers; s'il faut que je ne sois plus capable de m'en "débarrasser" par l'âge de la retraite, qu'est-ce que je vais faire? Tous ces gens-là disent aussi: Mais, d'un autre côté, je ne peux pas aller dire cela devant une commission aussi noble que celle-ci, etc. Il y a deux niveaux de discours. Cela me gêne. Je ne sais pas si tout cela va être pris en note.

Des voix: Ah!

M. Bédard: Vous avez le mérite de venir témoigner - c'est sûrement le sentiment de tous les membres de la commission - de bonne foi et de nous faire part des inquiétudes que vous ressentez.

Le Président (M. Gagnon): M. Boucher, les membres de cette commission vous remercient pour votre mémoire.

RAIF

Nous allons entendre maintenant le

Réseau d'action et d'information pour les femmes. Mme Céline Tanguay, est-ce que c'est vous?

Mme Tanguay (Céline): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît!

Mme Tanguay: Mme Marie-Andrée Vinet va vous présenter... (19 heures)

Mme Vinet (Marie-Andrée): Oui, si vous me permettez, je vais vous présenter les membres du RAIF ici présentes ce soir. À ma gauche, Marie-Gabrielle Paquet, Judith Sauvé; à ma droite, Céline Tanguay, avec qui je vais partager la lecture du mémoire, et Marcelle Dolment.

Mme Tanguay: Le Réseau d'action et d'information pour les femmes est heureux de voir que le gouvernement a décidé de modifier la Charte des droits et

libertés de la personne, cette charte si fondamentale pour la vie d'une société saine.

Un fait demeure cependant: la charte, qui devrait couvrir les situations vécues par toutes les catégories de personnes dans la société, ne s'est pas préoccupée des droits qui sont spécifiques à la moitié des personnes qui la composent, les femmes, celles qui ont le rôle biologique de perpétuer cette société.

Ainsi, le droit fondamental de la femme à disposer de son corps et la discrimination qu'elle vit en état de grossesse n'ont pas été reconnus. En outre, le législateur n'a pas su déceler la cause des situations de fait injustes vécues par les femmes, ni les corriger, tel le manque de ressources économiques total que comporte trop souvent l'existence des femmes. Même l'organisme responsable au premier chef de cette charte, la Commission des droits de la personne, ne semble pas tenir compte, dans les propositions dont nous avons pu prendre connaissance, des carences que nous venons de souligner.

Nous reviendrons sur les propositions qui pourraient corriger l'injustice faite aux femmes pour que cette charte protège adéquatement les droits fondamentaux de tous les individus d'une même société.

Pour le moment, nous aimerions aborder les modifications que la Commission des droits de la personne a rendues publiques.

Amendements suggérés par la

Commission des droits de la personne. Nous entérinons les positions suivantes:

L'ajout de l'âge comme motif interdit de discrimination et, plus spécifiquement, lorsqu'il est appliqué à l'âge de la retraite.

L'amendement de l'article 83 de la charte, qui requiert le consentement écrit de la victime pour que la commission procède devant les tribunaux, afin de permettre le recours collectif.

La suspension des règles habituelles de la prescription - deux ans - lorsqu'une plainte est déposée à la Commission des droits de la personne.

La réclamation de pouvoirs et de moyens accrus pour la commission, qui ne peut actuellement jouer pleinement son rôle.

L'action positive. Ce type d'action est un programme essentiel pour améliorer le fonctionnement économique d'une société qui veut fournir à ses membres une certaine qualité de vie. Les revenus qu'apportera forcément l'application de ces programmes stimuleront l'économie, car les femmes investissent surtout dans des biens générateurs d'emplois plutôt que dans des services, de la capitalisation ou des loisirs luxueux - restaurants, hôtels, jeux, courses -ou même nocifs - pornographie, boisson, prostitution.

L'imposition sur ces revenus augmentera substantiellement les fonds de l'État, ce qui se traduira en de meilleurs services pour toute la population.

L'inclusion d'un plus grand nombre de femmes dans les prises de décision équilibrera mieux les politiques d'ensemble, aspect non négligeable des effets de l'action positive.

D'autres propositions demanderaient quelques changements. Nous sommes d'accord sur l'abrogation de l'article 97 de la charte qui permet la discrimination dans les avantages sociaux - régimes de rentes, de retraite, assurances ou autres - quand cette discrimination est fondée sur le sexe ou l'état civil.

Mais, en ce qui a trait au transfert d'avantages sociaux, notre position diffère sensiblement de celle de la commission.

Nous estimons qu'il n'y a aucune raison de payer des avantages sociaux à des personnes pouvant subvenir elles-mêmes à leurs besoins, qu'elles soient ou non liées au cotisant ou à la cotisante.

Par ailleurs, si ces personnes sont des femmes qui sont d'une génération où la société les a lésées dans leurs droits à pourvoir elles-mêmes à leur sécurité financière, elles doivent bénéficier de ces transferts qui deviennent une sorte de compensation pour les torts causés.

Ce qui veut donc dire que nous n'endossons pas l'inclusion de personnes mariées, conjointes de fait, ou personnes de même sexe vivant ensemble ouvertement, dans les bénéficiaires de transferts d'avantages sociaux, tel que le voudrait la commission, sauf si elles ont eu ou ont à prendre soin des enfants, situation qui les empêche ou les ont empêchées de bénéficier pleinement, en leur nom propre, d'avantages sociaux.

L'argent ainsi récupéré pourra améliorer le sort de celles ou de ceux qui en ont véritablement besoin, permettant, de ce fait, une meilleure gestion des ressources de l'État, une meilleure redistribution des richesses.

De plus, cette approche quant aux couples qui n'ont pas eu d'enfants favorisera l'autonomie des femmes qu'on avait conditionnées à la dépendance dès qu'elles vivaient avec un homme.

Un autre effet bénéfique de cette philosophie sera d'éliminer bien des fraudes et des enquêtes coûteuses et inutiles afin de déterminer le degré de familiarité de personnes vivant ensemble. Ne veut-on pas réduire l'intrusion de l'État dans la vie privée?

Nous approuvons la commission de vouloir accorder aux autochtones le droit au respect de leur mode de vie. Nous y mettons cependant certaines limites afin d'empêcher la discrimination imposée aux femmes amérindiennes et pour tenir compte des exigences de l'écologie. L'article 10 de la

charte interdisant la discrimination et un nouvel article devraient couvrir ce droit et empêcher les abus.

Mme Vinet: Amendements proposés par le RAIF.

Lors de la rédaction initiale de la Charte des droits et libertés de la personne en 1975, le RAIF avait présenté un mémoire au gouvernement. Les représentations du mouvement avaient permis de faire inscrire dans la charte le droit à l'égalité de la femme avec l'homme dans le mariage et la responsabilité parentale, de même que le droit de l'enfant non seulement à la protection de sa famille, mais aussi à l'attention des personnes qui en prennent soin.

Certains autres points que le RAIF réclamait avec d'autres organismes, comme la non-discrimination fondée sur l'état civil, ainsi que la rémunération égale pour un travail équivalent, avaient été accordés.

Cependant, d'importants droits avaient été mis de côté, entre autres tous ceux concernant la santé, le droit à son identité, à la libre disposition de son corps, plus spécifiquement le droit à la maternité volontaire, à la non-discrimination due à l'âge, ainsi qu'à l'état de maternité, le droit au travail rémunéré, aux congés de maternité, etc.

Points principaux.

Nous maintenons en entier les recommandations contenues dans ce mémoire de janvier 1975 auxquelles nous vous référons. Voir l'annexe. Cependant, nous reprendrons ici certains droits que nous jugeons primordiaux, auxquels nous ajouterons certains autres qui, au cours des années, se sont révélés essentiels pour contrer les injustices terriblement lourdes de conséquences que l'on fait subir aux femmes.

Nous demandons donc que soient inscrits dans la Charte les droits et libertés qui suivent, de même que certaines corrections dans le texte.

Article 1. Toute personne a droit à la vie ainsi qu'à la santé, à la sûreté, à l'intégrité physique et à la liberté de sa personne.

Elle possède également la personnalité juridique.

Pour mieux comprendre l'importance de remplacer "être humain", du texte actuel de la charte, par "personne", nous vous référons au débat de fond qu'ont mené les féministes lors de l'adoption de la charte des droits au fédéral tout récemment.

Conserver "être humain" pourrait obliger les femmes à la maternité et même exclure certaines formes de contraception comme le stérilet, l'embryon pouvant être considéré comme "un être humain".

Cette charte n'est-elle pas d'ailleurs la charte des droits de la "personne"? Il est donc important que son premier article ne soit pas en contradiction avec la conception même de son orientation.

Article lb. Toute personne a droit à la libre disposition de son corps et de sa vie.

Ces libertés sont les plus fondamentales de toutes, ce qui implique que c'est à la femme et non à la nature ou à l'État de décider de l'utilisation de son utérus.

Ce qui rend aussi au suicide sa véritable nature: un choix délibéré à respecter ou un acte de désespoir qui appelle au secours, excluant toute connotation de honte ou de criminalité comme cela l'est souvent dans l'opinion publique.

Article lc. Toute personne a droit à une identité autonome sa vie durant, quels que soient son âge ou son statut civil.

Nul n'est besoin d'élaborer sur cet article. La longue lutte qu'ont eu à mener les femmes pour le respect de leur identité a été à l'avant-scène de l'actualité. Il reste maintenant à mener la lutte pour le droit des enfants à une identité propre, libre du sceau des parents, pour qui, trop souvent, les enfants sont une propriété devant satisfaire leurs ambitions personnelles puisqu'ils portent leur nom.

Concrètement et conséquemment, cet article implique que si un enfant désirait à l'âge adulte prendre un nom différent de celui de ses parents, la loi devrait le lui accorder comme un droit fondamental.

Article ld. Toute personne a droit d'être considéré comme un individu autonome dans l'union d'un couple, avec les droits et libertés y afférents, que cette union soit de fait ou légale.

Aucune différence de droit ne doit exister entre un individu célibataire et une individu qui vit en union de couple.

On voit mal pourquoi des relations sexuelles avec un autre être priveraient une personne de ses droits individuels et de son autonomie financière. C'est pourtant ce qui se produit actuellement. Nombre de lois et règlements sont basés sur l'unité familiale, concept complètement coupé de la réalité des unions. Ceci a pour effet de laisser le membre le plus défavorisé du couple sans droit aux ressources et services pourtant consentis aux autres membres de la société non liés hétérosexuellement. La notion d'unité familiale est donc éminemment discriminatoire puisqu'elle touche à peu près exclusivement les femmes. De plus, elle est privative des libertés essentielles, l'accès aux ressources prévues par la société pour venir en aide aux personnes en état de besoin étant une de ces libertés.

Article le. Toute personne a droit au statut d'adulte avec les droits et responsabilités et obligations que ce statut implique en autant que cette personne est en possession de ses facultés.

Le Code civil a pendant longtemps

assimilé la femme à un enfant et l'a traitée comme tel dans toutes ses lois. Malgré une révision du Code civil que l'on prétend égalitaire pour les femmes, celle-ci est encore traitée en enfant, entre autres, dans la très importante évaluation des montants qui lui sont dus pour les responsabilités familiales qu'elle assume, la plupart du temps au détriment de revenus de travail conventionnels. En effet, ce ne sont pas des mesures compensatoires qu'elle peut réclamer selon la loi, comme tout autre travailleur ou travailleuse, mais des mesures alimentaires, une pension alimentaire fondue dans un seul et même article avec celle qui concerne les enfants.

Un autre exemple de la nécessité d'inclure le droit des femmes à leur statut d'adulte se retrouve dans les lois fiscales quand celles-ci imputent au mari une déduction pour conjoint à charge. Ces montants, forme de revenu garanti, comme l'est la déduction personnelle de base, devraient normalement être versés à la femme via un crédit d'impôt remboursable, par exemple.

Ces quelques faits démontrent bien les dangers de ne pas inscrire dans la charte le droit fondamental de tout adulte à être traité comme tel.

Article 2b. Toute personne dont la vie, la sécurité ou l'intégrité est en péril a droit au secours.

Toute personne doit porter secours à celui ou celle dont la vie ou la sécurité ou l'intégrité est en péril, personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour les tiers ou d'un autre motif raisonnable.

Nous songeons ici aux personnes battues, attaquées, maltraitées, dont la vie n'est pas nécessairement en danger, mais qui risquent quand même des sévices graves de tout genre si personne ne leur porte secours. L'éducation de la population est nettement à faire en ce domaine, celle-ci ayant de plus en plus tendance à considérer comme spectacles les drames qui se passent sous ses yeux, au lieu de réagir avec humanité et courage. De nombreux faits en témoignent.

Nous avons de nouveau remplacé le terme "être humain" par "personne" pour les raisons que nous avons données précédemment. Nous nous posons, d'ailleurs, une question: Pourquoi, dans le texte original de l'article 2, indique-t-on que "tout être humain" a droit au secours alors que, dans le paragraphe suivant, on emploie le terme "personne" pour indiquer l'obligation à porter secours? Ces nuances sont-elles intentionnelles et, si oui, dans quel but?

Article 2a. Toute personne a droit à défendre l'intégrité physique et psychique de sa personne.

Il est assez surprenant que la charte n'ait pas inscrit ce droit pourtant fondamental dans ses articles.

Article 3. Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique, la liberté d'association et de dissociation tant dans les domaines privé que public et familial.

La liberté de dissociation que nous ajoutons peut avoir bien des applications, mais nous référons ici surtout au droit des individus à reprendre leur liberté si l'association en couple qu'ils/elles avaient formée ne convient plus. Nul autre qu'eux-mêmes ne peut évaluer la situation, ni décider de leur vie, même pas un juge. Cette liberté des plus fondamentales leur est pourtant niée dans la loi actuelle, imposant à des adultes responsables une tutelle ridicule et inadmissible dans un monde qui se veut évolué.

Article 5b. Toute personne a droit à la protection contre le harcèlement sexuel.

Nous savons la difficulté qu'ont les femmes à obtenir protection contre ce que beaucoup considèrent, même dans les services de protection publique, comme un comportement sexuel normal: les femmes sont presque considérées comme une propriété communautaire devant être accessible à tous et chacun. Les hommes, non plus, ne sont pas exempts de cette forme d'agression qu'est le harcèlement sexuel.

Article 6b. Toute personne a droit au travail rémunéré quels que soient son sexe ou son statut civil. (19 h 15)

Pendant longtemps, on a privé les femmes de leurs droits à l'accès aux professions et au marché du travail, sous prétexte que leur union avec un homme les plaçait à l'abri du besoin de gagner leur vie. Des séquelles de cette optique demeurent dans le concept d'"unité familiale" où ce qui est à l'un est théoriquement imputé à l'autre, alors que la loi ne stipule nullement le partage des revenus. Il est temps que la charte, dont la valeur éducative est certaine, reconnaisse ce droit des femmes à un travail rémunéré, afin qu'on n'entende plus dans la bouche des gens et même des gouvernants des déclarations blâmant les femmes de prendre les emplois des hommes.

Article 10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l'âge, l'orientation sexuelle, l'état civil, la religion, l'état de grossesse, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale ou le fait qu'elle est une personne handicapée ou qu'elle utilise quelques moyens pour pallier son handicap.

II y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

Inutile d'élaborer sur la nécessité d'inclure l'âge dans les motifs de discrimination, puisque tout le monde semble d'accord. L'état de grossesse comme motif indu de discrimination fera aussi sûrement consensus, puisque l'opinion publique a été sensibilisée à l'injustice évidente de refuser un poste à une femme enceinte sous ce seul prétexte. Insistons sur le fait que la non-discrimination quant à l'état civil doit aussi couvrir les Amérindiennes, celles-ci étant des personnes au même titre que les autres.

Article 11. Nul ne peut diffuser, publier ou exposer ou publier un avis, un signe, un symbole ou toute représentation visuelle, écrite ou verbale comportant atteinte à la dignité humaine, à la sécurité de la personne ou discrimination, y compris la discrimination sexuelle, ni donner une autorisation à cet effet.

Les nombreux problèmes et la fin de non-recevoir qu'ont rencontrés les personnes confrontées à une pornographie dévalorisant presque toujours la femme dans ses représentations, allant même jusqu'au sadisme et à l'humiliation intentionnelle, exigent d'avoir dans la charte un article qui permette de faire cesser cette forme d'agression intolérable contre la dignité humaine, qui tend d'ailleurs à se généraliser aux hommes et aux enfants.

Article 40b. Tout enfant a droit à une éducation non confessionnelle, non doctrinaire et non sexiste.

L'État n'étant pas officiellement catholique, et le catholicisme étant surtout de facade dans bien des cas, nous estimons qu'il est malsain d'imposer dans nos écoles l'enseignement d'une religion plutôt que celui d'une autre ou de n'enseigner aucune religion. Les religions doivent logiquement être enseignées dans leurs églises respectives. Il faut éviter aux enfants de juger leurs parents qui ne suivent pas la norme, de se sentir exclus ou marginaux. Tout éducateur ou éducatrice avisé ne pourra qu'être d'accord avec ces exigences d'environnement sain qui n'imposeraient pas aux enfants un système de pensée contraignant, culpabilisant et pour plusieurs très contestable sur les plans logique et démocratique.

L'enseignement religieux étant en général sexiste, nous comprenons mal qu'une charte stipule dans ses articles - article 41 - que les parents puissent exiger de leurs écoles d'État un tel enseignement. La charte doit garantir au contraire que l'enseignement dispensé dans les écoles publiques ou dans toute autre école ne portera atteinte à aucun des principes énoncés dans cette charte.

Article 43b. Tout autochtone a droit à son mode de vie en autant que sont respectés les droits et libertés de la personne et les normes minimales de l'écologie.

Les femmes amérindiennes doivent aussi avoir ce droit.

Article 45. Toute personne dans le besoin a droit pour elle... à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent.

Nous avons enlevé "et pour leur famille". Ce terme de "famille" juxtaposé à l'individu est ici inutile et même dangereux, compliquant l'interprétation de cet article, risquant de contredire les droits fondamentaux des membres de cette famille. En effet, en étendant à la famille le droit à des secours, les membres adultes peuvent individuellement être privés de les réclamer en leur nom propre, les laissant ainsi à la merci d'un membre qui détermine, par son niveau de revenus, l'accès ou le non-accès aux services de l'État. Par contre, si chaque personne a droit aux secours de l'État individuellement, il est bien évident que la nécessité d'ajouter "famille" tombe d'elle-même.

Article 45b. Toute personne a droit de bénéficier de transferts d'avantages sociaux sans distinction discriminatoire à la condition qu'elle ait ou qu'elle ait eu des enfants à charge ou qu'elle soit de la génération où le mariage lésait les femmes du droit à pourvoir elles-mêmes à leur sécurité financière.

Nous avons dit plus haut qu'étendre le droit aux transferts sociaux à des adultes autonomes pour la seule raison que ces adultes ont des relations sexuelles entre eux ne peut absolument pas se justifier socialement.

Seule une raison familiale valable peut justifier le transfert à une autre personne d'avantages qu'on dit sociaux, sinon le système ne pourra plus supporter la charge accrue de paiements injustifiables sur le plan collectif.

Article 47a. Toute personne a droit de s'unir librement en mariage de même qu'à défaire aussi librement ces liens.

On ne peut garder de force des personnes ensemble, le rôle de l'État n'étant pas de faire obstacle au départ de l'un ou l'autre des conjoints, mais plutôt de voir à ce que la séparation ne lèse pas leurs droits ni ceux des enfants. Le divorce doit être responsable mais libre.

Article 47b. Les époux ont, dans le mariage, les mêmes droits, obligations et responsabilités.

Ils assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille et l'éducation de leurs enfants communs.

Article 47c. Toute personne a droit, sans aucune restriction, à l'information

contraceptive ainsi qu'à la gratuité des moyens contraceptifs.

La prévention en cette matière est une nécessité pour éviter les complications sociales de naissance et de grossesse non planifiées, ce qui aura pour effet d'éviter les interruptions de grossesse souvent coûteuses.

Article 47d. La maternité doit être un état librement consenti.

Le premier droit d'un enfant étant de venir au monde désiré, nul ne peut imposer l'acte de maternité. Il serait malsain et dangereux pour une société de favoriser la naissance d'êtres qui, au départ, seront rejetés. On ne peut imposer à une femme la responsabilité d'un enfant qui nécessitera des années d'investissement si elle ne se sent pas la force ni le désir de l'avoir.

Article 48b. Toute personne a droit à un environnement sain que ce soit sur les plans écologique, physique, psychologique ou moral.

Dispositions spéciales et interprétatives de la loi.

Les articles les plus importants de la charte doivent prévaloir sur les lois postérieures à la charte mais aussi sur les lois qui lui sont antérieures. Autrement, comment peut-on en arriver à rétablir la justice fondamentale dans notre société.

Le processus préalablement instauré pour rendre conformes les lois avec la charte se révèle trop long. Le temps requis pour faire la révision de toutes les lois par la commission et les recommandations appropriées au gouvernement, de même que le délai nécessaire au gouvernement pour proposer une nouvelle législation, lèsent beaucoup d'individus.

Ces articles importants doivent être plus nombreux et ne pas se restreindre aux articles 9 à 38.

Ainsi, pour les articles concernant l'identité, l'individualité distincte et autonome des membres d'un couple, le statut d'adulte de chacun des conjoints, le droit de toute personne adulte à se lier en mariage ou à rompre librement son union, le droit des autochtones à subvenir à leurs besoins suivant leur mode traditionnel, le droit à l'information contraceptive, à la maternité volontaire, à l'égalité des droits, responsabilités et obligations dans le mariage doivent logiquement être inclus dans ces articles importants qui ont préséance sur toutes les autres lois.

Dispositions diverses.

Article 97. Les articles 11, 13, 16, 17 et 19 ne s'appliquent pas lorsqu'il s'agit de la formation de salariés, de personnel, de candidats, candidates, ou d'étudiants, d'étudiantes, lorsque la discrimination est faite dans le but de corriger une discrimination systémique existante. Il ne s'applique pas non plus toutes les fois qu'un choix doit se faire entre des personnes possédant une compétence suffisante.

Article 97a. Les articles de la charte interdisant la discrimination ne s'appliquent pas lorsqu'une provision de la loi a pour but de corriger l'injustice systémique dont ont été victimes les femmes à cause du rôle social que la société leur imposait ou leur impose.

Nous limitons la discrimination positive aux programmes de formation car l'expérience, tend à prouver que l'étendre, sans nuance à l'embauche et aux promotions, peut se retourner contre les groupes qu'on veut aider. Si les personnes discriminées par le système n'ont pas la compétence nécessaire pour remplir un poste, elles risquent de se décourager, de perdre leur ambition en plus de vivre sous tension et d'être mal perçues dans leur environnement du travail.

Par contre, ces obstacles disparaissent en grande partie si la préférence n'est accordée aux personnes de ces groupes que si la compétence est suffisante. Les réactions contre cette discrimination mitigée n'auront guère de chance de se développer dans un contexte qui combine justice individuelle et sociale.

Ces limites données à la discrimination positive ne réduisent en rien cependant la liberté qui est donnée à toute entreprise gouvernementale ou privée de favoriser les contrats avec les sociétés employeuses qui ont des programmes et une politique de formation de correction systémique.

Mme Tanguay: La charte et la société. Si on veut que la charte renouvelle en profondeur les mentalités et le fonctionnement de la société, il va falloir que le gouvernement en fasse une matière obligatoire au programme d'études. Elle remplacerait avantageusement les cours religieux. Ceux-ci seraient alors transférés dans les paroisses, aux communautés où ces cours religieux seraient mieux adaptés et mieux contrôlés. Un temps d'antenne devrait être accordé gratuitement par toute station pour la diffusion et la compréhension de la charte, comme condition d'obtention de son permis. De même, un espace dans les journaux devrait être accordé chaque jour à un article différent de la charte. Une chronique pourrait même être annexée autour de la connaissance de nos droits.

Il ne suffit pas de régler des cas individuels d'injustice, il faut que le respect de nos droits et de ceux d'autrui s'intègre à notre quotidien. Des sommes raisonnables doivent être allouées par le gouvernement à cette fin.

Nous espérons que le gouvernement accordera aux organismes indépendants qui proposent des modifications à la charte autant de poids qu'aux modifications conseillées par ses organismes officiels, tels

la Commission des droits de la personne et le Conseil du statut de la femme.

Nous notons avec une certaine inquiétude que l'attention du gouvernement n'est généralement retenue que par les grands organismes corporatifs, style chambres de commerce, pour qui le gouvernement est tout yeux et tout oreilles, même dans les domaines où ces organismes n'ont pas la compétence, comme les garderies.

Aux yeux du gouvernement, le rôle des groupes indépendants semble ne se résumer qu'à appuyer ou à contester les recommandations faites par ses propres organismes.

Les groupes indépendants ont des recommandations valables à faire collés qu'ils sont aux problèmes des personnes qui vivent des situations discriminatoires. Il serait bon d'étudier enfin sérieusement ce qu'ils recommandent. Autrement, si la tendance mentionnée plus haut se poursuit, la démocratie évoluera lentement vers une dangereuse unicité de pensée et d'orientation.

Le Président (M. Dussault): Merci, mesdames. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je remercie les membres du RAIF de leurs représentations devant les membres de cette commission. Je puis les assurer qu'effectivement, les membres de cette commission prendront en très grande considération les recommandations qui sont faites par des groupes indépendants. Nous sommes d'accord avec vous que ces groupes sont souvent beaucoup plus collés, comme vous le dites dans votre mémoire, aux problèmes des personnes qui vivent des situations discriminatoires. Vous pouvez avoir l'inquiétude que vous manifestez à la fin de votre mémoire, mais je ne crois pas qu'elle se soit matérialisée lorsqu'il s'est agi d'y aller de la réforme du droit de la famille, où bien des groupes sont venus faire des représentations. La force des groupes, en ce qui me regarde, n'a pas influencé les décisions à prendre.

Je crois que c'est l'attitude de tous les membres de la commission; on s'en remet à l'analyse la plus objective, la plus correcte possible du bien-fondé des recommandations qui sont véhiculées par les différents groupes, quelle que soit leur taille ou leur résonance au niveau de la population.

Je me limiterai à une question sur une proposition que vous nous faites qui est assez originale par rapport à toutes les autres qui nous ont déjà été acheminées. À la page 3 de votre mémoire, 3e paragraphe, vous nous énoncez une position, en ce qui a trait à la redistribution des avantages sociaux, qui est originale par rapport à des demandes qui nous ont été formulées, depuis le début des travaux de cette commission parlementaire.

J'aimerais que nous me précisiez si vous suggérez, à toutes fins utiles, l'abolition de la rente au conjoint survivant, sauf dans les cas pour lesquels vous formulez une exception, soit les cas où les femmes auraient, par le passé, assumé la responsabilité de l'éducation des enfants. Devrait-on prévoir une telle exception pour l'avenir? Est-ce que c'est le sens de vos représentations? Ne croyez-vous pas que la rente du conjoint survivant constitue ou constituait une sorte de droit acquis, même pour ceux qui ont été en mesure de subvenir à leurs propres besoins? Il ne semble pas que vous reconnaissiez cette rente du conjoint survivant comme étant un droit acquis. Autrement dit, est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer que la rente du conjoint survivant doive être possible seulement en raison d'une formule dite d'"opting in", dont les coûts seraient assumés par le seul conjoint survivant? (19 h 30)

Mme Tanguay: C'est-à-dire que ce ne sont pas simplement les femmes qui ont eu ou qui auront des enfants. Ce sont aussi les femmes âgées, puisqu'elles ont été discriminées avant dans la société. Il faut faire un programme. Il faut les considérer elles aussi. Finalement, comme la charte existe pour prévenir les cas des gens les plus démunis, il ne faut pas oublier que ce qu'on demande, c'est la raison sociale. Notre réflexion est basée sur la raison sociale. Évidemment, on ne parle pas de régime personnel de rentes, on parle de régime de fonds public. Il faut penser qu'il y aura de moins en moins de gens qui paieront les régimes de rentes.

Mme Dolment (Marcelle): II va y avoir de moins en moins d'argent. Il y a une dénatalité actuellement. Il va y avoir de moins en moins de personnes pour payer les régimes de rentes. Les fonds sont très limités, on le sait. Il ne faut pas les gaspiller pour rien.

M. Bédard: Vous admettrez avec moi... Oui?

Mme Bacon: J'ai juste une question, dans le même sens. Si je saisis bien ce que vous vouliez dire, la population active va être de moins en moins nombreuse pour payer les régimes de rentes.

Mme Tanguay: Oui, effectivement, selon les statistiques.

Mme Bacon: À ce moment, vous voulez que les gouvernements fassent une sélection des gens qui recevraient les bénéfices. Qu'il y ait une sélection faite par les gouvernements, c'est cela?

Mme Tanguay: C'est-à-dire qu'il y ait une raison sociale. Si un couple de même sexe habite ensemble et a un enfant, puisque maintenant c'est permis d'en adopter un, on appelle cela une raison sociale, donc lui aussi aura droit à des avantages.

M. Bédard: Cela s'appliquerait au régime public aussi?

Mme Dolment: Oui, public ou privé.

M. Bédard: Si j'achemine cette recommandation au ministre des Finances, j'ai l'impression qu'il va la relire à plusieurs reprises, parce que, comme vous le dites, en termes de retombées, cela représente plusieurs centaines de millions de dollars d'économie. J'aimerais que vous détailliez un peu plus...

Mme Tanguay: Vous voulez dire quant à la...

M. Bédard: ... cette proposition que vous nous faites.

Mme Tanguay: On s'est basé surtout sur la raison sociale. Pourquoi des gens auraient-ils le droit de bénéficier d'avantages sociaux? Parce qu'ils couchent ensemble? Comment allez-vous pouvoir faire pour le savoir? À ce moment, cela veut dire que je peux faire bénéficier de mon régime un oncle ou une cousine qui n'est même pas au Québec. On sait très bien que les gens les plus démunis - présentement, il y a 75% des gens âgés de plus de 65 ans vivant dans la pauvreté qui sont des femmes - n'ont pas eu de régime de rentes. C'est toujours en pensant socialement aux gens les plus démunis.

Mme Dolment: II n'y a aucune raison que deux personnes qui vivent ensemble, que ce soit un frère et une soeur, deux frères, deux soeurs, une fille et sa mère, deux amis, ne pourraient pas en profiter. Si vous voulez enlever la discrimination envers les conjoints de fait ou l'enlever envers des homosexuels, à ce moment-là, il faut l'enlever aussi envers les amis ou avec les gens avec lesquels on vit. Pourquoi, parce qu'on vit dans un même logement et qu'on a des relations sexuelles, pourrait-on bénéficier d'une rente de conjoint survivant et, que, parce qu'on n'a pas de relations sexuelles, on ne pourrait pas en bénéficier?

Cela ne tient pas debout. C'est parce que les gens ont toujours raisonné un peu par tradition. Avant, il y avait une raison. En général, les gens qui vivaient ensemble; c'est parce qu'ils avaient une famille en tête, mais cela a disparu. Il faut réévaluer pourquoi ces choses ont été accordées. Là, il va falloir étendre la rente à tout le monde, parce que tous les gens vont demander qu'il n'y ait pas de discrimination envers eux. La raison qu'il y a une relation sexuelle avec quelqu'un, ce n'est pas une raison valable, il faut qu'il y ait une raison sociale valable, et la raison sociale valable qu'on a mise, ce sont deux choses: les personnes âgées, des femmes âgées, parce qu'elles ont été discriminées par la société, et quand il y a un enfant ou qu'il y a eu des enfants, parce qu'on sait très bien que la femme qui est restée à la maison un certain temps, même si elle n'a plus d'enfants à sa charge, a perdu du temps pour s'accumuler une rente et une sécurité.

M. Marx: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Bédard: Je sais qu'il y a plusieurs points qu'on pourrait toucher, mais ils ont quand même déjà été abordés dans d'autres mémoires.

M. Marx: Ai-je raison de dire que vous avez présenté le mémoire en fonction de la loi 89?

Une voix: Oui.

M. Marx: C'est cela. J'ai déjà vu certaines des idées qu'on retrouve dans le mémoire. C'est évident que vous avez eu une influence sur la rédaction de la loi 89, parce qu'on a fait état à l'époque de toutes vos idées, une ou deux, une partie, ont été incorporées dans la loi, mais, bien sûr, pas toutes vos idées. Ceci s'applique à tout le monde. Mais j'ai l'impression, par exemple, en lisant la page 14, que vous voulez refaire la loi 89 ou refaire le Code civil par le biais de la charte, concernant le divorce, par exemple.

Mme Tanguay: C'est-à-dire que, comme la charte est un instrument qui est quand même là et qui est finalement la pensée pour toutes les lois, il est important d'être assuré d'une base pour les droits fondamentaux. C'est pour cela qu'on s'est permis de faire certaines réflexions concernant les droits des personnes.

M. Marx: Ce n'est pas mauvais de le refaire, mais on a traité du divorce lors de la discussion sur loi 89 et je ne pense pas qu'on puisse revenir sur cette question tous les six mois. Je pense que madame à votre droite était ici... Pardon?

Une voix: Mme Normand.

M. Marx: Oui, Mme Normand. Elle a suivi le débat sur la loi 89. On a traité de

toutes ces questions et on a finalement adopté le projet de loi 89. Je ne pense pas qu'on puisse refaire la loi 89 par le biais de la charte.

Mme Dolment: Justement, on voit à quel point c'est important de mettre dans la charte ce droit fondamental de pouvoir divorcer librement, parce que la loi 89 ne respecte pas cela du tout. On accorde le droit de divorcer uniquement par consentement mutuel. En fait, les couples qui en ont le plus besoin, ce sont ceux qui ne s'accordent pas, parce que, s'il y un minimum d'accord pour divorcer, la situation n'est pas trop grave, elle n'est peut-être pas fameuse, mais elle n'est pas trop grave, mais dans le cas où un des deux ne veut pas divorcer et fait des misères à l'autre, c'est là où c'est important. C'est justement ce qu'on dit. Si on avait eu la charte avec ce droit fondamental inscrit, on n'aurait pas eu le droit dans le Code civil, même s'il n'est pas encore en application à cause de juridictions, on n'aurait pas eu le droit de dire que, dans le cas où un des deux ne veut pas, ils ne pourront pas divorcer. C'est absolument aberrant, c'est même ridicule de forcer des gens à vivre ensemble et que le juge dise: Je ne vous accorde pas le divorce. C'est stupide.

M. Marx: On a fait ce débat lors de l'étude du projet de loi 89, si le ministre veut le refaire...

Mme Dolment: Non, c'est parce que vous dites que ce n'est pas nécessaire de le mettre dans la charte.

M. Marx: Non, parce que...

Mme Dolment: C'est pour cela que c'est important de le mettre dans la charte. Si ce droit...

M. Marx: Mais la charte n'est pas le fourre-tout de toutes les idées des Québécois. La charte aura 1800 pages, si on le fait. Je siège ici depuis deux semaines maintenant et les intervenants veulent qu'on règle tous les problèmes de la société par le biais de la charte, qu'on mette une sorte de convention collective sur l'éducation dans la charte - cela, c'était avant vous aujourd'hui - qu'on mette tout le droit civil dans la charte. Il y a une limite à ce qu'est un droit fondamental; on ne peut pas tout mettre. Il y a le Code civil qui traite du divorce, du mariage et ainsi de suite. Si on veut régler des problèmes de mariage et de divorce, que l'on fasse des modifications au droit civil.

Mme Tanguay: Je m'excuse M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, madame.

Mme Tanguay: Est-ce qu'il s'agit bien des droits fondamentaux? Est-ce qu'il s'agit bien de la charte des personnes? On ne parle pas de lois sectorielles; on parle des droits fondamentaux des personnes. Alors, c'est pour cela que l'on s'est permis d'inscrire cela ici. Écoutez, il n'y en aura pas de problèmes à partir du moment - je veux dire que c'est sûr que ce sont des principes de base, des énoncés - où les lois s'accorderont pour faire une loi sectorielle dans tel ou tel domaine. Mais il faut s'assurer qu'il y ait une réflexion au départ. Finalement, une charte, c'est cela son rôle.

M. Marx: En autant que le divorce est un droit fondamental, c'est reconnu; ce sont les modalités qu'on a mises dans le Code civil.

M. Bédard: II y a quand même des libertés - il ne faudrait pas l'oublier là -fondamentales qui sont déjà dans la charte. Je pense que l'on peut se comprendre. Vous parlez du droit à la vie, de la personnalité juridique. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité physique, à la liberté de sa personne. En fait, je pense que ce n'est pas le propre d'une charte de détailler ce que veut dire l'application de ces droits fondamentaux. À partir du moment où le principe du droit à la vie est là, il y a tout ce qui en découle.

Tout être humain dont la vie est en péril a droit au secours, cela y est déjà. Maintenant, on y a ajouté, par exemple, la nécessité que quelqu'un qui porte secours -je pense que c'est une amélioration qui a été proposée - ne soit pas l'objet de sévices ou de quelque poursuite que ce soit. Je pense que cela se comprend. Les libertés fondamentales, la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique, la liberté d'association, c'est dans la charte, de même que plusieurs des éléments dont vous parlez. Remarquez, on en parle ensemble, mais ce sont, je pense, des remarques qui peuvent s'appliquer à tous les groupes. Je ne voudrais pas avoir l'impression de commencer à réciter la charte parce que c'est votre groupe qui fait des représentations devant la commission, je pense qu'on se comprend, mais - je pense que cela vous fait honneur - tous les éléments que vous amenez au niveau de cette préoccupation que vous avez concernant la sauvegarde de la dignité humaine, dans la charte il y en a un principe de ce côté-là qui dit: Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur, de sa réputation. C'est quoi, l'application pratique de cela? Je ne pense

pas que c'est le travail de la commission d'essayer, au niveau de tous les droits, d'en prévoir l'application ou les incidences au niveau de la charte, parce que là, je le dis respectueusement, on n'en terminerait pas. Sur chacun des droits fondamentaux, on pourrait presque écrire un volume si on commence à parler de son application. Enfin.

Le Président (M. Gagnon): Madame.

Mme Tanguay: Oui, M. le Président, je comprends très bien...

M. Bédard: Je ne voudrais pas diminuer l'essentiel des représentations que vous nous faites.

Mme Tanguay: ... mais puisqu'il s'agit ici d'une charte sur les droits de la personne, j'ai été étonnée de voir qu'il y avait quand même 51% de la population dont vous ne tenez pas compte, c'est-à-dire les femmes. Pourquoi? Parce qu'à aucun endroit je ne lis dans la charte - pendant tout le temps où j'ai rédigé le mémoire, je m'y suis référée - que les femmes ont des droits fondamentaux à une identité autonome; il n'y a pas de droit au respect de l'individualité des conjoints dans le couple, il n'y a pas la reconnaissance du statut d'adulte quels que soient les liens contractés. Je trouve que c'est très important. Comment voulez-vous que les gens se défendent si ces choses-là qui sont essentielles ne sont pas là? Je trouve que c'est vraiment une... (19 h 45)

M. Bédard: Toutes les libertés que j'évoquais tout à l'heure, ce n'est pas dans la charte, on ne dit pas "tout être humain" et la définition de l'être humain c'est un homme, c'est toute personne. Tous les droits que je viens de vous exprimer - c'est clair au niveau de la charte - c'est autant pour les hommes que pour les femmes, cela me semble bien clair. Qu'on parle de dignité humaine, qu'on parle de droit à l'honneur, droit à la réputation, droit à la non-discrimination concernant le sexe, etc., on peut s'entendre ensemble. Là-dessus, tous les droits qui sont à l'heure actuelle dans la charte, entendons-nous, cela regarde tout le monde, c'est toute personne sans distinction.

Mme Tanguay: Pardon, M. le Président.

M. Bédard: Maintenant qu'il y ait des améliorations à faire par rapport à votre préoccupation qui est tout à fait normale, à savoir que les femmes représentent, à juste titre, vous le dites, 51%, oui, c'est clair qu'il faut avoir une attention particulière, comme il faut avoir aussi une attention particulière par rapport à tous les autres groupes qui véhiculent chacun des expériences de vie...

Mme Tanguay: Mais il ne s'agit pas...

M. Bédard: ... et des revendications qui sont normales.

Le Président (M. Gagnon): Alors, Mme Tanguay.

Mme Tanguay: II ne s'agit pas ici d'un groupe au même titre que les handicapés, puisque de toute façon - je veux dire les femmes composent 51% de la population. Alors, la maternité volontaire c'est un droit qui doit être reconnu, puisque 51% d'une population subit ou risque...

M. Bédard: Vous faites des recommandations très intéressantes; peut-être qu'on a cru bon de rappeler un peu l'essentiel de ce qui est déjà contenu dans la charte, par rapport à des préoccupations que vous évoquez. Vous pouvez être convaincues que nous allons étudier très attentivement votre mémoire.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee, après quoi je...

M. Bédard: Madame voulait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Gagnon): Madame... M. Marx: Madame avant moi...

Le Président (M. Gagnon): Mme

Tanguay.

Mme Tanguay: Oui, M. le Président, si vous me dites que ce sont des recommandations intéressantes, alors cela veut dire que vous n'assumez pas le fait qu'une société doit se perpétuer, puisque c'est quand même un état de fait.

M. Bédard: Quand je vous dis que ce sont des propositions très intéressantes, dont on va tenir compte au niveau de l'ensemble des membres de la commission, je ne vois pas en quoi c'est contraire à...

Mme Dolment: Est-ce que le droit le plus fondamental d'une femme...

M. Bédard: Pardon?

Mme Dolment: Est-ce que le droit le plus fondamental des femmes, qui sont 51% et sans qui la société n'existerait pas, c'est de pouvoir décider de leur maternité et est-ce que les plus grandes misères ne sont pas dues au fait que des enfants non voulus sont mis au monde? Encore récemment il y avait des études de psychologues pour dire que c'est une des situations les plus graves; les enfants sont venus au monde n'étant pas

désirés coûtent très cher à la société en toutes sortes de complications, vandalisme, prison, rejet, sans compter les coûts économiques. Ce droit fondamental n'est même pas dans la charte, alors que c'est le droit le plus fondamental de tous. On voit bien que c'est vrai, vous avez fait la charte pour les hommes et les femmes, mais non pas en vous préoccupant des situations vécues par les femmes qui sont d'abord de mettre au monde les enfants qu'on veut et qui sont désirés. Deuxièmement, les femmes n'ont aucune espèce de revenu.

M. Bédard: C'est-à-dire qu'il ne faudrait peut-être pas conclure avant que vous puissiez prendre connaissance des amendements qu'on pourra apporter à la charte avec l'assentiment de l'Assemblée nationale. Je peux difficilement vous dire plus qu'aux autres groupes, vous avez un ensemble de recommandations qui est très substantiel et nous allons les étudier avec beaucoup d'attention.

Le Président (M. Gagnon): La parole est maintenant au député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le ministre a pris tout mon temps, mais il a posé quelques questions que j'aurais voulu poser moi-même. Qu'est-ce que le droit à la maternité? Je n'ai pas compris cela, peut-être que je suis d'une autre génération, mais le droit à la maternité cela veut dire quoi?

Mme Tanguay: Si vous vous référez...

M. Marx: Être volontaire, on ne peut pas forcer quelqu'un à avoir un enfant.

Mme Tanguay: Non, effectivement, c'est un droit fondamental.

M. Marx: Oui, je vois. Cela veut dire quoi? On ne peut pas forcer quelqu'un à être enceinte, cela veut dire que c'est volontaire dans ce sens?

Mme Tanguay: Alors, pourquoi existe-t-il des comités thérapeutiques?

M. Marx: Oui, c'est cela. L'avortement, on ne peut pas en discuter ici, parce que c'est une compétence fédérale, malheureusement. C'est dans le Code criminel, veut veut pas, on ne peut rien faire dans le sens de modifier le droit à l'avortement.

Mme Dolment: Les autochtones aussi, et vous les mettez pourtant dans la charte. On fait une charte générale, on ne s'occupe pas des juridictions.

M. Marx: Parce que les autochtones qui ne sont pas inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens se trouvent sous la compétence de l'Assemblée nationale.

Mme Dolment: Tous les droits qui sont de juridiction fédérale sont là-dedans, parce que ça chevauche un peu, de toute façon, les comités thérapeutiques et les hôpitaux relèvent du provincial.

M. Marx: Oui. Pardon?

Mme Marois: En conformité quand même avec les lois.

M. Marx: C'est en conformité avec le Code criminel, mais dans ce sens, le gouvernement du Québec pourrait réglementer ces comités thérapeutiques.

Juste une dernière remarque. Je trouve votre propos contradictoire, à la page 17. Vous voulez qu'on exige que les journaux publient certains renseignements sur la charte. Exiger que les journaux publient quoi que ce soit serait empiéter sur la liberté de la presse.

Mme Tanguay: C'est-à-dire qu'on fait certaines propositions.

M. Marx: Vous avez écrit à la page 17: "Un temps d'antenne devrait être accordé gratuitement par toute station pour la diffusion et la compréhension de la charte, comme condition d'obtention de son permis. "De même, un espace dans les journaux devrait être accordé chaque jour à un article différent de la charte."

C'est dangereux pour un gouvernement d'imposer quoi que ce soit aux journaux et aux postes de radio, parce que, un jour, ça peut être une chose et l'autre jour, une autre chose.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Chomedey. Excusez.

Mme Tanguay: J'aimerais répondre s'il vous plaît. En temps d'élection, les postes de télévision ou les journaux, que ce soit électronique ou autre, donnent du temps d'antenne. Le CRTC, même si ce n'est pas sous votre juridiction, a quand même certains règlements quand il octroie un permis à quelqu'un, c'est dans la même optique qu'on le fait.

Mme Dolment: Quant au contenu canadien, il faut qu'il y ait tel pourcentage et pourtant, vous ne le prenez pas comme si c'était une atteinte à la liberté de la presse. C'est parce que justement, vu qu'ils font des profits avec la société, il faut quand même qu'ils rendent un service social. Le plus fondamental, puisqu'on dit que la charte est la plus importante, je pense que ce serait

normal. De toute façon.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Je ne voudrais pas éterniser le débat mais il y a quand même certains articles qui sont intéressants. J'aurais des questions à poser au groupe que nous avons devant nous. Vous écrivez à 1c: "Toute personne a droit à une identité autonome sa vie durant, quels que soient son âge ou son statut civil."

Vous faites allusion à la longue lutte qu'ont menée les femmes pour le respect de leur identité et vous ramenez ça aussi au statut des enfants en disant que les enfants pourront prendre un nom différent de celui des parents. C'est une démarcation par rapport à un sens de propriété que pourraient avoir des parents, par exemple. Est-ce parce que vous croyez que l'identité, le nom est de première importance pour qu'on retrouve une identité propre? J'ai des doutes, mais j'aimerais savoir pourquoi vous arrivez à ça en disant: II faut transporter ça aux enfants maintenant.

Mme Tanguay: C'est-à-dire que ça fait aussi partie des droits fondamentaux puisque, de toute façon, si vous portez... C'est la même chose que les droits fondamentaux. Si on impose un nom à un enfant, et si, au moment où il aura 18 ans, pour telle raison, il veut devenir quelqu'un d'autonome, qu'il puisse avoir le choix au moins une fois dans sa vie, puisque le nom qui lui aura été donné ne lui conviendra plus...

Mme Bacon: Est-ce que, pour vous, le respect de l'identité se limite à un nom? C'est un enfant quand même. Les femmes ont obtenu l'identité propre. Pour moi, c'est beaucoup plus vaste qu'un nom, ce que les femmes ont obtenu. Ramenez-vous ça à un nom ou si, pour vous, c'est aussi vaste?

Mme Tanguay: Pour nous, cela fait partie des droits fondamentaux, parce que, si vous regardez au début, on a ajouté cinq articles à l'article 1. Pour être assuré des droits fondamentaux, cela fait partie de cela.

Mme Dolment: Je vais vous donner un exemple très important par rapport à la loi 89. On voit à quel point c'est important que le nom de l'enfant soit son nom à lui. Vous savez que s'il y a une contestation de paternité, que le père gagne la contestation de paternité, il peut enlever son nom à l'enfant qui a sept ans, qui a porté son nom jusqu'à sept ans. On voit que c'est absolument aberrant. C'est sûr que c'est encore une démarche qui va encore plus loin, où les gens vont dire: Encore une autre affaire! Au fond, le nom de l'enfant lui est donné sans même qu'il puisse donner son assentiment, oui ou non. Si, à un moment donné, pour X raisons, il ne veut plus porter ce nom qu'on l'a forcé à porter, on voudrait qu'à l'âge de 18 ans, il puisse dire une fois au moins: Je ne veux pas ce nom, on me l'a imposé - cela peut être pour X raisons - et je veux en changer, et qu'il ne soit pas obligé de payer ou mettre comme c'est écrit dans la loi, plaider devant le tribunal pour circonstances exceptionnelles et tout le reste. C'est une démarche qui va un peu plus loin, mais c'est fondamental, l'identité d'une personne.

Mme Bacon: II y a aussi un autre point à la page 7 où on parle du statut d'adulte pour les femmes. Souvent, on ramène cela à des considérations d'argent. Est-ce que le fait que les femmes aient eu autant de problèmes sur le plan de l'argent à vraiment prendre une place importante dans la société, c'est une des raisons qui vous font ramener souvent ce statut d'adulte des femmes à des considérations d'argent. Il y a des questions d'argent qui reviennent dans votre mémoire. Est-ce que c'est parce que c'est un point majeur dans les préoccupations que vous partagez?

Mme Tanguay: Le statut d'adulte est un point majeur, mais qu'il y ait conséquence -effectivement, il y a eu conséquence par son rôle social - c'est une conséquence comme cela aurait pu être une autre conséquence.

Mme Dolment: C'est une des conséquences qui affectent le plus la femme, et c'est certain. Parce qu'elle est en tutelle, on sait très bien que tous les pays le savent, si on n'a pas d'autonomie économique, on ne va pas tellement loin. Vous serez sûrement d'accord. C'est quand même absolument aberrant de penser que, dans la société, la seule personne qui n'a aucun revenu propre, même si elle travaille, c'est la femme. Elle est en tutelle, c'est son mari qui a la déduction de personne mariée, comme si elle était une enfant. Là, on voit la conséquence du statut d'adulte, c'est la même chose pour le divorce. C'est basé sur la pension alimentaire, et non pas sur des mesures compensatoires.

Mme Bacon: Si la femme travaille, son mari n'a quand même pas cette possibilité.

Mme Tanguay: On parle toujours de droits fondamentaux, on parle toujours des personnes les plus discriminées.

Mme Bacon: Pas si elle travaille.

Mme Tanguay: Quand on fait référence à la charte, on pense à la charte pour protéger les personnes les plus démunies,

alors qu'on s'aperçoit dans les faits que, dans la société, les personnes les plus démunies demeurent les femmes, puisque, si elles doivent rester à la maison pour élever des enfants, elles vont avoir droit au retour d'impôt pour le mari et non pour elles, d'une part, et d'autre part, elles vont avoir droit aussi... Prenons un autre exemple, celui de l'aide sociale, si un conjoint de fait ou si une femme - vous allez me dire qu'un mari, normalement, selon les principes, doit faire vivre sa femme, ce qui n'est pas évident -ne serait-ce que conjoint de fait, ne peut pas demander l'aide sociale, parce qu'elle a quelqu'un qui est censé pourvoir à ses besoins même si elle n'est pas mariée, alors que si elle vivait une relation homosexuelle, elle ne serait pas discriminée; c'est la même chose pour les bourses d'étude.

Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre d'État à la Condition féminine.

Mme Marois: Habituellement, les ministres d'État, c'est au développement, mais dans ce cas-ci, on n'a pas jugé bon. Cela viendra un jour, oui! Je ne reviendrai pas sur beaucoup de choses qui sont dans votre mémoire. Dans le fond, mon collègue de la Justice n'est peut-être pas très généreux quand il dit qu'il y a beaucoup de choses nouvelles. Je pense qu'il y en a énormément. Vous devancez sûrement et, dans beaucoup de cas, bien des mentalités, bien des approches et bien des constats qui sont faits dans une société. Dans certains cas, je suis à même de le vivre, parce que, dans le dossier de la condition de vie des femmes au Québec, c'est continuellement une question d'équilibre entre des mentalités et des changements qu'on voudrait voir arriver. Si on les fait trop vite, les gens ne suivent pas ou les mentalités ne suivent pas, de telle sorte qu'on fait des reculs qui sont à ce moment-là beaucoup plus dommageables finalement que les objectifs qu'on s'était fixés en corrigeant fondamentalement des choses.

Je ne reviendrai pas sur beaucoup de choses qui sont dans votre mémoire et qui peuvent être discutables, et qui peuvent aussi être très intéressantes, mais, compte tenu de l'état d'avancement actuel des mentalités, jusqu'où pourrait-on aller dans certains cas et jusqu'où on ne peut pas aller, je trouve que cela pose ce problème dans beaucoup des remarques que vous faites ici.

Je vais venir avec une question précise qui est à la page 16 de votre mémoire où vous parlez de l'article 97. Même si ce numéro a été modifié, c'est secondaire, le fond reste le même. Vous parlez d'abord de discrimination positive. Mme Dolment a suivi beaucoup les travaux de la commission à ce jour. On parle beaucoup plus de programmes d'accès à l'égalité et de choses comme cela, justement pour lutter contre le fait qu'on ne parle pas, à ce moment-là, de discrimination. Je pense que c'est important. Mais ce qui me surprend un peu, c'est que vous vous limitez - imaginons les programmes d'accès à l'égalité ou de redressement - aux programmes de formation. Là, vous continuez et vous dites: À l'embauche ou dans les politiques de promotion, cela pourrait nuire aux femmes. Évidemment, si on le voit comme des mesures discriminatoires, cela nuit; si on le voit dans une perspective fort différente - je ne reviendrai pas sur la philosophie - des programmes d'accès à l'égalité, cela devient fort différent comme approche. Tous les groupes de femmes qui sont venus avant vous sont allés beaucoup plus loin que ce qui est là; ils ne se limitent absolument pas aux programmes de formation, mais à l'embauche, aux politiques d'emploi, de main-d'oeuvre à l'intérieur de l'entreprise, à toutes espèce de choses qu'on retrouve dans leurs différents mémoires.

D'autre part, je vous cite juste une petite phrase tirée du mémoire de la commission, parce que ce que vous apportez ici pourrait laisser sous-entendre cela: "De plus, l'employeur n'est jamais tenu d'engager des personnes qui n'ont pas les qualifications nécessaires pour accomplir une tâche. Si l'objectif n'est pas atteint, l'entrepreneur n'encourt pas de sanction, s'il peut prouver qu'il a fait tous les efforts nécessaires pour l'atteindre." On ne parle pas de discrimination dans l'embauche; on dit, dans le fond: À compétence égale, on va privilégier le groupe minoritaire, mais on ne dit jamais: À compétence inégale, on va privilégier la personne du groupe minoritaire même si elle n'est pas compétente. Votre approche m'embête un peu ici dans ce sens, parce qu'elle est fort différente de toutes celles qui ont été apportées ici.

Mme Tanguay: C'est-à-dire que nous avons plutôt pensé à compétence suffisante. Je vais vous expliquer pourquoi. Ce qui a été notre ligne de pensée, quand on a rédigé le mémoire, c'est qu'aux Etats-Unis, on a mis sur pied l'action positive. Pour obtenir une subvention gouvernementale, il fallait s'assurer que le privé mette sur pied l'action positive. Il y avait des quotas à remplir. On a embauché plein de Noirs, plein de femmes et on en est arrivé, à un moment donné, à dire: Vous voyez qu'ils sont inefficaces. On s'est dit: Soyons assurées que ces femmes auront la compétence suffisante, égale à quelqu'un d'autre pour ne pas se discriminer par elles-mêmes plus tard ou qu'on ne les mette pas dans une situation discriminatoire.

Mme Marois: Mais, de par toute l'expertise qui a pu se développer au cours des séances précédentes qu'on a eues, dans le fond, on ne parle absolument pas de

compétence inégale ou insuffisante. Je suis d'accord avec vous que la formation est probablement un des éléments clefs à l'intérieur des programmes, mais c'est un des éléments des programmes d'accès à l'égalité que la formation. Si vous regardez en détail certains projets de programmes, la notion de formation y est toujours présente; c'est exceptionnel qu'on ne la retrouve pas.

Une voix: On dit la même affaire.

Mme Marois: D'accord, c'est cela, sauf que je dis que je ne veux pas que ce soit limité à cela seulement.

Mme Dolment: Cela revient exactement au même, on inscrit compétence suffisante. Cela revient au même.

Le Président (M. Gagnon): Je voudrais remercier le Réseau d'action et d'information pour les femmes pour son mémoire.

Regroupement des aveugles et amblyopes

J'appelle maintenant le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec, représenté par M. Jean-Marie D'Amour.

M. Langevin (Denis): M. le Président, M. le ministre, chers membres de la commission, j'aimerais apporter une rectification: je ne suis pas Jean-Marie D'Amour, je suis Denis Langevin. J'ai été délégué par le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec qui a étudié le mémoire, qui a rédigé le mémoire aussi. Cela a été fait en comité spécial à Montréal et on m'a délégué pour venir le présenter ici.

Le Président (M. Gagnon): Vous êtes M. Denis Langevin.

M. Langevin: Langevin, Denis Langevin.

Ce que je vais vous présenter, c'est un très bref mémoire. Avec le temps qu'on a eu, disons qu'on a voulu commenter quelques modifications à apporter à la charte. On a trois modifications concernant, premièrement, l'ajout de l'âge comme motif interdit de discrimination. Le deuxième point, c'est l'élimination de la discrimination dans les avantages sociaux par l'abrogation de l'article 90, notamment. Le troisième point, c'est, les programmes d'action positive ou les programmes de redressement.

Les trois points que je vais apporter sont des points dont on a beaucoup parlé cet après-midi et ce matin. Il n'y a rien de neuf dans cela, sauf que je vais vous apporter peut-être le point de vue des handicapés visuels que je représente. Il y a des particularités à cela, c'est pourquoi on est fortement d'accord sur ces trois points.

L'ajout de l'âge comme facteur discriminatoire. Actuellement, au Québec, on a un programme qu'on appelle le programme des aides visuels qui est administré par la Régie de l'assurance-maladie du Québec et qui a été mis en place par le gouvernement du Québec, mais qui est discriminatoire en ce sens que les personnes de 36 ans et plus n'ont pas droit à tous ces services seulement parce qu'elles ont 36 ans et plus. On a décidé de limiter ce programme aux personnes de 0 à 35 ans. Cela devait se faire en trois phases. En 1975, il devait y avoir trois phases dans une couple d'années environ, mais on est en 1981 et la troisième phase, pour les 36 ans et plus n'est pas encore appliquée. On sait, nous autres, que la population des handicapés visuels qui a 36 ans et plus est la majorité des handicapés visuels, et dans le moment ils sont discriminés très injustement.

Le deuxième point, c'est les avantages sociaux. On a aussi beaucoup parlé de cela, aujourd'hui. La population de handicapés visuels que l'on représente, ce sont les aveugles et les amblyopes. Pour le besoin de la cause, les amblyopes sont des demi-voyants. On est très souvent discriminés aussi parce que les assureurs vont apporter un argument assez facile en disant que nous sommes un risque plus élevé pour eux. À notre avis, c'est un préjugé sans fondement; c'est absolument faux. Si l'on connaissait mieux les causes du handicap, les conséquences du handicap et la façon peut-être de répondre aux handicapés, c'est une chose qui n'existerait pas; c'est absolument faux et c'est discriminatoire pour nous. En abrogeant l'article 90 de la charte, on croit que cela rétablirait la situation. C'est une chose à laquelle toute personne handicapée a droit présentement.

Le troisième point qu'on a voulu commenter, c'est les programmes d'action positive ou les programmes de redressement. Encore là, on est parfaitement d'accord avec cela, puisque c'est encore un domaine où les handicapés visuels ont beaucoup de difficultés, sont discriminés très souvent, le domaine de l'emploi. Les programmes d'action positive ou de redressement, comme on les appelle, seraient un moyen pour équilibrer cette situation, nous donner notre part, la part que nous méritons. Cependant, il nous semble que les programmes de redressement ont sensiblement la même philosophie que les plans d'embauche qui sont prévus par l'Office des personnes handicapées à l'article 63 de la loi 9 sur les droits de la personne handicapée. Cet article 63, soit dit en passant, n'est pas encore en vigueur. On nous dit qu'il le sera bientôt. C'est sensiblement la même chose. C'est pour cela qu'on se pose un petit peu des questions à savoir qui devrait prendre cela en main, qui

devrait administrer cela. Est-ce l'Office des personnes handicapées ou la Commission des droits de la personne? On écrit aussi dans notre mémoire qu'on n'a pas la compétence voulue pour décider qui devrait prendre cela en main, mais on vous fait confiance; on croit qu'il est possible d'avoir une harmonie dans cela.

C'est à peu près le résumé que je peux faire. Je remercie énormément la commission d'avoir voulu nous accorder ce temps-là pour venir donner le point de vue de la population que l'on représente, que je représente, les handicapés visuels, les aveugles et les amblyopes.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Langevin, M. le ministre.

M. Bédard: Au nom des membres de la commission, je remercie M. Langevin de ses représentations. Effectivement, il a raison de dire que le programme des aides visuelles administré par le Régie de l'assurance-maladie ne s'adresse qu'aux personnes de 36 ans et moins. Comme on le sait, le programme d'aides visuelles a été implanté par règlement en 1977 et ce programme permet à un établissement reconnu, c'est-à-dire qui a conclu une entente avec la Régie de l'assurance-maladie, de fournir à certaines conditions des aides visuelles approuvées par règlement. Au début, le programme ne s'appliquait - c'est pour cela que M. Langevin a parlé des trois phases qui avaient été convenues au départ - qu'aux personnes âgées de moins de 18 ans. Il a été ensuite étendu aux personnes âgées de moins de 36 ans en 1979. En 1981, on a apporté une modification pour permettre aux bénéficiaires du programme qui ont atteint l'âge de 36 ans de continuer à en bénéficier. Tel que vous nous l'avez expliqué, les plus de 36 ans ne sont pas touchés et je pense que vous pouvez être assurés que je vais faire toutes les représentations nécessaires auprès de mon collègue, le ministre des Affaires sociales, concernant cette revendication très légitime que vous nous faites.

Vous nous avez parlé, d'une façon spéciale, des programmes dits d'action positive ou d'accès à l'égalité; est-ce que vous croyez que ces programmes devraient être obligatoires? Je comprends que vous insistez pour que ces programmes soient faits en consultation avec les handicapés ou avec les organismes qui les regroupent de manière à arriver à l'élaboration de programmes qui répondent vraiment aux problèmes auxquels vous êtes confrontés. Vous nous parlez de discrimination au niveau du secteur de l'emploi, les handicapés étant sans doute victimes de discrimination dans d'autres secteurs que l'emploi. Je pense que les membres de la commission doivent se pencher sur cette réalité. Est-ce que vous croyez que ces programmes devraient être, d'une part, obligatoires, d'autre part, élaborés dans une large consultation avec les organismes tels que les vôtres?

M. Langevin: D'une part, obligatoires, oui, je crois qu'ils devraient être obligatoires. Parce que la philosophie, je parle du plan d'embauche, a été plus élaborée. Je peux donner quelques explications pour les besoins des auditeurs; on suggérait, à l'article 63, que tout employeur de 50 employés et plus devrait fournir un plan d'embauche qui comprendrait un certain pourcentage de handicapés. On ne donne pas de pourcentage mais c'était dans le but d'engager des handicapés. Que ça se fasse de cette façon ou que ça se fasse d'une autre façon par des programmes de redressement, je pense que c'est nécessaire que ça se fasse. C'était important aussi, on ne veut pas seulement avoir des emplois mais avoir des emplois qui correspondent aux études que les handicapés peuvent avoir faites. On ne veut pas être le "cheap labour" de la fonction publique, avoir des petits postes de secrétaire quand quelqu'un a un bac en n'importe quoi. Il y a des gens parmi les handicapés qui ont les compétences voulues mais on veut...

M. Bédard: Que ces compétences soient reconnues.

M. Langevin: ... qu'elles soient reconnues. Oui.

Le Président (M. Gagnon): Excusez.

M. Langevin: Est-ce que ça répond entièrement à votre question?

M. Bédard: Cela répond à ma question.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai trouvé le point sur l'âge très pertinent. Le ministre a pris son premier engagement aujourd'hui, de parler à son collègue; c'est le premier engagement qu'il a pris depuis deux semaines.

M. Bédard: Je suis très heureux de l'entendre.

M. Marx: II en a pris beaucoup durant l'élection mais maintenant c'est le premier engagement.

M. Bédard: Avant 1977, il n'y avait absolument rien. Vous avez dû remarquer qu'il y a déjà deux phases; ce n'est pas pour se péter les bretelles que je l'ai dit, mais au moins il y a ça de fait par rapport à ce qui existait auparavant, c'est-à-dire rien. Il faut

continuer les efforts pour essayer d'améliorer la situation, ça nous semble clair.

M. Marx: Je félicite le ministre, qui a pensé à ce projet et je pense qu'il a bien fait. Maintenant, c'est d'aller jusqu'au bout et de rayer cette discrimination. Le ministre a pris son engagement et on va le suivre à l'Assemblée nationale pour lui rappeler de temps à autre qu'il a pris l'engagement.

M. Bédard: Rapidement, je vais le dire au ministre des Affaires sociales. Vous le questionnerez.

M. Marx: C'est une cause de discrimination. À cette face même, il n'y a aucune raison pour que ça existe et persiste, sauf que peut-être quelqu'un a pensé à une politique à suivre et ça coûterait trop cher aujourd'hui. J'aimerais vous poser une question sur l'action positive. Est-ce que vous êtes au courant des programmes d'action positive en ce qui concerne les aveugles, soit au Canada ou aux États-Unis? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Langevin: Je ne saurais trop vous répondre là-dessus, parce que chez moi, il n'y a pas grand-chose qui se fait. Il n'y a rien d'écrit, il n'y a pas de loi en notre faveur.

M. Marx: Supposons qu'un aveugle qui a une certaine formation, quand il va sur le marché du travail, est-ce qu'il a toujours une réception froide? J'ai déjà eu des étudiants aveugles en droit, ils ont obtenu leur diplôme et j'imagine qu'ils ont trouvé de l'emploi.

M. Langevin: Oui, vous imaginez qu'ils ont trouvé de l'emploi.

M. Marx: Qu'est-ce qui arrive? C'est ma question.

M. Langevin: Quand on se présente devant un employeur, on fait face à un paquet de préjugés. On se fait poser beaucoup de questions sur notre handicap, sur notre fonctionnement. Quand on a une chance de montrer ce qu'on est capable de faire, soit par un stage ou quelque chose d'autre, l'employeur n'est pratiquement jamais déçu. Mais sur le coup, quand on vient pour vendre notre produit, on a un handicap, on a quelque chose de moins. Je fonctionne avec une canne et j'ai besoin de certains appareils. C'est une adaptation pour l'employeur. Cela ne lui coûte pas nécessairement plus cher. Cela peut me demander un certain temps de plus pour me familiariser avec l'environnement ou cela peut me demander du matériel spécialisé qui est fourni par la Régie de l'assurance-maladie, ce n'est pas l'employeur qui va débourser. Il reste que l'employeur, quand il me voit arriver, avec son paquet de préjugés, s'il n'est pas obligé de m'engager, il va en engager un autre.

M. Marx: Peut-être que c'est une question assez élémentaire, mais c'est pour m'instruire et peut-être en instruire d'autres à la commission. Est-ce qu'il y a beaucoup de professionnels aveugles qui ne trouvent pas d'emploi? Est-ce qu'il y a beaucoup d'aveugles qui ont une profession, qui sont sur le marché du travail et qui ne trouvent pas de débouchés?

M. Langevin: II y a plusieurs professionnels, il y en a de plus en plus. Il y en a certains qui se trouvent de l'emploi quand même, mais il n'y en a pas un gros pourcentage. On sait tous que le pourcentage de chômeurs parmi la population dite normale est très élevé aussi, mais chez les handicapés, il l'est beaucoup plus.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Langevin. Je remercie le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec pour son mémoire.

Association de paralysie cérébrale

Maintenant, j'appelle l'Association de paralysie cérébrale du Québec Inc. M. Simard?

M. Simard (André): Exactement, oui.

Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez nous présenter celui qui vous accompagne.

M. Simard: M. le Président, mesdames et messieurs, il me fait plaisir de vous présenter les deux membres de l'équipe de travail qui ont fait toutes les recherches et les consultations nécessaires à la présentation de ce mémoire.

À ma gauche, Rock Gadreau, directeur de la promotion et de l'information à notre association; à ma droite, Bernard Grenier, qui fait également partie de ce service. Je suis André Simard, membre du conseil d'administration de l'Association de paralysie cérébrale du Québec, et père de trois enfants dont une fillette de sept ans, Marie-Noëlle, qui souffre de la paralysie cérébrale.

En guise de préambule et sans vouloir choquer la commission, on a beaucoup parlé, aujourd'hui, de discrimination systémique, de programmes de redressement et de programmes d'action positive. Je me demande si cela aurait été de l'action positive que de nous faire passer à la place du barreau et de faire passer le barreau à

notre place. Je ne veux pas par cela mettre en doute la bonne foi de ceux qui ont fait cet ordre du jour, je ne fais que poser la question.

À l'invitation de la Commission des droits de la personne, l'Association de paralysie cérébrale du Québec a l'honneur de vous soumettre ce mémoire relativement à certaines propositions d'amendement à la Charte des droits et libertés de la personne.

Notre organisme est une corporation sans but lucratif qui regroupe des personnes ayant la paralysie cérébrale, des parents et d'autres personnes intéressées. L'association comprend neuf chapitres régionaux, soit un dans chacune des régions administratives de la province, à l'exception du Nouveau-Québec.

L'Association de paralysie cérébrale du Québec accorde beaucoup d'intérêt à la question des droits de l'homme et des libertés fondamentales en général et, de façon toute particulière, à la reconnaissance des droits des personnes handicapées.

En ce sens, l'association tenait à Québec, en mars dernier, un colloque sur les droits des personnes handicapées. Lors de ce colloque, un grand nombre de recommandations furent formulées à l'adresse de l'État, des professionnels de la santé, de l'Office des personnes handicapées, des associations de promotion, des parents de personnes handicapées, des personnes handicapées elles-mêmes et du public en général. Ces recommandations ont été ou seront acheminées à leurs destinataires respectifs dans les circonstances les plus opportunes.

En ce qui a trait à la présente commission parlementaire sur la Charte des droits et libertés de la personne, le temps très court qui était à notre disposition ne nous a pas permis de commenter chacune des propositions d'amendement à la charte soumises par la Commission des droits de la personne.

À cause de cette limite, nous avons dû restreindre nos observations aux trois sujets d'amendement suivants, qui touchent directement les personnes ayant la paralysie cérébrale: la discrimination dans les avantages sociaux, l'action positive ou les programmes de redressement et l'exploitation d'une personne.

Cependant, pour faire suite à plusieurs recommandations importantes du colloque de mars dernier sur les droits des personnes handicapées, nous portons à votre attention une proposition qui n'est pas au nombre de celles qu'avance présentement la commission des droits, soit celle de reconnaître explicitement le droit au travail dans la charte.

Relativement à la discrimination dans les avantages sociaux et à l'action positive ou les programmes de redressement, notre association endosse complètement les recommandations de la Commission des droits de la personne. Nous n'avons pas cru nécessaire de présenter ces sujets pendant l'heure qui nous est offerte, croyant suffisante la présentation qui en est faite dans notre mémoire.

De toute façon, si, durant la période de questions, la commission désire que nous élaborions notre pensée sur ce sujet, il nous fera plaisir de le faire.

J'aimerais maintenant vous présenter les points III et IV de notre mémoire. Le point III parle sur l'exploitation d'une personne. Parmi un groupe d'amendements divers, la Commission des droits de la personne demande qu'une atteinte à l'article 48 de la charte constitue une infraction pénale.

Ce dernier sujet fait l'objet des articles 87 à 89.

L'article 48 de la charte, dans son premier alinéa, édicte que: "Toute personne âgée ou toute personne handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation."

L'article a été modifié, en 1978, par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et le premier alinéa se lisait originairement comme suit: "Toute personne âgée ou toute personne atteinte d'une infirmité ou souffrant d'une déficience ou d'une maladie mentale a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation."

Notre position est la suivante: En ce qui a trait à l'établissement même d'une infraction en relation avec une atteinte à ce droit, l'Association de paralysie cérébrale du Québec ne peut que souscrire à la proposition de la commission des droits. C'est là un moyen simple et relativement efficace d'étendre la portée de l'article 48 au-delà de la lettre ou de l'énoncé de principe. Cet ajout doit renforcer au plan concret l'application du droit consacré par cet article.

L'Association de paralysie cérébrale du Québec estime toutefois que le droit d'être protégé contre toute forme d'exploitation ne devrait pas viser les seules personnes âgées ou handicapées. Il ne s'agit pas, à notre avis, d'un privilège appartenant à ces deux groupes, mais plutôt d'un droit qui devrait être reconnu de façon universelle à toute personne.

À cet égard, les personnes handicapées ne sont pas placées dans une situation différente des autres personnes. Il n'y a donc pas lieu d'en faire un cas spécial.

Enfin, il n'est pas tout à fait clair si la présente proposition de la Commission des droits de la personne se rapporte également au deuxième alinéa de l'article 48 selon lequel: "Toute personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui en

tiennent lieu." Quoi qu'il en soit, la nature des rapports - les relations familiales -existant habituellement entre les sujets en cause nous semble disconvenir à l'établissement d'une infraction. (20 h 30)

Quatrième partie, le droit au travail. En mars dernier, l'Association de paralysie cérébrale du Québec organisait à Québec un colloque sur les droits des personnes handicapées. Cet événement, qui était attendu depuis longtemps, a réuni plus de 450 participants dont la majorité étaient des personnes handicapées. Il survenait lors même de l'année internationale des personnes handicapées et aussi au seuil de la décennie 1980. Le thème du colloque était: Par-delà les principes, des objectifs pour l'avenir.

La situation particulière des personnes handicapées fut considérée en regard des différents droits et libertés reconnus par la charte des droits québécoise. Le droit au travail, entre autres, a fait l'objet d'une attention considérable et, parmi les recommandations formulées au terme du colloque, plusieurs eurent trait à ce sujet. Il convient sans doute d'en faire état devant cette commission parlementaire sur la Charte des droits et libertés de la personne dans le but de lui soumettre une recommandation visant la reconnaissance du droit au travail.

Dans notre contexte socio-économique, l'emploi cause un problème sérieux pour un grand nombre d'individus dit normaux. L'objectif de l'augmentation de la productivité entraîne le fractionnement des tâches et une normalisation poussée. Le travail s'en trouve souvent déshumanisé et perd sa valeur intrinsèque.

Toute personne qui ne peut s'insérer parfaitement dans les modèles d'emplois existants éprouve de sérieuses difficultés à accéder au marché du travail. Il n'est donc pas surprenant de constater que la personne handicapée, qui essentiellement représente une personne non conforme à la norme, soit souvent victime en toute première place de la rigidité des modèles d'emplois. Ainsi un employeur ayant à choisir parmi plusieurs personnes également compétentes pourra être porté à écarter une personne handicapée qui l'obligerait à adapter quelque peu son poste de travail.

Au reste, la personne handicapée est souvent confrontée, comme on le sait, à la barrière supplémentaire des préjugés et de certaines attitudes négatives. Le résultat complet est que 90% des personnes handicapées dépendent de l'aide sociale. Le pourcentage est encore plus élevé dans le cas des personnes ayant la paralysie cérébrale.

Au colloque sur les droits des personnes handicapées, les discussions relatives au thème du travail se sont conclues sur les recommandations suivantes: a) Qu'on n'axe pas les services de réadaptation vers l'occupationnel et le loisir et que ces services permettent d'outiller l'individu pour qu'il se prenne en main et puisse s'intégrer socialement. Cette recommandation démontre la volonté très nette des personnes handicapées de subvenir elles-mêmes à leurs besoins, notamment par le travail, plutôt que d'être à la charge de la société. b) Qu'on élimine les questions concernant les personnes handicapées sur les formulaires d'emploi. Parmi d'autres griefs possibles, cette pratique a souvent pour effet d'exclure la personne handicapée, pourtant apte à un emploi, au simple vu de la formule, sans qu'elle ait la possibilité de faire valoir ses qualités. c) Que dans la dispensation des services aux personnes handicapées, ces dernières soient favorisées et qu'à compétence égale, on engage du personnel handicapé. Que l'Office des personnes handicapées du Québec embauche des personnes handicapées pour une bonne représentation de ces personnes.

On peut reconnaître dans ces deux recommandations des mesures positives contre la discrimination au niveau de l'emploi, formule sur laquelle se penche la présente commission parlementaire. d) Attendu que l'aide sociale est perçue comme une charité dans notre société et non le droit à un revenu minimum garanti, les personnes handicapées sont ainsi doublement marginalisées. Il est résolu de demander que soient amendés les articles 45 et 46 de la Charte des droits et libertés de la personne de façon à reconnaître le droit au travail, que soient intensifiés les programmes de sensibilisation auprès des employeurs et que soit redéfinie la notion de travail de façon à reconnaître comme du travail les activités utiles, communautaires, culturelles ou éducatives auxquelles peuvent se livrer les personnes handicapées.

Une partie de cette recommandation porte spécifiquement sur des amendements possibles à la Charte des droits et libertés de la personne et, par conséquent, les circonstances sont exceptionnellement favorables à ces considérations.

La charte des droits, dans son préambule, pose déjà les principes suivants: "Tout être humain possède des droits et libertés intrinsèques destinés à assurer sa protection et son épanouissement" et "le respect de la dignité de l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix".

On ne peut certes nier que, dans notre société, la protection, l'épanouissement et la dignité de l'individu sont des objectifs fondamentaux indissociables du droit au travail.

Les mêmes considérations s'appliquent

aux droits reconnus à l'article 1 de la charte: "Tout être humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté, à l'intégrité physique et à la liberté de sa personne." Les articles 16 à 20 de la Charte des droits et libertés de la personne qui, plus loin, prohibent diverses formes de discrimination dans le travail -embauche, associations d'employeurs ou de salariés, bureaux de placement, égalité de traitement, distinctions permises présupposent évidemment l'existence du droit au travail. Enfin, au chapitre IV de la charte, parmi les droits économiques et sociaux, les articles 45 et 46 reconnaissent respectivement le droit pour toute personne à une sécurité financière et sociale minimale: "Toute personne dans le besoin a droit, pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie décent", et le droit à des conditions de travail convenables: - article 46 - "toute personne qui travaille a droit, conformément à la loi, à des conditions de travail justes et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique."

Notre recommandation est la suivante: Vu l'importance du droit au travail dans notre société, l'Association de paralysie cérébrale du Québec recommande que ce droit soit reconnu non plus de façon implicite, mais encore au moyen d'une affirmation directe dans la Charte des droits et libertés de la personne. L'énoncé suivant pourrait être intercalé entre les articles 45 et 46: "Toute personne a droit au travail." On pourrait craindre évidemment qu'une déclaration aussi large ne pose des problèmes d'application dans un contexte socio-économique ne comportant pas le plein emploi. Toutefois, la règle ordinaire d'interprétation, en matière des droits de l'homme et des libertés fondamentales, selon laquelle ces concepts ne représentent pas des valeurs absolues et certaines réserves en font intrinsèquement partie, permettrait assurément de concilier l'expression générale du droit au travail avec une conjoncture économique imparfaite. Proclamer explicitement le droit au travail dans la charte des droits serait reconnaître une réalité bien concrète dans notre société. La sécurité, la liberté, l'épanouissement et la dignité de la personne sont étroitement liés au travail. Ce serait de plus promouvoir l'égalité de tous relativement au droit de travailler, les personnes handicapées comme les autres membres de la société.

En fait, M. le Président, j'aimerais dire que ce que nous réclamons principalement pour les personnes qui ont un handicap, c'est l'intégration, autrement dit le droit à la communauté. Le droit à la communauté c'est d'être autonome comme les autres, de travailler pour garantir un peu cette autonomie, le droit aux loisirs, le droit au logement au milieu de tous pour pouvoir s'enraciner parmi vous, le droit au transport adapté, sans lequel rien n'est possible, et le droit à une vie sexuelle normale, et encore. Les personnes handicapées désirent faire partie de la communauté, grâce à leur ressemblance et malgré leur différence.

Pour les enfants qui ont un handicap, nous réclamons, corollairement aux droits à la communauté, le droit à la famille, c'est-à-dire le droit pour l'enfant de vivre dans sa famille, qui est pour nous le lieu privilégié de son épanouissement et où il reçoit toute la stimulation affective nécessaire à son développement. Nous réclamons pour cet enfant le droit de partager, avec ses frères et soeurs, la même garderie, la même école, le même terrain de jeu, afin que lui aussi ait la chance de croître et de s'enraciner dans sa communauté. L'exercice de se droit nous apparaît d'ailleurs comme une des meilleures méthodes pour en arriver à l'intégration de l'adulte qui a un handicap. Cependant, pour réaliser cela, il faudra aider les parents en leur donnant à la maison tout le support spécialisé dont ils ont besoin dans des programmes d'éducateurs maison, dans le genre de ceux qu'offre actuellement notre association, à une échelle malheureusement réduite à cause de nos possibilités limitées.

Ce que nous réclamons, finalement, c'est le droit pour les personnes handicapées, enfants ou adultes, de vivre dans un milieu écologique naturel. C'est plus que la modification à l'article 1 de la charte que propose la commission des droits en parlant du droit à un environnement sain. Nous réclamons un environnement sain physiquement, psychologiquement, sociologiquement, et ainsi de suite, pour nos enfants.

Pour illustrer mes propos, M. le Président, je voudrais soumettre à cette commission deux cas tirés de l'actualité récente de négation des droits fondamentaux. Le premier concerne un groupe de plus de 30 adultes qui ont un handicap et qui se sont inscrits à un programme d'alphabétisation à la CECQ, prévu pour le 8 septembre 1981. Malheureusement, et cela malgré bien des efforts, la Commission de transport de la Communauté urbaine de Québec refuse de fournir sa quote-part. Ces adultes sont donc privés de transport et par le fait même de leur programme d'alphabétisation.

Le deuxième cas concerne un enfant autistique anglophone. La Commission scolaire de Sainte-Foy n'offre aux parents de cet enfant, sous prétexte qu'elle n'a pas les services nécessaires, que de prendre des ententes avec d'autres institutions privées ou publiques, comme par exemple le Douglas Hospital dans la région de Montréal. Est-ce là ce qu'on peut appeler le droit à la famille? Et qu'en sera-t-il de ce droit pour

les enfants dans les régions éloignées si, en banlieue de Québec, on n'a rien de satisfaisant pour eux? Je ne m'attends pas à ce que la commission règle ces deux cas particuliers de négation des droits, mais j'espère que le simple fait de vous les souligner pourra hâter leur solution.

En guise de conclusion, l'Association de paralysie cérébrale du Québec est reconnaissante au ministre et à la commission parlementaire sur la Charte des droits et libertés de la personne d'avoir considéré son avis sur les propositions d'amendement à la charte soumises par la Commission des droits de la personne du Québec. L'association remercie cette dernière de l'avoir appelée à formuler ses observations. Mis à part les sujets que l'Association de paralysie cérébrale a commentés dans le présent mémoire, elle tient à exprimer un accord de principe relativement aux autres propositions d'amendement apportées par la Commission des droits de la personnes et qui n'affectent pas spécifiquement la condition des personnes ayant la paralysie cérébrale: l'ajout de l'âge comme motif interdit de discrimination, la mise en cause du principe de la retraite obligatoire, la suspension de la prescription lors du dépôt d'une plainte auprès de la commission, l'introduction d'un recours collectif, la reconnaissance du droit à un environnement sain et la clarification du pouvoir d'ester en justice de la Commission des droits de la personne. Nous souhaitons que le législateur entérine ces propositions.

L'Association de paralysie cérébrale du Québec exprime, par ailleurs, le voeu que dans le futur la reconnaissance des droits des personnes handicapées ait pour prolongement une amélioration sensible de leurs conditions d'exercice. Il s'agit là d'une des conclusions majeures du colloque de mars sur les droits des personnes handicapées. Notre association renouvelle l'expression de son intérêt et de son appui à la promotion dans notre société des droits de la personne dans leur ensemble et des droits des personnes handicapées en particulier. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Simard. M. le ministre.

M. Bédard: Je remercie M. Simard et ceux qui l'accompagnent des représentations qui viennent d'être faites, au niveau de la commission. Il s'agit d'un mémoire, on a pu le constater, très approfondi. Sans doute que l'éclairage qu'il nous apporte, avec l'expérience que vous avez et qu'on perçoit tout au long du mémoire, sera de nature à donner aux membres de la commission un éclairage qui permettra d'orienter les conclusions de cette commission parlementaire le plus positivement possible par rapport aux préoccupations que vous avez évoquées.

Vous avez fait état d'un colloque qui a été tenu, il n'y a pas très longtemps, concernant les programmes de redressement ou d'accès à l'égalité. Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous pencher sur le rôle que vous pourriez jouer comme association concernant l'élaboration de tels programmes?

M. Simard: Je vais demander à Rock ou à Bernard, d'intervenir.

M. Gadreau (Rock): M. le ministre, je pense que, dans le cas de la mise en marche de programmes d'action positive, le rôle de l'Association de paralysie cérébrale, comme d'autres organismes de promotion, pourrait être un peu le rôle qu'on joue dans plusieurs autres domaines. Il est évident que, par l'expertise qu'on a développée au niveau de la situation des gens qui ont la paralysie cérébrale, on serait disponible pour apporter notre éclairage dans la mise en marche de ces programmes. C'est évident qu'un employeur qui déciderait de le faire ou à qui on imposerait l'adoption d'un programme d'action positive n'a pas du jour au lendemain toutes les données en ce qui concerne les personnes handicapées et leurs possibilités d'emploi. Je pense que ce manque d'information est à l'origine de plusieurs préjugés qu'il faut combattre. Dans ce sens-là, il est évident que nous pourrions...

M. Bédard: ... jouer un rôle de premier plan au niveau de l'élaboration de ces programmes.

M. Gadreau: C'est ça, un rôle de conseillers.

M. Bédard: Maintenant, dans un autre ordre d'idées, dans votre mémoire, vous parlez de l'abrogation de l'article 90, je réfère à la page 10 de votre mémoire. Vous suggérez que soit confié à la Commission des droits de la personne un pouvoir de réglementation visant à rendre mieux applicable un tel principe. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage l'intervention de la commission relativement au fardeau qui incomberait au fournisseur du régime dont vous parlez, à la page 10 de votre mémoire. Autrement dit, quand interviendrait cette appréciation de la commission d'abord? Quelles pourraient être les implications ou les améliorations qui s'ensuivraient? (20 h 45)

M. Grenier (Bernard): C'est la situation actuelle qui serait à inverser finalement. Il y a, en regard des régimes d'avantages sociaux en ce moment, une règle de discrimination quant aux quatre points qui sont visés par l'article 90, suivant la numérotation actuelle. Or, c'est ce principe de discrimination qui existe présentement qui serait remplacé par

un principe de non-discrimination. Il s'agirait, dans le cas des prestateurs de régimes d'avantages sociaux, de démontrer dans chaque cas particulier, pour chacun des régimes qui sont offerts, qu'il y a lieu précisément, en fonction de considérations actuarielles ou autres, d'établir une discrimination qui jouerait au niveau de la prime. Il y aurait des différences de primes qui seraient fondées sur des raisons actuarielles prouvées dans chaque cas. Évidemment, il y a un très grand nombre de distinctions qui doivent être faites en cette matière, tant entre les handicaps eux-mêmes qu'entre les handicaps et les états de mauvaise santé. Finalement, la toile de fond, c'est que la question est très complexe. Dans des cas particuliers, si on les considère en tant que cas particuliers, les uns après les autres, régime par régime, il y a bien des situations où il est très clair que le handicap n'a absolument aucune incidence sur le risque de la personne assurée pour parler d'assurance-vie. Nous sommes en mesure précisément ce soir de vous soumettre ici même un exemple vivant, un cas concret; mon collègue, M. Gadreau, qui lui-même a la paralysie cérébrale, est présentement protéqé par une police d'assurance-vie. Cette police d'assurance-vie est d'un coût plus élevé que pour une autre personne. Or, sur le plan médical, sur le plan actuariel, d'après toutes les considérations objectives que l'on peut faire, M. Gadreau ne présente pas un risque plus grand que vous et que moi.

M. Simard: Je voudrais, en guise de complément aussi, dire qu'on peut toujours prendre en considération les données actuarielles d'un problème. Ce n'est pas là la complète réalité. Ce serait du réalisme naïf que de penser que la réalité tient aux données actuarielles. Il y a un choix de société. Il y a un jugement de porté lorsqu'on ne tient compte que de ces données actuarielles. Si nous désirons que les personnes handicapées fassent partie de la société et si la société désire que les personnes handicapées en fassent partie, il faut que, tous ensemble, on le dise. On ne peut pas distinguer, à ce moment, dans des programmes d'assurance, dans des programmes de revenus. Tous ensemble, on doit payer pour que tout le monde reçoive les mêmes avantages sociaux. Cela peut avoir pour effet de monter un peu la prime de personnes qui auraient une vie plus longue que les personnes handicapées, mais c'est un choix. Si on choisit de placer les personnes handicapées parmi la société, il ne faut pas faire la distinction. On pourrait toujours faire des distinctions, dire que les personnes qui sont grandes et minces vivent plus vieilles que les personnes qui sont grasses, et ainsi de suite. On pourrait en faire toutes sortes de données actuarielles; mais, en plus des données actuarielles, la réalité comporte le jugement sur les données actuarielles. Il s'agit d'en tenir compte ou de ne pas en tenir compte. Il y a un choix à faire. Nous choisissons de dire que la personne handicapée doit faire partie de la société, et, à ce titre, on ne voit aucune raison pour laquelle elle aurait des primes différentes. Je veux distinguer aussi ce que disait Bernard tout à l'heure. Il y a l'état de santé et il y a le handicap. Je ne pense pas qu'on puisse affirmer que Rock, ici, va vivre moins vieux que moi. C'est absolument ridicule.

M. Bédard: Je vous remercie de vos représentations.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Premièrement, je peux vous assurer que demain, quand on va recevoir le Bureau d'assurance du Canada, je vais poser cette question sur la police d'assurance de M. Gadreau et peut-être va-t-on avoir une réponse. Il va nous expliquer pourquoi il y cette discrimination évidente.

Vous avez parlé beaucoup de programmes de redressement. Supposons que la charte soit modifiée en vue de permettre de tels programmes de redressement. Qu'est-ce qu'on va faire après? Comment voyez-vous cela? Dans le secteur privé, qu'allez-vous attendre de la commission, de ministères ou de qui que ce soit qui auront le pouvoir de mettre en oeuvre de tels programmes? Qu'est-ce qu'on fait? Supposons qu'on dise, comme vous l'avez souligné, qu'il y a très peu de victimes de la paralysie cérébrale qui travaillent dans le secteur privé; supposons que nous avons la loi devant nous maintenant et qu'on peut mettre en oeuvre certains programmes de redressement, qu'est-ce qu'on fait? Comment procède-t-on? Va-t-on frapper à la porte d'une compagnie en disant: Ici, on pense que vous devez engager cinq handicapés de tel et tel ordre, etc.

J'aimerais que vous précisiez comment on va mettre en oeuvre ces programmes et ce qu'on va faire.

M. Gadreau: On ne peut pas répondre de façon précise à ce moment-ci à savoir quelles devraient être les priorités des plans d'application de telles mesures. Ce sera à la commission, en fonction des pouvoirs qui lui seront attribués et des ressources aussi, de voir dans quelle mesure elle peut les appliquer.

En ce qui regarde l'exemple que vous mentionnez, l'idée de se présenter chez un employeur et dire: Vous allez embaucher cinq personnes, à la commission parlementaire et dans la consultation qui a précédé l'adoption de la loi assurant l'exercice des droits des

personnes handicapées, les organismes ont clairement exprimé le voeu qu'il n'y ait pas de quota comme tel, mais plutôt qu'on aille vers ce qui s'appelle, dans le cas de l'office, un plan d'embauche, un peu l'équivalent du programme d'action positive, dans lequel on laisserait une certaine possibilité à l'employeur de dire: Compte tenu de la situation particulière de mon entreprise, je veux intégrer et je peux intégrer dans un certain laps de temps un tel nombre de personnes handicapées. Cette façon de procéder est une garantie plutôt que les postes qu'on va ouvrir pour les personnes handicapées. Cela se ferait en tenant compte de leurs possibilités réelles plutôt que de simplement se conformer à un quota bien arbitraire. Les programmes d'action positive peuvent être obligatoires à condition de laisser la possibilité à l'employeur d'étudier la situation et de voir de quelle façon il pense pouvoir intégrer des personnes handicapées.

C'est sûr que, si on se rend compte qu'il y a mauvaise volonté au point de départ et que l'employeur dit: Pour moi, c'est impossible, je ne peux intégrer 0,01%, là, il y a moyen de revenir à la charge, mais...

M. Bédard: II faudrait une collaboration des deux parties impliquées pour que ce soit bien accepté en fait.

M. Gadreau: C'est cela.

M. Marx: Que ce soit plutôt volontaire, le cas échéant, si on peut obtenir des employeurs de mettre en oeuvre un tel programme sans que ce soit nécessaire de forcer ces programmes sur leur...

M. Gadreau: C'est cela, dans une certaine mesure.

M. Marx: Oui, d'accord, je comprends.

M. Grenier: J'ajouterais peut-être simplement que cela pourrait évidemment permettre à l'employeur de faire précisément ce qui serait illégal dans l'état actuel des choses, de faire précisément de la discrimination en faveur des personnes handicapées, en dehors même d'un plan spécifique d'embauche qui soit techniquement et complètement articulé.

Alors, un employeur qui en aurait l'intention, qui en aurait le souhait pour lui-même, pourrait systématiquement faire de la discrimination en faveur de personnes handicapées.

M. Marx: Lorsque vous parlez des employeurs, c'est-à-dire des grandes compagnies ou des magasins à rayons... Est-ce que c'est cela, qu'est-ce que veut dire "employeurs"? Ce sont des grandes compagnies, ce ne sont pas des magasins du coin ou des...

M. Grenier: Peut-être tout, y compris l'État.

M. Marx: Ah oui! Cela va de soi. Mais à part l'État, dans les secteurs privés?

M. Gadreau: Je pense que c'est là-dessus que je disais qu'il est assez difficile de se prononcer à ce moment-ci, sur une question comme cela, parce c'est quand même assez complexe. La loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées a comme critère les employeurs de 50 salariés ou plus.

Les informations que j'ai pu avoir, c'est qu'il faut une réglementation pour préciser cela et, d'autre part, on se rend compte que, dans certaines régions, c'est difficilement applicable parce que, dans le contexte de Montréal ou de Québec, une mesure visant les employeurs de 50 salariés ou plus, cela donne quand même un certain pourcentage d'emplois qui seront disponibles à court ou à moyen terme, mais, dans d'autres régions plus éloignées, le contexte est très différent. Dans ce sens-là, je pense que... Peut-être qu'on ne répond pas à votre question, je m'en excuse.

M. Marx: Je comprends. Non, mais j'ai juste voulu avoir une idée comment vous voyez cela, et je pense que je comprends maintenant comment vous voyez l'implantation de ces programmes; c'est parce que cela pourrait arriver plus vite que l'on pense. Pas de réaction.

Le Président (M. Gagnon): Alors, on remercie l'Association de paralysie cérébrale du Québec de son mémoire.

Le neuvième mémoire, celui de l'Association canadienne de l'ataxie de Friedreich, est pour dépôt et je pense que chaque membre de la commission a reçu ce mémoire.

M. Bédard: II s'agit d'un mémoire de la part d'une personne handicapée ataxique, M. Louis Boudreau. Alors, nous tenons à le remercier pour ses remarques sur le programme de redressement, l'âge de la retraite et la discrimination concernant les avantages sociaux. Je pense que ces remarques sont d'autant plus pertinentes qu'elles viennent d'une personne qui doit vivre avec une réalité quand même difficile.

Le Président (M. Gagnon): Alors, à ce moment-ci la commission... Il est déposé. La commission de la justice ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures. (Fin de la séance à 20 h 59)

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