Débats de la Commission permanente de la justice, Le mardi 13 octobre 1981
Â
Les travaux parlementaires
32e
législature, 2e session
(du 30 septembre
1981 au 2 octobre 1981)
Journal des débats
Â
Commission permanente de la justice
Le mardi 13 octobre 1981 _ No 5
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Présentation de mémoires en
regard
des modifications à apporter
à la Charte des droits
et libertés de la personne (3)
(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, s'il vous
plaît!
Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de la justice
reprend ses travaux pour tenir des auditions publiques en regard des
modifications à apporter à la Charte des droits et
libertés de la personne.
Les membres et intervenants de la commission pour cette séance
sont: M. Beaumier (Nicolet), M. Bédard (Chicoutimi), M. Boucher
(Rivière-du-Loup), M. Brouillet (Chauveau), Mme Marois (La Peltrie), qui
remplace M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau
(Johnson), M. Kehoe (Chapleau), M. Lafrenière (Ungava), M. Marx (D'Arcy
McGee), Mme Bacon (Chomedey), qui remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi).
Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet
(Jeanne-Mance), M. Blank (Saint-Louis), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Dussault (Châteauguay), Mme Lachapelle (Dorion),
M. Martel (Richelieu) et M. Pagé (Portneuf).
Barreau du Québec
J'inviterais ce matin le Barreau du
Québec, qui est représenté par... Cela ne
correspond pas au nom que j'ai, sûrement, Me...
Mme Audette-Fillion (Micheline):
Micheline Audette-Fillion.
Le Président (M. Desbiens):
Micheline Audette-Fillion. Si vous voulez vous présenter, s'il
vous plaît, et présenter ceux qui vous accompagnent.
M. Allard (Jules): Le bâtonnier Jules Allard...
Mme Audette-Fillion: Je pourrais les présenter, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): Oui.
Mme Audette-Fillion: M. le Président, M. le ministre,
mesdames, messieurs les membres de la commission permanente de la justice, mon
nom est Micheline Audette-Fillion, directeur général du Barreau
du Québec. C'est cependant comme directeur de la recherche qu'il me fait
grand plaisir, Ã plus de six ans d'intervalle, de revenir
présenter devant cette même commission parlementaire, bien que les
personnes aient changé, le mémoire sur ce même sujet, la
Charte des droits et libertés de la personne.
Je m'empresse donc de vous présenter la délégation
du barreau et le comité du barreau sur les droits et libertés de
la personne. à mon extrême gauche, M. le Président, et dans
l'ordre, Me Claude Tellier, avocat de pratique privée de Montréal
et vice-président du Barreau du Québec, Me Patrice Garant,
avocat, professeur à l'Université Laval, directeur du laboratoire
de recherche sur la justice administrative de la faculté de droit de
l'Université Laval, Me Michel Décary, avocat de pratique
privée à Montréal, Me André Tremblay, avocat
à Montréal, professeur à la faculté de droit de
l'Université de Montréal et président du comité du
barreau, Me Jules Allard, avocat de pratique privée Ã
Victoriaville et bâtonnier du Québec. Je m'excuse, Me Robert
Lesage, avocat de pratique privée à Québec.
Les autres membres du comité du barreau qui ont travaillé
au mémoire du barreau étaient Me François Aquin, Me Dida
Berkou, Me Raymond Clair, Me Ginette Durand-Breault, Me Guy Lafrance, M. le
bâtonnier Michel Robert et Me Suzanne Vadeboncoeur, secrétaire du
comité et avocat au service de recherche du Barreau du
Québec.
Vous aurez noté que, comme en 1975, nous avons pensé qu'il
s'agit là d'une législation tellement prépondérante
et tellement importante pour les Québécois que le
vice-président du Barreau du Québec et le bâtonnier du
Québec devaient accompagner notre délégation.
Nous avons tous vécu l'expérience de l'application de la
charte depuis plus de six ans, depuis l'entrée en vigueur des
dispositions relatives à la commission, le 26 juin 1976. Forts de cette
expérience, nous sommes maintenant en mesure de nous arrêter
à un exercice d'évaluation et d'orientation
bénéfique. Bien que le mandat de cette commission parlementaire
n'ait pas été élaboré de façon
précise, c'est du moins ainsi que nous l'avons perçu. Nous avons
donc considéré, entre autres choses, les recommandations de la
commission elle-même dans ses divers rapports annuels et ses articles
transmis aux journaux considérant la
commission en quelque sorte comme un intervenant
privilégié dans le domaine.
Au moment des travaux de notre comité, nous n'avions donc pas eu
l'avantage de prendre connaissance du mémoire de la commission
présenté devant vous, mercredi dernier. Nous nous attacherons
donc aux points que nous considérons les plus importants dans cette
entreprise de recul, d'évaluation et d'orientation, l'étendue et
la sanction des droits, l'action positive, la discrimination, le statut, le
rôle et le fonctionnement de la Commission des droits de la personne et,
enfin, les droits judiciaires.
Je m'empresse donc de céder la parole au bâtonnier du
Québec, Me Jules Allard.
M. Allard: M. le Président, M. le ministre, mesdames,
messieurs, notre directeur général vous a dit combien ce sujet
est important pour nous. Il est très très important. Il fait
partie du serment de l'avocat, des droits et libertés. C'est pourquoi
nous avons tenu à être présents et répondre Ã
l'invitation qui nous a été faite.
Les quatre grands principes qui sous-tendent notre mémoire
consistent d'abord au caractère de pérennité et de
stabilité des valeurs fondamentales consignées dans la charte.
Cela impose pour tout changement des procédures et peut-être des
formalités extraordinaires. C'est tellement important que nous voulons
que les élus du peuple, l'Assemblée nationale, soient les
personnes, ou le groupement ou le corps autorisé à effectuer tout
changement et pour cela on demande même une majorité des deux
tiers.
Le deuxième principe qui est le corollaire du premier est
l'exclusion d'une modification à la charte par voie de règlement,
toujours en vertu du même principe. Le troisième
considérant est que la démarche s'attache aux politiques sociales
ne peut être incluse dans la Charte des droits et libertés de la
personne. La charte contient des principes généraux et il ne faut
peut-être pas déléguer de la réglementation ou de la
législation à un autre niveau et l'inclure dans la charte. Le
quatrième considérant porte sur l'universalité des droits
fondamentaux inscrits à la charte. Même si la Commission des
droits de la personne est l'organisme administratif privilégié
pour l'application de la charte, nous pensons que tous les agents sociaux de
l'Ãtat de même que les tribunaux doivent en assurer la sanction et
le respect.
Nous regrettons de n'avoir pas eu plus de temps pour
préparer notre mémoire. La situation se présentait de la
façon suivante: II n'y avait pas de proposition de loi de
déposée, par conséquent, il fallait se
référer soit à des articles de journaux, ou aux rapports
annuels de la commission et, de ce fait nous n'avons pu frapper le clou comme
c'est le cas d'une législation. Cela a l'avantage, par ailleurs, de
chercher ou d'être original dans un champ plus vaste peut-être
d'une proposition globale.
L'autre aspect, c'est la question du temps. Nous aurions voulu
approfondir des sujets dont il n'est même pas question dans
l'environnement de la question comme la question suivante: Ne serait-il pas
à propos d'inclure cette charte dans ce qui est déjà notre
droit fondamental, le droit civil, le Code civil. Malheureusement, nous n'avons
pas eu le temps de le faire. C'est avec ces contingences que je vous
présente le président du comité qui exposera la
première partie du mémoire, Me Tremblay.
M. Tremblay (André): Merci, M. le bâtonnier. M. le
Président, j'exposerai le contenu du chapitre 1 de même que le
contenu du chapitre 2. Mon confrère Robert Lesage, assis à ma
gauche, fera la présentation du chapitre 3 intitulé: La
discrimination dans les avantages sociaux et les régimes d'assurance de
personnes. Le chapitre 4 sera présenté par Me Michel
Décary. Enfin, le chapitre 5 sera aussi présenté par mon
collègue Lesage.
Premier chapitre: Ãtendue et sanction des droits. La
première considération porte sur l'âge. Le comité du
barreau estime que les principales difficultés qui pourraient justifier
l'âge comme motif de discrimination se situent surtout au niveau du
travail ou de l'emploi. Il considère qu'il y a lieu de modifier notre
législation du travail de façon à traduire sans
ambiguïté et avec générosité nos obligations
de justice envers, principalement, nos concitoyens âgés. Il pense
que ce pourrait être une tentation facile d'éluder nos obligations
de justice en décrétant l'âge comme motif de
discrimination. Incidemment, nous signalons à l'attention de cette
commission qu'aucune charte provinciale des droits au Canada ne contient
l'âge comme motif général de discrimination. De
façon générale, les chartes des autres provinces
définissent l'âge protégé contre la discrimination
entre 18 et 65 ans. Ces chartes précisent certains secteurs
d'activité où des distinctions sont interdites en raison de
l'âge: emploi, publicité dans l'emploi, appartenance à des
syndicats ou à des professions.
Nous n'avons pas d'objection à ce qu'on procède ici comme
on le fait dans les autres provinces, mais le type de clause
antidiscriminatoire quant à l'âge qu'on repère dans les
autres provinces suggère effectivement que les lois sectorielles du
travail seraient un véhicule plus approprié pour résoudre
les difficultés signalées par la Commission des droits de la
personne. Nous avons trouvé, M. le Président, le cas d'une
province qui s'est orientée vers la formulation d'une clause
générale de
discrimination quant à l'âge. C'est la province du
Manitoba, mais lorsqu'on regarde attentivement cette législation on
s'aperçoit que cette province a dû créer un très
grand nombre d'exceptions à la règle. Or, M. le Président,
lorsqu'on parle de l'âge, on parle d'exceptions et la position du
comité du barreau est qu'en matière de droits fondamentaux on
doit éviter ce type de législation qui permette de vider la
règle générale de son contenu. (10 h 30)
Le deuxième propos, M. le Président, concerne
l'environnement sain, ce droit qui a été revendiqué par la
Commission des droits de la personne. Pour le comité du barreau, il
s'agit ici d'un idéal de vertu auquel nous ne sommes pas opposés.
Le droit à l'environnement sain pose évidemment un
problème de formulation et de mise en oeuvre que nous ne sommes pas en
mesure, encore aujourd'hui, de résoudre. Il s'agit d'un objectif
à long terme auquel se rattachent les actions du ministère de
l'Environnement. Nous constatons que la Commission des droits de la personne
veut devenir l'avocate de ce droit à l'environnement sain.
Concrètement, cela voudra dire une obligation de départager les
responsabilités du ministère de l'Environnement et de la
Commission des droits de la personne. Il y aura chevauchement. Ce sont les
problèmes pratiques et concrets que poseront ces droits nouveaux si,
bien sûr, ils étaient concrétisés dans un texte de
loi.
Un troisième propos concerne la sanction des droits. Notre
mémoire insiste sur le principe que la mise en oeuvre de la charte doit
être appuyée par toutes les autorités administratives, tous
les tribunaux et tous les citoyens. Notre mémoire pose aussi le principe
que les cours de justice constituent le forum par excellence pour assurer
ultimement la sanction des violations des droits.
Maintenant, le chapitre concernant l'action positive. D'abord, nous
voulons dire que nous ne sommes pas opposés, loin de là , Ã
l'action positive. Le comité est préoccupé par la
situation des groupes défavorisés victimes de discrimination
systémique. Ce type de discrimination appelle des mesures de correction
de la part de notre société et ces mesures de correction doivent
être définies autant que possible en concertation avec ces
groupes. Ces mesures ne doivent pas être une nouvelle forme d'injustice,
celle-là envers les groupes qui ont été
privilégiés jusqu'à maintenant.
Nous voulons mettre en garde le législateur contre certains
aspects excessifs de ces programmes, contre l'opportunité de permettre
qu'un organisme administratif puisse les concevoir, les imposer et les
appliquer. Il faut considérer leurs coûts sociaux en particulier.
Précisons notre pensée, M. le Président.
Nous pensons que ces programmes doivent tous, dans un premier temps,
porter sur l'élimination des obstacles à la représentation
des groupes défavorisés. Il faut éliminer les pratiques de
discrimination et il faut neutraliser ces pratiques dans le secteur de la
gestion des ressources humaines. De plus, nous recommandons fortement Ã
l'Assemblée nationale de continuer à favoriser l'adoption de
programmes destinés à améliorer les aptitudes des groupes
défavorisés. Nous voulons rendre hommage ici à l'action
législative de l'Assemblée nationale pour le magnifique travail
accompli en faveur des handicapés. C'est de cette Assemblée
nationale que devaient venir ces mesures de correction; vous l'avez fait
très bien et nous vous encourageons à poursuivre cet effort de
redressement. Aussi, il faudra encourager les employeurs à prendre des
mesures visant à aider les membres des groupes moins favorisés
à obtenir les emplois qui leur étaient historiquement
accessibles.
Comme élément de solution, nous croyons qu'il faudrait
reconsidérer le projet de loi no 24 de 1979 qui légalisait, en
regard de la charte, les programmes de redressement social adoptés
volontairement par les employeurs. C'est dommage que ce projet de loi n'ait pas
été adopté. En même temps, nous voulons dire que ce
projet de loi excluait la possibilité d'utilisation de ces programmes
à des fins abusives.
Ainsi, il faut reconnaître que ces programmes peuvent comporter
des aspects abusifs comme, par exemple, un nombre déterminé de
postes de travail au profit du groupe défavorisé,
détermination qui serait faite par un organisme administratif comme la
Commission des droits de la personne. Un autre aspect excessif serait des
échéanciers d'intégration qui seraient définis
également par un organisme administratif. Nous pensons que si des
mesures de redressement de cette nature doivent être
édictées, elles doivent recevoir une large mesure de consensus
social que seule l'Assemblée nationale peut obtenir.
C'est le point que nous voulons faire ressortir à la page 16 de
notre mémoire, au deuxième paragraphe, alors que nous disons,
à la quatrième ligne: "Si les mesures de redressement que nous
favorisons s'avèrent insuffisantes pour assurer une
représentation équitable des groupes défavorisés et
s'il faut ainsi déroger au principe de l'égalité, seule
l'action législative du législateur est concevable pour organiser
les arbitrages requis", et j'ajoute pour obtenir cette large mesure de
consensus social nécessaire au succès de ces programmes.
Je passe maintenant la parole à mon confrère, Me
Lesaqe.
M. Lesage (Robert): La discrimination dans les avantages sociaux,
M. le Président, de quoi s'agit-il? Il s'agit d'abord, si on se
réfère au mémoire de la Commission des droits de la
personne, d'avantages basés sur le principe de l'égalité
de la rémunération. Accessoirement, on traite également
des régimes étatiques de prestations et, enfin, de l'assurance de
la personne. Ceci est couvert dans la Charte des droits et libertés de
la personne par l'article 90, que la Commission des droits de la personne
recommande d'abroger.
Présentement, dans la charte, il est permis, en matière de
régimes d'avantages sociaux, d'assurance de personnes et autres
régimes de retraite et de pension, de faire certaines distinctions qui
sont basées soit sur le sexe, c'est-à -dire hommes et femmes, soit
sur l'état civil, c'est-à -dire conjoints ou non-conjoints,
conjoints légalement mariés et non légalement
mariés, c'est-à -dire qu'on ignore ceux qui ne sont pas
mariés. Il est possible théoriquement de faire des distinctions
basées sur le handicap. Il est possible - si tant est que ce soit
possible, mais paraît-il que c'est possible - de faire des distinctions
basées sur l'orientation sexuelle en traitant de personnes du même
sexe qui vivent ensemble de façon stable et prolongée.
La commission recommande qu'on abroge tout simplement cet article 90 et
qu'on donne à la commission un pouvoir de réglementation pour
régler ces cas de régimes d'avantages sociaux, régimes
d'assurance et régimes éventuellement étatiques de
prestations. Alors, on repose, en quelque sorte, la question fondamentale:
Cette commission doit-elle avoir, justement, un pouvoir de
réglementation pour définir ce qui constitue de la
discrimination, ce qui constitue des valeurs fondamentales?
Le comité du barreau est d'avis que permettre à la
commission de légiférer par voie de réglementation en ces
matières, c'est diminuer son rôle en matière de droits
fondamentaux, c'est maquiller des valeurs fondamentales avec des objectifs
sociaux et politiques valables, mais qui ne sont pas des droits fondamentaux.
Il ne doit pas y avoir de confusion entre des droits fondamentaux et des
mesures sociales et économiques qui sont opportunes pour régler
des problèmes dans l'intérêt public. La charte n'est pas un
instrument complet de politiques sociales, loin de là , et ne peut
l'être parce qu'il s'agit d'un document qui établit des valeurs de
base acceptées par le consensus général de la
population.
Nous avons constaté, d'une part, que même un comité
de la commission, le comité Boutin, avait reconnu qu'il devait y avoir
des exceptions basées sur des données actuarielles. L'ancien
texte de la charte qui, à notre avis, était beaucoup plus clair,
permettait des exceptions lorsque la discrimination est fondée sur des
données actuarielles basées sur le sexe et l'état civil.
Nous vous suggérons que ce texte était beaucoup plus Ã
point et que c'est un minimum qu'on doit respecter. Nous vous suggérons,
vu maintenant que le handicap a été ajouté Ã
l'article 10 comme étant un facteur de discrimination interdit, qu'on
modifie en quelque sorte l'article 90, qui était autrefois l'article 97,
pour permettre en ces matières une distinction raisonnable
laissée bien sûr à l'arbitrage du tribunal et fondée
sur des données actuarielles basées sur le sexe, l'état
civil et le handicap physique.
Quant aux autres matières, à savoir les régimes
étatiques, je pense que l'Ãtat, qui sait s'occuper de ses
affaires, est capable de légiférer adéquatement en
matière de régimes étatiques d'avantages sociaux. La
question de l'assurance de personnes en dehors du contexte de l'emploi est une
question très vaste, très délicate et là -dessus, la
commission ne nous a pas éclairés beaucoup; elle demande des
pouvoirs de réglementation, et nous soumettons qu'il faut à tout
le moins respecter les donnés actuarielles, parce que ces données
sont des faits et ne sont pas des préjugés. Je pense que c'est
respecter le principe de l'égalité de la
rémunération que de se baser sur des faits: l'assurance-vie pour
les femmes coûte moins cher que pour les hommes, à cause des
tables de mortalité et ce ne sont pas des préjugés que de
reconnaître ces faits. Me Décary.
M. Décary (Michel): En ce qui regarde le chapitre, IV qui
porte sur le statut, le rôle et le fonctionnement de la commission,
j'aimerais attirer l'attention des membres de cette commission sur les six
points suivants.
Le premier se rapporte au statut de la commission. Aux pages 22 et 23,
nous disons substantiellement qu'il y aurait lieu de reconnaître Ã
la commission le statut juridique de corporation au sens du Code civil. La
commission dispose déjà de certains des attributs d'une
corporation, entre autres, elle peut poursuivre. Nous ne voyons aucune raison
pour laquelle elle ne devrait pas être dotée de tous les attributs
d'une corporation.
Le deuxième point affirme que ce statut corporatif ne doit rien
changer au principe selon lequel il ne peut y avoir de recours même
collectif sans le consentement du plaignant. J'attire l'attention des membres
de cette commission à la page 24, 2e alinéa. "Selon le
comité du barreau, on doit ici prendre en considération le droit
à la vie privée des citoyens qui est lui-même un droit
fondamental prévu à la charte; il leur appartient - aux citoyens
- de décider d'autoriser la commission à poursuivre pour eux et
cette décision relève de motifs personnels. De plus, on voit
difficilement
comment la commission pourrait, proprio motu, saisir le tribunal d'un
dossier concernant un tiers et faire une preuve complète et efficace
sans la participation ou le concours de ce dernier, voire dans certains cas
à son insu." (10 h 45)
Aux pages 26 et suivantes, nous traitons des troisième et
quatrième points, qui se rapportent au rôle de la commission. Au
premier alinéa, on dit à la page 26: "à l'heure actuelle,
la pratique de la commission reflète sa partialité en faveur des
plaignants. Au niveau des enquêtes, la commission devient l'avocate d'un
plaignant. Cette philosophie de comportement ne découle pas
nécessairement du texte de loi, mais celui-ci ne l'interdit pas, du
moins expressément. Le comité du barreau estime néanmoins
qu'il ne s'agit pas là d'une mauvaise orientation; pour lui, le
rôle essentiel de la commission est de veiller, mais non de façon
exclusive, Ã une bonne application de la charte, Ã assister, par
voie d'enquête, les personnes qui se croient lésées,
à aider les plaignants dans l'exercice de leur recours civil et Ã
faire des recommandations aux autorités compétentes". 3e et 4e
points, au bas de la page 26. Cela entraîne certaines limitations et
certaines conséquences qui sont de deux ordres: d'abord, un rôle
d'adjudication lui est nécessairement interdit, elle ne peut être
à la fois enquêteur partial, promoteur et juge. Et à la
page 27, 2e alinéa, 4e point, une deuxième limitation est
relative aux obligations de discrétion et de confidentialité des
travaux de la commission. Présentement, l'enquête se fait Ã
huis clos, de même que tout le processus de médiation du
différend et les recommandations. Il ne saurait en être autrement.
Si la commission dérogeait à ces règles
élémentaires, il faudrait judiciariser tout le processus et ainsi
permettre le contre-interrogatoire du plaignant, etc., et le rendre public, ce
qui n'est évidemment pas la position du barreau.
L'on ne peut ignorer le préjudice énorme que pourraient
créer à des personnes les fuites afférentes à ces
enquêtes administratives.
Quant au 5e point, à la page 29, 3e alinéa, après
la citation, le comité du barreau croit que l'intimé, celui qui
fait l'objet de l'enquête, ne doit pas rester dans l'ignorance de la
plainte déposée. La commission n'est pas dégagée de
l'obligation d'agir équitablement et, en conséquence, elle doit
informer l'intimé, généralement, du motif de la plainte.
6e point, page 30, dernier alinéa, pour nous, les questions relatives au
fonctionnement de la commission n'ont pas le même degré
d'importance que la définition des droits fondamentaux. Cette
définition nécessite, à notre point de vue, une
démarche très formelle et solennelle de l'Assemblée
nationale. Mais les règles de fonctionnement de la commission peuvent
être précisées dans une loi ordinaire. Aussi, nous croyons
qu'il y aurait lieu d'adopter deux lois distinctes pour couvrir les
matières inscrites à la charte, une loi à caractère
constitutionnel relative aux droits fondamentaux et une loi statutaire
créant la commission et définissant son rôle et son
fonctionnement. Cette démarche a d'ailleurs été suivie
dans plusieurs de nos lois, ainsi que dans d'autres provinces. Je vous
remercie.
M. Lesage: M. le Président, au chapitre des droits
judiciaires, nous abordons la question du secret professionnel pour soulever
une lacune qui apparaît, avec l'expérience, dans le fait que
l'article 9 de la charte contient la seule disposition statutaire Ã
l'égard du secret professionnel. Or, le secret dit professionnel de
l'avocat, reconnu par nos tribunaux, d'après la tradition de common law
, allait beaucoup plus loin que l'énoncé à l'article 9 de
la charte, lequel énoncé la Cour d'appel interprète comme
se limitant aux seules confidences du client. D'après l'article 9 de la
charte, ce qui est secret, ce sont les confidences que le client fait au
professionnel et ça comprend tous les professionnels, y compris
l'avocat.
D'après la jurisprudence antérieure, et on
s'inquiète sérieusement si cette jurisprudence, qui n'a pas
été rappelée par nos tribunaux dans l'affaire Trempe
contre Dow Chemical, tient toujours. C'est que toute communication faite en vue
d'un litige est privilégiée, c'est-à -dire tenue pour
confidentielle, afin que le système judiciaire puisse fonctionner de
façon convenable. Si bien que lorsque quelqu'un fait préparer un
document par un expert pour les fins d'un procès, ce document est
confidentiel. Si un rapport est fait à un avocat par une partie ou
même un témoin, c'est confidentiel, parce que c'est fait en vue
d'un litige. Cela n'empêche pas le témoignage de cette personne,
mais cela rend privilégiée la communication, le substratum, le
médium de communication.
Alors, nous suggérons, afin de ne pas perdre ce droit du secret
de la communication privilégiée, celle qui est faite en vue d'un
litige, d'ajouter à l'article 34 de la charte, dans les dispositions qui
traitent des droits judiciaires, une disposition qui consacre, en quelque
sorte, la règle de common law que nos tribunaux du Québec ont
appliquée jusqu'ici et qui dirait: "Toute communication destinée
à faire valoir les droits d'une personne devant les tribunaux est
confidentielle, sauf si une violation de la loi en résulte."
Cette réserve, à la fin, est pour éviter, bien
sûr, qu'un avocat puisse alléguer cette confidentialité en
se rendant coupable de
complicité avant le fait. Alors, s'il y a une obligation dans
l'intérêt public ou, je devrais dire, d'ordre public, la
règle ne permettra pas de couvrir l'avocat qui est tenu par l'ordre
public de dévoiler une communication qui lui serait faite. Ainsi, on
sauvegarderait la confidentialité des communications faites en vue d'un
litige, ce qui permettrait aux citoyens de se confier en toute quiétude
aux avocats et aux experts qui préparent sa cause.
Au sujet de la représentation par avocat, nous soulevons un
problème. Ce n'est pas évidemment toute la question de la
représentation par avocat qui peut être réglée par
la charte. Encore une fois, la charte ne peut être que
l'énoncé de valeurs fondamentales. Le problème que nous
soulevons, c'est le problème des enquêteurs qui ont le droit
d'assigner quelqu'un à témoigner ou à produire des
documents et qui ont le droit de contraindre une personne à fournir des
renseignements.
Présentement, la charte assure l'assistance ou la
représentation par avocat devant un tribunal qui est défini par
la charte comme étant une commission d'enquête et un organisme qui
exerce des fonctions quasi judiciaires. En somme, on étend la notion de
tribunal à la commission d'enquête et à l'organisme qui
exerce des fonctions quasi judiciaires. Mais l'enquêteur, lui, qui n'est
pas une commission d'enquête, est-ce qu'il peut se rendre chez quelqu'un,
lui demander de produire ses documents, le questionner sur des faits qui sont
survenus sans que cette personne puisse avoir le secours d'un avocat? Nous
soutenons que même lorsque cet enquêteur a ou exerce,
d'après la loi, des pouvoirs de commissaire en vertu de la Loi des
commissions d'enquête, il n'est pas une commission d'enquête. Il y
a des lois - vous venez d'en adopter une très récemment en
matière de transport - par lesquelles on donne à des
enquêteurs le droit de faire toute enquête pour s'assurer du
respect de la loi, sous l'autorité du Tribunal des transports ou de la
Commission des transports, mais on lui donne un droit qui est assuré non
pas par la Loi des commissions d'enquête, mais qui est assuré par
la Loi des transports elle-même, où on dit: sous peine de
sanction, cette personne peut se présenter; toute personne qui tente de
déjouer le système est coupable d'une infraction.
La personne qui est questionnée, en vue, bien sûr, de
découvrir s'il y a des infractions, a-t-elle droit à l'assistance
d'un avocat? Nous soutenons que la charte ne couvre pas ce cas-là , alors
que la Déclaration canadienne des droits le couvre. Parce que la
Déclaration canadienne des droits, dans son article 2d, assure
l'assistance d'un avocat lorsque toute autorité cherche Ã
interroger un citoyen. Nous demandons tout simplement que l'article 34 soit
modifié pour qu'on ajoute, après les mots "devant tout tribunal",
les mots "ainsi que devant toute autorité habilitée par la loi
à contraindre cette personne à témoigner ou Ã
produire quelque document ou renseignement".
Nous avons enfin traité de la question du huis clos devant les
comités de discipline professionnels. Il y a une question qui revient
périodiquement à la surface; tantôt c'est par des
professionnels, tantôt c'est par d'autres organismes la Commission des
droits de la personne l'a encore mentionné dans son rapport. Nous
estimons que la règle du huis clos en matière disciplinaire doit
être maintenue pour deux raisons, même plus que deux raisons, mais
il y a deux groupes de raisons. Le premier groupe, c'est que dans ces
enquêtes disciplinaires on est susceptible de dévoiler le secret
professionnel et, pour la protection des clients et des personnes
reliées à ces communications privilégiées, il est
important que les enquêtes procèdent à huis clos.
L'autre groupe de raisons - c'est mal perçu, c'est mal compris du
public en général - c'est que l'enquête disciplinaire est
d'une nature tout à fait différente de l'enquête
pénale ou de l'enquête civile. L'enquête disciplinaire, au
point de vue procédure, est une enquête inquisitoriale; le
comité de discipline est un comité inquisiteur. Il peut
questionner et forcer le professionnel à rendre témoignage. Il
peut questionner sur d'autre chose que l'accusation strictement
libellée, ce n'est pas formaliste, et c'est en fonction
évidemment du respect de l'intérêt public et de la
déontologie professionnelle que ces enquêtes se font.
Alors, au point de vue procédure, l'intimé est assujetti
à s'expliquer. Au point de vue de la preuve, les règles de preuve
en matière disciplinaire sont très différentes de la
matière pénale et sont très différentes même
des enquêtes civiles parce que, en particulier, la présomption
d'innocence ne joue pas, il faut que la personne s'explique et, en
équipollent, si vous voulez, pour balancer cette obligation, on tient
compte par contre de la bonne foi du professionnel qui s'explique.
Il y a plus que cela. En matière disciplinaire, la règle
qu'on appelle dans notre jargon de la connaissance judiciaire, que tout doit
être prouvé devant le tribunal pour que le tribunal en tienne
compte, ne s'applique pas. En matière disciplinaire, il y a des gens de
la profession qui sont là , qui savent comment la profession s'exerce et
qui peuvent faire appel à leurs propres connaissances pour
décider d'une situation sans qu'on ait besoin de leur prouver comment
cela s'est passé. Alors, la règle de la connaissance judiciaire
ne s'applique pas et, incidemment, les tribunaux de discipline sont
financés par les professionnels eux-
mêmes et non pas par l'Etat. Alors, s'il fallait que l'on prouve
de A à Z tous les éléments qui doivent être
prouvés pour respecter la règle de la connaissance judiciaire, ce
seraient des démarches que les professionnels n'auraient pas les moyens
d'assumer.
En plus, s'il fallait que toutes les plaintes dans ce contexte soient
publiques, vous voyez combien de réputations on pourrait saboter de
façon très simple puisque les plaintes sont ouvertes Ã
toute personne qui peut se plaindre et qui remplit un affidavit et le
dépose auprès du syndic.
Enfin, si l'on devait avoir des procès publics, il serait
difficile, comme pour les autres tribunaux - l'expérience des autres
tribunaux le démontre aussi - de trouver les témoins
nécessaires, sans rémunération, pour faire la preuve
requise. Nous soumettons que lorsqu'on parle de faire des procès publics
en matière disciplinaire, on oublie parfois que les mécanismes
sont différents, que les professionnels n'ont pas la protection des gens
qui sont accusés d'actes criminels. Il ne faut pas l'oublier, il faut
tenir compte de cette situation, autrement on va tomber dans un système
pénal que l'Etat sera obligé de payer et le professionnel aura
droit à sa pleine défense lui aussi. (11 heures)
M. Tremblay (André): M. le Président, avec votre
permission, un mot pour clore la présentation du comité du
barreau. Ce mot de conclusion veut rejoindre une demande d'ordre
matériel qui a été faite par la Commission des droits de
la personne, demande à laquelle nous voudrions nous associer. Cette
demande apparaît à la page 37 du mémoire du barreau,
deuxième paragraphe. Vous me permettrez de le lire: "Conscient de
l'importance d'une application plus efficace de la charte, le comité du
barreau souhaite que la Commission des droits de la personne soit dotée
de ressources humaines et financières importantes. Le mandat qui lui est
confié est d'une rare complexité et elle doit donc disposer d'un
personnel dont l'expérience et l'expertise sont tout à fait
exceptionnelles."
Ceci étant dit, le comité du barreau accueillera avec
plaisir les questions que le président, le ministre de la Justice et les
membres du comité voudront bien lui poser.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Je voudrais remercier les représentants
du Barreau du Québec de la présentation de leur mémoire
très étoffé et très substantiel, malgré les
délais qui étaient peut-être un peu courts, mais qui, quand
même, on est à même de le constater, ont permis Ã
tous les organismes de vraiment y aller de représentations très
importantes au niveau des travaux de cette commission. En ce qui a trait au
barreau, il est clair que ce n'est pas seulement à partir des articles
de journaux ou des mémoires déjà produits que vous y
êtes allés de vos commentaires, comme vous le disiez, mais
à partir, j'imagine, d'un vécu de la communauté juridique
que vous représentez concernant l'application de la charte.
Effectivement, vous dites au début, en guise d'introduction Ã
votre mémoire, à la première page, qu'au cours des cinq
dernières années, la communauté québécoise a
dû ajuster et parfois modifier son comportement en regard des valeurs et
des normes inscrites dans la charte.
La Commission des droits de la personne, dont vous reconnaissez
l'essentiel du témoignage devant cette commission, a noté, entre
autres, peut-être une certaine indifférence de la
communauté juridique par rapport à la protection des droits et
libertés. Vous dites, entre autres, dans votre mémoire, que la
commission ne doit pas être le seul intervenant dans la défense
des droits et libertés de la personne. Est-ce que cette affirmation ne
comporte pas en soi une sorte de corollaire qui fait que la communauté
juridique doit s'impliquer dans cette défense des droits et
libertés de la personne? J'aimerais avoir vos commentaires sur ce qu'on
peut percevoir comme étant une certaine forme d'indifférence de
la communauté juridique par rapport à la charte et je voudrais
savoir quelles sont les mesures que le barreau a l'intention de mettre de
l'avant pour promouvoir en fait les notions qui sont véhiculées
dans la Charte des droits et libertés de la personne.
M. Tremblay (André): M. le Président, je pense
qu'il serait injuste de parler de l'apathie du barreau ou de
l'indifférence du barreau devant...
M. Bédard: J'ai employé ce terme...
M. Tremblay (André): Je ne vous attribue pas la
paternité de l'expression, loin de là , mais je pense que ce
serait injuste de parler en ces termes.
M. Bédard: ... attribuer la paternité de
l'impression; allez-y.
M. Tremblay (André): La preuve que nous ne sommes pas
apathiques, que nous ne sommes pas indifférents, c'est d'abord la
création de ce comité permanent du barreau sur les droits et
libertés de la personne. C'est le travail que nous avons fait durant la
majeure partie de l'été pour vous présenter
l'éclairage du barreau sur cette question. Le bâtonnier, tout
à l'heure, vous a dit que, pour le barreau, c'était probablement
la loi la plus importante du système juridique du
Québec. La délégation qui m'accompagne ce matin
témoigne avec éloquence de l'importance exceptionnelle que nous
attachons à cette Charte des droits et libertés de la personne.
Nous avons à l'intérieur du barreau, comme membres, beaucoup de
sensibilité, beaucoup d'affection pour la Charte des droits et
libertés de la personne. On ne connaît, je pense, personne
à l'intérieur du barreau qui méconnaisse cette charte. Ce
qui peut donner l'impression d'indifférence, M. le ministre, c'est
peut-être la difficulté pour la commission d'obtenir gain de cause
devant certains tribunaux. C'est peut-être là le problème.
Je pense que le problème n'est pas à l'intérieur du
barreau parce que nous visons tous à un meilleur système de
justice, et la charte est un instrument privilégié pour instaurer
dans les relations humaines une justice plus harmonieuse.
M. Allard: Si vous me permettez, M. le ministre, j'aimerais
ajouter que le barreau a, par sa formation permanente, donné des cours
à ce sujet. Il a dû les répéter tant c'était
important pour ses membres. Il y a un autre aspect qu'il ne faut pas oublier:
ce sont toutes les représentations que le barreau a faites au niveau des
commissions parlementaires. Parlons des commissions d'enquête, par
exemple. Il y a l'autre aspect qui est moins spectaculaire, qui ne
génère pas de statistiques, qui est l'aspect préventif. La
commission est peut-être plus importante par ce qu'elle représente
au point de vue préventif que par son action. Vous savez sans doute que
les avocats qui sont consultés sur un aspect de la discrimination, comme
le sexe ou autre, ou dans le domaine de l'emploi ont maintenant cet outil pour
dire à l'employeur de ne pas aller plus loin, de guider sa conduite sur
la norme qui est imprimée par la charte. Cet aspect est très
important, d'autant plus que nos membres sont les plus actifs dans les
différentes disciplines couvertes. Prenons nos membres au niveau de
l'aide juridique, au niveau de la couronne ou des commissions
d'enquête.
J'aimerais bien pouvoir effacer cette impression.
M. Tremblay (André): J'aimerais aussi ajouter, M. le
ministre, l'observation suivante. Excluant la qualité du
président ou les titres du président, je dois constater que nous
avons eu, même en cours d'été, la possibilité de
constituer un comité - très important, je pense - de
personnalités importantes du barreau qui ont accepté
généreusement d'y travailler. Il n'y a pas eu de
difficulté pour le président, pour le bâtonnier ou pour le
directeur du barreau d'obtenir la collaboration de mes collègues du
comité qui sont des avocats de grande renommée et de grand
prestige, qui ont répondu avec empressement à l'invitation parce
qu'ils croyaient aux droits de l'homme, qu'ils croyaient à la charte des
droits comme véhicule pour instaurer la justice au Québec.
M. Bédard: II n'y a rien de mieux que la provocation,
d'une certaine façon, pour permettre d'avoir d'autres
éclaircissements. Je ne voudrais pas que vous preniez mes propos comme
étant une attaque contre le barreau comme tel, mais je pense que tous
les membres de la commission s'interrogent, par exemple, sur la participation
des avocats au niveau de l'aide juridique. Est-ce qu'elle pourrait être
plus grande? Il n'y a pas seulement la commission qui est là pour la
défense des droits et libertés; il y a également tous les
avocats. Je pense que c'est un de leurs devoirs stricts. Il y a
également des structures qui existent déjà ,
gouvernementalement parlant. Je pense, entre autres, Ã l'aide juridique
qui est là pour représenter les citoyens quand même plus
démunis. Est-ce que vous croyez que l'implication de l'aide juridique
sur cet aspect pourrait être encore plus déterminante qu'elle ne
l'est présentement?
M. Allard: Oui, l'aide juridique et la communauté
juridique, étant donné que le citoyen a libre choix et peut faire
appel à un avocat de pratique privée. L'aide juridique semble
peut-être un bloc plus important, avec les moyens nécessaires pour
faire valoir ce genre de droit, pour s'intituler protecteur de ce genre de
droit pour le citoyen. Vous savez sans doute que la pratique du droit s'est
transformée, que nous n'avons plus certains champs de pratique
privilégiés, de sorte que nos avocats sont de plus en plus
près de toute cette nouvelle législation sociale,
réglementation, quoi que ce soit. Je pense Ã
l'assurance-chômage, du point de vue fédéral, Ã
l'attribution de l'aide sociale, où il y a des droits fondamentaux. Je
pense que, là -dessus, dans quelques années à peine, nous
verrons poindre toute une nouvelle génération d'avocats.
M. Bédard: En fait, l'impression à laquelle je
faisais état au début de notre échange, c'est que - vous
me corrigerez, si je fais erreur - je pense que les avocats n'invoquent pas
très souvent la charte au niveau des représentations qu'ils ont
à faire devant le tribunal. Je ne crois pas me tromper quand je dis
cela. Peut-être allez-vous me dire que, sans se référer
nommément à la charte, ils se réfèrent Ã
tous les principes, à toutes les libertés individuelles que
protège la charte, mais la référence très directe
à la charte comme instrument non seulement de promotion, mais de
protection des libertés et des droits individuels, il me semble - est-ce
que c'est votre impression? - qu'on s'y réfère moins
qu'on serait porté à le penser, étant donné
l'importance de cette législation.
M. Allard: C'est bien possible. Quant à moi, j'ai
l'impression qu'on l'invoque beaucoup.
M. Bédard: Cela peut s'appliquer aux avocats et ça
peut s'appliquer à d'autres intervenants.
M. Allard: Pour vous informer de façon plus
spécifique, je demanderai au vice-président du barreau de vous
répondre.
M. Tellier (Claude): Ãvidemment, c'est une question qui
est difficile à quantifier parce que, disons, il y a peut-être 10%
des jugements qui sont publiés, comme vous le savez. Sortir vraiment des
statistiques là -dessus, c'est très difficile. Souvent,
également, les questions seront soulevées, en cours de
procès, sous forme d'objection à l'intérieur d'un
contre-interrogatoire, par exemple, ou à l'intérieur d'une preuve
qui consiste en la production de documents, etc. Ce qui veut dire que ce qu'on
peut en voir, c'est vraiment la pointe de l'iceberg.
D'une façon encore plus fondamentale, comme l'a dit le
bâtonnier, tout à l'heure, dans ses remarques - cela, il ne faut
pas l'oublier - la charte doit d'abord avoir un consensus, exactement comme
pour un Code civil. Vous savez que, la semaine dernière, il y avait un
colloque international sur les pays de Code civil, et c'est la première
chose qui ressortait de toutes ces communications: ça prend un
consensus. C'est-à -dire qu'il faut que ce soit accepté dans la
population comme tel et que les gens en soient conscients. C'est un peu le sens
de nos interventions ce matin. La commission est nécessaire, mais si on
pense que c'est seulement la commission qui va pouvoir faire vivre la charte,
ça n'ira pas loin.
à ce moment-là , pour que les avocats, par exemple,
invoquent la charte, il faut d'abord que, dans bien des cas, on soit
consulté. Il y a des gens qui vont hésiter à consulter ou
à soulever des points parce que ça soulève aussi certains
aspects de leur vie personnelle, de leur vie privée, de leurs relations
avec les employeurs, et avant de soulever les droits fondamentaux, ça
soulève en même temps toute leur vie. C'est un peu, si vous
voulez, la même hésitation qu'on peut retrouver Ã
l'occasion de la commission de certains crimes sexuels où les gens
hésitent à porter plainte.
Autre chose, également; la charte est une création fort
récente. Avant que les questions soient soulevées, soient
décidées en première instance et en appel et avant qu'une
jurisprudence intéressante se développe et permette, si vous
voulez, une meilleure connaissance des implications pratiques de la charte,
ça prend quand même un certain temps. Je pense qu'on peut
s'attendre, aujourd'hui, après cinq ans, à une meilleure
connaissance et à voir la charte invoquée plus souvent parce
qu'elle sera mieux connue judiciairement parlant. (11 h 15)
Le bâtonnier mentionnait également que, dans nos cours de
formation permanente, nous en avons fait des sujets de cours
privilégiés. Au comité qui est présentement
à préparer un nouveau rapport là -dessus, parce que la
législation a évolué tellement rapidement, nous avons
l'intention de privilégier la connaissance de la charte d'une
façon particulière parce que, justement, c'est une loi qui a
priorité sur les autres. De la même façon que, si vous
voulez, avec les orientations du droit nouveau qui se développent, nous
avons l'intention de privilégier la notion des juridictions. Ce sont des
notions fondamentales qui ne font que naître dans notre droit.
Ãvidemment, malgré tout ce qu'on peut faire, on ne peut pas aller
plus vite que la pénétration.
M. Tremblay (André): Si vous me permettez, M. le
Président, pour enchaîner, la jurisprudence
québécoise n'est pas encore très avancée. La
charte, M. le vice-président vient de le dire, est très jeune. En
pratique, les avocats plaident régulièrement une argumentation
à partir de la charte mais nous observons qu'il y a une certaine
réserve judiciaire à disposer de litiges à partir de
l'argument fondé sur la charte. On observe une certaine réserve
judiciaire de la part des tribunaux à disposer d'un litige Ã
partir de l'argument d'inconstitutionnalité; on observe un peu cette
même réserve à l'égard de l'argument fondé
sur la charte. Il n'est pas impossible de supposer que les juges s'habitueront
à être moins réservés devant la Charte des droits et
libertés de la personne.
M. Bédard: Je vous remercie de vos
éclaircissements.
Concernant la Commission des droits de la personne, vous proposez de
donner à la commission le droit d'intenter des poursuites
pénales. Je comprends que vous le faites en voulant éviter au
Procureur général des conflits d'intérêts possibles
mais, en donnant le droit de poursuite en matière pénale Ã
la commission, est-ce qu'on ne risque pas des conflits d'intérêts
plus grands au niveau de la commission à cause de son rôle de
conciliateur entre autres, de son rôle d'enquêteur et de support
juridique pour la victime?
M. Garant (Patrice): M. le ministre, je me demande à quoi
il faut donner primauté. La commission a évidemment un rôle
d'enquêteur et nous proposons aussi qu'elle
ait un rôle, comme tout policier, qui conduit à pouvoir
porter une plainte. C'est juste l'extension de son pouvoir d'enquête,
celui de porter plainte.
Par ailleurs, son deuxième rôle de conciliateur c'est dans
une affaire de caractère civil. Ãvidemment c'est d'essayer de
rapprocher les parties et de régler les problèmes Ã
l'amiable; c'est un autre rôle. C'est sûr qu'Ã
l'intérieur d'une commission il est difficile parfois de tout concilier,
de travailler en vase clos parce qu'à ce moment-là je pense qu'il
faudrait la diviser. Par ailleurs, lui exclure le droit, c'est saper un
élément essentiel de son pouvoir fondamental qui est celui de
faire enquête, d'aider les gens, donc d'aller devant le tribunal.
M. Bédard: Je m'excuse, une dernière question si
vous me permettez. Selon vos recommandations, les programmes de redressement
progressif ou leur modalité d'application constituant des atteintes aux
droits fondamentaux devraient être soumis à l'approbation des deux
tiers de l'Assemblée nationale?
M. Tremblay (André): Non. La règle des deux tiers
serait applicable aux modifications à la charte. Nous aimerions bien que
la Charte des droits et libertés de la personne, dans ses aspects droits
fondamentaux, soit, si vous me permettez l'expression, M. le ministre,
enchâssée et qu'une majorité des deux tiers soit
nécessaire pour y déroger.
M. Bédard: Pas besoin qu'elle soit enchâssée
pour se poser comme exigence qu'il y ait nécessité des deux tiers
pour...
M. Tremblay (André): Présentement, une
majorité des deux tiers est exigée pour la nomination des
membres. Ce serait normal, nous semble-t-il, qu'une majorité des deux
tiers de l'Assemblée nationale soit exigée pour la modification
de la charte. Si, après ça, on parle d'enchâssement, ce
sera le jargon qui le voudra ainsi, M. le ministre.
M. Bédard: En laissant le jargon de côté, je
trouve la proposition quand même très positive, parce que
effectivement l'Assemblée nationale exige la majorité des deux
tiers quand il s'agit de nommer les membres. Je crois qu'un amendement Ã
la charte, avec tout le respect que j'ai pour les personnes qui sont Ã
la commission, est de toute première importance.
J'aimerais que vous expliquiez davantage, concernant les programmes de
redressement, votre position sur la modification relative aux avantages
sociaux, concernant, par exemple, l'intervention des tribunaux. C'est Ã
la page 20 de votre mémoire, je l'avais souligné. C'est le
deuxième paragraphe.
Une voix: Quelle page?
M. Bédard: Page 20 de votre mémoire.
M. Lesage: La question que vous nous posez, M. le ministre, c'est
d'essayer de clarifier, en quelque sorte, la raison pour laquelle nous
suggérons un autre texte à l'article 90. La commission
suggère de l'abroger complètement, mais à condition de lui
donner des pouvoirs de réglementation pour statuer, en quelque sorte,
sur les régimes d'avantages sociaux. Au fédéral, c'est le
gouverneur en conseil qui a ce pouvoir de statuer par règlement sur les
régimes d'avantages sociaux. J'ai ici devant moi un texte très
technique d'un règlement de 1980, il y a dix pages où on parle de
régimes de prestations d'avantages sociaux, d'assurances-revenus en cas
d'invalidité, de contributions de l'employeur et de l'employé,
c'est une loi très technique et très sectorielle, en plus.
Nous disons: Ãcoutez, présentement, il y a une latitude,
ce n'est pas discriminatoire, ce n'est pas une discrimination ou une
distinction illégale ou illicite de faire des distinctions sur la base
du sexe, de l'état civil, du handicap physique. La commission a
ajouté l'orientation sexuelle et l'âge, parce qu'on voudrait
introduire l'âge à l'article 10. Nous disons, écoutez,
c'est beau d'être capable de ne pas faire de distinction, mais il y a une
chose qui nous paraît le minimum, c'est de reconnaître des
distinctions basées sur des données actuarielles, parce qu'on a
affaire à des faits, on a affaire à des régimes de
prestations qui sont construits sur des données économiques.
Quand je parle du règlement de la commission fédérale, il
y a quantité de distinctions basées sur des données
actuarielles. J'en prends un ici: On exclut les dispositions qui
établissent entre les employés une distinction fondée sur
l'état civil, ou sur l'âge, le sexe, l'état civil, un
handicap physique ou les quatre, suivant une base actuarielle, pour le calcul
du taux des contributions de l'employeur, afin de prévoir, à la
suite du décès d'un employé, le versement de prestations
à son conjoint, à son enfant ou à une personne Ã
charge survivante.
Si on disait: On fait abstraction de ça du jour au lendemain, je
pense qu'on ne serait pas réaliste. Je pense, à ce
moment-là , qu'on dépasse le cadre des valeurs fondamentales.
C'est pourquoi la commission dit: Ãcoutez, ce n'est pas ça qu'on
demande. On demande le pouvoir de régler ces problèmes. Nous
disons que la commission ne devrait pas être appelée Ã
régler ces problèmes, parce qu'on fait de la commission un
organisme qui va se mêler d'affaires de
travail, qui va se mêler d'affaires d'assurances et qui va
peut-être être plus préoccupé par ça que par
la défense des valeurs fondamentales et des libertés.
Si on doit instituer des systèmes comme ça, qu'on les
institue à part, mais pas dans la charte pour qu'on ait une confusion de
tout ce qui est bien et bon pour la société. On ne peut pas avoir
une charte qui contienne tout cela.
M. Bédard: Une dernière brève question. La
commission, dans son mémoire, a ouvert sur la protection de droits
collectifs, en tout cas, à caractère plus collectif, comme le
droit à la santé, le droit à un environnement sain, le
droit au travail, etc. La Charte des droits et libertés de la personne,
selon votre opinion, doit-elle s'en tenir aux droits et libertés
individuels ou encore est-ce qu'on doit ouvrir la porte à la protection
de droits collectifs?
M. Tremblay (André): Ãcoutez! On peut parler
plutôt de droits économiques et sociaux lorsqu'il s'agit de droit
au travail, de droit à la santé, de droit Ã
l'éducation. Je pense - je crois exprimer le point de vue du
comité - qu'on s'oriente vers de mauvaises directions en insérant
ce type de droit à connotation sociale et économique dans la
charte. Parce que nous estimons que les politiques de travail, les politiques
de santé, les politiques d'éducation relèvent
exclusivement de l'Assemblée nationale. C'est à cette
Assemblée de définir le contenu de ces droits.
Deuxièmement, on peut leurrer la population en lui donnant ce
type de droit dont, au fond, le contenu est défini par vos politiques
sectorielles. En définitive, on n'ajouterait probablement strictement
rien à l'ordre juridique sauf peut-être plus de confusion.
M. Bédard: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais, Ã mon tour, remercier les membres du
Barreau du Québec pour avoir présenté un
mémoire.
Il me semble que les avocats jouent un rôle tout à fait
spécial dans la protection des droits et libertés de la personne.
On voit cela durant les périodes de crise, par exemple, quand les
gouvernements empiètent sur les droits de la personne. C'est
arrivé souvent dans notre histoire, dans les années trente,
quarante, cinquante, et même durant les événements
d'octobre. On a vu, à ces époques, l'importance d'avoir un
barreau libre et des avocats qui étaient prêts Ã
défendre les droits de la personne. Je suis plutôt quelqu'un qui a
lu la jurisprudence; j'ai fait très peu de jurisprudence. Mais je sais
qu'il y a beaucoup d'avocats qui ont fait de la jurisprudence dans le sens
qu'ils ont plaidé de grandes causes qui ont fait avancer les
libertés de la personne, des arrêts qu'on nous a enseignés
à nos cours de droit.
En ce qui concerne la plaidoirie de la charte par les avocats, je pense
qu'ils plaident peut-être peu la charte parce que les gens qui ont une
plainte à formuler en vertu de la charte vont plutôt voir la
commission qu'un avocat. Parce qu'il y a un service gratuit à la
commission et aussi quand on a une plainte, il faut chercher la preuve.
L'avocat ne peut pas chercher la preuve. Si on va voir un avocat, tout ce qu'il
peut faire pour le plaignant, c'est d'aller lui-même à la
commission et demander à la commission d'instituer une enquête.
C'est pourquoi c'est moins plaidé devant les tribunaux, c'est surtout la
commission qui porte ces plaintes devant les tribunaux.
Je suis heureux aujourd'hui de voir que le ministre est d'accord pour
l'enchâssement de la charte. J'ai proposé cela la semaine
dernière et il n'était pas heureux, quoiqu'il n'ait pas dit oui
ni non, il n'a pas pris d'engagement...
M. Bédard: On a assez de difficultés avec celle
qu'on veut nous enchâsser pour diminuer nos droits. Je ne suis quand
même pas ici pour faire...
M. Marx: Est-ce que c'est un engagement, M. le ministre?
M. Bédard: Ce serait un long débat.
M. Marx: Est-ce un engagement que vous avez pris ce matin ou si
c'est un souhait que vous avez formulé?
M. Bédard: Que ce soit par enchâssement ou
autrement, il faut au moins un prérequis et que cela ne diminue pas les
droits des Québécois, comme veut le faire le
fédéral à l'heure actuelle.
M. Marx: Ce n'est pas le débat constitutionnel qu'on fait
ici.
M. Bédard: J'ai l'impression que vous provoquez. On serait
aussi bien de revenir aux considérations du mémoire. (11 h
30)
M. Marx: Non, parce que moi, j'ai proposé
l'enchâssement de la charte québécoise dans les lois du
Québec la semaine passée, et la seule réaction positive,
favorable que j'ai eue, c'était dans les éditoriaux; ce matin, le
ministre se joint aux éditorialistes. Ce n'est jamais trop tard.
M. Bédard: On va faire adopter une
bonne constitution du Québec.
M. Marx: J'imagine que vous avez fait un sondage durant la fin de
semaine ou quelqu'un de votre parti. Ceci dit, j'aimerais tomber dans la
plomberie, la plomberie de la charte, et ma première question porte sur
l'âge. Vous avez souligné que l'âge est surtout un
problème au niveau du travail, mais, la semaine passée, nous
avons eu d'autres intervenants qui ont déclaré que la
discrimination à cause de l'âge, bien sûr, cause des
problèmes en matière de logement, d'admission Ã
l'université et ainsi de suite.
Je note que dans la charte fédérale proposée, il y
a l'âge qui est mis dans l'article 15 et, comme vous l'avez
soulevé, cela donnera lieu à beaucoup d'exceptions. Supposons
que, dans la loi fédérale, il y ait l'âge comme cause de
non-discrimination, on peut se demander: Est-ce que la loi
fédérale sur le tabac sera valide ou non parce que, dans cette
loi fédérale, on empêche les jeunes en bas de 16 ans
d'acheter des cigarettes ou des cigares? J'imagine que, même si on met
l'âge dans la charte, les tribunaux vont classifier les lois en disant:
C'est raisonnable que le gouvernement adopte une loi pour empêcher les
jeunes d'acheter du tabac. Je pense que les tribunaux vont les
interpréter dans ce sens.
Ma question est: Pouvez-vous en dire davantage sur cette question de
l'âge dans la charte, parce qu'il semble qu'il y a de la discrimination
à cause de l'âge dans d'autres domaines que le domaine du
travail?
M. Tremblay (André): Effectivement, on peut repérer
des cas de discrimination à cause de l'âge dans d'autres secteurs.
L'expérience des autres législations indique que, pour contrer
cette difficulté, on peut, nommément, par exemple dans une loi
sur l'hôtellerie, une loi sur le logement ou même dans la charte -
on n'a pas d'objection fondamentale à ce que ce soit dans la charte - on
peut, comme on le fait dans d'autres provinces, prévoir que la
discrimination dans le logement est interdite quant à l'âge. Nous
n'avons pas d'objection fondamentale à cela; tout ce que nous disons,
c'est qu'il ne faut pas qu'il y ait une clause générale, il ne
faut pas faire comme le Manitoba, il ne faut pas faire non plus comme le projet
de loi fédéral actuel; pour nous, c'est de la mauvaise
législation, M. le ministre.
M. Bédard: J'ai bien noté.
M. Marx: Donc, on peut couvrir l'université, le logement,
le travail; il ne reste pas beaucoup...
M. Tremblay (André): II reste encore beaucoup de secteurs.
Je pense que, M. le député, cher collègue, pour employer
l'expression, parce que je pense que vous êtes toujours un
collègue, on peut mentionner beaucoup d'exceptions, et notre
mémoire indique que les nombreuses exceptions que l'on devrait
apporter... Le vice-président du barreau ajoute à nouveau ou
voudrait ajouter qu'il ne faut pas faire ce type de législation; c'est
de la mauvaise législation que d'avoir un principe général
qui est miné par une variété d'exceptions. Ce n'est pas le
genre de législation que le ministre de la Justice, j'en suis certain,
favorise.
M. Marx: Disons que...
M. Bédard: C'est comme un droit à l'information
avec un tas d'exceptions qui font oublier le principe.
M. Marx: Mais ce n'est pas nécessaire de mettre les
exceptions dans la loi. Supposons que l'on veuille couvrir le logement,
l'admission à l'université, l'hôtellerie, les restaurants,
je pense que l'on veut couvrir vraiment tous les services offerts au public
comme c'est prévu dans la charte, mais, de toute façon, je passe
à une autre question. Oui.
M. Tremblay (André): Si vous voulez, on pourra vous donner
l'étude que nous avons faite des autres chartes. On voit que, de
façon générale, c'est assez limité dans les autres
provinces. On peut prendre comme exemple - le premier qui me tombe sous les
yeux - le code ontarien, l'Ontario Human Rights Code. L'article 4.1
protège de discrimination à cause de l'âge, dans le secteur
de l'emploi; article 4.3, publicité dans l'emploi; article 4al,
appartenance au syndicat; 4a2, appartenance aux professions. L'âge
protégé en Ontario, c'est entre 40 ans et 65 ans.
M. Marx: Oui, mais ma question... M. Bédard: ...40
et 65 ans? M. Marx: ..40 ans...
M. Tremblay (André): Oui, l'âge
protégé, M. le ministre.
M. Marx: On présume qu'on ne fera pas de discrimination
contre les gens qui ont moins de 40 ans, sauf que s'ils n'ont que 22 ans,
ils... Le problème, c'est que dans l'hôtellerie, Ã
l'université, dans le logement, et ainsi de suite, partout où des
services sont offerts au public, je pense que ce serait souhaitable qu'on ne
fasse pas de discrimination à cause de l'âge. Donc, tout ce qui
touche l'article 15 de la charte, tout ce qui touche l'article 12 de la charte,
et ainsi de suite... On peut passer les articles l'un après l'autre,
mais je ne sais pas si ça
vaut la peine de le faire à ce moment-ci, parce que selon les
gens, apparemment, si on peut se fier aux témoignages qu'on a eus
d'autres intervenants, il y a beaucoup de discrimination ou assez de
discrimination dans beaucoup de domaines à cause de l'âge des
Québécois et des Québécoises.
M. Tremblay (André): Le vice-président du barreau
préférerait...
M. Garant: M. le Président, en ce qui concerne
l'âge, nos lois contiennent de très nombreuses mentions
d'âge. Songez à l'âge scolaire, à l'âge
d'accès à la conduite d'un véhicule automobile, dans les
règlements municipaux, à l'âge d'accès aux lieux
d'amusement, etc., de sorte que, finalement, je pense qu'il faudrait faire cet
inventaire législatif des mentions d'âge et proposer, dans des
lois particulières, les modifications appropriées. J'aimerais
souligner également que la jurisprudence des tribunaux est intervenue en
vertu du principe bien connu en common law de non-discrimination pour
protéger les citoyens, notamment en matière de règlements
municipaux, contre des abus qu'auraient commis les pouvoirs municipaux en ce
qui concerne, par exemple, l'âge d'accès aux lieux d'amusement
public. Il y a une jurisprudence bien connue à Montréal, Ã
ville Saint-Laurent, notamment.
En ce qui concerne les lois, le législateur contemporain, le
législateur quotidien m'apparaît être le plus
approprié, à cause de l'éventail considérable des
situations humaines, sociales, économiques qui se présentent et
je pense, en toute honnêteté, pour ceux qui sont d'opinion
contraire, que l'âge comme tel, en soi, dans certains domaines, peut
être un facteur de discrimination, mais il faut le combattre
précisément là , dans le logement, par exemple, s'il y a
lieu, en matière de travail, mais non pas de façon
générale dans la charte.
M. Marx: Mais on peut le mettre comme principe dans la charte et
les juges vont accepter les exceptions qu'on trouve dans d'autres lois. Ainsi,
si on prévoit que l'âge scolaire est de 6 ans, les juges ne diront
pas, parce qu'il n'y a pas de discrimination à cause de l'âge dans
la charte, que même un enfant d'un an doit avoir le droit d'aller
à l'école. Ce serait stupide et nos juges n'interpréteront
jamais la charte de cette façon. C'est-à -dire que le principe est
laissé aux tribunaux, le cas échéant, de préciser,
comme dans tout autre droit...
M. Tellier: Avec votre permission, on parle de charte de droits
fondamentaux, c'est-Ã -dire de droits stables, presque immuables. Or,
quand on discute de la question de l'âge, on s'aperçoit qu'il y a
un très grand nombre d'exceptions qui peuvent être tout Ã
fait acceptables, même dans le logement. Je connais une maison pour
personnes âgées où on a dit que le minimum était de
50 ans. Pourquoi? Parce qu'on ne veut pas avoir de gens qui viennent
bénéficier des avantages qui sont réservés aux
personnes du troisième âge. C'est un exemple; c'est bon, c'est
mauvais, on peut en discourir. On a parlé du cinéma, de la loi
des alcools, par exemple. à ce moment-là , ça veut dire que
si on aborde l'âge comme étant un facteur de droit fondamental, on
est pris à y apporter tellement d'exceptions que ça n'a plus de
sens.
Prenez la réglementation à laquelle faisait allusion Me
Lesage tout à l'heure. Seulement en matière d'assurances et de
bénéfices marginaux, on est obligé d'adopter une
réglementation qui a dix pages pour prévoir toute une
série d'exceptions, et c'est juste en matière de
bénéfices sociaux. Ensuite, si on regarde toutes les autres
activités, la conclusion qu'on doit tirer finalement, c'est que ce n'est
pas un droit fondamental. C'est une question, si vous voulez, dont il faut
tenir compte mais par des législations appropriées qui ne sont
pas une charte ayant priorité. Ce sont des valeurs qui sont
extrêmement variables, comme par exemple la question du cinéma, et
ça varie énormément d'une culture à l'autre. C'est
pour ça que finalement, on doit conclure en se demandant si c'est
vraiment un droit fondamental qui doit être considéré comme
tel dans une charte.
M. Marx: D'accord, passons à une autre question. Sur la
question d'âge, c'est la première fois que des intervenants ont
suggéré qu'on n'inclue pas l'âge dans la charte et c'est
pourquoi je vous ai posé mes questions.
M. Tremblay (André): Si vous me permettez un
dernière observation, il y a une loi qui prévoit l'âge.
Pour être très honnêtes et complets dans notre
présentation, nous voulons attirer l'attention de la commission
parlementaire sur l'article 3 de la loi canadienne sur les droits de la
personne. Cet article 3 comprend l'âge mais, cependant, il faut lire
l'article 3 avec l'article 14, qui permet au gouverneur général
en conseil et à la Commission des droits de la personne de faire des
exceptions.
M. Bédard: La dérogation ou une série de
dérogations qui enlèvent de la force au principe.
M. Tremblay (André): Ce n'est pas de la bonne
législation.
M. Marx: Je m'excuse, parce que n'ai pas fait
référence à ça, j'ai fait
référence
au projet de charte, à l'article 15, égalité devant
la loi, et on a prévu notamment des discriminations fondées sur
la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe,
l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. Donc, dans la
charte fédérale proposée, l'âge est inclus.
Passons à une autre question. Vous avez suggéré
qu'en ce qui concerne les comités de discipline, ce soit toujours
à huis clos, pour des raisons que vous avez données. Je comprends
que la plainte est portée, on ne sait pas si le médecin ou
l'avocat ou qui que ce soit est coupable, mais est-ce que vous voulez qu'il en
soit de même pour les condamnations? Une fois que le professionnel est
condamné, est-ce que vous serez d'accord que les noms et le reste soient
publics?
M. Bédard: C'est public, normalement.
Mme Audette-Fillion: Je pourrais répondre à cette
question, si vous le désirez. Effectivement, en cas de condamnation,
toute suspension temporaire ou permanente est largement publicisée en ce
sens que le directeur général transmet à tous les membres
du barreau un avis de radiation; il le transmet également à tous
les greffiers, protonotaires, juges, présidents de régie pour
affichage dans les palais de justice et dans les bureaux d'enregistrement, etc.
De plus, et je pense que nous sommes la seule corporation professionnelle
à le faire, dans le cas d'une radiation d'un an ou plus, nous publions
dans les journaux et circulaires de la localité où pratiquait
l'avocat un avis au même effet.
M. Marx: Je comprends ça, mais voici vraiment ma question:
Supposons qu'un professionnel est condamné par un tribunal de discipline
pour "malpractice" de quelque sorte. Ce ne serait pas mauvais que ce soit
porté à l'attention du public pour que les gens puissent savoir
qui visiter et qui ne pas visiter. Est-ce que vous seriez d'accord avec une
telle publicité ou est-ce qu'il y a des dangers ou des nuances Ã
apporter?
Mme Audette-Fillion: Effectivement, l'avis de radiation donne les
motifs de la plainte et de la radiation.
M. Marx: Pour les avocats, je reçois ça dans une
enveloppe. C'est moi qui reçois cela si vos clients ne reçoivent
pas cet avis, ils ne savent pas qu'un tel a été condamné
pour trois mois pour telle et telle raisons. Donc, dans quatre ou six mois
peut-être, un client peut le visiter sans avoir eu l'information que tel
ou tel avocat a commis telle et telle infractions au code. (11 h 45)
M. Bédard: Je crois que madame a spécifié
que lorsqu'il s'agit de radiation, non seulement les confrères de la
profession sont informés, mais, également, tous les
présidents d'organisme, tous les directeurs de greffe. Cela doit
être encore l'habitude; c'est affiché dans tous les palais de
justice. Vous nous avez indiqué qu'en plus il y avait une publication
dans les journaux du district concerné par la pratique de l'avocat.
M. Marx: Quand je parle de la publicité pour le public,
ça veut dire que ce soit rendu public dans les journaux,
c'est-Ã -dire que les reporters prennent connaissance de ces faits et
fassent des reportages. C'est ça, la question.
M. Tellier: En matière professionnelle, c'est très
délicat. à l'heure actuelle, la règle, c'est que, quand il
y a une suspension ou une radiation, c'est rendu public, et c'est ce qui se
fait. Quand une condamnation justifie une telle sanction, ça veut dire
que c'est là que la chose est importante. Dans bien d'autres cas, les
professionnels peuvent être condamnés pour des manques
d'éthique qui sont mineurs comme, par exemple, en vertu de notre code
d'éthique, ne pas répondre à une demande d'information du
syndic peut justifier une condamnation. Avoir mal tenu son compte en
fidéicommis, c'est une infraction, ce n'est pas bien et on va
sanctionner notre membre qui ne le fait pas. Mais, de là à crier
dans toute la province qu'il s'est trompé une fois, c'est une autre
affaire.
Je vais prendre un autre exemple, maintenant, dans le domaine de la
médecine ou dans le domaine de la chirurgie dentaire. Un dentiste,
à un moment donné - j'ai connu le cas - était d'avis
d'extraire toutes les dents à un jeune enfant dont la pousse des dents
permanentes s'en venait, et il y avait trois experts qui étaient pour,
et quatre qui étaient contre. Finalement, il a été
trouvé coupable d'avoir, une fois, arraché les quelques dents qui
restaient dans une mauvaise bouche. Ce sont des questions fort discutables au
point de vue de la science, au point de vue de la technologie, si tel acte
aurait dû être posé, etc. à ce moment-là , vous
pouvez ruiner la vie professionnelle d'un gars qui, au demeurant, est
compétent, mais qui, dans un acte particulier, a, de l'avis de ses
confrères, manqué de jugement.
Si vous ouvrez la porte à ça, vous allez faire en sorte
que les comités de discipline ne voudront plus se mouiller et vont dire:
La sanction est tellement forte, non seulement les 200 $ d'amende ou la
suspension d'une semaine qu'on peut imposer, mais le fait que la sanction soit
publiée, c'est condamner, bien souvent, ce bonhomme à fermer son
cabinet de professionnel, et ils vont refuser de rendre les sanctions qu'ils
devraient rendre. N'oubliez pas une chose, une poursuite en discipline, ce
n'est ni du pénal,
ni du civil; c'est en fonction de notions bien différentes. Quand
on poursuit, par exemple, des médecins pour avoir agi contrairement aux
données de la science médicale, attention, vous pouvez faire de
la chasse aux sorcières comme vous pouvez faire du bon boulot, mais
c'est extrêmement délicat. On voit des médecins poursuivis
pour ne pas avoir donné une antibiothérapie alors que, parfois,
ça fait cinq ans qu'on dit: Vous ne devriez pas donner trop de
médicaments. La norme est extrêmement fluide. En rendant ça
public, vous allez ouvrir la chasse aux sorcières.
Quand ce sont des questions graves, il y a des suspensions, et lÃ
la publicité est faite. Bien souvent, c'est sur des questions de
nuances, d'appréciation dans un cas particulier. à ce
moment-là , vous allez arriver, par exemple, aux résultats
négatifs qu'ont eus des poursuites en "malpractice" aux
Ãtats-Unis. Les médecins préfèrent, par exemple, ne
pas toucher à un patient accidenté parce que, en ne faisant rien,
ils sont sûrs qu'ils ne s'exposent à rien et qu'ils ne seront pas
poursuivis. Ou encore, vous voyez des Américains qui vont se faire
soigner à l'extérieur parce que certaines manoeuvres sont trop
risquées au point de vue actions en dommages et les médecins
aiment mieux ne pas toucher aux patients, etc.
M. Marx: D'accord. Donc, vous êtes pour la publicité
des condamnations en fonction des infractions sérieuses qui donnent lieu
à la suspension.
Ma dernière question porte sur le rôle de la commission.
Vous avez en quelque sorte critiqué la procédure et les pratiques
de la commission. Pas tout à fait, mais vous avez suggéré
que les procédures soient encadrées dans une loi. Maintenant, je
ne sais pas si les procédures de la commission sont publiques. On ne
connaît pas les procédures de la commission et vous avez
suggéré que cette procédure soit encadrée dans une
loi. C'est ça?
M. Tremblay (André): Me Décary.
M. Décary: On a fait, à la page 30, une distinction
entre les droits fondamentaux qui, selon nous, devraient être inscrits
dans une loi supérieure, qui pourrait être modifiée, par
exemple, pour recevoir l'assentiment des deux tiers de la Chambre, et la
création d'un organisme chargé prioritairement de la mise en
oeuvre de la loi, de sa composition, de son fonctionnement, parce que la
composition de cet organisme peut changer périodiquement, ses
règles de procédure et de pratique administratives,
l'orientation, ses règles d'enquête peuvent changer, etc. Donc,
c'est une loi qui pourrait être amendée périodiquement par
rapport aux droits fondamentaux qui, eux, devraient être inclus dans une
loi différente, une loi supérieure, jusqu'à un certain
point.
M. Marx: D'accord. Est-ce que le Barreau du Québec a
étudié la procédure qui est suivie devant la commission?
La semaine dernière, nous avons eu aussi des interventions en ce qui
concerne la procédure devant la commission. Nous avons eu la suggestion
d'un groupe de changer la procédure pour ce qu'on appelle, dans d'autres
provinces, les "board of inquiries". J'aimerais avoir votre opinion sur cette
question.
M. Décary: Dans ce cas, les fondements de notre
proposition sont les suivants. La commission n'est pas un organisme
d'adjudication, elle n'est pas un tribunal. C'est un organisme qui est
là pour aider les citoyens. Dans le processus d'aide, substantiellement,
c'est sa vocation, de promouvoir et d'aider; on lui donne des pouvoirs
spéciaux, ceux de pouvoir contraindre des gens à déposer,
à produire des documents, assister les citoyens dans l'enquête,
recueillir la preuve, comme vous l'avez souligné.
Sur le fonctionnement maintenant, sur les règles qui doivent
diriger il s'agit d'une procédure administrative qui doit
répondre à certaines normes d'équité. Parmi ces
normes, celle qui n'existe pas à l'heure actuelle, mais celle aussi dont
nous recommandons l'adoption, c'est la suivante: que l'institution, la
personne, l'employeur qui est visé par l'enquête sache d'abord,
soit informé généralement du contenu de la plainte, non
pas de l'identité du citoyen ou du plaignant, mais
généralement de quoi il s'agit, pour éviter que
l'enquête déborde carrément du cadre de la loi ou de la
plainte.
Donc, en ce qui regarde le fonctionnement, nous sommes d'accord avec le
fait que la commission puisse épouser, jusqu'à un certain point,
la plainte. Lorsque le citoyen a raison - c'est constaté par la
commission - nous n'avons pas d'objection à ce qu'elle épouse la
plainte. Nous ne voulons pas que cette commission qui décide
d'épouser la plainte soit celle qui aura à juger.
M. Marx: Sur la procédure, vous avez suggéré
que la plainte soit précisée à la mise en cause. Avez-vous
d'autres suggestions en ce qui concerne la procédure suivie par la
commission? Cela va de soi que la forme rejoint le fond souvent et c'est
difficile de distinguer la substance de la procédure.
M. Décary: II faut être bien prudent. Voici ce que
nous avons souligné à la page
29. Nous avons repris tout simplement ici les paroles que
prononçait Me Paul Lacoste dans une allocution prononcée Ã
l'occasion d'un colloque sur la protection constitutionnelle des droits
humains. C'est à la page 29. "La bonne foi devant se présumer a
fortiori devant ce genre d'organisme, peuvent-ils se contenter de simples
hypothèses pour conclure à l'existence d'une pratique
discriminatoire, plutôt que fonder leur opinion sur une
prépondérance de preuve de l'intention discriminatoire?
L'administré faisant l'objet de l'enquête n'est-il pas en droit
d'obtenir une décision fondée sur la preuve complète,
plutôt que sur des résumés préparés par des
employés de l'organisme? L'organisme ne devrait-il pas lui fournir une
décision motivée comportant les conclusions de faits servant de
base à la décision?" En l'adaptant, bien sûr, parce qu'il
ne s'agit pas d'une décision; il s'agit d'une recommandation. Par
ailleurs, cette recommandation, dans certaines circonstances peut avoir des
conséquences très lourdes, affecter considérablement la
réputation de l'institution objet de l'enquête. Plutôt que
de prendre des décisions sur la foi d'un rapport sommaire, il faut
avoir, dans la gouverne -ce n'est pas nécessaire d'être inscrit
dans la loi - certaines exigences de rigueur, avoir examiné les faits
connus pour en tirer une conclusion, cette inconnue, Ã savoir s'il y a
eu discrimination. Mais il ne faut pas tirer cette intention de discrimination
à partir d'un texte flou, ou qui manque de rigueur. Quant au
comportement, c'est pourquoi nous avons attaché une importance Ã
ce texte de M. Lacoste.
M. Marx: Maintenant, je pense que la commission essaie de faire
de la conciliation et, si ça ne fonctionne pas, la commission peut faire
des recommandations qui sont rédigées comme recommandations.
Toute la preuve n'est pas versée à la mise en cause, ce sont
seulement les recommandations qu'on envoie. Vous suggérez, si je
comprends bien, un changement important à la procédure suivie
jusqu'Ã maintenant.
M. Décary: Si on veut changer le comportement,
peut-être qu'il y aurait...
M. Marx: Le comportement. M. Décary: D'accord.
M. Marx: La meilleure chose à faire pour changer
rapidement le comportement, c'est de changer les règles.
M. Tremblay (André): Je ne pense pas qu'on puisse parler
de règles, M. le Président. Ce que nous faisons comme
description, aux pages 25 Ã 3D, provient de nos observations, de notre
expérience. Notre description n'est pas fondée sur des
règles de procédure administrative suivies par la commission.
Ceux qui posent la question: Est-ce que c'est désirable - je pense que
c'est la question du député de D'Arcy McGee - qu'il y ait une
procédure administrative définie par la commission et transmise
au public?
M. Marx: Vous n'avez pas de réponse?
M. Décary: Oui, pour l'ensemble, évidemment, ces
règles administratives devraient faire partie d'une loi
générale. On peut le faire en particulier pour cet organisme,
mais peut-être, aussi, une loi générale pour l'ensemble des
organismes qui, jusqu'à un certain point, font des enquêtes et,
dans d'autres cas, vont jusqu'Ã adjuger et pour lesquelles il n'y a pas
de code, il n'y a pas une loi générale, par exemple, ou certains
grands principes.
M. Marx: On demande au ministre de faire quelque chose depuis des
années, déjà .
M. Bédard: ... l'ensemble du droit administratif.
M. Marx: Avez-vous fait des études sur les "boards of
inquiry" dans les autres provinces, par exemple, en Ontario? Avez-vous des
commentaires sur ce genre de "decision making", si je puis le dire ainsi?
M. Garant: Vous connaissez la situation dans la loi
fédérale de 1978. La commission exerce sa fonction
d'enquêteur dans un premier temps, un peu comme c'est le cas au
Québec, mais, en plus, la loi autorise la commission à mettre sur
pied un tribunal d'adjudication. C'est un peu ce que semble demander la
commission, que la commission puisse se transformer, se muter elle-même
en tribunal d'adjudication, et la position du barreau est contre cette
façon de voir parce qu'elle veut conserver à la commission un
rôle d'enquêteur fonctionnant suivant une procédure
simplement administrative, laissant l'application de la charte aux cours de
justice traditionnelles et à l'ensemble des tribunaux administratifs
d'adjudication bien connus dans notre système.
M. Marx: Seriez-vous d'accord que la commission puisse constituer
un tribunal? Seriez-vous plus d'accord avec un tel système qu'avec le
système actuel? C'est vraiment ma question.
M. Tellier: Là -dessus, je pourrais peut-être
rappeler deux choses. D'abord, il y a deux sortes de procédures. Il y a
des procédures judiciaires et il y a des procédures
d'enquête. Dans une procédure judiciaire, le tribunal
reçoit la preuve que
les parties lui apportent. Devant un tribunal, il y a un demandeur ou un
plaignant, un intimé ou un défendeur, et la preuve appartient aux
parties. Dans une commission d'enquête, quelqu'un qui exerce des pouvoirs
d'enquête n'a pas de partie, et c'est la preuve du comité ou de
celui qui exerce, si vous voulez, l'autorité. à ce
moment-là , ce sont des jeux différents qui se jouent. (12
heures)
Nous, on s'est prononcé dans plusieurs rapports sur des
commissions d'enquête, et on dit: Même s'il est vrai que les
commissaires d'enquête ont des pouvoirs très étendus, qu'il
n'y a pas de parties, etc., il devrait quand même y avoir un minimum de
preuves pour que celui qui se fait assigner comme témoin sache un peu de
quoi il s'agit, s'il est personnellement impliqué. Qu'il soit, Ã
la rigueur, invité à clarifier certaines situations, de
façon que des rapports de commissions d'enquête, y compris ceux de
la Commission des droits de la personne, ne sortent pas après qu'une
enquête en catimini a été faite à son sujet, qu'il
n'ait pas l'occasion de dire: Tel fait, si vous me l'aviez demandé,
j'aurais pu vous apporter des explications, etc. C'est la raison pour laquelle
nous exigeons, entre autres, qu'il y ait un devoir de discrétion sur les
recommandations. Si la commission conclut que des poursuites doivent être
intentées, qu'elles le soient. Là , la personne visée,
devant le tribunal compétent, aura le loisir de se défendre et,
si elle est trouvée coupable, à ce moment-là , comme pour
tout tribunal, ses décisions seront rendues publiques. Mais on ne
réalise pas le dommage...
M. Marx: Je suis d'accord avec ça, mais ma...
M. Tellier: ... qui est fait aux réputations par ces
enquêtes.
M. Marx: Juste une précision. Est-ce que vous trouvez la
procédure actuelle satisfaisante, le système d'enquête, de
conciliation et de recommandation ou si vous aimeriez avoir un système
comme celui de la commission fédérale? Parce que nous avons eu
cette suggestion d'autres intervenants et c'est pourquoi je pose cette
question.
M. Décary: Ce n'est pas le système
fédéral que nous recherchons, parce que la commission ne doit pas
être un organisme d'adjudication.
M. Marx: La commission fédérale n'est pas un
organisme adjudicatif, parce que la commission nomme un tribunal Ã
l'extérieur.
M. Tellier: Le problème, c'est que la charte dit que toute
personne a droit à un procès juste devant un tribunal
indépendant et on dit: II n'y a pas une personne au monde capable d'un
effort d'impartialité pour, dans un premier temps, commencer Ã
faire enquête, se saisir d'une chose, prendre position en faveur d'un
plaignant et, après ça, permettre l'émission d'une
plainte, l'entendre et en décider. C'est beaucoup trop sur les
épaules d'une même personne. La charte nous donne un droit et, en
lui donnant des pouvoirs judiciaires, on va nier le droit aux gens à une
défense pleine et entière, s'ils sont accusés de quelque
chose.
M. Bédard: D'ailleurs, concernant les commissions
d'enquête, c'est à la suite de recommandations dans que le sens de
celles que vous avez faites ce matin que nous avons apporté des
amendements - vous vous en souvenez - Ã la Loi sur les commissions
d'enquête, par le biais de la loi 48, la Loi de police, alors qu'on a
inséré le droit, pour l'individu qui peut être
appelé comme témoin, non seulement d'être informé,
mais d'avoir le droit au contre-interrogatoire, etc., d'être
représenté par un avocat.
Ce que vous dites par rapport à la commission - je veux bien vous
comprendre -c'est que vous êtes d'accord pour qu'on donne à la
Commission des droits de la personne le pouvoir d'enquête, le pouvoir de
conciliation, mais, à partir du moment où cette commission a le
pouvoir d'enquête, elle ne peut en même temps, à la suite
d'une enquête, porter une plainte et elle-même décider et
rendre jugement sur cette plainte qu'elle a portée, parce que, au
départ...
M. Marx: Ce n'est pas comme ça au fédéral,
on nomme un tribunal.
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Non, je ne parle pas du fédéral,
je parle de... Est-ce que c'est le sens de vos représentations?
M. Tellier: ... M. le ministre.
Le Président (M. Desbiens): Je constate qu'on a largement
dépassé le temps. Je comprends évidemment qu'il serait
intéressant et sans doute utile, avec certains groupes, de pouvoir
discuter très longuement, mais il y a M. le député de
Chapleau qui avait depuis longtemps déjà demandé le droit
de parole. Si vous voulez, on pourrait peut-être accorder une question
à M. le député de Chapleau et une question à ...
M. Bédard: M. le Président, avec votre permission,
et madame...
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de La Peltrie.
Mme Marois: Vous êtes bien gentil, je vous remercie. Moi,
il y a quelque chose qui m'agace un petit peu dans votre mémoire.
Ãvidemment, je vais m'arrêter particulièrement aux
programmes d'accès à l'égalité ou d'action
positive. Vous parlez de groupes discriminés, mais, en même temps,
vous utilisez le langage de groupes défavorisés. Je comprends que
c'est la conséquence, sauf que ce langage laisse sous-entendre parfois
que la correction la meilleure serait peut-être des mesures de type
social plutôt que des mesures du type de celles proposées par la
commission. De toute façon, c'est un commentaire.
Vous admettez cependant, dans votre mémoire, que la
discrimination systémique existe et que l'analyse que la Commission des
droits de la personne en fait colle à une certaine
réalité. Vous soulevez évidemment beaucoup d'objections
aux programmes, au caractère obligatoire de leur implantation et au
rôle de la commission dans l'implantation de ces programmes. Vous
favorisez beaucoup plus des mesures incitatives et une recherche ou une
consultation auprès des groupes concernés pour savoir si les
programmes d'action positive leur conviennent.
J'avais compris que, dans les interventions de la commission, ça
faisait partie de la démarche qu'elle proposait, à savoir qu'on
ne peut pas parler de tels programmes sans consulter, sans motiver, sans
insister, si on veut impliquer les personnes dans le processus. Non, on sait
fort bien qu'on arrive à l'échec, si on veut.
Vous dites aussi que les mesures de redressement que vous proposez
devraient être incitatives et qu'il faudrait s'en remettre Ã
l'action législative du législateur pour organiser les arbitrages
requis. Cela m'agace un peu. Dans le fond, qu'est-ce que vous voulez soulever
par là ? Est-ce que vous voulez dire que le législateur devrait se
prononcer sur tous les programmes ou devrait les inclure dans des lois
sectorielles?
L'aspect incitatif plutôt qu'obligatoire. Il y a beaucoup de
groupes de femmes en particulier et aussi des groupes représentant des
minorités ethniques qui ont fait ici une preuve, à savoir que
toutes les formes de programmes de type incitatif s'étaient
révélées inadéquates là où ils
avaient été implantés, que ce soit aux Ãtats-Unis
ou dans d'autres provinces, puisqu'on sait que d'autres provinces ont ces
mêmes mesures, soit dans leur charte ou dans des programmes
d'égalité en emploi.
M. Tremblay (André): Pour répondre à votre
question, Mme la ministre, je crois que pour en arriver à la justice
pour ces groupes défavorisés, il faut lutter sur plusieurs fronts
en même temps. Le premier front que nous proposons, c'est le front de
l'élimination des obstacles à l'égalité. Il s'agit
de penser, par exemple, aux exigences pour les emplois et on peut, Ã
partir de cela, éliminer bien des obstacles à une juste
représentation pour les groupes qui ont fait l'objet, dans le
passé, de discrimination systémique. J'ai dit au début, je
parle de plusieurs fronts, Mme la ministre.
Mme Marois: Oui, je suis d'accord. LÃ - ' dessus, la charte
en soi pose comme principe qu'il ne devrait pas y avoir
d'éléments objectifs de discrimination puisque la charte est
là justement avec un certain nombre de droits. L'analyse qu'on en fait,
c'est qu'en soi cela devrait être quelque chose d'acquis, si on veut,
même si on sait que dans les faits cela existe encore. Donc, cela devrait
être un acquis. La charte est déjà là pour
reconnaître ces choses.
M. Tremblay (André): La charte est là et devrait
normalement, en termes objectifs, avoir réussi à les
éliminer. Mais dans la réalité des choses, il y a encore,
au niveau de l'emploi, des exigences qui sont systématiquement
discriminatoires. Ce n'est pas de la discrimination intentionnelle au sens de
la charte. C'est de la discrimination dans le système. C'est la raison
pour laquelle il devient important de reconsidérer, de façon
systématique, ces exigences dans l'emploi. Par exemple, comment se
fait-il qu'il y a encore deux ans, la police de la Communauté urbaine de
Montréal comptait si peu de femmes? Parce que les exigences d'emploi
étaient déraisonnables. Elles n'étaient pas
discriminatoires intentionnellement au sens de la charte, mais elles
étaient inadmissibles au plan de la rationalité.
Mme Marois: C'est cela la discrimination systémique, comme
vous me la décrivez très bien et, en plus, vous me donnez un
exemple.
M. Tremblay (André): D'accord. Je pense qu'on est sur la
même longueur d'onde. On peut continuer. Alors, il y a plusieurs fronts,
je pense, vers lesquels on peut orienter nos mesures de correction, mais je
dis: Commençons par l'essentiel et puis visons systématiquement
des objectifs. à la fin, si on s'aperçoit qu'on n'est pas capable
de les atteindre avec les différentes mesures, que je dirais classiques,
de contre-discrimination, on va s'en remettre à l'action du
législateur, dans un premier temps. Notre position est la suivante. Au
fond, nous disons que ces mesures contre-discriminatoires, ces mesures qui vont
jusqu'à implanter des échéanciers d'intégration,
ces mesures qui fixent des "deadlines", qui fixent des contingents, en plus,
doivent, dans un premier temps, recevoir une large mesure de consensus social;
sinon ce sera l'échec et on aura véhiculé, auprès
de ces groupes
défavorisés qui ont fait l'objet de discrimination, des
rêves qu'on ne sera pas capable d'atteindre.
Mme Marois: D'accord. Ã ma question concernant l'aspect
législatif, comment le voyez-vous? Vous ne répondez pas
complètement ou bien j'ai mal entendu votre réponse.
M. Tremblay (André): Excusez! Par des lois
sectorielles.
Mme Marois: Des lois sectorielles?
M. Tremblay (André): On s'en remet à votre action.
On a confiance en votre action. Vous l'avez fait magnifiquement pour les
handicapés et c'est de cette Assemblée nationale que devait venir
cet arbitrage. Peut-être que, dans dix ou quinze ans, le consensus social
sera plus développé et qu'on pourra s'en remettre Ã
l'action d'un organe administratif, mais, pour l'instant, si on parle de
contingents dans l'intégration, d'échéancier
d'intégration des groupes défavorisés, je pense que le
comité du barreau préférerait que soit fait par
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chapleau, s'il vous plaît.
M. Kehoe: J'aurais plusieurs observations et questions...
Le Président (M. Desbiens): Je regrette, mais...
M. Kehoe: Je veux poser juste une question. Ã la fin de
votre rapport, dans la conclusion, on dit que vous souhaitez que la commission
soit dotée de ressources humaines et financières importantes,
ainsi que d'expertises. Je voudrais savoir si, depuis les cinq ou six
dernières années de la charte, votre comité du barreau a
reçu des plaintes ou des demandes pour que des bureaux régionaux
soient implantés à travers la province? Actuellement, la
commission ne siège qu'à Québec et Ã
Montréal. Je pense que cela n'existe pas dans d'autres régions de
la province. Dans l'ensemble et jusqu'Ã maintenant, je veux juste savoir
si vos souhaits sont fondés sur la demande qui vous a été
adressée à plusieurs reprises par des membres du Barreau de la
province.
M. Allard: C'est plus ce genre de rumeurs ou d'impressions que
l'on a, effectivement, des gens intéressés, des gens en place. On
dit qu'on ne peut pas répondre à toutes les exigences de la
charte. On dit qu'on ne possède pas les moyens d'enquête
suffisants justement pour éviter que des plaintes soient portées
à tort ou autrement ou faire en sorte qu'une véritable plainte
soit portée. La décentralisation est peut-être un des
éléments de solution dans ce sens.
Le Président (M. Desbiens): Oui, allez-y, monsieur.
M. Tremblay (André): II y a un complément de
réponse à cela. Nous avons observé, au sein de notre
comité, qu'étant donné les faibles ressources mises
à la disposition de la commission, celle-ci aurait tendance Ã
favoriser, à cause des contingences financières, une application
sélective de la charte. Une charte ne peut pas se prêter Ã
une application sélective. Il me semble, et au comité
également, que la commission se doit de rendre justice à tous
ceux qui ont des motifs valables de se plaindre de discrimination.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en
terminant.
M. Bédard: M. le Président, je pense que, comme
tous les autres membres de la commission, nous aurions encore beaucoup d'autres
questions à poser. Comme le temps s'écoule, je me limiterai
simplement à remercier encore une fois les représentants du
barreau pour leurs représentations et leur mémoire. Encore une
fois, c'est très substantiel et très élaboré.
Merci.
Le Président (M. Desbiens): Nous vous remercions.
Je demanderais maintenant à la Centrale d'enseignement du
Québec de s'approcher, s'il vous plaît! (12 h 15)
En attendant que commence l'audition du mémoire, j'aimerais avoir
le consentement pour que le député de Lac-Saint-Jean, M.
Brassard, remplace Mme Juneau comme membre. M. Brassard est déjÃ
intervenant. D'accord?
Centrale de l'enseignement du Québec
Je souhaite la bienvenue aux représentants de la Centrale de
l'enseignement du Québec. M. Gaulin, si vous voulez nous
présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît!
M. Gaulin (Robert): M. le Président, mesdames et messieurs
de l'Assemblée nationale, la délégation de la Centrale de
l'enseignement du Québec est ainsi composée aujourd'hui. De
gauche à droite. M. Brent Tweddell, de l'Association des enseignants du
Nouveau-Québec. C'est notre syndicat qui regroupe les enseignants dans
les commissions scolaires du Nouveau-Québec, Commission scolaire crie et
Commission scolaire régionale Kativik. Rosette Coté, du
comité
de la condition des femmes de la CEQ. Alys Tremblay, première
vice-présidente de la centrale. à ma droite, M. Jean-Marcel
Lapierre, du service juridique de la centrale. Yvon Charbonneau, directeur des
communications. Robert Gaulin, président.
Le Président (M. Desbiens): On pourrait peut-être,
comme nous sommes déjà à 12 h 15, s'entendre. En tout cas,
on verra s'il y a lieu. Il faudrait quand même terminer pour 13 heures,
quitte à reprendre à 15 heures.
M. Gaulin: Comme premier préalable, j'aimerais vous
indiquer qu'à l'annexe B de notre mémoire nous avons
formulé le texte des propositions d'amendement que nous soumettons.
Donc, c'est la dernière annexe à la fin du mémoire.
Je voudrais, en guise d'introduction, livrer une synthèse de ce
mémoire très volumineux, très important, je crois, auquel
la centrale a consacré beaucoup d'énergie dans sa
préparation. J'aimerais, dans cette introduction, traiter de cinq
aspects. D'abord, pourquoi la CEQ participe à ce débat. Dans une
deuxième section, traiter des libertés fondamentales.
Troisième point, nous allons parler de renforcer la lutte ou les moyens
de lutte contre la discrimination, ce qui réfère aux chapitres 3
et 5 de notre mémoire. Quatrième section, nous allons parler des
droits de l'enfant et du droit à l'éducation. Enfin,
cinquième section, quelques questions clés déterminant le
développement de nos droits humains; c'est le chapitre 6.
En vertu de ses statuts, la CEQ a pour but de promouvoir les
intérêts professionnels, économiques et sociaux de ses
adhérents ainsi que d'oeuvrer à l'amélioration des
conditions de vie des travailleurs québécois au point de vue
social, économique et culturel. Aussi, est-ce avec un soin tout
particulier que nous avons entrepris de nous préparer à ce
débat public sur nos droits et libertés, sur nos droits humains.
à cet égard, peut-être aurait-il été
intéressant que cette commission parlementaire, comme d'autres, puisse
être télévisée pour permettre à la population
de suivre un débat qui, à notre avis, est aussi important que le
débat que nous avons eu il y a quelques semaines sur le droit de
grève dans le secteur public.
Nous considérons, en effet, que cette révision en
profondeur de la charte québécoise qui s'annonce nous fournit
l'occasion, comme composante du mouvement syndical québécois,
d'examiner autant l'accomplissement de notre propre mandat syndical que la
situation des droits et libertés dans la société
québécoise. Bien que le domaine et les moyens d'intervention de
la CEQ soient sans doute assez largement connus du public et des parlementaires
québécois, il nous apparaît important de dégager les
éléments d'une convergence extrêmement frappante entre,
d'une part, notre action syndicale concrète et, d'autre part, la
défense et la promotion des droits et libertés au Québec.
Rappelons, entre autres, notre engagement syndical sur le terrain des
libertés fondamentales d'opinion, d'association, d'expression,
d'information et du droit à l'égalité en ce qui regarde
les rapports femmes-hommes, l'enfance, les milieux socio-économiques
marginalisés, les autochtones, notre lutte constante pour le droit au
travail à des conditions justes et favorables, notre intervention
incessante en faveur du droit à une éducation intégrale et
de qualité pour tous, en faveur aussi de la reconnaissance et du respect
des droits de l'enfant, notre implication, enfin, dans le sens d'un
développement plus global de nos droits politiques, économiques
et sociaux tant au plan national qu'international.
L'examen des résolutions adoptées par nos instances et un
bref retour sur nos interventions les plus constantes depuis une dizaine
d'années mettent en lumière une réalité qui n'est
pas nouvelle, mais qui est trop rarement mesurée dans toute son ampleur.
Le gros et l'essentiel de notre mandat syndical s'inscrit dans le vaste champ
de la défense et du développement des droits humains.
Le débat qui s'ouvre maintenant au Québec à ce
propos, nous proposons qu'il aille dans le sens d'un renforcement et d'un
élargissement de nos droits et libertés. Nous proposons qu'il
serve de rempart contre les attaques que nous subissons sous plusieurs aspects
qui affectent en cette période de crise non seulement nos conditions de
travail et de vie, mais aussi certaines conditions d'exercice de nos droits
sociaux, économiques et politiques.
Nous proposons enfin que cette révision soit l'occasion
d'enregistrer de nouveaux consensus sociaux sur des questions qui ont pu dans
le passé être jugées controversées et Ã
l'occasion aussi de prendre la mesure de certaines attaques à nos droits
ou formes de discrimination et de mettre de l'avant de nouvelles pistes de
solution.
Déjà , nos conventions collectives se
réfèrent explicitement à la charte
québécoise comme source de droits et de protection pour nos
membres. De plus, l'occupation professionnelle de la vaste majorité
d'entre eux les plonge quotidiennement dans le processus éducatif,
lequel comporte le volet de l'éducation aux droits humains.
Aussi, est-ce en nous appuyant sur des données concrètes
tirées de notre expérience que nous aborderons successivement
certains aspects de nos libertés fondamentales, puis divers volets de la
lutte contre la discrimination.
Nous traiterons alors des droits de l'enfant et du droit Ã
l'éducation et nous conclurons par l'évocation rapide de
quelques
questions déterminantes dont dépend le
développement ultérieur de nos droits tant collectifs
qu'individuels. Ces données, nous avons tenu, par ailleurs, à les
examiner à la lumière de la Charte universelle des droits de
l'homme, qui concerne la déclaration, les pactes, à laquelle a
souscrit le Québec et nous les avons traitées en tenant compte de
l'éclairage remarquable fourni par un grand nombre de travaux de la
Commission des droits de la personne du Québec.
Ces deux ordres de référence nous inspireront donc tout au
long de notre démarche. Sur bon nombre de questions, nos
préoccupations se traduisent en propositions d'amendements à la
charte. Sur d'autres questions, nos interrogations ou nos propositions
s'adressent plutôt à la Commission des droits de la personne ou
encore au gouvernement et aux législateurs eux-mêmes.
à propos des libertés fondamentales -qui est le chapitre 2
- s'agissant du préambule et de la structure générale de
la charte dont le caractère relativement avancé est souvent
souligné, nous en souhaitons vivement le réaménagement de
sorte que soit renforcé le caractère fondamental de cette charte
et que soit explicité le rapport d'interdépendance existant entre
le champ des droits civils et politiques et celui des droits sociaux et
économiques.
Il faut remarquer, Ã ce propos, Ã quel point est
sous-développée la charte québécoise au plan des
droits politiques, sociaux et économiques pour peu qu'on la confronte
tant aux documents internationaux, auxquels le Québec a souscrit, qu'aux
acquis sociaux et aux lignes de force caractérisant la
société québécoise de maintenant.
Nous mettons de l'avant plusieurs pistes selon lesquelles pourrait se
développer la charte québécoise: liberté de
pensée, droits des autochtones, droit Ã
l'autodétermination et au libre développement économique,
mais aussi droit à la vie, au travail, à la santé et
à un environnement sain, droit aux loisirs et au repos, à la
culture et au progrès scientifique, pleine reconnaissance de
l'égalité entre les hommes et les femmes.
Tous ces droits et toutes ces libertés ne font qu'exprimer la
longue marche des êtres et des groupes humains vers leur plein
épanouissement. Bien loin de n'être que de la littérature
caractéristique des forums internationaux, chacun d'entre eux correspond
à des luttes d'ici menées souvent d'arrache-pied. Tous sont
interreliés et indissociables. C'est ce tout indivisible que
l'Assemblée nationale a maintenant la responsabilité de
réécrire à l'heure de notre temps et de nos acquis
collectifs.
Il n'est pas d'aspects secondaires au chapitre de nos droits et
libertés, pas plus qu'il n'y a d'opposition entre droits individuels et
droits collectifs, entre libertés d'ici et libertés d'ailleurs,
entre libertés formelles et droits économiques et sociaux. C'est
d'interdépendance qu'il s'agit, et c'est ce que nous proposons comme
perspective à inscrire dans le préambule et les premiers articles
de la charte et comme schéma à reproduire dans les divers volets
de la charte elle-même.
D'autre part, il est certains droits qui, bien que déjÃ
inscrits dans la charte, sont souvent peu protégés, voire
même attaqués assez largement. Qu'on pense aux contraintes
concrètes qui pèsent sur le droit d'association des travailleurs,
aux nombreuses infractions commises par les forces de police contre plusieurs
droits mentionnés aux articles 3 à 8: surveillance des syndicats,
infiltration, écoute illégale, etc. Qu'on se rappelle la
violation flagrante du droit à l'information, pourtant prévu
à l'article 44 de la charte, survenue lors de la dernière
campagne électorale, alors que le gouvernement a fait interdire par le
président des élections la diffusion publique, à nos
frais, de questions et de renseignements sans doute jugés trop
gênants pour le pouvoir en place. Nous demandons au gouvernement de
répondre aux questions que nous lui avons posées sur la
surveillance policière et nous lui rappelons, ainsi qu'au
législateur, qu'il ne suffit pas de codifier des droits, il faut que les
autorités elles-mêmes en assurent le respect le plus
scrupuleux.
C'est donc l'affirmation la plus explicite du droit à la
liberté non seulement d'information, mais de communication que nous
proposons d'inscrire à la charte, avec ce que cela comporte en termes
d'implications et d'application, tout comme c'est à une politique claire
et ouverte d'accès à l'information gouvernementale que nous nous
attendons, ainsi que nous l'avons répété, à la
suite du rapport Paré.
Troisième section, élargir le combat et renforcer les
moyens de lutte contre la discrimination; je me réfère aux
chapitres 3 et 5. Ã travers le vaste champ de la lutte contre la
discrimination au sens de l'article 10 de la charte québécoise,
nous avons retenu quelques secteurs et groupes cibles nécessitant une
intervention prioritaire et nous proposons quelques mesures pouvant renforcer
et élargir les moyens de cette lutte. Les rapports annuels de la
Commission des droits de la personne ont constamment mis en relief les
situations de discrimination vécues par les femmes dans le secteur de
l'emploi. Aussi, nous ne pouvons que nous réjouir du travail d'analyse
des conventions collectives entrepris par la commission qui contribuera, de
fait, à mieux nous éclairer sur certaines facettes de ce type de
discrimination.
La CEQ, composée en majorité de femmes, a, depuis
plusieurs années, participé à la défense et
à la promotion du droit réel
de toutes les femmes au travail social, en toute égalité.
La preuve n'est maintenant plus à faire des difficultés et des
obstacles spécifiques que doivent surmonter les femmes face au travail
rémunéré, situation qui s'est traduite par une
inégalité socio-économique d'importance: moins
syndiquées, davantage chômeuses, moins payées lorsqu'elles
ont un emploi, lequel est plus souvent à temps partiel ou de nature
temporaire. Même dans l'enseignement, un secteur syndiqué Ã
100%, le salaire annuel moyen des femmes était, en 1980, de 2200 $
inférieur à celui des hommes. Les causes de telles situations
sont quelquefois ponctuelles, le plus souvent, cependant, elles plongent dans
l'histoire de nos institutions et renvoient à la structure du
système lui-même.
Pour affronter ce type de problème global, il ne faut plus s'en
remettre à des correctifs individuels. Pour redresser de telles
situations, le Québec ne doit plus hésiter à s'engager sur
la voie des programmes d'action positive, ce qui n'a plus rien d'inédit,
maintenant, dans le contexte canadien et nord-américain. Même si
les défenseurs professionnels du capital privé répugnent
à cette perspective, à l'instar, d'ailleurs, de l'administration
Reagan, et justement parce que la crise risque de frapper plus durement des
catégories sociales déjà discriminées, la CEQ, de
même que la Commission des droits de la personne ou de nombreux groupes
sociaux, demande que la charte donne dorénavant le pouvoir à la
commission de recommander et même d'imposer, dans certains cas, des
programmes de redressement progressif. En plus de viser la condition des
femmes, de tels programmes devraient aussi être conçus pour les
autochtones, pour les personnes handicapées et pour des minorités
raciales ou ethniques et ce, non seulement dans le secteur du travail, mais
aussi dans les domaines du logement, de l'éducation et de l'accès
aux services publics. (12 h 30)
La CEQ estime que c'est à la Commission des droits de la personne
que doit revenir la responsabilité d'élaborer, en consultation
avec les personnes concernées et leurs syndicats - parce qu'il y a des
syndicats - et de superviser la mise en oeuvre de tels programmes avec l'appui
d'un pouvoir réglementaire. Le processus et les changements
engendrés par de tels programmes devraient faire l'objet d'une
évaluation attentive, de sorte qu'un bilan soit possible après
quelques années. D'autre part, il est bien entendu que de tels
programmes doivent eux-mêmes s'accompagner de mesures politiques plus
globales, au plan social et économique, prévoyant le
rétablissement permanent, à la racine, de ces situations
discriminatoires.
Au niveau du court terme, nous demandons que soit abrogé
l'article 90 de la charte, qui permet encore la discrimination fondée
sur le sexe, mais aussi sur l'âge, l'état civil, l'orientation
sexuelle et le handicap.
En ce qui a trait aux régimes de rentes, de retraite et
d'assurance, nous estimons que des considérations d'ordre social et
collectif doivent prévaloir sur des arguments d'ordre actuariel sans
rapport avec les réalités socio-économiques des
catégories de personnes visées.
En rapport avec notre pratique du milieu de l'enseignement, nous
voudrions attirer l'attention du législateur sur l'application ou
l'extension concrète de certains motifs de discrimination illicite,
selon l'article 10 de la charte. Ainsi, nous estimons que le droit à la
non-discrimination, pour motif de religion, dans le secteur scolaire, n'est pas
suffisamment assuré, ni pour les étudiants ou leurs parents, ni
pour les personnes y oeuvrant. La Commission des droits de la personne a
elle-même mis en lumière les atteintes concrètes Ã
ce droit, pour ce qui est des usagers du système scolaire, et a
démontré le biais discriminatoire de la porte de sortie que
serait pour d'aucuns le droit d'être exemptés de l'enseignement de
la religion. Plutôt que du droit à la dérogation, c'est du
droit de base pour tous de choisir entre des cours de formation morale
laïque et des cours de formation religieuse qu'il doit s'agir.
Pour ce qui est des personnels enseignants et professionnels, nous
soulignons une fois de plus le caractère discriminatoire de l'article 20
de la charte qui permet la distinction, l'exclusion et la
préférence dans l'emploi, en raison du caractère religieux
d'une institution d'enseignement. Cet anachronisme doit être
corrigé au plus tôt, si nous voulons que le système
scolaire québécois rompe avec son passé clérical,
pourtant désavoué par la commission Parent, il y a près de
20 ans.
La CEQ, qui s'est intéressée depuis longtemps à la
fonction sociale de l'école, ne peut que se réjouir de la
mention, Ã l'article 10, de la condition sociale comme motif illicite de
discrimination. Encore faudrait-il que le ministère de
l'Ãducation et les employeurs scolaires en tirent les
conséquences.
Nous avons ainsi vécu la situation, au printemps dernier,
d'enseignants qui ont été pénalisés pour avoir
refusé d'utiliser des tests au niveau préscolaire, tests dont la
Commission des droits de la personne avait pourtant obtenu le retrait de la
part du ministère de l'Ãducation, tant ils étaient
discriminatoires envers les enfants d'origine populaire.
Un de nos syndicats est donc contraint à la coûteuse
procédure de l'arbitrage pour défendre certains de ses membres
qui, Ã
l'instar de la Commission des droits de la personne, ont repoussé
des instruments de mesure et d'évaluation conçus et
recommandés par le ministère de l'Ãducation.
Pourtant, cette action de notre part ne s'attaque qu'Ã la pointe
d'un iceberg. Qu'en serait-il si nous avions les moyens de remettre en question
l'ensemble des instruments d'évaluation ou encore d'examiner nombre de
manuels ou d'outils pédagogiques préconisés par le
ministère de l'Ãducation?
L'article 10 interdit la discrimination en raison des convictions
politiques, ce qui n'est pas négligeable, mais nous soulevons la
situation d'enseignants ayant subi des représailles pour des actes
s'inspirant tout simplement de leur sens professionnel et de leur
liberté scolaire. On peut soulever le même problème en ce
qui regarde certaines catégories de personnel de soutien et
également du personnel professionnel.
Le temps n'est-il pas venu d'inscrire dans la charte ce que
reconnaissent déjà des conventions collectives,
c'est-à -dire la liberté d'opinion politique et l'exercice des
libertés scolaires? Mais il ne suffit pas d'inscrire ou de
préciser des droits dans une charte pour que ces droits soient
respectés et se développent. Toutes ces proclamations sont
largement futiles si l'on ne prend pas des moyens efficaces d'en assurer la
mise en oeuvre véritable.
Tout d'abord, nous soutenons que le caractère fondamental
même de la charte doit être mieux étayé; donc
l'ensemble des droits qui y sont reconnus devrait prévaloir sur les lois
ordinaires sans dérogation, que le pouvoir d'enquête de la
commission doit être étendu à toute situation issue de l'un
ou l'autre article de la charte, sans restriction; que devraient être
mieux protégées les personnes qui, de bonne foi, agissent
conformément aux dispositions de la charte.
Quant à la Commission des droits de la personne, nous
recommandons que son statut juridique soit mieux défini, de façon
qu'elle puisse s'acquitter de ces représentations devant les tribunaux.
Nous sommes d'avis qu'elle doit pouvoir utiliser les dispositifs de la Loi sur
le recours collectif en certaines occasions.
De façon plus générale, la CEQ demande que la
commission soit détachée du ministère de la Justice et
reçoive des moyens d'action à la mesure de ses mandats et des
besoins des citoyens du Québec, y compris dans les régions hors
de Montréal et de Québec.
Si le gouvernement a jugé bon d'affecter plus de 400 ressources
à l'application de la loi 101, nous ne voyons vraiment pas pourquoi il
plafonne les ressources de la commission à 60 depuis cinq ans. Notre
travail de recherche, d'accueil et de représentation de la commission
est immense. Il en va de même pour ce qui est de l'information et de
l'éducation. à ces tâches doit maintenant s'ajouter le
domaine de l'action positive. C'est donc dire l'urgence de la révision
qui s'impose à ce niveau de l'exercice effectif de nos droits et qui
dépasse de beaucoup la seule rédaction d'amendements à la
charte.
La quatrième section concerne la défense des droits de
l'enfant et du droit à l'éducation. Ãtant donné la
sphère de travail où se retrouvent nos adhérents, nous
avons jugé important de nous livrer à quelques
considérations relatives aux droits de l'enfant et au droit Ã
l'éducation dont traite la charte aux articles 39 et 40 notamment.
Les droits des enfants et des jeunes sont certes reconnus de
façon globale dans la charte, mais leur exercice pose encore des
problèmes importants en milieu scolaire et ailleurs. Ce sentiment
d'exclusion sociale que ressentent les jeunes, selon certaines études,
ne saurait trouver sa réponse que dans des mesures de protection et de
sécurité. C'est davantage dans le sens du droit de l'enfant
à l'épanouissement, à l'activité sociale, Ã
la santé, aux loisirs qu'il faut travailler, dans une perspective
d'égalité et non d'autorité.
Au plan scolaire, la CEQ a pris connaissance avec intérêt
du guide d'interprétation de la charte récemment mis au point par
la Commission des droits de la personne et a entrepris d'en mesurer les
implications et les possibilités d'application.
Le droit d'organisation collective et d'opinion des étudiants,
leur droit à une éducation intégrale, comprenant
l'enseignement même de leurs droits, leur droit à des programmes,
à des manuels, à des évaluations exempts de
discrimination, leur droit à des conditions sociales et scolaires
convenables, voilà quelques-uns des domaines où s'imposent
d'importants examens de la situation et de substantielles interventions.
Nous souhaitons vivement que le travail initial de la Commission des
droits de la personne puisse se poursuivre et que tous les intervenants en
milieu scolaire en prennent la véritable mesure.
Il est un droit primordial que la charte doit reconnaître Ã
toute personne jeune ou adulte. C'est le droit à une éducation
intégrale et de qualité, droit que la charte actuelle
désigne timidement de droit à l'instruction publique gratuite. Le
moins que l'on puisse dire à ce chapitre, c'est que ce droit Ã
l'éducation a cessé de se développer, de se consolider au
Québec depuis quelques années. Il est même attaqué
sous plusieurs angles. Faut-il tout d'abord rappeler que l'éducation n'a
jamais été complètement gratuite - l'université,
les frais afférents, les adultes - et qu'elle est en passe de le devenir
de moins en moins sous le coup des restrictions budgétaires de
l'actuel
gouvernement? Plus encore, c'est le droit à l'éducation
collégiale et universitaire qui est mis en cause par les politiques de
stagnation imposées à ces niveaux.
Mêmes conséquences générales pour ce qui est
des conditions réservées au préscolaire, au secteur des
adultes et à plusieurs aspects des niveaux primaire et secondaire.
Sous le couvert d'un faux débat entre l'économie ou
l'éducation, dans le sillage de la crise, c'est au droit Ã
l'égalité en éducation, au droit à une
éducation intégrale et au progrès que le pouvoir s'attaque
maintenant avec vigueur.
C'est pourquoi la CEQ attire l'attention avec autant d'insistance sur
les contraintes, voire les reculs que diverses mesures gouvernementales font
actuellement subir à ce droit à l'éducation, qui
dépasse le droit à l'instruction dont nous réclamons une
reconnaissance plus intégrale dans la charte et la mise en oeuvre plus
effective dans la réalité de tous les jours.
C'est d'ailleurs à la promotion de ce droit que tend l'essentiel
de notre mandat syndical, tant au plan des revendications qu'au plan
pédagogique, professionnel et social, ainsi qu'en témoigne la
proposition d'école que nous avons formulée au cours des cinq
dernières années.
La section 5 porte sur quelques questions clefs déterminant le
développement de nos droits humains. Dans notre mémoire, nous
avons proposé plusieurs amendements à la charte actuelle que nous
croyons de nature à préciser ou mieux protéger certains
droits. De même avons-nous insisté sur l'importance d'ajouter
à nos moyens de mise en oeuvre effective des droits portés
à une charte, que nous voulons, par ailleurs, de portée plus
fondamentale et d'un contenu plus englobant, notamment au plan social et
économique.
Mais il est certaines questions clefs qui se posent à la
collectivité québécoise, qui demandent des réponses
éclairantes et progressistes sans lesquelles le périmètre
de nos droits individuels et collectifs sera toujours fragile et
menacé.
Par exemple, nous estimons le moment venu pour le législateur et
le gouvernement québécois de régler de façon
démocratique la question scolaire tant dans ses aspects linguistiques
que confessionnels.
Il en va de même dans nos rapports avec les peuples autochtones,
qui doivent sortir de leur enlisement actuel. De façon plus large
encore, nous soutenons que nos droits individuels et nos droits collectifs ne
peuvent que s'épanouir ensemble, ces derniers constituant les conditions
de développement des premiers.
N'est-il pas étrange de constater, par exemple, que des droits
aussi primordiaux et aussi universellement présents dans les documents
internationaux auxquels le Québec a souscrit sont absents de la charte
québécoise, tels le droit à l'autodétermination, le
droit au libre développement économique, le droit à un
ordre social et international juste et pacifique fondé sur la libre
coopération internationale?
De façon très actuelle, n'est-ce pas du côté
d'Ottawa que peut venir, à très court terme, une attaque
très importante contre nos droits et libertés par le biais du
projet de charte inséré dans la question du rapatriement de la
constitution?
C'est à tort que l'accès à ces droits et que les
conditions de leur exercice sont tenus à l'écart du débat
sur nos droits humains par certaines forces dans notre société.
Ces droits enveloppent, transcendent, conditionnent l'exercice concret
d'à peu près toutes nos libertés formelles, dites
fondamentales.
à quoi rime la liberté d'expression dans un pays dont le
développement économique et politique est dirigé de
l'extérieur ou sous le contrôle d'une minorité?
à quoi riment nos libertés d'association et de
réunion pacifique, notre droit à la sauvegarde de la
dignité, si ces droits et ces libertés doivent être le lot
d'un nombre croissant de chômeurs, de démunis, de
marginalisés, ici ou ailleurs dans le monde?
La crise que nous traversons n'affecte pas que le Québec,
entendons-nous dire souvent, et avec raison, mais nous ajoutons que cette crise
n'affecte pas que le budget du Québec, elle affecte aussi nombre de ses
politiques économiques, sociales et culturelles.
Ce que nous demandons à l'occasion de cette révision en
profondeur de la charte, c'est que cette charte non seulement résiste
à cette poussée de crise, mais se consolide et se
développe. Les années qu'on nous annonce pourraient bien montrer
que nous aurons besoin plus que jamais encore d'un tel instrument.
En terminant, je voudrais souligner rapidement une dizaine de
recommandations que vous trouverez dans cette annexe. D'abord, Ã
l'article 1, nécessité, à notre avis, de définir et
d'élargir la question des libertés fondamentales.
à l'article 10, ajouter le motif "âge" comme
élément de discrimination.
à l'article 20, aborder clairement et franchement toute la
question de la religion et des institutions publiques d'enseignement.
L'article 39 concerne le droit de l'enfant. L'amendement demande
d'élargir l'article et de se référer "au droit au
développement intégral, responsable et autonome."
à l'article 40, parler du droit à l'éducation
plutôt que du droit à l'instruction.
à l'article 44, élargir le droit à l'accès
aux communications.
à l'article 67, introduire toute la question de l'action
positive.
à l'article 87, introduire des dispositions assurant une
meilleure protection contre les représailles.
Enfin, nécessité d'abroger l'article 90.
En terminant, si on veut que cette démarche et que cette
modification à la charte des droits québécois soient
quelque chose d'effectif, nécessité d'accroître les moyens
mis en oeuvre autour de la Commission des droits de la personne.
Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je tiens Ã
remercier le président de la Centrale de l'enseignement du
Québec, de même que tous ceux et celles qui l'accompagnent, pour
la présentation de ce mémoire.
On nous en a fait un résumé, mais, comme l'a dit le
président, le mémoire est encore plus élaboré. Nous
avons été à même de le parcourir. (12 h 45)
Je voudrais peut-être, dans un premier temps, demander - puisqu'il
s'agit du premier groupe syndical que nous rencontrons concernant les
programmes de redressement ou l'accès à l'égalité,
si vous pourriez nous indiquer comment vous concevez le rôle du syndicat
concernant la mise en place de tels programmes. Vous êtes
concernés au premier chef et vous nous l'avez indiqué en ce qui a
trait à l'ensemble des membres que vous représentez. J'aimerais
savoir, parce que vous avez sûrement fait une réflexion en
profondeur sur ce que devrait être le rôle du syndicat Ã
partir du moment où le législateur s'oriente vers des programmes
d'accès à l'égalité.
Mme Marois: Est-ce que je peux compléter la question, M.
le Président? Cela va aussi dans le sens de celle que soulève le
ministre de la Justice. Vous ne semblez pas réclamer dans votre
mémoire qu'obligation soit faite aux employeurs d'implanter des
programmes d'action positive ou de redressement ou d'accès Ã
l'égalité, on s'entendra un jour sur les termes. Ce que je
comprends, c'est que les femmes membres de votre centrale devraient alors s'en
remettre à leur syndicat - vous me direz si j'interprète mal ce
qui est dans votre document - pour finalement en arriver à s'entendre ou
imposer à l'employeur un type de programme. à ce moment, quelles
seraient les garanties que les femmes auraient que les programmes seront
imposés, si elles font peu partie des instances syndicales
décisionnelles? C'est votre cas comme c'est le cas - ce n'est pas
particulier chez vous - de l'ensemble des centrales. Les femmes sont peu
présentes aux instances décisionnelles. On aurait peut-être
besoin de redressement progressif là aussi. Cela élargit beaucoup
la question, mais je pense que ce sont des choses qui nous
préoccupent.
M. Gaulin: Je dois vous dire qu'au sein du bureau national de la
CEQ, qui compte onze personnes, il y a six femmes.
Mme Marois: Cela commence.
M. Gaulin: C'est la première fois, cependant, qu'il y a
une majorité de femmes. Nous sommes très heureux de cela.
Espérons que cela va continuer et que ça va se réaliser
aussi au Conseil des ministres.
Mme Marois: Là aussi ça commence.
M. Bédard: La population a son mot à dire de ce
côté.
M. Gaulin: Comme ligne de fond sur cette question de l'action
positive, d'abord, elle ne s'adresse pas seulement aux femmes. Cela concerne
les femmes, les autochtones, les handicapés, je ne sais pas, une
quatrième catégorie que nous avons nommée dans notre
mémoire. Plutôt que de généraliser ou d'imposer
à toute la société québécoise une formule
d'action positive, imposer cela par législation et selon une
réglementation, nous avons préféré nous en remettre
à l'imposition. Il peut y avoir détermination et imposition de
programmes d'action positive dans certains établissements par le biais
de la Commission des droits de la personne. Nous pensons que la commission peut
avoir le droit d'enquête, le droit d'intervenir pour suggérer
certains programmes d'action dans des établissements donnés
lorsqu'une situation le nécessite et que la commission pourrait avoir le
droit d'imposer à tel employeur ou à telle institution un
programme d'action positive.
Le syndicat doit être consulté obligatoirement lorsque la
commission juge qu'il y a nécessité d'intervenir auprès
d'une institution donnée. Nous pensons qu'il doit y avoir consultation
obligatoire du syndicat, implication du syndicat dans la définition du
programme, dans la discussion des questions entourant toute l'implantation d'un
programme d'action positive, et il peut y avoir toutes sortes de situations
dans un milieu donné. Nous croyons aussi que lorsqu'il y a des syndicats
- moins de 30% des travailleurs sont syndiqués - il y a
possibilité de négocier et de prévoir dans la convention
collective des dispositions permettant de corriger telle ou telle situation.
à cet égard, nous avons justement un représentant de notre
syndicat du Nouveau-Québec. Dans
cette convention collective, il y a des dispositions qui ont
été négociées avec l'employeur prévoyant
certains éléments favorisant l'engagement et la
préservation de l'emploi des autochtones, puisque nous sommes en milieu
autochtone. Tout de même, il faut aussi préserver les droits des
autres personnes, des salariés qui ne seraient pas des autochtones ou
des femmes. Donc, le syndicat peut intervenir par le biais de la
négociation pour clarifier, préciser et définir un certain
nombre d'implications. Nous pensons que c'est préférable de
procéder de cette manière, de manière que par le biais de
la Commission des droits de la personne, on puisse vraiment s'attaquer aux
situations prioritaires. Si on procède autrement par disposition
générale ou réglementation, nous croyons...
Mme Marois: Vous procéderiez par cas prouvés de
discrimination et à ce moment-là , des programmes deviendraient
obligatoires. C'est cela?
M. Gaulin: Pas seulement des cas prouvés de
discrimination, là où il y a lieu de croire qu'il y a un
système ou une discrimination systémique et que les choses ne
pourront pas changer à moins d'une intervention extérieure ou
à moins qu'il y ait un programme assez systématique dans cette
entreprise, dans ce milieu de travail. à ce moment-là , nous
pensons que la commission peut agir à différents niveaux, peut
inciter, peut suggérer, peut proposer et peut aller jusqu'Ã
imposer des programmes.
M. Bédard: Autrement dit, vous nous dites que la
consultation doit être faite avec le syndicat. Je pense que ce serait
bien difficile qu'il en soit autrement. Ãgalement, vous dites que le
syndicat doit être impliqué. Cela se conçoit très
facilement, parce que lorsqu'on arrive à l'application, il faut que tous
les éléments aient été évalués avec
les organismes responsables au premier chef.
Vous n'iriez pas jusqu'à requérir, par exemple, l'accord
explicite du syndicat. Lorsque vous parlez de l'implication du syndicat au
niveau de la mise en place des programmes, de la confection même des
programmes? Pourriez-vous expliciter davantage, s'il vous plaît?
M. Gaulin: D'abord, au niveau global, je crois que l'intervention
des syndicats, des centrales va contribuer à sensibiliser l'opinion
publique à cette nécessité ou à cette approche de
systèmes qui sont discriminants de nature. Je crois qu'il y a beaucoup
de sensibilisation à faire. La centrale a commencé Ã
prendre position sur ces questions. Je crois que nous pouvons intervenir dans
l'opinion publique québécoise pour changer la mentalité,
pour sensibiliser aussi le milieu, sensibiliser également les
travailleurs syndiqués ou non syndiqués à ces situations
qui ne sont pas toujours connues. Là aussi, il y a un rôle
important de la Commission des droits de la personne au niveau de la recherche,
au niveau de l'information et au niveau de l'éducation globale.
Y a-t-il lieu d'avoir, chaque fois, l'accord du syndicat avant d'en
arriver à définir un programme d'action positive dans un
établissement? Nous n'avons pas arrêté notre position
jusqu'à dire qu'il faudrait à ce moment-ci qu'il y ait accord du
syndicat. Nous croyons tout de même que, par leur passé, les
syndicats sont plutôt assez favorables à ce changement et
réagissent assez vite face aux situations de discrimination. Dans un
premier temps, si une intervention de la commission ou le fait qu'une situation
est portée à l'attention de la commission permet à la
commission d'enquêter, de détecter, de sensibiliser et d'informer
les syndiqués et le syndicat sur la nature exacte des problèmes,
je crois qu'il y aurait déjà des acquis importants à ce
niveau. Le syndicat peut toujours, par le biais de la négociation,
demander lui-même, imposer à l'employeur un programme ou certains
éléments d'un programme d'action positive.
M. Bédard: Je me limiterai à deux autres questions,
M. le Président, pour permettre à mes collègues d'y aller
aussi de leurs questions. Vous proposez une nouvelle infraction Ã
l'article 87 - dans votre mémoire global - de la charte relativement aux
personnes qui tenteraient des représailles contre une personne ou un
groupe qui favoriserait l'exercice des droits et libertés des jeunes en
milieu scolaire.
Vous faites un cas spécifique des jeunes en milieu scolaire
sûrement pour des motifs sur lesquels j'aimerais entendre des
explications. Ne croyez-vous pas que c'est un droit qui est reconnu par
l'article 10 lorsqu'on parle de l'exercice des droits et libertés de
toute personne, non seulement les jeunes, les citoyens et citoyennes de tous
âges. à partir du moment où on spécifierait une
catégorie par rapport à une autre, ne croyez-vous pas que cela
pourrait indiquer une préférence qui n'existe pas dans la charte
puisqu'il s'agit de protéger les droits et libertés de toutes les
personnes, quel que soit leur âge, leur sexe, etc.?
M. Gaulin: Ce que nous visons par cette modification Ã
l'article 87 - s'il y a lieu de l'élargir et d'aller plus loin, je crois
qu'il n'y aura certainement pas de problème de notre côté -
c'est que nous pensons que dans la charte, actuellement, les gens qui
interviennent pour protéger les droits des autres ne sont pas
suffisamment protégés
face aux représailles. Bien sûr, nous avons, dans notre
mémoire, soulevé et développé cette question des
tests au préscolaire, ou toute cette question de l'enseignement
donné dans le cadre de la liberté académique. Souvent, des
représailles peuvent être exercées. Dans le cas qu'on a
mentionné, le cas des tests à la commission scolaire Taillon, il
y a effectivement des enseignants qui ont jugé ces tests
discriminatoires, qui ont décidé d'eux-mêmes, malgré
l'ordre formel de la commission, de ne pas passer les tests, et qui font
l'objet de représailles, actuellement, de griefs et de
procédures.
Il y a toute la question du guide, aussi, qui s'en vient. Un guide est
en préparation pour les étudiants, les sensibilisant à la
revendication de leurs droits en milieu scolaire. LÃ aussi, des
enseignants et du personnel de l'éducation qui favoriseraient l'exercice
des droits par les jeunes, ou qui interpréteraient ce guide en faveur
des jeunes et qui encourageraient les jeunes à agir auprès des
autorités ou à revendiquer leurs droits un peu fort dans les
établissements scolaires pourraient être l'objet de
représailles à la suite de conseils et d'actions.
M. Bédard: Je comprends très bien votre
préoccupation, à savoir que toute personne qui use de
représailles à l'endroit de quelqu'un qui veut faire respecter
des droits et libertés se doit d'être sanctionnée pour de
tels gestes. Maintenant, est-ce que l'essentiel de votre demande ne serait pas
pour que la charte prévoie des sanctions plus importantes qu'elle n'en
prévoit présentement? à partir du moment où la
charte, d'une façon générale, défend la
discrimination, les personnes qui, effectivement, vont à l'encontre de
la charte sont susceptibles de poursuites. Est-ce que c'est l'intensité
des peines prévues qui ne correspond pas à ce que vous voudriez
voir?
M. Gaulin: Je vais demander à Yvon de
compléter.
M. Charbonneau (Yvon): Brièvement, M. le ministre, quand
on regarde la formulation actuelle, au paragraphe d) de l'article 87, il y a
une possibilité d'infraction seulement à propos de quiconque
tente d'exercer ou exerce des représailles contre une personne, un
groupe de personnes, etc., qui ayant fait une demande d'enquête ou rendu
témoignage. C'est très limité, finalement. Il faut
être rendu à ce stade de la demande d'enquête. Quelqu'un qui
intervient est passible d'infraction. Ce qu'on soulève, c'est un
problème beaucoup plus large. Dans le cas des enfants de la commission
scolaire de Taillon, aucun groupe n'a demandé une enquête, et
aucun individu, non plus, n'a demandé une enquête en particulier.
La porte ouverte par le paragraphe d) est beaucoup trop étroite,
à notre avis, et trop limitative.
De plus, quand il est question d'un groupe, il est toujours assez
difficile de cerner exactement le groupe, bien souvent. LÃ , ce sont les
enfants de Taillon, mais ces tests s'adressaient à tous les enfants, en
principe, de niveau préscolaire de la province de Québec.
Où est-ce qu'on cerne la notion de groupe pour intervenir? Encore
faudrait-il que ce groupe ait fait une demande d'enquête. On voit bien,
ici, que c'est inapplicable dans un cas comme celui qu'onsoulève. On soutient, ici, que c'est assez fréquent que
ça puisse se poser dans le domaine de travail où nous sommes. (13
heures)
Pour compléter, en prenant en considération le guide
d'interprétation mis au point par la commission des droits en milieu
scolaire, pour peu que ce guide soit pris en compte par les étudiants
eux-mêmes, par leurs organisations - qu'ils sont invités ici, ni
plus ni moins, Ã constituer - pour peu que ces organisations
développent - ce qui serait bien normal - un ensemble de revendications
et d'orientations, qu'ils les défendent devant les autorités
scolaires, il y aura certainement des enseignants et des professionnels qui
seront impliqués dans ces processus et, très souvent - c'est
arrivé dans le passé, à certaines occasions - c'est bien
plus facile pour l'autorité scolaire de sévir contre un
enseignant que contre une collectivité d'étudiants. De toute
manière, qu'elle sévisse contre l'un ou contre l'autre, on croit
que ce serait à regarder et il faudrait protéger ceux qui
prendront à coeur l'implantation de ce guide, qui découle de
source claire de la charte elle-même, telle que rédigée
actuellement. On pense que c'est un problème d'envergure et, comme ce
guide nous a été présenté depuis seulement quelques
mois - nous avons été associés, par voie de consultation,
aux travaux de la commission qui ont conduit à ce guide - dès
qu'il sera rendu tout à fait officiel, tout à fait connu, nous
devrons certainement nous-mêmes procéder à un examen
renouvelé de la situation, parce que ça comporte des
implications.
Maintenant, pour le principe et pour l'existence de ce guide, nous nous
sommes déjà prononcés de façon très ouverte
et de façon très favorable.
M. Bédard: Je comprends très bien l'insistance et
la préoccupation que vous avez concernant, d'une façon tout
à fait particulière, les jeunes en milieu scolaire, mais je
voudrais bien comprendre l'essentiel de votre remarque. Autrement dit, vous
trouvez que la formulation qui existe présentement est peut-être
trop restrictive, qu'il faudrait que ce soit clair que ça
s'étende, quel que soit le stade des
procédures, devant la commission ou que ce ne soit même pas
devant la commission. Je pense que vous l'accepteriez, s'il y avait un article
qui soit plus général, parce que, si on spécifie seulement
pour les jeunes en milieu scolaire, puisqu'on parle d'une charte, on peut se
faire dire: Oui, mais qu'est-ce que vous faites des autres catégories;
voulez-vous faire une distinction? Je comprends que c'est l'idée
générale que ce soit plus clair et moins restrictif que ça
ne peut paraître dans la formulation actuelle, c'est-à -dire qu'il
soit impossible pour une personne d'exercer des représailles lorsque
quelqu'un veut faire valoir ses droits et ses libertés. Je comprends.
C'est votre secteur de préoccupations.
M. Gaulin: Je crois que notre formulation, même si on
l'applique à des cas particuliers, était suffisamment large; on
avait des cas pour illustrer notre demande, donc on a...
M. Bédard: Dernière question. Aux pages 78 et 79 de
votre mémoire, toutes les recommandations que vous faites relativement
au droit à l'éducation, je comprends qu'il y a des distinctions
que l'on peut faire, mais, d'une façon globale, est-ce que ça ne
relève pas plus de lois sectorielles que de relever du domaine de la
Charte des droits et libertés de la personne? Je comprends que, dans la
charte des droits et libertés de l'ONU, c'est très
élaboré et c'est un peu dans ce sens que vous vous dirigez, mais,
quand on fait la liste de tout ce que vous demandez aux pages 78 et 79, est-ce
que ce n'est pas plutôt vers des lois sectorielles qu'il faut se
diriger?
M. Gaulin: La position que vous avez aux pages 78 et 79, c'est la
position de la CEQ sur l'éducation; nous croyons important de la
rappeler à ce moment-ci puisque véritablement on parle maintenant
d'éducation plutôt que d'instruction. Je crois qu'il faut
reconnaître, dans la charte québécoise des droits, un
véritable droit à l'éducation qu'on a souvent
réduit ou on a souvent donné des interprétations
très réduites de ce qu'est l'instruction. Là -dessus, si on
veut que notre charte soit vraiment de son temps, il faut aller dans un
élargissement qui va dans le sens des propositions et des revendications
qui sont là . Bien sûr, le gouvernement, le législateur,
quand il déposera ses modifications ou ses projets de modifications
à la charte, jugera de la qualité de ces revendications. Nous
parlons aussi - nous avons insisté là -dessus dans notre
mémoire - de faire en sorte que la charte devienne effective, qu'on ne
reconnaisse pas seulement des droits théoriques ou qu'on ait le plus
beau papier ou le plus beau document à soumettre ou Ã
débattre dans des conférences internationales. Il faut que cette
charte soit effective, applicable ici.
En ce qui regarde l'éducation, il y a des changements Ã
apporter dans les politiques, dans les lois du Québec. Nous croyons
qu'à l'occasion du débat sur la Charte des droits et
libertés de la personne, il y a lieu d'élargir un peu - et on
pourrait élargir davantage que ce qu'on veut faire -nous pensons qu'il y
a certainement lieu d'élargir. Nous parlons de gratuité.
L'enseignement supérieur doit être gratuit et accessible Ã
tous en pleine égalité, en fonction des capacités de
chacun. Nous avons certains éléments qui ne veulent pas laisser
croire que tout le monde doit aller à l'université. Tout le monde
le peut en tenant compte des capacités. L'enseignement gratuit
universitaire, on va à rebours à ce moment-ci. Nous ne pensons
pas que, demain matin, le gouvernement aura la possibilité de
légiférer dans ce sens-là . Nous le voudrions bien, mais
nous tenons compte de la conjoncture et des politiques actuelles. Il faudrait
"revirer" pas mal de choses bout pour bout par rapport à ce que vous
faites actuellement. Nous pensons qu'il y a là des pistes de
réflexion pour vous, qu'il y a des revendications qui devront être
satisfaites à plus ou moins long terme et qu'il y a lieu très
carrément de parler d'éducation, de parler du droit à une
éducation de qualité, de parler d'une éducation qui vise
au plein épanouissement de la personne humaine, du sens de sa
dignité. Nous pensons aussi à une éducation qui doit
s'ouvrir sur le respect de la personne, sur le respect des libertés
fondamentales. Il y a certainement lieu de préciser un peu plus dans ce
sens-là . Il y a plusieurs chartes, pactes ou conventions internationales
qui développent beaucoup et davantage les questions d'éducation.
Nous croyons que c'est l'une des faiblesses marquées de notre charte,
actuellement, que de parler seulement d'instruction gratuite pour les niveaux
primaire et secondaire, et qu'on devrait faire un pas en avant.
M. Bédard: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): Nous allons reprendre nos
travaux à 15 heures avec des questions supplémentaires au
même groupe.
La commission élue permanente de la justice suspend ses travaux
jusqu'Ã 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 08)
(Reprise de la séance à 15 h 09)
Le Président (M. Desbiens): à l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la justice recommence ses travaux. Ã la
suspension des
travaux, la parole était au député de Chomedey.
Mme Bacon: M. le Président, en attendant le porte-parole
officiel de notre commission, j'aurais quelques questions à poser aux
représentants de la CEQ. Si je me base sur mon expérience
passée et présente de certaines demandes de la CEQ ou des
documents qu'elle nous a habitués à recevoir, il me semble en
fait que souvent tous ses problèmes proviennent du système et on
remarque souvent que c'est le système qui est blâmé. Est-ce
que je comprends bien la philosophie même de la CEQ?
M. Gaulin: Je pense que vous ne la comprenez pas tout Ã
fait.
Mme Bacon: J'aimerais avoir des éclaircissements, si je ne
la comprends pas ou si je la comprends mal. On a souvent blâmé le
système à la CEQ pour les problèmes auxquels on a Ã
faire face.
M. Gaulin: Je crois que, sur cette question des droits et
libertés, ce n'est pas nous qui avons parlé de discrimination
systémique ou systématique. On veut se référer au
système. Je crois que ce sont des données de fait qui sont
relevées par tout le monde. D'autre part, sur l'ensemble de notre
mémoire, sur la question des droits et libertés, on s'appuie ici,
sur deux instruments qui, Ã notre avis, ne sont pas des
propriétés de la CEQ, la charte universelle des droits et une
série de pactes internationaux dans lesquels on n'a eu absolument rien
à faire, et l'autre, c'est le travail même de la Commission des
droits de la personne ici au Québec. On a toute une série
d'éléments où on converge dans nos analyses avec cette
question de la Commission des droits de la personne.
D'autre part, cela se réfère bien sûr au
système et on s'en voudrait, si on ne pensait pas de cette
manière. à notre avis, il y a des relations importantes Ã
faire entre la question des droits et libertés dans une
société et l'ensemble du fonctionnement de cette
société. C'est un représentant de votre côté,
ce matin, qui disait qu'en période de crise souvent les droits des
minorités ou les droits des citoyens les moins avantagés dans la
société sont davantage affectés, mais cela rejoint
l'analyse de la CEQ et cela rejoint, je crois, les dispositions où on
essaie de mettre de l'avant de l'action positive pour contrer des effets qui
sont devenus des effets du système. Je crois que la conjoncture sociale,
la conjoncture politique, les difficultés économiques aussi font
en sorte qu'en ces périodes de crise, les libertés sont davantage
susceptibles d'être attaquées et nécessitent, une vigilance
accrue de la part des organisations progressistes ou des organisations
démocratiques. Vous pourriez peut-être expliciter davantage, je ne
sais pas si je réponds à votre question.
Mme Bacon: Oui. Je reviendrai peut-être...
M. Gaulin: à quoi vous référez d'une
manière particulière ou s'il y a des exemples là -dessus
mais je crois que, d'une manière globale, la CEQ analyse la
société, critique la société et essaie de faire des
liens avec l'ensemble des politiques ou des éléments de cette
société.
Mme Bacon: Au niveau - parce qu'on parle au niveau des
libertés et des droits -des libertés d'expression ou des
libertés de gérance des enseignants, comment
catégorisez-vous le Québec par rapport à d'autres pays?
Vous avez fait cette analyse en parlant de libertés et de droits.
M. Gaulin: Oui. Nous avons souligné, dès le
début, dans notre mémoire que cette charte
québécoise était une charte que nous jugions positive. Il
y avait des éléments très intéressants qui avaient
été mis de l'avant dans la charte des droits
québécoise. Quand on a comparé la charte
québécoise avec le projet de charte fédérale quand
est arrivée cette question du débat constitutionnel au
Québec, on a jugé le projet de charte fédérale
comme étant régressif par rapport à la situation des
droits au Québec. Je crois qu'on se situe assez bien. Cependant, le
Québec a signé toute une série de pactes ou est partie
à des déclarations nationales et internationales et, dans ce
cadre, nous pensons qu'il y a moyen de faire encore un pas en avant surtout
dans le domaine des droits à l'éducation, parce que c'est un
objet de préoccupation très important pour nous, et dans le
domaine des droits collectifs. Nous pensons qu'il faut arrêter de
regarder ça et de faire de grandes déclarations: Tous les
individus sont égaux dans notre société. Tous les enfants
sont égaux dans l'école. Sur papier c'est peut-être vrai
mais, dans la réalité de la société, il faut
accorder des conditions particulières à des enfants qui
présentent plus de difficultés, créer autour certaines
dispositions plus favorables dans un milieu donné, par exemple dans un
milieu défavorisé, et ça, ç'a été
reconnu par tout le monde. Il faut donc créer les conditions de
l'égalité et l'égalité des individus repose souvent
sur des droits collectifs. C'est la capacité qu'a une
collectivité, qu'a un groupe donné à un moment
donné de faire reconnaître ses droits.
Dans cet ordre, je crois qu'il y aurait nécessité, et
ça va dans le sens de nos recommandations, d'ouvrir un peu pour
continuer à progresser. Ce matin, il y a quelqu'un ici qui parlait de
l'Ontario; nous,
on ne s'est pas référé du tout à l'Ontario.
Cela nous intéresse peu de nous référer Ã
l'Ontario, ce n'est pas en regardant en arrière que les choses avancent.
Tenant compte des caractéristiques de la société
québécoise, les débats qui se font à une commission
parlementaire comme celle-ci sur les droits et libertés, c'est une
occasion de faire un pas en avant.
Mme Bacon: Dans votre mémoire, vous parlez beaucoup du
droit de l'enfant à l'épanouissement, par exemple, si on se
réfère au mémoire, le respect des libertés
fondamentales. Quand estimez-vous qu'un enfant peut faire des choix? (15 h
15)
M. Gaulin: Je crois qu'il y a des choix qui se font
progressivement. Il y a des enfants qui peuvent, Ã leur niveau, assumer
un certain nombre de responsabilités dans l'école et ce n'est pas
à un jour donné qu'on dit: La veille, tu n'avais pas de droit ou
tu n'avais pas de capacité d'agir et le lendemain, tu acquiers cette
capacité d'agir. Je crois que c'est une des fonctions, c'est un des
rôles de l'éducation, un des arguments que nous invoquons quand
nous parlons plutôt d'éducation que d'instruction, que de faire,
tout au long du cheminement scolaire d'un jeune, cet éveil à la
responsabilité. C'est pourquoi, quand nous mettons de l'avant qu'on
devrait inscrire l'âge comme étant un facteur de discrimination,
c'est à partir du principe qu'il faut reconnaître qu'il n'y a pas
un âge donné où tu commences à être un citoyen
et qu'un certain nombre de discriminations peuvent s'exercer de ce
côté.
Que les jeunes puissent progressivement, dans l'école, former des
associations, qu'un jeune puisse avoir le droit, Ã son niveau, Ã
la liberté d'expression, bien sûr, le jeune de huit ans, de dix
ans ou de quinze ans, n'assumera pas sa liberté d'expression de la
même manière que celui de vingt ans qui est Ã
l'université, mais il faut reconnaître ce droit d'un jeune
à s'exprimer dans l'école. L'école du silence, ça
devrait être quelque chose du passé.
Mme Bacon: Vous indiquez, Ã l'article 10: Le temps
n'était pas venu d'inscrire dans la charte ce que reconnaissent
déjà les conventions collectives, c'est-à -dire la
liberté d'opinion politique et l'exercice des libertés
académiques... est-ce que vous insérez aussi dans tout ça,
dans votre philosophie ou votre façon de penser, le rôle des
parents, le droit des parents? Est-ce que pour vous, les parents sont des
observateurs, des guides, des preneurs de décision?
M. Gaulin: Avant de revenir aux parents, j'aimerais d'abord
expliquer un peu la notion de conviction politique...
Mme Bacon: ... paragraphe de la page 6...
M. Gaulin: ... on dit que l'élément de conviction
politique, c'est limité. La jurisprudence ou l'interprétation qui
en a été donnée réfère souvent Ã
l'appartenance ou à l'identification à un groupe politique, alors
qu'un enseignant, un professionnel, d'autres citoyens aussi, dans l'exercice de
leur profession, peuvent être appelés à enseigner une
doctrine, enseigner un certain nombre de contenus sans les partager
nécessairement, sans que ce soit leurs convictions personnelles.
à travers un programme, il y a la nécessité
d'éveiller les jeunes à un certain nombre de courants de
pensée. Il faudrait que cette personne, pour se défendre, fasse
la preuve que ce sont des convictions politiques, alors que c'est de la
liberté académique, de la liberté professionnelle et c'est
un acte professionnel tout simplement.
C'est pourquoi nous croyons qu'il faudrait sortir du cadre un peu
étroit des convictions politiques pour parler de liberté
académique et de liberté professionnelle.
Quant aux parents, nous avons aussi fait un développement sur le
droit à la communication, pas seulement le droit à l'information,
et dans ce cadre, je crois que les parents ont le droit de savoir exactement ce
qui se passe dans les écoles. Ils ont le droit d'intervenir, Ã
partir de structures qui sont à discuter; nous avons contesté le
cadre actuel dans lequel les parents étaient appelés Ã
agir à travers des mécanismes de consultation. Je crois qu'il y a
des améliorations importantes à apporter de ce côté,
mais nous avons toujours reconnu et nous reconnaissons le droit des parents
à être informés, le droit d'intervenir dans l'école,
selon des cadres à définir, le droit et l'obligation aussi de
respecter certaines libertés liées à l'acte professionnel
des personnes.
Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre d'Ãtat
à la Condition féminine.
Mme Marois: J'ai relu tout à l'heure tout le texte qui
concerne les programmes d'accès à l'égalité ou
d'action positive. Je trouve votre analyse extrêmement
intéressante. Cela m'étonne finalement de retrouver très
peu de choses au niveau des recommandations. Je suis peut-être tannante
de revenir là -dessus, mais cela m'agace. Ce matin, je n'ai pas eu
l'impression d'avoir complètement réponse à mes questions.
à partir d'une analyse quand même très fouillée,
vous restez assez flous au niveau des recommandations, entre autres, sur les
amendements. Vous dites: Oui, cela pourrait être obligatoire. On n'est
pas sûrs, peut-être.
M. Gaulin: Oui, là -dessus, les ressources qui ont
discuté davantage que moi de cette question pourront renchérir.
On a analysé un peu le cadre qui était proposé par la
Commission des droits de la personne. Cela nous est apparu comme étant
un cadre fonctionnel et opérationnel, dans un premier temps, pour
régler un certain nombre de problèmes qui se posent dans notre
société. Je crois que, par le biais de la procédure qui
est suggérée, il y a moyen de faire une expérimentation
pendant quelques années et d'agir davantage, si besoin est. Quand on
agit d'une manière générale ou par voie de
législation qui s'appliquerait à tout le monde, souvent, on
corrige d'abord là où les situations sont le moins
problématiques. Les gens qui vont s'inscrire le plus rapidement dans un
programme d'action positive, ce sont probablement les gens qui en ont le moins
besoin. Avant d'atteindre véritablement les zones grises, les
populations touchées, là où les problèmes sont les
plus importants, cela prend souvent un certain nombre d'années. Nous
pensons que la procédure suggérée permet d'aller
peut-être plus directement dans les zones grises et là où
vraiment il y a nécessité d'agir d'une manière importante.
C'est le sens. Quand nous disons, Ã la page 94, que la CEQ demande, avec
la commission, que la charte lui reconnaisse le mandat d'approuver ou de
recommander, selon le cas, des programmes d'action positive, de faire des
règlements concernant de tels programmes et d'en contrôler
l'évolution et l'application, nous pensons que cela va assez loin.
Mme Marois: Vous êtes d'accord sur la position
qu'émet la commission, finalement.
M. Gaulin: Oui. Nous pensons aussi que par le biais de l'action
collective, par le biais des négociations, les syndicats peuvent aussi,
sans attendre l'action de la Commission des droits de la personne, agir dans un
certain nombre de situations qui nous paraîtraient comme devant
être corrigées. Nous avons négocié, dans le cas du
Nouveau-Québec auquel je me référais, un certain nombre de
dispositions. Il y a d'autres conventions collectives aussi qui
prévoient des éléments; donc, il y a des
possibilités d'agir. Souvent, on se laisse impressionner par une
législation d'envergure générale mais qui, dans les faits,
n'est pas appliquée.
Nous avons analysé un petit peu l'expérience de la Loi sur
les normes du travail. C'est beau. Quand on est venu en commission
parlementaire, on a dit: II faut protéger toute une série de
citoyens, de travailleurs qui, malheureusement, ne sont pas syndiqués,
mais dans les faits, comment, dans une entreprise donnée, un
salarié peut-il faire valoir ses droits? Donc, il fallait agir dans le
cadre de la syndicalisation. En agissant dans le cadre de la syndicalisation,
cela déborde peut-être des droits et libertés, mais pas
tant que cela. Je crois qu'il y a un droit collectif, le droit de s'organiser.
En mettant l'accent davantage sur ce droit d'organisation, sur ce droit de
syndicalisation, sur le droit de se regrouper, on se donne les moyens de se
protéger davantage et d'agir plus efficacement.
Mme Marois: J'ai terminé, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Merci. J'ai trouvé votre mémoire
très intéressant, très fouillé. Je dirais que c'est
même un mémoire assez original. En fait, vous avez articulé
une philosophie des droits de la personne que nous entendons pour la
première fois cette semaine et, bien sûr, la semaine
passée. Je suis bien heureux que vous ayez posé des questions au
ministre sur l'infiltration policière. Vous voyez, il n'a pas
répondu à cette question et à la question sur...
M. Bédard: ... que je réponds à cette
question.
M. Marx: Je cède mes trois minutes pour une réponse
claire.
M. Bédard: J'avoue que ce n'est peut-être pas ce
qu'on veut entendre, mais il n'y a pas d'infiltration policière; c'est
aussi simple que cela, je l'ai dit.
M. Marx: Vous avez donné l'ordre qu'il n'y en ait pas.
M. Bédard: II n'y en a pas.
M. Marx: II n'y en a pas. Le premier ministre...
M. Bédard: L'infiltration de policiers Ã
l'intérieur de groupes syndicaux, je n'accepte pas cela, comme je crois
que tout mouvement démocratique a le droit d'avoir sa liberté
d'agir et d'action. J'ai toujours été très clair de ce
côté-là .
M. Marx: Un jour, quand vous n'étiez...
M. Gaulin: Je crois que le ministre dit qu'il n'y en a plus.
M. Marx: II a dit qu'il n'y en a jamais eu. Un jour qu'on
n'était pas...
M. Bédard: Je réponds pour le temps pendant lequel
j'en ai la responsabilité. Vous pourriez peut-être poser quelques
questions Ã
certains collègues qui m'ont précédé et que
vous connaissez beaucoup mieux que moi.
M. Marx: Pas de problème. Un jour où vous
n'étiez pas en Chambre, je m'en souviens - je pense avoir raison de le
dire -le premier ministre a dit qu'il y avait déjà eu de
l'infiltration policière et que le ministre de la Justice donnerait la
réponse à cette question, ce qu'il n'a jamais fait.
M. Bédard: Je l'ai donnée au moins à cinq ou
six reprises. C'est au fédéral, vous vous trompez.
M. Marx: La publicité lors d'une élection,
c'était l'autre question.
Le Président (M. Gagnon): à l'ordre, s'il vous
plaît! II faudrait...
M. Bédard: Sur la...
Le Président (M. Gagnon): à l'ordre, s'il vous
plaît, M. le ministre! Juste un instant!
M. Bédard: Non, mais...
Le Président (M. Gagnon): Je demanderais qu'on ne parle
pas tous en même temps, parce que ce sera difficile pour le journal des
Débats.
M. Bédard: Ah! d'accord.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez posé une
question à M. le ministre. M. le ministre de la Justice.
M. Bédard: J'avais noté cet élément
dans votre mémoire résumé, mais je crois que ce n'est pas
un gouvernement qui donne... LÃ -dedans, il s'agit d'une commission
indépendante. Permettez-moi de...
M. Marx: De réviser la loi, je pense.
M. Bédard: Vous permettez, deux secondes?
M. Marx: Oui.
M. Bédard: On nous dit que le gouvernement aurait fait
interdire par le président de l'élection la diffusion publique de
questions et de renseignements sans doute jugés trop gênants par
le pouvoir en place lors de la dernière campagne électorale.
C'est la commission elle-même qui, vous le savez, est indépendante
et a pris des dispositions. Ce n'est pas à moi d'en juger ici. Ce n'est
pas le gouvernement qui donne...
M. Marx: ... qui a proposé la loi telle quelle. Oui,
mais...
M. Bédard: Soyons clairs. C'est une commission
indépendante qui a agi en fonction d'une loi qui a été
adoptée ici.
M. Marx: ... qui a été rédigée par le
gouvernement.
Pour parler une autre fois de votre mémoire, vous demandez des
modifications en profondeur de la charte. Par exemple, Ã la page 4 de
votre présentation de ce matin, vous parlez de la liberté de
pensée, du droit des autochtones, du droit Ã
l'autodétermination et du droit au libre développement
économique, mais aussi du droit à la vie, du droit au travail, du
droit à la santé, du droit à un environnement sain, du
droit au loisir et au repos, du droit à la culture et au progrès
scientifique, du droit à la pleine reconnaissance de
l'égalité entre les hommes et les femmes. Je le veux bien; je
suis pour un environnement sain, pour le repos, etc., mais c'est la
première fois qu'on nous dit que ce sont des droits fondamentaux. On
peut allonger la liste des droits fondamentaux et tout mettre dedans. Ce serait
une charte des droits fondamentaux qui serait une nouvelle charte jamais vue
dans le monde. C'est aussi une possibilité.
Vous avez parlez du droit à l'éducation et vous avez
proposé des amendements à la charte, des amendements assez
détaillés. Tout le monde serait d'accord avec la plupart de ces
droits. Je suis toujours en faveur de l'enseignement des adultes, des enfants,
etc. Mais supposons qu'il y ait d'autres groupes qui viennent et disent: Nous
sommes des handicapés; nous voulons que soient précisés
dans la charte tous les droits des handicapés. Après cela, ce
seraient les gais qui diraient: Nous voulons que tous les droits des gais
soient précisés, etc. On pourrait se retrouver avec une charte
assez volumineuse. Tout cela pour dire que j'ai l'impression, en lisant votre
mémoire et en vous écoutant ce matin, que vous voyez une charte
renouvelée comme une panacée à tous nos maux,
c'est-Ã -dire qu'on va avoir la charte et la commission, et la commission
va régler tous nos problèmes en fonction de la charte. J'aimerais
vous suggérer qu'une charte traditionnelle n'a pas telle fonction. Je
pense que ce sera toujours nécessaire que l'Assemblée nationale
soit ici pour adopter des lois, qu'il y ait d'autres commissions, et ainsi de
suite. (15 h 30)
S'il faut mettre les droits à l'éducation quelque part,
peut-être faut-il les mettre dans la Loi sur l'instruction publique ou
dans une autre loi, mais tout mettre dans une charte, je pense que cela va
créer des problèmes.
M. Gaulin: Oui, je suis heureux que
vous ayez soulevé le problème posé par la Loi sur
la consultation populaire. Je crois que c'est une loi qui aurait besoin
d'être révisée à la suite des expériences que
nous avons connues. à mon avis, une période électorale est
une période très importante dans une société et on
ne peut certainement pas établir par voie législative des
consignes du silence là -dessus. Bien sûr, il y a des
stratégies politiques, il y a des stratégies électorales,
il y a des partis politiques qui agissent et qui définissent un terrain
de jeu pour mener leur campagne électorale. C'est normal, cela va de
soi.
Cependant, les groupes de gens qui ne sont pas dans cette arène,
qui ne sont pas dans ce jeu ou qui pensent que la société doit
être renseignée sur d'autre chose que les lignes ou les corridors
définis par les partis politiques, je crois qu'il faut leur assurer la
pleine liberté d'expression.
On a compris l'intention du législateur qui voulait
contrôler un peu la publicité des grandes entreprises ou de ceux
qui ont le moyen de publier toutes sortes de choses, mais je crois qu'il y a
là des atteintes fondamentales au droit d'expression, au droit
d'information et au droit de communication. Je crois qu'en période
électorale il n'y a pas seulement les partis politiques qui ont le droit
de s'exprimer. Nous avons voulu profiter de cette question de la charte pour
attirer l'attention; là -dessus, le message est passé.
Quant au reste, le droit à l'autodétermination - je prends
juste cet exemple, puis je passerai la parole à Yvon -est-ce que c'est
un droit fondamental ou ce n'est pas un droit fondamental? Ã notre avis,
c'est un droit fondamental, c'est un droit d'un groupe, mais c'est un droit
fondamental d'une société, généralement reconnu de
par le monde. Ici....
M. Bédard: Le premier article de la Charte des Nations
Unies.
M. Marx: Que le Canada a signée et que le Québec a
signée aussi.
M. Gaulin: Quelle largeur ou quelle...
M. Bédard: Je ne comprends pas que le Canada nous
refuse...
M. Gaulin: ... dimension veut-on couvrir par une charte des
droits et liberté? Nous disons, nous, que c'est une loi fondamentale qui
doit primer sur toutes les autres.
Dans notre mémoire sur la question constitutionnelle, on disait
que le Québec devrait se donner une constitution. Si on avait une
constitution du Québec, peut-être qu'il y a des
éléments qui seraient d'ordre constitutif. C'est possible que
dans le cadre de cette constitution il y ait un certain nombre
d'éléments, une charte des droits et des libertés, les
caractéristiques ou la définition de certains cadres de
l'organisation politique. Il pourrait y avoir une charte des droits collectifs;
il pourrait y avoir toute une série d'instruments. Faute pas
nécessairement d'avoir la volonté politique, mais en l'absence
d'initiatives de cet ordre, je crois qu'il faut essayer à travers la
charte qu'on veut se donner de préciser le plus possible le cadre
général. Il ne s'agit pas de définir l'application de
chacun des droits de chacune des catégories de citoyens, mais il faut
définir un cadre suffisamment large pour qu'on couvre l'ensemble des
droits fondamentaux. Là -dessus Yvon a peut-être quelques
exemples.
M. Charbonneau (Yvon): L'intervention du député
pourrait donner l'impression qu'il faut des textes absolument aussi longs
qu'une convention collective d'enseignants pour venir à bout de
décrire les droits en question.
En réalité, les instruments internationaux auxquels on se
réfère sont d'envergure assez modeste. La Déclaration
universelle des droits de l'homme, c'est 30 articles qui tiennent en quatre
petites pages. Le pacte international relatif aux droits économiques et
sociaux, c'est un texte d'une trentaine d'articles aussi, et notre charte
québécoise compte quelque 90 articles. Donc, on ne parle pas de
documents absolument très, très longs, mais qui précisent
un certain nombre de droits, qui les énoncent clairement dès le
départ. L'article 3 de la Déclaration universelle des droits de
l'homme de 1948 parle du droit à la vie, l'article 18 parle de la
liberté de pensée, qui n'est pas mentionnée dans
l'article...
M. Marx: Je ne sais pas si vous savez cela, mais la
liberté de pensée est déjà incluse dans la
charte...
M. Charbonneau (Yvon): Oui, on parle d'opinion, on parle
d'expression, d'accord...
M. Marx: Cela revient au même, on peut donner tous les
synonymes, si vous voulez, cela ne va pas changer grand-chose.
M. Charbonneau (Yvon): Je peux vous citer l'article 22 du
même instrument international, qui parle du droit à la
sécurité sociale, l'article 23, qui parle du droit au travail,
l'article 24, qui parle du droit au repos et au loisir...
M. Marx: Oui, mais qu'est-ce que c'est, la différence
entre cette charte et notre charte? Notre charte, si on a une charte ici qui a
préséance sur toute autre loi, comporte des sanctions. Est-ce
qu'un juge va imposer des sanctions au gouvernement parce qu'il ne fournit pas
assez de travail aux Québécois?
C'est cela, la différence. Il peut y avoir une charte où
il y a des principes d'ordre général, on va les suivre le mieux
possible. Si on a une charte en fonction de laquelle les juges vont imposer des
sanctions soit au gouvernement, soit à des individus, etc., cela fait
une différence...
M. Charbonneau (Yvon): C'est déjà le cas, il y a
plusieurs articles de la charte actuelle qui n'ouvrent pas la voie à des
poursuites ou à des sanctions. Je crois qu'il ne faut pas confondre
à la fois l'inscription d'un droit et le type de sanction qui peut
s'ensuivre. Déjà , la charte fait des distinctions majeures de ce
côté, on ne doit donc pas se servir, je crois, de l'argument des
sanctions possibles ou inapplicables pour dire qu'on n'inscrira pas tel ou tel
droit, parce qu'on ne peut pas le reconnaître devant les tribunaux, qu'on
ne peut pas le faire appliquer immédiatement. Je crois que
déjà , ces distinctions sont présentes dans la charte et on
devrait, je crois, élaborer davantage la mention de certains droits qui
sont déjà là . Dans le pacte international relatif aux
droits sociaux et économiques, il y a le droit Ã
l'éducation, à l'article 13.
Il y a une foule de droits de ce genre-là . Nous, nous pensons que
nous ne sommes pas du tout à côté du sujet en insistant
pour qu'à la faveur de la révision qui s'amorce, qui semble
s'annoncer, de la charte québécoise, on puisse inscrire ce qui
nous paraîtrait à l'heure d'aujourd'hui des droits qui font
l'objet de consensus sociaux larges. Nous ne pensons pas être Ã
côté du sujet en proposant, par exemple, l'inscription du droit au
travail ou du droit à l'éducation. Nous apportons ici Ã
notre conscience collective à tous certaines carences et nous pensons
qu'il est de bon aloi d'essayer, à la faveur de cette révision,
d'inscrire ces droits, quitte à discuter ensuite du genre de
modalités d'application qu'on pourra imaginer à leur appui.
M. Marx: D'accord. Juste une autre question, peut-être que
c'est une question très théorique. à la page 9 du texte de
ce matin, vous avez dit: "Pour ce qui est des personnels enseignant et
professionnel, nous soulignons une fois de plus le caractère
discriminatoire de l'article 20 de la charte, qui permet la distinction,
l'exclusion, la préférence dans l'emploi en raison du
caractère religieux d'une institution d'enseignement; cet anachronisme
doit être corrigé au plus tôt si nous voulons que le
système scolaire québécois rompe avec son passé
clérical pourtant désavoué par la commission Parent il y a
près de 20 ans." Je ne conteste pas la véracité de ce
paragraphe, si c'est vrai ou si c'est pas vrai, cela m'importe peu.
C'est-à -dire que peut-être tout le monde est d'accord pour
déconfessionnaliser les écoles, sauf celles pour lesquelles on a
mis des garanties dans la constitution. Il ne faut pas oublier qu'en 1867, on a
mis deux garanties dans la Constitution, deux droits fondamentaux, en ce qui
concerne la langue et en ce qui concerne l'éducation confessionnelle et,
depuis la Confédération et même avant, il y a certaines
personnes qui ont bénéficié de ces droits dits
fondamentaux; au moins cela a toujours été vu comme cela.
Maintenant, on veut annuler ces droits fondamentaux sans vraiment
demander à ces personnes si elles veulent encore
bénéficier de ces droits fondamentaux. C'est un jeu dangereux,
parce que si on peut, d'un trait de plume rayer des droits fondamentaux
aujourd'hui, un prochain gouvernement pourrait le faire dans quelques
années.
M. Gaulin: C'est une question très intéressante et
ça pose un problème d'acuité dans notre
société quoiqu'il faut faire une distinction entre 1867 et 1981;
les situations et les réalités ont passablement changé,
sauf peut-être à la CECM à Montréal où
ça a l'air que ça n'a pas changé tellement à ce
niveau. Je crois qu'il faut faire une distinction entre le droit des individus
à l'éducation, à l'enseignement religieux et le
système scolaire ou l'organisation qu'on se donne à un moment
donné pour faire fonctionner ou organiser des écoles. Nous, nous
la faisons...
M. Marx: Les garanties ne sont pas ça, je m'excuse, M.
Gaulin. Les garanties constitutionnelles qui ont été
données aux catholiques et aux protestants au Québec sont des
garanties de gérer leurs écoles et d'avoir des enseignants de
leur foi religieuse; ce sont ça les garanties. Pour moi, c'est
égal parce que je n'étais inclus dans aucune des deux confessions
qui étaient protégées à l'époque. Sur le
plan théorique, en ce qui concerne la protection des droits, il ne faut
pas oublier que c'étaient des droits garantis de gérer, d'avoir
des enseignants de leur foi et ainsi de suite, il y a toute une liste.
Maintenant peut-on dire qu'ils sont désuets sauf pour telle et telle
commission scolaire et, donc, qu'on peut les rayer? C'est ça ma
question.
M. Gaulin: Dans un mémoire où on parle de charte
des droits de la personne, ce qu'il est très important de
reconnaître ce sont les droits des individus.
Là -dessus, le texte d'amendement qu'on propose à l'article
20 reconnaît le droit des individus à l'enseignement religieux.
Nous pensons aussi que l'application actuelle du droit d'exemption tel que
formulé n'est pas opérationnel et est plutôt
discriminatoire. Nous pensons que, dans l'enseignement public, le fait
d'utiliser le caractère confessionnel
d'un réseau ou d'une commission scolaire pour éliminer ou
ne pas reconnaître le droit des jeunes à l'éducation et
à l'instruction, c'est peut-être un peu abusif dans le contexte
actuel. Cela obligerait à organiser d'autres réseaux
d'éducation pour répondre aux besoins d'un certain nombre de
catégories de citoyens. Là -dessus, ce qui est important c'est de
reconnaître les droits des individus et de s'assurer que ces droits
seront protégés, seront bien administrés dans un
système qui a besoin d'être retouché.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie les membres de la
Centrale de l'enseignement du Québec de leur mémoire.
Chambre des notaires
J'appelle la Chambre des notaires du Québec. Je prierais Me
Jean-Marc Audet de nous présenter ses invités.
M. Morency (Simon): Si vous me permettez, M. le Président,
à titre de président de la Chambre des notaires, je vais
procéder moi-même. (15 h 45)
M. le Président, Mme la ministre, M. le ministre, mesdames,
messieurs, la Chambre des notaires du Québec est heureuse de pouvoir
s'exprimer devant cette commission. Elle le fait dans un esprit de
collaboration au processus législatif du Québec et tient Ã
assurer Mme la ministre et M. le ministre de toute sa coopération.
En ma qualité de président de la Chambre des notaires,
permettez-moi de vous présenter les membres de la
délégation. à ma droite, le notaire Gisèle
Archambault, de la direction de la recherche et de l'information à la
Chambre des notaires; Ã ma gauche, le directeur des communications, le
notaire Jean-Yves Crête. Me Jean-Marc Audet va vous présenter le
mémoire de la chambre, mémoire préparé par le
comité de législation.
Je m'appelle, pour les besoins de la cause, Simon Morency. Je
cède la parole immédiatement à Me Jean-Marc Audet.
M. Audet (Jean-Marc): M. le Président de la commission, M.
le ministre et Mme la ministre, notre mémoire est essentiellement
technique, mais il a pour objet de dénoncer, d'une certaine
manière, l'état de l'évolution de notre droit foncier au
Québec. Comme notre mémoire est assez succinct, vous nous
permettrez de le lire en entier, puisqu'il résume, pensons-nous,
l'essentiel de notre démarche.
Reflet contemporain de l'état de l'évolution et de la
maturité d'une société, la Charte québécoise
des droits et libertés de la personne reconnaît Ã
l'individu le principe de l'égalité et le droit à la non-
discrimination. L'inviolabilité et l'inaliénabilité des
droits fondamentaux de la personne, le libre accès à la
propriété, aux tribunaux, à l'information et Ã
l'association, l'attribution d'une grande aire de liberté Ã
l'activité personnelle et la propension à un meilleur
équilibre social font de cette charte un levier juridique comportant des
garanties élémentaires à l'exercice des droits
individuels.
La charte est un document juridique fondamental. Elle représente,
sous une nouvelle appellation, une somme de droits déjÃ
embryonnairement reconnus par un autre document historique fondamental: le Code
civil.
Dans son essence, le Code civil est la codification du droit
privé, c'est-à -dire des règles de droit régissant
les individus entre eux et les individus avec leurs biens ou leur
propriété.
Charte des droits et libertés de la personne et Code civil sont
deux documents écrits de juridiction québécoise et
cristallisant des règles de droit, tantôt analogues, tantôt
complémentaires, mais rarement contradictoires.
L'une des principales caractéristiques de la charte est
d'accorder à un organisme administratif, des pouvoirs consultatifs et
des pouvoirs d'enquête et même le droit de demander des injonctions
et de réclamer des indemnités pour le compte de personnes
lésées, victimes d'infractions aux droits que leur
reconnaît la charte.
Cette particularité de la charte n'est pas, de l'avis de notre
organisme, un obstacle tel qu'il empêcherait d'incorporer au Code civil
du Québec, la substance des règles de droit formant la pierre
angulaire de l'état du droit des personnes au Québec.
Il appert en effet que le gouvernement québécois a
entrepris sérieusement la révision du Code civil du Bas-Canada.
L'adoption, en décembre 1980, de la loi no 89, qui créait un
nouveau code de la famille, est la réalisation d'une première
étape. On doit donc s'attendre que d'autres documents législatifs
dans le même sens soient déposés incessamment Ã
l'Assemblée nationale du Québec.
S'il est vrai que le Code civil est, en quelque sorte, une forme de
constitution, mais propre au droit privé, au droit des personnes, au
droit des individus, au droit de propriété, il serait logique
d'intégrer dans ce nouveau Code civil l'ensemble des règles
édictées par la Charte des droits et libertés de la
personne. Une loi sectorielle pourrait fort bien, par ailleurs, comprendre les
dispositifs et les mécanismes propres au droit public, au droit
pénal et à la Commission des droits de la personne.
Enfin, pour assurer la primauté des dispositions de la charte, le
législateur a adopté et promulgué l'article 52 qui se
lit
comme suit: "Les articles 9 à 38 prévalent sur toute
disposition d'une loi postérieure qui leur serait contraire, Ã
moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer
malgré la charte."
On peut immédiatement noter que parmi ces articles 9 à 38
seuls les articles 10 Ã 19 font l'objet d'une infraction suivant
l'article 87 de la charte, dont le début se lit comme suit: "Commet une
infraction: a) quiconque contrevient aux articles 10 Ã 19." Or, les
articles 1 Ã 8 de la charte ne font pas partie des articles en faveur
desquels on accorde une primauté législative et font encore moins
l'objet d'une sanction pénale.
Illustrant des grands principes juridiques de droit privé, les
articles 1 à 8 répètent en substance, sinon d'une
manière formelle, l'esprit du Code civil. C'est peut-être la
raison pour laquelle la Législature québécoise avait
adopté, en 1868, un article assurant au code une primauté
législative. C'est l'article 10 des Statuts de 1868 qui disait que "nul
acte ou nulle disposition de la Législature en aucune manière
aura force à l'encontre de quelque article de l'un ou de l'autre desdits
codes - civil et de procédure civile - à moins que tel article
n'ait été spécialement désigné dans tel
acte." Cet article est toujours en vigueur, malgré les refontes
subséquentes des statuts du Québec, et malgré les
abrogations de plusieurs articles de ce chapitre.
Autant on a voulu garantir la préséance et la
priorité du Code civil, autant on a voulu accorder une primauté
législative à la Charte des droits et libertés de la
personne. C'est donc dire et constater l'intérêt manifeste et
évident et continu que le législateur accorde aux documents
juridiques fondamentaux qu'il adopte. C'est la raison pour laquelle notre
organisme recommande, premièrement, que les articles fondamentaux de la
Charte des droits et libertés de la personne soient incorporés au
Code civil du Québec; deuxièmement, que les articles de cette
charte relatifs au droit public, au droit pénal et à la
Commission des droits de la personne soient intégrés à une
loi sectorielle, en n'excluant pas la faculté de répéter
dans cette loi sectorielle les articles incorporés au Code civil;
troisièmement, que la primauté législative soit reconnue
aux articles tant du Code civil du Québec que de la Charte des droits et
libertés de la personne et portant sur les droits fondamentaux de la
personne.
Notre organisme désire souligner au législateur
québécois l'importance de deux articles de la charte qui lui
paraissent comporter une faiblesse relative. Il s'agit des articles 6 et 13
rédigés d'une manière telle que, dans une certaine mesure,
ils présentent certains traits sujets à critique. L'article 6 se
lit comme suit: "Toute personne a droit à la jouissance paisible et
à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue
par la loi." L'article 13 se lit comme suit: "Nul ne peut, dans un acte
juridique, stipuler une clause comportant discrimination. Une telle clause est
réputée non écrite."
Abordons l'article 6 qui dit - répétons-le - que "toute
personne a droit à la jouissance paisible et à la libre
disposition de ses biens." Ce grand principe est très limité dans
son exercice par l'exception suivante: "Sauf dans la mesure prévue par
la loi." En d'autres termes et dans un résumé condensé le
législateur dit à peu près ceci: Ce qui est accordé
d'un côté est enlevé de l'autre, ce qui est accordé
actuellement pourra être une exception demain, ce qui est permis peut
devenir défendu. Le législateur est très prudent dans la
formulation qu'il choisit et se garde bien de proclamer le libre accès
et le libre exercice du droit de propriété en
général et du droit foncier en particulier.
Suivant la théorie classique, le droit de propriété
comprend à tout le moins trois éléments: la jouissance,
l'utilisation et la disposition d'un bien. L'article 6 pourtant ne se
réfère qu'à deux éléments: la jouissance et
la disposition d'un bien. Les propos de notre organisme visent plutôt la
propriété foncière, la propriété
immobilière que l'on identifie par ses objets que sont
généralement les terrains, les maisons, les grands immeubles, les
espaces verts, les terres agricoles, les réserves écologiques,
les biens culturels, les lacs et les cours d'eau, les forêts et, en
général, tout ce qui s'attache au droit du sol.
Au cours des dernières années, le législateur
québécois a été très prolifique dans le
domaine immobilier et tout laisse croire qu'il le sera encore au cours des
prochaines années. C'est la raison pour laquelle notre organisme profite
de l'occasion qui lui est donnée pour exprimer publiquement certaines
réflexions. D'abord, au sujet de la jouissance des biens. Dans un
contexte économique de libre marché, il est évident que le
profit à retirer d'un bien est un objectif reconnu. Dans une
société de consommation, on désire accumuler des biens ou
profiter d'un grand nombre de services.
La jouissance d'un bien immobilier consistera à retirer un
rendement raisonnable de tout placement. Le loyer de l'argent placé est
et représente la satisfaction ou l'insatisfaction de son
bénéficiaire. Ainsi le loyer payé pour un logement est la
contrepartie du risque du propriétaire et ce dans une bonne mesure; de
même les intérêts perçus par suite d'un prêt
hypothécaire sont des revenus usuels provenant d'une telle forme de
placement.
Autant le locataire a le droit de jouir et d'occuper son logement d'une
manière paisible, autant le propriétaire devrait avoir le droit
de recevoir un loyer raisonnable, autant le créancier a le droit de
percevoir
un intérêt normal.
Mais le législateur intervient dans le droit des contrats pour
imposer des normes et des règles qui, bien sûr,
bénéficient aux uns mais limitent les droits des autres, ce qui
fait que l'article 6 fait plaisir ou ne fait pas plaisir, tout dépendant
en quelle qualité on est visé, locataire, propriétaire,
débiteur ou créancier.
En deuxième lieu, pour ce qui est de l'utilisation d'un bien,
l'utilisation des biens ou la libre utilisation des biens surtout fonciers
n'est pas une préoccupation du législateur en matière de
cristallisation de droits fondamentaux.
L'usage d'un bien est un élément et une
caractéristique du droit et de l'exercice du droit de
propriété.
Depuis le début du siècle et sous l'influence du droit
public anglais, on a favorisé l'adoption, entre autres, de
règlements municipaux de zonage qui, au fil des ans, sont devenus de
véritables codes comportant jusqu'au minime détail le droit
d'utiliser un terrain ou un bâtiment, suivant des normes de
salubrité, de sécurité, d'esthétique, de
densité, de finalité ou d'intérêt public.
Le droit d'utiliser un bien est devenu de plus en plus limité. La
réglementation en ce domaine est devenue une source de problèmes
légaux, puisque, généralement, la valeur accordée
à un bien foncier devenait fluctuante, même sans l'accord du
propriétaire, et souvent même à la baisse.
Or, le Code civil a établi, aux articles 406 et 407, les
règles fondamentales limitant, d'une part, l'absolutisme du droit de
propriété et accordant, d'autre part, un droit à une
indemnité en cas d'expropriation.
L'historique jurisprudentiel démontre combien est délicate
et difficile d'application la théorie de l'expropriation pure et simple
et la théorie de l'expropriation déguisée.
En effet, un propriétaire de bonne foi escompte bien, lors de
l'acquisition du bien foncier, pouvoir l'utiliser comme il l'entend, toujours
sujet au droit et à la réglementation existants lors de
l'acquisition. Son réflexe est alors bien conditionné.
Or, en matière d'usage d'un bien foncier, il peut se produire
deux choses, soit l'intervention d'une autorité
déléguée comme une municipalité qui peut imposer ou
modifier un règlement de zonage sans nécessité d'obtenir
l'assentiment du propriétaire ou des propriétaires
intéressés, ou encore soit en agissant par la promulgation d'une
loi dont l'effet sera de limiter et de restreindre spontanément l'usage
d'un bien foncier.
Il n'y a pas de plus bel exemple de loi restreignant l'usage d'un bien
que la Loi sur la protection du territoire agricole, déposée le 9
novembre 1978 et adoptée le 22 décembre 1978.
Cette loi a une fonction: protéger les terres agricoles du
Québec. En partant de ce principe, on limite tout terrain à un
usage agricole et à une utilisation pour fins agricoles. Certes, cet
usage peut être actif, en exploitant une terre, ou il peut être
passif, en laissant une terre en friche, par exemple.
Il est important, dans le contexte de l'étude d'une loi portant
sur les droits personnels fondamentaux, d'insister sur les quelques points
suivants:
En premier lieu, la loi sur le zonage agricole a un effet
rétroactif au 9 novembre 1978 d'abord pour celui qui est
propriétaire d'un terrain vacant, ensuite pour les propriétaires
de tout terrain situé dans l'une des 614 municipalités
énumérées à l'annexe A de cette loi.
Cela veut dire que, du 9 novembre 1978 jusqu'au 22 décembre 1978,
on ne savait trop comment utiliser son terrain, sinon pour des fins agricoles,
parce qu'aucune loi n'était encore adoptée et que le projet de
loi déposé pouvait être en tout temps modifié, sinon
retiré du feuilleton de l'Assemblée nationale. On veut souligner
par là l'effet rétroactif d'une loi qui concerne directement le
droit de propriété et particulièrement le droit foncier de
propriété. (16 heures)
En deuxième lieu, le propriétaire enregistré d'un
terrain le 9 novembre 1978 peut se construire une seule maison dans une
municipalité dans les cinq années suivant la date du
décret de région agricole désignée, mais pourvu
qu'il puisse obtenir un permis de construction. L'usage du terrain est
limité dans le temps, le droit de construire est incessible et
intransmissible, et le droit d'aliéner s'attache à toute la terre
où est construit le terrain.
En troisième lieu, l'énumération des droits acquis
est fort limitative. On ne reconnaît aucun droit acquis aux
propriétaires qui avaient préparé des plans d'arpentage et
de subdivision, tout comme on n'accorde aucune compensation pour la perte de
plus-value de la terre agricole. Bien plus, même si des infrastructures
ou des travaux municipaux ont été entrepris, on ne les qualifiera
point de droits acquis à moins que des réseaux d'égout
sanitaire et d'aqueduc n'aient été préalablement
approuvés par un règlement municipal. On n'attribue aucun droit
à un réseau privé ni aucun droit si un seul des deux
réseaux a été approuvé ou n'est effectivement
exploité par suite d'une réglementation municipale.
Ces quelques mentions relatives à la Loi sur la protection du
territoire agricole ne sont qu'un exemple de lois où l'usage d'un bien
foncier est sévèrement contrôlé. La charte ne
réfère pas à la notion d'usage ou de libre usage d'un bien
foncier. Serait-ce
pour éviter le droit à l'indemnité résultant
de la naissance d'un préjudice matériel tel que le prévoit
l'article 49 de la charte? Mais la charte reconnaît la libre disposition
d'un bien, ce qui fait maintenant l'objet de nos commentaires.
La disposition libre d'un bien est un élément du droit de
propriété. Disposer d'un bien, c'est pouvoir le vendre, le
céder en garantie, l'aliéner à qui on veut. Or, certaines
lois québécoises adoptées au cours des dernières
années ont précisé sinon défini ce qu'on devait
comprendre par aliénation et ont édicté des règles
et des mécanismes particuliers relatifs et propre Ã
l'aliénation d'un bien.
à titre d'exemple, on peut citer la loi sur la Régie du
logement qui détermine ce qu'est un ensemble immobilier. Il s'agit de
plusieurs immeubles situés à proximité les uns des autres,
jouissant de caractères communs et comprenant plus de 12 logements. La
règle est d'interdire tout démembrement actuel ou futur d'un
ensemble immobilier sous peine de nullité absolue du contrat Ã
moins d'obtenir une autorisation administrative au préalable. En plus de
considérer ces immeubles comme un bloc et un tout, on énonce que
ce bloc et ce tout ne pourra être aliéné qu'en faveur d'une
seule personne. On n'a donc pas, en principe, le choix de disposer d'une partie
de son bien, et même si on choisit de disposer de tout son bien on ne
peut le faire qu'en faveur d'une seule personne. La notion de libre disposition
subit un revers considérable.
On peut citer également la Loi sur la protection du territoire
agricole qui fait ressortir d'autres éléments. D'abord, ici
encore, on ne peut disposer de son bien en partie. On ne peut ni fractionner ni
morceler, ni démembrer son terrain en territoire agricole. On ne peut en
disposer qu'en bloc, qu'en un tout, qu'en un ensemble que l'on pourrait
qualifier ici d'ensemble immobilier agricole, réserve et exception
faites des droits acquis. Même si on désire disposer de son bien
en totalité, on ne pourra le faire qu'à une seule personne et
encore faut-il que généralement cette personne soit
résidente ou présumée résidente
québécoise. Le droit de disposer de son bien devient, comme on le
constate, fort relatif. Ce droit est conditionnellement libre puisqu'il sera
assujetti à une autorisation administrative.
On peut citer également la Loi sur l'acquisition de terres
agricoles par des non-résidents, qui limite le droit, tant pour un
individu que pour une compagnie, d'acquérir ou de devenir
propriétaire d'une terre agricole de plus de 10 hectares si on ne
détient pas la qualité de résident
québécois.
Notre commentaire s'attache surtout à l'article 16 de cette loi
qui exige qu'un non-résident obtienne une autorisation préalable
et qu'après un séjour d'au moins 366 jours au cours des 24 mois
qui suivent l'acquisition il obtienne une attestation de la commission qui
confirme l'acquisition.
Il ressort que la condition fixée par la Commission de protection
du territoire agricole du Québec est plutôt suspensive que
résolutoire. On dit que le contrat d'aliénation ou de vente d'une
terre agricole en faveur d'un non-résident sera valide si le
non-résident devient résident dans les 2 ans de l'acquisition. Le
problème est de savoir quelle sera la nature du type de
propriété et qui sera propriétaire de la terre si le
non-résident ne remplit la condition rattachée à son
titre.
On regrette que le législateur n'ait pas cherché Ã
protéger davantage le créancier hypothécaire qui, lui
aussi, est libre de disposer et d'utiliser ses fonds de la manière dont
il l'entend et recherche une certitude juridique à l'égard du
titre de la propriété donnée en garantie.
On peut citer aussi la Loi sur les biens culturels qui est une loi
également importante, mais que la sujétion au contrôle
administratif rend difficile d'appréciation par certains
propriétaires. On limite le libre commerce des biens en axant
l'administration d'une loi à des contrôles lointains, lents et
restrictifs.
La notion d'unité d'évaluation contenue dans la Loi sur la
fiscalité municipale implique l'obligation d'intégrer à un
même compte et sans distinction un groupe d'immeubles de même
nature et formant un même ensemble indissociable. Or, cette politique
oblige tout propriétaire à acquitter et Ã
considérer d'une manière indivisible son compte de taxes. Il n'a
pas la faculté et la facilité de diviser son compte de taxes
référant au rôle d'évaluation sans exercer de
pénibles et coûteuses démarches auprès du Bureau de
révision de l'évaluation foncière du Québec.
On peut citer aussi la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui
imposera des contrôles au fur et à mesure que les
municipalités régionales de comté seront formées.
Les différentes zones qui seront décrétées dans un
territoire déterminé auront un impact décisif sur
l'évaluation des biens fonciers. L'application de règles
uniformes d'urbanisme pourra modifier la nature des droits d'usage. Le droit
privé et ses prérogatives seront donc soumis à une forme
de changement mû par des objectifs sociaux et collectifs.
Ces commentaires très brefs, il est vrai, illustrent les
tendances des lois sectorielles au Québec.
On y retrouve une certaine mise hors commerce des biens fonciers, des
restrictions fondamentales au droit de jouir, d'utiliser et de disposer de ses
biens fonciers, des contrôles administratifs étendus et rigides
en
étant la sanction.
En fait, l'article 6 est un très grand principe que tous
admettent volontiers ou voudraient admettre avec sincérité. Sans
doute que les lois à caractère coercitif et administratif, sinon
à caractère rétroactif, ont une grande valeur dans
l'évolution de notre droit. Or, c'est cette illustration ou
manifestation de notre nouveau droit dans un texte reflétant cet esprit,
qui constitue l'apparence principale de l'article 6 de la charte.
Historiquement, le droit privé a reconnu pleine et absolue
liberté à tout individu de gérer, utiliser et disposer de
son bien de la manière la plus absolue et la moins restrictive possible.
C'était l'époque du libre marché à l'état
pur, du libre commerce des biens, du droit foncier familial, du droit
immobilier local où entre voisins, on élaborait ses propres
règles de protection, de délimitation de terrain et de vie
privée.
Mais ce droit privé est maintenant révolu, on en convient,
dans une certaine mesure et dans une certaine relativité. En effet, le
sol est devenu une appropriation quasi publique: on a tracé des routes,
ouvert des lignes de transmission de sources d'énergie, construit des
aéroports, installé des réseaux d'égout et
d'aqueduc, construit des édifices pour fins publiques,
aménagé des espaces verts, des parcs nationaux. En bref,
l'aménagement du sol et du territoire, de même que la
planification, la rationalisation, l'utilisation et l'organisation sociale du
sol sont devenues des priorités.
C'est pourquoi il s'est développé, comme dans bien des
régions ailleurs, un droit foncier social où les contrôles
administratifs réglementent dans l'intérêt public l'emploi
et la disposition du sol, des immeubles et des habitations.
C'est cette règle de droit que l'article 6 de la charte devrait
reconnaître et faire transparaître. Un texte contemporain, clair,
lucide, non contradictoire, non ambigu, un texte qui dit que l'individu a des
droits, mais que ces droits sont dans la mesure où la
société n'en subit pas de préjudice. C'est pourquoi notre
organisme formule une recommandation fort simple, dont l'effet et la nature
sont d'identifier les orientations de notre droit foncier. Ã l'article 6
on dit que "toute personne a droit à la jouissance paisible, Ã
l'utilisation raisonnable et à la libre disposition de ses biens, sauf
dans la mesure prévue par la loi. Toutefois, les biens fonciers en
particulier sont assujettis aux servitudes sociales et administratives
établies par les lois, les règlements, les arrêtés
et les décrets.
Si on se réfère à ces lois, règlements,
arrêtés et décrets, c'est que nous anticipons
l'intégration de cet article au Code civil. On sait que, dans la charte,
le terme de loi comprend les autres créatures de la loi, mais, au Code
civil, il n'en n'est rien. Cette recommandation repose sur un état de
fait réel, contemporain, moderne, qui réfléchit
l'évolution du droit actuel et infléchit l'hermétisme du
texte en vigueur.
Ainsi modifié, l'article 6 deviendra un principe plus clairement
exprimé, dénonçant à toute personne que son droit
de propriété d'un bien-fonds sera toujours assujetti Ã
d'actuelles ou d'éventuelles contraintes d'ordres collectif, social ou
administratif. La liberté relative de contracter et d'exercer son droit
de propriété ainsi transcrite dans un texte juridique
reflétera une réalité contemporaine. Une
amélioration du texte de l'article 6 est ainsi justifiée pour ne
pas perpétuer l'expression d'une règle de droit sans chair et
sans substance.
Nous en venons maintenant à l'article 13. L'article 13 formule
une règle qui, à certains égards, est ou pourrait
être lourde de conséquences. En effet, les notaires sont familiers
dans le domaine de la rédaction d'actes testamentaires et d'actes de
donation, pour ne mentionner que ceux-là . Il s'agit d'actes juridiques
de la nature de celui auquel réfère l'article 13. Or, les sources
de discrimination dans ces actes existent surtout si on met en relief ces
sources de non-discrimination avec le principe de la liberté
illimitée de tester que l'on retrouve dans le Code civil du Bas-Canada.
à titre d'exemple, on peut donner les deux cas concrets suivants.
Une personne lègue par testament tous ses biens en parts
égales entre quatre de ses cinq enfants issus d'un même mariage;
un enfant est donc implicitement déshérité. Si cette
clause était jugée discriminatoire, elle serait
réputée non écrite. La loi, donc les dispositions du Code
civil, s'appliquerait dans son intégralité. Les nouvelles
dispositions du Code civil relatives au droit de la famille considèrent
comme enfant tous les enfants d'une personne quelle que soit leur origine. Si,
par hypothèse, le testateur a eu un sixième enfant hors mariage,
tous ses biens seraient dévolus aux six enfants et non aux quatre
prévus par le testament.
Deuxième exemple. Une personne stipule dans son testament une
condition à savoir qu'un enfant légataire sera privé et
déchu de sa part léguée s'il est membre d'une
communauté religieuse lors du décès du testateur.
Pourrait-il qualifier ce legs de discriminatoire? Si oui, cette stipulation
sera caduque et sans effet. En conséquence, l'enfant héritera de
sa part même s'il est en communauté lors du décès du
testateur.
En somme, l'article 13 représente, en matière
testamentaire surtout, une source nouvelle d'interprétation. Nous
soumettons qu'il y aurait lieu de préciser davantage la portée de
cet article soit en l'intégrant au Code civil du Québec, comme on
l'a dit plus haut, soit en le modifiant pour y enlever
tout doute quant à son interprétation. En d'autres termes,
on voudrait que la liberté illimitée de tester soit reconnue dans
la charte tout comme elle est actuellement reconnue au Code civil.
En matière de discrimination, on pourrait peut-être
soulever un autre petit problème que l'on rencontre depuis le 2 avril
dernier en matière du droit de la famille. Vous savez que le
législateur a promulgué une loi qui, en particulier,
protège la résidence familiale. Or, la résidence
familiale, pour le commun des mortels, ça signifie protéger
surtout l'intérêt des enfants. Mais le législateur a fait
une distinction, il assure une protection de la résidence familiale en
faveur de couples mariés et donc d'enfants issus d'un couple
marié, mais n'accorde aucune protection de la résidence familiale
aux concubins, aux personnes qui ne sont pas mariées et qui ont des
enfants. De sorte que les enfants du deuxième groupe ne sont pas
protégés comme les enfants du premier groupe le sont
actuellement. Nous croyons que c'est là une forme de discrimination
à l'égard de deux groupes d'enfants qui eux-mêmes ne sont
pas responsables de leur état de fait et nous estimons qu'à cet
égard il y aurait peut-être lieu de corriger la situation pour
permettre une certaine protection de la résidence familiale Ã
l'égard de tous les enfants, quel que soit l'état civil de leurs
parents ou des parents qui en ont la garde.
L'article 23 de la charte reconnaît à toute personne le
droit à une audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal
indépendant. Cette règle, bien que précise, nous
apparaît quelque peu incomplète. En effet, il n'existe pas au
Québec, à proprement parler, de tribunaux administratifs. Par
contre, il existe des nombreuses commissions administratives dont les pouvoirs
quasi judiciaires sont reconnus. En général, toute personne peut
s'adresser à une telle commission avec la certitude d'obtenir une
audition publique, de pouvoir être représentée par un
avocat ou, en certains cas, par un notaire et, Ã moins d'exception, de
pouvoir en appeler de la décision rendue. Toutefois, il existe des cas
dérogatoires à ces droits fondamentaux qui nous paraissent plus
ou moins bien fondés. On peut, par exemple, citer à nouveau la
Loi sur la protection du territoire agricole qui, notamment aux articles 18 et
60, limite le droit pour une personne d'obtenir une audition publique. (16 h
15)
L'article 18 confère un droit de révision d'une
décision déjà rendue. Cette révision doit
être adressée dans les 30 jours de la décision. C'est un
droit dérogatoire, puisque les articles 44 et 64 édictent que les
décisions de la Commission de protection du territoire agricole sont
finales et sans appel.
Or, ce pouvoir de révision est exécutoire dans le cas
où la commission juge recevable cette révision et après
avoir donné à toute personne concernée l'occasion de faire
des représentations. La loi ne dit pas qu'elle donne le pouvoir et
confère l'obligation de tenir une audition publique. Il n'y a pas
d'audition publique en général, mais seulement des
représentations écrites.
Dans le même ordre d'idées, lorsqu'une zone agricole
devient définitive, toute personne peut faire une demande d'autorisation
pour aliéner, lotir, utiliser à des fins autres qu'agricoles,
inclure ou exclure un lot se trouvant dans cette zone. La demande est
dirigée vers la municipalité concernée qui peut entendre
le demandeur. Ensuite, la recommandation est acheminée vers la
commission qui doit donner au demandeur et à tout
intéressé, l'occasion de lui soumettre des représentations
écrites. Les représentations sont ici exclusivement
écrites. Il n'y a pas d'audition publique. Or, cet article déroge
foncièrement à la grande règle de droit administratif que
l'on connaît sous le nom de règle audi alteram partem.
Notre organisme soutient qu'une dérogation aussi flagrante
à une règle aussi sacrée et reconnue va Ã
l'encontre de tout principe constitutionnel, de toute loi fondamentale, de
toute norme de justice naturelle.
Devant un tel exemple, l'article 23 est soit inefficace, soit trop
restrictif. C'est pourquoi il conviendrait d'accorder à toute personne
le droit d'être entendue en toute instance devant une commission ou un
tribunal administratif. Et notre recommandation est au même effet.
Conclusion. La Chambre des notaires du Québec est fort
préoccupée par l'évolution, l'élaboration et
l'interprétation des lois, des règlements et des décrets
à caractère immobilier et foncier.
Sensibilisée aux multiples orientations de ce domaine du droit au
cours des dernières années et persuadée que cette tendance
est irréversible, surtout à une époque où la
révision du Code civil du Bas-Canada devient urgente et apparemment bien
entreprise toutefois, notre corporation professionnelle ne pouvait
qu'intervenir à l'occasion de l'étude de la Charte des droits et
libertés de la personne.
Notre but est d'assurer aux justiciables des droits bien établis
que le législateur lui-même entend reconnaître et respecter.
Les critiques et les commentaires qui en résultent commandent aux
gestionnaires du droit une vision et une perception bien lucide de la
réalité juridique quotidienne à laquelle sont
confrontés les praticiens du droit, c'est-à -dire les avocats, les
notaires et les magistrats.
Les grands principes de droit formulent les règles fondamentales
de l'état du droit Ã
une époque déterminée. Nos recommandations visent
essentiellement à consacrer ces règles, eu égard aux
exigences, aux contraintes et aux contrôles d'ordre collectif, social et
administratif.
Notre organisme est heureux d'avoir eu l'occasion de s'exprimer devant
la commission parlementaire de la justice et assure le ministre de la Justice
de sa constante coopération dans le processus d'évolution des
lois au Québec.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Bédard: Je remercie les représentants de la
Chambre des notaires de leurs représentations devant la commission. Je
sais que vous auriez pu insister sur beaucoup d'autres sujets qui ont
déjà été soulevés ici en commission, mais
conformément aux préoccupations plus spéciales de l'ordre
que vous représentez, comme vous le dites, vous avez
préféré restreindre vos représentations Ã
des éléments qui vous concernent d'une façon plus
particulière.
Comme vous le dites, la Chambre des notaires est fort
préoccupée par l'évolution, l'élaboration et
l'interprétation des lois, des règlements et des décrets
à caractère immobilier et foncier.
Pour ce qui est de l'évolution, j'aurais quelques questions
à vous poser, sans abuser. D'abord, vous avez une première
suggestion, c'est la première fois qu'on l'a, celle-là , qui est
assez surprenante. Je comprends que vous aimez le Code civil, mais aller dans
le sens de nous demander d'intégrer la Charte des droits et
libertés de la personne au Code civil et de rendre l'ensemble des
dispositions qui seraient concernées prioritaires par rapport Ã
d'autres lois. C'est vraiment une suggestion pour le moins très
spéciale. C'est la première qu'on a dans ce sens. Est-ce que vous
pourriez nous dire si cela existe ailleurs, d'abord, et expliciter un peu plus
cette suggestion qui est vraiment spéciale?
M. Audet: Dire si cela existe ailleurs, bien souvent le Code
civil n'existe pas ailleurs.
M. Bédard: Pardon?
M. Audet: Bien souvent, ailleurs, le Code civil n'existe pas.
Surtout, si on regarde ce qui se passe autour de nous, comme dans les provinces
autres que le Québec, aux Ãtats-Unis et dans les pays
anglo-saxons en général, il n'y a pas de Code civil, de code
écrit proprement dit. Pour ce qui est des autres pays où il y a
un Code civil, dans certains pays, on reconnaît des droits de base. Je ne
pourrais pas vous citer un certain code en particulier, mais je pense que les
codes les plus récents, comme le code éthiopien ou des codes
semblables, édictent que des règles de base, des règles
fondamentales qui reconnaissent la personnalité juridique des individus,
qui reconnaissent la substance des droits fondamentaux de la personne. Il ne
faut jamais oublier que le Code civil concerne en tout premier lieu le droit
des personnes, des individus comme tels. Ces personnes ont des droits
sacrés. On ne voit pas pourquoi les droits sacrés de la personne
ne pourraient pas être reconnus également dans le Code civil.
M. Bédard: Ne devrait-on pas plutôt avoir la
préoccupation, les droits fondamentaux étant
énoncés dans une charte, que tout autre document, que ce soit le
Code civil ou d'autres lois, ne contrevienne pas à cette charte? Non
seulement n'arrive-t-on pas au même résultat, mais du fait qu'il y
ait une charte des droits, est-ce que cela ne reflète pas justement le
caractère plus sacré de certains droits fondamentaux qui se
retrouvent dans une charte des droits, lesquels ne sont pas
nécessairement traités dans d'autres lois, y compris le Code
civil?
M. Audet: L'un n'exclut pas l'autre. Ce qu'on a voulu dire, c'est
que dans la charte des droits il y a certains articles qui ne subissent pas de
sanction comme telle, les articles très fondamentaux, si on peut faire
une division entre ceux-ci et les autres articles à caractère
davantage public. Nous disons ceci: Au moins, pour les articles très
fondamentaux, il n'y aurait certainement pas incompatibilité de les
intégrer au Code civil du Québec.
M. Bédard: Enfin! Concernant deux articles en particulier,
les articles 13 et 6 de la charte, vous nous faites des représentations
en soulignant leur faiblesse relative. J'aimerais bien savoir pour qui ces
articles sont faibles, selon l'optique envisagée. Il reste quand
même que vous nous parlez de liberté limitée de tester, de
disposer de ses biens. Vous ne croyez pas que la liberté n'est pas le
droit de faire n'importe quoi, c'est quand même limité par la
liberté des autres aussi.
Dans ce sens, quand vous nous demandez un amendement à l'article
13, concernant le droit de tester et de faire des donations, vous nous demandez
un changement de formulation pour enlever toute discrimination. Ne croyez-vous
pas que, tel qu'il est libellé à l'heure actuelle, il remplit les
fins qu'on doit essayer d'atteindre au niveau d'une charte des droits? Le
principe qu'il n'y ait pas discrimination est contenu dans la charte des
droits. S'il y a discrimination, ne croyez-vous pas que c'est aussi bien de
laisser les tribunaux
déterminer, au niveau d'un testament ou d'une donation, si une
disposition peut être discriminatoire?
M. Audet: Pour l'article 13, on s'est limité en
particulier aux dispositions testamentaires. Le droit que l'on connaît
reconnaît la libre faculté de disposer de ses biens par
testament.
Or, l'article 13 se réfère à un acte juridique et,
pour nous, un testament, c'est aussi un acte juridique. Nous craignons qu'il y
ait une espèce de conflit entre, d'une part, le Code civil et la Charte
des droits et libertés de la personne et, d'autre part, un conflit
à l'égard de l'interprétation, à savoir lequel des
deux va avoir primauté sur l'autre ou priorité sur l'autre.
Si on accorde la préséance au Code civil, c'est sûr
qu'on conserve la liberté limitée de tester, mais, si on donne
priorité à la charte sur le Code civil, j'imagine qu'on pourrait
subir des problèmes assez sérieux pour à tout le moins les
testaments déjà rédigés et pour les testaments
futurs. Il nous apparaît qu'il y a, pour l'article 13, un certain doute
quant à la portée et à l'interprétation de son
libellé.
M. Bédard: Si je vous posais la question: Qui doit avoir
la primauté, la charte ou le Code civil?, quelle serait votre
réponse?
M. Audet: Personnellement, en matière testamentaire, je
crois qu'on a toujours été habitué à la
liberté illimitée de tester. Ce serait très difficile de
ne pas créer de discrimination. Remarquez que tout dépend de ce
qu'on entend par discrimination. On cite des exemples.
M. Bédard: Tout dépend de ce qu'on entend par
liberté illimitée de tester.
M. Marx: Puis-je poser une question, M. le ministre, sur ce
même article?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Sur ce même article, peut-être qu'on
s'entend finalement sur le Code civil. L'article 13 dans la charte...
Abstraction des priorités, dans une cause, le juge va donner
priorité à la charte sur le Code civil, je l'imagine, sans cela
l'article 13 ne vaut pas grand-chose.
De toute façon, prenons l'article 13 qui empêche quelqu'un
de faire une stipulation comportant de la discrimination. On a
déjà eu cela au Québec. Quelqu'un fait un legs Ã
son fils si son fils se marie avec quelqu'un de telle ou telle religion. Ce
serait illégal en vertu de l'article 13. Autrefois, quand cela arrivait
devant les tribunaux, les juges étaient assez sages de dire: Cela va
à l'encontre de l'ordre public. Mais ici, nous avons donné aux
juges une indication assez claire de la préférence du
législateur. Je trouve que dire que le droit de tester est un droit
illimité, c'est vrai, mais il y a beaucoup de nuances à apporter
à ce droit illimité. Je trouve que l'article 13 est parfait tel
quel, parce qu'on ne veut pas que les gens fassent de la discrimination dans
ces stipulations testamentaires ou autres.
M. Audet: Remarquez que les deux exemples que nous donnons sont
des exemples qui ne sont pas ou qui ne pourraient pas être
assimilés à des actes contraires à l'ordre public, le fait
de donner des biens à des enfants, mais seulement à une partie
des enfants et non pas à tous ses enfants. C'est dans ce sens qu'on
aborde la discussion.
M. Marx: Cela ne va pas à l'encontre de l'article 13.
M. Audet: Tant mieux alors, mais on soulevait le doute, on a des
doutes.
M. Marx: Cela, non.
M. Audet: C'est seulement pour dire qu'on peut entretenir une
certaine forme de doute à l'égard de certaines clauses
testamentaires qui ne sont pas contraires à l'ordre public, suivant
l'interprétation jurisprudentielle, mais, dans certains cas, on se
demande jusqu'où peut aller, dans un acte juridique comme un testament,
l'étendue de la discrimination.
M. Bédard: Ne croyez-vous pas qu'il est
préférable de garder le principe tel qu'il est
énoncé dans la charte, dans le sens qu'il ne doit pas y avoir de
discrimination au niveau des testaments et donations et laisser les tribunaux
statuer s'il y a discrimination ou non-discrimination dans des cas
particuliers?
M. Audet: Si on a la certitude que, dans un testament, il n'y a
pas de discrimination au sens de la charte pour les exemples que nous vous
avons donnés, on est pleinement d'accord de maintenir l'article comme il
est.
M. Marx: On n'a jamais de certitude, il faut laisser quelque
chose aux avocats.
M. Bédard: Je ne voudrais pas que ce soit conditionnel
à l'opinion que nous pouvons émettre de part et d'autre Ã
cette table, parce que c'est quand même aux tribunaux Ã
décider. Je pense que vous savez cela. (16 h 30)
Lorsque vous parlez de faiblesse relative de l'article 6, par exemple,
par rapport à ce que vous nous proposez concernant la libre disposition
des biens Ã
partir de l'exemple des lois actuelles qui affectent le droit de
propriété, comme on le sait, biens culturels, loi du zonage
agricole, etc., est-ce que vous pourriez me préciser l'effet qu'aurait
sur ces lois une formulation de l'article 6 tel que vous nous la proposez?
M. Audet: C'est tout simplement pour refléter dans un
texte une réalité actuelle et contemporaine. On part du principe
que nul n'est présumé ignorer une loi publique. Or, de la
manière dont c'est rédigé, c'est tellement simple, sinon
simpliste, que l'individu va dire: C'est certain, je peux faire ce que je veux,
sauf dans la mesure prévue par la loi. C'est certain qu'on ne peut rien
faire sinon ce qui est prévu par la loi et qu'on ne peut agir que dans
la mesure prévue par la loi. Cela est à peu près une
vérité de La Palice.
Mais pour les biens fonciers, compte tenu de l'évolution
contemporaine, qu'elle soit européenne ou nord-américaine, nous
estimons qu'il y aurait peut-être lieu de donner un peu plus de chair, un
peu plus de substance à un article de la charte pour dire: Bien,
écoutez, en matière de biens fonciers il faut toujours se
souvenir d'une chose, c'est qu'il y aura toujours des servitudes ou des
contraintes d'ordre administratif ou social qui peuvent exister actuellement et
qui pourraient être imposées éventuellement, et on veut,
par un tel libellé, dénoncer au public, dénoncer aux
justiciables une situation qui peut arriver à quiconque, n'importe
quand.
En d'autres termes, on veut dire ceci: Le bien immobilier ce n'est pas
comme c'était il y a quelques décennies c'est une
réalité nouvelle. Le bien immobilier doit servir à des
fins sociales, à des fins collectives, et le tout doit être
contrôlé par des formalités administratives. C'est tout
simplement cette réalité que l'on voudrait voir incarnée
dans un texte plus élaboré. C'est tout simplement rendre une
réalité plus détaillée, plus contemporaine.
M. Bédard: Oui, je comprends. On peut peut-être
vouloir mettre de la substance, mais je voudrais bien savoir quelle substance,
si on s'entend bien sur quel genre de substance vous voulez faire ajouter
à la charte. La formulation que vous nous donnez est la suivante: Toute
personne a droit à la jouissance paisible, à l'utilisation
raisonnable et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure
prévue par la loi, et les biens fonciers, en particulier, sont
assujettis aux servitudes sociales et administratives établies par les
lois, les règlements, les arrêts et les décrets...
Je voudrais simplement, pour le bénéfice des ceux qui
lisent les Débats, que vous expliquiez un peu plus quelles sont les
nuances que vous voulez apporter, la substance différente?
M. Audet: Dans l'esprit du justiciable, quelqu'un qui
achète une maison ou quelqu'un qui achète un terrain pense
pouvoir l'acheter librement, purement et simplement, rapidement, sans
contrainte, sans contrôle. Je pense que c'était l'esprit dans
lequel, disons, les générations antérieures étaient
habituées d'agir. On allait chez le notaire, on faisait un contrat
immédiatement, sur-le-champ, et puis on transférait la
propriété d'une façon absolue sans contrainte, et sans
rien d'autre.
Mais les temps ont changé. Aujourd'hui on ne peut plus agir avec
autant de célérité, ni autant de facilité. On ne
peut pas dire aux gens maintenant: Ãcoutez, vous achetez un bien
immobilier, mais il y a des limites, il y a des contraintes maintenant qu'il
faut respecter. Il faut obtenir l'autorisation de la Régie des alcools,
il faut obtenir l'autorisation du ministre des Affaires culturelles, il faut
obtenir l'autorisation de la Commission de protection du territoire agricole,
il faut obtenir de multiples autorisations, des autorisations d'ordre municipal
ou d'autres sortes.
On veut dire par là que le droit foncier est maintenant
limité dans sa substance par des contraintes qui sortent de l'ordinaire,
qui ressortent de la volonté des parties. En d'autres termes, je peux
bien vouloir vendre un bien à mon voisin, nous sommes tous les deux
d'accord, mais il y a une autorité supérieure qui dit:
Ãcoutez, si vous voulez vendre à votre voisin, vous devez
respecter certaines normes, certaines règles, certaines
formalités, certaines autorisations. Cela devient de plus en plus
répandu, de plus en plus exigé. C'est cette réalité
que l'on voudrait bien voir transcrire dans un texte comme celui de la
charte.
Le Président (Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui, j'aimerais vous remercier pour votre
mémoire. On trouve toujours des choses intéressantes dans un
mémoire de la Chambre des communes, des choses que d'autres
intervenants... je m'excuse...
M. Bédard: C'est vraiment une erreur.
M. Marx: C'est cela vous avez soulevé des problèmes
que d'autres intervenants n'ont pas soulevés.
Premièrement, en ce qui concerne le Code civil, vous avez
remarqué que, dans le Code éthiopien, les droits fondamentaux se
trouvent en préambule. C'est très intéressant, parce que
je pense que les juristes en Ethiopie ont été formés au
Québec et des Québécois ont joué un rôle dans
l'adoption de ce Code civil.
Le Code civil enquête surtout sur des
droits privés et la charte protège les droits publics
aussi. Donc, je vois mal que les droits fondamentaux se trouvent dans un code
ou dans un autre. C'est pourquoi je suis d'accord que la charte chapeaute
toutes les lois et tous les codes. Dans ce sens, je vois mal qu'on mette les
droits fondamentaux dans le Code civil.
Vous avez parlé des biens immobiliers. Je pense que les biens
immobiliers ont moins d'importance au Québec aujourd'hui qu'autrefois;
je pense que les droits mobiliers, les valeurs mobilières ont plus
d'importance aujourd'hui au Québec qu'autrefois et même
peut-être plus d'importance que les biens immobiliers. Je pense que si on
refait le Code civil, il faut le refaire dans le sens des droits mobiliers, qui
sont mal servis par notre droit actuel.
J'ai juste une question, parce que j'ai déjà posé
des questions. à la page 15 de votre mémoire, en ce qui concerne
la Loi sur l'acquisition de terres agricoles, est-ce que vous n'êtes pas
d'accord sur le fond ou sur la forme? Est-ce que vous êtes d'accord avec
le fond de la loi, la substance de la loi, et que vous voyez qu'il faut en
changer la procédure et ainsi de suite, ou voulez-vous qu'on ne
protège pas nos terres agricoles? Vous savez que, dans toutes les
juridictions, en Amérique du Nord, il y a une loi semblable, en
Saskatchewan, dans les Ãtats américains et ainsi de suite. C'est
tout à fait normal d'avoir une loi semblable où on exige,
où on fait une distinction entre résident et non-résident
et ainsi de suite. Est-ce que vous êtes en désaccord avec la
substance de la loi ou avec la procédure et l'application de la loi?
M. Audet: Nous ne nous opposons pas à cette loi, bien au
contraire. C'est qu'on a voulu la citer comme un exemple de loi qui porte sur
le bien immobilier et qui limite justement le droit d'un résident de
disposer. Si un résident québécois est propriétaire
d'une terre, on sait maintenant qu'il ne peut pas l'aliéner en faveur
d'un non-résident québécois. C'est là une forme,
encore une autre forme de contrainte ou de limite à l'exercice du droit
de propriété. Sur la substance, je pense que cela fait
l'unanimité chez nous, il n'y a pas de problème, mais lÃ
où on a des réticences, c'est sur l'article 16, qui est
très technique, et on a des hésitations ou des
interprétations assez délicates à ce sujet. Mais, sur le
fond, c'est sûr qu'on reconnaît très bien que c'est une loi
qui est un corollaire à la Loi sur le zonage agricole, qui est lÃ
pour protéger les terres agricoles québécoises Ã
long terme et qui est là pour assurer un développement
agro-alimentaire suffisant pour le Québec.
M. Marx: Le fond de l'affaire, c'est de faire en sorte que ce
soient des résidents qui soient propriétaires, qu'on n'ait pas
des propriétaires non-résidents, pour que les terres ne soient
pas travaillées, etc. Je trouve qu'il y a toutes sortes de limites au
droit à la propriété, il y a le zonage municipal, c'est la
meilleure limite, si vous voulez, le "spot zoning" le gars est cuit, comme on
dit, parce qu'il ne peut pas construire plus de deux étages, etc. Il y a
toutes sortes de limites.
Donc, c'est surtout l'article 6. Je pense, qu'il faut peut-être le
réétudier, parce que cela limite la possibilité des gens
de vendre leurs terrains.
M. Audet: Vous savez que l'énumération que nous
faisons des lois n'est pas une critique des lois comme telles, c'est une
constatation historique de l'évolution des lois. Nous sommes fortement
conscients maintenant que le droit immobilier n'est plus le droit traditionnel
du droit civil de 1866.
M. Bédard: Vous me dites que l'évolution s'en va
dans ce sens et est irréversible d'une certaine façon.
M. Audet: C'est cette forme nouvelle de contraintes qui fait
qu'en droit immobilier on ne peut pas dire maintenant qu'on a le libre exercice
du droit de priorité. Ce n'est plus tout à fait vrai et on
aimerait que ce soit transcrit dans un texte comme la Charte des droits et
libertés de la personne pour dire qu'en matière de biens fonciers
il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des contraintes parce que ça
fait partie de la réalité contemporaine
québécoise.
M. Bédard: Je vous remercie. M. Marx: Très
bien, merci.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie les membres de la
Chambre des notaires du Québec de leur mémoire. M. Morency.
M. Morency: M. le Président, si vous me permettez, je
remercie la commission de nous avoir entendus. Justement de par les
commentaires qui ont été énoncés, c'est exactement
dans cet esprit que nous le présentions.
Je ne voudrais pas reprendre le débat mais permettez-moi
d'insister sur le fait que, si nous voulons incorporer au Code civil les
principes mêmes de la charte, ça n'implique pas
nécessairement une répétition des articles de base de la
charte, mais, au contraire, c'est pour manifester notre intérêt,
que nous voudrions les voir reproduits dans le Code civil, qui demeure la base
de notre système juridique. La Chambre des notaires a toujours
été un point d'appui. En ce qui concerne la liberté
illimitée de tester...
M. Bédard: ... la charte a priorité, je veux bien
vous comprendre.
M. Morency: Ãvidemment, d'ailleurs...
M. Bédard: Elle a primauté sur le Code civil.
M. Morency: ... notre demande n'est qu'une attestation de cette
primauté. En ce qui concerne la liberté illimitée de
tester, c'est que, comme notaires, nous préférons la
prévention plutôt que les remèdes. Ne voulant pas par
là limiter la juridiction des avocats, je pense qu'il n'en demeure pas
moins que c'est bien servir le public que d'agir d'une manière
préventive. Le tout respectueusement soumis.
M. Bédard: On vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup.
J'appelle maintenant la Confédération des syndicats
nationaux, la CSN, Ã s'approcher. M. Norbert Rodrigue, si vous voulez
nous présenter les gens qui vous accompagnent.
CSN
M. Rodrigue (Norbert): Merci, M. le Président. M. le
Président, M. le ministre, mesdames et messieurs de la commission
parlementaire, j'aimerais vous présenter, en commençant, Lesley
Lee, présidente du comité de la condition féminine
à la CSN, et Monique Simard, au service de la condition féminine
comme responsable.
Deuxièmement, je voudrais ajouter que nous avons un certain
nombre d'errata que nous voulons vous remettre. Ce ne sont pas des questions de
fond mais des questions de détail, que vous pourrez voir en termes de
corrections au mémoire.
On va tenter avec votre permission - je sais qu'on est toujours
limité, dans une certaine mesure, dans la présentation des
mémoires - de s'autodiscipliner pour respecter le temps qui nous est
accordé. En conséquence, je ne lirai pas le mémoire dans
l'ensemble; il a environ 40 pages. On va tenter d'en faire un
résumé, moi et Lesley Lee.
Comme vous le savez, la CSN attache beaucoup d'importance à la
reconnaissance juridique des droits et libertés des personnes
malgré l'écart que l'on constate entre ce que la charte proclame
et la réalité. S'il est vrai que des droits sont constamment
violés, le fait qu'ils soient reconnus par la charte permet plus
facilement aux personnes qui le peuvent et qui le veulent de s'organiser et de
faire les batailles nécessaires pour les faire respecter. Ainsi, la
reconnaissance juridique de l'égalité entre les hommes et les
femmes facilite-t-elle le redressement de situations discriminatoires bien
qu'à l'évidence elle ne suffise pas à éliminer les
inégalités à leur source. Cet écart que tous
peuvent constater entre la charte des droits et son application met en
lumière deux réalités sur lesquelles nous voulons insister
en qualité d'organisation syndicale vouée à la
défense des intérêts des travailleurs et des travailleuses.
C'est que, d'une part, les droits et libertés s'imposent à la
conscience politique d'une société après que des groupes
se soient battus pour les conquérir. Ce fait incontestable nous
rappelle, d'autre part, que les droits et libertés ne peuvent s'incarner
uniquement dans les individus, puisque leur conquête, de même que
leur défense est un fait collectif. (16 h 45)
En effet, comment une personne peut-elle être libre, si la
collectivité à laquelle elle appartient ne l'est pas? Ã
moins qu'elle le soit sur le dos des autres. Comment une personne peut-elle
revendiquer exclusivement pour elle-même le droit à un
environnement sain si elle travaille dans une usine polluée? Comment
peut-on reconnaître le droit individuel au travail dans des conditions
décentes, si, par exemple, on ne reconnaît pas le droit de
grève pour le faire respecter.
Loin d'être en contradiction les uns par rapport aux autres, les
droits individuels et collectifs sont complémentaires et se renforcent
mutuellement. Nous croyons essentiel, quant à nous, que la charte le
reconnaisse, ce qui ne pourrait que faciliter leur harmonisation lorsque des
conflits passagers surviennent entre les deux.
Dans cette perspective, nous mettons de l'insistance sur l'implantation
des programmes d'accès à l'égalité pour les femmes,
les autochtones et les handicapés. Car la discrimination persistante
dont ces trois groupes sont l'objet a des causes sociales sur lesquelles,
à notre avis, il faut agir collectivement. S'il est une situation qui
démontre l'insuffisance des seuls droits individuels, c'est bien
celle-là .
Nous proposons également d'ajouter des activités
syndicales parmi les motifs de discrimination et de reconnaître le droit
de grève en tout temps, puisque l'accès à la
syndicalisation et la possibilité de faire la grève ont
été et demeurent le principal moyen par lequel les travailleurs
et les travailleuses peuvent faire respecter leurs droits.
Nous proposons aussi de reconnaître les droits collectifs des
peuples autochtones sans lesquels ils ne sauraient accéder Ã
l'égalité et développer leur culture, à commencer
par leur droit à l'autodétermination.
L'importance que nous attachons à la reconnaissance des droits
collectifs n'implique pas cependant que les droits individuels sont pour nous
secondaires. Car pour les 65% de
non-syndiqués, les droits individuels reconnus dans la charte ou
dans d'autres lois constituent une protection minimale que viennent parfois
confirmer les jugements de la Commission des droits de la personne ou de la
commission des normes minimales.
De plus, la reconnaissance légale des droits individuels sert de
point d'appui aux luttes que les groupes organisés font pour les faire
respecter ou encore pour les élargir. Voilà pourquoi nous
demandons d'ajouter à la charte un certain nombre de droits individuels
qui visent à mieux protéger les groupes qui sont l'objet d'une
oppression spécifique, particulièrement les femmes, les personnes
âgées, les immigrants non encore naturalisés; qui visent
également à élargir le champ des droits économiques
et sociaux, c'est-Ã -dire le droit au travail, Ã
l'éducation, à la santé.
La CSN demande aussi de renforcer les droits politiques de façon
à assurer une meilleure consultation avant l'adoption des lois et
règlements. Elle formule enfin plusieurs recommandations que nous
verrons un peu plus tard, destinées à humaniser l'administration
de la justice.
à ce moment-ci, avec votre permission, je demanderais Ã
Lesley Lee d'ajouter un certain nombre de commentaires sur les programmes
d'accès à l'égalité.
Mme Lee (Lesley): II ne s'agit pas ici de faire la preuve que
certains groupes, notamment les femmes, les handicapés, les autochtones,
sont discriminés et surexploités sur le marché du travail.
Cependant, les moyens pour éliminer les sources de discrimination sont
peu nombreux et grandement limitatifs.
Il y a trois facteurs qui nous ont amenés à prendre
position pour les programmes d'action positive ou accès Ã
l'égalité. Premièrement, l'actuelle Charte des droits et
libertés de la personne ne nous permet pas de combattre efficacement
aucune forme de discrimination, parce que, d'une part, elle ne peut
régler que des cas individuels et encore très peu nombreux,
compte tenu des ressources limitées de la commission. D'autre part, la
discrimination systémique échappe à son application. Le
règlement de quelques cas de discrimination plus apparents ne peut,
d'aucune façon, éliminer toute la discrimination subie par les
femmes.
Deuxièmement, la période de crise que nous traversons
actuellement a pour effet d'atteindre plus spécifiquement les groupes
historiquement et systémiquement discriminés. Les femmes en
constituent un, le plus important d'ailleurs.
Malgré l'introduction de lois, la charte entre autres,
l'élaboration de revendications visant l'égalité et une
prise de conscience de plus en plus grande des formes d'exploitation que vivent
les femmes, la situation des femmes se détériore. Ainsi,
l'écart des revenus entre femmes et hommes s'agrandit, la
"ghettoïsation" s'accentue. Par exemple, les deux tiers des femmes sur le
marché du travail n'occupent que 10 emplois différents, tandis
que la même proportion d'hommes occupe quelque chose comme 300 emplois
différents. Cette tendance à la "ghettoïsation" s'accentue
de ce temps-ci. On remarque que les femmes perdent leur emploi ou que celui-ci
est converti en poste à temps partiel. On associe cela à la crise
actuelle.
Troisièmement, le processus de négociation de conventions
collectives actuel pose certaines limites. Les rapports de force conjoncturels,
la résistance patronale sont des facteurs qui déterminent le
contenu d'une convention collective et les employeurs ont toujours eu tendance
à négocier à rabais les clauses qui touchent
spécifiquement les groupes minoritaires. à travers les luttes
syndicales, nous avons fait un certain nombre de gains, par exemple, les
garderies, les congés de maternité, une certaine
égalité de salaire. Cela a amené les employeurs Ã
engager de moins en moins de femmes. Les syndicats ont peu ou pas de droit de
regard sur un certain nombre de facteurs: l'embauche, les mises à pied,
l'organisation du travail, le mouvement de main-d'oeuvre. C'est lÃ
où la discrimination joue le plus souvent.
Ce sont les trois éléments qui nous amènent
à approuver l'introduction de moyens spéciaux. Cependant, il nous
apparaît important de définir ce que devront être ces
moyens, tant au niveau de leur champ d'application que du contenu et de son
application. Vous avez, à la page 5 du mémoire, la
définition donnée par la Commission des droits de la personne aux
programmes d'action positive, ce qu'on appelle l'accès Ã
l'égalité. Je trouve important de souligner le contenu des
programmes d'accès à l'égalité, les trois
éléments essentiels. D'abord, des mesures d'égalité
de chances, soit l'élimination des pratiques de discrimination
explicites ou intentionnelles, par exemple, les postes réservés
exclusivement aux hommes; la modification des pratiques de gestion du personnel
qui défavorisent même involontairement un groupe de personnes, par
exemple, certaines questions contenues dans les formulaires de demande
d'emploi, certaines questions posées à l'occasion d'entrevues de
sélection, des exigences abusives.
Deuxièmement, un programme d'accès Ã
l'égalité doit contenir des mesures spéciales
d'égalité dans les résultats, soit des dispositions visant
à redresser la discrimination antérieure à l'égard
d'un groupe défavorisé en accordant de manière
préférentielle certains avantages à ce groupe; par
exemple, les programmes spéciaux de recrutement, les cours de formation
de base ou de perfectionnement.
Troisièmement, des objectifs et un échéancier,
c'est-à -dire les résultats escomptés d'un programme,
exprimés en termes quantitatifs, qui tiennent compte de la situation de
l'entreprise ou de l'institution et des contraintes affectant sa performance et
qui doivent être réalisés dans un délai fixe.
à la page 8, vous avez un résumé de nos recommandations.
Il faut rappeler que ces programmes s'adressent aux femmes, mais aussi aux
handicapés et aux autochtones.
Voici nos recommandations. D'abord, que les programmes d'accès
à l'égalité soient obligatoires dans les entreprises
où il y a preuve de discrimination, dans les entreprises qui contractent
avec le gouvernement, dans les entreprises publiques et parapubliques.
Deuxièmement, que ces programmes soient sous la
responsabilité de la Commission des droits de la personne qui aura comme
tâche d'indiquer les entreprises visées, d'indiquer les
résultats escomptés, de déterminer le bassin de
main-d'oeuvre visé, de donner de l'aide technique aux travailleurs et
travailleuses et d'ordonner aux employeurs la mise en application des
programmes, Ã la suite d'une demande des syndicats ou des travailleurs,
travailleuses là où il n'y a pas de syndicat.
Un point très important pour nous, c'est le point c), que ces
programmes doivent être négociés par le syndicat et
l'employeur et, là où il n'y a pas de syndicat, par un
comité d'action positive composé de travailleurs et de
travailleuses. Les syndicats ou les comités d'action positive auraient
droit de veto sur le contenu et l'application des programmes et droit de
recours à la Commission des droits de la personne. Nous
considérons essentielle la participation des travailleurs et des
travailleuses à l'élaboration, à l'application et Ã
la coordination de tout programme qui les affecte.
Au point d), nous recommandons que ces programmes contiennent des
mesures d'égalité, des mesures spéciales, des mesures
supports ainsi que des objectifs et un échéancier tels que
décrits dans le contenu de la page 6.
Nous tenons également à ce qu'il y ait des audiences
publiques concernant la réglementation des programmes d'accès
à l'égalité.
Nous avons à proposer aussi un certain nombre d'amendements
à la charte qui auront pour résultat de combattre la
discrimination, surtout la discrimination qui touche les femmes. Je vais
seulement citer les recommandations et Norbert Rodrigue va les
reprendre. Il y a un certain nombre d'articles dans la loi qui touchent
exclusivement les femmes et, dans d'autres cas, qui touchent majoritairement
les femmes.
La première recommandation, c'est d'inclure un article contre la
discrimination dans les cas de grossesse. On pensait jusqu'Ã
dernièrement que c'était associé et inclus dans la
discrimination basée sur le sexe, mais dernièrement les jugements
ont tranché dans l'autre sens. Cela mène aussi à des
recommandations de changement de lois pour enlever la discrimination salariale
subie par les femmes qui ont une grossesse.
Nous avons une recommandation, pour ce qui touche les femmes, sur le
harcèlement sexuel subi par la majorité des femmes et, en grande
partie, les femmes au travail.
Il y a une recommandation dans la section sur les salaires pour essayer
d'éliminer l'évaluation au mérite qui est très
discriminatoire face aux femmes.
Finalement, nous demandons l'abrogation de l'article 97 ou 90, selon...
Norbert Rodrigue, président de la CSN, va parler plus longuement
là -dessus.
M. Rodrigue (Norbert): M. le Président, je vais essayer
d'aller relativement rapidement, mais, comme c'est à vous Ã
présider, je vais vous laisser faire.
M. Bédard: Soyez à votre aise.
M. Rodrigue (Norbert): Je suis toujours à mon aise, mais,
quand on connaît les exigences des délibérations, on doit
s'attendre à n'importe quoi.
Les motifs de discrimination énumérés Ã
l'article 10, quant à nous, ne recouvrent pas toutes les situations
discriminatoires auxquelles nous sommes régulièrement
confrontés dans l'action syndicale.
Commençons d'abord par l'âge qui est un des motifs de
discrimination les plus répandus sur le marché du travail.
Pourtant, la charte ne le reconnaît pas. Même si les exemples ne
manquent pas pour démontrer la discrimination dans l'emploi envers les
jeunes, par exemple, et les moins jeunes, aussi faut-il ajouter l'âge
comme motif de discrimination à l'article 10, quant à nous.
Il n'est pas non plus nécessaire de démontrer que les
femmes enceintes ou qui projettent de le devenir sont systématiquement
rejetées par les employeurs. Or, on peut interpréter la charte
comme interdisant cette forme de discrimination, puisqu'il est interdit de
discriminer les personnes selon leur sexe. Mais pour éviter
l'interprétation contraire, qui a d'ailleurs été
donnée par certains jugements de tribunaux, comme Lesley le disait, il
faut ajouter nommément la grossesse comme motif de discrimination
Ã
l'article 10.
Par ailleurs, nous profitons de l'occasion pour dire que, si la
grossesse n'est pas un facteur de discrimination, il faudrait
conséquemment amender la loi des normes minimales pour garantir Ã
toutes les travailleuses sans exception le droit à un congé de
maternité de vingt semaines, sans perte de salaire, et avoir droit de
retour à son emploi.
Le ministre de la Justice va probablement trouver qu'on lui en demande
beaucoup dans ce mémoire, mais on pense que le ministère de la
Justice est capable de porter ce fardeau, parce que c'est un devoir fondamental
sur le plan social.
Une autre discrimination largement répandue...
M. Bédard: Merci de votre confiance. (17 heures)
M. Rodrigue (Norbert): On va vous aider à le porter, je
veux dire qu'on est prêt à pousser, on est prêt Ã
pousser.
Une autre discrimination largement répandue est celle qui est
fondée sur les activités syndicales. Il est vrai que le Code du
travail interdit déjà les congédiements pour
activités syndicales, mais pour que les militantes et les militants
syndicaux puissent se défendre contre les multiples autres formes de
discrimination dont ils sont l'objet, les listes noires, par exemple, le
harcèlement, le refus de promotion, etc., il faut que les
activités syndicales soient reconnues comme motif de discrimination dans
la Charte des droits et libertés de la personne. Même si nous
savons qu'il n'y a plus de policiers dans les syndicats, qui n'informent plus
les employeurs, comme le ministre veut nous le dire à l'occasion, nous
pensons qu'il y a encore des agents d'information qui fabriquent des listes
noires. Cependant, je ne sais pas comment il faut les appeler. En
conséquence, il est important d'ajouter cela.
Enfin, il arrive aussi que des personnes soient victimes de
discrimination dans l'emploi ou dans le logement parce qu'elles ne sont pas
encore naturalisées. Aussi, nous recommandons que la nationalité
soit ajoutée comme motif de discrimination à l'article 10 de la
charte.
Au chapitre de la responsabilité, il faudrait selon nous modifier
l'article 13 de façon à permettre à la commission
d'intervenir avant même qu'une clause discriminatoire apparaisse dans un
acte juridique, telle une convention collective, par exemple, car une fois la
convention signée, il semble que la responsabilité, selon notre
expérience au moment où nous nous parlons, soit automatiquement
partagée alors qu'en pratique une des parties pourrait s'être
opposée à l'inclusion d'une telle clause.
De plus, on sait qu'une fois que la convention est signée, il est
impossible d'en forcer la réouverture, et la responsabilité est
partagée entre les parties, même si l'une d'entre elles a
été forcée en quelque sorte, selon les circonstances,
à apposer sa signature sur un document comportant une clause
discriminatoire.
Aussi nous pensons, malgré les prétentions de M. Marx, de
M. Bédard et des notaires tout à l'heure, qu'il faut
préciser l'article 13, pas pour les mêmes fins qu'eux. Ce que l'on
recommande c'est que l'article se lise comme suit: "Nul ne peut, dans un acte
juridique, stipuler une clause comportant discrimination, ni proposer ou
insister pour qu'une telle clause y apparaisse. Une telle clause est
réputée sans effet. Quiconque propose, demande ou insiste pour
qu'une clause discriminatoire soit stipulée dans un acte juridique est
totalement responsable des dommages qui en résultent." Lorsque nous
proposons ce changement, nous ne prétendons pas ne pas avoir de
responsabilité ou ne pas avoir été responsable dans le
passé d'un certain nombre de discriminations, c'est-à -dire que ce
que nous disons - nous reviendrons là -dessus dans le débat -
c'est qu'il faut tout de suite prévoir ces questions pour que les
parties soient plus égales, c'est-à -dire sur le plancher des
vaches, concrètement.
En ce qui concerne la discrimination à l'embauche, nous sommes
évidemment d'accord sur l'article 16 qui interdit la discrimination dans
l'embauche. Cependant, à la lumière de nos connaissances et de
notre expérience, la discrimination ne s'exerce pas seulement sur la
base des éléments énoncés à cet article,
mais aussi dans l'organisation même du travail. Ceci a pour effet de
maintenir des situations discriminatoires. Il est nécessaire de
considérer l'organisation du travail comme pouvant être une source
de discrimination au même titre que peuvent l'être des pratiques
d'embauche et de mouvement de main-d'oeuvre.
Pour éviter qu'un employeur puisse contourner les dispositions de
l'article 16, nous recommandons de lui ajouter la précision suivante:
"Aucun employeur ne peut établir des procédés de
fabrication, des modes et méthodes de travail ou des exigences non
nécessaires qui ont pour conséquence de priver ou
d'empêcher une personne ou un groupe d'avoir accès à ces
tâches ou fonctions." On sait que dans la pratique cela existe et, par
conséquent on voudrait que la charte soit précisée.
En ce qui concerne le harcèlement, Lesley l'a mentionné,
nous proposons d'interdire formellement le harcèlement,
particulièrement le harcèlement sexuel dont sont victimes la
majorité des femmes, et que ceux qui pratiquent du harcèlement
dans le monde du travail soient tenus responsables de leur geste.
En conséquence, nous recommandons que soit ajouté Ã
l'article 11 les mots suivants: "Nul ne doit exercer quelque forme de
harcèlement que ce soit, fondé sur un ou des motifs
énoncés à l'article 10." Nous demandons aussi d'interdire
à cet article de poser des questions discriminatoires, par exemple en ce
qui a trait au sexe, Ã l'existence d'un casier judiciaire. Les
réponse données à ces questions peuvent influencer, on l'a
vu dans le passé, les employeurs dans leur décision d'embaucher
ou de ne pas embaucher. De telles questions ne sont pas discriminatoires selon
la charte, mais la décision qui s'ensuit, elle, peut l'être. Donc,
nous recommandons qu'il soit formellement interdit de demander des
renseignements susceptibles de donner lieu à de la discrimination
à l'embauche.
Quant à la discrimination dans le salaire, les champs de
comparaison pour l'égalité de la rémunération, tout
en sachant qu'on ne peut pas par l'article 19 enrayer toutes les
inégalités salariales qui sont basées sur les
règles du système économique et du marché, il est
cependant nécessaire d'élargir les champs de comparaison, afin de
pouvoir sortir de leur isolement certains ghettos d'emploi. Ne pouvoir comparer
que les établissements d'un même employeur nous restreint quant
à la possibilité de véritablement déceler de la
discrimination. Nous recommandons donc d'élargir le champ de comparaison
à plus d'un employeur et à plus d'un établissement,
même s'ils ne font pas des productions identiques.
Nous recommandons également que le fardeau de la preuve
appartienne à l'employeur quant à la justification d'une
inégalité salariale. On demande au gouvernement dans ce
cas-là d'être aussi courageux que dans les négociations du
secteur public, quand il veut comparer le secteur public à n'importe
quoi, au moins, de nous donner la chance de le comparer sur le plan de la
discrimination avec des établissements d'un même employeur,
même s'ils n'ont pas la même production.
L'évaluation au mérite. Il n'y a pas quant à nous
de forme d'évaluation plus subjective que l'évaluation au
mérite et elle entraîne plus souvent qu'autrement l'arbitraire et
les abus. De plus, elle permet de maintenir une image très
stéréotypée de ce que doivent être le travailleur ou
la travailleuse modèle, si on pense aux caissières des banques,
aux secrétaires. De plus, cette notion est quant à nous contraire
à l'esprit de la charte. Nous recommandons donc que les mots
"évaluation au mérite" soient biffés de l'article 19 et
que les autres lois ou règlements qui permettent cette forme
d'évaluation soient amendés dans le même sens.
En ce qui concerne la quantité de production, on est contre cette
distinction, parce qu'elle justifie le salaire au rendement, forme de
rémunération que nous contestons depuis fort longtemps.
Quant aux autres exceptions, nous sommes d'accord avec celles
énumérées à l'article 20 et qui permettent Ã
des organisations d'exiger que les personnes qu'elles embauchent soient
d'accord avec leurs orientations. Cependant, ces exceptions ne doivent pas
s'appliquer quant à nous dans le secteur public de l'éducation
qui, selon nous, doit être laïque. D'autre part, nous demandons
d'ajouter nommément les organisations syndicales parmi celles qui sont
énumérées à l'article 20, pour qu'il n'y ait pas
d'ambiguïté sur leur droit d'embaucher des personnes qui sont
d'accord avec leurs orientations. On est convaincu que les partis politiques
doivent comprendre cela.
L'article 90 de la charte permet d'exercer de la discrimination sur la
base du sexe, de l'état civil, de l'orientation sexuelle ou d'un
handicap, dans les régimes d'assurances et d'avantages sociaux.
Là , on attaque un problème important. On l'a crié
ailleurs, on le crie ici aujourd'hui et on va le crier demain ailleurs encore
dans ce même édifice. On pense que, là -dedans, il faudrait
un coup de barre. Ces régimes d'avantages sociaux sont trop souvent
discriminatoires. Ils le sont plus ou moins grossièrement, selon les
cas, bien sûr, en s'appuyant sur des données actuarielles qui ne
sont pas immuables et qui sont étroitement liées à la
conjoncture économique, politique et sociale.
Comme le dit si bien la coalition sur l'abrogation de l'article 90 dans
son mémoire, a-t-on déjà pensé faire des
distinctions actuarielles entre les pauvres et les riches, par exemple, entre
les noirs et les blancs, alors qu'on sait que les premiers meurent plus jeunes
que les seconds? L'article 90 est formellement discriminatoire et donc
contraire à l'esprit de la charte. De plus, il est contraire aux
articles qui traitent spécifiquement du travail. Nous sommes donc en
accord avec le principe des recommandations faites par la Commission des droits
de la personne qui visent à éliminer de la charte toute
possibilité d'exercer de la discrimination fondée sur le sexe,
l'état civil, l'orientation sexuelle ou un handicap dans les
régimes d'assurances et d'avantages sociaux.
Le droit à l'intégrité de la personne. Nous sommes
en accord avec la recommandation de la Commission des droits de la personne de
ne pas limiter le droit à l'intégrité au niveau
strictement physique, puisqu'il s'exerce trop souvent des torts d'ordre moral
ou psychologique. Nous recommandons donc de biffer le mot "physique" dans
l'article 1. Nous recommandons également d'ajouter au même article
le droit à un environnement sain.
En ce qui concerne l'obligation de porter secours, on sait que plusieurs
vont hésiter à porter secours à une personne en danger de
crainte de se créer des difficultés par la suite. Aussi, nous
recommandons d'ajouter à l'article 2 les mots "celui qui, de bonne foi,
a porté secours à autrui ne peut être poursuivi en justice
en raison des actes ainsi accomplis, sauf en cas de faute lourde".
En ce qui concerne les droits des autochtones, il n'y a actuellement
rien dans la charte qui fait référence spécifiquement aux
autochtones. On s'y réfère généralement par le
biais des minorités ethniques. Il nous semble important de faire
référence explicitement aux premiers occupants du territoire du
Québec dans la Charte des droits et libertés de la personne,
surtout si l'on considère la situation discriminatoire qui leur est
faite. Plusieurs arguments peuvent justifier cette absence. Il y a la
constitutionnalité, etc. Cependant, nous croyons qu'il est fondamental
que, dans une charte qui définit les droits et libertés des
occupants du Québec, mention soit faite de l'existence et des droits des
autochtones. Aussi, nous recommandons que soit inclus dans la charte le
principe de la reconnaissance des droits originaux des premiers occupants, les
peuples autochtones. Sur les problèmes constitutionnels, on pourra s'en
parler aussi si vous avez deux minutes tout à l'heure.
Le droit à un niveau de vie décent. L'article 45
prévoit le droit à un revenu décent mais comporte, selon
nous, une restriction qu'il faut enlever. Nous recommandons de modifier cet
article de la façon suivante: "Toute personne a droit, pour elle et ses
dépendants, à des mesures d'assistance financière et
à des mesures sociales lui assurant un niveau de vie décent."
Le droit à la santé. Je vous attends là -dessus,
vous me parlerez des services essentiels si vous voulez, mais je vous attends.
Toute personne doit formellement et pratiquement avoir le droit à la
santé, ce qui n'est pas prévu actuellement dans la charte. Nous
recommandons donc d'ajouter un article dans la charte reconnaissant ce
droit.
Le droit au travail. L'article 46 prévoit le droit à des
conditions de travail justes et raisonnables, mais, là encore, il y a
une restriction que nous demandons d'enlever. Nous proposons de biffer
"conformément à la loi" puisque certaines lois peuvent permettre
des conditions non raisonnables. Par exemple, on pense à la loi sur les
normes minimales en ce qui concerne le travail au rendement. D'autre part, nous
proposons de reconnaître formellement dans la charte le droit
inaliénable de toute personne au travail tel qu'il est reconnu dans la
déclaration universelle des droits de l'homme ainsi que le libre choix
de son travail. Nous recommandons donc que l'article 46 soit amendé pour
se lire comme suit: "Toute personne a droit au travail, au libre choix de son
travail et à des conditions de travail justes, raisonnables et
équitables qui respectent sa santé, sa sécurité et
son intégrité." De plus, nous recommandons, pour s'assurer du
respect de ce droit, d'ajouter l'article suivant: "Il incombe Ã
l'employeur d'établir à la satisfaction des tribunaux ou autre
instance compétente les motifs justes et raisonnables de toute
décision en congédiement ou en suspension d'un salarié."
Il faudrait amender les lois et règlements qui se rattachent Ã
cette question.
En ce qui concerne le droit à l'éducation -
brièvement parce que vous en avez sûrement entendu parler
aujourd'hui -nous proposons de modifier l'article 40, d'une part, pour
reconnaître le droit à l'éducation en ne le soumettant pas
de façon restrictive aux lois existantes et en s'assurant du principe de
la gratuité et de l'égalité d'accès à tous
les niveaux.
Le droit de grève, je le résume en disant que, quant
à nous, nous sommes convaincus que la société
québécoise gagnerait à ce que les travailleurs et les
travailleuses aient le droit de grève en tout temps. Cela pourrait
régler beaucoup de situations conflictuelles et améliorer le
climat social dans plusieurs circonstances. On sait que les contraintes et les
limites actuelles du droit de grève, qui est un principe reconnu au Code
du travail, ont pour effet de minimiser, voire de rendre inefficace la
résistance des travailleurs et des travailleuses aux attaques du
patronat sur les questions de discrimination et autres.
M. le ministre, le prochain point, ce sont les droits politiques et les
droits judiciaires. Au chapitre des droits politiques et des droits
judiciaires, pour résumer, nous faisons un certain nombre de
recommandations qui visent à démocratiser et à humaniser
réellement l'exercice de ces droits. Par exemple, il nous semble
important d'insister pour voir dans la charte un article qui oblige à la
consultation quant à l'élaboration de lois, règlements ou
services. Nous croyons également qu'il faille inclure dans la charte le
principe de l'accessibilité à la justice, prévu au
chapitre des droits politiques et des droits judiciaires.
Nous faisons un certain nombre de recommandations qui visent
essentiellement à reconnaître l'exercice démocratique des
droits reconnus dans la charte. Par exemple, il nous semble important de
prévoir un article dans la charte qui oblige les pouvoirs publics
à consulter la population et les communautés directement
concernées par rapport à l'élaboration de lois ou
règlements. Nous croyons également qu'il est nécessaire
d'inclure dans la charte le principe de l'accessibilité à la
justice ainsi que la
reconnaissance et l'inclusion d'articles qui interdisent, par exemple,
les châtiments corporels, les interrogatoires, etc. Entre
parenthèses, vous allez me répondre probablement que, si on vous
parle de la peine de mort, c'est de juridiction fédérale ou, si
on vous parle du droit criminel, c'est de la juridiction
fédérale, nous le savons; c'est qu'on pense que vous pouvez faire
les messages l'autre côté.
D'autre part, au moment du référendum, nous avons
proposé - on l'a cru d'intérêt pour la
société québécoise - que le gouvernement
dépose un projet de constitution québécoise qui aurait
fait que les Québécois auraient pu entreprendre le débat
sur leurs droits fondamentaux plutôt que d'être confrontés
à quelqu'un - je ne me souviens pas qui, vous allez me le rappeler
probablement - qui nous propose une charte sur les droits Ã
l'intérieur d'un débat constitutionnel qu'on connaît un
peu. Ce qu'on a dit c'est que le Québec devrait déposer un projet
de constitution que le monde ordinaire, tout le monde, puisse discuter, un
projet de constitution éventuel comme dans l'éventuel
Québec autonome, indépendant pour faire en sorte qu'on puisse
politiquement, sur des questions aussi fondamentales que les droits et
libertés, avancer des propositions concrètes, appuyées par
la plus large masse possible. (17 h 15)
Alors, sur les propositions qu'on fait en termes d'amendement quant
à l'aspect judiciaire, on voudrait que vous reteniez ça, qu'on
est conscient qu'il y a des problèmes de juridiction sur le plan de la
constitution, mais nous pensons qu'au Québec, on a quand même la
responsabilité de reconnaître les droits, de les avancer et de
faire les débats constitutionnels qui s'imposent autour de cette
question ou de ces questions.
En ce qui concerne le fonctionnement de la constitution,
j'accélère, non pas la constitution, excusez-moi, c'est un petit
lapsus, le fonctionnement de la commission...
M. Bédard: On s'en parle tellement de ce temps-ci.
M. Rodrigue (Norbert): ... le rôle de la commission
étant de veiller à l'application de la Charte des droits et
libertés de la personne, il est obligatoire de lui fournir les moyens et
les pouvoirs nécessaires à cette fin, quant à nous. De
plus, la Charte des droits et libertés de la personne étant une
loi fondamentale et donc de caractère public et inviolable, il est
obligatoire que la commission puisse intervenir dans toute situation qui
contreviendrait aux dispositions de la charte. Déjà , l'article 73
prévoit que la commission peut faire enquête de sa propre
initiative.
Il faut cependant renforcer sa capacité d'intervention et
à cette fin, nous recommandons d'ajouter à l'article 67, les
paragraphes suivants: "est cité en justice pour faire appliquer les
dispositions de la présente charte et ses propres recommandations,
recourir à l'injonction".
N'y voyez pas de contradiction avec nos positions de principe sur
l'ensemble des injonctions. On est encore dans une situation où la loi
n'est pas changée. Le cadre juridique n'est pas changé. Vous
n'avez pas eu encore le temps, je suppose, de changer ça. Comme vous
n'avez pas eu le temps de changer ça, on dit que la commission devrait
avoir recours aux injonctions s'il y a des problèmes d'application. On
espère pouvoir vous forcer à changer le reste le plus vite
possible et on vous dira comment, tout à l'heure. Sur le plan des droits
et libertés, on pense que ça devrait se faire, comme sur le plan
du droit au travail ou des relations de travail.
Participer aussi à l'enquête et à l'audition, comme
si elle y était partie - on pense qu'on devrait reconnaître
ça à la commission - dans toute instance touchant l'application
de la Charte des droits et libertés de la personne.
En ce qui concerne les demandes d'enquête, nous recommandons que
l'article 69 se lise comme suit: "Toute personne qui a raison de croire
qu'elle-même ou un autre groupe sont ou ont été victimes
d'une atteinte à un droit reconnu par la présente charte puisse
ou peut adresser par écrit une demande d'enquête à la
commission.
Tout groupe de personnes ou tout organisme voué à la
défense des droits et libertés de la personne ou au
bien-être d'un groupe de personnes peut, de la même manière,
faire une demande d'enquête.
En ce qui concerne le chapitre sur les dispositions finales, la Charte
des droits et libertés de la personne reconnaît les droits
fondamentaux dans plusieurs dispositions. Cependant, l'article 87 actuel
considère que les seules infractions possibles sont les infractions aux
articles 10 à 19. Nous croyons que si le législateur veut que
cette reconnaissance des droits soit réelle, il est primordial que la
violation de l'ensemble des droits énoncés dans la charte soit
susceptible de sanctions ou d'interventions de la commission. Nous recommandons
donc de modifier l'alinéa a) de l'article 87 de la façon
suivante: "Commet une infraction quiconque contrevient à une des
dispositions traitant de la reconnaissance d'un droit."
Afin de permettre également que la violation de tels droits soit
sanctionnée, il faut permettre à la victime ou Ã
l'organisme d'intenter des plaintes pénales. Il faut donc ajouter un
article à cette fin. Nous recommandons la création - ça
vient répondre à la question sur les injonctions, la situation
actuelle étant ce qu'elle est, on
veut qu'elle soit changée - d'un tribunal des droits de la
personne que le législateur doterait des pouvoirs nécessaires
pour l'application des dispositions de la charte, un tribunal administratif. Il
en existe des tribunaux administratifs dans d'autres provinces, en ce qui
concerne les relations de travail ou d'autres questions. On ne voit pas
pourquoi le Québec ne pourrait pas, malgré les objections
constitutionnelles, Ã ce chapitre, constituer un tribunal administratif
qui ferait que le citoyen québécois saurait d'abord que cette
charte a une signification et une importance fondamentale, lorsqu'il lui serait
possible et facile de faire sanctionner une violation d'un de ses droits
fondamentaux. Ce tribunal pourrait plus facilement découvrir les
diverses formes de discrimination et son expérience et expertise
permettraient une meilleure application de la charte à notre avis.
Certains problèmes d'ordre constitutionnel peuvent être des
obstacles, je viens de le dire, on pense que ce ne sont pas des obstacles
suffisants.
Nous pensons que c'est le moyen par lequel le législateur peut
assurer la finalité même de la Charte des droits et
libertés de la personne.
En conclusion, on doit chercher à réduire l'écart
entre l'idéal démocratique proposé par la Charte des
droits et libertés de la personne et son application concrète. Le
premier article de la charte qui proclame le droit Ã
l'intégrité physique, on le sait tous sans se compter d'histoires
et sans se faire de discours, n'est-il pas massivement nié à tous
ceux et celles qui travaillent dans des conditions dangereuses pour leur vie et
leur santé? Les humiliations et les conditions dégradantes
auxquelles des milliers de personnes doivent se soumettre pour gagner leur vie
ne sont-elles pas une négation quotidienne de leur dignité? Il
faut que la réalité soit bien éloignée du droit
à des conditions de travail justes et raisonnables, affirmé
à l'article 46, pour que des milliers d'hommes et de femmes acceptent de
se priver de salaire pendant des mois quand la grève est le seul moyen
d'obtenir des améliorations.
Que dire du droit à l'égalité quand les
discriminations dans l'emploi ou le logement continuent à frapper de
larges pans de la société! Certes, la Commission des droits de la
personne doit être munie des pouvoirs et des moyens suffisants pour
accomplir sa tâche de surveillance, d'information et d'éducation.
C'est une première condition à réaliser. Les corrections
que la commission peut apporter aux situations discriminatoires demeurent
forcément limitées en nombre. Cela n'est pas négligeable
car les jugements qu'elle rend ont un certain effet préventif et servent
d'appui à d'autres personnes pour faire respecter leurs droits par leurs
propres moyens. Aussi, le champ d'intervention de la commission doit-il
être étendu à tous les droits reconnus par la charte, et
non pas seulement aux discriminations interdites par les articles 10 Ã
19.
De plus, pour faciliter et accélérer la réparation
des préjudices causés à des personnes par la violation de
leurs droits, nous croyons que la création d'un tribunal
spécifique s'impose. Enfin, on doit cesser de limiter l'application de
la charte par des lois particulières, et celles qui comportent
déjà de telles limitations directes ou indirectes doivent
être amendées en conséquence. Par exemple, je l'ai
mentionné, la Loi sur les normes du travail doit être
amendée pour prévoir des congés de maternité
accessibles à toutes les travailleuses sans perte de salaire, sans quoi
il est illusoire de parler de l'égalité des femmes sur le
marché du travail. Toutes ces mesures seraient bien insuffisantes si on
ne donne pas aux personnes les moyens de s'organiser collectivement pour
défendre et élargir leurs droits en facilitant l'accès
à la syndicalisation qui a été et qui demeure, selon nous,
le principal instrument de défense des intérêts des
travailleurs et travailleuses.
Je termine en disant ceci. On pourra faire la plus belle charte qui
n'existe nulle part ailleurs dans l'univers, mais si on n'a pas la
volonté politique de poser les conditions concrètes pour que les
droits qui y sont inscrits trouvent leur application, je dirais que cela
risquerait non seulement de paraître illusoire, mais cela nous
paraîtrait, quant à nous, être un peu populiste,
c'est-à -dire dire à tout le monde: Nous sommes
généreux, nous sommes courageux, nous avons inscrit dans une
charte des droits et libertés, malgré le fait que, etc.; au cours
des années dernières, il n'y en avait pas, il n'en existait pas,
nous l'avons fait. Nous pensons avec respect et humilité qu'il faut que
les moyens concrets soient donnés pour faire en sorte que dans la
réalité quotidienne, malgré les déclarations de
principe et les grands principes énoncés dans les chartes ou les
lois, cela trouve effectivement une application. Par conséquent, une
fois qu'on a énoncé les droits en question, faire en sorte, M. le
ministre, en terminant, que les autres lois ne viennent pas annuler les droits
inscrits dans la charte par d'autres dispositions contraires ou d'autres
restrictions qui, finalement, font en sorte que les droits dans la pratique ne
seraient pas retenus.
On s'excuse du temps pris. On vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Cela a été
très bien. Merci, M. Rodrigue. M. le ministre.
M. Bédard: Tout d'abord, je crois que vous n'avez pas
à vous excuser du temps que
vous avez pris. Nous sommes en mesure d'exprimer notre
appréciation concernant l'ensemble de votre mémoire qui touche
presque tous les articles de la charte des droits et libertés. Vos
recommandations représentent un travail très
élaboré, très sérieux. Je comprends qu'il nous
faudra peut-être quelques heures avant de savoir si on est d'accord sur
chacun des points que vous évoquez. Les représentations que vous
avez faites sont de nature à faire réfléchir
sérieusement tous les membres de cette commission parlementaire. Vous
avez touché presque tous les points, mais comme vous le savez, plusieurs
de ces points ont déjà été abordés par des
groupes qui vous ont précédés. Vous ne nous en voudrez pas
de ne pas poser de question...
M. Rodrigue (Norbert): Si vous manquez d'arguments, on est
prêt à vous en donner.
M. Bédard: ... sur les régimes d'assurance, par
exemple, concernant les avantages sociaux. J'ai eu l'occasion d'aborder ces
sujets d'une façon très détaillée avec d'autres
groupes. Vous allez dans le même sens, de façon
générale, que certains des groupes qui se sont fait entendre
devant la commission. C'est la même chose concernant l'âge, la
grossesse.
Vous me faites part particulièrement d'une série de
représentations qui devraient être faites aux autorités
fédérales sur des sujets qui sont de juridiction
fédérale, mais soyez convaincus que je crois que le message doit
se rendre, parce que, lorsqu'on parle de droits et libertés, je ne crois
pas qu'on doive se barrer les pieds dans des complications constitutionnelles
qui font qu'en fin de compte, ce sont les citoyens qui ont à payer la
note. Tout ceci n'empêche pas la lutte normale pour chacune des
juridictions de voir à ce que les droits respectifs de chacune des
juridictions soient respectés dans le système.
Pour ce qui est de votre proposition de projet de constitution, je pense
qu'on aurait à en discuter assez longtemps, mais je me contenterai de
référer cette suggestion au comité de stratégie qui
pense être intéressé en conséquence, ceci
étant dit sans malice.
M. Marx: Cela a déjà été
proposé par quelqu'un de votre parti.
M. Bédard: Oui, même par des gens. M. Marx:
Cela n'a pas été bien reçu.
Le Président (M. Gagnon): à l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: C'est très important pour un peuple
d'avoir une constitution; personne n'en doute ici.
Je me limiterai à deux ou trois questions sur des propositions de
modifications nouvelles et dans un domaine dans lequel vous êtes
très familier. Je pense, entre autres, à la modification que vous
voudriez voir apporter à l'article 16. Cela se retrouve à la page
13 de votre mémoire. Vous recommandez d'ajouter la précision
suivante à l'article 16, à savoir qu'aucun employeur ne peut
établir des procédés de fabrication, des modes ou
méthodes de travail ou des exigences non nécessaires qui ont pour
conséquence de priver ou d'empêcher une personne ou un groupe
d'avoir accès à ces tâches ou fonctions. Accepteriez-vous
de nous faire part de quelques exemples bien précis pour permettre aux
membres de la commission de pouvoir évaluer à sa juste mesure
l'essentiel de votre représentation?
M. Rodrigue (Norbert): Je comprends que vous vous faites des
réserves, vous posez une question à la fois.
M. Bédard: Une à la fois.
M. Rodrigue (Norbert): Très bien.
M. Bédard: Pour ce qui est des droits inaliénables,
on en parlera tout à l'heure.
M. Rodrigue (Norbert): D'accord. En ce qui concerne cette
question, c'est-Ã -dire l'amendement que nous proposons Ã
l'article 16, je voudrais seulement, avant de...
M. Bédard: Si vous permettez, quand vous nous demandez
d'enlever les critères concernant l'évaluation au mérite
et la quantité de production...
M. Rodrigue (Norbert): C'est cela. Sur cette question, dans les
exemples précis, je pense aux handicapés, aux questions de force
physique dans les emplois en ce qui concerne les programmes des employeurs en
termes de changements technologiques ou autres. On peut vous donner un certain
nombre d'exemples concrets qu'on vit effectivement sur le terrain pour vous
donner une idée de ce que nous soutenons et, à cet effet, je vais
demander à Monique Simard de vous citer quelques exemples sur cet aspect
de la question que vous posez. (17 h 30)
Mme Simard (Monique): Par exemple, dans l'industrie
manufacturière, il y a un certain nombre de bases Ã
l'organisation du travail qui font en sorte qu'il y a un certain nombre
d'emplois, beaucoup d'emplois, qui sont les portes d'entrée Ã
l'usine, comme on peut dire cela communément, qui sont effectivement,
dans la pratique, inaccessibles à des gens ou à des personnes qui
ne sont pas, comme on dit dans le langage courant dans le monde du travail, 6
pieds, 200 livres,
et ne sont pas costauds et jeunes, qui ont pour effet de discriminer les
femmes presque majoritairement, des handicapés, des personnes
âgées, des hommes, par exemple, qui n'arrivent pas Ã
répondre aux quotas de production exigés par les employeurs. On
fait le lien avec, entre autres, la possibilité pour les employeurs
d'établir le salaire au rendement. Finalement, plus on produit, plus le
salaire est déterminé par ça.
Or, dans les faits, et cet article-là vise
particulièrement l'industrie manufacturière, il y a beaucoup de
catégories de travailleuses et de travailleurs qui n'ont pas
accès pratiquement à ces emplois, même si, formellement et
en principe, on leur en reconnaît le droit.
Donc, on pense qu'il ne s'agit pas juste d'interdire la discrimination
au niveau de l'embauche, au niveau de la promotion, au niveau des
périodes de probation, mais que l'organisation même du travail et
de la production peut être discriminatoire dans les résultats.
C'est pourquoi on propose l'ajout à ce paragraphe de cet article.
M. Rodrigue (Norbert): J'ajouterais, si vous me permettez, qu'on
a vu des expériences où - je sais bien qu'on paraît
méchant tout le temps, à la CSN, quand on critique le patronat,
etc. - ...
M. Bédard: Vous ne me paraissez pas méchant. Je
pense que vous avez fait des représentations très correctes, mais
je voudrais...
M. Rodrigue (Norbert): Non, je veux donner un exemple...
M. Bédard: Oui.
M. Rodrigue (Norbert): On a vu des situations où, quand
l'employeur a constaté qu'il était rentable d'organiser son
entreprise de façon à permettre, par exemple, l'accès aux
handicapés... On le sait, on organise des groupes de travailleurs qui
sont pris avec des problèmes concrets, notamment des handicapés;
on a fait des campagnes de syndicalisation parce que les handicapés
voulaient s'organiser en syndicat, etc. C'est drôle, mais les employeurs
ont adapté leur mécanique, leur production, ils ont
automatisé leurs entreprises en fonction justement d'une
rentabilité, mais tout en permettant l'utilisation de
handicapés.
C'est pour cela qu'on dit que c'est possible, dans la mesure où
on regarde effectivement et concrètement l'organisation du travail. On
pense que c'est un défi pour la décennie, la question de
l'organisation du travail, pas seulement en termes de discrimination, mais sur
un ensemble de questions.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Concernant les programmes de redressement, vous
demandez que de tels programmes soient mis sur pied lorsqu'il y a preuve de
discrimination. Pouvez-vous me dire, selon vous, qui doit déterminer
s'il y a discrimination?
Mme Lee: Pour parler juste des groupes à qui est
imposé un programme à cause de discrimination, ce seraient les
tribunaux ou la commission. Même le syndicat peut faire appel à la
commission pour dire: On trouve qu'il y a discrimination, voulez-vous trancher
la question?
M. Rodrigue (Norbert): C'est pourquoi on demande effectivement la
possibilité pour des groupes de faire une plainte à la
commission, de manière que la commission puisse enquêter,
constater et ensuite arriver avec les correctifs, que ce soit un programme
obligatoire, par exemple, d'accès à l'égalité.
M. Bédard: Est-ce qu'il peut être concevable que de
tels programmes soient arrêtés par l'Assemblée nationale
après consultation avec la commission, après auditions
également au niveau du public, pour que chaque partie concernée
puisse donner son appréciation pour ensuite déboucher sur une
acceptation au niveau soit d'une commission parlementaire ou de
l'Assemblée nationale, de manière à discuter de ces
programmes-là sous tous leurs aspects?
M. Rodrigue (Norbert): Voyez-vous, nous, on traite des fardeaux
de tâche quotidiennement et on trouve que vous avez une tâche
relativement importante comme législateurs, parlementaires, etc. On
pense qu'il reviendrait aux parties de négocier les programmes. On pense
qu'il n'y a pas de programme qui soit susceptible de tenir ou d'avoir une
action positive si les parties ne sont pas impliquées.
Dans la perspective de l'obligation d'un programme de redressement,
comme vous l'avez appelé, on pense que le syndicat et le patron doivent
négocier le contenu. Dans cette perspective-là . Il nous semble
qu'autrement, ce serait un peu illusoire de forcer deux parties qui sont
appelées à vivre quotidiennement ensemble à s'inscrire
dans un programme de redressement. Il se peut qu'il se pose des
problèmes et que les parties ne s'entendent pas. C'est pourquoi
d'ailleurs on dit par la suite, et là on n'a pas examiné toutes
les conséquences, mais une des raisons pour lesquelles on propose qu'il
y ait un tribunal spécifique sur ces questions, c'est, qu'il puisse
éventuellement entendre les parties sur leurs représentations
quant au contenu du programme et rendre une décision et aider les
parties. La commission peut jouer un rôle de médiation, et le
reste. Nous autres, on pense que cela doit être
négocié.
M. Bédard: Vous parlez justement de négociation
entre l'employeur et le syndicat. Par contre, Ã la page 4 de votre
mémoire, vous demandez, si j'ai bien lu, une sorte de droit de veto pour
le syndicat. Est-ce que vous ne trouvez pas que cela peut être un peu
contradictoire?
M. Rodrigue (Norbert): On va vous dire cela.
Mme Simard: D'une part, on insiste sur la notion que les
programmes soient obligatoires, c'est-Ã -dire que la commission indique
à telle et telle entreprise: Vous devez avoir un programme. C'est une
chose. La commission doit nous indiquer, par exemple, que, dans telle
région, la main-d'oeuvre féminine correspond à tant pour
cent. Vous devez donc dans un temps donné embaucher par exemple tant de
femmes. La façon, c'est-à -dire le contenu, la façon par
laquelle ça va se faire et comment cela va se faire, c'est aux parties
à le négocier, à tenter de le négocier tout au
moins. Mais comme tout le monde sait qu'on ne s'entend pas
nécessairement tout le temps, les syndicats et les patrons...
M. Rodrigue (Norbert): Souvent.
Mme Simard: Mais souvent, vous verrez qu'on prévoit non
seulement le cas du syndicat, car s'il n'y a pas de syndicat, il faut se
rappeler qu'il y a 65% des travailleurs et travailleuses au Québec qui
ne sont pas syndiqués, c'est probablement chez ceux-là qu'il y a
le plus de discrimination exercée vis-à -vis des groupes
minoritaires. On dit qu'il doit y avoir un comité de travailleuses et de
travailleurs nommé et composé par eux-mêmes, qui peut
s'opposer aux façons dont l'employeur veut le faire et s'adresser
à la commission pour faire appliquer réellement leurs
propositions. C'est un lien comme on vient de vous le dire avec l'instauration
d'un tribunal facilement accessible pour trancher ces problèmes. Je fais
ici un petit aparté, un employeur peut être forcé d'avoir
un programme et, par le fait même, peut faire un certain nombre de
propositions pour implanter son programme, qui balance en l'air tous les acquis
que les travailleuses et les travailleurs ont gagnés depuis dix ans ou
quinze ans. Je fais juste référence, par exemple, à la
notion d'ancienneté générale. Cela veut dire: Très
bien, il n'y a plus d'ancienneté.
Il faut faire très attention à la façon...
M. Bédard: Ne pas niveler l'égalité par le
bas.
Mme Simard: Vous avez une très bonne expression, ne pas
niveler par le bas. C'est ça. C'est pourquoi on demande ce droit de
regard, ce droit spécifique au sein du syndicat ou du comité de
travailleuses et de travailleurs.
M. Bédard: Une dernière question pour permettre
à mes collègues d'y aller aussi de leurs interrogations. Ã
juste titre, M. Rodrigue, vous avez dit qu'on peut écrire ensemble la
plus belle des chartes de l'univers avec tous les droits possibles et
impossibles qui y sont contenus, avec toute une série de droits
inaliénables tels que le droit à la santé, le droit au
travail, le droit à l'éducation, le droit aux services de
santé pour les citoyens, mais vous nous demandez également d'y
inscrire le droit inaliénable qu'est le droit de grève. Ne pensez
pas là que je veux vous poser une colle dans l'expression populaire,
mais j'aimerais que vous explicitiez votre manière de voir la
conciliation de tous ces droits inaliénables que tout le monde voudrait
voir respectés avec le droit également que vous demandez, le
droit de grève, qui a, nécessairement, on le sait, par la force
des choses, des incidences sur les autres droits. Pourriez-vous peut-être
expliciter davantage votre pensée?
M. Rodrigue (Norbert): Pour illustrer mon sujet par un petit
exemple, on constate qu'on n'a pas de bloc pour prendre des notes alors qu'on
est en période de restrictions budgétaires.
M. Bédard: Nous non plus.
M. Rodrigue (Norbert): Ce que je voudrais dire, c'est que nous
pensons que ce n'est pas inconciliable, l'ensemble de ces droits, comme on
pense que les droits collectifs et les droits individuels peuvent s'harmoniser
quand, collectivement, on met les moyens en place pour ce faire. En
conséquence, quand on parle, par exemple -je sais bien que vous ne
voulez pas me poser une colle - du droit de grève et des services
essentiels, vous savez très bien - et j'ai essayé de l'exprimer
à une commission parlementaire antérieure - que nous avons, les
syndicats, tout à gagner dans cette question et la question de
l'ensemble des droits fondamentaux en prenant l'ensemble de nos
responsabilités. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des accrochages
au passage ou en cours de route, mais sur la question, par exemple, des
services essentiels versus le droit à la santé pour une
société, nous soutenons que nous sommes en mesure de prendre
cette responsabilité et nous la revendiquons dans le cas où les
parties ne
s'entendent pas au niveau local, les parties qui vivent avec la
réalité de tous les jours.
En conséquence, nous pensons que sur les autres droits,
l'éducation, la santé, les discriminations, etc., il ne suffit
pas, effectivement, d'adopter une charte qui contient l'ensemble des droits,
mais il faut se donner les moyens collectivement de la faire appliquer. C'est
pourquoi nous disons qu'il faut plus de moyens à la commission, plus de
moyens d'intervention d'une part et un moyen spécifique comme le
tribunal administratif pour intervenir, faire sa propre expertise et,
finalement, chercher à ce que la société
québécoise puisse bénéficier, en quelque sorte,
plus réellement d'une application concrète des droits qu'on lui
reconnaît.
Dans ce sens, on partage des responsabilités sur le plan social,
sur le plan de la société, mais ce que nous disons, c'est qu'on
n'est pas d'égale force dans la société. Quand on traite
des droits fondamentaux avec le patronat, je vous dirais que nous estimons ne
rien avoir. On ne possède rien. On ne possède pas les usines. On
ne possède pas la machinerie. On ne possède pas le capital. On ne
possède pas la connaissance des investissements. On ne possède
rien, sauf notre force de travail.
Dans les circonstances actuelles, nous pensons que les programmes
doivent être négociés; qu'il y a une commission pour
enquêter, constater la discrimination et, finalement, un tribunal qui
peut agir pour appliquer les droits fondamentaux. Dans la conciliation des
droits, nous sommes persuadés qu'il nous faut être optimistes,
quoi. Une société doit être capable d'assumer cela. C'est
pourquoi nous relevons dans notre mémoire aussi le droit des
autochtones, parce que nous pensons qu'une société qui n'est pas
capable d'assumer collectivement la reconnaissance d'un certain nombre de
droits fondamentaux pour l'ensemble de ses occupants et pour ses premiers
occupants, notamment, va avoir des problèmes Ã
s'autodéterminer.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Bédard: On pourrait continuer la discussion. Je laisse
la place à mon collègue.
M. Marx: C'est tellement riche, le mémoire, qu'on peut
discuter de cela jusqu'Ã la semaine prochaine, mais, comme on en a
d'autres qui vont venir, j'aimerais vous remercier pour votre exposé. Il
y a des éléments tout à fait nouveaux, des
éléments très intéressants qu'on trouve dans votre
mémoire. Je vais en soulever deux. Premièrement, vous avez
parlé de l'autodétermination des autochtones. Je ne suis pas
sûr de ce que cela veut dire.
Voulez-vous dire que les autochtones au Québec peuvent
décider de faire la souveraineté et d'établir leur propre
Ãtat dans le Nord québécois? C'est cela?
M. Rodrigue (Norbert): Ce que nous voulons dire, d'abord, c'est
que, quel que soit le gouvernement au pouvoir, qu'on se replace en 1970, en
1972 ou en 1981, on pense que les autochtones ont des droits, on pense que les
gouvernements doivent reconnaître ces droits, que la
société entière doit les reconnaître et on pense
surtout que c'est à eux de dire au reste de la société
quelles sont leurs conditions et quels sont les droits fondamentaux qu'ils
considèrent qu'on doit leur reconnaître comme
société. Par conséquent...
M. Marx: Je comprends cela, mais...
(17 h 45)
M. Rodrigue (Norbert): Si vous me le permettez. Par
conséquent, on ne peut pas traiter de l'autodétermination des
autochtones et se substituer à eux pour vous dire ici, aujourd'hui: Les
autochtones, on devrait leur accorder les trois quarts du Québec, ou la
totalité du Québec, et ils nous diront, ensuite, ce qu'on va
faire comme société. Ce n'est pas ce qu'on soutient.
On soutient, cependant - si ma mémoire est bonne et si mes
informations sont exactes - au moins, dans le processus de la reconnaissance
des droits, dans le processus de la négociation de cette reconnaissance
- puisqu'il faut parler ainsi dans notre société - que le
gouvernement et la Charte des droits et libertés de la personne - une
raison de plus - doivent reconnaître ces droits. Je pense Ã
l'éducation, je pense à la santé, je pense à un
certain nombre de choses où les autochtones sont bien capables de
s'autodéterminer, et la question des territoires - on peut en parler
longtemps, parce qu'il reste des coins à explorer - et le
problème constitutionnel, et encore toutes les autres questions.
Dans ce sens, M. le député de D'Arcy McGee, je pense qu'en
ce qui nous concerne, c'est la reconnaissance réelle, fondamentale, des
droits, d'une part, et, ensuite, que les autochtones nous disent ce qu'ils
considèrent, eux, qu'on doit reconnaître comme droits
fondamentaux.
M. Marx: J'ai été bien naïf, je croyais avoir
posé une question simple. Vous avez parlé de
l'autodétermination des autochtones, j'ai compris cela dans le sens
normal des mots, et j'ai compris que dans l'hypothèse où ils nous
diraient: On aimerait faire la souveraineté-association dans le Nord
québécois, on va faire un référendum, comme il se
trouve, dans le Nord québécois, seulement des autochtones, ils
gagneraient, le
oui gagnerait, et ils décideraient de créer un Ãtat
dans le Nord québécois. Seriez-vous d'accord avec cela, oui ou
non?
M. Rodrigue (Norbert): Votre question simple, vous saviez
très bien ce qu'elle contenait.
M. Marx: Oui, mais votre affirmation est peut-être trop
simple, aussi, dans votre mémoire.
M. Rodrigue (Norbert): Notre affirmation n'est pas simple du
tout, on parle de la reconnaissance de l'autodétermination. Si le peuple
québécois est capable de dire, à travers son gouvernement,
à Ottawa ce qu'il désire, on pense que les autochtones sont
capables de dire au gouvernement québécois, à travers
leurs représentants, ce qu'ils désirent.
M. Marx: Les Dénés parlent d'une nation
dénée, et ça peut aller jusqu'à la
souveraineté. C'était ça, ma question.
M. Rodrigue (Norbert): On n'exclut pas ça. Si c'est ce que
vous voulez savoir, on n'exclut pas ça.
M. Marx: D'accord. Voilà .
M. Rodrigue (Norbert): Ã moins que quelqu'un propose
l'extermination des autochtones.
M. Marx: Prenez-en note, M. le ministre, on est en train de
perdre la Baie-James.
En ce qui concerne la citoyenneté, je pense que vous avez
soulevé un point très intéressant, qui n'est pas vraiment
couvert par la charte. Il y a beaucoup de lois québécoises
où on fait de la discrimination à cause de la citoyenneté
des gens. Par exemple, pour être avocat, il faut être citoyen; pour
être ingénieur, il faut être citoyen et ainsi de suite, il y
a toute une foule de lois. La jurisprudence - pas celle de Québec, mais
ça revient au même - de la Colombie britannique a statué
qu'une telle discrimination est valide. Je pense que M. le ministre doit
prendre note de cette recommandation de la CSN pour qu'on ajoute cela Ã
l'article 10, mais d'une façon rétroactive, sinon, ça ne
veut rien dire. La charte n'a pas préséance sur les lois
adoptées avant son adoption.
M. Rodrigue (Norbert): Si vous me permettez un commentaire sur
cette question, c'est vrai pour les professions libérales, mais c'est
vrai aussi pour d'autres professions. Je pense aux infirmières, je pense
à d'autres catégories de travailleurs et de travailleuses. J'ai
travaillé pendant dix ans avec des médecins, des chirurgiens
renommés dans leur pays comme étant de très grands
spécialistes en neurochirurgie, par exemple, en radiologie ou autres,
qui ont été obligés de reprendre un stage de trois ou
quatre ans, à l'époque, je ne me souviens pas, de refaire tout le
cheminement de la spécialisation avant de pouvoir exercer leur
profession au Québec. Je ne propose pas de modalité, mais je dis
que la référence à la nationalité est plus
susceptible de corriger les effets de la discrimination que d'autres types de
référence.
M. Marx: Même si la citoyenneté est de
compétence fédérale, on peut l'inclure dans notre
charte.
M. Bédard: C'est une invitation Ã
l'inconstitutionnalité?
M. Marx: Non, non, pas du tout.
M. Bédard: On peut mettre bien des choses.
M. Marx: Non, ici on travaille dans la constitutionnalité,
non pas comme au fédéral.
En ce qui concerne les programmes de redressement, il faut admettre que
nous sommes tous coupables de la discrimination systématique Ã
cause du sexe; les compagnies sont coupables, c'est évident, parce
qu'elles ont eu du "cheap labor" pendant un bon bout de temps et
peut-être encore; les syndiqués sont coupables aussi, parce que
les hommes syndiqués en ont profité, ou au moins, ils ne se sont
pas plaints de cette discrimination; les syndicats n'ont pas fait une lutte
pour l'égalité entre hommes et femmes dans les années
quarante, cinquante, soixante, et plus tard; je ne les blâme pas.
Une voix: Où est la logique?
M. Marx: Non, je ne les plains pas parce que nous sommes tous
coupables de cette discrimination vis-Ã -vis des femmes. Maintenant les
moeurs ont changé, ce n'est pas une mode, c'est plutôt un droit
fondamental d'avoir l'égalité entre hommes et femmes.
Voici le problème, maintenant. Qui va payer pour la
discrimination qu'on a pratiquée pendant des années et qui va en
porter le fardeau? En ce qui concerne l'égalité envers les femmes
au gouvernement, il n'y a aucun problème, parce que nous avons un
gouvernement assez riche, nous avons un ministre des Finances qui peut faire
des trucs magiques, il va trouver l'argent. Mais, dans le secteur privé,
qu'est-ce qu'on y fait? Je reprends une de vos phrases: "Qu'est-ce qu'on fait
dans la réalité quotidienne?"
L'autre jour, nous avons discuté, ici, Ã
cette commission, d'un cas hypothétique que je vais
décrire une autre fois. Supposons qu'on a une usine et, dans cette
usine, on a toujours classifié les femmes pour des postes A et les
hommes pour des postes B, il va sans dire que les hommes gagnaient plus que les
femmes, c'était traditionnel dans cette usine, quoique les hommes et les
femmes faisaient le même travail, mais, à cause de la
classification - vous connaissez bien ça -on a fait de la discrimination
contre les femmes. Le syndicat dans cette usine ne s'y est jamais
opposé, c'était la coutume depuis des années. Arrive 1982
- supposons que le ministre a fait adopter les amendements à la charte -
on instaure dans cette usine un programme d'action positive. Qui va payer pour
mettre en oeuvre ce programme d'action positive? Le patron possiblement va
dire: Moi, j'ai une masse salariale de 1 000 000 $ cette année, je suis
prêt à dépenser 1 000 000 $, soit pour des augmentations de
salaire, soit pour le redressement des salaires des femmes, etc. Est-ce que
j'exagère en parlant ainsi, ou si vous avez déjà fait face
à de telles situations? Finalement, parmi les hommes, les femmes et le
patron de l'usine, qui va porter le fardeau de ce programme?
M. Rodrigue (Norbert): On va se parler franchement.
Premièrement, je pense que le principe du travail à valeur
égale, salaire égal existe déjà .
Deuxièmement, on l'a dit -je l'ai affirmé tout à l'heure -
on n'a pas l'intention de se défiler par rapport au fait qu'on a pu,
dans le passé, être responsables, soit par tolérance ou
autrement, de certaines situations.
Troisièmement, celui qui a bénéficié de
cette discrimination, c'est l'employeur, c'est celui qui produit. Parce que
généralement, même le salaire des hommes, s'il était
supérieur à celui des femmes pour des fonctions identiques, vous
ne prétendrez pas, je suppose, qu'il était à sa pleine
valeur celui-là aussi. En conséquence, on pense que c'est le
patron qui doit absorber le coût.
Finalement, pour être plus clair j'exprime une opinion de la
centrale et je vais ajouter ma note personnelle - quand on se retrouve comme
travailleur organisé dans une situation où il nous faut
négocier une convention collective et dans une situation où il
nous faut même recourir à la grève pendant un mois, deux
mois, trois mois, six mois et un an, vis-Ã -vis d'un employeur, pour
faire en sorte d'atteindre un certain nombre d'objectifs, y compris parfois
celui du travail égal salaire égal, je vous avoue que je trouve
cela un peu fort quand on veut parler du partage de la responsabilité et
des coûts. Cela nous est arrivé dans la réalité. Je
ne porterai pas de jugement sur les jugements qui ont été rendus.
Ce que je veux dire, c'est que je trouve qu'il y a là une
inégalité certaine. Ceux qui sont obligés de s'imposer le
sacrifice du rapport de forces, ce sont les travailleurs et les
travailleuses.
En réponse à votre question, je dirais que ce sont les
employeurs qui doivent absorber les coûts. D'ailleurs, c'est vrai aussi
à d'autres chapitres. Je pense, par exemple, à la santé et
à la sécurité dans les usines. Même si on n'est pas
satisfait de la loi no 17, on a crié contre et on y trouve des
défauts, il y a un coût, dans la loi no 17, qui est absorbé
par l'employeur. On fait un peu le parallèle quant à nous et on
dit que c'est à lui d'absorber les coûts. Si vous dites que M.
Parizeau va trouver les finances, j'ai cru comprendre, dans vos arguments
politiques, un argument réel cependant qui disait: Le gouvernement va
absorber les coûts...
M. Marx: Non, jamais.
M. Rodrigue (Norbert): Non? Ah bon!
M. Marx: Le gouvernement va les absorber en ce qui concerne les
programmes de redressement au gouvernement. Mais je n'ai pas entendu d'autres
réponses de vous. Je comprends que votre position, c'est que c'est
l'employeur qui va payer les coûts. Disons que cela arrive dans la
réalité quotidienne. Pour vous citer un autre exemple, dans une
année donnée, l'employeur a seulement 1 000 000 $ Ã
distribuer. S'il doit distribuer cet argent pour les redressements et pour les
augmentations normales, quelqu'un va avoir moins quelque part. Je pense que
cela est évident. J'aimerais savoir comment vous allez faire face
à ces problèmes.
M. Rodrigue (Norbert): Regardez!
M. Marx: Je ne suis pas contre le fait que cela soit
absorbé par l'employeur, pas du tout.
M. Rodrigue (Norbert): Les millions de dollars
réalisés par les employeurs à cause de discrimination ou
les milliers de dollars réalisés à cause de
discrimination, il ne faudrait quand même pas croire qu'ils ont
été épargnés du côté des femmes pour
être versés aux hommes. Ils ont été versés
dans la caisse des profits.
M. Marx: C'était distribué aux actionnaires il y a
20 ans. Cela est fini maintenant.
M. Rodrigue (Norbert): Peut-être, en profits, etc. Dans ce
sens-là , suivant l'exemple que vous me donnez, sur le plan pratique, si
l'employeur a une masse de 1 000 000 $ Ã distribuer, on fait face
à cela tous les jours, pas seulement pour les
cas de discrimination. Quand on négocie un contrat de travail et
que l'employeur nous dit: Ma marge de manoeuvre, c'est celle-là ,
même si on négocie la convention la plus parfaite au plan de
l'exclusion des discriminations, on va faire face à l'argument que vous
me présentez. En ce qui concerne l'employeur, il va nous dire: J'ai une
masse X Ã accorder au plan des salaires; comment la distribue-t-on? Dans
cette perspective, les jugements qui seront rendus, les constats de
discrimination ou encore les négociations sur les cas discriminatoires,
je continue de croire sincèrement que ce devra être l'employeur
qui devra les absorber.
M. Marx: Donc, vous êtes...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse. C'est
simplement...
M. Marx: Ce n'est pas une question. C'est seulement une
observation. Si je comprends bien, vous êtes d'accord qu'on -comment
puis-je le dire? - mette en oeuvre des programmes de redressement partout, le
plus vite possible, etc.
M. Rodrigue (Norbert): Oui, c'est cela. M. Marx: Vous
êtes d'accord avec cela.
M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr. On pense que la
démonstration n'a plus besoin d'annexes. On pourrait y coller quatre ou
cinq annexes spécifiques de plus, mais on pense que la description de la
situation réelle est suffisante pour motiver le fait qu'il doit y avoir
des programmes de redressement partout. (18 heures)
M. Marx: Partout, tout de suite.
M. Rodrigue (Norbert): Il y a évidemment des secteurs dont
on pourrait dire qu'ils sont prioritaires. Le vêtement, par exemple,
à cause de la discrimination de toute sorte faite vis-à -vis des
femmes. On n'établira pas de priorités ici, mais
indépendamment...
M. Marx: Dans le vêtement on n'est pas concurrentiel
maintenant. Si on applique le programme de redressement, on sera moins
concurrentiel, on va avoir des problèmes de fermeture d'usines...
M. Rodrigue (Norbert): Vous savez, les arguments...
Le Président (M. Gagnon): Juste avant votre
réponse...
M. Rodrigue (Norbert): ... de concurrence, on ne croit pas
à ça, nous autres.
Le Président (M. Gagnon): ... M.
Rodrigue, je voudrais que les membres de la commission s'entendent
à savoir si on continue - parce qu'à cette heure-ci je dois
suspendre les travaux - pour entendre les autres mémoires ou si
on...
M. Bédard: M. le Président, je voudrais proposer,
si mes collègues sont d'accord, que nous continuions nos travaux
jusqu'à épuisement des auditions.
Le Président (M. Gagnon): Si vous aviez
ajouté...
M. Bédard: à moins que ça complique
énormément les choses pour les groupes qui ont demandé
à être entendus, parce que je pense que ça nous permettrait
de terminer vers 20 heures l'audition de l'ensemble des groupes.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. Rodrigue, je
vous ai peut-être coupé la parole, je vous la redonne
immédiatement.
M. Rodrigue (Norbert): Finalement, je voulais juste signaler, par
exemple, sans rappeler l'ensemble, qu'au niveau des avantages sociaux, on a
insisté dans le mémoire, et je ne crois pas nécessaire de
faire beaucoup plus, sur le déplafonnement de l'âge de la
retraite. On va, demain matin ou demain après-midi, comparaître
devant l'autre commission parlementaire sur la retraite, où on va
affirmer que nous sommes d'accord sur le principe du déplafonnement,
mais pas à n'importe quelles conditions. Avec des conditions,
cependant.
Il faudrait donc tenir pour acquis que sur les avantages sociaux,
indépendamment de l'âge, nous sommes contre les formes de
discrimination qui sont dans les programmes.
Je ne vous ai pas parlé de la nationalisation des
épargnes, je suppose que c'est une autre commission qui va entendre cela
un peu plus tard, parce que les avantages sociaux, comme les fonds de retraite
et les assurances, c'est une préoccupation pour nous.
M. Bédard: II y aura une autre commission pour
l'âge, aussi...
M. Rodrigue (Norbert): Vous me le direz d'avance, je vais y
être.
M. Bédard: Mais tout à l'heure, M. le
Président, vous étiez en train...
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, la...
M. Bédard: ... - non, c'est dans la même veine - de
nous parler des secteurs prioritaires. Je comprends que l'idéal
c'est
de voir des programmes partout - à partir du moment où
c'est accepté - où il y a de la discrimination. Il ne faut quand
même pas rêver en couleur, ça ne se fait pas du jour au
lendemain, à partir du moment où on établit quand
même des mécanismes dont on a déjà parlé...
Si on parle de secteurs prioritaires, vous nous avez indiqué le
vêtement. Je comprends que vous avez fait une réflexion
là -dessus, est-ce que vous auriez d'autres éléments en
termes de priorités, d'autres secteurs?
M. Rodrigue (Norbert): Je ne voudrais pas me mettre Ã
faire une liste de priorités. Si je trouve que c'est important partout?
On trouve ça...
M. Bédard: Oui, oui, je comprends.
M. Rodrigue (Norbert): ... sauf qu'on dit que dans certains
secteurs, je pense au commerce, par exemple, les femmes dans les
pêcheries en Gaspésie, sur le plan de l'embauche, sur le plan de
l'organisation du travail, allez voir ce que ça donne. Elles
n'accrochent pas pour rien leur contremaître au poteau de temps en temps
pour lui dire: C'est assez. Il y a des manoeuvres extraordinaires
là -dedans.
Dans le vêtement... Aussi... Monique me signale qu'il y a des
secteurs où les femmes sont absentes d'une façon totale. Il faut,
sur ce plan-là , voir comment on peut empêcher ou corriger la
discrimination dès le départ, dès l'embauche, etc. Alors,
il faut ouvrir des perspectives et notre contribution à cette commission
parlementaire se fait dans cet esprit-là . Ouvrir des perspectives
nouvelles pour faire en sorte de corriger la situation. Monique.
Le Président (M. Gagnon): Mme Simard.
Mme Simard: C'est-Ã -dire que tous les secteurs nous
semblent prioritaires. Les problèmes sont différents. Dans
certains secteurs, c'est l'absence totale de femmes, je prends la
métallurgie, par exemple, le papier, la forêt... Dans d'autres
secteurs, le secteur des services privés, par exemple, ce n'est pas
nécessairement un problème à l'embauche, c'est un
problème de "ghettoïsation" à l'intérieur de ces
secteurs, des emplois dévalorisés où les salaires et les
conditions sont très mauvais.
Donc, dans l'esprit où on dit: II y a des programmes et le
contenu doit être déterminé par les travailleuses et les
travailleurs, c'est qu'ils connaissent ces secteurs-là et voient
véritablement les obstacles réels dans leur propre secteur, dans
leur entreprise.
Donc, selon le secteur, il y aura des moyens différents et des
problèmes différents.
Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre, juste avant de
vous céder la parole, pour permettre peut-être à des gens
qui attendent ici d'aller souper en attendant, je dois donner l'ordre des
groupements que nous allons entendre.
Après la CSN, ce sera l'Université de Montréal, le
Réseau d'action et d'information pour les femmes, le Regroupement des
aveugles et l'Association de paralysie cérébrale du
Québec. Je présume que les deux derniers, au moins, auraient
sûrement le temps d'aller manger en attendant et auront le temps de
revenir aussi. Est-ce qu'on s'est entendu?
M. Bédard: M. le Président, s'il arrive quelque
chose d'inattendu, j'avais un engagement de programmé, j'ai
demandé qu'on le retarde, je vais avoir ma réponse dans quelques
minutes.
Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre d'Ãtat
à la Condition féminine.
Mme Marois: On a parlé - mes questions vont reprendre un
petit peu certains éléments que le député de D'Arcy
McGee présentait - de masse salariale ou de masse d'argent devant
revenir ou pas dans le cas où il y avait eu constat par exemple
d'inégalité de salaire ou de fonction, d'emploi de même
valeur ou l'équivalent. Imaginons qu'on se pose la question, Ã
partir du moment où on fait le constat que cela n'existe pas. La charte
ayant été appliquée jusque dans sa lettre et dans son
esprit, cela n'existe pas. Il n'y a pas de distinction, donc, travail
d'égale valeur, etc. Là , on tombe à une autre question que
Mme Simard soulevait tout à l'heure, l'absence complète dans
certains secteurs de femmes. Je pense surtout aux femmes ici, mais on pourrait
parler aussi des autres groupes qui ont été mentionnés.
Dans cette perspective, on va parler de nombre, de proportion de travailleuses
sur un certain nombre de temps pouvant être intégrées. Vous
y allez très clairement, à partir des objectifs, des
échéanciers, etc.
à ce moment, la question qui me vient à l'esprit, il y en
a de différents ordres, je vais toutes les aligner, on vous a
passé du papier, vous allez pouvoir les prendre en note, est-ce qu'il
n'y a pas un risque de conflit d'intérêts dans la mesure où
les marchés du travail que veulent conquérir les femmes sont
majoritairement occupés par des hommes et dans les cas qui vous
concernent par vos propres syndiqués? Vous existez évidemment
pour défendre les intérêts de vos syndiqués, c'est
très normal, je pense qu'on ne vous le reproche pas, loin de là .
Or, les programmes d'action positive ou d'accès Ã
l'égalité, toujours dans le sens que je viens de souligner,
représentent l'intérêt d'une
seule partie des membres que vous représentez. Ces programmes
risquent souvent donc d'être perçus comme allant Ã
l'encontre des intérêts de la majorité. Considérant
tous les enjeux internes que vous vivez, et qu'on sait que vous vivez puisque
vous les vivez aussi comme nous sur la place publique, qu'est-ce qui va
garantir aux femmes que les syndicats vont défendre et peuvent
défendre leurs intérêts dans l'élaboration et la
mise en oeuvre de ces plans d'accès Ã
l'égalité?
Il y a une autre chose, et je pense entre autres à un groupe qui
est venu ici, qui s'appelle Action travail des femmes, et qui a
démontré de façon très convaincante, je pense, que
la discrimination dans l'embauche était extrêmement dramatique et
donc que les programmes d'accès à l'égalité
étaient essentiels à ce niveau. Or, comme syndicat, vous
n'êtes pas présentes, si ce n'est par des règles souvent
très secondaires, dans les conventions à l'embauche? Quel serait
le rôle des syndicats à ce moment dans un plan d'action ou
d'accès à l'égalité qui voudrait aborder la
question de l'embauche. Je vais finir en me reportant à la page 8 de
votre mémoire où vous reprenez en synthèse vos
recommandations, et vous me dites si je me trompe ou pas, si je fais erreur ou
pas. Vous dites:
Nous recommandons que ces programmes soient obligatoires, et vous
définissez dans quel contexte, on y est venu tout à l'heure;
qu'ils soient sous la responsabilité de la Commission des droits de la
personne qui aura comme tâche, d'indiquer les entreprises, d'indiquer les
résultats, les bassins de main-d'oeuvre, etc. Par la suite, vous parlez
de programmes négociés par les syndicats et l'employeur et,
là où il n'y a pas de syndicat, par un comité d'action
positive nommé et composé par les travailleurs et les
travailleuses. Vous ajoutez en plus un droit de veto. Est-ce que c'est
contradictoire par rapport à ce que vous dites, d'une part, Ã
savoir que cela devrait être la commission qui impose les programmes
à la suite de l'évaluation d'une discrimination ou une
discrimination systémique qui a été fondée et vous
dites ensuite: Le droit de veto et la négociation Ã
l'intérieur de ça. Est-ce que c'est contradictoire ou logique. Si
c'est logique, vous allez m'expliquer pourquoi, parce que je ne comprends pas.
Cela va? Le dernier élément qui viendrait toucher cela porte sur
la notion de négociation. Est-ce que ce seraient des unités
syndicales qui viendraient négocier? Comment cela se ferait-il? J'ai de
la difficulté à saisir. Je comprends qu'on a besoin de
réfléchir encore là -dessus. On en est tous lÃ
aussi. Les centrales auraient-elles des services-supports pour les groupes de
syndiqués, hommes ou femmes, qui voudraient négocier de tels
programmes d'accès à l'égalité Ã
l'intérieur de leur entreprise? Cela en fait beaucoup, mais ce sont des
choses qui me préoccupent beaucoup.
Mme Lee: Je vais commencer et, quand je serai fatiguée,
les autres pourront continuer. Première question, qu'est-ce qui garantit
aux femmes que les syndicats vont les défendre? Je pense que la
meilleure garantie, c'est que notre position sur l'action positive a
été discutée au conseil confédéral et
adoptée. Les discussions ont eu lieu aussi dans les syndicats locaux.
Cela a commencé au mois de juin et cela va continuer naturellement dans
le mouvement, mais notre meilleure garantie, c'est de faire comprendre, comme
on le fait pour tout ce qui touche la femme, aux syndiqués que les qains
des femmes ne sont pas des pertes pour les hommes...
Mme Marois: Pour les hommes, oui.
Mme Lee: ... et que ce ne sont pas les hommes qui ont
profité de la discrimination faite aux femmes dans le passé. Je
pense que notre meilleure garantie, ce sont les débats qui se font dans
nos syndicats et le fait qu'ils ont voté toutes les propositions qu'on
vous présente ici aujourd'hui.
Deuxièmement, le rôle des syndicats à l'embauche.
Comme vous le constatez, on n'a pas un rôle à l'embauche qui est
un endroit idéal pour la discrimination, mais si l'employeur a un
certain échéancier et un certain quota, si on veut, ou un certain
objectif d'y arriver dans un certain nombre d'années, il va falloir
qu'il s'arrange pour mettre sur pied un mécanisme quelconque pour
atteindre cet objectif.
Mme Marois: Là , ce serait à la commission de
s'assurer que cela se fait à l'embauche et le syndicat n'a pas Ã
intervenir à ce moment-là . Est-ce que c'est ce que je dois
comprendre?
Mme Lee: Oui.
M. Bédard: M. le Président, je remercie encore une
fois...
Mme Lee: J'ai cinq questions. M. Bédard:
Excusez-moi.
Mme Lee: Troisièmement, il y avait quelque chose sur le
conflit... Vous voyez un conflit entre...
Mme Marois: Un conflit d'intérêts. Vous avez
essayé de me l'expliquer un peu en disant: II y a une volonté qui
s'est exprimée de la part des membres. Je suis d'accord. Moi aussi,
parfois, j'ai des volontés, mais là , un jour, demain matin, cela
arrive.
Je suis dans la situation et les représentations que je dois
faire pour permettre des programmes d'accès Ã
l'égalité vont finalement à l'encontre des gens qui sont
là qui sont la majorité, par exemple, des syndiqués hommes
dans des endroits où il n'y a aucune femme présente. Comment je
fais pour que cette volonté se manifeste en gestes concrets? C'est cela,
le problème et la notion de conflit d'intérêts Ã
l'intérieur de cela.
Mme Lee: Pourrais-tu répondre, Monique?
Mme Simard: Une apparence de conflit d'intérêts.
C'est très vrai que, par exemple, dans un premier coup d'oeil, cela peut
y ressembler. Par exemple, 200 hommes disent: On a déjà de la
misère à garder nos emplois et, si vous engagez 50 femmes, cela
fait 50 hommes de moins. Ce n'est qu'une apparence parce que ce n'est pas
vraiment cela. Je profite de l'occasion ici pour répéter qu'une
centrale syndicale, cela ne vient pas nécessairement d'en haut. Il y a
une position qui a été débattue, qui a été
adoptée et le débat se fait dans les 1500 unités de base
qui auront chacune à voir le problème spécifique.
Améliorer et reconnaître les droits Ã
l'égalité d'un groupe qui peut être minoritaire ne peut
jamais aller à l'encontre de l'intérêt majoritaire de ce
que représente un groupe de travailleuses et de travailleurs.
Par exemple, entre autres, sur l'organisation du travail, les
améliorations au niveau de l'organisation du travail qu'on pourrait
apporter dans un certain nombre d'entreprises vont permettre l'accès
à certains emplois à des groupes qui ont été
discriminés, mais vont aussi avoir pour effet d'améliorer les
conditions de travail de l'ensemble des travailleuses et des travailleurs dans
une usine. Par exemple, si on dit: Pour que des femmes, des plus
âgés, des moins costauds puissent travailler sur telle machine, il
faut mettre ce qu'on appelle un "chain block", on va l'installer et cela aura
pour effet que les hommes qui travaillent là aussi n'auront plus
à soulever, même s'ils l'acceptaient et même s'ils ont mal
au dos. On a aussi, dans ce sens, une responsabilité quant à la
façon dont on doit aborder le débat dans les syndicats locaux
d'arriver à déterminer avec eux des contenus qui collent
vraiment.
Mme Marois: ... leur intérêt à eux aussi.
Mme Simard: Je pense qu'il y a un intérêt collectif
parce que, comme on dit dans notre mémoire, comment peut-on être
libre si ceux qui nous entourent ne le sont pas?
Mme Marois: Droit de veto versus...
Mme Lee: La contradiction que vous voyez et que nous ne voyons
pas, c'est que les programmes doivent être obligatoires, mais c'est une
obligation d'arriver à une certaine égalité de
résultat. Mais on peut arriver à ce résultat de
différentes façons. C'est à l'intérieur de chaque
unité de travail que les travailleurs et les travailleuses savent
comment ça va se réaliser de la meilleure façon. Cela peut
être par l'embauche, ça peut être par la mise à pied,
ça peut être par un mouvement de personnel.
Mme Marois: Cela peut être à l'intérieur
d'une réorganisation technique, comme le soulignait Mme Simard.
Mme Lee: Oui. On voit qu'il peut y avoir matière Ã
négociation; ça peut être négocié de la
même façon que n'importe quelle clause avec l'employeur qui peut
être contenue dans une convention ou dans une annexe à la
convention ou un autre document. On ne voit pas de contradiction entre
l'obligation et la négociation.
Mme Marois: Ma dernière question, c'est: Allez-vous offrir
des services techniques aux groupes de syndiqués, que ce soient des
hommes, des femmes, des handicapés, des autochtones, pour permettre ces
négociations et l'implantation de ces programmes?
M. Rodrigue (Norbert): D'abord, je voudrais dire qu'on pense que
la commission elle-même doit jouer un certain rôle; on ne le
définira pas, mais elle doit jouer un certain rôle dans un genre
de support soit éducatif, prise de conscience, etc. Quant à nous,
c'est clair qu'il faut mettre des services à la disposition de nos
membres et d'autres groupes aussi. Je rappelle qu'Ã notre centrale - je
parlerai au nom de celle-là -déjà , nous avons un service,
limité, bien sûr, de la condition féminine. Ce service ne
fait pas que donner des conseils techniques dans la préparation des
mémoires, il fait de la formation, de la conscientisation, de la
négociation, il conseille l'ensemble de nos conseillers syndicaux sur le
contenu des conventions quant aux aspects discriminatoires qui peuvent y
être contenus, etc. Nous allons continuer à apporter ce support et
nous espérons pouvoir l'améliorer.
Mme Marois: Vous avez dit vous-même, par exemple, qu'il
pourrait être plus important.
M. Rodrigue (Norbert): Bien sûr. Mme Marois: Cela
va.
M. Rodrigue (Norbert): Je reconnais qu'il pourrait être
plus important, mais vous ne nous ferez pas avoir de complexe de
culpabilité, d'autre part...
Mme Marois: Je veux que vous en ayez un peu, juste un peu, pour
partager avec moi.
M. Rodrigue (Norbert): Oui, je comprends. Le partage, ça
dépend comme il se fait. Dans cette circonstance, on ne peut pas
demander à un groupe de travailleurs, aussi bien organisé
soit-il, de prendre en charge l'ensemble des responsabilités d'une
société quand on nous a construit, fabriqué, sur le plan
de la conscience, de cette manière. C'est une question de
développement de conscience, à notre point de vue, et dans ce
cadre on veut jouer le rôle le plus grand qu'on puisse jouer et apporter,
bien sûr, concrètement, des accords en termes de support.
M. Bédard: Le droit de veto, vous le maintenez lorsqu'il y
a négociation entre le syndicat, par exemple, et l'employeur, qu'il y a
clairement une discrimination qui a été constatée et qu'il
n'y a pas possibilité d'entente après négociation faite de
bonne foi. Est-ce que vous admettez la possibilité qu'un organisme, quel
qu'il soit, puisse imposer une solution?
M. Rodrigue (Norbert): On dit que le rapport de forces
étant ce qu'il est à l'intérieur d'une usine ou d'une
institution, le droit de veto du syndicat... C'est parce que le syndicat n'a
pas d'autre moyen de forcer une certaine application de ce qui serait entendu,
négocié ou convenu par la commission, la détermination du
cadre général, par exemple. Dans cette circonstance, des
organismes-recours, soit la commission elle-même ou le tribunal
administratif, s'il existait, demeurent des recours. Mais l'employeur ne
pourrait pas agir unilatéralement, tout seul, et changer les situations
à son gré.
M. Bédard: Reconnaîtriez-vous ce même droit de
veto à l'employeur, s'il n'y a pas de...
M. Rodrigue (Norbert): Non, parce qu'on considère qu'il
l'a déjà . Il possède tout, il l'a déjà .
Mme Simard: Actuellement, l'employeur peut mettre en place...
M. Bédard: Je vous pose la question pour que ce soit
très clair, ça vous permet de réexprimer vos convictions,
je pense. Je vous remercie de vos représentations devant les membres de
cette commission.
M. Rodrigue (Norbert): Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci à la CSN, M.
Rodrigue, Mmes Lee et Simard.
Université de Montréal
J'appelle maintenant l'Université de Montréal,
représentée par MM. Paul Lacoste et Jacques Boucher.
M. Boucher (Jacques): M. le Président, je m'appelle
Jacques Boucher, je suis secrétaire général de
l'université. Le recteur, Paul Lacoste, devait être ici, mais est
retenu à Montréal pour cause de maladie. Il vous prie de
l'excuser. J'essaierai, du mieux que je peux, de présenter ce
mémoire de la direction de l'université. C'est un mémoire
de la direction et non pas de l'Université de Montréal. Il est
important de le souligner.
Le temps qui nous a été laissé pour travailler sur
cette question fort importante ne nous a pas permis de procéder aux
consultations auxquelles nous procédons habituellement dans des cas
semblables. Il y a cependant eu des consultations informelles, des discussions
au niveau de l'assemblée universitaire, au niveau du comité du
statut et au niveau du conseil de l'université, mais ce que je vous
apporte aujourd'hui, c'est sujet à toutes les modifications, et il y en
a eu plusieurs, qui ont été apportées au cours du
processus. C'est donc la position de là direction qui n'engage par
conséquent pas les autres parties des composantes de
l'université.
Le mémoire de la direction porte sur l'âge obligatoire de
la retraite. Après les grandes fresques que j'ai entendues, ici, depuis
ce matin, notre point de vue vous paraîtra-t-il un peu beaucoup
restreint; on s'en excuse. Il nous semblait que cette question était
particulièrement importante, surtout à cause du contexte dans
lequel on vit actuellement - j'entends le contexte de l'université - en
ce qui a trait à l'âge de la retraite et, également - il y
a une question de temps - on regrette énormément de ne pas avoir
eu le temps de se prononcer sur l'ensemble de la charte. Cependant, nous avons
cru pouvoir corriger cette lacune en annexant à notre rapport le texte
d'une conférence qui a été prononcée par le
recteur, Ã l'occasion du colloque sur la protection constitutionnelle
des droits humains, le 6 mars dernier, et qui contient déjà un
certain nombre d'opinions que j'ai déjà entendues, ici, au cours
de la journée, notamment sur le fonctionnement, sur la procédure
devant la commission.
Si j'avais à résumer - sans retenir trop longuement la
commission - notre rapport...
M. Bédard: Sentez-vous très à l'aise, prenez
le temps qui vous est imparti, vous
avez pu constater qu'on n'a pressé personne et on ne voudrait pas
commencer avec vous.
M. Boucher (Jacques): Si je voulais le résumer, je dirais
que nous demandons finalement un moratoire. Inscrire l'âge comme cause de
discrimination - non pas seulement l'âge, mais particulièrement
l'âge de la retraite - est une question - c'est ce que j'ai essayé
de faire valoir à l'autre commission, cet après-midi et c'est ce
que je vais essayer de faire valoir devant vous également - une mesure,
dis-je, lourde de conséquences, et je pense qu'on n'en a pas
mesuré toutes les conséquences.
C'est également une mesure qui, si jamais elle était
approuvée, supposerait une modification substantielle, plus que
substantielle, le mot n'est pas assez fort, de la philosophie, de
l'environnement du monde du travail, dans une institution comme
l'Université de Montréal. Mon objectif, ici, c'est d'apporter
l'université comme un exemple d'un milieu qui aurait à vivre avec
une mesure comme celle-là . Il y a des choses qui nous paraissent
certaines, il y en a d'autres qui nous paraissent aléatoires, il y en a
certaines sur lesquelles on n'a tout simplement pas de données. C'est la
raison pour laquelle je vous dis: Le temps presse peut-être pour ceux qui
sont à la retraite et qui ne voulaient pas la prendre, je sais, mais les
conséquences sont énormes pour l'ensemble de la
société et, particulièrement, pour une institution comme
l'Université de Montréal ou les universités en
général.
Ãvidemment, dire que l'âge ne devrait pas être une
cause de discrimination, c'est prêcher pour la vertu. Personne va oser se
lever pour dire qu'il est contre une chose comme celle-là , sauf que,
quand on examine la chose d'un peu plus près, on se rend compte, par
exemple, que l'Ontario - ils ne sont pas les seuls - qui a inclus dans sa
charte l'âge comme cause de discrimination, a été
obligé d'ajouter un nombre très considérable d'exceptions
de toutes sortes, y compris cette question de l'âge de la retraite
inscrit dans les fonds de retraite, après avoir dit très haut que
l'âge est une cause de discrimination. Finalement, encore une fois, on
l'affaiblit considérablement à travers toutes sortes de mesures
et, notamment, dire que 65 ans ou peu importe l'âge, dans un fonds de
retraite, est un âge obligatoire de mise à la retraite, cela n'est
pas discriminatoire.
Je ne suis pas certain que, même si on était d'accord avec
le principe de l'âge de la retraite obligatoire, il faille l'inscrire
comme tel dans la Charte des droits et libertés de la personne. Encore
une fois, l'âge du mariage, l'âge pour le permis de conduire, les
projets - on va en parler tout à l'heure -pour favoriser les jeunes
chercheurs, l'âge est une notion importante. C'est un fait dont il faut
tenir compte. Il y a des choses qui sont abusives et on sait qu'on devrait ou
qu'on pourrait faire quelque chose. Dire comme cela, de but en blanc, que
l'âge ne doit pas être une cause de discrimination, je ne suis pas
certain qu'on ait vraiment bien fait avancer le débat. Je me demande
sérieusement s'il ne faudrait pas reculer.
Il est clair que la retraite a des conséquences graves pour les
individus. Pour certains, c'est l'âge du début de la belle
époque où, enfin, on n'a plus le travail sur les épaules
et où on fait, pour une fois, ce qu'on veut. Pour d'autres, c'est
effectivement le début d'une période difficile, de
pénurie, de solitude, de diminution physique et surtout de sentiment
d'être rejeté. Il ne s'agit pas de nier une chose pareille.
En voulant corriger les abus d'une retraite obligatoire, je me demande
s'il ne faudrait pas se garder, en apportant des correctifs à ces maux,
de créer, pour les autres secteurs de la société, pour les
autres classes d'âge, pour les collègues de travail, pour les
étudiants dans le cas des institutions d'enseignement, pour les
personnes âgées elles-mêmes, plus de problèmes que
ceux qu'on s'efforce de régler.
Vous savez sans doute que le Congrès américain, tout
récemment, adoptait une loi qui repoussait l'âge de la retraite de
65 à 70 ans pour les institutions à caractère public, les
institutions fédérales, mais qu'il excluait ou qu'il retardait
l'application de cette loi pour les professeurs d'université. Il y a
déjà une exception. Il y a déjà , chez nos
collègues américains, la reconnaissance qu'il y a peut-être
quelque chose d'un peu spécial dans cette catégorie de
travailleurs qui fait qu'en tout cas, on les a exclus temporairement.
Mon propos ici n'est pas de demander un statut particulier pour les
professeurs d'université, pas du tout. Je ne demande pas un moratoire
pour l'université, encore moins pour l'Université de
Montréal. Mais j'essaie de vous amener à réfléchir
un peu, à partir de notre exemple, sur les conséquences qui
pourraient s'ensuivre.
Dans le mémoire que vous avez sous la main, on parle des
fonctions de l'université. On sait que les fonctions essentielles de
l'université, ce sont l'enseignement et la recherche,
c'est-Ã -dire la transmission des connaissances, mais aussi le
renouvellement des connaissances, la critique des connaissances, la
créativité, la publication. C'est cette espèce de brassage
continuel qui fait que l'université peut jouer son rôle.
Ãvidemment, tout le monde, chacun des professeurs ne joue pas
toutes ces fonctions au même titre. S'il y a un cycle dans la vie d'un
chercheur d'une très grande productivité au début et si
l'expérience compense pour un certain ralentissement dans certains cas
de
la créativité, il y a des gens qui, effectivement, sont
encore très créateurs, très créatifs et inventifs
et critiques à 70 ans; il y en a qui, déjà , à 40
ans, ne le sont pas ou ont cessé de l'être. Je reconnais que la
créativité n'est pas nécessairement liée avec
l'âge. Il reste quand même que vous me demanderiez, dans votre
secteur... Regardez l'ensemble - je viens de la faculté de droit -des
professeurs et il y en a qui ont 50, 60 ou 65 ans et qui sont encore
extrêmement créatifs. (18 heures)
C'est également vrai, par ailleurs, qu'il y a une pression qui
s'exerce, à cause du système, sur les jeunes professeurs,
à publier, à remettre des choses en cause, qui ne s'exerce plus
sur les plus anciens. L'effet général? Je ne le connais pas. Je
ne peux pas vous affirmer que les professeurs de 55 ou 60 ans sont moins
créateurs ou créatifs que ceux de 30. Je peux avoir des
préjugés, je peux émettre des hypothèses, des
exemples, mon pif peut jouer. Je sais qu'à un moment donné les
gens commencent à ralentir et qu'ils sont moins créateurs, c'est
un fait. Mais où est-ce que cela se situe? Je ne le sais pas.
De dire, par ailleurs: On va supprimer l'âge de la retraite, je
pense que cela peut avoir des conséquences sérieuses en termes de
créativité, peut-être pas sur les individus pris
individuellement, mais il faut que nous, comme institution, nous tenions compte
d'une espèce d'équilibre entre les différentes fonctions.
Si je me trouve dans un corps professoral qui vieillit, qui est rendu
à 50 ou 55 ans comme moyenne d'âge, je commence Ã
m'inquiéter.
Tous les administrateurs universitaires s'inquiètent de ce
phénomène du vieillissement du corps professoral qui n'est pas
dû à la question de l'âge de la retraite obligatoire ou pas
obligatoire. C'est un fait, c'est un phénomène qu'on
connaît déjà .
Mais la limite de 65 ans n'étant plus là pour l'âge
de la retraite, ça ne fait qu'ajouter à un problème qui
est déjà aigu, selon certains. D'autres disent: Mais non, il n'y
a pas de problème, les gens sont aussi créateurs et productifs
à la fin de leur carrière que... Mais on n'a pas de
données là -dessus. On a commencé à faire des
compilations, on a commencé à essayer de faire des
corrélations, mais on n'a pas encore de données
là -dessus.
Dans le cadre des restrictions budgétaires que le gouvernement
impose aux universités actuellement, il faut reconnaître une
chose: nous ne pouvons plus créer de nouveaux postes, c'est clair. Les
rares nouveaux engagements que nous pourrons faire se feront
vraisemblablement en grande partie à même les mises à la
retraite à 65 ans, c'est ce que nous espérons.
Les départs normaux ne sont pas considérables. On m'a
posé des questions sur la mobilité du corps professoral. Le corps
professoral n'est pas très mobile et je pense qu'il l'est d'autant moins
que l'âge augmente. De sorte que dans le cas des coupures, une de nos
petites marges de manoeuvre, c'était précisément ces
départs dus à la retraite, évidemment, vous allez me dire:
Ce n'est pas aux vieux professeurs de porter le poids de ces
coupures-là . Je le sais, mais il reste quand même que comme
institution, ça nous pose un problème très
sérieux.
Il faudra éventuellement, si la loi est adoptée, soit via
la charte, soit via la loi no 15, garder des professeurs qui ont 65, 66 ou 67
ans, qui sont peut-être excellents, mais qui représentent pour
nous des postes qu'on est obligé de fermer à des jeunes Ph.D. qui
n'attendent qu'une chose, c'est d'entrer à l'université, et
à qui il faudrait dire non parce que 10%, 15%, 20% ou 30% des
professeurs qui auront atteint l'âge de la retraite auront
décidé de continuer et de se prévaloir des dispositions
soit de la charte, soit de la loi.
On ne sait pas combien de professeurs vont s'en prévaloir, c'est
la grande inconnue, mais ça aussi c'est une question... Ce sont les
raisons pour lesquelles on vous dit: Ãcoutez, ce n'est peut-être
pas nécessaire de se presser tant que ça. Essayons de mesurer
ça. Il y a sûrement des choses qui se sont faites ailleurs.
Une enquête a été faite à l'Université
de Montréal en 1980 qui laissait entendre que les professeurs, dans
l'ensemble, voudraient prendre leur retraite plus ou moins à 65 ans.
Seulement, quand on regarde les détails du questionnaire, on se rend
compte que s'il y en a plusieurs qui ont dit: Avant 65 ans ou à 65
ans... Avant 65 ans, sans diminution actuarielle... C'est facile de
répondre oui dans ces conditions-là . Ce dont ne parle pas
l'enquête en question, c'est des secteurs. Si tous les professeurs,
disons, dans les mathématiques, par hypothèse, ont
décidé qu'ils resteraient jusqu'à l'âge de 70 ans,
quels que soient les motifs, soit parce qu'il y a moins d'étudiants,
soit parce qu'on est plus productif en mathématiques jusqu'Ã
l'âge de 70 ou 75 ans, dans le département de
mathématiques, ça pourra causer des problèmes. On est en
face d'un département qui peut-être se sera coupé de toute
source de recrutement pendant plusieurs années.
En somme, à la question: Le report de l'âge de la retraite
aura-t-il un effet significatif sur les problèmes posés par le
vieillissement du corps professoral, qu'on constate déjà , vous
avez des chiffres ici qui montrent que la proportion des professeurs de 50 ans
et plus a doublé de 1976 à 1981, ça fait cinq ans, tandis
que celle des moins de 40 ans a diminué plus ou moins de moitié
de 1976 à 1981. Il y a un problème de vieillissement dans le
corps professoral.
Dans une institution comme la nôtre, la mesure et la
conséquence sur la productivité, sur le rôle de
l'université, varient selon qu'on est pessimiste ou qu'on est optimiste.
Il y en a qui disent: II n'y a pas de problème. Vous pouvez continuer
à vieillir comme ça sans que cela n'affecte le rôle de
l'université. D'autres vont dire: Ãcoutez, et c'est plutôt
le son de cloche que moi j'ai entendu depuis déjà plusieurs
années, les autorités universitaires s'inquiètent de ce
vieillissement dans les milieux de chercheurs, dans les milieux où la
créativité est importante.
L'autre aspect sur lequel notre mémoire insiste, c'est la
question de la permanence. Un professeur est actuellement permanent
jusqu'à l'âge de sa retraite, c'est-à -dire depuis son
agrégation, qui se passe habituellement au bout de cinq ou six ans
après son engagement, et jusqu'à l'âge de sa retraite.
Est-ce que le professeur, dans l'éventualité où on
reporterait l'âge de la retraite de 65 ans de façon
indéfinie, va garder sa permanence avec tous ses privilèges?
C'est relié à l'autre question que je mentionne et qui s'appelle
la retraite dans la dignité. La retraite obligatoire à 65 ans, je
sais, est injuste pour certains. Elle nous fait perdre d'excellents
professeurs. Remarquez que notre façon à nous de les
récupérer, c'est qu'il y a un règlement de
l'université qui permet de les rengager d'année en année
pour une période allant jusqu'à l'âge de 70 ans. Ensuite,
beaucoup de professeurs qui ont pris leur retraite sont rengagés comme
chargés de cours d'une façon ou d'une autre, ce qui leur permet
finalement de rester actifs intellectuellement et de se réinsérer
dans le circuit.
Il y a déjà des mesures qu'on prend. Mais la retraite
à 65 ans obligatoire pour tout le monde a au moins un avantage, c'est
qu'elle permet à celui qui s'en va de partir dignement. Je me permets
d'insister sur cette question: je crains que, si on instaure une mesure de
discrimination en vertu de l'âge et qu'on fasse sauter
indéfiniment le plafond de 65 ans, on crée un problème
pour les vieux ou les retraités encore plus grave. Je pense que c'est
une illusion - je vais parler franchement - M. le Président, de faire
croire à la population que le travailleur va être le seul
maître de décider le moment où il va prendre sa
retraite.
Ce n'est pas un geste qui peut se prendre absolument
unilatéralement, comme on le laisse entendre. C'est un geste, dans
certains cas, c'est déjà le cas aussi, qui est l'objet d'une
négociation, de pressions plus ou moins fortes: Tu devrais
peut-être t'en aller avant un certain temps, etc. Le système
à 65 ans a au moins ceci: C'est que cela permet de partir, encore une
fois, avec le tapis rouge, la montre en or, si ça se distribue encore,
une grande tape dans le dos: Monsieur, vous avez fait un bon service.
L'alternative, dans le système actuel, c'est: Monsieur, vous avez 65,
64, 63, 67, 68 ans, vous n'êtes plus bon. "Out". Je vous avoue -je ne
suis pas encore là - comme un administrateur de l'université, que
poser ce geste envers un professeur qui est dans la maison depuis 35 ans, cela
ne se fait pas, on ne fait pas cela.
Moi, je vous avoue que je ne voudrais pas me le faire dire à 65
ans. Je préférerais me faire dire: Salut, et, effectivement, me
faire rengager. Il y a un problème sérieux. Notre système,
c'est ou la retraite obligatoire ou le renvoi pour cause. Ãvidemment, il
y a des options et notre rapport en parle. Les options, on est encore dans les
balbutiements de ce côté, les retraites progressives, toutes
sortes d'accommodements qu'on peut faire. Mais je vous avoue que si vous nous
disiez, du jour au lendemain, que, le 1er janvier 1982, il n'y a plus de clause
d'âge de retraite, je ne sais pas comment on ferait pour aménager
la situation. Ce n'est pas énorme, d'ici à 1985 ou 1986, il y
aura à peu près une vingtaine de départs Ã
l'âge de 65 ans. Mais, à partir de 1985 ou 1986, la masse des
professeurs qu'on a engagés dans les années soixante, dont le
député de D'Arcy McGee et moi-même, cela va commencer
à tomber à raison de plusieurs dizaines par année et
à ce moment, cela va poser des problèmes sérieux. Quel va
être l'impact de tout cela, avec quelle sorte de système? On peut
toujours dire: On va donner des postes administratifs à un vieux, deux
vieux professeurs. Mais quand on a créé un adjoint au recteur et
un deuxième adjoint au recteur, un adjoint au doyen et un
deuxième adjoint au doyen, on atteint vite la limite, ceci dit avec
humour, mais en même temps pour signaler un problème réel.
C'est souvent ainsi que cela se passait. Le phénomène massif des
mises à la retraite à partir de 1985 ou 1990 va nous causer des
problèmes sérieux, c'est clair. Je l'isole dans mon plaidoyer
pour vous dire qu'on n'est pas contre à tous crins. Je vous dis qu'on
est inquiet. C'est le message de la direction de l'université. On voit,
à première vue, beaucoup d'objections et cela nous
inquiète encore une fois, mais on ne vient pas vous dire: Non, n'adoptez
pas une loi comme celle-là , sauf qu'on vient vous dire: Au moins,
prenons le temps d'examiner la situation comme il faut, n'ayant pas
l'impression qu'on s'est donné le temps pour l'examiner.
Les professeurs d'université ne sont pas les seuls à poser
des problèmes au moment de la retraite. Un secrétaire
général, un directeur de service qui n'a pas de mandat, qu'en
fait-on? S'incruste-t-il dans son poste? Est-il maître de rester
là jusqu'à l'âge qui lui plaît? Je ne dis pas que,
parce qu'il y a
cette objection, il faut balayer le projet, mais vous voyez que cela
oblige une institution comme la nôtre - c'est le même
problème pour le gouvernement - à repenser tout son
système de dévaluation et de promotion. Vous nous diriez: On va
faire cela le 1er janvier 1982, je vous dirais: Je ne sais pas où on va
trouver les solutions.
Les budgets de fonctionnement et les avantages sociaux, il va falloir
repenser tous ces trucs, le fonds de retraite, l'assurance-santé,
l'assurance-salaire, etc., alors qu'on n'a pas ou peu d'expérience de ce
côté, qu'on ne sait pas combien de professeurs vont s'en
prévaloir, etc. Il est évident que seulement sous cet aspect,
seulement comme devoir à faire, il y a une tâche énorme et
considérable à laquelle on n'est pas prêt tout de suite.
Cela me paraît clair.
Le mémoire insiste sur les tendances sociales actuelles. J'avais
compris depuis plusieurs années - et personnellement, je m'en
réjouissais - que la tendance sociale était d'avancer l'âge
de la retraite, société des loisirs, adaptation plus grande.
C'est plus facile de s'adapter à la retraite, de refaire une
deuxième carrière à 50 ou 55 ans qu'à 65 ou
70 ans. Il y a des choses qu'on n'a pas pu faire quand on avait 40 ans et
qu'Ã 50 ans on est encore capable de faire. Ã 65 ans, on commence
à être un peu plus fatigué. J'avais compris naïvement
que la tendance était à l'abaissement de l'âge de la
retraite et je me demande tout simplement si ce projet n'est pas un peu
à rebours par rapport à la tendance sociale. Je comprends que
l'inflation n'est pas ce qu'elle était. Je comprends que les caisses de
retraite ne sont plus ce qu'elles étaient non plus. Il y a des
problèmes économiques graves autour de cela, je le sais. Mais,
pour régler les problèmes des caisses de retraite ou de
l'inflation, je me demande si on ne crée pas plus de problèmes
qu'on veut en régler. D'ailleurs, sous cet aspect, l'université
n'est pas seulement un employeur, mais elle forme des jeunes
diplômés et ces jeunes diplômés entrent sur le
marché du travail. Il est clair que cette fois-là , comme
fournisseur du service qui s'appelle diplômés, voir une mesure
comme celle-ci qui risque de rendre encore plus difficile le marché du
travail, alors qu'il est déjà difficile, m'inquiète.
Encore une fois, il est possible que nos projections pessimistes se
révèlent tout à fait farfelues et qu'au contraire les
mesures comme celles qu'on présente vont accélérer
l'âge de la retraite. Je ne le sais pas, mais dans la mesure où
cela pourrait - et ce n'est pas impossible - engager un certain nombre de
personnes, qui auraient normalement dû prendre leur retraite à 65
ans, à la prendre à 67 ans ou à 70 ans, cette fois, comme
fournisseur de diplômés, je vous dis que cela me gêne et
cela me gêne considérablement, parce que j'ai une
responsabilité à l'égard des jeunes que je forme qui
auront encore plus de difficulté à se trouver du travail
qu'auparavant. (18 h 45)
Une dernière remarque, M. le Président. Je me demande
également si d'autres politiques gouvernementales ne viendraient pas en
conflit avec cela. Vous allez me dire que cela ne pèse pas tellement
lourd comme argument, mais, en tout cas, je l'apporte pour ce qu'il vaut. Le
ministère de l'Ãducation via les fonds FCAC, depuis
au-delà de dix ans, investit des millions de dollars pour former des
jeunes chercheurs qui vont devenir eux-mêmes de jeunes professeurs. Dans
la mesure où le recrutement des jeunes professeurs pourrait se trouver
diminué par une mesure comme celle-ci, je me demande si ça ne
viendrait pas en contradiction avec d'autres choses coûteuses, louables
et que fait le gouvernement.
En conclusion, M. le Président, en voilà assez, selon
nous, pour nous convaincre que l'amendement à la charte des droits et la
loi 15 sont prématurés. Il faut que le gouvernement, qui,
à bien des égards, est dans une situation semblable Ã
celle des universités, se donne et nous donne un temps de
réflexion avant d'adopter un changement chargé d'autant
d'incertitudes et aussi lourd de conséquences. Voilà pourquoi
nous répétons qu'il est essentiel qu'on accorde un moratoire sur
cette question de la charte.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Boucher.
M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je remercie M. Boucher
de sa communication aux membres de la commission parlementaire. Tel qu'il nous
l'a fait remarquer au début de son exposé, il a eu l'occasion,
cet après-midi, de rencontrer les membres de la commission parlementaire
qui ont à étudier le projet de loi spécifique concernant
l'abolition de l'âge de la retraite. Je ne doute pas qu'on retrouvera
sensiblement l'essentiel des inquiétudes dont vous avez informé
les membres de la commission. Avec raison, vous parlez de modifications
substantielles dans les habitudes sociales, peut-être même dans les
mentalités.
Vous nous dites également qu'il y a effectivement des situations
abusives qu'il faut corriger. Vous faites état de vos inquiétudes
concernant l'abolition de l'âge de la retraite obligatoire et vous nous
parlez de situations abusives. Est-ce que vous pourriez informer les membres de
la commission jusqu'où vous a poussés votre réflexion au
niveau des moyens qui pourraient être mis de l'avant afin de corriger les
situations dont vous parlez? En ce qui a trait à l'une des
conséquences de cette mesure, je comprends
que, ici, on n'a pas d'expérience au niveau de la
société québécoise, étant donné la
disposition qui existait. On n'a pas l'expérience nécessaire pour
savoir ce que ça donnerait si on mettait fin à cette situation,
mais il y a quand même des mesures de cette nature qui ont
été adoptées par d'autres pays, d'autres
communautés.
On nous a dit qu'une des conséquences qu'on anticipe, c'est que
beaucoup de personnes, rendues à 65 ans, continuent à travailler
même si les capacités pouvaient être diminuées pour
certaines, mais que cette situation n'est pas aussi inquiétante qu'elle
peut paraître. On nous laisse entendre, par exemple, que, lÃ
où il y a des dispositions de cette nature qui ont été
adoptées, ça n'a pas empêché les gens de prendre
leur retraite à 65 ans et que ce n'est qu'un nombre infime de personnes
qui ont cru bon de continuer à oeuvrer. Pourriez-vous nous donner un peu
plus de détails?
M. Boucher (Jacques): C'est délicat, M. le
Président. Je sais, on m'a dit que, dans les pays Scandinaves ou
ailleurs, des expériences ont été faites dans ce sens.
Effectivement, c'est 5%, 10% de ceux qui atteignent l'âge de la retraite,
quel que soit l'âge, qui décident d'aller au-delà .
Remarquez qu'il n'est pas impossible, par ailleurs, qu'avec la période
d'inflation galopante qu'on connaît actuellement le chiffre de 5%
à 10% soit plus élevé. Ce n'est pas impossible que la
situation change.
On ne le sait pas, dans le milieu universitaire québécois,
comment les intellectuels vont se comporter. Il y a un problème de
quantité et il y a un problème de qualité. On a quand
même eu quelques expériences dans les deux sens. On sait que, pour
certains professeurs, surtout ceux qui ont des laboratoires - moi, comme
professeur de droit, si je m'en retourne chez moi, j'ai encore une
bibliothèque, j'ai encore tout ce qu'il faut pour travailler, il n'y a
pas de problème énorme; évidemment, il me manquera le
milieu, mais je pourrai toujours m'arranger pour m'intégrer à une
équipe de recherche ou quelque chose du genre - avec des
éprouvettes, etc., quand ils ne les ont plus, ils ne les ont plus, ils
ne peuvent plus travailler.
L'université effectivement, depuis plusieurs années,
à l'égard de ses professeurs qui prennent leur retraite, continue
à leur donner accès à leur laboratoire, mais il est clair
que l'âge de la retraite obligatoire a été un vrai drame,
c'est évident. D'autant plus dramatique - je pense qu'il faut faire
quelque chose de toute façon en face de ça - qu'ils
n'étaient pas prêts à le faire, qu'ils ne se sont pas
préparés, personne ne les a préparés et, Ã
un moment donné, ils ont enfilé dans le moulin.
Par ailleurs, on a eu aussi d'autres cas dramatiques de gens qui ne
voulaient pas prendre leur retraite, qui auraient pu la prendre dans la
dignité et qui ont forcé l'université à leur dire:
Monsieur, non. Ne m'en demandez pas plus, mais on a vécu des cas
vraiment très pénibles.
M. Bédard: Je me limiterai à cette question, M. le
Président, parce que bien d'autres questions ont été
adressées à M. Boucher, lors de sa "comparution" devant la
commission parlementaire concernant le projet de loi qui est déjÃ
déposé devant les membres de l'Assemblée nationale; j'en
prendrai connaissance et, pour ne pas faire répétition, je me
limiterai aux questions que j'ai déjà posées.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Tout ce que je peux dire, c'est que presque tous les
intervenants qui ont comparu devant la commission étaient d'accord pour
qu'on inclue l'âge comme motif de non-discrimination dans l'article 10.
Vous avez soulevé un problème tout à fait spécial
en ce qui concerne l'université. Comme vous l'avez souligné, dans
la législation fédérale américaine, on a fait
exception pour les universités. Je pense que le ministre devrait le
prendre en considération. Si je comprends bien votre demande, c'est une
demande en ce qui concerne l'âge de la retraite pour des universitaires.
Pour tout le monde?
M. Bédard: C'est ce que j'ai compris.
M. Boucher (Jacques): Non, je ne demande pas un régime
d'exception pour les professeurs d'université.
M. Bédard: Non, d'ailleurs, on ne pourrait pas faire un
régime d'exception.
M. Marx: Personnellement, je vois des gens qui travaillent dans
des usines d'automobiles ou des agents de la paix. Ã 65 ans, ils vont
prendre leur retraite bien vite, parce que même, il est rare qu'il y ait
un agent de la paix qui atteigne l'âge de la retraite dans le même
établissement, faisant le même travail, donc il veut que ce soit
baissé et non pas augmenté. Mais le milieu universitaire est un
milieu assez spécial et quelqu'un peut rester après 65 ans ou 70
ans. Dans d'autres domaines, je vois mal qu'il y ait beaucoup de monde qui
décide de rester après 65 ans; même les gens
réclament que l'âge de la retraite soit ramené à 60
ans ou à 55 ans, etc. Donc, même si vous ne réclamez pas un
régime spécial, peut-être faut-il l'examiner dans ce
sens.
M. Bédard: Ce sont deux ordres de préoccupation que
vous et d'autres groupes nous avez énoncés. Premièrement,
il y avait le facteur suivant, à savoir que si on inclut l'âge
dans la Charte des droits et libertés de la personne, comme motif de
discrimination, il faudrait y aller d'une série de dérogations ou
d'exceptions qui, au bout du compte, peuvent avoir comme conséquence
d'atténuer grandement ce qu'on voudrait faire au niveau des
principes.
Il y a également certaines préoccupations au niveau des
impacts financiers qui ont été évoquées devant les
membres de cette commission.
M. Marx: Mais c'est curieux que, dans la charte
fédérale proposée, il y ait l'âge comme motif de
non-discrimination. C'est là , il n'y a aucune exception. Si je me
souviens bien, ils ont entendu beaucoup de groupes et tout le monde
était en faveur de cela. Au Québec, au Canada, il y a un
mouvement et un sentiment d'inclure l'âge comme motif de
non-discrimination et je pense que cela a commencé avec le rapport du
Sénat sur l'âge de la retraite. C'est difficile, parce que, si
tout le monde veut cela, c'est difficile pour les politiciens de dire non. Si
tout le monde est d'accord pour qu'on inclue l'âge comme motif de
non-discrimination, c'est difficile...
M. Bédard: II faut mesurer l'évolution qu'on peut
constater du point de vue social par rapport à la question de
l'âge. Il y a dix ou quinze ans, c'étaient plutôt des
représentations qui se faisaient dans le sens de demander la retraite
obligatoire après 65 ans pour des motifs très 'humains. Au moment
où on se parle, c'est la tendance contraire. Enfin, je pense que ce sera
le travail des membres de la commission d'essayer d'évaluer, à sa
juste mesure, l'essentiel des représentations qui nous ont
été faites.
M. Marx: Personne n'est venu devant la commission pour demander
qu'on n'inclue pas l'âge de la retraite. Les gens sont venus pour dire de
ne pas inclure l'âge pour toutes sortes d'autres raisons. Personne n'est
venu pour nous dire...
M. Bédard: II y a des nuances qui ont été
apportées.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, mais M. Boucher
avait demandé la parole.
M. Boucher (Jacques): Je me sens un peu beaucoup mal Ã
l'aise, M. le Président, aujourd'hui, de venir présenter une
chose comme celle-là . Jamais dans ma vie je ne me suis senti aussi
à contre-courant, à deux commissions de suite d'ailleurs. Ce
n'est pas très rassurant.
Ce qui m'étonne dans tout cela, c'est qu'il y a une
différence sensible entre les discours officiels. Le rapport du
Sénat, le Bureau international du travail, toutes les ligues, toutes les
commissions, etc., nous disent que le principe général, c'est pas
d'âge, pas de retraite, liberté complète. Je choisis
peut-être très mal mes amis ou mes interlocuteurs, mais tous ceux
avec qui j'ai parlé de cette question depuis le moment où on en
parle, depuis deux ou trois mois, peut-être depuis un an que je me
préoccupe un peu plus de cette question, tous ceux à qui je
parle, au niveau officieux, me disent tous, les uns après les autres:
Cela n'a pas d'allure; j'ai tel problème, j'ai tant d'ouvriers; s'il
faut que je ne sois plus capable de m'en "débarrasser" par l'âge
de la retraite, qu'est-ce que je vais faire? Tous ces gens-là disent
aussi: Mais, d'un autre côté, je ne peux pas aller dire cela
devant une commission aussi noble que celle-ci, etc. Il y a deux niveaux de
discours. Cela me gêne. Je ne sais pas si tout cela va être pris en
note.
Des voix: Ah!
M. Bédard: Vous avez le mérite de venir
témoigner - c'est sûrement le sentiment de tous les membres de la
commission - de bonne foi et de nous faire part des inquiétudes que vous
ressentez.
Le Président (M. Gagnon): M. Boucher, les membres de cette
commission vous remercient pour votre mémoire.
RAIF
Nous allons entendre maintenant le
Réseau d'action et d'information pour les femmes. Mme
Céline Tanguay, est-ce que c'est vous?
Mme Tanguay (Céline): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez nous
présenter les gens qui vous accompagnent, s'il vous plaît!
Mme Tanguay: Mme Marie-Andrée Vinet va vous
présenter... (19 heures)
Mme Vinet (Marie-Andrée): Oui, si vous me permettez, je
vais vous présenter les membres du RAIF ici présentes ce soir.
à ma gauche, Marie-Gabrielle Paquet, Judith Sauvé; à ma
droite, Céline Tanguay, avec qui je vais partager la lecture du
mémoire, et Marcelle Dolment.
Mme Tanguay: Le Réseau d'action et d'information pour les
femmes est heureux de voir que le gouvernement a décidé de
modifier la Charte des droits et
libertés de la personne, cette charte si fondamentale pour la vie
d'une société saine.
Un fait demeure cependant: la charte, qui devrait couvrir les situations
vécues par toutes les catégories de personnes dans la
société, ne s'est pas préoccupée des droits qui
sont spécifiques à la moitié des personnes qui la
composent, les femmes, celles qui ont le rôle biologique de
perpétuer cette société.
Ainsi, le droit fondamental de la femme à disposer de son corps
et la discrimination qu'elle vit en état de grossesse n'ont pas
été reconnus. En outre, le législateur n'a pas su
déceler la cause des situations de fait injustes vécues par les
femmes, ni les corriger, tel le manque de ressources économiques total
que comporte trop souvent l'existence des femmes. Même l'organisme
responsable au premier chef de cette charte, la Commission des droits de la
personne, ne semble pas tenir compte, dans les propositions dont nous avons pu
prendre connaissance, des carences que nous venons de souligner.
Nous reviendrons sur les propositions qui pourraient corriger
l'injustice faite aux femmes pour que cette charte protège
adéquatement les droits fondamentaux de tous les individus d'une
même société.
Pour le moment, nous aimerions aborder les modifications que la
Commission des droits de la personne a rendues publiques.
Amendements suggérés par la
Commission des droits de la personne. Nous entérinons les
positions suivantes:
L'ajout de l'âge comme motif interdit de discrimination et, plus
spécifiquement, lorsqu'il est appliqué à l'âge de la
retraite.
L'amendement de l'article 83 de la charte, qui requiert le consentement
écrit de la victime pour que la commission procède devant les
tribunaux, afin de permettre le recours collectif.
La suspension des règles habituelles de la prescription - deux
ans - lorsqu'une plainte est déposée à la Commission des
droits de la personne.
La réclamation de pouvoirs et de moyens accrus pour la
commission, qui ne peut actuellement jouer pleinement son rôle.
L'action positive. Ce type d'action est un programme essentiel pour
améliorer le fonctionnement économique d'une
société qui veut fournir à ses membres une certaine
qualité de vie. Les revenus qu'apportera forcément l'application
de ces programmes stimuleront l'économie, car les femmes investissent
surtout dans des biens générateurs d'emplois plutôt que
dans des services, de la capitalisation ou des loisirs luxueux - restaurants,
hôtels, jeux, courses -ou même nocifs - pornographie, boisson,
prostitution.
L'imposition sur ces revenus augmentera substantiellement les fonds de
l'Ãtat, ce qui se traduira en de meilleurs services pour toute la
population.
L'inclusion d'un plus grand nombre de femmes dans les prises de
décision équilibrera mieux les politiques d'ensemble, aspect non
négligeable des effets de l'action positive.
D'autres propositions demanderaient quelques changements. Nous sommes
d'accord sur l'abrogation de l'article 97 de la charte qui permet la
discrimination dans les avantages sociaux - régimes de rentes, de
retraite, assurances ou autres - quand cette discrimination est fondée
sur le sexe ou l'état civil.
Mais, en ce qui a trait au transfert d'avantages sociaux, notre position
diffère sensiblement de celle de la commission.
Nous estimons qu'il n'y a aucune raison de payer des avantages sociaux
à des personnes pouvant subvenir elles-mêmes à leurs
besoins, qu'elles soient ou non liées au cotisant ou à la
cotisante.
Par ailleurs, si ces personnes sont des femmes qui sont d'une
génération où la société les a
lésées dans leurs droits à pourvoir elles-mêmes
à leur sécurité financière, elles doivent
bénéficier de ces transferts qui deviennent une sorte de
compensation pour les torts causés.
Ce qui veut donc dire que nous n'endossons pas l'inclusion de personnes
mariées, conjointes de fait, ou personnes de même sexe vivant
ensemble ouvertement, dans les bénéficiaires de transferts
d'avantages sociaux, tel que le voudrait la commission, sauf si elles ont eu ou
ont à prendre soin des enfants, situation qui les empêche ou les
ont empêchées de bénéficier pleinement, en leur nom
propre, d'avantages sociaux.
L'argent ainsi récupéré pourra améliorer le
sort de celles ou de ceux qui en ont véritablement besoin, permettant,
de ce fait, une meilleure gestion des ressources de l'Ãtat, une
meilleure redistribution des richesses.
De plus, cette approche quant aux couples qui n'ont pas eu d'enfants
favorisera l'autonomie des femmes qu'on avait conditionnées à la
dépendance dès qu'elles vivaient avec un homme.
Un autre effet bénéfique de cette philosophie sera
d'éliminer bien des fraudes et des enquêtes coûteuses et
inutiles afin de déterminer le degré de familiarité de
personnes vivant ensemble. Ne veut-on pas réduire l'intrusion de
l'Ãtat dans la vie privée?
Nous approuvons la commission de vouloir accorder aux autochtones le
droit au respect de leur mode de vie. Nous y mettons cependant certaines
limites afin d'empêcher la discrimination imposée aux femmes
amérindiennes et pour tenir compte des exigences de l'écologie.
L'article 10 de la
charte interdisant la discrimination et un nouvel article devraient
couvrir ce droit et empêcher les abus.
Mme Vinet: Amendements proposés par le RAIF.
Lors de la rédaction initiale de la Charte des droits et
libertés de la personne en 1975, le RAIF avait présenté un
mémoire au gouvernement. Les représentations du mouvement avaient
permis de faire inscrire dans la charte le droit Ã
l'égalité de la femme avec l'homme dans le mariage et la
responsabilité parentale, de même que le droit de l'enfant non
seulement à la protection de sa famille, mais aussi à l'attention
des personnes qui en prennent soin.
Certains autres points que le RAIF réclamait avec d'autres
organismes, comme la non-discrimination fondée sur l'état civil,
ainsi que la rémunération égale pour un travail
équivalent, avaient été accordés.
Cependant, d'importants droits avaient été mis de
côté, entre autres tous ceux concernant la santé, le droit
à son identité, à la libre disposition de son corps, plus
spécifiquement le droit à la maternité volontaire,
à la non-discrimination due à l'âge, ainsi qu'Ã
l'état de maternité, le droit au travail
rémunéré, aux congés de maternité, etc.
Points principaux.
Nous maintenons en entier les recommandations contenues dans ce
mémoire de janvier 1975 auxquelles nous vous référons.
Voir l'annexe. Cependant, nous reprendrons ici certains droits que nous jugeons
primordiaux, auxquels nous ajouterons certains autres qui, au cours des
années, se sont révélés essentiels pour contrer les
injustices terriblement lourdes de conséquences que l'on fait subir aux
femmes.
Nous demandons donc que soient inscrits dans la Charte les droits et
libertés qui suivent, de même que certaines corrections dans le
texte.
Article 1. Toute personne a droit à la vie ainsi qu'à la
santé, à la sûreté, Ã
l'intégrité physique et à la liberté de sa
personne.
Elle possède également la personnalité
juridique.
Pour mieux comprendre l'importance de remplacer "être humain", du
texte actuel de la charte, par "personne", nous vous référons au
débat de fond qu'ont mené les féministes lors de
l'adoption de la charte des droits au fédéral tout
récemment.
Conserver "être humain" pourrait obliger les femmes à la
maternité et même exclure certaines formes de contraception comme
le stérilet, l'embryon pouvant être considéré comme
"un être humain".
Cette charte n'est-elle pas d'ailleurs la charte des droits de la
"personne"? Il est donc important que son premier article ne soit pas en
contradiction avec la conception même de son orientation.
Article lb. Toute personne a droit à la libre disposition de son
corps et de sa vie.
Ces libertés sont les plus fondamentales de toutes, ce qui
implique que c'est à la femme et non à la nature ou Ã
l'Ãtat de décider de l'utilisation de son utérus.
Ce qui rend aussi au suicide sa véritable nature: un choix
délibéré à respecter ou un acte de désespoir
qui appelle au secours, excluant toute connotation de honte ou de
criminalité comme cela l'est souvent dans l'opinion publique.
Article lc. Toute personne a droit à une identité autonome
sa vie durant, quels que soient son âge ou son statut civil.
Nul n'est besoin d'élaborer sur cet article. La longue lutte
qu'ont eu à mener les femmes pour le respect de leur identité a
été à l'avant-scène de l'actualité. Il reste
maintenant à mener la lutte pour le droit des enfants à une
identité propre, libre du sceau des parents, pour qui, trop souvent, les
enfants sont une propriété devant satisfaire leurs ambitions
personnelles puisqu'ils portent leur nom.
Concrètement et conséquemment, cet article implique que si
un enfant désirait à l'âge adulte prendre un nom
différent de celui de ses parents, la loi devrait le lui accorder comme
un droit fondamental.
Article ld. Toute personne a droit d'être considéré
comme un individu autonome dans l'union d'un couple, avec les droits et
libertés y afférents, que cette union soit de fait ou
légale.
Aucune différence de droit ne doit exister entre un individu
célibataire et une individu qui vit en union de couple.
On voit mal pourquoi des relations sexuelles avec un autre être
priveraient une personne de ses droits individuels et de son autonomie
financière. C'est pourtant ce qui se produit actuellement. Nombre de
lois et règlements sont basés sur l'unité familiale,
concept complètement coupé de la réalité des
unions. Ceci a pour effet de laisser le membre le plus défavorisé
du couple sans droit aux ressources et services pourtant consentis aux autres
membres de la société non liés
hétérosexuellement. La notion d'unité familiale est donc
éminemment discriminatoire puisqu'elle touche à peu près
exclusivement les femmes. De plus, elle est privative des libertés
essentielles, l'accès aux ressources prévues par la
société pour venir en aide aux personnes en état de besoin
étant une de ces libertés.
Article le. Toute personne a droit au statut d'adulte avec les droits et
responsabilités et obligations que ce statut implique en autant que
cette personne est en possession de ses facultés.
Le Code civil a pendant longtemps
assimilé la femme à un enfant et l'a traitée comme
tel dans toutes ses lois. Malgré une révision du Code civil que
l'on prétend égalitaire pour les femmes, celle-ci est encore
traitée en enfant, entre autres, dans la très importante
évaluation des montants qui lui sont dus pour les responsabilités
familiales qu'elle assume, la plupart du temps au détriment de revenus
de travail conventionnels. En effet, ce ne sont pas des mesures compensatoires
qu'elle peut réclamer selon la loi, comme tout autre travailleur ou
travailleuse, mais des mesures alimentaires, une pension alimentaire fondue
dans un seul et même article avec celle qui concerne les enfants.
Un autre exemple de la nécessité d'inclure le droit des
femmes à leur statut d'adulte se retrouve dans les lois fiscales quand
celles-ci imputent au mari une déduction pour conjoint à charge.
Ces montants, forme de revenu garanti, comme l'est la déduction
personnelle de base, devraient normalement être versés à la
femme via un crédit d'impôt remboursable, par exemple.
Ces quelques faits démontrent bien les dangers de ne pas inscrire
dans la charte le droit fondamental de tout adulte à être
traité comme tel.
Article 2b. Toute personne dont la vie, la sécurité ou
l'intégrité est en péril a droit au secours.
Toute personne doit porter secours à celui ou celle dont la vie
ou la sécurité ou l'intégrité est en péril,
personnellement ou en obtenant du secours, en lui apportant l'aide physique
nécessaire et immédiate, à moins d'un risque pour les
tiers ou d'un autre motif raisonnable.
Nous songeons ici aux personnes battues, attaquées,
maltraitées, dont la vie n'est pas nécessairement en danger, mais
qui risquent quand même des sévices graves de tout genre si
personne ne leur porte secours. L'éducation de la population est
nettement à faire en ce domaine, celle-ci ayant de plus en plus tendance
à considérer comme spectacles les drames qui se passent sous ses
yeux, au lieu de réagir avec humanité et courage. De nombreux
faits en témoignent.
Nous avons de nouveau remplacé le terme "être humain" par
"personne" pour les raisons que nous avons données
précédemment. Nous nous posons, d'ailleurs, une question:
Pourquoi, dans le texte original de l'article 2, indique-t-on que "tout
être humain" a droit au secours alors que, dans le paragraphe suivant, on
emploie le terme "personne" pour indiquer l'obligation à porter secours?
Ces nuances sont-elles intentionnelles et, si oui, dans quel but?
Article 2a. Toute personne a droit à défendre
l'intégrité physique et psychique de sa personne.
Il est assez surprenant que la charte n'ait pas inscrit ce droit
pourtant fondamental dans ses articles.
Article 3. Toute personne est titulaire des libertés
fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de
religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la
liberté de réunion pacifique, la liberté d'association et
de dissociation tant dans les domaines privé que public et familial.
La liberté de dissociation que nous ajoutons peut avoir bien des
applications, mais nous référons ici surtout au droit des
individus à reprendre leur liberté si l'association en couple
qu'ils/elles avaient formée ne convient plus. Nul autre
qu'eux-mêmes ne peut évaluer la situation, ni décider de
leur vie, même pas un juge. Cette liberté des plus fondamentales
leur est pourtant niée dans la loi actuelle, imposant à des
adultes responsables une tutelle ridicule et inadmissible dans un monde qui se
veut évolué.
Article 5b. Toute personne a droit à la protection contre le
harcèlement sexuel.
Nous savons la difficulté qu'ont les femmes à obtenir
protection contre ce que beaucoup considèrent, même dans les
services de protection publique, comme un comportement sexuel normal: les
femmes sont presque considérées comme une propriété
communautaire devant être accessible à tous et chacun. Les hommes,
non plus, ne sont pas exempts de cette forme d'agression qu'est le
harcèlement sexuel.
Article 6b. Toute personne a droit au travail
rémunéré quels que soient son sexe ou son statut civil.
(19 h 15)
Pendant longtemps, on a privé les femmes de leurs droits Ã
l'accès aux professions et au marché du travail, sous
prétexte que leur union avec un homme les plaçait à l'abri
du besoin de gagner leur vie. Des séquelles de cette optique demeurent
dans le concept d'"unité familiale" où ce qui est à l'un
est théoriquement imputé à l'autre, alors que la loi ne
stipule nullement le partage des revenus. Il est temps que la charte, dont la
valeur éducative est certaine, reconnaisse ce droit des femmes Ã
un travail rémunéré, afin qu'on n'entende plus dans la
bouche des gens et même des gouvernants des déclarations
blâmant les femmes de prendre les emplois des hommes.
Article 10. Toute personne a droit à la reconnaissance et
à l'exercice en pleine égalité des droits et
libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou
préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe,
l'âge, l'orientation sexuelle, l'état civil, la religion,
l'état de grossesse, les convictions politiques, la langue, l'origine
ethnique ou nationale, la condition sociale ou le fait qu'elle est une personne
handicapée ou qu'elle utilise quelques moyens pour pallier son
handicap.
II y a discrimination lorsqu'une telle distinction, exclusion ou
préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce
droit.
Inutile d'élaborer sur la nécessité d'inclure
l'âge dans les motifs de discrimination, puisque tout le monde semble
d'accord. L'état de grossesse comme motif indu de discrimination fera
aussi sûrement consensus, puisque l'opinion publique a été
sensibilisée à l'injustice évidente de refuser un poste
à une femme enceinte sous ce seul prétexte. Insistons sur le fait
que la non-discrimination quant à l'état civil doit aussi couvrir
les Amérindiennes, celles-ci étant des personnes au même
titre que les autres.
Article 11. Nul ne peut diffuser, publier ou exposer ou publier un avis,
un signe, un symbole ou toute représentation visuelle, écrite ou
verbale comportant atteinte à la dignité humaine, à la
sécurité de la personne ou discrimination, y compris la
discrimination sexuelle, ni donner une autorisation à cet effet.
Les nombreux problèmes et la fin de non-recevoir qu'ont
rencontrés les personnes confrontées à une pornographie
dévalorisant presque toujours la femme dans ses représentations,
allant même jusqu'au sadisme et à l'humiliation intentionnelle,
exigent d'avoir dans la charte un article qui permette de faire cesser cette
forme d'agression intolérable contre la dignité humaine, qui tend
d'ailleurs à se généraliser aux hommes et aux enfants.
Article 40b. Tout enfant a droit à une éducation non
confessionnelle, non doctrinaire et non sexiste.
L'Ãtat n'étant pas officiellement catholique, et le
catholicisme étant surtout de facade dans bien des cas, nous estimons
qu'il est malsain d'imposer dans nos écoles l'enseignement d'une
religion plutôt que celui d'une autre ou de n'enseigner aucune religion.
Les religions doivent logiquement être enseignées dans leurs
églises respectives. Il faut éviter aux enfants de juger leurs
parents qui ne suivent pas la norme, de se sentir exclus ou marginaux. Tout
éducateur ou éducatrice avisé ne pourra qu'être
d'accord avec ces exigences d'environnement sain qui n'imposeraient pas aux
enfants un système de pensée contraignant, culpabilisant et pour
plusieurs très contestable sur les plans logique et
démocratique.
L'enseignement religieux étant en général sexiste,
nous comprenons mal qu'une charte stipule dans ses articles - article 41 - que
les parents puissent exiger de leurs écoles d'Ãtat un tel
enseignement. La charte doit garantir au contraire que l'enseignement
dispensé dans les écoles publiques ou dans toute autre
école ne portera atteinte à aucun des principes
énoncés dans cette charte.
Article 43b. Tout autochtone a droit à son mode de vie en autant
que sont respectés les droits et libertés de la personne et les
normes minimales de l'écologie.
Les femmes amérindiennes doivent aussi avoir ce droit.
Article 45. Toute personne dans le besoin a droit pour elle... Ã
des mesures d'assistance financière et à des mesures sociales
prévues par la loi, susceptibles de lui assurer un niveau de vie
décent.
Nous avons enlevé "et pour leur famille". Ce terme de "famille"
juxtaposé à l'individu est ici inutile et même dangereux,
compliquant l'interprétation de cet article, risquant de contredire les
droits fondamentaux des membres de cette famille. En effet, en étendant
à la famille le droit à des secours, les membres adultes peuvent
individuellement être privés de les réclamer en leur nom
propre, les laissant ainsi à la merci d'un membre qui détermine,
par son niveau de revenus, l'accès ou le non-accès aux services
de l'Ãtat. Par contre, si chaque personne a droit aux secours de
l'Ãtat individuellement, il est bien évident que la
nécessité d'ajouter "famille" tombe d'elle-même.
Article 45b. Toute personne a droit de bénéficier de
transferts d'avantages sociaux sans distinction discriminatoire à la
condition qu'elle ait ou qu'elle ait eu des enfants à charge ou qu'elle
soit de la génération où le mariage lésait les
femmes du droit à pourvoir elles-mêmes à leur
sécurité financière.
Nous avons dit plus haut qu'étendre le droit aux transferts
sociaux à des adultes autonomes pour la seule raison que ces adultes ont
des relations sexuelles entre eux ne peut absolument pas se justifier
socialement.
Seule une raison familiale valable peut justifier le transfert Ã
une autre personne d'avantages qu'on dit sociaux, sinon le système ne
pourra plus supporter la charge accrue de paiements injustifiables sur le plan
collectif.
Article 47a. Toute personne a droit de s'unir librement en mariage de
même qu'à défaire aussi librement ces liens.
On ne peut garder de force des personnes ensemble, le rôle de
l'Ãtat n'étant pas de faire obstacle au départ de l'un ou
l'autre des conjoints, mais plutôt de voir à ce que la
séparation ne lèse pas leurs droits ni ceux des enfants. Le
divorce doit être responsable mais libre.
Article 47b. Les époux ont, dans le mariage, les mêmes
droits, obligations et responsabilités.
Ils assurent ensemble la direction morale et matérielle de la
famille et l'éducation de leurs enfants communs.
Article 47c. Toute personne a droit, sans aucune restriction, Ã
l'information
contraceptive ainsi qu'à la gratuité des moyens
contraceptifs.
La prévention en cette matière est une
nécessité pour éviter les complications sociales de
naissance et de grossesse non planifiées, ce qui aura pour effet
d'éviter les interruptions de grossesse souvent coûteuses.
Article 47d. La maternité doit être un état
librement consenti.
Le premier droit d'un enfant étant de venir au monde
désiré, nul ne peut imposer l'acte de maternité. Il serait
malsain et dangereux pour une société de favoriser la naissance
d'êtres qui, au départ, seront rejetés. On ne peut imposer
à une femme la responsabilité d'un enfant qui nécessitera
des années d'investissement si elle ne se sent pas la force ni le
désir de l'avoir.
Article 48b. Toute personne a droit à un environnement sain que
ce soit sur les plans écologique, physique, psychologique ou moral.
Dispositions spéciales et interprétatives de la loi.
Les articles les plus importants de la charte doivent prévaloir
sur les lois postérieures à la charte mais aussi sur les lois qui
lui sont antérieures. Autrement, comment peut-on en arriver Ã
rétablir la justice fondamentale dans notre société.
Le processus préalablement instauré pour rendre conformes
les lois avec la charte se révèle trop long. Le temps requis pour
faire la révision de toutes les lois par la commission et les
recommandations appropriées au gouvernement, de même que le
délai nécessaire au gouvernement pour proposer une nouvelle
législation, lèsent beaucoup d'individus.
Ces articles importants doivent être plus nombreux et ne pas se
restreindre aux articles 9 Ã 38.
Ainsi, pour les articles concernant l'identité,
l'individualité distincte et autonome des membres d'un couple, le statut
d'adulte de chacun des conjoints, le droit de toute personne adulte à se
lier en mariage ou à rompre librement son union, le droit des
autochtones à subvenir à leurs besoins suivant leur mode
traditionnel, le droit à l'information contraceptive, à la
maternité volontaire, à l'égalité des droits,
responsabilités et obligations dans le mariage doivent logiquement
être inclus dans ces articles importants qui ont préséance
sur toutes les autres lois.
Dispositions diverses.
Article 97. Les articles 11, 13, 16, 17 et 19 ne s'appliquent pas
lorsqu'il s'agit de la formation de salariés, de personnel, de
candidats, candidates, ou d'étudiants, d'étudiantes, lorsque la
discrimination est faite dans le but de corriger une discrimination
systémique existante. Il ne s'applique pas non plus toutes les fois
qu'un choix doit se faire entre des personnes possédant une
compétence suffisante.
Article 97a. Les articles de la charte interdisant la discrimination ne
s'appliquent pas lorsqu'une provision de la loi a pour but de corriger
l'injustice systémique dont ont été victimes les femmes
à cause du rôle social que la société leur imposait
ou leur impose.
Nous limitons la discrimination positive aux programmes de formation car
l'expérience, tend à prouver que l'étendre, sans nuance
à l'embauche et aux promotions, peut se retourner contre les groupes
qu'on veut aider. Si les personnes discriminées par le système
n'ont pas la compétence nécessaire pour remplir un poste, elles
risquent de se décourager, de perdre leur ambition en plus de vivre sous
tension et d'être mal perçues dans leur environnement du
travail.
Par contre, ces obstacles disparaissent en grande partie si la
préférence n'est accordée aux personnes de ces groupes que
si la compétence est suffisante. Les réactions contre cette
discrimination mitigée n'auront guère de chance de se
développer dans un contexte qui combine justice individuelle et
sociale.
Ces limites données à la discrimination positive ne
réduisent en rien cependant la liberté qui est donnée
à toute entreprise gouvernementale ou privée de favoriser les
contrats avec les sociétés employeuses qui ont des programmes et
une politique de formation de correction systémique.
Mme Tanguay: La charte et la société. Si on veut
que la charte renouvelle en profondeur les mentalités et le
fonctionnement de la société, il va falloir que le gouvernement
en fasse une matière obligatoire au programme d'études. Elle
remplacerait avantageusement les cours religieux. Ceux-ci seraient alors
transférés dans les paroisses, aux communautés où
ces cours religieux seraient mieux adaptés et mieux
contrôlés. Un temps d'antenne devrait être accordé
gratuitement par toute station pour la diffusion et la compréhension de
la charte, comme condition d'obtention de son permis. De même, un espace
dans les journaux devrait être accordé chaque jour à un
article différent de la charte. Une chronique pourrait même
être annexée autour de la connaissance de nos droits.
Il ne suffit pas de régler des cas individuels d'injustice, il
faut que le respect de nos droits et de ceux d'autrui s'intègre Ã
notre quotidien. Des sommes raisonnables doivent être allouées par
le gouvernement à cette fin.
Nous espérons que le gouvernement accordera aux organismes
indépendants qui proposent des modifications à la charte autant
de poids qu'aux modifications conseillées par ses organismes officiels,
tels
la Commission des droits de la personne et le Conseil du statut de la
femme.
Nous notons avec une certaine inquiétude que l'attention du
gouvernement n'est généralement retenue que par les grands
organismes corporatifs, style chambres de commerce, pour qui le gouvernement
est tout yeux et tout oreilles, même dans les domaines où ces
organismes n'ont pas la compétence, comme les garderies.
Aux yeux du gouvernement, le rôle des groupes indépendants
semble ne se résumer qu'à appuyer ou à contester les
recommandations faites par ses propres organismes.
Les groupes indépendants ont des recommandations valables
à faire collés qu'ils sont aux problèmes des personnes qui
vivent des situations discriminatoires. Il serait bon d'étudier enfin
sérieusement ce qu'ils recommandent. Autrement, si la tendance
mentionnée plus haut se poursuit, la démocratie évoluera
lentement vers une dangereuse unicité de pensée et
d'orientation.
Le Président (M. Dussault): Merci, mesdames. M. le
ministre.
M. Bédard: M. le Président, je remercie les membres
du RAIF de leurs représentations devant les membres de cette commission.
Je puis les assurer qu'effectivement, les membres de cette commission prendront
en très grande considération les recommandations qui sont faites
par des groupes indépendants. Nous sommes d'accord avec vous que ces
groupes sont souvent beaucoup plus collés, comme vous le dites dans
votre mémoire, aux problèmes des personnes qui vivent des
situations discriminatoires. Vous pouvez avoir l'inquiétude que vous
manifestez à la fin de votre mémoire, mais je ne crois pas
qu'elle se soit matérialisée lorsqu'il s'est agi d'y aller de la
réforme du droit de la famille, où bien des groupes sont venus
faire des représentations. La force des groupes, en ce qui me regarde,
n'a pas influencé les décisions à prendre.
Je crois que c'est l'attitude de tous les membres de la commission; on
s'en remet à l'analyse la plus objective, la plus correcte possible du
bien-fondé des recommandations qui sont véhiculées par les
différents groupes, quelle que soit leur taille ou leur résonance
au niveau de la population.
Je me limiterai à une question sur une proposition que vous nous
faites qui est assez originale par rapport à toutes les autres qui nous
ont déjà été acheminées. à la page 3
de votre mémoire, 3e paragraphe, vous nous énoncez une position,
en ce qui a trait à la redistribution des avantages sociaux, qui est
originale par rapport à des demandes qui nous ont été
formulées, depuis le début des travaux de cette commission
parlementaire.
J'aimerais que nous me précisiez si vous suggérez,
à toutes fins utiles, l'abolition de la rente au conjoint survivant,
sauf dans les cas pour lesquels vous formulez une exception, soit les cas
où les femmes auraient, par le passé, assumé la
responsabilité de l'éducation des enfants. Devrait-on
prévoir une telle exception pour l'avenir? Est-ce que c'est le sens de
vos représentations? Ne croyez-vous pas que la rente du conjoint
survivant constitue ou constituait une sorte de droit acquis, même pour
ceux qui ont été en mesure de subvenir à leurs propres
besoins? Il ne semble pas que vous reconnaissiez cette rente du conjoint
survivant comme étant un droit acquis. Autrement dit, est-ce que vous
iriez jusqu'à suggérer que la rente du conjoint survivant doive
être possible seulement en raison d'une formule dite d'"opting in", dont
les coûts seraient assumés par le seul conjoint survivant? (19 h
30)
Mme Tanguay: C'est-Ã -dire que ce ne sont pas simplement
les femmes qui ont eu ou qui auront des enfants. Ce sont aussi les femmes
âgées, puisqu'elles ont été discriminées
avant dans la société. Il faut faire un programme. Il faut les
considérer elles aussi. Finalement, comme la charte existe pour
prévenir les cas des gens les plus démunis, il ne faut pas
oublier que ce qu'on demande, c'est la raison sociale. Notre réflexion
est basée sur la raison sociale. Ãvidemment, on ne parle pas de
régime personnel de rentes, on parle de régime de fonds public.
Il faut penser qu'il y aura de moins en moins de gens qui paieront les
régimes de rentes.
Mme Dolment (Marcelle): II va y avoir de moins en moins d'argent.
Il y a une dénatalité actuellement. Il va y avoir de moins en
moins de personnes pour payer les régimes de rentes. Les fonds sont
très limités, on le sait. Il ne faut pas les gaspiller pour
rien.
M. Bédard: Vous admettrez avec moi... Oui?
Mme Bacon: J'ai juste une question, dans le même sens. Si
je saisis bien ce que vous vouliez dire, la population active va être de
moins en moins nombreuse pour payer les régimes de rentes.
Mme Tanguay: Oui, effectivement, selon les statistiques.
Mme Bacon: Ã ce moment, vous voulez que les gouvernements
fassent une sélection des gens qui recevraient les
bénéfices. Qu'il y ait une sélection faite par les
gouvernements, c'est cela?
Mme Tanguay: C'est-Ã -dire qu'il y ait une raison sociale.
Si un couple de même sexe habite ensemble et a un enfant, puisque
maintenant c'est permis d'en adopter un, on appelle cela une raison sociale,
donc lui aussi aura droit à des avantages.
M. Bédard: Cela s'appliquerait au régime public
aussi?
Mme Dolment: Oui, public ou privé.
M. Bédard: Si j'achemine cette recommandation au ministre
des Finances, j'ai l'impression qu'il va la relire à plusieurs reprises,
parce que, comme vous le dites, en termes de retombées, cela
représente plusieurs centaines de millions de dollars d'économie.
J'aimerais que vous détailliez un peu plus...
Mme Tanguay: Vous voulez dire quant à la...
M. Bédard: ... cette proposition que vous nous faites.
Mme Tanguay: On s'est basé surtout sur la raison sociale.
Pourquoi des gens auraient-ils le droit de bénéficier d'avantages
sociaux? Parce qu'ils couchent ensemble? Comment allez-vous pouvoir faire pour
le savoir? Ã ce moment, cela veut dire que je peux faire
bénéficier de mon régime un oncle ou une cousine qui n'est
même pas au Québec. On sait très bien que les gens les plus
démunis - présentement, il y a 75% des gens âgés de
plus de 65 ans vivant dans la pauvreté qui sont des femmes - n'ont pas
eu de régime de rentes. C'est toujours en pensant socialement aux gens
les plus démunis.
Mme Dolment: II n'y a aucune raison que deux personnes qui vivent
ensemble, que ce soit un frère et une soeur, deux frères, deux
soeurs, une fille et sa mère, deux amis, ne pourraient pas en profiter.
Si vous voulez enlever la discrimination envers les conjoints de fait ou
l'enlever envers des homosexuels, à ce moment-là , il faut
l'enlever aussi envers les amis ou avec les gens avec lesquels on vit.
Pourquoi, parce qu'on vit dans un même logement et qu'on a des relations
sexuelles, pourrait-on bénéficier d'une rente de conjoint
survivant et, que, parce qu'on n'a pas de relations sexuelles, on ne pourrait
pas en bénéficier?
Cela ne tient pas debout. C'est parce que les gens ont toujours
raisonné un peu par tradition. Avant, il y avait une raison. En
général, les gens qui vivaient ensemble; c'est parce qu'ils
avaient une famille en tête, mais cela a disparu. Il faut
réévaluer pourquoi ces choses ont été
accordées. Là , il va falloir étendre la rente Ã
tout le monde, parce que tous les gens vont demander qu'il n'y ait pas de
discrimination envers eux. La raison qu'il y a une relation sexuelle avec
quelqu'un, ce n'est pas une raison valable, il faut qu'il y ait une raison
sociale valable, et la raison sociale valable qu'on a mise, ce sont deux
choses: les personnes âgées, des femmes âgées, parce
qu'elles ont été discriminées par la
société, et quand il y a un enfant ou qu'il y a eu des enfants,
parce qu'on sait très bien que la femme qui est restée Ã
la maison un certain temps, même si elle n'a plus d'enfants à sa
charge, a perdu du temps pour s'accumuler une rente et une
sécurité.
M. Marx: Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Bédard: Je sais qu'il y a plusieurs points qu'on
pourrait toucher, mais ils ont quand même déjÃ
été abordés dans d'autres mémoires.
M. Marx: Ai-je raison de dire que vous avez
présenté le mémoire en fonction de la loi 89?
Une voix: Oui.
M. Marx: C'est cela. J'ai déjà vu certaines des
idées qu'on retrouve dans le mémoire. C'est évident que
vous avez eu une influence sur la rédaction de la loi 89, parce qu'on a
fait état à l'époque de toutes vos idées, une ou
deux, une partie, ont été incorporées dans la loi, mais,
bien sûr, pas toutes vos idées. Ceci s'applique à tout le
monde. Mais j'ai l'impression, par exemple, en lisant la page 14, que vous
voulez refaire la loi 89 ou refaire le Code civil par le biais de la charte,
concernant le divorce, par exemple.
Mme Tanguay: C'est-Ã -dire que, comme la charte est un
instrument qui est quand même là et qui est finalement la
pensée pour toutes les lois, il est important d'être assuré
d'une base pour les droits fondamentaux. C'est pour cela qu'on s'est permis de
faire certaines réflexions concernant les droits des personnes.
M. Marx: Ce n'est pas mauvais de le refaire, mais on a
traité du divorce lors de la discussion sur loi 89 et je ne pense pas
qu'on puisse revenir sur cette question tous les six mois. Je pense que madame
à votre droite était ici... Pardon?
Une voix: Mme Normand.
M. Marx: Oui, Mme Normand. Elle a suivi le débat sur la
loi 89. On a traité de
toutes ces questions et on a finalement adopté le projet de loi
89. Je ne pense pas qu'on puisse refaire la loi 89 par le biais de la
charte.
Mme Dolment: Justement, on voit à quel point c'est
important de mettre dans la charte ce droit fondamental de pouvoir divorcer
librement, parce que la loi 89 ne respecte pas cela du tout. On accorde le
droit de divorcer uniquement par consentement mutuel. En fait, les couples qui
en ont le plus besoin, ce sont ceux qui ne s'accordent pas, parce que, s'il y
un minimum d'accord pour divorcer, la situation n'est pas trop grave, elle
n'est peut-être pas fameuse, mais elle n'est pas trop grave, mais dans le
cas où un des deux ne veut pas divorcer et fait des misères
à l'autre, c'est là où c'est important. C'est justement ce
qu'on dit. Si on avait eu la charte avec ce droit fondamental inscrit, on
n'aurait pas eu le droit dans le Code civil, même s'il n'est pas encore
en application à cause de juridictions, on n'aurait pas eu le droit de
dire que, dans le cas où un des deux ne veut pas, ils ne pourront pas
divorcer. C'est absolument aberrant, c'est même ridicule de forcer des
gens à vivre ensemble et que le juge dise: Je ne vous accorde pas le
divorce. C'est stupide.
M. Marx: On a fait ce débat lors de l'étude du
projet de loi 89, si le ministre veut le refaire...
Mme Dolment: Non, c'est parce que vous dites que ce n'est pas
nécessaire de le mettre dans la charte.
M. Marx: Non, parce que...
Mme Dolment: C'est pour cela que c'est important de le mettre
dans la charte. Si ce droit...
M. Marx: Mais la charte n'est pas le fourre-tout de toutes les
idées des Québécois. La charte aura 1800 pages, si on le
fait. Je siège ici depuis deux semaines maintenant et les intervenants
veulent qu'on règle tous les problèmes de la
société par le biais de la charte, qu'on mette une sorte de
convention collective sur l'éducation dans la charte - cela,
c'était avant vous aujourd'hui - qu'on mette tout le droit civil dans la
charte. Il y a une limite à ce qu'est un droit fondamental; on ne peut
pas tout mettre. Il y a le Code civil qui traite du divorce, du mariage et
ainsi de suite. Si on veut régler des problèmes de mariage et de
divorce, que l'on fasse des modifications au droit civil.
Mme Tanguay: Je m'excuse M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Oui, madame.
Mme Tanguay: Est-ce qu'il s'agit bien des droits fondamentaux?
Est-ce qu'il s'agit bien de la charte des personnes? On ne parle pas de lois
sectorielles; on parle des droits fondamentaux des personnes. Alors, c'est pour
cela que l'on s'est permis d'inscrire cela ici. Ãcoutez, il n'y en aura
pas de problèmes à partir du moment - je veux dire que c'est
sûr que ce sont des principes de base, des énoncés -
où les lois s'accorderont pour faire une loi sectorielle dans tel ou tel
domaine. Mais il faut s'assurer qu'il y ait une réflexion au
départ. Finalement, une charte, c'est cela son rôle.
M. Marx: En autant que le divorce est un droit fondamental, c'est
reconnu; ce sont les modalités qu'on a mises dans le Code civil.
M. Bédard: II y a quand même des libertés -
il ne faudrait pas l'oublier là -fondamentales qui sont
déjà dans la charte. Je pense que l'on peut se comprendre. Vous
parlez du droit à la vie, de la personnalité juridique. Tout
être humain a droit à la vie, ainsi qu'à la
sûreté, à l'intégrité physique, à la
liberté de sa personne. En fait, je pense que ce n'est pas le propre
d'une charte de détailler ce que veut dire l'application de ces droits
fondamentaux. à partir du moment où le principe du droit Ã
la vie est là , il y a tout ce qui en découle.
Tout être humain dont la vie est en péril a droit au
secours, cela y est déjà . Maintenant, on y a ajouté, par
exemple, la nécessité que quelqu'un qui porte secours -je pense
que c'est une amélioration qui a été proposée - ne
soit pas l'objet de sévices ou de quelque poursuite que ce soit. Je
pense que cela se comprend. Les libertés fondamentales, la
liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté
d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion
pacifique, la liberté d'association, c'est dans la charte, de même
que plusieurs des éléments dont vous parlez. Remarquez, on en
parle ensemble, mais ce sont, je pense, des remarques qui peuvent s'appliquer
à tous les groupes. Je ne voudrais pas avoir l'impression de commencer
à réciter la charte parce que c'est votre groupe qui fait des
représentations devant la commission, je pense qu'on se comprend, mais -
je pense que cela vous fait honneur - tous les éléments que vous
amenez au niveau de cette préoccupation que vous avez concernant la
sauvegarde de la dignité humaine, dans la charte il y en a un principe
de ce côté-là qui dit: Toute personne a droit à la
sauvegarde de sa dignité, de son honneur, de sa réputation. C'est
quoi, l'application pratique de cela? Je ne pense
pas que c'est le travail de la commission d'essayer, au niveau de tous
les droits, d'en prévoir l'application ou les incidences au niveau de la
charte, parce que là , je le dis respectueusement, on n'en terminerait
pas. Sur chacun des droits fondamentaux, on pourrait presque écrire un
volume si on commence à parler de son application. Enfin.
Le Président (M. Gagnon): Madame.
Mme Tanguay: Oui, M. le Président, je comprends
très bien...
M. Bédard: Je ne voudrais pas diminuer l'essentiel des
représentations que vous nous faites.
Mme Tanguay: ... mais puisqu'il s'agit ici d'une charte sur les
droits de la personne, j'ai été étonnée de voir
qu'il y avait quand même 51% de la population dont vous ne tenez pas
compte, c'est-Ã -dire les femmes. Pourquoi? Parce qu'Ã aucun
endroit je ne lis dans la charte - pendant tout le temps où j'ai
rédigé le mémoire, je m'y suis
référée - que les femmes ont des droits fondamentaux
à une identité autonome; il n'y a pas de droit au respect de
l'individualité des conjoints dans le couple, il n'y a pas la
reconnaissance du statut d'adulte quels que soient les liens contractés.
Je trouve que c'est très important. Comment voulez-vous que les gens se
défendent si ces choses-là qui sont essentielles ne sont pas
là ? Je trouve que c'est vraiment une... (19 h 45)
M. Bédard: Toutes les libertés que
j'évoquais tout à l'heure, ce n'est pas dans la charte, on ne dit
pas "tout être humain" et la définition de l'être humain
c'est un homme, c'est toute personne. Tous les droits que je viens de vous
exprimer - c'est clair au niveau de la charte - c'est autant pour les hommes
que pour les femmes, cela me semble bien clair. Qu'on parle de dignité
humaine, qu'on parle de droit à l'honneur, droit à la
réputation, droit à la non-discrimination concernant le sexe,
etc., on peut s'entendre ensemble. LÃ -dessus, tous les droits qui sont
à l'heure actuelle dans la charte, entendons-nous, cela regarde tout le
monde, c'est toute personne sans distinction.
Mme Tanguay: Pardon, M. le Président.
M. Bédard: Maintenant qu'il y ait des améliorations
à faire par rapport à votre préoccupation qui est tout
à fait normale, à savoir que les femmes représentent,
à juste titre, vous le dites, 51%, oui, c'est clair qu'il faut avoir une
attention particulière, comme il faut avoir aussi une attention
particulière par rapport à tous les autres groupes qui
véhiculent chacun des expériences de vie...
Mme Tanguay: Mais il ne s'agit pas...
M. Bédard: ... et des revendications qui sont
normales.
Le Président (M. Gagnon): Alors, Mme Tanguay.
Mme Tanguay: II ne s'agit pas ici d'un groupe au même titre
que les handicapés, puisque de toute façon - je veux dire les
femmes composent 51% de la population. Alors, la maternité volontaire
c'est un droit qui doit être reconnu, puisque 51% d'une population subit
ou risque...
M. Bédard: Vous faites des recommandations très
intéressantes; peut-être qu'on a cru bon de rappeler un peu
l'essentiel de ce qui est déjà contenu dans la charte, par
rapport à des préoccupations que vous évoquez. Vous pouvez
être convaincues que nous allons étudier très attentivement
votre mémoire.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee, après quoi je...
M. Bédard: Madame voulait ajouter quelque chose.
Le Président (M. Gagnon): Madame... M. Marx: Madame
avant moi...
Le Président (M. Gagnon): Mme
Tanguay.
Mme Tanguay: Oui, M. le Président, si vous me dites que ce
sont des recommandations intéressantes, alors cela veut dire que vous
n'assumez pas le fait qu'une société doit se perpétuer,
puisque c'est quand même un état de fait.
M. Bédard: Quand je vous dis que ce sont des propositions
très intéressantes, dont on va tenir compte au niveau de
l'ensemble des membres de la commission, je ne vois pas en quoi c'est contraire
à ...
Mme Dolment: Est-ce que le droit le plus fondamental d'une
femme...
M. Bédard: Pardon?
Mme Dolment: Est-ce que le droit le plus fondamental des femmes,
qui sont 51% et sans qui la société n'existerait pas, c'est de
pouvoir décider de leur maternité et est-ce que les plus grandes
misères ne sont pas dues au fait que des enfants non voulus sont mis au
monde? Encore récemment il y avait des études de psychologues
pour dire que c'est une des situations les plus graves; les enfants sont venus
au monde n'étant pas
désirés coûtent très cher à la
société en toutes sortes de complications, vandalisme, prison,
rejet, sans compter les coûts économiques. Ce droit fondamental
n'est même pas dans la charte, alors que c'est le droit le plus
fondamental de tous. On voit bien que c'est vrai, vous avez fait la charte pour
les hommes et les femmes, mais non pas en vous préoccupant des
situations vécues par les femmes qui sont d'abord de mettre au monde les
enfants qu'on veut et qui sont désirés. Deuxièmement, les
femmes n'ont aucune espèce de revenu.
M. Bédard: C'est-à -dire qu'il ne faudrait
peut-être pas conclure avant que vous puissiez prendre connaissance des
amendements qu'on pourra apporter à la charte avec l'assentiment de
l'Assemblée nationale. Je peux difficilement vous dire plus qu'aux
autres groupes, vous avez un ensemble de recommandations qui est très
substantiel et nous allons les étudier avec beaucoup d'attention.
Le Président (M. Gagnon): La parole est maintenant au
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Le ministre a pris tout mon temps, mais il a posé
quelques questions que j'aurais voulu poser moi-même. Qu'est-ce que le
droit à la maternité? Je n'ai pas compris cela, peut-être
que je suis d'une autre génération, mais le droit à la
maternité cela veut dire quoi?
Mme Tanguay: Si vous vous référez...
M. Marx: Ãtre volontaire, on ne peut pas forcer quelqu'un
à avoir un enfant.
Mme Tanguay: Non, effectivement, c'est un droit fondamental.
M. Marx: Oui, je vois. Cela veut dire quoi? On ne peut pas forcer
quelqu'un à être enceinte, cela veut dire que c'est volontaire
dans ce sens?
Mme Tanguay: Alors, pourquoi existe-t-il des comités
thérapeutiques?
M. Marx: Oui, c'est cela. L'avortement, on ne peut pas en
discuter ici, parce que c'est une compétence fédérale,
malheureusement. C'est dans le Code criminel, veut veut pas, on ne peut rien
faire dans le sens de modifier le droit à l'avortement.
Mme Dolment: Les autochtones aussi, et vous les mettez pourtant
dans la charte. On fait une charte générale, on ne s'occupe pas
des juridictions.
M. Marx: Parce que les autochtones qui ne sont pas inscrits en
vertu de la Loi sur les Indiens se trouvent sous la compétence de
l'Assemblée nationale.
Mme Dolment: Tous les droits qui sont de juridiction
fédérale sont là -dedans, parce que ça chevauche un
peu, de toute façon, les comités thérapeutiques et les
hôpitaux relèvent du provincial.
M. Marx: Oui. Pardon?
Mme Marois: En conformité quand même avec les
lois.
M. Marx: C'est en conformité avec le Code criminel, mais
dans ce sens, le gouvernement du Québec pourrait réglementer ces
comités thérapeutiques.
Juste une dernière remarque. Je trouve votre propos
contradictoire, Ã la page 17. Vous voulez qu'on exige que les journaux
publient certains renseignements sur la charte. Exiger que les journaux
publient quoi que ce soit serait empiéter sur la liberté de la
presse.
Mme Tanguay: C'est-Ã -dire qu'on fait certaines
propositions.
M. Marx: Vous avez écrit à la page 17: "Un temps
d'antenne devrait être accordé gratuitement par toute station pour
la diffusion et la compréhension de la charte, comme condition
d'obtention de son permis. "De même, un espace dans les journaux devrait
être accordé chaque jour à un article différent de
la charte."
C'est dangereux pour un gouvernement d'imposer quoi que ce soit aux
journaux et aux postes de radio, parce que, un jour, ça peut être
une chose et l'autre jour, une autre chose.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey. Excusez.
Mme Tanguay: J'aimerais répondre s'il vous plaît. En
temps d'élection, les postes de télévision ou les
journaux, que ce soit électronique ou autre, donnent du temps d'antenne.
Le CRTC, même si ce n'est pas sous votre juridiction, a quand même
certains règlements quand il octroie un permis à quelqu'un, c'est
dans la même optique qu'on le fait.
Mme Dolment: Quant au contenu canadien, il faut qu'il y ait tel
pourcentage et pourtant, vous ne le prenez pas comme si c'était une
atteinte à la liberté de la presse. C'est parce que justement, vu
qu'ils font des profits avec la société, il faut quand même
qu'ils rendent un service social. Le plus fondamental, puisqu'on dit que la
charte est la plus importante, je pense que ce serait
normal. De toute façon.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Chomedey.
Mme Bacon: Je ne voudrais pas éterniser le débat
mais il y a quand même certains articles qui sont intéressants.
J'aurais des questions à poser au groupe que nous avons devant nous.
Vous écrivez à 1c: "Toute personne a droit à une
identité autonome sa vie durant, quels que soient son âge ou son
statut civil."
Vous faites allusion à la longue lutte qu'ont menée les
femmes pour le respect de leur identité et vous ramenez ça aussi
au statut des enfants en disant que les enfants pourront prendre un nom
différent de celui des parents. C'est une démarcation par rapport
à un sens de propriété que pourraient avoir des parents,
par exemple. Est-ce parce que vous croyez que l'identité, le nom est de
première importance pour qu'on retrouve une identité propre? J'ai
des doutes, mais j'aimerais savoir pourquoi vous arrivez à ça en
disant: II faut transporter ça aux enfants maintenant.
Mme Tanguay: C'est-à -dire que ça fait aussi partie
des droits fondamentaux puisque, de toute façon, si vous portez... C'est
la même chose que les droits fondamentaux. Si on impose un nom Ã
un enfant, et si, au moment où il aura 18 ans, pour telle raison, il
veut devenir quelqu'un d'autonome, qu'il puisse avoir le choix au moins une
fois dans sa vie, puisque le nom qui lui aura été donné ne
lui conviendra plus...
Mme Bacon: Est-ce que, pour vous, le respect de l'identité
se limite à un nom? C'est un enfant quand même. Les femmes ont
obtenu l'identité propre. Pour moi, c'est beaucoup plus vaste qu'un nom,
ce que les femmes ont obtenu. Ramenez-vous ça à un nom ou si,
pour vous, c'est aussi vaste?
Mme Tanguay: Pour nous, cela fait partie des droits fondamentaux,
parce que, si vous regardez au début, on a ajouté cinq articles
à l'article 1. Pour être assuré des droits fondamentaux,
cela fait partie de cela.
Mme Dolment: Je vais vous donner un exemple très important
par rapport à la loi 89. On voit à quel point c'est important que
le nom de l'enfant soit son nom à lui. Vous savez que s'il y a une
contestation de paternité, que le père gagne la contestation de
paternité, il peut enlever son nom à l'enfant qui a sept ans, qui
a porté son nom jusqu'à sept ans. On voit que c'est absolument
aberrant. C'est sûr que c'est encore une démarche qui va encore
plus loin, où les gens vont dire: Encore une autre affaire! Au fond, le
nom de l'enfant lui est donné sans même qu'il puisse donner son
assentiment, oui ou non. Si, à un moment donné, pour X raisons,
il ne veut plus porter ce nom qu'on l'a forcé à porter, on
voudrait qu'à l'âge de 18 ans, il puisse dire une fois au moins:
Je ne veux pas ce nom, on me l'a imposé - cela peut être pour X
raisons - et je veux en changer, et qu'il ne soit pas obligé de payer ou
mettre comme c'est écrit dans la loi, plaider devant le tribunal pour
circonstances exceptionnelles et tout le reste. C'est une démarche qui
va un peu plus loin, mais c'est fondamental, l'identité d'une
personne.
Mme Bacon: II y a aussi un autre point à la page 7
où on parle du statut d'adulte pour les femmes. Souvent, on
ramène cela à des considérations d'argent. Est-ce que le
fait que les femmes aient eu autant de problèmes sur le plan de l'argent
à vraiment prendre une place importante dans la société,
c'est une des raisons qui vous font ramener souvent ce statut d'adulte des
femmes à des considérations d'argent. Il y a des questions
d'argent qui reviennent dans votre mémoire. Est-ce que c'est parce que
c'est un point majeur dans les préoccupations que vous partagez?
Mme Tanguay: Le statut d'adulte est un point majeur, mais qu'il y
ait conséquence -effectivement, il y a eu conséquence par son
rôle social - c'est une conséquence comme cela aurait pu
être une autre conséquence.
Mme Dolment: C'est une des conséquences qui affectent le
plus la femme, et c'est certain. Parce qu'elle est en tutelle, on sait
très bien que tous les pays le savent, si on n'a pas d'autonomie
économique, on ne va pas tellement loin. Vous serez sûrement
d'accord. C'est quand même absolument aberrant de penser que, dans la
société, la seule personne qui n'a aucun revenu propre,
même si elle travaille, c'est la femme. Elle est en tutelle, c'est son
mari qui a la déduction de personne mariée, comme si elle
était une enfant. Là , on voit la conséquence du statut
d'adulte, c'est la même chose pour le divorce. C'est basé sur la
pension alimentaire, et non pas sur des mesures compensatoires.
Mme Bacon: Si la femme travaille, son mari n'a quand même
pas cette possibilité.
Mme Tanguay: On parle toujours de droits fondamentaux, on parle
toujours des personnes les plus discriminées.
Mme Bacon: Pas si elle travaille.
Mme Tanguay: Quand on fait référence à la
charte, on pense à la charte pour protéger les personnes les plus
démunies,
alors qu'on s'aperçoit dans les faits que, dans la
société, les personnes les plus démunies demeurent les
femmes, puisque, si elles doivent rester à la maison pour élever
des enfants, elles vont avoir droit au retour d'impôt pour le mari et non
pour elles, d'une part, et d'autre part, elles vont avoir droit aussi...
Prenons un autre exemple, celui de l'aide sociale, si un conjoint de fait ou si
une femme - vous allez me dire qu'un mari, normalement, selon les principes,
doit faire vivre sa femme, ce qui n'est pas évident -ne serait-ce que
conjoint de fait, ne peut pas demander l'aide sociale, parce qu'elle a
quelqu'un qui est censé pourvoir à ses besoins même si elle
n'est pas mariée, alors que si elle vivait une relation homosexuelle,
elle ne serait pas discriminée; c'est la même chose pour les
bourses d'étude.
Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre d'Ãtat
à la Condition féminine.
Mme Marois: Habituellement, les ministres d'Ãtat, c'est au
développement, mais dans ce cas-ci, on n'a pas jugé bon. Cela
viendra un jour, oui! Je ne reviendrai pas sur beaucoup de choses qui sont dans
votre mémoire. Dans le fond, mon collègue de la Justice n'est
peut-être pas très généreux quand il dit qu'il y a
beaucoup de choses nouvelles. Je pense qu'il y en a énormément.
Vous devancez sûrement et, dans beaucoup de cas, bien des
mentalités, bien des approches et bien des constats qui sont faits dans
une société. Dans certains cas, je suis à même de le
vivre, parce que, dans le dossier de la condition de vie des femmes au
Québec, c'est continuellement une question d'équilibre entre des
mentalités et des changements qu'on voudrait voir arriver. Si on les
fait trop vite, les gens ne suivent pas ou les mentalités ne suivent
pas, de telle sorte qu'on fait des reculs qui sont à ce moment-lÃ
beaucoup plus dommageables finalement que les objectifs qu'on s'était
fixés en corrigeant fondamentalement des choses.
Je ne reviendrai pas sur beaucoup de choses qui sont dans votre
mémoire et qui peuvent être discutables, et qui peuvent aussi
être très intéressantes, mais, compte tenu de l'état
d'avancement actuel des mentalités, jusqu'où pourrait-on aller
dans certains cas et jusqu'où on ne peut pas aller, je trouve que cela
pose ce problème dans beaucoup des remarques que vous faites ici.
Je vais venir avec une question précise qui est à la page
16 de votre mémoire où vous parlez de l'article 97. Même si
ce numéro a été modifié, c'est secondaire, le fond
reste le même. Vous parlez d'abord de discrimination positive. Mme
Dolment a suivi beaucoup les travaux de la commission à ce jour. On
parle beaucoup plus de programmes d'accès Ã
l'égalité et de choses comme cela, justement pour lutter contre
le fait qu'on ne parle pas, à ce moment-là , de discrimination. Je
pense que c'est important. Mais ce qui me surprend un peu, c'est que vous vous
limitez - imaginons les programmes d'accès Ã
l'égalité ou de redressement - aux programmes de formation.
LÃ , vous continuez et vous dites: Ã l'embauche ou dans les
politiques de promotion, cela pourrait nuire aux femmes. Ãvidemment, si
on le voit comme des mesures discriminatoires, cela nuit; si on le voit dans
une perspective fort différente - je ne reviendrai pas sur la
philosophie - des programmes d'accès à l'égalité,
cela devient fort différent comme approche. Tous les groupes de femmes
qui sont venus avant vous sont allés beaucoup plus loin que ce qui est
là ; ils ne se limitent absolument pas aux programmes de formation, mais
à l'embauche, aux politiques d'emploi, de main-d'oeuvre Ã
l'intérieur de l'entreprise, à toutes espèce de choses
qu'on retrouve dans leurs différents mémoires.
D'autre part, je vous cite juste une petite phrase tirée du
mémoire de la commission, parce que ce que vous apportez ici pourrait
laisser sous-entendre cela: "De plus, l'employeur n'est jamais tenu d'engager
des personnes qui n'ont pas les qualifications nécessaires pour
accomplir une tâche. Si l'objectif n'est pas atteint, l'entrepreneur
n'encourt pas de sanction, s'il peut prouver qu'il a fait tous les efforts
nécessaires pour l'atteindre." On ne parle pas de discrimination dans
l'embauche; on dit, dans le fond: à compétence égale, on
va privilégier le groupe minoritaire, mais on ne dit jamais: Ã
compétence inégale, on va privilégier la personne du
groupe minoritaire même si elle n'est pas compétente. Votre
approche m'embête un peu ici dans ce sens, parce qu'elle est fort
différente de toutes celles qui ont été apportées
ici.
Mme Tanguay: C'est-à -dire que nous avons plutôt
pensé à compétence suffisante. Je vais vous expliquer
pourquoi. Ce qui a été notre ligne de pensée, quand on a
rédigé le mémoire, c'est qu'aux Etats-Unis, on a mis sur
pied l'action positive. Pour obtenir une subvention gouvernementale, il fallait
s'assurer que le privé mette sur pied l'action positive. Il y avait des
quotas à remplir. On a embauché plein de Noirs, plein de femmes
et on en est arrivé, à un moment donné, à dire:
Vous voyez qu'ils sont inefficaces. On s'est dit: Soyons assurées que
ces femmes auront la compétence suffisante, égale Ã
quelqu'un d'autre pour ne pas se discriminer par elles-mêmes plus tard ou
qu'on ne les mette pas dans une situation discriminatoire.
Mme Marois: Mais, de par toute l'expertise qui a pu se
développer au cours des séances précédentes qu'on a
eues, dans le fond, on ne parle absolument pas de
compétence inégale ou insuffisante. Je suis d'accord avec
vous que la formation est probablement un des éléments clefs
à l'intérieur des programmes, mais c'est un des
éléments des programmes d'accès Ã
l'égalité que la formation. Si vous regardez en détail
certains projets de programmes, la notion de formation y est toujours
présente; c'est exceptionnel qu'on ne la retrouve pas.
Une voix: On dit la même affaire.
Mme Marois: D'accord, c'est cela, sauf que je dis que je ne veux
pas que ce soit limité à cela seulement.
Mme Dolment: Cela revient exactement au même, on inscrit
compétence suffisante. Cela revient au même.
Le Président (M. Gagnon): Je voudrais remercier le
Réseau d'action et d'information pour les femmes pour son
mémoire.
Regroupement des aveugles et amblyopes
J'appelle maintenant le Regroupement des aveugles et amblyopes du
Québec, représenté par M. Jean-Marie D'Amour.
M. Langevin (Denis): M. le Président, M. le ministre,
chers membres de la commission, j'aimerais apporter une rectification: je ne
suis pas Jean-Marie D'Amour, je suis Denis Langevin. J'ai été
délégué par le Regroupement des aveugles et amblyopes du
Québec qui a étudié le mémoire, qui a
rédigé le mémoire aussi. Cela a été fait en
comité spécial à Montréal et on m'a
délégué pour venir le présenter ici.
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes M. Denis
Langevin.
M. Langevin: Langevin, Denis Langevin.
Ce que je vais vous présenter, c'est un très bref
mémoire. Avec le temps qu'on a eu, disons qu'on a voulu commenter
quelques modifications à apporter à la charte. On a trois
modifications concernant, premièrement, l'ajout de l'âge comme
motif interdit de discrimination. Le deuxième point, c'est
l'élimination de la discrimination dans les avantages sociaux par
l'abrogation de l'article 90, notamment. Le troisième point, c'est, les
programmes d'action positive ou les programmes de redressement.
Les trois points que je vais apporter sont des points dont on a beaucoup
parlé cet après-midi et ce matin. Il n'y a rien de neuf dans
cela, sauf que je vais vous apporter peut-être le point de vue des
handicapés visuels que je représente. Il y a des
particularités à cela, c'est pourquoi on est fortement d'accord
sur ces trois points.
L'ajout de l'âge comme facteur discriminatoire. Actuellement, au
Québec, on a un programme qu'on appelle le programme des aides visuels
qui est administré par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec et qui a été mis en place par le gouvernement du
Québec, mais qui est discriminatoire en ce sens que les personnes de 36
ans et plus n'ont pas droit à tous ces services seulement parce qu'elles
ont 36 ans et plus. On a décidé de limiter ce programme aux
personnes de 0 Ã 35 ans. Cela devait se faire en trois phases. En 1975,
il devait y avoir trois phases dans une couple d'années environ, mais on
est en 1981 et la troisième phase, pour les 36 ans et plus n'est pas
encore appliquée. On sait, nous autres, que la population des
handicapés visuels qui a 36 ans et plus est la majorité des
handicapés visuels, et dans le moment ils sont discriminés
très injustement.
Le deuxième point, c'est les avantages sociaux. On a aussi
beaucoup parlé de cela, aujourd'hui. La population de handicapés
visuels que l'on représente, ce sont les aveugles et les amblyopes. Pour
le besoin de la cause, les amblyopes sont des demi-voyants. On est très
souvent discriminés aussi parce que les assureurs vont apporter un
argument assez facile en disant que nous sommes un risque plus
élevé pour eux. à notre avis, c'est un
préjugé sans fondement; c'est absolument faux. Si l'on
connaissait mieux les causes du handicap, les conséquences du handicap
et la façon peut-être de répondre aux handicapés,
c'est une chose qui n'existerait pas; c'est absolument faux et c'est
discriminatoire pour nous. En abrogeant l'article 90 de la charte, on croit que
cela rétablirait la situation. C'est une chose à laquelle toute
personne handicapée a droit présentement.
Le troisième point qu'on a voulu commenter, c'est les programmes
d'action positive ou les programmes de redressement. Encore là , on est
parfaitement d'accord avec cela, puisque c'est encore un domaine où les
handicapés visuels ont beaucoup de difficultés, sont
discriminés très souvent, le domaine de l'emploi. Les programmes
d'action positive ou de redressement, comme on les appelle, seraient un moyen
pour équilibrer cette situation, nous donner notre part, la part que
nous méritons. Cependant, il nous semble que les programmes de
redressement ont sensiblement la même philosophie que les plans
d'embauche qui sont prévus par l'Office des personnes handicapées
à l'article 63 de la loi 9 sur les droits de la personne
handicapée. Cet article 63, soit dit en passant, n'est pas encore en
vigueur. On nous dit qu'il le sera bientôt. C'est sensiblement la
même chose. C'est pour cela qu'on se pose un petit peu des questions
à savoir qui devrait prendre cela en main, qui
devrait administrer cela. Est-ce l'Office des personnes
handicapées ou la Commission des droits de la personne? On écrit
aussi dans notre mémoire qu'on n'a pas la compétence voulue pour
décider qui devrait prendre cela en main, mais on vous fait confiance;
on croit qu'il est possible d'avoir une harmonie dans cela.
C'est à peu près le résumé que je peux
faire. Je remercie énormément la commission d'avoir voulu nous
accorder ce temps-là pour venir donner le point de vue de la population
que l'on représente, que je représente, les handicapés
visuels, les aveugles et les amblyopes.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Langevin, M.
le ministre.
M. Bédard: Au nom des membres de la commission, je
remercie M. Langevin de ses représentations. Effectivement, il a raison
de dire que le programme des aides visuelles administré par le
Régie de l'assurance-maladie ne s'adresse qu'aux personnes de 36 ans et
moins. Comme on le sait, le programme d'aides visuelles a été
implanté par règlement en 1977 et ce programme permet à un
établissement reconnu, c'est-à -dire qui a conclu une entente avec
la Régie de l'assurance-maladie, de fournir à certaines
conditions des aides visuelles approuvées par règlement. Au
début, le programme ne s'appliquait - c'est pour cela que M. Langevin a
parlé des trois phases qui avaient été convenues au
départ - qu'aux personnes âgées de moins de 18 ans. Il a
été ensuite étendu aux personnes âgées de
moins de 36 ans en 1979. En 1981, on a apporté une modification pour
permettre aux bénéficiaires du programme qui ont atteint
l'âge de 36 ans de continuer à en bénéficier. Tel
que vous nous l'avez expliqué, les plus de 36 ans ne sont pas
touchés et je pense que vous pouvez être assurés que je
vais faire toutes les représentations nécessaires auprès
de mon collègue, le ministre des Affaires sociales, concernant cette
revendication très légitime que vous nous faites.
Vous nous avez parlé, d'une façon spéciale, des
programmes dits d'action positive ou d'accès Ã
l'égalité; est-ce que vous croyez que ces programmes devraient
être obligatoires? Je comprends que vous insistez pour que ces programmes
soient faits en consultation avec les handicapés ou avec les organismes
qui les regroupent de manière à arriver Ã
l'élaboration de programmes qui répondent vraiment aux
problèmes auxquels vous êtes confrontés. Vous nous parlez
de discrimination au niveau du secteur de l'emploi, les handicapés
étant sans doute victimes de discrimination dans d'autres secteurs que
l'emploi. Je pense que les membres de la commission doivent se pencher sur
cette réalité. Est-ce que vous croyez que ces programmes
devraient être, d'une part, obligatoires, d'autre part,
élaborés dans une large consultation avec les organismes tels que
les vôtres?
M. Langevin: D'une part, obligatoires, oui, je crois qu'ils
devraient être obligatoires. Parce que la philosophie, je parle du plan
d'embauche, a été plus élaborée. Je peux donner
quelques explications pour les besoins des auditeurs; on suggérait,
à l'article 63, que tout employeur de 50 employés et plus devrait
fournir un plan d'embauche qui comprendrait un certain pourcentage de
handicapés. On ne donne pas de pourcentage mais c'était dans le
but d'engager des handicapés. Que ça se fasse de cette
façon ou que ça se fasse d'une autre façon par des
programmes de redressement, je pense que c'est nécessaire que ça
se fasse. C'était important aussi, on ne veut pas seulement avoir des
emplois mais avoir des emplois qui correspondent aux études que les
handicapés peuvent avoir faites. On ne veut pas être le "cheap
labour" de la fonction publique, avoir des petits postes de secrétaire
quand quelqu'un a un bac en n'importe quoi. Il y a des gens parmi les
handicapés qui ont les compétences voulues mais on veut...
M. Bédard: Que ces compétences soient
reconnues.
M. Langevin: ... qu'elles soient reconnues. Oui.
Le Président (M. Gagnon): Excusez.
M. Langevin: Est-ce que ça répond
entièrement à votre question?
M. Bédard: Cela répond à ma question.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai trouvé le point sur l'âge très
pertinent. Le ministre a pris son premier engagement aujourd'hui, de parler
à son collègue; c'est le premier engagement qu'il a pris depuis
deux semaines.
M. Bédard: Je suis très heureux de l'entendre.
M. Marx: II en a pris beaucoup durant l'élection mais
maintenant c'est le premier engagement.
M. Bédard: Avant 1977, il n'y avait absolument rien. Vous
avez dû remarquer qu'il y a déjà deux phases; ce n'est pas
pour se péter les bretelles que je l'ai dit, mais au moins il y a
ça de fait par rapport à ce qui existait auparavant,
c'est-Ã -dire rien. Il faut
continuer les efforts pour essayer d'améliorer la situation,
ça nous semble clair.
M. Marx: Je félicite le ministre, qui a pensé
à ce projet et je pense qu'il a bien fait. Maintenant, c'est d'aller
jusqu'au bout et de rayer cette discrimination. Le ministre a pris son
engagement et on va le suivre à l'Assemblée nationale pour lui
rappeler de temps à autre qu'il a pris l'engagement.
M. Bédard: Rapidement, je vais le dire au ministre des
Affaires sociales. Vous le questionnerez.
M. Marx: C'est une cause de discrimination. Ã cette face
même, il n'y a aucune raison pour que ça existe et persiste, sauf
que peut-être quelqu'un a pensé à une politique Ã
suivre et ça coûterait trop cher aujourd'hui. J'aimerais vous
poser une question sur l'action positive. Est-ce que vous êtes au courant
des programmes d'action positive en ce qui concerne les aveugles, soit au
Canada ou aux Ãtats-Unis? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Langevin: Je ne saurais trop vous répondre
là -dessus, parce que chez moi, il n'y a pas grand-chose qui se fait. Il
n'y a rien d'écrit, il n'y a pas de loi en notre faveur.
M. Marx: Supposons qu'un aveugle qui a une certaine formation,
quand il va sur le marché du travail, est-ce qu'il a toujours une
réception froide? J'ai déjà eu des étudiants
aveugles en droit, ils ont obtenu leur diplôme et j'imagine qu'ils ont
trouvé de l'emploi.
M. Langevin: Oui, vous imaginez qu'ils ont trouvé de
l'emploi.
M. Marx: Qu'est-ce qui arrive? C'est ma question.
M. Langevin: Quand on se présente devant un employeur, on
fait face à un paquet de préjugés. On se fait poser
beaucoup de questions sur notre handicap, sur notre fonctionnement. Quand on a
une chance de montrer ce qu'on est capable de faire, soit par un stage ou
quelque chose d'autre, l'employeur n'est pratiquement jamais
déçu. Mais sur le coup, quand on vient pour vendre notre produit,
on a un handicap, on a quelque chose de moins. Je fonctionne avec une canne et
j'ai besoin de certains appareils. C'est une adaptation pour l'employeur. Cela
ne lui coûte pas nécessairement plus cher. Cela peut me demander
un certain temps de plus pour me familiariser avec l'environnement ou cela peut
me demander du matériel spécialisé qui est fourni par la
Régie de l'assurance-maladie, ce n'est pas l'employeur qui va
débourser. Il reste que l'employeur, quand il me voit arriver, avec son
paquet de préjugés, s'il n'est pas obligé de m'engager, il
va en engager un autre.
M. Marx: Peut-être que c'est une question assez
élémentaire, mais c'est pour m'instruire et peut-être en
instruire d'autres à la commission. Est-ce qu'il y a beaucoup de
professionnels aveugles qui ne trouvent pas d'emploi? Est-ce qu'il y a beaucoup
d'aveugles qui ont une profession, qui sont sur le marché du travail et
qui ne trouvent pas de débouchés?
M. Langevin: II y a plusieurs professionnels, il y en a de plus
en plus. Il y en a certains qui se trouvent de l'emploi quand même, mais
il n'y en a pas un gros pourcentage. On sait tous que le pourcentage de
chômeurs parmi la population dite normale est très
élevé aussi, mais chez les handicapés, il l'est beaucoup
plus.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Langevin. Je
remercie le Regroupement des aveugles et amblyopes du Québec pour son
mémoire.
Association de paralysie
cérébrale
Maintenant, j'appelle l'Association de paralysie cérébrale
du Québec Inc. M. Simard?
M. Simard (André): Exactement, oui.
Le Président (M. Gagnon): Si vous voulez nous
présenter celui qui vous accompagne.
M. Simard: M. le Président, mesdames et messieurs, il me
fait plaisir de vous présenter les deux membres de l'équipe de
travail qui ont fait toutes les recherches et les consultations
nécessaires à la présentation de ce mémoire.
à ma gauche, Rock Gadreau, directeur de la promotion et de
l'information à notre association; à ma droite, Bernard Grenier,
qui fait également partie de ce service. Je suis André Simard,
membre du conseil d'administration de l'Association de paralysie
cérébrale du Québec, et père de trois enfants dont
une fillette de sept ans, Marie-Noëlle, qui souffre de la paralysie
cérébrale.
En guise de préambule et sans vouloir choquer la commission, on a
beaucoup parlé, aujourd'hui, de discrimination systémique, de
programmes de redressement et de programmes d'action positive. Je me demande si
cela aurait été de l'action positive que de nous faire passer
à la place du barreau et de faire passer le barreau Ã
notre place. Je ne veux pas par cela mettre en doute la bonne foi de
ceux qui ont fait cet ordre du jour, je ne fais que poser la question.
à l'invitation de la Commission des droits de la personne,
l'Association de paralysie cérébrale du Québec a l'honneur
de vous soumettre ce mémoire relativement à certaines
propositions d'amendement à la Charte des droits et libertés de
la personne.
Notre organisme est une corporation sans but lucratif qui regroupe des
personnes ayant la paralysie cérébrale, des parents et d'autres
personnes intéressées. L'association comprend neuf chapitres
régionaux, soit un dans chacune des régions administratives de la
province, à l'exception du Nouveau-Québec.
L'Association de paralysie cérébrale du Québec
accorde beaucoup d'intérêt à la question des droits de
l'homme et des libertés fondamentales en général et, de
façon toute particulière, à la reconnaissance des droits
des personnes handicapées.
En ce sens, l'association tenait à Québec, en mars
dernier, un colloque sur les droits des personnes handicapées. Lors de
ce colloque, un grand nombre de recommandations furent formulées
à l'adresse de l'Ãtat, des professionnels de la santé, de
l'Office des personnes handicapées, des associations de promotion, des
parents de personnes handicapées, des personnes handicapées
elles-mêmes et du public en général. Ces recommandations
ont été ou seront acheminées à leurs destinataires
respectifs dans les circonstances les plus opportunes.
En ce qui a trait à la présente commission parlementaire
sur la Charte des droits et libertés de la personne, le temps
très court qui était à notre disposition ne nous a pas
permis de commenter chacune des propositions d'amendement à la charte
soumises par la Commission des droits de la personne.
à cause de cette limite, nous avons dû restreindre nos
observations aux trois sujets d'amendement suivants, qui touchent directement
les personnes ayant la paralysie cérébrale: la discrimination
dans les avantages sociaux, l'action positive ou les programmes de redressement
et l'exploitation d'une personne.
Cependant, pour faire suite à plusieurs recommandations
importantes du colloque de mars dernier sur les droits des personnes
handicapées, nous portons à votre attention une proposition qui
n'est pas au nombre de celles qu'avance présentement la commission des
droits, soit celle de reconnaître explicitement le droit au travail dans
la charte.
Relativement à la discrimination dans les avantages sociaux et
à l'action positive ou les programmes de redressement, notre association
endosse complètement les recommandations de la Commission des droits de
la personne. Nous n'avons pas cru nécessaire de présenter ces
sujets pendant l'heure qui nous est offerte, croyant suffisante la
présentation qui en est faite dans notre mémoire.
De toute façon, si, durant la période de questions, la
commission désire que nous élaborions notre pensée sur ce
sujet, il nous fera plaisir de le faire.
J'aimerais maintenant vous présenter les points III et IV de
notre mémoire. Le point III parle sur l'exploitation d'une personne.
Parmi un groupe d'amendements divers, la Commission des droits de la personne
demande qu'une atteinte à l'article 48 de la charte constitue une
infraction pénale.
Ce dernier sujet fait l'objet des articles 87 Ã 89.
L'article 48 de la charte, dans son premier alinéa, édicte
que: "Toute personne âgée ou toute personne handicapée a
droit d'être protégée contre toute forme
d'exploitation."
L'article a été modifié, en 1978, par la Loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées et le premier
alinéa se lisait originairement comme suit: "Toute personne
âgée ou toute personne atteinte d'une infirmité ou
souffrant d'une déficience ou d'une maladie mentale a droit d'être
protégée contre toute forme d'exploitation."
Notre position est la suivante: En ce qui a trait Ã
l'établissement même d'une infraction en relation avec une
atteinte à ce droit, l'Association de paralysie cérébrale
du Québec ne peut que souscrire à la proposition de la commission
des droits. C'est là un moyen simple et relativement efficace
d'étendre la portée de l'article 48 au-delà de la lettre
ou de l'énoncé de principe. Cet ajout doit renforcer au plan
concret l'application du droit consacré par cet article.
L'Association de paralysie cérébrale du Québec
estime toutefois que le droit d'être protégé contre toute
forme d'exploitation ne devrait pas viser les seules personnes
âgées ou handicapées. Il ne s'agit pas, à notre
avis, d'un privilège appartenant à ces deux groupes, mais
plutôt d'un droit qui devrait être reconnu de façon
universelle à toute personne.
à cet égard, les personnes handicapées ne sont pas
placées dans une situation différente des autres personnes. Il
n'y a donc pas lieu d'en faire un cas spécial.
Enfin, il n'est pas tout à fait clair si la présente
proposition de la Commission des droits de la personne se rapporte
également au deuxième alinéa de l'article 48 selon lequel:
"Toute personne a aussi droit à la protection et à la
sécurité que doivent lui apporter sa famille ou les personnes qui
en
tiennent lieu." Quoi qu'il en soit, la nature des rapports - les
relations familiales -existant habituellement entre les sujets en cause nous
semble disconvenir à l'établissement d'une infraction. (20 h
30)
Quatrième partie, le droit au travail. En mars dernier,
l'Association de paralysie cérébrale du Québec organisait
à Québec un colloque sur les droits des personnes
handicapées. Cet événement, qui était attendu
depuis longtemps, a réuni plus de 450 participants dont la
majorité étaient des personnes handicapées. Il survenait
lors même de l'année internationale des personnes
handicapées et aussi au seuil de la décennie 1980. Le
thème du colloque était: Par-delà les principes, des
objectifs pour l'avenir.
La situation particulière des personnes handicapées fut
considérée en regard des différents droits et
libertés reconnus par la charte des droits québécoise. Le
droit au travail, entre autres, a fait l'objet d'une attention
considérable et, parmi les recommandations formulées au terme du
colloque, plusieurs eurent trait à ce sujet. Il convient sans doute d'en
faire état devant cette commission parlementaire sur la Charte des
droits et libertés de la personne dans le but de lui soumettre une
recommandation visant la reconnaissance du droit au travail.
Dans notre contexte socio-économique, l'emploi cause un
problème sérieux pour un grand nombre d'individus dit normaux.
L'objectif de l'augmentation de la productivité entraîne le
fractionnement des tâches et une normalisation poussée. Le travail
s'en trouve souvent déshumanisé et perd sa valeur
intrinsèque.
Toute personne qui ne peut s'insérer parfaitement dans les
modèles d'emplois existants éprouve de sérieuses
difficultés à accéder au marché du travail. Il
n'est donc pas surprenant de constater que la personne handicapée, qui
essentiellement représente une personne non conforme à la norme,
soit souvent victime en toute première place de la rigidité des
modèles d'emplois. Ainsi un employeur ayant à choisir parmi
plusieurs personnes également compétentes pourra être
porté à écarter une personne handicapée qui
l'obligerait à adapter quelque peu son poste de travail.
Au reste, la personne handicapée est souvent confrontée,
comme on le sait, à la barrière supplémentaire des
préjugés et de certaines attitudes négatives. Le
résultat complet est que 90% des personnes handicapées
dépendent de l'aide sociale. Le pourcentage est encore plus
élevé dans le cas des personnes ayant la paralysie
cérébrale.
Au colloque sur les droits des personnes handicapées, les
discussions relatives au thème du travail se sont conclues sur les
recommandations suivantes: a) Qu'on n'axe pas les services de
réadaptation vers l'occupationnel et le loisir et que ces services
permettent d'outiller l'individu pour qu'il se prenne en main et puisse
s'intégrer socialement. Cette recommandation démontre la
volonté très nette des personnes handicapées de subvenir
elles-mêmes à leurs besoins, notamment par le travail,
plutôt que d'être à la charge de la société.
b) Qu'on élimine les questions concernant les personnes
handicapées sur les formulaires d'emploi. Parmi d'autres griefs
possibles, cette pratique a souvent pour effet d'exclure la personne
handicapée, pourtant apte à un emploi, au simple vu de la
formule, sans qu'elle ait la possibilité de faire valoir ses
qualités. c) Que dans la dispensation des services aux personnes
handicapées, ces dernières soient favorisées et
qu'à compétence égale, on engage du personnel
handicapé. Que l'Office des personnes handicapées du
Québec embauche des personnes handicapées pour une bonne
représentation de ces personnes.
On peut reconnaître dans ces deux recommandations des mesures
positives contre la discrimination au niveau de l'emploi, formule sur laquelle
se penche la présente commission parlementaire. d) Attendu que l'aide
sociale est perçue comme une charité dans notre
société et non le droit à un revenu minimum garanti, les
personnes handicapées sont ainsi doublement marginalisées. Il est
résolu de demander que soient amendés les articles 45 et 46 de la
Charte des droits et libertés de la personne de façon Ã
reconnaître le droit au travail, que soient intensifiés les
programmes de sensibilisation auprès des employeurs et que soit
redéfinie la notion de travail de façon Ã
reconnaître comme du travail les activités utiles, communautaires,
culturelles ou éducatives auxquelles peuvent se livrer les personnes
handicapées.
Une partie de cette recommandation porte spécifiquement sur des
amendements possibles à la Charte des droits et libertés de la
personne et, par conséquent, les circonstances sont exceptionnellement
favorables à ces considérations.
La charte des droits, dans son préambule, pose déjÃ
les principes suivants: "Tout être humain possède des droits et
libertés intrinsèques destinés à assurer sa
protection et son épanouissement" et "le respect de la dignité de
l'être humain et la reconnaissance des droits et libertés dont il
est titulaire constituent le fondement de la justice et de la paix".
On ne peut certes nier que, dans notre société, la
protection, l'épanouissement et la dignité de l'individu sont des
objectifs fondamentaux indissociables du droit au travail.
Les mêmes considérations s'appliquent
aux droits reconnus à l'article 1 de la charte: "Tout être
humain a droit à la vie ainsi qu'à la sûreté,
à l'intégrité physique et à la liberté de sa
personne." Les articles 16 Ã 20 de la Charte des droits et
libertés de la personne qui, plus loin, prohibent diverses formes de
discrimination dans le travail -embauche, associations d'employeurs ou de
salariés, bureaux de placement, égalité de traitement,
distinctions permises présupposent évidemment l'existence du
droit au travail. Enfin, au chapitre IV de la charte, parmi les droits
économiques et sociaux, les articles 45 et 46 reconnaissent
respectivement le droit pour toute personne à une sécurité
financière et sociale minimale: "Toute personne dans le besoin a droit,
pour elle et sa famille, à des mesures d'assistance financière et
à des mesures sociales, prévues par la loi, susceptibles de lui
assurer un niveau de vie décent", et le droit à des conditions de
travail convenables: - article 46 - "toute personne qui travaille a droit,
conformément à la loi, à des conditions de travail justes
et raisonnables et qui respectent sa santé, sa sécurité et
son intégrité physique."
Notre recommandation est la suivante: Vu l'importance du droit au
travail dans notre société, l'Association de paralysie
cérébrale du Québec recommande que ce droit soit reconnu
non plus de façon implicite, mais encore au moyen d'une affirmation
directe dans la Charte des droits et libertés de la personne.
L'énoncé suivant pourrait être intercalé entre les
articles 45 et 46: "Toute personne a droit au travail." On pourrait craindre
évidemment qu'une déclaration aussi large ne pose des
problèmes d'application dans un contexte socio-économique ne
comportant pas le plein emploi. Toutefois, la règle ordinaire
d'interprétation, en matière des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, selon laquelle ces concepts ne
représentent pas des valeurs absolues et certaines réserves en
font intrinsèquement partie, permettrait assurément de concilier
l'expression générale du droit au travail avec une conjoncture
économique imparfaite. Proclamer explicitement le droit au travail dans
la charte des droits serait reconnaître une réalité bien
concrète dans notre société. La sécurité, la
liberté, l'épanouissement et la dignité de la personne
sont étroitement liés au travail. Ce serait de plus promouvoir
l'égalité de tous relativement au droit de travailler, les
personnes handicapées comme les autres membres de la
société.
En fait, M. le Président, j'aimerais dire que ce que nous
réclamons principalement pour les personnes qui ont un handicap, c'est
l'intégration, autrement dit le droit à la communauté. Le
droit à la communauté c'est d'être autonome comme les
autres, de travailler pour garantir un peu cette autonomie, le droit aux
loisirs, le droit au logement au milieu de tous pour pouvoir s'enraciner parmi
vous, le droit au transport adapté, sans lequel rien n'est possible, et
le droit à une vie sexuelle normale, et encore. Les personnes
handicapées désirent faire partie de la communauté,
grâce à leur ressemblance et malgré leur
différence.
Pour les enfants qui ont un handicap, nous réclamons,
corollairement aux droits à la communauté, le droit à la
famille, c'est-Ã -dire le droit pour l'enfant de vivre dans sa famille,
qui est pour nous le lieu privilégié de son épanouissement
et où il reçoit toute la stimulation affective nécessaire
à son développement. Nous réclamons pour cet enfant le
droit de partager, avec ses frères et soeurs, la même garderie, la
même école, le même terrain de jeu, afin que lui aussi ait
la chance de croître et de s'enraciner dans sa communauté.
L'exercice de se droit nous apparaît d'ailleurs comme une des meilleures
méthodes pour en arriver à l'intégration de l'adulte qui a
un handicap. Cependant, pour réaliser cela, il faudra aider les parents
en leur donnant à la maison tout le support spécialisé
dont ils ont besoin dans des programmes d'éducateurs maison, dans le
genre de ceux qu'offre actuellement notre association, Ã une
échelle malheureusement réduite à cause de nos
possibilités limitées.
Ce que nous réclamons, finalement, c'est le droit pour les
personnes handicapées, enfants ou adultes, de vivre dans un milieu
écologique naturel. C'est plus que la modification à l'article 1
de la charte que propose la commission des droits en parlant du droit Ã
un environnement sain. Nous réclamons un environnement sain
physiquement, psychologiquement, sociologiquement, et ainsi de suite, pour nos
enfants.
Pour illustrer mes propos, M. le Président, je voudrais soumettre
à cette commission deux cas tirés de l'actualité
récente de négation des droits fondamentaux. Le premier concerne
un groupe de plus de 30 adultes qui ont un handicap et qui se sont inscrits
à un programme d'alphabétisation à la CECQ, prévu
pour le 8 septembre 1981. Malheureusement, et cela malgré bien des
efforts, la Commission de transport de la Communauté urbaine de
Québec refuse de fournir sa quote-part. Ces adultes sont donc
privés de transport et par le fait même de leur programme
d'alphabétisation.
Le deuxième cas concerne un enfant autistique anglophone. La
Commission scolaire de Sainte-Foy n'offre aux parents de cet enfant, sous
prétexte qu'elle n'a pas les services nécessaires, que de prendre
des ententes avec d'autres institutions privées ou publiques, comme par
exemple le Douglas Hospital dans la région de Montréal. Est-ce
là ce qu'on peut appeler le droit à la famille? Et qu'en
sera-t-il de ce droit pour
les enfants dans les régions éloignées si, en
banlieue de Québec, on n'a rien de satisfaisant pour eux? Je ne
m'attends pas à ce que la commission règle ces deux cas
particuliers de négation des droits, mais j'espère que le simple
fait de vous les souligner pourra hâter leur solution.
En guise de conclusion, l'Association de paralysie
cérébrale du Québec est reconnaissante au ministre et
à la commission parlementaire sur la Charte des droits et
libertés de la personne d'avoir considéré son avis sur les
propositions d'amendement à la charte soumises par la Commission des
droits de la personne du Québec. L'association remercie cette
dernière de l'avoir appelée à formuler ses observations.
Mis à part les sujets que l'Association de paralysie
cérébrale a commentés dans le présent
mémoire, elle tient à exprimer un accord de principe relativement
aux autres propositions d'amendement apportées par la Commission des
droits de la personnes et qui n'affectent pas spécifiquement la
condition des personnes ayant la paralysie cérébrale: l'ajout de
l'âge comme motif interdit de discrimination, la mise en cause du
principe de la retraite obligatoire, la suspension de la prescription lors du
dépôt d'une plainte auprès de la commission, l'introduction
d'un recours collectif, la reconnaissance du droit à un environnement
sain et la clarification du pouvoir d'ester en justice de la Commission des
droits de la personne. Nous souhaitons que le législateur
entérine ces propositions.
L'Association de paralysie cérébrale du Québec
exprime, par ailleurs, le voeu que dans le futur la reconnaissance des droits
des personnes handicapées ait pour prolongement une amélioration
sensible de leurs conditions d'exercice. Il s'agit là d'une des
conclusions majeures du colloque de mars sur les droits des personnes
handicapées. Notre association renouvelle l'expression de son
intérêt et de son appui à la promotion dans notre
société des droits de la personne dans leur ensemble et des
droits des personnes handicapées en particulier. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup, M. Simard. M. le
ministre.
M. Bédard: Je remercie M. Simard et ceux qui
l'accompagnent des représentations qui viennent d'être faites, au
niveau de la commission. Il s'agit d'un mémoire, on a pu le constater,
très approfondi. Sans doute que l'éclairage qu'il nous apporte,
avec l'expérience que vous avez et qu'on perçoit tout au long du
mémoire, sera de nature à donner aux membres de la commission un
éclairage qui permettra d'orienter les conclusions de cette commission
parlementaire le plus positivement possible par rapport aux
préoccupations que vous avez évoquées.
Vous avez fait état d'un colloque qui a été tenu,
il n'y a pas très longtemps, concernant les programmes de redressement
ou d'accès à l'égalité. Est-ce que vous avez eu
l'occasion de vous pencher sur le rôle que vous pourriez jouer comme
association concernant l'élaboration de tels programmes?
M. Simard: Je vais demander à Rock ou à Bernard,
d'intervenir.
M. Gadreau (Rock): M. le ministre, je pense que, dans le cas de
la mise en marche de programmes d'action positive, le rôle de
l'Association de paralysie cérébrale, comme d'autres organismes
de promotion, pourrait être un peu le rôle qu'on joue dans
plusieurs autres domaines. Il est évident que, par l'expertise qu'on a
développée au niveau de la situation des gens qui ont la
paralysie cérébrale, on serait disponible pour apporter notre
éclairage dans la mise en marche de ces programmes. C'est évident
qu'un employeur qui déciderait de le faire ou à qui on imposerait
l'adoption d'un programme d'action positive n'a pas du jour au lendemain toutes
les données en ce qui concerne les personnes handicapées et leurs
possibilités d'emploi. Je pense que ce manque d'information est Ã
l'origine de plusieurs préjugés qu'il faut combattre. Dans ce
sens-là , il est évident que nous pourrions...
M. Bédard: ... jouer un rôle de premier plan au
niveau de l'élaboration de ces programmes.
M. Gadreau: C'est ça, un rôle de conseillers.
M. Bédard: Maintenant, dans un autre ordre d'idées,
dans votre mémoire, vous parlez de l'abrogation de l'article 90, je
réfère à la page 10 de votre mémoire. Vous
suggérez que soit confié à la Commission des droits de la
personne un pouvoir de réglementation visant à rendre mieux
applicable un tel principe. J'aimerais que vous nous expliquiez davantage
l'intervention de la commission relativement au fardeau qui incomberait au
fournisseur du régime dont vous parlez, à la page 10 de votre
mémoire. Autrement dit, quand interviendrait cette appréciation
de la commission d'abord? Quelles pourraient être les implications ou les
améliorations qui s'ensuivraient? (20 h 45)
M. Grenier (Bernard): C'est la situation actuelle qui serait
à inverser finalement. Il y a, en regard des régimes d'avantages
sociaux en ce moment, une règle de discrimination quant aux quatre
points qui sont visés par l'article 90, suivant la numérotation
actuelle. Or, c'est ce principe de discrimination qui existe
présentement qui serait remplacé par
un principe de non-discrimination. Il s'agirait, dans le cas des
prestateurs de régimes d'avantages sociaux, de démontrer dans
chaque cas particulier, pour chacun des régimes qui sont offerts, qu'il
y a lieu précisément, en fonction de considérations
actuarielles ou autres, d'établir une discrimination qui jouerait au
niveau de la prime. Il y aurait des différences de primes qui seraient
fondées sur des raisons actuarielles prouvées dans chaque cas.
Ãvidemment, il y a un très grand nombre de distinctions qui
doivent être faites en cette matière, tant entre les handicaps
eux-mêmes qu'entre les handicaps et les états de mauvaise
santé. Finalement, la toile de fond, c'est que la question est
très complexe. Dans des cas particuliers, si on les considère en
tant que cas particuliers, les uns après les autres, régime par
régime, il y a bien des situations où il est très clair
que le handicap n'a absolument aucune incidence sur le risque de la personne
assurée pour parler d'assurance-vie. Nous sommes en mesure
précisément ce soir de vous soumettre ici même un exemple
vivant, un cas concret; mon collègue, M. Gadreau, qui lui-même a
la paralysie cérébrale, est présentement
protéqé par une police d'assurance-vie. Cette police
d'assurance-vie est d'un coût plus élevé que pour une autre
personne. Or, sur le plan médical, sur le plan actuariel, d'après
toutes les considérations objectives que l'on peut faire, M. Gadreau ne
présente pas un risque plus grand que vous et que moi.
M. Simard: Je voudrais, en guise de complément aussi, dire
qu'on peut toujours prendre en considération les données
actuarielles d'un problème. Ce n'est pas là la complète
réalité. Ce serait du réalisme naïf que de
penser que la réalité tient aux données actuarielles. Il y
a un choix de société. Il y a un jugement de porté
lorsqu'on ne tient compte que de ces données actuarielles. Si nous
désirons que les personnes handicapées fassent partie de la
société et si la société désire que les
personnes handicapées en fassent partie, il faut que, tous ensemble, on
le dise. On ne peut pas distinguer, Ã ce moment, dans des programmes
d'assurance, dans des programmes de revenus. Tous ensemble, on doit payer pour
que tout le monde reçoive les mêmes avantages sociaux. Cela peut
avoir pour effet de monter un peu la prime de personnes qui auraient une vie
plus longue que les personnes handicapées, mais c'est un choix. Si on
choisit de placer les personnes handicapées parmi la
société, il ne faut pas faire la distinction. On pourrait
toujours faire des distinctions, dire que les personnes qui sont grandes et
minces vivent plus vieilles que les personnes qui sont grasses, et ainsi de
suite. On pourrait en faire toutes sortes de données actuarielles; mais,
en plus des données actuarielles, la réalité comporte le
jugement sur les données actuarielles. Il s'agit d'en tenir compte ou de
ne pas en tenir compte. Il y a un choix à faire. Nous choisissons de
dire que la personne handicapée doit faire partie de la
société, et, à ce titre, on ne voit aucune raison pour
laquelle elle aurait des primes différentes. Je veux distinguer aussi ce
que disait Bernard tout à l'heure. Il y a l'état de santé
et il y a le handicap. Je ne pense pas qu'on puisse affirmer que Rock, ici, va
vivre moins vieux que moi. C'est absolument ridicule.
M. Bédard: Je vous remercie de vos
représentations.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Premièrement, je peux vous assurer que demain,
quand on va recevoir le Bureau d'assurance du Canada, je vais poser cette
question sur la police d'assurance de M. Gadreau et peut-être va-t-on
avoir une réponse. Il va nous expliquer pourquoi il y cette
discrimination évidente.
Vous avez parlé beaucoup de programmes de redressement. Supposons
que la charte soit modifiée en vue de permettre de tels programmes de
redressement. Qu'est-ce qu'on va faire après? Comment voyez-vous cela?
Dans le secteur privé, qu'allez-vous attendre de la commission, de
ministères ou de qui que ce soit qui auront le pouvoir de mettre en
oeuvre de tels programmes? Qu'est-ce qu'on fait? Supposons qu'on dise, comme
vous l'avez souligné, qu'il y a très peu de victimes de la
paralysie cérébrale qui travaillent dans le secteur privé;
supposons que nous avons la loi devant nous maintenant et qu'on peut mettre en
oeuvre certains programmes de redressement, qu'est-ce qu'on fait? Comment
procède-t-on? Va-t-on frapper à la porte d'une compagnie en
disant: Ici, on pense que vous devez engager cinq handicapés de tel et
tel ordre, etc.
J'aimerais que vous précisiez comment on va mettre en oeuvre ces
programmes et ce qu'on va faire.
M. Gadreau: On ne peut pas répondre de façon
précise à ce moment-ci à savoir quelles devraient
être les priorités des plans d'application de telles mesures. Ce
sera à la commission, en fonction des pouvoirs qui lui seront
attribués et des ressources aussi, de voir dans quelle mesure elle peut
les appliquer.
En ce qui regarde l'exemple que vous mentionnez, l'idée de se
présenter chez un employeur et dire: Vous allez embaucher cinq
personnes, Ã la commission parlementaire et dans la consultation qui a
précédé l'adoption de la loi assurant l'exercice des
droits des
personnes handicapées, les organismes ont clairement
exprimé le voeu qu'il n'y ait pas de quota comme tel, mais plutôt
qu'on aille vers ce qui s'appelle, dans le cas de l'office, un plan d'embauche,
un peu l'équivalent du programme d'action positive, dans lequel on
laisserait une certaine possibilité à l'employeur de dire: Compte
tenu de la situation particulière de mon entreprise, je veux
intégrer et je peux intégrer dans un certain laps de temps un tel
nombre de personnes handicapées. Cette façon de procéder
est une garantie plutôt que les postes qu'on va ouvrir pour les personnes
handicapées. Cela se ferait en tenant compte de leurs
possibilités réelles plutôt que de simplement se conformer
à un quota bien arbitraire. Les programmes d'action positive peuvent
être obligatoires à condition de laisser la possibilité
à l'employeur d'étudier la situation et de voir de quelle
façon il pense pouvoir intégrer des personnes
handicapées.
C'est sûr que, si on se rend compte qu'il y a mauvaise
volonté au point de départ et que l'employeur dit: Pour moi,
c'est impossible, je ne peux intégrer 0,01%, là , il y a moyen de
revenir à la charge, mais...
M. Bédard: II faudrait une collaboration des deux parties
impliquées pour que ce soit bien accepté en fait.
M. Gadreau: C'est cela.
M. Marx: Que ce soit plutôt volontaire, le cas
échéant, si on peut obtenir des employeurs de mettre en oeuvre un
tel programme sans que ce soit nécessaire de forcer ces programmes sur
leur...
M. Gadreau: C'est cela, dans une certaine mesure.
M. Marx: Oui, d'accord, je comprends.
M. Grenier: J'ajouterais peut-être simplement que cela
pourrait évidemment permettre à l'employeur de faire
précisément ce qui serait illégal dans l'état
actuel des choses, de faire précisément de la discrimination en
faveur des personnes handicapées, en dehors même d'un plan
spécifique d'embauche qui soit techniquement et complètement
articulé.
Alors, un employeur qui en aurait l'intention, qui en aurait le souhait
pour lui-même, pourrait systématiquement faire de la
discrimination en faveur de personnes handicapées.
M. Marx: Lorsque vous parlez des employeurs, c'est-Ã -dire
des grandes compagnies ou des magasins à rayons... Est-ce que c'est
cela, qu'est-ce que veut dire "employeurs"? Ce sont des grandes compagnies, ce
ne sont pas des magasins du coin ou des...
M. Grenier: Peut-être tout, y compris l'Ãtat.
M. Marx: Ah oui! Cela va de soi. Mais à part
l'Ãtat, dans les secteurs privés?
M. Gadreau: Je pense que c'est là -dessus que je disais
qu'il est assez difficile de se prononcer à ce moment-ci, sur une
question comme cela, parce c'est quand même assez complexe. La loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées a comme
critère les employeurs de 50 salariés ou plus.
Les informations que j'ai pu avoir, c'est qu'il faut une
réglementation pour préciser cela et, d'autre part, on se rend
compte que, dans certaines régions, c'est difficilement applicable parce
que, dans le contexte de Montréal ou de Québec, une mesure visant
les employeurs de 50 salariés ou plus, cela donne quand même un
certain pourcentage d'emplois qui seront disponibles à court ou Ã
moyen terme, mais, dans d'autres régions plus éloignées,
le contexte est très différent. Dans ce sens-là , je pense
que... Peut-être qu'on ne répond pas à votre question, je
m'en excuse.
M. Marx: Je comprends. Non, mais j'ai juste voulu avoir une
idée comment vous voyez cela, et je pense que je comprends maintenant
comment vous voyez l'implantation de ces programmes; c'est parce que cela
pourrait arriver plus vite que l'on pense. Pas de réaction.
Le Président (M. Gagnon): Alors, on remercie l'Association
de paralysie cérébrale du Québec de son
mémoire.
Le neuvième mémoire, celui de l'Association canadienne de
l'ataxie de Friedreich, est pour dépôt et je pense que chaque
membre de la commission a reçu ce mémoire.
M. Bédard: II s'agit d'un mémoire de la part d'une
personne handicapée ataxique, M. Louis Boudreau. Alors, nous tenons
à le remercier pour ses remarques sur le programme de redressement,
l'âge de la retraite et la discrimination concernant les avantages
sociaux. Je pense que ces remarques sont d'autant plus pertinentes qu'elles
viennent d'une personne qui doit vivre avec une réalité quand
même difficile.
Le Président (M. Gagnon): Alors, à ce moment-ci la
commission... Il est déposé. La commission de la justice ajourne
ses travaux à demain matin, 10 heures. (Fin de la séance Ã
20 h 59)