Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures dix-huit minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Reprise de la commission permanente de la justice aux fins
d'étudier article par article le projet de loi no 18, Loi assurant
l'application de la réforme du droit de la famille et modifiant le Code
de procédure civile.
Lorsque nous avons ajourné nos travaux, j'avais appelé
l'article 60. Article 60, M. le ministre.
Tutelle et adoption
M. Bédard: Effectivement, M. le Président,
même si les articles 30 à 60, comme on a pu le constater, peuvent
paraître des changements d'ordre technique, je pense que ces changements
ont beaucoup d'importance en ce qui a trait au projet de loi, puisque que ce
sont ces amendements qui consacrent les notions d'égalité de
traitement des hommes et des femmes. Ces articles et ces amendements, qui font
disparaître les anciennes notions d'illégitimité des
enfants, font qu'à partir de maintenant, dorénavant, dès
que le projet de loi sera adopté, tous les enfants seront égaux
dès leur naissance. Nous faisons disparaître les distinctions
discriminatoires qui existaient entre les enfants adoptifs, d'une part, et les
autres et des notions d'illégitimité qui constituaient, on le
sait, des injustices graves pour bien des enfants tout au long de leur
existence, puisque cela commençait avec des annotations sur les
registres de l'état civil, ce qui ne sera plus le cas maintenant.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. Bédard:
Dans l'article 60... M. Marx: Article 60, adopté.
Le Président (M. Laplante): Article 60, adopté.
M. Bédard: C'est le titre, ce projet introduit...
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article...
M. Bédard: C'est peut-être bon de donner quand
même des explications, parce que les autres articles vont s'y
référer. M. Marx: D'accord. Le Président (M.
Laplante): D'accord.
M. Bédard: Ce projet introduit au Code de procédure
civile de nouvelles procédures accordant un rôle au directeur de
la protection de la jeunesse en matière d'adoption. Il convenait
d'introduire à la loi constitutive des dispositions l'habilitant
à jouer ce rôle; l'adoption étant une des mesures ultimes
dont peut et doit se servir le directeur de la protection de la jeunesse en
matière de protection de la jeunesse, il était logique
d'insérer ces dispositions à la fin des articles de cette loi
prévoyant les différentes mesurer de protection. L'article
61...
Le Président (M. Laplante): L'article 61...
M. Marx: Article 60, adopté.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Article 61, M. le
ministre.
M. Bédard: Je pense qu'on réfère à la
Loi sur la protection de la jeunesse. Cet alinéa est maintenant compris
dans l'introduction du nouvel article 72.2, qui a été
ajouté à l'article 62 du projet. Ce sont des notions de la Loi
sur la protection de la jeunesse que nous insérons et qui font partie
intégrante de l'ensemble de la Loi sur l'adoption.
Le Président (M. Laplante): D'accord. L'article 61 est-il
adopté, M. le député?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 62.
M. Bédard: L'article 62 complète le pouvoir
général prévu au nouvel alinéa 2 de l'article 33 de
la Loi sur la protection de la jeunesse. Il introduit une
énumération non exhaustive des droits et obligations permettant
au directeur de la protection de la jeunesse de contribuer à
l'application des articles 595 à 632 du Code civil du Québec et
de remplir les rôles qui lui sont attribués par les articles 823
à 828, introduis au Code
de procédure civile par l'article 29 du projet.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Dans l'article 62,
on va prendre 72.1.
M. Bédard: J'ai fait les remarques sur 72.1.
M. Marx: J'ai un commentaire général à
faire. C'est-à-dire que ces dispositions ne règlent pas le
problème de la portée des jugements d'adoption rendus à
l'étranger. La sous-commission du barreau réfère la
Législature au rapport sur le Code civil du Québec
préparé par l'Office de révision du Code civil, livre
neuvième, article 12, dont la sous-commission souhaiterait l'adoption.
Cette disposition se lit comme suit, 12, et je cite: "Les conditions de
l'adoption sont régies par la loi de l'État où elle a
lieu. Les effets de l'adoption sont soumis à la loi du domicile de
l'adopté au moment où ces effets sont en cause." Est-ce que le
ministre a tenu compte de cette suggestion de...
M. Bédard: J'ai déjà eu une discussion
là-dessus lors de l'étude du projet de loi 89. Le barreau ne nous
a jamais expliqué quels sont vraiment les problèmes qu'il a
à vivre en l'absence de la disposition qu'il nous recommande d'adopter.
Nous savons qu'il peut y en avoir concernant l'enregistrement des actes de
naissance, mais ces problèmes-là seront réglés par
la deuxième partie de la réforme du Code civil dans laquelle on
traitera des personnes, des biens et des successions.
M. Marx: Ce n'est pas tout à fait si clair que ça,
M. le Président, étant donné que le bureau...
M. Bédard: Je n'ai pas dit que c'était très
clair.
M. Marx: Laissez-moi terminer. M. le Président a
demandé au ministre de...
M. Bédard: Vous n'avez même pas demandé si
j'avais terminé avant de commencer. Allez-y.
Le Président (M. Laplante): Bon, recommençons. M.
le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je me suis soumis à vos directives, M. le
Président, donc, c'est mon tour.
Ce n'est pas clair pour l'Office de révision du Code civil ni
pour le barreau. Je pense qu'il y a un problème et c'est à vous,
M. le ministre, de décider finalement. Je ne vais pas passer trois
heures à discuter sur ce point. Je soulève le point et vous
prendrez vos responsabilités. Si plus tard, ça fonctionne mal
pour certains Québécois, vous en subirez le blâme.
M. Bédard: Je sais très bien que si ça
fonctionne bien, ça ne dépendra pas de moi mais si ça
fonctionne mal, ça va dépendre de moi.
M. Marx: Si ça fonctionne bien, on va vous
féliciter.
Le Président (M. Laplante): 72.1 adopté?
M. Marx: Un instant, est-ce que le ministre a
décidé de ne pas faire de changement?
M. Bédard: Je vous l'ai expliqué. On est conscient
qu'il peut y avoir certaines difficultés concernant l'enregistrement des
actes de l'état civil. Maintenant, quant au chapitre des personnes, des
biens et des successions, dont l'étude se fait à l'heure
actuelle, comme vous le savez, nous espérons que d'ici à la fin
de la session, au plus tard au début de l'automne, nous entrerons dans
la deuxième phase de la révision du Code civil en déposant
tout le projet de législation. Nous mettons tout en branle pour que le
travail commence. Ensuite, nous serons en mesure de prendre tout le reste du
Code civil d'un bloc, pour faire en sorte que d'ici à deux ans, au plus
tard, l'ensemble de la réforme du Code civil soit terminée.
M. Marx: Je suis très heureux d'avoir appris, aujourd'hui,
que le ministre démontre la volonté politique de terminer toute
cette réforme du droit civil. J'aimerais le féliciter d'avoir
pris cette décision et j'attends avec impatience les chapitres sur les
personnes, les biens et les successions pour l'automne. J'espère que
c'est un engagement sur lequel il ne reviendra pas.
M. Bédard: Je remercie le député de ses
félicitations. Je l'invite à être peut-être plus
perspicace, parce qu'il y a longtemps qu'il aurait dû saisir la
volonté inébranlable que j'ai toujours eue d'en arriver à
la réforme du Code civil, mais cela ne se fait du jour au lendemain.
Cela a pris 25 ans pour le mettre au point, pour avoir un rapport. Je pense
que, dans un délai de quatre ans, on pourra parler de réforme
complète.
M. Marx: Jusqu'à ce matin, la volonté pour moi
était toujours cachée quelque part et je suis heureux que ce soit
maintenant sur la place publique.
M. Bédard: Les volontés publiques ne sont pas
toujours les volontés les plus solides.
Le Président (M. Laplante): Avant que Je sac ne
déborde, avec tout ce paquet de félicitations, on va adopter
l'article 72.1.
M. Marx: J'ai juste une petite question.
Le Président (M. Laplante): Une petite question.
M. Marx: Est-ce que - quand on va faire la révision de la
première partie du Code civil en ce qui concerne le droit international
privé - ce sera possible de faire cette modification?
M. Bédard: Incontestablement. Nous nous penchons
déjà sur le problème.
Le Président (M. Laplante): C'est déjà
adopté. J'appelle l'article 72.2.
M. Bédard: L'article reprend essentiellement l'article
31.1 de la Loi sur l'adoption. Il est nécessaire de reprendre cette
disposition au niveau du Code de procédure civile en raison de
l'abrogation de la Loi sur l'adoption par l'article 60 de la Loi instituant un
nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille. Ce pouvoir
est essentiel au ministre des Affaires sociales pour lui permettre de
désigner d'autres intermédiaires en matière d'adoptions
internationales et pour faciliter de telles adoptions.
M. Polak: Une question, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: L'article 72.2 dit que le ministre des Affaires
sociales peut conclure un accord avec un autre gouvernement. N'y a-t-il pas un
danger que, s'il y a certaines politiques qui existent concernant les enfants
étrangers, nés dans d'autres pays, qui vont venir au Canada, on
puisse restreindre le nombre d'enfants? Par exemple, si le gouvernement
décidait, pour une raison ou une autre, qu'on a trop d'enfants de
l'Amérique du Sud qui arrivent au Canada, qu'on veut restreindre cela un
peu, est-ce que cet article n'ouvrirait pas la porte au gouvernement pour dire:
On prend de votre pays, le Honduras, ou n'importe quel exemple que je pourrais
donner, pas plus que 100 enfants par année. Ou bien, du pays où
je suis né, c'est-à-dire les Pays-Bas, on accueille
peut-être seulement 50 enfants? Est-ce qu'il n'y a pas un danger
là-dedans qu'on puisse limiter la liberté de l'individu? (10 h
30)
M. Bédard: Je ne crois pas, et je pense que tous les pays
ont cette ouverture qui consiste en la possibilité de mener à
terme des accords concernant l'adoption dans le but de faciliter les adoptions
du point de vue international. C'est un article qui paraît banal, mais je
pense que cela exprime une volonté gouvernementale; on sait combien il y
a de problèmes qui sont vécus par des familles adoptantes au
niveau du Québec lorsqu'il s'agit d'adopter des enfants d'autres pays.
Alors, à ce moment-là, le ministre des Affaires sociales sera en
mesure de poser les gestes qui facilitent l'adoption.
M. Polak: Je voudrais juste savoir. Si j'ai bien compris, il y a
aucune intention de la part du gouvernement...
M. Bédard: Non.
M. Polak: ... de restreindre la provenance de ces enfants.
M. Bédard: Non seulement aucune intention, au contraire,
la mesure est faite vraiment avec l'objectif de faciliter les adoptions.
M. Polak: D'accord.
M. Marx: II ne faut pas oublier que le Québec, à
cause de sa compétence en matière d'immigration, qui est
partagée avec le fédéral, donne des certificats de
sélection pour des immigrants et c'est dans le même sens.
M. Bédard: Oui.
M. Marx: Si on était trop restrictif ici, les gens
pourraient trouver des façons d'adopter des enfants en passant par
d'autres juridictions.
Le Président (M. Laplante): Article 72.2
adopté?
Article 72.3.
M. Bédard: Cet article reprend l'essentiel des articles 13
et 37.2 de la Loi sur l'adoption. Il est nécessaire, vu l'abrogation de
la Loi sur l'adoption par la Loi instituant un nouveau Code civil et portant
réforme du droit de la famille.
Alors, l'essentiel de ces articles, comme on peut le voir, c'est que
maintenant on a décidé d'incorporer l'ensemble de la Loi sur
l'adoption et il faut faire les amendements en conséquence.
Le Président (M. Laplante): Adopté?
M. Polak: ... répéter l'article 72.3
peut-être pour la postérité. Je n'ai rien contre cet
article tel quel, que cela prend le consentement du ministre des Affaires
sociales, mais tout de même je réitère que le ministre
vient de dire qu'il y a une
politique absolument ouverte vis-à-vis de la provenance de ces
enfants.
M. Bédard: Absolument. Je pense que la preuve en est faite
d'une façon très évidente.
Le Président (M. Laplante): Article 72.3,
adopté.
Article 72.4.
M. Bédard: C'est une autre disposition de la Loi sur
l'adoption, à savoir l'article 37.3 qui est repris. Tout cela est rendu
nécessaire par l'abrogation de la Loi sur l'adoption et par
l'introduction de toute cette législation dans notre Code civil et,
nécessairement, dans notre Code de procédure civile.
Le Président (M. Laplante): L'article 72.4 est
adopté. L'article 62 est adopté au complet. J'appelle l'article
63.
M. Bédard: L'article se lit...
Le Président (M. Laplante): En général, avec
les articles 131.1 et 131.2.
M. Bédard: C'est cela. D'une façon
générale, je fais certaines remarques sur ces articles qui
constituent du droit nouveau. Ils permettent aux parents, aux adoptants et aux
adoptés d'obtenir les renseignements utiles relativement aux
antécédents de l'enfant ou des adoptants, selon le cas, tout en
préservant l'anonymat des personnes, les unes par rapport aux autres.
Ces articles respectent donc les articles 631 et 632 du Code civil du
Québec et les articles 823.1 et 823.2 introduits au Code de
procédure civile, par ce projet.
Cette modification est conforme à la pratique actuelle et
répond à un besoin des parties en cause. Il est évident
que ces sommaires peuvent être très utiles au développement
physique, psychologique et social de l'enfant adopté.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Une question, au troisième paragraphe. Si j'ai
bien compris, cela veut dire que l'enfant, à l'âge de 14 ans, peut
obtenir un sommaire de sa famille. Cet enfant a le droit de demander, à
l'âge de 14 ans, qui sont ses vrais parents naturels? C'est cela que
ça veut dire?
M. Bédard: Non, non.
M. Blank: Si ses parents sont blancs, noirs, orange...
M. Bédard: Ce que je vous ai dit, c'est que cela permet
aux parents, aux adoptants et aux adoptés d'obtenir les renseignements
utiles relativement aux antécédents, soit de l'enfant, si la
demande est faite par les adoptants, soit par des enfants, lorsqu'il est
question d'adoption.
M. Marx: Tout, sauf le nom. M. Bédard: C'est
cela.
M. Blank: Donc, on satisfait la curiosité, partiellement,
disons.
M. Bédard: Je n'appelle pas cela de la curiosité.
Je crois que c'est une saine...
M. Polak: Cela existe parce que, maintenant, il y a une sorte de
mouvement par lequel les enfants veulent exercer leurs droits.
M. Bédard: J'informe mon collègue qu'on
prévoit, à l'article 64, des règlements qui vont prescrire
les normes relatives au contenu du sommaire des antécédents de
l'enfant et de l'adoptant. Alors, je pense que c'est...
M. Marx: La couleur...
M. Blank: L'aspect majeur dans cette affaire-là, c'est de
l'histoire médicale; c'est là que cela se trouve.
M. Bédard: ... à ce moment que se situe, c'est
cela.
M. Marx: La religion, des choses comme cela.
Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 63:
131.1 adopté.
Article 131.2, adopté aussi?
Une voix: Oui.
M. Bédard: C'est quand même du droit nouveau; avant,
ce n'est pas possible, je pense comme le dit le député de
Saint-Louis, tout en préservant l'anonymat, tant au niveau de
l'adopté que...
Le Président (M. Laplante): Article 64.
M. Bédard: ... cela permet d'obtenir des renseignements
importants.
Le paragraphe e de 64, M. le Président?
Le Président (M. Laplante): Oui, 64 e, c'est cela.
M. Bédard: Le paragraphe e est nécessaire à
l'application des articles 131.1 et 131.2 introduits par l'article 63 du
projet;
le paragraphe f permet l'application de l'article 72.4 introduit
à la Loi sur la protection de la jeunesse.
Le Président (M. Laplante): Messieurs les
députés.
M. Bédard: II reprend essentiellement l'article 41f de la
Loi sur l'adoption.
M. Marx: Au paragraphe f, est-ce qu'il manque un s au mot "quel"?
Est-ce que "quels" doit être plutôt pluriel que singulier,
déterminer dans quels cas, pas un cas mais des cas?
Le Président (M. Laplante): Le singulier peut devenir un
pluriel.
M. Bédard: Le singulier prend déjà le
pluriel en vertu de la Loi de l'interprétation, cela ne causera pas de
difficulté, mais s'il n'y a qu'un cas, cela n'en créera pas non
plus. Cela est un peu indifférent.
Le Président (M. Laplante): Adopté, 64. Article 65,
M. le ministre. Il y a 135.1 dans le 65; il y a deux paragraphes.
M. Bédard: Cet article prévoit en
général la sanction entre autres d'une infraction à
l'article 72.3 introduit par l'article 62 du projet. Il reprend essentiellement
l'article 42 de la Loi sur l'adoption et l'article 43 de cette loi,
modifié par l'article 5 du chapitre 117 des lois de 1979. Par ces
dispositions, on vise surtout à éliminer les adoptions faites
sans intermédiaires reconnus; autrement dit, on évite certaines
pratiques d'"achat" des enfants, entre guillemets.
Le Président (M. Laplante): À l'article 65,
l'article 135.1. Il y en a seulement un.
M. Marx: ... concernant les phrases. D'accord.
Le Président (M. Laplante): Article 65, adopté.
Article 135.1, adopté aussi. C'est la suite de l'article 65. J'appelle
l'article 66.
M. Marx: Adopté.
M. Bédard: Ces modifications visent à assurer
l'égalité de traitement des hommes et des femmes,
conformément au principe établi par le nouveau Code civil.
Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 67, M.
le ministre.
M. Marx: Même chose, adopté.
Le Président (M. Laplante): Adopté.
M. Bédard: On passe vite. C'est l'égalité de
traitement des hommes et des femmes. Ce sont des...
Le Président (M. Laplante): Article 67, adopté.
Article 68, M. le ministre.
M. Polak: Nous sommes tous pour cela, c'est pour cela qu'on va
vite.
M. Bédard: Oui, je comprends qu'on est en commission
parlementaire.
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 68, M. le
ministre.
M. Bédard: Article 68, une seconde! Concordance. Elle vise
à se conformer au principe de la réforme du droit de la famille
qui assure l'égalité des droits de tout enfant.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Adopté. J'appelle
l'article 69.
Une voix: Adopté.
M. Bédard: On y fait disparaître les mots
"légitime, naturel ou adoptif".
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 70.
M. Bédard: ... les distinctions qui existaient. Attendez
un peu. Là, nous sommes à l'article 69, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Oui, il est adopté.
Article 70. Article 70, M. le ministre.
M. Bédard: D'accord. C'est une autre modification qui vise
à assurer l'égalité de traitement juridique des hommes et
des femmes.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 71, M.
le ministre.
M. Bédard: Encore une amendement qui vise à assurer
l'égalité de traitement des hommes et des femmes.
Celui-là, c'est pour les hommes.
Le Président (M. Laplante): Article 71, adopté.
M. Bédard: II y avait, dans cet article...
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 72.
M. Marx: L'article 71, c'est pour les hommes; on remplace les
mots "filles et femmes" par le mot "personnes". D'accord.
Le Président (M. Laplante): Article 72.
M. Bédard: L'article 72, ce sont également des
amendements qui visent à assurer l'égalité de traitement
des hommes et des femmes.
Le Président (M. Laplante): On perd des pouvoirs encore
là.
M. Bédard: Non, je crois qu'on a tout avantage à ce
que le principe de l'égalité soit consacré.
M. Blank: M. le ministre, on ne parle plus de la Loi sur
l'adoption?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Anne.
Mme Juneau: C'est incroyable d'entendre des choses comme
cela.
Le Président (M. Laplante): II faut savoir rire un peu,
n'est-ce pas?
M. Bédard: C'est parce que c'est de bonne heure pour notre
collègue.
Mme Juneau: Oui.
M. Blank: En parlant de la Loi sur l'adoption, je ne sais pas
s'il y a une contradiction ou une ingérence dans la politique
québécoise ou peut-être dans les autres provinces, mais les
règlements des lois sur l'immigration fédérale et
provinciale font une distinction pour les enfants adoptifs. Ici, dans notre
projet de loi, on dit qu'un enfant adoptif a tous les droits d'un enfant
naturel, sauf dans la loi sur l'immigration. Dans les règlements
fédéraux et provinciaux, on fait une distinction. Je ne sais pas
si ce sont des pouvoirs régionaux, mais je pense que le ministre de la
Justice doit regarder ce problème. Pour les fins de l'immigration, un
enfant a 21 ans ou moins, mais, dans les mêmes règlements
fédéraux et provinciaux, on dit qu'à moins que l'enfant
soit adopté avant l'âge de 13 ans ce n'est pas un enfant. Cela
veut dire qu'un enfant qui est adopté à 14 ans, 15 ans, 16 ans,
17 ans n'a pas les mêmes droits qu'un enfant naturel.
M. Bédard: Soyez assuré que je vais regarder
ça de près, parce que, honnêtement, je peux vous dire
qu'une des satisfactions de ce projet de loi...
M. Blank: Parce que ça arrive. On a un jugement d'une cour
de Québec qui dit qu'un enfant de quinze ans, c'est un enfant naturel,
mais la loi de l'immigration a dit non.
M. Bédard: Tant du point de vue fédéral que
provincial?
M. Blank: Fédéral et provincial. Le provincial a
une copie des règlements. C'est seulement ça, il a une copie.
Mais ça ne l'affecte pas, parce qu'il n'est pas particulièrement
dans ce domaine. C'est le fédéral qui a le dernier mot en cette
matière je trouve que c'est une ingérence dans les droits civils
de la province.
M. Bédard: Je peux assurer le député de
Saint-Louis que je vais regarder ça de près. Parce que je pense
qu'une des satisfactions qu'on peut avoir - tant personnelle que pour tous les
membres de la commission - avec ce projet de loi, c'est qu'enfin, une fois pour
toutes, on fasse disparaître les notions d'illégitimité des
enfants, d'inégalité des enfants et tout ce qui peut constituer
un accroc, pour consacrer le caractère égalitaire de tous les
enfants dès leur naissance. J'y suis très sensible, que ce soit
au niveau de la législation fédérale ou provinciale.
M. Blank: J'ai seulement voulu attirer l'attention du ministre.
Peut-être pourra-t-il faire quelque chose.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Laplante): L'article 72 est-il
adopté?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Laplante): Adopté. J'appelle
l'article 73.
M. Bédard: Article 73, c'est l'égalité de
traitement des hommes et des femmes. Auparavant, on employait toujours
l'expression "la veuve du conjoint," "la veuve des juges," là, une fois
pour toutes, on parle du conjoint. L'égalité... c'est
ça.
Le Président (M. Laplante): L'article 73 est-il
adopté? Adopté. J'appelle l'article 74.
M. Bédard: Pardon! (10 h 45)
Le Président (M. Laplante): L'article 74.
M. Blank: Même les juges peuvent avoir des conjoints.
M. Bédard: Alors l'article 74, on enlève la
référence à la Loi sur l'adoption qui sera abrogée
dès l'entrée en vigueur de l'article 60 de la Loi instituant un
nouveau Code civil
et portant réforme du droit de la famille.
Le Président (M. Laplante): L'article 74 est-il
adopté?
M. Marx: Oui.
Dispositions finales et transitoires
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 75, partie
III, Dispositions finales et transitoires.
M. Marx: J'ai une suggestion à faire, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Oui.
M. Marx: Sur cette partie, j'ai certains commentaires à
faire. Si le ministre veut y faire des commentaires généraux,
quant à moi, je suis prêt à en faire également.
Puis, on pourra passer à l'étude article par article. Je pense
que mes commentaires généraux vont...
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le ministre, si
vous voulez faire des commentaires généraux de 75 à 84, on
accordera le même...
M. Bédard: Je ne m'oppose pas à ce que le
député de D'Arcy McGee fasse des représentations
générales. En ce qui me regarde, je crois que, comme ça
été le cas depuis le début de l'étude du projet, je
préférerais continuer article par article pour bien saisir la
portée de chacun des articles. S'il y a lieu de faire quelques
commentaires à la suite de ceux du député de D'Arcy McGee,
je le ferai.
M. Marx: Mes commentaires généraux vont
éviter que je fasse les mêmes à chaque article.
Le Président (M. Laplante): Faites-les, monsieur.
M. Marx: Merci, M. le Président. Sur cette partie qui
traite des dispositions finales et transitoires, j'ai beaucoup de
réticences. J'ai étudié ces articles attentivement. J'ai
aussi lu le mémoire du barreau qui traite de cette question. On trouve
dans le résumé de son mémoire, aux pages 36 et 37,
beaucoup de réticences sur ces articles.
Je m'explique. Il ne faut pas oublier que quand la constitution a
été adoptée, c'est-à-dire l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique, le Québec était d'accord
pour accorder la juridiction sur le mariage et le divorce au gouvernement
fédéral. À cette époque, c'était voulu que
ce soit le fédéral qui s'occupe du mariage et du divorce et,
effectivement, depuis 1867, le Québec a la compétence exclusive
seulement sur la célébration du mariage. La compétence
fédérale est exclusive, et j'insiste sur ce mot-là,
exclusive, sur la procédure du divorce, c'est-à-dire que
l'Assemblée nationale ne peut pas adopter des lois qui touchent la
procédure du divorce et il y a aussi au fédéral une
compétence exclusive sur les motifs pour demander un divorce. Donc,
compétence fédérale exclusive sur la procédure du
divorce et les motifs pour demander un divorce. Le gouvenement provincial ne
peut pas s'ingérer dans ces deux matières.
Le fédéral a également une compétence
accessoire sur les pensions alimentaires et sur la garde et l'entretien des
enfants à la suite des arrangements relatifs au divorce; donc,
compétence fédérale accessoire, cela veut dire que le
provincial a aussi une compétence en cette matière, mais s'il y a
une loi provinciale et une loi fédérale qui sont en conflit,
c'est la loi fédérale qui a préséance.
J'ai dit que j'avais beaucoup de réticences sur cette
troisième partie de ce projet de loi parce que je vois des
problèmes d'ordre constitutionnel, des problèmes d'ordre
d'interprétation qui peuvent donner ouverture à beaucoup de
litiges et causer beaucoup de problèmes inutiles aux
Québécois et aux Québécoises qui se trouvent devant
les tribunaux pour obtenir un divorce ou pour en régler les effets. J'ai
trois points à soulever là-dessus.
Premièrement, dans ce projet de loi, il y a une
présomption de l'existence juridique de certains articles qui ne peuvent
pas, par ailleurs, être promulgués en vigueur, et ceci peut
soulever beaucoup de problèmes.
M. Bédard: Je m'excuse, mais pourriez-vous
répéter?
M. Marx: II y a une présomption de l'existence juridique
de certains articles qui ne peuvent pas, par ailleurs, être
promulgués en vigueur parce qu'il y a des articles qui touchent le
divorce, qui n'est pas de la compétence provinciale et, par ailleurs, on
veut que ces articles soient applicables pour d'autres fins que le divorce.
Deuxièmement, il y a certaines dispositions concernant les effets
du divorce. Je peux vous assurer qu'il y a des problèmes
constitutionnels dans ces dispositions. Je n'ai pas fait une étude de
tous les problèmes possibles, ça me prendrait trois jours, et je
sais que le ministre a des conseillers juridiques qui sont des experts en la
matière. J'espère qu'il a pris des précautions pour qu'on
ne crée pas plus de problèmes qu'on n'en résout. Par
exemple, vous pouvez le voir à l'article 559, qui soulève pas mal
de problèmes.
Aussi, il y a l'application des
dispositions sur les effets de la séparation de corps et du
divorce aux causes pendantes lors de l'entrée en vigueur de ces
dispositions. C'est-à-dire que cela peut mener à des injustices
parce qu'en cours d'instance les droits d'une personne pourraient changer
à cause du projet de loi qu'on est en train d'étudier. C'est pour
toutes ces raisons que le barreau et moi avons des réticences.
J'espère que le ministre a bien étudié les commentaires de
la sous-commission du barreau sur ce point. Je sais qu'il a reçu une
copie de ce mémoire. Je me demande comment cela se fait qu'il y ait
tellement de problèmes dans ce projet de loi en ce qui concerne la
constitution et d'autres matières que j'ai soulevées.
Peut-être est-ce parce que, sur le plan politique, le ministre a
demandé aux gens de son ministère de faire un projet de loi qui,
sur le plan technique, est très difficile à réaliser. Ils
ont fait le mieux possible avec le résultat qu'il y a des accrocs ici et
là dans le projet de loi. Je pense que c'était important
d'adopter une loi avec le moins d'accrocs possible. Sinon, les gens vont se
retrouver devant les tribunaux, il va y avoir des litiges, les gens vont perdre
des milliers de dollars, c'est sûr. Ce ne sera pas seulement les pauvres
qui... Les avocats, s'il y a un manque dans la loi, vont plaider les manques et
cela va traîner devant les cours et toutes les autres causes seront
suspendues. On ne saura pas pendant des années l'état des droits
au Québec et cela causera peut-être plus de difficulté
qu'on pense. Au lieu de trouver des solutions, on va causer des
préjudices aux gens qui se trouvent en instance de divorce.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, on a eu cette
discussion en long et en large lors de l'adoption du projet de loi 89. Tout
d'abord je peux dire au député de D'Arcy McGee que, lorsque nous
avons fait la réforme du droit de la famille, ce n'est pas à la
suite d'une commande "politique", dans le sens négatif du mot. Nous
avons voulu faire une législation globale tout en sachant qu'il y a
certains chapitres, dont le chapitre du divorce, qui ne seraient pas en vigueur
mais qui seraient de nature à très bien expliciter dans quel
cadre juridique, et je dirais même social, serait traité
l'ensemble des affaires familiales si se réglaient les discussions qui
existent depuis des années au niveau des juridictions entre le
fédéral et le provincial. Je pense que, non seulement toutes les
femmes du Québec, mais toute la population du Québec se
réjouirait, si ce n'était des difficultés
constitutionnelles, qu'on puisse dès demain, appliquer tous les
chapitres de la réforme du droit de la famille, y compris celui du
divorce. Parce qu'il y a une philosophie d'approche beaucoup plus conforme
à l'évolution de la société
québécoise telle que nous la connaissons, que cela n'existait
dans les lois déjà existantes. Dans ce sens-là, c'est une
commande en termes de justice, je dirais du point de vue social, de faire en
sorte qu'un projet de loi reflète le plus possible l'évolution de
l'ensemble de la société par rapport à un secteur
particulier, à savoir le traitement de l'ensemble des affaires
familiales.
Nous sommes d'accord sur un point, à savoir que le
fédéral, au moment où on se parle, a l'exclusivité
de la juridiction en ce qui a trait au divorce. Effectivement, il n'y aura pas
de mise en vigueur de ce chapitre. Nous l'avons déjà dit. Tout ce
qui est contenu dans ce chapitre reflète encore une fois beaucoup plus
l'évolution de la société québécoise que ne
le fait la législation fédérale. Nous en sommes venus,
avec le fédéral - vous le savez - il y a deux ou trois ans,
presque à une entente. Enfin, je ne suis pas ici pour expliquer la suite
des événements que tout le monde connaît, quand on parle de
réforme de la constitution.
Pour ce qui est du chapitre concernant le mariage, nous savons - nous en
avons tenu compte - que certains secteurs sont de juridiction
fédérale. Et, je peux assurer le député de D'Arcy
McGee que nous y allons très prudemment relativement à
l'application des articles, en ayant comme balise d'éviter les
problèmes constitutionnels, parce que, au bout du compte, ce seraient
les citoyens qui risqueraient d'en faire les frais.
Non seulement il y a déjà les législations
existantes, les lois existantes, il y a aussi à tenir compte de la
manière dont le tout s'est déroulé jusqu'à
maintenant devant nos tribunaux quant à l'application de ces lois, du
texte et des pratiques en cours au Québec depuis maintes années.
Nous ne prévoyons pas de difficultés constitutionnelles.
En fait, le député de D'Arcy McGee le sait, quand on parle
de rapports juridiques, on ne peut pas empêcher qui que ce soit d'essayer
de chercher des poux, d'y aller de contestations, même si des fois on se
rend compte que cela peut être des contestations futiles. Mais, ce qui
est le plus important, c'est la volonté politique et gouvernementale, je
dirais même sociale, parce que je pourrais parler de la volonté de
l'Assemblée nationale, puisque nous avons voté cette loi à
l'unanimité. Elle était désirée de tout le
monde.
Alors, nous nous devons de donner suite, tout en étant le plus
prudent possible, à l'ensemble des lois contenues dans cette
réforme.
Concernant un des points auxquels se réfère le
député de D'Arcy McGee, à savoir que certains amendements
entraient en vigueur dès maintenant, surtout sur les
aspects financiers, qui pourraient amener des changements; cela peut
amener des changements, mais voyons cela positivement. Nous avons mis au point
ensemble une loi qui constitue un meilleur équilibre des régimes
matrimoniaux, un meilleur équilibre de répartition de l'ensemble,
je dirais, de la richesse du couple, de la famille, etc. Je crois qu'on ne doit
pas hésiter à aller de l'avant, parce que c'est l'esprit qui a
prévalu à cette loi. (11 heures)
Pour ce qui est des représentations du barreau, dans les cas de
représentations sérieuses, nous en avons tenu compte. Je
présenterai tout à l'heure un amendement qui, je l'espère,
sera de nature - nous en sommes en tout cas convaincus - è régler
certains problèmes de contestation parce que, en gros, le
problème - sans être un expert légiste, si c'était
nécessaire, nos experts sont ici - pour le chapitre concernant les
séparations de corps, nous devions, pour les motifs, nous
référer à des articles, c'est-à-dire à des
dispositions qui sont contenues entre autres au niveau des motifs, dans le
chapitre traitant du divorce. Pour plus de sécurité juridique,
nous allons présenter tout à l'heure un amendement qui aura pour
effet de dire que tel et tel articles qui sont contenus dans le chapitre du
divorce sont réputés être contenus dans le chapitre
concernant la séparation de corps. À moins de vouloir vraiment
chercher - excusez l'expression - des poux consitutionnels, c'est un amendement
qui, je crois, règle le problème. Je remercie le barreau de sa
collaboration sous cet aspect.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai juste un petit commentaire. J'ai oublié un
point que je trouve très important. Au début, j'ai dit qu'en
1867, on a donné le mariage et le divorce au fédéral,
c'était, à l'époque, voulu par le Québec pour des
raisons religieuses. On ne voulait pas accorder de divorces au Québec;
il y avait des protestants qui voulaient avoir leur divorce; on a
demandé au fédéral que ce soit de compétence
fédérale et que ce soit le Paiement fédéral qui
accorde les divorces. Aujourd'hui j'insiste beaucoup sur ce point - que le
Québec récupère la compétence exclusive sur le
mariage et le divorce, comme, par exemple, aux États-Unis, où
chaque État a sa compétence sur les mariages et les divorces. Il
n'y a aucune raison pour que le Québec n'ait pas la compétence
exclusive sur le mariage et le divorce. Il y a juste le problème de la
reconnaissance des divorces entre provinces. Ce n'est pas un problème
insurmontable et il y a des moyens de pallier ce problème, le cas
échéant.
M. Bédard: Sur ce point particulier, je remercie tout
simplement le député de D'Arcy McGee de donner son appui à
une demande que j'ai faite - et je peux le dire -avec énormément
d'insistance auprès des autorités fédérales
à presque toutes les conférences
fédérales-provinciales. J'y ai toujours prétendu que
l'ensemble de la législation concernant le droit de la famille, tant au
niveau des tribunaux, en termes de juridiction, qu'au niveau des secteurs
mêmes de responsabilités, devait être remis aux provinces.
Je crois que, lorsqu'on parle des droits de la famille, les provinces sont
incontestablement les mieux placées pour faire la législation
nécessaire, la plus adaptée à l'évolution
respective des sociétés - j'emploie l'expression "des
sociétés" de chacune de ces provinces. Quand on fait le tour du
Canada, on parle des différences au niveau des sociétés
par rapport à des législations d'ordre familial, et pas seulement
des différences du Québec par rapport au reste du Canada. Au
contraire chaque province, on le sait, a une texture sociale différente,
et cela a toujours été notre argument, mais on ne comprend pas.
Enfin, au-delà des problèmes constitutionnels, au-delà de
tout ce qui peut paraître politique depuis longtemps, aurait dû
être réglé ce problème-là parce que, enfin de
compte, ce sont les justiciables qui en font les frais et qui en subissent les
préjudices.
M. Marx: Juste un petit point, je pense que le
fédéral est d'accord pour que cette compétence soit remise
aux provinces, il y a seulement le problème de s'entendre; je ne
blâme ni le Québec, ni le fédéral.
M. Bédard: II y avait deux provinces qui n'étaient
pas d'accord, dont une d'une façon spéciale. Je remarque que dans
ce cas-là le fédéral, tout en prétendant qu'il est
d'accord, bloque tout changement en disant qu'une des provinces n'est pas
d'accord, sauf qu'on trouve le moyen de faire le rapatriement de la
constitution avec le désaccord d'une des provinces, mais enfin.
M. Marx: Laissez la politique, votre message politique a
été passé, M. le ministre.
M. Bédard: Au-delà de la politique, je pense qu'au
niveau des conférences fédérales-provinciales, dans la
première partie des discussions, le Québec avait l'initiative; je
crois qu'on peut dire que nous avons pris l'initiative, concernant le droit de
la famille, de réclamer des transferts de juridiction en ce qui a trait
à tout le droit familial, et les amendements nécessaires aux
articles 91 et 92 qui permettraient à nos juges d'avoir une juridiction
- nos juges nommés par le Québec - sur l'ensemble - il y a 96,
excusez-moi,
91, 92 et 96...
M. Marx: 96.
M. Bédard: Pour que les juges nommés par le
Québec aient juridiction, ce qui nous permettrait, je l'ai toujours dit,
d'avoir un véritable tribunal de la famille au Québec où
tous les problèmes de la famille, à partir des problèmes
des enfants en passant par ceux des parents, etc., seraient traités dans
un même forum; ça ne s'est pas réalisé
jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, ce que je trouve vraiment
regrettable dans toute cette situation-là, c'est que la bataille va se
faire un peu sur le dos des citoyens, des Québécois et
Québécoises, parce que la manière dont on essaie de
trouver la solution c'est qu'on cherche un peu la confrontation. Je ne dis pas
que je vous blâme totalement; personnellement, je pense que le droit de
la famille, les affaires de divorce et de séparation - je crois
même que c'est dans le manifeste de notre parti - cela doit appartenir au
provincial; donc, à ce point de vue il n'y a pas problème sur le
plan politique.
Mais on vit avec cette situation qu'on est sur deux niveaux. Aussi
longtemps que ça dure cette situation-là, il faut se demander
quelle solution on peut trouver pour que ceux qui se présentent devant
les tribunaux ne deviennent pas les victimes de cette situation. La
manière dont on a essayé de trouver une solution, sans doute cela
va mener à des débats parce que je ne peux déjà
concevoir un cas...
M. Bédard: Sur ce point-là, je peux vous dire que,
moi, je suis allé jusqu'à faire la suggestion aux
autorités fédérales que, s'il y a des provinces qui ne
veulent pas récupérer cette juridiction-là, le
fédéral la garde. Mais pour ce qui est des provinces qui veulent
récupérer cette juridiction de manière à pouvoir
mettre au point un système juridique conforme à la texture
sociale de chacune des provinces, qu'est-ce qui empêche? Qui peut
empêcher le fédéral de le donner à ces provinces qui
le réclament? La réponse a toujours été en gros la
même, c'est le désir d'uniformité qu'essaient toujours
d'avoir à l'esprit les autorités fédérales. Je ne
me prononcerai pas pour d'autres domaines, mais quand on parle du droit
familial, comme je l'ai dit tout à l'heure, c'est différent, les
sociétés sont différentes, je dirais, presque d'une
province à l'autre. De la part des autorités
fédérales, d'essayer de s'orienter vers un désir, un
objectif d'uniformité. C'est complètement irrationnel socialement
parlant. On n'a pas eu de réponse là-dessus; on en a eu une, mais
il n'y a pas eu de changement.
M. Polak: L'approche qu'on a eue... J'ai lu le mémoire du
barreau. C'est assez grave ce qu'on dit, on parle de pirouettes
législatives; on dit: Un article est en vigueur ou il ne l'est pas; il
ne peut pas l'être à moitié. Cela va créer
énormément de confusion. Je peux déjà concevoir un
cas où un mari en instance de divorce sera condamné à une
pension alimentaire qu'il considérera peut-être trop forte. Il va
attaquer la constitutionnalité de certaines dispositions et, par ce
moyen, éviter de payer une pension alimentaire qu'il trouvera trop
élevée. À un moment donné, la Cour
supérieure va dire: Toute la cause est suspendue jusqu'à ce que
le Cour d'appel décide. La Cour d'appel décidera dans un an, un
an et demi et cela se rendra ensuite à la Cour suprême. Qu'est-ce
qui arrive avec la cause pendante?
Oublions cette bataille constitutionnelle. Je suis d'accord que ce n'est
pas drôle et, quant à moi, ce domaine devrait être de
juridiction provinciale. On devrait être d'accord pour régler
cela, mais entre-temps, quelle sorte de procédure va-t-on suivre? Est-ce
qu'on va poursuivre le débat ou si on va essayer de vivre en dedans du
régime et créer le moins de problèmes possible pour ceux
qui se présenteront devant les tribunaux?
M. Marx: Je voudrais appuyer ce point. M. Bédard:
Je pense que...
M. Marx: M. le ministre, seulement pour appuyer le dire du
député de Sainte-Anne, on a déjà eu des
problèmes juridiques assez importants en ce qui concerne des mesures
d'indexation des pensions alimentaires. Il y a toute une jurisprudence et tout
un imbroglio juridique et on veut éviter cela une deuxième
fois.
M. Bédard: Vous le voyez, prenons l'indexation des
pensions, s'il avait toujours fallu s'empêcher de
légiférer, parce que, hypothétiquement, je pense qu'on se
comprend; je ne le dis pas d'une façon négative vis-à-vis
de l'Opposition...
M. Marx: On est d'accord avec vous sur ce point.
M. Bédard: ... il pourrait y avoir des dangers...
M. Marx: Cela va.
M. Bédard: ... à un moment donné, on en
viendrait à ne plus bouger du tout. En ce
qui a trait à l'indexation des pensions, un des arguments qu'on
nous a servis, c'est qu'on ne pouvait pas légiférer, parce que
cela concernait la pension. Nous l'avons fait et les jugements qui,
jusqu'à maintenant ont été rendus, vont dans le sens que
nous avons bien fait en termes de l'Assemblée nationale de
légiférer. Comme l'a dit tout à l'heure le
député de D'Arcy McGee et ses collègues de l'Opposition,
au Québec, quand on parle du mariage, on peut dire qu'il y a certains
points très spécifiques qui sont de juridiction
fédérale, mais le provincial, sur l'accessoire, etc., tout
cela... Mais quand on parle de pension, de garde des enfants, on peut
peut-être parler d'accessoire par rapport au principal qui est
effectivement le lien lui-même, la rupture du lien matrimonial. Je pense
que, pour le reste, c'est l'accessoire et on ne voit pas de difficulté
d'ordre constitutionnel, ce qui n'empêche pas - on peut se le dire entre
nous - n'importe quel légiste d'essayer d'y aller de contestations,
même si elles s'avèrent futiles une fois entendues.
M. Polak: On leur donne toutes les ouvertures possible.
M. Bédard: Non, jusqu'à maintenant, on a
essayé d'aller le voir, j'amène les amendements qu'il faut
concernant le principal problème et je pense que le député
de D'Arcy McGee trouve, à la suite des représentations du
barreau, que cela règle convenablement le problème pour les gens
de bonne volonté.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous auriez des
amendements?
M. Marx: Je pense que le point est clair. On a fait notre devoir;
on a souligné les problèmes. C'est au ministre à prendre
ses responsabilités.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant l'article
75, partie III. M. le ministre.
M. Bédard: Article 75. Les dispositions relatives aux
séparations de corps, aux effets du divorce liés au
règlement des intérêts financiers des époux et les
autres effets du divorce n'entreront pas en vigueur nécessairement en
même temps. Il est donc utile de prévoir cette
éventualité. C'est dans le but de prévoir cette
éventualité que cet article est là. (11 h 15)
Le Président (M. Laplante): MM. les
députés.
M. Bédard: Je ne pense pas qu'il y ait...
M. Polak: Juste une question.
M. Bédard: ... on n'en est pas sur le point, c'est au
niveau de l'application...
Le Président (M. Laplante): 79...
M. Bédard: ... qui peut ne pas se faire d'une façon
spontanée.
Le Président (M. Laplante): Une question, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Oui, je voulais juste rappeler qu'évidemment on
revient au même point, sauf un peu plus en détail à chaque
article, parce que le principe est toujours là.
M. Marx: C'est ça.
M. Polak: C'est comme le mémoire du barreau qui dit que
ça peut soulever de graves difficultés constitutionnelles puisque
la part compensatoire n'est pas un concept couvert par la Loi sur le divorce.
Sans doute que quelqu'un va prendre avantage de cette atmosphère
douteuse pour traduire ça devant les tribunaux d'appel et ensuite tout
le monde va en souffrir. Donc...
M. Bédard: On a compétence à l'heure
actuelle, en termes de régimes matrimoniaux, et la prestation
compensatoire est une mesure de rééquilibre du budget, en fait
des régimes matrimoniaux.
M. Polak: Si je peux répondre, M. le Président,
avec tout le respect que je dois à vos conseillers, ceux-ci vous ont dit
dans le temps, avec le bill 101, qu'il y avait certaines sections
constitutionnelles ne comportant pas de problèmes. On adopte la loi,
mais on a vu le jugement de la Cour suprême, qui en a
déclaré une certaine partie inconstitutionnelle. La même
chose peut arriver ici.
M. Bédard: Mais me demandez-vous, d'un autre
côté, de cesser de légiférer toutes les fois qu'il y
a quelqu'un qui se lève du côté de l'Opposition ou du
côté du barreau ou du côté des légistes pour
opiner qu'il peut y avoir une difficulté juridique? À un moment
donné...
M. Marx: II ne faut pas dire n'importe qui.
M. Bédard: ... non, mais je pense que je ne vous agresse
pas quand je vous dis ça.
M. Marx: Non, non, non.
M. Bédard: Je respecte même certaines
réserves que vous pouvez avoir, que je peux également partager
parfois sur certains
points, mais ces réserves, à mon sens, ne doivent pas
avoir un poids tel qu'on se croise les mains et...
M. Marx: Mais je pense qu'il faut que ce soit clair aussi de
notre côté. On veut que le Québec occupe tout l'espace
juridique qui nous appartient, ne soit pas réticent à occuper ce
champ, parce qu'on a peur que ce soit inconstitutionnel. On veut faire
ça de façon à éviter le plus possible de litiges,
mais j'insiste beaucoup, car on veut que le Québec occupe tout cet
espace juridique qui nous appartient. Cela, c'est important aussi.
M. Bédard: Peut-être qu'un argument peut rassurer
nos collègues d'en face. Je pourrais rappeler que l'Ontario a mis au
point des lois très importantes sur les régimes matrimoniaux,
les...
M. Marx: Oui mais, en Ontario, il y a un autre aspect.
M. Bédard: ... les biens...
M. Marx: La compétence n'est pas tout à fait la
même en Ontario, il y a certaines différences. Mais, de toute
façon...
M. Bédard: Est-ce que je dois comprendre que vous pensez
que le fédéral...
M. Marx: Ce n'est pas une question politique.
M. Bédard: ... donne plus de pouvoirs dans cette
matière-là à l'Ontario...
M. Marx: Le fédéral, ce n'est pas...
M. Bédard: ... pour légiférer qu'au
Québec?
M. Marx: Non, non, non, le fédéral, ce n'est pas...
Le fédéral ne peut pas donner le pouvoir. Le pouvoir a
été donné autrefois par nous-mêmes dans la
constitution. De toute façon, je comprends.
Le Président (M. Laplante): L'article 75 est-il
adopté? Sur division ou...
M. Polak: L'article 75, je dois dire, M. le Président,
parce que, tout de même...
M. Bédard: J'aimerais bien savoir si c'est sur
division...
M. Polak: ... j'ai vraiment...
M. Bédard: ... à la suite des réticences
exprimées...
Le Président (M. Laplante): Je veux le savoir, c'est
important pour le journal des
Débats.
M. Bédard: ... parce que, en fait, moi, au contraire, je
crois que nous devons procéder.
M. Polak: II faut bien comprendre, M. le Président, et il
faut que ce soit dit et que ce soit écrit, au point de vue du principe,
je suis d'accord avec le fait qu'on veut occuper le terrain. Je suis bien
d'accord. Là où on voit le problème, c'est qu'on a ici,
dans cet article, une approche qui va inviter à des débats de
nature constitutionnelle, que les justiciables devront souffrir à cause
de ça, qu'on va avoir de sérieux problèmes à
l'avenir. On veut les en avertir d'avance. Je ne veux pas que quelqu'un me
dise: Bon, tu as bien parlé, tu as même voté pour cet
amendement. Je vous avertis que, déjà, je peux maintenant
prévoir clairement, pas comme avocat de pratique mais comme membre du
barreau, que je crois que des personnes qui ne sont pas tellement scrupuleuses
vont même le faire pour en tirer avantage, ceci va soulever un
débat peut-être pas nécessaire, mais ça va arriver.
Que fera-t-on? Je veux qu'on y pense bien. Plus tard, quand la
débâcle aura lieu - je ne l'espère pas, mais si ça
arrive -on pourra dire qu'on vous a avertis.
M. Bédard: Je comprends les réserves de
l'Opposition. Si on a fait faire des études, c'est parce que nous nous
posions aussi des questions. Je ne sais pas si je peux dire ça comme
ça, pour les fins du journal des Débats, mais même quand on
a certaines réserves, il y a un bout à les publiciser, parce que,
à ce moment-là, on fait simplement naître la tentation et
l'invitation. Quand vous dites que vous voulez que le Québec occupe le
champ, il ne faut pas publiciser ces réserves à un point tel que
ça devienne une invitation de contestation de la part de gens, comme
vous dites, qui auraient peut-être moins de scrupules que d'autres.
Le Président (M. Laplante): Article 75, adopté sur
division, c'est ça?
M. Bédard: Je ne sais pas.
M. Marx: On est d'accord avec le principe, M. le
Président.
M. Bédard: Si je comprends bien, et je veux la comprendre
comme il faut, la position de l'Opposition...
M. Marx: Ce sont les moyens.
M. Bédard: ... si j'écoutais l'Opposition, parce
qu'il peut y avoir des questions qui se posent, ils ne
légiféreraient pas, autrement
dit.
M. Marx: Non, parce que la législation telle que
proposée...
M. Bédard: Décidez-vous, à un moment.
M. Marx: La législation telle que proposée
amènera des problèmes et il y a des façons de refaire le
projet de loi ou ses articles pour éviter des contestations qui sont
évidentes pour nous.
M. Bédard: J'attends les propositions positives. C'est
bien beau de dire qu'on est d'accord avec le principe mais il me semble qu'il
doit y avoir un autre moyen pour arriver au respect du principe; allez-y avec
des suggestions positives.
M. Marx: Le barreau les donne.
M. Bédard: On a fait tout ce qui était humainement
possible. Je vous ai dit que j'apportais un amendement là-dedans et le
député de D'Arcy McGee a convenu que c'était une
amélioration très importante.
M. Marx: Je n'en ai pas convenu formellement. Tout ce que je veux
dire...
M. Bédard: Me laissez-vous terminer?
M. Marx: M. le Président, si le ministre veut que ce soit
l'Opposition qui dépose des projets de loi, on est prêt à
le faire.
M. Bédard: Je n'en suis pas là-dessus. C'est
évident que, quand on parle de mettre les enfants sur le même pied
dès leur naissance, vous êtes d'accord, vous ne pouvez quand
même pas être contre; même chose pour les hommes et les
femmes. Dès qu'on arrive dans un secteur où il y a le moindrement
l'obligation de prendre une décision en fonction, dans ce cas-là,
je dirais, des intérêts de l'évolution sociale du
Québec, si vous êtes d'accord avec le principe, je pense que vous
avez l'obligation de nous proposer des moyens, si vous en avez, si vous
n'êtes pas contents de ceux qu'on emploie. C'est bien beau de dire qu'un
tel moyen n'est pas bon, mais jusqu'à quel point en avez-vous un
meilleur? Je suis prêt à les étudier si vous avez des
suggestions qui nous semblent être meilleures que ce que nous proposons,
ça va nous faire un plaisir énorme. Mais vous avez cette habitude
d'être pour le principe mais d'être à ce point
réticent que, si on suit votre raisonnement, dès qu'il y a un
danger, on ne procède pas, on ne fait pas de changements.
M. Marx: Vous connaissez ces amendements.
M. Bédard: Je ne sais pas si on veut reprendre...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Nicolet.
M. Bédard: Si vous permettez, juste une seconde. Le
député de D'Arcy McGee m'avait demandé de faire des
considérations générales au début du chapitre.
J'étais d'accord, j'y ai répondu. Si on reprend ces mêmes
considérations, cette même discussion sur chacun des articles, je
n'ai pas d'objection.
M. Marx: Non, non ce serait une perte de temps.
M. Bédard: Je veux dire qu'on fait simplement se
répéter et, à mon sens, perdre du temps.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Nicolet.
M. Beaumier: M. le Président, j'aimerais signaler qu'il
est évident que ça prend un certain courage politique pour
assumer des champs de juridiction qui sont les nôtres pour
répondre aux besoins des nos concitoyens. Sans se préoccuper
inutilement d'une éventuelle tournée constitutionnelle qui
viendrait peut-être en infirmer, je dis que ce courage politique, j'en
suis et je le veux bien.
M. Marx: De ce côté-ci de la Chambre, nous avons
aussi le courage politique mais nous voulons aussi travailler avec une certaine
rigueur intellectuelle sur le plan juridique. C'est tout ce qu'on demande et
c'est seulement pour éviter des problèmes.
M. Bédard: Prenez cet article-là. Vous avez l'usage
de nombreuses années où on voit fonctionner le système
judiciaire québécois et cela n'a causé aucun
problème -concernant l'article 75 - lorsqu'il s'est agi des
intérêts financiers. En fait, on n'a jamais eu de problème
à légiférer et on n'a jamais eu de problème du
point de vue des tribunaux dans ce domaine-là. Je ne comprends pas votre
réticence vis-à-vis de l'article 75.
M. Marx: En ce qui concerne les effets de divorce...
M. Bédard: On l'a dit, c'est une législation qui va
en fonction d'un rééquilibre des régimes matrimoniaux et
les régimes matrimoniaux, jusqu'à maintenant, ça n'a pas
causé de problème. Ils ont été assumés par
la juridiction provinciale. C'est dans ce sens que je vous dis: À force
de soulever des inquiétudes, il ne faudrait pas que cela
devienne une invitation à contester un champ de juridiction qu'on
a assumé sans problème depuis des années et des
années.
Le Président (M. Laplante): Qu'est-ce qu'on fait de
l'article 75?
M. Marx: Est-ce que le ministre a des amendements qu'il...
M. Bédard: Sur l'article 75, est-ce que vous êtes
d'accord? Je n'ai pas d'autres remarques à faire là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il est adopté
sur division?
M. Marx: Même chose, sur division.
Le Président (M. Laplante): D'accord. J'appelle l'article
76.
M. Bédard: Cet article est rendu nécessaire par les
modifications apportées aux articles 813 à 820 du Code de
procédure civile par le projet et en raison de la disposition
transitoire qui est prévue à l'article 81 du projet.
Le Président (M. Laplante): C'est une concordance.
Adopté sur division?
M. Bédard: Mise en application de certains articles.
Le Président (M. Laplante): Sur division. L'article
77.
M. Bédard: L'article 77. Cette modification est
nécessaire pour rendre ces articles applicables aux causes pendantes en
respectant leur entrée en vigueur graduelle. Elle se justifie surtout
par le fait de certaines dispositions sur le partage des biens des
époux.
M. Marx: J'ai un commentaire. C'est l'article 77?
Le Président (M. Laplante): Oui, c'est cela.
M. Marx: Cette disposition laisse deviner une tactique
législative fort douteuse où le gouvernement veut mettre en
vigueur les articles 555 à 571 du Code civil du Québec
relativement aux effets de divorce, auquel cas de sérieuses
difficultés constitutionnelles se soulèveront, entre autres, sur
la part compensatoire qui n'est pas un concept couvert par l'article 11 de la
Loi sur le divorce. Ou encore, il veut mettre certains de ces articles en
vigueur pour les seules fins de leur application à la séparation
de corps. Ce qui pose, en plus de créer une référence
illégale, deux problèmes. D'une part, on fera face à deux
régimes distincts et parallèles, celui de la séparation et
celui du divorce. D'autre part, certaines dispositions seront en
complète contradiction ou se répéteront (532 et 557) (530
et 556) ou en fait le gouvernement peut vouloir mettre ces articles en vigueur
pour les appliquer et à la séparation et au divorce, auquel cas
les difficultés constitutionnelles demeurent.
En dernier lieu, il faut réitérer les commentaires que
j'ai faits au début en ce qui concerne certaines dispositions et les
effets de divorce aux causes pendantes.
Je pense qu'il est inadmissible que le régime des droits qui
existait au début d'une instance change en cours d'instance, et qui plus
est, modifie les droits et les obligations des parties en cause.
Les règles du jeu doivent rester les mêmes jusqu'au bout.
C'est la justice la plus élémentaire. Je pense que le ministre
devrait être d'accord avec ceci: qu'on ne change pas les droits des gens
en cours de cause, ça ne s'est jamais vu. C'est du droit nouveau. Si on
change les règles du jeu en cours d'instance, c'est en plus la
législation rétroactive.
M. Bédard: Je ne ferai pas une longue discussion. Ce que
vous venez de dire, vous l'avez dit dans votre introduction tout à
l'heure.
M. Marx: D'une autre façon.
M. Bédard: Oui, d'une autre façon. Je ne vous
répondrai pas d'une autre façon, j'ai juste une manière de
dire les choses.
Je vous invite maintenant à un petit peu de cohérence.
Parce que ce principe s'est voté dans la loi 89 et vous étiez
d'accord.
M. Marx: Une question de privilège.
M. Bédard: Là, quand vient le temps de
l'appliquer...
Le Président (M. Laplante): II n'y a pas de question de
privilège.
M. Bédard: II n'y a pas de quesiton de privilège.
C'est terminé.
Le Président (M. Laplante): Je ne serai pas
légaliste ici, il n'y a pas de question de privilège, mais je
vous permets de parler.
M. Marx: Quand le ministre a dit qu'on a voté la loi 89,
je suis d'accord. Mais on n'était pas d'accord avec tous et chacun des
articles et des points.
M. Bédard: Voulez-vous me dire que...
M. Marx: Supposons qu'on n'était pas d'accord avec...
M. Bédard: Cessez de parler à peu près. Non,
mais vous m'avez interrompu tout à l'heure. Je vous ai dit que vous
aviez voté pour. Si vous voulez me répondre, dites-moi que vous
n'étiez pas d'accord dans la loi 89. Vous n'êtes pas capable de me
dire que vous n'étiez pas d'accord. Vous dites que, d'une façon
générale, tout le monde était d'accord et le but de cet
article ne fait que mettre... (11 h 30)
M. Marx: Je ne me souviens pas. Tout ce que je veux dire, M. le
Président, c'est que, lorsque je vote pour une loi, souvent j'ai des
réticences sur un ou deux articles, sur cinq articles dans une loi qui
comporte une centaine d'articles. Quand le ministre me dit...
M. Bédard: Vous ne répondez pas, je vous...
M. Marx: Laissez-moi terminer. Quand le ministre me dit: Vous
avez voté pour la loi, cela ne veut pas dire que j'étais d'accord
avec tous et chacun des articles. C'est-à-dire que, peut-être
qu'à la fin je vais voter pour le projet de loi no 18, mais j'ai
beaucoup de réticences, je ne peux pas.
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président. Ce n'est pas cela que j'ai dit tout à l'heure. Je vous
ai parlé de ce point particulier. Je ne vous ai pas dit que vous aviez
simplement voté pour l'ensemble de la loi no 89. Cela, tout le monde le
sait. Ce que je vous dis, c'est que, sur ces points-là, vous avez
été d'accord au niveau de la discussion du projet de loi no 89.
Dites-moi le contraire. Vous êtes d'accord dans un projet et en
désaccord dans un autre. À un moment donné, soyez
logique.
M. Marx: C'est vrai, ce que le ministre dit, dans le sens qu'on a
soulevé un certain nombre de problèmes lors de l'étude de
la loi 89. On les soulève une autre fois, on espère que le
ministre va se reprendre et faire les améliorations qui s'imposent. S'il
ne veut pas le faire, il a plus de voix que nous, si l'on doit voter.
M. Bédard: Le ministre n'a pas à se reprendre, il
n'a qu'à être logique, par rapport à ce que
l'Assemblée nationale a déjà adopté.
M. Polak: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): II serait assez difficile pour
moi...
M. Polak: Sur cet article, un petit commentaire. Une question au
ministre.
M. Bédard: L'amendement reprend... M. Blank: II a
peut-être raison.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Louis, cela va bien, vous demandez le droit de parole, je suis prêt
à vous le donner à votre tour.
M. Bédard: L'amendement reprend exactement les termes de
l'article 70 de la loi no 89, sauf qu'il y ajoute: "au fur et à mesure
de leur entrée en vigueur", pour prévoir la possibilité,
si jamais on mettait en vigueur les intérêts financiers, de
n'avoir pas à modifier l'article 70.
M. Marx: Est-ce que votre assistante veut dire, M. le ministre,
qu'on a un autre amendement à présenter.
M. Bédard: C'est cela le fond de l'article.
M. Marx: Mais nous avons soulevé ces réticences
lors de l'étude de la loi no 89. Le ministre est satisfait, il a plus de
voix que l'Opposition.
M. Bédard: Au contraire, dans la loi no 89, il
était très clair que...
M. Polak: Adopté sur division.
M. Bédard: On pouvait l'adopter carrément,
là, on fait une nuance sur "au fur et à mesure..."
Le Président (M. Laplante): Le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Juste une remarque sur l'article 77, M. le
Président. C'est que, jusqu'à présent, on a essayé
de travailler d'une manière positive en lisant chaque article de la loi.
Maintenant, on arrive à un chapitre où, évidemment, il y a
des problèmes fondamentaux. On vous avertit de ce qui pourrait arriver,
ce n'est pas nous qui voulons avoir la contestation devant les tribunaux, mais
nous vous avertissons, en nous basant sur une loi du barreau. Donc, si le
ministre nous reproche maintenant d'avoir voté pour la loi no 89, je
pense que ce n'est pas un bon argument, parce que cela veut dire que si je vote
pour ce projet de loi aujourd'hui, plus tard, il pourrait dire: Vous avez
voté pour cette loi. C'est pour cela que je suis content d'avoir dit sur
division. C'est très important que le monde soit au courant que nous
avons de fortes réserves sur la tactique des dispositions transitoires.
Pour moi, c'est une tactique agressive, et je suis tout à fait d'accord
qu'il faut occuper le champ, il n'y a aucun problème entre nous
là-dessus. Mais, la manière d'agir...
M. Bédard: Quelle est votre tactique non agressive?
M. Polak: Je vais vous le dire, parce que vous avez
demandé une suggestion tout à l'heure. Je vais vous lire un
mémoire du barreau, ce qu'il dit...
M. Bédard: Je vous ai dit tout à l'heure qu'on en
avait tenu compte et d'y apporter un amendement.
M. Polak: Voici ce qu'il dit: Un article est en vigueur ou ne
l'est pas. Il ne peut l'être à moitié. C'est comme aux
Pays-Bas, le pays d'où je viens. Il y a un expression: Je pense que je
suis un peu enceinte. Mais cela ne se peut pas, on l'est ou on ne l'est pas. Il
est douteux, dit le barreau, que nos tribunaux appliquent des dispositions qui,
dans leur "libellé", se réfèrent à des articles
qu'il est insconstitutionnel de promulguer, voire des articles inexistant
juridiquement.
Voici la suggestion du barreau: Nous souhaitons que le
législateur amende la loi no 89 plutôt que de créer des
fictions légales et faire des pirouettes législatives. S'il est
vrai...
M. Bédard: C'est tout le débat sur l'article 79 sur
lequel on présente l'amendement. Écoutez, je ne recommencerai
pas.
M. Polak: Donnez-nous l'amendement, peut-être que cela va
nous satisfaire. Je serais bien content.
Le Président (M. Laplante): L'article 77,
adopté.
M. Polak: On a des vues à ce jour. Peut-être qu'on
va retirer cela après le bel amendement.
Le Président (M. Laplante): Article 78? L'article 78 est
adopté.
M. Bédard: Les dispositions relatives aux
séparations de corps, aux effets du divorce liés au
règlement des intérêts financiers des époux et les
autres effets du divorce n'entreront pas en vigueur nécessairement en
même temps, on le sait. Il est donc utile de prévoir cette
éventualité. C'est très technique.
Le Président (M. Laplante): L'article 78, adopté.
J'appelle l'article 79. Il y a un amendement à l'article.
M. Marx: J'aimerais féliciter le ministre pour
l'amendement qu'il fait maintenant; je reçois le papillon. L'amendement,
c'est qu'il retire l'article 79 du projet, donc, il donne raison à la
sous- commission du barreau qui a demandé que cet article soit
retranché.
M. Bédard: Non. Je vous l'ai dit au tout début des
remarques générales, vous avez tout fait le débat pour
rien.
Le Président (M. Laplante): L'article 79 est
retiré.
M. Marx: Depuis le début du débat sur ce projet de
loi, le ministre a fait beaucoup de progrès.
M. Bédard: Au moins, je suis susceptible de
progrès. On ne peut pas dire cela de tout le monde.
M. Marx: C'est un ministre avec l'esprit ouvert.
M. Bédard: Susceptible d'amélioration.
Le Président (M. Laplante): Fin du journal...
M. Bédard: Permettez-vous deux minutes de suspension, M.
le Président?
Le Président (M. Laplante): Oui, deux minutes,
d'accord.
M. Bédard: Techniquement, nous avons deux amendements.
Le Président (M. Laplante): Oui, parce que je ne voudrais
pas être mêlé.
M. Marx: Suspension. (Suspension de la séance à 11
h 40)
(Reprise de la séance à 11 h 43)
Le Président (M. Laplante): Reprise des travaux. J'appelle
maintenant l'article 80.
M. Marx: II faut indiquer, M. le Président, que l'article
79 du projet est retiré.
Le Président (M. Laplante): Oui, on l'a dit tout à
l'heure. L'article 79 du projet de loi no 18 est retiré. J'appelle
l'article 80.
M. Bédard: Une seconde, s'il vous plaît!
M. le Président, comme nous avions un amendement à
apporter à 79 qui serait devenu 79.1 concernant le nom des enfants,
étant donné que nous avons convenu que l'article 79 était
rayé, je proposerais de remplacer l'article 79 existant par l'article 79
suivant.
Le Président (M. Laplante): Pour les fins du journal des
Débats, l'article 79 n'est pas retiré, il est remplacé par
un nouvel article.
M. Bédard: C'est cela. Il se lirait comme suit.
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez faire la
lecture.
M. Bédard: "Cette loi est modifiée par l'addition,
à la fin du premier alinéa de l'article 78..." Une seconde.
Je reprends: "79. Cette loi est modifiée par l'addition, à
la fin du premier alinéa de l'article 78, de la phrase qui suit:
"Lorsque les père et mère sont divorcés ou
séparés de corps ou que la garde de l'enfant a été
confiée à l'un d'eux par le tribunal, cette requête peut
être présentée par l'un d'eux si elle ne peut être
formulée conjointement."
M. Marx: Pourriez-vous nous expliquer cet amendement, M. le
ministre?
M. Bédard: C'est à la suite des demandes qui ont
été faites concernant le nom de l'enfant et la possibilité
pour des personnes, dans un délai de deux ans, tel que le
spécifiait la loi no 89, de pouvoir faire certains changements.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous des copies pour tout
le monde?
M. Bédard: Oui, c'est parce qu'elles ne sont pas
corrigées. Je pourrai les donner, si tout le monde comprend.
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez les donner. C'est
inscrit dans le journal des Débats, il n'y aura pas de problème.
Cela devient l'article 79. Donnez-le moi.
M. Bédard: Actuellement, l'article 78 de la loi 89
prévoit que les père et mère d'un enfant mineur pouvaient
dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la loi,
c'est-à-dire du 2 avril 1981 jusqu'au 2 avril 1983, transmettre
conjointement au ministre de la Justice une demande pour faire modifier le nom
de l'enfant de façon qu'il porte un double nom, dont une partie
provenant du nom du père et une partie provenant du nom de la
mère. Or, plusieurs demandes sont en suspens à cause de l'absence
d'un consentement. La modification a pour but de prévoir que, lorsqu'il
y a un jugement de divorce, un jugement de séparation de corps ou un
jugement qui attribue la garde de l'enfant, une personne pourra, même si
elle ne peut obtenir le consentement de son conjoint, présenter sa
demande, le seul fait du jugement créant une espèce de
présomption qu'il est difficile ou quasi impossible d'obtenir le
consentement.
Le Président (M. Laplante): Le nouvel article 79 est
adopté. J'appelle maintenant l'article 80.
M. Bédard: L'article 80 serait le suivant: Ajouter
après... Est-ce que j'ai besoin de le lire, M. le Président?
M. Marx: Non.
M. Bédard: Je pense que...
Le Président (M. Laplante): Une minute!
Mme Juneau: Les femmes mariées qui vivent avec leur
conjoint sont obligées d'exiger la signature du conjoint.
M. Bédard: Oui, s'ils vivent ensemble actuellement.
Mme Juneau: S'ils vivent ensemble... M. Bédard:
C'est cela.
Mme Juneau: ... y a-t-il quelque chose pour eux autres? Il peut y
avoir un litige entre le mari et la femme, à savoir si on a besoin de la
signature du mari pour être capable de donner le nom de la femme en
surplus à l'enfant. Moi, mes enfants sont tous nés avant la loi.
Supposons que mon mari ne voudrait pas que je donne mon nom à l'enfant,
que sur d'autres cas, on s'entend parfaitement bien, mais qu'il ne veut pas
là-dessus, qu'est-ce que je fais à ce moment-là? Il me
semble que ce n'est pas juste.
M. Marx: Divorce.
M. Bédard: La loi que nous avons votée est ce
qu'elle est. Ce dont nous parlons à l'heure actuelle, c'est simplement
pour les mesures transitoires à l'intérieur du délai qui a
été imparti par la loi 89. Nous avons l'intention justement, pour
faciliter une réponse positive à plusieurs demandes qui nous sont
faites, de mettre cet article en vigueur très rapidement, de
manière que, dans le délai qui est imparti, dans le délai
transitoire, on puisse faire toutes les corrections nécessaires.
Mme Juneau: Mais, vous n'avez rien prévu pour les
conjoints qui vivent ensemble; est-ce que je pourrais quand même, sans le
consentement de mon époux, donner mon nom à mes enfants?
M. Bédard: Je suis le ministre, je ne veux pas me
substituer au tribunal. Le principe de la loi 89, c'est l'égalité
des conjoints, donc la possibilité d'aller devant le tribunal.
Mme Juneau: Le mari, lui...
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît,
madame!
M. Bédard: Là, je ne reprendrai pas le débat
de la loi 89.
Le Président (M. Laplante): Je l'ai demandé hier,
madame. L'article 80.
M. Bédard: L'article 80.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous des commentaires sur
l'article 80?
M. Marx: Non.
Le Président (M. Laplante): Adopté. Article 81.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Laplante): Adopté. J'appelle
l'article 82.
M. Bédard: L'article 82 évite d'adopter de nouveaux
règlements. Dès l'entrée en vigueur de l'article abrogeant
la Loi sur l'adoption, la réserve de comptabilité avec le Code
civil, le Code de procédure civile et la Loi sur la protection de la
jeunesse permet l'application des dispositions nouvelles comprises dans le
projet et dans la Loi instituant un nouveau Code civil et portant
réforme du droit de la famille. C'est technique.
Le Président (M. Laplante): Alors, l'article 82 est-il
adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Laplante): J'appelle l'article 83.
M. Bédard: C'est pour éviter le problème
administratif qui est créé par l'entrée en vigueur d'une
disposition fiscale en cours d'année d'imposition.
Le Président (M. Laplante): D'accord. L'article 83 est-il
adopté? Maintenant, avant d'adopter l'article 84, je
préférerais reprendre...
M. Bédard: Non, non, non... Articles suspendus
Le Président (M. Laplante): ... les articles qui avaient
été mis en suspens. J'appelle l'article 2. Vous aviez des
réponses à donner hier.
M. Bédard: C'est-à-dire que je n'ai pas de
réponse à donner. Nous nous étions, de part et d'autre,
accordé un temps de réflexion sur un principe de droit nouveau
selon lequel, lorsqu'il s'agit de traitement des affaires familiales, la
règle générale est le huis clos, sauf qu'il y a toujours
possibilité pour une personne de demander une audience publique si le
juge le croit opportun.
Alors, très honnêtement, M. le Président, j'ai
écouté avec beaucoup d'attention les remarques faites par
l'Opposition. Nous avons pris également en grande considération
certaines remarques qui nous avaient été faites par la Commission
des droits de la personne, mais nous croyons qu'il y a lieu de faire - je le
dis comme je le pense - évoluer notre droit en ce qui a trait au
traitement des affaires familiales, qui sont des affaires de nature
privée. Je crois que dans ce domaine la règle du huis clos est de
nature, non seulement à permettre une meilleure administration de la
justice, mais également à permettre un traitement qui soit plus
humanisé.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, j'ai aussi
réfléchi sur cette question durant la nuit. J'insiste une autre
fois pour dire que je trouve difficile, très difficile d'accepter le
huis clos comme règle étanche - ça veut toujours dire le
huis clos - en ce qui concerne les procès civils. Je trouve ça
très très difficile à accepter. Je souligne une autre fois
que l'article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne, qui
contient l'essentiel des droits judiciaires, prévoit une audition
publique devant un tribunal impartial et c'est précisément le
caractère public des auditions qui garantit que la justice sera rendue
de façon impartiale. C'est très important pour moi qu'il y ait la
possibilité, par exemple, que les médias soient présents.
Je souligne aussi au ministre que ce principe est bien exprimé dans la
déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 à l'article
10 et dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques
ratifié par le Canada et par le Québec en 1976. L'article 14 de
ce pacte fait de l'audition publique la règle et le huis clos
l'exception. Je peux lire tout cet article, je ne sais pas si c'est
nécessaire, mais le Québec a ratifié un pacte
international relatif au droit civil et il me semble que le Québec devra
respecter ce pacte qu'il a ratifié. Je suis d'accord qu'il faut avoir
des exceptions à la règle de l'audition publique et je l'ai dit
hier, mais je ne suis pas d'accord pour que le huis clos soit la règle
et je pense qu'il y a d'autres façons de prévoir que le droit
à la vie privée des gens soit respecté. Il y a, par
exemple, des recommandations formulées
par la Commission des droits de la personne que j'aimerais porter
à l'attention de la commission. On a fait les recommandations suivantes:
"1. Les parties ayant un litige devant le tribunal de la famille auraient droit
à une audition publique. 2. Toutefois, le juge, à la demande des
parties ou de l'une d'entre elles, ordonnerait le huis clos total ou partiel
sans que les parties doivent justifier leurs motifs pour le demander. Il faut
présumer que si elles le demandent, c'est dans l'intérêt de
la morale, de celui des enfants et pour la sauvegarde de leur dignité,
de leur honneur, de leur réputation et de leur vie privée. 3. Le
tribunal devrait toutefois permettre en tout temps la présence des
représentants de la presse parlée et écrite qui en font la
demande sous réserve du respect intégral de l'anonymat des
parties. 4. Les mêmes règles s'appliqueraient en matière
familiale devant tout tribunal de juridiction d'appel. 5. L'anonymat des
parties serait respecté comme il l'est déjà pour les
affaires du tribunal de la jeunesse, lors de la publication des jugements dans
les rapports judiciaires." Fin des recommandations de la Commission des droits
de la personne.
Il ne faut pas oublier que ces droits à un procès public
devant un tribunal impartial sont des droits fondamentaux dont les sources se
trouvent dans toute la grande législation des droits de la personne; il
ne faut pas mettre ces principes de côté d'un trait de plume. Je
sais que le ministre a déjà donné son opinion sur cette
question, nous ne pouvons que donner notre opinion et si le ministre
décide de procéder avec l'article tel que rédigé,
ce sera adopté sur division.
Le Président (M. Laplante): Mme la députée
de Johnson.
Mme Juneau: M. le ministre, je reviens encore au nom de toutes
les femmes du Québec pour défendre l'article 2. Je ne suis pas du
tout d'accord avec certains propos du député de D'Arcy McGee
quand il dit que le caractère public d'une cause comme celle-là
peut faire la justice.
M. Marx: Je n'ai jamais dit ça.
Mme Juneau: Oui, vous avez dit ça tout à
l'heure.
M. Bédard: Vous avez parlé d'impartialité.
Vous avez cité vous-même, en étant d'accord
là-dessus, que le caractère public des auditions garantissait que
la justice serait rendue de façon impartiale.
M. Marx: J'ai cité... Mme Juneau: C'est
ça.
M. Bédard: Je crois que madame a une opinion contraire et,
je le dirai tout à l'heure, je partage l'opinion de Mme la
députée.
Mme Juneau: Si je veux défendre ces gens qui ont des
problèmes familiaux, que ce soit en séparation ou n'importe quoi
qui a un caractère bien bien personnel... Je trouve que d'étaler
au grand public ses problèmes personnels, avec les difficultés
que les gens vivent déjà et qui causent déjà un
traumatisme très grave du côté des femmes et des enfants,
ce n'est vraiment pas humain d'obliger les femmes à étaler leur
vie privée en public. Étant une femme députée, une
mère et une épouse, je vais défendre envers et contre tous
cet article de loi. J'espère que le ministre ne cédera pas
à l'Opposition et qu'on va conserver le huis clos pour les
problèmes familiaux, pour les femmes et les enfants. (12 heures)
M. Marx: Ce n'est pas une question de femme ou d'homme ou d'homme
ou de femme. C'est une question de justice. Il y a des...
M. Bédard: Vous l'avez fait, vous refaites...
M. Marx: M. le Président...
M. Bédard: ... vous venez juste de parler. Avez-vous le
monopole?
Le Président (M. Laplante): Je n'ai pas
signalé...
M. Marx: Vous n'avez pas dit de ne pas parler.
Le Président (M. Laplante): Non, c'est parce que la
commission va bien. Alors, on n'a pas d'embûche inutile. Maintenant, la
parole sera au ministre et je vous conserverai un autre droit de parole.
M. Marx: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Question de
règlement.
M. Bédard: Je vais lui céder la...
M. Marx: II y avait quelqu'un du côté
ministériel, je pense que cela revient de l'autre côté.
Le Président (M. Laplante): S'il vous plaît, je vous
ferai observer aussi que le ministre a le droit de parole en tout temps
relativement à son projet de loi. C'est une exception à la
règle dans les commissions.
M. Bédard: En tout temps.
Le Président (M. Laplante): Maintenant, votre question de
règlement, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Ils ont eu l'occasion de parler, l'autre
côté...
Le Président (M. Laplante): Allez-y, votre question de
règlement.
M. Marx: D'accord. Pour moi, ce n'est pas une question de femme
ou d'homme ou d'homme ou de femme. C'est une question de justice. Si on dit
qu'il y a égalité aussi, pourquoi toujours dire: C'est pour
favoriser les femmes, c'est pour favoriser les hommes. Il y a une question de
justice ici. Il y a aussi des hommes qui veulent que ce soit à huis
clos. Ce n'est pas une question de diviser les intérêts des femmes
et ceux des hommes dans ce dossier. La justice, c'est pour tout le monde.
Si c'est bon pour les femmes, c'est bon pour les hommes et si c'est bon
pour les hommes, c'est bon pour les femmes. Il y a des hommes qui veulent le
huis clos dans leur divorce, qui veulent le huis clos dans leur procès
familial. Je ne vois pas cela comme une division entre les hommes et les
femmes. Pour moi la justice s'applique aux personnes. Pour moi, la justice est
aveugle en ce qui concerne les hommes et les femmes. C'est le processus que
nous sommes en train de réaliser au Québec.
Le Président (M. Laplante): Votre question de
règlement a été soulevée. D'accord!
M. Bédard: M. le Président...
M. Marx: Juste une autre remarque, cela prendra une seconde M. le
Président. Je ne suis pas contre le huis clos dans ces procès.
J'ai souligné à maintes reprises que je suis pour le huis clos,
mais je ne suis pas pour le huis clos étanche comme règle
juridique. C'est cela le problème. Personne n'est contre le huis clos.
L'Opposition est pour le huis clos, mais pas pour le huis clos toujours comme
règle générale et qu'il n'y a jamais de possibilité
pour les médias d'être là et ainsi de suite.
Le Président (M. Laplante): M. le minitre.
M. Bédard: M. le Président, le député
de D'Arcy McGee dit que ce n'est pas une question de femme et d'homme. La
députée n'a pas indiqué dans son intervention que
c'était une question de femme et d'homme. Elle a essentiellement dit que
c'est une question de justice. Vous...
M. Marx: Elle a commencé à dire qu'elle parlait
pour les femmes du Québec.
M. Bédard: Elle a raison de le dire parce que l'ensemble
des...
M. Marx: Je parle pour les femmes et les hommes du
Québec.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee, s'il vous plaît! M. le ministre, veuillez
compléter.
M. Bédard: C'est dur de compléter avec le
député de D'Arcy McGee. En commençant son intervention, il
dit que c'est pour une question de justice qu'il réclame un amendement
à cet article, qu'il a réglé le problème. Je lui
dirai que c'est justement pour une question de justice que cet article doit
demeurer tel qu'il est en ce qui a trait au traitement des affaires familiales
qui représentent le traitement d'affaires privées, à
caractère essentiellement privé. La justice, pour les citoyens,
n'est pas un mot en l'air. Je ne suis pas d'accord avec le député
quand il dit qu'elle est aveugle. Au contraire. Elle doit avoir les yeux
ouverts, la justice, et elle doit être évolutive.
Je plaide justement pour une question de justice, mais d'une justice qui
évolue, qui tient compte des contextes sociaux qui ont changé,
qui tient compte de revendications presque unanimes de l'ensemble de la
population voulant qu'on trouve une nouvelle manière moins stressante,
plus humaine de traiter les affaires familiales dans nos cours de justice. Je
crois que cet article a toute sa raison d'être et qu'il représente
une amélioration du fonctionnement de la justice quand on parle du
traitement des affaires familiales.
D'ailleurs, c'est au nom de l'évolution de cette justice que nous
devons aller dans le sens que propose l'article, à savoir établir
le huis clos comme règle générale, lorsqu'il s'agit du
traitement des affaires familiales, tout en permettant à des individus
d'avoir une audience publique lorsqu'ils en font la demande devant le juge.
Tous les principes sont sauvegardés, mais il y a un droit fondamental
encore plus important qui est sauvegardé par cette manière de
procéder, c'est le droit fondamental du respect de la vie privée
des citoyens. J'inviterais le député de D'Arcy McGee à
être beaucoup plus nuancé quand il lit... Je vois que le
député de D'Arcy McGee continue à parler, il
n'écoute même pas ce qu'on a à dire, il peut bien ne pas
changer d'opinion.
M. Marx: M. le Président, j'ai un autre commentaire...
M. Bédard: Laissez-moi terminer. Vous voyez comme vous
êtes complètement en
dehors du débat. Je crois que vous devriez lire avec un peu plus
de nuance les recommandations de la Commission des droits de la personne. D'une
part, à la page 1, comme l'a souligné la députée de
Johnson, on dit que c'est précisément le caractère public
des auditions qui garantit que justice sera rendue de façon impartiale.
Je ne suis pas tellement d'accord avec cela. Je ne crois pas que c'est
uniquement le fait que ce soit public qui veuille dire que c'est impartial et
que justice a été rendue. Je pense que c'est beaucoup plus
complexe que cela, quand on parle de l'administration de la justice, quoique ce
soit un élément très important, et on le reconnaît.
D'ailleurs, c'est pour cela qu'on dit dans l'amendement que, quand quelqu'un va
vouloir une audience publique, il en fera la demande au juge et il va l'avoir,
pourvu qu'il ait des motifs sérieux.
Mais la Commission des droits de la personne continue - ce
paragraphe-là, le député de D'Arcy McGee ne l'a pas lu -
en disant: Par ailleurs, en matière familiale, il faut reconnaître
que d'autres droits, pas n'importe quels droits, d'autres droits fondamentaux
sont en jeu et notamment le droit à la vie privée des
justiciables, adultes et enfants. C'est un équilibre qu'il faut essayer
de chercher.
Je crois, en termes de conviction, qu'on atteint cet équilibre en
légiférant, en disant que le huis clos sera la règle
générale, lorsqu'il s'agit du traitement des affaires familiales,
et qu'il y aura possibilité, quand un individu en fera la demande,
d'avoir une audience publique. On atteint beaucoup plus l'équilibre que
de dire que les audiences sont publiques, sauf s'il y a une demande pour que le
huis clos soit prononcé. Avec cette règle, on préserve
vraiment un droit fondamental pour quelqu'un qui veut qu'un procès soit
public, il n'a qu'à en faire la demande. On s'assure aussi d'une autre
chose, on préserve le droit fondamental des citoyens concernant leur vie
privée, qu'on soit adulte ou enfant.
Je m'explique difficilement l'opposition de l'Opposition concernant
cette disposition. Je crois qu'elle est dictée simplement par une
manière très théorique de voir la justice, de voir
l'évolution de la justice et de voir l'application de la justice. Les
grands principes sont des choses qui évoluent comme tous les principes
peuvent être susceptibles d'évolution. Dans la Loi sur la
protection de la jeunesse, je l'ai dit hier, il y a déjà un
tournant qui a été pris concernant le huis clos, et tout le monde
était d'accord au niveau de l'Assemblée nationale. Il y a eu un
tournant qui a été pris. On en est venu à la conclusion
que dans certaines situations c'était beaucoup mieux que ce soit le huis
clos, dans le bien de l'enfant; c'était beaucoup mieux que ce soit une
règle plutôt qu'une exception. Quand on parle du droit familial,
si on veut vraiment aller vers une évolution du point de vue juridique,
on va dans le même sens avec l'article que nous proposons.
Je vous assure, avec tout le respect que j'ai tant pour l'argumentation
de l'Opposition que pour l'argumentation faite par la Commission des droits de
la personne, je suis convaincu qu'en termes d'administration de la justice,
d'évolution de la justice, cet article est beaucoup plus
représentatif de l'évolution sociale que nous vivons au
Québec, de ce qu'est la société québécoise
au moment où l'on se parle, quand on parle du traitement des affaires
familiales, que ne le serait le fait de demeurer sur les positions qui
existaient auparavant ou sur les principes qui existaient auparavant dans ces
matières.
M. Marx: M. le Président, le ministre est sans doute un
excellent plaideur et en excellent plaideur qu'il est, il cite seulement une
partie du mémoire de la Commission des droits de la personne. J'aimerais
citer...
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président.
M. Marx: Est-ce que j'ai le droit de parler? Dès que
j'ouvre la bouche, il s'énerve.
M. Bédard: Une question de règlement
là-dessus! Je vous ai dit que c'est vous qui aviez commencé
à citer l'opinion de la Commission des droits de la personne. Je ne vous
l'ai pas caché. Je vous l'ai dit hier, qu'il y en avait une opinion dans
ce sens. Je n'ai pas commmencé à citer, sauf que, quand je vous
entends citer seulement des paragraphes, j'attire votre attention sur un autre
paragraphe. C'est tout!
M. Marx: On pourra revenir à dix heures ce soir, si vous
voulez.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Bédard: Pour ce principe, je suis prêt à
revenir à dix heures ce soir, parce que je suis convaincu que c'est pas
mal plus évolutif.
M. Marx: Est-ce que j'ai le droit de parole maintenant?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Bédard: C'est votre manière bornée de
voir la justice.
M. Marx: Est-ce que j'ai interrompu le ministre quand il a
parlé pendant dix minutes
pour répéter ce qu'il avait déjà dit dix
fois à la commission?
M. Bédard: Qu'est-ce-que vous répétez,
vous?
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît! Cela s'est fait des deux bords. Je ne prendrai pas plus pour un
côté que pour l'autre. Maintenant, la parole est à vous, M.
le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Est-ce que je peux m'assurer que vous allez...
Le Président (M. Laplante): Je vais faire mon possible,
monsieur.
M. Marx: Le ministre est un excellent plaideur et en bon plaideur
qu'il est, il a cité une partie du mémoire de la Commission des
droits de la personne. C'est bien connu comme tactique des grands plaideurs, de
citer une partie de la jurisprudence et de laisser l'autre de
côté. Pour les fins de la discussion de la commission, ce serait
mieux que tout soit lu du mémoire de la Commission des droits de la
personne. Dans le mémoire, la commission cite les grands pactes
internationaux, déclarations universelles des droits de l'homme et ainsi
de suite, auxquels le Québec a donné son adhésion. Le
Québec était d'accord, en 1976, avec le pacte international
relatif aux droits civils et politiques qui prévoit les procès
publics devant les tribunaux impartiaux. Dans le mémoire, la commission
reproduit l'article 23 de la charte des droits et libertés du
Québec où l'on prévoit que chaque procès est public
mais que, et je cite: "Le tribunal peut toutefois ordonner le huis clos dans
l'intérêt de la morale ou de l'ordre public. Il peut
également l'ordonner dans l'intérêt des enfants, notamment
en matière de divorce, de séparation de corps, de nullité
de mariage, de déclaration ou désaveu de parternité."
J'aimerais faire miens les propos de la Commission des droits de la
personne dans le paragraphe qui suit, et je cite: "La charte des droits et
libertés du Québec reconnaît donc qu'il puisse y avoir des
exceptions à la règle de l'audition publique. Nous ne croyons pas
que ce soit en faisant du huis clos la règle, qu'on peut le faire de la
façon la plus satisfaisante sur le plan des droits fondamentaux. Il nous
semble, au contraire, qu'il est possible de concilier le droit à une
audience publique qui a de tout temps été tenue pour une des
conditions essentielles à la justice, au droit des parties à la
vie privée, à la sauvegarde de leur dignité, de leur
honneur et de leur réputation, qui sont garantis par les articles 4 et 5
de la Charte des droits et des libertés de la personne du
Québec. "Il ne faut pas oublier également le droit
à l'information, qui reconnaît l'article 44 de la charte."
On a donc formulé un certain nombre de recommandations dont j'ai
déjà fait lecture. (12 h 15)
Chaque fois qu'un gouvernement veut gruger sur les droits et
libertés de la personne, veut gruger sur la liberté de la presse,
veut museler, si on peut le dire, la liberté de la presse, c'est
toujours pour une fin plus noble et c'est toujours en vertu des droits
fondamentaux. C'est bien ce que le ministre a dit, le ministre a dit: Le droit
fondamental qu'on veut protéger en prévoyant le huis clos comme
la règle est un droit plus important que le droit d'avoir un
procès public avec la possibilité de huis clos, le cas
échéant. Sur ce point, je ne suis pas d'accord. Je comprends bien
le point de vue du ministre, je le respecte, mais je ne peux pas être
d'accord avec son point de vue, je suis plutôt d'accord avec les
recommandations de la Commission des droits de la personne, qui se trouvent
dans le mémoire qui a été envoyé au ministre le 10
décembre 1981. C'est tout, je peux le répéter, on peut
faire le débat 15 fois, mais je pense qu'on va rester sur nos positions
sur ce point.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député de Chauveau.
M. Brouillet: Je trouve assez étonnant de voir tout ce
qu'on peut déduire d'une défense de droits fondamentaux, comme le
fait le député de D'Arcy McGee, il parle de droits de la
personne, de droits de la presse, comme si tout était dans le même
panier, et je crois que, très souvent, il y a des conflits entre des
droits. De la façon dont vous parlez, c'est comme si, pouvu que le droit
d'une catégorie soit respecté, le droit de toutes les autres le
sont, mais il y a entre l'exercice du droit de la presse et du droit de la
personne des situations conflictuelles; à mon sens, il est
peut-être bon, pour sauver le droit de la personne, de restreindre
l'exercice de la liberté de la presse.
Si vous faites appel aux principes, je comprends très bien que
vous vouliez absolument sauver les principes, moi, je suis bien d'accord que
les principes ont une très grande importance, mais, lorsque les
principes à un moment donné décollent de la
réalité, il est arrivé très souvent qu'au nom des
principes on a fait périr des personnes. Lorsque vous faites appel au
principe du caractère public des audiences en matière civile, je
suis avec vous, je suis d'accord avec ce principe, mais, à
l'intérieur du champ, de la matière du civil, il y a des
différences, et si on constate qu'à la suite de
l'évolution de la société et des
mentalités, qu'un secteur du civil, comme, par exemple, ici, le
champ familial, le domaine familial, est tellement différent que, pour
le reste, à vouloir appliquer absolument le même principe dans
tout le champ du civil, il arrive très souvent qu'au nom du
principe...
M. Marx: Je n'ai pas dit cela; je n'ai jamais dit cela.
M. Bédard: Laissez-le donc parler. M. Marx: II
m'interprète mal.
M. Brouillet: ... on peut très bien enfreindre les droits
d'une catégorie de personnes. Je crois qu'en matière civile, le
principe qui va respecter le plus intégralement les droits des personnes
impliquées dans ce champ, dans cette matière, c'est le principe
du huis clos et l'exception devient le public, et tellement que ce champ du
domaine familial, à mon sens, relève beaucoup plus du
privé. Le député de Sainte-Anne posait la question hier:
Êtes-vous capable de me présenter un cas où il serait dans
l'intérêt de la justice que ce soit public? Il pose la question
aussi, il y avait un cas, allez-vous faire un principe pour un cas difficile
à trouver?
À mon sens, la règle, on doit la choisir en fonction de la
pluralité des cas et l'exception, on la retient pour les quelques cas
particuliers qui peuvent se présenter. Si on a de la difficulté
à avoir, dans le cas du domaine familial, un cas d'intérêt
public, à ce moment-là, faisons que la règle soit le huis
clos et dans certains cas, en prévision que peut-être
l'intérêt public serait concerné, on prévoit
qu'à ce moment-là il sera possible d'avoir des audiences
publiques. Je pense qu'au nom du principe, au nom de droits fondamentaux, on
part dans le vague, dans l'abstrait, dans le général et, à
ce moment-là, c'est faux de dire qu'on respecte les droits de la
personne, parce que les personnes, les catégories de personnes ne sont
pas dans des situations identiques et, à mon sens, il faut tenir compte
de ces différences, si on veut vraiment respecter, pour chacune des
personnes, ses véritables droits fondamentaux. Je trouve que c'est un
progrès considérable et c'est une évolution du droit qui
ne met pas en cause le principe que vous avez mentionné tantôt
pour tous les autres secteurs du domaine civil.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Marx: M. le Président, je veux une réponse,
parce que le député a mal inteprété ce que j'ai
dit. J'ai insisté - je comprends que le député de Chauveau
a pu être inattentif pour une seconde ou deux...
M. Bédard: Au contraire, il est très attentif.
M. Marx: Mais pas vous, M. le ministre.
Le Président (M. Laplante): Une minute! À
l'ordre!
M. Bédard: Votre argumentation...
M. Marx: Vous n'êtes pas toujours attentif.
Le Président (M. Laplante): À l'ordre! Je vais me
servir de l'article 2 et on va aller dans le huis clos, parce qu'on est en
train de faire une petite chicane de famille.
M. Marx: J'ai toujours dit qu'il y a deux intérêts.
C'est évident, il y a l'intérêt public et il y a
l'intérêt privé. J'ai dit qu'il faut concilier ces deux
intérêts. J'ai cité le mémoire de la Commission des
droits de la personne où on dit qu'il faut concilier ces deux
intérêts. J'ai dit l'inverse, mais je n'ai jamais dit qu'il faut
avoir le même principe en ce qui concerne l'audience publique dans toutes
les causes, parce que, dans la Charte actuelle des droits et libertés de
la personne, il y a une différence pour les causes de divorce, pour les
causes de nullité de mariage, de déclaration de paternité,
etc. J'ai toujours dit qu'il faut qu'il y ait une règle spéciale
pour des causes...
M. Bédard: J'ai bien compris, ça fait dix fois que
vous le dites.
M. Marx: ... familiales. Oui, mais le député
de...
M. Bédard: II ne vous a pas fait dire le contraire.
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: Minute, M. le ministre.
M. Bédard: II ne vous a pas fait dire le contraire.
Arrêtez donc!
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Marx: M. le Président, je compte sur vous pour mettre
le ministre...
Le Président (M. Laplante): Oui, mais c'était une
courte question de règlement que vous aviez.
M. Bédard: II y a des questions de règlement qui
reprennent vos argumentations.
Le Président (M. Laplante): D'accord. À
l'ordre, M. le ministre!
M. Marx: Non, mais est-ce que j'ai...
M. Bédard: Vous n'apportez rien de nouveau.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Anne...
M. Marx: En résumé...
Le Président (M. Laplante): ... je pense que vous allez
être obligé de vous arranger avec le député de
D'Arcy McGee pour avoir la parole.
M. Marx: Celui qui va lire le journal des Débats va
comprendre que le député de Chauveau a mis des mots dans ma
bouche que je n'ai pas prononcés.
Le Président (M. Laplante): Bon d'accord. M. le
député Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, quant à moi, nous sommes
ici pour essayer de trouver une solution. On ne trouvera pas de solution au
point de vue des deux principes énoncés, parce que le ministre
défend le point de vue qu'il faut dans cette matière avoir le
huis clos, en principe et, par exception, l'audience publique, si le juge
estime que c'est dans l'intérêt de la justice.
D'autre part, le député de D'Arcy McGee vient de dire
qu'il veut avoir en principe l'audience publique et, par exception, si
quelqu'un le demande, le huis clos. Maintenant, vu que j'ai toujours
vécu selon la méthode du consensus, je suis prêt à
faire la concession. Dans mon esprit, je le prends peut-être sur le plan
personnel, parce que, quant à moi, comme praticien, j'ai vécu
cette expérience, je suis en faveur du huis clos, parce que, ce que vous
avez dit hier, le fait du traumatisme, est un argument très important.
Je comprends celui qui dit: II faut le huis clos.
Mais, je voudrais en même temps concilier l'autre principe. C'est
pour ça que je demandais d'avoir un amendement par lequel on va un plus
loin que dans le texte actuel. Parce que dans le texte actuel, le juge donne
l'audience publique seulement quand il estime que c'est dans
l'intérêt de la justice. Quand j'ai demandé: Donnez-moi un
exemple, il n'y en a pas d'exemple, c'est très difficile à
trouver. Le juge va toujours dire: L'autre partie ne veut pas, vous le
demandez, donc je ne vous le donne pas, ça reste le huis clos. Je veux
donner une chance à ceux qui veulent avoir une audience publique d'avoir
cette possibilité-là, même si c'est par esprit de
vengeance, ils veulent avoir leur journée en cour ouvertement.
J'ai dû comprendre, ce matin - était-ce une rumeur,
peut-être que je fais erreur -que le ministre a dit: Je reste avec le
texte tel quel. Au point de vue du consensus, je voudrais demander au ministre
s'il n'y aurait pas moyen de faire un amendement, de conserver votre principe,
parce qu'à toutes fins utiles, on va perdre sur ce point-là,
à cause du nombre, vous êtes la majorité, nous sommes la
minorité... Je suis pratique, je me dis: Je suis d'accord sur ce
principe-là. Je voudrais tout de même élargir un peu
l'autre principe. Le texte dit: dans toutes les procédures en
matière familiale... il ne dit pas en affaire de parternité,
séparation ou divorce, mais matière familiale. Cela inclut
l'administration des biens, le régime matrimonial, la résidence
familiale, ce sont tous des sujets qui se prêtent au huis clos. Je
pourrais bien comprendre s'il s'agissait de diviser une maison, à qui
elle appartient, etc., tout ça se prête à l'audience
publique. Mais la manière dont on a formulé le texte, on est
allé trop loin vers l'autre principe. Je reconnais le bien-fondé
de l'autre principe, je suis d'accord et je peux facilement défendre
ça et je suis d'accord avec la députée de Johnson quand
elle a émis ce principe; il ne faut pas nous voir comme un parti qui ne
pense pas aux intérêts des femmes, on en parle. Je pratique le
droit et...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Sainte-Anne, il y a autre chose là.
M. Polak: D'accord. Ma dernière question au ministre.
Le Président (M. Laplante): Je voudrais finir mon
intervention. On serait censé avoir ajourné depuis midi; les
travaux reprennent à 14 heures et si c'est pour continuer dans cet
état d'esprit - je veux bien profiter de mon dîner ainsi que les
autres membres de la commission - je serai forcé d'ajourner sine die
pour rappeler les travaux cet après-midi.
M. Marx: Combien d'articles avons-nous à adopter?
Le Président (M. Laplante): II reste encore les articles
16, 26, cinq articles de l'article 39 et deux autres amendements.
M. Bédard: M. le Président, je crois qu'il y aurait
avantage à ce que nous continuions nos travaux cet après-midi
parce qu'on discute dans une ambiance que, je suis sûr, vous avez voulu
qualifier de positive même si, de temps en temps, il y a quelques
accrochages. Ceci est normal, mais nous discutons surtout sur des principes qui
me semblent fondamentaux au niveau de ce projet de loi qui doit permettre
à chacun de s'exprimer. Je crois que, quand on parle des matières
familiales - et ça, tout le monde le reconnaît, y compris la
Commission des
droits de la personne - il s'agit de la protection d'un droit
fondamental qui est le droit de la protection de la vie privée.
M. Marx: On est tous d'accord avec ça; ce sont les
moyens.
M. Bédard: Franchement! Voulez-vous parler encore, M. le
député de D'Arcy McGee? On pourrait établir comme
règle, dans cette commission, que, lorsque personne ne demande la
parole, cela veut dire que c'est le député de D'Arcy McGee qui a
le droit de parler. Je suis prêt à faire ça; au moins, on
ne se chicanera pas.
M. Marx: Parfait.
M. Bédard: Vous parlerez tout le temps.
M. Marx: Parfait, accepté.
M. Bédard: Alors, très humblement, je me permets de
parler et j'espère que le député de D'Arcy McGee va
simplement me laisser terminer, M. le Président.
Je dis que le principe que nous avons est un principe fondamental - on
ne parle pas des autres matières, on parle des matières
familiales - pour préserver le droit, la protection de la vie
privée et nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'en
matière familiale, ça concerne des droits de nature
privée. Donc, la meilleure manière de les protéger - parce
que c'est ça, l'essentiel - c'est que la règle qu'on doit
accepter doit s'appliquer à l'essentiel et quand nous demandons le huis
clos d'une façon générale, à ce moment-là,
c'est en fonction de l'essentiel. Ceci n'empêche pas un autre droit dont
on doit se préoccuper de pouvoir trouver sa satisfaction, à
savoir le droit pour quelqu'un qui le demande, d'avoir - avec des raisons, dans
l'intérêt de la justice - une audience publique. Et ce, on le
prévoit également dans l'article.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, je vous ai
laissé peut-être aller un peu loin, c'était le
député de Sainte-Anne qui avait la parole. Je l'ai interrompu
pour vous informer de mes intentions et mes intentions sont
arrêtées. Les travaux sont ajournés sine die.
(Fin de la séance à 12 h 29)