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(Dix heures vingt minutes)
Le Président (M. Desbiens): Mesdames, messieurs, la
commission élue permanente de la justice s'est réunie pour
procéder à l'étude des crédits budgétaires
de 1982-1983 de ce ministère.
Les membres de la commission sont M. Beaumier (Nicolet), M.
Bédard (Chicoutimi), M. Boucher (Rivière-du-Loup), Mme Lachapelle
(Dorion), qui remplace M. Brouillet (Chauveau), M. Charbonneau
(Verchères), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe
(Chapleau), M. Lafrenière (Ungava), M. Marx (D'Arcy McGee), M. Paradis
(Brome-Missisquoi).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Bissonnet
(Jeanne-Mance), M. Blank (Saint-Louis), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Dussault (Châteauguay), M. Martel (Richelieu),
M. Pagé (Portneuf).
Il serait maintenant dans l'ordre de procéder à la
nomination d'un rapporteur, s'il vous plaît.
Mme Lachapelle: Le député Lafrenière.
Le Président (M. Desbiens): Alors, M. le
député de l'Ungava. C'est accepté. M. Lafrenière
(Ungava) agira comme rapporteur de la commission. Avant de procéder
à l'étude des programmes, est-ce que vous avez des remarques
préliminaires, M. le ministre?
Exposés préliminaires M.
Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, chers collègues,
avant de faire état du travail et des réalisations du
ministère de la Justice, j'aimerais vous présenter, tel que c'est
la coutume, les membres de l'équipe de direction qui m'assistent dans
l'administration des différents programmes du ministère. Me
Daniel Jacoby, sous-ministre et sous-procureur général, Me Alain
Bisson, sous-ministre associé aux affaires législatives, Me
Rémy Bouchard, sous-ministre associé aux affaires criminelles, Me
Paul-A. Gendreau, sous-ministre associé aux affaires civiles et
pénales, M. Germain Halley, sous-ministre associé à
l'administration, Me Jacques Lachapelle, sous-ministre associé aux
services judiciaires, M. Clément Ménard, sous-ministre
associé au personnel, Me Pierre Verdon, sous-ministre associé
à la sécurité publique et sous-ministre associé par
intérim à la probation et aux établissements de
détention, M. Jean-Claude Dubois, directeur du budget, M. Jean-Pierre
Barrette, secrétaire du Conseil de la magistrature, M. le juge Guy
Dorion, président du Tribunal de l'expropriation, M. Maurice Gauthier,
président de la Commission québécoise des
libérations conditionnelles, M. le juge Roger Gosselin, président
de la Commission de police du Québec, Me Ghislain K. Laflamme,
président de la Régie des permis d'alcool, Me Roch Rioux,
président de la Commission de refonte des lois et règlements et
M. Jacques Tellier, président du Comité de la protection de la
jeunesse; quelques autres qui ne sont pas ici viendront nous rejoindre au cours
de l'après-midi, à savoir Me Yves Lafontaine, président de
la Commission des services juridiques, Me Yves Lauzon, secrétaire et
directeur général du fonds d'aide aux recours collectifs et M
Jacques Beaudoin, directeur général de la Sûreté du
Québec.
M. le Président, au cours de l'année financière qui
vient de se terminer, le ministère de la Justice a poursuivi les efforts
qu'il avait entrepris au cours de l'année précédente en
vue d'humaniser l'administration de la justice et de rendre ses services plus
accessibles à l'ensemble des citoyens.
Une attention particulière a été portée aux
attitudes et aux comportements du personnel du ministère à
l'égard des justiciables. Nous avons sensibilisé le personnel
à encore mieux les servir. Des mesures concrètes ont
été appliquées pour accueillir et informer la
clientèle dans nos différents points de services. Je reparlerai
de façon plus détaillée de ces mesures au cours du
présent exposé.
D'autre part, la gestion des ressources s'effectuant dans une
période économique difficile, le ministère de la Justice
n'est pas épargné par les compressions budgétaires et la
réduction du personnel. Avec mes collaborateurs, j'ai donc tenté
de rendre positive cette période de restrictions en demandant aux
employés de réfléchir sur leur travail et sur leurs
méthodes de fonctionnement en vue d'améliorer la
productivité. C'est dans cette optique qu'il s'est réalisé
un travail important dans le développement d'outils de gestion et dans
la
formation et le perfectionnement des employés en vue
d'améliorer la performance du ministère.
Mon exposé sur les activités du ministère sera donc
axé sur ces deux thèmes: l'humanisation des services et la
gestion des ressources. Ils se refléteront dans chacun des sujets plus
spécifiques que j'ai l'intention de développer. Ces sujets sont
la législation, les services à la clientèle, les
conditions de détention, la criminalité et les ressources
humaines et financières.
Au plan législatif, le ministère s'est d'abord
attardé à consolider la réforme du droit de la famille
établie par le projet de loi no 89 en réalisant un programme
d'information sur les principales modifications qui y étaient contenues.
Le ministère a conçu et distribué au public une
documentation écrite et visuelle. Le ministère a également
commencé une série de rencontres avec des personnes-ressources.
De plus, des représentants du ministère ont été
appelés à participer à divers colloques et
conférences ainsi qu'à plusieurs interventions dans les
médias sur ce sujet. Des milliers de personnes ont pu ainsi être
rejointes par ces moyens de communication.
Afin de compléter cette réforme, comme on le sait, j'ai
présenté le projet de loi no 18, Loi assurant l'application de la
réforme du droit de la famille et modifiant le Code de procédure
civile, qui a pour objet de permettre une application harmonieuse de la
réforme en ajustant l'ensemble des procédures en matière
familiale et en complétant les dispositions relatives à
l'adoption. Ce projet est, comme vous le savez, rendu à l'étape
de la prise en considération par l'Assemblée nationale du rapport
de la commission parlementaire de la justice, qui a procédé a
l'étude article par article du projet de loi.
En plus de ces travaux, le ministère a entrepris l'étude
des recommandations du groupe de travail sur le Tribunal de la famille. En
raison des implications sur les services sociaux, les consultations se
poursuivent avec le ministère des Affaires sociales. Le Conseil
consultatif de la justice est également saisi du dossier.
J'aimerais également vous souligner que, si la réforme du
droit de la famille constituait la première base de l'action du
ministère dans l'ensemble de la réforme du Code civil, le
ministère s'est engagé, depuis 1981, dans la préparation
de la deuxième phase, à savoir la réforme du droit des
personnes, des successions et des biens. Il s'agit d'une importante
opération législative qui vise en partie à
compléter la réforme entreprise en matière familiale. Le
projet effectuera une mise à jour des diverses institutions juridiques
qui assurent l'exercice des droits civils des personnes et une révision
importante des régimes de protection des mineurs et des majeurs
incapables et du régime de l'état civil. Sera également
effectuée une mise à jour des règles successorales afin de
favoriser une liquidation efficace, correcte et rapide des biens transmis par
décès. Enfin, au chapitre du droit des biens, la réforme
opérera un rajeunissement de plusieurs droits de
propriété, réglementera la fiducie et la
copropriété divise ou indivise et établira des
règles nouvelles en matière d'administration des biens.
Une autre pièce législative d'importance que nous aurons
l'occasion d'examiner prochainement est la Charte des droits et libertés
de la personne. Après la tenue de la commission parlementaire, le
ministère s'est penché sur l'ensemble des recommandations qui ont
été présentées aux membres de la commission. Je
compte donc déposer un projet de loi amendant substantiellement notre
Charte des droits et libertés de la personne d'ici la fin de la session.
Ces amendements, je tiens à le dire, tiendront compte de toutes les
recommandations qui nous ont été faites par les groupes qui ont
été entendus en commission parlementaire et également
devront tenir compte de l'ensemble du problème constitutionnel que nous
avons à vivre présentement. De plus, concernant les droits et
libertés de la personne, j'aimerais vous souligner que le Québec
a été l'hôte, l'automne dernier, du congrès de
l'Institut international de droit d'expression française. Ce
congrès, qui s'est tenu à Montréal, a porté sur les
mécanismes juridiques de protection des droits de la personne. Les
communications qui y ont été présentées seront
publiées par l'institut et constitueront le premier recueil de droit
comparé sur les droits de la personne rédigé en
français. (10 h 30)
Le ministère a également été le maître
d'oeuvre des projets suivants:
Le projet de loi 17, Loi modifiant certaines lois relatives à
l'administration de la justice, sanctionnée le 18 juin 1981. Ce projet,
comme on le sait, a amendé notamment la Loi sur les fabriques, la Loi
sur la probation et sur les établissements de détention et le
Code de procédure civile.
Le projet de loi 28, Loi modifiant certaines dispositions
législatives, sanctionnée le 19 décembre 1981. Par ce
projet, des modifications ont, entre autres, été apportées
au Régime de rentes du Québec, à la Loi électorale
et à la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées.
Le projet de loi 43, Loi sur un renvoi à la cour d'appel,
sanctionnée le 8 décembre 1981.
Le projet de loi 45, Loi favorisant l'exercice des recours
découlant de l'utilisation de la mousse d'urée
formaldéhyde comme isolant, sanctionnée le 19 décembre
1981. Ce projet visait à protéger les victimes de la
mousse d'urée formaldéhyde en prolongeant le délai pour
intenter un recours.
Au plan de l'accessibilité aux lois et aux règlements, le
ministère a examiné attentivement les recommandations que le
barreau a formulées en septembre dernier à l'occasion de la
présentation de son premier rapport sur la législation et la
réglementation. J'ai, d'ailleurs, rencontré les
représentants du barreau pour échanger avec eux sur leurs
observations. Pour beaucoup des aspects mentionnés, le ministère
a déjà entrepris les actions appropriées. Ainsi, la mise
à jour des lois refondues au 31 décembre 1981 sera prête
incessamment. Il s'agit là d'un délai inférieur à
six mois. Compte tenu des diverses étapes de production pour la
publication des lois refondues, ce délai est remarquablement court et
saura, je l'espère, satisfaire les attentes de la communauté
juridique. Quant aux travaux entourant la refonte des règlements au 31
décembre 1981, ils sont terminés. Nous en sommes à
l'étape de l'impression et déjà les volumes 1 et 2,
édition française et anglaise, sont imprimés. Les travaux
d'impression se poursuivent et nous comptons en faire la distribution durant le
mois de juin 1982. Pour la refonte des règlements, on constatera
également que le délai de production est inférieur
à six mois.
Le ministère poursuit activement ses travaux sur les autres
sujets faisant l'objet du rapport du Barreau du Québec, soit la banque
de données informatisées, l'index des lois et le traitement
informatisé des lois.
Enfin et pour terminer sur la législation, le ministère
est en train d'établir les modalités d'application d'un
mécanisme permanent de déréglementation. Nous avions
déjà effectué un exercice de rationalisation et de
simplification de la réglementation du ministère et des
organismes qui relèvent du ministère de la Justice. Il nous est
donc apparu important de continuer l'effort entrepris. De concert avec les
autres ministères et organismes du gouvernement, nous effectuerons
périodiquement une revue de la réglementation. Ces
opérations seront importantes pour les administrés, car elles
permettront d'évaluer l'état de désuétude de la
réglementation et, le cas échéant, de la remplacer ou de
l'abroger.
Concernant les services à la clientèle, le
ministère de la Justice, comme toute entreprise de services, doit
satisfaire les besoins de sa clientèle. Cette clientèle est
triple: d'abord, le justiciable, ensuite, ce que j'appellerais la
clientèle spécialisée, c'est-à-dire les
professionnels de la communauté juridique, et, enfin, les
ministères et organismes de la fonction publique. Un sondage que le
ministère a commandé sur les perceptions et les attentes des
justiciables nous a confirmé, dans les orientations que nous avions
prises, d'humaniser l'administration de la justice. Bien sûr, le
ministère retire des résultats du sondage, des renseignements
précieux qui guideront les actions à venir. Nous nous attaquerons
- cela est d'ailleurs déjà entrepris - aux sources
d'insatisfaction des justiciables. Diverses activités visant à
améliorer les services ont été mises sur pied. À
titre d'exemple, mentionnons la mise sur pied de services d'accueil dans les
palais de justice, l'installation de présentoirs avec des
dépliants d'information, l'identification des employés,
l'amélioration de la signalisation dans les édifices, la
formation de comités régionaux des intervenants judiciaires et la
diffusion d'information sur les nouveaux services, tels les actes de
l'état civil et la perception des pensions alimentaires.
Il est à noter - cela est très heureux -que beaucoup
d'initiatives viennent du personnel impliqué dans le processus
judiciaire. Une autre préoccupation du ministère, au cours de la
dernière année, a été le sort fait aux victimes et
aux témoins. Nous sommes à mettre la dernière main
à un système visant à favoriser une meilleure information
aux victimes d'actes criminels au cours des différentes étapes de
l'enquête policière et des procédures judiciaires. De plus,
le ministère a publié une brochure destinée aux personnes
qui sont appelées comme jurés et qui les informe de leurs droits
et obligations.
Toujours en matière de services judiciaires, le ministère
de la Justice - je pense que c'est une expérience extrêmement
importante parce qu'elle pourra peut-être s'étendre à
l'ensemble du Québec - a instauré à Montréal une
procédure de médiation à la division des petites
créances de la Cour provinciale. Le médiateur rencontre les
parties afin de voir si une entente peut intervenir avant que le juge ne soit
saisi de la demande. Cette procédure permet donc aux parties de se
rencontrer en présence d'un tiers pour échanger sur leur
différend. Ce projet expérimental est déjà
très bien perçu de la part des justiciables. Cette
expérience s'avérant positive, le ministère a l'intention
de procéder à l'établissement d'un tel service dans un
autre district judiciaire.
De plus, dans le secteur policier, des efforts importants ont
été déployés en vue de mieux accueillir et
renseigner les citoyens. Les nombreux contacts des policiers avec la population
font que l'image que le citoyen se fera de l'administration de la justice sera
souvent fonction de la qualité de leurs interventions et ils en sont
très conscients. Aussi, la Sûreté du Québec a-t-elle
sensibilisé ses membres à apporter de l'aide aux personnes qui se
présentent dans les différents points de service.
À ce sujet, j'ai eu l'occasion de participer à la remise
de certificats en gestion policière à l'Université du
Québec à Trois-Rivières, samedi dernier. 24 policiers ont
complété avec succès des études poussées en
finance et système budgétaire, en administration, en management,
en processus décisionnel et en relations humaines.
C'est par l'amélioration constante des connaissances, par une
meilleure gestion des ressources et, bien sûr, par la
détermination et le professionnalisme de chaque policier que le
rendement et l'efficacité de ce service public sauront mieux
répondre aux exigences légitimes de la population.
Si les services peuvent être améliorés par des
mesures touchant directement les justiciables, je suis d'avis que, par une
augmentation de la productivité du ministère et la revue des
méthodes de travail, une meilleure adéquation des services et des
coûts pourra être réalisée.
Dans cette optique, le ministère s'est livré depuis 1979
à des évaluations sur la productivité de certains
secteurs. Des travaux entourant la division des petites créances de la
Cour provinciale et le secteur pénal sont déjà
terminés. Ont débuté, en 1981, les études sur les
services financiers ainsi que sur les services judiciaires du Tribunal de la
jeunesse. Ces études, menées selon des techniques scientifiques
d'évaluation du travail, ont permis d'établir des normes
objectives d'efficience et d'efficacité pour les services judiciaires.
C'est avec ce même objectif d'augmentation de la productivité du
personnel que le ministère a abordé, avec la magistrature, la
question des services de soutien. Une rationalisation de ces services a pu
être réalisée en coordonnant leurs actions avec celles des
services judiciaires. Je tiens à souligner d'ailleurs la collaboration
importante de la magistrature dans la réussite de ce dossier.
Le ministère a également poursuivi le programme
d'informatisation des services judiciaires. Les greffes de Montréal,
Saint-Jérôme, Québec, Longueuil et, plus récemment,
ceux de Joliette et Rivière-du-Loup sont, au moment où l'on se
parle, informatisés. La prochaine phase de ce programme consistera
à informatiser les services judiciaires des capitales régionales.
Est-il nécessaire de rappeler que l'informatique permet
d'accélérer le service aux citoyens. Le développement des
systèmes informatiques s'est également poursuivi dans les bureaux
d'enregistrement. Les bureaux de Montréal et de Laval ont vu certains de
leurs registres, notamment l'index aux immeubles, l'historique des lots, le
cardex des lots et le registre des adresses, devenir accessibles sur
écran de visualisation.
De plus, le ministère a examiné la situation des points de
services des bureaux d'enregistrement et de la division des petites
créances. En ce qui concerne ces derniers, certains points de services
ont été fermés alors que d'autres ont fait place à
des services itinérants, cela en fonction du volume de dossiers
traités et de leur situation géographique. Pour les bureaux
d'enregistrement, nous nous sommes basés sur les mêmes facteurs et
nous sommes à compléter les dernières données. Je
présenterai sous peu un programme de regroupement de points de services.
Il ne s'agit évidemment pas de décisions faciles, mais elles sont
dictées par un souci d'une meilleure rationalisation de nos ressources
et un désir d'accroître la productivité du personnel.
Dans la recherche de solutions aux problèmes rencontrés
par le ministère, les groupes professionnels sont, dans la mesure du
possible, mis à contribution. Par exemple, le ministère poursuit
ses échanges avec la Chambre des notaires sur la réforme du Code
civil et sur la pratique notariale en regard des activités concernant
les bureaux d'enregistrement. De plus, des représentants du Barreau du
Québec et du ministère se réunissent
régulièrement sur des questions d'intérêt commun.
Ainsi, au niveau de l'important dossier que constitue celui des délais
d'audition devant nos cours de justice, il nous est apparu important, avant de
mettre en oeuvre de nouvelles procédures administratives ou
législatives, de s'assurer de leur efficacité et du consensus des
intervenants. Il convenait aussi, dès le départ, de bien cerner
le problème. Celui-ci ne se situe pas au niveau de tous les tribunaux -
il faudrait en être bien conscient. Je serai en mesure de donner des
statistiques là-dessus qui démontrent une amélioration
importante - et de tous les districts judiciaires, mais est davantage
concentré en matière civile à la Cour supérieure de
Montréal.
Plusieurs comités ont fait valoir leur point de vue. Un
comité du barreau, comme on le sait, a déposé un rapport
en avril 1981. Ce rapport contenait quelque 25 recommandations dont plusieurs
ont déjà été mises en application. Le Conseil
consultatif de la justice a également été saisi de cette
question. Divers comités regroupant des membres de la magistrature du
Barreau du Québec et du ministère de la Justice ont
été chargés de mettre en application les recommandations
du rapport du Barreau de Montréal. De plus, à Montréal,
les juges de la Cour supérieure ont été
sensibilisés de façon particulière aux problèmes
des délais et reçoivent mensuellement du maître des
rôles un communiqué les informant de l'état des
rôles. Parmi les mesures additionnelles envisagées pour
réduire encore plus les délais, mentionnons l'augmentation de la
juridiction de la Cour provinciale,
l'augmentation de la juridiction de la division des petites
créances, l'élaboration de délais standards d'audience
pour chacune des juridictions, l'augmentation du taux légal
d'intérêt et une meilleure utilisation de la procédure de
la conférence préparatoire de manière à n'inscrire
que les causes vraiment prêtes à être entendues.
Déjà, le ministère distribue
régulièrement aux principaux intervenants la liste des
délais d'audition des districts judiciaires et l'analyse des
écarts en vue de prendre les actions correctives appropriées dans
les meilleurs délais. Enfin, je vous signale que je proposerai des
modifications à la procédure d'appel en vue de réduire les
délais d'audition à ce niveau.
Je crois que les mesures qui résulteront des travaux en cours
seront de nature à diminuer sensiblement les délais d'audition
des causes. Il s'agit là pour le ministère d'une
priorité.
En terminant, sur ce volet des services à la clientèle,
j'aimerais souligner que le ministère rend également des services
aux autres ministères et aux organismes de la fonction publique. Notre
réseau de services juridiques et les services législatifs du
ministère doivent répondre aux besoins de la fonction publique.
Nous consacrons des efforts importants dans le perfectionnement des ressources
humaines de ces deux secteurs d'activités pour que les services rendus
soient de la meilleure qualité possible. À titre d'instrument de
perfectionnement, mentionnons la tenue de plusieurs sessions de
perfectionnement dans différents domaines du droit, notamment en droit
constitutionnel, en droit du travail, en rédaction des lois et des
règlements, ainsi que la publication en 1981 de deux numéros du
bulletin de rédaction des lois et des règlements.
M. le Président, j'aborderai un autre sujet que j'ai
évoqué tout à l'heure, à savoir la situation des
établissements de détention. Je ne vous surprendrai certainement
pas en vous parlant maintenant d'un secteur qui a attiré l'attention au
cours de la dernière année, soit celui des services
correctionnels. Sans entrer dans tous les détails - ce que nous pourrons
faire lors de l'étude des crédits du programme - j'aimerais faire
le point sur un certain nombre d'éléments.
Depuis quelques années déjà, les
établissements de détention connaissent un problème de
surpopulation. Nous avons dû mettre en oeuvre diverses mesures pour
tenter de remédier à cette situation, à savoir: recours
élargi aux ressources communautaires d'hébergement, utilisation
accrue du mécanisme des absences temporaires, transferts de
détenus d'un établissement à un autre où il y avait
des places disponibles. Le ministère suit de très près ce
phénomène de surpopulation et tente d'y apporter les correctifs
appropriés. Ainsi, le ministère a fait connaître de
façon claire qu'il favorisait les mesures alternatives à
l'emprisonnement plutôt que le développement d'aménagements
et de ressources carcérales pour faire face à la situation.
À titre d'exemple, il convient peut-être de mentionner ici les
efforts consacrés à trouver des solutions au problème de
l'emprisonnement à défaut de paiement d'amende. Un groupe de
travail sur le sujet ayant comme mandat d'articuler les éléments
de solutions avait été mis sur pied au ministère. Le
rapport produit par ce groupe a fait l'objet, durant la dernière
année, de nombreuses consultations. Encore là, il nous est apparu
essentiel de consulter les instances concernées avant de mettre en
application les mesures préconisées. Les juges en chef des
différents tribunaux, la Conférence des juges, le Conseil
consultatif de la justice ont tous été consultés. Dans
l'ensemble, ils se sont montrés favorables aux recommandations du
rapport du groupe de travail. Ceci nous a permis d'enclencher d'autres
étapes pour la concrétisation des diverses recommandations.
Ainsi, nous procédons actuellement à l'élaboration des
modifications législatives appropriées. (10 h 45)
J'aimerais, cependant, apporter une précision importante:
contrairement à une opinion avancée et qui a été
rapportée dans certains médias d'information, cette mesure ne
diminuera pas de 50% la population carcérale. Il nous faut distinguer
entre le taux d'admission dans les établissements de détention et
leur taux d'occupation. Si le taux d'admission pour non-paiement d'amendes
s'établit à environ 45% de la population carcérale, le
taux d'occupation, qui est bien différent, lui, se situe à
environ 8%. Cette situation est attribuable au fait que la durée moyenne
des sentences pour défaut de paiement d'amende est relativement faible,
c'est-à-dire entre douze et quinze jours. Il me semble important
d'apporter cet éclaircissement pour bien situer le débat.
Néanmoins, la mise en application de cette mesure
réduirait la population carcérale, éliminerait
l'incarcération comme moyen de sanction pour des peines mineures et
aurait des incidences, à la baisse, sur les coûts. Par ailleurs,
le ministère a consacré énormément d'efforts
à repenser sa philosophie et son approche en matière
carcérale. Le ministère termine une réflexion en
profondeur sur ses orientations et je compte bien être en mesure, d'ici
à quelques semaines, d'élaborer davantage à cet
égard. Je peux préciser tout de suite que la réforme
misera largement sur la capacité de la personne détenue d'assumer
davantage ses responsabilités et de mieux se préparer à la
reprise d'une vie normale dans la collectivité.
Cette approche se reflétera évidemment dans
l'aménagement et le concept architectural des centres de
détention. Le ministère est à élaborer un cadre
général de ses aménagements physiques qui devrait
permettre d'humaniser le séjour des personnes en détention et de
rationaliser les opérations des établissements de
détention dans tout le Québec. Je puis par ailleurs vous assurer
que la formule que nous allons proposer va diminuer sensiblement le coût
d'aménagement en misant sur le recyclage des bâtiments existants
et sur la sécurité périphérique plutôt que
sur la sécurité interne des établissements de
détention.
Entre-temps, en 1981, le programme de modernisation des
équipements s'est poursuivi. En décembre 1981, l'ouverture d'un
nouvel établissement de détention à Amos a permis de
fermer l'établissement utilisé auparavant. De plus, à la
suite de la présentation des esquisses préliminaires par les
architectes concepteurs, les projets de construction de nouveaux
établissements à Trois-Rivières et à Sherbrooke ont
fait l'objet d'études complémentaires par le ministère
à la lumière de la nouvelle approche à laquelle j'ai fait
référence. Il est clair que des établissements doivent
être construits à ces endroits.
Aussi, un complexe a été acheté à LaSalle et
des travaux de rénovation et d'aménagement seront
exécutés en 1982 pour permettre l'utilisation de ce nouvel
établissement de détention.
Le projet à la ville de LaSalle sera l'exemple type du genre de
nouveau centre de détention que je désire voir s'implanter au
Québec au cours des prochaines années. De plus, il est important
de rappeler que le ministère a favorisé au cours des
dernières années les mesures de réinsertion sociale des
détenus. Le programme d'activités
rémunérées, celui des travaux communautaires, le
développement de programmes pour les communautés autochtones,
l'utilisation de centres résidentiels communautaires et la
multiplication de ces centres, l'adoption d'un règlement relatif aux
établissements de détention et sa distribution aux détenus
ainsi que la création de la Commission québécoise des
libérations conditionnelles sont autant d'exemples qui démontrent
notre désir de voir s'améliorer les conditions des
détenus. En continuité avec les démarches entreprises
l'année dernière, le ministère des Affaires sociales et le
ministère de la Justice ont signé en avril 1981 un protocole
d'entente qui établit de façon claire le partage de
responsabilités en matière de services de santé pour les
personnes incarcérées. Différentes démarches ont
aussi été entreprises auprès des ressources des
différentes régions en vue d'établir des contrats de
services. Des contrats de services ont été signés avec le
Centre local des services communautaires de Hull et celui de Paspébiac
et d'autres sont en voie d'être conclus.
J'aborderai maintenant un autre sujet, à savoir la
criminalité. J'ai eu l'occasion la semaine dernière, M. le
Président, de participer au colloque de la Chambre de commerce du
Québec dont le thème était la prévention du crime
dans l'entreprise. J'y ai prononcé une allocution qui exposait les buts
du ministère sur la prévention de la criminalité et son
implication dans ce domaine. À cette occasion, j'ai exposé, entre
autres, de quelle façon le ministère s'acquitte de la tâche
ardue que représente la prévention du crime. Je crois d'ailleurs
important au départ de situer le Québec en regard des autres
provinces en ce qui concerne le taux de criminalité. On véhicule,
je crois, trop souvent l'idée que le Québec détient le
championnat de la criminalité. Or, un simple examen des données
rendues disponibles par Statistique Canada nous révèle que la
réalité est toute différente.
Cet organisme divise le Canada en douze régions, soit les dix
provinces auxquelles s'ajoutent le Yukon et les territoires du Nord-Ouest. Le
Québec se situe au 8e rang en ce qui concerne l'importance du taux de
criminalité. Seules les provinces des Maritimes ont un taux de
criminalité plus faible, ce qui ne veut pas dire par là qu'il n'y
a pas énormément de travail à faire en termes
d'amélioration de la situation.
J'aimerais d'ailleurs souligner que le ministère de la Justice a
publié cette année son premier rapport sur l'état de la
criminalité et l'application des règlements de la circulation au
Québec pour l'année 1980. Afin de mieux jouer son rôle au
niveau de la prévention du crime, le ministère a également
constitué un comité consultatif sur la prévention du
crime. Ceci permet d'assurer une cohésion adéquate entre le
contenu des politiques et des programmes et les diverses initiatives de
prévention qui proviennent notamment des services policiers. Cette
structure est complétée par un secrétariat permanent qui
est, entre autres, chargé de faire l'inventaire des activités,
programmes et initiatives en matière de prévention. Ce
secrétariat rend également disponibles aux divers intervenants
documents et outils susceptibles de soutenir des programmes de
prévention.
Par ailleurs, jusqu'à présent, le ministère a
favorisé les interventions à l'échelle régionale,
en matière de prévention. Concrètement, il a voulu
contribuer au maintien et au développement de comités
régionaux de prévention du crime en leur apportant un support sur
le plan de l'expertise professionnelle et en leur rendant disponibles certains
outils susceptibles de
favoriser leurs objectifs. Ces comités régionaux, que je
crois très importants dans le domaine, nous apparaissent comme des
modules dynamiques de concertation. Vous me permettrez également de
souligner que le ministère est en voie, de concert avec le comité
consultatif, de compléter un programme de prévention contre le
vol, à l'intention de certains établissements commerciaux. Un tel
programme impliquera la vérification sécuritaire des
établissements commerciaux par les policiers et aussi, ce qui est
très important, une sensibilisation des marchands sur la façon de
se prémunir contre les différents délits dont ils
constituent souvent la cible.
La Sûreté du Québec a continué de jouer un
rôle important en matière de prévention du crime.
Grâce à leur présence active sur le territoire, les agents
de la Sûreté ont pu participer à la mise en oeuvre de
mesures de prévention concrètes tel l'établissement de
comités de quartier et de comités de surveillance du voisinage
ainsi qu'au suivi de ces mesures. Au cours des prochaines années, la
Sûreté mettra encore plus d'emphase sur ces programmes. De plus,
le ministère a mis sur pied à Montréal une équipe
de substituts du Procureur général particulièrement
chargée des dossiers des vols à main armée. Cette
équipe est à l'oeuvre depuis le début de 1981. Aucune
analyse globale n'a encore été effectuée sur les
résultats obtenus à la suite de la mise sur pied de cette
équipe spéciale. Cependant, nous pouvons observer à
Montréal, en plus d'une baisse sensible des vols à main
armée commis dans les banques, une réduction notable du nombre de
causes reliées à ce genre de délits.
Le ministère a également assuré le suivi des
colloques sur la violence. À cet égard, le ministère a
analysé les recommandations qui le concernent directement en vue de
mettre en application celles qui requièrent des actions
concrètes. Nous préparons un document-synthèse sur cette
question. De plus, le ministère de la Justice proposera diverses
utilisations du matériel produit et recueilli à la suite de son
programme de subventions. C'est d'ailleurs à la suite de ces colloques
que le ministère, en collaboration avec le Conseil du statut de la femme
et la Corporation professionnelle des médecins du Québec, a
élaboré un protocole médical type dans le but de faciliter
la preuve des constatations médicales lors des procès pour viol.
Ce protocole permettra de favoriser un traitement plus approprié des
victimes de ce type d'agression. Le ministère a également
instauré un projet pilote concernant l'intervention policière en
cette matière. La Sûreté du Québec a engagé
une technicienne en réadaptation sociale chargée d'établir
des rapports étroits avec les organismes aptes à apporter toute
l'aide physique et psychologique nécessaire aux victimes de violence.
Cette expérience maintenant terminée fait l'objet d'une
évaluation et nous examinerons la possibilité de l'étendre
sur une base permanente, peut-être sur l'ensemble du territoire du
Québec.
Comme dernier sujet, M. le Président, j'aborderai la question des
ressources humaines et financières pour donner quelques actions du
ministère en cette matière.
Au niveau de l'organisation, nous avons poursuivi la révision de
notre plan d'organisation administratif supérieur. L'an dernier, les
plans d'organisation de la Direction générale des services
judiciaires, de la Direction générale du personnel, de la
Direction générale des bureaux d'enregistrement, ainsi que de la
Régie des permis d'alcool du Québec et du Comité de la
protection de la jeunesse ont été révisés,
approuvés par le Conseil du trésor et mis en application.
Dans un souci de rationalisation, de coordination et d'efficacité
administrative, le ministère procède actuellement à un
examen global de sa structure administrative supérieure. De plus,
l'évaluation des programmes s'est poursuivie. Ainsi celle de l'aide
juridique s'est terminée au cours de 1981-1982. L'évaluation du
programme de la Sûreté du Québec et de celui de la
Direction générale de la probation et des établissements
de détention vient de débuter. Il est à noter que cet
outil de gestion, en plus de fournir des données sur le fonctionnement
des programmes, nous permet d'établir des indicateurs de performance
pour mieux atteindre les objectifs de l'organisation.
Dans cette perspective d'accroître notre efficacité et
notre efficience, nous avons accéléré la révision
de nos méthodes de travail et de nos outils de gestion. Cela nous
permettra de mieux suivre l'évolution du budget et des activités
du ministère. C'est aussi dans le sens de l'acquisition de meilleures
connaissances de gestion que nous avons orienté nos programmes de
formation et de perfectionnement du personnel.
En matière d'égalité des chances en emploi pour les
femmes, l'année 1981 a été particulièrement
consacrée à la réalisation des objectifs du plan d'action
élaboré en 1980 en ce qui a trait à la présence des
femmes au ministère, à leur formation et perfectionnement,
à leur incitation à poser leur candidature à des postes
supérieurs, à la planification des carrières et à
la composition des comités de sélection.
De plus, en cours d'année, la politique d'égalité
des chances en emploi pour les personnes handicapées a été
mise en oeuvre. Des sessions de sensibilisation à la situation de la
personne handicapée en milieu de travail ont été tenues et
une étude sur la
situation des personnes handicapées au ministère a
été réalisée. En outre, le plan d'action
précisant des zones d'interventions et des objectifs précis
à atteindre pour l'ensemble des directions générales et
des organismes relevant du ministère de la Justice est en voie
d'élaboration. Enfin, dans le cadre de l'année internationale de
la personne handicapée, le ministère a eu la
responsabilité de coordonner les activités d'une table
thématique en vue de la préparation du sommet qui a eu lieu
l'automne dernier et de l'élaboration d'une politique d'ensemble
d'intégration en milieu de travail de la personne handicapée.
Concernant le budget - je terminerai là-dessus - pour
l'année 1982-1983, le total des crédits du ministère de la
Justice s'établit à 616 608 000 $. Si on compare ces chiffres au
budget des dépenses pour l'année 1981-1982, on constate une
augmentation de 49 076 400 $, soit une augmentation de 8,6%.
Ces crédits se répartissent entre sept secteurs et
dix-sept programmes. La majorité du budget soit 81,6% sera
affectée à cinq programmes du ministère dont 265 608 900 $
à la Sûreté du Québec, 96 234 400 $ à la
garde des détenus et à la réinsertion sociale des
délinquants, 68 020 000 $ au soutien administratif à
l'activité judiciaire, 47 685 800 $ à l'aide aux justiciables et
25 545 800 $ à la formulation de jugements.
Sur les crédits additionnels de 49 076 400 $, une somme de 41 777
100 $ servira à défrayer le coût des révisions de
traitement faisant suite à la mise en application des différents
contrats de travail. Le reste de l'augmentation, soit 7 199 300 $ consiste
essentiellement en des montants pour le développement des
systèmes informatisés, le développement des centres
résidentiels communautaires, les programmes d'information et
l'amélioration du système de télécommunications de
la Sûreté du Québec. (11 heures)
Au niveau de l'effectif, celui du ministère de la Justice
s'établit au 1er avril 1982 à 13 164 employés permanents
et à 596 employés occasionnels, soit un total de 13 760
employés. L'effectif total du ministère au 1er avril 1981
était de 14 069, dont 13 440 employés permanents et 629
occasionnels. La diminution totale de l'effectif du 1er avril 1981 au 1er avril
1982 a donc été de 309 postes résultant d'une diminution
de 276 postes permanents et de 33 postes occasionnels.
Cette diminution s'explique ainsi: en ce qui concerne les permanents, du
1er avril 1981 au 31 décembre 1981, l'effectif a été
porté de 13 440 employés à 13 224 comme l'indique le livre
officiel des crédits qui est entre vos mains, soit une diminution de 216
postes. Depuis le 31 décembre 1981, il y a eu une diminution de 60
postes pour une diminution totale durant l'année de 276 postes
permanents. Ce chiffre de 276 postes permanents provient du nombre de postes
supprimés aux fins de la compression des effectifs, soit 334, duquel il
faut soustraire les postes nouveaux ou qui ont été
transférés au ministère, qui représentent un nombre
de 58 postes. Ces postes nouveaux ou transférés au
ministère l'ont été pour les activités suivantes:
d'abord, augmentation de postes à la direction générale de
la probation et des établissements de détention, 30; augmentation
de postes à la direction générale des affaires
criminelles, 12; transferts de postes entre ministères, 16. Pour ce qui
est des employés occasionnels, on constatera que ceux-ci sont
passés de 629 à 596 pour une réduction de 33.
M. le Président, j'ai voulu par cet exposé
présenter aux membres de la commission parlementaire de la justice un
portrait des grandes orientations des actions du ministère, des
réalisations administratives de ses différents secteurs
d'activités et également vous faire part des crédits que
nous soumettons à votre analyse et à votre approbation. Merci, M.
le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Merci, M. le Président. Premièrement,
j'aimerais remercier les fonctionnaires qui sont présents aujourd'hui,
les sous-ministres, les présidents des commissions, les directeurs des
programmes et d'autres membres du personnel du ministère.
Ceci est peut-être la seule occasion durant l'année pour le
citoyen qui n'est pas au pouvoir de poser des questions au ministre de la
Justice, aux élus qui sont au pouvoir. Je vais vous dire tout de suite
que c'est peut-être plus facile de répondre aux questions que de
trouver de bonnes questions à poser au ministre. Vous savez que le
ministre a 14 000 employés pour répondre aux questions. Ils ont
toutes sortes de documents, toutes sortes d'études, toutes sortes de
rapports auxquels nous n'avons pas accès. Donc, je crois que trouver une
bonne question, c'est plus difficile que de répondre à cette
question.
J'aimerais, à ce moment-ci, faire une critique des grandes
actions et orientations du ministère de la Justice. L'an dernier,
à l'occasion de l'étude des crédits, le ministre de la
Justice a précisé que les grandes actions et les orientations du
ministère de la Justice visaient surtout à humaniser
l'administration de la justice et à rendre la justice plus accessible
aux citoyens. Au cours de l'année passée, j'ai rendu publiques
des
études concernant l'administration de la justice au
Québec. Il me semble que le bilan du travail du ministre est
plutôt décevant et qu'il n'a pas atteint les objectifs qu'il
s'était fixés.
Mes études ont porté sur le plan de la qualité, du
coût et de l'efficacité de l'administration de la justice. Sur ces
trois plans, la performance du ministère sous la gouverne du ministre
actuel laisse beaucoup à désirer.
Par exemple, concernant la qualité de l'administration de la
justice, le système carcéral reste encore inhumain, par la faute
du ministre qui refuse de prendre des mesures correctives. Les chiffres
démontrent que les coûts des services de police au Québec
et dans la Communauté urbaine de Montréal sont beaucoup trop
élevés. Enfin, l'efficacité de l'administration de la
justice n'est pas non plus assurée; par exemple, certains palais de
justice ont trop de juges alors que d'autres n'en ont pas assez.
Mes critiques à l'endroit des grandes actions et orientations du
ministère de la Justice se résument en quatre points
précis: la révision du Code civil, les services de la police, les
conditions et les coûts de la détention et la protection des
droits et libertés de la personne. 1. La révision du Code civil.
Le Code civil a été adopté en 1866, c'est-à-dire
avant même la Confédération. Dans la loi constitutive du
Canada - l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 -l'article 94
prévoit l'uniformisation des lois provinciales des provinces de "common
law". Le Québec est exclu parce que depuis toujours on a reconnu sa
spécificité dans ce domaine.
Le Code civil englobe le droit qui régit les rapports juridiques
entre les Québécois. Ce code est un des éléments
qui font du Québec une société distincte dans le
Canada.
L'Office de révision du Code civil a travaillé pendant 25
ans à refaire notre Code civil. Il a déposé un rapport qui
constituait une excellente base de révision pour notre droit civil.
Cependant, peu de réformes ont été traduites en lois.
L'exception importante est la loi 89 qui a été adoptée
avant les élections provinciales de 1981.
Il semble que le gouvernement du Québec ait l'intention de
réformer le Code civil d'une façon parcellaire. Quand on fait une
telle réforme à la pièce, il y a des contradictions, des
erreurs et des lacunes qui se glissent dans les articles. Qui en souffre? Le
citoyen bien sûr, dont les rapports juridiques sont régis par un
Code civil peu harmonisé. De plus, en faisant la réforme à
la pièce, certains chapitres seront déjà désuets
lors de l'entrée en vigueur d'autres chapitres.
Nous avons demandé au ministre de la Justice, à maintes
reprises, de présenter à la population un
échéancier pour l'adoption de tout le Code civil. Par exemple,
l'adoption du nouveau Code civil pourrait être faite au complet d'ici
à 1985. Il pourrait alors compter sur la coopération
complète de l'Opposition. Mais nous attendons toujours la réponse
du ministre à ce sujet.
En fait, si je me souviens bien, le ministre a promis de déposer
les chapitres sur les personnes et les successions au printemps. C'est
maintenant reporté à l'automne. Espérons encore que ces
projets de loi ne seront pas reportés à une saison
ultérieure.
De plus, étant donné les deux codes civils qui existent au
Québec aujourd'hui, il n'est guère possible de parler de
l'accès au code pour le simple citoyen. Même les avocats se
retrouvent avec peine dans notre droit civil. Je m'explique.
Savez-vous, M. le Président, qu'il existe au Québec deux
codes civils? Il y a le Code civil de 1866 qui est officiellement le Code civil
du Bas-Canada. Il y a aussi le Code civil du Québec qui a
été institué par la loi 89 en 1980. Des articles qui
portent les mêmes numéros se trouvent dans les deux codes
quoiqu'ils visent des matières différentes. Par exemple,
l'article 407 traite du mariage dans un code et de la propriété
dans l'autre. C'est très compliqué pour les avocats et les
notaires qui n'ont pas tous, dans leurs recherches, l'appui du ministre de la
Justice. Le simple citoyen n'a, quant à lui, guère d'accès
à ce corps de droit fondamental. 2. Les services de police. Dans mon
étude sur La police au Québec: son contrôle et son
coût, rendue publique en novembre 1981, j'ai remarqué que
l'inefficacité des services de police dans la Communauté urbaine
de Montréal et au Québec en général est
attribuable, avant tout, à la faiblesse et à l'incohérence
des structures policières et au manque de mécanismes de
contrôle. Ceci est dû, en grande partie, à la
négligence du gouvernement actuel et plus spéficiquement à
celle du ministre de la Justice qui n'a pas assumé son rôle
principal de planificateur dans le domaine policier.
Cette inefficacité est flagrante quand on compare le taux
d'encadrement policier et les coûts des services en Ontario et au
Québec. Le gouvernement se compare toujours à notre province
voisine, étant donné que les deux provinces ont sensiblement les
mêmes problèmes. Mais cette comparaison est devenue aujourd'hui
ridicule dans l'état où se trouve l'administration de notre
justice.
Au premier janvier 1981, il y avait, pour assurer le maintien de l'ordre
et de la sécurité sur le territoire québécois, 13
790 policiers relevant soit de la Sûreté du Québec, soit
des corps policiers municipaux. Alors que l'effectif de la Sûreté
du Québec
se chiffrait à 4585 policiers, les 9205 policiers municipaux
étaient répartis dans 190 corps policiers municipaux et 4820
comptaient pour le seul service de police de la Communauté urbaine de
Montréal.
À la même date, en Ontario, on retrouvait 16 893 policiers
dont 4055 appartenaient à la police provinciale de l'Ontario. Cependant,
le taux d'encadrement policier en Ontario, c'est-à-dire le nombre de
policiers par 1000 de population - et c'est ce chiffre qu'il faut retenir comme
important -n'était que de 1,90 comparativement à 2,17 au
Québec.
Je me pose alors la question: Pourquoi avons-nous, au Québec,
plus de policiers par habitant?
Examinons les coûts de ces services. Le coût de maintien des
forces policières du Québec s'est chiffré, en 1980,
à 545 297 725 $, dont 205 859 200 $ pour la Sûreté du
Québec et 199 940 750 $ pour le service de police de la CUM. En
répartissant le coût du maintien de la Sûreté du
Québec sur la population du Québec, on remarque que, pour chaque
citoyen québécois, il en coûtait, en 1980, une somme de
32,41 $; de leur côté, les citoyens demeurant sur le territoire de
la CUM devaient de plus assumer en 1980 un montant de 110,77 $ per capita pour
leur protection policière. Cela ne comprend pas le coût du service
de la police parallèle qu'on trouve dans la plupart des villes de la
CUM. Pendant ce temps, en Ontario, le coût per capita de la police
provinciale se chiffrait à 20,82 $ alors que les résidents de
l'agglomération de Toronto devaient payer une somme de 95,70 $ per
capita pour la protection policière assumée par leur service de
police. (11 h 15)
Les coûts des services de police au Québec ont beaucoup
augmenté depuis 1976. De fait, le coût de la Sûreté
du Québec a augmenté plus rapidement que celui du service de
police de la Communauté urbaine de Montréal, ces dernières
années. De 1976 à 1981, le coût de la Sûreté
du Québec est passé de 126 292 000 $ à 205 850 200 $, soit
une augmentation de 63% en quatre ans, alors que celui du service de police de
la CUM est passé, pour la même période, de 155 357 840 $
à 199 940 750 $, pour une augmentation de 28,69%. Les contribuables
à la CUM se demandent pourquoi ils paient 20% de plus pour leur service
de police que leurs homologues de l'agglomération de Toronto. Concernant
cet aspect de l'administration de la justice, je voudrais savoir si le ministre
a un projet en tête pour réduire le coût de nos services de
police. 3. Les conditions et les coûts de la détention. J'ai eu
l'occasion de visiter les plus grands centres de détention et de
prévention au Québec, entre septembre et décembre 1981.
J'ai trouvé que, dans certains centres, les conditions de vie
étaient déplorables, voire intolérables. J'ai
été surpris d'apprendre que 50% des admissions sont le
résultat du non-paiement de l'amende. Il faut noter que la plupart des
infractions, selon les lois du Québec et les règlements
municipaux, sont punissables par amende plutôt que par emprisonnement. Il
est évident que l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende ne
répond pas à un besoin de protection de la société
et que, étant donné son coût, il devrait être aboli.
À l'appui de cette conclusion, j'aimerais souligner qu'en 1978, le
ministère de la Justice avait déboursé environ 5 000 000 $
pour héberger des personnes qui ont fait défaut de paiement
d'amende d'environ 1 000 000 $, y compris les frais.
Il arrive souvent que, à cause du non-paiement d'une amende d'une
centaine de dollars, une personne se retrouve en prison pour dix jours. Il en
coûtera 100 $ à 250 $ par jour pour garder cette personne en
prison. Donc, il en coûtera à l'État de 1000 $ à
2500 $ pour héberger cette personne en prison pour le non-paiement d'une
amende de 100 $. En effet, on punit le contribuable et non celui qui a commis
l'infraction.
À la lumière de ces faits, j'ai proposé que
l'emprisonnement pour non-paiement d'amende soit aboli. Cette suggestion a
trouvé un très grand appui dans la presse écrite et
parlée de même qu'auprès de la population. Deux semaines
après la parution de mon étude sur la question, l'attaché
de presse du ministre de la Justice a fait savoir aux Québécois
que le ministre présenterait au printemps une loi visant à abolir
l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende. Le printemps est
déjà arrivé, on attend toujours le projet de loi du
ministre. Le ministre tiendra-t-il sa promesse?
De plus, j'ai fait les recommandations suivantes concernant les
problèmes de la détention. Le Centre de prévention de
Montréal (Parthenais) doit être fermé. Le ministre de la
Justice s'est engagé, dans une lettre écrite en 1977, à le
fermer, après avoir constaté lui-même les mauvaises
conditions qui y régnaient.
Le ministre devrait fermer les prisons à Trois-Rivières et
à Sherbrooke. Ces prisons sont moyenâgeuses, en
décrépitude et il y a manque d'hygiène et de
salubrité dans ces lieux. Quand j'ai visité ces prisons, il y
avait 33 détenus à Trois-Rivières et 52 à
Sherbrooke. Le ministre vient d'annoncer aujourd'hui qu'on construira deux
nouvelles prisons dans ces endroits. Je me demande si on a besoin de deux
nouvelles prisons de 200 cellules chacune dans ces villes.
Le ministre doit prévoir aussi une amélioration
substantielle des conditions de vie des détenus dans les prisons de
Bordeaux et Hull, à la maison Tanguay et au Centre
de détention d'Orsainville, et l'élaboration de programmes
de réinsertion sociale plus adéquats.
L'entière responsabilité des soins de santé dans
les prisons du Québec doit être remise aux CLSC. Je suis
très heureux d'apprendre, aujourd'hui, que le ministre a
déjà donné suite à mes recommandations et que le
ministère de la Justice a signé des contrats avec le
ministère des Affaires sociales pour que les CLSC s'occupent des
détenus dans certaines régions.
Enfin, le ministre doit prendre des mesures pour réduire les
coûts excessifs d'exploitation des prisons québécoises. Il
en a coûté en moyenne, pour chaque détenu au Québec,
77,16 $ par jour en 1979-1980, tandis que, pour le détenu ontarien,
cette moyenne, pour la même année, était de 55,08 $. Le
coût est plus élevé de 40% au Québec qu'en Ontario.
Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire dans ce dossier? 4. La
protection des droits et libertés de la personne. Le ministre a une
responsabilité spéciale en ce qui concerne la Charte des droits
et libertés de la personne du Québec. La charte prévoit
à l'article 91 que "Le ministre de la Justice est chargé de
l'application de la présente charte".
Au mois d'octobre dernier, la présente commission a
siégé afin d'entendre des mémoires concernant les
modifications à apporter à la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec. Le ministre a promis de
déposer un projet de loi afin d'affermir les droits et libertés
des Québécois. Ce projet de loi n'a pas encore été
déposé. Le ministre nous a dit aujourd'hui qu'il sera
déposé avant la fin de la session et j'espère qu'il
tiendra sa promesse.
Le temps presse, l'Assemblée nationale doit faire des
modifications à cette charte adoptée par le gouvernement
libéral précédent. Par exemple, l'article 90 permet une
certaine discrimination contre les femmes. Cet article devait
supposément demeurer en vigueur pendant un temps assez limité.
Nous demandons au gouvernement depuis 1977 de l'abroger. Rien n'a
été fait et la discrimination contre les femmes continue à
être permise par notre charte.
En marge de cette question, il convient de rappeler ici que le ministre
a déjà dit que l'enchâssement dans la constitution de
l'égalité des femmes protégera moins bien leurs droits et
libertés que les dispositions de la charte québécoise qui
n'est, en effet, qu'une loi statutaire. Il va sans dire que
l'enchâssement de la garantie de l'égalité des femmes
permet également à l'Assemblée nationale d'offrir des
protections au-delà de celles enchâssées dans la
constitution. Il semble que le ministre ait placé ses sentiments
constitutionnels avant la justice au lieu de faire l'inverse.
J'aimerais demander au ministre si son ministère a fourni un
guide sur la charte québécoise aux procureurs de la couronne.
Quelle position juridique doivent prendre ces procureurs face à une
action fondée sur la charte contre l'État ou un organisme de
l'État? Doivent-ils défendre des interprétations
libérales de la charte ou doivent-ils défendre des
interprétations conservatrices de la charte?
Prenons l'exemple suivant: dans l'affaire Johnson, décidée
par la Cour supérieure à Gaspé, il s'agissait de la
contestation d'une disposition de la Loi de l'aide sociale telle que
modifiée en 1978. La disposition en litige enlevait le droit à
l'aide sociale à une personne impliquée dans un arrêt de
travail de même qu'à sa famille. Johnson a invoqué la
Charte des droits et libertés de la personne afin de faire valoir son
argument que la famille avait droit à l'aide sociale. Fait ironique, le
procureur du ministère, s'appuyant sur les arrêts Lavell et Bliss,
a plaidé la jurisprudence la plus conservatrice de la Cour suprême
du Canada afin de restreindre la portée de la charte
québécoise.
Le ministre a-t-il défini une politique juridique pour ces
procureurs en ce qui concerne l'interprétation et la portée de la
Charte des droits et libertés de la personne du Québec? Leur
a-t-il demandé de réduire la charte à sa plus stricte
expression?
De plus, l'article 67, paragraphe d, de la charte édicte que la
Commission des droits de la personne doit "procéder à l'analyse
des lois du Québec antérieures à la présente charte
et qui lui seraient contraires et faire au gouvernement les recommandations
appropriées". Le ministre a-t-il reçu des recommandations en
vertu de cet article? A-t-il donné suite aux recommandations, le cas
échéant? Est-ce que le travail de la commission est
complété en vertu de cet article?
Finalement, il faut noter que le ministre a donné plus de
responsabilités à la commission au fil des années, mais
moins de ressources pour accomplir ses devoirs. À l'heure actuelle, il y
a des délais de plusieurs mois et même d'années avant que
la commission puisse commencer une étude à la suite d'une plainte
ayant trait à une discrimination. Espérons que le ministre
prendra les mesures nécessaires qui s'imposent dans ce dossier.
Le bilan que je viens de brosser des quatre dossiers mentionnés
ci-haut est plutôt négatif. Il semblerait que la qualité de
l'administration de la justice en général a baissé depuis
l'arrivée au pouvoir du gouvernement péquiste. De plus, les
coûts sont trop élevés dans certains programmes. Nous
ferons d'autres critiques à l'étude des programmes
spécifiques. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre.
Réplique du ministre
M. Bédard: M. le Président, très rapidement,
parce que nous aurons l'occasion d'approfondir tant les remarques
préliminaires que j'ai faites que celles de l'Opposition à
l'occasion de l'étude des différents programmes qui sont
concernés.
Au début de son exposé, le député de D'Arcy
McGee s'est plaint qu'il était très difficile pour lui de trouver
des questions. Il a affirmé que c'était beaucoup plus difficile
pour lui de trouver des questions que pour moi de donner des réponses.
Je n'ai pas la prétention d'avoir tout fait dans le domaine de la
justice; je pense que jamais aucun ministre de la Justice ne pourra
prétendre avoir fait tout ce qui est nécessaire parce que
l'évolution existe et les problèmes changent dans ce domaine
comme dans les autres. La difficulté du député de D'Arcy
McGee de trouver des questions réside peut-être aussi dans le fait
qu'il est à même de constater non seulement aujourd'hui, mais tout
au cours de l'année, que nous avons travaillé très fort au
ministère de la Justice. Si tout n'a pas été fait, de
nombreuses réalisations - on peut parler de nombreuses
réalisations - nous permettent de nous comparer - en tout cas, je le dis
comme je le pense - avantageusement aux administrations qui nous ont
précédés.
Le député de D'Arcy McGee a beaucoup de mérite - je
le reconnais -lorsqu'il parle, entre autres, d'un sujet sur lequel il a
déposé un rapport en ce qui a trait à la détention,
à l'ensemble du système correctionnel au Québec. Mais il
ne faudrait quand même pas charrier. Il ne faudrait pas qu'il s'attribue
plus de mérite qu'il n'en a concernant les recommandations dont nous
avons eu l'occasion de prendre connaissance. (11 h 30)
Lorsque le député de D'Arcy McGee dit, à la page 9,
qu'il pense que c'est à la suite d'une de ses recommandations que nous
avons mis au point une entente avec les services de santé du
Québec au niveau de l'ensemble du système correctionnel, je me
demande où il prend ce fondement puisque ça faisait
au-delà d'un an que les négociations étaient
commencées, c'est-à-dire bien avant son rapport, et que l'entente
a été conclue.
M. Marx: Toujours des négociations et des études,
jamais d'action.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Au contraire, vous êtes mal placé
pour le dire dans ce cas-là puisque l'entente a été
signée et vous vous en êtes réjoui. Je dois
honnêtement dire que cela n'a aucune relation avec les conclusions de
votre rapport. Également, lorsque le député de D'Arcy
McGee pense que c'est son rapport qui a donné suite à la
décision gouvernementale de présenter une loi pour essayer de
régler le problème des sentences faute de paiement d'amende,
encore là, je suis obligé de dire qu'il s'illusionne, pas
seulement en ce qui a trait au travail que j'ai pu faire, mais simplement par
respect pour le travail qui a été fait par de nombreux organismes
durant les deux années qui viennent de s'écouler, donc, bien
avant le rapport.
Je pense d'abord à cette idée d'une loi pour essayer de
faire disparaître le plus possible la prison, faute de paiement d'amende,
qui a pris naissance à un groupe de travail, au niveau du
ministère de la Justice, il y a deux ans. Ces conclusions, comme je l'ai
dit, ont été orientées - et tout cela bien avant le
rapport de mon honorable collègue - au niveau du Conseil consultatif de
la justice et de toutes les consultations qui étaient nécessaires
auprès des juges, procureurs, etc. Il est clair que cette orientation -
tant mieux si le député de D'Arcy McGee est d'accord - avait
été prise bien avant le rapport dont il fait état.
En ce qui a trait aux coûts de l'ensemble de notre système
correctionnel, entre autres de ce que coûte à l'État chaque
jour de prison d'un citoyen, nous avons déjà dit, bien avant
aujourd'hui, que cela représentait un coût très
élevé et qu'il fallait trouver le moyen de mettre au point une
nouvelle politique, globale cette fois-là, qui puisse permettre de
rationaliser l'ensemble de l'administration de nos institutions
correctionnelles, de diminuer les coûts d'opération. C'est
justement avec cette préoccupation que j'ai depuis un an que nous avons
travaillé d'arrache-pied pour être en mesure de pouvoir dire
aujourd'hui que, d'ici à quelques semaines, je serai justement en mesure
de faire connaître à la population une politique globale
concernant l'ensemble du système correctionnel en ce qui a trait
à une nouvelle philosophie et, également, une nouvelle approche
et une rationalisation des coûts d'opération et des coûts de
construction qui, je peux le dire d'avance, sera de nature à diminuer
grandement ces coûts et à améliorer et humaniser le
système, et ce, pour le meilleur bénéfice non seulement
des détenus mais de la population.
Concernant le Code civil, mon collègue parle de 1985 comme
pouvant être une date raisonnable, un délai raisonnable qui
permettrait l'adoption de l'ensemble de la réforme du Code civil. On
sait jusqu'à quel point les travaux de la commission ont
été longs, 25 ans. Nous nous sommes résolument
attaqués à la tâche; je pense que le
député
de D'Arcy McGee sera d'accord pour dire que ce n'est pas une mince
tâche. La réforme du droit de la famille est déjà
faite. Je pense que le délai de 1985 est raisonnable - peut-être
à un an de différence - avec le concours de l'Opposition et
étant donné l'avancement des travaux faits au ministère,
travaux qui vont se poursuivre sur les autres chapitres de l'ensemble du Code
civil. Je tiens à dire au député de D'Arcy McGee que nous
nous rejoignons presque sur le délai; il semble raisonnable et il sera
d'autant moins long selon la collaboration de l'Opposition, comme nous l'avons
eue, d'ailleurs, lorsqu'il s'est agit d'adopter la réforme du droit de
la famille.
Je puis dire que, tel que nous en avions convenu, nous aurions
été en mesure de déposer, dès le printemps un
avant-projet de loi concernant la réforme du Code civil en ce qui a
trait au chapitre des personnes. Nous croyons cependant utile de nous donner un
petit délai additionnel, qui ne retardera rien en termes d'adoption de
cette réforme, aux fins de parfaire et de compléter des
consultations qui, comme vous le savez, sont extrêmement importantes dans
ce genre de travail avec le barreau, la magistrature et la Chambre des
notaires, de manière, pour autant que ce soit possible, que nous
puissions déposer un projet de loi par lequel nous pourrons
régler plusieurs problèmes, tout en étant conscient qu'on
ne s'entendra peut-être pas sur tous les éléments. Plus
nous trouverons le moyen de régler les problèmes avant le
dépôt de la loi, plus cela contribuera effectivement à un
meilleur avant-projet de loi et peut-être, en fin de compte, à une
adoption plus rapide.
Il y a naturellement tous les impacts financiers de la réforme.
Inutile de dire que dans le contexte actuel, c'est très important. Nous
aurons l'occasion d'en reparler lorsque nous aborderons ce sujet dans un
programme.
Le député de D'Arcy McGee parle des coûts de la
police et il y va de comparaison avec l'Ontario. Au départ, il faudrait
quand même être prudent. Je me rappelle que dans son rapport sur
les coûts du système correctionnel, le député de
D'Arcy McGee avait fait certaines erreurs assez importantes. Il avait
laissé entendre que le taux d'occupation des prisons, faute de paiement
d'amende, était de 50% alors que c'est le taux d'admission.
M. Marx: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: Question de privilège.
M. Bédard: Vous aurez l'occasion d'en reparler tout
à l'heure.
M. Marx: Question de privilège.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee, il n'y a pas de question de privilège en commission
parlementaire.
M. Marx: Question de règlement.
Le Président (M. Desbiens): Sur une question de
règlement, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Question de règlement. Voici mon
communiqué de presse sur cette question, auquel le ministre a fait
allusion; c'est clairement indiqué que 50% des admissions étaient
pour le non-paiement d'amende. C'est ça que j'ai donné aux
journalistes. C'est écrit clairement. J'ai dit: - si le ministre veut...
- "Se basant sur de nombreuses études selon lesquelles plus de 50% des
admissions sont dues au non-paiement d'amende." C'est clair, dans mon
communiqué de presse. Si un journaliste a mal compris cela, c'est
peut-être ma faute, mais ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit 50% des
admissions. Je veux insister sur ça.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: J'étais très heureux de voir que,
dans son communiqué de presse, le député de D'Arcy McGee
avait corrigé son erreur qu'il a réalisée rapidement. Mais
je ne crois pas que le journaliste avait fait une erreur parce que ce n'est pas
le communiqué de presse qui l'a intéressé, mais
plutôt le rapport même du député qui disait ceci,
à la page 3 - non pas le pourcentage des admissions - "Cette mesure,
à elle seule, diminuerait de près de 50% la population
carcérale et éliminerait du même coup l'engorgement du
système correctionnel", ce qui montre...
M. Marx: Dans le sens des admissions. C'est clair si on lit cela
avec le communiqué de presse.
M. Bédard: L'attitude du député de D'Arcy
McGee me convainc maintenant qu'il réalise jusqu'à quel point il
s'était mal exprimé dans son rapport, puisque, tant mieux, il a
corrigé très rapidement quand le ministère de la Justice a
fait les mises en garde qu'il fallait.
D'abord, concernant la police, le député de D'Arcy McGee
compare le coût de la police, de la Sûreté du Québec
à celui de la sûreté de l'Ontario, de la police provinciale
de l'Ontario. Il oublie cependant une chose très importante. C'est que
la Sûreté du Québec a une action beaucoup plus
étendue que la sûreté ou encore la police provinciale
en Ontario. La Sûreté du Québec, comme on le sait,
prête assistance à de nombreux corps policiers municipaux;
également, elle couvre plusieurs parties du territoire où il n'y
a pas de corps policiers municipaux. La Sûreté du Québec a
un secteur d'activités - je pense, entre autres, aux crimes
économiques - qui est beaucoup plus étendu que le champ d'action
couvert par la police provinciale de l'Ontario. Je le dis au
député de D'Arcy McGee pour que nous puissions faire les nuances
appropriées.
Au moment où on se parle, je pense que le député de
D'Arcy McGee le sait, beaucoup d'enquêtes criminelles qui auparavant
étaient faites par les corps municipaux sont remises à la
responsabilité de la Sûreté du Québec, ce qui
augmente d'autant son travail et ce transfert de travail se fait à la
demande même des corps de police municipaux. Je crois que le
député de D'Arcy McGee devrait en tenir compte. Pour ce qui est
du coût des corps de police municipaux, je pense qu'on doit rappeler que,
quand même, la responsabilité des corps municipaux, quand on parle
de l'administration, des coûts d'opération, relève des
autorités municipales au premier chef. D'ailleurs, vous serez à
même de constater dans la loi 46 concernant la Communauté urbaine
de Montréal que nous avons là une législation qui a
tendance à remettre - à leur demande, d'ailleurs - aux
autorités de la Communauté urbaine de Montréal encore plus
de responsabilités concernant... (11 h 45)
M. Marx: Oui, mais...
M. Bédard: ... l'administration des corps municipaux.
M. Marx: Je m'excuse, M. le ministre, seulement pour vous aider,
pour compléter votre réponse, c'est aussi la question des
structures des services de police à Montréal et ailleurs, et
pourquoi tant de corps policiers au Québec par rapport à
l'Ontario? Il y a peut-être aussi au Québec trop de corps
policiers. J'ai fait aussi des recommandations dans ce rapport sur les services
de police. Je vous en enverrai peut-être une copie une autre fois.
M. Bédard: C'est clair qu'il y a plus de gros corps de
police en Ontario étant donné certaines régionalisations
qui ont été faites, mais il ne faut pas partir de là pour
essayer de conclure que ceci a nécessairement une incidence aussi
importante sur les coûts comme essaie de le laisser croire le
député de D'Arcy McGee. Je crois que toute cette situation des
coûts de la police doit, comme dans le système correctionnel,
s'évaluer avec des nuances qu'il faut faire quand on se compare à
d'autres. Par exemple, on peut bien dire que les frais du système
correctionnel au niveau de l'Ontario coûtent moins cher qu'ici au
Québec, sauf qu'on oublie que, quand nous comptabilisons les frais de
l'ensemble du système correctionnel au Québec, nous y
insérons tous les frais d'administration, ce qui n'est pas le cas en
Ontario. Cela représente des millions de dollars. Ce sont des
éléments dont il faut tenir compte.
Discussion générale
M. Marx: M. le ministre, seulement pour votre information, j'ai
relevé ces chiffres et ces comparaisons sur des documents du
gouvernement fédéral qui s'alimente de chiffres qui viennent de
votre ministère et du ministère de l'Ontario. S'il y a des...
M. Bédard: Oui, mais les statistiques
fédérales. Vous en conviendrez...
M. Marx: Je n'ai pas tronqué...
M. Bédard: Non, non, je ne veux pas dire que vous avez
tronqué des chiffres ou tout cela.
M. Marx: Non, je n'ai pas tronqué. J'ai pris les chiffres.
Si vous avez mal...
M. Bédard: J'espère qu'on se comprend. Ce que je
veux faire, c'est vous inciter à la prudence; les statistiques
fédérales ne donnent que des chiffres, mais, derrière les
chiffres, il y a des réalités qui existent dont il faut
être conscient. C'est clair que, si tout le coût de
l'administration du système carcéral est comptabilisé dans
ce que coûte un détenu par jour à l'État du
Québec, c'est différent du cas où l'ensemble de cette
administration n'est pas comptabilisé. Prenez, par exemple, en Ontario
également...
M. Marx: Puis-je vous demander de me rendre un service, M. le
ministre? Si c'est le cas - et, comme je vous l'ai dit au début, c'est
plus difficile de poser la question que de fournir la réponse - vous
avez 14 000 employés, demandez à un qui est bon - et vous en avez
beaucoup qui sont bons - de fournir une réponse à mon rapport sur
les coûts des services de police. S'il veut bien me faire un mémo
de cinq pages pour m'expliquer tout cela, je vais m'excuser auprès de
vous à la prochaine étude des crédits. Mais seulement de
me dire toutes sortes de choses au bout de la table...
M. Bédard: Non, non, nous sommes bien prêts à
faire tout ce que nous pouvons pour aider le député de D'Arcy
McGee à faire ses classes, mais...
M. Marx: Mais non, cela...
M. Bédard: ... il est clair que lorsque je lui dis
que...
M. Marx: Ce n'est pas sérieux cela. C'est politique.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Ce que je viens de lui dire, c'est clair que
c'est parce que c'est à la suite des remarques et des observations qui
me sont faites justement par les fonctionnaires. Il est d'ailleurs à
même de constater qu'à mesure que j'ajoute des
éléments dont il faut tenir compte au niveau des nuances c'est
à la suite de remarques qui me sont faites par des fonctionnaires en qui
le député de D'Arcy McGee semble avoir une très bonne
confiance, ce dont je le félicite.
M. Marx: Ce sont seulement des remarques au bout de la table.
J'aimerais avoir cela sur papier pour comparer, pour voir si vous avez vraiment
raison.
M. Bédard: Les mêmes fonctionnaires auxquels vous
référez, quand il s'agit d'évaluer l'ensemble du
coût du système correctionnel, me disent qu'en Ontario, quand ils
parlent des coûts de leur système correctionnel ils ne
comptabilisent pas les frais de transport des détenus d'une institution
à l'autre, soit les frais de transport lorsque...
M. Marx: Les frais de transport au Québec? Le gaspillage
ici? On va parler de cela demain.
M. Bédard: ... par exemple, il y a des procès, etc.
Je pense que je n'ai pas besoin de faire un dessin au député de
D'Arcy McGee. Or, ces frais de transport représentent un montant
très important. Je pourrais y aller d'autres remarques. On aura
l'occasion, on les fera... On pourra ajouter quand nous serons rendus au
programme en question. On me fait remarquer également qu'en Ontario, les
établissements sont beaucoup plus grands, donc 100 personnes et plus.
C'est là une donnée importante. Vous serez en mesure de constater
que j'en ai tenu compte dans ce qu'on peut appeler l'élaboration d'une
nouvelle politique, d'une nouvelle philosophie carcérale, d'une nouvelle
politique au niveau de l'aménagement des institutions de
détention. Je tiens à dire que, dans le nouveau plan que nous
ferons connaître, il n'est pas question d'augmenter le nombre de places
de détention, mais, comme je l'ai dit, d'essayer de promouvoir le plus
possible des mesures d'option à la prison et des mesures de
réinsertion sociale.
M. Marx: À Sherbrooke et à Trois-Rivières.
Ce serait des...
M. Bédard: Nous allons y revenir aux programmes. Je vous
répondrai pièce à pièce.
M. Marx: C'est juste que cela va me permettre de me
préparer davantage. Combien de cellules allez-vous prévoir dans
chacune des prisons de Sherbrooke et de Trois-Rivières?
M. Bédard: Lorsque je ferai connaître l'ensemble de
la politique...
M. Marx: Mais les plans sont déjà prêts.
M. Bédard: ... du ministère. Ce que je vous ai dit,
si vous voulez prendre la peine de relire les notes que j'ai lues au
début des travaux de cette commission, j'ai bien mentionné que
tous les concepts architecturaux qui ont été faits jusqu'à
maintenant sont revus à la lumière d'une nouvelle politique que
nous ferons connaître. Il est clair que, dans ces deux endroits, à
Sherbrooke et Trois-Rivières, on se doit d'y aller de la mise en place
de nouveaux établissements étant donné les conditions qui
existent et l'état de vétusté des édifices qui
existent présentement.
En ce qui a trait à toutes les questions posées par le
député de D'Arcy McGee concernant l'attitude du gouvernement face
à la charte constitutionnelle que nous connaissons, toutes ces questions
trouveront une réponse dans une législation qui sera
déposée très rapidement et qui sera peut-être
annoncée dès aujourd'hui dans les avis à la Chambre. On
sera en mesure à ce moment d'avoir la discussion que nous nous devons
d'avoir sur, d'une part, l'attitude gouvernementale face à la charte
constitutionnelle et également la discussion que nous devons avoir sur
l'ensemble des amendements qui seront apportés à la Charte des
droits et libertés du Québec qui est à l'avant-garde des
chartes des droits et libertés au niveau de l'ensemble du Canada. Ces
amendements, je l'ai exprimé tout à l'heure, tiendront compte non
seulement des représentations faites par les groupes à la
commission parlementaire, mais également tiendront compte du nouveau
contexte constitutionnel auquel nous sommes confrontés.
Je pourrais faire beaucoup d'autres remarques, M. le Président,
mais je me limiterai à celles-ci en disant, comme le
député de D'Arcy McGee, que nous aurons l'occasion d'approfondir
ces choses lors de l'étude de chacun des programmes.
M. Marx: Vous avez...
Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse, une petite
seconde!
M. Marx: C'est juste que...
Le Président (M. Desbiens): II est midi.
M. Marx: On va continuer jusqu'à 12 h 30 aujourd'hui. Je
pense que c'était prévu jusqu'à...
Le Président (M. Desbiens): L'Assemblée commence
à 14 heures aujourd'hui. Alors 12 h 30?
M. Marx: Est-ce que c'est jusqu'à 12 h 30 aujourd'hui
ou... C'est comme... Sur l'horaire, c'est écrit 12 h 30.
Le Président (M. Desbiens): 12 h 30.
M. Marx: 12 h 30. L'Assemblée nationale siège
aujourd'hui à 14 h 30.
Le Président (M. Desbiens): J'appelle l'article... M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste avant d'appeler le premier programme, j'aimerais,
non pas faire une critique de la critique que le ministre a faite de ma
présentation, je n'aimerais pas non plus faire une critique de sa
présentation. Tout ce qu'il a fait, c'est un bilan des activités
du ministère et ce sont des faits. J'aimerais seulement dire que je suis
heureux d'apprendre aujourd'hui que mes études sur l'administration de
la justice au Québec ont un certain impact sur le ministère et
surtout sur le ministre; j'aimerais l'assurer que d'autres études
viendront bientôt et peut-être que cela va vous aider à
bouger sur le plan politique.
M. Bédard: Vous me consolez avec vos appréciations.
Je vous ai dit que j'étais heureux que vous soyez d'accord avec nos
orientations.
M. Marx: Pour prendre l'exemple de l'abolition de
l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende, ce n'est pas une question... Si
on prend cela dans l'ordre chronologique, ce n'est pas le ministre... Oui?
M. Bédard: Si le député de D'Arcy McGee me
permet une question.
M. Marx: Oui.
M. Bédard: Peut-être que le député de
D'Arcy McGee, qui parle beaucoup de son rapport, devrait souligner la
collaboration du ministère de la Justice qui a été
très ouvert, d'ailleurs à ma demande, pour lui fournir tous les
éléments dont il avait besoin pour faire un travail
sérieux.
M. Marx: Tout ce que le ministère m'a permis de faire,
c'est d'entrer dans les prisons. Pour le reste...
M. Bédard: Et d'en ressortir.
M. Marx: Je ne suis pas certain que le ministre ait donné
cet ordre.
M. Bédard: Tout au moins que vous soyez bien traité
le temps que vous y étiez.
M. Marx: On va revenir aux statistiques, je crois.
M. Bédard: Je pense que les fonctionnaires ont
été très aimables à votre endroit.
M. Marx: Les fonctionnaires, oui.
M. Bédard: Le ministre l'est continuellement avec
vous.
M. Marx: Très gentil.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je vais revenir sur cette question, M. le ministre, avec
plaisir, de la coopération que j'ai eue de vos fonctionnaires et de
votre ministère. Souvent les gens me reçoivent aussi pour se
plaindre de ce qui se passe au ministère, mais c'est une autre
question.
Prenons, par exemple, l'abolition de l'emprisonnement pour le
non-paiement d'amende. Si on prend cela dans l'ordre chronologique, ce n'est
pas le ministre qui a proposé cela le premier; c'est moi, et c'est le
ministre qui y a donné suite par une intervention de son attaché
de presse; il était trop occupé à d'autres choses, mais
peu importe.
M. Bédard: En décembre.
M. Marx: Je ne veux pas avoir le crédit...
M. Bédard: Je l'avais mentionné en
décembre.
M. Marx: Je ne veux pas avoir le crédit...
M. Bédard: Avant même votre rapport.
M. Marx: Je ne veux pas avoir le crédit de cette
réforme que le ministre a annoncée parce que, en fin de compte,
ce sont les Québécois qui vont bénéficier de toutes
ces réformes et de ces améliorations
de l'administration de la justice au Québec.
M. Bédard: Je peux vous dire là-dessus...
M. Marx: J'aimerais terminer. Je perds le fil de...
M. Bédard: Oui, mais cela va régler le débat
là-dessus. Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'avais
commandé cette étude depuis un an et demi au ministère. Il
me semble que cela est clair.
M. Marx: Le ministre vient de dire qu'il a commandé une
étude au ministère, c'est cela. Je suis prêt à
accepter cela. Je suis sûr et certain que vous avez des études, et
que vous avez commandé des études sur tout ce qui est possible.
Vous avez les meilleurs fonctionnaires au Canada; ce n'est pas là le
problème. Le problème, c'est que vous ne donnez pas suite
à ces études, à ces recommandations. Vous n'avez pas la
volonté politique de faire quoi que ce soit. C'est là le
problème. Le problème, ce ne sont pas vos fonctionnaires. Je ne
peux pas vous poser une question maintenant et attendre que les fonctionnaires
se défendent; ce n'est pas là le problème. Le
problème, c'est que vous n'avez pas la volonté politique de
donner suite aux recommandations qu'on peut trouver dans votre
ministère.
M. Bédard: Comment pouvez-vous dire cela? Je viens de vous
annoncer qu'on y donne suite, et je l'ai annoncé avant.
M. Marx: C'est vrai que le ministre va donner suite à
cette politique d'abolir l'emprisonnement pour le non-paiement d'amende, mais
non pas parce qu'il avait la volonté politique, mais parce qu'au
Québec, par le biais des médias, s'est créé un
certain climat et les gens trouvent que c'est bon, c'est rationnel, c'est le
temps de faire cela; il y a la pression politique qui fait en sorte que le
ministre va, d'une façon peut-être hésitante, donner suite
à cette recommandation et à d'autres. (12 heures)
Lorsque je vois, dans les journaux de Trois-Rivières, que
même le député Vaugeois est d'accord avec moi pour fermer
la prison de Trois-Rivières, je comprends qu'il y ait une certaine
pression sur le ministre de la Justice pour humaniser les conditions de
détention à Trois-Rivières. Ce n'est pas une question de
blâmer les fonctionnaires ou qui que ce soit. C'est le ministre qui est
le patron, le "boss" de tout son ministère. C'est à lui à
donner la direction. C'est à lui d'avoir la volonté politique.
Vous savez et tout le monde sait que dans beaucoup de dossiers vous n'avez pas
la volonté politique de faire les changements qui s'imposent.
Juste un dernier point sur la coopération que j'ai
déjà eue des fonctionnaires de votre ministère. J'admets
qu'ils sont très ouverts et qu'ils me fournissent des documents qui ne
sont pas secrets...
M. Bédard: Ils l'ont été à ma
demande, je peux vous le dire.
M. Marx: Oui, à votre demande. Est-ce que c'était
une directive écrite?
M. Bédard: Tous ceux qui travaillent pour
l'amélioration de la justice, je ne peux que les aider.
M. Marx: Ah bon! Si c'est à votre demande, M. le ministre,
j'aimerais que vous demandiez à celui qui est dépositaire de
documents ou de rapports sur l'efficacité de l'administration de la
justice de m'envoyer une copie, parce que je comprends qu'il y a un
document...
M, Bédard: Pourvu que vous me promettiez d'en faire des
bonnes interprétations.
M. Marx: Je comprends qu'il y a un document dans votre
ministère, entre autres, qui a été préparé
par une compagnie privée, qui fait état de l'inefficacité
ou de l'efficacité de l'administration de la justice, des palais de
justice, et tout cela. Entre-temps, vous pouvez demander à ceux qui ont
ces documents de m'envoyer des copies des documents, des rapports que les
directeurs des palais de justice ont envoyés au ministère. Chaque
palais de justice envoie chaque année ou quelques fois par année
un rapport au ministère de la Justice. J'aimerais bien analyser ces
documents pour vous, parce que vous ne pouvez peut-être...
M. Bédard: D'ailleurs, le sous-ministre...
M. Marx: ... pas trouver parmi vos 14 000 fonctionnaires
quelqu'un qui a le temps de faire cette étude. Je suis prêt
à le faire pour vous.
M. Bédard: Je vous rassure tout de suite. Nous n'avons pas
de documents du genre de ceux que vous mentionnez. Il y a certaines
études internes, c'est normal, qui se font au niveau de
l'efficacité de l'administration de la justice. C'est normal qu'il en
soit ainsi et que cela serve pour les fins internes afin d'orienter nos efforts
pour l'amélioration...
M. Marx: Pouvez-vous me donner des documents des palais de
justice qui parlent du nombre...
M. Bédard: Quand vous avez fait votre travail, le
sous-ministre au greffe a été d'une collaboration vraiment
spéciale pour vous aider à voir la situation.
M. Marx: Je vous demande des documents précis. Si votre
ministère est tellement transparent, peut-être pouvez-vous me
donner les documents qu'on vous prépare dans les palais de justice sur
l'utilisation des salles, sur le nombre d'heures que les juges travaillent par
semaine, sur toutes sortes de choses. Le sous-ministre en titre a
sûrement reçu ces documents ou des photocopies de ces documents,
si tout est ouvert. Je peux vous aider pour améliorer l'administration
de la justice, mais donnez-moi des copies. C'est cela la réponse.
M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee est
ineffable. Je voudrais, lorsqu'il parle de la volonté politique, qu'on
clarifie une fois pour toutes la situation concernant en fait l'ensemble de
l'amélioration du domaine correctionnel. D'abord - ce sont les faits,
les gestes qui ont été posés - nous avons fait adopter des
lois par l'Assemblée nationale avant que vous n'y soyez, alors que j'y
étais comme ministre de la Justice. Entre autres, toute la
législation concernant le travail rémunéré dans les
institutions de détention, qui, vous le savez, a des effets très
importants...
M. Marx: Pas mauvais!
M. Bédard: ... au niveau de la réhabilitation. J'ai
également mis en place la Commission des libérations
conditionnelles du Québec qui représente un élément
important lorsqu'on parle de la réhabilitation des détenus. Ce
sont tous des gestes qui ont été posés, des lois qui ont
été adoptées au moment où on se parle. Quand vous
parlez de volonté politique, il faut quand même qu'il y ait un
cheminement de manière que cette volonté politique s'exprime dans
le sens qu'elle débouche sur des solutions qui corrigent vraiment les
situations à déplorer. Il y a un an et demi, j'avais
constaté de visu qu'il y avait beaucoup trop de gens, de personnes qui
étaient en prison faute de paiement de l'amende. Lorsqu'on voit le
coût que représente, par jour, un détenu, je pense que cela
a un impact économique important. Mais il n'y a pas seulement cet
aspect-là, il y a aussi simplement l'aspect justice, en termes de
réinsertion sociale. Je ne trouvais pas qu'une philosophie
carcérale qui mérite vraiment ce nom pouvait s'accommoder
longtemps du fait que des gens étaient incarcérés faute de
paiement d'amende, même si ça peut être nécessaire
dans certains cas exceptionnels.
M. Marx: Mais...
M. Bédard: Laissez-moi terminer. C'est à ce
moment-là, à partir de cette constatation, il y a un an et demi,
que j'ai demandé à un groupe de travail au niveau du
ministère de faire les études nécessaires pour essayer de
corriger cette situation. Je vous ai indiqué tout le cheminement qui
avait été nécessaire au niveau, d'abord, du travail fait
par le groupe, l'analyse de la situation...
M. Marx: Sur cette question, j'ai commencé mes
études il y a déjà dix ans.
M. Bédard: ... dont vous avez pu prendre connaissance. Il
y a, également... Vous voyez, il y a dix ans.
M. Marx: C'est ça. J'ai attendu pour que vous...
M. Bédard: Cela vous a pris dix ans à accoucher de
certaines recommandations que j'avais déjà mises de l'avant; moi,
ça m'a pris seulement un an ou un an et demi.
M. Marx: Vous êtes vite, vous êtes vite!
M. Bédard: Je fais mon possible. M. Marx: Vite,
très vite!
M. Bédard: Une chose est certaine, c'est que...
M. Marx: Le ministre...
M. Bédard: Je tiens à le dire, ici, en commission,
à partir du moment où, effectivement, on peut exprimer une
volonté politique au niveau du ministère de la Justice, je peux
compter - c'est le cas de le dire - sur des fonctionnaires qui sont vraiment
très efficaces et qui ne ménagent pas les efforts pour essayer de
donner suite, le plus rapidement possible, à toutes les analyses qui
sont nécessaires que pour les volontés politiques
exprimées se matérialisent.
Le Président (M. Desbiens): J'appelle le programme 1.
M. Marx: Oui, c'est bon. On va continuer.
Formulation de jugements
Le Président (M. Desbiens): Programme 1,
élément 1. Est-ce que l'élément 1 est
adopté?
M. Bédard: Je comprends qu'il y a déjà des
choses, des documents que j'ai fait parvenir aux membres de l'Opposition.
Est-ce que, pour le journal des Débats, vous croyez
qu'il y a lieu, peut-être, de faire état de ces remarques
concernant surtout les ressources humaines et financières?
M. Marx: Cela peut être utile.
M. Bédard: Cela peut être utile, je crois. Alors, M.
le Président, au niveau du programme 1, les ressources
financières requises à ce programme s'établissent à
25 545 800 $ pour l'exercice 1982-1983. Ce budget se répartit comme
suit: la magistrature, 25 061 900 $; le Conseil de la magistrature - parce que
je suis heureux de le souligner, mon collègue parlait tout à
l'heure de volonté politique avec des gestes très précis,
je pense qu'on peut se réjouir du fait que non seulement j'ai
présenté mais j'ai fait adopter une loi concernant les tribunaux.
Cette loi a donné comme résultat la création du Conseil de
la magistrature qui était demandé depuis des années et des
années et même, également, la constitution d'un code de
déontologie des juges pour donner suite à qui était
contenu dans la législation présentée à ce
moment-là.
Au niveau du Conseil de la magistrature: le secrétariat: 125 900
$; le perfectionnement de juges: 358 000 $. L'effectif autorisé de ce
programme est de 262 postes, soit trois postes au Conseil de la magistrature et
259 postes de juge. Cet effectif de 259 postes de juge est affecté comme
suit: à la Cour provinciale: 127; à la Cour des sessions de la
paix: 69; au Tribunal de la jeunesse: 43; au Tribunal du travail: 11; au
Tribunal des transports: 3; au Tribunal minier: 1, et au Tribunal de
l'expropriation: 5. Les autres postes de juge autorisés par la Loi sur
les tribunaux judiciaires sont affectés à titre de
président ou de membre aux différentes commissions et
régies.
Les crédits de l'élément 2: déontologie
judiciaire et perfectionnement des juges, sont composés d'une somme de
125 900 $ au titre du budget de fonctionnement du secrétariat et d'une
somme de 358 000 $ au titre du perfectionnement des juges.
Je porte également à votre attention que les
crédits de ce programme sont des crédits permanents en vertu de
la Loi sur les tribunaux judiciaires, à l'exception de la contribution
du ministère au régime de retraite et de pension des juges, au
montant de 7 144 100 $.
Il y a des crédits additionnels estimés à 2 989 900
$, qui sont prévus à ce poste budgétaire; ceci est pour
financer l'augmentation des dépenses reliées aux facteurs
suivants: d'abord une partie des crédits additionnels estimés
à cette catégorie de dépenses sera utilisée pour
financer le coût des dépenses prévues relatives au
traitement des juges, la contribution de l'employeur au régime de
retraite et de pension des juges et l'augmentation du nombre de juges
affectés aux tribunaux judiciaires.
Est-ce qu'il y a d'autres détails dont vous auriez besoin?
M. Marx: Vous n'allez pas assez vite. On aimerait poser quelques
questions au ministre pour...
M. Bédard: ... concernant les délais aussi. Je
crois que, l'an passé, on en avait parlé. Je suis en mesure de
vous répondre.
M. Marx: Je suis d'accord. Je vais rendre public un rapport sur
ces questions bientôt, M. le ministre: "Les lenteurs de la justice et
l'injustice". Cela va venir dans une dizaine de jours...
M. Bédard: Comme d'habitude, on aura
présenté le nôtre avant.
M. Marx: ... afin de vous informer de ce qui arrive dans votre
ministère.
M. Bédard: Cela ne nous prendra pas dix ans, nous! Cela va
être fait vite.
M. Marx: Non, non je vais produire cela bientôt.
M. Bédard: ... Vous m'en avez parlé l'an
passé.
M. Marx: Je vais vous en envoyer une copie, cela va vous
apprendre ce qui se passe dans votre ministère.
M. Bédard: Vous êtes sérieux et je vous
estime beaucoup.
M. Marx: Je vous ai demandé premièrement si c'est
vrai qu'il y a un rapport qui a été préparé par une
compagnie privée sur l'efficacité de la justice au Québec
et que vous donnez suite actuellement à certaines des recommandations
qui se trouvent dans ce rapport ou d'autres rapports de compagnies
privées.
M. Bédard: II n'y a pas de rapport dans ce sens.
M. le Président, je vais demander à mon sous-ministre en
titre peut-être de répondre.
M. Marx: II met son siège en jeu.
M. Bédard: II arrive à l'occasion que nous fassions
appel aux services de firmes privées pour améliorer
l'efficacité de l'administration de la justice. Notamment, en
matière d'informatisation de système, on fait appel à des
firmes privées pour nous présenter des conceptions
administratives de
certains programmes informatisés. On va le faire en
matière de traitement informatisé des lois. Une étude est
en cours actuellement pour le "bill processing" parce que nous ne disposons pas
dans tous les domaines des ressources nécessaires au ministère.
Cela arrive à l'occasion, mais il n'y a pas d'étude globale faite
par des firmes privées sur l'efficacité de l'administration de la
justice au Québec.
M. Marx: Est-ce que ces études sont rendues publiques ou
si ce sont des études internes?
M. Bédard: Ce sont des études internes. (12 h
15)
M. Marx: Je ne m'intéresse pas à l'informatisation,
mais à d'autres études sur l'administration de la justice. Est-ce
qu'il y a des secrets? Est-ce que ce sont des secrets de polichinelle? C'est
quoi?
M. Bédard: II y a des études qui sont faites
concernant l'efficacité de l'ensemble de l'administration au niveau des
tribunaux, etc., mais ce sont des études internes qui nous
permettent...
M. Marx: Ce sont des études interdites à
l'Opposition.
M. Bédard: Non, je n'emploierais par cette expression, ce
sont des études tout ' à fait normales qui nous aident à
orienter le plus efficacement possible nos efforts pour
l'amélioration.
M. Marx: C'est ce que je voulais dire. Cela rend mon travail
difficile pour savoir, par exemple, quelle est l'utilité...
M. Bédard: J'ai déjà été dans
l'Opposition et je comprenais que certaines études qui sont entre les
mains du ministère, pourvu qu'elles soient utilisées pour
l'administration...
M. Marx: Mon but n'est pas de vous critiquer, mais de vous
aider...
M. Bédard: Je sais. C'est très bien, je note cette
phrase.
M. Marx: ... et de mettre un peu de pression politique sur vous,
d'affermir votre volonté politique.
M. Bédard: Je pourrais ajouter que nous avons retenu les
services d'une firme privée récemment pour essayer de faire une
évaluation de l'amélioration de la productivité en termes
de temps et de mouvement.
M. Marx: De temps et mouvement de qui?
M. Bédard: De l'ensemble des services judiciaires.
M. Marx: Des juges? Non?
M. Bédard: De l'ensemble des services judiciaires.
M. Marx: L'ensemble.
M. Bédard: Différents services judiciaires,
fonctionnement du Tribunal de la jeunesse.
M. Marx: Fonctionnement du Tribunal de la jeunesse. L'information
qui m'intéresse, par exemple, c'est l'utilisation des salles dans les
palais de justice. Est-ce que ces salles sont sous-utilisées,
surutilisées? Est-ce qu'on a assez de salles, pas assez de salles?
Pourquoi ne siège-t-on pas l'été? Pourquoi
siège-t-on le soir dans certains palais de justice et dans d'autres,
non, tout cela? J'espère que vous êtes en train de faire ces
études. Si vous avez ces études, j'aimerais les voir ou
j'aimerais avoir des précisions sur ces questions. Les études
existent.
M. Bédard: Tout ce qu'on fait à l'heure actuelle -
et c'est normal - c'est compiler beaucoup de données, mais il n'y a pas
d'étude formelle. Ces données nous permettent de...
M. Marx: Vous avez des données qui ne sont pas
compilées.
M. Bédard: Ces données sont internes, au niveau du
ministère. Elles sont réajustées, évaluées
constamment pour essayer d'orienter notre action.
M. Marx: Est-ce que c'est un secret ou si, disons, dans un palais
de justice il y a une surutilisation des salles? Par exemple, prenons le palais
de justice à Hull; quelle est l'utilisation des salles? Est-ce que vous
avez des chiffres, est-ce que vous avez étudié le rapport. Est-ce
que cela a été compilé, est-ce que cela a
été comparé avec d'autres palais de justice? Qu'est-ce que
vous faites?
M. Bédard: Comme vous parlez d'un cas très
précis, à savoir le palais de justice de Hull, je demanderais
à monsieur...
M. Marx: Je prends cela parce que c'est un exemple non
contentieux, M. le ministre. Je commence avec l'exemple le plus facile pour
vous.
M. Bédard: Soyez gentil. Sur le taux d'utilisation des
salles d'audiences, c'est publié dans nos rapports annuels, dans
celui
de la Direction générale des services judiciaires.
D'ailleurs, je pense qu'à Montréal on a communiqué
à des gens qui sont venus nous rencontrer ces informations. On les a
communiquées également pour Longueuil. À mesure que les
informations nous sont demandées, nous les communiquons.
M. Marx: Quels sont les taux d'utilisation à
Montréal?
M. Bédard: II faut faire des distinctions suivant les
salles d'audiences. Si on parle, par exemple, des salles d'audiences - je vous
cite cela de mémoire - de la famille où c'est beaucoup plus
facile de planifier l'utilisation parce que des causes durent un quart d'heure,
vingt minutes en matière de défaut, c'est probablement 100%. Si
on allait au niveau des audiences, par exemple, aux sessions de la paix,
à Montréal, c'était de l'ordre de 70% récemment. Ce
sont des taux d'utilisation qui sont fort acceptables au niveau des sessions de
la paix.
M. Marx: Ces chiffres sont dans le rapport annuel du
ministère.
M. Bédard: Ces chiffres ne sont pas dans le rapport annuel
du ministère, mais dans le rapport annuel de la Direction
générale des services judiciaires.
M. Marx: Qui est rendu public.
M. Bédard: Qui est à la disposition du public. Il
n'est pas publié comme tel chez l'Éditeur officiel. Il peut
toujours être accessible.
M. Marx: Le ministre peut-il prendre note de m'en envoyer une
copie? Oui, merci.
M. Bédard: Je ne voudrais quand même pas faire tout
le travail de l'Opposition. Je vous le dis, c'est disponible au niveau du
ministère, tous ces rapports de direction. Vous pourriez peut-être
faire le petit effort...
M. Marx: Je demande une copie maintenant pour avoir la preuve que
j'ai fait la demande.
M. Bédard: On peut faire un contrat: vous pouvez faire le
petit effort de le demander et on l'analysera ensemble pour être
sûrs que vous ne vous trompiez pas.
M. Marx: Votre sous-ministre va m'en envoyer une copie,
d'accord!
M. Bédard: D'accord.
M. Marx: Sur cette question, vous avez des études qui sont
plus ou moins privées ou plus ou moins publiques. Quels sont les
problèmes dans les palais de justice, quels sont les grands
problèmes, quelles sont les orientations d'un ministre? Peut-être
qu'il n'y a pas de problèmes, donc, pas d'orientations, mais j'aimerais
savoir quels sont les problèmes dans les palais de justice. Est-ce que
le problème c'est que dans certains palais il y a trop de juges, dans
d'autres il n'y en a pas assez? Est-ce que c'est la faute du
fédéral qui n'a pas nommé assez de juges à la Cour
supérieure? Est-ce qu'on a besoin de plus de juges des cours
provinciales. Est-ce que les juges à la Cour provinciale ont assez de
travail ces jours-ci? Parce que vous savez qu'il y a beaucoup de litiges qui se
trouvent devant la Régie du logement ces jours-ci. J'aimerais savoir
quels sont les problèmes.
M. Bédard: Je pense que le premier problème auquel
nous sommes confrontés, c'est la question des délais. D'ailleurs,
il y a eu un rapport du Barreau de Montréal - je l'ai mentionné
tout à l'heure - qui faisait état de l'ensemble des
difficultés ou des problèmes auxquels il fallait trouver des
solutions. On a donné suite à plusieurs de ces recommandations.
Certaines solutions sont en voie d'application parce que c'est
nécessaire dans ces cas, avec une consultation et un travail constant
entre, d'une part, le ministère de la Justice, les juges en chef,
l'ensemble de l'appareil judiciaire et même le barreau, les avocats. Dans
ce domaine, pour trouver toutes les solutions, il faut la collaboration de
l'ensemble des intervenants du point de vue judiciaire. Alors, en ce qui a
trait...
M. Marx: Disons que pour les délais, M. le ministre...
M. Bédard: ... aux délais, par exemple, on en avait
parlé l'an passé.
M. Marx: Oui, mais des délais...
M. Bédard: Est-ce que cela vous intéresserait de
savoir...
M. Marx: Non, mais je ne veux pas savoir les mois...
M. Bédard: ... qu'il y a eu beaucoup
d'amélioration?
M. Marx: Non, mais je ne veux pas savoir les mois et les jours.
Ici, c'est trois jours...
M. Bédard: Permettez-moi juste une phrase au moins.
M. Marx: Oui, d'accord.
M. Bédard: Vous en aviez parlé beaucoup l'an
passé et je tiens à vous dire qu'il y a eu - je suis en mesure de
vous le démontrer - beaucoup d'amélioration au niveau de la
chambre criminelle, des procès criminels, des délais dans ce
domaine. Je pense qu'on a une situation vraiment très
intéressante concernant les délais en ce qui a trait à
toutes les cours: de magistrat, la Cour des sessions de la paix. Le
problème, comme je l'ai dit tout à l'heure, se situe au niveau de
la Cour supérieure du district de Montréal.
Là-dessus...
M. Marx: Disons, pour améliorer...
M. Bédard: Nous comptons sur une collaboration qui existe
et qui va s'intensifier. Avec les intervenants judiciaires, cela va nous
permettre d'améliorer là aussi.
M. Marx: Mais je sais que depuis l'an dernier, quand le
député de Chapleau a fait une intervention ici en ce qui concerne
les délais au palais de justice de Hull, il y a eu des
améliorations. Même à Hull, on dit que, depuis
l'intervention du député de Chapleau, on a apporté des
améliorations. J'aimerais savoir de quelle façon vous entendez
régler les problèmes de délais. Nommer plus de juges,
construire d'autres palais de justice? Quelles sont les mesures que vous allez
prendre pour améliorer encore la situation?
M. Bédard: Je l'ai déjà mentionné et,
d'ailleurs, le rapport du Barreau de Montréal le mentionnait, la
solution n'est pas nécessairement dans la nomination de plus de juges.
La meilleure preuve en est que...
M. Marx: C'est cela.
M. Bédard: ... on n'en a presque pas nommé. On n'a
presque pas fait de nominations additionnelles au cours de l'année qui
vient de se terminer et, pourtant, les délais se sont
améliorés.
M. Marx: Oui, mais il manque de juges dans certains palais, dans
certaines cours.
M. Bédard: À la suite de collaborations que j'ai
évoquées dans mon introduction préliminaire des
crédits qui ont donné des résultats intéressants...
Au niveau de la chambre criminelle, la Cour supérieure, les
délais sont pratiquement inexistants puisqu'on peut faire entendre un
procès par jury dans les quelques mois qui suivent l'ouverture du terme.
Au niveau de la chambre civile, les délais pour le district de
Montréal demeurent encore importants et je vous l'ai dit d'ailleurs. On
connaît, par exemple, des délais importants au niveau des causes
de deux jours. Toutefois, si on fait une moyenne des délais à
Montréal par rapport à l'an passé, à partir du
certificat d'état de la cause, ce délai était de 26,7 mois
en 1980 et il est passé maintenant à 18,5 mois en 1981. Je pense
que c'est une amélioration tangible.
Par exemple, à Roberval, on connaissait de longs délais.
Ceux-ci sont passés à 15,8 mois en février 1982, ce qui
est encore une amélioration. On a connu également des
réductions de délais à Sherbrooke et à Hull
à la suite de l'action concertée de l'administration des services
judiciaires, de la magistrature et du barreau. Il faut que les gens collaborent
parce que dans n'importe quel système, quand des gens essaient de le
bloquer, c'est évident que...
M. Marx: Le ministre a choisi ces chiffres...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee, à l'ordre, s'il vous plaît!
M. Marx: ... je vais choisir une autre cause de nature ordinaire
devant la...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de D'Arcy McGee!
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Desbiens): Votre collègue a
demandé la parole.
M. Marx: D'accord.
M. Kehoe: Je veux simplement poser une question. Outre la
question de collaboration entre les magistrats et les avocats, est-ce qu'il y a
eu d'autres facteurs qui ont fait en sorte depuis l'année passée
qu'il y a une amélioration nette et précise? Je sais que dans le
district judiciaire de Hull il y a une amélioration très nette.
D'après ce que vous dites, la même chose se produit partout dans
la province, sauf le problème à Montréal,
peut-être.
M. Bédard: C'est-à-dire qu'il y a une
amélioration à Montréal, mais elle n'est pas encore
satisfaisante.
M. Kehoe: Sauf la question de collaboration avec les magistrats
et les avocats, est-ce la seule raison pour laquelle on se trouve aujourd'hui
avec le rôle où il en est? Pourquoi est-ce que cela ne pouvait pas
se faire avant? Depuis des années des avocats et des juges crient que
ça peut prendre jusqu'à 24 mois, 30 mois ou 36 mois et depuis
l'année dernière...
M. Bédard: Des fois il y a des
messages qui sont... Le problème des délais -soyons de bon
compte - n'existe pas depuis que nous sommes là. Depuis cinq ou six ans
il a toujours existé. J'ai déjà...
M. Kehoe: Je pense que cela a toujours existé, mais c'est
la question que je pose...
M. Bédard: ... suffisamment fait de la pratique pour avoir
été à même de le constater. Au moment où on
se parle il y a une amélioration parce que je crois qu'on a vraiment
réussi à faire naître la véritable collaboration
nécessaire entre le barreau, la magistrature et le ministère de
la Justice pour trouver des solutions.
M. Kehoe: Quels moyens avez-vous pris pour faire ça?
Là où je veux en venir...
M. Bédard: Beaucoup de rencontres.
M. Kehoe: Depuis 20 ans que je suis avocat j'entends...
M. Bédard: Comme vous le dites, cela existe depuis 20
ans.
M. Kehoe: Oui.
M. Bédard: Ne me demandez pas pourquoi, à un moment
donné, cela débouche et pourquoi tout le monde a l'air de
vouloir...
M. Kehoe: Remarquez bien que ce n'est pas une critique que je
fais.
M. Bédard: Non, je sais.
M. Kehoe: C'est une louange que je vous fais. Par contre, il
reste que la situation, d'un coup sec, s'est nettement améliorée
depuis un an à cause de la collaboration qui n'existait pas il faut le
croire auparavant.
M. Bédard: Cette collaboration n'était
peut-être pas établie sur des bases aussi fonctionnelles que
celles que nous avons maintenant. Nous avons maintenant, d'une façon
très fonctionnelle, des rencontres...
M. Kehoe: Est-ce que vous donnez des directives bien
spécifiques aux juges, aux avocats ou aux deux? Vous les faites se
rencontrer continuellement?
M. Bédard: Je pense que le député sait
très bien que cela ne se fait pas par des directives, mais par la
sensibilisation de l'ensemble des intervenants. On a discuté des
délais lors de l'ouverture des tribunaux et même avant; tout de
suite après l'étude des crédits de l'an passé j'ai
essayé, chaque fois que j'en ai eu l'occasion, de faire des rencontres
avec les intervenants pour les sensibiliser à la nécessité
d'améliorer la situation.
M. Kehoe: Je trouve surprenant que dans un délai d'une
année, comme cela, tous ont compris qu'il fallait collaborer ensemble
contrairement à ce qui se passait auparavant, semble-t-il, si on compare
avec les précédents résultats. Je me souviens que
l'année passée, quand j'ai posé des questions, la
situation était tout autre. D'un coup sec, aujourd'hui, c'est
changé. Je vous en félicite, mais je me demande à quoi est
attribuable ce changement radical dans l'attitude de la plupart des magistrats
ou des avocats qui sont impliqués dans l'administration de la justice.
(12 h 30)
M. Bédard: Je vous remercie de vos félicitations,
mais je ne m'accorderai pas plus de crédits que je n'en ai droit. Je
voyais que c'était une préoccupation de l'Opposition.
C'était aussi une préoccupation que j'avais, en fonction des
services que les citoyens ont le droit d'avoir à ce que les
délais soient le moins longs possible. Je n'ai pas manqué une
seule occasion d'essayer de le rappeler aux différents intervenants, que
ce soit l'ouverture des tribunaux, que ce soient les rencontres personnelles,
que ce soit une institutionnalisation un peu plus rigide des rencontres entre
ministère, barreau et représentants des juges. Je crois que c'est
peut-être un peu - vous parlez beaucoup d'humanisation de la justice - le
résultat d'un changement de mentalité qui arrive, à un
moment donné, à la suite d'efforts et de la compréhension
de l'ensemble des secteurs concernés.
M. Kehoe: Si je peux comprendre, c'est qu'il n'y aura pas plus de
juges cette année, il n'y aura pas plus de salles de justice à la
disposition du public. Enfin, il n'y a rien en plus. C'est la même
situation, excepté que c'est un changement d'attitude.
M. Bédard: Je le crois. Principalement, c'est
sûrement un changement d'attitude et, je dirais, de mentalité. Je
vous le disais dans l'introduction. Depuis un an, j'ai vraiment insisté,
à toutes les occasions possibles, auprès des fonctionnaires, de
ceux qui en ont la responsabilité, j'ai essayé d'avoir les
relations les plus harmonieuses possible avec chacun des intervenants, de
provoquer des rencontres et de provoquer la réflexion, ce qui fait
qu'à un moment donné, ça débouche. Tout le monde en
est heureux.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce qu'il y a une
dernière question avant l'ajournement?
M. Marx: Une dernière question. M. le
Président, je ne suis pas prêt, à ce moment-ci,
à féliciter le ministre pour son travail. On va voir. Je vais
rendre publique bientôt une étude intitulée: Les lenteurs
de la justice et l'injustice; le rapport n'est pas prêt aujourd'hui, mais
je peux en tirer quelques chiffres. Je suis d'accord qu'à Hull...
M. Bédard: Le rapport va peut-être être
dépassé, à un moment donné.
M. Marx: Ce ne sera pas dépassé quand vous allez
voir...
M. Bédard: Non, parce qu'il y a encore des
améliorations à faire à Montréal.
M. Marx: Cela va sortir dans deux semaines. À Hull, c'est
vrai qu'il y avait des améliorations après l'intervention du
député de Chapleau ici, l'an dernier. On a fait une crise. Et je
ne sais pas ce que le ministre a fait pour améliorer la situation, mais
cela s'est beaucoup amélioré. Mettons que le ministre a
pigé dans ces chiffres pour sortir des chiffres...
M. Bédard: À Hull, à Roberval, à
Sherbrooke...
M. Marx: Une minute. On va terminer. Je vais piger dans mes
chiffres pour en prendre un aussi. Une cause de nature ordinaire de deux jours,
à la chambre civile du district de Montréal, délai
d'audition, décembre 1981, 65 mois. Disons que ce n'est pas tellement
bon. Je ne vais pas féliciter le ministre pour son travail en ce qui
concerne le palais de justice à Montréal. Mes chiffres ne sont
pas tous compilés.
M. Bédard: Les fonctionnaires me disent que c'est rendu
maintenant à 52 mois.
M. Marx: 52 mois. Moi, j'ai les chiffres de janvier 1982,
c'était 63. Peut-être que c'est rendu à 50. Cela monte,
ça diminue. Il n'y a pas de lien direct. Cela peut monter...
M. Bédard: II faudrait être sérieux quand
même là-dessus.
M. Marx: C'était à 62 mois en janvier 1980.
Après ça, c'est monté à 65 mois en décembre.
Cela varie.
M. Bédard: Je ne vous ai pas dit que c'est parfait. Je
vous ai dit qu'il y avait eu des améliorations tangibles au point
où certains de vos collègues ont au moins l'objectivité de
le reconnaître. Je vous ai dit aussi que je n'en prenais pas tout le
crédit, si c'est ça qui vous inquiète. Au contraire, j'en
donnais le crédit à tout l'ensemble de l'appareil administratif,
à tous les intervenants, le barreau, le Conseil de la magistrature, le
ministère de la Justice. Mais je sais une chose, par exemple, c'est que,
depuis un an, j'ai parlé constamment de l'humanisation de la justice,
j'ai parlé constamment du problème des délais à
l'ouverture même des tribunaux; cela a été une partie de
mon intervention. J'ai fait ce qu'un ministre de la Justice doit faire,
c'est-à-dire essayer de sensibiliser tous les intervenants, étant
bien conscient que, si les gens ne changent pas de mentalité, ne
collaborent pas, ces efforts de sensibilisation vont demeurer sans
résultat. Or, il arrive que nous avons des résultats. Tout ce que
je peux vous dire, c'est que j'en suis très fier, mais pas au point de
m'asseoir et de penser qu'il n'y a pas encore d'autres améliorations
à faire. On va continuer nos efforts.
M. Marx: Sûrement pas.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que
l'élément 1 est adopté?
M. Marx: Non. On va y revenir.
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente de la justice ajourne ses travaux sine die.
(Suspension de la séance à 12 h 35)
(Reprise de la séance à 20 h 38)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, mesdames et
messieurs. La commission élue permanente de la justice est réunie
pour étudier les crédits budgétaires de l'année
1982-1983.
Les membres de la commission sont: MM. Beaumier (Nicolet), Bédard
(Chicoutimi), Boucher (Rivière-du-Loup), Brouillet
(Chauveau), Charbonneau (Verchères), Dauphin (Marquette), Mme
Juneau (Johnson), MM. Kehoe (Chapleau), Lafrenière (Ungava), Marx
(D'Arcy McGee), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) à la place de M. Paradis
(Brome-Missisquoi).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet
(Jeanne-Mance), Blank (Saint-Louis), Brassard (Lac-Saint-Jean), Ciaccia
(Mont-Royal), Dussault (Châteauguay), Mme Lachapelle (Dorion), MM. Martel
(Richelieu) et Pagé (Portneuf).
Je m'excuse, comme membre, il faudrait dire Mme Lachapelle (Dorion)
à la place de M. Brouillet (Chauveau).
Nous étions au programme 1, élément 1, et M. le
député de D'Arcy McGee avait demandé la parole.
M. Marx: Je pense qu'on avait terminé avec une question.
Est-ce que j'ai raison de dire qu'on avait terminé avec une question
ou est-ce qu'on avait terminé avec une réponse? Quoique je
n'aie pas eu beaucoup de réponses...
M. Bédard: L'important serait peut-être de
recommencer comme le veut le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai quelques petites questions, peut-être...
Le Président (M. Desbiens): Vous avez dit en terminant que
vous aviez d'autres questions.
M. Marx: Le ministre a dit dans sa présentation, ce matin,
qu'on avait augmenté le taux légal. Cela a été fait
quand, récemment ou en 1978?
M. Bédard: Ce que je puis dire au député de
D'Arcy McGee, c'est que je n'ai pas dit dans mon texte d'introduction que nous
avions augmenté le taux de l'intérêt légal mais que
c'était une mesure additionnelle à envisager, avec toutes les
autres que j'ai énumérées à ce moment-là,
pour essayer de diminuer encore les délais de cour. Il est
évident que si, par exemple, on augmentait le taux légal, par le
fait même, on diminuerait peut-être l'intérêt que
peuvent avoir des mieux nantis à faire traîner des conflits
juridiques sachant qu'en fin de compte, si l'issue est malheureuse, ils sont
quand même regagnants, étant donné le taux qui est
présentement en vigueur. J'ai ajouté aussi l'augmentation parmi
les moyens que nous envisageons à l'heure actuelle pour diminuer les
délais; en plus des moyens que nous avons mis en oeuvre, je parlais de
l'augmentation de la juridiction de la Cour provinciale, parce que c'est au
niveau de la Cour supérieure de Montréal, comme vous le savez,
que se situe l'essentiel de nos problèmes, en termes de délais.
Je parlais de l'augmentation de la juridiction de la division des petites
créances, qui font l'objet d'analyses, de l'élaboration de
délais standards d'audience pour chacune des juridictions, de
l'augmentation du taux légal et peut-être d'une meilleure
utilisation des conférences préparatoires, de manière
à n'inscrire que les causes qu'il est vraiment impossible de
régler autrement que par des plaidoiries.
M. Marx: En matière délictuelle, le juge peut
déjà accorder plus que le taux légal, mais on attend; avec
l'inflation qu'on a, je pense que cela ne prendrait pas tellement
d'études pour savoir quoi faire. On a déjà cela en
matière délictuelle; avoir cela en matière contractuelle,
cela ne prendrait pas trop d'études. Je pense que c'est tellement
évident.
M. Bédard: Cela ne prend tellement pas d'études du
point de vue contractuel vu que c'est déjà appliqué. On
essaie de voir...
M. Marx: Cela fait...
M. Bédard: Quand j'ai parlé du taux légal -
je pense que le député de D'Arcy McGee le reconnaîtra avec
moi - cela se situait à l'intérieur d'un ensemble de mesures que
j'ai évoquées.
M. Marx: Oui, mais nous sommes en 1982, maintenant.
M. Bédard: Je ne peux pas tout faire dans un an, M. le
Président.
M. Marx: Non, mais il y a...
M. Bédard: On a vu qu'il y avait eu quand même une
très belle performance. Tant mieux si elle est allée dans la
bonne voie.
M. Marx: Qui a dit cela, M. le ministre? Vous-même,
vous-même!
M. Bédard: Votre collègue. Votre collègue
même me l'a dit.
M. Marx: Mon collègue a dit cela pour le district de Hull,
parce que de plus en plus...
M. Bédard: II l'aurait dit pour d'autres districts, que ce
soit Sherbrooke, que ce soit Roberval, parce que les chiffres sont
là.
M. Marx: Fantastique!
M. Bédard: Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu
à de l'amélioration, comme je l'ai dit.
M. Marx: C'est fantastique! C'est fantastique, ce que vous
faites. Donc, concernant le taux légal, en matière contractuelle,
vous pensez déposer un projet de loi d'ici quelle saison? Au printemps,
à l'automne, l'an prochain? Quand? Il ne faut pas oublier que
l'inflation continue, même si vous n'êtes pas capable de
déposer un projet de loi. (20 h 45)
M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee
comprendra que le ministre de la Justice, ce n'est pas tout le gouvernement non
plus. Il y a quand même des lois, comme on le sait, d'une extrême
importance qui sont présentement mises de l'avant du point de vue
gouvernemental. Mais je peux rappeler au député de D'Arcy McGee
que, sur presque l'ensemble des éléments que j'ai
mentionnés tantôt et faisant censément l'objet d'une
réflexion, on pourrait presque dire que la
réflexion est terminée et qu'avant même la fin de la
présente session, j'aurai probablement acheminé
déjà un mémoire au Conseil des ministres avec des
recommandations bien précises, ce qui nous permettrait de
déboucher probablement, au niveau de la législation, à
l'automne.
M. Marx: À l'automne.
M. Bédard: Je crois que c'est le rythme le plus rapide
qu'on pouvait s'imposer.
M. Marx: Je pense que les réformes proposées ne
sont pas des réformes énormes, ce sont des réformes
normales; on peut mettre cela dans un projet omnibus. Le ministre, lorsqu'il
est poussé et pressé chaque année, trouve la
possibilité de mettre pas mal de choses dans ces projets de loi
omnibus.
M. Bédard: Cette année encore, il va y avoir pas
mal de choses dans un projet de loi omnibus à partir du moment où
on peut le déposer et le faire adopter avec la collaboration de
l'Opposition.
M. Marx: Toujours.
M. Bédard: Pour autant que cela se situe dans l'ensemble
du cadre des priorités gouvernementales dont - le député
de D'Arcy McGee en conviendra - il faut tenir compte.
M. Marx: Je trouve que le ministre est une couple d'années
en retard avec ces réformes; c'est tout ce que je veux dire. Le ministre
est là depuis 1976 et nous sommes en 1982 maintenant; on a fait un
ajustement en ce qui concerne la Cour des petites créances et la Cour
provinciale, je pense qu'on a fait cela en 1978 avec l'inflation de 10%, 15%
par année, je pense qu'il faut...
M. Bédard: Pas en 1968. M. Marx: En 1978.
M. Bédard: En 1978 déjà, j'ai
présenté...
M. Marx: Donc, c'est quatre ans en arrière.
M. Bédard: ... des lois pour augmenter la juridiction de
la Cour provinciale. Lorsque je l'ai fait, cela aurait dû être fait
depuis longtemps, cela aurait peut-être aidé. Quand même, je
pense qu'on va à un rythme, si je me compte... Quand on se regarde, on
peut se désoler, mais je vous jure que lorsqu'on se compare, on se
console sans se convaincre, par exemple, je tiens à le dire, qu'il n'y a
pas d'amélioration supplémentaire à apporter, parce que le
problème des délais, votre collègue et vous-même le
disiez tantôt, c'est un problème qui remonte à dix, quinze
ans et personne n'a trouvé des solutions miracles. Pour une fois, enfin,
on a au moins des résultats encourageants et on va continuer dans le
même sens.
M. Marx: J'ai une autre question. J'aimerais savoir si, comment
dirais-je, tout bref en matière civile... On a parlé des
ordinateurs, on a des ordinateurs à Québec, tout est
informatisé à Québec et à Montréal, est-ce
que tout bref d'introduction d'instance...
M. Bédard: ... d'informatisation.
M. Marx: Est-ce que tout bref d'introduction d'instance se trouve
dans la banque de l'ordinateur?
M. Bédard: Sur ce point technique, vous me permettrez de
demander peut-être... On a les grades informatisés, ceux qu'on a
mentionnés justement dans le discours du ministre, Montréal,
Saint-Jérôme, Québec, Rivière-du-Loup et Joliette
sont informatisés, c'est-à-dire qu'ils font partie des banques de
données.
M. Marx: Chaque bref se trouve quelque part; est-ce qu'il se
trouve sur la banque de l'ordinateur?
M. Bédard: La banque de données, oui.
M. Marx: II n'y a jamais de bref d'introduction d'instance qui
passent à côté?
M. Bédard: Non, parce qu'il faut leur assigner un
numéro. Or, la seule façon, c'est qu'ils soient traités
par l'ordinateur.
M. Marx: Cela est sûr et certain.
M. Bédard: Oui. Il peut bien y avoir des erreurs, c'est
évident, mais...
M. Marx: Des erreurs.
M. Bédard: La règle, c'est celle-là, et je
ne vois pas comment il pourrait avoir un numéro, s'il ne passe pas par
le système d'ordinateur. Il me semble que s'il manquait un numéro
à un moment donné, je me permets de le dire, on pourrait tout au
moins corriger l'erreur à la main. On en émet 100 000 par
année, vous savez, c'est bien possible.
M. Marx: M. le ministre, vous êtes lié par sa
réponse; c'est cela? D'accord. C'est cela. Donc, tout se trouve toujours
dans la banque de l'ordinateur.
M. Bédard: Comme vient de le dire
mon sous-ministre responsable de ce secteur, il peut y avoir des
erreurs, mais il est clair que, justement à cause de l'informatisation,
ces erreurs peuvent être corrigées très rapidement.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 1
est-il adopté?
M. Marx: Non, pas encore.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Est-ce qu'on va aborder le dossier des bureaux
d'enregistrement? Est-ce que c'est de la compétence...
M.. Bédard: C'est au programme 7.
M,. Marx: C'est au programme 7. Je vais marquer 7 ici. On ne veut
pas l'oublier.
M. Bédard: D'ailleurs, je peux m'engager à vous y
faire penser. Cela m'intéresse que vous abordiez ce sujet.
M. Marx: D'accord. On aimerait avoir une réponse claire
sur la fermeture des bureaux d'enregistrement. Il y a des gens qui ne sont pas
sûrs...
Le Président (M. Desbiens): C'est au programme 7,
cela.
M. Bédard: J'essaierai d'être aussi clair qu'il
m'est permis de l'être au moment où on s'en parlera.
Palais de justice
M. Marx: D'accord, parfait. En ce qui concerne les palais de
justice, est-ce que le ministre a des projets, des plans? Peut-il nous donner
une idée? Quelles sont les réformes qu'il va entreprendre cette
année, ou si tout fonctionne bien et qu'il n'y a pas de réforme
à entreprendre?
M. Bédard: J'aimerais bien que... Une question
générale comme celle-là peut aller dans toutes les
directions...
M. Marx: Prenez n'importe quelle direction.
M. Bédard: Je n'aime pas tellement prendre n'importe
quelle direction. Je veux savoir exactement dans quelle direction je vais ou
veut aller mon vis-à-vis. J'aimerais bien qu'il me pose une question
plus précise et je vais essayer d'y répondre. Les palais de
justice sont là. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?
M. Marx: Cela va continuer...
M. Bédard: Les juges essaient de faire leur travail le
mieux possible. Nous avons trouvé le moyen, dans un but d'humanisation
de la justice, de faire en sorte que nos palais de justice soient mieux
organisés au niveau de la réception de la clientèle, mieux
informés. Il y a également une série de moyens qui ne
coûtent rien, mais qui, humainement, permettent d'une façon
générale - en tout cas, c'est notre préoccupation - de
faire en sorte que le citoyen soit de moins en moins traumatisé par sa
visite au palais de justice, qu'il sente très clairement qu'un palais de
justice, c'est une maison qui lui appartient, qui est capable de lui rendre des
services autres que ceux reliés uniquement à des conflits
juridiques. On essaie de faire en sorte que soient disponibles le plus possible
dans les palais de justice les renseignements auxquels les citoyens pourraient
être intéressés.
M. Marx: Si je comprends bien, le ministre voit deux
problèmes dans les palais de justice. Le premier problème, c'est
qu'il n'y a plus de comptoir avec des brochures, des bulletins pour les
citoyens. C'est un problème qu'il nous dit avoir déjà
réglé. L'autre problème qu'il voit, c'est le
problème des délais. Il nous a proposé un certain nombre
de solutions, le cas échéant. N'y a-t-il pas d'autres
problèmes dans les palais de justice?
M. Bédard: D'une façon ou de l'autre, le
député de D'Arcy McGee me permet d'aller dans toutes les
directions, mais, tout en espérant aller dans celle qui
l'intéresse, quand on parle de palais de justice, on peut parler de
construction de palais de justice.
M. Marx: Avez-vous l'intention de construire de nouveaux palais
de justice quelque part au Québec?
M. Bédard: Si le député de D'Arcy McGee a
l'occasion de faire le tour du Québec, comme il l'a fait dans un autre
secteur, il sera à même de constater que beaucoup d'argent a
été investi dans les différents secteurs, que ce soit le
correctionnel, que ce soit au niveau de la construction de palais de justice,
de la construction de postes de la Sûreté du Québec, au
niveau de l'ensemble des équipements de justice. Si on parle des palais
de justice d'une façon spéciale, comme vous le savez, il y a
présentement en construction le palais de justice de Québec,
également le palais de justice d'Alma, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Il
est presque terminé au moment où on se parle. Il y a
également Shawinigan où les travaux sont commencés. Il y a
eu beaucoup d'investissements. Si vous me le
permettez, très rapidement, peut-être un petit peu par
comparaison, je pourrais vous donner une idée assez précise.
M. Marx: Est-ce que le ministre a l'intention de construire un
palais de justice à Longueuil cette année? Cela a
déjà été promis par le premier ministre
lui-même.
M. Bédard: Ce qui a été...
M. Marx: Donc, cela va passer vite au Conseil des ministres.
À Longueuil, à Sherbrooke.
M. Bédard: À Longueuil, vous êtes au courant
qu'il y a déjà eu des améliorations. Des sommes ont
été consacrées à l'amélioration de ce qui
existe déjà. Il y a également un programme de besoins qui
a été transmis, au moment où on se parle, au
ministère des Travaux publics et de l'Approvisionnement. C'est la
même chose concernant Sherbrooke. Je peux même aller plus loin.
Dans le cas de Sherbrooke, le programme de besoins est accepté. Alors,
comme on peut le voir, concernant la construction des palais de justice, cela
bouge dans l'ensemble du territoire du Québec.
M. Marx: Mais...
M. Bédard: Une seconde. Je voudrais avoir...
M. Marx: Parfait.
M. Bédard: Le règlement des plans
d'aménagement d'importance qui sont pensés pour... On n'est pas
en train de passer au feu, mais c'est l'inondation ici. Il y a des plans
d'aménagement également pour Roberval, Saint-Jean et...
M. Marx: La circonscription du ministre ou la voisine.
M. Bédard: Non, Rivière-du-Loup, ce n'est pas dans
mon comté.
M. Marx: Non. D'accord.
M. Bédard: Je ne peux pas être partout à la
fois. Il y a Roberval, Saint-Jean. Il y en a eu également à
Chicoutimi et qui sont d'importance, à Rivière-du-Loup.
Maintenant, si vous me le permettez, je vais vous...
M. Marx: J'aimerais savoir si c'est pour cette année
à Longueuil et Sherbrooke. Est-ce que c'est pour cette année ou
si ce n'est pas pour cette année?
M. Bédard: Si vous me demandez si cela va être
complètement construit, si cela va être...
M. Marx: Est-ce que cela va être commencé cette
année?
M. Bédard: Tout ce que je peux dire, c'est que, pour
Sherbrooke, les professionnels sont engagés, mais je ne peux pas
m'avancer plus présentement. Une chose est certaine: on va essayer d'y
mettre la pression la plus forte possible, en tenant compte du contexte que
vous connaissez autant que moi.
Si on parle des immobilisations, disons que, depuis 1976-1977, donc
depuis que je suis là, le ministère a investi 84 500 000 $ pour
des constructions nouvelles, soit des palais de justice, des
établissements de détention, des postes de la Sûreté
du Québec. De plus, des investissements de l'ordre de 20 000 000 $ en
réaménagement ont été faits dans les trois
réseaux.
Lorsque nous sommes arrivés en 1976 -je le dis sans faire de
politique - il a fallu établir des priorités parce que,
honnêtement, il y avait un abandon, je dirais, presque total de ce que
j'appellerais l'amélioration des équipements de l'ensemble du
secteur de la justice, que ce soit à la Sûreté du
Québec, dans les palais de justice ou dans les établissements de
détention. Alors, on a établi des priorités. On a
commencé par les édifices où le grand public est
appelé à circuler quotidiennement, soit les palais de justice; 35
000 000 $ ont été investis à ce jour et une quarantaine
d'autres millions de dollars seront investis pour terminer le palais de justice
de Québec et réaliser également celui de Sherbrooke.
À titre de comparaison - cela vous intéresse et cela ne
vous implique pas, M. le député de D'Arcy McGee, vous
n'étiez pas là - dans la même période, alors que
nous avons, durant quatre à cinq ans, investi au moins 35 000 000 $, le
gouvernement du Parti libéral n'avait investi que 14 000 000 $ entre
1972 et 1976.
Dans le domaine de la construction de prisons, 7 000 000 $ ont
été investis. Je dirais que - Trois-Rivières, je ne le
mets pas dans l'addition - c'est clair que, à Trois-Rivières et
Sherbrooke, il va falloir que cela se fasse. Cela peut représenter
à peu près 25 000 000 $. (21 heures)
M. Marx: Oui, mais la détention, c'est dans un autre
programme. Je ne veux pas mêler les programmes.
M. Bédard: Je vous donne l'ensemble des
investissements.
M. Marx: Je ne veux pas mêler les programmes. On va arriver
aux prisons.
M. Bédard: Très rapidement, il y a eu 7 000 000 $
dans la construction des prisons. À titre de comparaison, le
gouvernement du Parti libéral a investi
2 500 000 $ entre 1972 et 1976. On peut facilement soutenir la
comparaison.
M. Marx: De 1970 à 1976, est-ce que ça change
quelque chose?
M. Bédard: De 1972 à 1976, je prends la même
période.
M. Marx: Supposons de 1970 à...
M. Bédard: II ne faut pas remonter 20 ans en
arrière. Je mettrais la même période.
M. Marx: De 1970 à 1976. Pourquoi 1972? Commençons
en 1970.
M. Bédard: Parce que c'est sur une période à
peu près.
M. Marx: C'est parce qu'en 1970, on a construit Parthenais?
M. Bédard: C'est parce que je fais des comparaisons sur
une même période pour les postes de la Sûreté du
Québec. Il y a environ 40 000 000 $ qui ont été investis
pour reconstruire des postes de la Sûreté du Québec qui
étaient dans un état plus que lamentable.
M. Marx: Vous êtes au pouvoir depuis déjà six
ans. On va commencer en 1970-1976.
M. Bédard: À titre de comparaison... Non, c'est
déjà fait cela. Je ne vous parle pas des autres investissements
que je viens d'évoquer tout à l'heure. J'en ai
évoqué pour plusieurs dizaines de millions. Au niveau de la
Sûreté du Québec, 40 000 000 $ qui ont été
investis pour construire, non pas des projets, mais pour construire.
À titre de comparaison, le gouvernement du Parti libéral
n'avait investi que 3 000 000 $ entre 1972 et 1976. Dans le domaine des
investissements, je peux vous dire honnêtement, tel que je le pense et
tel que je l'ai constaté, qu'il n'y avait pratiquement pas
d'investissements qui se faisaient pour améliorer les équipements
du secteur de la justice. Je crois pouvoir dire que, par comparaison, nous y
avons mis les bouchées doubles et triples dans certains domaines.
M. Marx: C'est parfait. Vous avez l'occasion de vous
féliciter.
M. Bédard: Bien! Je ne nous félicite pas, je vous
fais des comparaisons.
M. Marx: Oui. Si vous faites des comparaisons...
M. Bédard: Ce n'est pas ma faute si elles sont
avantageuses, je sais que vous allez m'en trouver suffisamment qui ne seront
pas avantageuses.
M. Marx: Si vous voulez faire une comparaison, en toute logique,
vous êtes ministre depuis 1976 jusqu'à maintenant. Cela fait six
ans. Donc, si vous voulez faire une comparaison, faites une comparaison de 1970
à 1976.
M. Bédard: J'ai déjà une petite correction
dans vos chiffres, parce que vous avez tendance vraiment à ne pas voir
les nuances. 1976, je crois que c'est au mois de novembre 1976. Il restait un
mois, et j'ai été nommé à ce poste.
M. Marx: Novembre. D'accord.
M. Bédard: ... à peu près 15 jours
après.
M. Marx: Faites des comparaisons...
M. Bédard: ... si je me rappelle bien, ne me demandez pas
de comptabiliser 1976.
M. Marx: ... vous faites des comparaisons de trois ans et demi
à cinq ans et demi. De toute façon, on ne va pas...
M. Bédard: De toute façon, on voit qu'il y a de
l'ordre!
M. Marx: Est-ce que le ministre ne voit pas d'autres
problèmes que l'information et des délais au palais de justice?
Est-ce que c'est ça, parce que je vais vous dire tout de suite que j'ai
l'intention de faire une tournée des palais de justice au Québec,
je vais commencer bientôt et je sais que vous n'avez pas le temps de
faire ça.
M. Bédard: Je vais en informer le réseau et
ça va peut-être l'aider.
M. Marx: C'est ça, informez le réseau pour que
j'aie la collaboration habituelle des fonctionnaires...
M. Bédard: ... comme vous l'avez eue pour votre
rapport.
M. Marx: ... et que le moins possible soit caché. C'est
ça. J'aimerais que le ministre me dise s'il ne voit pas d'autres
problèmes. Si c'est seulement l'information et des délais, je me
demande si cela vaut la peine de visiter les palais de justice s'il n'y a pas
d'autres problèmes.
M. Bédard: On l'a dit et je l'ai dit tout à
l'heure. Dans certains cas, il y a des constructions qui sont
nécessaires. Dans d'autres cas, il y a des réaménagements
qui
sont nécessaires.
M. Marx: Des problèmes structurels dans les palais de
justice.
M. Bédard: Je vous en ai mentionné.
M. Marx: L'efficacité. Est-ce que c'est efficace au
Québec? Est-ce que c'est plus efficace que dans l'Ontario? Moins
efficace? Vous avez fait des études. Ce matin, votre sous-ministre a dit
que...
M. Bédard: On réfléchit. Dès que vous
entendez le mot "étude", vous pensez tout de suite qu'il y a des grandes
écritures et tout ce que vous voudrez. On réfléchit au
ministère de la Justice.
M. Marx: Le sous-ministre a dit ce matin qu'on a fait des
études sur la productivité. J'aimerais savoir ce que cela a
donné. Est-ce que c'est plus productif ici qu'ailleurs, ou moins? Est-ce
qu'on est dans la moyenne canadienne ou quoi? Pourquoi fait-on ces
études sur la productivité?
M. Bédard: C'est normal. C'est comme si vous demandiez si
les fonctionnaires continuent et si le ministre continue à
réfléchir, si j'ai des améliorations à apporter
à l'ensemble du domaine de l'administration de la justice. Je vais vous
dire: Oui, c'est évident, on y réfléchit tous les jours,
je dirais à toutes les heures de la journée.
M. Marx: Quelles sont les améliorations que vous pensez
qui sont évoquées, étant donné vos études
sur la productivité?
M. Bédard: Je vous ai donné dans mon texte
d'introduction, vous l'avez vous-même mentionné, une série
de réalisations qui ont été faites au cours de
l'année. C'est sûr qu'il y a peut-être d'autres
problèmes qui peuvent exister dans le sens de la question que vous nous
posez en ce qui a trait à la productivité. C'est que tous nos
efforts sont orientés dans le sens d'essayer d'augmenter la
qualité de la justice, la productivité de tous les intervenants,
les juges, les fonctionnaires, etc.
M. Marx: Mais...
M. Bédard: ... malgré les compressions
budgétaires et même...
M. Marx: Productivité des juges, qu'est-ce que vous
entendez faire?
M. Bédard: Je dirais même...
M. Marx: Est-ce que les juges vont siéger
l'été, est-ce qu'ils vont rendre plus de jugements sur le banc?
Qu'est-ce que vous entendez faire?
M. Bédard: Malgré les compressions
budgétaires que nous avons exercées comme tous les autres
ministères, je pense pouvoir dire que nous n'avons pas diminué la
qualité des services rendus à la population. La
conséquence de tout cela est sûrement une augmentation de la
productivité des gens qui sont concernés. On l'a vu dans le
domaine des délais, en fait dans le domaine des réalisations, que
ce soit au niveau de l'informatisation, au niveau des constructions, etc. Nos
efforts vont continuer dans ce sens.
Aussi, une autre préoccupation que nous avons, c'est une
meilleure répartition peut-être des effectifs sur l'ensemble du
territoire, de manière à pouvoir parler de justice la plus
égale possible pour tous les citoyens.
M. Marx: Je peux vous donner beaucoup d'exemples, M. le ministre,
où il y a trop de juges dans un palais de justice et pas assez dans un
autre. Dans un palais, les juges attendent les causes, dans l'autre, ils ont
trop de causes mais je vais vous faire part de cela dans environ deux
semaines.
M. Bédard: Mais cela, n'importe quel temps...
M. Marx: Cela, ce n'est pas important.
M. Bédard: Mais non, je ne vous ai pas dit que ce
n'était pas important; au contraire, je vous ai dit que si vous vouliez
faire une tournée, on vous aiderait comme on l'a fait pour votre rapport
sur la détention. Cela me fait plaisir; tout ce qui peut
améliorer l'administration de la justice, tant mieux.
M. Marx: Mais sur la...
M. Bédard: Si vous avez des exemples précis, c'est
peut-être de nous les fournir. Je vais essayer de vous donner
peut-être, à ce moment, plus d'explications sur...
M. Marx: D'accord, je vais les fournir dans dix jours parce que
je ne peux pas les fournir maintenant.
M. Bédard: Si tout est conditionné par votre
rapport, moi, l'administration de la justice, c'est à tous les jours.
Alors, quand il y a en plus des problèmes...
M. Marx: Cela a attendu déjà six ans, cela peut
attendre dix jours de plus.
M. Bédard: Non, non mais...
M. Marx: Mais vous avez soulevé le problème
de...
M. Bédard: ... tous les jours, quand il y a un
problème qui est soulevé...
M. Marx: ... la productivité des juges. J'imagine que
l'étude que le...
M. Bédard: Pas seulement des juges, des fonctionnaires
aussi et du ministre. Il faut les mettre tous ensemble, étant
donné le contexte dans lequel on vit, les restrictions
budgétaires, tout cela, il faut mettre les bouchées doubles.
C'est le message que j'ai donné à tout le monde.
M. Marx: Laissez-moi poser la question avant de
répondre.
M. Bédard: D'accord.
M. Marx: Avant que vous me répondiez, j'aimerais poser la
question. Sur la productivité des juges, vous avez fait des
études sur la productivité au palais de justice y compris les
juges, les fonctionnaires et ainsi de suite. Qu'est-ce que vous avez
l'intention de faire pour rendre les juges plus productifs? Est-ce que vous
avez des projets, est-ce que vous avez des plans?
M. Bédard: Vous devez savoir, étant donné
quand même les responsabilités très précises des
juges en chef que, quand on parle de la productivité des juges, on parle
d'une responsabilité qui, vous le savez, est assumée en
très grande partie par le travail des juges en chef. C'est
évident, comme nous avons une bonne collaboration de la part des juges
en chef, quand nous avons des situations qui nous semblent devoir exiger des
renseignements, des explications, nous nous faisons un devoir de demander les
informations nécessaires auprès des juges en chef qui ont une
bonne responsabilité.
M, Marx: Je peux vous poser une question plus précise, si
elle n'était pas assez précise.
Par exemple, allez-vous donner suite à certaines recommandations
qu'on trouve dans le rapport Deschênes? Le juge en chef Deschênes a
fait un rapport intitulé: "Maîtres chez nous". C'est Lesage, je
pense, que c'est le même titre. Quel est le titre de ce rapport, le
sous-ministre doit être au courant? "Maîtres chez nous"?
"Maîtres chez eux", je m'excuse. Est-ce que le ministre a l'intention de
donner suite à certaines recommandations qui se trouvent dans ce
rapport?
M. Bédard: II est examiné à l'heure
actuelle.
M. Marx: Mais le rapport date déjà d'un an et demi;
on va l'examiner jusqu'à quand?
M. Bédard: L'autonomie administrative des juges, puis-je
vous rappeler que cela fait peut-être 20 ou 25 ans que c'est un sujet qui
est évoqué? Je voudrais, par exemple, vous rappeler une chose,
c'est qu'avant même, et je pense que c'est la meilleure preuve de
l'intérêt que nous avions concernant ce sujet... Il faudrait
toujours se rappeler qu'avant que ne commence le travail de M. le juge en chef
Deschênes, le travail était commencé au niveau du
ministère de la Justice. Il y avait même un comité qui
avait été mis sur pied pour analyser l'ensemble du
problème de l'autonomie administrative des juges. Ce qui veut dire que
nous avions cette préoccupation avant même que le
fédéral...
M. Marx: Je suis heureux d'apprendre que vos fonctionnaires ont
eu cette préoccupation avant les juges. Mais est-ce que ce comité
a produit un rapport ou étaient-ce juste des discussions?
M. Bédard: C'est-à-dire qu'à partir du
moment où il y a eu, comme on le sait, le travail entrepris par M. le
juge en chef Deschênes, je pense que vous conviendrez avec moi qu'il
était opportun de diminuer d'intensité en attendant le
résultat de cette étude; toutefois, M. le sous-ministre me dit
qu'il y a un rapport qui a été produit par le ministère et
déposé au comité des juges.
M. Marx: Est-ce que l'Opposition a droit aussi à une
copie? Est-ce que le sous-ministre peut m'envoyer une copie? Pouvez-vous le lui
demander, M. le ministre?
M. Bédard: C'est un rapport qui expose la
problématique et qui fait l'objet de discussions avec les juges en chef,
et je pense que cela doit se situer à ce niveau-là au moment
où on se parle.
M. Marx: Je peux être assermenté selon quoi je ne
vais pas divulguer de secrets le cas échéant.
M. Bédard: Je ne voudrais jamais me faire accuser
d'empêcher mon critique de l'Opposition de parler par des engagements
qu'il prendrait qui seraient irréfléchis.
M. Marx: Donc, je ne peux pas avoir copie de ce rapport.
M. Bédard: À l'heure actuelle, cela fait, je crois,
l'objet de discussions au niveau où cela doit être fait.
M. Marx: Cela a été préparé en quelle
année?
M. Bédard: L'année passée. Cela est sorti
d'ailleurs avant le rapport Deschênes.
M. Marx: C'est sorti, cela veut dire que cela a été
envoyé...
M. Bédard: Cela a été remis au juge en chef
avant le...
M. Marx: Est-ce que le juge en chef en a reçu une
copie?
M. Bédard: Le 26 juin, pour être plus précis.
Alors, cela vous montre que c'est un sujet de préoccupation chez
nous.
M. Marx: Est-ce que le juge en chef en a reçu une copie
avant qu'il ait publié son rapport?
M. Bédard: Oui.
M. Marx: Le juge en chef en a reçu une copie.
M. Bédard: Normalement, puisque... Je voudrais que cela
soit clair, quand on parle des juges en chef, cela comprend non seulement les
juges en chef nommés par le Québec, mais également les
juges en chef de la Cour supérieure et de la Cour d'appel. D'ailleurs,
nous avons, j'en ai parlé dans mon exposé préliminaire,
une excellente collaboration de la part de M. le juge en chef de la Cour
d'appel, qui est également préoccupé par la question des
délais. Je dois dire que la collaboration a donné comme
résultat la possibilité d'y aller d'amendements
législatifs qui, à mon sens, seraient susceptibles
d'améliorer encore la situation.
M. Marx: Donc, si je comprends bien tout cela, pour
résumer, l'autonomie administrative des juges, c'est quelque chose qui
est sous étude depuis un an, un an et demi...
M. Bédard: C'est-à-dire que cela fait l'objet de
discussions à l'heure actuelle entre le ministère de la Justice
et le comité des juges.
M. Marx: Si vous pensez...
M. Bédard: Le comité des juges en chef.
M. Marx: Est-ce que j'ai raison de dire que vous trouvez qu'il y
a un problème d'administration dans les palais de justice que vous
pensez peut-être régler en donnant l'autonomie administrative aux
juges, ou par une autre amélioration ou une autre grande réforme?
(21 h 15)
M. Bédard: Je ne voudrais pas conclure avant que
l'ensemble des discussions ne soit terminé, mais selon ce qu'on me dit
au niveau de ce comité du ministère de la Justice, le
comité du support administratif aux tribunaux va entrer vraiment dans le
coeur du sujet à partir de la prochaine réunion.
M. Marx: J'espère qu'un jour, tout cela va sortir.
M. Bédard: Je dirais: J'espère qu'un jour tout cela
va aboutir et...
M. Marx: Oui, mais il faut que cela sorte avant d'aboutir.
M. Bédard: Pas nécessairement. M. Marx: Non,
bon!
M. Bédard: Dans le sens de toutes mes législations,
cela n'a jamais sorti, mais cela a abouti.
M. Marx: Dans certains palais de justice, il y a même un
problème au niveau du secrétariat; les juges doivent se partager
les secrétaires. Il y a toutes sortes de problèmes en ce moment
dans les palais de justice qui empêchent vraiment souvent les juges de
travailler d'une façon efficace.
M. Bédard: Comme vous le savez, chacun des
ministères est astreint à une compression au niveau du personnel.
Pour ce qui est des secrétaires des juges, je dois dire que nous avons
fait beaucoup de chemin.
M. Marx: Dans quel sens?
M. Bédard: J'ai été en mesure de vous dire
ce matin que, en fait, l'ensemble de la collaboration qu'il y a eue entre les
juges en chef et le ministère de la Justice débouche sur un
résultat, je crois, intéressant, dans ce domaine, puisque l'on en
est venu à une meilleure rationalisation de l'utilisation du personnel.
Ce dossier, comme vous pouvez le deviner, est quand même assez
délicat et a été traité avec beaucoup de tact par
mon sous-ministre en titre, M. Jacoby, qui pourrait peut-être ajouter
quelques observations.
C'est une des raisons pour lesquelles, en passant, on n'a pas pu aborder
et compléter nos réflexions et nos études sur la
décentralisation possible, sur le plan administratif, de l'autonomie des
tribunaux. C'est un dossier concernant tout le problème des effectifs
des services judiciaires qui seront rattachés directement aux officiers
de justice ou à la magistrature. Il y avait des questions d'augmentation
de la productivité, d'une meilleure intégration des services,
d'une meilleure coordination des services; tout ceci a débouché
après plusieurs mois de discussions sur un protocole d'entente
intervenu entre tous les juges en chef du Québec et le
ministère de la Justice quant à une meilleure répartition
des tâches à l'intérieur des services judiciaires dans les
palais de justice, ce qui fait que, dans l'ensemble, cela s'est traduit par une
augmentation de la productivité du personnel des greffes. Les
secrétaires des juges, même si elles sont rattachées de
facto directement aux juges, font partie du personnel des greffes. Je pense que
tout s'est fait sur une base volontaire, sans mettre en péril le
principe de l'indépendance de la magistrature. Il est certain que, dans
les petits districts judiciaires, certains juges doivent se partager les
services des secrétaires. Il y a un certain pool, mais c'est vraiment
exceptionnel.
M. Marx: Pas à Montréal?
M. Bédard: Non, pas à Montréal.
M. Marx: Pas à Montréal.
M. Bédard: Pas à Montréal, absolument pas.
Dans l'ensemble, c'est sûr que cela a provoqué certains
changements dans les habitudes de travail, mais dans l'ensemble, tout le monde
est satisfait et je pense que c'est de bon augure, cette collaboration entre la
magistrature et le ministère de la Justice. Je pense qu'il n'y a plus de
problème, sauf peut-être des problèmes ponctuels à
court terme, mais des cas spéciaux, il y en a toujours.
Je remercie M. Jacoby. Je sais qu'il reste toujours quelques
problèmes, mais on les règle à mesure qu'ils se
présentent.
M. Marx: J'aimerais lui poser d'autres questions, mais je n'ose
pas.
M. Bédard: Osez, je vous en prie.
M. Marx: Cela pourrait être embarrassant pour moi et pour
vous, peut-être.
Je vois qu'il y a maintenant trois problèmes.
M. Bédard: Vous comprendrez que je ne comprends pas ce que
vous voulez dire, alors...
M. Marx: II y a maintenant trois problèmes dans les palais
de justice: l'information, les délais et, maintenant, toute la question
de l'administration, de la productivité...
M. Bédard: Vous êtes en train de faire le canevas de
votre prochain rapport.
M. Marx: ... où le sous-ministre a dit qu'on a fait des
améliorations, mais qu'il y a encore place pour beaucoup d'autres
améliorations.
M. Bédard: Je l'ai dit à plusieurs reprises.
M. Marx: Oui, mais est-ce que vous pouvez me donner, comment
dirais-je? des améliorations précises que vous entendez
faire?
M. Bédard: Des indications pour vos réflexions en
fonction de votre rapport. Cela me ferait plaisir.
M. Marx: C'est cela. Non, mais je pense que la population serait
heureuse d'apprendre...
M. Bédard: Je pense avoir fait pas mal le tour, avoir fait
le portrait de l'ensemble des préoccupations que nous avons.
M. Marx: Je pense qu'il y a un problème de
productivité et vous ne m'avez pas donné de réponse.
M. Bédard: Mais oui, je vous...
M. Marx: On travaille bien ensemble ça et là, je
pense qu'il y a tellement de choses qui marchent mal dans les palais de
justice, c'est incroyable.
M. Bédard: Mais oui...
M. Marx: Allez parler aux gens qui travaillent dans les palais de
justice, vos fonctionnaires, c'est incroyable, les problèmes à
Montréal, c'est incroyable, M. le ministre.
M. Bédard: Non, vous poussez.
M. Marx: C'est incroyable. Allez parler aux fonctionnaires qui
font le travail chaque jour, les problèmes...
M. Bédard: Là, vous me faites penser à un
potineux qui se promène dans les corridors, qui ramasse tout ce qu'il y
a de rumeurs et tout ce que... C'est cela, c'est exactement ce que vous faites,
je vous demande d'être plus attentif à ce que je vous dis. On est
ici pour vous répondre, avec tous mes fonctionnaires ici
présents, les principaux; si vous avez des cas, dites-les donc; si vous
avez des situations, explicitez-les et cela va me faire plaisir d'essayer de
vous dire que vous avez raison dans certains cas, que vous avez tort dans
d'autres cas, que peut-être il faudra apporter des nuances dans d'autres
cas ou encore des nuances à ce que vous avancez, mais avancez quelque
chose, arrêtez de potiner.
M. Marx: Les questions, M. le ministre,
ne sont pas adressées à vos fonctionnaires.
M. Bédard: Non, elles me sont adressées à
moi.
M. Marx: Elles vous sont adressées à vous.
M. Bédard: Ce que je vous dis...
M. Marx: Je n'ai pas à demander aux fonctionnaires de
défendre leurs politiques, peut-être ont-ils de bonnes politiques
administratives auxquelles vous ne donnez jamais de suite politique; c'est cela
le problème.
M. Bédard: Cela fait six ans que je suis au
ministère de la Justice, et, j'en conviens, j'ai une équipe
formidable qui m'entoure, j'essaie de l'améliorer chaque
année...
M. Marx: Cela est impossible.
M. Bédard: ... par des additions, lorsque cela est
nécessaire. Il y en a nécessairement qui doivent partir pour
occuper d'autres responsabilités; je vois justement en face de moi M.
Gauthier, qui était sous-ministre à la détention; il est
parti pour occuper un autre poste qu'il remplit avec beaucoup de
professionnalisme. C'est évident qu'à ce moment-là il y a
remplacement par des énergies très valables. Entre autres dans le
temps, c'était M... Enfin, je ne commencerai pas à faire des
personnalités plus que ce n'est besoin.
Je peux vous dire que je travaille avec cette équipe-là,
qui est dynamique, qui est progressive. Si vos prétentions que le
ministre est toujours réfractaire à ce qui peut lui être
proposé avaient le moindre fondement, vous savez très bien que
cela ferait longtemps qu'il y aurait eu des éclats au niveau du
ministère de la Justice. Ceci ne s'est pas produit, depuis six ans,
parce que, dès le départ, j'ai accepté de travailler en
collaboration avec l'ensemble des hauts fonctionnaires. J'ai tenu pour acquis
que je n'étais pas un expert dans tous les domaines de l'administration
de la justice et vous auriez peut-être avantage à en faire autant
à certains moments. Cette collaboration-là...
M. Marx: Ce n'est pas difficile.
M. Bédard: ... est très ouverte, elle est
basée sur la confiance mutuelle, avec une même
préoccupation qui est l'amélioration de la justice le plus
possible, tout en étant conscient qu'on ne fait pas toujours tout ce
qu'on veut. Je crois que cela a donné des résultats
intéressants à tous les points de vue, tant sur le plan
législatif qu'administratif. C'est tout.
M. Marx: Merci, M. le ministre, je n'ai pas appris beaucoup,
mais...
M. Bédard: Vous avez appris une chose, c'est que je
travaille solidairement...
M. Marx: ... vous avez évité de...
M. Bédard: ... avec l'ensemble de mes fonctionnaires, et
je pense qu'on est sur la même longueur d'onde au niveau de notre
désir d'amener des améliorations. Lorsque vous me dites en
potinant, etc., toutes sortes de choses, je vous demande juste d'être
sérieux; présentez-moi des situations très précises
et je vais m'empresser de vous répondre.
M. Marx: II y a toutes sortes de situations que je veux vous
apporter.
M. Bédard: Gardez cela pour votre volume et pour votre
rapport...
M. Marx: Allez parler...
M. Bédard: ... sur la correctionnelle, on vous corrigera
tout de suite au niveau de l'interprétation des...
M. Marx: Après cela, vous allez dire que c'est votre
idée.
M. Bédard: C'est clair, vous le savez à part
cela.
M. Marx: Je vous ai posé un problème, je n'ai
pas...
M. Bédard: Vous pouvez bien rougir lorsque vous le
dites.
M. Marx: J'ai dit que, dans certains palais de justice, il y a
trop de juges et qu'il en manque dans d'autres...
M. Bédard: Je viens juste de vous dire que c'est un des
champs de réflexion qu'on a au niveau de l'administration. On est
conscient que...
M. Marx: Avez-vous déjà pensé à faire
siéger certaines cours le soir? Vous n'avez jamais pensé à
cela? Avez-vous déjà pensé à faire siéger
les cours durant le mois de juillet? Les palais de justice sont
climatisés ces jours-ci.
M. Bédard: On a déjà pensé à
faire siéger... On a déjà évoqué
l'idée...
M. Marx: Le ministre Choquette avait pensé à cela
pour la Cour des petites créances.
M. Bédard: Oui, il y a pensé, mais il
ne l'a pas fait. Après cela, j'ai l'impression...
M. Marx: II vous a laissé les réformes. C'est cela,
le problème. Avez-vous des idées, M. le ministre...
M. Bédard: Non, on s'en est rendu compte. À la Cour
des petites créances, à l'heure actuelle, si on regarde
l'ensemble de la situation des délais dans l'ensemble du Québec,
c'est très bon. Les délais sont vraiment plus que raisonnables.
Vous êtes en train de me demander... Je voudrais bien que ce soit ainsi,
une justice qui fait que le jour même tout est réglé. Je
vous demande d'être un peu sérieux.
M. Marx: Je sais qu'il y a des problèmes.
M. Bédard: À la Cour des petites créances,
les gens sont très satisfaits.
M. Marx: J'essaie de voir quelles sont vos intentions.
M. Bédard: Je vous ai parlé au début des
travaux de la commission, d'une initiative que nous avons prise à
Montréal en faisant en sorte qu'un médiateur trouve le moyen de
rencontrer les parties avant que ces mêmes parties s'engagent dans un
procès. Les résultats sont très encourageants, je vous
l'ai dit ce matin. Quand on aura fini l'analyse de cette initiative,
peut-être faudra-t-il penser à l'étendre à
l'ensemble du territoire du Québec. C'est ce que nous avions fait avec
un projet pilote, mais c'est dans un autre domaine, concernant le secteur
correctionnel. On y viendra en temps et lieu. Si vous avez des suggestions,
formulez-en une, peut-être que cela pourrait aider.
Crédits périmés
M. Marx: Je vois qu'il y a des crédits
périmés au programme 1. Est-ce qu'on peut nous expliquer
pourquoi? Cela fait 300 000 $ de crédits périmés.
M. Bédard: Concernant les crédits
périmés, je vais attendre que mon collègue soit...
M. Marx: Je vous écoute; oui, je suis prêt.
M. Bédard: Pour l'ensemble des crédits
périmés, pour l'année 1980-1981, les crédits
votés par l'Assemblée nationale étaient de 453 143 000 $,
tandis que les dépenses s'établissaient à 447 072 000 $,
soit un écart de 6 071 000 $ qui constituaient des crédits
périmés au 31 mars 1981. Je vais donner l'explication
générale pour l'ensemble de ces crédits
périmés.
M. Marx: Je vais vous suivre... Mme Lachapelle: Je vais
aller voir...
M. Bédard: L'ensemble des crédits
périmés résulte des faits suivants. On pourra
peut-être donner des explications pour chacun des programmes, si vous le
voulez.
M. Marx: Pouvez-vous me dire dans quel cahier? J'ai tellement de
cahiers ici. (21 h 30)
M. Bédard: Aux pages 20 et 21 que je vous ai fait parvenir
à votre demande. Pour les fins du journal des Débats, ces
crédits périmés résultent des faits suivants:
premièrement, les crédits votés pour la Commission de
contrôle des permis d'alcool du Québec au montant de 3 294 000 $
sont considérés comme périmés, compte tenu du fait
que les dépenses de la Régie des permis d'alcool du
Québec, qui a remplacé la commission de contrôle, ont
été imputées au fonds consolidé du revenu en vertu
de la loi.
M. Marx: C'était cela le montant.
M. Bédard: Cela en explique une bonne partie. Une partie
de ces crédits périmés résulte des gels de
crédits décrétés par le Conseil du trésor au
montant de 1 388 000 $.
M. Marx: Quel était ce gel? Etait-ce un gel sur toutes les
dépenses, sur certaines dépenses? Sur quelles
dépenses?
M. Bédard: C'était un gel d'un montant
précis, global décrété par le Conseil du
trésor, mais la discrétion demeurait au ministère.
M. Marx: C'est pour tout le ministère. M.
Bédard: Oui, c'est cela.
M. Marx: Y compris toutes les commissions, les régies et
tout.
M. Bédard: C'est cela. C'était laissé
à la discrétion du ministère.
M. Marx: C'est cela, c'est pour tout le ministère.
M. Bédard: Ensuite, cela représente
déjà ce que je viens de vous dire, au-delà...
II reste 1 389 000 $. Il s'agit d'engagements non liquidés qui
sont devenus périmés à la fin de l'année. Ces
crédits n'ont pas été utilisés parce que les
services ou la marchandise n'a pas été livrée ou que les
dépenses n'ont pas été effectuées.
M. Marx: Dans le programme 1, il s'agit de 290 000 $.
M. Bédard: Par rapport particulièrement au
programme 1.01. Quand les juges prennent leur retraite, les postes ne sont pas
comblés immédiatement. Les juges n'étant pas
remplacés immédiatement, il y a des sommes, par la force des
choses, qui ne sont pas utilisées.
M. Marx: C'est aux pages 21 et 22.
M. Bédard: C'est cela. Vous avez tout le
détail.
M. Marx: C'est cela. La raison, c'est qu'on n'a pas
remplacé certains juges qui ont pris leur retraite.
M. Bédard: Au dernier élément, les
dépenses non effectuées, il faut se rappeler que le budget du
ministère quant aux traitements s'élève à
au-delà de 80%. Donc, normalement, au niveau de tous les programmes, les
postes qui sont laissés vacants d'une manière ou d'une autre ne
sont pas comblés immédiatement. D'une manière
générale, c'est sur les traitements que les crédits sont
périmés à ce titre.
M. Marx: D'accord. Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Desbiens): L'élément 1 est
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Soutien administratif à l'activité
judiciaire
Le Président (M. Desbiens): Élément 1,
adopté. Élément 2?
M. Bédard: Je n'ai pas d'autres remarques à faire.
Je crois qu'on peut l'adopter.
M. Marx: Le ministre n'a-t-il pas une présentation
à faire?
M. Bédard: Je l'ai faite d'une façon
générale ce matin. On a discuté toute la journée
des éléments 1 et 2. On a essayé d'être le moins
formel possible. Je crois que cela aide la discussion.
M. Marx: II s'agit ici des tribunaux administratifs aussi. Je ne
sais pas si on va revenir sur les tribunaux administratifs. Quels sont les
délais dans les tribunaux administratifs? Par exemple, au Tribunal de
l'expropriation, pour prendre un tribunal administratif, est-ce que les
délais sont normaux?
M. Bédard: J'ai ici présent M. le juge Dorion qui,
comme vous le savez, est président du Tribunal de l'expropriation.
Concernant les délais, je pense qu'il peut nous dire que cela n'a pas
augmenté.
Les délais sont des délais normaux et même, ils ont
diminué depuis un an. Il y a eu un retard à un moment
donné l'année dernière, parce qu'un des membres a
décidé de prendre sa retraite sans avertissement et avant qu'on
puisse le remplacer, cela a pris un certain temps. Non seulement cela, mais
quand il est parti il a laissé derrière lui 35 ou 40
délibérés que les autres membres ont été
obligés de se partager en plus de leur travail habituel et cela a
occasionné un certain retard dans le district de Montréal. C'est
à cause de cela. C'est maintenant sous contrôle et c'est revenu
à la normale.
À Québec, une cause peut être inscrite et
passée dans les deux mois suivants. À Montréal, c'est un
peu plus long. Cela peut prendre six mois et même un peu plus à
cause du volume.
M. Marx: Dans l'Outaouais, à Hull par exemple?
M. Bédard: À Hull il y a eu un certain retard mais
actuellement, on est en train de reprendre le dessus. On siège beaucoup
plus souvent qu'on siégeait à Hull. Au lieu d'y aller une fois
par mois, on y va jusqu'à quatre fois par mois maintenant.
M. Marx: J'ai peut-être une autre question. Est-ce que je
peux poser une autre question à Me Dorion ou au ministre?
M. Bédard: Vous pouvez peut-être me la poser et je
verrai s'il y a lieu de la transférer.
M. Marx: C'est le Tribunal de l'expropriation. Combien de
juges?
M. Bédard: Cinq juges au Tribunal de l'expropriation et
cinq membres non juges.
M. Marx: Cinq juges siègent au Tribunal de l'expropriation
plus cinq membres non juges, ça fait dix membres.
M. Bédard: C'est ça, avec un quorum de deux.
M. Marx: Avec un quorum de deux. Combien de causes le tribunal
entend-il chaque année à peu près?
M. Bédard: L'an dernier on a rendu 240 ou 250 ordonnances
définitives, mais il y a bien d'autres causes qui ont commencé et
qui ne se sont pas terminées parce que les parties ont
décidé de régler en cours de route. Est-ce que ça
va?
M. Marx: Oui, merci.
La Présidente (Mme Lachapelle): Est-ce qu'il y a d'autres
questions sur le programme no 2?
M. Marx: Un instant! On va examiner ça.
C'est le soutien à tous les tribunaux administratifs dans ce
programme. C'est ça? Cela fait à peu près combien, une
quinzaine? Combien de tribunaux administratifs y a-t-il à peu
près? Quinze?
M. Bédard: II n'y en a pas quinze.
M. Marx: Cela veut dire les tribunaux administratifs
véritables, pas la Commission des droits de la personne, par exemple;
cela est à exclure.
M. Bédard: II n'y a pas autant que quinze
véritables tribunaux administratifs. On pourrait peut-être vous
fournir la liste parce que je ne voudrais pas perdre de temps non plus pour
faire l'addition.
M. Marx: J'ai une autre question en tête parce que je ne
vois pas la liste des tribunaux. Est-ce que ces organismes demandent des
études à l'extérieur des ministères?
M. Bédard: Pour ce qui relève de nous, il y a
expropriation, travail et mines.
M. Marx: Expropriation...
M. Bédard: Travail et mines. Le Tribunal des mines.
M. Marx: Est-ce que ces organismes demandent des études
à l'extérieur, est-ce qu'ils engagent des consultants, des
contractuels pour faire des études?
M. Bédard: Non.
M. Marx: Non? Généralement, non?
M. Bédard: Généralement, non.
M. Marx: Ce n'est pas comme la Commission des droits de la
personne ou d'autres commissions?
M. Bédard: Non, ce n'est pas la même chose.
M. Marx: Donc, cela, c'est vraiment administratif: les
secrétaires, la fourniture... Bon, parfait.
La Présidente (Mme Lachapelle): Y a-t-il d'autres
questions sur le programme 2?
M. Marx: Je vais voir. Non.
Enquêtes et expertises scientifiques pour fins
judiciaires
La Présidente (Mme Lachapelle):
Programme no 2, adopté. Programme no 3.
M. Bédard: J'ai fait parvenir certains renseignements
à mon collègue, tel que demandé, avant l'étude des
crédits. Pour les fins du journal des Débats, le programme 3 est
composé de trois éléments: les enquêtes sur les
décès et les incendies, les expertises
médico-légales, les expertises scientifiques. Les
éléments 1 et 2 sont sous la responsabilité de la
direction générale des affaires criminelles.
L'élément no 3, les expertises scientifiques, relève de la
direction générale de la sécurité publique.
À l'intérieur de l'élément 1, on retrouve
toutes les ressources requises pour faire les enquêtes sur la mort des
personnes dont le décès ne paraît pas dû à une
cause naturelle ou purement accidentelle. Le réseau des commissaires
enquêteurs sur les incendies est chargé de déterminer les
causes des incendies et des explosions qui sont de nature criminelle.
En ce qui a trait à l'élément 2 concernant les
expertises médico-légales, le laboratoire de médecine
légale est constitué principalement de pathologis tes et est
chargé d'examiner certains faits susceptibles d'être reliés
à des actes criminels.
Pour ce qui est de l'élément 3 qui concerne les expertises
scientifiques, le laboratoire de police a pour fonction de renseigner les
divers agents de l'administration de la justice sur certains actes susceptibles
d'être de nature criminelle en procédant à des expertises
scientifiques servant à l'analyse et à l'interprétation
des indices laissés par les auteurs de tels actes. Ces expertises
couvrent les six domaines suivants: balistique, biologie, examen de documents,
détermination des causes d'incendie et d'explosion, chimie, toxicologie.
C'est ce que recouvre l'ensemble de ce programme, Mme la Présidente.
M. Marx: Je ne sais pas si cette loi tombe dans ce
problème, mais il y a la Loi sur les coroners...
M. Bédard: Oui, normalement.
M. Marx: Normalement, c'est là. J'ai voulu faire une
étude sur cette loi parce que je trouve que c'est une loi à
refaire. Je demande au ministre s'il a un projet dans ce sens. A-t-il un
projet, une étude, un comité de constitué au niveau du
ministère pour préparer un document qu'on ne verra jamais?
M. Bédard: On a une étude complète qui a
été faite au niveau du ministère de la Justice.
M. Marx: En quelle année? (21 h 45)
M. Bédard: Fin 1980. Et elle fait l'objet d'une analyse
par le conseil consultatif de la justice. Comme vous le dites, en plus
d'être une loi extrêmement complexe, il est clair que c'est une loi
qui a besoin d'être rajeunie et améliorée.
M. Marx: Qu'est-ce que le ministre voit comme lacune? Quelles
sont les grandes lacunes qu'il voit dans la loi actuelle?
M. Bédard: C'est l'ensemble de la structure, je crois, qui
doit être examinée.
M. Marx: Les structures? Dans quel sens?
M. Bédard: On l'a dit, c'est une loi qui mérite
d'être rajeunie. Donc, des choses évoluent et doivent être
rajustées à de nouvelles réalités. Au niveau de la
structure, il serait peut-être nécessaire que les coroners chefs
aient une responsabilité plus générale, cela n'existe pas
au moment où on se parle. Chacun essaie de faire son travail le plus
valablement possible, mais les études ont porté sur
l'organisation administrative, les pouvoirs et les devoirs des coroners et sur
les droits des personnes à l'occasion des enquêtes du coroner. Je
pense que ce sont déjà trois sujets de préoccupation qui,
mon collègue en conviendra, sont suffisamment larges pour justifier le
travail qui a été fait. Quand le conseil consultatif aura
approfondi ce qui a déjà été mis au point par le
ministère, à ce moment-là, ce sera le temps de voir
quelles décisions il y aura à prendre.
M. Marx: Si je comprends bien maintenant, c'est que le
ministère a fait une étude qui a été rendue
publique auprès des sous-ministres du ministère en 1980.
Après, cela a été acheminé au conseil consultatif
de la justice. Donc, cela fait déjà plus d'une année,
peut-être un an et demi, que l'on fait l'étude de ce
mémoire. - Est-ce un mémoire? - Un an et demi, c'est long, M. le
ministre. Il y a des gens qui subissent des préjudices entre-temps, il y
a toutes sortes d'études sur la Loi sur les coroners. Il y avait...
M. Bédard: ...
M. Marx: Un instant, M. le ministre! On a rajeuni ces lois dans
d'autres provinces il y a longtemps et il y a des gens qui se demandent
vraiment ce que le ministre entend faire avec cette loi, qui, comme vous l'avez
admis, mérite d'être rajeunie, si je peux le dire comme cela.
M. Bédard: Je crois que le processus qu'on a engagé
va nous permettre de proposer ce que nous croirons être les amendements
appropriés, les améliorations appropriées, proposer tout
cela pour probablement l'automne 1982.
M. Marx: L'automne 1982, c'est cette année. Vous avez la
volonté politique, vous me dites que...
M. Bédard: ... la volonté, vous le voyez...
M. Marx: La volonté administrative, je sais, mais la
volonté politique!
M. Bédard: Vous vous amusez beaucoup avec la question des
délais et la question des études. Vous savez très bien
que, dans le domaine judiciaire, vous ne renversez pas tout du jour au
lendemain, quand vous parlez de lois qui sont très complexes...
M. Marx: Quand vous me dites...
M. Bédard: C'est normal que vous donniez le temps d'aller
au fond des choses de manière que, quand vous vous orientez vers une
réforme, eh bien, ce ne soit pas une réforme qui dure le temps de
le dire et qui mérite d'être changée à nouveau.
M. Marx: Oui, mais...
M. Bédard: C'est pour répondre le mieux possible
aux attentes de la population.
M. Marx: Je pense que cela prendra plus que des amendements pour
refaire cette loi. Je pense que cela prendrait une nouvelle loi.
M. Bédard: Quand je parle d'amendements...
M. Marx: Au complet.
M. Bédard: Quand je parle d'amendements, ce sont
assurément des amendements très substantiels.
M. Marx: Je pense que c'est nécessaire de "scraper" cette
loi, comme on dit, et de la refaire. Je pense que ce n'est pas une loi qu'on
peut retoucher ici et là.
M. Bédard: C'est une manière de parler, vous pouvez
la "scraper" toute, mais, de toute façon, étant donné le
secteur de responsabilité qui lui est dévolu par son application,
vous allez, quelle que soit la réforme, y retrouver quand même des
éléments très importants de base plus des amendements
substantiels qui sont de nature à améliorer la situation.
M. Marx: Le ministre nous a dit il y a
quelques minutes qu'il y avait un problème au niveau des
structures, au niveau de l'organisation, au niveau des pouvoirs, au niveau des
devoirs et en ce qui concerne le droit des personnes. Donc, il y a beaucoup
à modifier, beaucoup à améliorer et je m'étonne que
le rapport ait été terminé en 1980 et que en 1982, plus de
18 mois après, il n'y ait rien. On n'est pas au niveau du projet de loi
maintenant.
M. Bédard: C'est soumis. Je l'ai dit, c'est soumis au
conseil consultatif; au niveau des projets de loi, je vous demanderais, toute
comparaison étant bonne à faire, de regarder le volume de lois
faites par le ministère de la Justice, la plupart du temps sans bruit
peut-être, mais très importantes en ce qui a trait à des
améliorations à apporter au système judiciaire. Regardez
le volume législatif du ministère de la Justice depuis six ans et
je crois que vous allez avoir des surprises, si vous l'évaluez par
comparaison au rythme et au nombre des lois faites par des administrations
précédentes. Je ne peux pas refaire tout l'ensemble du
système judiciaire tous les ans pour simplement me péter les
bretelles en disant que j'ai beaucoup de projets de loi. Franchement! Ce que je
vous dis... Je pourrais bien vous dire qu'il n'y a pas de problème au
niveau de la Loi sur les coroners, que malgré certaines
difficultés, cela fonctionne quand même relativement bien. Je
préfère vous répondre à la question que vous me
posez que, effectivement, je crois en effet qu'il y a lieu de faire des
améliorations majeures dans ce domaine. C'est pour cela que des
commandes ont été données au niveau administratif. Je vous
l'ai dit, l'étude est terminée et nous avons fait une
référence au conseil consultatif. Dès qu'il nous donnera
son appréciation, eh bien, cela nous permettra de déboucher.
C'est une loi qui remonte au XVIIIe siècle.
M. Marx: C'est cela.
M. Bédard: Je ne peux pas vous dire combien il y a eu
d'amendements depuis ce temps, mais...
M. Marx: II y a eu beaucoup d'amendements, mais il y a un
problème peut-être aussi...
M. Bédard: II y a l'évaluation des coûts
aussi.
M. Marx: II y a peut-être un problème de juridiction
aussi, une fois qu'on va toucher cette loi.
M. Bédard: Je pense que vous êtes conscient que ce
n'est pas une petite loi, la Loi sur les coroners.
M. Marx: Non, je suis conscient que cela prend trop de temps.
M. Bédard: Vous êtes conscient que cela prend trop
de temps, mais je ne vous vois pas aller là-dessus.
M. Marx: Je trouve que c'est maintenant le temps à
l'Assemblée nationale de déposer des projets de loi parce qu'on
n'a rien à faire de l'autre côté.
M. Bédard: Entre vous et moi, la Loi sur les
coroners...
M. Marx: Cela va passer vite.
M. Bédard: Oui, mais depuis...depuis...
M. Marx: Oui, mais depuis! depuis! Vous êtes en fonction
depuis six ans. Depuis! Depuis six ans!
M. Bédard: Je peux vous dire que même avant que je
sois dans l'Opposition, j'étais avocat, j'ai pratiqué durant dix
ans le droit criminel et j'ai parlé des améliorations qu'il
fallait apporter à...
M. Marx: ... en opposition à...
Bédard: ... la Loi sur les coroners. Tout ce que je vous
dis, c'est que, dès qu'on a été au ministère, on a
fait des commandes...
M. Marx: En 1976.
M. Bédard: ... dans le sens d'études qui s'imposent
et on va procéder comme on a procédé dans d'autres
domaines.
M. Marx: Avez-vous quelque chose à ajouter? Non. Puis-je
avoir une copie de ce rapport de 1880 ou est-ce que c'est secret?
M. Bédard: Pas 1880, 1980.
M. Marx: 1980, oui. De temps en temps, il me semble que le
ministre...
M. Bédard: Je crois que cela suit...
M. Marx: ... cent ans déjà et il fait le... Puis-je
avoir une copie de ce rapport?
M. Bédard: Je crois que cela suit une filière
normale...
M. Marx: Oui ou non?
M. Bédard: ... dans les circonstances. Devinez-la ma
réponse à travers ce que je vous dis, je crois que cela suit la
filière normale...
M. Marx: Je ne sais pas, c'est un
gouvernement transparent qui va déposer une loi sur
l'accès à l'information.
M. Bédard: ... qui fait que, comme pour beaucoup d'autres
lois, à un moment donné, nous allons déboucher sur une
loi.
M. Marx: II doit y avoir beaucoup de copies qui circulent au
ministère, qui circulent au conseil consultatif de la justice. Chaque
fois que je veux un document d'un ministre, dois-je faire en sorte qu'il y ait
une fuite quelque part? Est-ce qu'il y a des secrets? C'est juste une
étude, ce ne sont pas des politiques, c'est une étude juridique.
Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas rendre cela public pour qu'il y ait d'autres
gens qui en prennent connaissance, comme, par exemple, la ligue des droits?
Pourquoi empêcher la ligue des droits et libertés de prendre
connaissance...
M. Bédard: Oui, mais, à un moment
donné...
M. Marx: ... d'un tel document? Elle est impliquée dans
cela.
M. Bédard: À un moment donné, nous allons
déboucher sur des décisions et vous serez en mesure d'analyser le
bien-fondé ou pas des décisions que nous aurons prises.
M. Marx: Mais...
M. Bédard: Pour le moment, cela suit la filière
normale.
M. Marx: Oui, c'est cela. Est-ce que c'est une étude
juridique ou est-ce que c'est une étude avec des connotations
politiques?
M. Bédard: Juridique et administrative.
M. Marx: Donc, il n'y a pas de secret politique dans cela.
Pourquoi ne pas rendre cela...
M. Bédard: Quand je vous réponds comme cela,
mon...
M. Marx: L'accès à l'information, vous êtes
pour cela.
M. Bédard: ... critère n'est pas le fait qu'il y
ait des secrets politiques ou pas, il y a une filière normale. Des
discussions ont lieu à des niveaux que vous connaissez, et ces
discussions-là se poursuivent.
M. Marx: Quelle est la raison pour ne pas m'en donner une copie?
Je ne comprends pas. Honnêtement, je ne comprends pas. Honnêtement;
Pourquoi? C'est une étude juridique administrative. So what? On fait
ça à la tonne au Québec. Voilà, il y en a une
autre. Cela va même aider les députés à
l'Assemblée nationale une fois que le projet de loi sera
déposé à mieux comprendre le projet de loi. Je ne vois pas
pourquoi tout est secret. C'est la quinzième fois...
M. Bédard: Je vais vous dire...
M. Marx: ... la seizième fois aujourd'hui...
M. Bédard: Quand les décisions sont prises, qu'un
projet de loi est déposé, il peut y avoir la possibilité
de donner toute l'information nécessaire. Il s'agit que l'information
soit donnée au bon moment. Entre-temps, si vous avez des suggestions,
vous pourriez les faire.
M. Marx: Oui, mais on n'est pas... Moi, je trouve que ce sont les
contribuables qui paient cela. Il y a des commissions qui siègent,
qui...
M. Bédard: Non.
M. Marx: On en a au Québec, il y a des commissions qui
donnent...
M. Bédard: II y a des gens qui travaillent.
M. Marx: ... des commandites de 1 000 000 $ par année et
tout est caché, rien n'est rendu public. On va arriver à cela,
mais il y des...
M. Bédard: Ce n'est pas caché dans des tiroirs.
M. Marx: II y a des offices... c'est caché dans les
tiroirs.
M. Bédard: Toutes ces études, ces réflexions
sont remises entre les mains des fonctionnaires qui sont payés par
l'État et qui font leur travail en en tenant compte.
M. Marx: Le peuple paie leur salaire. M. Bédard: Je
pense que c'est logique.
M. Marx: II paie votre salaire, mon salaire. Je pense qu'on a
droit à l'information, à l'accès à l'information.
Si c'est une étude, comme vous venez de le dire, juridique et
administrative, il n'y a pas de secret dans cela. Moi, je trouve que ce serait
normal que ce soit rendu public. Je ne sais pas, si cela prend la
décision du Conseil des ministres chaque fois qu'on veut qu'un rapport
soit rendu public, je ne comprends pas comment ce gouvernement fonctionne ou
pourquoi ce gouvernement se dit prêt à déposer un projet de
loi sur...
M. Bédard: Si vous voulez...
M. Marx: ... l'accès à l'information. C'est quoi,
l'information?
M. Bédard: Justement, si vous avez lu le rapport
Paré, puisque vous vous y référez, le rapport Paré
donne son opinion dans le sens que ces études doivent rester
confidentielles tant que le projet de loi n'est pas déposé. Je
vous demanderais de lire le rapport de la commission Paré. (22
heures)
M. Marx: Est-ce que vous allez adopter le rapport Paré tel
quel? C'est une chose qu'on a apprise aujourd'hui. Je pense que...
M. Bédard: Quand vous parlez d'accès à
l'information, je n'ai pas à me prononcer sur ce qui arrivera, mais je
crois qu'il y a une volonté gouvernementale qui a été
clairement exprimée dans ce sens. Une chose est sûre, elle a
toutes les chances d'aller plus loin que la volonté
fédérale qui a été exprimée et qui n'a connu
absolument aucune concrétisation. Vous vous le rappelez? Le projet de
loi a tout simplement été abandonné.
M. Marx: J'y reviens pour la dernière fois. C'est une
étude juridique et administrative faite d'une façon, comment
dirais-je, objective...
M. Bédard: Quand le projet de loi sera... Quand un projet
de loi...
M. Marx: Si je comprends, c'est une étude objective. C'est
comme une thèse de maîtrise. Pourquoi ne pas laisser les autres
prendre connaissance de cette étude? Pourquoi? On donne ça au
conseil consultatif de la justice. On peut donner ça à
d'autres.
M. Bédard: Quand le projet de loi sera
déposé, vous pourrez me faire la même demande. Il sera
peut-être très opportun, à ce moment, qu'une
décision autre soit prise.
M. Marx: Franchement, M. le ministre, je ne comprends pas votre
attitude, mais je n'ai pas le choix, je ne le verrai pas, je n'aurai jamais ce
rapport. Cela ne va pas vous faire...
M. Bédard: Si je vous écoutais, je rendrais tout
public.
M. Marx: Non, pas tout public. C'est une étude juridique
et administrative, une étude objective. Il n'y a rien dedans qui va
embarrasser...
M. Bédard: II y a une réflexion qui se fait
à ce sujet et quand cette réflexion sera terminée...
M. Marx: Laissez tout le monde faire la réflexion, toute
la population québécoise.
M. Bédard: ... et débouchera sur un projet de loi,
à ce moment, toute l'information nécessaire devra être
donnée et l'information sera donnée.
M. Marx: Combien d'enquêtes et d'études d'experts
ont été faites en vertu de ce programme? Est-ce qu'on a une
idée? Je veux juste avoir une idée.
M. Bédard: Pour 1981, les cas d'enquête, 246, les
cas de recherche, 4867, pour un grand total de 5113.
M. Marx: Cela est toujours fait par des recherchistes et des
enquêteurs qui sont à l'emploi du ministère.
M. Bédard: C'est fait par les coroners.
M. Marx: C'est toujours à l'intérieur du
ministère.
M. Bédard: Non, ce sont les coroners, les coroners ad
hoc...
M. Marx: D'accord.
M. Bédard: ... les six coroners permanents, etc.
M. Marx: Les recherches scientifiques, ce sont des expertises. Ce
sont des gens...
M. Bédard: Non, mais je voudrais que vous soyez
précis dans vos questions. Parlez-vous du travail fait par les coroners
ou du travail fait par le laboratoire de médecine légale? Ce ne
seront pas les mêmes chiffres. Ce n'est pas pareil.
M. Marx: Les enquêtes, c'est 246. Ce sont des coroners.
C'est ça?
M. Bédard: Lorsqu'un coroner fait une enquête, il
fait soit un cas de recherche ou encore une enquête publique. Je viens de
vous donner les chiffres.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que le programme 3 est
adopté? Je dois constater qu'il est 22 heures et, pour les fins du
journal des Débats particulièrement, est-ce qu'il y a une
entente?
M. Bédard: Oui, nous avons une entente pour aller
jusqu'à 23 heures au moins, peut-être plus.
M. Marx: Au moins.
Le Président (M. Desbiens): Alors, il y a une entente
jusqu'à 23 heures.
M. Bédard: On peut aller jusqu'à minuit.
Le Président (M. Desbiens): Consentement pour poursuivre
les travaux de la commission jusqu'à 23 h 30.
M. Bédard: C'est ça.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Cela va.
Le Président (M. Desbiens): Le programme 3 est
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Protection des droits et libertés de la
personne
Le Président (M. Desbiens): Programme 4,
éléments 1 et 2. Est-ce qu'on discute de l'ensemble du
programme?
M. Marx: Le programme 4, est-ce qu'on peut le suspendre? La
présidente de la commission...
Une voix: Elle est là.
M. Marx: Ah, elle est là! Un instant.
M. Bédard: Je demanderais à Mme la
présidente de la Commission des droits de la personne de même
qu'à M. Jacques Tellier, président du Comité de la
protection de la jeunesse de s'approcher de nous. On retrouve, à
l'intérieur de ce programme, deux organismes, soit le Comité de
la protection de la jeunesse, qui est sous la responsabilité de M.
Jacques Tellier, et la Commission des droits de la personne, dont la
présidence est assumée par Mme Francine Fournier.
La Commission des droits de la personne a été
créée en 1975 par la Charte des droits et libertés de la
personne et a pour mandat de promouvoir par toutes les mesures
appropriées les principes contenus dans la Charte des droits et
libertés de la personne, d'exercer les pouvoirs et d'exécuter les
devoirs prescrits par celle-ci. De plus, la commission reçoit et
étudie les demandes du public touchant les droits de la personne et fait
ensuite au gouvernement les recommandations qu'elle juge
appropriées.
Comme vous le savez, le Comité de la protection de la jeunesse a
été créé en 1975 par la loi concernant la
protection des enfants soumis à des mauvais traitements et a
été investi d'un rôle plus large en 1977 par la nouvelle
Loi sur la protection de la jeunesse. Le comité est en quelque sorte le
protecteur des jeunes en difficulté de moins de 18 ans. En tant
qu'organisme chargé de la surveillance et de l'application de la loi, il
enquête sur toute situation où il a des raisons de croire que les
droits d'un enfant ont été lésés et prend les
moyens légaux pour corriger la situation. De plus, le comité a la
responsabilité de promouvoir les droits de l'enfant en difficulté
et de faire connaître la protection que lui assure la loi par
l'élaboration de programmes d'information s'adressant au public et en
particulier aux jeunes eux-mêmes. Il peut, en tout temps, faire au
ministre des Affaires sociales ou au ministre de la Justice les recommandations
qu'il juge appropriées.
Comme vous le savez, en ce qui concerne la Charte des droits et
libertés de la personne, du point de vue gouvernemental, nous nous
sommes engagés à déposer un projet de loi avant la fin de
la présente session, ce qui sera fait, effectivement, au cours de
l'année. Comme les membres de la commission le savent, nous avons
procédé à l'audition de nombreux groupes qui sont venus
faire des représentations, des suggestions sur des amendements possibles
au niveau de l'amélioration de notre Charte des droits et
libertés de la personne, qui est une des plus avancées, je pense,
au Canada.
En ce qui concerne le Comité de la protection de la jeunesse, la
loi 24, il y a présentement un comité de l'Assemblée
nationale, un "select committee", qui a déjà commencé ses
travaux, qui sera en mesure de nous faire certaines recommandations avant la
fin de juin sur des parties précises de la loi où il nous semble
qu'il y aurait avantage que des amendements soient apportés. Je crois
que ça résume un peu non pas l'activité de la Commission
des droits de la personne, parce que nous avons ici avec nous Mme la
présidente. Je pense que plusieurs questions peuvent lui être
posées ainsi qu'au président du Comité de la protection de
la jeunesse.
M. Marx: Je commence à faire le total des projets de loi
que vous allez déposer d'ici à l'automne, il y a
déjà une longue liste.
M. Bédard: Depuis six ans, regardez le volume de
législations. Je vous ai dit que nous étions productifs!
M. Marx: Loi sur les coroners, Code civil, Charte des droits et
libertés de la personne. C'est l'année où vous serez le
plus occupé.
M. Bédard: Oui, tout sera fait. On travaille de
façon ardue, on travaille d'une façon tenace.
M. Marx: Ce sera la première année. M.
Bédard: Non, mais effectivement,
quand on regarde la somme des lois...
M. Marx: La charte sera déposée, le projet de loi
sera déposé d'ici la fin de la session. C'est ça?
M. Bédard: Oui.
M. Marx: D'ici le 19 juin.
M. Bédard: Oui.
M. Marx: Cela, c'est sûr. On va étudier cela durant
l'été et on l'adoptera à l'automne. C'est cela?
M. Bédard: Normalement.
M. Marx: Normalement, d'accord.
M. Bédard: Je vous ai dit que le projet de loi que nous
allons déposer tiendra compte, naturellement, de toutes les suggestions
et recommandations qui ont pu nous être faites par des groupes, mais il
tiendra compte aussi du contexte constitutionnel que vous connaissez.
M. Marx: Est-ce que vous êtes déjà au niveau
de la rédaction du projet de loi au ministère?
M. Bédard: C'est un peu ça.
M. Marx: On me dit que vous êtes encore au niveau des
discussions.
M. Bédard: Nous en sommes à la
rédaction.
M. Marx: Vous en êtes déjà à la
rédaction.
M. Bédard: Si vous aimez mieux, des discussions sur la
rédaction; franchement, je trouve que vous...
M. Marx: Non, mais je veux juste savoir où vous en
êtes; c'est une question normale.
M. Bédard: Où je suis n'est pas tellement
important; ce qui est important, c'est le résultat.
M. Marx: Vous ne savez pas où vous êtes.
M. Bédard: Je vous dis qu'avant la fin de la
présente session, un projet de loi sera déposé concernant
les amendements à la charte.
M. Marx: D'accord, parfait. Est-ce que vous allez consulter la
Commission des droits de la personne sur l'avant-projet de loi ou sur le projet
de loi?
M. Bédard: Nous avons des discussions avec...
M. Marx: Avec qui?
M. Bédard: Vous oubliez une chose, c'est que la Commission
des droits de la personne s'est fait entendre lors des auditions que nous avons
tenues et je crois qu'elle a produit un rapport très substantiel
à cette occasion.
M. Marx: Je veux savoir si vous allez envoyer une copie du projet
de loi...
M. Bédard: Nous allons nécessairement en tenir
compte.
M. Marx: ... et consulter la commission sur l'avant-projet de loi
ou sur le projet de loi en question.
M. Bédard: Sûrement.
M. Marx: Sûrement, d'accord.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais savoir si le ministre est en mesure de
nous dire actuellement quels seront les chapitres principaux qui seront
couverts par le projet de loi, quels seront les sujets principaux, les
thèmes. (22 h 15)
M. Bédard: C'est l'ensemble des sujets qui ont
été traités lors de la commission parlementaire. On se
doit de tenir compte de tous les mémoires qui ont été
présentés à l'occasion de ces auditions. Il est clair que
les programmes d'action positive, les avantages sociaux ont été
mentionnés; la question de la prépondérance de la charte a
été soulevée également. Enfin, je pourrais
peut-être vous faire l'énumération de tous les sujets; ils
sont parmi les plus importants. Il y en a d'autres aussi qui ont
été soulevés à l'occasion de ces auditions et qui
font l'objet d'une analyse particulière.
M. Lalonde: Le ministre peut-il nous donner une
énumération simplement pour qu'on ait une idée de
l'ampleur de ce projet? Évidemment, je ne lui demande pas quelles seront
les propositions...
M. Bédard: Je comprends.
M. Lalonde: ... contenues dans le projet de loi, mais quels sont
les problèmes auxquels il s'attaque. Comme ministre de la
Justice, il a sûrement à coeur un certain nombre de
changements puisqu'il s'est donné la peine de faire préparer ce
projet de loi. Je lui demanderais seulement d'informer la population et la
commission.
M. Bédard: Beaucoup de mémoires nous ont
été présentés sur le problème du
harcèlement sexuel. Alors, c'est clair que cela fait l'objet d'une
préoccupation particulière. La question des avantages sociaux,
les programmes d'action positive aussi. Je dirais que les programmes d'action
positive sont un des sujets sur lesquels j'ai été assez
explicite, même au niveau des travaux de la commission. Je crois vraiment
qu'il faut faire quelque chose de significatif. D'ailleurs, j'avais
déjà, comme vous le savez, déposé un projet qui ne
concernait que ce sujet. Ensuite, plutôt que d'y aller simplement
pièce par pièce, nous avons décidé de tenir des
auditions sur l'ensemble de la charte de manière à essayer de
couvrir le plus adéquatement possible l'ensemble des
préoccupations des groupes et des individus sur les améliorations
à apporter.
Un sujet très important a été soulevé, soit
les pouvoirs d'enquête de la commission. Il y a également eu la
question de la prescription pendant l'enquête.
M. Lalonde: D'accord.
M. Bédard: Je vous parle des principaux. Il y en a
d'autres aussi peut-être tout aussi importants, mais...
M. Lalonde: Peut-être que la présidente a
l'intention d'expliciter sa pensée.
M. Bédard: Oui, sûrement, avec plaisir. Il y a
également l'âge qui a été un sujet très
discuté.
M. Lalonde: ... de l'âge.
M. Bédard: Concernant l'âge. Cela a
été un sujet très présent, continuellement, dans
les préoccupations des groupes qui se sont fait entendre.
M. Marx: Les droits légaux, est-ce que vous avez
l'intention d'y toucher?
M. Bédard: Les droits judiciaires?
M. Marx: Les droits judiciaires, si vous voulez.
M. Bédard: En termes d'élargissement du pouvoir
d'enquête peut-être?
J'ai parlé d'élargissement du pouvoir d'enquête et
dit que c'était un des sujets qui faisaient l'objet d'une analyse.
M. Marx: Sur la prépondérance de la charte,
qu'est-ce que le ministre envisage de faire? Est-ce que ce sera laissé
tel quel? Vous savez qu'il y a une clause nonobstant qui a été
utilisée déjà onze fois par le gouvernement. Est-ce qu'une
charte qui peut être contournée sera contournée? Est-ce que
le ministre...
M. Bédard: Là-dessus, vous connaissez le
processus.
M. Marx: ... a l'intention d'enchâsser la charte d'une
façon ou d'une autre?
M. Bédard: II y aura des recommandations que je ferai au
Conseil des ministres. Les décisions appropriées seront prises.
Je ne crois pas... Au moment où je vous parle, je vous dis qu'il va y
avoir... Je vous demande juste de patienter...
M. Marx: Est-ce que cela va arriver avant ou après
votre...
M. Bédard: ... quelques semaines et vous aurez le
résultat de l'ensemble des décisions prises au niveau de la
législation.
M. Marx: Le ministre a déjà dit ou c'est le premier
ministre qui a dit qu'on va adopter une loi quelconque pour rendre non
applicable le plus possible la charte fédérale. Est-ce que les
amendements à la charte provinciale vont venir après ou avant cet
autre projet de loi?
M. Bédard: Dans un très court délai, je
crois que c'est en avis aujourd'hui, un projet de loi sera déposé
qui va expliciter l'attitude gouvernementale en ce qui a trait à
l'ensemble...
M. Marx: Si vous voulez expliquer la position du gouvernement,
faites une déclaration ministérielle.
M. Bédard: ... de la charte constitutionnelle. Pardon?
M. Marx: Si vous voulez expliquer la position du gouvernement,
faites une déclaration ministérielle.
M. Bédard: On va faire plus qu'une déclaration
ministérielle. Dans un délai très court, nous allons
déposer un projet de loi qui explicitera l'attitude tant du point de vue
juridique que constitutionnel qu'entend prendre le gouvernement face à
la charte constitutionnelle.
M. Marx: Est-ce que le gouvernement va dire, par exemple, que la
liberté de religion qui se trouve dans la charte constitutionnelle ne
s'applique pas aux lois du Québec? Est-ce que ce sera un tel genre
de...
M. Bédard: Nous l'avons déjà dans notre
charte.
M. Marx: Oh non! Ce n'est pas la même chose, M. le
ministre. Dans la charte québécoise, la liberté de
religion n'a pas prépondérance sur toute loi du
Québec.
M. Bédard: M. le Président, mon collègue
sait très bien que je n'avancerai pas...
M. Marx: Non, je ne sais rien, je pose des questions.
M. Bédard: ... plus loin dans le domaine. Je lui dis que,
dans un délai très court, c'est déjà en avis au
feuilleton, un projet de loi sera présenté et, à ce
moment-là, ce sera le temps de faire la discussion.
M. Marx: Donc, ce projet de loi sera présenté avant
qu'on ne présente des amendements à la Charte des droits et
libertés de la personne. C'est ça?
M. Bédard: Oui, dans un délai très court.
Plus tard, mais avant la fin de la session, il y aura, comme je l'ai dit, un
projet de loi concernant les amendements à la charte qui va tenir compte
non seulement des représentations faites par les groupes qui se sont
fait entendre, mais aussi du contexte constitutionnel.
M. Marx: II y a un an ou un an et demi, on a eu un débat
ici même au salon rouge où vous-même, ou le ministre des
Affaires intergouvernementales ou le premier ministre lui-même, avez dit
que le gouvernement était pour l'enchâssement des droits
fondamentaux, c'est-à-dire la liberté de presse, la
liberté de religion, etc. Est-ce que le gouvernement a maintenant
l'intention de faire en sorte que ces droits fondamentaux dans la constitution
canadienne ne s'appliquent pas dans les lois québécoises? Est-ce
l'intention du gouvernement?
M. Bédard: Je crois que vous aurez votre réponse
lorsque le projet de loi sera déposé.
M. Marx: On ne peut pas nous donner une indication
aujourd'hui?
M. Bédard: Une chose est certaine, c'est que ce sera un
projet de loi d'affirmation des pouvoirs de l'Assemblée nationale dans
ce domaine comme dans d'autres domaines.
M. Marx: Oui, mais l'article qui enchâsse les droits
fondamentaux n'enlève pas de pouvoirs à l'Assemblée
nationale, parce que celle-ci peut toujours passer outre le cas
échéant. Est-ce que vous voulez me dire que la volonté
politique du gouvernement, c'est de passer outre à ces droits
fondamentaux?
M. Bédard: Je vous ai dit ce que je peux vous dire au
moment où on se parle, c'est que, dans un délai très
court, vous aurez un projet de loi qui sera déposé et qui donnera
l'attitude gouvernementale, fort probablement dès cette semaine. Il y a
certaines discussions qui doivent être complétées au
Conseil des ministres.
M. Lalonde: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: L'étude des crédits, c'est le moment
privilégié pour les députés pour entendre ceux et
celles qui sont appelés à travailler tous les jours pour
l'application des lois. Est-ce que je peux demander à Mme la
présidente de la commission, dans ce cadre-là, avec la permission
du ministre, naturellement, je pense que c'est dans l'ordre des choses, de nous
indiquer, parce qu'on n'a pas encore le dernier rapport annuel, quels sont les
secteurs d'activités principaux où les fonds publics qui lui ont
été confiés ont été consacrés.
Quelles sont les difficultés particulières qui se sont
présentées à la commission dans le dernier exercice? Ceci
dans un cadre très large, si le ministre me le permet.
M. Bédard: Avec plaisir. Justement, comme nous avons
l'avantage d'avoir avec nous Mme la présidente de la Commission des
droits de la personne, ce sera avec plaisir, et pour le bénéfice
des membres de la commission, que nous allons l'entendre nous faire, dans un
cadre très général, toutes les représentations
qu'elle croira opportun de nous faire.
Le Président (M. Desbiens): Mme la présidente, au
nom du ministre.
M. Bédard: Merci. Il y a une partie importante de nos
activités qui porte sur le secteur des enquêtes, des plaintes que
nous recevons à la commission et des enquêtes que nous faisons.
Nous faisons environ 1100 -peut-être plus que cela - enquêtes par
année. Il y a environ 2000 dossiers d'enquête en cours. C'est
énorme par rapport aux ressources que nous avons. Nous recevons beaucoup
de plaintes ou de demandes au niveau de l'accueil qui ne sont pas
nécessairement des plaintes formelles au niveau de la discrimination,
mais des questions ou des interrogations qui se posent
au niveau des droits fondamentaux en général ou au niveau
d'un article ou l'autre de la Charte des droits et libertés de la
personne. C'est une partie importante de notre travail.
Il y a aussi une partie, comme vous le savez sûrement, qui
concerne l'analyse des lois antérieures à la charte ainsi que
l'analyse des projets de loi qui sont déposés à
l'Assemblée nationale. Nous faisons cette analyse en fonction des
articles de la charte qui sont prépondérants aux autres lois,
mais aussi en fonction de l'ensemble des articles de la charte.
Plus spécifiquement, par exemple, nous avons fait, durant cette
année 1981, une analyse des lois administrées par le
ministère de la Justice sous l'angle des antécédents
judiciaires ou de discriminations sur la base de la condition sociale. Nous
avons aussi des activités d'éducation, nous avons un très
large mandat d'éducation aux droits et libertés et ceci nous
amène à rencontrer énormément de groupes, que ce
soit dans le secteur du travail ou dans celui de l'éducation ou dans le
secteur du logement pour tenter d'expliquer la charte et pour veiller à
ce que les principes de la charte passent au niveau de la population en
général.
Les difficultés que nous avons, je crois, sont de deux ordres.
D'une part, très généralement, une des difficultés
peut être reliée à l'arrivée de notions parfois
nouvelles par rapport à des habitudes prises par un ensemble de
personnes mais qui est aussi certainement liée au niveau des ressources,
qui sont limitées par rapport à un mandat qui est, encore une
fois, très large et très riche.
Une activité que nous avons eue durant cette année 1981 a
été effectivement de faire une analyse en profondeur de la charte
elle-même et des limites qu'elle pouvait avoir, analyse que nous avons
faite à partir de l'expérience que nous avons eue, à
partir de ces cinq années de vie de la Commission des droits et
libertés de la personne ainsi qu'à l'aide d'analyses comparatives
avec d'autres lois ou d'autres expériences, ce qui a donné lieu
au mémoire que nous avons effectivement déposé en
commission parlementaire, que nous avons d'ailleurs continué à
approfondir à la suite d'enseignements que nous avons aussi tirés
des mémoires qui ont été déposés en
commission parlementaire, de même que d'autres groupes qui ont pu faire
valoir leur position face à la commission. (22 h 30)
Le dossier particulier des programmes d'accès à
l'égalité a retenu beaucoup de notre temps, d'une part pour
prendre une position de commission qui nous satisfasse, de manière
à pouvoir faire face à la discrimination systémique et non
pas seulement faire face à la discrimination cas par cas, dans une
intervention très individuelle, mais aussi d'une façon plus
large. Nous avons donc fait beaucoup de travaux pour assurer notre position,
mais aussi dans notre mandat d'éducation à l'information, de
manière à faire valoir notre position auprès des groupes
principalement intéressés. Nous avons fait la même chose
dans d'autres secteurs, par exemple, le secteur de l'âge, l'âge
obligatoire de la retraite, la question des avantages sociaux, nous y avons
travaillé d'une façon très soutenue sur les deux plans,
à la fois au niveau de l'étude et au niveau d'audition de ce que
les groupes ou les personnes avaient à revendiquer.
M. Lalonde: Je vous remercie, madame. Si vous me permettez, M. le
Président...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je vois dans les crédits, au programme 4,
élément 1, qui couvre la Commission des droits de la personne,
une augmentation de crédits de 1 977 800 $ en 1980-1981 à 2 308
200 $ en 1981-1982, ce qui est une augmentation de 330 000 $. Est-ce que vous
avez perçu, de l'année dernière à l'année
qui s'est terminée en fait le 31 mars, une augmentation suffisante de
ressources pour faire face à la demande?
M. Bédard: Non. M. Lalonde: Non?
M. Bédard: Non, je pense que c'est assez évident.
Je pense qu'on a besoin de plus de ressources que ça. Une partie de
l'augmentation des ressources a permis de faire face à l'augmentation en
termes de convention collective. Cela part vite, vous savez.
M. Lalonde: Si je comprends bien, il n'y a pas eu au point de vue
des effectifs une augmentation de 1980-1981 à 1981-1982. Il n'y en aura
pas non plus, si je comprends bien, avec 1981-1982 et 1982-1983, parce que vous
augmentez de 2 308 000 $ à 2 852 000 $, à peu près 550 000
$ sur 2 300 000 $. Encore là, c'est peut-être pour faire face
surtout aux augmentations de la rémunération d'après les
conventions collectives?
M. Bédard: En gros, oui. Il y a eu quelques ajustements,
cependant, au niveau des occasionnels qu'on a réussi à aller
chercher et qui nous ont permis de flotter, si vous voulez, d'une année
à l'autre.
M. Lalonde: Vous avez dit, madame...
M. Bédard: À la suite de Mme la présidente,
je dois dire qu'il se peut qu'il y ait des changements dans ce domaine au
niveau des ressources financières. Le tout doit être
évalué en relation avec l'ensemble des amendements que nous
allons apporter à la charte. Il est clair que notre intention n'est pas
de diminuer, mais d'apporter des amendements en fonction d'assurer plus de
protection aux droits et libertés de la personne. Nous sommes conscients
que ceci va générer nécessairement un travail plus
considérable pour la commission. Je crois qu'à ce moment, il nous
faudra avoir la logique normale qui s'imposera dans les circonstances.
M. Lalonde: Je vous remercie. Maintenant, vous avez dit, par
exemple, que vous avez à peu près 2000 dossiers en cours. Est-ce
que vous pouvez nous dire s'il y a une courbe depuis cinq ans? En fait je ne
parle pas seulement de votre présence à la commission, mais y
a-t-il une courbe ascendante qui vous permet de conclure que les ressources qui
vous sont consacrées en termes d'effectifs et aussi de ressources
financières vous permettront soit de conserver un niveau acceptable de
dossiers en cours, soit de faire un certain rattrapage ou si vous
prévoyez devoir souffrir un recul?
M. Bédard: Cela dépend des ressources qu'on nous
ajoutera, bien sûr.
M. Lalonde: Si vous me permettez, je ne veux pas vous
interrompre, c'est que le ministre vient de dire que si on vous confie une
charge plus grande, il est juste, et je pense que c'est tout à fait
acceptable, qu'on vous confie les ressources nécessaires pour y faire
face. Mais, en dehors de cette hypothèse, compte tenu de la courbe
depuis deux ou trois ans et compte tenu des montants qui vous sont
alloués actuellement par le livre des crédits, est-ce que vous
prévoyez pouvoir rattraper un peu des 2000 dossiers ou si vous
prévoyez, d'après l'augmentation de la demande et en tenant
compte de la loi telle qu'elle existe - pour le reste, on est un peu dans le
domaine de l'hypothèse - est-ce que vous pensez pouvoir faire du
rattrapage ou si vous vous attendez que la situation devienne plus
difficile?
M. Bédard: II est sûr que notre évaluation de
la situation à l'heure actuelle par rapport au mandat que nous avons
avons, aux plaintes que nous recevons et aux enquêtes que nous faisons
etc., et par rapport aux ressources que nous avons est une inadéquation
comme telle. Si c'est permis d'émettre un souhait, au moment où
on réfléchira aux amendements à la charte pour ajouter des
ressources, on pourra peut-être réfléchir à
l'ensemble des besoins de la commission et voir cela un peu plus largement.
Effectivement, actuellement, on n'arrive pas.
M. Marx: D'ailleurs, Mme la présidente...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Je voudrais poser seulement une question.
M. Lalonde: M. le Président, vous permettez?
C'est-à-dire qu'avec les ressources que vous avez actuellement, vous ne
pouvez pas faire face à une nouvelle charge - je comprends cela - et
votre souhait, c'est qu'on vous confie non seulement une charge nouvelle, mais
aussi des ressources nouvelles. Je pense qu'on peut le présumer, mais en
fonction de ce qui existe, pourriez-vous faire une rattrapage avec les
ressources que vous avez ou si vous allez continuer à avoir plusieurs
milliers de dossiers? La charge augmentera-t-elle? Le recul augmentera-t-il?
L'inadéquation, c'est ce que vous voulez dire?
M. Bédard: Je pense que même si on n'avait pas
d'amendements à la charte, si on en restait à ce qu'on a en ce
moment, on n'arriverait pas plus. Remarquez qu'on a fait des efforts
très sérieux aux termes de la rationalisation de l'accueil, de la
réception des plaintes, du traitement des enquêtes de
manière à économiser tout le temps possible, à
être vraiment très économe au niveau de nos ressources,
mais, cela dit, on n'arrive pas.
Je voudrais dire à Mme la présidente de la commission que
nous profiterons sûrement des amendements qui sont apportés
à la charte non seulement pour obtenir les ressources qui seraient
nécessaires par l'adjonction de nouvelles responsabilités, mais,
avec l'aide et l'appui de la Commission des droits de la personne, pour essayer
aussi de faire les pressions nécessaires pour permettre le
rattrapage.
M. Lalonde: Je vais terminer là-dessus, M. le
Président. Je ne veux absolument pas créer d'embarras à
Mme la présidente. Je suis convaincu qu'elle saura présenter un
plan d'effectifs suffisants pour faire face à la nouvelle demande. Je
veux simplement dire au ministre qu'il trouvera chez l'Opposition l'appui le
plus total pour toute demande visant à permettre à la commission
de fonctionner le plus efficacement possible, étant donné qu'on
parle de 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ sur un budget d'environ 20 000 000 000 $ et
que la commission est effectivement le lieu et souvent le dernier recours pour
savoir où aller réellement,
quand on ne sait pas où se jeter. Ce n'est pas seulement le
Protecteur du citoyen qui a l'État devant lui. C'est pour à peu
près tous les cas. Je sais comme député - pas tous les
jours, mais régulièrement - que, dans nos bureaux de
comté, on aime savoir que la commission est là. On aimerait
savoir si elle est en mesure de répondre à ces demandes, car on
ne sait pas où donner de la tête.
M. Bédard: Je me ferai un plaisir et un devoir de
mentionner l'avis de l'Opposition dans les demandes au Conseil du
trésor, non seulement au niveau des ressources nécessaires pour
l'adjonction de nouvelles responsabilités, mais, comme le disait madame,
des ressources qui permettraient un rattrapage certain.
M. Marx: Si je comprends bien, le ministre ne peut plus
blâmer maintenant le gouvernement précédent, parce que le
gouvernement précédent a fait adopter la loi.
M. Lalonde: Je n'ai pas fait de politique, moi.
M. Marx: Non, non. Le gouvernement libéral
précédent a adopté la loi et c'est le ministre actuel qui
l'administre depuis ce temps. Si je comprends bien la réponse de Mme la
présidente, au fil des années, la commission a eu de nouvelles
charges, mais moins de ressources pour faire face à ces nouvelles
charges. Je pense, par exemple, que chaque fois qu'on a amendé la
charte, lorsqu'on a ajouté l'orientation sexuelle ou les
handicapés, la commission n'a jamais eu de ressources
supplémentaires pour faire face à ces nouvelles
responsabilités. Donc, aujourd'hui, la commission se trouve dans une
situation dite d'inadéquation. Est-ce que c'est ça la
conclusion?
M. Bédard: II y a aussi le fait qu'on accomplit un
très bon travail d'information et d'éducation, ce qui fait que
les gens commencent à connaître la commission et se plaignent de
plus en plus à la commission. Enfin, c'est l'ensemble de la situation.
Mais, effectivement, le fait d'avoir ajouté les personnes
handicapées et l'orientation sexuelle, est important. La discrimination
des personnes handicapées est un sujet important.
Il faut trouver le moyen de faire globalement le point
là-dessus.
M. Marx: Pour que tout le monde comprenne, pour les fins du
journal des Débats, comment cela se traduit-il en pratique? Si je
comprends bien, maintenant, quelqu'un va déposer une plainte devant la
commission et ça prendra des mois pour que la commission entende
l'enquête, peut-être même des années. Est-ce que le
ministre entend faire quelque chose? Il veut humaniser la justice, il nous le
dit depuis six ans, mais c'est déshumaniser la justice que de laisser
les choses traîner comme ça.
M. Bédard: Nous allons faire, je dois vous le dire, les
mêmes efforts que nous avons faits au niveau des tribunaux judiciaires,
ce qui nous a permis de constater, comme vous l'avez vu, la diminution dans les
délais d'audition. Je crois que, avec de la ténacité, nous
serons capables d'obtenir les mêmes résultats.
M. Marx: Je m'excuse, M. le Président, mais ça me
fait rire. Depuis six ans, on recule; maintenant, on va se rattraper.
M. Bédard: Au contraire.
M. Marx: Est-ce que vous avez un programme de rattrapage ou si ce
sont seulement des voeux pieux?
M. Bédard: Je viens de vous l'expliquer.
M. Marx: Expliquez-moi ce que vous allez faire pour raccourcir
les délais à la
Commission des droits de la personne. Cela prend déjà des
années. Savez-vous...
M. Bédard: Par des ressources... M. Marx: Un
instant.
M. Bédard: Vous me le demandez, je vous le dis, c'est par
des...
M. Marx: Non, un instant, je vais vous donner un exemple
concret.
M. Bédard: Si vous ne me donnez pas d'exemple, ma
réponse sera la même. Je vous l'ai dit, c'est par des ressources
additionnelles. Puisque vous me demandez de dévoiler ma
stratégie, je crois que le moment le plus indiqué pour faire le
point une fois pour toutes sur ce sujet sera à l'occasion des
amendements qui seront apportés à la charte. Cela
représentera sûrement de nouvelles responsabilités, de
nouveaux droits. Avec ce dossier, non seulement nous apporterons les ressources
nécessaires pour l'augmentation du volume et des responsabilités,
mais, également - je vous l'ai dit et je le répète - nous
essaierons d'obtenir des ressources additionnelles pour permettre le rattrapage
dont a parlé Mme la présidente.
M. Marx: Dans les crédits...
M. Bédard: Là-dessus, concernant le rattrapage, le
dossier est prêt. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.
M. Marx: Ce n'est pas nécessaire de nous en dire plus
parce que, dans les crédits prévus pour l'an prochain, on ne fera
pas beaucoup de rattrapage. On a déjà publié des
crédits, on ne voit pas de rattrapage. Maintenant, vous allez donner
plus de responsabilités à la commission et vous avez un plan de
rattrapage.
M. Bédard: Les crédits sont préparés
presque un an d'avance et les amendements n'étaient pas prêts. Je
vous l'ai dit, nous allons faire le point et sur les amendements et sur les
problèmes de rattrapage, l'ensemble des ressources financières
nécessaires au niveau de la commission à cette occasion.
M. Marx: Les crédits sont préparés un an
d'avance.
M. Bédard: Probablement que, comme pour les délais
judiciaires, vous n'aurez qu'à me féliciter l'année
prochaine pour le travail accompli et les améliorations
apportées.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chapleau. (22 h 45)
M. Kehoe: Mme la présidente, vous avez dit qu'une des
activités de la commission, c'est l'analyse de tous les projets de loi
surtout ceux soumis sans doute par le ministre de la Justice. Quels sont les
résultats de ces analyses? Qu'est-ce que vous faites de ces analyses?
Est-ce que vous faites des recommandations au ministre? Quand le projet de loi
soumis par le ministre de la Justice vient à l'encontre de la charte,
quelle est l'expérience vécue à ce jour?
M. Bédard: Les analyses de ces projets de loi que nous
faisons ne portent pas précisément ou ne portent pas plus sur les
projets de loi qui sont déposés par le ministre de la Justice,
mais sur tous les projets de loi. Enfin, nous examinons tous les projets qui
sont déposés. Il y a certaines années où il y en a
plusieurs qui concernent la Charte des droits et libertés de la
personne. Il y a d'autres années - je ne sais pas exactement pourquoi -
où les projets semblent moins impliquer la charte ou peut-être
est-on moins attentif... Non, ce n'est pas cela.
En fait, ce que nous faisons, c'est que nous envoyons nos analyses au
président de l'Assemblée nationale, au ministre concerné
et au ministre de la Justice. Maintenant, c'est variable. Il y a parfois des
recommandations que nous faisons qui sont des recommandations aux termes de
l'esprit de la charte ou de ce que nous croyons être la meilleure
façon de répondre au principe de la charte. Je devrais pouvoir
vous répondre plus précisément. Mais cela dépend.
Il y a certaines recommandations que nous faisons qui sont reconnues ou
acceptées et d'autres qui ne semblent pas...
M. Kehoe: Quand vous faites une recommandation, vous dites que
c'est évident que cela va à l'encontre de la charte
elle-même. Est-ce que, dans la plupart des cas, la loi est changée
ou si le ministre change... Je ne me le rappelle pas, mais je pense qu'il y a
plusieurs exemples.
M. Marx: Cette année, il n'a pas changé. La Loi sur
la sécurité routière n'a pas été
modifiée malgré l'avis de la commission.
M. Kehoe: Oui, justement.
M. Marx: II n'a pas donné suite à beaucoup de
recommandations de la commission cette année ou l'an dernier.
M. Bédard: Cette année, vous allez remettre le
rapport. Nous avons donné suite à plusieurs recommandations de la
commission concernant tous les cas de discrimination qui pouvaient exister et
qui concernaient le droit de la famille entre autre et, dans la loi no 18, nous
faisons disparaître toute une série de cas de discrimination que
nous sommes en train d'étudier d'ailleurs.
M. Marx: Vous n'avez pas donné suite à la
recommandation de la commission pour qu'il y ait un procès ouvert, des
auditions.
M. Bédard: Nous avons eu effectivement une discussion ici
- je pense que tout le monde se le rappelle - et elle va se continuer à
l'Assemblée nationale, sur une des recommandations de la commission,
à savoir qu'en matière familiale, les procès devaient
être publics, sauf exception. J'ai exprimé très clairement
ma conviction que, dans ce domaine, nous croyons que, quand il s'agit de
matière familiale, d'affaires strictement privées - c'est ce que
nous avons proposé et ce que nous continuons de défendre - la
règle générale devrait être le huis clos, sauf
exception, à savoir qu'il y ait des audiences publiques lorsque la
demande est faite par les personnes qui sont concernées par le
règlement de leurs affaires privées et que le juge jugera bon
qu'il en soit ainsi dans le meilleur intérêt de la justice. Alors,
je crois que ce débat, nous allons continuer de l'avoir en Chambre au
cours de la présente semaine.
M. Marx: C'est le débat qu'on va avoir jeudi
après-midi...
M. Bédard: C'est ma conviction.
M. Marx: ... et je vais vous prouver qu'avec votre...
M. Bédard: Avec tout le respect que j'ai...
M. Marx: ... politique, l'encombrement à la Cour
supérieure de Montréal sera encore pire. On ne va pas discuter.
C'est jeudi après-midi.
M. Bédard: Vous arrivez avec des sujets qui sont
complètement à part.
M. Marx: Je peux vous expliquer cela maintenant, si vous le
voulez. Mais si vous voulez attendre jusqu'à jeudi
après-midi...
M. Bédard: Si vous voulez mêler les pommes et les
oranges, les délais et les problèmes de la commission...
M. Marx: C'est vous qui avez commencé.
M. Bédard: Sur le sujet qui concerne d'une façon
précise Mme la présidente de la Commission des droits de la
personne, effectivement, la position gouvernementale est que, quand il s'agit
de matière familiale, comme on en a décidé à
l'unanimité, à un moment donné, en ce qui a trait à
la Loi sur la protection de la jeunesse, quand il s'agissait des jeunes, nous
croyons qu'il y a lieu d'établir le huis clos comme règle
générale, tout en permettant, lorsque demande en est faite, qu'il
y ait audiences publiques si le juge croit qu'il y va de l'intérêt
public, et je le dis, tout en respectant et l'idée qui a
été émise par l'Opposition et la recommandation faite par
la Commission des droits de la personne, je pense que c'est vraiment une
philosophie ou une manière de voir les choses.
M. Marx: Mais notre position, M. le ministre, c'est qu'une des
parties pourrait demander le huis clos et que ce devrait être
accordé sur demande par le juge.
M. Bédard: Oui, je sais. Vous avez d'ailleurs
déposé un amendement dans ce sens-là à
l'Assemblée nationale.
M. Marx: C'est ça, nous avons déposé un
amendement et nous allons le discuter jeudi après-midi. Maintenant, la
commission fait l'analyse des projets de loi. On a discuté de ça
et vous avez donné suite à très peu de recommandations.
Vous n'avez pas donné suite aux recommandations de cette année de
la commission pour des raisons...
M. Bédard: Écoutez, n'essayez pas de laisser une
impression qui ne reflète pas la réalité. Il arrive
très rarement, en fait, qu'il y ait des projets de loi où il y a
un "nonobstant la charte." Très rarement.
M. Marx: Mais, onze fois depuis 1977, je trouve que c'est
beaucoup.
M. Bédard: À certaines occasions...
M. Marx: La Saskatchewan a la même clause et elle n'a
jamais été utilisée.
M. Bédard: ... c'est fait à l'unanimité de
l'Assemblée nationale, comme dans le cas de la protection de la
jeunesse.
M. Marx: Oui, mais on ne peut pas bloquer un projet de loi parce
que...
M. Bédard: Je pourrais vous donner d'autres exemples
également dans le cas du projet de loi concernant le travail
rémunéré dans les établissements de
détention où, à l'unanimité de l'Assemblée
nationale, nous avons également dû avoir une clause "nonobstant."
Il ne faut quand même pas essayer de tirer des conclusions qui ne
seraient pas correctes.
M. Lalonde: M. le Président, je pense...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... que le ministre ne fait pas justice à
l'histoire. Lorsqu'il dit qu'à l'unanimité, c'est-à-dire
avec le consentement de l'Opposition, permission a été
donnée au gouvernement de faire un accroc ou de suspendre l'application
de la charte, il devrait, en toute justice, dire que l'Opposition, dans ces
cas-là, est appelée à déterminer son vote sur
l'ensemble du projet de loi. Elle peut voter pour un projet de loi, même
s'il contient cet accroc, à cause de la prépondérance des
autres mesures que l'Opposition supporte ou appuie.
M. Bédard: À cause de tout le projet de loi.
D'accord.
M. Lalonde: Mais je pense qu'on doit répéter ici le
souhait de l'Opposition, à savoir qu'une expression d'opinion de la
commission, en ce qui concerne l'application de la charte à un projet de
loi ou l'exception que le gouvernement veut apporter, devrait en principe,
comme présomption presque juris et de jure, avoir la force, la puissance
la plus totale à l'égard d'un gouvernement. C'est le souhait que
l'Opposition fait.
M. Bédard: Je partage cette manière de voir
exprimée par le député de Marguerite-Bourgeoys. Je suis
prêt à convenir, comme il l'a dit, que, dans certains projets de
loi,
étant donné l'ensemble des mesures, l'Opposition peut,
à certains moments, voter pour le projet de loi sans
nécessairement avoir été d'accord sur le "nonobstant",
comme il est arrivé dans certaines situations que l'Opposition, lors de
l'étude - cela a pu arriver à l'Opposition présente comme
à l'Opposition lorsque nous y étions - après analyse de la
situation, ait également été d'accord sur
l'opportunité d'y aller d'une clause "nonobstant". Cela a
été le cas, par exemple, concernant la Loi sur la protection de
la jeunesse où tout le monde même là-dessus était
d'accord; également, je me le rappelle pour l'avoir défendu, dans
la loi concernant le travail rémunéré où on avait
eu une discussion assez large d'un problème assez complexe. Mais, comme
le dit le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est clair qu'il y a
des situations où l'Opposition présente, comme lorsque nous
étions dans l'Opposition, vote pour l'ensemble d'un projet de loi sans
nécessairement voter pour une clause "nonobstant" qui y est
contenue.
M. Lalonde: Si le ministre me le permet, je voudrais prendre la
parole. Ce n'est pas pour clore le débat, ce n'est pas à moi de
le clore mais, en ce qui me concerne, ce serait ma dernière intervention
là-dessus. Si le ministre se souvient bien, la loi 1, qui est devenue la
loi 101, dans son projet, contenait justement cette exception et nous l'avons
combattue. Nous avons eu l'appui de nombreux organismes comme les syndicats,
par exemple, et, en définitive, cette clause a été
retirée.
L'application de la charte n'a pas empêché l'application
très large de la loi 101 avec tous les effets bénéfiques
que le gouvernement y voyait comme, par exemple, la francisation des
entreprises. Je pense que le pari que le gouvernement devrait faire chaque fois
est de laisser à la Charte des droits et libertés de la personne
sa pleine force quitte, éventuellement, à l'expérience,
à réviser sa position.
M. Bédard: En termes de position, comme ministre de la
Justice, les "nonobstant" doivent être des cas très exceptionnels.
Une politique générale doit être nécessairement dans
le sens du respect de la Charte des droits et libertés de la personne.
Le député de Marguerite-Bourgeoys conviendra également
avec moi qu'il arrive que nos légistes et nos experts, en termes de
législation, ne partagent pas nécessairement -j'entends du point
de vue juridique l'analyse juridique qui est faite par la commission; avec tout
le respect que j'ai pour les membres de la commission et leur expertise, il
existe aussi, on le sait, d'autres expertises. Quand on évolue dans le
secteur juridique, à un moment donné, des choix doivent
être faits tout en étant respectueux du professionnalisme de
chacun.
M. Lalonde: Enfin, pour revenir là-dessus, j'aimerais
exprimer, à l'égard de Mme la présidente de la commission,
une certaine gêne. Nous sommes appelés, une fois par année,
à étudier les crédits des ministères et des
organismes qui relèvent de ces ministères. Vous, avec le
personnel que vous dirigez - j'allais dire 24 heures par jour, mais c'est
sûrement non loin de 24 heures par jour dans les préoccupations -
52 semaines par année, faites face à toutes sortes de
problèmes pour appliquer de la manière la plus efficace possible
le mandat que vous avez reçu.
Je suis gêné, d'une année à l'autre, de ne
consacrer que quelques minutes à ce que vous avez probablement à
nous dire, mais j'ai trouvé un truc. J'aimerais vous demander ce que
vous auriez l'intention de nous dire, que vous ne nous avez pas dit encore, que
vous pourriez vous reprocher de ne pas avoir dit si jamais vous aviez un
problème à l'esprit et au sujet duquel vous vous dites: II est
tard et on n'a que quelques heures à consacrer au budget; la fonction
que j'exerce est beaucoup plus importante que ces quelques minutes. Auriez-vous
des inquiétudes à exprimer? C'est notre devoir de vous donner
cette ouverture et, si vous me le permettez, c'est aussi votre droit, de nous
en informer. (23 heures)
M. Bédard: Si je résume, ce n'est peut-être
pas très original, mais cela se situe vraiment au niveau de
l'amélioration de la charte et ceci par rapport aux amendements qu'on a
déjà demandés. Je pense qu'on les a
réfléchis et, comme je le disais tout à l'heure, on les a
vraiment approfondis, je crois, à partir de notre expérience et
des analyses qu'on a pu faire. Avoir les ressources nécessaires - je
sais que je me répète un peu - pour donner suite à ce
mandat qui est très large, très noble, très valable, c'est
très important. Mais, effectivement, c'est frustrant d'avoir un mandat
de cette nature et d'avoir l'impression parfois de ne pas pouvoir vraiment le
remplir d'une façon aussi adéquate qu'on le voudrait. Les
préoccupations dont je pourrais vous faire part sont des
préoccupations globales, au niveau de la société, en
termes de l'importance de faire passer ou de promouvoir les droits et
libertés au niveau de l'ensemble de la société. Nous
vivons dans une société pluraliste, de plus en plus
hétérogène, de plus en plus riche. C'est très
valable, c'est très intéressant. Il faut s'assurer que ces
transformations sociales se font de la façon la plus respectueuse
possible des droits individuels, mais des droits collectifs en même
temps. C'est un équilibre très difficile, je pense, mais à
la fois très
enthousiasmant comme idéal, d'arriver à avoir le respect
de l'ensemble des droits collectifs dans le respect aussi des droits
individuels de chacun.
C'est bien comme ça que nous percevons, que nous avons vu, entre
autres, l'importance de cet acquis par rapport aux inégalités ou
à la discrimination non pas seulement au cas par cas, mais à
partir d'instruments qui soient capables de contrer la discrimination
systémique et institutionnelle, si on veut. C'est ça.
M. Lalonde: Je ne veux pas conclure pour l'Opposition, le
porte-parole pourra le faire, mais, en ce qui me concerne, j'aimerais vous
remercier de la franchise avec laquelle vous nous avez informés de vos
travaux, de vos préoccupations et j'aimerais que vous partiez d'ici avec
la conviction que vous avez l'appui de la très modeste
représentation que l'Opposition peut faire. C'est-à-dire que,
dans le cadre de cette représentation des citoyens, vous avez l'appui,
dans tout ce que vous faites pour promouvoir les droits individuels, des
députés de l'Opposition et souvent nous pensons à vous,
à la commission. Nous souhaitons que vous puissiez avoir et aussi que le
gouvernement - ceci dit sans partisanerie -vous donne les moyens de poursuivre
votre mandat et de promouvoir les libertés individuelles au
Québec.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais revenir sur quelques
questions qui ont été soulevées par le
député de Marguerite-Bourgeoys. Premièrement, en ce qui
concerne l'utilisation de la clause "nonobstant", je n'ai pas
vérifié avec toutes les provinces, dans les lois de toutes les
provinces ou dans les lois d'autres pays, mais je sais que la Saskatchewan a
une clause "nonobstant". Elle n'a jamais été utilisée. Au
Québec, elle a été utilisée onze fois depuis que ce
ministre de la Justice est au pouvoir. Je sais aussi qu'elle est souvent
utilisée sans raison comme dans la Loi sur les jurés, je me
demande pourquoi elle est utilisée. Si on veut qu'on ait une charte qui
ait la primauté sur toute autre loi, c'est ce qu'il faut faire,
c'est-à-dire laisser les juges décider si une loi enfreint la
charte oui ou non et, si c'est nécessaire - c'est comme le
député de Marguerite-Bourgeoys l'a dit - on peut revenir
après avec une clause "nonobstant", le cas échéant.
Je pense qu'il faut faire le pari qu'on veut que la charte ait
préséance sur toute loi et qu'il ne faut pas utiliser la clause
"nonobstant" parce que c'est un précédent assez dangereux
à utiliser. La première fois, c'est un peu difficile. La
deuxième fois, moins difficile. Rendu à la douzième fois,
c'est l'habitude. Le ministre a pris une mauvaise habitude. Il a
peut-être été mal conseillé par ses légistes.
De toute façon, ce ne sont pas les légistes qui mènent la
boîte, j'espère. J'espère que c'est le ministre qui
décide de la politique qu'on va suivre au Québec et d'utiliser
une clause "nonobstant" ou de ne pas l'utiliser. C'est là une politique
du ministère. Ce n'est pas une décision administrative, d'un
légiste ou d'un étudiant en droit qui a fait un travail pour le
ministère. C'est sa responsabilité de décider de ces
questions. J'espère qu'à l'avenir, il va plutôt donner
l'orientation lui-même que de nous dire ici: Mes légistes m'ont
dit qu'il faut utiliser la clause "nonobstant".
M. Bédard: M. le Président, je ne relèverai
pas les exagérations du député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Relevez-en une, s'il vous plaît!
M. Bédard: Chaque fois que des clauses "nonobstant" ont
été introduites dans les lois, cela a fait l'objet d'une
discussion très élaborée. Je l'ai dit tout à
l'heure. Parfois, après analyse, même les membres de l'Opposition
pouvaient être d'accord. Par ailleurs, non. D'autres occasions se sont
présentées alors que l'analyse juridique faite par ceux qui ont
justement comme fonction de me conseiller représentait une
évaluation qui était différente de celle de la commission.
Je crois que, dans le domaine juridique, il faut quand même convenir
qu'il peut y avoir des équipes d'experts qui peuvent arriver à
des conclusions différentes après analyse, tout en étant
très respectueux les uns des autres. Dans ces cas, des décisions
doivent se prendre et je les prends dans le sens de mes responsabilités.
Il est clair qu'en ce qui me regarde, je crois effectivement - je l'ai dit et
il n'est pas nécessaire de le redire - que les avis de la commission
sont de toute première importance. Le respect et la protection des
droits et libertés individuelles sont de toute première
importance dans une société. Comme l'a dit Mme la
présidente tout à l'heure, il y a toujours ce difficile travail
qui consiste à concilier les libertés collectives, celles-ci
s'exerçant dans le plus profond respect des libertés
individuelles, mais il y a un travail...
M. Marx: Le ministre n'a pas compris...
M. Bédard: Je vous ai laissé parler, voulez-vous me
laisser parler?
M. Marx: Vous parlez pour ne rien dire maintenant. Commencez
à...
M. Bédard: S'il fallait...
M. Marx: Non, non, parce que ce n'est
pas la question que j'ai posée.
M. Bédard: ... vous arrêter toutes les fois que vous
parlez pour ne rien dire, j'ai l'impression que les crédits dureraient
environ une demi-heure.
M. le Président, comme l'a dit Mme la présidente, si je
parlais pour ne rien dire, au moment où m'interrompait le
député de D'Arcy McGee...
M. Marx: Ce n'est pas pour ne rien dire, mais vous ne
répondez pas à ma question.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!
M. Bédard: ... je devrai en conclure que Mme la
présidente parlait pour ne rien dire aussi. C'est le jugement du
député de D'Arcy McGee...
M. Marx: Ce n'est pas ma question.
M. Bédard: ... puisque, effectivement, je me
référais à ce qu'a dit Mme la présidente de la
Commission des droits de la personne, il y a toujours un travail
extrêmement difficile de conciliation de ce qu'on appelle les
libertés collectives et également le respect des libertés
individuelles, concernant la nécessité de ressources
additionnelles, non seulement pour faire face à de nouvelles
responsabilités qui peuvent être dévolues à la
commission, mais pour faire du rattrapage par rapport à l'ensemble du
travail qui augmente à la commission. Je crois que c'est un bon signe
que le travail augmente, parce que, comme l'a dit Mme la présidente, il
y a un travail d'information beaucoup plus grand qui se fait auprès de
la population, donc, effectivement, des libertés nouvelles aussi qui ont
été ajoutées, c'est-à-dire des amendements qui ont
été apportés à la charte, par le présent
gouvernement, qui augmentent, encore une fois, les protections des droits et
libertés individuels dans certains secteurs concernant certains groupes.
Sur le point particulier des ressources additionnelles pour le rattrapage, tel
que je vous l'ai dit tout à l'heure, Mme la présidente, à
l'occasion des amendements à la charte, nous allons trouver le moyen de
constituer un dossier complet après avoir fait toutes les consultations
normales entre la commission et le ministère sur ce sujet précis
des ressources, de manière à pouvoir améliorer, je dirais
presque d'une façon définitive, du moins très sensiblement
la situation. Je vous remercie de votre présence ici, de votre
disponibilité et de votre amabilité - je suis sûr
d'exprimer la perception des membres de la commission -à répondre
à toutes les questions qui vous ont été posées.
M. Marx: Peut-être le ministre a-t-il terminé
l'étude de ce programme, mais l'Opposition n'a pas terminé.
M. Bédard: Je voudrais remercier Mme la
présidente.
M. Marx: Elle va rester encore avec nous? Oui?
M. Bédard: Si vous avez d'autres questions. Votre
collègue a semblé faire le tour de la situation. Vous-même,
on a eu l'impression que vous y alliez d'une...
M. Marx: II a fait le tour pour lui-même, mais j'ai
beaucoup de questions, M. le ministre, si ça ne vous dérange
pas.
M. Bédard: Si vous avez d'autres questions...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Premièrement...
M. Bédard: ... est-ce que ce sont des questions
adressées à Mme la présidente? C'est ça que je
voulais dire.
M. Marx: Souvent, je vous pose des questions et c'est la
présidente de la commission qui y répond.
M. Bédard: Je pense que nous avons fait entendre Mme la
présidente à la demande même du député de
Marguerite-Bourgeoys et j'en étais très heureux. Tout ce que je
me permets de vous demander, c'est si vos questions s'adressent plutôt au
ministre.
M. Marx: Aux deux. D'accord?
M. Bédard: Si elles s'adressent aux deux, je vais demander
à Mme la présidente de demeurer disponible.
M. Marx: Pour revenir à la question que j'ai posée
avant que le ministre présente ses remarques générales,
souvent, on met "nonobstant" dans un projet de loi alors que ce n'est pas
nécessaire. C'est-à-dire qu'abstraction faite de ce "nonobstant",
c'est bien possible que les cours de justice décident que l'article
n'enfreint pas la charte. Dans votre programme politique, il y a un article qui
prévoit qu'un jour, au Québec, on va avoir une charte
enchâssée dans la constitution. Donc, votre parti politique ne
pense pas toujours à mettre "nonobstant" dans les projets de loi et dans
les lois. C'est la même chose. Souvent, on écrit "nonobstant" dans
les projets de loi alors que ce n'est pas nécessaire. Il faut
toujours laisser les juges décider si la loi enfreint ou
n'enfreint pas la charte. Je pense que c'est ça le problème. On a
fait ça dans d'autres juridictions, notamment en Saskatchewan, et ils
n'y a pas eu de difficulté.
Je vais passer à une autre question que j'ai déjà
abordée. Quand on parle des ressources à la commission, ça
veut dire quoi en pratique? Un délai de quelques mois ou de quelques
années? Aujourd'hui, quelqu'un qui va déposer une plainte
à la commission va probablement recevoir une lettre, d'ici quelques
semaines ou quelques mois, pour lui dire que l'enquête va commencer dans
quelques mois et que, s'il ne peut pas attendre, il peut s'adresser aux cours
de justice. Je pense que ce n'est pas une façon d'humaniser la justice,
si votre but est d'humaniser la justice, de faire en sorte, depuis des
années, que la commission ne puisse pas répondre aux demandes de
la population. C'est déshumaniser la justice au Québec.
M. Bédard: Si vous voulez répéter votre
sempiternel discours pour les fins du journal des Débats, allez-y.
M. Marx: C'est la vérité.
M. Bédard: Quelqu'un qui veut comprendre comprend vite et
je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys a compris
très vite.
M. Marx: Je veux que le ministre comprenne que tout cela se
traduit dans les faits. Les citoyens du Québec reçoivent des
lettres de la Commission des droits de la personne disant: Votre enquête
va commencer dans quelques mois et, entre-temps, si vous voulez, vous pouvez
vous adresser aux cours de justice.
M. Bédard: Je le sais très bien et c'est dans ce
sens que j'ai fait les représentations que je vous ai dites tout
à l'heure. Si le besoin n'était pas présent ou si je
croyais que le besoin n'est pas présent, je ne vous aurais pas fait les
représentations que je vous ai faites tout à l'heure. Je ne vous
le répéterai pas dix fois pour les fins du journal des
Débats.
M. Marx: On verra l'an prochain, lors de l'étude des
crédits. Vous pouvez demander à vos fonctionnaires de commencer
à préparer les crédits de l'an prochain parce que cela
commence un an d'avance.
M. Bédard: Attendez l'année prochaine,
peut-être aurez-vous à me féliciter comme vous avez
été en mesure de le faire concernant la réduction des
délais de cour. (23 h 15)
M. Marx: J'ai une autre question. Mme la présidente a
parlé de l'analyse des projets de loi. On a discuté cela. Elle a
parlé aussi de l'analyse des lois antérieures à la charte.
Je pense que la commission a déjà envoyé quelques
études au ministre en ce qui concerne ces lois qui ont été
adoptées avant la charte. Qu'est-ce que le ministre a fait de ces
études? C'est une longue discussion entre le ministre, la
présidente et le sous-ministre pour trouver la réponse à
une brève question.
M. Bédard: J'étais distrait. Je ne vous
écoutais pas.
M. Marx: II doit savoir ce qu'il a fait de ces rapports. Est-ce
qu'il y a donné suite ou s'il n'y a pas donné suite? Est-ce qu'il
les a lus?
M. Bédard: Je l'ai dit tout à l'heure. Je ne vais
quand même pas me répéter. C'est évident qu'on n'a
pas donné suite à toutes les recommandations faites par la
commission. Je vous ai dit que, dans bien des lois...
M. Marx: Non, ce n'est pas...
M. Bédard: ... vous êtes à même de le
constater... Dans la loi 18, nous avons fait disparaître beaucoup de
discrimination.
M. Marx: Non, ce n'est pas cela ma question. Ce sont les
lois...
M. Bédard: Concernant les lois antérieures...
M. Marx: C'est cela.
M. Bédard: ... il y a, à l'heure actuelle, un
comité des affaires sociales et nous espérons que cela va
déboucher sur des résultats concrets.
M. Marx: J'ai déjà reçu des études de
la Commission des droits de la personne sur les lois adoptées avant la
charte. D'accord? Est-ce que le ministre a reçu ces études et
qu'est-ce qu'il en a fait?
M. Bédard: On a à corriger une foule de lois
antérieures, de dispositions antérieures qui étaient
discriminatoires. Vous le savez, vous avez étudié le projet de
loi no 18 avec nous.
M. Marx: Mais cela ne vient pas d'une étude faite par la
commission.
M. Bédard: Non, mais je veux dire au niveau de la...
M. Marx: Mme la présidente...
M. Bédard: Voyons donc! Concernant le droit de la famille,
je pense qu'il y a des...
M. Marx: M. le ministre, vous ne suivez pas ce que je veux dire.
La présidente a dit: On a fait l'analyse des lois
antérieures.
M. Bédard: De certaines lois.
M. Marx: Une qui porte sur les antécédents
judiciaires et l'autre sur la condition sociale. Ce sont les deux études
que...
M. Bédard: Effectivement, c'est la même
étude.
M. Marx: C'est la même étude.
M. Bédard: Effectivement, sur les
antécédents judiciaires, nous n'y avons pas encore donné
suite. Tout n'est pas fait.
M. Marx: C'est évident.
M. Bédard: Concernant les affaires sociales, il y a un
comité, à l'heure actuelle, qui est sur pied et qui discute avec
la commission.
M. Marx: L'étude sur les antécédents
judiciaires, en quelle année a-t-elle été rendue
publique?
M. Bédard: En 1981, au mois de juin.
M. Marx: Est-ce que c'est la seule étude que...
M. Bédard: Franchement, comme vous voyez, ce n'est pas un
délai...
M. Marx: ... la commission a rendue publique?
M. Bédard: Durant 1981?
M. Marx: Non, depuis l'existence de la commission, sur cette
question des lois adoptées avant la charte.
M. Bédard: Des études globales, il y a eu
l'étude des lois relevant du ministère des Affaires sociales.
C'était le premier bloc que nous avions fait et soumis. Effectivement,
il y a eu un comité interne au ministère des Affaires sociales
qui a été mis sur pied. Il y a eu des progrès qui ont
été faits dernièrement, en particulier sur... Nous avons
fait des recommandations spécifiques aussi sur la loi concernant les
malades mentaux et les institutions psychiatriques. Ceci est aussi à
l'étude.
M. Marx: Est-ce que le ministre a donné suite à
quelques-unes de ces études?
M. Bédard: Un comité formel a été mis
là-dessus, mais il n'y a pas eu de...
Mme la présidente elle-même dit qu'il y a des
progrès qui ont été faits. Vous n'écoutez
même pas les réponses.
Les amendements ne sont pas apportés encore.
Vous n'écoutez même pas les réponses. Comme vous
avez pu le constater, peut-être pour les fins du journal des
Débats où vous laissez l'impression que cela traînait
très longtemps, c'est quand même le rapport du 19 juin 1981 et,
à ce moment-là, nous étions, je crois,
déjà... En fait, nous avions déjà
réfléchi dans le sens qu'il y aurait des audiences plutôt
que de procéder pièce à pièce au niveau
d'amendements à la charte, qu'il y aurait lieu d'ouvrir l'ensemble de la
charte avec des auditions de groupes afin d'essayer d'apporter toutes les
améliorations possibles non seulement en fonction des lois à
venir, mais, autant que ce sera possible, concernant aussi des lois
antérieures. Dans les lois antérieures, il y a plusieurs
représentations qui avaient été faites par la Commission
des droits de la personne sur toutes les discriminations qui existaient dans le
droit familial.
Je crois que nous sommes en mesure de dire que nous avons
corrigé, effacé, fait disparaître une multitude de
discriminations qui existaient, ce qui nous permet de parler, en tout cas en ce
qui a trait au droit familial, de l'égalité juridique, non
seulement de l'homme et de la femme, mais également au niveau de la
direction morale et matérielle du foyer, et également des
discriminations qui existaient aussi en ce qui a trait aux enfants. On se
rappelle le système qui existait jusqu'à maintenant. Vous ne
l'avez pas corrigé et pourtant ça existait depuis des
années et des années. C'est impensable qu'une
société n'ait pas fait plus vite cette correction concernant
l'illégalité des enfants.
Rappelez-vous toutes les notions qui existaient et qui n'existeront plus
dès que nous aurons terminé notre travail avec le projet de loi
no 18 qui est présentement devant l'Assemblée nationale. Enfin va
disparaître cette notion d'illégitimité, je pourrais dire
plutôt d'illégalité des enfants à leur naissance,
qui existait auparavant et qui n'existera plus maintenant.
Ce sont des améliorations sensibles, je pense, très
importantes au niveau de l'administration de la justice et de l'humanisation de
la justice. S'il y a quelque chose qui rejoint l'humain, c'est bien de faire en
sorte que des lois placent les enfants sur un pied d'égalité
à leur naissance, placent l'homme et la femme sur un pied
d'égalité lorsqu'il s'agit de la direction morale et
matérielle d'une famille et d'un foyer. S'il y a quelque chose qui
rejoint l'humain, c'est bien ce secteur-là.
Le député de D'Arcy McGee pourra peut-être dire
qu'il y a un retard à donner suite à certaines dispositions, mais
il devra convenir qu'un travail fantastique a été fait au niveau
de l'humanisation de la justice dans les domaines dont je viens de parler.
M. Marx: J'ai déjà dit que vous n'avez pas fait un
travail fantastique.
M. Bédard: Je ne vous le demanderai pas, je n'attends pas
que vous le disiez.
M. Marx: L'administration de la justice a pris un recul depuis
que vous êtes en fonction.
M. Bédard: Vous le dites, mais vous n'êtes jamais
capable de le prouver.
M. Marx: Ne me faites pas un procès d'intention.
M. Bédard: S'il y en a un qui fait un procès
d'intention, c'est bien vous.
M. Marx: Le ministre a voulu faire son petit discours de fin de
soirée, mais la question que je pose...
M. Bédard: M. le Président, il faudrait quand
même se comprendre. Le député de D'Arcy McGee croit qu'il a
le droit d'y aller de toutes les affirmations et de poser des questions.
Lorsque vient le temps de répondre pour nous, il nous fait toujours le
reproche que nous faisons un discours alors que nous essayons de
répondre le mieux possible à ses interrogations.
Lui-même nous a dit, au début des travaux de cette
commission, qu'il avait de la difficulté à trouver des questions,
qu'il pensait que c'était beaucoup plus facile de répondre aux
questions que de les poser.
M. Marx: Je vois que c'est l'inverse maintenant.
M. Bédard: II faisait la meilleure preuve de son
inefficacité et, jusqu'à maintenant, peut-être moins dans
le programme qui nous concerne présentement, mais, dans les autres
programmes que nous venons d'étudier, tout ce que nous entendons
jusqu'à maintenant, c'est du potinage, sauf dans le programme où
il a évoqué, je crois, des choses sérieuses, des
inquiétudes sérieuses concernant l'ensemble des droits et
libertés. D'accord, mais, à part ce programme-là, vous
avez été le potineur en chef.
M. Marx: Puis-je poser ma question? Le ministre ne répond
pas à ma question, il donne une réponse tellement
générale qu'il est en train de noyer le poisson.
M. Bédard: Je vous ai dit...
M. Marx: Ma question est très simple et très
précise. Puis-je la poser? La commission a un droit spécifique,
en vertu de l'article 67, paragraphe d) de la charte, qui dit que la Commission
des droits de la personne doit "procéder à l'analyse des lois du
Québec antérieures à la présente charte et qui lui
seraient contraires et faire au gouvernement les recommandations
appropriées." La question que j'ai posée est simple. J'aimerais
savoir - Mme la présidente a répondu à cette question -
quelles recommandations la commission a faites en vertu du paragraphe d) de
l'article 67.
M. Bédard: Mme la présidente vous l'a dit
concernant les antécédents judiciaires et dans le domaine des
affaires sociales.
M. Marx: Oui, mais maintenant...
M. Bédard: Cela fait à peu près dix fois
qu'elle vous le dit. Je vous ai dit que, jusqu'à maintenant, nous
n'avions pas donné suite aux recommandations faites par la commission
dans le domaine concernant les antécédents judiciaires. Je vous
le dis très simplement.
M. Marx: Si vous lisez le paragraphe d) de l'article 67, vous
allez voir qu'il est bien écrit "à l'analyse des lois du
Québec", donc, toutes les lois du Québec. J'aimerais savoir si la
commission, avec les ressources dont elle bénéficie, peut faire
tout ce travail. Cela fait déjà six ans et la commission, si je
comprends bien, n'avait les ressources que pour étudier deux ou trois
lois et quelques règlements. J'aimerais savoir s'il sera possible,
étant donné les ressources de la commission, d'accomplir ce
devoir qui est prévu au paragraphe d) de l'article 67.
M. Bédard: Vous ne voulez vraiment pas comprendre. Je ne
sais pas si vous pensez qu'en vous répétant continuellement dans
le journal des Débats ce sera plus clair. Vous l'avez demandé et
j'ai très bien compris le message de Mme la présidente, si vous
ne l'avez pas compris. Il y a un manque de ressources à la commission
qui, s'il était comblé, permettrait d'offrir plus de services aux
citoyens, qui permettrait, entre autres, un rattrapage qui a été
évoqué par Mme la présidente, qui permettrait sans doute
d'accorder encore plus d'efforts et plus de temps à l'analyse des lois
antérieures. Le message de Mme la présidente est très
clair. J'ai assuré Mme la présidente qu'à l'occasion des
amendements qui seront apportés à l'ensemble de la Charte des
droits et libertés de la personne nous essaierions non seulement de
faire en sorte qu'il y ait les ressources nécessaires aux nouvelles
responsabilités, mais qu'on puisse également aller en
chercher. Là-dessus, j'ai l'appui de l'Opposition ou, en tout cas, celui
de votre collègue, le député de Marguerite-Bourgeoys, qui
est beaucoup plus pratique, et sûrement celui de la présidente et
des membres de la Commission des droits de la personne pour qu'on essaie de
régler ou d'améliorer la situation et pour permettre du
rattrapage. C'est ce que nous allons faire.
M. Marx: Mais les devoirs de l'article 67, paragraphe d), ne
dépendent pas des amendements à la charte, pourquoi n'avez-vous
pas pensé à cela il y a quelques mois?
M. Bédard: Mme la présidente vous l'a dit tout
à l'heure. Même si vous le dites dix fois, on manque...
M. Marx: Mais pourquoi n'avez-vous pas pensé à cela
avant aujourd'hui?
M. Bédard: Mme la présidente vous a dit qu'il y a
un manque de ressources; je vous ai dit, tout à l'heure, dans quel sens
nous...
M. Marx: Mais pourquoi attendre à aujourd'hui pour penser
à cela?
M. Bédard: Si vous parlez tout le temps... Je vous ai dit,
tout à l'heure, dans quel sens nos représentations seront faites.
En ce qui me concerne, cela clôt cette discussion. Si vous voulez
continuer, continuez.
M. Marx: Vous dites que le fait d'augmenter les ressources va
dépendre des amendements que vous allez apporter. C'est
déjà dans la charte de 1975, pourquoi ne pas avoir pensé
à donner plus de ressources à la commission pour qu'elle puisse
compléter son travail?
M. Bédard: Vous m'amenez à faire des
considérations que je me refuse à faire. Lorsque cette commission
a été mise sur pied, elle devait normalement avoir... Vous ne
manquez pas une seule raison de rappeler...
M. Marx: C'est la faute de qui?
M. Bédard: ... et c'est très heureux qu'elle ait
été mise sur pied par l'administration que vous évoquez.
Tout ce travail, dont vous parlez et qui était à faire,
était présent au moment où la commission a
été mise sur pied. Même au départ, on n'avait
peut-être pas les ressources nécessaires pour faire tout le
travail qui était dévolu à la commission.
M. Marx: Les libéraux ont fait adopter la charte et tout
de suite après, ils ont perdu les élections.
M. Bédard: Je n'en ferai pas une question purement
politique.
M. Marx: J'ai une autre question, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Une dernière question,
puisqu'il est 23 h 29.
M. Bédard: Une dernière répétition.
Allez-y. (23 h 30)
M. Marx: J'ai quelques questions. Non, ce ne sont pas des
répétitions. À la fin du compte, j'ai compris que le
ministre n'a pas voulu donner de ressources additionnelles à la
commission avant qu'il ne dépose ses amendements.
M. Bédard: Vous avez mal compris, encore une fois. On
n'obtient pas toujours ce qu'on veut.
M. Marx: Je peux poser ma question sur la commission. Est-ce que
la commission a une procédure précise en ce qui concerne les gens
qui viennent devant elle?
M. Bédard: Procédure d'enquête?
M. Marx: Procédure d'enquête, procédure
d'audition. Est-ce que c'est une procédure précise,
établie? Est-ce que cela varie d'une cause à l'autre? Est-ce que
c'est publié?
M. Bédard: Ce n'est pas publié. Nous avons une
proposition, justement, de publication de ces procédures d'enquête
qui est devant un comité de règles de pratique à
l'intérieur de la commission. Nous avons effectivement, à partir
d'expériences, ajusté et, si vous voulez, amélioré
nos procédures d'enquête en cours d'année. Nous avons
fonctionné à partir de deux types de procédures
d'enquête: l'une inquisitoire. Pendant les premières années
de la commission, cela a été fait surtout à partir de
procédures inquisitoires. Maintenant, nous fonctionnons de plus en plus
à partir de méthodes d'enquête de type contradictoire. Les
procédures, encore une fois, seront rendues publiques incessamment.
Elles sont devant un comité de règles de pratique.
M. Marx: Des procédures contradictoires, cela veut dire
que les personnes sont en présence...
M. Bédard: Les deux parties sont en présence.
M. Marx: ... avec leurs avocats, le cas
échéant.
M. Bédard: Si elles ont des avocats, oui. Ce n'est pas
obligatoire.
M. Marx: C'est devant... M. Bédard: Un
enquêteur.
M. Marx: ... un enquêteur de la commission.
M. Bédard: Ou une enquêtrice.
M. Marx: Une enquêtrice, oui, devant la commission. Quand
c'est contradictoire, est-ce à huis clos ou est-ce que la partie qui a
déposé la plainte peut être présente?
M. Bédard: Oui, c'est ça. La méthode
contradictoire est la méthode où les parties en cause sont en
présence l'une de l'autre. Là, je ne sais pas si vous voulez le
détail de nos procédures qui sont, encore une fois, à
l'étude en ce moment en termes de raffinement. Normalement, les
témoins peuvent être présents durant l'ensemble des
débats, mais il arrive fréquemment que, pour toutes sortes de
considérations, les personnes en présence sont uniquement le ou
la mise en cause ou le ou la plaignante et les témoins viennent
témoigner devant les deux parties et la personne qui fait
l'enquête.
M. Marx: J'aimerais juste poser une autre question à la
présidente de la commission. Je pense que cela cause, je ne dirais pas
un certain préjudice, mais des problèmes aux gens qui se
présentent devant la commission parce qu'ils ne connaissent pas la
procédure de la commission et, donc, ils ne savent pas comment
l'enquête va se dérouler.
M. Bédard: C'est-à-dire que, bien sûr, au
niveau de l'accueil, ils se font expliquer la procédure d'enquête
et la procédure d'accueil. Mais je suis tout à fait d'accord avec
vous: ce sera de beaucoup préférable quand toutes ces
procédures seront publiées et disponibles.
M. Marx: L'accueil, ce n'est pas la mise en cause. Ce n'est pas
la personne qui est l'objet de la plainte.
M. Bédard: Au niveau de l'enquête aussi,
évidemment, des explications sont données.
M. Marx: C'est ça, oui. Est-ce que vous avez l'intention
de publier la procédure, disons, d'ici à quelques mois?
M. Bédard: Oui.
M. Marx: Oui.
M. Bédard: Comme je vous le dis, c'est devant...
M. Marx: Ce sera un règlement interne? Ce sera un
règlement de la commission qui sera, comment dirais-je? adopté
par le lieutenant-gouverneur en conseil ou est-ce que ce sera un
règlement interne de la commission?
M. Bédard: Cela pourrait être l'un ou l'autre, en
l'occurrence. Ce n'est pas obligatoire que ce soit l'un ou l'autre.
M. Marx: Oui, cela peut être l'un ou l'autre.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que
l'élément 1 est adopté?
M. Marx: Non.
Le Président (M. Desbiens): La commission élue
permanente de la justice ajourne ses travaux à demain matin, 10 heures,
au salon rouge.
M. Marx: Est-ce que vous serez ici demain matin? Oui.
(Fin de la séance à 23 h 35)