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(Quinze heures quatorze minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, messieurs:
La commission élue permanente de la justice se réunit pour
l'étude article par article du projet de loi no 62, Loi concernant la
Loi constitutionnelle de 1982.
Les membres de la commission sont: MM. Beaumier (Nicolet), Bédard
(Chicoutimi), Brouillet (Chauveau), Charbonneau (Verchères), Dauphin
(Marquette), Juneau (Johnson), Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), MM.
Lafrenière (Ungava), Marx (D'Arcy McGee), Paradis
(Brome-Missisquoi).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Bissonnet
(Jeanne-Mance), Blank (Saint-Louis), Boucher (Rivière-du-Loup), Brassard
(Lac-Saint-Jean), Ciaccia (Mont-Royal), Dussault (Châteauguay), Martel
(Richelieu) et Pagé (Portneuf).
Une motion serait dans l'ordre pour la nomination d'un rapporteur ou
d'une rapporteuse.
Mme Lachapelle: Puis-je proposer le député d'Ungava
comme rapporteur de la commission?
Le Président (M. Desbiens): Y a-t-il consentement?
Des voix: Unanimement.
Le Président (M. Desbiens): Ce sera donc le
député d'Ungava qui agira comme rapporteur.
M. le ministre, avez-vous des remarques préliminaires? (15 h
15)
M. Bédard: M. le Président, comme nous en sommes
à l'étude du projet de loi article par article, ce n'est pas
notre intention de recommencer le débat de deuxième lecture. Tout
le monde a été à même de constater qu'il y avait des
manières différentes de voir les choses et le présent
projet de loi en est la meilleure illustration. J'ai déjà
informé mon collègue qu'il y aurait un amendement qui serait
apporté qui ne change en aucune façon la nature ou le principe du
projet de loi. Il s'agit, tout simplement, d'un amendement qui a pour objet de
couvrir les projets qui avaient été déposés avant
le 17 avril sans la clause "nonobstant" ou ceux qui pourraient être
adoptés incessamment sans avoir la clause en question. La raison en est
très simple; c'est que, je pense, il était normal que nous ne
mettions pas ces clauses avant que le débat de fond ait lieu sur la loi
62 et qu'elle soit adoptée. Naturellement, il y a certains projets de
loi qui comportent ces clauses "nonobstant", parce qu'il était assez
évident que ces lois seraient adoptées une fois le projet de loi
no 62 adopté. C'est le seul but de l'amendement qui est purement
technique.
Au niveau de l'article 1, M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): On devrait en rester aux
remarques préliminaires.
M. Bédard: Oui, bon.
Remarques préliminaires M. Herbert Marx
M. Marx: Bon, j'ai des remarques préliminaires à
faire. Je ne veux pas reprendre tout le débat qu'on a eu en
deuxième lecture, mais j'aimerais donner notre position d'une
façon concise et précise.
Le projet de loi no 62 soustrait les lois québécoises
à la protection relative aux libertés fondamentales, au droit
à l'égalité et aux garanties juridiques inscrites dans la
constitution canadienne et exige l'accord de l'Assemblée nationale pour
l'adoption du critère relatif à la langue maternelle comme
condition d'admission à l'école anglaise.
À notre avis, le projet de loi no 62 diminue les droits des
Québécois et affaiblit la protection de leurs libertés
fondamentales. Notre opposition porte essentiellement sur ce premier aspect de
la loi, lequel indique bien le refus du gouvernement péquiste d'assurer
aux Québécois la protection constitutionnelle de leurs
libertés fondamentales, essentiellement, de la liberté de
conscience, de religion, de pensée, de croyance, d'opinion, de presse,
de communication, de réunion pacifique et d'association. Voir l'article
2 de la charte constitutionnelle.
Il faut noter que la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne, sanctionnée le 27 juin 1975, n'assure
aucune protection de ces libertés fondamentales. Voir, par exemple, les
articles 1 à 8 inclusivement et aussi les articles 52 et 87 de la
charte.
En effet, l'article 3 de la charte québécoise, qui traite
de ces libertés, est de
caractère déclaratoire et ne peut de ce fait donner lieu
à une sanction légale. Je cite l'article 3: "Toute personne est
titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de
conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la
liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et
la liberté d'association". Mais, comme je viens de le dire, il n'y a pas
de sanction et toute loi québécoise a préséance sur
cet article 3. En d'autres mots, s'il y a une contradiction entre cet article 3
et un autre article dans une loi québécoise, c'est la loi
ordinaire qui a préséance. Sur ce point, la charte
fédérale aurait donc pu renforcer considérablement la
protection des Québécois contre toute atteinte à leur
liberté fondamentale. Il faut dire aussi que s'il y a un
règlement d'une ville qui va à l'encontre de l'article 3 de la
charte québécoise, c'est le règlement de la ville qui
aurait préséance parce que l'article 3 de la charte n'a pas
préséance sur des lois ou des règlements. Il faut
également noter que la charte québécoise des droits ne
s'applique qu'aux lois qui ont suivi son adoption en juin 1975. La charte
fédérale a, quant à elle, un effet rétroactif sur
toutes les lois existantes de Législature provinciale et du Parlement
fédéral. On peut ajouter aussi: sur les règlements
municipaux et d'autres règlements et ordres en conseil.
De plus, les garanties de la loi québécoise peuvent
être écartées sans limite dans le temps dans toute loi
québécoise comme le prévoit l'article 52 de la charte
québécoise. Il faut noter aussi que la charte
fédérale permet certaines dérogations pour cinq ans.
Depuis 1976 et sur la base de l'article 52 de la charte
québécoise, le gouvernement a soustrait au moins neuf lois
à l'application de la charte québécoise. Enfin, la charte
québécoise actuelle peut être modifiée comme toute
autre loi ordinaire votée par l'Assemblée nationale et selon les
mêmes règles. C'est une loi statutaire par opposition à une
loi constitutionnelle. J'aimerais ajouter tout de suite que la charte
québécoise était déjà modifiée; au
lieu d'utiliser la clause "malgré" dans la charte
québécoise, on a modifié directement la charte
québécoise pour qu'il n'y ait pas contradiction entre une loi et
la charte.
J'ai dit que la charte québécoise est une loi statutaire
par opposition à la charte fédérale qui est une charte
constitutionnelle. Il y a sûrement une différence entre ces deux
chartes. Par exemple, dans l'arrêt Curr c. la reine 1972, rapport de la
Cour suprême à la page 899, le juge Laskin a écrit en ce
qui concerne la déclaration canadienne des droits qui est aussi une loi
ordinaire: "À supposer que grâce à la disposition qui se
trouve dans la déclaration canadienne des droits ne s'en voit
privé que par l'application régulière de la loi, il est
possible de contrôler le fonds de la législation
fédérale, question qui n'a pas directement été
soulevée dans l'affaire Régina contre Drybones, il faudrait
avancer des raisons convaincantes pour que la cour soit fondée à
exercer en l'espèce une compétence conférée par la
loi, par opposition à une compétence conférée par
la constitution pour enlever tout effet à une disposition de fond
dûment adoptée par un Parlement compétent à cet
égard en vertu de la constitution et exerçant ses pouvoirs
conformément aux principes du gouvernement responsable, lequel constitue
le fondement de l'exercice du pouvoir législatif en vertu de l'acte de
l'Amérique du Nord britannique".
C'est-à-dire que le juge Laskin dans cet arrêt - il parlait
pour la Cour suprême du Canada - a dit clairement qu'une charte
constitutionnelle a plus de poids qu'une charte qui est une loi ordinaire telle
que la charte québécoise. Pour cette raison, et si on prend
seulement cette raison, il va de soi qu'une charte constitutionnelle sera plus
protectrice des droits et des libertés des Québécois
qu'une charte comme la charte québécoise qui est une loi
ordinaire.
En somme, la charte québécoise des droits adoptée
sous un gouvernement libéral, bien que donnant une protection
très efficace contre la discrimination pour cause de race, sexe,
âge, déficience mentale ou physique, etc., souffre, sur cette
question des libertés fondamentales, de certains handicaps par rapport
à la charte fédérale. Il faut ajouter que, bien sûr,
nous avons une Commission des droits de la personne devant laquelle on peut
déposer une plainte concernant la discrimination. C'était
très efficace depuis quelques années. C'est moins effice, parce
que maintenant, si on dépose une plainte à la Commission des
droits de la personne, il y a une attente de quelques mois jusqu'à un an
avant que la commission fasse enquête. Je trouve que c'est au ministre de
prendre ses responsabilités et de faire en sorte qu'il n'y ait pas de
lenteur de cet ordre. Comme je le lui ai dit déjà, "justice
delayed is justice denied", et je pense que cela a pas mal été le
cas ces jours-ci devant la Commission des droits de la personne.
J'aimerais dire au ministre que ce n'est pas la même chose de
déposer une plainte devant la commission et de déposer la
même plainte devant les tribunaux. Lorsqu'on dépose une plainte
devant la Commission des droits de la personne, la commission a le pouvoir de
faire une enquête. Si on porte cette plainte devant la Cour
supérieure, le juge n'a pas le pouvoir de faire enquête et il n'y
a pas le même recours. Quand la commission des droits écrit aux
gens que cela prendra quelques mois avant qu'on puisse entendre leur
requête, qu'ils peuvent déposer leur plainte à la Cour
supérieure, cela n'est pas le même recours. C'est
pourquoi il est essentiel qu'on fasse quelque chose pour que les
enquêtes soient instituées assez vite devant la Commission des
droits de la personne. J'ai dit qu'il y a quatre handicaps en ce qui concerne
la charte québécoise par rapport à la charte
fédérale. Ces handicaps sont les suivants: la charte
québécoise n'est qu'une déclaration de principe et ne
comporte aucune sanction; elle a le statut d'une loi ordinaire qui peut
être modifiée n'importe quand; elle ne s'applique qu'aux lois
postérieures à juin 1975 et finalement elle permet des
dérogations définitives qui n'ont pas de limite dans le
temps.
Le projet de loi 62 refuse donc aux Québécois un
renforcement de leurs droits fondamentaux. Il signifie en fait une diminution
et une protection moins solide de ces droits. Le projet de loi 62 met en
évidence le refus, par le gouvernement péquiste, du pays canadien
et de toute mise en commun de valeurs fondamentales essentielles et
partagées par tous les Canadiens. En marge, on peut noter que les pays
européens qui sont dans le Marché commun ont signé une
convention des droits de la personne, ce que le Québec se refuse
à faire avec ses provinces voisines qui se trouvent dans le même
pays.
Il s'agit pour le gouvernement péquiste d'un refus global du
Canada et d'une opposition de principe. À preuve, il y a le
caractère global et universel du projet de loi 62. Toutes les lois du
Québec antérieures au 17 avril 1982 sont amendées pour
être exclues de l'application des articles 2 et 7 à 15 de la
charte fédérale. Or, ce recours à la clause nonobstant de
la charte fédérale, a dit le chef de l'Opposition, "ne devrait
être exercé qu'en cas de nécessité solidement
établie et l'on devrait éviter à cet égard de
verser dans une ligne de conduite purement négative". (15 h 30)
Le projet de loi 62 demande aux membres de l'Assemblée nationale
de se prononcer sur une exclusion globale sans en connaître ni les effets
réels ni la nécessité. Aucun relevé précis
n'est fait des lois visées par l'exclusion et le gouvernement
procède techniquement par une refonte complète des lois du
Québec. Si je me souviens bien, c'est la troisième en autant
d'années. Ceci est d'autant moins acceptable que les droits
définis dans les deux chartes sont essentiellement les mêmes. On
peut comparer l'article 2 de la charte fédérale avec l'article 3
de la charte québécoise qui traite des mêmes
matières, c'est-à-dire les droits fondamentaux.
Ceci signifie que le gouvernement péquiste n'a pas d'autre raison
de s'opposer que le refus d'un pays canadien et du renforcement partout au
Canada des droits des Canadiens. Il s'agit d'une obstruction
systématique du gouvernement péquiste qui est
compréhensible étant donné son option
indépendantiste. Mais il reste que cette obstruction laisse les
Québécois moins protégés que d'autres Canadiens sur
le plan des libertés publiques.
Le refus de la Charte canadienne des droits, tel qu'exprimé par
le projet de loi no 62, signifie également qu'une même infraction
pourrait donner ouverture au Québec à deux protections
différentes des droits. Ainsi, poursuivi en vertu du Code criminel en
cas de délit de fuite, un Québécois pourrait invoquer la
charte fédérale des droits, alors que, poursuivi pour la
même infraction en vertu du Code de la sécurité
routière, il ne pourrait le faire. Il arrive souvent, pour un
délit de fuite, que c'est le policier qui décide si la personne
sera poursuivie en vertu du Code criminel ou en vertu du Code de la
sécurité routière. Si le policier décide d'une
façon, la personne aura la possibilité d'invoquer la charte
fédérale, s'il procède en vertu d'une autre loi, d'une loi
québécoise, la personne n'aura pas la possibilité
d'invoquer la charte fédérale.
Le ministre a voulu m'interrompre pour me dire, si j'ai bien compris,
que c'est le procureur qui décide. Vous pourrez me corriger à la
fin, si vous avez des corrections à faire.
M. Bédard: Ne me faites pas dire des choses, si vous ne
voulez pas que je parle.
M. Marx: Peut-être que ce n'est pas le ministre, mais il y
a des gens qui disent que c'est le procureur qui décide en vertu de
quelle loi la personne sera poursuivie.
M. Bédard: Je vous corrigerai tantôt.
M. Marx: Selon mon expérience, c'est souvent, à
Montréal surtout, le policier ou les policiers qui décident en
vertu de quelle loi une personne sera poursuivie et c'est tout à fait
discrétionnaire. Peut-être que le ministre aimerait relire
l'arrêt Regina contre Smythe de la Cour suprême du Canada, pour
bien comprendre ce que je veux dire quand je dis que c'est complètement
discrétionnaire. C'est le procureur, le policier ou qui que ce soit qui
décide si on va poursuivre une personne en vertu de cette loi ou en
vertu d'une autre. Selon la décision du procureur ou du policier, il
sera possible ou non pour cette personne d'invoquer la charte
fédérale ou non.
Ceci nous amène à examiner l'argument de fond que nous
servira le gouvernement, à savoir que la charte fédérale
empiète sur les pouvoirs de l'Assemblée nationale et que surtout,
l'ayant appuyée en ce sens à l'occasion de la motion d'octobre
1981, notre attitude connaîtra maintenant un revirement.
En réalité, les articles 2 et 7 à 15 de la charte
fédérale visés par le projet de loi no 62
n'empiètent justement pas sur les pouvoirs de l'Assemblée
nationale puisque celle-ci peut choisir de s'y soustraire. Le projet de loi no
62 pose donc la question sur le fond et sur l'occasion, pour l'Assemblée
nationale, de choisir ou de renoncer, ce que fait le gouvernement
péquiste, à la protection au Québec des libertés
fondamentales décrites dans les articles 2 et 7 à 15 de la charte
fédérale.
Je répète: Étant donné que
l'Assemblée nationale peut se soustraire de l'application de ces
articles dans la charte fédérale, la charte
fédérale n'empiète pas sur les compétences de
l'Assemblée nationale. Donc, notre proposition d'octobre 1980 et notre
position d'aujourd'hui sont parfaitement en accord. Or, la position du Parti
libéral du Québec sur cette question a toujours été
claire. Nous sommes pour une charte canadienne des droits, notre programme
politique en propose une et le projet de loi no 62 nous permet d'indiquer
clairement à l'Assemblée nationale, sur notre propre terrain de
compétence législative, la raison pour laquelle nous voterons
contre le projet de loi no 62, en toute conformité avec nos positions
antérieures. Nous avons déjà voté contre en
deuxième lecture. Notre choix, du côté libéral,
s'oriente plutôt vers la recherche d'améliorations de fond
à apporter à la charte et nous ne croyons pas que les querelles
de clocher fassent avancer cette cause.
Enfin, le projet de loi no 62 nous amènerait à rappeler le
refus du gouvernement de modifier la loi 101 pour y admettre la clause Canada
comme critère d'admission à l'école anglaise au
Québec. Notre position sur cette question demeure la même. Nous
acceptons le critère de la clause Canada qui permet aux enfants dont les
parents ont fait leurs études primaires en anglais au Canada d'avoir
accès à l'école anglaise. Voir l'article 23 de la charte
fédérale. Nous acceptons également le critère de la
fratrie, également à l'article 23, qui permet à l'enfant
canadien qui a déjà commencé des études en anglais
au Canada et à ses frères et soeurs de les continuer en anglais
au Québec. Dans les deux cas, il s'agit pour nous de faciliter la
mobilité entre Canadiens et de respecter la cellule familiale et,
surtout, de renoncer à des politiques tatillonnes qui ont peu d'effets
positifs sur la balance démographique.
Je pense aussi que c'est une question de justice. Le gouvernement
péquiste a déjà dit qu'il serait prêt à
accepter la réciprocité en matière d'enseignement dans la
langue des parents. C'est évident que cette réciprocité
existe en fait dans la charte canadienne. Je vois mal le raisonnement du
gouvernement de refuser d'accepter l'article 23 de la charte en ce qui concerne
la clause Canada. Nous demandons aussi au gouvernement d'accepter cette clause
Canada et d'entreprendre des ententes, d'entreprendre des négociations,
de faire des ententes de réciprocité avec d'autres provinces pour
la mise en application au Québec et dans d'autres provinces de cet
article 23 de la charte fédérale, parce qu'il faut
peut-être avoir des ententes sur le plan administratif. Quels seront les
certificats qu'on va reconnaître au Québec et ainsi de suite?
Pour toutes ces raisons, nous sommes contre le projet de loi no 62 et
nous votons contre.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, comme vous avez pu le
constater, mon collègue m'oblige à répondre à
plusieurs des affirmations qu'il a faites et qui me semblent erronées.
Essentiellement, il a repris son discours de deuxième lecture. Je ne
croyais pas devoir le faire moi-même, étant donné que le
débat sur le principe du projet de loi s'est fait à
l'Assemblée nationale à l'occasion de la deuxième lecture.
Ce qu'il est intéressant peut-être de remarquer, c'est que, pour
une fois, le critique de l'Opposition a lui-même admis que les droits
définis sont essentiellement les mêmes dans la charte
constitutionnelle et dans la Charte des droits et libertés du
Québec. Il oublie, cependant - et il serait bon de le souligner - qu'il
y a un nombre considérable de droits et libertés qui ne sont pas
protégés par la loi constitutionnelle et qui le sont par la
Charte des droits et libertés du Québec. Qu'il suffise de citer
le droit au secours, le droit à la sauvegarde de la réputation,
le droit au respect de la vie privée et de la demeure, le droit à
la non-discrimination fondée sur la langue, la condition sociale, les
convictions politiques, un handicap, l'orientation sexuelle, l'état
civil, le droit d'un détenu d'être soumis à un
régime distinct approprié à son sexe, son âge et sa
condition physique ou mentale. Tous des droits qui sont dans la Charte des
droits et libertés du Québec et qui ne se retrouvent pas dans la
charte constitutionnelle fut-elle enchâssée. Il y a
également le droit d'une personne arrêtée de
prévenir ses proches, le droit de l'enfant à la protection,
à la sécurité et à l'attention, le droit à
l'instruction publique gratuite, le droit à l'information, le droit des
conditions de travail justes et raisonnables. Ce sont tous des droits qui sont
dans la Charte des droits et libertés du Québec et qu'on ne
retrouve pas dans la charte constitutionnelle. Je pourrais en ajouter: le droit
de toute
personne âgée ou handicapée - ce n'est pas de
n'importe qui qu'on parle, on parle des plus démunis, souvent des plus
mal pris -d'être protégée contre toute forme
d'exploitation. Le droit des minorités ethniques - mon collègue
devrait y être sensible - de maintenir et faire progresser leur vie
culturelle.
M. le Président, en résumé, le projet de loi donne
tout simplement priorité à la charte québécoise,
qui offre aux Québécois une protection infiniment - contrairement
à ce qu'a dit le député de D'Arcy McGee -plus
étendue que celle qu'offre la loi constitutionnelle et une meilleure
protection. J'aime bien les savantes analyses de mon collègue de D'Arcy
McGee qui, comme on le sait, est un professeur de droit constitutionnel, mais
les savantes analyses peuvent devenir rapidement théoriques et
même erronées. Par exemple, je me rappelle très bien,
d'ailleurs j'ai un article de presse à cet égard...
M. Marx: Un professeur...
M. Bédard: ... je me rappelle très bien que,
contrairement à ce que j'affirmais et ce qu'affirmait même le
ministre Chrétien... Le député de D'Arcy McGee avait
laissé entendre que les droits de l'Assemblée nationale
n'étaient pas limités par la charte constitutionnelle, ce qui
s'est révélé complètement faux. Si vous voulez vous
corriger...
M. Marx: J'ai parlé des articles 2, 7 à 15, c'est
ce que j'ai dit.
M. Bédard: Vous avez déjà parlé, vous
corrigerez après.
M. Marx: II ne faut pas mettre dans ma bouche des mots que je
n'ai pas dits. Je ne permettrai pas cela. J'ai dit que les articles 2, 7
à 15 n'empiètent pas sur les compétences de
l'Assemblée nationale. Prouvez-moi le contraire, au lieu de m'accuser
d'être théorique.
M. Bédard: C'est facile à prouver. La meilleure
preuve que vous étiez dans l'erreur, lorsque vous affirmez cela - vous
aimez bien les jugements de constitutionnaliste, professeur, etc. - c'est le
jugement même de la Cour suprême, peut-être un des meilleurs
professeurs qui a dit très clairement...
M. Marx: ... le jugement...
M. Bédard: ... je vous ai laissé parler. Vous
corrigerez après. Il y a tellement d'erreurs que vous avez dites tout
à l'heure, je ne vous ai pas corrigé à mesure. Laissez-moi
le temps de vous reprendre.
M. Marx: Maintenant...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: Soit que vous ne comprenez pas, soit que ce sont des
faussetés.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! Vous aurez l'occasion de répliquer, M. le
député de D'Arcy McGee, si vous le jugez nécessaire.
M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, le jugement même
de la Cour suprême a été très clair, indiquant que
cela pouvait empiéter sur les pouvoirs des Assemblées
nationales...
M. Marx: Nonobstant n'était pas même dans la loi
quand on a rendu le jugement.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: Ce sont des stupidités...
M. Bédard: Je vous dirai tout à l'heure que c'est
le fouillis que vous êtes en train de nous proposer. Laissez-moi y
arriver, on va répondre à toutes vos questions.
M. Marx: Oui, mais avec...
M. Bédard: Vous proposez la même chose que le chef
de l'Opposition. Un fouillis...
M. Marx: Ici, il y a des...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: ... variétés maintenant, il y a des
textes...
M. Bédard: ... indescriptible de lois avec des nonobstant,
des lois avec deux nonobstant si c'est nécessaire, concernant les deux
chartes.
M. Marx: Ce n'est pas la question de dire n'importe quoi, il y a
des textes.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît: Chacun des députés a un droit de parole, vous avez
un droit de 20 minutes pour répliquer si vous le désirez sur un
sujet. Alors, vous avez eu le droit d'utiliser votre droit de parole
tantôt. La parole est au ministre. (15 h 45)
M. Bédard: Le ministre Chrétien est un peu plus
réaliste que vous, parce que lui, au
moins, savait que le projet de charte pouvait entraîner la
révision d'un certain nombre de lois, tant fédérales que
provinciales, admettant qu'à ce moment il y avait nécessairement
empiétement sur les pouvoirs de l'Assemblée nationale. La Cour
suprême a été très claire dans le même sens,
quoi qu'en dise le député de D'Arcy McGee. Des études qui
ont été faites... Le député de D'Arcy McGee se
réfère souvent à des études faites par des juges ou
d'ex-juges. Il devrait relire tout simplement... Quand il affirme que l'article
2, les articles dont on parle ne peuvent pas empiéter sur les pouvoirs
ou attaquer les pouvoirs de l'Assemblée nationale, je
l'inviterais...
M. Marx: Est-ce que ce serait...
M. Bédard: ... tout simplement à relire des
analyses qui ont été faites, entre autres, par l'ex-juge Pratte,
qui disait qu'il est vraisemblable de croire... Je vais vous le lire, vous
faites des affirmations gratuites. C'est le juge Pratte - ce n'est pas moi, le
ministre de la Justice - qui le disait; c'est le juge Pratte, justement
concernant l'article 2 dont vous parlez, qui disait qu'il est vraisemblable de
croire que l'article 2 de la charte aurait pour effet, si on l'appliquait, de
modifier la règle de l'article 1053 du Code civil en ce qui a trait
à la diffamation des hommes publics par la presse et par les autres
moyens de communication; qu'il aurait pour effet de réduire le pouvoir
des tribunaux de condamner pour outrage au tribunal sous l'autorité de
l'article 50 du Code de procédure civile; de rendre inopérante la
Loi sur les journaux et autres publications, qui édicte que nul ne doit
imprimer, publier ou faire publier ou imprimer au Québec un journal ou
pamphlet à moins qu'une déclaration sous serment n'ait
été faite et produite à bureau du greffier de la paix
indiquant, entre autres, les nom, titre, qualité et domicile de
l'imprimeur. L'article 2 pourrait avoir pour effet de rendre inopérantes
un certain nombre de dispositions législatives - c'est cela le pouvoir
de l'Assemblée nationale permettant la tenue d'audition à huis
clos par les tribunaux - on a eu un débat là-dessus - les
organismes disciplinaires ou administratifs, la Loi sur les coroners, la Loi
concernant les enquêtes sur les incendies, la Loi sur la protection de la
jeunesse, la Loi de police, la Charte des droits et libertés de la
personne. Il pourrait également avoir pour effet de rendre
inopérants les articles 257 et 258 de la Loi sur les cités et
villes qui prohibent l'utilisation de drapeaux ou le port d'insignes de nature
politique pendant la durée d'une élection municipale. Bon, enfin,
je pourrais vous donner...
Tout ce à quoi je vous invite, c'est d'être sérieux.
Relisez donc l'opinion qui a été donnée aux membres de
l'Assemblée nationale - et que j'ai rendue publique - par l'ex-juge
Pratte et ceux qui travaillaient avec lui. Vous serez à même de
constater rapidement, M. le Président, que les savantes analyses du
député de D'Arcy McGee, il faut les prendre avec un grain de sel.
Alors qu'il affirme, et il le fait encore maintenant, on ne peut pas mal le
citer, que l'application de ces articles ne peut pas être une attaque aux
pouvoirs de l'Assemblée nationale, on a toute une série de
preuves et de témoignages qui vont dans le sens contraire.
Je considère que le projet de loi no 62 est tout simplement un
refus global de se voir imposer, contre notre assentiment, un système
juridique qui peut être de nature à diminuer les pouvoirs de
l'Assemblée nationale. Vous aurez beau l'interpréter comme vous
voudrez, comme bon vous semble, vous paraissez oublier qu'il y a eu un contexte
constitutionnel, des négociations à l'issue desquelles le
Québec, contre son consentement, s'est vu imposer des choses très
précises du point de vue constitutionnel. Quand on a, comme
député de l'Assemblée nationale du Québec, à
coeur de défendre les droits et pouvoirs de l'Assemblée nationale
-c'est un devoir primordial - l'on peut difficilement comprendre
l'argumentation ou la logique de l'argumentation du député de
D'Arcy McGee qui a voté pour une motion à l'Assemblée
nationale disant que celle-ci ne consentirait en aucune façon à
voir diminuer ses pouvoirs sans son assentiment. C'est tout simplement la suite
logique de cette motion que vous avez votée presque unanimement, en tout
cas à l'unanimité des partis, que nous avons votée
à l'unanimité des partis au niveau de l'Assemblée
nationale. C'est d'autant plus facile de le faire que, nous le disons et le
répétons, au Québec il y a une Charte des droits et
libertés de la personne qui existe et qui protège un nombre
encore plus considérable de droits que ceux qui ne sont
protégés que par la charte constitutionnelle.
Le député de D'Arcy McGee fait un long débat -
là-dessus nous ne sommes pas d'accord - sur les valeurs de notre charte
comme étant une loi statutaire par rapport à
l'enchâssement, il prétend - comme d'autres, et je respecte leur
opinion - que l'enchâssement constitutionnel des droits est
nécessaire à la sauvagarde des libertés individuelles et
des droits démocratiques, mais il doit convenir avec moi que cette
sécurité juridique invoquée peut facilement devenir
théorique; la meilleure preuve en est que la constitution de l'URSS
prévoit une charte complète des droits et libertés, c'est
peut-être une des plus complètes, mais ce n'est sûrement pas
un exemple qu'on peut imiter en matière de protection des droits et
libertés, ce qui nous fait dire que le vrai fondement - tout en
respectant les idées des
autres sur l'aspect juridique - du respect des droits et libertés
au niveau d'une collectivité prend sa base dans la volonté
même des gens, de la population, de vouloir respecter les droits et
libertés de chacun. Sous cet angle, sur ce terrain, je pense que le
Québec n'a pas de leçon à recevoir de qui que ce soit
comme collectivité; il a toujours donné l'exemple non seulement
de la tolérance mais d'un profond respect des droits et libertés,
ce qui nous permet de dire - tout en pensant qu'il y a toujours
possibilité d'amélioration -que s'il y a une place où les
droits et libertés sont respectés, c'est bien au Québec,
et on peut facilement soutenir la comparaison avec quelque province que ce soit
et avec quel que pays que ce soit.
Pourtant, notre charte n'est pas enchâssée, ce qui veut
dire que l'enchâssement n'est pas la garantie de la protection des droits
et libertés, c'est essentiellement la volonté d'une population de
vouloir protéger ces droits et libertés, et le Québec en a
donné un exemple assez évident, assez éloquent
jusqu'à maintenant pour qu'on arrête, à partir de
discussions théoriques sur l'enchâssement ou le
non-enchâssement de douter - ce que fait le député de
D'Arcy McGee - de la volonté de la population du Québec de
continuer à respecter les droits et libertés qui sont dans la
charte, dans notre charte au Québec, et qui se retrouvent
essentiellement dans la charte constitutionnelle, car il y en a même plus
dans la charte du Québec. On n'a pas à douter de cette
volonté en fonction de l'avenir, au contraire, je l'ai annoncé
déjà, il y aura dans l'avenir le plus rapide possible des
amendements qui seront apportés à notre charte et qui en
étendront encore le champ d'application, qui prévoiront d'autres
droits qui seront protégés par la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, et qui ne sont même pas
évoqués, au moment où on se parle, lorsqu'il a
été question de mettre en place la charte constitutionnelle
prévue dans la loi constitutionnelle du fédéral.
Il y a peut-être de petits points pour empêcher de faire de
la démagogie et sur lesquels je pourrais apporter une lumière,
entre autres l'exemple qui a été apporté par le
député de D'Arcy McGee concernant les délits de fuite. Il
sait très bien que d'abord ce sont les procureurs de la couronne qui
prennent la décision. Deuxièmement, les poursuites qui sont
prises l'ont toujours été en fonction du Code criminel. Or, le
Code criminel relève du gouvernement fédéral, il est une
loi fédérale et, on le sait, la charte constitutionnelle
s'applique selon les lois fédérales. Or, la loi que nous
présentons présentement s'applique en ce qui a trait aux lois
provinciales.
Essentiellement, ce projet de loi, encore une fois, je sais que je n'en
convaincrai pas mon collègue, mon vis-à-vis de l'Opposition, est
tout simplement la suite logique à une motion votée à
l'unanimité des partis par l'Assemblée nationale à l'effet
que l'Assemblée nationale n'acceptera jamais, c'est ce qu'elle a dit,
que ses pouvoirs ou ses droits soient touchés sans son consentement. Or,
ils ont été touchés sans son consentement et c'est dans ce
sens que s'explique la loi no 62 comme étant un refus global de cette
attitude d'agression constitutionnelle de la part du fédéral en
ce qui a trait aux droits et pouvoirs de l'Assemblée nationale. Il y a
peut-être d'autres points.
Le député de D'Arcy McGee a beau nous faire de savantes
analyses, encore une fois, sur l'enchâssement préférable au
non-enchâssement. Tout ce que je lui dis, c'est une constatation c'est
qu'on n'avait pas d'enchâssement au Québec. Cela ne nous a pas
empêchés d'être une des sociétés à
l'avant-garde dans le domaine de la protection des droits et libertés.
L'enchâssement est un moyen, pas une fin. Je ne veux pas dire que je ne
respecte pas l'argumentation du député de D'Arcy McGee mais, de
là à faire de l'enchâssement un dogme, nous n'y souscrivons
en aucune façon. Nous avons de bonnes raisons pour ne pas le faire,
puisque nous n'en n'avons pas d'enchâssement ici au Québec et
pourtant nous sommes à l'avant-garde dans le domaine de la protection
des droits et libertés.
Je sais que le député de D'Arcy McGee s'est
réclamé de certaines déclarations faites par le juge
Laskin. On pourrait étendre à n'en plus finir la discussion.
M. Marx: La mémoire...
M. Bédard: Je vous invite simplement à lire des
déclarations qui ont été faites par l'ex-juge de la Cour
suprême, le juge Pigeon...
M. Marx: II n'a jamais...
M. Bédard: ... qui est loin de voir seulement des
avantages à l'enchâssement. Allez donc...
M. Marx: II a donc confirmé ce qu'elle a dit.
M. Bédard: Le juge Martland, ancien juge de la Cour
suprême, va dans le même sens. Écoutez! Que vous ayez vos
convictions, je ne dirais pas, constitutionnelles, mais vos convictions
professorales sur la nécessité de l'enchâssement, je n'ai
rien contre cela et je respecte cela, mais la réalité des choses
vous donne tort. Il y a des preuves patentes de pays où il y a
enchâssement et où, pourtant, les droits sont violés. Il y
a des endroits, il y a des sociétés où il n'y a pas
d'enchâssement, et le Québec fait partie de ceux-là,
où les droits sont mieux respectés.
Je serais prêt à passer à l'étude du projet
de loi, article par article.
Discussion générale
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, j'ai une remarque à
faire.
Je me suis retenu pendant ces dix minutes. Ce n'était pas facile.
C'était bien difficile, je vous le dis, parce que ce que le ministre a
dit...
M. Bédard: Si mon collègue me permet...
M. Marx: ... c'est complètement faux et je vais le
prouver.
M. Bédard: ... peut-être, sur un autre
élément plus sérieux dont il a parlé: c'est
concernant les articles 1 à 8. Je voudrais simplement lui rappeler -
effectivement, il a expliqué le mécanisme qui existe dans la
charte québécoise - par exemple, que, lorsqu'on parle du droit
d'expression - il a cité tous les droits, entre autres, le droit
d'expression - les juges, même avec la charte telle que nous l'avons, la
charte québécoise, sur ces droits fondamentaux, se sont
même prononcés par le biais de l'interprétation de
l'article 10. Vous le savez très bien, il y a eu un jugement, il n'y a
pas si longtemps, concernant le droit d'expression, qui, j'imagine fera son
chemin et est de nature à nous apporter certaines lumières.
L'ensemble du Code de sécurité routière auquel vous vous
êtes référé est soumis à la charte
québécoise. Ce sont essentiellement les mêmes droits qui y
sont définis. (16 heures)
M. Marx: Comme je viens de le dire, je me suis retenu pour dix
minutes, parce que ce que le ministre a dit est faux. Aux articles 2 et 7
à 15, il n'y a pas d'empiétement sur les compétences de
l'Assemblée nationale. Il s'agit de ces articles dans le projet de loi
62. Le ministre a cité des opinions des juristes, mais il a
oublié de dire que ces opinions étaient écrites avant
qu'il y ait un nonobstant dans la charte fédérale. Donc, ce n'est
pas la même chose. Parce que, quand ils ont émis ces opinions, il
n'y avait pas de nonobstant dans la charte fédérale; donc,
c'était évident que c'était un empiétement direct.
Quand la Cour suprême a décidé, il n'y avait pas d'article
nonobstant; mais ici, nous sommes en face d'une charte fédérale
où il y a un nonobstant. On peut se soustraire à l'article 2 et
aux articles 7 à 15. Étant donné qu'on peut se soustraire
à l'application de ces articles, on ne peut pas parler de
l'empiétement sur les compétences de l'Assemblée
nationale. On peut s'en soustraire pour cinq ans à la fois; donc, si on
peut s'en soustraire, où est l'empiétement? Le ministre a pris un
mauvais discours, parce que c'est un discours qui date déjà de
quelques mois. Ce n'est pas à jour.
M. Bédard: Non.
M. Marx: Prenez un de vos mémoires qui est à jour,
pas n'importe quel mémoire. Cela, c'est un mémoire qui
touche...
M. Bédard: Ce sont vos affirmations. C'est bien
malheureux. Depuis quand c'est la vérité parce que le
député de D'Arcy McGee l'a dit?
M. Marx: C'est la vérité, parce que quand Pratt a
écrit cette opinion, il n'y avait pas un nonobstant sur la charte
fédérale; maintenant, il y en a un. Est-ce que cela fait une
différence?
M. Bédard: Vous êtes en train de nous proposer tout
simplement le fouillis. C'est ce que je vous ai dit tout à l'heure. On
parle de droits et libertés. Est-ce que c'est la Charte des droits et
libertés ou la charte des droits et pouvoirs de l'Assemblée
nationale, la charte des droits et pouvoirs du fédéral par
rapport aux Assemblées nationales? Ce que vous êtes en train de
nous proposer, votre raisonnement est spécieux parce que, s'il fallait
que je suive le genre de suggestion que vous faites, qui est en fait la seule
critique à la loi 62, cela voudrait dire qu'il y aurait des lois
québécoises sans clause dérogatoire et auxquelles la
charte fédérale s'appliquerait, d'autres lois
québécoises avec clauses dérogatoires
générales et auxquelles la charte fédérale ne
s'appliquerait pas et la charte québécoise s'appliquerait. Il y
aurait d'autres lois avec des clauses dérogatoires qui ne
s'appliqueraient qu'à un seul article, d'autres avec des clauses
dérogatoires partielles et ainsi de suite. Ce que vous nous proposez,
c'est le fouillis. Autrement dit, de procéder pièce par
pièce.
Sur cet argument que vous apportez, je l'ai déjà dit, la
seule manière intelligente de fonctionner, c'est d'une façon
globale et non pas pièce par pièce...
M. Marx: D'accord.
M. Bédard: ... d'autant plus qu'il faut toujours se
souvenir que toutes ces clauses devront être réadoptées
après cinq ans. S'il fallait procéder pièce par
pièce, l'Assemblée nationale serait alors amenée à
étudier à la
pièce des centaines de dispositions de lois à des dates
différentes. Une telle confusion entraînerait
nécessairement une grande insécurité juridique qui n'est
pas souhaitable et ce serait effectivement le paradis des conflits juridiques.
Or, comme ministre de la Justice, je crois qu'un de mes premiers devoirs, c'est
non pas de multiplier les conflits juridiques, mais de faire en sorte qu'ils
soient le moins nombreux possible parce qu'au bout de la ligne, c'est toujours
le citoyen qui est obligé de payer et d'accepter l'application de deux
chartes en même temps, alors que nous en avons une qui va encore plus
loin que la constitutionnelle. Ce ne serait, à mon sens, pas très
responsable, puisque ce serait la porte ouverte à une série de
conflits juridiques dont les citoyens seraient obligés de faire les
frais.
M. Marx: Je vais continuer. Le ministre s'est glissé d'un
argument à un autre parce que je maintiens qu'il n'a pas
réfuté qu'étant donné qu'on peut se soustraire de
l'article 2 et des articles 7 à 15, on ne peut pas parler de
l'empiétement sur les compétences de l'Assemblée
nationale. On peut se soustraire; donc, on n'empiète pas. Mais, le
ministre a cité des opinions et des jugements qui étaient rendus
avant que la clause nonobstant n'ait été mise dans la charte
fédérale.
En ce qui concerne son argument que la charte provinciale, la charte du
Québec protège mieux parce que, par exemple, l'article 10 de la
charte québécoise prévoit qu'une discrimination
fondée sur les convictions politiques d'une personne est
illégale. Mais le ministre ne semble pas comprendre que les deux chartes
ont une, comment dirais-je, fonction différente. La charte
québécoise vise surtout la discrimination, la charte
québécoise est essentiellement une loi contre la discrimination,
quoique la charte constitutionnelle vise à protéger les droits
fondamentaux et d'autres droits d'une façon plus sûre. Une charte
constitutionnelle n'empêche pas qu'on ait une charte
québécoise. Je dirais même que c'est essentiel, comme aux
États-Unis. L'État de la Californie est lié par la charte
fédérale mais l'État de la Californie a sa charte
étatique, si vous voulez, et je n'ai jamais compris comment le ministre
pouvait parler de conflits entre chartes. J'aimerais demander au ministre plus
tard de me donner un exemple d'un conflit possible entre la charte
fédérale et la charte provinciale. Si on parle d'un conflit, cela
veut dire que la charte fédérale rendra inopérante une
clause dans la charte provinciale. J'aimerais que le ministre me donne un
exemple d'un conflit.
Le ministre a dit que l'enchâssement n'était pas si
important que cela et ainsi de suite. Ce n'est pas moi qui ai dit cela, c'est
le juge Laskin qui a dit qu'une charte constitutionnelle enchâssée
dans la constitution a plus de poids qu'une loi ordinaire...
M. Bédard: Je m'excuse, question de règlement, M.
le Président.
M. Marx: ... comme la charte québécoise. Le juge
Pigeon...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: II n'y a pas de question de règlement ici.
Le Président (M. Desbiens): Des questions de
règlement, oui.
M. Bédard: Oui, des questions de règlement.
Le Président (M. Desbiens): II n'y a pas de question de
privilège.
M. Marx: Vous m'avez dit un autre...
Le Président (M. Desbiens): Mais il y a des questions de
règlement.
M. Marx: Allez-y.
M. Bédard: Je veux juste corriger. Je n'ai pas dit que ce
n'était pas important...
Le Président (M. Desbiens): C'est une...
M. Bédard: J'ai dit que c'était un moyen qui
pouvait se comparer à un autre qui n'est pas l'enchâssement, c'est
tout.
Le Président (M. Desbiens): Alors, M. le ministre, ce
n'est pas une question de règlement.
M. Marx: J'accepte cela comme une question de règlement;
c'est une précision et je ne veux pas faire de procès d'intention
au ministre.
Le Président (M. Desbiens): D'accord, alors, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: C'est drôle parce que dans le programme du Parti
québécois il y a un article qui prévoit que le Parti
québécois est pour l'enchâssement constitutionnel d'une
charte des droits. Il est pour dans son programme mais contre dans les faits.
C'est le juge Laskin qui a dit qu'une charte constitutionnelle avait plus de
poids qu'une charte qui n'est pas constitutionnalisée et le juge Pigeon
était tout à fait d'accord avec lui, parce que lui-même
l'avait dit avant, pas comme cela, mais en d'autres mots dans
l'arrêt Drybones, et je suis sûr qu'il serait d'accord avec
moi. C'est drôle que le ministre commence à comparer les droits
d'ici avec les droits en Union soviétique. Le ministre des Finances
autrefois comparait le Québec à l'Ontario; maintenant il est en
train de comparer le Québec avec le Nouveau-Brunswick. Autrefois, on
comparait les droits et les libertés du Québec avec les
États-Unis; maintenant, on est en train de faire les comparaisons avec
l'Union soviétique. Je pense que le PQ...
M. Bédard: Soyez sans crainte, je ne vous comparerez avec
personne.
M. Marx: Je trouve bien drôle qu'on soit en train de
changer de pays pour faire les comparaisons. Peut-être qu'il y a
là une politique quelque part.
La charte constitutionnelle, ce n'est pas la fin du monde; ce n'est pas
une panacée, je suis tout à fait d'accord. Je suis tout à
fait d'accord avec le ministre quand il dit qu'il y a aussi la volonté
des gens et j'ai bien exprimé cela l'autre jour, je pense, quand j'ai
cité Harold Laski qui a bien dit que les libertés publiques
dépendent en fin de compte du peuple qui est prêt à lutter
pour elles.
Mais il ne faut pas oublier qu'une charte constitutionnelle ne
s'appliquerait pas seulement aux lois du Québec, ce qui est importante,
mais une charte constitutionnelle s'appliquerait aussi aux règlements
municipaux, aux règlements des organismes du Québec. Souvent,
c'est là qu'on trouve de la discrimination et c'est là que l'on
brime les droits des Québécois. Il n'est pas nécessaire
que ce soit dans une loi votée à l'Assemblée nationale. La
discrimination et le non-respect des libertés publiques se trouvent
souvent dans la réglementation qui n'est pas contrôlée
vraiment par l'Assemblée nationale.
J'aimerais juste poser ces deux questions au ministre. J'aimerais qu'il
me donne un exemple où il y a la possibilité d'un conflit entre
la charte fédérale et la charte québécoise.
Deuxièmement, le ministre a déjà dit que la clause dans la
charte fédérale qui prévoit l'égalité
homme-femme va diminuer en quelque sorte les droits des femmes au
Québec. J'aimerais que le ministre m'explique ces deux points.
Premièrement, qu'il me donne l'exemple d'un conflit possible ou probable
entre la charte fédérale et la charte québécoise
où la charte fédérale aurait préséance sur
la charte québécoise et, deuxièmement, qu'il m'explique
comment les droits des femmes au Québec sont diminués à
cause de l'article de la charte fédérale, qui lie le
Québec maintenant, qui prévoit l'égalité
homme-femme.
M. Bédard: M. le Président, je ne recommencerai pas
le débat.
M. Marx: Parce que vous n'avez pas de réponse.
M. Bédard: Avez-vous terminé? Pour ce qui est des
difficultés juridiques que peut poser l'application de deux chartes, je
réfère simplement le député à toute
l'analyse qui a été faite par l'honorable juge Pratte et par ceux
qui l'ont aidé.
M. Marx: C'est théorique.
M. Bédard: C'est théorique, ce doit être un
peu comme vos exposés.
M. Marx: Donnez-moi un exemple. Peut-on suspendre pour cinq
minutes?
M. Bédard: M. le Président peut-on demander de
l'ordre un peu?
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! J'allais dire, juste avant cette intervention,
qu'évidemment le règlement qui s'applique le plus souvent en
commission parlementaire, c'est celui du consentement unanime des partis, mais,
règle générale, il y a une tradition qui veut que,
lorsqu'il y a un tour de table qui est fait de la part du ministre
ordinairement concerné et de l'Opposition, on en vient à
l'étude article par article des projets de loi. Je crois qu'on pourrait
peut-être l'entreprendre.
M. Marx: On va terminer sur ce point. Cela va nous faire gagner
du temps après.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre, en terminant
les remarques générales.
M. Bédard: Je ne recommencerai pas le débat. Je
réfère simplement le député de D'Arcy McGee
à toutes les études, analyses qui ont été faites et
qui concluent à l'insécurité juridique qui peut durer des
années. Entre autres, un juge de la Cour suprême a même
parlé d'une dizaine d'années avant que soit très bien
clarifiée l'interprétation des véritables contenus et des
conséquences de la charte fédérale. À ce
moment-là, je ne recommencerai pas le débat.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que je peux...
M. Bédard: Pour ce qui est des droits des femmes, je pense
que, s'il y a une charte, avec les améliorations qu'on se propose d'y
apporter... Entre autres, l'accès à l'égalité, ce
sera un fait acquis avec les amendements qui s'en viennent où on
permettra les programmes d'accès à l'égalité.
Je crois qu'à ce moment-là cela répondra au
désir déjà exprimé par plusieurs associations de
femmes du Québec, je dirais, d'une façon générale,
par les femmes du Québec.
M. Marx: Je n'ai pas compris la réponse du ministre et
j'aimerais avoir une précision pour m'aider parce que je n'ai pas
accès à tous les documents auxquels vous avez accès.
M. Bédard: Pourquoi ne nous parlez-vous pas un peu des
droits à l'égalité dans la charte constitutionnelle qui
vont être en application seulement dans trois ans? Cela ne semble pas
vous fatiguer. Pourtant, ce sont des droits fondamentaux. Regardez donc la
charte québécoise, cela s'applique dès maintenant pour la
plupart de ces droits-là.
M. Marx: Si le ministre est prêt à demander au
fédéral et aux autres provinces que l'article 15 soit mis en
vigueur tout de suite, on va l'appuyer. (16 h 15)
M. Bédard: Le fédéral a fait son lit,
à ce que je sache, sans demander le concours du Québec, sans
demander l'assentiment du Québec. Soyez donc sérieux un peu quand
vous parlez de droits et de libertés. Je vous vois en train de
déblatérer contre la Charte des droits et libertés du
Québec et essayer de nous vanter les mérites de
l'enchâssement de la charte constitutionnelle, alors que vous savez
très bien que concernant des droits fondamentaux, à savoir
l'égalité des citoyens devant la loi, le fédéral a
décidé que tout cela sera en application dans trois ans.
Pourtant, vous savez que cela rejoint des droits fondamentaux. Nous avons la
Charte des droits et libertés du Québec qui, pour l'essentiel,
protège ces droits et continuera de les protéger. C'est dans ce
sens que je vous dis que la Charte des droits et libertés du
Québec protège mieux et plus, en termes de nombre de droits, que
la charte constitutionnelle. Vous savez très bien que j'ai raison,
à part cela.
M. Marx: J'ai essayé d'expliquer au ministre que les deux
chartes ont des fonctions différentes. Je pense que la charte
québécoise est essentielle, la Commission des droits de la
personne est essentielle au Québec.
M. Bédard: Non seulement est-elle essentielle, elle est
meilleure. C'est notre opinion.
M. Marx: II n'est pas question de savoir si l'une est meilleure
que l'autre, ce n'est pas là la question. On ne peut pas dire que la
déclaration américaine des droits est meilleure que la loi contre
la discrimination de l'État de New York, c'est complètement
à côté de la question. Les deux chartes ont des fonctions
différentes et le ministre ne veut pas le comprendre, c'est son
droit.
J'aimerais avoir une précision sur deux questions.
Premièrement, le ministre a clairement dit cet après-midi qu'il
pourrait y avoir des conflits entre la charte fédérale et la
charte québécoise. J'aimerais que le ministre me donne un exemple
d'un conflit possible.
M. Bédard: S'il y en a un qui est passé
maître dans les interprétations, c'est bien le
député de D'Arcy McGee. Je lui dis tout simplement qu'en termes
d'interprétation - et je le réfère à toutes les
études qui ont pu être faites - nous nous orienterions...
M. Marx: C'est impossible. Donnez-moi un exemple de vos
études.
M. Bédard: Vous en avez, elles ont été
déposées à l'Assemblée nationale.
M. Marx: J'ai lu des études trois fois et je n'ai pas
trouvé un exemple de conflit.
M. Bédard: Relisez-les une quatrième fois,
peut-être que vous en verrez.
M. Marx: Le ministre n'a pas d'exemple, c'est cela, la
conclusion.
M. Bédard: C'est dans les faits que cela va se
matérialiser et vous le savez très bien.
M. Marx: Deuxième précision. J'ai de l'aide, le
chef de l'Opposition vient m'assister dans ce débat.
M. Bédard: Oui, vous avez besoin d'aide.
Une voix: II entendait les bruits.
M. Bédard: II était tanné de vous entendre
déblatérer contre la Charte des droits et libertés du
Québec.
M. Marx: Je n'ai pas déblatéré contre la
charte des droits.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: Ne faites pas le "cheap" avec moi cet après-midi.
Je vous pose des questions sérieuses. Si vous voulez jouer, si vous
voulez faire de la démagogie, continuez, ce sera clair dans les
débats.
M. Bédard: C'est vous qui faites de la
démagogie.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre!
M. Marx: Vous êtes tellement irresponsable cet
après-midi que vous vous permettez de dire n'importe quoi.
M. Bédard: C'est vous qui faites de la
démagogie.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous avez
terminé?
M. Bédard: Vous ne nous parlez que de la grandeur de la
charte constitutionnelle.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: Ma deuxième... M. le Président, j'ai la
parole.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai le droit de parole, ici. Sur la première
précision, il ne m'a pas donné le cas d'un conflit possible ou
probable entre la charte fédérale et la charte
québécoise. Ma deuxième concerne ce que le ministre a dit
- c'était dans tous les journaux, cela a fait la manchette - que la
clause d'égalité homme-femme dans la charte
fédérale va diminuer les droits des femmes du Québec.
Qu'il me donne un exemple.
M. Bédard: Vous en avez des exemples. Puisque vous voulez
absolument un exemple, prenez seulement les programmes d'accès à
l'égalité. Il y a le principe général, tant au
niveau de la charte constitutionnelle qu'au niveau de la charte
québécoise, mais, au niveau des programmes d'application ou
peut-être des réglementations qui en découleront, il peut y
avoir toute une différence de conception de ce que doit être un
programme d'accès à l'égalité entre la charte
fédérale, et la charte québécoise, la perception ou
le désir que peut avoir, par exemple, la Commission des droits de la
personne du Québec. C'est un exemple de l'interprétation et de la
portée de chacune des chartes qui peut, à un moment donné,
nous amener, tel que je vous l'ai dit, non seulement à une
insécurité juridique, mais peut-être à la
négation même de certains droits que nous voudrions donner aux
femmes du Québec par des programmes d'accès à
l'égalité. L'interprétation de la charte constitutionnelle
ne donnerait pas ou les tribunaux n'arriveraient pas à la même
conclusion en termes d'étendue des droits aux femmes du
Québec.
M. Marx: C'est impossible. De toute façon, l'article
15...
M. Bédard: Même chose dans le cas des avantages
sociaux. Il n'y a rien qui dise qu'en Ontario, au niveau des avantages sociaux
accordés aux femmes, les juges ne les interpréteront pas à
leur manière et peut-être d'une façon beaucoup plus
restreinte en termes de droits au niveau de la portée que nous voudrions
que cela ait en réalité. L'avantage que nous avons, avec la
Charte des droits et libertés du Québec, et le fait qu'elle ne
soit pas constitutionnalisée, c'est que nous savons que lorsqu'il y a
une interprétation qui pourrait éventuellement être
donnée par des tribunaux à certains droits, qui ne va pas dans le
sens de ce que voulait manifestement l'Assemblée nationale, le
mécanisme n'est pas compliqué, on revient devant
l'Assemblée nationale et on peut faire les corrections
appropriées. Or, ce n'est pas le cas avec une charte constitutionnelle.
C'est un processus beaucoup plus lourd, vous le savez, par lequel il faut qu'un
certain nombre de provinces soient d'accord avant qu'un amendement ou qu'une
correction ne soient apportés à la charte. Le meilleur exemple
que vous pouvez avoir, c'est le droit à l'égalité des
femmes aux États-Unis. Je pense qu'il y a un amendement à leur
charte des droits et libertés...
M. Marx: Vous mêlez...
M. Bédard: ... qui voudrait voir reconnaître...
ça fait des années, ce n'est pas encore une chose faite.
Pourquoi? À cause du lourd processus d'amendement.
M. Marx: II ne faut pas confondre tout ça, M. le ministre.
Vous confondez trois chartes. Maintenant vous êtes vraiment loin de la
réalité, de la vérité.
M. Bédard: Pas besoin d'être borné seulement
à une, comme le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: L'article 15, paragraphe 2 de la charte
fédérale prévoit la possibilité des programmes
d'action positive donc, il n'y a pas de problème. Le ministre a
parlé longuement, mais il ne m'a pas donné d'exemple et je laisse
ça parce que je vois qu'il n'a pas d'exemple.
M. Bédard: Je vous en ai donné un.
M. Marx: Donnez-moi un exemple. Un exemple, cela veut dire...
M. Bédard: Je viens de vous en donner un concernant les.
programmes d'accès à l'égalité en fonction de
l'avenir. Vous verrez jusqu'à quel point les deux chartes vont se
heurter.
M. Marx: Où est le conflit?
M. Bédard: Attendez, vous le verrez.
Vous allez voir quelle est la portée...
M. Marx: Mais comment les chartes peuvent-elles se heurter si
vous pouviez soustraire l'Assemblée nationale de la charte
fédérale? Ce serait quand même...
M. Bédard: C'est pour ça qu'on le fait. Vous
êtes en train de faire la démonstration.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Marx: Je vous ai donné un exemple où...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee devrait
s'arrêter. Vous êtes en train de faire la démonstration
justement de l'opportunité de faire ce qu'on a à faire pour
éviter des différences d'interprétation.
M. Marx: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Bédard: La meilleure preuve qu'il y a
empiétement ou qu'il peut y avoir empiétement sur les droits de
l'Assemblée nationale, c'est que vous nous dites qu'il n'y a qu'à
utiliser le nonobstant. Vous avez fait encore là la meilleure preuve
qu'effectivement il peut y avoir des dangers d'empiétement sur les
pouvoirs de l'Assemblée nationale. Or, nous, plutôt que de
procéder à la pièce... on peut avoir chacun son
idée et je la respecte. Le chef de l'Opposition a déjà
donné sa manière de voir les choses que je respecte tant au
niveau de l'enchâssement, des valeurs de l'enchâssement qu'à
la manière de procéder législativement, malheureusement,
je ne partage pas la même opinion. Je crois qu'on ne peut pas y aller
à la pièce, c'est mieux d'y aller globalement de manière
justement à éviter l'insécurité juridique. Pensez
seulement une seconde à la tradition d'interprétation restrictive
des tribunaux par rapport à la tradition d'interprétation de
notre Commission des droits de la personne, vous le savez très bien, qui
peut être portée à donner beaucoup plus de portée et
ce, pour l'avantage des citoyens, à certaines libertés.
Je pense que ça pourrait être un des meilleurs exemples. On
a l'interprétation de notre Commission des droits de la personne qui est
beaucoup plus libérale que l'interprétation restrictive des
tribunaux. Je ne condamne pas les tribunaux quand je dis cela.
M. Marx: La question d'interprétation dans tout
ça...
M. Bédard: Ce sont seulement des constatations. À
partir du moment où il y aura des interprétations
différentes, il va falloir corriger le tir. Or, on pourra, dans le
domaine de notre compétence, corriger le tir alors que ce ne serait pas
possible de le faire autrement.
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je pense que le ministre conviendra qu'avec le projet de
loi no 62, les libertés des citoyens sont diminuées.
M. Bédard: Je m'excuse, je ne suis pas d'accord, mais
allez-y.
M. Ryan: On va prendre le temps de développer cela. Je
pense que le ministre va finir par comprendre.
M. Marx: Cela n'est pas sûr.
M. Ryan: Avec la charte constitutionnelle...
M. Bédard: Si vous voulez me promettre de comprendre vous
autres aussi.
M. Ryan: On va faire notre possible. M. Bédard:
D'accord.
M. Ryan: Avec la charte constitutionnelle des droits, il y avait
des articles auxquels le gouvernement veut soustraire le Québec, en
particulier, l'article qui traite des libertés fondamentales. Nous
traitons surtout de celui-ci pour commencer, mais il y a aussi le chapitre qui
traite des droits légaux et l'autre des droits à
l'égalité. La charte est en vigueur à travers le Canada.
La protection qu'elle accorde s'applique à tous les citoyens du Canada,
sauf dans les provinces où le gouvernement a fait adopter une loi
soustrayant les provinces aux dispositions de la charte.
Vous dites, au gouvernement: Nous vous offrons en retour une charte qui
est la meilleure de tout le Canada. À un moment donné, le
pétage de bretelles, c'est excellent pour les exercices
intérieurs, mais quand il s'agit des libertés des citoyens, il
faut qu'ils soient capables de faire la démonstration de sa
validité. Or, nous vous disons que la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, dans ses articles qui traitent
des mêmes sujets, n'a pas la même force d'application que la charte
canadienne des droits. En conséquence, en soustrayant le Québec
à ces chapitres de la charte, pour l'instant qui suit l'adoption de la
loi, les citoyens du Québec vont être moins solidement
protégés au point de vue de leurs libertés fondamentales,
de leurs droits légaux et de leurs droits à
l'égalité que ceux des
autres provinces. Par un effet de votre politique dans ces
matières, que je ne qualifierai d'aucune manière pour l'instant,
il va résulter une diminution efficace des droits.
L'autre jour, je crois que le ministre des Affaires
intergouvernementales a laissé entendre, et vous-même l'avez
laissé entendre à un moment donné, M. le ministre, que le
gouvernement, tôt ou tard, à une date qui reste
indéterminée pour l'instant, présenterait une
législation qui verrait à corriger ces lacunes. Il y a d'autres
lacunes également, dans ces articles de la charte
québécoise, que vous connaissez comme moi. En particulier, elle
n'a pas de force d'antériorité, ni par rapport à des lois
antérieures ni par rapport à des lois postérieures. C'est
énorme.
Vous avez dit: On va présenter une loi qui va corriger cela. On
ne sait pas quelles sont vos intentions de ce côté, comment vous
entendez le faire. Est-ce que vous entendez, éventuellement, faire en
sorte que des droits comme ceux-là soient garantis dans une
espèce de constitution du Québec à l'intérieur d'un
Canada fédéral? Il n'y a rien qui interdit au Québec de se
doter de sa constitution, pourvu que cette constitution ne soit pas
incompatible avec la consitution canadienne. Vous pourriez très bien
dire, par exemple: Nous proposons à l'Assemblée nationale de
décréter, par proclamation légale, que les grandes
libertés fondamentales seront garanties, sauf des changements qui
devront requérir, par exemple, l'adhésion des deux tiers des
membres de l'Assemblée nationale. C'est une manière
d'enchâsser provincialement qui serait beaucoup plus forte - vous en
conviendrez avec moi - que la charte actuelle, qui est une loi statutaire
d'application extrêmement réduite, même dans ses
dispositions générales et à plus forte raison dans les
dispositions dont nous discutons en relation avec la charte canadienne.
C'est le problème auquel vous faites face. Nous allons être
obligés, pour notre plus grand malheur, de vous accuser d'avoir, par une
loi d'inspiration nationaliste à courte vue, effectivement d'avoir
diminué la protection à laquelle avaient accès d'ores et
déjà les citoyens du Québec en raison de la charte
constitutionnelle canadienne des droits. Je ne sais pas si vous êtes
capable de répondre à cela directement.
M. Bédard: J'y ai déjà répondu tout
à l'heure, M. le chef de l'Opposition. Je ne partage en aucune
façon votre affirmation que cela diminue les pouvoirs des citoyens du
Québec. Vous semblez oublier un article très important, l'article
15. Au contraire, l'article 15 de la charte constitutionnelle, qui parle de
droits très importants, les droits à l'égalité, ne
sera en application que dans trois ans. Pourquoi ne nous parle-t-on pas de ces
droits? Je vais lire l'article: La loi ne fait exception de personne et
s'applique également à tous, et tous ont droit à la
même protection et au même bénéfice de la loi,
indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations -
c'est fondamental cela dans une société - fondées sur la
race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe,
l'âge ou les différences mentales ou physiques. Ce qu'on oublie de
dire, par exemple, ce que vous oubliez de mentionner, c'est que tout ça,
ce sont des libertés fondamentales, des droits fondamentaux, et que ce
sera appliqué seulement dans trois ans. (16 h 30)
Non seulement nous ne diminuons pas les pouvoirs des
Québécois, je serais porté à vous dire que nous
assurons la continuité de la protection des droits et libertés
des citoyens du Québec avec l'application de la Charte des droits et
libertés du Québec. Il n'y a pas de discontinuité. C'est
quand même un élément très important. On peut parler
des carences de la Charte des droits et libertés du Québec, comme
parler des carences de la charte constitutionnelle. Il reste cependant que,
malgré toutes ces carences, cela n'a pas empêché le
Québec de se dire à l'avant-garde de la protection des droits et
libertés, non seulement au niveau du Canada, mais en comparaison avec
bien d'autres pays. C'est dans ce sens que je disais qu'on peut peut-être
avoir chacun ses opinions sur les mécanismes et les moyens juridiques
d'assurer les droits et libertés, mais il faut toujours être
conscient que la base des droits et libertés, c'est toujours la
volonté des citoyens d'une collectivité de respecter les droits
et libertés. Ce n'est pas, parce qu'il y a une charte constitutionnelle
maintenant, qu'on a raison de commencer à douter de cette volonté
toujours fortement exprimée, au niveau de la tolérance et au
niveau du désir de respect des droits et libertés qu'a
manifestée le Québec en tant que société.
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Si vous me permettez, M. le Président, j'ai
écouté le ministre avec attention. Je constate qu'il y a dix
articles de la Charte canadienne des droits et libertés qui sont
visés par le projet de loi no 62; dix articles: 2 et 7 à 15; cela
fait dix, n'est-ce pas? On sait donc compter jusqu'à dix, des deux
côtés. Le ministre a évoqué un article, l'article
15, il a dit: celui-là s'applique seulement dans trois ans, par
conséquent, vous ne pouvez pas faire état d'une diminution des
droits qui interviendrait pour les citoyens du Québec, à la suite
de l'adoption du projet de loi no 62. J'en
conviens, j'en conviens dans l'immédiat.
M. Bédard: Mais les autres, le député de
D'Arcy McGee l'a reconnu, sont essentiellement dans notre charte des droits. Ce
sont les mêmes droits dans les deux chartes.
M. Ryan: Le ministre n'a pas beaucoup de défauts, parce
que c'est l'un de mes bons amis, mais il a celui d'interrompre l'autre quand il
parle.
M. Bédard: J'ai appris cela du député de
D'Arcy McGee.
M. Ryan: Je lui dis que, sur les neuf autres articles, nous avons
un argument qu'il ne peut pas réfuter: ces droits ne sont pas garantis
de la même manière, avec la même efficacité et le
même impact dans la Charte des droits et libertés de la personne
du Québec, pour des raisons que je lui ai explicitement
énumérées. Je voudrais avoir une réponse sur ce
point, au complet, parce que c'est le coeur du débat. Nous avons
voté en deuxième lecture contre le projet et nous continuons de
le combattre, justement à cause de cela, parce qu'il en
découle... On peut avoir des raisons supérieures, des raisons
d'État, des raisons nationalistes, des raisons d'évolution
progressive vers la souveraineté qui expliquent des choses comme cela,
mais il faut qu'on admette bien clairement - et si on ne veut pas l'admettre,
nous allons le dire quand même, à défaut de
réfutation solide évidemment - qu'il découle de ceci, hic
et nunc, ici et maintenant, à compter de maintenant, à compter de
l'adoption en troisième lecture et de la proclamation, une diminution
effective des droits et libertés dont jouissaient, avant l'adoption de
ce texte, les citoyens du Québec, en raison de la Charte canadienne des
droits et libertés. Cela, sans remettre en cause, évidemment,
tout le débat qui a eu lieu sur le bien-fondé de la
méthode retenue par le gouvernement fédéral pour imposer
cette charte. Là-dessus, il y a des points sur lesquels nous nous
entendions très bien, mais, une fois cette étape franchie, nous
sommes dans un ordre nouveau. Là, j'ai bien hâte de
connaître la réponse du ministre et de ses conseillers...
M. Bédard: Tout simplement...
M. Ryan: Vous pouvez prendre tout le temps voulu pour vous
consulter, parce que je sais que c'est une question embarassante pour vous
autres.
M. Bédard: Non, mais les articles 7, 8 et 9, est-ce que ce
sont ceux-là auxquels vous vous référez? De 7 à 14,
ils sont dans la charte québécoise.
M. Ryan: Oui, mais...
M. Bédard: ...avec prédominance. Il y a l'article
2...
M. Marx: Ils ne sont pas tous dans la charte
québécoise.
M. Bédard: II y a l'article 2. Écoutez! Je l'ai
pris, essentiellement, si vous voulez faire ce petit jeu...
M. Marx: Non, mais juste une précision.
M. Bédard: Non, mais le jeu des additions. Vous l'avez dit
vous-même que ce sont les... J'ai pris votre affirmation du
début...
M. Marx: L'article 12 n'est pas dans la charte
québécoise.
M. Bédard: Bon. Voulez-vous me laisser parler ou...
M. Marx: Bien, c'est cela, juste une précision.
M. Bédard: Vous-même avez dit que les droits
définis étaient essentiellement les mêmes dans les deux
chartes. Vous l'avez dit vous-même tout à l'heure. Bon, je
pourrais ajouter qu'il y a énormément d'autres droits dans la
charte québécoise qui ne se retrouvent aucunement dans la charte
constitutionnelle et qui font que notre charte, au niveau du nombre de droits
protégés, est beaucoup plus complète que la charte
constitutionnelle, mais les droits qui sont exprimés dans les articles 7
à 14 se retrouvent dans notre charte avec prédominance via
l'article 2. Maintenant, au niveau de l'article 2, j'ai expliqué tout
à l'heure que les tribunaux, même si vous proposez des
améliorations qu'on étudiera au niveau de la charte
québécoise concernant les articles 1 à 9, les tribunaux,
malgré les dispositions de la charte québécoise telle
qu'on la connaît, se prononcent déjà sur ces
libertés qui y sont exprimées. Je faisais
référence, entre autres, à un jugement rendu tout
dernièrement concernant la liberté d'expression, les tribunaux se
sont prononcés sur ces libertés par le biais de
l'interprétation de l'article 10.
M. Marx: Ce n'est pas la même chose parce...
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Marx: ... qu'il faut qu'il y ait discrimination; ce n'est pas
la même chose.
M. Bédard: Je préfère de beaucoup
parler avec le chef de l'Opposition.
M. Marx: Je vais vous expliquer la différence.
M. Bédard: Est-ce que, mécaniquement, il y a des
améliorations à apporter? Nous-mêmes, au niveau du
gouvernement du Québec, il y a de cela un an tout le monde était
conscient qu'il y avait des améliorations à apporter à la
Charte des droits et libertés du Québec. C'est pour cela que nous
avons tenu une commission parlementaire où au-delà d'une
soixantaine de groupes ont été entendus et au moment où je
vous parle, il y a un mémoire qui est acheminé au Conseil des
ministres. Nous travaillons très fort pour en arriver, tel que nous
l'avions promis, à pouvoir déposer un projet de loi avant la fin
des travaux de cette partie de la session.
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Plus j'écoute le ministre, plus j'ai l'impression
que substantiellement il est en train de reconnaître notre point de vue.
Nous autres, encore une fois - et ensuite je vais passer à un
deuxième volet de la même question - nous soutenons que dans
l'état actuel des lois du Québec l'adoption immédiate du
projet de loi no 62 entraîne une diminution effective des libertés
et droits dont jouissent de facto jusqu'à l'adoption de ce texte-ci les
citoyens du Québec au titre de la Charte canadienne des droits et
libertés et tout ce qu'a dit le ministre a confirmé ceci,
même s'il le fait sinueusement. Je le comprends aussi de
procéder...
M. Bédard: Je vais vous interrompre, parce que je n'ai
rien dit qui soit de nature à confirmer votre affirmation, à
l'effet que la loi no 62 diminue les pouvoirs des Québécois.
M. Ryan: Je l'ai établie solidement, mon affirmation et
comme elle n'a pas été réfutée, je suis bien
obligé de convenir que...
M. Bédard: Si vous êtes juge et partie, que
voulez-vous? On n'y peut rien.
M. Ryan: Dans ce cas-ci, j'attends l'argument. Maintenant, si
vous me permettez de continuer là-dessus, je prends cela pour un fait
à moins qu'on m'apporte les arguments véritables, pas des choses
qui tournent autour.
Deuxième point qui me préoccupe. Supposez que le
gouvernement renforce la charte québécoise des droits de la
personne de manière à combler ce vacuum qui va exister tant qu'il
ne l'aura pas fait, résultant en une diminution des droits et
libertés des citoyens du Québec. En procédant comme le
ministre envisage de le faire - je connais mon point de vue implicitement,
c'est cela que je voulais dire tantôt - vous allez être
obligé de légiférer parce qu'il y a un vacuum qui existe
en matière de protection fondamentale des droits. Dans la mesure
même où vous procéderez d'une façon qui garantira ou
visera à garantir une protection efficace des mêmes
libertés fondamentales, à ce moment-là vous allez devoir
reconnaître que les dispositions de la charte québécoise
devront entraîner la possibilité d'un recours devant les
tribunaux, surtout pour les libertés fondamentales. Il me semble qu'on
ne laissera pas cela à une commission administrative quelque part dans
les airs.
M. Bédard: À l'heure actuelle, les tribunaux se
prononcent déjà sur ces droits et libertés; je ne
comprends pas...
M. Ryan: Mais, après qu'une commission administrative a
fait le tamisage; ça prend une autre procédure, à ce
moment-là.
M. Bédard: Oui, mais vous êtes d'accord avec moi que
les tribunaux se prononcent déjà, ça répond au
moins à votre inquiétude et la Commission des droits de la
personne règle presque 95% des cas par la conciliation. C'est ce qui me
faisait dire que je préférais de beaucoup cette manière de
procéder ou d'application à la seule qui pourrait nous être
suggérée par la constitutionnalisation qui est la voie des
tribunaux. Même s'il y a des délais devant la Commission des
droits de la personne, il y en a de solides aussi devant les tribunaux, on le
sait. Et également au niveau du processus d'amendement, je crois que
notre processus d'amendement est préférable au processus
d'amendement constitutionnel parce que cela permet à une
Assemblée nationale de se coller beaucoup plus rapidement aux
réalités sociales qui évoluent parfois très
rapidement. Cela lui permet parfois de corriger très rapidement des
situations, ce qui ne serait pas le cas avec le lourd processus constitutionnel
qui est prévu au niveau canadien. Je pense, entre autres, si le chef de
l'Opposition me permet un exemple: Prenez des problèmes... Nous avons
à vivre certains problèmes en ce qui concerne le ministère
de l'Environnement en ce qui a trait à des programmes d'accès
à l'égalité qui ont été mis en place aux
fins de promouvoir l'avancement d'un groupe en particulier: les femmes. Avec
notre processus législatif, on va pouvoir rapidement corriger la
situation, je prends cet exemple parmi d'autres. Cela pourrait être
énormément difficile concernant d'autres droits et
libertés s'il faut s'en tenir au respect et il faudra s'en tenir au
respect du processus
constitutionnel. Il me semble qu'il y a une série d'avantages, il
n'y a jamais de situation parfaite. Il reste que la Charte des droits et
libertés du Québec, avec les améliorations qu'on peut y
apporter, a fait ses preuves jusqu'à maintenant. S'il y a une place, il
ne faut tout de même pas se péter les bretelles comme vous le
dites, mais je crois que lorsqu'on parle de protection des droits et
libertés des citoyens, le Québec n'est pas à
l'arrière-garde dans ce domaine, loin de là.
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je voudrais compléter le deuxième volet de
ma question. Si le gouvernement présente éventuellement à
l'Assemblée nationale un projet de loi en vertu duquel il renforcerait
les dispositions de la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne touchant les grandes libertés
fondamentales et les droits juridiques, il n'y aura pas beaucoup de
différences, à ce moment avec la charte canadienne au point de
vue de la formulation. On a fait une étude comparative des deux et il y
a peut-être quelques points, mais, dans l'ensemble, il n'y a pas
énormément de différences.
Supposons que vous garantissiez de manière forte, dans la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne, la
liberté d'association, la . liberté d'expression, la
liberté de presse et que là une cause s'institue. Elle s'en va
devant les tribunaux et quand elle s'en va devant les tribunaux, cela veut dire
qu'elle pourra possiblement aller jusqu'à la Cour suprême.
Là, si vous avez - c'est cela qui est ma difficulté de fond en
plus de la première que j'ai mentionnée cela c'est la
deuxième - le même texte à toutes fins utiles dans la
charte québécoise et dans la charte canadienne, qu'est-ce qu'on
va gagner avec toute cette chicane. Au bout de la ligne, cela va être la
même interprétation judiciaire, même si on définit la
liberté d'association, la liberté d'expression dans la charte
canadienne ou dans la charte québécoise, ce sont des grandes
libertés avec lesquelles on ne joue pas du tout. On est arrivé
aujourd'hui, surtout pour ces grandes libertés, oublions les autres qui,
à mon point de vue n'ont pas la même importance au point de vue de
qualité de la vie politique... Ces grandes libertés sont
définies à l'article 2 et à l'article 3 de notre charte
à nous.
Je me demande si vous me permettez juste de compléter ma
question, je voudrais la poser le plus clairement possible. Cela s'en va d'un
côté comme de l'autre, il y en a un qui peut instituer une action
en Ontario au titre de la Charte canadienne des droits et libertés, un
autre va en instituer une au Québec au titre de la Charte
québécoise des droits et libertés de la personne; cela
s'en va dans l'entonnoir judiciaire, cela va sortir à la Cour
suprême au bout de la ligne. Pensez-vous qu'ils vont donner une
interprétation différente de la liberté d'expression, de
la liberté de parole parce que c'est dans la charte
québécoise plutôt que dans la charte canadienne? Il me
semble que c'est la même chose. Je ne vois pas la raison objective et
substantielle qui nous justifie de conduire une lutte à ce niveau parce
qu'au bout de la ligne si nous sommes tous de bonne foi dans la promotion des
libertés et des droits fondamentaux, et je le crois, je ne prête
aucune mauvaise intention au gouvernement sur cela. Si nous sommes tous de
bonne foi, il me semble qu'on s'en va vers le même résultat,
quelles que soient les querelles théologiques ou légalistes qui
sont instituées en cours de route. C'est cela que je voudrais que vous
examiniez avec moi. (16 h 45)
M. Bédard: Le chef de l'Opposition admettra qu'il y a un
vacuum qu'il faut combler concernant l'article 15. Le fédéral
dit, concernant les droits à l'égalité qui sont des droits
fondamentaux, l'application de sa disposition ne viendra que dans trois ans.
Entre vous et moi, ce n'est pas... En tout cas, cela donne un peu
l'appréciation du souci du fédéral concernant les droits
et libertés. Il faut assurer la continuité et même
l'augmentation des pouvoirs et protections concernant les droits et
libertés des Québécois. Par rapport à toute
l'argumentation que vient de faire le chef de l'Opposition, il y a tout
simplement le principe même du projet de loi 62 qui est le droit de
l'Assemblée nationale du Québec de décider. Il me semble
qu'on a, au niveau des partis politiques... Je l'ai dit à plusieurs
reprises, la loi 62, c'est le refus global du gouvernement du Québec de
voir diminuer les droits et pouvoirs de l'Assemblée nationale sans son
consentement. Il me semble que c'est le principe fondamental. Au niveau des
partis, nous étions d'accord. Je comprends qu'il y a eu certaines
abstentions ou certaines défections mais, au niveau des partis, nous
étions d'accord à l'Assemblée nationale.
Or, la preuve a été faite que les articles 2 et 7 à
15, la Cour suprême elle-même l'a dit, pouvaient être de
nature à diminuer les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Donc, la
conclusion est très simple: comme nous n'avons pas donné notre
consentement, comme on s'est passé de notre consententement au niveau de
la loi constitutionnelle, nous avons l'attitude responsable, adoptée par
l'Assemblée nationale, qui est de ne pas vouloir se faire imposer un
système juridique si ce n'est par la volonté même de
l'Assemblée nationale.
M. Ryan: Si je comprends bien, vous faites passer les droits de
l'Assemblée nationale avant les droits des citoyens.
M. Bédard: Non, vous le savez bien, M. le chef de
l'Opposition, on ne fait pas passer les droits de l'Assemblée nationale
avant les droits des citoyens et - en tout cas, je le prétends - nous ne
diminuons pas la protection des droits et libertés des citoyens du
Québec parce que nous avons une charte des droits et libertés qui
va continuer de s'appliquer. On peut mettre en doute certains de ses
mécanismes. Cela, c'est une question de discussion mais il reste quand
même que ce moyen, joint à la volonté des
Québécois comme communauté de respecter les droits et
libertés, a fait que jusqu'à maintenant on peut dire que le
Québec est à l'avant-garde de la protection des droits et
libertés.
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je n'en reviens pas...
M. Bédard: Ce n'est pas un si mauvais système.
M. Ryan: ...il y a quelque chose qui me surprend à
l'Assemblée nationale. Je pense que j'aurai toujours de la misère
à m'habituer à cela. C'est qu'on peut faire une
démonstration parfaite d'une chose, même au plan des chiffres
à certains moments, et six mois après on entend un gars du
gouvernement répéter la même leçon qu'avant, comme
si on n'en avait pas discuté. Et cela, c'est une chose
désarmante. Je ne vous blâme pas en particulier, M. le ministre,
mais c'est quelque chose que je ne comprends pas. Dans les secteurs où
j'ai évolué longtemps, à un moment donné, quand on
avait fait une démonstration, le gars était assez intelligent, il
disait: Très bien, celle-là est faite, on passe à autre
chose. Mais ici on revient. On a discuté des accords fiscaux il y a
quelque temps. On a fait une démonstration solide que le coût des
changements de politique, c'est à peu près 300 000 000 $. De
l'autre côté, tout le monde répète encore, il y en a
encore qui sont perdus dans les 600 000 000 $. Il y en a qui sont descendus
à 500 000 000 $. Jamais personne n'a répondu à l'argument
mais ils répètent tous leur thèse comme des ...je
n'emploie pas d'autre expression.
M. Bédard: Je pense que le chef de l'Opposition sait comme
moi que c'est difficile de mettre tout le monde d'accord.
M. Ryan: Ce n'est pas cela que je demande. Cela ne me fait rien
qu'on ne soit pas d'accord.
M. Bédard: Même avec les meilleures
démonstrations, tout le monde y va de ses convictions...
M. Ryan: Je sais bien, mais, une fois qu'une démonstration
a été faite clairement, il me semble qu'un esprit logique dit: Eh
bien! dans ma position, il y a quelque chose qui ne marche pas. Je vais essayer
autre chose, je ne reviendrai pas avec la même chose. Quand vous me dites
que vous êtes à l'avant-garde des droits, je dis que ce n'est plus
vrai objectivement parce qu'il y a une charte canadienne qui est beaucoup plus
avancée que la charte provinciale des droits et, malgré les
mérites de ses auteurs qui ont été de bons libéraux
dans le temps, vous autres, vous y avez peut-être fait exception à
une dizaine de reprises, dans l'ensemble, vous l'avez maintenue quand
même, mais elle n'a pas la même portée et la même
force que la charte canadienne des droits et vous-mêmes, vous êtes
bien embarrassés pour faire la démonstration du contraire, vous
n'en êtes pas capables, tout simplement.
M. Bédard: Vous en êtes sur le côté
technique, cela, on le sait, on ne partage pas tout à fait...
M. Ryan: C'est vrai.
M. Bédard: ...la même opinion concernant
l'enchâssement ou pas.
M. Ryan: Ma question, si vous me permettez, je vais la formuler,
parce que je veux la formuler clairement, je ne l'ai pas formulée
encore. Ce qui m'intéresse le plus dans la charte canadienne, c'est
l'article 2. Les autres, ce sont de bons articles aussi et je suis bien content
qu'ils soient là, mais qu'ils soient dans une charte les garantit
solidement, j'aurais mieux aimé que le gouvernement du Québec et
l'Assemblée embarquent dans ce processus plutôt que de se mettre
en travers. Je n'aimerais pas qu'ils le fassent unilatéralement non
plus, c'est une position délicate, mais je la pense solide.
Ce que je trouve, c'est que ces grandes libertés, quand
même on les tripoterait tant qu'on veut dans des débats de ceci,
de cela, de compétence et de juridiction et tout, elles sont là
et vous les trouvez dans la Charte des droits de l'homme des Nations Unies,
vous les trouvez dans la charte de tel et tel pays. M. Trudeau n'a pas fait de
merveilles à Ottawa, il a pris des textes un petit peu partout, il les a
fait affiner, il les a fait retravailler pour qu'ils correspondent à la
réalité canadienne. Je dis que, dans l'ensemble, ce
texte-là est un bon texte, on peut en discuter tel ou tel paragraphe,
mais, dans l'ensemble, c'est un bon texte et je me demande, à force de
nous casser les méninges comme vous nous invitez à le faire
au cours des prochains mois, à quoi de mieux on va arriver
qu'à ce simple petit paragraphe qui nous dit: Chacun a les
libertés fondamentales suivantes: la liberté de conscience et de
religion. Quand même vous inviteriez quelqu'un à lire tous les
articles du chanoine Groulx, toute la littérature nationaliste et toute
l'histoire du Québec, la liberté de conscience et de religion, on
ne peut pas simplifier cela plus que ça. La liberté de
pensée et de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la
liberté de la presse et des autres moyens de communications, cela, c'est
nouveau et c'est peut-être un peu discutable, c'est plus délicat,
à mon point de vue. En tout cas, on l'y a mise et je n'ai pas
d'objection, parce que j'en ai joui trop longtemps pour avoir peur de cela. La
liberté de réunion pacifique, il me semble qu'il faudrait avoir
une drôle de timidité pour avoir peur de cela; pour la
liberté d'association, c'est la même chose.
Ce que je ne comprends pas, c'est à quoi de mieux on va arriver
avec une affaire seulement à nous. J'aimerais savoir quel danger on
court en ayant cela pour l'ensemble du Canada. C'est cela que je ne suis pas
capable de comprendre.
M. Bédard: Je pourrais dire que je n'en reviens pas...
M. Ryan: Et de ... du principe que vous avez...
M. Bédard: ...de votre obstination à ce que ce soit
enchâssé et que ces choses-là nous soient
nécessairement dites par le fédéral, si on veut qu'elles
soient bonnes à entendre.
M. Ryan: Vous m'avez interrompu.
M. Bédard: Vous retrouvez tout cela dans...
M. Ryan: Voulez-vous me permettre juste de compléter mon
argument, ce n'est pas grand-chose.
M. Bédard: Non, je m'excuse de vous interrompre, mais on
ne sait jamais quand vous avez fini.
M. Ryan: Oui, c'est vrai que, quelquefois, il y a des pauses.
J'allais ajouter ceci. Lorsqu'avaient commencé les négociations
constitutionnelles avec Ottawa, j'insiste parce que c'est une question à
laquelle je tiens profondément et que j'ai inscrite à la base du
travail que je fais avec mon parti, en tous les cas, que je faisais même
avant d'être en politique, je vous avais demandé une fois en
commission parlementaire, vous vous souvenez de cela sans doute, s'il y aurait
certaines libertés fondamentales que vous seriez prêts à
partager avec les autres en mettant toutes les garanties de votre
côté et j'avais cru comprendre que vous aviez répondu que
certaines grandes libertés de fond, le gouvernement était
prêt à envisager cela et je crois qu'un autre ministre avait dit
la même chose. Je ne sais pas si c'était le ministre des Affaires
intergouvernementales d'aujourd'hui ou celui d'hier, un des deux avait dit la
même chose. Je me disais: Si on avait au moins ce noyau-là, un
noyau commun, il me semble que cela ne compromettrait en rien les objectifs de
votre parti pour l'avenir, que cela ne compromettrait personne en rien mais il
me semble que cela établit une base plus substantielle, en tout cas,
pour la primauté des droits des citoyens sur toute autre source
d'autorité dans notre système politique, y compris les droits de
l'Assemblée nationale, les droits du Parlement canadien, tout, le
pouvoir judiciaire étant au service de ces droits pour les
interpréter de toute évidence à l'avantage des citoyens,
c'est pour cela qu'il existe. Je pense que personne ne soupçonnerait le
pouvoir judiciaire d'être à la solde du pouvoir politique dans
notre pays, autant au niveau du Québec qu'au niveau
fédéral.
Cela, c'est la question, je ne vois pas à quel raffinement on va
pouvoir arriver et je ne vois pas pourquoi vous semblez avoir changé
d'opinion au cours des deux années qui se sont écoulées
depuis le temps qu'on avait abordé cette question en commission
parlementaire?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Bédard: Mais la réponse au chef de l'Opposition
se retrouve dans la Charte même des droits et libertés du
Québec. Cet article 2 auquel il se réfère, à mon
tour je le réfère simplement à l'article 3 de la Charte
des droits et libertés qui, à mon sens, est la meilleure
expression d'intention. On n'a pas de procès d'intention à se
faire. Je suis d'accord avec le chef de l'Opposition que, de ce
côté-là, il n'y a pas politicaillerie à faire ni de
partisanerie. La Charte des droits et libertés du Québec dit
textuellement: Toute personne est titulaire des libertés fondamentales,
telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la
liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de
réunion pacifique et la liberté d'association. Je pense qu'il n'y
a personne au Québec qui veut aller à l'encontre de cela.
Là-dessus, le chef de l'Opposition et moi-même sommes d'accord. Si
on lit d'autres articles de notre charte des droits et libertés, il y a
bien d'autres droits qui y sont ajoutés, qui sont tout aussi
intéressants ou importants et qu'on ne retrouve même
pas dans la charte constitutionnelle.
À l'égard des droits et libertés qu'on ne retrouve
pas dans la charte constitutionnelle, même si vous n'êtes pas
d'accord avec la méthode ou le moyen, la prépondérance ou
encore la question de l'enchâssement il reste que tous ces droits
additionnels qu'on retrouve dans la Charte des droits et libertés, ces
libertés additionnelles qu'on retrouve au Québec et qu'on ne
retrouve pas dans la loi constitutionnelle, sont très importantes aussi.
Ce que je ne comprends pas, c'est l'obstination. Je ne devrais pas dire que je
ne le comprends pas, je pense qu'on diffère tout simplement d'opinion.
Vous donnez, à mon sens, des mérites à
l'enchâssement que je ne suis pas prêt à lui
reconnaître, parce que la preuve est faite qu'il y a des pays où
il y a enchâssement et où, pourtant, des droits et libertés
sont violés. Il y a des pays où il n'y a pas enchâssement,
même pas prépondérance, et pourtant ces pays peuvent
être à l'avant-garde sur le plan de la protection des droits et
libertés.
En fait, on est au niveau d'une discussion technique, mais il reste la
question de principe, par contre, de ce projet de loi 62, à savoir le
refus de se faire imposer, de faire imposer à l'Assemblée
nationale du Québec, c'est-à-dire le refus global de voir
diminuer les pouvoirs et droits de l'Assemblée nationale en fonction de
ces droits et libertés que l'Assemblée nationale, quel que soit
le parti au pouvoir, a quand même bien protégés. Je suis
convaincu, quel que soit le gouvernement au pouvoir au niveau du gouvernement
du Québec, que l'Assemblée nationale aura toujours pour objectif
non pas de diminuer, mais d'augmenter encore les pouvoirs ou les droits qui
pourraient être couverts dans la Charte des droits et libertés du
Québec. D'ailleurs, vous serez à même de constater, par
certains amendements que nous y apporterons, que d'autres droits et
libertés y seront protégés, des droits et libertés
qui n'ont même pas fait l'objet de discussion ou de préoccupation
au niveau fédéral.
Tout cela pour m'amener à une conviction, quel que soit le moyen
qu'on prenne, les amendements qu'on apporte ou les changements qu'on
opère, au niveau de la Charte des droits et libertés, tout cela
pour m'amener à la conclusion, très humblement que je soumets,
que la véritable force au niveau de la protection des droits et
libertés réside dans la volonté des citoyens d'une
communauté de vouloir voir ses droits respectés. Ce désir,
cette volonté, je pense qu'ils ont été exprimés
avec force par la population du Québec. Il n'y a rien qui puisse nous
permettre de douter d'une diminution de cette volonté, de la part de la
collectivité québécoise.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee, rapidement, pour donner une chance au député de
Chauveau. (17 heures)
M. Marx: J'ai déjà dit que la charte
fédérale et la charte québécoise ont des fonctions
différentes. Je ne veux pas trop insister sur cette question, mais il ne
faut pas oublier que la charte constitutionnelle n'empêche pas le
Québec de protéger les droits des Québécois,
au-delà des protections qui se trouvent dans la charte
fédérale. Avoir une charte fédérale ne veut pas
dire qu'on n'a pas besoin d'une charte québécoise. Comme je l'ai
déjà dit, les deux sont importantes. C'est important aussi
d'avoir une Commission des droits de la personne; on le voit au niveau
fédéral. Il y a une charte constitutionnelle, mais il y a aussi
une loi fédérale contre la discrimination. Il y a aussi une
commission fédérale des droits. C'est la même chose pour
l'Ontario, pour la Saskatchewan et ainsi de suite. Il ne faut pas que le
ministre donne l'impression que la charte constitutionnelle va empêcher
le Québec de protéger davantage les droits et les libertés
des Québécois. C'est toujours possible et c'est toujours
souhaitable, mais la différence essentielle entre la charte
fédérale et la charte québécoise, c'est que la
charte fédérale est constitutionnelle et, comme je l'ai dit, cela
va avoir et cela a effectivement plus de poids que la charte
québécoise.
J'aimerais ajouter un autre petit point. Le ministre a dit que la charte
québécoise protège la liberté d'expression. C'est
vrai et ce n'est pas vrai. La charte québécoise ne protège
pas la liberté d'expression au même degré que la charte
fédérale. Par exemple, s'il y a un règlement municipal qui
empêche tout le monde de s'exprimer en public, liberté
d'expression pure, la charte québécoise n'aurait pas
préséance sur ce règlement municipal parce que l'article
3, dans la charte québécoise, n'a pas préséance sur
une loi québécoise ou sur un règlement municipal. Ce n'est
pas théorique, M. le ministre...
M. Bédard: Je vous répondrai tout à
l'heure.
M. Marx: ... cela, si la charte avait
prépondérance, préséance sur un règlement
municipal qui empêche les gens de s'exprimer en public. Cependant, s'il y
a un règlement municipal qui empêche quelqu'un d'utiliser son
droit d'expression par rapport à des opinions politiques précises
ou par rapport à ses opinions religieuses, ce serait couvert par
l'article 10 de la charte québécoise. Je vois que le conseiller
juridique du ministre est d'accord avec moi, donc, le ministre sera d'accord
aussi. Il y a donc une mince différence, mais très importante,
entre la
protection de la charte québécoise et la protection de la
charte constitutionnelle en ce qui concerne les libertés publiques.
En terminant, je dis qu'une charte n'en exclut pas une autre. Les deux
sont importantes. Il ne faut pas oublier que le Québec peut toujours
aller au-delà d'une charte constitutionnelle et protéger
davantage les droits et les libertés des Québécois. La
charte fédérale n'enlèverait jamais des droits aux
Québécois, c'est sûr.
M. Bédard: Tout ce que vous essayez de nous faire
partager, c'est votre conviction sur la valeur, la grandeur et la
nécessité de l'enchâssement pour la protection des droits.
Nous ne sommes pas sur la même longueur d'onde là-dessus, je vous
l'ai dit.
M. Marx: La commission...
M. Bédard: Je ne vous ai pas interrompu. La meilleure
preuve en est qu'on n'a pas une charte enchâssée. Je peux vous
prédire qu'au Québec, les droits et les libertés seront
aussi bien respectés sinon mieux respectés, en fonction de
l'avenir et sur les points particuliers, que dans le reste du Canada avec la
charte constitutionnelle. Prenez donc, le défi. Le défi ne se
prend pas à partir de moyens techniques de protection des droits et
libertés, il se prend à partir de la volonté d'une
population de vouloir respecter les droits et libertés. Ce défi,
je suis prêt à le prendre n'importe quel temps, parce que je sais
que la population québécoise a toujours été
très tolérante, a toujours été très
respectueuse des droits et libertés et elle va continuer de
l'être, enchâssement ou pas. Il n'y avait pas d'enchâssement
avant et cela ne nous a pas empêchés de nous donner une des
chartes des droits et libertés, au niveau du nombre de droits, des plus
évoluées; je pense que le chef de l'Opposition en conviendra avec
moi. Même dans la charte constitutionnelle de 1981, les libertés
fondamentales ne sont pas des libertés absolues. Elles sont
conditionnées par l'application de l'article 1. J'espère que vous
êtes d'accord avec moi là-dessus.
M. Marx: L'article 1, c'est une autre question.
M. Bédard: Comme si l'article 1 n'était pas
important.
M. Marx: Je suis prêt à discuter de l'article 1.
Dispositions relatives à l'article 33 de la Loi
constitutionnelle de 1982
M. Bédard: M. le député de D'Arcy McGee,
l'article 1 conditionne d'une certaine façon tous les autres articles
qui sont dans cette charte. Ne venez pas nous dire que ce n'est pas important.
C'est une soupape qui est prévue...
M. Marx: C'est important, mais il faut savoir la portée de
cet article
M. Bédard: ... et c'est assez normal qu'elle le soit.
Même dans la loi constitutionnelle, ce ne sont pas des libertés
absolues. J'ai hâte de voir en fonction de l'avenir - vous me permettez -
la progression des droits et libertés dans les provinces qui acceptent
la constitutionnalisation par rapport au Québec qui ne l'accepte pas. En
tout cas, je suis convaincu que ce ne sera pas difficile de souffrir la
comparaison, surtout quand on a entendu dernièrement les
autorités fédérales, au Parlement fédéral
même, soutenir que, d'après elles, la loi des mesures de guerre,
à laquelle on n'a apporté aucun amendement, se justifiait.
Pensez-y deux minutes, là. Cela a été fait en Chambre,
cette affirmation. Au Parlement fédéral, avec leur loi
constitutionnelle, ils croient que la loi des mesures de guerre telle qu'on la
connaît peut se justifier dans une société libre et
démocratique.
M. Marx: II y a une grande différence aujourd'hui, M. le
ministre.
M. Bédard: Je dois vous dire que ce n'est pas très
rassurant de la part d'un gouvernement. Heureusement, je suis convaincu que les
tribunaux vont probablement, dans ce sens-là, être un chien de
garde nécessaire.
M. Marx: II y a une petite différence.
Le Président (M. Desbiens): Je brise la règle
d'alternance parce que le député...
M. Bédard: Je termine sur une phrase, M. le
Président. Le chef de l'Opposition conviendra qu'il y a toujours
l'article 15 qui regarde les droits très importants, le droit à
l'égalité, la disparition des discriminations. Si on s'en
remettait seulement à la loi constitutionnelle, il n'y aurait pas de
protection au moment où on se parle.
M. Ryan: Pour trois ans.
M. Bédard: Pour trois ans! Des droits et libertés
fondamentales pour trois ans! Il me semble que ce n'est pas une question de
longueur de temps; c'est une question de principe.
Le Président (M. Desbiens): Le député de
Chauveau attend depuis un bon bout de temps pour exercer son droit
d'expression. Je lui donne le droit de parole, s'il vous plaît. M. le
député de Chauveau.
M. Marx: Un amendement tout de suite.
M. Bédard: Voulez-vous que, pour dix ans, on dise qu'il
n'y a pas d'élections?
M. Brouillet: M. le Président, j'aimerais intervenir
brièvement. Je pense qu'il y a des postulats ou des
présupposés à toute cette argumentation qui font que les
deux logiques ne se rencontrent pas. C'est évident que, du point de vue
du gouvernement, un des présupposés à toute cette
discussion et à sa prise de position concernant la loi 62 versus la loi
constitutionnelle, c'est d'abord et avant tout le caractère primordial
des droits de l'Assemblée nationale. Je crois que c'est cela que nous
mettons comme donnée fondamentale; nous voulons absolument
protéger l'intégrité des droits de l'Assemblée
nationale. C'est un postulat de base. De l'autre côté, je crois
que toute la prise de position s'appuie sur la primauté de l'entente
avec le Canada. Ce qui est d'abord important, c'est d'arriver à
s'entendre avec le Canada fût-ce au détriment des droits de
l'Assemblée nationale. Il y a une priorité accordée
à l'entente avec le Canada, tellement que l'on dit ceci: Écoutez,
même si dans la Loi constitutionnelle de 1982, il y a des passages
où certains droits ne seront reconnus et en vigueur que dans trois ans,
bon, que voulez-vous, attendons trois ans, car ce qu'il y a d'important, c'est
d'être en accord avec le Canada, de ne pas être en désaccord
avec le Canada.
On a fait valoir aussi le fait que le gouvernement ferait primer les
droits de l'Assemblée nationale sur les droits des citoyens. C'est
évident, que voulez-vous? Je trouve, moi, que c'est un argument qui peut
se renverser complètement. En définitive, qui va protéger
les droits des citoyens? Ce sera un Parlement quel qu'il soit. Que ce soit le
Parlement du Canada ou le Parlement du Québec, c'est toujours un
Parlement. Il n'y a pas d'opposition entre l'un et l'autre. Si nous voulons que
les droits des citoyens du Québec soient d'abord protégés
par l'Assemblée nationale, dans les pouvoirs qui lui sont actuellement
reconnus, ce n'est pas parce que c'est le fédéral qui va
protéger ces droits qu'ils seront mieux protégés. Que ce
soit un gouvernement ou l'autre, il n'y a pas de garantie que les droits des
citoyens vont être mieux protégés parce que c'est le
gouvernement fédéral plutôt que le gouvernement du
Québec qui va les garantir.
Je pense que c'est une opposition qui ne tient pas du tout. Dans
l'hypothèse où, actuellement, la Charte des droits et
libertés du Québec serait de valeur moindre que la loi
constitutionnelle, la solution n'est pas de dire: Écoutez, acceptons
tout de suite la charte de la loi constitutionnelle, alors qu'elle diminue les
droits du Québec. La solution serait, dans la mesure où on
privilégie les droits de l'Assemblée nationale,
d'améliorer notre propre charte, c'est la solution. C'est évident
que si on fait d'abord primer l'accord avec le Canada, on va dire:
Rangeons-nous d'emblée du côté de la loi
constitutionnelle.
Je trouve que le fond du débat est là. Est-ce que nous
voulons accorder la priorité aux droits, à
l'intégrité des droits de l'Assemblée nationale? Si c'est
cela, on ne peut pas accepter de se faire imposer une charte, même si
elle correspond dans ses parties à la nôtre, même si dans
ses parties elle est peut-être meilleure que la nôtre, même
si sur certains points elle a peut-être plus de force. À ce
moment-là, je crois que la solution est d'améliorer notre charte,
s'il y a lieu, pour protéger les droits de l'Assemblée
nationale.
Le Président (M. Desbiens): Vous avez terminé?
M. Brouillet: Oui.
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: II y a un certain nombre de points importants. Le
ministre disait tantôt: Quel que soit le régime qu'on choisisse,
finalement, c'est l'opinion publique qui va être la meilleure garante de
la qualité des libertés ou de la qualité de la protection
et de la volonté politique des citoyens. Aux États-Unis, si on
avait retenu seulement ce critère, on serait peut-être encore
à l'époque du transport séparé en autobus pour les
enfants de race blanche et ceux de race noire. Les politiciens, l'opinion
publique, la presse, les élites, les "establishments" auraient
continué de penser longtemps que c'était beaucoup mieux comme
cela, "equal but separate", égaux mais séparés. À
un moment donné, la Cour suprême a dit - cela a été
un jugement historique, un "milestone" comme on dit, une étape
décisive "separate means unequal" - elle a dit: II faut que cela se
fasse ensemble. À ce moment-là, cela a entraîné une
série de conséquences administratives; c'est là la force
d'un système d'enchâssement. Il permet, par l'intervention d'un
pouvoir statutairement, indépendant du processus électoral et des
préjugés populaires, de franchir des étapes, de briser des
murs qui, autrement, pourraient rester érigés longtemps. C'est un
exemple qui plaide en faveur de l'autre.
Il y a une chose à laquelle je crois que...
M. Bédard: Prenez...
M. Ryan: Je m'excuse, est-ce que je peux continuer?
M. Bédard: Je voulais vous poser une question.
M. Ryan: C'est parce que je ne veux pas perdre de vue l'autre
raisonnement non plus, si vous me permettez. Je crois comprendre aussi,
toujours dans la même voie, que c'est encore dans le programme du Parti
québécois d'enchâsser éventuellement les droits
fondamentaux des citoyens dans une constitution du Québec. Je n'ai pas
eu connaissance que le ministre ait fait campagne au nom des arguments qu'il
invoque à l'encontre de la charte fédérale. Si c'est bon
d'enchâsser pour une république souveraine du Québec
éventuelle, on a bien le droit de penser que cela peut être bon
pour une société fédérale canadienne. Il me semble
qu'on ne peut pas jouer sur les deux tableaux. (17 h 15)
Le député de Chauveau mentionnait que nous faisons passer
l'entente à tout prix avec le Canada avant les droits de
l'Assemblée nationale. Je crois que c'est faux et que ce n'est pas du
tout notre perspective. Notre perspective est double. D'abord, nous croyons que
les citoyens du Québec sont autant citoyens du Canada que citoyens du
Québec. Ils sont citoyens du Canada sous certains chefs de juridiction
et ils sont citoyens sous certains chefs de juridiction. Ces libertés
fondamentales dont nous parlons sont nécessaires pour l'exercice de leur
qualité de citoyen aux deux niveaux. La liberté d'association,
c'est aussi important pour être un bon citoyen. au palier
fédéral que pour être un bon citoyen au palier
québécois. La liberté d'expression, c'est la même
chose. Voilà pourquoi on se dit: Puisque ces libertés sont
tellement fondamentales, garantissons-les d'un même coup au deux niveaux.
Cela va être bon pour les deux. Là, ce qu'il s'agit de faire, ce
n'est pas d'aller quêter la protection d'un Parlement pour la
défense des droits des citoyens, c'est de protéger les citoyens
contre l'intervention possiblement arbitraire des législateurs, des
administrateurs publics, des administrateurs privés, de tous ceux qui
peuvent avoir la tentation de se fourrer le nez dans les affaires des citoyens.
C'est pour cela qu'on veut que ce soit là. Ce n'est pas pour faire
plaisir à M. Trudeau et à l'entité canadienne abstraite;
pas du tout. C'est le régime qu'on a choisi. C'est le régime dans
lequel nous vivons. Nous trouvons que c'est beaucoup plus fort objectivement et
indépendamment de M. Trudeau, cela, c'est une autre affaire. Ce n'est
pas parce que nous mettons l'entente canadienne avant à tout prix. C'est
parce que nous croyons qu'au point de vue de la qualité politique, c'est
mieux comme cela. Je respecte l'autre opinion, mais je crois que c'est mon
droit et mon devoir de faire valoir la nôtre et surtout d'éviter
qu'elle soit mal interprétée.
M. Bédard: C'est peut-être...
M. Brouillet: Seulement un point pour bien préciser votre
pensée, pour qu'on l'interprète très bien. Pour vous,
c'est le fait de l'enchâssement qui garantit ce supplément de
protection, c'est cela que vous voulez dire finalement. Alors, vous devriez
travailler pour avoir plutôt un enchâssement dans une constitution
québécoise nonobstant le...
Une voix: ... quel sera le...
M. Brouillet: Quant à moi, ce que la loi
fédérale présente dans son entité, on n'a pas
demandé au Québec de signer tel ou tel article, c'était
l'ensemble. L'ensemble de la loi constitutionnelle, d'après l'avis des
tribunaux, vient limiter et enlever des pouvoirs qui jusqu'à aujourd'hui
ont été reconnus à l'Assemblée nationale. Je pars
de cela. S'il n'y avait eu aucune atteinte aux pouvoirs de l'Assemblée
nationale, je pense que l'attitude du gouvernement aurait été
différente. C'est parce qu'ils ont vu dans cette loi constitutionnelle,
telle qu'elle existait, des atteintes aux pouvoirs de l'Assemblée
nationale. Je pense qu'il est important de considérer cela.
Le Président (M. Desbiens): Je dois vous rappeler que cela
tourne de plus en plus au dialogue, ce qui n'est pas habituellement la
tradition, mais... M. le chef de l'Opposition...
M. Bédard: Je tiens pour acquis que... M. le
Président, est-ce que vous me permettez une question de
règlement?
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que cela répond
aux mêmes choses?
M. Bédard: On tient pour acquis que l'on s'est
donné de quinze à dix-huit heures pour adopter le projet de
loi
Le Président (M. Desbiens): Dix-sept heures
quarante...
M. Marx: ... vous avez gagné.
M. Bédard: ... pour l'étude article par article. Je
comprends que, comme le projet de loi est uniquement technique, il s'agit d'une
minute ou deux pour l'adopter, tout en sachant que l'Opposition sera en
désaccord, comme elle l'a déjà exprimé, ce qui
permet peut-être de discuter un peu plus sur le fond. Entre autres, avec
votre permission...
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous
complétez? M. le chef de l'Opposition a demandé la parole.
M. Bédard: M. le chef de l'Opposition parlait tout
à l'heure, en se référant à un exemple
précis aux États-Unis, des avantages de l'enchâssement.
À partir des États-Unis, on pourrait amener d'autres exemples qui
font en sorte que l'enchâssement constitue plutôt un obstacle
à la reconnaissance d'un droit fondamental, entre autres le droit
à l'égalité des hommes et des femmes. Vous le savez, aux
États-Unis, à cause du lourd processus d'amendement qui existe
depuis des années, on essaie d'enchâsser une fois pour toutes le
principe de l'égalité des hommes et des femmes. Ce n'est pas
encore fait. À cause du lourd processus d'amendement, ils n'obtiennent
pas le nombre requis par la constitution pour que ce principe soit
enchâssé, pourtant c'est un principe fondamental; ce qui veut dire
que, dans n'importe quel système, enchâssement ou non, il y des
désavantages et des avantages. C'est dans ce sens que je me dis que
quand même, à la fin du compte, il reste que c'est la
volonté d'une population de vouloir respecter des droits et
libertés qui constituent presque toujours la meilleure sauvegarde pour
qu'aucun excès ne se produise. Je suis convaincu quant à moi
qu'avant qu'un gouvernement du Québec, quel que soit le parti qu'il
représente, ne s'aventure à vouloir retirer l'une des
libertés qui sont consacrées dans la charte, ce gouvernement
aurait des comptes à rendre en temps et lieu. Il n'y a aucun
gouvernement du Québec, quel qu'il soit, qui va s'aventurer à
enlever des libertés. Au contraire, tous les efforts sont dans le sens
d'essayer d'en ajouter, comme nous le ferons, comme des gouvernements l'ont
fait avant nous, comme nous l'avons fait déjà par certains
amendements, et nous continuerons de le faire avec d'autres amendements qui
vont constituer des améliorations pour les citoyens au niveau de la
reconnaissance de nouveaux droits et de nouvelles libertés
protégés par la Charte des droits et libertés du
Québec.
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Je voulais répondre au député de
Chauveau. Ces libertés fondamentales ne sont pas la
propriété exclusive de l'Assemblée nationale du
Québec. La liberté de conscience, la liberté de croyance,
la liberté de pensée, la liberté de parole, il me semble
que ce sont des libertés qui dépassent d'emblée la
juridiction...
M. Bédard: Je crois que ce que voulais dire le
député de Chauveau, c'est sa confiance qu'un gouvernement va
respecter ce que pensent les citoyens.
M. Marx: Ce n'est pas la question du gouvernement; ce sont les
municipalités, les organismes administratifs, c'est tout cela. Je
m'excuse...
M. Ryan: Ce n'est pas vous qui m'avez interrompu. Il me semble
qu'il y a une différence de perception fondamentale. Nous, nous croyons
que ces libertés sont l'apanage fondamental du citoyen individuel et
libre, lequel est membre autant de la société
fédérale que de la société québécoise
et lequel a autant besoin de ces poumons-là pour fonctionner à un
niveau qu'à l'autre. C'est pour cela que nous voudrions que si c'est
dans la constitution, ça le protège, ça lui permette de
fonctionner avec toute l'ampleur de liberté dont il est capable aux deux
niveaux à l'échelle de l'ensemble du pays.
N'oubliez pas que si nous faisons partie de la société
canadienne, ce citoyen va être appelé à voter au niveau
fédéral. Il va être appelé à faire des
représentations contre les bureaucrates fédéraux dans
l'application de bien des lois. Par exemple, pour se présenter devant
les tribunaux, s'il a cette arme dans les mains, ça va l'aider; la
même chose s'il a l'arme dans ses mains pour se défendre contre
les intrusions des bureaucrates et des politiciens provinciaux. M. le
député de Chauveau, vous me dites: Si vous êtes
intéressé à cela, venez le faire au Québec. Je n'ai
pas d'objection à le faire au Québec. Si vous vouliez mettre dans
une charte québécoise les mêmes libertés, à
condition qu'il n'y ait pas cette espèce de retrait, mais qu'on dise
plutôt: Les deux se rencontrent et convergent pour un renforcement des
libertés des citoyens, je serais le plus heureux des hommes. Je ne
voudrais pas du tout que Québec se pense complètement
empêché ou qu'on le lui interdise d'agir dans ce domaine parce
qu'on aurait une garantie constitutionnelle. Il me semble qu'il n'y a pas de
contradiction entre les deux, d'autant moins que même dans la
formulation, en vous torturant les méninges autant que vous allez
essayer de le faire au cours des prochains mois pour nous arriver avec des
propositions, vous ne pourrez pas trouver tellement mieux - peut-être un
adjectif - parce que cela est le fruit de 50 ans de recherche. Cela n'est pas
la création de M. Trudeau ni de M. Chrétien, c'est un
héritage commun des hommes civilisés.
M. Bédard: Comme notre Charte des droits et
libertés de la personne.
M. Ryan: On l'a eu dans notre charte avant même qu'ils
l'aient eu, c'est entendu, au point de vue de la nomenclature, comme l'a dit le
ministre tantôt, pas au point de vue de la force d'application. C'est la
perspective que nous avons. Je ne veux pas prolonger le débat davantage.
Je voulais avoir un bon échange de vues là-dessus; ça
m'apparaît important au moment où on va poser un geste qui
va laisser des traces dans toutes les lois du Québec. C'est cela que je
trouve extrêmement désagréable. On est en train de discuter
du projet de loi no 72 en haut, puis il y a un petit article à la fin,
cette petite clause de nonobstant, comme dans toutes les lois qu'on va adopter
tout le temps qu'on va être ici, je trouve cela formidable. Cela me fait
de la peine mais il me semble qu'on est capable d'être plus fort, plus
positif que cela.
M. Bédard: M. le Président, je ne voudrais pas d'un
autre côté que le chef de l'Opposition, sans mettre des
contradictions entre sa position ou ses convictions et les nôtres
concernant le fait... Enfin, je tiens à dire que nous sommes sur la
même longueur d'onde en ce qui a trait à notre conviction que les
droits et libertés ça appartient aux citoyens et non pas au
gouvernement, au singulier ou au pluriel. Les gouvernements ne sont là
que pour les reconnaître et avoir la sagesse de les reconnaître le
plus rapidement possible et de la façon la plus juridique possible en
fonction du respect de ces droits et libertés. Là-dessus, je
voudrais que ce soit bien clair que nous sommes sur la même longueur
d'onde.
Maintenant, quel gouvernement doit traduire juridiquement, etc., ces
droits et libertés qui appartiennent aux citoyens? Nous, nous croyons
que l'Assemblée nationale du Québec - et une motion a
été votée en ce sens - est capable de protéger ces
droits et libertés tout autant que quelque autre gouvernement que ce
soit. La preuve en est qu'on peut dire, sans pétage de bretelles, pour
employer l'expression du chef de l'Opposition, que jusqu'à maintenant
l'Assemblée nationale du Québec a protégé ces
droits et libertés tout autant, sinon mieux, que l'ensemble des autres
gouvernements existant au Canada ou ailleurs. Notre conviction est que cela va
continuer dans ce sens, sauf qu'il y a une question de principe dans le projet
de loi no 62: c'est que nous refusons globalement d'adopter une situation qui
nous est imposée par le fédéral et qui représente,
au bout du compte, une diminution des pouvoirs et des droits de
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste une petite intervention. J'ai déjà
dit ce que je vais répéter, mais je pense que le ministre n'a pas
compris. La Cour suprême du Canada, par le biais du juge Laskin qui a
parlé pour la cour, non pas pour lui-même, a dit clairement qu'une
charte constitutionnelle offre une meilleure protection qu'une charte
statutaire comme la charte québécoise. C'est la Cour
suprême qui va interpréter les deux chartes. Vous n'avez jamais
cité un autre juge pour dire le contraire du juge Laskin. Comme je l'ai
bien dit, même le juge Pigeon était de l'avis du juge Laskin.
En terminant, car je ne pense pas que ce serait utile de refaire le
débat et de tourner en rond pour faire encore dix pages dans le journal
des Débats, sur le plan des libertés publiques, il y a une
distinction et une différence entre le Parti québécois et
le peuple québécois. Le Parti québécois et le
ministre, pour des raisons politiques et non pas pour des raisons de logique,
sont contre une charte enchâssée dans la constitution canadienne
quoique le peuple québécois - on a vu cela dans les derniers
sondages - soit à peu près à 85% pour la charte
canadienne. Maintenant, on va voter un projet qui fait l'affaire du Parti
québécois et non pas un projet de loi qui fait l'affaire du
peuple québécois. Je pense que c'est cela, le fond de l'affaire.
Le ministre a ses raisons politiques qu'il essaie de mettre dans un emballage
logique et juridique qui ne se tient pas. Malheureusement, il y a une division
entre le peuple québécois sur cette question et le Parti
québécois. Le Parti québécois étant un parti
qui a toujours marché sur les sondages, pourquoi ne pas accepter le
sondage du peuple québécois sur la charte?
M. Bédard: Vous n'êtes pas sérieux parce que
je pourrais vous dire que 100% des Québécois et des
Québécoises sont pour la meilleure protection des droits et
libertés, 100%.
M. Marx: Je suis prêt à l'étudier article par
article.
M. Bédard: Quand on en est rendu à... M. Marx:
Article par article.
M. Bédard: Oui, c'est cela, vous voulez avoir le dernier
mot pour le plaisir de l'avoir, mais je voudrais au moins corriger votre
erreur. Arrêtez de faire dire des choses aux sondages qu'ils ne disent
pas. C'est évident que tout le monde est pour la protection des droits
et libertés. Concernant la technique pour assurer la meilleure
protection des droits et libertés, là, vous le savez très
bien, les idées sont partagées.
M. Marx: Est-ce que vous pensez que...
M. Bédard: Je le dis dans le respect de ce que vous nous
avez dit, de vos convictions concernant la nécessité de
l'enchâssement. Je ne partage pas ces convictions, je vous l'ai dit. Je
pense en avoir donné des raisons qui sont assez éloquentes.
Le Président (M. Desbiens): Alors, j'appelle l'article 1.
(17 h 30)
M. Marx: Ma dernière question sera assez courte. Est-ce
que le ministre veut soutenir qu'une charte statutaire, une loi ordinaire comme
la charte québécoise donne plus de protection aux citoyens qu'une
charte constitutionnelle en supposant, pour les fins de l'argument, que les
deux chartes incorporent exactement les mêmes garanties?
M. Bédard: Je ne reprendrai pas le débat que nous
avons déjà eu.
M. Marx: C'est le fond de l'affaire.
M. Bédard: Les savantes analyses professorales du
député de D'Arcy McGee, je les respecte mais...
M. Marx: ... un prof, c'est un prof, et vous avez des profs tout
autour de vous.
M. Bédard: Avez-vous fini?
M. Marx: Pourquoi des insultes sur les théoriciens qui
font des recherches pour vous?
M. Bédard: Franchement, le député de D'Arcy
McGee est incompréhensible. J'espère que je ne l'ai pas
insulté en lui rappelant ses grandes qualités...
M. Marx: Non, mais je ne veux pas que vous insultiez vos
fonctionnaires.
M. Bédard: ... comme docteur, comme constitutionnaliste.
Tout ce que je lui dis, j'ai prouvé que c'est souvent théorique,
ces analyses...
M. Marx: Ce n'est pas théorique.
M. Bédard: ... ces mécanismes sont souvent
théoriques.
M. Marx: ... c'est pratique?
M. Bédard: La preuve est faite qu'il y a des chartes
constitutionnalisées dans certains pays où les droits sont
violés chaque jour; dans d'autres pays, où les chartes ne sont
pas constitutionnalisées, les droits et libertés sont quand
même respectés convenablement. C'est le cas du Québec et de
bien d'autres sociétés. En théorie, vous pouvez vous
donner raison à chaque heure de la journée, si cela vous fait
plaisir. Tout ce que je vous dis, c'est qu'en pratique vous n'avez pas
réglé les problèmes.
C'est dans ce sens que j'ai toujours parlé de ma confiance dans
la volonté avant tout, primordialement, d'une collectivité de
respecter les droits et libertés. Elle existe, cette confiance, cette
réalité au niveau du peuple québécois. Je n'ai
aucune raison de croire, quel que soit le mode technique qu'on emploie, que
cela ira en diminuant. Au contraire, je crois que cela ira en augmentant. La
meilleure preuve en est -vous avez participé comme nous aux
séances de la commission parlementaire sur la Charte des droits et
libertés - que nous avons entendu des groupes de citoyens qui ne
demandent pas moins de libertés, qui demandent encore plus de
reconnaissance des droits et libertés dans notre charte et, sur bien des
points, nous allons leur donner raison ensemble, unanimement, à
l'Assemblée nationale. Je crois qu'elle est là, la meilleure
garantie en fonction de l'avenir.
M. Marx: Je laisse le dernier mot au ministre parce qu'il n'a pas
amélioré son argument d'il y a trois heures.
M. Bédard: Vous ne voulez pas le comprendre, ce n'est pas
ma faute si je suis obligé de le répéter.
M. Brouillet: M. le Président, le problème, tel que
l'a posé le député de D'Arcy McGee, reflète une
conception un peu statique des droits et de l'évolution des droits. Il
dit: Si vous prenez, à un moment précis, le même nombre de
droits, une nomenclature dans une charte statutaire absolument identique
à une autre dans une charte constitutionnelle, laquelle va avoir le plus
de force de droit? Théoriquement, c'est évident que celle qui est
enchâssée dans une constitution va être beaucoup plus
rigide, plus stable parce que cela va prendre des procédures autrement
plus difficiles pour l'amender. D'un point de vue statique, d'accord, mais d'un
point de vue dynamique, il faut avoir une conception d'une charte des droits
qui est appelée à évoluer, à se transformer parce
que la reconnaissance des droits des citoyens, c'est une chose qui a un
caractère historique. Cela évolue, oui, cela évolue. Il y
a beaucoup de droits. L'ensemble des citoyens est prêt à
reconnaître aujourd'hui qu'il y a 50 ou 100 ans, ce n'était pas
à l'ordre du jour et que ces droits n'étaient pas reconnus. Toute
personne va admettre ce fait.
Dans une perspective où la reconnaissance des droits des citoyens
évolue, se transforme, progresse selon les situations, le
développement social, ces droits à reconnaître, ce droit
qui évolue va être davantage protégé par une charte
qui aura moins de rigidité et qui permettra de l'adapter plus rapidement
et plus facilement à l'évolution historique. D'ailleurs, on parle
d'opinions de juges, il y a l'opinion du juge Martland qui dit en ces termes:
My own feeling is that it is better to allow Legislatures to pass specific
enactments
which will protect certain features of life for the disabled in the
specific terms owing to specific problems and difficulties.
Ce caractère de plus grande flexibilité d'une charte
statutaire permet d'être beaucoup plus à l'écoute de la
population, de l'évolution des situations et qui permet de s'ajuster et
de reconnaître les droits, de faire évoluer le droit d'une
façon plus rapide. Alors, il y a autant d'avantages d'un
côté que de l'autre, selon qu'on se place dans une perspective, je
dirais...
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de
l'Opposition.
M. Ryan: Juste un point très bref. Je serais d'accord avec
le député de D'Arcy McGee pour prendre le projet article par
article. S'il fallait que ce que vous venez de dire s'applique aux
États-Unis, on en verrait de belles depuis le changement de
régime qu'ils ont eu depuis deux ans. Parce que l'opinion publique
évolue d'un extrême à l'autre souvent et puis, s'il fallait
que les droits fondamentaux garantis par la constitution américaine
soient soumis à toutes ces oscillations, l'opinion publique, surtout
celle qu'elle a connue par une espèce de revirement vers la droite au
cours des dernières années, il y a bien des droits qui en
prendraient pour leur rhume aux États-Unis, vous savez. Heureusement,
ils ne peuvent pas y toucher parce qu'il y a des procédures d'amendement
très sévères qui permettent à ces droits
d'évoluer d'une manière plus stable, plus solide, sous la
pression de facteurs autres que la seule volonté des
législateurs. L'expérience américaine parle nettement
contre ce que vous dites. Je respecte bien l'opinion du juge Martland qui
n'était pas très favorable à une charte mais de toute
façon, pour le cas des...
M. Bédard: Oui. Le juge Martland. Il y avait aussi le juge
Pigeon qui, on le sait, a parlé de l'enchâssement comme
étant un danger de figer des droits et de manquer de souplesse en
fonction de l'adaptation.
M. Marx: Mais, dans votre programme péquiste, vous
êtes pour une charte enchâssée.
M. Bédard: Non, mais par un gouvernement. Oui, mais
revenez à la loi 62, on parle...
Le Président (M. Desbiens): M. le chef de l'Opposition,
est-ce que vous aviez terminé?
M. Bédard: ... des pouvoirs et droits de
l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Desbiens): Bon, alors, on revient
à l'article 1.
M. Bédard: Si on décide de la constitutionnaliser,
on le fera ensemble.
M. Marx: Article 1, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 1 est
adopté?
M. Bédard: M. le Président, cet article a pour
objet de permettre que toutes les lois du Québec adoptées avant
le 17 avril 1982 continuent d'avoir effet malgré les articles 2 et 7
à 15 de la Loi constitutionnelle de 1982. Je pourrais donner bien des
explications sur le côté technique, mais la technique que nous
avons employée, je peux le dire au chef de l'Opposition et au
député de D'Arcy McGee, a été prouvée
puisque c'est celle que nous avons employée lorsqu'il s'est agi de faire
certains changements à la suite du jugement de la Cour suprême
concernant la loi 101. D'ailleurs, je parle de technique éprouvée
parce qu'elle a subi l'épreuve de la Cour supérieure, à ce
moment-là. Alors, l'ensemble du projet de loi, je peux peut-être
donner bien des explications techniques si on me le demande.
M. Marx: M. le Président.
M. Bédard: II y a un amendement aussi dont j'ai
parlé tout à l'heure qui est...
Le Président (M. Desbiens): Un ajout. M. Bédard:
... un ajout qui...
M. Marx: Oui. Sur l'ajout, j'ai juste un point technique.
Le Président (M. Desbiens): Mais, on va faire l'article 1
d'abord.
M. Marx: Oui, oui, d'accord.
Le Président (M. Desbiens): C'est parce que cela va
être renuméroté plus tard, cela deviendra l'article 2 sans
doute.
M. Bédard: C'est parce que, M. le Président, on
pourrait peut-être régler...
M. Marx: Ce sont des ajouts, ce n'est pas nécessaire de
les lire, on peut les donner au secrétaire. Mais sur...
M. Bédard: Mon collègue a peut-être des
remarques concernant l'amendement...
M. Marx: Sur la technique.
M. Bédard: Le reste du projet de loi, on a fait les
amendements nécessaires pour
faire la concordance.
M. Marx: Oui, d'accord.
Le Président (M. Desbiens): On s'en tient à
l'article 1 pour l'instant qui est dans le texte.
M. Marx: Dans l'article 1, on est d'accord.
Le Président (M. Desbiens): Alors, adopté?
M. Marx: Mais il sera adopté sur division.
Le Président (M. Desbiens): Sur division. M. Marx:
Oui.
Le Président (M. Desbiens): Article 1.1, l'amendement.
M. Marx: Ma question porte sur l'amendement au point de vue
technique. On prévoit ici chacune des lois adoptées entre le 17
avril 1982 et (insérer la date de la sanction du projet de loi no 62)...
mais on a ou on va adopter des lois, avant le projet de loi no 62, qui
comportent déjà cette clause nonobstant. Donc, on va avoir deux
clauses nonobstant dans certaines lois si vous n'avez pas d'objection d'en
avoir deux. Cela va renforcer votre position philosophique.
M. Bédard: Cela va se fondre en une.
M. Marx: Et le député de Chauveau sera très
heureux.
M. Bédard: Cela va se fondre en une seule. J'espère
qu'il n'y a pas de dessin à faire pour que le député de
D'Arcy McGee comprenne.
Le Président (M. Desbiens): Alors, l'article 1.1 est
adopté?
M. Marx: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Évidemment lorsqu'il y
aura une nouvelle numérotation, il deviendra l'article 2.
M. Bédard: D'ailleurs le chef de l'Opposition le
comprendra, nous avons fait cet amendement qui était nécessaire
parce je pense qu'il aurait été difficilement acceptable, avant
même que soit discuté le projet de loi no 62, que nous fassions
des débats sur des clauses de nonobstant, alors que le fond du projet de
loi no 62 n'est pas adopté.
M. Ryan: À part ça il faut protéger la loi
70, au cas où elle serait adoptée avant.
M. Bédard: C'est ça! Le sourire du chef de
l'Opposition en dit long.
Le Président (M. Desbiens): L'article 1.1 est
adopté sur division. J'appelle l'article 2. Il y a un amendement
également, il y a un ajout dans le paragraphe.
M. Marx: Adopté sur division.
Le Président (M. Desbiens): Le nouvel article 2, tel
qu'amendé, est adopté également sur division. C'est bien
ça?
L'article 3 est-il adopté?
Disposition relative à l'article
59 de la Loi constitutionnelle
de 1982
M. Bédard: Adopté sur division également,
j'imagine, M. le Président.
M. Ryan: L'article 3 est adopté sur discussion, sans
division.
M. Marx: Sans division, oui, M. le Président,
adopté.
Le Président (M. Desbiens): L'article 3 est
adopté.
M. Marx: C'est ça.
M. Ryan: Parfaitement d'accord.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 4...
M. Ryan: On l'aurait adopté à l'unanimité si
ça avait... à la Chambre. Cela aurait été bon.
M. Bédard: On a cru rendre service au chef de l'Opposition
en ne faisant pas un projet distinct, parce que ça aurait pu amener des
complications...
M. Ryan: Votre sollicitude dépasse toutes les bornes.
M. Bédard: Cela aurait pu amener des complications au
niveau de son caucus!
Dispositions finales
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que l'article 4 est
adopté?
M. Marx: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division.
À l'article 5 il y a également un amendement.
M. Marx: Adopté sur division aussi.
Le Président (M. Desbiens): L'amendement est adopté
sur division et l'article 5 tel qu'amendé est adopté sur
division.
L'article 6 est-il adopté? Pardon, il y a un nouvel article 6.
Est-il adopté?
M. Marx: Sur division, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division. Le
projet de loi no 62 est-il adopté, tel qu'amendé, avec ses
titres, sous-titres et la rénumérotation nécessaire?
M. Bédard: Adopté. M. Marx: Sur division.
Le Président (M. Desbiens): Adopté sur division. Je
remercie les participants et je demanderai au rapporteur de faire rapport
à l'Assemblée nationale.
La commission élue permanente de la justice suspend ses travaux
sine die.
(Fin de la séance à 17 h 43)