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(Midi vingt-cinq minutes)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! La commission permanente de la justice est réunie ce matin
et elle a trois mandats, le premier étant de poursuivre et de terminer
l'étude article par article du projet de loi no 101, Loi modifiant
diverses dispositions législatives. Son deuxième mandat est
d'étudier un certain nombre de projets de loi privés dont on a la
liste à notre ordre du jour. Finalement, elle a le mandat
d'étudier article par article le projet de loi no 86, Loi modifiant la
Charte des droits et libertés de la personne.
Les membres de la commission sont les suivants: M. Bédard
(Chicoutimi), M. Beaumier (Nicolet), M. Charbonneau (Verchères), M.
Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle
(Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Leduc (Saint-Laurent), M. de
Bellefeuille (Deux-Montagnes) et M. Marx (D'Arcy McGee).
Sont intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blank (Saint-Louis),
M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dussault (Châteauguay), M. Fallu
(Groulx), M. Guay (Taschereau), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Marquis
(Matapédia), M. Paradis (Brome-Missisquoi) et M. Saintonge
(Laprairie).
M. Marx: M. Ryan va remplacer M. Blank.
Le Président (M. Rochefort): M. Ryan (Argenteuil) remplace
M. Blank (Saint-Louis). D'autres modifications à la liste des membres et
des intervenants de la commission?
M. Marx: Qui sont nos intervenants?
Le Président (M. Rochefort): Maintenant, il y a M. Ryan,
Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paradis (Brome-Missisquoi) et M. Saintonge
(Laprairie).
M. Marx: M. Sirros va remplacer M. Saintonge.
Le Président (M. Rochefort): M. Sirros (Laurier) remplace
M. Saintonge (Laprairie).
M. Marx: M. Scowen peut remplacer M. Paradis.
Le Président (M. Rochefort): M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi). M. le
député de Rousseau.
M. Blouin: Demande de directive.
Lorsque nous avons un projet de loi inscrit à notre nom, est-ce
que nous devons être un intervenant à la commission?
Projet de loi no 101 (suite)
Le Président (M. Rochefort): Non, je crois qu'on peut
fonctionner par consentement afin que chacun des proposeurs des
différents projets de loi privés qui nous seront soumis puisse
intervenir pour les présenter. Cela va? On aborde immédiatement
les articles laissés en suspens au projet de loi no 101. On n'a pas
besoin de proposer de rapporteur, celui-ci ayant été nommé
aux séances précédentes de la commission. Au projet de loi
no 101, trois articles sont en suspens: les articles 55, 79.1 et 85. M. le
ministre, par quel article souhaitez-vous commencer?
Articles en suspens
M. Bédard: Nous allons procéder
immédiatement avec l'amendement. Je comprends que le
député de D'Arcy McGee doit quitter. Nous aurions un amendement
à faire au projet de loi no 101 qui aurait pour effet d'ajouter
l'article suivant.
Le Président (M. Rochefort): À quel article, M. le
ministre? Ce serait après 79?
M. Bédard: C'est cela. Ce serait 79.1.
Le Président (M. Rochefort): Allez-y.
M. Bédard: D'accord? L'article se lirait comme suit: "79.1
L'article 6 de la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur
public (1982, chapitre 45) est modifié: 1° par le remplacement, dans
la première ligne du premier alinéa, du mot "cinq" par le mot
"dix"; 2° par l'addition, à la fin du deuxième alinéa,
de ce qui suit: "et celles du document sessionnel no 665 déposé
le 15 décembre 1982".
Il s'agit d'une modification de concordance rendue nécessaire par
le dépôt à l'Assemblée nationale du document
sessionnel visé par la modification. Il a d'ailleurs
été
déposé hier et complété aujourd'hui, mais,
avec le consentement de part et d'autre de la Chambre, il est
réputé avoir été déposé hier dans son
entier. Ce document sessionnel ne comporte que des modifications de nature
corrective.
De plus, compte tenu que le délai de cinq jours prévu au
premier alinéa de cet article se termine le 16 décembre, il est
proposé de le prolonger de cinq jours supplémentaires de
manière à permettre le dépôt en temps utile des
documents visés dans l'article 6 de cette loi. C'est aride, c'est
essentiellement technique et il y a eu des discussions avec l'Opposition.
Le Président (M. Rochefort): M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Est-ce que je pourrais demander au ministre ou à
un de ses collaborateurs de donner lecture des trois alinéas qui ont
fait l'objet de légères retouches, de manière qu'il soit
bien assuré que les textes que nous avons sont les mêmes qui vont
entrer dans les documents officiels? Je peux vous lire ce que j'ai et vous
allez corriger au besoin.
On s'excuse auprès des personnes et des autres
députés qui sont ici, parce que cela entre dans certaines
technicités qu'on n'a pas l'intention de débattre à fond
étant donné les échéances auxquelles a fait
allusion le ministre et que tous ces points ont été
examinés soigneusement dans un travail de collaboration pour le plus
grand bien des travailleurs concernés. À l'article 10-3.03d), le
paragraphe 1 de la clause 5-3.28 entre en vigueur le 1er juillet 1983. e) le
chapitre 7-0.00 entre en vigueur le 1er juillet 1983. Jusqu'à cette
date, les dispositions du chapitre 7-0.00 de la convention collective 1979-1982
continuent de s'appliquer. f) l'article 5-13.00 et le chapitre 9-0.00, à
l'exception des articles 9-4.00 et 9-5.00, et le chapitre 12-0.00 entrent en
vigueur le 2 avril 1983. Jusqu'à cette date les dispositions
correspondantes de la convention collective 1979-1982 continuent de
s'appliquer.
M. Bédard: C'est exact. Cela représente
fidèlement le contenu.
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
M. Marx: Adopté sur division.
M. Ryan: Oui, adopté sur division également. Nous
avons consenti volontiers à ce que l'amendement soit
déposé, mais, comme nous étions opposés
foncièrement à la loi 105 elle-même, nous maintenons notre
opposition pour les fins de l'adoption de l'article.
Le Président (M. Rochefort): L'amendement...
M. Bédard: On comprend que c'est dans la logique des
gestes déjà posés par l'Opposition.
Le Président (M. Rochefort): ... 79.1 au projet de loi 101
est adopté sur division.
M. Marx: L'Opposition est toujours logique.
Le Président (M. Rochefort): L'article suivant, M. le
ministre, l'article 55.
M. Bédard: M. le Président, pourriez-vous nous
renseigner concernant ce qui aurait pu être adopté par cette
commission en ce qui a trait à l'article 51?
Le Président (M. Rochefort): 51.
M. Bédard: Je crois que nous avions peut-être
adopté un amendement conformément à des
représentations qui avaient été faites par l'Opposition.
Un peu plus tard dans la discussion, il a été convenu que
l'amendement en question devrait être fait à l'article 85. Je
voudrais le savoir.
Le Président (M. Rochefort): Comme vous le savez, M. le
ministre, ce n'est pas moi qui occupais le fauteuil au moment de l'étude
de cet article.
M. Bédard: C'est cela. On comprendra très bien, M.
le Président, que vous preniez le temps nécessaire, mais, quand
même, je veux que ce soit clair.
Le Président (M. Rochefort): Le secrétaire de la
commission n'est pas le même, non plus. Si vous le permettez, on va
suspendre cette question - quelqu'un est allé aux informations - parce
que ce qui est dans mon texte n'est pas clair. On pourrait peut-être
procéder immédiatement avec l'article 85, qui avait aussi
été suspendu.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: ... on pourrait s'entendre pour que tout
amendement qui aurait pu être apporté à l'article 25...
M. Marx: L'article 55 modifie l'article 25.
M. Bédard: ... adopté par l'article 55 du projet de
loi no 101 serait réputé comme
annulé ou révoqué et nous procéderions
à l'adoption pure et simple de l'article 25, tel qu'il était
amendé par l'article 55 de la loi no 101, intégralement tel que
présenté.
Le Président (M. Rochefort): Pour bien se comprendre,
j'avais compris tantôt que vous parliez de l'article 51. À
l'article 55, effectivement, j'ai, dans le projet de loi, un amendement qui a
été adopté; ensuite, on avait suspendu l'étude
globale du projet de loi no 55.
M. Bédard: Pouvez-vous nous dire quel en était le
contenu?
Le Président (M. Rochefort): De l'amendement adopté
à l'article 55? Oui, c'est le suivant: "Insérer, après
l'article 55 et le titre Loi sur les normes du travail, les articles suivants:
55.1. L'article 71 de la Loi sur les normes du travail est modifié par
le remplacement du premier alinéa par les suivants: 71. Le congé
annuel peut être fractionné en deux périodes si le
salarié en fait la demande, sauf si l'employeur ferme son
établissement pour la période des congés annuels. Une
disposition particulière d'une convention collective ou d'un
décret peut prévoir le fractionnement du congé annuel en
plus des deux périodes ou l'interdire. 55.2...
M. Bédard: M. le Président, je pense que vous
confondez l'article 55.1, 55.2 etc., avec l'article 55. Ce que je demande,
c'est: Est-ce qu'il y a un amendement qui a été adopté
à l'article 55 du projet de loi? C'est bien moins compliqué.
Le Président (M. Rochefort): Effectivement, vous avez
raison, ce que je vous lisais, c'était des nouveaux articles. Par
contre, il y a dans le projet de loi une mention comme quoi il a
été amendé, mais on ne trouve pas l'amendement. Quand on
se réfère au rapport de la commission, il n'y a pas d'amendement
d'indiqué à l'article 55.
M. Bédard: M. le Président, est-ce que vous
accepteriez la formule que, si l'amendement a été
présenté ou adopté, il est, par les présentes,
révoqué avec le consentement de la commission et que l'article 55
de la loi 101...
Le Président (M. Rochefort): ... est maintenu tel
quel?
M. Bédard: ... est maintenu tel quel et adopté?
Le Président (M. Rochefort): Oui, cela va, c'est clair.
Est-ce que c'est clair pour tous les membres de la commission?
M. Marx: Bien...
M. Bédard: Et l'amendement - peut-être pour donner
plus d'information au député de D'Arcy McGee - que nous aurions
pu discuter et adopter et qui aurait pu être contenu à l'article
55, nous avons convenu qu'il se ferait à l'article 85. Comme nous le
faisons à l'article 85, nous pouvons l'adopter l'article 55
intégralement.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Si on lit l'article 25 tel quel, il se lit comme suit:
"La présente loi s'applique, même à l'égard du prix
du service d'électricité ou de gaz non acquitté avant
le..." Je pense qu'il faut compléter la phrase. On ne peut pas laisser
l'article en terminant avec les mots "avant le" et on ne pas insérer la
date parce qu'on l'indiquera à l'article 85, est-ce que c'est cela?
M. Bédard: Le nouveau paragraphe 5 de l'article 85 qu'on
proposera d'ajouter au projet de loi no 101 ne portera que sur le nouveau
deuxième alinéa de l'article 1 de la Loi sur le mode de paiement
des services d'électricité et de gaz - d'accord? - qui vise un
acquéreur d'immeubles.
Je pense que cela va.
Le Président (M. Rochefort): Cela va. Donc, on s'entend
que l'article 55 du projet de loi no 101 est adopté tel que
rédigé au projet de loi qui a été
déposé à l'Assemblée. Donc, l'article 55 est
adopté. Nous revenons donc au dernier article suspendu qui était
l'article 85.
M. Bédard: Je ne sais pas si l'Opposition a des
commentaires à faire. Nous pourrions procéder, s'il n'y a pas de
commentaires sur les autres paragraphes, à l'amendement que nous devons
apporter à l'article 85, au paragraphe 5, concernant le mode de
paiement.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, dans les
papillons qu'on m'a remis, j'ai un amendement au premier, au troisième
et au cinquième alinéas. Vous voulez qu'on commence avec le
cinquième?
M. Bédard: Procédons dans l'ordre. L'article 85
indique globalement le mode d'entrée en vigueur du projet de loi no 101
en annonçant quelques exceptions. M. le Président, il s'agit
d'adopter dans un premier temps l'énoncé global que "la
présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction".
Le Président (M. Rochefort): Allons-y
pour les amendements et on adoptera l'article tel qu'amendé. Vous
avez un amendement à l'article 85 1 ?
M. Bédard: Un amendement qui aurait pour effet de
remplacer le paragraphe 1 de l'article 85 par le suivant: "1 les articles 20,
40 et 42, l'article 178.02 de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux (LRQ, chapitre S-5), édicté par l'article 71 et
l'article 72 qui entreront en vigueur à la date fixée par
proclamation du gouvernement;"
Le Président (M. Rochefort): Pour qu'il n'y ait pas de
confusion, c'est bien les articles 20, 40 à 42 et non 40 et 42?
M. Bédard: C'est cela.
Le Président (M. Rochefort): D'accord, parce que je
croyais vous avoir entendu dire 40 et 42.
M. Bédard: II est possible que j'aie dit 40 et 42.
Le Président (M. Rochefort): Parfait: Cela va. Alors, si
vous voulez le présenter.
M. Bédard: Ces articles visent l'uniformisation du
système des emprunts dans le cas des collèges d'enseignement
général et professionnel et dans le cas des universités,
en le calquant sur celui des commissions scolaires. Il est prévu qu'ils
entreront en vigueur par proclamation du gouvernement au moment où les
mécanismes prévus pour faciliter leur application auront
été mis en place. La discussion a été largement
faite là-dessus hier par le député d'Argenteuil et le
ministre de l'Éducation.
Le Président (M. Rochefort): L'amendement à
l'article 85 1° est-il adopté?
Une voix: Adopté. M. Bédard:
Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Amendement
à l'article 85 3°?
M. Bédard: Nous aurions un amendement afin de remplacer le
troisième paragraphe de l'article 85 par ce qui suit: "3 les articles
57, 57.1 et 58 qui entreront en vigueur le 1er janvier 1983".
La date d'entrée en vigueur de la section I du chapitre 32 des
lois de 1982 a été proclamée. Elle est fixée au 1er
janvier 1983.
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Finalement,
article 85 5°.
M. Bédard: II y aura un amendement afin d'ajouter,
après le paragraphe 4 de l'article 85, le paragraphe suivant: "5 le
deuxième alinéa de l'article 1 de la Loi sur le mode de paiement
du service d'électricité dans certains immeubles (LRQ, chapitre
M-37), remplacé par l'article 51, qui entrera en vigueur le 1er mars
1983".
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. L'article 85
tel qu'amendé est-il adopté?
M. Marx: Oui. Avant...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: ... de l'adopter, je m'excuse, M. le Président,
mais il y a une phrase qui m'a échappé, M. le ministre, lorsque
vous avez lu les amendements au début de votre intervention. C'est
178.02, est-ce cela?
M. Bédard: C'est cela.
M. Marx: Qu'a-t-on fait avec? (12 h 45)
M. Bédard: Concernant la Loi sur les services de
santé et les services sociaux.
M. Marx: Qui, c'est seulement une question de mise en vigueur.
C'est cela?
M. Bédard: Oui, seulement la mise en vigueur: qui
entreront en vigueur à la date fixée par proclamation
gouvernementale. Le sujet a été discuté hier. Les raisons
ont été données hier par le ministre des Affaires
sociales.
M. Marx: Notre porte-parole était d'accord?
M. Bédard: Le député d'Argenteuil
était d'accord.
M. Marx: Je pense que c'était la députée de
L'Acadie.
M. Bédard: L'Acadie, dans ce cas. M. Marx: De
L'Acadie, d'accord.
Le Président (M. Rochefort): Donc, l'article 85, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté.
M. Bédard: Ceci, M. le Président, termine
l'étude article par article du projet de loi no 101, conformément
au mandat donné par l'Assemblée nationale.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que le titre du projet
de loi no 101 est adopté?
M. Marx: J'aimerais bien changer le titre, parce que le titre est
trompeur dans ce projet de loi. On dit ici: Loi modifiant diverses dispositions
législatives. C'est vrai en partie, mais j'aurais aimé modifier
le titre pour faire état du fait qu'il y a des modifications de
substance, de même que des modifications de fond.
M. Bédard: Le titre ne laisse pas entendre que...
M. Marx: Mais si on adopte la note explicative, on peut
peut-être changer la note explicative.
M. Bédard: On n'a pas à adopter une note
explicative, M. le Président. Mais une chose qui est certaine, c'est que
le titre dit bien ce qu'il doit dire. Le titre n'indique pas qu'il n'y a pas de
modification de fond; d'ailleurs, dans mon discours de deuxième lecture,
j'ai indiqué qu'il y avait des modifications techniques et
également des modifications de fond et nous avons été
à même de constater que tel était le cas.
Le Président (M. Rochefort): Avant de procéder
à l'adoption du titre, il faudrait que, M. le ministre, vous nous
fassiez une motion de renumérotation du projet de loi, compte tenu des
différents nouveaux articles.
M. Bédard: Disons la motion usuelle de
renumérotation.
Le Président (M. Rochefort): Alors, adopté. Est-ce
que le titre du projet de loi est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le projet de
loi no 101, Loi modifiant diverses dispositions législatives, est-il
adopté tel qu'amendé? Adopté. On va suspendre pour
quelques instants, le temps de permettre au secrétaire de terminer son
rapport pour pouvoir aborder ensuite les projets de loi privés.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): Alors, nous allons reprendre
nos travaux immédiatement. Comme je l'ai mentionné à
l'ouverture de notre commission, le deuxième mandat qui nous est
confié par l'Assemblée est d'étudier article par article
les projets de loi privés nos 221, 260, 254, 262, 269, 278 et 219.
Est-ce que les membres de la commission voudraient se désigner un
rapporteur?
M. Bédard: Mme Lachapelle?
Mme Lachapelle: Marcel Lafrenière (Ungava).
Le Président (M. Rochefort): Mme la députée
de Dorion propose le député d'Ungava. Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. M. le
député d'Ungava agira comme rapporteur de notre commission.
M. Bédard: Je voudrais, M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: ... vous proposer de commencer nos travaux par
le projet de loi privé no 219.
Projet de loi no 219
Le Président (M. Rochefort): Effectivement, on m'a
informé, d'ailleurs, qu'un consensus était intervenu entre les
membres de la commission.
M. Bédard: C'est cela. Ce dont il s'agit, c'est que,
déjà, il y avait eu adoption d'un projet de loi privé
concernant les parties qui sont ici et qui sont concernées, ce matin,
par le travail que nous avons à faire. Le projet de loi en question
avait été adopté. Certaines interrogations
s'étaient posées une fois l'adoption de ce projet de loi faite.
Après, il y a eu des ententes qui sont de nature à
répondre aux questions très appropriées qui avaient
été soulevées, entre autres, par le député
de D'Arcy McGee et par nous.
Le Président (M. Rochefort): Si je comprends bien, M. le
ministre, il était question de permettre à M. Jolicoeur de se
représenter devant nous afin de permettre au député de
D'Arcy McGee de lui adresser quelques questions additionnelles.
M. Bédard: Dans un premier temps, je
voudrais proposer des amendements...
Le Président (M. Rochefort): Ah bon! D'accord.
M. Bédard: ... qui correspondent à l'entente que je
viens d'évoquer.
Le Président (M. Rochefort): Alors M. le ministre, sur le
projet de loi no 219.
M. Bédard: Oui. L'article 1 de la loi concernant la
succession de Maurice Jolicoeur est remplacé par le suivant:
"Malgré le testament de Maurice Jolicoeur reçu le 7 octobre 1965
sous la forme dérivée de la loi d'Angleterre,
vérifié le 13 avril 1966 par la Cour supérieure du
district de Montréal et dont copie a été
déposée au bureau de la division d'enregistrement de
Montréal sous le numéro 1287146, la pension annuelle payable
à Monique Poulin, conjoint survivant du testateur, est portée de
4800 $ à 30 000 $".
Cette modification donne suite, comme je l'ai dit tout à l'heure,
à une entente conclue entre Stéphane Jolicoeur et Monique Poulin
le 3 décembre dernier.
Le Président (M. Rochefort): Cette proposition
d'amendement est-elle adoptée?
M. Bédard: Le contenu de l'entente a également
été déposé...
Le Président (M. Rochefort): ... au greffe.
M. Bédard: ... chez le secrétaire-greffier.
Le Président (M. Rochefort): Merci.
M. Marx: On va l'adopter après qu'on aura entendu les
parties?
Le Président (M. Rochefort): Un instant, M. le ministre.
Que le député...
M. Bédard: On va l'adopter tout de suite.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): Donc, l'amendement à
l'article 1 est adopté.
M. Bédard: Nous aurions un autre amendement concernant le
préambule de la loi. Étant donné les nouvelles ententes,
il y a lieu d'apporter un amendement au préambule de la loi. Le
préambule de la loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur est
remplacé par le suivant: "Attendu que Maurice Jolicoeur,
décédé le 13 mars 1966, a, par son testatement fait le 7
octobre 1965, légué l'universalité de ses biens à
des fiduciaires et les a chargés notamment de verser une rente de 400 $
par mois à sa veuve, Monique Poulin; "que, sauf la
rémunération d'un des fiduciaires, la seule autre personne qui
ait actuellement des droits sur l'objet de ce legs est Stéphane
Jolicoeur, le fils de Maurice Jolicoeur et de Monique Poulin; "qu'il est
opportun que la rente annuelle de Monique Poulin soit portée de 4800 $
à 30 000 $; "que les revenus de la succession sont suffisants pour
accorder cette augmentation; "que les fiduciaires et Stéphane Jolicoeur
consentent à l'adoption de la présente loi."
Le Président (M. Rochefort): Alors, l'amendement au
préambule du projet de loi no 219 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté.
M. Bédard: II était nécessaire étant
donné la nouvelle entente et les consentements obtenus entre les
parties.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 2 du
projet de loi est adopté?
M. Bédard: Si le député de D'Arcy McGee
voulait...
M. Marx: Oui, mais avant d'adopter le projet de loi, on a
certaines questions.
Le Président (M. Rochefort): D'accord. Est-ce que M.
Stéphane Jolicoeur est présent?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Rochefort): Si vous voulez vous
présenter.
M. Marx: J'aimerais demander...
Le Président (M. Rochefort): Un instant, M. le
député de D'Arcy McGee. Je présume que vous êtes le
procureur de M. Jolicoeur.
Une voix: Je suis le procureur, effectivement, M. le
Président.
Le Président (M. Rochefort): Vous pourriez peut-être
vous identifier.
M. Blain (Paul-Émile): Paul-Émile Blain, avocat,
procureur de Stéphane Jolicoeur et de Monique Poulin.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que
vous vouliez faire une intervention générale au
départ?
M. Blain: Non. Le ministre a clairement exposé le
déroulement de la situation concernant le projet de loi à
l'étude. Effectivement, après une première
présentation, il y a eu de nouvelles négociations entre la
mère, Mme Jolicoeur, et le fils. Ces négociations ont conduit
à l'acte d'accord ou à l'entente qui est déposée au
dossier et qui a été signée par les deux parties
concernées.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais expliquer à monsieur et à
madame Jolicoeur qu'en ce moment l'Assemblée nationale et cette
commission siègent comme une cour de justice, parce que vous demandez
à l'Assemblée nationale de modifier un testament. On a la
compétence de le faire, mais on agit comme un juge à un tribunal
de droit commun. C'est pourquoi c'est important pour nous de vérifier
que tout est fait suivant la loi, la procédure. C'est pourquoi vous
êtes ici et c'est pourquoi on va vous poser une ou deux questions.
Premièrement, puis-je vous demander quel est le produit de la
succession?
M. Blain: Présentement, M. le député, la
succession a un revenu net annuel qui se situe entre 60 000 $ et 65 000 $.
M. Marx: Est-ce que - je pose cette question à M.
Jolicoeur - vous êtes d'accord pour donner votre consentement pour que ce
projet de loi soit adopté? Vous comprenez, j'imagine, tout ce dont on a
discuté et le contenu de ce projet de loi. C'est un consentement
donné librement.
M. Jolicoeur (Stéphane): Oui.
M. Bédard: M. le Président, nous pourrions
conclure. Je ne crois pas devoir relever l'analyse faite par le
député de D'Arcy McGee sur la nature du travail que nous faisons.
Je ne crois pas que nous soyons, à ce moment-ci, devenus une cour de
justice. Nous faisons un travail de parlementaires en vertu des droits qui nous
sont donnés concernant la possibilité d'adopter un projet de loi
privé.
M. Marx: Mais, M. le...
M. Bédard: Je fais juste cette remarque sans aller dans
une discussion.
M. Marx: M. le Président, mais moi, je tiens aussi
à faire ma remarque.
M. Bédard: Je croyais que vous l'aviez faite, M. le
député. Si vous voulez faire un discours, c'est une autre
affaire.
M. Marx: Non, je ne veux pas faire un discours, mais je veux
faire ma remarque parce que je vois le travail de cette commission comme un
tribunal de justice et, en droit anglais, on a toujours dit que le Parlement
est le "High Court of Justice", la cour de dernière instance. En
agissant de cette façon ici aujourd'hui, je pense qu'il était
nécessaire de poser ces questions aux personnes qui se sont
présentées devant la commission.
M. Bédard: Je constate qu'on peut justifier ses
affirmations par l'argumentation qu'on veut bien employer. Mais je demeure
fidèle à mon appréciation et je n'ai pas d'autres
commentaires à faire.
Le Président (M. Rochefort): L'article 2 est-il
adopté? Adopté.
M. Bédard: Merci, M. Jolicoeur.
Le Président (M. Rochefort): Le projet de loi no 219, Loi
concernant la succession de Maurice Jolicoeur, tel qu'amendé, est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Je vous
remercie de vous être présenté devant nous.
J'appelle donc maintenant l'étude du projet de loi privé
no 221, Loi concernant certains recours en matière de
responsabilité médicale ou hospitalière.
Je m'excuse, il est 12 h 58. Nous allons, donc, suspendre nos travaux et
revenir à 15 heures ici même avec votre projet de loi. La
commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise de la séance à 15 h 23)
Le Président (M. Rochefort): La commission permanente de
la justice reprend ses travaux aux fins d'étudier article par article
les projets de loi privés nos 221, 260, 254, 262, 269, 278 et 219. Lors
de la suspension de nos travaux nous avions appelé le projet de loi
privé no 221. Toutefois, on m'informe qu'il y aurait un changement
d'ordre...
M. le ministre.
M. Bédard: Simplement pour indiquer que nous terminerions
nos travaux concernant l'étude des projets de loi privés par le
projet
de loi no 221.
Le Président (M. Rochefort): Vous proposez que nous
commencions par quel projet de loi, M. le ministre? Dans l'ordre qui suit?
M. Bédard: Tous les autres après.
Le Président (M. Rochefort): Dans l'ordre qui suit. Cela
va? Consentement?
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je dois vous dire que j'avais fait une entente
formelle avec M. Grenier à savoir qu'on commencerait avec le projet de
loi no 221.
Le Président (M. Rochefort): S'il y a consentement pour
intervertir l'ordre.
Une voix: Consentement.
Le Président (M. Rochefort): Consentement.
M. Bédard: Normalement, les autres projets ne seront pas
longs. Je préfère qu'on termine là-dessus et qu'on se
donne tout le temps nécessaire s'il y a lieu.
Projet de loi no 260
Le Président (M. Rochefort): Cela va. J'appelle donc le
projet privé no 260, Loi concernant la succession J. Roméo
Pépin. J'inviterais donc les procureurs à se présenter
devant nous. Le député de Sainte-Marie, parrain, est absent.
J'inviterais donc immédiatement les procureurs à s'identifier et
à nous présenter le projet de loi qui est devant nous.
M. Beaupré (Gérard): Gérard Beaupré,
avocat. Je représente le Trust Général du Canada dans ce
projet de loi dont le but est de permettre au fiduciaire, Trust
Général du Canada, de disposer du résidu d'une succession,
la succession Pépin, parce que ce fonds fiduciaire ne peut plus
maintenant être exécuté depuis l'adoption, par
l'Assemblée nationale, de la loi sur les cégeps.
En effet, dans le testament de feu le Dr Pépin, l'ensemble de ses
biens a été légué en fiducie au Trust
Général du Canada pour que ce fonds serve à payer des
cours classiques aux enfants de ses frères et soeurs qui
désireraient devenir prêtres par la suite. L'on sait que depuis
1968 cette noble institution, qu'on appelait le cours classique, n'existe plus,
d'une part. D'autre part, le séminaire de Saint-Hyacinthe ne dispense
plus maintenant que le cours secondaire. Enfin, le testament ne prévoit
pas le pouvoir pour le fiduciaire de remettre le résidu des biens
à qui que ce soit, d'où le présent projet de loi
permettant au fiduciaire de distribuer aux héritiers légitimes,
suivant l'ordre établi par le Code civil, le résidu des biens que
le Trust Général détient encore actuellement.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre,
quelques commentaires?
M. Bédard: Je comprends que l'institution du cours
classique n'existe plus comme c'était le cas auparavant. Maintenant, la
possibilité ou le désir d'accéder à la
prêtrise peut demeurer et demeure présent dans la
société québécoise. Est-ce que c'est toute la
succession dont vous voulez parler qui serait...
M. Beaupré: Oui, M. le ministre. En effet, le testament
prévoyait certains legs particuliers qui sont, si je peux m'exprimer
ainsi, d'ordre secondaire et qui ont été acquittés depuis
longtemps. Quant au solde de la succession, j'ai avec moi le
représentant du Trust Général du Canada qui m'a
informé, ce matin, que ce solde serait de quelque 200 000 $ qui restent
entre les mains du Trust Général jusqu'à ce qu'il soit
autorisé par l'Assemblée... (bruit) Je ne savais pas que ma voix
avait un effet comme celui-là.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Tout ce qu'il y a de rouge tombe.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Pourriez-vous indiquer très clairement
aux membres de cette commission le montant global de la succession? Qu'est-ce
que cela représente?
M. Beaupré: Me permettez-vous de le demander au
représentant du Trust Général?
M. Bédard: Sûrement.
M. Beaupré: C'est M. Gilles Rondeau qui est gestionnaire
au Trust Général du Canada.
M. Rondeau (Gilles): M. le Président, j'ai apporté
le bilan de la succession au 31 août 1982. On a un capital de 234 000 $.
Au 31 août 1982, nous avions un capital de 234 000 $ dans la succession
Roméo Pépin.
M. Bédard: Les héritiers légaux, est-ce que
vous pourriez nous en donner une idée?
M. Beaupré: Oui. Ce sont les frères et soeurs du
testateur qui, lui, était célibataire, un heureux
célibataire, si je peux m'exprimer
ainsi. Ses héritiers sont ses frères et soeurs et les
neveux des prédécédés. Le total de ces personnes
est quelque chose entre 30 et 40 personnes dont la plupart résident au
Québec. Je pense qu'il y en a quatre qui résident aux
États-Unis. C'est un total d'une quarantaine de personnes, M. le
ministre.
M. Bédard: Vous conviendrez avec moi que l'intention du
testateur était très clairement exprimée. Ses
dernières volontés étaient orientées vers une
préoccupation, celle que sa fortune ou sa succession serve à la
formation de prêtres. Ne croyez-vous pas qu'il y aurait
possibilité de concilier ce que vous proposez, à savoir que
l'ensemble des sommes soit versé aux héritiers légaux,
avec une continuité de l'intention du testateur d'aider à la
formation de prêtres?
M. Beaupré: C'était au niveau des cours classiques,
M. le ministre.
M. Bédard: Oui, je comprends.
M. Beaupré: Maintenant, on peut suivre un cours au
cégep et M. le ministre sait fort bien que c'est gratuit. On peut,
ensuite, aller au séminaire et devenir prêtre. L'intention du
testateur n'était pas de payer les cours de théologie;
c'était de payer des cours classiques pour ceux qui désireraient
devenir prêtres éventuellement.
M. Bédard: On parlait de cours classique dans le temps:
c'était la seule voie, la voie par laquelle on devait passer.
M. Beaupré: Une très bonne voie.
M. Bédard: Ce n'est pas parce que cette voie n'est plus la
même que la préoccupation ou encore la réalité de la
formation de prêtres n'existe plus. Vous savez très bien ce que je
veux vous suggérer.
M. Beaupré: Oui, j'ai bien saisi, M. le ministre.
M. Bédard: Je ne sais pas si vous seriez rébarbatif
à l'idée aux fins de la discussion. Les autres membres de la
commission peuvent avoir d'autres questions à poser. Je ferai remarquer
tant à votre groupe qu'à ceux qui ont présenté des
projets de loi privés qu'au niveau de la commission parlementaire les
règles habituelles sont un peu différentes, dans le sens que,
face aux projets de loi privés qui sont présentés, nous
essayons, tous les membres de la commission parlementaire, d'agir non pas en
fonction d'options politiques ou d'appartenance à des partis, mais d'en
arriver toujours à un très large consensus.
M. Beaupré: Oui.
M. Bédard: Vous serait-il possible d'envisager la
possibilité qu'une partie de cette succession, des sommes d'argent
impliquées, puisse être remise entre les mains de
l'évêque qui pourra utiliser cet argent en fonction d'une
préoccupation qu'il a sûrement, à savoir la formation de
nouveaux prêtres? Cela rejoindrait, au moins, très clairement les
intentions du testateur.
M. Beaupré: Si M. le Président me le permet, M. le
ministre, d'une part, les intentions du testateur ne visaient pas n'importe
quelle personne qui désirerait devenir prêtre; il visait
très clairement les membres de sa famille, ses neveux et nièces.
Ce n'était pas une donation faite en général pour la
formation de prêtres à travers la province. Il visait surtout
à en faire bénéficier les membres de sa famille. D'autre
part, la remarque de M. le ministre a été l'une de nos
préoccupations; je me suis adressé non seulement au
séminaire de Saint-Hyacinthe, mais également à Mgr
Langevin, qui est l'évêque de ce diocèse, à qui j'ai
soumis le projet de loi que cette commission a devant elle. Ils m'ont
répondu - j'ai les lettres ici à l'appui - qu'ils n'avaient
aucune espèce d'objection à l'adoption du projet de loi tel qu'il
est déposé devant nous.
M. Bédard: Je vois mal comment ils pourraient avoir des
objections parce que, de toute façon, ils ne touchent pas un sou dans le
contexte actuel. Je vais vous dire franchement mon idée. Je pense que
c'est sacré, quand même, les intentions d'un testateur. On est
capable de comprendre que des situations ont changé, donc qu'il puisse y
avoir des changements qui s'imposent si on veut qu'il y ait des effets au
niveau de l'ensemble de la succession qui a été laissée
par le testateur. D'une part, c'est sacré. D'un autre côté,
les intentions qui sont exprimées sont particulièrement claires
dans son testament. Est-ce que vous seriez rébarbatif à
l'idée que peut-être 10% de ce montant soient remis entre les
mains de l'évêque, sachant très bien que cette personne a
comme préoccupation la formation de prêtres, ce qui rejoint
essentiellement la préoccupation du testateur.
M. Beaupré: Je présume, M. le ministre, que les
remarques qui sont faites sont basées sur une intention que vous voyez
dans le testament du Dr Pépin, mais je ne vois pas les mêmes
intentions, quant à moi, en tout respect. Je voyais l'intention de
favoriser sa famille à lui.
M. Bédard: D'accord. Si on en vient à la conclusion
que ces sommes d'argent doivent être remises aux héritiers,
à un
moment donné, il faut tracer une ligne de démarcation si
on veut que l'argent soit distribué. Peut-être que vous pouvez
nous dire que jusqu'à maintenant il n'y en a pas
d'intéressés par la prêtrise. Vous ne pouvez pas nous
assurer qu'à l'avenir, il n'y aura pas de ses descendants, de ses
héritiers légaux qui pourraient l'être. Étant
donné que vous ne pouvez pas avoir cette assurance, qu'on ne peut pas
l'avoir non plus, pourquoi ne pas penser à un compromis qui, en fait,
exprimerait, tenant compte des circonstances, un respect pour les
volontés du testateur?
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai deux questions. D'abord avez-vous reçu une
interprétation de cette clause qui se trouve dans ce testament? Le cours
classique ne se donne pas au séminaire de Saint-Hyacinthe, mais est-ce
que par interprétation de cette clause on pourrait venir à la
conclusion que ses descendants peuvent suivre des cours ailleurs pour que le
but final soit atteint, c'est-à-dire qu'ils deviennent des
prêtres? Comprenez-vous la question?
M. Beaupré: Vous me demandez si j'ai reçu une
interprétation. Je ne peux que vous donner la mienne, M. le
député. Le séminaire de Saint-Hyacinthe est
nommément désigné dans le testament. Il faudrait vraiment
faire de la gymnastique, je m'excuse, pour tenter d'élargir le sens.
M. Bédard: Entre vous et moi, il y a des choses qui sont
très bien désignées dans ce testament. Ce n'est pas
seulement de la gymnastique qu'on essaie de faire. C'est un projet de loi
privé qui est nécessaire pour en changer la signification et
l'orientation.
M. Beaupré: Je suis bien conscient de cela.
M. Bédard: Au niveau de la gymnastique intellectuelle
qu'on essaie de faire et du respect des intentions du législateur, je
vous demande si on peut faire un effort des deux côtés. Si vous
pensez que non, écoutez, on va prendre une décision en
fonction...
M. Beaupré: Je n'ai pas dit non, mais on m'a
demandé, M. le ministre, s'il y avait des interprétations
données au testament à l'égard d'autres maisons que le
séminaire de Saint-Hyacinthe. Je dois dire que je n'ai pas eu d'autres
interprétations que celle qui vous est soumise.
M. Marx: En lisant cette clause, il me semble que le but, c'est
que ses descendants aient l'argent nécessaire pour faire des
études de prêtrise. C'est cela, je pense. Je ne pense pas que
c'était son intention, si le collège ferme ou si le
collège est remplacé par une autre institution semblable, que le
but final ne soit jamais réalisé. Je pense qu'il y a cela comme
interprétation possible. Ma deuxième question est la suivante.
Dans son testament, il n'a visé que ses héritiers
mâles.
M. Beaupré: Oui. À ce que je sache, les femmes ne
sont pas encore admises à la prêtrise, malgré certaines
campagnes.
M. Marx: Je pense que c'est aussi la conclusion. Donc, on va
donner le résidu des biens fiduciaires aux héritiers
légaux. Et moi, j'ai compris que les héritiers légaux,
cela comprend les deux. Est-ce les deux, les hommes et les femmes?
M. Beaupré: Oui, les deux sexes, sans discrimination.
M. Marx: Sans discrimination. M. Beaupré: Oui, M.
le député.
M. Marx: Au moins là, je pense que l'intention de feu M.
Pépin était de ne pas laisser quoi que ce soit aux enfants de
sexe féminin de ses frères et soeurs. Donc, dans un sens, le
projet de loi privé devant la commission parlementaire va frustrer ses
intentions, si je puis m'exprimer de cette façon.
M. Beaupré: Oui, c'est vrai. Je ne peux pas nier que,
jusqu'à maintenant, il n'y a que les hommes qui peuvent devenir
prêtres, mais je n'y peux rien.
Des voix: Ah! Ah!
M. Beaupré: Remarquez que j'aimerais autant des
prêtresses, quant à moi, mais...
M. Marx: On ne va pas légiférer sur cette question
aujourd'hui, Ah! Ah! sauf si la ministre déléguée à
la Condition féminine veut intervenir.
M. Bédard: Je comprends...
M. Beaupré: Certainement. Nous sommes prêts.
M. Bédard: ... Me Beaupré, qu'il n'y aurait pas
d'objection à ce qu'on prévoie qu'aux alentours de 10% puissent
être remis entre les mains de l'évêque du
diocèse...
M. Beaupré: Mgr Langevin.
M. Bédard: ... Mgr Langevin. Peut-être une
dernière question. En vertu du projet de
loi, il est question des héritiers au moment de l'entrée
en vigueur du projet de loi. D'accord?
M. Beaupré: Oui.
M. Bédard: Or, depuis la présentation du projet de
loi, un héritier est mort - on nous l'a dit - en 1982. Il s'agit de
Raymond, fils d'Hector. C'est cela? Vous n'auriez sans doute pas d'objection
à ce que l'on réfère aux héritiers au moment de la
présentation du projet de loi.
M. Beaupré: Non, aucune objection, M. le ministre.
Le Président (M. Rochefort): Avez-vous des commentaires,
M. le ministre?
M. Bédard: M. le Président, si...
Le Président (M. Rochefort): Avant que le ministre
présente ses amendements, y a-t-il d'autres membres de la commission qui
voudraient intervenir? M. le député de Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on est sur l'amendement?
Le Président (M. Rochefort): Non, non. Pour l'instant,
nous questionnons le procureur et nous discutons entre parlementaires. M. le
ministre.
M. Bédard: Si on réussit à se rejoindre sur
le fait que 10% des avoirs soient remis entre les mains de
l'évêque et qu'on réfère aux héritiers
légaux au moment de la présentation du projet de loi, je vous dis
très honnêtement que je n'aurai pas d'objection, parce qu'il faut
assurément tenir compte des circonstances qui ont changé. Si mon
collègue de D'Arcy McGee pense que, de son côté aussi, cela
va, on pourrait faire les amendements en conséquence.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Nous n'avons pas d'objection si l'avocat du Trust
Général du Canada n'a pas d'objection.
M. Beaupré: J'ai compris qu'il était
préférable que je n'aie pas d'objection.
M. Marx: C'est ce que j'ai compris aussi.
M. Bédard: Bon! Tout le monde se comprend.
M. Marx: C'est un consensus parfait.
M. Beaupré: Cela arrive.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre. (15 h 45)
M. Bédard: M. le Président, il y aura un
amendement. "L'article 1 de la Loi concernant la succession J. Roméo
Pépin est remplacé par les suivants: "1. Le Trust
Général du Canada, en sa qualité d'exécuteur
testamentaire et fiduciaire de J. Roméo Pépin, en vertu du
testament reçu devant le notaire Jean Guillet, le 26 juillet 1961, est,
malgré les termes de ce testament, autorisé à remettre les
neuf dixièmes du résidu des biens fiduciaires aux
héritiers légaux du testateur au 19 avril 1980 suivant l'ordre
des successions déterminé par le Code civil, tel qu'il se lisait
à cette date. "1.1 Le Trust Général du Canada remet
à l'évêque de Saint-Hyacinthe la partie du résidu
des biens fiduciaires qui n'est pas distribuée en vertu de l'article 1.
L'évêque de Saint-Hyacinthe distribue ces biens en bourses
d'études pour la formation de prêtres à une faculté
de théologie du Québec. Il accorde la priorité aux
descendants d'un ' frère ou d'une soeur de J. Roméo
Pépin."
Alors, cette division, en deux parties inégales, du résidu
des biens fiduciaires me semble être un compromis acceptable, raisonnable
entre l'intention du testateur et l'intérêt de sa famille, compte
tenu du fait que l'intention du testateur ne peut être
réalisée de la façon prévue au testament.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet amendement est
adopté? M. le député de Saint-Laurent, sur
l'amendement.
M. Leduc (Saint-Laurent): II me semble raisonnable. Dans le
dernier paragraphe, vous dites: "II accorde la priorité aux descendants
d'un frère ou d'une soeur de J. Roméo Pépin." À
quelle époque? Quand? Est-ce que cela ne risque pas de créer des
problèmes à savoir pendant combien de temps on gardera ce
dixième? Il est possible qu'en l'an 2050 il y ait des descendants.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Leduc (Saint-Laurent): Peut-être pas si loin que cela,
mais en tout cas.
M. Bédard: II n'y a pas à dire quand on
cherche...
M. Leduc (Saint-Laurent): Bien, je ne sais pas là.
M. Beaupré: II faudrait peut-être revenir une autre
fois devant cette noble commission pour qu'on puisse disposer
finalement de cette dernière somme.
M. Bédard: Non, non, mais il faut quand même qu'il y
ait des déclarations d'intention. Voulez-vous qu'on regarde? Je pense
que c'est une question qui se pose.
M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le mot "descendants"
comprend tous les...?
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Nous allons régler le cas -vous n'aurez
plus à revenir devant cette noble assemblée, tel que vous dites -
en biffant tout simplement "II accorde la priorité aux descendants d'un
frère ou d'une soeur de J. Roméo Pépin." Alors, s'il y a
des descendants de la succession qui...
M. Leduc (Saint-Laurent): On pourrait peut-être dire: Dans
la mesure où il pourrait respecter...
M. Marx: II pourrait l'accorder.
M. Bédard: Autrement dit, s'il y en a qui peuvent
être intéressés par la prêtrise, il y a toujours les
90% qui restent entre les mains des...
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Bédard: II y a un autre amendement, M. le
Président.
Mme Lavoie-Roux: Les 90% ne resteront pas.
M. Leduc (Saint-Laurent): II n'en restera plus pour les
prêtres.
Le Président (M. Rochefort): Juste un instant! Donc, vous
suggérez de biffer la dernière phrase de votre amendement?
M. Bédard: C'est exact.
Le Président (M. Rochefort): Alors, est-ce que le
sous-amendement est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté.
L'amendement est-il adopté? Adopté.
L'article 1, tel qu'amendé, est-il adopté? Adopté.
M. le ministre.
M. Bédard: "La version française du
préambule de la Loi concernant la succession J. Roméo
Pépin est modifiée: 1 par le remplacement, à la
quatrième ligne du premier alinéa, du mot "à" par le mot
"au"; 2 par l'insertion, à la première ligne du cinquième
alinéa, entre les mots "que" et "Trust" du mot "le". On peut
s'apercevoir que c'est simplement une modification de concordance.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que les amendements
sont adoptés? Adopté.
M. Bédard: Le préambule de la Loi concernant la
succession J. Roméo Pépin est modifié par le remplacement
du quatrième alinéa par les suivants: "Que le séminaire de
Saint-Hyacinthe, depuis 1968, n'offre plus que le cours secondaire et qu'il est
ainsi devenu impossible de réaliser la fin de la fiducie stipulée
au testament, de la façon prescrite par le testateur; "Qu'aucun neveu de
J. Roméo Pépin n'a bénéficié de la fiducie
et que plusieurs descendants de ses frères et de ses soeurs
résident à une grande distance de la région de
Saint-Hyacinthe."
Nous déposons cet amendement. Autrement dit, plutôt que de
dire que la fiducie s'est éteinte, il me semble plus exact de dire
qu'elle ne peut plus être exécutée de la façon
prévue par le testateur. Également, il apparaît important
d'ajouter que cette fiducie n'aurait probablement qu'un effet
limité.
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté.
M. Bédard: Un autre, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le ministre.
M. Bédard: "Le préambule de la Loi concernant la
succession J. Roméo Pépin est modifié par le remplacement,
aux deuxième et troisième lignes du sixième alinéa,
des mots "indéfiniment entre les mains du Trust Général du
Canada" par les suivants: "entre les mains du Trust Général du
Canada jusqu'à l'expiration du délai prévu à
l'article 932 du Code civil"."
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté?
M. Bédard: L'explication est que la fiducie prévue
dans le testament de M. J. Roméo Pépin n'est pas une fiducie
à des fins charitables puisque seuls des parents du constituant peuvent
en bénéficier. Elle ne peut donc être perpétuelle et
elle est soumise à l'article 932 du Code civil.
Le Président (M. Rochefort): Adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort); Adopté.
M. Bédard: Un dernier amendement, M. le Président,
se lirait comme suit: "Le préambule de la Loi concernant la succession
J. Roméo Pépin est modifié par l'addition, à la
fin, des alinéas suivants: "Que certaines personnes qui, au moment du
décès de J. Roméo Pépin, faisaient partie de ses
héritiers légaux sont décédées entre le 26
septembre 1964, date du décès de J. Roméo Pépin, et
le 19 avril 1980, date de la publication à la Gazette officielle du
Québec du premier avis relatif à la présente loi, et que
les héritiers légaux ou les légataires de ces personnes ne
sont pas nécessairement des héritiers légaux de J.
Roméo Pépin; "Que le Trust Général du Canada, le
séminaire de Saint-Hyacinthe et l'évêque catholique romain
de Saint-Hyacinthe consentent à l'adoption de la présente
loi;"
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le
préambule, tel qu'amendé, est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. L'article 2
est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le titre du
projet de loi est-il adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Le projet de loi no 260, Loi
concernant la succession J. Roméo Pépin, est adopté tel
qu'amendé.
M. Bédard: M. le Président, je tiens à
remercier Me Beaupré pour toutes les explications qu'il a pu donner aux
membres de la commission. Peut-être que cela ne rejoint pas totalement
ses représentations, mais je pense qu'on est en mesure de dire
qu'essentiellement et très substantiellement cela va dans le même
sens.
M. Beaupré: Substantiellement.
M. Bédard: J'espère que c'est un compromis dont
vous êtes heureux.
M. Beaupré: 90%, c'est un bon score. M. Leduc
(Saint-Laurent): Vous êtes satisfait?
M. Beaupré: Merci.
Projet de loi no 254
Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc maintenant le
projet de loi privé no 254, Loi concernant la succession de
Eugène Gervais. Pendant que j'invite les procureurs de la succession
à se présenter devant nous, j'inviterais Mme la
députée de Johnson à nous présenter le projet de
loi. Mme la députée de Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Le projet de loi no
254 est la Loi concernant la succession de Eugène Gervais. Je voudrais
vous présenter Me Dominique Guenin, de Sherbrooke, qui est le procureur
des héritières, Thérèse et Angèle Gervais.
M. Guenin.
Le Président (M. Rochefort): M. le procureur, si vous
voulez nous faire la présentation de votre projet de loi.
M. Guenin (Dominique): II s'agit de deux demoiselles qui ont
au-dessus...
Le Président (M. Rochefort): Un moment, s'il vous
plaît! M. le ministre?
M. Bédard: Non, non, cela va.
M. Guenin: ... de 50 ans et qui ont hérité du
notaire Gervais, de Sherbrooke. Le notaire Gervais avait dans son testament
légué, entre autres, à ces deux demoiselles, des biens
immobiliers avec une prohibition d'aliéner. Nous pensons
respectueusement qu'il faut se replacer à l'époque où cela
a été fait. En 1948, l'inflation n'étant pas ce qu'elle
était, les circonstances n'étant pas ce qu'elles étaient
non plus, nous ne savons pas si le notaire Gervais avait pensé que les
demoiselles se marieraient ou pas. Nous pensons que c'est pour cela qu'il avait
mis une prohibition d'aliéner dans le but de donner des revenus stables
à ces demoiselles et que, si elles se mariaient, possiblement, quelqu'un
ne vienne pas s'intéresser plus à la dote qu'aux demoiselles en
question. Toujours est-il qu'aujourd'hui ces demoiselles se retrouvent avec des
immeubles qui sont assez importants physiquement et qui sont aussi assez
importants quant à ce que cela leur coûte. Car, si vous l'avez
remarqué, quand on a produit les bilans, les revenus que ces demoiselles
retirent des immeubles ne sont pas suffisants, d'abord, pour les faire vivre,
cela c'est déjà une chose; la deuxième chose, c'est qu'il
y a une des deux demoiselles qui est même en déficit avec ses
immeubles. Il s'agit de deux immeubles très importants en superficie et
physiquement, et qui sont déjà
très vétustes, fort âgés. On voit aussi
pourquoi les revenus ne sont pas très importants au niveau des loyers;
c'est parce que les transformations utiles et nécessaires ne peuvent pas
être faites. C'est pour cela que nous demandons la permission
d'aliéner.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Pouvez-vous nous dire ce que l'ensemble de la
succession représente en termes d'importance?
M. Guenin: En ce qui concerne les demoiselles Gervais, il y a
seulement ces immeubles. Si on se base sur la valeur municipale, je pense qu'il
s'agit de quelque chose comme 80 000 $, mais qui a déjà
baissé. Il me semble qu'on a déjà produit des
évaluations municipales de deux années et cela a baissé.
Il y a eu d'autres biens, entre autres, qui ont été
donnés, d'une part, à un frère de ces demoiselles, mais le
frère a donné son consentement; sa part de succession n'a rien
à voir avec cela. Il y avait aussi la mère de ces demoiselles qui
avait l'usufruit de ces immeubles. La mère est
décédée, tel qu'il apparaît au dossier. Est-ce que
cela répond à votre question, M. le ministre?
M. Bédard: Globalement. M. Guenin: 80 000 $...
M. Bédard: Je vous pose beaucoup plus la question - je
comprends que vous avez déposé des états financiers qui
nous permettent de faire les vérifications - pour les fins du journal
des Débats.
M. Guenin: Si mes souvenirs sont bons, pour votre question, quant
aux demoiselles, c'est 80 000 $, 90 000 $.
M. Bédard: Dans certains cas, cela devient presque
déficitaire. Vous nous dites que le revenu...
M. Guenin: Dans le cas d'une des deux demoiselles, c'est
déficitaire. On a produit les bilans de deux années et il y a une
année où cela est vraiment déficitaire, parce que cette
demoiselle a dû faire des réparations importantes. Il y en a
d'autres. Nous avons également produit, en plus des notes
dactylographiées, des notes manuscrites de ces demoiselles qui nous
disent: II y a cela, cela et cela à faire. Dans les "cela", il y a de la
peinture, de la réparation de galeries, parce que ce sont des immeubles
avec des escaliers extérieurs et des galeries. Ce sont de beaux
immeubles pour le patrimoine, mais qui coûtent cher à
entretenir.
M. Bédard: Le commerce de l'immeuble étant
très fluctuant, on peut comprendre facilement que, quand on n'a pas de
marge de manoeuvre, cela peut devenir difficile même de conserver ce
qu'on a. Personnellement, comme membre de la commission, je n'aurais pas
d'objection. Nous n'avons pas d'amendement à apporter. À partir
du moment où l'Opposition croit aussi que...
Une voix: Pas de problème. M. Bédard: Cela
peut aller.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Leduc (Saint-Laurent): Si elles en disposent, est-ce que le
produit leur appartient? Est-ce qu'il y a un droit de retour? À qui vont
ces propriétés, à supposer qu'elles
décèdent?
M. Guenin: Cela va à ces demoiselles.
M. Fortier: Mais la prohibition d'aliéner?
M. Guenin: Elles ont la prohibition d'aliéner, mais c'est
leur propriété. Cela a été fait dans l'esprit
où, si elles s'étaient mariées et avaient eu de la
progéniture, il y aurait eu, j'imagine, le droit d'aliéner par
testament. Cela, ce n'est pas prohibé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, mais cela va à quelqu'un.
Si elles décédaient demain matin, à qui cela irait-il?
M. Guenin: Cela irait aux personnes qu'elles auraient
mentionnées dans leur testament.
M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'elles auraient
mentionnées?
M. Guenin: J'imagine.
M. Leduc (Saint-Laurent): II n'y a pas de droit de retour? Parce
qu'il y a une stipulation...
M. Guenin: Non, il n'y a rien de prévu à cet effet
au testament du notaire Gervais.
M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, mais une prohibition
d'aliéner, habituellement, cela entraîne un droit de retour. Si
elles décédaient? Vous demandez qu'elles puissent disposer du
produit, c'est cela?
M. Guenin: C'est cela, M. le député. (14
heures)
M. Leduc (Saint-Laurent): Si elles décédaient sans
avoir disposé des propriétés,
à qui ces propriétés iraient-elles? En fait, elles
pourraient en disposer par testament. Cela me semble contradictoire un peu. Je
ne sais pas. Est-ce qu'elles peuvent en disposer par testament?
M. Guenin: Bien oui, puisqu'elles en ont la
propriété. Elles en ont la propriété avec la
prohibition d'aliéner, de vendre et d'hypothéquer.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais il y a toujours un but si on
stipule une prohibition d'aliéner. Quel était le but?
M. Guenin: Leur assurer un revenu et, d'autre part, qu'elles ne
puissent pas donner ces immeubles, j'imagine, à un mari qui serait
intéressé plus par l'immeuble que par cette demoiselle.
M. Bédard: Je comprends très bien l'interrogation
du député de Saint-Laurent. Peut-être que cela aiderait si
nous ajoutions quelques informations. Le député de Saint-Laurent
s'interroge effectivement à savoir, s'il y avait mort de personnes, s'il
n'y aurait pas lieu de prévoir que ces biens reviennent dans la famille,
enfin à des frères ou soeurs. Mais je suis en mesure de dire
qu'il y a un frère. Ces demoiselles...
M. Guenin: Elles ont un frère, oui.
M. Bédard: ... elles ont un frère. Je puis dire que
nous avons reçu une lettre de ce dernier disant ceci: "Je suis au
courant que mes soeurs, Angèle et Thérèse, demandent un
projet de loi privé pour le permis de vente des maisons. J'en connais la
teneur et je n'ai pas d'objection. Signé: le frère de..."
Effectivement, il serait le seul intéressé.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je n'ai pas regardé le
testament. C'est simplement une question. Je pensais que vous vous étiez
interrogé là-dessus.
M. Bédard: Oui, c'est cela. Non seulement nous nous sommes
interrogés, mais il y a eu des communications avec le frère qui a
fait connaître son désintéressement.
M. Leduc (Saint-Laurent): Mais si le frère n'était
plus là, cela pourrait être un autre héritier, un autre
légataire possiblement.
M. Bédard: Je vous assure que, si le frère n'avait
pas indiqué son désintéressement et en même temps
son approbation, nous n'aurions peut-être pas eu la même
attitude.
M. Marx: Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui pourraient avoir
un intérêt dans cette affaire?
M. Bédard: Non.
M. Marx: Bien, s'il n'y a pas d'autres personnes et si les deux
personnes concernées veulent qu'on fasse cette modification au
testament, je n'ai pas d'objection. Si le ministre n'a pas d'objection,
adopté.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 1 est
adopté? Adopté. Article 2?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Annexe, adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Préambule?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Alors, le
projet de loi no 254, Loi concernant la succession de Eugène Gervais,
est adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté.
M. Bédard: Je vous remercie, Me Guenin, de ces
représentations.
M. Guenin: C'est moi qui vous remercie. Merci, M. le ministre, M.
le Président.
Projet de loi no 262
Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc maintenant
l'étude du projet de loi privé no 262, Loi concernant la
succession de Pierre Victor Rougier. Pendant que j'invite le procureur, Me
Chantai Perreault, à prendre place, j'inviterais le député
de Rousseau à nous faire la présentation du projet de loi qui est
devant nous. M. le député de Rousseau.
M. Blouin: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi
qui permettra au Trust Général du Canada d'utiliser des moyens
plus efficaces pour faire fructifier les fiducies rattachées au
testament de Pierre dit Victor Rougier. Je laisserai au procureur du Trust
Général, Me Chantai Perreault, le soin de vous donner les
détails supplémentaires.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Me Perreault, si vous
voulez nous faire une présentation du projet de loi.
Me Perreault (Chantai): Le défunt Rougier a fait, par
plusieurs actes de donation et un testament, des donations et des dispositions
à des fins charitables envers plusieurs organismes dont, à titre
d'exemple, la faculté de médecine de l'Université de
Montréal, certains hospices, l'Union nationale française, la
Maison canadienne des étudiants à Paris, deux sanatoriums
antituberculeux. Ce sont des fonds qui ont été, par diverses
dispositions testamentaires et des donations, donnés en fiducie au Trust
Général du Canada afin que celui-ci les administre et distribue
les revenus comme il était indiqué dans les actes. Le testateurs,
en tant que donateur également, avait prévu que le fiduciaire, le
Trust Général du Canada, devait répondre aux lois civiles
du Québec en ce qui a trait à la gestion des biens appartenant
à autrui, soit particulièrement au moment de la passation de ces
actes-là, à l'article 981o du Code civil.
Comme on le sait, cet article a été changé par la
suite pour donner des pouvoirs, au Code civil, un peu plus étendus aux
fiduciaires. Comme une loi ne peut pas être rétroactive et le
nouvel article 981o ne pouvait s'appliquer d'une façon
rétroactive, aux fonds donnés par le testateur et donateur, c'est
l'objet du présent projet de loi de vous demander de permettre au Trust
Général du Canada de faire les placements conformément aux
changements prévus par le législateur québécois par
le nouvel article 981o. Cela ne change pas les intentions du testateur, qui
voulait avoir des placements assez stables et assez sûrs tels que
définis par le législateur québécois. Comme le
législateur a cru bon, avec les données qui ont changé de
nos jours au niveau des placements, de modifier l'article 981o, nous pensons
que cela ne pourrait qu'être plus avantageux pour ceux qui
reçoivent les revenus de ces donations et du testament de faire des
placements selon les dispositions du nouvel article 981o du Code civil.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre.
M. Bédard: Me Perreault a donné, je pense, toutes
les explications nécessaires. En gros, il s'agit d'avoir le droit de
profiter des amendements qui ont été apportés au Code
civil et qui sont de nature à donner plus de pouvoirs que les
dispositions existant auparavant sous l'empire desquelles a été
fait le testament. En ce qui nous regarde, cela ne change pas la nature du
testament. Nous n'avons pas d'objection.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste une question. Combien d'argent y a-t-il maintenant
dans la succession?
Mme Perreault: Je ne pourrais pas vous dire exactement à
combien elle peut se chiffrer. J'ai fait un calcul rapide des sommes du
testament et des donations et cela semble rouler autour de 200 000 $. C'est
quand même une somme assez importante à investir et à bien
placer pour créer des revenus intéressants.
M. Marx: Parce qu'on n'a pas reçu le dossier dans cette
cause. Tout ce qu'on a reçu, c'est le projet de loi et le testament,
mais on n'a pas d'autres documents qui se trouvent dans le dossier. De toute
façon, nous sommes d'accord.
M. Bédard: II y aurait, cependant, une petite
modification, M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Elle serait dans le sens suivant: La version
française du préambule du projet de loi concernant la succession
de Pierre Victor Rougier est modifiée, à la dernière ligne
du septième alinéa, par l'insertion d'un accent circonflexe sur
la lettre "u" du mot "sures".
Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y aura
débat sur cet amendement?
M. Bédard: C'est une correction d'orthographe.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. M.
Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 1 du
projet de loi no 262 est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Article 2?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Le préambule du projet
de loi est-il adopté?
M. Bédard: Nous remercions Me Perreault pour ses
représentations.
Mme Perreault: Merci beaucoup.
Le Président (M. Rochefort): Le projet de loi no 262, Loi
concernant la succession de Pierre Victor Rougier, est adopté tel que
corrigé.
Projet de loi no 269
Nous entreprenons maintenant l'étude du projet de loi
privé no 269. Loi concernant la succession de Charles Sandwith Campbell.
J'invite Me Marc Généreux à prendre place. Je crois que M.
le député de Jean-Talon, parrain du projet de loi, est absent.
Est-ce qu'il doit être présent parmi nous? Non. J'inviterais donc
maintenant Me Généreux à nous faire la présentation
du projet de loi qui est présentement devant nous.
M. Généreux (Marc): En fait, il s'agit d'un projet
de loi visant à permettre au fiduciaire d'investir les sommes qui sont
en sa possession dans des actions et des obligations cotées à
toutes les Bourses canadiennes. Jusqu'à présent, ce qui
était permis en vertu du testament, c'était d'investir lesdites
sommes dans des actions et des obligations sur le marché de New York
uniquement. Il se trouve qu'aujourd'hui, près de 60 ans après la
confection du testament, les marchés boursiers au Canada ont
évolué et il se trouve aussi que le fiduciaire, la compagnie
Trust Royal, bénéficie d'une expertise certaine quant aux actions
qui sont cotées sur les marchés canadiens. Cela aurait pour
conséquence de faciliter grandement l'administration des sommes qui lui
sont confiées que de les investir sur le marché canadien.
Par ailleurs, cela aurait également pour effet de diminuer les
coûts parce que la compagnie Trust Royal doit requérir les
services de conseillers juridiques canadiens et américains lorsqu'elle
doit investir les sommes sur les marchés new-yorkais. C'est, en gros,
l'essentiel du projet de loi et des changements demandés. Les sommes,
qui sont affectées par ces dispositions, sont d'environ 2 700 000 $
à ce jour.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.
M. Bédard: On voit que ce testament créait une
fiducie dont l'objet est d'encourager les concerts les soirs
d'été dans des endroits publics situés à
proximité des quartiers populeux de la ville de Montréal. Est-ce
qu'il s'en donne beaucoup?
M. Généreux: Disons qu'il y a plusieurs sommes qui
ont déjà été déboursées. Maintenant,
il est quand même assez difficile de choisir les différentes
choses et de distribuer les montants comme il se doit. Les fonds sont
très importants et c'est pourquoi il serait préférable que
l'administration de ces sommes soit facilitée pour le fiduciaire.
M. Bédard: J'ai l'impression que vous n'avez pas tout
à fait répondu à ma question. Est-ce qu'il s'en donne des
concerts, conformément au testament?
M. Généreux: Oui, il s'en est donné,
effectivement.
M. Bédard: II s'en est donné. Pouvez-vous me dire
en quelle année? Je ne sais pas, cela peut vouloir dire...
M. Généreux: Je n'ai pas ces données au
dossier.
M. Bédard: Au cours de l'année qui vient de se
terminer, est-ce qu'il s'en est donné?
M. Généreux: Oui, effectivement, des sommes sont
investies pour les concerts qui ont lieu. Il y a différentes fêtes
dans le Vieux-Montréal, différents rassemblements, dont les
principaux sont à l'époque de la Saint-Jean-Baptiste.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Le député de Maisonneuve, par exemple,
peut vous en parler, parce qu'il y a un endroit au coeur de son comté
où ces concerts ont lieu.
M. Bédard: C'est seulement une curiosité normale.
Je me demandais quelles sommes cela peut représenter. J'imagine que vous
n'êtes pas en mesure de nous le dire.
M. Généreux: Présentement, c'est environ 2
700 000 $ qui sont disponibles à ces fins-là.
M. Bédard: Cela ne peut pas être affecté
seulement aux concerts.
M. Scowen: C'est probablement la moitié du budget pour la
culture ici aujourd'hui.
M. Bédard: M. le Président, je n'ai vraiment pas
d'objection.
M. Marx: À l'époque, est-ce qu'il y avait une
raison pour mettre dans son testament que ce seraient des actions ou
obligations cotées aux Bourses américaines?
M. Bédard: Probablement que la Bourse américaine
était mieux cotée que la Bourse canadienne.
M. Marx: C'est peut-être encore cela.
M. Bédard: C'était en 1922, avant le "crash".
M. Généreux: Excusez-moi. C'était
effectivement le cas. Ce qui arrivait, c'est
qu'il y avait beaucoup d'actions cotées sur le marché
new-yorkais, alors que les titres étaient assez limités sur le
marché canadien, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. (16 h 15)
Le Président (M. Rochefort): L'article 1 est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Article 2?
M- Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Préambule?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Donc, le projet de loi no
269, Loi concernant la succession de Charles Sandwith Campbell, est
adopté.
M. Bédard: Me Généreux, merci de vos
explications.
M. Généreux: Merci, M. le ministre.
Projet de loi no 278
Le Président (M. Rochefort): Nous entreprenons donc
l'étude du projet de loi no 278, Loi concernant la succession d'Arthur
Bousquet. Pendant que Me McCarty prend place, j'inviterais "le parrain" du
projet de loi, Mme la députée de Dorion, à nous en faire
la présentation.
Mme Lachapelle: M. le Président, je suis très
heureuse de parrainer ou de "marrainer" le projet de loi no 278. Ce projet de
loi privé demande l'autorisation de la Fiducie du Québec
d'empiéter sur le capital de la succession de M. Arthur Bousquet, pour
subvenir aux besoins de dame Goineau Bousquet actuellement atteinte d'une
maladie sérieuse. Il me fait plaisir de vous présenter le
procureur, Me Donald McCarty.
Le Président (M. Rochefort): Si vous voulez faire la
présentation du projet de loi, s'il vous plaît.
M. McCarty (Donald): II s'agit d'une succession dans laquelle le
testateur a légué l'usufruit et l'usage de ses biens à son
épouse sa vie durant et la nue-propriété de ses biens
à neuf institutions religieuses et charitables diverses. L'épouse
du testateur est maintenant rendue à l'âge de 80 ans et commence
à souffrir de diverses maladies incluant une paralysie totale du
côté gauche. Elle a eu besoin, dans les récentes
années, de soins médicaux qui dépassent la capacité
de payer de la succession et ses propres moyens. C'est pour cette raison que
nous nous adressons à l'Assemblée nationale dans le but de
permettre que soient prodigués les soins médicaux
nécessaires et utiles et, lorsque les revenus seront insuffisants, de
toucher le capital de la succession afin de payer ces soins.
M. Bédard: Seriez-vous en mesure de nous dire ce que
représente la succession?
M. McCarty: Le capital de la succession représente
approximativement 570 000 $.
M. Bédard: 570 000 $.
Le Président (M. Rochefort): Avant qu'on arrive aux
amendements, est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. Marx: La dame en question, où est-elle logée
présentement?
M. McCarty: Pardon?
M. Marx: Où est-elle logée? Où se
trouve-t-elle?
M. McCarty: Chez elle.
M. Marx: Chez elle, pas à l'hôpital.
M. McCarty: Non. Elle reçoit des soins à la
maison.
M. Marx: Elle reçoit des soins à la maison et elle
doit elle-même payer pour ces soins.
M. McCarty: Oui.
M. Marx: À même ses propres fonds.
M. McCarty: C'est elle qui paie pour les soins à
même les revenus de la succession et à même ses propres
moyens qui sont utilisés presque au complet maintenant.
M. Marx: Les revenus de la succession, à ce moment-ci, de
quel ordre sont-ils?
M. McCarty: Je crois qu'ils sont de l'ordre approximatif de 37
000 $.
M. Marx: 37 000 $. M. McCarty: Oui.
M. Marx: Et 37 000 $, ce n'est pas assez pour payer ces
soins?
M. McCarty: Non. Elle a une paralysie totale du côté
gauche, ce qui requiert la présence constante de quelqu'un à la
maison pour l'aider à se déplacer de son lit, etc.
M. Bédard: 570 000 $. Vous dites que les revenus sont de
l'ordre de 37 000 $.
M. McCarty: Si vous regardez la liste des obligations, que j'ai
déjà versée...
M. Bédard: Ne trouvez-vous pas que c'est un peu bas, qu'il
y aurait des possibilités d'avoir des revenus plus
élevés?
M. McCarty: C'est bas, effectivement. Il y a beaucoup
d'obligations qui sont là depuis un certain temps et qui ne rapportent
qu'à des taux d'intérêt de 7% ou 8%.
M. Marx: C'est un investissement comme le fait notre
gouvernement.
M. Bédard: Cela va. À ce moment-là, on
pourrait dire que ce serait mieux de le placer à la Caisse de
dépôt et placement.
M. Marx: Elle a besoin de combien par année pour ses
soins?
M. McCarty: Environ 64 000 $, ce qui représente le
coût des auxiliaires, infirmières et compagnons à la
maison, 24 heures par jour.
M. Bédard: Elle est la seule héritière.
M. McCarty: Elle est la seule héritière et elle n'a
pas d'enfants. Les plus proches membres de la famille sont un neveu qui est
prêtre et un autre neveu qui est homme d'affaires, je crois.
M. Leduc (Saint-Laurent): A-t-elle des biens personnels?
M. McCarty: Elle avait un compte de banque et un compte de
gestion avec la Fiducie du Québec qui, l'année passée,
était d'une valeur approximative de 50 000 $. Elle a dû
empiéter sur ce montant pour payer ses soins médicaux. Ce compte
est maintenant rendu à environ 17 000 $. Il diminue de jour en jour.
M. Marx: D'après un état des revenus et des
dépenses au 15 avril 1982, dressé par ses fiduciaires, la
succession aurait un revenu annuel net de 54 654 $.
M. Bédard: Personnellement, je n'ai pas d'objection. Les
membres de la commission ont-ils d'autres questions à poser?
Le Président (M. Rochefort): N'avez-vous pas des
amendements, M. le ministre?
M. Bédard: Oui, mais peut-être qu'avant de
procéder aux amendements...
Le Président (M. Rochefort): Oui, est- ce qu'il y a
d'autres questions avant d'aborder les amendements? Pas d'autres questions?
M. Bédard: Avant de procéder aux amendements,
j'aimerais savoir si l'Opposition a des objections.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Pas d'objection.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Pas d'objection?
Le Président (M. Rochefort): Non, c'est ce qu'on m'a
indiqué.
M. Bédard: Alors, M. le Président, les
amendements.
Le Président (M. Rochefort): L'amendement à
l'article 1.
M. Bédard: L'article 1 de la Loi concernant la succession
d'Arthur Bousquet est remplacé par le suivant: "1. Malgré le
testament d'Arthur Bousquet fait le 22 janvier 1965, l'exécutrice
testamentaire Alice Goineau, son mandataire, la Fiducie du Québec, ou
tout autre mandataire nommé par l'exécutrice testamentaire est
autorisé à empiéter sur le capital de la succession pour
payer le coût des services à domicile d'infirmières ou
d'autres professionnels de la santé qui seront utiles à Alice
Goineau en cas de maladie sérieuse et prolongée."
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Est-ce que
l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?
M. Marx: Oui. J'aimerais poser une autre question au
procureur.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Est-ce que la dame en question est lucide?
M. McCarty: Oui.
M. Marx: Elle est lucide?
M. McCarty: Oui, assurément.
M. Marx: La deuxième question: Est-
elle au courant que vous faites cette demande?
M. McCarty: Certainement. J'ai déposé au dossier
une autorisation signée de sa part donnant droit à la Fiducie du
Québec de s'adresser à l'Assemblée nationale. Ce mandat ou
ces instructions sont au dossier.
M. Bédard: On aurait peut-être dû le
mentionner tout de suite. Si nous n'avions pas eu cette autorisation, le projet
de loi privé aurait eu peu de chances d'avancer.
M. Marx: II me semblait qu'il manquait une pièce au
dossier; c'est pourquoi j'ai posé cette question.
M. Bédard: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): Article 2, M. le ministre,
vous avez un autre amendement.
M. Bédard: Oui. La version française de l'article 2
de la Loi concernant la succession d'Arthur Bousquet est modifié par le
remplacement, à la deuxième ligne, du mot "le" par le mot
"la".
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté? Adopté. L'article 2, tel qu'amendé, est-il
adopté?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Rochefort): Article 3?
Mme Lachapelle: Adopté.
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté.
M. Bédard: Concernant le préambule...
Le Président (M. Rochefort): Juste un instant, je fais les
écritures. Concernant le préambule, M. le ministre, vous avez des
amendements.
M. Bédard: Le préambule de la Loi concernant la
succession d'Arthur Bousquet est modifié par le remplacement, à
la première ligne du premier alinéa, du nombre "1977" par le
nombre "1973". C'est une correction sur l'année du
décès.
Le Président (M. Rochefort): Cette correction est-elle
adoptée?
Mme Lachapelle: Adopté.
M. Bédard: Un autre de concordance qui se lirait comme
suit: Le préambule de la Loi concernant la succession d'Arthur
Bousquet est modifié par le remplacement des sixième et
septième alinéas par les suivants: "Que le total des revenus de
la succession et des revenus personnels de l'épouse du testateur est
insuffisant pour combler le coût des services à domicile
d'infirmières ou d'autres professionnels de la santé qui seront
utiles à celle-ci si son état se détériore; "Que
les neuf institutions religieuses et charitables que le testateur a
instituées légataires à titre universel ont
été avisées de la présentation de la
présente loi et ne se sont pas opposées à son
adoption."
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté? Adopté. Le préambule, tel qu'amendé, est-il
adopté?
M. Bédard: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le projet de
loi no 278, Loi concernant la succession d'Arthur Bousquet, est-il
adopté tel qu'amendé?
M. Bédard: Adopté. Nous remercions Me McCarty de
son exposé.
M. McCarty: Je vous remercie, M. le ministre.
Projet de loi no 221
Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc, finalement,
l'étude du projet de loi privé no 221, Loi concernant certains
recours en matière de responsabilité médicale ou
hospitalière. Pendant que les intervenants et procureurs prennent place,
j'inviterais le député de Notre-Dame-de-Grâce, parrain du
projet de loi, à nous en faire une présentation. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Merci, M. le Président. Pour le
bénéfice de mes collègues ici cet après-midi,
j'aimerais présenter un bref historique des événements qui
nous ont amenés à cet aboutissement aujourd'hui. C'est un peu
complexe, mais il est important que ce soit compris par tout le monde. Il
s'agit de deux personnes qui, possiblement, au début des années
soixante-dix étaient assujetties à un traitement médical
erroné. On ne sait pas, mais c'est possible. Il s'agit de savoir si ces
deux personnes peuvent intenter des poursuites contre soit l'hôpital, ou
les médecins qui étaient impliqués à cette
époque. Les deux personnes avisées sont M. Alfred Warf et M.
Gaudreau. Dans le cas de M. Warf, qui est avec nous aujourd'hui, il a
été opéré pour un poumon à l'hôpital
Montreal Center, en 1970. Un poumon a été enlevé, il a
été traité à l'aide d'un médicament qui,
d'après certains experts
médicaux, l'a rendu complètement sourd. Il est aujourd'hui
complètement sourd.
Dans le cas de M. Gaudreau, il a été victime d'un accident
d'automobile, en 1969. Il a été hospitalisé à
Saint-Jérôme, il a subi toute une série d'interventions
médicales et chirurgicales. Finalement, sans aller dans tous les
détails des interventions médicales, les deux personnes ont
contacté un cabinet d'avocats à Montréal, en 1972, afin de
poursuivre les hôpitaux ou les médecins ou les deux. Je dois
ajouter, en passant, que M. Warf a fait appel à l'aide juridique au
début et que cela a causé un petit retard, parce que l'aide
juridique a été obligée de lui déclarer qu'il n'y
était pas admissible. L'appel au cabinet d'avocats a été
fait en 1973, au mois d'août, et le cabinet était en train de
mettre ensemble le dossier quand une décision, au mois de juin 1974, de
la Cour suprême a été rendue. Elle avait pour effet de
réduire les délais permis pour un tel recours devant les
tribunaux de 30 ans à une année. (16 h 30)
En conséquence, les avocats ont écrit à ces deux
personnes pour leur dire que malheureusement à cause de cette
décision de la Cour suprême, ils étaient obligés de
fermer les deux dossiers, ce qui a été fait formellement par les
avocats à l'époque. Cependant, le gouvernement du Québec a
décidé d'agir et cette année même, au mois de
décembre, le projet de loi no 90 était adopté ici à
l'Assemblée nationale.
Une voix: ...
M. Scowen: En 1974, quelques mois après la décision
de la Cour suprême. Ce projet de loi avait pour effet de fixer à
trois ans les retards, les délais permis pour les poursuites de cette
nature. Il y avait également à l'intérieur de ce projet de
loi une clause, un article qui disait... Il semble que je ne l'aie pas avec
moi, mais il disait effectivement que toute personne qui intentait une
poursuite avant le 31 décembre de cette année, 1974, pourrait
intenter cette poursuite même si la date dépassait les trois ans.
Cependant, le projet de loi a été sanctionné le 24
décembre parce que le délai entre la sanction et la date limite
était seulement d'une semaine, effectivement, la semaine entre Noël
et le jour de l'an. Il y avait certaines personnes - les deux clients, le
cabinet des deux personnes visées aujourd'hui - dont les poursuites
n'avaient pas été intentées dans ce délai.
Le gouvernement a changé et en 1977, à la suite de
certaines représentations qui ont été faites par les
avocats de M. Warf, M. Gaudreau et d'autres personnes, le ministre de la
Justice actuel a reconnu que les délais prévus dans la loi 90
étaient trop courts. Il a présenté dans le projet de loi
no 65, au mois d'octobre 1977, quelques articles qui avaient pour effet de
permettre à ces personnes dont les avocats n'avaient pas remarqué
ce délai de sept jours, au cours duquel ils auraient pu préparer
une cause pour leur client, d'agir.
Je cite le ministre dans son discours de deuxième lecture, parce
que son objectif est très clair. Je le cite. C'est le ministre actuel
qui est en face de nous aujourd'hui. Il a dit, et je cite: "À cause de
la rapidité avec laquelle cette loi a été passée,
et aussi en raison de l'absence presque complète de publicité
autour de son adoption, plusieurs victimes dont les causes d'action remontaient
avant 1972 et qui, malgré la loi, auraient pu, techniquement, dans la
plupart des cas, faire revivre leurs droits, étant donné ces
facteurs que je viens de mentionner, plusieurs individus n'ont effectivement
pas fait valoir leurs droits en fonction de cette loi rétroactive qui
avait été passée par le gouvernement
précédent."
Je continue de citer: "Le projet de loi, en plus de permettre que les
recours abandonnés puissent être exercés par les victimes,
il convient de permettre l'annulation de transactions ou règlements.
Cette législation - et c'est important, je pense - ne donne toutefois
ouverture à des recours que dans la mesure où la victime prouve
que c'est en raison de cette décision de la Cour suprême qu'elle
n'a pas agi ou qu'elle a réglé ou s'est désistée de
son action."
Je répète que c'était précisément
à cause de cette décision de la Cour suprême que les
avocats de M. Warf et de M. Gaudreau ont écrit à leurs clients
pour les aviser qu'ils étaient obligés de fermer le dossier. Les
articles pertinents dans le projet de loi no 65, ont été
retirés durant le débat à la demande de l'Opposition
libérale qui voyait dans l'affaire la possibilité, parce que
c'était un projet de loi de nature publique, les dangers pour la
rétroactivité générale. En conséquence, M.
Gaudreau et M. Warf se trouvaient dans la même situation le lendemain de
l'adoption de la loi no 65. L'avocat a, par la suite, contacté le
ministre et lui a demandé d'agir avec un projet de loi plus
limité. Le ministre a répondu d'une façon affirmative le 7
mars 1978. Il a écrit aux avocats des deux personnes visées, par
l'intermédiaire de son chef de cabinet, et il disait: "Nous regrettons
que l'article du projet de loi mentionné en rubrique - la loi 65 - ait
dû être écarté à la suite des remarques et
commentaires qu'ont formulés les députés de l'Opposition.
Comme il nous faut conséquemment procéder par voie d'un projet de
loi de député, il me fait plaisir de vous informer que M. Michel
Clair, député de Drummond, verra au dépôt dudit
projet devant l'Assemblée nationale." Et, fidèle à cet
engagement, quatre mois plus tard, le 7
juin, M. Michel Clair a écrit aux avocats, disant: "J'ai
déposé, en première lecture, il y a quelques jours le
projet de loi no 190, dont copie est en annexe. Je m'excuse du long
délai dû, comme vous le savez sûrement, aux multiples
contraintes de la vie et de la procédure parlementaires." Je dois vous
dire qu'on était en 1978 et que les deux victimes avaient porté
plainte depuis 1972.
Je continue cet historique.
Je pense que je peux dire que rien n'a été fait pendant
deux ans. Le projet de loi n'a jamais été présenté
pour débat. Le député, M. Clair, est devenu ministre, donc
incapable de continuer ce projet de loi. Le seul document important que je
trouve au dossier pendant cette période est une lettre du ministre au
début de l'année 1979 dans laquelle, à la suite d'une
question qui était posée par les avocats quant à la
disposition du projet de loi et à ce qui pouvait arriver de lui, il a
proposé aux avocats d'obtenir l'assentiment de tous les membres de
l'Assemblée nationale, donc de l'Opposition, et du barreau.
Une voix: Ce n'était pas un gouvernement solide.
M. Scowen: Alors, je continue..
M. Marx: Je pense que ce serait mieux de...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaîtl M. le député de Notre-Dame de Grâce, vous
pouvez poursuivre.
M. Scowen: J'essaie de faire une présentation aussi
équilibrée que possible. Je ne parle pas comme juriste. Il y en a
plusieurs ici qui vous expliqueront l'affaire d'une façon plus technique
après. Au début de l'année 1981, M. Warf, qui est l'une
des personnes visées et qui habite mon comté, est venu me voir.
Il avait attendu depuis huit ans. J'ai pris connaissance de ce dossier pour la
première fois. C'était quelques semaines seulement avant
l'élection générale de 1981. Je me suis engagé
auprès de M. Warf à m'occuper de son cas immédiatement
après notre victoire d'avril 1981.
M. Bédard: Un engagement personnel, vous voulez dire?
Une voix: Ce qui est dit est dit.
M. Scowen: À l'automne 1981, je suis entré en
communication avec le bureau du ministre de la Justice et son adjoint, M.
Grenier, qui est avec nous aujourd'hui. Ils m'ont encouragé à
présenter un autre projet de loi privé pour régler le cas
de ces deux personnes, ce que j'ai fait.
Je dois vous dire que c'était ma première
expérience dans ce domaine; c'est très long de préparer un
texte et de s'entendre avec tout le monde. À la demande du
ministère de la Justice, j'ai fait approuver la loi par le
ministère des Affaires sociales et par le bureau de la
législation de l'Assemblée nationale. Le projet de loi a
été déposé au mois de juin.
M. Bédard: Je vous interromps sur ce point.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Je voudrais qu'il soit clair que devant vos
intentions de revenir à la charge, effectivement, nous vous avons offert
toute l'aide technique, mais je ne crois pas qu'on puisse dire que nous avons
approuvé le projet de loi. Mais, cela nous a fait plaisir et je ne veux
pas dire par là que je le désapprouve, non plus, mais simplement
pour la véracité des faits parce que lorsqu'un
député, qu'il soit de l'Opposition ou du côté
gouvernemental, a à préparer quand même une pièce de
procédures qui n'est pas facile à préparer quand on n'y
est pas habitué et même pour les habitués, je pense que
cela n'est que normal que nous offrions nos services techniques afin que la
présentation soit la meilleure possible pour prendre également la
décision la plus indiquée. Je pense qu'on se comprend.
M. Scowen: Tout ce que je peux vous dire en réponse, M. le
ministre, c'est que votre ministère, votre cabinet, et vous, m'avez
clairement indiqué que selon vos gestes précédents en
présentant le projet de loi no 65, vos déclarations pendant ce
débat et les engagements que vous avez pris dans la lettre que vous avez
écrite aux avocats, M. Warf et M. Gaudreau, au sujet de la loi no 190,
que même si vous ne pouvez pas approuver la loi dans le sens formel,
c'était une cause dans laquelle vous avez déjà
manifesté un intérêt positif.
M. Bédard: Effectivement, j'ai manifesté un
intérêt très positif étant donné la nature
des faits. On est à même de le constater par les gestes
posés...
M. Scowen: Voilà!
M. Bédard: ... de même que d'évaluer les
gestes posés par l'Opposition dans les circonstances...
M. Scowen: Voila! Je pense que je peux dire...
M. Bédard: Je pense que tout à l'heure nous aurons
à... Et je n'ai pas cessé cet intérêt de voir qu'on
ait une chance d'en
discuter à fond...
M. Scowen: Je pense qu'on se comprend.
M. Bédard: ... ici parmi les membres de la commission afin
de prendre la meilleure des décisions possible.
M. Scowen: On peut presque dire que dans les faits, il y a les
indications que c'était le gouvernement qui essayait de faire adopter
une loi devant la résistance de l'Opposition. Je pense que cela aussi
serait peut-être une exagération, mais on peut arriver à
cette opinion d'un rappel de l'historique de l'affaire. De toute façon,
la loi a été déposée au mois de juin de cette
année et pour donner à tous les intéressés le temps
nécessaire de présenter l'opposition et on se trouve aujourd'hui
devant le débat en commission parlementaire visant ce projet de loi.
Effectivement, ce que le projet de loi vise, l'objectif du projet de loi - et
je termine là-dessus - c'est de permettre à ces deux personnes
qui étaient prises par une conjoncture juridique difficile que j'ai
racontée, d'avoir recours aux tribunaux pour déterminer si oui ou
non il y avait erreur de la part, soit des médecins ou, soit des
hôpitaux concernés. Pas question aujourd'hui de donner une opinion
sur la justesse de leur cause, pas question de décider si les
requérants ont raison ou ont tort. C'est seulement de leur donner le
droit de se présenter devant les tribunaux pour que ce problème
soit réglé par les juges. Alors, j'ai essayé d'être
le plus juste possible. Le seul point sur lequel le ministre a
hésité un peu, on l'a assez expliqué des deux
côtés. (16 h 45)
M. le Président, je pense qu'il y a un certain nombre de
personnes qui veulent intervenir et je vais vous laisser le droit de
décider de l'ordre.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Dans un premier temps, nous
entendrons le procureur, Me Richard, ajouter, peut-être, à la
présentation que vient de nous faire le député de
Notre-Dame-de-Grâce. Par la suite, nous entendrons les différents
intervenants qui ont manifesté leur intention de se faire entendre par
les membres de la commission sur ce projet de loi. Me Richard.
M. Richard (Michel): M. le Président, je crois que le
député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Scowen, a très
bien exposé le problème.
M. Marx: M. le Président, est-ce que vous ne pourriez pas
demander à chacun des intervenants de nous dire pour qui ils vont
agir?
Le Président (M. Rochefort): C'est effectivement mon
intention. Mais, dans un premier temps, Me Richard est procureur, j'imagine,
des deux personnes concernées par le projet de loi. Ensuite, au fur et
à mesure qu'on entendra les différents intervenants,
évidemment, on leur demandera d'identifier les gens qu'ils
représentent. Me Richard.
M. Richard (Michel): D'accord. Comme je le disais, M. Scowen a
très bien exposé le problème. La seule chose que
j'aimerais ajouter, ce sont des commentaires sur ce qui s'est passé
à la fin de 1974. Je crois que tout le problème tourne autour de
cela. Le 12 juin 1974, la Cour suprême rend une décision qui prend
la prescription de trente ans qui était admise de tous pour des cas
comme celui-ci et décide qu'il s'agit plutôt d'une prescription
d'un an. Au moment où cette décision est rendue, les dommages ont
été causés plus d'un an auparavant, alors nos clients se
retrouvent sans recours. On leur écrit, on leur dit qu'ils n'ont plus de
recours. On ferme notre dossier.
Dans les mois qui ont suivi, il y a une loi qui est adoptée par
l'Assemblée nationale, qui devient le chapitre 80 des lois de 1974, qui
prévoit, comme M. Scowen l'a dit tantôt, que si une action est
prise avant le 1er janvier 1975, même pour des actes fautifs posés
avant le 1er janvier 1972, le recours est bon. Mes confrères qui sont
ici vont certainement nous reprocher de ne pas avoir pris cette action quand on
a eu vent du projet de loi en question ou après sa sanction. J'aimerais
insister sur le fait qu'il est pratiquement impossible de prendre une action
quand on a un dossier fermé en moins d'une semaine ou même en
moins de deux ou trois semaines. Mes confrères qui pratiquent pourront
certainement attester de cela. Il aurait fallu qu'on obtienne un nouveau mandat
de nos clients, qu'on finisse de compléter nos dossiers et qu'on prenne
action. De plus, comme M. le ministre a fait remarquer dans l'allocution qu'il
a faite au sujet du projet de loi no 65, en 1978, le projet de loi en question
avait été adopté presque sans publicité, de sorte
qu'on n'a pas appris l'existence de ce projet de loi avant le mois de
décembre. Par ailleurs, je ne crois pas qu'on puisse demander à
des avocats de prendre une action au nom de leurs clients sur la foi d'un
simple projet de loi, puisque, comme vous le savez tous très bien, un
projet de loi est souvent modifié. C'est arrivé au projet de loi
no 65 et cela aurait pu arriver au projet de loi qui a
précédé la loi no 80 de 1974. Comme M. Scowen l'a dit, il
y eu seulement une semaine entre la sanction du chapitre 80 et son
entrée en vigueur. Je crois qu'il serait tout à fait inique de
refuser à M. Warf et à M. Gaudreau le droit d'aller voir un juge,
simplement parce qu'il y a eu une période
d'une semaine pendant laquelle ils auraient pu intenter action.
Je voudrais terminer en disant que j'ai vu moi-même le dossier de
M. Warf au Montreal Chest Hospital. J'ai vu des extraits du dossier de M.
Gaudreault de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme. Les dossiers
existent encore, les dossiers sont encore complets. On a réussi à
retracer les médecins qui se sont occupés de ces patients. Je ne
vois pas quel préjudice serait causé au défendeur par le
retard qui s'est écoulé entre 1974 et aujourd'hui. Merci.
Le Président (M. Rochefort):
Maintenant, j'inviterais, dans l'ordre prévu à l'ordre du
jour, Me Édouard Martin, représentant le Centre hospitalier
thoracique, à nous faire part de ses opinions sur cette question.
M. Martin (Édouard): Nous avions convenu que l'avocat qui
représente l'hôpital ou le Dr Wilson parlerait le premier. Nous
avions convenu cela entre nous. Je me demande si on ne pourrait pas
respecter...
Le Président (M. Rochefort): Nous ne nous y opposons pas.
Vous pouvez y aller dans l'ordre, en nous indiquant qui vous êtes et qui
vous représentez.
M. Chénier (Robert): Mon nom est
Robert Chénier. Je suis avocat. Je représente le Dr James
Wilson qui, à une certaine époque, a soigné un des
intéressés, M. Warf. C'est un des médecins qui l'ont
soigné.
En premier lieu, j'aimerais noter que le projet de loi no 221 dit dans
son préambule que Paul-Henri Gaudreau et Alfred Henry Warf n'ont pas pu
se prévaloir de cette loi pour intenter leur action. La loi à
laquelle on fait référence, dont ils affirment ne pas avoir pu se
prévaloir est le chapitre 80 des lois de 1974. C'est cette loi, par
laquelle le Code civil a été modifié pour y incorporer
l'article 2260a, qui prévoit une prescription de trois ans en
matière médicale. Cette loi contient aussi des dispositions
transitoires. Je prétends devant cette commission parlementaire que M.
Warf et M. Gaudreau auraient pu se prévaloir de cette loi qui a
été adoptée en décembre 1974.
En effet, l'article 5 de cette loi stipule que la prescription du
paragraphe 2262.2 du Code civil, soit la prescription d'un an applicable en
matière de blessures corporelles et la prescription de l'article 2260a
du Code civil, c'est-à-dire la prescription de trois ans en
matière médicale, ne s'appliquent pas à toute action ou
instance pendante devant un tribunal au 1er janvier 1975. Même si la
cause d'action a pris naissance avant le 1er janvier 1972.
Dans le cas qui nous intéresse, M.
Gaudreau, selon la lettre de son procureur transmise à
l'Assemblée nationale, aurait constaté une faute le 7 octobre
1969. Il aurait consulté son avocat le 15 août 1972. Donc, entre
la date de la constatation de la faute et la date où l'avocat est
consulté et la date limite du 1er janvier 1975 pour toute action
pendante - qui est l'exception prévue à la loi - il y a deux ans
et demi pour le délai après la consultation avec l'avocat et plus
de cinq ans après la date de la commission de la faute. Ainsi, dans le
cas de M. Gaudreau, si une action avait été intentée dans
les cinq ans suivant la faute, étant donné que l'instance aurait
été pendante devant les tribunaux pour une faute commise avant le
1er janvier 1972, mais pendante au 1er janvier 1975, il aurait
bénéficié de l'exception à la loi.
La même chose vaut pour M. Warf dont le préjudice s'est
manifesté en décembre 1970, soit avant le 1er janvier 1972 et qui
a consulté son avocat le 22 août 1973. Donc, il avait quatre ans -
jusqu'au 1er janvier 1975 - pour intenter son action et plus d'un an et demi
après avoir consulté son avocat.
Donc, je pense qu'on ne peut pas affirmer que ces deux citoyens n'ont
pas pu se prévaloir de cette loi. Si eux-mêmes avaient
donné instruction à un procureur pour qu'il intente action ou si
les procureurs qu'ils ont consultés avaient intenté action dans
l'année et demie ou dans les deux ans et demi, à la suite de la
réception du dossier, l'action aurait été pendante devant
un tribunal au 1er janvier 1975. Ils ne seraient pas affectés ni par la
prescription d'un an, ni par la prescription de trois ans. On peut donc croire
que ce serait la prescription de 30 ans qui s'appliquerait.
M. Marx: J'aurais seulement une petite question. Puis-je
interrompre parce qu'il serait difficile de revenir sur tout cela
après?
Le Président (M. Rochefort): Est-il
préférable d'entendre les représentations des
différents intervenants?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Rochefort): Si vous vouiez
poursuivre.
M. Scowen: Nous allons entendre tous les intervenants et nous
poserons les questions ensuite?
Le Président (M. Rochefort): Oui, c'est cela.
M. Chenier: Je note encore, concernant ces deux citoyens, qu'il
n'y a eu aucune procédure intentée par leurs instructions
malgré que les procureurs aient été consultés
et aient eu le dossier pendant deux ans et demi ou un an et demi avant
la date limite du 1er janvier 1975. En fait, la première lettre que mon
client, le docteur Wilson, reçoit concernant cette affaire est une
lettre disant que nous procéderons aujourd'hui à l'étude
de ce projet de loi en commission parlementaire, lettre que lui envoient les
procureurs de M. Warf le 6 décembre 1982, plus de douze ans après
les événements.
On a aussi parlé rapidement du projet de loi no 65 qui, en 1977,
visait justement à faire revivre des actions prescrites pour des actes
posés avant le 1er janvier 1972. Il s'agissait, en effet, de l'article
10 du projet de loi no 65 en vertu duquel une victime qui n'avait pas
intenté une action pouvait demander la permission à un juge
d'intenter une action en responsabilité médicale ou
hospitalière dans le cas d'un préjudice résultant d'un
acte médical posé avant le 1er janvier 1972.
Lors du débat sur ce projet de loi no 65, en deuxième
lecture, le député de Mont-Royal, M. Ciaccia, a fait certaines
représentations au ministre de la Justice, en l'occurrence, M.
Bédard. Après avoir fait l'historique de la loi de 1974, le
chapitre 80 connu sous le nom de projet de loi no 92, M. Ciaccia a fait
remarquer qu'il y avait eu des représentations faites par le barreau au
gouvernement indiquant que cet article, qui faisait l'objet de la
décision de la Cour suprême, devait être amendé. Il
parlait des représentations faites avant la loi de 1974.
M. Ciaccia notait qu'on avait prévu des exceptions dans le projet
de loi de 1974 dont, notamment, toutes les actions pendantes au 1er janvier
1975. Concernant l'article 10 du projet de loi no 65, M. Ciaccia disait: "On en
arrive à la question des trois ans, commençant le 1er janvier, et
cela fait partie du chapitre 80 des lois de 1974. C'était une loi qui
s'intitulait Loi modifiant certaines prescriptions. Aujourd'hui, nous avons
devant nous un projet de loi, comme le député de Saint-Louis l'a
dit, qui porte la marque de commerce de la rétroactivité du
gouvernement, qui veut encore rouvrir le dossier du même problème
qui avait été résolu en 1974. En 1974, il y avait une
raison spécifique, la décision de la Cour suprême qui
n'était pas acceptable par ceux qui étaient directement
affectés. En légiférant d'une façon
rétroactive, c'est une loi d'exception et cela a été fait
dans un but spécifique avec la publicité qui a été
faite à ce moment-là. Aujourd'hui, la question est rouverte."
Ce à quoi le ministre de la Justice répliquait: "Avec la
permission de mon collègue, il est exact que le bâtonnier m'a fait
des représentations cet après-midi sur cet article 10 et je pense
que la même chose a été faite auprès de mon
collègue. Je vais trouver le moyen, d'ici à ce que nous
procédions à l'étude article par article, de faire
l'évaluation de tous les éléments qui ont
été portés à ma connaissance par le barreau."
Le député de Nicolet-Yamaska, M. Fontaine, lors de la
même séance, a continué le même raisonnement sur
l'effet rétroactif de cet article 10 du projet de loi no 65 qui
ultimement a été retiré du projet de loi. "Sur l'autre
question fondamentale, dit-il, de la rétroactivité et de la
prescription, je pense que le barreau a fait des remarques pertinentes
là-dessus. Le ministre a sûrement reçu une copie des
représentations qui ont été faites. Là-dessus, je
partage l'opinion du député de Mont-Royal. Il s'agit d'une
rétroactivité par-dessus une rétroactivité qui
avait déjà été accordée. À ce moment,
les gens qui pourront être poursuivis à la suite du prolongement
de cette prescription, on se demande jusqu'à quel point ils seront en
mesure de se défendre lorsqu'ils seront poursuivis plusieurs
années après que l'acte aura été posé. De ce
côté, il va falloir absolument que le ministre tienne compte,
d'une façon rigoureuse, des remarques qui lui ont été
faites par le barreau. (17 heures) "Le ministre a mentionné, dans son
discours, qu'il y avait eu un manque de publicité lors de l'adoption de
la loi en 1974 - je fais remarquer que le procureur des deux patients
concernés fait la même remarque aujourd'hui - ce à quoi le
député de Nicolet-Yamaska répond, en 1977: Je me permets
de lui citer entre autres un passage de la lettre du bâtonnier qui dit:
De plus, la mesure de clémence qui donnait des effets rétroactifs
accordés par la loi de 1974 avait été abondamment rendue
publique à l'époque et par les journaux et par les organes
d'information du barreau. Le Journal du barreau en avait fait état et,
bien plus, le barreau avait transmis, dès le 20 décembre 1974, un
barreaugramme à tous les avocats individuellement pour les informer de
la nouvelle législation.
De ce côté, la publicité a été
amplement faite. S'il y a des gens qui ont été négligents,
ils doivent s'en mordre les pouces. Actuellement, si vous oubliez de
poursuivre, à la suite d'un accident d'automobile où il y a eu
des blessures corporelles, à l'intérieur de l'année, vous
perdez votre droit de recours. C'est la négligence des gens qui a fait
qu'ils n'ont pas pu effectuer ce recours.
Je pense que les remarques du barreau sont tout à fait
pertinentes, commente le député de Nicolet-Yamaska après
avoir cité cet extrait de la lettre du bâtonnier.
Lors de la troisième lecture de ce projet de loi no 65 qui a eu
lieu le 9 novembre 1977 lors de l'étude article par article, le ministre
de la Justice, M. Bédard, disait: "L'article 10 est retiré, M.
le
Président. Des représentations ont été
faites par le barreau qui, simultanément, je crois, a porté ces
représentations-là aussi à l'attention de l'Opposition
lors du discours de deuxième lecture. J'avais indiqué qu'à
la suite des représentations faites par l'Opposition je verrais à
réévaluer la situation." Effectivement, l'article 10 n'a pas fait
partie de la loi 72 qui a été adoptée en 1977.
Je pense donc que la question a déjà été
débattue de façon générale. Des exceptions ont
été prévues en 1975 et les deux individus auraient pu s'en
prévaloir parce que rien ne les empêchait d'intenter leur action
dans les jours qui ont suivi la connaissance qu'ils ont eue de la faute, soit
en 1972 ou en 1973. Ils n'étaient pas obligés d'attendre la fin
de la période de prescription de 30 ans. Dans la mesure où ces
gens-là auraient pu se prévaloir de la loi qui prévoit une
exception à l'article 5 pour toute action pendante devant un tribunal au
1er janvier 1975, j'estime que le projet de loi est redondant. La
matière est déjà couverte dans la loi de 1974 et a
déjà été couverte dans le projet de loi no 65.
Enfin, je ferai remarquer que la loi constituerait, si adoptée,
un précédent des plus néfastes faisant revivre un droit
éteint, consacrant un principe de rétroactivité sur
rétroactivité et ouvrant la porte à des multitudes de
demandes de projets de loi privés semblables pour remédier
à des prescriptions échues.
Quant à la position du barreau, j'aimerais faire remarquer que le
procureur des deux patients concernés, dans les représentations
qu'il fait à l'Assemblée nationale, souligne encore une fois que,
lorsqu'il s'est réadressé au barreau, le barreau a refusé
de réviser sa position.
M. Bédard: Voulez-vous répéter?
M. Chénier: Dans sa lettre qu'il adresse à
l'Assemblée nationale, le procureur des deux patients mentionne que,
s'étant adressé au bâtonnier du barreau de Montréal,
celui-ci a préféré ne pas lui accorder son appui et que,
lorsqu'il a communiqué à nouveau avec le barreau du
Québec, le barreau du Québec a refusé de réviser sa
position qui avait été adoptée en 1977 lors du
débat sur l'article 10 du projet de loi no 65.
Je pense que le ministre de la Justice, en 1977, a, à bon droit,
accepté et adopté les recommandations et qu'en étant
consistant dans sa pensée il pourrait en faire de même aujourd'hui
concernant ce projet de loi privé. Je vous remercie de votre
attention.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Bédard: Juste sur ce point...
M. Marx: M. le ministre, il m'a donné la parole.
M. Bédard: En termes de continuité, j'avais... Deux
secondes.
M. Marx: Je m'excuse, le Président m'a donné la
parole mais je vais vous la céder si vous insistez tellement.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Juste une petite remarque... Remarquez que
j'avais deux pensées: Celle de corriger une situation et celle
d'être obligé, à un moment donné, de tenir compte
des représentations de l'Opposition et des représentations du
barreau, ce qui, je dois vous le dire, ne diminuait quand même pas mon
intention d'attacher de l'importance à corriger une certaine
situation.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Avec le consentement des membres de cette commission,
j'aimerais maintenant poser quelques questions. On nous a expliqué les
deux côtés de la médaille. Je pense que les autres
explications seront dans le même sens. S'il y a des avocats qui ont
quelque chose à ajouter qui soit différent et de nature à
nous éclairer sur un autre point, peut-être peut-on les entendre
avant. Mais si c'est juste une répétition.
M. Auclair (Claude): Si vous me le permettez.
Le Président (M. Rochefort): Un instant. M. le
ministre.
M. Bédard: Je suis d'accord pourvu que ce ne soient pas
des répétitions.
M. Marx: On connaît le problème.
M. Bédard: Je pense qu'on veut continuer à suivre
la ligne de conduite que vous nous avez indiquée, à savoir
d'entendre toutes les personnes qui ont des représentations à
faire.
Le Président (M. Rochefort): Toutefois, je vous
inviterais, pour ceux qui suivront, à éviter de
répéter des arguments qui auraient déjà
été évoqués pour nous permettre de disposer quand
même assez rapidement du projet de loi. J'inviterais l'intervenant
suivant, à la suite de l'entente.
M. Martin: Je suis Édouard Martin, avocat du bureau
Gagnon, de Billy et
associés, à Québec, et je représente le
Centre hospitalier thoracique de Montréal. Je fais miens,
évidemment, tous les éléments de l'opposition
présentés par mon confrère, Me Chénier. Je veux
simplement souligner les iniquités que causerait ce projet de loi s'il
était adopté. Je vais vous les signaler dans l'ordre où
ils me viennent à l'esprit, tout en vous mentionnant qu'il y en a
d'autres que j'oublie certainement.
Le Centre hospitalier thoracique de Montréal, au moment où
je vous parle, possède un moyen de défense. On le lui
enlèverait rétroactivement avec toutes ses conséquences,
c'est-à-dire qui assure cette perte, parce que le Centre hospitalier
thoracique de Montréal est probablement assuré pour des
problèmes qui se sont présentés au cours des
dernières années, mais il n'est probablement pas assuré
pour des problèmes qui se sont présentés il y a douze ou
treize ans. Les employés de l'hôpital. N'oublions pas que le
projet de loi dit que...
M. Marx: Je n'ai pas saisi le point. L'hôpital va avoir un
moyen de défense. C'est quoi? La prescription?
M. Martin: Oui, la prescription.
M. Marx: C'est le moyen de défense. D'accord.
M. Martin: C'est un moyen de défense que le Centre
hospitalier thoracique de Montréal possède et on le lui
enlèverait rétroactivement avec toutes les
conséquences.
M. Marx: Mais ce n'est pas le seul moyen de défense. Il y
a un autre moyen de défense possible aussi...
M. Martin: Bien sûr.
M. Marx: ... de prouver que l'hôpital n'était pas
responsable.
M. Martin: Bien sûr. Mais lorsqu'on est...
M. Bédard: II peut être moins sûr comme
moyen.
Des voix: Ah!
M. Martin: La prescription est, évidemment, un moyen de
défense très fort dans le cas de ce dossier en particulier.
M. Marx: ...
M. Martin: On n'a aucune raison de lui enlever ce moyen
rétroactivement. Je parlais des employés de l'hôpital qui
peuvent très bien ne plus être des employés de
l'hôpital aujourd'hui. Je vous souligne que l'article 2 du projet de loi
prévoit que le demandeur pourrait réclamer en justice des
dommages et intérêts de toute personne qu'il allègue
être responsable d'un préjudice. Qui va défendre ces
personnes? Sont-elles solvables aujourd'hui? Vont-elles devenir insolvables par
l'effet d'une action intentée contre elles? Sont-elles assurées?
Voilà autant de questions que ces personnes devront se poser.
M. Bédard: Voulez-vous répéter? Vous dites
"toute personne". Le précédent...
M. Martin: Le projet de loi dit que Alfred Henry Warf peut
réclamer en justice des dommages et intérêts de toute
personne qu'il allègue être responsable d'un préjudice
qu'il prétend dû à un acte médical accompli entre le
2 septembre 1970 et le 13 février 1971.
M. Bédard: Cela va, Me Martin.
M. Martin: Cela inclut les membres du personnel de
l'hôpital qui auraient pu, dans l'esprit ou dans les
allégués de M. Warf, commettre une faute. Ces gens étaient
peut-être assurés à l'époque, mais ils ne le sont
probablement plus aujourd'hui. Ces gens vont devoir se défendre contre
une action d'une certaine importance. Le projet de loi nous fait voir que la
personne réclame pour l'incapacité résultant d'une
surdité à peu près complète. Il s'agit d'une loi
qui donnerait...
M. Marx: M. le Président, j'aimerais poser une question
technique. Peut-être que l'avocat qui plaide pour l'hôpital ou qui
fait un exposé au nom de l'hôpital pourrait m'éclairer sur
cette question.
Autrefois, avant 1974, il y avait une prescription de 30 ans.
M. Martin: Ce n'est pas exact. Autrefois, il y avait une
discussion entre les avocats. Beaucoup d'avocats croyaient et croient toujours
que la prescription était d'un an. Il y avait une discussion et il
était loin d'être clair que la prescription était de 30
ans.
M. Marx: Est-ce que les cours ont accepté des actions
après un an, deux ans, cinq ans, dix ans, quinze ans ou vingt ans?
M. Martin: II y en a eu; il y a eu aussi des actions de
rejetées durant le même temps. Ce n'est que lorsque la Cour
suprême du Canada a tranché le débat, en 1974, que nous
avons réellement connu l'application du deuxième paragraphe de
l'article 2262.
M. Marx: En quelle année les cours
ont-elles commencé à rejeter les actions faites
au-delà d'un an?
M. Martin: Bien avant. Il y a toujours eu des actions
rejetées. Il y a eu, en contrepartie, des actions qui n'ont pas
été rejetées, qui ont été continuées.
L'arrêt Patry, de la Cour suprême du Canada, est une de ces actions
où on a permis de continuer. Si ma mémoire est bonne, l'action
avait été rejetée en première instance et c'est la
Cour d'appel qui avait, dans un jugement qui en avait surpris plusieurs,
maintenu une prescription de 30 ans.
M. Marx: Je ne connais pas la jurisprudence; j'avoue que je n'ai
pas étudié la jurisprudence ce matin, avant la commission. C'est
dire que pendant des années il y avait deux courants de
jurisprudence.
M. Martin: II y avait une incertitude.
M. Marx: Est-ce que c'était la jurisprudence de la Cour
d'appel du Québec? Si tout ce que vous avez dit est correct, il y avait
une insécurité en matière de prescription,
c'est-à-dire que ce n'était pas clair pour tout le monde pendant
des années.
M. Martin: II y avait une incertitude.
M. Marx: Depuis quelle année?
M. Martin: Depuis plusieurs années.
M. Marx: Depuis cinq ans, dix ans?
M. Martin: Non. Le professeur Paul-André Crépeault,
dans son étude sur la responsabilité médicale, en 1961,
avait déjà fait valoir cette incertitude qui existait
déjà à l'époque, qui a persisté durant
plusieurs années et qui n'a été tranchée qu'en
1974. Auparavant, les tribunaux ont toujours trouvé le moyen
d'éviter la question, si vous me permettez l'expression, en trouvant,
par exemple, des motifs d'interruption ou des motifs de suspension de
prescription. D'ailleurs, si vous lisez la lettre qui provient des avocats de
MM. Warf et Gaudreau, en date du 16 juillet 1982, vous allez voir que cette
lettre contient certains éléments qui auraient permis à un
tribunal, en 1974, de trouver des motifs d'interruption ou de suspension de
prescription. Par exemple, le dommage était progressif chez M. Warf. On
voit, par exemple, à la page 2 de la lettre, que ce n'est qu'au mois de
mai 1973 que M. Warf a constaté qu'il était complètement
sourd. Le problème était progressif. Quelle est la date de la
constatation du dommage? C'est peut-être seulement en mai 1973. Si bien
qu'il n'est pas sûr que si une action avait été
intentée elle aurait été déclarée prescrite.
(17 h 15)
M. Marx: Du côté de l'hôpital, en 1972 ou en
1970, comme tout le monde est censé connaître la loi,
l'hôpital est censé connaître la loi étant
donné les avocats qui sont à son service et était au
courant qu'il pourrait y avoir des actions intentées pour des actes
médicaux qui ont eu lieu en 1970 ou des actions mêmes à la
fin du siècle. Donc, cela veut dire que c'est la Cour suprême qui
est intervenue, qui a tranché en faveur de l'hôpital. Quand la
Cour suprême a décidé, en 1974, que la prescription est
d'un an et non de 30 ans, c'est égal à la législation. La
Cour a "légiféré" - entre guillemets - cela revient
à cela. L'Assemblée nationale en adoptant sa loi à la fin
de 1974 a, à son tour, légiféré aussi.
M. Martin: Exact.
M. Marx: Dans les deux cas, c'est la loi, à mon avis.
M. Martin: Exact. Mais le jugement de la Cour suprême, en
1974, a eu l'effet de faire . acquérir certains moyens de défense
clairs à des individus et on ne peut pas aujourd'hui changer les
règles du jeu après la partie.
M. Marx: On a changé cela une fois.
M. Martin: On l'a changé une fois par un projet de loi
public.
M. Marx: Quelle est la différence entre un projet de loi
privé et un projet de loi public?
M. Martin: II y a une grosse différence parce
qu'après le projet de loi public, les droits de défense sont
enlevés de toute personne. Tandis qu'ici, on veut prendre des moyens de
défense de quelques personnes nommément désignées
et on veut les leur enlever.
M. Marx: Je comprends la distinction, mais je peux vous
référer aux lois publiques qu'on est en train d'adopter, qu'on va
adopter demain. Une loi publique, sur la face même de la loi, c'est une
loi qui enlève des droits rétroactifs, il y en a une maintenant
à l'Assemblée nationale. C'est pour les personnes qui seront
touchées qui ne sont pas énumérées dans la loi,
mais je peux les énumérer pour vous facilement,
c'est-à-dire la loi a la coloration d'une loi publique, mais cela veut
dire que les personnes qui seront touchées sont très
limitées et le ministre concerné pourra les
énumérer le cas échéant. Ici c'est un projet de loi
privé, on peut en faire une loi publique sans mentionner les
noms de M. Warf et de M. Gaudreau, cela devient une loi publique, on
sait que cela va toucher seulement deux ou trois personnes. C'est une
différence sans distinction parfois.
M. Martin: Je pense que la distinction est importante parce
que...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je ne veux pas
présumer de mon opinion finale. Après qu'on aura entendu tous les
procureurs sur ce point, je veux quand même indiquer ma différence
de perception, de celle du député de D'Arcy McGee, sur ce qu'est
un projet de loi public par rapport à un projet de loi privé.
Quand il s'agit d'un projet de loi public, il a un caractère public. Il
s'adresse à l'ensemble du public. Un projet de loi privé,
à condition qu'on veuille garder le nom, la signification d'un projet de
loi privé, s'adresse à des personnes et concerne les personnes
désignées et n'a d'effet que sur les personnes qui pourraient
avoir des relations de droit avec ces personnes désignées.
M. Marx: Je vois la distinction que le ministre est en train de
faire. Je peux vous référer, M. le ministre, aux lois
adoptées par l'Assemblée nationale, adoptées par les
Législatures des autres provinces où par exemple on a
modifié une loi. La cause était pendante entre la Cour d'appel et
la Cour suprême du Canada et la Législature a modifié la
loi rétroactivement pour dépouiller la personne en question de
son droit d'appel et la personne a perdu sa cause. On n'a pas adopté ces
lois comme des projets de loi privés, on a adopté ces lois comme
des projets de loi publics. Il y a quand même un caractère
privé dans le sens qu'on a visé une personne même si ce
n'est pas mentionné dans le projet de loi.
M. Bédard: Je ne veux pas faire de débat, mais il y
a une différence fondamentale même dans l'exemple qu'évoque
le député de D'Arcy McGee. À partir du moment où
c'est un projet de loi public, il peut, par son effet, toucher d'autres
personnes, même s'il est fait en pensant à un cas précis
alors que, lorsque c'est un projet de loi privé, cela concerne des
personnes nommément désignées et n'affecte que les droits
de ces personnes désignées et les droits que pourraient avoir
d'autres personnes en fonction de ces personnes désignées.
Donc...
M. Marx: M. le ministre, seulement pour prendre l'exemple...
Le Président (M. Rochefort): On conclut sur cette
question.
M. Marx: Oui, je vais conclure.
M. Bédard: On peut différer d'opinions. On ne
réglera pas le problème ici. C'est le problème de ces gens
qu'il faut régler.
M. Marx: Oui, mais on est ici pour discuter du problème.
Je pense que j'ai droit à 20 minutes sur ce sujet.
Le Président (M. Rochefort): Non, M. le
député de D'Arcy McGee. Vous n'avez pas droit à 20 minutes
sur cette question sur laquelle vous n'avez pas la même perception que le
ministre.
M. Marx: Combien de minutes ai-je? Si je n'ai pas de droit de
parole, je vais m'en aller, c'est tout.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee, personne n'a prétendu que vous n'aviez pas droit de
parole. Toutefois, vous avez soulevé une question qui a amené une
question du ministre de la Justice, au cours de laquelle il a fait état
qu'il n'avait pas la même perception que vous d'une question qui n'est
pas soumise à la commission à l'heure où nous nous
parlons. J'ai accepté que vous interveniez tous les deux, à deux
ou trois reprises, sur cette question. Je crois qu'on pourrait revenir au
mandat pour lequel nous sommes en séance de la commission permanente de
la justice et permettre aux différents procureurs de poursuivre leur
présentation de façon que nous puissions disposer du projet de
loi qui est devant nous et pour lequel vous aurez le même droit de parole
que tous les autres membres de la commission.
M. Marx: M. le Président, si j'ai le consentement, je vais
terminer sur ce point-là.
M. Bédard: M. le Président, je pourrai donner le
consentement à mon collègue quand on aura terminé tous nos
travaux, pour ne pas nuire à l'intérêt que...
M. Marx: Je vais perdre le fil.
Le Président (M. Rochefort): Donc, il n'y a pas de
consentement.
M. Bédard: Mais laissez-moi terminer ma phrase! Il y a des
personnes devant nous. C'est leur cas qu'il faut régler.
M. Marx: Bon! Voilà!
M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee a
émis une opinion. J'en ai émis une qui est différente de
la sienne sur un point qui ne concerne pas profondément, j'ai
l'impression,
le résultat des travaux de cette commission par rapport au cas
précis que nous avons à régler. Je n'ai aucune objection
à ce que la discussion puisse se poursuivre une fois que nous aurons
disposé du temps des personnes qui sont ici pour nous faire des
représentations. Je regrette même d'avoir exprimé ma
non-convergence d'opinions avec le député de D'Arcy McGee. Je ne
croyais pas que cela puisse entraîner un débat.
M. Marx: Tout ce que j'ai voulu dire -et je ne vais pas en faire
un plat - c'est que si des avocats ou d'autres sont intéressés
à un projet de loi public qui touche un nombre de personnes
déterminé ils peuvent voir le projet de loi - je ne me souviens
pas du numéro - concernant les transporteurs d'écoliers qu'on
doit adopter cette semaine. Quelqu'un va lire ce projet de loi et il va
comprendre de quoi il s'agit.
Le Président (M. Rochefort): Me
Martin, si vous voulez poursuivre votre témoignage.
M. Martin: Pour répondre aussi à une question que
vous aviez soulevée, je crois que certains projets de loi ont
été adoptés dans l'intérêt public, mais il
s'agit de projets de loi adoptés, à mon avis, dans
l'intérêt privé de deux citoyens et il faut regarder la
balance des inconvénients qu'on va causer. Nous ne sommes pas en
matière d'injonction, mais j'étais en train de souligner les
inéquités que ce projet de loi peut causer. Je soulignais, par
exemple, qu'un employé d'un hôpital qui serait maintenant
employé dans un autre hôpital serait obligé de se
défendre seul, sans l'appui d'assureurs et possiblement condamné
pour un acte pour lequel il possédait un moyen de défense
auparavant. Va-t-il être obligé de payer des frais d'avocat pour
se défendre contre une action de cette importance et pourquoi lui
imposerait-on ce fardeau aujourd'hui?
C'est la même chose pour les problèmes d'assurances. Dans
le cas d'un employé d'hôpital et dans le cas d'un centre
hospitalier comme celui que je représente, tous les ans, l'assureur pose
la question suivante: Êtes-vous au courant de faits susceptibles de
conduire un demandeur à vous poursuivre devant les tribunaux? Ils
doivent donner les faits. Si, par hasard, ils connaissent les faits et qu'ils
ne les révèlent pas lors de la conclusion du contrat d'assurance,
lors de la proposition du contrat d'assurance, s'il arrive une poursuite par la
suite, l'hôpital ou l'assuré - l'employé assuré,
dans le cas où la police d'assurance est prise par un employé
assuré, n'est pas couvert pour ce bénéfice ou pour cette
perte ou pour cette réclamation. Par conséquent, il devra se
défendre seul et, en cas de condamnation, payer seul.
Je crois que le projet de loi, tel qu'il est, a des buts louables. Mais,
dans ses effets, il peut y avoir des effets iniques que j'ai le devoir de vous
souligner. J'ai le devoir de vous souligner le caractère
extrêmement dangereux de ce précédent qui ferait non
simplement prévaloir des droits individuels, mais tomber des moyens de
défense individuelle. Alors, cela est beaucoup plus grave.
Lorsqu'on étudie les auteurs anglais en droit public, comme MM.
Dicey et Wade and Phillips, par exemple, ils vous diront toujours que les lois
qui enlèvent des moyens de défense sont considérées
plus iniques que celles qui accordent rétroactivement des droits. Ce
projet est formulé comme s'il accordait des droits, mais il a l'effet
d'enlever des moyens de défense. En Angleterre, au Canada et au
Québec, je ne contesterai pas le droit du Parlement de faire des lois
rétroactives. Vous avez le droit de faire des lois rétroactives,
mais je vous souligne le caractère inique du législateur qui
viendrait mettre le doigt dans l'appareil législatif pour favoriser un
citoyen au détriment d'un autre. Je trouve que cela est inique et on
doit s'y opposer. Dans le cas qui m'intéresse, ce projet de loi
favoriserait un citoyen aux dépens de mon client et de ses
employés.
Il est évident que le proposeur avait des intentions parfaites et
louables et il a bien vu les intérêts de M. Warf. Personnellement,
je vois aussi le cas de M. Warf d'un oeil très sympathique - je suis
humain comme tout le monde - mais je crois important de vous souligner le
caractère extrêmement dangereux d'un précédent dans
ce sens et de vous souligner les injustices que subiraient ma cliente,
sûrement le client de mon confrère qui a parlé avant moi et
les employés de ma cliente. C'est pourquoi je crois que ce projet de loi
ne devrait pas recevoir votre approbation.
Le Président (M. Rochefort): Merci. M. Marx: Est-ce
que...
Le Président (M. Rochefort): Nous entendrons maintenant...
Pardon?
M. Marx: Si j'ai bien saisi...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee, est-ce qu'on procède tel que convenu ou pas? Quant
à moi, je veux juste qu'on ne remette pas la procédure en
question.
M. Marx: D'accord, parfait.
Le Président (M. Rochefort): Alors, je vous demanderais
maintenant...
M. Scowen: Est-ce que je peux juste ajouter un
élément? Parmi les personnes qui ont manifesté le
désir de se présenter, j'ai oublié de vous mentionner que
M. Warf a également demandé le droit de prendre la parole; alors,
si vous voulez l'ajouter à la liste.
Le Président (M. Rochefort): Cela va. Maintenant, je crois
que nous sommes rendus à Me Auclair.
M. Auclair: J'aurais un document à donner aux membres de
la commission.
Je représente l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme.
Mon nom est Claude Auclair.
M. de Bellefeuille: Pouvez-vous répéter cela au
micro, s'il vous plaît?
M. Auclair: Oui. Mon nom est Claude Auclair. Je suis avocat
à Saint-Jérôme. Je suis de Forget, Rochon, Prévost
et Auclair. Nous représentons l'hôpital Hôtel-Dieu de
Saint-Jérôme, qui est également visé par le projet
de loi no 221. Je n'ai pas l'intention de vous lire le document qui vous est
distribué. Je veux simplement attirer votre attention sur trois ou
quatre points particuliers à notre hôpital. 1° Le
médecin qui aurait traité M. Gaudreau à l'hôpital
Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme pour des faits qui sont survenus
à l'automne de 1969 ne pratique plus ici au Québec depuis
plusieurs années, trois ou quatre années. Deuxièmement,
lorsque M. Gaudreau a été hospitalisé à
l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, ce fut pendant une
période de temps où nos polices d'assurance arrivaient à
renouvellement et où lesdites polices n'ont pas été
renouvelées avec la même compagnie. Il s'ensuit donc que le fait
générateur du droit de M. Gaudreau, qui n'est pas présent
ici aujourd'hui, s'est-il produit avec une compagnie d'assurances, soit la
"Commercial" qui nous assurait à ce moment, ou Robert Hampton, compagnie
d'assurances qui n'existe plus actuellement non plus? (17 h 30)
Pour nous de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, il est
difficile de se défendre, d'une part, et deuxièmement, nous
étions assurés et bien assurés à cette
époque du risque des faits générateurs. Advenant la
conclusion par le tribunal qu'il s'agissait de la période de couverture
par Robert Hampton, compagnie d'assurances qui n'existe plus,
l'Hôtel-Dieu devra ramasser les pots cassés et n'aura pas de
recours en garantie. Nous soulevons le point parce qu'il est quand même
important. Nous soulevons également le point pour le Dr Sadler qui ne
pratique plus ici au Québec et qui, à notre point de vue, est
quand même un élément important de notre
défense.
Était-il notre mandataire ou notre préposé à
ce moment? C'est une question de fond. Mais, au-delà de cette question
de fond, nous croyons que cela causerait un préjudice sérieux
à l'hôpital que d'essayer de reconstituer un dossier d'un patient
qui aurait une histoire comme tous les autres patients. Les employés ne
peuvent pas se souvenir des faits treize ou quatorze ans après un
événement, alors qu'il n'y a eu aucune plainte depuis ce
temps.
J'aimerais également dire ceci pour le bénéfice des
membres qui ne sont pas avocats. Vous pouvez peut-être vous demander
quelle est la prescription, cela existe-t-il depuis longtemps? Je sais que Me
Marx connaît bien le droit ainsi que Me Bédard. M. le professeur
Martineau qui a écrit un volume sur la prescription a mentionné
à la page 242 de son traité: "La prescription est
néanmoins considérée comme indispensable à l'ordre
social. Celui-ci exige que l'on empêche les contestations judiciaires
qui, à cause de l'ancienneté des faits qui s'y rapportent,
seraient caractérisées par la confusion et l'incertitude. Peut-on
imaginer la position des ayants cause d'un débiteur poursuivi en vertu
d'une dette devenue exigible 50 ou 100 ans plus tôt? Comment le juge
saisi d'un tel litige pourrait-il avoir la conviction de bien servir les
intérêts de la justice, alors que par la force des choses,
plusieurs éléments du problème lui échappent."
Nous croyons que si ledit projet de loi no 221 est adopté, il
aura comme conséquence de créer un précédent qui
pourra être suivi par tous les justiciables qui, à un moment
donné, ont eu un recours prescrit, qui sont allés voir un avocat
et ledit avocat a dû leur dire: "II est malheureux mais nous ne pouvons
pas prendre la cause étant donné que le recours est prescrit".
Jusqu'où on arrêtera, après que le précédent
aura été créé?
Sans vouloir répéter les arguments de Me Chénier,
je souligne également que beaucoup de temps s'est écoulé
et c'est la troisième fois que le législateur se penche sur le
même problème. Va-t-il y avoir d'autres cas comme celui de M.
Gaudreau et de M. Warf? Le législateur, après la décision
de la Cour suprême en 1974, s'est penché sur le sujet en 1974 et
cela apparaît au chapitre de 1980. Il s'y est penché en 1977 et
vous vous y penchez encore également.
En terminant, vous nous excuserez de la présentation, mais nous
avons eu la convocation jeudi dernier, c'est un court laps de temps pour
préparer une réponse à un projet de loi si important pour
l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme.
M. Scowen: M. le ministre, quand ce projet de loi a-t-il
été déposé?
M. Bédard: II fut déposé...
M. Scowen: C'est la date à laquelle le projet a
été déposé et rendu public.
M. Bédard: C'est au mois de juin, je crois.
M. Scowen: Juin?
M. Marx: Cela démontre que tout le monde se prépare
à la dernière minute, juste avant la prescription.
M. Bédard: Comme les fins de session.
M. Marx: Comme les fins de session, c'est cela.
Le Président (M. Rochefort): Merci. Je crois qu'il y a Me
Guy Lemay qui a demandé de se faire entendre aussi.
M. Lemay (Guy): C'est exact. Guy Lemay, de l'étude
d'avocats Lavery, O'Brien de Montréal. Je représente devant vous,
M. le Président, la compagnie d'assurances Commercial Union qui
assurait, à un certain moment donné, l'hôpital
Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme et plus
précisément, comme Me Auclair l'a souligné, pour la
période du 29 septembre 1969 au 29 septembre 1970. D'autre part, avec le
court laps de temps, nous n'avons pas vérifié si nous assurions
également à cette date-là le centre thoracique de
Montréal. J'ai l'avantage de parler en dernier et donc, je ne reprendrai
pas tout ce qui a été dit. Mais, par le projet de loi
spécial qui vous est présenté, on demande à
l'Assemblée nationale en quelque sorte d'accorder à deux
personnes un recours contre des personnes identifiées sûrement,
les hôpitaux et les deux médecins, qui sont principalement
concernés, mais également contre des personnes non
identifiées - tel sera peut-être le cas des infirmières ou
des techniciennes dans les deux hôpitaux - pour des gestes qui ont
été posés en 1969 ou, au plus tard, en 1970.
On vous demande, dans ces deux cas particuliers, de recréer des
droits ou des recours qui n'existent plus. Au surplus, on vous demande
également de recréer ces recours pour les deux personnes en
question, M. Gaudreau et M. Warf, alors que ces droits ou cette renaissance des
recours a été considérée pour l'ensemble des
justiciables et des citoyens du Québec à deux reprises,
premièrement, en 1974 et, deuxièmement, en 1977 et, lors de ces
deux occasions, a été refusée. On vous demande, en quelque
sorte - parce qu'il y a sûrement d'autres cas que M. Warf et M. Gaudreau
qui ont été dans la même situation: II y en a un qui vient
facilement à l'esprit, c'est celui de dame Patry qui a vu son recours
refusé, en 1974, par la Cour suprême et qui ne se qualifiait pas
en vertu de la loi générale de 1974 - de juger, à toutes
fins utiles, qui, des citoyens et des justiciables du Québec, pourront
s'adresser à vous pour exercer un recours et suivant quel critère
vous aller le redécider?
M. Bédard: Une question...
M. Marx: ... est-ce quelle avait une action après la
décision de la Cour suprême?
M. Lemay (Guy): Non, elle l'a perdue en Cour suprême.
M. Marx: Pardon?
M. Lemay (Guy): Elle l'a perdue en Cour suprême.
M. Marx: Oui, mais la loi était modifiée, est-ce
qu'elle avait une action après que l'Assemblée nationale ait
modifié la loi?
M. Lemay (Guy): Elle aurait pu, je crois, techniquement, suivant
la loi, demander...
M. Bédard: Oui, sûrement.
M. Lemay (Guy): ... par requête, que son recours soit
prolongé... Mon confrère a... C'est cela, une révision du
jugement dans un délai de six mois. Mais il y a d'autres personnes qui
sont dans la même situation, c'est-à-dire qui, en 1969, en 1965,
1962, auraient pu ou peuvent avoir aujourd'hui des recours contre soit un
hôpital, soit un médecin, soit des infirmières, soit des
techniciens. On vous demande, à toutes fins utiles, par le projet de
loi, de juger de qui les citoyens, pris individuellement et privément,
pourront exercer un tel recours contre les personnes, de façon
générale, responsables d'une faute alléguée qui
aurait été commise dans ces années.
Pour simple considération, je vous propose les
éléments suivants. Il y en a combien de ces citoyens dans le
Québec? Nous ne savons pas. Est-ce que l'Assemblée nationale est
prête, à chaque fois qu'un cas particulier et individuel est
souligné, à reconsidérer et à accorder à
cette personne des recours par une loi spéciale? Quand je pose ces
questions, je suis persuadé que le sentiment naturel de toutes les
personnes qui sont devant cette commission et tous les membres de la commission
est d'accorder le recours, soit M. Warf, soit M. Patry, cela a
déjà été dit. Cependant, quand vous
considérez de donner le recours à une personne pour en poursuivre
d'autres, vous devez également rendre justice aux autres,
c'est-à-dire aux personnes qui pourraient être poursuivies ou qui
seraient sujettes à être
poursuivies, et vous devez également considérer, pour ces
personnes, quels sont leurs autres moyens de défense que la
prescription. Que le dossier soit intact ou non à l'Hôtel-Dieu ou
au Centre thoracique de Montréal, je l'ignore pour le moment. Mais je
peux vous affirmer une chose dont je suis à peu près
persuadé, c'est que, de 1969 à aujourd'hui, il y a sûrement
des personnes qui sont disparues. Nous avons une personne qui, du moins, ne
semble plus être dans la province de Québec, c'est un des
principaux intéressés, c'est le Dr Sadler. On m'informe qu'il y a
un autre médecin qui est mort, également, qui aurait
traité M. Warf. Il serait le principal médecin traitant de M.
Warf avec le Dr Wilson, si je comprends bien?
M. Marx: J'aurais seulement une petite question sur ce point,
parce que vous êtes l'avocat d'une compagnie d'assurances. En 1973, avant
le jugement de la Cour suprême, j'imagine que quand vous avez émis
des polices d'assurance aux hôpitaux, aux médecins et ainsi de
suite, vous avez pris des mesures nécessaires pour prévoir qu'il
pourrait y avoir des actions vers la fin du siècle. Sûrement, vous
avez prévu que, vers la fin du siècle, quelqu'un aurait
déménagé aux États-Unis, une autre personne aurait
changé son emploi d'un hôpital à un autre, à
Montréal, et ainsi de suite. Comprenez-vous ce que je veux dire? Cela
veut dire avant la décision de la...
M. Lemay (Guy): Je crois comprendre votre question de la
façon suivante. C'est parce qu'il y avait une incertitude dans la
jurisprudence à savoir si la prescription était de 30 ans ou d'un
an. Est-ce que les assureurs prenaient des moyens particuliers? La
réponse est non. L'assureur ne prend pas le moyen de garder des
dossiers. L'assureur se fie à son assuré qui, lui, doit garder
les dossiers. Dès qu'il y a une perte ou qu'une réclamation est
adressée à l'assuré, dans ce cas-ci l'hôpital
Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, l'Hôtel-Dieu communique
avec son assureur pour qu'il prenne fait et cause. Mais l'assureur ne
prévoit rien à ce niveau.
M. Marx: Je vais poser ma question d'une autre façon.
Avant le jugement de la Cour suprême, j'imagine que cela arrivait de
temps à autre que les gens intentent leurs actions contre les
hôpitaux, contre les médecins, deux, trois, quatre, cinq, six,
huit, dix ans après que les actes médicaux eurent
été posés. Cela veut dire que vous dites maintenant que
cela peut...
M. Lemay (Guy): Écoutez, à ma connaissance, dans
ces années, je ne connais pas de cas où des citoyens ou des
justiciables ont intenté des actions contre un médecin ou un
hôpital plus de trois ou quatre ans après. C'étaient des
cas extrêmes, et Patry en est un.
M. Marx: Oui, mais de la façon dont cela est
présenté par vous et par Me Martin, c'est comme la fin du monde.
Quelqu'un va intenter une action dix ans après les faits. Si je
comprends bien, avant l'arrêt de la Cour suprême, c'était
possible et cela arrivait plus ou moins. Je pense qu'il serait impossible
d'énumérer les causes, sauf si quelqu'un allait à la cour
vérifier chaque jugement. J'imagine que c'est arrivé de temps
à autre. Ce n'est pas impensable que cela arrive une autre fois.
C'est-à-dire que c'était plus ou moins normal avant 1974. Je ne
vois pas de tragédie si cela arrive une ou deux autres fois, et ainsi de
suite.
M. Martin: Mais la tragédie consisterait dans le fait que
les polices d'assurance sont contractées sur une base de
réclamation présentée pendant la période de la
police, souvent. À ce moment-là, tout dépend des contrats
d'assurance. Il peut très bien arriver qu'une poursuite intentée
aujourd'hui ne soit couverte par aucun contrat d'assurance.
M. Marx: Une dernière question, M. le ministre. En 1973,
vous avez émis des polices d'assurance, enfin la compagnie dont Me Lemay
est l'avocat. En 1973, votre compagnie a émis des polices d'assurance et
il était possible pour un certain nombre de personnes de faire des
réclamations un, deux, trois, cinq, dix, vingt ans plus tard. Vous avez
admis que cela aurait pu arriver. J'imagine que c'est déjà
arrivé. Donc, quant à moi, je ne vois pas de tragédie,
comme je viens de le dire.
M. Lemay (Guy): Remarquez que je crois...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre...
M. Lemay (Guy): Juste pour répondre... M.
Bédard: Non, non, allez, terminez...
M. Lemay (Guy): Pour répondre à cette
dernière question, elle est très académique. Parce que,
pour les assureurs, la période de prescription - et cela a
été leur position tout au long de ce débat - était
d'un an.
M. Marx: Même avant 1974?
M. Lemay (Guy): Même avant 1974.
M. Marx: Vous avez toujours vu...
M. Lemay (Guy): Je parle en général de l'industrie
de l'assurance. Je n'irai pas dans
les cas particuliers. Mais l'industrie de l'assurance avait toujours
été persuadée que la période de prescription qui
devait s'appliquer dans le cas de ces réclamations était d'un
an.
M. Marx: Même s'il y avait une jurisprudence
incertaine?
M. Lemay (Guy): C'est la raison pour laquelle la cause Notre-Dame
et Armand Patry est allée en Cour suprême. C'était pour
régler d'une façon ou d'une autre cette incertitude qui durait
depuis au moins dix ans.
M. Bédard: Comme vous le dites, il s'agissait de
régler une incertitude.
M. Lemay (Guy): Ah oui! C'est exact. M. Bédard:
Donc, l'incertitude existait. M. Lemay (Guy): C'est exact.
M. Bédard: Objectivement, je peux me tromper et je
respecte beaucoup votre opinion. Comme Me Martin a dit qu'il existait une
insécurité juridique pour les avocats jusqu'à ce que la
Cour suprême ait tranché, en ce qui me regarde je pense être
en mesure de déduire que cette même insécurité
juridique existait aussi, tout au moins pour les compagnies d'assurances,
à moins qu'elles aient eu des indications tout à fait
spéciales venant d'origine qu'on ne connaît pas. (17 h 45)
M. Lemay (Guy): Les compagnies d'assurances n'ont pas ce genre
d'indications spéciales. La remarque est entièrement
justifiée. Je pense qu'il y avait une incertitude, d'une part. La
question est académique en ce sens que, parce qu'on me demandait
qu'est-ce que les assureurs faisaient, je pouvais au moins dire ce qu'ils
pensaient dans l'ensemble. D'autre part, les actions étaient
généralement prises rapidement pour éviter ce
problème. Les actions qui allaient vraiment en cour avec la question
d'incertitude allaient en cour parce que généralement le client
n'avait pas consulté son avocat à temps. S'il l'avait
consulté à temps, il intentait l'action dans l'année pour
éviter tous les problèmes.
M. Marx: C'est dire que la première loi de 1974
était injustifiée aussi.
M. Lemay (Guy): Deuxièmement, ce qu'il tentait de faire
était de le justifier par une interruption ou suspension de prescription
qui souvent se justifie dans les faits.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cela va?
M. Lemay (Guy): Si vous le permettez, juste pour conclure...
Le Président (M. Rochefort): Non, non, concluez.
M. Lemay (Guy): Je vous disais il y a un instant que lorsque vous
considérez d'accorder des recours privément, tel que ceux-ci, ou
même rétroactifs, pour rendre justice, vous devez regarder les
deux côtés de la médaille et vous assurer, d'une part,
qu'il n'y a pas de préjudice causé aux personnes qui peuvent
être visées par une telle loi et, d'autre part, jusqu'à
quel point vous êtes prêts à accorder des recours semblables
à d'autres personnes qui pourraient être exactement dans la
même situation à cause d'accidents survenus en 1967, 1968, 1969,
1962 ou même avant.
M. Bédard: Quant au précédent que vous
invoquez qui pourrait avoir des conséquences en ce qui a trait à
d'autres réclamations venant d'autres personnes se prévalant de
ce qu'elles pourraient appeler un précédent, je tiens à
vous dire - et je pense que vous êtes d'accord avec moi -qu'il y a une
manière de faire en sorte, par la rédaction du projet de loi, que
cela ne constitue pas un précédent. Dans mon esprit cela pourrait
ne pas... Je ne vous dis pas que cela influence, je ne veux pas présumer
du résultat ou encore de l'opinion finale que j'aurai de l'ensemble du
cas, mais sur l'aspect particulier du précédent je dois vous dire
qu'on peut d'autant plus trouver le moyen pour que cela se limite aux personnes
qui ont présenté un projet de loi privé qu'on est en
mesure de dire, au ministère de la Justice, que MM. Gaudreau et Warf
sont les seules personnes qui, à ma connaissance, ont fait
spécifiquement des démarches continuelles auprès de
l'Assemblée nationale, auprès de membres de l'Assemblée
nationale. Encore une fois, ce n'est que le cas du précédent.
M. Lemay (Guy): C'est justement une des questions qui nous
préoccupent...
M. Bédard: J'aimerais que vous argumentiez
là-dessus.
M. Lemay (Guy): Ce n'est pas la seule, évidemment, mais
puisque vous en parlez, j'aimerais ajouter ceci: le cas de MM. Gaudreau et Warf
n'était pas connu de l'Assemblée nationale jusqu'à ce
qu'ils s'adressent au député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bédard: Je m'excuse. J'aimerais mieux corriger. Je
pense...
M. Lemay (Guy): J'avais compris cela
des représentations.
M. Bédard: Je pense que tout le monde affirme de bonne foi
des choses, ici, vous comme nous, mais c'est bien avant qu'ils ne s'adressent
au député de Notre-Dame-de-Grâce que...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, sur cette question.
M. Scowen: Si vous permettez, M. le Président...
M. Bédard: La meilleure preuve - vous permettez - en est
que j'ai présenté un projet de loi en 1977 alors que, si je ne
m'abuse, le député de Notre-Dame-de-Grâce n'était
pas celui qu'on connaît.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bédard: C'est simplement pour correction.
M. Scowen: Je pense que c'est important parce que j'ai beaucoup
entendu ces dernières minutes parler de la rétroactivité
générale et dire que toutes les portes seront ouvertes. Je pense
qu'il est important de préciser deux points. Le cas de MM. Warf et
Gaudreau est connu depuis longtemps ici. Ce ne sont pas deux personnes qui ont
décidé hier de se présenter pour faire un procès
qui date de 1969 ou 1972. Il y en a effectivement trois personnes à
notre connaissance qui sont visées et la troisième personne, qui
est M. Auclair, a été incluse dans le projet de loi
présenté par le ministre de la Justice en 1978, et parce que le
cas de M. Auclair n'est pas assez clair dans notre esprit...
M. Bédard: Je m'excuse. Il est clair mais il est
différent.
M. Scowen: II est différent.
M. Bédard: Dans le cas de M. Auclair, il y a eu
effectivement des procédures d'intentées, un procès avait
eu lieu et on en était au stade du délibéré. C'est
un cas complètement différent des deux que nous avons...
M. Scowen: Si je peux continuer... ce sont les seuls connus. M.
Warf et M. Gaudreau ont essayé depuis 1971 ou 1972 de faire un
procès du genre de celui qu'on propose aujourd'hui.
Je pense que c'est important que ce soit bien clairement compris. Le
préambule du projet de loi dit que ces deux personnes ont subi un
préjudice du fait d'un acte médical accompli avant le 1er janvier
1972 et qu'à la suite de la décision de la Cour suprême du
Canada, elles ont décidé de ne pas intenter d'action. Cela a
été fait d'une façon formelle. Les avocats de ces deux
personnes les ont formellement avisées, à la suite de ladite
décision de la Cour suprême du Canada, qu'ils étaient
obligés de fermer le dossier.
Vous pouvez demander pourquoi les avocats concernés n'ont pas
prévu la possibilité qu'un autre projet de loi serait
présenté dans six mois à l'Assemblée nationale. Je
pense qu'on ne peut pas imaginer qu'on puisse obliger un cabinet d'avocats de
prévoir la législation future d'un gouvernement.
Nous sommes dans deux cas spécifiques de personnes qui avaient
déjà commencé le processus qui a été
arrêté à cause de l'interprétation donnée par
leurs avocats à la suite de la décision de la Cour suprême
du Canada. Quant à moi, si par hasard on trouve d'autres cas de ce
genre, ils peuvent peut-être nous proposer une telle action, mais ce
n'est pas ouvrir la porte à n'importe qui au Québec qui peut
décider demain matin qu'il veut intenter une poursuite pour quelque
chose qui s'est passé il y a cinq ou dix ans.
M. Lemay (Guy): En terminant je voulais simplement mentionner ce
dernier point. Vous devez également considérer les moyens de
défense autres que la prescription qui sont offerts aux personnes qui
pourraient être poursuivies. De 1969 à 1982, beaucoup de ces
personnes-là ont pu disparaître; certaines sont même
disparues. Là, vous placez les professionnels, les personnes
visées, à titre d'infirmières ou de techniciens, ainsi que
les hôpitaux et l'assureur, lorsqu'il assure dans les cas qui
s'appliquent, dans une position très difficile à
défendre.
La réclamation est pour démontrer à la cour qu'en
1969 ou en 1970 il n'y a pas eu de faute professionnelle de causée.
M. Marx: Vous avez une expérience qui me manque dans ces
causes. J'aimerais vous demander si vous avez déjà
défendu, pour une compagnie d'assurances, une cause qui a
été intentée après un an?
M. Lemay (Guy): Évidemment. M. Marx:
Évidemment.
M. Lemay (Guy): Cela prend à peu près quatre ou
cinq ans.
M. Marx: C'est parce que vous parlez de cette prescription comme
si ce n'était jamais arrivé qu'il y avait des actions
intentées après un an. Cela veut dire que vous avez
déjà défendu des causes où,
j'imagine, les actions étaient intentées deux, trois,
cinq, six ou dix ans après les événements.
M. Bédard: En toute honnêteté, je crois que
Me Lemay a dit tout à l'heure qu'il y avait certaines causes qui
prenaient trois ou quatre ans et que c'était pour en avoir le coeur net,
à un moment donné, qu'on avait décidé d'aller au
bout.
M. Lemay (Guy): C'est exact. M. Bédard:
D'accord.
M. Marx: Supposons que nous adoptions ce projet de loi, ce ne
serait pas la première fois au Québec qu'une compagnie
d'assurances est appelée à défendre une action qui a
été intentée dix ans, six ans ou onze ans après les
événements.
M. Lemay (Guy): II y a deux choses qui me frappent.
M. Marx: J'aimerais avoir un oui ou un non à cette
question.
M. Lemay (Guy): Pour répondre à votre question il
est déjà arrivé que des causes soient plaidées
quatre, cinq ou six ans après les événements, mais,
également, les gens savaient qu'ils seraient poursuivis. Donc, ils ont
travaillé plus fort pour conserver des moyens de défense autre
que la prescription, pour s'assurer des versions de leurs témoins, pour
s'assurer de conserver tous les documents qui pouvaient être pertinents
pour en faire la meilleure preuve, parce que c'est la seule qui est
acceptée devant les tribunaux, et même, à l'occasion, de
vérifier où étaient leurs témoins, de façon
régulière. C'est cette vie quotidienne que nous devons appliquer
quand une réclamation est faite. Or, dans le présent cas,
finalement, la réclamation est présentée devant
l'Assemblée nationale treize ans ou douze ans après les
événements et elle ne sera pas entendue non plus demain matin. Il
faut penser que cette cause va être entendue beaucoup plus tard. Je ne
sais pas si le Dr Sadler est assuré ou non. Je ne sais pas si le Dr
Sadler vit encore, sauf qu'il semble qu'il y ait des possibilités.
Là, on retourne à ses ayants droit et à ses
héritiers, parce que ce sont ces derniers qui vont finalement payer
cette réclamation.
M. Marx: C'est un autre problème.
M. Lemay (Guy): C'est le problème de la loi.
M. Marx: J'imagine que les compagnies d'assurances pour les
hôpitaux n'ont pas conservé la preuve dans toutes ces causes parce
que, avant 1974, elles ne savaient même pas que quelqu'un avait
l'intention d'intenter une action dix ans plus tard. Vous me dites maintenant
que, dans cette cause, vous auriez pris des mesures pour conserver la preuve,
mais...
M. Lemay (Guy): Je ne disais pas dans cette cause. J'ai dit que,
généralement, quand on sait qu'une réclamation est
pendante ou que quelqu'un nous réclame quelque chose, les mesures
appropriées sont prises.
M. Marx: Oui, mais avant 1974, vous n'avez pas eu la
possibilité de savoir que quelqu'un aurait intenté une action 5,
6, 10, 12, 15, 29 ans plus tard.
M. Auclair: En pratique, les gens réclamaient tôt,
même avant l'arrêt de la Cour suprême. C'est-à-dire
que les gens prenaient leur recours et informaient par lettre l'institution
hospitalière ou le médecin qu'ils avaient l'intention de les
poursuivre pour un acte fautif. D'une façon, si l'acte avait
été posé en 1969, dès 1970 ou 1971, on informait
l'institution qu'on avait l'intention de la poursuivre. Alors, le premier fait
qui apparaît aujourd'hui, c'est treize ans plus tard.
M. Marx: C'est possible, mais je ne suis pas d'accord avec cela
parce qu'il arrivait, j'imagine, souvent que les effets d'un acte fautif se
soient manifestés cinq ans plus tard. Donc, la personne n'a pas pris
l'action dans le délai d'un an. Toutes ces explications sur ce point ne
m'impressionnent pas beaucoup. Je vois pourquoi vous avez fait cet
exposé, mais cela ne m'impressionne pas plus que cela.
M. Martin: Mais, M. le député, dans
l'hypothèse que vous avez posée, ce serait la première
fois au Québec que des employés d'hôpitaux et un
hôpital seraient obligés de se défendre sans le concours de
leur assureur.
M. Marx: Pourquoi?
M. Martin: Parce que dans le cas qui nous intéresse, il
est fort probable qu'il n'y a pas d'assureur sur le risque.
M. Marx: Est-ce que cela n'est jamais arrivé? Donc, c'est
arrivé avant 1974 aussi.
M. Martin: Non.
M. Marx: Des gens ont intenté leurs actions dix ans plus
tard.
M. Martin: Parce qu'avant 1974, il y avait quand même une
incertitude et il y
avait l'obligation de défendre de la part des assureurs.
Aujourd'hui, il y a une grande incertitude sur la question de la couverture
d'assurance. Je croyais l'avoir mentionné tout à l'heure dans mon
intervention. Il y a une grande incertitude sur la couverture d'assurance. Je
suis convaincu que des employés d'hôpitaux vont devoir se
défendre sans le soutien de leur assureur et sans assurance.
M. Marx: Mais, en vertu de la loi de 1974, est-ce que les
hôpitaux se sont défendus sans avoir l'appui de leur compagnie
d'assurance? On a déjà légiféré
rétroactivement. Qu'est-ce qui est arrivé à cette
époque dans ces causes?
M. Bédard: J'imagine que dans le temps où il y
avait une insécurité juridique tant pour les compagnies
d'assurance...
M. Martin: C'est cela.
M. Bédard: ... que pour la communauté juridique, il
est évident que chacun y allait de la défense de ses
intérêts au cas où la décision du tribunal aurait
été dans un sens ou dans l'autre. (18 heures)
M. Martin: Exactement.
M. Bédard: Cela me semble évident de ce
côté, mais ce n'est pas tout à fait...
M. Martin: Avant 1974, les polices d'assurance prévoyaient
l'obligation de l'assureur de défendre son assuré pour toute
poursuite, quelle que soit la date à laquelle elle survient.
M. Marx: M. Warf...
M. Bédard: Si vous me le permettez, cela fait suite
à ce qui a été dit. D'autre part, si vous pensez que
très probablement les gens vont devoir se défendre sans les
compagnies d'assurances, parce que les compagnies d'assurances auront tous les
droits de se départir de certaines responsabilités qu'elles
auraient pu avoir à la suite du jugement, on pourrait en tirer la
conclusion que les compagnies d'assurances n'ont pas intérêt
à s'opposer à l'acceptation de cet article ou de ce projet de loi
puisqu'elles n'auront rien à payer selon leurs prétentions. Je
sais que la manière dont je le présente est un peu vicieuse. Il y
a certaines questions que je pourrais poser; entre autres, quels seraient les
montants des réclamations possibles? Les compagnies d'assurances ou les
avocats représentant les hôpitaux me diraient, pensant à
d'éventuels procès qui pourraient recommencer, que ce ne sont pas
des dommages très élevés. Cela pourrait nous amener
à la conclusion que, de toute façon, on peut quand même
décider de donner une chance à un individu puisque ce ne sont pas
des montants si élevés.
D'autre part, ceux qui défendent les intérêts de M.
Gaudreau et de M. Warf seraient portés à nous dire que ce sont
des montants très élevés, pensant à un
éventuel recours possible devant les cours. Tout ce qui se dit ici peut
éventuellement se retrouver en argumentation devant une cour si on en
venait à décider d'accepter ce projet de loi privé, de la
même façon que vous avez évoqué aujourd'hui des
débats parlementaires que nous avons tenus, des propos que nous avons
tenus et que vous avez tirés du journal des Débats pour nous
inciter, d'un côté, à être logique et, de l'autre
côté, à nuancer. Je ne voudrais pas aller jusque-là,
mais ce serait peut-être important de connaître un des aspects de
la décision que nous avons à prendre. Je me risquerais à
poser la question, si quelqu'un veut y répondre. Que peut-il être,
le recours?
Le Président (M. Rochefort); Si vous me le permettez,
comme il est 18 heures, il doit y avoir consentement pour poursuivre nos
travaux.
M. Scowen: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement pour
poursuivre nos travaux?
M. Scowen: ... si vous me le permettez-Le Président (M.
Rochefort): Sur cette question?
M. Scowen: ... je veux m'assurer que M. Warf, qui a
demandé la parole, peut rester jusqu'à 20 heures.
Le Président (M. Rochefort): Avant d'entreprendre la
période de discussion et de questions aux gens qui sont devant nous, n'y
aurait-il pas lieu, justement, de leur demander s'ils veulent nous faire part
immédiatement de ce qu'ils ont l'intention de faire?
M. Marx: On peut terminer sur ce point, entendre M. Warf et,
après cela, suspendre.
M. Bédard: Est-ce qu'on accepte que je termine ma
question?
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement pour
poursuivre?
M. Marx: J'aurais juste une autre petite question pour que ce
soit bien clair.
Le Président (M. Rochefort): Non, non, excusez-moi. Y
a-t-il consentement pour que nous puissions poursuivre nos travaux, oui ou
non?
M. Bédard: Oui.
Le Président (M. Rochefort): II y a consentement?
M. Marx: Oui.
M. Bédard: J'avais la parole, M. le Président,
à moins que j'aie la mémoire courte.
Le Président (M. Rochefort): Oui, poursuivez.
M. Bédard: Alors, je me risquerais à poser la
question suivante: Est-ce que quelqu'un pourrait s'avancer et nous dire quelle
pourrait être, objectivement, la valeur de la réclamation,
étant donné que vous connaissez très bien les
dossiers?
M. Richard (Michel): M. le ministre, j'aimerais autant ne pas
avancer de chiffres dans le cas de M. Warf parce que c'est une perte
d'ouïe, quelque chose qui est difficile à chiffrer. Dans le cas de
M. Gaudreau, c'est plus facile. On parle d'une incapacité d'environ 15%
à 20% causée par la présumée faute du Dr Sadler ou
de l'hôpital. M. Gaudreau aurait perdu environ un an de salaire
après cela, selon ma connaissance du dossier. En gros, on parle
d'environ 75 000 $. C'est un chiffre que j'avance.
M. Bédard: C'est à peu près la même
chose dans un cas comme dans l'autre.
M. Richard (Michel): J'aimerais répondre à quelque
chose d'autre, M. le ministre. Je crois qu'il est une règle
d'interprétation des lois reconnue de tous que toutes les discussions
qui ont mené à l'adoption d'une loi ne peuvent pas être
soulevées en cour. Le chiffre que je mentionne ici ne pourra jamais
être présenté à un juge.
M. Marx: Cela dépend, il y a des juges qui
reçoivent nos débats à la maison.
M. Bédard: Non, disons que cela reste ici. Si vous pensez
que cela va être comme cela, on va être d'autant plus à
l'aise pour vous demander s'il semble que c'est la même opinion, parce
qu'avoir une décision à prendre sur un montant qui
représenterait des millions de dollars par rapport à un montant
qui serait beaucoup moindre tenant compte de ceux ou de celles qui auraient
à payer, cela peut être un élément important
à considérer. Je sais que vous allez me dire tout de suite:
N'oubliez pas la question de principe qui est fondamentale. N'ayez crainte, on
ne l'oubliera pas. On va essayer de ne pas oublier aussi qu'il y a des gens qui
ont subi des préjudices. C'est un principe, humainement parlant, dont on
doit tenir compte.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
M. Martin: J'estime que la réclamation de M. Warf me
paraît susceptible d'être beaucoup plus élevée que
l'autre. J'ai déjà traité des problèmes de perte
d'ouïe ou des problèmes de perte de vue et la valeur de la
réclamation s'élève rapidement parce qu'en
général cela peut être une incapacité de l'ordre de
15%, mais qui est assimilable à une incapacité totale parce
qu'elle enlève toutes les capacités de gains. Dans un tel cas, la
poursuite peut être d'un montant beaucoup plus élevé que 75
000 $.
M. de Bellefeuille: Sur ce point...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: ... il me semble que le procureur
précédent - quel est votre nom? -
M. Richard (Michel): Richard.
M. de Bellefeuille: ... Me Richard a peut-être mal entendu
une question du ministre; il y aurait peut-être, par conséquent,
une contradiction à l'intérieur de ce que Me Richard a dit. Vous
avez dit que la perte de l'ouïe, c'est difficile à évaluer.
D'autre part, vous avez chiffré la réclamation dans l'autre cas.
Là, le ministre, je crois, a dit que c'est à peu près le
même montant dans les deux cas et vous avez dit oui, ce qui paraît
contradictoire.
M. Bédard: Disons qu'il aurait pu ne pas saisir ma
question, mais, effectivement, j'ai dit cela, tel que le dit le
député de Deux-Montagnes, et vous m'avez répondu que ce
serait à peu près le même ordre.
M. Richard (Michel): Effectivement, j'avais mal compris votre
question. Comme je l'ai dit, j'aimerais autant ne pas avancer de chiffre dans
le cas de M. Warf.
M. Bédard: On convient que ce n'est pas du même
ordre.
M. Martin: Non. C'est d'un ordre suffisant pour rendre insolvable
une infirmière. Je peux vous dire cela.
M. Bédard: Comme cela a pu rendre impotent quelqu'un.
M. Martin: Oui, je sais, mais je veux... M. Bédard:
D'accord, on se comprend.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais poser une dernière question -
j'espère que ce sera la dernière -à Me Martin. Les
événements en ce qui concerne M. Warf se sont passés en
1970, c'est cela? À cette époque, l'hôpital avait une
police d'assurance avec la compagnie d'assurances dont vous êtes
l'avocat.
M. Martin: Non.
M. Marx: Vous êtes l'avocat de l'hôpital.
M. Martin: Je suis avocat du Centre hospitalier thoracique.
M. Marx: Étant donné que votre hôpital avait
une police d'assurance avec cette compagnie d'assurances - je ne connais pas
son nom - ne serait-il pas nécessaire pour cette compagnie de prendre
fait et cause ou de défendre, le cas échéant, cette cause
parce qu'à l'époque, quand les événements se sont
produits, il y avait, en effet, une police d'assurance?
M. Martin: Non, il faut voir les contrats d'assurance qui sont en
cause. Deux polices d'assurance peuvent être impliquées: celle qui
était en vigueur en 1970 ou 1971 dépendamment de la date de la
faute et celle qui est en vigueur aujourd'hui. Aujourd'hui, il y a des polices
responsabilité qui sont rédigées de telle sorte que sont
couvertes les réclamations présentées pendant la
période de la police. À ce moment, il faut regarder chaque
contrat d'assurance. Oui, c'est vrai, ce que je vous dis. Il y a des polices
d'assurance-responsabilité professionnelle et des polices
d'assurance-responsabilité hospitalière qui ne couvrent que les
réclamations présentées pendant la période de la
police. D'autres ne couvrent que les actes posés pendant la
période de la police, si bien qu'il peut y avoir un vide d'assurances
pour une période donnée parce que, pendant la période
antérieure étaient couverts les actes posés pendant la
période de la police et, pendant la période postérieure,
sont couverts les réclamations présentées pendant la
période de la police.
M. Marx: Avez-vous vérifié la police dans le cas de
M. Warf?
M. Martin: Non. Non. Par exemple, plusieurs infirmières
possèdent des polices d'assurance pour leur responsabilité
personnelle et je crois que cela peut causer un problème, cela causera
sûrement un problème dans ce cas-là.
Le Président (M. Rochefort): Vous vouliez ajouter quelque
chose.
M. Chénier: Oui, s'il vous plaît. M. le
Président, premièrement, pour répondre à M. Scowen
qui disait qu'au mois d'août 1974 on ne pouvait plus rien faire,
qu'après le mois de juin 1974 on ne pouvait plus rien faire, lorsque les
avocats ont reçu ces deux individus en août 1973, rien ne les
empêchait d'envoyer une mise en demeure au docteur Wilson que je
représente ou de le poursuivre. Ils n'en ont rien fait pendant dix mois
alors que les recours de chacun de leurs clients dataient d'un an et demi ou de
deux ans.
Deuxièmement, si par exemple l'action de M. Warf avait
été prise en 1971 et rejetée par le tribunal en 1971, je
vous ferai remarquer qu'en vertu de l'ancienne loi on était
retourné trois ans en arrière; on n'était pas
retourné quatre ans en arrière. S'il y avait eu un jugement
rejetant l'action de M. Warf au motif qui était prescrit en 1971, il n'y
aurait pas eu moyen de le faire réviser par la loi de 1974. En 1974, le
législateur a décidé de retourner trois ans. Ce qu'on veut
faire faire aujourd'hui, c'est, pour deux individus, retourner encore plus en
arrière. Si les avocats avaient eu connaissance de ce projet de loi et
avaient, en temps utile, intenté l'action avant le 1er janvier 1975,
encore une fois, ils auraient bénéficié de la loi.
M. Scowen: Excusez, mais je n'ai pas compris votre
dernière phrase.
M. Chénier: Le premier point, c'est qu'en juin 1974 ils
avaient dix mois. Le deuxième point est que, si l'action avait
été intentée en 1971 et rejetée au motif d'un an de
prescription, ils ne seraient pas tombés sur les exceptions de la loi de
1974. Le législateur en 1974 a décidé de remonter trois
ans en arrière, au 1er janvier 1972. Il aurait pu décider quatre,
cinq, dix ans. Il a décidé que trois ans étaient
suffisants. C'est ce que le législateur a décidé en
1974.
Concernant le projet de loi qui prévoit une autre exception sur
toute action pendante au 1er janvier 1975, si ayant eu vent du projet de loi
qui a été publicisé parmi les avocats, les procureurs
avaient communiqué avec leurs clients et intenté action avant le
1er janvier 1975, encore une fois ils seraient tombés sur une des
exceptions prévues par la loi. On ne peut pas dire qu'ils ont
été empêchés de se prévaloir de la loi. Autre
point dont on a parlé brièvement, c'est que M. Warf a
été traité par deux médecins. Premièrement,
le docteur Monroe. Les médicaments qui lui ont causé
prétendument la perte de l'ouïe, ont été
prescrits par un résident dont j'ignore l'existence ou le nom. Je
ne sais pas où il est rendu aujourd'hui, douze ans plus tard. Le docteur
Wilson a pris en charge le patient après que les médicaments lui
eurent été donnés, médicaments qui devaient vaincre
une infection à la suite de l'enlèvement complet d'un poumon de
M. Warf à cause d'un cancer.
M. Scowen: Si vous me le permettez...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Chénier: Le docteur Monroe étant
décédé maintenant, si jamais ce projet de loi privé
est adopté, je parle au nom de ses intérêts sans être
son procureur, comment ses héritiers se défendront-ils?
M. Scowen: Si vous me le permettez, je pense que la
réponse au dernier de vos trois points est que justement, pour donner le
droit à ces deux personnes de savoir si les médicaments qui ont
été administrés étaient les bons ou les mauvais
à l'époque - c'est cela qu'on demande - vous avez essayé
dans votre dernier point un peu de...
M. Chénier: Une mise en demeure.
M. Scowen: Je vais continuer. Vous avez, dans votre dernier
point, essayé de commencer le procès que jusqu'ici on n'a pas le
droit de faire. Dans les deux premiers points que vous avez soulevés,
vous avez dit: Pourquoi les avocats n'ont-ils pas intenté un
procès avant 1974. La réponse, quant à moi, est
très simple. À cette époque, ils croyaient qu'ils avaient
trente ans. Il n'y avait pas urgence. La loi existante donnait trente ans. Il
n'y avait aucune raison d'agir avant 1974 parce que la décision de la
Cour suprême n'existait pas. (18 h 15)
Sur le deuxième point, à savoir ils auraient pu faire
cette constatation en 1975, je pense qu'on a déjà touché
cette question à plusieurs reprises. Le fait est qu'il y avait seulement
sept jours entre Noël et le jour de l'An, même avec votre
"barreaugramme" qui a été envoyé le 20 décembre,
pour que tous les avocats prennent connaissance de cette situation et intentent
un procès durant cette période. C'est précisément
parce que tout le monde était d'accord sur le fait que les délais
étaient trop courts que le ministre lui-même a essayé de
corriger la situation.
J'aurais deux autres points. J'ai essayé de me limiter cet
après-midi. Je trouve un peu inconcevable qu'aujourd'hui l'hôpital
ne puisse pas nous dire si les polices d'assurance en vigueur en 1970 le
protégeraient. Ce projet de loi est public, il existe, avec les noms,
depuis, je le répète, le mois de juin.
On arrive aujourd'hui à la commission parlementaire et
l'hôpital n'a même pas pris la peine depuis six mois de
vérifier si les polices d'assurance sont valides ou non.
M. Martin: Ma cliente a été avisée du projet
de loi le 6 décembre seulement.
M. Scowen: Mais la loi a été rendue publique, il y
a eu ces "barreaugrammes". Qu'est-ce qui est arrivé au mois de juin?
M. Bédard: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: ... je ne voudrais pas commencer à
distribuer des responsabilités de part et d'autre en restant sur le fond
des choses. Je ne voudrais pas, non plus, me prononcer sur la
célérité ou non des avocats des requérants
d'aujourd'hui à introduire leur action. Je pense qu'il ne nous
appartient pas de porter un jugement de ce côté. Vous nous avez
déjà un peu indiqué quels seraient les montants en jeu, un
peu plus précisément dans un cas, moins dans l'autre. Cela se
comprend. Je voudrais vous poser une question, peut-être à Me
Martin. Au stade où nous sommes rendus, est-ce que les deux personnes
requérantes en question, M. Gaudreau et M. Warf, ont d'autres recours
que celui qui est devant l'Assemblée nationale, celui qu'elles exercent
présentement? Vous pouvez ne pas répondre.
M. Martin: Je parlerai du cas de M. Warf parce que je ne connais
pas l'autre cas. Dans le cas de M. Warf, il n'y a pas d'autre recours, à
ma connaissance.
M. Bédard: D'accord.
M. Richard (Michel): II n'y en a pas dans le cas de M. Gaudreau,
non plus.
M. Bédard: Si vous me le permettez, sur un autre point, je
n'ai pas changé d'idée sur le délai - même s'il y a
eu un "barreaugramme", etc., tout ce que vous voudrez, - de moins de dix jours,
en fait du...
Une voix: Du 24 décembre au 1er janvier.
M. Bédard: ... 24 décembre au 1er janvier. On aura
beau nous dire qu'il y a eu des avis du barreau etc., je crois que, très
honnêtement, tenant compte de la période, tenant compte de la
longueur du délai, on devrait tous convenir que ce n'est pas un
délai suffisant, surtout si un dossier a été fermé,
tel qu'on nous l'a dit. Si j'ai bien compris, Me Richard nous a dit qu'au
moment où il l'a appris le dossier était fermé.
M. Richard (Michel): On a fermé notre dossier au mois de
juin 1974.
M. Bédard: Bon. Quant à moi, je n'ai pas
changé d'idée là-dessus. Il reste d'autres
éléments que je veux approfondir, les montants en jeu, entre
autres. D'autre part, est-ce qu'il y a d'autres recours? On nous dit qu'il n'y
en a pas dans le cas de M. Warf. D'après Me Richard, il n'y en a pas
dans le cas de...
M. Richard: ... M. Gaudreau non plus. M. Bédard:
Bon.
M. de Bellefeuille: Est-ce qu'on pourrait entendre M. Warf?
M. Bédard: Oui. Ce que je proposerais, ce serait ceci, si
vous le permettez. Vous entendrez M. Warf, vous pourrez peut-être y aller
de quelques questions, mais tenant compte de son état, j'imagine que
cela peut être plus difficile. A moins que l'Opposition, elle, le soit,
je ne crois pas qu'on soit en mesure de rendre un jugement,
c'est-à-dire...
M. Marx: Vous n'êtes pas juge ici, vous êtes
législateur.
M. Bédard: Cela me fait plaisir que vous le disiez. Donc,
vous reconnaissez...
M. Marx: Dans cette cause, vous êtes législateur,
dans l'autre, vous étiez juge.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Alors, je suis heureux que le
député de D'Arcy McGee me rejoigne dans mon exposé de ce
matin, indiquant que nous n'étions pas des juges, mais des
parlementaires qui exerçaient leurs droits et leurs pouvoirs ou devoirs.
Nous les exerçons à partir non seulement de la connaissance de
tous les faits, mais également à partir d'une possibilité
d'étudier l'ensemble de ces faits, de les approfondir pour être en
mesure de prendre la meilleure décision possible. Ceci m'amène
personnellement à dire qu'il est clair que nous ne rendrons pas de
décision finale aujourd'hui.
Donc, nous entendrions M. Warf et nous poserions d'autres questions,
pour en terminer avec les questions. Ensuite, nous pourrons aviser
l'Assemblée nationale ou la commission du moment où nous serons
raisonnablement en mesure de faire connaître une décision
finale.
M. Marx: Le ministre a circonscrit le problème comme
étant une question de délai et que possiblement le délai
que nous avons donné aux avocats d'intenter une action en 1974
n'était pas suffisant. On peut dire peut-être que le projet de loi
privé qui est...
M. Bédard: Je préférerais que, de part et
d'autre, pour ne pas apporter d'ambiguïté, on dise ce qu'on a
à dire. Je prends l'engagement que je vais essayer de ne pas vous faire
dire ce que je pense vous avez dit parce que, dans ces domaines, on est
porté à se corriger rapidement quand on pense qu'on est mal
interprété.
Le Président (M. Rochefort): Peut-on commencer
immédiatement?
M. Scowen: Avant qu'on invite M. Warf, puis-je ajouter un mot?
Vous avez proposé après qu'on aura entendu M. Warf et posé
quelques questions, de suspendre.
M. Bédard: On termine avec les questions et on recommence
avec la charte ce. soir. Pour ce qui est de la décision qu'on aura
à rendre, on avisera en conséquence.
M. Scowen: Oui. C'est seulement sur cette suggestion que vous
avez faite que je veux parler brièvement. Vous aurez le droit de
proposer une motion de suspension. Vous avez la majorité et cela sera
adopté. Cependant...
M. Bédard: Non, non, non. Continuons à
procéder comme on a procédé. Ce n'est pas une question de
majorité; c'est une question de raisonnement.
M. Marx: Bon, alors, sur le plan du raisonnement, je veux
seulement vous dire, M. le ministre, qu'effectivement il n'y a pas de nouveaux
faits ou de nouveaux arguments qui ont été soulevés
aujourd'hui. C'est une question qui existe, quant à moi, depuis au moins
quatre ou cinq ans. Je ne comprends pas pourquoi on doive encore retarder une
affaire dont le problème principal, à mon avis, est le
retard...
M. Bédard: Sans présumer de la décision ou
de l'idée que je peux avoir à l'esprit, je vous assure que je
suis très déçu de votre remarque à savoir qu'il n'y
a pas de nouveaux faits, etc. Il y a ceci de fondamentalement différent,
c'est que, contrairement à tout ce qui n'a pas été fait
dans le passé, nous avons eu l'occasion aujourd'hui d'entendre des
argumentations très poussées. Je pense que la meilleure des
attitudes est d'avoir la précaution d'aller au fond des choses.
Peut-être qu'il y en a qui sont capables de...
M. Scowen: Peut-être que les arguments
qu'on a entendus aujourd'hui, qui sont fort valables, sont des arguments
qu'on connaissait déjà; sont les arguments d'un côté
et de l'autre, les miens et les autres. C'est cela.
M. Bédard: Je fais appel au sérieux de la
décision que nous avons à prendre. Je comprends que le
député de Notre-Dame-de-Grâce a présenté son
projet. Il a dit qu'on l'a même aidé techniquement au niveau du
ministère de la Justice à préparer son projet pour essayer
d'aller au fond des choses, d'entendre des parties, d'entendre des arguments.
Je me dis: Soyons conséquents avec ce que nous avons fait et, à
moins d'être en mesure de dire que les personnes que nous avons entendues
nous ont dit des futilités, des choses qui ne doivent pas être
prises en considération, il me semble qu'il y a lieu de se donner un
délai d'approfondissement, parce que c'est une décision
importante que nous avons à prendre.
M. Scowen: Une question de privilège, M. le
Président.
Le Président (M. Rochefort): II n'y a pas de question de
privilège. Rapidement...
M. Scowen: Je pense que c'est une question de
règlement.
Le Président (M. Rochefort): ...sur la question qui est
en...
M. Scowen: J'espère que le ministre me comprend bien quand
je dis que ce n'était pas la question que les arguments d'aujourd'hui
n'étaient pas importants et qu'ils n'étaient pas bien
présentés des deux côtés. C'est simplement que,
quant à moi, ce sont des arguments très importants qui sont
déjà connus depuis un bout de temps.
M. Bédard: Sans en faire un débat, je ne suis pas
d'accord avec le député de Notre-Dame-de-Grâce, parce qu'il
doit convenir que c'est la première fois que nous entendons des
personnes qui sont concernées très directement dans le
débat et nous avons été mis devant des argumentations qui
méritent analyse. Quand je dis cela, je ne présume pas de
l'idée à laquelle je peux en venir, mais simplement du
sérieux que nous devons attacher à nos
délibérations.
Le Président (M. Rochefort): Merci. J'inviterais donc
M.Warf à prendre place à la table.
M. Auclair: M. le Président, avant que M. Warf
n'intervienne, j'aurais deux interventions très courtes à faire.
D'abord, j'aimerais demander au ministre de la Justice s'il a reçu le
télégramme du bâtonnier du Québec concernant la
position du barreau relativement au présent projet de loi.
M. Bédard: J'ai effectivement reçu un
télégramme du barreau qui reprend essentiellement la position que
les bâtonniers ont adoptée d'une façon solidaire en ce qui
a trait à ce projet de loi. D'accord?
M. Auclair: Ma deuxième intervention est celle-ci: Vous
avez mentionné tantôt qu'il s'agissait seulement de sept jours, un
court délai pour prendre un recours. Je soulignerais que, dans le cas
Gaudreau qui occupe principalement ma cliente, l'Hôtel-Dieu de
Saint-Jérôme, M. Gaudreau a eu cinq ans pour prendre son recours.
Il a eu de 1969 au 31 décembre 1974; on ne parle plus de sept jours.
M. Bédard: Soyons de bon compte de part et d'autre. Il y
avait une insécurité juridique, imaginez-vous. Si elle existait
pour la communauté juridique et aussi pour les assurances, n'allons pas
demander aux citoyens de ne pas avoir eu à vivre avec cette
insécurité, à ce moment-là. Je pense qu'on ne
s'entendrait pas au départ.
M. Marx: Je pense que c'est un point très important que le
ministre a soulevé.
M. Bédard: Non, on ne peut quand même pas demander
aux citoyens d'être plus en sécurité, juridiquement
parlant, que les avocats qui les représentent.
M. Auclair: Non, mais, s'il y a de l'incertitude, on est
peut-être plus diligent à ce moment-là.
M. Bédard: Je vous dis honnêtement que,
personnellement, ce n'est pas ce qui va m'influencer. Il y a d'autres
argumentations qui ont été apportées; je pense qu'elles
sont beaucoup plus substantielles et qu'elles méritent analyse.
Le Président (M. Rochefort): J'inviterais donc M. Warf
à prendre place à la table à l'avant. À l'ordre,
s'il vous plaît: Je vous demanderais de prendre place. Me Richard, est-ce
que M. Warf est en mesure de...
M. Warf (Alfred Henry): I would like to tell you what happened
during my stay at the hospital. I was told that the neomycin, the antibiotics
they gave me, was causing my hearing. In 1970, I started to go deaf. I
complained to them at the hospital about what was happening, but they would pay
no attention to me. As time went on, it got worse and they discharged me from
the hospital and sent me to another hospital to a specialist. They examined me
and they asked
me what was happening, I told them that I had a lung removed and that
they were giving me neomycin. They said: In that case, there is nothing we can
do and that is what is causing your hearing problem. So I said: Would you give
me a paper to that effect, so that I can take it back to the hospital? They put
their hands up and said: We cannot do that. Well, I said: Would you phone them
and tell them, so that they stop using neomycin? I still had some hearing left.
This was in April. They would not.
So I went back to the hospital and I reentered the hospital again. I
told one doctor about the neomycin. He told me: You do not know what you are
talking about. I said: Look, why did they discharge me in the first place to go
to a specialist to find out what was happening and now, you tell me that I do
not know what I am talking about? I said to at least phone them or get somebody
to go up there and get a written statement. Oh! we cannot do that either! So, I
talked to the head surgeon and I said: What are you going to do about my
hearing? Nothing! Well, I said: You are going to do something because it is
getting awfully bad now. I started to wear a hearing aid. Put your hearing aid
in. This was one that I got from my brother. I did not have one of my own at
that time.
One of the resident doctors kept on me and said: Do not worry, Mr. Warf,
everything is fine. You will get you hearing back. He said not to worry about
it. I said: Look, it is getting worse all the time. Anyway, they would not do
anything about it and they kept on. So, I have a hole inside.
I was supposed to be discharged from the hospital. The head surgeon said
no. He said: I am going to block that hole before you leave here. So, I was
slated to go in the operating room on a Saturday morning. They wanted to give
me more neomycin. I said: No more! I still have a little bit of hearing left
and I want to keep it. I said: That, no more, finished! But, if we do not use
the neomycin, he said, we cannot operate. Well, I said that was too bad. You
would have thought that the hospital fell down because everybody came into my
room in about five minutes. They wanted to know why I was refusing. I told
them. So they insisted that they close the hole before I left. I told them: On
one condition; I will take the operation if you do not touch my back. That was
agreed upon. They operated on me the Saturday morning. When I came out of the
anesthesia, I had no more hearing and no more back. That was it.
This is the way I am today. I am still bleeding inside and they will not
do anything about it. They tell me there is nothing wrong. Yet, I gained 135
pounds and I go down 28 and they say nothing is wrong. I go to the hospital and
they will not do anything. They say there is nothing wrong with me. This is the
kind of treatment that I am getting. This is why I am going after them now.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Peut-être puis-je poser une question à M.
Warf, par l'entremise de son avocat?
M. Warf: I had one doctor.
M. Marx: Je vais la poser en anglais. Il sera plus facile de
l'écrire. Is Mr. Warf working now? If he is not working, where does his
revenue come from? What was he doing before his operation?
M. Warf: No, I have not been working.
M. Marx: What was he doing before his operation?
M. Warf: I was a volunteer worker at Left bridge doing things for
free, repairing things.
M. Marx: What occupation did he have before 1970?
M. Warf: Now, my yearly income is less than 5000 $. I have two
pensions. I have lost my wife in the mean time and I get her pension from
Québec. I have one Veteran's pension. This is what I am living on.
M. Marx: What was...
M. Warf: Now, we are two living on that. I was working at
Montreal Aero Shell Aircraft. They told me: "You do not need your hearing to
work on aircraft." I laughed, I could not even get near an aircraft. No
hearing.
M. Scowen: Combien gagnait-il en 1970?
M. Warf: At the time, in 1970, it was about 10 000 $.
Le Président (M. Rochefort): Cela va, messieurs?
M. Warf: If I would have had my hearing, my employer told me I
would still had my job even sweeping the floor. With no hearing, it was
impossible to give me anything around aircraft.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: J'aurais une question qui
s'adresserait plutôt à Me Richard. Quand est-il allé
voir un avocat pour la première fois?
M. Richard (Michel): II est venu nous voir pour la
première fois au mois d'août 1973, je crois.
M. Bédard: Merci.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cela va? Sur ce,
la commission suspend ses travaux jusqu'à...
M. Marx; Avant de suspendre nos travaux, j'aimerais remercier les
avocats qui se sont présentés pour nous expliquer pourquoi
adopter ou pourquoi ne pas adopter ce projet de loi privé.
C'était plutôt des plaidoiries d'une très haute
qualité qui ont beaucoup éclairci le problème devant cette
commission et j'aimerais les remercier au nom de l'Opposition.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, à la suite de
ce que le ministre a suggéré, dois-je comprendre que nous
n'aurons plus la possibilité d'interroger les procureurs? Si c'est le
cas, j'aurais une question à poser à Me Martin.
M. Bédard: M. le Président..
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: ... je pense qu'on devrait terminer avec nos
questions - cela s'adresse à tous les membres de la commission - de
manière que les personnes qui sont venues nous rencontrer puissent
partir.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je voudrais poser cette question à Me
Martin. Il a dit à plusieurs reprises, au moins deux fois, que
l'intention qu'il y a derrière ou dans le projet de loi est louable. Si
je comprends bien, il n'est pas d'accord avec le moyen de réaliser cette
intention. Je voudrais donc lui demander comment on pourrait réaliser
cette intention louable, selon lui.
M. Martin: J'ai dit que l'intention était louable en ce
sens qu'on voit une personne affectée d'une invalidité et qu'on
voudrait bien qu'elle possède un recours. Lorsqu'on veut lui accorder un
recours, on le lui accordera au détriment d'autres citoyens et c'est
cela que j'ai voulu vous souligner. Il n'y a pas d'autres moyens et c'est
malheureux.
M. de Bellefeuille: À votre avis il n'y a pas d'autres
moyens.
M. Martin: À mon avis, il n'y a pas d'autres moyens. Le
cas est sympathique, je suis avec vous pour cela. Personnellement, j'ai entendu
M. Warf et j'ai été touché. D'ailleurs, j'étais
personnellement touché bien avant. Le cas est malheureux. Cependant, je
ne veux pas que, parce qu'un cas est malheureux, on transporte ce
malheur-là sur quelqu'un d'autre qui possédait avant un moyen de
défense.
M. de Bellefeuille: Me Martin, ce n'est pas nous qui serons
appelés à juger de cela. Ce dont vous parlez est de nature
judiciaire. Ce n'est pas notre partie.
M. Martin: Non, votre partie est de nature purement
législative, c'est évident.
M. de Bellefeuille: C'est cela.
M. Martin: Seulement, j'ai souligné l'importance que le
législateur ne privilégie pas un citoyen au détriment d'un
autre.
Le Président (M. Rochefort): Merci.
M. Martin: Quand j'ai dit "louable", c'était dans le sens
sympathique. C'est bien sûr que ce que les gens veulent, c'est que M.
Warf ait un recours et tout le monde voudrait bien que M. Warf ait un recours.
Mais, par contre, il ne faudrait pas, pour cela, enlever les moyens de
défense des défendeurs.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: Je veux poser une question au ministre sur ses
intentions. La commission concernant ce sujet, le projet de loi no 221, va
suspendre ses travaux et c'est l'intention du ministre de la rappeler plus tard
pour continuer les travaux. Est-ce cela? Est-ce son intention de faire ce
rappel avant la fin de la présente session?
M. Bédard: Écoutez! On peut, quand même,
s'accorder un délai afin de répondre à votre question
parce que, si ce n'est peut-être pas à cette session-ci, ce sera
à une autre qui va suivre très rapidement. On parle de deux mois
ou plus, peut-être deux mois et demi. Je ne le sais pas. Si cela devait
être cette dernière hypothèse, à ce
moment-là, il est évident qu'il y aurait une motion qui ferait en
sorte que - je ne parlerai pas des procédures, mais des gestes
posés - l'étape où nous en sommes, nous y reviendrions
à ce moment-là sans qu'il soit besoin de recommencer à
neuf.
M. Scowen: Si je comprends bien...
M. Bédard: Vous ne comprenez pas trop. Tout ce que je vous
demande pour le moment - je pense que c'est bien normal, on va suspendre dans
quelques instants - c'est de se donner un délai, pour répondre
à votre question.
M. Scowen: Le projet de loi, s'il n'est pas adopté, va
mourir au feuilleton à la fin de la présente session.
M. Bédard: Non, à ce moment-là, quand une
autre session recommencera dans un délai qui ne sera quand même
pas très long, il y aura, comme vous le savez, la possibilité
d'une motion qui ramène...
Mme Lavoie-Roux: Le ranime.
M. Bédard: ... non seulement qui ranime, mais qui
ramène l'ensemble des procédures au même stade où
elles sont présentement.
Le Président (M. Rochefort): Si je comprends bien, M. le
ministre, il y a consentement des membres de la commission pour suspendre
l'étude du projet de loi no 221 qui est devant nous actuellement.
M. Bédard: Oui, M. le Président.
M. Scowen: Je ne suis pas d'accord, mais...
M. Bédard: Voulez-vous dire quelque chose?
Le Président (M. Rochefort): Vous vous opposez à ce
qu'on en suspende l'étude?
M. Scowen: Oui, personnellement, je suis contre la suspension. Je
pense qu'on doit continuer les discussions et essayer d'en arriver à une
conclusion. C'est mon opinion.
M. Bédard: M. le Président, j'inviterais le
député... Écoutez! On peut, enfin, peut-être que le
député de D'Arcy McGee a quelque chose à dire.
M. Marx: Je n'ai rien à dire. J'ai déjà
remercié les avocats qui sont venus. Je pense qu'il faut suspendre.
M. Bédard: Soyons clairs. Je vois le député
de D'Arcy McGee qui semble d'accord...
M. Marx: Ajourner ou suspendre.
M. Bédard: ... avec la suggestion que je fais.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee, je veux bien qu'on se comprenne. Avant de suspendre nos travaux,
il faut qu'on décide de la façon dont on dispose, pour l'instant,
du projet de loi no 221. Est-ce qu'on s'entend pour suspendre son
étude?
M. Marx: Ou on peut dire que la commission ajourne ses travaux
sine die, qu'on va revenir avec le projet de loi no 86 après le
dîner et, à un autre moment, qu'on va étudier le projet de
loi no 221.
Le Président (M. Rochefort): Sauf que, M. le
député de D'Arcy McGee, on ne peut pas ajourner les travaux de la
commission sine die parce que nous avons reçu un mandat global qui est
divisé en trois parties. Alors, cela nécessiterait que la Chambre
nous donne un nouveau mandat pour procéder à l'étude
article par article du projet de loi no 86.
M. Bédard: M. le Président, il me semble que
l'élémentaire procédure à adopter, c'est de
suspendre tout simplement nos travaux relativement à ce projet de
loi.
Le Président (M. Rochefort): Cela va? On s'entend.
M. Scowen: Je veux simplement dire que vous pouvez suspendre et
j'imagine qu'il n'est pas nécessaire que je sois d'accord. Mais cette
suspension, c'est ce que nous avons fait effectivement avec le projet de loi no
190.
M. Bédard: II n'a pas été
étudié.
M. Scowen: Exactement. Précisément, pendant deux
ans, il n'a pas été étudié. On a pris la peine
d'avertir tout le monde quelques mois à l'avance. On a
rédigé un texte qui était conforme. Tout ce que j'aurais
préféré, c'est qu'on poursuive nos travaux ce soir et
jusqu'à la fin de la session pour nous permettre d'en arriver à
une conclusion. C'est ma préférence. (18 h 45)
M. Bédard: Ne me demandez pas d'être méchant.
La conclusion serait connue depuis longtemps si le projet de loi que j'ai
présenté avait été adopté et s'il n'y avait
pas eu d'opposition dans le temps...
M. Scowen: Je vous comprends parfaitement.
M. Bédard: ... de la part de l'Opposition et de la part du
barreau. De ce côté, je suis très à l'aise pour
dire...
M. Marx: Nous n'étions pas ici, M. le ministre.
M. Bédard: Vous ne pouvez quand même pas vous
défendre en disant que vous n'y étiez pas personnellement.
L'Opposition se continue, il doit y avoir des gestes qui...
M. Marx: Je ne m'en souviens pas.
M. Bédard: Vous aimez bien que les membres du gouvernement
soient solidaires, quelles que soient les personnes qui assument des
responsabilités. Je suis très bien placé pour dire que
l'élémentaire prudence, devant les arguments qui nous ont
été présentés aujourd'hui - le député
de D'Arcy McGee a même dit qu'on est allé au fond des choses en
termes d'argumentation sérieuse - recommande de s'accorder un
délai de réflexion avant de disposer, de ce projet de loi, de
manière à être sûr qu'on prend la bonne
décision.
M. Scowen: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): Nous nous entendons donc pour
suspendre l'étude article par article du projet de loi no 221 et nous
suspendons nos travaux jusqu'à...
M. Marx: ... 21 heures.
M. Bédard: Vous me permettrez également de
remercier toutes les personnes qui se sont faits entendre aujourd'hui. Quelle
que soit la décision à laquelle nous en viendrons, nous aurons au
moins la satisfaction d'être convaincus d'avoir présenté
aux membres de la commission toute l'argumentation nécessaire. Nous
allons essayer de prendre cette décision en ayant à l'esprit
cette argumentation, en ayant aussi à l'esprit - cela a
été souligné à la fin de nos travaux - le cas
extrêmement sympathique des personnes requérantes dans ce projet
de loi privé.
M. Marx: Je souscris aux propos du ministre.
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement pour
suspendre jusqu'à 21 heures?
M. Bédard: Oui.
M. Marx: À 21 heures, parce qu'on ne va pas terminer ce
soir, de toute façon.
Le Président (M. Rochefort): Donc, la commission suspend
ses travaux jusqu'à 21 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 47)
(Reprise de la séance à 21 h 12)
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre!
La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux
pour accomplir...
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): Juste un moment, M. le
député de Deux-Montagnes. Donc, pour accomplir le
troisième mandat qui lui avait été confié par
l'Assemblée nationale, ce matin. Ce mandat, étant
d'étudier article par article, le projet de loi no 86, Loi modifiant la
Charte des droits et libertés de la personne. Les membres de la
commission sont les mêmes que pour les deux séances
précédentes. Toutefois, il faudrait procéder à la
nomination d'un nouveau rapporteur pour nos travaux. J'attends la proposition
des membres de la commission.
M. de Bellefeuille: M. le Président, puis-je proposer le
député d'Ungava.
Le Président (M. Rochefort): Le député de
Deux-Montagnes propose le député d'Ungava pour agir comme
rapporteur de notre commission. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté.
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Comme vous le savez, M. le Président,
nous avons passé l'après-midi ensemble dans cette pièce.
Cette pièce est exiguë et n'est pas ventilée. La question
que je soulève, enfin c'est une demande de directive, M. le
Président. Puisque nous sommes à la commission de la justice, je
voudrais que justice soit faite pour nos poumons, pour nos systèmes
respiratoires et qu'il soit convenu entre nous, par consentement unanime, qu'il
soit interdit de fumer dans cette pièce pour la séance de ce
soir. J'accepterais volontiers qu'à toutes les heures nous fassions une
pause de cinq minutes, pour permettre aux fumeurs d'aller honteusement dans le
corridor se livrer à leur vice.
Le Président (M. Rochefort): Par les expressions que je
viens d'entendre, M. le député de Deux-Montagnes, je crois que
les fumeurs ont tous entendu votre message. Même si ce n'est pas dans mes
habitudes, je vous soulignerai que je partage votre point de vue.
M. Bédard: Nous sommes à l'étude de la
Charte des droits et libertés où on sait
que la liberté des uns doit nécessairement être
limitée par la liberté des autres. Le respect mutuel est
nécessaire.
Le Président (M. Rochefort): C'est justement ce que disait
la motion du député de Deux-Montagnes, M. le ministre.
M. de Bellefeuille: M. le Président, l'intervention du
ministre me force à revenir à la charge parce que je pense que le
ministre fait fausse route. Je pense que les droits du fumeur ne comportent
pas, s'ils existent, le droit d'empoisonner les autres.
Une voix: Alors, les fumeurs d'un bord et les non-fumeurs de
l'autre.
M. de Bellefeuille: Non, non, les fumeurs dehors.
Une voix: Maintenant que vous n'avez plus grand monde pour...
Le Président (M. Rochefort): Alors, j'imagine que tous ont
bien entendu votre message.
M. Bédard: On en usera avec modération.
M. de Bellefeuille: M. le Président, le monde se moque de
nous autres, c'est vraiment épouvantable!
Projet de loi no 86
Le Président (M. Rochefort): Alors, avant d'appeler
l'article 1, M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires
généraux? (21 h 15)
Remarques préliminaires
M. Bédard: Non, M. le Président. Je crois que nous
avons comme mandat de l'Assemblée nationale d'étudier ce projet
de loi article par article. Nous avons eu un débat de deuxième
lecture qui nous a permis de faire le tour de la situation. En ce qui me
regarde, je sais pertinemment qu'à l'occasion de l'étude du
projet article par article, on aura sûrement l'occasion d'évoquer
ou d'aborder l'essentiel des remarques que nous pourrions faire au début
de nos travaux. Je me limiterai. À moins que mon vis-à-vis ait
des remarques particulières, je me réserve toujours le droit
d'ajouter des avis.
Le Président (M. Rochefort): Mme la ministre.
Mme Marois: Ce n'est pas sur le fond, alors je reviendrai quand
l'intervention de...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'ai deux ou trois remarques de nature
générale. Est-ce que c'est le temps de les faire?
Le Président (M. Rochefort): Oui.
M. Marx: Je pense que la position de l'Opposition est assez
claire en ce qui concerne ce projet de loi qui aura comme effet d'amender la
Charte des droits et libertés de la personne. Nous avons rendu publique
notre position lors d'une conférence de presse, le 25 octobre 1982. Le
propos était reproduit dans le Devoir du 10 décembre 1982. De
plus, nous avons rendu publique une deuxième fois notre position en
deuxième lecture du projet de loi. Je dois souligner que nous avons
voté pour le projet de loi en deuxième lecture. Je pense que le
vote était unanime à l'Assemblée nationale parce que,
comme je l'ai déjà dit à maintes reprises, nous sommes
d'accord avec les principes qu'on trouve dans ce projet de loi mais, d'autre
part, nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec certains amendements.
Même si nous ne sommes pas d'accord avec certains articles, il va de soi,
j'imagine, qu'on va voter pour le projet de loi en troisième
lecture.
Je vois deux grands problèmes...
M. Bédard: Je voudrais bien comprendre quand vous avez
évoqué votre position. Je sais qu'effectivement vous avez
voté pour le projet de loi en deuxième lecture. Votre position -
même si nous ne sommes pas d'accord, comme vous l'avez dit, sur tous les
points - n'est pas dans le sens qu'on ne procède pas à l'adoption
de ce projet de loi.
M. Marx: Je ne veux pas retarder quoi que ce soit, ce n'est pas
mon style. Le ministre me connaît assez bien et sait que je suis pour un
travail efficace et le plus rapide possible.
Je vois deux grands problèmes avec ce projet de loi et avec la
charte en général. C'est-à-dire que la charte
québécoise incorpore dans une loi-cadre des lois - si je peux le
dire ainsi - qui ont des fonctions différentes. Dans notre loi-cadre
qu'on appelle charte on a une charte des droits fondamentaux et, en même
temps, nous avons une loi contre la discrimination. Je pense que d'avoir ces
deux "lois" dans la même loi-cadre cause un certain nombre de
problèmes parce qu'une charte des droits fondamentaux et une loi contre
la discrimination visent des buts différents. Par exemple, la clause
restrictive proposée à l'article 2 du projet de loi. Cette clause
restrictive qu'on retrouve à l'article 2 pourrait bien se trouver dans
une charte des droits fondamentaux, mais une telle clause restrictive ne se
retrouve pas dans les lois contre la discrimination. Quand je parle de
loi contre la discrimination, je vise les articles 10 à 20 dans
notre charte.
Il ne faut pas oublier qu'au niveau fédéral, nous avons
une charte constitutionnelle des droits fondamentaux et aussi nous avons une
loi contre la discrimination, comme la Loi canadienne sur les droits de la
personne. C'est la même chose aux Etats-Unis, c'est la même chose
dans l'État de New York, dans l'État de la Californie, et ainsi
de suite.
Si vous voulez une autre exemple, il est plus ou moins normal, ces
jours-ci au moins, d'avoir, dans une charte où on trouve les droits
fondamentaux, une clause "nonobstant" comme on a dans la charte
québécoise la clause "malgré" qui se trouve, je pense,
à l'article 52 ou autour de 52, quoique dans une loi contre la
discrimination, comme dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, on
ne retrouve pas une clause "nonobstant" ou une clause "malgré" comme
dans la charte québécoise.
Je pense que cela pose un problème fondamental, à mon
avis, et cela va nous causer des difficultés avec la charte.
M. Bédard: Je m'excuse. Je voudrais être sûr
d'avoir bien compris. Est-ce que vous avez dit que dans la charte canadienne il
n'y avait pas de clause "nonobstant"?
M. Marx: Dans la charte canadienne il y a une clause
"nonobstant". Mais dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, il n'y
a pas de clause "nonobstant" parce que les législateurs ont pensé
utile de l'avoir dans la charte constitutionnelle mais elle est rare, ou cela
ne se voit jamais, dans les lois contre la discrimination. Je pense que cela va
nous poser un certain nombre de problèmes étant donné,
comme je viens de le dire, que nous avons une loi-cadre, si vous voulez, qui
incorpore une charte des droits et, entre guillemets, "une loi contre la
discrimination."
Un deuxième problème, que j'ai déjà
soulevé et sur lequel je ne vais pas trop insister parce que le ministre
n'a pas tenu compte de ce problème dans son projet de loi, je pense
qu'il faut vraiment étudier et revoir en profondeur les pouvoirs, les
devoirs et le fonctionnement de la Commission des droits de la personne du
Québec. Aujourd'hui, quelqu'un m'a dit qu'il y a des causes qui
traînent pendant deux ou trois ans devant la commission. Cela n'a pas de
sens. Ce n'est pas la justice et le ministre est bien conscient de ce
problème. Ce n'est peut-être pas seulement une question de
ressources, c'est peut-être une question de revoir comment la commission
fonctionne.
J'ai déjà dit qu'il y a aussi un problème au niveau
de la commission. Les membres de la commission sont souvent des
enquêteurs, des conciliateurs, ce sont des gens qui jouent le rôle
d'arbitre. Ce sont aussi des arbitres et souvent, même, ils agissent
à titre de juge ou de procureur pour la commission devant les tribunaux.
Cela peut causer une certaine confusion à la Commission des droits de la
personne. J'ai déjà mentionné qu'à la Commission
fédérale des droits de la personne la même personne ne peut
pas être enquêteur et conciliateur en même temps.
Donc, je vois cela comme étant les deux grands problèmes
et je ne pense pas qu'on résolve ces deux problèmes aujourd'hui
dans le cadre de l'étude de ce projet de loi parce que je pense que,
quant au deuxième problème, le ministre n'est pas prêt
à faire cette étude à ce moment-ci pour des raisons que,
j'imagine, il va nous expliquer.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, quelques remarques
seulement sur le deuxième problème que vient d'évoquer le
député de D'Arcy McGee, à savoir la
nécessité qu'il y aurait de revoir l'ensemble des pouvoirs et des
devoirs de la Commission des droits de la personne, son fonctionnement, etc. Je
pense, tout d'abord, qu'une réévaluation de la charte, telle que
nous la faisons par le présent projet de loi, va nous amener
nécessairement à procéder - c'est déjà en
grande partie fait - à une évaluation des ressources
nécessaires pour répondre à l'ensemble des obligations qui
seront ajoutées à la responsabilité de la Commission des
droits de la personne par l'adoption de ce projet de loi amendant la Charte des
droits et libertés d'une façon très substantielle, je
pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.
Je crois qu'il est tout à fait naturel et logique, il me semble,
de commencer par prendre les décisions nécessaires sur ce que
doit être le contenu de notre Charte des droits et libertés de la
personne pour, dans un deuxième temps, procéder à
l'évaluation ou la réévaluation en profondeur de
l'ensemble du rôle de la Commission des droits de la personne, des
ressources qui doivent être mises à sa disposition. Je ne pense
pas qu'il aurait été logique de procéder à une
réévaluation de l'ensemble du rôle et des
responsabilités de la Commission des droits de la personne, une
réévaluation de sa charge de travail, sans, auparavant,
arrêter nos décisions sur ce que doit être le contenu de
notre Charte des droits et libertés de la personne.
C'est l'étape à laquelle nous procédons. La
deuxième sera l'évaluation des ressources nécessaires pour
répondre aux besoins, les nouvelles responsabilités, et,
également, une réévaluation de l'ensemble des devoirs, des
pouvoirs et rôle de la Commission des droits
de la personne.
Sur le deuxième point, il me semble que c'est la manière
logique de fonctionner. Concernant le premier point soulevé par le
député de D'Arcy McGee, que cela peut représenter
certaines difficultés que d'incorporer des lois différentes dans
une même législation, à savoir la charte des droits et
libertés fondamentaux, de même qu'une loi contre la
discrimination, je voudrais simplement faire remarquer que les amendements que
nous proposons présentement peuvent constituer une réponse
à ces difficultés que peut représenter une telle
incorporation. Entre autres, le député de D'Arcy McGee disait
que, dans une loi contre la discrimination, il n'est pas nécessaire
d'avoir ce qu'on pourrait appeler une clause restrictive ou une clause soupape,
et j'en conviens avec lui. D'ailleurs, à partir du moment où
notre charte était fondamentalement orientée dans la lutte contre
la discrimination, il n'y avait pas de telle clause soupape ou de telle clause
restrictive et ce n'était pas nécessaire.
Je voudrais bien rappeler que la clause restrictive que nous incluons
dans ce projet de loi n'a d'effet qu'à l'égard des articles 1
à 8 concernant les libertés et droits fondamentaux. Je pense
qu'à partir de ce moment-là, même si cela peut
présenter certaines difficultés, il n'y a pas de
difficulté majeure à ce que soient incorporés dans notre
Charte des droits et libertés la notion de défense et d'exercice
des droits et libertés fondamentaux de même que les principes de
la lutte contre la discrimination.
M. le Président, je me limiterai à ces remarques sur ces
deux points soulevés par le député de D'Arcy McGee.
Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre.
M. Bédard: Vous permettez une seconde? (21 h 30)
Le Président (M. Rochefort): Avant d'amorcer
l'étude des différents articles du projet de loi, j'aimerais
demander le consentement des membres de la commission pour apporter une
modification à la liste de nos membres, qui viserait à substituer
le nom de M. Charbonneau (Verchères) à celui de Mme Marois (La
Peltrie). Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président (M. Rochefort): Et Mme
Lavoie-Roux (L'Acadie) remplacerait M. Dauphin (Marquette). Est-ce qu'il
y a consentement?
Des voix: Consentement.
M. de Bellefeuille: Ah oui! Empressement, M. le
Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Simplement une phrase. En résumé,
je crois, M. le Président, qu'il est tout à fait facile de voir
incorporés dans notre Charte des droits et libertés de la
personne des principes qui sont orientés dans le sens de la lutte contre
la discrimination de même que de la défense et de l'exercice des
libertés et droits fondamentaux, puisque le droit contre la
discrimination constitue quand même un élément du droit
à l'égalité, qui est fondamental dans une
société.
M. Marx: M. le ministre, je n'ai peut-être pas
précisé une différence que je dois préciser
maintenant. Une charte des droits fondamentaux s'applique aux lois et aux
règlements adoptés par un corps gouvernemental, soit une
municipalité, soit une Législature. Mais une loi contre la
discrimination s'applique non seulement aux actes d'un gouvernement ou d'un
conseil municipal, mais aussi aux actes des individus et aux contrats qui
touchent seulement des individus. Je pense que c'est aussi une autre
distinction importante.
En ce qui concerne l'exposé du ministre, je pense qu'on va
aborder cette question une deuxième fois en étudiant l'article 2
du projet de loi.
M. Bédard: En tout cas, je veux simplement dire, sans
argumenter plus avant, que je ne partage pas l'opinion du député
de D'Arcy McGee que les droits fondamentaux s'appliquent surtout aux actes
gouvernementaux, alors que...
M. Marx: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'une charte des droits
fondamentaux s'applique normalement. Donnez-moi des exemples de chartes des
droits fondamentaux qui s'appliquent aux actes, aux contrats...
M. Bédard: Une charte des droits et libertés
s'applique normalement aux actes gouvernementaux. Je crois que cela rejoint
essentiellement les individus. Les chartes des droits et libertés
s'appliquent à tout le monde.
M. Marx: L'American Bill of Rights ne s'applique pas aux
individus. Cela s'applique aux lois, aux règlements municipaux. Cela ne
s'applique pas aux contrats entre individus. C'est cela la
différence.
M. Bédard: Enfin, je trouve cela théorique parce
que...
M. Marx: Non, ce n'est pas théorique.
M. Bédard: Écoutez! Vous avez droit à votre
opinion.
M. Marx: Ce n'est pas théorique.
M. Bédard: Je trouve l'argumentation du
député de D'Arcy McGee théorique ou académique
puisque s'il y a une loi qui touche profondément et directement les
individus, c'est bien une charte des droits et libertés, tout autant
qu'une loi qui lutte contre la discrimination. Je veux simplement dire que je
ne partage pas cette analyse.
M. Marx: Voilà!
Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc l'article
1.
M. de Bellefeuille: M. le Président.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Avant que nous abordions l'article 1, je
voudrais poser une question au ministre. Nous avons reçu des
représentations de la part de la Commission des droits de la personne
et, à la lecture des amendements que propose le ministre, je vois que le
ministre, dans plusieurs cas, en a tenu compte. Cependant, il y a une question
extrêmement vaste à laquelle les amendements ne touchent pas,
c'est la question des droits des peuples autochtones. Cette question est, comme
je viens de le dire, très vaste; elle est aussi extrêmement
complexe. Je pense que nous serions d'accord pour la considérer comme
très importante, surtout dans le contexte politique actuel où le
premier ministre du Canada, n'ayant pas suffisamment porté attention
à cette question au moment où il a fait son coup de force
constitutionnel, cherche aujourd'hui à se refaire une image et convoque
une conférence devant porter sur cette question qu'il a
négligée. Je ne doute pas que nous serons également
d'accord, autour de cette table, pour dire que le Québec souhaite
être une société modèle, autant que faire se peut,
quant à la reconnaissance que notre société accordera aux
droits des autochtones.
Ma question s'adresse au ministre. Je n'ai pas du tout en tête
d'ajouter des amendements à la charte tout de suite, comme cela, sur le
bras, comme on dit. Mais, à plus long terme, comment le ministre voit-il
les rapports entre notre charte et cette question importante des droits des
autochtones?
M. Bédard: Comme l'a dit le député de
Deux-Montagnes, les droits des autochtones représentent effectivement
une question très importante. La Commission des droits de la personne
recommande même qu'il y ait un chapitre de consacré à cette
question dans la Charte des droits et libertés. Le député
de Deux-Montagnes peut être assuré que nous y sommes plus que
sensibles. Au moment où on se parle, il y a une étude qui se
poursuit au niveau du ministère de la Justice dans le sens
d'étudier globalement toute cette question. Nous sommes effectivement au
courant, tous les membres de cette commission parlementaire, qu'il y aura
très prochainement une conférence constitutionnelle à
l'issue de laquelle il y aura peut-être des évaluations à
faire. Je puis assurer le député de Deux-Montagnes que
l'intention du gouvernement est, comme il l'a dit, peut-être pas à
moyen terme dans le sens de demain, mais dans le plus court terme possible, de
procéder à une évaluation globale de manière
à en arriver à des conclusions que nous pourrions ensuite
incorporer à la charte.
M. de Bellefeuille: Merci.
M. Marx: Le problème soulevé par le
député de Deux-Montagnes concernant les autochtones est un
problème qui est en grande partie, sinon tout à fait, de la
compétence du gouvernement fédéral. Donc, il serait
impossible pour l'Assemblée nationale de régler ce
problème, étant donné que c'est en grande partie de la
compétence du fédéral.
M. Bédard: Oui, il y a une compétence
fédérale. D'autre part, il y a quand même une situation
particulière au Québec...
M. Marx: C'est cela.
M. Bédard: ... si on la compare avec des situations
équivalentes dans les autres provinces, étant donné les
traités signés. Pour cela, je crois que c'est globalement qu'il
faudra aborder le problème, dès que les études seront
terminées au niveau du ministère de la Justice. Des rencontres
sont tenues aussi par le premier ministre avec ces groupes. Tout cela devrait
normalement être terminé, à ce qu'on me dit, d'ici le mois
de mai. À ce moment-là, il y a une réflexion commune qu'on
pourra faire, étant convaincu davance que la préoccupation
évoquée par le député de Deux-Montagnes rejoint la
nôtre et également celle de l'Opposition.
Étude article par article Libertés et
droits fondamentaux
Le Président (M. Rochefort): Article 1.
Des voix: Adopté.
M. Bédard: L'article 1 modifie le titre du chapitre afin
de bien faire ressortir que
les droits qui y sont énumérés sont fondamentaux.
L'article modifie également l'article 1 de façon que celui-ci ne
se réfère plus uniquement à l'intégrité
physique d'une personne, mais à son intégrité totale,
c'est-à-dire y compris sont intégrité morale. C'est dans
ce sens que l'amendement a été présenté parce que,
tel que libellé auparavant, il pouvait paraître restrictif.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet article est
adopté?
M. Bédard: Pour le reste, cela reprend essentiellement ce
qui était conclu dans la Charte des droits et libertés.
Le Président (M. Rochefort): Adopté? Une question,
je crois.
M. Bédard: Oui. L'amendement aurait pour effet de
remplacer l'article 9.1 de la charte par le suivant: "Les libertés et
droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs
démocratiques, de l'ordre public et du bien-être
général des citoyens du Québec. "La loi peut, à cet
égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice".
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet amendement est
adopté?
M. Marx: Non.
Le Président (M. Rochefort): Non?
M. Bédard: Oisons que j'ai bien l'impression que les
membres de la commission veulent en discuter. C'est quand même un article
important du projet de loi. On pourrait entendre les...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, voulez-vous
faire des commentaires de présentation additionnels?
M. Bédard: L'article 9.1 a pour objet d'apporter un
tempérament au caractère absolu des libertés et droits
édictés aux articles 1 à 9 tant sous l'angle des limites
imposées au titulaire de ces droits et libertés à
l'égard des autres citoyens, ce qui est le cas pour le premier
alinéa, que sous celui des limites que peut y apporter le
législateur à l'égard de l'ensemble de la
collectivité, principe qu'on retrouve au deuxième
alinéa.
Le premier alinéa de l'article 9.1 ne fait qu'affirmer une
réalité qu'on ne saurait contester c'est-à-dire que les
libertés et droits fondamentaux doivent s'exercer en tenant compte des
droits et libertés d'autrui. Cette réalité est d'autant
plus vraie que certains de ces droits et libertés peuvent dans leur
application pratique même s'opposer. On peut penser, par exemple,
à la liberté d'expression face au respect de la vie
privée. Le titulaire d'une liberté ou d'un droit visé
à l'article 9.1 ne dispose donc pas d'un droit ou d'une liberté
absolue dans son exercice.
Dans ce contexte, il apparaît tout à fait normal d'affirmer
cette réalité dans la charte en précisant toutefois les
limites à l'exercice de ces libertés et droits à savoir
-il s'agit là de limites acceptables qui me semblent difficilement
contestables d'affirmer le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre
public et du bien-être général des citoyens du
Québec.
Pour ce qui est du deuxième alinéa, il indique que la loi
pourra, en tenant compte du respect des valeurs démocratiques, de
l'ordre public et du bien-être général des citoyens du
Québec, fixer la portée et aménager l'exercice des
libertés et droits fondamentaux. Je pense qu'il n'est pas besoin
d'insister sur le fait qu'il soit essentiel de permettre au législateur
d'agir ainsi lorsque l'on songe à la portée souvent immense que
peuvent avoir des droits tels que la liberté d'expression ou
d'association ou le fait que ces droits, comme je l'ai dit tout à
l'heure, peuvent s'opposer les uns aux autres. (21 h 45)
Voilà les commentaires préliminaires que j'aurais à
faire concernant cet article. Nous avons apporté un amendement - je
termine là-dessus - concernant la première formulation qui
parlait des valeurs démocratiquement reconnues par les citoyens du
Québec. Des représentations nous ont été faites,
à savoir qu'une société, qu'elle soit
québécoise ou une autre société - peu importe -
peut accepter une telle formulation. Une société peut, à
un moment donné, adopter ou se donner démocratiquement,
c'est-à-dire par la voix de la majorité, des valeurs qui
pourraient ne pas être toujours conformes à ce qu'on peut appeler
des valeurs démocratiques fondamentales, quels que soient les groupes de
citoyens concernés. Cela m'a semblé une représentation
quand même de poids qu'il fallait considérer. C'est, en gros, ce
pourquoi j'en suis venu à proposer l'amendement que je viens de porter
à la connaissance de la commission.
M. Marx: J'ai beaucoup de questions et...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: ... beaucoup de réserves sur cet article. Je vais
commencer par deux questions, ou soulever deux points. Premièrement, je
me demande sérieusement si on a vraiment besoin de l'article 9.1 dans la
charte, parce que les juges qui vont interpréter la charte ne diront
jamais: Tout
est possible. Il y a tellement d'exemples. Supposons qu'on a une clause
sur l'égalité. On sait que les riches paient plus d'impôts
que les pauvres. Les juges ne diront jamais: L'égalité exige que
tous paient les mêmes impôts. Je pense que c'est un non-sens. Les
juges ne vont jamais interpréter l'égalité de cette
façon.
D'autre part, il y a, par exemple, des lois où on empêche
les jeunes d'acheter du tabac. Parce qu'on a une clause qui fait qu'on ne peut
pas exercer de discrimination contre quelqu'un à cause de son âge,
les juges ne diront pas: Cette loi est invalide, parce qu'on empêche les
jeunes d'acheter du tabac. Les juges au Québec et au Canada ont
déjà - comment dirais-je? - élaboré un certain
nombre de règles pour dire que les droits fondamentaux doivent s'exercer
dans le respect des valeurs démocratiques ou, plutôt, qu'ils ne
vont pas interpréter ces droits d'une façon outrancière.
C'est le premier point. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir
une telle soupape. On n'avait pas cette soupape dans la charte
québécoise jusqu'à maintenant et cela a bien
fonctionné sans cette soupape.
Deuxièmement, le ministre insiste pour avoir une clause
restrictive comme dans l'article 9.1. Il propose une clause plus restrictive
que celle qu'on retrouve dans la charte constitutionnelle. Je peux donner
beaucoup d'exemples. Au moins, dans la clause restrictive de la charte
constitutionnelle, il y a un renversement du fardeau de la preuve,
c'est-à-dire que quelqu'un qui conteste une loi fédérale
en plaidant que la loi est discriminatoire n'aurait pas comme fardeau de la
preuve à prouver qu'une loi est discriminatoire dès qu'il y a -
comment dirais-je? - une couleur de discrimination à la face même
de la loi. Ce sera au gouvernement concerné de prouver qu'il n'y a pas
de discrimination. Je pense que le renversement du fardeau de la preuve dans la
charte fédérale est un point très important.
Pour résumer, je me demande sérieusement si on a vraiment
besoin de cet article 9.1; à mon avis, non. Deuxièmement, si le
ministre insiste pour avoir une telle clause, pourquoi nous propose-t-il une
clause restrictive qui est plus restrictive que la clause qu'on trouve dans la
charte canadienne?
M. Bédard: D'abord, je me demande si le
député de D'Arcy McGee - qui est un expert en la matière,
il me semble - est vraiment sérieux lorsqu'il se demande si l'on a
besoin d'une clause restrictive ou d'une soupape. Il peut ne pas être
d'accord avec le libellé de la clause, mais, de là à se
poser la question si on doit en avoir une, il me semble que ce n'est pas
très sérieux. Même les chartes internationales ont des
clauses soupapes, la charte canadienne a une clause restrictive, toutes les
chartes ont une clause restrictive. C'est d'autant plus important que les
libertés et les droits fondamentaux qui sont énoncés dans
la nôtre le soient d'une façon très absolue, même
plus absolue que dans n'importe quelle autre charte. Je ferais remarquer au
député de D'Arcy McGee que, dans la Charte des droits et
libertés du Québec que nous avions et qui était uniquement
orientée vers la discrimination, il y avait quand même dans le
préambule une précaution qui avait été prise et
où on disait ceci: "Considérant que les droits et libertés
de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés
d'autrui et du bien-être général". On y faisait
déjà allusion à ce moment. C'est d'autant plus important
à partir du moment où on procède à un amendement
tel que celui auquel nous procédons, à savoir que maintenant, ce
qui n'était pas le cas auparavant, les articles 1 à 8, concernant
les libertés et les droits fondamentaux, deviendront
prépondérants sur les lois du Québec.
M. Marx: Avant et après?
M. Bédard: Avant et après, les lois
postérieures c'est maintenant, dès la proclamation. Pour ce qui
est des lois antérieures c'est normal, c'est la même chose que le
fédéral s'est donné, un certain délai pour en faire
l'examen, pour ensuite en arriver, dans un délai raisonnable, à
ce que toutes les lois du Québec soient soumises à la
prépondérance des articles 1 à 8. Je m'explique mal
l'interrogation du député de D'Arcy McGee à savoir s'il
doit y en avoir une. Quelle doit-elle être? Comment doit-elle être
rédigée? Quelle doit être sa portée? Là, on
peut se poser des questions, on peut arriver à des positions
nuancées, mais, pour ce qui est de sa nécessité, il me
semble que cela va de soi. Auparavant, ce n'était pas nécessaire
puisque les articles 1 à 8 n'étaient pas
prépondérants sur les lois du Québec. Or, cette situation
sera maintenant changée avec l'adoption de cela.
Je m'excuse de prolonger, mais je pense que c'est fondamental, c'est
peut-être l'article sur lequel on aura le plus de discussions concernant
la nécessité d'une disposition générale sur le
cadre d'exercice des droits fondamentaux. Je disais tout à l'heure que
c'est d'autant plus nécessaire que, pour énoncer les
libertés et les droits fondamentaux prévus aux articles 1
à 8 de la charte québécoise, le législateur a
utilisé des termes très généraux pour, entre
autres, en permettre le développement et l'adaptation au contexte
social. Mais par nature, dans une société démocratique, je
pense qu'on en conviendra ensemble, les libertés et droits fondamentaux
ne peuvent être des absolus. En effet, par exemple, la liberté
d'expression
de l'un est limitée par le droit au respect de la vie
privée de l'autre, d'où il importe de prévoir - ainsi
d'ailleurs que le font les diverses chartes au monde - une disposition
permettant de nuancer l'impact de ces libertés et droits fondamentaux
ou, en d'autres termes, d'en aménager, tel qu'on le dit, l'exercice et
d'en fixer la portée sans toutefois les nier de quelque façon que
ce soit.
Cette précaution de la clause restrictive est d'autant plus - et
j'ai dit dans mon discours de deuxième lecture que je n'avais pas
l'impression qu'elle était parfaite et que j'étais très
ouvert à ce que des suggestions nous soient acheminées pour
l'améliorer, elle était nécessaire et elle le demeure -
justifiée que l'article 52 donne à ces articles 1 à 8 une
prépondérance sur l'ensemble de la législation et les fait
entrer ainsi de façon absolue dans l'ordre public
québécois. Sans être exhaustif, on pourrait donner des
exemples et indiquer certains types de législation ou de rapports
juridiques qui pourraient être touchés ou susceptibles de
l'être. Je pense, par exemple, à un des droits qui est
affirmé d'une façon absolue dans notre charte des droits et
libertés: c'est l'inviolabilité de la demeure ou de la
propriété privée.
Les articles 1 à 8 peuvent soulever de sérieuses
difficultés en regard de toutes ces lois qui accordent des pouvoirs
d'inspection à des fonctionnaires pour des fins de
sécurité ou de prévention des infractions, pour appuyer la
mission qui leur est confiée. Ainsi, s'il n'y avait pas de clause
soupape, tel qu'on le dit, ne pourrait-on pas contester le pouvoir d'un
inspecteur d'entrer et de vérifier tous les documents qui sont sur les
lieux? Pourrait-on considérer comme valide le pouvoir donné au
Directeur de la protection de la jeunesse de retirer un enfant du lieu
où il se trouve, surtout s'il est au domicile de ses parents?
M. Marx: La réponse à tout cela se résume en
un mot: non. On ne peut pas le contester. Je veux juste donner un exemple au
ministre. Dans le "Bill of Rights" américain, il y a la même
clause que le domicile est inviolable et ils n'ont pas de soupape et les juges
n'ont jamais interprété dans le sens que le ministre vient de
nous indiquer, ils n'ont jamais dit qu'on ne pouvait pas faire des inspections.
Cela veut dire que cela ne se tient pas vraiment, cet argument. On peut dire
que tout peut être contesté, cela ne veut rien dire...
M. Bédard: Si cela ne se tient pas, comment se tient
l'argument indiquant que vous retrouvez de telles clauses dans toutes les
chartes internationales, en ce qui regarde aussi la charte canadienne. Ce n'est
pas ce que je vous ai entendu dire lorsqu'on a eu le débat sur la charte
canadienne à savoir que cela ne se tenait pas la clause restrictive.
C'est drôle qu'on change d'argumentation selon qu'on est devant telle ou
telle personne ou devant tel gouvernement.
M. Marx: M. le ministre, un instant... M. Bédard:
Je vais terminer...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Vous avez soulevé des...
M. Marx: Je veux juste préciser un petit point...
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Bédard: Vous avez soulevé des questions...
M. Marx: Je ne suis pas ici pour défendre la charte
fédérale. Je pense qu'elle est perfectible et je n'ai jamais dit
que j'étais d'accord avec la clause restrictive dans la charte
fédérale.
M. Bédard: On peut donner d'autres exemples. Prenez le
droit au secours. Le droit au secours est parmi les droits et libertés
fondamentaux qui sont affirmés d'une façon absolue dans les
articles 1 à 8. Le droit au secours, lorsque la vie est en péril,
repose sur une obligation morale et civile. Rendre ce droit absolu, sans aucune
restriction, surtout si on l'étend au droit d'être secouru lorsque
l'intégrité de la personne est en danger, pourrait avoir des
conséquences inattendues. Le droit au secours étant absolu, le
devoir devient une obligation fondamentale. Cela ne pourrait-il pas avoir pour
effet de modifier le degré de risque qu'une personne pourrait invoquer
pour s'en décharger. À l'encontre de cette situation, il y a
l'autre situation qui pourrait être la suivante: un bon samaritain ne
pourrait-il pas arguer de son obligation fondamentale pour justifier une
intervention non voulue ou encore souhaitée explicitement? (22
heures)
Je pourrais, par rapport à l'ensemble des droits et
libertés exprimés de façon absolue, vous apporter autant
d'exemples, de considérations qui sont de l'élémentaire
prudence. Qu'il y en ait une sur son contenu, cela, on peut différer.
Prenez simplement la liberté d'opinion et d'expression. En reconnaissant
d'une façon générale et absolue les libertés
d'opinion et d'expression, la validité des dispositions qui interdisent
aux juges de participer à des campagnes électorales pourrait
être contestée. Aussi, la validité de certaines
dispositions autorisant le
huis clos ou interdisant la publication de certaines informations. Je
pense, entre autres, à la protection de la jeunesse, aux litiges
familiaux, au Code des professions. Cela pourrait être remis en question;
de même que la validité des règlements municipaux sur les
théâtres, les spectacles, l'affichage, la distribution de tracts
politiques ou publicitaires pourrait être soulevée.
Je ne vous dis pas que tout cela serait contesté, mais il y a ce
que j'appelle une élémentaire prudence qui fait qu'on doit
concilier ce qui peut se concilier avec une défense - c'est ce que nous
voulons tous - et une protection des droits et libertés. Par exemple,
cela peut éviter beaucoup de querelles devant les tribunaux, comme je
l'ai souligné lors de mon discours en deuxième lecture. On peut
décider que les tribunaux auront à prendre toutes les
décisions et laisser aller, selon ce que seront les décisions des
tribunaux, ou encore on peut à un moment donné, comme
gouvernement, prendre une autre décision qui est celle que nous avons
prise et qui, je pense, est la plus indiquée, parce que, en y allant
avec l'absolu, on peut se ramasser avec une légion de contestations, une
insécurité juridique qui, en fin de compte, ne serait pas
souhaitable pour l'ensemble de la société. Si on revient au
niveau de la liberté d'opinion et d'expression, on pourrait se poser des
questions comme, par exemple: Un employeur perdrait-il le droit de
congédier un employé qui nuit à sa réputation ou
n'aurait-il que le droit de réclamer la cessation de cette atteinte ou
la réparation du préjudice? Pourrait-on continuer de
contrôler la publicité, notamment les pratiques interdites pour la
protection du consommateur ou des enfants? Ne serait-ce pas là porter
atteinte à la liberté d'expression commerciale? Je pourrais
autant comme autant vous apporter des exemples, entre autres, concernant la
liberté de réunions pacifiques ou d'association, mais je me
limite là, quitte à apporter d'autres exemples.
J'aborderai seulement un autre point -qui ne me semble pas
véridique au niveau de l'analyse - qui a été
soulevé par le député de D'Arcy McGee. Lorsqu'il nous dit
que la clause restrictive dans la charte canadienne est moins restrictive que
celle de la charte québécoise, je ne partage pas son opinion
parce que le premier alinéa de l'article 9.1 nous apparaît clair.
Le député de D'Arcy McGee a fait beaucoup état de la
question du fardeau de la preuve. Je crois qu'à l'égard du
premier alinéa de l'article 9.1, il apparaît clair que c'est
à la personne qui prétend qu'il y a eu un abus de droit qu'il
reviendra de prouver celui-ci. Ce n'est donc pas à la personne qui
exerce un droit ou une liberté de démontrer qu'elle a
respecté les valeurs démocratiques, l'ordre public et le bien
général.
À l'égard du deuxième alinéa de l'article
9.1, toujours, il y a lieu de distinguer si c'est une négation ou une
simple atteinte à l'exercice d'un droit ou d'une liberté qui est
alléguée, puisque l'article 9.1 n'autorise pas la négation
d'un droit ou d'une liberté, mais permet d'y porter atteinte, compte
tenu du respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du
bien-être général. Dans le cas où une personne
allègue qu'une loi nie un droit ou une liberté, c'est à
elle qu'il reviendra de prouver ce fait. Si elle y parvient, la loi sera alors
jugée comme dérogeant à la charte et il reviendra à
l'autre partie de démontrer qu'il y a eu dérogation expresse,
conformément à l'article 52 qui traite de ce sujet.
Dans le cas où une personne alléguera qu'une loi porte
atteinte à un droit ou à une liberté, c'est à elle
qu'il reviendra de prouver ce fait. Si elle y parvient, il reviendra alors
à l'autre partie de démontrer que cette atteinte est
justifiée par le respect des valeurs démocratiques de l'ordre
public et du bien-être général. Dans ce contexte, à
l'égard du fardeau de la preuve, il ne nous semble pas y avoir de
distinction, dans le sens que le laisse entendre le député de
D'Arcy McGee, entre l'article 9.1 et l'article 1 de la charte canadienne.
Concernant l'article, je termine là-dessus...
M. Marx: Je ne comprends pas cette question sur le fardeau de la
preuve.
M. Bédard: Vous avez parlé de...
Le Président (M. Rochefort): S'il vous plaît,
à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Bédard: Vous dites que vous n'avez pas le
fardeau...
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.
M. Bédard: Permettez, M. le Président...
M. Marx: J'essaie de suivre cela, mais je ne peux pas,
franchement.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de D'Arcy McGee.
M. Bédard: Si vous avez de la misère à
suivre, je ne vois pas comment vous pouvez dire que cela n'est pas le cas.
Concernant -je termine là-dedans, M. le Président -l'article 1 de
la charte canadienne, il faut souligner que cet article n'indique pas à
qui il revient de démontrer le caractère raisonnable d'une
restriction d'un droit ou
d'une liberté et que c'est par une interprétation
jurisprudentielle que l'on a conclu que cette démonstration revenait au
gouvernement, au gouvernement fédéral en l'occurrence. Il est
fort probable que les tribunaux en arriveront à peu près à
la même conclusion à l'égard de l'article 9.1 et, dans ce
sens, je crois qu'il est faux de prétendre que l'article 9.1 est plus
restrictif que l'article 1 de la charte canadienne sur la question du fardeau
de la preuve. Ce sont les deux points...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Marx: Je pense que c'est l'alternance...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président...
M. Marx: M. le Président, question de
règlement...
Le Président (M. Rochefort): Question de règlement,
M. le député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Je ne connais pas l'étendue de votre
expérience aux commissions parlementaires, mais c'est normal...
Le Président (M. Rochefort): ...remettre en question, M.
le député de D'Arcy McGee?
M. Marx: Non, je ne remets pas en question...
Le Président (M. Rochefort): Alors j'aimerais que vous en
veniez rapidement à votre question de règlement, s'il vous
plaît.
M. Marx: C'est normal qu'il y ait l'alternance.
C'est-à-dire que quand le ministre parle, c'est à notre tour de
parler après lui. Après cela, cela peut être un
membre...
Le Président (M. Rochefort): Non, M. le
député de D'Arcy McGee, je vous indiquerai que l'alternance
existe effectivement en commission parlementaire, mais entre les membres de la
commission excluant le ministre. Si on respecte la règle d'alternance en
incluant le ministre dans cette règle, cela exclut les
députés de la majorité, car à chaque fois que le
ministre parle, il y a donc un député de l'Opposition; quand un
député de l'Opposition parle, la question s'adresse au ministre,
donc on exclut...
M. Marx: Non, non.
Mme Lavoie-Roux: II peut laisser parler un de ses
collègues...
Le Président (M. Rochefort): Non, je m'excuse, en article
par article, les questions sont adressées au ministre pour avoir des
informations, des explications, des éclaircissements sur les
différents articles. Je ne crois pas qu'un de ses collègues
ministériels puisse répondre pour lui.
Mme Lavoie-Roux: II n'a pas pris vingt minutes sur le premier
article encore...
Le Président (M. Rochefort): Non, mais mon intention n'est
pas de ne plus reconnaître le député de D'Arcy McGee...
Mme Lavoie-Roux: II peut continuer de poser des questions.
Le Président (M. Rochefort): Mme la députée
de L'Acadie, je n'ai manifesté d'aucune façon l'intention de ne
pas reconnaître le député de D'Arcy McGee dans d'autres
interventions sur le même article. Mais dans l'ordre des intervenants, il
y a le député de Deux-Montagnes qui suit, ensuite cela sera vous
et ensuite on reviendra au député de D'Arcy McGee si personne de
la majorité ne demande la parole entre vous deux. Cela respecte la
règle d'alternance. M. le député de Deux-Montagnes.
M. Marx: Sur la question de règlement...
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
M. Marx: ... je n'ai pas terminé.
Le Président (M. Rochefort): Vous étiez sur une
question de règlement, j'en ai disposé. Vous avez une autre
question de règlement à soulever?
M. Marx: C'est la même question, j'aimerais
m'exprimer...
Le Président (M. Rochefort): Oui, je vais vous
reconnaître. Je vous ai indiqué que je vous reconnaîtrai. Il
y a le député de Deux-Montagnes qui a demandé la parole.
Il y a votre collègue, la députée de L'Acadie, ensuite, je
vous reconnaîtrai.
M. Marx: Supposons, M. le Président, que c'est moi qui
parle à chaque fois qu'un député ministériel ou le
ministre parle, si c'est moi qui répond à chaque fois, les
députés de l'Opposition n'auront pas l'opportunité de
parler non plus.
Le Président (M. Rochefort): M. le
député de D'Arcy McGee, je vous soulignerai qu'il n'y a
qu'une seule personne ici qui est là pour répondre, c'est le
ministre. Ce ne sont pas plus des députés de la majorité
que des députés de l'Opposition. On est ici pour étudier
article par article un projet de loi. Vous avez soulevé un certain
nombre de questions. Le ministre vous a accordé des réponses
à ces questions. Maintenant, il y a un député qui a
demandé d'intervenir aussi sur le même article, il pourra
intervenir. Ensuite la députée de L'Acadie et d'autres
députés.
M. Marx: C'est la première fois que cette règle est
imposée dans une commission à laquelle j'assiste.
Le Président (M. Rochefort): Je reconnais là la
règle d'alternance que j'applique dans les différentes
commissions où j'ai à présider, M. le
député.
M. Marx: Peut-être que les présidents ont des
règles différentes, à l'Assemblée nationale.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de
règlement.
Le Président (M. Rochefort): Mme la députée
de L'Acadie, sur la question de règlement.
Mme Lavoie-Roux: Évidemment, on n'a pas calculé
combien de temps le député de D'Arcy McGee avait pris pour sa
première intervention sur l'article 1, mais la pratique...
Le Président (M. Rochefort): L'article 2.
Mme Lavoie-Roux: ... l'article 2...
M. de Bellefeuille: N'en soyez pas trop sûre.
Mme Lavoie-Roux: Pardon? Je pense que j'ai suffisamment
participé à des commissions parlementaires pour savoir que, sur
chaque article, le député qui intervient peut intervenir pendant
vingt minutes. Ce qui veut dire qu'il pourrait y avoir échanges de part
et d'autres. On pourrait aussi, si on voulait faire un blocage, parler chacun
ses vingt minutes et ainsi de suite. Que le député de D'Arcy
McGee, dans ce bloc de vingt minutes, veuille pouvoir faire préciser des
réponses que le ministre a données ou poser d'autres questions,
je pense que c'est toujours traditionnellement la coutume qu'on a
établie. À un moment donné, quand on trouve que le
député a dépassé vingt minutes, même s'il n'a
pas été vraiment calculé à la minute, on dit que
c'est le tour d'un autre. Il a posé une seule question au ministre
depuis que ce deuxième article est appelé.
M. Bédard: Sur la question de règlement...
Le Président (M. Rochefort): Sur la question de
règlement, M. le ministre?
M. Bédard: Je voudrais seulement souligner que je suis
bien d'accord sur un point avec la députée de L'Acadie à
savoir que nous ne sommes quand même pas ici, surtout lorsqu'on discute
de la Charte des droits et libertés, pour commencer à minuter
mécaniquement...
Mme Lavoie-Roux: II faudrait au moins laisser la liberté
d'expression.
M. Bédard: ... nos interventions. Je crois que s'il y a un
projet de loi qui doit être adopté en laissant toute la
liberté de parole, c'est le cas de le dire, à chacun des membres
de la commission, c'est bien ce projet de loi par lequel on discute des droits
et libertés fondamentaux. Notre intention, j'espère que madame la
députée de L'Acadie l'a bien saisie, est de donner toute la
latitude, tant d'un côté que de l'autre. Pour ce qui est de savoir
qui a le droit de parole, je pense que ce n'est pas à moi à
déterminer cela.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que personne ne veut empêcher le
député...
Le Président (M. Rochefort): Sur la question de
règlement...
M. Marx: Sauvé par la soupape...
Le Président (M. Rochefort): soulevée par Mme la
députée de L'Acadie, je partage entièrement les propos que
vous avez tenus sur la question de règlement. Justement, je pense que je
veux appliquer d'une façon souple la règle des vingt minutes que
je ne chronomètre pas d'une façon précise...
Mme Lavoie-Roux: Non, non...
Le Président (M. Rochefort): Sauf que je considère
que le député a posé un certain nombre de questions au
ministre. Le ministre y a répondu. Un autre député a
demandé à intervenir. Vous avez demandé à
intervenir. Mon intention n'est pas de mettre fin au débat ensuite. Tant
et aussi longtemps que le député de D'Arcy McGee aura des
questions sur le même article, je le reconnaîtrai et je lui
accorderai la parole. Sauf qu'il me semble que la règle d'alternance
justifie justement qu'on alterne d'un député à
l'autre, d'un côté à l'autre, sur un même
article.
Mme Lavoie-Roux: Oui, mais...
Le Président (M. Rochefort): Alors, écoutez...
Mme Lavoie-Roux: Bon, écoutez, on n'est pas pour se
chicaner là-dessus, mais...
Le Président (M. Rochefort): C'est la pratique des
commissions auxquelles j'ai assisté et que j'ai aussi
présidées, déjà depuis le 13 avril 1981. Il me
semble que c'est une pratique qui permet justement de rendre le débat
peut-être un peu plus dynamique et de respecter les droits de l'ensemble
des parlementaires.
M. Marx: Oui, mais le problème est que je vais perdre le
fil et tout le monde va perdre le fil aussi.
Le Président (M. Rochefort): Bien, écoutez, est-ce
que vous...
M. Marx: Vingt minutes plus tard, je vais répondre au
ministre...
M. Bédard: C'est correct, allez-y.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, cela me fait de la
peine de voir que mon ami, mon collègue de D'Arcy McGee pense que je
vais lui faire perdre le fil. J'ai l'impression que je vais rester tout
à fait dans le fil. C'est à lui de rassembler ses idées.
Ce n'est pas ma responsabilité à moi.
Le ministre nous a expliqué pourquoi cette clause de
réserve est nécessaire. Dans le débat de deuxième
lecture de ce projet de loi, dans ma naïveté profane, j'ai
posé la même question que celle du député de D'Arcy
McGee, il y a quelques instants. C'est la question de savoir si cette clause de
réserve est nécessaire. Bon. Le ministre m'a convaincu que cette
clause de réserve est nécessaire, particulièrement parce
que nous...
Mme Lavoie-Roux:...
M. de Bellefeuille: Non. Dieu merci! Parce que nous
étendons la prépondérance de la charte sur un bloc
législatif extrêmement important. Je pense que devant cet
argument, il n'y a pas grand-chose à faire, sauf que de s'incliner.
Quant au libellé, je le retiens aussi et je suis très heureux de
ce que le ministre a dit. Comme je ne suis pas juriste, j'étais
gêné d'oser dire que je trouvais que les gens qui soutenaient que
la charte canadienne mettait le fardeau de la preuve sur le gouvernement
charriaient. Parce que je ne voyais pas cela dans le texte. Je suis heureux
qu'un juriste éminent comme le député de Chicoutimi ait
exprimé cet avis...
Mme Lavoie-Roux:...
M. de Bellefeuille:... que je n'osais pas exprimer. Parce que de
dire: dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une
société libre et démocratique, cela ne met le fardeau de
la preuve absolument nulle part. Nous savons tous, en 1970, que le prince qui
régnait à Ottawa, et qui règne encore, avait
décidé que dans cette société libre et
démocratique il pouvait imposer la loi des mesures de guerre et occuper
militairement le Québec. C'est encore le même prince qui
était à Ottawa. Évidemment, cette charte
fédérale n'existait pas encore en 1970, mais c'est le même
homme qui était là et il avait été un des
fondateurs de la Ligue des droits de l'homme de Montréal. Alors, les
questions des droits de la personne l'ont toujours intéressé,
mais cela ne l'intéresse que dans la mesure où lui,
princièrement, y consent. Alors, ce n'est pas ce que nous voulons. Nous
voulons une véritable charte. Je n'ai rien à dire de plus sur la
question du fardeau de la preuve. Je ne pense pas que le coeur de la question
soit là. (22 h 15)
Je pense que le coeur de la question est d'arriver au 9.1 et le ministre
a absolument raison de dire que c'est peut-être le principal débat
que nous aurons en commission sur le projet de loi. C'est le plus gros morceau
et je pense qu'il vaut la peine, sans se taquiner trop les uns et les autres,
d'y mettre le temps voulu. Je respecterai votre droit de parole, M. le
député de D'Arcy McGee, Mme la député de L'Acadie.
Je prends tranquillement le mien parce que je pense qu'il vaut la peine de
causer de cet article 9.1.
À mon avis, ce qui compte est de s'assurer que la porte que nous
entrouvrons n'est pas vraiment grande ouverte. Ce n'est pas une clause qui
permettrait de supprimer de façon trop légère des droits
de la personne au Québec. Dans cet esprit-là, je voudrais
demander au ministre si l'allusion à l'ordre public est absolument
indispensable. Je sais qu'à l'échelle internationale, dans les
conventions qui régissent ce genre de questions auxquelles le Canada et
le Québec souscrivent, on accepte ces deux notions, tant celle de
l'ordre public que celle du bien-être général. La question
que je pose au ministre est à savoir si la notion du bien-être
général ne serait pas suffisante. Celle de l'ordre public
m'inquiète un peu, parce que l'ordre public, c'est facile à
invoquer. Je l'ai dit dans le débat de deuxième lecture,
quelqu'un peut facilement voir du désordre partout et intervenir
de façon irresponsable. J'aime beaucoup plus la notion de
bien-être général que celle de l'ordre public.
C'était ma première observation.
Ma deuxième observation est à propos du deuxième
alinéa, que j'aimerais bien comprendre. La loi, c'est n'importe quelle
loi, ce n'est pas la présente loi, ce sont les lois en
général, la loi. La loi peut, à cet égard, en fixer
la portée et en aménager l'exercice. Cela est la clause
"nonobstant", n'est-ce pas? C'est-à-dire qu'on peut, nous, les
parlementaires, adopter une loi de dérogation à la charte.
M. Bédard: C'est-à-dire qu'à partir du
moment où une Législature ou un gouvernement accepte des lois qui
sont dans le sens du respect intégral des droits et libertés de
la personne, il n'y a pas de problème. Il est évident qu'il y a
certaines lois qui peuvent, dans le sens du respect de l'ordre public, du
bien-être général, des notions que nous avons
évoquées tout à l'heure, être nécessaires.
À ce moment-là, cela rejoint la notion du nonobstant à
laquelle vous venez de faire...
M. de Bellefeuille: C'est le nonobstant. Je me rallierai à
cela, sauf que je reste toujours avec ce doute à savoir si on ne
pourrait pas se contenter, dans le texte, de parler du bien-être
général et de ne pas inclure cette notion moins claire et plus
dangereuse de l'ordre public.
M. Bédard: Je vous dirai bien franchement, que ce soit la
notion d'ordre public ou de bien général, il y a toujours des
ouvertures dans ces notions-là, dans quelque notion que ce soit, pour un
gouvernement de passer à côté. Je pense à certains
événements. Ce n'est pas parce qu'il y a des choses
écrites que cela donne les lumières nécessaires à
un gouvernement, quel qu'il soit, pour apprécier correctement et
valablement des notions contenues dans une charte. Je crois qu'il y a avantage
à garder ce libellé. Les tribunaux ont toujours marié,
d'une certaine façon, ces deux notions d'ordre public et de
bien-être général.
J'ai eu l'occasion de regarder naturellement plusieurs chartes,
plusieurs déclarations des droits dans différents pays. Si on
regarde, par exemple, la déclaration universelle des droits de l'homme
au point de vue international, on remarquera d'abord que les libertés et
droits fondamentaux qui sont dans notre charte se rapprochent beaucoup du
contenu de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cette
déclaration qui, dans le fond, ne s'applique à personne est une
sorte de modèle à suivre pour les pays qui doivent s'en donner
une même si, en un sens, elle n'est qu'un modèle - je la rapetisse
sans doute quand je dis cela. Je remarque qu'il y a une clause restrictive
où on fait référence à l'ordre public. Si vous me
le permettez, je pourrais vous la lire, je l'ai devant moi. On dit, par
exemple: L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle
seul le libre et plein développement de sa personnalité est
possible. Article 2. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses
libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la
loi - on trouve une référence à la loi, tel qu'on le voit
dans le deuxième paragraphe - exclusivement en vue d'assurer la
reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de
satisfaire aux justes exigences de la morale - ils en mettent beaucoup plus que
vous - de l'ordre public et du bien-être général dans une
société démocratique.
La clause que nous avons et, en tout cas, que je soumets à
l'attention des membres de la commission me semble être très
près de celle-là. Je pourrais évoquer bien d'autres
chartes - si c'est nécessaire, je le ferai tout à l'heure, si
vous me le demandez - où, dans presque tous les cas, on
réfère à la notion de protection de l'ordre -dans certains
cas on va plus loin - de la santé, de la sécurité
publique, de la morale, des libertés et droits fondamentaux d'autrui.
C'est encore beaucoup plus large que celle que nous avons.
Le Président (M. Rochefort): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il est
inutile de dire que je ne suis pas juriste et que ma motivation en assistant
à cette commission parlementaire c'est l'intérêt que
présente la discussion d'une Charte des droits et libertés de la
personne. Les questions que je puis poser sont dans le sens du citoyen
ordinaire qui regarde ce texte de loi.
M. Marx: Le sens commun.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. Il en faut dans un
Parlement.
M. Marx: De plus en plus, surtout à l'Assemblée
nationale.
M. Bédard: Vous avez raison.
Mme Lavoie-Roux: Le député de Deux-Montagnes a
soulevé la question de l'ordre public, c'est-à-dire qu'on
pourrait, en se basant sur le respect de l'ordre public, venir restreindre
l'exercice des droits et libertés tels qu'ils sont définis dans
les articles précédents. Cela, c'est un point.
Le deuxième, c'est aussi cette interrogation: "La loi peut - pour
autant
qu'on comprenne cela dans du langage ordinaire - à cet
égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice." Ceci
veut dire que, par l'adoption de lois, enfin c'est comme cela que je le
comprends, on pourrait venir restreindre cet exercice. On était par
exemple - cela a été corrigé et, si je reviens
là-dessus, c'est parce que c'est peut-être le seul exemple que
j'ai vécu à l'Assemblée nationale - au moment de la
première version de la Charte de la langue française, venu
restreindre la portée de l'exercice des droits et libertés de la
personne en disant que la Charte de la langue française aurait
prépondérance même sur la Charte des droits et
libertés de la personne. Vous ne vous souvenez pas de cela?
M. Bédard: Je suivais vos propos. Vous voulez parler d'une
première version?
Mme Lavoie-Roux: Non, je donne cela comme exemple. Cela a
été corrigé par la suite. J'ai pris bien soin de dire, si
les gens m'ont entendue, qu'avec la loi 101 cela avait été
corrigé par la suite.
M. Bédard: D'accord.
Mme Lavoie-Roux: C'est le seul exemple que j'ai en tête,
alors c'est le seul exemple que je peux évoquer. Est-ce que la
même possibilité, au paragraphe 9.1, ne pourrait pas se produire
à l'égard d'autres lois? Ce pourrait être dans un tout
autre domaine.
M. Bédard: La protection de la jeunesse.
Mme Lavoie-Roux: Oui, quoique dans la protection de la jeunesse,
est-ce qu'il y a une allusion à...
M. Bédard: Et on a un nonobstant... Mme Lavoie-Roux:
Oui.
M. Bédard: ... concernant les audiences qui doivent se
tenir à huis clos.
Mme Lavoie-Roux: Oui.
M. Bédard: Je pourrais vous donner plusieurs
exemples...
Mme Lavoie-Roux: Oui, d'ailleurs il y a plusieurs lois...
M. Bédard: ... où, dans l'intérêt des
personnes...
Mme Lavoie-Roux: Oui, quoique...
M. Bédard: Un nonobstant n'est pas toujours
négatif. Cela peut être dans l'intérêt des personnes,
étant donné la spécificité.
Mme Lavoie-Roux: Quoique du côté de l'Opposition, je
pense qu'à plusieurs reprises mon collègue de D'Arcy McGee a
justement mentionné des lois où ce n'était peut-être
pas opportun de venir restreindre... Je pense qu'il avait rappelé six ou
sept lois...
M. Marx: Les juges, par interprétation, ont
déjà prévu un certain nombre...
M. Bédard: Je peux dire à Mme la
députée...
Mme Lavoie-Roux: Comment serait adoptée une loi qui
viendrait restreindre l'exercice des droits et libertés de la personne?
Une nouvelle loi que le Parlement adopterait pour des fins de circulation ou
enfin ce que vous voudrez, je donne cela comme exemple. Dans ce sens-là,
je trouve cela très large. Ce n'est pas un jugement absolu que j'exprime
ici, mais je pense qu'il a besoin d'éclaircissement. À ce
moment-là l'initiative... Évidemment les tribunaux pourraient
intervenir si cela était contesté. Mais quand vous voyez le
citoyen pris isolément, ce n'est pas toujours une démarche facile
d'aller contester le libre exercice de ses droits et libertés. Vous
faites face à un Parlement qui a légitimement voté une
loi, et je ne vois pas quelle balise, même si vous gardiez cette
chose-là, pourrait être mise pour ne pas que cela prenne une
extension telle que même des fois, sans le vouloir ou avant qu'on en soit
conscient immédiatement, on réalise que finalement on a vraiment
restreint l'exercice des libertés et droits fondamentaux de la
personne.
M. Bédard: Je pense qu'il y a une balise judiciaire, il y
a aussi une balise politique. Le gouvernement qui s'aviserait d'aller
manifestement à l'encontre de sa charte des droits et libertés
par une série de nonobstants, aura en fin de compte, une sanction
politique quelque part certain. D'autre part, j'attends des suggestions. Je
n'ai pas la prétention de dire que tout est parfait, mais pour ce qui
est de la nécessité d'une telle clause à
l'intérieur de notre charte, je pense que cela est évident, il
s'agit simplement de regarder ce qui se passe généralement
ailleurs. En cela, nous ne sommes sûrement pas moins démocratiques
que...
Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela que je veux dire. Dans le
fond, l'exercice que l'on fait aujourd'hui, c'est de rendre le plus
étanches possible les nouveaux articles que l'on adopte en fonction
d'assurer le
respect des droits et libertés. C'est l'exercice qu'on fait.
M. Bédard: Par rapport à la question, je pourrais
vous dire que la balise est judiciaire et le fardeau de la preuve est contre le
gouvernement.
M. Marx: Le fardeau de la preuve est contre qui?
M. Bédard: Le fardeau de la preuve repose sur le
gouvernement.
M. Marx: Où?
M. Bédard: En prouvant que c'est nécessaire par
rapport aux notions de bien-être général de l'ordre public.
Il y a déjà eu une interprétation relativement à la
charte canadienne par les tribunaux et c'est évident que la même
interprétation ira... C'est-à-dire que par rapport à notre
charte nous aurons une interprétation qui, normalement, ira dans le
même sens. (22 h 30)
M. Marx: Ce n'est pas la même chose.
M. Bédard: Quand même le député de
û'Arcy McGee dit que ce n'est pas la même chose, voyons donc! C'est
une charte des droits et libertés. Je ne veux pas faire de comparaison -
je ne pense pas qu'on ait besoin de faire continuellement des comparaisons -
avec la charte canadienne, mais concernant ce point précis dont parle
Mme la députée de L'Acadie, je l'ai expliqué tout à
l'heure...
Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse si j'ai mal écouté. Ce
n'était pas volontaire.
M. Bédard: Je vous comprends. D'ailleurs, il y a des
causes de jurisprudence qui font déjà école. Je pense
à la cause Jamieson contre le Procureur général du
Québec. Je pense à la cause Quebec Association of Protestant
School Boards - je ne sais pas si ma prononciation est bonne -versus le
Procureur général du Québec et le ministre de
l'Éducation. Il y en a d'autres que je pourrais également citer
qui vont dans le même sens.
M. Marx: Au début de notre débat, le ministre
n'a-t-il pas dit qu'il n'y a pas de renversement de la preuve dans la charte
fédérale? J'ai compris que le ministre a dit, au début de
notre débat, qu'il n'y a pas de renversement de la preuve dans la clause
restrictive de la charte canadienne.
M. Bédard: Non, il n'y en a pas.
M. Marx: Maintenant, il est en train de se renverser.
M. Bédard: Non. Ce que je vous ai dit - je vais vous dire
textuellement ce que j'ai dit - c'est que c'est par une interprétation
jurisprudentielle que l'on a conclu que cette démonstration revenait au
gouvernement, le fardeau de la preuve. Ce que j'ai ajouté, dit, c'est
qu'il est fort probable - c'est clair -que les tribunaux en arriveront à
la même conclusion à l'égard de l'article 9.1. C'est dans
ce sens qu'il est donc faux de prétendre que l'article 9.1 que nous
étudions est plus restrictif que l'article 1 de la charte canadienne
concernant le fardeau de la preuve.
M. Marx: II y a tellement de fils maintenant que je me demande
par où commencer. Je vais peut-être commencer par le fil...
M. de Bellefeuille: Quel dommage! Je vous présente mes
excuses.
M. Bédard: Quand les idées sont claires, on sait
rapidement par où commencer.
M. Marx: Je vais commencer par les propos du député
de Deux-Montagnes qui se demandait s'il y a vraiment un renversement du fardeau
de la preuve dans la charte fédérale. À cela, le ministre
a déjà répondu que oui. Je vais répondre dans le
même sens parce que le juge en chef de la Cour supérieure du
Québec a déjà décidé dans ce sens. Il y a
des avis de juristes et également de la jurisprudence d'autres provinces
dans le même sens.
Maintenant, le ministre a qualifié la nécessité
d'avoir une soupape dans la charte comme étant de la prudence. Pour lui,
c'est de la prudence. Pour moi, c'est de la timidité de la part du
ministre.
M. Bédard: De l'évidence.
M. Marx: M. le Président, puis-je demander au ministre de
ne pas m'interrompre à tous les trois mots? Je ne l'ai pas interrompu
pendant au moins 50 minutes.
Le Président (M. Rochefort): Vous avez la parole.
M. Marx: Merci, M. le Président. Le ministre qualifie sa
position comme étant de la prudence ou de l'évidence. Moi, je
qualifie sa position comme étant de la timidité. J'aimerais
porter à l'attention des députés que tout le monde - tout
le monde qui a envoyé un mémoire au ministre - était
contre sa soupape, sauf le barreau.
Des voix: Oh!
M. Marx: Je pense que le barreau a
plutôt été...
Le Président (M. Rochefort): S'il vous plaît!
M. Marx: La Commission des droits de la personne était
contre. Le Congrès juif canadien et le B'nai B'rith étaient
contre. Dans d'autres mémoires et d'autres documents, des organismes ont
dit qu'ils sont plutôt contre. Le barreau, dans son mémoire, est
pour le premier paragraphe de l'article 9.1, mais a suggéré qu'on
supprime le deuxième paragraphe. De toute façon, je trouve qu'en
général les opinions étaient plutôt contre une
clause restrictive dans la charte québécoise.
On mêle toutes sortes de choses ici: la charte constitutionnelle
canadienne, les chartes internationales, une charte statutaire comme la charte
québécoise, etc. Je pense qu'il y a une différence entre
toutes ces chartes. Même si elles s'appellent toutes des chartes, il y a
beaucoup de différences entre elles, et je ne veux pas entrer dans
toutes ces différences. Je peux juste souligner que la plus vieille
charte au monde, ou une des plus vieilles chartes au monde est la charte
américaine et qu'elle ne contient pas de clauses restrictives. Je pense
qu'elle a eu pour effet de protéger assez bien les droits et les
libertés des Américains sans que les juges restreignent
inutilement les gouvernements dans l'adoption des lois nécessaires.
Je vais plus loin que cela. J'aimerais suggérer au ministre que
dans la jurisprudence il va trouver que même sans clauses restrictives...
Car dans la Déclaration canadienne des droits, à titre d'exemple,
qu'on pourrait qualifier aussi de charte, laquelle est en vigueur au Canada
depuis 1960, il n'y a pas de soupape. En fonction de la Déclaration
canadienne des droits, les juges de la Cour suprême du Canada ont
établi un test sur la validité d'une loi qui pourrait porter
atteinte aux droits et libertés mentionnés dans cette
déclaration. Ils ont établi un test très simple, le test
"the valid federal objective", le test d'un objectif fédéral
valide ou le test d'un objectif provincial valide. Quand le législateur,
quand l'Assemblée nationale va adopter une loi avec un but valide, qui
n'enfreint pas les droits et les libertés de la personne, les cours ne
vont pas décider que cette loi est invalide, elles ne vont pas rendre
une décision pour invalider cette loi.
Il ne faut pas oublier que la charte québécoise est une
charte statutaire, si je peux la décrire de cette façon,
c'est-à-dire que l'Assemblée nationale peut intervenir pour
"corriger" la jurisprudence, le cas échéant. L'Assemblée
nationale est souvent intervenue dans ces lois pour modifier la charte
elle-même, pour inscrire des clauses nonobstant dans les lois. Cela va se
faire à l'avenir, j'imagine. Il y a une différence - et j'insiste
sur cette différence - entre une charte statutaire comme la charte
québécoise et une charte constitutionnelle comme la Charte
constitutionnelle du Canada qu'on ne peut pas modifier.
Je ne veux pas insister sur ce point, parce que le ministre nous a dit
clairement qu'il trouve nécessaire d'avoir une clause restrictive dans
la charte québécoise. Il nous a donné toutes les
explications voulues et je n'insiste pas sur ce point parce que les
députés ministériels ont encore la majorité.
M. de Bellefeuille: Vous nous avez fait craindre le
contraire.
M. Marx: Je n'insiste pas sur ce point. Si nécessaire, on
pourrait prendre un vote.
M. Bédard: Si je comprends bien le député de
D'Arcy McGee, s'il avait la responsabilité de faire la charte, il
n'inscrirait aucune clause soupape, c'est cela? Si vous étiez ministre
de la Justice, vous iriez dans ce sens.
M. Marx: À mon avis, on n'a pas besoin d'une telle clause
dans la charte québécoise.
M. Bédard: Je pense que quand on est sur des questions de
principe, on n'est pas sur des questions à ce moment-ci... Là, je
ne sais pas quelle heure il est, mais on est sur le plan des principes. Essayez
donc de me dire sérieusement qu'en termes, pas seulement de prudence,
mais en termes tout simplement d'une logique tout à fait normale,
d'ailleurs d'une logique qu'on retrouve dans toutes les autres chartes...
M. Marx: Ce n'est pas toutes les autres chartes.
M. Bédard: Sauf peut-être celles auxquelles s'est
référé le député de D'Arcy McGee. On les
retrouve...
M. Marx: II y a d'autres pays et ils ont des clauses de...
M. Bédard: ... dans ce qui peut être un
modèle de charte à savoir la Déclaration universelle des
droits de l'homme. Même dans la Déclaration universelle des droits
de l'homme, à presque tous les articles, on retrouve une soupape et vous
allez me faire croire à moi que si vous aviez la responsabilité
et non pas le simple devoir de critique, vous iriez de cette façon?
M. Marx: Sûrement. Vous m'avez demandé mon opinion,
je vous ai donné mon opinion.
M. Bédard: Je veux, par exemple, qu'il soit clair...
M. Marx: C'est très clair.
M. Bédard: ... que je trouve que c'est jouer avec
l'idéal et oublier la réalité, ce que je suis contraint
à ne pas oublier. Parce qu'il est clair dans mon esprit que
l'idéal serait, je ne le conteste pas, de pouvoir se passer d'une clause
soupape de ce genre. Elle est cependant - je le répète et je
terminerai mon argumentation là-dessus, je l'ai dit au cours du discours
de deuxième lecture - le corollaire normal de l'amplitude des droits et
libertés fondamentaux que le projet de loi no 86 veut dorénavant
rendre prépondérant sur toutes les lois du Québec
passées et à venir. Il est également important qu'une
telle clause apparaisse dans un texte de loi qui, parce qu'il s'applique
à toutes les facettes de la vie d'une société, est
susceptible d'être interprété très
fréquemment par nos tribunaux. On a à choisir. Peut-être le
silence du législateur? C'est ce que proposerait le député
de O'Arcy McGee. Le législateur ne mettrait aucune balise et remettrait
le tout à l'interprétation des tribunaux.
Je crois que le silence du législateur sur des balises qui
doivent servir à l'interprétation de droits et libertés
aussi absolus que le droit au respect de la vie privée, la
liberté d'opinion pour n'en nommer que deux peut être porteur
d'ambiguïté, peut constituer une série de conflits où
la population et la protection des droits et libertés ne retrouvent pas
leur intérêt en fin du compte.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Je suis sûr que le député
de D'Arcy McGee ne veut pas nous induire en erreur. Je crains qu'il l'ait fait
parce qu'il a dit tout à l'heure que tous les groupes qui nous ont fait
des représentations se sont opposés à l'existence
même...
M. Marx: ... et après.
M. de Bellefeuille: Oui? Bravo. En ce qui concerne la Commission
des droits de la personne, le texte daté du 18 novembre dernier,
recommandation sur cette question à la page 32: "En conséquence,
l'article 9.1 du projet de loi no 86 devrait être reformulé pour
se conformer aux normes internationales que le Québec a choisi de
respecter." C'est exactement ce que le ministre a fait puisque le
libellé d'abord proposé qui parlait "des valeurs
démocratiquement reconnues par les citoyens du Québec" a
été remplacé par un libellé qui correspond beaucoup
mieux aux normes internationales dont parle la commission c'est-à-dire:
"Le respect des valeurs démocratiques." On s'est vraiment
conformé à la recommandation de la commission.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Le député peut-il nous dire où se
trouve l'article que la Commission des droits de la personne propose? Est-ce
que c'est la même formulation qu'on trouve dans notre projet de loi ici?
(22 h 45)
M. de Bellefeuille: J'ai l'impression, M. le
député, que la commission n'a pas proposé un
libellé. La commission a fait des observations sur le libellé qui
apparaît dans le projet de loi et le ministre, dans le texte
modifié qu'il nous présente, s'est conformé à la
recommandation de la commission.
M. Bédard: Ce que voulait la commission, c'était
essentiellement de mettre une soupape à chacun des droits et
libertés, de 1 à 8.
M. de Bellefeuille: Oui, la commission, effectivement, parle dans
cette recommandation d'une...
M. Bédard: Je trouve que c'est...
M. de Bellefeuille: ... énumération, en quelque
sorte, des droits dont il s'agit. Là, vraiment, cela alourdirait
beaucoup la charte.
M. Bédard: Je trouvais qu'au-delà du fait
d'alourdir, c'était même aller plus loin que...
M. de Bellefeuille: C'est plus dangereux.
M. Bédard: C'est plus dangereux... M. de Bellefeuille:
Oui.
M. Bédard: ... que ce que nous faisons. Je le dis en tout
respect de l'opinion de la Commission des droits de la personne. Le
député de D'Arcy McGee faisait remarquer qu'il y a beaucoup de
groupes qui ont fait des représentations à savoir qu'ils
n'étaient pas d'accord avec la clause restrictive contenue dans le
projet de loi. Je pense qu'il y a une nuance à faire. Ils ne disaient
pas nécessairement qu'il ne fallait pas de clause soupape. Ils
n'étaient pas d'accord avec le libellé tel qu'il apparaissait
lorsque nous avons déposé le projet de loi au mois de juin 1981.
Ce que je peux dire, c'est que j'ai tenu compte de ces représentations
qui n'étaient pas d'accord avec le libellé, parce
qu'on se référait à des valeurs
démocratiques reconnues par les Québécois ou par la
société québécoise. J'ai évalué que
c'étaient des représentations qui avaient leur poids. Je crois
même avoir donné suite à ces représentations avec le
nouveau libellé.
M. Marx: J'ai déjà mentionné certaines
représentations qui avaient été faites, alors qu'on a
demandé tout simplement la suppression de cet article. Le ministre
pourra vérifier le journal des Débats et il verra cela en temps
en lieu. Je ne pense pas que ce soit important, parce que nous n'agirons pas
ici en fonction des...
M. Bédard: Peut-être seulement une petite question.
Avez-vous présent à l'esprit un groupe qui demande la disparition
complète de la clause soupape?
M. Marx: Le Congrès juif canadien, dans son
mémoire, l'a demandée.
M. Bédard: Pardon?
M. Marx: Le Congrès juif canadien, je pense, en a
demandé sa suppression. Je pense qu'il y en a un ou deux autres.
M. Bédard: Ah, bon!
M. Marx: Le ministre n'a peut-être pas reçu les
mêmes mémoires que moi...
M. Bédard: Non, j'ai reçu les mêmes
mémoires.
M. Marx: ... mais je ne pense pas que ce soit le point essentiel
dans ce débat.
M. Bédard: Je ne peux pas tout concilier. J'ai
regardé aussi celui de la Commission des droits de la personne.
M. Marx: Oui, mais je ne pense pas que ce soit le point
essentiel, qui a dit quoi et où.
J'aimerais revenir sur la question de la nécessité. Le
ministre a les votes autour de cette table pour adopter une telle clause. On ne
peut pas l'en empêcher. Il trouve que c'est nécessaire. Bon! Je ne
vais pas insister sur ce point plus qu'il ne le faut. Pour avoir le dernier mot
peut-être sur ce point, dans la Déclaration canadienne des droits,
il n'y avait pas de clause restrictive, de soupape. Il y a d'autres chartes -
je ne vais pas les énumérer, on peut aller les chercher à
la bibliothèque, mais dans la charte du Nigeria et de d'autres pays, il
n'y a pas de soupape. Ils ont seulement une clause...
M. Bédard: En Russie, en ont-ils une? M. Marx: La
Russie, c'est un mauvais exemple.
M. Bédard: Probablement qu'ils n'en ont pas.
M. Marx: Beaucoup de pays, comme les États-Unis, n'en ont
pas.
M. Bédard: La soupape est ailleurs.
M. Marx: Quand ils ont une exception dans les chartes, c'est pour
permettre l'état d'urgence et des mesures spéciales. C'est le cas
d'à peu près tous les pays qui ont une clause d'exception en cas
d'urgence. Je n'insiste pas sur ce point. Le ministre trouve nécessaire
d'avoir une soupape.
J'aimerais passer à la question qui traite de la portée de
la clause restrictive qu'on trouve dans ce projet de loi.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee, êtes-vous au deuxième alinéa de l'article
2?
M. Marx: Pas nécessairement, parce que...
Le Président (M. Rochefort): Donc, peut-on disposer, avant
que vous abordiez une autre question, de la proposition d'amendement à
l'article 2?
M. Marx: Je vais seulement faire une...
Le Président (M. Rochefort): Je veux être certain
qu'on fonctionne selon les articles qui sont devant nous.
M. Marx: Oui, je vais parler de la portée de l'article 9.1
comme clause restrictive, en comparaison avec la clause restrictive dans la
charte canadienne. Après cela, il n'y a rien à discuter sur le
fond, parce que, si le ministre décide que c'est ce qu'il veut, c'est ce
qu'il va avoir.
M. Bédard: M. le Président, pour ceux qui auront
à faire la lecture de nos débats, je pense que l'attitude n'est
en aucune façon celle d'une majorité qui veut écraser une
minorité.
M. Marx: Non, sûrement pas!
M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee,
lorsque son argumentation ne nous convainc pas, en vient toujours à cet
argument de la majorité par rapport à la minorité. Je
pense que ceux qui feront la lecture du journal des Débats verront
quelle est la valeur des argumentations de part et d'autre, tout en sachant
qu'à un moment donné il faut bien qu'une discussion se
termine.
M. Marx: C'est cela. Sur la nécessité mon
intervention est terminée et j'accepte que le ministre trouve que c'est
nécessaire.
Maintenant, sur la portée de cette clause en comparaison avec la
clause canadienne, j'ai déjà dit que la clause restrictive de
l'article 9.1 dans le projet de loi no 86 est plus restrictive que celle que
l'on trouve dans la Charte canadienne des droits et libertés. En effet,
la clause proposée pour la charte québécoise a une
ressemblance étonnante avec la clause rejetée par le Parlement du
Canada. J'aimerais faire lecture des clauses dans ces deux chartes;
premièrement, la charte québécoise, clause
proposée: "Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le
respect des valeurs démocratiquement reconnues par les citoyens du
Québec...
Une voix: ...
M. Marx: Non, mais le ministre n'a pas formellement fait son
amendement.
Mme Marois: II a déposé son amendement au
départ.
M. Marx: II l'a déposé? D'accord. Donc je vais lire
la nouvelle clause proposée pour la charte québécoise:
"Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des
valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être
général des citoyens du Québec. "La loi peut à cet
égard en fixer la portée et en aménager l'exercice." Je ne
vois pas la nécessité de parler des citoyens du Québec
parce qu'effectivement la charte québécoise ne s'applique qu'au
Québec.
Voilà la clause rejetée par le Parlement canadien: "La
Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et
libertés énoncés ci-après, sous les seules
réserves normalement acceptées dans une société
libre et démocratique de régime parlementaire." Ce fut
rejeté par le Parlement canadien et le Parlement canadien a
adopté la clause restrictive suivante: "La Charte canadienne des droits
et libertés garantit les droits et libertés qui sont
énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une
règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la
justification puisse se démontrer dans le cadre d'une
société libre et démocratique." J'aimerais insister sur
les mots "dont la justification puisse se démontrer". Dans la clause
rejetée par le Parlement fédéral, les limites raisonnables
étaient celles qui sont normalement acceptées dans une
société libre et démocratique dotée d'un
régime parlementaire. Ceci aurait eu pour effet de valider presque
n'importe quoi. D'ailleurs, par le passé, de nombreux cas de
discrimination étaient normalement acceptés un peu partout au
Canada et c'est le cas de la discrimination, dans l'Ouest canadien, contre les
Asiatiques en ce qui concerne l'embauche ou le retrait des droits des
Doukhobors et d'autres personnes dans l'Ouest du Canada, pour ne citer que ces
deux exemples. Il me semble que la clause restrictive de l'article 9.1, telle
que proposée, pourrait permettre de telles discriminations si elle est
adoptée dans la version proposée; "pourrait", je souligne le mot
"pourrait".
Il est à noter que l'article 1 de la Charte canadienne des droits
de la personne adoptée par le Parlement du Canada comporte un
déplacement du fardeau de la preuve qui, à mon avis, est
peut-être l'élément le plus important dans cet article.
Nous avons déjà discuté cette question du
déplacement du fardeau de la preuve. En effet, il donne au
requérant une meilleure chance de contester les lois et
l'interprétation administrative de ces lois qui pourrait être
incompatible avec la Charte canadienne des droits de la personne. Les lois, les
ordonnances, les règlements et les règlements municipaux qui sont
de prime abord contraires à la charte canadienne seraient
présumés invalides, à moins d'une preuve contraire qui est
à la charge du gouvernement qui a adopté la loi ou le
règlement incriminés. C'est, en tout cas, et comme je viens de le
dire, il y a quelques minutes, l'interprétation que lui donne le juge en
chef de la Cour supérieure, M. Jules Deschênes, dans l'arrêt
portant sur l'article 23 de la Charte canadienne des droits de la personne. En
conclusion, si le ministre insiste pour avoir sa soupape - j'imagine qu'il va
insister - j'aimerais suggérer au ministre de nous proposer une soupape
moins restrictive que la soupape proposée. Voilà.
M. Bédard: M. le Président, je pense que le
député de D'Arcy McGee, de par son argumentation, me convainc
qu'il espère que je vais continuer de tenir à ce qu'il y ait une
clause soupape la moins restrictive possible plutôt que de céder
à une argumentation trop facile. J'entendais de l'Opposition dire que ce
serait aussi bien qu'il n'y ait absolument rien et qu'on remette le tout entre
les mains des tribunaux.
M. Marx: II ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit.
M. Bédard: Non, non. J'ai dit que j'ai l'impression, je ne
vous ai rien fait dire.
M. Marx: Premièrement j'ai dit que je ne vois pas la
nécessité d'avoir une soupape.
M. Bédard: Est-ce qu'on peut me laisser parler...
M. Marx: Le ministre insiste sur une soupape donc, je suis
passé à ma deuxième
position.
M. Bédard: Vous savez, parfois, à la manière
dont quelqu'un défend une cause on peut déceler des choses. Je
pense que vous êtes très heureux...
M. Marx: J'ai beaucoup décelé dans votre
défense d'aujourd'hui.
M. Bédard: Vous êtes au contraire très
heureux que je tienne à ce qu'il y ait une soupape la moins restrictive
possible puisque vous savez très bien que c'est
l'élémentaire prudence. Je dirais l'attitude responsable qu'on
doit avoir dans les circonstances sur le sujet sur lequel nous devons prendre
une décision. Ce qui me surprend, c'est que le député de
D'Arcy McGee, dans ses comparaisons avec la charte canadienne, argumente comme
s'il n'y avait pas un amendement qui avait été
déposé. Quand le député de D'Arcy McGee
réfère à la version de la clause restrictive qui a
été rejetée par le Parlement canadien, il ne se rend pas
compte que cette version allait dans le sens de celle qui a été
déposée, je le constate, dans le projet de loi que nous
étudions, au mois de juin 1982, sauf que depuis juin 1982, au moment
où on se parle, il y a du chemin qui a été fait quant
à la réflexion et c'est dans ce sens-là que...
M. Marx: ... cette nouvelle clause?
M. Bédard: ... a été... Permettez-moi de
terminer. C'est dans ce sens-là que nous en sommes venus à un
amendement. Le député de D'Arcy McGee me donne l'impression qu'il
est en train de discuter sur la première version déposée
au mois de juin 1982. La preuve en est ceci. Quand on lit la clause qui a
été rejetée par le Parlement canadien, le
député de D'Arcy McGee nous l'a lue, elle dit ceci: La Charte
canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés
énoncés ci-après sous les seules réserves
normalement acceptées. Nous avions employé l'expression "des
valeurs démocratiquement reconnues dans la société
québécoise." C'est évident, cette première version
qui a été rejetée, ressemblait à cette
première version qui était incluse dans le projet de loi que nous
avons déposé à l'Assemblée nationale, sauf que
l'autre version, celle que nous proposons aujourd'hui en amendement
représente définitivement une amélioration.
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cette proposition
devant être adoptée... (23 heures)
M. Bédard: Elle représente définitivement
une amélioration par rapport à ce qui existe.
M. Marx: Oui. J'ai seulement une correction.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, je vous
demanderais de conclure.
M. Bédard: J'ai de la difficulté à terminer
parce qu'on m'interrompt. Par rapport à la version originale qui
était contenue dans le projet de loi déposé au mois de
juin.
M. Marx: M. le Président, j'aurais seulement un petit
point.
Le Président (M. Rochefort): En concluant
brièvement, s'il vous plaît!
M. Marx: J'ai lu la version de la clause restrictive
proposée par le ministre aujourd'hui. Je n'ai pas fait
référence à l'ancienne clause et j'ai une question
technique à poser au ministre.
M. Bédard: Si vous me permettez une remarque, pour ce qui
est du fardeau de la preuve, je ne veux pas revenir sur l'argumentation, je
crois avoir déjà répondu. Il s'agira de se
référer au journal des Débats.
M. Marx: J'ai une question technique à poser au ministre.
À son avis, à quels articles s'applique l'article 9.1 dans la
charte ou à quels articles s'appliquera-t-il? L'article 9.1
s'applique-t-il aux articles 1 à 38?
M. Bédard: II s'applique aux articles 1 à 8.
M. Marx: Seulement aux articles 1 à 9? M.
Bédard: Aux articles 1 à 9, pardon.
M. Marx: Pourquoi s'applique-t-il seulement aux articles 1
à 9? Est-ce parce que c'est libellé 9.1?
Le Président (M. Rochefort): Alors...
M. Marx: Je pense que c'est un point très important.
Ensuite, on sera prêt à l'adopter ou à le rejeter.
Le Président (M. Rochefort): M. le député,
vous étiez un de ceux qui me demandaient tantôt de respecter les
20 minutes accordées à chaque intervenant.
M. Bédard: D'ailleurs, la commission des droits est
elle-même contre l'idée que nous puissions mettre la clause
restrictive sur les articles 1 à 38.
M. Marx: Oui, mais...
Le Président (M. Rochefort): M. le député,
à moins d'avoir le consentement des membres...
M. Marx: Consentement?
Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement des
membres pour permettre au député de poursuivre au-delà du
temps qui lui est alloué par notre règlement?
M. Bédard: II y a consentement pour que le
député de D'Arcy McGee soit le seul à parler.
M. Marx: J'aimerais m'engager maintenant auprès du
président, sur certains articles, à prendre beaucoup moins de 20
minutes et, même, sur certains articles, je prendrai moins de 30
secondes.
M. Bédard: Ne considérez pas ma remarque comme un
reproche. Je pense que l'ambiance est très positive.
M. Marx: M. le Président, on en est à la plomberie.
Au sujet de la plomberie, j'aimerais savoir comment le ministre
interprète l'article 9.1 pour l'appliquer seulement aux articles 1
à 9.
M. Bédard: Permettez-vous que je réponde à
cela? C'est que, jusqu'à maintenant, les articles 9 à 38 ont
quand même - je pense qu'on peut le dire - été
interprétés amplement par les tribunaux, et mettre une clause
soupape à cela pourrait avoir un effet dévalorisant.
M. Marx: Je demande quelle est votre interprétation de
l'article 9.1, c'est-à-dire à quels articles cet article
s'appliquera-t-il, parce que l'article 9.1 parle des libertés et des
droits fondamentaux.
M. Bédard: Cela peut peut-être prêter à
confusion. On ajoute une tête de chapitre dans notre projet de loi...
M. Marx: Oui.
M. Bédard: ... Chapitre I, Libertés et droits
fondamentaux. C'est dans ce sens que je vous dis que cela se
réfère aux libertés et aux droits fondamentaux.
M. Marx: Donc, cela ne s'appliquera pas aux droits judiciaires
parce que ce ne sont pas des droits fondamentaux. C'est-à-dire que pour
les droits judiciaires qui se trouvent aux articles 23 et suivants, la soupape
ne s'appliquera pas parce que ce ne sont pas des droits fondamentaux?
M. Bédard: Je vous ai répondu. Il me semble que
vous tirez seulement les conclusions de ma réponse; alors, allez-y. Je
ne peux pas répondre dix fois...
Mme Lavoie-Roux: Cela ne s'applique pas aux droits
judiciaires.
Le Président (M. Rochefort): Cela va?
M. Bédard: ... la même chose. La réponse est
non. Je vous ai dit que cela s'appliquait aux articles 1 à 9.
M. Marx: Quel est le raisonnement du ministre? Je pense que le
ministre doit avoir un raisonnement pour appuyer son interprétation.
M. Bédard: C'est que les droits judiciaires, tels qu'ils
sont là, ne sont pas rédigés d'une façon absolue.
Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le redis: La partie qui
réfère aux droits et libertés fondamentaux dans notre
charte est rédigée de façon très absolue. On est
à même de le constater.
M. Marx: Supposons que je prends l'article 25 de la charte,
traitement de personnes arrêtées: "Toute personne
arrêtée ou détenue doit être traitée avec
humanité et avec le respect dû à la personne humaine".
Est-ce que le ministre veut que l'article soupape s'applique à cet
article 25?
M. Bédard: Je viens de vous répondre que la clause
restrictive s'applique aux articles 1 à 9, aux droits et libertés
fondamentaux au sens large du mot, qui sont rédigés dans notre
charte des droits et libertés d'une façon très absolue, on
doit en convenir. J'imagine que le député de D'Arcy McGee est
heureux de voir que cette clause restrictive ne s'applique pas aux droits
judiciaires qui sont rédigés d'une façon beaucoup plus
précise, d'une façon beaucoup moins absolue qui sont des droits
spécifiques.
M. Marx: Si je comprends bien le raisonnement du ministre,
l'article 9.1 ne s'applique qu'aux articles 1 à 9, parce que tous ces
articles se trouvent dans un chapitre; et les autres articles, 10 à 20
et ainsi de suite, se trouvent dans d'autres chapitres qui ...
M. Bédard: C'est l'historique de notre charte qui est
comme cela.
M. Marx: ... ne portent pas le même titre que le premier
chapitre.
M. Bédard: Non, pourquoi me faites-vous dire des choses
que je n'ai pas dites? Parce qu'ils sont rédigés d'une
façon beaucoup plus absolue, nos droits et libertés fondamentaux.
Lisez-la, notre charte, c'est
l'historique même de notre charte. Ils sont rédigés
de façon beaucoup plus absolue. D'où la nécessité
qu'il y ait une clause restrictive, comme cela se fait ailleurs, dans d'autres
chartes.
M. Marx: Est-ce que l'article 25 n'est pas de la même
nature, de la même étendue?
M. Leduc (Saint-Laurent): Mettez-les les articles qui sont
couverts.
M. Marx: Ce sont des droits absolus aussi, dans un sens.
M. Bédard: Dans les articles 9 à 38, il n'y avait
pas de clause soupape et ils étaient prépondérants. Cela
n'a pas posé de problème.
M. Marx: Voilà, je comprends.
M. Bédard: Ce que nous ajoutons, ce sont des droits
très spécifiques.
M. Marx: Est-ce que le ministre est au courant que, dans
certaines interprétations de la Commission des droits de la personne,
ils ont prétendu - je ne me souviens pas si cela a été
retenu par la jurisprudence - que l'article 10 de la charte incorpore les
articles 1 à 9 de la charte? Si c'est vrai, suivre votre raisonnement,
j'aurais...
M. Bédard: Je suis très au courant que ceci a
été évoqué en termes d'argumentation. Maintenant,
avec le nouveau chapitre qui va être prépondérant, la
situation va être beaucoup plus claire.
M. Leduc (Saint-Laurent): Pourquoi ne pas faire une loi claire et
ne pas le dire?
M. Bédard: Elle est claire. Elle est claire pour quelqu'un
qui sait lire et elle ne sera jamais claire pour quelqu'un qui ne sait pas
lire.
M. Marx: Voilà, l'insulte.
M. Bédard: Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne suis pas un spécialiste en
droit constitutionnel, mais je n'avais pas compris cela de cette
façon.
M. Bédard: Cela n'est pas du droit constitutionnel.
M. Leduc (Saint-Laurent): On prend votre parole, c'est tout.
M. Bédard: Merci.
M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne sais pas ce que cela vaudrait
devant les tribunaux.
Le Président (M. Rochefort): L'amendement à
l'article 2 est-il adopté?
M. Bédard: Non, mais ce n'est quand même pas du
droit constitutionnel.
Le Président (M. Rochefort): L'amendement à
l'article 2 est-il adopté?
M. Bédard: Je pense que notre discussion est très
constructive, M. le Président, de part et d'autre.
M. Marx: Bon! Est-ce sur l'article 2 qu'on vote?
Le Président (M. Rochefort): Je vous demande s'il est
adopté, M. le député.
M. Marx: L'amendement?
Le Président (M. Rochefort): L'amendement à
l'article 2, oui.
M. Marx: Je ne suis pas en faveur.
Le Président (M. Rochefort): Adopté sur division
ou...
M. Marx: Après l'adoption de l'amendement, on votera sur
l'article 2 au complet, c'est cela?
Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Sur division.
Le Président (M. Rochefort): ... comme on le fait
habituellement.
M. Marx: Sur division.
Le Président (M. Rochefort): Alors, l'amendement est
adopté sur division?
M. Bédard: Alors, je comprends que vous êtes pour
l'amendement, mais...
M. Marx: Non, on n'est pas pour l'amendement et on n'est pas pour
l'article.
Le Président (M. Rochefort): L'article 2, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Marx: Non. J'aimerais avoir un vote enregistré sur
l'article 2.
Le Président (M. Rochefort): Vote enregistré sur
l'article 2. J'appelle donc le vote sur l'article 2 tel qu'amendé. M.
Bédard (Chicoutimi)?
M. Bédard: Pour.
M. Marx: II n'est pas sûr!
Le Président (M. Rochefort): M. Beaumier (Nicolet)?
M. Beaumier: Pour.
Le Président (M. Rochefort): Mme Marois (La Peltrie)?
Mme Marois: Pour.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît:
M. Bédard: Je suis très sûr. Je suis
plutôt surpris de votre attitude.
Le Président (M. Rochefort): Mme Lavoie-Roux
(L'Acadie)?
Mme Lavoie-Roux: Contre.
Le Président (M. Rochefort): Mme Juneau (Johnson)? M.
Kehoe (Chapleau)? Mme Lachapelle (Dorion)?
Mme Lachapelle: Pour.
Le Président (M. Rochefort): M. Lafrenière
(Ungava)?
M. Lafrenière: Pour.
Le Président (M. Rochefort): M. Leduc (Saint-Laurent)?
M. Leduc (Saint-Laurent): Contre.
Le Président (M. Rochefort): M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes)?
M. de Bellefeuille: Pour.
Le Président (M. Rochefort): M. Marx (D'Arcy McGee)?
M. Marx: Contre. Est-ce que les opposants ont gagné?
Le Président (M. Rochefort): Alors, l'article 2, tel
qu'amendé, est adopté: 5 pour, 3 contre. Article 3?
M. Marx: Oui, j'aimerais seulement souligner, en guise de
conclusion, que le barreau était pour qu'on biffe le deuxième
paragraphe.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît, M. le député de D'Arcy McGee.
M. Bédard: N'essayez pas de vous racheter. Soyez au moins
ferme avec vos convictions. J'ai très bien interprété que
si le député de D'Arcy McGee en avait la responsabilité,
il n'y aurait aucune clause restrictive.
M. Marx: Évident. M. Bédard: Très
bien.
Le Président (M. Rochefort): Alors, j'appelle
l'étude de l'article 3.
Droit à l'égalité dans la
reconnaissance et l'exercice
des droits et libertés
M. Bédard: Je ne trouve pas cela très
responsable.
Le Président (M. Rochefort): Un amendement, M. le
ministre, à l'article 3?
Mme Lavoie-Roux: À l'article 3, nous avons un amendement,
nous aussi.
M. Bédard: À l'article 3, il y a un amendement: 1-
Remplacer, à la fin de l'article 10 de la charte, les mots "le fait
d'être handicapée ou le fait d'utiliser un moyen pour pallier un
handicap" par les suivants: "le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour
pallier à ce handicap". 2-Supprimer, dans la version anglaise, la
virgule après le mot "age".
M. Marx: Dans la version anglaise, il y a un amendement.
M. Bédard: M. le Président, un amendement n'est pas
toujours négatif. Au contraire, cela peut être très
positif.
Le Président (M. Rochefort): Bien, je pense que...
M. Bédard: La formulation proposée, en plus
d'être moins lourde, permettra de couvrir toutes les personnes
handicapées et non seulement, comme les tribunaux l'ont
interprété jusqu'ici, les personnes handicapées
visées par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes
handicapées. Comme Mme la députée de L'Acadie pourra le
constater, je pense que c'est un amendement dont on peut...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez interprété
qu'il y en avait certains qui n'étaient pas couverts...
M. Bédard: ... être fier. Oui, parce que
l'interprétation des tribunaux...
Mme Lavoie-Roux: ... qui avaient été exclus?
M. Bédard: ... indiquait que cela ne concernait que les
handicapés lourds. Or, cet amendement...
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Bédard: ... nous permettra de couvrir toutes les
personnes handicapées.
Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il
adopté?
M. Marx: Adopté. Des voix: Adopté. Le
Président (M. Rochefort): Adopté.
M. Marx: Si je me souviens, M. le ministre, l'amendement sur le
handicap était proposé par la Commission des droits de la
personne. Enlever la virgule dans la version anglaise, cela venait du
Congrès juif canadien, B'nai B'rith, parce qu'ils avaient peur d'un
malentendu.
Le Président (M. Rochefort): L'article 3 tel
qu'amendé...
M. Bédard: Vous pouvez distribuer les diplômes. Je
ne m'y oppose pas, moi.
M. Marx: Non, mais je veux seulement que ce soit clair dans le
journal des Débats. Ce n'était pas tout à fait
l'idée du ministre lui-même.
M. Bédard: Une chose est sûre, ce n'est pas venu du
député. Il est sûr que, tant là que sur des
améliorations à la clause restrictive, il n'y a eu aucune
suggestion positive d'amélioration de la part du député de
D'Arcy McGee.
Le Président (M. Rochefort): L'article 3, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Marx: Mais j'ai suggéré qu'on biffe la
soupape.
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté?
M. Marx: Quoi?
M. Bédard: Vous ne pouvez toujours pas nous enlever le
crédit de le faire.
M. Marx: Non, non.
Le Président (M. Rochefort): L'article 3, tel
qu'amendé?
M. Marx: J'ai quelques questions à poser au ministre.
Le Président (M. Rochefort): Sur l'article 3?
M. Marx: Sur l'article 3, j'ai quelques questions, même si
je suis d'accord.
Le Président (M. Rochefort): Donc l'amendement est
adopté, mais vous avez des questions sur l'article 3. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Juste des questions de...
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas encore adopté l'article tel
qu'amendé, M. le Président.
M. Marx: C'est cela.
Le Président (M. Rochefort): Je vous ai posé la
question à savoir si vous étiez prêts à le faire et
le député de D'Arcy McGee m'a dit qu'il avait des questions
à poser. Je l'ai reconnu. J'écoute ses questions.
Mme Lavoie-Roux: C'est cela. M. Marx: C'est cela.
M. Bédard: M. le Président, avant qu'il pose ses
questions, peut-être que cela pourrait en éviter quelques-unes, je
pourrais peut-être donner quelques...
Le Président (M. Rochefort): Des notes explicatives?
M. Bédard: ... notes explicatives sur l'ensemble de
l'article.
M. Marx: Oui, je pense que cela serait utile.
M. Bédard: L'article 10 de la charte énumère
les motifs illicites de discrimination. (23 h 15)
M. Marx: La charte de l'Alberta n'a pas de soupape.
M. Bédard: Voyonsl Voyons! Soyons sérieux! M. le
Président, l'article 10 de la charte énumère les motifs
illicites de discrimination. La modification proposée a pour objet
d'ajouter l'âge et la grossesse comme autres motifs illicites de
discrimination. De nombreuses lois édictent des dispositions relatives
à l'âge sans être nécessairement discriminatoires
à l'égard des personnes visées; par exemple, le Code civil
prévoit des règles spéciales pour les mineurs, la Loi sur
la protection de la jeunesse, la Loi électorale au niveau du droit de
vote, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, la
Loi sur le cinéma, etc. C'est pourquoi il est précisé que
l'âge est un motif de discrimination illicite, sauf dans la mesure
prévue par la loi, afin de tenir compte de ces situations.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais avoir un certain nombre d'explications du
ministre concernant quelques modifications qu'il propose. Disons que je suis
tout à fait d'accord qu'on ne fasse pas de discrimination à cause
de la grossesse d'une femme, mais supposons...
Mme Marois: Pour l'instant, ce serait difficile de le faire pour
quelqu'un d'autre.
M. Marx: Le maire Drapeau a déjà parlé de
cela en ce qui concerne les hommes. En ce qui concerne la grossesse, M. le
ministre, la discrimination serait illicite. Supposons qu'un
propriétaire de magasin a deux employés, c'est-à-dire
qu'il en a un et il doit en engager un autre. Une femme enceinte fait la
demande. Elle travaillera peut-être quelques semaines; ensuite, elle
quittera pour revenir quelques mois plus tard, etc. Est-ce que vous ne croyez
pas que cela pourrait causer des difficultés aux petites entreprises ou
aux petits magasins ou bureaux? Il n'y aurait pas de problème dans une
grosse compagnie qui a 1000 employés, mais avec un petit magasin
où il n'y a qu'une ou deux personnes, si le propriétaire est tenu
d'engager une femme enceinte de huit mois, cela pourrait causer certaines
difficultés parce que la soupape ne s'applique pas à l'article
10, le cas échéant.
M. Bédard: Vous aimeriez qu'elle s'applique?
M. Marx: Je ne suis pas aussi certain que le ministre que la
soupape ne s'applique pas. On verra cela avec la jurisprudence.
Le Président (M. Rochefort): Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Mme Marois: Si vous le permettez, M. le ministre et cher
collègue, je pense que c'est en vertu d'un principe plus
général, soit que la grossesse est considérée, je
pense, comme une réalité physique, on sait cela, mais comme une
réalité sociale aussi. Cela a toujours été la
bataille des femmes, entre autres, de faire en sorte qu'on dise qu'on n'ait pas
à payer, nous, le rôle social qu'on joue dans une
société en mettant des enfants au monde ou en décidant
d'avoir des enfants. Je pense qu'il faut faire l'analyse de cela en vertu de la
ligne de fond qui est présentée et qui est défendue par
les femmes et les hommes aussi dans nos sociétés.
Que, d'autre part, vous disiez que cela puisse causer un certain nombre
d'embêtements ou d'ajustements nécessaires, je suis d'accord; on
devra s'ajuster et trouver des moyens pour tenir compte de cette
réalité. Je pense qu'on a déjà trouvé un
certain nombre de moyens qui ne sont pas édictés par une charte,
entre autres, - et c'est comme cela qu'on reconnaît la grossesse, de
façon générale, quant à la
rémunération d'une femme qui doit quitter le travail lorsqu'elle
devient enceinte - par la loi de l'assurance-chômage. C'est comme cela
qu'on a réussi à couvrir cette réalité qui fait que
l'employeur n'est pas nécessairement, petite ou grande entreprise,
pénalisé.
M. Marx: Je suis d'accord avec le principe.
Mme Marois: Je comprends que vous êtes d'accord, mais je
pense que ce n'est pas par la charte qu'on peut trouver la réponse
à la question que vous soulevez qui est une question réelle, mais
par d'autres types d'interventions d'ordre réglementaire ou
législatif.
M. Bédard: L'article 20 ne représente-t-il pas
quand même certaines balises?
M. Marx: L'article 20, je ne pense pas que cela aurait un
effet.
M. Bédard: Pour des cas très limites.
M. Marx: L'article 20...
M. Bédard: Quand on parle des qualités
exigées pour un emploi.
M. Marx: ... dit: "Une distinction, exclusion ou
préférence fondée sur les aptitudes ou qualités
exigées de bonne foi pour un emploi". Je ne pense pas que cela va
permettre à quelqu'un de refuser d'engager quelqu'un à cause de
la grossesse. Je ne le pense pas.
M. Bédard: Non.
M. Marx: L'exemple que j'ai à l'esprit...
M. Bédard: Ce n'est pas cela que je veux dire.
M. Marx: ... c'est un propriétaire de magasin. Il a besoin
d'un employé. Il cherche cet employé. Il met des annonces dans
les journaux. La personne qui se présente est une femme enceinte de six
ou sept mois, comme vous voulez. Il doit l'entraîner et, une fois qu'elle
a été entraînée, elle va accoucher et il sera
nécessaire pour lui d'engager une autre personne. Il y a des
problèmes de cet ordre que j'aimerais soulever, sans être contre
le principe.
M. Bédard: Ordinairement, il y a un autre critère
qui joue lorsqu'il y a une demande d'emploi. C'est l'expérience. Si elle
a l'expérience, elle n'a pas besoin d'être
entraînée.
M. Marx: On ne veut pas que les gens fassent de la discrimination
à cause de la grossesse en utilisant d'autres raisons. Supposons qu'il
fait une demande pour une caissière. Une personne se présente. Il
va l'entraîner et, s'il y a deux ou trois candidats, ce ne sera pas
possible pour lui d'exclure la femme enceinte.
Le Président (M. Rochefort): Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Mme Marois: Je pense que le député de D'Arcy McGee
pose une question qui soulève un véritable problème dont
il faut être conscients. Mais je ne pense pas que c'est par la charte
qu'on répond à un tel problème. À partir du moment
où on est d'accord sur le fond et sur le fait que la grossesse ne puisse
pas être un motif de discrimination, c'est par d'autres types de moyens,
d'autres types d'interventions qu'on en arrivera à protéger tant
la femme enceinte que l'entreprise qui, d'autre part, emploie cette personne.
Si je reprends mon exemple de tout à l'heure, ce sera par
l'assurance-chômage qui vient faire en sorte que l'employeur n'a pas
à subir de préjudice d'ordre financier. Pensons, entre autres,
à ce qu'on a fait concernant le retrait préventif.
M. Marx: Oui, mais pour le magasin, la caissière dans le
magasin.
M. Bédard: Voulez-vous la laisser répondre?
Mme Marois: Je vous le dis, c'est vrai que l'employeur mettra une
certaine énergie, un certain temps, peut-être, à former
cette personne, mais je pense qu'en vertu d'un certain nombre d'autres
règles du jeu on fera en sorte qu'on ne pénalisera pas cet
employeur en assurant une certaine prestation à cette personne par
d'autres types d'interventions, comme l'assurance-chômage, etc. Cela
pourrait, d'ailleurs, être une banque de congés de
maternité, ce à quoi je crois beaucoup, soit dit en passant, ou
autrement. Mais c'est un fait que cela pose un problème. À partir
de ce moment-ci, cependant, je pense qu'il faut reprendre la question en vertu
d'une approche et d'une philosophie beaucoup plus fondamentale et faire en
sorte qu'on reconnaisse dans nos sociétés le fait que les femmes
portent, comme vous le disiez tout à l'heure, encore les enfants -
j'imagine qu'elles le feront, encore longtemps, à l'avenir - et qu'elles
n'aient pas à en assumer le poids.
M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Je crois que l'important -là-dessus, on
est d'accord sur le principe -c'est qu'il n'y ait pas de discrimination
à cause de la grossesse. Si, par le biais d'autres exigences, la
personne qui fait une demande d'emploi est dans un état de grossesse et
ne répond pas à d'autres critères dont
l'expérience, par exemple -cela peut être un critère
à l'occasion d'une demande d'emploi - à ce moment-là, il
peut ne pas y avoir de discrimination si on exige l'expérience et que
l'expérience n'est pas là. Mais, si l'expérience est
là, ce n'est pas du seul fait qu'une femme est dans un état de
grossesse qu'on peut lui refuser l'emploi, si elle répond à tous
les autres critères.
M. Marx: Je ne vais pas insister sur ce point parce qu'on est
d'accord sur le principe, mais je vois...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
D'Arcy McGee, Mme la ministre déléguée à la
Condition féminine voulait apporter un complément de
réponse sur cette question.
Mme Marois: Ce sera très bref, M. le Président.
Comme on est d'accord sur le principe générai et comme on fait la
charte dans une perspective très globale, les cas soulevés sont
des cas d'ordre marginal, si on veut.
M. Marx: J'ai été à la Commission des droits
de la personne pendant cinq ans et je sais comment ça fonctionne.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Bédard: II me semblait, aussi:
M. Marx: Je sais comment ça fonctionne.
M. Bédard: Je cherchais à quelle place il
était.
M. Marx: Si une femme va déposer une plainte parce qu'elle
n'a pas été engagée comme caissière dans un magasin
où il n'y a qu'un employé, la Commission des droits de la
personne va regarder l'article 10 et va dire: II semble qu'elle n'ait pas
été engagée à cause de sa grossesse. Elle va faire
enquête. Si la commission peut prouver que c'est la raison, elle va
poursuivre le propriétaire, l'employeur, le cas échéant.
Pour se défendre, cet employeur va peut-être se trouver dans la
nécessité de débourser des centaines de dollars. Je
souligne des
problèmes, mais on peut passer à d'autres choses. Je
comprends qu'on est tous d'accord sur le principe.
M. Bédard: Dans ce cas, il s'agirait qu'il démontre
qu'il a toujours exigé l'expérience dans le passé. De
toute façon, vous êtes d'accord avec nous.
M. Marx: Supposons que deux personnes se présentent, une
femme enceinte et une femme qui ne l'est pas, si les deux ont la même
expérience, il ne peut pas faire de discrimination parce qu'une est
enceinte alors que l'autre ne l'est pas. C'est cela, le point.
Mme Marois: À ce moment-là, l'argument de tout
à l'heure joue contre toute votre démonstration. Si elle a de
l'expérience, il n'investira pas nécessairement beaucoup
d'argent. Évidemment, il y aura dans la défense à prouver
que ce n'est pas en vertu de cet élément qu'il a choisi telle
candidate plutôt que telle autre. Les droits comportent aussi un certain
nombre d'obligations et cela fait partie de celles-là.
M. Marx: Ce ne sont pas tous les emplois qui exigent
l'expérience.
M. Bédard: Vous admettrez avec moi que ce peut être
des cas limites où des personnes ont exactement la même
expérience.
M. Marx: Ce sont des cas limites qui font jurisprudence.
Le Président (M. Rochefort): Mme la députée
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Mes propos sont relatifs à la religion.
Évidemment, ce n'est pas nouveau, cela existait dans la charte. Les
gens, avec le temps, deviennent de plus en plus sensibilisés, et c'est
heureux, à l'exercice de leurs droits fondamentaux. Je pense, en
particulier, au débat qui est commencé et qui va continuer
pendant un certain temps sur la restructuration scolaire, surtout sur ce qui
est prévu dans la restructuration scolaire, c'est-à-dire le type
d'écoles où on va conserver, si les choses restent telles quelles
- il y aura peut-être des modifications, mais prenons ce qui est
prévu dans le livre blanc - la méthode par laquelle une
majorité de parents vont décider du caractère
confessionnel ou non de leur école.
Prenons un cas plus extrême pour ne pas entrer dans toutes sortes
de choses compliquées. On peut peut-être dire qu'à
Montréal on peut aller à l'école voisine, etc. Prenons une
plus petite ville, sans prendre le village le plus éloigné, qui
peut avoir une population de 7000 ou 8000 âmes et une ou deux
écoles élémentaires, si vous voulez. Dans les deux
écoles, on a choisi que l'école demeure confessionnelle. Oublions
l'école secondaire; cela n'a pas d'importance pour le moment. Les
écoles conservent un caractère confessionnel non seulement du
point de vue de l'enseignement de la catéchèse évidemment,
on se réfère toujours, dans notre schème à nous,
à une école catholique - ou de l'exemption qui restera toujours
possible, mais par le caractère confessionnel général ou
l'esprit de l'école. (23 h 30)
À ce moment, quelqu'un, en se basant sur les ouvertures ou,
enfin, sur ce principe fondamental du droit à l'exercice libre de la
religion qui est reliée aux croyances, pourrait-il exiger, par exemple,
d'être envoyé dans le village ou dans la ville voisine? Qu'est-ce
que cela lui donnerait comme droits, parce qu'il a quand même un droit
fondamental à l'éducation? Il peut considérer, sur cette
base, que l'école est déclarée confessionnelle, comme je
le disais tout à l'heure, catholique, quelle pourrait être
protestante et il pourrait s'agir d'un catholique. Quels droits cela donne-t-il
à cet individu dans la réalité? Jusqu'à maintenant,
je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup de contestation - peut-être que
vous pourriez nous le dire - mais je pense que cela pourrait devenir plus
fréquent, justement avec cette sensibilisation des citoyens, avec ce
débat qui se fait présentement.
M. Bédard: Est-ce que la réponse à votre
question ne se retrouve pas plutôt dans le droit constitutionnel?
M. Marx: Cela dépend.
Mme Lavoie-Roux: Ne me demandez pas cela à moi.
M. Bédard: Pardon?
M. Marx: Je dirais oui et non, M. le ministre.
M. Bédard: Cela ne compromet personne, ce oui et non?
M. Marx: Cela dépend des commissions scolaires. Il y a des
commissions scolaires qui sont confessionnelles en vertu de la constitution. Il
y a d'autres commissions scolaires qui sont confessionnelles parce que le
gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale ont
décidé de les désigner comme commissions confessionnelles.
Donc la charte s'appliquerait aux commissions scolaires qui sont
confessionnelles en vertu d'une loi ou d'un décret du gouvernement.
Le Président (M. Rochefort): Allez-y, Mme la ministre.
Mme Marois: Moi aussi, comme je ne suis pas juriste ni
constitutionnaliste, cela m'arrange parfois de revenir au gros bon sens.
À partir du moment où des parents -on s'imagine que ce sont des
parents parce que la députée prenait le cas de l'école
primaire - demanderaient que leur enfant soit exempté de cours
spécifiquement reliés à la religion de la majorité
ou que la majorité a choisis - déjà, cela existe - ces
enfants pourraient être exemptés de certains cours et avoir
accès, par exemple, à des cours de morale. Est-ce que de
par...
Mme Lavoie-Roux: Je l'ai dit tout à l'heure. Même en
vertu de cette exemption ou de la possibilité d'exercer l'exemption, il
reste que c'est une modalité dans la vie ou, enfin, cela a trait
à une période donnée durant la journée scolaire ou
la semaine scolaire. On sait fort bien, que surtout lorsque les parents auront
majoritairement décidé du caractère confessionnel ou pas
de l'école, qu'à ce moment il y aura des chances que cela
dépasse de beaucoup la classe de catéchèse.
M. Bédard: II y a l'article 41 auquel je pourrais me
référer.
Mme Lavoie-Roux: L'article 41 de la charte actuelle?
M. Bédard: C'est cela. "Les parents ou les personnes qui
en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements
d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement
religieux et moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des
programmes prévus par la loi."
Mme Lavoie-Roux: Article 41.
M. Bédard: S'il y a des réformes, on verra.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse, mais je ne
crois pas qu'on ait répondu à ma question. Non, je ne fais pas
cela pour le plaisir de discuter. Je suis bien d'accord. Je pense que cela
réfère, de toute façon, à la possibilité de
l'exemption prévue, ce que vous venez de dire, par les règlements
du ministère de l'Éducation ou des comités religieux.
C'est une façon très restrictive de voir l'exercice d'un droit ou
le respect de l'exercice de la liberté des croyances, parce que c'est
simplement une activité à l'intérieur d'une école
qui a un caractère confessionnel beaucoup plus large et qui
dépasse de beaucoup la possibilité d'exemption. Ce n'est pas pour
vous créer des problèmes, mais je me demande si cela ne pourrait
pas... Y a-t-il là une ouverture à... Il y aurait l'autre
possibilité qu'à ce moment-là l'article 9.1, que vous avez
prévu seulement pour les articles 1 à 8, puisse s'appliquer et
couvrir ce respect des croyances religieuses.
M. Bédard: Pourriez-vous nous donner un cas
précis?
Mme Lavoie-Roux: Cela peut se présenter, un cas
précis: quelqu'un qui se sent brimé, si on veut, dans ses propres
croyances, parce que l'école ayant été reconnue catholique
par une majorité de parents, vous allez, en dehors de l'heure de la
religion, particulièrement à l'élémentaire... Au
secondaire, le problème se pose beaucoup moins.
M. Bédard: Ce cas précis, cela n'empêche pas
l'article 41 de s'appliquer.
M. Marx: M. le ministre, seulement pour vous donner un exemple,
je peux lire...
M. Bédard: Non, je ne vous dis pas que j'ai la
réponse claire à toutes vos interrogations. D'ailleurs, vous
dites vous-même qu'il y a un problème réel.
Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y a là un problème
réel qui n'a probablement jamais été, à ma
connaissance... Ce n'est pas une chose que je suis de près.
M. Marx: En regard de l'article 41, à titre d'exemple,
j'aimerais lire le mémoire du Mouvement laïque
québécois. À la page 2 de leur mémoire, ils ont
écrit: "Quant à l'article 41, nous sommes déçus
qu'on n'y ait prévu aucune modification ou son abrogation. Cet article,
assujetti aux règlements du Comité catholique de CSU de 1974,
prescrit une modalité d'exercice des droits et libertés à
l'école, modalité fort contestée puisque, dans la
pratique, elle équivaut à la discrimination des
élèves sur la base de leurs convictions religieuses et à
l'inégalité des services, que ceux-ci soient accessibles par une
procédure d'exception ou d'option. Nous demandons l'abrogation de
l'article 41 ou, du moins, une modification dans le sens suivant: Les
élèves, leurs parents ou encore ceux qui en tiennent lieu ont le
droit d'exiger que l'institution scolaire qu'ils fréquentent respecte en
pleine égalité leurs libertés fondamentales
énoncées à l'article 3." J'imagine que le ministre a aussi
reçu ce mémoire.
M. Bédard: II me semble que ce n'est pas les lois sur
l'éducation qu'il faudra faire cela. Le député de D'Arcy
McGee reconnaît également qu'il peut sûrement y avoir un
aspect constitutionnel dans l'ensemble de cette problématique. D'autre
part, il y a une restructuration scolaire qui est en période de
réévaluation. Une fois celle-ci terminée,
sûrement qu'il y aura lieu d'en faire l'analyse à la
lumière de ce qui est contenu dans la charte.
Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je pense qu'on y fait allusion dans
le livre blanc -mais c'est vague dans mon esprit - à cette question
d'agir à l'intérieur de la charte. Mais il reste que le
mécanisme prévu actuellement dans le livre blanc, c'est que les
parents, majoritairement, par école, décideront du statut
confessionnel de l'école. En tout cas, je vous le laisse comme point
d'interrogation, mais je pense que ce n'est pas complètement
étanche. Cela pourrait être l'objet, je pense, de
contestations.
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. Bédard: Je ne crois pas - encore là, je vous dis
mon opinion - que cela puisse faire l'objet de contestation puisque je crois
sincèrement que l'article 41 s'appliquerait.
Mme Lavoie-Roux: Pourrait-on - M. le Président, je
m'excuse, peu importe qui me donne l'opinion - à partir de cette clause,
être obligés, par exemple, d'établir une école
neutre, ce qui, à ce moment-là, ne brimerait les croyances de
personne? Y aurait-il cette possibilité?
M. Bédard: C'est dans le cadre des programmes
prévus par la loi.
Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est là la clause restrictive.
M. Bédard: Donc, c'est par les lois de
l'éducation.
M. Marx: Si la loi prévoit que c'est légal et en
conformité avec la charte. Point à la ligne.
Une voix: C'est cela.
M. Bédard: Cela confirme ce que je viens de dire.
M. de Bellefeuille: M. le Président...
Le Président (M. Rochefort): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuill: ... je pense que dans un cas comme
celui-là, le cas des écoles, le statut des écoles,
l'enseignement religieux et l'enseignement moral, on est évidemment
lié par le point d'évolution de la société. Il est
clair qu'au Québec ce que les parents et le milieu en
général veulent dans les écoles, c'est la
possibilité d'avoir des écoles confessionelles, catholiques, et
la possibilité qu'il y ait des écoles n'ayant pas ce statut, mais
que, de toute façon, les droits des individus n'y soient pas
brimés.
Je pense que Mme la députée de L'Acadie a raison de
soulever cette question, sauf que le meilleur endroit pour la soulever à
nouveau, ce sera lors de l'étude de la réforme scolaire. En ce
qui nous concerne, je pense que l'article 41 est satisfaisant; il n'est
peut-être pas idéal, il n'y a pas grand-chose qui est
idéal, dailleurs. Je ne rejette pas les observations du Mouvement
laïque québécois là-dessus, mais je pense que
l'article 41 satisfait aux exigences principales, puisqu'il peut y avoir un
enseignement religieux ou moral. De fait, c'est ce qui existe dans la
société québécoise; il y a des parents qui veulent
que leurs enfants reçoivent un enseignement religieux et il y a des
parents qui veulent que leurs enfants reçoivent un enseignement moral.
Je pense que cela satisfait aux exigences actuelles de la société
québécoise.
Quant à savoir ce que le statut confessionnel d'une école
entraîne pour cette école, cela n'a pas de rapport avec la Charte
des droits et libertés de la personne. Le bon endroit pour soulever
cela, ce sera quand on étudiera la réforme scolaire. J'ai des
doutes quant à ce que cela entraîne; j'ai l'impression que c'est
une reconnaissance de statut qui n'a pas de suite particulièrement
sensible, mais on verra.
M. Marx: Peut-on passer à un autre problème?
Le Président (M. Rochefort): Toujours sur le même
article?
M. Marx: Oui, une autre question d'interprétation...
Le Président (M. Rochefort): Oui.
M. Marx: ... une autre modification à l'article original.
On ajoute ici: pas de discrimination à cause de "l'âge, sauf dans
la mesure prévue par la loi". C'est-à-dire que ce sera possible,
soit pour le gouvernement, soit pour une municipalité, de
légiférer en ce qui concerne l'âge d'une personne sans
enfreindre la charte, quoique les individus, dans leur contrat, ne pourront pas
faire une telle discrimination. Ce sera interdit, en vertu de l'article 10, de
faire de la discrimination à cause de l'âge dans un contrat entre
deux personnes, quoique ce serait possible pour le gouvernement ou une
municipalité de faire une telle discrimination si c'est fondé
dans une loi ou un règlement.
M. Bédard: Vous ne trouvez pas que c'est normal? C'est
l'Assemblée nationale qui vote les lois?
M. Marx: Mais l'Assemblée nationale ne
peut pas passer outre d'autres raisons de non-discrimination. C'est
juste l'âge, dans l'article 10, qui est suivi par les mots: "sauf dans la
mesure prévue par la loi." Je me demande pourquoi on a mis ces mots:
"sauf dans la mesure prévue par la loi".
M. Bédard: Parce que régulièrement, dans nos
lois - je l'ai évoqué tout à l'heure - il y est fait
allusion à des critères d'âge.
M. Marx: Donc, parce que l'article 10 s'applique aux
municipalités, ce serait possible pour une municipalité, par
exemple, d'adopter un règlement pour dire: On n'engage pas quelqu'un qui
a moins de 25 ans. Par exemple, il y a une telle disposition en ce qui concerne
les habitations à loyer modique dans la ville de Montréal
où on dit que l'enfant de quelqu'un ne peut pas vivre avec cette
personne dans un de ces complexes d'habitation si l'enfant a moins de 25 ans.
Ils ont décidé de faire de la discrimination à partir de
ce critère. (23 h 45)
M. de Bellefeuille: Moins de 25 ans ou plus de 25 ans?
M. Marx: Je m'excuse, il faut avoir plus de 25 ans.
M. Bédard: Les municipalités ont un pouvoir
délégué.
M. Marx: Qu'est-ce que cela veut dire?
M. Bédard: Ce sont les lois de l'Assemblée
nationale qui...
M- Marx: Non, non. Le pouvoir d'adopter des règlements qui
contredisent l'article 10 vient de l'article 10, pas d'un...
M. Bédard: Dernièrement, on vient de leur donner le
pouvoir de réglementer les arcades. La source de leur pouvoir...
M. Marx: Cette loi n'est pas encore adoptée.
M. Bédard: ... est la délégation qui en est
faite par le gouvernement.
M. Marx: Je suis d'accord avec le ministre sur ce point mais
l'exemple...
M. Bédard: II y a des municipalités...
M. Marx: ... est mal choisi parce que la possibilité de
faire cette discrimination est donnée par l'article 10. L'article 10
dit: "sauf dans la mesure prévue par la loi". La loi inclut les
règlements municipaux. On va avoir l'honneur d'entendre le sous-ministre
Jacoby. Cela fait plaisir à la commission.
M. Bédard: Les municipalités ont un pouvoir
réglementaire qui émane soit de la Loi sur les cités et
villes, soit du Code municipal, soit des chartes particulières. Pour
qu'un règlement municipal puisse faire de la discrimination sur la base
de la charte, étant donné que la charte est une loi d'application
générale, il faudrait nécessairement que les lois
habilitantes, soit le Code municipal, soit la Loi sur les cités et
villes ou la charte municipale, permettent, sauf dans la mesure prévue
par la loi habilitante, cette discrimination.
Pour la discrimination en raison de l'âge...
M. Marx: Mais, dans la charte...
M. Bédard: ... il aurait pu y avoir d'autres techniques.
On aurait pu prendre d'autres techniques. Vous parlez de la formule que nous
avons employée, sauf...
M. Marx: Je comprends ce que le sous-ministre voulait dire et ce
que le ministre a dit, mais, si on prend l'article 56 de la charte, on voit au
paragraphe 3 ceci: "Dans la charte, le mot "loi" inclut un règlement, un
décret, une ordonnance ou un arrêté en conseil
adoptés sous l'autorité d'une loi". Si la municipalité a
la compétence, a le pouvoir délégué, si vous
voulez, d'embaucher des personnes, il serait possible, en vertu de l'article
10, pour la municipalité d'adopter un règlement qui fait de la
discrimination à cause de l'âge d'une personne étant
donné que le mot "loi", dans l'article 10, inclut les règlements
municipaux.
M. Bédard: Lorsqu'on parle du mot "règlement" dans
l'article 10, on dit que c'est un règlement adopté en vertu d'une
loi. D'accord? Or, les contrôles de critères de
l'égalité comprennent les critères de conformité
à la Charte des droits et libertés de la personne.
Conséquemment, on revient à l'article 10. Si la loi habilitante
n'autorise pas ce type de discrimination, la municipalité ne pourra pas,
par règlement, faire cette discrimination.
M. Marx: Mais chaque règlement que la ville de
Montréal adopte est adopté en vertu d'une loi qui est la charte
de la ville de Montréal.
M. Bédard: Oui, et alors? M. Marx:
Voilà.
M. Bédard: Par contre, ce règlement ne sera valide
que dans la mesure où il est autorisé par la loi habilitante.
Mais, pour qu'un règlement soit valide, il faut qu'il soit conforme en
tout point sur le plan de la légalité. Or, la charte est une loi
d'ordre
public. L'article 10 est prépondérant.
Conséquemment, on revient toujours au même système,
à savoir qu'il faut nécessairement que la loi habilitante, que ce
soit une charte ou le Code municipal, autorise expressément ce type de
discrimination basée sur l'âge.
M. Marx: Si je comprends bien, le sous-ministre veut dire que si
la charte de la ville de Montréal ne permet pas que la ville adopte des
règlements comportant une discrimination, si on' veut utiliser ce mot,
sur l'âge, la ville ne pourrait pas adopter un tel règlement.
M. Bédard: C'est mon point de vue.
M. Marx: La ville de Montréal, toutes sortes de villes ont
beaucoup de règlements qui font une différenciation sur
l'âge d'une personne.
Mme Lavoie-Roux: Elles vont être obligées de les
modifier.
M. Marx: Elles seront obligées de les modifier? Non.
M. Bédard: C'est-à-dire qu'il va falloir qu'elles
fassent modifier leurs lois habilitantes, nécessairement, à moins
que les distinctions basées sur l'âge ne tombent pas dans la
définition de la discrimination prévue au deuxième
alinéa de l'article 10, si cela a effet de détruire ou de
compromettre un droit et ainsi de suite. C'est toute la question. On va
être obligé de revoir, avec cette modification, l'ensemble du
corpus législatif.
M. Marx: Supposons que maintenant il y ait une ville...
M. Bédard: C'est pour cela qu'on se donne un
délai.
M. Marx: Oui, mais il n'y a pas de délai pour l'article
10. L'article 10, y compris la disposition sur l'âge, entre en vigueur
dès la sanction de la loi.
M. Bédard: Je parlais des lois antérieures à
l'article 10.
M. Marx: Supposons qu'une municipalité a adopté un
règlement en ce qui concerne les personnes qui peuvent habiter certaines
maisons qui appartiennent à la ville et qu'elle a prévu une
certaine discrimination à cause de l'âge de ces personnes, est-ce
que ce règlement serait invalide, parce qu'on adopte l'article 10 tel
que modifié?
M. Bédard: Pas nécessairement. Il faudrait examiner
l'objet, "the pith and substance", et si on découvre que, tout
simplement, cela tombe dans la définition de la discrimination qui est
prévue à l'article 10, alinéa 2, oui. Sinon, il n'y a pas
de problème.
M. Marx: Cela veut dire que maintenant j'ai...
M. Bédard: Prenez dernièrement à
Montréal, il y a eu une cause qui a été
contestée devant la Cour d'appel, le jugement a été rendu.
Montréal voulait imposer...
M. Marx: Les centres d'amusement, oui.
M. Bédard: ... une limite d'âge concernant les
arcades et vous avez vu le jugement qui a été rendu à
partir de la notion de pouvoir habilitant.
M. Marx: Cela, c'est une autre question, parce qu'ils ont dit que
la ville a légiféré sur le droit civil et la cause est
maintenant devant la Cour suprême du Canada. De toute façon, on va
régler ce problème dans la législation, dans la loi
omnibus sur le droit municipal qu'on adopte cette semaine. Je vois un
problème avec l'âge. J'ai soulevé le problème. Si le
ministre ne voit pas de problème, c'est parfait.
M. Bédard: Je ne vous dis pas que je ne voyais pas de
problème; au contraire, c'est parce qu'il y a des problèmes qu'on
a cru nécessaire d'ajouter "sauf dans la mesure prévue par la
loi". Il y aurait eu une autre façon de contourner ce problème;
cela aurait pu être de procéder comme certaines provinces l'ont
fait, c'est-à-dire définir la notion d'âge à des
fins de discrimination, comme étant, par exemple, 18 à 65 ans. Il
y a des provinces qui ont fait cela, sauf que -et elles l'admettaient - une
telle technique laissait indiquer qu'il était permis de discriminer
contre les personnes de moins de 18 ans et de plus de 65 ans. Il me semblait
que cette technique n'était pas celle qu'on devait retenir, surtout si
on veut être cohérent...
Mme Lavoie-Roux: On a l'abolition de l'âge de la
retraite.
M. Bédard: ... avec la loi sur l'abolition de l'âge
de la retraite.
M. Marx: C'est cela. Avec toute la déférence que
j'ai pour votre opinion, de même que pour l'opinion du sous-ministre, si
c'est écrit "sauf dans la mesure prévue par la loi" et si c'est
prévu par la loi ou par un règlement adopté en vertu d'une
loi - chaque règlement est adopté en vertu d'une loi -toute
distinction dans un règlement municipal
fondée sur l'âge serait valide. J'ai peut-être tort,
mais c'est la façon dont je vois le problème.
M. Bédard: S'il y a un pouvoir habilitant. Cela fait dix
fois que je le dis.
M. Marx: Mais qu'est-ce que c'est que le pouvoir habilitant?
M. Bédard: Le meilleur exemple, je vous l'ai donné
tout à l'heure, la loi omnibus municipale concernant les arcades
où la loi donne à la muncipalité le pouvoir de
réglementer les arcades...
M. Marx: II n'y a pas de mention d'âge dans cette loi.
M. Bédard: ... mais ne lui donne pas le pouvoir de
réglementer concernant l'âge.
M. Marx: Oui, mais les lois habilitantes ne donnent pas
aujourd'hui aux villes la possibilité d'adopter des lois où il y
a une distinction sur l'âge. Mais elles adoptent des règlements
avec une distinction qui porte sur l'âge et ces règlements sont
valides, le cas échéant. Il y a des règlements invalides
aussi, comme on vient de le discuter.
M. Bédard: Tout ce que je veux vous dire, tant du point de
vue gouvernemental que du point de vue des municipalités, il va y avoir
un certain ménage à faire. Nous, nous le savons par
rapport...
M. Marx: Peut-être que la nuit va porter conseil.
M. Bédard: ... à notre législation, et
concernant nos lois antérieures, on s'est justement dit qu'il fallait se
donner un délai, comme cela s'est fait d'ailleurs au
fédéral.
M. Marx: Oui.
M. Bédard: Un délai raisonnable qui permet de faire
l'analyse de l'ensemble de nos lois.
M. Marx: Oui, mais je ne vais pas revenir à la charge,
parce que ce sera la cinquième fois et le président me signale
que cinq fois, ce serait trop.
M. Bédard: Non, mais cela risque d'être cinq fois la
même réponse.
Le Président (M. Rochefort): Vous avez une bonne
intuition.
M. Marx: Oui, c'est cela.
M. Bédard: Bien, franchement.
Le Président (M. Rochefort): L'article 3, tel
qu'amendé, est-il adopté?
M. Bédard: Peut-être qu'on ne saisit pas tout
à fait le point du député.
M. Marx: Adopté.
Le Président (M. Rochefort): Adopté. Article 4?
M. Marx: Pensez à cela et on va en discuter après
la commission.
Le Président (M. Rochefort): Article 4, adopté?
M. Marx: "Nul ne doit harceler..." Sur cet article, nous sommes
tout à fait d'accord qu'il faut mettre...
M. Bédard: Est-ce que l'article 3 est adopté?
Le Président (M. Rochefort): Oui, et l'article 4 est aussi
adopté, M. le ministre?
Des voix: Oui, oui. On ne recule pas.
Le Président (M. Rochefort): L'article 4 est aussi
adopté. Article 5?
M. Marx: À l'article 4, j'ai seulement une observation
à faire. C'est très simple. L'observation que j'ai à faire
sur l'article 4 et qui m'a beaucoup frappée vient de la Gazette. Non,
cela ne vient pas de la Gazette; cela vient d'un autre journal. L'exemple,
c'est que 70% des causes devant la Commission des droits de la personne de
l'Ontario sont des causes de harcèlement. J'aimerais seulement souligner
au ministre qu'avec cet article la Commission des droits de la personne du
Québec sera...
Une voix: Très occupée.
M. Marx: ... très occupée. La commission va avoir
deux fois plus de travail qu'aujourd'hui. J'espère que le ministre va
prévoir dans son budget assez de ressources et d'argent pour faire face
au déluge de causes que va avoir la commission.
Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le travail de l'Opposition
face au gouvernement...
M. Bédard: Au contraire!
Mme Lavoie-Roux: ... va être interprété comme
du harcèlement...
M. Bédard: On espère que cela va
empêcher...
Mme Lavoie-Roux: ... vu qu'il y a "les convictions politiques" en
haut.
Le Président (M. Rochefort): L'article 4 est-il
adopté?
M. Marx: Oui, mais c'est-à-dire que l'article 10.1...
M. Bédard: Si cela continue, dans votre cas ce sera, du
harcèlement...
Une voix: Envers la commission. M. Marx: Mais je l'ai
minuté...
M. Bédard: Non, je ne parlais pas de vous, je parlais de
Mme Lavoie-Roux.
Une voix: Ah! mais lui, c'est du harcèlement politique,
s'il continue.
M. Marx: Est-ce que, dans l'interprétation...
M. Bédard: C'est du harcèlement politique...
M. Marx: ... du ministre, l'article 10.1 concernant le
harcèlement s'applique en ce qui concerne le harcèlement sexuel,
le harcèlement à cause des...
M. Bédard: Concernant tous les motifs.
M. Marx: Tous les motifs de l'article 10.
M. Bédard: C'est cela. La commission, dans son
mémoire, avait demandé qu'on précise dans l'article que
"nul ne devait pratiquer le harcèlement sexuel."
M. Marx: Oui, mais supposons que...
M. Bédard: II ne nous paraissait pas opportun de donner
suite...
M. Marx: Non, de le définir ainsi.
M. Bédard: ... à cette précision, parce
qu'elle peut être source de confusion au plan juridique.
Mme Lavoie-Roux: Pratique une pratique.
M. Marx: Prenons l'exemple...
Mme Lavoie-Roux: Non, c'était une blague que je
faisais.
M. Marx: Je vois plusieurs plaintes qu'on va déposer
à la Commission des droits de la personne.
M. Bédard: Non, mais...
M. Marx: Un instant, M. le ministre!
M. Bédard: ... concernant ce point, pourquoi on ne
pourrait pas raisonner dans le sens qu'à partir du moment où il y
a cet article cela peut peut-être l'empêcher dans bien des cas.
M. Marx: Oui, oui, peut-être que cela va
l'empêcher.
M. Bédard: Chacun a sa manière de voir.
M. Marx: Oui, mais, si le harcèlement s'applique à
tous les motifs de l'article 10, on peut bien voir quelqu'un appeler une autre
personne, pour les fins de la discussion, "maudite allophone". La personne va
déposer une plainte à la Commission des droits de la personne en
disant qu'elle a été harcelée à cause de son
origine ethnique ou nationale. Vous savez, cela peut donner une ouverture
à toutes sortes de plaintes frivoles ou farfelues.
Mme Lavoie-Roux: Imaginez ce qui va arriver aux "maudits
Anglais". (24 heures)
M. Bédard: Oui. Cela peut effectivement - on en fait
l'illustration -donner ouverture à toutes sortes de choses
farfelues.
M. Marx: C'est-à-dire peut-être farfelues dans les
faits...
M. Bédard: On peut dire cela, mais je ne crois pas...
M. Marx: ... mais qui vont donner ouverture à un droit
d'action en vertu de la charte.
M. Bédard: Est-ce que je dois comprendre que le
député de D'Arcy McGee est contre?
M. Marx: Non, on est contre le harcèlement sexuel qui, je
pense, - est le problème. Qu'est-ce qu'on a fait dans d'autres
chartes?
M. Bédard: Si on spécifiait simplement la
défense de harcèlement en ce qui a trait au sexe, à ce
moment-là, on donnerait l'impression qu'on permet le harcèlement
pour les autres motifs. Il me semble que le député de D'Arcy
McGee...
M. Marx: Pour d'autres motifs, ce serait la discrimination.
M. Bédard: ... devrait être sensible à
ce raisonnement.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous
plaît! II est minuit. Est-ce qu'il y a consentement des membres de la
commission pour poursuivre nos travaux?
M. Marx: Consentement.
M. Bédard: On continuera à se harceler demain.
Est-ce qu'on peut l'adopter, celui-là?
Le Président (M. Rochefort): Excusez-moi. Il n'y a pas
consentement pour que nous poursuivions nos travaux. Avant d'ajourner, est-ce
qu'on adopte l'article 4?
M. Bédard: Une seconde, M. le Président.
M. Marx: Est-ce qu'on peut avoir trois ou quatre minutes, de
consentement, pour adopter cet article?
Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a consentement
pour que nous poursuivions nos travaux jusqu'à minuit cinq minutes?
M. Bédard: D'accord. M. Marx: Minuit sept.
Le Président (M. Rochefort): J'ai dit cinq.
M. Marx: Si le ministre a voulu légiférer contre le
harcèlement pour tous les motifs qui se trouvent à l'article 10,
avec tout ce que cela peut comporter de plaintes, moi, je trouve cela un peu
farfelu. Est-ce que dans les autres chartes au Canada on parle de
harcèlement tout court ou est-ce qu'on parle de harcèlement
sexuel? Dans les lois des autres provinces, comme en Ontario, au
Nouveau-Brunswick, en Alberta, est-ce le harcèlement sexuel ou le
harcèlement tout court?
M. Bédard: Je ne crois pas que cela donnera
ouverture...
M. Marx: Non, non.
M. Bédard: ... à des plaintes farfelues. Je ne dis
pas qu'il ne peut pas se présenter quelques cas, c'est possible dans ce
domaine comme dans n'importe quel autre domaine.
M. Marx: Est-ce que la liste noire qui a été
dressée par ce gouvernement était du harcèlement à
cause de l'origine ethnique ou nationale des personnes?
M. Bédard: Jusqu'à maintenant, vous avez
discuté sérieusement, comme on se doit de le faire à
propos de la charte.
M. Marx: Moi, j'ai des craintes que cela ne soulève un
certain...
M. Bédard: Je ne suis pas ici pour rendre des jugements.
On est ici pour essayer de rédiger une charte améliorée
qui réponde à certaines représentations qui nous ont
été faites. Celle-ci en est une. D'ailleurs, le
député de D'Arcy McGee dit qu'il est d'accord.
M. Marx: Mais j'ai des craintes que cela ne donne ouverture
à un certain nombre de problèmes et je mets le ministre en garde.
C'est tout.
M. Bédard: Je vous l'ai expliqué. Si, à un
moment donné, on spécifie la défense de harcèlement
seulement à propos du sexe, on peut donner l'impression que le
harcèlement est permis pour les autres motifs de discrimination, la
race, la couleur.
Mme Marois: L'orientation sexuelle, entre autres; il y a eu
beaucoup de plaintes reliées à cela.
M. Bédard: J'imagine que le député de D'Arcy
McGee ne veut pas de harcèlement par rapport à ces motifs de
discrimination.
M. Marx: Nulle part. Même pas ici. Adopté.
M. Bédard: Pardon?
Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 4 est
adopté? Adopté. Même si nous ne sommes pas rendus à
l'heure prévue j'imagine que... Est-ce qu'il y a consentement pour que
nous poursuivions nos travaux?
Une voix: Non.
M. Marx: Je crois que les députés
ministériels ont leur propre...
M. Bédard: On peut bien s'asseoir jusqu'à 3 heures,
je suis bien d'accord, mais...
Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Bédard: Arrêtez donc de faire de la petite...
Le Président (M. Rochefort): Dernier appel.
M. Marx: Je n'ai rien dit.
Le Président (M. Rochefort): À l'ordre,
s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a consentement pour que nous
poursuivions nos travaux, oui ou non?
M. Bédard: Je n'ai aucune objection. Si vous voulez
continuer, continuez. Si on continue, je ne continuerai pas de cinq ou dix
minutes, pour ensuite encore se demander si on va être en mesure de
continuer. Si on veut continuer jusqu'à deux heures, j'y suis prêt
n'importe quand.
M. Marx: On va voir.
M. Bédard: Mais pas pour continuer encore dix minutes, une
demi-heure, et se poser la question régulièrement: Est-ce qu'on
continue? On a des sujets qui, je pense, sont importants au niveau de la
discussion. Je ne voudrais pas qu'on se fasse accuser d'avoir discuté de
ces choses-là à des heures trop tardives. Je pense que l'heure
à laquelle nous sommes n'est pas tardive.
Une voix: On va se coucher.
Mme Lavoie-Roux: On va se coucher, M. le ministre.
Le Président (M. Rochefort): Je constate qu'il n'y pas
consentement.
J'ajourne les travaux de la commission sine die.
(Fin de la séance à 0 h 06)