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Version finale

32nd Legislature, 3rd Session
(November 9, 1981 au March 10, 1983)

Thursday, December 16, 1982 - Vol. 26 N° 230

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des projets de loi nos 101, 219, 260, 254, 262, 269, 278, 221 et 86 - Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne


Journal des débats

 

(Midi vingt-cinq minutes)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission permanente de la justice est réunie ce matin et elle a trois mandats, le premier étant de poursuivre et de terminer l'étude article par article du projet de loi no 101, Loi modifiant diverses dispositions législatives. Son deuxième mandat est d'étudier un certain nombre de projets de loi privés dont on a la liste à notre ordre du jour. Finalement, elle a le mandat d'étudier article par article le projet de loi no 86, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne.

Les membres de la commission sont les suivants: M. Bédard (Chicoutimi), M. Beaumier (Nicolet), M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Leduc (Saint-Laurent), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) et M. Marx (D'Arcy McGee).

Sont intervenants: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dussault (Châteauguay), M. Fallu (Groulx), M. Guay (Taschereau), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Marquis (Matapédia), M. Paradis (Brome-Missisquoi) et M. Saintonge (Laprairie).

M. Marx: M. Ryan va remplacer M. Blank.

Le Président (M. Rochefort): M. Ryan (Argenteuil) remplace M. Blank (Saint-Louis). D'autres modifications à la liste des membres et des intervenants de la commission?

M. Marx: Qui sont nos intervenants?

Le Président (M. Rochefort): Maintenant, il y a M. Ryan, Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paradis (Brome-Missisquoi) et M. Saintonge (Laprairie).

M. Marx: M. Sirros va remplacer M. Saintonge.

Le Président (M. Rochefort): M. Sirros (Laurier) remplace M. Saintonge (Laprairie).

M. Marx: M. Scowen peut remplacer M. Paradis.

Le Président (M. Rochefort): M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi). M. le député de Rousseau.

M. Blouin: Demande de directive.

Lorsque nous avons un projet de loi inscrit à notre nom, est-ce que nous devons être un intervenant à la commission?

Projet de loi no 101 (suite)

Le Président (M. Rochefort): Non, je crois qu'on peut fonctionner par consentement afin que chacun des proposeurs des différents projets de loi privés qui nous seront soumis puisse intervenir pour les présenter. Cela va? On aborde immédiatement les articles laissés en suspens au projet de loi no 101. On n'a pas besoin de proposer de rapporteur, celui-ci ayant été nommé aux séances précédentes de la commission. Au projet de loi no 101, trois articles sont en suspens: les articles 55, 79.1 et 85. M. le ministre, par quel article souhaitez-vous commencer?

Articles en suspens

M. Bédard: Nous allons procéder immédiatement avec l'amendement. Je comprends que le député de D'Arcy McGee doit quitter. Nous aurions un amendement à faire au projet de loi no 101 qui aurait pour effet d'ajouter l'article suivant.

Le Président (M. Rochefort): À quel article, M. le ministre? Ce serait après 79?

M. Bédard: C'est cela. Ce serait 79.1.

Le Président (M. Rochefort): Allez-y.

M. Bédard: D'accord? L'article se lirait comme suit: "79.1 L'article 6 de la Loi concernant les conditions de travail dans le secteur public (1982, chapitre 45) est modifié: 1° par le remplacement, dans la première ligne du premier alinéa, du mot "cinq" par le mot "dix"; 2° par l'addition, à la fin du deuxième alinéa, de ce qui suit: "et celles du document sessionnel no 665 déposé le 15 décembre 1982".

Il s'agit d'une modification de concordance rendue nécessaire par le dépôt à l'Assemblée nationale du document sessionnel visé par la modification. Il a d'ailleurs été

déposé hier et complété aujourd'hui, mais, avec le consentement de part et d'autre de la Chambre, il est réputé avoir été déposé hier dans son entier. Ce document sessionnel ne comporte que des modifications de nature corrective.

De plus, compte tenu que le délai de cinq jours prévu au premier alinéa de cet article se termine le 16 décembre, il est proposé de le prolonger de cinq jours supplémentaires de manière à permettre le dépôt en temps utile des documents visés dans l'article 6 de cette loi. C'est aride, c'est essentiellement technique et il y a eu des discussions avec l'Opposition.

Le Président (M. Rochefort): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce que je pourrais demander au ministre ou à un de ses collaborateurs de donner lecture des trois alinéas qui ont fait l'objet de légères retouches, de manière qu'il soit bien assuré que les textes que nous avons sont les mêmes qui vont entrer dans les documents officiels? Je peux vous lire ce que j'ai et vous allez corriger au besoin.

On s'excuse auprès des personnes et des autres députés qui sont ici, parce que cela entre dans certaines technicités qu'on n'a pas l'intention de débattre à fond étant donné les échéances auxquelles a fait allusion le ministre et que tous ces points ont été examinés soigneusement dans un travail de collaboration pour le plus grand bien des travailleurs concernés. À l'article 10-3.03d), le paragraphe 1 de la clause 5-3.28 entre en vigueur le 1er juillet 1983. e) le chapitre 7-0.00 entre en vigueur le 1er juillet 1983. Jusqu'à cette date, les dispositions du chapitre 7-0.00 de la convention collective 1979-1982 continuent de s'appliquer. f) l'article 5-13.00 et le chapitre 9-0.00, à l'exception des articles 9-4.00 et 9-5.00, et le chapitre 12-0.00 entrent en vigueur le 2 avril 1983. Jusqu'à cette date les dispositions correspondantes de la convention collective 1979-1982 continuent de s'appliquer.

M. Bédard: C'est exact. Cela représente fidèlement le contenu.

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

M. Marx: Adopté sur division.

M. Ryan: Oui, adopté sur division également. Nous avons consenti volontiers à ce que l'amendement soit déposé, mais, comme nous étions opposés foncièrement à la loi 105 elle-même, nous maintenons notre opposition pour les fins de l'adoption de l'article.

Le Président (M. Rochefort): L'amendement...

M. Bédard: On comprend que c'est dans la logique des gestes déjà posés par l'Opposition.

Le Président (M. Rochefort): ... 79.1 au projet de loi 101 est adopté sur division.

M. Marx: L'Opposition est toujours logique.

Le Président (M. Rochefort): L'article suivant, M. le ministre, l'article 55.

M. Bédard: M. le Président, pourriez-vous nous renseigner concernant ce qui aurait pu être adopté par cette commission en ce qui a trait à l'article 51?

Le Président (M. Rochefort): 51.

M. Bédard: Je crois que nous avions peut-être adopté un amendement conformément à des représentations qui avaient été faites par l'Opposition. Un peu plus tard dans la discussion, il a été convenu que l'amendement en question devrait être fait à l'article 85. Je voudrais le savoir.

Le Président (M. Rochefort): Comme vous le savez, M. le ministre, ce n'est pas moi qui occupais le fauteuil au moment de l'étude de cet article.

M. Bédard: C'est cela. On comprendra très bien, M. le Président, que vous preniez le temps nécessaire, mais, quand même, je veux que ce soit clair.

Le Président (M. Rochefort): Le secrétaire de la commission n'est pas le même, non plus. Si vous le permettez, on va suspendre cette question - quelqu'un est allé aux informations - parce que ce qui est dans mon texte n'est pas clair. On pourrait peut-être procéder immédiatement avec l'article 85, qui avait aussi été suspendu.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: ... on pourrait s'entendre pour que tout amendement qui aurait pu être apporté à l'article 25...

M. Marx: L'article 55 modifie l'article 25.

M. Bédard: ... adopté par l'article 55 du projet de loi no 101 serait réputé comme

annulé ou révoqué et nous procéderions à l'adoption pure et simple de l'article 25, tel qu'il était amendé par l'article 55 de la loi no 101, intégralement tel que présenté.

Le Président (M. Rochefort): Pour bien se comprendre, j'avais compris tantôt que vous parliez de l'article 51. À l'article 55, effectivement, j'ai, dans le projet de loi, un amendement qui a été adopté; ensuite, on avait suspendu l'étude globale du projet de loi no 55.

M. Bédard: Pouvez-vous nous dire quel en était le contenu?

Le Président (M. Rochefort): De l'amendement adopté à l'article 55? Oui, c'est le suivant: "Insérer, après l'article 55 et le titre Loi sur les normes du travail, les articles suivants: 55.1. L'article 71 de la Loi sur les normes du travail est modifié par le remplacement du premier alinéa par les suivants: 71. Le congé annuel peut être fractionné en deux périodes si le salarié en fait la demande, sauf si l'employeur ferme son établissement pour la période des congés annuels. Une disposition particulière d'une convention collective ou d'un décret peut prévoir le fractionnement du congé annuel en plus des deux périodes ou l'interdire. 55.2...

M. Bédard: M. le Président, je pense que vous confondez l'article 55.1, 55.2 etc., avec l'article 55. Ce que je demande, c'est: Est-ce qu'il y a un amendement qui a été adopté à l'article 55 du projet de loi? C'est bien moins compliqué.

Le Président (M. Rochefort): Effectivement, vous avez raison, ce que je vous lisais, c'était des nouveaux articles. Par contre, il y a dans le projet de loi une mention comme quoi il a été amendé, mais on ne trouve pas l'amendement. Quand on se réfère au rapport de la commission, il n'y a pas d'amendement d'indiqué à l'article 55.

M. Bédard: M. le Président, est-ce que vous accepteriez la formule que, si l'amendement a été présenté ou adopté, il est, par les présentes, révoqué avec le consentement de la commission et que l'article 55 de la loi 101...

Le Président (M. Rochefort): ... est maintenu tel quel?

M. Bédard: ... est maintenu tel quel et adopté?

Le Président (M. Rochefort): Oui, cela va, c'est clair. Est-ce que c'est clair pour tous les membres de la commission?

M. Marx: Bien...

M. Bédard: Et l'amendement - peut-être pour donner plus d'information au député de D'Arcy McGee - que nous aurions pu discuter et adopter et qui aurait pu être contenu à l'article 55, nous avons convenu qu'il se ferait à l'article 85. Comme nous le faisons à l'article 85, nous pouvons l'adopter l'article 55 intégralement.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Si on lit l'article 25 tel quel, il se lit comme suit: "La présente loi s'applique, même à l'égard du prix du service d'électricité ou de gaz non acquitté avant le..." Je pense qu'il faut compléter la phrase. On ne peut pas laisser l'article en terminant avec les mots "avant le" et on ne pas insérer la date parce qu'on l'indiquera à l'article 85, est-ce que c'est cela?

M. Bédard: Le nouveau paragraphe 5 de l'article 85 qu'on proposera d'ajouter au projet de loi no 101 ne portera que sur le nouveau deuxième alinéa de l'article 1 de la Loi sur le mode de paiement des services d'électricité et de gaz - d'accord? - qui vise un acquéreur d'immeubles.

Je pense que cela va.

Le Président (M. Rochefort): Cela va. Donc, on s'entend que l'article 55 du projet de loi no 101 est adopté tel que rédigé au projet de loi qui a été déposé à l'Assemblée. Donc, l'article 55 est adopté. Nous revenons donc au dernier article suspendu qui était l'article 85.

M. Bédard: Je ne sais pas si l'Opposition a des commentaires à faire. Nous pourrions procéder, s'il n'y a pas de commentaires sur les autres paragraphes, à l'amendement que nous devons apporter à l'article 85, au paragraphe 5, concernant le mode de paiement.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, dans les papillons qu'on m'a remis, j'ai un amendement au premier, au troisième et au cinquième alinéas. Vous voulez qu'on commence avec le cinquième?

M. Bédard: Procédons dans l'ordre. L'article 85 indique globalement le mode d'entrée en vigueur du projet de loi no 101 en annonçant quelques exceptions. M. le Président, il s'agit d'adopter dans un premier temps l'énoncé global que "la présente loi entre en vigueur le jour de sa sanction".

Le Président (M. Rochefort): Allons-y

pour les amendements et on adoptera l'article tel qu'amendé. Vous avez un amendement à l'article 85 1 ?

M. Bédard: Un amendement qui aurait pour effet de remplacer le paragraphe 1 de l'article 85 par le suivant: "1 les articles 20, 40 et 42, l'article 178.02 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LRQ, chapitre S-5), édicté par l'article 71 et l'article 72 qui entreront en vigueur à la date fixée par proclamation du gouvernement;"

Le Président (M. Rochefort): Pour qu'il n'y ait pas de confusion, c'est bien les articles 20, 40 à 42 et non 40 et 42?

M. Bédard: C'est cela.

Le Président (M. Rochefort): D'accord, parce que je croyais vous avoir entendu dire 40 et 42.

M. Bédard: II est possible que j'aie dit 40 et 42.

Le Président (M. Rochefort): Parfait: Cela va. Alors, si vous voulez le présenter.

M. Bédard: Ces articles visent l'uniformisation du système des emprunts dans le cas des collèges d'enseignement général et professionnel et dans le cas des universités, en le calquant sur celui des commissions scolaires. Il est prévu qu'ils entreront en vigueur par proclamation du gouvernement au moment où les mécanismes prévus pour faciliter leur application auront été mis en place. La discussion a été largement faite là-dessus hier par le député d'Argenteuil et le ministre de l'Éducation.

Le Président (M. Rochefort): L'amendement à l'article 85 1° est-il adopté?

Une voix: Adopté. M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Amendement à l'article 85 3°?

M. Bédard: Nous aurions un amendement afin de remplacer le troisième paragraphe de l'article 85 par ce qui suit: "3 les articles 57, 57.1 et 58 qui entreront en vigueur le 1er janvier 1983".

La date d'entrée en vigueur de la section I du chapitre 32 des lois de 1982 a été proclamée. Elle est fixée au 1er janvier 1983.

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Finalement, article 85 5°.

M. Bédard: II y aura un amendement afin d'ajouter, après le paragraphe 4 de l'article 85, le paragraphe suivant: "5 le deuxième alinéa de l'article 1 de la Loi sur le mode de paiement du service d'électricité dans certains immeubles (LRQ, chapitre M-37), remplacé par l'article 51, qui entrera en vigueur le 1er mars 1983".

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. L'article 85 tel qu'amendé est-il adopté?

M. Marx: Oui. Avant...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ... de l'adopter, je m'excuse, M. le Président, mais il y a une phrase qui m'a échappé, M. le ministre, lorsque vous avez lu les amendements au début de votre intervention. C'est 178.02, est-ce cela?

M. Bédard: C'est cela.

M. Marx: Qu'a-t-on fait avec? (12 h 45)

M. Bédard: Concernant la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

M. Marx: Qui, c'est seulement une question de mise en vigueur. C'est cela?

M. Bédard: Oui, seulement la mise en vigueur: qui entreront en vigueur à la date fixée par proclamation gouvernementale. Le sujet a été discuté hier. Les raisons ont été données hier par le ministre des Affaires sociales.

M. Marx: Notre porte-parole était d'accord?

M. Bédard: Le député d'Argenteuil était d'accord.

M. Marx: Je pense que c'était la députée de L'Acadie.

M. Bédard: L'Acadie, dans ce cas. M. Marx: De L'Acadie, d'accord.

Le Président (M. Rochefort): Donc, l'article 85, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté.

M. Bédard: Ceci, M. le Président, termine l'étude article par article du projet de loi no 101, conformément au mandat donné par l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que le titre du projet de loi no 101 est adopté?

M. Marx: J'aimerais bien changer le titre, parce que le titre est trompeur dans ce projet de loi. On dit ici: Loi modifiant diverses dispositions législatives. C'est vrai en partie, mais j'aurais aimé modifier le titre pour faire état du fait qu'il y a des modifications de substance, de même que des modifications de fond.

M. Bédard: Le titre ne laisse pas entendre que...

M. Marx: Mais si on adopte la note explicative, on peut peut-être changer la note explicative.

M. Bédard: On n'a pas à adopter une note explicative, M. le Président. Mais une chose qui est certaine, c'est que le titre dit bien ce qu'il doit dire. Le titre n'indique pas qu'il n'y a pas de modification de fond; d'ailleurs, dans mon discours de deuxième lecture, j'ai indiqué qu'il y avait des modifications techniques et également des modifications de fond et nous avons été à même de constater que tel était le cas.

Le Président (M. Rochefort): Avant de procéder à l'adoption du titre, il faudrait que, M. le ministre, vous nous fassiez une motion de renumérotation du projet de loi, compte tenu des différents nouveaux articles.

M. Bédard: Disons la motion usuelle de renumérotation.

Le Président (M. Rochefort): Alors, adopté. Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le projet de loi no 101, Loi modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté tel qu'amendé? Adopté. On va suspendre pour quelques instants, le temps de permettre au secrétaire de terminer son rapport pour pouvoir aborder ensuite les projets de loi privés.

M. Bédard: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): Alors, nous allons reprendre nos travaux immédiatement. Comme je l'ai mentionné à l'ouverture de notre commission, le deuxième mandat qui nous est confié par l'Assemblée est d'étudier article par article les projets de loi privés nos 221, 260, 254, 262, 269, 278 et 219. Est-ce que les membres de la commission voudraient se désigner un rapporteur?

M. Bédard: Mme Lachapelle?

Mme Lachapelle: Marcel Lafrenière (Ungava).

Le Président (M. Rochefort): Mme la députée de Dorion propose le député d'Ungava. Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. M. le député d'Ungava agira comme rapporteur de notre commission.

M. Bédard: Je voudrais, M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: ... vous proposer de commencer nos travaux par le projet de loi privé no 219.

Projet de loi no 219

Le Président (M. Rochefort): Effectivement, on m'a informé, d'ailleurs, qu'un consensus était intervenu entre les membres de la commission.

M. Bédard: C'est cela. Ce dont il s'agit, c'est que, déjà, il y avait eu adoption d'un projet de loi privé concernant les parties qui sont ici et qui sont concernées, ce matin, par le travail que nous avons à faire. Le projet de loi en question avait été adopté. Certaines interrogations s'étaient posées une fois l'adoption de ce projet de loi faite. Après, il y a eu des ententes qui sont de nature à répondre aux questions très appropriées qui avaient été soulevées, entre autres, par le député de D'Arcy McGee et par nous.

Le Président (M. Rochefort): Si je comprends bien, M. le ministre, il était question de permettre à M. Jolicoeur de se représenter devant nous afin de permettre au député de D'Arcy McGee de lui adresser quelques questions additionnelles.

M. Bédard: Dans un premier temps, je

voudrais proposer des amendements...

Le Président (M. Rochefort): Ah bon! D'accord.

M. Bédard: ... qui correspondent à l'entente que je viens d'évoquer.

Le Président (M. Rochefort): Alors M. le ministre, sur le projet de loi no 219.

M. Bédard: Oui. L'article 1 de la loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur est remplacé par le suivant: "Malgré le testament de Maurice Jolicoeur reçu le 7 octobre 1965 sous la forme dérivée de la loi d'Angleterre, vérifié le 13 avril 1966 par la Cour supérieure du district de Montréal et dont copie a été déposée au bureau de la division d'enregistrement de Montréal sous le numéro 1287146, la pension annuelle payable à Monique Poulin, conjoint survivant du testateur, est portée de 4800 $ à 30 000 $".

Cette modification donne suite, comme je l'ai dit tout à l'heure, à une entente conclue entre Stéphane Jolicoeur et Monique Poulin le 3 décembre dernier.

Le Président (M. Rochefort): Cette proposition d'amendement est-elle adoptée?

M. Bédard: Le contenu de l'entente a également été déposé...

Le Président (M. Rochefort): ... au greffe.

M. Bédard: ... chez le secrétaire-greffier.

Le Président (M. Rochefort): Merci.

M. Marx: On va l'adopter après qu'on aura entendu les parties?

Le Président (M. Rochefort): Un instant, M. le ministre. Que le député...

M. Bédard: On va l'adopter tout de suite.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Donc, l'amendement à l'article 1 est adopté.

M. Bédard: Nous aurions un autre amendement concernant le préambule de la loi. Étant donné les nouvelles ententes, il y a lieu d'apporter un amendement au préambule de la loi. Le préambule de la loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur est remplacé par le suivant: "Attendu que Maurice Jolicoeur, décédé le 13 mars 1966, a, par son testatement fait le 7 octobre 1965, légué l'universalité de ses biens à des fiduciaires et les a chargés notamment de verser une rente de 400 $ par mois à sa veuve, Monique Poulin; "que, sauf la rémunération d'un des fiduciaires, la seule autre personne qui ait actuellement des droits sur l'objet de ce legs est Stéphane Jolicoeur, le fils de Maurice Jolicoeur et de Monique Poulin; "qu'il est opportun que la rente annuelle de Monique Poulin soit portée de 4800 $ à 30 000 $; "que les revenus de la succession sont suffisants pour accorder cette augmentation; "que les fiduciaires et Stéphane Jolicoeur consentent à l'adoption de la présente loi."

Le Président (M. Rochefort): Alors, l'amendement au préambule du projet de loi no 219 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté.

M. Bédard: II était nécessaire étant donné la nouvelle entente et les consentements obtenus entre les parties.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 2 du projet de loi est adopté?

M. Bédard: Si le député de D'Arcy McGee voulait...

M. Marx: Oui, mais avant d'adopter le projet de loi, on a certaines questions.

Le Président (M. Rochefort): D'accord. Est-ce que M. Stéphane Jolicoeur est présent?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Si vous voulez vous présenter.

M. Marx: J'aimerais demander...

Le Président (M. Rochefort): Un instant, M. le député de D'Arcy McGee. Je présume que vous êtes le procureur de M. Jolicoeur.

Une voix: Je suis le procureur, effectivement, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Vous pourriez peut-être vous identifier.

M. Blain (Paul-Émile): Paul-Émile Blain, avocat, procureur de Stéphane Jolicoeur et de Monique Poulin.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que

vous vouliez faire une intervention générale au départ?

M. Blain: Non. Le ministre a clairement exposé le déroulement de la situation concernant le projet de loi à l'étude. Effectivement, après une première présentation, il y a eu de nouvelles négociations entre la mère, Mme Jolicoeur, et le fils. Ces négociations ont conduit à l'acte d'accord ou à l'entente qui est déposée au dossier et qui a été signée par les deux parties concernées.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais expliquer à monsieur et à madame Jolicoeur qu'en ce moment l'Assemblée nationale et cette commission siègent comme une cour de justice, parce que vous demandez à l'Assemblée nationale de modifier un testament. On a la compétence de le faire, mais on agit comme un juge à un tribunal de droit commun. C'est pourquoi c'est important pour nous de vérifier que tout est fait suivant la loi, la procédure. C'est pourquoi vous êtes ici et c'est pourquoi on va vous poser une ou deux questions. Premièrement, puis-je vous demander quel est le produit de la succession?

M. Blain: Présentement, M. le député, la succession a un revenu net annuel qui se situe entre 60 000 $ et 65 000 $.

M. Marx: Est-ce que - je pose cette question à M. Jolicoeur - vous êtes d'accord pour donner votre consentement pour que ce projet de loi soit adopté? Vous comprenez, j'imagine, tout ce dont on a discuté et le contenu de ce projet de loi. C'est un consentement donné librement.

M. Jolicoeur (Stéphane): Oui.

M. Bédard: M. le Président, nous pourrions conclure. Je ne crois pas devoir relever l'analyse faite par le député de D'Arcy McGee sur la nature du travail que nous faisons. Je ne crois pas que nous soyons, à ce moment-ci, devenus une cour de justice. Nous faisons un travail de parlementaires en vertu des droits qui nous sont donnés concernant la possibilité d'adopter un projet de loi privé.

M. Marx: Mais, M. le...

M. Bédard: Je fais juste cette remarque sans aller dans une discussion.

M. Marx: M. le Président, mais moi, je tiens aussi à faire ma remarque.

M. Bédard: Je croyais que vous l'aviez faite, M. le député. Si vous voulez faire un discours, c'est une autre affaire.

M. Marx: Non, je ne veux pas faire un discours, mais je veux faire ma remarque parce que je vois le travail de cette commission comme un tribunal de justice et, en droit anglais, on a toujours dit que le Parlement est le "High Court of Justice", la cour de dernière instance. En agissant de cette façon ici aujourd'hui, je pense qu'il était nécessaire de poser ces questions aux personnes qui se sont présentées devant la commission.

M. Bédard: Je constate qu'on peut justifier ses affirmations par l'argumentation qu'on veut bien employer. Mais je demeure fidèle à mon appréciation et je n'ai pas d'autres commentaires à faire.

Le Président (M. Rochefort): L'article 2 est-il adopté? Adopté.

M. Bédard: Merci, M. Jolicoeur.

Le Président (M. Rochefort): Le projet de loi no 219, Loi concernant la succession de Maurice Jolicoeur, tel qu'amendé, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Je vous remercie de vous être présenté devant nous.

J'appelle donc maintenant l'étude du projet de loi privé no 221, Loi concernant certains recours en matière de responsabilité médicale ou hospitalière.

Je m'excuse, il est 12 h 58. Nous allons, donc, suspendre nos travaux et revenir à 15 heures ici même avec votre projet de loi. La commission suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise de la séance à 15 h 23)

Le Président (M. Rochefort): La commission permanente de la justice reprend ses travaux aux fins d'étudier article par article les projets de loi privés nos 221, 260, 254, 262, 269, 278 et 219. Lors de la suspension de nos travaux nous avions appelé le projet de loi privé no 221. Toutefois, on m'informe qu'il y aurait un changement d'ordre...

M. le ministre.

M. Bédard: Simplement pour indiquer que nous terminerions nos travaux concernant l'étude des projets de loi privés par le projet

de loi no 221.

Le Président (M. Rochefort): Vous proposez que nous commencions par quel projet de loi, M. le ministre? Dans l'ordre qui suit?

M. Bédard: Tous les autres après.

Le Président (M. Rochefort): Dans l'ordre qui suit. Cela va? Consentement?

M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je dois vous dire que j'avais fait une entente formelle avec M. Grenier à savoir qu'on commencerait avec le projet de loi no 221.

Le Président (M. Rochefort): S'il y a consentement pour intervertir l'ordre.

Une voix: Consentement.

Le Président (M. Rochefort): Consentement.

M. Bédard: Normalement, les autres projets ne seront pas longs. Je préfère qu'on termine là-dessus et qu'on se donne tout le temps nécessaire s'il y a lieu.

Projet de loi no 260

Le Président (M. Rochefort): Cela va. J'appelle donc le projet privé no 260, Loi concernant la succession J. Roméo Pépin. J'inviterais donc les procureurs à se présenter devant nous. Le député de Sainte-Marie, parrain, est absent. J'inviterais donc immédiatement les procureurs à s'identifier et à nous présenter le projet de loi qui est devant nous.

M. Beaupré (Gérard): Gérard Beaupré, avocat. Je représente le Trust Général du Canada dans ce projet de loi dont le but est de permettre au fiduciaire, Trust Général du Canada, de disposer du résidu d'une succession, la succession Pépin, parce que ce fonds fiduciaire ne peut plus maintenant être exécuté depuis l'adoption, par l'Assemblée nationale, de la loi sur les cégeps.

En effet, dans le testament de feu le Dr Pépin, l'ensemble de ses biens a été légué en fiducie au Trust Général du Canada pour que ce fonds serve à payer des cours classiques aux enfants de ses frères et soeurs qui désireraient devenir prêtres par la suite. L'on sait que depuis 1968 cette noble institution, qu'on appelait le cours classique, n'existe plus, d'une part. D'autre part, le séminaire de Saint-Hyacinthe ne dispense plus maintenant que le cours secondaire. Enfin, le testament ne prévoit pas le pouvoir pour le fiduciaire de remettre le résidu des biens à qui que ce soit, d'où le présent projet de loi permettant au fiduciaire de distribuer aux héritiers légitimes, suivant l'ordre établi par le Code civil, le résidu des biens que le Trust Général détient encore actuellement.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre, quelques commentaires?

M. Bédard: Je comprends que l'institution du cours classique n'existe plus comme c'était le cas auparavant. Maintenant, la possibilité ou le désir d'accéder à la prêtrise peut demeurer et demeure présent dans la société québécoise. Est-ce que c'est toute la succession dont vous voulez parler qui serait...

M. Beaupré: Oui, M. le ministre. En effet, le testament prévoyait certains legs particuliers qui sont, si je peux m'exprimer ainsi, d'ordre secondaire et qui ont été acquittés depuis longtemps. Quant au solde de la succession, j'ai avec moi le représentant du Trust Général du Canada qui m'a informé, ce matin, que ce solde serait de quelque 200 000 $ qui restent entre les mains du Trust Général jusqu'à ce qu'il soit autorisé par l'Assemblée... (bruit) Je ne savais pas que ma voix avait un effet comme celui-là.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Tout ce qu'il y a de rouge tombe.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Pourriez-vous indiquer très clairement aux membres de cette commission le montant global de la succession? Qu'est-ce que cela représente?

M. Beaupré: Me permettez-vous de le demander au représentant du Trust Général?

M. Bédard: Sûrement.

M. Beaupré: C'est M. Gilles Rondeau qui est gestionnaire au Trust Général du Canada.

M. Rondeau (Gilles): M. le Président, j'ai apporté le bilan de la succession au 31 août 1982. On a un capital de 234 000 $. Au 31 août 1982, nous avions un capital de 234 000 $ dans la succession Roméo Pépin.

M. Bédard: Les héritiers légaux, est-ce que vous pourriez nous en donner une idée?

M. Beaupré: Oui. Ce sont les frères et soeurs du testateur qui, lui, était célibataire, un heureux célibataire, si je peux m'exprimer

ainsi. Ses héritiers sont ses frères et soeurs et les neveux des prédécédés. Le total de ces personnes est quelque chose entre 30 et 40 personnes dont la plupart résident au Québec. Je pense qu'il y en a quatre qui résident aux États-Unis. C'est un total d'une quarantaine de personnes, M. le ministre.

M. Bédard: Vous conviendrez avec moi que l'intention du testateur était très clairement exprimée. Ses dernières volontés étaient orientées vers une préoccupation, celle que sa fortune ou sa succession serve à la formation de prêtres. Ne croyez-vous pas qu'il y aurait possibilité de concilier ce que vous proposez, à savoir que l'ensemble des sommes soit versé aux héritiers légaux, avec une continuité de l'intention du testateur d'aider à la formation de prêtres?

M. Beaupré: C'était au niveau des cours classiques, M. le ministre.

M. Bédard: Oui, je comprends.

M. Beaupré: Maintenant, on peut suivre un cours au cégep et M. le ministre sait fort bien que c'est gratuit. On peut, ensuite, aller au séminaire et devenir prêtre. L'intention du testateur n'était pas de payer les cours de théologie; c'était de payer des cours classiques pour ceux qui désireraient devenir prêtres éventuellement.

M. Bédard: On parlait de cours classique dans le temps: c'était la seule voie, la voie par laquelle on devait passer.

M. Beaupré: Une très bonne voie.

M. Bédard: Ce n'est pas parce que cette voie n'est plus la même que la préoccupation ou encore la réalité de la formation de prêtres n'existe plus. Vous savez très bien ce que je veux vous suggérer.

M. Beaupré: Oui, j'ai bien saisi, M. le ministre.

M. Bédard: Je ne sais pas si vous seriez rébarbatif à l'idée aux fins de la discussion. Les autres membres de la commission peuvent avoir d'autres questions à poser. Je ferai remarquer tant à votre groupe qu'à ceux qui ont présenté des projets de loi privés qu'au niveau de la commission parlementaire les règles habituelles sont un peu différentes, dans le sens que, face aux projets de loi privés qui sont présentés, nous essayons, tous les membres de la commission parlementaire, d'agir non pas en fonction d'options politiques ou d'appartenance à des partis, mais d'en arriver toujours à un très large consensus.

M. Beaupré: Oui.

M. Bédard: Vous serait-il possible d'envisager la possibilité qu'une partie de cette succession, des sommes d'argent impliquées, puisse être remise entre les mains de l'évêque qui pourra utiliser cet argent en fonction d'une préoccupation qu'il a sûrement, à savoir la formation de nouveaux prêtres? Cela rejoindrait, au moins, très clairement les intentions du testateur.

M. Beaupré: Si M. le Président me le permet, M. le ministre, d'une part, les intentions du testateur ne visaient pas n'importe quelle personne qui désirerait devenir prêtre; il visait très clairement les membres de sa famille, ses neveux et nièces. Ce n'était pas une donation faite en général pour la formation de prêtres à travers la province. Il visait surtout à en faire bénéficier les membres de sa famille. D'autre part, la remarque de M. le ministre a été l'une de nos préoccupations; je me suis adressé non seulement au séminaire de Saint-Hyacinthe, mais également à Mgr Langevin, qui est l'évêque de ce diocèse, à qui j'ai soumis le projet de loi que cette commission a devant elle. Ils m'ont répondu - j'ai les lettres ici à l'appui - qu'ils n'avaient aucune espèce d'objection à l'adoption du projet de loi tel qu'il est déposé devant nous.

M. Bédard: Je vois mal comment ils pourraient avoir des objections parce que, de toute façon, ils ne touchent pas un sou dans le contexte actuel. Je vais vous dire franchement mon idée. Je pense que c'est sacré, quand même, les intentions d'un testateur. On est capable de comprendre que des situations ont changé, donc qu'il puisse y avoir des changements qui s'imposent si on veut qu'il y ait des effets au niveau de l'ensemble de la succession qui a été laissée par le testateur. D'une part, c'est sacré. D'un autre côté, les intentions qui sont exprimées sont particulièrement claires dans son testament. Est-ce que vous seriez rébarbatif à l'idée que peut-être 10% de ce montant soient remis entre les mains de l'évêque, sachant très bien que cette personne a comme préoccupation la formation de prêtres, ce qui rejoint essentiellement la préoccupation du testateur.

M. Beaupré: Je présume, M. le ministre, que les remarques qui sont faites sont basées sur une intention que vous voyez dans le testament du Dr Pépin, mais je ne vois pas les mêmes intentions, quant à moi, en tout respect. Je voyais l'intention de favoriser sa famille à lui.

M. Bédard: D'accord. Si on en vient à la conclusion que ces sommes d'argent doivent être remises aux héritiers, à un

moment donné, il faut tracer une ligne de démarcation si on veut que l'argent soit distribué. Peut-être que vous pouvez nous dire que jusqu'à maintenant il n'y en a pas d'intéressés par la prêtrise. Vous ne pouvez pas nous assurer qu'à l'avenir, il n'y aura pas de ses descendants, de ses héritiers légaux qui pourraient l'être. Étant donné que vous ne pouvez pas avoir cette assurance, qu'on ne peut pas l'avoir non plus, pourquoi ne pas penser à un compromis qui, en fait, exprimerait, tenant compte des circonstances, un respect pour les volontés du testateur?

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai deux questions. D'abord avez-vous reçu une interprétation de cette clause qui se trouve dans ce testament? Le cours classique ne se donne pas au séminaire de Saint-Hyacinthe, mais est-ce que par interprétation de cette clause on pourrait venir à la conclusion que ses descendants peuvent suivre des cours ailleurs pour que le but final soit atteint, c'est-à-dire qu'ils deviennent des prêtres? Comprenez-vous la question?

M. Beaupré: Vous me demandez si j'ai reçu une interprétation. Je ne peux que vous donner la mienne, M. le député. Le séminaire de Saint-Hyacinthe est nommément désigné dans le testament. Il faudrait vraiment faire de la gymnastique, je m'excuse, pour tenter d'élargir le sens.

M. Bédard: Entre vous et moi, il y a des choses qui sont très bien désignées dans ce testament. Ce n'est pas seulement de la gymnastique qu'on essaie de faire. C'est un projet de loi privé qui est nécessaire pour en changer la signification et l'orientation.

M. Beaupré: Je suis bien conscient de cela.

M. Bédard: Au niveau de la gymnastique intellectuelle qu'on essaie de faire et du respect des intentions du législateur, je vous demande si on peut faire un effort des deux côtés. Si vous pensez que non, écoutez, on va prendre une décision en fonction...

M. Beaupré: Je n'ai pas dit non, mais on m'a demandé, M. le ministre, s'il y avait des interprétations données au testament à l'égard d'autres maisons que le séminaire de Saint-Hyacinthe. Je dois dire que je n'ai pas eu d'autres interprétations que celle qui vous est soumise.

M. Marx: En lisant cette clause, il me semble que le but, c'est que ses descendants aient l'argent nécessaire pour faire des études de prêtrise. C'est cela, je pense. Je ne pense pas que c'était son intention, si le collège ferme ou si le collège est remplacé par une autre institution semblable, que le but final ne soit jamais réalisé. Je pense qu'il y a cela comme interprétation possible. Ma deuxième question est la suivante. Dans son testament, il n'a visé que ses héritiers mâles.

M. Beaupré: Oui. À ce que je sache, les femmes ne sont pas encore admises à la prêtrise, malgré certaines campagnes.

M. Marx: Je pense que c'est aussi la conclusion. Donc, on va donner le résidu des biens fiduciaires aux héritiers légaux. Et moi, j'ai compris que les héritiers légaux, cela comprend les deux. Est-ce les deux, les hommes et les femmes?

M. Beaupré: Oui, les deux sexes, sans discrimination.

M. Marx: Sans discrimination. M. Beaupré: Oui, M. le député.

M. Marx: Au moins là, je pense que l'intention de feu M. Pépin était de ne pas laisser quoi que ce soit aux enfants de sexe féminin de ses frères et soeurs. Donc, dans un sens, le projet de loi privé devant la commission parlementaire va frustrer ses intentions, si je puis m'exprimer de cette façon.

M. Beaupré: Oui, c'est vrai. Je ne peux pas nier que, jusqu'à maintenant, il n'y a que les hommes qui peuvent devenir prêtres, mais je n'y peux rien.

Des voix: Ah! Ah!

M. Beaupré: Remarquez que j'aimerais autant des prêtresses, quant à moi, mais...

M. Marx: On ne va pas légiférer sur cette question aujourd'hui, Ah! Ah! sauf si la ministre déléguée à la Condition féminine veut intervenir.

M. Bédard: Je comprends...

M. Beaupré: Certainement. Nous sommes prêts.

M. Bédard: ... Me Beaupré, qu'il n'y aurait pas d'objection à ce qu'on prévoie qu'aux alentours de 10% puissent être remis entre les mains de l'évêque du diocèse...

M. Beaupré: Mgr Langevin.

M. Bédard: ... Mgr Langevin. Peut-être une dernière question. En vertu du projet de

loi, il est question des héritiers au moment de l'entrée en vigueur du projet de loi. D'accord?

M. Beaupré: Oui.

M. Bédard: Or, depuis la présentation du projet de loi, un héritier est mort - on nous l'a dit - en 1982. Il s'agit de Raymond, fils d'Hector. C'est cela? Vous n'auriez sans doute pas d'objection à ce que l'on réfère aux héritiers au moment de la présentation du projet de loi.

M. Beaupré: Non, aucune objection, M. le ministre.

Le Président (M. Rochefort): Avez-vous des commentaires, M. le ministre?

M. Bédard: M. le Président, si...

Le Président (M. Rochefort): Avant que le ministre présente ses amendements, y a-t-il d'autres membres de la commission qui voudraient intervenir? M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'on est sur l'amendement?

Le Président (M. Rochefort): Non, non. Pour l'instant, nous questionnons le procureur et nous discutons entre parlementaires. M. le ministre.

M. Bédard: Si on réussit à se rejoindre sur le fait que 10% des avoirs soient remis entre les mains de l'évêque et qu'on réfère aux héritiers légaux au moment de la présentation du projet de loi, je vous dis très honnêtement que je n'aurai pas d'objection, parce qu'il faut assurément tenir compte des circonstances qui ont changé. Si mon collègue de D'Arcy McGee pense que, de son côté aussi, cela va, on pourrait faire les amendements en conséquence.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Nous n'avons pas d'objection si l'avocat du Trust Général du Canada n'a pas d'objection.

M. Beaupré: J'ai compris qu'il était préférable que je n'aie pas d'objection.

M. Marx: C'est ce que j'ai compris aussi.

M. Bédard: Bon! Tout le monde se comprend.

M. Marx: C'est un consensus parfait.

M. Beaupré: Cela arrive.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre. (15 h 45)

M. Bédard: M. le Président, il y aura un amendement. "L'article 1 de la Loi concernant la succession J. Roméo Pépin est remplacé par les suivants: "1. Le Trust Général du Canada, en sa qualité d'exécuteur testamentaire et fiduciaire de J. Roméo Pépin, en vertu du testament reçu devant le notaire Jean Guillet, le 26 juillet 1961, est, malgré les termes de ce testament, autorisé à remettre les neuf dixièmes du résidu des biens fiduciaires aux héritiers légaux du testateur au 19 avril 1980 suivant l'ordre des successions déterminé par le Code civil, tel qu'il se lisait à cette date. "1.1 Le Trust Général du Canada remet à l'évêque de Saint-Hyacinthe la partie du résidu des biens fiduciaires qui n'est pas distribuée en vertu de l'article 1. L'évêque de Saint-Hyacinthe distribue ces biens en bourses d'études pour la formation de prêtres à une faculté de théologie du Québec. Il accorde la priorité aux descendants d'un ' frère ou d'une soeur de J. Roméo Pépin."

Alors, cette division, en deux parties inégales, du résidu des biens fiduciaires me semble être un compromis acceptable, raisonnable entre l'intention du testateur et l'intérêt de sa famille, compte tenu du fait que l'intention du testateur ne peut être réalisée de la façon prévue au testament.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet amendement est adopté? M. le député de Saint-Laurent, sur l'amendement.

M. Leduc (Saint-Laurent): II me semble raisonnable. Dans le dernier paragraphe, vous dites: "II accorde la priorité aux descendants d'un frère ou d'une soeur de J. Roméo Pépin." À quelle époque? Quand? Est-ce que cela ne risque pas de créer des problèmes à savoir pendant combien de temps on gardera ce dixième? Il est possible qu'en l'an 2050 il y ait des descendants.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Leduc (Saint-Laurent): Peut-être pas si loin que cela, mais en tout cas.

M. Bédard: II n'y a pas à dire quand on cherche...

M. Leduc (Saint-Laurent): Bien, je ne sais pas là.

M. Beaupré: II faudrait peut-être revenir une autre fois devant cette noble commission pour qu'on puisse disposer

finalement de cette dernière somme.

M. Bédard: Non, non, mais il faut quand même qu'il y ait des déclarations d'intention. Voulez-vous qu'on regarde? Je pense que c'est une question qui se pose.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que le mot "descendants" comprend tous les...?

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Nous allons régler le cas -vous n'aurez plus à revenir devant cette noble assemblée, tel que vous dites - en biffant tout simplement "II accorde la priorité aux descendants d'un frère ou d'une soeur de J. Roméo Pépin." Alors, s'il y a des descendants de la succession qui...

M. Leduc (Saint-Laurent): On pourrait peut-être dire: Dans la mesure où il pourrait respecter...

M. Marx: II pourrait l'accorder.

M. Bédard: Autrement dit, s'il y en a qui peuvent être intéressés par la prêtrise, il y a toujours les 90% qui restent entre les mains des...

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Bédard: II y a un autre amendement, M. le Président.

Mme Lavoie-Roux: Les 90% ne resteront pas.

M. Leduc (Saint-Laurent): II n'en restera plus pour les prêtres.

Le Président (M. Rochefort): Juste un instant! Donc, vous suggérez de biffer la dernière phrase de votre amendement?

M. Bédard: C'est exact.

Le Président (M. Rochefort): Alors, est-ce que le sous-amendement est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté.

L'amendement est-il adopté? Adopté.

L'article 1, tel qu'amendé, est-il adopté? Adopté. M. le ministre.

M. Bédard: "La version française du préambule de la Loi concernant la succession J. Roméo Pépin est modifiée: 1 par le remplacement, à la quatrième ligne du premier alinéa, du mot "à" par le mot "au"; 2 par l'insertion, à la première ligne du cinquième alinéa, entre les mots "que" et "Trust" du mot "le". On peut s'apercevoir que c'est simplement une modification de concordance.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que les amendements sont adoptés? Adopté.

M. Bédard: Le préambule de la Loi concernant la succession J. Roméo Pépin est modifié par le remplacement du quatrième alinéa par les suivants: "Que le séminaire de Saint-Hyacinthe, depuis 1968, n'offre plus que le cours secondaire et qu'il est ainsi devenu impossible de réaliser la fin de la fiducie stipulée au testament, de la façon prescrite par le testateur; "Qu'aucun neveu de J. Roméo Pépin n'a bénéficié de la fiducie et que plusieurs descendants de ses frères et de ses soeurs résident à une grande distance de la région de Saint-Hyacinthe."

Nous déposons cet amendement. Autrement dit, plutôt que de dire que la fiducie s'est éteinte, il me semble plus exact de dire qu'elle ne peut plus être exécutée de la façon prévue par le testateur. Également, il apparaît important d'ajouter que cette fiducie n'aurait probablement qu'un effet limité.

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté.

M. Bédard: Un autre, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le ministre.

M. Bédard: "Le préambule de la Loi concernant la succession J. Roméo Pépin est modifié par le remplacement, aux deuxième et troisième lignes du sixième alinéa, des mots "indéfiniment entre les mains du Trust Général du Canada" par les suivants: "entre les mains du Trust Général du Canada jusqu'à l'expiration du délai prévu à l'article 932 du Code civil"."

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté?

M. Bédard: L'explication est que la fiducie prévue dans le testament de M. J. Roméo Pépin n'est pas une fiducie à des fins charitables puisque seuls des parents du constituant peuvent en bénéficier. Elle ne peut donc être perpétuelle et elle est soumise à l'article 932 du Code civil.

Le Président (M. Rochefort): Adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort); Adopté.

M. Bédard: Un dernier amendement, M. le Président, se lirait comme suit: "Le préambule de la Loi concernant la succession J. Roméo Pépin est modifié par l'addition, à la fin, des alinéas suivants: "Que certaines personnes qui, au moment du décès de J. Roméo Pépin, faisaient partie de ses héritiers légaux sont décédées entre le 26 septembre 1964, date du décès de J. Roméo Pépin, et le 19 avril 1980, date de la publication à la Gazette officielle du Québec du premier avis relatif à la présente loi, et que les héritiers légaux ou les légataires de ces personnes ne sont pas nécessairement des héritiers légaux de J. Roméo Pépin; "Que le Trust Général du Canada, le séminaire de Saint-Hyacinthe et l'évêque catholique romain de Saint-Hyacinthe consentent à l'adoption de la présente loi;"

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le préambule, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. L'article 2 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le titre du projet de loi est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Le projet de loi no 260, Loi concernant la succession J. Roméo Pépin, est adopté tel qu'amendé.

M. Bédard: M. le Président, je tiens à remercier Me Beaupré pour toutes les explications qu'il a pu donner aux membres de la commission. Peut-être que cela ne rejoint pas totalement ses représentations, mais je pense qu'on est en mesure de dire qu'essentiellement et très substantiellement cela va dans le même sens.

M. Beaupré: Substantiellement.

M. Bédard: J'espère que c'est un compromis dont vous êtes heureux.

M. Beaupré: 90%, c'est un bon score. M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes satisfait?

M. Beaupré: Merci.

Projet de loi no 254

Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc maintenant le projet de loi privé no 254, Loi concernant la succession de Eugène Gervais. Pendant que j'invite les procureurs de la succession à se présenter devant nous, j'inviterais Mme la députée de Johnson à nous présenter le projet de loi. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Le projet de loi no 254 est la Loi concernant la succession de Eugène Gervais. Je voudrais vous présenter Me Dominique Guenin, de Sherbrooke, qui est le procureur des héritières, Thérèse et Angèle Gervais. M. Guenin.

Le Président (M. Rochefort): M. le procureur, si vous voulez nous faire la présentation de votre projet de loi.

M. Guenin (Dominique): II s'agit de deux demoiselles qui ont au-dessus...

Le Président (M. Rochefort): Un moment, s'il vous plaît! M. le ministre?

M. Bédard: Non, non, cela va.

M. Guenin: ... de 50 ans et qui ont hérité du notaire Gervais, de Sherbrooke. Le notaire Gervais avait dans son testament légué, entre autres, à ces deux demoiselles, des biens immobiliers avec une prohibition d'aliéner. Nous pensons respectueusement qu'il faut se replacer à l'époque où cela a été fait. En 1948, l'inflation n'étant pas ce qu'elle était, les circonstances n'étant pas ce qu'elles étaient non plus, nous ne savons pas si le notaire Gervais avait pensé que les demoiselles se marieraient ou pas. Nous pensons que c'est pour cela qu'il avait mis une prohibition d'aliéner dans le but de donner des revenus stables à ces demoiselles et que, si elles se mariaient, possiblement, quelqu'un ne vienne pas s'intéresser plus à la dote qu'aux demoiselles en question. Toujours est-il qu'aujourd'hui ces demoiselles se retrouvent avec des immeubles qui sont assez importants physiquement et qui sont aussi assez importants quant à ce que cela leur coûte. Car, si vous l'avez remarqué, quand on a produit les bilans, les revenus que ces demoiselles retirent des immeubles ne sont pas suffisants, d'abord, pour les faire vivre, cela c'est déjà une chose; la deuxième chose, c'est qu'il y a une des deux demoiselles qui est même en déficit avec ses immeubles. Il s'agit de deux immeubles très importants en superficie et physiquement, et qui sont déjà

très vétustes, fort âgés. On voit aussi pourquoi les revenus ne sont pas très importants au niveau des loyers; c'est parce que les transformations utiles et nécessaires ne peuvent pas être faites. C'est pour cela que nous demandons la permission d'aliéner.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Pouvez-vous nous dire ce que l'ensemble de la succession représente en termes d'importance?

M. Guenin: En ce qui concerne les demoiselles Gervais, il y a seulement ces immeubles. Si on se base sur la valeur municipale, je pense qu'il s'agit de quelque chose comme 80 000 $, mais qui a déjà baissé. Il me semble qu'on a déjà produit des évaluations municipales de deux années et cela a baissé. Il y a eu d'autres biens, entre autres, qui ont été donnés, d'une part, à un frère de ces demoiselles, mais le frère a donné son consentement; sa part de succession n'a rien à voir avec cela. Il y avait aussi la mère de ces demoiselles qui avait l'usufruit de ces immeubles. La mère est décédée, tel qu'il apparaît au dossier. Est-ce que cela répond à votre question, M. le ministre?

M. Bédard: Globalement. M. Guenin: 80 000 $...

M. Bédard: Je vous pose beaucoup plus la question - je comprends que vous avez déposé des états financiers qui nous permettent de faire les vérifications - pour les fins du journal des Débats.

M. Guenin: Si mes souvenirs sont bons, pour votre question, quant aux demoiselles, c'est 80 000 $, 90 000 $.

M. Bédard: Dans certains cas, cela devient presque déficitaire. Vous nous dites que le revenu...

M. Guenin: Dans le cas d'une des deux demoiselles, c'est déficitaire. On a produit les bilans de deux années et il y a une année où cela est vraiment déficitaire, parce que cette demoiselle a dû faire des réparations importantes. Il y en a d'autres. Nous avons également produit, en plus des notes dactylographiées, des notes manuscrites de ces demoiselles qui nous disent: II y a cela, cela et cela à faire. Dans les "cela", il y a de la peinture, de la réparation de galeries, parce que ce sont des immeubles avec des escaliers extérieurs et des galeries. Ce sont de beaux immeubles pour le patrimoine, mais qui coûtent cher à entretenir.

M. Bédard: Le commerce de l'immeuble étant très fluctuant, on peut comprendre facilement que, quand on n'a pas de marge de manoeuvre, cela peut devenir difficile même de conserver ce qu'on a. Personnellement, comme membre de la commission, je n'aurais pas d'objection. Nous n'avons pas d'amendement à apporter. À partir du moment où l'Opposition croit aussi que...

Une voix: Pas de problème. M. Bédard: Cela peut aller.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si elles en disposent, est-ce que le produit leur appartient? Est-ce qu'il y a un droit de retour? À qui vont ces propriétés, à supposer qu'elles décèdent?

M. Guenin: Cela va à ces demoiselles.

M. Fortier: Mais la prohibition d'aliéner?

M. Guenin: Elles ont la prohibition d'aliéner, mais c'est leur propriété. Cela a été fait dans l'esprit où, si elles s'étaient mariées et avaient eu de la progéniture, il y aurait eu, j'imagine, le droit d'aliéner par testament. Cela, ce n'est pas prohibé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, mais cela va à quelqu'un. Si elles décédaient demain matin, à qui cela irait-il?

M. Guenin: Cela irait aux personnes qu'elles auraient mentionnées dans leur testament.

M. Leduc (Saint-Laurent): Qu'elles auraient mentionnées?

M. Guenin: J'imagine.

M. Leduc (Saint-Laurent): II n'y a pas de droit de retour? Parce qu'il y a une stipulation...

M. Guenin: Non, il n'y a rien de prévu à cet effet au testament du notaire Gervais.

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui, mais une prohibition d'aliéner, habituellement, cela entraîne un droit de retour. Si elles décédaient? Vous demandez qu'elles puissent disposer du produit, c'est cela?

M. Guenin: C'est cela, M. le député. (14 heures)

M. Leduc (Saint-Laurent): Si elles décédaient sans avoir disposé des propriétés,

à qui ces propriétés iraient-elles? En fait, elles pourraient en disposer par testament. Cela me semble contradictoire un peu. Je ne sais pas. Est-ce qu'elles peuvent en disposer par testament?

M. Guenin: Bien oui, puisqu'elles en ont la propriété. Elles en ont la propriété avec la prohibition d'aliéner, de vendre et d'hypothéquer.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais il y a toujours un but si on stipule une prohibition d'aliéner. Quel était le but?

M. Guenin: Leur assurer un revenu et, d'autre part, qu'elles ne puissent pas donner ces immeubles, j'imagine, à un mari qui serait intéressé plus par l'immeuble que par cette demoiselle.

M. Bédard: Je comprends très bien l'interrogation du député de Saint-Laurent. Peut-être que cela aiderait si nous ajoutions quelques informations. Le député de Saint-Laurent s'interroge effectivement à savoir, s'il y avait mort de personnes, s'il n'y aurait pas lieu de prévoir que ces biens reviennent dans la famille, enfin à des frères ou soeurs. Mais je suis en mesure de dire qu'il y a un frère. Ces demoiselles...

M. Guenin: Elles ont un frère, oui.

M. Bédard: ... elles ont un frère. Je puis dire que nous avons reçu une lettre de ce dernier disant ceci: "Je suis au courant que mes soeurs, Angèle et Thérèse, demandent un projet de loi privé pour le permis de vente des maisons. J'en connais la teneur et je n'ai pas d'objection. Signé: le frère de..." Effectivement, il serait le seul intéressé.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je n'ai pas regardé le testament. C'est simplement une question. Je pensais que vous vous étiez interrogé là-dessus.

M. Bédard: Oui, c'est cela. Non seulement nous nous sommes interrogés, mais il y a eu des communications avec le frère qui a fait connaître son désintéressement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais si le frère n'était plus là, cela pourrait être un autre héritier, un autre légataire possiblement.

M. Bédard: Je vous assure que, si le frère n'avait pas indiqué son désintéressement et en même temps son approbation, nous n'aurions peut-être pas eu la même attitude.

M. Marx: Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui pourraient avoir un intérêt dans cette affaire?

M. Bédard: Non.

M. Marx: Bien, s'il n'y a pas d'autres personnes et si les deux personnes concernées veulent qu'on fasse cette modification au testament, je n'ai pas d'objection. Si le ministre n'a pas d'objection, adopté.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 1 est adopté? Adopté. Article 2?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Annexe, adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Préambule?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Alors, le projet de loi no 254, Loi concernant la succession de Eugène Gervais, est adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté.

M. Bédard: Je vous remercie, Me Guenin, de ces représentations.

M. Guenin: C'est moi qui vous remercie. Merci, M. le ministre, M. le Président.

Projet de loi no 262

Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc maintenant l'étude du projet de loi privé no 262, Loi concernant la succession de Pierre Victor Rougier. Pendant que j'invite le procureur, Me Chantai Perreault, à prendre place, j'inviterais le député de Rousseau à nous faire la présentation du projet de loi qui est devant nous. M. le député de Rousseau.

M. Blouin: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui permettra au Trust Général du Canada d'utiliser des moyens plus efficaces pour faire fructifier les fiducies rattachées au testament de Pierre dit Victor Rougier. Je laisserai au procureur du Trust Général, Me Chantai Perreault, le soin de vous donner les détails supplémentaires.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Me Perreault, si vous voulez nous faire une présentation du projet de loi.

Me Perreault (Chantai): Le défunt Rougier a fait, par plusieurs actes de donation et un testament, des donations et des dispositions à des fins charitables envers plusieurs organismes dont, à titre d'exemple, la faculté de médecine de l'Université de Montréal, certains hospices, l'Union nationale française, la Maison canadienne des étudiants à Paris, deux sanatoriums antituberculeux. Ce sont des fonds qui ont été, par diverses dispositions testamentaires et des donations, donnés en fiducie au Trust Général du Canada afin que celui-ci les administre et distribue les revenus comme il était indiqué dans les actes. Le testateurs, en tant que donateur également, avait prévu que le fiduciaire, le Trust Général du Canada, devait répondre aux lois civiles du Québec en ce qui a trait à la gestion des biens appartenant à autrui, soit particulièrement au moment de la passation de ces actes-là, à l'article 981o du Code civil.

Comme on le sait, cet article a été changé par la suite pour donner des pouvoirs, au Code civil, un peu plus étendus aux fiduciaires. Comme une loi ne peut pas être rétroactive et le nouvel article 981o ne pouvait s'appliquer d'une façon rétroactive, aux fonds donnés par le testateur et donateur, c'est l'objet du présent projet de loi de vous demander de permettre au Trust Général du Canada de faire les placements conformément aux changements prévus par le législateur québécois par le nouvel article 981o. Cela ne change pas les intentions du testateur, qui voulait avoir des placements assez stables et assez sûrs tels que définis par le législateur québécois. Comme le législateur a cru bon, avec les données qui ont changé de nos jours au niveau des placements, de modifier l'article 981o, nous pensons que cela ne pourrait qu'être plus avantageux pour ceux qui reçoivent les revenus de ces donations et du testament de faire des placements selon les dispositions du nouvel article 981o du Code civil.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre.

M. Bédard: Me Perreault a donné, je pense, toutes les explications nécessaires. En gros, il s'agit d'avoir le droit de profiter des amendements qui ont été apportés au Code civil et qui sont de nature à donner plus de pouvoirs que les dispositions existant auparavant sous l'empire desquelles a été fait le testament. En ce qui nous regarde, cela ne change pas la nature du testament. Nous n'avons pas d'objection.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Juste une question. Combien d'argent y a-t-il maintenant dans la succession?

Mme Perreault: Je ne pourrais pas vous dire exactement à combien elle peut se chiffrer. J'ai fait un calcul rapide des sommes du testament et des donations et cela semble rouler autour de 200 000 $. C'est quand même une somme assez importante à investir et à bien placer pour créer des revenus intéressants.

M. Marx: Parce qu'on n'a pas reçu le dossier dans cette cause. Tout ce qu'on a reçu, c'est le projet de loi et le testament, mais on n'a pas d'autres documents qui se trouvent dans le dossier. De toute façon, nous sommes d'accord.

M. Bédard: II y aurait, cependant, une petite modification, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Elle serait dans le sens suivant: La version française du préambule du projet de loi concernant la succession de Pierre Victor Rougier est modifiée, à la dernière ligne du septième alinéa, par l'insertion d'un accent circonflexe sur la lettre "u" du mot "sures".

Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y aura débat sur cet amendement?

M. Bédard: C'est une correction d'orthographe.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 1 du projet de loi no 262 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Article 2?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Le préambule du projet de loi est-il adopté?

M. Bédard: Nous remercions Me Perreault pour ses représentations.

Mme Perreault: Merci beaucoup.

Le Président (M. Rochefort): Le projet de loi no 262, Loi concernant la succession de Pierre Victor Rougier, est adopté tel que corrigé.

Projet de loi no 269

Nous entreprenons maintenant l'étude du projet de loi privé no 269. Loi concernant la succession de Charles Sandwith Campbell. J'invite Me Marc Généreux à prendre place. Je crois que M. le député de Jean-Talon, parrain du projet de loi, est absent. Est-ce qu'il doit être présent parmi nous? Non. J'inviterais donc maintenant Me Généreux à nous faire la présentation du projet de loi qui est présentement devant nous.

M. Généreux (Marc): En fait, il s'agit d'un projet de loi visant à permettre au fiduciaire d'investir les sommes qui sont en sa possession dans des actions et des obligations cotées à toutes les Bourses canadiennes. Jusqu'à présent, ce qui était permis en vertu du testament, c'était d'investir lesdites sommes dans des actions et des obligations sur le marché de New York uniquement. Il se trouve qu'aujourd'hui, près de 60 ans après la confection du testament, les marchés boursiers au Canada ont évolué et il se trouve aussi que le fiduciaire, la compagnie Trust Royal, bénéficie d'une expertise certaine quant aux actions qui sont cotées sur les marchés canadiens. Cela aurait pour conséquence de faciliter grandement l'administration des sommes qui lui sont confiées que de les investir sur le marché canadien.

Par ailleurs, cela aurait également pour effet de diminuer les coûts parce que la compagnie Trust Royal doit requérir les services de conseillers juridiques canadiens et américains lorsqu'elle doit investir les sommes sur les marchés new-yorkais. C'est, en gros, l'essentiel du projet de loi et des changements demandés. Les sommes, qui sont affectées par ces dispositions, sont d'environ 2 700 000 $ à ce jour.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. le ministre.

M. Bédard: On voit que ce testament créait une fiducie dont l'objet est d'encourager les concerts les soirs d'été dans des endroits publics situés à proximité des quartiers populeux de la ville de Montréal. Est-ce qu'il s'en donne beaucoup?

M. Généreux: Disons qu'il y a plusieurs sommes qui ont déjà été déboursées. Maintenant, il est quand même assez difficile de choisir les différentes choses et de distribuer les montants comme il se doit. Les fonds sont très importants et c'est pourquoi il serait préférable que l'administration de ces sommes soit facilitée pour le fiduciaire.

M. Bédard: J'ai l'impression que vous n'avez pas tout à fait répondu à ma question. Est-ce qu'il s'en donne des concerts, conformément au testament?

M. Généreux: Oui, il s'en est donné, effectivement.

M. Bédard: II s'en est donné. Pouvez-vous me dire en quelle année? Je ne sais pas, cela peut vouloir dire...

M. Généreux: Je n'ai pas ces données au dossier.

M. Bédard: Au cours de l'année qui vient de se terminer, est-ce qu'il s'en est donné?

M. Généreux: Oui, effectivement, des sommes sont investies pour les concerts qui ont lieu. Il y a différentes fêtes dans le Vieux-Montréal, différents rassemblements, dont les principaux sont à l'époque de la Saint-Jean-Baptiste.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Le député de Maisonneuve, par exemple, peut vous en parler, parce qu'il y a un endroit au coeur de son comté où ces concerts ont lieu.

M. Bédard: C'est seulement une curiosité normale. Je me demandais quelles sommes cela peut représenter. J'imagine que vous n'êtes pas en mesure de nous le dire.

M. Généreux: Présentement, c'est environ 2 700 000 $ qui sont disponibles à ces fins-là.

M. Bédard: Cela ne peut pas être affecté seulement aux concerts.

M. Scowen: C'est probablement la moitié du budget pour la culture ici aujourd'hui.

M. Bédard: M. le Président, je n'ai vraiment pas d'objection.

M. Marx: À l'époque, est-ce qu'il y avait une raison pour mettre dans son testament que ce seraient des actions ou obligations cotées aux Bourses américaines?

M. Bédard: Probablement que la Bourse américaine était mieux cotée que la Bourse canadienne.

M. Marx: C'est peut-être encore cela.

M. Bédard: C'était en 1922, avant le "crash".

M. Généreux: Excusez-moi. C'était effectivement le cas. Ce qui arrivait, c'est

qu'il y avait beaucoup d'actions cotées sur le marché new-yorkais, alors que les titres étaient assez limités sur le marché canadien, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. (16 h 15)

Le Président (M. Rochefort): L'article 1 est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Article 2?

M- Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Préambule?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Donc, le projet de loi no 269, Loi concernant la succession de Charles Sandwith Campbell, est adopté.

M. Bédard: Me Généreux, merci de vos explications.

M. Généreux: Merci, M. le ministre.

Projet de loi no 278

Le Président (M. Rochefort): Nous entreprenons donc l'étude du projet de loi no 278, Loi concernant la succession d'Arthur Bousquet. Pendant que Me McCarty prend place, j'inviterais "le parrain" du projet de loi, Mme la députée de Dorion, à nous en faire la présentation.

Mme Lachapelle: M. le Président, je suis très heureuse de parrainer ou de "marrainer" le projet de loi no 278. Ce projet de loi privé demande l'autorisation de la Fiducie du Québec d'empiéter sur le capital de la succession de M. Arthur Bousquet, pour subvenir aux besoins de dame Goineau Bousquet actuellement atteinte d'une maladie sérieuse. Il me fait plaisir de vous présenter le procureur, Me Donald McCarty.

Le Président (M. Rochefort): Si vous voulez faire la présentation du projet de loi, s'il vous plaît.

M. McCarty (Donald): II s'agit d'une succession dans laquelle le testateur a légué l'usufruit et l'usage de ses biens à son épouse sa vie durant et la nue-propriété de ses biens à neuf institutions religieuses et charitables diverses. L'épouse du testateur est maintenant rendue à l'âge de 80 ans et commence à souffrir de diverses maladies incluant une paralysie totale du côté gauche. Elle a eu besoin, dans les récentes années, de soins médicaux qui dépassent la capacité de payer de la succession et ses propres moyens. C'est pour cette raison que nous nous adressons à l'Assemblée nationale dans le but de permettre que soient prodigués les soins médicaux nécessaires et utiles et, lorsque les revenus seront insuffisants, de toucher le capital de la succession afin de payer ces soins.

M. Bédard: Seriez-vous en mesure de nous dire ce que représente la succession?

M. McCarty: Le capital de la succession représente approximativement 570 000 $.

M. Bédard: 570 000 $.

Le Président (M. Rochefort): Avant qu'on arrive aux amendements, est-ce qu'il y a d'autres questions?

M. Marx: La dame en question, où est-elle logée présentement?

M. McCarty: Pardon?

M. Marx: Où est-elle logée? Où se trouve-t-elle?

M. McCarty: Chez elle.

M. Marx: Chez elle, pas à l'hôpital.

M. McCarty: Non. Elle reçoit des soins à la maison.

M. Marx: Elle reçoit des soins à la maison et elle doit elle-même payer pour ces soins.

M. McCarty: Oui.

M. Marx: À même ses propres fonds.

M. McCarty: C'est elle qui paie pour les soins à même les revenus de la succession et à même ses propres moyens qui sont utilisés presque au complet maintenant.

M. Marx: Les revenus de la succession, à ce moment-ci, de quel ordre sont-ils?

M. McCarty: Je crois qu'ils sont de l'ordre approximatif de 37 000 $.

M. Marx: 37 000 $. M. McCarty: Oui.

M. Marx: Et 37 000 $, ce n'est pas assez pour payer ces soins?

M. McCarty: Non. Elle a une paralysie totale du côté gauche, ce qui requiert la présence constante de quelqu'un à la maison pour l'aider à se déplacer de son lit, etc.

M. Bédard: 570 000 $. Vous dites que les revenus sont de l'ordre de 37 000 $.

M. McCarty: Si vous regardez la liste des obligations, que j'ai déjà versée...

M. Bédard: Ne trouvez-vous pas que c'est un peu bas, qu'il y aurait des possibilités d'avoir des revenus plus élevés?

M. McCarty: C'est bas, effectivement. Il y a beaucoup d'obligations qui sont là depuis un certain temps et qui ne rapportent qu'à des taux d'intérêt de 7% ou 8%.

M. Marx: C'est un investissement comme le fait notre gouvernement.

M. Bédard: Cela va. À ce moment-là, on pourrait dire que ce serait mieux de le placer à la Caisse de dépôt et placement.

M. Marx: Elle a besoin de combien par année pour ses soins?

M. McCarty: Environ 64 000 $, ce qui représente le coût des auxiliaires, infirmières et compagnons à la maison, 24 heures par jour.

M. Bédard: Elle est la seule héritière.

M. McCarty: Elle est la seule héritière et elle n'a pas d'enfants. Les plus proches membres de la famille sont un neveu qui est prêtre et un autre neveu qui est homme d'affaires, je crois.

M. Leduc (Saint-Laurent): A-t-elle des biens personnels?

M. McCarty: Elle avait un compte de banque et un compte de gestion avec la Fiducie du Québec qui, l'année passée, était d'une valeur approximative de 50 000 $. Elle a dû empiéter sur ce montant pour payer ses soins médicaux. Ce compte est maintenant rendu à environ 17 000 $. Il diminue de jour en jour.

M. Marx: D'après un état des revenus et des dépenses au 15 avril 1982, dressé par ses fiduciaires, la succession aurait un revenu annuel net de 54 654 $.

M. Bédard: Personnellement, je n'ai pas d'objection. Les membres de la commission ont-ils d'autres questions à poser?

Le Président (M. Rochefort): N'avez-vous pas des amendements, M. le ministre?

M. Bédard: Oui, mais peut-être qu'avant de procéder aux amendements...

Le Président (M. Rochefort): Oui, est- ce qu'il y a d'autres questions avant d'aborder les amendements? Pas d'autres questions?

M. Bédard: Avant de procéder aux amendements, j'aimerais savoir si l'Opposition a des objections.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Pas d'objection.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Pas d'objection?

Le Président (M. Rochefort): Non, c'est ce qu'on m'a indiqué.

M. Bédard: Alors, M. le Président, les amendements.

Le Président (M. Rochefort): L'amendement à l'article 1.

M. Bédard: L'article 1 de la Loi concernant la succession d'Arthur Bousquet est remplacé par le suivant: "1. Malgré le testament d'Arthur Bousquet fait le 22 janvier 1965, l'exécutrice testamentaire Alice Goineau, son mandataire, la Fiducie du Québec, ou tout autre mandataire nommé par l'exécutrice testamentaire est autorisé à empiéter sur le capital de la succession pour payer le coût des services à domicile d'infirmières ou d'autres professionnels de la santé qui seront utiles à Alice Goineau en cas de maladie sérieuse et prolongée."

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Est-ce que l'article 1, tel qu'amendé, est adopté?

M. Marx: Oui. J'aimerais poser une autre question au procureur.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Est-ce que la dame en question est lucide?

M. McCarty: Oui.

M. Marx: Elle est lucide?

M. McCarty: Oui, assurément.

M. Marx: La deuxième question: Est-

elle au courant que vous faites cette demande?

M. McCarty: Certainement. J'ai déposé au dossier une autorisation signée de sa part donnant droit à la Fiducie du Québec de s'adresser à l'Assemblée nationale. Ce mandat ou ces instructions sont au dossier.

M. Bédard: On aurait peut-être dû le mentionner tout de suite. Si nous n'avions pas eu cette autorisation, le projet de loi privé aurait eu peu de chances d'avancer.

M. Marx: II me semblait qu'il manquait une pièce au dossier; c'est pourquoi j'ai posé cette question.

M. Bédard: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Article 2, M. le ministre, vous avez un autre amendement.

M. Bédard: Oui. La version française de l'article 2 de la Loi concernant la succession d'Arthur Bousquet est modifié par le remplacement, à la deuxième ligne, du mot "le" par le mot "la".

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté? Adopté. L'article 2, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Article 3?

Mme Lachapelle: Adopté.

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté.

M. Bédard: Concernant le préambule...

Le Président (M. Rochefort): Juste un instant, je fais les écritures. Concernant le préambule, M. le ministre, vous avez des amendements.

M. Bédard: Le préambule de la Loi concernant la succession d'Arthur Bousquet est modifié par le remplacement, à la première ligne du premier alinéa, du nombre "1977" par le nombre "1973". C'est une correction sur l'année du décès.

Le Président (M. Rochefort): Cette correction est-elle adoptée?

Mme Lachapelle: Adopté.

M. Bédard: Un autre de concordance qui se lirait comme suit: Le préambule de la Loi concernant la succession d'Arthur

Bousquet est modifié par le remplacement des sixième et septième alinéas par les suivants: "Que le total des revenus de la succession et des revenus personnels de l'épouse du testateur est insuffisant pour combler le coût des services à domicile d'infirmières ou d'autres professionnels de la santé qui seront utiles à celle-ci si son état se détériore; "Que les neuf institutions religieuses et charitables que le testateur a instituées légataires à titre universel ont été avisées de la présentation de la présente loi et ne se sont pas opposées à son adoption."

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté? Adopté. Le préambule, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Bédard: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Le projet de loi no 278, Loi concernant la succession d'Arthur Bousquet, est-il adopté tel qu'amendé?

M. Bédard: Adopté. Nous remercions Me McCarty de son exposé.

M. McCarty: Je vous remercie, M. le ministre.

Projet de loi no 221

Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc, finalement, l'étude du projet de loi privé no 221, Loi concernant certains recours en matière de responsabilité médicale ou hospitalière. Pendant que les intervenants et procureurs prennent place, j'inviterais le député de Notre-Dame-de-Grâce, parrain du projet de loi, à nous en faire une présentation. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Merci, M. le Président. Pour le bénéfice de mes collègues ici cet après-midi, j'aimerais présenter un bref historique des événements qui nous ont amenés à cet aboutissement aujourd'hui. C'est un peu complexe, mais il est important que ce soit compris par tout le monde. Il s'agit de deux personnes qui, possiblement, au début des années soixante-dix étaient assujetties à un traitement médical erroné. On ne sait pas, mais c'est possible. Il s'agit de savoir si ces deux personnes peuvent intenter des poursuites contre soit l'hôpital, ou les médecins qui étaient impliqués à cette époque. Les deux personnes avisées sont M. Alfred Warf et M. Gaudreau. Dans le cas de M. Warf, qui est avec nous aujourd'hui, il a été opéré pour un poumon à l'hôpital Montreal Center, en 1970. Un poumon a été enlevé, il a été traité à l'aide d'un médicament qui, d'après certains experts

médicaux, l'a rendu complètement sourd. Il est aujourd'hui complètement sourd.

Dans le cas de M. Gaudreau, il a été victime d'un accident d'automobile, en 1969. Il a été hospitalisé à Saint-Jérôme, il a subi toute une série d'interventions médicales et chirurgicales. Finalement, sans aller dans tous les détails des interventions médicales, les deux personnes ont contacté un cabinet d'avocats à Montréal, en 1972, afin de poursuivre les hôpitaux ou les médecins ou les deux. Je dois ajouter, en passant, que M. Warf a fait appel à l'aide juridique au début et que cela a causé un petit retard, parce que l'aide juridique a été obligée de lui déclarer qu'il n'y était pas admissible. L'appel au cabinet d'avocats a été fait en 1973, au mois d'août, et le cabinet était en train de mettre ensemble le dossier quand une décision, au mois de juin 1974, de la Cour suprême a été rendue. Elle avait pour effet de réduire les délais permis pour un tel recours devant les tribunaux de 30 ans à une année. (16 h 30)

En conséquence, les avocats ont écrit à ces deux personnes pour leur dire que malheureusement à cause de cette décision de la Cour suprême, ils étaient obligés de fermer les deux dossiers, ce qui a été fait formellement par les avocats à l'époque. Cependant, le gouvernement du Québec a décidé d'agir et cette année même, au mois de décembre, le projet de loi no 90 était adopté ici à l'Assemblée nationale.

Une voix: ...

M. Scowen: En 1974, quelques mois après la décision de la Cour suprême. Ce projet de loi avait pour effet de fixer à trois ans les retards, les délais permis pour les poursuites de cette nature. Il y avait également à l'intérieur de ce projet de loi une clause, un article qui disait... Il semble que je ne l'aie pas avec moi, mais il disait effectivement que toute personne qui intentait une poursuite avant le 31 décembre de cette année, 1974, pourrait intenter cette poursuite même si la date dépassait les trois ans. Cependant, le projet de loi a été sanctionné le 24 décembre parce que le délai entre la sanction et la date limite était seulement d'une semaine, effectivement, la semaine entre Noël et le jour de l'an. Il y avait certaines personnes - les deux clients, le cabinet des deux personnes visées aujourd'hui - dont les poursuites n'avaient pas été intentées dans ce délai.

Le gouvernement a changé et en 1977, à la suite de certaines représentations qui ont été faites par les avocats de M. Warf, M. Gaudreau et d'autres personnes, le ministre de la Justice actuel a reconnu que les délais prévus dans la loi 90 étaient trop courts. Il a présenté dans le projet de loi no 65, au mois d'octobre 1977, quelques articles qui avaient pour effet de permettre à ces personnes dont les avocats n'avaient pas remarqué ce délai de sept jours, au cours duquel ils auraient pu préparer une cause pour leur client, d'agir.

Je cite le ministre dans son discours de deuxième lecture, parce que son objectif est très clair. Je le cite. C'est le ministre actuel qui est en face de nous aujourd'hui. Il a dit, et je cite: "À cause de la rapidité avec laquelle cette loi a été passée, et aussi en raison de l'absence presque complète de publicité autour de son adoption, plusieurs victimes dont les causes d'action remontaient avant 1972 et qui, malgré la loi, auraient pu, techniquement, dans la plupart des cas, faire revivre leurs droits, étant donné ces facteurs que je viens de mentionner, plusieurs individus n'ont effectivement pas fait valoir leurs droits en fonction de cette loi rétroactive qui avait été passée par le gouvernement précédent."

Je continue de citer: "Le projet de loi, en plus de permettre que les recours abandonnés puissent être exercés par les victimes, il convient de permettre l'annulation de transactions ou règlements. Cette législation - et c'est important, je pense - ne donne toutefois ouverture à des recours que dans la mesure où la victime prouve que c'est en raison de cette décision de la Cour suprême qu'elle n'a pas agi ou qu'elle a réglé ou s'est désistée de son action."

Je répète que c'était précisément à cause de cette décision de la Cour suprême que les avocats de M. Warf et de M. Gaudreau ont écrit à leurs clients pour les aviser qu'ils étaient obligés de fermer le dossier. Les articles pertinents dans le projet de loi no 65, ont été retirés durant le débat à la demande de l'Opposition libérale qui voyait dans l'affaire la possibilité, parce que c'était un projet de loi de nature publique, les dangers pour la rétroactivité générale. En conséquence, M. Gaudreau et M. Warf se trouvaient dans la même situation le lendemain de l'adoption de la loi no 65. L'avocat a, par la suite, contacté le ministre et lui a demandé d'agir avec un projet de loi plus limité. Le ministre a répondu d'une façon affirmative le 7 mars 1978. Il a écrit aux avocats des deux personnes visées, par l'intermédiaire de son chef de cabinet, et il disait: "Nous regrettons que l'article du projet de loi mentionné en rubrique - la loi 65 - ait dû être écarté à la suite des remarques et commentaires qu'ont formulés les députés de l'Opposition. Comme il nous faut conséquemment procéder par voie d'un projet de loi de député, il me fait plaisir de vous informer que M. Michel Clair, député de Drummond, verra au dépôt dudit projet devant l'Assemblée nationale." Et, fidèle à cet engagement, quatre mois plus tard, le 7

juin, M. Michel Clair a écrit aux avocats, disant: "J'ai déposé, en première lecture, il y a quelques jours le projet de loi no 190, dont copie est en annexe. Je m'excuse du long délai dû, comme vous le savez sûrement, aux multiples contraintes de la vie et de la procédure parlementaires." Je dois vous dire qu'on était en 1978 et que les deux victimes avaient porté plainte depuis 1972.

Je continue cet historique.

Je pense que je peux dire que rien n'a été fait pendant deux ans. Le projet de loi n'a jamais été présenté pour débat. Le député, M. Clair, est devenu ministre, donc incapable de continuer ce projet de loi. Le seul document important que je trouve au dossier pendant cette période est une lettre du ministre au début de l'année 1979 dans laquelle, à la suite d'une question qui était posée par les avocats quant à la disposition du projet de loi et à ce qui pouvait arriver de lui, il a proposé aux avocats d'obtenir l'assentiment de tous les membres de l'Assemblée nationale, donc de l'Opposition, et du barreau.

Une voix: Ce n'était pas un gouvernement solide.

M. Scowen: Alors, je continue..

M. Marx: Je pense que ce serait mieux de...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaîtl M. le député de Notre-Dame de Grâce, vous pouvez poursuivre.

M. Scowen: J'essaie de faire une présentation aussi équilibrée que possible. Je ne parle pas comme juriste. Il y en a plusieurs ici qui vous expliqueront l'affaire d'une façon plus technique après. Au début de l'année 1981, M. Warf, qui est l'une des personnes visées et qui habite mon comté, est venu me voir. Il avait attendu depuis huit ans. J'ai pris connaissance de ce dossier pour la première fois. C'était quelques semaines seulement avant l'élection générale de 1981. Je me suis engagé auprès de M. Warf à m'occuper de son cas immédiatement après notre victoire d'avril 1981.

M. Bédard: Un engagement personnel, vous voulez dire?

Une voix: Ce qui est dit est dit.

M. Scowen: À l'automne 1981, je suis entré en communication avec le bureau du ministre de la Justice et son adjoint, M. Grenier, qui est avec nous aujourd'hui. Ils m'ont encouragé à présenter un autre projet de loi privé pour régler le cas de ces deux personnes, ce que j'ai fait.

Je dois vous dire que c'était ma première expérience dans ce domaine; c'est très long de préparer un texte et de s'entendre avec tout le monde. À la demande du ministère de la Justice, j'ai fait approuver la loi par le ministère des Affaires sociales et par le bureau de la législation de l'Assemblée nationale. Le projet de loi a été déposé au mois de juin.

M. Bédard: Je vous interromps sur ce point.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Je voudrais qu'il soit clair que devant vos intentions de revenir à la charge, effectivement, nous vous avons offert toute l'aide technique, mais je ne crois pas qu'on puisse dire que nous avons approuvé le projet de loi. Mais, cela nous a fait plaisir et je ne veux pas dire par là que je le désapprouve, non plus, mais simplement pour la véracité des faits parce que lorsqu'un député, qu'il soit de l'Opposition ou du côté gouvernemental, a à préparer quand même une pièce de procédures qui n'est pas facile à préparer quand on n'y est pas habitué et même pour les habitués, je pense que cela n'est que normal que nous offrions nos services techniques afin que la présentation soit la meilleure possible pour prendre également la décision la plus indiquée. Je pense qu'on se comprend.

M. Scowen: Tout ce que je peux vous dire en réponse, M. le ministre, c'est que votre ministère, votre cabinet, et vous, m'avez clairement indiqué que selon vos gestes précédents en présentant le projet de loi no 65, vos déclarations pendant ce débat et les engagements que vous avez pris dans la lettre que vous avez écrite aux avocats, M. Warf et M. Gaudreau, au sujet de la loi no 190, que même si vous ne pouvez pas approuver la loi dans le sens formel, c'était une cause dans laquelle vous avez déjà manifesté un intérêt positif.

M. Bédard: Effectivement, j'ai manifesté un intérêt très positif étant donné la nature des faits. On est à même de le constater par les gestes posés...

M. Scowen: Voilà!

M. Bédard: ... de même que d'évaluer les gestes posés par l'Opposition dans les circonstances...

M. Scowen: Voila! Je pense que je peux dire...

M. Bédard: Je pense que tout à l'heure nous aurons à... Et je n'ai pas cessé cet intérêt de voir qu'on ait une chance d'en

discuter à fond...

M. Scowen: Je pense qu'on se comprend.

M. Bédard: ... ici parmi les membres de la commission afin de prendre la meilleure des décisions possible.

M. Scowen: On peut presque dire que dans les faits, il y a les indications que c'était le gouvernement qui essayait de faire adopter une loi devant la résistance de l'Opposition. Je pense que cela aussi serait peut-être une exagération, mais on peut arriver à cette opinion d'un rappel de l'historique de l'affaire. De toute façon, la loi a été déposée au mois de juin de cette année et pour donner à tous les intéressés le temps nécessaire de présenter l'opposition et on se trouve aujourd'hui devant le débat en commission parlementaire visant ce projet de loi. Effectivement, ce que le projet de loi vise, l'objectif du projet de loi - et je termine là-dessus - c'est de permettre à ces deux personnes qui étaient prises par une conjoncture juridique difficile que j'ai racontée, d'avoir recours aux tribunaux pour déterminer si oui ou non il y avait erreur de la part, soit des médecins ou, soit des hôpitaux concernés. Pas question aujourd'hui de donner une opinion sur la justesse de leur cause, pas question de décider si les requérants ont raison ou ont tort. C'est seulement de leur donner le droit de se présenter devant les tribunaux pour que ce problème soit réglé par les juges. Alors, j'ai essayé d'être le plus juste possible. Le seul point sur lequel le ministre a hésité un peu, on l'a assez expliqué des deux côtés. (16 h 45)

M. le Président, je pense qu'il y a un certain nombre de personnes qui veulent intervenir et je vais vous laisser le droit de décider de l'ordre.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Dans un premier temps, nous entendrons le procureur, Me Richard, ajouter, peut-être, à la présentation que vient de nous faire le député de Notre-Dame-de-Grâce. Par la suite, nous entendrons les différents intervenants qui ont manifesté leur intention de se faire entendre par les membres de la commission sur ce projet de loi. Me Richard.

M. Richard (Michel): M. le Président, je crois que le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. Scowen, a très bien exposé le problème.

M. Marx: M. le Président, est-ce que vous ne pourriez pas demander à chacun des intervenants de nous dire pour qui ils vont agir?

Le Président (M. Rochefort): C'est effectivement mon intention. Mais, dans un premier temps, Me Richard est procureur, j'imagine, des deux personnes concernées par le projet de loi. Ensuite, au fur et à mesure qu'on entendra les différents intervenants, évidemment, on leur demandera d'identifier les gens qu'ils représentent. Me Richard.

M. Richard (Michel): D'accord. Comme je le disais, M. Scowen a très bien exposé le problème. La seule chose que j'aimerais ajouter, ce sont des commentaires sur ce qui s'est passé à la fin de 1974. Je crois que tout le problème tourne autour de cela. Le 12 juin 1974, la Cour suprême rend une décision qui prend la prescription de trente ans qui était admise de tous pour des cas comme celui-ci et décide qu'il s'agit plutôt d'une prescription d'un an. Au moment où cette décision est rendue, les dommages ont été causés plus d'un an auparavant, alors nos clients se retrouvent sans recours. On leur écrit, on leur dit qu'ils n'ont plus de recours. On ferme notre dossier.

Dans les mois qui ont suivi, il y a une loi qui est adoptée par l'Assemblée nationale, qui devient le chapitre 80 des lois de 1974, qui prévoit, comme M. Scowen l'a dit tantôt, que si une action est prise avant le 1er janvier 1975, même pour des actes fautifs posés avant le 1er janvier 1972, le recours est bon. Mes confrères qui sont ici vont certainement nous reprocher de ne pas avoir pris cette action quand on a eu vent du projet de loi en question ou après sa sanction. J'aimerais insister sur le fait qu'il est pratiquement impossible de prendre une action quand on a un dossier fermé en moins d'une semaine ou même en moins de deux ou trois semaines. Mes confrères qui pratiquent pourront certainement attester de cela. Il aurait fallu qu'on obtienne un nouveau mandat de nos clients, qu'on finisse de compléter nos dossiers et qu'on prenne action. De plus, comme M. le ministre a fait remarquer dans l'allocution qu'il a faite au sujet du projet de loi no 65, en 1978, le projet de loi en question avait été adopté presque sans publicité, de sorte qu'on n'a pas appris l'existence de ce projet de loi avant le mois de décembre. Par ailleurs, je ne crois pas qu'on puisse demander à des avocats de prendre une action au nom de leurs clients sur la foi d'un simple projet de loi, puisque, comme vous le savez tous très bien, un projet de loi est souvent modifié. C'est arrivé au projet de loi no 65 et cela aurait pu arriver au projet de loi qui a précédé la loi no 80 de 1974. Comme M. Scowen l'a dit, il y eu seulement une semaine entre la sanction du chapitre 80 et son entrée en vigueur. Je crois qu'il serait tout à fait inique de refuser à M. Warf et à M. Gaudreau le droit d'aller voir un juge, simplement parce qu'il y a eu une période

d'une semaine pendant laquelle ils auraient pu intenter action.

Je voudrais terminer en disant que j'ai vu moi-même le dossier de M. Warf au Montreal Chest Hospital. J'ai vu des extraits du dossier de M. Gaudreault de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme. Les dossiers existent encore, les dossiers sont encore complets. On a réussi à retracer les médecins qui se sont occupés de ces patients. Je ne vois pas quel préjudice serait causé au défendeur par le retard qui s'est écoulé entre 1974 et aujourd'hui. Merci.

Le Président (M. Rochefort):

Maintenant, j'inviterais, dans l'ordre prévu à l'ordre du jour, Me Édouard Martin, représentant le Centre hospitalier thoracique, à nous faire part de ses opinions sur cette question.

M. Martin (Édouard): Nous avions convenu que l'avocat qui représente l'hôpital ou le Dr Wilson parlerait le premier. Nous avions convenu cela entre nous. Je me demande si on ne pourrait pas respecter...

Le Président (M. Rochefort): Nous ne nous y opposons pas. Vous pouvez y aller dans l'ordre, en nous indiquant qui vous êtes et qui vous représentez.

M. Chénier (Robert): Mon nom est

Robert Chénier. Je suis avocat. Je représente le Dr James Wilson qui, à une certaine époque, a soigné un des intéressés, M. Warf. C'est un des médecins qui l'ont soigné.

En premier lieu, j'aimerais noter que le projet de loi no 221 dit dans son préambule que Paul-Henri Gaudreau et Alfred Henry Warf n'ont pas pu se prévaloir de cette loi pour intenter leur action. La loi à laquelle on fait référence, dont ils affirment ne pas avoir pu se prévaloir est le chapitre 80 des lois de 1974. C'est cette loi, par laquelle le Code civil a été modifié pour y incorporer l'article 2260a, qui prévoit une prescription de trois ans en matière médicale. Cette loi contient aussi des dispositions transitoires. Je prétends devant cette commission parlementaire que M. Warf et M. Gaudreau auraient pu se prévaloir de cette loi qui a été adoptée en décembre 1974.

En effet, l'article 5 de cette loi stipule que la prescription du paragraphe 2262.2 du Code civil, soit la prescription d'un an applicable en matière de blessures corporelles et la prescription de l'article 2260a du Code civil, c'est-à-dire la prescription de trois ans en matière médicale, ne s'appliquent pas à toute action ou instance pendante devant un tribunal au 1er janvier 1975. Même si la cause d'action a pris naissance avant le 1er janvier 1972.

Dans le cas qui nous intéresse, M.

Gaudreau, selon la lettre de son procureur transmise à l'Assemblée nationale, aurait constaté une faute le 7 octobre 1969. Il aurait consulté son avocat le 15 août 1972. Donc, entre la date de la constatation de la faute et la date où l'avocat est consulté et la date limite du 1er janvier 1975 pour toute action pendante - qui est l'exception prévue à la loi - il y a deux ans et demi pour le délai après la consultation avec l'avocat et plus de cinq ans après la date de la commission de la faute. Ainsi, dans le cas de M. Gaudreau, si une action avait été intentée dans les cinq ans suivant la faute, étant donné que l'instance aurait été pendante devant les tribunaux pour une faute commise avant le 1er janvier 1972, mais pendante au 1er janvier 1975, il aurait bénéficié de l'exception à la loi.

La même chose vaut pour M. Warf dont le préjudice s'est manifesté en décembre 1970, soit avant le 1er janvier 1972 et qui a consulté son avocat le 22 août 1973. Donc, il avait quatre ans - jusqu'au 1er janvier 1975 - pour intenter son action et plus d'un an et demi après avoir consulté son avocat.

Donc, je pense qu'on ne peut pas affirmer que ces deux citoyens n'ont pas pu se prévaloir de cette loi. Si eux-mêmes avaient donné instruction à un procureur pour qu'il intente action ou si les procureurs qu'ils ont consultés avaient intenté action dans l'année et demie ou dans les deux ans et demi, à la suite de la réception du dossier, l'action aurait été pendante devant un tribunal au 1er janvier 1975. Ils ne seraient pas affectés ni par la prescription d'un an, ni par la prescription de trois ans. On peut donc croire que ce serait la prescription de 30 ans qui s'appliquerait.

M. Marx: J'aurais seulement une petite question. Puis-je interrompre parce qu'il serait difficile de revenir sur tout cela après?

Le Président (M. Rochefort): Est-il préférable d'entendre les représentations des différents intervenants?

M. Marx: Oui.

Le Président (M. Rochefort): Si vous vouiez poursuivre.

M. Scowen: Nous allons entendre tous les intervenants et nous poserons les questions ensuite?

Le Président (M. Rochefort): Oui, c'est cela.

M. Chenier: Je note encore, concernant ces deux citoyens, qu'il n'y a eu aucune procédure intentée par leurs instructions malgré que les procureurs aient été consultés

et aient eu le dossier pendant deux ans et demi ou un an et demi avant la date limite du 1er janvier 1975. En fait, la première lettre que mon client, le docteur Wilson, reçoit concernant cette affaire est une lettre disant que nous procéderons aujourd'hui à l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire, lettre que lui envoient les procureurs de M. Warf le 6 décembre 1982, plus de douze ans après les événements.

On a aussi parlé rapidement du projet de loi no 65 qui, en 1977, visait justement à faire revivre des actions prescrites pour des actes posés avant le 1er janvier 1972. Il s'agissait, en effet, de l'article 10 du projet de loi no 65 en vertu duquel une victime qui n'avait pas intenté une action pouvait demander la permission à un juge d'intenter une action en responsabilité médicale ou hospitalière dans le cas d'un préjudice résultant d'un acte médical posé avant le 1er janvier 1972.

Lors du débat sur ce projet de loi no 65, en deuxième lecture, le député de Mont-Royal, M. Ciaccia, a fait certaines représentations au ministre de la Justice, en l'occurrence, M. Bédard. Après avoir fait l'historique de la loi de 1974, le chapitre 80 connu sous le nom de projet de loi no 92, M. Ciaccia a fait remarquer qu'il y avait eu des représentations faites par le barreau au gouvernement indiquant que cet article, qui faisait l'objet de la décision de la Cour suprême, devait être amendé. Il parlait des représentations faites avant la loi de 1974.

M. Ciaccia notait qu'on avait prévu des exceptions dans le projet de loi de 1974 dont, notamment, toutes les actions pendantes au 1er janvier 1975. Concernant l'article 10 du projet de loi no 65, M. Ciaccia disait: "On en arrive à la question des trois ans, commençant le 1er janvier, et cela fait partie du chapitre 80 des lois de 1974. C'était une loi qui s'intitulait Loi modifiant certaines prescriptions. Aujourd'hui, nous avons devant nous un projet de loi, comme le député de Saint-Louis l'a dit, qui porte la marque de commerce de la rétroactivité du gouvernement, qui veut encore rouvrir le dossier du même problème qui avait été résolu en 1974. En 1974, il y avait une raison spécifique, la décision de la Cour suprême qui n'était pas acceptable par ceux qui étaient directement affectés. En légiférant d'une façon rétroactive, c'est une loi d'exception et cela a été fait dans un but spécifique avec la publicité qui a été faite à ce moment-là. Aujourd'hui, la question est rouverte."

Ce à quoi le ministre de la Justice répliquait: "Avec la permission de mon collègue, il est exact que le bâtonnier m'a fait des représentations cet après-midi sur cet article 10 et je pense que la même chose a été faite auprès de mon collègue. Je vais trouver le moyen, d'ici à ce que nous procédions à l'étude article par article, de faire l'évaluation de tous les éléments qui ont été portés à ma connaissance par le barreau."

Le député de Nicolet-Yamaska, M. Fontaine, lors de la même séance, a continué le même raisonnement sur l'effet rétroactif de cet article 10 du projet de loi no 65 qui ultimement a été retiré du projet de loi. "Sur l'autre question fondamentale, dit-il, de la rétroactivité et de la prescription, je pense que le barreau a fait des remarques pertinentes là-dessus. Le ministre a sûrement reçu une copie des représentations qui ont été faites. Là-dessus, je partage l'opinion du député de Mont-Royal. Il s'agit d'une rétroactivité par-dessus une rétroactivité qui avait déjà été accordée. À ce moment, les gens qui pourront être poursuivis à la suite du prolongement de cette prescription, on se demande jusqu'à quel point ils seront en mesure de se défendre lorsqu'ils seront poursuivis plusieurs années après que l'acte aura été posé. De ce côté, il va falloir absolument que le ministre tienne compte, d'une façon rigoureuse, des remarques qui lui ont été faites par le barreau. (17 heures) "Le ministre a mentionné, dans son discours, qu'il y avait eu un manque de publicité lors de l'adoption de la loi en 1974 - je fais remarquer que le procureur des deux patients concernés fait la même remarque aujourd'hui - ce à quoi le député de Nicolet-Yamaska répond, en 1977: Je me permets de lui citer entre autres un passage de la lettre du bâtonnier qui dit: De plus, la mesure de clémence qui donnait des effets rétroactifs accordés par la loi de 1974 avait été abondamment rendue publique à l'époque et par les journaux et par les organes d'information du barreau. Le Journal du barreau en avait fait état et, bien plus, le barreau avait transmis, dès le 20 décembre 1974, un barreaugramme à tous les avocats individuellement pour les informer de la nouvelle législation.

De ce côté, la publicité a été amplement faite. S'il y a des gens qui ont été négligents, ils doivent s'en mordre les pouces. Actuellement, si vous oubliez de poursuivre, à la suite d'un accident d'automobile où il y a eu des blessures corporelles, à l'intérieur de l'année, vous perdez votre droit de recours. C'est la négligence des gens qui a fait qu'ils n'ont pas pu effectuer ce recours.

Je pense que les remarques du barreau sont tout à fait pertinentes, commente le député de Nicolet-Yamaska après avoir cité cet extrait de la lettre du bâtonnier.

Lors de la troisième lecture de ce projet de loi no 65 qui a eu lieu le 9 novembre 1977 lors de l'étude article par article, le ministre de la Justice, M. Bédard, disait: "L'article 10 est retiré, M. le

Président. Des représentations ont été faites par le barreau qui, simultanément, je crois, a porté ces représentations-là aussi à l'attention de l'Opposition lors du discours de deuxième lecture. J'avais indiqué qu'à la suite des représentations faites par l'Opposition je verrais à réévaluer la situation." Effectivement, l'article 10 n'a pas fait partie de la loi 72 qui a été adoptée en 1977.

Je pense donc que la question a déjà été débattue de façon générale. Des exceptions ont été prévues en 1975 et les deux individus auraient pu s'en prévaloir parce que rien ne les empêchait d'intenter leur action dans les jours qui ont suivi la connaissance qu'ils ont eue de la faute, soit en 1972 ou en 1973. Ils n'étaient pas obligés d'attendre la fin de la période de prescription de 30 ans. Dans la mesure où ces gens-là auraient pu se prévaloir de la loi qui prévoit une exception à l'article 5 pour toute action pendante devant un tribunal au 1er janvier 1975, j'estime que le projet de loi est redondant. La matière est déjà couverte dans la loi de 1974 et a déjà été couverte dans le projet de loi no 65.

Enfin, je ferai remarquer que la loi constituerait, si adoptée, un précédent des plus néfastes faisant revivre un droit éteint, consacrant un principe de rétroactivité sur rétroactivité et ouvrant la porte à des multitudes de demandes de projets de loi privés semblables pour remédier à des prescriptions échues.

Quant à la position du barreau, j'aimerais faire remarquer que le procureur des deux patients concernés, dans les représentations qu'il fait à l'Assemblée nationale, souligne encore une fois que, lorsqu'il s'est réadressé au barreau, le barreau a refusé de réviser sa position.

M. Bédard: Voulez-vous répéter?

M. Chénier: Dans sa lettre qu'il adresse à l'Assemblée nationale, le procureur des deux patients mentionne que, s'étant adressé au bâtonnier du barreau de Montréal, celui-ci a préféré ne pas lui accorder son appui et que, lorsqu'il a communiqué à nouveau avec le barreau du Québec, le barreau du Québec a refusé de réviser sa position qui avait été adoptée en 1977 lors du débat sur l'article 10 du projet de loi no 65.

Je pense que le ministre de la Justice, en 1977, a, à bon droit, accepté et adopté les recommandations et qu'en étant consistant dans sa pensée il pourrait en faire de même aujourd'hui concernant ce projet de loi privé. Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: Juste sur ce point...

M. Marx: M. le ministre, il m'a donné la parole.

M. Bédard: En termes de continuité, j'avais... Deux secondes.

M. Marx: Je m'excuse, le Président m'a donné la parole mais je vais vous la céder si vous insistez tellement.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Juste une petite remarque... Remarquez que j'avais deux pensées: Celle de corriger une situation et celle d'être obligé, à un moment donné, de tenir compte des représentations de l'Opposition et des représentations du barreau, ce qui, je dois vous le dire, ne diminuait quand même pas mon intention d'attacher de l'importance à corriger une certaine situation.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Avec le consentement des membres de cette commission, j'aimerais maintenant poser quelques questions. On nous a expliqué les deux côtés de la médaille. Je pense que les autres explications seront dans le même sens. S'il y a des avocats qui ont quelque chose à ajouter qui soit différent et de nature à nous éclairer sur un autre point, peut-être peut-on les entendre avant. Mais si c'est juste une répétition.

M. Auclair (Claude): Si vous me le permettez.

Le Président (M. Rochefort): Un instant. M. le ministre.

M. Bédard: Je suis d'accord pourvu que ce ne soient pas des répétitions.

M. Marx: On connaît le problème.

M. Bédard: Je pense qu'on veut continuer à suivre la ligne de conduite que vous nous avez indiquée, à savoir d'entendre toutes les personnes qui ont des représentations à faire.

Le Président (M. Rochefort): Toutefois, je vous inviterais, pour ceux qui suivront, à éviter de répéter des arguments qui auraient déjà été évoqués pour nous permettre de disposer quand même assez rapidement du projet de loi. J'inviterais l'intervenant suivant, à la suite de l'entente.

M. Martin: Je suis Édouard Martin, avocat du bureau Gagnon, de Billy et

associés, à Québec, et je représente le Centre hospitalier thoracique de Montréal. Je fais miens, évidemment, tous les éléments de l'opposition présentés par mon confrère, Me Chénier. Je veux simplement souligner les iniquités que causerait ce projet de loi s'il était adopté. Je vais vous les signaler dans l'ordre où ils me viennent à l'esprit, tout en vous mentionnant qu'il y en a d'autres que j'oublie certainement.

Le Centre hospitalier thoracique de Montréal, au moment où je vous parle, possède un moyen de défense. On le lui enlèverait rétroactivement avec toutes ses conséquences, c'est-à-dire qui assure cette perte, parce que le Centre hospitalier thoracique de Montréal est probablement assuré pour des problèmes qui se sont présentés au cours des dernières années, mais il n'est probablement pas assuré pour des problèmes qui se sont présentés il y a douze ou treize ans. Les employés de l'hôpital. N'oublions pas que le projet de loi dit que...

M. Marx: Je n'ai pas saisi le point. L'hôpital va avoir un moyen de défense. C'est quoi? La prescription?

M. Martin: Oui, la prescription.

M. Marx: C'est le moyen de défense. D'accord.

M. Martin: C'est un moyen de défense que le Centre hospitalier thoracique de Montréal possède et on le lui enlèverait rétroactivement avec toutes les conséquences.

M. Marx: Mais ce n'est pas le seul moyen de défense. Il y a un autre moyen de défense possible aussi...

M. Martin: Bien sûr.

M. Marx: ... de prouver que l'hôpital n'était pas responsable.

M. Martin: Bien sûr. Mais lorsqu'on est...

M. Bédard: II peut être moins sûr comme moyen.

Des voix: Ah!

M. Martin: La prescription est, évidemment, un moyen de défense très fort dans le cas de ce dossier en particulier.

M. Marx: ...

M. Martin: On n'a aucune raison de lui enlever ce moyen rétroactivement. Je parlais des employés de l'hôpital qui peuvent très bien ne plus être des employés de l'hôpital aujourd'hui. Je vous souligne que l'article 2 du projet de loi prévoit que le demandeur pourrait réclamer en justice des dommages et intérêts de toute personne qu'il allègue être responsable d'un préjudice. Qui va défendre ces personnes? Sont-elles solvables aujourd'hui? Vont-elles devenir insolvables par l'effet d'une action intentée contre elles? Sont-elles assurées? Voilà autant de questions que ces personnes devront se poser.

M. Bédard: Voulez-vous répéter? Vous dites "toute personne". Le précédent...

M. Martin: Le projet de loi dit que Alfred Henry Warf peut réclamer en justice des dommages et intérêts de toute personne qu'il allègue être responsable d'un préjudice qu'il prétend dû à un acte médical accompli entre le 2 septembre 1970 et le 13 février 1971.

M. Bédard: Cela va, Me Martin.

M. Martin: Cela inclut les membres du personnel de l'hôpital qui auraient pu, dans l'esprit ou dans les allégués de M. Warf, commettre une faute. Ces gens étaient peut-être assurés à l'époque, mais ils ne le sont probablement plus aujourd'hui. Ces gens vont devoir se défendre contre une action d'une certaine importance. Le projet de loi nous fait voir que la personne réclame pour l'incapacité résultant d'une surdité à peu près complète. Il s'agit d'une loi qui donnerait...

M. Marx: M. le Président, j'aimerais poser une question technique. Peut-être que l'avocat qui plaide pour l'hôpital ou qui fait un exposé au nom de l'hôpital pourrait m'éclairer sur cette question.

Autrefois, avant 1974, il y avait une prescription de 30 ans.

M. Martin: Ce n'est pas exact. Autrefois, il y avait une discussion entre les avocats. Beaucoup d'avocats croyaient et croient toujours que la prescription était d'un an. Il y avait une discussion et il était loin d'être clair que la prescription était de 30 ans.

M. Marx: Est-ce que les cours ont accepté des actions après un an, deux ans, cinq ans, dix ans, quinze ans ou vingt ans?

M. Martin: II y en a eu; il y a eu aussi des actions de rejetées durant le même temps. Ce n'est que lorsque la Cour suprême du Canada a tranché le débat, en 1974, que nous avons réellement connu l'application du deuxième paragraphe de l'article 2262.

M. Marx: En quelle année les cours

ont-elles commencé à rejeter les actions faites au-delà d'un an?

M. Martin: Bien avant. Il y a toujours eu des actions rejetées. Il y a eu, en contrepartie, des actions qui n'ont pas été rejetées, qui ont été continuées. L'arrêt Patry, de la Cour suprême du Canada, est une de ces actions où on a permis de continuer. Si ma mémoire est bonne, l'action avait été rejetée en première instance et c'est la Cour d'appel qui avait, dans un jugement qui en avait surpris plusieurs, maintenu une prescription de 30 ans.

M. Marx: Je ne connais pas la jurisprudence; j'avoue que je n'ai pas étudié la jurisprudence ce matin, avant la commission. C'est dire que pendant des années il y avait deux courants de jurisprudence.

M. Martin: II y avait une incertitude.

M. Marx: Est-ce que c'était la jurisprudence de la Cour d'appel du Québec? Si tout ce que vous avez dit est correct, il y avait une insécurité en matière de prescription, c'est-à-dire que ce n'était pas clair pour tout le monde pendant des années.

M. Martin: II y avait une incertitude.

M. Marx: Depuis quelle année?

M. Martin: Depuis plusieurs années.

M. Marx: Depuis cinq ans, dix ans?

M. Martin: Non. Le professeur Paul-André Crépeault, dans son étude sur la responsabilité médicale, en 1961, avait déjà fait valoir cette incertitude qui existait déjà à l'époque, qui a persisté durant plusieurs années et qui n'a été tranchée qu'en 1974. Auparavant, les tribunaux ont toujours trouvé le moyen d'éviter la question, si vous me permettez l'expression, en trouvant, par exemple, des motifs d'interruption ou des motifs de suspension de prescription. D'ailleurs, si vous lisez la lettre qui provient des avocats de MM. Warf et Gaudreau, en date du 16 juillet 1982, vous allez voir que cette lettre contient certains éléments qui auraient permis à un tribunal, en 1974, de trouver des motifs d'interruption ou de suspension de prescription. Par exemple, le dommage était progressif chez M. Warf. On voit, par exemple, à la page 2 de la lettre, que ce n'est qu'au mois de mai 1973 que M. Warf a constaté qu'il était complètement sourd. Le problème était progressif. Quelle est la date de la constatation du dommage? C'est peut-être seulement en mai 1973. Si bien qu'il n'est pas sûr que si une action avait été intentée elle aurait été déclarée prescrite. (17 h 15)

M. Marx: Du côté de l'hôpital, en 1972 ou en 1970, comme tout le monde est censé connaître la loi, l'hôpital est censé connaître la loi étant donné les avocats qui sont à son service et était au courant qu'il pourrait y avoir des actions intentées pour des actes médicaux qui ont eu lieu en 1970 ou des actions mêmes à la fin du siècle. Donc, cela veut dire que c'est la Cour suprême qui est intervenue, qui a tranché en faveur de l'hôpital. Quand la Cour suprême a décidé, en 1974, que la prescription est d'un an et non de 30 ans, c'est égal à la législation. La Cour a "légiféré" - entre guillemets - cela revient à cela. L'Assemblée nationale en adoptant sa loi à la fin de 1974 a, à son tour, légiféré aussi.

M. Martin: Exact.

M. Marx: Dans les deux cas, c'est la loi, à mon avis.

M. Martin: Exact. Mais le jugement de la Cour suprême, en 1974, a eu l'effet de faire . acquérir certains moyens de défense clairs à des individus et on ne peut pas aujourd'hui changer les règles du jeu après la partie.

M. Marx: On a changé cela une fois.

M. Martin: On l'a changé une fois par un projet de loi public.

M. Marx: Quelle est la différence entre un projet de loi privé et un projet de loi public?

M. Martin: II y a une grosse différence parce qu'après le projet de loi public, les droits de défense sont enlevés de toute personne. Tandis qu'ici, on veut prendre des moyens de défense de quelques personnes nommément désignées et on veut les leur enlever.

M. Marx: Je comprends la distinction, mais je peux vous référer aux lois publiques qu'on est en train d'adopter, qu'on va adopter demain. Une loi publique, sur la face même de la loi, c'est une loi qui enlève des droits rétroactifs, il y en a une maintenant à l'Assemblée nationale. C'est pour les personnes qui seront touchées qui ne sont pas énumérées dans la loi, mais je peux les énumérer pour vous facilement, c'est-à-dire la loi a la coloration d'une loi publique, mais cela veut dire que les personnes qui seront touchées sont très limitées et le ministre concerné pourra les énumérer le cas échéant. Ici c'est un projet de loi privé, on peut en faire une loi publique sans mentionner les

noms de M. Warf et de M. Gaudreau, cela devient une loi publique, on sait que cela va toucher seulement deux ou trois personnes. C'est une différence sans distinction parfois.

M. Martin: Je pense que la distinction est importante parce que...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je ne veux pas présumer de mon opinion finale. Après qu'on aura entendu tous les procureurs sur ce point, je veux quand même indiquer ma différence de perception, de celle du député de D'Arcy McGee, sur ce qu'est un projet de loi public par rapport à un projet de loi privé. Quand il s'agit d'un projet de loi public, il a un caractère public. Il s'adresse à l'ensemble du public. Un projet de loi privé, à condition qu'on veuille garder le nom, la signification d'un projet de loi privé, s'adresse à des personnes et concerne les personnes désignées et n'a d'effet que sur les personnes qui pourraient avoir des relations de droit avec ces personnes désignées.

M. Marx: Je vois la distinction que le ministre est en train de faire. Je peux vous référer, M. le ministre, aux lois adoptées par l'Assemblée nationale, adoptées par les Législatures des autres provinces où par exemple on a modifié une loi. La cause était pendante entre la Cour d'appel et la Cour suprême du Canada et la Législature a modifié la loi rétroactivement pour dépouiller la personne en question de son droit d'appel et la personne a perdu sa cause. On n'a pas adopté ces lois comme des projets de loi privés, on a adopté ces lois comme des projets de loi publics. Il y a quand même un caractère privé dans le sens qu'on a visé une personne même si ce n'est pas mentionné dans le projet de loi.

M. Bédard: Je ne veux pas faire de débat, mais il y a une différence fondamentale même dans l'exemple qu'évoque le député de D'Arcy McGee. À partir du moment où c'est un projet de loi public, il peut, par son effet, toucher d'autres personnes, même s'il est fait en pensant à un cas précis alors que, lorsque c'est un projet de loi privé, cela concerne des personnes nommément désignées et n'affecte que les droits de ces personnes désignées et les droits que pourraient avoir d'autres personnes en fonction de ces personnes désignées. Donc...

M. Marx: M. le ministre, seulement pour prendre l'exemple...

Le Président (M. Rochefort): On conclut sur cette question.

M. Marx: Oui, je vais conclure.

M. Bédard: On peut différer d'opinions. On ne réglera pas le problème ici. C'est le problème de ces gens qu'il faut régler.

M. Marx: Oui, mais on est ici pour discuter du problème. Je pense que j'ai droit à 20 minutes sur ce sujet.

Le Président (M. Rochefort): Non, M. le député de D'Arcy McGee. Vous n'avez pas droit à 20 minutes sur cette question sur laquelle vous n'avez pas la même perception que le ministre.

M. Marx: Combien de minutes ai-je? Si je n'ai pas de droit de parole, je vais m'en aller, c'est tout.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee, personne n'a prétendu que vous n'aviez pas droit de parole. Toutefois, vous avez soulevé une question qui a amené une question du ministre de la Justice, au cours de laquelle il a fait état qu'il n'avait pas la même perception que vous d'une question qui n'est pas soumise à la commission à l'heure où nous nous parlons. J'ai accepté que vous interveniez tous les deux, à deux ou trois reprises, sur cette question. Je crois qu'on pourrait revenir au mandat pour lequel nous sommes en séance de la commission permanente de la justice et permettre aux différents procureurs de poursuivre leur présentation de façon que nous puissions disposer du projet de loi qui est devant nous et pour lequel vous aurez le même droit de parole que tous les autres membres de la commission.

M. Marx: M. le Président, si j'ai le consentement, je vais terminer sur ce point-là.

M. Bédard: M. le Président, je pourrai donner le consentement à mon collègue quand on aura terminé tous nos travaux, pour ne pas nuire à l'intérêt que...

M. Marx: Je vais perdre le fil.

Le Président (M. Rochefort): Donc, il n'y a pas de consentement.

M. Bédard: Mais laissez-moi terminer ma phrase! Il y a des personnes devant nous. C'est leur cas qu'il faut régler.

M. Marx: Bon! Voilà!

M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee a émis une opinion. J'en ai émis une qui est différente de la sienne sur un point qui ne concerne pas profondément, j'ai l'impression,

le résultat des travaux de cette commission par rapport au cas précis que nous avons à régler. Je n'ai aucune objection à ce que la discussion puisse se poursuivre une fois que nous aurons disposé du temps des personnes qui sont ici pour nous faire des représentations. Je regrette même d'avoir exprimé ma non-convergence d'opinions avec le député de D'Arcy McGee. Je ne croyais pas que cela puisse entraîner un débat.

M. Marx: Tout ce que j'ai voulu dire -et je ne vais pas en faire un plat - c'est que si des avocats ou d'autres sont intéressés à un projet de loi public qui touche un nombre de personnes déterminé ils peuvent voir le projet de loi - je ne me souviens pas du numéro - concernant les transporteurs d'écoliers qu'on doit adopter cette semaine. Quelqu'un va lire ce projet de loi et il va comprendre de quoi il s'agit.

Le Président (M. Rochefort): Me

Martin, si vous voulez poursuivre votre témoignage.

M. Martin: Pour répondre aussi à une question que vous aviez soulevée, je crois que certains projets de loi ont été adoptés dans l'intérêt public, mais il s'agit de projets de loi adoptés, à mon avis, dans l'intérêt privé de deux citoyens et il faut regarder la balance des inconvénients qu'on va causer. Nous ne sommes pas en matière d'injonction, mais j'étais en train de souligner les inéquités que ce projet de loi peut causer. Je soulignais, par exemple, qu'un employé d'un hôpital qui serait maintenant employé dans un autre hôpital serait obligé de se défendre seul, sans l'appui d'assureurs et possiblement condamné pour un acte pour lequel il possédait un moyen de défense auparavant. Va-t-il être obligé de payer des frais d'avocat pour se défendre contre une action de cette importance et pourquoi lui imposerait-on ce fardeau aujourd'hui?

C'est la même chose pour les problèmes d'assurances. Dans le cas d'un employé d'hôpital et dans le cas d'un centre hospitalier comme celui que je représente, tous les ans, l'assureur pose la question suivante: Êtes-vous au courant de faits susceptibles de conduire un demandeur à vous poursuivre devant les tribunaux? Ils doivent donner les faits. Si, par hasard, ils connaissent les faits et qu'ils ne les révèlent pas lors de la conclusion du contrat d'assurance, lors de la proposition du contrat d'assurance, s'il arrive une poursuite par la suite, l'hôpital ou l'assuré - l'employé assuré, dans le cas où la police d'assurance est prise par un employé assuré, n'est pas couvert pour ce bénéfice ou pour cette perte ou pour cette réclamation. Par conséquent, il devra se défendre seul et, en cas de condamnation, payer seul.

Je crois que le projet de loi, tel qu'il est, a des buts louables. Mais, dans ses effets, il peut y avoir des effets iniques que j'ai le devoir de vous souligner. J'ai le devoir de vous souligner le caractère extrêmement dangereux de ce précédent qui ferait non simplement prévaloir des droits individuels, mais tomber des moyens de défense individuelle. Alors, cela est beaucoup plus grave.

Lorsqu'on étudie les auteurs anglais en droit public, comme MM. Dicey et Wade and Phillips, par exemple, ils vous diront toujours que les lois qui enlèvent des moyens de défense sont considérées plus iniques que celles qui accordent rétroactivement des droits. Ce projet est formulé comme s'il accordait des droits, mais il a l'effet d'enlever des moyens de défense. En Angleterre, au Canada et au Québec, je ne contesterai pas le droit du Parlement de faire des lois rétroactives. Vous avez le droit de faire des lois rétroactives, mais je vous souligne le caractère inique du législateur qui viendrait mettre le doigt dans l'appareil législatif pour favoriser un citoyen au détriment d'un autre. Je trouve que cela est inique et on doit s'y opposer. Dans le cas qui m'intéresse, ce projet de loi favoriserait un citoyen aux dépens de mon client et de ses employés.

Il est évident que le proposeur avait des intentions parfaites et louables et il a bien vu les intérêts de M. Warf. Personnellement, je vois aussi le cas de M. Warf d'un oeil très sympathique - je suis humain comme tout le monde - mais je crois important de vous souligner le caractère extrêmement dangereux d'un précédent dans ce sens et de vous souligner les injustices que subiraient ma cliente, sûrement le client de mon confrère qui a parlé avant moi et les employés de ma cliente. C'est pourquoi je crois que ce projet de loi ne devrait pas recevoir votre approbation.

Le Président (M. Rochefort): Merci. M. Marx: Est-ce que...

Le Président (M. Rochefort): Nous entendrons maintenant... Pardon?

M. Marx: Si j'ai bien saisi...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee, est-ce qu'on procède tel que convenu ou pas? Quant à moi, je veux juste qu'on ne remette pas la procédure en question.

M. Marx: D'accord, parfait.

Le Président (M. Rochefort): Alors, je vous demanderais maintenant...

M. Scowen: Est-ce que je peux juste ajouter un élément? Parmi les personnes qui ont manifesté le désir de se présenter, j'ai oublié de vous mentionner que M. Warf a également demandé le droit de prendre la parole; alors, si vous voulez l'ajouter à la liste.

Le Président (M. Rochefort): Cela va. Maintenant, je crois que nous sommes rendus à Me Auclair.

M. Auclair: J'aurais un document à donner aux membres de la commission.

Je représente l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme. Mon nom est Claude Auclair.

M. de Bellefeuille: Pouvez-vous répéter cela au micro, s'il vous plaît?

M. Auclair: Oui. Mon nom est Claude Auclair. Je suis avocat à Saint-Jérôme. Je suis de Forget, Rochon, Prévost et Auclair. Nous représentons l'hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, qui est également visé par le projet de loi no 221. Je n'ai pas l'intention de vous lire le document qui vous est distribué. Je veux simplement attirer votre attention sur trois ou quatre points particuliers à notre hôpital. 1° Le médecin qui aurait traité M. Gaudreau à l'hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme pour des faits qui sont survenus à l'automne de 1969 ne pratique plus ici au Québec depuis plusieurs années, trois ou quatre années. Deuxièmement, lorsque M. Gaudreau a été hospitalisé à l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, ce fut pendant une période de temps où nos polices d'assurance arrivaient à renouvellement et où lesdites polices n'ont pas été renouvelées avec la même compagnie. Il s'ensuit donc que le fait générateur du droit de M. Gaudreau, qui n'est pas présent ici aujourd'hui, s'est-il produit avec une compagnie d'assurances, soit la "Commercial" qui nous assurait à ce moment, ou Robert Hampton, compagnie d'assurances qui n'existe plus actuellement non plus? (17 h 30)

Pour nous de l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, il est difficile de se défendre, d'une part, et deuxièmement, nous étions assurés et bien assurés à cette époque du risque des faits générateurs. Advenant la conclusion par le tribunal qu'il s'agissait de la période de couverture par Robert Hampton, compagnie d'assurances qui n'existe plus, l'Hôtel-Dieu devra ramasser les pots cassés et n'aura pas de recours en garantie. Nous soulevons le point parce qu'il est quand même important. Nous soulevons également le point pour le Dr Sadler qui ne pratique plus ici au Québec et qui, à notre point de vue, est quand même un élément important de notre défense.

Était-il notre mandataire ou notre préposé à ce moment? C'est une question de fond. Mais, au-delà de cette question de fond, nous croyons que cela causerait un préjudice sérieux à l'hôpital que d'essayer de reconstituer un dossier d'un patient qui aurait une histoire comme tous les autres patients. Les employés ne peuvent pas se souvenir des faits treize ou quatorze ans après un événement, alors qu'il n'y a eu aucune plainte depuis ce temps.

J'aimerais également dire ceci pour le bénéfice des membres qui ne sont pas avocats. Vous pouvez peut-être vous demander quelle est la prescription, cela existe-t-il depuis longtemps? Je sais que Me Marx connaît bien le droit ainsi que Me Bédard. M. le professeur Martineau qui a écrit un volume sur la prescription a mentionné à la page 242 de son traité: "La prescription est néanmoins considérée comme indispensable à l'ordre social. Celui-ci exige que l'on empêche les contestations judiciaires qui, à cause de l'ancienneté des faits qui s'y rapportent, seraient caractérisées par la confusion et l'incertitude. Peut-on imaginer la position des ayants cause d'un débiteur poursuivi en vertu d'une dette devenue exigible 50 ou 100 ans plus tôt? Comment le juge saisi d'un tel litige pourrait-il avoir la conviction de bien servir les intérêts de la justice, alors que par la force des choses, plusieurs éléments du problème lui échappent."

Nous croyons que si ledit projet de loi no 221 est adopté, il aura comme conséquence de créer un précédent qui pourra être suivi par tous les justiciables qui, à un moment donné, ont eu un recours prescrit, qui sont allés voir un avocat et ledit avocat a dû leur dire: "II est malheureux mais nous ne pouvons pas prendre la cause étant donné que le recours est prescrit". Jusqu'où on arrêtera, après que le précédent aura été créé?

Sans vouloir répéter les arguments de Me Chénier, je souligne également que beaucoup de temps s'est écoulé et c'est la troisième fois que le législateur se penche sur le même problème. Va-t-il y avoir d'autres cas comme celui de M. Gaudreau et de M. Warf? Le législateur, après la décision de la Cour suprême en 1974, s'est penché sur le sujet en 1974 et cela apparaît au chapitre de 1980. Il s'y est penché en 1977 et vous vous y penchez encore également.

En terminant, vous nous excuserez de la présentation, mais nous avons eu la convocation jeudi dernier, c'est un court laps de temps pour préparer une réponse à un projet de loi si important pour l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme.

M. Scowen: M. le ministre, quand ce projet de loi a-t-il été déposé?

M. Bédard: II fut déposé...

M. Scowen: C'est la date à laquelle le projet a été déposé et rendu public.

M. Bédard: C'est au mois de juin, je crois.

M. Scowen: Juin?

M. Marx: Cela démontre que tout le monde se prépare à la dernière minute, juste avant la prescription.

M. Bédard: Comme les fins de session.

M. Marx: Comme les fins de session, c'est cela.

Le Président (M. Rochefort): Merci. Je crois qu'il y a Me Guy Lemay qui a demandé de se faire entendre aussi.

M. Lemay (Guy): C'est exact. Guy Lemay, de l'étude d'avocats Lavery, O'Brien de Montréal. Je représente devant vous, M. le Président, la compagnie d'assurances Commercial Union qui assurait, à un certain moment donné, l'hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme et plus précisément, comme Me Auclair l'a souligné, pour la période du 29 septembre 1969 au 29 septembre 1970. D'autre part, avec le court laps de temps, nous n'avons pas vérifié si nous assurions également à cette date-là le centre thoracique de Montréal. J'ai l'avantage de parler en dernier et donc, je ne reprendrai pas tout ce qui a été dit. Mais, par le projet de loi spécial qui vous est présenté, on demande à l'Assemblée nationale en quelque sorte d'accorder à deux personnes un recours contre des personnes identifiées sûrement, les hôpitaux et les deux médecins, qui sont principalement concernés, mais également contre des personnes non identifiées - tel sera peut-être le cas des infirmières ou des techniciennes dans les deux hôpitaux - pour des gestes qui ont été posés en 1969 ou, au plus tard, en 1970.

On vous demande, dans ces deux cas particuliers, de recréer des droits ou des recours qui n'existent plus. Au surplus, on vous demande également de recréer ces recours pour les deux personnes en question, M. Gaudreau et M. Warf, alors que ces droits ou cette renaissance des recours a été considérée pour l'ensemble des justiciables et des citoyens du Québec à deux reprises, premièrement, en 1974 et, deuxièmement, en 1977 et, lors de ces deux occasions, a été refusée. On vous demande, en quelque sorte - parce qu'il y a sûrement d'autres cas que M. Warf et M. Gaudreau qui ont été dans la même situation: II y en a un qui vient facilement à l'esprit, c'est celui de dame Patry qui a vu son recours refusé, en 1974, par la Cour suprême et qui ne se qualifiait pas en vertu de la loi générale de 1974 - de juger, à toutes fins utiles, qui, des citoyens et des justiciables du Québec, pourront s'adresser à vous pour exercer un recours et suivant quel critère vous aller le redécider?

M. Bédard: Une question...

M. Marx: ... est-ce quelle avait une action après la décision de la Cour suprême?

M. Lemay (Guy): Non, elle l'a perdue en Cour suprême.

M. Marx: Pardon?

M. Lemay (Guy): Elle l'a perdue en Cour suprême.

M. Marx: Oui, mais la loi était modifiée, est-ce qu'elle avait une action après que l'Assemblée nationale ait modifié la loi?

M. Lemay (Guy): Elle aurait pu, je crois, techniquement, suivant la loi, demander...

M. Bédard: Oui, sûrement.

M. Lemay (Guy): ... par requête, que son recours soit prolongé... Mon confrère a... C'est cela, une révision du jugement dans un délai de six mois. Mais il y a d'autres personnes qui sont dans la même situation, c'est-à-dire qui, en 1969, en 1965, 1962, auraient pu ou peuvent avoir aujourd'hui des recours contre soit un hôpital, soit un médecin, soit des infirmières, soit des techniciens. On vous demande, à toutes fins utiles, par le projet de loi, de juger de qui les citoyens, pris individuellement et privément, pourront exercer un tel recours contre les personnes, de façon générale, responsables d'une faute alléguée qui aurait été commise dans ces années.

Pour simple considération, je vous propose les éléments suivants. Il y en a combien de ces citoyens dans le Québec? Nous ne savons pas. Est-ce que l'Assemblée nationale est prête, à chaque fois qu'un cas particulier et individuel est souligné, à reconsidérer et à accorder à cette personne des recours par une loi spéciale? Quand je pose ces questions, je suis persuadé que le sentiment naturel de toutes les personnes qui sont devant cette commission et tous les membres de la commission est d'accorder le recours, soit M. Warf, soit M. Patry, cela a déjà été dit. Cependant, quand vous considérez de donner le recours à une personne pour en poursuivre d'autres, vous devez également rendre justice aux autres, c'est-à-dire aux personnes qui pourraient être poursuivies ou qui seraient sujettes à être

poursuivies, et vous devez également considérer, pour ces personnes, quels sont leurs autres moyens de défense que la prescription. Que le dossier soit intact ou non à l'Hôtel-Dieu ou au Centre thoracique de Montréal, je l'ignore pour le moment. Mais je peux vous affirmer une chose dont je suis à peu près persuadé, c'est que, de 1969 à aujourd'hui, il y a sûrement des personnes qui sont disparues. Nous avons une personne qui, du moins, ne semble plus être dans la province de Québec, c'est un des principaux intéressés, c'est le Dr Sadler. On m'informe qu'il y a un autre médecin qui est mort, également, qui aurait traité M. Warf. Il serait le principal médecin traitant de M. Warf avec le Dr Wilson, si je comprends bien?

M. Marx: J'aurais seulement une petite question sur ce point, parce que vous êtes l'avocat d'une compagnie d'assurances. En 1973, avant le jugement de la Cour suprême, j'imagine que quand vous avez émis des polices d'assurance aux hôpitaux, aux médecins et ainsi de suite, vous avez pris des mesures nécessaires pour prévoir qu'il pourrait y avoir des actions vers la fin du siècle. Sûrement, vous avez prévu que, vers la fin du siècle, quelqu'un aurait déménagé aux États-Unis, une autre personne aurait changé son emploi d'un hôpital à un autre, à Montréal, et ainsi de suite. Comprenez-vous ce que je veux dire? Cela veut dire avant la décision de la...

M. Lemay (Guy): Je crois comprendre votre question de la façon suivante. C'est parce qu'il y avait une incertitude dans la jurisprudence à savoir si la prescription était de 30 ans ou d'un an. Est-ce que les assureurs prenaient des moyens particuliers? La réponse est non. L'assureur ne prend pas le moyen de garder des dossiers. L'assureur se fie à son assuré qui, lui, doit garder les dossiers. Dès qu'il y a une perte ou qu'une réclamation est adressée à l'assuré, dans ce cas-ci l'hôpital Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, l'Hôtel-Dieu communique avec son assureur pour qu'il prenne fait et cause. Mais l'assureur ne prévoit rien à ce niveau.

M. Marx: Je vais poser ma question d'une autre façon. Avant le jugement de la Cour suprême, j'imagine que cela arrivait de temps à autre que les gens intentent leurs actions contre les hôpitaux, contre les médecins, deux, trois, quatre, cinq, six, huit, dix ans après que les actes médicaux eurent été posés. Cela veut dire que vous dites maintenant que cela peut...

M. Lemay (Guy): Écoutez, à ma connaissance, dans ces années, je ne connais pas de cas où des citoyens ou des justiciables ont intenté des actions contre un médecin ou un hôpital plus de trois ou quatre ans après. C'étaient des cas extrêmes, et Patry en est un.

M. Marx: Oui, mais de la façon dont cela est présenté par vous et par Me Martin, c'est comme la fin du monde. Quelqu'un va intenter une action dix ans après les faits. Si je comprends bien, avant l'arrêt de la Cour suprême, c'était possible et cela arrivait plus ou moins. Je pense qu'il serait impossible d'énumérer les causes, sauf si quelqu'un allait à la cour vérifier chaque jugement. J'imagine que c'est arrivé de temps à autre. Ce n'est pas impensable que cela arrive une autre fois. C'est-à-dire que c'était plus ou moins normal avant 1974. Je ne vois pas de tragédie si cela arrive une ou deux autres fois, et ainsi de suite.

M. Martin: Mais la tragédie consisterait dans le fait que les polices d'assurance sont contractées sur une base de réclamation présentée pendant la période de la police, souvent. À ce moment-là, tout dépend des contrats d'assurance. Il peut très bien arriver qu'une poursuite intentée aujourd'hui ne soit couverte par aucun contrat d'assurance.

M. Marx: Une dernière question, M. le ministre. En 1973, vous avez émis des polices d'assurance, enfin la compagnie dont Me Lemay est l'avocat. En 1973, votre compagnie a émis des polices d'assurance et il était possible pour un certain nombre de personnes de faire des réclamations un, deux, trois, cinq, dix, vingt ans plus tard. Vous avez admis que cela aurait pu arriver. J'imagine que c'est déjà arrivé. Donc, quant à moi, je ne vois pas de tragédie, comme je viens de le dire.

M. Lemay (Guy): Remarquez que je crois...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre...

M. Lemay (Guy): Juste pour répondre... M. Bédard: Non, non, allez, terminez...

M. Lemay (Guy): Pour répondre à cette dernière question, elle est très académique. Parce que, pour les assureurs, la période de prescription - et cela a été leur position tout au long de ce débat - était d'un an.

M. Marx: Même avant 1974?

M. Lemay (Guy): Même avant 1974.

M. Marx: Vous avez toujours vu...

M. Lemay (Guy): Je parle en général de l'industrie de l'assurance. Je n'irai pas dans

les cas particuliers. Mais l'industrie de l'assurance avait toujours été persuadée que la période de prescription qui devait s'appliquer dans le cas de ces réclamations était d'un an.

M. Marx: Même s'il y avait une jurisprudence incertaine?

M. Lemay (Guy): C'est la raison pour laquelle la cause Notre-Dame et Armand Patry est allée en Cour suprême. C'était pour régler d'une façon ou d'une autre cette incertitude qui durait depuis au moins dix ans.

M. Bédard: Comme vous le dites, il s'agissait de régler une incertitude.

M. Lemay (Guy): Ah oui! C'est exact. M. Bédard: Donc, l'incertitude existait. M. Lemay (Guy): C'est exact.

M. Bédard: Objectivement, je peux me tromper et je respecte beaucoup votre opinion. Comme Me Martin a dit qu'il existait une insécurité juridique pour les avocats jusqu'à ce que la Cour suprême ait tranché, en ce qui me regarde je pense être en mesure de déduire que cette même insécurité juridique existait aussi, tout au moins pour les compagnies d'assurances, à moins qu'elles aient eu des indications tout à fait spéciales venant d'origine qu'on ne connaît pas. (17 h 45)

M. Lemay (Guy): Les compagnies d'assurances n'ont pas ce genre d'indications spéciales. La remarque est entièrement justifiée. Je pense qu'il y avait une incertitude, d'une part. La question est académique en ce sens que, parce qu'on me demandait qu'est-ce que les assureurs faisaient, je pouvais au moins dire ce qu'ils pensaient dans l'ensemble. D'autre part, les actions étaient généralement prises rapidement pour éviter ce problème. Les actions qui allaient vraiment en cour avec la question d'incertitude allaient en cour parce que généralement le client n'avait pas consulté son avocat à temps. S'il l'avait consulté à temps, il intentait l'action dans l'année pour éviter tous les problèmes.

M. Marx: C'est dire que la première loi de 1974 était injustifiée aussi.

M. Lemay (Guy): Deuxièmement, ce qu'il tentait de faire était de le justifier par une interruption ou suspension de prescription qui souvent se justifie dans les faits.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cela va?

M. Lemay (Guy): Si vous le permettez, juste pour conclure...

Le Président (M. Rochefort): Non, non, concluez.

M. Lemay (Guy): Je vous disais il y a un instant que lorsque vous considérez d'accorder des recours privément, tel que ceux-ci, ou même rétroactifs, pour rendre justice, vous devez regarder les deux côtés de la médaille et vous assurer, d'une part, qu'il n'y a pas de préjudice causé aux personnes qui peuvent être visées par une telle loi et, d'autre part, jusqu'à quel point vous êtes prêts à accorder des recours semblables à d'autres personnes qui pourraient être exactement dans la même situation à cause d'accidents survenus en 1967, 1968, 1969, 1962 ou même avant.

M. Bédard: Quant au précédent que vous invoquez qui pourrait avoir des conséquences en ce qui a trait à d'autres réclamations venant d'autres personnes se prévalant de ce qu'elles pourraient appeler un précédent, je tiens à vous dire - et je pense que vous êtes d'accord avec moi -qu'il y a une manière de faire en sorte, par la rédaction du projet de loi, que cela ne constitue pas un précédent. Dans mon esprit cela pourrait ne pas... Je ne vous dis pas que cela influence, je ne veux pas présumer du résultat ou encore de l'opinion finale que j'aurai de l'ensemble du cas, mais sur l'aspect particulier du précédent je dois vous dire qu'on peut d'autant plus trouver le moyen pour que cela se limite aux personnes qui ont présenté un projet de loi privé qu'on est en mesure de dire, au ministère de la Justice, que MM. Gaudreau et Warf sont les seules personnes qui, à ma connaissance, ont fait spécifiquement des démarches continuelles auprès de l'Assemblée nationale, auprès de membres de l'Assemblée nationale. Encore une fois, ce n'est que le cas du précédent.

M. Lemay (Guy): C'est justement une des questions qui nous préoccupent...

M. Bédard: J'aimerais que vous argumentiez là-dessus.

M. Lemay (Guy): Ce n'est pas la seule, évidemment, mais puisque vous en parlez, j'aimerais ajouter ceci: le cas de MM. Gaudreau et Warf n'était pas connu de l'Assemblée nationale jusqu'à ce qu'ils s'adressent au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bédard: Je m'excuse. J'aimerais mieux corriger. Je pense...

M. Lemay (Guy): J'avais compris cela

des représentations.

M. Bédard: Je pense que tout le monde affirme de bonne foi des choses, ici, vous comme nous, mais c'est bien avant qu'ils ne s'adressent au député de Notre-Dame-de-Grâce que...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, sur cette question.

M. Scowen: Si vous permettez, M. le Président...

M. Bédard: La meilleure preuve - vous permettez - en est que j'ai présenté un projet de loi en 1977 alors que, si je ne m'abuse, le député de Notre-Dame-de-Grâce n'était pas celui qu'on connaît.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Bédard: C'est simplement pour correction.

M. Scowen: Je pense que c'est important parce que j'ai beaucoup entendu ces dernières minutes parler de la rétroactivité générale et dire que toutes les portes seront ouvertes. Je pense qu'il est important de préciser deux points. Le cas de MM. Warf et Gaudreau est connu depuis longtemps ici. Ce ne sont pas deux personnes qui ont décidé hier de se présenter pour faire un procès qui date de 1969 ou 1972. Il y en a effectivement trois personnes à notre connaissance qui sont visées et la troisième personne, qui est M. Auclair, a été incluse dans le projet de loi présenté par le ministre de la Justice en 1978, et parce que le cas de M. Auclair n'est pas assez clair dans notre esprit...

M. Bédard: Je m'excuse. Il est clair mais il est différent.

M. Scowen: II est différent.

M. Bédard: Dans le cas de M. Auclair, il y a eu effectivement des procédures d'intentées, un procès avait eu lieu et on en était au stade du délibéré. C'est un cas complètement différent des deux que nous avons...

M. Scowen: Si je peux continuer... ce sont les seuls connus. M. Warf et M. Gaudreau ont essayé depuis 1971 ou 1972 de faire un procès du genre de celui qu'on propose aujourd'hui.

Je pense que c'est important que ce soit bien clairement compris. Le préambule du projet de loi dit que ces deux personnes ont subi un préjudice du fait d'un acte médical accompli avant le 1er janvier 1972 et qu'à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada, elles ont décidé de ne pas intenter d'action. Cela a été fait d'une façon formelle. Les avocats de ces deux personnes les ont formellement avisées, à la suite de ladite décision de la Cour suprême du Canada, qu'ils étaient obligés de fermer le dossier.

Vous pouvez demander pourquoi les avocats concernés n'ont pas prévu la possibilité qu'un autre projet de loi serait présenté dans six mois à l'Assemblée nationale. Je pense qu'on ne peut pas imaginer qu'on puisse obliger un cabinet d'avocats de prévoir la législation future d'un gouvernement.

Nous sommes dans deux cas spécifiques de personnes qui avaient déjà commencé le processus qui a été arrêté à cause de l'interprétation donnée par leurs avocats à la suite de la décision de la Cour suprême du Canada. Quant à moi, si par hasard on trouve d'autres cas de ce genre, ils peuvent peut-être nous proposer une telle action, mais ce n'est pas ouvrir la porte à n'importe qui au Québec qui peut décider demain matin qu'il veut intenter une poursuite pour quelque chose qui s'est passé il y a cinq ou dix ans.

M. Lemay (Guy): En terminant je voulais simplement mentionner ce dernier point. Vous devez également considérer les moyens de défense autres que la prescription qui sont offerts aux personnes qui pourraient être poursuivies. De 1969 à 1982, beaucoup de ces personnes-là ont pu disparaître; certaines sont même disparues. Là, vous placez les professionnels, les personnes visées, à titre d'infirmières ou de techniciens, ainsi que les hôpitaux et l'assureur, lorsqu'il assure dans les cas qui s'appliquent, dans une position très difficile à défendre.

La réclamation est pour démontrer à la cour qu'en 1969 ou en 1970 il n'y a pas eu de faute professionnelle de causée.

M. Marx: Vous avez une expérience qui me manque dans ces causes. J'aimerais vous demander si vous avez déjà défendu, pour une compagnie d'assurances, une cause qui a été intentée après un an?

M. Lemay (Guy): Évidemment. M. Marx: Évidemment.

M. Lemay (Guy): Cela prend à peu près quatre ou cinq ans.

M. Marx: C'est parce que vous parlez de cette prescription comme si ce n'était jamais arrivé qu'il y avait des actions intentées après un an. Cela veut dire que vous avez déjà défendu des causes où,

j'imagine, les actions étaient intentées deux, trois, cinq, six ou dix ans après les événements.

M. Bédard: En toute honnêteté, je crois que Me Lemay a dit tout à l'heure qu'il y avait certaines causes qui prenaient trois ou quatre ans et que c'était pour en avoir le coeur net, à un moment donné, qu'on avait décidé d'aller au bout.

M. Lemay (Guy): C'est exact. M. Bédard: D'accord.

M. Marx: Supposons que nous adoptions ce projet de loi, ce ne serait pas la première fois au Québec qu'une compagnie d'assurances est appelée à défendre une action qui a été intentée dix ans, six ans ou onze ans après les événements.

M. Lemay (Guy): II y a deux choses qui me frappent.

M. Marx: J'aimerais avoir un oui ou un non à cette question.

M. Lemay (Guy): Pour répondre à votre question il est déjà arrivé que des causes soient plaidées quatre, cinq ou six ans après les événements, mais, également, les gens savaient qu'ils seraient poursuivis. Donc, ils ont travaillé plus fort pour conserver des moyens de défense autre que la prescription, pour s'assurer des versions de leurs témoins, pour s'assurer de conserver tous les documents qui pouvaient être pertinents pour en faire la meilleure preuve, parce que c'est la seule qui est acceptée devant les tribunaux, et même, à l'occasion, de vérifier où étaient leurs témoins, de façon régulière. C'est cette vie quotidienne que nous devons appliquer quand une réclamation est faite. Or, dans le présent cas, finalement, la réclamation est présentée devant l'Assemblée nationale treize ans ou douze ans après les événements et elle ne sera pas entendue non plus demain matin. Il faut penser que cette cause va être entendue beaucoup plus tard. Je ne sais pas si le Dr Sadler est assuré ou non. Je ne sais pas si le Dr Sadler vit encore, sauf qu'il semble qu'il y ait des possibilités. Là, on retourne à ses ayants droit et à ses héritiers, parce que ce sont ces derniers qui vont finalement payer cette réclamation.

M. Marx: C'est un autre problème.

M. Lemay (Guy): C'est le problème de la loi.

M. Marx: J'imagine que les compagnies d'assurances pour les hôpitaux n'ont pas conservé la preuve dans toutes ces causes parce que, avant 1974, elles ne savaient même pas que quelqu'un avait l'intention d'intenter une action dix ans plus tard. Vous me dites maintenant que, dans cette cause, vous auriez pris des mesures pour conserver la preuve, mais...

M. Lemay (Guy): Je ne disais pas dans cette cause. J'ai dit que, généralement, quand on sait qu'une réclamation est pendante ou que quelqu'un nous réclame quelque chose, les mesures appropriées sont prises.

M. Marx: Oui, mais avant 1974, vous n'avez pas eu la possibilité de savoir que quelqu'un aurait intenté une action 5, 6, 10, 12, 15, 29 ans plus tard.

M. Auclair: En pratique, les gens réclamaient tôt, même avant l'arrêt de la Cour suprême. C'est-à-dire que les gens prenaient leur recours et informaient par lettre l'institution hospitalière ou le médecin qu'ils avaient l'intention de les poursuivre pour un acte fautif. D'une façon, si l'acte avait été posé en 1969, dès 1970 ou 1971, on informait l'institution qu'on avait l'intention de la poursuivre. Alors, le premier fait qui apparaît aujourd'hui, c'est treize ans plus tard.

M. Marx: C'est possible, mais je ne suis pas d'accord avec cela parce qu'il arrivait, j'imagine, souvent que les effets d'un acte fautif se soient manifestés cinq ans plus tard. Donc, la personne n'a pas pris l'action dans le délai d'un an. Toutes ces explications sur ce point ne m'impressionnent pas beaucoup. Je vois pourquoi vous avez fait cet exposé, mais cela ne m'impressionne pas plus que cela.

M. Martin: Mais, M. le député, dans l'hypothèse que vous avez posée, ce serait la première fois au Québec que des employés d'hôpitaux et un hôpital seraient obligés de se défendre sans le concours de leur assureur.

M. Marx: Pourquoi?

M. Martin: Parce que dans le cas qui nous intéresse, il est fort probable qu'il n'y a pas d'assureur sur le risque.

M. Marx: Est-ce que cela n'est jamais arrivé? Donc, c'est arrivé avant 1974 aussi.

M. Martin: Non.

M. Marx: Des gens ont intenté leurs actions dix ans plus tard.

M. Martin: Parce qu'avant 1974, il y avait quand même une incertitude et il y

avait l'obligation de défendre de la part des assureurs. Aujourd'hui, il y a une grande incertitude sur la question de la couverture d'assurance. Je croyais l'avoir mentionné tout à l'heure dans mon intervention. Il y a une grande incertitude sur la couverture d'assurance. Je suis convaincu que des employés d'hôpitaux vont devoir se défendre sans le soutien de leur assureur et sans assurance.

M. Marx: Mais, en vertu de la loi de 1974, est-ce que les hôpitaux se sont défendus sans avoir l'appui de leur compagnie d'assurance? On a déjà légiféré rétroactivement. Qu'est-ce qui est arrivé à cette époque dans ces causes?

M. Bédard: J'imagine que dans le temps où il y avait une insécurité juridique tant pour les compagnies d'assurance...

M. Martin: C'est cela.

M. Bédard: ... que pour la communauté juridique, il est évident que chacun y allait de la défense de ses intérêts au cas où la décision du tribunal aurait été dans un sens ou dans l'autre. (18 heures)

M. Martin: Exactement.

M. Bédard: Cela me semble évident de ce côté, mais ce n'est pas tout à fait...

M. Martin: Avant 1974, les polices d'assurance prévoyaient l'obligation de l'assureur de défendre son assuré pour toute poursuite, quelle que soit la date à laquelle elle survient.

M. Marx: M. Warf...

M. Bédard: Si vous me le permettez, cela fait suite à ce qui a été dit. D'autre part, si vous pensez que très probablement les gens vont devoir se défendre sans les compagnies d'assurances, parce que les compagnies d'assurances auront tous les droits de se départir de certaines responsabilités qu'elles auraient pu avoir à la suite du jugement, on pourrait en tirer la conclusion que les compagnies d'assurances n'ont pas intérêt à s'opposer à l'acceptation de cet article ou de ce projet de loi puisqu'elles n'auront rien à payer selon leurs prétentions. Je sais que la manière dont je le présente est un peu vicieuse. Il y a certaines questions que je pourrais poser; entre autres, quels seraient les montants des réclamations possibles? Les compagnies d'assurances ou les avocats représentant les hôpitaux me diraient, pensant à d'éventuels procès qui pourraient recommencer, que ce ne sont pas des dommages très élevés. Cela pourrait nous amener à la conclusion que, de toute façon, on peut quand même décider de donner une chance à un individu puisque ce ne sont pas des montants si élevés.

D'autre part, ceux qui défendent les intérêts de M. Gaudreau et de M. Warf seraient portés à nous dire que ce sont des montants très élevés, pensant à un éventuel recours possible devant les cours. Tout ce qui se dit ici peut éventuellement se retrouver en argumentation devant une cour si on en venait à décider d'accepter ce projet de loi privé, de la même façon que vous avez évoqué aujourd'hui des débats parlementaires que nous avons tenus, des propos que nous avons tenus et que vous avez tirés du journal des Débats pour nous inciter, d'un côté, à être logique et, de l'autre côté, à nuancer. Je ne voudrais pas aller jusque-là, mais ce serait peut-être important de connaître un des aspects de la décision que nous avons à prendre. Je me risquerais à poser la question, si quelqu'un veut y répondre. Que peut-il être, le recours?

Le Président (M. Rochefort); Si vous me le permettez, comme il est 18 heures, il doit y avoir consentement pour poursuivre nos travaux.

M. Scowen: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux?

M. Scowen: ... si vous me le permettez-Le Président (M. Rochefort): Sur cette question?

M. Scowen: ... je veux m'assurer que M. Warf, qui a demandé la parole, peut rester jusqu'à 20 heures.

Le Président (M. Rochefort): Avant d'entreprendre la période de discussion et de questions aux gens qui sont devant nous, n'y aurait-il pas lieu, justement, de leur demander s'ils veulent nous faire part immédiatement de ce qu'ils ont l'intention de faire?

M. Marx: On peut terminer sur ce point, entendre M. Warf et, après cela, suspendre.

M. Bédard: Est-ce qu'on accepte que je termine ma question?

Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement pour poursuivre?

M. Marx: J'aurais juste une autre petite question pour que ce soit bien clair.

Le Président (M. Rochefort): Non, non, excusez-moi. Y a-t-il consentement pour que nous puissions poursuivre nos travaux, oui ou non?

M. Bédard: Oui.

Le Président (M. Rochefort): II y a consentement?

M. Marx: Oui.

M. Bédard: J'avais la parole, M. le Président, à moins que j'aie la mémoire courte.

Le Président (M. Rochefort): Oui, poursuivez.

M. Bédard: Alors, je me risquerais à poser la question suivante: Est-ce que quelqu'un pourrait s'avancer et nous dire quelle pourrait être, objectivement, la valeur de la réclamation, étant donné que vous connaissez très bien les dossiers?

M. Richard (Michel): M. le ministre, j'aimerais autant ne pas avancer de chiffres dans le cas de M. Warf parce que c'est une perte d'ouïe, quelque chose qui est difficile à chiffrer. Dans le cas de M. Gaudreau, c'est plus facile. On parle d'une incapacité d'environ 15% à 20% causée par la présumée faute du Dr Sadler ou de l'hôpital. M. Gaudreau aurait perdu environ un an de salaire après cela, selon ma connaissance du dossier. En gros, on parle d'environ 75 000 $. C'est un chiffre que j'avance.

M. Bédard: C'est à peu près la même chose dans un cas comme dans l'autre.

M. Richard (Michel): J'aimerais répondre à quelque chose d'autre, M. le ministre. Je crois qu'il est une règle d'interprétation des lois reconnue de tous que toutes les discussions qui ont mené à l'adoption d'une loi ne peuvent pas être soulevées en cour. Le chiffre que je mentionne ici ne pourra jamais être présenté à un juge.

M. Marx: Cela dépend, il y a des juges qui reçoivent nos débats à la maison.

M. Bédard: Non, disons que cela reste ici. Si vous pensez que cela va être comme cela, on va être d'autant plus à l'aise pour vous demander s'il semble que c'est la même opinion, parce qu'avoir une décision à prendre sur un montant qui représenterait des millions de dollars par rapport à un montant qui serait beaucoup moindre tenant compte de ceux ou de celles qui auraient à payer, cela peut être un élément important à considérer. Je sais que vous allez me dire tout de suite: N'oubliez pas la question de principe qui est fondamentale. N'ayez crainte, on ne l'oubliera pas. On va essayer de ne pas oublier aussi qu'il y a des gens qui ont subi des préjudices. C'est un principe, humainement parlant, dont on doit tenir compte.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

M. Martin: J'estime que la réclamation de M. Warf me paraît susceptible d'être beaucoup plus élevée que l'autre. J'ai déjà traité des problèmes de perte d'ouïe ou des problèmes de perte de vue et la valeur de la réclamation s'élève rapidement parce qu'en général cela peut être une incapacité de l'ordre de 15%, mais qui est assimilable à une incapacité totale parce qu'elle enlève toutes les capacités de gains. Dans un tel cas, la poursuite peut être d'un montant beaucoup plus élevé que 75 000 $.

M. de Bellefeuille: Sur ce point...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: ... il me semble que le procureur précédent - quel est votre nom? -

M. Richard (Michel): Richard.

M. de Bellefeuille: ... Me Richard a peut-être mal entendu une question du ministre; il y aurait peut-être, par conséquent, une contradiction à l'intérieur de ce que Me Richard a dit. Vous avez dit que la perte de l'ouïe, c'est difficile à évaluer. D'autre part, vous avez chiffré la réclamation dans l'autre cas. Là, le ministre, je crois, a dit que c'est à peu près le même montant dans les deux cas et vous avez dit oui, ce qui paraît contradictoire.

M. Bédard: Disons qu'il aurait pu ne pas saisir ma question, mais, effectivement, j'ai dit cela, tel que le dit le député de Deux-Montagnes, et vous m'avez répondu que ce serait à peu près le même ordre.

M. Richard (Michel): Effectivement, j'avais mal compris votre question. Comme je l'ai dit, j'aimerais autant ne pas avancer de chiffre dans le cas de M. Warf.

M. Bédard: On convient que ce n'est pas du même ordre.

M. Martin: Non. C'est d'un ordre suffisant pour rendre insolvable une infirmière. Je peux vous dire cela.

M. Bédard: Comme cela a pu rendre impotent quelqu'un.

M. Martin: Oui, je sais, mais je veux... M. Bédard: D'accord, on se comprend.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais poser une dernière question - j'espère que ce sera la dernière -à Me Martin. Les événements en ce qui concerne M. Warf se sont passés en 1970, c'est cela? À cette époque, l'hôpital avait une police d'assurance avec la compagnie d'assurances dont vous êtes l'avocat.

M. Martin: Non.

M. Marx: Vous êtes l'avocat de l'hôpital.

M. Martin: Je suis avocat du Centre hospitalier thoracique.

M. Marx: Étant donné que votre hôpital avait une police d'assurance avec cette compagnie d'assurances - je ne connais pas son nom - ne serait-il pas nécessaire pour cette compagnie de prendre fait et cause ou de défendre, le cas échéant, cette cause parce qu'à l'époque, quand les événements se sont produits, il y avait, en effet, une police d'assurance?

M. Martin: Non, il faut voir les contrats d'assurance qui sont en cause. Deux polices d'assurance peuvent être impliquées: celle qui était en vigueur en 1970 ou 1971 dépendamment de la date de la faute et celle qui est en vigueur aujourd'hui. Aujourd'hui, il y a des polices responsabilité qui sont rédigées de telle sorte que sont couvertes les réclamations présentées pendant la période de la police. À ce moment, il faut regarder chaque contrat d'assurance. Oui, c'est vrai, ce que je vous dis. Il y a des polices d'assurance-responsabilité professionnelle et des polices d'assurance-responsabilité hospitalière qui ne couvrent que les réclamations présentées pendant la période de la police. D'autres ne couvrent que les actes posés pendant la période de la police, si bien qu'il peut y avoir un vide d'assurances pour une période donnée parce que, pendant la période antérieure étaient couverts les actes posés pendant la période de la police et, pendant la période postérieure, sont couverts les réclamations présentées pendant la période de la police.

M. Marx: Avez-vous vérifié la police dans le cas de M. Warf?

M. Martin: Non. Non. Par exemple, plusieurs infirmières possèdent des polices d'assurance pour leur responsabilité personnelle et je crois que cela peut causer un problème, cela causera sûrement un problème dans ce cas-là.

Le Président (M. Rochefort): Vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Chénier: Oui, s'il vous plaît. M. le Président, premièrement, pour répondre à M. Scowen qui disait qu'au mois d'août 1974 on ne pouvait plus rien faire, qu'après le mois de juin 1974 on ne pouvait plus rien faire, lorsque les avocats ont reçu ces deux individus en août 1973, rien ne les empêchait d'envoyer une mise en demeure au docteur Wilson que je représente ou de le poursuivre. Ils n'en ont rien fait pendant dix mois alors que les recours de chacun de leurs clients dataient d'un an et demi ou de deux ans.

Deuxièmement, si par exemple l'action de M. Warf avait été prise en 1971 et rejetée par le tribunal en 1971, je vous ferai remarquer qu'en vertu de l'ancienne loi on était retourné trois ans en arrière; on n'était pas retourné quatre ans en arrière. S'il y avait eu un jugement rejetant l'action de M. Warf au motif qui était prescrit en 1971, il n'y aurait pas eu moyen de le faire réviser par la loi de 1974. En 1974, le législateur a décidé de retourner trois ans. Ce qu'on veut faire faire aujourd'hui, c'est, pour deux individus, retourner encore plus en arrière. Si les avocats avaient eu connaissance de ce projet de loi et avaient, en temps utile, intenté l'action avant le 1er janvier 1975, encore une fois, ils auraient bénéficié de la loi.

M. Scowen: Excusez, mais je n'ai pas compris votre dernière phrase.

M. Chénier: Le premier point, c'est qu'en juin 1974 ils avaient dix mois. Le deuxième point est que, si l'action avait été intentée en 1971 et rejetée au motif d'un an de prescription, ils ne seraient pas tombés sur les exceptions de la loi de 1974. Le législateur en 1974 a décidé de remonter trois ans en arrière, au 1er janvier 1972. Il aurait pu décider quatre, cinq, dix ans. Il a décidé que trois ans étaient suffisants. C'est ce que le législateur a décidé en 1974.

Concernant le projet de loi qui prévoit une autre exception sur toute action pendante au 1er janvier 1975, si ayant eu vent du projet de loi qui a été publicisé parmi les avocats, les procureurs avaient communiqué avec leurs clients et intenté action avant le 1er janvier 1975, encore une fois ils seraient tombés sur une des exceptions prévues par la loi. On ne peut pas dire qu'ils ont été empêchés de se prévaloir de la loi. Autre point dont on a parlé brièvement, c'est que M. Warf a été traité par deux médecins. Premièrement, le docteur Monroe. Les médicaments qui lui ont causé prétendument la perte de l'ouïe, ont été

prescrits par un résident dont j'ignore l'existence ou le nom. Je ne sais pas où il est rendu aujourd'hui, douze ans plus tard. Le docteur Wilson a pris en charge le patient après que les médicaments lui eurent été donnés, médicaments qui devaient vaincre une infection à la suite de l'enlèvement complet d'un poumon de M. Warf à cause d'un cancer.

M. Scowen: Si vous me le permettez...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Chénier: Le docteur Monroe étant décédé maintenant, si jamais ce projet de loi privé est adopté, je parle au nom de ses intérêts sans être son procureur, comment ses héritiers se défendront-ils?

M. Scowen: Si vous me le permettez, je pense que la réponse au dernier de vos trois points est que justement, pour donner le droit à ces deux personnes de savoir si les médicaments qui ont été administrés étaient les bons ou les mauvais à l'époque - c'est cela qu'on demande - vous avez essayé dans votre dernier point un peu de...

M. Chénier: Une mise en demeure.

M. Scowen: Je vais continuer. Vous avez, dans votre dernier point, essayé de commencer le procès que jusqu'ici on n'a pas le droit de faire. Dans les deux premiers points que vous avez soulevés, vous avez dit: Pourquoi les avocats n'ont-ils pas intenté un procès avant 1974. La réponse, quant à moi, est très simple. À cette époque, ils croyaient qu'ils avaient trente ans. Il n'y avait pas urgence. La loi existante donnait trente ans. Il n'y avait aucune raison d'agir avant 1974 parce que la décision de la Cour suprême n'existait pas. (18 h 15)

Sur le deuxième point, à savoir ils auraient pu faire cette constatation en 1975, je pense qu'on a déjà touché cette question à plusieurs reprises. Le fait est qu'il y avait seulement sept jours entre Noël et le jour de l'An, même avec votre "barreaugramme" qui a été envoyé le 20 décembre, pour que tous les avocats prennent connaissance de cette situation et intentent un procès durant cette période. C'est précisément parce que tout le monde était d'accord sur le fait que les délais étaient trop courts que le ministre lui-même a essayé de corriger la situation.

J'aurais deux autres points. J'ai essayé de me limiter cet après-midi. Je trouve un peu inconcevable qu'aujourd'hui l'hôpital ne puisse pas nous dire si les polices d'assurance en vigueur en 1970 le protégeraient. Ce projet de loi est public, il existe, avec les noms, depuis, je le répète, le mois de juin.

On arrive aujourd'hui à la commission parlementaire et l'hôpital n'a même pas pris la peine depuis six mois de vérifier si les polices d'assurance sont valides ou non.

M. Martin: Ma cliente a été avisée du projet de loi le 6 décembre seulement.

M. Scowen: Mais la loi a été rendue publique, il y a eu ces "barreaugrammes". Qu'est-ce qui est arrivé au mois de juin?

M. Bédard: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: ... je ne voudrais pas commencer à distribuer des responsabilités de part et d'autre en restant sur le fond des choses. Je ne voudrais pas, non plus, me prononcer sur la célérité ou non des avocats des requérants d'aujourd'hui à introduire leur action. Je pense qu'il ne nous appartient pas de porter un jugement de ce côté. Vous nous avez déjà un peu indiqué quels seraient les montants en jeu, un peu plus précisément dans un cas, moins dans l'autre. Cela se comprend. Je voudrais vous poser une question, peut-être à Me Martin. Au stade où nous sommes rendus, est-ce que les deux personnes requérantes en question, M. Gaudreau et M. Warf, ont d'autres recours que celui qui est devant l'Assemblée nationale, celui qu'elles exercent présentement? Vous pouvez ne pas répondre.

M. Martin: Je parlerai du cas de M. Warf parce que je ne connais pas l'autre cas. Dans le cas de M. Warf, il n'y a pas d'autre recours, à ma connaissance.

M. Bédard: D'accord.

M. Richard (Michel): II n'y en a pas dans le cas de M. Gaudreau, non plus.

M. Bédard: Si vous me le permettez, sur un autre point, je n'ai pas changé d'idée sur le délai - même s'il y a eu un "barreaugramme", etc., tout ce que vous voudrez, - de moins de dix jours, en fait du...

Une voix: Du 24 décembre au 1er janvier.

M. Bédard: ... 24 décembre au 1er janvier. On aura beau nous dire qu'il y a eu des avis du barreau etc., je crois que, très honnêtement, tenant compte de la période, tenant compte de la longueur du délai, on devrait tous convenir que ce n'est pas un délai suffisant, surtout si un dossier a été fermé, tel qu'on nous l'a dit. Si j'ai bien compris, Me Richard nous a dit qu'au

moment où il l'a appris le dossier était fermé.

M. Richard (Michel): On a fermé notre dossier au mois de juin 1974.

M. Bédard: Bon. Quant à moi, je n'ai pas changé d'idée là-dessus. Il reste d'autres éléments que je veux approfondir, les montants en jeu, entre autres. D'autre part, est-ce qu'il y a d'autres recours? On nous dit qu'il n'y en a pas dans le cas de M. Warf. D'après Me Richard, il n'y en a pas dans le cas de...

M. Richard: ... M. Gaudreau non plus. M. Bédard: Bon.

M. de Bellefeuille: Est-ce qu'on pourrait entendre M. Warf?

M. Bédard: Oui. Ce que je proposerais, ce serait ceci, si vous le permettez. Vous entendrez M. Warf, vous pourrez peut-être y aller de quelques questions, mais tenant compte de son état, j'imagine que cela peut être plus difficile. A moins que l'Opposition, elle, le soit, je ne crois pas qu'on soit en mesure de rendre un jugement, c'est-à-dire...

M. Marx: Vous n'êtes pas juge ici, vous êtes législateur.

M. Bédard: Cela me fait plaisir que vous le disiez. Donc, vous reconnaissez...

M. Marx: Dans cette cause, vous êtes législateur, dans l'autre, vous étiez juge.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Alors, je suis heureux que le député de D'Arcy McGee me rejoigne dans mon exposé de ce matin, indiquant que nous n'étions pas des juges, mais des parlementaires qui exerçaient leurs droits et leurs pouvoirs ou devoirs. Nous les exerçons à partir non seulement de la connaissance de tous les faits, mais également à partir d'une possibilité d'étudier l'ensemble de ces faits, de les approfondir pour être en mesure de prendre la meilleure décision possible. Ceci m'amène personnellement à dire qu'il est clair que nous ne rendrons pas de décision finale aujourd'hui.

Donc, nous entendrions M. Warf et nous poserions d'autres questions, pour en terminer avec les questions. Ensuite, nous pourrons aviser l'Assemblée nationale ou la commission du moment où nous serons raisonnablement en mesure de faire connaître une décision finale.

M. Marx: Le ministre a circonscrit le problème comme étant une question de délai et que possiblement le délai que nous avons donné aux avocats d'intenter une action en 1974 n'était pas suffisant. On peut dire peut-être que le projet de loi privé qui est...

M. Bédard: Je préférerais que, de part et d'autre, pour ne pas apporter d'ambiguïté, on dise ce qu'on a à dire. Je prends l'engagement que je vais essayer de ne pas vous faire dire ce que je pense vous avez dit parce que, dans ces domaines, on est porté à se corriger rapidement quand on pense qu'on est mal interprété.

Le Président (M. Rochefort): Peut-on commencer immédiatement?

M. Scowen: Avant qu'on invite M. Warf, puis-je ajouter un mot? Vous avez proposé après qu'on aura entendu M. Warf et posé quelques questions, de suspendre.

M. Bédard: On termine avec les questions et on recommence avec la charte ce. soir. Pour ce qui est de la décision qu'on aura à rendre, on avisera en conséquence.

M. Scowen: Oui. C'est seulement sur cette suggestion que vous avez faite que je veux parler brièvement. Vous aurez le droit de proposer une motion de suspension. Vous avez la majorité et cela sera adopté. Cependant...

M. Bédard: Non, non, non. Continuons à procéder comme on a procédé. Ce n'est pas une question de majorité; c'est une question de raisonnement.

M. Marx: Bon, alors, sur le plan du raisonnement, je veux seulement vous dire, M. le ministre, qu'effectivement il n'y a pas de nouveaux faits ou de nouveaux arguments qui ont été soulevés aujourd'hui. C'est une question qui existe, quant à moi, depuis au moins quatre ou cinq ans. Je ne comprends pas pourquoi on doive encore retarder une affaire dont le problème principal, à mon avis, est le retard...

M. Bédard: Sans présumer de la décision ou de l'idée que je peux avoir à l'esprit, je vous assure que je suis très déçu de votre remarque à savoir qu'il n'y a pas de nouveaux faits, etc. Il y a ceci de fondamentalement différent, c'est que, contrairement à tout ce qui n'a pas été fait dans le passé, nous avons eu l'occasion aujourd'hui d'entendre des argumentations très poussées. Je pense que la meilleure des attitudes est d'avoir la précaution d'aller au fond des choses. Peut-être qu'il y en a qui sont capables de...

M. Scowen: Peut-être que les arguments

qu'on a entendus aujourd'hui, qui sont fort valables, sont des arguments qu'on connaissait déjà; sont les arguments d'un côté et de l'autre, les miens et les autres. C'est cela.

M. Bédard: Je fais appel au sérieux de la décision que nous avons à prendre. Je comprends que le député de Notre-Dame-de-Grâce a présenté son projet. Il a dit qu'on l'a même aidé techniquement au niveau du ministère de la Justice à préparer son projet pour essayer d'aller au fond des choses, d'entendre des parties, d'entendre des arguments. Je me dis: Soyons conséquents avec ce que nous avons fait et, à moins d'être en mesure de dire que les personnes que nous avons entendues nous ont dit des futilités, des choses qui ne doivent pas être prises en considération, il me semble qu'il y a lieu de se donner un délai d'approfondissement, parce que c'est une décision importante que nous avons à prendre.

M. Scowen: Une question de privilège, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): II n'y a pas de question de privilège. Rapidement...

M. Scowen: Je pense que c'est une question de règlement.

Le Président (M. Rochefort): ...sur la question qui est en...

M. Scowen: J'espère que le ministre me comprend bien quand je dis que ce n'était pas la question que les arguments d'aujourd'hui n'étaient pas importants et qu'ils n'étaient pas bien présentés des deux côtés. C'est simplement que, quant à moi, ce sont des arguments très importants qui sont déjà connus depuis un bout de temps.

M. Bédard: Sans en faire un débat, je ne suis pas d'accord avec le député de Notre-Dame-de-Grâce, parce qu'il doit convenir que c'est la première fois que nous entendons des personnes qui sont concernées très directement dans le débat et nous avons été mis devant des argumentations qui méritent analyse. Quand je dis cela, je ne présume pas de l'idée à laquelle je peux en venir, mais simplement du sérieux que nous devons attacher à nos délibérations.

Le Président (M. Rochefort): Merci. J'inviterais donc M.Warf à prendre place à la table.

M. Auclair: M. le Président, avant que M. Warf n'intervienne, j'aurais deux interventions très courtes à faire. D'abord, j'aimerais demander au ministre de la Justice s'il a reçu le télégramme du bâtonnier du Québec concernant la position du barreau relativement au présent projet de loi.

M. Bédard: J'ai effectivement reçu un télégramme du barreau qui reprend essentiellement la position que les bâtonniers ont adoptée d'une façon solidaire en ce qui a trait à ce projet de loi. D'accord?

M. Auclair: Ma deuxième intervention est celle-ci: Vous avez mentionné tantôt qu'il s'agissait seulement de sept jours, un court délai pour prendre un recours. Je soulignerais que, dans le cas Gaudreau qui occupe principalement ma cliente, l'Hôtel-Dieu de Saint-Jérôme, M. Gaudreau a eu cinq ans pour prendre son recours. Il a eu de 1969 au 31 décembre 1974; on ne parle plus de sept jours.

M. Bédard: Soyons de bon compte de part et d'autre. Il y avait une insécurité juridique, imaginez-vous. Si elle existait pour la communauté juridique et aussi pour les assurances, n'allons pas demander aux citoyens de ne pas avoir eu à vivre avec cette insécurité, à ce moment-là. Je pense qu'on ne s'entendrait pas au départ.

M. Marx: Je pense que c'est un point très important que le ministre a soulevé.

M. Bédard: Non, on ne peut quand même pas demander aux citoyens d'être plus en sécurité, juridiquement parlant, que les avocats qui les représentent.

M. Auclair: Non, mais, s'il y a de l'incertitude, on est peut-être plus diligent à ce moment-là.

M. Bédard: Je vous dis honnêtement que, personnellement, ce n'est pas ce qui va m'influencer. Il y a d'autres argumentations qui ont été apportées; je pense qu'elles sont beaucoup plus substantielles et qu'elles méritent analyse.

Le Président (M. Rochefort): J'inviterais donc M. Warf à prendre place à la table à l'avant. À l'ordre, s'il vous plaît: Je vous demanderais de prendre place. Me Richard, est-ce que M. Warf est en mesure de...

M. Warf (Alfred Henry): I would like to tell you what happened during my stay at the hospital. I was told that the neomycin, the antibiotics they gave me, was causing my hearing. In 1970, I started to go deaf. I complained to them at the hospital about what was happening, but they would pay no attention to me. As time went on, it got worse and they discharged me from the hospital and sent me to another hospital to a specialist. They examined me and they asked

me what was happening, I told them that I had a lung removed and that they were giving me neomycin. They said: In that case, there is nothing we can do and that is what is causing your hearing problem. So I said: Would you give me a paper to that effect, so that I can take it back to the hospital? They put their hands up and said: We cannot do that. Well, I said: Would you phone them and tell them, so that they stop using neomycin? I still had some hearing left. This was in April. They would not.

So I went back to the hospital and I reentered the hospital again. I told one doctor about the neomycin. He told me: You do not know what you are talking about. I said: Look, why did they discharge me in the first place to go to a specialist to find out what was happening and now, you tell me that I do not know what I am talking about? I said to at least phone them or get somebody to go up there and get a written statement. Oh! we cannot do that either! So, I talked to the head surgeon and I said: What are you going to do about my hearing? Nothing! Well, I said: You are going to do something because it is getting awfully bad now. I started to wear a hearing aid. Put your hearing aid in. This was one that I got from my brother. I did not have one of my own at that time.

One of the resident doctors kept on me and said: Do not worry, Mr. Warf, everything is fine. You will get you hearing back. He said not to worry about it. I said: Look, it is getting worse all the time. Anyway, they would not do anything about it and they kept on. So, I have a hole inside.

I was supposed to be discharged from the hospital. The head surgeon said no. He said: I am going to block that hole before you leave here. So, I was slated to go in the operating room on a Saturday morning. They wanted to give me more neomycin. I said: No more! I still have a little bit of hearing left and I want to keep it. I said: That, no more, finished! But, if we do not use the neomycin, he said, we cannot operate. Well, I said that was too bad. You would have thought that the hospital fell down because everybody came into my room in about five minutes. They wanted to know why I was refusing. I told them. So they insisted that they close the hole before I left. I told them: On one condition; I will take the operation if you do not touch my back. That was agreed upon. They operated on me the Saturday morning. When I came out of the anesthesia, I had no more hearing and no more back. That was it.

This is the way I am today. I am still bleeding inside and they will not do anything about it. They tell me there is nothing wrong. Yet, I gained 135 pounds and I go down 28 and they say nothing is wrong. I go to the hospital and they will not do anything. They say there is nothing wrong with me. This is the kind of treatment that I am getting. This is why I am going after them now.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Peut-être puis-je poser une question à M. Warf, par l'entremise de son avocat?

M. Warf: I had one doctor.

M. Marx: Je vais la poser en anglais. Il sera plus facile de l'écrire. Is Mr. Warf working now? If he is not working, where does his revenue come from? What was he doing before his operation?

M. Warf: No, I have not been working.

M. Marx: What was he doing before his operation?

M. Warf: I was a volunteer worker at Left bridge doing things for free, repairing things.

M. Marx: What occupation did he have before 1970?

M. Warf: Now, my yearly income is less than 5000 $. I have two pensions. I have lost my wife in the mean time and I get her pension from Québec. I have one Veteran's pension. This is what I am living on.

M. Marx: What was...

M. Warf: Now, we are two living on that. I was working at Montreal Aero Shell Aircraft. They told me: "You do not need your hearing to work on aircraft." I laughed, I could not even get near an aircraft. No hearing.

M. Scowen: Combien gagnait-il en 1970?

M. Warf: At the time, in 1970, it was about 10 000 $.

Le Président (M. Rochefort): Cela va, messieurs?

M. Warf: If I would have had my hearing, my employer told me I would still had my job even sweeping the floor. With no hearing, it was impossible to give me anything around aircraft.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: J'aurais une question qui

s'adresserait plutôt à Me Richard. Quand est-il allé voir un avocat pour la première fois?

M. Richard (Michel): II est venu nous voir pour la première fois au mois d'août 1973, je crois.

M. Bédard: Merci.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cela va? Sur ce, la commission suspend ses travaux jusqu'à...

M. Marx; Avant de suspendre nos travaux, j'aimerais remercier les avocats qui se sont présentés pour nous expliquer pourquoi adopter ou pourquoi ne pas adopter ce projet de loi privé. C'était plutôt des plaidoiries d'une très haute qualité qui ont beaucoup éclairci le problème devant cette commission et j'aimerais les remercier au nom de l'Opposition.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, à la suite de ce que le ministre a suggéré, dois-je comprendre que nous n'aurons plus la possibilité d'interroger les procureurs? Si c'est le cas, j'aurais une question à poser à Me Martin.

M. Bédard: M. le Président..

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: ... je pense qu'on devrait terminer avec nos questions - cela s'adresse à tous les membres de la commission - de manière que les personnes qui sont venues nous rencontrer puissent partir.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je voudrais poser cette question à Me Martin. Il a dit à plusieurs reprises, au moins deux fois, que l'intention qu'il y a derrière ou dans le projet de loi est louable. Si je comprends bien, il n'est pas d'accord avec le moyen de réaliser cette intention. Je voudrais donc lui demander comment on pourrait réaliser cette intention louable, selon lui.

M. Martin: J'ai dit que l'intention était louable en ce sens qu'on voit une personne affectée d'une invalidité et qu'on voudrait bien qu'elle possède un recours. Lorsqu'on veut lui accorder un recours, on le lui accordera au détriment d'autres citoyens et c'est cela que j'ai voulu vous souligner. Il n'y a pas d'autres moyens et c'est malheureux.

M. de Bellefeuille: À votre avis il n'y a pas d'autres moyens.

M. Martin: À mon avis, il n'y a pas d'autres moyens. Le cas est sympathique, je suis avec vous pour cela. Personnellement, j'ai entendu M. Warf et j'ai été touché. D'ailleurs, j'étais personnellement touché bien avant. Le cas est malheureux. Cependant, je ne veux pas que, parce qu'un cas est malheureux, on transporte ce malheur-là sur quelqu'un d'autre qui possédait avant un moyen de défense.

M. de Bellefeuille: Me Martin, ce n'est pas nous qui serons appelés à juger de cela. Ce dont vous parlez est de nature judiciaire. Ce n'est pas notre partie.

M. Martin: Non, votre partie est de nature purement législative, c'est évident.

M. de Bellefeuille: C'est cela.

M. Martin: Seulement, j'ai souligné l'importance que le législateur ne privilégie pas un citoyen au détriment d'un autre.

Le Président (M. Rochefort): Merci.

M. Martin: Quand j'ai dit "louable", c'était dans le sens sympathique. C'est bien sûr que ce que les gens veulent, c'est que M. Warf ait un recours et tout le monde voudrait bien que M. Warf ait un recours. Mais, par contre, il ne faudrait pas, pour cela, enlever les moyens de défense des défendeurs.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Scowen: Je veux poser une question au ministre sur ses intentions. La commission concernant ce sujet, le projet de loi no 221, va suspendre ses travaux et c'est l'intention du ministre de la rappeler plus tard pour continuer les travaux. Est-ce cela? Est-ce son intention de faire ce rappel avant la fin de la présente session?

M. Bédard: Écoutez! On peut, quand même, s'accorder un délai afin de répondre à votre question parce que, si ce n'est peut-être pas à cette session-ci, ce sera à une autre qui va suivre très rapidement. On parle de deux mois ou plus, peut-être deux mois et demi. Je ne le sais pas. Si cela devait être cette dernière hypothèse, à ce moment-là, il est évident qu'il y aurait une motion qui ferait en sorte que - je ne parlerai pas des procédures, mais des gestes posés - l'étape où nous en sommes, nous y reviendrions à ce moment-là sans qu'il soit besoin de recommencer à neuf.

M. Scowen: Si je comprends bien...

M. Bédard: Vous ne comprenez pas trop. Tout ce que je vous demande pour le moment - je pense que c'est bien normal, on va suspendre dans quelques instants - c'est de se donner un délai, pour répondre à votre question.

M. Scowen: Le projet de loi, s'il n'est pas adopté, va mourir au feuilleton à la fin de la présente session.

M. Bédard: Non, à ce moment-là, quand une autre session recommencera dans un délai qui ne sera quand même pas très long, il y aura, comme vous le savez, la possibilité d'une motion qui ramène...

Mme Lavoie-Roux: Le ranime.

M. Bédard: ... non seulement qui ranime, mais qui ramène l'ensemble des procédures au même stade où elles sont présentement.

Le Président (M. Rochefort): Si je comprends bien, M. le ministre, il y a consentement des membres de la commission pour suspendre l'étude du projet de loi no 221 qui est devant nous actuellement.

M. Bédard: Oui, M. le Président.

M. Scowen: Je ne suis pas d'accord, mais...

M. Bédard: Voulez-vous dire quelque chose?

Le Président (M. Rochefort): Vous vous opposez à ce qu'on en suspende l'étude?

M. Scowen: Oui, personnellement, je suis contre la suspension. Je pense qu'on doit continuer les discussions et essayer d'en arriver à une conclusion. C'est mon opinion.

M. Bédard: M. le Président, j'inviterais le député... Écoutez! On peut, enfin, peut-être que le député de D'Arcy McGee a quelque chose à dire.

M. Marx: Je n'ai rien à dire. J'ai déjà remercié les avocats qui sont venus. Je pense qu'il faut suspendre.

M. Bédard: Soyons clairs. Je vois le député de D'Arcy McGee qui semble d'accord...

M. Marx: Ajourner ou suspendre.

M. Bédard: ... avec la suggestion que je fais.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee, je veux bien qu'on se comprenne. Avant de suspendre nos travaux, il faut qu'on décide de la façon dont on dispose, pour l'instant, du projet de loi no 221. Est-ce qu'on s'entend pour suspendre son étude?

M. Marx: Ou on peut dire que la commission ajourne ses travaux sine die, qu'on va revenir avec le projet de loi no 86 après le dîner et, à un autre moment, qu'on va étudier le projet de loi no 221.

Le Président (M. Rochefort): Sauf que, M. le député de D'Arcy McGee, on ne peut pas ajourner les travaux de la commission sine die parce que nous avons reçu un mandat global qui est divisé en trois parties. Alors, cela nécessiterait que la Chambre nous donne un nouveau mandat pour procéder à l'étude article par article du projet de loi no 86.

M. Bédard: M. le Président, il me semble que l'élémentaire procédure à adopter, c'est de suspendre tout simplement nos travaux relativement à ce projet de loi.

Le Président (M. Rochefort): Cela va? On s'entend.

M. Scowen: Je veux simplement dire que vous pouvez suspendre et j'imagine qu'il n'est pas nécessaire que je sois d'accord. Mais cette suspension, c'est ce que nous avons fait effectivement avec le projet de loi no 190.

M. Bédard: II n'a pas été étudié.

M. Scowen: Exactement. Précisément, pendant deux ans, il n'a pas été étudié. On a pris la peine d'avertir tout le monde quelques mois à l'avance. On a rédigé un texte qui était conforme. Tout ce que j'aurais préféré, c'est qu'on poursuive nos travaux ce soir et jusqu'à la fin de la session pour nous permettre d'en arriver à une conclusion. C'est ma préférence. (18 h 45)

M. Bédard: Ne me demandez pas d'être méchant. La conclusion serait connue depuis longtemps si le projet de loi que j'ai présenté avait été adopté et s'il n'y avait pas eu d'opposition dans le temps...

M. Scowen: Je vous comprends parfaitement.

M. Bédard: ... de la part de l'Opposition et de la part du barreau. De ce côté, je suis très à l'aise pour dire...

M. Marx: Nous n'étions pas ici, M. le ministre.

M. Bédard: Vous ne pouvez quand même pas vous défendre en disant que vous n'y étiez pas personnellement. L'Opposition se continue, il doit y avoir des gestes qui...

M. Marx: Je ne m'en souviens pas.

M. Bédard: Vous aimez bien que les membres du gouvernement soient solidaires, quelles que soient les personnes qui assument des responsabilités. Je suis très bien placé pour dire que l'élémentaire prudence, devant les arguments qui nous ont été présentés aujourd'hui - le député de D'Arcy McGee a même dit qu'on est allé au fond des choses en termes d'argumentation sérieuse - recommande de s'accorder un délai de réflexion avant de disposer, de ce projet de loi, de manière à être sûr qu'on prend la bonne décision.

M. Scowen: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): Nous nous entendons donc pour suspendre l'étude article par article du projet de loi no 221 et nous suspendons nos travaux jusqu'à...

M. Marx: ... 21 heures.

M. Bédard: Vous me permettrez également de remercier toutes les personnes qui se sont faits entendre aujourd'hui. Quelle que soit la décision à laquelle nous en viendrons, nous aurons au moins la satisfaction d'être convaincus d'avoir présenté aux membres de la commission toute l'argumentation nécessaire. Nous allons essayer de prendre cette décision en ayant à l'esprit cette argumentation, en ayant aussi à l'esprit - cela a été souligné à la fin de nos travaux - le cas extrêmement sympathique des personnes requérantes dans ce projet de loi privé.

M. Marx: Je souscris aux propos du ministre.

Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement pour suspendre jusqu'à 21 heures?

M. Bédard: Oui.

M. Marx: À 21 heures, parce qu'on ne va pas terminer ce soir, de toute façon.

Le Président (M. Rochefort): Donc, la commission suspend ses travaux jusqu'à 21 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 47)

(Reprise de la séance à 21 h 12)

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre!

La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux pour accomplir...

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): Juste un moment, M. le député de Deux-Montagnes. Donc, pour accomplir le troisième mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée nationale, ce matin. Ce mandat, étant d'étudier article par article, le projet de loi no 86, Loi modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Les membres de la commission sont les mêmes que pour les deux séances précédentes. Toutefois, il faudrait procéder à la nomination d'un nouveau rapporteur pour nos travaux. J'attends la proposition des membres de la commission.

M. de Bellefeuille: M. le Président, puis-je proposer le député d'Ungava.

Le Président (M. Rochefort): Le député de Deux-Montagnes propose le député d'Ungava pour agir comme rapporteur de notre commission. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Comme vous le savez, M. le Président, nous avons passé l'après-midi ensemble dans cette pièce. Cette pièce est exiguë et n'est pas ventilée. La question que je soulève, enfin c'est une demande de directive, M. le Président. Puisque nous sommes à la commission de la justice, je voudrais que justice soit faite pour nos poumons, pour nos systèmes respiratoires et qu'il soit convenu entre nous, par consentement unanime, qu'il soit interdit de fumer dans cette pièce pour la séance de ce soir. J'accepterais volontiers qu'à toutes les heures nous fassions une pause de cinq minutes, pour permettre aux fumeurs d'aller honteusement dans le corridor se livrer à leur vice.

Le Président (M. Rochefort): Par les expressions que je viens d'entendre, M. le député de Deux-Montagnes, je crois que les fumeurs ont tous entendu votre message. Même si ce n'est pas dans mes habitudes, je vous soulignerai que je partage votre point de vue.

M. Bédard: Nous sommes à l'étude de la Charte des droits et libertés où on sait

que la liberté des uns doit nécessairement être limitée par la liberté des autres. Le respect mutuel est nécessaire.

Le Président (M. Rochefort): C'est justement ce que disait la motion du député de Deux-Montagnes, M. le ministre.

M. de Bellefeuille: M. le Président, l'intervention du ministre me force à revenir à la charge parce que je pense que le ministre fait fausse route. Je pense que les droits du fumeur ne comportent pas, s'ils existent, le droit d'empoisonner les autres.

Une voix: Alors, les fumeurs d'un bord et les non-fumeurs de l'autre.

M. de Bellefeuille: Non, non, les fumeurs dehors.

Une voix: Maintenant que vous n'avez plus grand monde pour...

Le Président (M. Rochefort): Alors, j'imagine que tous ont bien entendu votre message.

M. Bédard: On en usera avec modération.

M. de Bellefeuille: M. le Président, le monde se moque de nous autres, c'est vraiment épouvantable!

Projet de loi no 86

Le Président (M. Rochefort): Alors, avant d'appeler l'article 1, M. le ministre, est-ce que vous avez des commentaires généraux? (21 h 15)

Remarques préliminaires

M. Bédard: Non, M. le Président. Je crois que nous avons comme mandat de l'Assemblée nationale d'étudier ce projet de loi article par article. Nous avons eu un débat de deuxième lecture qui nous a permis de faire le tour de la situation. En ce qui me regarde, je sais pertinemment qu'à l'occasion de l'étude du projet article par article, on aura sûrement l'occasion d'évoquer ou d'aborder l'essentiel des remarques que nous pourrions faire au début de nos travaux. Je me limiterai. À moins que mon vis-à-vis ait des remarques particulières, je me réserve toujours le droit d'ajouter des avis.

Le Président (M. Rochefort): Mme la ministre.

Mme Marois: Ce n'est pas sur le fond, alors je reviendrai quand l'intervention de...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'ai deux ou trois remarques de nature générale. Est-ce que c'est le temps de les faire?

Le Président (M. Rochefort): Oui.

M. Marx: Je pense que la position de l'Opposition est assez claire en ce qui concerne ce projet de loi qui aura comme effet d'amender la Charte des droits et libertés de la personne. Nous avons rendu publique notre position lors d'une conférence de presse, le 25 octobre 1982. Le propos était reproduit dans le Devoir du 10 décembre 1982. De plus, nous avons rendu publique une deuxième fois notre position en deuxième lecture du projet de loi. Je dois souligner que nous avons voté pour le projet de loi en deuxième lecture. Je pense que le vote était unanime à l'Assemblée nationale parce que, comme je l'ai déjà dit à maintes reprises, nous sommes d'accord avec les principes qu'on trouve dans ce projet de loi mais, d'autre part, nous ne sommes pas tout à fait d'accord avec certains amendements. Même si nous ne sommes pas d'accord avec certains articles, il va de soi, j'imagine, qu'on va voter pour le projet de loi en troisième lecture.

Je vois deux grands problèmes...

M. Bédard: Je voudrais bien comprendre quand vous avez évoqué votre position. Je sais qu'effectivement vous avez voté pour le projet de loi en deuxième lecture. Votre position - même si nous ne sommes pas d'accord, comme vous l'avez dit, sur tous les points - n'est pas dans le sens qu'on ne procède pas à l'adoption de ce projet de loi.

M. Marx: Je ne veux pas retarder quoi que ce soit, ce n'est pas mon style. Le ministre me connaît assez bien et sait que je suis pour un travail efficace et le plus rapide possible.

Je vois deux grands problèmes avec ce projet de loi et avec la charte en général. C'est-à-dire que la charte québécoise incorpore dans une loi-cadre des lois - si je peux le dire ainsi - qui ont des fonctions différentes. Dans notre loi-cadre qu'on appelle charte on a une charte des droits fondamentaux et, en même temps, nous avons une loi contre la discrimination. Je pense que d'avoir ces deux "lois" dans la même loi-cadre cause un certain nombre de problèmes parce qu'une charte des droits fondamentaux et une loi contre la discrimination visent des buts différents. Par exemple, la clause restrictive proposée à l'article 2 du projet de loi. Cette clause restrictive qu'on retrouve à l'article 2 pourrait bien se trouver dans une charte des droits fondamentaux, mais une telle clause restrictive ne se retrouve pas dans les lois contre la discrimination. Quand je parle de

loi contre la discrimination, je vise les articles 10 à 20 dans notre charte.

Il ne faut pas oublier qu'au niveau fédéral, nous avons une charte constitutionnelle des droits fondamentaux et aussi nous avons une loi contre la discrimination, comme la Loi canadienne sur les droits de la personne. C'est la même chose aux Etats-Unis, c'est la même chose dans l'État de New York, dans l'État de la Californie, et ainsi de suite.

Si vous voulez une autre exemple, il est plus ou moins normal, ces jours-ci au moins, d'avoir, dans une charte où on trouve les droits fondamentaux, une clause "nonobstant" comme on a dans la charte québécoise la clause "malgré" qui se trouve, je pense, à l'article 52 ou autour de 52, quoique dans une loi contre la discrimination, comme dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, on ne retrouve pas une clause "nonobstant" ou une clause "malgré" comme dans la charte québécoise.

Je pense que cela pose un problème fondamental, à mon avis, et cela va nous causer des difficultés avec la charte.

M. Bédard: Je m'excuse. Je voudrais être sûr d'avoir bien compris. Est-ce que vous avez dit que dans la charte canadienne il n'y avait pas de clause "nonobstant"?

M. Marx: Dans la charte canadienne il y a une clause "nonobstant". Mais dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, il n'y a pas de clause "nonobstant" parce que les législateurs ont pensé utile de l'avoir dans la charte constitutionnelle mais elle est rare, ou cela ne se voit jamais, dans les lois contre la discrimination. Je pense que cela va nous poser un certain nombre de problèmes étant donné, comme je viens de le dire, que nous avons une loi-cadre, si vous voulez, qui incorpore une charte des droits et, entre guillemets, "une loi contre la discrimination."

Un deuxième problème, que j'ai déjà soulevé et sur lequel je ne vais pas trop insister parce que le ministre n'a pas tenu compte de ce problème dans son projet de loi, je pense qu'il faut vraiment étudier et revoir en profondeur les pouvoirs, les devoirs et le fonctionnement de la Commission des droits de la personne du Québec. Aujourd'hui, quelqu'un m'a dit qu'il y a des causes qui traînent pendant deux ou trois ans devant la commission. Cela n'a pas de sens. Ce n'est pas la justice et le ministre est bien conscient de ce problème. Ce n'est peut-être pas seulement une question de ressources, c'est peut-être une question de revoir comment la commission fonctionne.

J'ai déjà dit qu'il y a aussi un problème au niveau de la commission. Les membres de la commission sont souvent des enquêteurs, des conciliateurs, ce sont des gens qui jouent le rôle d'arbitre. Ce sont aussi des arbitres et souvent, même, ils agissent à titre de juge ou de procureur pour la commission devant les tribunaux. Cela peut causer une certaine confusion à la Commission des droits de la personne. J'ai déjà mentionné qu'à la Commission fédérale des droits de la personne la même personne ne peut pas être enquêteur et conciliateur en même temps.

Donc, je vois cela comme étant les deux grands problèmes et je ne pense pas qu'on résolve ces deux problèmes aujourd'hui dans le cadre de l'étude de ce projet de loi parce que je pense que, quant au deuxième problème, le ministre n'est pas prêt à faire cette étude à ce moment-ci pour des raisons que, j'imagine, il va nous expliquer.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, quelques remarques seulement sur le deuxième problème que vient d'évoquer le député de D'Arcy McGee, à savoir la nécessité qu'il y aurait de revoir l'ensemble des pouvoirs et des devoirs de la Commission des droits de la personne, son fonctionnement, etc. Je pense, tout d'abord, qu'une réévaluation de la charte, telle que nous la faisons par le présent projet de loi, va nous amener nécessairement à procéder - c'est déjà en grande partie fait - à une évaluation des ressources nécessaires pour répondre à l'ensemble des obligations qui seront ajoutées à la responsabilité de la Commission des droits de la personne par l'adoption de ce projet de loi amendant la Charte des droits et libertés d'une façon très substantielle, je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus.

Je crois qu'il est tout à fait naturel et logique, il me semble, de commencer par prendre les décisions nécessaires sur ce que doit être le contenu de notre Charte des droits et libertés de la personne pour, dans un deuxième temps, procéder à l'évaluation ou la réévaluation en profondeur de l'ensemble du rôle de la Commission des droits de la personne, des ressources qui doivent être mises à sa disposition. Je ne pense pas qu'il aurait été logique de procéder à une réévaluation de l'ensemble du rôle et des responsabilités de la Commission des droits de la personne, une réévaluation de sa charge de travail, sans, auparavant, arrêter nos décisions sur ce que doit être le contenu de notre Charte des droits et libertés de la personne.

C'est l'étape à laquelle nous procédons. La deuxième sera l'évaluation des ressources nécessaires pour répondre aux besoins, les nouvelles responsabilités, et, également, une réévaluation de l'ensemble des devoirs, des pouvoirs et rôle de la Commission des droits

de la personne.

Sur le deuxième point, il me semble que c'est la manière logique de fonctionner. Concernant le premier point soulevé par le député de D'Arcy McGee, que cela peut représenter certaines difficultés que d'incorporer des lois différentes dans une même législation, à savoir la charte des droits et libertés fondamentaux, de même qu'une loi contre la discrimination, je voudrais simplement faire remarquer que les amendements que nous proposons présentement peuvent constituer une réponse à ces difficultés que peut représenter une telle incorporation. Entre autres, le député de D'Arcy McGee disait que, dans une loi contre la discrimination, il n'est pas nécessaire d'avoir ce qu'on pourrait appeler une clause restrictive ou une clause soupape, et j'en conviens avec lui. D'ailleurs, à partir du moment où notre charte était fondamentalement orientée dans la lutte contre la discrimination, il n'y avait pas de telle clause soupape ou de telle clause restrictive et ce n'était pas nécessaire.

Je voudrais bien rappeler que la clause restrictive que nous incluons dans ce projet de loi n'a d'effet qu'à l'égard des articles 1 à 8 concernant les libertés et droits fondamentaux. Je pense qu'à partir de ce moment-là, même si cela peut présenter certaines difficultés, il n'y a pas de difficulté majeure à ce que soient incorporés dans notre Charte des droits et libertés la notion de défense et d'exercice des droits et libertés fondamentaux de même que les principes de la lutte contre la discrimination.

M. le Président, je me limiterai à ces remarques sur ces deux points soulevés par le député de D'Arcy McGee.

Le Président (M. Rochefort): Merci, M. le ministre.

M. Bédard: Vous permettez une seconde? (21 h 30)

Le Président (M. Rochefort): Avant d'amorcer l'étude des différents articles du projet de loi, j'aimerais demander le consentement des membres de la commission pour apporter une modification à la liste de nos membres, qui viserait à substituer le nom de M. Charbonneau (Verchères) à celui de Mme Marois (La Peltrie). Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président (M. Rochefort): Et Mme

Lavoie-Roux (L'Acadie) remplacerait M. Dauphin (Marquette). Est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: Consentement.

M. de Bellefeuille: Ah oui! Empressement, M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Simplement une phrase. En résumé, je crois, M. le Président, qu'il est tout à fait facile de voir incorporés dans notre Charte des droits et libertés de la personne des principes qui sont orientés dans le sens de la lutte contre la discrimination de même que de la défense et de l'exercice des libertés et droits fondamentaux, puisque le droit contre la discrimination constitue quand même un élément du droit à l'égalité, qui est fondamental dans une société.

M. Marx: M. le ministre, je n'ai peut-être pas précisé une différence que je dois préciser maintenant. Une charte des droits fondamentaux s'applique aux lois et aux règlements adoptés par un corps gouvernemental, soit une municipalité, soit une Législature. Mais une loi contre la discrimination s'applique non seulement aux actes d'un gouvernement ou d'un conseil municipal, mais aussi aux actes des individus et aux contrats qui touchent seulement des individus. Je pense que c'est aussi une autre distinction importante.

En ce qui concerne l'exposé du ministre, je pense qu'on va aborder cette question une deuxième fois en étudiant l'article 2 du projet de loi.

M. Bédard: En tout cas, je veux simplement dire, sans argumenter plus avant, que je ne partage pas l'opinion du député de D'Arcy McGee que les droits fondamentaux s'appliquent surtout aux actes gouvernementaux, alors que...

M. Marx: Je n'ai pas dit cela. J'ai dit qu'une charte des droits fondamentaux s'applique normalement. Donnez-moi des exemples de chartes des droits fondamentaux qui s'appliquent aux actes, aux contrats...

M. Bédard: Une charte des droits et libertés s'applique normalement aux actes gouvernementaux. Je crois que cela rejoint essentiellement les individus. Les chartes des droits et libertés s'appliquent à tout le monde.

M. Marx: L'American Bill of Rights ne s'applique pas aux individus. Cela s'applique aux lois, aux règlements municipaux. Cela ne s'applique pas aux contrats entre individus. C'est cela la différence.

M. Bédard: Enfin, je trouve cela théorique parce que...

M. Marx: Non, ce n'est pas théorique.

M. Bédard: Écoutez! Vous avez droit à votre opinion.

M. Marx: Ce n'est pas théorique.

M. Bédard: Je trouve l'argumentation du député de D'Arcy McGee théorique ou académique puisque s'il y a une loi qui touche profondément et directement les individus, c'est bien une charte des droits et libertés, tout autant qu'une loi qui lutte contre la discrimination. Je veux simplement dire que je ne partage pas cette analyse.

M. Marx: Voilà!

Le Président (M. Rochefort): J'appelle donc l'article 1.

M. de Bellefeuille: M. le Président.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Avant que nous abordions l'article 1, je voudrais poser une question au ministre. Nous avons reçu des représentations de la part de la Commission des droits de la personne et, à la lecture des amendements que propose le ministre, je vois que le ministre, dans plusieurs cas, en a tenu compte. Cependant, il y a une question extrêmement vaste à laquelle les amendements ne touchent pas, c'est la question des droits des peuples autochtones. Cette question est, comme je viens de le dire, très vaste; elle est aussi extrêmement complexe. Je pense que nous serions d'accord pour la considérer comme très importante, surtout dans le contexte politique actuel où le premier ministre du Canada, n'ayant pas suffisamment porté attention à cette question au moment où il a fait son coup de force constitutionnel, cherche aujourd'hui à se refaire une image et convoque une conférence devant porter sur cette question qu'il a négligée. Je ne doute pas que nous serons également d'accord, autour de cette table, pour dire que le Québec souhaite être une société modèle, autant que faire se peut, quant à la reconnaissance que notre société accordera aux droits des autochtones.

Ma question s'adresse au ministre. Je n'ai pas du tout en tête d'ajouter des amendements à la charte tout de suite, comme cela, sur le bras, comme on dit. Mais, à plus long terme, comment le ministre voit-il les rapports entre notre charte et cette question importante des droits des autochtones?

M. Bédard: Comme l'a dit le député de Deux-Montagnes, les droits des autochtones représentent effectivement une question très importante. La Commission des droits de la personne recommande même qu'il y ait un chapitre de consacré à cette question dans la Charte des droits et libertés. Le député de Deux-Montagnes peut être assuré que nous y sommes plus que sensibles. Au moment où on se parle, il y a une étude qui se poursuit au niveau du ministère de la Justice dans le sens d'étudier globalement toute cette question. Nous sommes effectivement au courant, tous les membres de cette commission parlementaire, qu'il y aura très prochainement une conférence constitutionnelle à l'issue de laquelle il y aura peut-être des évaluations à faire. Je puis assurer le député de Deux-Montagnes que l'intention du gouvernement est, comme il l'a dit, peut-être pas à moyen terme dans le sens de demain, mais dans le plus court terme possible, de procéder à une évaluation globale de manière à en arriver à des conclusions que nous pourrions ensuite incorporer à la charte.

M. de Bellefeuille: Merci.

M. Marx: Le problème soulevé par le député de Deux-Montagnes concernant les autochtones est un problème qui est en grande partie, sinon tout à fait, de la compétence du gouvernement fédéral. Donc, il serait impossible pour l'Assemblée nationale de régler ce problème, étant donné que c'est en grande partie de la compétence du fédéral.

M. Bédard: Oui, il y a une compétence fédérale. D'autre part, il y a quand même une situation particulière au Québec...

M. Marx: C'est cela.

M. Bédard: ... si on la compare avec des situations équivalentes dans les autres provinces, étant donné les traités signés. Pour cela, je crois que c'est globalement qu'il faudra aborder le problème, dès que les études seront terminées au niveau du ministère de la Justice. Des rencontres sont tenues aussi par le premier ministre avec ces groupes. Tout cela devrait normalement être terminé, à ce qu'on me dit, d'ici le mois de mai. À ce moment-là, il y a une réflexion commune qu'on pourra faire, étant convaincu davance que la préoccupation évoquée par le député de Deux-Montagnes rejoint la nôtre et également celle de l'Opposition.

Étude article par article Libertés et droits fondamentaux

Le Président (M. Rochefort): Article 1.

Des voix: Adopté.

M. Bédard: L'article 1 modifie le titre du chapitre afin de bien faire ressortir que

les droits qui y sont énumérés sont fondamentaux. L'article modifie également l'article 1 de façon que celui-ci ne se réfère plus uniquement à l'intégrité physique d'une personne, mais à son intégrité totale, c'est-à-dire y compris sont intégrité morale. C'est dans ce sens que l'amendement a été présenté parce que, tel que libellé auparavant, il pouvait paraître restrictif.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet article est adopté?

M. Bédard: Pour le reste, cela reprend essentiellement ce qui était conclu dans la Charte des droits et libertés.

Le Président (M. Rochefort): Adopté? Une question, je crois.

M. Bédard: Oui. L'amendement aurait pour effet de remplacer l'article 9.1 de la charte par le suivant: "Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. "La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice".

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cet amendement est adopté?

M. Marx: Non.

Le Président (M. Rochefort): Non?

M. Bédard: Oisons que j'ai bien l'impression que les membres de la commission veulent en discuter. C'est quand même un article important du projet de loi. On pourrait entendre les...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, voulez-vous faire des commentaires de présentation additionnels?

M. Bédard: L'article 9.1 a pour objet d'apporter un tempérament au caractère absolu des libertés et droits édictés aux articles 1 à 9 tant sous l'angle des limites imposées au titulaire de ces droits et libertés à l'égard des autres citoyens, ce qui est le cas pour le premier alinéa, que sous celui des limites que peut y apporter le législateur à l'égard de l'ensemble de la collectivité, principe qu'on retrouve au deuxième alinéa.

Le premier alinéa de l'article 9.1 ne fait qu'affirmer une réalité qu'on ne saurait contester c'est-à-dire que les libertés et droits fondamentaux doivent s'exercer en tenant compte des droits et libertés d'autrui. Cette réalité est d'autant plus vraie que certains de ces droits et libertés peuvent dans leur application pratique même s'opposer. On peut penser, par exemple, à la liberté d'expression face au respect de la vie privée. Le titulaire d'une liberté ou d'un droit visé à l'article 9.1 ne dispose donc pas d'un droit ou d'une liberté absolue dans son exercice.

Dans ce contexte, il apparaît tout à fait normal d'affirmer cette réalité dans la charte en précisant toutefois les limites à l'exercice de ces libertés et droits à savoir -il s'agit là de limites acceptables qui me semblent difficilement contestables d'affirmer le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

Pour ce qui est du deuxième alinéa, il indique que la loi pourra, en tenant compte du respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec, fixer la portée et aménager l'exercice des libertés et droits fondamentaux. Je pense qu'il n'est pas besoin d'insister sur le fait qu'il soit essentiel de permettre au législateur d'agir ainsi lorsque l'on songe à la portée souvent immense que peuvent avoir des droits tels que la liberté d'expression ou d'association ou le fait que ces droits, comme je l'ai dit tout à l'heure, peuvent s'opposer les uns aux autres. (21 h 45)

Voilà les commentaires préliminaires que j'aurais à faire concernant cet article. Nous avons apporté un amendement - je termine là-dessus - concernant la première formulation qui parlait des valeurs démocratiquement reconnues par les citoyens du Québec. Des représentations nous ont été faites, à savoir qu'une société, qu'elle soit québécoise ou une autre société - peu importe - peut accepter une telle formulation. Une société peut, à un moment donné, adopter ou se donner démocratiquement, c'est-à-dire par la voix de la majorité, des valeurs qui pourraient ne pas être toujours conformes à ce qu'on peut appeler des valeurs démocratiques fondamentales, quels que soient les groupes de citoyens concernés. Cela m'a semblé une représentation quand même de poids qu'il fallait considérer. C'est, en gros, ce pourquoi j'en suis venu à proposer l'amendement que je viens de porter à la connaissance de la commission.

M. Marx: J'ai beaucoup de questions et...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ... beaucoup de réserves sur cet article. Je vais commencer par deux questions, ou soulever deux points. Premièrement, je me demande sérieusement si on a vraiment besoin de l'article 9.1 dans la charte, parce que les juges qui vont interpréter la charte ne diront jamais: Tout

est possible. Il y a tellement d'exemples. Supposons qu'on a une clause sur l'égalité. On sait que les riches paient plus d'impôts que les pauvres. Les juges ne diront jamais: L'égalité exige que tous paient les mêmes impôts. Je pense que c'est un non-sens. Les juges ne vont jamais interpréter l'égalité de cette façon.

D'autre part, il y a, par exemple, des lois où on empêche les jeunes d'acheter du tabac. Parce qu'on a une clause qui fait qu'on ne peut pas exercer de discrimination contre quelqu'un à cause de son âge, les juges ne diront pas: Cette loi est invalide, parce qu'on empêche les jeunes d'acheter du tabac. Les juges au Québec et au Canada ont déjà - comment dirais-je? - élaboré un certain nombre de règles pour dire que les droits fondamentaux doivent s'exercer dans le respect des valeurs démocratiques ou, plutôt, qu'ils ne vont pas interpréter ces droits d'une façon outrancière. C'est le premier point. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir une telle soupape. On n'avait pas cette soupape dans la charte québécoise jusqu'à maintenant et cela a bien fonctionné sans cette soupape.

Deuxièmement, le ministre insiste pour avoir une clause restrictive comme dans l'article 9.1. Il propose une clause plus restrictive que celle qu'on retrouve dans la charte constitutionnelle. Je peux donner beaucoup d'exemples. Au moins, dans la clause restrictive de la charte constitutionnelle, il y a un renversement du fardeau de la preuve, c'est-à-dire que quelqu'un qui conteste une loi fédérale en plaidant que la loi est discriminatoire n'aurait pas comme fardeau de la preuve à prouver qu'une loi est discriminatoire dès qu'il y a - comment dirais-je? - une couleur de discrimination à la face même de la loi. Ce sera au gouvernement concerné de prouver qu'il n'y a pas de discrimination. Je pense que le renversement du fardeau de la preuve dans la charte fédérale est un point très important.

Pour résumer, je me demande sérieusement si on a vraiment besoin de cet article 9.1; à mon avis, non. Deuxièmement, si le ministre insiste pour avoir une telle clause, pourquoi nous propose-t-il une clause restrictive qui est plus restrictive que la clause qu'on trouve dans la charte canadienne?

M. Bédard: D'abord, je me demande si le député de D'Arcy McGee - qui est un expert en la matière, il me semble - est vraiment sérieux lorsqu'il se demande si l'on a besoin d'une clause restrictive ou d'une soupape. Il peut ne pas être d'accord avec le libellé de la clause, mais, de là à se poser la question si on doit en avoir une, il me semble que ce n'est pas très sérieux. Même les chartes internationales ont des clauses soupapes, la charte canadienne a une clause restrictive, toutes les chartes ont une clause restrictive. C'est d'autant plus important que les libertés et les droits fondamentaux qui sont énoncés dans la nôtre le soient d'une façon très absolue, même plus absolue que dans n'importe quelle autre charte. Je ferais remarquer au député de D'Arcy McGee que, dans la Charte des droits et libertés du Québec que nous avions et qui était uniquement orientée vers la discrimination, il y avait quand même dans le préambule une précaution qui avait été prise et où on disait ceci: "Considérant que les droits et libertés de la personne humaine sont inséparables des droits et libertés d'autrui et du bien-être général". On y faisait déjà allusion à ce moment. C'est d'autant plus important à partir du moment où on procède à un amendement tel que celui auquel nous procédons, à savoir que maintenant, ce qui n'était pas le cas auparavant, les articles 1 à 8, concernant les libertés et les droits fondamentaux, deviendront prépondérants sur les lois du Québec.

M. Marx: Avant et après?

M. Bédard: Avant et après, les lois postérieures c'est maintenant, dès la proclamation. Pour ce qui est des lois antérieures c'est normal, c'est la même chose que le fédéral s'est donné, un certain délai pour en faire l'examen, pour ensuite en arriver, dans un délai raisonnable, à ce que toutes les lois du Québec soient soumises à la prépondérance des articles 1 à 8. Je m'explique mal l'interrogation du député de D'Arcy McGee à savoir s'il doit y en avoir une. Quelle doit-elle être? Comment doit-elle être rédigée? Quelle doit être sa portée? Là, on peut se poser des questions, on peut arriver à des positions nuancées, mais, pour ce qui est de sa nécessité, il me semble que cela va de soi. Auparavant, ce n'était pas nécessaire puisque les articles 1 à 8 n'étaient pas prépondérants sur les lois du Québec. Or, cette situation sera maintenant changée avec l'adoption de cela.

Je m'excuse de prolonger, mais je pense que c'est fondamental, c'est peut-être l'article sur lequel on aura le plus de discussions concernant la nécessité d'une disposition générale sur le cadre d'exercice des droits fondamentaux. Je disais tout à l'heure que c'est d'autant plus nécessaire que, pour énoncer les libertés et les droits fondamentaux prévus aux articles 1 à 8 de la charte québécoise, le législateur a utilisé des termes très généraux pour, entre autres, en permettre le développement et l'adaptation au contexte social. Mais par nature, dans une société démocratique, je pense qu'on en conviendra ensemble, les libertés et droits fondamentaux ne peuvent être des absolus. En effet, par exemple, la liberté d'expression

de l'un est limitée par le droit au respect de la vie privée de l'autre, d'où il importe de prévoir - ainsi d'ailleurs que le font les diverses chartes au monde - une disposition permettant de nuancer l'impact de ces libertés et droits fondamentaux ou, en d'autres termes, d'en aménager, tel qu'on le dit, l'exercice et d'en fixer la portée sans toutefois les nier de quelque façon que ce soit.

Cette précaution de la clause restrictive est d'autant plus - et j'ai dit dans mon discours de deuxième lecture que je n'avais pas l'impression qu'elle était parfaite et que j'étais très ouvert à ce que des suggestions nous soient acheminées pour l'améliorer, elle était nécessaire et elle le demeure - justifiée que l'article 52 donne à ces articles 1 à 8 une prépondérance sur l'ensemble de la législation et les fait entrer ainsi de façon absolue dans l'ordre public québécois. Sans être exhaustif, on pourrait donner des exemples et indiquer certains types de législation ou de rapports juridiques qui pourraient être touchés ou susceptibles de l'être. Je pense, par exemple, à un des droits qui est affirmé d'une façon absolue dans notre charte des droits et libertés: c'est l'inviolabilité de la demeure ou de la propriété privée.

Les articles 1 à 8 peuvent soulever de sérieuses difficultés en regard de toutes ces lois qui accordent des pouvoirs d'inspection à des fonctionnaires pour des fins de sécurité ou de prévention des infractions, pour appuyer la mission qui leur est confiée. Ainsi, s'il n'y avait pas de clause soupape, tel qu'on le dit, ne pourrait-on pas contester le pouvoir d'un inspecteur d'entrer et de vérifier tous les documents qui sont sur les lieux? Pourrait-on considérer comme valide le pouvoir donné au Directeur de la protection de la jeunesse de retirer un enfant du lieu où il se trouve, surtout s'il est au domicile de ses parents?

M. Marx: La réponse à tout cela se résume en un mot: non. On ne peut pas le contester. Je veux juste donner un exemple au ministre. Dans le "Bill of Rights" américain, il y a la même clause que le domicile est inviolable et ils n'ont pas de soupape et les juges n'ont jamais interprété dans le sens que le ministre vient de nous indiquer, ils n'ont jamais dit qu'on ne pouvait pas faire des inspections. Cela veut dire que cela ne se tient pas vraiment, cet argument. On peut dire que tout peut être contesté, cela ne veut rien dire...

M. Bédard: Si cela ne se tient pas, comment se tient l'argument indiquant que vous retrouvez de telles clauses dans toutes les chartes internationales, en ce qui regarde aussi la charte canadienne. Ce n'est pas ce que je vous ai entendu dire lorsqu'on a eu le débat sur la charte canadienne à savoir que cela ne se tenait pas la clause restrictive. C'est drôle qu'on change d'argumentation selon qu'on est devant telle ou telle personne ou devant tel gouvernement.

M. Marx: M. le ministre, un instant... M. Bédard: Je vais terminer...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Vous avez soulevé des...

M. Marx: Je veux juste préciser un petit point...

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Vous avez soulevé des questions...

M. Marx: Je ne suis pas ici pour défendre la charte fédérale. Je pense qu'elle est perfectible et je n'ai jamais dit que j'étais d'accord avec la clause restrictive dans la charte fédérale.

M. Bédard: On peut donner d'autres exemples. Prenez le droit au secours. Le droit au secours est parmi les droits et libertés fondamentaux qui sont affirmés d'une façon absolue dans les articles 1 à 8. Le droit au secours, lorsque la vie est en péril, repose sur une obligation morale et civile. Rendre ce droit absolu, sans aucune restriction, surtout si on l'étend au droit d'être secouru lorsque l'intégrité de la personne est en danger, pourrait avoir des conséquences inattendues. Le droit au secours étant absolu, le devoir devient une obligation fondamentale. Cela ne pourrait-il pas avoir pour effet de modifier le degré de risque qu'une personne pourrait invoquer pour s'en décharger. À l'encontre de cette situation, il y a l'autre situation qui pourrait être la suivante: un bon samaritain ne pourrait-il pas arguer de son obligation fondamentale pour justifier une intervention non voulue ou encore souhaitée explicitement? (22 heures)

Je pourrais, par rapport à l'ensemble des droits et libertés exprimés de façon absolue, vous apporter autant d'exemples, de considérations qui sont de l'élémentaire prudence. Qu'il y en ait une sur son contenu, cela, on peut différer. Prenez simplement la liberté d'opinion et d'expression. En reconnaissant d'une façon générale et absolue les libertés d'opinion et d'expression, la validité des dispositions qui interdisent aux juges de participer à des campagnes électorales pourrait être contestée. Aussi, la validité de certaines dispositions autorisant le

huis clos ou interdisant la publication de certaines informations. Je pense, entre autres, à la protection de la jeunesse, aux litiges familiaux, au Code des professions. Cela pourrait être remis en question; de même que la validité des règlements municipaux sur les théâtres, les spectacles, l'affichage, la distribution de tracts politiques ou publicitaires pourrait être soulevée.

Je ne vous dis pas que tout cela serait contesté, mais il y a ce que j'appelle une élémentaire prudence qui fait qu'on doit concilier ce qui peut se concilier avec une défense - c'est ce que nous voulons tous - et une protection des droits et libertés. Par exemple, cela peut éviter beaucoup de querelles devant les tribunaux, comme je l'ai souligné lors de mon discours en deuxième lecture. On peut décider que les tribunaux auront à prendre toutes les décisions et laisser aller, selon ce que seront les décisions des tribunaux, ou encore on peut à un moment donné, comme gouvernement, prendre une autre décision qui est celle que nous avons prise et qui, je pense, est la plus indiquée, parce que, en y allant avec l'absolu, on peut se ramasser avec une légion de contestations, une insécurité juridique qui, en fin de compte, ne serait pas souhaitable pour l'ensemble de la société. Si on revient au niveau de la liberté d'opinion et d'expression, on pourrait se poser des questions comme, par exemple: Un employeur perdrait-il le droit de congédier un employé qui nuit à sa réputation ou n'aurait-il que le droit de réclamer la cessation de cette atteinte ou la réparation du préjudice? Pourrait-on continuer de contrôler la publicité, notamment les pratiques interdites pour la protection du consommateur ou des enfants? Ne serait-ce pas là porter atteinte à la liberté d'expression commerciale? Je pourrais autant comme autant vous apporter des exemples, entre autres, concernant la liberté de réunions pacifiques ou d'association, mais je me limite là, quitte à apporter d'autres exemples.

J'aborderai seulement un autre point -qui ne me semble pas véridique au niveau de l'analyse - qui a été soulevé par le député de D'Arcy McGee. Lorsqu'il nous dit que la clause restrictive dans la charte canadienne est moins restrictive que celle de la charte québécoise, je ne partage pas son opinion parce que le premier alinéa de l'article 9.1 nous apparaît clair. Le député de D'Arcy McGee a fait beaucoup état de la question du fardeau de la preuve. Je crois qu'à l'égard du premier alinéa de l'article 9.1, il apparaît clair que c'est à la personne qui prétend qu'il y a eu un abus de droit qu'il reviendra de prouver celui-ci. Ce n'est donc pas à la personne qui exerce un droit ou une liberté de démontrer qu'elle a respecté les valeurs démocratiques, l'ordre public et le bien général.

À l'égard du deuxième alinéa de l'article 9.1, toujours, il y a lieu de distinguer si c'est une négation ou une simple atteinte à l'exercice d'un droit ou d'une liberté qui est alléguée, puisque l'article 9.1 n'autorise pas la négation d'un droit ou d'une liberté, mais permet d'y porter atteinte, compte tenu du respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général. Dans le cas où une personne allègue qu'une loi nie un droit ou une liberté, c'est à elle qu'il reviendra de prouver ce fait. Si elle y parvient, la loi sera alors jugée comme dérogeant à la charte et il reviendra à l'autre partie de démontrer qu'il y a eu dérogation expresse, conformément à l'article 52 qui traite de ce sujet.

Dans le cas où une personne alléguera qu'une loi porte atteinte à un droit ou à une liberté, c'est à elle qu'il reviendra de prouver ce fait. Si elle y parvient, il reviendra alors à l'autre partie de démontrer que cette atteinte est justifiée par le respect des valeurs démocratiques de l'ordre public et du bien-être général. Dans ce contexte, à l'égard du fardeau de la preuve, il ne nous semble pas y avoir de distinction, dans le sens que le laisse entendre le député de D'Arcy McGee, entre l'article 9.1 et l'article 1 de la charte canadienne. Concernant l'article, je termine là-dessus...

M. Marx: Je ne comprends pas cette question sur le fardeau de la preuve.

M. Bédard: Vous avez parlé de...

Le Président (M. Rochefort): S'il vous plaît, à l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Vous dites que vous n'avez pas le fardeau...

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre.

M. Bédard: Permettez, M. le Président...

M. Marx: J'essaie de suivre cela, mais je ne peux pas, franchement.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: Si vous avez de la misère à suivre, je ne vois pas comment vous pouvez dire que cela n'est pas le cas. Concernant -je termine là-dedans, M. le Président -l'article 1 de la charte canadienne, il faut souligner que cet article n'indique pas à qui il revient de démontrer le caractère raisonnable d'une restriction d'un droit ou

d'une liberté et que c'est par une interprétation jurisprudentielle que l'on a conclu que cette démonstration revenait au gouvernement, au gouvernement fédéral en l'occurrence. Il est fort probable que les tribunaux en arriveront à peu près à la même conclusion à l'égard de l'article 9.1 et, dans ce sens, je crois qu'il est faux de prétendre que l'article 9.1 est plus restrictif que l'article 1 de la charte canadienne sur la question du fardeau de la preuve. Ce sont les deux points...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Marx: Je pense que c'est l'alternance...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président...

M. Marx: M. le Président, question de règlement...

Le Président (M. Rochefort): Question de règlement, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je ne connais pas l'étendue de votre expérience aux commissions parlementaires, mais c'est normal...

Le Président (M. Rochefort): ...remettre en question, M. le député de D'Arcy McGee?

M. Marx: Non, je ne remets pas en question...

Le Président (M. Rochefort): Alors j'aimerais que vous en veniez rapidement à votre question de règlement, s'il vous plaît.

M. Marx: C'est normal qu'il y ait l'alternance. C'est-à-dire que quand le ministre parle, c'est à notre tour de parler après lui. Après cela, cela peut être un membre...

Le Président (M. Rochefort): Non, M. le député de D'Arcy McGee, je vous indiquerai que l'alternance existe effectivement en commission parlementaire, mais entre les membres de la commission excluant le ministre. Si on respecte la règle d'alternance en incluant le ministre dans cette règle, cela exclut les députés de la majorité, car à chaque fois que le ministre parle, il y a donc un député de l'Opposition; quand un député de l'Opposition parle, la question s'adresse au ministre, donc on exclut...

M. Marx: Non, non.

Mme Lavoie-Roux: II peut laisser parler un de ses collègues...

Le Président (M. Rochefort): Non, je m'excuse, en article par article, les questions sont adressées au ministre pour avoir des informations, des explications, des éclaircissements sur les différents articles. Je ne crois pas qu'un de ses collègues ministériels puisse répondre pour lui.

Mme Lavoie-Roux: II n'a pas pris vingt minutes sur le premier article encore...

Le Président (M. Rochefort): Non, mais mon intention n'est pas de ne plus reconnaître le député de D'Arcy McGee...

Mme Lavoie-Roux: II peut continuer de poser des questions.

Le Président (M. Rochefort): Mme la députée de L'Acadie, je n'ai manifesté d'aucune façon l'intention de ne pas reconnaître le député de D'Arcy McGee dans d'autres interventions sur le même article. Mais dans l'ordre des intervenants, il y a le député de Deux-Montagnes qui suit, ensuite cela sera vous et ensuite on reviendra au député de D'Arcy McGee si personne de la majorité ne demande la parole entre vous deux. Cela respecte la règle d'alternance. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Marx: Sur la question de règlement...

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

M. Marx: ... je n'ai pas terminé.

Le Président (M. Rochefort): Vous étiez sur une question de règlement, j'en ai disposé. Vous avez une autre question de règlement à soulever?

M. Marx: C'est la même question, j'aimerais m'exprimer...

Le Président (M. Rochefort): Oui, je vais vous reconnaître. Je vous ai indiqué que je vous reconnaîtrai. Il y a le député de Deux-Montagnes qui a demandé la parole. Il y a votre collègue, la députée de L'Acadie, ensuite, je vous reconnaîtrai.

M. Marx: Supposons, M. le Président, que c'est moi qui parle à chaque fois qu'un député ministériel ou le ministre parle, si c'est moi qui répond à chaque fois, les députés de l'Opposition n'auront pas l'opportunité de parler non plus.

Le Président (M. Rochefort): M. le

député de D'Arcy McGee, je vous soulignerai qu'il n'y a qu'une seule personne ici qui est là pour répondre, c'est le ministre. Ce ne sont pas plus des députés de la majorité que des députés de l'Opposition. On est ici pour étudier article par article un projet de loi. Vous avez soulevé un certain nombre de questions. Le ministre vous a accordé des réponses à ces questions. Maintenant, il y a un député qui a demandé d'intervenir aussi sur le même article, il pourra intervenir. Ensuite la députée de L'Acadie et d'autres députés.

M. Marx: C'est la première fois que cette règle est imposée dans une commission à laquelle j'assiste.

Le Président (M. Rochefort): Je reconnais là la règle d'alternance que j'applique dans les différentes commissions où j'ai à présider, M. le député.

M. Marx: Peut-être que les présidents ont des règles différentes, à l'Assemblée nationale.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Rochefort): Mme la députée de L'Acadie, sur la question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: Évidemment, on n'a pas calculé combien de temps le député de D'Arcy McGee avait pris pour sa première intervention sur l'article 1, mais la pratique...

Le Président (M. Rochefort): L'article 2.

Mme Lavoie-Roux: ... l'article 2...

M. de Bellefeuille: N'en soyez pas trop sûre.

Mme Lavoie-Roux: Pardon? Je pense que j'ai suffisamment participé à des commissions parlementaires pour savoir que, sur chaque article, le député qui intervient peut intervenir pendant vingt minutes. Ce qui veut dire qu'il pourrait y avoir échanges de part et d'autres. On pourrait aussi, si on voulait faire un blocage, parler chacun ses vingt minutes et ainsi de suite. Que le député de D'Arcy McGee, dans ce bloc de vingt minutes, veuille pouvoir faire préciser des réponses que le ministre a données ou poser d'autres questions, je pense que c'est toujours traditionnellement la coutume qu'on a établie. À un moment donné, quand on trouve que le député a dépassé vingt minutes, même s'il n'a pas été vraiment calculé à la minute, on dit que c'est le tour d'un autre. Il a posé une seule question au ministre depuis que ce deuxième article est appelé.

M. Bédard: Sur la question de règlement...

Le Président (M. Rochefort): Sur la question de règlement, M. le ministre?

M. Bédard: Je voudrais seulement souligner que je suis bien d'accord sur un point avec la députée de L'Acadie à savoir que nous ne sommes quand même pas ici, surtout lorsqu'on discute de la Charte des droits et libertés, pour commencer à minuter mécaniquement...

Mme Lavoie-Roux: II faudrait au moins laisser la liberté d'expression.

M. Bédard: ... nos interventions. Je crois que s'il y a un projet de loi qui doit être adopté en laissant toute la liberté de parole, c'est le cas de le dire, à chacun des membres de la commission, c'est bien ce projet de loi par lequel on discute des droits et libertés fondamentaux. Notre intention, j'espère que madame la députée de L'Acadie l'a bien saisie, est de donner toute la latitude, tant d'un côté que de l'autre. Pour ce qui est de savoir qui a le droit de parole, je pense que ce n'est pas à moi à déterminer cela.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que personne ne veut empêcher le député...

Le Président (M. Rochefort): Sur la question de règlement...

M. Marx: Sauvé par la soupape...

Le Président (M. Rochefort): soulevée par Mme la députée de L'Acadie, je partage entièrement les propos que vous avez tenus sur la question de règlement. Justement, je pense que je veux appliquer d'une façon souple la règle des vingt minutes que je ne chronomètre pas d'une façon précise...

Mme Lavoie-Roux: Non, non...

Le Président (M. Rochefort): Sauf que je considère que le député a posé un certain nombre de questions au ministre. Le ministre y a répondu. Un autre député a demandé à intervenir. Vous avez demandé à intervenir. Mon intention n'est pas de mettre fin au débat ensuite. Tant et aussi longtemps que le député de D'Arcy McGee aura des questions sur le même article, je le reconnaîtrai et je lui accorderai la parole. Sauf qu'il me semble que la règle d'alternance justifie justement qu'on alterne d'un député à

l'autre, d'un côté à l'autre, sur un même article.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais...

Le Président (M. Rochefort): Alors, écoutez...

Mme Lavoie-Roux: Bon, écoutez, on n'est pas pour se chicaner là-dessus, mais...

Le Président (M. Rochefort): C'est la pratique des commissions auxquelles j'ai assisté et que j'ai aussi présidées, déjà depuis le 13 avril 1981. Il me semble que c'est une pratique qui permet justement de rendre le débat peut-être un peu plus dynamique et de respecter les droits de l'ensemble des parlementaires.

M. Marx: Oui, mais le problème est que je vais perdre le fil et tout le monde va perdre le fil aussi.

Le Président (M. Rochefort): Bien, écoutez, est-ce que vous...

M. Marx: Vingt minutes plus tard, je vais répondre au ministre...

M. Bédard: C'est correct, allez-y.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: M. le Président, cela me fait de la peine de voir que mon ami, mon collègue de D'Arcy McGee pense que je vais lui faire perdre le fil. J'ai l'impression que je vais rester tout à fait dans le fil. C'est à lui de rassembler ses idées. Ce n'est pas ma responsabilité à moi.

Le ministre nous a expliqué pourquoi cette clause de réserve est nécessaire. Dans le débat de deuxième lecture de ce projet de loi, dans ma naïveté profane, j'ai posé la même question que celle du député de D'Arcy McGee, il y a quelques instants. C'est la question de savoir si cette clause de réserve est nécessaire. Bon. Le ministre m'a convaincu que cette clause de réserve est nécessaire, particulièrement parce que nous...

Mme Lavoie-Roux:...

M. de Bellefeuille: Non. Dieu merci! Parce que nous étendons la prépondérance de la charte sur un bloc législatif extrêmement important. Je pense que devant cet argument, il n'y a pas grand-chose à faire, sauf que de s'incliner. Quant au libellé, je le retiens aussi et je suis très heureux de ce que le ministre a dit. Comme je ne suis pas juriste, j'étais gêné d'oser dire que je trouvais que les gens qui soutenaient que la charte canadienne mettait le fardeau de la preuve sur le gouvernement charriaient. Parce que je ne voyais pas cela dans le texte. Je suis heureux qu'un juriste éminent comme le député de Chicoutimi ait exprimé cet avis...

Mme Lavoie-Roux:...

M. de Bellefeuille:... que je n'osais pas exprimer. Parce que de dire: dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique, cela ne met le fardeau de la preuve absolument nulle part. Nous savons tous, en 1970, que le prince qui régnait à Ottawa, et qui règne encore, avait décidé que dans cette société libre et démocratique il pouvait imposer la loi des mesures de guerre et occuper militairement le Québec. C'est encore le même prince qui était à Ottawa. Évidemment, cette charte fédérale n'existait pas encore en 1970, mais c'est le même homme qui était là et il avait été un des fondateurs de la Ligue des droits de l'homme de Montréal. Alors, les questions des droits de la personne l'ont toujours intéressé, mais cela ne l'intéresse que dans la mesure où lui, princièrement, y consent. Alors, ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons une véritable charte. Je n'ai rien à dire de plus sur la question du fardeau de la preuve. Je ne pense pas que le coeur de la question soit là. (22 h 15)

Je pense que le coeur de la question est d'arriver au 9.1 et le ministre a absolument raison de dire que c'est peut-être le principal débat que nous aurons en commission sur le projet de loi. C'est le plus gros morceau et je pense qu'il vaut la peine, sans se taquiner trop les uns et les autres, d'y mettre le temps voulu. Je respecterai votre droit de parole, M. le député de D'Arcy McGee, Mme la député de L'Acadie. Je prends tranquillement le mien parce que je pense qu'il vaut la peine de causer de cet article 9.1.

À mon avis, ce qui compte est de s'assurer que la porte que nous entrouvrons n'est pas vraiment grande ouverte. Ce n'est pas une clause qui permettrait de supprimer de façon trop légère des droits de la personne au Québec. Dans cet esprit-là, je voudrais demander au ministre si l'allusion à l'ordre public est absolument indispensable. Je sais qu'à l'échelle internationale, dans les conventions qui régissent ce genre de questions auxquelles le Canada et le Québec souscrivent, on accepte ces deux notions, tant celle de l'ordre public que celle du bien-être général. La question que je pose au ministre est à savoir si la notion du bien-être général ne serait pas suffisante. Celle de l'ordre public m'inquiète un peu, parce que l'ordre public, c'est facile à invoquer. Je l'ai dit dans le débat de deuxième lecture,

quelqu'un peut facilement voir du désordre partout et intervenir de façon irresponsable. J'aime beaucoup plus la notion de bien-être général que celle de l'ordre public. C'était ma première observation.

Ma deuxième observation est à propos du deuxième alinéa, que j'aimerais bien comprendre. La loi, c'est n'importe quelle loi, ce n'est pas la présente loi, ce sont les lois en général, la loi. La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice. Cela est la clause "nonobstant", n'est-ce pas? C'est-à-dire qu'on peut, nous, les parlementaires, adopter une loi de dérogation à la charte.

M. Bédard: C'est-à-dire qu'à partir du moment où une Législature ou un gouvernement accepte des lois qui sont dans le sens du respect intégral des droits et libertés de la personne, il n'y a pas de problème. Il est évident qu'il y a certaines lois qui peuvent, dans le sens du respect de l'ordre public, du bien-être général, des notions que nous avons évoquées tout à l'heure, être nécessaires. À ce moment-là, cela rejoint la notion du nonobstant à laquelle vous venez de faire...

M. de Bellefeuille: C'est le nonobstant. Je me rallierai à cela, sauf que je reste toujours avec ce doute à savoir si on ne pourrait pas se contenter, dans le texte, de parler du bien-être général et de ne pas inclure cette notion moins claire et plus dangereuse de l'ordre public.

M. Bédard: Je vous dirai bien franchement, que ce soit la notion d'ordre public ou de bien général, il y a toujours des ouvertures dans ces notions-là, dans quelque notion que ce soit, pour un gouvernement de passer à côté. Je pense à certains événements. Ce n'est pas parce qu'il y a des choses écrites que cela donne les lumières nécessaires à un gouvernement, quel qu'il soit, pour apprécier correctement et valablement des notions contenues dans une charte. Je crois qu'il y a avantage à garder ce libellé. Les tribunaux ont toujours marié, d'une certaine façon, ces deux notions d'ordre public et de bien-être général.

J'ai eu l'occasion de regarder naturellement plusieurs chartes, plusieurs déclarations des droits dans différents pays. Si on regarde, par exemple, la déclaration universelle des droits de l'homme au point de vue international, on remarquera d'abord que les libertés et droits fondamentaux qui sont dans notre charte se rapprochent beaucoup du contenu de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cette déclaration qui, dans le fond, ne s'applique à personne est une sorte de modèle à suivre pour les pays qui doivent s'en donner une même si, en un sens, elle n'est qu'un modèle - je la rapetisse sans doute quand je dis cela. Je remarque qu'il y a une clause restrictive où on fait référence à l'ordre public. Si vous me le permettez, je pourrais vous la lire, je l'ai devant moi. On dit, par exemple: L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible. Article 2. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi - on trouve une référence à la loi, tel qu'on le voit dans le deuxième paragraphe - exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale - ils en mettent beaucoup plus que vous - de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.

La clause que nous avons et, en tout cas, que je soumets à l'attention des membres de la commission me semble être très près de celle-là. Je pourrais évoquer bien d'autres chartes - si c'est nécessaire, je le ferai tout à l'heure, si vous me le demandez - où, dans presque tous les cas, on réfère à la notion de protection de l'ordre -dans certains cas on va plus loin - de la santé, de la sécurité publique, de la morale, des libertés et droits fondamentaux d'autrui. C'est encore beaucoup plus large que celle que nous avons.

Le Président (M. Rochefort): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je pense qu'il est inutile de dire que je ne suis pas juriste et que ma motivation en assistant à cette commission parlementaire c'est l'intérêt que présente la discussion d'une Charte des droits et libertés de la personne. Les questions que je puis poser sont dans le sens du citoyen ordinaire qui regarde ce texte de loi.

M. Marx: Le sens commun.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est cela. Il en faut dans un Parlement.

M. Marx: De plus en plus, surtout à l'Assemblée nationale.

M. Bédard: Vous avez raison.

Mme Lavoie-Roux: Le député de Deux-Montagnes a soulevé la question de l'ordre public, c'est-à-dire qu'on pourrait, en se basant sur le respect de l'ordre public, venir restreindre l'exercice des droits et libertés tels qu'ils sont définis dans les articles précédents. Cela, c'est un point.

Le deuxième, c'est aussi cette interrogation: "La loi peut - pour autant

qu'on comprenne cela dans du langage ordinaire - à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice." Ceci veut dire que, par l'adoption de lois, enfin c'est comme cela que je le comprends, on pourrait venir restreindre cet exercice. On était par exemple - cela a été corrigé et, si je reviens là-dessus, c'est parce que c'est peut-être le seul exemple que j'ai vécu à l'Assemblée nationale - au moment de la première version de la Charte de la langue française, venu restreindre la portée de l'exercice des droits et libertés de la personne en disant que la Charte de la langue française aurait prépondérance même sur la Charte des droits et libertés de la personne. Vous ne vous souvenez pas de cela?

M. Bédard: Je suivais vos propos. Vous voulez parler d'une première version?

Mme Lavoie-Roux: Non, je donne cela comme exemple. Cela a été corrigé par la suite. J'ai pris bien soin de dire, si les gens m'ont entendue, qu'avec la loi 101 cela avait été corrigé par la suite.

M. Bédard: D'accord.

Mme Lavoie-Roux: C'est le seul exemple que j'ai en tête, alors c'est le seul exemple que je peux évoquer. Est-ce que la même possibilité, au paragraphe 9.1, ne pourrait pas se produire à l'égard d'autres lois? Ce pourrait être dans un tout autre domaine.

M. Bédard: La protection de la jeunesse.

Mme Lavoie-Roux: Oui, quoique dans la protection de la jeunesse, est-ce qu'il y a une allusion à...

M. Bédard: Et on a un nonobstant... Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: ... concernant les audiences qui doivent se tenir à huis clos.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: Je pourrais vous donner plusieurs exemples...

Mme Lavoie-Roux: Oui, d'ailleurs il y a plusieurs lois...

M. Bédard: ... où, dans l'intérêt des personnes...

Mme Lavoie-Roux: Oui, quoique...

M. Bédard: Un nonobstant n'est pas toujours négatif. Cela peut être dans l'intérêt des personnes, étant donné la spécificité.

Mme Lavoie-Roux: Quoique du côté de l'Opposition, je pense qu'à plusieurs reprises mon collègue de D'Arcy McGee a justement mentionné des lois où ce n'était peut-être pas opportun de venir restreindre... Je pense qu'il avait rappelé six ou sept lois...

M. Marx: Les juges, par interprétation, ont déjà prévu un certain nombre...

M. Bédard: Je peux dire à Mme la députée...

Mme Lavoie-Roux: Comment serait adoptée une loi qui viendrait restreindre l'exercice des droits et libertés de la personne? Une nouvelle loi que le Parlement adopterait pour des fins de circulation ou enfin ce que vous voudrez, je donne cela comme exemple. Dans ce sens-là, je trouve cela très large. Ce n'est pas un jugement absolu que j'exprime ici, mais je pense qu'il a besoin d'éclaircissement. À ce moment-là l'initiative... Évidemment les tribunaux pourraient intervenir si cela était contesté. Mais quand vous voyez le citoyen pris isolément, ce n'est pas toujours une démarche facile d'aller contester le libre exercice de ses droits et libertés. Vous faites face à un Parlement qui a légitimement voté une loi, et je ne vois pas quelle balise, même si vous gardiez cette chose-là, pourrait être mise pour ne pas que cela prenne une extension telle que même des fois, sans le vouloir ou avant qu'on en soit conscient immédiatement, on réalise que finalement on a vraiment restreint l'exercice des libertés et droits fondamentaux de la personne.

M. Bédard: Je pense qu'il y a une balise judiciaire, il y a aussi une balise politique. Le gouvernement qui s'aviserait d'aller manifestement à l'encontre de sa charte des droits et libertés par une série de nonobstants, aura en fin de compte, une sanction politique quelque part certain. D'autre part, j'attends des suggestions. Je n'ai pas la prétention de dire que tout est parfait, mais pour ce qui est de la nécessité d'une telle clause à l'intérieur de notre charte, je pense que cela est évident, il s'agit simplement de regarder ce qui se passe généralement ailleurs. En cela, nous ne sommes sûrement pas moins démocratiques que...

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas cela que je veux dire. Dans le fond, l'exercice que l'on fait aujourd'hui, c'est de rendre le plus étanches possible les nouveaux articles que l'on adopte en fonction d'assurer le

respect des droits et libertés. C'est l'exercice qu'on fait.

M. Bédard: Par rapport à la question, je pourrais vous dire que la balise est judiciaire et le fardeau de la preuve est contre le gouvernement.

M. Marx: Le fardeau de la preuve est contre qui?

M. Bédard: Le fardeau de la preuve repose sur le gouvernement.

M. Marx: Où?

M. Bédard: En prouvant que c'est nécessaire par rapport aux notions de bien-être général de l'ordre public. Il y a déjà eu une interprétation relativement à la charte canadienne par les tribunaux et c'est évident que la même interprétation ira... C'est-à-dire que par rapport à notre charte nous aurons une interprétation qui, normalement, ira dans le même sens. (22 h 30)

M. Marx: Ce n'est pas la même chose.

M. Bédard: Quand même le député de û'Arcy McGee dit que ce n'est pas la même chose, voyons donc! C'est une charte des droits et libertés. Je ne veux pas faire de comparaison - je ne pense pas qu'on ait besoin de faire continuellement des comparaisons - avec la charte canadienne, mais concernant ce point précis dont parle Mme la députée de L'Acadie, je l'ai expliqué tout à l'heure...

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse si j'ai mal écouté. Ce n'était pas volontaire.

M. Bédard: Je vous comprends. D'ailleurs, il y a des causes de jurisprudence qui font déjà école. Je pense à la cause Jamieson contre le Procureur général du Québec. Je pense à la cause Quebec Association of Protestant School Boards - je ne sais pas si ma prononciation est bonne -versus le Procureur général du Québec et le ministre de l'Éducation. Il y en a d'autres que je pourrais également citer qui vont dans le même sens.

M. Marx: Au début de notre débat, le ministre n'a-t-il pas dit qu'il n'y a pas de renversement de la preuve dans la charte fédérale? J'ai compris que le ministre a dit, au début de notre débat, qu'il n'y a pas de renversement de la preuve dans la clause restrictive de la charte canadienne.

M. Bédard: Non, il n'y en a pas.

M. Marx: Maintenant, il est en train de se renverser.

M. Bédard: Non. Ce que je vous ai dit - je vais vous dire textuellement ce que j'ai dit - c'est que c'est par une interprétation jurisprudentielle que l'on a conclu que cette démonstration revenait au gouvernement, le fardeau de la preuve. Ce que j'ai ajouté, dit, c'est qu'il est fort probable - c'est clair -que les tribunaux en arriveront à la même conclusion à l'égard de l'article 9.1. C'est dans ce sens qu'il est donc faux de prétendre que l'article 9.1 que nous étudions est plus restrictif que l'article 1 de la charte canadienne concernant le fardeau de la preuve.

M. Marx: II y a tellement de fils maintenant que je me demande par où commencer. Je vais peut-être commencer par le fil...

M. de Bellefeuille: Quel dommage! Je vous présente mes excuses.

M. Bédard: Quand les idées sont claires, on sait rapidement par où commencer.

M. Marx: Je vais commencer par les propos du député de Deux-Montagnes qui se demandait s'il y a vraiment un renversement du fardeau de la preuve dans la charte fédérale. À cela, le ministre a déjà répondu que oui. Je vais répondre dans le même sens parce que le juge en chef de la Cour supérieure du Québec a déjà décidé dans ce sens. Il y a des avis de juristes et également de la jurisprudence d'autres provinces dans le même sens.

Maintenant, le ministre a qualifié la nécessité d'avoir une soupape dans la charte comme étant de la prudence. Pour lui, c'est de la prudence. Pour moi, c'est de la timidité de la part du ministre.

M. Bédard: De l'évidence.

M. Marx: M. le Président, puis-je demander au ministre de ne pas m'interrompre à tous les trois mots? Je ne l'ai pas interrompu pendant au moins 50 minutes.

Le Président (M. Rochefort): Vous avez la parole.

M. Marx: Merci, M. le Président. Le ministre qualifie sa position comme étant de la prudence ou de l'évidence. Moi, je qualifie sa position comme étant de la timidité. J'aimerais porter à l'attention des députés que tout le monde - tout le monde qui a envoyé un mémoire au ministre - était contre sa soupape, sauf le barreau.

Des voix: Oh!

M. Marx: Je pense que le barreau a

plutôt été...

Le Président (M. Rochefort): S'il vous plaît!

M. Marx: La Commission des droits de la personne était contre. Le Congrès juif canadien et le B'nai B'rith étaient contre. Dans d'autres mémoires et d'autres documents, des organismes ont dit qu'ils sont plutôt contre. Le barreau, dans son mémoire, est pour le premier paragraphe de l'article 9.1, mais a suggéré qu'on supprime le deuxième paragraphe. De toute façon, je trouve qu'en général les opinions étaient plutôt contre une clause restrictive dans la charte québécoise.

On mêle toutes sortes de choses ici: la charte constitutionnelle canadienne, les chartes internationales, une charte statutaire comme la charte québécoise, etc. Je pense qu'il y a une différence entre toutes ces chartes. Même si elles s'appellent toutes des chartes, il y a beaucoup de différences entre elles, et je ne veux pas entrer dans toutes ces différences. Je peux juste souligner que la plus vieille charte au monde, ou une des plus vieilles chartes au monde est la charte américaine et qu'elle ne contient pas de clauses restrictives. Je pense qu'elle a eu pour effet de protéger assez bien les droits et les libertés des Américains sans que les juges restreignent inutilement les gouvernements dans l'adoption des lois nécessaires.

Je vais plus loin que cela. J'aimerais suggérer au ministre que dans la jurisprudence il va trouver que même sans clauses restrictives... Car dans la Déclaration canadienne des droits, à titre d'exemple, qu'on pourrait qualifier aussi de charte, laquelle est en vigueur au Canada depuis 1960, il n'y a pas de soupape. En fonction de la Déclaration canadienne des droits, les juges de la Cour suprême du Canada ont établi un test sur la validité d'une loi qui pourrait porter atteinte aux droits et libertés mentionnés dans cette déclaration. Ils ont établi un test très simple, le test "the valid federal objective", le test d'un objectif fédéral valide ou le test d'un objectif provincial valide. Quand le législateur, quand l'Assemblée nationale va adopter une loi avec un but valide, qui n'enfreint pas les droits et les libertés de la personne, les cours ne vont pas décider que cette loi est invalide, elles ne vont pas rendre une décision pour invalider cette loi.

Il ne faut pas oublier que la charte québécoise est une charte statutaire, si je peux la décrire de cette façon, c'est-à-dire que l'Assemblée nationale peut intervenir pour "corriger" la jurisprudence, le cas échéant. L'Assemblée nationale est souvent intervenue dans ces lois pour modifier la charte elle-même, pour inscrire des clauses nonobstant dans les lois. Cela va se faire à l'avenir, j'imagine. Il y a une différence - et j'insiste sur cette différence - entre une charte statutaire comme la charte québécoise et une charte constitutionnelle comme la Charte constitutionnelle du Canada qu'on ne peut pas modifier.

Je ne veux pas insister sur ce point, parce que le ministre nous a dit clairement qu'il trouve nécessaire d'avoir une clause restrictive dans la charte québécoise. Il nous a donné toutes les explications voulues et je n'insiste pas sur ce point parce que les députés ministériels ont encore la majorité.

M. de Bellefeuille: Vous nous avez fait craindre le contraire.

M. Marx: Je n'insiste pas sur ce point. Si nécessaire, on pourrait prendre un vote.

M. Bédard: Si je comprends bien le député de D'Arcy McGee, s'il avait la responsabilité de faire la charte, il n'inscrirait aucune clause soupape, c'est cela? Si vous étiez ministre de la Justice, vous iriez dans ce sens.

M. Marx: À mon avis, on n'a pas besoin d'une telle clause dans la charte québécoise.

M. Bédard: Je pense que quand on est sur des questions de principe, on n'est pas sur des questions à ce moment-ci... Là, je ne sais pas quelle heure il est, mais on est sur le plan des principes. Essayez donc de me dire sérieusement qu'en termes, pas seulement de prudence, mais en termes tout simplement d'une logique tout à fait normale, d'ailleurs d'une logique qu'on retrouve dans toutes les autres chartes...

M. Marx: Ce n'est pas toutes les autres chartes.

M. Bédard: Sauf peut-être celles auxquelles s'est référé le député de D'Arcy McGee. On les retrouve...

M. Marx: II y a d'autres pays et ils ont des clauses de...

M. Bédard: ... dans ce qui peut être un modèle de charte à savoir la Déclaration universelle des droits de l'homme. Même dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, à presque tous les articles, on retrouve une soupape et vous allez me faire croire à moi que si vous aviez la responsabilité et non pas le simple devoir de critique, vous iriez de cette façon?

M. Marx: Sûrement. Vous m'avez demandé mon opinion, je vous ai donné mon opinion.

M. Bédard: Je veux, par exemple, qu'il soit clair...

M. Marx: C'est très clair.

M. Bédard: ... que je trouve que c'est jouer avec l'idéal et oublier la réalité, ce que je suis contraint à ne pas oublier. Parce qu'il est clair dans mon esprit que l'idéal serait, je ne le conteste pas, de pouvoir se passer d'une clause soupape de ce genre. Elle est cependant - je le répète et je terminerai mon argumentation là-dessus, je l'ai dit au cours du discours de deuxième lecture - le corollaire normal de l'amplitude des droits et libertés fondamentaux que le projet de loi no 86 veut dorénavant rendre prépondérant sur toutes les lois du Québec passées et à venir. Il est également important qu'une telle clause apparaisse dans un texte de loi qui, parce qu'il s'applique à toutes les facettes de la vie d'une société, est susceptible d'être interprété très fréquemment par nos tribunaux. On a à choisir. Peut-être le silence du législateur? C'est ce que proposerait le député de O'Arcy McGee. Le législateur ne mettrait aucune balise et remettrait le tout à l'interprétation des tribunaux.

Je crois que le silence du législateur sur des balises qui doivent servir à l'interprétation de droits et libertés aussi absolus que le droit au respect de la vie privée, la liberté d'opinion pour n'en nommer que deux peut être porteur d'ambiguïté, peut constituer une série de conflits où la population et la protection des droits et libertés ne retrouvent pas leur intérêt en fin du compte.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Je suis sûr que le député de D'Arcy McGee ne veut pas nous induire en erreur. Je crains qu'il l'ait fait parce qu'il a dit tout à l'heure que tous les groupes qui nous ont fait des représentations se sont opposés à l'existence même...

M. Marx: ... et après.

M. de Bellefeuille: Oui? Bravo. En ce qui concerne la Commission des droits de la personne, le texte daté du 18 novembre dernier, recommandation sur cette question à la page 32: "En conséquence, l'article 9.1 du projet de loi no 86 devrait être reformulé pour se conformer aux normes internationales que le Québec a choisi de respecter." C'est exactement ce que le ministre a fait puisque le libellé d'abord proposé qui parlait "des valeurs démocratiquement reconnues par les citoyens du Québec" a été remplacé par un libellé qui correspond beaucoup mieux aux normes internationales dont parle la commission c'est-à-dire: "Le respect des valeurs démocratiques." On s'est vraiment conformé à la recommandation de la commission.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Le député peut-il nous dire où se trouve l'article que la Commission des droits de la personne propose? Est-ce que c'est la même formulation qu'on trouve dans notre projet de loi ici? (22 h 45)

M. de Bellefeuille: J'ai l'impression, M. le député, que la commission n'a pas proposé un libellé. La commission a fait des observations sur le libellé qui apparaît dans le projet de loi et le ministre, dans le texte modifié qu'il nous présente, s'est conformé à la recommandation de la commission.

M. Bédard: Ce que voulait la commission, c'était essentiellement de mettre une soupape à chacun des droits et libertés, de 1 à 8.

M. de Bellefeuille: Oui, la commission, effectivement, parle dans cette recommandation d'une...

M. Bédard: Je trouve que c'est...

M. de Bellefeuille: ... énumération, en quelque sorte, des droits dont il s'agit. Là, vraiment, cela alourdirait beaucoup la charte.

M. Bédard: Je trouvais qu'au-delà du fait d'alourdir, c'était même aller plus loin que...

M. de Bellefeuille: C'est plus dangereux.

M. Bédard: C'est plus dangereux... M. de Bellefeuille: Oui.

M. Bédard: ... que ce que nous faisons. Je le dis en tout respect de l'opinion de la Commission des droits de la personne. Le député de D'Arcy McGee faisait remarquer qu'il y a beaucoup de groupes qui ont fait des représentations à savoir qu'ils n'étaient pas d'accord avec la clause restrictive contenue dans le projet de loi. Je pense qu'il y a une nuance à faire. Ils ne disaient pas nécessairement qu'il ne fallait pas de clause soupape. Ils n'étaient pas d'accord avec le libellé tel qu'il apparaissait lorsque nous avons déposé le projet de loi au mois de juin 1981. Ce que je peux dire, c'est que j'ai tenu compte de ces représentations qui n'étaient pas d'accord avec le libellé, parce

qu'on se référait à des valeurs démocratiques reconnues par les Québécois ou par la société québécoise. J'ai évalué que c'étaient des représentations qui avaient leur poids. Je crois même avoir donné suite à ces représentations avec le nouveau libellé.

M. Marx: J'ai déjà mentionné certaines représentations qui avaient été faites, alors qu'on a demandé tout simplement la suppression de cet article. Le ministre pourra vérifier le journal des Débats et il verra cela en temps en lieu. Je ne pense pas que ce soit important, parce que nous n'agirons pas ici en fonction des...

M. Bédard: Peut-être seulement une petite question. Avez-vous présent à l'esprit un groupe qui demande la disparition complète de la clause soupape?

M. Marx: Le Congrès juif canadien, dans son mémoire, l'a demandée.

M. Bédard: Pardon?

M. Marx: Le Congrès juif canadien, je pense, en a demandé sa suppression. Je pense qu'il y en a un ou deux autres.

M. Bédard: Ah, bon!

M. Marx: Le ministre n'a peut-être pas reçu les mêmes mémoires que moi...

M. Bédard: Non, j'ai reçu les mêmes mémoires.

M. Marx: ... mais je ne pense pas que ce soit le point essentiel dans ce débat.

M. Bédard: Je ne peux pas tout concilier. J'ai regardé aussi celui de la Commission des droits de la personne.

M. Marx: Oui, mais je ne pense pas que ce soit le point essentiel, qui a dit quoi et où.

J'aimerais revenir sur la question de la nécessité. Le ministre a les votes autour de cette table pour adopter une telle clause. On ne peut pas l'en empêcher. Il trouve que c'est nécessaire. Bon! Je ne vais pas insister sur ce point plus qu'il ne le faut. Pour avoir le dernier mot peut-être sur ce point, dans la Déclaration canadienne des droits, il n'y avait pas de clause restrictive, de soupape. Il y a d'autres chartes - je ne vais pas les énumérer, on peut aller les chercher à la bibliothèque, mais dans la charte du Nigeria et de d'autres pays, il n'y a pas de soupape. Ils ont seulement une clause...

M. Bédard: En Russie, en ont-ils une? M. Marx: La Russie, c'est un mauvais exemple.

M. Bédard: Probablement qu'ils n'en ont pas.

M. Marx: Beaucoup de pays, comme les États-Unis, n'en ont pas.

M. Bédard: La soupape est ailleurs.

M. Marx: Quand ils ont une exception dans les chartes, c'est pour permettre l'état d'urgence et des mesures spéciales. C'est le cas d'à peu près tous les pays qui ont une clause d'exception en cas d'urgence. Je n'insiste pas sur ce point. Le ministre trouve nécessaire d'avoir une soupape.

J'aimerais passer à la question qui traite de la portée de la clause restrictive qu'on trouve dans ce projet de loi.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee, êtes-vous au deuxième alinéa de l'article 2?

M. Marx: Pas nécessairement, parce que...

Le Président (M. Rochefort): Donc, peut-on disposer, avant que vous abordiez une autre question, de la proposition d'amendement à l'article 2?

M. Marx: Je vais seulement faire une...

Le Président (M. Rochefort): Je veux être certain qu'on fonctionne selon les articles qui sont devant nous.

M. Marx: Oui, je vais parler de la portée de l'article 9.1 comme clause restrictive, en comparaison avec la clause restrictive dans la charte canadienne. Après cela, il n'y a rien à discuter sur le fond, parce que, si le ministre décide que c'est ce qu'il veut, c'est ce qu'il va avoir.

M. Bédard: M. le Président, pour ceux qui auront à faire la lecture de nos débats, je pense que l'attitude n'est en aucune façon celle d'une majorité qui veut écraser une minorité.

M. Marx: Non, sûrement pas!

M. Bédard: Le député de D'Arcy McGee, lorsque son argumentation ne nous convainc pas, en vient toujours à cet argument de la majorité par rapport à la minorité. Je pense que ceux qui feront la lecture du journal des Débats verront quelle est la valeur des argumentations de part et d'autre, tout en sachant qu'à un moment donné il faut bien qu'une discussion se termine.

M. Marx: C'est cela. Sur la nécessité mon intervention est terminée et j'accepte que le ministre trouve que c'est nécessaire.

Maintenant, sur la portée de cette clause en comparaison avec la clause canadienne, j'ai déjà dit que la clause restrictive de l'article 9.1 dans le projet de loi no 86 est plus restrictive que celle que l'on trouve dans la Charte canadienne des droits et libertés. En effet, la clause proposée pour la charte québécoise a une ressemblance étonnante avec la clause rejetée par le Parlement du Canada. J'aimerais faire lecture des clauses dans ces deux chartes; premièrement, la charte québécoise, clause proposée: "Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiquement reconnues par les citoyens du Québec...

Une voix: ...

M. Marx: Non, mais le ministre n'a pas formellement fait son amendement.

Mme Marois: II a déposé son amendement au départ.

M. Marx: II l'a déposé? D'accord. Donc je vais lire la nouvelle clause proposée pour la charte québécoise: "Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec. "La loi peut à cet égard en fixer la portée et en aménager l'exercice." Je ne vois pas la nécessité de parler des citoyens du Québec parce qu'effectivement la charte québécoise ne s'applique qu'au Québec.

Voilà la clause rejetée par le Parlement canadien: "La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés énoncés ci-après, sous les seules réserves normalement acceptées dans une société libre et démocratique de régime parlementaire." Ce fut rejeté par le Parlement canadien et le Parlement canadien a adopté la clause restrictive suivante: "La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique." J'aimerais insister sur les mots "dont la justification puisse se démontrer". Dans la clause rejetée par le Parlement fédéral, les limites raisonnables étaient celles qui sont normalement acceptées dans une société libre et démocratique dotée d'un régime parlementaire. Ceci aurait eu pour effet de valider presque n'importe quoi. D'ailleurs, par le passé, de nombreux cas de discrimination étaient normalement acceptés un peu partout au Canada et c'est le cas de la discrimination, dans l'Ouest canadien, contre les Asiatiques en ce qui concerne l'embauche ou le retrait des droits des Doukhobors et d'autres personnes dans l'Ouest du Canada, pour ne citer que ces deux exemples. Il me semble que la clause restrictive de l'article 9.1, telle que proposée, pourrait permettre de telles discriminations si elle est adoptée dans la version proposée; "pourrait", je souligne le mot "pourrait".

Il est à noter que l'article 1 de la Charte canadienne des droits de la personne adoptée par le Parlement du Canada comporte un déplacement du fardeau de la preuve qui, à mon avis, est peut-être l'élément le plus important dans cet article. Nous avons déjà discuté cette question du déplacement du fardeau de la preuve. En effet, il donne au requérant une meilleure chance de contester les lois et l'interprétation administrative de ces lois qui pourrait être incompatible avec la Charte canadienne des droits de la personne. Les lois, les ordonnances, les règlements et les règlements municipaux qui sont de prime abord contraires à la charte canadienne seraient présumés invalides, à moins d'une preuve contraire qui est à la charge du gouvernement qui a adopté la loi ou le règlement incriminés. C'est, en tout cas, et comme je viens de le dire, il y a quelques minutes, l'interprétation que lui donne le juge en chef de la Cour supérieure, M. Jules Deschênes, dans l'arrêt portant sur l'article 23 de la Charte canadienne des droits de la personne. En conclusion, si le ministre insiste pour avoir sa soupape - j'imagine qu'il va insister - j'aimerais suggérer au ministre de nous proposer une soupape moins restrictive que la soupape proposée. Voilà.

M. Bédard: M. le Président, je pense que le député de D'Arcy McGee, de par son argumentation, me convainc qu'il espère que je vais continuer de tenir à ce qu'il y ait une clause soupape la moins restrictive possible plutôt que de céder à une argumentation trop facile. J'entendais de l'Opposition dire que ce serait aussi bien qu'il n'y ait absolument rien et qu'on remette le tout entre les mains des tribunaux.

M. Marx: II ne faut pas me faire dire ce que je n'ai pas dit.

M. Bédard: Non, non. J'ai dit que j'ai l'impression, je ne vous ai rien fait dire.

M. Marx: Premièrement j'ai dit que je ne vois pas la nécessité d'avoir une soupape.

M. Bédard: Est-ce qu'on peut me laisser parler...

M. Marx: Le ministre insiste sur une soupape donc, je suis passé à ma deuxième

position.

M. Bédard: Vous savez, parfois, à la manière dont quelqu'un défend une cause on peut déceler des choses. Je pense que vous êtes très heureux...

M. Marx: J'ai beaucoup décelé dans votre défense d'aujourd'hui.

M. Bédard: Vous êtes au contraire très heureux que je tienne à ce qu'il y ait une soupape la moins restrictive possible puisque vous savez très bien que c'est l'élémentaire prudence. Je dirais l'attitude responsable qu'on doit avoir dans les circonstances sur le sujet sur lequel nous devons prendre une décision. Ce qui me surprend, c'est que le député de D'Arcy McGee, dans ses comparaisons avec la charte canadienne, argumente comme s'il n'y avait pas un amendement qui avait été déposé. Quand le député de D'Arcy McGee réfère à la version de la clause restrictive qui a été rejetée par le Parlement canadien, il ne se rend pas compte que cette version allait dans le sens de celle qui a été déposée, je le constate, dans le projet de loi que nous étudions, au mois de juin 1982, sauf que depuis juin 1982, au moment où on se parle, il y a du chemin qui a été fait quant à la réflexion et c'est dans ce sens-là que...

M. Marx: ... cette nouvelle clause?

M. Bédard: ... a été... Permettez-moi de terminer. C'est dans ce sens-là que nous en sommes venus à un amendement. Le député de D'Arcy McGee me donne l'impression qu'il est en train de discuter sur la première version déposée au mois de juin 1982. La preuve en est ceci. Quand on lit la clause qui a été rejetée par le Parlement canadien, le député de D'Arcy McGee nous l'a lue, elle dit ceci: La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés énoncés ci-après sous les seules réserves normalement acceptées. Nous avions employé l'expression "des valeurs démocratiquement reconnues dans la société québécoise." C'est évident, cette première version qui a été rejetée, ressemblait à cette première version qui était incluse dans le projet de loi que nous avons déposé à l'Assemblée nationale, sauf que l'autre version, celle que nous proposons aujourd'hui en amendement représente définitivement une amélioration.

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que cette proposition devant être adoptée... (23 heures)

M. Bédard: Elle représente définitivement une amélioration par rapport à ce qui existe.

M. Marx: Oui. J'ai seulement une correction.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre, je vous demanderais de conclure.

M. Bédard: J'ai de la difficulté à terminer parce qu'on m'interrompt. Par rapport à la version originale qui était contenue dans le projet de loi déposé au mois de juin.

M. Marx: M. le Président, j'aurais seulement un petit point.

Le Président (M. Rochefort): En concluant brièvement, s'il vous plaît!

M. Marx: J'ai lu la version de la clause restrictive proposée par le ministre aujourd'hui. Je n'ai pas fait référence à l'ancienne clause et j'ai une question technique à poser au ministre.

M. Bédard: Si vous me permettez une remarque, pour ce qui est du fardeau de la preuve, je ne veux pas revenir sur l'argumentation, je crois avoir déjà répondu. Il s'agira de se référer au journal des Débats.

M. Marx: J'ai une question technique à poser au ministre. À son avis, à quels articles s'applique l'article 9.1 dans la charte ou à quels articles s'appliquera-t-il? L'article 9.1 s'applique-t-il aux articles 1 à 38?

M. Bédard: II s'applique aux articles 1 à 8.

M. Marx: Seulement aux articles 1 à 9? M. Bédard: Aux articles 1 à 9, pardon.

M. Marx: Pourquoi s'applique-t-il seulement aux articles 1 à 9? Est-ce parce que c'est libellé 9.1?

Le Président (M. Rochefort): Alors...

M. Marx: Je pense que c'est un point très important. Ensuite, on sera prêt à l'adopter ou à le rejeter.

Le Président (M. Rochefort): M. le député, vous étiez un de ceux qui me demandaient tantôt de respecter les 20 minutes accordées à chaque intervenant.

M. Bédard: D'ailleurs, la commission des droits est elle-même contre l'idée que nous puissions mettre la clause restrictive sur les articles 1 à 38.

M. Marx: Oui, mais...

Le Président (M. Rochefort): M. le député, à moins d'avoir le consentement des membres...

M. Marx: Consentement?

Le Président (M. Rochefort): Y a-t-il consentement des membres pour permettre au député de poursuivre au-delà du temps qui lui est alloué par notre règlement?

M. Bédard: II y a consentement pour que le député de D'Arcy McGee soit le seul à parler.

M. Marx: J'aimerais m'engager maintenant auprès du président, sur certains articles, à prendre beaucoup moins de 20 minutes et, même, sur certains articles, je prendrai moins de 30 secondes.

M. Bédard: Ne considérez pas ma remarque comme un reproche. Je pense que l'ambiance est très positive.

M. Marx: M. le Président, on en est à la plomberie. Au sujet de la plomberie, j'aimerais savoir comment le ministre interprète l'article 9.1 pour l'appliquer seulement aux articles 1 à 9.

M. Bédard: Permettez-vous que je réponde à cela? C'est que, jusqu'à maintenant, les articles 9 à 38 ont quand même - je pense qu'on peut le dire - été interprétés amplement par les tribunaux, et mettre une clause soupape à cela pourrait avoir un effet dévalorisant.

M. Marx: Je demande quelle est votre interprétation de l'article 9.1, c'est-à-dire à quels articles cet article s'appliquera-t-il, parce que l'article 9.1 parle des libertés et des droits fondamentaux.

M. Bédard: Cela peut peut-être prêter à confusion. On ajoute une tête de chapitre dans notre projet de loi...

M. Marx: Oui.

M. Bédard: ... Chapitre I, Libertés et droits fondamentaux. C'est dans ce sens que je vous dis que cela se réfère aux libertés et aux droits fondamentaux.

M. Marx: Donc, cela ne s'appliquera pas aux droits judiciaires parce que ce ne sont pas des droits fondamentaux. C'est-à-dire que pour les droits judiciaires qui se trouvent aux articles 23 et suivants, la soupape ne s'appliquera pas parce que ce ne sont pas des droits fondamentaux?

M. Bédard: Je vous ai répondu. Il me semble que vous tirez seulement les conclusions de ma réponse; alors, allez-y. Je ne peux pas répondre dix fois...

Mme Lavoie-Roux: Cela ne s'applique pas aux droits judiciaires.

Le Président (M. Rochefort): Cela va?

M. Bédard: ... la même chose. La réponse est non. Je vous ai dit que cela s'appliquait aux articles 1 à 9.

M. Marx: Quel est le raisonnement du ministre? Je pense que le ministre doit avoir un raisonnement pour appuyer son interprétation.

M. Bédard: C'est que les droits judiciaires, tels qu'ils sont là, ne sont pas rédigés d'une façon absolue. Je l'ai dit à plusieurs reprises et je le redis: La partie qui réfère aux droits et libertés fondamentaux dans notre charte est rédigée de façon très absolue. On est à même de le constater.

M. Marx: Supposons que je prends l'article 25 de la charte, traitement de personnes arrêtées: "Toute personne arrêtée ou détenue doit être traitée avec humanité et avec le respect dû à la personne humaine". Est-ce que le ministre veut que l'article soupape s'applique à cet article 25?

M. Bédard: Je viens de vous répondre que la clause restrictive s'applique aux articles 1 à 9, aux droits et libertés fondamentaux au sens large du mot, qui sont rédigés dans notre charte des droits et libertés d'une façon très absolue, on doit en convenir. J'imagine que le député de D'Arcy McGee est heureux de voir que cette clause restrictive ne s'applique pas aux droits judiciaires qui sont rédigés d'une façon beaucoup plus précise, d'une façon beaucoup moins absolue qui sont des droits spécifiques.

M. Marx: Si je comprends bien le raisonnement du ministre, l'article 9.1 ne s'applique qu'aux articles 1 à 9, parce que tous ces articles se trouvent dans un chapitre; et les autres articles, 10 à 20 et ainsi de suite, se trouvent dans d'autres chapitres qui ...

M. Bédard: C'est l'historique de notre charte qui est comme cela.

M. Marx: ... ne portent pas le même titre que le premier chapitre.

M. Bédard: Non, pourquoi me faites-vous dire des choses que je n'ai pas dites? Parce qu'ils sont rédigés d'une façon beaucoup plus absolue, nos droits et libertés fondamentaux. Lisez-la, notre charte, c'est

l'historique même de notre charte. Ils sont rédigés de façon beaucoup plus absolue. D'où la nécessité qu'il y ait une clause restrictive, comme cela se fait ailleurs, dans d'autres chartes.

M. Marx: Est-ce que l'article 25 n'est pas de la même nature, de la même étendue?

M. Leduc (Saint-Laurent): Mettez-les les articles qui sont couverts.

M. Marx: Ce sont des droits absolus aussi, dans un sens.

M. Bédard: Dans les articles 9 à 38, il n'y avait pas de clause soupape et ils étaient prépondérants. Cela n'a pas posé de problème.

M. Marx: Voilà, je comprends.

M. Bédard: Ce que nous ajoutons, ce sont des droits très spécifiques.

M. Marx: Est-ce que le ministre est au courant que, dans certaines interprétations de la Commission des droits de la personne, ils ont prétendu - je ne me souviens pas si cela a été retenu par la jurisprudence - que l'article 10 de la charte incorpore les articles 1 à 9 de la charte? Si c'est vrai, suivre votre raisonnement, j'aurais...

M. Bédard: Je suis très au courant que ceci a été évoqué en termes d'argumentation. Maintenant, avec le nouveau chapitre qui va être prépondérant, la situation va être beaucoup plus claire.

M. Leduc (Saint-Laurent): Pourquoi ne pas faire une loi claire et ne pas le dire?

M. Bédard: Elle est claire. Elle est claire pour quelqu'un qui sait lire et elle ne sera jamais claire pour quelqu'un qui ne sait pas lire.

M. Marx: Voilà, l'insulte.

M. Bédard: Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne suis pas un spécialiste en droit constitutionnel, mais je n'avais pas compris cela de cette façon.

M. Bédard: Cela n'est pas du droit constitutionnel.

M. Leduc (Saint-Laurent): On prend votre parole, c'est tout.

M. Bédard: Merci.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne sais pas ce que cela vaudrait devant les tribunaux.

Le Président (M. Rochefort): L'amendement à l'article 2 est-il adopté?

M. Bédard: Non, mais ce n'est quand même pas du droit constitutionnel.

Le Président (M. Rochefort): L'amendement à l'article 2 est-il adopté?

M. Bédard: Je pense que notre discussion est très constructive, M. le Président, de part et d'autre.

M. Marx: Bon! Est-ce sur l'article 2 qu'on vote?

Le Président (M. Rochefort): Je vous demande s'il est adopté, M. le député.

M. Marx: L'amendement?

Le Président (M. Rochefort): L'amendement à l'article 2, oui.

M. Marx: Je ne suis pas en faveur.

Le Président (M. Rochefort): Adopté sur division ou...

M. Marx: Après l'adoption de l'amendement, on votera sur l'article 2 au complet, c'est cela?

Le Président (M. Rochefort): Oui, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Sur division.

Le Président (M. Rochefort): ... comme on le fait habituellement.

M. Marx: Sur division.

Le Président (M. Rochefort): Alors, l'amendement est adopté sur division?

M. Bédard: Alors, je comprends que vous êtes pour l'amendement, mais...

M. Marx: Non, on n'est pas pour l'amendement et on n'est pas pour l'article.

Le Président (M. Rochefort): L'article 2, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Marx: Non. J'aimerais avoir un vote enregistré sur l'article 2.

Le Président (M. Rochefort): Vote enregistré sur l'article 2. J'appelle donc le vote sur l'article 2 tel qu'amendé. M. Bédard (Chicoutimi)?

M. Bédard: Pour.

M. Marx: II n'est pas sûr!

Le Président (M. Rochefort): M. Beaumier (Nicolet)?

M. Beaumier: Pour.

Le Président (M. Rochefort): Mme Marois (La Peltrie)?

Mme Marois: Pour.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît:

M. Bédard: Je suis très sûr. Je suis plutôt surpris de votre attitude.

Le Président (M. Rochefort): Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?

Mme Lavoie-Roux: Contre.

Le Président (M. Rochefort): Mme Juneau (Johnson)? M. Kehoe (Chapleau)? Mme Lachapelle (Dorion)?

Mme Lachapelle: Pour.

Le Président (M. Rochefort): M. Lafrenière (Ungava)?

M. Lafrenière: Pour.

Le Président (M. Rochefort): M. Leduc (Saint-Laurent)?

M. Leduc (Saint-Laurent): Contre.

Le Président (M. Rochefort): M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes)?

M. de Bellefeuille: Pour.

Le Président (M. Rochefort): M. Marx (D'Arcy McGee)?

M. Marx: Contre. Est-ce que les opposants ont gagné?

Le Président (M. Rochefort): Alors, l'article 2, tel qu'amendé, est adopté: 5 pour, 3 contre. Article 3?

M. Marx: Oui, j'aimerais seulement souligner, en guise de conclusion, que le barreau était pour qu'on biffe le deuxième paragraphe.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: N'essayez pas de vous racheter. Soyez au moins ferme avec vos convictions. J'ai très bien interprété que si le député de D'Arcy McGee en avait la responsabilité, il n'y aurait aucune clause restrictive.

M. Marx: Évident. M. Bédard: Très bien.

Le Président (M. Rochefort): Alors, j'appelle l'étude de l'article 3.

Droit à l'égalité dans la

reconnaissance et l'exercice

des droits et libertés

M. Bédard: Je ne trouve pas cela très responsable.

Le Président (M. Rochefort): Un amendement, M. le ministre, à l'article 3?

Mme Lavoie-Roux: À l'article 3, nous avons un amendement, nous aussi.

M. Bédard: À l'article 3, il y a un amendement: 1- Remplacer, à la fin de l'article 10 de la charte, les mots "le fait d'être handicapée ou le fait d'utiliser un moyen pour pallier un handicap" par les suivants: "le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier à ce handicap". 2-Supprimer, dans la version anglaise, la virgule après le mot "age".

M. Marx: Dans la version anglaise, il y a un amendement.

M. Bédard: M. le Président, un amendement n'est pas toujours négatif. Au contraire, cela peut être très positif.

Le Président (M. Rochefort): Bien, je pense que...

M. Bédard: La formulation proposée, en plus d'être moins lourde, permettra de couvrir toutes les personnes handicapées et non seulement, comme les tribunaux l'ont interprété jusqu'ici, les personnes handicapées visées par la Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées. Comme Mme la députée de L'Acadie pourra le constater, je pense que c'est un amendement dont on peut...

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez interprété qu'il y en avait certains qui n'étaient pas couverts...

M. Bédard: ... être fier. Oui, parce que l'interprétation des tribunaux...

Mme Lavoie-Roux: ... qui avaient été exclus?

M. Bédard: ... indiquait que cela ne concernait que les handicapés lourds. Or, cet amendement...

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bédard: ... nous permettra de couvrir toutes les personnes handicapées.

Le Président (M. Rochefort): Cet amendement est-il adopté?

M. Marx: Adopté. Des voix: Adopté. Le Président (M. Rochefort): Adopté.

M. Marx: Si je me souviens, M. le ministre, l'amendement sur le handicap était proposé par la Commission des droits de la personne. Enlever la virgule dans la version anglaise, cela venait du Congrès juif canadien, B'nai B'rith, parce qu'ils avaient peur d'un malentendu.

Le Président (M. Rochefort): L'article 3 tel qu'amendé...

M. Bédard: Vous pouvez distribuer les diplômes. Je ne m'y oppose pas, moi.

M. Marx: Non, mais je veux seulement que ce soit clair dans le journal des Débats. Ce n'était pas tout à fait l'idée du ministre lui-même.

M. Bédard: Une chose est sûre, ce n'est pas venu du député. Il est sûr que, tant là que sur des améliorations à la clause restrictive, il n'y a eu aucune suggestion positive d'amélioration de la part du député de D'Arcy McGee.

Le Président (M. Rochefort): L'article 3, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Marx: Mais j'ai suggéré qu'on biffe la soupape.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté?

M. Marx: Quoi?

M. Bédard: Vous ne pouvez toujours pas nous enlever le crédit de le faire.

M. Marx: Non, non.

Le Président (M. Rochefort): L'article 3, tel qu'amendé?

M. Marx: J'ai quelques questions à poser au ministre.

Le Président (M. Rochefort): Sur l'article 3?

M. Marx: Sur l'article 3, j'ai quelques questions, même si je suis d'accord.

Le Président (M. Rochefort): Donc l'amendement est adopté, mais vous avez des questions sur l'article 3. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Juste des questions de...

Mme Lavoie-Roux: On n'a pas encore adopté l'article tel qu'amendé, M. le Président.

M. Marx: C'est cela.

Le Président (M. Rochefort): Je vous ai posé la question à savoir si vous étiez prêts à le faire et le député de D'Arcy McGee m'a dit qu'il avait des questions à poser. Je l'ai reconnu. J'écoute ses questions.

Mme Lavoie-Roux: C'est cela. M. Marx: C'est cela.

M. Bédard: M. le Président, avant qu'il pose ses questions, peut-être que cela pourrait en éviter quelques-unes, je pourrais peut-être donner quelques...

Le Président (M. Rochefort): Des notes explicatives?

M. Bédard: ... notes explicatives sur l'ensemble de l'article.

M. Marx: Oui, je pense que cela serait utile.

M. Bédard: L'article 10 de la charte énumère les motifs illicites de discrimination. (23 h 15)

M. Marx: La charte de l'Alberta n'a pas de soupape.

M. Bédard: Voyonsl Voyons! Soyons sérieux! M. le Président, l'article 10 de la charte énumère les motifs illicites de discrimination. La modification proposée a pour objet d'ajouter l'âge et la grossesse comme autres motifs illicites de discrimination. De nombreuses lois édictent des dispositions relatives à l'âge sans être nécessairement discriminatoires à l'égard des personnes visées; par exemple, le Code civil prévoit des règles spéciales pour les mineurs, la Loi sur la protection de la jeunesse, la Loi électorale au niveau du droit de vote, la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques, la Loi sur le cinéma, etc. C'est pourquoi il est précisé que l'âge est un motif de discrimination illicite, sauf dans la mesure

prévue par la loi, afin de tenir compte de ces situations.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais avoir un certain nombre d'explications du ministre concernant quelques modifications qu'il propose. Disons que je suis tout à fait d'accord qu'on ne fasse pas de discrimination à cause de la grossesse d'une femme, mais supposons...

Mme Marois: Pour l'instant, ce serait difficile de le faire pour quelqu'un d'autre.

M. Marx: Le maire Drapeau a déjà parlé de cela en ce qui concerne les hommes. En ce qui concerne la grossesse, M. le ministre, la discrimination serait illicite. Supposons qu'un propriétaire de magasin a deux employés, c'est-à-dire qu'il en a un et il doit en engager un autre. Une femme enceinte fait la demande. Elle travaillera peut-être quelques semaines; ensuite, elle quittera pour revenir quelques mois plus tard, etc. Est-ce que vous ne croyez pas que cela pourrait causer des difficultés aux petites entreprises ou aux petits magasins ou bureaux? Il n'y aurait pas de problème dans une grosse compagnie qui a 1000 employés, mais avec un petit magasin où il n'y a qu'une ou deux personnes, si le propriétaire est tenu d'engager une femme enceinte de huit mois, cela pourrait causer certaines difficultés parce que la soupape ne s'applique pas à l'article 10, le cas échéant.

M. Bédard: Vous aimeriez qu'elle s'applique?

M. Marx: Je ne suis pas aussi certain que le ministre que la soupape ne s'applique pas. On verra cela avec la jurisprudence.

Le Président (M. Rochefort): Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Marois: Si vous le permettez, M. le ministre et cher collègue, je pense que c'est en vertu d'un principe plus général, soit que la grossesse est considérée, je pense, comme une réalité physique, on sait cela, mais comme une réalité sociale aussi. Cela a toujours été la bataille des femmes, entre autres, de faire en sorte qu'on dise qu'on n'ait pas à payer, nous, le rôle social qu'on joue dans une société en mettant des enfants au monde ou en décidant d'avoir des enfants. Je pense qu'il faut faire l'analyse de cela en vertu de la ligne de fond qui est présentée et qui est défendue par les femmes et les hommes aussi dans nos sociétés.

Que, d'autre part, vous disiez que cela puisse causer un certain nombre d'embêtements ou d'ajustements nécessaires, je suis d'accord; on devra s'ajuster et trouver des moyens pour tenir compte de cette réalité. Je pense qu'on a déjà trouvé un certain nombre de moyens qui ne sont pas édictés par une charte, entre autres, - et c'est comme cela qu'on reconnaît la grossesse, de façon générale, quant à la rémunération d'une femme qui doit quitter le travail lorsqu'elle devient enceinte - par la loi de l'assurance-chômage. C'est comme cela qu'on a réussi à couvrir cette réalité qui fait que l'employeur n'est pas nécessairement, petite ou grande entreprise, pénalisé.

M. Marx: Je suis d'accord avec le principe.

Mme Marois: Je comprends que vous êtes d'accord, mais je pense que ce n'est pas par la charte qu'on peut trouver la réponse à la question que vous soulevez qui est une question réelle, mais par d'autres types d'interventions d'ordre réglementaire ou législatif.

M. Bédard: L'article 20 ne représente-t-il pas quand même certaines balises?

M. Marx: L'article 20, je ne pense pas que cela aurait un effet.

M. Bédard: Pour des cas très limites.

M. Marx: L'article 20...

M. Bédard: Quand on parle des qualités exigées pour un emploi.

M. Marx: ... dit: "Une distinction, exclusion ou préférence fondée sur les aptitudes ou qualités exigées de bonne foi pour un emploi". Je ne pense pas que cela va permettre à quelqu'un de refuser d'engager quelqu'un à cause de la grossesse. Je ne le pense pas.

M. Bédard: Non.

M. Marx: L'exemple que j'ai à l'esprit...

M. Bédard: Ce n'est pas cela que je veux dire.

M. Marx: ... c'est un propriétaire de magasin. Il a besoin d'un employé. Il cherche cet employé. Il met des annonces dans les journaux. La personne qui se présente est une femme enceinte de six ou sept mois, comme vous voulez. Il doit l'entraîner et, une fois qu'elle a été entraînée, elle va accoucher et il sera nécessaire pour lui d'engager une autre personne. Il y a des problèmes de cet ordre que j'aimerais soulever, sans être contre le principe.

M. Bédard: Ordinairement, il y a un autre critère qui joue lorsqu'il y a une demande d'emploi. C'est l'expérience. Si elle a l'expérience, elle n'a pas besoin d'être entraînée.

M. Marx: On ne veut pas que les gens fassent de la discrimination à cause de la grossesse en utilisant d'autres raisons. Supposons qu'il fait une demande pour une caissière. Une personne se présente. Il va l'entraîner et, s'il y a deux ou trois candidats, ce ne sera pas possible pour lui d'exclure la femme enceinte.

Le Président (M. Rochefort): Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Marois: Je pense que le député de D'Arcy McGee pose une question qui soulève un véritable problème dont il faut être conscients. Mais je ne pense pas que c'est par la charte qu'on répond à un tel problème. À partir du moment où on est d'accord sur le fond et sur le fait que la grossesse ne puisse pas être un motif de discrimination, c'est par d'autres types de moyens, d'autres types d'interventions qu'on en arrivera à protéger tant la femme enceinte que l'entreprise qui, d'autre part, emploie cette personne. Si je reprends mon exemple de tout à l'heure, ce sera par l'assurance-chômage qui vient faire en sorte que l'employeur n'a pas à subir de préjudice d'ordre financier. Pensons, entre autres, à ce qu'on a fait concernant le retrait préventif.

M. Marx: Oui, mais pour le magasin, la caissière dans le magasin.

M. Bédard: Voulez-vous la laisser répondre?

Mme Marois: Je vous le dis, c'est vrai que l'employeur mettra une certaine énergie, un certain temps, peut-être, à former cette personne, mais je pense qu'en vertu d'un certain nombre d'autres règles du jeu on fera en sorte qu'on ne pénalisera pas cet employeur en assurant une certaine prestation à cette personne par d'autres types d'interventions, comme l'assurance-chômage, etc. Cela pourrait, d'ailleurs, être une banque de congés de maternité, ce à quoi je crois beaucoup, soit dit en passant, ou autrement. Mais c'est un fait que cela pose un problème. À partir de ce moment-ci, cependant, je pense qu'il faut reprendre la question en vertu d'une approche et d'une philosophie beaucoup plus fondamentale et faire en sorte qu'on reconnaisse dans nos sociétés le fait que les femmes portent, comme vous le disiez tout à l'heure, encore les enfants - j'imagine qu'elles le feront, encore longtemps, à l'avenir - et qu'elles n'aient pas à en assumer le poids.

M. Marx: D'accord.

Le Président (M. Rochefort): M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: Je crois que l'important -là-dessus, on est d'accord sur le principe -c'est qu'il n'y ait pas de discrimination à cause de la grossesse. Si, par le biais d'autres exigences, la personne qui fait une demande d'emploi est dans un état de grossesse et ne répond pas à d'autres critères dont l'expérience, par exemple -cela peut être un critère à l'occasion d'une demande d'emploi - à ce moment-là, il peut ne pas y avoir de discrimination si on exige l'expérience et que l'expérience n'est pas là. Mais, si l'expérience est là, ce n'est pas du seul fait qu'une femme est dans un état de grossesse qu'on peut lui refuser l'emploi, si elle répond à tous les autres critères.

M. Marx: Je ne vais pas insister sur ce point parce qu'on est d'accord sur le principe, mais je vois...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de D'Arcy McGee, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine voulait apporter un complément de réponse sur cette question.

Mme Marois: Ce sera très bref, M. le Président. Comme on est d'accord sur le principe générai et comme on fait la charte dans une perspective très globale, les cas soulevés sont des cas d'ordre marginal, si on veut.

M. Marx: J'ai été à la Commission des droits de la personne pendant cinq ans et je sais comment ça fonctionne.

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Bédard: II me semblait, aussi:

M. Marx: Je sais comment ça fonctionne.

M. Bédard: Je cherchais à quelle place il était.

M. Marx: Si une femme va déposer une plainte parce qu'elle n'a pas été engagée comme caissière dans un magasin où il n'y a qu'un employé, la Commission des droits de la personne va regarder l'article 10 et va dire: II semble qu'elle n'ait pas été engagée à cause de sa grossesse. Elle va faire enquête. Si la commission peut prouver que c'est la raison, elle va poursuivre le propriétaire, l'employeur, le cas échéant. Pour se défendre, cet employeur va peut-être se trouver dans la nécessité de débourser des centaines de dollars. Je souligne des

problèmes, mais on peut passer à d'autres choses. Je comprends qu'on est tous d'accord sur le principe.

M. Bédard: Dans ce cas, il s'agirait qu'il démontre qu'il a toujours exigé l'expérience dans le passé. De toute façon, vous êtes d'accord avec nous.

M. Marx: Supposons que deux personnes se présentent, une femme enceinte et une femme qui ne l'est pas, si les deux ont la même expérience, il ne peut pas faire de discrimination parce qu'une est enceinte alors que l'autre ne l'est pas. C'est cela, le point.

Mme Marois: À ce moment-là, l'argument de tout à l'heure joue contre toute votre démonstration. Si elle a de l'expérience, il n'investira pas nécessairement beaucoup d'argent. Évidemment, il y aura dans la défense à prouver que ce n'est pas en vertu de cet élément qu'il a choisi telle candidate plutôt que telle autre. Les droits comportent aussi un certain nombre d'obligations et cela fait partie de celles-là.

M. Marx: Ce ne sont pas tous les emplois qui exigent l'expérience.

M. Bédard: Vous admettrez avec moi que ce peut être des cas limites où des personnes ont exactement la même expérience.

M. Marx: Ce sont des cas limites qui font jurisprudence.

Le Président (M. Rochefort): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Mes propos sont relatifs à la religion. Évidemment, ce n'est pas nouveau, cela existait dans la charte. Les gens, avec le temps, deviennent de plus en plus sensibilisés, et c'est heureux, à l'exercice de leurs droits fondamentaux. Je pense, en particulier, au débat qui est commencé et qui va continuer pendant un certain temps sur la restructuration scolaire, surtout sur ce qui est prévu dans la restructuration scolaire, c'est-à-dire le type d'écoles où on va conserver, si les choses restent telles quelles - il y aura peut-être des modifications, mais prenons ce qui est prévu dans le livre blanc - la méthode par laquelle une majorité de parents vont décider du caractère confessionnel ou non de leur école.

Prenons un cas plus extrême pour ne pas entrer dans toutes sortes de choses compliquées. On peut peut-être dire qu'à Montréal on peut aller à l'école voisine, etc. Prenons une plus petite ville, sans prendre le village le plus éloigné, qui peut avoir une population de 7000 ou 8000 âmes et une ou deux écoles élémentaires, si vous voulez. Dans les deux écoles, on a choisi que l'école demeure confessionnelle. Oublions l'école secondaire; cela n'a pas d'importance pour le moment. Les écoles conservent un caractère confessionnel non seulement du point de vue de l'enseignement de la catéchèse évidemment, on se réfère toujours, dans notre schème à nous, à une école catholique - ou de l'exemption qui restera toujours possible, mais par le caractère confessionnel général ou l'esprit de l'école. (23 h 30)

À ce moment, quelqu'un, en se basant sur les ouvertures ou, enfin, sur ce principe fondamental du droit à l'exercice libre de la religion qui est reliée aux croyances, pourrait-il exiger, par exemple, d'être envoyé dans le village ou dans la ville voisine? Qu'est-ce que cela lui donnerait comme droits, parce qu'il a quand même un droit fondamental à l'éducation? Il peut considérer, sur cette base, que l'école est déclarée confessionnelle, comme je le disais tout à l'heure, catholique, quelle pourrait être protestante et il pourrait s'agir d'un catholique. Quels droits cela donne-t-il à cet individu dans la réalité? Jusqu'à maintenant, je ne pense pas qu'il y ait eu beaucoup de contestation - peut-être que vous pourriez nous le dire - mais je pense que cela pourrait devenir plus fréquent, justement avec cette sensibilisation des citoyens, avec ce débat qui se fait présentement.

M. Bédard: Est-ce que la réponse à votre question ne se retrouve pas plutôt dans le droit constitutionnel?

M. Marx: Cela dépend.

Mme Lavoie-Roux: Ne me demandez pas cela à moi.

M. Bédard: Pardon?

M. Marx: Je dirais oui et non, M. le ministre.

M. Bédard: Cela ne compromet personne, ce oui et non?

M. Marx: Cela dépend des commissions scolaires. Il y a des commissions scolaires qui sont confessionnelles en vertu de la constitution. Il y a d'autres commissions scolaires qui sont confessionnelles parce que le gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale ont décidé de les désigner comme commissions confessionnelles. Donc la charte s'appliquerait aux commissions scolaires qui sont confessionnelles en vertu d'une loi ou d'un décret du gouvernement.

Le Président (M. Rochefort): Allez-y, Mme la ministre.

Mme Marois: Moi aussi, comme je ne suis pas juriste ni constitutionnaliste, cela m'arrange parfois de revenir au gros bon sens. À partir du moment où des parents -on s'imagine que ce sont des parents parce que la députée prenait le cas de l'école primaire - demanderaient que leur enfant soit exempté de cours spécifiquement reliés à la religion de la majorité ou que la majorité a choisis - déjà, cela existe - ces enfants pourraient être exemptés de certains cours et avoir accès, par exemple, à des cours de morale. Est-ce que de par...

Mme Lavoie-Roux: Je l'ai dit tout à l'heure. Même en vertu de cette exemption ou de la possibilité d'exercer l'exemption, il reste que c'est une modalité dans la vie ou, enfin, cela a trait à une période donnée durant la journée scolaire ou la semaine scolaire. On sait fort bien, que surtout lorsque les parents auront majoritairement décidé du caractère confessionnel ou pas de l'école, qu'à ce moment il y aura des chances que cela dépasse de beaucoup la classe de catéchèse.

M. Bédard: II y a l'article 41 auquel je pourrais me référer.

Mme Lavoie-Roux: L'article 41 de la charte actuelle?

M. Bédard: C'est cela. "Les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que, dans les établissements d'enseignement publics, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux et moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi."

Mme Lavoie-Roux: Article 41.

M. Bédard: S'il y a des réformes, on verra.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je m'excuse, mais je ne crois pas qu'on ait répondu à ma question. Non, je ne fais pas cela pour le plaisir de discuter. Je suis bien d'accord. Je pense que cela réfère, de toute façon, à la possibilité de l'exemption prévue, ce que vous venez de dire, par les règlements du ministère de l'Éducation ou des comités religieux. C'est une façon très restrictive de voir l'exercice d'un droit ou le respect de l'exercice de la liberté des croyances, parce que c'est simplement une activité à l'intérieur d'une école qui a un caractère confessionnel beaucoup plus large et qui dépasse de beaucoup la possibilité d'exemption. Ce n'est pas pour vous créer des problèmes, mais je me demande si cela ne pourrait pas... Y a-t-il là une ouverture à... Il y aurait l'autre possibilité qu'à ce moment-là l'article 9.1, que vous avez prévu seulement pour les articles 1 à 8, puisse s'appliquer et couvrir ce respect des croyances religieuses.

M. Bédard: Pourriez-vous nous donner un cas précis?

Mme Lavoie-Roux: Cela peut se présenter, un cas précis: quelqu'un qui se sent brimé, si on veut, dans ses propres croyances, parce que l'école ayant été reconnue catholique par une majorité de parents, vous allez, en dehors de l'heure de la religion, particulièrement à l'élémentaire... Au secondaire, le problème se pose beaucoup moins.

M. Bédard: Ce cas précis, cela n'empêche pas l'article 41 de s'appliquer.

M. Marx: M. le ministre, seulement pour vous donner un exemple, je peux lire...

M. Bédard: Non, je ne vous dis pas que j'ai la réponse claire à toutes vos interrogations. D'ailleurs, vous dites vous-même qu'il y a un problème réel.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il y a là un problème réel qui n'a probablement jamais été, à ma connaissance... Ce n'est pas une chose que je suis de près.

M. Marx: En regard de l'article 41, à titre d'exemple, j'aimerais lire le mémoire du Mouvement laïque québécois. À la page 2 de leur mémoire, ils ont écrit: "Quant à l'article 41, nous sommes déçus qu'on n'y ait prévu aucune modification ou son abrogation. Cet article, assujetti aux règlements du Comité catholique de CSU de 1974, prescrit une modalité d'exercice des droits et libertés à l'école, modalité fort contestée puisque, dans la pratique, elle équivaut à la discrimination des élèves sur la base de leurs convictions religieuses et à l'inégalité des services, que ceux-ci soient accessibles par une procédure d'exception ou d'option. Nous demandons l'abrogation de l'article 41 ou, du moins, une modification dans le sens suivant: Les élèves, leurs parents ou encore ceux qui en tiennent lieu ont le droit d'exiger que l'institution scolaire qu'ils fréquentent respecte en pleine égalité leurs libertés fondamentales énoncées à l'article 3." J'imagine que le ministre a aussi reçu ce mémoire.

M. Bédard: II me semble que ce n'est pas les lois sur l'éducation qu'il faudra faire cela. Le député de D'Arcy McGee reconnaît également qu'il peut sûrement y avoir un aspect constitutionnel dans l'ensemble de cette problématique. D'autre part, il y a une restructuration scolaire qui est en période de réévaluation. Une fois celle-ci terminée,

sûrement qu'il y aura lieu d'en faire l'analyse à la lumière de ce qui est contenu dans la charte.

Mme Lavoie-Roux: D'ailleurs, je pense qu'on y fait allusion dans le livre blanc -mais c'est vague dans mon esprit - à cette question d'agir à l'intérieur de la charte. Mais il reste que le mécanisme prévu actuellement dans le livre blanc, c'est que les parents, majoritairement, par école, décideront du statut confessionnel de l'école. En tout cas, je vous le laisse comme point d'interrogation, mais je pense que ce n'est pas complètement étanche. Cela pourrait être l'objet, je pense, de contestations.

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. Bédard: Je ne crois pas - encore là, je vous dis mon opinion - que cela puisse faire l'objet de contestation puisque je crois sincèrement que l'article 41 s'appliquerait.

Mme Lavoie-Roux: Pourrait-on - M. le Président, je m'excuse, peu importe qui me donne l'opinion - à partir de cette clause, être obligés, par exemple, d'établir une école neutre, ce qui, à ce moment-là, ne brimerait les croyances de personne? Y aurait-il cette possibilité?

M. Bédard: C'est dans le cadre des programmes prévus par la loi.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est là la clause restrictive.

M. Bédard: Donc, c'est par les lois de l'éducation.

M. Marx: Si la loi prévoit que c'est légal et en conformité avec la charte. Point à la ligne.

Une voix: C'est cela.

M. Bédard: Cela confirme ce que je viens de dire.

M. de Bellefeuille: M. le Président...

Le Président (M. Rochefort): M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuill: ... je pense que dans un cas comme celui-là, le cas des écoles, le statut des écoles, l'enseignement religieux et l'enseignement moral, on est évidemment lié par le point d'évolution de la société. Il est clair qu'au Québec ce que les parents et le milieu en général veulent dans les écoles, c'est la possibilité d'avoir des écoles confessionelles, catholiques, et la possibilité qu'il y ait des écoles n'ayant pas ce statut, mais que, de toute façon, les droits des individus n'y soient pas brimés.

Je pense que Mme la députée de L'Acadie a raison de soulever cette question, sauf que le meilleur endroit pour la soulever à nouveau, ce sera lors de l'étude de la réforme scolaire. En ce qui nous concerne, je pense que l'article 41 est satisfaisant; il n'est peut-être pas idéal, il n'y a pas grand-chose qui est idéal, dailleurs. Je ne rejette pas les observations du Mouvement laïque québécois là-dessus, mais je pense que l'article 41 satisfait aux exigences principales, puisqu'il peut y avoir un enseignement religieux ou moral. De fait, c'est ce qui existe dans la société québécoise; il y a des parents qui veulent que leurs enfants reçoivent un enseignement religieux et il y a des parents qui veulent que leurs enfants reçoivent un enseignement moral. Je pense que cela satisfait aux exigences actuelles de la société québécoise.

Quant à savoir ce que le statut confessionnel d'une école entraîne pour cette école, cela n'a pas de rapport avec la Charte des droits et libertés de la personne. Le bon endroit pour soulever cela, ce sera quand on étudiera la réforme scolaire. J'ai des doutes quant à ce que cela entraîne; j'ai l'impression que c'est une reconnaissance de statut qui n'a pas de suite particulièrement sensible, mais on verra.

M. Marx: Peut-on passer à un autre problème?

Le Président (M. Rochefort): Toujours sur le même article?

M. Marx: Oui, une autre question d'interprétation...

Le Président (M. Rochefort): Oui.

M. Marx: ... une autre modification à l'article original. On ajoute ici: pas de discrimination à cause de "l'âge, sauf dans la mesure prévue par la loi". C'est-à-dire que ce sera possible, soit pour le gouvernement, soit pour une municipalité, de légiférer en ce qui concerne l'âge d'une personne sans enfreindre la charte, quoique les individus, dans leur contrat, ne pourront pas faire une telle discrimination. Ce sera interdit, en vertu de l'article 10, de faire de la discrimination à cause de l'âge dans un contrat entre deux personnes, quoique ce serait possible pour le gouvernement ou une municipalité de faire une telle discrimination si c'est fondé dans une loi ou un règlement.

M. Bédard: Vous ne trouvez pas que c'est normal? C'est l'Assemblée nationale qui vote les lois?

M. Marx: Mais l'Assemblée nationale ne

peut pas passer outre d'autres raisons de non-discrimination. C'est juste l'âge, dans l'article 10, qui est suivi par les mots: "sauf dans la mesure prévue par la loi." Je me demande pourquoi on a mis ces mots: "sauf dans la mesure prévue par la loi".

M. Bédard: Parce que régulièrement, dans nos lois - je l'ai évoqué tout à l'heure - il y est fait allusion à des critères d'âge.

M. Marx: Donc, parce que l'article 10 s'applique aux municipalités, ce serait possible pour une municipalité, par exemple, d'adopter un règlement pour dire: On n'engage pas quelqu'un qui a moins de 25 ans. Par exemple, il y a une telle disposition en ce qui concerne les habitations à loyer modique dans la ville de Montréal où on dit que l'enfant de quelqu'un ne peut pas vivre avec cette personne dans un de ces complexes d'habitation si l'enfant a moins de 25 ans. Ils ont décidé de faire de la discrimination à partir de ce critère. (23 h 45)

M. de Bellefeuille: Moins de 25 ans ou plus de 25 ans?

M. Marx: Je m'excuse, il faut avoir plus de 25 ans.

M. Bédard: Les municipalités ont un pouvoir délégué.

M. Marx: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Bédard: Ce sont les lois de l'Assemblée nationale qui...

M- Marx: Non, non. Le pouvoir d'adopter des règlements qui contredisent l'article 10 vient de l'article 10, pas d'un...

M. Bédard: Dernièrement, on vient de leur donner le pouvoir de réglementer les arcades. La source de leur pouvoir...

M. Marx: Cette loi n'est pas encore adoptée.

M. Bédard: ... est la délégation qui en est faite par le gouvernement.

M. Marx: Je suis d'accord avec le ministre sur ce point mais l'exemple...

M. Bédard: II y a des municipalités...

M. Marx: ... est mal choisi parce que la possibilité de faire cette discrimination est donnée par l'article 10. L'article 10 dit: "sauf dans la mesure prévue par la loi". La loi inclut les règlements municipaux. On va avoir l'honneur d'entendre le sous-ministre Jacoby. Cela fait plaisir à la commission.

M. Bédard: Les municipalités ont un pouvoir réglementaire qui émane soit de la Loi sur les cités et villes, soit du Code municipal, soit des chartes particulières. Pour qu'un règlement municipal puisse faire de la discrimination sur la base de la charte, étant donné que la charte est une loi d'application générale, il faudrait nécessairement que les lois habilitantes, soit le Code municipal, soit la Loi sur les cités et villes ou la charte municipale, permettent, sauf dans la mesure prévue par la loi habilitante, cette discrimination.

Pour la discrimination en raison de l'âge...

M. Marx: Mais, dans la charte...

M. Bédard: ... il aurait pu y avoir d'autres techniques. On aurait pu prendre d'autres techniques. Vous parlez de la formule que nous avons employée, sauf...

M. Marx: Je comprends ce que le sous-ministre voulait dire et ce que le ministre a dit, mais, si on prend l'article 56 de la charte, on voit au paragraphe 3 ceci: "Dans la charte, le mot "loi" inclut un règlement, un décret, une ordonnance ou un arrêté en conseil adoptés sous l'autorité d'une loi". Si la municipalité a la compétence, a le pouvoir délégué, si vous voulez, d'embaucher des personnes, il serait possible, en vertu de l'article 10, pour la municipalité d'adopter un règlement qui fait de la discrimination à cause de l'âge d'une personne étant donné que le mot "loi", dans l'article 10, inclut les règlements municipaux.

M. Bédard: Lorsqu'on parle du mot "règlement" dans l'article 10, on dit que c'est un règlement adopté en vertu d'une loi. D'accord? Or, les contrôles de critères de l'égalité comprennent les critères de conformité à la Charte des droits et libertés de la personne. Conséquemment, on revient à l'article 10. Si la loi habilitante n'autorise pas ce type de discrimination, la municipalité ne pourra pas, par règlement, faire cette discrimination.

M. Marx: Mais chaque règlement que la ville de Montréal adopte est adopté en vertu d'une loi qui est la charte de la ville de Montréal.

M. Bédard: Oui, et alors? M. Marx: Voilà.

M. Bédard: Par contre, ce règlement ne sera valide que dans la mesure où il est autorisé par la loi habilitante. Mais, pour qu'un règlement soit valide, il faut qu'il soit conforme en tout point sur le plan de la légalité. Or, la charte est une loi d'ordre

public. L'article 10 est prépondérant. Conséquemment, on revient toujours au même système, à savoir qu'il faut nécessairement que la loi habilitante, que ce soit une charte ou le Code municipal, autorise expressément ce type de discrimination basée sur l'âge.

M. Marx: Si je comprends bien, le sous-ministre veut dire que si la charte de la ville de Montréal ne permet pas que la ville adopte des règlements comportant une discrimination, si on' veut utiliser ce mot, sur l'âge, la ville ne pourrait pas adopter un tel règlement.

M. Bédard: C'est mon point de vue.

M. Marx: La ville de Montréal, toutes sortes de villes ont beaucoup de règlements qui font une différenciation sur l'âge d'une personne.

Mme Lavoie-Roux: Elles vont être obligées de les modifier.

M. Marx: Elles seront obligées de les modifier? Non.

M. Bédard: C'est-à-dire qu'il va falloir qu'elles fassent modifier leurs lois habilitantes, nécessairement, à moins que les distinctions basées sur l'âge ne tombent pas dans la définition de la discrimination prévue au deuxième alinéa de l'article 10, si cela a effet de détruire ou de compromettre un droit et ainsi de suite. C'est toute la question. On va être obligé de revoir, avec cette modification, l'ensemble du corpus législatif.

M. Marx: Supposons que maintenant il y ait une ville...

M. Bédard: C'est pour cela qu'on se donne un délai.

M. Marx: Oui, mais il n'y a pas de délai pour l'article 10. L'article 10, y compris la disposition sur l'âge, entre en vigueur dès la sanction de la loi.

M. Bédard: Je parlais des lois antérieures à l'article 10.

M. Marx: Supposons qu'une municipalité a adopté un règlement en ce qui concerne les personnes qui peuvent habiter certaines maisons qui appartiennent à la ville et qu'elle a prévu une certaine discrimination à cause de l'âge de ces personnes, est-ce que ce règlement serait invalide, parce qu'on adopte l'article 10 tel que modifié?

M. Bédard: Pas nécessairement. Il faudrait examiner l'objet, "the pith and substance", et si on découvre que, tout simplement, cela tombe dans la définition de la discrimination qui est prévue à l'article 10, alinéa 2, oui. Sinon, il n'y a pas de problème.

M. Marx: Cela veut dire que maintenant j'ai...

M. Bédard: Prenez dernièrement à

Montréal, il y a eu une cause qui a été contestée devant la Cour d'appel, le jugement a été rendu. Montréal voulait imposer...

M. Marx: Les centres d'amusement, oui.

M. Bédard: ... une limite d'âge concernant les arcades et vous avez vu le jugement qui a été rendu à partir de la notion de pouvoir habilitant.

M. Marx: Cela, c'est une autre question, parce qu'ils ont dit que la ville a légiféré sur le droit civil et la cause est maintenant devant la Cour suprême du Canada. De toute façon, on va régler ce problème dans la législation, dans la loi omnibus sur le droit municipal qu'on adopte cette semaine. Je vois un problème avec l'âge. J'ai soulevé le problème. Si le ministre ne voit pas de problème, c'est parfait.

M. Bédard: Je ne vous dis pas que je ne voyais pas de problème; au contraire, c'est parce qu'il y a des problèmes qu'on a cru nécessaire d'ajouter "sauf dans la mesure prévue par la loi". Il y aurait eu une autre façon de contourner ce problème; cela aurait pu être de procéder comme certaines provinces l'ont fait, c'est-à-dire définir la notion d'âge à des fins de discrimination, comme étant, par exemple, 18 à 65 ans. Il y a des provinces qui ont fait cela, sauf que -et elles l'admettaient - une telle technique laissait indiquer qu'il était permis de discriminer contre les personnes de moins de 18 ans et de plus de 65 ans. Il me semblait que cette technique n'était pas celle qu'on devait retenir, surtout si on veut être cohérent...

Mme Lavoie-Roux: On a l'abolition de l'âge de la retraite.

M. Bédard: ... avec la loi sur l'abolition de l'âge de la retraite.

M. Marx: C'est cela. Avec toute la déférence que j'ai pour votre opinion, de même que pour l'opinion du sous-ministre, si c'est écrit "sauf dans la mesure prévue par la loi" et si c'est prévu par la loi ou par un règlement adopté en vertu d'une loi - chaque règlement est adopté en vertu d'une loi -toute distinction dans un règlement municipal

fondée sur l'âge serait valide. J'ai peut-être tort, mais c'est la façon dont je vois le problème.

M. Bédard: S'il y a un pouvoir habilitant. Cela fait dix fois que je le dis.

M. Marx: Mais qu'est-ce que c'est que le pouvoir habilitant?

M. Bédard: Le meilleur exemple, je vous l'ai donné tout à l'heure, la loi omnibus municipale concernant les arcades où la loi donne à la muncipalité le pouvoir de réglementer les arcades...

M. Marx: II n'y a pas de mention d'âge dans cette loi.

M. Bédard: ... mais ne lui donne pas le pouvoir de réglementer concernant l'âge.

M. Marx: Oui, mais les lois habilitantes ne donnent pas aujourd'hui aux villes la possibilité d'adopter des lois où il y a une distinction sur l'âge. Mais elles adoptent des règlements avec une distinction qui porte sur l'âge et ces règlements sont valides, le cas échéant. Il y a des règlements invalides aussi, comme on vient de le discuter.

M. Bédard: Tout ce que je veux vous dire, tant du point de vue gouvernemental que du point de vue des municipalités, il va y avoir un certain ménage à faire. Nous, nous le savons par rapport...

M. Marx: Peut-être que la nuit va porter conseil.

M. Bédard: ... à notre législation, et concernant nos lois antérieures, on s'est justement dit qu'il fallait se donner un délai, comme cela s'est fait d'ailleurs au fédéral.

M. Marx: Oui.

M. Bédard: Un délai raisonnable qui permet de faire l'analyse de l'ensemble de nos lois.

M. Marx: Oui, mais je ne vais pas revenir à la charge, parce que ce sera la cinquième fois et le président me signale que cinq fois, ce serait trop.

M. Bédard: Non, mais cela risque d'être cinq fois la même réponse.

Le Président (M. Rochefort): Vous avez une bonne intuition.

M. Marx: Oui, c'est cela.

M. Bédard: Bien, franchement.

Le Président (M. Rochefort): L'article 3, tel qu'amendé, est-il adopté?

M. Bédard: Peut-être qu'on ne saisit pas tout à fait le point du député.

M. Marx: Adopté.

Le Président (M. Rochefort): Adopté. Article 4?

M. Marx: Pensez à cela et on va en discuter après la commission.

Le Président (M. Rochefort): Article 4, adopté?

M. Marx: "Nul ne doit harceler..." Sur cet article, nous sommes tout à fait d'accord qu'il faut mettre...

M. Bédard: Est-ce que l'article 3 est adopté?

Le Président (M. Rochefort): Oui, et l'article 4 est aussi adopté, M. le ministre?

Des voix: Oui, oui. On ne recule pas.

Le Président (M. Rochefort): L'article 4 est aussi adopté. Article 5?

M. Marx: À l'article 4, j'ai seulement une observation à faire. C'est très simple. L'observation que j'ai à faire sur l'article 4 et qui m'a beaucoup frappée vient de la Gazette. Non, cela ne vient pas de la Gazette; cela vient d'un autre journal. L'exemple, c'est que 70% des causes devant la Commission des droits de la personne de l'Ontario sont des causes de harcèlement. J'aimerais seulement souligner au ministre qu'avec cet article la Commission des droits de la personne du Québec sera...

Une voix: Très occupée.

M. Marx: ... très occupée. La commission va avoir deux fois plus de travail qu'aujourd'hui. J'espère que le ministre va prévoir dans son budget assez de ressources et d'argent pour faire face au déluge de causes que va avoir la commission.

Mme Lavoie-Roux: Je ne sais pas si le travail de l'Opposition face au gouvernement...

M. Bédard: Au contraire!

Mme Lavoie-Roux: ... va être interprété comme du harcèlement...

M. Bédard: On espère que cela va empêcher...

Mme Lavoie-Roux: ... vu qu'il y a "les convictions politiques" en haut.

Le Président (M. Rochefort): L'article 4 est-il adopté?

M. Marx: Oui, mais c'est-à-dire que l'article 10.1...

M. Bédard: Si cela continue, dans votre cas ce sera, du harcèlement...

Une voix: Envers la commission. M. Marx: Mais je l'ai minuté...

M. Bédard: Non, je ne parlais pas de vous, je parlais de Mme Lavoie-Roux.

Une voix: Ah! mais lui, c'est du harcèlement politique, s'il continue.

M. Marx: Est-ce que, dans l'interprétation...

M. Bédard: C'est du harcèlement politique...

M. Marx: ... du ministre, l'article 10.1 concernant le harcèlement s'applique en ce qui concerne le harcèlement sexuel, le harcèlement à cause des...

M. Bédard: Concernant tous les motifs.

M. Marx: Tous les motifs de l'article 10.

M. Bédard: C'est cela. La commission, dans son mémoire, avait demandé qu'on précise dans l'article que "nul ne devait pratiquer le harcèlement sexuel."

M. Marx: Oui, mais supposons que...

M. Bédard: II ne nous paraissait pas opportun de donner suite...

M. Marx: Non, de le définir ainsi.

M. Bédard: ... à cette précision, parce qu'elle peut être source de confusion au plan juridique.

Mme Lavoie-Roux: Pratique une pratique.

M. Marx: Prenons l'exemple...

Mme Lavoie-Roux: Non, c'était une blague que je faisais.

M. Marx: Je vois plusieurs plaintes qu'on va déposer à la Commission des droits de la personne.

M. Bédard: Non, mais...

M. Marx: Un instant, M. le ministre!

M. Bédard: ... concernant ce point, pourquoi on ne pourrait pas raisonner dans le sens qu'à partir du moment où il y a cet article cela peut peut-être l'empêcher dans bien des cas.

M. Marx: Oui, oui, peut-être que cela va l'empêcher.

M. Bédard: Chacun a sa manière de voir.

M. Marx: Oui, mais, si le harcèlement s'applique à tous les motifs de l'article 10, on peut bien voir quelqu'un appeler une autre personne, pour les fins de la discussion, "maudite allophone". La personne va déposer une plainte à la Commission des droits de la personne en disant qu'elle a été harcelée à cause de son origine ethnique ou nationale. Vous savez, cela peut donner une ouverture à toutes sortes de plaintes frivoles ou farfelues.

Mme Lavoie-Roux: Imaginez ce qui va arriver aux "maudits Anglais". (24 heures)

M. Bédard: Oui. Cela peut effectivement - on en fait l'illustration -donner ouverture à toutes sortes de choses farfelues.

M. Marx: C'est-à-dire peut-être farfelues dans les faits...

M. Bédard: On peut dire cela, mais je ne crois pas...

M. Marx: ... mais qui vont donner ouverture à un droit d'action en vertu de la charte.

M. Bédard: Est-ce que je dois comprendre que le député de D'Arcy McGee est contre?

M. Marx: Non, on est contre le harcèlement sexuel qui, je pense, - est le problème. Qu'est-ce qu'on a fait dans d'autres chartes?

M. Bédard: Si on spécifiait simplement la défense de harcèlement en ce qui a trait au sexe, à ce moment-là, on donnerait l'impression qu'on permet le harcèlement pour les autres motifs. Il me semble que le député de D'Arcy McGee...

M. Marx: Pour d'autres motifs, ce serait la discrimination.

M. Bédard: ... devrait être sensible à

ce raisonnement.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre, s'il vous plaît! II est minuit. Est-ce qu'il y a consentement des membres de la commission pour poursuivre nos travaux?

M. Marx: Consentement.

M. Bédard: On continuera à se harceler demain. Est-ce qu'on peut l'adopter, celui-là?

Le Président (M. Rochefort): Excusez-moi. Il n'y a pas consentement pour que nous poursuivions nos travaux. Avant d'ajourner, est-ce qu'on adopte l'article 4?

M. Bédard: Une seconde, M. le Président.

M. Marx: Est-ce qu'on peut avoir trois ou quatre minutes, de consentement, pour adopter cet article?

Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a consentement pour que nous poursuivions nos travaux jusqu'à minuit cinq minutes?

M. Bédard: D'accord. M. Marx: Minuit sept.

Le Président (M. Rochefort): J'ai dit cinq.

M. Marx: Si le ministre a voulu légiférer contre le harcèlement pour tous les motifs qui se trouvent à l'article 10, avec tout ce que cela peut comporter de plaintes, moi, je trouve cela un peu farfelu. Est-ce que dans les autres chartes au Canada on parle de harcèlement tout court ou est-ce qu'on parle de harcèlement sexuel? Dans les lois des autres provinces, comme en Ontario, au Nouveau-Brunswick, en Alberta, est-ce le harcèlement sexuel ou le harcèlement tout court?

M. Bédard: Je ne crois pas que cela donnera ouverture...

M. Marx: Non, non.

M. Bédard: ... à des plaintes farfelues. Je ne dis pas qu'il ne peut pas se présenter quelques cas, c'est possible dans ce domaine comme dans n'importe quel autre domaine.

M. Marx: Est-ce que la liste noire qui a été dressée par ce gouvernement était du harcèlement à cause de l'origine ethnique ou nationale des personnes?

M. Bédard: Jusqu'à maintenant, vous avez discuté sérieusement, comme on se doit de le faire à propos de la charte.

M. Marx: Moi, j'ai des craintes que cela ne soulève un certain...

M. Bédard: Je ne suis pas ici pour rendre des jugements. On est ici pour essayer de rédiger une charte améliorée qui réponde à certaines représentations qui nous ont été faites. Celle-ci en est une. D'ailleurs, le député de D'Arcy McGee dit qu'il est d'accord.

M. Marx: Mais j'ai des craintes que cela ne donne ouverture à un certain nombre de problèmes et je mets le ministre en garde. C'est tout.

M. Bédard: Je vous l'ai expliqué. Si, à un moment donné, on spécifie la défense de harcèlement seulement à propos du sexe, on peut donner l'impression que le harcèlement est permis pour les autres motifs de discrimination, la race, la couleur.

Mme Marois: L'orientation sexuelle, entre autres; il y a eu beaucoup de plaintes reliées à cela.

M. Bédard: J'imagine que le député de D'Arcy McGee ne veut pas de harcèlement par rapport à ces motifs de discrimination.

M. Marx: Nulle part. Même pas ici. Adopté.

M. Bédard: Pardon?

Le Président (M. Rochefort): Est-ce que l'article 4 est adopté? Adopté. Même si nous ne sommes pas rendus à l'heure prévue j'imagine que... Est-ce qu'il y a consentement pour que nous poursuivions nos travaux?

Une voix: Non.

M. Marx: Je crois que les députés ministériels ont leur propre...

M. Bédard: On peut bien s'asseoir jusqu'à 3 heures, je suis bien d'accord, mais...

Le Président (M. Rochefort): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Bédard: Arrêtez donc de faire de la petite...

Le Président (M. Rochefort): Dernier appel.

M. Marx: Je n'ai rien dit.

Le Président (M. Rochefort): À l'ordre,

s'il vous plaît! Est-ce qu'il y a consentement pour que nous poursuivions nos travaux, oui ou non?

M. Bédard: Je n'ai aucune objection. Si vous voulez continuer, continuez. Si on continue, je ne continuerai pas de cinq ou dix minutes, pour ensuite encore se demander si on va être en mesure de continuer. Si on veut continuer jusqu'à deux heures, j'y suis prêt n'importe quand.

M. Marx: On va voir.

M. Bédard: Mais pas pour continuer encore dix minutes, une demi-heure, et se poser la question régulièrement: Est-ce qu'on continue? On a des sujets qui, je pense, sont importants au niveau de la discussion. Je ne voudrais pas qu'on se fasse accuser d'avoir discuté de ces choses-là à des heures trop tardives. Je pense que l'heure à laquelle nous sommes n'est pas tardive.

Une voix: On va se coucher.

Mme Lavoie-Roux: On va se coucher, M. le ministre.

Le Président (M. Rochefort): Je constate qu'il n'y pas consentement.

J'ajourne les travaux de la commission sine die.

(Fin de la séance à 0 h 06)

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