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Version finale

31st Legislature, 3rd Session
(February 21, 1978 au February 20, 1979)

Friday, April 21, 1978 - Vol. 20 N° 41

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat: Intentions du gouvernement en matière de décentralisation administrative


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures cinq minutes)

Le Président (M. Clair): À l'ordre, messieurs!

La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution est réunie pour discuter de la question avec débat du député de Lotbinière au ministre d'État à l'aménagement sur le sujet suivant: Les intentions du gouvernement en matière de décentralisation administrative.

Conformément à notre règlement, à l'article 162-A, j'invite immédiatement et sans plus de préambule le député de Lotbinière à exercer son droit de parole de vingt minutes.

M. le député de Lotbinière.

Les intentions du gouvernement en matière de décentralisation administrative

M. Rodrigue Biron

M. Biron: M. le Président, l'approche de l'Union Nationale, ce matin, est une approche positive, basée surtout sur la réalité quotidienne des Québécois. Ils veulent vivre chaque jour, travailler, manger et se préoccupent de cette réalité quotidienne québécoise.

Alors, le Québec des réalités que nous voulons proposer à nos concitoyens québécois implique, bien sûr, que nous nous donnions enfin chez nous une politique de l'aménagement du territoire.

Si, conséquemment, nous avons applaudi, lors de cette annonce, à la nomination par le gouvernement d'un ministre d'État à l'aménagement du territoire, pourtant nous nous posons des questions aujourd'hui — et c'est là essentiellement l'esprit qui nous anime en ce moment — sur l'orientation qu'épouse le gouvernement actuel en matière de décentralisation administrative.

Bien sûr, il est venu le temps de se donner une politique de l'aménagement du territoire, politique où, incidemment, le gouvernement du Québec doit être non seulement administrateur, mais maître d'oeuvre, concepteur, réalisateur et animateur à la fois.

Nous disions dans notre programme électoral, et nous le disons encore, que les provinces doivent avoir pleine et entière juridiction en matière d'aménagement du territoire. Nous, nous ne sommes pas de ceux qui, sous le vocable équivoque du Québec des libertés, acceptent ou tolèrent l'ingérence constante et méprisante du pouvoir central d'Ottawa en la matière.

Pour autant, dans notre esprit, vouloir aménager notre territoire, vouloir décentraliser l'appareil administratif gouvernemental, vouloir régionaliser les services et les équipements publics, cela implique des objectifs, un échéancier et, d'abord et avant tout, une philosophie et une stratégie d'action qui sous-tendent le tout et surtout par-dessus tout beaucoup de consultations avec ceux au profit desquels on veut éventuellement décentraliser.

Ce n'est pas l'impression que nous avons aujourd'hui de cette grande consultation avec la population du Québec et avec les administrateurs municipaux ou scolaires.

Alors, justement, les indications qui sont nôtres à ce jour en matière de décentralisation administrative nous font craindre que le gouvernement ne mette quelque peu la charrue devant les boeufs et articule ou laisse articuler par certains commis de l'État un plan d'aménagement sans d'abord avoir arrêté ou sans du moins avoir fait connaître publiquement sa philosophie d'action en la matière.

Il y a déjà quelque temps nous avons mis la main sur un projet de livre blanc sur la décentralisation ainsi que sur quelques documents de travail sur lesquels le ministre d'État à l'aménagement du territoire s'est penché, se penche ou se penchera.

Nous avons eu la main heureuse puisque, dès cet instant, mon collègue de Bellechasse et moi-même, grâce à nos questions à l'Assemblée nationale, nous avons invité le gouvernement à beaucoup plus de prudence et, encore aujourd'hui, nous pouvons jouer notre rôle d'Opposition vigilante et inviter le gouvernement à agir avec prudence et réalisme en la matière. Avant même que soient définis ou dessinés comme projets les pouvoirs de négociation éventuels des conseils de comté, des municipalités ou de tout autre instrument consultatif ou autre sur le plan local et régional, nous devons définir, avec les intéressés, les responsabilités des administrations locale, municipale ou autres, ainsi que les responsabilités du gouvernement du Québec dans la préparation, l'adoption et l'application des plans et schémas d'urbanisme et d'aménagement du territoire ainsi que de voir à la répartition éventuelle des pouvoirs et des fonds nécessaires à l'application des programmes référés éventuellement à la responsabilité de l'un ou l'autre des paliers administratifs au Québec.

Il ne faudrait pas que le gouvernement du Québec, qui a raison — et jusqu'ici, je ne fais que parler de la continuité de tous les gouvernements de l'histoire du Québec — de taper sur Ottawa pour son ingérence dans trop de dossiers de juridiction québécoise, prenne une attitude équivalente à l'endroit de ses propres créations ou des municipalités, des commissions scolaires ou, sur un autre plan, sur les conseils de comté. Autant nous ne tolérerons pas l'ingérence Ottawa-Québec, autant nous ne tolérerons pas l'ingérence Québec-municipalités ou commissions scolaires.

S'il est urgent que le gouvernement du Québec réponde mieux aux besoins des pouvoirs locaux, notamment au niveau de la réforme fiscale et municipale, encore une fois promise dans le récent discours du budget, je ne suis pas sûr qu'il faille se lancer tout de suite ou même dès la présente Législature dans une réforme en profondeur en matière de décentralisation administrative.

Ce qui me fait parler ainsi, c'est qu'il y a un autre dossier qui retient et qui captive même — et

on n'a encore rien vu — l'attention de tous nos concitoyens, je dirais même qu'il fait appel à la solidarité de l'ensemble des Québécois, c'est celui, vous l'aurez deviné, du devenir constitutionnel du Québec au sein de la fédération canadienne. Qu'est-ce qui va arriver de ces structures fédérales, provinciales, régionales, municipales et scolaires si on veut tout changer en même temps? Ce sera véritablement le bordel au niveau des structures.

Mais puisque l'étude des dossiers de la décentralisation administrative est déjà en cours au sein de l'appareil gouvernemental, et puisque divers bruits ont déjà courru à ce sujet, et parce qu'il y a eu des fuites voulues ou non voulues en la matière, il m'apparaît et il nous apparaît, à nous de l'Union Nationale, de notre devoir — mon collègue de Bellechasse me complétera sur le sujet un peu plus tard — d'interroger de façon expresse et dès maintenant le ministre responsable du dossier et cela, nous le faisons au nom des Québécois et au nom, en particulier, des 15 000 administrateurs municipaux ou scolaires qui verront des chambardements dans leurs responsabilités.

Puissions-nous, M. le Président, sortir d'ici mieux informés, non seulement nous, mais le public en général et les intéressés immédiats en particulier, sur la volonté réelle du gouvernement en la matière et, comme je le disais au début de mon exposé, sur la philosophie et la stratégie d'action qui l'animent ainsi que sur son échéancier en la matière.

Pour certaines des questions qui sont nôtres, aujourd'hui, on pourra peut-être nous dire qu'elles ont déjà été formulées à l'Assemblée nationale. Mais parce qu'elles n'ont pas reçu, du moins à notre avis, les réponses qu'elles méritaient, ou encore qu'elles se sont perdues dans le dédale d'autres dossiers concurrents dont forcément les travaux de la Chambre nous donnent le spectacle chaque jour, nous les reprenons ici, aujourd'hui, sous la même forme ou autrement, tout en y ajoutant d'autres. Le tout, afin de permettre au ministre et au gouvernement de nous répondre et de répondre par le fait même au public en général et aux intéressés en particulier d'une manière qui soit responsable et cohérente.

Voulant manifestement ne pas laisser le Québec prendre la voie de l'illusion, ni celle du slogan du Québec des libertés, mais plutôt le chemin de la réalité, le chemin du Québec des réalités, je pose donc les questions suivantes au ministre d'État à l'aménagement: Quel est l'état actuel du dossier de la décentralisation administrative, aujourd'hui, et spécialement l'évolution de ce dossier depuis que nous en avons dévoilé l'existence? Qui a donné mandat à qui et sur quoi exactement? Ici, nous voudrions des réponses très claires; les réponses que nous avons obtenues à l'Assemblée nationale n'ont pas été claires, nous voulons des réponses claires. Parce que nous savons qu'il y a un grand nombre de fonctionnaires, parmi plusieurs ministères, qui travaillent à ce dossier.

Est-ce que ce mandat a été donné en tenant compte du contexte fédératif actuel ou encore d'un contexte constitutionnel différent de celui que l'on connaît actuellement? Il y a des dossiers de cette décentralisation qui touchent des juridictions qui appartiennent exclusivement au Québec, d'autres qui appartiennent exclusivement au gouvernement fédéral et d'autres qui sont de juridiction partagée.

C'est sûr que nous voudrions savoir dans quel contexte ce mandat a été donné.

Est-ce que les représentants des conseils de comté, des municipalités ou encore des commissions scolaires ou autres ont été consultés formellement en la matière, à ce jour, ou même plus, est-ce qu'il en est parmi eux qui ont participé, qui participent et dont il est prévu qu'ils participeront au cheminement du dossier et ce, avant même que le tout ne devienne un document de travail consolidé et final? Là-dessus, l'objectif précis que recherche l'Union Nationale, c'est une participation de la population, c'est une participation des organismes. Il ne faudrait pas avoir un semblant de consultation un peu comme on a eu dans le cas du ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières vis-à-vis de l'assurance automobile, alors qu'il s'est permis un voyage à travers le Québec en ayant conçu d'avance le projet de loi et en y changeant absolument rien, après avoir écouté la population du Québec.

Il faudra que, dans ce cas-là en particulier, les représentants des municipalités et des commissions scolaires puissent véritablement participé à la décision vis-à-vis de la décentralisation.

Plus fondamentalement, quelle est la philosophie politique, quelle est la stratégie d'action qui anime le gouvernement en la matière? Est-ce qu'il y a une philosophie politique d'abord et est-ce qu'il y a une stratégie d'action? C'est ce qu'on voudrait savoir.

Quel est l'échéancier révisé, pouvons-nous croire, que s'est donné le gouvernement en cette matière de décentralisation administrative? Nous avons déjà entendu des dates à l'Assemblée nationale, nous voulons connaître maintenant l'échéancier précis.

Sur le plan technique, quels sont les ministères ou les services gouvernementaux ou paragouvernementaux qui travaillent au dossier en équipe interministérielle ou autrement? Nous savons qu'il y a beaucoup de groupes parallèles, à gauche et à droite, dans beaucoup de ministères, qui travaillent à des dossiers de décentralisation. Nous voudrions savoir exactement ce qui se passe et souhaiterions beaucoup plus de cohésion dans ces dossiers.

Même si l'étude en cours des crédits nous renseigne quelque peu à ce sujet, quels sont les fonds engagés à ce jour ou que l'on prévoit engager d'ici la fin du présent exercice financier et du nouveau? De quels ministères viennent-ils? On sait que ces fonds ne viennent pas tout simplement de votre ministère, ils viennent d'autres ministères. J'aimerais savoir de quels ministères ils viennent. (10 h 15)

Est-ce que, à ce jour, ou dans les projets du ministre, on prévoit se rendre à l'extérieur du Québec, que ce soit ailleurs au Canada ou ailleurs

dans le monde, pour se renseigner sur les expériences vécues ailleurs à ce jour en matière de décentralisation ou de régionalisation, quoique je ne fasse pas ici l'objet d'une suggestion? Encore une fois, je voudrais avoir du ministre une réponse très claire à ce sujet.

On a vu, dans le passé, et tout dernièrement encore, trop de commis de l'État vouloir voyager à travers tout le monde et vouloir se faire payer des voyages par le gouvernement du Québec. Il n'est pas question, à l'heure actuelle, que nous ne sachions pas ce qui se passe dans ce cas précis où des gens vont vouloir voyager pendant un an ou deux, pour faire un présumé rapport. Il faut avoir une réponse claire sur les voyages prévus à l'extérieur du Québec.

Est-ce que, à la suite des fuites, voulues ou non, de la part du gouvernement, le ministre a eu vent d'échos ou de réactions de la part du milieu scolaire ou du milieu municipal? Si oui, de la part de qui? Quand? Quelles étaient ces réactions et quelle a été l'attitude du ministre? Encore une fois, je ne voudrais pas avoir du patinage autour de cela, je voudrais véritablement qu'on sache qui, quand et quelles étaient les réactions, de même que l'attitude du ministre.

Le cas échéant, le ministre peut-il nous remettre maintenant, ou à la première occasion, et cela à titre d'information, copie de la correspondance échangée sur le sujet avec les intéressés?

Le projet de décentralisation gouvernementale devant, semble-t-il, toucher un grand nombre de secteurs dont la compétence relève actuellement du niveau fédéral ou, encore, est partagée, à tort ou à raison, entre Ottawa et Québec, n'y a-t-il pas lieu d'attendre la réforme constitutionnelle globale, entre Ottawa et les provinces, ou encore le résultat de l'éventuel référendum québécois, avant de s'engager le moindrement au nom d'une décentralisation administrative à certains titres souhaitables d'une réforme en profondeur de l'aménagement du territoire québécois?

À tout événement, est-ce qu'il n'y a pas lieu pour le gouvernement, qui en a pris l'habitude sur d'autres sujets, de tenir un véritable sommet formel, d'une couple de jours, de tous les interlocuteurs intéressés au sujet, conseils de comté, municipalités, commissions scolaires ou autres? Quant à en faire des sommets, si on veut avoir une véritable consultation, je pense qu'il faudrait rencontrer tous ces gens ensemble ou, si on nous dit qu'on ne veut pas avoir de consultation, si on ne veut pas coopérer avec ces organismes, conseils de comté, municipalités, commissions scolaires ou autres, il faudrait aussi nous dire la vérité sur ce sujet.

Un autre sujet qui est en soi un dossier, je veux parler de zonage agricole.

Nous avons trop vécu au Québec de sauvages opérations qui ont valu la disparition coûteuse et scandaleuse de terres arables pour que le ministre ne nous parle pas aujourd'hui d'une façon plus engagée que ne l'a fait à ce jour son collègue de l'Agriculture du problème de la disparition des terres arables, de sa conception du zonage agricole, de l'état du dossier en la matière, de l'orientation du gouvernement sur le sujet et de l'échéancier législatif et administratif en la matière, ainsi, il va de soi, que de la consultation des gens du milieu sur ce sujet.

Plus précisément, en quoi la position gouvernementale actuelle diffère-t-elle de celle de ses prédécesseurs?

Le ministre peut-il nous assurer, un peu à l'instar de son collègue de l'Éducation, que son projet de réforme administrative ne touchera pas les commissions scolaires, qu'il n'est donc pas question de la possibilité de démembrer les commissions scolaires et de confier la responsabilité de l'éducation à des gouvernements régionaux qui auraient également pour tâche d'administrer les domaines tels que la santé, l'aménagement du territoire, la voirie, la police?

Suite à l'intervention que nous avons faite sur le sujet à l'Assemblée nationale, je crois que le ministre a d'ailleurs reconnu que le projet du livre blanc va trop loin. Nous voulons savoir exactement ce qui en est aujourd'hui.

N'y aurait-il pas lieu, avant d'aller plus loin en matière de décentralisation administrative, d'évaluer avec les intéressés l'expérience déjà en cours des niveaux supramunicipaux que sont les communautés urbaines déjà existantes de Montréal, de Québec et de l'Outaouais? Incidemment, quelle est la perception du ministre de l'expérience actuelle de ces communautés urbaines? Le ministre prévoit-il, dans son projet de décentralisation administrative, une structure semblable à celle de ces communautés urbaines dont on vient de parler, premièrement, pour la région de Montréal et de la rive sud, deuxièmement, pour la ville de Laval? On sait que cela a été demandé. Il y a des questions qui ont été posées par la région de la rive sud de Montréal et par la ville de Laval.

Dans son cheminement de décentralisation administrative, le ministre ne craint-il pas qu'on favorise directement une croissance épouvantable de la fonction publique et, conséquemment, un accroissement presque indécent des dépenses gouvernementales et paragouvernementales, dépenses, pour une bonne part, non productives à un moment de notre histoire où, selon tous les experts en la matière, il faut plutôt diminuer, sinon arrêter brutalement, la croissance de la fonction publique et des dépenses publiques plus ou moins productives? Il ne s'agit pas aujourd'hui d'alourdir davantage l'appareil bureaucratique.

Comment le ministre voit-il, dans l'optique du dossier qui est sien, le sort éventuel des CLSC? D'autre part, est-ce qu'il ne croit pas qu'éventuellement devraient exister des CLSE, c'est-à-dire des centres locaux ou régionaux de services économiques? Autant nous sommes contre les dépenses non productives, autant, personnellement, je suis pour des dépenses productives qui pourraient aider à relancer l'économie du Québec, soit en ayant de ces centres de services économiques qui pourraient orienter les entreprises dans le domaine du marketing, du "know-how", de la connaissance, de l'administration, des conseils.

Or, il faut savoir exactement ce qu'en pense le ministre.

Certains des dossiers de travail à la disposition du ministre parlant de comtés pour les éventuelles structures locales. Est-ce à dire qu'on peut s'attendre éventuellement à une réforme parlementaire en profondeur au niveau de l'Assemblée nationale? Est-ce qu'à ce titre, les deux projets de décentralisation et de réforme parlementaire sont étudiés en relation l'une de l'autre? On nous a beaucoup parlé de comités interministériels, mais il faudrait peut-être savoir si on parle un peu ensemble des idées qu'on a au niveau de chacun de ces ministères.

Sur un autre plan, est-ce que toute la réforme administrative envisagée pourrait conduire jusqu'à une nouvelle organisation des ministères et pourrait même toucher l'innovation des superministères? Sur un plan beaucoup plus spécifique maintenant, est-ce que le ministre peut nous dire où en est rendu son ministère dans la perception gouvernementale de la fameuse Commission de la capitale nationale où jouent les décisions de trois paliers de gouvernement, beaucoup plus compliquée qu'ailleurs puisqu'on a déjà le palier fédéral, provincial et local? Maintenant, s'il faut jouer en plus le palier régional, qu'est-ce qui va arriver dans tout cela?

Un des projets de livre blanc nous parle du mandat des éventuels conseils de comté et dit que ces derniers devront préparer un programme triennal d'immobilisations. Où en est donc le projet gouvernemental en cette matière? Quand le bureau de financement des partis politiques créé à la suite de l'adoption de la loi no 2 sera-t-il saisi du projet de loi de décentralisation, puisqu'il y est question abondamment de financement relié à l'exercice de la démocratie municipale ou scolaire? Encore une fois, nous avons des structures interministérielles. Ce serait peut-être le temps de voir l'efficacité de ces structures.

Les études en cours en matière de décentralisation administrative parlent beaucoup et y font allusion implicitement, du moins c'est ce que l'on en sait, de régime fiscal des éventuels conseils municipaux et de relocalisation de membres de la fonction publique. Dès lors, est-ce que, respectivement, les ministres des Finances et de la Fonction publique sont dans le coup? On parle de relocalisation, il faudrait peut-être que le ministre des Finances et celui qui est responsable du personnel de la fonction publique puissent savoir ce qui se passe là-dedans. Sinon, qu'est-ce que c'est que cette coordination des ministères? Est-ce que le ministre peut s'engager à faire connaître régulièrement à l'Assemblée nationale, par dépôt de documents ou autrement, l'évolution de l'étude du projet de décentralisation administrative?

L'évolution de ce projet est trop importante pour que nous soyons obligés de poser des questions chaque fois à l'Assemblée nationale pour être informés. Alors, la population du Québec, les membres de l'Assemblée nationale ont besoin d'avoir les informations nécessaires, et non pas à la dernière minute. Surtout, concernant le projet de décentralisation, il n'y a pas de secret comme dans un budget. Il faudrait que, avant que le projet de loi soit préparé, avant qu'il y ait un engagement formel du gouvernement dans cette matière, on puisse être avisé régulièrement par le ministre, par le dépôt de documents ou autrement, de l'évolution du projet, sinon nous allons nous poser de sérieuses questions quant à la transparence gouvernementale. C'est un engagement formel du ministre que nous voudrions avoir aujourd'hui pour informer les membres de l'Assemblée nationale et la population en général de l'évolution de ce dossier.

Est-ce que le ministre peut nous assurer plus formellement qu'il ne l'a fait à ce jour que non seulement il mettra dans le coup des représentants que certains appellent les "establishments " locaux, mais vraiment toute la population du Québec?

M. le Président, c'est une première série de questions que j'ai voulu poser au ministre à l'aménagement sur ce projet, le livre blanc sur la décentralisation. Je vais maintenant écouter les réponses du ministre et je reviendrai par la suite avec d'autres questions supplémentaires.

Le Président (M. Clair): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, je dois commencer par faire une déclaration. Je vais prendre quelques minutes, si vous me le permettez.

Le Président (M. Clair): Vous avez 20 minutes. M. Léonard: 20 minutes, d'accord.

Le Président (M. Clair): Le chef de l'Union Nationale a respecté son temps à la seconde près et je vous demande d'en faire autant.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Bien. Je remercie le chef de l'Union Nationale de l'occasion qu'il me fournit de discuter de la décentralisation. J'ai pu constater, par ses questions à l'Assemblée nationale, que c'est un sujet qui lui tient à coeur. De plus, il semble avoir lu et relu certains documents sur la question. J'apprécie donc le temps qui m'est donné pour expliquer le sens de la réflexion et du travail que nous avons entrepris au sein du gouvernement.

Avant même notre arrivée au gouvernement, nous avons, à plusieurs occasions, discuté de la nécessité de rapprocher des citoyens les décisions qui les concernent: des résolutions à nos différents congrès et le programme du Parti québécois en font foi. Et on aurait aussi intérêt à lire cela.

Au début de l'année 1977, j'ai entrepris, avec mes collègues du comité ministériel de l'aménagement, une réflexion sur les problèmes généraux d'aménagement du territoire du Québec et sur la prise de décision en aménagement. Nous avons

rapidement fait une distinction entre deux modèles possibles.

Ou c'est !e gouvernement central, Québec lui-même, qui aménage le territoire selon sa propre perception des besoins des individus et des collectivités, ou encore le gouvernement du Québec confie à des instances plus locales les responsabilités de l'aménagement et leur donne les moyens de faire face à ces responsabilités.

Là-dessus, l'orientation a été claire: ce n'est pas de Québec que doit se faire l'aménagement. Mais il est essentiel que le processus décisionnel permette l'implication des citoyens qui seront appelés à vivre les conséquences des décisions concernant l'aménagement. C'est dans cette perspective que nous travaillons présentement à la loi de l'aménagement et de l'urbanisme dont le message inaugural a annoncé la préparation et la présentation pour cette session.

Cette réflexion sur l'aménagement du territoire nous a aussi conduits à élargir le débat: N'y aurait-il pas d'autres compétences, actuellement aux mains du gouvernement, à Québec, qui auraient tout avantage à être situées plus près des citoyens? Il devenait évident que le problème débordait les compétences du comité ministériel de l'aménagement. C'est pour cette raison qu'en juin dernier le Conseil des ministres décida de constituer un comité ministériel ad hoc pour étudier cette question, comité présidé par le premier ministre à qui se joignaient le ministre des Affaires municipales et moi-même.

Il s'agissait pour le comité d'examiner quelles responsabilités, actuellement exercées par Québec, pourraient être rapprochées des citoyens et quel organisme politique pourrait les recevoir.

Ce comité spécial s'est réuni à douze reprises et a entrepris la préparation d'un document de travail préliminaire qui a été déposé au Conseil des ministres en décembre dernier et qui a fait l'objet de discussions. Je veux simplement, aujourd'hui, vous dire où nous en sommes. Tout le reste n'est qu'hypothèse.

Une première conclusion sur la portée du document. Il s'agit d'un document de travail qui aurait et a toujours l'ambition de porter à la réflexion du Conseil des ministres une option maximale où non seulement l'aménagement, mais aussi d'autres compétences seraient rapprochées du citoyen. Cette option identifie une structure d'accueil de ces pouvoirs, scrute un mode de financement et s'interroge sur un rythme d'implantation.

En commençant nos travaux, nous visions la production d'un livre blanc, mais ce n'est pas pour rien que le document s'appelle aussi "Projet de livre blanc sur la décentralisation". Il est vite apparu, et là-dessus tout le monde est d'accord, que, dans la minute où on se branche clairement sur l'objectif de la décentralisation, la couleur du livre doit aussi changer. Il serait un peu paradoxal de décider d'une façon centralisée une politique ferme sur la décentralisation.

Il faut bien savoir de quoi il s'agit dans ce document. En effet, on peut rapprocher les pouvoirs ou les services des citoyens de bien des façons, soit par la déconcentration. Celle-ci s'exprime par une délégation d'autorité du haut vers le bas au sein d'une institution. Au Québec, cette déconcentration se traduit plus particulièrement par la création de bureaux régionaux de ministères ou d'organismes gouvernementaux sur la base des régions administratives édictées par un arrêté en conseil de 1966. Dans une telle approche, les pouvoirs demeurent à l'État. Le niveau d'autorité déléguée varie d'un ministère ou d'un organisme à un autre.

Deuxièmement, soit aussi par la relocalisation. Dans ce dernier cas, il s'agit de localisation géographique d'organismes ou de parties d'organismes sans cependant modifier la répartition des pouvoirs. Ainsi, que la Régie des services publics soit à Québec, soit à Trois-Rivières, à Montréal ou ailleurs, ne change rien à qui prend les décisions. On voit cela aussi avec le gouvernement fédéral qui veut relocaliser un bureau de l'impôt à Sherbrooke et qui, en même temps, intervient dans la taxe de vente. C'est strictement de la relocalisation.

Troisièmement, soit par la décentralisation, ce qui implique un partage des pouvoirs entre l'État et les collectivités locales responsables. Cette dernière option que retient le document de travail confirme l'existence d'un leadership local capable de prendre les décisions qui concernent le milieu local dans une foule de domaines, à condition qu'il ait les moyens autonomes de faire face à ses responsabilités. (10 h 30)

Nous avons examiné plusieurs aspects de la question et, à titre d'exemple, nous avons étudié les expériences étrangères de décentralisation en Ontario, aux États-Unis, en France, en Angleterre, en Suède, etc., de même que les propositions déjà formulées au Québec depuis une dizaine d'années en ce domaine. Il y a eu le plan REMUR, que le Dr Robert Lussier, que vous connaissez, alors ministre des Affaires municipales, avait rendu public en 1970, qui prévoyait la création de six communautés urbaines et de dix communautés régionales. Le rapport Tessier, préparé lui aussi par le ministre des Affaires municipales du temps, Me Maurice Tessier en 1972, proposait la création de 131 communautés municipales...

M. Goldbloom: ...

M. Léonard: Oui. Il y eût les propositions du groupe de travail sur l'urbanisation, appelé groupe Castonguay, qui a analysé l'ensemble des problèmes d'urbanisation au Québec et, enfin, le rapport découlant des travaux de la commission de la refonte des lois municipales qui a été remis en mars 1977, un document interne au Québec.

Au-delà de ces études, il y a la vie de chaque jour que nous connaissons tous comme députés. Les citoyens du Québec se sentent de plus en plus loin de la prise de décision sur des sujets qui les concernent de près comme leur territoire, leur santé, leur école. C'est pourquoi cette orientation

s'impose et elle doit prendre forme d'une façon réaliste, non pas en repartant à zéro, mais en partant de la vie même au Québec; d'où deux grandes dimensions du projet. La première, c'est la valorisation du pouvoir local et la deuxième, le partage des pouvoirs actuellement à Québec.

Quant à la première, les municipalités existent, elles ont des pouvoirs et encore faut-il qu'elles aient des moyens plus efficaces pour agir d'une façon autonome. L'État ne doit pas entretenir une dépendance à coups de subventions. C'est pourquoi nous poursuivrons bientôt les discussions sur la réforme de la fiscalité municipale et sur la réforme de la démocratie locale.

On se rend compte que non seulement la disparition du premier niveau de nos municipalités actuelles est inutile — et ce serait injuste de faire courir cette hypothèse actuellement, contrairement d'ailleurs à ce qui a été fait dans certains pays — mais encore que ce niveau de décision remplit un rôle particulièrement important, le premier niveau d'identification politique des citoyens, tellement que dans certaines villes on veut créer des quartiers quand la ville est trop grande. Aussi, ce n'est pas par pure démagogie ou pour faciliter l'acceptation d'une réforme que nous voulons maintenir le niveau municipal actuel, mais bien au contraire parce que ce niveau, le premier près des citoyens, remplit un rôle fondamental dans l'organisation de nos milieux. Nous entendons même doter ce niveau de nouveaux moyens lui permettant d'aménager plus facilement ce milieu de vie en tenant compte des nouvelles valeurs que les citoyens veulent inscrire dans ce milieu. Je pense que, si l'on parle de décentralisation, la première étape est vraiment de consolider le pouvoir local.

La deuxième, en partageant des pouvoirs actuellement à Québec. À ce sujet, il est important d'abord de constater un phénomène des dernières décennies. Chaque fois qu'un besoin nouveau apparaissait, le réflexe automatique était d'en attendre la réponse de Québec. Chaque fois que le problème dépassait le cadre strict de la municipalité, tout de suite c'était l'État central qui intervenait. On pourrait se poser la question d'une autre façon. Il est vrai qu'il y a des problèmes qui débordent le territoire d'une seule municipalité, mais il est aussi vrai qu'on aurait pu et qu'on pourrait encore trouver une autre façon de résoudre ces problèmes et d'aller à Québec.

En effet, pour faciliter la collaboration intermunicipale, souhaitée d'ailleurs par les administrateurs municipaux depuis longtemps, et parce que certains problèmes dépassent non pas la capacité de gestion des administrateurs municipaux, mais, comme je viens de le souligner, débordent les territoires des municipalités, le comté aurait pu nous permettre de disposer d'un niveau politique et administratif capable de faire face à ce type de problème sans qu'il soit nécessaire de s'en référer à Québec. Pourquoi n'y avons-nous pas songé? C'est dans cette perspective que l'on a examiné les programmes d'activité des ministères pour dégager ceux qui pourraient être remis à des instances plus près des citoyens, comme les municipalités et les comtés.

Résumons donc. Loin de faire disparaître les municipalités ou même de les affaiblir, les projets de réforme de la fiscalité municipale et de la démocratie locale sont parties intégrantes du projet de décentralisation.

Deuxièmement, il s'agit de donner les pouvoirs, que le temps et l'histoire ont centralisés à Québec, à des instances plus près de ceux qui vivent les conséquences des décisions. Il y a donc là un choix sur la façon de vivre en commun, un choix sur l'organisation de la vie en commun. Aussi le gouvernement entend-il faire ce choix avec ses partenaires municipaux et l'ensemble des citoyens.

Il y a certains pouvoirs qui, à notre point de vue, pourraient peut-être aller d'emblée à la municipalité, par exemple les garderies, plutôt que de partir de Québec et d'aller à un comté, elles peuvent aller directement aux municipalités. Par ailleurs, nous constatons que de nouvelles communautés de vue commencent à apparaître, qui dépassent souvent le cadre strict des municipalités. Elles forment des lieux d'interaction qui conduisent périodiquement, chacun de nous, de sa résidence à son lieu de travail ou d'étude, au centre commercial, à l'aréna, ou encore au cinéma, à l'hôpital, etc.

Le comté ne pourrait-il pas constituer le lieu politique de ces nouvelles communautés? En effet, nous avons éliminé la perspective d'une série de fusions de municipalités. Du moins, on n'imposera pas ces fusions. Là-dedans, comme dans d'autres domaines, on ne bâtira pas l'avenir en détruisant les communautés locales. Les municipalités ont un sens, elles ont une histoire et cela doit être respecté. D'autres réformes avaient proposé cette démarche, nous proposons une autre voie.

L'hypothèse que nous favorisons est connue depuis un certain temps, il s'agit d'une institution qui est là, dans le paysage québécois depuis longtemps, qui fait partie de nos moeurs politiques: je veux parler des municipalités de comté.

Mettons cependant les choses claires. Ce découpage des comtés remonte à plus de cent ans. La configuration démographique en a changé le portrait initial, un ensemble de structures est venu disloquer, parfois, les sentiments d'appartenance des citoyens, car pour tel domaine, ils sont de la région A et pour tel autre, ils sont dans la région B et sur un tel plan, ils sont dans tel secteur ou dans tel comté. Ne pourrait-on, ensemble, se doter de territoires qui simplifieraient tout cela?

On voudrait aussi, dans ces territoires transformés avec la population, et non pas de Québec, qu'il n'y ait plus cette distinction maintenant dépassée entre la ville et la campagne. Le Québec s'est urbanisé depuis cent ans. Les deux types de municipalités doivent se retrouver pour des problèmes communs et c'est ensemble qu'elles doivent les résoudre. Nous en examinerons les indications et en discuterons ouvertement, avec l'Union des conseils de comté, l'Union des municipalités et avec la population.

Si, au départ, les fonctions que l'on veut confier à ces nouveaux comtés sont limitées, par exemple on pourrait commencer uniquement par

l'aménagement, à part celles qu'ils ont déjà, il faut prendre en compte, dans leur remodelage, le fait que plusieurs autres fonctions pourraient leur être confiées dans les prochaines années, ultérieurement.

On a examiné ce que pourrait être le mode de représentation dans une perspective d'une décentralisation maximale. Le mode de représentation fera aussi l'objet de discussions, il n'y a rien d'arrêté là-dessus. On ne peut parler d'un palier politique sans parler d'une source autonome de financement, sinon on fait simplement miroiter aux gens qu'ils ont les pouvoirs, tout en les tenant sous tutelle de Québec à coups de subventions.

Toutefois, avant de se demander comment financer de nouveaux pouvoirs, il faut permettre aux municipalités locales de financer leurs pouvoirs actuels. Cependant, cette réforme devra se faire de façon à rendre possible le financement autonome des pouvoirs du second palier municipal, d'où l'importance d'une discussion franche et ouverte à ce sujet lors de la prochaine conférence municipalités-Québec.

Vous me permettrez, là-dessus, d'être prudent dans mes remarques, pour ne pas devancer les discussions qu'il pourrait y avoir.

En conclusion, il se dédage de mes propos que la décentralisation est d'abord un état d'esprit. Le gouvernement proposera donc un projet qu'il entend discuter et élaborer avec tous les intéressés, de telle sorte que cet état d'esprit se traduise dans des gestes concrets que lui-même et les collectivités locales poseront. Dans ce sens, la consultation qui sera entreprise avec les intéressés supposera leur implication, non seulement dans la détermination des modalités du projet, mais encore d'une façon plus grande, par sa mise en oeuvre.

À partir de maintenant, il s'agit d'une démarche conjointe. Le processus de définition et de mise en place de cette réforme va se faire avec les collectivités locales actuelles par l'entremise, entre autres, de leurs représentants autorisés, les Unions de conseils de comté et les municipalités. La consultation se fera aussi avec l'ensemble des citoyens et des corps intermédiaires. En effet, l'organisation du milieu de vie est maintenant perçue comme un devoir et une responsabilité par beaucoup de gens qui ne sont encore présents dans nos institutions locales. Aussi, autant il est nécessaire de bâtir cette réforme avec les élus actuels, autant il est nécessaire d'associer à ce projet les nouvelles couches de la population.

La première étape de la consultation pourrait avoir lieu à l'occasion de la conférence municipalités-Québec prévue pour le début juin. C'est dans ce contexte que pourront être publiés divers fascicules ou dossiers techniques qui contiendraient une description des propositions formulées par le gouvernement ainsi qu'une description des options sur diverses modalités qui touchent la structure, les compétences, le territoire, etc.

Le dernier point que je voudrais souligner, le tout se fera par étapes, sereinement, sans bouscu- lade, et avec la population. Nous prendrons le temps qu'il faut.

Le Président (M. Clair): Merci, M. le ministre. Quelqu'un demande la parole? M. le député de Lotbinière.

M. Biron: M. le Président, j'aurais aimé que le ministre puisse répondre aux quelques questions précises que je lui ai posées. Je lui ai d'ailleurs remis une série de questions. J'aurais bien aimé l'entendre là-dessus. Après cela, on pourra revenir à des questions additionnelles.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Léonard: Est-ce que vous voulez qu'on prenne les questions l'une après l'autre?

M. Biron: Oui.

M. Léonard: Disons qu'il y en a déjà qui ont eu une réponse là-dedans. Quel est l'état actuel du dossier de la décentralisation administrative? Au fond, je vous ai un peu décrit la démarche que nous avions suivie au cours de l'année. Nous avons commencé une réflexion sur l'aménagement qui a débordé aussi sur la décentralisation qui, je le rappelle, avait été un des engagements de la dernière campagne électorale, une partie, où on disait: Nous allons vous engager dans une politique de décentralisation.

Le document en est un qui a circulé sous le manteau, parce qu'il n'a pas été publié par le gouvernement. Vous me faites un petit procès d'intention quand vous dites qu'il y a eu des fuites, voulues ou pas. Donc, il est sorti, comme il y a beaucoup de choses qui sortent. Cela arrive. Il en est sorti, comme d'autres choses.

Ce document a été rédigé dans l'hypothèse maximale, encore une fois, je le répète, parce que si on touche à des territoires, par exemple, à partir d'une loi de l'aménagement, il faut savoir qu'on ne touchera pas aux territoires tous les cinq ans. On y touche pour longtemps. Même la délimitation des comtés municipaux actuels a été faite il y a plus de cent ans. Cela date d'à peu près 1855. Avant de retoucher, par la suite, à ces territoires, on peut penser que cela va prendre du temps.

Il faut, je pense, essayer de les délimiter dans la perspective la plus large possible. C'est dans cette optique que le document et les travaux ont été réalisés, une perspective ou un thème. On dit: Qu'est-ce que cela pourrait être, les instances régionales? Finalement, vous avez l'hypothèse maximale dans le document. Présentement, avec les pouvoirs actuellement détenus à Québec, si on parle d'autres pouvoirs qui pourraient nous arriver ultérieurement dans un an ou deux, cela sera autre chose. Mais, présentement, les pouvoirs décrits dans le document sont ceux actuellement détenus pour la plupart par les ministères à Québec. On n'a même pas touché aux pouvoirs des municipalités. Il n'en est pas question. Le plus possible on va pouvoir en laisser aux municipalités, on va en lais-

ser. Il n'est pas question non plus d'en remonter, ce n'est pas cela, l'objectif. L'objectif, c'est de décentraliser. On ne va pas commencer à prendre une partie des pouvoirs des municipalités, les remonter au niveau d'un comté. Ce n'est pas l'objectif, c'est le contraire. Quand on parle de décentraliser, c'est de Québec vers une structure régionale qu'on appelle les comtés.

Ce document devait être déposé le 30 novembre, il l'a été le 14 décembre au Conseil des ministres. On tenait à le déposer avant Noël pour que les ministres aient le temps de le lire dans leurs moments libres. Ils n'en ont pas beaucoup, mais enfin.

Il y a eu une première discussion — je n'oserais pas fixer de date — au début de l'hiver, fin de janvier, mois de février, graduellement, quand il y avait quelque temps pour s'y attacher, mais sans qu'il y ait de décision définitive là-dessus.

Nous avons eu cette réunion des 18 et 19 mars où le projet sur la décentralisation a été discuté. Il y a eu un échange d'idées fort intéressant là-dessus.

Maintenant, je pense que ce que j'en retiens, c'est que le document a ouvert des perspectives. Nous l'avons pris et nous avons dit: Voilà, cela pourrait donner cela, mais c'est bien sûr que ce n'est pas une chose qui peut se réaliser, même pas nécessairement l'intention de réaliser tout ce qu'il y a dedans. Ce n'est pas cela. Au fond, il a ouvert les portes. (10 h 45)

On s'est dit: Si on fait la décentralisation, on ne la fera pas seuls, cela va de soi. On peut prendre le document, le mettre là et on va commencer à travailler avec des gens que cela va affecter.

Je pense que tout le monde va comprendre que ce serait difficile de commencer à parler tout de suite de décentraliser tel pouvoir vers des structures qui ne sont pas refaites. La chose qui est envisagée — cela a été annoncé aussi dans le discours inaugural — c'est la Loi sur l'aménagement qui, nécessairement, va avoir à traiter des territoires, éventuellement. Elle va avoir à traiter aussi des structures décisionnelles. Je pense que tout le monde comprend cela. Quand il y avait lavant-projet ou le projet de loi no 12, celui-ci aussi traitait des processus décisionnels. C'en est une première étape. Si les gens veulent décentraliser, évidemment, cela va se savoir aussi. Je pense aussi que, dans le paysage, il y a des gens qui aimeraient que les pouvoirs soient décentralisés, soient rapprochés des citoyens. Je pense que cela va se faire graduellement, mais il y a une première étape à passer, qui est une loi de l'aménagement. C'en est là. C'est une consultation qui va s'amorcer, parce qu'une loi de l'aménagement, ce n'est pas facile à faire, ce n'est pas facile non plus à adopter. Cela touche par exemple les relations entre villes et campagnes. Cela existe encore. Cela a été une pierre d'achoppement dans le passé. J'espère qu'on arrivera à trouver des formules où les municipalités rurales et les municipalités de ville pourront travailler ensemble. Je pense que, là-dessus, tout le monde comprend que cela va se discuter avec elles.

Il y a cette conférence Québec-municipalités du mois de juin où on va d'abord réaliser le premier volet de la décentralisation, qui est la consolidation des municipalités locales actuelles, qui en est vraiment le premier volet. Je pense qu'elles-mêmes le réclament, il faut régler cette question de la fiscalité municipale pour mettre les municipalités locales actuelles sur des bases financièrement solides.

Je pense que je résume un peu mes vues sur la première question.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le ministre parle de projets, d'hypothèses. Il a même terminé en disant qu'on prendra le temps qu'il faut. Y a-t-il un ou des échéanciers? J'ai cru comprendre qu'il n'y a pas d'échéanciers précis sur les projets. Vous ne dites pas: À partir de telle date, nous entreprendrons une tournée de consultation, non pas d'information, mais de consultation. Il n'y a pas de date précise. Je ne veux pas avoir une date comme le 15 février, mais je voudrais savoir si, d'ici telle année...

M. Léonard: La première étape formelle — c'est mentionné, je pense, à la fin de mon intervention — c'est cette conférence Québec-municipalités. C'est cela, formellement. À un moment donné, vous me posez une question: Est-ce que vous avez rencontré des gens? J'ai rencontré M. Jean-Marie Moreau. J'ai rencontré M. Bernier. M. Bernier, je l'ai rencontré une fois, avant Noël. J'ai rencontré M. Jean-Marie Moreau à quelques reprises, je ne pourrais pas donner toutes les dates; mais, il y a encore deux semaines, je le rencontrais dans mon comté. Il est venu au congrès du conseil de comté de Labelle je l'ai rencontré là. Nous avons eu l'occasion de parler de temps en temps.

Je pense qu'il y aura ces rencontres avec l'Union des municipalités et l'Union des conseils de comté. Je pense que ce ne sont pas les seuls interlocuteurs dans le dossier. Les municipalités elles-mêmes seront consultées. Il y a deux semaines aussi, le 7 avril, je prenais la parole devant la conférence des maires de banlieue, à Montréal et devant les maires de la région de Montréal. Les hypothèses qu'il y avait ont été évoquées devant les maires de banlieue. J'ai dit que ce n'étaient pas les seules qui pouvaient être envisagées, qu'il pouvait y en avoir d'autres, que les maires eux-mêmes pouvaient en soumettre et que nous n'étions absolument pas coulés dans le béton par rapport à ces hypothèses.

M. Goulet: D'accord, pour l'échéancier, mais quand vous parlez de décentralisation, est-ce que vous étudiez toujours le problème dans le contexte fédératif actuel ou en fonction d'un contexte différent? Vous avez dit peut-être d'ici deux ans. Est-ce que vous étudiez toujours votre projet selon l'hypothèse ou, si vous voulez, avec la certitude que dans deux ans le Québec pourrait

être souverain, autonome ou séparé, appelez-le comme vous voudrez, parce qu'il y aura un changement à un moment donné.

M. Léonard: Les études... M.Goulet: Si vous étudiez...

M. Léonard: ... qui ont été faites jusqu'ici l'ont été dans le contexte confédératif actuel. Cela n'a pas débordé ce contexte. Maintenant, à réfléchir sur la décentralisation actuelle, je pense qu'on s'aperçoit que c'est nécessaire de la faire. Dans deux ans, après le référendum, je puis vous dire que cela va être absolument nécessaire de la faire. On peut y réfléchir, par ailleurs, mais cela ne fait pas partie du dossier. Maintenant, après le référendum, je vous répète que cela deviendra absolument nécessaire de faire la décentralisation, parce que toute une série de pouvoirs et de responsabilités exercés actuellement par le gouvernement fédéral vont devoir l'être par le Québec. Nous allons, évidemment, transformer la fonction publique au Québec. Je pense que cela implique un élargissement du gouvernement du Québec qui va devenir, évidemment, un très gros gouvernement. C'est pour cela que je vous dis que cela deviendra absolument nécessaire.

Vous posez aussi une autre question sur le rôle du député, ce qu'il va faire là-dedans. Je pense que dans ce contexte sa fonction sera aussi transformée. Les choses dont on discute présentement... il va s'en discuter un certain nombre encore, mais il va y avoir d'autres sujets à discuter qui viendront de l'exercice des pouvoirs actuellement exercés par Ottawa, s'ils sont ici.

Le Président (M. Clair): À ce stade, j'aimerais donner la chance au député de D'Arcy McGee de prendre la parole quelques minutes. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Pour l'instant, je me contenterai de poser deux questions au ministre, qui découlent des réponses qu'il vient de donner. Est-ce que le dossier que nous étudions ce matin sera un élément de l'ordre du jour de la conférence Québec-municipalités du mois de juin ou est-ce que ce sera le seul élément?

M. Léonard: Je sais que l'ordre du jour n'est pas encore complété, mais cela a été mentionné. Je pense que le sujet va être discuté, notamment l'aménagement. Je pense aussi à la décentralisation. Maintenant, ce ne sera pas à partir du document qui circule sous le manteau. Ce sera à partir d'autre chose.

M. Goldbloom: Quand même, un fait dont le Parti québécois se réjouit moins aujourd'hui que quand il était dans l'Opposition — il avait des jouissances quand il y avait des fuites — ...

M. Léonard: II se réjouit moins, pourquoi?

Pourquoi dites-vous cela? C'est vous qui vous vous réjouissez?

M. Goldbloom: Quand le Parti québécois était dans l'Opposition, il avait une jouissance quand il y avait une fuite. Aujourd'hui, au pouvoir, sûrement qu'il n'a pas la même jouissance. Ce que je veux demander...

M. Léonard: Cela ne me dérange pas.

M. Goldbloom: Non, cela ne me dérangeait pas non plus quand j'étais ministre. Je veux néanmoins demander ceci: Le fait que ce document soit devenu public, dans une certaine mesure, a suscité beaucoup d'intérêt, et dans des milieux autres que le milieu municipal. Quand on viendra à cet article de l'ordre du jour, est-ce que les autres intéressés seront invités, c'est-à-dire les commissions scolaires, les CLSC, et d'autres aussi?

M. Léonard: En ce qui concerne la fiscalité municipale, je pense bien qu'il s'agit des deux unions: Union des municipalités et Union des conseils de comté. Pour la décentralisation, on me dit que c'est actuellement en discussion à savoir qui y participera; ce n'est pas exclu — pas du tout — qu'à un moment donné, si la Fédération des commissions scolaires est intéressée, ou des représentants de la fédération, ils puissent y venir. Tout va dépendre évidemment de l'ampleur des discussions qu'on prévoit tenir au cours d'une conférence. Vous savez qu'il y a plusieurs sujets qu'on pourrait traiter à cette occasion. Ce n'est probablement pas la dernière qu'il y aura non plus.

M. Goldbloom: Justement, M. le Président.

M. Léonard: C'est cela. L'objet premier est de régler la question; en tout cas, amorcer et trancher vraiment plus à fond les discussions sur la fiscalité municipale. C'est un sujet qui a une certaine incidence sur la façon de régler la fiscalité municipale; cela va entrer dans le décor et être traité. Mais ce n'est pas l'objectif premier de la conférence que de traiter de la décentralisation. C'est important, mais on veut parler de la fiscalité municipale et de la démocratie municipale dont il est question, mais surtout de la fiscalité. C'est important.

M. Goldbloom: Le ministre se rappellera quand même qu'il a lui-même indiqué tout à l'heure, en réponse à la première question du chef de l'Union Nationale, que c'était le premier geste...

M. Léonard: Oui, d'accord.

M. Goldbloom: ... au calendrier du gouvernement...

M. Léonard: Est-ce que je peux...

M. Goldbloom: ... pour examiner ce dossier.

M. Léonard: Parce que, si on parle de décentralisation, ce n'est pas la décentralisation uniquement vers les municipalités de comté dont il s'agit. Le premier volet, c'est la consolidation du pouvoir municipal local actuel. Cela fait partie de la décentralisation. Ce ne sont pas seulement les municipalités de comté. Il me semble que tout ce qu'on peut remettre au niveau local... encore une fois c'est important de considérer que la municipalité locale est le premier niveau politique auquel le citoyen s'identifie. C'est bien important qu'il soit en santé. Le reste vient ultérieurement. Mais le citoyen connaît d'abord le maire de sa municipalité. Je pense que c'est fondamental. Alors, quand je dis que la fiscalité municipale est l'objectif premier, un premier pas vers la décentralisation; c'est exactement cela.

M. Goldbloom: Ce sera — c'est ma dernière intervention sur ce sujet, M. le Président, pour l'instant — donc une amorce de discussion; ce sera une discussion exploratoire dans une certaine mesure.

M. Léonard: Vous parlez de la conférence du mois de juin.

M. Goldbloom: Oui.

M. Léonard: Je pense que cela devrait aller plus loin que ce que vous dites. Il y a quand même eu beaucoup de choses d'écrites et de dites sur le sujet. J'espère bien qu'on va en arriver à des conclusions, que ce ne sera pas seulement une exploration d'idées. Ce sera un exercice assez concret pour en arriver à des conclusions rapidement. Je ne peux pas présumer des conclusions de la conférence, mais j'espère bien qu'on va avancer dans le débat.

Le Président (M. Clair): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: Sur ce sujet précis, vous dites que vous espérez en arriver à des conclusions rapidement. Auparavant, vous nous avez dit que vous vouliez véritablement une consultation, une participation des organismes concernés; en particulier, les conseils de comté, les municipalités et on a aussi parlé un peu des commissions scolaires. Vous avez également mentionné que vous aviez rencontré M. Bernier, M. Moreau et possiblement d'autres représentants des commissions scolaires. J'aimerais savoir quelles ont été les réactions des dirigeants de l'Union des municipalités, des municipalités, des conseils de comté et des commissions scolaires. Quelles ont été leurs demandes ou leurs suggestions? Parce que, si vous voulez en arriver rapidement à des conclusions, c'est dire que déjà il y a eu consultation profonde et avancée avec ces dirigeants, autrement vous ne nous diriez pas que vous voulez en arriver rapidement à des solutions ou à des décisions.

M. Léonard: M. le chef de l'Union Nationale, je ne voudrais quand même pas qu'on discute deux sujets en même temps. M. Goldbloom a parlé de la fiscalité municipale et, à ce sujet, je lui ai dit qu'on veut en arriver rapidement à des solutions pour la fiscalité municipale. (11 heures)

Si on revient à la décentralisation, c'est autre chose. Quand je vous dis rapidement, je vous dis que cela prendra une consultation "at large", et je vous réfère à la dernière phrase de mon discours. On prendra le temps qu'il faut.

M. Biron: La fiscalité municipale, si je comprends bien, va avancer plus rapidement, mais tout le reste...

M. Léonard: Oui.

M. Biron: ... de la décentralisation, cela prendra le temps qu'il faut. Je voudrais dans ce cas que vous répondiez à ma question; Quelles ont été les réactions des dirigeants des commissions scolaires, des municipalités, des conseils de comté, leurs demandes et leurs suggestions concernant votre projet de décentralisation?

M. Léonard: Si vous en parlez en rapport avec le document, projet de décentralisation, ils n'ont pas eu, formellement — je ne le pense pas, ce n'est pas moi qui le leur ai donné — le projet, le livre blanc sur la décentralisation. Quand je dis qu'il s'agit vraiment d'une fuite, c'est une fuite.

Nous leur avons donné la teneur, en gros, de ce qu'il y avait là-dedans, mais je pense qu'ils ont encore plus appris par les journaux, finalement, par la suite. Je ne peux pas dire qu'il y a eu des réactions positives ou négatives. On en a discuté comme cela. La réaction que je retiens est que, pour eux, il est important qu'on règle la question de la fiscalité municipale maintenant, parce que cela leur est vraiment un handicap avant d'aller plus loin. Je pense que cela se comprend aussi. Je suis d'accord qu'il faille régler le problème de la fiscalité municipale. Il faut le régler, je pense, dans une perspective de décentralisation. On ne peut ignorer ce qui peut venir plus tard; il faut voir venir. C'est la réaction présente, du mieux que je puisse vous la résumer. Maintenant, il peut y en avoir de toutes les sortes par rapport à différents points du projet.

M. Biron: Comment pourrez-vous régler la fiscalité municipale, toujours dans une approche de décentralisation, lorsqu'il y aura un autre palier régional de gouvernement, qui lui aussi interviendra dans le domaine de la fiscalité? Sera-ce financé directement par le gouvernement de la province ou le sera-ce par les municipalités et les commissions scolaires?

M. Léonard: C'est une grosse question, en effet. C'est vraiment un des points majeurs. Il y a différentes hypothèses d'envisagées à ce sujet. Il y aura nécessairement, selon les pouvoirs qui seront décentralisés, des compensations versées par le

gouvernement du Québec. C'est sûr. Il peut y avoir aussi des quote-parts versées par les municipalités pour l'exercice de différents pouvoirs et de différentes responsabilités. Il peut y avoir des contrats de service avec le gouvernement pour réaliser certains travaux, etc.

Il y a aussi comme champ de taxation différentes possibilités. C'est ouvert. Il faut, à mon avis, qu'il y ait une certaine autonomie fiscale, si on veut vraiment parler d'un palier décentralisé, où les élus à ce palier comté auront la liberté de fixer le niveau des taxes par rapport à différents niveaux de service qu'ils pourraient donner.

Alors, là-dessus, je sais bien qu'il y a les expériences d'autres pays. Peut-on considérer le partage du champ de l'impôt foncier? C'est une hypothèse. Je pense bien qu'au départ l'impôt foncier appartient aux municipalités locales, mais sur l'impôt foncier lui-même, je puis considérer, par exemple, l'expérience de la CUM, qui elle aussi est entrée dans le champ de l'impôt foncier. Je pense, cependant, qu'on ne peut laisser toute liberté d'action dans ce domaine, parce que cela deviendrait une surtaxe assez importante. On connaît l'expérience de la CUM actuellement.

M. Biron: Je voudrais revenir sur cette question bien précise. Vous avez dit: Je pense qu'on va en venir à des décisions vis-à-vis de la fiscalité municipale. Dans deux ans, vous ajouteriez un autre palier régional qui aurait certains pouvoirs, certaines juridictions, ce qui enlèverait des pouvoirs, des juridictions aux municipalités ou aux commissions scolaires, de même qu'à la province, au gouvernement provincial.

Alors, comment pouvez-vous régler la fiscalité municipale en disant: Deux ans plus tard, on va changer cela encore une fois? Je voudrais au moins qu'on ait un aperçu, un plan d'ensemble de votre décentralisation avant de régler la fiscalité au niveau municipal ou scolaire.

M. Léonard: C'est vraiment un des points à discuter au niveau de la conférence Québec-municipalités; quel est le partage, c'est fondamental. Je suis d'accord avec vous que c'est une question très importante, mais c'est une des questions à discuter à la conférence. C'est pour cela que je dis: II faut régler cette question de la fiscalité municipale, mais il faut aussi la régler dans le contexte de la perspective d'une décentralisation éventuelle. Donc, cela devient un des points à discuter.

Le Président (M. Clair): M. le député de D'Arcy McGee a une question sur le même sujet.

M. Goldbloom: M. le Président, c'est plutôt un commentaire. Si j'étais un commissaire d'écoles, ou un enseignant, ou un parent avec des enfants dans le système scolaire, ce que je ne suis plus, ou simplement un citoyen intéressé à la chose de l'éducation, je serais inquiet — et c'était le sens de mes questions précédentes — de voir le gouvernement convoquer les municipalités avec l'inten- tion annoncée de régler la question de la fiscalité municipale et trouver que je n'étais pas représenté. Si j'insiste là-dessus, c'est parce qu'il me semble que, si le gouvernement en général et le ministre en particulier, qui a manifesté beaucoup de bonne volonté ce matin, beaucoup d'ouverture d'esprit, pas pour la première fois ce matin non plus, si le gouvernement veut procéder à un examen en profondeur de tout ce dossier de la décentralisation possible, il me semble que ce serait partir sur le mauvais pied si un élément important était discuté avec un seul interlocuteur — je parle du milieu municipal — notamment parce qu'à chaque fois que l'on prononce l'expression fiscalité municipale, on crée une frousse chez le système scolaire. Alors, c'est pour cela, M. le Président, que j'aimerais insister pour que le gouvernement songe très sérieusement à élargir la discussion, à ce moment-là, pour son propre bénéfice, pour le bénéfice de tous les intéressés, pour créer un meilleur climat quand viendra le moment de parler plus largement de cette question de décentralisation.

M. Léonard: C'est un commentaire, c'est une recommandation en même temps...

M. Goldbloom: Effectivement.

M. Léonard: ... dictée par votre expérience, je le vois bien. Je pense quand même que l'objectif premier d'une conférence comme celle-là c'est de régler la question de la fiscalité municipale. Les commissions scolaires aiment bien se distinguer des municipalités à l'occasion. Je comprends très bien, mais je rappelle que c'est aux municipalités qu'il faut donner des assises financières solides. Il y a eu différentes déclarations par rapport à l'impôt foncier scolaire. C'est bien sûr que c'est un des points majeurs. Il reste que, traditionnellement tout au moins, ce sont les municipalités qui ont le premier accès à l'impôt foncier.

M. Biron: M. le Président, sur le même sujet.

Le Président (M. Clair): M. le député de Lotbinière.

M. Biron: C'est un sujet très important, parce que le ministre de l'Éducation a déclaré, il n'y a pas tellement longtemps, que le projet de réforme administrative ne toucherait pas les commissions scolaires et qu'il n'est pas question de démembrer les commissions scolaires ou de confier la responsabilité de l'éducation à d'autres, ou que le projet de réforme administrative ne toucherait pas du tout les commissions scolaires. Alors, je crois qu'il y a une différence de vue entre vous et votre collègue de l'Éducation et je voudrais, là-dessus, me faire éclairer sur l'orientation du gouvernement, parce qu'il est question de l'éducation de nos enfants.

M. Léonard: Cela vous fait toucher du doigt que le document dont vous avez eu copie sous le

manteau est un document de perspective, qui n'est pas un document où le gouvernement a pris des décisions. Mais vous-même, vous ne pourriez pas me garantir que, dans quinze ans, les commissions scolaires existeront encore sous la forme actuelle.

M. Biron: Ce que nous ne voulons pas faire, c'est de considérer nos enfants au même niveau que la réparation de tuyaux d'égout ou des travaux de voirie dans les municipalités et qu'on dise: On met tout ça ensemble et ça fonctionne dans ce sens-là. C'est pour ça que je voudrais que vous nous donniez au moins l'assurance que les commissions scolaires, en ce qui regarde en tout cas la formation des hommes et des femmes qui sont appelées à nous succéder, vont être traitées convenablement.

M. Léonard: M. le chef de l'Union Nationale, j'ai trop de respect pour les municipalités pour ramener seulement leurs fonctions à une question de travaux d'égout. C'est une expression qu'on emploie très souvent à l'heure actuelle pour déprécier ce que font des municipalités. À part ça, c'est une fonction importante aussi dans la société.

Cette expression, quand on l'emploie à l'égard des municipalités, est d'abord significative d'un état d'esprit qu'on a vis-à-vis des communautés politiques, nos communautés, nos institutions politiques actuelles. Je pense que c'est une méconnaissance même du rôle des municipalités. Lorsque le citoyen a un problème qu'il ne peut pas résoudre, qui va-t-il voir? Il ne va pas voir le commissaire d'écoles, il va voir son maire, parce que le maire a une responsabilité globale vis-à-vis de la politique, vis-à-vis de la communauté. Finalement, c'est très clair pour le citoyen, cette responsabilité. C'est une responsabilité politique, c'est là que s'exercent les pouvoirs, pas résiduai-res, mais lorsqu'il n'y a pas de solution à un problème, c'est finalement l'autorité politique qui en est saisie et c'est le maire qui l'est.

Il y a une différence assez importante avec ce que fait un commissaire scolaire qui donne des opinions, qui tranche des questions, qui prend des décisions dans un domaine très précis, assez limité, même s'il est très important, il est limité par rapport aux responsabilités qu'exerce l'institution politique locale qu'est la municipalité.

M. Biron: Si je suis votre cheminement, vous voulez nous dire qu'éventuellement, les commissions scolaires pourraient être éliminées pour permettre aux municipalités d'avoir toutes les responsabilités?

M. Léonard: Là, vous dépassez largement ce que je dis. Ce n'est pas ça du tout, je dis que ce n'est pas de même nature.

M. Biron: Je reviens quand même à ma question, dans ce cas-là, vis-à-vis des commissions scolaires, est-ce que vous pouvez nous assurer de la même chose que votre collègue de l'Éducation, qui affirme que les commissions scolaires survivront et ne seront pas touchées du tout par cette décentralisation?

M. Léonard: Le gouvernement n'a pas décidé de faire disparaître les commissions scolaires. À part ça, cette décision, vous ne la voyez pas.

M. Biron: Je veux seulement que vous me donniez l'assurance, si vous me donnez l'assurance que les commissions scolaires...

M. Léonard: Donc, ce que dit le ministre de l'Éducation, il a raison, c'est qu'il n'y a pas eu de décision de faire disparaître les commissions scolaires, ce n'est pas moi qui ai décidé ça. À part ça il n'y a personne qui l'a décidé, cela a été une perspective. Parler de disparition de commissions scolaires, même dans les perspectives qui ont été évoquées, je pense que c'est exagéré aussi.

M. Biron: C'est parce que vous semblez attacher beaucoup moins d'importance aux commissions scolaires qu'aux municipalités et c'est pour ça que je vais revenir là-dessus, parce qu'il y a des gens qui s'inquiètent. Ce n'est seulement un homme qui s'inquiète, beaucoup de gens à travers le Québec, les administrateurs de commissions scolaires s'inquiètent, à tel point que le ministre de l'Éducation a dû faire une déclaration dans ce sens, et l'importance moindre que vous attachez aux commissions scolaires, à comparer aux municipalités, cela me fait penser qu'il y a peut-être quelque chose qui s'en vient dans votre projet de livre blanc sur la décentralisation.

M. Léonard: D'importance moindre, ce n'est pas de même nature, je dis que ce ne sont pas des pouvoirs de même nature et que les pouvoirs qu'exerce une municipalité sont des pouvoirs politiques généraux où les équilibres se font dans l'exercice de différentes responsabilités, alors que l'éducation, c'est une des fonctions en société.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Léonard: Cela ne veut pas dire qu'on veut les faire disparaître, ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Goulet: Sur le même sujet, je voudrais que le ministre sache bien que je ne veux pas, ce matin, lui chercher noise. Je voudrais que le ministre soit plus précis, il ne semble pas vouloir s'engager. Vous ne pouvez pas nous dire que, dans quinze ans, les commissions scolaires... Je ne veux pas dire dans quinze ans, mais la philosophie du ministre... Le ministre a dit lui-même tout à l'heure: Pour que les municipalités aient plus d'autonomie, de façon que leur dépendance ne se fasse pas à coup de subventions, ainsi de suite, consolider le pouvoir local. Mais au niveau des commissions scolaires, vous ne semblez pas vouloir vous engager à dire qu'elles vont demeurer ou ne demeureront pas. C'est plutôt vague. (11 h 15)

Par contre, avant-hier, vo.tre collègue du ministère de l'Éducation a été beaucoup plus précis lorsqu'il a dit, à Hull, et je cite: "Le gouvernement québécois a écarté — il ne dit pas le "ministère de l'Éducation", il dit "le gouvernement québécois", j'imagine qu'il parlait au nom du Conseil des ministres — la possibilité de démembrer les commissions scolaires et de confier la responsabilité de l'éducation à des gouvernements régionaux qui auraient également pour tâche d'administrer les domaines tels que la santé, l'aménagement du territoire, la voirie, la police etc." Ce sont là différents domaines dont vous avez parlé dans le livre blanc.

Mais en ce qui concerne les commissions scolaires, le ministre de l'Éducation a dit, et bien précisément: "Le gouvernement québécois a écarté la possibilité." Est-ce qu'il parlait en son nom ou au nom du gouvernement? Son propos est rapporté dans le Journal de Québec du mercredi 19 avril. Cela veut dire qu'il a dit cela le mardi 18, j'imagine. C'est cette semaine. Il est beaucoup plus précis que vous.

M. Léonard: Je vais être plus précis alors. Le document qu'on avait, c'était un document de perspectives. On dit: Qu'est-ce que cela serait, l'hypothèse maximale? Je vais enlever le terme quinze ans que j'ai employé, mais disons cent ans, si vous voulez. Il n'y aura jamais cela. On pourrait rappeler d'autres expériences là-dessus.

Le gouvernement du Québec... nous avons dit: On le prend, c'est cela une perspective. Maintenant, ce qu'on fait, c'est autre chose. On fait une consultation. Par exemple, la première étape est la réforme de la fiscalité municipale qui est la Loi de l'aménagement. Mais on ne va pas au-delà de cela. Donc, on écarte les autres perspectives qui sont dans le document de travail qu'on avait. Là-dessus, je suis d'accord avec le ministre de l'Éducation. Il n'y a pas de décision là-dessus. Je ne voudrais pas laisser croire à des décisions qui disent qu'on doit abolir les commissions scolaires. On n'a jamais dit cela non plus. Je ne l'ai jamais dit moi-même, non plus. Il ne faut pas se mettre en contradiction là-dessus. Cela va parfaitement.

M. Goulet: M. le Président, si vous permettez. Je ne veux pas mettre en contradiction le ministre et son collègue. Mais je crois sincèrement que suite au document de travail que nous avons trouvé, j'imagine que son collègue à l'Éducation a dû faire pression et a dû dire à son collègue à l'aménagement du territoire: Je ne suis pas d'accord avec toi du tout; c'est une hypothèse de travail et je n'accepte pas la conclusion, ou la philosophie de conclusion que tu veux amener là. C'est peut-être ce pour quoi le ministre de l'Éducation a été plus explicite.

Le ministre de l'Éducation a dû dire: Touchez à n'importe quoi, mais ne touchez pas aux commissions scolaires. Est-ce que cela se peut qu'il en soit ainsi? Je ne veux pas aller dans le secret des dieux du Conseil des ministres, mais j'imagine que c'est un peu cela qui est arrivé. Côté philosophie, j'imagine que vous ne vous entendez pas du tout. La commission scolaire, au niveau local, c'est un palier de gouvernement...

M. Léonard: Faites des hypothèses, vous pouvez toujours les faire.

M. Goulet: La commission scolaire, actuellement, telle qu'elle existe, est un palier de gouvernement — je parle au niveau d'un conseil municipal de comté — quasiment au même titre, élu à peu près de la même façon, elle va chercher ses budgets tout comme un gouvernement municipal. Je ne parle pas de la ville de Montréal, je parle au niveau des paroisses de comtés tels que celui que je représente.

J'ai cru comprendre, d'après ce document de travail, qu'on voulait — ce sont des hypothèses, on peut en faire, nous aussi — faire passer la commission scolaire dans l'entonnoir de la municipalité. Les commissions scolaires disent non, le ministre de l'Éducation dit non également.

Les commissions scolaires disent qu'elles veulent être autonomes aussi. Dans ce projet, la commission scolaire était dans l'entonnoir de la municipalité; elle aurait été obligée d'aller quêter auprès de la municipalité, mais elle ne veut pas le faire.

M. Léonard: L'entonnoir, c'est un terme... M. Goulet: Je ne sais pas quel mot employer.

M. Léonard: Le ministre des Transports pourrait dire exactement la même chose de la voirie: On a rejeté cela. Bien sûr, cela a été une hypothèse. C'était dans le document, ce n'est pas adopté. On n'a pas dit qu'à l'heure actuelle, on décentraliserait tous les budgets de voirie, etc. On dit même que les territoires devraient être redéfinis, les structures devraient être redéfinies.

Mais je ramène encore l'idée que ce sont des perspectives qui ont été évoquées. Là-dessus, il y a différentes expériences dans différents pays.

M. Goulet: Ce que je voulais dire, M. le Président, si M. le ministre le permet, c'est qu'actuellement à peu près tout ce qui peut se passer dans un comté ou dans une région peut passer par le municipal, si vous voulez, sauf l'éducation, parce que l'éducation a son palier de gouvernement.

M. Léonard: Pourquoi sauf l'éducation?

M. Goulet: Actuellement, elle a son palier de gouvernement. La voirie, les affaires municipales, les affaires sociales, tout cela, cela passe par une autre porte, si vous voulez, mais l'éducation a sa porte bien précise avec son palier de gouvernement au niveau local, etc. C'est ce que je voulais dire.

Il ne faudrait pas avoir un palier de gouvernement pour la voirie, un pour les affaires sociales, un pour les affaires municipales. L'éducation a actuellement son palier de gouvernement avec les

commissions scolaires au niveau local presque au même titre qu'un conseil municipal.

Dans un comté, comme celui que je représente, la commission scolaire, dans différentes paroisses, est aussi forte que le conseil municipal. Ce sont deux paliers de gouvernement bien différents. Comprenez-vous ce que je veux dire?

M. Léonard: C'est propre à l'Amérique du Nord que l'éducation — on me corrigera — soit séparée des autres responsabilités municipales. Ce n'est pas le cas en Angleterre, par exemple, où l'éducation, je pense, est, après les affaires sociales, le deuxième niveau budgétaire, c'est le deuxième gros morceau du budget. Dans les affaires sociales, vous avez aussi des conseils, des conseils d'administration d'hôpitaux, des conseils d'administration de CLSC, qui sont importants eux aussi et qui pourraient revendiquer même éventuellement un certain pouvoir politique, mais c'est un pouvoir politique très précis concernant la santé. Le niveau municipal, ou le niveau régional, s'il y en avait un, c'est un niveau qui exercerait plusieurs responsabilités. C'est une structure politique qui tranche entre des équilibres, autant de recettes que de crédits.

M. Goulet: Elles n'ont pas l'autonomie qui est due à la taxe qu'elles prélèvent actuellement elles-mêmes...

M. Léonard: Vous savez que...

M. Goulet: ... contrairement aux hôpitaux ou aux autres domaines. Les commissions scolaires ont une certaine autonomie due au champ de taxation qu'elles peuvent couvrir ou percevoir elles-mêmes.

M. Léonard: L'autonomie porte surtout sur la partie des inadmissibles présentement.

Le Président (M. Clair): Sur cette question précise, M. le chef de l'Union Nationale, je conviens avec vous que, depuis le début, on ne peut pas dire que vous avez eu un droit de parole privilégié. Je dois vous assurer que votre collègue de Bellechasse vous a bien nui pour avoir un droit de parole privilégié.

Cependant, le député de Mercier, du côté ministériel, aurait une question. Il n'y en a pas encore eu du côté ministériel. M. le député de Mercier.

M. Godin: C'est sur un autre sujet, M. le Président. Je laisse volontiers mon droit de parole au chef de l'Union Nationale.

Le Président (M. Clair): Je ne voudrais pas faire assaut de politesse non plus.

M. Godin: C'est parce que c'est sur un autre sujet.

Le Président (M. Clair): C'est sur un autre su- jet. M. le député de Lotbinière, est-ce que c'est sur...

M. Biron: Je vais, moi aussi, changer de sujet. Le Président (M. Clair): Qu'est-ce qu'on fait?

M. Godin: Si vous changez de sujet, je reprends mon droit de parole.

M. le Président, la préoccupation que certains de mes collègues et moi, et certains membres du parti avons, à Montréal, en particulier, c'est l'harmonisation entre les parties prenantes à cette décentralisation. Il est sûr qu'on peut être pour la décentralisation. "Small is beautiful", comme disait Schumacher, c'est un principe qui tient, sauf qu'on a vu, dans le passé, certains excès commis par des municipalités, pour ne pas la nommer, Montréal, et les champignons vénéneux de l'olympisme, par exemple.

Il y a des membres du parti, à Montréal, qui, tout en étant pour la décentralisation, se posaient des questions sur certains abus, certains excès qui avaient été commis dans le passé. Comment l'harmonisation, de quelle façon l'harmonisation va-t-elle pouvoir se faire entre l'intérêt public, qui est national ou, pour l'instant, provincial, et certains rêves de grandeur que pourraient avoir ou certaines commissions scolaires, municipalités ou conseils de comté, ou tout autre organisme? Est-ce qu'il y avait, dans votre réflexion, des moyens par lesquels le gouvernement central, pour ce qui concerne ces questions, le Québec, le gouvernement du Québec, aurait des moyens à sa disposition pour s'assurer précisément, soit par voie de subventions, de dégrèvements ou quelque moyen que ce soit, que l'harmonisation intermunicipale, interrégionale, dans le domaine de l'urbanisation, par exemple, ou dans le domaine routier, ou dans d'autres domaines, serve vraiment l'intérêt général? Chacune de ces parties à qui on veut confier plus de pouvoirs fait quand même partie de la mosaïque provinciale, ou nationale, au point de vue territorial et à d'autres points de vue.

Est-ce que votre réflexion a touché ces questions? Est-ce que le provincial demeure le chef d'orchestre et chacune des unités décentralisées, des parties du même orchestre, ou si tout à coup une des unités ne peut pas former un combo de jazz, à même l'Orchestre symphonique? On a vu, par exemple, Montréal tomber dans le jazz très luxueux, il n'y a pas longtemps, mais comment régler ce genre de problème?

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Léonard: Oui, je pense qu'il y aurait beaucoup de choses à dire... Un des premiers éléments de la réponse, c'est qu'à la minute où les revenus, les champs de taxation sont clairement définis et que chacun les respecte, des choses comme cela ont moins de chance de se passer, parce que les citoyens deviennent conscients qu'en définitive, s'il y a des excès qui sont commis, s'il existe des rêves de grandeur, ce sont eux qui, en définitive,

vont payer. Donc, le fait qu'à un moment donné on n'ait plus recours à un gouvernement supérieur pour payer les pots cassés, déjà, c'est un frein important à la réalisation de rêves de grandeur.

Par ailleurs, cela touche peut-être moins les régions métropolitaines, mais, dans le Québec, hors des communautés urbaines, présentement, les seules institutions qui peuvent faire l'aménagement du territoire, ce sont les municipalités. Ce sont les seules. Le fait qu'on dise qu'au niveau d'un comté on pourrait confier la confection d'un schéma d'aménagement avec les autres municipalités, c'est déjà donner une chance à chacune des municipalités de se forger une conception commune par rapport à l'aménagement — je prends l'aménagement; en tout cas, dans ces cas, il me semble que la question portait davantage là-dessus — une chose qui n'existe pas présentement parce qu'à l'heure actuelle les municipalités sont en concurrence les unes par rapport aux autres. Chacune a son plan de développement de doubler, de tripler sa population dans les dix ou vingt prochaines années, tandis que, si elles sont assises à une table commune, comme municipalités, et qu'elles réfléchissent à l'avenir de toutes les municipalités ensemble, déjà, on est en train de favoriser une conscience commune qui déborde le niveau municipal, qui n'existe même pas. C'est un pas dans la bonne direction, à mon avis.

Maintenant, quelle serait l'intervention de l'État? C'est bien sûr que, de toute façon, l'État conserve une responsabilité collective en vertu de la nation, qu'il y a des gestes qu'il devra poser, quel que soit le degré de décentralisation auquel on en arriverait. Maintenant, je pense que ce qu'il est important de réaliser, c'est qu'au lieu de le faire brutalement comme maintenant, il pourrait le faire selon des processus bien déterminés, en s'imposant des règles d'intervention qui vont respecter vraiment davantage les désirs et les opinions des citoyens, là où il devra intervenir, de toute façon.

Le Président (M. Clair): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le ministre, j'ai un sujet qui rejoint de tout près les préoccupations du député de Mercier. On veut décentraliser, à l'heure actuelle. On connaît quand même, à travers le Québec, de ces exemples de décentralisation qui sont davantage de centralisation, finalement, des grandes municipalités comme Montréal ou Laval, Montréal rive sud, où... Tout à l'heure, dans mes questions, je reviendrai là-dessus. On a aussi la région de l'Outaouais et, en particulier, la région de la capitale nationale. Je vous ai demandé, dans une de mes questions — je voudrais que vous soyez plus explicite là-dessus — votre perception, d'abord, de cette Commission de la capitale nationale où se jouent trois niveaux de gouvernement, fédéral, provincial et municipal. Quelle est, premièrement, votre perception de l'actuelle Commission de la capitale nationale et de la façon qu'elle fonctionne? Deuxièmement, quelles sont vos suggestions dans votre document de travail ou quelles seront vos suggestions pour améliorer, s'il y a lieu, les décisions qui seront prises à ce niveau-là? Quelles seront les implications des gouvernements fédéral, provincial, municipal et, bien sûr, régional? (11 h 30)

M. Léonard: En ce qui concerne la Commission de la capitale nationale, c'est un organisme fédéral qui s'est donné la mission d'aménager le territoire. Il s'est donné comme mission une fonction qui relève du Québec. Là-dessus, des revendications analogues à celles que le Québec a toujours faites à l'endroit de la Commission de la capitale nationale sont faites par l'Ontario. L'Ontario n'est pas plus d'accord que nous concernant le rôle que joue la Commission de la capitale nationale dans la région de l'Outaouais. La plupart du temps, elle agit de façon unilatérale, d'après les renseignements, les témoignages qu'on en a. Une entente pour des routes est actuellement en voie de négociation, notamment pour la place d'accueil. La Commission de la capitale nationale exerce une action unilatérale sur la région de l'Outaouais qui est proprement anticonstitutionnelle; la responsabilité de l'aménagement du territoire relève du Québec. On peut soupçonner toutes sortes d'intentions de la CCN.

M. Biron: Alors, vous n'êtes pas...

M. Léonard: En ce qui me concerne, je pense que c'est un point qui va se régler par le référendum.

M. Biron: Vous n'êtes pas satisfait, à l'heure actuelle, de ce qui se passe dans la région de la capitale nationale, mais que suggérez-vous au cours des prochaines années pour améliorer les services donnés à la population ou pour améliorer votre satisfaction vis-à-vis de la région de la capitale nationale?

M. Léonard: Je viens de vous en faire une. Je dis "anticonstitutionnelle", parce qu'on a toujours reconnu que c'étaient les provinces qui intervenaient dans l'aménagement du territoire. Par ailleurs, elles se sont donné des pouvoirs qui — antérieurs à cela par une législation qui remonte à 1947, je crois — viennent de la primauté législative du fédéral. Mais, en même temps, cela ne respecte pas les équilibres qu'on avait vus à l'intérieur même de la constitution.

Quand vous me demandez quelles sont mes suggestions, la première que je fais est celle-là, le référendum. Tant qu'on va être pris dans ce carcan, quels seront nos moyens de contrer une action unilatérale fédérale, concrètement?

M. Biron: Mais cela n'améliorera pas l'état de vie des citoyens qui vivent une telle situation. Je vous ai demandé vos suggestions pratiques dans un Québec des réalités, réalités quotidiennes des personnes qui vivent dans cette région. Référendum ou non, elles veulent savoir ce qu'on va faire pour elles. Si vous n'êtes pas satisfait — vous êtes le ministre responsable, en tout cas, en grande

partie, de ce réaménagement du territoire — que proposez-vous pour ces gens?

M. Léonard: On fait comme pour les ententes auxiliaires à l'heure actuelle, on en tire le meilleur parti possible. Nous avons récemment créé un comité ministériel ad hoc pour étudier les différentes implications des décisions qui sont prises concernant l'Outaouais. Je pense bien que la CCN fait partie d'une des considérations quasiment permanentes par rapport à l'Outaouais. Quand vous me demandez quelles sont mes suggestions, je pense qu'on se comporte selon le système actuel; on négocie avec la CCN présentement pour en tirer le meilleur parti pour le Québec et les Québécois qui habitent cette région en particulier. Cela ne règle pas la question de fond.

M. Biron: Mais...

M. Léonard: La question de fond, il va falloir la régler un jour.

M. Biron: Écoutez! Dans votre projet de livre blanc, vous voulez certainement planifier plus que pour un an; vous allez planifier pour longtemps d'avance. Quelles sont les suggestions que vous faites dans ce projet pour améliorer cette région? Il ne suffit pas de dire: Demain matin, on passe le référendum et on est indépendant; c'est fini, cela se règle tout seul. Ce n'est pas vrai; cela ne se réglera pas tout seul. Les gens de la région de l'Outaouais veulent savoir exactement quelles sont les différentes avenues que vous leur offrez pour améliorer leur coin de terre.

M. Léonard: Je pense qu'on se comporte envers l'Outaouais comme envers d'autres régions du Québec. C'est bien clair. Il faut tenir compte de l'existence de la CCN. Si vous me dites: Demain, ferez-vous tel ou tel projet? Si on les réalise, on les réalise, par les ministères, à l'heure actuelle, avec nos compétences.

Si vous me dites: Des suggestions pour améliorer... Je pense que, présentement, nous négocions une entente sur la place d'Accueil, sur le boulevard de La Vérendrye. Il y a le réseau d'épuration des eaux usées de l'Outaouais auquel nous travaillons. Je sais qu'il y a eu toute une série de consultations entreprises à la suite du dépôt du schéma de la communauté régionale de l'Outaouais au ministère des Affaires municipales, l'été dernier, et je pense que cela devrait revenir très bientôt au comité ministériel de l'aménagement. Mais en résumé, nous nous comportons envers l'Outaouais comme envers une autre région du Québec. C'est une autre région du Québec qui a la CCN dans son territoire, présentement.

M. Biron: Une dernière question sur le sujet spécifique de la capitale nationale avant de revenir aux grandes municipalités de Montréal et de Laval. Dans votre projet de livre blanc sur la décentralisation, y a-t-il des projets spécifiques pour cette région, à plus long terme, ou non?

M. Léonard: Je pense que vous l'avez lu. Vous le savez. Vous avez le document.

M. Biron: Dans les études à votre ministère ou d'autres ministères qui n'y paraissent pas, a-t-il été question dans vos discussions de projets spécifiques pour cette région ou l'a-t-on considérée comme toutes les autres régions du Québec?

M. Léonard: Non. Il ne faudrait pas... Un instant. Voulez-vous qu'on se mette à étaler la programmation de chacun des ministères par rapport à l'Outaouais ou bien... Il y a eu des perspectives d'évoquées par rapport aux municipalités. À la Communauté régionale de l'Outaouais qui était dans le livre blanc comme sur d'autres qui constituent des hypothèses de travail aussi, mais vous dites: Y a-t-il des projets...? Vous faites référence à une programmation de ministère. Chacun des ministères a une programmation et il y en a pour l'Outaouais, comme il y en a pour d'autres régions du Québec.

M. Biron: C'est parce que vous avez parlé du référendum et on sait que l'Outaouais bénéficie énormément de la présence du gouvernement fédéral de l'autre côté de la rivière. C'est pourquoi je veux que vous explicitiez clairement...

M. Léonard: Vous pourrez demander aux gens de l'Outaouais s'ils sont d'accord là-dessus.

M. Biron: Je veux vous donner la chance d'expliciter clairement si vous avez des projets spécifiques pour ces gens dans votre projet de livre blanc ou autrement. Si vous n'en avez pas, c'est tout, on va continuer et on va leur dire qu'il n'y a rien de spécifique pour eux dans le moment.

M. Léonard: II y a des hypothèses de décentralisation, comme il y en a ailleurs. On a regardé aussi la Communauté régionale de l'Outaouais comme une autre des communautés urbaines que nous avions au Québec. Il y en a trois au Québec. Il y a celle de la Communauté urbaine de Québec, celle de Montréal et celle de l'Outaouais.

M. Biron: Sur le même sujet, j'avais parlé, au début, des grandes communautés urbaines. On a aussi ces gouvernements supramunicipaux, la CUM et la CUQ. Quelle est votre perception de ces gouvernements? D'après nous, cela fonctionne-t-il bien et que fera-t-on de mieux pour améliorer ces communautés urbaines? A-t-on prévu aussi — parce que des gens de Laval et de Montréal-Rive-Sud nous en ont parlé — qu'on pourrait, éventuellement, avoir de ces communautés urbaines, l'une pour Montréal-rive sud et l'autre pour Montréal-Laval?

M. Léonard: Pour ce qui concerne les hypothèses avancées là-dessus, je reviens encore à l'optique de la décentralisation qui était de tenter de déterminer un niveau d'accueil, de responsabilités décentralisées à partir de Québec.

Voici ce qui a été envisagé, par exemple, dans le cas de l'île de Laval. Il y a une municipalité qui a déjà une certaine taille et qui pourrait très bien être le siège de pouvoirs décentralisés de Québec.

Pour ce qui concerne la rive sud, il est bien sûr que c'est un tissu urbain assez dense présentement et qui comporterait une population assez importante, mais je rappelle, encore une fois, qu'il s'agit d'hypothèses et que tout découpage sur le plan territorial sera soumis à la consultation. À un certain moment, il fallait au moins envisager ce que cela donnerait éventuellement. C'est le document de travail.

Vous me faites commenter indéfiniment des hypothèses et un document de travail. Vous pouvez le faire.

M. Biron: II y a beaucoup de gens de la région de Montréal, la rive-sud un peu plus même qu'ailleurs, qui nous ont parlé de ce document de travail. Vous connaissez Montréal et la rive-sud aussi bien que moi, vous savez qu'il y a plusieurs municipalités et ces municipalités regardent ce qui se passe à la CUM et se posent des questions. Je veux tout simplement vous donner l'occasion de répondre, si vous êtes prêt, à ces gens pour que ces gens puissent être informés de l'action ou des orientations de leur gouvernement.

M. Léonard: II n'y a pas d'orientation, il n'y a pas d'action, il n'y a pas de décision par rapport à un document de travail. Il faut quand même nous laisser travailler. S'il a coulé, il a coulé. Il y a bien des idées qui se brassent là-dessus. Évidemment, de l'expérience de la CUM, qui fonctionne depuis déjà huit ans maintenant, en 1970, il y en a qui tirent certaines conclusions. Si vous avez eu connaissance des opinions des maires de banlieue là-dessus, vous savez très bien qu'ils font des critiques assez importantes vis-à-vis de la CUM. Ce sont eux qui vivent avec cela beaucoup plus que nous là-dessus, mais je pense qu'on ne peut pas non plus être désintéressé de tout cela. J'ai eu l'occasion d'en discuter et je pense qu'il n'y a pas de décision de prise là-dessus.

M. Biron: La dernière question sur ce sujet, M. le Président. On parle de décentralisation, est-ce que votre ministère ou le gouvernement s'attend à évaluer avec les intéressés, la CUM, la CUQ en particulier, et la région de la capitale nationale, l'expérience acquise par eux, parce que vous avez noté tout à l'heure qu'en huit ans c'est certain qu'il y a de bonnes choses qui sont arrivées et qu'il y a peut-être eu des erreurs aussi dans huit ans? Est-ce que vous vous attendez à évaluer avec les principaux intéressés les actifs et les passifs de cette vie commune et vous servir de cette expérience dans le nouveau projet que vous mettrez à jour?

M. Léonard: C'est bien sûr que si on devait toucher aux structures actuelles, on ne le fera pas, il me semble, à partir d'ici, on va le faire avec eux, avec les élus locaux, dans la plus large consulta- tion, je l'ai mentionné dans le texte. C'est bien sûr qu'on va les voir.

M. Biron: Allez-vous avoir des discussions spécifiques avec ces gens, pas tout simplement pour leur région, mais pour projeter ailleurs ce qui se passe-là, si vous décidez de faire d'autres décentralisations?

M. Léonard: J'arrive mal à saisir le sens de votre question...

M. Biron: Ou si ces gens-là...

M. Léonard:... des discussions spécifiques. Je ne sais pas si les gens de la Communauté urbaine de Québec, si jamais on voulait changer quoi que ce soit au territoire, quoi que ce soit à la structure, cela me paraît évident qu'il faut le faire. Maintenant est-ce que l'expérience de Québec serait applicable nécessairement à la Communauté régionale de l'Outaouais ou à Montréal? Je pense que s'il y a une chose ou s'il y a des situations qui sont différentes, ce sont bien celles-là. Je ne suis pas sûr qu'une expérience valable pour Québec le soit aussi pour la région de l'Outaouais, pour la CRO. Ce sont des situations complètement différentes. S'il y a une chose que le document ou les travaux nous ont enseigné là-dessus, c'est bien celle-là, en ce qui concerne au moins les communautés urbaines, et je n'exclus même pas le reste du territoire du Québec, mais au moins en ce qui concerne les communautés urbaines, ce sont des situations radicalement différentes de l'une à l'autre.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. On peut, lorsqu'on parle de décentralisation, parler de décentralisation également de l'information. Dans l'optique de décentralisation qu'annonce le gouvernement, dans le domaine de l'information... l'annonce, c'est-à-dire l'hypothèse, on s'en tient à ces termes-là, est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de voir, M. le Président, même si on est satisfait de la presse nationale et conscient de sa pénétration dans les régions, je pense aux réseaux, par exemple, de voir à une revalorisation de la presse régionale? Est-ce qu'il a été prévu, il va de soi, avec son concours et celui de la presse en général, une revalorisation générale qui pourrait aller jusqu'à favoriser une plus grande présence de la presse régionale? Est-ce qu'il en a été question? Quelle est la philosophie du ministre là-dessus?

M. Léonard: La philosophie du ministre là-dessus?

M. Goulet: Oui.

M. Léonard: Le ministre pense qu'à un moment donné on doit s'interroger sur un palier régional. Les pouvoirs là-dessus, cela va être les ci-

toyens qui vont y réfléchir. Vous me demandez si on va valoriser la radio régionale, la presse régionale. C'est une chose qui vient après. Si les citoyens veulent faire des choses pour leur presse et si c'est l'occasion de revaloriser la presse régionale, je dis: Tant mieux, mais ce n'est pas une chose que je vise d'emblée, comme cela, personnellement. Il me semble que dans une communauté régionale, au niveau d'un comté, une presse régionale joue un rôle particulièrement important sur le plan de la conscience collective des citoyens d'une région, du sentiment d'appartenance à cette région. C'est sûr que la presse et la radio locales jouent un très grand rôle. Je pense que de telles institutions sont de nature à favoriser la presse ou les moyens de communication. (11 h 45)

S'il y a une chose qui devient importante dans le siècle où nous vivons, c'est bien le développement des moyens de communication. Je ne peux pas dire que ce soit mon objectif premier, mais je crois que ça va favoriser la presse et les communications régionales. Je l'espère bien. Cela va?

M. Goulet: Cela répond.

M. Léonard: Cela répond. Je ne voudrais pas avoir l'air d'intervenir là-dessus en disant: On va faire une radio là. Je pense que ça va émerger naturellement du milieu.

M. Goulet: Lorsqu'on parle de décentralisation, est-ce que vous croyez, actuellement, que la presse locale ou l'information régionale pourrait être revalorisée, et même favorisée? C'est un peu le but de ma question ou est-ce que ça viendra par la suite?

M. Léonard: Je dirais que c'est une considération à long terme, comme les commissions scolaires.

Le Président (M. Clair): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le ministre, à travers mes questions, j'avais aussi, sur un plan bien technique...

M. Léonard: ... de vos questions.

M. Biron: Sur un plan bien technique, quels sont les ministères aux services gouvernementaux et paragouvernementaux qui travaillent à ce dossier en équipes interministérielles? Ou n'y a-t-il que votre ministère? (J'ai cru comprendre celui des Affaires municipales) Est-ce qu'il y a d'autres ministères qui travaillent à ce dossier?

M. Léonard: Écoutez, dans la première... Il y a eu différentes étapes dans la constitution de ce dossier. À un moment donné, il y a eu un certain nombre de comités interministériels qui ont fonctionné — je pense qu'il y en avait six — il y avait un comité de ministres, mais je pense que ça fait un bout de temps qu'ils ne se sont pas réunis. Au fond, ils se sont réunis, ad hoc, pour la cons- titution du dossier et depuis ce temps-là, depuis plusieurs mois, ces comités ne fonctionnent plus, depuis trois mois à peu près. Je ne dis pas qu'à l'occasion, s'il y a un domaine particulier que nous voudrions étudier, on ne les réunisse pas de nouveau, mais il y a eu, comme le dit M. Tremblay...

M. Biron: Est-ce que c'est depuis le début de la période des questions à l'Assemblée Nationale que les comités ne se réunissent plus?

M. Léonard: Non, parce que déjà le document d'étude était constitué. Cela n'arrête rien, vous savez.

M. Biron: Est-ce qu'il n'y a pas lieu, dans ce comité interministériel, d'avoir au moins le ministère de l'Éducation, le ministère de l'Industrie et du Commerce et beaucoup d'autres qui sont touchés directement ou indirectement par un tel projet?

M. Léonard: Les six comités réunissaient ces...

M. Biron: La fonction publique? Vous savez, si vous parlez de décentralisation, il va falloir certainement vérifier avec les travailleurs de la fonction publique qui vont être déplacés, s'ils y consentent... le ministère des Affaires sociales.

M. Léonard: Peut-être que mon sous-ministre pourrait donner les différents comités qui ont travaillé.

M. Tremblay (Yvon): II y avait donc le groupe ministériel présidé par M. Lévesque, formé de M. Léonard et M. Tardif. Sous ce comité, il y avait un comité composé de sept sous-ministres, dont le sous-ministre de la Fonction publique, le sous-ministre des Finances, le secrétaire général du Conseil du trésor, le sous-ministre de l'Éducation, le secrétaire général associé à l'aménagement, à la réforme parlementaire. Il y avait aussi un ou deux autres sous-ministres. Alors, ce comité se réunissait systématiquement pour préparer les réunions du comité des ministres. Sous ce comité de coordination, nous retrouvions toute une série de groupes de travail.

Un groupe de travail étudiait les hypothèses de structure; un autre la raison pour laquelle il était nécessaire d'arriver à décentraliser certains pouvoirs à Québec; un groupe de travail étudiait les problèmes des territoires au Québec, un autre le financement, un autre les problèmes métropolitains, etc.

M. Biron: Est-ce que le ministère de l'Industrie et du Commerce y était intéressé?

M. Tremblay (Yvon): Oui, le ministère de l'Industrie et du Commerce y a été intéressé par le biais d'un examen de ce que pouvaient être, selon lui, des activités décentralisées.

M. Biron: Est-ce qu'on s'est servi aussi de

l'expérience du Bas-du-Fleuve et de la Gaspésie? Je songe au BAEQ et à tous ces groupes de travail qu'il y a eu là-bas. Dans le fond, les gens du Bas-du-Fleuve, de la Gaspésie, sont véritablement écoeurés des études. Ils en ont fait une indigestion et ils voudraient de l'action, mais ils n'en ont pas.

Est-ce qu'il y a quelque chose qui s'est fait dans ce sens-là, pour se servir des expériences, malheureuses pour beaucoup de ces municipalités, qu'on a connues dans le Bas-du-Fleuve et en Gaspésie, avant de pondre ce document de travail, ou si on ne s'est pas servi du tout de cela?

Une fois, j'étais à l'archevêché de Rimouski et l'évêque m'a dit: Des études, ici, on en a pour tapisser tous les murs de la ville de Rimouski. Mais il n'y a pas d'action, par exemple. Les gens, là-bas, ne veulent plus d'études, ils veulent des actions. Est-ce qu'on s'est servi de cette expérience?

M. Léonard: Je vous ferai remarquer que ce sont des gouvernements précédents qui ont fait toutes ces études, mais qui n'ont rien fait par la suite.

M. Goulet: Nous sommes rendus avec des livres verts et des livres blancs.

M. Léonard: Je pense bien que l'expérience qui a été réalisée dans le Bas-du-Fleuve et en Gaspésie a été souvent citée. Beaucoup de gens, qui avaient déjà été intéressés par les travaux du BAEQ, ont aussi été intéressés par ce qui se fait ici actuellement, les travaux sur la décentralisation.

Je dirais que c'est une expérience sur laquelle on compte habituellement.Sans que ce soit toujours aussi formalisé qu'on pourrait le croire, il reste que cela a été une grande expérience pour les Québécois de cette région, mais aussi pour le gouvernement du Québec qui a réfléchi profondément à partir des résultats.

M. Tremblay (Yvon): Je pense que ce qu'il est important de regarder, par rapport à l'expérience de l'Est du Québec en matière de décentralisation... M. Léonard, tout à l'heure, a insisté pour distinguer entre la déconcentration et la décentralisation.

Essentiellement, je pense que la structure d'exécution du plan de l'Est du Québec, c'est une structure déconcentrée. Chacun des ministères a un coordonnateur régional, qui a une certaine délégation d'autorité de son ministère central. Ces délégués régionaux se réunissent dans les conférences administratives régionales et coordonnent leurs activités dans la région par rapport aux objectifs qui existaient, mais qui, maintenant, sont devenus un peu différents en termes de coordination, par rapport à l'exécution du plan, puisqu'il n'y a plus d'ententes fédérales-provinciales. C'est terminé.

Au fond, cela n'est pas vraiment un palier décentralisateur au niveau de la conception même, du concept qui a été présenté par M, Léonard.

Vous vous rappelez aussi que, dans le plan de l'Est, il avait été proposé de créer un office régio- nal de développement qui était un concept de décentralisation, c'est-à-dire que cela avait été un organisme à qui le gouvernement aurait confié des pouvoirs de dépenses et des choix que cet organisme aurait pu faire pour l'ensemble de la région.

M. Léonard: C'était une délégation.

M. Tremblay (Yvon): Donc, nous, au fond, lorsqu'on examine avec les fonctionnaires l'ensemble des préoccupations de l'esprit de décentralisation, il est sûr que nous regardons l'expérience de l'Est comme étant une expérience de déconcentration et aussi des propositions qui ont été faites par la région sur ce qu'eux pensent devoir être des pouvoirs de décentralisation. Cela aussi entre dans l'examen, au niveau de l'ensemble des comités.

M. Biron: Est-ce que vous jugez que cette expérience est valable, dans l'Est, avec le taux de chômage que ces gens ont présentement?

M. Tremblay (Yvon): M. le ministre.

M. Léonard: Peut-être que c'est valable. Est-ce qu'on peut dire que c'est à cause de cette expérience qu'il y a un taux de chômage tel qu'on le connaît à l'heure actuelle? Je pense que non, il y a beaucoup d'autres causes.

Si on a décidé, à un moment donné, d'étudier et d'essayer de réorganiser les structures, dans l'Est du Québec, c'était justement pour essayer de pallier le chômage qu'il y avait là. Mais est-ce que c'était la solution? Je ne pense pas que ce soit à cause de cela qu'il y a ce taux de chômage. C'est pour d'autres causes. Est-ce que c'est la bonne solution qu'on a trouvée? Ce n'est peut-être pas la meilleure. Cela en a été une. Elle a des limites et je pense qu'il faut les voir. Mais je ne pense pas qu'il faille dire que c'est à cause de cette expérience du BAEQ qu'il y a tellement de chômage. Il y en aurait peut-être plus s'il n'y avait pas eu cela.

M. Biron: Cela m'amène à une question de tout à l'heure. On a parlé de CLSC. Qu'est-ce qui arriverait avec les CLSC, en fonction de votre document de travail? Je vous ai aussi demandé si vous ne croyez pas qu'il devrait exister, au niveau régional, des centres de services ou des centres locaux régionaux de services économiques, pour aider? Cela serait une dépense productive. On a passé tout à l'heure sur une recommandation qui avait été faite pour l'Est du Québec.

M. Léonard: ... à votre avis, n'est pas une dépense productive?

M. Biron: Est-ce une dépense directement reliée à créer des emplois qui, très rapidement...

M. Goulet: Des investissements?

M. Léonard: Dans le livre, dans le projet, on a examiné l'hypothèse que le CLSC soit sous la juridiction du conseil de comté. Cela a été un choix

de première ligne, en fait, parce que c'est cela que donnent les CLSC.

Pour ce qui concerne une commission... Comment dites-vous cela, un CLSC?

M. Tremblay (Yvon): Les centres locaux de services économiques, dans la structure envisagée — encore là, c'est vraiment une des hypothèses qui a été faite — il est question d'une commission de développement économique. À ce niveau, une commission de développement économique est prévue. À ce niveau, la préoccupation existe déjà.

Concernant certains comtés cependant, on peut croire qu'au niveau économique, il y a des fonctions qui débordent aussi, qui vont continuer à déborder le comté. Je pense que ce sera au comté de créer une instance, s'il le désire, une association économique ou, comme vous dites, un centre régional de services économiques, mais, déjà, il y a un effort fait à ce niveau. Je pense que c'est une des fonctions qu'il faudrait confier à une instance décentralisée. Il y en a beaucoup qui pourraient aller là, au niveau économique.

À mon avis, sur le plan économique, le dynamisme se retrouve très souvent au niveau local, au niveau régional. En particulier, la PME vient ou se situe à ces niveaux, plutôt qu'au niveau du gouvernement du Québec. Pour ma part, je trouve que le dynamisme local s'exprime là d'abord et que la commission de développement économique envisagée au niveau du comté avait pour mission de répondre à cela.

M. Biron: J'ai aussi demandé si vous aviez l'intention de convoquer un véritable sommet, lorsqu'on aura assez de documents de prêts, avant de prendre une décision définitive dans un sens ou dans l'autre, avec les interlocuteurs intéressés, comme les conseils de comté, les municipalités, les commissions scolaires, les hommes politiques, au niveau provincial, s'il le faut, où on pourra discuter avec tous les principaux intéressés, avant d'en arriver à une décision définitive.

Je ne voudrais pas qu'on fasse encore une fois — je l'ai noté tout à l'heure — l'expérience de l'assurance automobile, où on est arrivé à une décision définitive, avant même de consulter la population et où la consultation a été beaucoup plus un maquillage qu'autre chose.

M. Léonard: C'est votre opinion là-dessus.

M. Biron: Je voudrais que, dans ce cas particulier, vous nous donniez l'assurance qu'il y aura une véritable consultation. Pourquoi pas, quant à en organiser — on organise beaucoup de sommets ou de mini-sommets — en organiser un véritable pour écouter les principaux intéressés dans ce domaine?

M. Léonard: Pour ce qui concerne l'assurance automobile, je pense qu'il y a eu une consultation, une véritable consultation...

M. Biron: Cela n'a pas paru.

M. Léonard: Cela a pris pratiquement un an à adopter la loi. Je pense que les Québécois, à l'heure actuelle, réalisent les avantages de cette loi. Beaucoup d'interlocuteurs ont eu l'occasion de se faire entendre ici au cours de la commission parlementaire, en particulier. Il y a eu des tournées du ministre responsable. C'est une attaque et c'est une opinion. Je pense que vous pouvez l'émettre. Cela vous sert, mais ce n'est pas nécessairement la réalité.

Pour ce qui concerne le projet.

M. Biron: Je voudrais peut-être vous dire, par exemple, M. le ministre qu'entre écouter et se faire entendre, il y a une grosse différence.

M. Léonard: II y a eu...

Le Président (M. Clair): Messieurs, je vous prierais de revenir à la pertinence du débat.

M. Goulet: C'était bien parti pourtant.

Le Président (M. Clair): Ne nous égarons pas.

M. Goulet: Le ministre était serein, ce matin, à 10 heures.

M. Léonard: Pour ce qui concerne la question qui a rapport à une consultation, je pense que la conférence Québec-municipalités du mois de juin marque une première étape. Il n'y a rien d'exclu par la suite. Je ne sais pas ce qui peut arriver, quelle sera exactement la forme de la consultation. Ce sera déterminé avec les partenaires eux-mêmes, avec ceux qui voudraient se faire entendre. Il n'y a pas de décision définitive, à l'heure actuelle, de prise là-dessus, sauf celle au niveau de la conférence Québec-municipalités. On sait qu'on va consulter.

Je pense bien que vos craintes, quant à une décision sans consultation, ne sont pas fondées présentement. (17 heures)

M. Biron: Mes craintes, M. le ministre, sont fondées sur l'expérience que nous avons depuis un bout de temps ici, à l'Assemblée nationale. J'ai parlé tout à l'heure de l'assurance automobile et je sais ce que j'ai dit. C'est ce qui est arrivé à travers le Québec. La loi 101 est un autre exemple, dans le fond, sur laquelle on a écouté parler la population, mais on n'a pas écouté véritablement ce que la population avait à dire. On n'a pas reconnu l'existence d'une communauté anglophone et on a dit: Ce ne sont pas des faits consacrés par l'histoire, alors qu'il y avait 200 ans que l'histoire nous consacrait ces faits. C'est à cause de cette expérience que nous vivons ici à l'Assemblée nationale avec votre gouvernement, M. le ministre. Je ne dis pas que vous n'êtes pas prêt à écouter, mais avec les membres de votre gouvernement... C'est pourquoi j'insiste sur ce point, en particulier, parce que c'est important qu'on écoute véritablement la population avant de se faire une idée définitive.

Les membres du gouvernement ici, peu importe, du parti au pouvoir ou de l'Opposition, nous

sommes au service de la population du Québec, avant d'être au service de nos partis politiques. Nous devrions écouter véritablement la population. C'est pour cette raison que j'insiste, M. le ministre, pour que vous ne disiez pas: II va y avoir tout simplement des consultations de part et d'autre, mais un véritable sommet où, à la fois des commissions scolaires vont être représentées, les conseils de comté, les municipalités, le gouvernement, les principaux intéressés. Je pense que ce serait utile, parce que chacune des parties intéressées pourrait dire véritablement ce qu'elle en pense, surtout avec l'expérience que nous avons connue avec votre gouvernement, M. le ministre.

M. Léonard: Pour ce qui concerne la consultation, je pense que vous nous donnez des conseils que peut-être votre parti aurait eu intérêt à suivre d'abord. Je pense que pour ce qui concerne la loi 101, il y a eu de larges débats dans la population et que cela a été l'objet d'une campagne en 1970, avec le bill 63 qui venait d'être adopté, ou peut-être que l'Union Nationale ne l'avait pas assez consultée, en tout cas, cela a l'air qu'ils ont eu des problèmes durant l'élection de 1970.

M. Biron: Je vous parle de consultations pour la loi 101, je ne vous parle pas de la consultation d'il y a dix ans.

M. Léonard: Avec la loi 22, l'ancien gouvernement libéral aussi n'avait probablement pas assez consultée, mais en tout cas, en ce qui concerne la loi 101, je pense qu'il y a eu une consultation. Cela a été un débat qui a duré huit ou neuf mois dans le public, où il y en a été abondamment question dans tous les journaux, à tel point que vous nous avez accusés que de nous occuper que de cela et de ne consulter que là-dessus. Je pense que l'effort de consultation a été majeur sur ce plan. Quand vous nous dites qu'on n'a pas consulté sur la loi 101, je trouve cela particulièrement injuste et même odieux.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, sur ce point précis...

Le Président (M. Clair): Un instant, si vous me permettez, à ce moment, si on considère la pertinence du débat comme étant le chemin à suivre, il me paraît qu'actuellement, je vais avoir à décider de la largeur de l'accotement que je peux permettre à chacune des deux parties...

M. Goulet: Je voulais justement ramener cela dans le débat.

Le Président (M. Clair): ... de revenir, si possible, à la pertinence du débat.

M. Goulet: Ce que je voulais dire, c'est qu'on parlait de la loi 101, et pour ramener cela dans le débat, pour ce qui me concerne, je suis pour la prééminence du français, je l'ai toujours fait voir à tout le monde, et même lors des débats. Lors de l'adoption de cette loi, je ne dis pas qu'on n'a pas consulté, mais je dirais qu'on n'a pas respecté la reconnaissance d'un groupe anglophone. Est-ce qu'on va se reprendre lors d'un travail, par exemple, sur l'aménagement du territoire pour respecter cette communauté, ce groupe? C'est un peu cela, j'imagine...

M. Léonard: Je pense que...

M. Goulet: Dans le document, pour revenir à la pertinence.

M. Léonard: ... pour rester dans la pertinence du débat et faire une comparaison avec la loi 101, je pense que le statut des anglophones là-dedans a été fort considéré. Là-dessus, je pense bien qu'on découvre à l'heure actuelle tous les avantages de la loi, à tel point qu'il y en a beaucoup même parmi nos amis anglophones qui sont tout à fait d'accord avec la loi.

M. Goulet: Au niveau de la décentralisation, est-ce qu'on y vient...

M. Léonard: Au niveau de la décentralisation, puisqu'on y revient, oui, il y aura de la consultation. Je pense qu'il n'est pas question de prendre des décisions sans consultation. C'est exactement ce que je vous dis ce matin. Le document est là. C'est un document de perspectives qu'on s'est donné. On dit: Maintenant, le document est là. Même dans des territoires, dans la structure, on va consulter les intéressés. Les premiers sont évidemment l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté avec chacune des municipalités et villes qu'il y a à l'intérieur des associations. On va faire cela avec elles, nécessairement.

M. Biron: Pouvez-vous nous donner la garantie que vous allez reconnaître les faits et l'histoire du Québec où les gens actuels sont, les milieux naturels et le reste?. L'expérience qu'on a vécue depuis un an et demi démontre que vous n'avez pas toujours reconnu l'histoire du Québec et nous voulons être certains. Donnez votre garantie et nous croirons en votre parole.

M. Léonard: À l'heure actuelle, on ne fait pas une décentralisation en Amérique du Sud; on la fait ici, au Québec. On va respecter les données du Québec.

Le Président (M. Clair): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, j'aimerais ajouter un commentaire à ce que viennent de dire le député de Lotbinière et le député de Bellechasse. Je ne situe pas mon commentaire au niveau idéologique ou philosophique, mais sur le plan pratique.

Je ne parle pas nécessairement des minorités dans le sens qu'on applique généralement à ce mot. Je pense, par exemple, au secteur de Montréal qu'on appelle traditionnellement le West Island. Il y a des municipalités comme Sainte-Anne-de-Bellevue, Sainte-Geneviève, Saint-Raphaël-de-l'Île-Bizard où les francophones sont en majorité. Il y a déjà eu des projets de fusion des onze municipalités du West Island en une seule ville. Il y a eu des résistances. Une des importantes raisons de cette résistance a été le fait qu'avec une telle fusion, les francophones, qui appartiennent à la majorité au Québec, se seraient trouvés — et qui se trouvent en majorité dans les municipalités que j'ai mentionnées — en minorité. Alors, c'est ce genre de considération pratique qui me paraît important dans l'évolution que nous propose le ministre sans la préciser. Il dit que c'est un sujet de discussion. Mais voilà que la discussion devra porter sur de telles considérations, justement à cause du sentiment d'appartenance que les gens ont à leur municipalité. Ce n'est pas simplement parce qu'ils connaissent le maire et qu'ils aiment le caractère de la municipalité. Il y a parfois d'autres facteurs, comme celui que je viens de mentionner.

M. Léonard: Vous semblez tenir pour acquis qu'on va faire des fusions; on a dit qu'on ne ferait pas de fusion. Quand on prend cette approche du comté ou de l'arrondissement, par exemple, il n'est pas question de fusion.

M. Goldbloom: Non. Mais, M. le Président, c'est quand même une définition d'un territoire plus vaste que la municipalité actuelle et la constitution d'une autorité sur ce territoire. Dans la mesure que l'on constitue une autorité sur un territoire plus vaste, l'autonomie locale est diminuée face à cet autre palier. Vous avez certainement parlé d'un autre palier.

M. Léonard: Oui, exactement. Mais on a parlé de décentralisation de pouvoirs exercés à Québec et non pas de prendre des pouvoirs des municipalités et de les remonter au niveau du comté. À l'heure actuelle, cette autorité est exercée par le gouvernement du Québec et non pas par les municipalités. On s'est bien engagé à ne pas faire de fusion forcée. De toute façon...

M. Goldbloom: C'est une...

M. Léonard: ... j'ai toujours déclaré cela depuis un an, depuis que je suis ministre.

M. Goldbloom: C'est une perspective intéressante. Je serai particulièrement intéressé de voir comment vous allez le faire sans soustraire quoi que ce soit aux municipalités existantes.

Le Président (M. Clair): M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Dans un autre domaine, j'ai une question qui touche un sujet qui, en soi, est un dossier. J'aimerais parler du zonage agricole. Nous avons trop vécu au Québec de sauvages opérations qui nous ont valu la disparition coûteuse et même scandaleuse de terres arables. Pourquoi le ministre ne nous parle-t-il pas aujourd'hui d'une façon plus engageante que l'a fait jusqu'à présent son collègue, le ministre de l'Agriculture? Il devrait nous parler du problème de la disparition des terres arables, de sa conception du zonage agricole, de l'état du dossier en la matière et également de l'orientation du gouvernement sur le sujet et aussi — pourquoi pas? — de l'échéancier législatif et administratif en la matière; aussi, il va de soi, de la consultation des gens du milieu sur ce sujet. Plus précisément, en quoi la position du gouvernement actuel diffère-t-elle de celle de ses prédécesseurs dans ce domaine particulier du zonage agricole?

M. Léonard: Sur la question du zonage agricole, vous me permettrez de vous rappeler le message du discours inaugural qui dit que nous déposerons un projet de loi en ce sens avant la fin de la session.

Alors, je pense que la protection des terres agricoles est une des données importantes dans l'aménagement du territoire québécois à l'heure actuelle, en particulier, dans les régions les plus menacées par l'expansion urbaine. Il me semble que dans la région de Montréal, en particulier, il est important qu'on soit conscient de cela. J'ai déjà commencé à en parler, non seulement en parler... mais lorsque j'ai fait une déclaration sur notre option ou sur nos orientations d'investissement dans la région de Montréal, il y a deux semaines — le 7 avril dernier — c'était une des grandes considérations qui dictait la décision par rapport à ces orientations, la protection des terres agricoles.

Par ailleurs, je n'entends pas préciser ici un échéancier du dépôt des projets de loi et des mesures qui peuvent toucher le zonage agricole. Je pense qu'il appartient au ministre de l'Agriculture de le faire.

M. Goulet: On en a entendu souvent parler par les gouvernements qui vous ont précédé. Quelle différence y a-t-il entre votre... je ne veux pas que vous nous fassiez part de votre projet de loi, mais y a-t-il une grande différence...

M. Léonard: Vous le verrez quand vous aurez le projet de loi.

M. Goulet: J'imagine que si on est rendu à l'étape du projet de loi, il doit y avoir eu de la grande consultation interministérielle avec vos collègues à l'Agriculture, aux Affaires municipales, vous-même.

M. Léonard: Le ministre de l'Agriculture siège au comité d'aménagement.

M. Goulet: Mais vous ne voulez absolument pas... Toujours au niveau de votre hypothèse...

M. Léonard: Je peux vous dire qu'on a passé même des journées.

M. Goulet: ... de votre projet de livre blanc, comme vous l'appelez, vous ne pouvez rien nous dire de plus concernant le zonage agricole. Sans nous divulguer le projet de loi que nous connaîtrons bientôt, vous ne pouvez rien nous amener de nouveau, toujours si on s'en tient au niveau de votre projet de livre blanc sur la décentralisation et l'aménagement du territoire, etc. Il n'y a pas de...

M. Léonard: Je n'ai pas de déclaration à faire en ce qui concerne le zonage agricole, aujourd'hui.

M. Goulet: ... déclaration ministérielle.

M. Léonard: On vous dit que le projet sera déposé avant la fin de la session. Vous verrez tout cela, les approches qui auront été prises, les dispositions de la loi. Ce projet de loi intéressera sûrement beaucoup. Quand il sera déposé, vous allez passer la nuit à le lire.

M. Goulet: Je ne veux pas parler du projet de loi comme tel, mais seulement des approches. J'aimerais que vous nous en parliez. Au niveau des consultations qu'il y a eu, vous avez eu votre mot à dire là-dedans, j'imagine.

M. Léonard: Oui. Je suppose.

M. Goulet: Vous avez dit quoi comme mot? Vous devez proposer quelque chose. Ce n'est pas divulguer des secrets de la discussion au niveau interministériel.

M. Léonard: Cela a fait l'objet de grandes discussions pour terminer, des discussions fort intéressantes parce qu'adopter une loi sur la protection des terres agricoles, c'est poser un geste d'aménagement important et il est bien sûr qu'il en a été abondamment discuté au comité de l'aménagement et ce n'est même pas fini.

M. Goulet: Les discussions ne sont pas terminées?

M. Léonard: Les discussions... Le projet de loi n'est pas terminé.

M. Goulet: Si le projet de loi s'en vient pour la prochaine session, j'imagine qu'on doit être au stade d'au-delà des discussions. On doit être arrivé à un certain consensus, j'imagine.

M. Léonard: On vous dit qu'on entend déposer le projet de loi avant la fin de la session.

M. Goulet: Une dernière question, si vous le permettez, M. le Président. Le ministre n'est pas obligé de me répondre, mais j'aimerais bien qu'il le fasse. Entre votre collègue de l'Agriculture — le ministre vient de dire que c'est un projet de loi très important quand on parle de l'aménagement du territoire — y avait-il différentes écoles de pensée, et vous ou d'autres membres du cabinet là-dessus?

Si le projet de loi s'en vient, il me semble que vous pourriez... Parce que vous ne voulez pas...

M. Léonard: Je pense que...

M. Goulet: Vous dites que cela n'est pas encore terminé. J'imagine que c'est parce qu'il y a au moins deux écoles de pensée, parce qu'il serait terminé, surtout si le projet de loi nous arrive bientôt. (12 h 15)

M. Léonard: Qu'il y ait des discussions, je pense que, nécessairement, il y en a eu. Il y en a eu beaucoup avant qu'on arrive. Quand vous faites référence aux attitudes des gouvernements antérieurs, là-dessus, vous savez que ce projet a été annoncé moult fois dans les discours inauguraux. L'Union Nationale, qui était là avant, ne s'en préoccupait pas. Les libéraux ont eu au moins le mérite de vouloir faire quelque chose, mais ils n'ont rien fait. Nous espérons que nous allons arriver à faire quelque chose, disons d'ici la fin de la session.

M. Goulet: M. le Président, je dois conclure qu'il n'y a pas consensus encore au niveau du cabinet là-dessus, parce qu'on dit qu'on veut encore discuter.

M. Léonard: C'est un projet qui va très bien, je pense.

Le Président (M. Clair): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Goldbloom: Nous comptions sur vous pour dire cela.

M. Biron: M. le ministre, deux questions pour terminer ma série avant de faire de brefs commentaires à la fin. Est-ce que le ministre peut nous assurer qu'il n'y aura pas de voyages à travers le monde pour essayer d'étudier ce qui se fait à travers ce monde, dans d'autres pays, partout, qui vont durer extrêmement longtemps et qui peuvent coûter très cher? Je ne blâme pas votre sous-ministre ici, mais c'est l'habitude pour les fonctionnaires, les grands commis de l'État, de voyager énormément. Je voudrais savoir quelle est la politique là-dessus, ce que cela va coûter, ce qu'on a prévu comme crédits et quels sont les coûts de l'étude sur ce projet de décentralisation.

M. Léonard: Si je comprends, vous aimeriez nous accompagner si jamais on en faisait?

M. Biron: Non. Je paie mes voyages tout seul.

M. Léonard: À ma connaissance, il n'y a pas eu de voyages de fonctionnaires sur le sujet depuis qu'on étudie. Ce sont des gens qui lisent beaucoup, qui ont voyagé probablement avant qu'on arrive et qui connaissaient déjà différentes expériences, mais surtout qui lisent beaucoup. Donc, sur le plan des coûts, présentement, il n'y a

pas de frais de voyage précédemment. Il est possible qu'il y en ait un au cours de l'été. Les modalités ne sont pas fixées, mais c'est envisagé. Je ne pense pas qu'il y ait des décisions définitives de prises non plus là-dessus. Il y en a un, possiblement, dont je ferais partie. Sur le plan des coûts, je ne pense pas qu'il y ait eu des coûts directs importants associés à l'étude, sinon les salaires des fonctionnaires qui ont travaillé à ces documents, dont mon équipe, mais nous n'avons pas engagé, je crois, de personnel additionnel, sauf deux personnes pour six mois.

Cela vous donne un peu l'ordre de grandeur. Ce ne sont pas des coûts astronomiques. Vous voyez que ce sont des gens qui ont pondu des documents importants, qui soulèvent beaucoup d'intérêt et à peu de frais.

M. Biron: M. le ministre, ma dernière question, c'était d'ailleurs dans ma série de questions, est-ce que vous pouvez vous engager à nous faire connaître régulièrement, à l'Assemblée nationale, par des dépôts de documents ou autrement, l'évolution de l'étude de ce projet de décentralisation administrative? J'ai dit tout à l'heure qu'un budget peut être secret, mais un projet de décentralisation administrative doit être connu, d'autant plus que vous avez dit tout à l'heure que vous vouliez mettre la population dans le coup et la faire participer. Je crois que c'est un projet important pour l'avenir du Québec et l'avenir des gens qui vont vivre au Québec, de savoir comment cela va fonctionner au Québec pour eux. Il ne faudrait pas être informé à la dernière minute grâce à des fuites. Je pense que vous devriez vous engager formellement à nous faire connaître régulièrement aux membres de l'Assemblée nationale, et en même temps à la population du Québec, l'évolution de ce dossier.

M. Léonard: L'avant-dernier paragraphe de mon texte disait que ce que nous envisageons présentement, c'est la publication de divers fascicules, au fur et à mesure que ce sera prêt. Par exemple, on pourrait en faire un sur le territoire, où on donnera une description des propositions formulées par le gouvernement ainsi qu'une description des options sur diverses modalités, voir s'il pourrait s'ajouter d'autres propositions. Cela constituerait les premiers documents que nous publierions sur la question. Je vous ai déjà répondu à l'Assemblée nationale que le document lui-même, le projet, on en récrirait des grands bouts dès maintenant, si jamais on le refaisait sous cette forme. Je ne suis pas sûr qu'il serait fait sous cette forme. Il serait plutôt fait sous forme de fascicule, sur des sujets différents, à savoir ce que seraient les territoires, quels critères pourraient nous aider à définir des territoires. À mon avis, on ne doit pas arriver avec une carte et dire: C'est celle-là. On pourrait simplement refaire l'historique, le bilan des différents découpages territoriaux qu'a chacun des ministères dans le Québec actuellement. Cela vous convaincrait d'emblée qu'il faut faire quelque chose. Il n'y a presque pas un ministère qui ait le même découpage.

Fondamentalement, il y a le découpage municipal actuel; il y a aussi les comtés municipaux actuels qui ont un certain découpage. Si vous superposez tous ces découpages, vous verrez tout de suite que le citoyen ordinaire qui vit là-dedans ne s'y retrouve pas; il ne peut pas s'y retrouver. Il y a un document sur le territoire lui-même. Cela peut donner une bonne idée de ce que ça pourrait être. Il y a un fascicule là-dessus. On pourrait en faire un autre sur les structures, les hypothèses de structure, les pouvoirs, la fiscalité. Je pense qu'on va probablement le faire par tranche.

C'est un peu de cette façon qu'on l'envisage présentement, même si je ne veux pas être coulé dans le béton là-dessus, mais c'est à peu près l'approche qu'on a à l'heure actuelle.

M. Biron: Si j'ai posé ma question, M. le ministre, c'est qu'avant que le gouvernement arrête sa décision... vous avez parlé tout à l'heure de consultations, de mettre la population dans le coup. Alors, la présentation de tels fascicules sera excessivement importante. Autrement, je crains qu'on ne tombe encore sous le coup de lois telles que la loi 101 ou la loi 67. C'est toujours la même chose. Le gouvernement arrête sa décision et, après ça, pour le maquillage, consulte ou informe la population. Il faudrait être très prudent dans l'évolution de ce dossier et beaucoup plus poser des questions à la population, attendre des réponses et une participation.

Vous avez dit tout à l'heure que vous étiez prêt à prendre le temps nécessaire. C'est pour ça que je voudrais que la population, que les membres de l'Assemblée nationale soient avisés de la philosophie du gouvernement, au moins pour permettre à la population de collaborer et de refaire la philosophie du gouvernement en fonction des besoins de la population.

M. Léonard: Écoutez, j'ai quand même dit au début que nous ferions une démarche conjointe avec la population et les instances politiques locales actuelles, les municipalités, l'Union des municipalités, l'Union des conseils de comté, et que ce serait conjoint. Je suis d'accord avec vous qu'on ne peut pas arriver du jour au lendemain avec une décision qui porte sur des choses aussi essentielles que les milieux de vie.

Le Président (M. Clair): Le député de D'Arcy McGee.

M. Léonard: S'il y a une chose à laquelle je puis m'engager, c'est bien celle-là.

M. Goldbloom: M. le Président, un dernier commentaire et une dernière question. Mon commentaire est le suivant: Le ministre a fait preuve de beaucoup de bonne volonté en répondant aux questions. Néanmoins, nous restons sur notre appétit. Je m'empresse de dire que, généralement, quand on utilise cette expression, c'est dans un sens légèrement péjoratif, mais tel n'est pas le cas.

Je suis heureux de rester sur mon appétit aujourd'hui, dans le sens que j'aurais été beaucoup

plus inquiet que le dossier soit plus avancé, et c'est la même chose qu'a dite le député de Lotbinière, le chef de l'Union Nationale. J'aurais été beaucoup plus inquiet de trouver des décisions déjà prises, sans une discussion très large. C'est à cet égard que je voudrais faire une demande au ministre. Dans chaque hypothèse de décentralisation ou de modification de structures administratives, il y a des coûts qui sont impliqués, pas simplement les coûts du travail qui se poursuit, mais les coûts au bout du compte pour le contribuable. Actuellement, dans la majorité de nos municipalités, même s'il y a un salaire qui est accordé au conseiller municipal, il est, à toutes fins pratiques, bénévole. Il travaille le jour pendant des heures normales pour gagner sa vie et à l'extérieur de ses heures il s'occupe de la municipalité.

Les commissaires d'écoles, dans bien des cas, ne sont pas rémunérés à des niveaux fantastiques. Si l'on craint d'importantes responsabilités a un nouveau palier, on va sûrement créer une situation où les bénévoles ne pourront plus s'en occuper. Cela voudra dire non seulement un salaire pour chacun et le nombre de personnes à élire ou à nommer à ces postes deviendra important, mais aussi, il faudra fournir des bureaux, parce que ce sera une occupation à temps complet. C'est une hypothèse que je mets de l'avant. Il faudra donc une réceptionniste pour répondre au téléphone, une secrétaire, du personnel, de l'équipement. Il faudra, dans les comtés, prévoir des frais de voyages, des frais de déplacements, parce que, là aussi, si le territoire est important, les gens ne partiront pas du bout du comté pour se rendre au chef-lieu pour les réunions, sans être remboursés pour leurs frais de déplacements.

Tout cela, il me semble, devrait être comptabilisé à l'avance et le public devrait en être informé. C'est la demande que je formule au ministre en terminant mon intervention.

M. Léonard: Je sais bien que c'est une question effectivement à se poser, est-ce que cela peut impliquer le gonflement d'administration régionale ou de comté? Ce qui existe présentement est à peu près réduit à sa plus simple expression, c'est un fait, du moins apparemment. Mais il reste que si l'on parle de décentraliser les pouvoirs exercés à Québec, c'est que les coûts sont peut-être moins apparents et que les relations sont très compliquées entre des institutions qui existent dans le paysage présentement.

Je comprends que si on en discute, on en discute encore une fois dans une perspective. Votre CLSC a aussi un conseil qui se réunit. Il a aussi ses bureaux. Il n'y a pas cependant d'unité au niveau de l'action, dans le territoire. Quand quelqu'un a affaire à un ministère, il doit partir de chez lui et venir à Québec. Ce qu'on vise, peut-être en simplifiant ou en caricaturant un peu, c'est le citoyen, au lieu de venir à Québec, va aller à son chef-lieu de comté. Il va se déplacer beaucoup moins. C'est une des choses.

Mais c'est un fait que c'est un aspect important de la question. Vous savez, comme moi, qu'il y a beaucoup d'autres avantages aussi. Si on parlait simplement de l'intégration des services qui sont assumés par plusieurs ministères différents à l'heure actuelle, je peux vous dire que c'est un problème majeur. La municipalité qui ne peut pas construire son aréna sur un terrain parce qu'il appartient à la commission scolaire, ou des choses semblables, qui ne peut pas utiliser des services sportifs qui appartiennent à la commission scolaire. Il y a plein de choses qu'on peut envisager là-dessus.

Il y a évidemment le coût que vous mentionnez, la réceptionniste, c'est un élément à verser aux dépenses. Mais sur le plan des économies de coûts, je pense aussi qu'on pourra en tirer un bon nombre.

Mais c'est une façon de vivre en société aussi.

Le Président (M. Clair): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Léonard: C'est une chose, bien sûr, les décisions qui sont prises au niveau du territoire même, c'est déjà plus intéressant que de les prendre à Québec. Je pense bien que si on comparaît ce que coûte une opération ou un investissement quelconque, fait par une municipalité, comparativement à ce que cela coûte lorsque c'est fait par le gouvernement central, il y a peut-être des marges qu'on pourrait découvrir, qui ne seraient pas nécessairement à l'avantage du gouvernement central.

Le Président (M. Clair): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Laberge: Je pense que le député de D'Arcy McGee est bien au courant du dossier pour ce qui concerne l'environnement. Quand on craint que la décentralisation administrative, ou du moins que le contact de la population avec les fonctionnaires, en région, multiplierait les structures administratives ou les coûts administratifs... (12 h 30)

Je remarquais, dans un document qui nous a été envoyé l'autre jour que les représentants du ministère de l'environnement sont décentralisés en région et que c'est la téléphoniste des CLSC justement qui prend leurs appels. C'est une chose qui a été très facile.

Lorsque, après 9 h 15 ou 10 heures, le matin, l'inspecteur de l'environnement a quitté son bureau, c'est la téléphoniste du CLSC qui, pour le reste de la journée, comme on dit, prend ses appels. Cela n'a pas multiplié les coûts administratifs, c'est simplement peut-être de l'interaction de deux ministères, de la collaboration qui fait que cela n'a pas multiplié les coûts, mais cela a rapproché les services des citoyens.

M. Goldbloom: M. le Président, je ne veux pas en faire un débat, je ferai seulement le commentaire que c'est plutôt, je crois, une déconcentration, dans le cas que le député a cité. Je ne me rappelle pas la dernière fois qu'il y a eu une dimi-

nution des effectifs de la fonction publique du Québec. Un historien pourrait peut-être trouver une occasion où il y a eu une diminution, quelle que soit la décentralisation effectuée.

Tout ce que j'ai demandé au ministre, c'est de bien vouloir comptabiliser tous les éléments. S'il voit des économies, il sera certainement intéressé à les comptabiliser dans son document pour vendre sa salade.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Léonard: Salade, vous êtes péjoratif! M. Goldbloom: Je m'excuse.

Le Président (M. Clair): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président. Une dernière courte question et un petit commentaire également. Je voudrais que le ministre sache bien que ma question n'est pas une flèche empoisonnée, mais elle me chatouille la langue. Je veux la lui poser quand même.

Si un organisme tel le BAEQ apportait sur le bureau du ministre à l'aménagement un rapport favorable à l'aménagement d'un certain territoire, d'un territoire donné, j'imagine que jamais le ministre actuel ou les membres de son cabinet ne pourraient répondre... en tout cas, que les gens pourraient recevoir ce rapport avec beaucoup plus d'objectivité que de répondre: C'est très bien, on accepte votre rapport. Malheureusement, politiquement, cela se défend mal. J'imagine que jamais cela n'arrivera dans votre cabinet. Non?

M. Léonard: Cela dépend de la notion qu'on se fait de la politique.

M. Goulet: Je n'ai rien à ajouter là-dessus. M. Léonard: Un instant! Il y a parfois des...

M. Goulet: Politiquement, le territoire mentionné ne vient pas d'un territoire représenté par des ministériels, je vais être plus précis dans ma question. C'est tout simplement cela, ma question, M. le Président. Cela n'arrivera pas dans votre cas?

M. Léonard: Je pense que, dans le cas...

M. Goulet: Vous me faites peur quand vous hésitez comme cela.

M. Léonard: Qu'il y ait des rapports du BAEQ qui soient publiés à un moment donné, ce sont des documents qui ont été constitués dans une certaine optique, mais ce n'est pas nécessairement celle qui est adoptée finalement.

À l'heure actuelle, qu'il y ait des expériences qui se fassent, j'aimerais bien en voir les résultats et je pense que ce serait intéressant de les voir avant de lancer de grandes affaires aussi.

M. Goulet: Non, je ne lance rien, je veux m'assurer que, dans l'objectivité de l'appréciation du rapport, on ne prendra pas comme critère que, politiquement, parce qu'en bon Canadien, ce n'est pas du bon bord, c'est un rapport qui se défend mal. C'est ce dont je voulais m'assurer, M. le Président.

M. Goldbloom: Les intentions d'un ministre sont toujours pures par définition.

M. Léonard: Oui.

M. Goulet: M. le Président, pour compléter, je suis extrêmement satisfait de la réunion de ce matin. Je veux en tout cas en mon nom personnel, féliciter et remercier le ministre. Mon chef, le député de Lotbinière pourra le faire lui aussi. Personnellement, je veux remercier le ministre de ses réponses.

M. le Président, après avoir discuté d'un sujet aussi brûlant, un sujet qui est très important pour tous les Québécois, qui touche ou qui touchera prochainement, éventuellement tous les Québécois, qui touchera tous les paliers de gouvernements, municipaux, scolaires, je déplore une chose. Je ne voudrais pas, encore là, lancer une flèche à mon collègue, je pourrais même dire, s'il me le permet, que mon ami de D'Arcy McGee a fort bien représenté le Parti libéral, mais je déplore que le Parti libéral, sur un sujet aussi important, n'ait pas envoyé ses trois délégués. D'accord, le député de D'Arcy McGee a très bien fait son travail, je l'en félicite, mais je déplore qu'au niveau de tous les députés du Parti libéral, on n'ait pas embarqué plus à fond dans ce sujet. M. le Président, mon reproche s'adresse également aux ministériels. Je comprends que le ministre est assez vieux et assez grand pour se défendre tout seul, mais du côté de la solidarité ministérielle, de la part des gens du Parti québécois, j'aurais pensé ce matin qu'avec un sujet aussi important, on aurait eu nombre de questions et que tous les fauteuils en face auraient été remplis. C'est ce que je déplore.

M. le Président, je tiens encore une fois à remercier le ministre. Mon reproche ne s'adresse ni à lui ni à mon collègue ici en face, ni au député de D'Arcy McGee, mais aux absents.

Le Président (M. Clair): M. le chef de l'Union Nationale.

M. Biron: M. le Président, moi aussi, je veux remercier le ministre de sa présence et des réponses qu'il nous a données, même si les réponses n'ont pas servi à éclairer beaucoup plus la population du Québec que ce que nous savions déjà. Cela nous a permis, en tout cas, de constater que le projet, même s'il est assez avancé, n'est pas possédé à 100% et n'est pas accepté par la population du Québec, puisqu'on hésite à donner des réponses ouvertes et franches aux différentes questions que les Québécois se posent et que les Québécois posent par la voix des membres de l'Assemblée nationale, spécialement par les membres de l'Assemblée nationale qui forment l'Opposition.

Je remercie quand même le ministre de ses réponses, du temps qu'il a consacré pour préparer cette réunion de ce matin et du temps qu'il a pris pour répondre à nos questions. Je ferais peut-être seulement une suggestion avant de dire quelques mots en conclusion. Je recommande au ministre d'essayer d'appliquer plus rapidement son plan de décentralisation pour la fête nationale des Québécois. Je sais qu'il y a des gens qui se plaignent de la centralisation de cette fête. Il y aurait peut-être lieu de revoir et d'adopter le plan de décentralisation à cette fête nationale qui s'en vient.

Déjà, nous connaissons le livre vert sur les loisirs, sur l'éducation, qui demande encore beaucoup de consultations. Des enquêtes sont en cours sur l'enseignement collégial et sur celui du niveau universitaire. Un livre blanc, apparemment controversé, nous viendra sous peu en matière de culture, à une heure où on en est aux premiers balbutiements dans la mise en application de la loi 101. Déjà nous attendent également la réforme parlementaire et la réforme électorale, à un moment où on en est encore au début de la mise en place du projet de loi no 2. Déjà est soumis à notre étude un projet de découpage électoral. Nous avons aussi à nous habituer à la mise en place de la loi bâtarde sur l'assurance automobile. Nous avons de la difficulté à convaincre le gouvernement et à lui faire comprendre que la population du Québec n'accepte pas son projet de loi no 70 sur l'amiante. Nous attendons pour bientôt l'amorce d'une réforme sur la fiscalité municipale. Bientôt, nous discuterons enfin des règles du jeu que nous propose le projet de loi-cadre sur le référendum.

Finalement, ce qui est décevant, c'est que nous sommes toujours dans l'attente d'un livre vert sur l'économie — pourtant, cela a été promis l'an dernier, il y a près d'un an, au sommet de La Malbaie — livre vert qui nous formulerait enfin les premières velléités du gouvernement en matière de développement économique.

Voyant tout cela, nous, de l'Union Nationale, devons dire que ce projet de livre blanc sur la décentralisation, qu'on veut nous tirer dans les jambes, alors qu'on a énormément d'autres livres ou d'autres projets à discuter à l'Assemblée nationale, nous apparaît comme prématuré, comme objet d'études et de consultations, non seulement pour nous, mais pour la population en général, pour les organismes impliqués en particulier, ainsi que pour le gouvernement lui-même qui a bien d'autres chats à fouetter, à moins qu'on veuille faire du territoire du Québec ou un coin de terre invivable pour quelques années, ou bien un laboratoire d'essai, ou bien un chantier complètement paralysé par des études de structurites, plutôt qu'un territoire de vrai chantier qui donne des emplois, des jobs à nos 350 000 chômeurs québécois. Ce sont des gens pour qui il faut dépenser énormément d'énergie. Il faut aussi dépenser de l'énergie pour tous ceux qui travaillent et qui s'inquiètent de leur emploi au cours des prochains mois, de la prochaine année.

M. le Président, je pense que le gouvernement devrait dépenser toute son énergie à créer au Québec de véritables chantiers de construction ou autres, afin de créer des emplois à nos Québécois.

Le Québec des réalités devrait pourtant pouvoir exister un jour.

Le Président (M. Clair): M. le ministre.

M. Léonard: Je vous ai dit un peu où nous en étions présentement. Le chef de l'Union Nationale nous dit qu'on veut tirer prématurément un livre blanc dans ses jambes. Je ne pense pas que ce soit moi qui ai fait l'interpellation; c'est justement lui. Le gouvernement n'a pas encore émis de décisions concernant la décentralisation. Ce que vous avez entre les mains, c'est un document de travail; je vous l'ai répété cent fois. Je vous ai dit qu'on ne le rendrait pas public; c'est un document préliminaire qui ne sera pas publié. Les travaux de recherche et d'étude ne sont pas terminés. Maintenant, on a une certaine perspective, qui n'est pas satisfaisante; on le sait très bien. Nous allons maintenant consulter très largement la population et les organismes impliqués. Quand on dit qu'on veut nous tirer entre les jambes, de façon prématurée, un tel livre sur la décentralisation, je vous dis que votre accusation tombe à plat, complètement. Au fond, ce n'est pas nous qui l'avons sorti. Vous en revenez à un procès d'intention que vous faisiez dans votre première déclaration.

Ce que je constate, c'est que vous avez évidemment ramené toute une série de sujets qui étaient en dehors de celui qu'on traitait ce matin, la loi 101, la loi 67, en disant qu'on n'avait pas fait de consultation. Je pense que nous avons fait du travail depuis un an et demi. Nous avons été un bon gouvernement, un gouvernement honnête, à part cela. Je pense que n'importe qui dans le paysage politique va le reconnaître.

Maintenant, en ce qui concerne la décentralisation, je pense que nos réflexions continuent d'avancer. C'est sûr que ce qui se dit, ce qui s'écrit sur le sujet va progresser aussi, mais il faudrait que cela se fasse au rythme des gens, des opinions de la population. Ce n'est pas un projet qu'on veut imposer à la population, loin de là; sauf que nous aussi rencontrons la population et les gens. On nous parle des problèmes et nous avons à les solutionner. Je pense que, très souvent, on se rend compte que cela ne devrait pas toujours être nous qui solutionnions ces problèmes, mais eux-mêmes devraient avoir les moyens de les résoudre. C'est peut-être l'approche la meilleure et la plus intelligente que de leur donner les moyens de régler leurs propres problèmes, plutôt que d'essayer, nous, de les régler à leur place. C'est important et je crois que cela situe le sens de notre démarche. Ce n'est pas qu'on veuille imposer des structures, mettre le Québec tout à l'envers; absolument pas. C'est le contraire.

Il y a eu, évidemment, depuis quinze ans, cette idée de construire un État moderne, efficace. Je pense que c'est une démarche qui se défend très

bien. Il y a aussi certains inconvénients qui apparaissent. À mon avis, il est important, d'abord, de consolider au moins ce que nous avons au niveau local et de consolider les finances municipales, présentement, pour leur donner de véritables moyens d'agir; c'est la première étape, le premier volet de la décentralisation.

Je pense qu'on ne pourra pas tout régler à ce niveau pour différentes raisons qu'on pourrait énumérer, non pas par incompétence, mais simplement en se rendant compte de la réalité et qu'il faut penser à cet organisme de comté qui est au moins envisagé comme hypothèse. On en discu- tera avec les intéressés et on verra. Comme on dit, on prendra le temps qu'il faut pour le faire, sans bousculade, dans l'ordre, sereinement.

Le Président (M. Clair): Messieurs, permettez-moi de vous remercier tous et chacun de votre collaboration au cours des travaux de cette commission.

La commission permanente de la présidence du conseil et de la constitution ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 12 h 45)

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