Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Question avec débat
(Dix heures cinq minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission permanente de
la présidence du conseil et de la constitution se réunit, ce
matin, pour discuter la question avec débat du député de
Lotbinière, au ministre d'État au développement
économique. Le sujet est le suivant: La place occupée par les
sociétés d'État québécoises à
l'intérieur de la stratégie de développement
économique du Québec.
M. le député de Lotbinière et chef de l'Union
Nationale.
Exposé du sujet
M. Rodrigue Biron
M. Biron: Merci, Mme la Présidente. D'abord je veux
remercier le ministre d'avoir accepté d'être ici aujourd'hui
malgré toutes ses autres occupations, pour discuter d'un sujet qui
intéresse non seulement les députés de l'Union Nationale,
mais aussi, j'en suis convaincu, à peu près tous les
Québécois. Nous avons parlé à plusieurs reprises
des sociétés d'État, de la gestion des
sociétés d'État depuis maintenant un an et le ministre
lui-même nous a parlé aussi de la place des sociétés
d'État dans sa stratégie de développement
économique du Québec.
C'est un peu surtout ça que je voudrais discuter avec lui ce
matin, pour savoir comment les sociétés d'État peuvent
intervenir dans le développement économique du Québec ou
comment ces sociétés pourraient être encore plus utiles
qu'elles ne le sont aujourd'hui pour permettre à des travailleurs,
à des chômeurs, à des bénéficiaires d'aide
sociale, à des étudiants et, surtout, à tous ceux qui sont
à la recherche d'un emploi, de pouvoir avoir un meilleur lendemain.
En définitive, cette question avec débat concerne une
facette importante de l'avenir économique du Québec. En effet,
cette question touche vraiment deux sujets importants, dont l'un est de nature
beaucoup plus générale et l'autre de nature plus
spécifique. Lorsqu'on parle de la place occupée par les
sociétés d'État québécoises à
l'intérieur de la stratégie de développement
économique du Québec, on parle en effet de deux choses:
Premièrement, de l'existence d'une véritable stratégie de
développement économique du Québec, qui, pou le moment,
fait défaut. Le ministre va me dire que lorsqu'il est arrivé en
place il y a deux ans et demi, il n'y en avait pas, il y en a peut-être
un squelette maintenant, mais, quand même, je voudrais savoir où
on en est rendu avec cette stratégie de développement
économique du Québec.
La deuxième chose dont on parle, lorsqu'on traite de
stratégie de développement, c'est la place justement que le
gouvernement veut donner aux sociétés d'État à
l'intérieur de cette stratégie de développement
économique.
Donc, premièrement, est-ce qu'il y en a une? Où est rendue
cette stratégie? Deuxièmement, comment les sociétés
d'État vont-elles intervenir ou quelle va être leur participation?
Lors du dernier sommet économique, le ministre a fait état
à plusieurs reprises que 1979 serait enfin l'année de
l'économie, qu'en 1979 le gouvernement rendrait publique une
véritable politique de développement économique, demande,
faut-il le répéter, qui fait l'objet de revendications de l'Union
Nationale depuis le mois de novembre 1976. Qu'après plus de deux ans et
demi au pouvoir, le gouvernement ait décidé de passer à
l'action, je pense que c'est un strict minimum.
Je voudrais, dans un premier temps, que le ministre nous dise où
en est rendu le gouvernement dans sa réflexion sur les
énoncés de politique économique qu'il doit rendre publics
d'ici quelques mois. Il m'a dit, il y a deux semaines environ, que ça
prendrait peut-être quelques mois. Je voudrais savoir si on peut
espérer être informés, vers la mi-juillet ou quelque chose
comme ça, ou à une date précise, où le gouvernement
veut aller et dans quelle direction il va aller.
Aussi, s'agira-t-il d'énoncés de nature globale qui
toucheront à tous les secteurs de la vie économique ou
devons-nous nous attendre à des déclarations de nature plus
limitée, qui ne s'attarderont qu'à un, deux ou trois secteurs de
l'économie? En particulier, on connaît maintenant la
stratégie vis-à-vis des pâtes et papiers, vis-à-vis
de l'amiante, mais est-ce qu'on va prendre secteur par secteur ou si ça
va être véritablement global? Est-ce qu'on va nous parler de
l'énergie des forêts, des mines, des PME, des investissements
étrangers? Est-ce qu'on va nous parler aussi d'une stratégie qui
va s'attaquer aux différentes régions du Québec? Est-ce
qu'on va faire un effort spécial dans une région plutôt que
dans l'autre, dans la région de Montréal en particulier?
En somme, est-ce qu'on s'en va vers une politique économique
globale ou vers quelque chose qui ressemblera beaucoup plus à des
cataplasmes dans des secteurs particuliers? J'ai espérance
qu'aujourd'hui le ministre pourra nous fournir ce qu'on pourrait
considérer tout au moins comme un rapport d'étape sur
l'état de sa réflexion et de celle de ses collègues
à vocation économique, réflexion qui dure depuis
déjà deux ans et demi et qui se fait attendre.
Il me semble évident que toute stratégie de
développement économique émanant de la part du
gouvernement doit tenir compte, entre autres, du rapport de forces existant
entre le secteur public et le secteur privé. C'est un secret de
polichinelle pour tous les Québécois, surtout depuis le
début de la Révolution tranquille, que leur gouvernement
provincial a favorisé une intervention toujours plus grandissante et
coûteuse de l'État dans le domaine de l'économie, qu'il
s'agisse de la création de
sociétés d'État, de sociétés mixtes,
publiques et privées, de subventions gouvernementales de toutes sortes,
par exemple Tricofil, ainsi de suite, donc une intervention gouvernementale
toujours plus accrue.
J'aimerais que le ministre, ce matin, aborde franchement et sans
faux-fuyant cette question qui me paraît tout à fait
névralgique et qui nous permettra de voir clairement la véritable
conception du gouvernement relativement au développement
économique du Québec. Que fera le gouvernement et que fera le
secteur privé dans cette conception de développement
économique du Québec? En somme, pour évaluer la place que
le gouvernement veut donner au secteur public dans sa nouvelle politique
économique, il faut, à mon avis, savoir ce que le gouvernement
réserve également à l'entreprise privée. Ce qui
nous permettra d'établir tout au moins des bases de comparaison et de
savoir, une fois pour toutes, si le gouvernement du Parti
québécois désire créer un meilleur équilibre
entre ces deux secteurs de notre vie économique. C'est pourquoi en vous
demandant quelle sera la place des sociétés d'État
à l'intérieur des énoncés de politique
économique que vous rendrez publics d'ici peu, je m'attends à ce
que vous nous donniez également un aperçu tout au moins de la
place qu'occupera l'entreprise privée.
Est-ce qu'il y aura d'autres nationalisations? On a vu, depuis deux ans
et demi, l'assurance automobile, on voit l'amiante, on vit présentement
la nationalisation de l'amiante, est-ce qu'il y en aura d'autres et quelle sera
la place de l'entreprise privée?
Ce n'est pas pour rien que l'Union Nationale a insisté, depuis
maintenant plus de deux ans, avec encore plus de vigueur, lors de la fin de la
dernière session, pour que le gouvernement s'occupe avec encore plus de
rigueur et de détermination, et surtout plus de cohérence, du
fonctionnement et de la performance de nos sociétés
d'État.
Il faut bien se rendre compte que, lorsqu'on parle des
sociétés d'État québécoises, on parle
d'actifs qui dépassent les $22 milliards et qui touchent directement
à plus de 35 000 travailleurs du Québec, dans toutes les
régions et dans tous les secteurs de l'activité économique
de notre province.
Compte tenu des mises de fonds importantes que l'État a
englouties dans les nombreuses sociétés d'État à
caractère industriel, commercial ou financier, depuis plus de 20 ans, je
pense que ce n'est que faire preuve de responsabilité que d'exiger, de
la part du gouvernement, une attention plus poussée et plus
sérieuse sur le rôle et les activités de l'entreprise
publique dans la vie économique de la province.
Dans un premier temps, nous avons voulu agir là où nous
avions la possibilité d'être le plus efficaces, à titre de
représentants élus à l'Assemblée nationale. C'est
non sans satifaction que nous avons constaté l'accueil unanime de tous
les partis politiques représentés à l'Assemblée
nationale, à notre requête de mettre sur pied, dans les plus brefs
délais, une commission permanente de l'Assemblée nationale, pour
mieux surveiller le fonctionnement et la performance de nos
sociétés d'État. Déjà, cette commission est
en train d'élaborer sa façon de travailler.
Et ici, je voudrais reprendre tout simplement, pour bien situer le
débat à ce niveau, certains propos que j'avais prononcés
lors de la réunion de la commission de l'Assemblée nationale en
novembre dernier, en vue de la création de cette commission permanente
des sociétés d'État. Et je disais: "Je ne crois pas que
notre système parlementaire soit réfractaire à de telles
innovations, qui n'ont pour but que de fournir aux élus du peuple des
instruments d'intervention et de contrôle conformes aux besoins et aux
exigences de notre temps moderne. La création d'une commission
parlementaire permanente des sociétés d'État aurait cet
insigne avantage, dû en particulier à son caractère
permanent, d'établir des relations plus soutenues et plus intelligentes
entre le corps législatif, d'une part, et les dirigeants des
sociétés d'État, d'autre part, les deux pouvant enfin
discuter d'égal à égal. " C'est un terme que le
gouvernement aime.
M. Landry: Amendement pour les libéraux.
M. Biron: "II n'est pas interdit d'imaginer qu'une telle
commission, bénéficiant d'une aide technique appropriée,
pourra éventuellement disposer d'une banque de données fort
importante sur le fonctionnement de nos sociétés d'État.
Il sera alors plus facile pour les députés de bien situer la
performance d'une société d'État à
l'intérieur de la stratégie globale de développement
économique du gouvernement, et d'évaluer la pertinence, non
seulement des actions de l'entreprise, mais aussi des contrôles
gouvernementaux en vue d'assurer une plus grande cohérence et une
meilleure coordination de nos sociétés d'État dans la vie
économique du Québec."
Si un meilleur contrôle parlementaire s'impose sur la gestion de
l'administration des sociétés d'État, et semble vouloir se
concrétiser, il m'apparaît tout aussi valable que le gouvernement
poursuive sa politique déjà annoncée d'un meilleur
contrôle gouvernemental sur les sociétés d'État et
l'existence de ce contrôle gouvernemental, la nature de ces
contrôles, la portée de ces contrôles, auront une
très grande influence sur la place que ces nombreuses entreprises
publiques occuperont à l'intérieur de la stratégie de
développement économique mise de l'avant par le gouvernement du
Québec.
Or, il faudrait aussi savoir du ministre quels sont les critères
de formation de nouvelles sociétés d'État. En 1978, nous
avons fondé au Québec cinq nouvelles sociétés
d'État. Si la stratégie de développement économique
ou la place des sociétés d'État n'est pas encore
définie à l'intérieur de cette stratégie, pourquoi
fondons-nous à gauche et à droite des sociétés
d'État si on ne sait pas où on s'en va avec cela. (10 h 15)
Nous savons, entre autres, que le ministre d'État au
développement économique a mis sur
pied un certain nombre de structures, en vue de faciliter un meilleur
contrôle gouvernemental sur les sociétés d'État.
C'est ainsi, à en juger par un article publié dans le Soleil du
16 septembre 1978, que, depuis au moins un an et demi et peut-être plus:
"M. Albert Jessop travaille avec minutie et patience à
l'établissement de la problématique des sociétés et
des critères de performance." Or, si cela fait un an et demi qu'on
travaille là-dessus, je voudrais savoir où en sont ces
études; est-ce qu'on a au moins un rapport d'étape à
donner aux membres de l'Assemblée nationale ou à la population du
Québec sur ce travail de M. Jessop depuis un an et demi?
Dans le même article, on laissait entendre qu'une étude sur
les critères de performance et de cohérence serait
terminée vers la fin de 1978. Est-ce que cette étude est
terminée? Où en est-on rendu? Est-ce qu'ici, aujourd'hui, on
pourrait avoir un rapport d'étape, puisque cela fait déjà
au-delà de cinq mois, tout près de cinq mois que 1978 a pris
fin?
Je crois qu'il est tout à fait normal que le ministre nous dise
aujourd'hui où en est rendu ce travail et quand il sera rendu
public.
En plus, nous savons qu'il existe depuis un certain temps, au sein du
Conseil exécutif, un comité ministériel de coordination
regroupant le ministre des Finances, le ministre de l'Industrie et du Commerce,
le ministre d'État au développement économique ainsi que
le ministre des Richesses naturelles. Je voudrais savoir, de la part du
ministre, aujourd'hui, s'il est exact que le gouvernement a en main les
données qui échappent à nous, parlementaires de
l'Opposition, ainsi que toutes les études nécessaires qui lui
permettront d'assurer une meilleure coordination de l'ensemble de la gestion de
ces sociétés d'État.
Le gouvernement possède-t-il un plan détaillé de
programmes de développement de toutes les sociétés
d'État québécoises et est-il en mesure aujourd'hui
d'évaluer concrètement et efficacement la performance
économique et administrative de ces sociétés publiques?
Est-il exact que le gouvernement songe à créer une
supersociété d'État qui s'appellerait peut-être
"SOGOPIQ", ou quelque chose comme cela, qui verrait à coordonner toutes
les sociétés d'État dans le domaine industriel ou
commercial? Il a aussi été question de cela dans un rapport
soumis au gouvernement. Je voudrais savoir du ministre si c'est exact.
Si on parle de critères de performance et d'efficacité, il
faut aussi poser des questions. Pourquoi certaines sociétés
d'État vont-elles déposer leur plan quinquennal de
développement, en particulier, SIDBEC qui l'a déposé
à la fin de septembre 1978? Nous sommes rendus à la fin de mai
1979. Donc, cela remonte déjà à huit mois. Le plan
quinquennal n'est pas encore accepté ou refusé. On voudrait en
entendre parler. Il n'y a pas une entreprise privée qui pourrait
attendre aussi longtemps pour des critères de performance ou, au moins,
accepter les plans d'investissements dans les années à venir.
Je voudrais aussi savoir du ministre pourquoi cela prend tant de temps
à avoir les bilans des sociétés d'État ou les
états financiers des sociétés d'État. Cette
semaine, je recevais justement par la poste les états financiers
intérimaires, pour trois mois de fonctionnement au 31 mars 1979, de
plusieurs sociétés privées. On a cela au 31 mars 1979.
Cela veut dire que cela ne fait même pas deux mois, et on a cela pour
toutes nos sociétés privées. Pourquoi les
sociétés d'État ne peuvent-elles pas fournir au moins leur
bilan intérimaire là-dessus? Pourquoi faut-il attendre un an et
un an et demi, et souvent deux ans, pour mettre la main sur les états
financiers des sociétés d'État.
J'ai ici avec moi un rapport sur les états financiers des
entreprises du gouvernement du Québec. J'ai vérifié encore
ce matin à la bibliothèque de l'Assemblée nationale. Ce
que j'ai, c'est ceux de 1976/77. On n'a pas encore 1977/78 et on est rendu en
1979. Est-ce normal que nos sociétés d'État doivent
attendre aussi longtemps, alors que des multinationales aussi importantes que
Consolidated Bathurst ou Canadien Pacifique peuvent, deux mois après la
fin de leur exercice financier, faire part au moins à leurs
actionnaires, d'un sommaire de l'état financier de l'entreprise.
Cette question est extrêmement importante, car si le gouvernement
n'a pas les instruments capables de lui fournir une analyse exhaustive de la
situation de ces sociétés d'État, il sera difficile, sinon
impossible de définir clairement la place qu'il entend faire à
ces créatures de l'État. Ce n'est pas seulement une gestion si on
veut leur faire la place et si on veut les surveiller. Il faut au moins savoir
où elles sont allées dans le passé. De plus, sans ces
renseignements, il sera difficile, sinon impossible pour le gouvernement de
nous dire dans quelle mesure les sociétés d'État ont
d'abord été créées, et ensuite, se sont
développées selon une politique économique
cohérente. Comme je disais tout à l'heure, est-ce qu'on les fonde
à gauche et à droite et il n'y a pas de politique
économique ou s'il y a une cohérence là-dedans? S'il y en
a une, on voudrait au moins le savoir, que ce soit au niveau global ou au
niveau sectoriel.
Ce sujet m'amène à parler d'une autre question
extrêmement importante qui découle normalement d'une telle
analyse. Je fais allusion à la nécessité d'en arriver
à une meilleure rationalisation des fonds publics et de
l'activité des sociétés d'État, plus
particulièrement, sur une base sectorielle. Ici, je fais
référence, non seulement au secteur forestier, REXFOR, Donohue,
SGF, SDBJ, mais aussi le secteur minier, SOQUEM, SIDBEC-Normines, la
Société nationale de l'amiante, ainsi qu'au secteur
énergétique, l'Hydro-Québec, SOQUIP, etc. Si je m'attache
de façon plus particulière à cette question, c'est que
nous-mêmes, à titre de parlementaires, nous avons eu
énormément de difficultés à obtenir des
renseignements à jour et précis sur l'état actuel de nos
sociétés d'État.
Nous avions, entre autres, demandé aux services de recherche de
la bibliothèque des renseignements qui, à notre avis, devraient
être disponi-
bles sans trop de difficulté. Nous avons demandé, entre
autres, un relevé le plus complet possible de toutes les
sociétés d'État qui ont été
créées par le gouvernement du Québec et qui fonctionnent
toujours et un aperçu, pour chacune de ces sociétés, des
points suivants: les investissements faits par le gouvernement en avances de
fonds, en capital-actions, sous forme de prêts et conditions
rattachées à ces prêts, indiquer si les prêts ont
été remboursés ou non, les investissements sous forme de
garantie d'emprunt et, finalement, les engagements financiers pris par le
gouvernement du Québec. On n'a pas pu avoir de réponse
là-dessus.
On a demandé aussi, pour chacune des sociétés
d'État, une indication claire, depuis leur création, des
déficits encourus, s'il y a lieu, les surplus obtenus pour chaque
année de fonctionnement et, pour chacune de ces sociétés,
nous voulions avoir, depuis l'année de leur création, une
illustration, sous forme d'organigramme ou autrement, de toutes les filiales
faisant partie de ces sociétés; également pour chacune de
ces sociétés, le nombre d'employés, dans la mesure du
possible, le montant requis par année de fonctionnement pour
l'administration et la gestion interne des sociétés.
La bibliothèque du Parlement a tenté d'obtenir les
réponses à ces questions en communiquant avec le bureau du
ministre d'État au développement économique et la
réponse que nous a fournie le service de recherche était la
suivante, et je cite: "Devant l'ampleur de la recherche, ce dernier"
faisant allusion à un haut fonctionnaire du bureau du ministre "a
répondu qu'il était impossible de répondre aux
questions".
C'est grave si, du bureau du ministre, on ne peut pas répondre
à des questions aussi claires, aussi élémentaires que
celles que nous avons posées; comment va-t-on faire pour intégrer
les sociétés d'État dans une politique de
développement économique du Québec?
Or, justement, le fonctionnaire qui doit mettre de l'ordre dans les
sociétés d'État ne possède même pas les
renseignements de base que nous voulions avoir comme parlementaires. Ou il ne
les avait pas ou il ne voulait pas les donner aux parlementaires. Mais j'ai
bien l'impression qu'il ne les avait pas, il ne pouvait pas les mettre
ensemble.
Le ministre peut-il nous dire aujourd'hui si le gouvernement
possède des réponses à chacune de ces questions et
j'attends sa réponse avec impatience, des réponses
précises. Je pense que ce serait le meilleur moyen de savoir exactement
où on va avec tout ça.
En terminant, je voudrais également poser d'autres questions au
ministre qui sont de nature toujours générale et qui nous
permettraient de connaître davantage la place que le gouvernement entend
donner aux sociétés d'État.
Ici, Mme la Présidente, nous savons en outre que le gouvernement
se doit, dans ses énoncés de politiques, de rechercher un juste
milieu entre un accès d'étatisation et un accès
d'autonomie technocratique. Ce juste milieu n'est pas facile à aller
chercher, mais ce n'est pas parce qu'une chose est difficile qu'il faut
conclure qu'elle est impossible.
Le ministre est-il en mesure de nous dire, aujourd'hui, si, dans les
énoncés de politique qu'il rendra publics bientôt, il sera
possible de savoir quel sera le rôle joué par les entreprises
publiques par rapport aux investissements étrangers, la
Société nationale de l'amiante, qui va prendre des
investissements du Québec ou d'ailleurs, mais finalement pour acheter
une part, une participation dans une entreprise québécoise qui
appartient déjà à du capital étranger? Quelle sera
la place des sociétés d'État? Est-ce que les
sociétés d'État vont aider les investissements
étrangers à venir au Québec ou si on va les empêcher
de venir au Québec? Le rôle de l'Hydro-Québec
International, peut-être que le ministre peut nous parler de cela
vis-à-vis des investissements étrangers, ainsi de suite.
Ce que je voudrais savoir aussi, c'est la place qu'on pourra donner
à l'entreprise privée. Sur ce dernier point, le gouvernement
entend-il faire jouer aux sociétés d'État un rôle
essentiellement complémentaire et supplétif face à
l'entreprise privée? On a eu un exemple vis-à-vis de SIDBEC et
Quésteel qu'on a vécu il y a deux ans, à peu près;
cela, c'est peut-être important de le savoir. Quel est le rôle que
jouera l'Hydro-Québec, si on veut attirer une usine de moteurs
d'automobile en aluminium? On va se servir beaucoup de
l'électricité. Est-ce que l'Hydro-Québec va être
supplétive et va donner des taux préférentiels pour
l'électricité afin d'attirer des industries de l'entreprise
privée chez nous?
Quel sera le rôle de SOQUIP vis-à-vis de Gaz
métropolitain? Il est question d'un pipe-line qui va transporter le gaz
naturel à partir de Montréal jusqu'aux Maritimes en passant tout
le long par le Québec, en servant des ville comme Québec,
Rivière-du-Loup et Trois-Rivières. Quel sera le rôle de
SOQUIP vis-à-vis de l'entreprise privée Gaz métropolitain?
Est-ce que ce sera seulement supplétif ou si, un jour ou l'autre, ce
sera étatisé et si ce sera le rôle complet de
l'État?
Ce sont des choses que je voudrais savoir. Vis-à-vis de la
transformation de l'amiante, est-ce que ce sera la Société
nationale de l'amiante toute seule ou si on fera appel aux entreprises
privées.
Enfin, le gouvernement est-il en mesure de nous dire si un des objectifs
primordiaux qui sera confié dorénavant aux sociétés
d'État sera d'axer leurs activités vers une transformation de la
structure industrielle du Québec? On sait qu'on a une structure qui est
vétuste, qui est déficiente, particulièrement dans les
secteurs mous, peut-être sauf dans le meuble, où on a
réussi, au cours des deux, trois ou quatre dernières
années, à se moderniser d'une façon appréciable.
Est-ce que les sociétés d'État vont aider ces vieilles
structures à se transformer ou si les sociétés
d'État prendront une participation très accrue ou à peu
près exclusive dans les industries de pointe? Est-ce que les
sociétés d'État vont se lancer dans des domaines
comme l'automobile? On en traitait hier, justement, on disait: On voit que le
Québec est déficitaire, chaque année, peut-être de
$3 milliards en pièces d'automobiles ou de camions, en pétrole et
tout cela. Est-ce qu'une ou des sociétés d'État vont
intervenir dans ce domaine pour changer la structure industrielle du
Québec?
J'aurais aussi une question à poser au ministre là-dessus
vis-à-vis de...
La Présidente (Mme Cuerrier): Pourriez-vous la
réserver pour...
M. Biron: D'accord, je poserai...
La Présidente (Mme Cuerrier): Ou bien vous terminez
rapidement, c'est presque déjà fait.
M. Biron: Non, je garderai cette question. Je pense qu'il y a
assez de questions posées au ministre pour le moment, je garderai cette
question pour après.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'État
au développement économique.
Réponse du ministre
M. Bernard Landry
M. Landry: Je dois reconnaître, Mme la Présidente,
qu'effectivement, le chef de l'Union Nationale a mis la table, comme on dit. Il
a aligné une série de questions qui sont pratiquement toutes
importantes et bien formulées et il a insisté sur le fait que je
dois y répondre le plus complètement possible et en toute
franchise. Cela tombe bien parce que c'est justement ce que j'ai l'intention de
faire. Comme cette formule de question avec débat permet de revenir
à la charge et qu'on a tout notre temps, je demande au chef de l'Union
Nationale de vérifier, dans mes réponses, ce qui ne serait pas
conforme à l'esprit de sa question et d'y revenir, de façon
qu'effectivement, comme il l'a dit lui-même, on tente de vider le plus
grand nombre de choses possible.
S'il y a donc des obscurités dans mes réponses, ce n'est
pas parce que je veux cacher la vérité, c'est parce que je me
serai mal exprimé ou que j'aurai mal compris la question et on pourra y
aller d'un échange rapide par la suite pour compléter.
Donc, en procédant, à peu près
systématiquement et dans l'ordre des questions posées, je
voudrais aborder, premièrement, cette question des énoncés
de politique économique et de stratégie de développement,
en disant d'abord que le Québec n'a jamais eu de stratégie de
développement économique ou industriel. Je ne dis pas ça
sur le ton de la catastrophe, pour dire que, parce qu'il n'y a pas eu de
stratégie, le Québec ne s'est pas développé.
Effectivement, pendant un siècle, l'économie
québécoise a subi des transformations profondes, certaines dans
un sens positif ou négatif, mais sans que tout cela ait
été l'objet formel- lement d'une stratégie. Plusieurs ont
rêvé, autour des années soixante en particulier, au point
tournant de la Révolution tranquille, de doter le Québec d'un
plan au sens économique du terme, de développement
économique. Ceux qui connaissent un peu l'histoire de la haute fonction
publique québécoise se rappellent même que ce plan a
été fait ça s'appelait le plan A-1 et
c'était empreint d'une telle naïveté que certains l'ont
appelé le "plan rataplan".
Effectivement, c'était empreint d'une certaine
naïveté. Le Québec est une économie
décentralisée, au sens strict du terme, c'est-à-dire que
les centres de décision sont partout et nulle part et dispersés
dans un très grand nombre d'entreprises privées où des
"décideurs" font ce qu'ils veulent bien faire, en répondant, dans
la mesure du possible, aux demandes du marché et, s'ils ne le font pas,
la sanction est cruelle et c'est la règle de base de l'activité
économique privée, c'est la faillite.
Par conséquent, une économie décentralisée,
déconcentrée et, en ce qui me concerne et en ce qui concerne le
gouvernement, il est bien qu'il en soit ainsi, fondamentalement.
Également une économie ouverte sur le monde. L'économie du
Québec est beaucoup plus exportatrice et importatrice par rapport
à son PNB que, par exemple, la puissante économie des
États-Unis d'Amérique. Contrairement à une opinion
répandue, même si les montants exportés, les volumes
exportés par les Américains sont énormes 225
millions de consommateurs solvables proportionnellement, les
États-Unis sont une économie relativement fermée. 5% ou 6%
seulement du PNB américain transite à l'exportation et il y a une
longue tradition protectionniste du Congrès américain, qui tend
à s'atténuer depuis quelques années. (10 h 30)
Au Québec, et au Canada dans une certaine mesure, les
frontières ont toujours été largement ouvertes à un
flot considérable d'exportations et d'importations. Pour cette raison,
la planification économique au sens soviétique ou même au
sens français du terme n'est ni souhaitable, ni désirable, ni
possible dans une économie qui a les caractéristiques de la
nôtre. J'ajoute une dernière raison qui, pour le gouvernement du
Québec, est une raison déterminante, une raison massue, le
gouvernement du Québec, comme je l'ai dit à plusieurs reprises,
est en matière économique, un gouvernement junior et un
gouvernement secondaire.
Je ne qualifie pas le phénomène, je ne dis pas que c'est
bon ou pas bon, parce que ce n'est pas le temps d'en parler aujourd'hui. Si on
était dans un débat sur la souveraineté-association, je
m'élèverais de toutes mes forces contre cette domination de la
politique économique par le gouvernement du Canada, mais je ne fais pas
de qualificatif, je dis que c'est la réalité. Le gouvernement
économique du Canada, c'est le gouvernement central qui a à sa
disposition le plus grand volume, le plus grand volant de trésorerie en
matière fiscale comme en matière de dépense, qui
contrô-
le l'institut d'émissions, la Banque du Canada et ses politiques
monétaires et qui s'occupe également du commerce extérieur
de I'import-export, des travaux d'infrastructure, la canalisation du
Saint-Laurent, les chemins de fer, le transport aérien.
Par conséquent, celui qui voudrait planifier l'économie du
Québec, à partir de la base de pouvoirs que possède le
gouvernement du Québec, se mettrait dans une situation ridicule. Il
n'aurait aucune espèce de crédibilité dans les milieux
d'économie ou d'affaires. Même si le gouvernement du Québec
avait les pouvoirs, je crois fondamentalement qu'il les aura, le peuple
québécois... Robert Bourassa parlait de souveraineté
culturelle, pensait que c'était fondamental et indispensable, il ne l'a
pas obtenue, mais il la voulait sincèrement, je pense, pour les
mêmes raisons que nous voulons la souveraineté économique,
nous la pensons indispensable, fondamentale.
Contrairement à la souveraineté culturelle, je pense que
nous l'aurons et nous aurons les deux. Mais même quand l'économie
du Québec sera contrôlée et dirigée surtout par le
gouvernement national des Québécois, il n'est pas sûr du
tout qu'il faudrait que nous nous mêlions de tout et que nous allions
tenter de planifier l'économie, même d'une manière
indicative j'insiste là-dessus, pour ne pas que l'opinion
... je sais que le chef de l'Union Nationale ne sera pas déçu de
m'entendre dire ça quand les énoncés de politique
économique seront publiés, il ne s'agira pas d'une planification
au sens économique du terme, il s'agira d'un plan d'action.
Ce plan d'action sera précédé de deux volumes
comportant surtout de l'analyse, un bon diagnostic de la situation
québécoise au cours du dernier quart de siècle en
particulier, où les facteurs les plus négatifs, en même
temps que les plus positifs se sont surtout développés. Donc, un
bon diagnostic qui n'a jamais été fait. Je ne porte le
blâme sur personne, ce n'était peut-être pas mûr, ce
n'était peut-être pas le temps, mais il n'y en a jamais eu au
gouvernement et il y en aura un.
Deuxième volume. Rôle des agents de l'économie, les
travailleurs et leurs syndicats, les coopératives, l'entreprise
privée, le gouvernement comme agent. Enfin, dans un troisième
volume, les stratégies au sens propre du terme, c'est-à-dire le
plan d'action, ce qui doit être fait par un gouvernement du Québec
dans l'état actuel des choses et ce qui devrait être fait lorsque
ce gouvernement aura plus de pouvoirs pour mettre fin à une
période d'un quart de siècle que tous les analystes s'accordent
pour qualifier de déclin relatif de l'économie du Québec.
Je dis relatif, parce que ce n'est pas tout qui est en déclin, mais il y
a des problèmes structurels qui doivent être réglés,
un virage s'impose. Tout le monde le sait, tout le monde le dit, personne ne
l'a encore fait, parce qu'il ne faut pas être démagogique en cette
matière.
Des tendances lourdes dans une économie, qui durent depuis 25
ans, il n'y a qu'un imposteur qui pourrait dire: Je vais les changer en un an
ou en deux ans. Une tendance de 25 ans, cela demande toute l'énergie du
gouvernement et des agents économiques pour la contrer et le
résultat n'est pas immédiat. Ce n'est pas le lendemain qu'on voit
diminuer radicalement le taux de chômage, ce n'est pas le lendemain qu'on
voit se restructurer l'économie.
Le chef de l'Union Nationale a également demandé pourquoi
on avait entendu deux ans et demi pour énoncer ces stratégies. Ma
réponse, elle est claire, j'ai déjà commencé un peu
à la donner. Elle est claire et elle est double.
La première raison, c'est que cette oeuvre de diagnostic et de
constitution de stratégie de développement est une chose
extrêmement complexe, subtile, qui fait appel à un appareillage
mathématique et scientifique considérable, qui fait appel
à une collecte de données considérable et il n'aurait pas
été sérieux, on serait retombé dans le plan A-1, le
"plan rataplan" si, six mois ou un an après avoir pris le pouvoir, on
avait énoncé ces politiques, alors que le travail de fond et de
base n'était pas fini.
Donc, la première raison pour laquelle ces politiques n'ont pas
été énoncées avant, c'est parce qu'il
n'était pas possible, scientifiquement, techniquement et
honnêtement de le faire sans que ce soit de la fumisterie.
Deuxième raison et, dans sa propre intervention, le chef
de l'Union Nationale a évoqué cette deuxième raison
c'est qu'il y avait des urgences. Avant de travailler sur des diagnostics de
maladies chroniques, il y avait des catastrophes qui nécessitaient une
action urgente, catastrophes appréhendées, si je puis dire
le mot "appréhender", dans l'histoire du Canada, est un mot
extrêmement important et je pense à pâtes et papiers,
je pense à secteurs traditionnels, je pense à amiante.
Il fallait agir et agir vite pour les pâtes et papiers, et c'est
fait. Remarquez qu'on était prêt, il y a un an et demi, à
faire ce qui se fera dans les semaines qui suivent. Mais les
négociations ont traîné en longueur avec le gouvernement du
Canada, comme chacun le sait, pour aboutir, d'ailleurs, au même point
qu'il y a un an et demi. Mais on a pris un retard d'un an et demi.
Pourquoi est-ce qu'il était urgent d'agir dans le domaine des
pâtes et papiers? Il était urgent parce que, depuis plusieurs
années, dix ou quinze ans, une année sur l'autre, la part
québécoise du marché nord-américain des pâtes
et papiers diminuait relativement. Le volume augmentait et la part du
Québec diminuait. De leader absolu en matière de prix, en
matière de volume et de quantité que nous étions il y a
une vingtaine d'années, on était en train de se faire
marginaliser, lentement mais sûrement, par l'industrie américaine
naissante et croissante des pâtes et papiers.
Si on avait laissé développer ce phénomène
plus longtemps, pour ceux qui connaissent l'importance des pâtes et
papiers dans l'économie du Québec, là, c'était
vraiment la catastrophe dans cinq ou dix ans. Mais nous nous dirigeons vers
cela lentement et sûrement. Des usines vieillies. Le chef de
l'Union Nationale, qui s'intéresse aux questions économiques, a
dû visiter des usines. J'ai visité des usines où j'ai vu
des machines qui ont été installées à la fin du
siècle dernier. Et, dans un cas en particulier, une de ces machines va
aller au musée, quand ils vont faire le plan de
rééquipement. Elle est tellement vieille que cela vaut la peine
de la montrer aux générations futures, pour qu'elles sachent
comment on faisait cela à la fin du XIXe siècle. Donc, il y avait
urgence. On a fait cela.
Secteurs traditionnels. Je l'ai dit à plusieurs reprises, quand
nous sommes arrivés au pouvoir et que nous nous sommes penchés un
peu, à la manière d'un médecin, sur les secteurs
traditionnels qu'on appelait secteurs mous mais je ne les appelle plus
secteurs mous parce qu'ils se sont raffermis on se demandait si ces
secteurs étaient bons pour la salle d'autopsie ou pour la salle de soins
intensifs et de soins d'urgence.
Les anciens gouvernements, dans une attitude technocratique, parlaient
de "phasing out". Je m'excuse de l'expression anglaise, mais disons que
c'était l'évanescence planifiée des secteurs
traditionnels. Et sur le plan d'une vue de l'esprit, cela pouvait être
satisfaisant de dire: On va remplacer la guenille ils disaient cela
d'une façon un peu méprisante par l'industrie de pointe,
par l'électronique, par ceci, par cela.
Oui. Mais quand tu as 100 000 personnes qui travaillent dans ces
secteurs, cela devient purement théorique de dire: On va remplacer par
la technologie de pointe, surtout que, dans la technologie de pointe, en
général, il n'y a pas tellement d'emplois de créés.
Je pense à Electrochimie, à Bécancour, CIL investit $100
millions et va créer cent "jobs", alors qu'il y a quelques jours, le
député de Bellechasse me montrait une coupure de presse dans le
sens que, dans le textile, dans son comté, pour un investissement
modeste qui pourrait être peut-être $60 000, on va créer
soixante emplois. Ce n'est pas la même chose.
Je ne dis pas que l'économie du Québec ne doit pas se
reconvertir, mais elle ne doit sûrement pas bousculer les hommes et les
femmes qui, au nombre d'une centaine de milliers, travaillent dans les secteurs
traditionnels, d'autant plus que même si nous pouvions acheter 100% de
notre production à l'étranger en matière de
vêtements, textiles, chaussures, même si on avait de l'emploi dans
d'autres secteurs pour tous ceux qui évacueraient vêtements,
textiles, chaussures, je pense qu'il ne serait pas sage de sacrifier ces
industries. Il faut toujours qu'une partie de ton marché soit desservie
par l'entreprise locale dans les secteurs traditionnels. L'expérience a
été faite par l'Angleterre, par la Suède, par l'Allemagne,
qui sont toutes venues tôt ou tard à la conclusion qu'on ne peut
pas compter uniquement sur l'étranger pour les chaussures, les
vêtements et les textiles, parce que, là, on devient esclave de
l'étranger et on a un effet de prix. Les vendeurs étrangers ne
sont pas fous. S'ils savent que tu n'a pas d'industrie traditionnelle, ils vont
te vendre à prix d'or des choses qui sont nécessaires à la
vie, le vêtement qui est nécessaire à la vie,
particulièrement sous nos latitudes.
J'ai expliqué un peu longuement au chef de l'Union Nationale
pourquoi le gouvernement a agi de façon urgente dans d'autres domaines
que la stratégie, et j'ai expliqué pourquoi, avant de faire une
stratégie, il faut vraiment avoir tous les instruments
mathématiques et avoir fait la réflexion suffisante.
Le chef de l'Union Nationale me demande aussi s'il s'agira d'une
stratégie globale ou d'une stratégie sectorielle. Je lui
réponds qu'il s'agira des deux. Il y a des problématiques
et je vais donner des exemples, pour être bien clair qui
s'abordent d'une façon intersectorielle et globale, et il y en a
d'autres qui sont sectorielles et visent une branche de l'économie ou
quelques branches de l'économie. Exemple du premier cas: approche
globale: recherche et développement. Recherche et développement,
c'est un investissement macroéconomique pour l'ensemble de
l'activité économique qui peut s'appliquer à toutes les
branches. Quand un professeur de l'Ecole polytechnique à Montréal
travaille dans son laboratoire sur une molécule, ses découvertes
peuvent aussi bien s'appliquer à la chimie industrielle qu'à la
médecine. C'est donc une approche intersectorielle et globale. Nous
aurons de ces genres d'approches. La concertation entre les agents
économiques est aussi une chose globale. Au sommet économique de
Montebello auquel a assisté le chef de l'Union Nationale, il n'a pas
été question d'un secteur, il a été question de
l'ensemble des relations de travail dans tous les secteurs; il a
été question des problèmes de financement de tous les
secteurs. Toutes ces approches globales seront contenues dans nos
énoncés et il y aura aussi, préparées par chacun
des ministres sectoriels et leurs équipes et revues par l'ensemble des
ministres économiques, des stratégies qui vont viser
l'électrochimie, l'électrométallurgie, les secteurs
traditionnels, etc.
Par conséquent, il y a approche à la fois globale et
sectorielle. J'en profite pour répondre à une autre question. Le
chef de l'Union Nationale m'a parlé du comité ministériel
pour le développement économique. Il y a beaucoup de gens qui
sont intéressés comme lui à savoir si le gouvernement est
satisfait de cette nouvelle structure et ce qu'elle fait exactement. Sans
être capable d'en écrire une thèse de doctorat, parce qu'on
laissera cela aux analystes politiques et économiques dans l'avenir, on
peut dire, dès maintenant, que l'objectif majeur des comités de
développement économique comme social était d'introduire
de la cohérence dans l'action de l'État et, d'une façon,
au départ, même très modeste, simplement empêcher que
le ministre économique A ait une politique qui soit directement
opposée à celle du ministre économique B, parce que les
deux ne s'en étaient tout simplement pas parlé, n'avaient pas
fait l'analyse et n'avaient pas vu les retombées de l'une sur l'autre,
donc éviter ce qu'on a vu dans le passé, qu'un ministère
donne des primes pour planter telle chose et qu'un autre ministère donne
des primes pour
arracher la même chose. Comprenez-vous? Cela s'est vu. (10 h
45)
Deuxième objectif modeste: casser l'impérialisme des
ministères. Le député de Notre-Dame-de-Grâce est un
ancien fonctionnaire, il sait ce que c'est. Il sait que se sont
développées, dans la fonction publique, en tout bien, tout
honneur, du reste, souvent parce que les gens voulaient faire le travail, des
espèces d'empires. Le ministre de l'Industrie et du Commerce disait:
L'industrie, c'est moi. Donc, si c'est moi l'industrie et que la laiterie est
une industrie, c'est moi qui m'occupe de la laiterie. Le ministre de
l'Agriculture disait non. La laiterie, c'est une retombée directe de
l'activité agricole et cela relève de moi. Je vais vous donner un
exemple très concret; les pâtes et papiers. Le plan que vous avez
devant vous, qui est devant l'opinion publique et qui commence à
s'appliquer pour les quelque cinquante moulins du Québec, a fait l'objet
d'une bataille pendant des années, entre Industrie et Commerce qui
disait: Pâtes et papiers, c'est une industrie, je m'en occupe; et Terres
et Forêts qui disait: Les transformations d'arbres, c'est moi qui
m'occupe de cela. Qu'a fait le comité ministériel de
développement économique? Il a fait travailler ensemble le
secrétariat général au développement
économique, le ministère des Terres et Forêts et le
ministère de l'Industrie et du Commerce, sous le leadership du ministre
des Terres et Forêts, M. Bérubé. C'est lui qui a
piloté le plan, mais les fonctionnaires du MIC ont travaillé
honnêtement et loyalement avec lui, et le secrétariat
général au développement économique a assuré
la coordination.
Par conséquent, si, éventuellement, dans un avenir que je
ne vois pas prévisible, l'Union Nationale venait au pouvoir, je pense
que le chef de l'Union Nationale conserverait ces structures et les
considérerait comme essentielles. Avant cela, tous ces arbitrages, ces
impérialismes, cette coordination, cela devait aller se régler au
bureau du premier ministre et cela accumulait des piles impressionnantes de
dossiers. Tout devait aller au premier ministre. Là, les arbitrages sont
faits dans les comités de développement, ce qui permet au premier
ministre de faire des arbitrages essentiels et ultimes et au cabinet de faire
la même chose.
Pour cette première période, je pense que j'ai à
peu près épuisé mon temps, madame.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'étais en train de
vous faire signe, M. le ministre.
M. Landry: Oui, mais là, je sais...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que vous pourriez
peut-être répartir... Peut-être que M. le
député, qui a un droit de parole privilégié,
pourrait vous proposer une façon...
M. Landry: Je voudrais dire encore une chose, madame, avec votre
permission. Je sais que le chef de l'Union Nationale est resté sur son
appétit, parce que j'ai répondu à un certain nombre de ses
questions et pas aux autres. J'ai l'intention de répondre à
toutes et chacune de ses questions. C'est simplement parce que mon temps est
écoulé. J'arrête, mais je reprendrai dès que j'aurai
de nouveau la parole. Merci, madame.
La Présidente (Mme Cuerrier): Après cette
clarification, M. le chef de l'Union Nationale.
M. Bertrand: Mme la Présidente, si le chef de l'Union
Nationale était d'accord, est-ce qu'on ne pourrait pas permettre au
ministre d'État au développement économique de prendre
peut-être encore cinq minutes pour ajouter un certain nombre de
réponses? Nous serions tout à fait disposés, par la suite,
à ce que la période du chef de l'Union Nationale soit
prolongée d'autant, si cela peut permettre un meilleur dialogue.
Discussion générale
M. Biron: Le ministre a répondu à la
première partie de mes questions, presque totalement, même si j'ai
des sous-questions à lui poser sur la stratégie du
développement économique du Québec. Maintenant, sur la
deuxième partie, tout au long, sur la place des sociétés
d'État dans la stratégie du développement
économique, on n'a pas encore eu une seule réponse
là-dessus. J'ai peut-être l'impression que cela va prendre plus
que cinq minutes pour établir clairement comment nos
sociétés d'État du Québec peuvent intervenir
là-dessus.
Je voudrais tout simplement poser quelques questions et, après
cela, laisser au ministre le soin de terminer ses réponses sur sa
stratégie de développement économique. Je comprends qu'il
nous a parlé tout à l'heure des secteurs mous, en particulier, ou
des secteurs des pâtes et papiers où on a dû intervenir.
C'est sûr que les secteurs mous, en fonction de barrières
tarifaires ou de quotas d'importation, cela peut aider des secteurs mous ou
cela peut nuire, mais, quand même, je veux savoir si on va aller plus
loin dans ce domaine et si les sociétés d'État, un jour ou
l'autre, vont intervenir. C'est sûr que, tant et aussi longtemps qu'on
vit dans un régime fédéral, il faut quand même se
fier au gouvernement fédéral pour dire qu'il va y avoir des
barrières tarifaires ou qu'il y en aura moins, mais, encore là,
cela fera peut-être partie d'une négociation sur d'autres secteurs
de l'activité économique qui nous intéressent nous
aussi.
Le ministre a mentionné aussi les secteurs de pointe où
cela ne fait pas beaucoup de création d'emplois pour beaucoup
d'investissements, en les comparant au secteur mou. C'est vrai. On ne peut pas
fonctionner continuellement et toujours avec des secteurs mous. Il faut aussi
avoir une balance commerciale qui serait mieux équilibrée
plutôt que d'avoir tout simplement des secteurs dits traditionnels. Il
faut aussi...
Le ministre a une approche intéressante vis-à-vis du
domaine de la recherche et du dévelop-
pement. Ce serait intéressant de savoir de lui quelle forme
d'aide il s'attend de donner justement aux entreprises de tous les secteurs,
que ce soient des secteurs traditionnels, les pâtes et papiers ou des
secteurs de pointe, vis-à-vis de la recherche et du
développement. Là-dessus, je suis d'accord avec lui. Dans le
passé, au Québec, on n'a pas assez investi dans la recherche et
le développement et, finalement, on marchait sur l'erre d'aller avec nos
entreprises. Comme on dit chez nous, on marchait sur le "swing". Mais, un jour
ou l'autre, ça arrête, cette histoire-là. La seule
façon de pouvoir rester à la fine pointe du progrès, c'est
de faire de la recherche et du développement. Or, tout ce que le
gouvernement peut faire dans ce domaine pour encourager les entreprises, quant
à moi, je suis d'accord qu'on en fasse le plus possible, mais je
voudrais savoir du ministre la forme d'aide peut-être que c'est
prévu déjà dans son plan d'action qu'il apportera
aux différentes entreprises pour la recherche et le
développement.
Aussi, dans son plan d'action, le ministre nous parle de diagnostic, du
rôle des agents et ses stratégies d'action. Or, ce serait
peut-être bon de connaître, d'une façon encore plus
précise il nous dit que, déjà, ses deux premiers
volumes sont prêts quand ce plan d'action sera-t-il prêt et
quand pourrons-nous en discuter ici, à l'Assemblée nationale.
Il y a une chose importante à laquelle je voudrais que le
ministre réponde aussi lorsqu'il répondra vis-à-vis des
sociétés d'État. Au sujet des sociétés
d'État, on a dit tout à l'heure que ce sont $22 milliards
d'actif, 35 000 travailleurs directement. Alors, ce bilan est drôlement
important dans une stratégie de développement économique.
Le ministre nous a dit: Traditionnellement, au Québec, en
Amérique du Nord, on fait confiance aux entreprises privées avec
ce que ça comporte. Parfois, ça va bien et parfois, ça va
mal et le prix à payer pour mal aller dans une entreprise, c'est d'aller
en faillite. Mais lorsque l'État intervient directement parmi 35 000
travailleurs et $22 milliards d'actif, si on a une stratégie
vis-à-vis de la place des sociétés d'État dans le
développement économique, je pense que c'est là que c'est
important, parce qu'un seul ministre ou un comité de ministres ou le
gouvernement pourra finalement décider d'aller dans telle direction ou
telle autre et, lorsque des sociétés de $22 milliards vont dans
une direction, je pense que c'est particulièrement important
vis-à-vis du développement économique.
Les autres questions concernent, Mme la Présidente, beaucoup plus
la place des sociétés d'État que j'avais encore. Alors, je
laisserai au ministre le soin de répondre à la question
vis-à-vis de la place des sociétés d'État et,
ensuite, on pourra peut-être revenir sur certaines questions plus
précises là-dessus.
J'aimerais demander au ministre finalement ce sera
peut-être ma dernière question au sujet de son plan
d'action, quand va-t-on être en mesure de l'annoncer? Est-ce qu'on a une
date pas mal plus précise? Cela serait important. Quand sera-t-on en
mesure aussi d'en discuter? S'attend-il de convoquer une commission
parlementaire spéciale pour discuter justement de ce plan d'action du
gouvernement?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre
d'État.
M. Landry: Je vais commencer par la question la plus simple et la
dernière. Quand? J'ai dit à cette Assemblée, il y a peu de
temps, que ce serait dans quelques mois et ce n'est pas du tout pour noyer le
poisson, en aucune manière. Essayez d'imaginer ce qu'un tel
énoncé représente en termes de décisions pour le
gouvernement.
Dans un système démocratique comme le nôtre, ce
n'est pas un ministre qui dit: Voici mon plan et on le publie. Ce plan est le
plan du gouvernement et, comme le gouvernement est aux rênes de
l'État aujourd'hui, c'est le plan de l'État. Par
conséquent, il y a toute une série d'étapes, de
décisions. Il faut que le Conseil des ministres, en toute
solidarité ministérielle, approuve chacune des grandes
orientations et même des petites orientations et, ce n'est pas seulement
le rôle du ministre de l'économie. Le ministre de
l'économie a un rôle déterminant, mais le ministre des
Affaires culturelles a tout aussi le droit de se prononcer, de poser ses
questions, ses objections, de demander ses modifications, de telle sorte que
nous allons, en dépit de la période sessionnelle intense que nous
allons commencer dans quelques jours, accélérer le travail du
Conseil des ministres, mais, encore une fois, il faut compter que des
délais de prises de décisions sont absolument nécessaires,
afin que rien ne soit fait à la légère.
Il se pourrait donc que la présente session se termine sans que
le plan ne soit devant l'Assemblée nationale. Personne ne se
formaliserait s'il était déposé en dehors de notre
période sessionnelle, immédiatement au moment où nous
serons prêts, et que les mécanismes parlementaires, à la
rentrée, s'occupent de son analyse.
Alors, cette suggestion d'une commission parlementaire n'est nullement
rejetée. Elle est considérée avec beaucoup d'attention.
C'est probablement ce que nous ferons. Mais, je n'ai pas donné de date
précise et ce n'est pas pour, encore une fois, noyer le poisson. C'est
parce que je suis incapable de donner, honnêtement, une date
précise.
Revenons maintenant au coeur du sujet qui est le rôle des
sociétés d'État, l'équilibre nécessaire
entre les secteurs public et privé et les motivations pour lesquelles on
fait des sociétés d'État et pourquoi, depuis 1960 au
Québec, mais depuis 1945 en Occident, on a vu naître tellement de
sociétés d'État. Un bref rappel de la situation
présente au Québec et quelques comparaisons avec
l'étranger. Les comparaisons avec l'étranger ne sont pas toujours
extrêmement fertiles, mais c'est quand même bon de savoir ce qu'on
fait par rapport à d'autres sociétés qui fonctionnent.
Au Québec, on a une vingtaine de sociétés
d'État, $20 milliards d'actifs comme il a été dit, 35 000
personnes qui y travaillent et 1,5% de l'emploi directement relié aux
sociétés d'État. Est-ce que c'est beaucoup ou si c'est
peu, c'est important. J'entends des hommes d'affaires qui disent que le
gouvernement du Québec se mêle de tout, qu'il écrase
l'économie de sa présence par l'entremise de ses
sociétés d'État. Cela est faux! Je vais vous donner un
certain nombre de statistiques qui vont vous démontrer que le
Québec vient très loin après la plupart des pays
industrialisés décentralisés, entre parenthèses,
capitalistes, pour l'implication de l'État dans l'activité de
production directe.
En Autriche, par exemple, petit pays de 7 millions d'habitants, je
crois, avec un taux de chômage de 1%, une croissance du PNB d'environ 4%
ou 4,5% annuellement, une économie prospère, 13,7% des
travailleurs autrichiens sont dans le secteur public, sociétés
d'État. Vous vous souvenez de mon chiffre au Québec, 1,5%, en
Autriche, 13,7% et 1% de chômage. C'est un petit pays tout en montagnes,
sans richesses naturelles. Si l'Autriche était aplanie, cela ferait
peut-être un grand pays, mais en montagnes, cela ne fait pas un
très grand pays. Un petit fait amusant, une des bonnes entreprises
autrichiennes, c'est Rotax, filiale à 100% de Bombardier Québec.
Donc, 13% dans le secteur public.
En Suède, 8,2%, au Royaume-Uni, 8,1%. Remarquez qu'on ne prend
plus le Royaume-Uni comme exemple de développement économique
harmonieux. Il y a eu des périodes glorieuses, ils ont fait la
révolution industrielle les premiers, mais je pense qu'ils se sont
fatigués plus vite que les autres ou ils se sont blasés parce que
là, bien qu'ils aient de bons espoirs pour le pétrole et les
hydrocarbures, l'économie de la Grande-Bretagne, avec son vaste secteur
public, a beaucoup plus de problèmes qu'autre chose.
Bien qu'on dise que les Anglais, d'après tous les sondages, sont
les gens les plus heureux de l'Occident, le taux de suicides a diminué,
on dirait que depuis que la gloire de l'empire les a laissés, ils sont
devenus des gens équilibrés, harmonieux, campagne anglaise,
Beatles, Mary Quant. En tout cas, il y a un fichu de gros secteur public.
M. Biron: II est plus heureux avec un gouvernement conservateur,
maintenant.
M. Landry: Cela, c'est à l'usage qu'on verra. Les Anglais
ont de drôles de moeurs politiques, c'est la mère de tous les
Parlements. Il y a souvent des à-coups absolument imprévisibles,
Winston Churchill s'est fait battre après la guerre, alors qu'il avait
été l'inspirateur de son pays et peut-être le plus grand
homme d'État occidental.
La France, 7,3% des travailleurs dans le secteur public; l'Allemagne
fédérale, la Bundesrepublik, celle qu'on cite en exemple de
succès capitaliste délirant, et c'est vrai, 7,3% dans le secteur
public; des choses aussi importantes que Volkswagen sont dans le secteur
public.
Avec notre petit 1,5%, j'espère que vous avez compris et admis
qu'il n'y a pas d'abus d'influence du secteur public au Québec. Le
Canada, dont nous faisons partie et dont nous ferons toujours partie sur le
plan économique, s'est lui-même lancé à qui mieux
mieux, peut-être influencé par la Grande-Bretagne
d'ailleurs, il y a beaucoup de circulation culturelle entre le Canada et la
Grande-Bretagne, particulièrement après la guerre et avant:
Canadien National, Petrocan, Polysar, Air Canada, Atomic Energy of Canada,
Havilland, Ca-nadair, Corporation de développement, Banque
fédérale de développement. En d'autres termes, le secteur
public "Canadian" du gouvernement fédéral est probablement huit
ou dix fois plus gros que le secteur public québécois, même
si on inclut notre Hydro-Québec dans la balance. Il y a 380 compagnies
qui sont contrôlées complètement ou partiellement par le
gouvernement fédéral. (11 heures)
M. Scowen: Est-ce que je peux poser au ministre une question sur
ces chiffres pour mieux les comprendre?
M. Landry: Volontiers.
M. Scowen: Vous avez cité 1,5% comme étant le
pourcentage de la population québécoise qui travaille pour les
sociétés d'État. Sont-ce des sociétés
d'État québécoises ou toutes les sociétés
d'État québécoises et canadiennes au Québec?
M. Landry: Je vous remercie de poser la question, parce que je
vois visiblement que vous n'aviez pas saisi ce que j'ai dit. Je n'ai pas dit
1,5% de la population, d'une part, c'est de la force de travail, et,
deuxièmement, c'est vraiment dans le secteur public
québécois.
M. Scowen: Avez-vous le pourcentage pour la force de travail au
Québec, qui travaille pour les sociétés d'État
québécoises ou canadiennes au Québec?
M. Landry: Je l'ai sans doute ou je pourrais l'avoir par
recoupement. Je ne sais pas si je l'ai avec moi, j'ai des collaborateurs.
Est-ce qu'on a ce chiffre avec nous? On ne l'a pas avec nous, mais la chose est
à ce point intéressante que je peux m'engager à l'envoyer
par écrit au député au cours de la semaine, si, toutefois,
une telle statistique est disponible aussi clairement qu'il le demande.
Donc, l'importance du secteur public est énorme en Occident
aujourd'hui, et énorme dans des pays qui sont réputés pour
être des parties de la libre entreprise. Souvent, ce qui est assez
paradoxal, les pays cités comme modèles de la libre entreprise
ont un gouvernement socialiste ou social-démocrate, ce qui est le cas,
par exemple, de l'Autriche, avec le chancelier Bruno Kreisky, socialiste, avec
la Bundes, République fédérale toujours, depuis sa
fondation, influencée profondément par les
sociaux-démocrates, par les socialistes, par les
chrétiens-démocrates, avec la
France souvent gouvernée par des gouvernements socialistes ou des
coalitions de tendances sociales-démocrates.
Il ne faut donc pas faire et c'est le point principal que je veux
tirer de ça, la conclusion principale que je veux tirer de la
présence des sociétés d'État une ligne
idéologique. Cela fait partie de la politique du présent
gouvernement de ne pas être idéologique sur les
sociétés d'État. Ce n'est pas parce qu'on
préfère une entreprise capitaliste ou une entreprise
d'État ou une entreprise coopérative, c'est simplement parce que
l'on recherche, au Québec comme ailleurs, la meilleure formule pour
faire la meilleure performance dans un secteur donné ou l'autre. C'est
une différence énorme du reste avec les pays qui sont
guidés par des idéologies. L'économie soviétique ne
recherche pas le meilleur instrument pour jouer tel ou tel rôle de
production. L'économie sociétique part du postulat que les
entreprises doivent être nationalisées ou coopératives et
que l'activité de l'entreprise privée est néfaste en soi,
ce qui, de toute évidence, n'est pas le cas pour les gouvernements
occidentaux que j'ai nommés et n'est pas le cas pour le gouvernement du
Québec, ni maintenant, ni dans l'avenir.
Pourquoi y a-t-il des sociétés d'État au
Québec? Quelles ont été les motivations des gouvernements
qui les ont créées et il s'en est créé en
pagaille à partir de 1960 ? Je vous donne une analyse du
passé qui peut être utile, c'est une analyse personnelle, ce n'est
pas le présent gouvernement qui a fait ça, ça s'est fait
comme ça. Je pense qu'une des premières motivations de la
naissance des sociétés d'État, de la nationalisation des
compagnies d'électricité, en particulier en deux trains de
mesures, 1944 et 1962, a découlé d'abord du nationalisme
québécois. Cela peut paraître étrange dans une
discussion qui, normalement, devrait être de caractère purement
économique, ça ne l'est pas. J'ai la conviction profonde que si
les Québécois ont voté massivement pour la nationalisation
de Montreal Light & Power et ensuite Shawinigan et ensuite Southern Canada
Power et Quebec Power, c'est parce que le nationalisme québécois
requérait le contrôle sur sa richesse naturelle la plus
évidente, la plus absolue, et qui l'est de jour en jour,
l'hydroélectricité.
Il y a eu également d'autres motivations plus économiques,
celles-là. Je vais donner comme exemple SIDBEC. Je sais que cette
malheureuse société est souvent la tête de turc du chef de
l'Union Nationale. Il n'a pas toujours tort, je n'ai pas sa
sévérité vis-à-vis de SIDBEC.
SIDBEC a été constituée, selon moi, pour des
raisons beaucoup plus économiques. Le gouvernement du temps s'est rendu
compte qu'une industrie secondaire du Québec, une industrie secondaire
que le chef de l'Union Nationale connaît bien, c'est la tradition de sa
famille, était privée d'un approvisionnement à coût
concurrentiel fondamental, l'acier. L'acier était fait en Ontario et
dans l'Est surtout, avec quelques petits noyaux au Québec, je n'en
disconviens pas, mais le gouvernement a décidé de permettre
à l'indus- trie secondaire du Québec, c'était son
intention formelle, de s'approvisionner d'une sidérurgie qui serait
près des marchés de distribution et de consommation.
C'est la raison pour laquelle SIDBEC est née. Quoi qu'on dise,
c'est le chef de l'Union Nationale qui pose les questions, mais j'aimerais
qu'il me réponde à cause de son expérience dans le domaine
de l'acier. N'est-il pas exact qu'en dépit de tous ses malheurs, SIDBEC
a eu, à plusieurs reprises, un effet sur les prix de l'acier pour les
consommateurs québécois, les genres d'acier d'armature, de
structure, etc. et que, si SIDBEC a encouru des déficits énormes,
elle a permis à des entreprises québécoises de faire des
profits, parce qu'elles ont pu s'approvisionner à une sidérurgie
qui était plus proche d'eux à tous égards, y compris
géographiquement?
On a donc là un exemple de nationalisation ou de création
de sociétés d'État de nature économique. Il y a
aussi des nationalisations qui n'ont pas été pratiquées au
Québec, heureusement, et qui ne le seront pas, mais qui ont tenu, au
cours de l'histoire, un certain caractère de vengeance. Cela n'a pas
trop mal tourné. Je pense à la nationalisation de la régie
Renault en France, par exemple. Pas pour des raisons économiques. C'est
que M. Louis Renault, qui en était le patron et l'artisan, le chef de
l'entreprise familiale, avait fabriqué des chars pour l'ennemi à
l'époque et le gouvernement français l'a puni en nationalisant.
C'est pour dire que les nationalisations, on peut en faire pour n'importe
quelle raison et pour n'importe quel prétexte.
Je pense que cette forme, au Québec, n'a jamais été
pratiquée, est à proscrire et à combattre et ne le sera
jamais. Mais la raison nationale me paraît importante; la raison
économique, ça va de soi. Il y a eu des créations
d'entreprises de ce genre et il y en aura d'autres. La Société
nationale de l'amiante me semble procéder de la même philosophie
que la nationalisation des compagnies d'électricité en 1962 et du
premier train en 1944. Je m'explique un peu sur la SNA, une
société contemporaine qui est en voie d'organisation, en voie
d'acquisition d'actifs importants.
D'ailleurs, ce qui est bizarre, c'est que le gouvernement du Canada a
acheté Canadair de General Dynamics. Tout le monde a été
ravi de ça, cela a bien tourné; le programme Challenger qui
tourne à plein, c'est une des belles réussites technologiques de
l'histoire. Quand le gouvernement du Québec veut acheter une mine de la
même société General Dynamics, on en fait tout un plat et
on fait les manchettes. Cela me semble manquer un peu de relativité.
Pourquoi y a-t-il une Société nationale de l'amiante?
Premièrement, parce qu'il devenait scandaleux qu'après 90 ans
pratiquement d'exploitation de cette richesse naturelle quasi monopolistique
pour le Québec, nous n'avions pas, dans l'extraction primaire, une seule
entreprise québécoise.
Si les chefs d'entreprise québécois, les capitalistes
québécois avaient décidé, il y a 30 ans, il y a 20
ans, il y a 15 ans, il y a 5 ans, de se lancer dans
l'extraction primaire de cette richesse naturelle dans laquelle nous
avons un monopole occidental, pensez-vous que nous aurions formé la
Société nationale de l'amiante et que nous aurions induit ce
train de nationalisation? Très certainement non.
Il était devenu scandaleux, il l'était déjà
au temps d'Alexandre Taschereau. On n'avait pas le verbatim des débats,
mais on rapporte que Louis-Alexandre Taschereau avait dit lui-même aux
compagnies: II vous en reste pour quelques mois. Il a dit ça au cours
des années trente. Déjà, le scandale était
évident.
Donc, première raison, présence québécoise,
et ça procède du nationalisme bien compris et de bon aloi, le
même nationalisme qui fait que Pétro-Canada existe, par exemple;
le même nationalisme qui fait que Pétro-Canada est discutée
présentement; le même nationalisme qui a fait dire à Eric
Kierans ce qu'il a dit de la potasse dans l'Ouest; le même nationalisme
qui a inspiré le rapport Gordon; le même nationalisme qui a
inspiré une partie de la carrière de M. Walter Gordon. C'est
aussi une dimension de l'action économique.
Mais dans le cas de la Société nationale de l'amiante, il
y a plus que cela. Il y a le fait que sur le plan économique, des
dizaines de milliers d'emplois n'ont pas été créés
au Québec et ont été créés ailleurs,
à même la ressource québécoise. On parle de
centaines même de milliers de travailleurs en Occident, qui transforment
de l'amiante du Québec et qui contribuent à l'économie
nationale de leur pays, alors qu'ici nous avions la mine et les
déchets.
Un bel exemple de cela cela répond à une autre
question du chef de l'Union Nationale qu'est-ce qu'on va faire dans la
transformation? Est-ce qu'on va aller avec le secteur privé? Bien
sûr que oui. La première réalisation de la
Société nationale de l'amiante, c'est Lupel-Amiante, dans
l'ancien immeuble de Wayagamack. La production est commencée. Et cela
est un exemple extraordinaire de ce vers quoi nous allons. Nous allons vers les
entreprises mixtes, association du secteur public et du secteur privé.
Dans le cas de Lupel-Amiante, ce sont les frères Lemaire, Papier
Cascade, des entrepreneurs québécois, brillants, du reste, qui
ont des performances ailleurs, et dans d'autres usines.
Premier aspect, entreprises mixtes. Second aspect, transformation
d'amiante pour satisfaire un marché qui était, jusqu'à ce
jour, satisfait par des usines britanniques. Ce que Lupel fait dans l'usine de
Wayagamack, était fait dans les îles britanniques. Ce sont des
travailleurs britanniques qui occupaient ces emplois avant. L'amiante partait
de Thetford et s'en allait Dieu sait où en Grande-Bretagne et revenait
ici sous forme d'endos de linoléum.
Là, on a raccourci le circuit. L'amiante ne va plus en
Grande-Bretagne. Elle part de la région de l'amiante, elle s'en va
à Trois-Rivières-Cap-de-la-Madeleine et est redistribuée
dans l'économie québécoise et à l'étranger,
et vraisemblablement d'ailleurs, à cause de nos coûts de
production qui défient toute concurrence, en Grande-Bretagne.
Vous voyez la stratégie. On pense que dans une période
relativement courte, on va monter le niveau de transformation à des
sommets que personne n'aurait pu imaginer et que les compagnies d'amiante,
pendant 75 ans, n'ont surtout pas imaginé. On transformait 3% de
l'amiante et à la suite de deux ou trois projets, on va passer à
8%, un presque triplement en l'espace de un an. Cela, c'est du résultat.
Pour parodier une publicité d'autrefois, c'est de la performance,
à mon avis, et on doit continuer dans cette voie. On doit
accélérer le phénomène.
Ce propos me permet de raccrocher une question du chef de l'Union
Nationale. Il a parlé des pièces d'automobiles. Dans une
automobile, il y a une partie vitale et stratégique, sur laquelle repose
une grande partie de la sécurité et ce sont les freins. Or, les
freins, c'est fait en amiante, avec un sabot de métal. On a une
compagnie québécoise qui sait faire les sabots de métal,
qui sait faire la partie métallique et qui est une réussite assez
spectaculaire. Et nous allons ajouter la partie amiante et matériel de
friction, transformés au Québec et, tout cela encore, de concert
avec l'entreprise privée. Notre déficit automobile, je n'insiste
pas là-dessus, tout le monde le sait, c'est une vraie catastrophe. On
consomme 30% de la production automobile et on en fabrique à peu
près 5%. On l'a évoqué au débat de la semaine
dernière aussi.
Là, on a un moyen, avec un avantage comparatif, parce que c'est
nous qui avons l'amiante, de fabriquer les freins, et de fabriquer les freins
non seulement pour notre espace économique, mais pour l'espace
économique canadien et l'exportation aux États-Unis. Et la
compagnie québécoise qui fait des freins actuellement, fait des
freins pour à peu près tous les Cadillac qui sont produits, que
le Cadillac soit vendu à Gaspé, à Chicoutimi ou à
San Clemente. Cela fait un marché absolument fantastique. Vous voyez une
retombée de l'action d'une société d'État.
Pour me résumer et vous avez voulu savoir la philosophie
globale du gouvernement sur le rôle des sociétés
d'État dans l'économie je vous dis premièrement
qu'une société d'État, à moins de raisons majeures,
doit faire de l'argent. Une société d'État est soumise
à la règle du profit. Et la règle du profit n'est pas une
règle socialiste, capitaliste ou coopérative, c'est la
règle du bon sens. Le profit, c'est la différence entre les
dépenses de l'entreprise et ses rentrées et cette
différence s'appelle profit. Qu'est-ce qu'on fait avec le profit? On
rémunère le capital investi et on fait de l'expansion. Une
entreprise, qu'elle soit publique, privée ou coopérative, qui ne
fait pas de profits, premièrement, est en train de creuser sa propre
tombe, parce que tu ne peux pas remplir le trou avec l'argent des taxes,
indéfiniment. Elle creuse sa propre tombe et deuxièmement, elle
ne contribue pas à la richesse nationale ni à l'enrichissement
national. Elle contribue à l'appauvrissement national. (11 h 15)
Je suis heureux de vous dire que la plupart des entreprises du secteur
public québécois font
de l'argent. C'est une autre des questions que vous m'avez
posées, à savoir quels sont les résultats. Je vais vous
donner un certain nombre d'exemples: En 1977/78, SDI, $1 400 000 de profits; la
Société des alcools vous me direz: C'est facile parce que
ce n'est pas demain que les gens vont arrêter de consommer des produits
vendus par la société $173 millions de profits
c'est un monopole Forano qui a eu des heures noires, comme vous le
savez, $693 000 de profits; Volcano, filiale de la SGF, $884 000 elle
est passée d'une perte assez lourde au cours des dernières
années et elle est redevenue dans le noir, comme on dit. Quand le
gouvernement a cessé d'être rouge, l'encre des
sociétés d'État a cessé d'être rouge en
même temps, cela a tombé comme cela. Donohue, compagnie
forestière, filiale de la SGF, $8 millions de profits; Cegelec
Industries, $3 millions; LaSalle Tricot, $360 000; Sogefor, $2 600 000;
Hydro-Québec, la plus grande compagnie du Canada, $381 millions de
profits. Cela, c'est d'être dans l'argent, comme on dit. Cela illustre
bien que ce n'est pas parce qu'une société est une
société étatique qu'elle ne peut pas être une
société extraordinaire au plan de la rentabilité et
à tout point de vue.
L'Hydro-Québec qui, comme je l'ai dit, a été
nationalisée pour des raisons nationalistes et économiques est
devenue un signe de fierté pour les Québécois en termes
d'administration, en termes de services, en termes de recherche avec l'IREQ, en
termes d'exportation de technologie, Hydro-Québec internationale qui va
aller dans tous les pays du monde vendre les techniques conçues par des
Québécois, l'Hydro-Québec qui contribue sur le plan
macro-économique déjà depuis un quart de siècle
à la prospérité du Québec. Cela a été
Bersimis, cela a été Manic 5 et, maintenant, c'est le complexe La
Grande et c'est LG 2 qui va rentrer en production à l'automne. Ce sera
un événement mondial, dans un univers assoiffé
d'énergie, qu'on puisse rentrer plus de 100 mégawatts et faire de
LG 2 la plus grande centrale de l'Hydro-Québec qui va
détrôner Beauharnois, Beauharnois qui avait été
fait, comme chacun le sait, par Montréal Light Heat and Power avant que
Hydro-Québec existe. La Caisse de dépôt et placement, une
des plus grandes banques du Canada, sinon la plus grande, secteur public bien
géré, bien administré, extrêmement profitable,
à telle enseigne que la Caisse de dépôt est le plus gros
actionnaire individuel de CPR; SOQUIA, $62 000 de profits,
Société de cartographie, il y en a des petites.
Il y en a qui perdent aussi. Le chef de l'Union Nationale m'attendait.
Il faut dire qu'il y en a qui perdent et qui perdent largement: SIDBEC, perte,
$28 millions, en 1977; REXFOR, $5 millions; Raffinerie de sucre
Raffinerie de sucre, cela tombe mal, c'est un peu injuste pour elle, elle a
presque toujours fait des profits, de petits en 1977/78, elle a perdu
$207 000; et Marine Industrie, l'histoire des bateaux, bateau dans lequel le
présent gouvernement ne s'est pas embarqué, il a
été embarqué par ses prédécesseurs, mais il
a fallu qu'on navigue et qu'on se retrouve dans cette galère, $34
millions de perte.
Je dois dire, par ailleurs, à la décharge de SIDBEC et de
Marine je voudrais bien que le chef de l'Union Nationale me donne
ensuite ses commentaires là-dessus la sidérurgie, au
Canada, comme vous le savez, à l'époque de grands
développements, quand il n'y avait pas d'impôt sur le revenu,
quand il n'y avait pas de syndicats ouvriers et qu'on construisait des chemins
de fer, des locomotives, des rails, était surtout installée en
Ontario, a eu le temps de se consolider, à la fin du siècle
dernier et la sidérurgie canadienne une des plus puissantes et des plus
solides du monde, avec une politique très habile de toujours
sous-investir et ne jamais aller s'embarquer dans de grands investissements
pour faire face à des demandes qui vont venir dans dix ans. Elle
était toujours un peu sous-investie et les gens ont toujours fait de
l'argent plein leurs poches. C'est une des seules sidérurgies au monde
qui ait réussi à rester dans l'argent même aux
périodes noires.
Les grands consortiums américains, Bethlehem Steel, etc., ont eu
des périodes très difficiles il y a deux ans. La
sidérurgie française, la puissante sidérurgie allemande,
les Japonais eux-mêmes ont perdu de l'argent. SIDBEC qui est née
il y a une dizaine d'années et qui avait un mandat difficile, une
mission extrêmement difficile, une sidérurgie
intégrée de la mine au train de laminage, éventuellement
à la chaîne de galvanisation, à la chaîne de
peinture, c'est un mandat surhumain.
SIDBEC j'ai dit pourquoi, tout à l'heure face aux
consommateurs d'acier, n'est pas un désastre intégral. Ce n'est
pas vrai, sur le plan économique, et même sur le plan technique,
le procédé de réduction Midrex, employé par SIDBEC,
est en train d'ouvrir un modèle à l'ensemble des
sidérurgies de cette dimension dans le monde. Les Midrex de SIDBEC, pour
la même capacité de réduction, demandent un investissement
qui est la moitié de l'investissement en sidérurgie
conventionnelle. Avec ses trois trains de laminage, le Steckel, le Sendzimir,
des machineries, comme vous le savez, qui ont été achetées
de Dosco, et qui n'étaient peut-être pas ce qu'il y avait de mieux
à l'époque, mais, en tout cas, avec ce matériel que SIDBEC
a eu entre les mains, elle a fait des choses quand même acceptables. Je
finis par une parenthèse d'un beau cas qui passionne le chef de l'Union
Nationale, Quésteel. Vous vous souvenez de tout ce qu'on a dit, tout ce
qu'on a discuté sur Quésteel. Quésteel a été
victime d'une mauvaise conjoncture dans la construction. C'était une
entreprise privée. On avait prévu que l'usine coûterait $30
millions et elle en a coûté $70 millions. Tout le monde s'est
rendu compte, à ce moment, que, quand tu dépasses du simple au
double tes coûts de construction, tu es foutu pour la rentabilité,
et, à moins d'une chance inouïe et d'un miracle qui n'est pas
arrivé, c'est la faillite qui guette. C'est ce qui est arrivé.
SIDBEC a racheté le train de laminage de Longueuil, a racheté les
deux fours, a remis cela en production. À cause de la conjoncture de
l'acier, les deux
fours n'ont pas été nécessaires, mais SIDBEC me dit
qu'elle va mettre en production un des deux fours très bientôt.
Elle a payé cela, je dois le dire, une bouchée de pain et c'est
un des secteurs rentables de l'activité de SIDBEC.
Vous voyez comment le secteur public peut aller à la rescousse
d'une mésaventure du secteur privé, en faire un succès,
conserver des emplois et conserver de la machinerie au travail. Le train de
laminage de Quésteel, c'est un des meilleurs de sa catégorie au
monde. SIDBEC le fait fonctionner aujourd'hui. Peut-être qu'au moment
où on parle, il y a des travailleurs québécois qui sont
là.
Si on n'avait pas eu SIDBEC, si on n'avait pas eu le secteur public, qui
aurait acheté Quésteel? On n'a pas eu d'offre. On a sauvé
l'affaire.
Ce sera le dernier mot que je dirai sur cette période de la
discussion. Ce n'est pas une question idéologique qui fait qu'on
nationalise ou qu'on ne nationalise pas. C'est une question de trouver le bon
instrument pour faire le bon travail au bon moment, et, en
général, parce que l'entreprise privée ne l'a pas
fait.
Si les capitalistes québécois en 1950 nous avaient
dotés d'une sidérurgie puissante comme celle qui se trouve en
Ontario aujourd'hui, c'est sûr qu'il n'apparaîtrait pas $30
millions de perte dans le patrimoine public. On ne serait pas allé dans
ce domaine, j'en suis sûr.
Si les capitalistes québécois avaient exploité
l'amiante, qui a été découverte par un fermier du nom de
Fecteau, il y a 90 ans, et s'ils l'avaient transformé ici, vous n'auriez
pas devant l'Assemblée nationale une loi amenant la nationalisation
d'Asbestos Corporation.
Le Président (M. Laberge): Merci, M. le ministre. M. le
chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Par courtoisie pour mon excellent ami, le
député de Notre-Dame-de-Grâce, je lui laisserai la parole
et je reviendrai après.
M. Scowen: M. le Président, je vous remercie. La
présidente m'avait avisé, avant de quitter temporairement,
qu'elle avait donné la parole au député de
Brome-Missisquoi. Après, je suis prêt... mais c'est comme vous
voudrez.
M. Russell: Je pense que la courtoisie veut ceci: L'Union
Nationale a parlé, alors le porte-parole du Parti libéral peut
parler. Je reviendrai après, simplement comme...
M. Landry: C'est l'extrême politesse. Cela contraste avec
vendredi passé, où cela ressemblait plus à la foire
d'empoigne.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre, j'étais
absent vendredi dernier, alors je ne sais pas.
M. Landry: Cela bardait vendredi dernier, mais, ce matin, tout le
monde est d'une politesse exquise. Tirez les premiers, messieurs.
M. Bertrand: On pourrait peut-être en profiter pour
créer deux ou trois sociétés...
Le Président (M. Laberge): C'est tant mieux. M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Scowen: C'est peut-être parce que le ministre a mieux
dormi hier soir. Je ne peux pas l'expliquer moi-même. Parce qu'il y a
plusieurs intervenants, j'avais d'abord l'idée de trancher mes
questions, parce qu'il y a des sujets différents, mais je vois qu'il y
en a deux ou trois qui vont parler après. Je vais prendre mes 20
minutes, je vais épuiser mes questions. Par après, le ministre
peut répondre, ou tout de suite, dans le contexte de sa conversation
avec le chef de l'Union Nationale. Je dis simplement que j'ai fait le choix. Je
suis un peu étonné ce matin, parce que je suis rendu ici pour
travailler à un plan plus précis, si vous voulez, sur les
sociétés d'État mêmes. Je vois comment le
débat a été élargi.
On parle de la politique économique, un peu de tout. J'ai des
questions précises sur les sociétés d'État et je
vais y revenir après. Mais je pense qu'il y a certaines questions qui
ont été suscitées par les commentaires du ministre et je
veux au moins les poser. Peut-être pourra-t-il y revenir.
Premièrement, il a parlé de son plan économique et
je pense qu'il a bien encadré les problèmes qui se
présentent quand on décide de faire un plan. Mais j'ai deux
questions assez précises. Il a parlé de trois volumes.
J'ai remarqué, dans le programme officiel du Parti
québécois, dans la partie qui touche au développement
économique que le parti s'engageait à créer un plan
indicatif élaboré par des représentants, en nombre
égal, des travailleurs et d'autres parties de la population, des
entreprises et d'autres pouvoirs publics, ainsi de suite.
La première question: Est-ce que le plan dont il parle, c'est ce
plan-ci, ou est-ce que ce plan, qu'ils se sont engagés à faire il
y a deux ans avec la population, est quelque chose qui n'est pas encore en
cours de route? Est-ce qu'ils ont décidé de laisser tomber
celui-ci, qui est d'une nature participante?
Deuxièmement, il y a les éléments d'un plan
économique dans le programme officiel du Parti québécois,
surtout dans le chapitre 3, les entreprises, dans le chapitre 6 et on peut dire
que toute cette partie touche notre vie économique.
Il y a certainement des éléments qui contredisent un peu
l'attitude du ministre. Je prends, à titre d'exemple... Il a dit que,
dans le domaine de la création des sociétés d'État,
il n'y a rien d'idéologique. C'est le pragmatisme pur et simple. Mais je
vois dans le programme officiel du Parti québécois, et je cite:
"... favoriser, comme forme prioritaire d'intervention dans l'économie,
une extension soutenue du secteur public."
Alors, pour moi, ce n'est pas explicité. Il y a, entre
parenthèses, entreprises d'État et mixtes, mais pour moi,
ça relève plutôt d'une idéologie, d'un plan de base,
d'une philosophie de base plutôt que d'un pragmatisme simple. Alors,
ma
deuxième question au ministre... Premièrement, est-ce
qu'en gros, le plan économique qu'on attend du ministre, du
ministère ou je ne sais pas exactement de qui, le plan dont il parle,
est-ce qu'on peut s'attendre qu'il va reprendre en gros les
éléments, les attitudes, les idéologies, les points de vue
qu'on voit dans ce programme officiel du Parti québécois qui
date, cette version-ci, de 1978?
Je passe ensuite à une deuxième question. C'est un peu
délicat, parce que ça touche aux questions
fédérales.
Le ministre, ce matin, ne pouvait pas résister à la
tentation de parler un peu du plan d'indépendance du Québec. Il a
parlé de la domination fédérale.
Je veux lui rappeler, M. le Président, que le premier ministre,
hier... Il nous a dit que, jusqu'ici, depuis deux ans, aucun de ses ministres
ou députés n'avait parlé du plan de
référendum ou d'indépendance, parce que chacun s'occupait
à 100% du bon gouvernement. C'est la cause du problème
aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle ils perdraient certainement le
référendum s'il était tenu aujourd'hui, d'après le
premier ministre. Il a défendu à ses ministres et à ses
députés, hier, de parler de ces choses jusqu'à mardi
prochain, minuit. Je veux simplement rappeler au ministre, quand je pose cette
deuxième question, que le premier ministre est probablement à la
télévision en ce moment; il doit faire attention à sa
réponse, parce que c'est défendu. Il y a un moratoire,
d'après le premier ministre, jusqu'à la semaine prochaine,
après les élections fédérales.
Mais la question que je veux poser, c'est dans le domaine des
pâtes et papiers. Il parlait de la nécessité de
restructurer cette industrie et il a parlé, bien sûr, des
anciennes usines, des anciennes machines que je connais moi-même, par
expérience, mais on vient de conclure une entente
fédérale-provinciale avec cette industrie. (11 h 30)
J'aimerais avoir certaines précisions. Premièrement, quel
est le montant maximal qui sera versé dans ce programme de relance par
les trois éléments, le fédéral, le Québec et
l'industrie elle-même? Quel est le pourcentage? Est-ce que le
fédéral est là pour 30% et nous pour 30% et l'industrie
pour 40%? Quel est le pourcentage? J'aimerais aussi savoir du ministre, comme
ministre du bon gouvernement québécois, provincial, comment il
voyait les négociations qui ont été faites? Est-ce que les
négociations avec le fédéral, qui semble-t-il ont
été conclues à la satisfaction de tout le monde, se sont
déroulées dans une atmosphère de bonne entente, de bonnes
relations? Comment se fait-il que cela ait été
réalisé? Est-ce que cela a été fait grâce
à nos efforts inouïs contre un fédéral
récalcitrant ou s'il y avait une coopération? J'aimerais avoir
une description de cette entente qui semble avoir été
réalisée d'une façon satisfaisante pour tout le monde.
C'est peut-être un exemple d'un système fédéral qui
peut fonctionner.
La prochaine question que je veux soulever je reviendrai plus
tard aux sociétés d'État touche la
société SIDBEC et surtout les chiffres. C'est une
légère critique que je veux faire au ministre. Il a d'abord
parlé, ce matin, de cette question de lancer les chiffres pour expliquer
sa position, très vite et dans une présentation qui, pour moi, a
été très impressionnante, franchement, de temps en temps,
mais qui est souvent incomplète. Je porte à l'attention du
ministre cette question du 1,6%. Il a dit qu'il n'y a que 1,6% des
Québécois qui travaillent pour les sociétés
d'État, mais il laisse tomber CN, Air-Canada et toutes les
sociétés d'État qui font partie de notre réseau
canadien et où beaucoup de Québécois travaillent.
Je porte à son attention l'importance que cela a, parce qu'il a
comparé le Canada à l'Allemagne. Or, tout le monde sait que
l'Allemagne, un pays très fort, est aussi un pays fédéral
avec les deux gouvernements. C'est un autre système
fédéral qui fonctionne très bien, exactement comme le
nôtre. J'ai l'impression que quand il a cité les chiffres pour
l'Allemagne, il a donné les chiffres pour les sociétés
d'État des provinces de l'Allemagne et les chiffres pour les
sociétés d'État de l'État fédéral
allemand. En effet, il a mis les deux ensemble. Mais, quand il a parlé
du Québec, il a seulement donné les chiffres du Québec
même.
Je pense que c'est simplement pour démontrer qu'il faut faire
attention aux chiffres qui sont lancés non seulement par le ministre,
mais par nous tous.
C'est un préambule à une brève discussion
concernant SIDBEC. SIDBEC est, pour nous, un fardeau épouvantable. Les
citoyens de Québec ont investi, ont payé, depuis douze ans
maintenant, à peu près $300 millions en perte pour lancer une
industrie de sidérurgie. En effet, la compagnie SIDBEC a vendu, depuis
douze ans, de l'acier et des produits de l'acier à un prix
inférieur à leurs coûts d'à peu près $300
millions. C'est nous, les contribuables québécois, qui avons
subventionné les clients du SIDBEC depuis ce temps.
Le ministre a dit qu'il y avait des problèmes dans le domaine de
l'acier, que tout le monde a perdu. C'est quelque chose que le président
de SIDBEC avait tendance à dire aussi et c'est quelque chose qu'on peut
dire très vite, mais ce n'est pas vrai. J'ai les chiffres ici qui datent
de huit ans...
M. Landry: M. le député... M. Scowen:
Le...
M. Landry: Vous vous trompez certainement dans
l'interprétation des faits, M. le député, quand vous dites
que je prétends que tout le monde a perdu, j'ai insisté
lourdement pour dire que la sidérurgie canadienne n'avait pas perdu. Je
pense avoir été extrêmement clair sur cette question.
M. Scowen: Je vous remercie...
M. Landry: J'aimerais qu'on ait au Québec l'appareillage
sidérurgique qu'il y a en Ontario.
M. Scowen: ... ce n'est jamais le sens des paroles de l'ancien
président de SIDBEC qui a rempli les journaux et les ondes avec
l'efficacité de cette compagnie. En effet, les trois grandes compagnies
à part SIDBEC qui travaillent, qui fonctionnent au Canada,
ont été comme vous le savez toutes très
rentables...
M. Landry: Je sais, comme j'ai dit...
M. Scowen: ... on est parfaitement d'accord là-dessus.
Vous avez dit aussi que SIDBEC a perdu beaucoup d'argent c'est la seule
compagnie canadienne les contribuables québécois ont
assumé cette perte, mais c'était bien dans un sens, parce que les
acheteurs d'acier québécois avaient la possibilité
d'acheter depuis ce temps de l'acier de notre propre société
d'acier, à des prix plus favorables qu'ils pourraient acheter le
même acier des trois grandes compagnies canadiennes Algoma, Dofasco et
Stelco.
Franchement, M. le ministre, je pense que vous devez supporter cette
allégation avec un témoin des compagnies qui peuvent nous donner
la dimension des bénéfices qu'elles ont fait pendant cette
période, en achetant de SIDBEC plutôt que des autres. J'ai
l'impression que vous verrez que si elles ont économisé de
l'argent, parce qu'elles avaient la possibilité d'acheter à
meilleur prix de SIDBEC que de DOSCO, ce n'est pas beaucoup, c'est quelque
chose relativement au transport. Le système de frais de transport est un
peu compliqué dans les sociétés d'acier. Je suis
persuadé que vous ne pourrez pas déposer devant nous des exemples
concrets, des sommes importantes, d'importantes compagnies
québécoises qui sont dans la transformation de l'acier, qui
peuvent dire: Écoutez, si on n'avait pas SIDBEC, on aurait dû
acheter de l'acier beaucoup plus cher ailleurs.
J'aimerais avoir ces précisions, je pense que c'est quelque chose
que vous devez supporter. Un dernier point avant que je vous pose deux
questions sur les sociétés d'État mêmes M. le
Président, où en suis-je?
Le Président (M. Laberge): Vous avez utilisé quinze
minutes de votre temps.
M. Scowen: Quinze minutes, alors, je vais parler très
vite. Le dernier point, c'est sur la question de l'amiante...
M. Landry: II faut qu'on comprenne quand même.
M. Scowen: Pardon?
M. Landry: Arrangez-vous pour qu'on comprenne, même si vous
parlez très vite.
M. Scowen: Oui, pour le ministre c'est souvent difficile,
même quand je parle lentement. Je vais faire mon possible.
M. Landry: Posez-vous des questions sur l'ensemble de la Chambre,
M. le député.
M. Scowen: L'amiante... La compagnie Asbestos a
décidé d'acheter l'amiante et je cite le ministre à
peu près "Parce que les compagnies d'amiante n'avaient pas fait
de transformation ici depuis des années". Pour moi et c'est la
nième fois qu'on le répète c'est une solution
simpliste et la cause et les effets ne sont pas reliés. On peut dire: On
veut créer une SIDBEC, on veut faire la transformation de notre minerai
de fer, c'est essentiel de nationaliser The Iron Ore Company. On peut dire
qu'on veut assurer l'avenir de notre industrie du textile, alors il faut
natinaliser DuPont. On veut garantir la croissance de nos imprimeries
québécoises, alors, on nationalise la compagnie Rolland Paper,
parce que c'est cette compagnie qui fabrique le papier. Pas du tout et
tout le monde le sait, M. le ministre on ne peut pas dire que, pour
développer un secteur secondaire dans n'importe quel domaine, ce soit
nécessaire d'acheter et de nationaliser les compagnies qui fabriquent
des matières brutes. Ces deux problèmes ne sont pas du tout
liés, pas du tout. La preuve, M. le Président, c'est que le
ministre vient de parler de développement, de la création d'une
industrie à Wayagamack, qui va faire la transformation des produits de
la fibre d'amiante ici, bien avant qu'on ait nationalisé la
société d'Asbestos. C'était une initiative
suscitée, comme il l'a dit, par le secteur public, par le secteur
privé. Cela va rester, même si I'Asbestos n'est pas
nationalisée.
Il y a des moyens de créer beaucoup plus d'industries secondaires
qui utilisent notre matière première, dans le cas de l'amiante,
ou la matière première des autres, comme j'ai dit hier, comme
dans le cas des boulangeries qui utilisent le blé de la Saskatchewan. On
peut développer notre secteur secondaire, on peut développer
notre secteur tertiaire, sans nationaliser nos richesses naturelles.
Je ne dis pas qu'il n'y a pas de cas où on doit nationaliser les
richesses naturelles, bien sûr, mais de lier les deux, c'est du simplisme
et c'est de la mauvaise économie. Finalement j'imagine que je
n'ai que deux ou trois minutes je vais poser deux questions qui touchent
directement aux sociétés d'État, j'espère que le
ministre trouvera le temps de répondre. La première, je ne passe
pas de message, je pose des questions, c'est le champ d'action des
sociétés d'État. Je pense qu'on est sur la même
longueur d'onde, j'accepte que les grands monopoles comme l'énergie ou
comme les télécommunications dans plusieurs pays, dans plusieurs
États, c'est un champ d'action accepté pour l'État en ce
qui concerne les sociétés d'État.
J'admets aussi, bien sûr, un débat qui est légitime
en ce qui concerne les industries qui touchent les richesses naturelles. Je
vous avais dit pourquoi je suis contre l'amiante, mais, quand même,
j'accepte que, dans ces domaines, il y a du pour et du contre et c'est bien.
Mais nous avons développé depuis quinze ans, pour plusieurs
raisons qu'on connaît, une série de petites indus-
tries, la plupart font partie de la Société
générale de financement. Je pense que tout le monde est d'accord
que ces sociétés, je parle de Volcano, Forano, j'ai toute la
liste ici, sont de petites compagnies qui font concurrence à plusieurs
compagnies dans le secteur privé, et je veux demander au ministre, parce
que je pense que, d'après nos conversations avant Noël sur la SGF,
on a l'intention de se débarrasser de ces sociétés aussi
vite que possible.
Je veux avoir un peu de précision du ministre sur
l'échéancier, si c'est vrai qu'il va se débarrasser ou
s'il a changé d'idée depuis Noël, une idée qui
était inscrite dans le programme qui nous a été
donné par la SGF, si on a changé d'idée et pourquoi?
Est-ce qu'on va retourner ces sociétés au secteur privé et
quand?
Mme la Présidente, j'ai une dernière question qui touche
simplement...
La Présidente (Mme Cuerrier): Rapidement, M. le
député, le temps dont vous disposez est déjà
écoulé.
M. Scowen: Parfait.
M. Landry: Allez-y pour votre dernière question, si vous
voulez. Vous m'avez empêché de répliquer vendredi
dernier...
M. Scowen: Non.
M. Landry: ... ce n'était pas gentil de votre part, mais
je vais vous permettre de poser encore une question, même si vous n'avez
plus de temps.
M. Scowen: C'est une question que je peux poser en 60 secondes et
c'est encore une question de fait, si vous me permettez, c'est le
contrôle des sociétés d'État, j'espère que
vous allez vous lancer là-dedans ce matin. Je prends à titre
d'exemple seulement la compagnie Marine, où le président
répond à la fois au conseil d'administration de Marine, au
président du conseil d'administration de la SGF, au PDG de SGF, au
ministre, au ministère, au ministre des Finances, tous ces
problèmes dont vous êtes très conscient. J'ai fait une
étude là-dessus moi-même pour le ministre, il y a trois
ans. Je pense que c'est une question très importante et j'aimerais,
avant la fin de la matinée, si possible, que vous parliez un peu de
cette question. Je vous remercie, madame.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'État
au développement économique.
M. Landry: Pour la dernière question du
député, je soumets qu'on pourrait peut-être s'occuper, pour
le temps qui reste, d'autre chose qu'à la réponse de cette
question et je vous dis pourquoi. À la suite d'une motion de l'Union
Nationale, qui a été votée par cette Chambre, il y a une
commission parlementaire qui s'occupe de la question. La commission
parlementaire a constitué une sous-commission qui s'est réunie
à plusieurs reprises et qui doit se réunir bientôt d'une
façon finale, et on a déjà eu l'assentiment de votre
formation politique, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce,
sur une formule que nous allons proposer bientôt. Je pense que ce ne
serait pas sage d'utiliser le temps qui nous reste à ça. (11 h
45)
Pour les autres questions, vous avez parlé du programme du Parti
québécois et d'un plan indicatif. Je ne vous ferai pas l'injure
de penser que vous ne savez pas ce qu'est un plan économique ou un plan
indicatif. Mais au cas où certains ne le sauraient pas, un plan implique
une décision centralisée et mathématique des
quantités à produire. Ce n'est pas un plan d'action. Un plan, au
sens économique du terme, je vais vous en donner un exemple: l'usine de
tracteurs de Leningrad doit produire 5000 unités. C'est
décidé d'avance. C'est un plan quinquennal. 5000 unités.
Et on commande à la sidérurgie de Kiev, s'il y en a une à
Kiev, l'acier qu'il faut, et à l'usine de pneus, à telle autre
ville. C'est un plan.
Je n'ai aucune espèce de confiance dans cette façon de
gérer l'économie. Ni pour aujourd'hui, ni pour demain. Je ne peux
pas être plus franc avec vous. Cela donne lieu à des choses
ridicules, des gaspillages économiques, des rigidités. L'usine de
tracteurs atteint son objectif, l'usine de pneus ne l'atteint pas. Tu te
retrouves avec des champs complets, des parcs de tracteurs pas de pneus, des
choses complètement ridicules. L'industrie textile, en Union
Soviétique, quand est arrivée la mini-jupe, n'avait pas
prévu le coût dans son plan quinquennal, de sorte que les femmes
soviétiques se sont mises à couper les jupes trop longues vendues
dans les magasins. Ils ont perdu la moitié de la production en
déchets. Vous me direz qu'ils auraient pu faire deux mini-jupes avec le
même tissu, mais, en tout cas.
C'est pour vous dire que ces plans-là et j'espère
que cela règle la question pour ce matin je n'y crois pas, dans
nos contextes et dans nos économies. Je ne dis pas qu'un pays
sous-développé, où le revenu per capita est de $375 par
année et où les gens meurent de faim, ne doit pas être
l'objet d'un plan impératif, même presque autoritaire, s'il le
faut, pour sauver la vie des gens qui n'ont pas de quoi manger.
Mais, dans les économies développées comme les
nôtres, dans le contexte nord-américain, un contexte de
liberté des citoyens et des entreprises, réglons la question.
Cela ne tient pas debout.
Quant à un plan indicatif à la française, qui
suppose aussi un appareillage mathématique extraordinaire, appareillage
statistique, appareil de prises de décision, là, je n'ai pas la
même attitude négative. L'économie française,
après la guerre, a réalisé, avec sa planification, et en
partie à cause de sa planification indicative... Ce n'est pas donner
l'ordre à telle usine de faire telle quantité, c'est essayer de
prévoir quelle quantité telle usine produira et lui fournir les
matières premières, et faire les grands ajustements, avec la
partie que l'État prend, les taxes, les équipements collectifs,
une vue rationnelle de l'économie, en
d'autres termes. Un plan indicatif, ce serait peut-être
souhaitable pour le Québec, éventuellement.
Mais je dis tout de suite et je veux soulager les angoisses que
peut vous donner le programme du Parti québécois que le
programme du Parti québécois est fait dans l'hypothèse de
la souveraineté-association, pour une grande partie des mesures qu'il
préconise. Présentement, même un plan indicatif pour le
Québec, qui est une province de la fédération canadienne,
est absolument impensable. Comment puis-je faire un plan indicatif si la Banque
du Canada décide, pendant que j'ai une politique expansionniste, de
faire une politique de serrage du crédit, par exemple? Pendant que je
veux faire construire des unités de logements, on monte le taux
d'hypothèque à 12,5% ou à 13,5%. Il faut oublier cela dans
le contexte présent. Dans un contexte de
souveraineté-association, c'est une tout autre affaire. Et je pense
qu'il serait souhaitable que nous ayons une approche plus rationnelle de
l'économie, tout en laissant la liberté aux agents,
éventuellement, dans une planification indicative de type
français.
Encore là, cela ne fait pas de miracle. Je me souviens du
père du plan français, M. Jean Monnet, qui est
décédé récemment, qui a vécu à
Montréal, pour ceux qui ne le savent pas, parce qu'il était
membre de la famille des cognacs Monnet. Il était venu vendre du cognac
à Montréal pendant un an. C'était un homme absolument
extraordinaire, le père du plan français.
Il disait à peu près ceci: Ceux qui pensent que le plan
développe l'économie, ils sont comme le coq Chantecler, dans
Edmond Rostand. Chantecler, ce coq, était tellement bête que,
lorsqu'il chantait, il pensait que c'était lui qui faisait se lever le
soleil.
Jean Monnet avait dit: Le plan français ne fait pas lever le
soleil. Et ce n'est pas parce que le coq a chanté que le soleil s'est
levé. Mais, avec ce plan, on fait que le soleil se lève avec un
peu moins de brume. Voyez-vous, c'est dit d'une façon subtile. On ne
peut pas demander n'importe quoi à un plan. Peut-être qu'on pourra
en avoir un et je souhaite que nous en ayons un de ce genre, dans un
Québec souverain, où nous aurons une marge de manoeuvre beaucoup
plus grande, comme la France est un pays souverain dans le cadre du
Marché commun européen; c'est exactement la même formule
que nous proposons d'ailleurs pour l'insertion du Québec dans l'appareil
économique.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce a parlé
également d'idéologie et de pragmatisme toujours en regard du
programme du Parti québécois, mais le programme du Parti
québécois peut préconiser une extension du secteur public
et le faire par pur pragmatisme. Quand on préconise de nationaliser
l'Asbestos Corporation, ce n'est pas une question d'idéologie, c'est une
question pragmatique. En 75 ans, en 90 ans, les compagnies n'ont pas
réussi à faire de la transformation et les entrepreneurs
québécois n'ont pas réussi à s'infiltrer dans ce
domaine. On prend des choses que Louis-Alexandre Taschereau aurait dû
faire. Comment peut-on parler d'idéologie dans le cas de
Louis-Alexandre
Taschereau qui n'était pas marxiste ou de quelque autre tendance
du même genre, que je sache.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce m'a fait une petite
pointe sur le référendum en déformant grossièrement
les paroles du premier ministre. Le premier ministre lui-même à
plusieurs reprises a parlé de la souveraineté-association. Il est
allé en parler à l'Economic Club de New York, il est allé
en parler dans tous les pays du monde. J'ai fait la même chose. Nous
sommes des militants de la souveraineté du Québec,
déjà, depuis une bonne quinzaine d'années. Cela fait
quinze ans qu'on parle de cela. Qui aurait sérieusement pensé
qu'une fois élus pour faire un bon gouvernement, ce que nous avons fait,
nous cesserions de parler de notre idéal québécois dont
nous entretenions la population d'abord en petit nombre et puis en nombre
grandissant depuis quinze ans? Il n'est pas défendu de parler de la
souveraineté-association, il n'a jamais été défendu
de parler de la souveraineté-association. D'ailleurs, il n'est
défendu de parler de quoi que ce soit au Québec. Tout le monde...
Le député de Notre-Dame-de-Grâce peut préconiser les
formules qu'il veut, nous préconisons celles qu'on veut en parfaite
liberté de parole et d'action. C'est bien ainsi et c'est un objectif
fondamental du gouvernement de préserver cela.
Dans un des raisonnements qui introduisaient une question du
député de Notre-Dame-de-Grâce, je vois une faille logique
et politique qui saute aux yeux. Il a dit, prenant un exemple: Si on veut du
minerai de fer, on va nationaliser I'lron Ore, essayant d'affaiblir la position
de certaines nationalisations. C'est exactement ce que les libéraux ont
fait. Ils n'ont pas nationalisé I'lron Ore, mais ils ont
créé une société publique qui s'appelle
SIDBEC-Normines. C'était M. Guy Saint-Pierre le
député a déjà été dans son cabinet
et M. Raymond Garneau qui était ministre des Finances, ils se
sont associés avec British Steel Corporation qui est une
sidérurgie publique comme SIDBEC qui a à peu près les
mêmes genres de malheurs et, pour avoir du minerai de fer, ils ont
intégré une société nationale jusqu'à la
mine et c'est pour cela aujourd'hui que SIDBEC-Normines est la partie
minière avec une usine de bouletage, l'expédition au midrex et
que SIDBEC est devenue une sidérurgie intégrée. On a eu
une démission à SIDBEC dernièrement. Cela a fait couler
beaucoup d'encre, etc. On peut rendre hommage à M. Jean-Paul Gignac qui
a porté SIDBEC sur ses épaules pendant dix ans, d'avoir fait
cette chose que de créer une sidérurgie intégrée de
la mine aux sorties du laminage à froid. Ce n'est pas n'importe quoi.
Cela a coûté cher, me direz-vous. S'il l'avait fait à
l'époque où les grandes sidérurgies canadiennes se sont
constituées, à l'époque où il n'y avait pas de
syndicats, époque à laquelle il ne faut pas revenir qu'on
ne me prête pas d'intentions à l'époque où il
n'y avait pas de conditions minimales de travail, à l'époque
où il n'y avait pas de difficultés d'environnement, s'il avait
travaillé dans les mêmes conditions que les sidérurgistes
"Canadian" de la fin du siècle dernier, on dirait
peut-être aujourd'hui que c'est un des grands "tycoons" de la
sidérurgie contemporaine et qu'il a fait un "job" fantastique. En tout
cas, quelles que soient les critiques que l'on puisse faire à
l'égard de l'ancien président, du président
démissionnaire de SIDBEC, SIDBEC-Normines existe, les midrex existent et
parmi les plus performants du monde dans leur catégorie. Le
Québec a une sidérurgie intégrée et, pendant tout
ce temps-là, il y a des Québécois qui ont appris la
sidérurgie, qui ont travaillé dans la sidérurgie. Il y a
5000 travailleurs à SIDBEC, ce n'est pas n'importe quoi.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce disait que je n'ai
pas démontré à l'aide de chiffres ce que les clients de
SIDBEC ont gagné. Les clients de SIDBEC, ils sont par milliers. On
pourra toujours faire l'analyse statistique. Je ne pense pas que ces
données-là existent, mais une chose est certaine, ce n'est pas
seulement une question de prix, quand l'acier devient rare, si tu n'es pas dans
le club, si tu n'es pas client de l'usine, tu t'en passes, et cela, c'est
extrêmement grave. Il y a des flambées dans l'acier à un
moment donné, les prix flambent et tu ne peux plus avoir d'acier de
l'usine, c'est aussi simple que cela, si tu n'es pas dans le club.
SIDBEC, comme toutes les autres sidérurgies, a ses clients. Il y
a des gars qui ont été clients de SIDBEC et qui ont pu faire
fonctionner des entreprises de transformation ou faire de l'acier d'armature.
L'Hydro-Québec a pu s'approvisionner facilement en acier, parce que
SIDBEC existait et consentait à lui en vendre. Le monde de l'acier,
c'est un monde d'une dureté extraordinaire. Je ne sais pas si vous vous
rappelez des paroles du président Kennedy, que j'ose à peine
répéter à la télévision. Il avait dit que
les gens de l'acier, c'étaient des "s.o.b.", pour ceux qui comprennent
l'abréviation. C'est un métier dur. Je ne veux pas dire que les
sidérurgistes canadiens sont ce qu'avait dit le président Kennedy
des Américains, mais SIDBEC a permis une forte présence
québécoise dans un milieu dur, hautement concurrentiel. Je suis
persuadé qu'il y a actuellement des petits entrepreneurs qui nous
écoutent, qui ont acheté de l'acier de SIDBEC qu'ils n'auraient
jamais pu acheter de personne d'autre dans les conditions où ils ont pu
l'avoir.
Le député de Notre-Dame-de-Grâce fait une petite
parenthèse sur l'Allemagne fédérale aussi, oui. D'abord,
dans les statistiques que je lui ai données, j'ai compté le
secteur public de la Bundes Republik, mais je n'ai pas compté les
länder. S'il veut faire la petite comparaison, provinces et entreprise
fédérale au Canada, il faudrait que j'ajoute à mon chiffre
les entreprises publiques des länder. Je lui dis également en
passant qu'entre la République fédérale d'Allemagne et la
monarchie fédérale canadienne, il y a des différences qui
sont comme le jour et la nuit. Imaginez-vous que ce sont les lànder qui
perçoivent toutes les taxes et qui envoient un chèque à
Bonn. Ce n'est pas tout à fait la même chose.
Dans le contexte de la souveraineté-association, c'est comme cela
qu'on va contribuer aux institutions "Canadian" ou canadiennes. Le Qué-
bec va percevoir tous les impôts et les taxes, comme le font
essentiellement les lànder allemands. Le ministre des Finances du
Québec va adresser un chèque global: Contributions
québécoises à l'Association économique canadienne.
Cela rejoint un peu ce qu'un grand leader politique québécois, un
chef de l'Union Nationale demandait. Quand M. Daniel Johnson disait: 100
100 100, il préconisait une formule qui ressemble à celle
de la République fédérale d'Allemagne et à ses
lànder qui sont des États extrêmement plus puissants et aux
pouvoirs beaucoup plus étendus que n'importe quelle des provinces du
Canada.
Certaines questions aussi ont été posées sur les
pâtes et papiers et sur les négociations avec le
fédéral. Le député de Notre-Dame-de-Grâce
n'est pas sans se douter que si le ministre de l'Expansion économique
régionale n'était pas en élection présentement et
s'il n'y avait pas, dans sa propre région, des formations politiques
extrêmement actives qui c'est la sagesse politique et c'est la
démocratie font réfléchir les politiciens plus en
période électorale qu'autrement, je ne sais pas si on aurait
signé. Cela fait un an et demi qu'Ottawa nous retarde. Cette
année et demie peut nous coûter très cher, parce que notre
stratégie, en termes de pâtes et papiers, c'est d'empêcher
que les Américains, avec leur pain jaune dans le sud, ouvrent des usines
pour nous prendre nos marchés. Le temps compte.
Si la production québécoise n'est pas haussée
et c'est notre principale difficulté avec le
fédéral, l'accélération de la vitesse-machine...
C'est une situation avantageuse que le Québec a et que peu de provinces
ont. Les machines à papier au Québec étaient vieilles,
elles avaient été conçues comme on le faisait dans le
temps, les ingénieurs avaient des techniques moins
perfectionnées. Ils disaient: Trop fort ne casse pas. Ils ont fait des
machines extrêmement solides, extrêmement robustes et, aujourd'hui,
on peut les accélérer en changeant des roulements à bille
et des moteurs. On peut peut-être augmenter la production de 600 000 ou
700 000 tonnes avec des investissements vraiment presque insignifiants, en
accélérant par changement de roulement à bille et
moteur.
Les Américains ne peuvent pas faire cela, et c'est là que
nos vieilleries nous servent, dans une certaine mesure. Ils ont des machines
qui ne peuvent pas s'accélérer. Ce sont des machines pratiquement
contemporaines. Ces machines leur ont coûté très cher.
Notre stratégie consistait à faire qu'on produise 600 000 ou 700
000 tonnes de plus pour enlever l'idée à un industriel du sud des
États-Unis de se construire une usine. Or, il est peut-être en
train de construire une usine au moment où on parle. Il va être
notre concurrent sur les marchés américains. Si le
fédéral avait bougé et si le fédéral avait
répondu à nos demandes il y a un an ou un an et demi, on aurait
peut-être eu une stratégie encore plus efficace, parce qu'on
n'aurait pas donné le temps aux Américains de réagir.
Là, on leur a télégraphié toute l'affaire. (12
heures)
Je ferai remarquer cela va frapper le chef de l'Union Nationale
que, quand le Canada était prêt à faire une chose et
que le Québec n'était pas prêt, exemple,
l'assurance-santé, le fédéral l'appliquait tout de suite.
Du temps de M. Jean-Jacques Bertrand, on a perdu $350 millions, parce que notre
programme n'était pas prêt et que les programmes canadiens
étaient prêts. Ne t'inquiète pas, les technocrates
fédéraux de l'Université Western Ontario qui sont à
Ottawa et qui sont à Queen's Park s'étaient entendus et le
programme est parti. Là, parce que le Québec était
prêt avant tout le monde pour son programme de pâtes et papiers, il
nous a renversé le bonnet. Là, le Québec est prêt et
le fédéral n'est pas prêt, tout le monde attend. Avant
ça, c'était: Tout le monde est prêt, le Québec n'est
pas prêt, on n'attend pas. Une belle illustration de ce que nous
coûte économiquement le fédéralisme canadien.
Le député a également demandé des
proportions. Oui, le gouvernement du Canada contribue au programme dans une
proportion d'à peu près 60%-40%, c'est-à-dire la
clé habituelle, mais n'oubliez pas que les taxes de ces compagnies, les
impôts sur les corporations de pâtes et papiers, ça va
surtout à Ottawa. On est marginaux, nous, dans le domaine de la taxation
des compagnies. Alors, le fédéral ne peut pas dire: Je suis
généreux. Il fait simplement faire une ponction fiscale
extraordinaire sur les 50 usines de papier qu'on a et, si ces usines deviennent
plus rentables et plus productives, le gouvernement fédéral va se
compenser à peu près 50 fois de l'argent qu'il va nous donner
dans une période de dix ans. Il n'y a pas de
générosité là-dedans. C'est de la réelle
politique, comme on dit.
M. Scowen: Quel est le pourcentage des compagnies mêmes?
C'est entre...
M. Landry: Le pourcentage des compagnies? M. Scowen: Oui,
c'est 60%-40%, mais...
M. Landry: Ah! c'est 60%-40%, au programme
fédéral.
M. Scowen: Le gouvernement y verse quel pourcentage...
M. Landry: Cela pourrait être dit globalement, parce que
vous savez que l'analyse d'investissement est faite usine par usine. Je pense
qu'il y a 50 usines, peut-être 52. Il y en a qui vont demander des
investissements énormes et qui vont être plus aidées, et
d'autres qui le seront moins. C'est difficile à dire et, ensuite, il y a
toute la partie du travail forestier. Je pense qu'il va falloir attendre six
mois avant qu'on négocie avec chacune pour vous donner des chiffres,
qu'on vous donnera volontiers à cette époque.
Maintenant, Forano et Volcano, vous me dites qu'on veut se
défaire de Forano et Volcano. Je vous l'ai dit. Elles sont sorties du
rouge, elles ont fait comme le Québec, elles sont sorties du rouge.
Depuis leur sortie du rouge, on est moins vendeur qu'on était.
Samoco, on perdait notre chemise avec ça. C'est à vendre, on a
sept acheteurs. Mais Forano et Volcano, là, c'est une autre paire de
manches. Si ces compagnies sont revenues dans la rentabilité, sont
prêtes à l'expansion et tournent bien, ça ne se
présente pas tout à fait de la même manière.
En terminant, le député avait tellement de questions que
je m'excuse de ne pas avoir répondu à toutes. J'ai tenté
honnêtement de ramasser tout ce que j'ai pu dans ses demandes.
M. Russell: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Brome-Missisquoi.
M. Russell: ...même si j'ai perdu un peu de temps la
semaine dernière, je voudrais tâcher de l'utiliser cette semaine
et je vous avertis immédiatement que je vais utiliser mes 20 minutes
immédiatement. Cela ne créera pas de problèmes
après à qui que ce soit. La semaine dernière, j'ai pu en
avoir à peu près neuf et j'ai manqué de temps. De toute
façon, je vais le faire d'une façon très sommaire. J'ai
bien des questions à poser, mais je ne voudrais pas, non plus, me
laisser entraîner sur le terrain où le ministre voudrait nous
entraîner en tentant de répondre au député de
Notre-Dame-de-Grâce, quoique le député de
Notre-Dame-de-Grâce ait posé des questions assez
intéressantes. Je suis d'accord sur certaines d'entre elles, mais, sur
d'autres, je le suis moins.
Lorsqu'il dit que ça va bien avec le fédéral, si
j'écoute la télévision et les nouvelles, M. Broad-bent, M.
Clark et M. Roy, je suis d'opinion qu'il y a un petit malaise quelque part,
parce qu'eux, ils ne semblent pas s'accorder sur bien des points.
En ce qui concerne SIDBEC, je suis un peu d'accord avec lui à
savoir qu'il y a eu là un malaise qui a été
créé et je dis que les responsables de l'administration doivent
en prendre la responsabilité. On sait que Quésteel a failli et on
sait pourquoi. Cela a été une baisse du marché canadien.
SIDBEC a créé l'augmentation du prix de la "scrap" et a
baissé le prix de l'acier, ce qui a mis la main au collet de
Quésteel, qui a croulé. Ensuite, SIDBEC est revenue et on l'a
achetée à un prix très modeste ou à peu près
pour rien. Aujourd'hui, on tente de l'améliorer.
Mais c'est sur ce point que je voudrais faire part au ministre de
certaines des grandes inquiétudes que nous posent certaines de nos
sociétés d'État.
Tout à l'heure, on a parlé de questions de revanche
lorsqu'on fait la nationalisation en citant Renault. On sait que Renault a
été... Je ne discuterai pas la question au mérite de la
nationalisation de Renault. Je sais qu'on l'a vécue nous aussi un peu au
Canada. On a créé une société d'État qui
fabrique des Renault, avec un grand président, qui travaillait
anciennement pour le Devoir, mais ça n'a pas été tellement
chanceux. C'est le même gars ensuite qui a pris effective-
ment Marine Industrie et qui, avec la même façon d'agir,
aurait obtenu à peu près les mêmes résultats.
Une chose qui est certaine, c'est que, si on a nationalisé
Renault pour la revanche, les nationalisations qu'on a tenté de faire ou
qu'on a faites n'ont certainement pas été par revanche. Au dire
de plusieurs grands politiciens, lorsqu'on a créé la
Société générale de financement, on a acheté
des actions, pas totalement, mais en partie, de certaines de nos
sociétés comme Marine Industrie et comme Forano et Volcano, pour
ne mentionner que ces cas-là; c'était pour éviter des
problèmes de succession à de grandes familles qui étaient
reconnaissantes à un certain parti politique, sans mentionner
personne.
M. Landry: C'est le contraire de la vengeance.
M. Russell: C'était le contraire de la vengeance,
assurément, mais c'était la façon d'agir. Qu'est-ce que
cela a rapporté? On aurait peut-être été mieux
d'abolir le montant d'impôt qu'on aurait retiré par les droits
successoraux que de créer cette Société
générale de financement pour faire deux choses: donner des "jobs"
à certains amis du groupe et ensuite prendre des sociétés
qui ont créé des malaises dans l'ensemble économique du
Québec.
Je voudrais surtout parler d'une société qu'on
connaît très bien et dont on dit qu'elle marche dans le noir
actuellement, peut-être parce que l'entreprise privée a failli
dans le domaine ou a été très faible et qu'on a
réussi à prendre le dessus; ce n'est pas moi qui le dis, c'est
écrit dans un rapport, dans le cas de Forano. Forano, on l'a
nationalisée... c'est-à-dire qu'on ne l'a pas
nationalisée, mais on a acheté des actions. Une partie des ventes
de Forano était de l'équipement qu'on importait de
l'étranger et qui faisait la concurrence, dans bien des cas, à
des industries canadiennes québécoises. Forano, dans un de ses
rapports, disait que la concurrence était tellement dense qu'elle a
dû réduire ses prix. C'est cela qui a créé le
déficit. Si Forano a eu des déficits en réduisant ses
prix, qu'est-il arrivé à l'entreprise privée qui, elle,
n'avait pas l'État derrière elle pour la sauver, pour la
supporter, pour la garantir? Forano a créé un certain
malaise.
Les sociétés comme Forano ne devraient pas recevoir le
soutien direct ou indirect de l'État. Je suis d'accord que l'État
intervienne par un organisme qu'on peut appeler une banque industrielle
donnons-lui le nom qu'on voudra et c'est à cela que je faisais
référence hier lorsqu'on parlait de la loi 7, une
société qui deviendrait une société qui prête
à l'industrie privée qui est en difficultés; non pas un
parapluie quand il fait beau, comme on tente de le faire actuellement.
Mme la Présidente, tout à l'heure, on a parlé de
l'entente conclue dans le domaine des usines à papier. On est fier, on
l'a d'ailleurs dit, que cette entente ait été conclue. On a
parlé de cette entente il y a au-delà de deux ans. J'ai
moi-même dit au ministre des Terres et Forêts, dans le temps, qu'il
y avait un grave malaise et qu'il fallait agir immédiatement. D'accord,
le ministre a dit qu'il s'orientait vers cela, mais qu'il était
difficile de s'entendre avec Ottawa. Je suis d'accord qu'il y a eu une lenteur
inacceptable. Par contre, il a été prouvé qu'il est
possible de s'entendre avec Ottawa. L'entente est conclue; malheureusement,
cela a retardé plus que cela aurait dû.
Je me demande si le même malaise ne se crée pas
actuellement au niveau du programme du Parti québécois, du
gouvernement actuel. Il y a deux ans et demi, il a été
élu, en 1976, sous l'étiquette d'un bon gouvernement. Si je
regarde son programme politique, ces gens avaient certainement, à ce
moment-là, des solutions possibles, immédiates, des applications
de solutions immédiates. Je ne sais pas ce qui s'est passé depuis
deux ans et demi, le ministre a fait allusion à certaines
difficultés dans les systèmes démocratiques, à un
accord tacite avec ses collègues; parfois, c'était difficile, on
est bien conscient de cela. Il y a des mesures radicales qui doivent être
prises et je pense qu'en bons administrateurs, comme ces gens prétendent
l'être, ils auraient dû prendre ces mesures avant deux ans et
demi.
Il y a des choses qui sont drôlement inquiétantes, et je ne
voudrais pas les repasser une après l'autre. On a mentionné que
Forano marchait dans le noir; il faudrait peut-être examiner si le fait
que Forano marche dans le noir n'a pas nui à d'autres dans le domaine de
l'entreprise privée, et c'est la même chose pour Volcano. Volcano
marche dans le noir et aurait dû toujours marcher dans le noir quand on
connaît la situation chez Volcano.
Il y a d'autres sociétés d'État qui nous
inquiètent un peu. On peut faire dire aux chiffres à peu
près ce qu'on veut. On sait que dans l'opération gouvernementale,
un contrôle se fait. Si on prend tous les ministères, les Travaux
publics, les transports et les autres, tous les documents qui y passent doivent
passer à la trésorerie, même si c'est $25 000 et plus
ça doit passer devant la trésorerie avec une surveillance
très rigide, composée de ministres et qu'on surveille. Ensuite on
a la commission des engagements financiers qui a un droit de regard
là-dessus, mais ce n'est pas la même chose pour une
société d'État, aucune d'elles ou à peu près
aucune d'elles pour n'en mentionner que quelques-unes comme
l'Hydro-Québec, la Curatelle publique, l'Office des autoroutes, la
Régie du Grand Théâtre, SIDBEC et toutes ses filiales, on a
la Société d'aménagement de l'Outaouais, la
Société des alcools, la Société de la Baie-James,
la Société générale de financement, la
Société Inter-Port. Société des parcs industriels
et j'en passe.
Mme la Présidente, j'aimerais que le ministre, dans toute sa
planification, nous indique quelles mesures le gouvernement a prises ou prendra
pour tâcher d'établir des contrôles très rigides dans
l'administration de ces sociétés? Surtout pour essayer de savoir
s'il y a une possibilité de contrôler ou de freiner les
dépenses bien exagérées. Quand on parle de Forano, j'avais
une petite
coupure drôlement intéressante, qu'on pourrait
peut-être présenter au ministre afin qu'il
réfléchisse un peu. Je pense que c'est le président de
Forano, l'administrateur, le responsable, M. Jacques Villeneuve, qui attribue
ce revirement spectaculaire de $3 700 000 à deux facteurs. En premier
lieu, la dévaluation du dollar canadien a grandement favorisé les
ventes d'équipements à l'industrie forestière, et,
deuxièmement, un nettoyage dans les coûts de la firme de bois
franc a permis d'économiser $2 millions, ce qui veut dire un nettoyage
de $2 millions. Imaginez-vous, si on a réussi à faire un
nettoyage chez Forano de $2 millions, ce n'est pas la plus grosse des
sociétés contrôlées par la SGF. C'est encore
très petit, comparativement aux sociétés d'État que
je viens de mentionner, sur lesquelles on n'exerce aucun contrôle
rigoureux comme on le fait au niveau d'un petit ministère.
C'est ce qui a amené l'Union Nationale à faire la motion
que le ministre connaît. On voulait créer une commission qui
aurait un droit de regard là-dessus, qui comprendrait des hauts
fonctionnaires et tout le mécanisme nécessaire pour avoir un
droit de regard sur toutes les dépenses des sociétés
d'État. Cette commission comme le chef de l'Union Nationale l'a
dit tout à l'heure était acceptée quant à sa
formation de façon unanime par l'ensemble des députés en
Chambre, mais il ne semble pas que ça bouge très vite. Je me
demande si c'est si compliqué que ça, parce que si tel est le
fait, on ne l'aura peut-être pas encore dans un an cette commission. Et
pendant tout ce temps, aucun contrôle ne se fait pour ces
sociétés d'État.
Je pense que le ministre sera d'accord avec moi pour dire que le
contrôle sur l'administration d'une société, qu'elle soit
privée ou d'État, c'est le début de la sagesse. Une
surveillance. Cela va protéger non seulement le gouvernement, mais
ça va même permettre aux ministres de remplir leur rôle,
leurs obligations d'être de bons administrateurs. Cela va aider aux
présidents, aux gérants, aux administrateurs de toutes ces
sociétés d'État de se faire respecter, parce qu'ils ne
connaissent jamais le moment où ils seront appelés à venir
parader devant ce comité qui sera composé seulement de
députés, pas de ministres, autant de l'Opposition que du
gouvernement, et qu'ils auront tous les spécialistes nécessaires
pour enquêter comme ils le désirent, afin de s'assurer que tout
sera fait dans l'ordre, convenablement. Si certains ne se conforment pas au
respect du fonctionnement des choses normales, qui font des erreurs, ils
prendront leurs responsabilités, ils subiront les conséquences
comme le font souvent les administrateurs d'entreprises privées qui font
des erreurs, ils sont obligés d'en subir les conséquences.
Quand je regarde un peu en arrière, quand je regarde l'histoire
je ne voudrais pas vous parler sur chacune de ces
sociétés-là mais vous en mentionner seulement
quelques-unes quand je regarde l'affaire de Samoco, je trouve qu'il est
affreux, inacceptable, qu'on ait investi ou englouti dans une scierie, une
toute petite scierie, $24 millions. C'est absolument inacceptable. Le ministre
dit qu'on a seize acheteurs. Je comprends. Il vaudrait mieux la donner,
ça va coûter meilleur marché de la donner à
quelqu'un pour s'en débarrasser que de tâcher de l'administrer et
continuer à perdre de l'argent comme on le fait maintenant. (12 h
15)
C'est inacceptable, c'est un domaine que je connais très bien. Si
on continue à administrer de cette façon dans d'autres
sociétés d'État, où les montants sont beaucoup plus
libéraux, si on peut dire, je me demande si on n'aura pas des
précautions très rigoureuses à prendre pour s'assurer d'un
meilleur fonctionnement.
Mme la Présidente, tout à l'heure, on a parlé de
philosophie, on a tâché de parler de la seule possibilité
d'administrer ou de redresser l'économie québécoise: la
souveraineté-association ou la séparation, avec laquelle je ne
suis nullement d'accord. Je le dis carrément, je ne voudrais pas me
laisser entraîner non plus par le ministre dans une discussion sur la
souveraineté-association, je voudrais simplement qu'on se penche sur le
mandat que cette commission a d'examiner les points qui sont mis devant nous
actuellement: le contrôle sur les sociétés d'État et
l'effet économique des sociétés d'État sur
l'économie québécoise.
On a des points qui ont été touchés par le chef de
l'Union Nationale ou le député de Notre-Dame-de-Grâce qui
indiquent clairement que la négociation est possible. D'abord, le
secteur des pâtes et papiers nous l'indique clairement. On sait que
certains agissements du fédéral peuvent créer un malaise
économique dans une province, quelle qu'elle soit, le Québec ou
ailleurs, c'est évident, c'est certain. Il s'agit encore là de
s'entendre avec le gouvernement central. Je sais aussi que certains agissements
de certaines sociétés d'État qui sont créées
par le gouvernement peuvent déclencher une réaction et
créer un malaise économique chez l'entreprise privée.
Cela aussi devrait être fait avec beaucoup de délicatesse.
Il y a les points les plus frappants que le ministre devrait retenir et qui
nous expliquent clairement ce qu'il a l'intention de faire, c'est le
contrôle financier de chacune des sociétés d'État,
pas simplement un voeu pieux, mais il est indirectement responsable de ce
domaine, qu'il nous dise quand ça va avoir lieu. Il y a une commission
parlementaire qu'on a demandée, on ne sait même pas quand on va
l'avoir. On avait promis, à la suite de l'élection, qu'on
corrigerait toute cette situation. Dieu sait que ce n'était pas
drôle, je suis bien d'accord avec lui que l'aspect économique
n'était pas drôle en 1976.
Mais il faut être dans le domaine pour savoir que ce n'est pas
trop reluisant encore. Je pourrais bien me retourner de bord et accuser
seulement le gouvernement fédéral, mais je sais que les deux ont
une responsabilité. Je trouve qu'actuellement, dans le domaine de
l'administration provinciale, je pourrais bien dire municipale et
fédérale, il y a une action qui doit être prise par les
responsables,
indépendamment des partis auxquels ils appartiennent.
Actuellement, le gouvernement du Québec, c'est le Parti
québécois, mais on n'a pas le droit de se laisser entraîner
vers cette politique sociale-démocrate, tant libérale qui a
été amorcée en 1960. Je ne voudrais pas, le ministre y a
fait allusion tout à l'heure, tout repasser étape par
étape, expérience par expérience vécue; le ministre
et le gouvernement les connaît comme nous, ce sont des chiffres qui
demeurent là, des actes qui demeurent là, c'est
l'expérience du passé qu'on devrait regarder et nous assurer
qu'on va faire des correctifs acceptables pour s'assurer de l'avenir
économique de notre province.
Si je regarde bien, je dis qu'on dépense aujourd'hui d'une
façon inacceptable dans le domaine public, à un point tel que
l'ouvrier même ne peut plus supporter le fardeau et son pouvoir d'achat
diminue d'année en année, depuis les années 60 que
ça existe. Il y a quelques années, je le disais l'autre jour,
l'ouvrier qui avait un peu de malaise parce que son salaire baissait,
même si on tentait de lui donner des augmentations de salaire
exigées par les syndicats ou par d'autres, son pouvoir d'achat
diminuait. La mère au foyer est partie et est allée travailler,
soit à temps plein ou à temps partiel.
Cela a commencé, les budgets bouclaient, mais aujourd'hui, ce
stade est dépassé. Les deux travaillent et n'arrivent plus. C'est
créé par quoi? Par une surcharge des gouvernements, tant
municipal, provincial que fédéral. Les dépenses augmentent
tout le temps. Je pense que ces sociétés d'État sont
responsables, comme les gouvernements et on doit faire en sorte d'avoir un
contrôle, même chez ces sociétés d'État, plus
rigoureux que celui du gouvernement.
Le gouvernement est quand même responsable à la Chambre. Le
ministre, s'il a un budget à administrer est responsable devant la
Chambre, tous les députés ont le droit de poser les questions
qu'ils veulent, d'obtenir les documents qu'ils désirent, par les
procédures parlementaires qu'on connaît. Or, en commission, pour
faire accepter leurs crédits, aucune de ces sociétés n'est
obligée de faire cela. En plus de cela, elles ne sont pas soumises au
rapport du Vérificateur général. Je trouve cela
inacceptable. Je sais que, pour certaines sociétés d'État,
le vérificateur dit, dans son rapport, que l'interprétation de
son mandat lui donnait ce pouvoir. Je pense que c'est ambigu à un point
tel que je demande au ministre actuel de faire en sorte de proposer au
gouvernement de donner ce pouvoir au Vérificateur général
de la province. Ainsi, il pourrait avoir un droit de regard sur ces
sociétés d'État, et ce serait un plus à la
commission parlementaire. Ceci assurerait à nos Québécois
sur les dépenses publiques, un bon contrôle et ce qu'on exigerait
d'elles serait justifié, chose qu'actuellement je ne peux pas accepter,
parce qu'il est évident que les dépenses publiques sont beaucoup
trop élevées pour la capacité de payer de nos
contribuables et même de nos entreprises privées.
Je pourrais, si j'en avais le temps, démontrer au ministre que
même l'entreprise privée n'a plus les moyens de faire face au
fardeau qu'on lui fait porter actuellement. C'est impensable, lorsqu'on sait
que les dépenses du gouvernement, actuellement, sont plus
élevées que toutes les ventes au détail qu'on a au
Québec. C'est inacceptable.
Je voudrais terminer là-dessus. Je suis certain que le ministre
va trouver une façon de nous répondre simplement, sans
s'engloutir dans des sociétés d'État passées et qui
ont été créées par un autre gouvernement. On
connaît le malaise qui a été créé par ces
sociétés. Je ne voudrais pas qu'on se dirige vers cette
même conception, aveuglément, comme on l'a fait dans le
passé.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je vais vous donner la
parole, M. le ministre d'État au développement économique,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce et M. le
député de Brome-Missisquoi ayant épuisé le temps
qui leur était alloué. J'aimerais savoir comment vous voulez...
Est-ce que vous avez encore des questions, M. le chef de l'Union Nationale? Il
faudra quand même réserver une dizaine de minutes pour que celui
qui a reçu les questions puisse être le dernier à
intervenir.
Je demande à chacun de quelle façon vous voulez...
Est-ce que vous aurez d'autres interventions?
M. Biron: Mme la Présidente, j'aurais besoin d'une dizaine
de minutes pour terminer mes questions.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre,
entendez-vous répondre immédiatement à M. le
député de Brome-Missisquoi?
M. Landry: Ce que je vais dire pourrait peut-être
épargner du temps et on pourrait prendre le chef de l'Union Nationale
rapidement. Je ne répondrai pas tellement au député de
Brome-Missisquoi pour l'unique raison que je fais mon profit de la plupart de
ses remarques. Je n'ai pas de contradiction à apporter. Pour
l'essentiel, je suis d'accord avec lui. Je veux cependant revenir sur cette
question de contrôles, qui est fondamentale, je l'admets. Si je ne veux
pas en discuter longuement ce matin, c'est pour la raison bien simple que la
commission parlementaire que votre formation politique a réclamée
a été obtenue. Elle a siégé deux ou trois fois.
Nous avons travaillé des heures et des heures sur cette question
ensemble et une sous-commission est à l'oeuvre, qui s'est réunie
elle-même. Le Parti libéral, hier, m'a fait connaître sa
position définitive pour qu'on fasse une ultime séance de la
sous-commission et qu'on en vienne aux conclusions. J'attends de votre
formation politique je ne dis pas cela pour vous bousculer d'aucune
manière une réaction pour que je puisse fixer la date de
convocation de cette commission.
Vous semblez être impatient. Je vous comprends. C'est une question
d'une extrême com-
plexité. On a couru à peu près aux informations
dans tous les Parlements du monde. On a fait venir des documents de la
Nouvelle-Zélande, de l'Australie et de Dieu sait où, y compris,
d'Ottawa, le rapport Lambert. Le contrôle des élus sur des
sociétés d'État est un des problèmes les plus
grands de tous les Parlements du monde présentement.
Mais le contrôle du gouvernement, lui, continue. Il faut faire la
différence entre Assemblée nationale et gouvernement. La
sous-commission travaille sur le contrôle gouvernemental, sur le
contrôle Assemblée nationale, mais le contrôle
gouvernemental, le chef de l'Union Nationale lui-même a
évoqué, dans son intervention, ce que nous avions réussi
à faire en deux ans et demi. Il y a eu du remue-ménage et il y a
eu ce que le député de Brome-Missisquoi appelle du nettoyage. Un
nettoyage de $2 millions, cela commence à compter, quand c'est la
différence entre la perte et les profits.
C'est en marche. Le gouvernement a démontré qu'il avait
commencé son ménage, même l'Hydro-Québec, qui est
une chose qui va bien, a été restructurée, comme vous le
savez, avec un conseil d'administration à la moderne et non pas une
commission hydroélectrique du Québec, comme du temps de T.-D.
Bouchard. Il y a eu énormément de choses de faites, et la
pression est sur les sociétés d'État. Je ne parle pas de
pression au sens péjoratif du terme, mais on leur demande des plans de
développement, on établit avec elles des critères
d'efficacité. Je ne répondrai pas plus longuement, parce qu'une
commission s'en occupe, et je laisserai la parole au chef de l'Union Nationale.
Si je comprends bien notre entente, c'est qu'il parlera environ dix minutes et
je parlerai dix minutes, et ce sera la fin de nos travaux.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le chef de l'Union
Nationale.
M. Biron: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais, dans les
dernières minutes qui me restent, tout simplement revoir quelques
points. Le ministre n'a pas répondu à quelques questions
précises, peut-être parce que je lui en avais posé
tellement au début. Je ne m'attarderai pas à l'administration et
à la gestion des sociétés d'État, mais je
m'attarderai un peu plus à la place que le gouvernement veut donner aux
sociétés d'État à l'intérieur de sa
stratégie de développement économique.
Le ministre nous a dit tout à l'heure: Lorsque le gouvernement se
sentira obligé, il va intervenir; lorsque l'entreprise privée ne
le fera pas, le gouvernement interviendra. Ce n'est pas d'aujourd'hui, dans le
fond, qu'on se pose la question. Je veux tout simplement vous lire quelques
lignes d'un texte d'un homme politique québécois et, après
cela, je pourrai peut-être vous poser la devinette de dire qui a dit
cela. Je suis pas mal certain que mon collègue de
Notre-Dame-de-Grâce dira que c'est un ministre du Parti
québécois. Ce qu'il disait, c'est ceci: "Le seul puissant moyen
que nous possédons, c'est l'État du Québec. Si nous
refusions de nous servir de notre État par crainte ou
préjugé, nous nous priverions alors de ce qui est peut-être
l'unique recours qui nous reste pour survivre comme minorité."
M. Landry: Jean Lesage.
M. Biron: C'est Jean Lesage, un ancien premier ministre du
Québec, chef du Parti libéral du Québec, votre parti, mon
cher collègue, qui a dit cela il y a déjà tout près
de 17 ou 18 ans. Quand même, on jurerait entendre une parole de la bouche
même d'un ministre du Parti québécois. À
l'époque, on se posait quand même sérieusement des
questions sur ce qu'était le rôle de l'État du
Québec dans le développement économique, pour justement
protéger nos francophones en Amérique du Nord.
Or, un peu plus tard, le présent ministre des Finances a dit: Au
Québec, il nous faut faire intervenir l'État, c'est
inévitable. On voit qu'il y a des hommes politiques qui sont
allés dans cette direction-là. Maintenant, il s'agit de se
demander, aujourd'hui, comment on va faire pour maximiser justement les
retombées économiques des entreprises ou de l'intervention du
gouvernement sur la vie économique.
Je suis un de ceux qui croient que le gouvernement doit intervenir le
moins possible et d'autres personnes croient que le gouvernement doit
intervenir fréquemment par les sociétés d'État, ou
directement par le gouvernement, mais c'est sûr qu'il y a quelque chose.
On a des sociétés d'État à l'heure actuelle. Soit
qu'on s'en débarrasse ou qu'on continue, mais, si on continue avec ces
sociétés, il faut véritablement que ces
sociétés puissent aider à développer
économiquement le Québec. On ne peut pas laisser aller toutes ces
sociétés à la va-comme-je-te-pousse sans savoir exactement
où on va avec elles. Lorsqu'on pense que le Vérificateur
général du Québec, dans le rapport annuel qu'il
déposait il y a environ un mois et demi, cinq ou six semaines, nous
disait qu'il n'avait même pas la responsabilité de vérifier
les livres et les comptes des entreprises du gouvernement et qu'il nous citait
tout cela: l'Hydro-Québec, l'Office des autoroutes, SIDBEC, le Grand
Théâtre, la Société d'aménagement, la
Société nationale de l'amiante, l'Université du
Québec, etc., on peut se demander comment on va faire pour mettre tout
cela ensemble et orienter les décisions et les actions de ces
sociétés dans la même direction.
C'est cela, la question fondamentale, je pense, qui doit être
posée ce matin et à laquelle le gouvernement devrait
répondre. Comment va-t-il faire pour que toutes les
sociétés d'État servent, à l'intérieur de la
stratégie de développement du gouvernement, véritablement
dans la même direction? Je crois que, si on laisse nos
sociétés d'État aller à gauche et à droite,
bien sûr, avec toute la meilleure volonté du monde, on ne pourra
quand même pas arriver à faire quelque chose. C'est pour cela
d'ailleurs qu'il y a eu un rapport de
déposé au gouvernement du Québec je crois
que c'est le rapport Vézina qui nous parlait d'une
supersociété d'État, je le mentionnais au début, la
SOGEPIC, la Société générale des entreprises
publiques et commerciales. Je ne sais pas si c'est cela qui pourrait
régler le problème, mais c'est sûr qu'à l'heure
actuelle, il y a une absence de coordination de la part de nos
sociétés d'État et qu'il y a un effort qu'il faut faire
dans ce domaine. D'abord, une coordination au point de vue d'une gestion
efficace, mais une coordination aussi pour savoir comment telle entreprise va
intervenir dans telle direction.
Le ministre, tout à l'heure, nous disait qu'il y avait même
autrefois certains ministères qui faisaient planter des arbres à
une place et que d'autres les faisaient arracher. Dans les
sociétés d'État, parfois, on se demande si ce n'est pas
cela qui arrive, s'il n'y a pas un manque de coordination, à tel point
que certaines sociétés d'État vont se concurrencer les
unes les autres. De ce côté-là, je pense qu'il y a un
effort à faire dans la bonne direction. Il y a beaucoup à faire
de ce côté-là. (12 h 30)
Le gouvernement du Québec, c'est sûr qu'à travers
ces sociétés, qu'il le veuille ou non, devient un leader dans la
stimulation économique, dans l'économie. Ce n'est pas le seul
agent économique capable de réunir tous les facteurs de
production et de vente et d'implanter quelque chose dans le domaine, soit de
l'énergie et de l'exploitation des richesses naturelles, et ainsi de
suite, mais c'est un facteur très important, surtout dans le domaine
énergétique, on a l'Hydro-Québec et on ne connaît
personne d'autre; dans le domaine du gaz, on a SOQUIP et très peu
d'autre chose. Il reste le domaine de la forêt et tout cela. Cela veut
dire que la majorité des actions dans le domaine de l'énergie,
c'est le gouvernement. L'énergie devient un facteur très
important sur les investissements à venir au cours des dix ou quinze
prochaines années. Ce sera peut-être quelque chose comme 15% des
investissements totaux qui seront dans le domaine de l'énergie. On sait
que c'est le gouvernement du Québec, à l'heure actuelle, qui
prend ces décisions par ces sociétés d'État.
C'est la question: Quelle est la place des sociétés
d'État dans cette stratégie de développement? Comment le
gouvernement va-t-il se servir de l'ensemble des sociétés
d'État pour développer l'économie du Québec?
C'est sûr qu'une société le ministre nous
citait des exemples tout à l'heure sur la Société
nationale de l'amiante ou une autre société, REXFOR ou ainsi de
suite peut aller dans une certaine direction, mais je voudrais savoir du
ministre si on a fait un effort de ce côté vis-à-vis du
gouvernement du Québec ou si on a une planification vis-à-vis du
gouvernement du Québec pour que l'ensemble des sociétés
d'État puisse aller dans la même direction et non pas entrer en
concurrence l'une envers l'autre.
Je voudrais savoir aussi du ministre c'est une question que j'ai
posée au début, je n'ai pas eu de réponse si on
coordonne toutes les actions des sociétés d'État, soit
dans SOGEPIC ou un autre organisme semblable, ou une autre coordination
interministérielle, ce qu'on fera vis-à-vis du capital
étranger, les investissements étrangers. Est-ce que les
sociétés d'État vont craindre de prendre une participation
à des entreprises étrangères? Est-ce qu'il n'y aura pas
lieu, pour une société d'État, d'investir dans une
entreprise de blocs de moteurs d'automobiles en aluminium, en collaboration
avec GM ou avec Alcan? Ce que je dis, c'est que, habituellement, nos
sociétés d'État ne sont pas reconnues comme de bons
gestionnaires, mais qu'il y ait quelque chose de mixte entre l'État et
l'entreprise privée, je ne veux pas me prononcer carrément contre
toute intervention de l'État. Souvent, certaines entreprises vont
manquer de capitaux ou vont craindre d'investir des capitaux dans une province
ou dans un pays. Si l'État, par ces sociétés, fait quelque
chose dans cette direction, peut-être qu'on va répondre à
des besoins pressants de chez nous.
Là-dessus aussi, j'ai une question à poser au ministre,
lorsque je dis que les sociétés d'État devraient
peut-être investir quelque chose comme du capital avec les entreprises
privées. La Caisse de dépôt et placement du Québec,
c'est une société d'État du Québec qui a un pouvoir
économique extraordinaire. La Caisse de dépôt et placement
du Québec, je veux savoir comment elle sert à développer
le Québec, quelles sortes d'influence peut-elle avoir dans le sens des
objectifs économiques du Québec. Là-dessus aussi, dans un
rapport déposé, il y a déjà un an... M. Lesage
autrefois, lorsqu'il a fondé la Caisse de dépôt et
placement du Québec, disait: Une partie considérable de
l'épargne des habitants du Québec va être investie par un
organisme gouvernemental. Les intérêts des Québécois
ne s'arrêtent pas à la sécurité des sommes qu'ils
mettront de côté pour assurer leur retraite. Des fonds aussi
considérables doivent être canalisés dans le sens du
développement accéléré des secteurs publics et
privés, de façon que les objectifs économiques et sociaux
du Québec puissent être atteints rapidement et avec la plus grande
efficacité possible.
En somme, la caisse ne doit pas seulement être envisagée
comme un fond de placement au même titre que les autres, mais
plutôt comme un instrument de croissance, un levier plus puissant que
tous ceux qu'on a eus dans cette province jusqu'à maintenant. Je ne veux
pas que la caisse investisse tout simplement dans des entreprises
gouvernementales ou des sociétés d'État.
L'an dernier, à la fin de l'année, on apprenait que la
caisse de dépôt qui avait une participation d'environ 11% dans une
société CAE Industrie a vendu sa participation. Ce serait
important de savoir quelle est la philosophie de la caisse de
dépôt. Il y a un actif énorme là-dedans. Elle peut
peut-être participer au développement économique du
Québec, si on a une philosophie générale et d'ensemble des
sociétés d'État.
Comment la Caisse de dépôt et placement du Québec
peut-elle participer? Est-ce que c'est bon que la caisse ait vendu sa
participation dans une
telle entreprise? Est-ce qu'il n'aurait pas été mieux que
la caisse ait pris une participation additionnelle et intervenir fortement au
conseil d'administration pour garder le siège social de cette entreprise
ici au Québec? Le siège social est déménagé
de Montréal à Toronto. La caisse a vendu sa participation. Je ne
veux pas blâmer l'action nette de la caisse, mais on peut se poser des
questions. Qu'elle est la participation de la caisse? Est-ce que cela va se
borner à prêter de l'argent au gouvernement? Je prétends
que non.
La Caisse de dépôt et placement du Québec devrait
investir dans des sociétés québécoises,
peut-être des sociétés mixtes, mais investir
considérablement pour le développement économique du
Québec. C'est de l'argent, dans des grandes entreprises, qui est
sûr.
On a même des organismes, comme la Société de
développement industriel, qui investissent dans les petites et moyennes
entreprises. La caisse peut investir dans les grandes entreprises, mais,
à condition qu'on ait, à partir du gouvernement, une philosophie
générale, une stratégie générale à
laquelle les sociétés d'État ou les organismes publics
comme la Caisse de dépôt et placement vont être
intégrés et vont participer eux aussi.
Vis-à-vis de la participation des sociétés
d'État et de l'investissement étranger, je voudrais savoir du
ministre ce qu'il en pense et quelle sera cette place? C'est important de le
savoir.
Aussi, certaines sociétés d'État peuvent investir
au Québec en disant: La performance économique, c'est secondaire.
Il y a un besoin social, un engagement social qu'en tant que
société on doit prendre et il faut que certaines
sociétés d'État soient déficitaires. Il y a
peut-être des exemples là-dessus. Il y a peut-être, encore
là, à l'intérieur de cette grande stratégie,
certains secteurs d'activités où on peut dire: II faut y aller,
parce que, socialement, c'est bon. SIDBEC, j'en suis rendu à me demander
si ce n'est pas juste une action sociale qu'on fait à l'heure actuelle
ou si ça va devenir rentable un jour ou l'autre. Mais il y a
peut-être d'autres exemples où le ministre pourra me dire: Au
point de vue social, il faut absolument y aller. Je pense peut-être, je
ne sais pas, à SOQUEM, même si on y perd de l'argent à
chaque année. Peut-être qu'il faut aussi garder des gens qui vont
travailler à faire de l'exploration pendant des années et des
années. On peut mettre ça au compte des profits et pertes pour le
gouvernement. Un bon jour, dans 10, 15, 20 ou 30 ans, peut-être que nos
enfants ou nos petits-enfants en profiteront. Cela fait peut-être partie
aussi de la philosophie générale. Le ministre pourra
peut-être nous dire quelle est sa vision de cette chose.
Or, quels sont les critères de performance? Le ministre en a dit
un mot tout à l'heure. La coordination, le contrôle. Le
contrôle, on peut peut-être revenir encore rapidement
là-dessus en terminant. Une société comme SIDBEC on
en a beaucoup parlé aujourd'hui a fait de la publicité
à la télévision au cours de l'an dernier. Alors que le
ministre de l'Industrie et du Commerce disait: Je tiens à souligner que
j'ai demandé à la direction de SIDBEC en janvier dernier de
prendre les mesures nécessaires afin de réduire les pertes, dans
sa réponse, le ministre nous disait: SIDBEC, quand même, a fait
pour $460 000 de publicité à la télévision. C'est
peut-être juste un exemple, quel genre de contrôle on peut avoir.
Est-ce que la publicité à la télévision a pu
intervenir dans une stratégie de développement économique?
Est-ce que le gouvernement a un contrôle là-dessus?
L'Hydro-Qué-bec qui fait de la publicité à la
télévision, c'est peut-être bon, mais je n'ai pas
l'impression, moi, que c'est essentiel, parce que si on bâtit une maison,
on est obligé, d'une façon ou d'une autre, de faire appel
à l'Hydro-Québec.
Il y a des choses comme ça qui manquent certainement. Je ne veux
pas accuser le présent ministre d'être responsable de tout, mais
j'ai l'impression que si on avait une stratégie globale pour toutes nos
sociétés d'État, on pourrait régler beaucoup de
problèmes. En tout cas, on saurait à qui s'adresser, en plus de
vérifier la gestion à travers une commission parlementaire. Je
pense qu'on aura besoin d'une orientation générale pour savoir
dans quelle direction les sociétés d'État vont intervenir
dans la stratégie de développement économique du
gouvernement.
Le ministre nous dit que cette stratégie va être
publiée au cours des prochaines semaines, des prochains mois. J'ai
hâte de l'avoir pour pouvoir en discuter et l'étudier à
fond. Maintenant, je voudrais aussi qu'il prenne peut-être quelques jours
de plus, s'il le faut, mais, à l'intérieur de cette
stratégie, qu'il nous dise quelle va être la place des
sociétés d'État et comment les sociétés
d'État vont pouvoir intervenir pour l'aider à développer
cette stratégie?
Peut-être un exemple aussi en terminant là-dessus.
Peut-être que la Caisse de dépôt et placement pourrait
intervenir vis-à-vis des investissements dans certaines
sociétés de pâtes et papiers et faire en sorte, justement,
que ces sociétés soient encore plus attachées au
Québec. On sait que ce sont des sociétés qui sont
rentables à l'heure actuelle.
C'est tout ça que je voudrais savoir du ministre. Je lui laisse
les quelques minutes qui lui sont disponibles pour répondre à mes
questions là-dessus. Mais c'est sûr que je l'assure que notre
discussion de ce matin continuera encore au cours des prochains mois pour le
meilleur intérêt des Québécois.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre d'État
au développement économique.
M. Landry: Je voudrais d'abord parler brièvement du
rôle de la Caisse de dépôt. Il a été
évoqué. Il a été évoqué à
juste titre. La Caisse de dépôt est devenue une des institutions
financières les plus puissantes au Canada. Je serais le premier
également à déplorer qu'elle ne serve qu'à
alimenter les finances publiques. J'y vois même un certain danger. C'est
un peu comme la tension créatrice qui doit exister entre le gouvernement
du
Canada et la Banque du Canada. Il ne faut pas que les hommes politiques
aient la liberté absolue de mettre en marche ce que feu Réal
Caouette appelait la machine à piastres.
La caisse de dépôt, c'est un peu cela, mais pas tout
à fait cela. La caisse de dépôt est une banque, elle doit
donc rendre compte de son passif, qui est l'avoir des clients, et les clients,
ce sont essentiellement nos fonds de retraite et la Régie des rentes. De
ce point de vue, la caisse a été prudente et sage et je ne pense
pas qu'on doive modifier radicalement cette attitude, sauf qu'en dépit
du grand rôle qu'elle a joué dans l'économie, je l'ai dit,
c'est le plus gros actionnaire du CPR, par exemple; ce qu'aucun d'entre nous
n'a pu faire, on a collectivement pu le faire. Elle a donc joué un
rôle important.
Des aménagements sont recherchés par le gouvernement pour
que son rôle soit encore plus important. L'exemple donné par le
chef de l'Union Nationale est assez dramatique, la caisse vend les actions
d'une compagnie qui décide de transporter son siège social
à Toronto. Le gouvernement est à la recherche d'un
mécanisme qui, tout en respectant l'autonomie et la liberté de la
caisse, va quand même permettre de mobiliser des argents plus directement
dans le sens du développement économique et de servir des
objectifs de développement sans nuire à la
rentabilité.
Les réponses à ces questions seront contenues dans les
énoncés du gouvernement plus tard.
Quant au rôle global des sociétés d'État dans
l'économie, je réitère d'une façon
synthétique ce qu'il doit être. Nous avons un éventail de
moyens pour agir et pour assurer la production et la transformation: le secteur
public, les coopératives, le secteur privé, les
sociétés mixtes. Je pense que les Québécois, les
décideurs privés, les gens des coopératives et le
gouvernement doivent mobiliser tous ces moyens, les uns avec les autres ou
séparément, dans le but d'assurer le développement. Mais
il y a une caractéristique qui doit être commune à toutes
ces aventures et, je le réitère, c'est le profit. Il n'est pas
normal qu'une coopérative ne fasse pas de profit, il n'est pas normal
qu'une entreprise privée n'en fasse pas et il n'est pas normal qu'une
entreprise publique n'en fasse pas.
Je raccroche la dimension sociale dont parlait le chef de l'Union
Nationale, voici comment le gouvernement voit la chose. Si nous demandons
à une de nos sociétés d'État de faire une chose
sociale pour ne pas perturber sa comptabilité, pour ne pas
démoraliser ses gestionnaires, pour ne pas en perdre le contrôle,
qu'on la subventionne à ce titre. Si une société
d'État est obligée de voir peser sur elle une usine non rentable
qu'on garde dans un village parce que c'est la seule usine du village, qu'il
apparaisse clairement dans les comptes de la société qu'elle a
été subventionnée pour sauver le village. S'il y a des
pertes, on ne pourra pas dire: Les gestionnaires sont mauvais, la
société est mal administrée. On pourra dire: Le
gouvernement a donné de l'argent pour sauver un village. Je pense que
c'est la philosophie générale vis-à-vis du compte
d'exploitation des sociétés.
Les sociétés d'État vis-à-vis du capital
étranger. Les sociétés d'État sont souvent, et de
plus en plus, un bon partenaire pour le capital étranger, car le capital
étranger, dans la plupart des pays occidentaux, maintenant, recherche
les alliances avec les gouvernements nationaux pour des raisons de
sécurité, pour mieux comprendre la politique et savoir ce qui se
passe. Il y a des sociétés étrangères,
actuellement, qui offrent leur collaboration au gouvernement du Québec
et qui ne veulent pas offrir la même coopération au secteur
privé québécois. C'est ce qu'on pourrait appeler un
"pattern" qui se développe dans l'économie internationale; il a
déjà été pratiqué ici.
Nos associés dans Normines, vous savez que ce sont les
Britanniques, une société d'État, British Steel
Corporation. Je ne sais pas si elle va rester société
d'État avec les changements de gouvernement qu'il y a eu en
Grande-Bretagne, mais déjà on a une coopération avec du
capital étranger public et du capital local public.
Une autre grande aventure économique se dessine dans le domaine
de la pétrochimie, exactement sur le même modèle. La
Société générale de financement, Gulf et Union
Carbide sont en train d'élaborer un plan d'intervention conjoint, dans
le domaine des oléfines et de la pétrochimie, pour créer
au Québec une unité d'oléfines à taille mondiale.
Autre bel exemple de ce que peut faire une société d'État
de concert avec des capitaux privés.
Je dis enfin une chose qui m'apparaît fondamentale, qui a
été évoquée à plusieurs reprises dans la
discussion; un des grand déséquilibres de l'économie du
Québec, une des clés des énoncés de politique du
gouvernement tournent autour de cette notion de domination de
l'économie. On s'est tellement habitué à la domination de
l'économie du Québec par d'autres qu'on ne s'est pas rendu compte
qu'on est dans une situation presque unique au monde, partagée un peu
avec nous par le Canada, je parle du Canada sans Québec. (12 h 45)
Dans les facultés de sciences économiques du monde entier,
quand on veut donner un modèle de domination, on donne le Canada ou le
Québec. Cela n'est pas sain et c'est intolérable, et c'est sans
précédent dans la plupart des pays industrialisés
importants. Les capitaux américains en Allemagne, par exemple, c'est
peut-être 5% ou 10% du total, avec aucune domination dans aucun secteur.
Ici, dans plusieurs secteurs clés et des secteurs de richesses
naturelles et ça, vraiment, je ne trouve pas d'autres mots que le
mot "scandaleux" pour qualifier ça la présence
étrangère est à 100% dans les richesses naturelles. Dans
les mines, par exemple, il n'y a plus aucun groupe québécois
important actif dans les mines au moment où je vous parle et le secteur
minier est en pleine renaissance. C'est scandaleux. Quand je dis aucun, je fais
exception de SOQUEM, société publique qui fait à peu
près 3% de la
valeur des expéditions. Ce n'est pas très important, mais
il y a de bonnes possibilités d'avenir à cause du gisement de sel
sur lequel SOQUEM travaille, à cause d'un certain nombre de
découvertes faites par SOQUEM ces temps derniers.
Mais les sociétés d'État, de ce point de vue
là, peuvent être un instrument stratégique fondamental,
parce que je vous lève d'avance le voile sur une des orientations du
gouvernement. Il n'y aura plus au Québec un seul projet majeur dans le
domaine des richesses naturelles sans une participation
québécoise significative et, quand je dis participation
québécoise, je ne veux pas dire participation de l'État,
je veux dire participation québécoise au sens large, secteur
privé québécois, secteur coopératif
québécois ou, si l'un et l'autre sont défaillants,
intervention publique québécoise, capitaux publics en
association, de proportion variable, avec le capital étranger.
Donc, les sociétés d'État pourront se mobiliser
à la demande du gouvernement et devenir un élément
stratégique majeur je donne un exemple si une grande firme
étrangère découvre un gisement d'une matière
minière quelconque et veut déclencher un investissement, disons,
de $300 millions ou $400 millions.
Autrefois, on se précipitait tête baissée sur
l'investissement et on ne participait pas du tout au capital. Je ne reproche
pas à ceux qui ont ouvert la Côte-Nord, par exemple, d'avoir
laissé faire ça, on ne pouvait pas faire autrement à
l'époque. On n'avait pas de société d'État, on
n'avait peut-être pas le "know-how", on n'avait pas les capitaux.
Aujourd'hui, on a le savoir-faire, on a les capitaux.
Si un grand projet minier doit voir le jour au Québec je
ne nomme rien, mais il y en a un que j'ai en tête, je ne veux pas
révéler de choses qui ne sont pas mûres s'il doit
voir le jour sous le présent gouvernement, il n'est pas question que les
Québécois ne soient pas impliqués d'une façon
significative dans le capital-actions et dans la gestion. L'ère de la
domination et du colonialisme en matière d'exploitation des richesses
naturelles est terminée, pour autant que le présent gouvernement
est concerné. Remarquez que ce que je dis n'est ni original, ni radical,
il n'y a plus un seul pays au monde qui tolère que ses richesses
naturelles soient exploitées sans sa participation au capital-actions et
à la gestion.
Même un tout petit pays devenu indépendant comme la
Jamaïque a trouvé moyen de négocier avec l'Aluminium du
Canada pour se faire donner une participation dans une usine, à cause de
la bauxite présente en Jamaïque. Ce qui est le plus paradoxal,
quand je lisais le journal relatant cette nouvelle, ça me rendait
songeur, c'est un Québécois qui, au nom de l'Aluminium du Canada,
est allé négocier avec ce petit pays qu'est la Jamaïque pour
que la Jamaïque soit impliquée dans ce qui se passe sur son
territoire en matière de richesses naturelles.
On a des exemples à prendre souvent de beaucoup plus petit que
soi. En tout cas, cette leçon est retenue.
Ce que je dis, en terminant, reprend globa- lement la philosophie qu'on
a invoquée ce matin, les Québécois doivent compter sur
eux-mêmes d'abord pour leur propre développement. Le secteur
public étant un instrument, mais le secteur privé étant
appelé à réfléchir sur cette condition qui est la
nôtre et que nous avons en commun avec tous les peuples de la terre que
nul peuple ne s'est développé d'une façon
équilibrée sans le faire par ses propres moyens d'abord et avant
tout.
L'aide technologique, l'aide financière, l'implantation
étrangère ici doit devenir un supplément, un appoint, doit
travailler avec nos techniciens, avec nos capitaux à faire une
prospérité plus grande; les investissements étrangers sont
les bienvenus ici, la domination doit reculer... Ceux qui veulent venir faire
des affaires au Québec doivent les faire avec nous, pas simplement pour
extraire nos richesses naturelles et exploiter nos marchés, mais pour
nous considérer comme des partenaires à part entière de
l'activité qui a lieu sur notre territoire.
En ce sens, le secteur public dans sa dimension actuelle, dans ses
expansions, j'ai dit que nous n'étions pas idéologiques, si on
doit faire d'autres sociétés d'État, on en fera. Nous
avons d'ailleurs l'intention d'en proposer un certain nombre d'autres qui ne
sont peut-être pas d'une importance déterminante comme celles qui
ont été créées par les gouvernements
antérieurs, mais s'il faut en faire, nous ne reculerons pas devant une
soi-disant argumentation idéologique contraire; si c'est le bon moyen,
il sera employé.
De ce point de vue, les régions du Québec commencent
déjà à donner l'exemple. On parle souvent de la Beauce et
j'ai fini de ne parler que de la Beauce, parce qu'il y a beaucoup de
régions au Québec qui sont dans une grande
prospérité présentement, la Beauce en est une, bien
sûr, mais l'Abitibi, les Bois-Francs, le Saguenay-Lac-Saint-Jean et
bientôt Montréal, je l'espère avec le député
de Notre-Dame-de-Grâce, ont pris leur sort en main, ont amorcé
leur développement économique. Quand, par fatalité
d'épuisement des gisements, les mines se sont mises à fermer
à Val-D'Or, il y a une quinzaine d'années, les gens de Val-D'Or
ont décidé que leur ville ne disparaîtrait pas et ils se
sont lancés dans une série d'aventures industrielles modestes au
départ et qui sont devenus des géants aujourd'hui. Le Parc
industriel de Val-D'Or présentement est plein comme un oeuf et il y a
dix entreprises qui veulent s'implanter et il faut absolument que le
ministère des Terres et Forêts en particulier leur cède du
terrain pour en permettre la croissance.
Il y a beaucoup de théoriciens de l'économie
québécoise, et même certains hommes politiques de
l'Opposition libérale, qui feraient bien de faire un stage d'une semaine
à Val-D'Or, rien qu'une semaine, pour voir que le Québec et ses
régions, ce n'est pas la dépression économique. Au
contraire, c'est l'expansion, c'est la croissance, c'est l'optimisme et c'est
fait par des gens de ces régions, avec leurs moyens économiques,
leurs moyens technologiques. Une des grandes tâches
de ce gouvernement et de la collectivité économique
québécoise présentement, c'est de susciter ce même
esprit à Montréal, qui est peut-être devenue une des seules
régions qui n'est pas apparemment animée par ce dynamisme et ce
désir de développement que l'on retrouve dans presque toutes les
autres. Et, à Montréal comme ailleurs, le secteur public
québécois, avec les suggestions que vous nous avez faites, avec
les réserves qu'il faut faire, avec le contrôle qu'il nous faut
établir, dans cette région comme dans les autres, le secteur
public québécois sera présent et sera un des instruments
du développement.
Merci, madame. Et je remercie également mes collègues pour
la façon dont s'est déroulé cette séance qui
m'apparaît une séance de travail extrêmement fructueuse et
pour laquelle, au nom du gouvernement, je leur suis reconnaissant.
M. Biron: Mme la Présidente, je voudrais remercier le
ministre de sa présence et faire un voeu avec lui, en terminant, c'est
que le Québec doit être plus qu'un marché de 6 millions
d'habitants pour les industries d'ailleurs et plus aussi qu'un réservoir
de richesses naturelles pour les industries d'ailleurs.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'était donc la
question avec débat de M. le député de Lotbinière
et chef de l'Union Nationale au ministre d'État au développement
économique, la question étant la place occupée par les
sociétés d'État québécoises à
l'intérieur de la stratégie de développement
économique du Québec.
Cette commission de la présidence du conseil et de la
constitution ajourne ses travaux sine die.
Fin de la séance à 12 h 54